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Full text of "Annales"

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ANNALES 


DE    LA    SOCIETE 


JEAN-JACQUES  ROUSSEAU 


iN- 


ANNALES 


DE   LA   SOCIÉTÉ 


Jean-Jacques  Rousseau 


TOME  SIXIEME 
1910 


A  GENÈVE 
CHEZ  A.  JULLIEN,  ÉDITEUR 

Au    BoURG-DE-FoUR,    32 

PARIS  I  LEIPZIG 

Honoré  Champion  Karl  W.   Hiersemann 

Quais  Malaquais,  5  Konigsstrasse,  3 


^9 


[mprimerie  Pache-Varidel  &  Bron 
Lausanne,  Pré-du-Marché,  9. 


LE  SÉJOUR 

DE  JEAN-JACQUES   ROUSSEAU 

EN  ANGLETERRE  (1766-1767) 

Lettres  et  documents  inédits 


QÂVANT-PROPOS 


UR  le  conseil  de  notre  maîb^e,  M.  Bernard 
Bouvier,  président  de  la  Société  J.  J.  Rous- 
seau, nous  proclames  de  quelques  semaines 
passées  à  Londres  dans  l'hiver  igoS-igo6, 
pour  instituer  des  recher-ches  sur  le  sujet  traité  ici.  Il 
nous  avait  aussi  signalé  un  recueil  de  lettres  inédites  de 
Rousseau  à  Daveîiport  cofiservé  au  British  Muséum  ^  ;  à 
peine  en  avions-nous  pris  une  copie,  que  le  comité  de  la 
Société  J.  J.  Rousseau  nous  pria  d'en  collationner  une 
autre  des  mêmes  textes,  qu'elle  venait  d'acquéi^ir  à  Paris. 
Depuis  lors  notre  dossier  s'accrut  des  correspondances 
de  Davenport  et  de  Hume  ^  ainsi  que  de  nombreuses 
lettres  du  trésor  rousseauiste  de  Neuchâtel. 
A  la  lumière  de  ces  documents,  dont  nous  donnons  une 

>  Burton  déplorait  la  disparition  des  lettres  échangées  entre  Rous- 
seau et  Davenport,  perdues,  selon  lui,  dans  la  banqueroute  d'un  notaire 
infidèle.  Life  c.nd  Correspondence  of  David  Hume,  Edinburgh,  1846, 
,:  vol.  H",  t.  II,  ]).  319,  note. 


2  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.   J.    ROUSSEAU 

édition  cri  tique  \  nous  referons  l'histoire  du  séjour  de 
Rousseau  en  Angleten^e^  du  mois  de  janvier  i  jôô  au 
mois  de  mai  i  jô']^  nous  îx'serrant  d'insister  sur  les 
poifits  nouveaux  ou  peu  connus  et  d'abréger  les  parties 
traitées  aj'ec  ampleur  par  d'autres  auteurs'. 

Si  l'on  devait  nous  f^eprocher  quelque  disproportion 
entre  les  divers  chapitres,  on  voudra  bien  se  souvenir 
qu'il  s'agit  d'une  œuvre  documentaire  plutôt  que  d'une 
(cuvre  littéraire,  dont  l'hatvnonieuse  ordonnance  risque- 
rait de  faire  seule  le  prix'^. 


1  Cette  édition  constitue  les  parties  II  et  III  de  ce  travail;  la  II*  partie 
renferme  les  lettres  (subdivisions  A-E),  la  III«  partie  les  documents.  Les 
références  s'y  rapportant  seront  désignées  respectivement  de  la  manière 
suivante:  Lettres,  Appendices.  Une  table  détaillée,  à  la  fin  de  l'ouvrage, 
permettra  de  trouver  rapidement  les  lettres  de  chaque  correspondant  ; 
ce  système  nous  est  imposé  par  l'impossibilité  d'obtenir  un  tirage 
unique. 

-  Nous  publierons  quelque  jour  les  originaux  anglais  des  lettres  de 
Hume  à  Rousseau,  dont  Streckeisen-Moultou  n'a  donné  que  la  traduc- 
tion ;  et  peut-être  traiterons-nous  alors  de  la  querelle  en  un  travail  spé- 
cial. 

■  Ce  qui  justifie  l'abondance  des  références  et  leur  longueur;  l'expé- 
rience nous  a  montré  la  nécessité  d'indiquer  chaque  fois  le  nom  des  cor- 
respondants et  la  date. 


Première  partie 


SÉJOUR   bE  .1,    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  D 

CHAPITRE  PREMIER 
Voyage  en  Angleterre. 

I.  Les  préliminaires. 

«J'ai  cent  fois  désiré  voir  l'Angleterre^));  à  peine  éloi- 
gné de  Montmorency,  Rousseau  eut  pu  réaliser  ce  vœu-; 
pourtant,  avant  qu'il  aborde  dans  la  grande  île,  trois 
ans  et  demi  s'écouleront,  pendant  lesquels  ce  désir  s'ac- 
centue, fortifié  par  la  réflexion  et  par  les  conseils  d'a- 
mis ;  il  est  intéressant  d'en  noter  les  progrès  et  les  dé- 
faillances. 

Le  24  juin  1762,  M'^*^  de  La  Marck  mettait  à  la  dis- 
position du  fugitif  le  château  de  Schleyden  •'',  près 
d'Aix-la-Chapelle^;  son  intermédiaire,  M"^'^  de  Bouf- 
flers,  avait  aussi  décidé  le  philosophe  Hume  à  préparer 
le  séjour  éventuel  de  Rousseau  en  Angleterre  ''  et  le 
prince  de  Conti  offrait  Trye  °  :  Jean-Jacques  refusa 
tout'  et   le  Val  de  Travers  le  gardera  longtemps  sans 

•  Œuvres,  édition  Hachette,  t.  X,  p.  362,  à  Mme  de  Boiifflers, 
août  1762. 

'-'  Streckeisen-Moultou.  J.  J.  Rousseau,  ses  amis  et  ses  ennemis,  t.  11, 
p.  40,  de  Mme  de  Bonfflers,  24  juin  1762,  XIII. 
'■  Id.,  t.  II,  p.  41,  id. 

*  Id.,  t.  II,  p.  46,  de  Mme  de  Boiifflers,  3i  juillet  1762,  XV. 

s  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  107,  Mme  de  Boiifjlers  à  Hume,  16  juin  1762. 
Réponse  de  Hume,  p.  108.  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  44,  Mme  de 
Boufjlevs,  21  juillet  1762,  XIV;  p.  5o,  22  octobre,  XVII.  Le  27  août, 
Rousseau  consulta  son  cousin  de  Londres,  Jean  Rousseau,  sur  les  condi- 
tions de  la  vie  en  Angleterre  et  sur  l'opportunité  d'y  aller  habiter  ;  la 
réponse,  calculée  pour  décourager  Jean-Jacques,  est  véritablement  pro- 
phétique; Lettres,  C,  Jean  Rousseau  à  Rousseau,  3o  sept.  1762,  I. 

«  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  46,  3i  juillet  1762,  XV. 

'  Œuvres,  t.  X,  p.  344,  à  Mme  de  Boufjlers,  4  juillet  1762;  p.  362, 
août.  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  m,  Mme  de  Boufjlers  à  Hume,  3o  juillet. 


D  ANNALES    DE    LA   SOCIETE  .1.   .1.    ROUSSEAU 

qu'il  oublie  jamais  le  pays  lointain  où  sa  renommée  gran- 
dissait chaque  jour'. 

Peu  après  son  installation,  Milord  Maréchal  lui  pré- 
senta un  portrait  de  Hume^  et.  dès  lors,  un  projet  ori- 
ginal remplit  pendant  onze  mois"'  les  lettres  de  George 
Keith  à  «son  fils);  :  vivre  en  Ecosse  avec  Hume  et  Rous- 
seau; celui-ci  accepta*;  les  gazettes  anglaises  publièrent 
la  nouvelle^,  le  départ  fut  fixé  au  printemps  (i  7(54  ■■'.  Mais, 
voici  le  Maréchal  dans  son  pays,  dans  ses  terres  :  du 
coup  il  s'en  lasse  et  Rousseau  renonce  à  Vy  rejoindre'; 
rétablissement  du  noble  lord  à  Berlin''  — •  décidé  au 
printemps  —  détruit  définitivement  le  beau  rêve  de 
l'ermitage  philosophique. 

A  la  longue,  la  vie  à  Métiers  cessa  d'être  idyllique  et 
Jean-Jacques  prit  «  en  dégoût  ce  pa3's  et  ses  arrogans 
ministres»^;    avec  ses  correspondants  il   discute  ^"^  des 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  340,  à  Maleshevbes,  10  mai  1766. 

"  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  67,  de  Keith,  sept.   1762,  VI. 

'^  Id.,  o.  c,  pp.  67-93,  de  Keith,  du  2  oct.  1762  au  23  août  1763,  VII- 
XXXVl.  —  Burcon,  o.  c,  t.  II,  p.  104,  Keith  à  Hume,  29  avril  1762; 
p.  io5,  2  oct. 

*  Œuvres,  t,  XI,  p.  3i,  à  Keith,  21  mars  1763;  p.  71,  à  Mme  Latour, 
17  juin. 

=  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  91,  de  Keith,   i5  juin  1763,  XXXIII. 

6  Id.,  0.  c,  t.  II,  p.  93,  de  Keith,  23  août  1763,  XXXVI.  Bosscha,  Let- 
tres inédites,  p.  199,  i"  oct.  1763.  Usteri,  P.  et  Ritter,  E.,  Correspon- 
dance de  J.  J.  Rousseau  avec  Léonard  Usteri,  Zurich  et  Genève,  1910, 
in- 16,  p.  85,  à  Usteri,  3  oct.   1763. 

7  Œuvres,  t.  Xl,  p.  1 10,  à  Mme  de  Boufjlers,  28  déc.  1763.  Usteri  décon- 
seilla l'Ecosse;  Usteri  et  Ritter,  0.  c,  p.  80,  i3  sept.  1763. 

8  Streckeisen,  0.  c.  t.  II,  p.  96,  de  Keith,  2  fév.  1764,  XXXIX; 
p.  100,  26  mars,  XLI.  Œuvres,  t.  XI,  p.  124,  à  Keith.  2b  mars;  p.  i  2<S, 
avril. 

^  Streckeisen,  Œuvres  et  Correspondance  inédites  de  ./.  J.  Rousseau, 
p.  399,  au  prince  de  Wirtemberg,  11  mars  1763,  XVIII,;  il  faut  lire  176?, 
cf.  Bosscha,  o.  c,  p.  25o,  du  18  mars  1765,  n°  i32. 

^*' Œuvres,  t.  XI,  p.  204,0  Keith,  26  janvier  1765;  p.  219,  à  Deleyre, 
II  fév.;  p.  220,  à  Dastier,  17  fév.  ;  p.  23o,  à  Moultou,  9  mars;  p.  239, 
à  Keith,  6  avril. 


SÉJOUR   DE  .1.    .1.    ROUSSEAU   EX   ANGLETERRE  7 

mérites  de  Venise,  qu'il  aime,  de  Berlin,  où  on  le  flatte, 
de  la  Corse,  qu'il  redoute  \  de  l'Angleterre,  qu'il  admire, 
sans  en  chérir  les  habitants-,  et  où  il  ira^,  cédant  aux 
avis  de  Milord  Maréchal  ^  de  M"""  de  Boufflers  ^,  de 
M'"^  de  Verdelin  ''•,  mais  non  sans  avoir  tenté  de  rester  en 
Suisse  en  s'établissant  dans  l'île  de  Saint-Pierre'. 

Chassé,  il  partit  de  l'ile  Saint-Pierre  le  vendredi  2  3 
octobre,  en  y  laissant  Thérèse  ^  ;  l'aimable  accueil  de 
Bienne  lui  fit  songer  à  hiverner  dans  cette  ville  ^  :  une 
prompte  déception  l'en  dissuada  ;  il  la  quitta  le  mardi  29^** 
pour  Berlin",  arriva  à  Bàle  le  lendemain,  en  pleine 
foire,  dut  son  logement  à  la  prévoyance  de  M.  de  Luze^^, 

1  Œuvres,  t.   IX,  pp.  77,  78,  Confessions,  II,  xii. 

-  Id.,  t.  IX,  p.  28,  Confessions,  II,  xi  ;  «Je  n'ai  jamais  aimé  l'Angle- 
terre ni  les  Anglois  »  risque  fort  de  n'être  qu'une  expression  de  dépit 
qu'affaiblissent  singulièrement  d'autres  déclarations,  soit  antérieure 
(Œuvres,  t.  X,  p.  3 12,  à  IVl""  de  Boufflers,  août  1762),  soit  postérieure 
(Œuvres,  t.  IX,  Rousseau  juge  de  Jean-Jacques,  /"'  Dialogue,  p.  i33, 
note);  ne  pas  oublier  non  plus  combien  lui  est  sympathique  Edouard 
Bomston. 

^  Id..  t-  XI,  p.  -2S(3,  à  Du  Peyrou,  17  oct.  1765  ;  Bosscha,  0.  c,  p.  267. 
3i  déc,  n»  140. 

*  Streckeisen,  ./.  J.  R..  ses  amis,  etc.,  t.  II,  p.  ii3,  de  Keitli,  8  fév. 
i7'')5,  L:  p.  ii5.  lofév.,  LI  ;  p.  118,  27  mars,  LUI;  p.  121,  20  avril, 
LVI  ;  p.  123.22  mai,  LXI;p.  i36,  7  sept.,  LXX  ;  p.  139,  19  nov.,  LXXII  ; 
p.    140,  2  déc,  LXXIII. 

5  Œuvres,  t.  IX,  pp.  2?,  28,  Confessions,  II,  xi  ;  63,  81,  II,  xii. 

°  Jd.,  t.  IX,  pp.  62,  63,  81  ;  Confessions,  II;  xii.  Streckeisen,  0.  c,  t.  II, 
p.  529.  de  Mme  de  Verdelin.  18  mars  1765,  XXXIII;  p.  53o,  3i  mars, 
XXXIV. 

'  Œuvres,  t.  IX,  p.  67,  Confessions.  Il,  xii. 

«  Bosscha,  0.  c,  p.  264,  18  oct.  1763,  n°  i36.  Œuvres,  t.  XI,  p.  288, 
à  Du  Peyrou,  27  oct. 

"  Œuvres,  t.  XI,  p.  289,  à  Guy,  27  oct.  1765;  Streckeisen,  o.c,  t.  II, 
p.  137,  de  Keith,  nov.,  LXXI  ;  CEuvres,  t.  IX,  pp.  79-81.  Confessions,  II, 

XII. 

'"  Œuvres,  t.  XI,  p.  289,  à  Du  Peyrou,  28  oct.  1765;  t.  IX,  pp.  79-81. 
Confessions,  II,  xii. 

'• /rf.,  t.  XI,  p.  289,  à  Guy,  27  oct.  1763;  p.  339,  à  Malesherbes, 
10  mai  1766;  t.  IX,  p.  81.  Confessions,  II,  xii. 

'-  Id..  t.  XI,  p.  290,  à  Du  Peyrou,  3o  oct.   1763. 


8  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  .1.   ,1.    ROUSSEAU 

s'y  reprit  des  fatigues  de  la  traversée  du  Jura,  mais  fut 
en  proie  à  une  violente  hésitation  :  sa  santé  est  débile, 
l'hiver  rigoureux,  où  ira-t-iP?  Différant  la  solution,  le 
voici  de  nouveau  sur  les  grands  chemins  et  le  samedi 
2  novembre,  il  entrait  à  Strasbourg-;  sur  les  rensei- 
gnements de  M.  de  Luze  ^  il  descendit,  à  demi-malade  *, 
rue  de  la  Douane,  à  l'auberge  de  la  Fleur,  chez  Konig'^; 
depuis  Soleure  il  avait  cheminé  avec  Barth,  secrétaire 
de  l'ambassade  de  France  en  Suisse'"'. 

Pour  le  coup,  il  respire  ;  il  attendra  le  printemps  dans 
cette  cité  hospitalière^:  hôte  choyé ^  il  y  resta  cinq 
semaines,  ayant  ses  petites  et  grandes  entrées  à  l'Opéra 
où  l'on  joua  le  Dei'in  du  Village'\  dînant  en  ville,  rece- 
vant force  visites  ^'^;  souvent  aussi  il  ferma  sa  porte  et  s'a- 
donna à  l'histoire  de  la  botanique  ",  science  dont  il  ac- 
quit alors  plusieurs  manuels  classiques  ^-. 

Restait  néanmoins  un  parti  à  prendre  ^^  un  but  à  fixer 


'  Œuvres,  t.  XI,  p.  2go,  à  Du  Peyroii  3o  oct.  1765, 
■-'  Id.,  t.  XI,  p.  292,  à  Du  Peyrou.  5  nov.   1765. 

■  Id.,  t.  XI,    p.  288,    à  Du  Peyrou.    25  oct.  1765;   p.  290,   à  de  Lu^e, 
4  nov. 

*  Id.,  p.  292,  à  Du  Peyrou,  5  nov.  1765. 

^  Id.,  t.  XI,  p.    292,   à    Guy,  4   nov.   1765.    Il   avait  d'abord  songé  à 
loger  à  l'Esprit,  chez  Weiss;  id.,  p.  290,  à  Du  Peyrou,  3o  oct. 

*  Archives  littéraires  de  l'Europe,  1807,  t.   XIV,  pp.  364,365. 
''Œuvres,  t.   XI,  p.  292,  à  Du  Peyrou,  10  nov.  1765';  p.  293,   17  nov.  ; 

Streckeisen,  Œuvres  et  Corr.  inéd.,  p.  433,  à  M.  de  Villeneuve,  8  déc, 
XL;  Mutterer,  M'.,  ./.  J.  Rousseau  à  Strasbourg.  Revue  alsacienne 
illustrée,  1904,4",  vol.   VI,  n»  II,  pp.  63-67. 

'^  Streckeisen,  J.  J.  R.,  ses  amis,  etc.,  t.  II,  p.  55i,  de  Mme  de   Ver- 
dclin,2i  nov.  1763,  XLVIII. 

■'Le  10  novembre.  Mutterer,  M.,  o.  c,  p.  65. 

'"  Œuvres,  t.  XI,  p.  295,  à  Du  Peyrou,  25  nov.   1765.     . 

"  Jansen,  Alb.,  Rousseau  als  Botaniker.  Berlin,  i885,  8»,  p.  93. 

'2  Œuvres,  t.  XI.  p.  3o6,  à  Guy,  20  janv.  1766;  Lettres,  A,  à  Guy,  fév. 
J767,  XXXIV,  ^7!  "  •  . 

1'  Id.,  p.  282,  à  Du  Peyrou,  5  nov.  1765;    p.  293,    17  nov.  ;  p.  294,  à 
Guy,  20  nov.  ;  p.  295,  à  Du  Peyrou,  2  5  nov. 


SÉJOUR   DE  .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  9 

au  voyage  entrepris  de  force  ;  que  d'heures  d'ardue  ré- 
flexion il  y  passa  !  Il  ne  voulut  pas  des  retraites  propo- 
sées :  en  Normandie  par  Saint-Lambert,  en  Lorraine 
par  M'"^  d'HoudetotS  et  ne  pensa  guère  à  la  Horburg, 
près  de  Colmar'':  par  contre,  Tancien  projet  de  rejoin- 
dre Milord  Maréchal  à  Berlin  ^  reprit  vie'  ;  il  y  renonça, 
surtout  à  cause  des  instances  de  M"""  de  Verdelin  qui 
redoutait  ce  «  repaire  ))\  vantait  l'Angleterre",  et  unissait 
ainsi  sa  voix  amicale  aux  pressantes  exhortations  de 
Milord  Maréchal  \ 

A  tant  d'eftorts  s'ajouta  le  souvenir  de  l'obligeante 
lettre  de  Hume-  qui  donnait  alors  de  nouveaux  gages 
de  sympathie  pour  Rousseau'';  à  la  requête  de  M"''=  de 
Verdelin  il  fit  faire  des  recherches  en  Angleterre  et 
oîfrit  au  fugitif  plusieurs  habitations  ;  l'une  appartenait 


'  Streckeisen,  o.  c  t.  II,  p.  354,  '^'■'  -^-^'"f  ''^t'  Verdelin,  28  nov.  1765, 
XLIX. 

-  Archives  littéraires  de  l'Europe,  1807,  t.  XIV,  pp.  364,  365.  Streck- 
eisen, 0.  c,  t.  II,  p.   552,  de  Mme  de  Verdelin,  21  nov.    1765,  XLVIII. 

■Œuvres,  t.  XI,  p.   242,  à  d'Ivernois,  8  avril  1765. 

*  Streckeisen,  CFînTCi'  inédites,  etc.,  p.  43o,  à  Coindet,  10  nov.  1765, 
XXXVI. 

^  Streckeisen,  J.  J.  R.,  ses  amis,  etc.,  t.  II,  p.  546,  i"  nov.  1765,  XLV; 
p.  552,  21  nov.,  XLVIII. 

6  Id.,  pp.  546-554,  I,  4,9,  21,  28  nov.   1765,  XLV-XLIX. 

'  Id.,  p.  i36,  7  sept.  1765,  LXX;  p.  iSg,  19  nov.  LXXII  ;  p.  140,  2  déc, 
LXXIII  ;  l'Angleterre  «  où  la  loi  écrite  commande  et  non  les  hommes.  » 

»  Id.,  p.  275,  2  juillet  1762,  I.  Rousseau  y  répondit  le  19  fév.  i  763,  Œn- 
)'res,  t.  XI,  p.  38.  Son  cousin  Jean  Rousseau,  établi  à  Londres,  accepta 
de  la  transmettre.  «Londres,  le  29  juillet  1763.  Votre  lettre,  mon  cher 
cousin,  m'est  bien  parvenue;  l'incluse  pour  M"'  Hume  fut  envoyée  par 
M'  le  libraire  Beckett  en  Ecosse.»  (Lettres  inéd.,  Bibliothèque  de  Neti- 
chàtcl.l  Le  28  février  1763,  Rousseau  pria  Rey  d'envoyer  à  Hume  un 
exemplaire  de  la  Réponse  à  V Archevêque  de  Paris.  Bosscha,  0.  c,  p.  192, 
n"  107. 

•^  Hume  était  tenu  en  haleine  à  cet  égard,  de  divers  côtés  à  la  fois; 
voir  la  lettre  du  Colonel  J.  Edmondstoune  qui  lui  recommandait,  de  Ge- 
nève, le  26  mars  1764,  de  se  montrer  le  bienfaiteur  de  Rousseau.  Bur- 
ton,  0.  c,  t.  II  p.  187. 


10  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

à  Horace  Walpole  ;  l'itinéraire  était  établi  ^,  et  cette  fidèle 
amie  se  déclarait  toujours  prête  à  couvrir  la  dépense 
du  voyage^;  déjà,  lors  de  son  passage  à  Môtiers,  en 
septembre^,  elle  avait  vivement  dépeint  la  sécurité  de 
cet  asile  insulaire  ;  Jean-Jacques,  à  demi-convaincu, 
sans  donner  de  consentement  formel,  l'avait  autorisée 
à  agir  selon  son  cœur. 

La  persuasion  de  tant  d'amis  devint  lentement  la 
sienne  ;  l'espoir,  puis  la  certitude  de  ne  pas  cheminer 
seul  et  de  jouir  de  la  compagnie  de  Hume^  et  de  M.  de 
Luze^  le  décida  irrévocablement  —  le  3o  novembre  — 
à  passer  outre-Manche*'. 

Deux  routes  sont  possibles  ;  celle  de  Hollande  fut 
rejetée,  vu  l'hiver^  ;  malgré  son  désir  d'embrasser  sa 
filleule^  et  en  dépit  du  commis  de  Re}^  venu  le  cher- 
cher à  Strasbourg^,  il  ira  par  Paris  où  il  séjournera 
quelque  temps  ^'^,  Hume  Ta  conquis  ;  sa  bienveillance 
lui  fait  prendre  avec  confiance  la  voie  douloureuse  de 
ce  lointain  exil  ^^. 

1  Streckeisen,  o.   c,  t.   II.   p.    544,  de  Mme  de  Verdeliu,  10  oct.  ijùb, 
XLIV;  p.  547,  4  nov.,  XLVI. 

■^Id.,  p.  53o,  18  mars  lyôè,  XXXIII. 

'■'■  Œuvres,  t.  IX,  pp.  62-66,  Confessions,  II,  xii. 

1  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  546,   de  Mme  de  Verdelin,    i"  nov.  1765, 
XLV;  p.  55-3,  28  nov.,  XLIX. 

'"  Œuvres,  t.  XI,  p.  2g5,  à  de  Lii^e,  27  nov.  17G5. 

«  Id.,  t.  XI,  p.  2.96,  à  Du  Peyrou,  3o  nov,   1765. 

•  Bosscha,  o. -c.,  p.  262,  18  oct.  1765,  n«  i36.  Rousseau  annonçait  sa 
visite  probable  à  Amsterdam. 

«  Id.,  p.  265,  25  nov.   1765,  n"  i38. 

'•^  Id.,  p.  266,  ï"  déc.  1765,  n"  iSg. 
^"  Id.,  p.  276,  I"'  déc.  1765:, «une  partie  de  l'hiver»;  Œuvres,  t.  XI, 
p.  297,  à  divernois,  2  déc.  «quinze  joujs  ou  trois  semaines»;  p.  298, 
à  Guy,  7  déc.  :  «  huit  à  dix  jours»;  Bosscha,  o.  c.,  p.  267,  i"  déc, 
n°  i3g:  «une  partie  de  l'hiver»;  Rothschild,  H.  de,  Lettres  inédites 
jdeJ.J.  Rousseau,  Paris,  1892,  8°,  p.  ii5,  4  déc:  «quinze  )Ours  ou 
trois  semaines  ». 

"  Œuvres,  t.  XI,  p.  297,  à  Hume,  4  déc.   1765. 


SEJOUR   DK   J.   .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE 


II.  Le  Voyage. 

Le  lundi  9  décembre^,  une  chaise  de  poste-  sortie  par 
la  porte  de  Saverne  s'éloignait  de  Strasbourg  sur  la 
route  de  Paris,  roulant  vers  la  capitale,  à  travers  les 
Vosges,  par  Phalsbourg,  Lunéville,  Nancy,  Toul,  Bar- 
le-Duc.  Vitr3^  Chàlons^,  Epernay,  — où  Rousseau,  en 
proie  à  des  douleurs  que  les  cahots  avaient  éveillées, 
eut  une  nuit  d'insomnie',  —  Meaux,  Bondy"^;  dans  la 
soirée  du  lundi  16,  la  chaise  s'arrêtait  devant  la  librai- 
rie Duchesne'^  d'où  le  voyageur  déménageait  le  ven- 
dredi 20  pour  s'installer  chez  le  prince  de  Conti,  au 
Temple";  harcelé  de  visites^,  il  hâtait  les  préparatifs 
du  départ,  pressait  Hume  et  de  Luze  et  prenait  congé 
de  ses  amis  ". 

Entre  temps,  son  caftan  éga3^ait  les  badauds  du 
Luxembourg^";  à  paraître  en   public,  quoique  décrété 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  298,  à  Guy,  7  Jcic.  ijbS. 

-  Id.,  t.  XI,  p.  29g,  à  Du  PeyroJi.  17  déc.  1765.  L'intervention  de  M"'«  de 
Verdelin  permit  à  Rousseau  d'en  user  à  sa  guise  à  l'égard  du  monopole 
des  Messageries  ;  voir  le  détail  des  démarches  dans  Streckeisen,  o.  c, 
t.  II,  p.  548,  de  Mme  de  Verdelin,  4  nov.  1765,  XLVI;  p.  552,  21  nov., 
XLVIII  ;  p.  554,  3  déc.  L,  et  Œuvres,  t.  XI,  p.  291,  à  Guy,  4  nov. 

=>  Carte  des  Duchés  de  Lorraine  et  de  Bar...  dédiée  à  Ms"'  le  Comte  de 
Maurepas,  par...  le  Rouge.  Paris,  1766. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  2g(),  à  Du  Peyrou,  17  déc.  1765. 

5  Id.,  t.  XI,  p.  298,  à  Guy,  7  déc.  1765. 

^  Id.,  t.  XI,  p.  298,  à  de  Lu:[e,  16  déc.  17G5.  Le  i"  déc.  il  avait  écrit  à 

Rey  :  «  Vous  pourrez me  l'adresser  chez  la  veuve   Duchesne  à   Paris 

où  je  compte  passer  une  partie  de  l'hiver.  »  Bosscha,  0.  c,  p.  267,  n°  iSy. 

'  Id.,  t.  XI,  p.  3oo,  à  d'Ivernois,  20  déc.  1765.  Le  prince  voulait  expier 
son  refus  de  solliciter  le  passeport.  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  555,  de 
Mme  de  Verdelin,  3  déc.  1765,  L. 

8  Œuvres,  t.  XI,  p.  3o2,  à  de  Lu^e,  26  déc.  1765.  M""'  de  Genlis  l'em- 
mena à  la  Comédie  française.  Mémoires,  t.  II,  p.  12. 

9  Lettres,  A,  à  Mme  de  Créqui,  3  janv.  1766,  I.  Streckeisen,  o.  c, 
X.  II,  p.  556,  de  Mme  de  Verdelin,  2  janv.  1766,  LI. 

'"  Burton.  o.  c,  p.  II,  p.  2()(),  Hume  à  Blair,  28  déc.  1765. 


12  ANNALES   DE   LA   SOCIKTK  .1.   J.    ROUSSEAU 

d'arrestation  par  le  Parlement  en  17G2,  Rousseau  ne 
risquait  rien,  preuve  en  soit  le  passeport  qu'il  reçut  à 
Strasbourg  déjà  ^,  passeport  dû  à  la  faveur  royale  à  la- 
quelle M"'^  de  Verdelin  avait  recouru-. 

Enfin,  le  samedi  4  janvier"'  lybô,  les  trois  voyageurs 
galopaient  sur  la  route  de  Saint-Denis  ;  ce  soir-là  ils 
couchèrent  à  Senlis\  Deux  chaises  de  poste  compo- 
saient Téquipage,  et  Ton  changeait  de  voiture  pour  va- 
rier la  compagnie-'. 

L'étape  du  dimanche  ?.  Roye".  vit  une  scènt'  dont 
les  conséquences  funestes  devaient  produire  tant  de 
tapage  quelques  mois  après.  Poursuivant  vers  le  nord, 
avec  nuitées  à  Arras^,  le  lundi  (3.  et  à  Aire,  le  mardi  7. 
ils   arrivèrent  à  Calais,  le  mercredi  S  :  mer  démontée; 


1  II  refusa  de  Taccepter  sous  un  faux  nom  ;  Burton,  o.  c.  t.  II.  p.  297, 
Hume  à  Blair,  28  déc.  1763. 

2  Streckeisen,  0.  c,  t.  Il,  p.  532,  de  Mme  de  Verdelin,  i3  avril  1763, 
XXXV;  p.  546,  I"  nov.,  XLV  ;  p.  552,  21  nov.,  XLVIII.  —  Œuvres, 
t.  XI,  p.  33g,  à  Malesherbes,  10  mai  1766.  —  Voici  le  début  d'une  lettre 
inédite  de  Du  Peyrou,  son  n"  6,  auquel  Rousseau  répondit  le  17  nov. 
1765,  Œuvres,  t.  XI,  p.  293  :  —  «Samedi  9  novembre  1765.  Etes-vous 
encore  à  Strasbourg,  mon  Cher  Citoyen  ?  Dieu  le  veuille  et  que  ce 
paquet  vous  y  trouve  sans  douleurs,  sans  tracasseries  !  Vous  y  trouverez 
un  passeport  de  la  Cour  de  France,  et  une  lettre  de  Madame  la  Marquise 
de  Verdelin,  qui  vous  marque  sans  doute,  que  si  vous  n'en  faites  pas 
usage,  il  faut  n'en  point  parler,  afin  que  dans  l'occasion,  il  soit  aisé  de 
vous  en  procurer  un  autre.»  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuçhâtel.i 

"  Œuvres,  t.  XI,  p-.  -SoS,  à  Du  Peyrou,  1"  janvier  1766. 

^  L'itinéraire  de  Paris  à  Londres,  et  les  nuitées,  sont  mentionnés  dans 
la  lettre  n"  35  de  Du  Peyrou,  datée  du  23  oct.  1766;  il  tenait  ces  ren- 
seignements de  M.  de  Luze  et  du  domestique  de  celui-ci,  Giroux.  (Let- 
tre inéd.,  Bibl.  de  Neuchâiel.i 

•  Œuvres,  t.  XI,  p.  3o2.  à  de  Lu^c,  26  déc.  1765. 

s  Dutens  signale  deux  auberges  :  Au  Soieil  d'Or.  A  la  Grosse  Tète. 
—  Itinéraire  des  Routes  les  plus  fî-cqueiitées...  1768-1791.  Paris,  1791, 
in- 12. 

'•Œuvres,  t.  XI,  p.  3g6,  à  Du  Peyrou,  4  cet.  1766.  Le  texte  original, 
à  Neuchàtel,  est  illustré  du  plan  de  la  chambre,  dessiné  à  la  plume. 

*  Auberge  :  A  l'Ecu  d'Artois;  Dutens,  0.  c. 


SÉJOUR  DE  .1.  J.  ROUSSEAU  EX  ANGLETERRE       1 -•> 

ils  attendirent^  jusqu'au  vendredi  soir,  lo  janvier,  pour 
s'embarquer-.  La  traversée  prit  douze  heures  que  Rous- 
seau passa  sur  le  pont,  au  milieu  des  paquets  d'eau  et 
des  hurlements  du  vent^,  essa3'ant  peut-être  de  conju- 
rer les  nausées  par  le  grand  air^  En  abordant  à  Dou- 
vres, sur  cette  terre  de  liberté  %  il  étreignit  Hume  dans 
une  muette  effusion  de  joie  (samedi  ii  janvier.)" 

Après  quelques  heures  de  repos  ils  repartirent,  dans 
Taprès-midi.  Peu  pressés',  ils  purent,  grâce  à  la  dou- 
ceur du  roulement  sur  la  chaussée  ferrée^,  jouir  du 
spectacle  si  apaisant  de  la  campagne  aux  cultures  soi- 
gnées   entrecoupées  de  prairies    vert   tendre.    Pour  la 


^Œuvres,  i.  XI,  p.  407,  à  Du  Peyrou,  8  janv.  1767.  Auberge:  C/r'.^ 
Dessain;  Dutens,  o.  c.  —  Les  bagages  de  Rousseau  l'y  rejoignirent,  un 
mois  après  avoir  quitte  Strasbourg  {Œuvres,  t.  XI,  p.  3o6,  à  Guy  y 
20  janv.  1766;  p.  298,  à  Guy,  7  déc.  1765),  mais  ils  s'égarèrent  et  il  ne 
les  avait  pas  encore  en  mars.  Lettres,  C,  de  Morel-Disque,  3  mars  1766. 

'  Nous  calculons  ces  dates  d'après  celles  connues  du  départ  de  Paris 
et  de  l'arrivée  à  Londres. 

''Œuvres,  t.  XI,  p.  32\,  à  Coindet.  29  mars  1766;  p.  325,  à  Mme  de 
Boujfflers,  5  avril.  —  Du  Peyrou  à  Rousseau,  n°  17:  «  Lundi  27  jan- 
vier 1766...  J'ai  été  informé  [par  M""  de  Luze]  de  vôtre  petit  séjour  à 
Calais,  de  vôtre  traversée  nocturne,  longue  et  pénible.  »  (Lettre  inéd., 
Bibl.  de  Neuchàteli.  —  Hume  parle  de  10  heures:  Priv.  Corr.,  p.  i25, 
à  Mme  de  Boucliers,  19  janv.  1766.  —  0  Un  bon  passage  est  de  3,  4 
ou  5  heures.  J'ai  fait  ce  trajet  vingt  fois,  •  et  n'ai  jamais  été  plus  de 
12  heures.  Six  heures  est  le  plus  ordinaire.»  Dutens,  o.  c,  p.  7. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  325  :  «  Je  fus  moins  malade  que  M.  Hume.» 

=  Id.,  t.  XI,  p.  339,  à  MalesJierbes,  10  mai  1766. 

''  «  On  Saturday  landed  Mons.  J.  J.  Rousseau,  w  London  Clironiclc, 
n°  1415,  January  11-14,  176O. 

'•  En  avril  1765,  Grosley  et  ses  compagnons  firent  le  même  trajet 
«dans  deux  voitures  qu'ils  appellent  Machines  originales  ou  Volantes. 
Ces  voitures  à  six  chevaux  font  en  un  jour  les  28  lieues  de  Douvres  à 
Londres,  pour  le  prix  d'une  guinée.  Les  domestiques  ont  leur  place  à 
moitié  prix,  ou  sur  l'impériale  ou  sur  le  siège  du  cocher,  qui  est  à  trois 
places.  Un  vaste  magasin  ménagé  sous  ce  siège  très  élevé,  porte  les 
hardes,  qui  se  paient  à  part.»  Londres,  2'-  éd.  Neuchâtel,  1770- 1771, 
t.  1,  p.  29. 

^  Nouveauté  inconnue  sur  le  continent.  Grosley,  0.  c.,  t.   I,  p.  39. 


14  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  .1.    J.    ROUSSEAU 

nuit,  ils  restèrent  à  Cantorbery  ^  (samedi  iij:  le  di- 
manche soir  les  trouva  à  Dartford.  Enfin,  le  lundi  i3 
ils  effectuèrent  leur  dernière  étape,  sans  que  nul  routier 
les  attaquât^.  Mais  l'entrée  de  la  capitale  dut  affecter 
lugubrement  Rousseau  :  les  cadavres  grimaçants  aux 
gibets^  semblaient  accueillir  ironiquement  cet  affamé 
de  justice  et,  plus  tard,  il  songea  peut-être  à  la  menace 
de  leur  rictus. 

Les  voyageurs  traversèrent  toute  la  métropole,  de 
l'est  à  l'ouest,  et  descendirent  vers  midi  ',  à  Buckingham 
Street^,  York  Buildings,  chez  John  Stewart",  ami  de 
Hume  et  son  agent,  en  automne  1765,  pour  la  recher- 
che d'une  habitation  destinée  à  Jean-Jacques^;  c'est 
même  le  désir  de  connaître  personnellement  l'exilé 
qui  le  poussa  à  inviter  Hume*,  lequel  possédait  de- 
puis longtemps  son  pied-à-terre,  dans  Lisle  Street, 
Leicester  Fields''.  De  Luze  alla  loger  ailleurs;  Rous- 


1  Auberge  :  Kings  Head.  Dutens,  o.  c. 

*  Ils  abondaient  dans  ces  parages  de  grande  circulation.  Grosley,  o.  c. 
t.  I,  p.  3i.  Voici  la  recommandation  donnée  aux  voyageurs,  aussi  avant 
dans  le  XIX<=  siècle  que  l'année  i8i5,  par  llie  Pictiire  of  Loudoii,  16*'' 
Ed.,  p.  85  :  «  Travellers,  who  are  unable  to  enter  London  bcfore  dark, 
are  subject  to  two  evils  during  the  last  stage,  that  of  being  robbed  by 
highwaymen  or  footpads,  or  having  their  luggage  eut  from  behind 
their  carriage.» 

•'  Grosley,  0.  c.,  t.  I,  p.  3 1 . 

1  La  dernière  étape,  peu  considérable  (24  km.),  ne  prit  guère  que  la 
matinée. 

s  Dans  le  voisinage  de  Charing-Cross. 

«  Ou  Stuart. 

'  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  3ii,  note,  Stewart  à  Hume,  s.  d.  —  Stre- 
ckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  547,  de  Mme  de  Verdelin,  4  nov.  1763,  XLVI. 

^  Lettres,  C,  Stuart  à  Rousseau,  s.  d. 

"  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  go.  Hume  à  Adam  Smith,  29  juin  1761: 
n]  shall  lodge  in  Miss  Elliot's,  Lisle  Street,  Leicester  Fields.»  Lettres, 
C,  Jean  Rousseau  à  Rousseau,  17  nov.  1766,  V,  g  i. 


SK.IOUR    DE  .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  \2 

seau   et  son   protecteur   furent  quinze  jours   chez  Ste- 
wart^ 


^  \\  hen  Rousseau  first  came  to  Lornion,  he  was  much  pleased  with 
seeing  the  footways  in  our  streets,  and  said,  a  Par  ces  trottoirs  je  vois 
qu'on  respecte  le  peuple.  ^>  Eiiropean  Magasine,  for  February  1791, 
vol.   ig,  p.  96. 


l6  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

CHAPITRE  II 
Séjour  en  Angleterre. 

I.  De  Londres  a  Wootton. 

Sans  retard,  Hume  se  prodigue  pour  l'installation 
définitive  de  son  protégé,  qui  s'est  nettement  prononcé 
pour  la  campagne  ^ 

Le  vendredi  17,  ils  sont  à  Fulham,  chez  le  jardinier 
français  que  Stewart  avait  découvert  en  automne  ;  la 
saleté  de  la  chaumière  rebuta  Rousseau-.  Une  autre 
ressource  se  présente  :  l'offre  d'un  ancien  couvent  gal- 
lois^; l'imprévu  du  logis  dans  un  paysage  suisse  ravit 
Jean-Jacques,  et  le  projet,  accepté  d'emblée^,  resta  en 
faveur  plusieurs  semaines,  jusqu'au  jour  où  l'on  ap- 
prend que  le  monastère  a  tous  les  défauts  des  masures 
en  même  temps  que  le  pittoresque  des  vieux  édifices^. 

La  veille  seulement,  jeudi  iG,  la  London  Chronicîe 
avait  signalé  la  présence  de  Rousseau -,  en  taisant  qu'il 

'  Œuvres,  t.  X,  p.  363,  à  Mme  de  Boufflers,  août  1762. 

-  Id.,  t.  XI,  p.  3o5,  à  Mme  de  Boufflers,  18  janv.  1766. 

■'•  Id.  t.  XI,  p.  3o6j  à  Mme  de  Boufflers,  18  janv.  176$. 

^  Id.,  p.  3o8,  à  Du  Peyrou,  27  janv.  1766;  p.  Sog,  à  d'Ivernois,  29  janv., 
p.  3 10,  à  Du  Peyrou,  i5  février.  Du  Peyrou  recommandait  le  séjour  dans 
cotte  région.  «  27  fév.  1766.  n"  19...  M"'  Vautravers  dont  la  femme  a 
vécu  9  ans  au  Sud  de  ce  pays  de  Galles,  dit  que  le  peuple  de  ces  mon 
tagnes  est  gay,  robuste  et  hospitalier,  que  la  vie  y  est  à  grand  jnarché, 
que  le  climat  en  est,  sain,  qu'on  y  trouve  la  Liberté  et  point  de  consis- 
toire. »,  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchàtel.j  ' 

■^Œuvres,  t.  XI,  p.  3i5,  ^  Du  Peyrou,  2  mars. 

6  «Jan.  14.  Yesterday  [Monday]  David  Hume  Esq.,  arrived  in  London 
from  Paris.»  p.  48.  —  «Jan.  16.  Monday  last  arrived  in  town  the  cele- 
brated  Jean-Jacques  Rousseau.»  p.  5o.  Cité  par  G.  Birbeck  Hill.  Let- 
ters  nf  David  Hume  to  William  Strahan.    O.xford,  1888;  p.  73,  note  i. 


SEJOUR  DE  J.  J.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE 


'7 


avait  voyagé  avec  Hume^  Les  curieux  d'affluer  à  Buck- 
ingham  Street;  simples  particuliers,  parlementaires*, 
gentilshommes,  tous  s'y  pressent  à  l'envi  :  le  prince 
héritier,  le  duc  d'York^,  lord  Nuneham  *,  le  colonel  en 
retraite  Richmond  Webb^,  le  Révérend  Penneck'"',  atta- 
ché au  Musée  britannique,  un  parent  enfin,  son  cousin 
Jean  Rousseau  ^.  Les  admirateurs  retenus  par  la  distance 
écrivent,  et  de  la  province  arrivent  maints  témoignages 
de  dévouement  enthousiaste,  qui  se  renouvelleront  à 
intervalles,  jusqu'à  cette  voix  lointaine  d'un  colon  afri- 
cain^;   témoignages    touchants,    quoiqu'on    ne    puisse 


1  Silence  imputable  à  Hume,  en  tout  ou  en  partie;  l'imprimeur  du 
journal  était  son  excellent  ami  Strahan.  Il  est  étonnant  que  Rousseau, 
■dans  son  réquisitoire  du  lo  juillet  1766,  n'ait  pas  reproché  cette  atti- 
tude à  Hume. 

-  «His  [Rousseau's]  vanity  was  so  great,  that  a  friend  of  his  used  to 
say,  that  he  helieved  Rousseau  was  displeased  at  not  being  sent  for 
by  our  House  of  Gommons  to  give  his  opinion  on  some  point  of  légis- 
lature.» Etiropean  Magasine,  for  February  1791,  vol.  19,  p.  96.  L'a- 
necdote paraît  d'une  authenticité  douteuse. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  3o8,  à  Du  Peyroii,  27  janv.  1766;  pp.  339,  340, 
À  Malesherbes,  10  mai.  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  3 10,  Hume  à  son  frère,  2  fév. 

■•  Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  [mars  1767],  V.  Œuvres,  t.  XI,  p.  329, 
à  Mme  de  Boufflers,  9  avril  1766.  —  Il  s'agit  de  Georges  Simon  Har- 
court,  vicomte  Nuneham  (1736-1809),  second  earl  Harcourt  depuis  1777. 
Rousseau  lui-même  le  désigne  par  son  titre  :  Œuvres,  t.  XI,  p.  403,  à 
Lord  vicomte  Nuneliam,  déc.  1766,  et  l'identité  du  personnage  est  assu- 
rée par  le  manuscrit  n"  7903  de  Neuchâiel  :  Copies  de  lettres  de  Rous- 
seau à  George  Simon  de  Harcourt,  lord  vicomte  de  Nuneham,  aujour- 
d'hui comte  de  Harcourt. 

»  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  26  fév.  1766,  IV.  R.  Webb  (i7i5- 
1785)  enseveli  à  Westminster-Abbey.  —  Sauf  indication  contraire,  nos 
renseignements  biographiques  sur  les  personnages  anglais  qui  figurent 
dans  ce  travail  proviennent  du  Dictionaty  of  National  Biography.  edited 
by  Leslie  Stephen. 

6  Œuvres,  t.  XI,  p.  358,  à  Hume,  10  juillet  1766. 

• /d.,  t.  XI,  p.  33o,  à  F.  H.  Rousseau,  10  avril  1766.  M.  Eugène  Ritter 
a  depuis  longtemps  corrigé  ces  initiales  ;  cf.  Alliance  libérale,  Genève, 
23  août  1884.  Jean  R.,  1 724-1795;  Galiffe,  Notices  généalogiques. 

^  Capdeville  à  Rousseau,  Le  Cap,  20  oct.  1766.  (Lettre  inéd.,  Bibl. 
de  Neuchàtel.j 


l8  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ    .(.    .1.    ROUSSEAU 

s'empêcher  de  sourire  à  la  rhétorique  du  dragon  John 
HalP  et  de  trouver  fastidieuses  les  considérations  du 
docte  Gregor}-. 

Sans  aucun  doute,  le  concert  n'est  pas  tout  harmo- 
nie ;  le  vieux  D''  Samuel  Johnson  verrait  avec  joie  Rous- 
seau arrêté  sur  l'heure  et  déporté  avec  les  pires  scélé- 
rats^, et  Burke  se  dispose  à  étudier  sur  le  vif  le  «grand 
professeur  et  fondateur  de  la  philosophie  de  la  vanité  ^  » 

Néanmoins,  encore  que  Rousseau  ne  rendît  aucune 
visite^  et  que  son  ajustement  oriental  effarouchât  les 
Londoniens",  il  devint  Thomme  du  jour'.  Ainsi,  Gar- 
rick,  directeur  du  Théâtre  Royal  de  Drury-Lane*  lui 
accorda  l'honneur  insigne  d'une  soirée  de  gala,  don- 
née le  jeudi  23  janvier^,  par  ordre  du  roi,  curieux  de 
voir  le  philosophe  genevois.  Un  peu  plus  et  cette  at- 
tente eût  été  déçue...  pour  un  chien:  Sultan,  en  veine 
de  vagabondage,  faillit  retenir  à  la  maison  son  maitre 
qui  craignait  de  le  perdre  ''\ 

1  Lettres,  C,  3i   janv.    1766. 

-  Lettres,  C,  1"  fév.   1766. 

:'  Boswell.  Life  of  Johnson.  Ed.  by  G.  Birbeck  HilL  Oxford,  1887, 
t.  II,  p.  I  I .  Ce  propos  fut  tenu  à  la  Mitre,  le  samedi  i5  fév.  1766.  — 
Hume.  Priv.  Corr.,  pp.  i25,  145. 

■»  Burke.  Works.  Ed.  Bohn,  t,  II.  p.  536:  Rejlections  on  French  Ré- 
volution. 

s  Œuvres,  t.  XI,- p.  3o8,  à  Du  Peyrou.  27  janv.  1766. 

''  Memoirs  af  tlie  Earl  of  Cliarlemont,  t.  I,  p.  23o  :  «  When  Rousseau 
lirst  arrived  in  London,  he  and  his  Armenian  dress  were  followed  by 
crowds. . .  » 

'  Burton  trouve  un  exemple  probant  de  l'engouement  général  :  c'est 
que  Lady  Aylesbury  ait  consenti  à  recevoir  Thérèse  à  sa  table.  O.  c; 
t.  II,  note  2,  p.  3o5. 

*  David  Garrick  fut  à  sa  tête  de   1747  à   1776. 

9  «Jean  Jacques  Rousseau,  who  arrived  at  London  Jan.  i3.  was  at  ihe 
play  on  the  23d,  and  presented  himself  in  the  upper  box,  frontig  his 
Majesty.  »  The  Scots  Maga:iine,  1766,  vol.  28,  p.  53. 

'"Burton,  0.  c,  t.  Il,  pp.  3o8-3io,  Hume  à  son  frère,  2  fév.  1766;. 
Hume.  Priv.  Corr.,   p.   144,   à  Mme  de  Barbantane,  16  fév.    1766. 


SÉJOUR  DE  .1.  ,1.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       l  (j 

Au  programme  figuraient  la  tragédie  de  Zara,  par 
Aaron  HilP,  et  la  comédie  satirique  du  LetheK  Leurs 
Majestés  s'occupèrent  plus  du  philosophe,  placé  en  face 
d'elles,  que  de  la  scène.  Quant  à  Rousseau,  son  excita- 
tion fut  telle  qu'il  fallut  toute  la  sollicitude  de  sa  voi- 
sine, M-  Garrick,  responsable  de  l'invitation,  pour 
prévenir  sa  chute  de  la  loge  au  parterre  ^  Le  jeu  des 
acteurs  le  charma,  bien  qu'il  ne  comprît  pas  les  paro- 
les ;  certainement  il  suivit  sans  difficulté  les  péripéties 
de  Zara.  Au  Lethe  il  rit  et  pleura  K  seul  compliment  - 
mais  combien  sincère  -  à  Garrick, .  l'auteur%    qui  te- 

^  J  Cradock.  Joseph.  LUerary  M^scenaneoJ  Me^Zirl  London,    ,8=8, 

1  ^^''l'J'  """/■  J'  P-  '°^-  ^^^  '^°"^'"^'  •'"hn  Forster,  Life  and  Tune  ufOli 

eau  tr'    '  '^°"'"^'  ''"''  '■   "'P-   6,caricatûre  l'attitude  d     10?: 
eau,    qui  aurait  recompensé  Tamabilité  de  son   hôte  «  by  laugh  ngat 

mmÊmmm 

London,  iSsJ^    p    3,4    ^  '  "^^    of  Dar^d  Garnck.  New  Ed. 


20  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.    J.    ROUSSEAU 

riciit  ce  soir-là  le  premier  rôle^.  La  soirée  terminée,  une 
réception  chez  le  directeur,  aux  Adelphi,  mit  peut-être 
en  présence  Rousseau  et  Goldsmith,  célèbre  déjà  par 
le  Traveller  et  que  le  Vicaire  de  Wakefield  allait  illus- 
trer deux  mois  plus  tard  -. 

Fatigué  de  tant  de  mouvement^,  Jean-Jacques  s'éta- 
blit provisoirement,  le  mardi  28  janvier'*,  à  Chiswick, 
village  situé  à  5  milles  à  l'ouest  de  Londres,  sur  la  Ta- 
mise ;  il  se  fixa  chez  un  épicier^,  nommé  Pullein''.  Seul, 
ou  à  peu  près,  à  parler  le  français,  il  sentit  la  nécessite 
de  poursuivre  avec  zèle  l'étude  de  l'anglais  qu'un  pre- 
mier essai  malencontreux  n'avait  pu  interrompre  :  à  peine 
arrivé  en  Angleterre,  docile  au  conseil  que  Hume  lui 
avait  donné  en  cours  de  route,  il  imagina  de  com- 
parer à  l'original  une  traduction  de  V Emile'' .  Cette  fois- 
ci,  il  adopta  la   méthode  directe  et.  fréquemment  assis 

Fifth  Edition.  By  David  .Garrick.  London  :  Printed  forand  sold  by  Paul 
Vaillant,    facing  Southampton-Street,  in  the  Strand.   MDCCLVII. 

'  Cf.  p.  19,  note  2;  les  deux  éditions  du  Lethe  que  nous  avons  con- 
sultées, celles  de  1757  et  de  1767,  indiquent  Garrick  au  rôle  de  Chalk- 
stone.  Cradock,  0.  c,  t.  1,  p.  2^^b,  confirme  ce  fait.  Pourquoi  J.  Chur- 
ton  Collins,  dans  Voltaire,  Montesquieu,  and  Rousseau  in  England, 
■London,  1908,  S",  p.  2o3,  prétend-il  que  Garrick  tint,  ce  soir-là,  un 
triple  rôle,  ceux  du  Poète,  du  Français,  de  l'Ivrogne  ?  11  est  évident, 
d'après  nos  sources,  que  ces  trois  personnages  n'eurent  jamais  l'hon- 
neur d'être  interprétés  par  le  grand  artiste. 

2  Forster,  o.  c,  t.  II,  p.  6.  —  Le  Vicaire  parut  le  27, mars. 

^Œuvres,  t.  XIj  p'.  3o8,  à  Du  Peyrou,  27  janv.  1766;  Bosscha,  o.  c, 
p.  268,  3  mars,  n"  141.  Des  tambours  de  la  garde  devaient,  prétend-il, 
battre  devant  sa  porte.  Œuvres,  t.  IX,  p.  1^7,  Rousseau  juge  de  Jean- 
Jacques,  I"  Dialogue,  note. 

■*  Ou  le  mercredi  29.  Le  27  janvier  il  date  une  lettre  de  Londres,  le  29 
une  autre  de  Chiswick.  Œuvres,  t.  XI,  p.  Î07,  à  Du  Peyrou,  27  janv.  i76i'>; 
p.  3o8,  à  d'Ivernois,  29  janv. 

*  Œuvres,  t.  Xl,  p.  3i7,  ^  Guy,  18  mars  1766.  Morley,  John.  Rousseau, 
1873,  t.  II,  p.  287,  et  Churton   Collins,  o.   c.,  p.  207,  disent  im  fermier. 

^Lettres,  C,  Morel-Disque  à  Rousseau,  3  mars  176G.  Streckeisen,  Œu- 
vres inédites,  p.  439,  à  Rose,  16  avril   1766,  XLIV. 

'  Burton,  o.  c,  t.  II,  pp.   3i5,  3i6,  Hume  à  Blair,  23  mars  1766. 


SKJOUR   DE  .1.   J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  2  1 

dans  la  boutique,  étudiait  le  vocabulaire  que  les  clients 
—  jamais  on  n'en  vit  tant  !  —  enrichissaient  à  l'envia  Son 
ardeur  se  ralentit  pourtant  ;  s'il  ne  parle  pas  l'anglais, 
il  parvint  à  le  lire  aisément^  et  plus  d'un  correspondant 
britannique  employa  sa  langue  maternelle'. 

Rousseau  était  alors  anxieux  du  retard  de  Thérèse''  ; 
restée  dans  l'ile  de  Saint-Pierre^,  sous  la  protection  de 
Du  Peyrou  '',  elle  attendait  que  le  fugitif  eût  trouvé  un 

1  «  He  sits  iii  the  shop  »,  says  a  writer  iu  the  Cadwell  Papers,  «and 
learns  Eiiglish  words,  which  brings  many  customers  to  the  shop.  >, 
Old  and  New  London,  vol.  VI.  by  Edw.  Walford.  Edit.  1887-1893. 

2  En  1762  déjà,  M">«  de  Boufflers  lui  écrivait:  «  vous  savez  assez  d'an- 
glais pour  Tentendre  »  (le  P.  S.  de  Hume);  Streckeisen,  Rousseau,  ses 
amis,  etc.,  t.  II,  p.  4<:),  10  sept.  1762,  XVI.  En  janvier  1766,  Hume  vante 
ses  progrès  rapides  dans  l'étude  de  cette  langue.  Priv.  Con.,  p.  120, 
à  Mme  de  Boufflers,  19  janv.  —  Rousseau  lui-même  déclare  savoir  un 
peu  d'anglais:  Œuvres,  t.  XI,  p.  .124,  à  d'Iveriiois,  3i  mars  1766; 
p.  35o,  à  Du  Peyrou,  21  juin  1766;  mais  il  ne  le  posséda  pas  au  point 
de  goiiter  le  style:  id.,t.  VI,  p.  7S,  à  la  £)«"•  de  Portland,  19  mai 
1772.  —  Sur  cette  ignorance  absolue,  puis  relative,  voir  encore  Stre- 
ckeisen, 0.  c,  t.  II,  p.  73,  de  Keith,  3o  nov.  1762,  XIV;  p.  91,  i5  juin 
J763,  XXXIII;  p.  g5,  14  sept.,  XXXVIII.  Œuvres,  t.  XI,  p.  128,  à  Keith, 
avril  1764;  p.  204,  25  janv.  1765;  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport, 
déc.   1766,  XXV. 

s  Davenport,  Hume,  la  duchesse  de  Portland,  miss  Dewes,  Kenrick 
Gregory. 

■*  Streckeisen.  Œuvres  inédites,  p.  436,  à  de  Lu:^e,  6  fév.  1766,  XLIl. 
Œuvres,  t.  XI,  p.  3og,  à  Mme  de  Boufflers,  6  fév.  1766;  p.  3 10,  à 
Guy,  6  fév. 

»  Œuvres,  t.  XI,  p.  288,  à  Du  Peyrou,  27  oct.  1765;  p.  299,  17  déc; 
p.  294,  à  Guy,  20  nov.  ;  t.  IX,  p.  79,  Confessions,  II,  xii. 

«  Id.,  t.  XI,  p.  289,  à  Du  Peyrou,  28  oct.  1765.  —  Du  Peyrou  à  Rous- 
seau. «  Samedi  14.  Xbre  1765,  n.  12...  J'ay  écrit  à  M"'  le  Vasseur  pour 
lui  faire  part  de  votre  résolution  [de  passer  en  Angleterre,  cf.  Œuvres, 
t.  XI,  p.  296,  à  Du  Peyrou,  3o  nov.  1765]  et  la  tranquilliser.  Je  lui  ay 
aussi  envoyé  une  petite  tabatière  d'argent  achetée  à  Berne  pour  i  5  francs 
valeur  de  Suisse...  Ainsi  voilà  vos  commissions  remplies  p'  l'Isle 
S<  Pierre.»  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Seuchàteli.  —  «Mardi  24.  Xbre  1765, 
n.  i3...  M"'  de  Vau travers  m'a  marqué  encore  avoir  écrit  de  la  part  de 
sa  femme  à  M"«  le  Vasseur  pour  le  presser  de  venir  passer  l'hyver  chez 
'eux  [à  Rockhall,  près  de  Bienne]  et  s'y  distraire  un  peu,  sur  quoi  ils 
n'ont  point  encore  de  réponse.  Pour  moi  je  pense  que  le  séjour  de  l'île 
est  ce  qui  peut  le  mieux  convenir   à  cette  pauvre  affligée.  »    {Id.)    Vau- 


22  ANNALES   DE    LA    SOCIETE  J.    .1.    ROUSSEAU 

asile  où  la  recevoir ^  Or  depuis  un  mois  elle  était  en 
voyage  pour  le  rejoindre;  elle  avait  quitté  l'île  le  di- 
manche 5  janvier  1766^  et  séjourné  chez  Du  Peyrou  jus- 
qu'au mardi  matin  où  elle  partit  dans  sa  chaise  ;  les 
neiges  la  bloquèrent  deux  jours  à  Couvet^;  le  jeudi  9 
l'état  des  routes  lui  permit  d'atteindre  Pontarlier  dont 
rhonnête  '  directeur  des  postes,  Junet^,  lui  remit  le 
brouillon  du  Lévite  d'Ephràim  expédié  en  hâte"  par  Du 
Peyrou.  Elle  s'arrêta  quelques  jours  à  Besançon,  ren- 
voya la  chaise  de  l'aimable  Du  Peyrou  et  fut  à  Paris 
le  jeudi  23  janvier;  elle  passa  une  semaine  dans  sa  fa- 
mille. Dirigée  par  Guy',  elle  reprit  son  voyage  le  3o^, 
en  compagnie   de  BoswelP,  et  arriva  enfin  à  Chiswick 


travers  communiqua  cette  invitation  à  Rousseau  en  regrettant  qu'elle 
eût  été  refusée  (12  fév.  1766,  Id.i. 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  294,  à  Guy,  20  nov.  1765;  p.  2g3,  à  Du  Peyrou, 
25  nov.;  p.  297,  à  d'Iveniois,  2  déc.  ;  p.  3oi,  à  Du  Peyrou,  24  déc. 

-  Elle  y  oublia  le  manuscrit  du  Contrat  social  et  celui  du  Diction- 
naire de  Musique;  ils  furent  retrouvés  en  avril  1767  iDu  Peyrou  à 
Rousseau,  26  avril  1867,  n"  44.  Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.i  — 
Les  détails,  jusqu'à  l'arrivée  à  Paris,  sont  empruntés  aux  lettres  inédi- 
tes de  Du  Peyrou,  des  7,  i  3,  27  janvier  1766,  n»*  i5,  16,  17. 

•'  Elle  demeura  chez  Borel. 

*  ...«car  je  suis  très  sûr  de  M.  Junct.»  Œuvres,  t.  XI,  p.  i  84,  à  Dii- 
cjiesne,  16  déc.  1764. 

5  Œuvres,  t.  XI,  pp.  88,  i63,  178.  2  cet.  1763  —  2  déc.  17O4. 

6  Rousseau  le  demandait  expressément;  Œuvies,  t.  XI,  p.  3o2,  à 
Du  Peyrou,  24  déc.  1765. 

''  Id.,  t.  XI,  p.  3o6,  à  Guy,  20  janv.  1766. 

8  «M"«  leVasseur-fte  m'a  point  apporté  la  petite  caisse,  qui  n"a  dû  arri- 
ver à  Paris  que  lé  jour  qu'elle  en  est  partie.  »  Œuvres,  t.  XI,  p.  3 10,  à 
Du  Peyrou,  i5  fév.  1766.  Celui-ci  avait  annoncé,  dans  son  n"  17,  du 
27  janv.  1766,  que  la  caisse  serait  à  Paris  le  3o  janvier.  (Lettre  inéd., 
Bibl.  de  Xeuchàtel.i 

8  Streckeisen.  Rousiseau,  ses  amis,  etc.,  t.  II,  p.  144,  de  Kcith.,  mars 
1766,  LXXVII.  —  Hume  se  permit  une  lourde  plaisanterie;  publiée,  elle 
eût  couvert  Rousseau  de  ridicule.  Le  voyage  de  Thérèse  et  de  Boswell 
lui  rappelle  Térentia  qui,  après  avoir  été  la  femme  de  Cicéron,  puis  de 
Salluste,  épousa  un  jeune  homme  épris  de'  littérature.  Priv.  Corr., 
p.  128,  à  Mme  de  Boufflers,  12  fév.  1766. 


SÉJOUR   DE  J.    J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  23 

vers  le  lo  février  ^  Ce  fut  une  joie  pour  Jean-Jacques, 
qui  retrouvait  sinon  le  foyer  familial,  au  moins  son 
intérieur  habituel. 

De  tous  les  papiers  laissés  chez  Du  Peyrou^,  Thé- 
rèse lui  apportait^  la  copie  de  Pygmalion,  la  copie  des 
Quatre  Lettres  à  M.  de  MalesJierbes*,  celle  de  la  Réponse 
à  Rameau^"  et  celle  de  la  Réponse  à  M.  d'Off'reviîle^\  plus 
le  Lévite  d'Ephrdim  ;  mais  ce  à  quoi  il  tenait  très  par- 
ticulièrement, savoir  les  brouillons  et  mémoires  des 
années  1738  à  1762,  documents  essentiels  pour  la  ré- 
daction des  Confessions"^,  tout  cela  était  encore  à  Neu- 
chàtel,  Thérèse  ayant  refusé  de  s'en  charger,  par  ter- 
reur de  la  douane.  Ces  pièces  firent  l'objet  d'un  en- 
voi spécial  consigné  au  nom  de  M.  de  Garville,  direc- 
teur général  des   Entrées  de  Paris  ^;  M™^  de  Faugnes, 


*  Le  trajet  de  Paris  à  Londres  ne  dut  pas  lui  prendre  plus  d'une  dizaine 
de  jours  ;  elle  avait  un  guide  expérimenté.  Morcl-Disque  lui  facilita  le 
passage  de  la  Manche.  Lettres,  C,  Movel-Disque  à  Rousseau,  3  mars 
1766.  Le  i3  février,  en  tous  cas,  elle  était  arrivée  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  3  10, 
à  Du  Peyrou ,  i5  fév.  176b. 

-  Œuvres,  t.  IX,  pp.  ("19,  79,  ('.uiifcssions,  II,  xii. 

■  Id.,  t.  XI,  p.  3i5,  li:  Du  Peyrou,  2  mars  1766.  —  Le  contenu  de  ce 
paquet  lui  était  connu  d'avance  par  les  lettres  de  Du  Peyrou,  des  7  et 
i3  janv.,  W"  i5  et  16.   (Inédites,  Bibl.  de  Neuchâtel.l 

*  Quatre  Lettres  à  M.  le  Président  de  Maleslierbes,  contenant  le  vrai 
tableau  de  mon  caractère  et  les  vrais  motifs  de  toute  ma  conduite.  L'édi- 
tion Hachette  les  publie  dispersées:  Œuvres,  t.  X,  p.  297,  4  janv.  1762; 
p.  3oo,  12  janv.;  p.  304,  26  janv.;  p.  307,  28  janv.  —  Cette  copie  fut 
faite  à  Métiers;  Id.  p.  373,  à  Maleslierbes,  26  oct.  1762. 

3  Œuvres,  t.  VI,  p.  2o3,  Examen  de  deux  principes  avancés  par  M.  Ra- 
meau. Cf.,  Jansen,  A.  Rousseau  als  Musiker,  Berlin  1884,  8°,  p.  201,  et 
Anhang,  G  a. 

6  Œuvres,  t.  X,  p.  2  05,  4  oct.  1761. 

'  Id.,  t.  XI,  p.  3o3,  à  Du  Peyrou,  i"  janv.  1766. 

*  «Son  départ  avant  la  réception  de  votre  dernière  lettre  du  \"  jan- 
vier, ne  m'a  pas  permis  de  lui  rernettre  les  papiers  que  vous  attendiez 
par  elle.  Les  paquets  étoient  faits,  mais  la  crainte  des  visittes  dans  les 
Bureaux  lui  faisoit  peur,  et  n'ayant  pas  reçu  votre  ordre  j'ay  cédé  à  sa 
frayeur.   Mais   me   mettant  à  votre  place,   et  comprenant  le  besoin  que 


24  ANNALES    DE   LA   SOCIETE  .1.    .1.    ROUSSEAU 

«  partisan  à  brûler»  de  Jean-Jacques  ^  surveilla  la  mar- 
che de  la  caisse  qui  parvint  à  destination  à  la  fin  de 
mai  ou  au  début  de  juin*. 

Quelle  impression  Thérèse  fit-elle  sur  leurs  hôtes? 
Apparemment  elle  ne  leur  causa  pas  d'ennui.  Rousseau 
les  déclara  charmants  »  et  recommanda  à  Guy  leur  fils 
partant  pour  Paris  ^  Une  des  relations  du  philosophe 
—  la  seule  peut-être  qu'il  eût  à  Chiswick  —  était  le 
D*"  William  Rose,  aussi  obligeant  *  que  savant  \  auquel 
le  liait  la  communauté  des  idées.  Voisins  immédiats, 
ils  se  virent  fréquemment,  et  Thérèse  elle-même  trouva 
bon  accueil  au  logis  de  Chiswick-Lane,  dont  Mrs  Rose 
et  sa  sœur  lui  faisaient  les  honneurs  ^  Dans  ce  cercle 
intime,  Jean-Jaques  ne  manqua  pas  sans  doute  de  ren- 


vous  avez  de  vos  papiers,  j'ay  pris  le  parti  d'encaisser  les  n»'  7,  8,  i3 
et  14  ces  deux  derniers  contenant  des  chiftbns  qui  peuvent  vous  servir. 
J'ay  rempli  les  vuidfs  de  la  Caisse  avec  quelques-uns  de  vos  petits 
livres  en  vélin  [la  plupart  en  blanc  et  contenant  quelques  plantes,  cf. 
n"  17],  et  brochant  sur  le  tout  j'ay  mis  un  mouchoir  bleu  que  M'i«  le 
Vasseur  avoit  oublié  dans  sa  chambre.  La  dite  caisse  emballée  d'une 
serpillière  et  marquée  n"  i.  G.  D.  G.  partira  au  premier  jour  pour  Be- 
sançon, d'où  elle  continuera  route  par  le  Carosse  après  avoir  été  enre- 
gistrée au  Bureau  comme  renfermant  des  Titres  et  papiers.  Le  port 
payé  elle  sera  adressée  à  M.  Gigot  de  Garville,  Directeur  général  des 
Entrées  de  Paris,  à  l'Hôtel  de  Bretonvilliers,  à  Paris.  Cette  voye  me  vient 
de  M'  de  Faugnes,  et  Madame  est  chargée  d'en  prévenir  M.  de  Garville, 
son  parent,  de  retirer  la  Caisse,  et  de  la  remettre  à  M"«  le  Vasseur,  et 
à  son  départ  s'il  avoit  eu  lieu  avant  l'arrivée  de  la  Caisse,  de  la  tenir  à 
votre  disposition,  ou  à  vos  ordres.»  Du  Peyrou  à  Ro'iisscaii,  i3  janv. 
1766,  n°  19.  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.j 

>  Du  Peyrou  à  Rousseau,  27  janv.  1766,  n"  17  fid.i 

-  Œuvres,  t.  XI,  p.  337,  à  Du  Peyrou,  10  mai  1766. 

•'•  Streckeisen.  Œuvres  inédites,  p.  439,  à  Rose,  16  avril   1766,    XLIV. 

*^  Œuvres,  t.  XI,  p.  317,  18  rnars  1766. 

^  Streckeisen,  o.  c;  p.  435,  à  de  Lu^^e,  6  fév.  1766,  XblI;  p.  437,  à 
Rose,  16  avril,  XLIV. 

6  Traducteur  connu  de  Salluste. 

'  Rose  (1719-1786)  dirigeait  un  internat;  Johnson  lui  reprochait  de  ne 
pas  donner  assez  sévèrement  la  verge  à  ses  élèves  :  «  What  the  boys 
gain  at  one  end  they  lose  at  the  othcr.  » 


SÉJOUR   DE  J.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  2b 

contrer  Téditeur  anglais  de  son  Héloïse,  le  fameux 
libraire  Ralph  Griffiths,  voisin  et  ami  intime  du  doc- 
teur dont  il  devint  peu  après  le  beau-frère  ^ 

Après  la  forte  gelée  des  premiers  jours*,  qui  ne  le 
confina  pas  à  la  maison  sans  répit  —  preuve  en  soit  la 
plaisanterie  de  son  cousin  Jean  sur  la  «froideur»  d'une 
réception  qui  se  fit  près  des  rives  glacées  du  fleuve^, 
—  Rousseau  profita  davantage  du  grand  air  et  le 
D""  Rose  dut  être  un  cicérone  averti  ;  n'avait-il  pas  à 
lui  montrer  la  fameuse  résidence  du  duc  de  Devon- 
shire,  Chiswick  House,  ses  jardins  modèles  et  son  pu- 
lais  splendide?  Peut-être  aussi  conduisit-il  son  protégé 
dans  la  vieille  auberge  pour  y  déchiffrer  Tinscription 
fruste  d'une  pierre  à  aiguiser  —  c'était  la  curiosité  lo- 
cale —  où  l'allitération  se  combine  à  l'homonj^mie  : 

ivhet  without^  wet  ivithin\ 

Parfois  Rousseau  se  bornait  à  jeter  un  coup  d'œil 
amical  à  la  maison  hospitalière  et,  continuant  seul  de 
descendre  la  ruelle,  débouchait  sur  le  Mail  :  il  y  domi- 
nait la  Tamise  et  ses  bords  reverdissants.  Sa  fantaisie 
le  menait  souvent  plus  loin  et  il  rentrait  de  sa  prome- 
nade «  suant  et  fatigué  »^. 


*  1 720-1803.  Faulkner,  Th.  The  History  and  Antiquities  of  Brentfovd, 
Ealing  and  Chiswick.  London,  1845,  8»,  p.  352  ;  p.  355,  note. 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  3 10,  à  Du  Peyrou,  i5  fév.   1766. 

»  Lettres,  C,  Jean  Rousseau  à  Rousseau,  17  nov,  1766,  V,  §  i. 

*  «Tranchante  au-dehors,  humide  au-dedans.  »  Conservée  aujourd'hui 
au  Red  Lion.  Old  and  New  London,  etc.,  t.  Vi. 

5  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  3o5,  note  2.  C'est  un  billet  de  Rousseau  à 
Hume,  sans  date,  mais  portant:  Le  Lundi  soir:  il  s'agit  du  lundi 
17  mars  1766;  nous  le  donnons  en  note  p.  33,  note  3.  —  Il  y  a  une 
gravure,  sans  mérite  artistique,  de  l'église  de  Chiswick  et  du  rivage 
de  la  Tamise  en  1760,  dans  Thorbury,  W.,  Old  and  New  London, 
t.  VI,  by  Edw.  Walford,  p.  5 59. 


2(5  ANNAI,i;s    hiv    I.A    SOCIKTK  .1.    .1,    ROUSSKAC 

Il  lui  arriva  mcmc,  en  pareille  occuience.  une  aven- 
tuie  dont  son  imagination  fit  tout  le  tragique.  Il  lon- 
geait la  rivière  en  quèle  de  plantes  ;  soudain,  d'un  ca- 
not débarque  une  compagnie  de  Londoniens,  jeunes 
gens  costumés  en  marins  ;  avisant  un  gazon  ombragé 
propice  au  pique-nique  projeté,  ils  s'avancent  vers  Jean- 
Jacques  ;  celui-ci  de  se  croire  menacé  ;  c'est  au  moins 
la  déportation  imminente;  de  terreur  il  s'enfuit;  son 
guide  bénévole,  le  professeui'  Walker,  responsable  de- 
vant son  patron.  Lord  r>ute\  de  la  sécurité  de  Rous- 
seau, sV'lança  à  sa  poursuite;  la  chasse  se  prolonge  quel- 
ques minutes,  W'alkei'  prend  l'avance...  et  ce  fut  tout-. 

Un  autre  jour,  la  désolation  règne  au  logis  de  l'épi- 
cier :  Sultan  s'est  enfui!  Survient  Lord  Stralford-'^;  il 
partage  la  peine  de  Rousseau,  et,  de  retour  à  Londres, 
léclame  le  chien  par  la  voie  des  journaux  ;  Sultan  revint 
de  lui-même'.  .Miracle  de  la  sympathie!  Rousseau  ac- 
corda sa  confiance  au  gentilhomme  et  s'adressa  à  lui 
dans  une  circonstance  autrement  grave"'. 

D'autres  visiteurs  de  rang  présentèrent  leurs  hom- 
mages au  philosophe:  Loi-d  et  Lad\- Cathcart '■.  Mrs  Bos- 


'  .\ncicii  ministre  de  C'icorj;cs  III. 

-  Burton,  o.  c,  t.  Il,  p.  334,  note  '  • 

'  William,  4™»  earl  Sirafford  (i 722-1 791),  fils  du  iicgociateur  du  traité 
d'Utrccht,  Thomas,  ;>•  earl  ;  sa  femme  était  parente  de  Lady  Aylesbury, 
toutes  deux  appartenant  aux  Campbell.  Strafl'ord  possédait  une  maison 
de  campagne  à  Twickenham,  non  loin  de  Chiswick.  Waipole,  Corrcs- 
yondencc,  t.  I,  i-j3b-\jbi),  pp.  .^35;  340,  note  i.  London,  1837.'— Il  avait 
aussi  une  résidence  plus  lointaine,  Wentworth  Castle,  à  Stainborough, 
près  de  Barnsley,  Yorkshire  (173  milles  de  Londres);  les  héritiers  en 
changèrent  le  nom  en  Stainborough  Hall. 

■*  Lellrcs,  C.  Strafford  à  Rousseau,  2i:'>  mars  1766,  1. 

»  Œuvres,  t.  ,X1,  p.  32-j,  a  MilorJ  \Stmfford],  7  avril  1-G6.  Lettres, 
C,  Straffoi-d  à  Rousseau,   10  et  24  avril  1766,  II,  III. 

'i  Lettres,  C,  .Ualthus  à  Rousseau.  26  fév.  1766,  IV,  P.  S.  —  Charles. 
«)"'•  baron  Cathcart  (17^1-1776),  épousa  en   1753  Jean,   fille  de   l'amiral 


SÉJOUR  DE  J.  .1.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       27 

•cawen,  veuve  de  l'amiral  \  et  combien  encore  dont  nous 
ne  savons  rien^  Mentionnons  les  entrevues  plus  inti- 
mes avec  M.  de  Luze^,  avec  Jean  Rousseau^  avec  le 
pasteur  suisse  Antoine-Jacques  Roustan^;  Bruhl  s'at- 
tira un  accueil  très  froid*'. 

De  son  côté,  Rousseau  retourna  quelquefois  à  Lon- 
dres, chez  Allan  Ramsay^  qui  peignait  son  fameux  por- 
trait en  costume  arménien^. 

Chiswick  n'était  acceptable  qu'à  titre  passager,  aussi 
Hume  continuait-il  ses  recherches.  Longtemps,  milord 
Maréchal  proposa  la  Cornouaille  et  plus  spécialement 
Falmouth  ;  puis  il  vanta  l'établissement  chez  le  baron 
Wolf,  près  de  Plymouth'',   tandis   qu'un   certain  Stan- 


Lord  Archibald  Hamilton  et  sœur  du  fameux  ambassadeur  anglais  près 
la  cour  de  Naples.  Lord  Cathcart  vint  d'Ecosse  à  Londres,  en  l'/GG,  pour 
■conduire  à  Eton  son  fils  William  Shaw  (1755-1843). 

'  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  278,  de  Ilnyne,  fév.  1766,  II.  —  Elle  habi- 
tait alors,  à  Richmond,  Rosedale,    l'ancienne  villa  du   poète  Thomson. 

-Œuvres,  t.  XI,  p.  3i8,  à  Guy,  29  mars  1766.  Churton  Collins  rc- 
tîiarque  que  Rousseau  dut  souffrir  dans  sa  vanité  de  recevoir  dans  le 
bel  appartement  de  Stewart  et  qu'il  aurait  estimé  plus  flatteur  que,  dif- 
férées, ces  visites  le  trouvassent  dans  sa  sordide  demeure  deChiswick; 
two  squalid  rooms  in  a  farmer's  cottage,  o.  c,  p.  207.  On  voit  ce  que 
vaut  cette  observation  d'un  auteur  qui  n'ai  nie  pas  son  héros. 

•'  Œuvres,  t.  XI,  p.  Sog,  à  Mme  de  Boiifflers,  6  fév.   1766. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  33o,  à  F.  H.  Rousseau,  10  avril  1766;  et,  Lettres,  C, 
Jean  Rousseau  à  Rousseau,  17  nov.  1766,  V,  §  i. 

s  Lettres,  C,  Roustan  à  Rousseau,  28  août  1766,  1.  Roustan  (1734- 1808), 
adjoint  le  iS  avril  1764  à  Antoine  Bugnion,  pasteur  de  l'Eglise  helvé- 
tique à  Londres.  Roustan  est  l'auteur  de  l'Offrande  aux  autels  et  à  la 
patrie,  Amsterdam,  1764,  8°,  en  réponse  au  chapitre  VIII  du  V'""  livre 
du  Contrat  social.  Rousseau  le  tenait  en  singulière  estime;  Œuvres, 
t.  XI,  p.  388,  à  Roustan,  7  sept.  1766. 

0  Œuvres,  t.  XI,  p.  409,  à  Du  Peyrou,  8  janv.   i7r)7. 

7  Harley  Street,  67. 

«  Œuvres,  t.  IX,  p.  179,  Rousseau  juge,  etc.,  i""«  Dialogue.  Streckeisen, 
■CI.  c,  t.  II.  p.  279,  de  Hume,  fév. -mars  1766,  IV.  Ramsay  avait  pour 
patron  Lord  Bute  qui,  nous  l'avons  vu,  s'intéressait  à  Rousseau. 

s  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  141,  17  déc.  176D,  LXXIV;  p.  142,  6  janv. 
1766,  LXXV;  p.    142,  26  fév.,  LXXVI. 


28  ANNAI.KS   1)K    l.A    SOCU'TK  .1.    .1.    ROUSSEAU 

ley  renouvelait  les  oifres  faites  en  1762  de  sa  propriété 
dans  l"ile  de  Wight*.  La  Cornouaille  n'entra  pas  en 
considération,  Tile  de  Wight  déboisée  et  balayée  par 
les  vents,  fut  écartée.  Cependant  les  offres  de  résiden- 
ces aflluaient  ^  :  il  se  trouva  une  foule  de  propriétaires 
désireux  de  posséder  cet  homme  illustre  et  de  tirer 
gloire  de  sa  présence,  ou  anxieux  de  réparer  les  injus- 
tices du  sort  envers  lui.  De  là  une  correspondance  ac- 
tive —  dont  nous  présentons  un  échantillon  nouveau*  — 
et  force  discussions  sur  les  mérites  et  les  désavantages  des 
demeures  proposées;  s'agissait-il  de  localités  voisines?  on 
les  visitait^  avant  de  vouloir  s'engager  et  ce  nouvel  em- 
barras^ rendait  plus  opportune  une  prompte  solution. 
A  ce  moment.  Hume  fut  pressenti  par  un  fort  hon- 
nête homme,  d'ailleurs  riche,  Davenport,  qui  disposait 
d'une  ou  deux  propriétés  et  consentait  à  les  louer  à 
des  conditions  excellentes  :  la  démarche  provenait  d'une 
affectueuse  admiration".  Davenport  profita  de  la  séance 
de  peinture  chez  Ramsay  pour  y  rencontrer  Rousseau, 
déjà  averti,  et  le  presser  d'accéder  à  son  désir  (samedi 
1*''  mars'.  Rousseau    réserva  sa    réponse,   car  il  devait 

1  Streckeiseii,  p.  c,  t.  II,  p.  5o,  de  Mme  de  Boufjlers,  22  oct.  17132,. 
XVII.  — Œiivj-es,  t.  XI,  p.  SoQ,  à  Mme  de  Boiifflers,  6  fév.   1766. 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  355,  <^  Hume,  10  juillet  1766. 
■'■Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  24-27  fév.   1766,  III-V. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i6,  à  Du  Peyrou,  14  mars  1766. 

*  Jd.,  t.  XI,  355,  à  Hume,  1,0  juillet  1766. 

"  Id.,  t.  XI,  p.  356,  à  Hume,  10  juille.t  1766.  ' 

'  Sftreckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  278,  de  Hume,  fév.-mars  1766,  IV.  — 
Ce  billet  nous  semble  du  26  iéwinr;  Lettres,  C.  Malthus  à  Rousseau, 
3(3  fév.,  IV.  La  date  du  i"'  mars  se  déduit -aisément  ;  les  propositions  de 
Davenport,  s'ajoutant  à  celles  de  Malthus,  causèrent  quelque  perplexité 
a  Rousseau,  dont  la  lettre  du  2  mars,  à  Du  Peyrou,  fournit  un  écho: 
«  chacun  me  tiraille  de  son  côté  ;  et,  quand  je  prends  une  résolution^ 
tous  conspirent  à  m'en  faire  changer.  Je  compte  pourtant  être  absolu- 
ment   déterminé    dans  -moins  de  quinze  jours.»  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i5. 


SEJOUR   DE  J.   .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  2g 

aller  huit  jours  plus  tard  constater  sur  place  le  résultat 
des  recherches  de  Malthus  en  Surrey. 

Dès  le  i6  janvier,  le  Révérend  Daniel  Malthus  ^  avait 
mis  sa  maison  au  service  de  Jean-Jacques,  par  manière 
de  reconnaissance  pour  Taccueil  rencontré  à  Môtiers,  en 
1764^.  Ainsi  débuta  une  correspondance,  peu  active, 
qui  se  prolongea  jusqu'en  février  1768^  et  dont  l'An- 
glais fit  presque  tous  les  frais  ;  animé  d'un  vif  esprit 
d'indépendance,  il  lui  fallut  parfois,  devant  le  silence 
du  maître,  violenter  son  amour-propre  avant  de  re- 
prendre la  plume  ;  il  ne  s'en  cache  point  et  définit  net- 
tement leur  situation  respective,  qu'il  qualifie  d'unique: 
il  sera  un  fils  respecteux*,  Rousseau  doit  être  un  père, 
dont  l'honneur  est  engagé  à  dispenser  à  son  enfant  son 
affection  protectrice. 

Encore  que  le  17  février  lui  fût  né  un  garçon,  Tho- 
mas Robert^,  Malthus  déploya  une  activité  considéra- 
ble durant  tout  ce  mois-là,  parcourant  sa  province, 
pénétrant  dans  les  fermes,  observant,  questionnant, 
furetant,  écrivant'*;  muni  d'une  liste  d'habitations  bien 
fournie,  il  invita  Rousseau  à  séjourner  chez  lui^  et  à 
rayonner  aux  environs-  jusqu'à  ce  qu'on  rencontrât 
l'abri   idéal.    Cette  expédition   occupa    les   journées  du 


1  lySo-iSoo. 

'-  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  16  janv.   1766,  I,  g  i . 

■■  Nous  verrons  qu'elle  dut  reprendre  plus  tard,  en  1770;  ces  derniè- 
res lettres  nous  sont  inconnues. 

■•  On  trouvera  un  exemple  de  sa  sensiblerie  et  même  de  son  caractère 
faible  dans  des  extraits  de  lettres  à  son  fils  Thomas,  publiés  p^vVEdin- 
burg  Review,  1837,  vol.  LXIV,  pp.  475,  476. 

^  Le  futur  économiste  du  Traité  sur  le  Principe  de  la  Population. 

"  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  24,  26,  27  fév.  1766,  III- V. 

'  Id.,  27  fév.,  IV. 

«  Id.,  29  mars,  VIII,  g  i  :  i--  avril,  IX,  g  2. 


3o  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ  J.  J.    ROUSSEAU 

samedi  8  et  du  dimanche  9  mars  ^  ;  Thérèse  était  de  la 
partie,  ainsi  que  Hume-.  On  passa  la  nuit  chez  le  colo- 
nel Webb^;  le  site  plut  tant  que  Rousseau  pensa  ache- 
ter cette  propriété*,  voisine  du  bourg  de  Dorking\ 
Le  lendemain  la  promenade  reprit  dans  cette  admira- 
ble région  de  collines  et  de  vallons  gracieux,  boisés  et 
verdoyants,  toute  peuplée  de  villas  ;  on  visita  divers 
domaines  et  l'agrément  de  ceux  appartenant  à  M.  J03' 
et  à  M.  Constable  attira  Tattention  de  Jean-Jacques,  qui 
autorisa  l'ouverture  de  négociations  en  vue  d'un  bail  •■•. 
Il  accorda  la  même  permission  à  l'égard  de  ^^'ootton 
Place,    propriété  de  Sir  John   Evelyn.    baronnet,  sise 


*  Nous  déduisons  ces  dates  du  billet  suivant  de  Hume  k  Strahan. 
Birbeck  Hill,  o.  c,  p.  -j3,  letterXXIV: 

[London,  early  in  1766.] 
Dear  Strahan, 

Is  it  not  strange  that  you  and  I  hâve  net  yet  met  ?  I  hâve  been  so 
hurry'd  both  with  my  own  AfFairs  and  with  Mon"-  Rousseau's,  that  I 
can  excuse  myself:  But  I  own  that  I  hopd  your  Leizure  would  allow 
you  to  corne  hither.  I  go  out  of  town  to  morrow  and  Sunday  :  As  soon 
as  I  corne  back  I  propose  to  beat  up  your  Quarters.  My  compliments  ta 
M"  Strahan.  Vours  sincerely  David  Hume. 

Buckingham  Street,  York  Buildings,  M"  Adam's.  Friday. 

Donc  Humc'sera  absent  de  Londres  un  samedi  et  un  dimanche  ;  s'il 
s'agit  de  la  visite  à  Malthus  —  comme  le  croit  Birbeck  Hill  —  rien  de 
plus  aisé  que  de  dater  ce  billet  et  cette  visite.  En  effet,  Rousseau  en 
parle  le  vendredi  14  mai  comme  d'une  chose  passée  :  Œuvres,  t.  XI, 
p.  3  16;  d'autre  part  il  n'en  dit  rien  dans  les  lettres  précédentes,  en  par- 
ticulier dans  celle  du  dimanche  2  mars*;  id.,  t.  XI,  p.  314;  force  est 
de  la  placer  entre  le  2  et  le  14  et,  nécessairement,  au  samedi  8  et  au 
dimanche  9.  —  Le  billet  de  Hume  serait  donc  du  7  mars. 

'-  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  18  juillet  1766,  X. 

■'  Cf.  p.  17,  note  5. 

■•  A  Concise  Account  of  the  Dispute  between  M'  Hume  and  M'  Rousseau. 
p.  II. 

■^  A. 23  milles  au  sud' de  Londres. 

^Lettres,  C,  Malthus  a  Rousseau,  12  mars  1766. 


SEJOUR   DE  J.   .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  ?\ 

près  de  Wooton,  à  deux  milles  de  Dorking,  sur  la  route 
de  Guildford^ 

La  journe'e  fut  gâtée  par  une  véritable  suite  d'impor- 
tuns-, et,  tard  dans  l'après-midi,  on  arriva  à  la  cure 
de  Rookery,  maison  isolée  dans  le  vallon  de  Mereden, 
à  un  mille  au  sud  de  Wooton,  et  entourée  d'un  parc 
charmant  dû  à  l'industrie  de  Malthus  lui-même  qui  n'y 
avait  trouvé  qu'une  ferme  ^,  sept  ans  plus  tôt,  mais  avait 
habilement  utilisé  le  relief  du  sol  et  les  eaux  courantes 
pour  se  créer  une  retraite  paisible  et  gaie  tout  à  la  fois. 
En  dépit  des  instances  de  Malthus  et  de  sa  femme,  qui 
tentèrent  de  faire  agréer  leur  demeure  et  d'être  les  «fer- 
miers »  tant  vantés  dans  les  lettres  ^  Rousseau  repartit 
le  soir  même  pour  Chiswick. 

De  cette  expédition  il  emportait  surtout  l'impression 
des  beautés  du  Peak  de  Derb3^shire  que  Malthus  lui  avait 
signalées  avec  l'orgueil  d'un  enfant  du  pays^;  le  nom 
du  village  de  Wooton  que  Ton  avait  traversé  fut  pour 
Rousseau  un  prétexte  naturel  à  mentionner  les  avan- 
ces de  Davenport  et  sa  résidence  de  Wootton  en  Staf- 
fordshire,  dans  le  Peak  ;  son  hôte  s'était  alors  lancé 
dans  la  description  de  sa  contrée  natale  avec  d'autant 
plus  d'entrain  que  Rousseau  lui  parut  peu  favorable  au 
séjour  en    Surrey,    à   cause  de  la  proximité  de  la  capi- 

1  «  Died  yesterday,  at  his  Seat  at  Wooton  in  Surrey,  Sir  John  Evelyn, 
Bart.,  First  Commissioner  ofthe  BoardofGreen  Cloth.  »  The  S^  James' s 
Chronicle,  n»  970,  May  19-21,  1767.  —  Paterson,  D.  A  New  and  Accu- 
rate  Description  of  ail  tlie  Direct  and  Principal  Cross  Roads  in  Great 
Britain.  i8">  éd.  London,  1829,  8°,  p.  524. 

-  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  29   mars  1766,  VII;  i*''  avril,  IX. 

•^  Chert-gate.  Malthus  habita  la  Rookery  de  1759  à  1768,  époque  à 
laquelle  il  se  fixa  à  Dorking.  Timbs,  .1.  A  Picturesqtte  Promenade  round 
Dorking.  London^   1822,  in- 16,  pp.    172,  173. 

*  Lettres,  C,  Malthus  à  Thérèse  Le  Vasseur,  i3  mars  1766,  VII. 

•'  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,   i"  avril  1766,  IX. 


32  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

tale^  Hume  dut  faire  la  grimace;  une  fois  déjà,  dans 
les  tout  premiers  jours  passés  à  Londres,  un  plan  com- 
mode avait  échoué  par  le  refus  catégorique  de  Town- 
send,  l'hôte  en  vue,  de  recevoir,  à  sa  table  de  famille, 
Thérèse,  que  Rousseau,  y  voulait  absolument  avec  lui  ; 
cette  obstination  —  tout  à  Thonneur  de  Jean-Jacques 
—  devint  une  gêne  réelle  dans  les  projets  d'établis- 
sement, à  mesure  que  les  renseignements,  réels  ou 
fictifs,  sur  Thérèse,  croissaient  en  nombre  et  en  vo- 
lume*. 

Pourtant,  Malthus  gardait  quelque  espoir:  un  mot 
de  Rousseau,  du  lomars,  l'anéantit^  :  celui-ci  se  déci- 
dait définitivement  pour  une  maison  solitaire,  située 
dans  une  région  écartée,  au  centre  de  l'Angleterre,  pour 
la  maison  de  Davenport,  en  un  mot,  pour  Wootton  ; 
une  entrevue  décisive  avait  eu  lieu  chez  Davenport  lui- 
même,  en  Piccadilly^ 

Dans  les  quatre  derniers  jours,  sur  la  recommanda- 
tion de  Hume,  il  accorda  une  séance  d'une  demi-heure 
à  Gosset,  qui  modela  à  la  cire  son  portrait  pour  un  relief 
en  plâtre^;  Jean-Jacques,  charmé  de  la  fidélité  de  l'œu- 
vre, en  destina  un  exemplaire  à  Du  Peyrou  *. 


1  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i6,  à  Du  Peyrou,  14  mars  176G. 

'■^  Hume,  Priv.  Corr.,  p.  127,  à  Mme  de  Boufflers,  19  janv.  1766. 

^  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  12  mars  1766,  VI. 

*  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  3i  octobre  1767,  XLIII,  g  2  :  «  a 
much,  larger  house  than  the  smaU  one  ybu  saw  me  in.  »  Or,  Rousseau 
ne  put  aller  chez  Davenport  qu'au  moment  des  pourparlers  ;  plus  tôt, 
il  ne  le  connaissait  pas  ;  plus  tard,  il  se  rendit  directement  de  Chiswick 
chez  Hume  puis  à  Wootton,  et  lors  du  retour  en  France  ne  s'arrêta  pas  à 
Londres. 

5  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  279,  de  Hume,  mars  1766,  V.  Isaac  Gosset, 
l'Ancien  (171  3-1799),  rnodeleur  de  cire. 

6  Œuvres,  t.  XI,  p.  32o^à  Du  Peyrou,  29  mars  1766.  Streckeisen,  o.  c, 
X.  II,  p.  281,  de  Hume,  22  mars  1766,  Vil  ;  27  mars,  VIII. 


SÉJOUR    DE    f.   .1.    ROUSSEAU   EN    ANGLETERRE  33 

Enfin,  le  mardi  i8  mars,  Rousseau,  Thérèse,  Sul- 
tan, les  bagages,  partaient  l'après-midi*  pour  Londres 
dans  la  voiture  de  Davenport-;  ayant  décliné  l'invita- 
tion à  dîner  du  général  Gonwa}^  et  de  Lady  Ayles- 
bury  —  bien  que  Thérèse  y  fût  priée  '  —  ils  se  ren- 
dirent directement  chez  Hume  pour  y  passer  la  nuit. 
Cette  soirée,  la  seule  et  unique^  que  Rousseau  vécut  à 
Lisle  Street^,  fut  émouvante  pour  les  deux  philosophes, 
et.  à  plusieurs  égards,  détermina  leurs  rapports  futurs; 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i8,  à  Guy,  i8  mars  17Ô6. 

-  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  280,  de  Hume,  [17]  mars,  VI. 

•  Voici  la  lettre  de  Rousseau  à  Hume,  publiée  par  Burton,  o.  c,  t.  Il, 
p.  3n5,  note  2,  sans  date:  elle  est  du  17  mars. 

Le  Lundi  Soir  [17  mars  1766.] 
Je  vous  supplie,  mon  très  cher  patron,  de  vouloir  bien  m'excuser  au- 
près de  Myladi  Ailesbury  et  de  Mr.  Le  Général  Conway.  Je  suis  malade, 
et  hors  d'état  de  me  présenter,  et  Mademoiselle  Le  Vasseur,  très  bonne, 
et  très  estimable  personne,  n'est  point  laite  pour  paroître  dans  les 
grandes  compagnies.  Trouvez  bon,  mon  très  cher  patron,  que  nous 
nous  en  tenions  au  premier  arrangement  et  que  j'attende  dans  l'après- 
midi  le  carosse  que  M.  Davenport  veut  bien  envoyer.  J'arrive  suant  et 
fatigué  d'une  longue  promenade  ;  c'est  pourquoi  je  ne  prolonge  pas  ma 
lettre  :  vous  m'avez  si  bien  acquis  et  je  suis  à  vous  de  tant  de  maniè- 
res que  cela  même  ne  doit  plus  être  dit.  Je  vous  embrasse  de  toute  la 
tendresse  de  mon  cœur. 

J.   J.    ROUSSKAL . 

*  Rousseau  a  varié  sur  la  durée  de  cette  hospitalité.  Œuvres,  t.  XI, 
p.  328,  à  Mme  de  Boufflers.  9  avril  1766  :  «J'ai  eu  le  malheur  de  loger 
deux  jours  chez  M''  Hume,  venant  de  la  campagne  à  Londres.  »  Id., 
t.  XI,  p.  341,  â  Malesherbes,  10  mai:  «J'ai  logé  deux  ou  trois  nuits 
avec  ma  gouvernante  dans  cette  même  maison,  chez  M"^  Hume.  » 
Id.,  t.  XI,  p.  358,  à  Hume,  10  juillet:  «J'ai  logé  quelques  nuits  dans 
cette  maison,  chez  M"^  Hume  avec  ma  gouvernante.  »  La  date  d'arrivée 
à  Wootton,  22  mars,  après  4  jours  de  voyage  (Id.,  t.  XI,  p.  38o,  à 
Mme  de  Verdelin,  août  1766),  désigne  irréfutablement  le  19  comme 
jour  de  départ  de  Londres,  ce  que  lui-même  dit  ailleurs:  Id.,  t.  XI, 
p.  3g5,  à  Du  Peyrou,  4  oct.  1766. 

^  Une  ou  deux  dates  de  lettres  nous  permettent  d'affirmer  que  Hume 
habitait  bien  alors  Lisle  Street.  Hume,  Priv.  Corr.,  p.  142,  à  la  M"'  de 
Barbantane,  16  fév.  1766.  —  Streckeisen.,  0.  c,  t.  II,  p.  280,  de  Hume, 
Lisle  Street,  22  mars  1766,  VII. 


34  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

après  avoir  soupçonné  Hume  de  vouloir  l'humilier, 
Jean-Jacques  se  jeta  à  son  cou  dans  un  accès  de  repen- 
tir ',  mais  le  cœur  blesse'  à  jamais  par  l'accueil  froid 
des  gens  de  la  maison  et  l'esprit  terrifié  du  voisinage 
immédiat  de  Tronchin,  le  fils  du  «jongleur»-'. 

Le  lendemain',  mercredi  19  mars*,  Rousseau  s'éloi- 
gnait de  Londres,  dans  la  fameuse  chaise  de  retour  que 
son  nouvel  hôte.  Davenport,  mettait  à  sa  disposition 
avec  une  générosité  discrète  qui  lui  fut  amèrement  re- 
prochée '.  Quoique  nous  n'ayons  pas  dans  la  correspon- 
dance l'indication  de  l'itinéraire,  nous  pouvons  sans 
crainte  admettre  que  la  voiture  emprunta  la  grande 
route  de  Holyhead  par  Barnett,  S^  Albans,  Dunstable 
jusqu'à  HocklitF  011  elle  s'engagea  sur  le  Manchester 
Road  '',  en  traversant  Woburn,  Northampton.  Har- 
borough.  Loughborough  :  à  Derby  ^  elle  prit  l'em- 
branchement^ de  i3  milles  qui  conduisait  à  Ashbourne 

»  Burton,  u.  c,  t.  II,  p.  3i2.  Hume  à  Blair,  25  mars  1760.  Hume, 
Priv.  Corr.,  p.   i  5o,  à  Mme  de  Boufflers,  25  mars. 

=•  Lettres,  CjJean  Rousseau  à  Rousseau,  17  nov.  1766  ;  \',  ?  i.  —  Œu- 
vres, t. .XI,  pp.  358,  359,  1^  Hume,  10  juillet  1766. 

•'■  Œuvres,  t.  XI,  p.  359,  à  Hume,  10  juillet  1766:  «  je  sens  que  mou 
cœur  se  resserre;  nous  allons  nous  coucher,  et.  je  pars  le  lendemain 
pour  la  province,  n 

*  Œuvres',  \..  XI,  p.  395,  à  Du  Peyrou,  4  oct.  1766  :  «  Or,  au  commen- 
cement de  mars,  j'étois  encore  à  Londres,  d'où  je  ne  suis  parti  que  le  19 
pour  ce  pays.  » 

*  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  22  mars  1766,  II,  P.  6. 

6  Paterson,  D..  A  New  and  Accurate  Description  of  ail  the  Direct  and 
Pvincipal  Cross  Roads  in  Grc(it  Britâin,  London,  1771,  80. 

''  Depuis  1760,  la  rivière  Derwent  avait  été  rendue  navigable  jusqu'à 
la  Trent  :  le  mouvement  de  batellerie  ne  pouvait  déplaire  à  un  enfant 
de  Genève,  élevé  au  bord  du  lac. 

s  De  Derby  le  Manchester  Road  poursuivait  vers  le  nord  par  Weston 
IJnderwood,  Brassington,  Buxton,  Distley  et  Manchester,  laissant  ainsi 
Ashbourn  sur  la  gajiche.  Paterson,  0.  c,  1771,  P-   60. 

L'atlas  de  Kitchen  (1773)  marque  nettement  cette  situation  d'Ashbourne 
hors  de  la  grande  voie  Londres-Manchester,  et  un  passage  d'une  lettre 


SÉJOUR  DE  .1.   i.    ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE  35 

qu'un  chemin  vicinal  de  4  Y2  milles  reliait  à  Wootton. 
Rousseau  employa  4  jours  à  ce  trajet  de  144  milles  ^ 
dont  il  garda  un  bon  souvenir^;  les  nuitées  probables 
sont  Dunstable  (84  milles),  Northampton  ^  (32  milles), 
Loughborough  (44  milles),  enfin  Wootton  i'ib  milles) 
dans  le  comté  de  Staiford^. 

II.  Wootton. 

D'Ashbourne  la  route  se  dirige  vers  la  Dove,  la  fran- 
chit à  Mayfield  et,  longeant  en  une  ascension  graduelle 
le  versant  de  la  colline,  s'approche  de  Calwich  Abbey, 
redescend  et  traverse  le  village  d'Ellastone,  chef-lieu  de 
la  paroisse  dont  Wootton  est  un  hameau.  Près  de  l'é- 
glise gothique  et  de  son  cimetière  antique,  un  chemin 
creux,  fort  en  pente,  passe  sous  de  hauts  arbres,  et  bien- 
tôt, gravissant  la  pente,  borde  le  parc  de  Wootton  Hall  : 
de  vastes  prairies  en  contre-bas  s'animent  à  peine  par 

de  Rousseau  confirme  que  de  ce  fait  les  relations  postales  étaient  com- 
pliquées, et  peu  fréquentes.  Œuvres,  t.  XI,  p.  32o,  à  Du  Peyrou, 
29  mars  1766;  p.   32  2,  ii  Coiudet,  29  mars. 

1  Œuvres,  t.  XI,  p.   38o,  à  Mme  de  Verdelin,  août  1766. 

'^  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  22  mars  1766,  11^  g  i . 

'•  L'hôtellerie  principale  était  0  The  George,  which  looks  more  like  a 
Palace  than  an  Inn.  »  Paterson,  o.  c  ,  18*''  Ed.,   1829,  p.  417. 

■i  Tous  les  historiens  —  même  anglais  —  de  Rousseau  placent  Woot- 
ton en  Derbyshire,  ou  alors  ne  précisent  point  sa  position  géographi- 
que. Nous  nous  sommes  assurés,  sur  des  cartes  de  l'époque,  qu'aucun 
changement  de  limites  n"était  survenu  depuis  le  XVIII«  siècle.  M.  Théo- 
phile Dufour  a  évité  cette  erreur  f Annales  de  la  Société  J.  ./.  Rousseau. 
t.  IV,  Introduction,  p.  \iv.)  D'où  provient-elle  ?  Vraisemblablement 
de  ce  que  toute  cette  région  montueuse  se  nomme  Peak  of  Derbyslnre, 
quoiqu'elle  franchisse  les  frontières  du  Derby  ;  elle  a  été  perpétuée  par 
Rousseau  lui-même  qui  date  plusieurs  lettres  de  Wootton  en  Derbyshire 
(Œuvres,  t.  XI,  pp.  3i6,  319,  32i)  ou  indique  à  ses  correspondants  l'a- 
dresse suivante  :  Wootton.  Ashbournbag,  Derbyshire.  Id.,  t.  XI.  p.  348: 
Bosscha,  0.  c,  p.  273,  20  déc.  1766,  n"  143)  c'est-à-dire  Wootton, 
sac  [postal]  d'Ashbourn,  comté  de  Derby;  il  faut  comprendre:  Wootton 
[Staffordshire]  par  Ashbourn  [Derbyshire.] 


!î(S  ANNALES   DE    LA    SOCIETE  J.    J.   ROUSSEAU 

la  marche  indolente  des  vaches  rousses  que  l'herbe 
abondante  et  les  bosquets  e'pars  retiennent,  dociles, 
dans  leur  pâturage  ;  le  chemin  se  divise,  une  branche 
pénètre  dans  le  domaine. 

D'abord  en  palier,  l'allée  s'accidente  :  ici,  deux  bancs 
de  rocher  s'entrouvent  pour  elle  ;  là,  elle  enjambe,  sur 
l'arche  moussue  d'un  vieux  pont  de  pierre,  l'entrée  du 
vallon  qui  s'élargit  et  se  creuse  au  nord-ouest:  elle  de- 
vient avenue  et  s'élève  en  tournant  sur  le  flanc  boisé 
de  la  vallée  minuscule  :  chênes,  noyers  et  sapins  alter- 
nent. Soudain,  haut  sur  le  ciel,  entre  les  branches 
éclaircies,  apparaît  la  maison;  un  pas  encore  et  la  vi- 
sion s'efface  :  nouveaux  taillis  et  prairies  nouvelles.  Le 
groupe  des  dépendances  surgit  par  dessus  la  haie  et  la 
façade  italienne  du  Hall  illumine  de  sa  grâce  les  gazons 
ras  et  sombres.  A  droite  un  jet-d'eau  égaie  la  pelouse 
et  le  rideau  sylvestre  qui  domine  le  ravin  profond  se 
déroule  jusqu'au  lointain  mur  de  pierres  sèches  qui  sé- 
pare le  parc  du  hameau. 

C'est  sous  un  ciel  maussade  que  Rousseau  arriva  k 
Wootton  avec  tout  son  équipage  ^  le  samedi  22  mars, 
dans  le  cou-rant  de  l'après-midi  ;  cérérnonieusement  sa- 
lué par  'le  concierge,  il  s'empressa  de  connaître  les 
êtres  delà  maison:  un  instant  de  repos  et  il  parcourt, 
par  un  vent  violent,  les  alentours  immédi-ats  qu'un 
premier  coiip  d'œil  au  passage  lui  avait  révélés  pitto- 
resques et  romantiques. 

Le  lendemain,  dimanche  23,  une  clarté,  étrange  à  pa- 
reille heure,  l'éveilla  :  les  derniers  flocons  d'une  épaisse 
chute  de  neige  tombaient  encore  :   elle  ne  retint  pas  le 

'  Œuvres,  t.  XF,  p.  Sai.à  Du  Peyinii,  29  mars  1766. 


38  ANNALES    DE   I.A    SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

voiturier  qui  partit  dans  raprès-midi  pour  Londres. 
Il  n'emportait  pas  qu'un  pourboire  :  sa  sacoche  conte- 
nait deux  lettres,  une  à  Hume'  et  l'autre  à  Davenport*, 
écrites  dès  l'arrivée  :  Rousseau  se  félicite  de  sa  de- 
meure, jure  d'y  mourir.  A  Davenport  il  exprime  avec 
émotion  sa  reconnaissance  ;  mais  dans  le  post-scriptum, 
poli,  il  déplore  énergiquement  la  libéralité  importune 
de  la  chaise  soi-disant  de  retour,  qu'il  refuse  d'accepter 
et  qu'il  remboursera  ;  la  franchise  par-dessus  tout  : 
Vitam  impendere  ifer^o^.  Trait  caractéristique  ;  sans  plus 
attendre,  Rousseau  règle  les  questions  de  ménage  : 
Stewart  devra  établir  la  facture  des  dépenses  faites 
pour  lui  *  ;  puis  il  précise  son  sj'stème  de  défense  con- 
tre les  indiscrétions  de  la  poste,  et  d'économie  au  cha- 
pitre des  affranchissements  :  Davenport  retiendra  à  Lon- 
dres toutes  les  lettres  à  lui  adressées  et  les  lui  appor- 
tera quelques  semaines  plus  tard,  en  personne  ^,  Hume 
subissant  cette  mesure  comme  tout  le  inonde".  Telles 
furent  les  premières  heures  à  Wootton. 

•  Œuvres,  t.  Xi,  p.   3iS,  22  mars  176Ô. 
^Lettres,  A,  22  mars  1766,  II. 

■'•  Davenport.  s'excusa  avec  bonté  de  cette  supercherie;  Lettres,  B, 
:•'  avril  1766.  I.  A  comparer  avec  ce  passage  de  D'Escherny,  Œuvres 
philosophiques,  historiques,  etc.,  Paris,  1814,  t.  I,  p.  83  :  «Je  [Rousseau] 
n'aime  pas  qu'on  me  trompe,  même  pour  mon  bien.  » 

*  Stewart  l'avait  présentée  le  20,  à  Hume,  qui  l'acquitta.  ^Streckeisen, 
o.  c,  t.  II,  p.  280,  22  mars  1766,  VII.  —  Burton.  0.  c,  t.  II,  p.  321, 
note  4,  publie  la  réponse  de  Rousseau,  qui  serait  urte  partie  inédite  de 
la'lettredu  29  mars  publiée  dans  Œuvres,  t.   XI,  p.  3iS,  à  Hume  : 

«  Je  vous  suis  obligé  d'avoir  bien  voulu  solder  le  mémoire  de  M.  Stuart. 
Jy  trouve  deux  articles  qui  ne  sont  pas  de  ma  connaissance.  L'un  de 
Lst.  1 .  14  pour  du  café,  et  l'autre  de  5  sh.  pour  un  moulin.  Il  est  vrai 
que  M.  Stuait  avoit  bien  voulu  se  charger  de  ces  commissions,  mais  je 
ne  les  ai  point  reçues  ni  avec  mon  bagage  ni  autrement,  et  n'en  ai  aucun 
avis  que  par  son  mémoire.  » 

'•  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3i  mars  1766,  III. 

«   Œuvres,  t.  XI,  p.  3i8,  à  Hume,  22  mars  1766. 


SÉJOUR   DK   .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGF.ETERRE  3y 

La  maison,  très  isolée,  élève  sur  une  pente  gazon- 
née  sa  triple  masse  :  un  corps  central  flanqué  de  deux 
ailes  ;  actuellement,  elle  comporte  un  rez-de-chaus- 
sée et  un  étage,  sauf  une  aile  qui  en  a  deux  ;  le  toit, 
plat,  s'orne  d'une  balustrade  et  quelques  cheminées 
cubiques  le  surmoment  ^  Sur  la  façade  principale  se 
projette  un  avant-corps  percé  de  fenêtres  des  trois  cô- 
tés :  au  rez-de-chaussée  se  trouvait  la  chambre  à  cou- 
cher de  Davenport.  au  premier  celle  de  Rousseau,  dont 
Fappartement  à  l'étage  se  complétait  d'une  deuxième 
chambre  contiguë  et  dun  salon  inoccupé,  situé  sur  le 
derrière  de  la  maison,  de  l'autre  côté  d'un  vestibule 
qu'éclairait  un  plafond  vitré". 

L'ameublement  de  Rousseau  était  simple  :  un  lit  à 
paillasse  '.  une  table,  des  chaises,  et,  luxe  indispensa- 
ble, une  épinette*  :  la  chambre  de  Thérèse,  la  plus  pe- 
tite, renfermait  deux  lits^.  une  commode  et  une  ar- 
moire servant  de  bibliothèque'*. 

De  leurs  fenêtres,  ils  voient  à  leurs  pieds  la  terrasse 
qui  surplombe  le  vallon  boisé  au  ruisseau  bruyant  et, 
plus  loin,  un  immense  panorama  de  prés  bordés  d'ar- 

'  Churton  Collins  en  publie  deux  vues  modernes,  o.  c,  pp.  221,  248. 
Neaie,  J.  P.  Views  of  the  Seats  of  Noblemen  and  Gentlemen  of  England, 
Wales,  Scotland,  and  Ireland.  London,  1821,  t.  IV,  donne  une  gravure 
reproduite  par  le  Bookman,  vol.  XXXI,  n»  184,  Janv.  1907,  p.  172, 
avec  la  légende  :  Wootton  Hall  ;  le  texte  parle  du  séjour  de  Rousseau. 
Or  cette  planche  ne  saurait  représenter  la  demeure  de  Davenport  ;  en 
réalité,  —  nous  l'avons  vérifié  sur  place,  —  il  y  a  eu  confusion  avec 
Wootton  Lodge,  résidence  située  à  2  milles  au  sud-ouest  du  hameau 
de  Wootton. 

-  Δirres,  t.  XI,  p.  334,  ^  Mme  de  Lu:[e,  10  mai  1766. 

■  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  1"  avril  1766,  I»  §  3. 

*  Œuvres,  t.  XI.  p.  32 1,  à  Du  Peyrou,  29  mars  1766.  Burton,  o.  c, 
t.  Il,  p.  324.   Davenport  à  Hume,  14  mai  1766. 

*  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  19  avril  1760,  VI,  g  2. 

'■■  Id.,  Rousseau  à  Davenport,  3o  avril  1767.  XXXVIII,  P.  S. 


ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

bres  et  de  cultures,  qu'égayent  plusieurs  nobles  rési- 
dences et  des  chaumières  paysannes  ;  au  nord,  le  sa- 
lon donne  sur  une  pelouse  qui  meurt  à  la  lisière  de  la 
forêt  dominée  par  le  dôme  herbeux  de  Weaver  Hills. 

C'est  dans  cette  contrée,  aux  lignes  arrondies,  aux 
horizons  étendus  et  paisibles,  aux  ombrages  touffus  vi- 
vifiés par  les  ruisseaux  limpides,  que  vécurent  Adam 
Bede  et  Dinah,  là  que  la  pauvre  Hetty  vit  naître  et 
mourir  son  amour  ^ 

Les  domestiques  s'empressèrent  "^  autour  d'un  maître 
si  splendidement  accoutré  de  fourrures  et  de  satin  \ 
encore  qu'ils  eussent  appris  sa  venue  de  mauvaise  grâce, 
car,  en  l'absence  de  Davenport  —  onze  mois  par  an* — 
ils  étaient  les  seuls  habitants  de  Wootton  HalP. 

La  surveillance  générale  appartenait  à  l'intendant 
Benjamin  Walton®,  chargé  dès  lors  de  tenir  les  comp- 
tes de  Davenport  avec  Rousseau  ',  pour  qui  il  faisait 
emplette  à  Ashbourne  de  diverses  denrées,  par  exemple 
le  sucre,  les  raisins^,  et  à  qui  il  fournissait  le  vin,  comme 
en  témoigne  le  Li7>re  de  Dépenses  de  Jean-Jacques'*. 

'  Dans  le  roman  de  George  Eliot,  Ellastone  s'appelle  Hayslope,  Ash- 
bourne, Oakbourne;  le  comté  de  Stafford  s'y  nomme  Loamshire  et  celui 
de  Derby,  Stonyshire;  cf.  Firth,  J.  B.,  Highways  and  Byways  in  Der- 
byshire.  London,  igoS,  8%  pp.  6i,  62.  —  Le  chapitre  II  AWdam  Bede 
contient  une  magnifique  description  du  paysage  que  Jean-Jacques  eut 
sous  les  yeux  durant  son  exil. 

-  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3i  mars  1766,  III. 

^  Rothschild,  o.  c.  lettres  n»^  II-V  (1762],  XI.  XIV-XVL  ii76:^>.  XXIX 
déc.  1765.) 

*  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  24  mars  1767,  XXX. 

'"  Burton,  o.  c,  t.   II,  p.  3i3,  Hume  à  Blair,  2  5  mars  1766. 

6  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  n"  VII,  XXVIII,  XXXVI  ;  Livre  de 
Dépenses,  XLVI.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  n»'  I.  II,  VIÎI, 
XXXVI. 

'  Lettres,  B,  DavenporJ  à  Rousseau,  aS  juillet  1767,  XLI. 

»*  Lettres,.  A,  Rousseau  à  Davenport,  9  fév.  1767,  XXXIII. 

*  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  août-octobre  1766.  XLVI. 


SÉJOUR  DH  J.  J.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       41 

En  sous-ordre,  un  couple  d'âge  mùr\  John  Cowper 
et  sa  femme  ^*,  dont  les  démêlés  conjugaux  arrachèrent 
à  Thérèse  les  quelques  mots  d'anglais  qu'elle  sut  ja- 
mais-'; quasi-indépendante,  la  nourrice  nonagénaire  et 
à  demi-aveugle  de  Davenport,  que  Thérèse  ne  craignit 
pas  de  bousculer';  le  jardinier^,  le  garde  Samuel  Fin- 
ney''  et  enfin  une  femme  de  charge  vaguement  désignée 
sous  le  nom  de  mère  de  Peggy  ^  Finney  et  Jean^  John 
Cowper),  hommes  discrets  et  actifs,  sont  les  messagers 
ordinaires  de  la  maison.  Jean  porte  au  bureau  d'Ash- 
bourne^  les  multiples  lettres  de  Rousseau  et  transmet  à 
Calwich  d'atfectueux  messages^*;  en  1767,  c'est  lui  que 
l'on  avertira  de  Paris  du  départ  probable  de  Jean-Jac- 
ques *\  Au  garde  étaient  réservées  les  commissions  plus 
lointaines  en  Cheshire*'^:  Jean  le  remplaça  à  l'occa- 
sion^^. 

'  Howiit,  William.  Visites  to  remarkable  Places,  uld  Halls,  Battle- 
Jields,  and  Scènes  illustrativc  of  striking  Passages  in  English  History- 
and  Poetty.  London,  1840,  8*,  p.  5ii. 

-  Lettres,  D,  Cowper  à  Davenport,  6  juin  1 767. 

■^  Howitt,  o.  c,  p.  5i  I. 

*  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  370,  Davenport  à  Hume,  6  juillet  1767. 
'■-Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI,  14  sept.   1766. 

•^  Jd.,  i5  sept.  1766;  B,  Davenport  à  Rousseau,  14  sept.  1766,  X. 
^  Id.,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI,  18  sept.  1766;  1"  et  12  oct. 

*  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  4  oct.  1766,  XX  ;  Livre  de  Dépenses, 
9  août  1766,  8  oct. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  424,  à  Granville.  Il  faut  y  ajouter  le  P.  S.  suivant 
publié,  avec  toute  la  lettre,  par  Lady  Lanover,  Autobiography  and  Cor- 
respondence  of  Mary  Granville,  Mrs  Delany,  London,  1862,  2"^  séries, 
t.  I,  p.  77  :  «  Je  remets  à  Jean,  qui  va  à  Ashburn,  une  réponse  pour  Lin- 
colnshire,  sans  savoir  pourtant  si  ma  lettre  peut  aller  par  la  poste  d'Ash- 
hurn,  ou  s'il  faut  l'envoyer  par  quelque  autre  voye,  et  s'il  y  a  quelque 
chose  à  payer.  Je  vous  prie  de  vouloir  bien  lui  donner  là-dessus  les  ins- 
tructions nécessaires.  » 

"•  Lettres,  A,  Livre  des  Dépenses,  XLVI,  9  août  1706. 

"  Lettres,  D,  Cowper  à  Davenport,  6  juin  1767. 

12  Cf.,  note  6. 

"  Cf.,  note  8. 


42  ANN'ALKS    OE    I.A   SOCIETE  J.   .1.    ROUSSEAU 

Tout  ce  monde  ignorait  le  français  et  ne  parlait  guère 
que  le  dialecte  du  Staffordshire^  aussi  les  rapports  en- 
tre les  domestiques  et  les  nouveaux  maîtres  manquè- 
rent-ils de  commodité:  la  mimique  de  Thérèse  ne  suffit 
point  toujours '.  Après  tout.  Jean-Jacques  se  sentait 
disposé  à  jouer  Termite  et.  par  surcroît,  il  était  accou- 
tumé à  se  servir  lui-même  ;  un  pas  au  dehors  et,  tout  ce 
menu  tracas  domestique  oublié,  il  se  trouvait  dans  une 
contrée  aux  ressources  inépuisables  pour  un  esprit 
observateur. 

Le  temps  froid  de  l'arrivée  dura  le  printemps  entier 
et  Rousseau  déplora  la  rigueur  de  ce  climat  aux  neiges 
précoces  et  persistantes,  aux  pluies  abondantes,  aux 
vents  violents,  dont  la  désagréable  surprise  "  aurait  pu 
le  convaincre  quil  était  sûrement  à 

Wootton  under  Weever 
Where  God  came  nevcr*. 

Dans  cette  région  solitaire  et  sauvage  des  Moorlands 
du  Stafford.  il  retrouvait  quelques  aspects  du  Jura: 
forêts  touffues,  taillis  épais,  pentes  herbeuses,  rocs 
abrupts,  rivières    murmurantes  et  parfois  souterraines, 


'  Georges  Eliot  en  fournit  d'abondants  échantillons  àdius  Adam  Bede  ; 
encore  y  perd-il  de  sa  rudesse  (Cross,  J.  W.,  G.  Eliot's  Life.Eàxnhuvgh 
and  London,  [1884],  3  vol.  8%  t.  III,  p.  269);  on  comprend  la  remarque 
désolée  de  Jean-Jacques:  «  leur  terrible  baragouin  est  indéchiffrable  à 
mon  oreille»  (Œuvres,  t.  XI,  p.  35o,  à  Du  Peyrou,  21  juin  17G6);  dès 
lors,  elle  ne  s'applique  point  à  la  langue  de  Shakespeare  ni  de  Milton, 
comme  le  lui  reproche  Collins,  o.  c.  p.  268. 

-Œuvres,  t.  XI,  p.  319,  à  Hume.  29  mars  1766;  p.  342,  à  Ma- 
lesherbes,  10  mai. 

"  Id.,  t.  XI,  p.  335,  à  Aime  de  Lu:{e,  10  mai  1766  ;  p.  372,  à  Keitli, 
20  juillet. 

*  The  Beaiities  of  England  and  Wales...  by  John  Britton.  \'ol.  XIII, 
part  II,  p.  loio,  by  the  Rev.  J.  Nightingalc,  London,  i8t3. 


SÉJOUR    DE  .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGEETERRE  4^ 

vallons  encaissés,  cavernes  profondes.  Les  beaux  jours 
lui  donnèrent  la  liberté  d'aller  et  de  venir  chère  au 
promeneur  enthousiaste  qu'il  fut  toujours  ;  ces  petits 
voyages  de  découverte  comptent  parmi  ses  joies  les 
plus  certaines  et  ses  passe-temps  les  plus  goûtés.  Il 
parcourut  la  contrée  en  tous  sens  avec  une  prédilection 
décidée  pour  la  merveille  du  Peak. 

Souvent  donc,  il  s'achemina  dès  le  petit  jour  dans  la 
direction  du  nord  ;  une  marche  de  4  ou  5  milles  rame- 
nait à  Dove-dale  ^  Restauré  frugalement  à  la  vieille  au- 
berge qui  surveille  Pentrée  du  vallon,  il  atteignait 
bientôt  la  Dove  capricieuse  qui  se  glisse  entre  les  deux 
collines  tristement  gazonnées  du  Bunster  et  du  Thorpc 
Cloud"-;  un  gué  de  pierres  plates  à  passer  et  Jean-Jac- 
ques s'appartenait  pour  la  journée,  ravi  de  la  solitude 
et  du  calme  à  peine  interrompus  par  les  rares  oiseaux 
chanteurs.   Les  arbres  se  serrent  au    pied  des  parois  et 


1  Au  cours  d'une  excursion  que  nous  avons  faite  dans  ce  district  en 
septembre  1910,  nous  avons  constate  que  la  vallée  de  la  Dove  répond 
encore  aux  descriptions  qu'en  firent  au  XYIII*  siècle  divers  auteurs  an- 
glais :  De  Foe,  Daniel,  A  Tour  through  tlie  whole  Ishvtd  of  Great  Bri- 
taiii...  7"'  éd.  London.  1769,  vol.  III.  —  Gilpin,  William.  Voyages  en 
différentes  parties  de  l'Angleterre.  Trad.  de  l'anglais  sur  la  3""=  éd.,  par 
M.  Guédon  de  Berchere.  Paris,  Londres,  178c),  t.  II.  ch .  XXIX.  La  pré- 
face date  le  Voyage  des  alentours  de  1772.  —  The  Beauties  of  Eugland, 
London,  1767.  —  Dove-dale  occupe  un  rang  honorable  dans  l'histoire 
littéraire  ;  c'est  Happy  Valley  du  Rasselas  de  Johnson,  c'est  Eagle-dale 
d'Adam  Bede.  Cette  vallée  a  inspire  les  théoriciens  des  jardins  natu- 
rels ;  ainsi  Whatcly.  Thomas,  Observations  on  Modem  Gardening,  illus- 
trated  by  Descriptions,  London,  1770,  lui  consacre  son  chapitre  XXXVIII, 
intitulé:  Of  Rocks  cliaracterised  by  Fancy.  Description  of  Dove- Date. 
—  M.  Alexis  François  a  noté  très  exactement  dans  quelle  mesvire  Dove- 
dale  appartient  à  l'histoire  de  l'introduction,  dans  la  langue  fran- 
çaise, de  Va.d)eci\{  )omantiqiie  ;  cf.  Romantiques,  Annales  de  la  Société 
./.  J.  Rousseau,  t.  V,  Genève,  1909. 

-  La  Dove  sépare  le  comté  de  Stafl'ord.  où  se  trouve  le  liunster 
(1000  pieds),  du  comte  de  Derby,  où  s'élève  le  Thorpe  Cloud 
(942  pieds.) 


44  ANNALES    l)H    LA    SOCIÉTÉ  .1.    1.    ROUSSEAU 

les  escaladent  de  ci  de  là,  tandis  que  la  paroi  occiden- 
tale se  couronne  d'un  bois  en  surplomb  que  percent, 
ici,  une  aiguille  rocheuse  '  de  plusieurs  dizaines  de  mè- 
tres aux  flancs  tapissés  de  lierre,  là,  de  farouches  mas- 
ses de  calcaire  grisâtre  ;  l'ombre  des  feuillages  appro- 
fondit les  eaux  de  la  rivière,  prisonnière  durant  3  mil- 
les du  vallon  étroit.  Coulant  à  la  rencontre  du  solitaire, 
la  Dove  brise  son  courant  rapide  en  multiples  casca- 
telles.  ou  étale  en  des  bassins  de  mousse  frangés  dt 
roseaux  ses  ondes  bleues  et  limpides  où  s'ébat  la  truite 
si  chère  au  parfait  pécheur,  Izaak  Walton,  qui  vanta 
ces  parages,  et  à  son  ami  Charles  Cotton,  qui  les 
chanta-:  un  ressaut  du  sol,  Teau  rebondit  et  toute  la 
gorge  s'égaye. 

Le  sentier  s'allonge  paresseusement  à  travers  les 
gazons  qui  l'envahissent  après  les  crues  d'avril':  puis 
il  s'élève  subitement  sur  un  éperon  rocheux,  en  dévale, 
passe  sous  une  arche  naturelle  qu'assombrit  un  re- 
paire caverneux,  se  rapproche  de  l'eau,  se  faufile  au 
pied  des  roches  du  défilé  menaçant,  s'y  creuse  un  sil- 
lon et  débouche  dans  le  cirque  charmant  du  vallon 
soudain  élargi.  H  serpente  encore  quelque  temps  devant 
les  grottes  et  bientôt  court  en  plein  champ  vers  le  nord. 

1  Elisée  Reclus  donne  la  vue  de  l'une  d'elles:  Ilani  Rock  XaiD'ellc 
géographie  universelle,  Paris,  1879,  t.  IV,  p.  579.)    . 

-  Izaak  Walton  (i 593-1 683)  écrivit, le  fameux  ouvrage:  The  compleat 
Angler,  HJ.S3.  11  en  existe  une  traduction  fragmentaire  et  peu  fidèle  de 
Charles  de  Massas,  sous  le  titre  :  Le  Pécheur  à  la  mouche  artificielle. 
<.harles  Cotton  <i 630-1687)  a  chanté  la  Dove  dans  son  beau  poème  : 
The  Retirement ;  il  fut  un  traducteur  acharné;  il  présenta  au  public 
anglais  tour  à  tour  Du  Vair,  Corneille,  Montluc,  Montaigne. 

•'  La  Dove  mesure  10  à  20  pieds  de  largeur,  3  à  4  de  profondeur.  \l\\ 
avril  ellea  des  crues  subites  de  12  heures;  ses  eaux,  tout  imprégnée- 
de  chaux,  fertilisent  les  rives  qui  conservent  de  l'herbe  verte  même  en 
hiver. 


SKJOUR  DE  .1.  .1.  ROUSSEAU  K.\  ANGLETERRE       ^0 

Choisissant  les  recoins  abrités,  Rousseau,  l'herbo- 
riste, prit  plaisir  à  semer  Dove-daie  d'espèces  nouvel- 
les '  ;  maintes  fois  il  refit  le  trajet  pour  se  réjouir  l'âme 
aux  progrès  des  humbles  fleurettes  qui,  plus  fidèles 
que  le  souvenir  des  hommes,  racontent  encore  son  pas- 
sage dans  ce  vallon  retiré. 

Sans  cesse  par  monts  et  par  vaux.  Rousseau  variait 
le  but  de  ses  excursions.  Après  la  prairie  qui  limite  au 
nord  le  hameau  de  Wootton,  le  sentier  pénètre  dans 
une  forêt  de  chênes  et  aboutit  à  un  amphithéâtre  ro- 
cheux et  boisé  où  jaillissent  de  leur  course  souterraine 
de  mystérieuses  rivières  dont  les  cascades  creusent  un 
lit  parsemé  de  pétrifications:  là  s'ouvre  la  pittoresque 
vallée  du  Manifold.  Au  milieu  du  cirque  se  blottit  Ilam, 
et  son  parc  admirable  qu'embellit  encore  une  église 
gothique,  et  ses  gaies  maisonnettes  ;  leurs  tuiles  ver- 
nissées et  leurs  enclos  fleuris  aux  murs  de  pierre  rap- 
pelaient à  Jean-Jacques  les  villages,  plus  opulents  en- 
core, du  pays  neuchâtelois.  Pour  le  retour,  nulle  obli- 
gation de  suivre  la  même  routé.  Des  sentes  courent 
dans  la  campagne,  et  de  Thorpe  dégringolent  la  côte, 
longent  la  Dove.  traversent  les  pâturages,  franchissent 
tantôt  une  clôture,  tantôt  une  planche  jetée  sur  un  ruis- 
seau et  arrivent  aux  ombrages  du  parc  seigneurial 
d'Okeover  -.  On  aime  à  se  représenter  Jean-Jacques 
faisant  halte  sous  quelque  arbre  séculaire  :  tranquille,  il 
laisse  venir  à  lui  les  daims  privés  :  bientôt,  ils  l'entou- 
rent: il  les  caresse  et  les  quitte  à  regret,  se  retourne  pour 
voir  encore  leur  troupe  confiante  errer  sous  la  conduite 
du  vieux  chef  dont  le  bramement  expire  dans  les  taillis. 

*  Howitt,  0.  c,  p.   5 14. 

-  Il  appartient  à  la  même  famille  depuis  l'époque  saxonne. 


46  ANNALES   DE    LA    SOCIÉTK  .1.    .1.    ROUSSEAU 

Au  sud  de  Wootton.  autres  aspects,  autres  plaisirs: 
c'est  la  vallée  du  Ghurnett  et.  depuis  Cheadle  et  Oaka- 
moore,  les  High  Shut  Ranges  que  continuent  les  Alvc- 
ton  Gommons,  plateau  crevassé  de  ravines  sablonneu- 
ses aux  rochers  étrangement  contournés.  Les  ruines 
féodales  d'Alton  ^  relevaient  le  paysage  d'une  note  que 
l'exilé  sentait  parfois  gracieuse,  parfois  mélancolique  : 
bien  souvent  la  silhouette  troublante  des  vieilles  mu- 
railles hantées  lui  apparut  découpée  sur  le  ciel  serein, 
lorsque  par  une  soirée  de  lune  il  escaladait  solitaire  les 
hauteurs  verdo3'antes  des  Weaver  Hills,  ce  sanctuaire 
des  fées  redoutées  du  villageois  attardé  -. 

La  plupart  des  promenades  de  Rousseau  se  rattachent 
à  l'étude  patiemment  poursuivie  de  la  botanique  ;  sa 
distraction  principale  fut  l'inventaire  systématique  des 
richesses  végétales  du  canton'':  que  de  plantes  incon- 
nues 'î  que  de  mousses  variées  "' !  quelle  émotion  à  cha- 
que trouvaille*':  des  années  plus  tard  il  en  gardait  le 
souvenir  ému  '  ;  quelle  joie,  aussi,  de  compléter  cer- 
taine Sj'iiopsis  de  réputation  justement  établie -.  Il  réser- 
vait volontiers  pour  les  jours  humides  Therborisation 
du  vallon  du  parc  de  Wootton  où  les  arbres  pressés  et 
les  rochers  l'abritaient  suffisamment  ■';  retraite  d'ailleurs 
ravissante,    toute  de  mystère  :  le   roc,    à  nu   de   ci  de 

^  Forme  moderne  d'Alveion. 

-  How'itt^  o.  c,  p.  514.  Ces  collines  culminent  à  i25o  pieds. 

^  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  8  sept.  1766,  VII.  En  mai  1766, 
il  commanda  un  microscope;  Œuvres,  t.  -XI,  p.  347,  à  d'Ivertiois, 
3i  mai  1766. 

*  Œuvres,  t.  VI,  p.  69,  a  la  D""  de  Portlami,  28  fév.   1767. 
'=>  Id.,  t.  VI,  p.  63,  à  Malesherbes,   19  déc.  1771. 

*  Id.,  t,  XI,  p.  390,  à  Davenport,  11  sept.  1766. 

'  Id.,  t.  Vr,  p.  85,  à  La  Tourette,  26  janv.  1770  ;  p.  88,  4  juillet. 
«  Id.,  t.  VI,  p.  102,  Notes  sur  la  Botanique  de  Regnault. 
*•  Id.,  t.  XI,  p.  334,  à  Mme  de  Lu^e,  10  mai  1766. 


SÉJOUR  DE  J.  .1.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       47 

là,  nuance  d'une  gaie  note  rouge-brun  la  parure  verte 
et  sombre  du  ravin  ;  les  chênes  qui  le  surplombent 
forment  par  endroits  une  voûte,  épaissie  par  le  lierre, 
enjolivée  par  les  frondaisons  du  chèvre-feuille  sus- 
pendu. 

Au  reste  il  avait  trois  endroits  préférés:  Dove-dale^ 
les  jours  où  son  vieil  instinct  des  courses  pédestres  le 
prenait  fortement  \'  la  grotte  de  la  terrasse  du  Hall,  aux 
moments  de  loisir  trop  courts  pour  faire  une  pro- 
menade ^' ;  enfin,  halte  intermédiaire,  un  groupe  de  chê- 
nes où  les  paysans  l'aperçurent  souvent  en  train  d'é- 
crire": l'arbre  favori  de  sa  jeunesse  l'était  aussi  de  son 
âge  mûr'. 

'  Howitt,  0.  c,  p.  5i3. 

-  Churton  CoUins,  0.  c,  p.  248.  Le  hors-texte  donne  l'entrée  de  la 
grotte  ménagée  dans  le  mur  de  la  terrasse. 

3  Le  groupe  des  Twenty  Oaks,  célébré  par  John  Gisborne,  dans  ses 
Vales  of  Weevei- :  A  loco-descriptive  Poem,  London,  1797,  4». 

((  Lo  !  where  thèse  oaks  encircling  meet, 
There  Genius  formed  his  rural  seat  : 
Oft  in  calm  solitude  the  sage 
Composed  his  fascinating  page  ; 
Or,  bending  on  the  turf,  surveyed 
With  nue  regard  each  flower  and  blade; 
Or  marked  gay  Nature's  libéral  smile, 
Admired  Britannia's  temperate  isle  ; 
Yet  thought  on  Gallia's  lovelier  vales^ 
Her  brighter  fonts,  her  softer  gales, 
Thought  on  her  chains  with  Freedom's  sigh, 
And  ail  the  Patriot  kindled  in  his  eye.  » 

Canto  I,  vers  79-90. 

Gisborne  annote  ainsi  les  vers  79,  80  :  «  In  a  field,  at  a  small  distance 
of  Northwood,  stands  a  cluster  of  oaks,  commonly  called  the  Twenty 
oaks.  They  form  a  circle,  disclosing  between  their  trunks  a  beautiful 
prospect.  To  this  silent  retreat  Rousseau  used  frequently  to  retire, 
during  his  résidence  at  Wootton,  and  some  of  the  stones  may  still  be 
seen  which  tormed  his  seat.  » 

*  Œuvres,  t.  VIII,  p.  i66_,  Confessions,  \,  vi  :  «  Quand  vous  me  verrez 
prêt  à  mourir,  portez-moi  à  l'ombre  d'un  chêne,  je  vous  promets  que 
j'en  reviendrai.  » 


48  ANNALFS    DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.   .1,    ROITSSEAU 

Que  de  fois  la  pluie,  puis  la  neige,  le  confinèrent  au 
logis;  c'étaient  alors  de  longs  remaniements  des  Con- 
fessions, et  la  rédaction  de  chapitres  nouveaux  *,  la 
mise  à  jour  de  sa  volumineuse  correspondance*,  les 
laborieuses  corrections  des  épreuves  du  Dictionnaire 
de  Musique  qui  pérégrinaient  avec  lui*:  il  se  délassait 
en  jouant  du  clavecin  et  sa  mélancolie  disparaissait 
aux  douces  mélodies  italiennes.  S'il  lui  fallait  déci- 
dément une  bouffée  de  plein  air,  il  étalait  sur  sa  table 
ses  chères  plantes,  moisson  des  jours  ensoleillés,  il  les 
observait  et  enrichissait  son  herbier  de  trésors  humbles 
et  charmants,  évocateurs  d'après-midi  de  liberté,  de 
griserie  matinale  parmi  les  corolles  où  perle  encore  la 
rosée. 

Tant  de  variété. dans  la  distraction  et  dans  l'étude  ne 
•chassait  pas  toujours  les  pensées  sombres  dont  le  nom- 
bre et  la  gravité  allaient  croissant  ;  elles  se  ramènent  à 
deux  causes  principales  :  défiance  à  Tégard  de  Hume, 
puis  guerre  ouverte,  d'une  part,  dissensions  dans  sa 
patrie,  d'autre  part. 

Rousseau,  citoyen  de  Genève,  entendait  la  voix  de 
son  peuple,  bouleversé  par  les  Lettres  de  la  Montagne, 
et  que  cherchaient  à  bâillonner  les  magistrats  et  les 
puissances    médiatrices  *  :    solidaire    des    horlogers  de 


'  Cpiwres,  t.  XI,  p.  Mo,  à  Du  Peyrou,'  21  juin  1766  ;  p.  372,  à  Keitit, 
20  juillet;  t.  VIII,  p.  196,  Confessions,  U,  vu.  —  M.  Théophile  Dufour 
en  a  publié  le  texte  primitif:  La  première  rédaction  des  Confessions, 
Annales  de  la  Société  J.  J.  Rousseau,  t.  IV,  Genève.  190S.  Voir  en  par- 
ticulier V Introduction,  pour  les  dates. 

-  Rousseau  a  écrit  de  Wootton  quelque  i5o  lettres  ou-billets  ;  plusieurs 
dentre  elles  ont  une  longueur  considérable. 

'  Lettres,  A,  Rousseau^à  Guy,  i5  nov.  1766,  XXII. 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i3,  à  Beauteville,  2  3  fév.  1766;  Lettres,  G,  Beauté- 
ville  à  Rousseau,  g  mai.  Œwres,t.  XI, p.  3^6,  à  d'Ivernois,3i  mai;p.4i2, 


SÉJOUR   DE  J.   .].    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  49 

Saint-Gervais  et  des  boutiquiers  de  la  Cité,  Jean-Jac- 
ques enverra  son  obole  ^  ;  Davenport,  son  mandataire  ^ 
versera  i5  louis  à  la  souscription  ouverte  par  les  Suis- 
ses de  Londres  en  faveur  des  Genevois  affamés».  Le 
pasteur  Roustan  accusa  réception  de  ce  don  en  termes 
élogieux  et  sincères^;  venant  d'un  homme  aussi  esti- 
mable, ces  paroles  durent  être  un  baume  sur  le  cœur 
ulcéré  du  pauvre  philosophe^. 


IIL  Les  Amis  de  Rousseau. 

Nous  avons  jusqu'ici  esquissé  à  grands  traits  de  quelle 
manière  Rousseau  passait  son  temps  à  Wootton  ; 
nous  voulons  maintenant  pénétrer  dans  le  détail  de  sa 
vie  et  l'accompagner  presque  au  jour  le  jour. 

Tôt  après  son  arrivée  à  Wootton,  il  eut  une  grande 
joie;  le  vendredi  9  mai  1766,  il  accueillait  son  hôte, 
Davenport»,  qui  venait  à  lui  pour  un  séjour  de  trois  se- 
maines ^  dont  l'agrément  fut  vivement  goûté  des  deux 

3i  janv.  1767.  Lettres,  k,  Rousseau  à  Davenport,  3i  janv  1767  XXIX 
Son  cousin  Jean  l'entretint  plusieurs  fois  des  événements  qui  troûblaien't 
la  République  genevoise:  Lettres,  C,  ^  mai- ii  sept.  1766  II-IV  •  de 
même  Roustan  :  Lettres,  C,  28  août  1766-5  mai  1767,  I-VIlî 

1  Œuvres,  t.  XI,  p.  4,4,  à  Dutens,  5  fév.  1767;  p.  419,'à  d'Ivernois,  7  fév 

-  Lettres,  k,  Rousseau  à  Davenport,  5  fév.  1767,  XXXII. 

^Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  10  fév.  1767,  XXIII ;  cette  lettre 
est  accompagnée  d'un  reçu,  signé  du  pasteur  Roustan.  Les  archives  de 
1  Eglise  suisse  à  Londres  sont  muettes  sur  cette  collecte  et  ne  mention^ 
nent  nulle  part  Rousseau,  à  n'importe  quel  titre. 

*  Lettres,  C,  Roustan  à  Rousseau,  9  fév.  1767,  'VI. 

'•'  Cf.  p.  2y,  note  5. 

Va  ^''^'^f  "^  Friday»,  écrit  Davenport  à  Hume,  le  mercredi  14  mai 
1766,  de  V/ootton;  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  32^.-Œuvres,  t.  XI,  p  337 
a  Du  Peyrou,  10  mai  1766.  ' 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  544,  à  Du  Peyrou,  3i  mai  1766;  p.  348,  14  juin  ; 
p.  :)49,  21  )uin.  -t  <     t  ;         , 


So  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J,    ROUSSEAU 

parts  ^,  sans  que  se  manifestât  cette  gêne  si  redoutée  de 
Saint-Preux  ^. 

Davenport  n'arrivait  pas  seul  ;  homme  affectueux,  ii 
ne  pouvait  se  résigner  au  morne  silence  de  son  foyer 
de  veuf,  et,  depuis  la  mort  de  sa  «  sainte»  femme»,  il 
prodiguait  plus  d'amour  encore  aux  siens  S  sa  sollicitude 
était  extrême  à  l'égard  des  deux  enfants  de  sa  fille  cadette^ 
orphelins  de  père  et  de  mère,  une  fillette  de  lo  ans, 
Phébé,  et  son  frère  Davies,  d'un  an  plus  jeune;  le  pau- 
vre enfant,  sujet  à  la  fièvre  intermittente,  était  né  sous 
de  tristes  auspices,  ayant  coûté  la  vie  à  sa  mère^.  Phébé 
et  Davies  habitaient  chez  leur  grand'père  sous  la  direc- 
tion d'une  gouvernante  vaudoise,  M"^''  Lausanne*,  et 
de  miss  Ally,  amie  de  la  famille,  sinon  même  parente'. 

Mais  encore,  qu'était  exactement  l'hôte  de  Jean-Jac- 
ques ?  Nous  devons  ce  que  nous  en  savons  à  un  homme 
qui  le  rencontra  dans  une  maison  amie  ;  grand  écrivas- 


1  De  cette  époque  datent  les  salutations  amicales  de  Davenport  à 
Rousseau  au  nom  de  sa  famille.  Probablement  Jean-Jacques  n'avait 
pas  rencontré  à  Londres  ces  différentes  personnes. 

2  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  19  avril  1766,  IV.  —  «  Ce  qui  me 
paraissait  le  plus  agréable  dans  leur  accueil,  c'était- de  n'y  pas  trouver 
le  moindre  vestige  de  gène  ni  pour  eux  ni  pour  moi.  Ils  vivaient  dans 
leur  maison  comme  si  je  n'y  eusse  pas  été,  et  il  ne  tenait  qu'à  moi  d'y 
être  comme  si  j'y  eusse  été  seul.  Ils  ne  connaissaient  point  l'incommode 
vanité  d'en  faire  les  honneurs  aux  étrangers,  comme  pour  les  avertir 
de  la  présence  d'un  maître  dont  on  dépend  au  moins  en  cela.  »  Œu- 
vres, t.  IV,  p.  52,'  Héloise,  \,  lettre  83. 

'  Davenport  à  ***.  s.  1.  n.  d.  (Lettre  inéd.,  British  Muséum,  Add.  29626. 
«.  86,  87.) 

*  Appetidices,  Ab:  lableau  généalogique. 

*  Davies  naquit  le  29  août  1757;  Phébé  Davenport,  sa  mère,  mourut 
le  24  septembre. 

*  .4Zîas;  I.  Mrs  Lauzun,  Lauzane,  Lauzon,  Luzonne;  II.  Mad"«  Lau- 
zanne,  Lauson.  —  M.  Eugène  Ritter  nous  fait  observer  qu'il  s'agit  peut- 
être  d'une  variante  du  nom  vaudois  de  Liauzun. 

7  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  27  nov.  i  766,  XXIII  ;  B,  Daven- 
port à  Rousseau,  4  mai  1767,  XXXVII. 


SÉJOUR   DE  J.   J.    ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE  Si 

sier,  il  consigna  ses  souvenirs  lorsque  les  événements 
eurent  rendu  intéressant  tout  ce  qui  touchait  à  Rous- 
seau, de  près  ou  de  loin  ^ 

Richard  Davenport,  de  Davenport  et  Galveley,  né 
vers  1705^,  descendait  d'une  famille  notable  déjà  au 
temps  de  Guillaume  le  Conquérant  ;  c'était  un  proprié- 
taire foncier,  un  Squire^  dont  le  mariage  avec  Miss 
Phébé  Bagnal,  héritière  d'un  marchand  de  la  Cité®, 
avait  porté  le  revenu  annuel  à  quelque  5  ou  6000  livres 
sterling*.  De  ses  études  à  Cambridge,  il  conservait  le 
goût  de  la  littérature  et  surtout  de  la  philosophie,  ne 
démentant  pas  la  réputation  de  déiste  qu'il  avait  jadis 
emportée  de  S^  John's  Collège^. 

Assez  spirituel  pour  oublier  son  intirmité  —  une 
jambe  trop  courte  dont  un  talon  élevé  corrigeait  le  dé- 
faut —  et  assez  courageux  pour  résister  à  une  goutte 
tenace,  Davenport  se  montrait  homme  d'agréable  com- 
merce, causeur  enjoué  et  bien  informé.  Ses  nombreu- 
ses lettres  témoignent  d'un  caractère  conciliant,  scru- 
puleux, et  par  dessus  tout,  serviable  ;  c'était  un  ami 
sur  et  de  bon  conseil,  plus  soucieux  des  intérêts  de  son 
hôte  que  de  sa  tranquillité  personnelle  ;  un  trait  éclaire 
sa  probité  d'une  vive  lumière  :  Rousseau  l'avait  à  peine 
quitté  qu'il  songeait  à  redevenir  son  locataire  ". 

1  Appendices,  Aa  :  Souvenirs  de  \V.  Cole  ;  !e  Tableau  généalogique  en 
corrige  plusieurs  données. 

-  Nous  ignorons  la  date  de  la  naissance  de  Davenport  et  déduisons 
celle-ci  de  diverses  circonstances;  cf.  Tàge  de  son  père,  Appendices,  Ab  ; 
l'âge  de  sa  nourrice,  nonagénaire  en  1767,  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  370,  Da- 
venport à  Hume,  6  juillet  £767  ;  Hume,  âgé  lui-même  de  55  ans,  le  traite 
d'« homme  àgé^),  Streckeisen,  0.  c,  t.   II,  p.  27g,  février-mars  1766,  IV. 

'  Natif  de  Roehampton,  près  de  Putney.  Cole  l'appelle  Bagshaw. 

*  Burton,  o.  c,  t.  IJ,  p.  3i3,  Hume  à  Blair,  25  mars  1766. 

'"  là.,  o.  c,  t.  Il,  p.  379,  Hume  à  Adam  Smith,  17  oct.  1767. 

«  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  14  mai  1767,  XLI. 


52  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .f.    .1.    ROUSSEAU 

A  Chiswick,  puis  à  Londres,  Davenport  avait  géné- 
reusement placé  à  la  disposition  de  l'étranger  ses  pro- 
priétés de  Calveley  ^  et  de  Wootton;  cette  dernière  était 
une  acquisition  récente^.  Vivant  les  deux  tiers  de  l'an- 
née à  la  campagne  ^  —  non  pas  à  Wootton  dont  la  so- 
litude sauvage  lui  déplaisait^,  mais  à  Davenport  Hall 
en  Cheshire  —  il  s'intéressait  à  l'agriculture  et  cela 
non  seulement  par  mode  ou  par  devoir  de  landlord,; 
mais  en  agronome  intelligent  et  réfléchi,  observateur 
et  ingénieux  ;  ainsi  il  inventa  une  charrue  propre  à  ni- 
veler les  hiWons  (7'idges)'^.  Il  est  de  ces  gentishommes 
campagnards  qui  rénovèrent  les  méthodes  de  culture 
au  début  du  règne  de  Georges  III. 

En  pareille  société,  le  temps  s'écoula  d'autant  plus 
paisiblement  que  les  distractions  variaient  beaucoup  ; 
aux  heures  chaudes  de  l'après-midi  et  durant  les  soi- 
rées on  avait  recours  aux  échecs  ;  Davenport,  bon 
joueur,  perdait  galamment  sa  partie";  ou  bien,  une 
séance  de  musique  ranimait  l'àme  juvénile  de  Jean- 
Jacques  et  lui  valait  les  applaudissements  d'un  cercle, 
bienveillant  qui  s'agrandissait  parfois  des  voisins  de 
Galwich'^;, c'étaient  aussi  des  promenades  dans  le  parc, 
de.  longues  causeries  en  face  de  l'admirable  campagne, 

>  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  280,  de  Hume,  22  mars  1766,  VII.  L'offre  se 
renouvela  plus  tard  :  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  24  mars  1767, 
XXX.  '  ■  ' 

2  Burton,  0.  c,  t,  II,  p.  3ig. 

3  De  mai  à  Noël;  le  reste  de  l'année  il  vivait  à  Londres;  Œuvres, 
t.  XI,  p.  402,  à  Davenport, 12  déc.  1766  ;  Lettres,  A,  Rousseau  à  Daven- 
port, 6  avril  1767,  XXXVI. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  335,  à  Mme  de  Lti^e,  10  mai  1766. 

*  Lettres,  D,  Hume  à  Davenport,  juin  1766,  III  ;  E,  Davenport  à  Hume, 
[3o  juin  1766J. 

^Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  i5  déc.  1767,  XLIII. 
^  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  324,  Davenport  à  Hume,   14  juillet  1766.  Let- 
tres, B,  Davenport  à  Rousseau,  25  juillet  1767,  XLI. 


SÉJOUR   DE  J.    J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  53 

et  d'interminables  spéculations  philosophiques,  com- 
mentaires de  VEmile  et  compléments  destinés  au  gar- 
çonnet, le  petit  Davies,  qui  égayait  la  vieille  mai- 
son^; ou  bien  le  sujet  mettait  plus  encore,  si  possible, 
Davenport  en  veine  de  bonne  humeur  :  Rousseau  n'ex- 
posait-il pas  ses  idées  sur  la  disposition  des  jardins  ? 
On  projeta  force  plantations  pour  le  printemps  suivant 
et  le  philosophe  en  fut  promu  l'architecte  ^. 

Certains  jours,  Thérèse  interrompait  de  si  doctes 
entretiens  ;  nouvellement  décorée  du  titre  de  «  cuisi- 
nière »  de  M.  Davenport^,  elle  avait  à  lui  offrir  des 
mets  à  la  française,  et,  régal  pour  Jean-Jacques,  un 
ragoût  d'escargots^  ou  quelque  soupe  au  fromage  dont 
le  fumet  lui  rappelait  sa  chère  montagne  de  Salève^; 
ou  c'était  une  truite,  à  la  sauce  mœlleuse  qui  en  re- 
levait encore  la  saveur;  le  philosophe  se  prenait  alors 
à  déplorer  l'absence  des  melons  sucrés  du  Dauphiné''; 
on  goûtait  du  fromage  blanc  préparé  par  la  petite 
Phébé'',  on  s'attardait  au  dessert.  Thérèse,  toute  glo- 

*  Si  paradoxale  que  paraisse  la  chose,  c'est  à  cette  éducation  que  nous 
devons  le  peu  d'intérêt  pour  Jean-Jacques  manifesté  par  les  propriétai- 
res successifs  de  Wootton;  écoutons  Howitt  :  «I  hâve...  learned  from 
the  Rev.  Walther  Davenport  Bromley,  the  présent  worthy  proprietor  of 
Wootton,  thatno  mémorial  of  Rousseau  remained  atthe  Hall,  and  that 
Httle  is  known  of  his  acts  or  habits  while  there,  more  than  has  been 
made  public  ;  for  his  father,  having  been  educated  on  Rousseau's  Sys- 
tem, and  feeling  the  deficiencies  of  it,  never  liked  to  hear  him  mentio- 
ned.»  0.  c,  p.  514.  Faut-il  rapporter  à  cette  époque  l'idée  ou  même  l'en- 
treprise de  la  nouvelle  édition  de  l'Emile,  que  Rousseau  aurait  brûlée 
au  moment  de  quitter  Wootton  ?  Cf.  Corancez,  De  J.  J.  Rousseau,  p.  48- 

-  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  11  sept.  1766,  XVII. 
•■•  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  i5  déc.   1767,  XLIII. 
1  Un  voyage  en  Suisse  e)i  1823.   Extraits  d'une  correspondance    iné- 
dite de  Bellot.  Jvurnal  de  Genève,  20  août  igio. 

*  C'est  la  «  fondue  »  à  laquelle  Rousseau  conviait  Coindet;  Streckeisen, 
Oeuvres  inéd.,  p.  472,  déc.   1767,  LXII. 

6  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  1"  janv.  1769,  XLVII. 

^  Streckeisen,  Œuvres  inéd.,  p.  439,  à  Mlle  Davenport,  1766,  XLV. 


54  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  ,1.   .1.    ROUSSEAIT 

rieuse  de  ses  talents  de  ménagère,  ne  proposa-t-elle 
pas  une  fois  à  cet  excellent  Davenport  de  lui  tricoter 
une  paire  de  bas?  Il  accepta  le  cadeau,  pour  inattendu 
qu'il  fùt^. 

Souvent,  la  rêverie  de  Rousseau  "  arracha  à  Daven- 
port une  parole  d'intérêt  qui  entraîna  l'exilé  à  faire  le 
récit  de  sa  vie,  à  donner  même  lecture  de  quelques  cha- 
pitres de  ses  Confessions^;  ce  fut  le  début  d'une  con- 
fiance intime  entre  ces  deux  hommes  par  ailleurs  si 
dissemblables  ;  la  remise  à  Davenport  du  testament  de 
Rousseau  en  marque  le  couronnement  *.  Que  de  sym- 
pathie Davenport  eut  à  déployer  pour  n'être  jamais  sus- 
pect à  son  hôte  dont  l'humeur  défiante  —  non  tout  à 
fait  sans  raison^ —  s'aigrissait  déjà  à  l'ouïe  des  rumeurs 
qui  circulaient  à  Londres  sur  son  compte  et  du  ridicule 
que  jetait  sur  lui  la  fameuse  lettres  du  roi  de  Prusse". 

1  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  [juillet  1766J,  VIII;  B,  Daven- 
port à  Rousseau,  1"  août,  VI  ;  25  juillet  1767,  XLI. 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  343,  à  Malesherbes,  10  mai  1766. 

•'■  Burton,  o.  c^,  t.  II,  p.  "i-jo,  Davenport  à  Hume,  6  juillet  1767  :  '(...What 
he  [Rousseau]  was  writing,  is  the  same  he  mentioned  to  you,  will 
be  a  large  work,  containing  at  least  twelve  volumes.  I  am  positively 
certain  that  when  I  left  him,  he  had  not  entirely  finished  one.  »  P.  379, 
Hume  à  Adam  Smith,  17  oct.  1767  :  «  I  askcd  Mr  Davenport  about  those 
Memoirs,  which  Rousseau  said  he  was  writing,  and  whether  he  had  ever 
seen  them.  He  said,  yes,  he  had  ;  it  was  projected  to  be  a  work  in  twelve 
volumes;  but  he  had  as  yet  gone  no  farther  than  the  first  volume, 
which  he  had  entirely  composed  at  Wootton.  It  was  charmingly  wrote, 
and  concluded  with  a  very  particular  and  interesting  accountofhis  first 
love,  the  object  of  which  was  a  person-whose  first  lovfe  it  also  was.  Da- 
venport, who  is  no  bad  judge,  says,  that  thèse  Memoirs  will  be  the  most 
taking  of  ail  his  works  ; ...  » 

*  Le  27  mai  1766;  Lettres,  A,  Testament,  XLVII.  M.  Théophile  Du- 
four  a  publié  un  important  article  sur  ce  sujet  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Genève,  1907,  t.  III,  pp.  39-54. 

5  Macdonald,  Fr.  La  légende  de  Jean-Jacques  Rousseau.  Trad.  par 
Georges  Roth.  Paris,  1909,  16°. 

'^Œuvres,  t.  XI,  p.  32o,  à  Du  Peyroii,  29  mars  1766;  p.  324,  à  d'Ivcr- 
nois,  3i  mars;  p.  327,  à  Milord  \Strafford],   et  à  la   St-James   Chroni- 


SÉJOUR   DE   .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  35 

Désormais  l'angoissante  conviction  qu'une  volonté 
occulte  s'acharne  à  le  persécuter  s'affermira  ;  puissance 
néfaste,  elle  assombrira  et  dirigera  sa  vie.  et  sera  cause 
de  ses  revirements  subits  et  inexplicables  ;  les  Anciens 
eussent  prononcé  à  mi-voix  le  redoutable  vocable  : 
Anagkê  ! 

Avant  même  le  départ  de  Davenport  pour  le  Cheshire, 
dans  les  premiers  jours  de  juin',  Rousseau  prit  diver- 
ses mesures  de  défense  dont  la  plus  notable  fut  la  re- 
nonciation à  la  pension  royale  obtenue  par  Hume^,  et 
la  rupture  de  la  correspondance  avec  ce  dernier,  ou, 
tout  au  moins,  l'intention  de  rompre',  car  deux  lettres 
à  Hume  sont  postérieures  à  cette  date*,  lettres  pareilles 
à  l'éclair  qui  embrase  ;  elles  déchaînèrent  véritablement 
Torage  ;  Hume  fut  violent  et  actif,  Rousseau  silencieux, 
stoïque  ;  traîné  dans  «la  fange  de  l'ignominie^»,  il 
préfère  être  «  l'infortuné  Jean-Jacques  »  que  le  «  triom- 
phant David  ^.)> 

Si  nos  lettres  de  l'été  i  766  confirment  ce  que  l'on 
sait  de  l'agitation  extrême  où  l'affaire  jeta    Hume,  elles 

de,  7  avril;  p.  322,  au  roi  de  Prusse,  3o  mars,  qui  lui  fit  répondre  : 
«  S.  M.  a  reçu  la  lettre  que  vous  lui  avez  écrite  de  Wootton.  Elle  m'or- 
donne de  vous  dire  qu'elle  est  très  charmée  d'apprendre  par  vous- 
même  que  vous  êtes  content  et  tranquille.  Elle  espère  que  vous  conti- 
nuerez de  jouir,  dans  l'endroit  où  vous  êtes,  de  ce  repos  dont  les  prêtres 
fanatiques  de  son  pays  acharnés,  dit-elle,  injustement  contre  vous,  se 
sont  efforcés  de  vous  privés.  «  Et  en  P.  S.  :  «  Nous  avons  lu  ici  une  pré- 
tendue lettre  de  S.  M.  à  vous.  Monsieur.  On  a  dit  qu'il  n'y  a  pas  un 
mot  de  vrai  dans  tout  cela.  »  Catt  à  Rousseau,  Potsdam,  3o  avril  1766 
(Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâteli.  —  Lettres.  A,  Rousseau  à  Davenport, 
19  avril,  IV. 

1  Œuvres,  t.  XI,  p.  344,  à  Du  Peyrou,  3i  mai  1766. 

^  Id.,  t.  XI,  p.  343,  à  Conway,  22  mai  1766. 

•^  Id.,  t.  XI,  p.  345,  à  Du  Peyrou,  3i  mai  1766. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  35o,  23  juin  1766;  p.  353,  10  juillet. 

^  Lettres,  A,  Rousseau  à  [Du  Peyrou],  XXVI,  XXVII. 

"  Id.,  A.  Rousseau  à  Davenport,  27  nov.  1766,  XXIII. 


56  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  J.  J.    ROUSSEAU 

sont  aussi  la  preuve  certaine  de  la  bonté  de  Davenport*; 
intermédiaire  bénévole  des  deux  parties,  il  inclina  à 
l'indulgence  pour  Rousseau  et  écouta  volontiers  la  re- 
quête de  Hume  de  persévérer  dans  l'œuvre  de  protec- 
tion qu'il  avait  entreprise,  de  veiller  sur  le  sort  de  Jean- 
Jacques  jusqu'au  jour  prochain  où  Bedlam  l'hébergera  ; 
car  c'est  à  la  folie  qu'il  marche  :  satanique,  méchant, 
jaloux,  voilà  Rousseau  ;  son  grand  talent  rend  plus  dan- 
gereuse sa  démence.  Hume  aurait  accepté  une  lettre 
jd'excuses*;  elle  ne  vint  jamais,  et  l'Europe  philoso- 
phique eut  le  triste  spectacle  d'une  querelle  entre  deux 
de  ses  sages. 

Dans  le  même  temps  où  la  tristesse  déprimait  l'exilé 
—  ce  dont  ferait  foi  le  portrait  de  Wright  *  —  une  fa- 
mille  amie,    tout  entière,  vint  lui  témoigner  son  affcc- 


1  Lettres,  D,  Hume  à  Davenport,  i5  juillet  1766-2  sept.^  VII-IX. 

2  Id.,  D,  Hume  à  Davenport,  26  juin  1766-2  sept.,  IV-IX. 

3  Nous  ne  saurions  trop  remercier  Sir  Maurice  C.  Boileau,  Bt.,  dont 
l'extrême  obligeance  a  bien  mérité  des  rousseauistes  ;  il  nous  a  autorisé 
à  reproduire  ce  document  si  intéressant  d'après  l'original  en  sa  posses- 
sion à  Ketteringham  Park,  'Wymondham,  Norfolk. 

John  Morley,  qui  en  révéla  l'existence,  trouve  que  ce  portrait  trahit, 
par  sa  morbidesse,  le  manque  de  volonté  de  Jean-Jacques,  ses  luttes 
intimes,  son  imagination  désordonnée,  et  le  compare  aux  passages  les 
plus  répugnants  des  Confessions  (cf.  Rousseau,  t.  II,  )>.  282.)  Churtoa 
Collins,  qui  a  le  mérite  de  l'avoir  le  premier  publié  (o.'  c,  p.  182),  y 
voit  aussi  le  stigmate  hideux  de  l'abjection  et  de  la  misanthropie  du 
philosophe.  M.  de  Wyzewa  y  discerne  l'expression  d'un  profond  abat- 
tement, d'une  rude  expérience  de  la  vie,  bien  propres  à  vafoir  toute 
notre  compassion  .  au  pauvre  Jean-Jacques  (Revue  des.  Deux-Mondes, 
i5  mai  1908.) 

Rousseau  aurait  donc  posé,  en  Angleterre,  à  trois  reprises  (mars- 
avril  1766)  :  devant  Ramsay  (cf.  p.  27),  devant  Gosset  (cf.  p.  32),  devant 
Wright  de  Derby.  La  monumentale  Iconographie  de  J.  J.  Rousseau, 
par  le  C*«  de  Girardin,  ignore  ces  deux  derniers  artistes.  On  retrouve- 
rait peut-être  à  Neuchâtel  le  relief  en  plâtre  de  Gosset';  Rousseau  l'en- 
voya à  Du  Peyrou  qui  Le  suspendit  dans  sa  chambre,  tout  en  critiquant 
le  nez,  trop  aquilin  à  sjon  goût.  Du  Peyrou  à  Rousseau,  9  nov.  1766, 
n°  36  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.) 


SÉJOUR  DE  J.  J.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       3 7 

tion  et  lui  manifester  que  les  promesses  de  revoir  échan- 
gées en  Surrey  et  redites  dans  les  lettres^,  n'étaient  pas 
de  vaines  politesses;  c'est  ainsi  que,  Davenport  à  peine 
parti,  le  Hall  s'anima  de  nouveau  :  Malthus,  sa  femme 
et  Henriette  2  arrivèrent  en  juin  ^  et  logèrent  Aux  Armes 
de  Davenport,  l'auberge  d'EUastone  ^.  On  se  retrouvait 
le  matin,  et,  huit  jours  durant,  ce  furent  d'agréables 
promenades,  en  particulier  dans  les  gorges  de  la  Dove, 
où  Malthus  retrouvait  des  impressions  d'enfance^  et 
jVime  Malthus  le  souvenir  de  ses  premières  années  de 
mariage".  On  herborisa,  à  la  joyeuse  surprise  de  Mal- 
thus, novice  encore,  qui  se  prit  d'un  beau  zèle  pour  les 
plantes  et  communiqua  son  ardeur  à  sa  famille'  ;  aussi 
proposa-t-il  à  son  hôte  un  iter  botanicum  en  Surrey  ! 
De  part  et  d'autre  le  plaisir  fut  complet  et  Malthus  put 
refaire  son  rêve  d'héberger  Rousseau,  pour  l'hiver  au 
moins  ®, 

Si  l'espoir  de  faire  les  honneurs  de  sa  retraite  à  d'Iver- 
nois  se  changea  en  déception^,    Rousseau    eut  chez  lui 

1  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  12  mars  1766,  VI;  29  mars,  VIII  ; 
Malthus  à  Thérèse  Le  Vasseur,  i3  mars,  VII. 

2  Nièce  de  Malthus  ?  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  24  janv.  1768. 
XIV. 

•*  Œuvres,  t.  XI,  p.  849,  à  Du  Peyrou,  21  juin  1766  ;  Lettres,  C,  Mal- 
thus à  Rousseau,  18  juillet  1766,  X;  i"  déc,  XI;  24  janv.  1768,  XIV. 

*  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  12  mars  1766,  VI  :  «  ...  un  étranger 
demande  à  parler  à  M.  Rousseau  au  cabaret  du  voisinage.»  Wootton 
n'a  pas  de  débit.  EUastone,  possède  une  auberge  du  XVIII"  siècle,  assez 
vaste,  à  l'enseigne  de  Bromley  Arms,  Bromley  ayant  remplacé  Daven- 
port au  château  ;  dans  Adam  Bede,  chap.  II,  elle  porte  le  nom  de  Don- 
nithorne  Arms. 

'^  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  i'^'  avril  1766,  IX. 

^Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  12  mars  1766,  VI. 

'  Id.,  Malthus  à  Rousseau,  24  janv.  1768,  XIV. 

^  Id.,  Malthus  à  Rousseau,  18  juillet  1766,  X. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  375,  à  Guy,  2  août  1766;  p.  402,  à  d'Ivemois, 
I  I  déc.  ;  p.  412,  3i  janv.  1767  ;  p.  418,  7  fév.  ;  t.  XII,  p.   12,  6  avril. 


58  ANNALES   DR   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

un  autre  Genevois,  Lamande,  exilé  de  sa  patrie  pour 
un  écrit  hostile  au  gouvernement^;  il  reçut  aussi  maints 
visiteurs  inattendus,  qu'une  lettre  de  recommandation 
avait  enhardis,  comme  M.  Beauclerk^,  ou  qui  se  pré- 
sentaient sans  autre,  tel  ce  M.  Brand  qui,  dans  le  cer- 
cle fashionable  de  Bath,  répétait  les  louanges  du  soli- 
taire ^  D'autres  encore  se  ménageaient  une  entrevue 
par  subterfuge,  car  Ton  commençait  à  connaître  l'hor- 
reur de  Jean-Jacques  pour  les  entretiens  de  simple  con- 
venance ;  ainsi,  le  D'  Erasme  Darwin  obtint  audience 
sur  le  bord  du  chemin  en  se  donnant  pour  botaniste*; 
découvert,  il  se  vit  tourner  le  dos  ;  mais  une  réconci- 
liation intervint,  paraît-iP. 

De  bonnes  et  franches  relations  s'établirent  dès  le 
début  du  séjour  à  Wootton  entre  Rousseau  et  le  pas- 
teur, Révérend  Hake,  venu  pour  lui  souhaiter  la  bien- 
venue dans  sa  paroisse*'  et  qui,  souvent^,  lui  amena 
ses  collègues    des    alentours^,   unis   dans   cette   œuvre 


1  Lettres,  C,  Lamande  à  Rousseau,  3o  oct.  1766.  Lamaiide,  allant  se 
réfugier  à  Neuchâtel,  demanda  une  lettre  d'introduction  pour  Du  Pey- 
rou  :  Lettres,  C,  Roustan  à  Rousseau,  24  nov.   1766,  III. 

-  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  9  déc.  1766,"  XVI. 

'^Lettres,  -C,  Gi-anville  à  Rousseau,  9  mars  1767,  II.  Serait-ce  le 
même  personnage  que  le  Brand  chargé  de  remettre  à  Rousseau  une 
lettre  de  Vautravers  ?  (Rockhall,  près  de  Bienne,  12  fév.  1766.  Lettre 
inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.) 

*  Grand-père  de  Charles  Darwin.  HoAvitt,  0.  c,  p.  5i3. 

'"  «  Er  correspondirte  auch  gelegenUich  mit  Rousseau,...  ohne  dass  je- 
doch  einer  ihrer  Briefe  erhalt'en  wâre.»  Krause,  Ernst,  Erasmus  Dar- 
win, Leipzig,  1880,  p.  10. 

6  Œuvres,  t.  XI,  p.  319,  à  Hume,  29  mars  1766.  Wootton  Hall  dépen- 
dait de  la  paroisse  d'EUastone.  C'est  le  recteur  actuel  qui  nous  a  donné 
le  nom  de  son  prédécesseur. 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  335,  à  Mme  de  Lu^c,  10  mai  1766:  Lettres,  A,  Rous- 
seau à  Davenport,  4' oct.    1766,  XX. 

s  Œuvres,  t.  XI,  p.'336,  à  de  Lu:^e,  10  mai  1766.  —  Rien  nempêchc 
de  penser  que  l'un  de  ces  visiteurs  fut  le  Rév.    D""  John  Taylor  (1711- 


SÉJOUR   DE  J.   J.    ROUSSEAU  EN   ANGLETERRE  69 

justicière  des  scènes  de  Môtiers  ^  Bien  mieux,  l'exilé 
découvrit  dans  la  noblesse  du  voisinage^  un  homme 
déjà  rencontré  en  France,  dont  l'intimité,  assure-t-il, 
devait  le  consoler  de  toute  autre  société  *  ;  s'il  s'agit  de 
Brooke  Boothby*,  leur  commerce  fut  interrompu  par 
le  prompt  départ  de  celui-ci  ^  et  dix  ans  s'écoulèrent 
avant  qu'ils  se  revissent. 

Mais  Rousseau  n'eut  en  Angleterre  aucun  ami  plus 
cher  —  non  pas  même  Davenport  —  que  l'excellent 
Bernard  Granville  ;  il  résidait  toute  l'année  à  Calwich 
Abbey,  château  situé  à  2  milles  de  Wootton,  dans  la 
même  paroisse,  sur  la  route  d'Ashbourne.  Descendant 
d'une  famille  noble'',  il   avait  reçu  une  éducation  libé- 


1788),  «le  roi  d'Ashbourne»  où  il  résidait  fréquemment,  attiré  plus  en- 
core par  le  souci  de  sa  fameuse  étable  que  par  les  responsabilités  de  sa 
charge  de  juge  de  paix, 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i6,  à  Du  Perron,  14  mars  1766:  «  Le  clergé  anglois 
■me  regarde  à  peu  près  comme  un  confesseur  de  la  foi.  » 

2  Id.,  t.  XI,  p.  336,  à  de  Lii^e,  10  mai  1766;  p.  345,  à  Du  Peyrou,  3i  mai. 

"  Id.,  t.  XI,  p.  326,  à  Mme  de  Boufflers,  5  avril  1766. 

*  Id.,  t.  IX,  p.  320.  «  Un  jeune  Anglois  que  j'avois  eu  pour  voisin  k 
AVootton...»  Brooke  Boothby,  dit  une  notede  l'éditeur.  —  Brooke  Boo- 
thly  (1743-1824),  baronnet  depuis  1789;  résidence  :  Ashbourne  Hall  ; 
membre  du  cercle  littéraire  des  Darwin,  Day.  Edgeworth,  iVIiss  Seward. 
Fidèle  à  son  amitié,  Boothby  défendit  Rousseau  dans  ses  Observations 
un  the  Appeal  from  the  New  to  tlie  Old  Whig,  and  Mr  Paine's  Rights 
of  Man,  London,  1792,8". 

'"  Lettres,  C,  Boothby  à  Rousseau,  23  déc.  1766,  I.  Il  ne  rentra  à  Ash- 
bourn  qu'en  mai  1767  ;  Id.,  24  fév.  1768,  II. 

t'  1699-1775.  Inhumé  dans  l'église  d'EUastone;  c'est  lui-même  qui  rédi- 
gea son  épitaphc,  que  nous  donnons  ici,  d'après  Llanover,  o.  c,  t.  II, 
p.  141,  comme  constituant  l'unique  document  biographique  que  nous 
connaissions: 

Hère  lies  interred  the  body  of  \  Bernard  Granville,  \  who  trusted  in 
the  mercy  of  Almighty  God  \for  the  forgiveness  of  his  sins  \  though  the 
merits  and  médiation  \  of\  Jésus  Christ,  the  Savioiir  and  Redeemer  |  of 
mankind.  \  Hc  was  the  son  of  Bernard  Granville,  |  and  great  grandson  of 
Sir  Beville  Granville,  \  who  was  killed  in  the  civil  wars,  |  fighting  for 
King  Charles  the  First,  \  on  Landsdown,  near  Bath,  in  Somersetshire.  \ 
He  died  at  Calwich,  July  the  i""",  ijjS.  |  Aged  76. 


60  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .h    ROUSSEAU 

raie;  les  choses  de  l'esprit  continuaient  a  Tintéresser; 
ami  de  Haendel,  la  musique  lui  était  plus  qu'un  passe- 
temps  :  elle  lui  était  indispensable  ^ 

Granville  se  félicita  du  voisinage  de  Jean-Jacques  et 
lui  offrit  une  amitié  que  les  années  n'affaiblirent 
pointa  Depuis  avriP,  ce  furent  d'incessantes  promena- 
des de  Wootton  à  Calwich,  et  de  Calwich  à  Wootton; 
il  fallait  une  pluie  torrentielle '^  ou  des  neiges  profondes* 
pour  interrompre  ces  allées  et  venues;  de  part  et  d'au- 
tre avait  lieu  un  continuel  échange  de  ces  petits  cadeaux 
dont  l'intention  décuple  la  valeur  :  une  truite  des  tor- 
rents*' expédiée  de  Wootton  répond  à  un  succulent  din- 
don venu  de  Calwich';  des  liqueurs  fines  envoyées  de 
Calwich  ^  croisent  en  chemin  le  chevreuil  qu'on  apporte 
de  Wootton^.  De  temps  à  autre,  pour  n'en  point  perdre 
l'habitude,  Jean-Jacques  gronde  contre  la  fréquence  des 
dons  de  Granville^**:  mais  la  délicatesse  des  procédés  le 

1  Œuvres,  t.  XII,  p.  02,  à  Granville,  26  janv.  1768.  Une  tradition  rap- 
porte que  le  fameux  musicien  vint  à  Calwich. 

2  Le  dernier  témoignage  daté  que  nous  en  possédons  se  trouve  dans 
une  lettre  de  Rousseau  à  la  D""  de  Portland,  du  22  oct.  1773  :  Œuvres, 
t.  VI,  p.  79. 

3  Au  retour  de  Bath,  où  Granville  prenait  les  eaux  chaque  année.  Œu- 
vres, t.  XII,  p.  1,  à  Granville,  28  fév.  ijôy  ;  Lettres,  C,  Granville  à 
Rousseau,  g  mars  1767,  II;  A,  Rousseau  à  Granville,  29  avril,  XXXVII. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  352,  à  Granville,  [2  août  17G6],  DCCXCV. 
^  Id.,  t.  XI,  p.  352,  à  Granville,  [janv.-fév.  1767],  DCCXCIV  ;  p.  424; 
[16  janv.]  ;  pour  la  date  de  ces  billets,  cf.  Appendices,  D 

8  Cf.  note  4.      •  ~  ■ 

î  Lettres,  C,  -Granville  à  Rousseau,  16  janv.  1767,  I. 

'^  Cf.  note  7;  Œuvres,  t.  XI,  p.  424,  à  Granville,  [16  janv.J  1767. 

9  Cf.  note  4.  Il  faut  compléter  le  billet  du  P.  S.  suivant,  d'après 
Llanover,  o.  c.,  t.  I,  p.  89  :  «  Le  chevreuil  vient  de  loin  et  ne  peut  se 
garder.»  En  effet,  c'était  un  don  de  Davenport  alors  en  Cheshire;  Let- 
tres, B,  Davenport  à  Rousseau,   i"  août  1766,  VI. 

io  CÉuvres,  t.  XI,  p.  353,  à  Granville,  DCCXCVU,  et  le  billet  publié 
par  Llanover,  0.  c.,  t.  I,  p.  82  :  Rousseau  à  Granville: 

Ce  Dim  :  après  midy. 
J'aurois  grande  envie,  Monsieur,  d'aller  encore  vous  gronder,  quoique 


SÉJOUR   DE  J.J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  6l 

touche*.  Et  puis,  Granville  n'est-il  pas  le  seul  dans  le 
pays  à  parler  français*?  Aux  yeux  d'un  exilé,  voilà  une 
qualité  qui  rachète  beaucoup  de  fautes  ! 

Maintes  fois,  Rousseau,  cheminant  vers  Calwich  au 
gré  du  sentier  qui  zigzaguait  sur  les  pentes  gazonnées, 
traversait  un  petit  troupeau  de  brebis^  dont  «  l'aimable 
bergère  *  »  venait  à  la  rencontre  du  piéton  et  le  condui- 
sait au  foyer  du  châtelain,  son  oncle  ^. 

C'était  alors  nouveau  plaisir  pour  Jean-Jacques  de  re- 
faire en  si  gente  compagnie  le  chemin  familier  à  travers 
le  vaste  parc,  tout  planté  de  tilleuls,  de  chênes,  de  bou- 
leaux ;  une  côte  verdoyante  s'abaisse  jusqu'au  large 
étang  dérivé  de  la  Dove  et  creusé  jadis  par  les  moines"; 
à  mi-hauteur,  la  grande  maison  carrée  et  solennelle  du 
temps  de  la  reine  Anne  s'adossait  aux  cloîtres  de  l'an- 


]e  voye  combien  cela  est  inutile,  mais  le  temps  ni  mon  état  ne  me  le 
permettent  pas  quant  à  présent.  J'aspire  au  moment  d'aller  faire  cette 
promenade  pour  reprendre  un  peu  de  bonne  humeur  ;  car  je  vous  jure, 
Monsieur,  en  sincérité  de  cœur,  qu'il  ne  me  reste  de  doux  momens  que 
ceux  que  je  passe  auprès  de  vous.» 

t  Cf.  p.  60,  note  4;  Œuvres,  t.  XI,  p.  420,  fév.  1767  ;  p.  425,  [16  janv.]. 

-'  Œuvres,  t.  XI,  p.  384,  à  Du  Peyrou,  16  aoiàt  1766. 

'•  «...  the  sheep  and  lambs  that  Mr  Granville  gave  to  his  nièce,  Miss 
Dewes,  and  of  which  she  had  a  little  flock  at  Calwich.»  Llanover,  0.  c, 
1.  I,  p.  97.  Cette  note  commente  un  passage  de  la  lettre  suivante  de  Rous- 
seau à  [la  û«"«  de  Portland],  s.  1.  n.  d.  «  N'ayant  plus  de  correspondance 
en  Angleterre  je  suis  privé  des  nouvelles  de  mon  ancien  et  bon  voisin, 
Monsieur  Granville,  dont  je  regretterai  toujours  l'aimable  société.  Que 
fait  aussi,  si  j'ose,  Madame,  vous  le  demander,  son  aimable  nièce,  Miss 
Dewes,  dont  vous  avez  bien  voulu  me  donner  ci-devant  des  nouvelles. 
Elle  avoit  des  brebis  si  jeunes  qu'elle  doit  avoir  trouvé  bientôt  un  ber- 
ger qui  fit  son  bonheur.  C'est  une  récompense  que  méritoit  la  charité 
chrétienne  avec  laquelle  elle  supportoit  les  radotages  de  son  vieux  ber- 
cer, dont  le  titre  n'étoit  pas  moins  inutile  pour  elle  que  n'est  pour  vous 
celui  que  vous  m'avez  permis  de  porter.  » 

*  Œuvres,  t.  XII,  p.  52,  à  Miss  Dewes,  25  janv.  1768. 

'=>  Lettres,  C,  Miss  Dewes  à  Rousseau,  III. 

'5  «...Black  canons.»  (The  Beauties  of  England...  vol.  XIII,  part.  li, 
p.  ioi5.) 


62  ANNALES    DE    LA    SOCIÉTÉ  J.   J,    ROUSSEAU 

tique  abbaye  ombragés  par  les  hêtres  géants  ;  tout  était 
là  grâce  et  fraîcheur,  fleurs  et  verdure  ^  Quel  contraste 
d'entendre  sous  ces  voûtes  noircies  d'encens  les  échos  à 
peine  oublieux  des  psalmodies  latines  s'éveiller  à  la 
voix  ardente  du  Vicaire  savoyard  ! 

Cultivée  et  belle  de  ses  vingt  ans,  Mary  Dewes  était 
la  favorite  du  philosophe-;  paternel,  il  lui  apportait 
toujours  quelque  curiosité  :  un  recueil  de  planches  bo- 
taniques-'', un  morceau  de  musique  à  déchiffrer  —  il 
jugeait  mieux  de  ses  compositions  sur  ce  clavecin  ami  —  ; 
il  lui  laissa  aussi  l'empreinte  en  cire  de  son  cachet, 
talisman  précieux  pour  Mary*:  était-ce  le  gage  d'une 
partie  d'échecs  perdue^? 

Le  brave  Sultan,  qui,  sans  doute,  réprimait  ses  gam- 
bades à  l'approche  du  troupeau  fut  récompensé  de  sa 
sagesse  :  un  beau  jour  il  arbora  fièrement  un  collier 
brodé,  essai  timide  de  la  gentille  artiste*. 

Quelques  jours  encore,  et  elle  s'éloignait  de  Calwich 
Abbey  pour  aller  passer  l'hiver  à  Welshbourne  dans 


1  La  résidence  actuelle  de  Calwich  Abbey  date  du  XIX»  siècle  ;  nous 
empruntons  nôtre  description  à  George  Eliot;  il  est  aisé  d'identifier 
Donnithorne  Chase  avec  Calwich  Abbey;  cf.  Adam  Bede,  chap.  II,  XXII, 

XXVII,  XXXII,  XLIV. 

2  Orpheline,  depuis  le  6  juillet  1 761,  de  sa  mère,  Anne  Dewes,  sœur 
cadette  de  Granville  ;  chaperonnée  par  sa  marraine,  la  comtesse  Cowper. 
Llanaver,  0.  c,  t.  III,  p.  633  ;  portrait  d'Anne  Dewes.  —  L'âge  est  fourni 
par  une  lettre  de  sa  tante,  Mrs  Delany,  écrite  pour  son  anniversaire  : 
cf.  note  8. 

^  Lettres,  C,  Miss  Dewes  à  Rousseau,  11. 

*  Œuvres,  t.  XII,  p.  53,  à  Miss  Dewes,  23  janv.  1768;  Lettres,  C,  Miss 
Dewes  à  Rousseau,  [6  nov.  i  767],  V. 

*  «My  dear  Mary,  Are  you  really  a  chess  player?»  Mrs  Delany  à  Miss 
Dewes,  i  2  mars  1765  ;  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  43. 

<5  Lettres,  C,  Miss  Dewes  à  Rousseau,  29  nov.  1766,  I  ;  18  déc,  IV. 
Œuvres,  t.  XI,  p.  401,  à  Miss  Dewes,  9  déc. 


SÉJOUR  DE  J.  J.    ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE  63 

le  Gomté  de  Warwick*;  au  retour,  en  mai  1767,  elle 
ne  retrouva  pas  son  «vieux  berger^.  »  Une  correspon- 
dance peu  active,  mais  dont  il  nous  est  parvenu  un 
écho  touchant,  s'établit  entre  le  «  barbon^  »  et  la  ber- 
gère; peu  d'années  après,  lorsqu'elle  eut  rencontré  le 
«  berger  qui  fit  son  bonheur*  »  et  qu'elle  eut  fondé  une 
famille,  elle  regretta  de  n'avoir  pas  son  vieil  ami  pour 
élever  ses  quatre  enfants^;  elle  les  avait  allaités  elle- 
même  "  :  reçut-elle  en  échange  le  fameux  lacet  ^? 

^Lettres,  C,  Miss  Dewes  à  Rousseau,  i8  déc.  1766,1V.  Il  s'agit  de 
Wellesburne  Hastang  ;  on  y  trouve  encore  un  Dewes  en  1829.  Pater- 
son,  o.  c,  éd.  1829,  p.  173. 

''  Lettres,  C,  Miss  Dewes  à  Rousseau  [6  nov.  1767]^  V. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  401,  à  Miss  Dewes,  9  déc.  1766. 

*  John  Port,  d'Ilam,  qu'elle  épousa  le  4  déc .  1 770  ;  ils  se  connaissaient 
depuis  longtemps;  cf.  Granville  à  Mary  Dewes,  che^  la  comtesse  Cow- 
per,  Cahvich,  18  mai  1766:  «Mr.  Port  called  yesterday  morning.  »  En 
note:  «Mr.  Port's  name  was  previously  Sparrow,  instead  of  which  he 
took  the  name  of  Port  on  succeeding  to  the  Ilam  property  of  his  uncle 
in  Derbyshire.  »  Llanover,  o.  c. ,  t.  I,  p.  3 1 2  ;  t.  I,  p.  58.  Cette  observation 
explique  le  nom  de  Sparrow  qui  étonne  d'abord  dans  les  Œuvres,  t.  VI. 
p.  77,  à  la  Z)""=  de  Portland,  17  avril  1772. 

*  Llanover,  o.  c,  t,  II,  p.  272,  Mrs  Port  à  Rousseau,  1776.  Ces  quatre 
enfants  étaient  une  fille  (1771),  et  trois  garçons  (1773,  1774,  1776);  le 
cadet,  Bernard,  mourut  en  janvier  1854,  vicaire  d'Ilam. 

«  «Je  suis  affligé  du  mauvais  état  où  continue  d'être  la  santé  de  mon 
bon  voisin,  M.  Granville;  cela  augmente  mon  regret  de  n'être  plus  à 
portée  de  lui  rendre  des  devoirs  qui,  dans  leur  inutilité,  lui  auroient  du 
moins  témoigné  combien  je  m'intéresse  à  ses  maux.  Il  doit  trouver  une 
grande  consolation  dans  l'heureux  mariage  de  son  aimable  nièce;  je  ne 
doute  pas  que  le  sage  parti  qu'elle  a  pris  de  nourrir  ses  enfants  malgré 
sa  santé  chancellante,  ne  contribue  à  l'affermir;  je  suis  plus  mortifié 
qu'étonné  qu'elle  ne  se  souvienne  plus  de  moi  au  milieu  de  sa  petite  fa- 
mille naissante.  Un  jeune  mari  fait  aussi  même  oublier  un  vieux  berger. 
Pour  moi  je  me  souviendrai  toujours  d'elle!  Cette  manière  pleine  de 
grâce  dont  elle  accompagnait  l'accueil  caressant  que  me  faisoit  son  cher 
oncle  (sic),  et  je  conserve  précieusement  un  joli  travail  de  ses  mains 
qu'elle  destinoit  à  mon  pauvre  Sultan  et  dont  je  me  suis  souvent  paré 
moi-même.  »  Rousseau  à  la  /)«"•  de  Portland,  s.  d.  Llanover,  o.  c,  t.  I, 
p.  +19. 

^  «  Ils  ne  sont  destinés  qu'aux  Demoiselles  de  ma  connoissance  qui 
se  marient  ;  à  condition  qu'elles  nourriront  leur  premier  enfant;  sans 
quoi,  point  de  lacets.»  9  oct.  1762,  III.  Rothschild,  o.  c,  p.  i5. 


64  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

En  hiver,  l'accueil  à  Calwich  était  familier  :  le  home 
s'ouvrait  à  l'ami  célèbre  et  modeste  ;  l'été,  quelque 
chose  de  ce  charme  disparaissait,  car  le  château  deve- 
nait un  centre  estimé  de  vie  mondaine  et  l'on  y  tenait 
gaie  compagnie.  Rousseau  s'y  frotta  à  la  société  an- 
glaise ;  Granville  le  présenta  à  la  vicomtesse  Andover*, 
à  la  comtesse  Cowper^,  à  William  Fitzherbert,  mem- 
bre du  Parlement^,  aux  Port  qui  eurent  le  plaisir  de 
l'avoir  dans  leur  résidence  d'Ilam^,  à  Lord  Shrewsbury^ 
seigneur  du  manoir  d'Alton  Abbey,  d'où  Rousseau  re- 
fusa avec  beaucoup  de  dignité  les  avances  du  comte 
Grégoire  Orloff  qui  lui  offrait  une  terre  près  de  Péters- 
bourg":  à  d'autres  personnes   encore^,  dont  l'une  mé- 

1  Cf.  p.  66,  note  i . 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  353,  à  Miss  Deives,  DCCXCIX. 

■''  Il  résidait  à  Tissington,  à  8  milles  de  Calwich;  ne  doit-on  pas,  en 
effet,  attribuer  pour  une  part  au  souvenir  agréable  d'une  rencontre 
avec  Rousseau  la  démarche  qu'il  entreprit  en  janvier  et  en  février  1767, 
dans  l'affaire  de  la  douane?  Nous  y  reviendrons. 

*Le  21  août,  Rousseau  gratifia  d'un  pourboire  «les  domestiques  de 
M.  Port»  ;  il  ne  put  en  voir  plusieurs  à  la  fois  que  chez  leur  maître; 
Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI. 

*  George  Talbot  (17 19- 1787),  iS"*  earl  Shrewsbury. 

«  Grégoire  II  Orloff  (i  734-1 783),  le  fameux  favori  de  la  grande  Cathe- 
rine. Sa  lettre  du  2  janv.,  V.  S.,  1 767,  St-Pétersbourg,  fut  transmise  à  Rous- 
seau le  9  fév.,  1767,  par  Alexandre  Baxter,  marchand  londonien  (Lettres 
inéd.,  Bibl.  de  Neucliâtel).  Le  millésime  de  la  réponse  de  Rousseau, 
Œuvres,  t.  XI,  p.  3 14,  à  Orloff,  23  fév.  i  766,  doit  être  corrigé  en  23  fév. 
1767  ;  de  même  il  faut  Alton,  et  non  Halton. 

'  Ainsi  la  dame  mentionnée  dans  la  note  suivante  (qui  ét£fit-ce  ?)  :  «  In 
my  brother's  possession  at  Leek  are  two  pictures,  for  which  my  father 
was  more  than  once  offered  a  very  considérable  sum  of  money,  and 
whose  probable  painters'  names  are  much  desired.  The  one  evidently 
by  a  French  artist,  is  an  exquisitôly  finished  portrait  of  Rousseau  and 
was  given  by  the  immortal  Jean-Jacques  himself  while  residing  at 
Wootton  in  1766  to  a  great  aunt  who  lived  in  the  neighbourhood,  and 
for  whom  he  had  conceived  a  more  than  ordinary  amount  of  regard. 

He  is  represented  m  Polish  or  Cossack  dress,  being  habited  in  a  loose- 
flowing.-light  purplish-brown  robe,  the  deeply  furred  fringe  of  which 
he  holds  with  his  ruffled  right-hand.  A  high  fur  cap  completely  con- 
ceals  his  hair,  and  a  white  cravat   just  peeps  out  from  underneath  the 


SÉJOUR   DE  .1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  ()3 

rite  qu'on  fasse  plus  que  de  mentionner  son  nom,  !a 
duchesse  de  Portland. 

Auparavant,  une  courte  digression  :  Jean-Jacques 
rencontra-t-il  la  sœur  aînée  de  Granville,  Mrs  Delany, 
illustrée  plus  tard  par  l'amitié  du  roi  George  et  de  la 
reine  Charlotte^?  Il  ne  semble  pas-;  elle-même  ne  dé- 
sirait pas  cette  entrevue  ;  bien  plus,  elle  redoutait  l'in- 
fluence du  philosophe  sur  son  frère  ^  et  elle  mit  très 
sérieusement  sa  nièce  en  garde  contre  la  séduction  de 
ses  idées  ^.  Elle  refusa  de  le  lire,  par  discipline  morale, 
et   elle    blâme  sévèrement    Lady    Kildare  "".   disposée  à 

robe.  The  face  i s  nearly  full,  being  about  three-quarters  turned  ;  aud 
the  complexionsdark  olive.  Furrowed  brow  and  cheeks,  thickly  brushcd 
eye  brows,  dark,  deep-set  hazel  eyes,  which  abstractedly  foUow  one 
from  ail  points  of  view  ;  and  a  thin-lipped,  sensuous  mouth  sum  up  its 
other  characteristics.  »  John  Sleigh,  Noies  and  Queries,  3'^  Séries, 
vol.  IV,  i863,  p.  475.  —  Ce  portrait  n'est-il  pas  une  copie  de  celui  de 
Ramsay  ? 

'  Depuis  1776, 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  352,  à  Granville,  DCCXCV.  Llanover,  o.  c,  1. 1,  p.  9>S. 

:*  Llanover,  o.  c,  t.  I,  p.  114,  note  i. 

*  Miss  Delany  à  Miss  Dewes  (fragment,  1776;  il  faut  lire  1766,  car 
10  ans  plus  tard,  l'adresse  eût  été  :  à  Airs  Port.)  «  Now  for  a  word  about 
Monsieur  Rousseau,  who  has  gained  so  nluch  of  your  admiration.  His 
writings  are  ingénions,  no  doubt,  and  were  they  weeded  from  the  false 
and  erroneous  sentiments  that  are  blended  throughout  his  works  (as  I 
hâve  been  told),  they  would  be  as  valuable  as  they  are  entertaining. 
I  own  I  am  not  a  fair  disputant  on  this  subject  from  my  own  knowledge 
of  his  works,  as  I  avoid  engaging  in  booksfrom  whose  subtlety  I  might 
perhaps  receive  some  préjudice,  and  I  always  take  an  alarm  whers  virUie 
in  gênerai  terms  is  the  idol,  without  the  support  of  religion,  the  only 
foundation  that  can  be  our  security  to  build  upon  ;  that  greal  plausibi- 
lity  and  pomp  of  expression  is  deluding,  and  requires  great  accuracy  uf 
judgement  not  to  be  imposed  upon  by  it.  I  therefore  think  it  the  wisest 
and  safest  way  to  avoid  those  snares  that  I  may  not  hâve  strength 
enough  to  break  when  once  entangled  in  them.  I  remcmber  a  wise 
maxim  of  my  Aunt  Stanley's  when  I  lirst  came  into  the  great  world  : 
avoid  putting  yourself  in  danger,  Jly  from  temptation,  for  it  is  ahvays  odds 
on  the  tempter's  sake.  »  Llanover,  o.  c,  t.  I,  p.  80. 

»  Emilia  Mary,  fille  de  Charles,  duc  de  Richmond  et  Lennox,  femme 
de  James,  marquis  de  Kildare,  créé  duc  de  Leinster,  le  26  nov.1766. 
Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  77,  note. 


66  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ    J.    J.    ROUSSEAU 

confier  Téducation  de  ses  enfants  à  Rousseau  '  —  preuve 
nouvelle  que  notre  exilé  eût  trouvé  mille  portes  ouver- 
tes dans  cette  Angleterre  inhospitalière-!  —  Mrs  De- 
lany  redoutait  la  suprématie  de  la  passion,  le  jeu  effréné 
des  énergies  naturelles,  et  on  lui  doit  ce  mot  :  «  Woot- 
ton,  bon  pour  un  cynique,  est  trop  austère  pour  un 
philosophe  sentimental''  !  » 

Dès  juillet,  Rousseau  fit.  à  Calwich,  la  connaissance 
de  la  duchesse  de  Portland^.  Lady  Margaret  Cavendish 

1  ^ttre  de  Mrs  Delany  à  Lady  Andovev.  «  Delville,  4"'  sept.  1766...  I 
am  glad  you  hâve  seen  the  Rousseau;  he  is  a  genius  and  a  divinity,  and 
his  Works  extremely  ingenious,  as  I  am  told,  but  to  young  and  unstable 
minds  /  believe  dangerous,  as  under  the  guise  and  potnp  of  virtue  he 
does  advance  very  erroueous,  and  unorthodox  sentiments;  it  is  not  the 
«  bons  tons  »  who  say  this,  but  I  am  too  near  the  day  of  trial,  to  dis- 
turb  my  mind  with  fashionable  whims.  Lady  Kildare  said  she  would 
ofFer  R.  an  élégant  retreat  if  he  would  educate  lier  children  !  I  own  1 
widely  difler  with  her  ladyship,  and  would  rather  commit  that  charge 
to  a  downright  lionest  parson,  I  mean  as  far  as  to  religions  principles, 
but  perhaps  that  was  a  part  that  did  not  fall  into  her  scheme  at  ail.  You 
see,  my  dear  Lady  Andover,  what  rust  I  am  gathering  by  lying  by,  I 
wish  it  may  hâve  the  merit  of  an  old  coin,  and  be  a  testimony  of  somc 
real  value,  tho'  I  feel  too  much  my  own  insignifiance  to  think  that  can 
be  the  case.»  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  67.  —  Delville  est  dans  le  voisi- 
nage de  Dublin. 

-  Œuvres,  t.  IV,  p.  147,  note  i,  Héloise,  II,  ix  ;  t.  XI,  p.  326,  à  Mme  de 
Boufflers,  5  avrtt  1766. 

3  «  Delville,  3.  July  1766...  I  hope  your  neighbour  Rousseau  enter- 
tains  you  ;  is  he  pleased  with  his  own  Hermitage  ?  it  is  romantic  enough 
to  satisfy  a  genius,  but  not  so  well  suited  to  a  sentimental  philosopher 
as  to  a  cynic,  it  is  rather  too  rude,  and  I  should  imagiqe  Caldwich 
much  better  fitted  for  that  purpose.»  Mrs  Delany  à  Granville.  Llanover, 
o.  c,  t.  I,  p.  65.  -  ■  "  ' 

*  Mrs  Delany  à  Lady  Andover.  —  «Delville,  i5"'  July  1766...  Tho 
Duchess  oi  Portland  wrote  me  word  that  she  should  be  very  happy  to 
meet  your  ladyship  at  Caldwich,  and  I  supposed  by  that  it  had  been 
settled  between  you.  My  brother  also  impatiently  expects  and  hopes  for 
that  honour,  and  is  only  concerned  that  he  «  shall  not  be  able  to  enter- 
tain  you  as  he  ought»,  but  he  will  treat  you  with  a  sight  of  Monsieur 
Rousseau,  who  is  in,  his  neighbourhood.  »  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  68. 
—  Œuvres,  t.  XI,  p.  352,  a  Granville,  [i"  juillet]  1766,  DGCXCIII; 
p.  422,  à  Du  Peyrou,  14  fév.  1767. 


SÉJOUR   DE  J.    J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  67 

Harley  \  et  non  point,  comme  Howitt  l'enseigne, 
Lady  Dorothy  Cavendish  ^,  qui  ne  devint  duchesse  de 
Portland  que  le  21  novembre  1766,  par  son  mariage 
avec  William  Henr}'  Cavendish  Bentinck,  3"^^'  du 
titre  ^ 

La  duchesse  et  Rousseau  herborisèrent  dans  le  jar- 
din de  Calwich^  et  étendirent  bientôt  leur  champ  d'ex- 
ploration aux  collines  sablonneuses  d'Okeover^,  puis 
au  massif  du  Peak  lui-même  ",  où  la  noble  dame  étonna, 
par  son  agilité  et  la  sûreté  de  sa  marche,  le  vieux  grim- 
peur  du   Chasseron  ^.  Depuis  fin  août,  sur  l'initiative 

'  1715-1785.  Epousa  le  ii  juin  1734,  William,  2™°  duc  de  Portland. 
Qu'elle  fût  la  correspondante  de  Rousseau,  le  titre  de  D«"«  de  Portland 
qu'il  lui  donne  en  juillet  le  prouve  bien  ;  de  même  la  qualification  de 
duchesse  douairière  qu'il  lui  applique  en  1770  et  qui  n'irait  guère  à  une 
femme  de  20  ans  !  Œuvres,x.  XII,  p.  2  10,  à  Moultou,  28  mars.  Et  encore 
le  témoii^nage  de  Lady  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  98,  qui  relève  l'erreur  de 
Howitt.  L'intimité  de  Mrs  Delany  et  de  la  duchesse  ne  s'explique  qu'en- 
tre femmes  de  même  âge.  Enfin,  un  détail  fourni  par  le  Dictioiinary  oj 
National  Biography,  montrant  l'intérêt  pris  par  la  D«"«  de  Portland, 
en  1762,  à  la  botanique,  terminera  cette  liste  de  preuves:  Solauder 
«  was  engaged  to  arrange  the  Duchess  of  Portland's  Muséum.  » 

-  Fille  de  William  Cavendish  {1720-1764),' 4°  duc  de  Devonshire  ;  née 
le  17  août  1750,  morte  le  3  juin  1794. 

^  1738- 1809.  Deux  fois  premier  ministre. 

*  OEuvres,  t.  VI,  p.  66,  à  la  D""  de  Portland,  20  oct.  1766. 

*  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  70,  Duchesse  de  Portland  à  Granville,  Buxton, 
23  août  1766. 

«  Howitt,  0.  c,  p.  5o5.  —  S'agit-il  de  promenades  répétées  dans  les 
vallons  les  plus  proches  de  Wootton  ou  bien  y  eut-il  une  excursion  de 
plusieurs  jours  ?  Nous  n'en  savons  rien  ;  en  tout  cas,  une  absence  pro- 
longée de  Wotton  ne  pourrait  avoir  eu  lieu  que  durant  la  seconde  quin- 
zaine de  juillet  ou  la  première  d'août,  si  du  moins  les  lettres  connues 
de  Rousseau  pour  ces  deux  mois  sont  bien  les  seules  qu'il  écrivit  ;  on 
n'en  connaît  aucune  entre  le  21  juillet  et  le  i"  août,  le  5  et  le  8  août, 
le  17  et  le  22.  On  sait  que  le  21  août  il  était  à  Ilam  ;  y-passa-t-il  au 
cours  de  cette  expédition  problématique,  s'y  séparant  de  la  duchesse 
qui  allait  à  Buxton  (cf.  note  5)  et,  de  là,  se  rendit  à  BuUstrode?  cf.  Jan- 
sen,  Alb.,  Rousseau  als  Botaniker,  Berlin,  i885,  p.  3o3:  !)•"•  de  Portland 
Rousseau,  BuUstrode,  10  sept.  1766. 

7  Œuvres,  t.  XII,  p.  43,  à  Du  Peyrou,  17  oct.  1767. 


68  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

de  la  duchesse^,  il  fallut  se  borner  à  correspondre, 
Lady  Portland  habitant  Londres  ou  Bullstrode*;  pen- 
dant dix  ans,  ce  fut  un  échange  assez  régulier  de  lettres, 
de  graines,  de  plantes,  de  renseignements  ;  elle  pourvut 
Jean-Jacques  de  traités  de  botanique  appréciés^  et  tenta 
—  vainement,  hélas!  —  de  renouer  les  relations  entre 
son  «herboriste^»  et  milord  Maréchal  %  relations  bri- 
sées en  novembre  1766,  du  chef  de  ce  dernier''. 

Ainsi  s'écoula  l'été,  le  seul  que  Rousseau  passa  en 
Angleterre  et  qui  est  plein  de  contrastes  :  d'une  part  le 
tourment  des  attaques  de  Hume^,  de  l'autre  le  charme 
des  réceptions  chez  Granville. 

Que  devenait  Davenport?  Rentré  dans  son  domaine 
familial  de  Davenport  Park  en  Cheshire*,  il  communi- 
quait fréquemment  avec  son  locataire  par  l'intermé- 
diaire du  garde  ;  à  ses  nombreux  billets  s'ajoutèrent 
ceux  de  Phébé,  malheureusement  perdus,  ainsi  que  les 
réponses  de  Jean-Jacques,   à    l'exception  d'une  seule '■'. 

»  Œuvres,  t.  VI,  p.  65,  à  la  D""  de  Portland,  20  oct.  1766,  en  réponse 
à  sa  lettre  du  10  sept.;  cf.  p.  48,  note  i. 

2  Près  de  Londres,  au  sud  du  Buckinghamshire. 

•'  Œuvres,}..  VI,  pp.  65-.8o,  à  la D'"'  de  Portland,  20  oct.  1 766-11  juillet 
1776.   —   J^nsen,  A.,  o.    c,    pp.  3o3-3o6,  Z)"«  de  Portland  à  Rousseau, 

10  sept.  1766-2  oct.  1767,  I-VI. 

*  Rousseau  ne  prit  ce  titre  qu'en  France,  Œuvres,  t.  VI,  p.  70,  à  la 
£)esie  Je  Portland,  19  juillet  1767. 

*  Id.,  t.  VI,  p.  70,  à  la  D'^'°  de  Portland,  29  avril  1767.'—  Brisées  de 
fait,  car  depuis  lors  Rousseau  se  plaint  de  n'avoir  .plus  de  nouvelles  de 
G.  Keith  autrement  que  par.  des  tiers  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  401,  ^  Keith, 

11  déc.  1766  ;  p.  410,  à  Du  Peyrou,  8  janv.  1767  ;  p.  41g,  à  Keith,  8  fév.  ; 
p.  422,  à  Du  Peyrou,  14  fév.;  t;  XII,  p.  5,  à  Keith,  19  mars. 

*  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p,  i  54,  de  Keith,  12  nov.  1766,  LXXXVI. 
'  Œuvres,  t.  XI,  p.  373,  à  Guy,  2  août  1766. 

*  A  un  mille  de  Brereton  Green  et  de  Congleton,  à  vingt  milles  de 
Wootton.  Davenport  l'avait  acheté  en  1740,  de  Sir  Matthew  Deane  ;  un 
mariage  lavait  fait- sortir  de  la  famille  en  1676;  cf.  Lysons,  D.  and 
Lysons,  S.,  Alagna  Britannia,  vol.  II,  part  II,  p.  491,  London,  1810,  4*. 

*  Streckeisen,  Œ'Hvrt'.s  ind.,  p.  439,  à  Mlle  Davenport,  1766,  XLV. 


SÉJOUR   DE  .1.   .1.    ROUSSEAU   EN   ANGI.ETERRl':  69 

L'éloignement  des  deux  localités  n'empêcha  pas  Da- 
venport  de  revenir  à  Wootton  deux  fois  encore  durant 
la  belle  saison;  le  mardi  i^'  juillet',  ce  fut  surtout  pour 
examiner  les  dispositions  de  Rousseau,  que  Hume  dé- 
sirait connaître^:  au  début  d'août^,  il  voulut  probable- 
ment apaiser,  par  sa  sympathie,  l'excitation  et  la  mé- 
lancolie de  son  ami*.  Jean-Jacques,  sensible  à  cet  atta- 
chement sincère,  profita  des  derniers  jours  d'août  pour 
rendre  à  son  hôte  sa  politesse  et  il  s'achemina  vers  le 
Cheshire,  à  pied  peut-être^,  peut-être  aussi  dans  la 
chaise  tenue  en  réserve  à  Wootton".  De  cette  excursion 
nous  ne  savons  rien,  tout  au  plus  des  dates  approxima- 
tives. Parti  le  25  ou  le  2(>  dans  la  matinée',  il  arriva  à 
Davenport  Park  dans  l'après-midi. 

La  rivière  Dane  courait  sous  les  hauts  arbres  du 
parc,  égayait  les  prairies,  envoyant  de  ci  de  là  un 
ruisseau  d'irrigation  dans  les  jardins  potagers  ou  d'a- 
grément :  un  projet  de  rénovation  en  fut  décidé  et  Rous- 
seau promit  d'y  songer**:  quelle  joie  ce  lui  eût  été  de 
planter  à  sa  guise,  de  ménager  les  eaux  et  de  tracer  les 
sentiers!  A  l'instar  de  Julie,  il  eût  créé  quelque  îlot 
paisible  de   verdure,   quelque    solitude    bocagère,  et  se 


'  Burtou,  o.  c,  t.  Il,  p.  336,  Davoiport  à  Hume,  6  juillet  1766.  Let- 
tres, B,  Davenport  à  Rousseau,  3o  juin  1766,  V  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  352, 
à  Granville,  [i»'  juillet]  ;  p.  353,  à  Davettport,  2  juillet. 

-  Lettres,  D,  Hume  à  Davenport,  27  mai  1766-26  juin,  1-I\'. 

■^  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  i"  août  1766,  VI. 

*  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  [24-31  juillet  1766],  VIll. 

'^Œuvres,  t.  XI,  p.  325,  à  Strafford,  3  avril  1766.  La  résidence  de 
Straflbrd  ici  mentionnée,  Wentworth  Castle,  était  à  70  km.  de  Woot- 
ton ;  cf.  p.  26,  note  3. 

'■  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  4  mai  1767,  XXXVII. 

'  Id.,  A,  Livres  de  Dépenses,  XLVl  :  «Du  29  [août].  Pour  le  voyage  de 
Davenport  deux  Dînées  en  route...» 

^G'^uvres,   t.  XI,  p.  390,  à  Davenport,  ii   sept.   1766. 


70  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   .1.    ROUSSEAU 

fût  complu  dans  cette  réalisation  splendide  d'un  rêve 
attachant  !  Sortant  de  la  propriété,  il  se  rendit  au  vil- 
lage de  Davenport  ;  sa  robe  lui  joua  le  mauvais  tour 
habituel  :  on  le  crut  fou  !  ^ 

Par  contre,  aux  yeux  des  enfants  de  la  maison,  il 
grandissait  de  toute  la  bonté  avec  laquelle  il  contem- 
plait leurs  jeux,  et  de  tout  l'intérêt  dont  il  suivit  leurs 
études  ;  lui-même  découvrit  avec  un  naïf  plaisir  qu'il 
possédait  encore  son  arithmétique,  y  compris  la  règle 
de  trois  et  le  calcul  des  réductions  que  ses  petits  amis 
appliquaient  dans  leurs  problèmes  sur  l'abominai  le 
casse-tête  de  la  monnaie  anglaise  -. 

Le  vendredi  29  août  il  rentrait  à  Wootton  ;  nous 
ignorons  si  Thérèse  l'avait  accompagné. 

Rousseau  n'oubliait  jamais  le  pourboire  des  domes- 
tiques qui  lui  rendaient  service,  et  il  en  inscrivait  exac- 

1  Edgeworth  et  sa  famille  passèrent  l'été  de  1781  à  «  Davenport  Hall 
in  Cheshire...  We  rented  it  from  Mr  Davenport,  to  whom  it  belonged. 
He  had  entertained  Rousseau  there,  when  he  was  brought  over  from 
France  by  Hume.  In  one  of  the  rooms  there  was  an  excellent  picture  of 
the  eccentric  philosopher  of  Geneva.  I  believe  that  the  print,  which  is 
prefixed  to  the  English  translation  of  his  works,  was  taken  from  this 
picture.  The  people,  in  the  neighbourhood  of  Daveçport,  who  had  seen 
or  spoken  to  hifn,  thought  him  mad  ;  perhaps  they  were  not  much 
mistaken.  »  Edgeworth,  Memoirs,  London,  1820,  t.  I,  p.. 382.  Cette  der- 
nière appréciation  est  bonne  à  noter  chez  un  homme  qui  éleva  son 
fils,  de  la  3«  à  la  8«  année  (i 766-1 771),  conformément  à  V Emile,  et  en 
fit  un  garçon  hardi,  endurant,  généreux,  mais  très  désobéissant  ;  0.  c, 
p.  179.  —  A  certains  égards,  le  passage  est  étrange  ;  en  1781,  R.  Daven- 
port était  mort  depuis  10  ans,  et  Daven'port  Hall  appartenait,  de  part  son 
testament,  à  sa  petite  fille  Phébé  (Ormerod,  George,  The  History  of  tht 
County  Palatine  and  City  of  Chester,  2'"i  Ed.  by  Th.  Helsby,  London. 
1882,  4%  t.  III,  p.  67  ;  Lysons,  o.  c.)  De  plus  Rousseau  n'habita  pas  Da- 
venport Hall,  sauf  durant  sa  courte  visite,  sens  que  peut  avoir  «  enter- 
tained. »  Ces  inexactitudes  surpr^nent  d'autant  plus  qu'Edgeworth  vint 
habiter,  en  1770,  Lichfield,  à  22  milles  de  Wootton  et  dut  connaître 
les  traditions  locales  concernant  Rousseau  ;  aurait-il  pu  confondre  Da- 
venport et  Wootton  ? 

2  Œuvres,  t.  VIII,  p.  i  27,  Confessions,  I,  v. 


SÉJOUR  DE  J.  J.  ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE       7I 

tement  le  montant  dans  son  agenda^;  mais  sa  généro- 
sité native  ne  se  déployait  vraiment  que  dans  les  cir- 
constances où  rien,  ni  coutume  ni  requête,  ne  la  con- 
traignait à  s'exercer-.  Les  paysans  de  Wootton  béné- 
ficièrent les  premiers  de  sa  bienveillance  à  l'égard  du 
prochain. 

Sans  avoir  toujours  de  lointains  buts  de  promenade, 
Jean-Jacques  aimait  à  sortir  du  parc,  à  errer  aux 
alentours,  à  observer  les  cultures"',  le  bétail  au  pâtu- 
rage, les  moutons  tondant  l'herbe  grasse  des  prés  soi- 
gneusement enclos  \  Volontiers  il  se  rendait  à  Woot- 
ton ;  du  Hall,  un  petit  quart  d'heure  de  marche  à  tra- 
vers la  pelouse  et  par  un  chemin  creux  et  montant, 
ramenait  au  centre  du  hameau;  toutes  de  pierres  grises, 
les  maisons,  précédées  d'un  jardinet  entouré  d'un  mur 
de  pierres  —  et  non  de  briques  comme  l'on  s'y  atten- 
drait —  s'éparpillent  sur  un  versant  déboisé,  au  carre- 
four de  trois  routes:  l'une  descend  à  EUastone  en  con- 
tournant le  parc,  l'autre  se  dirige  vers  les  Weaver  Hills, 
vers  Stanton  et  Ilam.  Là,  nulle,  auberge,  nulle  bou- 
tique ;  accompagné  de  Miss  Zell,  ou  même  seul,  Ross 
HalP  pénétrait  dans   les    chaumières  et  y   distribuait 

'  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVl  ;  domestiques  de  Port,  de  Da- 
venport,  le  jardinier  de  Granville,  Peggy  et  sa  mère,  l'enfant  du  jardi- 
nier de  Wootton. 

2  Œuvres,  t.  VIII,  p,  369,  Confessions,  II,  x. 

'  Œuvres,  t.  VI,  Sur  la  Botanique  de  Regnanlt  :  p.  9g,  la  pomme  de 
terre;  p.  117,  le  navet.  Dufour,  Th.,  Pages  inédites  de  J.  J.  Rousseau, 
Annales  J.  J.  Rousseau,  t.  II,  p.  265,  n°  64:  «Eglantier  ou  Rosier  sau- 
vage. Ce  n'est  pas  le  Gratte-cu  commun.  C'est  celui  dont  les  feuilles 
sont  odorantes  et  que  les  Anglois  ne  dédaignent  pas  de  placer  dans 
leurs  jardins.  » 

*  Id.,  t.  VI,  p.  66,  à  la  Z)"^«  de  Portland,  20  oct.  1766;  p.  68,  12  fé- 
vrier 1767. 

5  Miss  Zell  1=  Mademoiselle)  et  Ross  Hall  :  Thérèse  et  Rousseau  dans 
k'  dialecte  local:  cf.   Howitt,  o.  c,  p.  5 11. 


72  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

libéralement  son  thé  suisse  composé  de  simples  cueil- 
lis dans  les  vallons  et  sur  les  collines,  au  hasard  des 
courses  champêtres  ^ 

Sa  rêverie  de  solitaire,  lui  faisant  parfois  dépasser  le 
village,  le  conduisait  à  la  mine  de  plomb  de  Stanton"  : 
captivé  d'abord  par  les  travaux  d'extraction  du  minerai, 
il  reportait  bien  vite  son  intérêt  sur  les  mineurs  eux- 
mêmes,  et  leur  dénuement  le  touchait  fort:  que  de  fois 
il  regretta  d'avoir  si  peu  d'argent  pour  soulager  leur 
misère  •\' 

Si  les  campagnards  lui  témoignaient  la  déférence  * 
que  le  vulgaire  ne  refuse  guère  aux  êtres  bons,  un  peu  dé- 
rangés d'esprit,  et  le  prenaient  pour  un  roi  détrôné,  les 
enfants,  eux,  le  tenaient  pour  un  être  mystérieux  et  re- 
doutable :  du  plus  loin  qu'ils  apercevaient  le  bonnet  et 
le  caftan,  ils  fuyaient,  avec  un  furtif  regard  de  curio- 
sité :  soixante-quinze  ans  plus  tard,  le  fermier  Burton, 
James  Robinson.  et  Miss  Sait  se  souvenaient  de  leur 
émoi  d'écoliers  apeurés'^. 


1  Lettres.  C,  Malthus  à  Rousseau,  i8  juillet  1766,  X.—  11  semblerait 
qu'à  la  longue  Rousseau  ait  pu  échanger  quelques  paroles  avec  les 
campagnards  des  alentours:  «  Scavés-vous  la  différence  qu'il  y  a  des 
paysans  d'Angleterre  a  ceux  de  ce  pays-ci  r  Quand  j'herborisois,  ils 
venoient  me  demander  :  «A  quoi  sert  cette  plante  ?  »  Ceux  d'ici  [me  di- 
sent] :  «  Ah!  C'est  telle  chose;  cela  sert  à  tel.  »  Ceux  ci  veulent  instruire, 
ceux  la  cherchent  toujours  à  s'instruire.  »  Cf.  Saint-Pi£rre,  Bernardin 
de,  Vie  et  Ouvrages  de  J.  J.  Rousseau,' éd.  M.  Souriau,  Paris,  1907, 
in-i6,  p.  i65. 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  335,  à  Mme  de  Lu^^e,  10  mai  i  766.  Lewis,  Samuel, 
J'upographical  Dictionaiy  of  England,  London,  i83i,  4°. 

3  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  7  août  i  766.  —  En  1769,  une  famille 
de  mineurs  habitait  une  grotte,  près  de  Buxton  ;  interrogée  sur  le  gain 
de  son  mari,  la  femme-  répondit  que  «if  he  had  good  luck,  he  could 
earn  his  five-pence  a  day  !  »  De  Foe,  0.  c,  7"'  éd.,  t.  III,  p.  80. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  336,  à  M .  de  Lu:^e,  10  mai  1766. 
^  Howitt,  o.  c,  pp.  5  10-5  II. 


SÉJOUR   DE  .1.    J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRK  y'i 


IV.  La  Bibliothèque  et  les  Estampes  de  Rousseau. 

Nous  ne  saurions  taire  deux  transactions  qui  occu- 
pèrent Rousseau  durant  l'hiver  et  qui  sont  importantes, 
sinon  en  elles-mêmes,  du  moins  par  les  pistes  sur  les- 
quelles elles  peuvent  mettre  les  investigateurs  :  nous 
entendons  la  vente  de  sa  bibliothèque  et  celle  de  ses 
estampes. 

En  automne  1768,  ayant  renoncé  au  métier  d'auteur, 
Jean-Jacques  avait  chargé  son  ami  Léonard  Usteri  de 
vendre,  en  bloc,  les  4  ou  5oo  volumes  de  sa  «  librai- 
rie*» ;  l'affaire  en  resta  là.  Deux  ans  plus  tard,  il  pos- 
sédait un  millier  de  livres-  et  cherchait  à  s'en  débar- 
rassera Au  lendemain  du  départ  de  l'île  Saint-Pierre, 
il  songea  à  en  établir  le  catalogue^,  ou  plutôt  à  com- 
pléter celui  qu'il  avait  commencé  pendant  l'hiver  17(53- 
[764^;  de  Strasbourg,  puis  de  Paris*,  il  pria  Du  Peyrou 
de  lui  préparer  l'envoi  des  plantes  suisses  reçues  de  Julie 
de  Bondeli,  en  septembre  1765'^,  et  des  ouvrages  de 
botanique,   et  de  le  défaire   du   reste*;  de  Wootton,  il 

1  Usteri,  P.  et  Ritter,  Eug.,  o.  c,  p.  86,  Rousseau  à  Usteri,  3  octobre 
I  763. 

-  Dutens,  Louis,  Lettre  à  M.  D[e]  Blure],  sur  la  Réfutation  du  livre 
de  VEsprit  d'Helvétius  par  J.  J.  Rousseau.  A  Londres,  1779,  ^°>  P-  4- 

^  Œuvres,  t.  XI,  p.  229,  à  Du  Peyrou,  7  mars  T765  ;  Bosscha,  0.  c, 
p.  253,  18  mars  1765,  n"  i32. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  288,  à  Du  Peyrou,  27  oct.  1765. 

'"  Usteri,  P.  et  Ritter,  Eug.  o.  c,  p.  86,  Rousseau  à  Usteri,  3  oct.  1763  ; 

p.  91,  5  janv.  1764. 
»  Œuvres,  t.  XI,   p.  293,  à  Du  Peyrou,  17  iiov.  1765;  p,  3o2,  24  déc, 
■  Cf.  Usteri,  P.  et  Ritter,  Eug.,  o.  c,  p.  147,  J.  de  Bondeli  à  Usteri, 

I  7  sept.  1765. 

*  Thérèse  transporta  les  livres  chez  Du  Peyrou  le  vendredi  8  nov. 
i"765.  Cf.  Du  Peyrou  à  Rousseau,  9  nov.  1765,  n"  6  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de 
Neuchâtel.i 


74  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

réitère  cet  ordre  \  et,  lorsqu'à  son  grand  déplaisir  il 
apprend  que  sa  bibliothèque  entière  est  en  route  pour  le 
rejoindre  -,  il  s'en  tient  à  son  projet  dans  la  mesure  du 
possible  :  ce  qu'il  ne  veut  pas  sera  vendu  à  Londres'. 

Après  une  attente  énervante  *,  il  est  avisé,  le  12  août, 
que  les  libraires  Becket  et  de  Hondt  ont  pour  lui,  de- 
puis le  18  juillet ^  sept  caisses  marquées  I.  I.  R.  du 
poids  considérable  de  1244  livres;  le  transport  coûtait 
16  livres  sterling  et  plus",  la  douane  s'élevait  à  14  livres 
sterling ^  Jean-Jacques  s'étonna  fort,  s'indigna  même 
d'avoir  à  payer  3i  livres*,  et  tous  ses  correspondants 
apprirent  sa  colère  de  voir  taxer  20  shellings  un  vieux 
cistre  pourri  et  brisé  ^. 

Le  23  août,  il  recevait  de  Becket  un  ballot  de  traités 


'  Œuvres,  t.  XI,  p.  321,  29  mars  1766;  p.  33;,  10  mai;  p.  345, 
3i  mai. 

-  Elle  quitta  Neuchâtel  le  24  mai  1766  par  le  bateau  de  Thuillard. 
Mandrot  et  Eternod  qui  s'engagèrent  à  la  remettre,  à  Londres,  aux 
libraires  Becket  et  de  Hondt.  Cf.  Du  Peyroit  à  Rousseau,  1^''  juin  1766» 
n°  26;  avril  1766,  n"  23  (Lettres  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel. I  Ce  bateau 
partait  d'Yverdon  chaque  année  au  printemps;  Œuvres,  t.  XI,  p.  297,  à 
d'Ivernois,  2  déc.  1765. 
:  ■''  Œuvres,  t.  XI,  p.  349,  à  Du  Peyroti,  21  juin  1766. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  -320,  29  mars  1 766. 

'^ Id.,  t.  XI,  p.  38i,  à  Rey,  [23]  août  1766;  Lettres.  A,  Rousseau  à 
Becket,  23  août,  XIV. 

6  Lettres,  Yi,  Becket  à  Davenport,  6  sept.  1766.  —  Le  transport,  cal- 
culé sur  la  base  de  27  livres  de  France  (=;  18  francs  de  Berne  = 
26  sols  sterling)  par  quintal,  fut  majoré  de  2  livres  5  sols  par  quintal 
sous  le  prétexte  que  les  caisses  pesaient-seulemént  10  Quintaux  et  non 
les  3o  prévus.  Cf.  Du  Peyrou  à  Rousseau,  14  fév.  1766,  n"  18;  i"'  juin. 
n''26;  6  juillet,  n"  29  (Lettres  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.) 

''Lettres,  A,  Rousseau  à  Becket,  23  août  1766,  XIV. 

^  Id.,  Rousseau  à  Lucadou,  11  août  1766,  XII;  Rousseau  à  Becket, 
(^11  août  1766],  XIII.  C'est  Lucadou,  correspondant  de  Du  Peyrou,  qui 
acquitta  cette  somme.  Œuvres,  t.  XI.  p.  3 12,  à  d'Ivernois,  25  février 
I766.' 

^Lettres,  A,  Rousseau  à  Becket,  23  août  1766,  XIV;  Œuvres,  t.  XI, 
p.  38i,  à  Rey.  [23]  août;  t.  XII.  p.  2,  à  Guy,  fév.   1767. 


SÉJOUR  DE  .1.   J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  7  5 

botaniques^  contenant  aussi  plusieurs  portefeuilles 
vides  de  leurs  estampes  ;  pour  le  coup,  il  se  crut  volé 
et  protesta  en  termes  énergiques  et  amers-;  Daven- 
port  s'informa^;  finalement  tout  se  retrouva^. 

Subsistait  l'énormité  des  droits  de  douane  ;  malgré 
une  vive  correspondance  en  août  et  en  septembre  entre 
Rousseau,  son  hôte  et  Becket,  les  choses  n'avancèrent 
pas  jusqu'au  retour  à  Londres  de  Davenport  qui  mit 
en  mouvement  son  ami  William  Fitzherbert.  député  de 
Derby  et  membre  du  ministère  du  commerce"';  informé, 
le  premier  commissaire  de  la  Trésorerie,  duc  de  Grafton, 
fit  rembourser,  en  janvier  1 767,  les  droits  acquittés  en 
septembre  ;  il  ajouta  qu'il  s'agissait  là  d'une  attention 
spéciale  du  roi  à  l'égard  de  l'écrivain''.  Encore  que 
flatté^,  Rousseau  remercia  Grafton  en  une  lettre  sèche* 
où  Davenport,  qui  la  transmit  ^,  retrouva  l'écho  de  celle 

'  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  g  fév.   1767,  XXXIII. 

2  Id.,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI  :  «  18  août:  Port  d'un  ballot  de 
livres»  ;  ce  ballot  resta  en  souffrance  quelques  jours,  à  Ashbourne  pro- 
bablement, bureau  de  poste  le  plus  rapproché,  et  n'en  fut  retiré  que 
le  23;  id.,  A,  Rousseau  à  Becket,  23  août  1766,  XIV;  Œuvres,  t.  XI, 
p.  38i,  à  Rey,  [23]  août. 

^Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  10  sept.  1766,  VIII. 

*  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  11  sept.  1766,  XVII. 

^  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  20  janv.  1767,  XVIII;  3  t'év.,  XXI  : 
Œuvres,  t.  XI,  p.  417,  à  Davenport,  7  fév.  —  Fitzherbert  (cf.  p.  5q, 
note  3),  dont  Johnson  louait  l'amabilité  et  l'entregent  (Boswell,  o.  c, 
i.  III»  p.  148),  était  «  Commissioner  of  the  Board  of  Trade,  and  Mem- 
ber  for  the  borough  of  Derby»;  c'est  en  cette  qualité  qu'il  possédait  la 
franchise  de  port  :  il  y  a  une  lettre  de  lui  à  Davenport,  du  7  août  1766  ; 
l'enveloppe,  non  affranchie,  porte  la  signature  :  W"»  Fitzherbert,  Der- 
byshire  ;  elle  ne  concerne  pas  Rousseau  (Brit.  Mus.,  Add.  29626,  f.  26.) 
Il  se  suicida,  le  2  janv.    1772. 

'^Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  27  janv.  1767,  XX;  à  comparer 
;ivec  la  missive  originale  du  secrétaire  Stonhewer,  donnée  en  note. 

7  Œuvres,  t. XI,  p.  422,  à  Du  Peyrou,  14  fév.  1767;  t.  XII,  p.  5,  à  Guy, 
14  mars. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  415,  7  fév.  1767. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  417,  à  Davenport,  7  fév.   1767. 


7t>  ANNALES   DE    LA    SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

qui  lui  avait  été  adressée  quelques  jours  auparavant  ^ 
Entreposées  jusqu'alors  chez  Becket  et  de  Hondt,  les 
malles  passèrent,  le  19  janvier  1767,  dans  la  maison  de 
Davenport-.  qui  accepta  d'en  évaluer  le  contenu'*,  mais 
se  déchargea  de  ce  soin  qui  dépassait  sa  compétence^ 
sur  Louis  Dutens  ■',  bibliophile  distingué  '"'.  L'affaire  — 
compliquée  par  mille  circonstances,  dont  la  plus  grave 
était  la  susceptibilité  de  Jean-Jacques,  toujours  enclin 
à  voir  partout  des  bienfaiteurs  importuns  ou  des  gens 
indélicats^  —  se  régla  en  six  semaines. 

Moyennant  deux  guinées^,  le  libraire  Lewis^  estima 
les  volumes  après  un  inventaire  délicat^",  car  —  nil  novi 
sub  sole —  les  douaniers  avaient  bouleversé  les  caisses*'. 

1  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3i  janv.  1767,  XXX. 

-  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  20  janv.  1767,  XVIII  ;  Davenport  em- 
ménagea 6  malles  :  la  7""'  était  à  Wootton  depuis  l'été  ;  cf.  p.  71,  note  i. 

•  Du  Peyrou  accompagna  l'envoi  d'un  catalogue  du  contenu  spécifi- 
que de  chaque  caisse  et  répéta  dans  sa  lettre  n"  26,  du  i"  juin  1766,  les 
articles  principaux:  «caisse  n"  i:  Livres  de  Botanique,  Estampes, 
Porte-feuilles  ;n°  2  :  le  Calepin;  n»  5  :  deux  exemplaires  des  lettres  de 
Voltaire  sur  les  Miracles  ;  n*  6  :  Musique  et  Médailles  ;  n°  7  :  Guitare .  » 
(Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.l 

*^  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  3  fév.  1767,  XXI. 

">  Id.,  C,  Dutens  à  Rousseau,  12  fév.  1767,  II;  B,  Davenport  à  Rous- 
seau, 14  fév.,  XXiy  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  423,  à  Dutens,  -16  fév. 

•^  Et  non  librajre,  comme  le  disent  MM.  Usteri  et  Ritter,  o.  c,  p.  92, 
note.  —  Louis  Dutens  (1730-1812),  pasteur,  historiographe  de  Geor- 
ges III,  polygraphe,  éditeur  de  Leibniz. 

^  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3i  janv.  1767,  XXX  ;  C,  Dutens 
à  Rousseau,  12  fév.,  II. 

î*  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  26  mars  1767,  XXXII. 

'•'  Id:,  B,  Davenport  à  Rousseau,.  12  mars  1767,  XXVIII.  Ce  Lewis  te- 
nait boutique  dans  Russell  Street,  Covent  Garden.  Dutens  proposait  un 
certain  Baker:  id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  14  fév.,  XXIV. 

w  C'est  Rousseau  qui  demanda  l'expertise:  Lettres,  A,  Rousseau  à  Da- 
venport, 3i  janv.  1767,  XXX,  et  Œuvres  t.  XI,  p.  417,  9  fév.  ;  ce  pro- 
cédé était  plus  rapide  que  celui  de  Dutens  qui,  très  honnêtement,  vou- 
lait établir  les  prix  après  consultation  des  catalogues  des  différents 
libraires  londoniens  :  Lettres,  C,  Dutens  à  Rousseau,  26  fév.,  III  ; 
3  mars,  IV. 

''\Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  23  fév.  1767,  XXV. 


SÉJOUR   DE  .1.   J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  77 

Beaucoup  d'ouvrages  étaient  dépareillés  ;  les  tomes 
manquants  pourrissaient  dans  quelque  haie  de  Mont- 
morency ou  de  Métiers^;  néanmoins  le  catalogue-  qu'a- 
vait rédigé  ^  ou  complété  *  Du  Peyrou  permit  le  con- 
trôle. L'opération,  honnêtement  conduite,  permit  d'é- 
viter l'encan -^  ou  la  vente  en  bloc  à  un  libraire  qui  eût 
spéculé  sur  ces  livres,  tous  revêtus  de  la  signature  de 
leur  illustre  possesseur  %  et  n'eût  pas  manqué  de  publier 
—  au  grand  effroi  de  Rousseau' — les  remarques  dont 
il  avait  couvert  les  marges  de  certains  ouvrages  et  très 
spécialement  les  observations  sur  VEsprit  d'Helvétius. 
Il  y  eut  deux  acquéreurs  :  Davenport  retint  VEncy- 
clopédie  qu'il  paya  34  livres  sterling'';  la  bibliothèque 
devint  la  propriété  de  Dutens  lui-même  qui  s'enrichit  de 
mille  volumes^  pour  le  prix  de  65  livres^*'.  Il  adopta  une 
manière  originale  de  s'acquitter;  abandonnant  sa  pre- 

'  Œuvres,  t.  XII,  p.  3,  à  Dutens,  2  mars  1767. 

-  Id.,  t.  XI,  p.  417,  à  Davenport,  9  fév.  1767  ;  t.  XII,  p.  3,  à  Dutens, 
1  mars;  Lettres,  C,  Dutens  à  Rousseau,  26  fév.,  III. 

■^  «Vos  Livres  sont  donc  chez  moi,  et  je  me  suis  oublié  à  vouloir  les 
■'  arranger.  Je  n"ay  réussi  qu'en  partie,  et  j'ay  laissé  cette  occupation 
«  pour  venir  vous  écrire.  Quand  tout  sera  fini,  je  vous  envoyerai  le  Ca- 
«  talogue  pour  que  vous  me  marquiez  ce  que  vous  voulez  garder.  >■>  Du 
Peyrou  à  Rousseau,  n"  6,  9  nov.  1765.  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.i 

■*  Cf.,  p.  69,  note  b. 

'"Lettres,  C,  Dutens  à  Rousseau,  12  fév.  1767,  II. 

*  Id,  C,  Dutens  à  Rousseau,  26  fév.  1767,  III;  B,  Davenport  à  Rous- 
seau, 3  fév.,  XXI;  Œuvres,  t.  XI,  p.  423,  à  Dutens,  16  fév.  —  Cet  cx- 
//èm  autographe  :  A.  J.  J.  Rousseau,  est  reproduit  par  Malassis  sur  le 
titre  de  sa  plaquette,  La  Querelle  des  Bouffons,  Paris,  1876,  8». 

7  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  9  fév.  1767,  XXXIII;  B,  Daven- 
port à  Rousseau,  14  fév.,  XXIV;  C,  Dutens  à  Rousseau,  5  mars,  IV. 

^  Id.,  C,  Dutens  à  Rousseau,  26  fév.  1767,  III;  B,  Davenport  à  Rous- 
seau, 12  mais,  XXVIII. 

9  «Il  y  a  douze  ans  que  j'achetai  à  Londres  les  livres  de  J.  J.  Rous- 
seau, au  nombre  d'environ  mille  volumes.»  Dutens,  L.  Lettre  à  Mon- 
sieur D[e]  B[ure]  sur  la  Réfutation  du  livre  de  l'Esprit  d'Helvétius  par 
./.  J.  Rousseau.  A  Londres,  1779,  p.  4. 

"'  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  26  mars  1767,  XXXII. 


7^  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ  J.  J.    ROUSSEAU 

mière  idée  de  trois  annuités,  il  décida  de  servir  à  Jean- 
Jacques  une  rente  viagère  annuelle  de  lo  livres  cessant 
à  la  mort  du  prémourant  ^,  payable  par  son  cousin 
Frédéric  Dutens,  de  Londres,  et  partant  du  5  juin  1 767  *. 
Avec  une  délicatesse  qui  l'honore,  Dutens  déclara  à 
Rousseau  qu'il  tiendrait  constamment  à  sa  disposition 
les  ouvrages  annotés  de  sa  main  et  qu'il  ne  communi- 
querait ces  volumes  à  personne,  pas  même  à  titre  de 
prêt^. 

Au  moment  de  l'achat  plusieurs  volumes  étaient  à 
Wootton";  ils  furent  transmis  à  Dutens  au  début  de 
1768^.  Oii  la  mort  de  ce  bibliophile  dispersa-t-elle  tous 
ces  ouvrages?  Nous  l'ignorons,  avec  le  regret  de  ne 
pouvoir  connaître  la  composition  de  la  bibliothèque  de 
Jean-Jacques,  bibliothèque  de  quelque  valeur,  ainsi 
qu'en  témoignent  et  les  paroles  de  Dutens^  et  la  somme 
qu'il  consacra  à  son  acquisition^. 


A  la  même  époque,    Rousseau    se    défit    aussi   de  sa 
collection  d'estampes,  malgré  la  passion  que  les  gravures 


1  Id.,  C,  Dutens  à  Rousseau,  26  fév.  1767,  III  ;  19  mars,  V;  B,  Da- 
venport  à  Rousseau,  1 2  mars,  XXVIII. 

2  Id.,  D,  Dutens  à  Davenport,  3o  mars  1767,  II. 
•'  Id.,  C,  Dutens  à  Rousseau,  19  mars  1767,  V. 

^  Lettres,  \,  Rousseau  à  Davenport,  3o  avril  1767,  XXXVIII.  Œuvres, 
t.  XH,  p.  7,  à  Dutens,  26  mars;  p.  42,  i'6  oct.  ;  p.  41,  à  Guy,  8  oct. 

*  Lettres,  D,  Dutens  à  Davenport,  22  mars  1768,111. 

^  Id.,  E,  Davenport  à  Rousseau,  14  fév.  1767,  XXIV. 

'  Louis  Dutens  mourut  le  23  maii8i2  à  Mount  Street,  Grosvenor 
■Square  (Genileman's  Magai^ine,  june  181  2,  p.  598.)  Sa  bibliothèque,  riche 
en  éditions  rares,  fut  vendue  aux  enchères  par  Christie,  du  8  au  11  fé- 
vrier 181  3.  Le  registre  de  vente  ne  mentionne  aucun  possesseur  anté- 
rieur des  livres,  sauf  Swift,  dont  VHomeri  Ilias  Didymi  minor,  russia, 
élégant,  gilt  leaves,  by  Roger  Payne,  Oxon  :  lôgS,  fut  payé  liv.  st.  1. 17 
par  Whitmore  ;  Catalogue,  n"  61,  p.  39.  Le  nom  de  Rousseau  n'y  figure 


SÉJOUR   DE  J.   J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  79 

lui  inspiraient^,  ranimée  encore  par  les  donsde  Watelet, 
en  décembre  lyôS^,  et  ceux  plus  récents  de  Lord  Nu- 
neham^.  Réclamées  dès  le  début  du  voyage*,  les  gravu- 
res ne  parvinrent  en  Angleterre  qu'en  juillet  1766,  em- 
paquetées par  Du  Peyrou  dans  le  ballot  des  livres  de 
botanique^;  on  sait  déjà  que  l'incurie  de  Becket  causa 
d'inutiles  terreurs  à  Jean-Jacques",  qui,  bientôt  ras- 
suré ^  les  lui  laissa  en  dépôt  jusqu'à  l'arrivée  à  Lon- 
dres de  Davenport  qui  les  abrita  chez  lui. 

En  décembre  seulement,  Rousseau  fit  appel  aux 
lumières  de  Lord  Nuneham  pour  la  vente  de  sa 
collection  '  ;    le    désordre    des     caisses    compliqua    le 


même  pas  parmi  les  auteurs,  excepté  une  fois  ;  le  !«■■  jour,  Dulau  acheta 
i3  sh.  le  lot  n»  70  :  Œuvres  de  Ca:{otte,  7  tomes,  1788;  Œuvres  choi- 
sies de  Rousseau,  1766;  Poésies  de  Régnier  Desmarais,  2  tomes,  1753. — 
Il  s'agit  de  Jean-Baptiste  Rousseau.  —  Dibdin  parle  de  certains  ouvra- 
ges acquis  à  cette  vente,  mais  ne  fournit  pas  d'indication  sur  le  fonds 
Rousseau;  The  Bibliographical  Decameron,...  London,  1817,  t.  III, 
pp.  g3,  94. 

'  «  ...j'aime  extrêmement  les  estampes,  parce  qu'elles  laissent  quel- 
que chose  à  faire  à  mon  imagination.  »  Usteri,  P.  et  Ritter,  E.,  o.  c,  p.  1 57. 

-  Œuvres,  t.   XI,  p.  304,  à  Du  Peyrou,  i'"'  janv.  1766. 

'•  Id.,  t.  XI,  p.  4o3,  à  Nuneham,  24  déc.  1766. 

*  Id.,  t.  XI,  p.  3o2,  à  Du  Peyrou,  24  déc.  1765  ;  p.  3o3,  1"  jan- 
vier 1766. 

*  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  9  fév.  1767,  XXXIII. 

'5  Id.,  A,  Rousseau  à  Becket,  23  août  1766,  XIV;  à  Davenport,  6  sept., 
XV;  B,  Davenport  à  Rousseau,  8-i3  sept.,  VII-IX;  Œuvres,  t.  XI,  p.  38i, 
à  Rey,  [23]  août;  p.  418,  à  Davenport,  9  fév.  1767;  cf.  note  3. 

7  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  11  sept.  1766,  XVII. 

*  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  b  fév.  1767,  XXII;  C,  Nuneham  à 
Rousseau,  10  fév.,  II  ;  B,  Davenport  à  Rousseau,  14  fév.,  XXIV  ;  Œuvres, 
t.  XI,  p.  403,  à  Nuneham,  24  déc.  1766.  Lord  Nuneham  (cf.  p.  17, 
note  4)  était  plus  qu'un  amateur  éclairé  :  il  maniait  lui-même  le  burin, 
preuve  en  soit  les  deux  ouvrages  suivants  :  [A  Séries  of  four  vietfso/the] 
Ruins  at  Stanton  Harconrt  in  the  County  of  Oxford,  drawn  and  etched... 
by  Newnham,  4  plates.  [London?]  1763,  64,  in-fol».  —  An  Account  oj 
the  Church  and  Remains  of  the  Manor  House  at  Stanton  Harconrt  in 
the  County  of  Oxford,  by  Georges  Simon  Harcourt,  earl  Harcourt, 
Oxford.   1808,  in- 12. 


80  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  ,1.    J.    ROUSSEAU 

triage  \  Par  ordre,  Nuneham  rentra  en  possession  de  ses 
cadeaux  ^  et  enrichit  son  cabinet  des  estampes  originales 
des  œuvres  de  Rousseau^  et  des  pièces  rares  de  Saint- 
Non  ^  ;  plus  tard,  il  accepta  encore  celles  de  Watelet^ 
que  Jean-Jacques,  fidèle  à  son  principe  de  ne  pas  bat- 
tre monnaie  des  gravures  offertes  par  les  auteurs  eux- 
mêmes'',  refusa  de  mettre  en  vente  ;  l'exception  qui 
frappa  celles  de  Ramsay  n'est  qu'apparente,  car  l'ar- 
gent en  alla  aux  pauvres  par  les  soins  de  Nuneham  '  ; 
la  générosité  ne  parut  guère,  tant  Rousseau  s'était 
exagéré  la  valeur  marchande''  de  ces  quelque  vingt 
portraits  •*. 

Rousseau  conserva  les  seuls  portraits  de  Milord  Ma- 
réchal '*^  et  de    Georges  III  ^^  :  à    ces   réserves  près,  il 


'  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  25  fév.  1767,  XXV;  C,  Nuneham 
à  Rousseau,  28  fév.,  IV;  mars,  V. 
2  Œuvres,  t.  XI,  p.  403,  à  Nuneham,  24  déc.    1766. 
•'  Id.,  t.  XI,  p.  421,  à  Nuneham,  14  fév.  1767. 

*  Id.,  t.  XII,  p.  3,  à  Nuneham,  5  mars  1767;  Lettres,  C,  Nuneham  à 
Rousseau,  mars,  Y. 

*  A  l'origine,  Nuneham  ne  les  eut  qu'à  titre  de  dépôt,  à  charge  de  les 
échanger  contre  un  ouvrage  de  botanique:  Œuvres,  t.  XI,  p.  421,. 
à  Nuneham,  14  fév.  1767  ;  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  14  fév., 
XXIV  ;  C,  Nuneham  à  Rousseau,  19  fév.,  III  ;  puis  il  les  accepta  (id.,  C, 
Nuneham  à  Rousseau,  22  ']&nv.  1768,  IX),  bien  que  les  possédant  déjà 
(id.,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  10  fév.  1767,  II.) 

«  Œuvres,  t.  XII,  p.  3,  à  Nuneham,  5  mars  1767. 

''Œuvres,  t.  XII,  p.  9,  à  Nuneham,  2  avril  1767;  p.^i3,  11  avril; 
Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  7  avril,  VI. 

,8  Au  lieu  de  4  à  5  guinées,  ell-e  fut  dé  liv.  st.  i.  i5.  Lettres,  C, 
Nuneham  à  Rousseau,  7  mai' 1767,  VII. 

9  Amiral  Boscawen,  Lord  Bute,  Duc  d'Argyle,  etc.:  cf.  note  7. 

1'  Œuvres,  t.  XII,  p.  3,  à  Nuneham,  5  mars  i  767  ;  Lettres,  C,  Nuneham 
à  Rousseau,  mars,  V. 

"  Œuvres,  t.  XII,  p.  8,  à  Nuneham,  2  avril  1767;  p.  i  3,  11  avril; 
Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  7  avril,  VI.  Il  ne  l'avait  pas  encore 
reçu  en  mars  1769':  Œuvres,  t.  XII,  p.  \bi,  à  Laliaud,  17  mars  1769. 
Bernardin  de  Saint-Pierre  vit  cette  estampe  orner  la  chambre  de  Rous- 
seau, en  juin  1772.  O.  c.  pp.  3  i,  33. 


SÉJOUR   DE   J.    .1.    ROUSSEAU  EN   ANGLETERRE  8l 

trouva  acquéreur  pour  le  reste  \  sans  que  son  nom  fût 
prononcé  %  précaution  qui  devait  interdire  toute  suren- 
chère sur  les  prix  établis  par  les  experts  ^  :  toujours  la 
terreur  de  l'aumône  \'  La  vente  eut  une  belle  allure- 
la  première  semaine,  elle  réalisa  9  guinées  et  demie  ^  èi 
le  26  mars  toutes  les  estampes,  moins  une,  étaient 
écoulées;  le  résultat  total  fut  de  Lst.  16.11.7,  soit 
41b  fr."  Rousseau  encaissa  cette  somme  dans  le'  cou- 
rant de  l'été  ^ 

On  voit  que  ces  deux  ventes  occupèrent  passable- 
ment Rousseau  durant  le  premier  trimestre  de  1767  et 
l'obligèrent  à  une  correspondance  active  qui  décèle  son 
esprit  méthodique  et  sa  scrupuleuse  honnêteté  en  ma- 
tière dargent,  en  même  temps  qu'elle  témoigne  de  la 
complaisance  de  Davenport,  de  Dutens  et  de  Lord  Nu- 
neham.  Peut-être  quelque  châtelain  anglais  pourrait-il 
renseigner  les  rousseauistes  sur  le  sort  des  livres  et  des 
estampes  du  maitre. 

-  Lettres,  C.  Nxineham  à  Rousseau,  19  fév.  1767    III 

■'■  Le  l'^mars.  Id.,  C   Nuneham  à  Rousseau,  28  fév.'i767,  IV 

nés,  t.  AJ,  p.  421,  a  isuiieham,  i4lév. 

s  Lettres,  C,  Nuueham  à  Rousseau,  mars  i  767,  V. 

•^  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  26  mars  116-'  XXXTT-  r    \-       , 
Rousse^!-    -  a^M-;i    \n    r-       jj--  ^  '^7^/,  -^^^u  .  L,  ,\ uue/tam  a 

Œr;frxrp"3sf"/°'^"'^'"-r°  '-■  ^-^  paL-RoutSr; 

de  ^«v  ;        /  ^'        '  "^  ^'''''  ^""^^  '7b6;  la  différence  proviendrait-elle 
de  la  valeur  des  estampes  de  Saint-Non  et  de  Watelet  - 

ŒttTt.  Xl/'^rfr-  i^!ï!''":  7  mai  :  767,  VU;'  27  juillet,  VIII 


-S  a  Suneham,  10  juillet;  p.  5o,  i  7  janv.  1768. 


82  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   .1.    ROUSSEAU 


V.  Les  dernières  semaines  a  Wootton. 

Rousseau  devait  passer  près  de  deux  mois  encore  en 
Angleterre,  dont  un  seul  à  Wootton  ;  ces  dernières 
semaines  comptent  parmi  les  plus  poignantes,  tant  leur 
histoire  est  mystérieuse  ;  elle  nous  fait  remonter  de 
quelques  mois  en  arrière,  car  dans  cette  vie  tous  les 
événements  s'enchaînent  étroitement,  et  telle  circon- 
stance insignifiante  à  son  heure  aura  une  extraordinaire 
répercussion  sur  les  événements  ultérieurs. 

L'automne  de  1 766  se  passa  tranquillement  en  appa- 
rence ;  mais  Jean-Jacques  désirait  régler  son  loyer  ^  et 
diverses  dépenses-:  la  visite  toujours  promise  et  tou- 
jours différée^  de  Davenport,  qui  n'était  plus  revenu  à 
Wootton  depuis  août,  retenu  et  par  sa  goutte  et  par 
une  visite  prolongée  de  Mrs  Bromle)',  sa  fille  aînée  *. 
l'avait  dérangé  dans  ses  habitudes  de  régularité'';  énervé 
de  ce  délai  et  voyant  approcher  Noël,  c'est-à-dire  le  dé- 
part pour  Londres  de  Davenport  qui  y  séjournerait  qua- 
tre mois,  craignant  d'autre  part  une  nouvelle  aumône 
déguisée,  sous    cet    éloignement     habituel,     Rousseau 

^Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  14  oct.  1766,  XXI.  La  location  de 
Wootton  était  de  3o  liv.  st.  par  an,  logement  et  nourriture  pour  deux  per- 
sonnes compris  :  Burton,.  0.  c,  t.  Il,  p.  3i3,  Hume  à  Blair,'2b  mars  1766. 
,  -  Ainsi  le  vin  fourni  par  Walton:  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI. 

"  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  6  sept.  1766-5  déc,  XV,  XVI, 
XVII,  XX,  XXI,  XXIII,  XXIV  ;  B,  Davenport  à  Rousseau,  8  sept.-5  déc, 
VII,  XI-XIV. 

*  Bridget,  mariée  k  John  Bromley,  de  Bagiugton  en  Warwickshire  ; 
Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  i3  sept.  1766-16  oct.,  IX-Xl;  Appen- 
dices, Ab. 
•5  Le  premier  seTnestre  de  sa  résidence  à  Wootton  échéait  le  22  sep- 
tembre ;  on  comprend  qu'il  ait  tenu  à  le  régler  au  plus  tôt,  lui  qui 
aimait  à  voir  clair  dans  ses  comptes  et  qui  les  mettait  à  jour  annuelle- 
ment en  janvier:  Œuvres,  t.  XII,  p.  63,  à  Guy,  17  fév.  1768. 


I 


SÉJOUR  DE  J.   J.    ROUSSEAU   EX   ANGLETERRE  83 

adressa  à   son   hôte  un  ultimatum^:  il  apprendrait  sa 
situation  à  Wootton,  ou  il  partirait' 

Davenport  se  rendit  à  cet  appel-  l'apaisement  se 
iit,  preuve  en  soit  le  ton  confiant  et  familier  des  lettres 
de  janvier  et  de  février  ;  elles  parlem  des  douloureux 
événements  de  Genève,  de  la  vente  des  livres  et  des 
estampes  ;  elles  accusent  réception  des  provisions  qui 
présagent  un  séjour  prolongé;  elles  traitent  de  la  pen- 
sion royale  ^ 

Celle-ci,  par  ses  origines,  se  rattache  au  récit  de  la 
querelle:  toutefois,  par  la  suite,  elle  eut  sa  marche  in- 
dépendante; aussi  en  dirons-nous  deux  mots  ici  en 
remontant  en  arrière. 

A  Calais  déjà.  Hume  avait  pressenti  Rousseau  au 
su,et  d'une  pension  dont  le  roi  pourrait  éventuellement 
le  gratifier;  Jean-Jacques  s'en  était  remis,  pour  l'accep- 
ter ou  pour  la  refuser,  à  la  décision  de  Milord  Maré- 
chal. Prévoyant  une  réponse  al^lrmative^  Hume  pressa 
les  démarches  auprès  du  général  Conway,  secrétaire 
d  btat,  et  du  général  Graeme,  chambellan  de  la  reine 
qui  exposèrent  Taffaire  à  Georges  HI  ;  une  pension 
annuelle  de  Lst.  loo  fut  accordée  à  Rousseau,  pension 
secrète  «;  la  clause  vexa  Jean-Jacques,  mais  la  me- 
sure était  commandée  par  la  prudence  :  beaucoup  de  dé- 

;  Œ-m"-'^^,  t.  XI,  p.  402,  22  déc.  1766,  et  Lettres,  A,  [22]  déc     XXV 
-  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,   3o  avril    lyôi    XXXVm-    R 


04  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.    .1.    ROUSSEAU 

tracteurs  du  philosophe  étaient  des  hommes  considéra- 
bles dont  les  critiques  eussent  été  désagréables  au 
gouvernement,  Rousseau  accepta  cette  faveur,  deman- 
dant toutefois  que  le  payement  fût  différé  jusqu'au  mo- 
ment où  il  ne  serait  redevable  de  cette  bonté  qu'au  roi 
et  à  ses  ministres  ^ 

Hume  lut  cette  lettre  -  sans  soupçonner  qu'elle  était 
dirigée  contre  lui^;  aussi  s'entremit-il  de  nouveau  pour 
obtenir  le  maintien  de  la  pension,  d'une  part,  et  de  l'au- 
tre, l'adhésion  formelle  de  Rousseau  au  cas  où  elle  se- 
rait offerte  publiquement  ';  Davenport  resta  au  cou- 
rant de  ces  transactions  ^. 

La  rupture  des  deux  philosophes,  après  les  23  juin 
et  10  juillet,  faillit  suspendre  à  jamais  la  munificence 
royale  ''  :  consulté  encore  en  février  i  767,  Jean-Jacques 
répéta  simplement  que,  venant  du  roi  seul  et  de  ses 
ministres,  elle  serait  la  bienvenue  "  ;  peu  après,  ses 
vœux  étaient  exaucés  ;  Davenport  et  Dutens  l'avisaient 
qu'une  pension  de  Lst.  100  lui  était  accordée  «  du  plein 
gré  de  Sa  Majesté  et  du  Secrétaire  d'Etat,  sans  que 
la  moindre  sollicitation  y  ait  eu  part^.  »  Et  Rousseau 
d'être  touché  de  ces  «marques  d'une  bienveillance  que 


1  Œuvres,  t.  XI,  p.  343,  à  Co)tway,  22  mai  1766  (Toriginal  donne  la 
date  du  12.  Bibl.  de  Neuchàtel.} 

2,  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  284,  Hume  à  Rousseau;  17  mai   1766,  XI. 

3  Œuvres,  t.  XI,  p.  363,  à  Hume,  10  juillet  1766;  p.  378,  à  Mme  de 
Verdelin,  août;  p.  387,  à  d'Ivcniois,  3o  août. 

*  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  286,  Hume  à  Rousseau,  19  juin  1766,  XIV. 

'=  Lettres,  D,  Hume  à  Davenport,  iq  juin  1766,  II;  E,  Davenport  à 
Hume,  juin. 

6  Id.,  D,  Hume  à  Davenport,  2  sept.  1766,  IX. 

^■Id.,  A,  Rousseafi  à  Davenport,  9  février  1767,  XXXIII. 

s  Œuvres,  t.  XII,  p7  6,  ^  Du  Peyrou,  22  mars  17C7,  où  il  cite  textuel- 
lement la  phrase  de  Dutens  :  Lettres,  C,  Dutens  à  Rousseau,  19  mars,  V  ; 
B,  Davenport  à  Rousseau,  19  mars,  XXIX. 


SÉJOUR   DE  J.   .(.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  83 

Je  désirois,  dit-il,  bien  plus  que  je  nosois  l'espérera» 
Sa  lettre  d'acceptation  à  Conway  vibre  de  gratitude 
et  d'espérance^';  désormais,  Georges  III  ne  s'appellera 
plus  que  son  bienfaiteur". 

Le  5  avril  déjà,  un  trimestre  était  à  sa  disposition  à 
la  Trésorerie  d'Etat  \  mais  il  attendit  jusqu'en  août 
pour  charger  Rougemont,  banquier  à  Londres,  de  le 
toucher''.  Qu'eùt-il  pensé  de  Davenport,  s'il  avait  su 
que  son  hôte  tenait  de  Hume  l'indication  de  la  procé- 
dure à  suivre  pour  obtenir  le  payement",  même  en  l'ab- 
sence du  bénéficiaire'?  Est-ce  pour  l'avoir  appris,  qu'un 
an  ou  deux  plus  tard,  il  renonça  à  ce  revenu^  et  refusa 
avec  indignation  de  profiter  du  résultat  heureux  des 
démarches  tentées,  à  son  insu,  près  du  cabinet  de 
S*-James,  parRoguin^  et  par  le  chevalier  de  Cossé  ^*', 
pour  le  maintien  de  cette  pension  ?  l'audacieux  qui  osa 
lui  en  présenter  les  arrérages,  connut  ce  jour-là  de  quelle 


1  Œuvres,  t.  XII,  p.  7,  à  Dutens,  2(3  mars  1767. 

-  Œuvres,  t.  XII,  p.  8,  26  mars  1767. 

■*  Id.,  t.  XII,  p.  44,  à  Guy,  25  nov.  1767;  p.  54,  à  Mirabeau,  28  jan- 
vier 1768. 

4  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,   18  mai  1767,  XXXVIII. 

^  Id.,  D,  Rougemont  à  Davenport,  20  août  1767. 

^  Id.,  D,  Hume  à  Davenport,  i"  juillet  1767,  X. 

^  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  i5  déc.  1767,  XLIII. 

«  Godet,  Ph.  Lettres  inédites  de  J.  J.  Rousseau.  Revue  des  Deux-Mon- 
des, i"sept.  1908,  p.  3i.  Rousseau  à  Mme  de  Lessert,  1770  :  «...  après 
avoir  renoncé  à  ma  pension  dont  je  n'ai  reçu  qu'une  année.  »  Œuvres, 
t.  XII,  p.  80,  à  d'Ivernois,   26  avril  1768;  p.  log,  à  Laliaud,  5  oct. 

3  Œuvres,  t.  XII,  p.  221,  à  Dutens,  8  nov.  1770;  Rothschild,  o.  c, 
p.   23o,  à  Mme  Boy  de  la  Tour,  26  nov. 

1"  Lettres,  C,  Cossé  à  Rousseau,  25  juillet  1771  ;  Œuvres,  t.  XII,  p.  240, 
à  Cossé,  25  juillet.  Les  6000  francs  d'arrérages  mentionnés  dans  cette 
lettre, — 6. 336  d'après  Corancez,  —  semblent  indiquer  que  la  renoncia- 
tion de  Rousseau  n'eut  d'eftet  qu'à  partir  de  l'échéance  du  5  avril  1769; 
en  ce  cas,  sa  lettre  à  M'"*  de  Lessert,  note  7,  témoignerait  d'un  extraor- 
dinaire oubli. 


86  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

rage  un  paisible  copiste  de  musique  peut  s'enflammer  ^l 
Ainsi  donc,  à  la  fin  de  l'hiver  i  766-1767,  tout  sem- 
ble en  règle;  en  mars,  pourtant,  nouvelle  alerte,  sé- 
rieuse. Que  s'est-il  passé  dans  les  trois  dernières  semai- 
nes ?  les  domestiques  ont-ils  poussé  l'indiscrétion  jus- 
qu'à ouvrir  la  correspondance  de  Jean-Jacques  -?  se  sont- 
ils  montrés  grossiers  ?  ont-ils  commis  quelque  nouveau 
larcin^  ?  Thérèse,  abattue  déjà  en  automne  par  la  mort 
de  sa  mère"*,  et  s'ennuyant  en  pays  étranger',  a-t-elle 
cédé  à  un  accès  de  mauvaise  humeur  qu'une  santé  alors 
peu  prospère  expliquerait  en  partie  '  ?  a-t-elle  eu  de 
nouveaux  démêlés  avec  la  nourrice^?  sa  mimique  a-t-elle 
exprimé,  mieux  encore  que  ses  paroles*,  son  mépris 
pour  la  femme    du  concierge,  Mrs.    Cowper,    et  cette 

1  Corancez,  o.  c,  pp.  8,  9  :  «  Je  sais  bien  que  j'ai  une  pension  ;  j'en  ai 
touché  les  premières  années  avec  reconnaissance  ;  et  si  je  ne  la  touche 
plus,  c'est  parce  que  je  le  veux  ainsi»;  voir  aussi  B.  de  Saint-Pierre, 
o.  c,  p.  65. 

2  Œuvres,  t.  XII,  p.  lo,  à  Du  Peyron,  i  avril  1767. 

■'•  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI  :  «  compris  aussi  deux  guinées 
qui  m'ont  été  volées  dans  la  maison.  » 

*  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  27  nov.   1766,  XXIII. 

*  Streckeisen,  0.  c,  t.  II,  p.  324,  de  Mirabeau,  qui  oft're  un  asile  à 
Rousseau,  27  oct.  1766,  l  ;  Lettres,  0,  Malthus  à.  Rousseau.  18  juil- 
let 1766,  X.         " 

^  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  24  mars  1767,  XXX. 

'  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  370.  Davenport  à  Hume,  6  juillet  1767.  — Dans 
la  Lettre  à  M.  Die]  B[ure'},  p.  44,  Dutens  publia  la  lettre  de  Rousseau, 
datée  du  26  mars,  à  lui  adressée,  en  expliquant  ainsi  le  passage  relatif 
aux  domestiques. anglais  :  *  Il  s'agissoit  d'une  bonne  fçmme  de  90  ans, 
nourrice  de  M.  Davenport,  qui  n'entendoit  pas  le  françois,  et  que  la  ser- 
vante de  M.  Rousseau  querelloit  du  matin  jusqu'au  soir.  » 

8  Sur  l'humeur  cancanière  de  Thérèse,  cf.  Streckeisen,  o.  c,  t.  II, 
p.  564,  de  Mme  de  Verdefin,  27  avril  1767,  LIV  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  371, 
.  19  juillet  1766,  réponse  au  passage  suivant  de  la  lettre  de  Du  Peyrou, 
n"  28,  29  juin  1766:  «  Quand  j'ai  crû  avoir  à  me  plaindre  de  quelqu'un, 
je  me  suis  toujours  addressé  à  lui-même,  et  jamais  au  tiers  et  au  quart. 
Recommandez  cette  manière  de  ma  part  à  M"»  le  Vasseur.  Elle  lui  sau- 
vera souvent  des  injustices  et  des  tracasseries.  »  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de 
Neuchâtel.l 


SEJOUR   DE  J.    .?.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  by 

dernière  a-t-elle  abusé  de  ses  fonctions  de  cuisinière 
pour  souiller  de  cendres  le  potage  des  deux  étrangers  ^^ 
Est-ce  que  Rousseau,  songeant  à  l'arrivée  prochaine  et 
désirée  de  Davenport,  aurait  craint  de  lui  causer  de 
nouveaux  embarras  dans  son  aménagement  au  Hall  ? 
Redoutait-il  de  nouvelles  prévenances^?  Ou  bien  un 
opiniâtre  mal  de  dents  ^  lui  fit-il  voir  plus  en  noir  les 
désagréments  de  cette  demeure  solitaire,  dans  un  cli- 
mat froid  et  humide'?  L'absence  de  Granville  contri- 
bua-t-elle  à  développer  cette  mélancolie^?  La  nostalgie 
du  rossignol  de  France"  et  de  la  pervenche   l'étreignit- 

1  Llanover,  u.  c.  t.  I,  p.  io6,  Granville  à  Miss  Dewes,  lo  mai  1767: 
«...  this  summer,  Mrs  Cowper,  Mr  Davenporî's  housekeeper,  behavcd 
in  so  brutish  a  manner  towards  him  [Rousseau],  that  it  occasioned  his 
sudden  departure  from  this  country  —  a  sad  loss  to  me  ;  I  would  fain 
hâve  had  him  corne  and  stay  at  Cahvich,  but  could  not  prevail.  If 
chance  should  bring  you  in  his  way,  tell  him  how  I  mourn  the  loss 
of  such  a  neighbour,  and  that  I  wish  ail  good  and  pleasant  circumstan- 
ces  may  attend  him  whenever  he  is...»  —  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  370, 
Daveitfort  à  Hume,  6  juillet  1767:  «I  hâve  heard  something  of  the  story 
of  the  kettle  and  cinders*,  but  am  inclined  to  believe  my  philosopher's 
resolutions  were  determined  before  that  fray  happened.  »  *  Note  de 
Burton:  [Walpole]  says  in  his  narration  :  x(The  chief  cause  of  his  dis- 
gust  has  been  along  quarrel  between  his  housekeeper  and  Mr.  Daven- 
port's  cook-maid,  who.  as  Rousseau  affirmed,  had  always  dressed  their 
dinner  very  ill,  and  at  last  had  sprinkled  ashes  on  their  victuals.  » 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  326,  à  Mme  de  Boiifflers,  5  avril  1766. 

■'  Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  mars  1767,  V;  Streckeisen,  Œu- 
vres incd.,  p.  463,  à  Coindet,  21  sept.  1767,  LVII. 

*  Cf.  le  passage  suivant  de  Howitt  :  «  When  I  mounted  on  the  ridge 
of  the  Weaver,  and  saw  around  this  vast,  but  silent  expanse,  and  in 
the  nearer  scène  only  moorland  wastes,  long  lines  of  stone  walls,  two 
or  three  ancient  cairns,  and  a  few  grazing  cattle,  and  perceived  as  the 
only  sounds,  the  bleat  of  a  sheep,  or  the  hoarse  cry  of  the  carrion 
crow,  the  only  cheerful  note  being  that  of  the  lark  over-head,  I  could 
not  help  feeling,  for  Quiet  to  quick  bosom  is  a  liell,  that,  the  very  re- 
curring  depth  of  this  solitude  as  Rousseau  was  pursuing  his  botanical 
rambles,  was  enough  to  rouse  in  his  distempered  fancy  ail  the  phan- 
tasms  of  his  foes  and  machinations.  »  o.   c,  p.  Sog. 

*  Granville  ne  rentra  de  Bath  que  le  samedi  25  avril;  cf.  Lettres,  A, 
Rousseau  à  Granville,  [29  avril  1767],  XXXVII. 

«  Œuvres,  t.  XI,  p.  335,  à  M°"  de  Luze,  10  mai  1766. 


88  ANNALES    DE    LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

elle  irrésistiblement  ?  Sut-il  qu'à  Paris  on  se  mêlait  de 
ses  affaires  et  5'  discerna-t-il  une  manœuvre  souter- 
raine^? 

Toujours  est-il  qu'il  invoqua  solennellement  la  pro- 
messe de  son  hôte  de  lui  trouver  une  autre  résidence^ 
et  qu'il  prévint  Dutens  de  son  déménagement^;  c'est 
sans  succès  que  Granville,  arrivant  enfin  de  voyage, 
mit  Calwich  Abbey  à  son  service  ^. 

Puis,  c'est  le  silence,  précurseur  de  l'orage  ;  un  éclair 
encore,  la  lettre  du  (5  avril  à  Davenport^,  et  c'est  le 
coup  de  foudre:  le  vendredi  i^'"  mai,  Rousseau  quittait 
pour  jamais  l'abri  où  il  souhaitait  jadis  finir  son  exis- 
tence dans  la  paix  d'une  parfaite  solitude,  peuplée  de 
ses  seules  pensées  et  égayée  par  les  humbles  fleurs  de 
la  montagne.  Les  paysans  en  pleurs'',  auxquels  il  venait 
de  distribuer  ses  robes  arméniennes,  le  virent  disparaî- 
tre sur  le  chemin  d'Ashbourne,  vêtu  d'un  modeste  et 
vieil  habit  à  la  française'. 


'  Lettres,  D,  Cowper  à  Davcnpoit,  G  juin  1767. 

-  Id.,  A,  Rousseau  à  Darenport,  mars  1 767,  XXXV. 

•'  Œuvres,  t.  XII,  p.  7,  à  Duiois.  26  mars  1767. 

*  Cf.  p.  87,  note  I. 

5  Lettres,  A,-  'Rousseau  à  Daveiipoi-t,  6  avril  1767,  XXX\I. 

"  Œuvres^ t.  IX,  p.  268,  Second  Dialogue. 

'  Biirton,  0.  c.,  t.  II,  p.  ?6g,  Davenport  à  Hume,  25  mai  1767.  —  Ho- 
witt.  o.  c.,  p.  519,  —  Un  court  paragraphe  de  la  Whitehall  Evcning 
Post  du  16  mai  1 767  déclare  que  Rousseau  partit  par  le,  chemin  de 
Londres.  —  Cet  habit  bleti  avait  été  commandé  à  Strasbourg,  si  nous 
ea  jugeons  par  le  relevé  de  compte  stiivant  d'emplettes  faites  dans  cette 
ville  par  Rousseau  et  remboursées  par  Du  Peyrou  à  de  Luze,  pour  un 
total   de    80   livres   10   sols:    «  i  Vt  aulnes  Drap   de   Louvier   cannelle, 

1  1/4  aulnes    Burat  assorti,    i  "/i   aulnes'  Drap    de   Louvier    petit   bleu, 

2  ■'j\  aulnes  Burat  assorti.  »  Du  Peyrou  à  Rousseau,  n°  25,  12  mai  1766 
(Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtelj.  —  A.  de  Bougy,  qui  professe  traduire 
Howitt,  a  sur  ce  départ  un  paragraphe  inventé  de  toute  pièce  par  lui- 
même;  cf.  Fragments  inédits  de  J.  J.  Rousseau  suivis  des  Résidences 
de  Jean-Jacques,  Paris,  i853,  in- 18,  p.  2  5o.  Maugras  prétend  que  Rous- 
seau partit  de  nuit!  cf.  Voltaire  et  Rousseau.  Paris,  i8Sfi,  8%  p.  535. 


SÉJOUR   DE  J.   J.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRE  89 

CHAPITRE  III 
Retour  en  France. 

La  lettre  à  Davenport,  écrite  la  veille^  et  déposée 
sur  une  table-,  resta  à  Wootton  inaperçue  des  domes- 
tiques ;  le  4  mai  encore,  Davenport,  qui  venait  d'arri- 
ver en  Cheshire  à  l'insu  de  Jean-Jacques,  Tignorait  au 
point  d'inviter  son  hôte  et  Thérèse  chez  lui,  où  la 
goutte  l'emprisonnait  =  ;  il  répondait  ainsi,  sans  le  sa- 
voir, au  reproche  de  négligence  formulé  par  Rousseau! 
Il  fut  vexé  de  cette  conduite,  d'autant  qu'il  ne  pouvait 
être  utile  à  son  hôte  dont  il  ne  connaissait  pas  les 
projets;  un  instant  on  le  crut  parti  pour  Chiswick^; 
aussi  quelle  surprise,  le  17  avriP,  de  recevoir  une  let- 
tre du  fugitif,  expédiée  de  Spalding,  en  Lincolnshire, 
a  la  date  du  i  i  ^'î 

Comment  Rousseau  s'est-il  rendu  dans  cette  localité? 
Il  est  difficile  de  le  dire  avec  exactitude  car  nous  igno- 
rons le  temps  qu'il  mit  à  effectuer  les  140  ou  i3o  kilo- 
mètres, qui,  à  vol  d'oiseau,  la  séparent  de  Wootton, 
et  aussi  le  mode  de  vo3ager  qu'il  adopta.  En  tout  cas 
il  s'y  trouvait  déjà  le  mardi  5  mai  "  ;  la  présence  de 
Thérèse  empêcha   certainement   que   les   pauvres  gens 


'  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3o  avril  1767,  XXXVIII. 
-  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  375,  Hume  à  Adam  Smith,  8  oct.  176-; 
•^  Lettres,  B;,  Davenport  à  Rousseau,  4  mai  1767,  XXXVII. 
*  Cf.  p.  87,  note  I,  Granville  à  Miss  Dewes,  10  mai  1767. 
5  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,   18  mai  i  7G7,  XXXVIII. 
'^  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  14  mai  1767,  XLI. 
'  Id.,  A,  Rousseau  au  Lord  Chancelier,  5  mai  1767,  XXXIX. 


90  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

s'y  rendissent  à  pied  ;  d'autre  part,  il  n'existait  pas  de 
service  transversal  de  diligences  dans  cette  région^  et 
Rousseau,  s'il  fut  voiture,  loua  un  véhicule  à  Ashbourne 
ou  à  Derby.  Dans  cette  ville  il  put  fort  bien  s'arranger 
avec  quelque  roulier  retournant  aux  brasseries  de  Not- 
tingham"  et,  de  là,  continuer  par  ses  propres  moyens 
sur  Bingham,  Grantham  et  Donnington. 

Mais,  s'il  allait  à  Londres  et  avait  fait  ce  détour  à  par- 
tir de  Derby  pour  dépister  les  poursuites,  pourquoi  ne 
tourna-t-il  pas  vers  le  sud  dès  Grantham  qu'un  service 
régulier  reliait  à  la  capitale  ".  et  pourquoi  allongea-t-il 
sa  route  de  40  milles  en  poursuivant  vers  Test?  Sur- 
tout, pourquoi  choisit-il  Spalding  ? 

En  réalité,  il  ne  quitta  pas  Wootton  pour  se  cacher  à 
Spalding  ;  le  but  de  sa  course  folle  était  la  ville  de 
Louth  en  Lincolnshire  '  oii  résidait  le  Suisse  de  Cer- 
jeat%  ami  de  Du  Peyrou  qui  le  recommanda  expressé- 
ment à  Rousseau  comme  un  homme  sûr";  en  janvier 
de  cette  riiême  année,  de  Cerjeat  s'était  mis  à  la  dis- 
position de   son  malheureux  compatriote  '.  Quoi  d'é- 


'  Paterson,  o..c.,  éd.  1771,  n'en  cite  pas,  absnicc  confirmée  par  deux 
passages  de  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  24  mars  1767,  XXX; 
18  mai,  XXXVIII;  «  cross-post»  ne  paraît  désigner  que  la  transmission 
des  lettres. 

-  De  Foe,  o.  c,  éd.  1769,  t.  III,  p.  63. 

•'•  109  milles;  route  Edimbourg-Londres:  cf.  Paterson,  u.  c,  éd.  1771, 
p.  65.  -  •  ' 

•»  Spalding  était  un  relai  de  la  route  postale  de  Londres  à  Louth; 
cf.  Paterson,  o.  c,  éd.  1771,  p.  78. 

5  Du  Peyrou  à  Rousseau,  n"  21,  16  mars  1767  (Lettre  inéd.,  Bibt. 
de  Neuchâtel),  et  Œuvres,  t.  XI,  p.  SgS,  à  Du  Peyrou,  4  oct.   1766. 

^  Du  Peyrou  à  Rousseau,  n"  17,  27  janvier  17(16  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de 
Neuchâtel),  et  Œuvres,  t.  XI,  p.  3 11,  à  Du  Peyrou,  i5  fév.  1766;  p.  395, 
4  oct..;  t.  XII,  p.    I  39;  à  Laliaud,  28  fév.  1769. 

7  Œuvres,  t.  XI,  p.  409,  à  Du  Peyrou,  8  janv.  1767.  Rousseau  lui 
répondit  le  16  janvier;  cf.  p.  37,  n.  7,  le  P.  S.    de  la  lettre^  Granville 


SEJOUR  DE  .1.    .1.    ROUSSEAU  EN   yVNGLETERRE  QI 

tonnant  donc  que  dans  sa  détresse  Jean-Jacques  ait 
pensé  à  lui  M  Resterait  à  connaître  le  motif  obscur  qui 
l'arrêta  à  Spalding,  «  l'impossibilité  éprouvée  d'aller 
plus  loin»  dont  il  gémit-.  Toujours  est-il  qu'il  descen- 
dit à  l'auberge  du  White  Hart\  Chaque  Jour  et  plu- 
sieurs heures,  il  y  reçut  avec  entrain  et  politesse  le 
Révérend  D''  Samuel  Dinham  ^  et  une  ou  deux  fois  le 
tailleur  qui  lui  confectionna  un  nouvel  habit  bleu^.  Un 
chirurgien,  Edmond  Jessop,  lui  adressa  en  un  latin  aussi 
peu  cicéronien  que  possible,  de  verbeuses  et  empha- 
tiques louanges  sur  son  apostolat  philosophique";  Rous- 
seau répondit  froidement,  et  déclina  toute  relation  per- 
sonnelle, en  homme  accablé  du  poids  d'un  lourd  passé 
et  persuadé,  par  une  douloureuse  expérience,  de  l'ina- 
nité de  l'opinion  publique'. 

Spalding  n'avait  rien  de  pittoresque  ou  d'accueillant. 


que  ne  donnent  pas  les  Œuvres,  t.  XI,  p.  424,  16  fév.  i-jG-/ ;  il  faut 
lire  16  janv. 

'  Œuvres,  t.  XII,  p.  9,  à  Du  Peyrou,  2  avril  1767:  «...je  suis...  sous 
le  piège;  il  est  impossible  que  je  m'en  tire  si  votre  ami  ne  m'en  tire 
pas...  ;  il  semble  que  la  Providence  l'a  envoyé  dans  mon  voisinage  pour 
cette  bonne  œuvre.  » 

2  Lettres,  A,  Rousseau  au  Lord  ClianccUcr,  5  mai  1767,  XXXIX. 

^  Collins,  0.  c,  p.  255. 

*  Recteur  de  Spalding  jusqu'à  sa  mort  (1781);  il  était  plus  âgé  que 
Rousseau  de  quelque  dix  ans,  car  il  fut  reçu,  dès  1725,  membre  de  la 
fameuse  Geutlemen's  Society  de  la  ville.  Le  John  Dinham  indiqué  par 
Collins  est  le  père  du  pasteur;  il  pratiquait  la  médecine;  cf.  Nichols,  J. 
An  Account  of  the  Litcrary  Society  at  Spalding,  vol.  3  de  la  Bibliotheca 
Topographica  Britannica,  London,  1780-1800,  10  vol.  4".  —  C'est  Hume 
qui  nous  a  conservé  l'épisode  des  entretiens  journaliers  de  Rousseau  et  du 
pasteur  ;  ce  dernier  en  avait  parlé  à  Fitzherbert,  ami  de  Hume  ;  cf.  Bur- 
ton,  0.  c.,x.  II,  p.  375,  Hume  à  Adam  Smith,  8  oct.  1767.  Collins  ne 
se  doute  pas  que  ce  Fitzherbert  est  le  député  si  connu  au  XVIII'  siècle. 

*  Burton,  0.  c,  t.  II,  36(j,  Davenport  à  Hume,  ib  mai  1767. 
6  Lettres,  C,  Jessop  à  Rousseau,  mai  17G7. 

^  Œuvres,  t.  XII,  p.  18,  et  Lettres,  A,  Rousseau  à  Jessop,  i3  mai  1767, 
XL. 


9'2  ANNALES    DE   LA    SOCIETE    .1.    J.    ROUSSEAU 

et  l'air  en  était  réputé  malsain^;  la  rivière  Welland  et 
son  réseau  de  drains  lui  donnaient  l'apparence  d'une 
ville  hollandaise  ^  moins  la  coquetterie  et  l'agrément. 
Le  mardi  12,  Rousseau  dut  trouver  quelque  plaisir  dans 
l'animation  du  marché  :  la  grande  place  retentissait  des 
meuglements  du  bétail  et  sur  la  rive  du  canal  s'amon- 
celaient les  sacs  de  céréales  déchargés  des  chalands. 

C'étaient  là  de  passagères  et  très  alléatoires  distrac- 
tions pour  un  être  victime  de  persécutions  constantes 
et  «  souterraines  w,  menacé  dans  sa  liberté  et  dans  sa 
vie,  conduit  lâchement  dans  une  île  étrangère  afin  d'y 
être  plus  aisément  supprimé  :  seule  la  bienveillance 
particulière  du  Lord  Chancelier  du  royaume,  confirmée 
par  l'octroi  d'un  «guide  autorisé^  ».  pouvait  lui  per- 
mettre d'espérer  revoir  le  continent.  La  requête  an- 
goissée que  Rousseau  adressa  à  ce  magistrat  suprême* 
fut  suivie  le  14  d'une  lettre  à  Davenport  où,  déplorant 
en  termes  résignés  et  tragiques  sa  captivité  en  Angle- 
terre, il  redisait  son  goût  pour  le  séjour  de  Wootton, 
dût-il  y  revenir  de  France.  Et,  brusquement,  sans 
attendre  le  secours  réclamé  le  11.  il  partait,  dans  la  ma- 
tinée de  ce  même  jeudi  14  mai,  pour  Londres^,  ayant 
habité  une- dizaine  de  jours  la  petite  cité  provinciale. 

La  lettre  du  1  \  était  parvenue  à  Davenport  le  diman- 


'  '...but,  for  the  Healthiness  and  Pleasantness  of  it  [Spalding],  I 
havti  no  more  to  say  than  that  1-was  ver)'  glad  when  I  got  out  of  it,  as 
well  as  of  out  of  the  rest  of  the  Fen  Country  ;  for  it  is  an  horrid  Air 
for  a  Stranger  to  breathe  in.  »  De  Foe,  o.  -c,  t.  III,  p.   i8,  éd.    1769. 

-  The  Beautics  of  Great  Britain,  éd.  1807,  i.  IX,  p.  740. 

•"*  Et  non  pas  d'une  escorte  armée  comme  on  le  répète  ordinairement. 

*  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  375,  Hume  à  Adam  Smith,  8  oct.  1767  ;  cette 
lettre  semble  dater  du  1 1  la  supplique  de  Rousseau  ;  c'est  6  jours 
trop  tard-;  cf.  p.  8g,  note  7. 

^Lettres,  A,  Rousseau  à  Davoiyojt,  14  mai  1767,  XLI. 


SÉJOUR  DE  J.   .1.   ROUSSEAU  EN  ANGLETERRE  9.-> 

che  17;  le  lendemain  son  postillon  (post-boj)  partait  à 
cheval  pour  Spalding;  il  n'y  trouva  plus  personne  et 
rapporta  à  son  maître  les  20  guinées  destinées  à  Rous- 
seau avec  la  lettre  qui  autorisait  le  fugitif  à  tirer  des 
billets  de  change  sur  Davenport  et  le  priait  instamment 
de  rentrer  à  Wootton  ^ 

Véritablement,  Davenport  était  un  gentleman  au  sens 
profond  du  mot!  Il  ne  put  néanmoins  taire  sa  stupéfac- 
tion extrême  devant  le  m3'stère  des  démarches  de  son 
hôte  et  leur  déconcertante  rapidité;  en  même  temps  que 
le  domestique  revenait  chez  son  maître,  y  arrivait  une 
lettre  de  Jean-Jacques,  écrite  le  18  mai^  à  Douvres,  où 
il  était  parvenu  le  16,  ayant  franchi  cette  distance  con- 
sidérable en  deux  jours \  Rassuré  par  le  Lord  Chance- 
lier à  l'égard  des  postillons,  qui  valaient  l'escorte  solli- 
citée, il  utilisa  les  diligences  extra-rapides  qui  roulaient 
régulièrement  à  travers  les  Fens,  par  Crowland,  Peter- 
borough^  Stilton^  et,  de  là,  à  choix,  par  Huntingdon, 
Royston,  Ware,  Enfield"  ou  par  Alconbury,  Stevenage, 
Hatfield^,  atteignaient  Londres.  A  ces  100  milles*  s'a- 
joutèrent les  72  de  la  route  vers  la  côte,  qu'il  avait  par- 
courue en  sens   inverse,   dix-sept  mois   auparavant,  le 


»  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  18  mai  1767,  XXXVIII;  23  mai. 
XXXIX. 

-  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  Sôg,  Davenport  à  Hume,  25  mai  1767;  Let- 
tres, A,  Rousseau  à  Davenport,  18  mai,  XLII. 

*  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  371,  Hume  à  Blair,  27  mai  1767.  La  lettre  à 
Conway  (Œuvres,  t.  XII,  p.  14)  serait  alors  du  16  mai,  quoiqu'en  octo- 
bre (Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  377)  Hume  dise  à  A.  Smith  qu'elle  partit  par 
le  même  courrier  que  celle  destinée  à  Davenport,  c'est-à-dire  le  18. 

*  Route  Londres-Louth  ;  cf.  Paterson,  0.  c,  éd.  1771,  p.  78. 

*  Route  Londres-Scarborough  ;  cf.  Id.,  o.  c,  p.  7.^. 
s  Route  Londres-Stilton  ;  cf.  Id.,  o.  c,  p.  79. 

'  Route  Londres-Edimbourg;  cf.  Id.,  o.  c,  p.  65. 
8  Comptés  depuis  Shoreditch  Church. 


94  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.   ROUSSEAU 

cœur  gonflé  d'espérance,  enivré  de  liberté,  fort  de  l'ami- 
tié de  David  Hume. 

Abattu,  le  spectacle  de  la  mer  releva  son  courage; 
mais,  à  Douvres,  le  vent  soufflait  en  tempête  ;  impos- 
sible de  mettre  à  la  voile.  Un  notable,  pris  de  pitié,  le 
pria  à  dîner;  Jean-Jacques  ne  trouve  là  qu'embûche 
nouvelle  tendue  par  le  Secrétaire  d'Etat  ;  il  a  peine  à 
rester  à  table  ;  à  chaque  instant  il  est  à  la  fenêtre  :  tou- 
toujours  les  vagues  déferlent  avec  fracas  ;  décidément 
il  sera  prisonnier  dans  cette  grande  île  !  Ne  se  possé- 
dant plus,  il  quitte  brusquement  la  maison  et  court  vers 
le  port  de  toute  la  vigueur  de  son  pauvre  corps  anéanti 
par  la  terreur;  le  vaisseau  est  à  sec  sur  la  plage,  il  y 
monte,  il  se  barricade  dans  une  cabine.  Grand  émoi  sur 
le  pont;  Thérèse  est  arrivée:  elle  discute,  elle  prie, 
peine  inutile  ;  alors  elle  use  du  langage  violent  de  la 
populace  irritée  et  Jean-Jacques  sort  en  tremblant.  La 
soirée  s'écoula  ensuite  agréablement  dans  le  cercle  de 
famille  de  l'amphitrj^on^ 

Le  répit  ne  dura  pas.  La  tempête  continuait  de  faire 
rage.  Alarmé  à  la  vue  des  éléments  coalisés  avec  ses 
ennemis  pour  .le  perdre,  Rousseau,  voulant  «  sortir  de 
l'Angleterre  ou  de  la  vie»,  écrivit  le  i6  mai  —  ou  le  i8 
—  sa  pathétique  lettre  au  général  Conway  où  il  réclame 
le  secours  du  gouvernement  et  promet  de  ne-  jamais 
parler  de  son  séjour  ni  de  la  q-uerellê  et,  gage  sacré  de 
la  sincérité  de  ce  serment,  se  déclare  disposé  à  jouir  de 
la  pension  royale  :  lié  par  ce  bienfait,  pourrait-il  être 
ingrat^?  De  plus  en  plus  excité,  il  harangua  la  foule 
du  haut  d'une  borne  et  lui  exposa,  en  français,  sa  ter- 

1  Appendices,  G. 

-'  Œuvres,  t.  XII,  p.   14. 


SÉJOUR   DE  J.   J.    ROUSSEAU   EN    ANGLETERRE  9 5 

rible  position  de  persécuté  ;  il  en  était  à  soupçonner 
Thérèse  ^ 

Pourtant  la  vue  constante  de  la  mer  le  convainquit 
de  sa  liberté,  et  Wootton  et  sa  solitude  lui  parurent 
désirables  ;  il  allait  y  retourner;  un  article  de  journal 
narrant  sa  fuite  l'en  détourna-';  dès  lors,  rien  ne  pou- 
vait plus  le  retenir  en  Angleterre  ;  il  faillit  néanmoins 
y  rester  définitivement,  un  jour  que  l'hôtelier  lui  servit 
une  omelette  où  la  ciguë  par  erreur  remplaçait  le 
persiP.  Enfin,  payant  son  écot  des  derniers  fragments 
d'une  fourchette  d'argent^  —  son  unique  numéraire  de- 
puis Spalding^  —  il  s'embarqua  le  21  mai  au  soir 
et,  le  vendredi  22,  abordait  à  Calais,  «  transporté  de 
joie  ^  » 

La  scène  fait  pendant  à  celle  de  l'arrivée  à  Douvres, 
sur  la  «terre  de  liberté»,  l'année  précédente  ;  en  effet, 
le  continent,  n'était-ce  pas  la  liberté  !  tout  au  moins 
Tespace  illimité  où  il  pourrait  fuir  indéfiniment,  où  ses 
ennemis  ne  sauraient  l'enserrer,  le  cerner,  comme  dans 


1  Corancez,  o.  c,  p.  49. 

-Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  23  mai  1767,  XXXIX;  Burton, 
o.  c,  t.  Il,  p.  369,  Davenport  à  Hume,  25  mai.  Il  s'agit  probablement 
du  paragraphe  suivant  de  la  Whitehall  Evening  Post  du  16  mai  1767  ; 
«  Last  Friday  Sennight  the  well  known  M"'  Rousseau  thought  fit,  in  a 
very  abrupt  manner,  to  leave  his  Retreat  at  M"'  Davenport's,  at  Wootton 
in  Derbyshire;  he  hath  not  since  been  heard  of,  but  as  he  took  the 
Road  to  London,  it  is  supposed  he  conceals  himself  somewhere  in  this 
City.  » 

■^  Œuvres,  t.  VI,  p.  102,   Notes  sur  la  Botanique  de  Regnault,  n"  99. 

*  Corancez,  o.  c,  p.  48. 

5  Rousseau  n'avait  reçu  aucun  argent  durant  tout  son  séjour  à  Wot- 
ton;  cf.  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  6    avril    1767,  XXXVI. 

6  Œuvres,  t.  XII,  p.  18,  à  Mirabeau,  22  mai  1767;  p.  19,  à  Du  Pey- 
rou,  22  mai.  II  s'embarqua  le  iS,  selon  Hume  (Burton,  0.  c,  t.  II, 
p.  377),  du  20  au  22,  selon  Morley,  o.  c,  t.  II,  p.  3o8.  Le  grand  public 
anglais  apprit  le  22  seulement,  par  The  Whitehall  Evening  Post,  la  pré- 
sence de  Rousseau  à  Spalding  ! 


q6  ANNALES  DE  LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

l'île  d'où  il  s'échappait  à  travers  d'indicibles  terreurs. 

Quelques  lettres  postérieures  à  cette  date  et  étroite- 
ment rattachées  au  séjour  en  Angleterre  nous  enga- 
gent à  suivre,  pour  un  temps  encore,  la  fortune  de 
Jean-Jacques. 

Le  lundi  2  5  mai,  il  arrivait  à  Amiens  et  logeait  à 
VHotel  des  Bons  Enfants;  l'auberge  ne  désemplissait 
pas  de  visiteurs  enthousiastes  —  ainsi  le  poète  Gresset* 
■ —  dont  plusieurs  l'invitaient  à  leur  foyer,  soit  en  ville, 
tel  le  chevalier  de  Ballet-,  soit  à  la  campagne,  comme 
Pajot  de  Courcelles^  et  Lenormand^  Cette  réception 
triomphale  le  fit  fuir^;  il  quitta  la  ville  le  mercredi  3  juin 
pour  atteindre  Saint-Denis  le  jeudi  soir  ;  il  s'arrêta  à 
V Hôtel  des  Trois  Maillets,  sous  le  nom  de  Jacques '', 
premier  déguisement  et  nouvelle  crainte  '  ;  le  lende- 
main, il  devenait  l'hôte  du  marquis  de  Mirabeau,  à 
Fleury  près  de  Meudon^^;  le  21  il  s'installait  chez  le 
prince  de  Conti,  dans  le  château,  jadis  dédaigné,  de 
Trye  ;  ici,  second  déguisement:  Thérèse  était  sa  sœur* 

1  Renouard,  Vie  de  Giessel,  p.  7I;,  cité  par  Musset-pathay,  Histoire  de 
la  Vie  et  des  Ouvrages  de  J.  J.  Rousseau,  t.  I,  p.    i58. 

*  Ballet  à  Rousseau,  29  mai  1767  (Lettre  inéd.,  Bibl.   de  Neuchâtel.) 
■■  Pajot  à  Rousseau,   2    lettres,   29    mai   1767   (Lettres   inéd.,  Bibl.  de 

Neuchdtel.l 

*  Lenormand  à  Rousseau,  3  lettres  (Lettres  inéd.,  Bibl.  de  Seiichàtel.j 
5  Œuvres,  t.  XII,  p.  19,  à  Mirabeau,  2  juin  1767;  p.  20,  à  Du  Peyrou, 

5  juin;  t.  IX,  p.  137,  note,  Premier  Dialogue.  Lettres',  C,  Nuneham  à 
Rousseau,  27  juillet  1767,  VIII. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  19,  à  Mirabeau,  2  juin  1767. 

'  Premier  déguisement  :  à  Calais,  il  eut  k  donner  son  nom,  à  la  douane 
vraisemblablement;  il  signa  Rousseau;  cf.  Th.  Dufour,  Pages  iné- 
dites deJ.  J.  Rousseau,  Annales  de  la  Société  J.  J.  Rousseau,  1905,  t.  I. 
p,  239,  note. 

«  Œuvres,  t.  XII,  p.'  20,  à  Mirabeau,  5  juin  1767. 

»  Cf.  Dùfour,  Th.,  0.  c.  et  Rousseau  à  Coindet,  i5  juillet  1 767  :  «  ...ma 
sœur  vous  remercie...»  (Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Genève,  Mhg.  2o3,  n'  ^b.) 


SEJOUR   DE  J.   .1.    ROUSSEAU   EN   ANGLETERRK  97 

et  ils  s'appelaient  Renou  ^:  un  an  plus  tard,  Monsieur  et 
Mademoiselle  Renou  partaient  pour  le  Dauphiné,  pas- 
saient six  mois  à  Bourgoin  ^  et  s'installaient  à  Monquin'. 
De  Meudon,  il  avait  écrit  à  Davenport*;  la  réponse 
de  cet  honnête  homme  rassura  Rousseau  sur  le  sort  de 
ses  effets,  de  son  herbier,  de  ses  papiers,  de  sa  musi- 
que'', laissés  à  Wootton  enfermés  dans  trois  malles*. 
En  effet,  le  23  juillet,  Davenport  surveilla  sur  place 
l'expédition  de  ces  coffres,  ajouta  de  sa  bibliothèque 
quelques  ouvrages  botaniques  —  façon  ingénieuse  de 
reconnaître  le  don  du  fameux  Livre  vert  à  Phébé  —  ; 
il  examina  les  comptes  de  Walton  concernant  les  dé- 
penses faites  depuis  Noël,  se  trouva  débiteur  de  Rous- 
seau et  lui  transmit,  par  Rougemont,  banquier  à  Lon- 
dres, un  solde  de  21  livres  sterling  et  9  shillings  qui 
réglait  l'achat  de  V Encyclopédie  ;  le  25  juillet  tout  était 
en  ordre  ^  Aux  regrets  de  la  famille  de  trouver  Woot- 
ton désert,  Davenport  joignit  ceux  de  Granville  poui 
qui  Jean-Jacques,  en  pleine  fuite,  avait  eu  une  pensée 
amicale  ^  et  qu'il  salua  bientôt  directement  ^  A  partir 
de   janvier  1768^^,    le  nom  du   châtelain  hospitalier  ne 

1  Œuvres,  t.   XII,  p.  22,  à  Du  Peyiou,  21  juin  1767. 

2  Id.,  t.  XII,  p.  8g,  au  Comte  de  Tonnerre,  16  août  1768. 

■'  Id.,  t.  XII,  p.  i35,  à  Du  Peyrou,  18  janv.  1769;  à  Laliaud,  4  fév. 

*  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  3i  oct.  1767,  XLIII. 

*  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  4  juillet  1767,  XL. 

*  Id.,  A,  Rousseau  à  Davenport,  3o  avril  1767,  XXXVIII. 

'  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  23  juillet  1767,  XLI,  et  note  3.  Rous- 
seau rentra  en  possession  de  ses  bagages  le  27  septembre,  par  l'inter- 
médiaire de  Coindet  qui  se  chargea  de  les  retirer  de  Rouen  où  il  étaient 
entreposés;  cf.  Rousseau  à  Coindet,  6,  8,  14,  27  sept.  1767  (Lettres 
inéd.,  Bibl.  de  Genève,  Mhg.  2o3,  pièces  53,  64,  56,  37.) 

^  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  14  mai  1767,  XLI. 

*  Œuvres,  t.  XII,  p.  27,  à  Granville,   i"  août  1767. 

^'^  Œuvres,  t.  XII,  p.  52,  à  Granville,  2b  janv.  1768,  en  réponse  k  Let- 
tres, C,  Granville  à  Rousseau,  ù  nov.    1767,  III;    Granville   écrivit  en- 


pS  ANNALES   DE  LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

figure  que  dans  des  lettres  à  des   tiers,  au  paragraphe 
des  salutations  à  transmettre  ^ 

La  correspondance  ainsi  engagée  avec  l'Angleterre 
se  maintint,  quelque  dix  ans  encore,  diminuant  de  plus 
en  plus  d'intensité  ;  voici,  en  détail,  à  quoi  se  réduisi- 
rent les  relations  de  Rousseau  avec  ses  amis  anglais  : 
dans  les  six  premiers  mois  du  retour  en  France  deux 
billets  à  Lord  Nuneham,  à  propos  de  la  vente  des  estam- 
pes*, et,  en  1772,  l'espoir  que  manifesta  Jean-Jacques 
d'une  rencontre  à  Paris  et  qui  ne  se  réalisa  pas*  ;  quel- 
ques lettres  d'affaires  échangées  avec  Louis  Dutens  au 
sujet  du  premier  terme    de   la   rente  viagère,  touché  à 


core  deux  fois  au  nioinis,  à  la  fin   de  176S  et  au   début  de  1769  ;  cf.  Let- 
tres, A,  Rousseau  à  Davenport,  17  mars  1769,  XLV. 

»  La  D«"«  de  Portiànd  fut  l'ordinaire  interprète  de  Rousseau;  Œu- 
vres, t.  VI,  pp.  71-79,  à  la  D""  de  Portland,  12  sept.  1767-22  oct.  «773. 
Granville  mourut  en  1775  ;  cf.  p.  55,  note  i. 

*  Œuvres,  t.  XII,  p.  22,  à  Nuneham,  10  juillet  1767;  p.  49,  i3  jan- 
vier 1768.  Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  27  juillet  1767,  VIII; 
22  janv.   1768,  IX. 

3  Œuvres,  t.  XII,  p.  245,  à  Nuneham,  16  juin  1772.  Lord  Nuneham 
resta  un  admirateur  de  Rousseau  et  ne  craignit  point  de  montrer  publi- 
quement ses  sentiments  ;  voici  diverses  preuves  de  son  zèle,  que  nous 
empruntons  à  l'ouvrage:  The  New  Oxford  Guide...  7""  éd.,  Oxford, 
1785,  in-i2,  qui  décrit  Nuneham-Courtenay,  résidence  du  comte  de 
Harcourt.  Lé  portrait  de  Rousseau  par  Gogain,  d'après  Ramsay,  orne  la 
bibliothèque  du  château,  et  on  a  eu  soin  de  le  retoucher  d'après  le 
moulage  de  la  face  fait  sur  le  cadavre  de  Jean-Jacques  (p.  i23).  A  l'en- 
trée du  jardin  d'agrément,  le  fronton  d'un  portique  dorique  s'orne  de 
l'inscription  suivante  :  «  Si  l'auteur  de  la  nature  est  grand  dans  les 
grandes  choses,  il  est  très  grand  dans  les  petites»  (p".  i3i  ;  cf.  Œuvres, 
t.  IV,  p.  336,  note,  Hélo'ise  TV,  xi.)  Près  d'une  grotte  s'élèvent  deux 
bustes;  celui  de  Caton  d'Utique  avec  cette  inscription:  A  ce  nom  saint, 
et  auguste,  tout  ami  de  la  vertu  |  Doit  mettre  le  front  dans  la  poussière, 
et  honorer  |  En  silence  la  mémoire  du  plus  grand  des  hommes,  i 
J.  J.  Rousseau  (cf.  Œuvres,  t.  IV,  p.  273,  Héloise,  III,  xxii);  en  face, 
le  buste  de  Rousseau  avec  ce  quatrain  :  Say,  is  thy  honest  Heart  to  Virtue 
warm  !  I  Can  Genius  animate  thy  feeling  Breast!  |  Approach,  behold 
this  vénérable  Form,  |  Tis  Rousseau,  let  thy  Bosom  speak  the  rest.  1 
Brooke  Boolhby  (p.  i32.) 


SEJOUR   DE   ,1.    .1.    ROUSSEAU   EN   ANGI.E'IERRp:  Qq 

Trye,  en  janvier  i768\  et,  longtemps  après,  un  mot  de 
remerciement  à  propos  de  !a  question  de  la  pension 
royale  -  :  les  reproches  de  Malthus  sur  la  folle  équipée 
de  Spalding,  l'expression  de  son  amitié  attristée  par  le 
silence  de  son  «père»,  ses  lectures  enivrantes  de  V Emile ^ 
son  enthousiasme  croissant  pour  l'herborisation  et  son 
plaisir  de  compléter  la  bibliothèque  botanique  de  Jean- 
Jacques  '^  ;  elle  devint,  deux  ans  après,  sa  propriété  ; 
Rousseau  compléta  cet  achat  par  le  don  d'une  partie  de 
son  herbier'. 

De  sa  lointaine  garnison  irlandaise.  Brooke  Boothby 
envoya  à  Jean-Jacques  une  pensée  "^  et,  en  avril  1776. 
lui  accorda  la  joie  d'une  visite  à  Paris  :  Rousseau 
mit  à  profit  l'aubaine  :  il  confia  au  jeune  Anglais  — 
en  témoignage  d'estime  pour  sa  nation  —  le  manus- 
crit du  Pi-emier  Dialogue  de  Rousseau  Juge  de  Jean- 
Jacques,  à  condition  qu'il  ne  le  publiât  pas  immédiate- 
ment'': par  une  étrange  coïncidence  cette  apologie, 
qui  ne  parut  qu'en  1780,  fut  imprimée  à  Lichfield, 
dans  le  même  comté  que  ce  Wootton  où  tout  le  début 
des  Confessions  avait  été  récrit  !  Boothby  emportait 
aussi  un^  message  amical   pour  Mrs   Port,  la  gracieuse 


*  Rousseau  tira  une  lettre  de  change  sur  Frédéric  Dutens,  à  Tordre 
de  Guy  ;  Lettres,  C,  L.  Dtttens  à  Rousseau,  5  nov.  1767,  VI;  Œuvres^ 
t.  XII,  p.  45,  à  Guy,  2  5  nov.  ;  p.  47,  20  déc;  2  janv.  1768;  Lettres,  C, 
L.  Dutens  à  Rousseau,  10  fév.,  \'II  ;  Œuvres,  t.  XII,  p.  62,  à  Guy, 
17  fév. 

2  Œuvres,  t.  XII,  p.  Jii,  à  Dutens,  8  nov.   1770. 

■'  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  3  août  1767-24  janv.  1708,  XI1-X1\  . 

*  Œuvres,  t.  IX,  p.  216,  note.  Second  Dialogue.  Rousseau  estimait 
très  haut  la  valeur  de  cette  bibliothèque;  cf.  id.,  t.  XII,  p.  i65,  à  Du 
Peyrou,  ib  nov.  1769;  p.   16g,  7  janv.   1770. 

*  Lettres,  C,  Boothby  à  Rousseau,  24  fév.  1768,  iJ. 

*  Œuvres,  t.  IX,  p.  i33,  note,  Premier  Dialogue  ;  p.  ji2o,  Histoire  du 
précédent  écrit. 


lOO  ANNALES    DE    LA    SOCIETE  .1.    J.    ROUSSEAU 

Mary  Dewes  d'autrefois  ;  sensible  à  cette  amitié  célèbre 
et  fidèle,  Mrs  Port  communiqua  à  son  (f  vieux  berger» 
ses  joies  de  famille  et  ses  soucis  d'éducatrice;  elle  lui  re- 
commanda par  la  même  occasion  son  frère  Court  Dewes 
qui  désirait  vivement  voir  l'illustre  hôte  de  l'oncle  Ber- 
nard '  :  Dewes  escalada  deux  fois  les  trois  étages  de  la 
rue  Plàtrière-  et  rencontra  peut-être  le  «grand  herbo- 
riseur  RousseaLi"'«  encore  tout  malade  de  sa  chute  à 
Ménilmonianf*. 

Nous  avons  déjà  signalé  la  persistance  des  relations 

'  Llanover,  o.   c,  t.  II,  p.  272,  Mrs  Port  à  Rousseau.  1776: 
Monsieur, 

Je  ne  puis  me  refuser  le  plaisir  que  cette  occasion  me  présente,  de  vous 
adresser  quelques  lignes;  d'autant  plus  que  j'y  suis  portée  par  deux 
raisons.  La  première  pour  servir  d'introduction  à  mon  frère,  qui  désire 
ardemment  connoître  une  personne  qu'il  a  depuis  longtemps  connue 
et  admirce  dans  ses  ouvrages.  La  seconde  pour  vous  marquer  ma  rc- 
connoissance  de  ce  que  Mons.  Boothby  m'a  appris  que  vous  m'aviez 
honorée  de  votre  souvenir.  Il  n'est  pas  possible  de  vous  exprimer  les 
regrets  que  je  sens  de  ce  que  vous  avez  quitté  ce  pays;  car  sans  parler 
de  l'avantage  que  j'aurois  de  pouvoir  jouir  de  votre  compagnie,  et  de 
votre  conversation,  ce  me  seroit  une  grande  consolation,  ayant  quatre 
petits  enfants  qui  se  trouveroient  trop  heureux  de  pouvoir  profiter  de 
vos  sages  avis. 

Je  suis  très  charmée  d'apprendre  que  vous  jouissez  d'une  bonne  santé  ; 
puissiez-vous  en  jouir  longtems,  accompagnée  de  toute  la  félicité  que 
vous  communiquez  aux  autres;  et  je  ne  vois  pas  de  bornes  à  ce  souhait. 
Je  suis,  Mons-.,  votre  très  obligée  et   très  fidèle  servante,  Marie. 

-  Llanover,  o.  c,  t.  II,  p.  273,  Court  Dewes  à  Mrs  Delany,  Paris, 
6nôv.  1776.  «...Icalled  at  his  lodgings...  I  was  admitted  into  a  little 
kind  of  antichamber  filled  with  bird  cages  ;  there  I  saw  Madame  Rous- 
seau (late  Vasseur)  ;  she  told  me  her  husband  (she  repeated  mon  mari 
ten  times,  I  beliéve,  in  five  minutes"  conversation)  had  had  a  fall,  had 
hurt  himself,  and  could  notsee  anybody,  but  if  I  would  call  in  a  week's 
time,  I  might  see  him.  I  left  my  letter,  and  about  a  week  after  sent  t© 
know  how  he  did,  and  if  he  was  well  enough  to  admit  me  ;  but  he  still 
continued  too  ill  to  receive  visits...  I  shall  call  upon  him  again  to  mor- 
row,  and  then  if  I  do  not  succeed  shall  give   the  inatter  up.» 

■•  Comme  le  prince  de  Ligue  eut  la  diplomatie  de  l'interpeller.  Prince 
de  Ligne,  Œuvres,  éd.  Alb.  Lacroix,  Bruxelles,  1860,  t.  IV,  p.  7  :  Mex 
deux  conversations  avec  J.  J.  Rousseau. 

*  Œuvres,  t.   IX.  p.   333,  Rêveries.  Seconde  Promenade. 


SÉJOUK'    l)H  .1.    .1.    ROUSSEAU   EN    ANGI.ETERRE  lOI 

entre  la  duchesse  douairière  de  Portland  et  le  philoso- 
phe, relations  qui  paraissent  s'être  maintenues  jusqu'à 
la  mort  de  celui-ci  ^  Ajoutons  que  la  grande  dame  figure 
au  nombre  des  personnages  anglais  qui  accordèrent  à 
Rousseau  l'honneur  posthume  de  souscrire  aux  Conso- 
lations des  Misères  de  ma  Vie;  à  côté  de  son  nom  se 
lisent  ceux  de  la  comtesse  Cowper-,  de  la  comtesse 
Spencer'  et  du  comte  de  Harcourt  ;  celui  de  Malthus 
aussi,  ami  passiontié  jusqu'à  l'extravagance  dans  son 
achat  de  six  exemplaires  qui  lui  coûtèrent  trente  gui- 
nées  *. 

Reste  Davenport.  Le  i3  décembre  1767,  Rousseau, 
lui  accusant  réception  de  deux  lettres,  reprenait  l'idée 
émise  à  Spalding  de  revoir  FAngleterre.  en  dépit  des 
calomnies  qui  circulaient  sur  son  compte  dans  le  pays^  : 
les  rudes  épreuves  de  sa  carrière  lui  sont  un  commen- 
taire cruel  des  vanités  humaines  et  il  trompe  le  néant 
de  la  gloire  en  jouant  aux  échecs  avec  Du  Peyrou  con- 
valescent, son  visiteur  à  Trjx.  Malgré  les  exhortations 
de  Davenport".  les  Co«/ès5/ows  sont  probablement  inter- 
rompues à  jamais,  la  mémoire  s'affaiblit,  mais  le  cœur 
garde  sa  sensibilité;  de  son  exil  ne  lui  reste-t-il  pas  plu- 
sieurs vrais  biens  ?  l'amitié  de  son  ancien  hôte,  la  bien- 
veillance de  Phébé,  l'assurance  d'être  en  tout  temps  le 
bienvenu  à  Wootton. 

Cette  certitude  est  telle  qu'à  la  fin  de    i  768  le  projet 


'  Cf.  p.  68. 

-  L'ancienne  tutrice  de  Miss  Dewes,  cf.  p.  62.  note  2. 

^  Cf.  p.  81,  note  I. 

*  Rousseau,  J.  J.  Les  Consolations  des  Misères  de  ma  Vie.  ou  Recueil 
d'Airs,  Romances  et  Duos,  Paris,  178  i,  4", 

*  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  1 5  déc.  i  767,  XLIII. 
^Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  16  fév.  1768,  XLIV. 


I02  ANNAI.JOS    !)(•;    I.A    SOCIKTli  J.    .1.    KOUSSKA»' 

d'établissement  en  Angleterre  a  pris  corps  :  Rousseau 
a  déjà  obtenu  du  duc  de  Choiseul  un  passeport  pour 
sortir  de  France  et  a  prévenu  l'ambassade  britannique 
à  Paris  de  son  départ  imminent  ^  ;  s'il  a  pleine  confiance 
dans  la  bonté  du  maître,  il  se  défie  des  domestiques  et 
réclame  des  garanties  contre  leur  ressentiment  à  l'égard 
de  «  deux  pauvres  étrangers  »  ;  enfin,  Tarrangement 
devra  se  conclure  au  plus  vite,  car  Bourgoin  devient 
inhabitable. 

La  question  de  Rousseau  était  de  pure  forme  ;  de- 
puis le  départ  de  Wootton,  Davenport  ne  le  pressait-il 
pas  d'en  redevenir  l'hôte  respecté  ?  ne  se  portait-il  pas 
garant  de  l'amitié  d'une  foule  de  gens  distingués  ^'  ?  ne 
lui  avait-il  pas  dépeint  sa  joie  de  posséder  sous  son  toit 
l'auteur  de  tant  -de  lettres  charmantes  qui  étaient  en- 
core sa  meilleure  consolation^?  et  s'il  lui  demanda  de 
la  graine  de  melon,  ne  serait-ce  point  pour  lui  rappe- 
ler les  plantations  projetées*? 

Les  graines  partirent  de  Monquin  en  mars  1769; 
avec  elles,  l'irrévocable  décision  de  Rousseau  de  ne 
jamais  revoir  l'Angleterre-^. 


^Lettres,  H,  Ruiisseaii  à  Davenpoii,  anov.  1768,  XLIV.  Œuvres,  t.  XII, 
p.  114,  à  Laliaud,  1  nov.  ;  p.  116,  à  Moultou,  5  nov.  De  ce  passeport,  il 
n'a  «  pu  ni  dû  faire  usage»  ;  Id..  p.  i53,  au  Prince  de  Cojiti,  3i  mai 
1769. 

-i^ettres,  B,  Davenpurt  à  Rousseau,  »"  ianv.'i769,  XLVII. 

s  Id.,  B,  Davenport  à  Rousseau,  iG  fév.  1768,  XLH'. 

*  Cf.  note  2. 

'"  Lettres,  A,  Rousseau  à  Davenport,  17  mars  1769,  XLV.  —  Davenport 
mourut  deux  ans  plus  tard,  le  7  mai  1771  (The  Gentleman's  Magapne, 
1771,  p.  239);  se  représente-t-on  l'effroi  de  Jean-Jacques  s'il  se  fût  alors 
trouvé  seul  en  Angleterre  ? 


Deuxième  partie 


LETTRES  INÉDITES 


Observation  ciÉNÉRALE 

Voici  rarrangement  adopté  pour  cette  deuxième 
partie  :  classer  les  lettres  par  auteur  —  et  chronologi- 
quement à  l'intérieur  de  chaque  série  —  selon  le 
nombre  que  chacun  en  a  écrit,  en  commençant  toute- 
fois par  celles  de  Jean-Jacques.  Nous  avons  hésité  à 
nous  accommoder  de  ce  système,  et  il  nous  paraissait 
désirable  d'intercaler  les  diverses  lettres  dans  l'ordre 
des  dates,  quel  qu'en  fût  le  signataire;  on  aurait  eu 
ainsi  à  la  fois,  souvent  tout  au  moins,  et  la  demande 
et  la  réponse.  Mais  ce  qui  eût  été  excellent,  si  nous 
avions  publié  une  correspondance  complète  de  Rous- 
seau, devenait  ici,  où  il  n'j^  a  qu'une  faible  partie  des 
lettres  de  cette  époque,  et  où  .  plusieurs  portent  la 
même  date  ou  celle  de  lettres  déjà  connues,  devenait, 
disons-nous,  un  grave  inconvénient.  En  effet,  la  phy- 
sionomie de  certains  correspondants,  dessinée  à  travers 
leurs  lettres  groupées  en  une  masse  unique,  s'effaçait,  par 
la  dispersion  de  ces  mêmes  pièces,  en  une  pâle  esquisse. 

Quant  au  mode  de  reproduction  des  textes  originaux, 
nous  avons  suivi  deux  méthodes,  selon  qu'il  s'agissait 
des  lettres  de  Rousseau  ou  de  celles  de  ses  correspon- 
dants. 

Dans  le  premier  cas,  nous  avons  scrupuleusement 
donné  le  texte  des  manuscrits,  avec  toutes  ses  particu- 
larités. 


lOb  ANNAI.KS    !>[•    LA    SOCIFiTK   J.    J.    ROUSSEAI' 

Dans  le  second  cas,  nous  avons  estimé  que  nul 
intérêt  philologique  ne  s'attachait  pour  nous  à  l'exacte 
physionomie  des  fantaisies  orthographiques  assez  nom- 
breuses dans  les  lettres  anglaises  ;  aussi  écrivons-nous 
inusic  au  lieu  de  musick  et  supprimons-nous  les  con- 
tractions des  participes  passés,  l'usage  n'en  étant  d'ail- 
leurs pas  systématique  :  receiped  pour  rcvd,  called  pour 
call'd.  De  même  nous  avons  rétabli  le  nom  de  Thérèse 
que  l'on  trouve,  chez  Davenport  spécialement,  sous  lés 
formes  Vaisseur.  Le  Vaisseur,  même  La  Vaisseur,  et 
uniformisé  l'abréviation  de  Mademoiselle  dont  il  y  a 
une  grande  variété  de  graphies. 

L'orthographe  des  lettres  en  français  de  personnages 
anglais  a  dû  être  remise  au  point  ;  celle  de  Miss  Dewes 
et  de  Granville  défigure  la  langue  jusqu'à  la  rendre 
illisible:  mais  nous  avons  respecté  le  style  et  la  syntaxe. 

Les  lettres  des  correspondants  français  sont  repro- 
duites telles  quelles,  avec  l'adjonction  de  l'accent  sur 
les  e  qui  en  sont  dépourvus  contrairement  à  Tusage 
moderne. 

Enfin,  sauf  pour  le  texte  de  Rousseau,  nous  n'avons 
pas  craint  de  suppléer  à  la  ponctuation,  notre  but 
étant  de  rendre  accessibles  des  documents  dont  l'unique 
raison  d'être  consiste  dans  leur  apport  à  la  biographie 
de  Jean-Jacques. 

Durant  l'été  1910,  nous  avons  procédé  à  une  dernière 
collation  du  texte  imprimé  avec  les  originaux  (en 
septembre  pour  les  manuscrits  du  British  Muséum^  en 
juillet  et  septembre  pour  ceux  de  la  Bibliothèque  de 
Neuchâtel.) 


LKTTRKS   TNKDÏTRS    DV.  .1.    .1.    ROUSSEAU  lOJ 


A.  Lettres  de  Jean- Jacques  Rousseau. 


à  M"'^  de  Créqui'K 

Au  Temple  le  3  Janv.   1766-. 

Le  désir  de  vous  revoir.  Madame,  formoit  un  de 
ceux  qui  m'attiroient  à  Paris,  La  nécessité,  la  dure  né- 
cessité qui  gouverne  toujours  ma  vie  m'empêche  de  la 
satisfaire.  Je  pars  avec  la  cruelle  certitude  de  ne  vous 
revoir  jamais  :  mais  mon  sort  n'a  point  changé  mon 
ame.  L'attachement,  le  respect,  la  reconnoissance,  tous 
les  sentimcns  que  j'eus  pour  vous  dans  des  momens 
plus  heureux  *  m'accompagneront  dans  mes  misères* 
jusqu'à  mon  dernier  soupir. 

J.  J.  Rousseau. 

II« 

[à  Davenport.] 

A  Wootton  le  22  Mars  1766. 
J'arrive,  Monsieur,  dans   la    maison    où  vous  voulez 
bien  m'accorder  la  plus  charmante   hospitalité  et  à  qui 

'  Bibliothèque  de  Genève,  Mhg.  232.  —  Publié  dans  Œuvres,  t.  XI, 
p.  3o4,  avec  des  variantes. 

-  A  Madame  \  Madame  la  Marquise  \  de  Créqui.  Quai  des  j  quatre 
nations  \  A  Paris.  —  Nous  continuerons  de  transporter  dans  les  notes 
l'adresse  originale,  cela  pour  éviter  de  trop  nombreux  blancs. 

'  Hachette  :  /"  janvier. 

*  Hachette  :  dans  les  momens  les  plus  heureux. 

*  Hachette  :  richesses. 

«  British  Muséum,  Add.  Ms.  29626.  fl'.   3,  4. 


I08  ANNALKS   DE   F. A   SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

je  ne  trouve  d'autre  défaut  que  d'être  trop  belle  :  mais 
il  faut  le  pardonner  à  la  bonté  du  maitre  et  à  l'aspect 
des  lieux,  auxquels  j'en  substituerois  difficilement  d'au- 
tres autant  de  mon  goût.  J'3^  vivrai,  Monsieur,  autant 
que  je  ne  vous  y  serai  pas  incomode,  aux  conditions 
stipulées  entre  nous,  espérant  que  l'habitation  m'en 
sera  d'autant  plus  agréable  que  j'aurai  le  bonheur  de 
vous  y  voir  quelquefois.  Recevez  en  attendant  mes  vifs 
remercimensde^  tous  les  soins  que  vous  avez  pris  pour' 
m'y  faire  arriver  sans  peine  et  pour  m'y  procurer  le 
plus  agréable  accueil. 

Comme  il  m'importe  pour  plus  d'une  raison  de  ne 
recevoir  ni  lettre  ni  pacquet  par  la  poste,  j'ai  à  vous 
prier,  Monsieur,  de  permettre  que  je  fasse  remettre  dans 
votre  maison  tout  ce  qui  doit  m'être  envoyé  de  Lon- 
dres jusqu'au  tems  de  votre  départ,  et  vos  domestiques 
voudront  bien  se  charger  de  faire  un  pacquet  du  tout, 
et  de  le  mettre  avec  votre  bagage  ;  comme  je  n'ai  nulle 
affaire  pressée,  les  lettres  peuvent  sans  inconvénient 
demeurer  jusqu'à  ce  tems-là.  Après  m'être  un  peu  re- 
posé, je  vais  me  hâter  malgré  le  vent,  de  parcourir  les 
dehors  de  .votre  maison,  comme  je  viens  déjà  d'en  par- 
courir les  dedans,  grâce  aux  politesse  de  votre  Concierge. 
Veuillez,  Monsieur,  faire  remettre  à  M.  Hume  la  Lettre 
ci-jointe^  dont*  je  prends  la  liberté  de  vous  charger. 
Je  vous  fais  avec  respect  mes  très  humbles  saluta- 
tions. 

J.  J.  Rousseau. 

1  I"  rédaction  :  pour. 

2  i'.'  rédaction  :  de.' 

•'  Œuvres,  t.  XI,  p.  fiii.  22  mars. 
*  1"'  rédaction  :  que. 


LETTRES    INEDITES   DE  J.   .1.    ROUSSEAU 


09 


J'ai,  Monsieur,  à  vous  supplier  encore  de  vouloir 
bien  rembourser  à  M.  Stewart  les  fournitures  et  autres 
fraix  qu'il  peut  avoir  faits  pour  moi  ^,  de  même  qu'à 
M.  Hume  pour  les  articles  qui  le  regardent.  Ayez  la 
bonté  de  faire  faire  une  petite  note  de  tout  cela  et  d'y 
joindre  Tarticle  de  la  voiture  qui  m'a  transporté  ici. 
La  preuve  que  ce  n'était  pas  un  retour  est  que  par  son 
vrai  retour  le  voiturier  vous  remettra  cette  lettre.  Je  ne 
refuse  point,  Monsieur,  de  me  prêter  à  vos  générosités 
en  tout  ce  qui  m'est  véritablement  utile  :  mais  j'avoue 
que  je  ne  vois  point  où  est  pour  personne  l'avantage  de 
prendre  dans  votre  bourse  des  bons-marchés  pour  un 
homme  qui  n'en  a  pas  besoin.  La  libéralité,  sans  doute, 
est  une  fort  bonne  chose,  mais  je  crois  que  la  franchise 
vaut  encore  mieux.  Vous  voudrez  bien,  ne  pas  oublier 
non  plus  les  fraix  du  transport  de  mon  bagage  que  je 
ne  puis  payer  ici,  ne  sachant  ni  combien  ni  à  qui. 

Depuis  hier  que  cette  lettre  est  écrite,  parce  que  le 
voiturier  selon  vos  ordres,  ne  repart  que  cet  après 
midy,  il  est  tombé  beaucoup  de  neige,  et  la  campagne 
est  blanche  comme  au  mois  de  Janvier. 

III- 

[à  Davenport .] 

A  Wootton  le  3i  Mars  17(56. 

Très  persuadé.  Monsieur,  que  je  suis  entré  dans  la 
maison   d'un   homme    d'honneur,   j'ai  pour  de  bonnes 

'  Cf.  p.  38,  note  4. 

-  Br.  Mus.  Add.  29626,  f,  5.  —  Publiée  partiellement  par  Streckei- 
sen.  Œuvres  et  Correspondance  inédites  de  J .  J.  Rousseau,  p.  437, 
XLIII. 


IIO  ANNAI.KS    DK    \.\    SOCIKTK  .1.    .1.    ROUSSEAU 

raisons,  à  vous  supplier  de  vouloir  bien  ne  confier  k 
qui  que  ce  soit  les  lettres  qu'on  pourra  vous  envoyer 
ou  vous  remettre  pour  moi,  mais  de  les  garder  pour 
me  les  donner  vous  même  à  votre  voyage,  ou,  si  Ton 
vous  dit  qu'elles  sont  pressées,  de  les  faire  mettre  di- 
rectement à  la  poste  sans  qu'elles  passent  par  d'autres 
mains  que  celles  de  vos  gens  ;  l'essenciei  n'est  pas  que 
mes  lettres  m'arrivent  promptement  ni  franches  ^  mais 
qu'elles  m'arriA^ent  sûrement.  Je  vous  demande  le  se- 
cret sui"  celle-ci  ^. 

'Vous  aurez  vu  par  celle  que  j'eus  l'honneur  de  vous 
écrire  par  le  retour  du  voiturier  combien  dès  l'abord 
je  fus  content  de  l'aspect  de^  votre  maison,  je  ne  le  suis 
pas  moins  de  son  habitation  et  des  attentions  de  vos 
domestiques.  Il  ne  me  manque.  Monsieur,  que  d'y  voir 
le  maitre  pour  lui  faire  les  remercimens  que  je  lui  dois, 
et  tâcher  d'obtenir  son  amitié  pour  son  hôte,  en  tra- 
vaillant  à    la    mériter.    Recevez.    Monsieur,    mes    très 

humbles  salutations. 

.1.  .1.  Rousseau. 

IV» 

à  Davenport.  ''' 

A  Wooton  le  19.  Avril  1766. 
J'apprens,    Monsieur,   avec   le  plus  grand  plaisir  que 
nous  ne  tarderons  pas  d'avoir  celui  de  vous  voir  ici.  et 

>  Sireckeisen  :  m'arrivent  franches  ni  promptes. 

-  Streckeisen  ;  Je  vous  demande  le  secret  sur  le  sujet  de  celle-ci;  quel- 
que jour,  quand  nous  nous  connaîtrons  mieux,  je  vous  en  dt rai  davantage. 

'  Ce  paragraphe  final  manque  dans  Streckeisen. 

■•  l'aspect  de  est  en  surcharge. 

i  fir.  Mus.  Add.  29626,  ff.  7,  8. 

«  To  I  Richard  Davenport  Esq'  \  Next  door  Lord  Egremont's  \  Picca- 
dilly  !  London. 


I.K'ITRKS    INEDITKS   1)K  J.    .1.    KOUSSEAU  I  1  I 

)e  vous  y  ferai  de  bien  bon  cœur  mes  remerciemens  ou 
plustot  mes  reproches  du  trop  bon  traitement  qu'on 
me  fait  dans  votre  maison. 

Mais,  Monsieur,  j'ai  quelque  inquiétude  que  le  loge- 
ment que  j'occupe  ne  soit  nécessaire  à  votre  famille. 
J'ai  deux  chambres  à  coucher  que  je  peux  réduire  à 
une,  en  me  retirant  dans  celle  qu'occupe  M"^  le  Vas- 
seur  et  où  il  y  a  deux  lits.  D'ailleurs  on  a  garni  le  lit 
où  je  couche  aux  dépens  du  votre,  et  je  ne  souffrirai 
pas  que  vous  soyez  mal  couché  à  cause  de  moi.  Si  mon 
séjour  dans  votre  maison  ne  vous  est  pas  desagréable, 
ayez  la  bonté  de  faire  en  sorte  qu'il  ne  vous  soit  pas, 
non  plus,  incomode,  autrement  il  faudra  que  je  prenne 
un  parti  qui  vous  délivre  de  cette  gêne.  J'ai  !a  plus 
grande  confiance  en  vous.  Monsieur,  le  plus  grand 
plaisir  de  vous  être  obligé,  mais  absolument  je  ne  souf- 
frirai pas  que  vous  vous  incommodiez  pour  moi.  J'au- 
rois  voulu  vous  épargner  ces  petits  détails,  et  mon  des- 
sein étoit  d'écrire  à  Madame  la  Gouvernante^  de  vos 
enfans,  mais  ignorant  son  nom,  je  suis  forcé  de  m'ad- 
dresser  à  vous  même,  vous  priant  toutefois  de  permet- 
tre *  que  je  lui  fasse  ici  les  très  humbles  salutations  de 
M"®  le  Vasseur  et  les  miennes. 

J'ai  vu  dans  les  papiers  l'annonce  d'une  Lettre  de 
M.de  Voltaire  à  moi  addressée'.  Je  comprends  d'avance 
ce  que  c'est  que  cette  lettre  et  de  quelle  boutique  elle 
vient.  Mais  quoique  j'en  fasse  le  cas  qu'elle  mérite  et 
que  mon  dessein  ne  soit  pas  même  de  la  lire,  je  serois 

'  Cf.  p.  5o,  n.  6. 
''■  de  permettre  est  en  surcharge. 

3  Lettre  de  M.  de  Voltaire  au  docteur  J.  J.  Pansophe.  Londres,  1766, 
in-12*. 


112  ANNALES   DK    I.A   SOCIitTÉ  .!.   J.    ROUSSEAU 

bien  aise  de  l'avoir  pour  savoir  où  la  prendre  en  tems 
et  lieu,  et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  me  l'apporter*. 
Je  sais  quels  discours  on  tient  sur  mon  compte  à  Lon- 
dres, je  connois  ceux  qui  les  répandent  avec  addresse,  et 
je  sais  de  quels  moyens  ils  se  sont  servis  pour  cela. 
Puis  que  les  Anglois  veulent  être  trompés,  qu'on  les 
trompe,  peu  m'importe.  Ils  me  jugent  sans  me  connoi- 
tre,  et  je  me  console  de  la  justice  qu'il  me  refusent, 
par  celle  qu'on  me  rend  dans  les  lieux  où  j'ai  vécu. 
Pour  vous.  Monsieur,  si  je  vis  aussi  longtemps  dans  vo- 
tre maison  que  je  le  désire,  vous  connoitrez  par  vous 
même  mes  moeurs  et  ma  conduite,  et  vous  jugerez  si  ce 
sont  celles  d'un  débauché*. 
J'attens  vôtre  arrivée  avec  impatience  et  je  vous  salue, 

Monsieur,  de  tout  mon  cœur. 

J.  J.  Rousseau. 

j-^iiej  s  jg  Vasseur  vous  remercie  de  l'honneur  [de  vo- 
tre souj^venir  et  vous  prie  d'agréer  son  respect. 

à  Davenport-\ 

A  Wootton  28;  Avril  1766. 
Je  sens.  Monsieur,  avec  regret  combien  je   vous  suis 
un  hôte  embarrassant  de  toutes  manières,  mais  comme 

'  Ce  membre  de  phrase  est  en  surcharge. 

-  Streckeisen.  J.  J.  Rousseau,  ses  Amis  et  ses  Ennemis,  t.  II,  p.  282, 
Hume  à  Rousseau,  3  mai  1766,  X  :  «  Permettez-moi  de  vous  exprimer 
en  peu  de  mots  mon  regret  d'un  passage  d'une  de  vos  lettres  à  M.  Da- 
venport.  Vous  supposez  qu'il  y  a  des-  calomnies  répandues  dans 
Londres  sur  vos  mœurs  et  que  ces  calomnies  s'accréditent.  »  Lettre 
inconnue,  ajoute  l'éditeur;  il  s'agit  de  la  nôtre. 

''  déchirures. 

*  Br.  Mus.  Add.  29626,  ft".  9,   10. 

s  To  I  Richard  Davenport  Esq'.  \  next  door  Lord  EgremonVs  \  Picca- 
dilly  I  London. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.    J.    ROUSSEAU  Il3 

il  m'est  impossible  de  vous  épargner  ces  embarras,  je 
me  borne  à  vous  en  faire  mes  excuses.  Tout  ce  qui 
m'est  addressé  chez  vous  m'est  inutile  à  Londres,  ainsi 
je  vous  prie  de  vouloir  bien  me  le  faire  parvenir  ici  par 
les  voyes  qui  vous  paroitront  les  plus  comodes.  A  re- 
gard des  Lettres  il  suffira,  puisque  vôtre  voyage  est  si 
proche,  que  vous  ayez  la  bonté  de  les  apporter.  Ce 
qui  m'embarrasse,  c'est  après  votre  départ,  de  trouver 
quelqu'un  à  Londres  qui  ait  pour  moi  la  même  bonté 
que  avez  eue  et  qui  prenne  la  peine  de  m'envoyer  ce 
qui  m'est  addressé. 

M"'^  le  Vasseur,  qui  vous  remercie  de  l'honneur  de 
votre  souvenir  et  vous  prie  d'agréer  son  respect,  vou- 
droit  faire  venir  un  jupon  piqué.  Si  vous  aviez,  Mon- 
sieur, quelque  Domestique  marié  dont  la  femme  vou- 
lut bien  se  charger  de  faire  cette  emplette  je  lui  en 
serois  bien  obligé.  Elle  voudroit  le  jupon  de  quelque 
étoffe  de  laine  fine  ou  de  taffetas  verd  ou  gns  ou  de 
quelque  couleur  peu  vo3-ante,  mais  non  pas  noir. 

Recevez,  Monsieur,  mes  vœux-  sincères  pour  votre 
prompt  et  bon  voyage  et  pour  tout  ce  qui  vous  appar- 
tient. Je  vous  salue.  Monsieur,  de  tout  mon  cœur 

J.  J.  Rousseau. 
VP 
[à  Vaillant.] 

[Wootton,  avril  1766?]* 
Monsieur  Vaillant  est   prié  de  vouloir  bien  remettre 
à  Monsieur  Davenport  le  Livre  de  Botanique  qui  lui  a 

'  Br.   Mus.  Add.  29626,  f.  83. 

^Œuvres,  t.  XI,  p.  3i8,  à  Guy,    i8   mars  1766.  En   tout  cas  ce  billet 
doit  être  antérieur  au  départ  de  Davenport  pour  la  campagne,  en  avril. 

8 


114  ANNALES   DE    LA   SOCIETE  .1.    .1.    ROUSSEAU 

été  addressé  par  M.  Gu\'  libraire  à  Paris  pour  J.  J.  Rous- 
seau. 

VIP 

[à  Davenport.] 

[Wootton]  Ce  28  Juin  au  soir  [176Ô.] 
L'impossibilité  où  je  suis,  Monsieur,  de  vous  faire 
parvenir  autrement  la  lettre  ci-jointe,  m'oblige  à  vous 
envoyer  un  Exprès  dont  le  vo3'age  ne  sera  pas  perdu 
pour  moi,  s'il  me  rapporte  de  bonnes  nouvelles  de 
vôtre  santé. 

La  lettre  ci-jointe  de  M.  Hume^  a  été  ouverte  en 
ma  présence  par  M.  Walton,  parce  que  nous  étions 
persuadés^  l'un  et  Tautre  que  le  contenu  étoitpour  moi. 
Mais  à  son  ouverture  j'ai  vu  la  copie  d'une  lettre^  que 
j'ai  écrite  la  semaine  dernière  en  réponse  à  M.  Hume. 
J'ai  concki  delà  que  son  intention  étoit  que  vous  vissiez 
le  pacquet  avant  moi,  et  pour  que  cette  intention  ne  fut 
point  trompée  j'ai  recacheté  sur  le  champ  le  pacquet^ 
en  présence  de  M.  Walton  sans  en  lire  un  seul  mot,  et 
je  vous  renvo3'e. 

Il  seroit  long  de  vous  faire  par  lettres  le  récit  de  ce 
qui  s'est  passé.  Nous  en  causerons  quand  j'aurai  l'hon- 
neur de  vous  voir.  En  attendant,  lisez  pesez- et  vo3^ez 
ce-  qu'il  vous  convient  de  penser  de  cette  affaire.  J'at- 
tends de  vos  nouvelles  avec  la  plus  grande  impatience. 

1  Br.  Mus.  Add.   :-!249i,  fF.  i8,  19. 

"-'  Cf.  Lettres,  D,  Hume  â  Davenport,  26  juin,  IV. 

■•  Rousseau  avait  commencé  à  écrire  convaincus  ;  il  s'est  arrêté  après 
les  deux  premières  lettres  :  co. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.'  35o,  23  juin,  ce  qui  est  le  lundi  de  cette  même 
semaine. 

5  Ici  trois  mots  hilTés  :  sans  en  lire. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.    J.    ROUSSEAU 


I  I  D 


et  j'aspire  au  moment  où  sans  vous  incommoder  vous 

pourrez  m'en  donner  de  bouche. 

Je  Joins   ici  une   autre    lettre  ^  que  J'avois  fermée  ce 

matin  croyant  la  faire  partir  par  la  poste,  mais  on  m'a 

dit  que  cela  ne  se  pouvoit  pas.  Je  vous  fais,  Monsieur, 

mes  plus  tendres  salutations 

T  .t:.       .  ,  J.  J.  Rousseau. 

L  bxpres  est  payé. 

VHP 

à  Davenport^. 
Jeudi  soir  [24  ou3i  juillet?^  1766.] 
Votre  voyage,  Monsieur,  m'a  fait  grand  bien;  que 
Dieu  vous  le  rende.  Je  suis  charmé  de  vous  savoir  heu- 
reusement de  retour.  J'ai  la  plus  sincère  envie  de  vous 
aller  voir,  mais  je  ne  suis  pas  encore  assez  bien.  J'at- 
tens  le  moment  et  je  le  désire.  Mad"^  le  Vasseur  vous 
prie  d'agréer  son  respect,  et  nous  faisons  l'un  et  l'au- 
tre nos  salutations  à  Monsieur  votre  petit  fils  et  à 
M'*  Lauzane. 

On  vous  a  demandé  un  bas  pour  modelle  ;  vous  êtes 
prié  de  ne  pas  l'oublier. 

IX  5 
à  M.  Boswell. 

[Wootton]  le  2.  Aoust  1766. 
Recevez  mes  remercimens.  Monsieur,  de   votre   bon 
souvenir  et  de  l'intérest  que  vous  voulez  bien  prendre 

1  Œuvres,  t.  XL  p.  35 1,  à  d'Ivernois,  28  juin  1766 

2  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.,  78,  79. 

•'  To  I  Richard  Davenport  Esq'  \  Davenport.  \ 

*  Ci.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,   i"  août   VI 

-  Bibl.  de  Neuchâtel.  Ms.  7901.   -  Minute  autographe. 


Il6  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   .1.    ROUSSEAU 

à  ma  santé  et  à  celle  de  M"«  le  Vasseur.  Elle  n'a  été 
incomodée  que  d'un  mal  d'yeux  depuis  son  voyage  et 
je  voudrois  me  porter  aussi  bien  qu'elle.  Mon  cher 
Monsieur  Boswell  je  vous  recommande  aussi  le  soin 
de  votre  santé,  et  surtout  de  vous  faire  saigner  de  tems 
à  autre.  Je  crois  que  cela  vous  seroit  fort  bon.  Je  vous 
fais  Monsieur  mes  très  humbles  salutations. 

à  M>'^  Liicadoii  et  Df^ake^. 

[^^'oottonJ  du  4.  Août  i  766. 

Votre  silence,  Monsieur',  m'inquiète  sur  vôtre  santé. 
Je  vous  prie  de  m'en  donner  des  nouvelles.  Vous  m'o- 
bligerez aussi  de  me  marquer  si  vous  avez  eu  la  bonté 
de  faire  usage  de  ma  lettre  de  change.  Recevez,  Mon- 
sieur, mes  humbles  salutations. 

XI* 

[à  Davenport.] 

Voici,  Monsieur,  une  lettre^  que  j'ai  indiscrettemcnt 
ouverte  selon  vos  ordres,  je  m'apperçois  qu'elle  n'est 
pas   pour  moi.  je  vous   la    renvo3'e   sur  le   champ  très 

'  Br.  Mus.  Add.  2()C)26,  f.  92.  —  Minute  autographe. 

2  Banquiers  londoniens,  correspondants  de  Du  Peyrou  /Œuvres,  t.  XI, 
p.  ;^i2),  chez  qui  était  payable  la  rente  de  Rey  (Bosscha,  o.  c, 
3  mars  1766,  n"  141 .) 

»  Lucadoit,  cf.  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XL\'I,  du  q  août  et 
Lettres,  A,  Rousseau  à  Becket,  etc.,  XIII. 

*  Br.Mus.  Add.  29626,  f.  28. 

*  Probablement  la  lettre,  sans  importance  pour  nous,  de  William 
Fit:;lierbert  à  R.    Daveiifort.-]  août  1766  iBr.  Mus.   Add.    29626,  f.  26.) 


LETTRES   INEDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  II7 

mortifié  de  cette  méprise,  mais  en  vérité  il  n'}'  a  pas  de 
ma  faute.  Je  fais  mille  vœux  pour  vôtre  santé  et  celle 
de  vôtre  chère  famille,  et  vous  salue  très  humblement. 

J.  J.  Rousseau. 
Ce  samedi  9.  Aoust  1760. 

A  M'*  Lucadou  et  Drake^. 

[Wootton]  le  11  Aoust  [1766.] 

Je  vois,  Monsieur',  par  la  lettre  que  vous  m'avez 
fait  l'honneur  de  m'écrire  le  7  de  ce  mois  que  l'argent 
de  la  lettre  de  change  sur  lequel  j'avois  compté,  du 
moins  en  partie*,  a  du  passer  tout  entier  entre  les  mains 
de  M'"'  Becket  et  de  Hondt.  Il  m'est  difficile  de  conce- 
voir en  vertu  de  quoi  j'ai  pu  leur  devoir  une  pareille 
somme  ou  quel  usage  ils  en  ont  pu  faire  pour  mon 
compte.  Si  mes  livres  étoient  arrivés  j'estimerois  que 
le  port  et  les  frais  pourroient  monter  à  la  moitié  de 
cette  somme.  Mais  si  mes  livres  étoient  arrivés  il  n'est 
pas  croyable  que  ces  M'*  ne  m'eussent  rien  envoyé  ni 
rien  fait  dire  et  ne  m'en  eussent  pas  donné  le  moindre 
avis.  Vous  m'obligerez  Monsieur,  si  vous  voulez  bien 
prendre  la  peine  de  m'expliquer  cette  énigme.  Si  après 
avoir  perdu  mon  argent  il  faut  que  je  perde  aussi  mes 
livres,  ayez  la  charité  de  m'en  avertir  afin  que  je  sache 
à  quoi  m'en  tenir  aussi  sur  ce  point.  Quoi  qu'il  m'arrive 
et  quelques  pertes    que  je  puisse   faire   si  j'apprens  à 

'  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  92.  —  Minute  autographe. 

^  Dans  Toriginal  :  Aux  mêmes. 

•^  Lucadou,  cf.  la  lettre  suivante. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i5,  à  Du  Peyrou,  14  mars  1766. 


1  l8  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.  J.    ROUSSEAU 

supporter  le  malheur  avec  patience,  j'aurai  toujours 
beaucoup  gagné.  Recevez,  Monsieur,  mes  très  hum- 
bles salutations. 

Je  vous  prie  de  vouloir  bien  m'envoj^er  le  receu  de 
ces  Messieurs. 

XIIP 

[à  Becket  et  de  Hondl.] 

[Wootton,  II  août  1766?^] 
M.  Lucadou  me  marque.  Messieurs,  vous  avoir  du 
remettre  trente-une  livre  sterling  que  j'avois  entre  ses 
mains.  Vous  m'obligerez  beaucoup  si  vous  voulez  bien 
prendre  la  peine  de  me  marquer  comment  je  pouvois 
vous  devoir  cette  somme  ou  quel  usage  vous  en  avez 
fait  pour  mon  compte,  car  c'est  ce  qui  m'est  difficile  à 
concevoir,  à  moins  que  mes  livres  ne  soient  arrivés,  en- 
core y  auroit-il  peu  de  proportion  ce  me  semble  entre 
une  pareille  somme  et  celle  des  frais  qu'ils  pourroient 
coûter;  et  s'ils  étoient  entre  vos  mains  il  n'est  pas  pro- 
bable ^  qu'ils  y  restassent  non-seulement  sans  que  vous 
m'en  eussiez  envoyé  aucun,  mais  sans, que  vous  m'en 
eussiez  donné  le  moindre  avis.  Je  vous  demande  par- 
don, Messieurs,  de  l'importunité  que  je  vous  cause, 
mais  il  me  paroit  que  cela  demanderoit  quelque  éclair- 
cissement. Recevez,  je  vous  supplie,  mes  .très  humbles 
salutations. 

'  5r.  Mits.  Add.  29626,  f,  92.  —  Minute-autographe. 

-  Cf.  la  lettre  précédente. 

•  Première  rédaction  :  apparent  que  vous  me  Veussie:{  laissé  ignorer. 
J'avois  compté  pouvoir  faire  usage  avant  la  fin  de  Vété  de  mes  livres  de  bo- 
tanique, mais  je  vois  qu'il  faut  me  détacher  encore  de  cette  petite  conso- 
lation. La  volonté  de 'Dieu  soit  faite.  Recevez,  Messieurs,  je  vous 
supplie,  mes  très  humbles  salutations . 


LETTRES   INEDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  II9 

XIV  » 

à  M.  Becket. 

[Wootton]  23  Aoust  1766. 

J'ai  receu  Monsieur,  la  caisse  et  le  pacquet  que  vous 
avez  eu  la  bonté  de  m'expédier  et  que  je  n'avois  pu  '-^ 
fait  rettirer  plus  tôt  faute  d'accès.  J'ai  receu  aussi 
les  deux  lettres  que  vous  avez  pris  la  peine  de  m'écrire^ 
et  par  lesquelles  Je  vois  que  vous  avez  receu  des  le 
18  Juillet  les  livres  dont  vous  ne  m'avez  annoncé  l'arri- 
vée que  le  douse  de  ce  mois.  La  seconde  de  ces  lettres 
loin  de  diminuer  l'étonnement  que  me  cause  Ténormité 
des  frais  de  Douane  ne  fait  que  l'augmenter  par  le 
compte  sommaire  que  vous  m'y  faite  de  ces  frais  et 
comment  par  exemple  verrois-je  sans  surprise  qu'un 
vieux  cistre  brisé  et  pourri  qui  ne  m'a  coûté  que  six 
francs  de  France  et  que  je  suis  prêt  a  céder  pour  le 
même  prix  à  qui  voudra,  que  cette  patraque  dis-je  qui 
ne  peut  valoir  cinq  schelings,  ait  payé  une  livre  ster- 
ling de  droit.  A  Algers  un  pareil  traitement  seroit 
horrible',  croirai-je  qu'il  est  légitime  à  Londres^. 
Quatorze  livres  sterling  de  droit  sur  de  vieux  livres 
qu'un  particulier  fait  venir  pour  son  usage,  même  en  y 
comprenant  les  estampes,  est  une  exaction  d'autant 
plus  dure  qu'elle  s'exerce  non  sur  un  commerçant 
mais  sur  un  malheureux  étranger.  Si  les  injustices  des 


'  Bi\  Mus.  Add.  29626,  f.  93.  —  xMinute  autographe. 
-  1"  rédaction  :  pas,  ce  qui  explique  le  participe /a/7. 
■■■  Mots  bift'és  :  les  1 2  et  1 4  de  ce  mois. 

*  ou  possible  ? 

*  I"  rédaction   :   A    Algets   >nèmc    une    aussi   impudente    friponnerie 
l'étonneroit  jtige^  de  ce  qu'elle  doit  faire  à  Londres. 


120  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

hommes  m'affectent  encore  ce  n'est  assurément  pas 
leur  faute,  ils  ont  bien  fait  tout  ce  qu'il  faut  pour  m'y 
accoutumer.  Mais  en  me  soumettant  à  cette  exaction 
puis  qu'il  le  faut,  que  j'aye  au  moins  aussi  les  effets 
pour  lesquels  j'ai  payé  si  cher.  J'ai  cherché  inutilement 
dans  la  caisse  les  estampes  qui  dévoient  y  être,  je  n'ai 
trouvé  que  des  portefeuilles  vuides.  Faites-moi  l'amitié, 
Monsieur,  de  me  marquer  où  sont  ces  estampes  et  à 
qui  il  faut  que  je  m'addresse  pour  les  avoir.  J'attens 
là-dessus  un  mot  de  réponse  et  vous  fais,  Monsieur, 
mes  très  humbles  salutations. 

à  Davenport-, 

[Wootton]  Ce  Samedi  soir  [6  septembre^  1766.] 

Un  petit  bonjour  à  mon  bon  patron  Monsieur  Da- 
venport,  à  sa  charmante  famille,  et  à  tout  ce  qui  lui 
appartient.  Je  le  prie  de  me  faire  dire  un  mot  de  ses 
nouvelles,  et  si  j'aurai  le  plaisir  de  le  voir  ici  bientôt. 

Je  n'ai  receu  aucune  réponse  de  M.  Becket,  ce  qui 
me  paroit  très  surprenant.  Je  suis  un  peu  étonné  aussi 
que  M.  Lewis  n'ait  pu  trouver  les  pièces  du  St  James 
Chronicle  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  lui  demander. 
Il  faut  qu'il  se. passe  à  Londres  relativement  à  moi  des 
choses  bien  extraordinaires,  et  dont  je  ne  saurai  jamais 
rien  que  par  vous  ;   puis   qu'il  n'y  a  que  vous  seul  en 


»  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  23,  24. 

*  To  I  Rich^.  Davenport  Esq''.  \  Davetipott.  \ 

*  Cf.    Lettres,   A,   Rousseau    à    Davenport,    11    sept.,    XVI,    XVII    et 
Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  lundi  8  sept.,  VII. 


LETTRES    INEDITES    DE  J.   .1.    ROUSSEAU  121 

Angleterre  en  qui  je  me  confie,  et  qui  prenne  un  sin- 
cère interest  à  moi. 

On  m'écrit  de  Suisse  qu'on  répand  en  France  et  dans 
toute  TEurope  que  les  amis  communs  de  M.  Hume  et 
de  moi  en  Angleterre  ont  assoupi  la  querelle,  et  que 
c'est  pour  cela  qu'il  ne  publie  pas  les  lettres  qu'il  avoit 
promis  de  publier,  et  qui,  selon  lui,  dévoient  prouver 
avec  évidence  que  je  n'étois  qu'un  scélérat.  Au  reste 
personne  au  monde  n'a  entendu  parler  de  la  longue 
lettre  que  vous  avez  vue  et  que  je  lui  ai  écrite  le  lo  de 
Juillet.  Je  n'ajouterai  point  là-dessus  de  reflexions.  Les 
hommes  comme  vous  n'ont  pas  besoin  qu'on  les  leur 
suggère. 

Mille  salutations  à  vous,  Monsieur,  et  à  tout  ce  qui 
vous  est  cher.  Mad"^  le  Vasseur  vous  prie  d'agréer  son 
respect.  Si  elle  avoit  autant  de  talent  que  Mademoi- 
selle Davenport  pour  écrire  ou  que  j'eusse  actuellement 
plus  de  loisir,  elle  ou  moi  tâcherions  de  lui  écrire  une 
belle  lettre  ;  mais  il  faut  quand  à  présent  qu'elle  se 
contente  de  nos  homages,  et  je  ne  sais  pas  même  si  nous 
y  pourrons  ajouter  des  fleurs. 

xvn 

à  Davenport  ''. 

Ce  Jeudi  soir  [ii  sept.^  1766.] 
Comment  se    portent  Monsieur  Davenport  et  toute 
son  aimable  famille?  J'espère  que   le    retour  du  beau 
tems  affermira  sa  santé  et  que  les  habitans  de  Woot- 

1  Bi\  Mus.  Add.  29626,  ff.  80,  81. 
-  A  Monsieur  |  Monsieur  Davenport  \  à  Davenport. 
'■  Cf.  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI,  i5  sept.  :  an  garde  revenu 
de  Davenport  ;  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  i3  sept.,  IX. 


122  ANNALES   DE  LA    SOCIETE  J.   J.    ROUSSEAU 

ton  en  profiteront  dans  peu.  Je  ne  lui  écris  point,  afin 
qu'il  ne  vole  pas  à  sa  bonne  compagnie  le  tems  qu'il 
mettroit  à  me  répondre.  Il  suffira  qu'il  ait  la  bonté 
de  me  faire  dire  par  le  porteur  des  nouvelles  de  sa 
santé. 

XVIP 

[à  Davenport.] 

A  Wootton  le  ii.  y^re  l'yôô. 

Après  le  départ,  Monsieur,  de  ma  précédente  lettre^ 
j'en  reçus  enfin  une  de  M.  Becket-.  Il  me  marque  que 
les  estampes  sont  dans  une  des  autres  Caisses  ;  ainsi  je 
n'ai  plus  rien  à  dire  :  mais  vous  m'avouerez  que  ne  les 
trouvant  pas  dans  la  caisse  où  elles  dévoient  être  et 
trouvant  les  portefeuilles  vides,  il  étoit  naturel  que  je 
les  crusse  perdues.  Il  me  reste  à  vous  faire  mes  excu- 
ses de  vous  avoir  donné  pour  cette  affaire  bien  de 
l'embarras  mal  à  propos. 

Je  vous  félicite,  Monsieur,  du  plaisir  que  vous  avez 
actuellement  de  voir  autour  de  vous  votre  aimable  fa- 
mille rassemblée  ^  Vous  goûtez  pourtant  un  peu  ce 
plaisir  à  mes -dépens,  puis  qu'il  retarde' vôtre  voyage  : 
mais  je  sais  trop  combien  vous  êtes  bon  père  pour  ne 
pas  préférer  en  cette   occasion  votre  plaisir  au  mien*. 

Si  vous  n'étiez  pas  pressé  pour  la  plantation  de  vo- 
tre jardin,  et  que  vous  voulussiez  attendre  'jusqu'à  l'an- 

1  Br.  Mus.   Add.  29626,  f.   ■•!4. —  Publié  dans  Œuvres,  t.  XI,  p.    Sgo, 
avec  des  variantes. 
•  -  Cf.  Lettres,  X,  Livre  de  Dépenses,  11  sept. 

•'  Cf.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  8  sept.,  VII. 

*  Au  lieu  de  ce  paragraphe,  Hachette  a  la  phrase  suivante  :  Vmis 
recevez  si  bien  vos  hôtes,' et  votre  habitation  me  paraît  si  agréable,  que 
j'ai  grande  envie  de  retoitrncr  vous  y  voir  l'année  prochaine. 


LETTRES   INÉDITES   DE  .1.   J.    ROUSSEAU  123 

née  prochaine,  il  me  viendroit  peut-être  ^  des  idées 
qui  se  refusent  maintenant  à  un  esprit  encore  trop 
rempli  de  choses  tristes.  L'azile  où  je  suis  et  la  vie 
douce  que  j'y  mène-  doivent  me  rendre  enfin  des  idées 
agréables  quand  rien  du  dehors  ne  viendra  les  troublera 
Quoi  que  vous  en  disiez,  je  préfererois  et  je  croirois 
faire  une  chose  plus  utile  ^  de  découvrir  une  seule  nou- 
velle plante,  que  de  prêcher  pendant  cent  ans^  tout  le 
genre  humain. 

Nous  avons  depuis  quelques  jours  un  tems  affreux  "^ 
dont  je  serois  moins  affligé,  si  j'espérois  qu'il  ne  s'é- 
tendit pas  jusqu'à  Davenport.  J'en  salue  de  tout  mon 
cœur  et  avec  respect  les  habitantes  et  habitans  ^.  et  sur- 
tout le  bon  et  aimable  maître. 

J.  J.  Rousseau. 

M"^  le  Vasseur  vous  prie  de  vouloir  bien  agréer  son 
respect  ^. 

XVIIP 

[à  Kenrick.] 

Recevez  mes  remercimens,  M.  pour  vôtre  obligeante 
atention.  J'y  suis  asurem.  très   sensible   de  même  qu'à 

'  Hachette  continue  :  quelques  idées  ;  car,  quant  à  présent,  j'ai  l'esprit 
encore  trop  rempli  de  choses  tristes  pour  qu'aucune  idée  agréable  vienne 
s'y  présenter;  mais  l'asile. 

2  Hachette  continue  :  m'en  rendront  bientôt  quand. 

■'  Entre  cette  phrase  et  la  suivante,  Hachette  en  intercale  une:  Puissé- 
je  être  oublié  du  public,  comme  je  l'oublie. 

*  Hachette  :  cent  fois  plus  utile. 

*  Hachette  :  cinquante  ans. 

■^  Hachette  :  un  bien  mauvais  temps. 

'  Hachette  :  cœur  les  habitans. 

^  Hachette  n'a  pas  cette  phrase. 

■•  Bibl.  de  Neuchàtel.  Ms.  7902.—  Brouillon  autographe  écrit  à  la  troi- 
sième page  de  la  lettre  de  Kenrick,  du  g  sept.  1766  (cf.  Lettres,  C),  reçue 
le  i3  (cf.  Lettres,  A,  Livre  de  Dépenses,  XLVl),  à  laquelle  il  forme  réponse. 


124  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.   J.    ROUSSEAU 

l'honneur  que  vous  fait,  à  mes  écrits,  mais  quant  à  leur 
publication  en  anglois  que  vous  m'annoncez  je  n'y 
prends  d'autre  intérest  que  celui  de  désirer  qu'elle  vous 
soit  avantageuse.  Je  n'entens  gêner  vos  libraires  en  au- 
cune sorte  ils  peuvent  dire  de  moi  tout  ce  qu'il  leur 
plaira  ;  pour  moi  je  n'ai  rien  du  tout  à  en  dire.  Je  vous 
fais  de  tout  mon  cœur  M.  mes  très  humbles  saluta- 
tions. 

20.  ybre  [1766.] 

XIX^ 

[à  Jean  Rousseau.] 

[Septembre?  1766.] 

J'espère,  mon  cher  Cousin  que  vous  excuserez  com- 
me ci-devant  mon  inexactitude  à  répondre,  et  que  vous 
voudrez  bien  acquiescer  à  la  résolution  que  j'ai  prise 
de  ne  plus  écrire  de  lettres  que  pour  l'absolue  nécessité. 
Je  voudrois  que  sur  les  propos  qu'on  vous  tient  à  mon 
sujet,  vous  prissiez  le  parti  que  j'ai  pris  moi-même,  et 
que  vous  laissassiez  dire  et  penser  à  chacun  ce  qu'il  lui 
plaira.  Quant  à  l'affaire  qui  vous  regarde  je  n'ai  point 
perdu  le  désir  de  vous  être  utile;  mais  vous  êtes  trop 
sensé  pour  ne  pas  sentir  que  sur  le  pied  oia  je  -suis  en 
Angleterre,  je  n'y  puis  rendre  service  à  qui- que  ce  soit. 
Conservez  votre  santé,  mon  cher  Cousin.  Je  vous  salue 
et  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur. 


1  Bibl.  de  Neticliâtel.  Ms.  7902.  —  Minute  écrite  sur  la  troisième  page 
de  la  lettre  de  Jean  Rousseau,  du  11  septembre  1766  (cf.  Lettres,  C,  III), 
reçueiei3  (cf.  Lettres, -A,  Livre  de  Dépenses,  XLVI),  à  laquelle  elle 
forme  réponse. 


LETTRES   INEDITES   DE  J.  J.   ROUSSEAU  125 

XX  ^ 

à  Davenport  -. 

A  Wootton  le  Samedi  soir  4.  8  ^rc  iy66. 

Quoiqu'on  ne  m'apprenne,  iMonsieur,  que  ce  soir 
bien  tard  le  départ  de  Jean  pour  Davenport  demain  de 
grand  matin,  je  ne  veux  pas  qu'il  parte  sans  un  petit 
bonjour  de  ma  part,  à  condition  pour  cette  fois  que  vous 
VOUS  contenterez  de  me  faire  dire  de  bouche  des  nou- 
velles de  votre  santé.  J'en  suis  en  peine  parce  que  M.  le 
Pasteur  m'avoit  flatté  de  Tesperance  de  vous  voir  jeudi 
dernier  et  que  cette  espérance  a  été  trompée.  Je  veux 
me  flatter  pourtant  que  ce  sont  vos  affaires  et  non  vos 
incommodités  qui  vous  ont  retenu,  mais  quand  je  le 
saurai  par  vous-même  je  serai  plus  tranquille.  Mille 
très  humbles  salutations,  et  à  tout  ce  qui  vous  appar- 
tient, tant  de  la  part  de  M"^le  Vasseur  que  de  la  mienne. 

J.  J.  Rousseau. 

XXI  " 

à  DarenpoiH*. 

A  Wootton  le  14.  S^re  iy6(S. 

Quoiqu'on  me  promette.  Monsieur,  le  plaisir  de  vous 
voir  ici  dans  peu,  j'ai  été  si  souvent  frustré  dans  cette 
attente  que  je  n'ose  plus  y  compter,  et  je  prends  le 
parti  de  vous  écrire  ce  que  j'espérois  vous  dire  de  vive 


>  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.,  33,  36. 

*  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport  \  A  Davenport.  \ 
•'Br.  Mus.  Add.  29626,  tV.,  37,  38. 

*  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport  |  A  Davenport.  \ 


I2b  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

voix.  Je  sais  que  Thospitalité  que  vous  exercez  envers 
moi  est  d'un  prix  inestimable  et  ne  peut  s'acquitter 
qu'avec  les  sentimens  qui  vous  sont  dus.  Mais  quant 
aux  dépenses  que  j'occasionne  dans  votre  maison,  vous 
m'avez  promis  de  permettre  que  je  vous  en  tinsse 
compte,  et  les  six  mois  dont  nous  sommes  convenus 
pour  cela  étant  plus  qu'écoulés,  l'incertitude  où  je  suis 
du  tems  où  j'aurai  le  bonheur  de  vous  revoir  me  force 
à  vous  prier  de  vouloir  bien  me  mettre  en  régie  sur 
cet  article. 

Il  y  a  des  fournitures  de  vin  et  d'autres  dépenses  qui 
doivent  se  rembourser^  à  part  et  dont  je  demande  aussi 
la  note,  de  même  que  de  ce  que  vous  avez  pris  la  peine 
de  payer  pour  moi  à  M.  Lewis. 

Enfin,  Monsieur,  comme  je  sens  que  mes  malheurs 
ne  finiront  qu'avec  ma  vie,  si  jamais  j'ai  celui  d'être  de 
trop  dans  votre  maison  je  vous  prie  instamment  de  m'en 
avertir  avec  franchise,  afin  que  je  prévienne  au  moins 
celui  que  je  crains  plus  que  tout  au  monde,  qui  est  de 
vous  être  importun  sans  le  savoir. 

Recevez,  Monsieur,  avec  bonté  les  assurances  de  mon 
immortelle  reconnaissance  et  de  mon  plus  sincère  atta- 
ment. 

J.  J.  Rousseau. 

^iie  \q  Vasseur  vous  prie  d'agréer  son  respect  et  nous 
faisons  l'un  et  l'autre  nos  salutatfons  à  vos  chers  enfants. 
Mon  incomodité  me  rendant,  très  pénible  d'écrire,  no- 
tre aimable  correspondante  voudra  bien  excuser  mon 
silence  pour  aujourdui. 

'   [■■'  rédaction  :  j^ajer. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   .1.    ROUSSEAU  I  27 

XXIP 

à  Guy-. 

A  Wootton  le  i5  cj^re  lyGi^. 

J'ai  receu,  Monsieur,  le  même  jour  vos  deux  derniè- 
res lettres,  et  j'avois  aussi  receu  le  paquet  dont  vous 
êtes  en  peine.  Si  je  vous  ai  coûté  sept  francs  de  port 
pour  des  épreuves  vous  me  l'avez  bien  rendu,  car  ce 
paquet  m'en  a  coûte  quinze.  Quinze  francs  de  port  pour 
deS;  vers  françois,  c'est  beaucoup.  Quand  vous  voudrez 
désormais  me  faire  des  présens  à  ce  prix,  que  ce  ne  soit 
plus  des  vers,  je  vous  en  prie.  A  Noël  M.  Davenport 
sera  de  retour  à  Londres  ;  faites  remettre  chez  lui  ce 
que  vous  aurez  à  me  faire  tenir,  next  door  Lord  Egre- 
mojit's  Piccadillf.  M.  Dutens^m'a  écrit  en  m'envoyant 
un  paquet  de  M.  Lalliaud*;  mais  en  m'offrant  ses  ser- 
vices il  ne  m'a  pas  envoyé  son  addresse,  ainsi  je  ne  puis 
ni  me  prévaloir  de  son  offre  ni  l'en  remercier.  Je  n'ai 
point  oui  parler  du  Livre  de  Botanique  ;  il  me  feroit 
pourtant  plus  de  plaisir  que  des  vers  françois,  pourvu 
qu'il  ne  vint  pas  par  la  poste. 

Je  n'ai  aucune  nouvelle  de  l'ami  qui  devoit  venir  ^; 


1  Bibl.  de  Genève,  Mhg.  232.  —  Publiée  partiellement,  et  avec  de 
nombreuses  variantes,  dans  les  Œuvres,  t.  XI,  pp.,  399,  400.  —  On 
notera  plusieurs  divergences  dans  la  ponctuation. 

2  A  Monsieur  \  Monsieur  Guy  \  che:^  Madame  la  Veuve  Duchesne  \ 
Libraire,  rue  St  Jaques  |  A  Paris.  | 

'  Frédéric  Dutens,  cf.  Lettres,  C,  3i  oct. 

*  Buste  de  Rousseau  et  estampes  ;  cf.  Œuvres,  t.  XI,  p.  376,  à  Guy, 
2  août  1766.  Sauttershaim  annonça  cet  envoi  dès  le  i3  août  (Lettre 
inéd.,  Bibl.  de  Neuchâtel.) 

5  D'Ivernois.  Œuvres,  t.  XI,  p.  324,  à  d'Ivernois,  3i  mars  1766  ;  p.  346, 
3i  mai  (où  novembre  est  indiqué  comme  le  mois  delà  visite);  p.  35 1, 
28  juin  (où  il  est  prié  de  passer  chez  Guy). 


128  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

je  juge  qu'il  ne  viendra  qu'au  printems,  ou  qu'il  ne 
viendra  point  du  tout.  A  tout  événement  vous  pouvez 
toujours  tenir  prêt  ce  que  vous  aurez  à  m'envoyer  ^  en 
bonnes  feuilles.  &c. 

Je  suis  sensible  au  souvenir  de  tous  mes  amis,  sur- 
tout dans  une  circonstance  qui  me  les  fait  si  bien  con- 
noitre.  Saluez-les  tous  affectueusement  de  ma  part.  Je 
ne  nomme  personne  de  peur  d'omettre  quelqu'un. 

Permettez  que  ce  que  j'ai  à  dire  à  quelques  uns  d'en- 
tre eux  se  trouve  dans  cette  lettre. 


Pour  M.  de  la  Roche-. 

Je  prie  Monsieur  de  la  Roche  de  vouloir  bien^  conti- 
nuer de  payer  jusqu'à  Noel^  le  loyer  du  logement  qu'oc- 
cupoit  ^Mad^  le  Vasseur.  Je  le  prie  aussi  et  Madame 
de  la  Roche  de  se  ressouvenir  quelquefois  de  leur  an- 
cienne amitié  pour  moi.  Quant  à  moi  je  ne  les  oublie- 
rai de  ma  vie. 

Pour  M.  Lalliaud\ 

A  peine 'nous  connoissons-nous.  Monsieur,  et  vous 
me  rendez  les  plus  vrais  services  de  l'amitié  :  Ce  zèle 
est  donc  moins  pour  moi  que  pour  la  chose,  -et  m'en 
est  d'un  plus  grand  prix.  Je  vois  que  ce  même  amour 

'  Hachetie  n'a  pas  cette  fin  de  !a  phrase. 
■■'  Hachette  a  M .  de  Laroche. 
'■'  En  surcharge. 

*  Ces  trois  mots  sont  en  surcharge. 

*  Hachette  dit  Mlle.^ 

6  Hachette  indique  ce  billet  comme  lettre  indépendante,  t.  XI,  p.  399^ 
et  écrit  Laliaiid. 


LETTRES   INEDITES   DE  .1.   .1.    ROUSSEAU  129 

de  la  justice  qui  brûla  toujours  dans  mon  cœur^  brûle 
aussi  dans  le  vôtre  :  rien  ne  lie  tant  les  hommes-  que 
cette  conformité.  La  nature  nous  fit  amis  ;  nous  ne 
sommes  ni  vous  ni  moi  disposés  à  l'en  dédire.  J'ai  re- 
ceu  le  paquet  que  vous  m'avez  envoyé  par  la  voye  de 
M.  Dutens  ;  c'est  à  mon  avis  la  plus  sure.  Le  duplicata 
m'a  pourtant  déjà  été  annoncé  et  je  ne  doute  pas  qu'il 
ne  me  parvienne.  J'admire  l'intrépidité  des  auteurs  de 
cet  ouvrage^,  surtout  s'ils  le  laissent  répandre  à  Lon- 
dres ;  ce  qui  me  paroit  difficile  à  empêcher.  Du  reste, 
ils  peuvent  faire  et  dire  tout  à  leur  aise  :  pour  moi  je 
n'ai  rien  à  dire  de  M.  Hume,  sinon  que  je  le  trouve 
bien  insultant  pour  un  bon  homme,  et  bien  bruyant 
pour  un  philosophe.  Bon  jour,  Monsieur  ;  je  vous 
aimerai  toujours,  mais  je  ne  vous  écrirai  pas,  à  moins 
de  nécessité.  Cependant  je  serois  bien  aise  par  précau- 
tion d'avoir  votre  addresse.  Je  ne  puis  vous  écrire  par 
la  même  voye  dont  vous  vous  êtes  servi,  parce  qu'en 
me  marquant  que  je  le  pouvois  M.  Dutens  a  oublié  de 
m'envoyer  son  addresse*.  Je  vous  embrasse  de  tout 
mon  cœur,  et  vous  prie  de  dire  à^M.  de  Sautershaim  ^^ 
que  je  suis  sensible  à  son  souvenir  et  n'ai  point  ou- 
blié notre  ancienne  amitié.  Je  suis  aussi  surpris  que  fâ- 
ché qu'avec  de  l'esprit,  des  talens,  de  la  douceur,  et  une 
assez  jolie  figure  il  ne  trouve  rien  à  faire  à  Paris.  Cela 
viendra;  mais  les  commencemens  y  sont  difficiles*. 


*  Première  rédaction  :  ame. . .  la  votre. 

2  Hachette  :  âmes. 

3  Exposé  succinct,  etc. 

*  Hachette  n'a  pas  cette  phrase. 

*  Hachette  :  Sauttersheim. 

^  Sauttevsliaim  à   Rousseau,  2  avril,  i5  juillet,   ir  août   1766.  (Lettres 
inéd.,  Bibl.  de  Ncuchâtel.j 


1  3o  ANNALES    DE    I.A    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

Revenons  maintenant,  Monsieur  Guy,  à  nos  affaires. 
Ne  so3'ez  point  en  peine  pour  le  Dictionnaire  de  ce  que 
moi  ou  d'autres  en  pouvons  dire.  Bien  ou  mal  fait,  c'est 
un  livre  de  débit,  parce  qu'il  est  utile  et  même  néces- 
saire aux  Artistes,  en  attendant  que  quelqu'un  d'autre' 
fasse  mieux-.  En  parcourant  celles  des  Planches  tirées 
que  j'ai  avec  moi  je  trouve  dans  la  Planche  F  une  faute 
assez  petite  en  elle-même,  mais  considérable  à  la  place 
où  elle  est,  et  qui  demande  absolument  d'être  corrigée, 
sans  quoi  TAir  noté  par  ces  nouveaux  caractères  étant 
indéchiffrable  dès  son  début  rebuteroit  de  poursuivre, 
et  tout  cet  exemple  qui  est  essenciel  ne  serviroit  à  rien. 

C'est  à  la  figure  4  tout  au  commencement  de  l'air 
noté.  Voici  ce  qu'il  y  a    53  .42  . 

Quando 

Il  manque  sur  chacun  de  ces  deux  petits  traits  qui 
couvrent  deux  chiffres,  un  second^  trait  qui  couvre 
exactement  le  premier  trait  et  le  point  qui  suit,  de  cette 
manière  :  .53742^ 

Quando 

Si  les  Planches  n'étoient  pas  tirées  il  ne  s'agiroit  que 
d'un  coup  de  burin  qui  seroit  facile  à  donner.  Mais  si  la 
feuille  est  tirée  il  faut,  mon  cher  Monsieur  Guy,  que  vous 
ayez  la  complaisance  de  prendre  tous  les  exemplaires^ 

1  Hachette  :  quel  qu'autre. 

2  Le    reste   de   cette  lettre  manque  dans  Hachette,  à  l'exception  de  la 

phrase:  Vous  ne  m' ave ^  point  dit  si  votre  besogne  avance je  vous 

embrasse,  etc. 

■•  Premièi-e  rédaction:  autre. 

■i  Œuvres,  t.  VII,  p.  36 1,  donne  :  |=    "An 
Quando 

L'édition  revue  et  corrigée  du  Dictionnaire  de  Musique,  Londres,  1766, 
4",  tient  compte  de  la- modification,  mais  pas  l'édition  de  Rey,  Amster- 
dam, 1772,8%  qui  reproduit  l'erreur  signalée  par  Rousseau. 

5  Première  rédaction  :  toute  l'ed\ition']. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  IJI 

de  cette  feuille-là  dans  vôtre  chambre,  et  d'y  ajouter 
ces  deux  petits  traits  à  vôtre  loisir.  Si  vous  voulez  char- 
ger quelqu'un  de  ce  soin,  à  la  bonne  heure;  mais  recom- 
mandez-lui que  chacun  des  deux  petits  traits  qu'il  s'agit 
d'ajouter  ne  soit  ni  plus  ni  moins  long  qu'il  n'est  marqué 
ci-dessus,  c'est  à  dire  qu'il  commence  bien  exactement 
sur  le  commencement  du  petit  trait  qui  est  au  dessous, 
et  qu'il  finisse  bien  perpendiculairement  sur  le  point 
qui  suit  ;  et  avant  de  mettre  la  main  à  l'œuvre  com- 
mencez par  vous  assurer  de  m'avoir  bien  entendu. 

J'ai  quelques  mots  à  changer  à  la  fin  de  la  Préface  ; 
je  vous  prie  de  m'en  transcrire  la  dernière  phrase  la 
première  fois  que  vous  m'écrirez,  et  de  ne  l'imprimer 
qu'après  ma  réponse^.  Vous  ne  m'avez  point  dit  si  vo- 
tre besogne  avance,  je  serois  bien  aise  de  savoir  à  peu 
près  à  quoi  vous  en  êtes,  et  quand  vous  comptez  être 
en  état  de  publier.  Bien  des  salutations  à  Madame  et 
Mesdemoiselles  Duchesne.  Je  vous  embrasse,  Mon- 
sieur -,  de  tout  mon  cœur. 

J.  J.  Rousseau. 

J'oubliois  de  vous  marquer  que  vous  pouvez  m'écrire 
en  droitture  sans  affranchir. 

XXIIP 

à  Davenport*-. 

A  Wootton  le  27.  g^re  lygO. 
Je  suis  très  sensible.  Monsieur,  à  l'attention  que  vous 
avez  de  m'envoyer  tout  ce  que  vous  croyez  devoir  m'in- 

1  Cf.  Lettres,  A,  Rousseau  à  Guy,  fév.  1767,  XXXIV,  dernier  g. 

2  Hachette  remplace  toute  cette  fin  de  lettre  par  un  etc. 

'■''  Br.   Mus.    Add.    29626,    ft'.,  39,   40.  —  Publiée   partiellement  dans 
Œuvres,  t.  XI,  p.  373,  sans  date. 
*  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport  |  A  Davenport.  \ 


l32  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

teresser.  Ayant  pris  mon  parti  sur  l'affaire  en  question, 
je  continuerai,  quoiqu'il  arrive,  de  laisser  M.  Hume 
faire  bien  ^  du  bruit  tout  seul,  et  de  garder  jusqu'à  la 
fin  le  silence  que  je  me  suis  imposé  sur  ce  chapitre.  Au 
reste  sans  aflecter  une  tranquillité  stoïque,  j'ose  vous 
assurer  que  dans  ce  déchaînement  universel  je  suis  ému 
aussi  peu  qu'il  soit  ^  possible,  et  beaucoup  moins  que  je 
ne  m'y  serois  attendu^  si  d'avance  on  me  l'eut  an- 
noncée Ce  que  je  vous  proteste  encore  et  vous  jure 
à  la  face  du  Ciel,  mon  respectable  hôte,  c'est  que 
j'aime  infiniment  mieux  être  l'infortuné  Jean  Jaques 
Rousseau  livré  à  toute  la  diffamation  publique,  que  le 
triomphant  David  Hume  au  milieu  de  toute  sa  gloire  : 
mais  quittons  cet  odieux  sujet. 

J'ai  craint  pour  vous  ces  mauvais  tems  passez.  J'es- 
père que  ceux  qu'il  fait  en  répareront  leff"et  ^.  Je  n'ai  pas 
été  mieux  traité  que  vous  et  je  ne  connois  plus  guéres*  de 
bon  tems  ni  pour  mon  cœur  ni  pour  mon  corps,  excepté^ 
celui  que  fe  passe  auprès  de  vous.  C'est  vous  dire  assez 
avec  quel  empressement  je  vous  attends  et  vôtre  chère 
famille  que  je  remercie  de  toute  mon  ame*  et  salue  de 

1  Manque  dans  Kachette. 

2  Hachette  :  est. 

3  Hachette:  que  je  n'aurais  cru  l'être. 

*  Hachette  :  annoncé;  mais  ce  que  je  vous  proteste  et  ce  que  je  vous 
jure,  mon  respectable  hôte,  en  vérité  et  à  la  face  du  ciel,  c'est  que  le 
bruyant  et  triomphant  David  Hume,  dans  tout  .l'éclat  4e  sa  gloire,  me 
paroît  beaucoup  plus  â  plaindre  q\ie  l'infortuné  J .  J.  Rousseau,  livré  à  la 
diffamation  ptiblique .  Je  ne  voudrais  pour  rien  au  monde  être  à  sa  place, 
et  j'y  préfère  de  beaucoup  la  mienne,  même  avec  l'opprobre  qu'il  lui  a 
plu  d'y  attacher. 

.  J'ai  craint,  etc. 
'  Hachette  :  qu'il  fait  â  présent  en  répareront  le  mauvais  effet. 
«  Hachette  :  guère.    , 
'  Hachette  :  f  excepte.  , 

•  Hachette;  remercie  et  salue  de  toute  mon  àme.  Le  reste  manque. 


LETTRES   IXÉOITES   DE  .1.   .1.    ROUSSEAU  l33 

même  tant  pour  moi  que  pour  M"^  le  Vasseur.  Elle 
vient  de  perdre  sa  mère  et  risque  de  faire  une  autre 
perte  dans  son  pays  dont  sa  présence  Teut  garantie  et 
qui  me  laisse  le  regret  de  l'avoir  amenée  ici.  Permettez 
que  nous  fassions  ici  Tun  et  l'autre  nos  remerciemens 
et  salutations  à  Mad"^  Lauzanne  et  à  M"^  Ally,  et  re- 
cevez avec  bonté  ses  respects  ainsi  que  les  miens. 

J.  J.  Rousseau. 
Le  pacquet  que  vous  annonce  M.  Lewis  est  la  chose 
la  moins  pressée  ;  il  devient  même  inutile  par  celui  que 
vous  m'avez  envoyé,  puisque  ce  n'est  qu'un  autre  exem- 
plaire de  la  même  brochure. 

XXIV  ^ 

à  Davenpori  -, 

A  Wootton  le  5  X  ^^^  1 766. 
Recevez  mes  remerciemens,  Monsieur,  de  vos  atten- 
tions continuelles  et  de  tout  ce  que  vous  m'avez  en- 
voyé. Je  me  consolerois  plus  aisément  du  retard  de 
votre  arrivée  si  Noël  se  retardoit  à  proportion.  A  sa- 
medi donc.  Monsieur;  je  vous  souhaite  bonne  santé 
beau  tems  et  bon  voyage,  et  autant  de  plaisir  à  venir 
dans  votre  maison  que  vous  en  ferez  à  ceux  qui  l'ha- 
bitent. Permettez  que  M"*^  Lauson  voye  ici  les  saluta- 
tions de  M^'^  le  Vasseur  et  les  miennes  et  que  nous 
vous  présentions  de  concert  les  nôtres,  vous  suppliant 
de  les  agréer. 

J.  J.  Rousseau. 

>  Br.  Mus.  Add.  29626,  fF.,  41,  42. 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport  |  A  Davenport .  | 


l34  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

XXV  ^ 

[à  Davejiptwt.] 

[Wootton,  22  décembre  i-lU)  ?] - 

Quoique  jusqu'ici,  Monsieur,  malgré  mes  sollicita- 
tions et  mes  prières  je  n'aye  pu  obtenir  de  vous  un 
seul  mot  d'explication  ni  de  réponse  sur  les  choses 
qu'il  m'importe  le  plus  de  savoir,  mon  extrême  con- 
fiance en  vous  m'a  fait  endurer  patiemment  ce  silence, 
bien  que  très  extraordinaire.  Mais,  Monsieur,  il  est 
tems  qu'il  cesse  ;  et  vous  pouvez  juger  des  inquié- 
tudes dont  je  suis  dévoré  vous  voyant  prêt  à  par- 
tir pour  Londres  sans  m'accorder,  malgré  vos  pro- 
messes, aucun  des  éclaircissemens  que  je  vous  ai 
demandés  avec  tant  d'instances.  Chacun  a  son  carac- 
tère :  je  suis  ouvert  et  confiant,  plus  qu'il  ne  faudroit 
peut-être..  Je  ne  demande  pas  que  vous  le  soyez  comme 
moi  ;  mais  c'est  aussi  pousser  trop  loin  le  mistére,  que 
de  refuser  de  me  dire  sur  quel  pied  je  suis  dans  votre 
maison,  et  si  j'y  suis  de  trop  ou  non.  Considérez  je 
vous  supplié,  ma  situation,  et  jugez  de  mon^  embar- 
ras. Quel  parti  puis-je  prendre  si  vous  refusez  de  me 
parler?  Dois-je  rester  dans  votre  maison*  après  que, 
vous  ayant  demandé  si  mon  séjour  ne  vous  y  devient 
point  importun,  vous  ne   m'avez  pas  répondu   un  seul 

1  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  5b. 

-  Date  indiquée  dans  les  Œuvres,  t.  XI,  p.  402,  dont  le  texte  offre 
des  variantes  avec  celui-ci. 

^  Hachette  :  mes. 

*  Hachette:  maison  malgré  vous?  La  fin  de  la  phrase  manque.  Ici. 
l'original  a  une  surcharge  biflée  :  sans  savoir  sur  quel  pied  j'y  suis,  et. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  l35 

mot?  En  dois-je^  sortir  sans  votre  aveu-?  Le  puis-je 
sans  votre  assistance^?  Sans  amis,  sans  connaissances, 
enfoncé  dans  un  pays  dont  j'ignore  la  langue,  je  suis 
entièrement  à  la  merci  de  vos  gens.  C'est  à  votre  invi- 
tation que  j'y  suis  venu,  et  vous  m'avez  aidé  à  y  venir; 
il  convient  de  même,  ce  me  semble,  que  vous  m'aidiez 
à  en  partir,'^  si  j'}^  suis  de  trop.  Quand  j'y  resterois,  il 
faudroit  toujours,  malgré  toute  votre  réserve  ^.  que  vous 
eussiez  la  bonté  de  prendre  des  arrangemens  qui  ren- 
dissent mon  séjour  chez  vous  moins  onéreux  pour  l'un 
et  pour  l'autre.  Les  honnêtes  gens  gagnent  toujours  à 
s'expliquer  et  s'entendre  entre  eux.  Tant  d'intermé- 
diaires entre  vous  et  moi  ne  sont  bons  à  rien^'.  Si  vous 
entriez  avec  moi  seul''  dans  les  détails  dont  vous  vous 
fiez  à  vos  gens,  vous  seriez  moins  trompé  et  je  serois 
mieux  traité  ;  nous  y  trouverions  tous  deux  notre  avan- 
tage. Vous  avez  trop  d'esprit  pour  ne  pas  voir  qu'il  y  a 
des  gens  à  qui  mon  séjour  dans  votre  maison  déplait 
fort'',  et  qui  feront  tout  de  leur  mieux  pour  nous  en 
rebuter  l'un  et  l'autre^.  Il  ne  tient  qu'à  vous  de  rendre 
leur  mauvaise  volonté  impuissante,  et  cela  sans  éclat 
et  sans  bruit  ^'\ 

Que   si  malgré  toutes    ces   raisons  vous  continuez  à 
garder  avec  moi  le  silence,  cette  réponse  alors  devien- 

'  Hachette  :  puis-je. 

2  Hachette:  assistance. 

'■'■  Hachette  n'a  pas  cette  phrase. 

*  Hachette  :  il  convient,  ce  me  semble,  que  vous  m'aidie^  de  même  à  en 
partir. 

^  Hachette  :  malgré  toutes  vos  répugnances. 
6  Hachette  n"a  pas  cette  phrase. 
'  Manque  dans  Hachette. 

*  Hachette  :  beaucoup. 

9  Hachette  :  feront  de  leur  mieux  pour  me  le  rendre  désagréable . 
'"  Hachette  n'a  pas  cette  phrase. 


I  36  ANNALES    OE    f,A   SOCIÉTÉ  .1.    J.    POUSSEAU 

dra  très  claire,  et  vous  ne  trouverez  pas  mauvais  que 
sans  m'obstiner  encore^  inutilement,  je  pourvo^-e  à  ma 
retraite  comme  je  pourrai  sans  vous  en  parler  davan- 
tage :  emportant  un  souvenir  très  reconnoissant  de 
riiospitalitc  que  vous  m'avez  offerte,  mais  ne  pouvant 
me  dissimuler  les  cruels  embarras  où  je  me  suis  mis 
en  r  acceptant. 

XXVI  ' 

[à  Du  PejTOu^.] 

[Wootton,  dernier  trimestre  de  1766?*] 
Je  vous  estime  mon  cher  hôte  je  vous  aime  de  tout 
mon  cœur,  et  je  fais  de  votre  amitié  tout  le  cas  ima- 
ginables [sic]  :  mais  je  me  crois  obligé  de  vous  dire  que 
si  je  pensois  d'un  h:[omme]  le  quart  des  choses  que 
vous  m'écrivez  de  moi,  au  lieu  de  m'amuser  à  tracasser 
avec  lui  sans  cesse  au  lieu  de  lui  aller  jettan  conti- 
nuellement au  visage  les  balayeure  des  rues  :  je  ces- 
serois  une  bonne  fois  de  lui  écrire.  C'est  ainsi  pour 
moi  que  j'en  usai  avec  le  bon  David  sitôt  que  j'eus 
pénétré  le  profond  projet  qu'il  exécutoit  avec  autant  de 
peur  que  d'adresse  et  qu'il  a  le  plaisir  aujourd'hui 
de  voir  en  si  plein  succès.  C'est  toujours  s'avilir  que 
de  rester  volontairement  en  correspondance  avec  un 
homme  qu'on  n'estime  plus. 


1  Hachette  :  davantage. 

2  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  91.  —  Brouillon  autographe. 
^  Dans  le  texte  ;  mon  cher  hôte. 

4  Octobre?  Œuvres,  t.  XI,  p.  '}g3,  à  Du  Peyrou,  4  oct.;  p.  396,  i5  oct. 
Il  y  a  conformité  de  sens  entre  ces  deux  lettres  et  notre  fragment  ;  voir 
en  particulier,  p.  398,  l'avant-dernier  alinéa. 


LETTRES    INÉDITES    DE  .1.  .(.    ROUSSEAU  I  Sy 

XXVIP 

[à  Du  Perron  -.] 

[Wootton,  i76()?''j 

Sitôt  que  je  vis  le  grand  projet  de  M.  Hume  et  de 
sa  ligue  en  pleine  exécution  et  toute  l'Europe  à  ses 
pieds  me  traînant  avec  délices  dans  la  fange  de  l'igno- 
minie, je  pris  le  seul  parti  qui  me  restoit  à  prendre.  Je 
renonçai  à  toute  correspondance  pour  celle  de  M.[ylord] 
M.[areschalj-  et  la  vôtre,  je  cessai  de  lire  les  papiers 
publics  et  je  me  renfermai  en  moi-même  résolu  de  finir 
du  moins  en  repos  mes  malheureux  jours  s'il  étoit  pos- 
sible. 

XXVIIP 
à  Dcivenpori^''. 

A  Wootton  le  23  Janvier  1767. 

J'attendois,  Monsieur,  avec  d'autant  plus  d'impatience 
des  nouvelles  de  votre  heureuse  arrivée  à  Londres  que 
les  terribles  tems  qu'il  a  fait  me  tenoient  doublement 
en  inquiétude,  et  sur  votre  route  et  sur  votre  santé. 
M.  Walton  m'a  tiré  de  peine  à  votre  égard.  J'espère 
que  vos  chers  enfans,  que  je  salue  de  tout  mon  cœur, 
n'auront  pas  moins  bien  soutenu  le  voyage. 

1  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  94.  —  Brouillon  autographe. 

-  Œuvres,  t.  XI,  p.  372,  à  Keitli,  20  juillet  1766:  «Je  cesse  désormais 
décrire...  je  ne  fais  que  deux  seules  exceptions,  dont  l'une  est  pour 
M.  Du  Peyrou;  je  crois  superflu  de  vous  dire  quelle  est  l'autre...  » 

'  Eté  1766?  cf.  Œuvres,  t.  XI,  p.  384,  à  Du  Peyrou,  16  août  ;  le  der- 
nier paragraphe. 

*  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  4?,  46. 

*  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport.  \  Piccadilly  \  à  Londres.  \ 


l38  ANNALES   DE   I.A    SOCIÉTÉ  .1.   .1.   ROUSSEAU 

Voici  deux  lettres^  que  je  vous  addresse  en  consé- 
quence de  la  permission  que  vous  m'en  avez  donnée, 
et  auxquelles  je  vous  prie  de  vouloir  bien  donner  cours. 
;\jiie  \q  Vasseur  vous  supplie  d'agréer  son  respect  et  de 
ne  pas  l'oublier  auprès  de  sa  belle  correspondante'  et 
du  cher  frère;  nous  faisons  l'un  et  l'autre  nos  com- 
plimens  aux  Darnes^  de  votre  suite,  et  je  vous  réitère, 
Monsieur,  l'assurance  de  tous  les  sentimens  qui  vous 
sont  acquis. 

J.  J.  Rousseau. 

Les  neiges  menacoient  de  nous  ensevelir  tout  en  vie, 
mais  le  dégel  commence  fort  à  propos  à  nous  en  dé- 
barrasser. 

XXIX  ^ 

[à  Dai'cuporf.] 

A  Wootton  le  3i,  Janvier  1767. 
Je  vois,  Monsieur,  avec  confusion  tous  les  embarras 
que  je  vous  cause,  et  toutes  les  peines  que  vous  prenez 
pour  moi  ;  mais  je  ne  puis  que  vous  en  faire  des  excu- 
ses, n'étant  pas  en  état  de  vous  les  éviter.  J'ai  bien  re- 
ceu  vos  trois  lettres  des  i3,  20,  et  22  de  ce  mois,  mais 
rien  encore  des  envois  qu'elles  m'annoncent,  et  cela 
n'est  pas  étonnant  à  cause  de  l'état  des  chemijis.  Au 
lieu  du  Dictionnaire  in  4'°   Grec  et    Latin  «que  je  desi- 

>  à  Roustan  (Œuvres,  t.  XI,  p.  4o3,;  à  M***  [=  Roustan]  ;  Lettres,  C, 
Roiistan  à  Rousseau,  23  dée.  176(5,  V),  et  à  Malthus  (Œuvres,  t.  XI. 
p.  404,  au  même  [=  Malthus]  ;  Lettres,  C,  Malthus  à  Rousseau,  i"  déc. 
1766,  XI.) 

-  Phébé  Daveiiport,  petite-fille  de  Davenport. 

3  M""  Lausanne,  M"«'Ally. 

*  Br.  Mus.  Add.  29626;  ff.  47,  48. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.  J.    ROUSSEAU  1^9 

rois  m'être  envoyé  dans  la  malle  neuve,  j'ai  pensé  qu'il 
vaudroit  mieux  qu'on  y  mit  mon  vieux  Dictionnaire  de 
Calepin  in  folio,  qui,  étant  plus  gros,  doit  tomber  plus 
aisément  sous  la  main,  et  qui  contient  encore  plus  sû- 
rement les  noms  Grecs  de  plantes  tirés  de  Dioscoride 
et  de  Theophraste  pour  lesquels  seuls  ce  Dictionnaire 
me  fait  besoin. 

Le  petit  papier  imprimé  que  vous  m'avez  envoyé 
m'eut  bien  fait  rire  s'il  m'avait  moins  indigné.  Amuse- 
t-on  vos  compatriotes  avec  de  pareilles  folies  ?  En  ce  cas 
j'en  suis  fâché  pour  eux.  C'est  bien  mal  connoître  le 
Peuple  de  Genève,  aussi  courageux  que  le  peuple  An- 
glois,  mais  moins  turbulent.  Les  malheurs  de  ce  brave, 
sage,  et  infortuné  peuple,  qu'on  laisse  périr  victime  des 
intrigues  de  ses  indignes  magistrats  ne  feront  pas  hon- 
neur aux  puissances  de  l'Europe,  et  surtout  à  celles  qui 
disent  aimer  la  liberté.  Vous  verrez,  Monsieur,  ce  que 
je  pense  de  cette  affaire  par  l'incluse  *,  que  je  vous  en- 
voyé ouverte  pour  que  vous  la  puissiez  lire  si  cela  vous 
amuse;  vous  priant  de  vouloir  bien  la  cachetter  ensuite 
et  lui  donner  cours. 

Je  vois  le  retour  du  beau  tems  avec  d'autant  plus  de 
plaisir  que  j'espère  que  votre  santé  s'en  trouvera  bien. 
Le  dégel  a  découvert  les  prairies,  mais  on  ne  laisse  pas 
de  trouver  encore  cinq  ou  six  pieds  de  neige  dans  les 
chemins.  M"^  le  Vasseurvous  prie  d'agréer  son  respect, 
et  salue  ainsi  que  moi  vos  chers  enfans  et  leur  compa- 
gnie. Recevez,  Monsieur,  mes  très  humbles  saluta- 
tions. 

J.  J.  Rousseau. 

'  Œuvres,  t.  XI    p.  412,  à  d'Ivernuis,  3i  janv.   1767. 


140  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ    .1.    i.    ROUSSEAU 

XXX' 

[à  Davenport .] 

\ 

[Wootton]  Ce  3i  Janvier  [1767]  au  départ  du  Courier. 

Je  reçois  en  ce  moment,  Monsieur,  vos  deux  lettres 
du  27-.  Je  suis  très  touché  de  l'activité  de  votre  zélé  en 
ma  faveur,  mais  je  trouve  que  vous  avez  été  un  peu  vite 
en  besogne  au  sujet  des  droits  de  douane,  qui  m'ont 
paru  exhorbitans,  sans  doute,  mais  dont  je  n'ai  jamais 
demandé  ni  désiré  la  restitution.  Cependant  comme  je 
ne  veux  pas  vous  en  dédire  ni  manquer  au  respect  dû 
à  celui  qui  en  a  ordonné  le  remboursement'  j'écrirai  à 
M.  le  Duc  de  Graffton  comme  vous  le  desirez. 

Mais  je  n'écrirai  pas  à  M.  le  General  Conway,  et  je 
suis  surpris,  je  l'avoue,  que  vous  m'en  fassiez  la  pro- 
position. Si  la  lettre  que  je  lui  écrivis*  n'étoit  pas 
claire  à  ses  veux  au  moment  qu'il  la  receut  elle  a  du 
le  devenir  dans  la  suite  :  s'il  continue  à  la  trouver  ob- 
scure, c'est  qu'il  veut  bien  la  trouver  telle,  et  s'il  y  voit 
toujours  un  refus,  c'est  qu'il  juge  à  propos  de  l'y  voir. 
Cette  lettre,  xM-onsieur,  décente  et  respectueuse  autant 
qu'il  est  possible  est  demeurée  sans  aucune  réponse, 
et  il  faut  bien  que  M.  le  General  Conway  n'y  ait  rien 
vu  qui  eut  besoin  d'explication,  puis  qu'il  ne  m'a  pas 
fait  l'honneur  de  m'en  demander.  Une  lettre  telle  que 
vous  me    conseillez  de  l'écrire   seroit  une  véritable  de- 


1  Br.  Mus.  Add.  29626,  fF.  49,  5o. 

2  Celle   de    Davenport  et   celle   de   Stonhewer,  secrétaire  de  Graft  on 
Lettres,  B,  Davenport  à  Jiousseau,  27  janv.  1767,  XX. 

?•  I"  rédaction:  la  restitution. 

*  Le  22  mai  1766.  Œuvres,  t.  XI,  p.  ?43. 


LETTRES   INEDITES   DE  .1.  J.    ROUSSEAU  I4I 

mande,    et   n'ayant   aucun  droit  de   rien  prétendre,  je 
n'ai  garde  de  rien  demander. 

De  peur  que  le  débit  de  mes  livres  ne  serve  de  pré- 
texte à  quelqu'une  de  ces  petites  libéralités  qu'on  est 
toujours  pressé  de  faire  aux  gens  qui  n'en  veulent 
point,  je  vous  prie.  Monsieur,  de  bien  vouloir  faire 
faire  par  un  Libraire  l'estimation  de  tout  ce  qui  en 
vaudraMa  peine,  et  de  ne  recevoir  de  personne  un  sol 
au  dessus  de  l'estimation.  A  l'égard  du  plus  grand  nom- 
bre qui  sont  de  vieux  bouquins  hors  de  service,  ils  ne 
sont  bons  qu'à  brûler  et  ne  doivent  servir  qu'à  cela.  Je 
vous  demande  pardon.  Monsieur,  de  cette  petite  pré- 
caution, mais  l'exemple  du  passé  la  rend  nécessaire. 
Quand  j'aurai  besoin  d'aumône  je  la  demanderai  ;  jus- 
qu'alors nul  homme  n'a  droit  de  me  la  faire  sans  mon 
aveu. 

Je  suis  inquiet  des  suites  de  votre  rhume.  Donnez- 
m'en  des  nouvelles  je  vous  supplie.  Pour  moi,  je  ne 
suis  point  bien  non  plus  ;  il  m'en  coûte  extrêmement 
d'écrire,  et  si  cela  continue  je  serai  forcé  de  différer  de 
quelques  jours  ma  lettre  pour  M.  le  Duc  de  Graffton, 
mais  je  vous  l'enverrai  le  plus  tôt  qu'il  sera  possible. 
Du  reste  vous  savez  mes  sentimens,  ils  sont  toujours 
les  mêmes  et  ne  varieront  point.  Jamais  homme  ne 
poussera  plus  loin  que  moi  le  respect  les  égards  la  dé- 
férence en  choses  convenables  ;  je  sais  comment  je 
dois  correspondre  aux  bontés  dont  on  m'honore,  et 
je  ferai  toujours  mon  devoir,  car  je  suis  trop  fier  pour 
être  insolent  ;  mais  je  ne  m'avilirai  jamais  ^  Quand  l'a- 
mitié dont  vous  m'honorez  vous  porte  à  me  rendre  de 

1  Celte  dernière  phrase  est  en  surcharge. 


142  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.    J.    ROUSSEAU 

bons  offices  je  les  accepte  avec  reconnaissance  ;  mais 
ne  les  portez  pas  jusqu'à  me  compromettre,  car  vous 
ne  seriez  pas  avoué.  Mille  très  humbles  salutations,  et 
à  toute  votre  maison. 

J.  J.  Rousseau. 

Sitôt  qu'il  me  sera  possible  j'écrirai  à  Mylord 
Neunham.  Sa  lettre^  m'a  fait  le  plus  grand  plaisir. 
Excusez  mon  barbouillage,  j'écris  si  à  la  hâte  que  je  ne 
sais  ce  que  je  dis. 

XXXI  ' 
[à  Dai'enport.] 

A  Wootton,  le  2^  Fev"".  1767. 

J'ai  fait.  Monsieur,  une  étourderie  épouvantable  en 
vous  priant  de  donner  cours  à  ma  lettre  pour  M.  d'I- 
vernois^  sans  penser  que  la  France,  a3'ant  interdit  tout 
commerce  avec  Genève,  ma  lettre  y  seroit  interceptée. 
Si  heureusement  vous  n'avez  pas  encore  fait  partir  cette 
lettre  je  vous  supplie  de  vouloir  bien  mp  la  renvoyer. 
J'ai  receu  la  petite  caisse,  mais  non  pas  l'autre  pacquet; 
je  suis  extrêmement  incommodé  et  nullement  en  état 
d'écrire  ;  j'espère  suppléer  à  cela  samedi  prochain.  Mes 
très  humbles  salutations,  à  vous,  Monsieur,,  et  à  tout  ce 
qui  vous  appartient. 

J.  J.  Rousseau. 


1  Lettres,  C,  Nuneham  à  Rousseau,  27  janv.   1767,  I. 

2  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  5i. 

•'  Rousseau  avait  d'abord  écrit:  6. 
*  Œuvres,  t.  XI,  p.  412,  3i  janvier. 


À 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   .1.    ROUSSEAU  143 

XXXIP 

[à  Davcnport.] 

A  Wootton  le  5  Fév"'.  1767. 

Une  bonne  œuvre  en  amène  une  autre,  et  voila,  Mon- 
■sieur,  l'honorable  emploi  que  vous  avez  à  remplir.  J'ap- 
prends que  rinterdiction  du  commerce  avec  la  France 
réduit  le  pauvre  peuple  de  Genève  à  manquer  de  pain, 
que  les  aisés  s'}-  cottisent  entre  eux  pour  les  aider,  et 
■qu'on  fait  pour  cet  effet  une  collecte  entre  les  Genevois 
qui  sont  à  Londres.  Vous  m'avez  mis  en  état  d'}'  con- 
tribuer sans  m'incomoder,  par  la  restitution  des  droits 
payés  pour  mes  Livres  ;  faites  de  grâce  la  charité  toute 
entière,  en  faisant  remettre  cette  petite  somme  ^  à  ceux 
qui  sont  chargés  des  deniers  de  la  collecte.  J'ignore  qui 
•c'est,  mais  je  ne  doute  pas  que  M.  Dutens  ne  le  sache, 
ou  à  son  défaut,  M.  Roustan  pasteur  de  l'Eglise  Suisse 
Meard's  Court  Dean  Street  Soho  Square  le  sait  infailli- 
blement. J'ai  bien  à  Londres  un  mien  Cousin^  qui  est 
au  fait,  mais  je  n'aime  pas  qu'il  se  mêle  de  mes  affaires, 
parce  qu'il  veut  trop  s'en  mêler.  Je  ne  saurois  vous  dire 
-combien  je  suis  touché  du  sort  de  cet  infortuné  peu- 
ple qui  se  voit  ôter  à  la  fois  son  pain  et  sa  liberté. 

J'attens  avec  impatience  des  nouvelles  de  votre  réta- 
blissement. Pour  moi  je  continue  à  être  si  malade  de 
corps  et  d'ame  que  je  n'ai  pu  jusqu'à  présent  écrire  la 
lettre  à  M.  le  Duc  de  Grafton.  Ce  sera,  j'espère,  pour 
samedi  prochain.  J'ai  receu  le  second  paquet,  et  je  vous 

1  Br.  Mus.   Add.  29626,  f.  52. 

2  Quinze  livres  sterling. 

'■  Jean  Rousseau.  Œuvres,  t.  Xll,  p.  9,  à  Du  Peyrou,  2  avril  1767. 


144  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  .T.   .1.    ROUSSEAU 

fais  mes  remercimens  de  Tun  et  de  l'autre.  Je  voulois 
plaisanter  sur  vos  envois  et  sur  les  provisions  qu'ils 
contiennent  mais  je  ne  fus  de  ma  vie  moins  en  train  de 
rire.  Mille  salutations,  tant  au  nom  de  M"*-'  le  Vasseur 
qu'au  mien  à  vos  chers  enfans  et  aux  Dames  de  votre 
maison  ;  permettez  aussi  qu'elle  vous  assure  de  son 
respect.  Vous  savez,  Monsieur,  combien  je  vous  suis- 
acquis. 

J.  J.  Rousseau. 

XXXIIP 

[à  Davenport.] 

A  ^^'ootton  le  9  Fev''.  1 767  -. 

Bien  loin,  Monsieur,  qu'il  puisse  m'être  entré  jamais 
dans  l'esprit  d'être  assez  vain,  assez  sot,  et  assez  mal 
appris  pour  refuser  les  grâces  du  Roi,  je  les  ai  toujours 
regardées  et  les  regarderai  toujours  comme  un  très  grand 
honneur  pour  moi^:  quand  je  consultai  M^iord  Ma- 
reschal  si  je  les  accepterois.  ce  n'étoit  certainement  pas 
que  je  fusse  là  dessus  en  doute,  mais  c"est  qu'un  devoir 
particulier  et  indispensable  ne  me  permettoit  pas  de  le 
faire  que  je  Ji'eusse  son  agrément,  et*j'étois  bien  sur 
qu'il  ne  le  refuseroit  pas.  Je^  voulois  bien  même  avoir 
cette  obligation  à  M.  Hume,  pour  qui,  sur  la  foi  d'au- 
trui,  j'avois  alors  la  plus  grande  estime.  La  terrible  le- 
çon qu'il  m'a  donnée  m'a  fait  changer  de  façon  de  pen- 

>  j5r.  Mus.  Add.  29626,  ff.  53,  54.  —  Publiée,  avec  des  variantes,  dans- 
Œuvres,  t.  XI,  p.  417. 

2  Hachette:  sans  quantième. 

••  Hachette  :  comme  le  plus  grand  honneur  qui  me  puisse  arriver. 

*  Hachette  :  manque. 

*  Hachette  donne  un  tout  autre  texte  pour  cette  lin  du  paragraphe. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.  .1.    ROUSSEAU  145 

ser  à  regard  des  particuliers,  et  il  n'y  en  à  [sic]  aucun  à 
qui  je  veuille  avoir  une  pareille  obligation.  Je  ne  veux 
devoir  cette  grâce  qu'au  Roi  seul  et  à  ses  ministres.  Si 
la  pension  m'est  offerte  du  propre  mouvement  de  S.  M., 
je  l'accepterai  avec  la  reconnaissance  et  le  respect  con- 
venables ;  mais  si  je  la  dois  aux  sollicitations  de  qui  que 
ce  soit,  je  n'en  veux  point.  Voila  ma  résolution,  Mon- 
sieur, et  vous  pouvez  compter  qu'elle  est  inébranlable. 

Ne  mettez  pas,  je  vous  en  conjure  i,  tant  de  formalités 
à  l'affaire  de  mes  livres.  Ayez  la  bonté  de  montrer  le 
catalogue  à  un  seul-  libraire  ;  qu'il  mette ^  les  prix  à 
ceux  des  livres  qui  en  valent  la  peine.  Sur  cette  estima- 
tion voyez  s'il  y  en  a  quelqu'un^  dont  vous  ou  vos  amis 
vouliez"  vous  accomoder.  Brûlez  le  reste  et  ne  le  cédez, 
de  grâce,  à  aucun  Libraire «,  afin  qu'il  n'aille  pas  son- 
ner la  trompette'  qu'il  a  des  livres  de  moi.  Il  y  en  a 
quelques  uns,  entre  autres  le  livre  de  l'Esprit  in  4« 
de  la  p'-e  édition  qui  est  rare,  où«  j'ai  fait  quelques  no- 
tes aux  marges  :  je  voudrois  bien  que  ce  livre»  ne  tom- 
bât qu'entre  des  mains  amies.  J'espère,  mon  cher  Mon- 
sieur, que  vous  ne  me  ferez  pas  le  sensible  aflront  de 
refuser  le  petit  cadeau  de  mes  ouvrages. 

Les  estampes  avoient  été  mises  par  mon  ami^'^  dans 
le  ballot  des   Livres   de   botanique  qui  m'a  été  envoyé. 

»  Hachette:  //  ne  faut  pas,  mon  cher  monsieur,  je  vous  en  prie,  mettre 
2  Hachette:  manque. 
■^  Hachette  :  note. 

*  Hachette  :  qnelqnes-uiis. 

*  Hachette  :  puissie^. 

«  Hachette  :  ne  céde^  rien  à  aucun  libraire. 
'  Hachette  ajoute  :  par  la  ville. 

*  Hachette  :  et  oii. 

**  Hachette:  livre-là. 
'"  Du  Peyrou. 


146  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.    J      ROUSSEAU 

Elles  ne  s'3'  sont  pas  trouvées,  et  les  portefeuilles  me 
sont  arrivés  vuides  ;  j'ignore  absolument  où  Becket  a 
jugé  à  propos  de  fourrer  ce  qui  étoit  dedans. 

Je  voulois  remettre  à  des  momens  plus  tranquilles 
à  ^  vous  parler  en  détail  de  vos  envois  ;  ce  qui  m'en  ré- 
jouit^ le  plus  est  que  si  je  dois  rester^  dans  votre  mai- 
son jusqu'à  ce  que  la  muscade  et  la  canelle  soient  con- 
sommées, je  n'en  démarrerai  pas  d'un  bon  siècle.  Le  ta- 
bac n'est  que  trop  bon*,  puis  qu'il  s'en  consomme  d'au- 
tant^ plus  vite.  Je  vous  remerciede '^  l'emplette  mais''' 
non  pas  de  la  chose,  puisque  c'est  une  commission,  et 
vous  savez  les  régies.  L'eau  de  la  Reine  de  Hongrie 
m'a  fait  grand '^  plaisir  et  j'y  ai  reconnu^  un  souvenir  et 
une  attention  de  M""^  Luzonne^*^,  à  quoi  j'ai  été  fort 
sensible.  Mais  qu'est  ce  que  c'est  que  des  petits  quarrés 
de  savon  parfumé?  à  quoi  sert  ce  savon  de  toilette  *^?  Je 
veux  mourir  si  j'en  sais  rien,  à  moins  que  ce  ne  soit  à 
faire  la  barbe  aux  Dames  ^'.  Le  caffé  ni  le  thé  n'ont  pas 
encore  été  essaj'és.^^  Je  me  perds  au  milieu  de  tout  cet 
inventaire  :  j'espère,  Monsieur,  que  vous  ne  ferez  pas 
de  même,  et  que  vous  voudrez  bien  recueillir  ^*  les  mé- 

1  Hachette  :  de.^  , 

2  Hachette  :  sS  vous  etite)ide\  que  je  reste. 

3  Hachette:  plait. 

*  Hachette  :  Le  tabac  est  trés-bon,  et  même  trop  bon. 

*  Hachette  :  manque. 

6  Hachette  :  je  vous  fais  mon  remercîment. 

7  Hachette  :  et .  '  ^  ■  . 

8  Hachette:  et  j'ai  reconnu  L\.  . 

9  Hachette  :  le  plus  grand. 

10  Hachette  :  M.  de  Lu:^onne . 

"  Hachette  :  A  quoi  diable  sert  ce  savon  ? 

>2  Hachette:  puces. 

13  Hachette  :  Le  café  n'a  pas  encore  été  essayé,  parce  que  vous  en  avie:{ 
laissé,,  et  qu'ayant  été  malade  il  en  a  fallu  suspendre  l'usage. 

1*  Hachette  :  .J'espère  que,  pour  le  coup,  voxts  ne  ferei  pas  de  même,  et 
que  vous  recueillerez^. 


LETTRES  INÉDITES  DE  J.   .1.   ROUSSEAU  147 

moires  des  marchands,  afin  que  quand  vous  serez  ici  et 
qu'il  s'agira  de  savoir  ce  que  tout  cela  coûte,  vous  ne  me 
disiez  pas  comme  à  Tordinaire,  je  n'en  sais  rien.  ^Le 
sucre  gris  que  Je  préfère  au  blanc,  coûte  à  Ashburn  8  pence 
la  livre,  ce  sont  deux  sols  moins  [sic]  qu'à  Londres,  mais 
le  port  doit  faire  évanouir  cette  différence  et  au  delà,  et  à 
égalité,  il  vaut  mieux  faire  gagner  les  marchands  du  pays. 
N'envoyez  pas  non  plus  des  raisins  ni  grands  ni  petits, 
parce  qu'on  trouve  à  Ashburn  des  uns  et  des  autres. 

J'ai  craint  pour  vous  l'impression  de  ces  tems  humi- 
des, et  je  la  sens  aussi  pour  ma  part.  Voici  le  plus  mau- 
vais mois  de  l'année  ;  il  faut  espérer  que  celui  qui  doit 
le  suivre  ^  nous  traitera  mieux.  Bon  jour,  Monsieur;  mes 
honneurs,  je  vous  supplie,  à  tout  ce  qui  vous  appartient, 
en  en  retenant  la  meilleure  part  pour  vous-même^. 

J.  J.  Rousseau. 

XXXIV* 

à  Guy^. 

[février?  1767"] 
Je  vous  écris,  Monsieur,  sans  savoir  quand   et  com- 


1  Hachette  termine  ce  paragraphe  par  un  autre  texte. 

2  Hachette:  qui  le  suivra. 

3  Cette  phrase  est  remplacée  dans  Hachette  par  la  suivante  :  Ainsi 
soit-il.  Mademoiselle  Le  Vasseur  et  moi  faisons  nos  salutations  à  tout  ce 
qui  vous  appartient,  et  vous  prions  d'agréer  les  nôtres. 

*  Archives  J.  J.  Rousseau,  à  Genève,  Ms.  40.  —  Publiée  en  partie 
dans  Œuvres,  t.  XII,  p.  i,  qui  date  la  lettre  de  février  1767. 

5  A  Monsieur  |  Monsieur  Guy  \  che^  Mad'  la  Veuve  Duchesne  \  Li- 
braire rue  St  Jacques  \  A  Paris.  | 

Une  main  autre  que  celle  de  Rousseau  a  ajouté  ici  une  seconde 
adresse  :  M .  Coindet,  hôtel  Le  Blanc  rue  de  Clery. 

6  Début  de  février  ou  fin  de  janvier;  cf.  (Èuvres,  t.  XI,  p.  424,  à 
Granville,  16  janvier  1767;  cf.  Appendices,  D. 


148  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

ment  ma  lettre  pourra  vous  parvenir^;  car  depuis  quinze 
jours  les  neiges  sous  lesquelles  nous  sommes  ensevelis 
coupent  tellement  les  communications  qu'on  ne  peut 
sortir  de  la  maison  sans  peine,  et  il  n'y  a  plus  ni  voi- 
ture ni  poste  qui  puisse  approcher  de  nos  environs.  Je 
n'éprouvai  de  ma  vie  un  pareil  froid,  même  en  Suisse. 

Mon  bon  ancien  ami  Lenieps  à  la  Bastille  "^  !  Et  mon 
Dieu,  qu'a-t-il  donc  fait,  ou  de  quoi  l'accuse-t-on? 
Cela  s'appelle  bien  grêler  sur  le  persiP.  Je  connois  sa 
sensibilité  ;  il  est  âgé,  sa  santé  est  mauvaise  :  Depuis 
la  mort  de  sa  fille  *,  la  vie  lui  étoit  à  charge  ;  je  crains 
bien  que  ce  malheur  ne  l'en  délivre.  N'oubliez  pas  Je 
vous  prie  de  me  donner  de  ses  nouvelles  ;  quoique  je  ne 
lui  écrivisse  point',  je  lui  étois  sincèrement  attaché,  je 
suis  très  inquiet  de  son  état. 

Je  vois  que  vous  avez  tenu  compte  à  M.  Kœnig  de 
cent  francs  pour  les  livres  qu'il  m'a  envoyés  de  Stras- 
bourg. La  note  qu'il  me  remit  lui-même,  conforme  au 
prix  marqué  sur  les  livres,  et  que  je  vous  transcris  ci- 
après,  monte  à  54  francs'".  D'où  peu  [sic]  donc  venir  le 

1  Rousseau  ignorait  encore  que  Guy  fût  enlermé  à  la  Bastille;  Du- 
tens  le  lui  apprit  ;  cf.  Leit>-es,  C,  Dutens  à  Rousseau,  5  mars  1767,  IV. 

-  Il  y  resta  un  an,~cf.  Œuvres,  t.  XII,  p.  72,  à  Lenieps,  28  mars  1768. 

''■  Ces  trois  phrases  occupent  2  lignes  1/2  dans  l'original  et. non  i  ligne 
comme  le  dit  Hachette  en  la  déclarant  d'ailleurs  illisible.  En  effet,  le 
texte  a  été  biffé  et  bâtonné  d'une  encre  épaisse  autre  que  celle  du  corps 
de  la  lettre  et  semblable  à  celle  de  la  seconde  adresse  :  à  M.  Cohidet. . . 
De  la  même  encre  forcée  sont  soulignés  les  mots  :  Lenieps  à  la  Bastille  ; 
bien  grêler  sur  le.  —  Nous  remercions  ici-,  pour  l'aide  pVécieuse  qu'il 
nous  a  accordée  dans  le  déchiftVemènt  de  ce  passage,  M.  Fernand  Au- 
bert,  sous-conservateur  des  manuscrits,  à  la  Bibliothèque  de  Genève. 

*  M"'«  Lambert.  Consulter  sur  Lenieps,  Musset-Pathay,  Œuvres  iné- 
dites de  J.  J.  R.,  t.  1,  p.  22  :  Observations,  et,  p.  482  :  Supplément  à 
l'histoire  de  J.  J.  R. 

5  La  dernière  lettre  de  Rousseau  à  Lenieps  était  du  .^  mars  1763, 
Œuvres;  X..  XI,  p.  226. 

6  Hachette;  livres  monte  à   >4  francs. 


LETTRES   INEDITES   DE  J.   .1.    ROUSSEAU  I49 

surplus?  le  poids  est  trop  peu  de  chose  pour  avoir  pu 
coûter  46  francs  de  port.  Il  faut  qu'il  3^  ait  là  quelque 
erreur  que  vous  m'obligerez  de  vérifier. 

Je  trouve  avec  un  extrême  déplaisir  que  les  livres  de 
botanique  que  vous  m'avez  fournis  sont  tous  des  exem- 
plaires de  rebut,  et  plusieurs  défectueux.  Entre  autres 
les  familles  des  plantes  de  M.  Adanson  ^  où  la  feuille  h  du 
tome  premier  manque,  au  lieu  de  laquelle  g  est  redou- 
blé [sic].  Ces  lacunes,  très  difficiles  à  remplir  dans  un 
si  grand  éloignemènt  me  désolent;  Je  vous  prie  de  ré- 
parer au  moins  celle-là.  S'il  paroit  quelque  chose  de- 
nouveau  sur  la  botanique,  surtout  des  plantes  gravées, 
je  vous  prie  de  m'en  donner  avis-.  Je  ne  me  soucie 
d'aucune  autre  nouvelle,  si  ce  n'est  de  mes  amis. 
Mais  pourquoi  ne  m'en  donnez-vous^  plus  de  l'Hôtel 
de  Luxembourg?  Me  croyez-vous  devenu  indifférent 
sur  la  santé  de  Mad''  la  M.*  parce  que  n'ayant  ja- 
mais receu  depuis  mon  arrivée  ici  aucune  réponse 
ni  d'elle  ni  de  sa  part  j'ai  cessé  de  lui  écrire  ?  Non, 
Monsieur,  j'ai  senti  qu'il  faloit  prendre  mon  parti 
sur  ses  sentimens,  mais  les  miens  sont  toujours  les 
mêmes. 

^J'oubliois  de  vous  parler  du  Dictionnaire.  Je  ne  le 
croyois  pas  aussi  avancé.  J'ai  trouvé  beaucoup  de  fau- 
tes dans  les  bonnes  feuilles  que  j'ai,  quoique  j'eusse  vu 
les  épreuves.  Je  juge  par  là  de  celles  que  je  n'ai  pas 
vues.  Les  errata  ne  servent  à  rien,  surtout  en  france, 
parce  que  la  vivacité  françoise  ne  permet  pas  d'y  recou- 

1  Adanson.  Familles  des  plantes.  Paris,  1763.  2  vol.  8°.  fig. 
-  Hachette  n'a  pas  ce  début  du  paragraphe. 
"  Hachette:  ne  me  parlez-vous. 
4  Hachette  :  Mme  la  Maréchale . 
'=>  Hachette  n'a  pas  cet  alinéa. 


l50  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

rir  ;  je  vous  en  enverrai  pourtant  un  puisque  vous  le 
souhaitiez  quand  j'aurai  receu  les  feuilles.  M.  Daven- 
port  est  présentement  à  Londres.  Vous  pouvez  lui 
faire  addresser  tout  ce  que  vous  avez  à  m'envoyer. 
Je  Tai  prié  de  demander  à  M.  Vaillant  ce  livre  de  bo- 
tanique si  difficile  à  retrouver.  Si  vous  avez  quelque 
occasion  de  m'envoyer  le  livre  de  M.  Guettard  ^  sur  les 
plantes,  vous  me  ferez  grand  plaisir  ;  mais  de  grâce 
que  l'exemplaire  soit  bien  conditionné.  Joignez-y  le 
prodromiis  de  Gaspard  Bauhin^,  s'il  vous  tombe  sous  la 
main. 

Mille  salutations  de  ma  part  à  Mad*'  Duchesne  et  à 
ses  demoiselles.  Je  tirerai  dans  peu  sur  elle  une  lettre 
de  change  de  deux  cents  francs  comme  vous  me  le 
marquez.  Après  Terreur  de  M.  Kœnig  redressée  il 
se  trouvera  probablement  du  surplus  en  avance  sur 
les  nouvelles  fournitures.  Je  suis  occupé  à  faire  ven- 
dre mes  livres  et  mes  estampes  qui  m'ont  été  envoyés 
de  Suisse  bien  malgré  moi.  Excepté  ceux  de  bota- 
nique que  je  garde,  je  vends  tout  le  reste  pour  en 
payer  le  port  et  la  douane.  Cette  douane  seule  monte 
à  quinze  louis,  et  un  vieux  Cistre  pourri  qui  m'a 
coûté  six  francs  a  payé  seul  une  livre  sterling  de  droit. 
Ce  n'est  pas  à  Alger  que  cela  se  fait,  c'est  à  Londres. 
Si  tout  vendu  les  fraix  sont  payés,  je  ne  serai  pas  mal- 
heureux. 


1  Guettard,  Jean  Etienne.  Observations  sur  les  plantes.  Paris,  1747, 
2  vol.  in-i2°.  4  pi. 

2  Bauhinus,  Caspar.  Prodromos  theatri  botanici,  in  quo  plantae  supra 
sexceniae  ab  ipso  primum  descriptae  cum  plurimis  Jlguris proponuntur. 
Francofurti  ad  Moenum,'  1620.  in-4».  —  Idem.  Editio  altéra  emendatior, 
Basileae,  \6'-j\.  in-4». 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  l5l 

^Note  de  M.  Kcemg. 

Matthiolus  Ed.  de  Bàle  2 i5  L. 

Valerius  Cordus^ lo 

Pinax  de  G.  Bauhin* 4 

Theatr:  botanic.  du  même^ 4 

Michelius^ 21 

total 54  L. 

Il  n'y  a  que  quelques  mots  à  changer  à  la  fin  de  la 
préface  ;  voici  ce  changement  qui  est  seulement  aux 
deux  dernières  lignes. 

Je  n'accuse  personne  d'avoir  pris  mes  Articles  ;  mais 
je  ne  veux  pas  que  d'autres  m'accusent  d'avoir  pris  les 
leurs. 


1  La  fin  de  la  lettre  manque  dans  Hachette. 

2  Matthiolus  P.  A.  Opéra  quae  exstant  omnia,  commentarii  in  Dios- 
coridem,  a-Casparo  Batihino  aucti,  opusciila  et  epistolae,  éd.  G.  Baiihin. 
Basileae,  iSgS,  in-fol°.  fig.  —  Idem,  1674. 

3  Cordus,  Valerius.  Pedacii  Dioscoridis  de  medicinali  materia  libri 
sex,...  accesserimt  V.  Cordi  Annotationes...  Francoforti  ad  Moenum. 
1649,  in-fol°.,  ou  l'ouvrage  suivant  du  même  auteur:  In  hoc  voliimine  con- 
tinentnr  V.  Cordi....  Annotationes  in  P.  Dioscoridis..  de  Medica  Ma- 
teria libros  V...  ejusdem  V.  Cordi  historia  stirpiiim  lib.  IIII...  Sylva... 
de  artificiosis  extractionibus  liber.  Compositiones  médicinales  aliquot... 
His  accedunt  Stocc-liornii  et  Nessi...  montiiim...  descriptio  B.  Arctii... 
Item  C.  Gesneri  de  Hortis  Germaniae  liber.  Omnia  snmmo  studio  atqtie 
indiistria...  C.  Gesneri...  collecta  etpraefationibus  illustrata.  [Strasbourg] , 
i56i,  in-fol». 

*  Bauhinus,  Casparus.  Pinax  theatri  botanici,  sive  index  i)i  T'heo- 
phrasti,  Dioscoridis,  Plinii  et  Botanicorum,  qui  a  seciilo  scripserunt, 
opéra  :  plantarum  circiter  sex  millium  nomina  sectindiim  gênera  et  spe- 
cies  proponens.  Basileae  Helv.^  1623,  in-4'>.  —  Idem,  1671,  in-4''. 

^Bauhinus,  Casparus.  Theatri  botanici  sive  Historia  plantarum  ex 
vetcrum  et  recentiortim  placitis propriaque  observât lone  concinnataelJber 
primus,  ediius  opéra  et  cura  J.  C.  B.  Basileae,  i658,  in-fol». 

«  Michelius,  P.  A.  Nova  Plantarum  gênera  jiixta  Toiirnefortii  metho- 
dnm  disposita.  Florentiae,  172g,  in-4''. 


132  ANNALKS   DE   LA   SOCIETK   .1.   .1.    ROUSSEAU 

XXXV 1 

[à  Darenport.] 

[Wootton,  mars?-  1767.] 
Je  suis  très  fâché,  Monsieur,  de  ce  qui  s'est  passé  et 
je  vous  en  fais  mes  excuses  ;  Je  n'entrerai  pas  dans  des 
expliquations  inutiles  ;  il  me  suffit  de  vous  protes- 
ter que  i'aurois  fait  le  bonheur  de  ma  vie  de  la  passer 
auprès  de  vous  :  mais  puisque  cela  ne  se  peut  pas,  sou- 
venez-vous de  votre  promesse  et  rendez-moi  le  bon 
office  de  me  chercher  dans  cette  province  un  logement 
chez  quelque  paysan  où  je  puisse  vivre  en  paix  et  où  je 
n'aye  pas  l'affliction  de  voir  à  mon  sujet  troubler  votre 
repos. 

XXXVP 

[à  Davenport.] 

A  Wootton  le  h.  Avril  [1767.] 

Je  vous  remercie,  Monsieur,  de  la  malle  que  vous 
avez  eu  la  bonté  d'envoyer  et  que  j'attends  aujourd'hui. 
Je  ne  vois  point  d'inconvénient  à  recevoir,  si  Mylord 
Neuneham  vous  l'offre  le  produit  des  estampes,  déduc- 
tion faite  de  cinq  guinées  dont  je  l'ai  prié  de  faire 
l'emploi  \  Si  vous  avez  la  bonté  de  m'apporter  cet  ar- 
gent vous  m'obligerez  ;  car  depuis  mon  arrivée  à  Woot- 
ton je  n'y  ai  pas  encore  receu  un  sol  d'aucun  côté. 

1  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  82. 

~  Cf.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  24  mars,  XXX,  XXXI. 

^Br.  Mus.  Add.  29626,  J.  6. 

*  Don  atix  pauvres.  Œuvr£s,  t.  XII,  p.  9,  à  Nuneham,  2  avril. 


LETTRES    INÉDITES    DE  .1.   J.    ROUSSEAU  133- 

Comment,  Monsieur,  si  quelqu'une  de  vos  lettres  à 
M.  Walton  se  trouvoit  perdue,  seroit-ce  à  moi  que 
vous  vous  en  prendriez?  Cela  me  paroitroit  assez  plai- 
sant. Eh  mon  cher  Monsieur  Davenport,  si  vous  étiez 
à  ma  place,  il  vous  arriveroit  bien  d'autres  choses  dont 
vous  ne  diriez  mot.  et  vous  feriez  bien. 

J'apprends  avec  grand  plaisir  que  votre  bonne  santé 
et  celle  de  toute  votre  famille  nous  laisse  espérer  de 
vous  voir  ici  dans  une  quinzaine  de  jours.  Nos  hon- 
neurs, je  vous  prie,  à  vos  chers  enfans  et  à  vos  Dames. 
M"^  le  Vasseur  vous  assure  de  son  respect,  et  moi.  Mon- 
sieur, je  vous  salue  très  humblement. 

J.  J.  Rousseau. 

XXXVII 1 

[à  Granrille.] 

Ce  mercredi  [29  avril  1767".] 

Rousseau  fait  ses  très  humbles  salutations  à  Mon- 
sieur de  Granville  et  désire  apprendre  qu'il  est  bien 
remis  des  fatigues  de  son  voyage  ^.  Toute  communica- 

'  Collection  Edouard  Aiidéoiid,  à  Genève.  —  Nous  exprimons  k 
M.  Audéoud  toute  notre  reconnaissance  pour  sa  complaisance. 

■-  Cf.  les  deux  notes  suivantes. 

'■>  Granville  prit  les  eaux  à  Bath  pendant  les  mois  de  février  et  mars 
1767;  Œuvres,  t.  XII,  p.  I,  à  Granville,  28  février  1767;  Lettres,  C, 
Granville  à  Rousseau,  9  mars,  II.  Au  retour  il  rencontra  Davenport  à 
Londres  où  il  séjourna  quelque  temps;  Lettres,  B,  Davenport  à  Rous- 
seau, 16  avril,  XXXVI;  il  arriva  à  Cahvich  Abbey  le  vendredi  24  avril 
ou  le  samedi  25,  si  nous  en  jugeons  d'après  le  billet  suivant,  publié 
par  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  82  : 

Ce  samedi  matin. 

Rousseau  lait  ses  complimens  à  Monsieur  Granville  sur  son  heureuse 
arrivée,  et  ses  remercîmens  sur  son  bon  souvenir  et  sur  son  envoi.  Il 
aura  l'honneur  de  le  voir  le  plutôt  qu'il  lui  sera  possible,  et  a  en  atten- 
dant, celui  de  le  saluer  très  humblement. 


1  D4  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.    J.    ROUSSEAU 

tion  directe  avec  Londres  lui  étant  fermée  par  sa  si- 
tuation, il  prend  la  liberté  de  lui  envoyer  un  petit 
carton  de  plantes  sèches  et  une  lettre  pour  Madame 
la  Duchesse  de  Portland  qu'il  le  prie  de  vouloir  bien 
lui  faire  parvenir  ^  Il  lui  renvoyé  aussi  son  Gérard-, 
et  lui  fait  bien  des  excuses  d'en  avoir  abusé  si  long- 
tems. 

XXXVIII  3 

[à  Davenport.] 

A  Wootton  le  3o  avril  1767. 

Un  maitre  de  maison,  Monsieur,  est  obligé  de  savoir 
ce  qui  se  passe  dans  la  sienne,  surtout  à  Tégard  des 
étrangers  qu'il  y  reçoit  :  si  vous  ignorez  ce  qui  se  passe 
dans  la  vôtre  à  mon  égard  depuis  Noël,  vous  avez 
tort  :  si  vous  le  savez  et  que  vous  le  souffriez,  vous 
avez  plus  grand  tort  :  mais  le  tort  le  moins  excusable 
est  d'avoir  oublié  votre  promesse,  et  d'être  allé  tran- 
quillement^ vous  établir  à  Davenport,  sans  vous  em- 
barrasser si  l'homme  qui  vous  attendoit  ici  sur  vôtre 
parole  y  étoit  à  son  aise  ou  non.  En  voilà  plus  qu'il 
ne  faut  pour  me  faire  prendre  mon  parti.  Demain, 
Monsieur,  je  quite  vôtre  maison.  J'y  laisse  mon  petit 
équipage   et   celui    de    M"''   le   Vasseur,    et  je^  laisse  le 

'  Ce  détail  date  le  billet;  cf.  Œtnnes,  t.  \'l,  pp.  69,  70,  à  la  Ducliesse 
de  Portland,  [mercredij  29  avril  1767. 

2  Gérard,  John.  The  Herbal,  or  gênerai  History  of  plants.  London, 
in-fol. 

^  Br.  Mus.  Add.  29626,  fi.  57,  58.  —  Publiée,  jusqu'à  la  signature 
exclusivement,  dans  Œuvres,  t.  Xll,  p.   14. 

*  En  surcharge. 

s  Hachette  :  j'y.  Erreur  de  fait. 


LETTRES   INEDITES   DE  J,    J.    ROUSSEAU  IDD 

produit  de  mes  estampes  et  livres  pour  sûreté  des  frais 
faits  pour  ma  dépense  depuis  Noël.  Je  n'ignore  ni  les 
embûches  qui  m'attendent  ni  l'impuissance  où  je  suis 
de  m'en  garantir:  mais,  Monsieur,  j'ai  vécu  ;  il  ne  me 
reste  qu'à  finir  avec  courage  une  carrière  passée  avec 
honneur.  II  est  aisé  de  m'opprimer,  mais  difficile  de 
m'avilir.  Voila  ce  qui  me  rassure  contre  les  dangers 
que  je  vais  courir.  Recevez  derechef  mes  vifs  et  sin- 
cères remerciemens  de  la  noble  hospitalité  que  vous 
m'avez  accordée.  Si  elle  avoit  fini  comme  elle  a  com- 
mencé j'emporterois  de  vous  un  souvenir  bien  tendre 
qui  ne  s'effaceroit  jamais  dans^  mon  cœur.  Adieu, 
Monsieur;  je  regretterai  souvent  la^  demeure  que  je 
quitte,  mais  je  regretterai  beaucoup  davantage  d'avoir 
eu  un  Hôte  aussi  aimable,  et  de  n'en  avoir  pu  faire  ^ 
mon  ami. 

J.  J.  Rousseau. 

Je  laisse  chez  vous  trois  malles  pleines,  auxquelles 
les  clefs  sont  attachées  ;  je  laisse  sur  la  comode  de  la 
petite  chambre  les  livres  qui  vont  à  la  masse  de  l'ac- 
quisition faite  par  M.  Dutens^.  La  plus  part  bouquins 
qui  ne  valent  pas  le  transport,  mais  dont  quelques  uns 
sont  assez  bons  pour  racheter  l'inutilité  du  reste. 

Sur  la  tablette  du  milieu  de  l'armoire  aux  livres  qui 
est  dans  la  chambre  de  M"^  le  Vasseur  sont  mes  livres 
de  botanique  qui  auroient  besoin  d'une  petite  caisse, 
prise  sur  leur  mesure.  Sur  la  tablette  au  dessous,  dans 


•  Hachette  :  de. 

2  1"  rédaction  :  l'aimable. 

3  Hachette  :  n'avoir  pu  en  faire. 

*  Quelques    titres    sont    donnés,    Œuvres,    t.    XII,    p.    7,   à    Dutens^ 
j6  mars,  et  Lettres,  C,   Dutens  à  Rousseau,  19  mars,  V. 


1  56  ANXALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

la  même  armoire  est  un  petit  recueil  de  Musique  choi- 
sie^, où,  SI  Mademoiselle  Davenport  cultive  cet  art  elle 
trouvera  des  choses  excellentes,  et  que  je  la  supplie  de 
conserver  en  mémoire  de  moi. 

J'ai  remis  dans  la  caisse  des  livres  de  Monsieur  Da- 
venport ceux  qu'il  avait  eu  la  bonté  de  me  prêter. 

XXXIX  « 

[au  Lord  Chancelier.] 
A  Spalding  en  Lincoshire,  le  5^  Ma}'  1767. 
Mylord^ 

Permettes  qu'un  pauvre  étranger,  qui  doit  être  ici 
sous  la  protection  des  loix,  se  mette  aussi  sous  la  vôtre. 
Ma  situation,  très  surprenante  et  très  peu  connue,  me 
force  à  prendre  une  liberté  inusitée  et  peut  être  indis- 
crette.  mais  qui  est  ma  seule  ressource.  Arretté  dans 
ces  lieux  par  l'impossibilité  éprouvée  d'aller  plus  loin 
seul  et  sans  danger,  j'ai  cru  que  le  premier  ministre 
des  loix  devoit  l'être  aussi  de  l'hospitalité  publique,  et 
j'ose  vous  supplier  de  vouloir  bien  m'accorder,  à  mes 
fraix,  un  guide  autorisé  qui  me  conduise  directement  et 
sûrement  au  port  de  Douvre,  où  j'ai  dessein  de  m'em- 
barquer,  sans  porter  aucune  plainte  contre  personne. 

J'ai,  seulement  l'honneur  de  vous  assurer,    Mylord, 

1  Le  Livre  vert. 

'  Publié  dans  la  Revue  Rétrospective,  t.  XVII,  p.  482  (iSgS).  Le  désir 
de  présenter  un  dossier  complet  de  ces  événements  nous  fait  reproduire 
cette  lettre,  mentionnée  partout  et  qu'on  ne  lit  jamais.  Nous  en  devons 
la  communication  à  l'obli'geance  de  M.  Eugène  Ritter. 

•■*  Lord  Camden,  qui  occupa  ces  hautes  fonctions  de  1766  à   1770. 


LETTRES   INÉDITES   DE  ,1.   .1.    ROUSSEAU  ibj 

qu'il  n'y  a  qu'une  nécessité  bien  reconnue  qui  puisse 
m'engager  à  la  démarche  que  je  .fais  aujourd'hui,  et 
cette  nécessité  ne  me  permet  pas  même  de  sortir  d'ici 
jusqu'à  la  réception  de  vos  ordres.  Je  vous  supplie 
Mylord,  d'aggréer  avec  ma  très  humble  requête,  les- 
assurances  de  mon  plus  profond  respect,  Mylord. 

J.  J.  Rousseau. 

[à  Edmond  Jessop.  '] 

[Spalding,  i3  mai  1767^.] 
Vous  me  parlez,  Monsieur,  dans  une  langue  littéraire 
de  sujets  de  littérature,  comme  à  un  homme  de  lettres. 
Vous  m'accablez  d'éloges  pompeux  *  et  vous  croyez 
m'enivrer  d'un  pareil  encens.  Vous  vous  trompez, 
Monsieur,  sur  tous  ces  points.  Je  ne  suis  point  homme 
de  lettres,  je  le  fus  pour  mon  malheur,  j'ai^  cessé  de 
l'être  ;  rien  de  ce  qui  se  rapporte  à  ce  métier  ne  me 
convient  plus.  Les  grands  éloges  ne  m'ont  jamais  flatté 
parce  que  le  langage  du  cœur  y  manque".  C'est  comme 
si  quand  vous  allez  voir  un  pauvre  malade,  au  lieu  de 
le  panser,  vous  lui  faisiez  des  complimens. 

J'ai  livré  mes  écrits  à  la  censure  publique,  elle  les 
traite  aussi  tendrement^  que  ma  personne.  A  la  bonne 
heure,  je  ne  prétends  point  avoir  eu  raison.  Je  sais  seu- 

1  Bibl.  de  Neiichàtel,  ms.  7902. 

2  Cf.,  Lettres-,  C,  Jessop  à  Rousseau. 

^Œuvres,  t.  XII,  p.  18,  qui  présente  des  variantes. 

*  Hachette  :  si  pompeux  qu'ils  sont  ironiques. 

*  Hachette:  depuis  longtemps  j'ai. 

«  Hachette  arrête  la  phrase  h  flatté. 
'  Hachette  :  sévèrement . 


1  58  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   .1.    POUSSEAU 

lement  que  mes  intentions  étoient  assez  pures,  assez 
droites,  assez  favorables  à  l'humanité'  pour  devoir 
m'obtenir  quelque  indulgence.  Mes  erreurs  peuvent 
être  grandes,  mes  sentimens  auroient  dû  les  racheter. 
Je  crois  qu'il  }•  a  beaucoup  de  choses  sur  lesquelles  on 
n'a  point'  voulu  m'entendre  ;  telle  est^  l'origine  du 
droit  naturel  sur  laquelle  vous  me  prêtez  des  senti- 
mens qui  n'ont  jamais  été  les  miens.  C'est  ainsi  qu'on 
aggrave  mes  fautes  réelles  de  toutes  celles  qu'on  juge 
à  propos  de  m'attribuer  injustement  *.  Je  me  tais  de- 
vant les  hommes  et  je  remets  ma  cause  entre  les  mains 
de  Dieu  qui  voit  mon  cœur. 

Je  ne  répondrai  donc,  Monsieur,  ni  à  vos  reproches, 
ni  à  vos  éloges^.  Les  uns  ne  sont  pas  plus  mérités  que 
les  autres.  Je  ne  vous  en  rendrai  point",  tant  parce  que 
je  ne  vous  connois  pas,  que  parce  que  j'aime  à  être 
sincère  '  et  vrai  en  toute  chose.  Vous  vous  dites  chi- 
rurgien. Si  vous  m'eussiez  parlé  de^  botanique  et  des 
plantes  que  produit  votre  contrée,  vous  m'auriez  fait 
plaisir,  et  j'en  aurois  pu  causer  avec  vous.  Mais  pour 
mes  livres^,  vous  m'en  parleriez  inutilement,  parce 
que  je  ne  prends  plus  d'intérêt  à  tout  cels^.  Je  ne  vous 
réponds  point  en  latin  par  la  raison  ci-devant  énoncée. 


1  Hachette:  mes  intentions  éloient  assc:^  droites,  asse:^  salutaires. 

-  Hachette  :  pas. 

■^  Hachette  a]outs:. par  exemple. 

*  Hachette  n'a  pas  cet  adverbe. 

=  Hachette  :  Je  ne  répondrai  donc  point,  Monsieur,  ni  aux  reproches 
que  vous  me  faites  au  nom  d'autrui,  tii  aux  louanges  que  vous  me  donne^ 
de  vous-même. 

Hachette  :  Je  ne  vous  rendrai  rien  de  pareil. 

'  Hachette:  simple. 

•*  Hachette  :  parlé  botanique. 

»  Hachette:  mais  pour  Je  mes  livres,  et  de  toute  autre  espèce  de 
livres. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.    J.    ROUSSEAU  I  D9 

Il  ne  me  reste   de    cette  langue  qu'autant  qu'il  en  faut 
pour  entendre  les  phrases  de  Linnaeus  K 

XLF 

à  Dai'enport. 


Tuni  at  Stilton 


A  Spalding  le  14  May  1767. 
Si  j'avois,  Monsieur,  quelque  assurance  que  la  lettre 
que  je  vous  écrivis  Lundi  dernier*  vous  parviendra 
fidellement  et  que  la  proposition  qu'elle  contient  peut 
vous  aggréer,  j'attendrois  certainement  ici  votre  ré- 
ponse. Mais  comme  les  lettres  que  j'écris  ici  par  la 
poste  ne  parviennent  point,  je  n'espère  pas  un  meilleur 
sort  pour  celle-là,  et  l'incertitude  de  vôtre  résolution 
me  détermine  à  partir  pour  Londres  très  incertain  d'y 
pouvoir  arriver.  Je  vous  ai  parlé  sans  déguisement 
dans  ma  précédente,  je  la  confirme  dans  celle-ci,  et  j'y 
ajouterai  que  s'il  m'étoit  possible  d'avoir  chez-vous 
mon  absolue  liberté  tant  pour  ma  personne  que  pour 
mes  lettres,  il  n'y  a  point  de  séjour  sur  la  terre  que  je 
préférasse  à  votre  maison  de  Wootton.  J'ai  un  si  sin- 
cère attachement  pour  cette  habitation  et  pour  le  pro- 
priétaire que  si  contre  toute  attente  je  viens  à  m'assu- 
rer  de  ma  liberté  et  à  toucher  une  fois  la  terre  du  con- 
tinent j'aurai  de   là   une   proposition  bien  singulière  à 

1  Hachette  ajoute  :  Receve:^,  Monsieur,    mes   très  humbles  salutations . 

2  Br.  Mus.  Add.   29626,  ff.  61,  62. 

'  Indication  de  service,  de  la  main  de  Rousseau  ;  elle  précède  l'a- 
dresse :  To  I  Rich.i  Davenport  Esq'  \  at  Wootton  \  Ashburnbag  \  Der- 
byshire.  \ 

*  Lettre  inconnue,  du  11  mai.  Nous  avons  une  idée  de  son  contenu 
par  le  récit  de  Davenport  à  Hume,  18  mai.  Burton,  o.  c,  t.  II,  p.  368. 


l6o  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

VOUS  faire.  En  attendant,  Monsieur,  je  vous  prie  de 
laisser  nos  malles  où  elles  sont,  quand  même  vous  ap- 
prendriez que  j'ai  traversé  la  manche,  car  dans  cette 
supposition  je  vous  écrirai  plus  au  long  de  Calais,  et 
j'aurai  bien  des  choses  à  vous  dire  :  mais  comme  je 
n'espère  pas  avoir  jamais  cet  avantage,  j'aurai  le  cha- 
grin de  ne  pouvoir  jamais  vous  manifester  mes  vrais 
sentimens  qui  sont  très  différens  que  ce  que  vous  pen- 
sez, sans  doute,  relativement  au  séjour  de  l'Angle- 
terre et  à  celui  de  votre  maison.  Que  ne  puis-je  être 
une  fois  vraiment  libre  et  nous  serions  bientôt  d'accord. 
Recevez  les  respects  de  M"^  le  Vasseur  avec  les  miens, 
et  saluez  tant  en  son  nom  qu'au   mien  votre  famille  et 

toute  votre  maison. 

J.  J.  Rousseau. 

Permettez  que  je  vous  prie  de  faire  mes  très  humbles 
salutations  à  Monsieur  de  Granville.  J'aspire  au  mo- 
ment de   lui  écrire  sitôt  que  j'aurai  un  peu  de  repos. 

XLII  * 

à  Davenport . 

Douvres,  18  mai  1767. 

XLIII- 
"  à  Dapefiport^. 
[Tr^-e-le-Chcàteau]  }b.  X^^^  1767. 
Il  y  a  quinze  jours.  Monsieur,  que  je  receus  à  la  fois 

1  Maggs  Brothers.  Autograph  Letters,  Signed  Documents  and  Manns- 
cripts.  Catalogue  n'  253.  Item  w  ~i2.  London,  Christmas  1909.  — 
Prévenu  trop  tard  pour  acquérir  cette  lettre,  il  nous  a  d'autre  part  été 
impossible  d'obtenir  le  nom  du  possesseur  actuel. 

'-  Br.  Mus.. kdd.  29626,  tî^  70,  71. 

5  A  Monsieur  \  Monsieur  Davenport. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  l6l 

les  deux  lettres  dont  vous  m'avez  honoré  les  17  et  3i. 
gbrei  •  et  j'y  aurois  répondu  sur  le  champ  sans  la  ma- 
ladie d'un  ami^  lequel  a  eu  chez  moi  une  attaque  de 
goûte  remontée  qui  m'a  occupé  tout  entier,  et  dont 
j'ai  eu  bien  de  la  peine  à  le  tirer.  Quoi  qu'il  ne  soit  pas 
encore  en  état  de  reprendre  sa  route,  sa  convalescence 
me  laisse  quelque  momens  à  moi,  dont  j'employe  avec 
grand  plaisir  les  premiers  à  vous  écrire  pour  vous 
demander  des  nouvelles  de  la  votre.  Vous  avez  été  si 
maltraité^  cet  été  que  vous  devez  naturellement  avoir 
un  peu  de  relâche  cet  hiver.  Réjouissez-moi  le  cœur, 
mon  cher  Monsieur  Davenport,  en  m'apprenant  qu'en- 
fin vous  êtes  parfaitement  rétabli  :  comme  je  vous  sup- 
pose à  Londres  et  dans  votre  nouvel  appartement*, 
j'espère  avoir  delà  plus  promptement  de  vos  nouvelles, 
et  si  elles  sont  aussi  bonnes  que  je  le  désire  elles  me 
feront  le  plus  vrai  plaisir.  J'en  aurois  un  non  moins 
sensible  à  vous  y  aller  embrasser.  Il  n'est  point  sur 
que  cela  n'arrivera  pas,  et  je  vous  jure  que  si  jamais 
je  retourne  en  Angleterre  vous  entrerez  pour  beaucoup 
dans  les  motifs  qui  me  détermineront  à  ce  retour. 

Je  ne  sais  ce  que  c'est  que  la  lettre  imprimée  sous 
mon  nom  dans  vos  nouveaux  papiers  et  addressée  à 
M.  D.  et  je  vous  proteste  que  je  n'y  ai  pas  la  moindre 
part^.  Il  y  a  longtemps  que  j'ai  pris  mon  parti  sur  tous 

1  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  XLII,  XLIII. 

-  Du  Peyrou.  Œuvres,  t.  XII,  p.  44,  à  Guy,  25  nov.    1767. 

•'  Par  la  goutte. 

*  Saint  James's  Street,  cf.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  i"  janv. 
1769,  XLVII. 

*  Nous  ignorons  si  cette  pièce  apocryphe  a  jamais  paru  en  français  ; 
nous  la  connaissons  uniquement  dans  le  texte  anglais  qui  prétend  être 
une  traduction  :  Translation  of  a  letter  from  Mr.  J.-J.  Rousseau  to  M. 

D.  —  The  Scois  Maga::;ine,  vol.  XXIX,  p.  5.^7,  oct.    1767. 

11 


l62  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

ces  bavardages  publics.  Je  laisse  le  champ  libre  aux 
clabaudeurs,  et  me  soucie  tout  aussi  peu  de  leurs  outra- 
ges que  de  leurs  louanges.  Celui  qui  sait  être  conscius 
sui  s'embarrasse  fort  peu  des  discours  des  sots. 

Vous  voulez  savoir  comment  je  passe  mon  tems.  A 
peu  près  comme  à  Wootton.  J'habite  un  séjour  fort 
agréable  où  je  vis  solitaire  autant  que  je  puis,  et  brou- 
tant mon  foin  comme  à  l'ordinaire  sans  rien  craindre 
et  sans  rien  désirer.  J'ai  trop  senti  le  néant  des  choses 
de  la  vie  pour  donner  aucun  prix  à  rien  de  ce  qui  s'y 
passe.  Mais  il  est  vrai  que  je  suis  encore  assez  enfant 
à  mon  âge  pour  regretter  quelquefois  mes  belles  années, 
et  je  vous  réponds  que  si  elles  avoient  à  renaitre,  je  ne 
serois  pas  assez  sot  pour  les  employer  derechef  à  occu- 
per le  public  de  moi.  Heureux  du  moins  de  ce  que  mes 
fautes  passées  m'ont  rendu  sage  avant  la  mort.  J'ai  ici 
mon  hôte  convalescent  avec  lequel  je  joue  aux  échecs  ; 
il  ne  joue  pas  aussi  bien  que  vous,  mais  en  revanche  il 
n'a  pas  la  complaisance  de  se  laisser  perdre  quand  il 
peut  gagnera  La  paresse  me  gagne  toujours  davantage, 
la  mémoire  achève  de  m'abandonner.  Je  jouis  des  jours 
qui  me  restent  sans  les  compter  ;  sans  me  rappeler  ce- 
lui de  la  veillé  et  sans  projets  pour  le  lendemain.  Voila, 
Monsieur,  en  abrégé  toute  mon  histoire.  A  l'égard  de 
l'écrit-  dont  vous  me  parlez,  il  est  abandonné.  Je  ne 
l'ai  pas  revu  depuis  mon  départ  d'Angleterre,  et  pro- 
bablement je  ne  le  reverrai  jamais. 

M.  Rougemont  m'écrit  qu'il  lui  a  été  payé  deux 
quartiers  de  la   pension   dont   le    Roi  m'a   gratifié.    La 

1  Cf.  Grûnberg,  l.  Rousseau  joueur  d'échecs,  Annales  de  la  Soc.  J.  J. 
Rousseau,  1907,  t.  III,  p.^161. 
-  Les  Confessions. 


LETTRES    INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  l63 

bonté  qu'a  Sa  Majesté  de  vouloir  bien  me  la  faire  payer 
hors  de  l'Angleterre  est  une  nouvelle  grâce  que  je  sens 
comme  je  le  dois,  et  à  laquelle  je  répondrai  convena- 
blement par  ma  conduite  en  tout  ce  qui  dépendra  de 
moi. 

Recevez,  mon  cher  Monsieur,  les  respects  et  remer- 
cimens  de  votre  ancienne  cuisinière.  Elle  se  joint  à 
moi  pour  saluer  tendrement  vos  chers  enfans.  Dites  je 
vous  en  prie  à  ma  jolie  correspondante,  en  baisant  de 
ma  part  sa  petite  menote,  que  je  suis  très  fier  qu'elle 
veuille  encore  avoir  de  mes  lettres,  que  quand  j'étois 
jeune  c'étoit  à  moi  de  faire  les  avances  auprès  des  jeu- 
nes personnes  à  qui  je  voulois  plaire,  mais  qu'à  présent 
que  je  ne  suis  plus  qu'un  barbon,  c'est  leur  tour.  Je 
vous  salue,  mon  cher  Monsieur  et  vous  embrasse  de 
toute  mon  ame. 

L'herboriste  de  Madame  la  Duchesse  de  Portland. 


XLIV^ 
à  Davenport^. 

A  Bourgoin  en  Dauphiné  le  2.  ptre  iy68. 
Monsieur  Davenport  se  souvient-il  encore  de  son  an- 
cien hôte  qui,  loin  de  l'avoir  oublié,  penseroit  à  le  re- 
devenir encore,  si  Monsieur  Davenport  conservoit  pour 
lui  les  mêmes  intentions  et  la  même  bonne  volonté 
qu'il  lui  a  plusieurs  fois  témoignées  par  lettres  depuis 
leur  séparation.  Je  suis  bien  loin   de  vous.  Monsieur, 


>  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  74,  yS. 

2  A  Monsieur  \  Monsieur  Richard  Davenport. 


164  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

mais  je  me  sens  le  courage  de  m'en  rapprocher,  pour 
peu  qu'il  soit  animé  par  votre  réponse.  Il  est  juste  de 
penser  aux  embarras  que  cela  pourra  vous  donner  de- 
rechef, il  est  juste  aussi  de  penser  que  malgré  les 
bonnes  intentions  du  maitre,  ses  gens,  s'il  n'y  veille 
pas,  peuvent  rendre  sa  maison  tout  à  fait  insupporta- 
ble à  deux  pauvres  étrangers  livrés  sans  réserve  à  leur 
discrétion.  Je  voudrois  vous  prier  de  conférer  un  peu 
là-dessus  avec  ma  belle  correspondante  qui  devroit  bien 
vouloir  la  redevenir.  Vous  êtes  trop  éclairé  pour  ne 
pas  voir  qu'il  y  a  des  vexations  tout  à  fait  insupporta- 
bles, et  trop  humain  pour  nous  y  vouloir  encore  expo- 
ser. Du  reste,  je  me  confie  à  votre  générosité,  et  si  vous 
m'assurez,  que  je  puis  aller  passer  des  jours  paisibles 
dans  votre  maison,  il  ne  tiendra  pas  à  moi  de  les  y 
finir  avec  plaisir  et  reconnaissance  :  car  après  avoir 
connu  le  néant  de  tous  les  biens  de  cette  vie,  je  n'en 
vois  qu'un  qui  reste  à  désirer  pour  moi  jusqu'à  la  mort; 
c'est  le  repos.  Si  vous  m'honorez  d'une  réponse,  je 
vous  supplie  qu'elle  soit  prompte;  car  ma  situation' 
ne  me  permet  pas  de  l'attendre  longtems.  Vous  pou- 
vez me  l'addresser  ici  en  droiture  sous  le  nom  que  vous 
trouverez  signé.  Ma  femme  ^  et  moi  nous  faisons  de 
concert.  Monsieur,  nos  salutations  très  humbles,  et  vous 
supplions  de  les  faire  à  vos  chers  enfans. 

Renou. 


'  Affaire  Thévenin,  humidité   du   climat,   logement  défectueux.   Œn- 
v?-es,  t.  XII,  p.    !o8,  à  Laliand,  5  oct.   1768. 
2  Depuis  août  1768.  Œuvres,  t.  XU.  p.  gi,  à  Laliaud,  3i  août  1768. 


LETTRES   INÉDITES   DE  J.   J.    ROUSSEAU  l65 

XLV^ 

à  Darenport'-. 

A  Monquin  le  17  Mars  1761). 

Depuis  la  réception  de  votre  dernière  lettre-'',  Mon- 
sieur, et  de  celle  de  M.  de  Granville\  un  mal  d'esto- 
mac fort  extraordinaire  accompagné  d'enflure  et  d'é- 
touifement  m'a  forcé  de  partir  de  Bourgoin  dont  l'air 
marécageux  et  les  mauvaises  eaux  m'étoient  très  con- 
traires ;  le  mal  qui  m'empêchoit  d'écrire  et  l'embarras 
du  déménagement  sont  causes  du  retard  de  cette  let- 
tre^: mais  ils  ne  le  sont  pas  de  ce  que  vous  recevez  si 
tard  la  graine  de  melon  que  vous  m'avez  demandée  ; 
car  je  n'ai  pas  perdu  un  moment  pour  m'en  procurer 
de  bonne  :  mais  malheureusement  je  ne  suis  pas  placé 
pour  cela  ;  la  partie  du  Dauphiné  que  j'habite  étant 
très  humide  et  très  froide  ne  produit  point  de  melon, 
et  j'ai  parlé  à  toutes  les  personnes  de  ma  connoissance 
qui  en  avoient  dans  les  cantons  où  viennent  les  bons 
melons  pour  m'en  procurer  de  la  graine  ;  tous  m'ont 
promis  des  merveilles,  et  rien  n'est  venu.  Enfin  quel- 
qu'un qui  m'est  venu  voir  et  qui  a  des  connoissances 
en  Angleterre  s'est  chargé  de  me  procurer  de  la  graine 
de  Melon  d'Ampuis*  qui  est  le  lieu  de  la  France  oii  se 
trouvent  les  meilleurs,  et  pour  gagner  du  tems  je  lui  ai 


1  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.,  76,  77. 

2  A  Monsieur  |  Monsieur  Davenport. 

3  Cf.  Lettres,  B,  Davenport  à  Rousseau,  i"  janv.  1769,  XLVII. 
■*  Lettre  inconnue. 

*  Œuvres,  t.  XII,  pp.   i3i-i34,  i5o;  3o  décembre  1768-23  mars  i-j( 
«  Près  de  Lyon. 


l66  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.  J.    ROUSSEAU 

donné  l'addres.se  de  M.  Lewis  *  auquel  il  fera  passer 
directement  la  ditte  graine.  Que  si  malgré  cette  précau- 
tion, elle  vous  arrive  trop  tard  pour  être  semée  cette 
année,  vous  pouvez  la  réserver  ou  partie  d'icelle  pour 
Tannée  prochaine.  Comme  on  aura  soin  de  la  choisir 
fraîche,  elle  ne  manquera  pas  de  lever,  et  vous  pouvez 
être  sur  d'avoir  d'aussi  bonne  graine  qu'il  soit  possible 
d'en  trouver  ;  mais  malheureusement  je  ne  puis  pas 
vous  envoyer  le  soleil  et  la  terre,  sans  quoi  la  graine  ne 
suffit  pas.  J'ai  du  vous  faire  tout  ce  détail  pour  prévenir 
l'imputation  d'une  négligence  qu'assurément  je  n'aurai 
jamais  pour  tout  ce  qui  pourra  vous  faire  le  plus  petit 
plaisir  et  qui  dépendra  de  moi. 

Voici  le  tems,  Monsieur,  où  vous  quittez  Londres. 
Cette  lettre  vous  trouvera  peut  être  à  Wootton.  Que 
ne  puis-je  l'y  accompagner  et  vous  y  trouver  bien  por- 
tant au  sein  de  votre  aimable  famille  :  mais  il  n'est 
plus  question  de  cela.  Ma  femme  et  moi  vous  faisons 
mille  salutations  ainsi  qu'à  vos  chers  enfans,  et  vou- 
drions bien  être  à  portée  l'un  et  l'autre  de  baiser  la 
jolie  main,  de  ma  belle  correspondante  pour  les  témoi- 
gnages qu'elle  nous  a  donnés  de  son  bon  souvenir  et  de 
sa  bonne  amitié".' Lorsque  vous  me  ferez  l'honneur  de 
m'écrire  continuez  je  vous  prie  d'adresser  vos  let- 
tres tout  simplement  à  Bourgoin  dont  je  suis  tout  pro- 
che, mais  ayez  la  bonté  d'y  ajouter  une  enveloppe  à 
Taddresse  de  Monsieur  le  Comte  de  Tonnerre  Lieute- 
nant Général  des  ai^mées  du  Roj,  et  Commandant  pour 
S.  M.  en  Dauphiné.  A  Grenoble. 


'  Libraire   de   Davenport   à  Londres,    Russell   sireet,  Covent  Garden, 
cf.  Lettres,  B',  Davenport  à'Rousseau,  2?  mai  1767,  XXXIX. 


LETTRES    INÉDITES    DE  J.   .!.    ROUSSEAU  l^-J 

J'écris  directement  à  Mylord  Nuneham  '  pour  le  re- 
mercier de  son  bon  souvenir  et  pour  lui  rendre  compte 
de  son  envoi. 

XLVI- 

[LivRE  DE  Dépenses 
tenu  par  Rousseau  durant  son  séjour  à  Wootton.] 

1766. 

Depuis  le  23  Mars^  jour  de  mon  arrivée  à  Wootton 
jusqu'au  4  Aoust  même  anne'e,  j'ai  dépensé  trente  sept 
guinées  en  menus  frais,  compris  ceux  de  mon  voyage 
de  Londres  ici  et  le  port  de  mes  hardes,  compris  aussi 
deux  guinées  qui  m'ont  été  volées  dans  la  maison  : 
Mais  non  comprise  ma  pension  qui  n'est  pas  encore  ré- 
glée, ni  le  vin  qui  sera  payé  à  part. 

Commencé  le  10  Aoust  à  prendre  et  payer  mon 
pain. 

M.  Walton  a  fourni  le  S  juin  24  bouteilles  de  vin. 
M.  Walton  a  fourni  le  16  Aoust  12  bouteilles  de  vin. 
M.  Walton  a  fourni  le  2d.  y^'-e  12  bouteilles  de  vin. 
M.  Walton  a  fourni  le  3o  S^re  12  bouteilles  de  vin. 
M.  Walton  a  fourni  le  i  X^re  jo  bouteilles*. 

Dépense. 

1766. 

[Lir.  st.] 
jusqu'au  4  Aoust  37  guinées  ci    .     .     .     38  :      17  :     — 
Du  4  Aoust  pour  du  savon 3  : 

*  Lettre  inconnue. 

-  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  <S8-(io. 

•'  Erreur  de  Rousseau,  qui  arriva  !e  22. 

«  Ici  finit  le  folio  88. 


l68  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

[Lh>.   SL] 

Dudit  port  d'un  pacquet  de  M.  Coindet  3  : 

6.  pour  menue  dépense i 

7  aux  ouvriers  de  la  mine i  : 

9  pour  envoyer  une  lettre  à  la  poste  ^    .  i 

dudit    port    d'une    lettre    de     M.    Lu- 

cadou 6 

dudit     à    Jean     pour    avoir    été     chez 

M.  Granville 6 

10.  Pour  deux  petits  pains      ....  6 

1 1 .  Pour  postage  de  deux  lettres      .     .  2 
dudit  port  d'une  lettre  pour  M.  Daven- 

port^ 6 

du  14.  Pour  deux  pains 6 

dud^  port  d'une  lettre  de  Rey  ^  et  2  pos- 

tages 8 

du  16.  un  postage  et  un  port  de  lettre 

de  M.  L* 7 

du  18  pour  deux  pains 6 

du  dit.  lettre  de  M.  Becket     ....  6 
dudit  port  d'un  ballot  de  Livres  ...                11        6 

du  20.  pour  deux  pains _  6 

dudit  pour  un  couteau 4 

Du  21.  aux  Domestiques  de  M.  Porta  .  2 

Du  23.   pour  une  lettre  de  M.  d'Iver- 

nois. ^  6 

Du  25'.  postage  d'une  lettre  de  M.  Mal- 

thus  ^ , I 

1  à  Keith  ?  Œuvres,  t.  XI,  p.  376,  9  août. 

2  Lettre  inconnue. 

'•  La  lettre  du  5  août.  Bosscha,  0.  c,  p.  272,  n*   143. 

*  Lucadou  ? 

*  Lettre  inconnue. 


LETTRES   INÉDITES    DE  .1.    .1.    ROUSSEAU  iGg 

[Lir.  .9/.] 

dud'.  pour  deux  pains 6 

du  29.  Pour  le  voyage  de  Davenport 
deux  dindes  en  route  et  étrennes  de 

Domestiques  Une  guinée  cy      .     .     .        1  i 

3o.  pour  la  blanchisseuse i 

-  bre 

1'.  p"".  Deux  pains  et  un  port  de  lettre  de 

M.  Roustan^. ;     .  i 

Id.  port  de  lettre  de  M.  Perrin^  .     .     .  6 

4.  port  de  lettre  de  xM.  Du  Peyrou',     .  i         4 

Transport 

-bre 

4.  pour  deux  pains 6 

6.  une  lettre  de  Mylord  Mareschal*      .  2 

I  1 .  deux  lettres  une  de  M.  Rougemont 

et  une  de  M.  Becquet  et  2  pains  .     .  '4 

i3.  deux  lettres  une  de  mon  cousin^  et 

l'autre  de  M.  Kenrick**'     ......  7 

14.  A  Tenfant  du  Jardinier i 

i5.  Au  garde''  revenu  de  Davenport      .  i 

dud^  pour  trois  pains 9 

1  Cf.  Lettres,  C,  Rotistan  à  Rousseau,  28  août,  I. 

-  Jean-Baptiste  Perrin   à  Rousseau,    'io    août   (Lettre  iiiéd.,   Bibl.  de 
Neuchâtel.) 
^  Ici  finit  le  folio  89. 

*  La  date  surprend  à  relire  la  lettre  du  7  sept,  à  Keitli.  Œuvres, 
t.  XI,  p.  389. 

*  Cf.  Lettres,  C,  Jean  Rousseau  à  Rousseau,  i  t  sept.,  IIL 

"  Cf.  Lettres,  C,  Kenrick  à  Rousseau.  Rousseau  avait  d'abord  écrit: 
M^<'  de  Vartenlesben  c.-à.-d.  C"=  Wartensleben,  à  Mayence;  (cf.  War- 
tejisleben  à  Rousseau.  Lettre  inédite,  Bibl.  de  NeuchâteL) 

'  Samuel  Finney,  cf.  Lettres,  B.  Davenport  à  Rousseau,  1 4  sept.  1 766,  X. 


2 


l'/O  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

J-}  •    bo'yt^  P.i<s^    u<e/ no f^ 

';!''^^H/— ^- jW...i 

/  C    9a^     U^  Wlù,7^ , 9 

/s     5^.    U^'tUU^=,^f^ ;~  ' 

'^f^  -    9^^jy   ju^    ^^^^   ^^^^ '    ^ 

ju  2o.  2^^  ;,^  7_ ^ 

^..^  ,  ^^.  p^p      ^^ ^ 

ÛIA-2S  ;i^'^^  ^-e*^)^  ^UK^^, /_____  '  ^~     '     o 

Fac-similé  du  Livre  de  Dépenses 


LETTRES    INÉDITES   DE  .1.   .1.    ROUSSEAU  I7I 

[Lip.  St.] 

16.  dans  le  village i 

18.  dans  le  village i 

dudit  à  Peggy  pour  deux  verres   ...  (3 

dudit  à  la  femme  qui  lave i 

du  20.  Deux  postages 2 

dud^  pour  deux  pains 6 

du    22.    port    d'une    lettre    de    Mylord 

Mar  :  ^ 1         5 

du  23  pour  deux  pains 6 

du  28  p.  une  lettre  de  M.  Du  Peyrou  .  2 

du  29.  pour  deux  pains 6 

8bre 

Du  p"  à  la  Mère  de  Peggy 2  : 

du  2.  pour  deux  pains 6 

du  3.  pour  un  pacquet  de  M.   Guy  par 

la  poste 8 

du  5.    pour  une   lettre  de  Mylord  Ma- 

reschal -    2 

du  6.  Au  jardinier  de  M.  Granville  .     .  2 

dud'.  au  Domestique  qui  a  apporté  un 

cochon  de  lait i 

du  8.  pour  2  pains 6 

dud'  à  Jean  revenant  de  Davenport  .     .  i 

du  g.  pour  la  femme  qui  lave,     ...  i 

du  10,  pour  deux  pains 6 

du  II.  pour  une  lettre  de  M.  du  Peyrou  2 

du  12  à  Peggy  pour  des  souliers-^     .     .  26 

»  Lettre  du  5  sept.  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  i3i,  LXXXIV. 

2  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  i53,  LXXXV. 

3  Ici  finit  le  folio  qo.  Le  papier  employé  par  Rousseau  est  semblable  à 
celui  des  lettres,  mais  plus  étroit  ;  les  trois  premiers  traits  des  colonnes 


172  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

XLVII  ' 
Testament  de  J.  J.  Rousseau. 


[Testament.]  * 

Comme  je  suis  sujet  à  des  attaques  d'une  maladie 
qui  peut  m'emporter  brusquement  lorsque  j'y  penserai 
le  moins,  je  demande  à  Monsieur  Davenport  de  vouloir 
bien  être  le  dépositaire  de  mon  testament  que  j'ai  fait  il 
y  a  trois  ans,  en  attendant  que  j'aye  le  loisir  d'en  faire 
un  autre.  Je  lui  demande  aussi,  au  cas  que  je  vinsse  à 
mourir,  s'il  voudroit  bien  être  le  protecteur  de  M"^  le 
Vasseur  ma  Gouvernante,  et  prendre  tous  les  soins  né- 
cessaires pour  la  renvoyer  en  France  avec  tous  ses 
effets.  Si  Monsieur  Davenport  veut  bien  se  charger  de 
cette  bonne  œuvre  je  lui  en  serai  très  obligé,  et  je 
n'aurai  plus  d'inquiétude  sur  le  sort  de  cette  pauvre 
fille,  qui  seroit  fort  embarrassée  et  fort  malheureuse 
si  elle  venoit  à  me  perdre  dans  un  pays  étranger  où 
elle  ne  connoit  personne  et  dont  elle  ne  sait  pas  la  lan- 
gue. ... 


seuls  existent,  tracés  au  crayon  ;  le  bord  de  la  feuille  ferme  la  >  colonne. 
Dimensions  en  millimèires  :  118X  1B8;  marge  de  gauche  :  6  —  8;  co- 
lonnes: f.  89,  9,  -J,  10;  f.  90:  les  colonnes  ont  une  largeur  to'tale  de 
23  au  sommet  de  la  page,  et  de  20,  au  bas.  Cf.  le  fac-similé,  p.  170. 

1  Br..Miis.  Add.  29627.  f.  t.  —  Déjà  publié  par  M.  Th.  Dufour,  cf. 
p.  54,  n.  4.,  avec  un  article  très  documenté  et  une  discussion  serrée. 
Notre  texte  n'apporte  rien  de  nouveau  ;  toutefois  nous  le  donnons  avec 
toutes  les  adjonctions  apportées  par  les  intéressés  et  publions  plus  loin- 
la  brève  correspondance  qui  passa,  en  1784,  entre  les  exécuteurs  testa 
mentaires  de  Davenport  /Appendices,  B.)  M.  Dufour  s'est  borné  à  citer 
ces  faits  sans  fournir  les^iièces  elles-mêmes. 

2  F.  I  du  ms. 


LETTRES    DE   DAVENPORT  A   ROUSSEAU  178 

[Endorsement^] 

The  Will   of  M''  Rousseau  given  into  my  hands  by 
himself  Munday  27^''  of  May  1766. 

Rich'*  Davenport. 

Opened  June  8"'  1771    by  M''  Mainwaring  &  Sir  W"" 
Bagot  &  Sealed  again  immediatly. 

[Enveloppe  '\] 

Testament   |    de    Jean   Jaques    Rousseau  |  Citoyen  de 
Genève  •\ 


B.  Lettres  de  Davenport  à  Rousseau 


15 

Sir,  I  am  extremely  pleased  to  hear  you  arrivée!  safely  at  Woot- 
ton,  and  most  heartily  ask  your  pardon  ibr  using  any  sort  of  deceipt 
in  the  Chaise.,  I  shall  not  be  easy  till,  I  am  perfectly  assured  of 
your  full  forgiveness,  and  I  promise  that  hereafter,  you  shall 
never  hâve  the  least  reason  to  accuse  me  of  the  smallest  degree 
of  any  kind  of  deceipt  whatever. 

I  will  take  care  of  any  packet  or  letters  that  corne  to  my 
hands,  and  bring  them  down  v^ith  me,  and  of  the  other  affairs  you 
mention  relating  to  Mr  Stuart,  your  boxes,  hampers,  etc. 

1  hope  I  shall  hâve  the  pleasure  of  hearing  that  the  air  agrées 
with  your  health. 

>f.  2. 

2  f.  3. 

•*  Ecriture  de  Rousseau. 

*  Les  origiiîaux  de  ces  lettres  sont  déposés  à  la  Bibliothèque  de  Neu- 
chàtel,  ms.  7902,  sauf  ceux  des  n»»  XXXVII  et  XXXVIII,  qui  sont  au 
British  Muséum. 

5  To  M'  Rousseau. 


174  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

You  promised  to  inform  me  any  thing  was  disagreeable  and  pray 
do,  as  I  may  write  about  it  to  Benjamin  Walton.  One  thing  that 
I  fear,  is  you  will  get  nothing  to  eat,  for  in  the  rude,  rough  country 
you  are  in  the  markets  are  but  indiffèrent,  and  more  especially 
so  at  this  time  of  the  year.  —  Hâve  you  got  straw  to  make  your 
under  bed  with?  I  shall  be  much  pleased  if  you  can  read  this  En- 
glish  and  give  me  leave  to  say  that  I  am  with  sincerely  [sic]  Your 
humble  servant, 

RichJ.  Davenport. 
April  ist  1766.  Upper  end  of  Piccadilly. 

in 

Sir,  I  receivedyours,  and  shall  (as  far  as  lies  in  mvpower)  observe 
persuing  your  directions.  I  hâve  a  letter  for  you,  which  was  given 
me  Tuesday  by  Mi"  Hume  ;  another  Avhich  came  by  Penny  Post  ; 
it  seems  to  contain  others  within  it  ;  thèse  I  will  keep  till  I  hâve 
the  pleasure  of  seeing  [you],  unless  you  send  me  word  to  enclose 
them  to  my  man  Benjamin  Walton,  by  which  method  they  will 
come  to  your  hands,  very  safe  and  private. 

I  am  yours  with  great  sincerity, 

RiCHd.  Davenport. 
Piccadilly  April  S^d  1766. 

I  beg  my  compliments  to  Mademoiselle. 
III 

Dear  Sir,  We  came  hère  early,  and  ail  well,  except  myself,  who 
hâve  little  touch  of  the  goût,  but  hope  it  will  leave  me  soon. 

I  send  enclosed  some  Franks  ^  ;  as  many  as  vou  please  are 
at  your  service.     .-  . 

My  best  good  wishes  attend  you  ;  in  a  short  time  I  intend 
doing  myself  the  pleasure  of  seeing  you  ;  pray  my  best  com- 
pliments to  M"e  Vasseur. 

I  am  your  most  obliged  humble  servant, 

R.  Davenport. 
Davenport  June  ôth  1766. 

My  Children  send  their  respects  to  yo.u  and  to  Mi'e  Vasseur, 
as  do  ail  this  Family. 

'  To  M'  Rousseau. 

2  Enveloppes  revêtues  de  la  signature  d'un  personnage  possédant  la 
franchisé  de  .port;  cf.  p.  73,  n.  5. 


LETTRES  DE  DAVENPORT  A  ROUSSEAU         lyS 

IV  i 

Dear  Sir,  I  should  hâve  been  at  Wootton  many  days  ago,  but 
the  weather  bas  been  so  extremelv  bad,  that  I  durst  not  venture  ; 
it  has  rained  continually  every  day  since  I  left  you.  I  had  a  letter 
from  M'  Lewis  that  a  baie  is  corne  to  London,  which  he  will 
send  you  to  Wootton  directed  for  me,  the  Paper  will  also  be  with 
you.  I  long  to  kiss  your  hands  and  am  Yours  most  sincerely, 

R.  Davenport. 

I  beg  my  best  respects  to  Mademoiselle. 

Davenport  the  longest  day  in  the  year  [June  21 2.] 

This  bad  weather  has  not  quite  agreed  with  my  gouty  stomack. 


Dear  Sir,  My  dear  child*  is  better,  and  if  he  continues  so,  and 
the  weather  will  permit  me  I  purpose  waiting  on  M'"  Rousseau  on 
Tuesday. 

It  gives  me  great  concern  that  you  should  hâve  any  sort  of  alter- 
cations to  cause  uneasiness  ^;  surely  they  must  hâve  happened 
thro'  Mistakes.  I  protest  it  would  give  me  the  greatest  satisfaction 
if  I  could  be  instrumental  in  any  sort  of  way  in  helping  to  set 
matters  right  again.  Towards  3  or  4  I  hope  to  hâve  the  pleasure 
of  seeing  you  on  Tuesday  and  am  with  great  sincerity  Your  most 
humble  servant, 

RiCHd.  Davenport. 

Pray  my  respects  to  M^e  Vasseur,  cant  omit  returning  my 
acknowledgements  for  her  kind  remembrance  of  my  dear  girl  ®. 

Davenport  Jvme  3oth  1766. 

VI  • 

Dear  Sir,  I  send  some  venizon,  hope  it  will  prove  good,  tho'  it 
is  carried  a  long  way. 

I  give  no  sort  of  direction  about  the  dressing  ;  t'is  in  our  opinion 
very  good  either  roasted,  or  baked,  or  in  ragoût. 

My  best  compliments  to  M'ie.  l'U  bring  the  pattern  *  myself  and 
shall  be  happy  if  Mr.    Rousseau's  health  will  give  him   leave  to 

1  To  Mr  Rousseau. 

2  Connaissance  des  Temps,  1766. 
î  To  Monsieur  Rousseau. 

*  Petit-fils  de  Davenport,  sujet  à  la  fièvre. 

*  La  querelle. 

6  Phébé,  sa  petite-fille. 

7  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

8  Modèle  de  bas. 


Ijb  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

return  with  me.  I  am  sure  that  I  am   his  most  obedient,    humble 
servant. 

R.  Davenport. 
Augsi  i!-t  1766. 

My  son  and  Mrs  Lauzun  send  their  best  respects. 

Vin 

I  am  very  glad  to  hear  from  dear  Mi  Rousseau,  and  sorry  that 
it  will  not  be  in  my  power  to  see  him  so  soon  as  I  could  wish. 

My  son  and  daughter  Bromley  Avith  some  of  my  grand  chil- 
dren  come  to  me  on  Friday  next  and  stay  a  fortnight.  I  am  quite 
amazed  you  hear  nothing  trom  Becket  ;  I  expect  Lewis's  answer 
about  the  stamps  on  Munday  ;  he  wrote  to  me  that  after  ail  his 
search  he  could  not  possibly  recover  the  St  James  Chronicle 
which  you  want.  If  I  hâve  any  account  tVom  him  I  will  directly 
inform  you  of  it. 

Tavo  Posts  ago,  I  had  a  line  from  M''  Hume  -,  acquainting  me 
that  he  was  obliged  to  go  into  Scotlandby  the  Yorkshire  road,  so 
I  dont  at  ail  expect  him  to  come  this  way.  I  dont  hear  a  syllable 
concerning  publishing  any  letters.  My  grand  daughter,  grandson, 
with  ail  this  Family  désire  their  service  to  you  and  M'is  Vasseur. 
Miss  '  says  she  should  hâve  been  very  glad  of  the  pleasure  of  a 
letter  :  but  as  you  say  you  hâve  no  leisure,  I  hope  ail  your  time 
is  not  employed  in  searching  the  fields  and  woods  for  plants,  but 
that  some  portion  of  it  is  dedicated  towards  the  instructing,  and 
improving  mankind. 

I  hâve  little  or  no  correspondence  from  London,  so  hâve  heard 
nothing  of  what  you  seem  to  hint  at*;  in  the  Winter,  if  anything 
comes  to  my  ears  relating  to  you,  you  will  be  sure  to  hear  of  it 
from  Your  most  obedient,  faithful  servant. 

...  R.  Davenport. 

Davenport  8th  of  Sept.  1766. 

VIII 5 

Dear  Sir,  I  received  a  letter  from  Lewis,  ail  the  answer  he 
could  get  from  Becket  was,  that  he  Becket  wbuld  write  to  you. 
As  far  as  I  can  learn  or  understànd  the  Baies  are  yet  in  the  Cus- 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

-  Lettres,  D,  2  sept.,  IX. 

■■  Miss  Ally  > 

*  Cf.  p.  120,  XV  :  Il  faut  qu'il  se  passe  à  Londres,  etc. 

^  A  Monsieur  \  Monsiettr  Rousseau. 


LETTRES   DE   DAVEXPORT   A   ROUSSEAU  I 77 

tom  house.  By  this  time  I  suppose  Becket  has  fully  informed  you 
Lewis  says  not  a  word  about  the  stamps. 

In  the  very  last  St  James  Chronicle  there  's  a  long  paragraph 
relating  to  Mr  Rousseau  and  M'"  Hume.  Indeed  my  dear  friend, 
not  withstanding  your  indifférence  of  what  passes  in  the  world, 
I  cant  help  thinkingyou  should  look  into  that  paper,  to  see  if  there 
is  any  thing  relating  to  you  and  eut  those  sentences  out  that  you 
mav  hâve  recourse  to  them  if  you  want  to  see  them,  as  vou  find 
how  impossible  tis  to  retrieve  them  after  thev  hâve  been  printed 
some  time. 

Ail  this  Family  désire  their  compliments  to  M'  Rousseau  and  to 
M>ie  Vasseur,  pray  tell  her  my  daughter  longs  to  hâve  a  letter 
from  her.  Benjamin  Walton  sends  over  to  me  in  three  or  four 
days,  and  I  shall  be  estremely  glad  to  hear  your  hâve  had  a  satis- 
factory  account  from  Becket.  If  I  can  be  of  any  sort  of  service  I 
beg  you'U  be  so  free  to  employ  me  who  am,  dear  Sir,  Your  most 
obedient  servant, 

RiCHd.  Davp:nport. 
Davenport  Sept.  lot''  1766. 

IXi 

Dear  Sir,  It  is  great  pleasure  to  me  that  the  Stamps  are  safe,  tho' 
I  could  not  help  thinking  it  looked  odd  to  find  the  Case  without 
them. 

My  house  is  quite  fuU,  which  at  présent  employs  my  every 
moment.  Miss,  Master,  and  ail  this  Family  send  their  respects, 
and  désire  their  compliments  to  M"<^  Vasseur.  My  dear  Phebe 
returns  many  thanks,  is  so  engaged  with  her  little  cousins,  that 
she  could  not  possibly  answer  Mf  Rousseau  obliging  letter,  will 
take  the  first  opportunity.  I  am  dear  Sir,  Your  most  obedient 
humble  servant, 

RiCHd.  Davenport. 
Davenport  Sept.  iS'h  1766. 

Ail  this  Family  désire  their  best  respects  to  M"'  Rousseau,  and 
to  M"e  Vasseur. 

X2 

I  am  excessive  glad  to  hear  by  Sam'  Finney  that  Mr  Rous- 
seau is  well.  My  house  is  quite  crowded  with  Company,  which 
gives  me  no  time  to  myself,  and  my  dear  grand  daughter  has  so 

'  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 
^  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

12 


178  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

miich  Company,  thas  she  desires  I  will  make  her  excuses  for  not 
writing  this  clay  mine  and  my  P'amily's  service  to  >!•"  Rousseau 
and  we  ail  désire  ours  to  M"e  Vasseur. 

I  am  dear  Sir,  your  most  obedient  servant, 

R.  Davenport. 

Davenport  Sept.  14.  i7()("). 

XP 

1  hâve  longed  impatiently  this  great  while  to  kiss  M'  Rousscau's 
hands.  My  house  is  this  instant  tull  of  company  ;  ifthey  leaveme 
this  day,  I  hope  to  hâve  that  pleasure  to  morrow  :  it  they  stay  it 
Avill  be  the  beginning  of  the  week  before  I  can  come  over.  AH 
this  house  joins  in  compliments  to  Mr.  Rousseau  and  Ml'^  Vas- 
seur and  in  particular  my  dear  Phebe  desires  her  best  love  to  M"*^ 
and  I  am  most  sincerely  M""  Rousseaus  entirely  afTectionate  ser- 
vant, 

R.  Davenport. 

Davenport  Oct.  H)'''  1766. 

Dear  Sir,  I  am  extrême  sorry  that  the  dispute  between  you  and 
Mr  Hume  is  made  public,  and  one  chief  reason  that  gives  me  so- 
much  uneasiness  is  that  I  fear  it  disturbs  your  peace  and  tran- 
quillity. 

1  cant  help  sending  the  book-'  to  you,  as  I  am  ignorant  whc- 
ther  you  bave  yet  soen  it. 

Soon  after  mv  bookseller  had  sent  it  to  me,  I  received  the  en- 
closed  from  Hume,  desiring  (as  you  see)  that  I  would  inform  you 
of  something  in  it  relating  to  yourself.  I  thought  is  right  to  send 
the  Avhole.  —  By  last  post  I  received  the  enclosed-  from  Lewis.  I 
bave  answered  hiin,  that  if  in  a  parcel  of  books  which  he  is  to 
send  me  next  week,  he  would  enclose  your  foreign  Racket  I 
would  take  care  to  deliver  it  safely  into  your  own  hands. 

The  rough  weather  we  had  a  week  ago,  made  me  very  ill  ;  I  am 
now  got  tolerably  \yell  again,-  and  intend  waiting  a  you  at  Woot- 
ton  as  soon  as  ever  I  am  put  my  affairs  in  order,  so  as  to  leave 
them  for  the  winter.  My  grand  son  and  my  grand   daughter,   join 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau . 
*  A  Mon^  I  Monsieur  Rousseau. 

2  La  lettre  de  Voltaire  à  Hume,  du  24  oct.,  ou  V Exposé  succinct  de  la 
contestation  qui  s'est  élevée  entre  M.  Hume  et  M.  Rousseau;  voir  la  let- 
tre de  Suard  accompagnant  l'envoi  de  VExposé  à  Hume,  dans  Burton^ 
o.  c,  t.  Il,  p.  337,  2  nov. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  179 

in   overy  wish  for  M''  Rousseau's   health  and  happiness,  and  \ve 
désire  our  best  respects  to  Mii«  as  do  M's  Lauzun  and  AUy. 
I  am  dear  Sir,  vour  most  obedient  humble  servant, 

Richd.  Davenport. 
Davenport  Nov.  ifith  ijGG. 

XI IP 

Dear  Sir,  I  hope  to  hâve  the  pleasure  of  seeing  you  next  weetc. 
The  packet  Lewis  mentioned  is  not  yet  corne.  I  see  there  are 
abstracts  of  papers  written  either  for  or  against  you.  Hume  and 
Voltaire  in  every  St  James'  Chronicle  I  think  your  curiosity  should 
make  vou  look  into  them,  so  as  you  can  avoid  teazing  yourself. 
Ail  this  family  send  compliments  to  you  and  to  M'ie  Vasseur. 

I  am  vour  most  obedient  servant, 

Richd.  Davenport. 
Davenport  December  i^'  ]jiM). 

XIV 

Dear  Sir,  1  purpose  being  at  Wootton  on  Saturday  next.  I  bave 
sent  half  a  doe.  which  I  shall  be  glad  proves  to  your  liking.  Enclo- 
sed  is  the  parcel  of  yours  which  M""  Lewis  sent  me.  I  thought  to 
hâve  sent  my  dear  Phebe  with  Ally  two  or  three  davs  before  me; 
but  the  fear  of  the  weather  changing,  and  of  my  dear  girl  being 
caught  in  snow  upon  the  hills,  Avithout  her  grand  papa  being  near 
her,  prevente.d  me.  She,  her  brother  with  M's  Lauzon  and  AUv 
join  in  sincère  service  to  M""  Rousseau  and  to  M'ie  Vasseur. 

I  am  vour  most  obedient  humble  servant, 

RichJ.  Davlxport. 
Davenport  December  5''i  ijùG. 

XV 

Dear  Sir,  I  this  very  morning  expected  Benj.  Walton  would  hâve 
brought  me  every  article,  but  he  begs  I  will  hâve  patience  till 
Tuesday  morning,  and  that  then  he  will  hâve  every  thing  readv 
which  I  will  instantlv  show  you. 

I  am  yours  with  the  greatest  sinceritv. 

R.  D. 
Sunday  Morning  [Dec.  7'h?  ij66.] 

XVI 

Dear  Sir,  Mr  Beauclerk^  a  gentleman  of  distinction,  a  friend  of 
mine,  who  is  well  acquainted  with  the  Prince  of  Conti  and  Ma- 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau  |  Wootton. 

~  Peut-être  Topham  Beauclerk,  ami  de  Johnson  (17.19-1780.) 


l8o  ANNAI.es    DK   T,A   société  .1.    J.    ROUSSEAU 

dame  Boulïlers,  having  often  heard  them  speak  much  in  commen- 
dation  of  M'"  Rousseau,  had  a  vast   désire  oï  paying  his  compli- 
ments in  passing  to  London  and  desired  I   would  give   him  this 
little  note_of  recommendation. 
I  am  your  most  sincère  servant, 

Richd.  Davenport. 
Davenport  Dec.  q'h  1766. 

XVII 1 

Dear  Sir,  I  am  safely  arrived  in  this  town  ;  ihe  \veather  as  bad  as 
you  can  well  conceive.  Lord  Newham  is  not  yet  corne  up,  nor  in- 
deed  scarcely  any  of  our  Grand  Folks,  so  hâve  not  as  yet  doneany 
thing  in  relation  to  your  books.  A  gentleman,  whose  name  is  Du- 
ten  (a  French  clergyman)  sent  a  pretty  large  packet,  just  corne 
from  Paris  directed  for  you.  I  bave  enclosed  it  in  a  box,  along 
with  the  little  things  such  as  the  tea,  etc.  It  leaves  London  Mun- 
day  next,  and  will  be  with  you  on  the  Saturday  following  ;  that  is 
if  the  snow  permits  the,  waggons  to  keep  theie  stages.  The  man 
Avho  signs  his  name  D'Yverdun  is  a  writer  in  some  of  the  Pu- 
blic Offices.  I  hâve  not  yet  unpacked  your  box,  so  hâve  not  yet 
sent  your  letter  to  M""  Steward.  Your  old  acquaintance  M""  Hume 
is  not  in  London,  and  I  hear  intends  staying  in  Edinborough 
ail  winter.  I  this  moment  saw  Vaillant  the  bookseller,  immedia- 
tely  found  your  book,  he  bas  had  it  a  long  time.  Upon  my  asking 
him  why  he  did  not  send  it  to  you,  he  protested  that  he  did  not 
know  whose  iî  -was,  tis  the  same  large  herbal  I  saw  at  Wootton. 
l'suppose  you  would  bave  it  come  down  to  you,  when  your  other 
large  parcels  are  sent  P 

I  shall  be  extrême  glad  to  hear  of  your  health  for  I  fear  you 
are  half  buried  in  snow. 

My  children,  M''*' Lauzon  and  AUy  join  in  ail  sorts  of  good 
wishes  to  you  and  to  M''^  Vasseur  and 

I  am  Avith  great  sincerity  your  most  obedient  servant, 

Richd.  Davenport. 
Piccadilly  January  iS'h  1767.  . 

XVIII 2 

Dear  Sir,  Your  box  went  yesterday  morning  to  the  inn  but  when 
it  will  come  to  you  is  very  uncertain,  as  the  waggons  from  Ashborn, 
which  should  hâve  been   in   London  on  Saturday,   were  not  on 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 
-  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  loi 

Munday  Morning  arrived;  pray  let  me  know  when  you  receive  it. 
There  are  in  the  box  two  smell  samples  of  sugar,  price  marked, 
if  you  find  them  (as  I  believe  you  will)  cheaper  than  what  you 
hâve  from  Ashborn,  I  will  send  you  a  parcel,  together  with  some 
raisins  and  currants.  The  same  gentleman^  who  sent  me  the  packet 
which  cornes  to  you  in  the  box,  sent  this  morning  a  letter^, 
which  I  hâve  also  this  post  sent  under  cover  to  Benjamin  Wal- 
lon. Mr  Becket  gave  me  a  music  book  for  you,  tis  le  Devin  du 
Village  from  M"  Rey  in  Holland. 

I  received  yesterday  five  baies  and  a  small  one,  in  ail  six  from 
Becket.  I  hâve  them  in  the  house,  called  this  day  at  his  shop,  to 
know  if  he  had  anv  further  demand  on  account  of  those  baies  ; 
did  not  find  him  at ,  home  ;  if  there  is,  when  I  see  him  PU  pay 
him. 

I  wish  with  ail  my  heart  they  had  lain  in  the  Custom  House 
till  I  had  corne,  then  vou  would  hâve  had  them  delivered  free 
from  Duty.  I  got  a  friend  of  mine^  to  speak  to  the  Secretary  of 
State,  who  immediately  with  the  utmost  good  nature  said,  if  the 
money  was  not  paid,  thev  would  send  to  hâve  them  discharged, 
as  thev  were  vour  own  books  and  for  your  own  reading.  —  Tis 
such  a  snowy  cold  weather,  that  there  is  scarcely  such  a  thing  as 
stirring  out,  and  the  Town  is  yet  empty.  I  hope  I  shall  hâve  the 
pleasure  of  hearing  that  vou  keep  well.  My  respects  to  Ml'*,  I  hope 
she'll  like  the  snuff.  Ail  hère  join  in  senùce,  and  I  am  dear  Sir, 
Your  most  sincère  servant, 


Richd.  Davenport. 


Piccadillv  Januarv  2o>'i  1767. 


XIX 


Dear  Sir,  Yesterday  a  servant  of  the  French  Ambassador^ 
brought  me  a  packet  directed  for  you,  which  he  desired  might  be 
sent.  Coming  from  so  respectable  a  person,  made  me  désirons  of 
getting  it  to  your  hands  as  soon  as  conveniently  I  could  ;  along 
with  it  hâve  sent  the  Music  book  Becket  gave  me  and  a  letter. 


»  Dutens,  cf.  p.  180,  XVII. 

-  Lettre  inconnue. 

^  Fitzherbert,  cl.  p.  182,  XX. 

*  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

5  M.  de  Guerchi.  Bontemps,  secrétaire  de  Tambassade,  fut  l'intermé- 
diaire entre  Mirabeau  et  Rousseau,  auquel  il  a  adressé  trois  lettres 
(27  nov.  1766:  27  fév.,  i3  avril  1767)  conservées  à  Neuchâtel. 


l8'2  ANNAI.ES    DE    LA    SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

The  !iusl  lias  jusl  left  us,  and  wc  are  now  up  to  the  knees  in 
dirt. 

I  a  m  with  greal  sincerity,  your  most  obedient  servant, 

Richd.  Davenport. 
Piccadilly  Jan  :  22.  1767. 

I  hope  you'll  hâve  on  Saturday  the  day  this  cornes  to  you  the 
parcel  by  the  waggon  together  with  this  by  the  machine.  Pray 
be  so  kind  to  make  ail  our  compliments  to  M"«  Vasseur. 

XX 

Dear  Sir,  I  should  hâve  wrote  and  sent  this  bv  the  last  post,. 
but  was  so  ill  of  a  cold  I  could  not,  am  still  so  much  indisposcd 
as  to  be  obliged  to  keep  within  doors. 

In  my  last  I  mentioned  that  if  is  not  uncommon  thing  for  Gent- 
lemen to  hâve  the  duty's  remitted  for  their  own  private  books, 
and  I  told  you  what  the  Duke  of  Grafton  (First  Commissioner 
of  the  Treasury)  was  pleased  to  say  upon  that  occasion.  I  must 
now  add  that  on  Friday  M'"  Fitzherbert  shewed  me  a  letter  he 
had  that  moment  received  from  M""  Stonewer  his  Grace's  private 
secretary,  a  copy  of  which  I  now  send. 

Grosvenor  Square  Jan.  22. 
«  Dear  Sir,  When  I  called  at  your  door  the  other  day,  I  meant 
»  to  acquaint  you  that  the  Duke  of  Grafton  had  given  directions 
»  for  remittingthe  duty  which  M^  Rousseau's  books  hâve  been 
H  charged  with  at  the  Custom  House.  If  the  Duke  had  been 
»  apprized  in  time  to  hâve  stopt  the  charge  it  would  never  bave 
))  been  made,  ail  he  can  now  do,  is  to  take  care  Becket  shall  be 
»  reimbursed  and  he  bas  ordered  this  to  be  done  immediately 
»  and  he  wishes  tbat  it  may  be  represented  to  M'  Rousseau  as  a 
»  compliment  intended  him  by  the  King  in  shewing  him  this  little 
)>  mark  of  distinction  ^  » 

1  Voici  l'original  de  Stonhewer  ;  on  notera  le  chanj^ement  imroduit 
par  Davenport  dans  la  dernière  phrase.  Br.  Mus.  Add.  2962G,  folio  44: 

Grosvenor  Square.  Jan.  22''  [1767.] 
Dear  S",  When  I  called  atyour  door  the  other  day  1  meant  to  acquaint 
you  that  the  Duke  of  Grafton  had  given  directions  for  remitting  the  duty 
which  Rousseau's  Books  hâve  been  charged  with  at  the  Custom  Housc. 
If  the  Duke  had  been  appriz'd  in  time  to  hâve  stopt  the  charge,  it 
would  never  hâve  been  made  ;  ail  hc  can  do  now  is  to  take  care  that 
M'  Becket  shall  be  reim-bursed  and  hc  has  orderd  this  to  be  done  im- 
mediately. B\it  it  is  to  be  managed  with  some  attention  to  Rousseau's 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  l83 

On  Saturday  evening  Becket  came  to  my  house  acquainting  me 
that  the  Commissioners  had  repaid  him  ;  I  desired  him  to  draw 
up  what  demand  he  might  hâve  for  his  trouble  and  warehouse 
room,  and  I  would  receive  the  balance  for  you.  This  day  he  sent 
me  the  note  and  the  balance. 

I  am  of  opinion  that  a  letter  from  vou  to  his  Grâce  would  be 
very  pleasing,  either  by  the  post,  or  if  you  please  through  my 
hands.  which  shall  be  directly  given  into  his  own  :  his  address  is 
only  this 

To  his  Grâce  the  Duke  of  Grafton,  etc.,  etc.,  etc. 

I  must  beg  leave  to  acquaint  you,  that  Mr  Fitzherbert  has  often 
asked  me  the  reason  why  you  refused  the  proffer  of  the  King's  fa- 
veur. I  answered  that,  1  was  sure  that  you  did  not  refuse  his  Ma- 
jesty's  favour,  nor  the  Secretary's  of  State,  but  that  I  apprehended 
vou  might  avoid  it  as  coming  through  the  channel  of  M'  Hume 
and  entirely  by  his  sollicitation.  M»'  Fitzherbert  said  he  had  always 
understood  it  otherwise  and  that  your  letter  to  Secretary  Conway 
implied  a  refusai.  For  God's  sake  dear  M'"  Rousseau,  do  me  the 
favour  of  writing  to  M'  Conway  to  explain  that  letter,  the  certain 
conséquence  of  which  is,  that  I  am  sure  his  Majesty  will  again 
order  the  Pension.  Hère  is  now  in  third  hand  to  go  through, 
none  but  directly  through  the  Secretary  of  State,  and  if  you'U 
Write  I  promise  I  will  give  it  him  myself.  His  address  is 

to  the  Right  Honble  H.  S.  Conway  Secretary  of  State. 

Not  being  well  enough,  I  sent  yours  to  Lord  Newham.  Pray  let 
me  know  if  anv  books  M'ith  them  fwo  vou  set  down  are  to  be 
bought  and  sent  you. 

AU  this  Family  join  in  compliments  to  you  and  to  M"e  Vasseur. 

I  am  Dear  Sir,  your  most  sincère  humble  servant, 

Richd.  Davenport. 
Piccadilly  January  27'h  1767. 

XXI 2 

Dear  Sir,  I  received  the  favour  of  yours  with  [one]  enclosed  to 
Mr  D'Ivernois  ^  which   I  hâve  put  this  night  into  the  Post  Office. 

delicaly  and  he  wishes,  out  of  regard  to  that,  that  you  would  give  it  the 
turn  of  a  Compliment  intended  him  by  the  king  in  showing  him  this 
little  mark  of  distinction,  or  put  it  in  whatever  light  you  think  will  be 
most  agréable  to  him. 

I  am  with  great  regard  Dear  S--  Your  most  obedient  Humble  servant, 

Rich'*  Stonhewer. 

-  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  412,  3i  janv. 


184  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

Yours  did  not  arrive  till  this  day  at  3  o'clock  in  the  afternuon,  it 
should  in  the  common  method  hâve  come  yesterday  at  noon.  I 
am  quite  surprized  the  box  by  the  waggon  is  not  yet  come  to 
yourhands,  with  the  packet  within  it  sent  to  me  from  M''  Du 
Tems. 

As  to  the  affair  of  the  duty  upon  the  books,  tis  a  respect  com- 
mon, and  I  had  not  the  least  trouble  in  it,  nor  any  sollicitation. 
I  just  mentioned  it  to  M""  Fitzherbert,  who  spoke  of  it  to  the  Duke 
of  Grafton,  who  directed  the  business  to  be  revised.  which  was 
immediately  done,  and  the  letter  of  which  I  wrote  you  a  copy, 
shewed  me  I  was  desired  to  send  you  an  account  of  it. 

As  to  the  other  of  his  Majesty's  favour,  I  gave  it  you  as  my  own 
opinion,  that  if  it  was  agreeable  to  you,  it  might  be  transacted 
without  any  person  whatever  being  concerned  in  it.  except  the 
Minister  of  State  through  whose  hands  it  musi  pass. 

I  am  at  some  loss  about  choice  of  an  honest  bookseller,  and 
I  would  not  hâve  you  part  with  them  to  desadvantage.  I  must  con- 
sult  somebody  Avhose  jugement  is  better  than  my  own. 

I  am  now  got  much  better,  and  able  to  go  out.  AU  our  compli- 
pliments  attend  you  and  M'ie  Vasseur  ;  hope  the  snow  is  quite 
gone. 

I  am,  Dear  Sir,  yours  most  sincerelv, 

Rich'i.  Davenport. 
Tuesday  feb.  3.  1767. 

XXII  ». 

Dear  Sir,  I  received  yours  dated  2*1  febr  yesterday,  unfortunatelv 
what  I  received  the  day  before  being  foreign  post  day,  was  imme- 
diately put'into  the  Office;  the  Graders  tell  me  the  post  commu- 
nication between  Geneva  and  London  is  not  obstr.ucted  and  they 
still  receive  their  ietters  as  usual. 

I  must  beg  leave  to  mention  one  thing  and  désire  to  receive 
your  instructions. 

First  I  propose  separately  to  show  your  Catalogue  to  iwo  or 
three  différent  booksellers  of  the  best  characters  and  to  sel!  them 
to  him  who  oflfers  the  most. 

The  certain  conséquence  of  t'his  [is],  that  as  soon  as  ever  the 
bookseller  bas  received  the  books,  .he  will  directly  advertise  that 
he  has  purchased  M.  Rousseau's  library  of  books,  which  are  to  be 
seen  and  sold  at  his  shop,  so  then  any  person  whatever  who  is  dési- 
rons of  buying  any  of  them  will  be  obliged  to  give  perhaps  three 

>  A  Monsieur  |  Mousieiti-Rousseaii . 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  1(53 

times  the  money  the  bookseller  gave  for  them  and  you'U  be  never 
the  better  for  it. 

As  to  the  Stamps  Lord  Newnham  has  promised  to  give  me  his 
assistance  and  will  I  dare  say  to  the  best  he  can. 

I  hâve  net  perhaps  expressed  myself  quite  intelligibly  in  regard 
to  the  King's  Favour  ;  ail  I  mean  is  this,  that  if  I  myself,  (exclusif 
of  ail  the  world  beside)  ask  it  without  mentioning  one  syllabe 
on  your  part,  would  you  in  that  case  if  otlered  accept,  your  ans- 
wer  to  this  shall  be  if  you  judge  proper  an  entire  secret. 

I  am  surprized  the  parcel,  it  is  a  small  oak  box,  directed  to  Ben- 
jamin Walton,  has  not  yet  reached  you  ;  hope  by  your  next  I  shall 
hear  you  hâve  received  it,  and  that  you  are  entirely  recovered  and 
well.  Pray,  can  you  tell  in  which  baie  you  stamps  are  and  I  would 
open  that  baie  to  get  them  out  ? 

\Ve  hâve  most  excessive  dark  nasty  foggy  weather,  which  bat 
ill  agrées  with  my  constitution. 

Ail  this  family  join  in  respects  to  you  and  to  M'>=Vasseur:  I 
long  to  know  how  she  likes  her  snufif.  I  am  Avith  the  greatest  sin- 
ceritv  vours 

R.  Davenport. 
Piccadilly  feb.  5th.  1^67. 

XXIII 1 

Dear  Sir,  On  Munday  I  called  in  Hill  Street,  Mr  Du  Tems  was 
not  at  Home;  I  left  your  letter-' and  went  to  Meards  Court,  found 
Mr  Rustan,  paid  into  his  hands  L.  i3  ,,  11,,  6*.  He  fears  that 
letters  which  go  by  the  common  Post  thro  France  are  stoped  ; 
gave  me  the  enclosed  directions,  by  way  of  HoUand  ;  if  you  hâve 
at  any  time  letters  for  Geneva.  l'il  take  care  they  shall  be  put 
into  that  Post. 

I  must  beg  leave  to  say  if  ail  men  had  but  the  tenth  part  ot 
Mr  Rousseau's  goodness  of  heart,  we  should  bave  a  much  better 
and  much  more  peaceable  world.  We  hear  from  ail  hands  that  the 
poor  Genevese  are  in  a  very  distressed  condition.  I  received  yours 
last  night  and  this   morning  sent  vours  enclosed  to  the  Duke  of 

1  A  AIonsicH)-  |  Monsieur  Rousseau. 

'Œuvres,  t.  XI,  p.  4i3,  à  Dutens,  5  fév. 

s  Voici  le  reçu  de  Roustan,  encarté  dans  la  lettre  de  Davenport: 
I  bave  received  of  Mr  Davenport  on  account  of  Mr  John  James  Rousseau 
for  the  distressed  people  of  Geneva  the   sum  of  Liv.   i3 —  i  i  s.  —  6d. 

Anthony  James  Roustan. 

London  9'  February  1767. 

fcd  Engen  and  you  shall  pay  a  schelling  for  everv  letter. 


8(')  ANNALES    DK    I,\   SOCIÉTK  .1. 


Gratton*.  My  Lord  Newnham  brought  me  a  lettcr  ihis  day,  which 
I  send  in  one  of  his  Covert.  M''  Rustan  brought  me  another 
which  I  send  also  in  one  of  his  Lordship's^. 

I  am  a  little  indisposed  with  the  goût,  but  hope  it  wili  go  ofT.  AU 
this  family  join  in  service  to  you  and  M'ie  Vasseur  and  I  am  your 
most  obedient  servant, 

Rich*'.  Davknport. 
feb.  lo'h  1767. 

XXIV  » 

Dear  Sir,  I  should  have  answered  the  favour  of  yours  by  last 
posî,  but  the  wet  weather  made  me  so  gouty,  I  was  unable  to 
Write. 

VVhat  you  say  upon  the  subject  of  the  King's  favour,  is  certainly 
just.  I  never  did  sollicit  at  ail,  and  after  what  you  have  wrote,  you 
may  be  fuUv  assured  I  never  shall,  unless  it  cornes  from  his  Ma- 
jesty's  own  motion,  I  shall  hear  no  more  of  it. 

There  are  many  difficulties  occur  in  relation  to  the  books  M'  Du 
Tems  and  Lord  Newnham  are  both  ready  to  give  any  assistance 
in  their  power.  If  I  possibly  can,  will  prevent  any  of  them  falling 
into  the  hands  of  a  Bookseller,  especially  those  upon  whose 
margins,  you  have  wrote,  and  will  take  strict  care  of  l'Esprit. 

ni  beg  leave  to  observe  what  should  bethe  certain  conséquence 
of  that  book,  coming  to  be  the  property  of  a  bookseller;  the 
would  immediately  publish  a  new  translation  of  L'Esprit  de 
Helvetius  with'  note,  bv  J.  J.  Rousseau,  and  so  indeed  of  any 
other  upon  whose  margins  you  had  made  the  least  remarks.  I  am 
so  cautious.of  any  tricks  of  this  kind,  that  I  have  not  unpacked 
one  single  baie  ;  for  this  reason  I  wanted  to  have  known  where  the 
prints  were,  as  I  might  have  delivered  them  into  Ldrd  Newnham's 
care. 

Tis  with  the  most  kind  and  sensible  remembrance  that  I  accept 
of  your  présent  and  will  take  care  that  they  shall  ever  remain  in 
my  own  possession. 

I  saw  M''  Du  Tens  Thursday  morning  who  sai^  he  would 
Write  tQ  you*;  his  knowledge  in  bpoks  is'far  superior  to  mine:  took 
notice  your's  were  verv  choice  ones  and  very  valuable  ;  it  would 
give  me  a  deal   of  uneasiness  to   have  them  thrown  away.  He  re- 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.  41 5,  7  fév. 

-  Cf.  Lettres,  C,  Nimeham  à  Rousseau,  10  fév.,  II. 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

*  Cf.  Lettres,  C,  Dutens  cr Rousseau,  12  fév.,  II. 


LETTRES   DE   DAVENPORT  A   ROUSSEAU  187 

commends  one  Baker  to  value  them,    I    know   he   has   been  ein- 
ployed  in  some  of  our  most  valuable  sales. 

I  hâve  set  down  every  article  which  either  myself  or  M^^  Lau- 
zun  bought  ;  if  you  find  hâve  too  much  of  any  one  sort,  l'il  take 
the  overplus  when  I  hâve  the  pleasure  of  seeing  you. 

Vour  kinsman  left  a  parcel  as  Lewis'  shop  I  hâve  ordered  it  to 
be  put  in  the  waggon  directed  for  you  at  Wootton  ;  it  ought  to  be 
at  Ashhorn  this  day  sevennight. 

Ail  this  house  join  in  service  to  you  and  M"=  Vasseur  ;  I  am, 
Jear  Sir  vours  most  sincerelv, 

R.  Davenport. 
Saturday  feb.  14'h  1767. 

XXVI. 

Dear  Sir,  I  look  care  of  your  letters.  This  wel  season  has  half 
killed  me,  I  can  scarce  stir.  This  morning  I  began  to  unpack 
the  baies,  but  the  books  are  strangely  jumbled  together  as  soon 
as  they  are  uncovered  the  boards  fall  assunder  and  the  books 
fall  out,  because  at  the  Custom  House  they  were  ail  undone  and 
very  badly  put  together  again.  Your  music  I  shall  lay  ail  by 
themselves  and  send  them  to  you  with  the  books  you  désire,  as 
soon  as  I  can  find  them. 

A  few  days  ago  a  smal  parcel  was  left  et  my  house,  it  seems  a 
book  8  inches  V2  long  about  5  wide,  very  thin,  too  much  for  post 
rather  too  sniall  for  the  machine^  directed  for  me,  upon  taking 
the  cover  off,  I  find  it  is  for  you;  the  seal  enclosed  I  send.  What 
shall  I  do,  send  it  by  the  machine  or  in  what  manner? 

David  Hume  is  made  under  Secretary  to  M'  Conway  in  the 
place  of  Mr  Bourke  who  resigned.  I  hâve  not  yet  seen  him.  AU 
this  family  joyn  in  service  to  you  and  Mlle  Vasseur. 

f  am  dear  Sir,  vour  most  sincère  humble  servant, 

R.  Davenport. 
Feb.  25tii  17Ô7. 

XXV  P 

Dear  Sir,  I  should  not  have  troubled  you  this  post,  but  Lord 
Newnham  sent  me  the  enclosed  to  forward  to  vour  hands*,  I  this 

1  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

-  Cf.  p.   i3,  n.   7. 

■  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

*  Cf.  Lettres,  C,  Nimeham  à  Rousseau,  28  fév.,  IV. 


l88  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ   J.    J.    ROUSSEAU 

day  brought  him  ail  the  prints  I  hâve  yet  found  but  indeed  ani  so 
bad  with  the  goût  ail  over  me  that  I  can  scarce  move. 

I  désire  my  compliments  together  with  every  one  in  this  house 
to  you  and  M'i^  Vasseur.  I  know  you  dont  at  ail  interest  vour- 
self  in  any  change  of  ministers,  but  yesterday  the  administration 
lost  a  question  in  the  Gommons  by  a  Majority  of  i8,  so  I  suppose 
Lord^Chatham's  fall  is  not  far  off. 

I  am  dear  Sir  vours  most  sincerely, 

R.  Davenport. 
feb.  28.  1767. 

XXVII  ' 

Dear  Sir,  I  hâve  took  care  of  ail  your  letters  which  hâve  corne 
to  my  hands,  gave  yours  which  came  last  post  to  Mr  Du  Tens^, 
and  a  few  days  hope  to  dispatch  the  business  of  your  books. 

Lord  Newnham  desires  to  bave  the  pleasure  of  looking  into 
your  TEsprit,  will  take  care  it  passes  into  no  other  hands,  but  his 
own. 

There  are  sorne  medalions  :  what  would  you  hâve  done  with 
them. 

I  hope  I  shall  hear  you  are  better  in  health.  I  continue  very 
poorly  my  compliments  to  Mii«  Vasseur. 

I  am  most  sincerely  yours, 

R.  Davenport. 
March  b.  1767. 

XXVIIP 

Dear  Sir,.  Lewis  has  valued  your  books,  except  l'Encyclopédie 
which  Mr  Du  Tens  has  valued,  and  I  buv  ;  I  am  in  your  debt  for 
them  for  L.  84.     . .  . 

The  other  Lewis  has  valued  at  somewhat  above  L.  (îo.o.o  but  as 
he  has  but  just  finished  I  cant  exactelv  tell  how  much  more  but 
think  it  will  be  near  L.  3  or  L.  4.  Mr  Du  Tens,  will  either  pay  the 
money  at  three  instalments  by  equal  portions  in  two  years,'or  pay 
you  a  rente  viagère  of  ten  poûnds  as  will  be  m-ost  agréable. 

And  I  désire  the  favour  to  know,  if  you  would  bave  what  I  am 
to  pay  you,  paid  in  this  town,  or  at  Wootton.  I  beg  leave  to  re- 
turn  you  my  best  acknowledgements  for  your  présent,  which  I 
receive  and  infinitelv  value.   Would  you   hâve  you   music.   gui- 

1  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

2  Œuvres,  t.  XII,  p.  2,  2  /év. 

*  A  Monsieur  \  Monsieui-  Rousse.iu. 


LETTRES   DE    DAVENPORT   A   ROUSSEAU  l8q 

tare,  etc.  sent  down?  I  am  a  little  better  than  I  hâve  been  for 
some  time.  My  children  and  ail  this  house  join  in  service  to  you 
and  Mlle  Vasseur. 

I  am  vours  most  sincerely, 

R.  Davknport. 
March  i2th  1767. 

I  hâve  a  print  to  send  vou  tVom  Lord  Newnham. 

XXIX 1 

Dear  Sir,  I  took  care  to  put  your  Paris  letter^  safely  into  the 
foreign  Post.  Ail  vour  books  except  those  I  gave  you  account  of, 
are  with  M''  Du  Tens  who  called  hère  this  morning. 

I  believe  it  will  be  proper  to  give  Lewis  who  valued  them  2  gui- 
neas. 

Yesterday  M'  Secretary  Conway,  sent  me  a  message,  desiring 
I  would  inform  you  that  his  Majesty  had  granted  Mr  Rousseau  a 
pension  of  L.  100  a  year  and  M.  Conway  said  he  was  much  plea- 
sed  to  be  employed  in  what  might  be  in  any  degree  to  the  satis- 
faction of  a  person  of  M''  Rousseau's  distinguished  talents. 

This  can  corne  from  no  one  but  his  Majesty  himself  and  his 
immédiate  ministers  for  I  took  care  to  let  people  know  what  were 
your  sentiments,  and  in  particular,  shewed  M'Conwav  your  own 
expressions. 

I  heartily  wish  you  joy,  and  if  you  please  to  write  to  any  friend 
of  yours  who  constantly  résides  in  Town,  to  désire  him  to  receive 
it  quarterly  for  your  use,  will  I  believe  be  sufficient. 

ni  take  care  to  send  the  print  of  Lord  Marshal  carefully  with 
your  music,  etc.,  etc. 

I  cant  get  free  from  this  flying  goût  ;  mv  children  and  ail  this 
house  joyn  in  service  to  you  and  Mlle  Vasseur. 

I  am  yours  most  sincerely. 

R.  Davenport. 
Piccadilly  March  igth  1^67. 

XXX 

Dear  Sir,  I  am  infinitely  concerned  to  hear  of  M'i^  Vasseur's  ill 
State  of  health  and  sincerely  hope  that  the  return  of  fine  weather  will 
reestablished  it.  I  do  assure  you  my  dear  M''  Rousseau  that  your 
use  of  my  house  is  of  no  sort  of  inconvenience  either  to  me  or  my 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

^  à  Guy  ?  Œuvres,  t.  XII,  p.  4,  14  mars. 


100  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

children,  as  you  know  that  \ve  never  réside  there  more  than  a 
fortnight  at  a  time  and  that  not  oftenerthan  twice  a  year.  Perhaps 
the  air  of  Wootton  may  be  too  piercing  to  her  constitution  ;  I  hâve 
a  house  called  Calvely  in  Cheshire,  which  is  situated  in  a  remar- 
kably  soft  mild  air;  tis  three  times  as  large  as  Wootton;  I  wish 
you  would  make  use  of  it,  as  I  hope  it  would  be  a  means  of  reco- 
vering  her  health,  and  tis  at  your  service  as  long  as  cvcr  vou 
please. 

If  vou  continue  in  the  throughts  of  coming  lo  London,  I  should 
beg  leave  to  advise  by  ail  means  to  stav  till  the  weather  is 
more  favourable  and  TU  send  over  mv  little  postilion,  and  a  pair 
of  horses  to  take  you  in  the  chaise  as  far  as  Derby  ;  then  you  will 
be  put  in  the  way  of  taking  Post  Chaise  from  stage  to  stage  till 
London,  and  VU  take  if  you  think  proper  a  lodging  for  you  either 
in  this  Town  or  near  it  as  you  judge  best.  I  purpose  being  in  the 
Country  myself  in  five  Aveeks.  I  hâve  got  you  a  right  good  malle 
and  will  send  it  down  on  Munday  nest  by  the  waggon.  I  will  put 
your  music,  books,  etc.,  in  it  ;  it  has  a  good  lock  to  it  and  will 
hold  many  things.  I  beg  you'U  make  Avhat  use  you  please  of  Woot- 
ton ;  whatever  you  leave  there  will  be  quite  safe.  But  when 
iMad'ie''^  health  is  restored,  I  beg  the  pleasure  of  having  your  re- 
turn  to  your  old  Host  again,  who  dépend  upon  it,  will  ever  be 
most  ready  to  do  whatever  lies  in  his  power  to  serve  you.  If  you 
dislike  Wootton,  or  any  other  house  I  hâve,  l'il  beg  to  procure 
you  some  place  which  may  be  agréable  ;  pray  let  me  hear  by  the 
r.eturn  of  Post. 

My  children  and  ail  this  familv  désire  to  join  in  service  to  vou 
and  M"c  Va-sseur,  I  am.  dear  Sir.  vours  most  sincerelv, 

R.    D.^VENPORT. 

March  24  1767. 

This  Malle  is  rather  too  large  to  go  behind  or  before  a  Post 
Chaise,  which  indeed  is  sure  to  damage  any  sort  of  things  which 
are  carried  in  that  manner,  but  it  is  quite  proper  for  a  waggon  and 
then  every  thing  in.it  is  safe  from  being  spoiled. 

XXXI V 

Dear  Sir,  I  send  this  by  my  Workman  on  his  return  to  Cheshire». 
Ireceived  the  enclosed  on   Munday  and  I    send  you  what  was 


*  A  Monsieur  |  Monsieur'Rousseau . 
'  Le  billet  est  donc  écrit  de  Londres. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  IQI 

wrote  to  me,  that  you   may   see  thèse   sorts  of  letters^  dont  cost 
me  one  single  farthing. 

I  am  your  most  sincère  humble  servant, 

Richd.  Davenport. 
Tuesdav  evening.  [INIarch.  14.  1767?] 

XXXII 

Dear  Sir,  I  received  the  favour  of  yours,  will  take  care  to  forward 
vour  letter^  on  Fridav  which  is  the  nest  Foreign  Post  day. 

I  this  dav  saw  M''  Du  Tens,  who  leaves  London  in  a  few  davs, 
is  going  for  some  time  abroad,  with  the  Duchess  of  Northumber- 
land.  desired  I  would  make  his  respects  to  you.  He  said  he  would 
leave  in  my  hands  his  security  for  the  books,  which  comes  to 
L.  (>3,  L.  25  of  which  is  to  be  paid  he  tells  me  5th  of  next 
June.  I  saw  also  Lord  Newnham,  who  sends  his  compliments  ;  he 
has  disposed  of  ail  vour  Prints  except  one,  the  whole  will  come 
about  L.  16.  —  If  you  please  l'U  receive  it  for  you. 

Two  guineas  to  Lewis  is  enough  and  I  know  it  satisties  him. 
I  believe  him  to  be  an  honest  upright  man.  and  one  lit  to  be 
trusted. 

I  very  sincerely  wish  you  jov  of  the  little  favour  of  his  Majesty; 
if  there  are  anv  sort  of  fées  to  be  paid  upon  the  cashier,  VU  take 
care  to  discharge  them. 

Now  I  beg  leave  to  enquire  after  M"e  Vasseur's  health,  pray  let 
me  know.  I  wish  to  God  you  would  let  me  send  her  along  with 
vou  to  Calvely,  tis  an  extrême  good  mild  air,  and  I  hâve  servants 
there  to  give  you  assistance.  The  house  is  large,  there  is  a  many 
cows  and  a  large  garden,  and  I  hope  it  would  contribute  to  res- 
tore her  health.  If  you  do  not  approve  of  this  and  she  is  better,  I 
hope  you  will  be  so  kind  as  not  to  quit  your  own  house  at  Woot- 
ton.  I  purpose  being  down  in  about  a  month.  My  dear  Grandson 
you  so  kindly  enquire  after  is  blessed  be  God  entirely  recovered, 
his  sister  is  also  quite  well  ;  they  join  with  me  and  ail  this  house 
in  service  to  you  and  M"e  Vasseur  and  in  our  hearty  wishes  for 
her  health  and  I  am  your  most  humble  servant,  and  most  sincère 
friend, 

R.  Davenport. 
Thursday  March  26.  1767. 

*  S'agit-il  d'un  pli  officiel  de  Conway,  annonçant  la  continuation  de 
la  pension,  en  mars  1767?  cf.  p.  189;,  XXIX.  —  En  ce  cas,  ce  billet 
serait  parti  après  le  n"  XXX. 

à  Du  Perron  ?  Œuvres,  t.  XII,  p  6,  22  mars. 


192  ANXALES   DE   LA   SOCIETE  .1.    .1.    ROUSSEAU 

Your  Malle  sets  out  on  Munday.  I  hâve  put  into  it  the  large 
book   from   Vaillant   and    every    thing  that   looked   like    music. 

You'll  be  pleased  to  send  some  person  an  order  to  receive  your 
Pension  as  it  becomes  due. 

XXXIII 

Dear  Sir,  On  Saturday  you'll  receive  your  music  in  your  new 
malle  ;  the  key  is  fastened  to  one  of  the  handles.  Lord»  is  in  it, 
lapt  up  as  I  received  it  from  Lord  Newnham.  The  enclosed-  I  re- 
ceived  yesterday  from  M''  Du  Tens,  desiring  I  would  forward  it 
to  you.  He  lets  me  know  that  you  accept  of  the  rente  viagère 
instead  of  the  other  way,  to  commence  fifth  day  of  June  next. 
You  did  not  say  any  thing  of  your  money  in  Lord  Newnham 's 
hands.  —  I  intend  leaving  this  town  the  18.  or  19.  of  April,  and 
shall  stay  about  a  week  at  my  daughter  Bromley's  in  Warwickshire. 

I  hope  I  shall  hâve  the  pleasure  of  finding  you  well  and  that 
Mlle  Vasseur's  health  is  better.  Dépend  upon  me,  Fil  give  you  any 
sort  of  assistance  in  my  power,  to  contribute  to  your  happiness 
and  if  MH«  finds  Wootton  too  keen  an  air,  Fil  help  you  aller 
I  can  to  some  other  place,  and  as  soon  as  possible  will  wait  on 
you  at  Wootton,  to  confer  with  you  on  that  subject. 

If  you  hâve  anv  commands  at  this  place  you'll  be  so  good  to 
mention  them  as  my  stay  will  be  now  short. 

My  children  are  now  very  well  and  I  am  much  better,  (indeed 
the  very  thoughts  of  coming  soon  into  the  free  air  again,  contri- 
butes  to  make  me  sol  they  and  ail  this  house  join  in  service  to 
you  and  MH.e  Vasseur.  I  am,  dear  Sir,  your  most  obedient  faithfui 
servant, 

R.  Davenport. 
Piccadilly  March  ji'st  1767. 

P.  S.  By  Benj.  Walton's  letter  I  hâve  some  little  sort  of  suspicion 
that  one  of  my  letters  are  lost  [sic]. 

XXXIV  î     -  * 

Dear  Sir,  I  am  at  a  great  loss,  the  trunk  which  you  sent  to  M'  Ste- 
ward, I  make  use  ofto  put  your  Music  books  etc.  in,  till  such  time 
as  I  had  cleared  the  little  room  where  the  books  were. 

1  Le  portrait  de  Milord  Keith. 

-  Lettre  inconnue. 

3  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  1^3 

You  gave  me  a  letter  to  send  to  M""  Steward  along  with  the 
trunk.  I  ask  pardon  but  I  hâve  unfortunately  laid  by  your  letter 
so  carefuUy  that  for  my  life  I  cannot  find  it.  I  beg  the  favour  of 
you  to  give  yourself  the  trouble  of  sendig  me  another  to  give  to 
M'  Steward,  which  will  very  much  oblige 

Your  most  obedient,  humble  servant, 

Rich.  Davenport. 
April  2nd  1767. 

My  dear  Grandson  has  another  return  of  his  ague,  but  hope  he 
will  soon  get  rid  of  it.  We  ail  join  in  service  to  you,  and  Mii=  Vas- 
seur  and  we  continue  fixed  if  ail  is  well  leaving  this  town  by  the 
igth.  —  The  weather  hère  is  hot  and  rainy.  By  last  Post  I  wrote 
one  enclosed  from  Mr  Du  Tens. 

XXXV 

Dear  Sir,  Just  after  I  was  gone  to  bed,  on  Thursday  night,  Ge- 
neral Conway  sent  the  enclosed  \  which  I  could  not  convey  to 
you  till  to  day. 

I  hope  you  hâve  safely  received  your  Malle  ;  shali  be  glad  to 
hear  you  approve  of  it.  In  about  a  week  I  purpose  leaving  this 
Town,  and  as  soon  as  I  can  leave  my  daughter,  intend  the 
pleasure  of  seeing  you.  My  Grandson's  ague  has  left  him  but  he 
is  obliged  to  take  the  Bark  every  week.  He,  his  sister  and  ail  this 
house  join  in  service  to  you  and  MUe  Vasseur. 
I  am  yours  most  sincerely, 

R.  Davenport, 
April  II.  1767. 

XXXVI 2 

Dear  Sir,  Benjamin  Walton  writes  me  word  that  at  last  your 
Malle  is  arrived.  I  hope  you  found  the  Music  books  safe.  Thèse 
carriers  are  certainly  the  most  provoking  créatures  upon  earth. 

I  saw  Mr  Granville  yesterday,  and  he  will  deliver  into  your 
hands  the  book  which  I  sent  you  word  was  left  some  time  ago  at 
my  house  for  you,  and  a  letter  which  I  fastened  to  it,  which  I  re- 
ceived yesterday  with  a  désire  I  would  take  particular  care  to  hâve 
it  safe  delivered. 

I  called  on  Lord  Newnham  a  fortnight  ago  but  his  Lordship 
was  from  home  and  this  day  I  called  again,  and  he  was  gone  into 

1  Lettre  inconnue. 

-  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

13 


194  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

the  country,  does  not  return  till  Tuesday,  which  is  the  day  after 
I  leaver  this  town,  so  I  hâve  not  had  an  opportunity  of  receiving 
your  money. 

The  weather  is  most  severely  cold.  That  or  somewhat  else  has 
given  me  a  fresh  cold.  I  hope  the  country  air  will  soon  take  it  off. 
My  dear  Grandson  keeps  free  from  his  ague  and  his  sister  is  per- 
fectly  well  they  together  with  ail  this  house  join  with  me  in  our 
service  to  you  and  Mi'e  Vasseur.  1  shall  be  extrême  glad  to  hear 
you  and  M"e  are  well. 

I  am  yours  most  sincerely, 

R.  Davenport. 
April  if).  1767. 

XXXVIP 

Dear  Sir,  I  hâve  been  returned  from  Baginton-  a  week  this  day, 
and  intended  waiting  on  Mr  Rousseau  either  Wednesday  or  Thurs- 
day  last,  but  durst  not  venture,  as  I  Avas  apprehen  [sic]  of  falling  ill  of 
the  goût,  my  thoughts  proved  too  true,  on  Friday  I  was  seized  and 
at  présent  am  confined  to  my  room.  I  long  to  see  you,  and  should 
esteem  it  as  a  favour  if  you  will  do  me  the  great  pleasure  of  let- 
ting  me  send  for  you,  and  Mi'^  Vasseur;  the  roads  are  quite  fine 
and  I  hope  it  would  do  her  good  ;  if  you'll  be  so  kind  to  agrée 
with  my  wishes,  you'll  make  us  ail  very  happy.  Am  glad  you 
liked  your  trunk  and  that  the  things  came  safe. 

My  Children  send  ail  manner  of  service  to  you  and  M'ie  Vasseur 
as  do  M'*^  Lauzun  and  Ally,  I  joyn  with  them  and  long  to  see  you. 

Yours  most  affectionately, 

RiCH.  Davenport. 
Munday  4<h  of  May  1767. 

P.-S.  I  am  well  inwardly  but  in  a  good  deal  of  pain  outwardly.. 

If  you'll  let  me  send,  please  to  name  any  day  when  you  judge 
proper  and  he  shall  bring  the  horses,  the  4  wheeled  chaise  is  at 
Wootton, 

XXXVIIH 

Dear  Sir,  Yours  dated  the  iith*came  to  me  last  night;where  you 
are  is  so  cross  the  Country  that  from  this  place  its  the  surest  and 
safest  way  to  send  by  way  of  London. 

*  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  59.  —  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

2  Warwickshire,  résidence  de  sa  fille  M"  Bromley,  cf.  p.  192,  XXXIII. 
»  Br.  Mus.  Add,  29626,  ff.  63,  64.  —  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau.. 

*  De  Spalding,  cf.  p.  159,  n.  4. 


LETTRES   DE   DAVENPORT  A   ROUSSEAU  I9D 

I  have  been  confined  to  my  roomwith  the  Goût  for  three  weeks, 
as  I  wrote  you  word  in  two  letters,  which  are  now  sent  to  London, 
as  I  thought  that  the  most  likely  place  to  find  you  in. 

I  cant  help  being  amazed  at  your  talking  of  being  in  Captivity 
at  Wootton,  I  have  often  told  you  might  do  exactly  as  you  plea- 
sed  in  that  place  and  I  promised  you  that  if  you  was  [sic]  at  any 
time  tired  of  it  I  would  give  you  any  Assistances  in  my  power  to 
settle  you  in  any  other  place  you  should  make  choice  of.  Woot- 
ton is  now  entirely  at  your  service.  I  wrote  to  you  to  désire  to 
see  you  and  M'ic  Vasseur  at  this  place  as  I  could  not  possibly 
corne  over  to  you.  I  sent  you  word  I  was  between  3o  and  40  L.  in 
your  debt  and  that  I  had  several  other  matters  to  mention  to  you  ; 
I  have  sent  over  this  boy  of  mine,  and  with  him  20  Guineas.  I 
hope  you  will  receive  it  safe,  if  you  want  any  money,  draw  upon 
me.  Certainly  your  best  way  is  to  hire  a  carriage,  and  come  to 
VVootton.  I  shall  be  glad  to  send  a  carriage  over  to  you  at 
Wootton,  as  I  may  have  the  pleasure  of  seeing  you  and  M"e  hère 
because  I  cant  possibly  tell  when  I  shall  be  abïe  to  stir.  I  hope 
my  fit  will  not  be  long,  but  thats  quite  uncertain.  —  I  never  was 
at  Spalding,  but  have  always  understood  it  to  be  one  of  the  most 
cursed  [?J  disagreable  places  in  England.  I  cant  conceive  what 
motion  could  possibly  make  you  go  ihere,  and  ail  that  flat  Country 
is  reckoned  very  unwholesome,  especially  for  those,  who  are  not 
natives  —  for  God  sake  return  out  of  it  as  soon  as  vou  can. 

If  any  unforseen  mischief  should  happen,  M"<^  Vasseur  may 
dépend  upon  any  thing  I  can  do  to  Serve  her.  Indeed  you  should 
Write  to  any  Friend  you  think  proper  in  London,  to  authorise 
them  to  receive  his  Majesty's  favour  as  it  becomes  due.  It  commen- 
ces from  the  5^^  of  April,  will  be  paid  quarterly  the  person  whom 
you  Write  to  receive  it  must  shew  your  letter  to  Mr  Lownds  of  the 
Treasury.  I  hope  I  shall  hear  you  are  ready  to  set  out,  by  the  re- 
turn of  my  servant'.  I  send  him  because  if  I  had  wrote  by  way  of 
London  you  Avould  not  have  receive  it  till  latter  end  of  week  —  if 
by  Cross  post  it  might  have  been  a  fortnight.  My  young  Folks  and 
ail  this  house  send  their  service  to  you  and  MHe  Vasseur. 
Yours  with  great  sincerity, 

R.  Davenport. 
Munday  iS'h  May  1767. 

I   hope    he  (the  bearer)  will  bring  you  your  letters  which   they 
send  me  word  are  at  Wootton. 


Le  petit  postillon,  p.   190,  XXX. 


ig6  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 


XXXIX' 

Dear  Sir,  You  may  be  assured  I  am  some  what  amazed  at  your 
extraordinary  proceedings.  You  hâve  never  staid  long  enough  in 
any  one  place  to  receive  my  letters  of  which  I   hâve  sent  four. 

You  Write  to  me  from  Spalding  ii  may,  that  you  want  to  return 
to  Wootton,  désire  me  to  send  by  a  sure  way.  Accordingly,  the 
moment  I  received  yours,  which  was  Sunday  ly'h,  I  dispatched  a 
servant  to  you  at  Spalding,  to  inform  you  that  Wootton  was  enti- 
rely  at  your  service.  Instead  of  staying  for  an  answer  which  you 
Write  that  you  impatiently  wait  for,  you  set  out  on  Thursday  the 
i4th  for  London,  when  you  must  know  it  was  impossible  I  could 
even  hâve  received  yours.  Your  next  is  dated  Dover  2,  in  that  you 
say  you  had  read  a  paragraph  in  a  News,  which  hinders  you  from 
coming  to  Wootton.  This  my  dear  M''  Rousseau  is  surely  very 
strange  ;  the  paragraph  must  be  inserted  very  near  as  soon  as  I 
received  vour  letter  ;  however  I  knew  not  a  syllable  of  it.  Whe- 
ther  this  will  find  you  or  not  I  cant  tell  ;  if  it  does  you'U  know 
you  may  be  at  Wootton  if  you  please.  However  pray  send  me 
Word  how  I  must  return  your  money,  which  I  am  indebted  to  you 
for  your  books,  and  give  an  order  to  some  one  of  your  friends  in 
London  to  receive  his  Majesty's  Favour  which  order  your  friend 
must  take  to  Mr  Lownds  of  the  Treasury. 

What  things  you  hâve  left  at  Wootton  I  hâve  given  strict  charge 
to  be  took  especial  care  of  as  I  hâve  been  now  laid  up  with  the 
goût  at  Davenport  for  above  three  weeks. 

A  letter  directed  for  me  to  Mi  Lewis  bookseller,  Russell  street, 
Covent  Garden,  London  will  most  ponctually  be  forwarded  to  me. 

I  am  your  sincère  friend  and  well  wisher. 

R.  Davenport. 
Davenport  Satûrday  May  aS^d  1767. 

My  best  wishes  to  M"e  Vasseur. 

XL»      -  '  ' 

Dear  Sir,  It  gives  me  the  greatest  satisfaction  to  hear  from  you 
and  as  you  say  nothing  to  the  contrary,  'hope  you  are  in  perfect 
health. 

1  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 
3  Cf.  p.  160,  18  mai  1767,  XLII. 
•3  A  Monsieur  1  Monsieur  Rousseau. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  I97 

I  am  still  confined  to  my  room  with  this  ugly  goût,  but  as  I  be- 
gin  to  crawl  about  the  floor,  expect  to  be  able  to  go  soon  over 
to  Wootton,  and  will  take  care  to  bave  your  boxes  etc.  safely 
sent  to  Mr  Rougemont,  shall  when  there  see  Benjamin  Walton's 
account,  and  will  return  the  surplus  to  that  gentleman.  Some  let- 
ters  which  were  directed  for  you  immediately  or  even  before  you 
left  England,  sent  to  me  from  Wootton,  I  bave  by  this  post  for- 
warded  to  London. 

I  very  sincerelv  thank  you  for  wishing  to  see  me  in  France  the 
climate  there  without  ail  doubt  is  préférable  to  this,  but  was  it  in 
the  worst  part  of  Europe  I  should  with  pleasure  go  into  any 
Country  to  enjoy  any  share  of  Mr  Rousseau's  conversation. 

The  only  thing  I  ever  took  amiss  of  you  was  your  saying  that 
I  put  a  paragraph  in  the  news  paper  concerning  your  leaving 
Wootton,  which  upon  my  honour  I  neither  directly  nor  indi- 
rectly  did,  tho'  I  must  own   I  was  quite  surprized  to  see  it  there. 

If  it  should  so  happen  that  any  sort  of  business  invites  you  to 
this  land,  pray  remember  that  Wootton  is  and  always  will  be  at 
your  service.  I  hope  that  Mn=  Le  Vasseur  bas  her  health.  Ail 
this  family  joins  me  in  service  both  to  you  and  to  her  with  num- 
berless  wishes  for  your  happiness.  Mv  Grand  daughter  in  particu- 
lar  begs  to  be  remembered  to  vou  with  manv  thanks  for  the  mu- 
sic  you  bave  presented  her  Avith  ;  she  says  she  shall  abhor  Woot- 
ton since  she  knows  you  are  not  there,  her  brother  says  just  the 
same. 

It  will  always  give  me  more  pleasure  than  you  ever  can  imagine 
to  hear  from  you  ;  pray  dont  refuse  me  that  satisfaction  and  if  I 
can  be  of  any  sort  of  service,  dépend  upon  me,  you  may  command 
me  who  am  with  the  greatest  sinceritv  vours, 

Richd.  Davenport. 
Davenport  Julv  4>h  1767. 

XLP 

Dear  Sir,  On  Wednesday  last  I  with  some  difficuhy  got  to  Wootton 
for  the  first  time  since  I  left  London  and  the  first  time  of  my  going 
out  of  this  house.  I  placed  your  Bot  :  books  in  a  spare  box  which 
just  fitted  them,  took  the  liberty  to  add  the  2  or  3  books  of  that 
sort,  which  I  had  sent  you  from  tOAvn  ;  you  must  not  say  I  hâve 
done  amiss,  for  in  the  article  of  books,  I  am  sure  I  remain  greatly 
in  your  debt.  I  hâve  examined  with  care  every  account  between 
us  as  Benjamin  Walton  is  pretty  exact  in  setting  down   everv  par- 

1  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 


198  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

ticular  ;  you  had  spent  very  Httle  of  any  of  the  îhings  I  sent,  and 
upon  the  strictest  calculation,  I  remain  in  your  debt  twenty  one 
pounds  nine  shillings,  which  sum  I  hâve  by  this  Post  given 
M'  Rougemont  a  draught  for  upon  my  hanker.  The  money  due 
to  you  for  your  prints  I  never  received  ;  I  suppose  Lord  Newnham 
has  given  you  an  account  of  that  affair. 

Give  me  leave  to  say  Wooiton  looked  horrid  dull  without  its 
old  tenants.  I  found  the  collection  of  dried  plants,  and  intend 
carefully  to  préserve  them,  not  without  some  distant  hopes  of 
Mr  Rousseau's  some  time  returning  to  make  an  addition  to  them. 

I  quite  long  to  be  assured  from  your  own  self  that  you  are 
happy.  I  must  ask  you,  if  you  hâve  continued  the  charming  work 
you  were  upon.  I  hâve  a  right  to  ask,  because  you  Avere  so  kind 
to  promise  I  should  see  more  of  it. 

Can  1  be  of  any  service  to  you  in  this  Island?  If  I  can,  make  me 
happy  in  employing  me  etc. 

I  sent  your  compliments  to  Mr  Granville  who  returns  his  and  is 
full  of  good  wishes  for  your  prosperity. 

My  dear  little  girl  returns  a  thousand  thanks  for  the  accepta- 
ble présent  *  you  hâve  made  her,  but  says  she  had  much  rather 
hear  you  play  one  of'  the  pièces  yourself  than  hâve  the  whole 
without  having  that  pleasure. 

Her.brother,  Mrs  Lauzun  and  Ally  join  in  respects  to  you  and 
beg  you'll  make  their  best  compliments  to  M'ie  Le  Vasseur  ;  pray 
tell  that  lady,.with  my  service  to  her,  that  I  am  in  a  particular 
manner  obliged  to  her,  as  I  hâve  the  satisfaction  of  bearing  about 
me  every  day  the  marks  ^  of  her  favour. 

I  am  dear  Sir,  your  most  sincère  and  most  afTectionate  servant, 

Richd.  Davenport. 
Davenport  Saturday  July  25.  1767. 

XLIP 

My  dear  M'-  Rousseau,  Since  I  had  the  pleasure  of  receiving 
the  last  favour  of'  yours,  I  bave  had  the  goût  worse  than  ever, 
which  brought  me  even  to  death's  door. 

Thank  God  I  am  now,  I  hope,  quite  upon  the  recovery.  Since 
you  left  England,  we  bave  scarce   had  20  fair  days,   nothing  but 

'  Le  Livre  vert. 

-  Les  bas  tricotés  par  Thérèse. 

■^  A  Monsieur  \  Monsieur  R[ousseau].  —  Davenport  a  fortement  birt'é 
la  partie  du  nom  entre  parenthèse,  s'étant  souvenu  après  coup  qu'il  eût 
fallu  écrire  Renou. 


LETTRES   DE   DAVENPORT   A   ROUSSEAU  I  99 

■vv-et  cold  weather  ;  nothing  has  ripened  ;  theres  hardly  an  apple 
to  be  seen  in  the  whole  island.  Dear  Sir,  let  me  hear  of  your 
health  and  happiness  ;  be  assured  theres  no  one  interests  him- 
self  in  both  with  greater  sincerity  than  I  do.  Tiiere  is  something 
which  you  mention  in  your  letter  which  I  beg  you  would  expa- 
tiate  upon  ;  be  so  kind  in  that  to  send  me  your  advice. 

Your  house  at  Wootton  would  with  great  pleasure  see  you  again. 
At  Xmass  I  go  to  London;  can  I  be  of  any  sort  of  service  to  you? 
you  would  give  me  infinité  satisfaction  in  employing  me,  and 
you'll  give  me  great  uneasiness  if  you  do  not,  tho'  even  in  the 
smallest  trifle. 

Hères  a  letter  published  in  the  News  papers,  which  makes  a 
deal  of  noise  :  from  M""'  Rousseau  to  his  friend  in  England...  is  it 
y  ours  ?  tis  to  M.  D. 

My  dear  Grand  children  are  well,  and  désire  their  respects  to 
you.  Phebe  says  it  Avould  give  her  great  joy,  if  you  condescend 
to  write  her  a  letter  from  France. 

Prav  mine  and  ail  our  compliments  to  M'i^  Le  Vasseur.  It  will 
vastly  add  to  my  recovery  to  knowvou  are  well  and  happy. 

I  am^  dear  Sir  with  great  sincerity  yours. 

R.  Davenport. 
Davenport  Oct.  17.  1767. 

XLiin 

Dear  Sir,  I  received  the  favour  of  yours  dated  igih  of  this  month. 
You  wrote  one  from  Meudon,  another  beginning  August  dated  from 
France  ;  those  3  are  ail  I  hâve  received.  I  returned  an  answer  to 
yours  beginning  of  August^,  about  a  fortnight  since,  which  will 
inform  you  how  right  you  guessed  about  my  goût,  which  has 
been  intoUerably  severe  upon  me  during  thèse  last  three  months. 
I  apprehend  theres  very  little  danger  of  any  letters  miscarrying. 
When  you  address  any  to  Lewis,  I  believe  he  constantly  takes 
care  to  send  them  to  me  by  the  first  post.  You  may  be  very  sure, 
I  never  printed  anv  letter  that  you  ever  sent.  There  was  some 
time  ago  a  letter  printed  (said  to  be  yours)  directed  for  M.  D. 
The  first  sight  I  had  of  it  was  by  reading  the  News  Papers.  I 
should  be  glad  to  know  if  it  was  from  your  hand,  or  not. 

1  am  now  growing  better  everv  day,  and  purpose  being  at  Woot- 
ton for  a  few  days,  at  the  beginning  of  December.  Tis  your  fault 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  R[ousseau]. 

2  Lettres  inconnues  ;  Davenport  reçut  celle  de  Meudon  le  3o  juin  ou 
les  premiers  jours  de  juillet.  Burton,  o.  c,  t.  Il,  p.  Syo,  à  Hume, 
4  juillet. 


200  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  ,1.   J.    ROUSSEAU 

1  make  no  longer  stay  there.  Now  Mr  R.  is  absent,  I  hâte  the 
place  ;  return  and  l'il  rest  there  with  the  greatest  satisfaction, 
or  corne  and  be  with  me  where  I  almost  constantly  réside,  you 
could  net  do  me  greater  pleasure.  l'U  tell  you  what  for  three 
months  after  Xmass  I  shall  be  in  London,  where  I  hâve  took  a 
much  larger  house  '  than  the  small  one  you  saw  me  in.  I  shall 
hâve  room  enough  there  to  accomodate  you  and  a  room  at 
Mad'i^'s  service.  I  beg  of  you  to  send  me  a  vast  long  epistle,  and 
in  the  beginning  assure  me  that  you  will  corne.  I  am  impatient  to 
hear  how  you  employ  your  time,  how  far  are  you  got  on  the  sub- 
ject,  of  which  you  shewed  me  the  first  book^.  I  was  charmed  and 
I  remember  you  promised  to  let  me  see  as  itwent  on;  I  hope  you'll 
not  forget,  do  for  God's  sake  sit  down  and  write  me  a  swinging 
long  letter.  My  children  join  in  ail  manner  of  respect  to  you,  my 
family  désire  the  same. 

I  am,  dear  Sir,  with  the  greatest  affection  yours, 

R.  Davenport. 
Davenport  3i  Oct.  1767. 

XLIV^ 

Dear  Mr  Rousseau,  I  hâve  been  in  this  town  near  six  weeks, 
and  Gol  help  me,  laid  up  till  just  now  with  a  most  severe  fit  of 
the  goût,  so  that  I  could  not  move  any  part  of  my  body,  not  able 
to  return  an  answer  to  your  kind  and  obliging  letter.  I  pres- 
sed  my  dear  grand  daughter  to  write  for  me,  but  she  is  so  very 
bashful,  she  said  she  durst  not,  tho'  I  assured  her  you  would 
excuse  and  make  allowances  for  her  mistakes. 

Lord  Newnham  was  so  kind  to  come  and  ask  me  how  I  did  ; 
my  Lord  said  he  had  lately  wrote  to  you*,  indeed  ail  our  dis- 
course was  about  you  ;  you  cant  imagine  how  manv  friends  you 
hâve  in  this  island  ;  indeed  you  must  come  and  visit  us  again. 
Our  Ministry  is  a  deal  altered  since  you  was  [sic]  hère,  and 
latter  end  of  next  month  our  New  Parliament  will  be  chosen. 

I  hâve  some  thoughts  of  visiting  the  Continent  to  hâve  a  chance 
of  at  least  a  little  altering  my  gouty  habit  of  body.  I  had  it  this 
last  time  so  bad  in  my  head  and  hands  that  it  was  quite  distrac- 
ting.  Dont  keep  your  word  in  what  you  say,  of  your  thinking  to 
Avrite  no  more.  Talents  such  as  you  are  blessed  with,  were  not 
given  to  be  laid  up. 

1  S'Jamess  Street.  Cf.  p.  2o3,  XLVII. 

-  Les  Confessions. 

3  A  Monsieur  \  Monsieur  Renou. 

*  Cf.  Lettres,  C,  Nitneham  à  Rousseau,  26  janvier,  IX. 


LETTRES  DE  DAVENPORT  A  ROUSSEAU         20I 

Whilst  I  was  so  very  ill  a  writing  you  left  with  me  sealed  up, 
which  is  at  Wootton  came  often  into  my  mind,  should  it  be  sent 
to  you?  or  will  you  kindly  corne  yourself? 

This  Country  generally  enjoys  pleasing  Summer  and  the  west 
of  our  Island  is  beautifully  romantic.  I  remember  you  partly  pro- 
mised  me  to  make  some  of  that  Tour  with  one. 

I  often  entertain  myself  with  reading  over  any  paper  you  hâve 
been  so  kind  to  write  to  me.  Pray  be  so  good  to  let  me  know 
what  proposai  it  was  you  said  you  had  intentions  of  telling  me  of  ? 
I  long  to  know  it. 

My  young  people,  and  ail  this  house,  join  with  me  in  ail  man- 
ner  of  wishes  for  your  health,  and  beg  to  be  kindly  remembered 
to  Mlle  Vasseur.  I  am  most  sincerely  yours, 

Richd.  Davenport. 
London  lôth  of  feb  :  1768. 

XLV2 

Dear  Sir,  I  write  another  by  this  same  post.  Lord  Newnham  came 
in.  I  assure  he  is  one  of  your  hearty  and  zealoux  friends.  Speaking 
of  Sidbury  the  seat  of  Lord  Vernon  his  father  in  law,  which  if  you 
remember  I  told  you  was  about  10  or  12  mile  from  Wootton.  He 
it  seems  has  not  been  there  since  you  were  at  Wottoon,  or  he 
should  most  certainly  hâve  come  and  paid  his  respects  to  you.  He 
said  he  had  this  day  wrote  to  you,  in  answ^er  to  that  letter  of 
yours  ^  which  I  had  just  sent  to  him.  He  desired  when  I  next  wrote, 
I  would  mention  thèse  things  ;  I  told  him  I  would  write  again 
this  very  evening,  upon  which  he  left  this  cover. 

I  am  your  most  obedient  servant, 

Rich.  Davenport. 

Tuesday  [i6th  of  Feb.  1768.] 

1  must  beg  leave  to  say  that  you  hâve  a  multitude  of  friends 
and  wishers  in  this  town. 

XLVI* 

Dear  Sir,  The  last  favor  of  yours  î  return  a  thousand  thanks  for; 
it  would  hâve  given  me  the  most  sensible  satisfaction  to  hâve  found 
between  any  of  the  pages  a  letter  from  your  hands,  to  hâve  heard 
that  you  enjoyed  your  health  and  was  [sic]  happy. 

'  Le  Testament,  cf.  p.  172. 

2  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

•^  Œuvres,  t.  XII,  p.  49,  i3  janv.  1768. 
4  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 


202  ANNALES    DE   LA    SOCIETE  .1.   J.    ROUSSEAU 

Pray  do  not  refuse  me  that  pleasure,  as  I  cant  help  interesting 
myself  in  whatever  concerns  you  welfare.  Lord  Ncwnham  and 
I  often  meet;  you  are  the  chief  subject  ofour  conversation.  I  hâve 
sent  a  small  bock  which  came  to  my  hands  from  a  Mr  Boothby, 
to  get  me  to  forward  it  to  you.  I  hâve  sent  it  to  Mr  Rouge- 
mont  and  desired  him  to  keep  it  till  he  received  your  orders  to 
convey  it  to  you,  as  probably  you  may  know  what  it  is.  My  health 
has  been  mending  for  the  last  month,  and  I  begin  to  feel  myseU 
much  better  than  I  hâve  been  for  this  last  two  years.  I  think 
I  want  nothing  to  complète  it  but  the  erijoyment  of  Mr  Rousseau's 
Company.  Our  élections  are  now  prettv  well  over,  which  I  am 
heartily  glad  of. 

My  children  are  [wellj  and  beg  of  me  to  présent  their  most 
sincère  respects.  You  would  make  me  quite  happy  if  you  could 
think  of  any  sort  of  things  this  Island  affords  and  let  me  send  it  ; 
pray  tell  me,  and  be  so  kind  to  give  mine,  my  young  Folks  and 
ail  my  familv's  compliments  to  M'ie  Le  Vasseur.  Accept  the  same 
yourself  and  be  assured  there's  none  can  be  more  at  your  service 
than,  Dear  Sir,  your  most  obliged  and  obedient  servant, 

Rich.  Davenport. 

London  April  8.  1768. 

P.  S.  We  shall  soon  go  into  Cheshire. 

XLVII 

Dear  Sir,  I  should  hâve  been  excessive  happy  to  hâve  had  again 
the  pleasure  of  seeing  once  more  my  dear  old  friend.  However  I 
do  not  quite  despair  but  some  lucky  chance  will  give  me  that  sa- 
tisfaction. 

Hère  are  handed  about  some  sentences  said  to  be  wrote  by 
you,  and  left  in  your  antichamber  at  Bourgoin^.  Lord  New^nham 
desires  his  best  respects  to  you  and  M"e  and  desires  me  to  con- 
vey his  congratulations  to  you  and  to  Mad"«.  His  Lordship  longs 
to  know  if  his  Majesty's  picture  which  he  sent  came  safe'to  your 
hands  2.  •  ^  •  « 

I  sent  your  kind  remembrance  to  Mr  Granville,  am  heartily 
sorrv   this   climate  is    so   moist,    as   to    make  you   fear  for   your 

»  Œuvres,  t.  5CII,  p.  92  :  à  une  dame  de  Lyon,  3  sept.  1768.  Le  texte 
fut  publié  pour  la  première  fois  en  novembre  1779,  par  Grimm  ;  cf. 
Corr.  litt.,  éd.  M.  Tourneux,  Paris,  1877-1882,  t.  XIL  p.  345. 

3  Rousseau  ne  l'avait  pas  encore  reçu  le  17  mars.  Œuvres,  t.  XI[, 
p.   i5i,   à  Laliaud. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  2o3 

health,  becausc  you  hâve  almost  as  many  friends  as  there  are 
inhabitants,  at  least  those  who  are  friends  to  truth  and  virtue  are 
friends  to  you. 

Give  me  the  smaliest  hint  that  vour  pen  is  employed  and  I 
shall  be  in  some  measure  casy  at  the  great  distance  that  is  bet- 
ween  us. 

My  young  folks  and  household  send  a  thousand  goodwishes  to 
you  and  M"'--  and  Phebe  thanks  you  for,  and  acknowledges  your 
kind  letter  *  with  the  utmost  sensibility. 

Pray  do  me  the  favour  to  send  an  hundred  of  Melon  seeds,  they 
will  come  verv  safe  in  a  letter.  I  remember  well  your  speaking  of 
the  delicious  melons  in  Dauphiné. 

Please  to  direct  for  me  in  S'  James  street,  London.  I  am  with 
my  best  respects  to  Mad""^  vours  with  great  sinceritv, 

Rich.  Davenport. 

S'  James  Street  January  i^t  1769=-'. 


C.  Lettres  de  divers  à  Rousseau  ^ 
Malthus  ' 

1  ■' 

Monsieur,  Il  se  peut  que  vous  vous  souveniez  d'un  Anglais  qui 
vous  fut  adressé  par  un  de  vos  amis  de  Genève,  dans  le  printemps  de 
1764,  et  à  qui  vous  avez  donné  l'accueil  le  plus  aimable  à  Môtiers*. 
On  vous  a  dit,  je  crois,  assez  ridiculement,  que  je  suis  venu  exprès 
de  ma  patrie  pour  vous  voir,  ce  qui  certainement  n'étoit  pas  vrai, 
mais  je  serois  venu  une  seconde  fois,  avec  beaucoup  de  plaisir 
dans  ce  dessein,  et  la  seule  raison  que  je  ne  vous  ai  pas  écrit,  fut 
la  crainte  de  vous  importuner,  ne  croyant  pas  que  j'avois  acquis 
ce  droit  par  une  connoissance  de  six  heures.  Vous  m'avez  donné 
une   petite    commission   que    j'ai  exécutée   et  qui    m'a  appris   que 

1  Lettre  inconnue. 

2  Demeure  où   Davenport    mourut  le  7  mai    1771  ;  cf.   p.    102,   n.  5. 
"  Les  originaux  de  cette  série  sont  tous  à  la  Bibliothèque  de  Neiichâ- 

Ich  Ms.  7902. 
*Cf.  p.  29. 

5  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 
^  Malthus  écrit  Moitier. 


204  ANNALES    DE  LA    SOCIETE    J.    .1.    ROUSSEAU 

VOUS  évitiez  ces  petites  correspondances.  Je  vous  ai  longtems- 
aimé  dans  vos  écrits  ;  si  vous  voulez  bien  me  permettre  de  vous 
aimer  autrement,  ce  que  j'ai  commencé  à  faire  dans  le  peu  de 
tems  que  je  vous  ai  vu,  venez  me  voir  à  votre  tour,  dans  ma 
petite  maison  de  campagne  qui  ressemble  un  peu  à  celle  que  vous 
vous  figurez  dans  votre  Emile. 

Je  ne  suis  ni  milord,  ni  auteur,  ni  philosophe  ;  je  ne  doute  pas 
que  vous  ne  soyez  parfaitement  bien  reçu  de  tous  ces  Messieurs  ; 
mais  si  par  hasard  vous  vous  fatiguiez  de  cette  distinction  que  vos 
talens  vous  ont  procurée,  vous  trouverez  dans  la  maison  dont  je 
vous  parle,  une  liberté  entière  et  des  gens  qui  vous  estiment.  Je 
me  ferai  l'honneur  de  vous  saluer,  quand  je  saurai  que  cela  ne 
vous  sera  pas  incommode. 

J'ai  l'honneur  d'être.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur.  Dan.  Malthus. 

P. -S.  —  Une  lettre  me  trouvera  adressée  at  the  Rookery 
nr  Dorking  Surrey,  ou  en  ville  at  Colonel  Morrison's,  Boiter 
Street,  Piccadilly. 

Janv.  i6.  17(56. 

IP 

Je  suis  prêt  à  croire,  Monsieur,  que  vous  vous  êtes  trompé,  et 
que  vous  pensez  à  quelque  autre  à  qui  vous  avez  donné  une 
commission.  Je  vous  en  ai  parlé  seulement  pour  vous  faire  res- 
souvenir de  nïoi.  Il  ne  s'agissoit  pas  de  l'argent,  et  je  n'ai  point 
de  note  à  vous  envoyer.  Je  me  suis  chargé  de  vos  remercîments  à 
un  Anglais  qui  vous  a  envoyé  un  livre  qui  a  pour  titre  Butler's 
Apology,  et  les  Odes  de  Gray.  Je  me  rappelle  que  la  poste  vous  a 
coûté  un  Louis,  mais  vous  aviez  la  bonté  de  vouloir  le  remercier 
de  son  intention-  J'ai  passé  la  journée  avec  vous,  nous  avons  dîné 
ensemble,  nous  nous  sommes  promenés  le  soir  dans  les  prairies. 
De  retour,  vous  m'avez  fait  voir  une  lettre  de  Milord  Marshall, 
vous  m'avez  fait  voir  votre  bon  cœur.  Nous  n'avons  pas  parlé 
comme  des  amis  dç  six  heures  :  en  partant,  yous  rrj'avez  donné 
votre  petit  traité,  tiré  de  Platon 2,  vous  m'avez  prié  de  vous  écrire. 
J'aurais  été  fort  honoré  de  vous  avoir  rendu  ces  civilités  dans 
mon  pays,  et  dans  une  campagne  "située,  que  je  me  flattais  de 
vous  faire  aimer.  Mais  je  sentais  quelque  chose   de  plus.  Je  vous 

'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

2  De  l'Imitation  théâtrale^  Essai  tiré  des  Dialogues  de  Platon.  Ams- 
terdam, 1764,  in- 12. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  20 B 

avouerai  que  votre  lettre*  quoique  très  polie,  ne  répond  pas  à  la 
disposition  dans  laquelle  je  vous  ai  écrit  la  mienne.  Je  suis  très 
fâché  que  vous  vous  trouviez  dans  un  état  de  santé,  qui  vous 
empêche  de  faire  aucune  visite.  J'aurois  été  vous  trouver  chez 
vous  avec  un  plaisir  infini,  mais  je  ne  vous  fatiguerai  pas  d'une 
amitié  qui  peut  vous  être  incommode.  J'ai  l'honneur  d'être, 
Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Dan.  Malthus. 
Rookery  nr  Dorking  Surrey.  Janv.  24.  1766. 

III* 

Je  ne  tarde  pas  un  instant,  Monsieur,  à  répondre  à  la  lettre^  que 
vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire.  Je  ne  vous  dirai  pas  que 
vous  faites  trop  bien  de  vous  fier  à  moi  dans  le  choix  de  votre 
situation,  car  vous  avez  tout  à  craindre  du  plaisir  que  j'aurai  de 
vous  voir  ici.  Mais  je  ne  veux  pas  être  si  intéressé  que  de  vous 
laisser  croire  que  vous  vous  fixerez  à  votre  goût,  dans  une  quin- 
zaine de  jours.  Je  serai  très  difficile  pour  vous  et  surtout  si  vous 
comptez  faire  quelque  séjour  ici,  et  que  nous  ayons  à  combattre 
les  beautés  de  Galles.  Outre  que  vous  êtes  accoutumé,  comme  je  le 
sais  bien  par  votre  demeure  à  Môtiers,  à  des  chambres  plus  grandes 
et  plus  commodes  que  nous  ne  les  avons  dans  nos  bonnes  mai- 
sons, quoique  celles-là  soyent  sous  l'apparence  d'une  humble  chau- 
mière. Songez  que  j'ai  aussi  à  plaire  à  votre  gouvernante.  Vous 
me  permettrez  de  lui  faire  mes  compliments.  Vous  ne  me  mar- 
quez pas,  si  vous  aimeriez  mieux  être  en  pension  chez  un  fermier, 
ou  faire  votre  ménage  ou  avoir  une  maison  à  vous  seul.  Enfin  je 
ne  veux  pas  me  charger  d'une  commission,  dans  laquelle  je  tra- 
vaillerois  de  fort  bon  cœur,  mais  qui  auroit  trop  de  risques.  Je 
ne  veux  pas  que  vous  vous  serviez  des  yeux  d'un  autre  ;  venez 
voir  avec  vos  propres  yeux  ce  qu'il  y  a  à  choisir.  En  attendant, 
faites  moi  le  plaisir  d'être  chez  moi,  vous  et  votre  gouvernante. 
Vous  serez  absolument  à  votre  aise.  Si  vous  vous  trouvez  autre- 
ment, vous  me  quitterez  sans  cérémonie,  et  il  y  a  des  maisons 
dans  le  village  qu'on  vous  apprêtera  en  24  heures,  où  vous  serez 
mieux  que  dans  un  cabaret.  Je  vous  servirai  de  guide  et  d'inter- 
prète ;  en  tout  ceci  vous  ne  me  gênerez  pas,  et  je  tâcherai  de  ne 
vous  point  gêner.  J'aurai  un  plaisir  réel  et  très  grand  à  vous  voir, 
"mais  je   ne  lui  donnerai   aucun   autre  titre   que   le   désir  de  faire 

1  Inconnue. 

-  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 

*  Inconnue. 


206  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

quelque  peu  de  retour  aux  civilités  que  vous  me  fîtes  à  Môtiers. 
Peut-être  qu'il  y  entre  ce  qui  est  fort  naturel  —  un  homme  a  des 
idées  singulières  ;  un  autre  par  la  beauté  de  son  génie  les  met  dans 
son  plus  grand  jour;  le  premier  ne  peut  que  l'admirer.  Je  ne  suis 
pas  assez  honnête  homme  moi-même,  pour  prétendre  à  chercher 
les  gens  parce  qu'ils  le  sont.  Vous  me  permettrez  de  vous  envoyer 
une  chaise  à  deux  chevaux  de  fermier,  vous  me  direz  quand,  et  où 
vous  le  voulez.  Réellement  je  ne  doute  pas  que  vous  ne  trouviez 
quelque  chose  qui  vous  convint  ici.  Nous  aurons  de  la  place  pour 
tout.  Mon  chien  attend  le  vôtre  ^  J'ai  l'honneur  d'être  Monsieur 
avec  la  plus  parfaite  estime, 

Votre  très  humble,  etc. 

Fév.  24.  1766. 

Dan.  Malthus. 

1V2 

Je  reçois  en  ce  moment,  Monsieur,  votre  seconde  lettre*.  Je  vous 
écrivis  hier  et  je  l'adressai  à  M^  Hume.  Je  serai  charmé  d'obéir  le 
plus  précisément  qui  fut  possible  à  vos  ordres.  Je  vous  trouverai 
quelque  maison  de  fermier  ou  de  paysan,  où  vous  vous  accommo- 
derez pour  quelque  teins,  car  nous  n'avons  pas  d'autres,  si  ce  n'est 
la  petite  ville  de  Dorking  à  deux  milles  d'ici.  Mais  je  vous  répète 
que  vous  ne  serez  que  fort  médiocrement  et  que  votre  gouvernante 
regrettera  Môtiers.  Consentez  d'être  chez  nous  ;  nous  irons 
ensemble  voir  la  campagne,  les  maisons,  parler  aux  fermiers. 
Vous  ne  serez  ici  que  dans  la  maison  d'un  fermier,  d'un  chasseur 
grossier  et  sans  cérémonie.  Au  moins,  abordez  chez  nous,  ma 
chaise  sera  à  Chiswick  au  jour  nommé  ;  si  vous  avez  beaucoup  de 
bagage,  il  faut  qu'il  vienne  par  Titrners  Waggon  at  tlie  S)van  in 
the  Borough  DoHiing  Carrier  ;  ou  si  vous  voulez  bien  le  laisser  à 
Chiswick,  je  le  ferai  venir  par  mon  petit  chariot.  Si  vous  ne  trou- 
vez rien  qui  vous  convienne  dans  ce  canton,  ou  plutôt,  si  la  cam- 
pagne et  la  situation  ne  vous  plaisent  pas,  nous  ferons  de  petits 
voyages  de  dix  à  vingt  milles  à  l'entour,  et  enfin  si  vous  vous 
trouvez  bien  de  votre  guide,  et  que  vpus  souhaitiez-  dans  le  prin- 
temps, voir  la  province  de  Galles,  je  pourrois  bien  vous  accom- 
pagner pour  une  affaire  de  trois  semaines.  —  Mais  encore  une 
fois,  je  ne  vous  gênerai  point;  je  vous"  dirai  même  qu'il  y  a  un 
très  joli  cabaret  à  un  demi  mille  d'ici,  que  vous  croyriez  plus  tôt 

'  Sultan. 

2  A  Monsieur  \  Monsiew  Rousseau. 

'  Inconnue. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  207 

un  hermitage.  Soyez  seulement  satisfait  que  nous  aimerons  à  vous 
voir,  et  faites  comme  vous  voudrez.  Vous  trouverez  quelqu'un  ici 
à  qui  on  peut  dire  que  la  solitude  est  une  belle  chose.  Il  y  a 
Mr  le  Colonel  Webb  '  que  vous  avez  vu  chez  Mr  Stuart,  et  Mr  Pen- 
neck,  mais  pour  notre  malheur  il  est  rare  ici.  J'espère  que  vous 
ne  trouverez  pas  des  importuns.  Le  chasseur  et  le  fermier  sera 
trop  occupé  pour  l'être  quoiqu'il  sera  toujours  disposé  à  vous 
rendre  ses  petits  services.  Adieu  Monsieur,  je  vous  salue  de  tout 
mon  cœur,  et  je  m'en  vais  battre  la  campagne  pour  vous. 

Dan.  Malthus. 
Fév.  26.  1766. 

Voulez-vous  bien  avoir  la  bonté  si  vous  yoyez  My  Lady  et  My 
Lord  Cathcart-,  de  leur  faire  bien  des  compliments  de  la  part 
de  Mme  Malthus  et  de  moi,  et  de  les  assurer  combien  nous 
regrettons  pour  vous,  et  pour  nous  de  les  voir  perdus  dans  ce 
canton. 

V3 

Je  vous  rends  compte.  Monsieur,  de  mes  négociations.  Vous  ne 
vous  plaindrez  pas  que  je  vous  fasse  une  réponse  un  peu  prompte, 
car  je  vous  en  ai  fait  deux  ou  trois,  et  je  voudrois  qu'elles  fussent 
déterminantes,  mais  vous  avouerez  que  pour  se  fixer  commodé- 
ment et  agréablement,  il  faut  quelque  peu  de  considération  et 
qu'on  fait  bien  de  se  servir  de  ses  propres  yeux.  Je  me  contenterai 
de  mon  poste  de  guide.  Assurément  vous  ne  regardez  votre  pre- 
mier logement  que  comme  un  cabaret,  d'où  vous  chercherez  à 
loisir  quelque  habitation  qui  puisse  vous  convenir.  J'en  ai  à  vous- 
faire  voir  cinq  ou  six,  mais  il  n'y  en  a  pas  une  qui  me  contente. 
La  difficulté  est  pour  trois  chambres  et  pour  la  pension.  Nos 
fermiers  n'ont  pas  de  grandes  fermes  dans  cette  partie  de  Surrey  ; 
ils  ne  sont  que  des  paysans.  Si  une  maison  est  plus  commode, 
l'autre  est  mieux  située.  Il  n'y  a  pas  un  grand  choix,  mais  il  n'y  a 
rien  qui  décide  absolument  pour  une  contre  les  autres.  Il  y  a 
mille  choses  à  considérer  et  à  balancer  et  il  faut  que  chacun  ait 
goût  à  soi.  Je  parle  d'un  séjour  de  quelque  temps.  Si  vous  êtes 
déterminé  à  ne  vouloir  pas  faire  votre  cabaret  de  la  Grolline,  il  y 
a  deux  ou  trois  maisons,  où  j'ai  été  ce  soir,  et  où  je  crois  vous 
ménager  un  logement  qui  ne  sera  pas  tout  à  fait  mauvais  ;  un  qui 

'  Cf.  p.  17,  n.  3. 

2  Cf.  p.  26.  n.  6. 

3  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 


208  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

m'est  très  proche,  et  de  grâce,  ne  me  donnez  pas  la  peine  de  vous 
être  totalement  inutile.  Je  connois  une  maison  de  fermier,  à  cer- 
tains égards  bien  située,  nouvellement  bâtie,  petite  mais  propre, 
elle  sera  finie  et  meublée  bientôt.  Une  autre  non  meublée  qu'il 
faut  avoir  à  soi.  Pour  la  pension,  il  y  a  bien  des  choses  à  ajuster, 
mais  comme  partout,  vous  aurez  la  liberté  de  vous  servir  de  la 
cuisine,  vous  ferez  mieux  votre  petit  ménage.  Il  y  a  une  ferme  à 
deux  milles  d'ici,  dans  une  belle  situation  où  on  vous  prendrait 
en  pension,  et  où  vous  ne  seriez  pas  mal  logé,  mais  elle  a  ses 
défauts.  Je  vous  répète  qu'il  faut  venir  voir.  J'attends  vos  réponses 
et  vos  ordres,  et  vous  salue,  Monsieur,  de  tout  mon  cœur. 

Dan.  Malthus. 
Fév.  27.  1766. 

VI  > 

Je  ne  puis  vous  cacher.  Monsieur,  que  votre  lettre  ^  me  donne 
une  mortification  très  sensible,  mais  comme  il  se  peut  que  vous 
soyez  mieux  en  Derbyshire  je  tâcherai  d'approuver  cette  démar- 
che et  ne  vous  troublerai  point  de  mes  regrets.  J'avois  écrit  à 
Monsr  le  Chevalier  Evelyn,  à  M""  Joy  et  à  Mr  Constable'  afin  de 
vous  donner  tout  le  choix  qui  fut  possible,  et  vous  pouvez  compter 
que  rien  n'auroit  été  négligé  de  ma  part,  pour  vous  procurer  une 
retraite  commode  et  paisible.  Vous  partez,  mais  permettez- 
moi  de  vous  suivre  de  mes  souhaits.  Puissiez-vous  trouver  toute 
la  félicité  que  vous  méritez,  que  l'Angleterre  puisse  vous  dédom- 
mager des  pays  que  vous  venez  de  quitter  :  que  les  regrets  amers 
soient  changés  en  douce  mélancolie,  et  que  les  instants  que  vous 
donnerez  aux  plaisirs  soyent  remplis  comme  vous  le  souhaitez, 
et  qu'enfin  vous  ne  disiez  plus  non  c'è  la  radice.  —  Au  travers 
de  mille  fadaises,  mille  politesses  d'usage,  peut-être  que  vous 
découvrirez  Pestime  réelle,  j'ose  dire  l'affection  que  je  vous 
porte.  Je  n'examinerai  point  pourquoi  je  me  sens  si  entraîné  vers 
vous  ;  je  ne  suis  pas  sujet  à  faire  de  nouvelles  amitiés  avec  qui 
que  se  soit,  encore  moins  avec  les  gens  célèbres.  Je  vis  beaucoup 
seul  et  il  y  a  très  peu  d'hommes  que -j'appelle  même  mes  intimes. 
Vous'  parlez  de  Milord  Marshall  comme  de  votre  père,  j'aurois 
été  heureux  de  vous  avoir  pris  pour  le  mien.  Au  moins,  je  vous 
ai  cette  obligation,  que  chaque  fois  que  je  vous  ai  vu,  il  me  sem- 
ble que  je  suis  devenu  meilleur.  Ce  n'est  pas  mon  style  ordinaire 

1  A  Monsieur  |  Monsreuv  Rousseau. 

2  Inconnue. 

3  Cf.  p.  3 1,  n.   I. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU 


209 


ceci;  souvenez-vous  de  l'inscription  pour  une  de  vos  planches  de 
rHéloïse.  La  confidence  ^  —  vous  direz  vous  même  le  reste,  car 
je  n'en  suis  pas  digne.  Mon  cher  Monsieur,  je  ne  dois  pas  si  mal 
employer  votre  temps  que  d'allonger  cette  lettre.  Posons  pour 
principe  que  je  vous  aime,  après  cette  fois,  je  ne  vous  le  dirai 
jamais,  mais  aussi,  je  ne  vous  permets  jamais  d'en  douter.  Vous 
me  ferez  plaisir,  et  vous  serez  quitte  de  toute  obligation  que  vous 
n'aimez  pas,  en  m'employant  à  tout  ce  que  je  puis  faire  pour 
votre  service  ou  à  Londres,  ou  en  Derbyshire,  car  ne  croyez  pas 
que  je  tarderais  un  jour  à  me  trouver  chez  vous  en  cas  de  besoin. 
Je  ne  vous  dirai  point  que  je  négligerai  les  soins  de  ma  famille, 
de  mes  anciennes  connaissances,  mais  je  trouverai  toujours  du 
tems  pour  vos  petites  commissions,  et  dans  la  maladie  ou  quelque 
besoin  réel,  il  y  a  peu  de  choses  qui  me  retiendroient.  Que  Dieu 
me  garde  de  ces  occasions-là  de  vous  prouver  mon  attachement  ; 
mais  vous  entendrez  quelque  jour  peut-être,  qu'un  étranger 
•<iemande  à  parler  à  Monsr  Rousseau  au  cabaret  du  voisinage. 
J'aime  beaucoup  le  Derbyshire  ;  j'ai  été  souvent  à  Matlock  seul  et 
avec  Madame  Malthus,  et  je  ne  puis  que  vous  dire  que  vous  le 
trouverez  charmant.  Adieu,  Monsr,  je  ne  vous  écrirai  point,  je  ne 
vous  donnerai  pas  la  peine  que  vous  auriez  à  me  négliger,  aussi  je 
suis  trop  fier  de  vous  le  permettre.  Vive  valeq. 


March.  12.  1766. 


Malthus. 


Mille  compliments  de  la  part  de  nos  dames  à  M'ie  Le  Vasseur 
et  à  vous. 

VIP 


à  Thérèse  Le  Vasseur. 

Daignez  m'excuser.  Mademoiselle,  si  je  prends  trop  d'intérêt  au 
bonheur  de  Monsieur  Rousseau. 

Je  vous  écris,  pour  offrir  à  vous  et  à  lui,  toutes  sortes  de  ser- 
vices qu'un  étranger  peut  tirer  de  quelqu'une  la  ville  capitale.  J'y 
suis  souvent,  et  dans  les  petites  commissions  dont  vous  ne  vou- 
lez pas   charger  votre  très  bon  ami  Mr   Hume,  comme   c'est  \\n 

1  Lire  :  la  confiance.  Dans  l'édition  d'Amsterdam,  dei762,  in-12,  6  tomes 
en  3  vol.,  la  planche  7  représente  la  réception  de  Saint-Preux  par 
Wolmar  et  Julie  ;  elle  porte  cette  légende  :  la  confiance  des  belles  âmes. 
Cf.  Œuvres,  t.  V,  p.  g5. 

-  A  Mademoiselle  \  Mademoiselle  Le   Vasseur. 


210  ANNALES   DE    LA   SOCIlîTE  .1.   .t.    ROUSSEAU 

homme  affairé,  je  vous  prie  de  me  regarder  comme  un  homme 
oisif,  et  qui  certainement  ne  sera  pas  mieux  employé  qu'en  vous 
assistant.  S'il  pourra  trouver  quelque  difficulté  en  Derbyshire,  ne 
faites  pas  le  moindre  scrupule  de  m'envoyer  chercher.  Je  m'offri- 
rais volontiers  pour  guide  et  interprète  dans  la  route,  car  il  peut 
arriver  quelque  incommodité  à  deux  étrangers  qui  n'entendent 
que  très  peu  la  langue  du  pays,  mais  je  suppose  que  Mr  Davenport 
a  pourvu  à  tout  cela.  Je  souhaiterois  de  me  prouver  l'ami  de 
Ml  Rousseau,  mais  il  ne  trouvera  jamais  un  ami  importun.  Je  ne 
pourrois  pas  vous  en  donner  un  exemple  plus  frappant  qu'en  vous 
laissant  partir  ce  soir  que  nous  comptions  vous  faire  coucher 
chez  nous.  Je  vous  avouerai  que  nous  en  étions  un  peu  mortifiés, 
car  je  puis  vous  assurer  avec  la  plus  grande  sincérité  que 
Madame  Malthus  et  moi  nous  eussions  été  fort  heureux  d'être  Les 
fermiers  qui  dussent  vous  prendre  en  pension.  Il  m'eut  donné  s'il 
avoit  voulu  ses  3o  ou  40  guinées  par  an,  et  vous  eussiez  vu  non 
pas  des  paysans  il  est  vrai,  mais  de  bonnes  gens  qui  ne  font  pas 
de  façons,  au  moins  si  on  ne  leur  donne  pas  le  ton.  Adieu, 
Mademoiselle,  vous  allez  voir  une  province  charmante  ;  il  y  eut 
un  temps  que  je  pensais  y  être,  je  la  verrai  peut-être  encore,  elle 
ne  me  sera  pas  devenue  moins  chère  en  vous  servant  de  retraite. 
Agréez  s'il  vous  plait  mes  salutations  et  les  salutations  de  nos 
dames  et  les  faites  agréer  à  Monsr  Rousseau. 

Malthus. 
Mars.  i3.  1766. 

L'adresse  To  M'  xMalthus  near  Dorking  Surrev. 

VIII 

Je  ne  vous  dirai  point.  Monsieur,  comme  les  comédiens  de  la 
foire,  que  celle-ci  sera  absolument  la  dernière  fois  que  je  vous 
écrirai,  mais  je  ferai. tout  ce  que  je  puis  faire  pour  vous,  je  vous 
dispenserai  de  lire  ma  lettre  à  moins  que  M^e  Le  Vasseur  ne  vous 
la  croie  bonne  après  souper:  vous  ne  voyagez  pas  avec' des  His- 
toriens et  des  Métaphysiciens  in  folio,  et  cependant  il  faut  dor- 
mir.'J'allai  le  vendredi  à  Chiswick,  je  croyois  vous  trouver;  je  ne 
pouTois  résister  au  désir  de  vous,  voir  encore  une  fois,  vous  étiez 
parti  le  Mercredi*.  Il  me  semble  que  je  ne  vous  ai  point  vu  en 
Surrey  —  vous  étiez  si  entouré,  si  obsédé  de  sages  conseillers,  je 
crois  avoir  droit  de  parler  ainsi,  comme  j'en  faisois  un  des  plus 
sages.  Il  n'y  eut  que-votre  excellent  ami  M''  Hume  qui  vous  laissât 

1  Parti  de  Londres;  le  départ  de  Chis\\ick  est  du  mardi. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  2  I  I 

un  peu  tranquille.  Vous  ne  savez  pas  comme  je  fus  blessé  de  tout 
cela,  quoique  j'y  aie  mis  ma  part.  Je  m'étois  flatté  de  vous  avoir 
fait  passer  quelques  jours  au  moins,  vous  et  M^e  Le  Vasseur, 
dans  ma  famille,  où  ce  n'est  pas  moi  seul  qui  prétend  vous  esti- 
mer, je  vous  aurois  proposé  deux  ou  trois  demeures  qui  deman- 
doient  seulement  un  peu  de  tems  pour  les  arranger,  et  où  vous 
auriez  été  seuls,  je  vous  aurois  proposé  la  mienne,  je  vous 
l'avouerai,  mais  aussi  je  ne  vous  l'aurois  jamais  conseillé,  à  moins 
que  vous  n'eussiez  été  aussi  absolument  sans  gêne  que  dans  la 
maison  d'un  véritable  fermier  et  que  vous  ne  m'eussiez  plus 
d'obligations.  Je  ne  prétendois  pas  même  vous  imposer  celles  de 
l'amitié,  jamais  vous  ne  m'estimerez  assez  pour  cela  et  je  n'en 
serai  digne  peut  être  que  d'un  seul  côté.  J'avois  aussi  mon  parti  à 
prendre  ;  je  suis  trop  fier  d'être  \q  fidus  Achates,  l'humble  ami  de 
votre  génie,  de  votre  nom,  encore  moins  il  est  vrai,  de  vos 
richesses,  ou  de  vos  titres,  si  vous  les  aviez.  Mais^  pour  écarter 
de  mes  yeux  tout  ce  qui  pourroit  m'avoir  fourni  les  idées  de 
l'inégalité,  si  contraire,  si  fatale  à  l'amitié,  je  m'imaginois  le  titre 
de  votre  fils.  Je  ne  sentois  pas  que  du  côté  de  l'affection  j'eusse 
trouvé  de  difficulté  à  remplir  cette  relation.  Faut-il  qu'il  ne 
s'agisse  plus  de  tout  cela,  et  que  j'en  parle  seulement  pour  servir 
d'introduction  à  ce  que  je  vais  dire. 

Quelque  convenance  de  caractère,  quelque  sentiment  qu'il  est 
inutile  de  développer,  m'a  tiré  de  ma  retenue  ordinaire  et  des 
manières  assez  froides  de  mon  pays,  et  m'a  fait  parler  à  un 
homme  que  je  ne  connois  que  très  peu,  d'un  ton  que  je  suis 
prêt  à  me  reprocher.  Mais  il  me  semble,  que  j'aime  mieux  dans 
cette  occasion  que  vous  me  preniez  pour  toute  autre  chose  plutôt 
que  pour  un  faiseur  de  complimens.  Je  souhaiterois  beaucoup  de 
fixer  notre  langage,  si  jamais  nous  nous  parlions  l'un  à  l'autre.  Ce 
que  je  vous  dis  est  dans  la  plus  exacte  vérité,  et  les  termes  dont 
je  me  sers  ont  précisément  la  signification  que  je  leur  trouve  dans 
mon  bon  dictionnaire  de  Richelet.  Ce  n'est  pas  que  la  langue  de 
la  politesse  ne  soit  fort  utile,  elle  est  faite  pour  éloigner  et  non 
pour  approcher  les  gens,  et  vous  vous  en  servirez  si  vous  voulez 
que  je  ne  pense  plus  à  votre  amitié. 

Je  me  propose  bientôt  de  voir  votre  vallon  de  Dovedale  ;  j'y 
passerai  quelques  jours,  je  ne  serai  pas  loin  de  vous,  je  vous 
joindrai  quelque  fois  dans  vos  promenades  (je  me  qualifie  de 
guide  dans  ce  pays-là)  si,  par  hasard,  je  vous  gêne,  et  que  vous 
me  le  disiez,  je  le  prendrai  pour  l'augure  de  notre  amitié,  mais  si 
jamais  vous  me  le  faites  apercevoir  au  travers  de  la  politesse,  je 
saurai  à  quoi  m'en  tenir.  Si  je  puis  vous  être  de  quelque  service, 


2  12  ANNALES    DK    LA   SOCIKTI;:  .).   J.    ROUSSEAU 

VOUS  m'indiquerez  le  tems  de  mon  voyage,  et  je  tâcherai  d'accom- 
moder mes  affaires  aux  vôtres.  En  quelque  occasion  que  ce  soit 
(comme  par  exemple,  si  vous  m'aviez  voulu  dans  le  voyage  du 
Derbvshire)  parlez  franchement  votre  volonté,  et  je  ferai  que  ce 
qui  me  paroit  le  plus  agréable,  —  voilà  un  tils  qui  n'a  pas  des  de- 
voirs fort  pénibles  au  moins.  Une  délicatesse  que  je  sens  fortement 
et  l'appréhension  de  vous  gêner,  me  prépareroit  mille  difficultés 
dans  votre  commerce,  mais  vous  êtes  le  maître  de  les  ôter. 

J'ai  été  chez  M'-  Hume,  il  n'a  pas  de  vos  nouvelles.  Je  crains 
que  vous  n'ayez  trouvé  un  peu  trop  la  ressemblance  de  vos  chères 
Alpes  en  Derbyshire,  au  moins  par  rapport  à  la  neige.  Si  vous  me 
marquez  mais  seulement  en  deux  mots,  que  vous  êtes  arrivés  en 
santé,  vous  et  Mi'e  Le  Vasseur,  et  que  vous  vous  trouvez  bien  de 
votre  demeure  vous  me  ferez  un  vrai  plaisir,  et  ce  n'est  pas  une 
phrase  celle-là,  mais  ce  que  je  sens.  Si  Mll«  Le  Vasseur  en  vous 
lisant  cette  lettre,  parvient  jusqu'à  la  fin,  elle  verra  que  je  lui  fais 
bien  mes  compliments.  Adieu. 

Malthus. 
Le  2Q  de  Mars  i-jGb. 

IX 

Monsieur,  Monsieur  Hume  a  eu  la  bonté  de  me  mander  que  vous 
lui  avez  écvih,  que  vous  êtes  arrivé  à  Wootton,  que  vous  vous  portez 
bien  et  que  votre  demeure  vous  paroit  agréable.  Je  suis  fâché  que 
je  ne  puisse  vous  exprimer  ma  satisfaction  là  dessus  que  dans  des 
termes  usés  et  qui  ont  servi  mille  fois  à  dire  précisément  rien. 
J'allai  chez  M^-  Hume  Vendredi  passé  pour  avoir  de  vos  nouvel- 
les, il  n'en  avoit  point,  je  vous  écrivis  ce  même  jour  par  la  poste, 
mais  Mr  Hume  me  dit  qu'en  habile  général  vous  avez  eu  la  pré- 
caution d'empêcher  toute  communication  de  ce- côté-là,  et  comme 
votre  situation  entre  les  montagnes  vous  favorise  assez,  il  faut  être 
un  peu  habile  pour  vous  attaquer.  On  vous  trahit  pourtant,  mais 
j'espère  que  ce  n'est  pas  absolument  sans  permission,  et  je  vais 
me  rappeler  un  peu  ma  lettre  afin  de  l'envoyer  à  Mr  Davenport 
quand  je  serai  en  ville.  Si  par  malheur  vous  en  recevez  deux  je  ne 
puis  rien  faire  que  d'étendre  la  permission  que  je  vous  ai  donnée 
dans  la  première,  c'étoit  de  rie  la  pas  lire.  Mais  je  me  suis  réserve 
toujours  la  préférence,  au  cas  que  Mad''^  le  Vasseur  vous  fasse 
quelque  lecture  après  souper.  Vous  ne  voyagez  pas  avec  des  his- 
toriens et  métaphysiciens  in  folio,  et  cependant  on  ne  ronfle  pas 
comme  M''  Hume  à  peu  de  fraisa 

'  Introduction  à  parr;  cette  lettre  n'est  que  la  duplique  de  la  précé- 
dente. 


LETTRES    DE    DIVERS   A   ROUSSEAU  21  3 

Après  avoir  répondu  à  votre  lettre,  je  ne  pouvois  me  contenter 
sans  aller  à  Chiswick  —  je  voulois  vous  voir  encore  une  fois,  — 
vous  étiez  parti.  Je  ne  puis  me  persuader  que  je  vous  ai  vu  en 
Surrey.  Vous  étiez  si  entouré,  si  obsédé  de  sages  conseillers,  —  je 
crois  avoir  le  droit  de  parler  ainsi,  comme  j'en  faisois  un  des  plus 
sages.  Il  n'y  eut  que  votre  excellent  ami  Monsr  Hume  qui  vous 
laissât  un  peu  tranquille.  Vous  ne  savez  pas  comme  je  fus  blessé 
de  tout  cela  ;  je  vous  voyois  souffrir,  et  je  m'accusois  d'être  cent 
fois  plus  importun  qu'aucun  autre.  Que  n'aurois-je  pas  donné  de 
vous  avoir  mis  par  un  coup  de  baguette  dans  la  plus  jolie  chau- 
mière du  monde  à  5o  lieues  de  toute  compagnie.  Je  m'étois  flatté 
de  vous  avoir  fait  passer  quelques  jours  au  moins  vous  et  Mad'i^ 
Le  Vasseur,  dans  ma  famille,  où  ce  n'est  pas  moi  seul  qui  prétend 
vous  estimer.  J'avois  deux  ou  trois  maisons  à  vous  proposer,  qui 
demandoient  seulement  un  peu  de  tems  pour  les  faire  arranger. 
J'avois  la  mienne  à  vous  offrir,  mais  jamais  je  ne  vous  l'aurois 
conseillé,  à  moins  que  vous  n'y  fussiez  aussi  peu  gêné  que  dans  la 
maison  d'un  véritable  fermier,  et  que  vous  m'eussiez  aussi  peu 
d'obligation. 

Je  ne  prétendois  pas  même  vous  imposer  celle  de  l'amitié.  Ja- 
mais vous  ne  m'estimerez  assez  pour  cela,  et  je  ne  le  mériterois 
qu'à  un  seul  égard.  J'avois  aussi  mon  parti  à  prendre  je  suis  trop 
fier  d'être  \e  fidiis  Achates,  l'humble  ami  de  votre  génie,  ou  de 
votre  nom,  encore  moins  il  est  vrai,  de  vos  richesses,  ou  de  vos 
titres  si  vous  les  aviez.  Mais  pour  écarter  de  mes  yeux  tout  ce  qui 
pourroit  m'avoir  fourni  les  idées  de  l'inégalité,  si  contraires,  si 
fatales  à  l'amitié,  je  m'imaginois  le  titre,  de  votre  fils.  Je  ne  sen- 
tois  pas  que  du  côté  de  l'affection  j'eusse  trouvé  de  la  difficulté  à 
remplir  cette  relation.  Faut-il  qu'il  ne  s'agisse  plus  de  tout  cela, 
et  que  je  n'en  parle  que  pour  vous  préparer  à  ce  que  je  vais  dire. 
Quelque  convenance  de  caractère,  quelque  penchant  naturel,  m'a 
tiré  de  ma  réserve  ordinaire,  et  m'a  fait  parler  à  un  homme  que 
je  ne  connois  que  très  peu,  d'un  ton  que  je  suis  prêt  à  me  repro- 
cher; mais  il  me  semble,  que  j'aime  mieux  dans  cette  occasion 
que  vous  me  preniez  pour  toute  autre  chose,  plutôt  que  pour  un 
faiseur  de  compliments.  Permettez-moi  de  fixer  la  langue  que 
nous  parlons,  —  ce  que  je  vous  dis  est  dans  la  plus  exacte  vérité, 
et  les  termes  dont  je  me  sers  ont  précisément  la  signification  que 
je  leur  trouve  dans  mon  bon  dictionnaire  de  Richelet.  Ce  n'est 
pas  que  la  langue  de  la  politesse  ne  soit  très  utile,  elle  est  faite 
pour  éloigner  non  pour  rapprocher  les  gens  et  vous  vous  en  ser- 
virez, si  vous  voulez  que  je  ne  pense  plus  à  votre  amitié.  Je  verrai 
bientôt  votre  vallon  du  Dovedale,  c'est  le  mien  aussi,  j'y  ai  passé 


214  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

quelques  heureux  jours  de  ma  jeunesse,  (j'étois  le  premier  je  crois 
qui  vous  a  parlé  de  Derbyshire,  je  vous  en  ai  parlé  même  ici  ;  je 
m'efforçois  de  ne  vous  pas  trop  persuader  à  notre  canton,  je  n'ai 
que  trop  bien  réussi.)  Je  vous  joindrai  quelque  fois  dans  vos  pro- 
menades, si  par  hasard  je  vous  gêne  et  que  vous  me  le  disiez,  je 
le  prendrai  pour  l'augure  de  votre  amitié,  mais  si  jamais  vous  me 
le  faites  voir  au  travers  de  la  politesse,  je  saurai  à  quoi  m'en  te- 
nir. Si  je  puis  vous  être  utile  en  quelque  chose,  vous  m'indique- 
rez le  tems  de  mon  voyage,  vous  me  donnerez  vos  commissions 
si  vous  en  avez,  —  vos  ordres,  je  ne  ferai  que  ce  qui  me  paroîtra 
le  plus  agréable  voilà  un  fils  qui  n'a  pas  des  devoirs  fort  pénibles 
à  remplir.  Je  ne  cherche  pas  à  vous  offrir  mes  petits  services  ; 
mais  si  jamais  vous  parvenez  à  me  dire  «  J'ai  besoin  de  vous  pour 
une  telle  chose,  faites  la  si  vous  pouvez  »,  concevez  le  plaisir  que 
j'en  aurai.  Adieu,  si  vous  avez  le  courage,  Mad^e  Le  Vasseur  de 
lire  jusqu'à  la  fin,  vous  verrez  que  je  vous  fais  bien  mes  compli- 
ments, et  que,  je  vous  souhaite  toutes  sortes  de  commodités  et 
d'agrémens  en  Derbyshire. 

C'est  la  dernière,  point  de  réponse  sans  commission. 

Malthus. 

Le  isr  d'Avril  1766. 

X 

A  Dorking  le  18  de  Juillet  1766. 
Je  romps  notre  accord,  Monsieur;  vous  m'avez  promis  de  m'e- 
crire  si  quelque  affaire  d'importance  vous  arrivoit,  moi,  je  veux 
positivement  vous  écrire  sur  des  bagatelles.  Ne  voyez-vous  pas  que 
pendant  que  vous  êtes  employé  à  examiner  un  cryptogame,  vous 
laissez  passer  toutes  les  révolutions  de  la  terre  sans  daigner  les 
regarder.  Vous  vous  brouillez  avec  un  grand  philosophe,  et  vous 
vous  consolez  en  trouvant  une  plante  de  serpyllum  pour  votre 
thé  suisse.  Nous  laissons  là  Mons.  Pitt  et  son  ministère,  pour 
parler  de  votre  lettre,  à  la  Lacédémonienne ',  et  vous  même  après 
avoir  employé  deux  minutes  à  l'écrire,  vous  n'y  songez  plus.  Ah  ! 
Mqnsieur,  je  me  trompe,  je  prétends  connaître  un  peu  votre  cœur, 
et  vous  ne  pouvez  estimer  quelqu'un  pour  un  instant,  et  cesser  de 
l'estimer  sans  sentir  de  la  peine.  Je  vous  plains  si  vous  avez  dé- 
cidé trop  vite.  De  la  manière  dont  on  m'a  conté  cette  histoire,  je 
-n'avois  qu'à  en  faire  remarquer  l'absurdité.  Quand  vous  étiez  tous 
dans  ce  canton,  Mr  H.  a  pris  occasion  de  me  parler  de  vous,  ce 
qu'il  a  fait  d'un  ton  de  l'amitié  la   plus   réelle.    Pour  vous  dire  la 

'  La  lettre  à  Hume,  du  23  juin.  Œuvres,  t.  XI,  p.  35o. 


LK'ITRKS   DK   DIVERS   A    ROUSSEAU  21  3 

vérité,  il  m"a  paru  qu'il  ne  vous  connoissoit  pas,  mais  il  est  très 
certain  que  je  le  croyois  votre  bon  ami,  selon  ses  idées.  Je  me 
rappelle  qu'en  vous  parlant  de  l'intérêt  qu'il  prenoit  à  vous,  je  mis 
par  hasard  le  nom  de  Stewart,  et  je  croyois  qu'il  valoit  la  peine 
de  vous  le  faire  remarquer.  Le  caractère  de  Mr  H.  est  en  gé- 
néral très  favorable.  Oui,  Monsr,  cherchez  partout,  soyez  sûr 
qu'il  ne  peut  y  avoir  nulle  méprise,  ne  pensez  pas  aux  noirceurs 
des  hommes,  mais  sentez  dans  votre  propre  cœur,  comme  il  est 
difficile  d'être  traître.  Il  a  été  chez  moi  son  ami,  Mr  Wilkes,  fort 
aimable  homme,  qui  m'a  parlé  de  cette  affaire  plus  raisonnable- 
ment e^ue  les  autres,  mais  toujours  en  ami  de  Monsr  H.  Quant  à 
moi,  mes  idées  une  fois  fixes,  on  ne  vient  plus  me  dire  que  qua- 
tre et  quatre  font  neuf,  —  mais  je  vous  avouerai  que  je  ne  puis 
vous  entendre  blâmer  et  être  absolument  tranquille.  Ne  me  con- 
tez rien  vous  même,  j'aurois  la  faiblesse  de  vous  défendre  et  mon 
Dieu,  que  je  vous  sens  au  dessus  de  tout  cela.  N'en  parlons  plus. 
Quand  voulez-vous  faire  un  Iter  Botanicum  en  Surrey?  Si  vous 
vous  trouvez  l'inclination  de  passer  quelques  mois  de  votre  hiver 
à  deux  degrés  plus  au  Sud,  venez  faire  une  expérience  chez  nous. 
J'évite  soigneusement  quelque  chose  que  ce  soit  de  vos  ouvrages; 
je  prenois  par  hasard  VEmile  en  main,  et  j'ai  senti  une  si  violente 
inclination  d'aller  vous  trouver,  que  je  le  quittois  tout  de  suite. 
Vous  ne  concevez  pas  l'agréable  impression  que  nous  avons  em- 
portée de  Wootton.  Vous  ne  connoissez  pas  ces  deux  femmes  et 
comme  elles  sont  capables  de  vous  estimer.  Je  vous  ai  vu  bien 
autrement  qu'en  Surrey  1  Ma  femme  vous  fait  mille  compliments 
et  à  Mad"«  Le  Vasseur.  Vous  me  permettrez  de  lui  faire  les  miens 
et  de  lui  souhaiter  des  idées  plus  favorables  à  notre  Angleterre. 
Les  hommes  travaillent-ils  donc  avec  le  climat  pour  l'en  dégoû- 
ter! Adieu  ! 

Malthus. 

J'ouvre  cette  lettre  pour  vous  dire  que,  par  la  méprise  d'vin  do- 
mestique, il  n'a  été  chez  Mr  Davenport  que  quinze  jours  après  sa 
date. 

XI». 

Je  vous  ai  prie  Monsieur,  de  ne  pas  répondre  ii  la  lettre  que  je 
n'ai  pu  m'empècher  de  vous  écrire,  il  y  a  trois  ou  quatre  mois, 
après  avoir  entendu  parler  pour  la  première  fois  de  votre  rupture 
avec  Monsr  H.  Et  c'est  la  cause  que  je  me  suis  tourmenté  depuis 
longtemps   d'une   idée  cruelle  —  serait-il  possible  que  quelque 

1  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 


2l6  AWAI.ES    DE   LA    SOCIÉTÉ  ,J.   .1.    ROUSSEAU 

expression  dans  ma  lettre  fut  si  contraire  à   la  situation  de  mon 
cœur,  quelle  put  vous  offenser. 

Je  vous  ai  prié  de  me  pas  m'écrire,  j'ai  toujours  évite  de  vous 
être  importum,  mais  je  ne  me  trouve  pas  tranquille,  et  j'ai  le  droit 
de  demander  que  vous  me  le  rendiez.  Tout  foibles  que  soient  mes 
titres  à  votre  amitié,  je  me  connois  et  j'ose  vous  parler  ainsi.  Cette 
vive  et  tendre  sympathie  qui  m'a  toujours  entraîné  vers  vous,  ne 
peut  pas  s'affoiblir  —  prévenu  dans  les  soins,  les  attentions,  les 
services  qui  m'auroient  été  si  doux,  ne  m' étalant  pas  en  profes- 
sions, mon  amitié  s'est  retirée  dans  mon  cœur,  mais  elle  n'en  est 
pas  moins  forte.  A  Dieu  ne  plaise  que  je  porte  envie  à  l'honnête 
homme  qui  vous  a  fourni  votre  retraite.  N'ayant  autre  connois- 
sance  de  lui,  je  m'en  sens  disposé  à  l'aimer.  G'étoit  précisément 
ce  que  j"ai  senti  pour  M^  H.,  de  qui  je  n'aurois  jamais  brigué  la 
visite  comme  David  H.,  mais  comme  l'ami  de  J.  J.  Rousseau.  Il 
est  vrai  que  je  le  croyois  votre  ami,  je  le  croyois  quand  je  vous  ai 
écrit  ma  dernière  lettre,  mais  je  ne  le  crois  plus  après  son  infâme 
publication.  —  Vivant  à  la  campagne,  où  je  ne  lis  que  rarement 
les  papiers  publics,  ne  voyant  que  très  peu  de  monde,  je  n'ai  pres- 
que rien  entendu  de  cette  affaire,  qu'après  que  M""  H.  me  fit  dire 
par  M''  W'ilkes  qu'il  étoit  surpris  de  ne  m'avoir  pas  vu  à  mon  re- 
tour de  Derbyshire  ;  ce  qui  fut  absolument  sans  dessein  de  ma  part  ; 
mais  comme  je  ne  suis  nullement  avide  de  connoissances  illus- 
tres, je  ne  croyois  pas  devoir  importuner  Mr  H.  de  visites  dont 
l'objet  avoit  cessé.  Je  n'attendois  pas  à  voir  développer  avec  tant 
d'éclat  quelques  idées  vagues  que  j'avois  dans  la  tête.  Oui  Mon- 
sieur, j'ai  lu  l'exposé  succinct,  et  quoiqu'il  en  soit  de  cette  malheu- 
reuse affaire,  je  ne  demanderais  que  ces  lettres  pour  en  aim.er 
l'auteur,  que  leur  publication  pour  en  détester  les  éditeurs.  —  Je 
pense  que  vis  à.  vis  de  tout  homme  qui  a  le  moindre  sentiment 
dans  le  cœur,-  l'effet  en  doit  être  le  même.  Pour  les  autres,  je  pren- 
drai la  liberté  de  vous  dire  avec  la  dame  de  votre  Emile  :  «  Tais- 
toi  Jean  Jacques,  ils  ne  t'entendront  pas.  »  Ce  n'est  que  depuis  peu 
que  les  Anglois  ont  appris  à  rire,  on  le  fait  assez  gauchement  et 
comme  il  arrive  toujours,  on  n'en  est  que  plus  vain.  Contez  qu'une 
mauvaise  plaisanterie  d'un  Aristophane  perdrait  un  Socrate  ici, 
mais  ce  n'est  que  pour  un  instant.  Quand  vous  parlez  de  ceux 
qui  vous  ont  recherché  pour  vous  même.  Ah  1  Monsieur,  puis-je 
me  flatter  qu'entre  tant  d'autres,  vous  avez  pensé  à  moi  —  moi 
qui  ne  vous  attendois  pas  avec  un  cortège,  et  dont  le  cœur  en 
étoit  refroidi  qui  vous  auroit  reçu,  vous  et  Mad''^  Le  Vasseur, 
dans  le  sein  d'une  farnille  qui  alloit  vous  prodiguer  toutes  leurs 
tendresses,  —  moi  qui   aurois  mis  mes   délices   à   procurer  votre 


LiniRKS   DE   DIVERS   A    ROUSSEAU  21  7 

tranquillité,  à  vous  rendre  toutes  les  attentions,  tous  les  devoirs 
de  l'amitié.  Mon  cher  Monsieur,  j'écris  dans  une  langue  dont  je 
n'ai  absolument  nulle  habitude  ;  je  peux  faire  mille  bévues,  mais 
vous  y  distinguerez  toujours  le  langage  du  cœur.  Comment  se 
porte  Mad'ie  Le  Vasseur  ?  Agréez  les  tendres  salutations  de 
Madme  Malthus  et  les  miennes,  et  les  faites  agréera  Mademoiselle. 
A  Dorking,  Surrey  le  i'?r  Dec.  1766. 

Dan.  Malthus. 

Vous  savez  les  difficultés  que  vous  avez  mis  à  vous  écrire, 
mais  enfin  j'envoie  ce  paquet  à  M''  Davenport,  qui  à  ce  qu'on  m'a 
dit  est  à  Wootton.  Quand  il  n'y  est  pas,  si  vous  avez  besoin  d'un 
interprète,  ou  d'un  ami,  pour  quelque  chose  que  ce  soit,  j'y  se- 
rois  en  trois  jours.  Ah  !  que  ne  puis-je  trouver  des  mots  qui  n'ont 
pas  servi  mille  fois  a  des  compliments  ineptes  ^  1 

Dorking  en  Surrey  le  6  d'Août  1767. 

Vous  partez  de  l'Angleterre,  sans  m'écrire  un  seul  mot.  Ah  ! 
Monsieur,  je  l'avoue,  c'étoitune  folie  de  croire  que  parce  que  je 
me  sentois  porté  vers  vous,  par  un  mouvement  de  sympathie  et 
de  tendresse,  dont  je  ne  fus  pas  le  maître,  que  vous  pussiez  en 
sentir  la  moindre  chose  pour  moi.  Je  devois  me  connaître  et  sa- 
voir qu'entre  mille  autres  qui  vous  demanderoient  votre  amitié, 
j'en  étois  peut-être  le  moins  digne.  Il  est  vrai  que  je  ne  me  disois 
pas  cela,  et  même  je  ne  me  le  dis  pas  à  cet  instant,  mais  qu'il  est 
loin  de  la  vanité  le  sentiment  qui  me  fait  croire,  que  si  vous  m'a- 
viez connu,  vous  m'eussiez  aimé. 

Je  ne  fais  que  repasser  dans  mon  esprit  nos  promenades  dans 
ce  canton,  où  tant  de  choses  contribuoient  à  me  faire  perdre  le 
bonheur  que  j'avois  espéré.  Je  pense  à  l'aimable  réception  en 
Derbyshire,  où  vous  avez  tâché  avec  tant  d'empressement  à  m'oter 
la  crainte  de  vous  importuner.  Si  je  prends  dans  la  main  un  de 
vos  ouvrages,  je  me  sens  le  cœur  si  serré,  que  je  suis  obligé  de  le 
quitter.  Je  trouvois  dans  la  botanique,  je  ne  sais  quel  plaisir  au- 
dessus  de  la  chose  même,  parce  que  c'étoit  la  vôtre  —  je  ne  le 
trouve  plus.  —  Après  avoir  balancé  quelque  temps,  je  me  détermine 

'  La  réponse  de  Rousseau  est  de  janvier  1767.  Œuvres,  t.  XI,  p.  404. 
On  doit  donc  remplacer  la  mention  à  M***  par  à  Malthus.  A  la  fin 
de  la  lettre,  corriger  M.  Malthus  en  Mme  Malthus. 

-  A  Mons"  I  Monsieur  Rousseau;  au  \  soin  de  Monsieur  Coindet  che^ 
Messrs  I  Thelusson  Necker  et  Co,  \  Paris. 


2l8  ANNAI.HS   DE   LA    SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

à  VOUS  écrire.  J'étois  dans  la  province  de  Galles  au  mois  de  Mai^ 
quand  je  vis  par  hasard  dans  un  papier  public  que  vous  veniez  de 
quitter  la  maison  de  M""  Davenport,  que  vous  aviez  écrit  au  Chan- 
celier d'Angleterre,  etc.,  etc.  Je  me  doutois  bien  de  tout  ceci, 
mais  comme  je  comptois  vous  faire  une  visite  en  Derbyshire,  et 
que  cet  article  avoit  quelque  impression  sur  mon  esprit,  je  ne 
tardai  pas  à  mon  retour  d'aller  chez  Mr  Davenport,  il  étoit  en 
Yorkshire.  Je  me  rappelai  le  nom  d'un  libraire  qui  vous  faisoit 
avoir  vos  paquets  quelquefois ^  Il  ne  me  dit  rien,  sinon  que  vous 
étiez  en  France.  Mais  enfin,  je  trouvai  votre  banquier^,  un  de  ses 
commis  car  je  ne  l'ai  pas  vu  lui-même,  me  fit  espérer  que  je  pour- 
rois  vous  adresser  une  lettre,  mais  il  n'en  savoit  pas  précisément  le 
moyen.  —  Je  viens  de  recevoir  une  lettre  du  Colonel  Morrisson, 
qui  est  à  Compiègne  avec  le  Duc  d'York  et  qui  me  dit  que  vous 
êtes  actuellement  chez  le  Prince  de  Condé.  J'ai  été  deux  fois  chez 
votre  banquier,  sans  avoir  votre  adresse  et  sans  me  déterminer  à 
vous  écrire  si  on  me  la  donnoit.  Croyez  moi,  Monsieur,  je  ne 
manque  pas  de  fierté,  mais  souvenez-vous  d'une  expression  très 
forte,  dont  vous  vous  êtes  servi  en  parlant  de  l'Archevêque  de 
Cambrai  I  C'est  ce  que  je  sens  pour  vous  ^. 

Je  ne  connois  rien  des  raisons  de  votre  voyage,  je  suis  très  loin 
d'en  exiger  le  détail.  Dites  moi  seulement  si  vous  trouvez  que 
vous  n'êtes  pas  malade,  que  vous  n'êtes  pas  malheureux  et  que 
vous  croyez  que  je  vous  aime.  Ma  dernière  lettre  vous  demandoit 
une  tranquillité  sur  votre  compte  que  j'avois  perdu,  vous  me  la 
donnâtes.  Je  la  demande  encore  une  fois  ;  une  pareille  occasion 
ne  se  retrouvera  pas,  et  vous  n'entendrez  plus  parler  d'un  homme 
qui  étoit  fait  pour  vous  aimer,  qui  auroit  mis  ses  délices  à  vous 
donner  quelque  preuve  de  son  amitié,  et  qui  vous  poursuivra  jus- 
qu'à son  dernier  soupir,  avec  les  plus  ardents  souhaits  pour  votre 
bonheur.  Adieu  Monsieur. 

Dan.  Malthus. 

Je  n'oublie  pas  Madi'i^  Levasseur,  je  ne  puis  que  l'estimer,  mais 
dans  l'humeur  où  je  suis,  je  ne  sais  pas  lui  adresser  un  froid  com- 
pliment. Il  y  a  dès  expressions  dans  -cette  lettre  quî  me  choquent, 
et  dès  autres  qui  ne  disent  pas  ce  que  je  veux  dire.  C'est  ce  que 
je  trouve  en  la  relisant.  J'écris  dans  une  langue  dont  je  n'entends 
pas  la  force,  mais  si  le  cœur  peut  parler  vous  m'entendrez. 

1  Lewis. 

-  Ro.ugemom.  Cf.  p. '219,  XIII. 
Cf.  Œuvres,  t.  IV,  p.' "178. 


LETTRES  DE  DIVERS  A  ROUSSEAU  îïg 

XIIP. 

Le  141^"^  Décembre  1767. 
Est-il  possible,  Monsieur,  que  vous  ayez  reçu  ma  lettre,  et  que 
vous  me  refusiez  les  deux  mots  que  je  vous  demandois.  Je  ne 
veux  pas  le  croire.  Je  ne  donne  pas  une  fausse  importance  à  mon 
amitié.  Ne  me  respectez  pas,  mais  respectez  vous  vous  même. 
Vous  laissez  dans  le  cœur  d'un  être  semblable  au  votre  une  idée 
affligeante  que  vous  pouvez  ôter.  Ce  cœur  qui  vous  aime  si  ten- 
drement ne  sait  pas  vous  accuser.  J'adressais  cette  lettre  aux  soins 
de  Mf  Coindet.  Si  j'ét.ois  bien  assuré  qu'elle  vous  fut  parvenue,  je 
ne  puis  croire  que  je  vous  en  eusse  écrit  une  autre.  Que  je  voie 
ces  deux  mots  de  votre  main  et  vous  m'oublierez  à  jamais.  Adieu 
Monsieur! 

Malthus. 

Monsi"  Rougemont  me  remettra  une  lettre  :  j'ai  conservé  une 
copie  de  la  lettre  dont  je  parle  et  je  vous  l'envoie. 

XI Y  2 

24  Janvier  1768. 

Je  vous  écris  à  la  hâte,  Monsieur,  parce  que  je  ne  veux  pas  vous 
faire  attendre  vos  livres.  J'espérois  beaucoup  de  la  bibliothèque 
du  fameux  Osborne^,  mais  on  vient  de  me  dire  qu'elle  ne  se  ven- 
dra qu'à  deux  mois  d'ici.  Je  vous  envoie  Raii  Methodus  emendata 
etaucta,  et  Morrison  de  plantis  umbelliferis,  ce  qui  est  assez  rare; 
les  deux  derniers  tomes  ne  le  sont  pas.  Je  ne  sais  pas  si  vous  vou- 
lez dire  par  Gérard  emaciilatus,  le  titre  du  livre,  car  vous  l'avez 
souligné  comme  les  autres;  nos  libraires  ne  connoissent  pas  ce 
titre,  et  la  seule  bonne  édition  que  nous  ayons  du  Gérard,  est 
Johnson  sur  Gérard.  Je  n'ai  pas  pu  la  trouver,  mais  M"e  Dalton 
qui  l'a,  (sans  aucun  ménagement  pour  votre  fierté)  veut  positive- 
ment que  vous  l'acceptiez. 

Cette  édition  moderne  de  Dillenius,  qui  n'a  que  les  estampes 
et  la  table,  et  qui  se  vend  ici  à  25  shillings,  n'étoit  pas  faite,  je 
crois,  dans  le  dessein  d'y  ajouter  les  descriptions,  et  ce  sera  peut- 
être  impossible   de  les  avoir  séparément.   L'édition  d'Oxford  qui 

1  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 
î  A  Monsieur  \  Monsieur  Renou. 

^  Le  principal  libraire  londonien  de  cette  époque,  mort  le  21  août 
1767. 


220  ANNALKS    DK    I.A    SOCIETE  .(.   .1.    ROUSSEAU 

est  la  meilleure  comme  vous  savez  bien  se  vend  ici  quatre  gui- 
nées,  mais  on  ne  la  voit  pas  souvent  chez  les  libraires.  On  a  donné 
depuis  peu  le  Petivenus  complet  en  deux  volumes  in-folio  ;  le 
prix  est  de  six  guinées.  Je  mets  dans  le  paquet  un  petit  in-douze, 
qui  pourra  vous  servir  à  quelque  chose,  et  qui  se  vendoit  autre- 
fois avec  les  deux  in-folio  de  la  vieille  édition,  et  pour  ceux-là, 
vous  pouvez  les  avoir  à  meilleur  marché,  mais  la  différence  ne 
sera  pas  très  grande,  et  vous  perdrez  quelques  additions.  Les  cent 
planches,  (mais  n'y  en  a-t-il  pas  plus?)  étoient  faites  pour  le  sys- 
tème de  Ray,  et  cependant  tout  est  entremêlé  de  façon  que  je  ne 
puis  pas  trouver  votre  affaire,  commie  vous  la  voulez,  quoique 
j'aie  bien  feuilleté  Miller,  qui  a  acheté  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  Pe- 
tivenus, pour  le  refondre  dans  cette  nouvelle  édition.  J'attends 
vos  ordres  touchant  ces  difficultés.  Nous  avons  dans  le  genre  des 
planches,  Miller  à  lo  guinées,  25o  plantes,  les  plus  rares  ou  les 
plus  belles.  Blackwell  à  12  guinées,  5oo,  celles  dont  on  se  sert 
dans  la  médecine.  Tous  les  deux  enluminés.  Il  y  a  aussi  Hills 
British  Herbal,  avec  des  planches  à  dix  guinées  enluminées, 
45  shil  :  simple  toutes  les  plantes  de  la  Grande  Bretagne,  et  les 
espèces  étrangères.  Il  combat  à  chaque  page  le  système  de  Lin- 
née  :  il  l'a  approuvé  avant,  et  depuis.  Il  vient  de  publier  un  Sys- 
tema  naturae,  ouvrage  magnifique,  qui  est  entre  les  mains  de  très 
peu  de  personnes.  Je  compte  voir  l'exemplaire  du  Duc  de  Nor- . 
thumberland  ;  il  n'y  a  que  celui  là,  et  un  dans  la  bibliothèque  du 
Roi  d'enluminés. 

Ahl  Monsieur,  quel  bonheur  pour  moi  que  cette  lettre^  dont 
vous  parlez,  ne  fut  pas  mise  à  la  poste.  J'étois  dans  la  Province 
de  Galles,  je  n'aurois  pas  volé  à  votre  secours,  vous  offrir  tous 
mes  faibles  services,  et  vous  soulager  avec  une  tendresse  que  vous 
n'eussiez  pas  refusée  peut-être  d'une  amitié  réelle.  L'idée  d'avoir 
trouvé  cette  lettre  à  mon  retour,  me  fait  frissonner,  et  je  sais  bien 
que  j'en  aurois  le  cœur  rempli  à  cet  instant. 

Cette  peinture  flatteuse  que  je  me  suis  faite  autrefois  de  votre 
séjour  en  Surrey,  ne  convenoit  pas  à  moi,  ni  à  un  monde  si  peu 
fait  pour  réaliser  les  tableaux  de  l'imagination.  En.  quelque  par- 
tie du  monde  que  vous  soyez,  vous  né  pouvez  jamais  vous  éloi- 
gner de  mon  amitié.  Rien  ne  sera  plus  doux  pour  moi  que  d'ap- 
prendre de  vos  nouvelles,  mais  je  vous  .prie  très  sincèrement  de 
ne  point  vous  gêner  pour  m'écrire.  Je  suis  si  loin  de  vouloir  em- 

1  Allusion  à  un  passage  inconnu  de  la  correspondance.  Probablement 
Jean-Jacques,  au  moment  de  quitter  Wootton,  pensa  se  prévaloir  des 
offres  de  service  réitérées-de  Malthus  en  lui  demandant  son  assistance 
pour  s'installer  ailleurs. 


LETTRES   DE   DIVERS   A    ROUSSEAU  221 

ployer  vos  instants  à  une  futile  correspondance,  que  je  suis  fâché 
d'avoir  occasionné  l'apologie  que  vous  daignez  me  faire.  Mais  non, 
je  ne  mépriserai  pas  tant  de  croire  que  vous  eussiez  été  tranquille, 
sans  m'avoir  donné  le  repos  que  je  vous  demandois.  Je  suis  cer- 
tain que  vous  pensiez  à  moi,  et  que  je  vous  ai  fait  sentir  quelque 
douceur,  en  le  cherchant  en  moi-même. 

J'aime  plus  vos  commissions  que  tous  les  compliments  du 
monde,  et  à  moins  de  5  je  ne  vous  aurois  pas  pardonné  le  mot 
d'honneur.  Madame  Malthus  est  très  flattée  de  vos  souvenirs  et 
parle  souvent  de  la  journée  en  Derbyshire,  elle  a  une  impression 
moins  aimable  de  celle  en  Surrey.  Je  vous  prie  d'accepter  de  sa 
part  quelque  chose  de  plus  que  des  compliments. 

L'Eté  passé,  je  commençois  à  herboriser  tout  de  bon,  et  comme 
je  n'avois  qu'un  peu  de  théorie,  et  quelques  noms  vulgaires,  ne 
voyant  autour  de  moi  que  mon  ignorance,  je  m'impatientois,  et 
pour  quelques  semaines,  c'étoit  une  vraie  fureur.  Mais  peu  à  peu 
mes  promenades  devenoient  plus  calmes.  La  petite  cousine  qui 
est  botaniste  à  toute  outrance,  m'a  aidé  dans  mes  recherches,  ma 
chère  Henriette  et  ses  enfants  en  prenoient  leur  part,  et  nous  fû- 
mes quelque  fois  une  famille  herborisante,  couchée  sur  la  pente, 
de  cette  colline  que  peut  être  vous  vous  rappelez.  Enfin,  j'ai  re- 
cueilli une  grande  partie  des  plantes  de  ce  canton.  Je  ne  suis  pas 
entré  dans  le  labyrinthe  des  mousses,  et  les  graminées  que  je 
désirerois  comme  fermier  de  bien  connaître,  me  sont  d'une  diffi- 
culté horrible,  Je  me  suis  servi  de  Hudson's  Flora  Anglica,  Lin- 
naei  gênera,  Morison  et  quelques  autres  livres  de  planches. 

L'hiver  un  peu  de  lecture  (je  sens  déjà  l'efl^et  de  votre  lettre,  car 
je  me  suis  saisi  de  l'Emile).  Je  fais  de'  grandes  promenades  avec 
mes  enfants.  Je  passe  plus  de  temps  dans  les  chaumières  que  dans 
les  châteaux  du  voisinage.  Il  y  a  toujours  à  s'employer  dans  une 
ferme  et  à  faire  des  petites  expériences.  Je  chasse  le  renard,  ce 
que  je  fais  en  partie  par  habitude,  et  en  partie  de  ce  que  cela 
amuse  mon  imagination  de  quelque  idée  de  vie  sauvage.  Cela  me 
fait  parcourir  une  vaste  étendue  de  pays  charmant,  et  je  n'ai  pres- 
que point  de  goût  plus  vif  que  celui-là.  Je  n'ai  rien  à  faire  dans 
cette  chasse  aux  exécrables  querelles  des  seigneurs  et  des  bracon- 
niers et  des  seigneurs  entre  eux  mêmes.  Et  je  donne  le  change, 
assez  misérablement,  je  l'avoue  à  ma  compassion,  en  ne  voyant 
presque  point  la  pauvre  bête  que  nous  poursuivons  et  en  la  croyant 
aussi  malfaisante  que  nous.  Je  ne  laisse  pas  d"y  trouver  toujours 
quelque  chose  qui  me  blesse. 

Vous  voulez  que  je  vous  parle  de  moi  et  vous  ne  me  dites  pres- 
que rien  de  vous  même.  Il  y  a  des  lettres  sous  votre  nom  qui  pa- 


222  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   .1.    ROUSSEAU 

roissent  dans  les  papiers  publics.  Je  ne  parle  jamais  de  vous 
qu'aux  deux  aimables  femmes  que  vous  avez  vues  en  Derbyshire, 
et  par  la  même  raison  je  me  ferois  un  crime  de  montrer  une  de 
vos  lettres.  Il  me  seroit  dur  de  croire  qu'il  n'entre  que  delà  vanité 
dans  ce  que  je  sens  pour  vous.  —  Cependant  si  jamais  je  suis 
connu  ce  seroit  sous  le  nom  de  Tami  de  Rousseau. 

Il  est  bien  tems  de  vous  laisser  à  votre  repos,  mais  je  n'oublie- 
rai pas  de  vous  dire  que  je  prends  part  très  sincèrement  à  la  joie 
que  vous  avez  de  la  convalescence  de  votre  ami  *. 

s  d 
Morison  L.  o  «  lo  «  6 
[Petivenus  3        'J 

Ray  4^^ 

14  «     6 

Adieu  Monsieur,  —  Ne  vous  reverrai-je  jamais  ? 

Je  compte  d'aller  à  Dijon  cet  été,  avec  une  partie  de  ma  famille, 
voir  mon  beau-frère  et  sa  femme  qui  y  sont. 

En  regardant  de  plus  près  le  petit  tome  de  Petivenus,  je  crois 
qu'il  ne  vous  servira  de  rien.  Je  ne  viens  pas  à  bout  de  compren- 
dre vos  cent  planches  ;  il  y  en  a  bien  plus  si  vous  les  prenez  tou- 
tes. Pour  ce  qui  regarde  Ray  seulement,  il  y  en  a  72,  5o  qui  sont 
peut  être  celles  que  vous  avez,  et  22  de  nouvelles.  J'ai  mis  dans  le 
Ray  un  avis  de  Millan  qui  vous  éclaircira  sur  ce  qu'il  y  a  dans 
l'édition  complette.  Il  vient  de  me  dire  qu'il  pense  quelquefois  à 
donner  des  descriptions,  etc.  de  Dillenius,  —  c'est  lui  qui  a  pu- 
blié l'édition  moderne  que  vous  avez. 

Lord  Nuneham^. 
I 

A  Londres  ce  27  Janvier  [1767.] 
Je  viens   de   recevoir  votre  lettre*  dans  l'instant  Monsieur,   et 
je  me  rendrai  incessamment  chez  Monsr  Davenport.  Pour  preuve 
Monsr  de   ma  façon  de  penser  à  votre   égard,   permettez   que   je 

1  Du  Peyrou.  Œuvres,  t.  XII,  p.  44,  à  Guy,  2  5  déc.   1767 

2  Biffé. 

3  Cf.  p.  17,  n.  4. 

*  Œuvres,,  t.  XI,  p.  40 3-,  24  déc.  1766.  Nuneham  était  alors  absent 
de  Londres;  cf.  p.  180,  XVII. 


LETTRES    DE   DIVERS   A    ROUSSEAU  223 

VOUS  envoie  une  lettre  que  j'ai  commencée  il  y  a  quelques  jours, 
mais  que  je  n'avois  pas  finie  ;  je  ne  sais  pas  si  vous  l'entendrez, 
mais  je  me  flatte  que  vous  me  pardonnerez.  S'il  y  a  quelque  chose 
pour  votre  service  ici,  ne  me  ménagez  pas  ;  recevez  Monsieur, 
les  assurances  de  mon  respect  et  de  mon  estime. 

NUNEHAM. 


A  Londres  ce  lo  Février  1767. 

Selon  votre  désir,  Monsieur,  je  me  hâte  de  répondre  à  votre  let- 
tre, que  j'ai  reçue  hier  au  soir  et  qui  m'a  fait  un  sensible  plaisir  ^ 
J'allois  chez  Mons'  Wattelet,  à  Moulin-Joli,,  quelques  jours  après 
la  publication  de  vos  lettres  et  celles  de  Mr  Hume,  nous  parlâmes 
beaucoup  de  vous  et  d'elles,  et  il  témoigna  beaucoup  de  tendresse 
et  d'amitié  pour  vous  ;  je  crois  même  pouvoir  répondre  que  ses 
sentiments  pour  vous  ne  sont  point  du  tout  changés  et  que  son 
attachement  est  véritable,  car  il  m'en  a  parlé  de  façon  à  n'en  point 
douter. 

Ne  jugez  pas  Monsieur,  de  tous  mes  compatriotes  d'après  quel- 
ques personnes  de  ce  qu'on  appelle  bonne  compagnie,  gens  qui  ne 
jugent  jamais  par  eux-mêmes,  et  qui,  n'ayant  pour  eux  que  le  pré- 
jugé des  hommes  en  faveur  des  grandeurs  et  des  richesses,  ne 
peuvent  pas  manquer  de  décrier  celui  qui  méprise  les  seules  cho- 
ses dont  ils  tirent  tout  leur  mérite  ;  vous  avez  beaucoup  d'amis  ici, 
malgré  tout  ce  qu'on  a  fait  pour  vous  les  ôter  et  parmi  ce  nombre 
quelques-uns  de  la  première  distinction  pour  le  génie  et  les  talents. 

Dans  votre  première  lettre.  Monsieur^  vous  m'avez  donné  la  per- 
mission d'aider  au  détail  de  vos  livres  et  de  vos  estampes.  Si  vous 
le  trouvez  bon  je  me  chargerai  des  dernières,  car  je  connois  beau- 
coup d'artistes,  et  M'-  Davenport  n'en  connoît  aucun  ;  le  meilleur 
moyen  à  ce  qui  me  paroit  seroit  de  les  faire  évaluer  par  un  artiste 
et  un  vendeur  d'estampes,  afin  de  ne  pas  être  trompé.  Il  y  a  aussi 
une  autre  façon  de  les  vendre.  Il  y  a  presque  tous  les  soirs  une 
vente  à  l'encan,  où  sans  qu'on  sache  à  qui  elles  appartiennent,  on 
peut  les  ajouter  au  catalogue  ;  je  ne  veux  cependant  rien  faire 
avant  d'avoir  appris  votre  décision  là-dessus.  Mandez-moi,  je  vous 
prie,  Monsieur,  si  vous  voulez  que  vous  soyez  nommé  en  cas  que 
je  vende  les  estampes  ;  en  tous  cas,  je  ne  veux  pas  m'en  défaire 
ni  pour  moins,  ni  pour  plus  que  leur  valeur  réelle. 

Je  vous  remercie,  Monsieur,  de  l'offre  obligeante  que  vous  m'a- 
vez fait,  et  j'accepterai  avec  plaisir  les  gravures  de  Mons'-  Watte- 

»  Œuvres,  t.  VI,  p.  416,  7  lévrier  1767. 


2  24  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

let,'s"il  ne  me  les  avait  pas  données  lui-même,  si  Madi'e  Le  Vas- 
seur  ne  m'a  pas  oublié,  faites-lui  je  vous  prie  mes  compliments. 
Agréez  je  vous  prie,  mes  compliments  et  l'assurance  de  ma  très 
sincère  estime. 

NUNEHAM. 

III  > 

A  Londres  ce  19  Février  1767. 

Je  suis  charmé  Monsieur  que  ma  lettre  vous  ait  fait  plaisir,  j'en 
aurai  toujours  un  très  grand  à  vous  être  utile  à  quelque  chose.  Je 
vous  remercie.  Monsieur,  du  présent  que  vous  voulez  bien  me 
faire  ^  ;  je  l'accepte  avec  beaucoup  de  plaisir  et  de  reconnoissance 
et  venant  de  vous,  il  me  sera  cher.  Je  garderai  avec  soin  les  gra- 
vures de  Monsi"  Wattelet  ;  j'aurai  souvent  l'occasion  de  les  l'ur 
renvoyer  si  vous  le  voulez  ;  ou  si  je  pouvois  savoir  quel  livre  de 
botanique  vous  souhaitez  peut-être  pourrois-je  trouver  le  moyen 
de  faire  l'échange  avec  quelqu'un  qui  aime  mieux  les  estampes 
rares  que  des  livres  de  cette  espèce.  J'ai  vu  votre  ami  Mr  Daven- 
port  ce  matin,  qui  m'enverra  vos  portefeuilles  aussitôt  qu'il  les 
aura  dépaquetés  ;  vous  pouvez  compter  Monsieur  qu'en  les  ven- 
dant, je  ne  consulterai  que  votre  goût  et  que  si  je  choisis  quel- 
ques-unes des  gravures,  je  ne  les  paierai  que  le  prix  marqué, 
j'espère  que  vous  me  rendrez  la  justice,  de  ne  pas  m.e  croire  capa- 
ble de  l'impertinence  de  faire  autrement. 

Dans  toute  cette  affaire,  il  ne  sera  pas  du  tout  question  de  vous,. 
Monsieur.  Je  crains  d'être  trop  tard  pour  la  poste,  sans  cela  j'au- 
rois  envoyé  cette  lettre  à  Mr  Davenport  pour  vous  la  faire  tenir, 
ainsi  je  vous  prie  de  m'excuser.  Mes  compliments  je  vous  prie  à 
Mlle  Le  Vasseur  ;  s'il  y  a  quelque  chose  pour  son  service  ici, 
j'exécuterai  ses  commissions  avec  plaisir.  Agréez  je  vous  prie, 
Monsieur,  les  assurances  de  mon  respect  et  de  mon  estime. 

NuNEHAM. 

A  Londres  ce  28  Mars*  [Février  1767.] 
Monsieur  Davenport  vient  de  m'apporter  Mons""  vos  portefeuilles*, 
mais  les  estampes  sont  dans, un  désordre  affreux  ;  les   bonnes   et 

>  To  I  Monsieur  Rousseau. 

2  Estampes  originales  des  œuvres  de  "Rousseau.  Œuvres,  t.  XI.  p, 
421,  14  fév. 

3  To  I  Monsieur  Rousseau. 

♦  Erreur;  lire  :  février;   cf.  Œuvres,  t.  XII,  p.  3,  à  Harcourt,  5  mars, 
qui  est  la  réponse  de  Rousseau  à  cette  lettre. 
5  Cf.  p.  188,  XXVI. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  22 D 

les  mauvaises  impressions  sont  mêlées  ensemble,  et  malgré  mes 
recherches  je  ne  trouve  pas  une  seule  gravure  de  notre  ami 
iMons'  Wattelet  ;  il  faut  que  les  officiers  de  la  douane  les  aient 
perdues  ou  prises.  Heureusement  il  n'y  a  rien  de  gâté,  ce  qui 
m'étonne  voyant  combien  tout  est  dérangé.  Demain  des  artistes 
viendront  les  apprécier.  Mes  compliments  je  vous  prie  à  M'ie  Le 
Vasseur.  Agréez,  Monsieur,  les  assurances  de  ma  très  parfaite 
estime.  Nuneham. 

Le  papier  ci-joint  est  tombé  d'un  des  portefeuilles.  J'ai  aussi 
trouvé  une  découpure  de  Mons''  Hubert  de  Genève,  je  crois  quelle 
est  de  Mons''  de  Voltaire,  la  figure  est  habillée  en  guerrier 
Romain.  Que  voulez-vous  Monsieur  que  j'en  fasse  ? 


[du  7  au  12  mars  1767.]  - 

Monsieur  Davenport,  Monsieur,  m'apporta  Samedi  encore 
deux  portefeuilles  d'estampes,  parmi  lesquelles  j'ai  trouvé  celles 
de  Mons''  Wattelet,  que  j'ai  mises  à  part  selon  votre  intention. 
J'ai  trouvé  un  grand  nombre  de  gravures  de  Monsr  l'Abbé  St-Non, 
je  ne  les  avois  pas,  car  elles  sont  rares,  et  puisque  vous  ne  vou- 
lez pas  qu'elles  soient  vendues  parmi  les  autres,  je  les  garderai 
pour  moi,  c'est  un  cadeau  qui  m'est  fort  agréable,  et  je  vous  en 
fais  Monsieur  mes  remerciements.  Je  suis  charmé  d'avoir  trouvé 
le  portrait  de  Milord  Maréchal  ;  je  l'ai  envoyé  tout  de  suite  chez 
Monsr  Davenport  en  le  priant  en  même  temps  de  vous  l'envoyer  à 
la  première  occasion,  et  j'eSpère  qu'il  arrivera  chez  vous  sans 
accident.  J'ai  vendu  déjà.  Monsieur  pour  près  de  9  guinées  et 
demi  d'estampes.  On  ne  m'aurait  pas  payé  la  moitié  de  leur 
valeur,  si  je  les  avois  cédé  tout  ensemble  à  un  marchand  aussi 
j'ai  pris  le  parti  de  m"en  défaire  à  différentes  personnes  après 
avoir  marque  le  prix  sur  chacune,  selon  que  ceux  que  j'ai  employé 
pour  les  évaluer,  m"ont  dit  quelles  valoient.  Vous  pouvez  être 
persuadé.  Monsieur  que  je  n'en  ai  pas  vendu  une  seule,  un  sol 
au-delà  du  prix  qu'on  payeroit  dans  une  boutique  ;  pour  toute 
chose  au  monde,  je  ne  voudrois  pas  abuser  de  la  confiance  que 
vous  avez  la  bonté  de  me  marquer.  J'en  suis  trop  glorieux  pour 
v(.uiloir    risquer  de  la   perdre,  et  je  vous   fais   mes  très  sincères 

1  To  I  Monsieni-  Rousseau. 

2  Cf.  Œuvres,  t.  XII,  p.  3,  â  Havcouit,  5  mars  17Ô7;  supra,  p-  189, 
12  mars.  XXVII!. 


2  2b  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

remerciments  de  ce  que  vous  voulez  m'employer,  car  comme  je 
connois  tous  les  artistes,  ce  n'est  qu'un  amusement  pour  moi.  Je 
suis  très  fâché  d'apprendre  Monsieur  que  vous  avez  eu  mal  aux 
dents,  mais  j'espère  d'ailleurs  que  votre  santé  est  bonne  et  pas 
plus  mauvaise  que  quand  je  vous  ai  vu  à  Londres,  et  que  l'air  de 
ce  pays  ne  vous  est  pas  contraire.  Agréez  je  vous  prie,  Monsieur, 
les  assurances  de  mon  respect  et  de  mon  estime. 

NUNEHAM. 

Mes  compliments  à  MH^  Le  Vasseur. 

VI 

A  Londres  le  7  d'Avril  1767. 

L'estampe  qui  me  restoit,  Monsieur,  quand  je  reçus  votre 
lettre,  ^  étoit  le  portrait  de  Mlle  Clairon  d'après  le  tableau  de  Carie 
Wanloo  mais  par  bonheur,  j'ai  encore  celui  du  roi,'  c'est  de  tout 
ceux  qu'on  a  fait  le  plus  ressemblant  et  le  mieux  gravé,  et  il  est 
si  rare  que,  malgré  mes  recherches  pendant  plus  d'un  an,  je 
n'avois  pas  pu  le  trouver  pour  un  ami  que  j'ai  en  France  qui  me 
l'avoit  demandé  ;  ainsi  j'avois  acheté  le  vôtre  pour  le  lui  envoyer, 
mais  depuis  que  j'ai  reçu  votre  lettre,  j'ai  repris  l'argent  que 
j'avois  payé  et  je  garderai  avec  soin  l'estampe  jusqu'à  ce  que  vous 
me  la  demandiez.  Vous  avez  évalué  Monsr  les  gravures  que  vous 
avez  reçues  de  Monsr  Ramsay  beaucoup  au-dessus  de  leur  prix  ; 
le  portrait  du  roi  ne  vaut  que  5  shillings,  et  j'ai  vendu  celui  de 
l'amiral  Bo'scawen  0:7:6  Lord  Bath  o  :  2  :  6  Duke  ofArgyle 0:2:0 
Lord  Bute  o:  10:6.  Quand  Milady  Spencer  reviendra  à  Londres, 
je  vous  dirai  au  juste  Monsr  pour  combien  j'ai  vendu  les  autres 
gravures  anglaises,  car  c'est  elle  qui  les  a  toutes  achetées.  C'é- 
toient  des  portraits  gravés  par  Houbraker  dont  la  plupart  se 
vendent  i  shil.  et  les  bonnes  impressions  dont  il  v  en  avoit 
quelques-unes  deux  shil.  chacune. 

Parmi  toute  votre  collection  d'estampes,  il  n'y  en  eut  qu'une 
que  je  ne  pus  pas  vendre  aisément,  c'étoit  le  portrait  de  Lord 
Bute  ;  celui  même  qui  l'a-voit  gravé  me  disoit  qu'il  lui  en  restoit 
encore  200  impressions  et  un  autre  marchand  'me  disoit  qu'il 
avoit  eu  la  folie  d'en  prendre  plusieurs  dans  le  tems  qu'elles 
paraissoient  et  qu'il  n'avoit  jamais  pu  se  défaire  que  d'une  seule. 
La  gravure  cependant  est  belle.  Je  distribuerai  l'argent  que  vous 
avez  destiné  aux  pauvres,  quand  j'aurai  appris  si  vous  voulez  ou 
non  que  je  fasse  une  évaluation  exacte  du  produit  de  la  vente  des 

'  Œuvres,  t.  XII,  p.  8,  2  avril- 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  227 

estampes  que  vous  avez  eues  de  Monsr  Ramsay  ;  mais  sachant, 
Monsieur,  que  vous  aviez  mis  trop  haut  la  valeur,  j'ai  cru  qu'il 
me  serait  permis  de  prendre  la  liberté  de  vous  avertir  avant  de 
répondre  à  vos  intentions  charitables.  J'ai  été  charmé  d'appren- 
dre par  Monsr  Davenport  que  vous  aviez  accepté  la  pension  du 
roi  ;  la  façon  dont  elle  a  été  donnée  est  digne  de  celui  qui  la  reçoit. 
Vous  ne  m'avez  jamais  mandé  Monsieur  dans  quel  état  est  votre 
santé,  ni  comment  vous  vous  trouvez  de  l'air  du  pays.  J'apprends 
que  Mlle  Le  Vasseur  ne  se  porte  pas  bien,  et  quel  a  dessein  de 
venir  consulter  quelque  médecin  de  Londres.  J'espère  que  je 
saurai  à  peu  près  le  tems  de  son  arrivée,  car  qu'elle  vienne  seule 
ou  que  vous  l'accompagniez  je  serois  fâché  d'être  absent.  —  A 
qui  voulez-vous  que  je  paie  l'argent  qui  vous-  appartient?  le  tout 
est  de  Lst.  16:  11  :  7,  Agréez  je  vous  prie  Monsieur  mes  sincères 
salutations.  Nuneham. 

VII  1 

A  Londres  ce  7  Mai  [1767.]  ^ 
J'ai  vu  aujourd'hui,  Monsieur,  les  gravures  que  j'ai  vendues  à 
Milady  Spencer  ;  elle  a  été  à  la  Campagne,  ce  qui  m'a  empêché 
de  répondre  plus  tôt  à  votre  lettre,  et  de  vous  payer  l'argent  que  je 
vous  dois.  Le  prix  des  estampes  que  vous  avez  reçues  de  Mr  Ram- 
say, (le  portrait  du  roi  compris)  ne  monte  qu'à  Lst.  i:  i5:o; 
je  tâcherai  de  distribuer  cette  somme  à  ceux  qui  auront  le  plus 
besoin  d'argent  et  qui  sont  d'honnêtes  gens.  Je  viens  d'envoyer 
chez  votre  digne  ami  Mr  Davenport,  pour  savoir  s'il  étoit  en  ville, 
et  pour  demander  la  permission  d'aller  chez  lui  demain  ;  mais  on 
me  mande  qu'il  y  a  quinze  jours  qu'il  est  parti  pour  la  campagne, 
et  comme  je  ne  reste  ici  que  jusqu'à  mercredi  je  payerai  l'argent  à 
mon  banquier,  et  je  vous  envoie  Monsieur,  un  billet^  que  vous 
pouvez  changer  en  argent  quand  vous  jugerez  à  propos  en  écrivant 
votre  nom  sur  le  billet,  ce  sera  alors  comme  un  billet  de  banque. 
C'est  moi,  Monsieur,  qui  vous  dois  des  remercîments  ;  en  me 
témoignant  de  la  confiance,  vous  m'avez  fait  le  plus  vrai  plaisir  et 
je  suis  bien  sensible  à  cet  honneur.  Recevez,  je  vous  prie.  Mon- 
sieur mes  très  sincères  salutations  et  mon  respect. 

Nuneham. 

Si  Monsieur  Davenport  est  chez  vous  Monsieur,  faites  lui  je  vous 
prie  mes  compliments  ainsi  bien  qu'à  Mlle  Le  Vasseur. 

1  To  I  Monsieur  Rousseau. 

2  Rousseau  n'était  déjà  plus  à  Wootton. 

3  Rousseau  le  négocia  en  France,  Œuvres,  t.  XII,  p.  49,  i3  janv.  1768. 


ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.    J.    ROUSSEAU 


vm 

A  Nuneham  ce  27  Juillet  [17Ô7.J 

Je  me  hâte  Monsieur,  de  répondre  à  votre  lettre^,  que  j'ai  reçue 
hier  au  soir,  car  je  suis  trop  sensible  à  l'honneur  que  vous  m'avez 
fait,  pour  tarder  d'un  moment  à  vous  en  taire  mes  remcrciments. 
Je  ne  saurois  Monsieur,  vous  exprimer  combien  je  suis  touché 
des  marques  que  vous  me  donnez  de  votre  amitié  ;  conservez  la 
moi  toujours,  elle  me  sera  toujours  chère,  et  je  tâcherai  de  m'en 
rendre  digne. 

Ayant  été  à  la  campagne  depuis  longtemps,  et  ne  sachant  pas 
le  lieu  de  votre  retraite,  j'ai  été  fort  inquiet  sur  votre  compte  ; 
mais  j'ai  appris  depuis  peu,  la  réception  qu'on  vous  fit  à  Amiens 
et  cela  me  rassure  un  peu.  Partout  où  vous  serez  je  ferai  des 
vœux  pour  votre  bonheur,  et  il  me  sera  doux  d'apprendre  que 
vous  l'ayez  trouvé. 

Je  crois,  Monsieur,  que  le  billet  que  je  vous  ai  envoyé  ne  pour- 
roit  servir  de  rien  dans  le  pays  où  vous  êtes  ;  mais  si  vous  le  trou- 
vez bon,  je  pourrois  écrire  à  mon  banquier  à  Londres  pour  payer 
la  somme  à  un  de  ses  correspondants  à  Paris,  qui  vous  fera  tou- 
cher l'argent,  et  je  ne  crois  pas  que  Mr  Foley  qui  est  mon  ban- 
quier à  Paris  et  qui  connoît  mon  écriture,  fasse  la  moindre  diffi- 
culté de  le  payer  à  vue,  si  vous  voulez  prendre  la  peine  de  l'en- 
voyer chez  lui. 

Agréez  je  vous  prie,  Monsieur  les  assurances  de  mon  attache- 
ment et  de  mon  respect. 

Nuneham. 

Que  voulez-vous  que  je  fasse  Mons'  des  gravures  de  Monr  Wat- 
telet  et  du  portrait  du  roi  ?  des  occasions  pour  vous  les  envoyer 
ne  me  mariqueront  pas,  en  cas  que  vous  souhaitiez  les  avoir. 
Pourrois-je  vous  être  bon  à  quelque  chose  dans  ce  pays-ci? 

A  Londres  ce  22  Janvier  17Ô8. 

Comme  dans  votre  dernière  lettre  Monsieur,  vous  m'aviez 
donné  l'espérance  de  recevoir  de  tems  en  tems  de  vos  nouvelles, 
et  qu'il  y  a  bien  longtems  que  je  n'en  ai  point  reçu,  votre  silence 
m'inquiète  trop  pour  que  je  puisse  résister  davantage  à  l'envie  que 
j'ai  de  vous  écrire,  et  je  ct)mpte  Monsieur  sur  les  bontés  que  vous 


1  Œufvcs,  t.   XII,  p.' 23,  10  juillet. 
î  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  229 

m'avez  toujours  témoigné,  pour  mon  pardon,  de  ce  que  j'ai  pris 
cette  liberté,  sans  en  avoir  reçu  la  permission.  Ne  sachant  ni  où 
vous  êtes,  ni  l'état  de  votre  santé,  je  vous  prie  instamment  Monsr 
de  ne  plus  me  laisser  dans  l'ignorance  sur  ce  qui  m'intéresse  si 
véritablement.  N'ayant  pas  trouvé  M'"  Davenport  chez  lui,  et  ne 
l'ayant  pas  vu  chez  moi  de  tout  l'hiver  je  n'ai  pu  apprendre  les 
motifs  de  votre  départ  ;  si  c'étoit  le  mauvais  traitement  que  vous 
avez  reçu  en  Angleterre,  qui  vous  obligea  de  quitter  ce  pavs,  je 
trouve  que  ma  patrie  est  encore  plus  à  plaindre  que  vous. 

Faites  bien  mes  compliments  à  MH'^  Le  Vasseur  et  agréez  je  vous 
prie  Monsieur  les  assurances  du  plus  sincère  respect. 

NUNEHAM. 

ce  26  Janvier. 

Cette  lettre  étoit  déjà  écrite  et  prête  à  envoyer  à  la  poste  ven- 
dredi passé,  quand  on  m'apporta  celle  que  vous  m'avez  fait  l'hon- 
neur de  m'écrire  en  dernier  lieu';  je  ne  pourrai  trop  vous  remer- 
cier Mons'  des  marques  que  vous  m'avez  donné  de  votre  souvenir, 
mais  mon  mauvais  français  ne  me  permet  pas  d'exprimer  les  sen- 
timents de  mon  cœur.  J'aurai  soin  de  vous  envoyer  le  portrait  du 
Roi  à  la  première  occasion  qui  se  présentera  pour  vous  l'envoyer 
sans  risque  d'être  perdu,  et  je  crois  que  ce  sera  au  départ  de 
Mons'  Durand  ministre  de  France'.  J'accepte  avec  plaisir  et  re- 
connoissance  Mons''  les  belles  gravures  de  Monsr  Wattelet,  que 
vous  avez  bien  voulu  m'offrir  ;  je  les  joindrai  aux  autres  que  vous 
m'avez  données,  et  je  vous  laisse  à  juger  Monsieur  si  celui  de  mes 
portefeuilles  qui  contiendra  les  estampes  que  je  tiens  de  vous  sera 
celui  dont  je  ferai  le  moins  de  cas.  Permettez  Monsieur  que  je 
vous  réitère  les  assurances  de  mon  respectueux  attachement. 


Roustan'. 


Monsieur,  Il  y  a  longtemps  que  j'aurois  eu  l'honneur  de  vous 
écrire,  si  j'avois   eu  à  vous   apprendre    quelque   nouvelle  intéres- 

1  Œuvres,  t.  XII,  p.  49,  i3  janvier. 

-  Chargé  d'affaires  en  l'absence  de  l'ambassadeur,  comte  de  Guerchy 
(The  London  Chroniclc.  vol.  XXI,  n"  1627,  May  7-0,  1767.} 

^  Cf.   p.  27,  n.  5. 

*  To  I  M^  John  James  Rousseau  \  at  Wotto)i  near  Asbuiii  in  \  Der- 
by shire. 


23o  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

santé  que  je  pusse  croire  nouvelle  pour  vous,  ou  si  j'avois  pu  pré- 
sumer qu'une  correspondance  ecclésiastique  put  encor  vous 
plaire  ;  mais  je  sens  avec  douleur  que  mon  ordre  a  eu  de  trop 
grands  torts  avec  vous,  et  moi  trop  peu  d'occasions  de  me  distin- 
guer d'eux  pour  que  j'aie  droit  que  vous  fassiés  pour  moi  une 
classe  à  part.  Cependant  la  conscience  secrette  de  mes  senti- 
mens  pour  vous,  et  le  souvenir  de  l'accueil  amical  que  vous  nous 
fîtes  à  Chesick,  m'enhardissent  à  surmonter  cette  crainte  pour 
vous  demander  une  grâce  tant  en  mon  nom  qu'à  celui  de  tous  vos 
amis  de  Genève  :  Vous  n'ignorés  pas  sans  doute  les  horreurs  que 
Mr  Hume  a  eu  la  bassesse  d'écrire  de  vous  à  Paris,  la  gazette  de 
cette  capitale  les  a  répétées,  et  par  ce  moien  Genève  en  a  été 
imbue  :  Assurément  nous  ne  mériterions  guère  que  vous  vous 
donnassiés  la  peine  de  nous  instruire,  si  nous  vous  soupçonnions 
capable  ue  mériter  les  noms  qu'il  vous  donne  :  sa  conduite  même 
dépose  contre  lui,  car  quand  vous  lui  auriés  fourni  de  réels  sujets 
de  plainte,  tant  que  ces  torts  étoient  entre  lui  et  vous,  un  vérita- 
ble ami,  un  bon  cœur,  un  philosophe  enfin,  |si  la  philosophie 
est  quelque  chose),  ne  se  presse  point  de  diffamer  son  ami  dans 
toute  l'Europe  ;  c'est  par  son  triste  silence  qu'il  l'accuse  plutôt 
que  par  ses  discours:  Mais  sans  ajouter  foi  à  ces  viles  imputations, 
nous  serions  charmés  de  savoir  quel  en  est  le  prétexte,  et  le  res- 
pectable Mr  Abauzit  m'a  fait  dire  en  particulier  par  Beau  Château 
qu'il  espéroit  en  être  instruit  par  mon  moien  :  J'espère  donc  que 
vous  voudrés  bien  considérer  que  tous  les  coups  qu'on  vous  porte, 
sont  autant  de  soufflets  pour  nous,  et  qu'en  bonne  équité  vous 
nous  devés  un  bouclier  pour  les  repousser  :  "Vous  avés  vu  sans 
doute  la  déclaration  des  Médiateurs  en  faveur  du  P.  C*  Elle  vous 
aura  plus  affligé  que  surpris  ;  il  s'en  est  falu  de  fort  peu  que  la 
Bourgeoisie  ne  protestât  contre,  et  pendant  plusieurs  jours  on  en- 
voioit  au  Ei[iable]  les  commissaires  et  autres  qui  combattoient  cet 
avis;  à  la  fin  pourtant  ils  l'ont  fait  prévaloir,  et  leurs  amis  en  Suisse 
les  ont  assurés  que  cette  modération  leur  faisoit  beaucoup  d'hon- 
neur dans  les  deux  Cantons^;  mais  un  des  Représentans  m'écrit 
qu'ils  sont  bien  déterminés  à  rejetter,  quoi  qu'il,  en  coûte,  le  pro- 
noncé final  des  Méd[iateurs,]  s'il  n'est  pas  équitable  :  Beau  Château 
me  marque  que  quand  on  parle  en  Suisse,  surtout  à  Zurich,  d'em- 

1  Le  Petit  Conseil,  ou  Conseil  ordinaire,  ou  Conseil  étroit,  ou  Conseil 
des  XXV.  On  trouvera  la  signification  de  tous  les  termes  politiques  de 
ces  lettres,  dans  les  Œuvres,  t.  III,  pp.  267-272  :  Note  sur  la  Constitu- 
tion de  Genève,  analyse  des  ouvrages  de  d'Ivernois  et  de  Picot,  due  à 
Petitain. 

2  Zurich  et  Berne. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  23  I 

ploier  des  moiens  violens,  les  Officiers  disent  publiquement  qu'ils 
ne  marcheront  pas  contre  leurs  alliés,  et  qu'ils  le  sont  non  du  XXV 
ni  du  ce.  mais  du  Conseil  général.  Usteri  ^  me  mande  aussi  que 
les  2  Cantons  se  sont  bien  promis  de  ne  pas  permettre  qu'on  portât 
atteinte  aux  droits  du  peuple  :  J'attens  avec  une  mortelle  impa- 
tience ce  que  tout  ceci  deviendra,  car  franchement  je  crains  plus 
encore  que  je  n'espère  ;  si  vous  souhaités  que  je  vous  communi- 
que ce  que  j'apprendrai,  vous  n'avés  qu'à  me  dire  un  mot  :  Pré- 
sentés, je  vous  prie,  mes  respects  à  Mi'e  Le  Vasseur,  donnés-moi 
des  nouvelles  de  votre  santé,  et  agréés  de  nouveau  les  assuran- 
ces du  tendre  attachement  et  de  la  parfaite  estime  avec  lesquels 
j'ai  rhonneur  d'être,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur, 

A.  J.    ROUSTAN. 

London  Meard's  Court  Dean  Street  Soho  ce  28^  Aoust  1766. 

112 

Londres  ce  ii«  octobre  1766. 

Monsieur,  Au  hazard  même  de  vous  être  opportun,  je  n'aurois 
pas  différé  si  longtems  à  vous  témoigner  le  plaisir  extrême  que 
m'a  causé  votre  dernière  lettre ^  si  je  n'avois  été  bien  aise  de 
pouvoir  vous  satisfaire  en  même  temps  sur  la  lettre  que  vous  écri- 
vîtes le  3o=  Aoust  dernier  à  Mr  d'Yvernois*.  Je  ne  manquai  pas 
de  prier  Mr  Beau  Château  de  s'en  informer,  et  voici  ce  qu'il  me 
répond:  «  Mr  D'Yvernois  étoit  parti  pour  un  voiage  ordinaire  de 
»  commerce,  lorsque  j'ai  reçu  votre  1-ettre,  il  me  communiqua  la 
»  veille  de  son  départ  la  lettre  de  M""  R.  du  3oe  Aoust,  et  je  ne 
"  doute  pas  qu'il  ne  lui  ait  écrit,  je  ne  sai  rien  de  la  lettre  par  Ami  : 
)'  Aussitôt  la  votre  reçue,  j'allai  en  lire  au  respectable  Mr  Abauzit 
»  le  morceau  qui  concernoit  M""  Rousseau  ;  après  l'avoir  ouï,  vous 
*  m'avés  mis,  me  dit-il,  du  baume  dans  le  sang  ;  faites  mes  com- 
»  plimens  à  M.  Roustan,  et  priez-le  de  saluer  très  affectuevisement 
»  Mr  Rousseau  de  ma  part.  »  Mr  Deluc  Père  me  fait  prier  par  le 
même  canal  de  vous  dire  qu'il  espère  que  tout  ira  bien,  qu'outre 
son  entière  confiance  à  la  Providence  il  voit  dans  les  causes  se- 
condes plusieurs  raisons  de  bien   augurer,   qu'il  est  bien  aise  que 

1  Léonard  Usteri,  le   correspondant  de  Rousseau;  cf.  p.   6,  n.  G. 
^  To  I  M^  John   James    Rousseau  \  at  \  M^ootton    in  Derbysliire  \  neav 
Asbiirn. 
"  Œuvres,  t.  XI,  p.  388,  7  sept. 
*  Œuvres,  t.  XI,  p.  386. 


232  ANNALES   DP.   LA    SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

les  choses  aillent  lentement,  parce  que  les  calomnies  répandues 
depuis  fort  longtems  sur  le  compte  de  la  Bourgeoisie,  et  qui  lui 
ont  fait  beaucoup  de  tort,  ne  se  dissipent  qu'à  la  longue,  et  avec 
effort,  et  que  la  vérité  se  faisant  jour,  tout  est  gagné.  Beau  Châ- 
teau finit  en  me  chargeant  de  vous  dire  pour  lui  mille  choses,  que 
son  cœur  vous  suit  en  tous  lieux  et  se  trouve  associé  à  toutes  vos 
peines  ;  je  puis  bien  vous  assurer  aussi  que  je  ne  connois  per- 
sonne qui  vous  honore  et  vous  chérisse  plus  que  lui  ;  mais  c'est 
assés  vous  parler  des  autres,  venons  à  moi. 

Votre  lettre  m'a  donné  la  joie  la  plus  vive  que  j"eusse  ressentie 
depuis  longtems,  et  par  les  assurances  que  vous  m'y  donnés  de 
votre  estime  qui  me  sera  toujours  infiniment  chère,  et  par  la  dé- 
monstration qu'elle  m'a  fournie  du  calme  et  de  la  paix  intérieure 
dont  vous  jouisses,  en  dépit  de  tous  les  orages  par  lesquels  on  a 
voulu  la  troubler  :  Nous  autres  hommes  vulgaires  qui  nous  échauf- 
fons si  souvent  pour  des  bagatelles,  n'imaginons  pas  même  qu'on 
puisse  tenir  aux  assauts  que  vous  avés  soutenus  ;  mais,  grâces  en 
soient  rendues  à  Dieu,  je  ne  vous  connoissois  encore  que  pour  un 
grand  homme,  je  vous  connois  maintenant  pour  un  sage,  et  je 
me  console  un  peu  de  vos  longues  infortunes  en  pensant  qu'elles 
n'ont  servi  qu'à  vous  faire  déploier  toute  l'excellence  de  vos  ver- 
tus. Non.  jamais  vous  n'avés  mieux  montré  la  malice  de  vos  en- 
nemis qu'en  me  parlant  d'eux  comme  vous  l'avés  fait,  et  la  plus 
amère  satyre  qu'on  put  faire  d'eux  seroit  d'assurer  qu'ils  pour- 
roient  lire  le  morceau  qui  les  regarde,  sans  rougir  de  confusion  de 
leurs  procédés  avec  vous.  Je  voudrois  pouvoir  me  juger  capable  de 
la  tâche  que  vous  m'invites  à  prendre,  mais  j'en  doute  extrême- 
ment; il  y  a  bien  de  la  distance,  Monsieur,  entre  vous  admirer  et 
vous  imiter,  et  je  penche  fort  à  croire  que  l'Auteur  d'un  tel  plan 
est  seul  capable  de  l'exécuter  ;  non  que  je  n'eusse  grande  envie 
d'essaier  au  moins,  puisqu'au  contraire  j'écrivois  à  Usteri  il  y  a 
quelques  mois,  que  si,  comme  il  n'y  avoit  que  trop  d'apparence, 
la  Médiation  opprimoit  la  liberté  à  G[enève]  je  vengerois  l'inno- 
cence asservie,  et  crierois  au  voleur  de  toutes  mes  forces  ;  mais 
vous  verres  trop,  par  ces  expressions  que  ma  tête,  est  encor  bien 
jeune  pour  suivre  des  conseils  aussi'  sages  que  les  vôtres,  je  sens 
qu'une  histoire  ne  doit  point  être  une  philippique,  et  que  crier  est 
le  moien  de  n'être  pas  écouté  ni  cru;  mais  combien  de  fois  en 
voiant  le  meilleur  parti,  prend-on  le  mauvais  ? 

Je  ne  puis  finir,  Monsieur,  sans  vous  communiquer  une  idée 
qui,  si  elle  est  vraie,  est  bien  propre  à  consoler  un  ami  de  la  vé- 
rité tel  que  vous  :  VcJus  avés  été  persécuté  ainsi  que  la  plupart  des 
grands  hommes  ;  mais' pourquoi?  Parce  que  quand  vous  avés  paru 


LETTRES    hi:    DIVERS    A    ROUSSEAU  233 

■dans  le  monde,  le  public  régnant,  les  Docteurs,  les  Lettrés  avoient 
leur  [siège]  '  tout  fait,  et  le  moien  qu'après  avoir  mis  40  ou  5o  ans 
à  le  former  et  renseig[ner  ils]  l'abandonnassent:  Mais  pour  avoir 
harcelé  le  Docteur,  il  ne  s'ensuit  nullement  qu'ils  étouffent  sa 
doctrine  et  vos  écrits  resteront.  Monsieur,  la  postérité  arriverii, 
et  libre  des  préjugés  de  ses  pères,  elle  examinera  impartialement 
les  pièces  du  procès,  et  vous  rendra  la  justice  que  vous  refusent 
vos  contemporains:  Je  n'ai  pas  la  cruauté  de  souhaiter  que  vous 
viviés  assés  pour  le  voir,  vous  avés  mieux  à  espérer  que  de  vains 
éloges,  mais  je  vous  félicite  de  bien  bon  cœur  du  parti  que  vous 
avés  pris  de  laisser  crier  les  sots  et  les  fripons,  et  de  ne  vivre 
plus  que  pour  vous,  en  vous  souvenant  pourtant  quelquefois  d'un 
disciple  qui  vous  porte  toujours  dans  son  cœur. 

A.  J.    ROUSTAN. 

III2 

Londres  le  24e  Novembre  1766. 

Monsieur,  J'aurois  eu  beaucoup  plutôt  l'honneur  de  vous  ré- 
pondre^ sans  une  espèce  d'épuisement  dont  je  fus  surpris  il  y  a 
quinze  jours,  et  qui  m'ôtoit  absolument  le  courage  d'écrire  :  Grâ- 
ces à  Dieu,  je  me  trouve  actuellement  beaucoup  mieux,  et  je  me 
hâte  d'en  profiter  pour  vous  témoigner  combien  votre  confiance 
nie  touche,  et  avec  quel  plaisir  je  ferai  tout  mon  possible  pour 
qu'elle  ne  vous  soit  pas  absolument  inutile  ;  ou  pour  mieux  dire, 
ce  n'est  pas  tant  à  vous  que  je  pense  en  cette  occasion  comme  au 
public  et  à  moi  ;  je  présume  en  effet  que  vous  ne  serés  point  fâché 
que  j'aie  compris  qu'il  s'agit  d'un  ouvrage  que  vous  ne  voulés  pas 
dégner  publier  vous-même,  et  pour  la  publication  duquel  vous  voulés 
cependant  prendre  des  mesures;  or  quand  l'Auteur  ne  me  seroit 
pas  aussi  cher  qu'il  l'est,  la  nature  seule  de  ses  écrits  me  feroit 
un  devoir  de  contribuer  de  mon  mieux  à  leur  conservation  :  Je 
suis  sur  que  mon  ami  Ustéri  non  seulement  s'y  prêtera  avec  joie, 
mais  qu'il  fera  tous  ses  efl'orts  pour  inspirer  les  mêmes  sentimens 
à  ceux  dont  besoin  sera.  Si  la  chose  étoit  pressée,  je  lui  écrirois 
tout  de  suite,  mais  comme  vous  me  marqués  qu'elle  ne  l'est  pas, 
j'attendrai  sa  réponse  à  ma  dernière  lettre  du  commencement 
d'Octobre,  et  je  vous  manderai  au  plutôt  ensuite  ce  qu'il  m'aura 
marqué. 

Je  vai  maintenant  vous  demander  un  service  que  votre  huma- 
nité et  votre  patriotisme  ne  me  permettent  pas  de  croire  que  vous 

'  Déchirure. 

'  To  I  Af"'  Rousseau  at  \   Wootton  in  Derbysltire  neav  |  Asburn. 

•'  Allusion  à  une  lettre  inconnue. 


234  ANNAF.es   de   la   société  J.   J.    ROUSSEAU 

refusiés,  c'est  pour  M""  Lamande,  auteur  du  Dictionnaire  des  Né- 
gatifs, dont  vous  avés  sans  doute  entendu  parler',  et  pour  lequel 
il  a  été  condamné  par  contumace  le  3«  de  ce  mois  à  faire  amende 
honorable  par  toute  la  ville,  cassé  de  la  bourgeoisie,  et  banni  à 
perpétuité:  Je  n'ai  point  lu  l'ouvrage,  mais  si  j'en  puis  juger  d'a- 
près un  grand  nombre  de  traits  qu'on  m'en  a  cités,  il  ne  méritoit 
assurément  pas  un  jugement  si  sévère  :  L'article  de  M""  de  Beauté- 
ville  dont  on  a  fait  un  si  grand  monstre,  porte  seulement  que  s'il 
veut  prendre  avec  un  peuple  libre  et  souverain  un  ton  qu'on  ne 
soufTriroit  pas  à  S^  Omer  (dont  il  est  Gouverneur)  il  pouvoit  se 
retirer  ;  mais  il  a  osé  dire  que  Rousseau  avoit  été  sacrifié  à  la  plus 
indigne  politique,  et  prouver  que  parmi  ces  Négatifs  qu"on  pei- 
gnoit  aux  Médiateurs  comme  la  fleur  de  la  Bourgeoisie,  il  y  avoit 
bien  des  banqueroutiers,  et  autres  canailles;  vous  comprenés  que 
le  P.  C.  a  été  charmé  d'avoir  cette  occasion  de  satisfaire  toutes 
ses  petites  passions  en  faisant  sa  cour  à  la  France  et  à  ses  propres 
suppôts  :  Mr  Lamande  est  actuellement  à  Londres  :  mais  quoi- 
qu'il n'ait  pas  d'enfans,  il  n'est  pas  assés  riche  pour  y  vivre  avec 
M=  son  épouse,  il  se  retire  donc  dans  le  Comté  de  Neuchatel,  et 
me  charge  de  vous  prier  instamment  de  lui  accorder  une  lettre  de 
recommandation  pour  Mr  Du  Peyrou,  et  de  dire  un  mot  en  sa 
faveur  au  Maréchal  Keith  la  première  fois  que  vous  lui  écrirés, 
pour  qu'il  ait  la  complaisance  d'en  faire  autant  auprès  de  Mon- 
sieur MicheP.  Pardon,  Monsieur,  du  petit  embarras  que  je  vous 
cause,  mais  j'ai  cru  que  rien  n'étoit  plus  propre  à  adoucir  vos 
malheurs,  que  de  vous  fournir  l'occasion  de  servir  un  Genevois 
dont  l'infortune  a  tant  de  raports  avec  les  vôtres  :  J'ai  l'honneur 
d'être  bien  cordialement.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur, 

A.  J.ROUSTAN  Pr. 

P.  S.  Comme  M""  Lam.  compte  partir  dans  peu,  si  vous  jugés 
à  propos  de  lui  accorder  la  grâce  qu'il  vous  demande,  vous  l'obli- 
geriés  doublement  de  la  lui  accorder  le  plutôt  que  vous  pourrés. 
Au  reste,  j'ai  lu  votre  correspondance  avec  M^  Hume,  et  je  trouve 
que  vous  aviés  bien  raison  de  m'y  penvoier. 


>  Par  Lamande  lui-même  ;  cf.  Lettrés,  C,  Lamande  à  Rousseau, 
3  oct.  1766. 

2  Abraham  Louis  Michel  succéda  à  Milonl  Maréchal  en  qualité  de 
gouverneur  de  la  Principauté  de  Neuchatel. 


LETTRES   DE   DIVERS    A   ROUSSEAU  233 

IV' 

Monsieur,  Je  suis  chargé  par  commission  de  vous  demander  si 
vous  avés  reçu  les  lettres  de  Genève  passées  par  Paris  en  datte 
du  25<=.  8bre  et  7e.  gbre  en  réponse  à  la  vôtre  du  16'=  7bre2.  On  me 
prie  aussi  de  ne  vous  pas  laisser  ignorer  la  détention  de  Mr  Le- 
nieps  conduit  à  la  Bastille  le  20e.  gbre  à  10  h.  du  soir  et  qu'on  a 
mis  le  scellé  sur  tous  ses  papiers.  Forcé  de  sortir  je  n'ai  que  le 
tems  d'ajouter  que  le  nouveau  règlement  des  Médiateurs  doit 
avoir  été  communiqué  au  Cons[eil]  Gén[éral]  avant  hier  ii^  Xbre, 
qu'on  s'attend  fort  à  la  rejection,  et  que  je  suis  bien  cordialement, 
Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

J.  A.  ROUSTAN  Pr. 

Londres,  ce  iS^  Xbre  1766. 

V3 

Londres  ce  20^  Xbre  1766. 

Monsieur,  J'ai  été  voir  aujourd'hui  M''  Voullaire*  pour  lui  com- 
muniquer ce  que  vous  me  marqués  au  sujet  des  lettres,  il  étoit 
parti  dès  le  matin  pour  Douvres,  d'où  pourtant  son  hôte  m'a  fort 
assuré  qu'il  reviendroit  dans  peu,  moiennant  quoi  je  ne  tarderai 
pas  de  le  voir. 

Je  partage  d'autant  plus  le  chagrin  que  vous  cause  la  détention 
de  M''  Lenieps  que  je  me  regarde  comme  à  la  veille  d'avoir  à  gé- 
mir sur  les  malheurs  de  bien  d'autres  :  Heureusement  ou  malheu- 
sement  tous  mes  amis  sont  Représentans,  et  je  voi  comme  vous 
les  choses  sous  une  face  qui  ne  laisse  guère  lieu  à  l'espérance. 
Non  que  si  les  Citoyens  vouloient  user  de  toutes  leurs  ressources, 
ils  ne  fussent  encore  en  état  d'embarrasser  fort  leurs  ennemis, 
mais  ils  en  font  assés  pour  se  faire  écraser,  et  pas  assés  pour  res- 
ter libres. 

Au  lieu  de  s'attacher  à  tout  prix  les  Natifs,  ils  ont  vu  et  témoi- 
gné qu'ils  voioient  de  mauvois  œil  les  démarches  que  quelques- 
uns  ont  faites  pour  rentrer  dans  les  droits  qu'on  leur  avoit  accor- 
dés en  1788,  et  se  faciliter  l'entrée  à  la  bourgeoisie  ;  heureusement 
pour  eux  la  Médiation  a  accordé  si  peu  de  chose  aux  Natifs  qu'ils 
sont  en  général  aussi  peu  contens  d'un  parti  que  de  l'autre,  et  ne 

1  To  \  M'  John  James  Rousseciii  at  \  Wootton  near  Asbiirn  in  \  Dei- 
byshire. 

-  Lettre  inconnue. 

^  To  I  A/'  John  James  Rousseau  \  at  \  Wootton  near  Asburn  in  Der- 
byshire. 

*  Cf.  Lettres,  C,  Jean  Rousseau  à  Rousseau,  ?o  sept.  1762,  L 


236  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  ,1.   .1.    ROUSSEAU 

désirent  que  la  fin  d'un  procès  dont  ils  paient  les  frais  en  grande 
partie  sans  pouvoir  espérer  d'y  gagner  rien. 

Je  puis  d'autant  mieux  vous  donner  sur  Mr  D'Eyverdun  les  lu- 
mières que  vous  désirés  qu'il  a  vécu  six  mois  de  cette  année  chés 
moi^  C'est  un  homme  aimable,  d'un  caractère  bon  et  facile,  il  a 
la  réputation  d'homme  d'esprit,  et  la  mérite  d'autant  plus  qu'il 
n'y  prétend  point  ;  il  est  capable  d'écrire  médiocrement  une  feuille 
volante,  mais  je  le  crois  incapable  de  tout  ouvrage  qui  demande- 
roit  de  la  profondeur  ou  de  la  force.  C'est  moins  encore  un  sa- 
vant que  toute  autre  chose,  il  sait  outre  sa  langue  maternelle, 
l'Allemand,  le  Latin,  et  assés  d'Italien  et  d'Anglois  pour  pouvoir 
lire  et  converser  en  ces  deux  langues-.  Il  a  actuellement  un  petit 
poste  de  Clerc  dans  le  Bureau  de  M'  le  Général  Conway.  et  dési- 
reroit  fort  trouver  un  gentilhomme  avec  qui  voiager.  Il  a  eu  été 
Précepteur  du  fils  du  Margrave  de  Schweit,  et  a  été  obligé  de 
quitter  cette  place  pour  des  raisons  de  santé.  Au  reste,  Monsieur, 
vous  ne  pouvés  en  efllét  m'obliger  plus  sensiblement  qu'en  me 
fournissant  quelque  petite  occasion  de  vous  témoigner  mon  atta- 
chement, qui  seul  égale  l'estime  avec  laquelle  j'ai  l'honneur  d'être 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

A.   J.    ROLSTAN. 

VF- 
Londres  le  gf  Février  1767. 
Monsieur,  Je  ne  croiois  pas  que  mon  respect  pour  vous  put 
s'accroître,  M""  Davenport  vient  de  me  prouver  le  contraire;  je 
vous  remercie  mille  et  mille  fois  pour  mes  pauvres  compatriotes 
du  riche  don  que  vous  leur  faites*  et  qui,  s'il  étoit  proportion- 
nellement imité-  par  tous  ceux  qui  le  pourroiènt,  les  mettroit 
dans  une  abondance  égale  à  la  misère  à  laquelle  leurs  barbares 
ennemis  s'efforcent  de  les  réduire.  Il  y  a  près  de  quatre  semaines 
que  de  concert  avec  quelques  autres  Genevois  je  commençai  ici 
une  collecte  en  leur  faveur  ;  tout  ce   que  nous  avons  pu  ramasser 

1  Cette  enquête  permet  de  substituer  le  nom  de  Roiistan  aux***, 
Œuvres,  t.  XI,  p.  403. 

-  De  retour  en  Suisse,  Jacques-Georges  Deyverdun  (1734- 1789)  joua 
un  rôle  en  vue  dans  le  monde  littéraire  vaudois  ;  cf.  Reynold,  G.  de, 
Histoire  littéraire  de  la  Suisse  au  XVIII'  siècle.  I"  vol.  Le  Doyen  Bri- 
del.  Lausanne,  190Q,  8",  p.  98. 

s  To.  I  M^  John  Jamî!s  Rousseau  |  at  Wootton  in  Derbysliire  near 
Ashbiirn.  \'  Therc. 

*  Cf.  p.   143,  XXXII;  p.  i85,  XXXIII  et  n.  3. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  2.->7 

encore  se  réduit  à  5o  Liv.  st.  Le  malheur  est  que  nos  riches  Négo- 
cians  sont  tous  Négatifs,  et  sont  bien  aises  la  plupart  de  se  cou- 
vrir de  ce  nom  contre  nos  prières  ;  je  me  faisois  une  sorte  de 
scrupule  de  vous  en  écrire,  sachant  qu'indépendamment  de  la 
cherté  de  toutes  choses  en  ce  pays,  le  port  de  vos  livres  vous 
avoit  coûté  un  prix  exorbitant,  et  que  cependant  vous  aimeriés 
mieux  vous  incommoder  que  de  manquer  une  occasion  si  noble 
de  faire  du  bien  ;  je  n'ai  point  regret  à  mon  silence,  puisqu'il  n"a 
servi  qu'à  montrer  mieux  la  richesse  de  la  bonté  de  votre  cœur. 
J'ai  donné  ma  pite  aussi,  bien  inférieure  à  la  vôtre,  mais  je  puis 
dire  au  moins  que  je  n'ai  jamais  reçu  argent  avec  autant  de  plai- 
sir que  j'en  ai  eu  à  donner  celui-là.  Hélas  !  si  les  pauvres  n'ai- 
doient  pas  les  pauvres,  que  deviendroient  ces  derniers  ?  J'ai  aussi 
essaie  de  plaider  la  cause  de  la  République  auprès  d'un  Ministre, 
le  malheur  est  que  le  Ministère  est  foible  et  qu'en  général  les  An- 
glois  regardent  de  trop  loin  ou  de  trop  haut  les  affaires  du  Conti- 
nent. On  recrute  à  force  en  Savoye,  12.000  fusils  ont  été  transpor- 
tés à  Chambéry;  Usteri  m'a  écrit  que  selon  toute  apparence  les 
Médiateurs,  par  leur  futur  prononcé,  laisseroient  au  P.  C.  le  droit 
négatif,  et  ôteroient  au  peuple  la  ligne  de  N.[ouvelle]  Elect.[ion| 
dans  le  cas  exposé  dans  leur  dernier  projet.  Les  Natifs  même  et 
habitans  ne  peuvent  mettre  le  pié  sur  terre  de  France  qu'après 
avoir  été  signer  en  P.  C.  qu'ils  sont  contens  du  gouvernement; 
200  ont  fait  à  la  fois  cette  démarche,  et  quelques  égrenés  ont 
suivi. 

Je  finis  cette  lettre  par  où  j'aurois  du  la  commencer,  en  vous 
faisant  mes  excuses  d'avoir  tant  tardé  de  répondre  à  votre  der- 
nière du  2Qe  Xbre  1766';  je  lus  la  2e  avec  autant  d'indignation 
que  de  surprise;  je  ne  suis  pas  moins  convaincu  que  vous  que 
M.  D'Ey Verdun  ne  fait  que  prêter  son  nom,  et  je  garderoi  pré- 
cieusement cette  pièce  comme  un  moien  de  dévoiler,  tôt  ou  tard, 
vos  honnêtes  ennemis.  Comme  j'attendois  des  nouvelles  de  mon 
ami  de  Zurich  je  ne  lui  ai  pas  encor  écrit  sur  votre  affaire,  mais 
comptant  lui  écrire  dans  une  quinzaine  de  jours,  je  ne  manquerai 
pas  de  lui  en  parler,  si  je  ne  reçois  de  vous  un  contr'ordre  : 
M.  Abauzit  a  mandé  à  Beau  Château  que  Voltaire  avoit  eu  ordre 
de  sortir  des  terres  de  France  sur  quelques  nouveaux  ouvrages 
que  l'on  a  saisis.  J'ai  l'honneur  d'être  bien  cordialement,  Mon- 
sieur, votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

A.  J.    ROUSTAN. 

'  Lettre  inconnue. 


238  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 


VII  1 

Monsieur,  Pardon,  je  vous  prie,  si  je  vous  fatigue  si  fréquem- 
ment de  mes  lettres,  heureusement  celle-ci  n'exige  point  de  ré- 
ponse, elle  est  uniquement  destinée  à  vous  apprendre  que  le  désir 
de  faire  connoissance  avec  vous,  et  s'il  le  pouvait,  de  vous  être 
utile,  me  procura  la  semaine  dernière  la  visite  de  Mr  le  Général 
Oglethorp^;  la  manière  dont  il  me  parla  de  vous,  de  Mr  Hume, 
du  gouvernement,  du  triste  état  de  Genève,  de  la  Religion,  auroient 
suffi  à  me  persuader  qu'il  étoit  digne  de  mon  respect  et  de  votre 
amitié,  mais  j'ai  de  plus  en  sa  faveur  le  suffrage  d'un  Mr  Hutton, 
Anglois  que  j'avois  connu  beaucoup  à  Genève,  que  j'ai  beaucoup 
vu  ici,  et  que  je  regarde  comme  un  très-bon  connoisseur  en  gens 
de  mérite,  qui  m'en  a  dit  mille  biens.  Sur  quoi  je  ne  balançai  pas 
à  lui  donner  votre  adresse  qu'il  me  demandoit  ;  il  se  propose,  je 
croi,  de  vous  écrire  et  peut-être  de  vous  aller  voir.  Je  me  suis 
cru  obligé  de  vous  en  prévenir,  et  j'espère  que  vous  n'aurés  pas 
lieu  de  vous  repentir  de  l'avoir  vu.  Beau  Château  m.e  charge  de 
vous  dire  pour  lui  mille  choses  ;  il  m'apprend  que  les  vivres  sont 
à  un  prix  modéré  :  Mr  Moultou  pense  à  se  retirer  ici.  Je  vous  salue, 
Monsieur,  et  suis  avec  un  vrai  respect,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur, 

A.   J.    ROCSTAN. 

Londres  ce  lo^  Mars  1767. 

VHP 

Monsieur,  J'ai  l'honneur  de  vous  écrire  pour  vous  apprendre  la 
mort  du  vénérable  M^  Abauzit,  arrivée  à  Genève  il  y  a  près  d'un 
mois;  elle  a  été- comme  sa  vie  douce  et  paisible."  Mr  Moultou  qui 
l'avoit  donne'e  pour  parrain  au  dernier  fils  qu'il  a  eu,  se  dispose  à 
en  faire  l'éloge  ;  on,  imprime  aussi  de  lui  trois  dissertations,  la 
première  sur  l'Apocalypse,  les  deux  autres  sur  l'idolâtrie.  Je  le 
trouve  bien  heureux  d'avoir  terminé  sa  carrière  au  moment  où  sa 
patrie  adoptive  '  court  un  si  grand  danger  de  perdre  sa  liberté. 
Permettes  aussi  que  je  vous  félicite  de  la  pension  que  le  Roi  vient 
de  vous  accorder,  elle  l'honore,  ainsi  que  vous,  mais  en  particu- 

'  7b  I  M'  John  James  Rousseau  \  at  \  Wootton  in  Derbyshire  near  | 
Ashburne . 

-'James  Edward  Oglethorpe  (i  696-1785),  fameux  philanthrope  chanté 
par  Popej  ami  de  Wàlpole,  de  Goldsmith,   de  Boswell,  de  Burke. 

3  To  I  M'  John  James  Rousseau  \  at  \  Wootton  in  Derbyshire  near  \ 
Asburn. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  239 

lier  elle  justifie  votre  sagesse  de  ce  caractère  sauvage  que  vos  en- 
nemis se  plaisoient  à  lui  donner;  vous  n'avés  rien  voulu  recevoir 
de  ceux  qui  prennent  à  leurs  peuples,  vous  avés  accepté  de  celui 
qui  n'a  que  ce  que  ses  peuples  lui  donnent  volontairement.  Je 
vous  dirai  aussi  que  le  Petit  Conseil  a  remis  à  M'"  Vernes  pour  moi 
mon  exemplaire  de  l'Histoire  de  Genève,  qu'il  m'avoit  demandé 
à  voir  il  y  a  six  ans.  Je  ne  sai  comment  expliquer  cet  événement, 
et  l'unique  solution  que  j'y  puisse  donner,  c'est  qu'on  veut  me 
piquer  d'honneur.  Beau  Château  me  charge  toujours  de  vous  dire 
pour  lui  mille  choses.  Je  ne  vous  en  dirai  pour  moi  qu'une  seule, 
c'est  que  je  suis  bien  cordialement,  Monsieur,  votre  très  humble 
et  très  affectionné  serviteur, 

A.   J.    ROUSTAN. 

Londres  ce  5=  May  1767. 

P.  S.  —  Etant  l'autre  jour  chés  M''  Maty^,  M''  Hume  y  vint,  y 
parla  beaucoup  de  vous,  et  avec  beaucoup  de  modération  ;  il  pa- 
roit  n'être  pas  à  se  repentir  d'avoir  poussé  les  choses  si  loin. 

Mr  Lucadou  a  reçu  aussi  quelques  livres  pour  vous,  et  vous 
prie  de  lui  faire  savoir  à  qui  vous  souhaités  qu'il  les  remette  ou 
par  quelle  voie  il  doit  vous  les  faire  tenir.  Il  soupçonne  que  vous 
avés  quelque  mécontentement  contre  lui,  il  en  est  fâché,  et  n'ima- 
gine pas  comment  il  y  pourroit  avoir  donné  lieu,  pénétré,  comme 
il  est,  pour  vous  d'esti[me  et]  d'attachement. 


Louis  Dutens". 

I 

A  Londres  12  Janvier  1767. 
Monsieur,  J'ai  reçu  le  paquet  ci-inclus  de  Mr  Laliaud  de  Paris  ^,  et 
saisis  la  première  occasion  de  vous  le  faire  parvenir  par  M''  Daven- 
port,  et  comme  Mr  Laliaud  et  Mr  Guy  me  donnent  à  entendre 
qu'ils  pourront  m'adresser  d'autres  paquets  pour  vous,  je  vous 
prie  de  m'informer  si  je  devrai  vous  les  faire  passer  par  la  même 
voie,  ou  bien  si  (dans  le  cas  que  leurs  paquets  ne  fussent  pas 
tout  à  fait  si  gros  que   celui-ci)  vous  voudriez  par  préférence  les 

»  Le  D"-  Matthieu  Maty  (171S-1776),  sous-bibliothécaire  du  British 
Muséum,  fondateur  du  Journal  britannique,  La  Haye,  1 750-1753. 

-  Cf.  p.  76,  n.  6. 

'^Précis  pour  Jean-Jacques;  cf.  Œuvres,  t.  XI,  p.  414,  à  Dutens, 
5  fév. 


240  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  J.   .1.    ROUSSEAU 

recevoir  par  la  poste.  Je  puis  taire  affranchir  toutes  lettres  ou  pa- 
quets au  dessous  de  deux  onces. 

Je  prie  aussi  M.  Davenport  de  vous  envoyer  un  ouvrage  que 
j'ai  publié  l'été  dernier^  et  que  je  ne  regarde  que  comme  un  essai 
sur  le  sujet  que  j'ai  traité,  susceptible  d'être  augmenté  et  perfec- 
tionné. Je  vous  prie  de  le  recevoir  avec  indulgence,  malgré  son 
imperfection  et  comme  un  témoignage  du  respect  et  du  dévoue- 
ment avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur,  votre  très  hum- 
ble et  très  obéissant  serviteur, 

L.    DUTENS. 

Mon  adresse  est:  A  Monsieur  Dutens,  chez  Monsieur  Stuart  de 
Mackensie,  Hill  Street  Berkeley  Square,  London. 

II 

a  Londres  ce  12  Février  1767. 

Monsieur,  M'  Davenport  m"a  remis  l'honneur  de  votre  lettre*,  et 
je  me  conformerai  exactement  à  la  manière  dont  vous  désirez  que  je 
vous  fasse  parvenir  les  lettres  ou  paquets  qui  me  seront  envoyés 
pour  vous.  Je  ne  manquerai  pas  aussi  de  communiquer  à  Mr  La- 
liaud,  les  raisons  de  votre  silence  à  son  égard,  quoique  je  sois 
convaincu  que,  sachant  la  résolution  que  vous  avez  prise  de  n'é- 
crire que  le  moins  que  vous  pouvez,  il  ne  trouve  pas  mauvais  que 
vous  ne  l'exceptiez  pas  de  la  règle  générale  que  vous  vous  êtes 
faite. 

Monsi"  Davenport  m"a  commvmiqué  le  dessein  que  vous  avez, 
Monsieur,  de  vous  défaire  de  vos  livres  et  sachant  que  je  suis  un 
peu  bouquiniste,  il  m'a  consulté  sur  la  manière  de  s'y  prendre, 
afin  de  suivre.vps  intentions  à  cet  égard.  11  lutseroit  impraticable 
de  les  vendre  en  détail,  sur  l'estimation  d'un  libraire  sans  tomber 
dans  l'inconvénient  que  vous  voulez  éviter.  Il  n'a  pas  selon  moi 
d'autre  moyen  que  de  former  une  vente  en  règle,  en  cachant  votre 
nom,  et  je  me  suis  offert  à  prêter  le  mien.  Si  Mr  Daveijport  paroit 
en  ceci,  sa  liaison  avec  Vous,  et  la  nature  des  livres  formeront  un 
soupçon  que  ces  livres  sont  .les  vôt'res,  qui  seroit  très  avantageux 
à  la  vente,  mais  il  me  semble  que  vous  craignez  que  cela  ne  dégé- 
nérât en  un  abus  trop  favorable  à  votre  bourse  ;  sur  quoi  je  vous 
avouerai  que  si  l'on  savoit  que  ce  fussent  vos  livres  qui  seroient 
exposés  en  vente,  je  ne  doute  pas  que  l'empressement  d'acheter  ne 
fut  jusqu'à  l'enthousiasme. 

'  Recherches   sur  l'origine  des  découvertes   attribuées  nux  modernes, 
'■i  Œuvres,  t.  XI,  p.  41;!,  5  fév.    17(17. 


,       LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  24 1 

Je  ne  vois  pas  au  reste,  que  dans  ce  cas,  vous  eussiez  la  moin- 
dre délicatesse  à  concevoir,  et  je  n'envisagerois  le  bon  effet  que 
cet  empressement  du  Public  produiroit  pour  vos  intérêts,  que 
comme  un  témoignage  évident  de  son  estime,  que  l'on  ne  peut  dé- 
daigner ;  cependant  je  ne  fais  que  proposer  humblement  mon 
avis,  comme  étant  au  fait  du  pays  et  de  ces  sortes  d'affaires,  et  je 
ne  trouve  rien  de  plus  naturel,  (après  avoir  dit  ce  que  je  pense) 
que  d'approuver  fort  que  chacun  voie  par  ses  propres  yeux;  tout 
ce  qui  m'importe.  Monsieur,  est  de  vous  convaincre  du  plaisir 
que  j'aurois  à  vous  être  de  la  moindre  utilité  en  toutes  occasions, 
et  du  zèle  avec  lequel  je  me  porterai  à  vous  prouver  combien  je 
suis  parfaitement  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur, 

L.   DUTENS. 

Je  VOUS  prie  de  remarquer  que  la  vente  de  vos  livres  peut  se 
faire  sans  que  l'on  sache  à  qui  ils  appartiennent;  l'autre  moyen 
sera  plus  avantageux  ;  si  vous  voulez  marquer  ceux  que  vous  dé- 
sirez tomber  en  mains  amies,  je  les  prendrai  moi-même  sur  l'es- 
timation du  Libraire,  et  vous  serez  toujours  le  maître  de  les  re- 
tirer. 

III 

à  Londres  ce  26  Février  1767. 
Monsieur,  Je  n'ai  pas  répondu  plus  tôt  à  l'honneur  de  votre  der- 
nière lettre*,  voulant  avoir  quelques  chose  de  satisfaisant  à  vous 
dire  ;  j'ai  sondé  quelques  libraires  et  quelques  amis  sur  l'achat  de 
vos  livres,  sans  éclat  et  dans  le  dessein  que  le  débouché  s'en  fit  de 
la  manière  que  vous  désirez.  Je  vois  qu'il  ne  faut  plus  penser  aux 
premiers  ;  outre  que  votre  nom  paroît  écrit  sur  le  Frontispice  de  la 
plupart  de  vos  livres  (ce  qui  frusteroit  votre  intention  de  garder 
l'incognito  en  cette  affaire)  le  plus  honnête  libraire  est  un  vrai 
Juif  quand  on  lui  propose  d'acheter  ;  restent  nos  amis  ;  mais  ceux 
à  qui  Mr  Davenport  et  moi  parlons  de  prendre  quelques  livres, 
sont  seulement  d'accord  à  en  prendre  une  demi-douzaine  etc.,  ce 
qui  rendroit  la  vente  d'un  détail  très  long.  Ce  que  vous  suggérez 
dans  votre  dernière  lettre  à  Mr  Davenport,  de  les  mettre  dans  un 
coin  de  sa  maison,  seroit  le  meilleur  parti,  s'il  restoit  quelque 
tems  en  ville.  Pour  moi,  je  n'ai  point  de  maison;  je  suis  chez 
Monsieur  de  Mackensie,  frère  de  My  Lord  Bute,  mon  protecteur  et 
mon  ami,  et  j'ai  une  chambre  dans  sa  maison  qui  ne  pourroit  pas 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  423,  à  Dutens,  16  fév. 


242  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

suffire  à  contenir  tout  ce  que  j'ai  à  y  fourrer.  Cependant  il  est 
très  possible  de  lever  toutes  difficultés.  J'ai  proposé  à  Mr  Daven- 
port  une  idée  qu'il  approuve  fort.  Il  y  a  plusieurs  livres  sur  votre 
catalogue  qu'il  prendroit  volontiers  pour  son  compte;  je  me 
chargerai  de  tout  le  reste  aux  conditions  que  je  suis  en  état  de 
proposer,  et  qui  s'accorderont  avec  votre  délicatesse  et  la  mienne. 
Le  choix  de  Mr  Davenport  une  fois  fait,  nous  évaluerons  les  livres 
sur  l'estimation  de  ces  mêmes  livres,  tirée  des  diff"érents  catalo- 
gues des  libraires  avec  les  prix  marqués.  Tout  libraire  ici  étant 
dans  l'usage  de  publier  une  fois  l'an  le  catalogue  de  son  fonds, 
avec  les  prix,  il  n'y  aura  de  différence  à  faire  que  pour  l'état  bon 
ou  mauvais  dans  lequel  se  trouvera  tel  ou  tel  livre.  L'évaluatioa 
se  trouvera  ainsi  faite  avec  la  plus  exacte  impartialité,  ce  qui  vous 
importe,  et  je  suis  résolu  de  ne  pas  insister  à  vous  être  utile  de 
toute  autre  manière  que  celle  que  vous  choisissez  vous-même. 
()uelque  soit  la  somme  à  laquelle  se  montent  les  livres,  je  prévois 
que  je  me  dérangerois  à  la  payer  comptant,  mais  si  cela  vous 
accommode,  je  vous  en  ferai  la  rente  viagère,  pour  laquelle  je 
vous  donnerai  les  sécurités  nécessaires,  et  ceci  s'arrangera  de  fa- 
çon que  vous  n'aurez  aucun  embarras  ;  il  suffira  que  vous  char- 
giez Mr  Davenport  ou  toute  autre  personne  ici,  d'en  traiter  avec 
moi.  La  raison  pour  faire  cette  proposition  est  que  je  n'ai  moi- 
même  que  des  effets  mobiles  et  pensions  et  autres  revenus  (qui 
meurent  avec  moi)  pour  environ  4  ou  5  cents  Livres  sterling  par 
an.  J'ai  d'autant  moins  de  répugnance  de  vous  parler  à  cet  égard 
avec  ma  franchise  ordinaire,  que  je  m'attends  que  vous  en  mon- 
trerez une  semblable  à  accepter,  ou  à  refuser,  suivant  que  la 
chose  vous  conviendra  plus  ou  moins.  Le  désir  que  j'ai  de  vous 
témoigner  mon  zèle  à  vous  servir,  ne  peut  pas  vous  paroître  in- 
discret, lorsque  je  prend  soin  de  le  témoigner  avec  les  circons- 
tances qui  me  conviennent,  et  je  vous  en  préviens  afin  que  vous 
n'ayez  aucune  difficulté  à  accepter  en  cas  que  la  chose  vous  ar- 
range. 

Les  livres  ne  sont  pas  encore  déballés.J'ai  promis  à  M""  Daven- 
port d'aller  les  examiner  ce  matin  chez  lui,  s'il  vouloit  les  faire 
défaire.  Il  seroit  bon  de  savoir  si  les  deux  premières  pages  du  ca- 
talogue qui  se  trouvent  rayées  doivent  être  exclues  dans  l'esti- 
mation et  la  vente  des  livres  ^  Sur  ce  que  Monsr  Davenport  m"a 
tiit,  l'Encyclopédie,  qui  étoit  incomplète  sur  le  catalogue,  se 
trouve  completté.e   depuis  ;  en  ce  cas   c'est  un  article  de  plus  de 

«  Liste  des  ouvrages  de  botanique  que  gardait  Rousseau,  cf.  Œuvres^ 
t.  XII,  p.  3,  2  mars. 


LETTRES    DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  248 

3o  Louis  qu'il  prendra  pour  lui-même.  Nous  vous  prions  Mon- 
sieur, de  nous  faire  savoir  vos  intentions  sur  le  sujet  de  votre  let- 
tre, et  de  nous  dire  aussi  ce  qu'il  faudra  faire  de  tous  les  articles 
incomplets  qui  se  trouvent  sur  le  catalogue  ;  il  se  pourroit  que 
vous  eussiez  eu  avec  vous  les  volumes  qui  paroissent  manquer, 
auquel  cas  il  serait  bon  de  les  envoyer  >. 

Après  tout  de  ce  que  je  viens  de  dire,  il  se  peut  que  vous  puis- 
siez nous  suggérer  quelque  amélioration  de  l'idée  qui  nous  est 
venue,  et  j'attendrai  avec  impatience  que  vous  vouliez  bien  nous 
la  communiquer,  n'ayant  rien  de  plus  à  cœur  que  de  vous  témoi- 
gner avec  combien  de  zèle  et  de  respect,  j'ai  l'honneur  d'être. 
Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

L.   DUTENS. 
IV  2 

à  Londres  ce  3  Mars  1767. 
Monsieur,  Je  viens  de  voir  M.  Davenport,  et  nous  sommes  enten- 
dus ;  je  lui  ai  fait  voir  votre  lettre  :  nous  avons  conclu  après  avoir  mis 
à  part  l'Encyclopédie  pour  lui-même,  et  ceux  de  vos  ouvrages  que 
vous  lui  présentez,  et  retiré  les  livres  que  vous  vous  êtes  réservés. 
Le  libraire  Louis  fera  le  triage  des  livres  incomplets,  sur  le  sort 
desquels  on  décidera  de  manière  ou  d'autre  ;  et  je  me  charge  de 
tout  le  reste  ;  j'en  ferai  (de  concert  avec  Mr  Davenport)  l'évalua- 
tion de  la  manière  dont  je  vous  ai  fait  mention  dans  ma  dernière, 
et  avant  la  quinzaine  vous  serez  informé  du  résultat  de  nos  con- 
férences ;  en  attendant  vous  pouvez  regarder  votre  Bibliothèque 
comme  vendue  entre  M>-  Davenport  et  moi,  et  Mr  Davenport  sera 
débarrassé  des  livres  en  trois  ou  quatre  jours  d'ici,  parce  que  de- 
main j'empaquette  une  partie  des  miens  pour  la  campagne  afin  de 
faire  place  aux  vôtres.  J  ai  Thonneur  de  vous  répéter  qu'aucun  de 
ceux  qui  ont  des  notes  en  marge  ne  sortira  de  mes  mains,  pas 
même  pour  les  prêter,  et  lorsque  vous  voudrez  en  réclamer  quel- 
qu'un vous  serez  le  maître.  S'il  s"en  trouve  quelques  uns  qui  ne 
soient  pas  dans  ce  cas,  et  qui  soient  des  doubles  de  ma  Biblio- 
thèque, je  me  propose  d'en  effacer  votre  nom,  s'il  est  écrit  sur  les 
livres,  et  je  me  permettrai  alors  de  les  changer  avec  quelque 
libraire  qui  ignore  entièrement  que  le  livre  vous  ait  appartenu, 
de  sorte  qu'il  ne  paroisse  pas  une  lettre  de  votre  écriture  hors 
dans  mes  mains. 

'  C'était  le  cas,  cf.  Œuvres,  t.  XII,  p.  7,  26  mars. 

'  To  I  M'  Rousseau  |  at  Wotton  \  Ashbornbag  \  Derbyshire. 


244  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  .1.   .1.    ROUSSEAU 

Le  plaisir  d'avoir  quelques-uns  de  vos  livres  iqui  me  convien- 
nent) est  tellement  confondu  avec  celui  de  vous  être  bon  à  quel- 
que chose,  que  je  ne  puis  pas  les  démêler  bien  précisément  ;  et  si 
le  dernier  motif  entroit  pour  quelque  chose  dans  ma  résolution, 
vous  conviendrez,  mon  cher  Monsieur,  que  je  l'ai  bien  corrigé 
par  la  liberté  que  j'ai  prise  de  prescrire,  pour  ainsi  dire,  moi- 
même,  la  manière  dont  je  dois  faire  cette  acquisition.  Je  suis 
extrêmement  sensible  à  l'opinion  obligeante  que  vous  voulez  bien 
concevoir  de  moi,  et  voilà  déjà  une  obligation  'que  je  vous  ai, 
avant  que  vous  me  fournissiez  quelques  occasions  de  la  recon- 
noitre. 

Notre  pauvre  ami  Guy  a  été  mis  pour  quelque  tems  à  la  Bas- 
tille ;  j'ai  reçu  une  lettre  de  Paris  par  la  dernière  poste  dans  la- 
quelle on  me  dit  que  c'est  pour  avoir  introduit  quelques  mémoi- 
res de  Mr  De  La  Chalotais  ;  ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  je 
reçois  aussi  par  la  même  poste  une  lettre  de  Guy  datée  de  Paris, 
dans  laquelle  il  dit  qu'une  légère  indisposition  le  retient  à  la 
campagne;  et  oubliant  qu'il  a  daté  de  Paris,  il  répète  deux  ou 
trois  fois  dans  sa  lettre  qu'il  ne  sera  pas  longtemps  retenu  à  la 
campagne.  Ses  affaires  n'en  vont  pas  moins  leur  train,  et  il  n'en 
paroît  pas  moins  gay,  de  sorte  que  je  prévois  qu'il  ne  compte  pas 
rester  longtems  dans  son  nouveau  gîte  ;  je  ne  vous  en  aurois  pas 
parlé,  car  je  n'aime  pas  annoncer  de  mauvaises  nouvelles,  mais 
j'ai  craint  que  les  gazettes  ou  quelque  personne  moins  au  fait, 
ne  vous  l'apprit  d'une  manière  moins  satisfaisante. 

Je  finis  à  la  hâte,  étant  interrompu  ;  je  vous  prie  d'être  persuadé 
que  personne  n'est  plus  sincèrement  et  avec  plus  de  zélé  et  d'at- 
tachement que  moi,  Monsieur,  votre  très  humble  et  affectionné 
serviteur,  . 

L.   DUTENS. 


à  Londres  ce  ig  iyiars  1767. 

Monsieur,  Je  ne  sais  si  Mons'-  Davenport  vous  aura  écrit  que  nous 
avions  conclu  l'affaire  de  votre  Bibliothèque  car  j'ai  été  si  fort  oc- 
cupé que  je  ne  l'ai  pas  vu  depuis  huit  jours,  mais  je  passerai  chez  lui 
avant  de  cacheter  ma  lettre.  La  dernière  fois  que  je  le  vis,  je  re- 
çus de  lui  le  catalogue  de  vos  livres  avec  les  prix  marqués  par  un 
libraire,  sur  le  pied  qu'ils  se  devroient  trouver  marqués  sur  son 
catalogue  ;  le  tout  (excepté  ceux  dont  M^  Davenport  se  charge)  se 
montoit  à  62  Livres  sterling  et  quelques  shillings,  et  j'y  ai  ajouté 
3  Livres  sterling  pour  le  Platon  que  j'avois  chez  moi.  Le  livre  de 
VEsprit^  et  tous  les  livres  et  papiers  de  rebut  que  le  libraire  avoit 


LETTRES   DE   DIVERS   A    ROUSSEAU  24D 

condamné  à  être  vendus  au  poids,  mais  que  j'ai  voulu  avoir,  tant 
à  cause  de  plusieurs  journaux  et  ouvrages  périodiques  qui  s'y 
trouvoient,  que  parce  qu'ils  y  en  avoit  plusieurs  qui  avoient  votre 
nom  en  tête,  ou  des  notes  marginales  de  votre  main.  Il  me  reste 
à  vous  proposer  la  manière  du  payement  que  je  dois  vous  faire  ; 
et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  choisir  l'une  des  deux  suivantes. 
Ou  bien  je  vous  payerai  en  trois  fois  les  65  Livres  sterling,  le  pre- 
mier payement  à  faire  le  5e  de  Juin  prochain  de  cette  année,  le  2d  le 
même  jour  de  l'année  1768  et  le  3^  aux  derniers  jours  de  Décem- 
bre 1768.  Ou  bien  je  vous  ferai  une  rente  viagère  de  10  Livres 
sterling  pour  votre  vie,  ou  la  mienne.  Je  suis  si  peu  au  fait  des 
affaires  d'intérêt,  que  quoi  que  je  croye  qu'un  calculateur  apper- 
cevroit  peut-être  une  différence  sensible  entre  ces  deux  proposi- 
tions, je  n'y  vois  rien  pour  moi  que  mon  arrangement  qui  se 
trouve  également  dans  l'une  ou  dans  l'autre  et  je  vous  prie  de  me 
dire  ce  qui  vous  fait  plus  de  plaisir.  Si  vous  acceptez  le  dernier, 
je  payerai  la  première  année  dès  à  présent  à  M.  Davenport.  Si 
aucun  de  ces  deux  moyens  ne  vous  plaît,  vous  me  ferez  un  sensi- 
ble plaisir  de  me  le  dire  tout  ingenuëment,  et  me  suggérer  votre 
idée,  qui  pourroit  peut  être  me  convenir  tout  aussi  bien  que  les 
miennes. 

Je  vous  prie,  Monsieur,  de  vouloir  bien  m'honorer  de  votre  ré- 
ponse au  plutôt,  car  je  dois  partir  pour  Paris  dans  quinze  jours 
avec  Madame  la  Duchesse  de  Northumberland,  et  je  dois  rester 
quatre  ou  cinq  mois  en  France  avec  son  fils.  Pendant  ce  tems  je 
vous  offre  la  voie  de  mon  ami,  Mr  Frédéric  Dutens,  pour  recevoir 
ici  vos  paquets  de  Paris,  et  vous  les  transmettre.  Les  craintes  qvie 
vous  avez  témoignées  sur  l'interception  de  quelques  unes  de  vos 
lettres  me  font  prendre  la  liberté  de  vous  offrir  ce  canal  que  je 
regarde  comme  aussi  sur  que  le  mien  propre.  Je  verrai  à  Paris 
Mr  Guy  et  Mr  Lalliaud,  et  ceux  de  vos  amis  que  vous  souhaiterez 
d'instruire  de  vos  intentions,  pour  peu  que  vous  vouliez  me  char- 
ger de  quelque  commission  pour  eux;  je  vous  prie  d'être  persuadé 
que  je  me  ferai  un  vrai  plaisir,  et  pour  eux,  et  particulièrement 
pour  vous,  de  pouvoir  vous  être  de  la  moindre  utilité.  Je  suis  avec 
la  plus  grande  sincérité  et  le  zèle  le  plus  respectueux,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  très  dévoué  serviteur, 

L.  Dutens. 

J'ai  apporté  ma  lettre,  avant  de  la  cachetter,  chez  M.  Daven- 
port qui  m'a  fait  le  plaisir  de  vous  communiquer  la  nouvelle  agréa- 
ble que  le  Roi  vous  avoit  accordé  une  pension  de  100  Livres 
sterling.  La  manière  dont  le  Roi  vous  donne  cette  marque  de  son 
estime  m'a  fait  autant  de  plaisir  que   la  chose  même,  et  je  vous 


246  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

félicite  de  tout  mon  cœur  de  ce  que  ce  bienfait  est  conféré  du 
plein  gré  de  Sa  Majesté  et  du  Secrétaire  d'Etat,  sans  que  la  moin- 
dre sollicitation  y  ait  eu  part. 

VI 

à  Londres  ce  5  Nov.  1767. 
Mr  Frederick  Dutens  est  prévenu  '  sur  l'omission  du  lieu  de  la 
date  qui  sera  observée  dans  les  lettres  de  change  que  Monsr  Rous- 
seau tirera  sur  lui,  cela  ne  formera  aucun  inconvénient,  et 
Mr  Guy  pourra  faciliter  le  passage  de  ces  lettres.  Mr  Dutens  * 
souhaite  fort  se  conformer  à  tout  ce  qui  pourroit  faire  le  plus  de 
plaisir  à  Monsieur  Rousseau,  pour  lequel  il  ne  cessera  point 
d'avoir  un  zèle  toujours  prêt  à  se  manifester  dans  les  occasions 
où  il  le  jugera  propre  à  le  servir. 

VII 

A  Newcastle  ce  to  Février  1768. 
Mon  cher  Monsieur,  J'ai  reçu  ici  votre  billet  obligeant  '  et  j'ai  ap- 
pris que  mon  cousin  *avoit  payé  à  Londres  votre  petite  lettre  de 
change.  J"étois  surpris  de  n'en  point  avoir  de  nouvelles,  et  suis  fâché 
que  la  raison  de  ce  retardement  de  votre  part  tourne  à  votre  désavan- 
tage ;  ainsi  je  vous  prie  de  bien  vouloir  en  tirer  une  autre  semblable 
au  mois  de  mars  prochain  ;  la  suivante  sera,  si  vous  le  trouvez  bon 
ensuite,  au  mois  de  Janvier  de  1769.  Il  me  flatte  que  vous  vous 
apercevrez  par  la  suite  qu'il  vous  sera  plus  commode  d'avoir  un 
lieu  sûr,  où  vous  puissiez  recevoir  cette  petite  rente,  parce  que  de 
quelque  endroit  que  ce  soit  vous  pouvez  tirer  sur  Londres,  au 
lieu  que  je  suis  errant,  et  le  serai  probablement  encore  quelques 
années,  avant  de  me  fixer  ici  à  Newcastle,  qui  m'a  fort  l'air  d'être 
un  jour  mon  domicile.  Je  pense  à  aller  en  Italie  à  la  fin  de  cette 
année,  et  je  passerai  à  Genève,  où  je  m'arrêterai  quelque  tems. 
J'y  fais  imprimer  une  édition  complète  des  Œuvres  deLeibnitz  en 
6  vol.  in-40,  dont  cinq  sont  déjà  imprimés,  'c'étoit  une  chose 
désirée  depuis  fort  longtemps.  Je  me  propose  de  rester  une  quin- 
zaine de  jours  en  cette  ville  (Genève)  que  je  n'ai  jamais  vue.  J'y 
verrai  des  gens  prévenus  contre  moi,   parce  que  lorsque   j'avois 

»  Œuvres,  t.  XIII,  p.  42,  à  F.  Dutens,  16  oct.    1767. 

-.  Louis  Dutens;  Ce  billet  est  de  son  écriture. 

■'Inconnu. 

*  Frédéric  Dutens,  cf.  la  lettre  suivante. 


LETTRES    DE   DIVERS   A    ROUSSEAU  247 

l'honneur  d'être  chargé  des  affaires  du  Roi  d'Angleterre  à  la  Cour 
de  Turin  ',  je  refusai  de  servir  vos  ennemis  auprès  du  roi  de  Sar- 
daigne,  dans  quelques  affaires  qu'ils  avoient  à  solliciter  auprès  de 
lui  ;  peut-être  que  l'occasion  pourroit  exiger  de  moi  de  renouve- 
ler quelques  discours  sur  ce  sujet,  mais  je  ne  serois  pas  fâché  de 
savoir  jusqu'à  quel  point  il  vous  seroit  agréable  qu'un  homme  qui 
vous  aime  parlât  sur  un  sujet  aussi  délicat  dans  un  public  tel  que 
celui  de  Genève.  Si  je  retourne  heureusement  de  ce  voyage,  qui 
durera  environ  deux  ans,  je  compte  me  fixer  en  cette  ville  qui  est 
le  pays  de  la  liberté,  la  bonne  foi,  la  bonté  de  cœur  et  l'hospitalité. 
On  ne  peut  en  dire  trop  de  bien,  et  je  suis  sûr  que  si  vous  aviez 
premièrement  débarqué  ici,  vous  y  seriez  encore.  — J'ai  reçu  der- 
nièrement une  lettre  de  Mr  Davenport  qui.  m'a  fait  espérer  que 
vous  pourriez  bien  revenir  en  Angleterre.  Savez-vous  bien,  mon 
cher  Monsieur,  que  Newcastle  est  le  lieu  qui  vous  convient,  et 
que  s'il  se  trouvoit  que  Mr  Davenport  eut  bien  prévu,  et  que  vous 
fussiez  sur  le  point  de  partir,  je  serois,  (jusqu'au  mois  de  Septem- 
bre) à  tems  de  vous  faire  les  honneurs  de  cette  ville  et  de  vous  y 
bien  établir?  Cette  idée  me  plaît  très  fort,  et  vous  me  direz  ce  que 
vous  en  pensez. 

Adieu,  mon  cher  Monsieur,  je  croyois  ne  vous  écrire  que  deux 
mots,  et  voilà  une  lettre  de  trois  pages.  Je  vous  prie  de  me  conti- 
nuer votre  amitié,  de  compter  sur  la  mienne  et  de  me  croire  tout 
à  vous. 

L.   DUTENS. 

Frédéric  Dutens. 

Voici  Monsieur  un  paquet  que  j'ai  reçu  pour  vous  de  Paris, 
sous  le  couvert  de  Mr  Valete,  qui  me  prévient  qu'il  pourra  con- 
tinuer à  m'en  faire  passer.  Je  me  servirai  pour  vous  les  acheminer 
de  la  même  voie  que  celle  par  laquelle  la  présente  vous  par- 
viendra. 

C'est  un  vrai  plaisir  pour  moi,  Monsieur,  d'avoir  la  moindre 
petite  occasion  d'être  utile  à  une  personne  de  votre  mérite,  et  si 
vous  souhaitez  me  faire  passer  vos  réponses  pour  France,  je  les 
enverrai  au  dit  Mr  Valete  qui  aura  soin  de  les  remettre. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  une  vraie  considération,  Monsieur, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Fred.  Dutens. 

Londres  3i.  8bre.  i-jGG. 

'  1760- 1762;  1763-176C). 


248  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

Mary  Dewes^ 


C'est  ici  Monsieur  la  première  fois  que  je  me  suis  mise  à  bro- 
der, aussi  je  me  doute  bien  que  mon  coup  d'essai  soit  digne  d'être 
présenté  à  un  chien  du  mérite  de  Sultan,  auquel  je  destine  ce  pe- 
tit collier  qui  m'a  tant  de  fois  amusé  avec  plus  d'adresse  et  d'es- 
prit que  plusieurs  d'une  espèce  qui  se  piquent  de  leur  raison.  Je 
lui  aurois  adressé  peut-être  ce  billet,  mais  je  ne  me  souviens  point 
de  l'avoir  jamais  vu  se  soucier  beaucoup  de  lire,  et  si  les  écrits 
de  son  maître  ne  lui  ont  suscité  cette  envie  puis-je  espérer  qu'il 
daignera  jeter  les  yeux  sur  les  miens.  Ayez  donc  la  bonté,  Mon- 
sieur, en  lui  mettant  sur  le  col  ce  petit  ornement,  de  lui  faire 
comprendre  combien  je  suis  reconnoissante  des  soins  qu'il  a  pris 
de  me  divertir  à  Cahvich,  et  acceptez  vous  même  mes  plus  sin- 
cères compliments. 

Je  suis  Monsieur  votre  très  humble  servante. 

Mary  Dewes. 

Novembre  29  1766. 

IP 

Mademoiselle  Dewes  fut  extrêmement  mortifiée  qu'elle  étoit  sor- 
tie quand  Monsieur  Rousseau  eut  la  bonté  de  passer  ici  ;  elle  se 
flatte  que  c'est  seulement  le  mauvais  tems  qui  l'empêche  d'avoir 
le  plaisir  de  le  voir  à  Calwich.  Mon  oncle  me  dit  que  vous  me  fites 
la  grâce  de  mettre  dans  votre  poche  le  livre  des  Plantes  pour  me 
le  monter;  mais  quoique  j'aie  perdu  cet  amusement,  je  suis  très 
sensible  à  votre  attention  et  je  vous  en  rends  mille  grâces.  Mon 
oncle  m'ordonne  de  vous  faire  bien  des  complimens  de  sa  part. 
Je  ne  tâcherai  point  d'excuser  mon  mauvais  François,  car  je  sais 
que  les  savans  sont  toujours  favorables  aux  ignorans. 

IIP 

Mademoiselle  Dewes  fait  ses  complimens  à  Monsieur  Rous- 
seau et  elle  espère  qu'il  n'a  pas  souffert  par  le  voyage  qu'il  entre- 
prit hier  pour  elle  ;  le  chemin  lui  a  semblé  trop  court  par  l'agréa- 
ble  conversation  de  Monsieur   Rousseau.  Madame  la  Comtesse 

'  Cf.  p.  62,  n.  2. 

-  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau.  —  Page   encadrée  de  guirlandes 
de  fl£urs  stylisées  rouges  avec  feuillage  vert. 
■'  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau. 
*  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 


LETTRES    DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  249 

Cowper  et  mon  oncle  m'ordonnent  de  vous  faire  bien  des  com- 
plimens  de  leur  part. 
Je  suis  votre  très  humble  servante. 

Ce  Samedy  *. 

IV  2. 


M.  Dewks. 


A  Welsbourn  le  18  Xbre  1766. 

Votre  billet^  Monsieur  demande  mes  plus  sincères  remercî- 
ments  ;  il  m'est  doublement  agréable  et  par  son  propre  mérite  et 
parce  qu'il  me  flatte  la  vanité  d'en  recevoir  de  Monsieur  Rous- 
seau. Vous  dites  trop  sur  le  petit  collier  qu'il  ne  mérite.  Je  n'avois 
pas  assez  de  vanité  à  me  croire  capable  à  travailler  à  quelque 
chose  qui  seroit  digne  de  votre  acceptance,  c'est  pourquoi  je  le 
destinois  à  Sultan. 

Je  vais  toujours  à  Cahvich  avec  beaucoup  de  plaisir  mais  il  sera 
extrêmement  augmenté  par  l'espérance  de  vous  y  voir.  Je  dois 
vous  demander  pardon  pour  mes  bévues  dans  une  langue  à  la- 
quelle je  ne  suis  pas  accoutumée.  Je  ne  vous  écris  point  en  bon 
François,  mais  je  le  fais  de  bon  cœur  ;  il  me  donne  moins  de 
peine  à  montrer  mon  ignorance  qu'à  paroître  ingrate,  mais  je  ne 
veux  pas  abuser  de  votre  patience  plus  longtems  qu'à  vous  assu- 
rer de  la  sincérité  avec  laquelle  je  suis.  Monsieur,  votre  très  hum- 
ble servante. 

Mary  Dewes. 

V* 

[Cahvich,  6  of  Nov.  1767.]  ^ 
Sir,  I  think  I  may  with  truth  accuse  you  of  injustice,  when  you 
challenged  me  to  show  you  this  year  the  impression  of  your  seal 
which  you  gave  me  last.  What  then  must  hâve  been  mv  dissap- 
pointment  at  finding  you  were  gone,  just  as  I  was  flattering  mv- 
self  with  the  pleasing  expectation  that  I  should  hâve  it  in  my  po- 
wer  to  convince  you  I  was  not  totally  unworthy  of  the  notice  you 
were  so  good  as  to  honor  me  with,  by  showing  you  that  there 
was  no   impression  of  Monsieur   Rousseau    however  slight,  that 

'6  décembre  1766?  Cf.  la  réponse  de  Rousseau:  Œuvres,  t.  XI, 
p.  353. 

-  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

'''  Œuvres,  t.  XI,  p.  401,  q  déc. 

*  A  Monsieur  J.  J.  Rousseau  \  at  Af""  Josua  Rougemont  \  Banker  in 
Green  Lattice  \  Lane  near  Cannon  Street  \  London. 

s  Cf.  Lettres,  C.  Granville  à  Rousseau,  6  nov.  1767,  III,  P.  S.,  p.  25i. 


2  DO  ANNALKS   DE   LA   SOCIHTE  .1.   .1.    ROUSSEAU 

would  not  with  me  prove  a  lasting  one  ;  I  call  my  Uncle  to  bear 
witness  of  my  having  your  seal,  which  I  would  send  you,  but 
that  I  value  it  too  much  to  part  with  it*.  I  will  only  add  my  sincère 
wishes  for  your  health,  and  that  you  may  receive  as  much  happi- 
ness  as  you  bestow  on  others. 

I  am,  Sir,  your  most  obedient  servant 


Mary  Dewk; 


Gran  ville  ^. 


Calwich  i6  Janv.  1767. 
Monsieur  Granville  est  impatient  de  savoir  comment  se  portent 
ses  amis  à  Wooton,  et  espère  que  ce  terrible  tems  ne  leur  fait  pas 
beaucoup  de  mal,  car  il  faut  que  tout  le  monde  souffre  un  peu. 
Il  envoyé  un  dindon  et  deux  bouteilles,  une  d'Arrack  des  Indes 
Orientales,  l'autre  de  Rhum  de  Barbades,  il  ne  faut  pas  gronder, 
car  il  ne  faut  pas  laisser  un  étranger  et  voisin  périr,  dans  un  gel 
russien  qui  n'attendoit  pas  un  tel  neige.  Si  vous  avez  aucune 
bienveillance  pour  Mr  Granville,  sans  cérémonie,  envoyez  pour 
aucune  chose  qu'il  a  pour  votre  service.  Il  tue  demain  un  mouton, 
si  vous  voulez  avoir  une  partie,  envoyez  chercher,  vous  lui  don- 
nerez le  plus  grand  plaisir  du  monde.  Ses  meilleurs  souhaits 
attend  M''  Rousseau,  et  il  sera  fort  heureux  si  M'  Rousseau  a  la 
bonté  de  pardonner  toutes  ses  impertinences.  La  neige  est  d'une 
profondeur  incroyable  entre  nous,  autrement  je  n'aurois  pas  été 
si  longtemps  sans  une  promenade  à  Wooton  ^. 

II« 

A  Bath  9  mars  1767. 
11  m'est  autant  difficile  d'exprimer  mes  reconnoissances,  que  le 
plaisir  que  votre  lettre  '  m'a  donné  ;  quelle  bonté,  de  vous  souve- 
nir d'une  personne  qui  n'a  d'autres  prétentions  que  les  plus  vifs 
ressentiments  de  tous  les  avantages  que  j'ai  eu  ayant  yn  tel  ami. 
Entre  plusieqrs  de  vos  amis  qui  sont  icy,  qui  vous  sont  incon- 
nus, il  y  a  un  Mr  Brand  qui  étoit  fcfrt  réjoui  de  savoir  de  vos  nou- 
velles. Il  m'a  dit  qu'il  avoit  le  bonheur  de  vous  voir  en  revenant 

1  Réponse  de  Rousseau,  Œuvres,  t.  XII,  p.   53,  25  janv.  1768. 

-  Voir  aussi  sa  lettre  de  1776,  p.   100,  n.  i . 

3  Cf.  p.  59,  n.  6. 

*  A  Monsieur  |  Monsieur  Rousseau. 

s  Réponse  de  Rousseau,  Œuvres,  t.  XI,  p.  424,  16  janv.  [fév.] 

6  A  Monsieur  \  Monsieur  Rousseau  |  A   Wooton. 

7  Œuvres,  t.  XII,  p.   i,  28  fév. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  25  l 

de  Scarbrough.  Je  dois  quitter  Baih  dans  trois  semaines  et  après 
un  séjour  à  Londres  de  huit  jours  au  plus,  j'espère  avoir  le  plaisir 
de  vous  voir  en  bonne  santé  et  Mad"<^  Vasseur  à  qui  je  présente 
mes  compliments  et  mes  remerciements. 

Permettez-moi  d'ajouter  mes  plus  sincères  souhaits. 

Bernard  Granville. 

m 

Calwich,  6  of  November  lyô/. 

Non  Monsieur,  je  ne  suis  point  ingrat  pour  l'honneur  de  votre 
souvenance,  mais  depuis  que  j'ai  reçu  ce  cher  témoignage  de  vo- 
tre amité*,  j'ai  été  fort  malade  du  rhumatisme  dans  mes  mains, 
que  je  ne  pouvois  manier  la  plume,  et  qui  est  la  raison  que  je  suis 
51  tard  avec  mes  remercimens. 

J'étois  bien  convaincu  de  la  sincérité  de  votre  cœur,  mais  com- 
me je  ne  croyois  pas  mériter  un  tel  bonheur,  je  ne  pouvois  me 
flatter  de  recevoir  une  telle  consolation,  la  seule  qui  peut  en  au- 
cune manière  adoucir  la  peine  que  me  donnoit  votre  éloigne- 
ment. 

J'espère  que  vous  avez  trouvé  un  azile  tranquille  et  selon  votre 
goût 2.  Quoique  je  me  trouve  un  peu  rétabli  dans  ma  santé,  mes 
mains  sont  encore  trop  faibles  pour  écrire  davantage  à  présent, 
que  les  plus  ardents  souhaits  et  respects  vous  attendent  tou- 
jours de 

Bernard  Gr.\.\ville. 

Ma  nièce  veut  vous  parler  aussi. 

Jean  Rousseau '. 

I 

Dans  le  courant  d"Aoust  j"ai  reçu  enfin,  mon  très  cher  cousin, 

•  Œuvres,  t.  XII,  p.  27,  i"  août  1767. 

2  Réponse  de  Rousseau,  Œwres,  t.  XII,  p.  52,  à  Granville,  25  janv. 
1768. 

3  Cf.  p.  17,  n.  7.  Son  adresse  était  :  5^)»'*'  Coffee  Hoitse,  Exchange 
Alley.  iJean  R.  à  J.  ./.  Rousseau.  Lettres  inéd.,  18  oct.  1761.  Bibl.  de 
Neuchâtelj,  et  depuis  la  fin  de  1764:^^  M'  Colombie's  Négociant  {id. 
7  déc.  1764;  10  oct.  1765;  id.),  in  Bishopgatc  Walk  Old  Bioad  Street 
(Dastier  à  J.  J.  Rousseau,  16  sept.  1766.  Lettre  inéd.,  Bibl.  de  Neu- 
châtelj. Cette  lettre  est  la  quatrième  de  celles  écrites  par  Jean  Rousseau 
à  son  cousin.  Nous  la  donnons  à  cause  des  appréciations  sur  l'Angle- 
terre, dont  on  retrouve  maints  échos  dans  la  correspondance  de  Jean- 
Jacques. 


202  ANNALES    DE   LA   SOCIETE  .1.   .1.    ROUSSEAU 

votre  lettre  du  24  Fév.  dernier.  '  Par  la  description  que  vous  me 
faites  de  votre  état,  il  me  paroft  être  d'autant  plus  fâcheux,  que  je 
crains  fort  qu'on  ne  puisse  vous  procurer  le  soulagement  néces- 
saire. Avez-vous  essayé  les  bougies  ?  Je  connois  des  gens  à  qui 
elles  ont  fait  beaucoup  de  bien.  —  Vous  me  marquez  en  même 
temps  que  Messes  Voullaire  ^  ne  vous  avoient  pas  alors  encore 
remis  la  copie  des  lettres  au  Consistoire^;  vous  les  aurez  reçues 
depuis  sans  doute,  sinon  je  vous  en  enverrai  une  autre  copie. 

Quant  aux  fables  de  La  Fontaine,  traduites  en  vers  latins,  j'en 
ai  parlé  à  M""  le  Dr  Maty,  au  libraire  Becket  et  à  d'autres,  en  leur 
montrant  l'échantillon;  ils  m'ont  tous  répondu  également  que 
cela  ne  convenoit  absolument  point  pour  ce  pays,  où  la  littérature 
latine  est  encore  plus  hors  de  mode  qu'en  France  ;  l'Allemagne  je 
pense  sera  le  pays  propre  pour  cet  ouvrage,  dans  lequel  je  doute 
fort  qu'on  ait  pu  imiter  les  beautés  naturelles  de  l'original. 

J'ai  reçu  avec  bien  des  remerciments  et  lu  avec  applaudissement 
et  admiration  votre  Contrat  social  ;  qu'il  me  seroit  agréable  de 
pouvoir  m'étendre  sur  nombre  de  passages  qui  m'ont  vivement 
frappé,  mais  une  lettre  n'est  pas  propre  pour  cela.  Je  suis  très 
charmé  que  mon  cousin  Rousseau  ait  fait  à  la  face  de  l'Europe 
un  si  bel  éloge  de  Calvin,  dont  des  âmes  basses  et  vénales  ont 
osé  insulter  à  la  mémoire.  Qu'il  est  flatteur  pour  moi  d'avoir  dans 
mes  lettres  au  Consistoire  pensé  de  même  au  sujet  du  plus  grand 
homme  qu'il  y  ait  eu  dans  l'église  depuis  la  Réformation,  et  dont 
le  vaste  génie  métamorphosa  nos  ancêtres,  de  débauchés  et  de 
courtisans  qu'ils  étoient  en  bons  chrétiens  et  en  dignes  citoyens. 
Je  suis  Calviniste,  mon  cher  cousin,  malgré  les  faiblesses  de  ce 
grand  homme,  je  ne  cesse  de  l'admirer  ;  j'ai  adopté  ses  principes 
en  général  jusqu'à  ce  qu'un  autre,  par  des  efforts  encore  plus 
merveilleux  que  ceux  qu'il  opéra  chez  nous  me  prouve  qu'il  étoit 
dans  l'erreur..  —  Vous  avez  vu  les  détails  que  je  vous  donne  de 
notre  famille.  Depuis  j'ai  appris  avec  la  plus  vive  joye,  que  par  un 
effet  des  derniers  ressorts  que  nous  avions  fait  jouer,  les  affaires 
se  remettent  sur  un  meilleur  pied,  et  on  se  flatte  dit-on-  que  cela 
continuera.  Dieu  le  veuille.  Le  tems  vous  avoit-il. permis  d'écrire 
à  Genève  pour  cet  effet  ;  en  ce  cas  je'  serois  charmée  de  connaître 

'  Lettre  inconnue. 

2  Antoine  Voullaire  et  fils,  rue  Quincampoix,  Paris,  cousins  des 
Rousseau  (Jean  R.  à  Rousseau,  3i  janvier  1762;  mai  1764.  Lettres  inéd., 
Bitl.  de  Neuchàtel.) 

3  Jean  y  combattait  l'établissement  du  théâtre  de  Châtelaine,  en 
s'inspirarit  des  principes' de  son  cousin.  {Id.  i3  oct.  1 761.  Lettre  inéd., 
id). 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  2  53 

l'honnête  homme  dont  vous  vous  seriez  servi,  pour  lui  témoigner 
comme  je  le  dois  ma  juste  reconnaissance. 

J'étois  au  comptoir,  lorsqu'on  m'annonça  le  coup  fatal  qui 
venoit  de  vous  frapper  ^  Incertain,  si  vous  aviez  pu  échapper  au 
danger  qui  vous  menaçoit,  la  foudre  qui  seroit  tombée  à  deux  pas 
de  moi  n'auroit  pas  pu  faire  sur  moi  une  plus  vive  impression  : 
ce  furent  les  gazettes  mensongères  d'ailleurs  qui  me  tirèrent  de  la 
situation  ou  je  me  trouvois  pendant  quelque  tems.  Elles  m'annon- 
cèrent votre  arrivée  à  Genève  et  ensuite  avec  vérité  dans  le  comté 
où  vous  êtes  maintenant.  Tout  le  monde  me  demandoit  de  vos 
nouvelles,  je  ne  savois  que  répondre  et  ce  ne  fut  qu'en  consé- 
quence d'uhe  lettre  aséez  vive  que  j'écrivis-à  mon  frère,  qu'il  dai- 
gna m'en  donner  à  la  fin.  J'allois  vous  écrire  lorsque  Mr  Petitpierre 
qui  vient  d'arriver  m'a  fait  le  plaisir  de  me  remettre  votre  lettre 
du  27  passé  2  ;  les  nouvelles  publiques  n'avoient  annoncé  ses 
malheurs.  Il  v  a  une  certaine  satisfaction  de  s'intéresser  pour  les 
honnêtes  gens  persécutés,  ainsi  ferois-je  suivant  mon  pouvoir 
borné  ce  qui  dépendra  de  moi  pour  lui  être  utile. 

Nous  ignorons  ici  la  cause  secrète  de  vos  disgrâces  ;  si  vous 
pouvez  me  la  communiquer  sous  le  sceau  du  secret,  je  n'en 
parlerai  à  âme  vivante,  à  moins  que  votis  ne  me  releviez  vous 
même  de  mon  silence.  Si  cette  cause  n'est  pas  de  nature  à  être 
révélée,  je  ne  voudrois  pas  pour  tout  au  monde  commettre  une 
indiscrétion.  Je  pense  à  peu  près  d'où  le  coup  est  parti,  c'est  ce 
que  je  craignois  depuis  longtems. 

La  démarche  que  vous  avez  faite  auprès  de  Mr  le  Pasteur  de 
MontmoUin  est  d'autant  plus  de  mon  goût  ainsi  que  la  copie  d'une 
lettre  que  vous  lui  aviez  écrite,  qu'on  m'a  envoyée  de  Paris,  que 
j'étois  dans  le  dessein  de  vous  prier  de  faire  une  semblable  dé- 
marche. Dieu  veuille  quelle  produise  un  bon  effet  chez  nous,  et 
que  l'acharnement  qu'on  a  témoigné,  se  change  en  une  hono- 
rable invitation  de  rentrer  dans  le  sein  de  notre  commune  patrie. 

A  l'égard  d'Emile  que  je  lis  et  que  je  relirai,  ainsi  que  tous  les 
ouvrages  de  mon  cher  Cousin,  voici  deux  opinions  qu'on  en  a 
conçu  dans  ce  pays. 

Emile  est  aussi  goûté  qu'aucun  autre  ouvrage  que  M""  Rousseau 
ait  fait,  preuve  de  cela  c'est  qu'actuellement  il  s'en  fait  deux  diffé- 
rentes traductions  en  Anglois,  on  y  trouve  des  beautés  partout, 
mille  chose  très  utiles,  des  traits   admirables,   des  leçons  excel- 


1  L'arrêt    du    Parlement    do    Paris   décrétant  l'arrestation    de  Jean- 
Jacques. 

2  Lettre  inconnue. 


254  ANNALES   DK    LA    SOCIlh'K  .1.   .1.    ROUSSEAU 

lentes  ;  mais  quant  au  plan  général  d'éducation,  nos  gens  ne 
l'approuveront  ni  ne  l'adopteront,  par  la  raison  qu'un  étranger  en 
est  l'auteur,  prévention  qui  va  ici  plus  loin  qu'on  ne  pense  et  qui 
ternit  leurs  meilleures  qualités. 

Ceci  nous  mène  insensiblement  à  l'azile  qu'on  vous  presse  de 
chercher  dans  ce  pays.  Quel  bonheur  et  quel  plaisir  ne  seroit-ce 
pas  pour  moi  d'embrasser  mon  cher  cousin,  de  le  voir  et  de  pro- 
fiter de  ses  avis  et  de  ses  leçons.  Mais  quelque  flatteur  et  quelque 
agréable  que  fut  pour  moi  un  tel  événement,  puisque  vous  me 
demandez  mon  opinion,  je  vais  vous  la  donner  telle  qu'en  cons- 
cience je  crois  devoir  le  faire. 

Je  ne  parlerai  point  de  la  fatigue  d'un  si  long  voyage,  du  pas- 
sage de  la  mer,  ni  du  changement  de  climat,  à  votre  âge,  avec 
les  incommodités  que  vous  avez.  Je  ne  m'étendrai  pas  non  plus 
sur  la  différence  de  la  langue,  sur  la  nécessité  où  vous  seriez  de 
demeurer  à  quelque  distance  de  la  ville,  pour  ne  pas  être  suffoqué 
de  la  fumée,  et  pour  être  à  l'abri  des  importuns  et  des  fâcheux  ; 
du  peu  de  secours  par  conséquent  que  vous  retireriez  de  votre 
garde  ou  gouvernante  à  qui  vous  seriez  obligé  de  donner  un 
adjoint  qui  parlât  les  deux  langues.  Tout  cela  augmente  la  dé- 
pense, ainsi  il  faut  que  pour  venir  vous  établir  ici  vous  puissiez 
compter  sur  L.  200  ou  tout  au  moins  cent  et  cinquante  livres  ster- 
ling par  an  de  fixe  et  assuré  et  encore  vous  feriez  bien  maigre 
chère  svir  ce  pied  là,  en  comparaison  du  lieu  où  vous  êtes.  Je  ne 
parlerai  point  non  plus  de  la  perte  que  notre  patrie  feroit,  ainsi 
que  notre  famille  et  les  bons  amis  que  vous  avez  encore  en  France 
qui  ne  verroient  pas  cela  de  bon  œil.  Mais  je  viens  à  ce  que  vous 
me  marquez  que  des  gens  de  distinction  vous  pressent  et  sollici- 
tent. Je  sais  un  nombre  infini  d'exemples  que  ces  gens-là,  svir 
leur  fumier  n'ont  pas  tenu  parole,  se  piquant  généralement  d'avoir 
un  mépris  singulier  pour  les  rares  étrangers;  ainsi  je  vous  prie  de 
ne  pas  faire  fond  sur  la  parole  seule  de  ces  gens-là.  Quant  au 
corps  de  la  nation  dont  vous  voudriez  savoir  si  vous  seriez  vu  de 
bon  œil,  je  vous  dirai  naturellement  que  pour  être  souffert,  il 
faut  se  plier  en  tout  et  partout  à  leur  humeur  et  'façon  de  penser 
et  d'agir  sans  cela  on  risque  d'être  non  seulement  méprisé  et 
regardé  de  mauvais  œil,  mais  même  insulté  en  public  et  en  parti- 
culier. Il  faut  applaudir  à  tout,  et  même  à  ce  qui  mériteroit  cen- 
.  sure  et  indignation.  M'-  le  Dr  M^  n'a  pu  éviter  l'écueil,  il  suit  la 
foule  des  étrangers.  Ceux-ci  sont  de  deux  ordres  ou  classes  :  les 
prerniers  sont  gens-qui  viennent  pour  faire  fortune  ;  ils  employent 

'  Matthieu  Maty.  cf.  p.  iSq,  n.  i. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  255 

tout  pour  cela,  bassesses,  courbettes,  flatteries,  et  les  autres  s'y 
retirent  pour  des  affaires  qui  les  obligent  de  sortir  de  chez  eux,  la 
plupart  pour  des  mauvais  cas.  C'est  pourtant  sur  le  rapport  de  ces 
étrangers  que  Mi  Petitpierre  juge  que  ce  pays  vous  conviendroit  ; 
il  a  même  combattu  mon  avis  devant  le  Dr  M.  à  qui  je  ne  pus 
m'empêcher  de  dire  librement  ma  pensée.  Là-dessus  M''  Petitpierre 
dit  que  nous  étions  singuliers  dans  notre  famille  ;  cela  pourroit 
être  vrai  quant  à  moi,  mais  je  me  suis  toujours  fait  un  devoir  de 
sacrifier  tout  au  plaisir  de  parler  vrai.  Si  vous  veniez,  vous  seriez 
reçu  avec  honneur,  distinction  et  à  bras  ouverts.  Insensiblement, 
voyant  que  vous  oseriez  être  d'avis  différents,  de  sentimens 
opposés  aux  leurs,  que  vous  ne  joueriez  pas  le  rôle  bas  de 
flatteur,  on  vous  laisseroit,  on  vous  abandonneroit  et  vous  vous 
trouveriez  enfin  presque  seul  vis-à-vis  de  vous  même  ;  si  même  il 
ne  vous  arrivoit  quelque  chose  de  pis,  non  de  la  part  du  gouver- 
nement, qui  ne  vous  chagrineroit  en  aucune  façon,  mais  de 
etc.,  etc.  Ainsi,  mon  très  cher  cousin  si  on  vous  laisse  tranquille 
où  vous  êtes,  je  vous  conseille  très  fort  de  rester;  le  climat  est 
excellent,  les  vivres  bons  et  à  bon  marché  et  les  gens  je  crois  très 
sociables  et  affables. 

Quant  à  moi,  dans  mon  poste  de  commis,  je  me  borne  à  une 
très  petite  dépense,  pour  être  en  état  d'avoir  quelque  épargne  au 
bout  de  Tan.  Cette  épargne  je  la  mets  à  Genève  etc. 

On  me  fait  espérer  dans  quatre  ou  cinq  ans  d'ici  que  mon  sort 
sera  meilleur,  c'est-à-dire  que  je  pourrai  retourner  auprès  de  mes 
chers  parents  sans  que  je  leur  sois  à  charge  ;  rien  ne  manquera 
alors  que  de  vous  posséder  également.' 

Je  crois  aussi  qu'il  est  de  mon  devoir  de  vous  faire  remarquer 
sur  ce  qui  est  dit  dans  Emile  que  les  chinu-giens  et  bouchers  ne 
sont  point  reçus  en  témoignage.  Leur  témoignage  est  reçu  en  jus- 
tice pour  toute  sorte  de  cas,  mais  ils  ne  font  jamais  nombre  parmi 
les  douze  jurats  ou  jurés  qui  décident  du  sort,  de  la  vie  des  crimi- 
nels. Les  premiers  en  sont  exemptés  ainsi  que  les  médecins  et 
apothicaires,  par  des  privilèges  qui  les  exemptent  de  plusieurs 
offices  onéreux.  Quant  aux  bouchers,  il  n'y  a  point  de  loi  qui  les 
exclue,  mais  l'usage  l'a  établie. 

Cette  lettre  est  déjà  bien  longue  ;  il  est  tems  de  la  finir  par  les 
vœux  que  je  fais  au  Ciel  pour  votre  chère  santé,  votre  tranquillité 
et  votre  bien  être.  J.  Rousseau. 

Londres  le  3o.  7bre  1762. 

Dans  ce  moment  nous  apprenons  la  prise  de  la  Havane  et  d'une 
douzaine  de  vaisseaux  de  ligne  dans  le  port,  etc. 


2b6  AXXALKS   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 


Il  est  tems,  mon  cher  cousin  que  je  réponde  à  votre  obligeante 
lettre  ^  :  des  occupations  extraordinaires  m'ont  empêché  de  le  faire 
plus  tôt.  Avant  toutes  choses,  je  viens  vous  renouveller  mon 
entier  dévouement.  Quoique  je  soie  et  que  je  doive  être  très  irrité 
de  la  vilaine  conduite  de  l'homme  en  question',  cependant,  il  est 
bien  que  vous  avez  appris  à  le  connoître  pour  être  sur  vos  gardes. 
Il  est  triste  pour  l'humanité  que  dans  ce  siècle,  l'on  ne  sache 
presque  pas  à  qui  se  fier,  l'intérêt  est  l'unique  ressort  qui  fasse 
agir  nos  modernes.  Notre  personnage  ne  s'est  trémoussé  que 
dans  la  vue  de  tirer  des  lumières  de  vous,  ou  si  vous  continuez  à 
écrire  qu'il  en  put  faire  le  profit.  Apprenant  le  contraire  de  votre 
résolution,  non  seulement  il  vous  tourne  le  dos,  mais  s'y  joint 
même  à  vos  ennemis,  avec  qui  il  espère  de  gaspiller.  Quant  aux 
sottises  que  les  malheureux  ont  fait  mettre  dans  les  papiers 
publics,  je  vous  prie  de  n'y  pas  faire  la  moindre  attention,  ce 
serait  une  guerre  perpétuelle  ;  il  est  vrai  qu'ils  publient  des  men- 
songes, mais  la  vérité  tôt  ou  tard  se  découvre  ;  sinon,  on  saisit 
une  occasion  favorable  pour  les  confondre  en  gros,  sans  les  atta- 
quer en  détail  ;  votre  repos,  votre  santé  l'exigent  quoique  votre 
cœur  sensible  en  doit  souffrir  beaucoup. 

J'ai  vu  séparément  de  Hondt  et  Beckett  au  sujet  des  lettres  de 
Mr  Du  Peyrou*  :  ils  se  sont  accordés  de  me  dire  et  apparemment 
ils  en  étoient  convenus,  que  le  traducteur  étoit  tombé  malade  et 
que  d'autres  accidents  l'avoient  empêché  de  travailler  à  la  tra- 
duction, mais  qu'étant  mieux  maintenant,  on  alloit  continuer,  et 
que  dans  peu  l'ouvrage  devoit  paraître  ;  nous  verrons  s'ils  disent 
vrai.  A  travers  tout  cela,  je  m'aperçois  qu'avec_  des  promesses  ou 
autrement,  on  les  avoit  engagés  de  ne  pas  continuer  cet  ouvrage. 
Mais  qu'à  présent,  voyant  que  l'autre  doit  aller  en  France,  qu'un 
autre  libraire  peut  faire  imprimer  cet  ouvrage  et  dans  l'idée  que 
vous  pouvez  encore  lui  être  plus  utile  que  l'absent,  ils  ont  pris  la 
généreuse  résolution  de  continuer  l'ouvrage,  uniquement  pour 
leur  profit  et  rien  autre. 

J'ai  eu  un  entretien  avec  notre  Monsieur  ;  il  m'a  dit  que  dans 
peu  il  régleroit  mon  compte  et  que  vu  la  nouvelle  société,  j'aurois 

1  Cette  lettre  est  la  quatorzième  du  recueil.  Nous  donnons  la  suite 
de  la  correspondance  sans  omettre  aucune  pièce. 

-  Œuvres,  t.  XI,  p.,33o,  à  M.  F.  H.  Rousseau,  lo  avril  1766. 

-  Hume. 

*  Œuvres,  t.  XI,  p.  Soj,  à  Du  Peyrou,  27  janv.  1766;  p.  3ï5,  2  mars; 
p.  3 16,   14  mars;  p.  320,  29  mars;  p.  33o,  à  Becket  et  de  Hondt,  9  avril. 


LETTRES  DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  2  57 

lieu  d'être  content.  Comme  je  le  connois  lui,  pour  être  véridique 
et  un  homme  juste  et  droit  je  suis  tranquille  à  cet  égard;  mais 
malgré  cela,  je  ne  vois  pas  que  je  puisse  économiser,  à  l'exception 
des  rentes  de  Paris  auxquelles  je  suis  résolu  de  ne  pas  toucher. 
Par  là,  vous  pouvez  à  peu  près  juger  de  ma  situation  et  voir  s'il  y 
a  lieu  d'améliorer  mon  sort  ;  je  vous  en  laisse  entièrement  le  maî- 
tre, résolu  de  suivre  en  tout  vos  conseils,  vous  priant  uniquement 
de  faire  en  sorte  que  les  Messieurs  où  je  suis  ignorent  entièrement 
vos  intentions,  parce  que  vous  pensez  bien  que  cela  me  feroit  un 
tort  infini  vis-à-vis  d'eux.  Je  vous  prie  donc,  si  vous  avez  la  bonté 
de  me  répondre  de  le  faire  sous  couvert  de  Monsr  Lucadou  et  de 
lui  recommander  de  me  remettre  toujours  vos  lettres  en  mains 
propres,  car  notre  jeune  homme  est  très  curieux  et  indiscret.  Voici 
par  exemple  une  ouverture  dont  je  crois  vous  avoir  parlé  cy  de- 
vant. Les  fermiers  généraux  en  France  donnent  icy  des  commis- 
sions considérables  pour  leurs  achats  de  tabac.  Si  par  vos  amis 
en  France  on  pouvait  les  engager  à  diviser  leurs  ordres  pour  m'en 
donner  je  pourrois  alors  ou  travailler  seul  ou  être  reçu  en  société 
avec  nos  Messieurs  pour  servir  de  sûreté  et  de  caution  aux  sus- 
dits fermiers.  Mais  je  m'abuse,  je  crains  que  le  sieur  Tronchin  ne 
soit  encore  du  nombre  et  en  ce  cas  il  n'y  aura  rien  à  faire. 

A  Genève,  on  a  nommé  iS  Citoyens  ou  Bourgeois  pour  repré- 
senter la  Bourgeoisie.  Mess"  De  Luc  père  et  De  Luc  fils  aîné, 
deux  très  excellents  sujets,  sont  du  nombre. 

Mes  Cousins  Marchand  et  Mouchon  ont  refusé  de  se  charger  de 
ma  procure  ;  ils  m'ont  écrit  nettement  qu'ils  ne  se  soucient  pas 
d'avoir  rien  à  démêler  avec  les  Bouët  (nom  de  la  famille  dans 
laquelle  Mr  Théodore  Rousseau  ^  a  eu  le  bonheur  d'entrer).  Mille 
compliments  à  Mlle  Le  Vasseur.  Je  vous  souhaite  bien  de  la  santé 
et  suis  toujours  très  cordialement  tout  à  vous. 

Jean  Rousseau. 

Londres  le  4  May  1766. 

III 

C'est  par  le  canal  de  M.  Lucadoux  que  j'apprends  des  nouvel- 
les de  vous,  mon  très  cher  cousin.  Je  sais  néanmoins  que  vous 
ne  m'oubliez  pas  quoiqu'il  y  ait  longtemps  que  je  n'ai  pas  eu  de 
vos  lettres.  J'espère  que  vous  avez  bien  voulu  vous  souvenir  de 
l'affaire  d'Italie.  Plût  à  Dieu  que  la  chose  fut  achevée  pour  plu- 
sieurs bonnes  raisons. 

Peut-on  savoir,  mon  cher  cousin,  les  motifs  de  la  désunion  entre 
vous  et  le  sieur  H[ume].  Mr  Laliaud  de  Paris  m'a  écrit  à  ce  sujet; 

'  1729-1807;  le  frère  de  Jean. 


2d8  annales   de   la   SOCIETE  J,  J.    ROUSSEAU 

il  me  paroît  vous  affectionner  infiniment.  Je  lui  ai  répondu  uni- 
quement que  cet  homme-là  avoit  cherché  à  vous  déshonorer  de 
concert  avec  vos  ennemis  ;  il  vous  a  écrit  lui-même,  avez  la  bonté 
de  lui  répondre  et  si  vous  jugez  à  propos  de  m'instruire  là-dessus, 
ce  seroit  une  grande  satisfaction  pour  moi.  Le  sieur  H.  a  fait  de- 
mander mon  adresse  à  des  gens  que  je  connois  qui  la  lui  ont 
donnée,  mais  je  n'ai  pas  entendu  parler  de  lui.  Il  s'imaginoit 
peut-être  qu'aussitôt  que  je  saurois  qu'il  s'informoit  de  ma  de- 
meure, je  ne  manquerois  pas  de  lui  aller  faire  une  révérence  ;  il 
se  trompoit  fort  si  le  cas  est  ainsi;  s'il  avoit  à  me  parler,  il  devoit 
venir  lui-même:  je  l'attendois  de  pied  ferme. 

Il  me  paroît  que  Mess.  Beckett  et  de  Hondt  ont  tenu  parole, 
ayant  publié  enfin  l'ouvrage  en  question  ;  ils  vous  l'auront  envoyé 
sans  doute.  Quant,  à  moi,  je  ne  l'ai  pas  vu,  quoiqu'ils  eussent  dû 
me  l'envoyer,  par  rapport  à  leur  promesse. 

Les  Médiateurs  ont  remis  aux  Citoyens  et  Bourgeois  une  dé- 
claration où  la  conduite  du  magistrat  est  en  tout  approuvée  et  où 
ils  disent  que  vos  Lettres  de  la  Montagne  sont  remplies  de  calom- 
nies attroces  et  écrites  par  un  esprit  de  vengeance,  etc.  —  Comme 
j'écris  la  présente,  j'apprends  que  non  seulement  icy,  mais  encore 
à  Paris  et  ailleurs,  vos  différents  avec  Mr  Hume  font  plus  de  bruit 
que  jamais,  et  comme  vos  adversaires  profitent  de  votre  silence  et 
absence  pour  vous  calomnier,  il  sera  bien  en  peu  de  mots  de  les 
écraser,  à  Paris  surtout.  Répondez  donc  je  vous  prie  à  M''  Laliaud 
à  cet  effet.  J'attends  de  vos  nouvelles,  s.  v.  p.  par  le  canal  de 
Mr  Lucadou,  en  lui  recommandant  de  me  remettre  votre  lettre  en 
mains  propres.  Mille  compliments  à  M'ie  Le  Vasseur.  Comptez 
sur  ma'  discrétion  et  suis  tout  à  vous  pour  vous  servir  contre 
Hume  et  quelqu'autre  que  ce  soit.  Je  vous  souhaite  bien  de  la 
santé  et  suis  avec  un  entier  dévouement  votre  affectionné  cousin. 

J.  Rousseau. 

IV 

Londres  ii  ybre  1766. 

J'espère  mon  très  cher  cousin  que  vous. avez  hien  reçu  ma  pré- 
cédente lettre  dans  laquelle,  je  vous  mandois  que  Mesg"  les  Mé- 
diateurs à  Genève  avoient  déclaré  que  les  Lettres  de  la  Montagne 
étoient  remplies  de  calomnies,  etc.  Je  viens  de  recevoir  une  lettre 
de  mon  frère  qui  s'est  avisé  de  m'écrire,  suivant  laquelle  je  suis 
aussi  un  calomniateur.  Dieu  merci,  j'ai  la  conscience  nette  et  la 
bourse  aussi,  grâce  à  ce  généreux  frère.  Les  papiers  Anglois  ont 
traduit  exactement  un  article  de  Paris  qui  dit  que  vous  avez  écrit 
à  des  personnes  de  cette  ville  là,  que  vous  défiez  Mr  Hume  de 
pviblier  votre  correspondance,  qu'il  y  a  de  quoi  confondre  le  phi- 


LETTRES   DE   DIVERS  A   ROUSSEAU  2^9 

losophe  Anglois.  Cet  article  est-il  vrai  ?  Au  nom  de  Dieu,  fournis- 
sez-moi de  quoy  répondre  à  ceux  qui  me  font  des  questions  sur 
votre  dispute  à  quoy  je  réponds  en  homme  qui  vous  est  et  sera 
toujours  dévoué.  Vous  avez  reçu  sans  doute  la  lettre  de  M.  La- 
liaud  à  qui  je  donnai  cours  par  le  moyen  de  Mi-  Lucadoux.  Vous 
savez  que  ce  Mons'-  lui  a  fait  faire  votre  buste  en  marbre,  dont  il 
avoit  envoyé  ici  un  modèle  en  plâtre  qui  s'est  gâté  en  chemin.  Il 
est  extrêmement  de  vos  amis,  à  ce  qu'il  me  paroît.  Répondez-lui 
je  vous  prie  si  vous  n'avez  pas  pu  le  faire  encore  ;  Mr  Lucadoux 
vous  fait  ses  compliments,  il  ne  vous  écrit  pas,  n'ayant  rien  d'es- 
sentiel à  vous  marquer.  Avez-vous  songé  à  moi,  mon  cher  cou- 
sin, écrivez-moi,  je  vous  en  conjure,  mettez-moi  à  même  de  con- 
vaincre un  chacun  et  de  vous  assurer  de  la  cordialité  avec  laquelle 
je  suis  votre  très  affectionné  cousin.  Mille  compliment  a  Mlle  Le- 
vasseur.  Pardonnez  le  griffonnage. 

J.  Rousseau. 

Avec   un  couvert   chez   M'-   Lucadoux  pour   remettre  en  mains 
propres. 


En  conséquence  mon  cher  cousin,  de  ce  que  vous  m'avez  écrit 
le  8  courant',  j'ai  remis  chez  Mr  Lewis  le  petit  paquet  en  question 
qu'on  aura  bien  soin  de  vous  faire  parvenir.  Il  paroît  depuis  peu 
chez  Beckett  une  brochure,  qui  contient  un  narré  vrai  ou  faux  de 
vos  démêlés  avec  M'  Hume.  Je  ne  l'ai  pas  lue,  mais  un  ami  me 
lut  en  passant  un  article  qui  me  regardoit,  et  où  l'on  dit  que 
Mr  Hume  avoit  répandu  que  vous  m'aviez  reçu  froidement,  et  je 
ne  sais  quoy  encore  ;  que  là-dessus  vous  répondiez  que  mon  état 
ne  me  permettoit  point  de  discourir  avec  les  gens  de  lettres,  que 
j'étois  un  honnête  homme  et  un  bon  parent,  mais  que  peut-être 
on  m'aurait  fait  jaser,  ce  qui  ne  seroit  pas  difficile.  —  Mr  Lenieps 
de  Paris,  m'a  écrit  deux  lignes  également  dans  laquelle  il  me  dit 
que  Ml  Hume  a  parlé  de  moi  contre  vous,  et  qu'il  faut  que  je  me 
justifie.  Il  se  peut  que  Mr  Hume  auroit  bien  eu  envie  de  me  faire 
parler  lorsqu'il  demanda  mon  adresse  ;  je  ne  fus  point  chez  lui,  et 
lui  ne  m'est  point  venu  chercher  non  plus.  S'il  a  répandu  des 
bruits,  il  les  a  tirés  de  sa  tête  ou  de  celle  de  quelqu'autre  mali- 
cieuse personne,  car  je  jure  n'avoir  jamais  parlé  de  vous  à  qui  que 
ce  soit,  qu'avec  tous  les  égards  que  je  vous  dois,  avec  le  respect 
qui  vous  est  dû,  l'amitié  que  je  vous  porte  et  mon  entier  dévoue- 
ment pour  vous.  J'ai   même   été  plus  loin,  car  un  chacun  peut  le 

1  Lettre  inconnue. 


2bO  ANNALES    DE   LA    SOCIETE    .1.    J.    ROUSSEAU 

dire  et  le  témoigner  que  j"ai  parlé  de  vous  avec  enthousiasme 
même,  si  on  peut  se  servir  de  cette  expression  vis  à  vis  d'un  pa- 
rent comme  vous,  que  je  regarde  comme  mon  père.  Cela  étant, 
comment  aurois-je  pu  parler  contre  vous  à  Mr  Hume  que  je  croyois 
alors  votre  meilleur  ami,  que  j'avois  même  intérêt  de  ménager 
pour  l'affaire  que  vous  savez  *  ;  d'ailleurs  je  ne  sache  pas  l'avoir 
jamais  vu  sans  vous  excepté  peut-être  une  fois  pour  lui  remettre 
une  lettre  pour  vous,  et  à  peine  m'arrêtois-je.  Si  d'ailleurs  je  l'a- 
vois  vu  souvent  et  que  j'eusse  voulu  lui  parler,  que  lui  aurois-je 
dit.  Sur  mon  Dieu,  je  ne  suis  pas  plus  informé  de  votre  vie,  de 
vos  secrets  que  ce  que  j'en  ai  lu  dans  vos  écrits  ;  vous  savez  que 
je  n'ai  jamais  été  assez  indiscret  pour  vous  faire  aucune  question 
sur  vos  affaires.  Et  quand  quelqu'un  m'en  a  fait  (parmi  ces  quel- 
qu'uns  Mr  Hume  n'est  pas  compris,  car  il  ne  m'en  a  jamais  fait 
de  questions)  j'ai  toujours  répondu  qu'il  fallait  s'adresser  à  vous. 
Au  reste  quoique  vif  et  gay  et  assez  libre  en  parlant,  je  ne  divul- 
gue point  les  secrets  qu'on  me  confie,  encore  moins  ceux  qu'on 
ne  me  confie  pas  ;  je  me  pique  d'être  vrai,  jamais  calomniateur  et 
le  moins  médisant  que  je  puis,  car  il  m'est  arrivé  de  m'emporter 
contre  des  personnages  qui  étant  connus  par  moi  pour  des  co- 
quins, je  n'ai  pu  m'empêcher  de  les  faire  connoître  pour  tels  à 
d'autres.  En  voilà  assez  je  pense  ;  encore  deux  mots  cependant  et 
pardonnez-moi  le  badinage.  Un  ami  vrai,  qui  me  connaît  bien  et 
qui  sait  le  zèle  que  je  vous  porte,  me  parla  de  cette  froideur  de 
réception.  Je  ferois,  dit-il  cette  gageure  que  ceci  ne  vient  pas  de 
vous.  Ah  !  lui  dis-je  en  riant  ;  ma  foy,  la  réception  fut  froide,  car 
c'étoit  en  hyver,  sur  le  bord  de  la  Tamise  et  par  un  jour  qui  fai- 
soit  bien  froid;  cependant  je  n'en  ai  point  eu  de  rhume,  grâce  au 
bon  dîner,  au  bon  feu  et  à  l'amitié  de  mon  pousin  qui  se  faisoit 
toujours  sentir,  malgré  les  chagrins  dont  il  étoit  tourmenté.  Je 
suis  bien  aise  que  ce  soit  moi  qui  vous  ait  averti  que  le  jeune 
Tronchin  logeoit  chez  Mrs  EUiot,  logement  usité  de  Mr  Hume. 

Dans  votre  chère  lettre,  vous  avez  omis  le  mot  de  cousin  tan- 
dis que  d'un  autre  côté,  vous  me  traitez  plus  polirhent  c'est-à- 
dire  à  ce  que  je  crois,  avec  plus  réserve.  Boh  Dieu,  est-ce  une 
illusion,  ou  seroit-on  parvenu  à  me  calomnier  dans  votre  esprit. 
Ecrivez-moi,  je  vous  prie,  le  ■  plus  tôt  que  vous  pourrez.  Si  j'ai 
commis  un  crime,  faites  le  moi  connoître  ;  quoi  qu'il  en  soit, 
pardonnez  moi,  mais  ne  m'ôtez  point  votre  amitié.  Je  la  prise  si 
fort,  je  suis  si  délicat  sur  ce  point,  que  je  ne  serai  pas  tranquille 
jusqu'à   ce  que  vous  m'ayez  répondu  et  assuré  de   votre  bonne 

1  L'affaire  des  tabacs;  cf.  257,  II. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  26  I 

amitié.  Et  pour  me  la  prouver  ne  m'épargnez  pas,  chargez  moi 
de  vos  commissions,  et  regardez  moi  comme  un  infâme  si  jamais 
je  déroge  de  mon  devoir  envers  vous. 

J'ai  fait  votre  commission  auprès  de  Mr  Lucadou  il  aura  soin 
de  vous  écrire  ;  recevez  en  attendant  ses  compliments  et  mille 
compliments  à  M"e  Le  Vasseur  ;  je  la  remercie  de  son  souvenir.  Je 
vous  souhaite  bien  de  la  santé  étant  toujours  tout  à  vous. 

Jean  Rousseau. 
Londres,  le  17.  qbre  1766. 


Lord  Strafford^ 


London  S'  James's  Square 
le  28  de  Mars  1766. 
Monsieur,  J'aime  mieux  vous  écrire  en  mauvais  françois  que  de 
vous  donner  lieu  de  croire  que  je  ne  m'intéresse  plus  pour  votre 
bonheur.  J'ai  été  à  votre  maison  à  Chiswick,  le  Vendredy  après  le 
Mardy  que  vous  l'avois  quittée.  J'espère  que  votre  voyage  a  été  très 
agréable  et  que  votre  séjour  d'aprésent  répond  parfaitement  à  vos 
souhaits.  Pendant  l'Eté  je  demeure  dans  la  province  de  York, 
environ  quinze  lieues  de  la  place  où  vous  êtes  et  je  serai  tou- 
jours heureux  de  vous  voir  (et  Mademoiselle)  si  votre  inclination 
ou  commodité  peut  vous  le  faire  agréable,  étant  très  sincèrement 
Monsieur,  votre  obéissant  serviteur. 

Strafford. 

J'étois  bien  aise  d'entendre  que  vous  avez  retrouvé  votre  chien 
qui  est  revenu  de  lui-même.  Je  n'avois  pas  oublié  de  le  mettre 
dans  les  gazettes. 

II 

Monsieur,  Je  vous  assure  que  votre  obligeante  réponse-  à  ma 
lettre  m'a  fait  grand  plaisir,  et  je  suis  réjoui  d'avoir  reçu  votre  se- 
conde lettre'  hier  pour  vous  marquer  la  véritable  satisfaction  que 
j'ai  de  vous  être  utile  en  aucune  manière.  J'ai  eu  mon  libraire  avec 
moi  ce  matin,  et  je  lui  ai  donné  votre  lettre  pour  être  remise  à  ceux 

»  Cf.  p.  26,  n.  3. 

2  Œuvres,  t.  XI,  p.  325,  3  avril. 

"  Œuvres,  t.  XI,  p.  327,  7  avril.  On  voit  qui  est  \lilord*** . 


2b2  ANNALES   DE   LA   SOCIETE  .1.   .1.    ROUSSEAU 

qui  sont  employés  sur  le  S'  James's  Chronicle  et  l'ai  chargé  de  la 
remettre  à  eux  et  de  la  faire  inserrer  dans  leur  papier,  et  dans  un 
autre.  Il  m'a  demandé  si  elle  devoit  être  traduite;  je  lui  ai  dit  d'a- 
voir l'original  mis  en  François  et  une  traduction  après,  car  il  y  a 
toujours  danger  de  changer  le  sens  par  un  autre  langage.  J'espère 
que  cela  se  fera  comme  vous  le  souhaitez.  Je  suis  obligé  d'aller  à 
la  campagne  demain  pour  douze  jours,  mais  à  mon  retour  je  ne 
manquerai  pas  de  vous  informer  de  ce  qui  s'est  passé  dans  cette 
affaire.  Je  serai  toujours  réjoui  de  vous  voir  chez  moi  et  ne  man- 
querai pas  de  venir  à  vous,  si  je  suis  proche  de  votre  demeure. 
Je  vous  ferois  toutes  les  offres  en  mon  pouvoir  si  je  n'étois  assuré 
que  c'est  ce  que  vous  évitez  d'entendre.  Permettez  moi  de  vous 
prier  d'être  tranquille  sur  le  sujet  qui  vous  a  fait  de  la  peine,  car 
ordinairement  en  ce  pays,  le  public  rend  justice  après  avoir  essayé 
de  s'amuser  avec  ce  qui  est  nouveau.  Je  suis  si  désaccoutumé 
d'écrire  en  François  depuis  plusieurs  années,  que  j'espère  que 
vous  aurez  la  bonté  de  pardonner  les  fautes  de  langage  et  d'ortho- 
graphe, comme  cette  lettre  est  écrite  par  quelqu'un  qui  souhaite 
très  sincèrement  votre  santé  et  bonheur. 

J'ai  le  plaisir  d'être  votre  très  obéissant  serviteur, 

Strafford. 

Londres  le  lo  d'Avril  1766. 

III 

Monsieur,  Je  vous  assure  très  sincèrement  que  votre  obligeante 
lettre  *  m'a  donné  beaucoup  de  plaisir  et  quoi  qu'elle  me  donne 
de  la  peine  que  vous  avez  ressenti  tant  d'inquiétude  sur  la  lettre 
qui  a  été  publiée  dans  la  St  James's  Chronicle,  qui  certainement 
n'est  pas  capable  à  ce  qui  me  paroît  de  vous  faire  aucun  tort  dans 
l'opinion  qu'on  doit  avoir  très  justement  de  votre  grand  mérite. 

Je  suis  venu  hier  à  Londres  de  la  campagne,  et  m'informai  d'a- 
bord de  mon  libraire  s'il  avoit  exécuté  ce  que  je  lui  avois  dit.  Il 
m'a  montré  le  papier  avec  votre  lettre  et  la  traduction  inserrée, 
qu,i  j'espère  a  été  exécutée  selon-  vos  souhaits*.  Votre  santé  et 
bonheur  est  avec  grande  vérité  souhaitée  par  Monsieur  votre  très 
obéissant  serviteur. 


Strafford. 
Œuvres,  t.  XI,  p.  33 1,  19  avril. 


LETTRES   DE  DIVERS  A   ROUSSEAU  263 

Boothby  ^ 


Marseilles  Dec.  23.  1766, 

Mon  cher  Monsieur,  Je  viens  de  lire  les  pièces  justificatives  de 
Hume,  je  ne  puis  pas  vous  exprimer  la  peine  que  m'en  a  fait  la 
lecture.  Ah  Monsieur,  que  vous  avez  bien  dit,  qu'une  âme  trop 
sensible  étoit  un  funeste  don^  du  ciel  !  votre  vie  n'en  a  été  qu'un 
frappant  exemple.  —  J'ai  relu  les  pièces  de  Hume  a  plusieurs  de 
mes  compatriotes  qui  se  trouvent  ici  ;  ils  étoient  tous  d'avis  que 
si  vous  aviez  tort,  c'étoit  le  tort  d'une  grande  et  belle  âme,  peu 
faite  pour  se  lier  avec  ce  cœur  insensible  et  froid  qui  semble  me- 
surer ses  idées  de  l'amitié  par  les  règles  de  la  mathématique. 
Quant  à  moi,  je  n'ai  pas  hésité  de  crier  : 

«  Absentem  qui  rodit  amicum. 
Qui  non  défendit,  alio  culpante;  solutos 
Qui  caput  risus  hominum  famamque  dicacis  ; 
Fingere  qui  non  visa  potest  ;  commissa  tacere 
Qui  nequit.  Hic  niger  est,  hune  tu,  Romane,  caveto'.  » 

Je  vous  félicite  pourtant  d'être  dans  un  pays  où  il  faut  que  les 
envieux  se  bornent  à  vous  médire;  vous  y  êtes  en  sûreté,  Mon- 
sieur. Appuyez  vous  donc  sur  la  postérité  pour  vous  honorer 
comme  le  bienfaiteur  du  genre  humain  et  assurez-vous  qu'il  ne 
manque  pas  même  aujourd'hui  de  gens  qui  ont  assez  de  lumières 
pour  sentir  toute  la  force  de  vos  vérités  et  qui  ne  sont  nullement 
blasées  par  la  supériorité  de  vos  talents.  Quant  au  rôle  que  joue 
Voltaire  dans  cette  affaire  c'est  digne  d'un  homme  qu'on  doit  re- 
garder comme  le  fléau  du  siècle,  et  pour  le  caractère  duquel  j'ai 
toujours  eu  le  mépris  le  plus  profond.  Au  reste  souvenez-vous 
que  Socrate  avoit  son  Aristophane*. 

Ce  beau  climat  convient  assez  à  l'état  foible  de  ma  santé.  Je 
crois  pourtant  que  je  serai  obligé  de  revisiter  l'Angleterre  dans  le 
mois  de  Mai.  Je  me  promets  une  sincère  satisfaction  en  vous  assu- 
rant en  personne  du  respect  avec  lequel  je  suis  votre  vrai  admi- 
rateur et  serviteur  très  humble 

B.   BoOTHBY. 

1  Cf.  p.  59,  n.  4. 

2  Œuvres,  t.  IV,  p.   58,   Nouvelle  Héloise :  S*  Preux  à  Julie,   I,   xxvi. 
^  Horace,  Satires,  I,  4,  vers  80-84. 

*  Malthus  y  avait  déjà  songé  ;  cf.  p.  216. 


264  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

Ayez  la  bonté  Monsieur  de  faire  bien  mes  compliments  à 
Mad'ie  Le  Vasseur.  Je  n'ai  pas  pu  trouver  encore  aucun  de  ces 
livres  botanique,  mais  comme  je  compte  de  passer  par  Paris  en  m'en 
retournant  en  Angleterre,  j'espère  vous  en  apporter  quelques  uns. 
Oserois-je  vous  prier  de  me  donner  de  vos  nouvelles  ?  Il  me  don- 
nefoit  une  satisfaction  sensible  d'entendre  que  vous  jouissiez  d'un 
repos  si  nécessaire  à  votre  santé.  Je  ne  vous  dis  rien  des  affaires 
de  votre  ancienne  république,  quoi  qu'elles  m'ont  assez  occupé 
depuis  que  je  suis  dans  ce  pays  ci:  sachant  que  si  vous  y  prenez 
quelque  intérêt  encore,  vous  avez  des  amis  sur  le  lieu,  beaucoup 
plus  capables  que  moi  de  vous  en  donner  vine  juste  idée,  surtout 
dans  une  langue  dont  je  ne  connois  guères  la  force.  Mes  lettres 
me  sont  adressées  chez  Monsieur  Birbeck  Consul  Anglois  à  Mar- 
seilles. 

II 

Bethisbet  Fév.  24  1768. 
Monsieur, 

Selon  les  directions  que  vous  me  donnâtes  il  y  a  quelques  mois, 
dans  une  lettre'  que  vous  me  fîtes  l'honneur  de  m'écrire  à  Mar- 
seilles,  j'ai  reçu  de  Mad^  du  Chesne  un  paquet  pour  vous.  —  J'a- 
vois  le  malheur  de  ne  vous  plus  trouver  dans  le  Comté  de  Derby, 
d'où  vous  étiez  parti  le  jour  même  avant  mon  arrivée  à  Ashborn. 
Depuis  ce  temps  là  j'ai  cherché  une  occasion  de  vous  le  renvoyer, 
et  ce  n'est  qu'aujourd'hui  que  Milord  Nuneham  me  mande  qu'il 
croit  pouvoir  vous  le  remettre.  J'avois  trouvé  quelques-uns  de 
ces  livres  botaniques  dont  vous  me  fîtes  une  note,  j'ai  pris  la 
liberté  de  vous  en  envoyer  deux  ;  je  voudrois  qu'ils  fussent  plus 
dignes  de  vous  présenter.  Si  je  pouvois  croire  qu'ils  vous  occu- 
peront agréablement  pour  un  moment,  cela  me  feroit  un  vrai 
plaisir. 

Je  sentis  bien  du  chagrin  de  ne  vous  plus  trouver  à  la  campa- 
gne ;  je  m'étois  formé  tant  de  petits  projets  de  vous  voir  de  tems 
en  tems,  surtout  de  vous  amener  dans  des  certains  vallons  où 
vous'  eussiez  trouvé  de  quoi  vous  fournir  bien  des  spéculations 
botaniques,  et  où  vous  eussiez  vu  tout  ce  que  la  simple  nature  a 
de  plus  beau. 

Pardonnez  moi,  Monsieur,  s'il  faut  que  je  m'intéresse  à  ce  que 
vous  aimez.  Je  ne  vous  connois  guère  que  dans  vos  écrits  :  c'est 
eux  seuls  parmi   les,  modernes  qui   semblent  faits   pour  inspirer 

*  Inconnue. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  205 

J'amour  de  la  vertu  comme  un  sentiment,  qui  savent  y  intéresser 
à  la  fois  le  cœur  et  l'esprit. 

Je  sens  que  je  ne  pourrois  jamais  former  une  amitié  avec  l'hom- 
me qui  pourroit  lire  de  tels  écrits  sans  en  aimer  l'auteur.  Je  crois 
voir  dans  une  maxime  de  Pascal  la  cause  pourquoi  presque  tous 
les  auteurs  vos  contemporains  s'acharnent  contre  vous.  «  Quand 
»  tous  vont  vers  le  dérèglement,  dit-il,  nul  ne  semble  y  aller.  Qui 
»  s'arrête  fait  remarquer  l'emportement  des  autres  comme  un  point 
»  fixe.  »  Il  est  bien  naturel  que  les  hommes  s'occupent  de  détruire 
une  telle  marque. 

Ma  pauvre  patrie  se  trouve  à  présent  dans  un  cas  vraiment  dé- 
plorable. Le  tiers  du  peuple  manque  du  pain  ;  cette  nation  sem- 
ble être  attaquée  d'une  des  plus  dangereuses  maladies  qui  puisse 
arriver  à  un  Etat,  /.  e.,  la  pauvreté  publique  et  la  richesse  im- 
mense des  particuliers  :  le  public  doit  à  ces  individus  près  de 
i5ooooooo  livres  sterling. 

Tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie  est  taxé  au  dernier  point 
pour  payer  l'intérêt  de  cette  dette.  D'où  il  arrive  qu'il  n'y  a  que 
ces  mêmes  gens  riches  qui  puissent  vivre.  En  un  mot,  nos  succès 
et  nos  conquêtes  nous  ont  inondés. 

Il  y  a  six  mois  que  je  me  trouve  chez  mon  régiment  au  Nord  de 
l'Irlande.  J'ai  peur  qu'une  vie  militaire  ne  me  conviendroit  guère. 
J'ai  le  tempéramment  bien  délicat,  faute  d'une  mauvaise  éduca- 
tion, car  j'ai  les  stamina  vitx  bons.  Je  ne  sais  pas  s'il  me  reste 
assez  de  force  pour  corriger  un  tel  mal. 

Si  Madi'e  Le  Vasseur  est  avec  vous,  je  vous  prie  de  lui  faire  mes 
compliments.  Un  mot  de  vos  nouvelles, me  feroil  bien  du  plaisir. 
Mon  adresse  est  sous  enveloppe  à  Milord  vicomte  Nuneham,  Ca- 
vendish  Square,  London.  Je  suis,  Monsieur,  avec  du  vrai  respect, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

B.   BOOTHBY. 

Vous  saurez  pardonner  mille  bévues  que  j'ai  fais  dans  une  lan- 
gue que  je  n'entends  pas. 

John  Hall 

A  Gisborough  le  3i  Janv.  1766. 

Je  ne  saurois  me  refuser  au  plaisir  Monsieur  de  vous  féliciter 
sur  votre  arrivée  en  Angleterre,  et  je  partage  la  joie  de  mes 
compatriotes  dans  un  événement  qui  leur  fait  tant  d'honneur. 
Déjà  nous  vous  devions  vos  divins  ouvrages,  vous  comblez  notre 
bonheur  en  nous  donnant   leur  aimable  auteur.  Je   n'oserois  pas 


-266  ANNAI.KS   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

VOUS  faire  offre  de  mes  foibles  services,  ce  seroit  insulter  à  l'huma- 
nité et  surtout  à  mon  pays,  que  de  supposer  que  vous  pourriez 
manquer  d'amis  ;  vous  en  avez  autant  que  d'admirateurs,  mais 
vous  connoissez  trop  les  charmes  de  la  liberté,  pour  qu'on  puisse 
se  flatter  de  vous  imposer  le  joug  d'une  obligation.  En  attendant 
que  je  sois  assez  riche  pour  vous  ériger  des  statues  et  des  temples, 
vous  aurez  dans  mon  cœur  un  autel  où  je  ferai  mes  éternels 
hommages.  Les  devoirs  de  mon  abominable  métier  qui  m'appel- 
lent en  Irlande  m'empêchent  pour  à  présent  de  vous  rendre  mes 
respects.  J'espère  que  votre  séjour  ici  sera  assez  long  pour  m'en 
fournir  l'occasion.  Inconnu  de  vous,  je  vous  connois  trop,  Mon- 
sieur, pour  ne  pas  vouloir  me  souscrire  avec  beaucoup  de  consi- 
dération et  d'estime,  votre  admirateur,  votre  ami  et  votre  serviteur 
très  humble. 

John  Hall 

Colonel  des  Dragons  légers. 


John  Gregory^ 

Sir,  Permit  a  Etranger,  who  admires  and  loves  you,  to  break  a 
little  into  your  Retirement.  When  I  consider  how  unworthily  the 
World  has  treated  you,  the  Friend  of  Virtue  and  Mankind,  the 
Apertor  of  their  most  valuable  Privilèges,  I  am  ashamed  to  think 
I  am  a  Man.  Tho  you  may  hâve  a  Magnanimity  that  renders  you 
superior  to  Misfortunes,  yet,  I  am  afraid  you  hâve  a  Heart  too 
delicately  sensible  not  to  feel  the  Stings  of  Ingratitude. 

I  take  the  Liberty  to  présent  you  with  a  little  Work-  in  which 
you  will  find  many  of  your  own  Sentiments,  but  nothing  of  that 
irresistably  conîmending  Eloquence  which  eminently  distinguishes 
your  Writings.  —  It  is  carelessly  and  loosely  wrote,  as  the  Occa- 
sion on  which  it  was  composed  did  not  require  that  Accuracy  and 
Elégance  of  Expression  which  may  be  proper  in  a  Worl>  intended 
to  be  offered  to  the  Public.  —  If  it  has  any  merit,  it  consists  in 
being  the  genuine  Effusions  of  the  Heart  —  pêrhaps  in  many 
places  it  is  too  much  so.  —  Grief,  occasioned  by  the  loss  of  a  Be- 
loved  Object,  naturally  gives  that  Tiricture  of  Melancholy  to  the 
Sentiments,  which  a  gay  and  thoughtless  Heart,  never  softened  by 

1  John  Gregory  (i 724-1773),  professeur  à  l'Université  d'Edimbourg, 
médçcin  du  roi,  ami  mtime  de  Hume,  de  Blair,  etc. 

-  A  Comparative  viejû  of  the  State  and  Faculties  of  Man  with  those 
of  the  Animal  World.  2°'' Ed.  London,  1766,  8*. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  267 

past  Endearments   of  Love,   is  ready  to  consider  as  the  Enthu- 
siasm  of  a  weak  Mind. 

In  a  future  Edition,  I  propose  to  make  many  Additions,  parti- 
cularly  to  the  first  Part.  I  shall  then  he  able  to  avail  myself  of 
many  of  your  writings  to  which  I  was  a  Stranger  when  the  Dis- 
courses were  composed.  —  I  may,  perhaps,  be  able  to  express 
some  of  your  Sentiments  in  a  way  more  suited  to  the  capacity  of 
the  bulk  of  Mankind,  because  I  myself  am  nearer  their  Level.  — 
There  is  a  Strenth  [sic]  of  Conception  and  Brilliancy  of  Expression 
possessed  by  a  Writer  of  Genius  which  confounds  Vulgar  Minds 
who  yet  wish  to  be  thought  above  the  common  Rank.  As  they 
are  incapable  of  entering  into  his  extensive  Views,  and  feel  his  Su- 
periority  while  they  are  ashamed  to  acknowledge  it,  thev  endea- 
vour  to  lessen  his  Réputation  by  representing  him  as  an  Infidel 
and  a  Lover  of  Paradoxes  I  Without  examining  the  gênerai  Spirit 
-and  Tendency  of  his  Principles,  they  wrest  his  particular  expres- 
sions to  a  Meaninghe  never  dreamt  of,  with  that  meanness  and  want 
of  Candor  so  peculiar  to  Little  Minds.  —  The  Exubérances  of  a 
warm  heart  and  Elevated  Genius,  and  thèse  enlarged  and  uncom- 
mon  Sentiments,  which  they  are  apt  to  express  with  ail  the  boldness 
of  conscious  Innocence,  seem  to  be  the  natural  Prey  of  Dulness 
and  Envy. 

I  congratulate  you  on  your  arrivai  in  this  Land  of  Freedom. 
Hère  at  least  your  Person  will  be  secure  from  Insuit.  You  will  find 
Us  hastening  to  that  Period  which  Nature  has  assigned  to  great 
States  as  well  as  to  Individuals.  But  tho  ail  those  Virtues,  which 
alone  give  Stability  to  public  Liberty  décline  among  us  apace, 
yet  they  are  still  respected  ;  of  which  I  hope  your  réception  in 
England  will  be  a  sufficient  Proof. 

If  Mr  Hume  is  with  you  I  beg  you  will  présent  mv  affectionate 
Compliments  to  him.  You  and  he  are  of  very  différent  Tempers, 
and  in  some  points  of  very  différent  Sentiments.  But  there  seems  to 
be  a  secret  Sympathy  which  always  unités  people  of  Good  Hearts 
and  extensive  Genius  together.  —  If  this  Observation  is  just,  surely 
the  Friendship  between  vou  Two  must  be  very  perfect. 

I  hâve  the  Honor  to  be  with  the  most  perfect  Esteem,  Sir,  your 
most  obedient  humble  servant, 

Jo.  Gregory. 
Edinburgh  February  ist  ijG6^ 


1  Au  crayon,  à  la  suite  de  cette  ligne  :  To  \  M'^  Gregory  at  M'^  Arbur 
tons  I  Brown   Buildings  \  Edinburgh. 


268  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 


Morel-Disque. 

Monsieur',  J'ai  receu  la  lettre  dont  vous  m"avés  honoré-,  par 
laquelle  je  vois,  que  vous  n'avés  pas  encore  receu  la  malle,  qui 
a  été  embarqué  a  votre  addresse,  sur  le  navire  du  Capne  Clara- 
butt.  L'usage  est  dans  le  commerce,  que  le  Capitaine  de  navire, 
qui  reçoit  des  effets  dans  son  bord,  signe  toujours  trois  connois- 
sements  dont  un  pour  le  chargeur,  un  pour  lui  et  un  pour  la 
personne  à  laquelle  les  effets  sont  addressés.  Je  vous  envoie  le 
mien  pour  remplacer  celui  qui  se  trouve  égarré  !  il  faut  que  votre 
ami  s'addresse  à  M""  Twyman,  courtier,  ou  au  Capne  Wme  Gillbé, 
sur  la  Bourse,  l'un  ou  l'autre  vous  aideront  à  trouver  cette 
malle,  sur  laquelle  est  votre  addresse  écritte  sur  un  morceau  de 
parchemin  ;  laquelle  malle  est  sûrement  en  dépôt  à  la  Douane  de 
Londres.  Si  vous  eussiés  chargé  quelque  marchand  de  la  Bourse, 
vous  eussiés  eu  votre  malle  dans  l'instant,  dont  le  Capitaine  de 
navire  est  garant.  Vous  ne  devés  en  avoir  nulle  inquiétude,  il  faut 
qu'elle  se  retrouve.  Un  grand  Philosophe,  comme  Mons.  Jean 
Jacques  Rousseau,  n'est  pas  obligé  de  sçavoir  des  choses  si  sim- 
ples, que  le  moindre  commis  d'un  négociant  vous  eut  expliqué. 
La  présente  arrivera  après  le  départ  du  Capne  Clarabutt,  que 
l'on  attend  icy,  auquel  je  parlerai  de  votre  malle,  quoy  que  je  sois 
certain  qu'elle  est  resté  à  la  Douane  de  Londres. 

Je  voudrois  pouvoir  méritter  les  remercîments  que  vous  me 
faite  au  sujet  de  Mlle  Le  Vasseur,  à  laquelle  j'ay  rendu  les  ser- 
vices qui  ont  dépendu  de  moy.  Je  me  suis  fais  un  honneur,  tant 
par  raport  à  vous,  que  par  raport  à  elle,  de  tenir  la  parole  que  je 
vous  avois  donné,  de  l'aider  pour  son  passage,,  en  tout  ce  qui 
auroit  été  en  moh  pouvoir,  trop  heureux  si  j'ay  pu  vous  convain- 
cre des  sentim'ents  parfaits  avec  lesquels  j'ay  l'honneur  de  vous 
reitérer  l'offre  de  mes  services  en  ce  pays,  ayant  celui  d'être 
bien  sincèrement.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur, 

MoREL-DlSQUE. 

Je  prie  Mlle  Le  Vasseur,  de  recevoir  icy  les  assurances  de  mes 
obéissances  très  humbles. 

à  Calais  le  3  mars  1766. 


1  To\  Jean- Jaques    Rousseau,   Esq' \  at  M'  Pullein's,    Grocer  \  Cliis- 
>!ck  I  near  London. 

2  Lettre  inconnue. 


LETTRES  DE  DIVERS  A  ROUSSEAU  269 

Mon  principal  commerce  est  en  vin  de  France,  tant  Claret  de 
Bordeaux  que  Bourgogne  et  Champagne  ;  j'en  envoie  beaucoup 
en  Angleterre  ;  oserais-je  vous  supplier  de  les  annoncer  à  vos 
amis,  et  de  leur  donner  mon  addresse. 

Lucadou  et  Drake^ 

Union  Court  mercredi  [5  mars  1766]  à  5  heures. 

Nous  avons  bien  reçu.  Monsieur,  votre  paquet  du  2  et.  et  vos 
incluses  eurent  cours  par  le  courier  d'hyer. 

Ce  matin  nous  sont  aussi  parvenues  nos. trois  lettres  pour  Pa- 
ris 2,  Amsterdam*  et  Dorking*;  celle  cy  partira  ce  soir  et  après 
demain  nous  mettrons  à  la  poste  les  deux  autres. 

Nous  sentons  parfaitement  bien,  Monsieur,  que  vous  devés  être 
fort  occupé  et  quoi  que  le  plaisir  de  recevoir  de  vos  lettres  nous 
fîatte  infiniment,  nous  serions  très  fâché  que  nous  vous  gênassiés 
pour  nous  le  procurer.  Envoyés  nous  donc  sans  façon  vos  lettres 
lorsque  vous  n'aurés  pas  de  nécessité  à  nous  écrire,  nous  en  au- 
rons soin. 

Lucadou  est  très  sensible  à  votre  période  obligeante  et  il  usera 
discrètement  de  la  permission  que  vous  voulés  bien  lui  donner  et 
il  vous  présente  ses  respects. 

Nous  avons  l'honneur  d'être  véritablement.  Monsieur,  vos  très 
humbles  obéissans  serviteurs. 

Lucadou  &  Drake. 

Le  Chevalier  de  Beauteville^ 

A  Genève  le  9e  may  1766. 
Vous  me  rappeliez®.  Monsieur,  un  nom  dont  je  ne  sçaurois  me 
souvenir  sans  regret  et  sans  attendrissement.  La  mémoire  de  feu 
M.  le  Maréchal  de  Luxembourg  me  sera  toujours  chère,  ses  sen- 
timens  me  seront  précieux,  et  je  n'oublieray  jamais  son  amitié 
pour  vous.  Il  vous  connoissait,  et  il  se  plaisoit  à  vous  rendre  jus- 

'  Lettre  écrite  en  3"  page  de  la  lettre  de  Morel-Disque. 
-  à  Du  Peyrou?  Cf.  Œuvres,  t.  XI,  p.  314,  2  mars  1766. 
3  à  Rey,  3  mars;  Bosscha,  0.  c,  p.  268. 
*  à  Malthus  ;  lettre  inconnue. 

»  Représentant  de  la  France  à  Genève,  lors  de  l'intervention  des  puis- 
sances médiatrices. 
6  Œ livres,  t.  XI,  p.  3i3,  à  Beauteville,  2  3  février  1766. 


270  ANNALES   DE   LA   SOCIKTl':  J.   .1.    ROUSSEAU 

tice.  Croyez  aussi,  Monsieur,  que  personne  ne  joint  avec  plus  de 
plaisir  que  moy  son  suffrage  aux  applaudissemens  de  l'Europe, 
qui  depuis  le  moment  que  vous  vous  êtes  déterminé  à  paroître, 
s"est  empressée  d'honorer  vos  talens  et  vôtre  génie.  Plut  à  Dieu 
que  vous  ne  les  eussiez  jamais  employés  que  pour  le  bien  de  vo- 
tre patrie  !  vous  l'aimez  sans  doute,  et  c'est  à  force  de  l'aimer  que 
vous  avez  peut  être  contribué  à  son  malheur.  Je  répète  souvent 
ce  que  vous  en  avez  écrit  vous  même  ;  que  son  bonheur  étoittout 
fait,  qu'il  ne  falloit  qu'en  jouir,  et  qu'elle  n'avoit  plus  besoin, 
pour  devenir  parfaitement  heureuse,  que  de  sçavoir  se  contenter 
de  l'être  ;  mais  la  part  que  vous  avez  eue  aux  tristes  dissenssions 
qui  agitent  aujourd'huy  cet  Etat,  m'interdit  de  m'en  entretenir 
avec  vous.  Au  reste  tous  les  Genevois  sans  distinction  trouvent 
auprès  de  moy  l'accès  le  plus  facile  et  je  serai  fort  aise  de  faire 
connoitre  à  M'"  d'Yvernois  en  particulier,  l'envie  que  j'ay  d'être 
utile  à  un  homme  que  vous  me  présentez  comme  vôtre  amy. 

J'ay  l'honneur  d'être  bien    sincèrement,   Monsieur,  votre  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

le  chler  de  Beauteville'. 


Kenrick '. 

Hammersmith  Sept,  gih  1766. 
Sir,  The  translator  of  Eloïsa*,  Emilius*,  etc.  having  finishedan 
English  version  of  your  other  pièces*,  with  a  view  to  the  publica- 
tion of  an  uniform  and  complète  édition  of  your  works,  the  pro- 
prietors  are  very  naturally  désirons  to  pretîx  some  account  of  the 
life  of  the  Author.  As  such  an  account,  however,  can  be  but  im- 
perfectly  drawn  up,  and  may  be  subject  to  some  misrepresenta- 
tion,  from  unauthenticated  materials,  I  take  this  liberty  to  inform 
you  of  their  design,  and  at  the  saine  time  of  their  wishes  that  you 

1  Cette  signature  seule  est  autographe, 

^  fo  I  M'  J.   J.    Rousseau  |  afWootton    near  |  Ashborn  \  Derbysliire. 

:' 4  vol.  in-i2%  Dublin,  1 761,  traduction  qui  lui  valut  le  doctorat  en 
droit  de  St.  Andrews. 

*  3  vol.  in-i2»,  Edinbourgh,  1763. 

^  This  Day  were  published  in  5  vols.  Duodecimo,  Price  i5  s.  bound, 
(now  first  translated  into  English)  Mr.  Rousseau's  J//5ce//^Heows  Works, 
containing,  voL  I...  voF.  V...  Printed  for  T.  Becket  and  P.  A.  De  Hondt, 
near  Surry-street  in  the  Strand  (The  London  Chronicle,  vol.  XM, 
n»  1624,  from  Thursday,  May  14,  to  Saturday,  May  16,  1767.) 


LETTRES   DE   DIVERS   A   ROUSSEAU  27  I 

would  please  to  favour  them  with  such  anecdotes,  or  sketch  of 
Personal  history,  as  you  may  think  proper,  for  that  purpose  :  in 
which  case  your  may  be  assured  of  their  being  made  use  of 
in  a  manner  agreeable  to  the  regard,  which  is  entertained  for 
the  very  respectable  character  of  Mr  Rousseau  by  his  humble  ser- 
vant, 

W.  Kenrick. 

P.  S.  If  Ml"  Rousseau  hath  any  new  pièce,  corrections,  orother 
communications  to  confer  on  this  new  édition  of  his  works,  they 
shall  be  disposed  in  such  a  manner  as  he  shall  please  to  direct,  and 
will  be  acknowledged  as  an  additional  favour  in  what  method  he 
shall  think  proper.  —  The  work  being  at  press,  the  favour  of  a 
speedy  answer  is  requested,  under  the  address  of  Mess""*  Becket 
and  de  Hondt  Booksellers  in  the  Strand. 

Lamande  ^ 

Monsieur  et  cher  Compatriote^,  Les  soupçons  que  l'on  a  eu 
que  je  pouvois  être  l'auteur  du  Dictionnaire  Négatif  et  Tapas  que 
l'on  a  donné  de  deux  mille  Ecus,  m'ont  tout  fait  craindre  du  côté 
des  faux  témoignages,  dont  nôtre  ville  dans  les  circonstances  ac- 
tuelles est  assés  susceptible.  Dans  cet  état  critique  plusieurs  amis 
et  parens  me  conseillèrent  de  gagner  l'Angleterre,  ou  je  suis  de- 
puis environ  six  semaines  dans  le  Château  de  Mr  Hall',  chez 
lequel  j'ai  goûté  les  agrémens  de  la  bonne  Compagnie  et  de  la 
Chasse,  en  attendant  inutilement  des  nouvelles  de  chez  moi  — 
d'où  après  avoir  longtems  combattu  contre  l'impatience  de  cette 
privation,  j'ai  enfin  succombé,  dans  l'idée  que  mes  lettres  ont 
été  interceptées.  Tous  ces  motifs  m'en  gagent  à  repasser  la  mer 
pour  pouvoir  éclaircir  mes  craintes,  comme  de  sçavoir  à  Lon- 
dres par  Messis  Trembley  et  Pictet  les  suittes  des  soupçons  que 
l'on  a  contre  moi,  je  dis  soupçons,  par  ce  que  l'on  ne  peut  point 
avoir  de  preuve.  Vous  n'ignorez  pas  mon  cher  Concitoien  que  le 
premier  de  ces  Messieurs  est  venu  en  Angleterre  pour  lui  deman- 
der sa  protection  contre  l'injustice  criante  à  lui  faite,  et  que  la 
Cour  ne  paroit  pas  inclinée  à  l'accorder.  Ce  refus  seroit  d'autant 
plus  fâcheux,  qu'il  éloigneroit   le   retour   du  calme  et  de  la  tran- 

>  Cf.  p.  234,  in. 

-  To  I  M'  John   James  Rousseau  \  at  M'  Davenports  \  in  |  Derbyshiie . 

•'  Château  de  Skelton,  à  3  milles  de  Guisborough  (Yorkshire),  près  de 
Whitby;  il  s'agit  sans  doute  du  colonel  Hall,  qui  fut  des  premiers  à 
saluer  la  venue  de  Jean-Jacques  sur  le  sol  britannique.  Cf.  p.  265. 


272  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

quillité,  puisque  les  citoyens  ne  peuvent  plus  douter  de  l'extrême 
partialité  des  Médiateurs,  par  leur  déclaration  justificative  du 
25  juillet. 

Au  reste,  mon  cher  Monsieur,  je  croirai  manquer  à  ce  que  je 
vous  dois  en  qualité  de  Citoyen  représentant,  à  celui  qui  nous  a 
si  bien  éclairé,  à  celui  qui  a  toujours  fait  des  vœux  pour  notre 
bonheur,  à  celui  qui  fait  l'honneur  de  notre  République,  si  je 
m'en  retournai  sans  avoir  le  doux  plaisir  de  vous  voir,  de  man- 
ger la  soupe  et  le  bouly'  de  celui  que  j'ai  toujours  admiré  dans 
ses  écrits  et  dans  sa  conduitte,  et  d'aprendre  par  son  canal  des 
nouvelles  de  notre  bon  ami  commun  Dyvernois  :  Et  désirant  ac- 
cellérer  ces  agrémens  je  partirai  demain. 

Quand  je  n'aurai  eu  que  la  qualité  de  véritable  citoyen  de  Ge- 
nève j'aurai  de  même  pris  la  liberté  de  vous  écrire  et  celle  de  vous 
aller  voir;  mais  à  ce  motif  se  joint  celui  d'avoir  profité  plusieurs 
fois  de  vos  entretiens  à  Paris  en  compagnie  de  Mr  Delaire. 

J'ay  l'honneur  d'être  avec  la  considération  la  plus  distinguée, 
Monsieur  et  cher  concitoien  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur, 

Lamande  Jaquet. 

Du  Château  de  Skelton  Comté  de  York  le  3me  8bre  1766. 


[Stewart^] 

[Début  de  1767.2J 

Il  y  a  longtemps  que  j'ai  balancé  si  je  vous  écrirois  ou  non, 
Monsieur.  Mon  ignorance  de  votre  langue,  m'a  retenu  jusqu'ici  ; 
c'étoit  une  sotte  vanité  dont  je  me  suis  à  la  fin"  défait,  car  sûre- 
ment Jean-Jacques  aimera  mieux  une  lettre  mal  écrite,  mais  qui 
part  du  cœur  et  que  dicte  l'amour  de  la  vertu,  que  le  plus  beau 
style  où  l'esprit  seul  parleroit.  Dans  une  des  notes  sur  votre  lettre 
à  Mr  Hume',  il  est  parlé  de  moi.  J'étois  à  Paris  quand  ces  pièces 
parurent,  et  j'ai  cru  qu'il  me  serait  permis  de  vous  écrire,  mais 
malgré  l'envie  que  j'en  avois,  je  ne  l'osais  pas,  quoique  l'idée  d'être 
regardé  par  vous  au  nombre  de  vos  ennemis,  m'a  toujours  fait  la 
plus  sensible  peine.  Il  y  a  d'autres  parties  dans  votre  lettre  où  je 

1  Bœuf  bouilli  :  le  pot-au-feu. 

2  Cf.  p.  193,  XXXIVr  La  lettre  égarée  par  Davenport  était  probablement 
la  réponse  de  Rousseau  à  la  lettre  de  Stewart.  Voir  aussi  la  note  sui- 
vante. 

^  Exposé,  etc.,  p.  59,  n.  5,  ou  Œuvres,  t.  XI,  à  Hume,  p.  357,  ri-  '• 


LETTRES   DE  DIVERS   A   ROUSSEAU  273 

me  reconnois,  sans  cependant  être  nommé,  et  vous  me  traitez 
toujours  en  ami  de  Mr  Hume,  avec  qui  je  n'avois  nulle  liaison 
avant  votre  arrivée  en  Angleterre  ;  je  ne  l'avois  même  jamais  vu 
qu'une  seule  fois  auparavant.  Mais  l'envie  extrême  de  voir  un 
homme  comme  vous,  Monsieur,  célèbre  par  son  génie,  par  ses 
malheurs,  m'avoit  fait  lier  connaissance  avec  lui,  comme  le  seul 
moyen  de  vous  voir.  C'étoit  un  plaisir  que  j'ai  brigué  avec  plus 
d'ardeur  que  la  plupart  du  monde  brigueroit  un  emploi  à  la  cour, 
et  c'est  une  véritable  obligation  que  je  dois  à  Mr  Hume,  de  m'a- 
voir  procuré  cette  connoissance.  Je  ne  veux  pas  vous  faire  des 
compliments,  vous  ne  les  aimez  pas.  Monsieur,  et  j'ai  trop  étudié 
vos  ouvrages  pour  aimer  en  faire,  mais  permettez  que  je  vous  re- 
mercie du  profit  que  j'ai  tiré  de  vos  écrits,  car  si  j'ai  une  façon  de 
penser  un  peu  au-dessus  du  vulgaire,  et  si  j"ai  le  courage,  quoique 
homme  de  qualité,  de  me  déclarer  hautement  votre  ami,  au  milieu 
de  vos  ennemis,  c'est  à  vous,  Monsieur  que  je  le  dois. 


Edmond  Jessop\ 

Die  quarto  Nonarum^  Maii  1767. 
Edmundus  Jessop  J.  J.  Rousseau.  S. 

Gratulor  mihi.  Domine  maxime  Colende,  occasionem  esse  da- 
tam  epistolae  hujus,  et  quamvis  ab  ignoto,  spero  tamen  te  non 
aegre  laturum  ;  Et  scriptis  Vestris  in  ipsà  Veritate  fundatis,  nescio 
quo  desiderio  flagravi,  ut  notum  tibi  fieret,  quanto  autorem  pretio 
habuissem  ;  postponatur,  quaeso,  criticum  judiciuni  tuum,  dum, 
pro  more  hodiernae  Doctrinse,  idioma  Anglicanum  Romanis  ver- 
bis  commisceo  ;  Me  maxime  et  saepissimè  dolet,  te  maximum, 
et  pro  meâ  sententiâ  Unicum  hujus  .^vi  philosophum  a  tyran- 
nis  politicis,  et  sacris,  nil  nisi  injurias  accipere  ;  minime  vero 
tu  culpandus,  te  potius  consolator  quasi  Veritatis  fratem  ;  Hu- 
jus Sasculi  mores,  omnium  pessimorum  tenaces,  optimis  aver- 
santur,  libéra  nolunt,  servilia  optant;  Tentamini  politico  a  te 
conscripto  dant  terga  insipientes,  et  affirmanti  maie  militare 
Christianos  veros,  uno  animo  conviciantur;  tibi  asserenti,  et  pro- 
prio  damno  propugnanti,  jura  hominum  naturalia,  non  gratias,  non 
bénéficia,  non  commodata  tribuuntur,  sed  ingrata,  sed  malefacta  ; 
Salvum  te  jubeo  heroem  Veritatis  !  omnigenae  doctrinœ  peritum  ! 

'  Ad  I  Dominum  J.  J.  Rousseau. 
-  lo  mai. 


274  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

humani  generis  amicum  !  A  Gonsortio  humano  seclusus,  omnia 
utilia  meditaris,  et  tempore  opportune  digesta  expromis,  proh  ! 
vero  cruda  ingénia  legenlium,  nihil  sapiunt,  nihil  intelligunt  ;  Ins- 
titutionibus  Vestris  nil  dignius  novi,  Quintilianis  certissime  pre- 
ferendis;  Tuuna  est  decretum  hisce  scriptis  Veritatem  et  Usum 
simul  conjungere,  ostentationes  verborum  in  exilium  mittere,  fal- 
sas  et  fictitias  Doctrinas  supprimere,  et  in  sœcula  sœculorum  ve- 
neranda  substituere;  Rationes  propositae  de  modo  educandi  pro- 
cul  dubio  utiliter  valent,  sed  lucro  pr^eceptorum  et  academiarum 
nimis  adversantur,  et  quoad  politica  qviaedam  tua,  tyrannidi  cum 
regum,  tum  clericorum  oppugnant  :  salve  iterum  tutamen  liberta- 
tis  !  et  crede  me  gavisum  esse  te  in  tantis  militare,  te  audacem  esse 
pro  his  perpeti,  et  privato  publicum  commodum  proponere;  Tarn 
profunde  de  scientiis,  sicut  hodie  nominatis,  cogitàsti  ut  abstractum 
quid  et  abstrusum  laborare  primo  videaris,  sed  perpendenti  mani- 
festum,  te  solum  puérile  ingenium  nôsse,  te  solum  posse  expiscari. 
et  iter  brevius  ad  Usum  te  solum  evoluisse  :  Musaeo  deditus,  et 
omne  pecuniarium  magnanimiter  contemneas,  rerum  interiora 
sagacius  speculatus  es,  et  non  visus,  (quasi  spiritus  quidam  Ange- 
licus)  bono  hominum  invigilâsti  ;  haec  vero  forte  dicta  rimis  pœ- 
tice  arbitraris,  et  sol^olem  esse  ingenii  magis  quam  simplicitatis  ; 
liceat  vero,  vir  colendissime,  aliquid  philosophari,  probe  namque 
nôsti  mentem  passive  parientem  ex  naturâ  quasi  ruere  in  diclum 
figuratum  ;  Quid  Reges,  quid  Proceres,  quid  Papae  ad  te?  si  justi, 
si  humiles,  si  legi  Christianas  vere  obedientes,  tu  diligis,  si  non, 
contemnis.  —  Haec  sunt  certe  aestimanda,  et  a  te  aestimantur.  cui 
tanta  cura  est  publica  Salus.  Quasso  igitur,  Vir  doctissime,  ut 
hanc  Epistolam  accipias  quasi  monumentum  pusillum  meae  Ob- 
servantiœ  erga  te,  et  recorderis  Ghirurgum  quendam  Spaldinen- 
sem  in  agro  'Lincolniensi  voluisse  haec  tecum  deponere,  sicut 
Philosopho'maximo  hujus  yEtatis,  et  simul  optantem  rescriptam 
habere,  quod  votum  respondendum  humillime  quajrit 

Edmondus  Jessop. 
Vale. 

Le  chevalier  de  Cossé\ 

A  Paris,  le  23  juillet  1771. 
Je  suis,  Monsieur,  dans  le  plus  grand  embarras  où  jamais  hom- 
me ait  été  ;  vous  seul  pouvez  m'en  tirer,  et  je  serai  le  plus  heureux 

1  A  Monsieui-  I  Monsieur  Rousseau,  che^  un  \  Marchand  de  l'ableaux, 
vis-à-vis  I  VHotel  des  Postes,  rue  Plâtrière  \  A  Paris.  —  Cf.  Œuvres^ 
t.  IX,  p.  i35,  note,  Premier  Dialogue. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   DAVENPORT  27D 

possible,  des  le  moment  que  vous  y  consentirez.  Je  connois  votre 
extrême  délicatesse,  la  noblesse,  l'élévation  de  vos  sentiments  ; 
en  respectant  vos  vertus  je  les  crains.  J'ai  une  proposition  à  vous 
faire  ;  c'est  au  nom  des  sentiments  que  vous  m'avez  inspirés,  au 
nom  de  tous  mes  concitoyens  sensibles,  que  je  vous  supplie  de 
ne  pas  vous  refuser  à  mes  désirs,  et  de  décider  par  votre  aveu  un 
projet  qui  m'occupe  depuis  longtems.  Le  Roy  d'Angleterre  vous  à 
fait  une  pension  qui  depuis  vous  a  été  retirée.  Aujourd'hui,  Mon- 
sieur, tous  mes  moyens  sont  prêts  pour  vous  taire  ravoir  cette 
pension.  Les  bienfaits  d'un  souverain  ne  peuvent  vous  humilier. 
Quand  on  a  dans  l'âme  le  désir  de  faire  du  bien  à  tous  les  hom- 
mes, qu'on  leur  en  a  fait  un  sensible  en  éclairant  leur  esprit  et  leur 
cœur,  on  a  des  droits  bien  réels  à  leur  reconnoissance,  et  un  ser- 
vice rendu  d'homme  à  homme  me  paroit,  non  un  bienfait,  mais 
une  justice,  un  plaisir  qui  doit  être  égal  pour  celui  qui  donne  et 
pour  celui  qui  reçoit.  Je  n'ai  point  voulu.  Monsieur,  vous  parler 
de  mes  projets  avant  d'avoir  préparé  mes  moyens.  J'agirai  dès  que 
vous  le  voudrez,  et  si  le  succès  répond  à  mes  espérances,  je  me 
croirai  le  plus  heureux  des  hommes  ;  je  le  serai  réellement,  et 
vous,  Monsieur,  vous  recevrez  de  ma  part  mille  remercîments  de 
m'avoir  abandonné  une  occasion  de  vous  prouver  que  je  suis  diffi- 
cile en  plaisir  et  que  je  connois  les  véritables.  J'attends  votre  ré- 
ponse. Monsieur*;  conservez  moi  un  peu  d'amitié  et  recevez  l'hom- 
mage bien  sincère  de  tous  les  sentiments  que  je  vous  ai  voués,  et 
avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être  votre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur. 

Le  Chevalier  de  Cossé 

en  son  Hôtel  rue  St  Honore. 


D.  Lettres  de  divers  à  Davenport. 
Hume. 


Dear  Sir,  About  ten  days  ago,  I  wrote  both  to  you*and  Monsieur 
Rousseau*;  tho  1  fancv  my  Letters  hâve  miscarried.   The  Reason 

'  Œuvres,  t.  XII,  p.  240,  Rousseau  à  Cossé,  2  5  juillet  1771. 

2  Br.  Mus.  Add.  32491,  ff.  11,  12.  —  To  Richard  Davenport,  Esq'. 

'  Lettre  inconnue. 

*  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  284,  17  mai,  XI. 


•276  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

of  my  suspicion,  that  some  of  the  Covers,  you  left  me,  are  wrong 
directed  by  mistake  ;  and  I  am  afraid  I  might  thro  inadvertance 
hâve  made  use  of  one  of  them.  If  so,  be  so  good  as  to  inform  me, 
that  I  may  correct  the  Mistake,  and  write  him  again  on  the  same 
subject.  I  am  with  great  sincerity,  Dear  Sir,  Your  most  obedient 
and  most  humble  servant, 

David  Hume. 
Lisle  Street  Leicester  Fields  27  of  May  1766. 

Dear  Sir,  Your  Guest  is  not  a  little  whimsical.  He  made  me  no 
Reply,  when  I  endeavoured  to  persuade  him  to  accept  His  Majes- 
ty's  Bounty,  even  tho  a  Secret  :  Upon  which  I  made  a  new  Applica- 
tion to  General  Conway,  that  he  woud  prevail  on  His  Majesty  to 
départ  from  this  condition.  The  General  only  requires,  as  is  rea- 
sonable,  that  Mr  Rousseau  should  promise  to  accept,  in  case  of 
the  king  be  pleased  to  bestow  on  him  a  Pension  publicly.  I  hâve 
wrote  him  the  enclosed  for  that  Purpose,  in  case  he  be  with  you 
at  Davenport.  I  hâve  also  wrote  to  Wooton  under  Direction  to 
your  Steward,  in  case  he  be  at  that  Place.  If  he  be  at  Wooton, 
you  may  open  and  read  and  burn  the  enclosed. 

1  am  Dear  Sir  your  most  obedient  and  most  humble  servant. 

David  Hume. 
Lisle  Street  Leicester  Fields  19  June  176(3. 

III -' 

Dear  Sir,  I  hâve  a  Friend,  who  bas  a  considérable  Estate  in  the 
County  of  Suffolk,  and  who  is  esteemed  one  0/ the  most  judicious 
Farmers  and  Improvers  in  that  part  of  England..  I  gave  him  an 
Accout  of  your  Machine  for  levelling  the  Ridges  ;  and  as  he  tells 
me,  that  high  Ridges  abound  very  much  in  Suffolk,  and  are  as 
destructive  there  as  elsewhere,  he  has  a  great  Désire  of  having 
that  Machine  both  for  his  own  Benefit  and  that  of  his  Neigh- 
bours.  He  asked  me  whether  I  could  use  the  Freedom  of  desiring 
you  to  order  one  to  be  made  for  him,  and  hâve  it  sent  up  to  Lon- 
don,  with  some  gênerai  Directions  foT  using  it.  I  said,  that  I  knew 
enough  of  your  bénéficient  Disposition  to  be  certain  you  would 
do  every  thing  to  promote  so  useful  an  Art  as  Agriculture  :  I  beg, 

^'Br.-Mus.  Add.   33491,  f.   i3. 

2  Br.  Mus.  Add.  32491,  fF.   14,  i5.  —  To  Richard  Davenport  Esq'.  \ 
ai  Davenport,  Brereton  Grenn  |  Cheshire.  ( 


LETTRES   DE   DIVERS   A   DAVENPORT  277 

therefore,  the  Favour  of  y  ou,  that  you  would  order  your  Trades- 
man  to  make  a  Machine  similar  to  yours,  and  to  send  it  up  by 
the  Waggon,  directed  to  Mr  Mure  in  Nicholas  Lane  Lombard 
Street.  He  will  order  the  carriage  and  the  Price  to  be  paid  on  re- 
ceiving  it.  He  is  a  Gentleman  of  a  very  mechanical  Head  ;  so  that 
the  Machine  itself  and  a  short  Description  of  its  Use  will  be 
sufïicient  for  his  understanding  it.  Lord  Holdnernesse  told  me, 
that,  towards  the  End  of  Autumn,  he  intended  to  send  his  steward 
across  the  Country,  in  order  to  learn  the  Use  of  this  Machine. 
I  doubt  not  but  you  will  give  your  People  Orders  to  communicate 
to  him  ail  the  Instruction  possible. 

I  am  very  anxious  that  I  hâve  received  no  Answ^er  from  your 
Guest  to  my  second  Letter,  containing  the  offer  of  which  I  gave 
you  an  Account.  Were  he  not  the  most  unaccountable  Man  in 
ihe  World,  I  should  be  very  much  scandalized  and  very  much 
offended  at  this  long  silence.  After  his  Arrivai  at  Wooton,  I  re- 
ceived a  Letter  MVom  him  full  of  thehighest  Expressions  ofEsteem 
and  Affection  ;  and  as  there  has  been  since  no  Intercourse  bet- 
ween  us,  except  in  this  Affair,  where  he  sees  the  strongest  Proof 
of  my  Friendship,  it  is  impossible  for  me  to  imagine,  that  he 
can  be  any  way  disgusted  with  me.  Yet  perhaps  something 
has  struck  his  Fancy,  which  I  shall  never  be  able  to  guess 
ov  imagine.  Did  you  ever  hear  from  him  any  surmises  of  that 
kind?  Or  bave  you  ever  discovered  what  deep  Affliction  was, 
which  he  said  overwhelmed  him  about  the  time  of  your  arrivai  at 
Wooton?  Could  your  People  ever  discover  it  from  Mademoiselle? 
Or  was  there  reallv  any  Affliction  at  ail?  Your  Letters  about  that 
time  assured  me  that  he  was  in  the  best  humour  and  the  best 
Health  in  the  World  ;  and  he  is  not  surely  a  Man  who  can  cover 
with  a  fair  Appearance  his  Spleen  and  Peevishness.  If  he  be  with 
you  at  Davenport,  be  so  good  as  to  tell  him,  that  I,  having  occa- 
sion to  Write  to  you  of  another  Affair,  had  expressed  my  surprise 
at  not  hearing  from  him.  He  would  not  choose,  I  fancy,  that  you 
should  enter  farther  into  His  Matter.  I  am  Dear  Sir,  with  great 
Regard,  Your  most  obedient  and  most  humble  servant, 

David  Hume. 

[Lisle  StrJ^eet  Leicester  Fields  [....|^  June  1796. 


1  Œuvres,  t.  XI,  p.  3i8,  22  mars. 
^  Déchirure. 


278  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .f.    J.    ROUSSEAU 

JV 

My  Dear  Sir*,  You  and  you  alone  can  aid  me  in  the  most  critical 
Affair,  which,  during  the  Course  of  my  whole  Life,  I  hâve  been  en- 
gaged  in.  I  send  you  a  Gopy  of  Rousseau's  Answer  to  that  friendly 
Letter,  which  I  wrote  him,  and  of  which  I  sent  a  Duplicate  to  you 
at  Davenport.  You  will  be  astonished,  as  I  was,  at  the  monstrous 
Ingratitude,  Ferocity,  and  Frenzy  of  the  Man.  I  send  you  also  en- 
closed  my  Answer,  which  I  beg  you  to  peruse  before  you  deliver 
it.  You  must  certainly  think,  that,  after  this  Provocation,  I  hâve 
treated  him  with  sufficient  Temper,  and  that  my  Demand  is  extre- 
mely  reasonable.  I  can  insist  on  no  less,  than  that  he  specify 
the  Points  of  which  I  am  accused  and  name  the  Accuser.  If  it 
were  necessary,  I  should  conjure  you  by  ail  your  Regards  to  Truth 
and  Justice  to  second  my  Demand,  and  make  him  sensible  of  the 
Necessity  he  lies  under  of  agreeing  to  it.  He  must  him.self  pass  for 
the  Lyar  and  Galumniator,  if  he  does  not  comply.  Be  so  good, 
therefore,  since  Matters  hâve  corne  to  this  Extremity,  to  deliver 
to  him  this  Letter,  and  tell  me  his  Behaviour  on  perusing  it.  You 
will  hère  hâve  occasion  to  become  acquainted  with  the  Morals 
and  Character  of  your  Guest. 

I  am  Dear  Sir,  Your  most  obedient  and  most  humble  servant, 

David  Hume. 

Lisle  Street  Leicester  Fields  26  of  June  1766. 

P.  S.  Prav  observe  in  what  manner  he  disguises  the  story, 
which  I  told  you  preceded  the  day  of  his  Departure  from  London. 
I  should  be  very  unhappy  were  I  engaged  Avith  a  man  of  less  Pro- 
bity  and  Morals  than  yourself. 

Mr  Rousseau's  Letter  to  M""  Hume.  A  Wooto'n  23^  of  June  1766. 

[Vient  la  'copie  de  la  lettre  publiée  dans  l'édition  Hachette, 
tome  XI,  p.  35o  :  Je  croyois  que  mon  silence,  interprété  par  votre 
conscience,  en  diroit  assez;  etc.] 

V»  .  . 

My  Dear  Sir,  I  write  you  both  to  Davenport  and  to  Wooton;  but 
my  chief  Letter  goes  to  Wooton  ;  because,  from  your  Account,  I  hâve 

^  Br.  Mus.  Add.  32491,  ff.   16,   17. 

3  Cette  lettre  fut  envoyée  à  Wootton  et  Rousseau  Touvrit  par  erreur  ; 
et.  p.  114,  28  juin,  VII.  La  lettre  suivante  fut  adressée  en  Cheshire;  la 
combinaison  de  Hume"  se  trouva  dérangée. 

a  Br.  Mus.  Add.  29626,  if.  i3,  14.  —  To  \  Richard  Davenport  Esq^.  | 
at  Davenport  |  Brereton  Green  \  Cheshire. 


LETTRES  DE  DIVERS  A  DAVENPORT  279 

best  Reason  to  think  you  are  there.  I  beseech  you  keep  the  Duplicata 
of  my  last  Letterto  Rousseau,  which  I  desired  you  to  open  and  to 
read  at  Davenport  ;  and  I  wish  you  would  either  send  it  to  me  or 
a  Copy  of  it  by  the  first  Post.  I  shall  not  hâve  Peace  of  Mind  till 
you  hâve  met  with  this  Man,  and  hâve  given  me  an  Account  of 
your  Conférence  with  him.  Hâve  Compassion,  I  beseech  you,  on 
the  most  signal  Beneficence,  exposed  to  the  blackest  Ingratitude. 
You  hâve  a  heart  formed  for  feeling  that  cruel  situation. 
I  am  Dear  Sir  Your  most  obedient  humble  servant, 

David  Hume. 

Lisle  Street  Leicester  Fields  26  of  June  1766. 
VP 

Dear  Sir,  I  conjecture  from  your  Letter,  that  Rousseau  hadsent 
you  the  Copies  ofsome  of  my  Letters  to  him,  since  he  wenttoWoot- 
ton.  I  wish  heartily  you  could  get  Copies  of  ail  them,  and  would  send 
them  to  me.  You  would  find  every  one  of  them  extrême  friendly 
and  even  wrote  with  the  greatest  Discrétion  as  well  as  Civility.  It 
would  be  of  no  conséquence  for  me  to  hâve  Copies  of  them,  were 
he  not  the  most  dangerous  Man  in  the  World,  on  account  of  his 
Malice  and  his  Talents.  I  cannot  take  too  many  Précautions 
against  him.  I  doubt  not  but  you  hâve  long  ago  delivered  to  him 
my  Letter,  which  I  sent  you  open  ;  and  that  you  hâve  carefully 
remarked  the  Effects  of  it.  I  pray  heartily  on  ail  account  that 
your  Grandson  may  be  thoroughly  recovered.  You  see  how  inno- 
cent I  am  ;  yet  I  assure  you  I  feel  Uneasyness  from  the  Pain 
which  you  must  feel  on  this  occasion. 

If  he  dénies,  that  he  ever  gave  his  Consent  to  the  solliciting 
this  Pension,  tell  him  of  the  Letter  to  Lord  MareschaP,  and 
his  thanking  General  Conway'  and  General  Greeme*  for  their 
Friendship  in  this  Aflfair. 

1  am,  Dear  Sir  your  most  obedient  and  most  humble  servant, 

David  Hume. 
Lisle  Street  Leicester  Fields  4  of  July  1766. 

'  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  17,  18.  —  To  \  Richard  Davenport  Esq'  | 
at  Wootton  \  Ashborue  |  Derbyshire.  —  Cette  adresse  est  biflFée  et  rem- 
placée par  la  suivante,  d'une  autre  écriture:  To  \  Richard  Davenport 
Esq'  at  Davenport  |  near  Holmes  Chaple  Cheshire  |  To  be  left  at  Bre- 
reton  Green.  | 

2  Lettre  inconnue. 

'  Œuvres,  t.  XI,  p.   343,  22  mai. 
*  Lettre  inconnue. 


'iSo  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 


VIP 

Dear  Sir,  1  received  to  day  a  Letter^  from  Rousseau,  which  is  as 
long  as  would  make  a  two  shillings  Pamphlet,  and  I  fancy  he  in- 
tends to  publish  it.  It  is  perfect  Frenzy.  He  says  that  M.  d'Alembert, 
Horace  Walpole  and  I  had  entered  into  a  Conspiracy  to  ruin  him, 
and  hâve  ruined  him.  He  says,  that  his  first  suspicions  arose  in 
France,  while  we  lay  in  two  beds  in  the  same  room  of  an  Inn. 
There  I  talked  in  my  sleep,  and  betrayed  my  bad  Intentions  against 
him.  He  says,  that  young  Tronchin  of  Geneva,  son  to  the  Phy- 
sician  of  that  name,  his  mortal  Enemy,  lodged  in  the  same  house 
with  me  at  London  :  and  he  adds,  that  my  Landlady  looked  cold 
on  him,  as  he  went  by  lier  in  the  Passage.  He  says,  that  I  am  in 
a  close  Confederary  with  Lord  Lyttleton,  his  mortal  Enemy,  and 
that  tho  the  English  Nation  were  fond  of  him  on  his  first  arrivai, 
Mr  Walpole  and  I  had  totally  alienated  this  Affections  from  him. 
He  allows,  however,  that  his  Belief  of  my  Treachery  went  no 
farther  than  suspicion,  till  he  arrived  at  Wootton,  but  then  it  rose 
to  Certainty.  For  there  were  several  Publications  in  the  Papers 
against  him,  which  would  proceed  from  no  body  but  me  or  my 
Confederate,  M""  Walpole.  I  am  really  sorry  for  him;  so  that,  tho 
I  intended  to  be  very  severe  on  him  in  my  Answer,  I  hâve  been 
very  sparing,  as  vou  may  see.  I  would  not,  however  hâve  you 
imagine  that  he  has  such  an  extrême  sensibility  as  he  prétends. 
He  wrote  tô  General  Conway,  that  he  was  oppressed  with  such  a 
grievous  Calamity  as  deprived  him  of  the  Use  of  his  Sensés  and 
Understanding.  This  was  about  the  time  of  your  first  arrivai  at 
Wootton,  when  you  Avrote  to  me,  that  he  was  perfectly  gay,  good- 
humoured  and  sociable  :  So  that  thèse  Complaints  of  his  Misery 
and  sufferings  are  a  mère  Artifice.  I  find  in  many  other  Respects 
that  he  lies  like  the  Devil.  You  cannot  imagine  what  a  false  and  ma- 
licious  Account  he  has  the  Assurance  to  give  me  of  the  Transaction 
between  him  and  me  the  last  Evening  he  was  in  Town  which  I  rela- 
ted  to  you.  I  am  afraid  indeed  you  hâve  a  very  bad  Pennyworth 
of  him  ;  but  if  I  may  venture  to  give  my  Advice,'  it  is,  that  you 
would  continue  the  charitable  Work  you  hâve  begun  till  he  be 
shut  up  altogether  in  Bedlam  or  till  he  quarrel  with  you  and  run 
away  from  you.  If  he  show  any  Disposition  to  write  me  a  peni- 
tential  Letter,  you  rnay  encourage  it,  not  that  I  think  it  of  any 
Conséquence   to   me,   but  because    it   will  ease  his  mind  and  set 

'  Br.Mus.  Add.  jt/bo,  ri'.  21,  2J. 
-  Œuvres,  t.  XI,  p.  353,  10  iuillei. 


LETTRES  DE   DIVERS  A  DAVENPORT  28  I 

him  at  rest.  I  write  you  in  some  hurry,  as  I  set  out  to  day  for  the 
Duke  of  Bedford's.  I  shall  if  possible  pay  my  Respects  to  you  in 
my  way  North.  I  am  Dear  Sir,  Your  most  obedient  humble  ser- 
vant, 

David  Hume. 
i5  of  July  1766. 

P.  S.  The  grievous  Calamity,  vvhich  he  spoke  of  to  General 
Conway,  he  now  tells  me  was  his  Discovery  of  my  Treachery. 

I  thought  to  hâve  wrote  to  him  by  this  Post  ;  but  really  hâve 
not  Leizure  and  scarce  Patience  :  I  shall  perhaps  write  him  some 
time  after. 

VHP 

Dear  Sir,  I  must  beg  you  to  take  the  trouble  of  sending  the  enclo- 
sed^  to  your  Guest,  after  having  read  it.  It  is  the  last  Trouble  of  the 
kind,  which  I  shall  ever  give  you  ;  so  I  hope  for  your  Excuse.  As  he 
will  receive  no  Letters  by  the  Post,  this  is  the  only  method  by 
which  I  could  reach  him  ;  and  I  am  besides  well  pleased  that  you 
should  be  acquainted  Avith  every  step  of  my  Behaviour,  in  hope 
of  your  Approbation.  This  Man's  Conduct  is  such  a  Composition 
of  Wickedness  and  Frenzy,  that  one  does  not  know  whether  they 
are  to  be  angry  at  him  for  the  one  or  to  pity  him  for  the  other  ; 
I  flatter  myself,  that  vou  will  think  my  Letter  sufficiently  tempe- 
rate  and  décent. 

I  propose  soon  to  be  at  your  Fire-side  or  rather  in  your  shady 
Grove,  for  I  think  the  Weather  more  suitable  to  the  latter  than 
the  former.  You  will  allow  me  to  bring  my  Friend  along  with 
me  :  It  is  Dr  Armstrong,  Author  of  the  Art  of  preserving  Health, 
and  of  many  other  fine  Pièces  :  He  is  besides  a  very  worthy  man. 
I  shall  use  the  Freedom  to  inform  you  some  time  before  we  set 
out.  I  am,  Dear  Sir.  Your  most  obedient  and  most  humble  ser- 
vant. 

David  Hume. 

Lisle  Street  Leicester  Fields,  22of  Julv  1766. 

IX  ^ 

Dear  Sir,  I  hâve  been  detained  so  long  in  London,  that  Dr  Arms- 
trong has  left  me  above  a  Fortnight  ago  ;  and  now  I  am  hurried  down 

'  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  25. 
-  Streckeisen,  o.  c,  t.  II,  p.  289^  22  juillet,  XVI. 
Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  3o,  3i. 


282  ANNALES    \m   I.A    SOCIÉTÉ  J.   .(.    ROUSSEAU 

to  Scotland,  and  by  another  Road  and  in  another  Company  ;  so  that 
it  will  be  impossible  for  me  to  pay  you  a  visit  at  Davenport.  I  assure 
you,  that  I  regreat  this  Accident  very  sincerely  ;  I  proposedto  my- 
self  a  great  deal  of  Pleasure  in  passing  some  days  with  you  in  your 
Country  Seat  ;  and  I  wanted  very  much  to  show  you  the  whole 
Train  of  correspondence  between  your  Guest  and  me.  I  am  sorry, 
that  that  Affair  has  made  so  great  a  Noise  ail  over  Europe  :  But 
i  found  myself  obliged  to  make  the  Rupture  public  in  order  to 
prevent  ihe  Effects  of  his  Malice  against  me  :  He  is  writing  his 
Memoirs,  and  intends  to  blacken  me  as  much  as  possible:  He 
threatens  me  in  a  Letter  with  this  vengeance  ;  and  I  forsaw,  that 
thèse  Memoirs  might  be  published  either  after  my  Death  or  after 
his.  In  the  former  Case,  there  would  be  no  body  to  tell  the  Story 
or  to  vindicate  my  Memory.  In  the  second  Case,  myApology,  being 
vvrote  against  a  dead  Man..  woud  lose  much  of  its  Authenticity. 
For  this  Reason,  I  hâve  drawn  a  Narrative  of  the  whole  Transac- 
tion, inserting  ail  the  Letters  on  both  Sides,  which  indeed  com- 
pose the  far  greatest  Part  of  the  Pièce  :  Among  the  rest,  I  insert 
that  long  Letter  of  Rousseau,  which  contains  a  full  Détail  of  his 
•Grievances  against  me,  and  which  I  hâve  already  mentioned  to 
vou.  I  intended  to  hâve  shown  you  the  whole  Narrative,  I  hâve 
made  one  Copy,  which  I  hâve  deposited  in  a  sure  hand  at  Paris  : 
I  hâve  given  another  to  Lord  Hertford,  and  I  keep  another  to 
myself.  Thèse  will  remain  in  Reserve,  till  Rousseau  attacks  me, 
which  I  expect  every  day  ;  and  I  wonder  indeed  he  has  delaid  it 
so  long.  1  know  not  whether  so  much  Précaution  on  my  part  be 
not  superfluous  ;  tho  the  Malignity  and  Talents  of  your  Guest 
render  him  very  dangerous.  There  is  scarce,  however,  a  Person 
in  Europe,  who  does  not  look  upon  him,  at  présent  as  very  mad 
or  very  wicked  OT-as  both:  and  if  the  public  Voice  were  not  apt 
to  be  soon  obtiterated,  I  might  safely  rest  my  Defence  upon  it. 

When  I  say,  that  he  is  a  very  dangerous  Man,  I  do  not  mean, 
that  he  is  likely  to  prove  so  to  you  :  As  you  hâve  been  so  happy 
as  never  to  make  yourself  known  to  the  Public  as  an  Aiîthor,  he 
is  less  likely  to  entertain  any  Jealous.y  against  you  ;  and  he  may 
submît  Avith  the  less  Répugnance  to  the  great  Obligation  which 
he  owes  you.  Your  living  at  such,  a  Distance  from  him  will  also 
serve  not  a  little  to  préserve  your  mutual  Friendship.  For  thèse 
Reasons,  I  shall  use  the  Freedom  to  repeat  my  Exhortations  to 
you,  that  you  continue,  as  long  as  possible,  the  same  good  Offices 
towards  him,  which  you  hâve  so  charitably  begun.  NotAvithstand- 
ing  his  atrocious  Condvict  towards  me,  I  should  be  sorry  to  see 
him  abandoned   by  ail  the  World  :  vour  knowledge  of  his  Cha- 


LETTRES  DE  DIVERS  A  DAVENPORT  285 

racter  will  only  serve  you  to  use  the  greater  Précautions  against 
him  :  And  he  is  now  a  better  Object  of  your  generous  Humanity, 
that  he  bas  been,  in  this  Instance,  so  unfortunate  in  his  Beha- 
viour. 

He  must  now  expect  to  live  altogether  on  his  own  Funds,  without 
any  Pension.  Unhappy  Man  !  to  deprive  me  so  cruelly  of  the  de- 
licious  Pleasure  I  felt  in  serving  him  ;  and  at  the  same  time  to 
oppose  se  violently  his  own  Interest.  I  was  obliged  to  show  the 
whole  train  of  the  Correspondance  to  General  Conway,  which 
cuts  oflf  ail  his  hopes  from  that  Quarter.  But  what  is  more,  the 
King  has  heard  of  the  Affair,  and  expressed  a  great  Guriosity  to 
know  the  whole  of  it;  so  that  I  was  obliged  to  send  my  Narrative 
to  His  Majesty.  Rousseau  needs  not  complain,  that  only  one  Side 
is  shown  :  For  as  his  long  Letter  is  inserted,  his  Pleading  is  very 
fully  heard  against  me. 

If  you  do  me  the  Favour  to  write  me,  please  to  direct  to  me 
as  usual.  For  I  shall  not  probably  be  long  in  Scotland  ;  and  my 
Landladies  bave  Directions  to  send  my  Letters  after  me.  I  am 
Dear  Sir  with  great  sincerity  Your  most  obedient  humble  servant, 

David  Hume. 

Lisle  Street  Leicester  Fields,  2  Sept'  1766. 

X> 

Dear  Sir,  You  seemed  désirons  of  knowing  what  may  hâve  be- 
come  of  your  old  Ouest,  the  wild  Philosopher:  I  heard  by  a  Letter 
yesterday  from  Paris,  that  he  had  appeared  at  Meudon,  in  the  neigh- 
bourhood  of  that  City,  and  had  there  shown  himself  in  a  pretty 
public  manner  :  my  Friend  adds,  that,  from  the  late  Transactions, 
ail  the  World  looks  on  him  as  absolutely  mad  ;  yet  it  was  to 
be  feared  if  he  continued  to  appear  publicly  he  would  either 
be  put  in  arrest,  or  banished  the  kingdom.  However,  if  you  bave 
any  thing  to  write  to  him,  1  believe  I  could  find  the  meansofcon- 
veying  it  ;  and  you  will,  therefore  be  so  good  as  to  send  it  to  me. 
He  is  much  to  be  pitied,  particularly  from  the  strange  unhappy 
Turn  that  his  Madness  has  taken  :  and  I  doubt  he  may  remain 
long  in  his  présent  melancholy  situation,  too  wise  to  be  confined, 
toc  mad  to  govern  himself.  Some  People  will  even  question,  whe- 
ther  he  ever  was  otherwise,  notwithstanding  the  great  Genius  and 
Talent  that  appear  in  his  Writings. 

I  know  not,  what  can  be  done  with  regard  to  his  Pension  :  It 
has  passed  ail  the  Forms  in  the   Treasury  ;  but  unless  he  appoint 

'  Br.  Mus.  Add  .  2()626,  f.  G7. 


■284  ANNALES   DE    LA    SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

some  Person  to  receive  it,  it  never  can  be  paid.  Be  so  good  as  tcv 
mention  that  matter  to  him,  and  désire  him  to  write  a  Letter  to 
Charles  Lowndes  Esqr  Secretary  to  the  Treasury,  appointing 
him  to  pay  the  Money  to  some  Person.  whom  he,  Rousseau,  shall 
choose. 

I  shall  be  glad  to  hâve  a  Copy  of  his  Letter  to  vou  on  leaving 
you.  I  do  not  know,  if  you  heard,  that  he  said  to  a  gentleman  in 
Lincolnshire,  that  your  Housekeeper  had  quarrelled  with  his  Gou- 
vernante, and  that  the  former  threw  Cinders  and  ashes  into  his 
Pot,  which  was  the  Reason  of  his  leaving  you.  By  ail  Accounts 
ihe  same  Demoiselle  is  a  very  mischievous  Créature  :  I  hâve  been 
assured,  that  she  was  the  cause  of  ail  the  Frav  ht-tween  him 
and  me. 

We  shall,  no  doubt,  hâve  his  Memoirs  soon  published,  which 
will  be  a  curious  Performance.  But  you  think  his  chief  occupa- 
tion while  at  Wootton  was  of  a  différent  Nature.  Hâve  vou  any 
Notion  what  it  was? 

Lord  Holdernesse  has  thanked  me  much  for  your  Civility  to 
his  steward  who  is  much  satisfyed  with  your  Machine.  Yesterday, 
I  was  giving  to  Charles  Turner  of  Yorkshire  an  Account  of  its 
opération  :  He  stands  much  in  need  of  such  a  Machine  in  his  part 
of  the  World  ;  and  I  may  perhaps  hâve  occasion  to  give  you  the 
same  Trouble  with  regard  to  him.  But  I  know  that  you  do 
not  regard  the  Propagation  of  Improvements  in  Husbandry  as  a 
Trouble. 

You  will  probably  see  in  a  few  Posts  an  Account  of  General 
Comvay's  Résignation  :  However,  I  shall  not  immediately  leave 
London  ;  and  shall  be  glad  to  hear  from  you.  I  am  Dear  Sir.  Your 
most  obedient  and  most  humble  servant. 

-  ■  David  HiMK. 

London  i  of-July  1767. 

P.  S.  Please  direct  to  me  at  Miss  Elliot's  in  Brewer-Street. 


Louis  Dutens. 

I'  ■ 

Mr  Dutens  présents  his  respects  to  Mr  Davenport,  cannot  posi- 
tively  say  whether  the  paquet  he  has  the  honor  of  sending  him 
for  Mr  Rousseau  contains  any  thing  essentiel,  and  which  should 


Br.  Mus.  Add.  39626,  f.  43. 


LETTRES   DK    DIVERS   A    DAVENl'ORT  285 

require  its  being  sent  immediately  ;  he  only  knows  it  cornes  from 
one  of  his  most  intimate  friands  of  Paris,  and  shall  be  much  obli- 
ged  to  Mr  Davenport  for  the  trouble  the  will  be  so  kind  as  to  take 
in  order  to  forward  it  as  he  will  think  most  adviseable. 

Hill  Street.  Saturday  iit''  Jany  [1767]. 
II' 

Mr  Dutens  présents  his  respects  to  Mi  Davenport,  and  begs  he 
will  be  so  good  as  to  forward  the  enclosed  to  Mr  Rousseau,  from 
whom  he  had  a  Letter^  Saturday  night  in  which  he  gives  him 
leave  to  choose  which  manner  he  liked  best  to  make  the  Payment 
of  the  Library  ;  Mr  Dutens  has  chosen  the  annuity  of  Lst.  10  a 
year,  to  commence  the  5th  June  next  ;  he  has  wrote  it  in  enclo- 
sed which  will  serve  to  Mr  Rousseau  as  an  acknowledgement  or 
Bond.  He  will  endeavor  to  wait  on  Mr  Davenport  before  Wed- 
nesday  the  Day  fixed  for  his  Departure  ;  but  if  he  has  not  the  hon- 
or  of  seeing  him,  he  begs  leave  to  express  to  him  hère,  how 
sensible  he  is  of  Mr  Davenport's  civilities,  and  how  much  he 
congratulâtes  himself  that  he  had  the  advantage  of  knowning  so 
respectable  and  worthy  a  Gentleman. 

3oth  March  [1767]. 

IIF 

Newcastle  22tl  March  176S. 

Dear  Sir,  I  received  in  due  time  the  honor  of  your  Letter  of 
the  ôth  past,  as  well  as  the  Books  *  you  were  so  kind  as  to  send 
me,  and  I  return  you  my  best  Thanks  for  the  trouble  which  you 
hâve  been  so  good  as  to  take  about  this.  I  hâve  had  also  a  Letter 
from  Mr  Rousseau  who  says  nothing  to  me  of  his  coming  to  En- 
gland. 

My  not  having  your  Direction  makes  me  doubt  whether  this 
will  reach  you,  and  be  shorter  than  othervise  I  should  be. 

I  hâve  the  honor  to  be  with  the  greatest  Respect,  Sir,  Your 
most  obedient  and  most  humble  servant, 

L.  Dutens. 

'  Br.  Mus.  Add.  29626,  f.  35. 

-'  Œuvres,  t.  XII,  p.  7,  26  mars. 

3  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  72,  -jy.^-To  \  Richard  Davenport  Esq'  \  Lon- 
don.  I  —Dune  autre  écriture:  Try  Pall  Mail.  \  —De  l'écriture  de  Da- 
venport :  Pall  Mail  \  apened  by  me  in  Norfolk  Street.  |  R.  Davenport. 

*  Restés  à  Wootton.  Œuvres,  t.  XII.  pp.  7,  42. 


286  ANNAI.es    IjE    I.A    société  .1.    J.    kOUSSKAlJ 


Dempster  . 

Sir,  The  enclosed  Letters  were  sent  me  by  a  friendof  M""  Rous- 
seau's  to  be  some  how  conveyed  to  him  as  it  seems  he  will  take 
no  Letter  directed  to  him  in  the  post  office.  May  I  beg  there- 
fore  that  you  will  deliver  the  enclosed  to  him.  He  will  know  the 
hand  upon  the  Back  of  the  Letters  and  may  either  receive 
îhem  or  not  as  he  thinks  proper.  I  beg  pardon  for  this  trouble 
and  I  hâve  the  honour  to  be,  Sir,  Your  most  Obedient  Humble 
Servant, 

George  Dempstek  -. 

Scarbrt).  21.  1766. 


Becket'. 

London  Sept.  6.  [1766.] 

Sir,  1  hâve  received  a  Letter*  from  Mf  Rousseau  expressing  his 
concern  at  the  enormous  expense  of  his  cases  from  Switzerland, 
and  seems  to  be  very  much  vexed  at  it.  I  sent  M^  R.  some  time 
ago  the  particulars  of  the  charge  just  as  I  paid  it  ;  but  his 
astonishment  at  it  is  strongly  expressed  in  a  Letter  lately  recei- 
ved, an  Answer  to  which  is  enclosed. 

I  am  sorry  he  was  unacquinted  with  the  Customary  duties  hère 
but  it  is  what  every  one  is  liable  to,  and  what  I  pay  very  often  — 
and  no  redress  can  be  had,  for  they  reckon  so  much  on  every 
hundred  weight.  —  The  7  cases  weighed  1224  pounds  —  and  the 
freight  from  Switzerland  hère  came  to  above  Lst.,  16. — 

The  part  I  hâve  taken  in  this  affair  was  purely  to  serve  him 
for  I  hâve  paid  every  farthing  I  hâve  charged  him  as  per  Receipts 
by  me. 

I  could  wish  Mr  R.  would  reconcile  himself  to  what  is  unavoi- 
dable  —  for  if  it  was  in  my  power  to  redress  this  griévance  I 
would  not  lose  a  moment  in  doing  it^ 

1  am  Sir  your  Most  Obedient  Humble  Servant. 

T.  Becket. 

.1  Br.  Mus.  Add.  29626^  f.  29. 

2  1732-1818..  agriculteur,  membre  du  parlement;  taisait  partie  du 
Poker  Club. 

s  Br.' Mus.  Add.  29626^1!".  32,  33.  —  To  \  Rich.  Davenport  Esq\ 
*  du  23  août,  p.  119,  XIV. 


1-ETTRES   DE   DIVERS   A    DAVENFORl'  287 


Cowper^ 

The  pleasure  of  your's,  Dear  Sir,  with  your  Apology  (for  which 
there  was  little  occasion)  was  duly  received.  I  was  sorry  that  you 
had  an  Attack  of  the  Goûte  ;  but  if  it  is  to  do  you  good  I  cannot 
be  so.  î  was  affraid  that  Rs  peevish  letter  was  a  prélude  to  some 
further  extravagance.  I  must  let  you  know  that  before  I  had 
your's  on  this  subject  I  received  a  letter  from  Paris  from  a  well 
wisher^  of  Rousseau's  in  which  they  ask  me  the  question  vizt  : 
Whether  he  had  not  quarelled  and  left  his  best  friend  and  benefac- 
tor  Mr  Davenport,  at  which  I  was  greatly  surprised.  However  this 
serves  to  shew  that  either  Madm  la  Vasseur  or  he,  had  imparted 
this  to  their  friends  in  Paris  before  it  happened.  I  hâve  read  se- 
veral  things  in  the  newspapers  since  concerning  that  very  singu- 
lar  being  and  if  I  am  to  crédit  common  report  he  is  actually  gone 
to  France  ;  but  know  nothing  further.  The  pleasure  of  one  from 
you  will  clear  it  up,  and  in  the  meantime  I  am,  Dear  Sir,  with 
Mrs  Cowper's  best  respects  to  you  and  family,  wishing  you  soon 
restored  to  good  health,  Your  most  humble  and  most  Obedient 
Servant. 

J.   COWPER  '■ 

June  the  6<h.  1767. 


Rougemont  K 

Sir,  On  my  return  home  from  Tunbridgewell  hâve  found  the  letter 
you  hâve  favoured  me  with  the  25.  July,  agréable  to  which  hâve 
received  Mr  Rousseau's  3  trunks  and  a  box  of  books,  which  I  hâve 
forwarded  to  him  according  to  his  order,  and  I  hâve  acquainted 
him  with  the  Lst.  21.9  you  hâve  remitted  me  on  his  account. 

As  to  Lord  Newnham  hâve  heared  nothing  of,  perhaps  his 
Lordship  knows  not  the  money  owing  to  M.  Rousseau  is  to  go 
thro'  my  hands;  if  you  think  well  of  it  shall  write  to  this  noble- 
man  about  it,  in  that  case  be  pleased  to  favour  me  with  the  direc- 
tion. 


1  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  65,  66.  —  To  \  Ricli^  Davenport,  Esq.  \ 
3  Mirabeau  ?  Œuvres,  t.  XII,  p.  i3,  8  avril  1767. 
'  Concierge  de  Wootton. 

*  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  68,  69.  —  To  \  Richard  Davenport  Esq'.  \ 
at  Wootton  \  near  Ashburn .  Derbyshire.  | 


2S8  ANNALES   DE    LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

No  one  else  has  been  with  me  concerning  the  said  M.  Rousseau, 
so  I  suppose  the  Gentleman'  who  inquired  of  vou  after  him  has 
not  been  found  out  by  M""  Lewis. 

I  had  a  letter  from  Mr  Rousseau  a  few  days  ago,  with  an  inclo- 
sed  to  M.  Loundes  concerning  the  pension^  which  he  accepts  of. 
I  was  at  the  Treasury  this  morning,  when   I  found  M.  Loundes 

gone  from  that  office,  and  one ^   M'-  Breadshaw  filling  up  the 

place  ;  he  has  put  me  off  to  Tuesday  next. 

If  you  favour  me  with  an  answer,  pray  let  it  be  per  retourn 
of  the  post,  otherwise  it  wont  find  me  in  this  place,  for  next  Sa- 
turday  sennight  I  intend  to  set  out  for  Bath,  where  my  physician 
sends  me  for  the  recovery  of  my  Health,  which  has  been  for 
some  time  and  still  now  is  much  out  of  repair,  and  really  without 
it  this  life  is  a  sad  burthen. 

I  very  respectfully  remain,  Sir,  vour  mosi  obedient  humble 
servant, 

Joshua  ROUGEMONT. 

London  the  2oth  Augt.  1767. 
Your  inclosed  was  duly  forwarded  to  M.  Rousseau*. 


E.  Lettres  de  divers  à  Hume. 
Du  Peyrou^ 

Monsieur,  Rien  ne  pouvoit  m'intéresser  plus  vivement  et  d'une 
manière  plus  agréable  que  la  lettre  que  je  viens  de  recevoir  de  vous. 
Les  détails  satisfaisans  que  vous  m'y  donnez,  Monsieur,  sur  un 
homme  qui  m^est  aussi  cher  que  Mr  Rousseau,  achèvent  de  me  tran- 
quilliser sur  son  sort,  et  deviennent  pour  moi  de  nouveaux  mo- 
tifs d'aimer  et  de  respecter  en  vous  l'Ami  de  mon  Ami.  Je  sens 
Monsieur  combien  vous  avez  du  influer  sur  les  arrangem-ens  qu'il 
a  pris  avec  Mr  Davenport,  cet  Anglois  si  digne  de  sa  Nation,  et 
dont 'le  seul  trait  d'avoir  accepté  une  pension  de  Mr  Rousseau  le 
caractérise  si  avantageusement,  et  peint  la  générosité  et  la  bonté 
de  ''.)n  ame.    Notre  Ami   a   grand   besoin  de  trouver  de  ces  âmes 

'  Malthus?  cf.  p.  218,  6  août,  XII. 

-  Lettres  inconnues. 

•'  Mot  illisible. 

■•  Cf.  p.  197,  XLi. 

^  Br.  Mus.  .\dd.   29626,  ft".   11,  12. 


LETTRES  DE  DIVERS  A  DAVEXPORT  289 

honnêtes  et  privilégiées  qui  pour  l'arranger,  sachent  mettre  des 
bornes  à  leur  propre  penchant,  et  contraindre  leur  générosité  na- 
turelle, ou  pour  mieux  dire,  les  effets  ordinaires  de  cette  vertu. 
La  délicatesse  du  procédé  de  Mr  Davenport  me  le  rendroit  bien 
respectable,  quand  même  je  ne  le  connoitrois  que  par  ce  trait  ; 
mais  l'éloge  que  vous  en  faites,  Monsieur,  et  celui  que  M^  Rous- 
seau m'en  a  fait  lui-même,  me  sont  garands  que  mon  Ami  dont 
je  devois  être  l'Hote  s'il  fut  resté  en  Suisse,  m'a  remplacé  bien 
avantageusement  pour  lui.  Je  ne  suis  point  inquiet  sur  l'emploi 
de  son  tems  dans  cette  solitude.  Je  suis  sur  que  l'ennuy  n'en  ap- 
prochera qu'avec  les  visittans  inconnus.  La  saison  va  lui  offrir  le 
spectacle  de  la  campagne,  tel  qu'il  aime  à  la  trouver,  et  son  goût 
pour  la  Botanique  lui  offre  des  ressources  et  des  plaisirs  sans  sa- 
tiété, et  qui  tous  les  jours  deviennent  plus  piquans.  J'espère  qu'à 
l'approche  de  l'Hyver,  il  aura  reçu  les  papiers  et  les  livres  dont  je 
dois  au  premier  jour  lui  faire  l'envoy.  Je  ne  lui  désire  que  de  la 
santé,  et  l'oubli  de  ses  ennemis.  Les  amis  qu'il  a  trouvés  en  An- 
gleterre, l'accueil  qu'il  y  a  reçu,  la  bienveillance  des  habitans  de 
la  province  où  il  s'est  retiré,  voilà,  Monsieur,  de  quoi  satisfaire 
une  ame  aussi  sensible  et  aussi  active  que  celle  de  Mr  Rousseau. 
Comme  homme,  il  a  des  foiblesses,  et  je  range  parmis  [sic]  les 
siennes,  son  excessive  délicatesse,  et  son  goût  décide  pour  la  re- 
traite, deux  choses  qui  doivent  affliger  ses  amis  d'autant  plus 
qu'il  aime  lui-même  à  donner,  et  qu'il  est  fait  pour  la  société,  par 
ses  moeurs,  et  par  son  ton  ;  mais  la  connoissance  des  hommes, 
l'amour  de  la  liberté,  et  sa  confiance  souvent  trahie  doivent  le 
justifier  de  ces  petites  taches  qu'il  achève  d'effacer  par  tant  d'au- 
tres endroits.  Je  ne  prétends  point,  Monsieur,  faire  l'éloge  de  cet 
homme  intéressant  par  tant  de  cotés.  Vôtre  estime  et  vôtre  ami- 
tié pour  lui  en  disent  plus  que  je  ne  pourrois  en  dire. 

Je  vous  serai  fort  obligé.  Monsieur,  de  bien  recommander  à 
Mess.  Guinand  et  Hankey  Banquiers  à  Londres,  le  modèle  que 
vous  m'annoncez  \  et  qui  par  sa  ressemblance  devient  à  mes  yeux 
d'un  prix  infini.  Malgré  mon  impatience  de  le  recevoir,  j'aime 
mieux  qu'on  en  diffère  l'envoy  que  de  le  confier  en  des  mains  peu 
sûres. 

Il  a  paru  ici  une  petite  pièce  que  je  vous  envoyé  cy  incluse. 
C'est  la  réponse  du  Roy  de  Prusse  à  son  cher  clergé  de  Neufchà- 
îel,  qui  s'étoit  plaint  des  arrêts  du  Conseil  d'Etat  relatif  à  l'affaire 
de  M'  Rousseau^.  Vous  comprenez  bien,  Monsieur,  que  ce  ne  sont 

1  Le  plâtre  de  Gosset.  Œuvres,  t.  XI,  p.  3 19,  à  Hume,  29  mars  1766. 

2  Milord  Maréchal  en  donna  copie  à  Rousseau;  Streckeisen,  0.  c.» 
t.  II,  p.   147,  8  mai,  LXXX. 


290 


ANNALKS    ni-:   LA   SOCIKTI':  J.    J.    ROUSSEAU 


pas  nos  Prcircs  qui  ont  publié  cette  réponse.  On  en  attribue  l'im- 
pression à  leur  adversaire  le  plus  redoutable,  M^  de  Voltaire.  La 
pièce  est  bien  conforme  à  l'original,  excepté  à  la  ligne  14  de  la 
page  2  où  au  lieu  de  à  un  hoinnie,  etoit  au  ^>  Rousseju.  Je  vous 
en  envoyé  cy  inclus  un  exemplaire. 

Mr  de  Luze  qui  a  eu  le  bonheur  d'être  votre  compagnon  de 
voyage  est  bien  sensible  à  votre  souvenir,  et  me  charge,  Monsieur, 
de  vous  en  assurer  ainsi  que  de  ses  très  humbles  obéissances. 

Il  est  encore  ici  un  homme  qui  conserve  le  souvenir  le  plus  re- 
connoissant  de  vos  bontés  pour  lui  ;  c'est  M""  de  Meuron  qui  se 
dispose  à  repasser  en  Angleterre  dans  peu  de  temps. 

11  est  tems  de  vous  laisser  respirer  ;  ma  lettre  s'est  allongée  au 
delà  de  mes  intentions.  Je  vous  en  demande  pardon,  et  de  tout 
l'ennuy  qu'elle  pourra  vous  donner,  et  recevez  avec  bonté  les 
assurances  de  la  considération  très  respectueuse  avec  laquelle  j'ay 
l'honneur  d'être.  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur, 

Dr  Pkvrou. 
Neufchatel  4  May  ijOû. 

Je  vous  demande  pardon  si  dans  l'ignorance  de  la  langue  An- 
gloise  je  ne  fais  pas  votre  addresse  comme  je  le  devois. 


Davenport^ 

[Davenport,  June  3o,  17ÔÔ.] 
Dear  Sir,   I   hâve  not   yet   been  at  Wootton  being   prevented. 
by  my  dear  Grandson's  having  a  wom  [?]  fever;  he  is  now  a  good 
deal  better,  so  if  weather  permits  I  intend  going  over  ou  tuesday. 
that.is  to  morrow^. 

The  receipt  of  you  two  last  gives  me  great  Concerna,  which  was 
augmented  vesterday,  by  some  letters  I  received  from  M.  R.*t()ge- 
therwith  vours  directed  l'or  me  at  Wootton^;  surely  there  must  be 
some  unacountable  mistaUes,.  for  it'appears  to  me  an  heap  of 
Confusion,  of  which  I  can  make  neither  head  nor  tail.  M'  R.  seems 

»  Br.  Mus.  Add.  29626,  ff.  84,  85.  C'est  le  brouillon  de  la  lettre  pu- 
bliée dans  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  335. 

-  Ce  paragraphe  manque  dans  Burton.  11  y  a  plusieurs  autres  va- 
riantes, la  lettre  de  Bu'rton  étant  au  total  plus  complète. 

■  Cf.  p.  "278,  IV,  V.       ' 

*  Cf.  p.  114,  VII. 

^  Cf.  p.  278,  V. 


LETTRES   DE   DIVERS   A   DAVENPORT  29 1 

to  promise  to  explain  it  to  me  when  he  sees  me,  and  till  then  can 
not  possibly  answer  your  queries  nor  even  guess  at  what  he  can 
hâve  possibly  took  amiss. 

Good  God!  he  must  be  excessively  out  of  the  Avay,  about  this 
pension,  in  short  hâve  not  patience  to  add  one  word  more  till  I 
hâve  seen  him,  as  soon  as  ever  I  hâve  I  will  vvrite  as  fuUv  to  vou  as 
I  can. 

One  of  the  duplicates  you  desired  me  to  read  and  burn,  but  1 
hâve  now  the  fellow  to  it  and  will  send  it,  at  my  return. 

Immediately  gave  orders  for  the  plough  ^  ;  as  soon  as  made  will 
send  it  according  to  your  directions. 

I    shall   certainly  write  by  Saturdays  post. 

»  Cf.  p.  276,  III. 


Appendices 


AI'PKN'DICEï 


293 


APPENDICES 
A.   Richard  Davenport  et  sa  famille. 

a.    SOUVENIRS   1>]-:   COI.K   sur    nAVEXPORT^ 

Mv  l'riend.  M""  Allen  ofTorpolev  in  Cheshire  having  been  on  a 
visit  for  a  Fortnight  to  Mr  Robinson  at  Cransley.  in  Northamp- 
tonshire,  came  to  me  on  ^^'edn.  24.  sept.  1766.  and  staid  a  week 
with  me  :  while  he  was  with  me  he  told  me  several  Particulars  of 
ihe  greai  and  wonderful  Mr  Rousseau,  which  he  had  from  Richard 
Davenport  of  Davenport  and  (3alvelev,  Ksq',  a  most  intimaie  Friend 
of  M'  Allen  as  well  as  of  Mr  Hume  and  M'  Rousseau,  who  lives  in 
an  House  at  Wootton  under  Edge  in  StafTordshire  belonging 
to  M""  Davenport.  Before  I  saw  Mr  Allen  I  did  not  know  where 
the  Wootton  was  that  he  dated  his  Lettcr  from  atp.  Mp-:  so  that 
the  Proverb  relating  to  the  Parish  whcre  this  singularitv  has 
chosen  his  Retreat.  of  where  God  comes  never,  was  ne\er  more 
litterally  verified  than  in  its  présent  state.  M^  Davenport  was 
educated  at  S'  John's  Collège  in  Cambridge,  was  alwavs  deistic- 
ally  disposed,  and  so  it  is  no  wonder  he  has  harboured  an  Apos- 
tle  of  his  own  way  of  thinking.  He  has  one  Leg  much  shorter 
than  the  other  and  has  a  very  high  Heel  to  his  Shoe  :  I  hâve 
formerly,  some  10  years  ago.  met  .him  at  M''  Allen's  House  in 
Cheshire,  when  I  thought  him  an  agréable  cheerful  man.  He  has 
a  very  large  Estate  and  has  lately  made  a  Purchase  of  the  original 
Family  Estate  at  Davenport  in  Cheshire  or  Stafforshire.  He  mar- 
ried  a  Eady  of  the  Name  of  Bagshaw,  Daughter  of  a  great  Dealer 
in  London.  with  whom  he  had  a  verv  large  Fortune,  and  has  se- 
veral Children  by  her,  who  are  educated  under  one  Madame  de 
Lausanne,  a  French  Governess  who  came  from  the  Town  of  that 
Name  :  one  of  his  Daughters  of  about  S  vears  of  Age  keeps  a  re- 
gular  Correspondence  with  M"  Rousseau  :  so  that.  no  Doubt,  she 

1  Br.  Ms.  Add.  5824,  fi'.  201,  verso.  (Journal  de  \\'illia>7i  Cale,  l'an- 
tiquaire, 1714-1782,  Tami  de  Horace  Walpole).  De  par  sa  situation  dans 
le  Journal,  ce  morceau  est  de  fin  septembre  ou  du  début  d'octobre  1766. 

-  A  la  page  19?  de  son  Journal,  Cole  donne  copie  de  la  lettre  de  Rous- 
seau à  l'auteur  du  Saint-James  Chronicle  :  Œuvres,  t.  XI.  p.  327,  7  avril 
1766. 


296  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1      ROUSSEAU 

will  be  as  accomplished  as  the  Author  ol' ^i^ m ili us  can  make  her. 
Mr  Rousseau,  when  he  first  came  into  England,  was  at  the  House 
of  Mr  Hume,  with  his  great  fat  Wife  or  Mistress,  who  is  the  onlv 
Person  who  has  any  Influence  over  him  :  as  he  came  in  an  East- 
ern  Dress  and  talked  not  a  Word  of  English,  it  is  probable  that 
People  were  apt  to  look  upon  him  in  the  Light  of  many  of  vour 
mumping  Eastern  Princes  and  Prelates,  who  often  impose  upon  the 
(jenerosity  of  the  English  :  however,  certain  it  is,  that  he  thought 
Mr  Hume's  servants  did  not  shew  him  Respect  enough  ;  and  quar- 
relled  with  him  about  it:  and  in  the  Country  where  he  résides,  he 
is  looked  upon  to  be  extremely  jealous  and  peevish  ;  and  is  not  desi- 
rous  of  being  in  Company.  By  what  I  could  learn,  his  own  Friends 
were  tired  and  ashasmed  of  him.  But  it  is  to  be  hoped  we  shall  hear 
more  of  his  private  Aflfairs,  if  Mr  Hume's  Publication  goes  on  : 
when  we  may  give  a  guess,  how  far  mère  Moralitv  will  enable 
Philosophers  to  stifie  Resentments  and  behave  to  one  another  with 
common  Decencv. 

b.    TABLEAU   GÉNÉALOGIQUE   DE    LA    FAMILLE   DAVENPORT * 
(Voir  le  tableau  hurs-iexte  ci-contre. I 

B.   Correspondance  relative  au  Testament 
de  Rousseau. 

I 

[Ed.  Mainwaring  to  J.  Davenport.-] 

Sir,  Being  at  Blithfield^  the  other  day,  I  was  requested  by  Lord 
Hagot*  to  inquire  of  you  what  you  hâve  done  with  the  Will  of  the 
late  J.  J.    Rousseau.  I  do  remember  on   looking  over  Papers  be- 

'  Etabli  d'après  :  Ormerod,  George.  The  History  of  the  County  Pa- 
latine and  City  of  Chester.  2^^  Ed.  by  Thomas  Helsby.  Lpndon,  18S2. 
:i  vol.  4«.  Vol.  II,  p.  286.  —  Earwaker,  J.  P.  East  Cheshire  ;  Past  and 
Présent.  London,  1877- 1880,  2  vol. '4°.  —  Lysons,  D.  and  Lysons,  S. 
Magna  Br'itannia.  London,  1810.  2  vol..  4».  Vol.  II,  part  II,  p.  491.— 
Burke,  B.  A  genealogical  and  heraldic  History  of  the  landcd  Gentry  uf 
Great  Britain.  11"'  Ed.  London,   1906,  8". 

2  Br.  Mîis.  Add.  29627,  f.  4.  —  M'  Davenport  \  Bail  Haye  \  ncar  Leek  \ 
.Staffordshire. 

■■  Près  de  Abbots  Bromley,  en  Staffordshire. 

*  Baron  William  Bagot  (1728-1798). 


Tableau  généalogique 


George  Davenport  ^  (1682-1722)  __  Bri 


Richard  Davenport 


Bridget  (1732- . . . .)  =  John  Bromley 


Bridget  Mary  Lucy  William  Davenport  Bp 


Phœbe  '  (1756-1814)  _  Eusebius  Horton 


Davies  Davenport"  (1757-18371 


filles 


Edward  Davies  (1778-18531         Henry  (-f-  i833l         Harr 


Arthur  Henry"  (1832-1867) 


»  De  Calveley,  en  Cheshire.  —  -  Fille  d'Edward  M.,  de  Whitmore,  en  Staffordshi 
Bagington,  en  Warwickshire.  —  «  De  Woodford,  Marton  et  Capesthorne,  en  Cheshire.  —  ' 
et  Calveley.  —  »  Le  Rév.  Walther  D.  modifia  son  nom  en  1822.  —  i»  Mort  sans  enfant;  C: 
"-Propriétaire  actuel  de  Capesthorne,  de  Wootton  Hall,  de  Bagington  Hall. 


e  la  famille   Davenport. 


;t  Mainwaring  - 


{-  1771)  =  Phœbe  Bagnal 


Phœbe  (1735-1757)  --  Davies  Davenport»  (1723-1758) 


EY  (+  1810) 


Charlotte  Sneyd 


Walther  Davenport  Bromley»  (+  1862)  _  Caroline  Gooch 


William  Bromley  Davenport  (1821-1884)"  _  Augusta  Campbell 


William  Bromley  Davenport  ^-  (i863) 


—  ■■  De  Calveley.  —  ^  Fille  de  Joseph  B.,  de  Roehampton,  près  de  Putney,  Londres.  —  '■>  De 
itière  de  Davenport  Hall,  co-héritière  de  Manon,  avec  John  Davenport.  —  s  De  Capesthorne 
borne  passa  à  William  Bromley  D.  —  »  Prit  ce   nouveau  nom   patronymique  en    1868.  — 


APPENDICES 


297 


longing  to  Mr  Davenport  deceased,  \ve  found  the  above  mentioned 
Will,  it  was  read,  and  as  it  contained  nothing  relative  to  either  of 
our  Wards  we  put  each  our  Seals  to  it  and  delivered  it  to  you  ;  as 
Rosseau  is  now  dead,  his  Lordship  is  desirous  to  hâve  it.  You 
will  be  pleased  to  let  me  hear  from  you  that  I  may  know  what 
ansAver  to  give  on  any  further  inquiry.  Yours  most  sincerely, 

,,„  .  ,  Ed.  Mainwaring. 

VVhitmore'  August  the  iS'h  1784. 

II 

[/.  Davenport  to  Ed.  Mainwaring-]. 

Sir,  Your  favour  of  the  18.  last  month  I  found  on  mv  return  of  a 
journey  last  Friday  ;  I  recollected  the  circumstance  about  Rousseaus 
will  but  its  not  being  a  paper  of  any  conséquence  relative  to  the 
afTairs  of  the  Family  I  could  not  find  it  amongst  the  vouchery  etc. 
However  on  persevering  in  my  search  I  hâve  the  pleasure  of  inform- 
ing  you  that  I  hâve  now  found  it;  you  will  be  so  good  to  send 
me  a  Line  by  the  post  authorizing  me  to  transmit  it  to  Lord  Ba- 
got,  which,  with  his  Lordship's  Acknowledgement  to  meofthe 
rec[eipt]  of  it  will  be  a  sufficient  justification  to  me  in  case  of 
any  enquiries  by  the  friends  of  the  deceased  Rousseau.  I  hâve  the 
honour  to  be  Sir  Your  iMost  Oblidged  and  Obedient  servant. 

Bail  Haye,  S  sep.  1784. 

III 

[Ed.  Maimvaring  to  J.  Davenport*]. 

Sir,  As  Lord  Bagot  seemed  so  very  desirous  to  see  Rosseau's  Will, 
I  am  extremly  glad  to  hear  you  hâve  been  so  lucky  to  find  it.  I 
cannot  suppose  it  will  ever  be  of  any  conséquence,  therefore  am  very 
willing  you  should  let  his  Lordship  hâve  it.  There  is  no  doubt, 
but  he  will  be  sure  to  acknowledge  the  receipt  of  it,  which  will  be 
a  sufficient  justification  both  to  you,  and  myself,  whatever  may 
chance  to  happen  hereafter.  Yours  sincerely. 

,,,,  .  ,  Ed.  Mainwaring. 

Whitmore.  .Sept,  the  i3th  1784. 

'  En  Staffordshire,  à  20  milles  de  Wootton 

2  Br.  Mus.  Add.  29627,  f.  5. 

"  John  Davenport,  co-héritier  de  Marton,  avec  Phébé,  petite-fille  de 
R.  Davenport  ;  cf.  Appendices,  Aa,  n.  7. 

*  Br.  Mus.  Add.  29627,  tf.  6,  7.  -  M' Davenport  \  Bail  Haye  I  near 
Leek  \  Staifhrdshire. 


298  ANNALES   DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

IV 

[./.  Davenport  to  Lord  Ba^ol.^ 

My  Lord,  I  hâve  by  the  direction  oCM.  Mainwaring  of  Whitmore 
inclosed  to  your  Lordship  the  will  of  the  late  J.  J.  Rousseau  toge- 
ther  with  a  paper  to  which  it  refers.  When  your  Lordship  consi- 
ders  that  there  is  a  possibility  of  an  enquiry  after  thèse  papers  by 
the  représentatives  of  the  testator  and  that  they  were  given  into 
my  hands  in  trust  to  take  care  of,  and  that  consequently  I  may  be 
answerable  for  them,  I  believe  you  Lordship  will  not  be  offended 
at  my  presuming  to  désire  the  faveur  of  literal  copies  of  them 
together  with  your  Lordship's  acknowledgement  to  me  that  the 
originals  are  in  your  possession.  I  hâve  the  honour  to  be,  My 
Lord,  Your  Lordship's  obliged  servant 

J.  1). 
Bail  Hâve,  26  Sep.  1784. 

C.  Anecdote  sur  Rousseau  à  Douvres  (1767) 

To  the  Philological  Society. 

DoVER. 

Gentlemen, 

The  following  Anecdote  may  be  depended  on  as  a  fact.  Its  inser- 
tion in  the  European  Magazine  will  further  oblige  your  corres- 
pondent RUSTICUS. 

Anecdote  of  J.  J.  Rousseau. 

In  the  year  -1767,  Rousseau,  piqued  at  the  neglect  with  which  he 
found  himself  treated  in  this  kingdom  after  his  ridiculous  char- 
ges against  his  friend  David  Hume,  quitted  Wooton  in  Derbyshire 
very  abruptly  —  even  without  acknowledging  the  many  ,civilities 
he  had  received  .from  M'  Davenport.  to  whom  the  house  he  had 
resided  in  belonged,  and  for  the  use'of  which  he  was  indebted  to 
that  gentleman's  friendship  for  Mr  Hume.  On  his  arrivai  at  Dover, 
in  Kent,   as  the   wind  or  tide  did  not  serve  for  the  passage-boats 

to  sail  immediately,  he  received  an  invitation  to  dine  with  P 

F ,  Esq.  a  respectable  character  of  that  place.  Whilst  at  ta- 
ble, he  expressed  the  greatest  impatience  to   be  at  sea.  and  could 

>  Bt:  Mus.  Add.  29627,  f.  8. 


AiM>KNnicit:s  299 

not  be  persuaded  but  Mr  F.  — had  been  requested  by  General 

Conwax .  then  Secretary  of  State,  to  detain  him.  In  this  belief  he 
arose  l'rom  table  repeatedly,  ran  to  the  window,  and  eagerly  loo- 
ked  if  the  wind  was  fair.  Ât  last,  in  spite  of  every  assurance  from 
his  kind  entertainer,  that  he  was  at  liberty  to  do  as  he  pleased, 
his  fears  so  overcame  his  reason,  that  he  hastened  on  board  the 
boat,  which  then  lav  drv  in   the   harbour,  and  shut  himself  up  in 

the  cabin.  At  this  want  ot"  confidence  in  John  James,  Mr  F 

asked  his  gouvernante,  an  elderly  lady  who  resided  with  him 
under  that  appellation,  what  method  it  would  be  most  eligiblc 
to  pursue  to  bring  the  eccentric  philosopher  from  his  hiding- 
place.  She,  well  acquainted  with  ail  his  extravagancies,  and  with 

herown  power  over  him,  went,  at  Mr  F 's  request,  after  the  run- 

away.  She  began  with  displaying  the  very  impolite  manner  in 
which  he  had  returned  the  attentions  of  that  gentleman,  and  how 
much  beneath  a  man  of  sensé  it  was  to  act  as  he  had  done.  Every 
one  who  knows  anv  thing  of  Rousseau,  knows  the  opinion  he 
enteriained  that  every  individual,  every  nation  combined  to  render 
him  an  object  of  contempt  and  misery.  He  supposedthat  every  one 
knew  his  person  and  his  historv,  and  thence  became  suspicious 
of  everv  one.  With  this  idea  ever  in  his  mind,  he  was  apprehen- 
sive  that  the  account  of  the  wind's  not  being  fair,  was  only  a 
pretext  to  detain  him  in  this  kingdom.  What  could  induce  him  to 
suppose  the  English  wished  to  hinder  his  return  to  France,  it 
would  be  difficult,  I  believe,  to  ascertain.  Be  that  as  it  rnay,  the 
good  lady's  rhetoric  was  ail  given  to  the  wind.  At  last,  vexed  at 
the  obstinacy  of  John  James,  she  began  to  menace  and  abuse 
him  most  unmercifuUy,  with  ail  the  Avarmth  of  female  indigna- 
tion. This  had  the  desired  effect  :  the  poor  philosopher,  ever 
wishing  to  live  in  peace,  and  vielding  more  to  the  violence  of  her 
rage  than  the  force  of  her  arguments,  foUowed  the  good  lady, 
trembling,  to  the  shore. 

He   returned   to  Mr  F *s   house,   and   conversed  sociably 

with  that  gentleman  and  his  family  till  late  in  the  evening.  Among 
other  things  he  expressed  a  fear  that  there  might  be  in  his  wri- 
tings  some  sentiments  which  the  vulgar  misunderstanding,  and 
his  enemies  misrepresenting,  would  prove  prejudicial  to  the  inte- 
rests  of  religion.  He  said  he  wrote  to  men  of  sensé  and  feeling 
only  —  ahvavs  from  the  heart,  and  with  the  purest  intentions.  — 
'.  I  am  not  ignorant  of  the  human  mind,  (continued  he)  I  know 
what  influence  the  writings  of  a  man  even  so  little  known  to  some 
as  I  am,  may  hâve  upon  the  thoughtless  part  of  mankind.  Hence  I 
tremble  to  think  of  the  effect  which  the  Confessions  of  Faith  of  a 


300  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

Savoyard  Vicar,  published  in  my  Treatise  on  Education,  mav 
produce  in  the  minds  of  the  weak  and  undiscerning!  I  am  thc 
most  misérable  of  men  !  Before  I  commenced  author,  no  one  en- 
joyed  life  with  greater  delight  than  I  did!  At  the  âge  of  forty,  a 
question  posed  by  the  Academy  of  Sciences  at  Dijon  in  Burgundy, 
raised  my  ambition  to  become  an  author.  Success  made  me  fool- 
ish  enough  to  continue  one,  and  from  that  period  hâve  I  been 
the  most  persecuted,  banished,  and  unhappy  of  the  human  race. 
Every  circumstance  of  my  life  has  been  maliciouslv  held  forth  to 
the  public  view,  and  ahvays  in  a  false  light.  » 

I  hâve,  somewhere,  a  copy  of  French  verses  written  by  Rous- 
seau on  his  wife,  which  a  gentleman,  just  returned  from  France, 
put  into  my  hands  a  few  weeks  since.  As  I  hâve  not  seen  them 
in  print,  thev  shall  be  at  your  service  very  soon,  being  at  présent 
mislaid. 

European  Magasine  and  Londun  Review.  Oct.  17S7,  pp.  295,  2q(')  '. 

D.  Rectifications  et  adjonctions. 

(Edition  Hachette.) 

Plusieurs  des  lettres  publiées  par  Hachette  qui  se  rapportent 
aux  années  1766  et  1767  ne  sont  pas  datées  ou  le  sont  incomplète- 
ment ou  même  faussement  ;  parfois,  le  destinataire  est  inconnu. 
A  l'aide  de  nos  documents  et  d'autres  sources,  nous  essayerons 
de  corriger  ou  de  compléter  quelques-unes  d'entre  elles-. 

I.  Œuvres,  t.  XI. 

p.  .S04,  DCCXL'VIII,  à  la  M'^e  de  Créqui,  3^  janvier  1766. 
p.  314,  DGGLIX,  à  M.  le  Comte  OrlofT,  Alton,  23  fév.  ijhj*. 
p.  .118,  DCCLXV,  à  Hume,  29  mars  1766-^ 
p.  327,  DCCLXXHI,  à  Miiord  Strafffird^  7  avril  i-^bù. 

'  La  traduction  qu'en  a  publiée  le  Journal  de  Genève  du  8  novembre 
17SS  — et  que  M.  Eugène  Ritter  nous  a  indiquée  —  est  fragmentaire. 

-  Nous  soulignons  les  mots  en  discussion. 

s  Cf.  p.   107,  I. 

^  Cf.  p.  64,  note  6. 

^  Il  faut  compléter  cette  lettre  des  lignes  publiées  par  Burton,  0.  c, 
t.  JI.  p.  32  1.'  que  nous  don'nons  d'ailleurs  p.  38,  note  4. 

«  Cf.  p.  261,  II. 


APl'ENpICES  :)OI 

p.  33i,  DCGLXXVIII,  à  Lord  Strafford\  19  avril  1766. 

p.  343,  DCGLXXVI,  au  Général  Gonway,  le  /2-mai  1766. 

p.  352,  DCGXGIII,  a  Granville,  ce  mardi  après-midi^  i^'-  juillet 
1766*. 

p.  352,  DGGXGIV,  à  Granville,  lundi  matin"  janvier  ou  début 
de  février  ij6~'^. 

p.  352,  DGGXGV,  à  Granville,  ce  samedi  matin"'  2  août  ijliô^. 

p.  352,  DGGXGVI,  à  Granville,  ce  samedi  3^  mai  i-jCif)^"  ou 
3  janvier  lyOy^K 

p.  353,  DCGXGVII,  à  Granville,  ce  samedi  soir  ^-. 

p.  353,  DCGXGIX,  a  Miss  Dewes,  ce  samedi^^  6  décembre^*"  176»"). 

p.  363,  DCCCII,  à  Du  Peyrou,  19  juillet  1766 '^ 

p.  373,  DCCGIV,  à  Davenport,  27  novembre^^  1760. 


'  Cf.  p.  262,  III. 

2  et  non  le  23.  Original  de  Neuchâtel,  Ms.  7901. 

3  Ci.  LIanover,  0.  c,  t.  I,  p.  89. 

*  Cf.  «  Voilà  M.  Davenport  qui  m'arrive^K    Or,    il   vint   le    i"  juillet. 
cf.  Burton,  0.  c,  t.  II,  p.  336,  Davenport  à  Hume,  6  juillet  [dimanche]: 
«  /  went  over  to  Wootto)i  on  Tuesday.  » 
=  Cf.  LIanover,  0.  c,  t.  I,  p.  77. 

6  Les  souhaits  de  bon  voyage  s'adressent  au  prochain  départ  de  Gran- 
ville pour  Bath,  où  il  était  dès  le  milieu  de  février;  cf.   Œuvres,  t.  XI, 
pp.  420,  424. 
'  Cf.  LIanover,  0.  c,  t.  I,  p.  81. 

8  L'envoi  du  gibier  reçu  de  Davenport,  qui  l'envoya  le  i"  août; 
cf.  p.  175,  VI.  Mention  en  est  faite  dans  le  P.  S.;  cf.  p.  60,  note  9.  La 
recommandation  de  cuire  aussitôt  le  chevreuil  prouve  que  l'on  était  en 
été;  à  ce  détail  près,  on  eût  pu  dater  ce  billet  du  6  déc.  1766;  cf.  p,  179, 
XIV. 

^  Cf.  LIanover,  0.  c,  t.  I,  p.  81. 

'"  Il  n'y  a  que  ce  samedi  3,  en  1766. 

"  Des  deux  samedis  3  de  1767,  3  janvier  et  3  octobre,  le  premier  seul 
entre  en  ligne  de  compte. 

'2  Cf.  LIanover,  o.  c,  t.  I,  p.  98. 

"  Cf.  p.   248,  III. 

1*  Le  samedi  suivant,  i3  déc,  miss  Dewes  n'était  plus  à  Cahvich; 
Rousseau  prit  congé  d'elle  le  mardi  9  ;  Œuvres,  t.  XI,  p.  401. 

15  Hachette  a  omis  le  premier  paragraphe,  que  voici  :  «  J'a/  reçu,  mon 
cher  Hôte,  à  très  peu  d'intervalles  vos  deux  n°'  2j  et  28.  Vous  faites 
bien  de  vous  en  tenir  à  l'addresse  de  la  dernière  ;  n'en  change^  point 
jusqu'à  nouvel  avis.  Mais  si  vous  pouve^  employer  de  plus  grand  papier 
et  ne  point  faire  d'enveloppe  vous  me  fere^  plaisir,  parce  que  la  plus  pe- 
tite enveloppe  paye  beaucoup  plus  que  la  plus  grosse  lettre  simple.  » 
(Bibl.  de  Neuchâtel,  Ms.  7901.) 

'S  Cf.  p.   i3i,  XXIII. 


302  ANXALHS    DE   LA   SOCIKIH  .1.   .1.    ROUSSEAU 

p.  38o,  DCCCVIII,  à  Rey,  23'  août  176»'). 
p.  391,  DCCCXVIII,  à  Madame  de  Wartensleben-. 
p.  403,  DCCCXXIX,  à  M.  Roustan\  23*  janvier  1707. 
p.  404,  DCCCXXX,  à  Malthus-',  janvier  1767. 
p.  420,  DCCCXLIV,  à  Granville,  ce  mardi  matin^.  février  17Ô7. 
p.  414,  DCGCXLX,  à  Granville,   te  vendredi  soir    1  h  janvier'' 
.767. 

2.  Œuvres,  t.  XII, 

p.  27,  DCGGLXXXII,  a  Granville,  i^r  août  1767^ 

1  Cf.  Bosscha,  o.  c,  p.  271,  23  août  1766,  n°  142.  —  Lettres,  A,  p.  119, 
Rousseau  à  Becket,  2'i  août,  XIV. 

-  Cf.  p.  169,  i3  sept.   1766,  note  6. 

s  Cf.  p.  236,  note  i,  23  déc.  1766,  \ . 

«Cf.  p.  i38,  note  i,  23  janv.  1767,  XXVIII. 

*  Cf.  p.  208;  le  détail  de  la.  ferme  solitaire  réunit  ces  2  lettres. 

«Cf.  Llanover,  o.  c,  t.  I,  p.  71,  où  est  aussi  indiqué  comme  P.  5. 
le  dernier  paragraphe  dé  Hachette. 

'  Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  77;  Lettres,  C,  p.  25o,  I. 

«Llanover,  0.  c,  t.  I,  p.  121,  cite  la  lettre  avec  le  P.  S.  suivant: 
«  Vous pouve\,  Moyisieur,  si  vous  me  faites  l'honneur  de  m'écrire,  ad- 
dresser  votre  lettre  à  M.  Josué  Rougemont,  banquier,  GREES  LET- 
]  ICE  LAXE,  Cannon  Street  à  Londres.  Il  me  la  fera  parvenir  .^) 


3o3 


TABLES 
Table  de  la  Correspondance  inédite  ^ 

I.    Destinataires". 


Becket,  ii  août  1766  (XIII,  1 181  —  23  août  (XIV,  119). 

Boswell,  2  août  17(36  (IX,ii5). 

Chancelier  ilord),  5  mai  1767  iXXXIX,  i5ô|. 

Créqiii  (marquise  de),  3  janv.  1766  |I,  107. 

Davenport,  11  mars  1766  (II,  107)  —  3i  mars  iIII,  loq)  —  19  avril 
(IV,  iioi  —  28  avril  (V,  112)  —  27  mai  (XLVII,  172)  —  28  juin 
(VII,  114)  —  24  ou  3i  juillet  (VIII,  ii5)  —  9  août  (XI,  116)  — 
6  sept.  iXV,  1201  —  II  sept.  (XVI,  121  ;  XVII,"i22)  —  4oct.  (XX, 
125)  —  14  oct.  (XXI,  125)  —  27  nov.  (XXIII,  i3i)  —  5  déc. 
(XXIV.  i33i  —  22  déc.  (XXV,  134)  —  23  janv.  1767  (XXVIII, 
r37i  —  3i  janv.  iXXIX,  i38  ;  XXX,  140)  —  2  fév.  (XXXI,  142) 
—  5  fév.  (XXXII,  143)  —  9  fév.  (XXXIII,  144)  —  mars  (XXXV, 
i52)  —  0  avril  (XXXVI,  02)  —  3o  avril  (XXXVIII,  154)  —  14 
maiiXLI,  159)  —  18  mai  (XLII,  160)  —  i5  déc.  (XLIII.  160)  — 
2  nov.  1768  (XLIV,  i63)  —  17  mars  1769  (XLV,  i65). 

Du  Peyroii,  171)6  (XXVI,  i36;  XXVII,  137). 

Granville,  2  août  1766  (60  n.  9)  —  1766  (60  n.  101  —  16  janv.  1767 
(41  n.  (Il  —  29  avril  (XXXVII,  i53). 

Guy,  i?  nov.  i7("j6  (XXII,  127)  —  fév.  1767  (XXXIV,  147I. 

Hume,  17  mars  1766  (33  n.  3)  —  29  mars  (38  n.  4). 

Jessop,  i3  mai  1767  (XL,  157). 

Kenrick,  20  sept.  1766  (XVIII,  i23|. 

Lucadou  et  Drake,  4  août  17(36  (X,  116)  —  11  août  (XII,  117). 

Portland  1  duchesse  de),  (61  n.  3  ;  (33  n.  6). 

Rousseau,  Jean,  sept.  1766  (XIX,  124). 

Vaillant,  avril  i7(36  (VI,  11 3). 


1  Les  chiflres  romains  entre  parenthèse  indiquent  le  numéro  de  la 
série,  les  chiffres  arabes  désignent  la  page. 

'  Il  s'agit  uniquement  des  destinataires  des  lettres  écrites  par  Rous- 
seau . 


304  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

II.   Expéditeurs  \ 

Beauteville,  g  mai  1766  (2(59). 

Becket  la  Davenport),  6  sept.  176(3  I286). 

Boothby,  ïi  déc.  1766  (I,  263)  —  24  fév.  17(38  ill.  2(341. 

Cossé,  25  juillet  1771  (274). 

Cowper  (à  Davenport),  6  juin  1767  (287). 

Davenport,  ï"  avril  1766  (I,  173)  —  3  avril  (11,  1741  —  6  juin  iIII, 
174)  —  21  juin  (IV,  175)  —  3o  juin  iV,  173)  —  là  Humel  3o  juin 
(290)  —  ler  août  (VI,  175)  —  8  sept.  (VII,  1761  —  10  sept.  (VIII, 
1761  —  i3  sept.  lIX,  177)  —  14  sept.  |X,  177)  —  16  oct.  (XI,  178) 

—  26  nov.  (XII,  178)  —  ^r  déc.  (XIII,  170)  —  5  déc.  (XIV,  179) 

—  7  déc.  IXV,  1791  —  9  dec.  (XVI,  179)  —  i5  janv.  1767  (XVII, 
180)  —  20  janv.  (XVIII,  1801  —  22  janv.  (XIX,  181)  —  27  janv. 
(XX,  182)  —  3  fév.  (XXI,  i83)  —  5  fév.  (XXII,  1841  —  10  fév. 
(XXIII,  i85l  —  14  fév.  (XXIV,  186)  —  25  fév.  (XXV,  187)  —  28 
fév.  (XXVI,  187)  —  5  mars  (XXVII,  188)  —  12  mars  (XXVIII, 
]88)  —  19  mars  (XXIX,  189I  —  24  mars  (XXX,  189  ;  XXXI,  190) 

—  26  mars  (XXXII,  191)  —  3i  mars  (XXXIII,  192)  —  2  avril 
(XXXIV,  192)  —  II  avril  (XXXV,  193)  —  16  avril  (XXXVI,  193) 

—  4  mai  (XXXVII.  194)  —  18  mai  (XXXVIII,  194)  —  23  mai 
(XXXIX,  196)  —  4  juillet  (XL,  196)  —  25  juillet  (XLI,  197)  — 
17  oct.  (XLII,  198)  —  3i  oct.  (XLIII,  1991  —  16  fév.  1768  (XLIV, 
200;  XLV,  201)  —  8  avril  (XLVI,  201)  —  !«■■  janv.  1769  (XLVII, 

■    2021. 

Dempster  la  Davenport)  —  21  août  17G6  (286)-. 

Dewes,  Mary,  29  nov.  1766  (I,  248)  —  nov. -déc.  (II,  248)  —  6  déc. 

lili,  248)  —  18  déc.  (IV,  249)  —  6  nov.  1767  (V,  249)  —  1776  (100 

n.  I). 
Du  Peyrou  (à  Hume),  4  mai  176(3 1288). 
Duiens,  F.,  3i  oct.  1766  (247). 
Dutens,  L.  (à  Davenport),  11  janv.  1767  |I,  284) —  12  janv.  (I,  239) 

—  12  fév.  (II,  240)  —  26  féy.  (III,  241)  —  5  mars  (IV,  24?)  —  19 
mars  (V,  244)  — ^  (à  Davenport)  3o  mars  (II,' 285)  -=-  5  nov.  (VI, 
246)  —  10  fév.  1768  (VII,  246)  -^  (à  Davenport)  22  mars  (III,  285|. 

Granville,   16  janv.    1767  (I,  25o)  —  9  mars  (II,  25o)  —  6  nov.  (III, 

25  II. 

Gregory,  i^r  fév.  1766  (266). 
Hall,  3i  janv.  1766  (265). 

'  Expéditeurs  des  lettres- adressées  à  Rousseau  et  à  divers. 

—  .\  la  page  286,  le  nom  du  mois  est  tombé  pendant  l'impression  du 
texte. 


TABLES  3o5 

Hnme  (à  Davenport)  27  mai  1766  (I,  275)  —  (à  Davenport)  19  juin 
(II,  276)  —  (à  Davenport)  juin  (III,  276)  —  (à  Davenport)  26  juin 
(IV,  V,  278)  —  (à  Davenport)  4  juillet  (VI,  279)  —  (à  Davenport) 
i5  juillet  (VII,  280) —  (à  Davenport)  22  juillet  (VIII,  281)  —  (à  Da- 
venport) 2  sept.  (IX,  281)  —  (à  Davenport)  ler  juillet  1767  (X,  283). 

Jeasop,  10  mai  1767  (273). 

Kenrick,  g  sept.  1766  (270). 

Lamande,  3  oct.  1766  (271). 

Lucadou  et  Drake,  5  mars  1766  (269). 

Malthus,  16  janv.  1766  (I,  2o3)  —  24  janv.  (II,  2041  —  24  fév.  (III, 
2o3l  —  26  fév.  (IV,  206)  —  27  fév.  (V,  207)  —  12  mars  (VI,  208) 

—  (à  Thérèse  Le  Vasseur)  i3  mars  (VII,  209)  —  29  mars  (VIII, 
210)  —  ler  avril  (IX,  212)  —  18  juillet  (X,  214)  —  ler  déc.  (XI, 
2i5)  —  6  août  1767  (XII,  217)  —  14  déc.  (XIII,  219)  —  24  janv. 
1768  (XIV,  219). 

Morel-Disque,  3  mars  1766  (268). 

Nnneham,  27  janv.  1767  (I,  222)  —  10  fév.  (II,  223)  —  19  fév.  (III, 
224)  —  28  fév.  (IV,  224)  —  7-12  mars  (V,  225)  —  7  avril  (VI,  229) 

—  7  mai  (VII,  227)— 27  juillet(VIII,228)  — 22  janv.  1768  (IX,  228). 
Rongemont  (à  Davenport),  20  août  1767  (287). 

Rotisseau,  Jean,  3o  sept.   1762  (I,  25i)   —  4  mai   1766  (II,  256)  — 

s.  d.  (III,  257)  —  II  sept.  (IV,  258)  —  17  nov.  (V,  259). 
Roustan,  28  août  1766  (I,  229)  —  11  oct.  (II,  23i)  — 24  nov.  (III, 

2331.  —  i3  déc.  (IV,  235)  —  23  déc.  (V,  233)  —  9  fév.  1767  (VI, 

236)  —  10  mars  (VII,  2381  —  5  mai  (VIII,  238). 
Stewart,  1767  (272). 

Stonhewer  (à  Davenport),  22  janv.   1767  (182  n.  i). 
Sfrafford,  28  mars  1766  (I,  261)  —  10  avril  (II,  261)  —  24  avril  (III, 

262). 


Index  des  noms  cités  ^ 

Abauzit    (Firmin  ;     1679-1767),  Allen  (of  Tarpoley),  293. 

23o,  23i,  237,  238.  Ally  (Miss),  5o,   i33,    i38  n.  3, 

Achates,  211,  2i3.  139,   144,   176  n.   3,   177,  179, 

Adam  (Mrs.),  3o  n.  i.  180,  194,  198. 

Adanson    (Michel;    1727-1806),  Ami,  23i. 

149.  Andover     (viconitesse),    64,    66 

Alembert  (Jean  Le  Rond  d';  1717-  n.  i. 

1783),  280.  Arburton,  267  n.  i. 

»  Par  l'adjonction  des  prénoms  et  des  dates,  nous  avons  tenté  de  faire 
de  cet  index  un  utile  complément  biographique  à  notre  mémoire. 

20 


3o6 


ANNAI,ES   DE   LA   SOCIETE  .1. 


ROUSSEAU 


Argyle     (Archibald    Campbell, 

duc  d';  1682-1761),  Son.  9,  226. 
Aristophane,  216,  263. 
Armstrong     (Dr    John;      1709- 

17791,281. 
Ame  (Thomas  Augustine;  1710- 

1778),  19  n.  I. 
Aylesburv  (comtesse  Caroline), 

18  n.  7.'  20  n.  3.  33. 

B*agnal  (Phébéi.  5i  et  n.  3. 
Bagot    (baron    William  :    1728- 

1798),  173,  296  et  n.  4,  297. 
Bagshaw  (Josephi,  5i  n.  3,  295. 
Baker,  76  n.  9,  187. 
Ballet  (chevaHer  de),  (»(>• 
Barth,  8. 
Bath    (William    Pultenev,   earl 

of  ;  i()84-i7()4),  226. 
Bauhin    (Gaspard;    1560-1624), 

i5o,  i5i. 
Baxter  (Alexandre),  64  n.  G. 
Beauclerk  ( Topham;  1 73()-  i  780) , 

38,  179. 
Beauchàteau,  23o-232,  237-239. 
Beauteville  (Pierre  de  Buisson, 

chevalier  de;  1703-1790),  234. 
Becket(Thomas),9n.8,  74  et  n.  2, 

75,  76,79,  U7-120, 122, 146, 168, 

i6û,  176,  177,  181,  i82etn.3, 

i83,  252,  256,  258,  259.  271. 
Bedford  (John  Russel,'duc  de; 

1710-1771),  281. 
Birbeck,  2(54. 
Blackwell  (Elizabeth  : /7.  1737), 

220. 
Blair    (Hugh;     1718-1800).    266 

n.  I. 
Blanchisseuse  là  Woottou),  169, 

171- 
Bondeli  (Juhedc;  1731-17781,73. 
Bontemps.  181  n.  5. 
Boothby   (Brooke  ;    1743-18241, 

59  et  n.  4,  98  n.  3,  99,  100  n. 

I.  202. 
Borel,  22  n.  3. 


Boscawen  (Edward;  1711-176^, 

80  n.  9,  226. 
Boscawen  (P>ancesi.  26. 
Boswell  (James;   1740-17951,22 

et  n.  9.  1 1(),  238  n.  2. 
Bouèt  ("famille  Louis),  257. 
Boutflers-Rouvel   (Marie   Char- 
lotte Hippolyte,  comtesse  de; 

1724-1800),  5,  7,  180. 
Brand.  38  et  n.  3,  25o. 
Brandebourg-Schwedt  (  Frédéric 

Guillaume,  margrave  de),  236. 
Breadshaw,  288. 
Bromlev  (Bridget;  1732-?) 

82,  176,  192,  194  n.  2. 
Bromley  (John),  176,  192. 
Bromley(Rév.  Walther  Daven- 

port  ;'?- 18Ô21,  33  n.  i,37n.  4. 
Bruhl  (comte  Jean-Maurice  de: 

17 36- 1809),  27. 
Brunswick  -  Lunebourg      (duc 

Charles  Guillaume  Fe'rdinand 

de:    le   prince   héréditaire^); 

1733-1803),  17. 
Bugnion  (Antoine),  27  n.  5. 
Burke  (Edmond:  1720-1707),  18, 

238  n.  2. 
Burke  (William  ;  ?  -  1798),  187. 
Burton,  72. 
Bute  (John  Stuart;  earl  of;  17 1 3- 

1792),  26,  80  n.  0,  22(),  241. 
Butler  I Joseph;  1692-1732),  204-. 

Calvin   iJean  ;   i3o9-i3()4),   232. 
Camden  (Charles  Pratt.  baron: 

1714-1704).  92,  o3.  i3(")  n.  3. 
Capdevillè,  17"  n.  8. 
Cathcart  (baron  Charles;    1721- 

1776),  2()  et  n.  h,  207. 
Cathcart  (baronne  Jean).  2()  et 

n.  6,  20-7. 
Cathcart    (Sir   W'illiam    Shaw  ; 

1 735-1843),  16  n.  ("). 
Catherine     II     (tzarine  ;     1729- 

i79(')),  ()4  n.  (). 
Caton  d'Utique,  98  n.  3. 


*  E^  non  pas  :  prince  héritier,  ainsi  que  l'indique,  par  erreur,  le  texte. 

2  Le  texte  porte  Apolegy  :  c'est  une  erreur  de  xMalthus  ;  il  s'agit  du 
fameux  ouvrage  :  The  Analogy  of  Religion  Natural  and  Revealed,  to  llie 
Constitution  and  Course  of  Nature.  London,  i7?6.  4*. 


INDEX   DES   NOMS   CITÉS 


Catt  (de),  54  n.  6. 

Cerjeat  (de),  90. 

Chancelier  d'Angleterre  ;  v. 
Camden. 

Charles  I"^:  (roi  d'Angleterre  ; 
1 600-1 6491,  39  n.  (). 

(^larles-Emmanuel  III  (roi  de 
Sardaigne  ;  1701-17731,  247. 

Chatham  1  William  Pitt,  vicom- 
te ;  1708-1778),  188,  214. 

Choiseul  (duc  Etienne  François 
de  ;  17 19- 1785),  I02. 

Christie  (îames  ;  i773-i83n,  78 
n.  9. 

Cicéfon,  22  n.  9. 

Clairon  (Claire  Joséphine  Hip- 
polyte  Legris  de  Latude,  dite 
Mlle;  1723-18031,  226. 

Clarabutt,  268. 

Clermont-Tonnerre  (comte  Ju- 
les Charles  Henri  de  ;  1720- 
1794!,  166. 

Clive  (Catherine;  1711-1785), 
19  n.  2. 

Coindet  (François;  i734-i8o8),53 
n.  5,  97  n.  7,  168,  217  n.  2,  219. 

Cole  (William  ;  1714-1782),  295 
et  n.  I. 

Colombie,  25  r. 

Concierge  ià  Wuotton),  108. 

Condë  (Louis  Joseph  de  Bour- 
bon, prince  de  ;  I73r)-i8i8), 
218. 

Constable,  3o,  208. 

Conti  (Louis  François  de  Bour- 
bon, prince  de;  1717-1776),  5, 
II  et  n.  7.  96,  179. 

Conway  |  Henry  Seymour  ;  1 72 1- 
1795),  33,  83-85,  94,  140,  181, 
i83,  187,  189,  i()i  n.  I,  193, 
•236,  246,  276,  279-281,  283, 
284,  298,  3oi. 

Cordus  "(Valerius  ;  i5i5-i544), 
i5i. 

Cossé  (chevalier  de),  85. 

(^otton  (Charles  ;  i(i3o- 1(1871,  44 
et  n.  2. 

(^ourcelles  (Pajot  de).  96. 

Cowper  (  Georgina  Caroline  Car- 
teret.  comtesse),  62  n.  2,  64. 
loi,  249. 


Ccwper  (John),  41  et  n.  9,  i25 

168,  171,  287  n.  3. 
Cowper  (Mrs   John),  41,  86,  87 

et  n.  I.  287. 
Créqui  (  Renée  Caroline  de  Frou- 

lay,  marquise  de  ;  1714-1803), 

i()'7.  3oo. 

Dalton  (Miss),  219. 

Darwin  (Charles  Robert  ;  1809- 
1882),  58  n.  4. 

Darwin  (Dr  Erasme;  1731-1802), 
58,  59  n.  4. 

Davenport  (Davies  ;  1757- 1837), 
5o  et  n.  5,  53  et  n.  i,  70,  ii5, 
i38,  139,  144,  175  n.  4,  177. 

Davenport  (John),  297  et  n.  3. 

Davenport  (Phébé  ;  1756-1814), 
5o  et  n.  5,  53,  68,  70  n.  i,  97, 
loi,  121,  i38  n.  2,  139,  144, 
i56,  175  n.  6, 177-170,  199,  2o3, 
297  n.  3. 

Davenport  (Richard  ;  1705  f- 
1771),  21  n.  3,  28,  3 1-34,  38- 
41.  49,  5o  et  n.  I,  5i  ef  n.  2, 
52,  53,  54  et  n.  4,  55,  57 
et  n.  4,  59,  68,  6q,  70  n.  i,  75, 
71")  et  n.  2",  77,  79",  81,  82,  83  et 
n.  2,  84,  85,  87-89,  92,  95  n. 
2,  93,  97,  loi,  102, "et  n.  5,  112 
n..  2,  ii3,  120,  121,  127,  140  n. 
2,  i5o,  i53  et  n.  3,  i56,  161, 
i63,  166  n.  I,  168,  172,  173, 
i85  n.  3,  2o3  n.  2,  210,  212, 
215,  217,  218,  222-225,  227, 
229,  236, 239-245,  247, 272  n.  2, 
287,288,  289,  295-298,  3oi. 

Day  (Thomas;  1748-1789),  59 
h.  4. 

Deane  (Sir  Matihew),  68  n.  8. 

Delany  (Mary;  1700-1788),  65, 
66,  6-  n.  I.' 

Deleyre  (Alexandre  ;  1726- 1797), 
272. 

Deluc  (Jean  André;  1727-1817). 
257. 

Deluc  (Jean  François;  1698- 
1780),  23 1,  257. 

Dempster  (George  ;  1732-1818), 
286  n.  2. 


3o8 


ANNAI.KS   DE    LA    SOCIKTK 


ROUSSEAU 


J)evonshire     (William     Caven- 

dish,  duc  de  ;  1720-17G4),  67 

n.  2. 
Dewes,  63  n.  i. 
Dewes  (Court),  100  et  n.  i,  2. 
Dewes   (Mary),  21  n.  3,  61  et  n. 

3,  62,  63,  6'5  et  n.  4,  99,  loo  et 

n.  1.  248,  3oi  et  n.  14. 
Dey  Verdun    (Jacques    Georges  ; 

1734-1789I,  180,  236  et  n.  2,  237. 
Dillenius    (John    James;    1687- 

1747),  219,  222. 
Dinham  (John).  91  n.  4. 
Dinham      (Rév.  '  Dr    Samuel   ; 

?  -  X781),  91  et  n.  4. 
Dodd  (James   William;    1740?- 

1796),  u)  n.  2. 
Domestiques   {à   Wootton),    36, 

40,  41,  70,  71  n.  I,  86  et  n.  3, 

7,  8g,   102,    108,  iio,  ii3-ii5, 

i35,   164,   168,   169.    171,    190, 

195  et  n.  196. 
Drake,  116,  117. 
Duchesne  (Mme),   u,    i3i.  i5o, 

264. 
Duchesne  (Mlles),  i3i,  i5o. 
iJulau,  78  n.  9. 
Du  Pevrou  (Pierre  Alexandre  ; 

I729-I794),     J2    n.   2,  21-23,   32, 

.  56  n.  'f.  73  et  n.  8,  74  n,  8,  76 
n.  3,  77  et  n.  5,  79,  88  n.  7, 
90,  loi,  1 16  n.  2,  i36,  i37,  161 
n.  2,  169,  171,  234,   25(),  3oi. 

Durand  de  Distroff  (François 
Marie  :  1714-1778)-,  229  et  n.  2. 

Dutens  (Frédépic),  78,  99  n.  i, 
127  et  n.  3,  245,  246. 

Dutens  (Louis  ;  1730-1812),  76 
et  n.  6  et  10,  77,  78  et  n.  9, 
81,  84et  n,  8,  86  n.  7,  88,98, 
129,  143,  148  n;  I,  i33,  180, 
18Î  -n.  I,  184-186,  188,  189,, 
191-193,  240.  246. 

Edgeworih  (Richard  Lovell  ; 
1744-1817),  59  n.  4,  70  n.  I. 

Edmondstoune  (colonel  J.),  9 
n.  9. 

Eliot  (Marian  Evans,  dite  Geor- 
ge ;  1819-1880),  40  n.  1,  42  n. 
I,  43  n.  "i. 


Elliot  iMiss),   14  n.  9,  260,  284. 
Eternod,  74  n.  2. 
Evelyn    (Sir  John  ;    >  -   1767), 
3o,  3i  n.  I.  20S. 

F.  iP.),  298,  299. 
Faugnes  (dei,  24  n. 
P'augnes  (Mme  de).  23,  24  n. 
Fénelon  I  François  de  Salignac 
de  la  Mothe  (î63i-i7i5|,  218. 
Finney  (Samuel).  41,  68,  169  n, 

1,  ni- 

Fitzherbert  1  William  ;  ?-i772), 
64,  75  et  n.  5.  gi  n.  4,  i 16 
n.  5,  181  n.  3.  182-184. 

Foley,  228. 

Frédéric  II  (roi  de  Prusse;  1712- 
1786).  54  et  n.  (),  289. 

Garrick  (David:  1717-1779),  i(S, 
H)  et  n.  2,  20  n.  i. 

Garrick  (Mrs  David),  19. 

Garville  (Gigot  de),  23. 

Genevois,  49,  i39.  i43,  i85  et  n. 
3,  234,  236. 

Genlis  (Stéphanie  Félicité  Du- 
crest  de  Saint-Auhin, comtesse 
de  ;  1746-1830),  II  n.  8. 

Georges  III  (roi  d'Angleterre; 
1738-1820),  18,  19,  80,  83-85, 
144,  145,  162,  182-186,  189, 
191,  195,  196,  220,  227-229, 
238,  245-247,  266  n.  I,  275, 
276,  283. 

Gérard  (John;  i545-i6(2),  i54, 
2iq. 

Gillbe  (William),  268. 

Giroux,  12  n.  4. 

Gogain,  ()8  n.  3. 

Goldsmith  (Olivief  ;  1728-1774), 
20,  238  n.  2. 

Gosset  l'Ancien  (Isaac  ;  1713- 
1799),  32  et  n.  5,  56  n.  3,  289 
n.  I. 

Graeme,  83,  279. 

Grafton  (August  Henry  Fitzroy, 
duc  de;  1 735- 181 1),  75,  140, 
141,  143,  182  et  n.  I,    i83,  184 


INDEX   DES   NOMS   CITÉS 


309 


Granville  (Bernard;  1699-1775), 
59  et  n.  6,  60  et  n.  3.  61  et  n. 
3,  63  n.  6,  64,  65,  66  n.  4,  68, 
87  et  n.  5,  88,  97  et  n.  \u,  100, 
i53  et  n.  3,  160,  i65,  [()8,  171, 
193,   198,  2U2.  25o,  3oi,  3o2, 

Granville  (Sir  Beville),  59  n.  6. 

Gray  (Thomas;  1716-1771'),  204. 

Gregory  (Dr  John;  1724-1773), 
18,  21  n.  3.  2Ô6  n.  I. 

Gresset  (Jean  Baptiste;  i7n9- 
1777),  96. 

Griffiths  (Ralph;  1 720-1803),  25. 

Grosley,  i3  n.  7. 

Guercny  (Claude  François 
Louis  Régnier,  comte  de  ; 
1715-1767),   181  n.  5,  22(|  n.  2. 

Guinand,  289. 

Guy,  22,  24,  99  n.  1,  114,  127  n.  5, 
i3o,  148  n.  I.  171,  239,  244- 
246. 

Haendel      (Georges      Frédéric  ; 

i685-i75()|,  60  et  n.  r. 
Hake  (RévV),  58. 
Hall  (colonel  Johni.    18.  27 j  et 

n.  3. 
Hamilton     1  amiral    Archibald), 

26  n.  6. 
Hankey,  289. 
Harcourt;  v.  Nuneham. 
Helvétius  (Claude  Adrien;  1715- 

1771),  186. 
Henriette,  ^7,  221. 
Hertford      (Francis      Seymour 

Conwav,    marquis   de;    171g- 

1794),  282. 
Hill  (Aaron  ;  id85-i75o),  19. 
Hill  (John;  I7i6?-i775|,  220. 
Holderness  (Robert  d'Arcy,  earl 

of;  17 18- 1778),  284. 
Holland    (Charles;    1733-1769), 

19  n.  2. 
Hondt  (Peter  Abraham  de),  74 

et  n.  2,  117,  118,  256,  258,  271. 
Horace,  263  n.  3. 
Hôtelier  (à  Douvres),  qb. 
Houbraken  '     (Jacques;     1698- 

1790),  226. 


Houdetot  (Elisabeth  Sophie 
Françoise  de  Lalive  de  Belle- 
garde,  comtesse d';  i73o-i8r3i. 

9- 
Huber    iJean  ;     1721-1786),   225. 
Hudson  (William  ;  1730?- 17931. 

221. 
Hume  (David;  171 1-1776),  5,  6.  <\ 

et  n.  S  et  9.  10,  r  r,    [3-t7,  2<i. 

21    n.   3,   22   n.  q,  27,  28,  3o  et 

n.    I.   32-34.  38. '55,  56,  68,t69. 

70  n.  I,  83-85.  91  n.  4,94,  108. 

loi).      114,      121.      I2()_,      l32,      l3('), 

137,  .144,     (74.    176-iSo.    i83. 

187,      20(>,      2()(|.      2!(),      212-21(1. 

223,   23o,    234,    238,    23().    251") 
n.   3,  257-260,   2()3.   26(r  n.    1. 
267,   272,   273,  27S  n.   2.   295. 
296,  298,  3oo. 
Hutton  f James  ;  [7i5-i7()5),  238. 

Ivernois  (P'rançois  Henri  d' : 
1722-1778),  57.  127  n.  5,  142. 
168,  i83,  23 1.  270,  272. 

Jacques  (=  J.-J.  Rousseaui,  ()(i. 
Jardinier  (i  ]'\'ootloiii,  41. 
Jardinier   français    (à    FiillianiL 

16. 
Jean;  v.  (Jowper  (John). 
Jessop  (Edmondi,  ()i. 
Johnson  (D"'  Samuel;  1709- [7841, 

r8,  24   n.    7.   43  n.  r,  75  n.  5. 
Joy,  3o,  208. 
Junet,  22. 

Keith;  v.  Marshall. 

Kenrick  iWilliam;  1725  ?-i77()), 
21  n.  3.  123  n.  (),  i6(). 

Kildare  (Emilia  Mary  Fitzge- 
rald, marquise  de).  65  et  n.  5. 
66  n.  1. 

Kildare  (James  Fitzgerald,  mar- 
quis   de;   1722-17731, "65  n.  5. 

King  (Thomas;  I73o-i8o5),  19 
n.  2. 

Konig,  8,  148.  i5o. 

La  Chalotais  i  Louis  René  de 
Caradeuc  de;  1701-1785).  24-I . 


Et  non  pas:  Houhraker,  donné,  par  erreur,  dans  le  texte. 


ANNALES    DE    LA   SOCIETE  J,    .1,    ROUSSEAU 


I-aliaud,  127.  128,  23<),  240,245, 

257-i5o. 
Lamande  (.laquotK   58  et   n.   i, 

234. 
La  Marck  (comtesse  de),  ?. 
Lambert     (Marie   :     1728  -  ?  ), 

148  n.  4. 
La  Roche  (M.  et  Mme  dei.  128. 
Lausanne  (Mme),  5o  et  n.  6,  1 1 1 , 

II 5,   i33,   i38  n.  3,   i3c),   144, 

146,    176.    i7().   180.    187,    i()4, 

198,  205. 

Lee  (John  ;    •' -  1781),    uj  n.  2. 

Leibniz  (Godefroy  Guillaume  ; 
1646-1716),  76  n'.  6,  246. 

Lenieps  (Toussaint  Pierre:  i6()7- 
1774I,  148,  235.  25o. 

Lenormand,  qG. 

Le  Vasseur  (Mme),  128,  i33. 

Le  Vasseur  (Marie  Thérèse: 
1721-1801),  7,  18  n.  7,  21,  22 
et  n.  9,  23  et  n.  8,  24,  3o,  32, 
33,  39,  41,  42,  53,  70,  71,  73 
n.  8,  86  et  n.  7,  89,  94-97.  lo" 
n.  2,  iii-ii3,  ii"5,  116,  121, 
123,  125,  126,  i33,  i38,  i3q, 
144, i53-i55,  160, 172, 174-203, 
209-218,  224-227,  229,  23l,  25l, 
257-259,    261-,    264."  265,    268, 

■  277,  284,  287.  V.  Zell. 

Lewis,  76.  120,  126,  i33,  166, 
175-179,   .187-189,     191,     196, 

199,  218  n.  I,  243,  259,  288.' 
Linné  (Charles;  1707-1778I,  ix», 

220,  221.  '  "  ' 

Lowndes    (Charles),     iq5.    196, 

284,288. 
Lucadou,  74  n.  8.  1 16-1 18,  168 

et  n.  4.  239,  257-259,  261,  269. 
Luxembourg  (Madeleine  Angé- 

liquÉ;    de    Neuville    Villeroi, 

maréchale  duchesse  de  ;  1707- 

1787),  149.  269. 
Luze  (de),' 7,  8^  10,  n,  12  n.  4, 

14,  27,  88  n.  7,  290. 
Luze  (Mme  de)  i3  n.  3. 
Lvttelton  (baron  George;  170Q- 

'1773),  280. 

Mackenzie  (Stuart),  240,  241. 
Mainwaring  (Edward),  173,298. 


Malthus  (Rév.  Daniel;  i-j'io- 
1800),  28  n.  7,  29-32,  57  et  n.  2, 
9(),  10 1,  168,  220  n.  I,  3o2. 

Mâlthus  (Mme  Daniel),   3i,    57, 

207,  209,  210.  217,  221. 
Malthus  ("Thomas  Robert;  1766- 

1834),  29. 
Mandrot,  74  n.  2. 
Marchand,  257. 
Marshall   (George   Keith.   earl  ; 

1686-1778),   6,   7,  9,  27,  68  et 

n.  5,  80,  83,   137,144,   168  n. 

I,  169,  171,  189,  192  n.  I,  204, 

208,  225,  234,  279,'  289  n.  2. 
Mattioli  (Pietro  Andréa;  i5on- 

1577).  i5i. 

Maty  (D'-  Matthieu  :  171S-1776), 
239  et  n.  I,  252,  254,  255. 

Médiateurs  {à  Genève).  23o,  232, 
234,  235.  237,  258. 

Meuron  (de),  290, 

Michel  (Abraham  Louis  ;  1712- 
1782),  234  et  n.  2. 

Micheli  (Pietro  Antonio  :  i67()- 
17371,  i3i. 

Millan.  222. 

Miller  (Philip:   1691-1771),   22(j. 

Mineurs  {à  Stantoh),  72  et  n.  3, 
168. 

Mirabeau  (Victor  Riquetti,  mar- 
quis de;   1716-1789),  287  n.  2. 

MontmoUin  (Frédéric  Guillau- 
me de  ;  1709-1783),  253. 

Moody  (John  Cochran,  dit  ; 
i727?-i8i2),  lO  n.  2. 

Morel-Disque,  23  n.  i . 

Morison  (Robert;  i62o-i683), 
219,  221.  222. 

Morrison  (colonel),  204,  218. 

Mouchon,  257. 

Moultou  (Paul:  1725-1785*,  ^38. 

Mur'e,  277. 

Notable  (à  Douvres),  94. 
Nourrice  (de  Davenpôrt),  41,86 

et  n.  7. 
Northumberland         (Elizabeth 

Percy,  duchesse  de),  245. 
Northumberland  (Hugh  Percy, 

duc  de;  17 15-1786),  220. 
Nuneham  (George  Simon  Har- 

court,  vicomte:  1736-1809),  17 


INDEX   DES   NOMS   CITES 


3ll 


et  n.  4,  79  et  n.  8,  8o  et  n.  5. 
8i,  98  etn.  3,  loi,  142,  i52, 
167,"  i8<i.    i83,    185-189/  191- 

I()3,  1()8.  2o(.--2()2.  2(34,  205, 
287. 

Oglethorpe    (James    Edward   : 

"i()9()- 17851,  238  et  n.  2. 
Orloff  (comte   Grégoire;    1734- 

1783),  (34  et  n.  6,  3()o. 
Osborne  (Thomas:  ?  -1767),  219. 

Parsons   (William  :    1 731")- 1 7951, 

19  n.  2. 
Pascal  (Biaise  :  ir)23-i(J62).  265. 
Paysans.  71.  72  et  n.  i,  88.  i52. 
Peggy.  171. 

Peggy  (mère  del,  41.  171. 
Penneck  (rév.),  17,  207. 
Perrin  (Jean-Baptiste).  1Ô9. 
Petitpierre  (Ferdinand  Olivier  ; 

1722-179(11.  253.  255. 
Petiver    (James  :      161)3  -  1718), 

220.  222. 
Pictet.  271. 
Pitt  ;  V.  Chatham. 
Platon,  204. 
Pope    (Alexandre  ;     1G88-1744), 

238  n.  2. 
Port  {of  Ilam),  64,  1Ô8. 
Port  (Bernard  ;   1776-18541.    63 

n.  5. 
Port  (John),  (33  n.  4. 
Port    (Mrs  John  ;   =  Mary  De- 

wes),  uni  et  n.  i. 
Portland    (Dorothy    Cavendish 

Bentinck.  duchesse  de:  1751)- 

1794),  ()7  et  n.  3. 
Portland   (Margaret   Cavendish 

Harley,    duchesse    de:    i7i5- 

1785).'  21   n.  3,  65,  66  et  n.  4. 

67  et  n.   I.  68,  <)8   n.   i.    loi. 

i54,  i<'.3. 
Portland   (William  Henry   Ca- 
vendish    Bentinck.    duc    de  : 

1738-1809I,  67  et  n.  3. 
Pratt;  v.  Camden. 
Prince  héréditaire  ;  voir  Bruns- 

wick-Lunebourg. 
Pullein,  2n  et  n.  5.  24,  268  n.  i. 

Quintilien,  274. 


Ramsay  (AUan  :  1713-1784),  27, 
28,  5'6  n.  3.  80.  81  n.  6,  221), 
227. 

Ray  (John:  i()27-i7o5),  219,  220, 

Renou  (=J.-J.  Rousseau),  97. 
Rey    (Marc     Michel  ;     P-iySo), 
(.)  n.  8.    in,   1 1   n.  6,    168,  181, 

302. 

Richelet  (César  Pierre;  i63i- 
1698),  211,  2l3. 

Richmond  et  Lennox  (Charles, 
duc  de;   1701-1750),  65  n.  5. 

Robinson,  295. 

Robinson  (James),  72. 

Roguin  (colonel  Augustin  Ga- 
briel ;  1714-1796),  85. 

Rose  (D--  William;  1719-1786), 
24.  25. 

Rose  (Mrs  Willian),  24. 

Ross  Hall  (=J.  J.  Rousseau), 
71   et  n.  5. 

Rougemont  (Joshua),  85,  97, 
162.  169,  197,  198,  202,  218  n. 
2,  219.  249  n.  4,  3o2  n.  8. 

Rousseau  (Jean;  1724-1795),  5 
n.  5,  9  n.  8,  17  et  n.  7,  25,  27, 
48  n.  4,  124  n.  I,  143  n.  3,  169, 
25 I  n.  3,  252  n.  3. 

Rousseau  (Jean  Baptiste  ;  1671- 
1.741),  78  n.9. 

Rousseau  (Jean  Jacques  ;  1712- 
1778),  V.  Jacques,  Renou,  Ross 
Hall.  —  Portraits:  27,  32,  56 
et  n.  3,  64  n.  7,  70  n.  i,  98 
n.  3. 

Rousseau  (Théodore  :  i7'^9- 
1807),  257. 

Roustan(  Antoine  Jacques;  1734- 
1808),  27  et  n.  5,  48  n.  4,  40  et 
n.  3,  143.  160.  i85  etn.  3,  186, 

23l,302. 

Saint-Lambert  (  marquis  Jean 
François  de  ;  1716-1803),  9. 

Saint-Non  (l'abbé  Jean  Claude 
Richard  de  ;  1727-1791),  80, 
81  n.  6,  225. 

Salluste,  22  n.  9. 

Sait  (Miss),  72.' 


3l2 


ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .).   J.    ROUSSEAU 


Sauttershaim    (baron    de;    ?    -  Tronchin  (P>ançois  ;  1743-  ?  ), 

1768),  127  n.  4,  129.  34,  260,  280. 

Schweit  ;    v.     Brandebourg-  Tronchin  (Jean   Robert;    1702- 

Schwedt.  17881,  257. 

Seward    (Anna;    1747-1809),   5q  Turner  (Charles),  284. 

n.  4. 


Twvman,  268. 


Shrewsbury     (George     Talbot, 

earl;  1719-1787),  64. 
Socrate,  216,  263. 
Solander  (Daniel  Charles;  1736- 

1782),  67  n.  I. 
Sophie   Charlotte   (reine  d'An- 
gleterre;  1744-1818),   19. 
Sparrow    (=    John     Port),     63 

n.  4. 
Spencer     (comtesse     Margaret 

Georgiana),   81  n.  i,  loi,  226, 

227. 
Stanley,  27. 
Stewart  (Steward;  Stuart;  John), 

14-16,  27  n.  2,  38  et  n.  4,  109, 

173,    180,    192,    193,    207,    2l5, 

272  n.  2. 
Stonhewer  (Richard;?-   1809), 

75  n.  (").   140  n.  2,  182  et  n.  i, 

i83  n. 
Straflbrd  (earl  William;    1722- 

1791),    26    et    n.    3,    69   n.   5, 

3oo,  3oi. 
Strahan    (William:    171 3-1785), 

17  n.  I,  3o  n.  I. 
Suard   (Jean  Baptiste  Antoine; 

1734-1817),  178  n.  3. 
Suisses  (à  Londres),  49. 
Sultan  (le  chien  de  Rousseau), 

18,   26,   32,  62,'  206  n.   I,  248, 

249. 
Swift  (Jonathan;  1667-1745),  78 

n.  9. 


Taylor  ,(Rév.    Dr   John  ; 

1788),  58  n.  8. 
Terentia,  22  n.  9. 
Thévenin,  164  n.  i. 
Thuillard,  74  n.  2. 
Tonnerre  ;  v.  (>lermont. 
Townsend,  32. 
Trembley    (Jean    Pierre'? 

i8o5),  271; 


[711- 


Usteri   (Léonard;   1741-1789),  6 
n.  7,  73,  23i-233,  237. 


Vaillant   (Paul), 


1()2. 

Valete, 


Vanloo  ((^arle  ;    1705-17651,226. 
Vautra  vers  (de),  16  n.  4,  21  n.  6, 

58  n.  3. 
Verdelin  (marquise  de),  7.  9.  ii 

n.  2,  12  et  n.  2. 
Vernes  (Jacob;  1728-1790),  239. 
Vernon    (George   V.,   baron  de 

Kinderton  ;  ?  -   1780).  201. 
Voiturier,  109,  no. 
Voltaire  (François  Marie  Arouet 

de;  1694-1778),  III,   178  n.  3, 

179,  225,  237,  263,  290. 
Voullaire  (Antoine),  235,  252  et 

n.  2. 

Walker   (John:    J73i-i8o3),   26. 
Walpole    (Horace:    17 17- 1797), 

10,  87  n.  I,  280,  295  n.  I. 
Walton  (Benjamin),  40,  82  n.  2, 

114,    i37,    i53.   167,   174,   177, 

179,  181,  i85,  192,  193,  197. 
Walton  (Izaak  :  -1593-1683),  44 

et  n.  2. 
Wartensleben     (comtesse     de), 

i6()  n.  6.  3o2. 
Watelet    (Claude  Henri:    1718- 

1786),  79,  80,  81  n.  6,  2->3-225, 

228.  229. 
Webb      ("colonel       Richmond  ; 

1715-1785),  17  et  n.  5.  3<),  207. 
Weiss,  8  n.  5. 
Whitmore,  78  n.  9. 
Wilkes  (John:    i727-i7()7),   2i5, 

216. 
Wolf  (baron  Jacob:  ?-  1809),  27. 
Wright  (Joseph  ;    i734-i7()7),  56 

et  n.  3. 


LISTE   DES   NOMS   CITÉS  3l3 

Yates   (Mary  Ann  :    17-28-1787),       York  (Edward  August,  duc   d' ; 


19  n. 


739-1767),  17,  21J 


Yates    (Richard;     1706:-- 1796),       ZqW  (Miss;  =Thérèse  Le   Vas- 
19  n.  2.  seuri,  71  et  n.  5. 

Louis-J.  Courtois. 


Les  lettres  de  Rousseau  à  Richard  Davenport  étaient 
inédites  au  moment  oit  M.  Louis-J.  Courtois^  après  avoir 
soumis  son  manuscrit  à  la  Commission  des  publications, 
le  remit  à  notre  imprimeur,  dans  l'été  igio.  Qitelques 
mois  plus  tard,  dans  les  premiers  jours  de  décembre, 
elles  ont  été  publiées  par  AI.  Th.  Dufour  da7is  une  bro- 
chure intitulée:  Quelques  lettres  de  J.  J.  Rousseau 
(1766- 1769). 

Le  Comité  de  notre  Société  n'a  pas  vu  sans  regret  cette 
publication  parallèle  des  mêmes  documents .  Le  travail 
de  notre  collaborateur,  M.  Louis-J.  Courtois.,  est  de- 
meuré entièremejit  indépendant  de  celui  de  M.  Th.  Du- 
four. 

La  Commission  des  publications. 


BIBLIOGRAPHIE 

COMPLÉMENT  POUR  LA  BIBLIOGRAPHIE 
DE  L'ANNÉE  1908 

ÉTATS-UNIS   d'aMKRIQUE 

Irving  Babbitt.  Literature  and  the  American  Collège,  Essqys  in 
Défense  of  the  Humanities,  Boston  and  New-York,  Houghton, 
Mifflin  and  Company  édit.,  1908,  in-8,  vii-262  pp. 

P.  32-71:  II,  Tn'O  Types  of  Humanitarians  :  Bacon  and  Rous- 
seau. Nous  aurons  l'occasion  de  revenir  sur  cet  ouvrage  de  M.  B. 
à  propos  d'autres  publications  du  même  auteur,  parues  ou  en 
préparation. 


Louis  DucRos,  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  d'Aix.  Jean-Jac- 
ques Rousseau.  De  Genève  a  rHennitage,  (  1  j 1 2-i-5'j ),  Paris, 
Fontemoing;  édit..  1908,  grand  in-8,  418  pp. 

M.  Ducros,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  d'Aix,  prépare 
ses  cours  de  littérature  avec  assez  de  talent  et  de  soin  pour  être 
en  mesure  de  tirer  de  ses  cahiers  de  notes  la  matière  de  bons 
livres  :  ainsi  celui  qu'il  a  publié  en  1900  sur  les  Encyclopédistes, 
ainsi  celui  dont  nous  avons  à  parler. 

A  vrai  dire,  l'exposé  de  M.  Ducros  est  trop  domine  par  une 
idée  exclusive  :  «  Rousseau  est  rusé  )\  dit-il,  page  415.  Il  faut  en 
conséquence  lire  les  Confessions  avec  des  yeux  de  lynx,  être  sans 
cesse  en  garde  contre  Jean-Jacques,  et  s'ingénier  à  déjouer  les 
pièges  qu'il  tend  aux  lecteurs.  —  Je  ne  partage  pas  cette  manière 
de  voir. 

D'une  manière  générale,  si  en  lisant  un  texte,  au  lieu  d'entrer 
dans  le  sens  de  l'auteur,  on  s'efforce  toujours  de  le  prendre  en 
défaut,  cette  méthode  peut  conduire  à  des  résultats  piquants  ; 
mais  elle  est  bien  dangereuse.  Par  exemple,  quand  Diderot  écrit 
une  phrase  que  relèvera  Rousseau  :  «  Il  n'y  a  que  le  méchant  qui 
soit  seul  ».  au  lieu  d'y  voir  un  de  ces  apophtegmes  plus  brillants 
que  solides,  qu'on  ne  doit  prendre  qu'à  moitié  au  sérieux,  M.  Du- 
cros (page  364)  estime  que  Rousseau  aurait  bien  fait  de   «  remar- 


3lÔ  ANNALES    1)1-:    LA    SOCIKTH  .1.   .1.    ROUSSHAU 

»  quer  tout  simplement  que,  prise  à  la  lettre,  la  phrase  de  l'auteur 
»  du  Fils  naturel  ne  s'appliquait  à  personne,  puisque,  pour  être 
»  méchant,  cest-à-dire  pour  nuire  à  quelqu'un,  il  ne  faut  pas 
»  vivre  tout  seul  »,  en  sorte  que  k  cette  sentence  ne  signifiait  rien 
du  tout  ».  —  Mais  c'est  aller  trop  loin  :  les  malfaiteurs  contre  les- 
quels la  police  est  le  plus  impuissante,  que  ce  soient  des  assassins 
comme  Caserio  et  Luccheni,  ou  de  simples  voleurs,  ne  sont-ils 
pas  ceux  qu'on  appelle  des  solitaires  r 

S'efforcer  de  vérifier  ce  que  Rousseau  raconte  dans  les  Confes- 
sions, et.  quand  on  le  peut,  comparer  ses  récits  avec  les  docu- 
ments de  Tépoque  :  c'est  le  premier  devoir  du  commentateur. 
Mais  ces  documents  manquent  le  plus  souvent,  et  alors  le  plus 
sage  est  de  laisser  courir  le  récit  de  Jean-Jacques,  et  le  doute 
planer  sur  tout  ce  qui  peut  y  prêter. 

J'avoue  que  M.  Ducros  me  semble  trop  prodigue  de  points  d'in- 
terrogation :  il  en  place  à  tout  bout  de  champ. 

Rousseau  a  raconté  ce  qui  lui  arriva  le  dimanche  14  mars  1728  : 
son  récit  est  absolument  vraisemblable  :  les  portes  de  la  ville 
étaient  fermées  au  moment  où  il  s'y  présenta.  Que  voulez-vous 
de  plus  simple  ?  —  Prenez  garde,  son  récit  est  dramatique, 
observe  (paqe  35)  M.  Ducros,  qui  se  demande  s'il  v  faut  ajouter 
foi. 

Dramatique,  je  le  veux  bien.  «  Dans  le  premier  transport  de  ma 
douleur,  dit  Jean-Jacques,  je  me  jetai  sur  le  glacis  et  mordis  la 
terre.  »  Mais  cela  encore  est  vraisemblable.  Une  fois  le  malheur 
arrivé,  et  après  qu'il  en  eut  pris  son  parti,  que  Rousseau  s'en  soit 
consolé  avec  l'imprévoyance  d'un  jeune  étourdi,  c'est  ce  qu'il 
nous  dit  lui-même  ;  tandis  que  je  ne  puis  me  persuader  qu'avant 
l'événement,  il  n'ait  attendu  que  l'occasion  de  sortir  de  la  ville  et 
de  s'abandonner  à  tous  les  hasards. 

M.  Ducros  prodigue  aussi  les  conseils,  qui  sont  aujourd'hui 
bien  tardifs.  Page  354  '•  «  Rousseau  aurait  dû  garder  pour  lui...  » 
—  Page  364  :  «  Rousseau  aurait  mieux  fait  de  remarquer  tout 
simplement...  »  —  Page  368  :  «  Les  amis  de  Rousseau  auraient 
dû  parfois...  —  Pourquoi  Diderot  n'a-t-il  pas -tout  simplement 
répondu  que...  >  »  .  ' 

Mais  c'est  trop  s'attarder  à  des  critiqués  trop  aisées  en  un  sujet 
si  toutTu.  M.  Ducros  a  semé  dans  sori  commentaire  des  Confes- 
sions bien  des  remarques  justes,  et  dont  quelques-unes  ont  une 
grande  portée.  Page  160,  il  montre  que  les  idées  du  premier 
Discoi(7-s  se  rattachent  à  celles  que,  longtemps  auparavant,  Rous- 
seau exposait  dans  son  mémoire  à  M.  de  Mably  sur  l'éducation 
de  son  fils.  —  Page  355  :  «  Il  me  paraît  tout  naturel  que  madame 


UIBLIOCRAPHIR  '5\'] 

d'Epinay  ne  vît  pas  sans  une  jalousie  très  légitime  sa  belle-sœur 
accaparer  un  homme  qu'elle  avait  logé  près  d'elle  pour  jouir  de 
sa  société.  »  C'est  très  bien  indiquer  qu'en  acceptant  un  logement 
à  l'Ermitage,  Rousseau  avait  aliéné  une  partie  de  sa  liberté.  Si 
dans  ses  lettres,  il  parle  de  son  esclavage,  c'est  une  forte  exagéra- 
tion, et  non  pas  une  contre-vérité.  —  Page  363.  M.  Ducros  ana- 
lyse avec  perspicacité  le  sentiment  des  amis  de  Rousseau  sur  sa 
retraite  à  la  campagne  :  «  On  sent,  dit-il,  et  qu'on  me  pardonne 
le  mot,  que  pour  eux  Rousseau  est  un  poseur.  » 

Je  pourrais  continuer  longtemps,  en  signalant  ainsi  les  passages 
où  M.  Ducros  caractérise  avec  justesse  les  événements  et  les 
hommes;  mais  le  lecteur  saura  les  trouver  lui-même.  Ce  livre  est 
un  de  ceux  auxquels  devra  faire  beaucoup  d'emprunts  celui  qui 
donnera  quelque  jour  une  édition  des  Confessions  avec  des  notes 
variorum.  [E.  R.] 


BIBLIOGRAPHIE  DE   L'ANNEE  1909 

ALLEMAGNE 

Georg  Brandes.  Voltaire  in  seineni  Verhâllnis  ^u  Friedrich  dem 
Grossen  und  Jean  Jacques  Rousseau,  Marquardt  édit.,  Berlin, 
s.  d.  [1909],  in-S,  78  pp. 

Un  grand  nom  peut  couvrir  parfois  une  médiocre  marchandise. 
C'est  le  cas  de  cet  opuscule  de  M.  Georg  Brandès,  que  l'éditeur  a 
illustré  d'une  douzaine  de  bonnes  reproductions  de  portraits  et 
d'estampes  allégoriques  à  la  gloire  de  Voltaire  et  de  Rousseau. 

Des  deux  monographies  qui  le  composent,  nous  nous  arrêtons 
seulement  à  la  seconde.  Dans  la  première,  qui  décrit  avec  verve, 
et  dans  un  sentiment  plus  sympathique  au  poète  qu'au  prince, 
les  relations  de  V^oltaire  avec  Frédéric  II,  on  pourra  relever  cette 
affirmation  stupéfiante  que  le  petit  jeu  des  définitions  philoso- 
phiques qvi'on  jouait  à  la  table  royale  de  Postdam,  fut  l'origine 
d'une  encyclopédie,  «  ce  Dictionnaire  philosophique,  la  grande 
œuvre  de  Voltaire,  Diderot  et  d'Alembert  »  (p.  3o).  M.  Georg 
Brandès  a  dû  être  bien  distrait  pour  confondre  V Encyclopédie 
avec  le  Dictionnaire  philosophique,  ou  pour  écrire  (p.  40)  que  Vol- 
taire, établi  à  Ferney,  se  trouvait  «  dans  la  libre  Suisse  ».  Avoir 
placé,  en  tête  de  l'étude  sur  J.  J.  Rousseau,  un  portrait  de  «  Jean- 
Bapt*  Rousseau,  né  à  Paris  en  167 1  »,  est  une  distraction  encore, 
mais  imputable  celle-là  sans  doute  à  l'éditeur. 


3l8  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

Ce  tableau  des  relations  de  Voltaire  avec  J.  J.  Rousseau  est 
faux  dans  l'ensemble,  parce  qu'il  prête  à  Rousseau  une  conduite 
haineuse,  concertée  et  machiavélique,  et  il  présente  de  nom- 
breuses erreurs  dans  le  détail  de  ses  trente-trois  pages.  Ainsi, 
après  avoir  redit  après  tant  d'autres,  à  la  suite  de  iVlarmontel,  que 
c'est  Diderot  qui  souffla  à  son  ami  l'idée  nouvelle  du  Discours  sur 
les  sciences  et  les  arts,  M.  Georg  Brandès  ajoute  (p.  46)  :  «  (>ette 
opinion  poussa  Rousseau  à  devenir  ce  qu'il  devint,  c'est  par  elle 
que  ce  plébéien  à  l'âme  révolutionnaire  et  religieuse  prit  cons- 
cience de  son  être.  »  Une  vie  et  une  œuvre  dont  l'action  fut  si 
puissante  quelle  dure  encore  aujourd'hui,  seraient  donc  fondées, 
aux  yeux  de  l'illustre  critique  danois,  sur  une  idée  d'emprunt  i- 

Rousseau  nous  est  présenté,  en  1733,  comme  «  un  pauvre  homme 
maladif,  souffrant  d'artério-sclérose,  d'un  mal  de  vessie  et  d'autres 
maux  »  ip.  46)  ;  Thérèse  a  été  une  servante  de  cabaret  ip.  48); 
l'émotion  soulevée  dans  Genève  par  la  Lettre  sur  les  spectacles 
obligea  Voltaire  à  acheter  la  résidence  de  Ferney  (p.  5y)  ;  la 
Nouvelle  Héloïse,  V Emile  et  le  Contrat  social  ont  paru  tous  trois 
en  1761  (p.  65)  ;  en  dénonçant  Voltaire  comme  l'auteur  du  Sermon 
des  ciriquantes,  Rousseau  l'exposait  sciemment  à  de  grands  dangers 
(P-71). 

M.  Georg  Brandès  tiendrait  peut-être  pour  vétilles  ces  alléga- 
tions hasardeuses,  jetées  dans  une  publication  de  librairie  indus- 
trielle, mais  ce  qui  engage  plus  sérieusement  un  nom  aussi  con- 
sidérable que  le, sien,  c'est  la  thèse  qui  doit  faire  l'unité  de  ce  petit 
livre  :  Rousseau,  depuis  l'éveil  de  sa  personnalité  intellectuelle,  a 
eu  Voltaire  devant  les  yeux  (p.  55)  ;  après  l'avoir  imité,  harcelé, 
il  a  voulu  le  provoquer  —  exemple  :  la  Lettre  a  d'Alembert  —  à  un 
combat  public,  auquel  Voltaire,  par  indulgence,  puis  par  dédain, 
et  aussi  pour  sauvegarder  aux  yeux  du  public  l'harmonie  entre  phi- 
losophes, s"est  tovijours  dérobé.  Rousseau  enviait  la  gloire  et  les 
richesses  de  Voltaire  :  cette  jalousie  prend  le  masque  de  la  vertu 
dans  «  l'attaque  contre  le  théâtre  à  Genève  »,  et  le  masque  de  la 
religion  dans  «  l'attaque  contre  l'ode  sur  Lisbonne  ».  M.  Georg 
Brandès  ne  voit  donc  qu'une  œuvre  d'hypocrisie  dan-s  la  Lettre 
sur  la  Providence,  comme  dans  la  Lettre  sur  les  spectacles  !  S'il 
est  difficile  de  présenter  les  faits  avec  plus  de  légèreté  et  d'inexac- 
titude, il  serait  difficile  aussi  de  se  montrer  moins  clairvoyant 
dans  l'interprétation  des  caractères  et  des  sentiments.  Que 
M.  Georg  Brandès  se  trompe  dans  les  faits,  il  semble  en  avoir 
pris  d'avance  son  parti  assez  allègrement,  mais  que  l'historien  du 
romantisme  .  européen  appuie  de  son  autorité  des  jugements 
inventes  par  une  critique  ignorante  et  par  une  science  de   parti- 


BIBLIOGRAPHIE  SlQ 

pris,  c'est  vraiment  fâcheux  pour  ceux  qui  font  confiance  à  sa 
signature.  [B.  B.] 

Joseph  FussEDER,  aus  Schôffau,  Oberbayern.  Beitràge  fwr  Kennt- 
nis  der  Sprache  Rousseaus  {Thèse  de  doctorat  de  l'Université  de 
Leipzig).  Borna-Leipzig,  Buchdruckerei  Robert  Noske,  1909, 
in-8,  62  pp. 

Travail  sans  intérêt.  Simple  exercice  d'école,  comme  le  sont 
trop  souvent  les  thèses  allemandes,  extrait  inintelligent  de  Gohin 
dans  sa  première  partie,  adaptation  médiocre  de  Plattner  dans  sa 
seconde  partie.  L'auteur  n'a  évidemment  aucune  idée  de  ce  que 
devrait  être  une  bonne  étude  de  la  langue  de  Rousseau.  [A.  F.] 

Edwin  KauiMann,  aus  Berlin.  Johann  A7)ios  Comeniits  und  Jean 
Jacques  Rousseau,  ihre  verschiedenartige  Wertung  des  Kindli- 
chen  Lehens.  (Eine  pàdagogisch-philosophische  Untersuchung) 
(Thèse  de  doctorat  de  l'Université  d'Erlangen).  Borna-Leipzig, 
Buchdruckerei  Robert  Noske,  1909,  in-8,  5o  pp. 

Trois  parties  dans  ce  parallèle  prolongé  entre  le  célèbre  péda- 
gogue morave,  auteur  de  la  Didactica  magna,  et  le  philosophe 
de  VEviile:  1°  le  rapport  de  l'éducation  privée  à  l'éducation  publi- 
que ;  -i"^  l'éducation  physique  et  intellectuelle  ;  3»  l'éducation  mo- 
rale et  religieuse.  Au  bout  du  compte,  M.  K.  reconnaît  entre  les 
deux  pédagogues  la  distance  qui  sépare  l'idéal  de  l'homme  cultivé 
(Kulturmensch)  et  celui  de  l'homme  naturel  {Naturmensch)  [A.  F.] 

Wilhelm  Mûnch.  Kultur  und  Erpehung,  vermischte  Betrachtun- 
gen,  Munich,  Oskar  Beck  édir.,  1909,  in-8,  283  pp. 
P.  io3-i20  :  Aus  einem  unvergesslichen  Bûche.  Comparaison  de 
la  pédagogie  de  Jean-Paul  Richter  avec  celle  de  Rousseau,  à 
propos  de  son  livre  «  inoubliable  »,  Levana  oder  Er^iehlehre 
(1807),  dans  un  article  que  l'auteur  aurait  pu  intituler,  comme  il 
le  reconnaît  en  terminant  :  Rousseau,  Jean-Paul  et  le  temps 
présent.  On  y  constate  le  chemin  parcouru  dans  le  sens  d'une 
maturation  originale  par  l'humoriste  allemand,  depuis  son  roman 
pédagogique,  sorte  de  parodie  de  l'Emile,  Die  unsichtbare  Loge 
(1793),  par  qui  fut  mis  en  lumière  d'ailleurs  le  fameux  couple  de 
prénoms  Jean-Paul,  rival  de  Jean-Jacques.  Le  lecteur  de  M.  M. 
ne  manquera  pas  d'évoquer  à  cette  place  la  dissertation  de 
M.  Hermann  Plath,  An  welchen  Punklen  kann  Jean  Pauls  «  Le- 
vana »  von  Rousseau  beeinjlusst  erscheinen  (thèse  de  TUniversité 
d'Erlangen  soutenue  en  1903).  [A.  F.] 


320  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

Geschlecht  iind  Gesellschaft,  Berlin,  Leipzig,  Vienne,  IV  Band, 
Heft  4,  avril  1909,  p.  152-170  :  Dr  Otto  Adler,  Berlin,  Ge- 
schlechtstrieb  und  Verfolgungswahnsinn.  Psychologische  Betrach- 
tungen  iiber  das  sexuelle  Leben  J.  J.  Rousseau's  (zugleich  eine 
Erwiderung  an  Dr  Gaston  Vorberg). 

Sexualreform,  Beiblatt  zu  «  Geschlecht  und  Gesellschaft  »,  IV  Band, 
Heft  I,  janvier  1909,  p.  5-6  :  Dr  Gaston  Vorberg  in  Hannover, 
Rousseau's  Leiden. 

Geschlecht  und  Gesellschaft,  IV  Band,  Heft  6,  juin  1909,  p.  284- 
286  :  D>  Gaston  Vorberg  in  Hannover,  Nuch  einmal  Rousseau's 
Zeugungsfàhigkeit  (Schlusswort  zu  dem  Aufsatze  Geschlechts- 
strieb  und  Verfolgungswahnsinn,  von  Dr  Otto  Adleri. 

Une  phrase  est  le  point  de  départ  de  cette  polémique  sur  le 
sujet  scabreux  de  l'impuissance  de  Rousseau.  Elle  se  trouve  dans 
le  compte  rendu  de  l'article  du  Dr  Vorberg,  Neue  Betrachtungen 
iiber  Rousseau's  Leiden  (cf.  Annales,  1909,  p.  284)  paru  dans 
Geschlecht  und  Gesellschaft,  1908,  p.  263,  sous  la  signature  O.  R.  : 
..  L'hypothèse  de  l'impuissance  de  Rousseau,  dont  l'auteur  ne 
fournit  aucune  preuve,  paraît  peu  vraisemblable  ».  Le  Dr  A.  a 
reconnu  la  paternité  de  cette  phrase,  d'où  suit  une  discussion  à 
laquelle  il  nous  est  difficile  de  nous  mêler.  Nous  y  renvoyons  le 
lecteur  que  cela  pourrait  intéresser.  On  nous  permettra  seulement 
de  signaler  en  passant  le  cas  tout  à  fait  curieux  du  Dr  O.  Adler, 
spécialiste  de  la  «  psychologie  sexuelle  »,  attiré,  comme  il  le  dit, 
vers  cette  spécialité  par  la  lecture  des  Confessions.  Son  premier 
travail  en  ce  genre,  une  monographie  estimée  :  Die  mangelhafte 
Geschlechtsempfindung  des  Weibes,  Berlin,  igo^  {cî  Am^ales,  1909, 
p.  284),  aurait  eu  pour  point  de  départ  le  cas  de  Mme  de  Warens. 
[A.  F.] 

Protestantenblatt,'  Wochenschrift  fur  den  deutschen  Protestan- 
tismus,  42.  Jahrgang,  no  i3,  3i  mars  1909:  F.  Bock  (Bremen), 
Rousseaus  Stellung  pir  Religion. 

Rousseau,  réformateur  incomplet,  plus  grand  dans  son  rôle 
négatif  que  dans  son  rôle  positif,  —  sa  distinction  entre  l'église 
et  la  religion,  —  son  déisme,  —  position  par  rapport  à  la  révéla- 
tion, —  la  Bible  subordonnée  au  «  livre  de  la  nature  »,  —  reven- 
dication d'un  christianisme  authentique,  opposé  au  christianisme 
sacerdotal,  —  intervention  capitale  dans  la  révélation  du  senti- 
ment intime,  de  la  lumière  intérieure,  la  conscience  (par  quoi 
Rousseau  devance  Kant  et  Schleiermacher),  accord  nécessaire  du 
cœur  et  de  la  raison,  —  agnosticisme  partiel  :  l'existence  de  Dieu 
seul,  non  sa  nature,  sensible  à  la  conscience  humaine,  —  liberté 


BIBLIOGRAPHIE  321 

et  responsabilité  de  l'homme,  ouvrier  de  son  propre  bonheur,  — 
immortalité  de  l'àme  déduite  du  postulat  de  la  justice  immanente, 
—  la  conduite  de  l'homme  fondée  sur  l'autorité  infaillible  de  sa 
conscience,  considérée  comme  la  voix  même  de  la  Nature,  et  non 
point  comme  celle  de  l'expérience  (distinction  nécessaire  à  ce 
sujet  «  des  idées  acquises  »  et  des  «  sentiments  naturels  «,  seuls 
interprètes  de  la  conscience),  —  efficacité  problématique,  contre- 
dite en  tous  cas  par  l'expérience,  de  la  «  religion  naturelle  », 
ainsi  prêchée  par  Rousseau,  —  tels  sont  les  principaux  points 
passés  rapidement  en  revue  dans  cet  article  qui  part  de  la  donnée 
de  r  c(  actualité  »  de  Rousseau,  insiste  en  terminant  sur  l'action 
profonde  de  cette  philosophie,  non  point  en  France,  mais  en 
Allemagne,  et  conclut  par  ce  jugement  :  «  Par  son  individualisme 
résolu,  Rousseau  est  encore  aujourd'hui  tout  à  fait  moderne,  dans 
le  meilleur  sens  du  mot.  »  [A.  F.] 


ANGLETERRE 

The   Contemporary  Review,  février   1909  :  Havelock  Ellis,    The 
Love  of  wild  Nature. 

Relever  toutes  les  traces  de  l'amour  de  la  nature  sauvage 
(l'amour  de  la  montagne  en  particulier),  de  l'antiquité  jusqu'au 
XVIIIc  siècle,  chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains,  dans  la  civilisa- 
tion chrétienne  des  premiers  siècles  et  du  moyen-âge,  chez  les 
hommes  de  la  Renaissance,  chez  les'  écrivains  et  les  voyageurs 
suisses,  espagnols,  français  et  surtout  anglais  des  temps  modernes, 
—  puis  montrer  comment  ces  germes  qui  ont  existé  de  tout  temps, 
se  développent  soudain  avec  une  extraordinaire  vigueur  dans 
l'œuvre  d'un  Rousseau,  lequel,  unissant  dans  un  même  culte  la 
nature  dans  la  montagne  et  la  nature  dans  l'homme  primitif, 
«  trouve  une  raison  pour  son  amour  de  la  nature  »,  prédisposé 
d'ailleurs  par  son  origine  suisse,  par  son  tempérament  névropa- 
thique  et  antisociable  à  éprouver  le  sentiment  nouveau  d'une  ma- 
nière intense,  et  l'exprimant  pour  la  première  fois  dans  un  langage 
émouvant,  digne  de  son  sujet,  —  donner  enfin  à  ce  prophète 
initiateur,  comme  disciples  immédiats,  propagateurs  de  la  religion 
nouvelle,  un  Gœthe  pour  l'Allemagne,  un  Byron  et  un  Words- 
worth  pour  l'Angleterre,  telle  est  la  riche,  presque  trop  riche 
matière  de  l'article  intéressant,  mais  nécessairement  condensé  de 
M.  H.  E.  [A.  F.] 


322  ANNALK.>    1)E   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    KOUSSEAL' 

The  humant'  Review,  Londres,  janvier  1909,  p.  193-210  :  Frederika 
Macdonald,  The  legend  of  Rousseau' s  children. 

En  reprenant  la  thcse  qu'elle  a  déjà  soutenue  en  1895  (Studics 
in  the  France  of  Voltaire  and  Rousseau,  p.  ibil,  en  1900  (La 
Revue,  octobre,  Légende  des  enfants  de  J.  J.  Rousseau)  et  en 
1906  {New  Criticism  of  J.  J.  Rousseau,  1,  p.  146),  Mme  Macdonald 
discute  ici  les  objections  que  lui  a  opposées  M.  Edouard  Rod 
(Revue  des  Deux-Mondes,  mai  1907)  sur  la  question  de  fait.  Mais 
elle  distingue  heureusement  et  avec  plus  de  force  qu'elle  ne  l'avait 
fait  jusqu'ici,  entre  la  réalité  des  cinq  naissances  que  racontent 
les  Confessions,  suivies  cinq  fois  de  la  livraison,  par  la  sage-femme, 
des  enfants  à  l'Hospice  des  Enfants-Trouvés,  et  «  la  question  de 
première  importance  qui  est  celle  de  la  responsabilité  morale  de 
Rousseau».  Elle  s'attache  par  une  analyse  pénétrante  de  ses 
intentions  et  de  leur  sincérité,  à  montrer  combien  sont  diffé- 
rentes, en  1746  et  en  1750,  la  pensée  et  la  volonté  de  l'obscur 
compositeur  de  musique  et  de  l'auteur  brusquement  célèbre  du 
premier  Discours.  Cette  méthode  historique  et  psychologique 
permet  à  Mme  Macdonald  de  démontrer  l'accord  vrai  que  Rous- 
seau établit,  par  un  effort  constant  et  des  sacrifices  réels,  entre  sa 
conduite  et  ses  principes.  Quel  caractère  nouveau  prenait  à  ses 
yeux  son  union  libre  avec  Thérèse,  dans  la  réforme  intérieure  et 
extérieure  qui  suivit  son  premier  grand  succès  d'écrivain,  tel  est 
le  point  particulier  qu'analyse  Mme  Macdonald.  C'est  bien  ainsi 
qu'il  faut  traiter  le  grave  problème  des  enfants  de  Rousseau. 
Nous  pensons  que,  pour  être  complète,  son  étude  demande  l'ap- 
plication de  la  même  méthode  psychologique  au  Rousseau  de 
1746  et  au  Rousseau  de  1762.  Mme  Macdonald  donne  elle-même 
cette  indication. -En  lui,  autour  de  lui,  tout  est 'changé.  Le  fier 
raisonnement 'de  la  lettre  à  Mme  de  Francueil  a  fait  place  au  sen- 
timent de  la  faute  commise  et  à  des  regrets  toujours  plus  profonds. 
[B.  B.] 

BELGIQUE 

Gustave  Charlier.  Mme  d'Epinay  et  J.  J.  Rousseau,  Bruxelles, 
M.  Weissenbruch,  imprimeur  du  Ror,  édit.,  1909,  in-8,  28  pp. 
(Extrait  de  la  Revue  de  Belgique). 

Intéressante  discussion  des  conclusions  de  Mme  Macdonald 
dans  son  ouvrage  L^a  légende  de  J.  J.  Rousseau  (cf.  plus  loin, 
p.  339).  On  en  retiendra  surtout  la  partie  qui  a  trait  au  «  second 
complot  »  contre  Jean-Jacques,  dont  Barbier,   Brunet,    Suard  et 


BIBLIOGRAPHIK  32^ 

Michaud  auraient  été  les  principaux  conjurés.  M.  Ch.  explique 
ingénieusement  leur  rôle,  non  par  une  hostilité  préconçue  contre 
Rousseau,  mais  par  les  mœurs  littéraires  de  l'époque,  la  faveur 
des  mémoires  apocryphes,  l'infidélité  quasi  ingénue  des  éditeurs 
et  des  libraires  d'alors  à  l'égard  des  textes  originaux.  En  ce  qui 
concerne  Barbier  notamment,  représenté  comme  le  chef  de  ce  se- 
cond complot,  M.  Ch.  a  été  assez  heureux  pour  mettre  la  main 
sur  ses  papiers  tant  cherchés  par  Mme  Macdonald  et  qui  sont  tout 
simplement  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Il  y  a  trouyé  :  lo  la  mi- 
nute autographe  de  l'analyse  des  Mémoires  de  Mme  d'Epinay  faite 
par  Barbier  avant  la. publication,  analyse  qui  n'est  qu'«un  résumé 
sommaire,  mais  exact,  des  neufs  volumes  utilisés  par  Brunet»  ;  — 
20  une  note  autographe  de  Barbier  où  transparaît  la  parfaite  bonne 
foi  de  son  jugement  défavorable  à  Rousseau;  —  3°  un  vieinento 
d'une  conversation  de  Barbier  avec  Mme  de  Vandeul,  attestant  que 
Mme  d'Epinay  avait  bien,  en  effet,  lu  son  fameux  roman  à  des  amis, 
au  nombre  desquels  se  trouvait  la  fille  de  Diderot.  Ainsi  s'éva- 
nouissent les  principaux  éléments  du  réquisitoire  de  Mme  Mac- 
donald contre  l'auteur  du  Supplément  au  cours  de  La  Harpe. 
[A.  F.] 

ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE 

Albert  Schinz.  Jean-Jacques  Rousseau,  A  Forerunner  of  Pragma- 
tisme, Chicago,  The  Open  Court  Publishing  Company,  190g, 
in-8,  39  pp. 

Dans  son  livre  intitule  Anti-Pragmatisme  (voyez  plus  loin), 
M.  Schinz  déclarait  que  le  plus  grand  «  pragmatiste  »  de  tous  les 
temps  est  J.  J.  Rousseau.  C'est  pour  expliquer  cette  assertion  que 
la  présente  brochure  a  été  écrite. 

M.  Schinz  définit  le  pragmatisme  :  une  philosophie  qui  juge  de 
la  valeur  des  théories  et  des  idées  par  les  conséquences  qui  en 
résultent  au  point  de  vue  de  la  conduite  morale.  Et  il  prétend 
démontrer  que  le  pragmatisme  est  le  terme  auquel  aboutit  l'évo- 
lution de  la  pensée  de  Rousseau.  Selon  lui,  Rousseau  a  com- 
mencé par  une  période  scientifique  :  enthousiasme  pour  les 
mathématiques,  la  physique,  la  chimie,  l'astronomie,  sans  parler 
de  la  botanique,  à  laquelle  Rousseau  s'est  adonné  jusqu'à  la  fin. 
A  cette  période  scientifique  a  succédé  une  période  «  psycho- 
physiologique ».    Rousseau    subit  l'influence  de   Locke,  devient 

1  Reprinted,  with  additions,  from  The  Monist,  October  1909. 


024  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

l'ami  de  Condillac,  et  écrit  un  ouvrage  qui  n'a  pas  été  imprimé  et 
dont  le  manuscrit  est  perdu  :  La  morale  sensitive  ou  le  maléria- 
lisme  du  sage.  Enfin  ce  développement  se  termine  dans  la  période 
«  pragmatique».  Rousseau  se  place  au  point  de  vue  de  la  conduite 
morale.  S'il  repousse  le  sensualisme,  qui  fait  l'esprit  humain 
passif,  il  repousse  aussi  le  rationalisme,  qui  ne  s'inspire  pas  de 
considérations  morales.  Pour  employer  les  expressions  de  Kant, 
il  préfère  la  raison  pratique  à  la  raison  théorique.  Il  identifie  la 
vérité  avec  l'utilité  pratique,  en  entendant  que  l'utilité  pratique 
n'est  autre  que  l'utilité  morale. 

Telle  est  la  thèse  de  M.  Schinz.  On  ne  niera  pas  qu'elle  ne  soit 
fort  intéressante,  qu'elle  ne  mette  en  lumière,  de  façon  piquante, 
un  aspect  bien  caractéristique  de  la  pensée  de  Rousseau,  et  l'on 
se  plaira  à  suivre  l'auteur  dans  son  argumentation  savante  et 
ingénieuse. 

On  se  demandera  pourtant,  croyons-nous,  s'il  n'y  a  pas  quelque 
exagération  dans  cette  thèse,  et  dans  la  manière  dont  elle  est 
soutenue.  Qu'il  v  ait  dans  Rousseau  plusieurs  affirmations  qui 
font  penser  aux  théories  des  pragmatistes  d'aujourd'hui,  c'est  là 
ce  dont  on  ne  saurait  douter  après  avoir  lu  M.  Schinz  ^  Mais  con- 
venait-il d'insister  autant  sur  ces  affirmations  et  d'y  voir  l'expres- 
sion d'une  doctrine  philosophique  ?  Nous  ne  le  pensons  pas.  On 
est  d'emblée  mis  en  défiance  contre  la  méthode  de  M.  Schinz, 
lorsqu'on  le  voit  s'attacher  à  faire  correspondre  une  à  une  les 
phases  de  la  pensée  de  Rousseau  aux  phases  de  la  pensée  de 
M.  William  James.  Il  y  a  dans  ce  rapprochement,  établi  minu- 
tieusementj  quelque  chose  de  singulièrement  artificiel.  La  même 
impression  subsiste  ensuite,  lorsque  M.  Schinz  pousuit  dans  le 
domaine  des  idées  le  parallèle  qu'il  institue  d'un  bout  à  l'autre  de 
son  travail  entre  Rousseau  et  M.  James.  Nous  avouons  que,  plus 
d'une  fois,  les  textes  cités  par  M.  Schinz  ne  nous  semblent  pas 
revêtir  la  signification  «  pragmatique  »  qu'il  leur  attribue.  Ainsi, 
dans  le  texte  de  V Emile  cité  à  la  page  21,  le  mot  t7-uth  (je  garde 
le  terme  anglais  de  la  traduction)  ne  nous  paraît  pas  du  tout, 
comme  à  M.  Schinz,  être  l'équivalent  du  terme  «'  cash-value  » 
dont  M.  James  aime  à  se  servir."  De  même,  lorsque  M.  Schinz,  à 
la  fin  de  son  travail,  énumère  trois-  applications  que  Rousseau  et 
M.  James  ont  faites  de  leurs  théories  pragmatiques,  on  ne  voit  pas 
bien  en  quoi  ces  prétendues  applications  portent  le  cachet  du  prag- 
matisme. Prenons  un  exemple.  M.  Schinz  cite  le  passage  bien 
connu.de  la  Psychology  dans  lequel  M.  James  nous  recommande 

>  Cf.  Annales,  IV,   328,  le  même  point  de  vue  soutenu  par  NL  Roure 

[A.  F.] 


BIBLIOGRAPHIE 


325 


de  développer  en  nous  la  capacité  de  l'effort  en  faisant  chaque 
jour  un  petit  exercice  sans  autre  but  que  de  vaincre  notre  répu- 
gnance à  l'action.  Et  il  rapproche  de  cette  exhortation  certains 
passages  de  la  Nouvelle  Héloise  dans  lesquels  on  nous  dit  que 
Julie  avait  l'habitude  de  se  priver  des  choses  qu'elle  aimait  pour 
en  jouir  davantage  dans  les  rares  occasions  où  elle  se  les  accor- 
dait. Encore  ici,  le  rapprochement  nous  paraît  bien  artificiel.  Et 
surtout  nous  ne  voyons  pas,  malgré  les  explications  de  M.  Schinz, 
comment  tout  cela  se  rattache  à  la  philosophie  pragmatique. 

Ajoutons  que  nous  ne  saurions  être  d'accord  avec  M.  Schinz 
lorsqu'il  assigne  au  pragmatisme  de  Rousseau  et  au  pragmatisme 
de  M.  James  des  causes  identiques.  Ce  qui,  selon  nous,  a  été  pré- 
pondérant dans  la  formation  du  pragmatisme  d'aujourd'hui,  c'est 
l'influence  de  Kant.  Dira-t-on  que  Kant,  à  son  tour,  a  subi  l'in- 
fluence de  Rousseau?  Nous  répondrons  qu'il  serait  téméraire  de 
vouloir  faire  dériver  de  Rousseau  ce  qu'il  y  a  de  profondément 
original  dans  la  pensée  de  Kant.  Or  c'est  de  cet  élément  nouveau 
apporté  par  Kant  que  procède  directement  le  pragmatisme  de 
M.  James.  C'est  pourquoi  sans  doute  il  mérite  d'être  appelé  une 
philosophie.  [Ch.  W.] 

Politkal  Science  Qiiartely,  New-York,  vol.  XXIV,  no  3,  septem- 
bre 1909  :  W.  A.  DuNNiNG,  U.  D.,  professor  of  History  and 
Political  Philosophy,  Rousseau's  Political  théories. 

Cet  article  commence  par  un  dénigrement  de  la  personne  de 
Rousseau.  On  y  réchaufle  les  vieilles  et  classiques  attaques  de 
«  l'enfant  gâté  »,  du  mauvais  caractère  qui  ignorait  Taffection,  sauf 
seulement  celle  d'  «  une  grossière  et  détestable  femme  avec 
laquelle,  pour  un  tiers  de  siècle,  il  vécut  dans  des  relations  do- 
mestiques sordides  et  irrégulières.  «  Les  rapports  du  ménage  de 
Rousseau  avec  les  théories  politiques  de  Rousseau  ne  sont  pas 
expliquées.  L'auteur  affirme  bien  que  les  idées  de  Rousseau  s'ex- 
pliquent par  la  réaction  de  son  individualité  contre  les  conditions 
sociales  existantes,  mais  la  démonstration  qu'il  cherche  de  faire 
est  que  Rousseau  manque  d'originalité  de  pensée,  qu'il  n'a  qu'une 
conception  superficielle  de  Grotius  et  Hobbes,  ne  «  se  soucie 
pas  d'être  conséquent  »  (p.  382)  et  n'a  qu'une  «  logique  de  salon  » 
inimble  logic,  p.  38i). 

Le  mot  «nature»  est  pris  dans  différents  sens  par  Rousseau, 
entre  autres  dans  un  sens  historique  de  sauvages  des  forêts  primi- 
tives (2^  Discours)  et  dans  vm  sens  philosophique  {Emile  et  Con- 
trat social),  auquel  l'auteur  avoue  du  reste   ne  pas  comprendre 


326  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

grand  chose:  «  essayer  de  comprendre  cette  conception  de  nature, 
c'est  comme  essayer  de  visualiser  la  faune  de  l'apocalypse  »  |385). 
Cela  n'empêche  du  reste  nullement  M.  D.  de  critiquer  abondam- 
ment. On  retrouve  certaines  objections  souvent  formulées , 
quoique  pas  souvent  avec  des  commentaires  d'une  si  rare  suffi- 
sance :  «  mélange  extraordinaire  de  mauvaise  logique  et  de  la 
plus  grande  puérilité  »  (SSp)  ;  «  sa  démonstration  de  la  liberté 
contient  autant  de  sophismes  que  de  phrases  »  (Sgo)  ;  son  appli- 
cation du  Contrat  «ne  vaut  pas  mieux»;  quand  Rousseau  cherche 
à  imiter  la  méthode  de  Hobbes,  il  est  «ridicule  »  (Sgi);  ailleurs  il 
est  «  burlesque  »  (402),  etc.  On  accorde  pourtant  à  Rousseau  d'avoir 
«  malgré  sa  fatigante  métaphysique  >■  esquissé  d'avance  l'idée  du 
vote  populaire  des  lois  et  des  élections  de  magistrats.  D'autre  part, 
Rousseau  n'a  pas  montré  que  la  liberté  individuelle  fut  mieux 
sauvegardée  par  la  souveraineté  de  la  commune  que  par  celle  de. 
Toligarchie  ou  de  la  monarchie;  il  eût  fallu  pour  cela  (pense 
l'auteur)  retourner  à  la  théorie  d'Aristote  :  l'homme  est  un  animal 
social,  thèse  que  le  XYIII^  siècle  avait  rejetée  [à  moins  que  la 
théorie  de  Rousseau  de  la  bonté  originelle  de  l'homme  ne  soit 
cette  même  théorie  dans  une  autre  forme.]  Enfin  l'auteur  affirme 
qu'après  la  mort  de  Rousseau  les  F'rançais  observèrent  les  institu- 
tions de  l'Amérique  libérée  de  l'Angleterre,  et  qui  précisément 
rappelaient  certaines  idées  de  Rousseau.  «  Cette  coïncidence, 
quoique  fortuite,  ne  manqua  pas  d'avoir  une  influence  fort  grande 
sur  le  mouvement  révolutionnaire  qui  se  préparait.  « 

Voici  un  bien  petit  Rousseau  devant  un  bien  grand  professeur  1 
[A.  S.] 

FRANCE 

J.  J.  Rousseau-.  Les  Rêveries  du  promeneur  solitaire,  librairie 
Nilsson,  7,  rue  de  Lille,  Paris,  s.  d.  [janvier  1909],  in-i6,  i25  pp. 
(Collection  Les  cent  chefs-d'œuvre  qu'il  faut  lire.) 

J.  J.  Rousseau.  Du  Contrat  social  ou  Principes  du  Droit  politique. 
Lettre  à  M.  d^ Alembert  sur  les  Spectacles,  Paris,  Érnest  Flam- 
marion édit.,  s.  d.  [1909],  in-1'2,  3i3  pp.  (Les  meilleurs  auteurs 
classiques  français  et  étrangers.) 

AvESNES.  En  face  du  soleil  levant,  Paris.  Plon-Nourrit  edit.,  1909, 
in-8,  xii-296  pp. 

P.  11,-19.  ^(^^  idées -de  Jean-Jacques  Rousseau  en  Chine.  Phi- 
lanthropie verbale  et  phraséologie  des  journaux  chinois  ;  la  copie 
de  Rousseau  est  flagrante.  Sensibilité;  culte  de  la  raison  et  de  la 


BIBLIOGRAPHIE  327 

nature  ;   condamnation    de    l'absolutisme  ;   nationalisme.    —    96. 
Déisme,  aspiration  nouvelle.  |L.  P.| 

J.  Barbey  d'Aurevilly.  Critiques  diverses,  Paris,  Alphonse  Le- 
merre  édit.,  1909,  gr.  in-i8,  364  pp. 

P.  i5i-i59  :  Jean-Jacques  Rousseau  (article  paru  dans  le  Réveil 
du  14  août  i858  sous  ce  titre  :  Jean-Jacques  Rousseau  et  son 
clapier.  Cf.  Annales  V,  33-2).  II  ne  faut  pas  attendre  de  l'écrivain 
catholique  et  conservateur,  que  les  passions  du  jour  remettent  à 
la  mode,  un  jugement  de  sang-froid  sur  le  père  de  tous  les  indi- 
vidualistes et  de  tous  les  révolutionnaires  du  XIX<:  siècle.  Aussi 
bien,  ce  qui  est  curieux,  dans  ce  morceau,  c'est  la  langue  ;  comme 
virulence,  on  en  trouverait  difficilement  l'équivalent  aujourd'hui, 
même  dans  le  journalisme  d'extrême-droite,  où  se  distini^uent 
un  Charles  Maurras,  un  Léon  Daudet,  un  Edouard  Drumont. 
Ainsi,  pour  B.  d'A.,  la  postérité  de  Rousseau  c'est  son  «  clapier», 
«  son  ignoble  clapier  »,  où  l'on  distingue  la  «  grande  portée  »  des 
purs  philosophes,  la  «  portée  pesante  »  des  Saint-Simon,  des 
Charles  Fourier,  des  Proud'hon,  des  P.  Leroux,  —  puis  1'  «  affreuse 
ventrée  »  des  économistes,  Sismondi,  L.  Blanc,  Blanqui,  —  et  la 
«  non  moins  horrible  »  des  hommes  politiques,  Ledru-Rollin, 
Mazzini,  —  enfin  la  «  portée  des  vrais  brouteurs  de  thym  »,  les 
artistes,  comme  G.  Sand,  tous  «  bâtards  »  du  génie  de  Jean- 
Jacques.  Le  début  du  Contrat  social,  avec  le  passage  sur  le  «  roi 
Adam  »  et  1'  «  empereur  Noé  »  est  un  «  texte  ricaneur  «  ;  on  y 
perçoit  «  le  rire  de  Voltaire,  avec  des  dents  noires  ».  Pour  ce  qui 
est  du  génie  de  Rousseau,  si  sublime  qu'il  soit,  «  les  mœurs  ne 
manquent  jamais  de  lui  passer  au  cou  ce  collier  de  cuivre  que 
Walter  Scott  met  au  cou  de  Gurth,  le  gardeur  de  pourceaux  ». 
Qu'attendre  de  cet  être  «  d'origine  indécise  »,  lequel  «  vida  ses 
petits  dans  le  trou  creusé  par  Saint-Vincent  de  Paul,  qui  lui  épar- 
gna l'assassinat...»?  etc.,  etc.  Heureusement  que  ces  grosses  voix, 
qu'on  écoute  par  divertissement  pour  savoir  jusqu'où  ira  leur 
violence  injurieuse,  n'ont  jamais  effrayé  personne  !  [A.  F.] 

Alcanter  de   Brahm.    La   peinture  au   Musée   Carnavalet,    Paris, 

1909,  Sansot  édit.,  in-i6,  xx-238  pp. 

P.  86.  Mention  de  deux  portraits  de  Rousseau  qui  figurent  au 
Musée.  [L.  P.] 

Hippolyte  Buffenoir.  Le  prestige  de  Jean-Jacques  Rousseau,  sou- 
venirs, documents,  anecdotes,  avec  neuf  portraits  et  illustrations, 
Paris,  Emile-Paul  éditeur,  1909,  in-8,  xv-476  pp.,  9  planches 
hors-texte. 


328  ANNALMS    DE   I,A   SOCIKTj':  .1.   .1.    ROUSSKAU 

Les  lecteurs  de  M.  B.,  parmi  lesquels  il  faut  compter  tous  les 
amis  de  Rousseau,  retrouveront  avec  plaisir  dans  ce  volume, 
destiné  a  les  grouper,  un  certain  nombre  d'études  ou  d'articles 
dispersés  jusqu'ici  de  droite  et  de  gauche  et  qu'il  était  par  consé- 
quent assez  difficile  d'atteindre.  Le  tout  est  précédé  d'une  pré- 
face, où  l'auteur  invoque  en  faveur  de  l'opportunité  de  sa  publi- 
cation le  prestige  renaissant  du  philosophe  de  Genève,  le  «  retour 
à  J.  J.  Rousseau.  »  On  sait  de  quel  accent  spécial,  où  l'enthou- 
siasme du  disciple  ne  cesse  de  renforcer  le  lyrisme  naturel  de 
l'écrivain,  est  marqué  tout  ce  qu'écrit  M.  B.  sur  son  auteur  favori. 
A  le  lire,  on  se  croirait  encore  tout  près  du  grand  philosophe, 
dans  ces  temps  qui  ont  immédiatement  suivi  sa  mort,  et  où  l'on 
ne  pouvait  parler  de  lui  sans  s'attendrir  et  sans  s'exclamer.  Mais, 
lyrique  et  sentimentale,  la  critique  de  M.  B.  n'en  est  pas  moins, 
comme  il  convient  à  notre  époque,  érudite  et  documentaire 
(alliage  singulier,  pour  le  dire  en  passant,  qui  fait  penser  à  Léon 
Gautier,  l'historien  de  la  chevalerie).  Elle  circule  à  travers  les 
vieux  papiers,  lettres  inédites,  mémoires,  pièces  d'archives,  au 
contact  desquels  elle  s'exalte  et  qu'elle  ne  se  lasse  pas  de  citer  et 
de  commenter  avec  émotion.  Joignez  à  cela  l'instinct  du  collec- 
tionneur, le  geste  complaisant  de  l'amateur  qui  sait  la  valeur  de 
ses  bibelots,  et  qui  les  aime  pour  la  peine  qu'il  s'est  donnée  de 
les  découvrir,  et  qui  n'a  pas  de  plus  grand  plaisir  que  de  les  faire 
«  mousser  «  :  vous  aurez  achevé  de  saisir  dans  quel  esprit  M.  B. 
fait  les  honneurs  de  ce  que  j'appellerai  son  musée;  aussi  bien, 
pour  apprécier  la  richesse  de  ce  musée,  suffira-t-il  d'en  reproduire 
les  étiquettes,  à  l'usage  des  historiens  de  Rousseau,  qui  ne  man- 
queront pas  de  recourir  aux  pièces  : 

Les  Charmettes  et  J.  J.  Rousseau.  —  J.  J.  Rousseau  et  les 
femmes.  —  J.  J.  Rousseau  et  ses  correspondantes  (Mme  de  Warens, 
Mme  d'Epinay,  Mme  d'Houdetot,  la  Maie  de  Luxembourg,  la  du- 
chesse de  Montmorency,  la  comtesse  de  Boufflers,  la  Mise  de 
Crequi,  Mme  ^ie  Verdelin,  la  duchesse  de  Saxe-Gotha).  —  Juge- 
ment d'une  Parisienne  de  nos  jours  sur  J.  J.  Rousseau.  —  Ulie  fille 
de  J.  J.  Rousseau  (Mme  Roland).  —  Une  amie  incoimue  de  J.  J. 
Rousseau  (Julie  Bondeli).  —  J.  J-.  Rousseau  et  ses  visiteurs  (Cham- 
pagneux,  le  prince  de  Crôy-Sobre,  le  prince  de  Ligne,  B.  de  S'- 
Pierre,  Mme  Roland,  O.  de  Corancez,  Goldoni,  Mme  de  Genlis, 
Eymar,  le  comte  de  Zinzendorf,  J,  Dussaulx).  —  J.  J.  Rousseau 
lisant  ses  Confessions.  —  J.  J.  Rousseau  et  le  comte  d' Escherny 
(cf.  Annales,  IV,  p.  333.)  —  Les  derniers  jours  de  J.  J.  Rousseau. 

—  Les  cendres  de  J.  J.  Rousseau  ramenées  d'Ermenonville  à  Paris. 

—  J.  J.  Rousseau  jugé  par  Grétry  (cf.  Annales,  I,  p.  3 14).  —  J.  J. 


BIBLIOGRAPHIE  329 

Rousseau  jugé  par  Chateaubriand  (cf.  Annales,  III,  p.  293).  — 
Une  question  littéraire  au  sujet  de  Rousseau  (le  testament  Schulz- 
Gora).  —  /.  J.  Rousseau,  Grimm  et  Diderot,  documents  nouveaux 
(ceux  de  Mme  Macdonald).  —  Les  enfants  de  J.  J.  Rousseau  (à 
propos  du  rapport  Ranson  sur  le  dossier  de  l'Assistance  publique. 
Cf.  Annales,  II,  p.  290).  —  Rousseau  et  Robespierre  se  sont-ils 
vus  ?  —  Les  portraits  de  A/me  Je  Warens  (beaucoup  moins  res- 
trictif que  l'article  de  M.  Ritter,  Annales,  I,  p.  269).  En  «  appen- 
dices »  :  Rousseau  et  la  comtesse  d'Egmont  (auditrice  de  la  lecture 
des  Confessions).  —  Le  dernier  herbier  de  J.  J.  Rousseau  (celui  de 
la  famille  Girardin).  —  Un  souvenir  sur  Thérèse  Levasseur  (celui 
de  V.  OfTroy;  cf.  Annales,  III,  3o2).  —  Poésies  (de  M.  B.)  en 
l'honneur  de  Rousseau,  Extraits  de  mes  mémoires  inédits.  — 
Procès-verbal  d'ouverture  des  sarcophages  et  cercueils  de  Voltaire 
et  de  Rousseau  au  Panthéon.  —  Un  ossement  de  J.  J.  Rousseau 
dans  le  monument  d  Ermenonville.  Dans  l'illustration  de  ce  nou- 
veau volume  de  M.  B.,  tout  à  fait  remarquable  comme  celle  des 
précédents,  il  faut  mettre  hors  de  pair  l'admirable  buste  et  l'ex- 
quise statuette  de  Houdon.  Citons  encore  les  portraits  de 
M'ie  Lard,  de  Mme  Boy  de  La  Tour,  de  la  comtesse  d'Egmont,  et 
le  médaillon  de  Rousseau  par  Lesueur,  toutes  pièces  fort  inté- 
ressantes, —  et  louons  encore  une  fois  M.  B  de  n'être  pas  un 
collectionneur  égoïste,  mais  au  contraire  toujours  disposé  à  faire 
profiter  le  public  des  bonnes  fortunes  d'un  homme  de  goût'. 
[A.  F.i 

Docteur  CABANiis.  Les  indiscrétions  de   IHistoire,   sixième  série, 
Paris,  Albin  Michel  édit.,  s.  d.  [1909],  in-8,  xxv-408  pp. 

P.  163-226:  J.J.  Rousseau  s'est-il  suicidé  ?  [avec  une  reproduction 
du  masque  de  J.  J.  Rousseau,  d'après  une  photographie  de  l'original 
déposé  au  Musée  de  Montmorency).  Forme  définitive  de  l'article 
paru  sous  le  pseudonyme  du  Dr  Fernel  dans  la  Revue  thérapeu- 
tique des  alcaloïdes  (cf.  Annales,  V,  p.  309).  On  y  a  joint  en  appen- 
dice une  consultation  du  professeur  Achard,  de  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris,  sur  «  les  causes  de  la  mort  de  J.  J.  Rousseau  », 


ï  On  pourrait  chicaner  M.  B.,  d'abord  sur  son  penchant  à  se  servir  de 
documents  notoirement  apocryphes  (voyez  p.  G  et  28),  puis  sur  sa  façon 
un  peu  imprudente  de  rectifier  les  dates.  Ainsi,  on  peut  à  la  rigueur 
justifier  le  changement  de  la  date  du  dessin  d'Houel  (planche  IV,  1761 
au  lieu  de  1764),  mais  nullement  celui  de  la  date  de  la  lettre  à  Bernar- 
din de  Saint-Pierre,  p.  212  (1772  au  lieu  de  1771,  cf.  Annales,  1908, 
p.  319). 


33o  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

consultation  qui,  sans  être  affirmative,  admet  la  vraisemblance  de 
l'opinion  exprimée  par  le  procès-verbal  d'autopsie.  [A.  F.] 

Edme  Champion.  J.  J.  Rousseau  et  la  Révolution  française,  Paris, 
Armand  Colin  édit.,  190g,  in-i8  jésus,  vin-276  pp. 

En  ce  petit  volume  bien  documenté,  finement  déduit,  nouveau 
sur  plus  d'un  point,  M.  Edme  Champion  étudie  l'influence 
exercée  par  Rousseau  sur  la  Révolution.  L'auteur  s'insurge  contre 
le  jugement  de  ceux  qui,  incarnant  en  vm  seul  homme  une  révo- 
lution pareille,  montrent  en  Rousseau,  mal  lu,  mal  interprété,  le 
précurseur  des  terroristes  et  le  mauvais  génie  de  la  Révolution. 
Ni  dévot,  ni  enthousiaste,  ni  simplement  ami  de  Rousseau, 
M.  Edme  Champion  veut  «  écarter  de  cet  homme  paisible  l'auréole 
sanglante  qui  l'enveloppe  »,  sans  autre  souci  que  d'être  exact,  de 
voir  clair,  d'atteindre  et  de  garder  la  juste  mesure.  Il  nous  semble 
qu'il  y  a  réussi. 

Sans  remonter  môme  jusqu'au  bûcher  du  Contrat  social,  brûle  a 
Genève  en  juin  1762,  l'accusation  est  ancienne.  Des  la  Révolution, 
les  monarchistes  font  de  J.  J.  Rousseau  l'auteur  principal  et  res- 
ponsable de  la  chute  de  la  monarchie.  Morellet,  La  Harpe,  Nisard 
répètent  cette  accusation  et,  dans  la  conclusion  de  son  Ancien  ré- 
gime, Taine  n'hésite  pas  à  placer  Rousseau  en  tête  du  «  bataillon 
carré  des  socialistes  conjurés  contre  la  société.  »  On  sait  assez  sous 
quelle  forme  cette  accusation  a  été  reprise  et  développée  de  nos 
jours  par  les  Jules  Lemaître  et  autres  néo-royalistes.  A  l'autre 
bout  de  l'horizon  politique,  Edgard  Quinet  voyait  en  Rousseau 
le  mauvais  génie  de  la  Révolution  française  qui  lui  emprunte  non 
seulement  ses  idées  mais  son  fâcheux  tempérament.  C'est  Rous- 
seau qui  règne  et  tdomphe  en  1793  et  la  Terreur  sort  directement 
du  Contrat  social.  Les  panégyristes  de  Rousseau  ont.  beaucoup 
contribué  à  répandre  la  même  erreur  en  attribuant  à  leur  dieu  tous 
les  heureux  effets  de  la  Révolution. 

Repoussant  le  jugement  banal,  et  revisant  le  procès,  M.  'Edme 
Champion  montre  .sans  peiné  qu'on  a  imputé  à  Rousseau  une 
foule  c(  d'innovations  »  vieilles  de  plusieurs  siècles,  et  que  toute 
une  série  de  publicistes  avaient  proclamées,  de  Grégoire  de  Tours 
à  l'abbé  de  Saint-Pierre.  D'autres  que  lui  ont  prophétisé,  avec 
plus  de  clarté  et  de  précision,  la  Révolution.  D'autres  influences. 
Voltaire,  Mably,  Raynal,  Montesquieu,  l'ont  préparée.  Tout  cela 
est  très  juste,  mais  il  serait  très  juste  aussi  de  dire  que  chez 
Rousseau  l'accent  est  autre,  et  la  passion,  et  la  voix  forte  qui 
ébranle  l'âme  populaire  et  remue  ses  fibres  les  plus  profondes. 


BIRI.IOGRAPHIE 


33  I 


Rousseau  a  été,  en  outre,  mal  lu,  mal  cité,  mal  interprété,  un 
peu  par  sa  faute,  par  son  intempérance  de  langage,  par  sa  balour- 
dise dans  la  boutade,  par  ses  figures  de  rhétorique  enflammées 
qu'on  a  pu  exploiter  contre  lui,  en  les  séparant  du  texte  souvent 
judicieux  et  modéré  qu'elles  illuminent  violemment  comme  des 
éclairs. 

Etudiant  ensuite  les  idées  politiques  et  sociales  de  Rousseau  dans 
son  œuvre  même,  M.  Edme  Champion  met  en  lumière,  mieux  qu'on 
ne  l'avait  fait  avant  lui,  le  fonds  traditionnaliste  et  presque  conser- 
vateur de  plusieurs  écrits  de  Rousseau  entre  VEpitre  à  Parisot  et  la 
Lettre  sur  les  spectacles.  Le  Contrat'social  lui-même,  qui  marque 
une  rupture  de  continuité  dans  l'œuvre  et  dans  la  pensée  de  Rous- 
seau, est  loin  d'avoir  toute  la  portée  subversive  et  tout  le  sens  ré- 
volutionnaire qu'on  est  convenu  de  lui  attribuer.  La  condamnation 
de  l'esclavage  et  de  la  tvrannie,  qui  fait  le  fond  du  livre,  n'est  pas 
chose  neuve  en  elle-même,  mais  bien  le  ton  passionné,  la  vigueur 
condensée,  l'accent  concentré  qui  illumine  et  renouvelle  la  thèse. 
Si  thèse  il  y  a,  car  rien  n'est  plus  incertain,  contradictoire  et 
incohérent  que  les  idées  politiqvies  du  Contrat  social.  Rousseau 
n'a  jamais  eu  de  système  politique  et  son  livre  n'exprime  le  plus 
souvent,  avec  lucidité,  précision  et  force,  que  des  pensées  sans 
suite  et  sans  cohésion. 

Dans  les  Lettres  de  la  Montagne,  comme  dans  les  Dialogues, 
Trousseau  conteste  avec  violence  qu'il  ait  jamais  voulu  renverser 
aucune  forme  de  gouvernement,  pousser  les  opprimés  à  la  révolte 
ou  même  sacrifier  la  liberté  de  l'individu  à  l'omnipotence  du 
peuple  souverain. 

Dans  ses  Considérations  sur  le  gouvernement  de  la  Pologne  et 
dans  son  Projet  de  Constitution  pour  la  Corse,  il  s'affirme  respec- 
tueux de  la  tradition,  patriote  jusqu'au  nationalisme,  ennemi 
résolu  de  tout  bouleversement  rapide  et  violent  des  institutions, 
en  un  mot  aussi  peu  révolutionnaire  que  possible.  Voilà  pour  son 
œuvre. 

Cette  œuvre,  dont  on  n'avait  pas  encore  travesti  les  idées,  les 
sentiments  ou  les  déclarations  les  plus  catégoriques,  ne  parut  ni 
dangereuse,  ni  subversive  aux  contemporains  qui,  comme  les 
Luxembourg  ou  Malesherbes,  protégèrent  Jean-Jacques,  ni,  à  la 
veille  de  la  Révolution,  aux  modérés  comme  Monnier,  ,Necker, 
Mme  (le  Staël  qui  virent  en  Rousseau  un  novateur  bienfaisant 
dans  la  parole  duquel  le  royaume  pouvait  trouver  son  salut.  Entre 
1789  et  1792,  c'est  Mirabeau,  qui  ne  passe  pas  pour  un  terroriste, 
qui  rend  à  Rousseau  le  plus  magnifique  hommage.  Ce  sont  les  cons- 
tituants qui  le  citent  constamment  et  invoquent  son  autorité  dans 


332  ANXALIiS   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

le  sens  de  la  sagesse  et  des  moyens  modérés.  Quelques-uns  déjà 
le  jugent  trop  peu  révolutionnaire,  mais  la  Constituante  considère 
son  œuvre  comme  le  fruit  du  Contrat  social,  et  les  Mercier,  les 
d'Evmar,  les  Rabaut-Saint-Etienne,  tous  les  modérés  sont  una- 
nimes à  réclamer  pour  Rousseau  les  honneurs  du  Panthéon.  Quoi 
qu'en  aient  dit  Louis  Blanc  et  Quinet,  c'est  bien  entre  1789  et  1792, 
et  non  après,  que  l'influence  de  Rousseau  règne  en  maîtresse.  Ce 
n'est  pas  lui  qui  a  détruit  la  monarchie  et  fait  surgir  la  républi- 
que, c'est  la  force  des  choses,  plus  forte  que  toutes  les  théories  et 
tous  les  livres. 

De  ce  que  plus  d'un  terroriste  a  nommé  Rousseau  son  maître, 
il  n'en  résulte  nullement  que  la  Terreur  découle  du  Contrat  social. 
Bien  mieux,  les  contemporains  ennemis  de  Robespierre  lui  repro- 
chent constamment  de  violer  en  tout  point  les  idées  et  les  précep- 
tes de  Rousseau,  et  c'est  sur  l'autorité  de  Rousseau  qu'on  se  fonde 
pour  combattre  les  excès  sanglants  de  la  Terreur,  dont  une  si 
grande  part  revient  d'ailleurs  à  la  contre-révolution  et  aux  émigrés. 
Que  Marat  ait  lu  et  commenté  en  public  le  Contrat  social,  ce  dont 
Taine  triomphe,  cela  n'empêche  pas  que  la  commune  souveraine, 
rêvée  par  Marat,  ne  soit  à  l'antipode  du  principe  sacro-saint  de 
Rousseau,  la  souveraineté  indivisible. 

Après  avoir  établi  sans  peine,  dans  les  chapitres  suivants,  que 
Rousseau  ne  peut  être  justem.ent  tenu  pour  l'auteur  responsable  ou 
pour  l'instigateur  même  indirect  des  attentats  de  la  Terreur  contre 
la  religion,  la  propriété  et  la  vie  humaine,  M.  Edme  Champion  exa- 
mine la  part  certaine  d'influence  que  son  œuvre  a  pu  avoir  pour 
préparer  la  Révolution.  Comme  Lakanal,  rapportant  le  28  fructidor 
an  II  sur  le  transfert  des  cendres  de  Rousseau  au  Panthéon,  notre 
auteur  pense  que  c'est  par  V Emile  et  l'enthousiasme  moral,  mieux 
que  parle  Contrat, SQcial  et  sa  théorie  politique  confuse,  que  Rous- 
seau a  ouvert  les  voies  à  la  Révolution  de  1789,  non  à  la  guillo- 
tine de  1793. 

Dans  un  dernier  chapitre,  M.  Edme  Champion  se  demande  ce 
que  Rousseau,  octogénaire  en  1792,  aurait  fait  et  pensé,  s'il  avait 
encore  vécu.  Aurait-il  été  guillotiné?  Serait-il  mort.de  douleur  ? 
Aurait-il  approuvé  la  violence,  et  le  sang  versé  ?  Qu'aurait-il 
approuvé  des  actes  et  des  résultats  de  la  Révolution,  dont  les 
débuts  généreux  furent  favorisés  par  la  flamme  d'idéal  qu'il  avait 
rallumée  dans  les  âmes  ?  Ces  questions,  ces  hypothèses  surtout, 
nous  paraissent,  avouons-le,  bien  oiseuses,  mais  ce  n'est  pas  une 
raison  suffisante  pour  taire  l'intérêt  et  le  plaisir  intellectuel  que 
nous  avons  goûtés  à  lire  la  partie  historique  et  critique  de  ce 
livre  vif,  élégant  et  solide.  [G.  V.] 


BIBLIOGRAPHIE  333 

Arthur  Chuquet,  membre  de  Flnstitut,  professeur  au  Collège  de 
France.  Littérature  allemande,  Paris,  A.  Colin  édit.,  igoq,  in-8, 
485  pp. 

P.  195.  Lessing,  dans  la  Dramaturgie,  défend  le  Misanthrope 
contre  Rousseau.  —  210.  Engouement  de  l'école  appelée  Sturm 
tind  Drang,  au  XVIIIe  siècle,  pour  J.  J.  Rousseau.  —  216.  Herder 
prétend  retrouver  chez  les  sauvages  une  poésie  supérieure  à  celle 
des  peuples  civilisés,  comme  Rousseau  cherchait  chez  eux  le  mo- 
dèle du  contrat  social.  —  232.  Influence  de  Rousseau  sur  Schiller. 
—  256,  264-5.  Influence  sur  Gœthe.  Werther  est  un  autre  Saint- 
Preux.  Différences  cependant  entre  Werther  et  la  Nouvelle 
Héloïse.  [L.  P.] 

René  Doumic,  de  l'Académie  française.  Georges  Sand,  dix  confé- 
rences sur  sa  vie  et  son  œuvre,  avec  quatre  portraits  et  un  fac- 
similé  d'autographe,  Paris,  Perrin  et  C'»^  édit.,   1909,  in-8,  362  pp. 

L'intérêt  pour  nous  de  cette  série  de  «  conférences  >',  c'est 
qu'elle  fait  suite  en  quelque  sorte  aux  conférences  de  M.  Jules 
Lemaître  sur  J.  J.  Rousseau,  prononcées  dans  le  même  local  et 
devant  le  même  auditoire  deux  ans  auparavant  (cf.  Annales,  IV, 
p.  304).  Le  point  de  contact  est  établi  par  le  chapitre  I,  intitulé 
Aurore  Dupin,  psychologie  d'une  fille  de  Jean-Jacques  (reproduit 
dans  la  Revue  hebdomadaire,  6  février  1909).  L'idéal  nouveau  issu 
de  la  prédication  de  Rousseau  et  que  personnifie  Georges  Sand, 
«  comment  se  comportera-t-il  en  présence  de  la  vie,  aux  prises 
avec  les  réalités  familiales  et  sociales  ?  C'est  tout  le  sujet  de  ce 
cours...  »  Est-il  besoin  d'ajouter  que  la  réponse  est  donnée  dans 
le  même  esprit,  sous  l'empire  des  mêmes  préoccupations,  je  dirais 
volontiers  des  mêmes  préjugés,  que  la  solution  de  l'énigme  Rous- 
seau par  M.  J.  Lemaître.  La  vie  d'Aurore  Dupin  est  étudiée  ici 
de  beaucoup  plus  près  que  son  œuvre,  avec  l'intention  assez  évi- 
dente de  rendre  manifeste  l'échec  de  l'idéal  de  Rousseau  chez  ses 
disciples  les  plus  authentiques.  [A.  F.] 

Emile  Faguet,  de  l'Académie  française.  Z)/5fî/55îo»5^o//f/^Me5,  Paris" 
Société  française  d'imprimerie  et  de  librairie,  1909,  in- 16, 421  pp. 

P.  167-176  :  J.  J.  Rousseau  scolaire.  Reproduction  de  l'article 
signalé  dans  nos  Annales,  I,  p.  3ii. 

D''  Fabien  Girardet.  La  mort  de  Jean-Jacques  Rousseau,  étude 
médicale,  Lyon  et  Paris,  A.  Maloine  édit.,  1909,  in-8,  262  pp. 

La  mode  médicale  actuelle  est  aux  diagnostics  rétrospectifs,  et 
les   médecins  voient    éclore,    depuis  quelques  années,  toute  une 


334  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

littérature  destinée  à  établir,  suivant  les  vues  de  la  science  con- 
temporaine, le  «  bilan  pathologique  »  d'une  quantité  de  person- 
nages historiques. 

Mais  quand  on  songe  —  et  M.  Girardet  le  rappelle  lui-même 
en  passant  —  aux  difficultés  qu'éprouvent  quelquefois  les  clini- 
ciens et  les  médecins  légistes  à  préciser  les  causes  de  la  mort, 
pour  des  cas  dont  ils  ont  vu  évoluer  la  dernière  maladie,  et  dont 
ils  ont  les  pièces  anatomiques  sous  les  yeux,  on  se  demande 
quelle  valeur  peuvent  avoir  des  conclusions  basées  sur  des 
témoignages  anciens,  toujours  incomplets,  souvent  contradic- 
toires. 

Seules  les  maladies  mentales  peuvent,  et  seulement  dans  une 
certaine  mesure,  être,  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  diagnosti- 
quées à  distance  ;  quant  aux  autres,  de  loin  les  plus  nombreuses, 
il  est  le  plus  souvent  impossible  de  faire  autre  chose  que  des 
hypothèses  hasardées  ;  bien  rares  sont  les  cas  où  les  recherches 
rétrospectives  entraînent  une  conviction  nette  et  absolue. 

Aussi  est-ce  avec  scepticisme  que  j'ai  abordé  la  lecture  du 
mémoire  sur  la  mort  de  J.  J.  Rousseau  que  M.  Fabien  Girardet  a 
présenté,  comme  thèse  de  doctorat  en  médecine,  l'année  passée,  à 
l'Université  de  Lyon  et  qu'il  offre  maintenant  au  public. 

Disons  tout  de  suite  que  M.  le  D""  Girardet  ne  nous  apporte  rien 
d'inédit  et,  comme  il  l'avoue  modestement  lui-même  :  «  Que 
«  restait-il  à  glaner  dans  ce  champ  immense,  où  d'habiles  travail- 
«  leurs  avaient  depuis  longtemps  cueilli  les  plus  belles  gerbes  ? 
«  Tout  était  pris,  tout  était  dit,  je  n'ai  recueilli  que  les  restes.  » 
Mais  il  a  l'art  de  fort  bien  les  accommoder  et  il  nous  présente 
une  étude  très  complète  et  très  fouillée  de  son  sujet. 

Pourquoi  s'est-il  attelé  après  tant  d'autres  à  étudier  les  états 
pathologiques  de  Rousseau  et  les  causes  de  sa  mort?  La  réponse 
en  est  simple  :  Très  rousseauiste  dès  son  jeune  âge,  il  souffre, 
comme  en  a  souffert  Rousseau  lui-même,  comme  en  ont  souffert 
ses  admirateurs  après  lui,  des  calomnies,  des  mensonges  dont  on 
a  essayé  de  ternir  sa  réputation. 

Malgré  les  témoignages  des  personnes  dignes  de*  foi  qui  ont 
assisté' au  drame,  malgré  l'autopsie,  malgré  l'exhumation,  la 
légende  a  toujours  cours.  Et  à  côté, des  témoins  oculaires  comme 
Girardin,  Le  Bègue  de  Presle,  Castérès,  Chenu,  Bouvet,  Houdon, 
Ernest  Hamel,  Poussin,  Castellant,  Georges  Berger,  Grand-Car- 
teret,  qui  ont,  les  uns  assisté  aux  derniers  moments  de  Jean- 
Jacques,  les  autres  autopsié  son  corps,  crâne  compris,  ou  qui  ont 
assisté  à  son  exhumation  et  qui  tous  ont  certifié  une  mort  natu- 
relle sans  aucune  lésion  du  crâne  par  arme  à  feu,  il  s'est  toujours 


BIBLIOGRAPHIE  335 

trouvé  des  personnes  comme  Grimm,  Corancez,  Min=  de  Staël, 
Musset-Pathay,  jusqu'à  M.  Jules  Lemaître,  qui,  sans  avoir  rien 
vu,  ont  conclu  au  suicide  du  philosophe  ou  l'ont  admis  comme 
possible. 

M.  Girardet,  dans  une  première  partie,  étudie  à  nouveau  les 
diverses  maladies  du  philosophe.  Après  avoir  rappelé  son  hérédité, 
il  fait  une  analyse  fort  détaillée  de  son  état  mental  et  des  diffé- 
rents ressorts  de  ce  cerveau  complexe,  pour  conclure  que  Rous- 
seau fut  un  persécuté  mélancolique  et  un  psychasthénique. 

Dans  sa  jeunesse,  il  avait  été  un  dromomane  et  ses  fugues  si 
fréquentes  sont  certainement  pathologiques  ;  mais  à  ce  propos  je 
ferai  remarquer,  après  d'autres,  l'étonnement  des  étrangers  s'oc- 
cupant  des  familles  genevoises,  quand  ils  constatent  le  nombre  de 
leurs  membres  qui  ont  été  courir  le  monde.  M.  Girardet  considère 
comme  des  antécédents  héréditaires  pathologiques  les  nombreux 
voyages  accomplis  par  les  ancêtres  de  Rousseau.  A  ce  taux-là 
peu  de  Genevois  seraient  indemnes  de  cette  tare  ;  jamais  ils 
n'ont  été  des  casaniers  ;  venus  de  partout,  ils  ont  toujours 
essaimé  en  grand  nombre.  Et  la  chose  s'explique  tout  naturelle- 
ment :  les  ressources  restreintes  offertes  par  une  petite  ville  à  une 
population  très  instruite  en  empêchaient  plusieurs  d'utiliser  leurs 
talents  chez  eux;  ils  étaient  bien  obligés  d'aller  gagner  leur  pain 
ailleurs,  partout  où  pouvaient  s'offrir  à  eux  une  carrière  et  un 
avenir. 

Dans  la  deuxième  partie,  consacrée  à  la  mort  de  Rousseau, 
M.  Girardet  met  sous  nos  yeux  toutes  les  pièces  officielles,  les 
récits  des  contemporains,  les  pièces  ultérieures  et  il  en  discute  la 
valeur  en  médecin-légiste,  reprenant  la  question  comme  un 
expert  chargé  de  conclure  dans  une  affaire  criminelle. 

L'hypothèse  du  suicide  par  arme  à  feu  est  devenue  insoutenable 
depuis  l'exhumation  de  1897.  Mais  on  a  avancé  la  possibilité  d'un 
suicide  par  empoisonnement  ;  là,  la  preuve  directe  du  contraire 
existe  également,  car,  à  moins  de  taxer  de  faux  témoignage  le 
proces-verbal  d'autopsie,  la  présence  du  café  au  lait  dans  l'esto- 
mac au  moment  de  l'ouverture  du  corps,  prouve  que  Rousseau  n'a 
pas  vomi  avant  sa  mort  ;  et  le  vomissement  est  un  symptôme 
presque  constant  de  l'empoisonnement  par  n'importe  quel  toxique 
parmi  ceux  qu'il  aurait  pu  se  procurer. 

M.  Girardet  nous  annonce  qu'un  des  assistants  à  l'exhumation, 
M.  Castellant,  va  faire  paraître  un  travail  destiné  à  montrer  que 
la  mort  est  la  résultante  des  mauvais  traitements  infligés  à  Rous- 
seau par  Thérèse.  Attendons  pour  en  juger  que  ce  travail  ait 
paru  ;  d'ores  et  déjà  la  chose  paraît  bien  peu  probable.  M.  Girardet 


336  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 

estime  que  la  mort  rapide  de  Rousseau  et  la  grande  quantité  de 
sérosité  trouvée  dans  ses  méninges  s'expliquent  fort  bien  par  une 
attaque  d'urémie.  Mais  là,  nous  sommes  obligés  de  constater  que 
c'est  une  simple  hypothèse;  la  néphrite  chronique,  qui  est  la 
cause  de  l'urémie,  était  encore  insoupçonnée  au  XVIIIe  siècle  et 
les  médecins  n'ont  pu  donner  de  détails  sur  la  structure  intime 
des  reins  tels  qu'ils  les  ont  trouvés  à  l'autopsie. 

L'auteur  étaie  son  opinion  de  différents  faits  connus  (cystite 
par  sondages  répétés,  besoin  de  transpirer  pour  se  sentir  à  son 
aise,  étouffements  et  suffocations,  etc.),  mais,  encore  ime  fois,  ces 
faits  ne  sont  pas  des  preuves. 

Cependant,  que  les  hommes  de  lettres,  qu'une  mort  aussi  rapide 
pourrait  encore  étonner,  se  reportent  à  la  mort  récente  d'E- 
douard Rod,  et  ils  se  souviendront  de  la  soudaineté  d'apparition 
des  symptômes  de  l'urémie  et  de  leur  aboutissement  rapide  à  la 
mort,  avec  ces  mêmes  angoisses,  ces  troubles  vagues,  ces  suffo- 
cations et  surtout  ce  mal  de  tête  dont  parlent  de  Girardin  et  Le 
Bègue  de  Presle  à  propos  des  dernières  heures  de  Rousseau. 

L'hypothèse  d'urémie,  tout  en  étant  personnelle  à  M.  Girardet, 
a  déjà  été  émise  sans  qu'il  en  sût  rien,  par  le  professeur  Achard 
de  Paris,  dans  un  mémoire  du  Dr  Cabanes  paru  peu  auparavant. 

En  résumé,  M.  Girardet  veut  nous  démontrer  —  et,  sauf  les 
réserves  que  j'ai  faites  au  début  de  cet  article,  la  chose  paraît 
plausible  —  que  Rousseau  était  un  persécuté  mélancolique  et  un 
psychasthénique,  et  qu'il  est  mort  d'une  attaque  d'urémie,  phéno- 
mène terminal  du  mal  de  Bright  ou  sclérose  des  reins. 

Nous  pouvons  adopter  les  conclusions  de  cette  expertise,  car 
elle  est  fort  bien  faite  et  ne  laisse  dans  l'ombre  aucun  fait  ni  au- 
cune pièce,  se  terminant  par  une  excellente  bibliographie  de  tous 
les  travaux  antérieurs  sur  les  maladies  et  l'état  hiental  de  J.  J. 
Rousseau!.  [Dr,H.  M.] 

1  P.  41,  1.  14:  Yverdun,  Z/^e^  Yverdon  (orthographe  actuelle  du  mot).— 
43,  note,  1.  I  :  Boudeli,  lise:[  Bondeli.  —  69,  1.  i3.  Il  n'y  a  pas  de  pastel 
de  Latour  représentant  Rousseau  en  Arménien,  à  moins  de  croire  à 
rauthenticité  de  celui  qui  appartient  au  niarquis  de  Girardin.  Ce  n'est 
en  tout' cas  pas  celui  qui  fait  autorité  pour  la  physionomie  de  Rous- 
seau, mais  bien  plutôt  le  Rousseau  en  perruque,  du  même  artiste. 
—  i3i,  1.  21.  Cette  notice  (le  terme,'  comme  le  texte,  est  emprunté  à 
Morin,  p.  413),  est  en  réalité  la  Lettre  à  Sophie,  comtesse  de  Vassv, 
publiée  par  Stanislas  de  Girardin  en  1824,  en  appendice  de  sa  corres- 
pondance avec  Musset-Pathay.  —  140,  1.  12  :  1773,  lise{  1778.  — 
148,  note,  1.  I  en  rem.  :  t-.  XXI,  lise^  t.  XXII  (Supplément).  —  162,  1.  10: 
une  relation  des  derniers  moments.  C'est  la  première  impression 
(Iragmentaire)   de   la  Lettre   à  Sophie,    comtesse    de    Vassv,  citée  plus 


BIBLIOGRAPHIE  SSy 

Dr  Pierre  Janet,  professeur  de  psychologie  au  Collège  de  France. 
Les  Névroses,  Paris,  Ernest  Flammarion  édit.,  1909,  in- [2, 
397  pp. 

P.  5o  :  M.  J.  cite  un  passage  bien  connu  du  livre  VI  des  Con- 
fessions comme  exemple  de  la  «  manie  du  présage  »  ou  de  «  l'in- 
terrogation du  sort  »  (dans  le  chapitre  sur  Les  Doutes  psychasté- 
niques).  C'est  celui  où  Rousseau  raconte  qu'il  jetait  des  pierres 
dans  les  arbres  pour  savoir  s'il  était  damné.  [A.  F] 

Gustave  Lanson.  L'art  de  la  prose,  Paris,  librairie  des  Annales 
politiques  et  littéraires,  3^  édition,  Paris,.  190g,  in- 12,  3o3  pp. 

Chapitre  XIV  :  Deux  phrases  artistiques  du  XVI 11^  siècle  :  La 
phrase  musicale  de  Jean-Jacques  Rousseau,  la  phrase  pittoresque 
de  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Cette  étude,  véritablement  initia- 
trice, a  été  signalée  en  son  temps  dans  nos  Annales,  III,  p.  286. 

Ernest  Lavisse.  Histoire  de  France  depuis  les  origines  jusqu'à  la 
Révolution,  tome  huitième,  II,  Le  règne  de  Louis  XV {i y 1 5- 
1/74),  par  H.  Carré,  professeur  à  l'Université  de  Poitiers, 
Paris,  Hachette  édit.,  1909,  grand  in-8,  427  pp. 

Chapitre  III:  La  propagande  philosophique  ;  III,  Rousseau 
(p.  3o5-3i8).  Le  ton  général  de  cet  important  paragraphe  est 
plutôt  sévère,  malgré  l'effort  d'impartialité  de  l'historien.  Cette 
sécheresse  du  résumé,  réduit  aux  faits  essentiels,  convient  moins 
qu'à  personne  à  Rousseau  qui  a  tant  besoin  de  l'atmosphère 
morale  ou  psychologique  de  ses  actes.  On  n'y  suit  point  la  courbe 
de  son  caractère,  mais  on  a  dans  la  main  une  barre  de  fer  toute 
droite.  Le  danger  de  semblables  raccourcis  dans  l'appréciation 
de  faits  qui  sont  tout  de  nuances,  éclate  dans  ces  quelques  lignes 
destinées  à  rendre  compte  de  la  querelle  avec  M^e  d'Epinay  : 

«  Mais  il  finit  par  se  brouiller  avec  M^e  d'Epinay.  Elle  devait 
aller  à  Genève,  et  souhaitait  qu'il  y  allât  avec  elle.  Rousseau  vit 
dans  ce  désir  une  atteinte  à  son  indépendance,  et  comme  Grimm, 
Diderot  et  d'Hobach  se  permirent  de  le  désapprouver,  il  rompit 
avec  eux  et,  finalement,  avec  le  parti  encyclopédique...  » 

Il  fallait  au  moins  dire  ce  que  Mme  d'Epinay  allait  faire  à 
Genève,  et  quel  rôle  Rousseau  refusait  d'assumer,  sans  cela  point 
de  justice.  On  appréciera  davantage  des  remarques  comme  celle^ 

haut,  p.  i3i.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  l'en  distinguer.  —  i65,  1.  i  en  rem.  : 
Baruel-Bouvert,  /wef  Baruel-Beauvert.  —  211,  1.  6  et  12:  1810,  //scf 
1820  [A.  F.] 

22 


338  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    J.    ROUSSEAU 

ei,  à  propos  des  Discours:  <>  Il  n'était  pas  dupe  de  ses   utopies, 
mais  il  n'en  faisait  pas  la  critique.  »  [A.  F.] 

Marius-Ary  Leblond.  L'Idéal  du  X/A>  siècle.  Le  rêve  du  bonheur 
d'après  Rousseau  et  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Les  théories 
frimitivistes  et  Vidéal  artistique  du  socialisme,  Paris,  F.  Alcan 
édit.,  1909,  in-8,  x-328  pp. 

P.  37-120  :  Le  rêve  du  bonheur  dans  Rousseau  et  Bernardin, 
éducateurs  du  XIX^  siècle. 

P.  39-54.  J.  J.  Rousseau  :  le  caractère  de  son  œuvre;  le  monde, 
les  lettres  et  la  science;  le  culte  de  la  patrie.  —  55-63.  Les  réfor- 
mes. Le  communisme  ;  Eloge  de  l'agriculture  ;  La  petite  pro- 
priété ;  Visions  agrestes.  D'après  MM.  Leblond,  Rousseau  ne  fut 
point  l'individualiste  antisocial,  l'anarchiste  que  voient  en  lui 
ses  détracteurs.  Ce  n'est  pas,  en  réalité,  le  retour  à  la  nature  qu'il 
a  préconisé,  mais  le  retour  à  l'agriculture.  Est-il  une  thèse  plus 
juste  ?  Son  am.our  de  la  nature  était  l'amour  des  champs,  sa 
méfiance  de  la  société  n'était  que  l'horreur  des  grandes  villes,  de 
ce  que  la  littérature  d'hier  appelait  pittoresquement  «  les  villes 
tentaculaires  ».  —  '34-72.  La  nature  chez  Rousseau.  Le  sens  exact 
du  mot  de  »  nature  w  :  le  citadinisme  et  la  raison.  —  79-86.  L'âge 
d'or.  La  vertu;  La  force  physique  ;  L'éducation  ;  Le  travail; 
L'amour  ;  La  Société.  Rousseau  ne  demandait  pas  le  retour  au 
pur  état  de  nature.  —  87-91.  L'utopie  et  le  sens  pratique.  Rousseau 
est  un  esprit  constructeur  :  son  bon-sens  positif;  sa  croyance  au 
progrès;  ses  constitutions;  ses  rêves  de  l'avenir.  Rousseau  n'était 
pas  un  utopiste.  «  Le  bon-sens,  contrairement  à  ce  que  l'on  a 
toujours  dit,  est  sa  qualité  fondamentale.  »  Les  auteurs  ne  font 
de  réserves  quepour  sa  vieillesse,  et  encore  disent-ils  que  cette 
vieillesse  mafadive  le  conduisit  à  «  des  excès  de  bon-sens  qui 
touchent  à  la  folie.  «(Ne  serait-ce  pas  le  cas  de  dire  avec  Mon- 
tesquieu que  l'excès  de  la  raison  n'est  pas  désirable?)  Cf.,  sur 
l'esprit  pratique  de  Rousseau,  p.  293.  —  92-94.  Conclusion.  Chris- 
tianisme :  Rousseau,  quelque  paradçxal  que  semble  ce  rappro- 
chement, est  M  le  successeur  de  Bossuet.  »  Républicanisme; 
sentiment  social  de  la  nature.  —  95-120.  Bernardin  de  Saint- 
Pierre  disciple  de  Rousseau.  L'esthétique,  science  du  bonheur. 
L'edénisme  exotique. 

P.  125-126,  129.  Le  retour  à  la  nature,  dans  le  romantisme,  est 
le  rêve  d'une  vie  sauvage,  et  non  pas,  comme  chez  Rousseau,  le 
rêve  d'un-e  vie  agreste.- Causes  historiques  de  cette  diflerence.  Le 
romantisme  n'est  pas  intégralement  dans  Rousseau,  comme  l'a 
cru  M.  Lasserre.  —  157.  Rousseau  et  le  primitivisme  mystique  du 


BIBLIOGRAPHIE  33g 

XIX*  siècle.  —  244.    Rousseau  père   du   primitivisme,  ou   retour 
réfléchi  et  mesuré  à  la  nature.  [L.  P.] 

C.  Lecigne,  docteur  es  lettres,  professeur  aux  Facultés  libres  de 
Lille.  Le  Fléau  Romantique,  Paris,  P.  Lethielleux  édit.,  s.  d, 
[décembre  1909],  in-8,  3i6  pp. 

L'assaut  donné  par  le  catholicisme  nationaliste  contre  le  roman- 
tisme (ce  pelé,  ce  galeux...),  continue.  Après  l'abbé  L.-Ch.  Del- 
four  (Catholicisme  et  Romantisme,  Paris,  1905),  après  J.  Lemaître, 
E.  Seillière,  et  P.  Lasserre,  voici  l'abbé  Lecigne,  professeur  de 
Faculté  libre,  qui,  lui  aussi,  laisse  tomber  son  pavé  dans  la  mare. 
Et  naturellement  J.  J.  Rousseau  est  le  premier  atteint:  Les  ori- 
gines étrangères,  Le  Mal  de  Jean-Jacques  Rousseau,  Les  Déséqui- 
librés du  Romantisme...,  il  suffit  de  mentionner  ces  titres  des  trois 
premiers  chapitres,  pour  déterminer  Tesprit  du  livre,  qui  n'ajoute 
à  ses  devanciers  qu'un  peu  plus  de  passion  fanatique,  et  ne  vaut 
que  comme  un  curieux  témoignage  de  plus  sur  cette  campagne 
antiromantique,  moitié  littéraire,  moitié  politique,  l'un  des  symptô- 
mes significatifs  de  l'état  des  esprits,  en  ce  début  du  XX^  siècle. 
[A.  F.l 

Frederika  Macdonalo.  La  légende  de  Jean-Jacques  Rousseau 
rectifiée  d'après  une  nouvelle  critique  et  des  documents  nouveaux 
(traduit  de  l'anglais  par  Georges  Roth),  ouvrage  renfermant 
3  fac-similés  du  manuscrit  de  l'Arsenal,  Paris,  Hachette  et  G'* 
édit.,  1909,  in-8,  vi-287  pp. 

G'est  la  traduction  de  l'ouvrage  dont  il  a  été  rendu  compte 
dans  nos  Annales,  t.  III,  p.  256-267.  Nous  n'y  revenons  que  pour 
nous  féliciter  de  pouvoir  lire  désormais  dans  la  langue  de  Rous- 
seau un  ouvrage  consacré  à  sa  mémoire,  qui  fait  époque. 

Salomon  Reinach.  Orpheus,  Histoire  générale  des  religions,  Paris, 
Alcide  Picard,  1909,  pet.  in-i6,  xxi-625  pp. 

P.  14.  Rousseau,  ennemi  de  Voltaire,  n'a  pas,  comme  on  le 
croit  souvent,  soutenu  contre  lui  les  droits  du  sentiment  religieux. 
(Gette  assertion  de  l'auteur  peut  sembler  hasardeuse.  Il  l'infère 
dxi  Discours  sur  l'origine  et  les  fondements  de  Vinégalité  parmi  les 
hommes.  Mais,  à  supposer  exacte  l'interprétation  qu'il  en  donne, 
on  n'a  jamais  considéré  que  la  pensée  de  Rousseau,  en  matière 
religieuse,  soit  dans  le  Discours  de  lySS,  et  il  est  même  certain 
qu'elle  est  tout  entière  ailleurs  !) —  16.  Rousseau,  qui  parle  volon- 
tiers des  sauvages,  les  connaissait  fort  mal.  Gf.  p.  3i. —  20.  L'idée 


340  ANNALES    DE    LA   SOCIÉTÉ  .1.    .1.    ROUSSEAU 

du  Contrat  social  est  aujourd'hui  abandonnée.  —  5o6.  Fénelon 
ancêtre  intellectuel  de  Rousseau.  —  Si;,  Rousseau  ennemi  de  la 
raison  par  orgueil.  —  Sig.  Rousseau  mauvais  inspirateur  de  la 
Révolution  française.  [L.  P.] 

Auguste  Rey.  Jean-Jacques  Rousseau  dans  la  vallée  de  Montmo- 
rency. Avec  deux  phototypies  et  une  carte,  Paris,  Plon-Nourrit 
édit.,  s.  d.  [1909],  in-8,  iv-2g4  pp. 

M.  Rey  avait  publié  en  igo3  le  Château  de  la  Chevrette  et 
Madame  d'Epinay  ;  grâce  à  sa  connaissance  des  localités,  et  de 
l'histoire  du  pays,  il  avait  réussi  à  bien  «  situer  »  les  récits  que 
Mme  d'Epinay  a  faits  dans  ses  Mémoires;  mais  il  avait,  de  propos 
délibéré,  laissé  de  côté  ce  qui  touchait  à  J.  J.  Rousseau.  On  le 
lui  a  reproché,  dit-il  ;  c'est  pour  répondre  à  ce  reproche  (qui  était 
aimable  et  flatteur)  qu'il  publie  le  volume  que  nous  annonçons. 

Ce  consciencieux  travail  a  été  publié  d'abord  dans  une  revue, 
et  nous  en  avons  parlé  alors  :  Annales,  III,  213-217.  Nous  ne 
voulons  pas  revenir  aujourd'hui  sur  la  longue  étude  que  nous 
avons  donnée  dans  le  tome  second  des  Annales.  Comme  nous 
l'avons  dit  en  1907  déjà,  M.  Rey  est  arrivé  sur  quelques  points  à 
d'intéressants  résultats  ;  malheureusement,  le  document  essentiel 
manque  toujours.  On  vient  de  retrouver  le  Nouveau  Dédale;  je 
suis  persuadé  (cf.  Annales,  III,  217,  noté)  qu'un  chercheur  heu- 
reux retrouvera  un  beau  matin  les  lettres  que  Mme  d'Epinay  écri- 
vait à  Grimm  pendant  le  printemps  et  l'été  de  1757  :  alors  la 
romanesque  histoire  qui  s'est  déroulée  pendant  ces  mois  si  rem- 
plis, se  trouvera  éclairée  du  jour  le  plus  lumineux.  [E.  R.] 

Henri  Rodet,  antien  avocat  à  la  Cour  d'appel,  docteur  en  droit. 
Le  Contrat  social  et  les  Idées  politiques  de  J.  J.  Rousseau,  Paris, 
Arthur  Rousseau  édit.,  1909,  in-8,  xiii-443  pp. 

Après  un  Avant-propos  (p.  v-xiii)  où  l'auteur  expose  son  plan, 
et  une  Introduction  (p.  1-29)  destinée  à  présenter  un  aperçu  gé- 
néral'de  l'état  politique  en  France  au' moment  où  parut  le  Contrat 
social,  il  nous  est  parlé  dans  une  première  partie  (p.  3i-3i3)  de 
la  Politique  intérieure,  et,. dans  une  deuxième  partie  (p.  314-422), 
de  la  Politique  extérieure  de  Rousseau.  Chacune  de  ces  parties 
est  elle-même  divisée  très  clairement  en  livres  et  en  chapitres,  et 
l'ouvrage  se  termine  par  une  Conclusion  (p.  423-430)  et  une 
Bibliographie  (p.  431-437). 

Pour  la  politique  intérieure,  l'auteur  étudie  d'abord  les  deux 
grandes  idées  maîtresses  de  Rousseau,   qui   sont  la  base  de   tout 


BIBLIOGRAPHIE  341 

son  système,  à  savoir  sa  théorie  de  l'état  de  nature,  vieille  idée 
seulement  rajeunie  par  Rousseau,  qui  s'en  croyait  le  père,  et  sa 
théorie  du  pacte  social,  où  il  trouve  le  fondement  des  droits 
civils  et  politiques  des  citoyens,  la  notion  juridique  de  l'Etat, 
l'essence,  le  caractère  et  l'étendue  de  la  souveraineté.  Cette  sou- 
veraineté, on  sait  de  quoi  elle  est  faite  :  aliénation  totale  de  tout 
droit  personnel  des  sujets,  omnipotence  de  l'Etat,  mais  omnipo- 
tence non  tyrannique,  d'après  Rousseau,  puisque  (conception 
bien  étrangement  subtile)  cet  asservissement  même  à  la  volonté 
générale  sera  un  gage  de  liberté  pour  le  citoyen,  «  forcé  d'être 
libre.  »  La  liberté,  c'est  de  faire  partie  d'un  peuple  souverain, 
c'est-à-dire  libre.  Et  vainement  Rousseau  se  contredira-t-il  et 
parlera-t-il,  dans  le  Contrat  social,  «  des  bornes  du  pouvoir  sou- 
verain ».  Il  se  contredira  encore  dans  sa  contradiction  même,  ses 
prétendues  concessions  au  libéralisme,  ou  ne  comptant  pas,  ou 
étant  retirées  tout  de  suite,  et  c'est  bien  le  plus  effroyable  abso- 
lutisme que  sa  souveraineté  indivisible,  inaliénable  et  imprescrip- 
tible de  la  collectivité.  Bien  entendu,  ce  despotisme  démocratique 
aura  pour  corollaire  le  suffrage  universel  dans  toute  sa  rigueur, 
c'est-à-dire  sans  égard  aux  droits  des  minorités,  mais  non  pas,  si 
l'on  veut,  dans  toute  sa  plénitude,  car  M.  Rodet  note  en  passant 
que  Rousseau  n'a  pas  dit  un  mot  du  vote  ni  des  droits  politiques 
de  la  femme  :  le  féminisme  ne  peut  pas  se  réclamer  d'un  écrivain 
qui  est  généralement  si  cher  aux  femmes.  Bien  entendu  encore, 
la  théorie  de  la  propriété  sera  fortement  teintée  de  socialisme. 
Non  pas  trop,  il  est  vrai,  pour  la  condition  des  biens  envisagée 
dans  les  rapports  de  personnes  à  personnes  :  le  droit  de  propriété 
individuelle  est  formellement  reconnu  ;  il  dérive,  lui  aussi,  du 
contrat  social  ;  c'est  le  fait  du  premier  occupant,  consacré  et  con- 
solidé par  la  loi.  Mais  dans  les  rapports  de  l'Etat  avec  les  indi- 
vidus, il  faut  tenir  compte  de  la  théorie  de  la  souveraineté,  chère 
à  Rousseau,  et  du  droit  éminent  de  l'Etat  sur  les  terres,  et  voilà 
Rousseau  qui  rejoint  Bossuet,  ce  qui  avait  déjà  été  noté  par 
M.  Emile  Faguet.  (P.  i8r,  M.  Rodet  fait  cette  remarque  intéres- 
sante que,  pour  connaître  la  pensée  de  Rousseau  sur  la  propriété, 
il  ne  suffit  pas  de  s'en  tenir  au  Contrat  social,  et  qu'il  faut  s'en 
référer  à  d'autres  écrits  de  Rousseau,  quelques-uns  peu  connus, 
notamment  le  Projet  de  constitution  pour  la  Corse).  Socialisme, 
avons-nous  dit.  M.  Rodet  tient  à  s'expliquer  et  s'explique  longue- 
ment sur  ce  point.  C'est  un  mot  bien  compréhensif  et  bien  vague. 
L'idée  socialiste,  au  temps  de  Rousseau,  ne  pouvait  pas  ressem- 
bler à  celle  de  nos  jours.  Violent  dans  la  critique  des  institutions  , 
modéré  et  peu  exigeant  dans  ses  desiderata  de  réformes  pratiques, 


342  ANNAI.liS    DE   LA   SOCIÉTl':  J.   .1.    ROUSSEAU 

déclamateur  et  non  révolutionnaire,  socialiste,  si  l'on  veut,  de 
tendances  et  d'aspirations,  mais  socialiste  théorique,  Rousseau 
ne  saurait  être  revendiqué  comme  un  ancêtre  par  nos  modernes 
collectivistes.  Républicain,  voilà  ce  qu'il  tut,  et  «  jusque  dans  les 
moelles  »,  dit  M.  Rodet.  Mais  ici  encore,  il  faut  s'entendre.  L'in- 
térêt public,  la  1-es  publica  avant  tout,  tel  est  son  idéal  de  gouver- 
nement. «  Un  Etat  régi  par  des  lois  »,  c'est  pour  lui  la  Répu- 
blique, et  peu  importe  l'étiquette,  monarchique  ou  aristocratique. 
(Au  fond,  on  voit  facilement  que  c'est  au  gouvernement  aristo- 
cratique que  vont  ses  préférences  ;  il  n'est  pas  pour  rien  citoven 
de  Genève.) 

Reste  une  question  dont  aucune  société  ne  saurait  se  désinté- 
resser, la  question  religieuse.  Déiste  intellectuel  et  sentimental, 
Rousseau  tient  à  admettre  la  religion  dans  son  organisme  social. 
Mais  quelle  religion  ?  Des  confessions  connues,  dont  il  fait  l'âpre 
critique,  aucune  ne  saurait  convenir  à  sa  cité.  La  religion  légitime 
et  bienfaisante,  ce  sera  la  «  religion  civile  »  réglementée  par  le 
souverain,  qui  en  exigera  le  respect  en  respectant  lui-même  le  for 
intérieur  des  citoyens.  Mais,  il  faut  bien  en  convenir,  le  respecter 
de  cette  manière,  en  imposant  adhésion  et  pratiques,  c'est  le  res- 
pecter dans  la  mesure  "où  l'on  ne  peut  pas  faire  autrement  !  Pau- 
vre for  intérieur,  que  deviendra-t-il  en  présence  d'un  credo  dé- 
crété par  le  pouvoir,  c'est-à-dire  du  jacobinisme  religieux  ?  Le 
catéchisme  officiel,  dont  Rousseau  trace  une  esquisse,  est  au  fond 
un  règlement,  de  police,  et  les  sanctions  en  cas  de  délit  —  que 
dis-je  ?  en  cas  de  soupçon  —  ne  sont  pas  minces  :  l'exil  et  la 
mort.  Et  ceci  doit  se  concilier  avec  la  haine  de  l'Inquisition  et 
l'amour  delà  tolérance.  —  Aujourd'hui,  cette  conception  théo- 
cratique  d'un  dogme  d'Etat  est  tout-à-fait  surannée,  et  la  sépara- 
tion des  Eglises  et  de  l'Etat,  récemment  accomplie  en  France,  en 
marquerait,  s'il  était  besoin,  le  complet  délaissement.. 

Voilà  povir  le  gouvernement  intérieur  de  la  cité,  c'est-à-dire 
pour  le  droit  international  privé.  Passons  aux  rapports  des  Etats 
entre  eux,  c'est-à-dire  au  droit  international  public.  M.  Rodet  se 
flatte  avec  raison'  de  coordonner  et_  de  présenter,  ici  les  idées 
d'«  un'  Rousseau  encore  bien  peu  connu.  >>  Et  voici  donc,  en  trois 
parties,  le  programme  d'un  cours  dé  droit  des  gens  professé  par 
le  philosophe  de  Genève  :  le  droit  de  la-guerre;  —  le  système  fé- 
dératif;  —  le  pacifisme.  Le  droit  de  la  guerre!  M.  Rodet  nous 
convie  à  son  sujet  à  saluer  un  Rousseau  «que  tous  les  partis  peu- 
vent respecter,  en  lui  rendant  le  juste  hommage  de  leur  gratitude 
et  de  leur  admiration.  «-C'est  un  bref  chapitre  du  Contrat  social 
qui  contient  «  sa  géniale  découverte.  »  (Le  chap.  IV   du  livre   1er, 


BIBLIOGRAPHIE  343 

dont  il  faut  rapprocher  quelques  pages  éparses  dans  toute  l'œu- 
vre de  Rousseau  et  quelques  fragments  publiés  par  M.  Dreyfus- 
Brisac.)  Rousseau  y  établit  en  principe  que  la  guerre  est  une  rela- 
tion d'Etat  à  Etat,  qu'elle  doit  avoir  une  cause  légitime  et  se  faire 
avec  le  moins  d'effusion  de  sang  possible,  attendu  qu'«ellene 
donne  aucun  droit  qui  ne  soit  nécessaire  à  sa  fin.  »  Aujourd'hui 
cela  peut  paraître  tout  naturel  ;  mais  c'était  une  grande  nouveauté, 
et  Montesquieu  lui-même  n'avait  qu'entrevu  le  principe.  La 
guerre  se  faisait  par  surprise,  à  tous  les  individus,  et  au  dommage 
de  tous  les  biens:  guerre  sans  pitié.  Désormais,  elle  devra  être 
déclarée  ;  elle  se  fera  aux  seuls  combattants  et  ne  pourra  alfecter 
que  les  biens  publics  ;  on  respectera  (en  théorie  ;  car,  hélas  !  dans 
la  pratique  il  y  a  eu  de  tristes  défaillances),  les  non  combattants, 
les  prisonniers  de  guerre,  les  blessés  et  les  biens  privés  (sauf  sur 
mer.)  Telle  est  la  doctrine  de  l'Ecole  continentale,  à  laquelle  ne 
s'oppose  plus  que  l'Ecole  anglaise,  dont  l'influence  décline  chaque 
jour.  Et  cette  doctrine,  consacrée  par  les  auteurs  et  par  les  déci- 
sions des  Congrès,  M.  Rodet  nous  assure  qu'elle  est  issue  de 
Rousseau  et  découle  de  la  théorie  de  la  souveraineté.  En  formu- 
lant une  idée  nouvelle  sur  la  nature  de  la  guerre,  Rousseau  a 
humanisé  la  guerre  et  renouvelé  le  droit  des  gens.  —  Qu'importe, 
après  cela,  si  son  système  fédéraliste  (né  de  sa  prédilection  pour 
les  petits  Etats,  que  M.  Rodet  appelle  très  heureusement  son  par- 
vulisme,  sentiment  naturel  à  un  citoyen  de  Genève),  si  son  projet 
de  république  confédérative,  autant  qu'on  peut  conjecturer  ce 
qu'il  devait  être  puisqu'il  est  perdu,  eût  été  impraticable  ?  — 
Quant  à  son  pacifisme,  il  est  un  corollaire  de  sa  théorie  sur  la 
nature  de  la  guerre,  mal  accidentel  et  guérissable  de  l'humanité. 
Il  ne  procède  ni  de  l'antipatriotisme,  tant  s'en  faut,  ni  du  cos- 
mopolitisme, mais  des  idées  de  justice  et  d'humanité,  trop  sou- 
vent foulées  aux  pieds  dans  les  guerres  du  temps.  —  Quel  dom- 
mage que  Rousseau  n'ait  pas  écrit  un  ouvrage  d'ensemble  sur  le 
droit  des  gens,  comme  il  en  avait,  à  diverses  reprises,  manifesté 
l'intention  ! 

Dans  son  avant-propos,  l'auteur  promettait  d'être  impartial.  Il 
a  tenu  parole  :  rare  mérite.  Impossible  d'examiner  avec  plus  de 
calme  qu'il  ne  le  fait  des  théories  dont  il  est  visible  que  quelques- 
unes  sont  loin  de  lui  plaire.  Sur  le  droit  des  gens,  il  s'appesantit 
avec  plaisir  parce  que,  ici,  les  conceptions  de  Rousseau  n'auraient 
été  que  bienfaisantes;  mais  n'en  exagère-t-il  pas  quelque  peu  l'in- 
fluence positive  ?  Quant  au  Contrat  social,  véritable  arsenal  des 
«  idées  politiques  »  du  philosophe,  son  commentateur  ne  croit  de- 
voir fulminer  ni  contre  la  faiblesse  de  certains  paradoxes,  ni  con- 


344  ANNALES    DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

tre  les  si  nombreuses  et  si  graves  contradictions.  Celles-ci  même 
semblent  avoir  du  bon  à  ses  yeux,  en  ce  qu'elles  permettent  de 
ne  pas  rendre  Rousseau  responsable  des  applications  pratiques 
que  certains  logiciens,  quelquefois  un  peu  rudes,  ont  faites  des 
principes  par  lui  posés.  Que  voulez-vous?  C'était  un  poète,  c'était 
un  musicien  !  «  Toutes  proportions  gardées,  le  Contrat  social  doit 
être  lu  un  peu  comme  on  étudierait  les  quelques  productions  mu- 
sicales que  nous  a  laissées  le  même  auteur...  »  (p.  424).  Rien  de 
plus  exact  d'ailleurs.  Oui,  c'était  avant  tout  un  artiste,  toujours 
épris  de  sa  propre  harmonie  et  toujours  sincère  en  écrivant, 
même  quand  sa  sincérité  du  jour  ne  s'accordait  pas  bien  avec 
celle  de  la  veille.  Maintenant  faut-il,  ô  Platon,  admettre  les  poè- 
tes et  les  musiciens  dans  la  République?  Une  contradiction  est 
une  fausse  note,  et  que  Dieu  nous  garde,  en  politique  et  en  droit 
des  gens,  des  virtuoses  de  la  dissonance  ! 

Pour  finir,  et  puisque  nous  parlons  de  style,  il  faut  louer  la 
forme  littéraire  de  ce  consciencieux  et  solide  ouvrage,  qui  a  été 
une  thèse  pour  le  doctorat  en  droit,  et  qui  est  écrit  dans  une  lan- 
gue aisée,  élégante,  soutenue,  digne  du  sujet.  [L.  P.] 

Comte  P.-L.  Rœderer,  ministre  et  conseiller  d'Etat.  Journal,  no- 
tes intimes  et  politiques  d'un  familier  des  Tuileries,  introduction 
et  notes  par  Maurice  Vitrac,  de  la  Bibliothèque  Nationale,  Pa- 
ris (1X«),  H.  Daragon  édit.,  mdccccix  [1909],  in-8,  xiii-356  pp. 

P.  20:  Visite  de  Bonaparte  à  Ermenonville  (lo  fructidor,  an 
VIII,  28  août  1800)  :  «  On  l'a  conduit  à  la  chambre  qu'occupait 
Rousseau  et  où  il  est  mort».  Bonaparte  a  dit  à  Stanislas  (Girar- 
din)  :  «  C'est  un  fou,  votre  Rousseau  ;  c'est  lui  qui  nous  a  menés 
où  nous  sommes.  «  —  «  Mais  nous  ne  sommes  pas  mal  »,  a  répondu 
Girardin.  (Cf.  la  version  de.  Stanislas  Girardin,  dans  ses  Mémoi- 
res, I,  p.  189).^  i65  :  21  nivôse,  an  xi  (11  janvier  i8o31,  conversa- 
tion de  Rœderer  avec  Bonaparte,  où  celui-ci  s'exprime  ainsi  sur 
Rousseau  :  «  Jusqu'à  seize  ans,  je  me  serais  battu  pour  Rousseau 
contre  tous  les  amis  de  Voltaire.  Aujourd'hui,  c'est  le  contraire. 
Je  suis  surtout  dégoûté  de  Rousseau  depuis  que  j'a.i  vu  l'Orient. 
L'homnie  sauvage  est  un  chien...  La  'Nouvelle  Hé loïse  est  pour- 
tant un  ouvrage  écrit  avec  bien  de  la  chaleur,  il  sera  éternelle- 
ment le  livre  des  jeunes  gens.  Je  l'ai  lu  à  neuf  ans.  Il  m'a  tourné 
la  tête...  »  [A.  F.] 

Roland  et  Marie  Phlipon.  Lettres  d'amour  ( i  jjj  à  ij8o/,  pu- 
bliées avec  introduction,  commentaire  explicatif  et  notes  par 
Claude  Perroud  (deux-fac-similés  d'écritures  et  un  plan),  Paris, 
Alphonse  Picard  et  fils  édit.,  1909,  in-8,  408  pp. 


BIBLIOGRAPHIE  343 

Ces  lettres,  dit  VAi'ant-propos,  «  offrent  aussi  cet  intérêt  parti- 
culier de  nous  apprendre  comment  on  sentait  et  exprimait  l'a- 
mour vingt  ans  après  la  Nouvelle  Héloïsen.  Dans  quelle  mesure, 
c'est  ce  que  nous  nous  permettons  de  demander  à  un  très  remar- 
quable compte-rendu  de  M.  Gustave  Lanson,  paru  dans  la  Revue 
d'histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XVII,  1910,  p.  189:  «Voilà, 
dit-il,  voilà,  en  effet,  pour  l'histoire  littéraire,  l'importance  de 
cette  correspondance.  Elle  ne  prendra  pas  place  parmi  les  chefs- 
d'œuvre  épistolaires  de  la  France  ;  ni  l'agrément  de  l'esprit  ni  la 
poésie  de  la  passion  ne  s'y  trouvent.  Ces  deux  amants  sont  lourds, 
diffus,  verbeux,  déclamateurs  :  ils  s'expliquent  et  dissertent  sans 
mesure,  ergoteurs,  pointilleux,  infatigables  tireurs  d'éclaircisse- 
ments, se  détaillant  l'un  l'autre  leurs  torts  avec  minutie,  et 
ne  sachant  point  avoir  raison  sans  en  étaler  copieusement  les 
preuves. 

»  Mais  est-ce  la  Nouvelle-Héloïse  qui  les  a  faits  tels  ?  C'est  la  na- 
ture, assurément.  Et  c'est  un  peu  légèrement  que  l'on  assigne  à 
l'origine  genevoise  de  Rousseau  la  lourdeur  et  la  diffusion  des 
lettres  de  Julie  et  de  Saint-Preux,  puisque  ces  deux  amoureux-ci, 
ni  moins  verbeux  ni  moins  lourds,  sont  deux  français  authenti- 
ques, lui  du  Beaujolais,  et  elle  du  quai  de  l'Horloge.  Mais  ils 
sont,  comme  Rousseau,  plébéiens,  sensibles,  sérieux,  point  du  tout 
mondains  d'esprit  ni  de  culture,  et  sans  peur  d'ennuyer  par  ce  qui 
les  intéresse.  Ce  dont  ils  sont  redevables  à  Rousseau,  ce  n'est  pas 
la  forme  de  leurs  sentiments  :  c'est  plutôt  l'assurance  de  les  pro- 
duire tels  qu'ils  les  éprouvent,  sans  effort  et  sans  sacrifice  ;  c'est 
cette  persuasion  tranquille  de  n'avoir  pas  besoin,  à  l'égard  l'un 
de  l'autre,  de  rendre  agréables  leur  mérite,  leur  passion  et  leurs 
lettres.  Le  modèle  de  Rousseau  les  a  dispensés  de  chercher  d'au- 
tres modèles  qui  les  eussent  obligés  davantage  à  se  déguiser.  Le 
sérieux,  la  pesanteur,  la  diffusion,  le  besoin  de  raisonner,  de 
disserter,  d'épiloguer  sont  à  eux  :  ce  qu'ils  empruntent  à  la 
mode,  et  surtout  à  la  mode  lancée  par  Rousseau,  c'est  le  ton  sen- 
timental et  le  transport  d'enthousiasme  ou  de  fièvre.  Ils  ont  ap- 
pris à  exagérer  le  sentiment  de  leur  cœur,  non  à  le  contenir  ; 
ils  l'agitent  comme  le  torero  sa  muleta,  au  lieu  de  le  laisser  de- 
viner. 

»  De  Rousseau  peut-être  aussi  ils  tiennent,  non  pas  la  simplicité 
bourgeoise  qui  leur  fait  remplir  leurs  lettres  d'amour  de  prévi- 
sions de  budget  ou  de  ménage  fort  terre  à  terre,  mais  l'absence 
de  timidité  et  de  fausse  délicatesse  à  cet  égard  :  la  Nouvelle  Hé- 
loïse  a  répandu  la  poésie  du  sentiment  sur  tout  le  détail  de  la  vie 
domestique. 


346  ANNALES    DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.  .1.    ROUSSEAU 

»  Mais  ce  couple  est  d'ailleurs  très  différent  de  Julie  et  de  Saint- 
Preux.  Leur  amour  est  chaste,  et  aussi  peu  sensuel  que  possible. 
Manon  Phlipon  est  plus  sévère  que  Julie,  Roland  tient  plus  de 
Wolmar  que  de  Saint  Preux...  Au  total,  l'influence  de  la  Nou- 
velle Héloïse  paraît  ici  surtout  superficielle.  Il  n'y  a  rien  de 
romanesque  dans  les  amours  de  Roland  et  de  Manon  Phlipon.  Ils 
demeurent  d'un  bout  à  l'autre  de  leur  correspondance  deux  bour- 
geois honnêtes  et  sensés  dont  le  but  est  constamment  le  mariage 
et  le  ménage,  l'association  pour  une  vie  régulière  et  confortable, 
selon  les  lois  et  les  principes  de  la  société  établie.  >'  [A.  F.] 

Le  Président  Richard  de  Ruffey.  Histoire  secrète  de  l'Académie 
de  Dijon  (de  1^41  à  ly'jo},  extraits  publiés  avec  une  introduc- 
tion, des  notes,  et  un  index  alphabétique,  par  Maurice  Lange, 
professeur  au  lycée  de  Dijon,  docteur  es  lettres,  Paris,  Hachette 
et  C'c  édit.,  1909,  in-8,  192  pp. 

Le  président  Richard  de  Ruffey,  le  correspondant  bien  connu 
de  Voltaire,  n'est  entré  à  l'Académie  de  Dijon  qu'en  1759.  Il  n'est 
donc  point  de  ceux  qui  ont  couronné  Rousseau  ;  mais  il  l'a  vu 
couronner  et  il  s'en  souvient...  sans  plaisir.  Rousseau,  dit-il, 
«  employa  de  mauvaise  foi,  à  soutenir  le  mensonge,  une  plume 
qu'il  aurait  dû  consacrer  à  la  vérité,  etc.  »  (p.  qS).  Le  jugement  de 
l'Académie  «  révolta  tous  les  gens  de  lettres  de  l'Europe,  etc.  » 
(p.  97)  ;  non  seulement  contre  Rousseau,  mais  encore  contre  l'Aca- 
démie elle-même:  «Les  sarcasmes  les  plus  injurieux  l'accablèrent 
de  toutes  parts,  et  cette  querelle  se  renouvelle  encore  tous  les 
jours,  lorsque  l'occasion  s'en  présente.  »  Après  cela,  «  on  a  jugé 
l'Académie  trop  sévèrement...  Il  y  avait  en  effet  dans  sa  conduite 
de  l'ignorance,  de  la  gaucherie,  de  l'imprudence,  de  l'inconsé- 
quence, mais  sûrement  aucune  prétention,  aucune  mauvaise  foi, 
ni  aucune  malice.  »  (p.  44).  Le  président  Ruffey  tient  ferme  en 
effet  pour  l'imbécillité  des  juges  de  Rousseau  :  c<  Aucun  n'était  ca- 
pable d'apercevoir  les  paradoxes  dont  le  discours  était  rempli,  de 
les  développer,  et  de  prévoir  les  conséquences  de  leur  juge- 
ment. »  Le  sujet  du  concours  d'ailleurs  avait  été  proposé  par  «un 
esprit 'faux»  adopté  «sans  réflexions»  (ibid.)  «L'esprit  faux», 
Ruffey  nous  le  fait  connaître,  c'est  l'avocat  Claude  Gelot  (1717- 
1779)  —  le  même,  soit  dit  en  passant,  qui  fut  chargé  de  rapporter 
en  réunion  publique  et  de  lire  le  discours  de  Rousseau,  le 
23  août  1750.  Cf.  Cornereau,  Deux  lauréats  de  l'Académie  de  Di- 
jon, 1905,  p.  II.  —  Ce  Gelot  est  joliment  habillé  dans  la  longue 
note  que  le  digne  président  lui  consacre  et  où  il  est  représenté 
comme  «  un  bavard  insupportable,  qui  abuse   de  sa  mémoire  et 


lîiiii.ioGRAPHir';  347 

encore  plus  de  la  vérité,  un  homme  impérieux  et  grossier,  qui 
manque  de  principes,  ne  respecte  aucun  rang  et  ne  connaît  aucun 
égard  et  d'autre  loi  que  sa  volonté,  etc.  »  (p.  96.)  Sur  le  caractère 
des  autres  juges  de  Rousseau,  notamment  sur  Lantin  (p.  <S4-85), 
Derepas  (p.  89),  Léauté  (p.  90),  Fromageot  (p.  94),  Guyot  (p.  122), 
Perret  (p.  94),  qui  furent,  comme  on  sait,  chargés  de  rapporter  de- 
vant l'Académie,  les  notes  passionnées  du  président  Ruffey  (ac- 
compagnées des  notes  «objectives»  de  son  moderne  éditeur), 
fournissent  également  des  renseignements  précieux,  mais  généra- 
lement peu  flatteurs.  On  lira  avec  fruit  sur  la  situation  de  l'Aca- 
démie de  Dijon  à  l'époque  du  Discours  de  Rousseau,  l'introduc- 
tion de  M.  M.  Lange  ;  de  même,  la  note  i  de  la  page  97  peut  être 
utile  à  consulter  sur  la  polémique  suscitée  par  le  même  discours. 
Enfin  la  note  2  de  la  page  11  donne,  d'après  les  Registres  de  l'A- 
cadéviie,  le  texte  de  la  délibération  du  i(î  juin  1732  désavouant  la 
Réfutation  de  Le  Cat.  [A.  F.| 

Albert  Schinz,  professeur  à  l'Université  de  Bryn-Mawr  (Pensyl- 
vanie).  Anti-pragmatisme^  Paris,  F.  Alcan  édit.,  1909,  in-S. 

P.  162-168  de  ce  suggestif  ouvrage,  l'auteur  fait  à  J.  J.  Rous- 
seau une  place,  faut-il  dire  d'honneur  ou  de  honte?  en  tout  cas 
une  place  importante  puisqu'il  l'appelle  «  le  plus  grand  pragma- 
tiste  »,  et  ajoute  que  la  Profession  de  foi  du  Vicaire  savoyard 
«  restera  la  profession  de  foi  du  pragmatiste  de  tous  les  temps.  » 
Rousseau,  qui  personnellement  savait  apprécier  les  sciences  et 
les  arts,  redoutait  leur  influence  sur  la  masse  des  hommes,  et  plus 
il  avance  dans  la  vie,  plus,  dans  son  œuvre  sa  préoccupation  mo- 
rale, sociale,  pratique,  l'emporta  sur  la  préoccupation  intellec- 
tuelle. En  cela  consiste  son  pragmatisme  [Ad.  N.] 

Léon  Skché.  Le  roman  de  Lamartine,  Paris,  Fayard  edit.,  s.  d. 
[1909],  in-32  carré,  290  pp. 

Pp.  1 32- 159.  Les  Charmettes.  Une  visite  de  Lamartine  et  d'»  El- 
vire»  à  la  maison  de  Mme  de  Warens.  (Vue  des  Charmettes  d'a- 
près une  lithographie  de  Wurner.)  [L.  P.] 

P.  Sérieux  et  J.  Capgras,  médecins  des  asiles  d'aliénés  de  la 
Seine.  Les  Folies  raisonnantes,  le  délire  d'interprétation,  Paris, 
Félix  Alcan  édit.,  1909,  in-8,  392  pp. 

P.  182-206  :  Le  délire  d'interprétation  de  Jean-Jacques  Rousseau. 
Le  cas  de  Rousseau-  est  étudié  ici  par  les  distingués  aliénistes 
comme  le  type  d'une  variété  de  l'interprétation  délirante  (raison- 


348  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  J.   J.  ROUSSEAU 

nement  faux  ayant  pour  point  de  départ  une  sensation  réelle,  un 
fait  exact,  lequel,  en  vertu  d'associations  d'idées  liées  aux  ten- 
dances, à  l'affectivité,  prend,  à  l'aide  d'inductions  ou  de  déduc- 
tions erronées,  une  signification  personnelle  pour  le  malade,  in- 
vinciblement poussé  à  tout  rapporter  à  lui),  la  variété  résignée  : 
«  Les  idées  de  persécution  qui  se  développèrent  chez  Rousseau 
entre  40  et  5o  ans  et  durèrent  jusqu'à  sa  mort,  relèvent  en  effet 
du  délire  d'interprétation.  Il  en  a  présenté  tous  les  symptômes  : 
multiplicité  des  interprétations,  vraisemblables  au  début,  fantai- 
sistes à  la  fin  ;  absence  de  troubles  sensoriels;  évolution  progres- 
sive (de  l'inimitié  réelle  des  Encyclopédistes  il  arrive  peu  à  peu  à 
la  conviction  d'une  ligue  universelle)  ;  persistance  de  la  puissance 
intellectuelle  (ses  chefs-d'œuvre  datent  les  uns  de  la  période  ini- 
tiale, les  autres  de  la  période  terminale  de  la  psychose).  Mais  ce 
délire  ne  s'accompagna  jamais  de  réaction  agressive  :  la  fuite,  la 
recherche  de  la  solitude  étaient  ses  moyens  habituels  de  défense  ; 
il  ne  protestait  que  par  des  lettres  parfois  acerbes,  ou  des  «  billets 
circulaires  »  contre  les  accusations  dont  il  se  croyait  l'objet.  C'est 
pour  se  justifier  qu'il  écrivit  les  Confessions.  Il  eut,  par  interval- 
les, des  paroxysmes  d'affollement  et  des  idées  de  suicide  ;  il  finit 
dans  une  résignation  complète,  désespérant  même  du  jugement 
de  la  postérité.  »  Le  diagnostic  des  docteurs  S.  et  C.  s'écarte  donc 
quelque  peu  de  celui  du  D''  Régis,  qui  fait  de  Jean-Jacques  un 
persécuté  mélancolique.  Nous  assistons  avec  intérêt  à  ces  dis- 
cussions entre  spécialistes,  sans  pouvoir  y  prendre  part.  Elles 
prouvent  au  rfioins  jusqu'à  quel  point  la  folie  de  Rousseau  est  en- 
core une  notion  vague  [A.  F.] 

Casimir  Stryienski.  L'Histoire  de  France  racontée  à  tous  (pu- 
bliée sous  la  direction  de  Fr.  Funck-Brentano.)  Le  Dix-huiticine 
siècle,  Paris,' 1909,  Hachette  et  C'^  édit.,  in-8,  SyS  pp. 

Pp.  357-358  (dans  le  chapitre  Les  Lettres):  J.  J.  Rousseau. 

F.  ViAL  et  L.  Denise.  Idées  et  doctrines  littéraires  du<di.x-huiti'eme 
siècle.  Extraits  des  préfaces,  traités  et  autres  écrits  théoriques, 
Paris,  s.  d.  I1909),  in-12,  vni-430  pp. 

S'il  est  un  titre  qui  promettrait  sur  Rousseau  un  développe- 
ment abondant  et  critique,  c'est  bien  celui-là.  P.  842-343,  un 
extrait  d'une  lettre  à  Huber,  du  24  décembre  1761,  opinion  sur 
Gessner; — p.  401-404,' quelques  extraits,  opinions  sur  le  roman  : 
voilà  pour  Rousseau.  [L'.  P.]. 


BIBLIOGRAPHIE  849 

Maurice  Wilmotte,  professeur  à  l'Université  de  Liège.  Etudes 
critiques  sur  la  tradition  littéraire  en  France,  Paris,  Librairie 
ancienne  Honoré  Champion  édit.,  1909,  in-8,  xiv-322  pp. 

P.  215-282  :  VIII,  /.  J.  Rousseau  et  les  origines  du  romantisme. 
Discussion  pressante  et  nourrie  des  récents  réquisitoires  de 
MM.  J.  Lemaître,  P.  Lasserre  et  E.  Seiliière.  —  En  somme,  c'est 
M.  Seiliière  qui  a  le  mieux  analysé  l'esprit  romantique,  étudié 
dans  ses  sources,  et  les  traits  caractéristiques  qu'il  distingue  peu- 
vent se  réduire  à  un  seul  élément:  l'individualisme  exaspéré, 
dont  Rousseau  fournit  un  si  frappant  exemple.  [L.  P.] 


La  Révolution  française,  janvier  1909,  p.  S-iy:  Edme  Champion, 
J.  J.  Rousseau  et  la  propriété. 

Revue  bleue,  20  février  1909:  Edme  Champion,  J.  J.  Rousseau  et 
la  Déclaration  des  droits  de  Vhomme. 

Chapitres  détachés  du  livre  signalé  plus  haut,  p.  33o. 

Fermes  et  châteaux,  i^r  février  1909:  Paul  d'EsxRÉE,  Le  château 
et  les  jardins  d'Ermenonville  (9  illustrations.) 

Revue  des  Cours  et  Conférences,  4,  11  février,  n,  18,  25  mars, 
1 5  avril,  G,  20  mai,  3,  17,  24  juin,  8  juillet,  2,  9,  16,  3o  décembre  1909  : 
Emile  Faguet,  de  l'Académie  française,  Origines  françaises  du 
romantisme. 

Voici  en  attendant  le  livre  qui,  sans  doute,  en  résultera,  les  princi- 
pales rubriques  de  ce  cours  important  transcrit  et  résumé  par  M.W  : 
Caractères  généraux  du  romantisme  —  l'imagination  romantique 
—  le  sentiment  de  la  nature  —  la  religiosité,  l'exotisme  —  l'égo- 
tisme  de  J.  J.  Rousseau  (2  leçons)  —  la  folie  de  J.  J.  Rousseau  — 
le  sentiment  de  la  nature  chez  J.  J.  Rousseau  (3  leçons)  —  le  sen  - 
timent  de  la  solitude  avant  et  après  Rousseau  (2  leçons)  —  le 
pessimisme  chez  Rousseau  (2  leçons)  —  Rousseau  directeur  de 
conscience  —  l'optimisme  de  Rousseau.  [A.  F.]. 

Revue  des  Deux-Mondes,    i3    septembre  1909:  Emile   Faguet,  de 
l'Académie  française,  La  politique  de  Jean-Jacques  Rousseau. 

«  Introduction  »  au  livre  de  M.  Rodet  sur  les  Idées  politiques  de 
Jean-Jacques  Rousseau,  analysé  d'autre  part  (p.  340).  Avec  l'auteur, 
M.  F.  étudie  Rousseau  en  sa  sociologie  générale  (anti-progres- 
siste,   anti-civilisationniste,   anti-«  politique  »),    Rousseau   démo- 


350  ANNAI.HS   DE   LA    SOCIÉTÉ  .1.   .T.    ROUSSEAU 

crate  (partisan  de  la  souveraineté  du  peuple  absolue,  doctrine  du 
droit  divin  retourné  selon  la  tradition  protestante,  mais  adversaire 
de  la  démocratie  à  l'antique,  où  les  pouvoirs,  législatif  et  exécutif, 
sont  confondus),  Rousseau  socialiste  (collectiviste  en  principe, 
mais  partagiste  p7-o  tempore,  de  telle  manière  qu'il  n'y  ait  ni  riches 
ni  pauvres!,  Rousseau  théocrate  (partisan  d'une  religion  d'Etat, 
minimum  d'unité  morale  par  quoi  l'individu  soit  fidèle  au  peuple 
et  soit  tenu  comme  faisant  partie  du  peuple».  M.  F.  insiste  sur 
l'opposition  foncière  du  Contrat  social  étatiste  avec  la  sociologie 
générale  de  Rousseau,  anarchiste,  ultra-libertaire,  et  tente  de 
l'expliquer  à  son  tour  par  un  double  Rousseau,  dont  l'un,  celui 
du  Contrat  social,  a  forgé  son  système,  avant  que  l'autre,  le  plus 
naturel  des  deux,  celui  des  Discours,  de  la  Lettre  à  d'Alembert,  et 
de  la  Nouvelle  Héloïse,  ne  fût  apparu  en  pleine  lumière,  et  qui  ne 
se  sont  pas  peu  gênés  l'un  l'autre.  |A.  F.] 

Bulletin  du  Bibliophile  et  du  Bibliothécaire,  i3  décembre  igoy: 
Comte  de  Girardin,  Le  Comte  de  Wielhorski  et  J.  J.  Rousseau. 
Lettres  inédites  au  sujet  de  la  publication  des  Considérations 
sur  le  Gouvernement  de  Pologne. 

Nous  savions  par  les  lettres  de  Rousseau,  publiées  par  M.  S. 
Askenazy  dans  la  revue  polonaise  Biblioteka  Wars^awska 
(mars  1898)  l'intérêt  qu'avaient  Rousseau  et  Wielhorski  à  ce 
que  les  Cojisidéralions  ne  fussent  jamais  imprimées  et  mises  dans 
le  commerce.  Rousseau  les  a  écrites  en  1772  comme  consulta- 
tion politique  pour  le  comte  et  pour  ses  amis  politiques,  contre 
le  roi  Stanislas  Auguste  Poniatowski  et  contre  la  Russie  ;  la  pu- 
blication du  texte  intégral  pouvait  compromettre  le  comte,  dont 
Rousseau  tenait  ses  informations  sur  la  Pologne.  C'est  à  la  de- 
mande du  comte  que  la  police  parisienne  a  empêché  la  publica- 
tion du  texte  intégral  des  Considérations.  La  question  revint  sur  le 
tapis  après  la  mort  de  Rousseau.  Le  comte  de  Girardin  a  trouvé 
dans  ses  archives  plusieurs  lettres  intéressantes  à  ce  sujet.  Nous 
apprenons  par  là  que  l'édition  des  Considérations  par  Du  Peyrou 
(Genève  1782)  a  été  faite  sur  un  manuscrit  prêté  par  Wielhorski  qui 
y  a  fait  des  coupures  nécessaires.  Le  marquis  René  de  Girardin  qui 
servait  d'intermédiaire  entre  le  comte  et -les  imprimeurs  genevois 
a  promis  à  Wielhorski  de  lui  renvoyer  le  précieux  manuscrit  ; 
a-t-il  accompli  sa  promesse  ^  le  manuscrit  original  se  trouve-t-il 
encore  en  Pologne  ?  C^est  le  grand  mérite  de  l'auteur  de  V Icono- 
graphie de  Rousseau  de,  poser  ces  questions  auxquelles  nous  tâ- 
cherons de  répondre  dans  ces  Annales.  [V.  O.] 


BIBLIOGRAPHIE  35l 

Revue  hebdomadaire,  g  et  i6  janvier  igog  :  Jean  Izoulet,  profes- 
seur de  philosophie  sociale  au  Collège  de  France,  Jean-Jacques 
Rousseau  aristocrate  {l,  Si  Rousseau  eût  été  membre  de  la  Consti- 
tuante; II,  Si  Rousseau  eiit  été  ministre  de  Louis  XVI.) 

Exhumation  et  analyse  de  l'ouvrage  anonyme  du  notaire  Orléa- 
nais Le  Normant  (révélons-en  l'auteur  à  M.  I.  qui  l'ignore),  paru 
sous  ce  titre  sensationnel  en  1790,  le  tout  pour  répondre  au 
souhait  de  M.  J.  Lemaître  :  «  Il  serait  possible  et  intéressant  de 
composer  tout  un  volume  de  maximes  et  de  pensées  conserva- 
trices et  traditionnalistes  tirées  du  «libertaire»  J.  J.  Rousseau. 
[A.  F.l. 

Daniel  Mornet.  Les  admirateurs  inconnus  de  la  «  Nouvelle  Hé- 
loiseï),  Paris,  édition  de  la  Revue  du  mois  [extrait],  igoq,  24  pp. 
in-8. 

Ce  sont  les  admirateurs  que  nous  révèle  la  fameuse  liasse  de 
lettres  conservée  à  la  Bibliothèque  de  Neuchâtel,  et  dont  Rous- 
seau, comme  on  sait,  avait  songé  à  publier  le  recueil.  M.  M.  a 
fait  le  plus  heureux  emploi  de  ces  documents  dans  un  article 
plein  de  faits,  d'idées  et  d'esprit,  où  apparaît  très  nettement  le 
retentissement  profond  de  la  Nouvelle-Héloïse  dans  la  société 
contemporaine.  Rousseau,  sur  ce  point,  n'a  rien  exagéré  dans  ses 
Confessions.  A  noter  comme  tout  à  fait  remarquable  l'influence 
moralisatrice  que  le  roman  a  exercée  sur  ses  lecteurs.  M.  M.  s'est 
attaché,  avec  raison,  à  la  mettre  particulièrement  en  lumière. 
[A.  F.l 

Musica,  no  76,  janvier   1909:  Edmond  Pilon,  J.  J.  Rousseau,  mu- 
sicien (avec  6  reproductions  de  portraits  ou  d'estampes.) 


HONGRIE 

Rousseau,  J.  J.  Kisebb  Milveibol  [Petits  traités],  francziâbôl  fordi- 
totta  BoGDANFY  Odon,  Budapest,  Franklin-Târsulat  édit.,  1909, 
in-i6,  117  pp.  (Collection  Olcsô  Kônyvtâr,  nos  i5i6-i5i8.) 

Contient,  outre  une  introduction  du  traducteur,  la  tradviction 
(annotée  de  diverses  mains):  10  du  Discours  sur  les  sciences; 
2"  des  quatres  grandes  lettres  à  Malesherbes  ;  3°  du  Lévite 
d'Ephraïm. 


352  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.    J.    ROUSSEAU 


ITALIE 


G.  Chinni.  Le  font i  deli Emile  di  J.  J.  Rousseau,  Naples,  Biscotti, 
in-8,  76  pp. 

Il  nous  a  été  impossible  de  nous  procurer  ce  travail  signalé  par 
la  Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France,  1909,  p.  844.  En  parti- 
culier tous  nos  appels  à  nos  membres  napolitains  sont  demeurés 
sans  réponse. 

Bianca  Violani-Cambi.    Le  idée  di  J.  J.  Rousseau  sulla   donna, 
Firenze,  tipografia  di  M.  Ricci,  1909,  in-8,  j5  pp. 

Revue  rapide,  à  travers  les  âges,  des  idées  sur  la  femme,  son 
rôle,  son  éducation.  Par  Rabelais,  Montaigne,  MUe  de  Gournay, 
Mme  de  Maintenon,  Fénelon,  etc.,  on  est  acheminé  vers  Rous- 
seau, qui  donne  aux  idées  de  ses  devanciers  une  force  et  un  éclat 
qu'elles  avaient  eus  rarement.  Etude  du  Ve  livre  de  VEmile  (sans 
négliger  VHéloïse  et  les  Confessions.)  La  femme  n'est  considérée 
par  Rousseau  que  dans  ses  rapports  avec  l'homme,  comme  un 
complément  indispensable  de  son  bonheur.  Elle  recevra  une  édu- 
cation pratique  tendant  à  développer  ses  dons  naturels.  Son  in- 
telligence n'est  pas  faite  pour  le  domaine  de  la  pensée  abstraite, 
mais  se  limite  au  champ  de  l'observation  directe.  Ses  connaissan- 
ces devront  avant  tout  lui  donner  une  idée  plus  nette,  avec  un 
amour  plus  vif,  de  ses  devoirs  d'épouse  et  de  mère.  Comment 
Rousseau  est-il  parvenu  à  cette  conception  ?  Rôle  et  influence 
de  «  ses  »  femmes,,  de  Mme  Basile  à  Mme  Latoùr-Franqueville. 
Par  forme  de -conclusion,  procès  du  féminisme  devenu  néces- 
sité sociale  à  vrai  dire,  mais  qui  n'en  détourne  pas  moins  la 
femme  de  sa  vraie  fonction  d'épouse  et  de  mère.  —  Le  sujet  de 
ce  petit  travail  n'est  pas  bien  nouveau  (voir  pour  l'Itali'e  seule, 
entre  autres,  les  travaux  de  Stoppoloni  et  d'Esther  Sacerdote), 
ni  traité  par  un  esprit  très  mûr  et  une  main  rompue  à  nos  études, 
mais  on  y  trouve  un  accent  d'honnêteté,  de  simplicité,  de  candeur 
même,  qui  gagne  la  sympathie  du  lecteur,  et  l'auteur,  qui  a  de  la 
lecture,  est  exact  dans  ses  citations,  vertu  rare  en  Italie.  [A.  F.] 


BIBLIOGRAPHIE  353 

Rivista  filosofica,  Pavia,  vol.  XI,  fasc.  V  (novembre-décembre 
1908),  p.  645-666,  et  supplément  au  fasc.  V  (1909),  p.  758-779  : 
Domenico  Rodari,  Gian  Giacomo  Burlamacchi  e  G.  G.  Rousseau 
(Una  fonte  trascurata  del  Contralto  Sociale). 

L'idée  d'étudier  l'influence  de  Burlamaqui  sur  Rousseau  était 
excellente.  Il  est  seulement  regrettable  que  l'auteur  du  présent 
mémoire  se  soit  montré  si  inférieur  à  sa  tâche. 

Rousseau  se  réfère  explicitement  aux  doctrines  de  Burlamaqui 
dans  la  préface  de  son  Discours  sur  Vinégalité,  et  il  est  hors  de 
doute  qu'il  les  a  parfaitement  connues.  Jean-Jaques  Burlamaqui 
est  né,  comme  on  sait,  en  1694,  à  Genève,  d'une  famille  de  réfugiés 
protestants  italiens,  originaire  de  Lucques.  Le  nom  primitif  de 
cette  famille  était,  selon  l'orthographe  italienne,  Burlamachi  (et 
non  Burlamacchi,  comme  l'écrit  M.  Rodari).  A  26  ans,  Burlamaqui 
est  nommé  professeur  de  droit  naturel  et  civil  dans  sa  ville  na- 
tale; puis  il  est  élu  membre  du  Conseil  souverain,  dont  il  fait  partie 
jusqu'à  sa  mort  survenue  le  3  avril  1748.  Le  bibliothécaire  Bau- 
lacre  écrivit  la  même  année  sur  sa  vie,  qui  mériterait  cependant 
quelques  recherches  complémentaires,  une  notice  détaillée  en 
forme  de  lettre  à  Formey,  secrétaire  de  l'Académie  royale  de 
Berlin.  Cette  notice,  insérée  dans  la  Bibliothèque  germanique  de 
1750,  t.  VI,  P.  Il,  a  échappé  à  M.  Rodari,  auquel  elle  aurait  permis 
d'éviter  quelques  incertitudes  et  inexactitudes.  Dans  les  œuvres 
de  Burlamaqui,  dont  les  plus  importantes  sont  les  Principes  du 
Droit  naturel,  Genève,  1747,  et  les  Principes  du  Droit  politique, 
Genève,  1751,  on  chercherait  en  vain  une  vraie  et  profonde  origi- 
nalité de  vues  ;  ces  œuvres  sont  cependant  remarquables  par  le 
jugement  généralement  sain  et  équilibré,  et  surtout  par  l'ordon- 
nance et  la  clarté,  qualités  peu  communes  en  pareilles  matiè- 
res. Ces  qualités  expliquent  assez  la  grande  faveur  avec  laquelle 
elles  furent  accueillies.  Burlamaqui  n'a  pas  été  et  n'a  pas  voulu 
être  un  novateur  dans  la  philosophie  du  droit,  mais  plutôt  un 
vulgarisateur  et  un  commentateur  de  la  doctrine  du  droit  naturel 
prédominante  à  son  époque. 

Ceci  posé,  il  est  clair  qu'il  faut  être  très  prudent  quand  on 
parle  de  l'influence  exercée  par  Burlamaqui.  Ses  œuvres  furent 
sans  aucun  doute,  aussi  pour  Rousseau,  un  moyen  d'information  ; 
l'auteur  du  Contrat  social  y  trouva  comme  une  synthèse,  claire  et 
bien  ordonnée,  des  théories  élaborées  par  les  écoles,  touchant  le 
droit  naturel  et  politique.  Mais  pour  découvrir  les  sources  des  idées 
de  Rousseau,  c'est-à-dire  ses  vrais  précurseurs  dans  l'ordre  spécu- 
latif, nous  devons  remonter  plus  haut  et  nous  arrêter  à  des  pen- 
seurs bien  plus  originaux  et  plus  profonds  que   Burlamaqui,   en 

23 


354  ANNALES    DE   LA   SOCIÉIÉ  .1.   .1.    ROUSSEAU 

particulier  Hobbes,  Sidney  et  surtout  Locke.  De  son  concitoyen 
Burlamaqui,  Rousseau  a  pris  beaucoup  de  formes  extérieures,  beau- 
coup d'éléments  accessoires  dans  la  composition  du  Contrat  social  ; 
cela  suffit  à  rendre  intéressante  une  comparaison  des  deux  théori- 
ciens, mais  n'autorise  certes  pas  à  attribuer  au  premier  une  part 
essentielle  et  prépondérante  dans  la  formation  de  la  pensée  incom- 
parablement plus  élevée  du  second.  Telle  est  précisément  l'erreur 
que  commet,  à  notre  avis,  M.  Rodari. 

Autant  il  est  habile  à  confronter  ses  deux  auteurs  dans  le  détail, 
autant  il  est  maladroit  lorsqu'il  apprécie  leur  position  et  leur 
importance  historique  respectives.  A  le  lire,  il  semblerait  presque 
que  la  philosophie  politique  date  de  Burlamaqui.  Les  antécédents 
historiques  si  nombreux  et  si  remarquables  pourtant  des  doctrines 
contractualistes  ne  sont  pas  du  tout  pris  en  considération.  Si  l'au- 
teur eût  été  suffisamment  éclairé  sur  ce  sujet,  il  aurait  nécessaire- 
ment élargi  le  champ  de  ses  recherches,  et  il  aurait  évité  l'erreur 
constante  d'attribuer  sans  autre  à  Burlamaqui  ce  qui,  bien  qu'im- 
primé dans  ses  ouvrages,  était  le  patrimoine  commun  de  son  épo- 
que ;  de  la  sorte,  il  aurait  considéré  d'une  manière  moins  unilaté- 
rale et  plus  exacte  la  genèse  des  théories  de  Rousseau. 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  non  plus  qu'a  côté  de  leurs 
rapports  évidents,  surtout  dans  le  détail,  les  traités  des  deux  phi- 
losophes genevois  présentent  aussi  des  différences  non  moins 
remarquables,  qui  mettent  en  lumière  précisément  l'originalité  de 
Rousseau,  sa  plus  grande  force  spéculative  et  les  caractères 
propres  de  son  génie.  La  structure  logique  du  pacte  social  et  la 
notion  correspondante  de  la  souverameté  sont  conçues  par  lui  de 
toute  autre  façon  que  par  Burlamaqui.  Il  suffira  de  rappeler  que 
pour  celui-ci  la  souveraineté  n'est  pas  immanence  au  peuple,  mais 
peut  être  déféré'eà  un  conseil,  ou  même  à  un  seul  homme  *  ;  en 
général,  quarid  il  détermine  la  teneur  du  contrat  et  la  constitution 
des  états,  Burlamaqui  obéit  encore  à  cet  empirisme  auquel  avait 
déjà  cédé  Grotius,  et  qui  ne  fut  définitivement  dépassé  que  par 
Rousseau. 

Ces  différences  doctrinales  que  M.  Rodari  mentionne  à  peine  et 
dont  il  ne  comprend  pas  la  décisive  importance,  expliquent  suffi- 
samment le  jugement  assez  peu,  favorable  que  Rousseau  devait 
porter  sur  l'œuvre  de  Burlamaqui.  Il  y  a  sans  aucun  doute  une 
allusion,  pour  le  moins  implicite,  à  celui-ci  dans  ce  passage 
de  VEmile,  livre  V  :  «  Le  droit  politique  est  encore  à  naître...  Le 
seul  moderne  en  état  de  créer  cette  grande  science  eût  été...  Mon- 

»  Principes  du  Droit  politique,  P.  1,  ch.  V. 


BIBLIOGRAPHIE  355 

tesquieu.  »  Ainsi  s'explique  également  que  Rousseau  ne  parle  pas 
de  Burlamaqui  là-même  où  il  mentionne  ceux  qu'il  considère 
comme  ses  vrais  prédécesseurs,  en  particulier  vers  la  fin  de  la  VI» 
Lettre  de  la  Montagne. 

La  comparaison  instituée  par  M.  Rodari  avec  un  soin  minu- 
tieux, tout  en  étant  instructive  sur  quelques  points  de  détail, 
est  donc  bien  loin  d'avoir  la  signification  que  l'auteur  lui  attri- 
bue, c'est-à-dire  de  rendre  manifeste  l'absence  d'originalité  de 
Rousseau  (p.  648,  779).  Au  total,  il  est  impossible  de  ne  pas 
déplorer  la  légèreté  avec  laquelle  l'auteur  se  prononce  sur  le 
grand  sujet  qu'il  traite.  Il  ose  affirmer  que  Rousseau  «  ne  peut 
plus  désormais  être  regardé  comme  une  autorité,  soit  en  qualité 
de  penseur,  soit  en  qualité  de  philosophe  et  qu'il  ne  faut  l'estimer 
que  com.me  un  incomparable  artiste  »  (p.  665).  Adoptant  certains 
préjugés  vulgaires,  qui  ont  été  rejetés  pour  toujours  par  la  critique 
la  plus  récente,  il  prétend  «  ranger  Rousseavi  parmi  les  demi- 
fous,  pour  ne  pas  dire  parmi  les  fous  »  (p.  778).  Quelle  autorité 
peut  avoir  sur  ce  point  «  le  bon  sens  observateur  des  contempo- 
rains »  et  «  l'opinion  populaire  »  auxquels  l'auteur  se  réfère  pour 
appuyer  ses  assertions,  c'est  ce  que  montre  suffisamment  le  livre 
de  Mme  F.  Macdonald,  analysé  ici  même,  en  1907,  p.  256.  Pour 
nier  de  plus  l'importance  de  Rousseau  comme  philosophe  et 
comme  écrivain  politique,  il  faut  simplement  ignorer,  outre  l'es- 
prit de  ses  oeuvres,  la  genèse  de  l'éthique  kantienne  et  celle  des 
constitutions  modernes.  Mais  inutile  de  réfuter  des  jugements 
qui  se  condamnent  eux-mêmes  par  leur  fausseté  et  leur  superfi- 
cialité  manifestes  [Giorgio  Del  Vecchio]. 


SUISSE 

Danielle  Plan.  Un  Genevois  d'autrefois,  Henri-Albert  Gosse  (1753- 
1816),  d'après  des  lettres  et  des  documents  inédits,  avec  14  fac- 
similés  et  7  planches  hors-texte,  Paris,  Fischbacher,  Genève, 
Kundig,  édit.,  1909,  in-8,  522-cix  pp.  * 

Biographie  copieuse  d'un  Genevois  de  la  fin  du  XVIIIe  siècle, 
type  de  «  représentant  »  (quoique  natif,  fils  d'habitant)  :  «  homme 
instruit,  homme  d'action,  citoyen  dévoué,  imbu  des  idées  philoso- 
phiques et  républicaines  de  Rousseau  »,  intransigeant  sur  tout  ce 
qui  porte  atteinte  à  l'indépendance  de  sa  pensée  ou  de  sa  liberté. 

>  A  paru  comme  t.  XXXIX  du  Bulletin  de  l'Institut  national  genevois. 


356  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   .1.    ROUSSEAU 

D'une  façon  générale,  les  historiens  de  Rousseau  consulteront  avec 
fruit  tout  ce  qui  concerne  La  vie  bourgeoise  à  Genève,  ij53- 
ij8i,  mœurs,  particularités,  troubles,  (ire  partie);  ils  s'intéresse- 
ront à  la  biographie  de  ce  disciple  exalté  de  Jean-Jacques,  et  ils 
recueilleront  ici  et  là  une  foule  de  menus  renseignements  plus  ou 
moins  inédits  :  sur  le  monument  de  l'horloger  Argand  (p.  70)  — 
l'édition  de  Genève  des  Œuvres  de  Rousseau,  in-40,  in-8,  in- 12 
(p.  71)  —  la  préférence  accordée  à  Voltaire  sur  Rousseau  par  Jean 
Gosse,  père  d'Henri-Albert,  et  l'emploi  qu'il  fait  dans  un  sens 
méprisant  du  mot  rousseauiste  (premier  exemple  connu,  je  crois, 
année  1779)  (p.  gS)  —  un  projet  d'Henri-Albert  concernant  la  fon- 
dation à  St-Domingue  d'une  république  selon  Rousseau  (p.  116)  — 
ses  relations  avec  Mme  Roland  qui  «  s'enthousiasme  à  entendre 
parler  l'enfant  de  Genève,  le  concitoyen  de  Jean-Jacques  »  (p.  118) 

—  l'étonnement  de  Mme  Roland  en  1787,  de  ne  trouver  à  Genève 
aucune  statue  de  Rousseau  (récit  du  Conservateur  de  Delandine, 
1788)  (p.  190)  —  la  fête  anniversaire  de  Rousseau,  à  Genève,  le 
28  juin   1793  (p.   263-205,    et  pièces  annexes,   n»  XIV,  p.  xxxviii) 

—  les  relations  d'Henri-Albert  avec  Bonaparte  en  1797-1798,  leurs 
conversations  sur  Rousseau,  et  l'offre  que  le  premier  fait  au  se- 
cond d'une  médaille  à  l'effigie  du  citoyen  de  Genève  (p.  359-36i) 
405-406),  — son  installation  àr«  hermitage»  du  «  mont  Gosse»,  près 
Mornex  (où  s'écouleront  les  dernières  années  de  ce  digne  fils  de 
Rousseau')  (chap.  XV  et  suiv.),  les  lectures  de  Rousseau  que  l'er- 
mite y  fait  (p.  461),  le  costume  d'Arménien,  à  la  Rousseau,  qu'il  y 
endosse  (p.  467),  les  «fêtes  de  la  Nature»  qu'il  y  célèbre  (p.  474  et 
suiv.),  le  Temple  de  la  Nature  qu'il  y  élève,  avec  divers  bustes, 
dont  celui  de  Rousseau  (p.  484),  lequel  buste  est  couronné  de  per- 
venches pour  la  réception  de  la  Société  helvétique  des  sciences 
naturelles,  le  6  octobre  181 5  (p.  514),  etc.,  etc.  [A.  P.] 

Amilda  A.   Pons.  Jean-Jacques  Rousseau  et  le  Théâtre,  Genève, 
A.  Jullien  édit.  1909,  in-80,  xvi-255  pp. 

L'ouvrage  est  écrit  avec  goût.  Il  témoigne  d'une  active  curio- 
sité et,  d'une  intelligence  avisée.  Il  nous  promène  à  travers  le 
XVIIIe  siècle  par  des  chemins  pittoresques.  Nul  doute  que 
M'ie  Pons  ne  puisse  écrire  sur  Rousseau  quelque  «  Essai»  agréa- 
ble ou  quelques  articles  solides.  Seulement  ce  travail  se  donne 
pour  un  travail  d'histoire  littéraire  ;  il  s'essaie  aux  méthodes  dites 

1  M.  Gaspard  Vallette  a  montré  dans  un  article  du  Journal  de  Ge- 
nève, 27  janvier  1910,  tout  ce.  qu'il  y  a  de  Rousseau  dans  ce  «  Solitaire 
de  Mornex.  » 


BIBLIOGRAPHIE  SBy 

scientifiques.  Et  ce  n'est  pas  de  la  bonne  histoire,  pas  plus  que 
les  méthodes  n'en  sont  sûres. 

Les  erreurs  de  fait  témoignent  d'une  certaine  inexpérience  de 
l'histoire  littéraire  du  XVIIIe  siècle.  Fautes  d'impression  trop 
nombreuses  (Fernex,  Adèle  et  Théodose,  Méha=Métra^  etc.,  etc.) 
Confusions  trop  fréquentes  et  bibliographie  incertaine  :  La  Chaus- 
sée (théâtre:  1734-1747)  ne  peut  avoir  subi  l'influence  de  Vau- 
venargues  (premier  ouvrage  publié  :  1746).  Rousseau  n'a  pas  mis  à 
la  mode  la  bergère  en  sabots  ;  la  réforme  du  costume  de  l'opéra- 
comique  pastoral  ne  date  que  de  Bastien  et  Bastieune,  «  parodie  » 
du  Devin,  etc.,  etc.  Nous  pourrions  allonger  la  liste.  Elle  ne  juge- 
rait pas  l'ouvrage  sans,  appel.  Vingt  erreurs  —  et  celles  de  Mi'e  Pons 
sont  en  somme  secondaires  —  ne  ruinent  pas  toujours  un  livre. 
Disons  plutôt  que  le  dessein  même  de  MH^  Pons  la  condamnait 
à  la  confusion  et  au  labeur  sans  portée. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  —  en  apparence —  d'écrire  un  J.  J.  Rous- 
seau et  le  théâtre,  comme  un  J.  J.  Rousseau  als  Botaniker.  Mais 
cela  soulève  des  problèmes  très  divers.  Les  œuvres  dramatiques 
de  Rousseau  sont  médiocres  :  l'histoire  littéraire  ne  peut  s'y  inté- 
resser que  pour  préciser  les  influences  subies.  Or  M'ie  Pons  se 
promène  à  travers  tout  le  XVIIIe  siècle,  italien  ou  français,  de  la 
Motte  à  la  Harpe,  de  la  Chaussée  à  Gœthe,  sans  qu'aucun  rappro- 
chement précis  ne  nous  dise  avec  exactitude  que  Jean-Jacques  a 
imité  celui-ci,  obéi  à  cette  doctrine,  résisté  à  cette  autre.  Auteur 
dramatique,  Rousseau  est  encore  un  musicien  dramatique,  et  cette 
question  ne  se  lie  nullement  à  celle  qui  précède.  Le  Devin  du 
Village  n'y  importe  guère.  Pygmalion  a  plus  d'intérêt,  et  par 
lui-même  et  par  ce  qu'ont  dit  les  contemporains.  MUe  Pons  nous 
dit  bien,  d'après  MM.  Istel  et  Schiff",  quelle  en  fut  l'influence  en 
Italie  et  en  Allemagne.  Mais  en  France  ?  Je  ne  cite  que  cet 
Henri  IV  «  drame  lyrique  en  trois  actes  et  en  prose  »  de  Mr  de 
Rozoy  (1774)  où  la  musique  d'entr'actes  se  propose  de  préparer 
l'acte  qui  va  suivre.  M'"  de  Rozoy  doit-il  quelque  chose  à  Rous- 
seau ? 

Dramaturge  et  musicien,  Rousseau  est  encore  théoricien  du 
théâtre.  On  sait  que  sa  théorie  ne  s'accordait  guère  avec  sa  prati- 
que. Les  contemporains  s'en  égayèrent.  Mais  cette  théorie  est 
d'importance.  Il  y  a  toute  une  querelle  du  théâtre  au  XVII I«  siè- 
cle, violente,  acharnée,  indécise.  Mi'e  Pons  en  dit  quelques  mots 
pour  le  XVIIe  siècle,  quelques  autres  pour  le  XVIIIe.  C'est  insuf- 
fisant. Nous  avons  dans  nos  fiches  plus  de  soixante  titres  de  livres, 
brochures,  articles  pour  ou  contre  le  théâtre,  au  XVIIIe  siècle. 
Et  ces  querelles  de  théologiens  retentissaient  incessamment  dans 


358  ANNALES    DK   LA   SOCIÉTÉ  .[.   J.    ROUSSEAU 

la  vie  pratique.  Il  y  eut  abondamment  des  prêtres  et  des  bonnes 
âmes  pour  affirmer  et  pour  croire  que  Racine  ou  Molière  étaient 
des  empoisonneurs  d'âmes  et  que  le  théâtre  était  un  péché  mortel. 
L'opinion  publique  est  tenue  en  haleine  par  des  affaires  retentis- 
santes, la  lettre  de  Gresset  qui  abjure  ses  péchés  dramatiques,  les 
histoires  Ramponneau,  Huerne  de  la  Motte,  Clairon,  Dubois  et 
Blainville,  du  censeur  Marin,  du  mariage  Mole  et  d'Epinay.  La 
Lettre  à  d' Alembert  allie  Rousseau  à  tout  un  parti  fanatique  et 
tenace.  Elle  prend  par  là  un  sens  et  une  portée  que  Mii=  Pons 
n'a  fait  qu'entrevoir. 

En  un  mot,  il  n'y  avait  pas  de  livre  à  écrire  sur  Rousseau  et  le 
théâtre.  Il  y  avait,  si  l'on  voulait,  à  mettre  au  point  le  J.  J.  Rous- 
seau als  Miisiker  —  à  étudier  la  Lettre  à  d' Alembert —  à  écrire 
une  brochure  sur  Rousseau  auteur  dramatique.  C'était  chose 
vaine  que  de  lier  ces  sujets  disparates.  Et  il  y  fallait  dans  tous 
les  cas  une  précision  qui  n'est  pas  la  règle  dans  ce  livre. 

Signalons  d'ailleurs  deux  bonnes  bibliographies  des  éditions  du 
Devin  du  Village  et  de  Pygmalion,  qui  sont  commodes  et  nous 
semblent  à  peu  près  complètes;  la  réimpression  des  textes  du 
Devin  et  de  Pj'gnialion,  excellents...  sans  doute.  Mais  M"e  Pons 
n'a  oublié  qu'une  chose:  nous  indiquer  selon  quels  principes  ils 
sont  édités.  Il  ne  suffit  pas  de  savoir  qu'elle  a  travaillé  diligem- 
ment à  Neuchâtel,  Genève  et  à  la  Bibliothèque  de  la  Chambre 
des  Députés,  à  Paris.  [D.  M.] 

G.  de  Reynold,  docteur  de  l'Université  de  Paris.  Le  doyen  Bridel 

I  ij5-j-i845}  et  les  origines  de  la  littérature  suisse  romande, 
Lausanne,  Georges  Bridel  et  Cie  édit.,  1909,  in-8,  ap-55o- 
Lviii  pp.,  12  planches  hors-texte. 

II  y  a  dans  le- doyen  Bridel,  auteur  médiocre,  mais  très  repré- 
sentatif, auquel,  pour  cette  raison,  notre  confrère,  le  comte  de 
Reynold,  vient  de  consacrer  une  monumentale  biographie,  deux 
aspects  qui  nous  intéressent  particulièrement  :  un  témoin  de  l'in- 
fluence de  Rousseau  sur  la  littérature  de  la. Suisse  romande  au 
XVIII';- siècle,  et  un  représentant  émihent  de  r«  helvétisme  »  lit- 
téraire. L'influence,  comme  on  peut  s'y  attendre,  est  beaucoup 
moins  celle  du  Rousseau  «  philosophe  »,  du  théoricien  politique, 
que  celle  du  Rousseau  peintre  de  la  nature  romantique  et  idylli- 
que, de  l'homme   qui  célébra   le   Léman,    les  Alpes,   le  i^a/if  des 

Vaches.  Mais  elle  est  décisive  :  Rousseau  «  dévoila  aux  yeux  des 
habitants  la  beauté  de  l^eur  propre  pays,  beauté  qui,  jusqu'alors, 
n'était  point  à  la  mode  et  laissait  les  lettrés  indifférents  et  inatten- 


i;il,IOGRAPHIE  259 

tifs.  De  ce  jour,  la  poésie  romande  fut  créée  et  Bridel  exista.  Car,  ce 
que  Rousseau  a  célébré  :  la  beauté  des  lacs  et  du  Léman,  la  pro- 
menade à  pied,  la  course  de  montagne,  c'est  l'œuvre  entière  du 
doyen...  Ce  que  Bodmer  n'avait  pu  obtenir,  Jean-Jacques  l'accom- 
plit dans  le  Pays  de  Vaud.  Son  œuvre  affermit  l'existence  d'une 
race,  d'une  pensée,  d'une  poésie  étrangères  à  la  mode  parisienne. 
Avec  lui,  la  Suisse,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  opposèrent  à  la  France 
leur  influence,  jusqu'alors  latente  et  incertaine.  Sans  annihiler  les 
éléments  de  la  culture  française,  Rousseau  donna  à  la  Suisse  ro- 
mande et  à  la  société  lausannoise  l'originalité  qui  leur  manquait 
encore»  (p.  86;  cf.  p.  119,  la  même  idée  vérifiée  à  propos  de 
Frossard  de  Saugy.) 

Cette  influence  de  Rousseau  sur  les  lettres  romandes  est  d'au- 
tant plus  profonde  qu'elle  n'est  point  isolée  :  elle  se  combine  avec 
celle  des  écrivains  de  la  Suisse  allemande.  A  ce  point  de  vue,  le 
nom  de  Rousseau  est  étroitement  lié  à  ceux  d'un  Gessner  et  d'un 
Haller.  Tous  trois,  écrivains  d'inégale  envergure,  mais  également 
fameux  à  leur  époque,  sont  les  auteurs  responsables  et  les  ancê- 
tres de  ce  que  M.  de  Reynold  appelle  d'un  mot  fort  heureux  «l'hel- 
vétisme littéraire»  qu'il  définit  ainsi  (p.  484):  «une  conception 
idéale,  «philosophique»,  de  la  Suisse,  de  ses  Alpes,  de  ses  habi- 
tants, de  ses  institutions  et  de  son  histoire»,  en  d'autres  termes, 
«  une  doctrine  qui  tend  à  représenter  aux  yeux  du  monde  les 
hautes  montagnes  comme  le  berceau  de  l'âge  d'or,  des  vertus 
champêtres,  de  la  vie  rustique.  »  Cette  doctrine  qui  «  rentre  dans 
l'histoire  du  sentiment  de  la  nature»,  n'est  d'ailleurs  pas  unique- 
ment propre  aux  écrivains  suisses  :  elle  se  répand  au  dehors  et 
rayonne  sur  la  littérature  européenne  ;  mais  ce  sont,  à  n'en  pas 
douter,  les  écrivains  suisses,  un  Haller,  un  Gessner,  un  Rousseau 
en  tête,  qui  en  sont  tout  à  la  fois  les  inventeurs  et  les  propaga- 
teurs. 

Comme  on  le  voit,  l'ouvrage  de  M.  de  Reynold,  et  cela  n'est 
pas  son  moindre  intérêt,  constitue  une  tentative  indirecte  de  rat- 
tacher Rousseau  à  la  littérature  suisse  d'expression  soit  française, 
soit  allemande.  Fréquemment  reviennent  sous  la  plume  de  l'au- 
teur des  formules  de  ce  genre  :  «  L'esprit  de  Rousseau,  c'est  l'es- 
prit romand  développé  jusqu'au  génie»  ;  La  Nouvelle  Héloïse 
«  ce  roman  vaudois  »  ;  «  J.  J.  Rousseau  est  un  poète  romand  par 
son  esprit,  par  sa  langue...»  etc.  M.  de  Reynold  va  même,  dans 
sa  conclusion  (p.  487),  jusqu'à  proposer  d'appliquer  «  au  Premier 
Discours,  à  Vlnégalité,  à  La  Nouvelle  Héloïse,  au  Contrat  social, 
à  Y  Emile,  à  Rousseau  enfin  »  la  méthode  que  lui-même  vient 
d'expérimenter   sur   le    doyen    Bridel,    en    traitant  «un  écrivain 


36o  ANNALES   DE  LA   SOCIÉTÉ  J.    .1.    ROUSSEAU 

suisse,  non  pas  comme  un  auteur  qui  appartient  à  la  France  ou  a 
l'Allemagne,  mais  plutôt  comme  un  étranger  qui  exprime  en  alle- 
mand ou  en  français  un  idéal  particulier.  »  Pareille  thèse  ne  laisse 
pas  d'être  séduisante  à  première  vue  ;  mais  le  présent  ouvrage  où 
Rousseau  n'intervient  qu'au  second  plan,  n'en  peut  être  aux  yeux 
de  la  critique  une  justification  suffisante.  Pour  en  mieux  juger, 
nous  aimerions  que  M.  de  Reynold  réalisât  lui-même  son  vœu. 
Que  si  l'entreprise,  à  laquelle  semblent  le  préparer  merveilleuse- 
ment ses  longs  travaux,  ses  dons  exceptionnels  de  critique  et  d'é- 
crivain, lui  paraît  encore  prématurée,  qu'il  nous  donne  au  moins, 
en  attendant,  cette  étude  de  l'influence  des  écrivains  zurichois 
sur  Rousseau  dont  il  signale  l'intérêt  dans  une  note  (p.  72).  Pour 
aujourd'hui  nous  le  féliciterons  d'avoir  si  bien  préparé  le  théâtre, 
évoqué  le  décor,  recréé  l'athmosphère  de  la  «  culture  »  suisse  au 
XVIIIe  siècle,  où  il  nous  invitera  tôt  ou  tard  à  voir  évoluer  en 
pleine  lumière  l'auteur  de  La  Nouvelle  Héloïse.  Signalons  encore 
dans  ce  beau  volume,  outre  de  nombreuses  mentions  d'écrits  con- 
temporains sur  Rousseau,  vers  ou  prose,  les  reproductions  de 
deux  frontispices  des  Etrennes  helvéliennes  représentant  l'un 
(p.  88):  U Hameau  de  Clarens  (sic),  le  château  du  Châtelard  et  la 
campagne  de  Mme  de  Warens,  l'autre  (200)  :  Village  de  Montreux, 
près  de  Vevex  (Nouvelle  Héloïse,  Partie  V,  lettre  2);  et  p.  864, 
une  note  de  la  Course  de  Bâle  à  Bienne  (178g)  où  Bridel  donne 
son  témoignage  de  demi-contemporain  sur  la  lapidation  de  Mô- 
tiers,  à  laquelle  il  ne  croit  pas.  Le  doyen  a  bien  raison  du  reste 
de  ne  voir  dans  la  planche  des  Tableaux  de  Zurlauben  qu'une  fan- 
taisie issue  de  toutes  pièces  de  l'imagination  du  dessinateur. 
[A.  F.] 


Jean-Jacques  Rousseau.  La  première  rédaction  des  Confessions 
(livres  MV),  publiée  d'après  le  manuscrit  autographe,  par  Théo- 
phile DuFouR,  docteur  es  lettres,  directeur  honoraire  des  Archi- 
ves  et  de  la  Bibliothèque  de  Genève,  Genève,  A.  Jullien,  libraire- 
éditeur,  novembre  1909,  in-8,  xii-276  pp.  (Extrait  du  tome  IV 
des  'Annales  de  la  Société  Jeah-Jacques  Rousseau.) 

Bibliothèque  universelle,  juillet  1909:  Paul  Seippel,  Genève  et  la 
tradition  de  la  liberté. 

Dans  cet  article  de  circonstance,  écrit  à  l'occasion  du  jubilé  de 
la  naissance  de  Calvin,  M.  S.  rappelle  incidemment  l'origine  cal- 
vinienne,  à  travers  les  juristes  réformés,  Burlamaqui,  Jurieu,  etc., 


BIBLIOGRAPHIE  36 1 

de  la  théorie  du  contrat  social  qu'un  des  principaux  écrits  de 
Rousseau  transmet  à  la  Révolution  française  :  «  Par  ses  contra- 
dictions même,  le  Contrat  social  [de  Rousseau]  est  un  livre  essen- 
tiellement calviniste.  Il  est  le  Coran  à  la  fois  du  principe  démo- 
cratique, issu  de  la  Réforme,  et  du  principe  théocratique  issu  de 
Calvin.  Et  il  concilie  ces  principes  contraires  en  divinisant  le 
peuple  souverain,  en  lui  donnant  le  droit  d'instituer  une  religion 
civile  obligatoire  et  le  pouvoir  de  punir  de  mort  les  réfractaires. 
C'est  ainsi  que  le  Genevois  Rousseau  fut  à  la  fois  le  plus  éloquent 
apôtre  de  la  liberté  et  le  prophète  des  énergumènes  qui  établirent 
par  la  terreur,  la  pire  des  tyrannies,  celle  des  foules  inconscientes.  » 
[A.  F.] 

Bibliothèque  universelle,  Lausanne,  avril  1909:  Gaspard  Vallette, 

La  folie  de  J.  J.  Rousseau. 
Ibid.,  novembre  1909:  Gaspard  Vallette,  Rousseau  intime. 

Chapitres  détachés  d'un   ouvrage  important  qui  a  paru  depuis 
et  dont  nous  rendrons  compte  en  son  temps. 


REVUE  DES  BIBLIOGRAPHIES 

Annales  Jean-Jacques  Rousseau,  1907  (suite.) 

Het  Bœk,  Bruxelles,  avril  1909  (J.  von  den  Arend).  —  Deutsche 
Blàtter  fur  er^iehenden  Unterricht,  Langensalza,  g  avril. 

Annales  Jean-Jacques  Rousseau,  1908. 
Journal  de  Genève,  16  déc.  (G.  Vallette.) 

Avesnes,  Idées  de  J.  J.  Rousseau  en  Chine. 
Etudes,  Paris,  5  sept.  (G.  Fournier.) 

BufTenoir,  Prestige  de  J.  J.  Rousseau. 

Lyon  universitaire,  4  juin.  —  L'Eclair,  Paris,  22  juin.  —  Gil 
Blas,  Paris,  25  juin  (M.  Cabs).  —  Journal  de  Genève,  i3  déc. 
(G.  Vallette).  —  New  York  Herald,  Paris,  5  déc.  —  Revue  de  Fri- 
bourg,  novembre   1909  (P. -M.   M[asson]).  —  Mercure  de  France, 


362  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  .1.   J.    ROUSSEAU 

i6  oct.  (J.  de  Gourmont).  —  Revue  critique,  23  déc.  (F.  B[aldens- 
perger]). 

Cabanes,  Rousseau  s'est-il  suicidé? 

Avanti,  Rome,  29  août  (Docteur  Ox,  Diagnosi  medico-storiche 
retrospettive.) 

Del  Vecchio,  Teoria  del  Contralto  Sociale  (suite)  *. 

Journal  du  droit  international  privé,  1909,  p.  895.  —  La  Scuola 
cattolica,  novembre  igoq,  p.  636.  —  Revue  philosophique,  novembre 
1909,  p.  534  (G.  Richard).  —  Deutsche  Literatur^eitung,  6  mars, 
p.  627  (F.  Tônnies).  —  Revue  de  Métaphysique  et  de  Morale,  sep- 
tembre 1909,  suppl.,  p.  27. 

L.  Ducros,  /.  J.  Rousseau,  De  Genève  à  l'Hermitage. 

Deutsche  Literatur:^eitung,  6  mars  1909,  p.  61 3  (P. -A.    Becker) 

—  Hu7nanité,  Paris,  9  août  (G.  Rouanet,  Sur  J.  J.  Rousseau).  — 
Revue  critique,  23  sept.  (L.  Roustan).  —  Revue  germanique, 
nov.-déc.  1909  (E.  Spenlé).  —  La  Révolution  française,  14  juil. 
(E.  Champion). —  Revue  de  Fribourg,  juil.  1909  (P. -M.  M[asson]). 

—  Bulletin  critique,  ib-25  nov.  (M.  Souriau.)  —  Literarisches 
Zentralblatt,  25  sept,  (N.  S.) 

Dunning,  Rousseau's  Political  Théories. 
Heraldo  de  Madrid,  29  oct.  (A,  P.) 

1  Compléter  la  revue  des  années  précédentes  par  les  références  sui- 
vantes : 

La  Terni,  1906,  n»  84,  p.  672.  —  Rivista  di  Filosofia  e  Scien:(e  affini, 
Padoue,  1906,  p.  6ô6  (L.  L.).  —  Rivista  pénale,  octobre    1906,  p.   53o. 

—  La  Scuola  positiva,  septembre  1906,  p.  558  (B.  Franchi).  —  Rivista 
di  Cultura,  décembre  1906,  p.  167  (E.  Carpani).  —  Mitteilungen  aus 
der  historischen  Literatur,  XXXV  Jahrg.,  2  Heft,  1907,  p.  200  (R.  Mah- 
renholtz).  —  Bulletin  mensuel  de  la  Société  de  Législation  comparée, 
avril-mai  1907,  p.  3i4  (C.-A,  Prêt.)  —  Archivio  storico .  italiano,  t.  3g, 
1907,  p.  179  (B.  Donati).  —  La  Çritica',  Naples,  20  mai  1907,  p.  224 
(B.  Croce).  —  Journal  des  Economistes,  i5  août  1907,  p.  3o6.  —  Der 
Gerichtsaal,  Bd.  LXXI,  1907,  p.  472  (A.  Teichmann).— Kei-z/e  générale 
du  droit,  de  la  législation  et  de  la  jurisprudence,  mai-juin  1907,  p.  263 
(J.  Ducros).  —  Revue  internationale  de  sociologie,  i5*  année,  1907,  n.  i, 
p.  68  (G.-L.  Duprat).  —  Archiv  fiir  systematische  Philosophie,  Bd.  XIII, 
1907,  p.  i37  (F.  Berolzheimer).  —  Rivista  internationale  di  scien:(e  so- 
ciali  e  discipline  ausiliairi_e,  février  1907,  p.  3oi.  —  La  Scien^a  sociale, 
novembre  1908,  p.  53  (F.  Gosentini). 


BIBLIOGRAPHIE  363 

François,  Provincialismes  de  Rousseau  (suite). 
Revue  universitaire,  i3  juin  (H.  Châtelain). 

L.  Geiger,  /.  J.  Rousseau  (suite). 
Pàdagogische  Reform,  ler  sept.  (P.l 

Girardet,  Mort  de  J.  J.  Rousseau. 
Figaro,  Paris,  i3  août  (H.  Roujon,  L'affaire  Jean-Jacques.) 

Hensel,  J.  J.  Rousseau  ( suite i. 
Xenien,  Leipzig,  1909,  n»  4. 

Leblond,  Idéal  du  X/A'^  siècle. 
Frankfurter  Zeitung,  7  nov.  (Dr  A. -G.  Ott). 

Macdonald,  /.  J.  Rousseau  (suite). 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Litteraturgeschichte,  Bd.  XVII, 
Lief.  5/6,  p.  4G8  (Ph.-Aug.  Becker).  —  Daily  Telegraph,  Lon- 
dres, 21  juil.  — Revue  Bleue,  3  juil.  (L.  Maurv).  —  Il  popolo  ro- 
inano,  Rome,  21  juin  (A.  de  Gubernatis).  —  Galette  de  Lausanne, 
24  juil.  (J.  Cart).  —  Carrière  d'Italia,  23  oct.  [Echi  e  letture).  — 
Frankfurter  Zeitung,  i"  août  (J.  Benrubi).  —  Figaro,  Paris, 
i3  août  (H.  Roujon,  L'affaire  Jean- Jacques].  —  Humanité,  6  juil. 
(G.  Rouanet).  —  Petit  Parisien,  22  juin  Ij.  Frollo).  —  Revue  cri- 
tique, 23  sept.  (L.  Roustan).  — //  Momento,  Turin,  11  oct.  (G. 
Molteni,  Un  tentativo  vano  di  riabilita^ione  storica).  —  Unione, 
Milan,  4  déc.  (G.  Molteni,  La  leggenda  di  Gian  Giacomo  e  un 
vano  coniato  di  riabilitajione).  —  Mercure  de  France,  16  oct. 
1909  (J.  de  Gourmont). 

Macdonald,  Legend  of  Rousseau  s  Children. 
Revue  critique,  23  sept.  (L.  Roustan). 

Régis,  Dromomanie    de  Rousseau. 
Chronique  médicale,  i«r  sept. 

Rey,  Rousseau  dans  la  vallée  de  Montmorency. 
A.  B.  C,  Genève,  3o  nov.  —  Opinion,  Paris,  20  nov. 


364  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  .1.  J.  ROUSSEAU 

Rodet,  Idées  politiques  de  Rousseau. 

Salut  public,  Lyon,  27  juin  (A.  Salles.)  —  Revue  des  Deux- 
Mondes,  i5  sept.  (E.  Faguet). 

J.  J.  Rousseau,  Human  Philosophy  (éd.  M.acdonald). 
Revue  Bleue,  3  juil.  (L.  Maury). 

J.  J.  Rousseau,  Kulturideale  (éd.  Spranger)  (suite). 

Neue  Ziircher  Zeitung,  10  fév.  —  Tàglische  Rundschau,  24  avril 
(A.  Brausewetter).  —  Monatschrift  fur  christliche  Sopalrefonn, 
Bâle,  mars  1909  (G.  Decurtins).  —  Der  Zeitgeist,  Beiblatt  zum 
Berliner  Tageblatt,  12  juil.  (Prof.  Th.  Achelis,  Zum  Verstàndnis 
Rousseaus.  ) 

J.  J.  Rousseau,  Jour  après  jour,  (éd.  A.  de  Saussure)  (suite). 
Bibliothèque  universelle,  janv.  igog  (Chronique  suisse.) 

J.  J.  Rousseau,  Emil,  (trad.  Salhvùrk). 
Schn'ei:^.  Lehrer^eitung,  Zurich,  20  mars. 

J.  J.  Rousseau,  Briefe  (trad.  Kircheisen)  (suite). 
Xenien,  Leipzig,  Heft  8,  1909  (W.  Hilbert). 

J.  J.  Rousseau,  Correspondance  avec  Usteri  (éd.  Usteri  et  Ritter). 

Journal  de  Genève,  3i  déc.  (G.  Vallette,  Notes  du  jour).  —  Tri- 
bune de  Genève,  28  déc.  —  Galette  de  Lausanne, '2S  déc.  (Chroni- 
que genevoi$e\.  —  Neue  Ziircher  Zeitung,  29  déc.  (Bg.)  —  ZUr- 
cherische  Freitags^eitung,  3i  déc.  (Dr  B.) 

Vallette,  Rousseau  intime. 
La  Vita,  Rome^  19  nov. 

Vallette,  Folie  de  J.  J,  Rousseau. 
Corriere  délia  Sera,  Milan,  11  avril. —  Minerva,  Rome,  16  mai. 

Violani  Gambi,  Idée  di  G.  G.  Rousseau  sulla  donna. 
Il  nuovo  Giornale,  Florence,  11  sept. 


CHRONIQUE 


Extrait  des  procès-verbaux  des  séances  du  Comité 

Séance  du  21  juin  igio.  —  Demandes  diverses  d'appui  matériel 
pour  des  travaux  concernant  Rousseau,  l'un  sur  l'influence  de 
Rousseau  au  XXe  siècle,'  l'autre  sur  la  bibliographie  allemande  de 
Rousseau. 

Don  par  MM.  P.  Usteri  et  E.  Ritter  du  solde  de  leur  édition  de  la 
Correspondance  de  Rousseau  avec  L.  Usteri,  soit  25o  exemplaires. 
Avec  le  consentement  des  donateurs,  le  Comité  décide  d'attribuer 
ces  exemplaires  aux  membres  de  la  Société  qui  sont  éloignés  de 
Genève  et  des  Archives  Rousseau. 

Le  Comité  se  félicite  de  posséder  un  nouveau  correspondant 
très  actif  à  l'étranger,  en  la  personne  de  M.  V.  Olscewicz,  de 
Varsovie. 

Puis  le  trésorier  soumet  ses  comptes  au  Comité,  ce  qui  donne 
lieu  à  un  échange  de  vues  sur  la  manière  de  réaliser  des  écono- 
mies ou  d'accroître  nos  ressources. 

Un  autre  échange  de  vues,  très  actif,  a  lieu  au  sujet  de  la  pro- 
chaine célébration  du  second  centenaire  de  la  naissance  de  Rous- 
seau, en  1912,  Parmi  les  projets  caressés,  citons  : 

—  une  assemblée  générale  solennelle  de  la  Société  avec  des 
conférences  ; 

—  une  représentation  champêtre  du  Devin  et  de  Pygmalion  ; 

—  un  volume  qui  donnerait  un  tableau  complet  de  l'état  des 
études  sur  Rousseau,  au  début  du  XX^  siècle,  le  tout  s'adressant 
au  grand  public  cultivé,  et  rédigé  par  des  plumes  autorisées; 

—  une  exposition  iconographique  de  Rousseau. 

La  célébration  du  centenaire  par  la  Société  sera  essentiellement 
littéraire  et  internationale,  et  distincte  de  celle  de  l'Etat  de  Ge- 
nève, avec  lequel  il  convient  toutefois  de  s'entendre.  En  consé- 
quence, on  convient  de  se  mettre  en  rapport  au  plus  tôt  avec 
M.  Henry  Fazy,  à  la  fois  membre  du  Comité,  et  membre  du  Con- 
seil d'Etat,  qui  servira  de  trait  d'union  entre  les  deux  organes. 

Le  président  verra  également  M.  le  conseiller  administratif 
Imer-Schneider  pour  s'entendre  avec  lui  au  sujet  de  la  réfection 
nécessaire  de  l'Ile  Rousseau. 


366  ANNALES   DE  LA  SOCIÉTÉ  J.  J.    ROUSSEAU 


Assemblée  générale  du  2'->  juin  lyio. 

Le  rapport  présidentiel  passe  en  revue  l'activité  de  la  Société 
durant  l'année  écoulée,  ses  publications,  les  acquisitions  des 
Archives,  les  gains  et  les  pertes  en  membres  (les  gains  dépassant 
un  peu  les  pertes).  Il  signale  en  particulier  le  décès  de  MM.  Adol- 
phe Tobler  et  Edouard  Rod.  Il  montre  enfin  que  l'activité  des 
études  rousseauistes  est  loin  de  se  ralentir  dans  le  monde,  et  il  fait 
appel  au  concours  de  tous  pour  la  célébration  du  centenaire  de 
1912,  dont  s'occupe  déjà  le  Comité. 

La  situation  financière  au  3i  décembre  1909,  dont  le  rapport  du 
trésorier  rend  compte,  peut  être  résumée  parles  chiffres  suivants: 

Recettes.      .     ,     .     .     .     Fr.     9046,85 
Dépenses »       4824,75 

Solde  créancier   .     .     .     Fr.     4722,10 

Si  l'on  tient  compte  des  dépenses  importantes  prévues  pour  les 
premiers  mois  de  1910,  observe  le  trésorier,  cette  situation  finan- 
cière n'est  pas  brillante.  Elle  appelle  un  examen  sérieux,  si  nous 
ne  voulons  pas  dépasser  nos  ressources,  ou  renoncer  à  des  dépen- 
ses essentielles,  comme  celles  que  nécessitent  l'accroissement  et 
l'entretien  des  Archives.  Il  faudra  voir  à  réaliser  des  économies, 
à  accroître  le  recrutement  des  membres,  mais  surtout  à  obtenir  que 
les  membres  inscrits  veuillent  bien  payer  leur  cotisation  régulière- 
ment, ce  qui  est  loin  d'être  le  cas,  et  entraîne  un  supplément  con- 
sidérable de  dépenses  et  de  peine  pour  le  Comité. 

Sur  la  proposition  de  MM.  Chapuisat  et  Fatio,  vérificateurs  des 
comptes,  décharge  est  donnée  au  trésorier  pour  sa  gestion.  L'as- 
semblée y  joint  ses  remerciements. 

Puis  le  Comité  sortant  est  réélu  à  l'unanimité,  pour  la  période 
1910-1912,  soit:  MM.  Bernard  Bouvier,  Eugène  Ritter,  Alfred 
Cartier,  Philippe  Godet,  Théophile  Dufour,  Gaspard  Vallette, 
L.-J.  Courtois,  Henri  Fazy,  Henri  Morf,  Lucien  Pinvert,  Alexis 
François.  " 

M.  Eugène  Ritter  fait  une  .communication  sur  la  famille 
Rousseau  et  ses  représentants  actuels.  11  en  résulte  que  cette  fa- 
mille est  encore  représentée  aujourd'hui  par  le  baron  Alfred 
Rousseau,  ministre  plénipotentiaire  en  retraite,  à  Paris,  descen- 
dant de  Noé  Rousseau  (le  grand  oncle  de  Jean-Jacques),  et  père 
de  deux  fils  et  de  deux- filles,  dont  l'aînée  a  épousé  le  prince  Lanza 
di  Scalea. 


CHRONIQUE  367 

M.  Gaspard  Vallette  donne  à  l'assemblée  la  primeur  d'un  chapi- 
tre de  son  ouvrage  J.  J.  Rousseau,  Genevois,  qui  verra  bientôt  le 
jour:  il  s'agit  en  l'espèce  des  rapports  du  Contrat  social  avec  la 
politique  genevoise  du  XVIIIe  siècle. 

Séance  du  23  juin  igio  (à  l'issue  de  l'Assemblée  générale). — 
Le  Comité  réélit  son  précédent  bureau  et  ses  précédentes  com- 
missions des  Publications  et  des  Archives: 

Bureau:  MM.  Bernard-Bouvier,  président.  —  Eugène  Ritter, 
vice-président.  —  Alfred  Cartier,  trésorier.  —  Alexis  François, 
secrétaire.  —  Louis-J..  Courtois,  secrétaire-adjoint. 

Commission  des  publications  :  MM.  Ritter,  Vallette,  et  le  pré- 
sident. 

Commission  des  archives  :  MM.  Cartier,  Frédéric  Gardy,  Alexis 
François,  et  le  président. 

Le  président  a  vu  M.  le  conseiller  administratif  Imer-Schneider, 
qui  s'est  montré  d'autant  plus  disposé  à  procéder  à  l'aménage- 
ment de  l'Ile  Rousseau,  que  la  veille  même,  il  avait  été  interpellé 
sur  ce  sujet  au  Conseil  municipal. 


Etat  des  Archives  J.  J.  Rousseau  au  3i  décembre  1909:  842  nu- 
méros ;  augmentation  de  l'année:  m,  dont  64  acquis  par  la  So- 
ciété J.  J.  Rousseau,  le  reste  dû  aux  dons  de  MM.  Alex.  JuUien, 
G.  de  Seigneux,  L.  Braschoss,  F.  Falk,  F.  Raisin,  Alexis  François, 
E.  Muret,  à  Genève  ;  Mme  p.  Macdonald,  M.  H.  Buffenoir,  à 
Paris;  MM.  L.  Aurenche,  à  Coutance  (Manche);  D.  Mornet,  à 
Toulouse  ;  L.  Ducros,  à  Aix  en  Provence  ;  Ernst  Zabel,  à 
Quedlinburg  ;  MUe  A.  Pons,  à  Rome;  les  éditeurs  Eugen  Diede- 
rich,  à  lena  ;  F.  G.  L.  Gressler,  à  Langensalza  ;  Hachette,  à  Paris; 
la  Bibliothèque  publique  et  universitaire  de  Genève. 

Parmi  les  plus  importantes  acquisitions,  signalons  une  lettre 
autographe  à  la  marquise  de  Créqui,  21  juillet  1764,  accompagnée 
de  l'original  de  la  romance  :  Je  l'aimais  d'un  amour  si  tendre;  des 
copies  d'actes  notariés  concernant  Thérèse  Levasseur  et  émanant 
de  l'étude  de  M.  Charles  Baudon  au  Plessis-Belleville  ;  une  par- 
tition gravée  ancienne  du  Devin  du  Village,  Paris,  chez  Le  Clerc, 
s.  d.j  in-40  ;  des  éditions  anciennes  des  Confessions,  de  l'Emile, 
de  La  Nouvelle-Héloïse,  etc.  ;  le  Pygmalion  mis  en  vers  par  Ber- 


368  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.   J.    ROUSSEAU 

quin  et  illustré  par  Moreau  le  Jeune  (édit.  orig.,  1775)  ;  enfin  tout  un 
lot  d'estampes  provenant  de  la  succession  de  feu  P.-Gh.  Strœhlin, 
à  Genève  ; 

Pendant  l'année  1909,  les  Archives  J.  J.  Rousseau  ont  été  fré- 
quentées par  70  personnes  différentes,  représentant  3i6  présences 
de  lecteurs  et  1687  volumes  et  documents  communiqués  (statisti- 
que de  M.  Fernand  Aubert,  sous-conservateur.) 


—  Nous  avons  à  déplorer  le  décès  de  cinq   de  nos  membres  : 
Adolphe  ToBLER,  professeur  à  l'Université  de  Berlin; 
Léopold  MicHELi,  conservateur  de  la  Bibliothèque  publique,  à 

Genève,  décédé  accidentellement  le  23  juin  1910; 

Alexandre  Passauvert,  avocat,  à  Saint-Pétersbourg  ; 

Gustave  Moynier,  président  du  Comité  international  de  la 
Croix-Rouge,  membre  correspondant  de  l'Institut  de  France,  à 
Genève. 

Adolphe  DoMiNicÉ,  également  à  Genève. 

—  Au  nombre  des  nouveaux  docteurs  honoris  causa  créés  par 
la  Faculté  des  lettres  de  l'Université  de  Genève,  à  l'occasion  du 
35orae  anniversaire  de  la  fondation  de  l'Académie  de  Calvin,  en 
juillet  1909,  nous  relevons  avec  plaisir  les  trois  noms  suivants  dé- 
signés comme  ayant  bien  mérité  des  études  rousseauistes:  Mme  F. 
Macdonald,  le  comte  F.  de  Girardin  et  le  professeur  H.  Hœffding, 
tous  trois  membres  de  notre  association. 

—  La  carte  de-  membre  annuel  pour  1910  reproduit  le  portrait 
de  Rousseau  dessiné  par  Mayer,  '  gravé  par  Naudet,  qui  figure 
également  en  tête  du  tome  V  des  Annales. 

—  Dans  la  vente  de  la  collection  A.  Forgeron  (Révolution  fran- 
çaise), 3  et  4  décembre  1909,  à  l'Hôtel,  de  la  rue  Drouot,  à  Paris, 
ont  pa:ssé  les  pièces  suivantes  intéressant  l'iconographie  de  Rous- 
seau (catalogue  A.  Geoffroy  frères,,  in-40,  66  pp.)  : 

No  12:  Alix,  J.  J.  Rousseau,  d'après  Garneray,  ovale,  in-folio, 
imprimé  en  couleurs,  cadre  ancien; 

No  loi  :  Taunay,  Saint-Preux  au  tombeau  de  Julie,  jolie  pein- 
ture, très  fraîche,  dans  son  cadre  doré,  toile  i3Xio; 

No  2ô3:. Buste  de  J.-J.  Rousseau  âgé,  cire,  ébauche  signée  : 
Pigalle,  haut.  0,14; 


CHRONIQUE  369 

No  227:  Fauteuil  bergère  en  bois  sculpté,  recouvert  de  toile  de 
Jouy  avec  pochettes  de  côtés.  Ce  fauteuil  servit  à  J.  J.  Rousseau 
au  château  de  Chenonceaux.  A  figuré  à  la  Centennale  en  1900 
(ne  376),  provient  de  la  vente  Pelouze,  au  château  de  Chenon- 
ceaux (vendu  410  fr.) 

No  271  :  Jeu  de  32  cartes  avec  figures  en  pied;  dans  ce  jeu, 
J.  J.  Rousseau  est  sous  la  figure  du  roi  de  trèfle.  Conservé  dans 
son  étui  vert  à  filets  dorés  (vendu  i35  fr.) 

—  Dans  la  vente  de  la  collection  Victorien  Sardou,  24  mai 
1909,  a  passé  l'original  de  la  lettre  de  Rousseau  au  libraire  Du- 
chesne,  datée  de  Môtiers,  11  août  1765,  et  reproduite  dans  l'édi- 
tion Hachette,  no  697  (Catalogue  Noël  Charavay,  no  i36.) 

—  Dans  les  Nouvelles  littéraires,  supplément  hebdomadaire  du 
Nouvelliste  de  Lyon,  du  i3  juin  1909,  sous  ce  titre:  L' ne  grève  de 
Lyon  en  ij44,  un  correspondant  occasionnel,  qui  signe  A.  L., 
donne  quelques  détails  sur  un  personnage  mentionné  par  Rous- 
seau, au  livre  III  de  ses  Confessions,  l'abbé  Dortan,  comte  de 
Lyon  :  «  Jean-François  de  Dortan,  nous  fait  connaître  M.  l'abbé 
Vachet,  dans  son  savant  volume  sur  les  Chanoines-Comtes  de  Lyon, 
issu  d'une  ancienne  famille  dauphinoise,  dont  la  race  s'éteignit 
avec  lui,  à  Sermerieu  (Isère),  le  4  septembre  1682,  fut  nommé 
chanoine  de  l'Eglise  de  Lyon,  le  23  mars  1713,  et  installé  le 
1 1  novembre  de  la  même  année,  après  avoir  fourni  ses  preuves  de 
noblesse  le  6  et  le  7  de  ce  mois  ;  Chantre  du  i3  mai  1727,  il  mou- 
rut à  Lyon,  le  7  novembre  1751,  et  fut  inhumé  dans  la  chapelle  de 
l'Annonciade,  à  la  Primatiale.  »  M.  A.  L.  ajoute  que  l'influence 
de  M.  de  Dortan  sur  le  populaire,  qui  voulut  le  demander  pour 
échevin,  eut  pour  origine  son  intervention  favorable  aux  ouvriers 
dans  la  fameuse  «grève»  de  1744  (voir  à  ce  sujet  le  travail  de 
M.  le  chanoine  Sachet  sur  La  Croix  des  Chanoines- Comtes  de 
Lyon.) 

—  J.  J.  Rousseau,  jugé  par  le  dauphin  fils  de  Louis  XV,  sous 
ce  titre,  notre  savant  confrère,  M.  C.  Stryienski,  a  publié  dans  les 
Feuilles  d'histoire  du  XVIh  au  XX=  siècle,  ler  décembre  1909,  la 
lettre  suivante  adressée  par  Louis,  dauphin,  à  M.  A.  de  Nicolay, 
évèque  de  Verdun,  qu'il  veut  bien   nous   autoriser  à   reproduire  : 

«  A  Versailles,  ce  23  juin  1762. 
Je  ne  sais  s'il  vous  sera  tombé  entre  les  mains  un  livre  nouveau 
de   Jean-Jacques,  intitulé  De  l'Education.  C'est   bien   le   livre  le 
plus  infernal  qui  ait  été  fait  pour  les  gens  qui  ont  quelque  tein- 


SyO  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  .1.  .1.   ROUSSEAU 

ture  de  la  philosophie.  L'auteur  y  renferme  en  ySo  pages  tout 
ce  qu'il  est  possible  de  dire  de  plus  fort  pour  prouver  l'existence 
de  Dieu,  l'immatérialité  de  l'âme  et  la  liberté  de  l'homme  et  pour 
détruire  toute  espèce  de  révélation,  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
l'évidence  des  miracles.  D'après  ce  principe,  il  détruit  tout  culte 
extérieur,  même  la  prière,  et  n'admet  qu'une  sorte  de  contempla- 
tion où  il  veut  que  l'âme  soit  devant  le  Tout-Puissant.  Il  finit  par 
exalter  la  morale  de  l'Evangile  et  la  déclarer  presque  impossible, 
ainsi  que  tous  nos  mystères,  qui  impliquent,  dit-il,  contradiction, 
et  qui,  s'ils  eussent  dû  être  crus,  eussent  bien  valu  la  peine  que 
Dieu  les  eût,  non  pas  expliqués,  mais  assurés  plus  positivement, 
et,  je  crois,  à  chaque  homme  en  particulier,  par  une  révélation 
indubitable.  Jusque-là,  il  faut  s'en  tenir  à  la  religion  naturelle. 
Ensuite,  il  déclame  avec  véhémence  contre  les  athées  et  les  ma- 
térialistes. Il  traite  la  matière  très  sérieusement  et  très  philosophi- 
quement, et  mérite  la  peine  qu'une  aussi  bonne  plume  que  la 
sienne,  et  plus  savante,  le  réfute  méthodiquement  ;  cela  ne  sera 
pas  bien  difficile,  car  il  est  plein  de  contradictions.  » 

—  Sous  le  titre  :  Un  document  inédit  sur  Jean-Jacques  Rousseau, 
M.  Hippolyte  Buflfenoir  a  mis  au  jour,  dans  1'^.  B.  C.  de  Genève 
des  21  et  24  décembre  1909,  un  document  fort  curieux,  dont  il  né- 
glige d'ailleurs  de  nous  dire  la  provenance  et  le  caractère  exact. 
C'est  le  compte-rendu  détaillé  d'un  procès  de  Thérèse  Levasseur 
avec  le  libraire  Lemarchand  qui  fut  chargé  tout  d'abord  d'éditer 
les  Consolations  des  Misères  de  ma  Vie.  Le  libraire  ayant  pensé 
faire  une  trop  bonne  affaire,  Thérèse,  après  bien  des  démarches, 
obtint  un  arrêt  du  Conseil  qui  la  rendait  de  nouveau  seule  maî- 
tresse de  l'entreprise,  laquelle,  comme  on  sait,  finit  par  aboutir 
sous  la  direction  intelligente  et  désintéressée  de  M.  Benoist,  an- 
cien Contrôleur  général  des  Domaines. 

—  A  propos  d'un  passage  de  l'article  de  M.  Mornet,  paru  l'année 
dernière  dans  nos  Annales,  p.  87,  1.  27  :  «  Les  éditeurs  [de  l'édition 
de  Genève,  1782]  n'ont  prévenu  nulle  part  qu'ils  avaient  à  leur 
disposition  un  exemplaire  corrigé  par  Rousseau  »,  M.  P. -M.  Mas- 
son  nous  envoie  l'intéressante  rectification  suivante  : 

«  Du  Peyrou  l'indique  dans  une  lettre  du  3  février  1789,  adres- 
sée au  comte  de  Barruel-Beauvert,  qui  l'a  insérée  dans  sa  Vie  de 
J.  J.  Rousseau,  Paris-Londres,  1789,  in-80,  p.  i32  :  «Je  n'ai  con- 
)i  couru  qu'en  tierce-part  à  la  collection  des  ouvrages  de  Rous- 
»  seau,  imprimés  à  Genève,  au  profit  de  sa  veuve  :  ma  part,  à  cette 
»  contribution,  s'est  bornée  à  ce  que  l'auteur  lui-même  avait  pré- 
»  paré,  pour  son  édition  projetée  en   1764,  (laquelle   ne   put   avoir 


CHRONIQUE  371 

»  son  effet  par  une  suite  de  circonstances  malheureuses)  ;  maté- 
»  riauxqu'à  son  départ  pour  l'Angleterre,  il  laissa  entre  mes  mains. 
»  En  les  livrant  à  l'impression,  tels  qu'il  les  avait  disposés  lui- 
»  même,  j'ai  rempli  ses  intentions.  »  L'importance  de  ce  texte  mé- 
rite, je  crois,  d'être  soulignée;  et  cette  importance  est  double. 

»  La  lettre  de  Du  Peyrou  nous  montre  d'abord  quelle  confiance 
on  peut  accorder  aux  leçons  nouvelles  de  l'édition  17S0-1782, 
même  quand  nous  ne  les  retrouvons  pas  dans  des  exemplaires 
corrigés  par  Rousseau,  comme  dans  La  Nouvelle-Héloïse  du  Pa- 
lais-Bourbon ou  dans  VEmile  de  Genève,  qui  ont  visiblement 
servi  à  Du  Peyrou.  Peut-être  donc  existe-t-il  encore,  pour  d'au- 
tres œuvres  de  Rousseau,  en  particulier  pour  le  Discours  de  l'Iné- 
galité, le  Devin  du  Village,  la  Lettre  à  d'Alembert,  des  exemplai- 
res avec  notes  autographes.  Nous  sommes  en  droit,  du  moins,  de 
supposer  leur  existence  d'après  les  leçons  nouvelles  de  l'édition 
de  Genève.  —  La  lettre  de  Du  Peyrou  nous  fournit  en  même 
temps  la  date  de  ces  additions  ou  corrections:  1 764- 1765.  » 
[P. -M.  Masson]. 

—  Dans  un  article  intitulé  Die  Ursprung  der  Erklàrung  der 
Menschenrechte,  un  collaborateur  de  la  Frankfurter  Zeitung  ap- 
précie, le  17  mars  igog,  la  part  d'influence  de  Rousseau  dans  la 
rédaction  de  la  Déclaration  des  droits  de  l'homme,  conformément 
aux  points  de  vue  de  Jellinek  et  plus  récemment  d'Edme  Cham- 
pion, c'est-à-dire  en  réduisant  cette  part  à  fort  peu  de  chose. 

—  Dans  //  Ticino  illustrato,  de  Bellinzone,  du  23  janvier  1909,  le 
professeur  Giuseppe  Maramotti  a  publié  une  chronique  intitulée 
La  voce  délia  Natura  in  G.  G.  Rousseau,  où  il  montre  qu'en  effet 
toute  l'œuvre  de  Rousseau  n'est  qu'un  magnifique  écho  de  cette 
voix  de  la  Nature. 

—  L'Espana  Nueva,  de  Madrid,  du  i5  mai  1909,  a  publie,  dans 
un  but  de  vulgarisation,  une  biographie  sommaire  de  Juan  Jacobo 
Rousseau. 

—  Le  Savoyard  de  Paris,  du  3o  janvier  1909,  a  publié  un  article 
du  poète  Fabre  des  Essarts  sur  la  Myopie  de  Jean-Jacques,  qui 
peut  être  rangé  parmi  les  nombreuses  tentatives  d'expliquer  le 
caractère  de  Rousseau  par  ses  infirmités  physiques. 

—  Le  même  journal,  23  janvier  1909,  a  publié  un  article  d 
M.  Géo  Mamby,  intitulé  Le  Léman,  berceau  de  la  Révolution,  où 
Rousseau  prend  naturellement  la  place  d'honneur  parmi  les  rêvé- 


372  AN'XALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  J.  J.  ROUSSEAU 

lateurs  de  la  nature  alpestre,  en  tête  de  ceux  qui  ont  fait  du  lac 
Léman  l'un  des  centres  de  la  vie  intellectuelle  française  au  XVII !« 
siècle. 

—  Dans  le  Salut  public,  de  Lyon,  n"'  des  29  janvier  et  5  février 
1909,  M.  Benoît  Faugier  a  publié  deux  articles  sur  Le  Paradoxe 
de  Rousseau,  le  premier  intitulé:  Les  lois  économiques,  le  second; 
De  la  liberté.  Le  «  paradoxe  »  de  Rousseau  que,  bien  entendu, 
M.  Faugier  combat  en  montrant  qu'il  a  faussé  la  législation  écono- 
mique de  la  France,  c'est  celui  qui  est  inscrit  dans  cette  double 
formule  :  «  L'homme  est  né  libre  »,  et  «  Tous  les  hommes  sont 
égaux. » 

—  Dans  un  article  de  fond  du  Salut  public,  de  Lyon,  23  février 
1909,  M.  Victor  Bresse  nous  apprend,  sans  enthousiasme,  qu'il  est 
question  d'élever  à  Lyon  un  monument  à  Rousseau,  en  souvenir 
de  la  fameuse  nuit  qu'il  passa  à  la  belle  étoile  sur  les  bords  de  la 
Saône.  Il  en  discute  l'emplacement  prévu,  aux  balmes  du  clos 
Saint-Georges,  à  l'extrémité  ouest  du  pont  d'Ainay,  entre  le  quai 
Fulchiron  et  la  partie  supérieure  de  la  colline  de  Saint- Just.  Nous 
ne  savons  ce  qu'il  est  advenu  de  ce  projet. 

—  Il  a  paru  dans  le  Spettacolo  de  Milan,  du  ler  avril  1909,  une 
chronique  d'Eugenio  Ercoli  sur  Jean-Jacques  Rousseau  musicista. 

—  //  Giorno,  de  Naples,  22-23  août  1909,  dans  un  article  intitulé 
Presso  i  Celesti  (signature  :  Glaudius),  et  la  Ga^etta  del  Popolo, 
de  Turin,  23  novembre  1909,  dans  un  article  intitulé:  //  Fenomeno 
Rousseau  nelV  Estremo  Oriente  (signature  :  Ernesto  Cauda),  ont 
signalé  presqu'en-  même  temps  l'influence  de  Rousseau  sur  le  ré- 
veil actuel  du  peuple  chinois.  Ne  serait-ce  qu'un  écho  du  livre 
d'Avesnes  que  nous  analysons  d'autre  part,  p.  326  ? 

—  Dans  un  article  du  Corriere  d'Italia,  de  Rome,  20  septembre 
1909,  intitulé:  La  grande  utopia  deiGiovani  Turchi,  Il  «  Contrat 
socidl  »  di  Rousseau  nel  paese  del  Corano,  G.  d'Apricorta  raconte 
qu'il  a  voyagé  de  Belgrade  à  Gonstantinople  en  compagnie  d'un 
Jeune-Turc  qui  lisait  le  Contrat  social-.  Ce  lui  fut  une  révélation, 
dit-il,  qui  lui  servit  par  la  suite  et  lui  sert  encore  à  expliquer 
beaucoup  d'aspects  de  cette  étrange  révolution  turque,  et  l'état 
d'esprit,  pour  ainsi, dire,  aprioristique,  ouvert  à  toutes  les  illu- 
sions'et  à  toutes  les  hallucinations,  de  beaucoup  de  ses  fauteurs 
et  de  ses  agents. 


CHRONIQUE  373 

—  Dans  une  chronique  intitulée:  Rousseau  a-t-il  supplanté  Cal- 
vin?, le  Signal  de  Genève,  du  17  juillet  1907,  a  traduit  et  com- 
menté en  le  discutant,  un  article  du  Manchester  Guardian,  du 
26  juin  1907,  sur  la  séparation  des  Eglises  et  de  l'Etat  de  Genève, 
où  l'on  oppose  l'œuvre  de  Calvin  et  celle  de  Rousseau  —  le  Rous- 
seau des  Lettres  de  la  Montagne,  postérieur  au  Rousseau  du  Con- 
trat social  —  dans  la  cité  calviniste,  et  où  l'on  s'efforce  de  prou- 
ver que  l'esprit  du  second  l'emporte  décidément  sur  celui  du  pre- 
mier. 

—  Décrivant  dans  son  Guide  historique  et  pittoresque  de  Vélran- 
ger  à  Genève,  s.  d.  (1909),  in-16,  p.  9,  la  statue  de  Rousseau  par 
Pradier,  M.  Emile  Doumergue,  l'historien  bien  connu  de  Calvin, 
juge  ainsi  Jean-Jacques  :  «  A  la  fois  Français  et  Genevois,  il  fut 
un  produit  aussi  logique  que  contradictoire  de  l'esprit  calviniste, 
qu'il  ne  cessa  de  combattre  en  le  manifestant  et  de  manifester  en 
le  combattant,  soit  en  religion,  soit  en  morale,  soit  en  politique.  » 
Hans  \q  Protestant ,  dt  Paris,  11  septembre  1909,  sous  ce  titre: 
Rousseau  et  la  tradition  calviniste,  M.  J. -Emile  Roberty  explique 
et  justifie  ce  paradoxe  —  sur  la  forme  duquel,  au  moins,  il  y  au- 
rait, en  effet,  beaucoup  à  dire  —  au  moyen  de  l'article  de  M.  Paul 
Seippel,  Genève  et  la  tradition  de  la  liberté,  analvsé  d'autre  part, 
p.  36o. 

—  Le  4  février  1909,  à  Genève,  dans  une  réunion  de  la  Société 
de  chant  du  Conservatoire,  salle  des  Amis  de  l'Instruction,  a  été 
jouée  pour  la  première  fois  une  comédie  en  un  acte,  inédite,  de 
Mlle  Berthe  Gaillard,  intitulée  Le  Verger  de  Tonne.  Cette  comé- 
die met  en  scène  Jean-Jacques  et  ses  deux  amies,  M"«s  Galley  et 
de  Graffenried  (voir  le  Journal  de  Genève  du  6  février.) 

—  Le  Devin  du  Village  a  été  intégralement  représenté  :  à  Ge- 
nève, le  6  (Soirée  de  l'Art  social.  Casino  de  Saint-Pierre)  et  le  10 
(Soirée  de  bienfaisance  française,  également  au  Casino  de  Saint- 
Pierre)  mai  1909,  par  une  troupe  d'amateurs.  La  première  de  ces 
représentations  a  été  précédée  d'une  conférence  de  M.  Jules  Carrara 
sur  Rousseau  musicien.  Comptes-rendus  dans  \q  Journal  de  Genève 
des  II  et  i3  mai  (la  fin  du  second  compte-rendu  fait  allusion 
à  une  partition  du  Devin  couverte  d'annotations  de  Hugo  de  Sen- 
ger,  et  qui  servit  sans  doute  à  une  audition  de  concert); 

à  Neuchâtel,  dans  le  courant  de  février  1909,  par  la  Société 
d'étudiants  de  Belles-Lettres  (voyez  Academia,  Zurich,   19  février. 

1909) ; 


374  AWAI.KS  DE  I.A  SOC I ÉTÉ  .1.  .1.    ROUSSEAU 

à  Vienne  enfin,  dans  le  cabaret  artistique  «  Fledermaus  »,  au 
commencement  de  mars  de  la  même  année,  par  une  troupe  d'a- 
mateurs distingués.  Ces  représentations  du  cabaret  «  Fledermaus  » 
semblent  avoir  été  l'un  des  événements  de  la  saison  mondaine 
dans  la  capitale  autrichienne.  Voyez  la  Neue  Freie  Presse  des 
26  février,  5,  6  et  10  mars,  et  le  Neuer  Wiener  Journal  dn  8  mars. 
Elles  ont  fait  couler  beaucoup  d'encre  au  sujet  de  l'opéra  pastoral 
de  Rousseau.  Signalons,  comme  particulièrement  intéressante, 
l'appréciation  parue  sous  la  signature  de  Franz  Servaes  dans  le 
journal  Der  Tag,  de  Berlin,  10  mars  iqoq. 

Toujours  à  propos  de  ces  représentations,  un  correspondant 
anonyme  de  la  Neue  Freie  Presse,  7  mars  iQog,  mentionne  une 
lettre  de  Chopin,  écrite  de  Chenonceaux  en  décembre  1845,  d'a- 
près laquelle  le  Devin  aurait  été  représenté  pour  la  première  fois 
sur  le  théâtre  des  Dupin,  avant  de  paraître  sur  la  scène  de  Fon- 
tainebleau ;  et  son  ouverture  serait  l'œuvre  du  fameux  fermier 
général,  patron  de  Rousseau.  La  même  lettre  «  inédite  »  de  Cho- 
pin est  donnée  par  la  Revue  de  Paris,  i^r  avril  1909,  comme  ayant 
été  ((  publiée  récemment  ».  Les  renseignements  qu'elle  renferme 
résulteraient  d'une  correspondance  de  Rousseau  avec  M.  Dupin, 
retrouvée  par  Georges  Sand.  Qu'est-ce  que  cette  correspondance? 
Où  a  paru  la  lettre  de  Chopin  ? 

—  Au  Congres  des  aliénistes  et  neurologistes,  qui  s'est  ouvert  à 
Nantes  le  2  août  1909,  notre  confrère,  le  professeur  E.  Régis, 
a  fait  une  communication  sur  le  cas  de  J.  J.  Rousseau,  considéré 
comme  maniaque  ambulatoire.  Vovez  la  Chronique  médicale  du 
i<^>'  septembre  1909,  p.  554. 

—  A  la  réunion  de  la  British  Association,  à  Winnipeg  (Canada),  le 
26  août  1909,  le  président  de  la  section  d'anthropologie,  professeur 
John  L.  Myres,  a  traité^  dans  son  discours  d'ouverture,  de  r«  In- 
fluence de  l'anthropologie  sur  le  développement  de  la  science  poli- 
tique. »  A  ce  propos,  il  a  fait  observer  que  Rousseau  aborda  le  sujet 
de  «  l'état  de  nature  »  surtout  en  réformateur  et  en  philosophe  poli- 
tique ;  qu'il  n'eut, recours  a  l'ethnologie  que. dans  1^  mesure  où  il 
sentit  la  nécessité  d'étayer  par  .des  faits  et  surtout  d'illustrer  son 
hypothèse;  que  d'ailleurs  il  écrivit  trop  tôt  pour  profiter  de  la 
confirmation  qu'aux  yeux  des  contemporains,  Cook,  Bougainville 
et  La  Pérouse  durent  fournir  à  sa  thèse  en  révélant  l'existence 
d'un  Eden   polynésien'.  Voltaire,  dans  son  attitude  diamétrale- 

'  Rappelons  à  ce  propos  que  les  récits  de  La  Pérouse  firent  un  tout 
autre  effetsur  un  lecteur  tel  que  Charles  de  Villers.  Voyez  Annales,  V, 
p.  3i5. 


CHRONIQUE  ,•>-":> 

ment  opposée  a  celle  de  Rousseau,  fut  au  contraire  soutenu  par 
l'admiration  que  les  récits  des  missionnaires  jésuites  suscitèrent 
pour  la  vieille  civilisation  chinoise  au  XVIIIe  siècle.  Voir  le 
Times,  Londres.  n°  du  27  août  1909. 

—  Le  professeur  A.  Schinz,  de  Bryn  Mawr  Collège,  a  donné 
lecture  d'un  travail  sur  J.  /.  Rousseau,  précurseur  du  pragmatisme 
moderne,  a  la  réunion  de  VAmerican  Philosoilcal  Society,  tenue  à 
Philadelphie,  en  avril  1909. 

—  Le  pasteur  Doutrebande,  secrétaire-archiviste  communal  à 
Neuchàtel,  a  fait  à  l'Aula  de  l'Académie,  dans  le  courant  de  jan- 
vier 1909.  une  conférence  sur  ce  sujet:  Que  pense  J.  J.  Rousseau 
de  la  femme  ? 

—  Le  18  novembre  1908,  dans  une  soirée  conférence-concert 
donnée  par  la  Ligue  des  Libres-Penseurs  spiritualistes,  à  son 
siège,  boulevard  Sébastopol,  à  Paris,  M.  Sennelier  a  fait  une 
conférence  sur  J.  J.  Rousseau.  Cette  conférence,  au  témoignage 
de  M.  Cheri-Vinet,  qui  en  a  rendu  compte  dans  Le  Radical  de  la 
Seine,  du  28  novembre  {Jean-Jacques  Rousseau  réhabilité  par  la 
Ligue  des  Libres-Penseurs  spiritualistes),  «  atteignit,  par  instant, 
au  faîte  des  hauteurs  philosophiques.  » 

—  M.  Jayet,  professeur  de  langues  au  Collège  de  Thonon  et 
aux  écoles  d'Evian,  a  fait,  le  27  novembre  1909,  au  Cercle  de  l'A- 
micale des  anciens  élèves  des  écoles  laïques  d'Evian-les-Bains, 
une  conférence  sur  Jean-Jacques  Rousseau,  sa  vie,  son  oeuvre. 

—  M.  Jules  Carrara  a  fait  au  Nouveau-Collège  de  Montreux,  le 
27  octobre  1909,  une  conférence  sur  J.  J.  Rousseau  ancêtre  du 
Romantisme. 

—  Le  professeur  Sirven,  de  l'Université  de  Lausanne,  a  fait  les 
vendredis  10  et  17  décembre  1909,  dans  la  grande  salle  de  la  Mai- 
son du  Peuple,  à  Lausanne,  deux  conférences  sur  La  Querelle 
de  Voltaire  et  de  Rousseau. 

—  Le  Cri  de  Paris,  du  7  mars  1909,  a  fait  allusion  à  une  série 
de  conférences  sur  J.  J.  Rousseau  qui  ont  eu  lieu  dans  la  Répu- 
blique Argentine,  au  printemps  1909,  et  pour  lesquelles  l'orateur, 
J.  J.  Brousson,  secrétaire  d'Anatole  France,  devait  toucher  la 
coquette  somme  de  dix  mille  francs. 

—  A  Genève,  ont  été  faites,  sous  le  patronage  de  l'Association 
de  VArt  social,  les  14,  21,  et  28  avril  1909,  trois  conférences  sur  la 


376  ANNALES  DE  LA  SOCIÉTÉ  J.  J,  ROUSSEAU 

Vie  de  Rousseau,  Rousseau  penseur  et  philosophe,   Rousseau  écri- 
vain. Les  orateurs  ont  été  respectivement  pour   ces  trois   confé 
rences,  MM.  Jean  Debrit,  Charles  Werner,  et  Albert  Malsch. 

—  M.  Philippe  Godet  a  fait  à  Neuchàtel,  à  partir  du  29  septem- 
bre 1909  et  pendant  tout  l'hiver,  un  cours  libre  sur  ce  sujet:  Le 
siècle  de  Voltaire  et  de  Rousseau. 

—  Les  14  et  18  février  1909,  M.  Philippe  Godet,  professeur  a 
l'Académie  de  Neuchàtel,  a  fait  à  Paris,  sous  le  patronage  de  la 
revue  Foi  et  Vie,  deux  conférences  sur  ce  sujet  :  Le  bien  et  le 
mal  qu'a  faits  J.  J.  Rousseau  (analyse  dans  le  Témoignage,  de  Pa- 
ris, 26  février  1909,  et  dans  le  Journal  des  Débats  des  16  et  20  fé- 
vrier). Ces  conférences  ont  été  répétées  à  Neuchàtel,  dans  l'Aula 
de  l'Académie,  les  9  et  10  mars  1909. 

—  Dans  un  article  contre  le  duel,  intitulé  Combats  singuliers, 
un  chroniqueur  de  la  Meuse,  de  Liège,  17  décembre  1909,  qui  si- 
gne Rémy,  a  cité  une  fois  de  plus  la  fameuse  page  de  La  Nouvelle- 
Héloïse  où  se  trouve  condamnée  en  termes  inoubliables  cette  bar- 
bare coutume, 

—  Rousseau  als  Vorlaïtfer  der  Aviatiker,  sous  ce  titre  sensa- 
tionnel, un  correspondant  de  la  Frankfurter  Zeitung,  19  novem- 
bre 1909,  signale  un  passage  de  la  Correspondance  de  Grimm, 
i5  juin  1762,  d'après  lequel  Rousseau,  entre  beaucoup  d'autres 
occupations  dé  son  oisiveté,  à  son  retour  d'Italie,  en  1745,  aurait 
travaillé  à  une  machine  à  voler.  Même  après  son  échec  inévitable, 
il  aurait  conservé  une  inébranlable  confiance  en  l'avenir  de  l'avia- 
tion. Le  correspondant  de  la  Ga:^ette  de  Francfort  observe  à  ce 
propos  qu'il  n'existe  nulle  part  ailleurs  des  traces  'de  la  tentative 
de  Rousseau. 

—  A  propos  du  tremblement  de  terre  de  Messine,  en  janvier 
1909,  on  a  rappelé  les  traces  laissées  dans  la  littérature  par  le 
fameux  tremblement  de  terre  de  Lisbonne,  grâce  à  Voltaire  et 
Rousseau.  Voyez  par  exemple  dans  la  Schwei^erische  freie  Presse 
de  Badén,  10  janvier  1909,  l'article  intitulé  :  Voltaire  iind  Rousseau 
ïtber  das  Erdbeben  Lissahon. 

—  La  cure  d'altitude  préconisée  par  J.  J.  Rousseau,  sous  ce  titre 
piquant,  M.  De  Beaurepaire-Froment  transcrit,  inexactement  d'ail- 
leurs, dans  la  Chronique  médicale  du  ler  décembre  1909,  ce  pas- 
sage extrait- de  La  Nouvelle-Héloïse,  I,  23  :  «  C'est  une  impression 


CHRONIQUE  377 

générale  qu'éprouvent  tous  les  hommes,  [quoiqu'ils  ne  l'obser- 
vent pas  tous],  que  sur  les  hautes  montagnes,  où  l'air  est  pur  et 
subtil,  on  [se]  sent  plus  de  facilité  pour  [dans]  la  respiration,  plus 
de  légèreté  dans  le  corps,  plus  de  sérénité  dans  l'esprit.  [...]  Je 
suis  surpris  que  des  bains  pris  dans  [de]  l'air  salutaire  et  bien- 
faisant des  montagnes  ne  soient  pas  un  des  grands  remèdes  de  la 
médecine  et  de  la  morale.  » 

—  La  littérature  des  pèlerinages  aux  Gharmettes  est  représentée 
cette  année  par  deux  articles  d'une  inspiration  bien  différente  : 
une  fort  malveillante  Causerie  de  la  semaine  de  Philinte,  alias 
Auguste  Dide,  dans  VExpress,  de  Mulhouse,  18  octobre  1909  :  et 
un  «pèlerinage  d'amour»  d'Andréa  Felice  Oxilia,  Les  Charmettes 
di  J.  J.  Rousseau,  dans  la  Ga^^^etta  del  Popolo,  de  Turin,  16  octo- 
bre 1909.  Le  second  donne  un  flagrant  démenti  au  premier,  lors- 
que celui-ci  prétend  que  les  Charmettes  sont  un  peu  «délaissées 
aujourd'hui  »  et  que  «  Rousseau  est  en  baisse.  » 

Témoigneraient  également  du  contraire,  au  besoin,  les  stances 
du  poète  Fabre  des  Essarts  à  Jean-Jacques  Rousseau,  l'homme  des 
Charmettes,  publiées  par  le  Savoyard  de  Paris,  du  i3  mars  190g, 
avec  une  vignette  représentant  l'habitation  de  Mme  de  Warens 
dans  son  état  ancien. 

—  Poursuivant  la  série  de  ses  Promenades  genevoises,  M.  Ph. 
Jamin  a  publié  dans  la  Tribune  de  Genève,  du  8  mai  1909,  un  ar- 
ticle sur  /.  /.  Rousseau  à  Grange-Canal.  Dans  un  autre  article 
de  la  même  série,  le  i5  juin  1909,  intitulé:  Le  Château  de  Saint- 
Gervais,  il  a  fait  allusion  à  l'installation  pour  deux  ans  (1720- 
1722),  dans  une  maison  voisine  du  «  Château  »,  d'Isaac  Rousseau 
et  de  son  fils  ;  l'appartement  se  trouvait  «  au  no  78  de  la  rue  de 
Coutance,  au  3^^,  sur  le  devant.  »  C'est  là  que  vécut  également 
la  nourrice  de  Jean-Jacques,  sa  «  mie  «  Jaqueline  (1768.) 

—  Dans  la  même  catégorie  de  «  flâneries  archéologiques  »,  il 
faut  ranger  un  article  de  M.  Emile  Gaidan,  sur  le  Bosquet  de  Julie, 
voisin  du  château  des  Crêtes  sur  Clarens,  publié  par  la  Tribune 
de  Genève,  du  i^r  septembre  1909. 

—  Dans  un  article  intitulé  :  Aux  bords  du  lac  bleu,  publié  (ou 
reproduit)  par  la  Tribune  de  Genève  du  29  octobre  1909,  M.  Léon 
Séché  a  cité  une  lettre  de  Sainte-Beuve  à  son  ami  Charles  Labitte, 
datée  de  Lucerne,  3o  juillet  1837,  où  il  évoque,  après  une  série 
de  pèlerinages,  tous  les  grands  souvenirs  littéraires  du  lac  de  Ge- 


SyS  ANNALES   DE   LA   SOCIÉTÉ  J.    .T.    ROUSSEAU 

nève  :  «...J'ai  vu  Vevey  et  j'ai  parlé  à  Claire,  à  Julie  ;  j'ai  salué  le 
coteau  charmant  au  bas  duquel  est  Clarence.  J'ai  vu  au  rivage 
d'en  face  les  rocs  de  Meillerie...»  Dans  le  même  article,  M,  Séché 
proteste  contre  la  mutilation  des  rochers  de  Meillerie  par  les  en- 
trepreneurs de  carrières,  et  il  rappelle  la  mémorable  navigation  de 
lord  Byron  visitant,  la  Nouvelle- Heloïse  en  main,  au  mois  de 
juin  1816,  Meillerie,  Glarens  et  Vevey,  «tout  le  pays  de  Rous- 
seau. » 

—  Dans  le  Journal  des  Débats,  du  22  octobre  1909,  M.  André 
Hallays  qui  s'est  fait  une  spécialité  de  la  protection  des  monu- 
ments et  des  sites,  comme  en  Suisse  M.  Ph.  Godet,  a  de  nouveau 
jeté  le  cri  d'alarme  en  faveur  de  l'île  Saint-Pierre  (d'une  ma- 
nière également  désobligeante,  d'ailleurs,  pour  les  Bernois  proprié- 
taires de  l'île  et  pour  Rousseau  qu'il  traite  d'«  étrange  et  pitoyable 
personnage».  Quand  donc  nous  habituerons-nous  à  parler  de 
Jean-Jacques  sans  recourir  aux  grands  mots?)  Il  paraît  que  les 
choses  ne  sont  pas  aussi  avancées,  ni  aussi  favorablement  arrêtées 
que  nous  l'avions  dit  dans  notre  Chronique,  t.  III,  p.  3o6.  La 
bourgeoisie  de  Berne  n'a  point  encore  déchargé  Thôpital  de  son 
lourd  fardeau,  ainsi  qu'il  résulte  des  renseignements  puisés  à 
bonne  source  par  le  correspondant  du  Journal  de  Genève,  7  no- 
vembre 1909.  Pour  être  sûr  de  ne  plus  nous  tromper,  nous  allons 
reproduire  tels  quels  ces  renseignements  qui  inspirent  toute  con- 
fiance : 

«L'île  Saint-Pierre  appartient  depuis  i536  à  l'Hôpital  bourgeois 
de  Berne,  qui,  tout  en  faisant  partie  de  la  bourgeoisie  et  en  étant 
soumis  à  son  contrôle,  a  cependant  une  administration  spéciale 
et  des  biens  particuliers.  Au  XYh  siècle,  l'île  était  d'un  bon  rap- 
port et  avait  été  attribuée  à  l'Hôpital  pour  compenser  d'autres 
terres  qui  lui  avaient  été  enlevées.  Le  produit  était  destiné  à  cou- 
vrir certaines  dépenses. 

»  Au  cours  des  siècles  la  rente  de  ce  domaine  a  diminué,  et  ces 
dernières  années,  par  suite  de  l'apparition   du  phylloxéra.S  qui  a 

1  Deux  jours  après,  le  9  novenibre,  lé  correspondant  du  Journal  de 
Genève,  a  modifié  comme  suit  son  information  :  «  On  me  demande  de 
faire  une  petite  rectification,  sur  un  point  de  détail,  à  l'article  qui  a 
paru  dimanche  sur  l'île  Saint-Pierre.  Les  vignes  de  l'île  n'ont  pas  été 
détruites  par  le  phylloxéra.  Elles  ont  souftert  du  mildiou  et  d'autres 
maladies.  Et  surtout  l'administration  a  beaucoup  de  peine  à  trouver  de 
bons  vignerons.  Mais  il  c'y  a  jamais  eu  de  phylloxéra  dans  l'ile.  A  part 
cela,  tous  les  renseignements  que  je  vous  ai  envoyés  m'ont  été  encore 
confirmés. 


CHRONIQUE  379 

ravagé  les  vignes,  le  bénéfice  s'est  changé  en  un  déficit  assez  im- 
portant. D'autre  part,  les  dépenses  générales  de  l'Hôpital  augmen- 
taient continuellement.  Ses  administrateurs,  estimant  qu'il  n'a- 
vaient pas  trop  de  toutes  leurs  ressources  pour  faire  face  aux  œu- 
vres de  bienfaisance  qui  leur  incombent,  se  sont  demandé  s'il  n'y 
aurait  pas  moyen  de  trouver  une  combinaison  qui  leur  permît 
d'obtenir  un  capital  productif  égal  au  montant  de  la  valeur  de  l'île. 

»  Hâtons-nous  d'ajouter  que  dans  leur  idée  cette  combinaison 
n'a  jamais  consisté  dans  la  vente  de  l'île  à  des  spéculateurs  qui  y 
construiraient  de  vastes  hôtels  et  des  routes  pour  automobiles. 
Le  Jean-Jacques  Palace,  et  le  Thérèse  Bar  n'existent  jusqu'à 
présent.  Dieu  merci,  que  dans  l'imagination  de  M.  Hallays.  Ce 
que  les  administrateurs  de  l'île  auraient  voulu,  c'est  que,  ou  bien 
la  Confédération  rachetât  l'île  pour  en  faire  un  de  ces  parcs  ré- 
servés que  le  Heimatschutz  et  les  savants  suisses  appellent  de 
leurs  vœux,  ou  bien  tout  simplement  que  la  bourgeoisie  bernoise 
dans  son  ensemble  consentît  à  faire  rentrer  l'île  dans  la  masse  de 
ses  biens  et  donnât  à  l'Hôpital,  en  échange,  des  terres  d'un  bon 
rapport,  des  forêts,  par  exemple,  à  l'abri  du  phylloxéra. 

»  Jusqu'à  présent,  aucune  de  ces  combinaisons  n'a  pu  aboutir,  la 
bourgeoisie  de  Berne  ayant  eu  ces  dernières  années  des  charges 
très  lourdes  par  suite  des  généreuses  allocations  qu'elle  a  faites  à 
des  œuvres  d'utilité  publique,  le  théâtre,  le  casino,  etc.  Mais 
lorsque  ces  grosses  dépenses  seront  amorties,  il  est  fort  possible 
que  les  pourparlers  soient  repris.  Et  si  la  bourgeoisie  se  charge  de 
l'île,  son  sort  est  assuré.  Messieurs  de  Berne  ne  sont  pas  des  mar- 
chands de  campagnes  et  n'ont  pas  l'habitude  de  vendre  à  des 
bandes  noires  les  terres  qui  leur  appartiennent. 

»  Cette  solution  satisferait  à  la  fois  l'Hôpital  bourgeois,  qui  re- 
trouverait les  ressources  dont  l'abominable  phylloxéra  l'a  privé, 
et  les  amateurs  de  la  nature,  qui  pourraient  continuer  à  lire,  sans 
être  dérangés,  les  Rêveries  d'un  promeneur  solitaire  sur  les  bords 
du  lac  de  Bienne.  Il  faut  donc  très  vivement  souhaiter  qu'elle 
aboutisse.  Les  Rousseauistes  et  le  Heimatschutz  pourraient  peut- 
être  y  contribuer  en  créant  un  mouvement  d'opinion  et  en  provo- 
quant un  pétitionnement  pour  la  conservation  de  l'île.  Il  est  très 
possible  que  la  bourgeoisie  de  Berne,  très  accessible  aux  consi- 
dérations artistiques  et  aux  souvenirs  nationaux,  tienne  compte 
de  leurs  vœux.  » 

A  bon  entendeur,  salut  !  —  Pour  compléter  ces  renseignements, 
nous  reproduirons  encore  la  note  suivante  parue  dans  la  Galette 
de  Lausanne,  du  20  août  iQO(j,  sous  ce  titre:  L'île  de  Saint-Pierre, 
parc  national  : 


380  ANNALES  DE  LA  SOCIIiTÉ  .1.  J.  ROUSSEAU 

M  Le  bruit  ayant  couru  en  1907  que  l'Hôpital  de  l'Ile,  à  Berne, 
propriétaire  de  Tile  Saint-Pierre  dans  le  lac  de  Bienne,  songeait 
à  se  défaire  de  ce  capital  improductif,  M.  Paul  Sarasin,  de  Bâle, 
président  de  la  commission  pour  la  préservation  des  richesses 
naturelles  de  la  Suisse,  s'en  émut.  Le  colonel  de  Tscharner,  pré- 
sident de  la  commission  bernoise  pour  la  préservation  des  riches- 
ses naturelles,  put  le  rassurer  au  sujet  de  l'éventualité  d'une  vente, 
très  peu  probable  à  ce  qu'il  paraît.  Si  cette  éventualité  paraissait 
devoir  se  réaliser,  on  peut  espérer  que  la  bourgeoisie  de  Berne 
achèterait  l'île  pour  son  compte,  à  seule  fin  de  lui  conserver  son 
aspect  actuel. 

»  Une  étude  entreprise  au  sujet  des  avantages  que  pourrait  offrir 
l'île  comme  territoire  réservé  n'a  pas  donné  un  résultat  bien  en- 
courageant. Sauf  en  ce  qui  concerne  la  bande  marécageuse  reliant 
rîle  à  la  terre  ferme  par  les  basses  eaux,  laquelle  constituerait  un 
excellent  terrain  de  reproduction  pour  les  oiseaux  aquatiques, 
l'île  Saint-Pierre  est  de  tous  points  inférieure,  comme  faune  et 
comme  flore,  à  la  rive  occidentale  du  lac. 

»  Par  contre,  au  point  de  vue  pittoresque,  poétique  et  histori- 
que, elle  présente  un  intérêt  très  réel  et  il  importe  d'empêcher 
qu'elle  ne  soit  défigurée  par  la  spéculation  ou  simplement  fermée 
au  public.  Seulement,  ce  point  de  vue  intéresse  la  Ligue  de  la 
beauté  plus  que  la  Société  pour  la  préservation  des  richesses  na- 
turelles et  c'est  au  président  de  cette  ligue,  M.  Burckhardt-Finsler, 
à  Bâle,  qu'il  appartient  de  prendre  en  mains  la  défense  de  l'île 
Saint-Pierre.  La  Société  pour  la  préservation  des  richesses  natu- 
relles se  déclare  disposée  à  l'appuyer  de  toutes  ses  forces  et  cher- 
chera à  obtenir  que  les  terrains  marécageux  au  sud  de  Tîle  soient 
constitués  en  réserve  pour  les  oiseaux  aquatiques. 

»  Le  reste  de  Lîle,  avec  les  superbes  ombrages  qu'aimait  J.  J. 
Rousseau,  ferais  un  très  beau  parc  national,  si  la  Confédération 
consentait  à  l'acquérir  dans  ce  but.  » 

—  Le  dimanche  3  octobre  1909,  on  a  inauguré  solennellement 
dans  la  propriété  de  notre  confrère,  M.,  Aug.  Castellant,  Les  Char- 
mettes'  s.  Largny  (Aisne),  un  nouveau  monument  à  J.  J.  Rous- 
seau (cf.  Annales,  I,  p.  32 1.)  Le  président  de  la  Société  J.  J.  Rous- 
seau, convié,  avait  dû  se  faire  excuser.  Discours  de  MM.  Castel- 
lant, G.  Laguerre,  P.  Lafargue.  Compte-rendu  dans  VEcho  répu- 
blicain de  Senlis,  du  10  octobre  suivant.  Le  monument  nouveau 
est  une  reproduction  ,en  plâtre  du  monument  d'Ermenonville, 
abritée  sous  un  monoptè-re,  ou  »  temple  de  la  Nature.» 


CHRONIQUE  38 1 

—  Le  Cri  de  Paris,  du  12  décembre  1909,  annonce  que  le 
sculpteur  Bartholomé  vient  de  terminer  les  trois  figures  principa- 
les du  tombeau  de  Rousseau  qui  doit  prendre  place  au  Panthéon. 
Ce  trio  représente  la  Philosophie  entourée  de  la  Nature  et  de  la 
Vérité.  La  Philosophie  est  grave:  elle  tient  un  livre  d'une  main 
et  lève  l'autre  pour  enseigner.  La  Nature  est  câline  et  voluptueuse. 
La  Vérité  est  aimable  et  souriante.  Toutes  trois  veillent  sur  la 
tombe  placée  à  leurs  pieds. 

Ajoutons  que  cette  partie  du  monument  de  Bartholomé  a  été 
exposée  au  Salon  de  1910  (Société  nationale  des  Beaux-Arts,  voir 
Catalogue  illustré,  p.  180.) 

—  Comme  nous  l'avons  dit  Tannée  dernière,  un  comité  s'est 
formé,  sous  la  présidence  de  M.  F.  Bouffandeau,  député,  pour 
ériger,  dans  la  commune  de  Trie-Château,  un  monument  à  J.  J. 
Rousseau.  L'appel  pour  la  souscription  publique  a  paru  dans  la 
Republique  de  l'Oise,  du  4  décembre  et  a  été  reproduit  par  VEcho 
républicain,  de  Senlis,  du  12  décembre  1909. 

—  Le  3i  mai  1909,  jour  de  la  Pentecôte,  a  été  célébré  le 
123=  anniversaire  de  la  fondation  de  la  maison  d'éducation  de 
Schnepfenthal,  en  Saxe,  créée  en  1784  par  le  «  philanthrope  » 
Christian  Gotthelf  Salzmann  (voyez  Annales,  IH,  p.  255).  C'est, 
paraît-il,  le  seul  des  établissements  de  ce  genre  fondés  au  XV!!!"-- 
siècle  qui  subsiste  à  l'heure  qu'il  est;  il  est  encore  dirigé  par  un 
descendant  direct  du  fondateur.  La  notice  consacrée  à  cet  événe- 
ment par  le  journal  berlinois  Die  Woche,  29  mai  1909  (A.  Triniûs, 
Zum  Jubelfest  des  Erp'ehungs-anstalt  Schnepfenthal)  est  accom- 
pagnée d'un  certain  nombre  de  vues  photographiques  dont  quel- 
ques-unes, comme  celles  qui  représentent  la  promenade  dans  la 
forêt,  l'atelier  de  menuiserie  ou  l'herbier,  évoquent  irrésistible- 
ment le  souvenir  de  Rousseau,  premier  inspirateur  de  Basedow 
et  de  son  école. 

—  Dans  le  même  ordre  d'idées,  nous  signalerons  la  récente 
réédition  de  V Elementarwerk ,  de  Basedow,  avec  les  estampes  de 
Chodowiecki,  parue  chez  l'éditeur  Ernest  Wiegandt,  à  Leipzig, 
par  les  soins  de  M.  Theodor  Fritzsch,  Cet  ouvrage  célèbre,  dont 
le  succès  a  rivalisé  avec  celui  d'Emile,  dès  son  apparition  en 
1774,  était  devenu  introuvable.  On  sait  que  Basedow  s'y  trouve 
d'accord  avec  Rousseau,  notamment  pour  proclamer  la  nécessité 
d'une  éducation  «  indépendante  de  toute  église.  » 


ERRATA  DU  TOME  V  (1909) 


P.  10,  1.  10:  Confessions,  lisez  Correspondance. 

P.  32,1.  5:    commencer  par   lui   imprimer  une  édition,    lise:^:  com- 
mencer par  lui  l'impression  d'une  édition. 

P.  116  :  dans  les  dérivées  de  l'exemplaire  A,  au  lieu  de  29-XXVIII- 
XXV,  lise:{:  29-XXVIIl-XXX. 
P.  198,  n.  1,1.  8,  9  :  intervertir  les  deux  lignes. 
P.  2i5,  1.  7  :  bocages,  ajoiite^^  (numéro  de  la  note  correspondante.) 
P.  225,  1.  17  à  p.  229,  1.  20:  En  outre  à  deux  reprises...  un  nouvel 
usage  caractéristique,  supprime^  tout  ce  passage  et  rédige:^  ainsi  la  der- 
nière phrase  :  Très  peu  après  la  Composition  des  paysages,  Girardin 
taisait  un  nouvel  usage  caractéristique  du  mot  romantique.  [La  Com- 
position est  sûrement  de  1777.  Le  Journal  de  politique  et  de  littérature 
en  rend  compte  à  cette  date,  t.  II,  p.  182,  comme  veut  bien  nous  en 
informer  M.  F.  Baldensperger.  Le  «monument  philosophique»  du 
premier  passage  équivoque,  consacré  à  un  philosophe  «persécuté», 
est  le  temple  de  la  philosophie  dédié  à  Montaigne  (Itinéraire  d'Erme- 
nonville, p.  38.  Cf.  le  tableau  de  Châtelet  dans  Girardin,  Iconographie,  l, 
planche  VIII)  ;  le  «  philosophe  »  du  second  passage  doit  s'entendre 
dun  personnage  fictif  ou  anonyme.] 

P.  247,  1.  14.:  Du  jus  dont  le  poison  enyvre  tant  de  cœurs,  lise:[  :  Des 
joies  dont  le  poison...  [conjecture  de  M.  P. -M.  Masson  ;  le  texte  de  la 
copie  est  cependant  parfaitement  lisible,  mais  le  sens  est  si  peu  satis- 
faisant qu'on  peut  soupçonner  une  erreur  du  copiste  dans  la  lecture  de 
l'original.] 

P.  252,  n.   I,  1.  2:,  points,  lise^  :  point. 

P.  3o6,  1.  18:  ^<>,lise:[  :  4^ 

P.  3o8,  1.  8:  comme  le  précédent,  lise:^  :  comme  le  suivant. 

P.  339,  1.  18:  Dans  VEclair  du  19  octobre  1908...,  ajoute^:  Ce  n'est 
pas  la  première  fois  que  M.  G.  Montorgueil  entretient  ses  lectei^rs  des 
sabots  de  Rousseau.  Voyez  Yljitermédiaire,  XXIII,  1890,  p.  365,  et 
d'autres  notes  du  mêilie  périodique,  XXIII, ,1890,  p.  23o  et  465,  XXIV, 
1891,  p.'ii5,  signées  en  particulier  d'Aug.  Castellant  et  d'H.  Beaudoin, 
sur  le  même  sujet. 

P.  332,  1.  24  et  suiv.  :  L'anecdote  est  empruntée  au  livre  de  Gaberel, 
Rousseau  et  les  Genevois,  i858,  p.  i33.  Sur  son  origine  et  son  authen- 
ticité, M.  E.  Ritter  a  recueilli  par  correspondance  l'avis  de  plusieurs 
personnes  compétentes.  Ce  dossier  est  aujourd'hui  déposé  aux  Archives 
J.  J.  Rousseau. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

Pages 

Le  Séjour  de  Jean-Jacques  Rousseau  en  Angleterre  (1766- 
1767),  lettres  et  documents  inédits,  par  Louis-J.  Cour- 
tois      I 

Avant-propos i 

Pi-emière  partie:  Le  Séjour  de  J.  J.  Rousseau  en  Angleterre  3 

Chapitre  premier  :  Voyage  en  Angleterre     ....  5 

Chapitre    II  :  Séjour  en  Angleterre 16 

Chapitre  III  :  Retour  en  France 89 

Deuxième  partie  :  Lettres  inédites io3 

Observation  générale io5 

A.  Lettres  de  Jean-Jacques  Rousseau 107 

B.  Lettres  de  Davenport  à  Rousseau 178 

C.  Lettres  de  divers  à  Rousseau 2o3 

D.  Lettres  de  divers  à  Davenport 275 

E.  Lettres  de  divers  à  Hume 288 

Appendices 293 

A.  Richard  Davenport  et  sa  famille 2q5 

B.  Correspondance  relative  au  testament  de  Rousseau  296 

C.  Anecdote  sur  Rousseau  à  Douvies  (1767)      ,     .     .  298 

D.  Rectifications  et  adjonctions  (édition  Hachette)    .  3oo 
Tables 3o3 

Table  de  la  correspondance  inédite 3o3 

Index  des  noms  cités 3o5 

BIBLIOGRAPHIE 

Complément  pour  la  bibliographie  de  1908 3i5 

Bibliographie  de  l'année  1909 317 

Allemagne,  p.  317  —  Angleterre,  p.  32i  —  Belgique, 
p.  322  —  Etats-Unis  d'Amérique,  p.  323  —  France, 
p.  326  —  Hongrie,  p.  35i  —  Italie,  p.  352  —  Suisse, 
p.  355. 

Par  B[ernard]  B[ouvier],  Giorgio  Del  Vecchio, 
A[lexis]  F[rançois],  D''H[ector]  M[aillart],D[aniel] 
M[ornet],  Ad[rien]  N[aville],  V(enceslas]  0[lsze- 
wicz],  L[ucien]  P[invert],E[ugène]  R[itter],A[lbert] 
S[cHiNz],  G[aspard]  V|allette],  Ch[ARLEs]  W[erner.] 
II  est  parlé  des  ouvrages  de  O.  Adler,  320  —  Aves- 
nes,  326  —  I.  Babbitt,  3i5  —  J.  Barbey  d'Aurevilly, 
327  —  F.  Bock,  320  —  O.  Bogdânfy,  35i  —  Al.  de 
Brahm,  327 —  G.  Brandes,  317 —  H.  Buffenoir,  327  — 
Dr  Cabanes,  329  —  Ed.  Champion,  33o,  349  —  G. 
Charlier,  322  —  G.  Chinni,  352  —  A.  Chuquet,  333  — 
J.  Capgras,  347  —  H.  Carré,  337  —  L.  Denise,  348  — 
R.  Doumic,  333  —  L.  Ducros,  3i5  —  Th.  Dufour,  36o 


384  TABLE    DES    MATIÈRES 

—  W.  A.  Dunning,  325  —  H.  Ellis,  32r  —  P.  d'Es- 
trée,  349  —  E.  Faguet,  333,  349  —  J.  Fusseder,  319  — 
Dr  F.  Girardet.  333 —  Comtede  Girardin,  35o  —  J.  Izou- 
let,  35i  —  P.  Janet,  337  —  Ed.  Kaumann,  319  —  M. 
Lange,  346  —  G.  Lanson,337  —  E.  Lavisse,  337—  M.-A. 
Leblond,  338  —  G.  Lecigne,  33q  —  F.  Macdonald,  322, 
339  —  D.  Mornet,  35i  —  W.  Mûnch,  319  —  G.  Per- 
roud,  344  —  Marie  Phlipon,  344  —  Ed.  Pilon,  35i  — 
D.  Plan,  355  —  A.  Pons,  356  —  S.  Reinach,  339  — 
A.  Rey,  340  —  G.  de  Reynold,  358  —  D.  Rodan,"353 

—  H.  Rodet,  340  —  P.-L.  Rœderer,  344  —  Roland, 
344  —  R.  de  Ruffey,  346  —  A.  Schinz,  323,  347  — 
L.  Séché,  347  —  P.  Seippel,  36o  —  P.  Sérieux,  347  — 
G.  Stryienski,  348  —  G.  Vallette,  36 1  —  F.  Vial,  348 

—  B.  Violani-Gambi,  352  —  M.  Vitrac,  344  —  G.  Vor- 
berg,  320  —  M.  Wilmotte,  349. 

Revue  des  bibliographies 36i 

CHRONIQUE 

Extrait  des  procès-verbaux  des  séances  du  Comité     .      .      .       365 

Archives  Jean-Jacques  Rousseau 367 

Chronique  générale 368 

Auteurs,  orateurs,  artistes  cités  :  Alix,  368  —  G.  d'A- 
pricorta,  372  —  Bartholomé,  38i  —  Basedow,  38i  — 
de  Beaurepaire-Froment,  376  —  V.  Bresse,  372  — 
J.  J.  Brousson,  375 —  H.  BulTenoir,  370  —  J.  Carrara, 
373,  375  — A.Castellant,  38o— E.Cauda,  372  — Chéri- 
Vinet,  375  —  Chopin,  374  —  Claudius,  372  —  J.  Debrit, 
376  —  A.  Dide,  377  —  E.  Doumergue,  373  —  Doutre- 
bande,  375  —  E.  Ercoli,  372  —  Fabre  des  Essarts, 
371,  377  — B.  Faugier,  372  —  Th.  Fritzsch,  38i  —  E. 
Gaidan,  377  —  B.  Gaillard,  373  —  Garneray,  368  — 
Ph.  Godet,  376  —  A.  Hallays,  378  —  Ph.  Jamin,  377  — 
Jayet,  375  —  A.  L.,  369  —  Louis,  dauphin,  369  —  A. 
Malsch,  376  —  G.  Manîby,   371   —  G.  Maramotti,  371 

—  P. -M.  Masson,  370  —  Mayer,  368  —  J.  L.'Myres, 
'374  —  Naudet,  368  —  A.'  F.  Oxilia,  377  —  Philinte, 
voyez  Dide  —  Pigalle,  368  —  E.  Régis,  374  —  Rémy, 

376  —  J.-E.  Roberty,  373  —  chanoine  Sachet,  369  — 
Ch.  G.  Salzmann,  38i  —  A.  Schinz,  375  —  L.  Séché, 

377  —  Sennelier,  375 —  F.  Servaes,  374 — Sirven,  375 
-:-  C.  Stryienski,  369  —  Taunay,  368  —  A.  Trinius, 
38 r  -^  abbé  Vachêt,  369  —  Ch.  Werner,  376. 

Errata  du  tome  v  (1909) 382 


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A2S6 

t.  6 


Société  Jean-Jacques 
Rousseau,  Geneva 
Annales 


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