\ fs ne
#7
vf
VA,
We ;
4314
Mérrud | Qi ü
{A EE LT €
L
ue #
R »
“) SE;
Li =
7
/
R'W-Gibson-lavt
NX.
LY
|
LUE
AAA RE ITR RE CA RON PE OA AE)
SD BEST AR Q 1 .—
Ni
_ANNU AIRE
à ÉCROLOGIQUE,
OU
COMPLÉMENT ANNUEL |
ET
| CONTINUATION DE TOUTES LES BIOGRAPHIES,
OU DICTIONNAIRES HISTORIQUES;
Conrenaxr la vie detous les hommes remarquables par leurs actes |:
ou leurs productions, morts dans le cours de chaque année, à |)
commencer de 1820. — Ouai DE PORTRAITS.
Re ET PUBLIÉ
PAR ke MAHUL.
ANNÉE 182%.
PARIS, |
| PONTHIEU, LIBRAIRE-ÉDITEUR, PALAIS-ROYAL, |
‘GALERIE DE BOIS, N° 252 ET 253.
— TE —
Décembre AS25.
ANNUAIRE
:NÉCROLOGIQUE.
AA UVVULAAARANAANVL
5° ANNÉE. 41S2/.
AVIS.
Les personnes qui auraient des renseignemens à donner
pour l'Annuaire Nécrologique de 1825, sont priées de
vouloir bien. les adresser, FRANC DE PORT, & l'Editeur
de l’ Annuaire Nécrologique ( Bureau de la Revue encyclo-
pédique ) .. rue d'Enfer-Saint-Michel , n° 18.
Première année de l’Annuaire Nécrologique,1820, 4 portr.
5 francs.
If Année , 1821, 4 portraits. Tue. 00e
III° Année , 1822, 4 portraits. Tr. SOA
IV: Année, 1823, 4 portraits. 8 fr.
V: Année , 1824, 4 portraits. 8 Îr.
PARIS ; IMPRIMERIE DE COSSON ,; RUE SAINT-GERMAIN-DES-PRES , N° 9.
PH.
DT de 7 Æ ie
=<<C ee Lsnce 2/22/1722
Level. se.
ANNUAIRE
NÉCROLOGIQUE,
OU
COMPLÉMENT ANNUEL
ET
CONTINUATION DE TOUTES LES BIOGRAPHIES,
OU DICTIONNAIRES HISTORIQUES ;
ConTExaNT la vie de tous les hommes remarquables par leurs actes
ou leurs productions, morts dans le cours de chaque sc à
commencer de 1820. — ORNÉ DE PORTRAITS.
RÉDIGÉ ET PUBLIÉ
PAR A. MAHUL,
ANNÉE 192/.
ART
ii Ÿ QE KA
SsT AE PET
TARDE
PARIS,
PONTHIEU, LIBRAIRE-ÉDITEUR , PALAIS-ROYAL,,
GALERIE DE BOIS, N° 292 ET 253.
Décembre AS25.
1
rt LR A
MN ne À / 4 Aie
4
TA OS
1930
TABLE
——————_——— me
n
Les PR LA
+ Léir'ur
+ APR
S'ST A Vars pe
+ dei IAA
{4 À. ue 1% > LE
PAU,
ARTICLES CONTENUS DANS L'ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE
| DE 1824.
PARTIE FRANÇAISE.
A.
Agoult (d’}, évêque de Pamiers.
Aignan.
Albignac (le comte Ph. Fr. d’).
Arnavon.
Aubertin.
B.
Bacler d’Albe.
Bail.
Barentin-Montchal.
Baroud.
Bausset ( le cardinal de).
Beauchêne { Chauvot de).
Beauharnais (le prince Eugène).
Bellay (Fr. Ph.)
Benit (1823).
Bergon.
Bernardi.
Bert (P. CI. Fr. ).
Bidou.
Boiste.
C.
Cambacérès.
Caron , chirurgien.
Champcour.
Chastellain.
Christophe (Mathieu ).
Colleville ( M"° de ).
Condé ( M': de ).
Constant-Berrier.
Cordier, conventionnel.
Cugnet de Montarlot.
Cuvyelier.
D.
Dalmas.
Dampierre (le marquis de ).
Daudet.
David, graveur.
Deguerle.
Dejean (le comte).
Delichères (1820).
Deschamps, chirurgien.
Desprez Saint-Clair.
Doderet.
Donnat, architecte.
Drouet , conventionnel.
Dubois’(Fr. N. A.).
Dubreuil (J.).
Ducrest (le marquis).
Dumont de Courzet.
Dussault (J. J.).
Duvaucel (A.).
E.
Eymar (CI.) (1822).
F.
Figon.
Fulvy (le marquis de) (1823).
G.
Gautier (du Var).
v)
Geraut.
Gericault.
Girodet.
Guillemeau (J. J. D.) (1823).
H.
Heurtier.
Hurtault (1823).
Huvier des Fontenelles (1823).
J.
Jubé.
Juge Saint-Martin.
L.
Labarthe (P.).
Laboullaye-Marillac.
Lacretelle aîné.
Lafolie.
Langlès.
Lauraguais ( le duc de Brancas ).
Lebrun (le duc de Plaisance).
Legras.
Lemonnier, peintre.
Lenoble. ‘
Levaillant.
Lindsay (M”°) (1820).
Louis XVIII.
M.
Maine de Biran.
Maleville (J. de ).
Malingre.
Marcillac.
Mars.
Méglin.
Mondenard (1823).
Montesquieu (le baron de).
Montgarny (Harmand de)(1825).
Montmignon.
Moulin (Onuphre) (1823.
N.
Noäailles (le duc de).
P.
Pache (1823).
Paris (J. J.).
Paroy.
Paulin (Auguste).
Peltier-Volméranges.
Perrin-Dulac.
Pfluguer.
Picot-Bellot (1820).
Portelance (1821).
Poyet.
R.
Réveillère-Lépeaux.
Richebourg (le comte de).
Rouzet (Léon).
Ruffin (P. J. M.).
S.
Sage.
Saint-Pard.
Schwartz.
Schwédiauér.
Senties.
Septier.
Serre (H. de).
T.
Thévenot (Magloire) (1821).
Thouin.
Turlot.
Taunay.
V.
Vignolles (le général Martin de).
W.
Waflard.
vi]
PARTIE ÉTRANGÈRE.
( 1823.)
A. H.
Hermann.
Agier-Prévost (M'°). Hess (J. L.).
Aikin (1822). Horn (Classen).
Arrowsmith.
B J:
À Jenner.
Baillies. L.
Bosch (van Heyningen).
Bossi (Aurel de). Lambton.
Botzaris (Marc). Ludicke.
Bourbon (le cardinal Louis de). Llorente.
Boon (Daniel). M
Brachmann (Louise). :
Macnab (Grey).
C. Mendoça (Hurtado).
née: Moldenhawer.
iamcian. Muñoz
Coco. ;
Colombel. Pi
Constable. -
VII.
Czartoriski (Adam). PR
Pertusati.
D.
Dickson (1822).
Dodd (1822).
Dougall (1822).
E.
Emmerich (la sœur À
Escher de la Linth.
Evans (1821).
Possé (le comte de ).
R.
Renzi.
Riego.
Rung.
V.
Vandevelde.
Vanderstraëten.
Vanswinden.
A:
PAS
D 3 4 PAT 2 F7
1) )\atotf
AU TU : al dr!
DEL 4: {oi pt
# u HA
{
sait ta A) Fe
è
GS L'on de
Aie
facthul } LR 2 à
LU
ue.
ANNUAIRE
NÉCROLOGIQUE.
PARTIE FRANCAISE.
(1824. )
LV
AGouLT ( CHARLES- CONSTANCE-
César - Loup - Joserx - MATHIEU,
d’), évêque de Pamiers, naquit à
Grenoble , en 1749, d’une an-
cienne famille de Provence (1).
(1) L’inféodation de la baronie et
vallée de Sault, en Provence , fut
accordée, en l’an 1004, à Raymond
d’Agoult , par Frédéric Barberousse.
Les restes du château , très-bien con-
servés jusqu'à la Révolution, furent
détruits à cette époque, mais la grande
tour subsiste encore. L'un des meil-
leurs historiens de Provence , M. de
Vileneuve-Bargemont , cite plusieurs
alliances de la maison d'Agoult avec
les rois de Sicile et d'Aragon. Douze
grands sénéchaux du nom d’Agoult
administrèrent la Provence, suivant le
même historien. Le pape Urbain V
écrivait à Fouquet d'Agoult dans les
mêmes termes qu'aux souverains de
Savoie et du Dauphiné: il disait que
la politesse, l’'urbanité, les lettres , sem-
blent formerl’apanage de cette uoble
Sorti du séminaire de Saint-Sul-
pice, l’abbé d’Agoult, à son en-
trée dans le monde, fut présenté
au Palais-Royal, chez M. le duc
famille. Aussi Fouquet d’Agoult, grand-
sénéchal , acheta en 1481, et fit appor-
ter à Sault, la plupart des livres et
objets précieux qui avaient appartenu
au Roi René et à Charles du Maine,
dernier comte de Provence. Le nom
d'Agoult est porté aujourd’hui par M.le
vicomte d’Agoult, lieutenant-géncral
des armées du. Roi, chevalier d'honneur
de Mme la Dauphine, et par M.le
comte Charles d’Agoult. descendant
unique de la branche ainée, le pre-
mier frère, le’ second neveu, du prélat
qui fait le sujet de cet article. — On
démandait à quelqu'un si M. l'évêque
de Pamiers et ses frères étaient des
bons d’Agoult ; à quoi cette personne
répondit : « 11 y a incontestablement
plus de neuf cents ans qu'on le con-
teste. » Leur devise est Æospitalite
d’Agoult : is la tiennent du roi René.
2
D AGO
‘
Orléans, par l'abbé de Breteuil,
oncle du ministre de Louis XVI.
Il connaissait les principes de
l’ancienne administration ; il avait
étudié les théories de l’économie
politique , des finances, du com-
merce ; il en causait avec une fa-
cilité qui n’était pas encore com-
mune dans ce temps-là, ce qui
lui valait de la considération dans
le salon de M. de Breteuil, et
faisait supposer qu’il ne serait pas
impropre aux affaires. Nommé
d’abord grand-vicaire de Rouen,
avec le titre d’archidiacre du
Vexin français, il fut sacré évêque
de Pamiers, le 15 mai 1785. Son
épiscopat fut court, mais marqué
par la fondation d’un hôpital. En
1789, il rédigea un Rapport una-
nimement adopté par les commis-
saires de l’ordre de la noblesse du
comté de Foix, nommés, par déli-
bération du 9 février, pour exami-
ner les plaintes et demandes de
quelques communes. Dans les dé-
batsrelatifs à la Constitution civile
du clergé, M. l’évêque de Pamiers
adhéra, avec la grande majorité
de l’épiscopat français, à l’'Expo-
sition des principes de l’archevèque
d'Aix ; il émigra en Suisse, dès
1589.Louis XVI,constammentra-
mené, par ses alentours vers la
coterie du ministère Breteuil, qui
conservait imperturbablement la
prétention d’arrêter laRévolation
de haute lutte, fit revenir secrète-
ment à Paris, l’évêque de Pamiers,
en novembre 1790..Celui-ci vit
le Roi et la Reine, entretint peut-
être leurs illusions, et reçut la
confidence de leur projet de quit-
ter la France, qui devait échouer
l’été d’après à Varennes, Quant à
lui, il était retourné hors de
France, par ordre du Roi, plus
AGO
d’un mois avant l'événement, à
l'exécution duquel il resta étran-
FE:
Plus tard, M. d'Agoult passa
en Angleterre ; il continua d’y
fréquenter les cercles politiques,
où il eut des relations avec Ed-
mond Burke. Rentré en France
en 1801, après avoir donné sa
démission du siége de Pamiers,sur
l'invitation du Pape, il adressa,
en 1814, à l’époque de la Res-
tauration, des mémoires au roi
Louis XVIIT, dont quelques-uns
ont été rendus publics par la voie
de l’impression. Ces écrits indi-
quent un homme qui ne man-
quait pas d’un certain esprit, non
plus que de l'habitude de raison-
ner des affaires publiques; mais
ils portent le triste cachet de cette
école politique, obstinée et cha-
grine, à qui les faits accomplis
n’ont point apporté d'expérience.
Après les élections de 1815, et
Jors de la retraite de M. le prince
de Talleyrand et du duc d'Otrante,
le nom de M. d’Agoult fut pro-
noncé dans quelques salons pour
le ministère des finances; mais,
malgré des assertions assez préci-
ses, on a peine à croire qu’on ait
jamais arrêté des projets sérieux
sur lui. M. l’évêque de Pamiers
moutut à Paris, le 21 juillet
1824, après avoir recu les conso-
lations de la religion des mains
de son collègue, M. l’évêque
d’'Hermopolis.
Liste des ouvrages
de Ch: C. C. L. J. M. d’Agoult.
I. Ordonnance sur l'élection de
Bernard Font, curé de Serres,
comme évêque constitutionnel de
AGO
l Ariège. — Datée de Soleure, le
Oo mai 1791.
II. Avertissement pastoral au
clergé et aux fidèles du diocèse de
Pamiers, pour les prémunir contre
le schisme.—Daté du même lieu et
du même jour que la pièce pré-
cédente.
III. Principes et Réflexions sur
la constitution française ( ano-
nyme). in-8. de 26 pages.
IV. Conversation avec E. Burke,
sur l’intérêt des puissances de l’ Eu-
rope. 1814, tiré à petit nombre.
( Quotidienne du 2 décembre
1824.)
V. Projet d’une banque nationale.
Paris, Egron, 1815 ; in-4. de
neuf feuilles (anonyme ).
Ce projet, rédigé depuis long-
temps, avait été présenté à
Louis XVI. L'auteur s’est borné,
en le publiant, à lui faire subir
des modifications.
VI. Eclaircissemens sur le Pro-
jet d’une banque nationale, et Ré-
ponse aux objections faites contre ce
projet. Paris, EÉgron, 1816; in-4.
de six feuilles.
VII. Lettres à un Jacobin, ou
KRéflexzions politiques sur la consti-
tution d’ Angleterre et la Charte
royale, considérée dans ses rapports
avec l’ancienne constitution de la
monarchie française.Paris, Egron,
1815 ; in-8. — Seconde édii.
1816, in-8.
L'auteur d’une Notice sur l’an-
cien évêque de Pamiers, insérée
dans la Quotidienne du 2 décembre
1824, s'exprime en ces termes,
sur cet ouvrage :
« L’4 ppendix, qui fait suite aux
Lettres à un Jacobin , est regardé
comme un chef-d'œuvre. L’au-
teur a rassemblé, dans l’espace
de cinquante pages, les principes
AGO 3
de l’ancienne constitution fran-
çaise. L'indépendance des trois
Ordres y est constatée par diffe-
rentes pièces très-anciennes, ti-
rées des archives et des, ordon-
nances de nos rois : la supériorité
et les avantages de notre ancienne
constitution sur celles de tous les
peuples connus y est étabiie de
la manière la plus solide. L'auteur
y démontre que dans l’origine, il
n'existait aucune différence entre
les franchises des différens Or-
dres; que leurs dons étaient éga-
lement gratuits, et qu’ensuite, la
nation assemblée consacra comme
principe fondamental, l'égalité
des contributions, en déclarant
que non-seulement deux Ordres
réunis ne sauraient lier le troi-
sième, mais qu’un impôt ne serait
censé accordé que lorsqu'il aurait
été librement consenti par les trois
Ordres. Il prouve que la noblesse
française est bien antérieure à la
féodalité, et que, plusieurs siècles
avant le règne de Charlemagne,
les seigneuries étaient établies et
connues; que le gouvernement
féodal, suite de l’affaiblissement
de l'autorité royale, s’établit àune
époque postérieure, et changea
en fief les seigneuries faisant par-
tie des alleux, en rendant hérédi-
taire la puissance des ducs et gou-
verneurs de province, et qu’enfin
quand le gouvernement du temps
de Charlemagne serait parvenu
jusqu’à nous, la Révolution aurait
trouvé en France des seigneuries,
des justices seigneuriales, des
cens, des rentes et des champarts,
prestations antérieures au régime
féodal , qui prenaient leur origine
dans la source la plus légitime,
l'abandon de la propriété à cer-
taines conditions. »
4 AÏG
VIH. Des ümpôts indirects et des
droits de consommation, ou Essai
sur l’origine et le système des im-
positions francaises, comparé avec
celui de Angleterre; suivi d’un
Examen de deux projets de finan-
ces, attribuës à deux membres de la
commission du budget de 1816.
Paris, Egron, 1817; in-8.
IX. Essai sur la législation de la
presse. 1817, in-8. (anonyme.)
L'évêque de Pamiers a laissé
des manuscrits.
AIGNAX (Émexxe) naquit à
Beaugency-sur-Loire, d’une fa-
mille de robe, en 17575. Ses pre-
mières pensées furent sans doute
bien éloignées des excès et des fo-
lies de la Révolution, puisqu'il
est constant qu’il a composé une
tragédie anonyme , intitulée /a
Mort de Louis X VTT, et où sont
déplorées les infortunes. de ce
rince. Néanmoins , il: eut l'im-
prudence ou la légèreté d’accep-
ier, bien peu de temps après, les
fonctions de procureur-général-
syndic du département du Loiret,
ce qui l’entraina à prononcer des
discours et à publier des procla-
mations dans le style de Ta plus
violente démagogie, notamment
en 1794, à l’occasion de la chute
de la faction des Cordeliers, et de
la célébration de la fête de l’Etre-
Suprême ; ces discours ont été dé-
couverts par l'esprit de parti, et
reproduits plus d’une fois dans
l'arène des pamphlets. IT faut re-
marquer pourtant que ME. Aignan
avait environ vingt ans quand il
cédait au torrent furieux qui en-
irainait tant d’autres. D'ailleurs,
si ses paroles furent blimables,
il parait que sa conduite ne le fut
pas également; car, non-seule-
AIG
ment il fut confirmé dans ses fonc-
tions après le 9 thermidor , mais
de plus, on lit, dans le procès-
verbal (imprimé chez Jacob aîné)
de la séance publique des auto-
rités administratives d'Orléans,
tenue le 14 ventose an II, par le
représentant du peuple Porcher,
ces paroles remarquables, con-
cernant M. Aignan : «Il est per-
mis enfin de décerner la couronne
civique au petit nombre d'hommes
qui, sous l'empire de la tyrannie,
eurent le courage si rare, d’atta-
quer ses suppôts. Aignan, tu te
dévouas pour la liberté, pour la
patrie! ton courage entreprit de
- devancer dans ces murs l’heu-
reuse époque du 9 thermidor. »
Ajoutons qu’à cette même époque
de la réaction anti-terroriste, la
municipalité d'Orléans voulant
honorer par une fête funébre la
mémoire de neuf citoyens qu’un
proconsul envoyé dans ce dé-
partement avait fait condamner à
mort par le Tribunal révolution-
naire, M. Aignan fut choisi pour
composer les chants destinés à
cette cérémonie.
Lors de l’organisation des pré-
fectures, Aignan fut donné pour
secrétaire-général-adjoint à celle
du Cher. M. de Lucay, qui était
alors préfet de ce département,
étant devenu préfet du Palais
impérial, amena avec lui son se-
crétaire, et lui fit obtenir le titre
de secrétaire du Palais. En 1868 ,
Aignan fut nommé aide des cé-
rémonies, etsecrétaire à la con-
duite des ambassadeurs. Il rem-
plissait les loisirs de ces brillantes
sinécures par des tragaux littérai-
res, dont le mérite fut souvent
contesté. Il est certain que ses
œuvres dramaliques et ses tra-
. AIG
ductions annoncent un esprit Cor-
rect et laborieux, plutôt qu’un
génie original. En ces temps-là,
M. Aignan était en crédit dans les
salons des gens de cour : leur pa-
tronage contribua pour quelque
chose au succès de son élection à
l’Institut, où il fut admis à la
lace de Bernardin-de-St.-Pierre,
et où il fut reçu pendant la durée
du règne des cent jours. Préce-
demment et durant la première
restauration, M. Aignan avait
reçu sa part des lazzis épigramma-
tiques que distribuait avec profu-
sion, en 1814, le pamphlet pé-
riodique et satirique intitulé, le
Nain jaune; mais désormais , sa
position dans le monde et peut-
être aussi la tournure de sesidées,
se trouvèrent absoläment chau-
gées.
. En 1816, M. Aignan fut com-
pris au nombre des jurés ap-
pelés à prononcer sur la conspi-
ration dite de l'Epingle noire, in-
trigue misérable , compliquée de
mécontentemens subalternes et de
trames de police. Depuis plus d’une
année, plusieurs décisionssévères,
tant des jurés que des tribunaux,
amenaient trop fréquemment des
exéculions sanglantes dont se
repaissait et s’altérait tour à tour
un féroce esprit de faction : on
se voyait entrainé vers une pente
funeste. M. Aignan le sentit ; il
fit plus, il eut le courage et l’es-
prit de comprendre ce que peut
un jury dans un pays libre , pour
arrêter un mauvais système d’ad-
ministralion, et ce que vaut un
homme de cœur placé au sein d’un
jury. Tous les accusés de la con-
spiration furent renvoyés absous,
et l’on sait que c’est à la généreuse
influence de M. Aignan que fut
AIG 3
due principalement cette impor-
tante décision. Lui-même s’en
expiiqua hautement devant son
pays, en publiant un écrit sur les
débats de cette affaire , et sur leur
résultat; il y résumait les motifs
de sa conviction, et justifiait son
verdict. Ces circonstances acqui-
rent de la popularité au nom de
M. Aignan, et l'engagèrent à se
lancer dans la carrière des discus-
sions politiques. La liberté de la
presse commençait alors à déve-
lopper parmi nous ses précieuses
et bienfaisantes influences. M. Aï-
gnan fit pariie de cetle réunion
de publicistes habiles et diserts,
qui rédigèrent avec un si grand
succès la feuille périodique iati-
tulée ‘a Minerve Française. On
sait que ce journal popularisa par
tout le monde les doctrines au
côté gauche de la chambre des
Députés. Des reproches qui ne
sont pas sans fondement ont été
adressés à ses rédacteurs : F’im-
perfection est la condition néces-
saire de l'humanité. Aujourd’hui
l'événement a prouvé que le parti
qu'ils soutinrent était vraiment
celui de la justice et de la civiti-
sation. M. Aignan occupa son
rang avec honneur, dans cette
association. Quand elle dut cesser,
par l'effet de nouvelles circon-
stances politiques, ia littérature
vint de nouveau réclamer une
portion de ses loisirs. Pendant
qu'il s’y livrait avec ardeur, une :
mort inopinée, amenée par une
maladie violente, l’enleva de ce
monde, le 21 juin 1824, lorsqu'il
n'avait pas encore accompli sa
cinquante-unième année.
MM. Auger et Jouy ; de PAca-
démie française, ont prononcé des
discours funèbres sur la tombe de
Ô AÏG
M. Aignan. ( Voyez le Courrier
Français du 25 juin 1824. )— Ona
un portrait lithographié de M. Ai-
gnan, dans la collection des mem-
bres de l’Institut par A. Boilly,
et un portrait gravé par A. Tar-
dieu, dans sa Collection des défen-
seurs de la Charte et de la Loi des
élections.
Liste des ouvrages d’E. Aignan.
I. La mort de Louis XVT , tra-
gédie ; 1599.
Cette pièce, qu’on a quelquefois
attribuée à M. Berthevin, est bien
rééllement de M. Aignan. M. Ber-
thevin, qui à cette époque, était
libraire à Orléans, a participé il
est vrai, à sa publication. En outre,
c’est lui qui a mis en vers 1° le
plaidoyer de M. Desèze, 2° le dé-
bat entre Garran-Coulon et les
conventionnels.
IT. Chant funèbre aux mânes des
neuf victimes d'Orléans. 1795,
in-12.
III. Abrégé duvoyage de Mungo-
Parck.Orléans, Berthevin; et Pa-
ris, Pougens, 1798. in-12 (ano-
nyme ).
Il y a des exemplaires datés de
Paris, 1800.
IV. Essai sur la critique, poëme
en 3 chants, suivi de deux Discours
philosophiques, trad. en vers li-
bres , de l’anglais, de Pope. 1801,
in-6. |
Cetitre donné par Ersch (T. V.
p. 3) n’est pas exact; ce n’est pas
en effet une traduction en vers li-
bres, maïs une traduction libre,
en vers réguliers.
V. L’Amitié mystérieuse, trad.
de l’anglais. 1802, 3 vol. in-12.
VI. La famille de Mourtray ,
s De 4 à .”
AIG
trad. de l’anglais. 1802, 5 vol.
in-192.
VIL. Sigismar, par M°°**, au-
teur de Villeroy, trad. de l’an-
glais, par E.*** A.** Paris, Ou-
vrier, an XI (1805 ); 5 vol. in-12.
VIII. Le Ministre de Wakefield,
d Olivier Goldsmith, traduct. nou-
velle. 1803, in-12 (anonyme).
C’eit la G° traduction française
de cet excellent livre.
IX. Polivène, tragédie en 3 actes
eten vers. 1804, in-8. ( V. {a Dé-
cade philosophique. t. XL. p. 180.)
X. L’Iliade, trad. en vers fran-
çais , suivie de notes critiques , de
morceaux empruntés d’Homère
par les poëtes anciens et modernes
les plus célèbres; et de Tables
rédigées sur un nouveau plan.
1809, 3 vol. in-12. — 2° édit.
Paris, Egron, 1812; 2 vol. in-8.
On a reproché à l’auteur d’avoir
emprunté un très-grand nombre
de vers à Rochefort, l’un de ses
devanciers. — Il a laissé aussi une
traduction en vers de l’Odyssée,
à peu près terminée.
XI. Clisson, opéra, musique
de Pasta.
XIL. ephtali, opéra, musique
de Blangini.
Ces deux pièces ont été men-
tionnées avec éloge, dans le rap-
port sur les prix décennaux, de la
classe des beaux-arts de l’Institut.
XIII. Brunehaut ou les Succes-
seurs de Clovis, tragédie en 5 actes
et en vers. 1811, in-5.
XIV. Discours prononcés (par
M.M. Parceval- Grandmaison et
Aignan) dans la séance publique
tenue par La classe de la langue et de
la littérature française de l’Enstitut
impérial , pour la réception de M.
Aignan, le 18 mai 1815. Paris, F.
Didot; in-8. de 3 feuilles.
AIG
XV. Arthur de Bretagne , tra-
gédie représentée au Théâtre-
Français, en janvier 1816.
XVI. De la Justice et de la Police
ou Examen de quelques parties de
l'instruction criminelle considérées
dans leurs rapports avec les mœurs
et la sûreté des citoyens. Paris ,
Plancher et Delauray, 1817; in-8.
de 4 feuilles uu quart.
XVII. De l'Etat des protestans
en France, depuis le XV I° siècle
jusqu’à nos jours ; avec des notes et
éclaircissemens historiques. Paris ,
Eymery, 1817;in-8 de 8 feuilles
et demie. — 2% édit. in-8. de 9
feuilles et demie.
XVIII. Des coups d’état dans la
monarchie constitutionnelle. Paris,
Delaunay et Eymery, 1818; in-8
de 2 feuilles ( deux éditions.)
XIX. Histoire du Jury. Pa-
ris, Eymery, 1822; in-8, de 22
feuilles un quart — trad. en Alle-
mand, dans un ouvrage périodique
intitulé Thémis, publié à Stras-
bourg, en 1823.
XX.Bibliothèqueétrangèred” his-
toire et de littérature ancienne et
moderne, ou Choix d'ouvrages re-
marquables et curieux, trad. ou
extraits de diverseslangues, avec
des notices et des remarques. Pa-
ris, Ladvosat, 1823; in-8 , 2 vol.
XXI. Extraits des mémoires re-
latifs à l'histoire de France, depuis
l’année 1555 jusqu’ à La Révolution.
Paris, veuve Desoër, 1825 ; in-8,
2 vol. (ouvrage posthume ),
Le tome 1° de cette compilation
relatif à l’Héstoire ecclésiastique de
France(Jansénistes et Jésuites),est
de M. Aignan , saufl’introduction.
Le livre relatif à l'Histoire civile
est de M. Norvins.
M. Aignan a coopéré aux jour-
ALB .
naux et aux ouvrages dont les
titres suivent :
1° La Minerve Française (1815-
20).
2° La Renommée, feuille poli-
tique quotidienne (1829-20).
5° Le Courrier Français, feuille
politique quotidienne (1821-24)
4° La Revue Encyclopédique.
9° Le Sacrede S. M. t Empereur
Napoléon, dans Péglisé métropo-
litaine de Paris , le 11 frimaire
an À IIT (Dimanche 2 décembre
1804). De l'imprimerie impériale,
grand in-fol. — On trouve après
la page 56, un second frontispice
ainsi conçu : Descriptions des ta-
bleuux el explications des costumes.
M. Aignan est l’auteur de cette de-
scription ( Dictionnaire des ano-
nymes, par M. Barbier. Tom. III.
p- 680 ).
6° Dans l’Hymen et la Naissance
(1812 in-S), recueil de pièces en
honneur du mariage de Napo-
léon et de la naissance de son fils,
on trouve : La Vision du vieillard,
dans la nuit du 12 décembre 1591,
et une Cantate, qui sont de M.
Aignan. |
7° Chefs-d'œuvre des théâtres
étrangers. Collection publiée par
le libraire Ladvocat, en 1821 et
années suivantes. — M. Aignan
était un des collaborateurs de cette
entreprise.
8° OEuvres complètes de J. Ra-
cine, avec les notes de tous les com-
mentaieurs, et des études sur Ra-
cine, par M. Aignan. Paris, P.
Dupont, 1824 ; 6 vol. in-8.
ALBIGNAC ( Pnirrppe-Fran-
çois comte d’), lieutenant-général
des armées du Roi, commandeur
des ordres royaux de Saint-Louis,
de la Légion - d'Honneur et de
8 ALB
l’ordre saxon de Saint-Henri. Issu
d’une ancienne famille du Rouer-
gue, vouée dès long-temps au ser-
vice militaire, il futélevé aux pages
du Roi. Il émigra en 1592, rejoi-
gnit avec son père, l’armée des
Princes, où il servit comme aide-
de-camp de son grand-oncle ma-
ternel, le comte de Montboïssier,
commandant des compagnies rou-
ges. Il fut depuis, attaché au ser-
vice d'Autriche. M. d’Albignac
rentra en France après le 28 bru-
maire, et prit du service dans les
gendarmes d’ordonnance, com-
mandés par le comte de Laval-
Montmorency. D'abord simple
gendarme dans ce corps d'élite
de la Garde impériale, il y devint
successivement, pendant la cam-
pagne de Tilsit, maréchal-des-
logis, et officier. Ce corps ayant
été licencié après [a campagne
de 1807, Jérôme Bonaparte, roi
de Westphalie, attacha M. d’Albi-
gnac à sa personne, lui conféra
le grade de lieutenant-général, le
titre de comte de Ride, et en fit
à la fois, son ministre de la guerre
et son grand -écuyer. Placé au
milieu d'exemples dangereux et
d’attrayantes séductions, M. d’Al-
bignac montra un caractère noble
et ferme, qui, respecté de tous,
imposa souvent au maître lui-
même, un frein salutaire. Envoyé
sur les bords de lEtbe en 1809, il
poursuivit Schiller jusqu’à Stral-
sund, dètruisit les bandes de ce
fameux partisan, et le pressa si
vivement quil le réduisit à se
donner la mort, pour éviter de
tomber entre les mains de Napo-
léon. L’austérité du général d’Al-
bignac ne lui permit pas de con-
server long-temps la faveur dont
il jouissait à la cour de Cassel; il
ALB
se fit des ennemis parmi ceux qui
se hâtaient de dévorer ce règne
d’un moment. Jérôme refusa de
recevoir la déinission que lui
offrait M. d’Albignac, l’accusant
affectueusement d’ingratitude ;
mais on parvint en quelques heu-
res , à faire changer la volonté du
Roi. M. d’Albignac, qui n'avait
pas revu Jérôme depuis que, cé-
dant à ses instances, il était con-
venu de rester auprès de lui, dut
éprouver quelque surprise, lors-
que le lendemain de sa dernière
conférence avec ce prince, il lut
dansle Moniteur Westplialien, Var-
ticle suivant : « Le Roi vient d’ac-
vcepter la démission de M. fe
ocomte d’Albignac , pour cause
» de mauvaise santé; il part pour
vle midi de la France. Le Roi,
» par reconnaissance de ses ser-
»vices, lui conserve son traite-
»ment en entier.» M. d'Albignac,
qui pensait avoir de justes motifs
d'être mécontent d’un pareil pro-
cédé, ne voulut pas accepter ka
faveur dont il était accompagné.
Il quitta Cassel emportant la ré-
putation d’un homme de bien,
d’un administrateur expérimenté,
d’un militaire habile.
Rentré en France, M. d’Albi-
gnac obtint de emploi, en qualité
de chef d'état-major du sixième
corps de la Grande Armée, com-
mandé par le maréchal Gouvion-
Saint-Cyr. L’estime et l'amitié
dé cet illustre guerrier ne tardè-
rent pas à lui être acquises; Île
temps et les évènemens parurent
accroître l’une et F'autre. Après
avoir lutté avec gloire contre
un ennemi redoutable, si bien
secondé par l’inclémence de son
climat, M. d’Albignac termina la
campagne de 1812, sous les ordres
ALB
du vice-roi d'Italie. En 1813, il
fut nommé au commandement du
département du Gard, et chargé
de l’organisation de la quatrième
division de réserve. IF se trouvait
encore à Nimes au moment de la
Restauration, et les honnêtes gens
de cette villesavent par quelzèle et
quelleprudence il parvint à lespré-
server des troubles qui, plus tard,
devaient ensanglanterleur cité;ce-
pendant il fut mis à la demi-solde.
J1 était de retour à Paris lors du
débarquement deBonaparte surles
côtes de Provence, ce qui lui fit re-
prendre auprès du maréchal Gou-
vion-Saint-Cyr, à Orléans, son
poste de chef d'état-major. Leurs
efforts étant restés impuissans,
M. d’Albignac courut dans le midi
offrir ses services à M. le duc
d’Angoulème : il arriva auprès de
ce prince à Valence , lorsqu'il ne
restait plus à S. A.R, d’auire par-
ti à prendre que celui de la retraite.
M. d’Albignac parvint à voir le
prince 'orsqu'il se trouvait arrêté
au pont Saint-Esprit; il en reçut
des pleins-pouvoirs avec lesquels
il se rendit à Lyon, et ensuite
dans les Pays-Bas, auprès du Roi.
Il rentra en France avec S. M. , et
fut nommé secrétaire-général du
département de la guerre, sous
le premier ministère du maré-
chal Saint-Cyr, en juillet 1815.
Il se retira avec ce ministre, et
fut ensuite chargé de l’organi-
sation et ducommandement de la
nouvelle école militaire de Saint-
Cyr. Dans ce nouveau poste, qu’il
occupa durant six années, M.d’Al-
bignac montra le zèle, la capacité,
la sagesse qu’il avait déployés ail-
leurs. Il sut être dévoué sans
violence, et fidèle sans esprit de
parti. Malgré son âge, et l’affai-
ARN 9
blissement de sa santé, il avait
voulu se-soumettre le premier, à
la discipline sévère qu’il avait éta-
blie à Saint-Cyr. Les élèves de
cette maison, qui peuplent les
premiers rangs de l’armée fran-
çaise, conserveront long - temps
le souvenir de sa justice paternelle
et de son équitable bonté. Quand
la maladie ne lui permit plus de
suivre le même régime que les
jeunes gens confiés à ses soins, il
ne se crut pas permis de conser-
verpluslong-tempsleurdirection.
Le général d’Albignac , après
avoir pris sa relraite , vécutencore
deux années , au milieu des souf-
frances qui terminèrent préma-
turément sa carrière , le 31 jan-
vier 1824, lorsqu'il n’était encore
âgé que de 48 ans. Avant de mou-
rir, il reçut en chrétien fidèle les
consolations puissantes de la reli-
gion de ses pères.
ARNAVON (Francois ) naquit
à l’Isle, petite ville du comtat
Venaissin, vers 1740. Aprèsavoir
fait ses études en Sorbonne , où
il prit le grade de bachelier, l’ab-
bé Arnavon fut nommé chanoine
de la collégiale de l'Isle , et prieur-
curé de Vaucluse. Pendant qu'il
remplissait ces fonctions, M. le
comte de Provence ( depuis le
Roi Louis XVIII ) étant venu
visiter la fontaine de Vaucluse ,
en1777, l'abbé Arnavon eutl’hon-
neur de l’y accompagner. Cette
circonstance lui inspira le projet
de décrire la célèbre fontaine et
ses environs, d’éclaircir l’histoire
de Pétrarque et de Laure, et de
justifier l’histoire de leursamours.
En 1790, Arnavon fut député
par l’assemblée représentative du
comtat Venaissin , auprès du pape
10 ARN
Pie VI, pour traiter des affaires
de ce pays. Il paraît qu'il ne s’oc-
cupa plus, le reste de la Révolu-
tion, que de travaux littéraires.
Après le concordat de 1802, il
fut nommé chanoine titulaire de
l'église de Paris ; ilestmort doyen
du chapitre de cette métropole ;
le 25 novembre 1824, âgé de plus
de 84 ans. L'abbé Arnavon avait
aussi le titre de vicaire-général de
l’archevèque de Corfou.
Liste des ouvrages
de François Arnavon.
I. Discours apologttique de la
Religion chrétienne, au sujet de
plusieurs assertions du Contrat So-
cial, et contre les Paradoxes des
faux politiques du siècle. 1773,
in-8.
IT. Voyage à Vaucluse. in-8.
III. Pétrarque à Vaucluse, prin-
ce de la poésie lyrique italienne,
orateur et philosophe le plus re-
nommé de son siècle, et non moins
célèbre par la constance de sa pas-
sion pour la vertueuse Laure; et
Histoire de la fontaine de V'au-
cluse, par un ancien habitant. Paris, :
an XI (1803); in-8 de 591 pag.
IV. Retour de la fontaine de
Vaucluse , contenant l’histoire de
cette source , et tout ce qui est digne
d'observation dans cette contrée;
par l'auteur du Voyage à Vaucluse
et de Pétrarque à Vaucluse. Paris,
Debray , 1805; in-8.
Ces trois derniers ouvrages ont
été réunis en un seul, avec de nou-
veaux frontispices, sous la date de
1814,etaugmentés d’une dédicace
à S. M. Louis XVIII. — L'auteur
trouva la plus grande partie des
matériaux de son livre, dans les
trois volumes in-4 des Mémoires
AUB
sur la vie de Pétrarque, que Fabbë
de Sade avait publiés , en 1764.
Arnavon parcourt, suivant l’or-
dre chronologique, la vie et les
ouvrages du poëte: l’état des let-
tres et des arts, durant le quin-
zième siècle, lui fournit le sujet
d’une assez mince dissertation.
AUBERTIN ( Marriar ), acteur
et sociétaire du théâtre de la Porte-
Saint-Martin, est mort à Paris,
le 15 novembre 1824. Son corps
a été présenté et admis à l’église.
Précédemment, il faisait partie
de la troupe des Variétés, où le
public le voyait avec plaisir, dans
le rôle de Labranche, du Ci-de-
vant Jeune Homme, donnant la
réplique à Potier. Il est auteur de
plusieurs chansons et de quelques
pièces de théâtre.
Liste des ouvrages de M. Aubertin.
I. (Avec Henrion) La Dupe de
la ruse, comédie en un acte et
en prose, mêlée de vaudevilles.
1805 ; in-8°. |
II. (Avec M. Dumersan) Zoé,
ou lEffrt au porteur, comédie-
vaudeville en un acte, mêlée de
couplets , représentée sur le théâ-
tre de la Porte-Saint-Martin, le
28 décembre 1820. Paris, Barba,
1821 ; in-8°.
IIT.. (Avec Jouslin de Las-
sale) Les Deux Veuves, ou les
Contrastes, comédie en un acte,
mêlée de couplets, représentée sur
le théâtre de la Porte-Saint-Mar-
tin, le 10 avril 1821. Paris, Quoy;
in-8°,
IV. (Avec Menissier et Martin)
Les Suites d’un bienfait, à-propos
en un acte, mêlé de couplets,
pour le baptème de S, À, R. Mgr.
BAC
le duc de Bordeaux; représenté
sur le théâtre de la Porte-Saint-
Martin, le 30 avril 1821, jour du
gratis, Paris, Quoy, 182: ; in-8°.
BAC 11
V. (Avec Bosquier-Gavaudan)
La Suite du Diable couleur de
rose.
VI. Montbar l'Exterminateur.
Be
BACLER p'ALBE (Louis-Ar-
BERT-GHISLAIN, baron), peintre et
ingénieur -géographe, naquit à
Saint-Pol, en Artois, le 22 oc-
tobre 1762. Son père était direc-
teur de la poste aux lettres à
Amiens. Tandis que celui-ci fai-
sait donner à son fils une éduca-
tion savante, le goût de l’art du
dessin s’empara du jeune Bacler,
etil s’y voua presqu’exclusive-
ment. Parti à vingt ans pour vi-
‘siter l'Italie, il s'arrêta dans les
Alpes. Sallenches, au pied du
Mont-Blanc, fut pendant sept ans
son séjour habituel : il y devint à
la fois peintre et naturaliste, et
bientôt ses tableaux, répandus en
Suisse et en Allemagne, lui firent
une réputation : ceux de cette
première époque sontencore très-
recherchés dans ces pays. Il ne
borna pas là ses travaux : de fre-
quentes explorations dans les
montagnes , en le conduisant sou-
vent sur leurs sommets élevés ,
découvraient-à ses yeux leur en
chaînement et leur ramification ;
là, il étudiait, il saisissait les rap-
ports de liaisons de ces monts ag-
glomérés , et il jetait dans sa mé-
moire, les fondemens de cette
topographie pittoresque, qu’il ne
devait pas tarder à mettre en
usage, et qui a fait faire un si
grand pas au dessin de la carte.
Mais bientôt, le cours des événe-
mens apporta la guerre dans la
vallée de Chamouny. Baclerquitte
ses pinceaux; il se fait militaire
et vient joindre volontairement
un bataillon des chasseurs de
l’Ariège. Cerné en une occasion,
par des paysans insurgés, il tire
son sabre, place sa femme et ses
enfans sur l’avant-train d’un ca-
non,.et traverse le rassemblement
armé, qui demeure intimidé de-
vantsonaudace. Nommé capitaine
de canonniers, au siége de Lyon, il
fut delà, envoyé à Toulon et en-
suite à Nice. Ilse trouvaitau dépôt
d’artillerie de cette ville, lorsque
Bonaparte vint prendre le com-
mandement de la première armée
d'Italie. Des reconnaissances mi-
litaires exécutées avec bravoure
et succès, des dessins exacts de
machines de guerre, le firent re-
marquer du général en chef, qui
l’attacha à son état-major, avec le
titre de directeur du bureau topo-
graphique. Bacler d’Albe prit part
à toutes les actions de la mémo-
rable campagne de 1796; il se
distingua notamment à la bataille
d’Arcole, dont il a fait en 1804,
le sujet d’un grand tableau, re-
marquable par sa belle exécution
et sous le rapport de la vérité his-
torique et des détails militai-
res.
L'Italie toujours morcelée ne
pouvait offrir aucune carte géné-
12 BAC
{
rale suffisante pour les opérations
de la guerre ; Bonaparte en sentait
vivement le besoin : après la paix
de Campo-Formio, il chargea
Bacler d’Albe de l’exécuter. Tous
les dépôts, toutes les bibliothè-
ques de la contrée, particulière-
ment la riche bibliothèque Am-
broisienne, furent mis à sa dispo-
sition ; et après un travail assidu
de sept années, poussé avec la
plus grande activité, il parvint à
terminer la belle Carte du theâtre
de la guerre en Italie. N'ayant pas
reçu à temps l’ordre de s’embar-
quer pour l'Egypte, Bacler ne
suivit pas Bonaparte dans cette
expédition; mais il fut nommé di-
recteur du dépôt de la guerre de
la république Cisalpine.Il ÿ pour-
suivit l'achèvement des dix der-
niers cuivres de sa carte. Les
chances de la guerre en nous arra-
chant l'Italie, vers la fin de 1799,
dépouillèrent Bacler du fruit de
ses longs travaux : la précieuse
collection de dessins de nos fastes
militaires, dont il n’avait encore
gravé que le Passage du P6 et la
Bataille de Lodi, devint ainsi
que les vingt premiers cuivres de
sa carte, la proie de l’ennemi. Un
pareil revers ne le découragea pas;
ses dessins topographiques étaient
sauvés ; et retiré encore à Sallen-
ches, puis à Paris, il avait pres-
qu’entièrement refait ses vingt
cuivres , lorsque le gouvernement
autrichien lui rendit ceux qui
avaient été transportés à Vienne.
Alors il donna, en vingt-deux
feuilles , la suite de la carte d’Ita-
lice, comprenant le royaume de
Naples, la Sicile et la Sardai-
gne.
« La carte d'Italie, en cinquante-
deux feuilles, dit M. Alexis Don-
BAC
net (1), et particulièrement la
première partie, a été, à juste
titre, considérée comme la meil-
leure qu’on eût sur cette contrée.
Son échelle de 1 ligne pour 300
toises, ou de 172 59,200, permet-
tait d'intéressans détails. La ri-
vière de Gênes, une grande partie
du Piémont, toute la Lombardie,
les Légations, la Toscane , une
grande partie de l’état Vénitien et
la frontière napolitaine, y sont
fort bien traités; et les imperfec-
tions qui se remarquent dans le
reste du travail tiennent peut-
être, en partie, à l'exécution vi-
cieuse de la gravure, encore pour
ainsi dire dans son enfance , sur-
tout en Italie. La partie mathéma-
tique n’a point été négligée; et
l’on peut même voir, par les notes,
que les points ont été discutés, et
que l’auteur ne s’est décidé entre
plusieurs observations, qu’après
un mur examen. Mais ce qui
distingue particulièrement cette
carte , c’est le tracé pittoresque,
quoique parfaitemeut géométri-
que, des montagnes. Abandon-
nant toute perspective linéaire, et
rapportant tout à la projection
horizontale , il a pour jamais, fait
disparaître de nos cartes les ro-
chers en élévation , les arbres qui
cacbaient les routes qu'ils devaient
border, et les montagnes sur les
srêtes desquelles semblaient cou-
ler les rivières qui devaient en
baigner le pied; enfin, il laissa à
une juste entente du clair obscur, à
une sorte de perspective aérienne,
(1) Extrait d'une Notice sur le
géneral Baeler d'Albe, dans le Pubs
lun de La Société de Géographie.
no 18, t. II, p. 200.
BAC
de faire sentir et de déterminer
l'élévation relative de ces monts,
dont ses profondes méditations
dans les grandes Alpes, lui avaient
fait tracer l’enchainement avec
tant d'intelligence. »
Napoléon, revenu d'Egypte pour
monter au faîte de la puissance,
retrouva Bacler au Dépôt central
de la guerre , à Paris, en qualité
de chef de section. Il se l’attacha
de nouveau ( septembre 1804),
avec le titre de directeur de son
cabinet topographique, et désor-
mais il l’emmena avec lui dans
toules ses campagnes, à compter
de celle d’Austerlitz. Devenu suc-
cessivement, adjudant-comman-
dant (1807), et maréchal-de-camp
(1813), dans ces divers grades,
Bacler d’Albe parcourut l’Europe,
du Tage au Volga et de J’Ebre au
Vésuve. Admis dans la confiance
la plus intime de Napoléon, dé-
positaire des cartes, des plans et
des papiers militaires les plus se-
crets, c'était lui qui chaque jour,
dressait l’esquisse des mouvemens
des troupes projetés pour le len-
demain; c'était lui qui faisait res-
sortir sur la carte, à l’aide des
épingles et des couleurs, l’en-
semble des opérations dont le dé-
tail se renouvelait à chaque in-
stant, Epuisé enfin parune vie non
moins aclive que celle de l'homme
dont il suivait la fortune, ilne put
résister aux fatigues toujours
croissantes de la campagne de
1814. Sa santé s’altérait visible-
ment; Napoléon s’en étant aper-
Çu, l’envoya à Paris prendre la
direction du Dépôt de la guerre.
Bacler sut se rendre utile, durant
le peu de temps qu’il administra
ce bel établissement. C’est à ses
soins que l’on doitd’avoir conservé
BAC 13
les cuivres de la carte de France
par Cassini, long-temps, mais
inutilement cherchés par les géné-
raux étrangers, Le général Bacler
d’Albe perdit sa place de directeur
du Dépôt de la guerre, le 10 juil-
let18:5,et rentra désormais dans
la vie privée.Retiré à Sèvres, dans
une habitation modeste , l'amour
des arts, et il faut le dire, l’exi-
guité de sa fortune, lui firent re-
prendre le crayon et le pinceau:
ce fut toujours avec un nouveau
succès. Il mourut dans sa retraite
de Sèvres > le 12 septembre 1824,
à peine âgé de soixante-deux ans.
Ilétait officier de ia légion-d’hon-
neur , chevalier des. ordres de
Saint-Louis, de la Couronne de
fer et de Saint-Henri de Saxe.
Le général Bacler d’Albe mania
tour à tour l’épée, la plume, le
crayon et le pinceau. Nous avons
raconté brièvement ses faits d’ar-
mes, il nous reste encore quel-
que chose à dire des productions
de ‘sa main habile et spirituelle.
Pendant qu’il était simple chef de
section au Dépôt central de la
guerre, il a fourni à cet établisse-
ment d’excellens Mémoires sur la
gravure des cartes, dont on peut lire
des extraits dans le Mémorial to-
pographique. C’est dans ses ate-
liers que plusieurs graveurs dis-
tingués du Dépôt se sont formés,
ou ont commencé leurréputation.
C’est aussi vers le même temps
que, revenu par goût, non moins
que par nécessité , à ses pinceaux ,
il prit rang, particulièrement par
ses gouaches, parmi nos premiers
paysagistes. Les salons d’exposi-
tion du Louvre ont fréquemment
vu briller les tableaux de Bacler
d’Albe. La Bataille d’ Arcole et la
Veille d’Austerlitz sont les plus
14 BAI
importans. Le premier orna long-
temps le palais de Trianon ; le
second se voyait dans la galerie
de Diane, aux Tuileries. — Les
livres dus au général Bacler d’Albe
sont des collections de vues, des-
sinées, gravées ou lithographiées,.
Nous citerons, en ce genre, Vues
pittoresques du Haut - Faucigny ,
gravures coloriées.—Ménales pit-
toresques et historiques des paysa-
gistes ( 1805).— Souvenirs pitto-
resques du général Bacler d Albe,
ou Vues lithographiées dela Suisse,
du Valais, de la France, de l'Ita-
lie , et surtout de l'Espagne ( ou-
vrage orné du portrait de l’au-
teur ).— Promenades dans Paris
et ses environs; cahiers lithogra-
phiés. Bacler d’Albe sentit de
bonne heure , tous les avantages
du procédé lithographique : cette
belle découverte était encore dans
son enfance, qu’il sut en tirer un
grand parti; et il n’est point dou-
teux qu’il a contribué à ses succès
etàson perfectionnement, comme
on en peut juger par les nom-
breuses productions qu’il a lais-
sées en Ce genre.
On trouve une Notice sur Ba-
cler d’Albe, dans le Moniteur du 19
octobre 1824.
BAIL ( Cnarres-Josepn ) na-
quit à Béthune , en Artois, le 29
janvier 15777. Il faisait ses études
à Douay, en 1792, et n'avait
pas encore atteint sa quinzième
année , lorsque, voyant passer
un corps nouvellement organisé,
les chasseurs - francs du Hai-
nault , qui marchaient au se-
cours de Lille, bombardée par les
Autrichiens, il fut saisi de l’en-
thousiasme militaire , et s’engagea
sur-le-champ. Il fit la campagne
BAI
de Dumouriez et les suivantes,
comme simple volontaire, passa
ensuite dans l'artillerie , et fut en-
fin, attiré par diverses circonstan-
ces, dans l’administration de l’ar-
mée. Depuis, il a toujours suivi
cette carrière, et s’y est distingué
par un goût décidé pour l’étude,
Adjoint, en 1807, à l’intendance
d’Erfurth et du pays d’Eichsféld,
il fut ensuite appelé à diriger les
bureaux de la régence du royau-
me de Westphalie. C’est par ses
soins et ayec son concours, que
furent exécutées et publiées, dans
un court espace de temps, les no-
tices connues en Allemagne , sous
le titre de Séatistique générale du
royaume de Westphalie, iniprimée
à Goëttingue, par ordre du gou-
vernement, en 1809; ouvrage le
plus complet qui ait encore paru
sur ce pays, et qui contient le
résultat d'immenses recherches,
Après avoir concouru à l’organi-
sation administrative du nouveau
royaume , sous les ordres de M. le
comte Beugnot, membre de la
Régence et ministre des finances,
Bail fut appelé aux fonctions de
secrétaire-général des finances,
qu’il exerçca d’abord auprès de
M. Beugnot, et ensuite auprès de
M. Bulow , son successeur. Nom-
mé inspecteur aux revues et COM-
missaire du roi de Wesphalie, avec
des pouvoirs extraordinaires , à la
fin de 1808 , il fut envoyé à Mag-
debourg pour rétablir l'harmonie
momentanément troublée entre
les Français et les Westphaliens;
commission délicate, dont il s’ac-
quitta avec habileté. Prisonnier
de guerre en 1815, Bail perdit
par la conquête le fruit de ses
économies. Rentré dans son grade
au service de France, en 1814, et
BAI
employé, à la fin de juillet 1815,
à l’armée qui se retira sur les
bords de la Loire, il concourut
aux opérations du licenciement ;
il revint ensuite à Paris, où il fut
quelque temps en butte aux per-
sécutions de l'esprit de parti. Ad-
mis pour cinq ans au traiteinent
de réforme, en février 1818, il
se retira dans la vallée de Mont-
morency, afin des’y livrer en paix
à son goût pour les lettres. C’est
là qu’il composa et publia divers
écrits superficiels, il est vrai,
mais qui attestent du moins la va-
riété de ses connaissances, et la
facilité de son travail. Une hydro-
pisie de poitrine termina ses jours,
à Margency ( vallée de Montmo-
rency, ) le 20 février 1824.
Liste des ouvrages
de Ch. Jh. Buil.
I. Réveries de M. de Chateau-
briand, où Examen critique d’un
libelle intitulé : De Buonaparte et
des Bourbons. Paris, Eymery ,
avril, 1815 ; in-8. de trois feuilles
et un quart.
IT. Des Juifs au dix-neuvième
siècle, où Considérations sur leur
état civil et politique en Europe,
suivies de la notice biographique des
Juifs anciens et modernes qui se sont
illustrés dans Les sciences et Les arts.
Paris, Treuttel et Würtz, 1816;
in-8. de quatre feuilles. — 2° édi-
tion, 181%, ibid.
Cet ouvrage, qui obtint au
moins le succès d’une grande pu-
blicité, fit naître les réclamations
suivantes.
Quelques Observations sur La
deuvième édition de l'ouvrage inti-
tulé: Des Juifs au XIX: siècle, etc.;
par M.de Cologna, Grand-Rabbin
BAI 15
et président du Consistoire central
des Tsraélites de France. Paris, im-
primerie de Sétier, 1817; in-8,
d’une feuille.
L'auteur attaqué se défendit par
l'écrit intitulé : Réplique et Com-
mentaire de M. Bail aux Observa-
tions de M. de Cologna sur la
deuxième édition Des Juifs au
XTX® siècle. Paris, Treuttel et
Würtz, 1817; in-8 detrois feuilles.
M. Silvestre de Sacy publia une
Lettre à M*** conseiller de S. M. le
Roi de Saxe, relativement à l’ou-
vrage intitulé : Des Juifs au XIX°
siècle , par M. le baron S. de S. ;
Paris, Treuttel et Würtz 1817;
in-8 d’une feuille un quart.
Enfin M. de Cologna ferma la
discussion par un dernier écrit in-
titulé : Réflexions adressées à M. le
baron S. deS., sur la LettreàM***,
conseiller de S. M. le Roi de Saxe.
Paris, Sétier, 1817 ; in-8 d’une
feuille trois quarts.
III. Essais historiques et criti-
ques sur l’organisation des armées
et sur l’administration militaire en
France. Paris, Magimel, 1817 ;
in-8 de douze feuilles.
IV. Qu'est-ce qne le Clergé dans
une monarchie constitutionnelle ?
ou de l'Eglise selon la Charte.
Paris, Lhuilier, 1818; in-8 de
dix-sept feuilles et demie (à l’oc-
casion du concordat de 1817).
V. Du Cadastre considéré dans
ses rapports avec l’économie politi-
que et la répartition des impôts.
Paris, Lhuilier, 1818 ; in-8 d’une
feuille et demie. -
VI. De l’Arbitraire dans ses
rapports avec nos institutions ; ou
la Police, les Prisons , le Jury, les
Lois pénales et la Peine de mort, en
France. Paris, Eymery, 1819; in-8
de dix feuilles un quart.
16 BAT
VII. Correspondance de Berna-
dotte, prince royal de Suède avec
Napoléon, depuis 1810 jusqu’en
1814, précédée de notices sur la
situation de la Suède, depuis son
élévation au trône des Scandinaves :
pièces officielles recueillies et pu-
bliées par M. Bail. Paris, Lhuil-
lier, 1819; in-8 de dix feuilles.
VIII. Histoire politique et mo-
rale des révolutions de France, ou
Chronologie raisonnée des événe-
mens mémorables, depuis 1585 jus-
qu’à la fin de 1820, époque des
conférences de Troppau et de Lay-
bach. Paris, Eymery, 1821; 2 vol.
in-8.
IX. Etat des Juifs en France,
en Espagne et en Italie, sous les
rapports du droit civil, du com-
merce et de la littérature, depuis le
commencement du W°® siècle de l’ère
vuigaire jusqu’ à la fin du XV T°,
ouvrage qui a concouru pour le prix
décerné par l Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, en juillet
1823. Paris, Eymery, 1823; in-8
de 200 pages.
Six mémoires furent présentés
au concours de cette année. Celui
de M. Capefigue obtint le prix et
a été publié. Celui de M. Arthur
Beugnot obtint une mention ho-
norable ; il a été publié aussi, sous
ce titre: Des Juifs d'Occident.
M. Bail crut avoir à se plaindre
du jugement de l’Académie, et il
exhala son mécontentement dans
la préface placée en tête de son
livre.
X. Etudes littéraires des classi-
ques français, à l’usage de la jeu-
nesse, des nationaux et des étran-
gers, composées d'exemples, de
critiques et de réflexions propres à
former le goût et le jugement, ac-
compagnées des traits les plus carac-
BAR ss
téristiques de la vie des auteurs, du
précis de leurs ouvrages et du som-
maire des chefs-d’'œuvre du théâtre.
Paris, Eymery, 1824; 2 vol. in-12
(ouvrage posthume).
Enfin M. Bail a publié dans la
Revue Encyclopédique (t. V, p.407
ett. VI, p. 22. ), une Notice sur
le commerce des anciens et des mo-
dernes.
BARENTIN-MONTCHAL (LE
VICONTE L.... DE), lieutenant-gé-
néral des armées du Roi, grand-
croix de l’ordre royal et mili-
taire de Saint-Louis, naquit en
1737, d'une famille dont les trois
branches servaient avec distinc-
tion ,; sur terre , sur mer et
dans la haute magistrature. Le
vicomte de Barentin-Montchal fit
la guerre de Sept-Ans comme
capitaine de cavalerie; nommé
ensuite officier supérieur dans la
compagnie Ecossaise des gardes-
du-corps des rois Louis XV et
Louis XVI, il partagea depuis,
avec sa famille, la proscription
desserviteursdes Bourbons. Après
avoir servi à l’armée des Princes
et à celle de Condé, il commanda
à Mittau, le petit détachement qui
servait de garde à Louis XVIII.
Le grand âge de ce gentilhomme
ne put le détourner de reprendre
son rang dans la première compa-
gnie des gardes-du-corps du Roi,
en 1814, et il servit. jusqu’en
1816, qu’il fut forcé de prendre
sa retraite. Le vicomte de Baren-
tin-Montchal est mort à Paris, au
mois de mars 1824. Nous con-
naissons de lui les deux ouvrages
suivans : |
Voyage dans les Etats-Unis. de
l Amérique, fait en 1784, traduit
de l'anglais, de J.F. D. Smith ;
43 À
De BAR
_ par M.de B..... Paris, Buisson,
_ 1791; 2 vol. in-8, es!
IL. Géographie ancienne et histo-
rique, composée d’après les cartes de
d’ Anville ; par L. B. D. M. Paris,
Egron, 1807; 2 vol. in-8, et atlas
in-fol. :
BAROUD (Czaune-Onirre-Jo-
sepx), né à Lyon en 1755, est mort
au mois de mai 1824. Il exerca
d’abord,la profession d’avocatdans
sa ville natale ; étant venu à Paris,
il dut à la protection de M. de Ca-
lonne, alors contrôleur -général
des finances, d’être mis en rela-
tion avec les principaux financiers
de l’époque. Initié à leur science,
il en fit ke sujet de ses écrits. En
1508 , il publia un mémoire contre
le projet d'emprunt que la banque
de Paris, ayant à sa tête M. Baril-
lon, offrit au Directoire, pour pro-
curer les moyens d'effectuer une
descente en Angleterre. C’est Ba-
roud qui rédigea les divers mé-
moires publiés en 1815, pour Mi-
chel jeune, contre Reynier, Bois-
sière et Guille, prévenus de faux
enecrilure privée et acquittés par
la cour d’assises de la Seine. La
Biographie nouvelle des Contempo-
rains dit que Baroud « est auteur
de différens ouvrages pseudony-
mes sur les finances, imprimés
en 1814-et 1816. » — Nous con-
naissons les suivans :
I. Observations en faveur des
acquéreurs de biens d’émigrés, et
en faveur des émigrés eux-mêmes ,
ci-devant propriétaires de ces biens.
Paris, impr. de Michaud, 1814;
in-8, d’une feuille.
L'auteur proposait d’indemniser
les émigrés au moyen d’une rente
de dix-huit millions de fr. 5 °,
mscrite au Grand Livre de La dette
BAU 17
publique. Il prétendait. que cette
valeur devait se trouver équiva-
lente à celle des biens confisqués.
On sait que les documens authen-
tiques sur lesquels à été basée de-
puis, approximativement, la loi
du 28 d'avril 1825, ont fixé cette
valeur à la somme d’un milliard,
en capital.
II. Adresse des contribuables aux
créanciers de l’arriéré, rédigée et
présentée par un contribuable du
département du Rhône , tant en son
nom qu’au nom et comme ayant Te-
cueilli les vœux et se faisant fort de
la très-grande majcrité des contri-
buables du royaume. Lyon, impr.
de Pelzin, 1816; in-4, de quatre
feuilles:
III. Observations en faveur des
acquéreurs de biens d'émigrés, et
en faveur des émigrés eux-mêmes ,
propriétaires de @s biens; par
M. Baroud , auteur d'un écrit por-
tant le même titre, distribué aux
deuxC hambres,aumoisd’aoûli814,
pendant la discussion de la loi sur
Les finances, du 23 septembre de la
même année, et inséré au feuilleton
de la Quotidienne , du 27 octobre
18:54, N° 149. Lyon, impr. de
Pelzin , 1817; in-4, de quatre
feuilles.
IV. Nouvelles observations en
faveur des acquéreurs des biens
d'émigrés, etc., par M. Baroud,
auteur de deux écrits portant le
méme tire, etc. Lyon, 1818,
imp. de Pelzin; iu-4 , de cinq
feuilles.
BAUSSET (Louis-FRANÇOIS DE),
naquit le 14 décembre 1745, à
Pondichéri, chef-lieu des établis-
segens français dans les Indes
crientales, où son père, le mar-
quis de Bausset, était placé à la
2
18 BAU
tête de l’administration , avec le
titre de grand-voyer. À l’âge de
12 ans, on le fit passer en France;
son oncle, l’évêque de Béziers,
luquel il fut adressé, le plaça chez
les jésuites du collége de la Flè-
che, et il vint ensuite terminer
ses humanités dans la capitale,
au collége de Beauvais (1). Des-
tiné à l’état ecclésiastique, le jeune
Bausset entra au séminaire de
St.-Sulpice, où il fit ses cours
de philosophie et de théologie.
Jusqu'à la fin de sa vie, il a con-
servé pour messieurs de St.-
Sulpice le plus vif attachement;
il s’est plu à rendre hommage à
leur congrégation dans son His-
toire de Fénélon, et, par son tes-
tament , il leur a légué les ma-
nuscrits et documens des histoires
de Fénélon et de Bossuet. L’abbé
(1) M. le comte de Villenenve-Ear-
gemont , parent de M. je cardinal de
Baussét, rapporte un fait si prodi-
gieux, concernant la mémoire extra-
ordinaire dont le prélat fut doué,
qu'il a besoin de son ‘témoignage
pour être adinis. « Dans sa jeu-
nesse , dit M. de Villeneuve, il en-
tendit M. de Rulbières lire, devant
un cercle choisi, son histoire manus-
crite de la révolution qui, en 1762,
précipita Pierre IL du trône de Russie,
ct, rentré chez lui, 11 transcrivit de
mémoire cet ouvrage qui l'avait vive-
ment frappé. Le fait se répandit dans
la société, et M. de Ralhières lui-
même eut besoin d’étre assuré de la
vérité de ce qu'on lui avait rapporté
et de la loyauté de M.de Bausset, pour
être convaincu qu'il n'avait rien à re-
douter du résultat de cette prodigieuse
mémoire. Get ouvrage, qui a près
de 400 pages, n’a été imprimé qu’a-
rès la mort de Catherine 11, ainsi que
. de Rulhières en avait pris l'engalle.
ment.» { Notice biographique sur SE.
Mgr. le cardinal duc de Bausset. )
BAU
de Bausset prit ensuite ses degrés,
jusqu’à celui de licencié, dans la
maison et société royale de Na-
varre. Il n’était pas encore ma-
jeur qu'il cumulait sur sà tête
deux bénéfices, savoir : un cano-
nicat de Béziers, et le titre de
recteur de la chapelle du St.-
Esprit, au diocèse de Fréjus: ces
deux siéges se trouvaient occupés
en mêine Lemps par deux prélats
de sa famille. Le dernier titre,
qui n’était qu’un bénéfice simple,
servit de prétexte pour le faire
élire député à l'assemblée du
clergé de 1990 : il n’avait alors
que 22 ans, et n’était encore que
sous-diacre et baclielier en théo-
logie. M. de Brancas, archevêque
d'Aix, le portait à l'agence du
clergé pour 1580, et cette dési-
gnation avait reçu l'approbation
de Louis XV, lorsque la mort de
M. de Brancas dérangea ce projet.
Son successeur, M. de Boiï:gelin,
avait un neveu ecclésiastique qu’il
fi nommer à ces fonctions ; mais
il se crut obligé de dédommager
Pabbé de Bausset, qui venait
d’être ordonné prêtre, en lui don-
nant, à 24 ans, en 1772, le titre
de vicaire-général d'Aix. Ce con-
tre-temps qui sans doute contra-
ria les vues ambitieuses qu’on
avait sur M. de Bausset, se trouva
par événement lui ouvrir le che-
min de l’épiscopat, plutôt que sil
eût été nommé agent-général du
clergé. En effet, l’agence de 1780
ne finit qu’en 1785, et M. labbé
de Bausset fut nommé évêque d’A-
lais en 1784.
Le jeune prélat s'était formé à
la haute administration ecclésias-
tique sous M. de Boisgelin. Il a
toujours depuis,considéré, comme
un bonheur d’avoir passé plu-
BAU
sieurs années dans cette école, et
d’avoir reçu les conseils d’un évê-
que distingué par son esprit et ses
lumières. Un écrit consacré à. sa
mémoire atteste en même temps
la reconnaissance de son illustre
élève. Celui-ci s’y est complu à
rendre compte du soin que prit
M. de Boisgelin de lui inspirer
le goût de l'étude, et de lui ap-
preudre à écrire avec méthode et
pureté. A. de Bausset avail #te
nomimé, en 1582, adminisæäteur
de Digne, avecle titre de vicaire-
général de ce diocèse, à l’occa-
sion de trèés-vifs démêlés qui
avaient éclaté entre l’évêque et
son chapitre, relativement à leurs
intérêts temporels. Il parvint à
terminer celte affaire, et sa con-
duite fut marquée au coin de la
justice et de l'habileté. IT fut sacré
le 18 juillet 1584, par l’archeve-
que d’Aix, à [ssy, dans la cha-
pelle des Sulpiciens.
Le Diocèse d’Alais, situé dans
les Cevennes, n’était pas fort
étendu, mais il était peuplé de
protestans, que des lois iniques
vouaient à l'oppression. M. de
Bausset ne vit en eux que les
frères de ses enfans, et il étendit
sur eux sa charité. Meñibre par
le droit de son siége, des Etats
provinciaux du Languedoc, qui
cut laissé un grand nom dans les
fastes de l’ancienne administra-
tion, l’évêque d’Alais fut l’un des
députés chargés, en 1580, de por-
ter au pied du trône les cahiers de
ces Etats. Organe de la députa-
tion, il eut l'honneur de haranguer
le roi Louis XVI et toutes les per-
sonnes de la famille royale. Ces:
harangues passaient ordinaire-
ment avec la Gazette de France,
qui les rapportait, et étaient aus-
BAU 19
sitôt oubliées qu’elle. On conserva
le souvenir de cellesque prononca,
cette fois, le député du Langue-
doc. Son discours au Roi, soit par
la générosité de la pensée, soit
par la noblesse du langage , serait
digne de l'assemblée librement
élue d’une monarchie constitu-
tionnelle ; le discours à Monsieur
(Louis XVIII) rappelle que ce
prince jouissait déjà de la réputa-
tion d'aimer les lettres et la philo-
sophie; le discours à AL. le comte
d'Artois (S. M. Charles X) con-
firme ce qu’on nous raconte des
grâces chevaleresques de la jeu-
nesse de ce Prince; enfin, le dis-
— £<ours à Madame Élisabeth est un
modèle parfait de la grâce la plus
exquise et la plus décente (1).
D
(1) Lesdiscours prononcés par M. lé-
véque d’'Alais, dans l'occasion dont il
s'agit, se frouvent imprimts dans une
Notice que M. de Gravine a consacrte
à ce piélat. Ils sant au nombre de
sept ; savoir : 1° au Roi, :0 à la Reine,
30 à Mous'eur, 4° à Madame, 5°1àù
M. le comic d’Artois ,G à Madame la
cantesse d'Artois, 50 à Mme Elra-
beth.— « Je crois, dit M. Eeuchot,
Jcs 2° , 4° ct 6e inédits. Lerre*a cté
imprimé dans le Conservateur (par
M. Dilandine , année 1585, 1.1). Les
1er 3 et 5°, dans le même 1ecucil
(année 1588, € Il), où l'en trouve de
plus, 10 Discours à M. l’archeséque
de Narlorne, 20 Piscours à M. le
Garde-des-sccaux , 30 Discours: M.Île
comte de Vergennes ( Ziblirgra, hre
de la France. 1824, p. 716). — Nous
citerons lé dthut du d'scours au Kot
. «Sire, un usage antique assure aux
États de votre province de Languedoc
le privilége de porter au pied de
votre trône leurs réclamations et leurs
vœux.— Heureux les peuples dont la
voix peut frapper l'oreille du souve-
CA ! Heureux les rois qui ne craignent
pas d'entendre la voix de leurs suiets!
—De cette utile correspondance, Sire ,
Li
20 BAU
M. l’évêque d’Alais fat membre
de la première asserhblée des No-
tables, convoquée en février 178»,
et aussi de la seconde, tenue en
novembre 1788. IL fit partie du
bureau de M. le duc de Bourbon,
et fut chargé par ce Prince d’en
rédiger les délibérations. À cette
époque, il jouissait à Versailles de
beaucoup de considération. Lors-
que Louis XVI eut nommé ke duc
d'Harcourt gouverneur du Dau-
dépend la véritable force d’un empire.
Le terme de sa prospérité serait celui
où l’on verrait la plus noble de toutes
les institutions dégénérer en une vaine
cérémonie , qui rappellerait à une na-
tion ce qu'elle était, en lui faisant
sentir ce qu'elle n’est plus. — Parmi
les provinces fortunées soumises à vos
lois, le Languedoc, Sire, la première
de toutes par son étendue, son com-
mérce , sa situation , s'enorgueillit en-
core des avantages de sa constitution ;
cette constitution , souvent mécon-
nue , souvent défigurée, offre tous les
caractères qui peuvent , dans une mo-
narchie, placer des sujets et des hom-
mes à une distance égalc de la servitude
et de la licence. — Défenseurs des
peuples confiés à nos soins, nous cher-
chons à concilier leurs intérêts avec
les besoins de l'Etat dont nous sommes
membres,avec les demandes du Prince
dont nous sommes sujets. Les formes
sacrées de la liberté, conservatrice de
nos droits , attachent à nos délibéra-
tions et à nos sacrifices un prix et un
éclat qui les cnnoblissent aux yeux
de Votre Majesté. Ces délibérations
transmises ensuite au pied de votre
trône, reçoivent le sceau de votre
puissance souveraine et tous les carac-
tères augustes qui rendent les lois res-
pectables aux peuples. — C’est à l'om-
bre d’une constitution aussi favorable
à la prospérité publique que l'on.
voit depuis vingt ans le Languedoc sc.
livrer à des entreprises dont la géfn-
deur appelle l'admiration même des
étrangers. … etc. »
BAU
#
phin son fils, les bruits de la cour
désignèrent l’évêque d’Alais au
nombre des candidats qui parais-
saient convenables au poste de
précepteur du jeune héritier de
la couronne. M. de Bausset ne fut
point député aux Etats-généraux
de 1789, comme on l’a imprimé
inexactement. L'Assemblée cons-
tituante ayant décrété la suppres-
sion de l’évêché d’Alais, le prélat
crut devoir déclarer, par une lettre
du 12 juillet 1790, que ce décret
ne pouvait briser les liens qui l’at-
tachaient à son église. Cette lettre
fort courte , mais à la fois ferme
et modérée, était adressée à ses
grands-vicaires, et elle fut publiée
le 1‘* novembre suivant, avec
une. réclamation pour les droits
de l'évêque, signée de l’abbé Gi-
raud , un de ses grands-vicaires,
qui avait été sommé par le direc-
toire du district d’Alais, d’évacuer
le palais épiscopal. M. de Bausset
adhéra à l'Exposition des principes
sur La constitution civile du clergé,
par lesévêques députés à l’Assem-
blée nationale, rédigée par M. de
Boisgelin, et publia divers actes
analogues, dans lesquels il s’unis-
sait aux principes et aux détermi-
nations adoptés par la majorité
de ses collégues.
Vers la fin de l’année 1501,
M. l'évêque d’Alais avait émigré
en Suisse, mais il se détermina à
revenir à Paris, au mois de sep-
tembre 1792. Les persécutions ne
pouvaient manquer de l'y attein-
dre. Il fut arrêté!, et enfermé au
couvent de Port-Royal, rue de la
Bourbe , alors transformé en pri-
son. Ayant eu le bonheur d’échap-
per au Tribunal révolutionnaire,
M. de Bausset, rendu à la liberté
après le 9 thermidor, se retira à
BAU
L
Villemoisson, près Lonjumeau,
chez M® de Bas®mpierre. Il
y passait la plus grande partie
de l’année, et ne faisait à Paris
que quelques voyages rares et
courts, pour voir ses amis. Parmi
ceux-ci l’on distinguait M. Emery,
supérieur-général de St.-Sulpice.
Une grande conformité de vues
et de caractère établit entre eux
des rapports intimes; ils se prè-
taient un mutuel secours dans
leurs travaux, et entretenaient,
lorsqu'ils étaient séparés, une
correspondance assidue. Il paraît
que ces deux ecclésiastiques se
décidèrent de concert, en faveur
de la déclaration exigée des mi-
pistres du culte, par la loi du »
vendémiaire an IV, déclaration de
pure soumission , et au prix de la-
quelle le clergé non assermenté a
pu exercer librement, enFrance, le
culte catholique , jusqu’à l'époque
du 18 fructidor, Le prélat insistait
notamment dans soa écrit,sur l’in-
convénient de mêler les considé-
rations de la politique aux affaires
de la religion. M. de Bausset se
déclara également en faveur de la
promesse de fidélité à la constitu-
tion, qui futexigée des ecclésias-
tiques sous le gouvernement con-
sulaire , et il est cité plusieurs fois
à cette occasion, dans les Ænnales
philosophiques , morales et littérai-
res , journal ecclésiastique de l’é-
poque.
Lorsque Pie VIT, à la suite du
concordat consenti avec le pre-
mier consulde la République frau-
çaise, demanda aux anciens évê-
ques de France la démission de
leurs sièges, M. d’Alais s’em-
pressa d'envoyer la sienne. Sa
lettre se trouve dans les Annales
philosophiques ( T. IV, pag. 155).
»]
*
BAU 21
Mais en outre, le prélat crut de-
voir manifester hautement ses
sentimens dans cette importante
circonstance ; à cet effet, il publia
une autre lettre à ses vicaires-
généraux, dans laquelle il déplore
sans amertume les maux de l’E-
glise, et montre la sagesse de la
Providence dans la marche des
événemens, et la protection de
Dieu sur son Eglise. — « Ma con-
» science m'a dit, s’écrie-t-il , que
»je ne pouvais être exposé à au-
» cun reproche de la part de Dieu,
» ni des hommes , en remettant les
» intérêts de la Religion et de l'E-
»glise à mon supérieur, à celui
» que la divine Providence a établi
»le' vicaire de Jésus-Christ sur
» la terre. — La simple raison a
» suffi pour me convaincre qu’au-
» cun évêque ne pouvait, dans les
»circonstances présentes , juger
»aussi sainement de ce qui con-
» vient ou de ce quine convient pas
> aux intérêts de l'Eglise de France,
» que celui qui est préposé au gou-
» vernement de l’église universelle
set le centre de correspondance
»de toutes les églises particu-
» lières. »
Le mérite et le caractère de
l’évêque d’Alais lui eussent sans
doute procuré un siége dans la
nouvelle organisation de la Fran-
ce ecclésiastique ; mais déjà il
était attaqué de la maladie qui
affligea ses dernières années. La
goutte, dont les premières attein -
tes l’avaient ramené en France,
au risque des plus grands périls ,
à la fin de 1592, ne cessa de le
tourmenter cruellement jusqu’au
terme de ses jours; elle le priva
peu à peu de l’usage de ses jam-
bes ; elle l’empêchait même quel-
quefois d'écrire, et c’est au mi-
2° BAU
lieu de ces douleurs qu’il a com-
posé les deux ouvrages qui ont
donné le plus de célébrité à son
nom. M. l’abbé Emerÿ ayant
trouvé l’occasion d'acquérir les
manuscrits de Fénélon, les com-
muniqua à M. l’évêque d’Alais,
qui forma d’abord le dessein de
donner une nouvelle édition des
œuvres de l’archevèque de Cam-
bray ; quelques lettres de M. de
Bausset, que l’on a conservées,
ne permettent pas de douter de
ce projet. C’est M. Emery qui en-
gagea le prélat à composer une
histoire de Fénélon: l’auteur lui
faisait passer ses cahiers à me-
sure qu'illes écrivait, et obéissait
avec beaucoup de déférence, aux
observations qu’il recevait de lui.
L'Histoire de Fénélon, publiée
en 1808, obtintle succès le moias
équivoque. Une diction agréable
et pure, une heureuse abondance
de style, un ton noble et simple,
des jugemens souvent dictés par
la sagesse, et toujours exprimés
avec beaucoup de mesure et de
dignité ; telles sont les principales
qualités de cet ouvrage , qui ne
coûta, dit-on , à l’auteur, que
deux années de travail. En 18192,
l’Institut désigna l’histoire de Fé-
nélon comme méritant le deuxiè-
me grand prix décennal de se-
conde classe, pour le meilleur
écrit de biographie. — « L’ou-
»yrage , disait le jury, est écrit
» partout avec le ton de noblesse
»et de dignité qui cest propre à
» l’histoire ; on y désirerait seule-
» ment un peu plus de cette onction
» douce et pénétrante qui convient
» à l’histoire de Fénélon. Le style
»en est, en général, pur, correct
»et élégant, quoicu’on y puisse
-»remarquer quelques taches. La
BAU
»narration manque quelquefois de
srapidité, mais jamais de clarté,
setrarement d'intérêt: attachante
» par le ton de sincérité qui y rè-
» gne, elle est semée de réflexions
»ieujours jusies et jamais ambi-
»tieusés, qui servent à relever les
» détails et à jeter du jour sur les
» faits.» Un critique ingénieux a dit
ailleurs (1) : « Les trois époques
qui lient l’histoire de Fénélon aux
grands intérêts des peuples, de
l'humanité et de la religion, et
lui impriment un caractère d’élé-
valion et d'importance qu’on trou-
ve rarement dans une histoire par-
ticulière, ont été supérieurement
tracées par l’historien : éducation
du duc de Bourgogne, la longue
et déplorable querelle qui divisa
deux hommes tels que Bossuet et
Fénélon, enfin , la disgrâce dont
cette querelle fut la première ori-
gine, et ce long exil honoré par
tant de vertus et de grandeur d’à-
me. Ce qui attache surtout le lec-
teur, et soutient son attention
dans toute l’étendue de cet ou-
vrage, dont la longueur paraît
d’abord un peu hors de propor-
tion avec l’histoire d’un simple
particulier , ou, si l’on veut, d’un
grand évêque et d’un beau génie,
c’est que l’auteur sait y rattacher
avec beaucoup d'art et d’agré-
ment, des détails importans , des
vues générales , des tableaux éten-
dus et d’un intérêt public. IE pré-
sente ce beau siècle de Louis XEV,
non, à la vérité, dans ses rapports
politiques , militaires, extérieurs,
mais peut-être dans ses points de
(1) M. de Féletz; Notice sur M. de
ausset, dans le Journal des Débats
du 28 juin 1824.
BAU
vue les plus intéressans, et sous
ses aspects les plus curieux. 11
peint ces mœurs élégantes, cette
société spirituelle, celte cour tout
à la fois brillante , grave et polie.
Ilaime surtout à faire ressortir
certains nobles caractères, la plu-
part liésavec Fénélon, dont la re-
ligion et l’honneur réglaient tou-
jourssévèrement la conduite; qui,
dans le séjour de la dissimulation
et de la flatterie, où tout est
trop souvent sacrifié à la faveur,
donnèrent constamment l’exem-
ple du plus noble désintéresse-
ment, restèrent toujours fidèles à
l'amitié malheureuse, ne flattèrent
jamaisle vice triomphant,netrahi-
rent jamais ni leurs sentimens
ni la vérité, et, toujours respec-
tueuxenversleursouverain, furent
néanmoins toujours francs et sin-
cères. » —Enfin, l’auteur écrivait
lui-même à M. de Gravine : « Quel-
» que flatté que je puisse être de la
»bienveillance avec laquelle le
» public à accueilli l'Histoire de
» Fénélon , je n’ai point cherché à
»me dissimuler que son principal
» SUCCÈs est attaché à ce sentiment
»universel d'intérêt qu’inspirent
»toujours le nom et la mémoire de
» Fénélon. On est toujours sûr de
»plaire et de toucher lorsqu'on
» retrace un des plus beaux carac-
»tères qui aient honoré l’huma-
»nité. ( 2 octobre 1808. ) »— Les
bénéfices produits par l'Histoire
de Fénélon furent abandonnés par
l’auteur, au séminaire de Saint-
Sulpice, où son héros et lui-même
avaient reçu l’éducation sacerdo-
tale.
On avait cru remarquer dans
l'Histoire de Fénélon , qu’en par-
lant des longs démêlés qu'il eut
avec Bossuet, l'historien paraissait
BAU 25
trop pencher pour larchevêque
de Cambray, qui pourtant perdit
sa cause à Rome, et qu'il n'avait
pas assez ménagé la mémoire de
l’évêque de Meaux. M. d’Alais en-
tendit ces objections, et voulut y
répondre, en essayant d’élever à
Bossuet un monument pareil à
celui qu’il venait de terminer pour
Fénélon; mais cette fois , l'histo-
rien , toujours élégant et toujours
ingénieux, n’alteignit pas jusqu’à
la hauteur de son objet. En eftet,
l'esprit éminemment sage et cir-
conspect de M. de Bausset man-
quait de cet élan vigoureux et de
ces touches brillantes nécessaires
pour peindre le génie sublime et
fier de l’aigle de Meaux. Peut-être
aussi ce second ouvrage » t-il un
peu moins travaillé, et offre-t-il
plus de longueurs que le premier.
D'ailleurs, ici aussi bien que dans
l’ÆAistoire de Fénélon, les opinions
de l’auteur , qu’il avait puisées à
Saint - Sulpice, paraissent avoir
obscurei à ses yeux les faits his-
toriques , relatifs à diverses épo-
ques importantes de l’histoire
ecclésiastique du 157% siècle. Ces
points d'histoire sont devenus
l’objet d'attaques assez vives de
la part d'écrivains exercés à la
polémique, auxquelles l'historien
de Bossuet et de Fénélon ne ju-
gea point à propos de répondre.
Au reste, nous sommes bienloin
de vouloir insinuer que l’Histoire
de Bossuet soit un ouvrage sans
mérite; nous n’hésilons pas d’af-
firmer au contraire, qu’elle offre
le résultat de beaucoup de re-
cherches et de lectures, qu’elle
est à la fois agréable et instruc-
tive (1).
>
(1) Nous avons pensé qu'or lirait
24 BAU
Lors de la première organisa-
ici avecintérêt, unelettre irédrire adres-
sée à M. de Bausset par le feu Roi, à
l'occasion de l’Arstorre de Fénélon.
« À Paris , ce 3 janvier 1815.
» M. l'archevêque de Reims m'a
en efiet remis, Monsieur, votre Z1rs-
toire de Bossuet. Je l'ai reçue avec
bienveillance sans doute, mais avec
ayidité, et je me plains de mes occu-
pations , qui depuis huit jours m'ont à
peine permis d'achever la lecture du
premier volume. »
»Ecrire l’histoire de deux grands
hommes contemporains, également cé-
lèbres dans le même genre , unis d’a-
bord , puis divisés avec éclat, et, sans
jamais se contredire, les faire tous
deux chérir et respecter au même degré,
était un effort que Plutarque lui-
même n’osa pas tenter : vous l'avez
cependant entrepris. Je connaissais ,
j'aimais l'un de ces ouvrages, et si le
nom de l'auteur, la magie du style,
l'art de rendre historiques (ainsi que
Bossuet lui-même l’a fait dans ses Va-
siations ) les choses qui semblent le
plus étrangères au domaine de l’his-
toire ne me font pas illusion sur le
second , je crois dès à présent pouvoir
affirmer que jamais on nedira de vous:
magnis tamen excidit musis.
» Mais que dirai-je de votre lettre ?
Ce tableau qu’elle offre en peu de li-
gnes, ne déparerait ni le Discours sur
l'Histoire universelle, ni l'Oraison fn-
nèbre de la Reine d'Angleterre; mais
vous y tracez de moi un portrait
beaucoup trop flatteur; j'espère être
le faible instrument que, par un mou-
vement de sa volonté, le Dicu de
saint Louis a destiné à faire éclater sa
miséricorde sur la France; c'est bien
assez d'honneur pour moi, et j'ai be-
soin de chercher dans cette vérité des
armes contre l'amour - propre qu'un
suffrage tel que le vôtre ne serait que
trop capable de m'inspirer. Soyez bien
persuadé, Monsieur, de ma parfaite
estime et de tous mes sentunens pour
vous.
» Louis.
» À M l'ancien évêque d'Âlais. »
BAU
tion du chapitre de St.-Denis,
M. de Bausset en avait été nommé
chanoine de première classe , le
13 avril 1806. II fut aussi nommé
premier conseiller titulaire de
l’Université, lors de lPétablisse-
ment de cette institution, en
1808. L’ordonnance du 17 février
1815 donnait une organisation
toute nouvelle à l'Université, plus
conforme à l’esprit de la monar-
chie constitutionnelle : elle lui
donnait en même temps M. de
Bausset pour chef, en remplace-
ment de M. de Fontanes, sous le
titre de président du Conseil royal
de l'instruction publique. Le re-
tour inopiné de Bonaparte empê-
cha l’exécution de l’ordonnance,
qui est restée sans effet. Durant
les Cent jours, un décret impérial
restitua à M. de Bausset son titre
de conseiller titulaire de l’Uni-
ersité; mais le prélat n’en exerça
point les fonctions, et il habita la
campagne, depuis le 21 mars jus-
qu’au moment où les armées
étrangères vinrent environner
Paris.
Aussitôt après la première res-
tauration , en 1814, une commis-
sion d’évèques ayant été formée
pour s'occuper des affaires de lé-
glise de France, M. de Bausset en
futnommé membre, avec MM. de
Périgord , de Pressigny et Boulo-
gne : on leur adjoignit cinq ecclé-
siastiques du second ordre.Au mois
de novembre de la même année ,
l’on forma une seconde commis-
sion composée de neuf évêques ;
l’ancien évêque d’Alais fut encore
de leur nombre.Ces deux comimis-
sions ne produisirent point de ré-
sultats; mais M. de Bausset s’y
distingua par sa sagesse et sa MO-
dération , et il contribua peut-être
BAU
à dissiper quelques préventions
parmi des hommes absens depuis
long-temps, et qui ne connais-
saient pas bien l’état de l’église de
France. Lorsqu’en 1818 l’on ou-
vrit des négociations pour modi-
fier le concordat de l’année précé-
dente, la première réunion des
évêques se tint le 12 mars, chez
M. de Bausset; celle du lende-
main se tint aux Tuileries, et la
goutte empêcha le prélat d’y as-
sister. Au mois de juin suivant,
tous les évêques qui se trouvaient
à Paris réclamèrent contre la non-
exécution du concordat, Une lettre
fut rédigée pour cet objet, et pré-
sentée au Roi; elle porte la si-
gnature de M. de Bausset (dès
lors cardinal), et de trente-deux
archevêques ou évêques. En 1819,
les négociations recommencèrent;
une première réunion d’évêques
fut indiquée chez M. de Bausset;
mais elle fut différée par une in-
disposition de M. le cardinal de
Périgord. Il y eut deux assem-
blées d’évèques aux Tuileries, le
10 et le 11 mai. Sur la fin de ce
mois, les évêques arrêtèrent d’é-
crire au Pape; leur lettre, datée
du 50 mai, est signée des trois
cardinaux francais, et de soixante-
treize prélats institués ou simple-
ment nommés. Le 15 juin suivant,
ils écrivirent également au Roi en
faveur des intérêts de l’église de
France.Cette lettre futencoresous-
crite par les trois cardinaux et par
les prélats qui se trouvaient à Pa-
ris. Ces diverses réclamations im-
pliquaient une désapprobation as-
sez formelle des résistances que
le ministère de cette époque oppo-
sait aux prétentions des chefs du
clergé. M. de Bausset, dont l’es-
prit éclairé et conciliant aurait re-
BAU 25 -
douté une scission éclatante, hor-
mis le cas des motifs les plus gra-
ves et les plus pressans, modifiait
au moins dans les formes, les élans
du zèle de ses eollègues, et pour-
tant il se joignait définitivement
à eux, parce qu’il lui aurait sem-
blé pénible de s’en tenir séparé.
Toutefois, une occasion se pré-
senta où on ne le vit point mar-
cher à côté d’eux.
M. de Bausset avait été appelé
à la chambre des Pairs, lors de la
promotion du mois d’août 1815;
mais ses infirmités habituelles ne
lui ont permis d’assister aux séan-
ces qu’un très-petit nombre de
fois. Dans les premiers temps, le
peu d’évêques qui faisaient partie
de la chambre haute ne fréquen-
taient guere ses séances. Il n’en
fut pas de même lorsque les
partisans du système politique
du côté droit, mieux orgauisés,
et comprenant lPavantage qu'ils
pourraient tirer des formes du
gouvernement constitutionnel ,
commencèrent à former dans la
chambre des Pairs une opposition
systématique au ministère du 5
septembre. Les intérêts et les
sentimens du clergé ne tardèrent
pas à se trouver en jeu dans cette
lutte. Un projet de loi sur la liberté
de la presse avait été adopté
par la chambre des Députés : il
punissait les délits d’outrages à
la morale publique et religieuse,
commis par voie de publication.
PlusieursPairs demandèrentqu’on
y énonçât formellement en outre,
des peines contre les auteurs d’ou-
trages à la religion de l'Etat.
Cet amendement fut rejeté par
cent trois voix Contre quatre-
vingt-quatorze. En conséquence,
quatre évêques pairs de France ,
20 BAU
signèrent une protestation contre
le refus de mentionner expressé-
ment la religion de l'Etat, dans
la nouvelle loi. M. le cardinal de
Bausset fut le seul évêque de la
chambre haute qui ne signa pas
celle déclaration (1); non sans
(1) Les protestations des minorités,
écrites et signées, dans les assemblées
législatives , sont parfaitement régu-
hères et essenticllement légales, puis-
qu'elles sont un témoignage et un enga-
gcrment que les protestans appellent de
Ja décision rendue, à l'opinion publi-
que , et à unc autre assemblée où plus
hbre vu plus éclairée; non par consé-
quent, à la violence, qui seule trouble
l'ordre public et amënce la sédition.
Les protestations par écrit sont d'un
usage habituel sur toutes les questions
capitales, dans la chambre des lords de
la Grande-Bretagne. On n'a pas ou-
Llié les mémorables protestations des
minorités de l'Assembiée constituante,
non plus que celle de la minorité de la
Con’ention contre le 31 mai.Depuisla
Restauration, outre la protestation des
évêques dont il est question dans cet
article , nons avons vu Id protestation
de la minorité de la chambre des Pairs
contre l'application de la peine faite
an colonel Maziau, déclaré coupable
denon-révélation de complot, en 1821;
et la protestation de la minorité de la
chambre des Députés contre l'expul-
sion de M. Manuel, l’un de ses mem-
bres. Les protestations verbalessont 1ir-
régulières, et celles qui sont suivies de
désertion tournent ordinairement con-
tre leurs auteurs : i Assemblée consti-
tuante en offrit l'éclatantexemple. C'est
par une protestation de ce derniergenre
que le coté droit de la chambre des Dé-
putés essaya infructucusement , au
commencement de la session de 18:6,
de soutenir la pétition de la demoiselle
Robert pour son père , détenu en
vertu des lois d'exception votées du-
rant la session de 1815. Le côté gauche
de la même chambre a essayé, depuis,
le même moyen de résistance, et tou-
Jours avec aussi peu de succès.
* BAU
doute qu’il pensât autrement que
ses collègues, touchant le respect
dû à la religion, mais il n’avait
point assisté aux discussions ;
peut-être aussi qu’il ne voulut pas
appuyer de l’autorité de son nom
une démarche qui devait paraître
un acte éclatant d'opposition con-
tre le ministère de cette époque.
Il écrivit en conséquence à M. le
cardinal de Périgord, une lettre
où il exposait les motifs de sa
conduite.
Cette occasion ne fut pas la
seule où M. l’évêque d’Alaisexerca
de l'influence dans l’assemblée
dont il était membre. Un certain
nombre de pairs, d’une opinion
analogue à celle des députés qui,
dans l’autre chambre, se plaçaient
au centre droit, avaient pris l’ha-
bitude de se réunir chez M. de
Bausset, qu’on était trop certain
de trouver constamment retenu
chez lui par ses infirinités : là ils
s’entretenaient des sujets à l’ordre
du jour, et se concerlaient pour
leurs votes. Cette réunion fut
toujours peu nombreuse et néan-
moins très-influente, soit par la
position sociale des personnes qui
ja fréquentaient, soit par l'effet de
/ sa situation intermédiaire, qui lui
donnait en quelque sorte la dispo-
sition de la majorité, suivant
qu'elle se portait d’un côté ou de
l’autre, dans une chambre divisée
par deux partis presque égaux en
nombre. On a quelquefois désigné
dans le monde, les pairs de la réu-
nion de M. de Bausset, sous la
dénomination de cardinalistes.
M. le duc de Richelieu jouissait de
beaucoup de faveur dans ce salon,
et c’est avec un vif déplaisir qu’on
le vit, à la fin de 1821, se relirer
des affaires pour la seconde fois.
BAU
Samort,arrivée peu de moisaprès,
offrit à M. de Bausset l’occasion
de s’en expliquer assez clairement
à la tribune, le jour qu’il y fit lire
l'éloge de son noble ami, et les
regrets qu’il prodigua au ministre
tombé parurent causer quelque
émotion à ses successeurs.
Ces diverses indications suffi-
sent pour laisser comprendre que
M. le cardinal de Bausset, éclai-
rant son zèle par la science, en-
trevit les nécessités de notre épo-
que, et ne relusa d’y céder
qu'autant qu'il put concevoir des
alarmes pour l'intérêt de la reli-
gion ou pour ceux de la monar-
chie. C’est sans doute cette dispo-
sition à la bienveillance et à la
pais qu’un de ses panégyristes a
voulu indiquer lorsqu'il a dit que
«ses vertus pleines d’indulgence,
de charité, de tolérance, étaient
éminemment sociales; elles étaient
aussi éminemment religieuses ,
quoiqu’elles aient trouvé quelques
détracteurs dans des hommes qui
croient être plus religieux encore,
en privant la religion de ce qu’elle
a de doux, d’aimable, de conci-
liant, dattirant, de persuasif{1). »
On doit ajouter à cet éloge de
M. Pévèque d’Alais , qu’il aimait
les arts et les choses utiles, et les
encourageait autant qu’il dépen-
dait de lui. Ainsi, il eut beaucoup
de part au rétablissement de la
statue de Henri IV sur le terre-
plein du Pont-Neuf, et l’on dit
que la première idée de ce mo-
nument vint de lui; aussi fut-il
un des membres de la commission
quiendirigea et en surveilla l’exé-
cution.
(1) Journal des Débats du 28 juin
1824.
BAU 27
C’est dans le consistoire du 28
juillet 18:17 que M. l’évêque d’A-
lais fut décoré de la pourpre ro.
maine, sur la présentation de son
scuverain, et en mêmetemps que
MM. de Périgord etde la Luzerne.
Ces prélats furent les trois pre-
miers cardinaux présentés au
Saint-Siége par le roi de France,
depuis la restauration de sa mai-
son. Le Roï remit la barette à M. de
Baussetle 26 août,aveclessolenni-
tésd’usage (2),etattacha le titre de
duc à la pairie du prélat. Depuis;,les
plus éminentes distinctionsne ces-
sèrent de s’accumuler sur sa tête ;
il fut nommé commandeur des
ordres du Roi, lors de la promo-
tion du 50 septembre 1820, à
l’occasion de la naissance de M. le
duc de Bordeaux, et ministre
d'état, à la fin de 1821, après la
mort de M. le cardinal de la Lu-
zerne. 1l était entré dans l’Acadé-
mie française par l’crdonnance de
réorganisation de cette compa-
gnie , en 1816 (3).
M. le cardinal de Bausset se
trouva empêché, par ses infirmi-
tés toujours croissantes, de se
rendre au conclave du mois de
septembre 1823, où fut élu le
pape Léon XII. La goutte, qui
depuis si long-temps l'avait privé
de l'usage de ses pieds, lui para-
lysa aussi les mains, dans ses der-
(2) On trouve le discours du car-
dinal et la réponse du Roi dans le
Moniteur des 27 et 30 août 1817.
(3) M. de Quélen, archevêque de
Paris, a remplacé M. le cardinal de
Bausset à l’Académie francaise. On
trouve son discours de reception, con-
tenant l'éloge de son prédécesseur ,
ainsi que la réponse de M. Auger,
chancelier trimestriel de l’Académie ,
dans le Moniteur du 6 décembre 1824.
28 BAU
niers jours; en sorte qu’il ne pou-
yait plus écrire que par l’intermé-
diaire d’un secrétaire. Au com-
mencement du printemps de 1824,
l’altération de la constitution phy-
sique du prélat devint générale ;
l’estomac ne faisait plus ses fonc-
tions et refusait toute nourriture.
Ilavait fait promettre à M. le doc-
teur Portai, son médecin, de
l’avertir aussitôt que son état pré-
senterait du danger. On n'eut
presque pas besoin de recourir
avec lui aux précautions ordi-
naires. Depuis long-temps fami-
liarisé avec la mort, par l'habitude
de la maladie, il l’attendait avec
le calme d’une âme éclairée par
la foi, soutenue par l'espérance et
consolée par la charité. Plusieurs
fois depuis ses infirmités , il avait
fait célébrer la messe dans sa
chambre ; il recut les derniers sa-
cremens des mains de M. le curé
de Saint-Thomas-d’Aquin, son
confesseur, et expira doucement,
le fundi 21 juillet 1824, à huit
heures du soir. Son corps fut en-
seveli, suivant ses désirs, dans
Péglise des Carmes de la rue de
Vaugirard, et placé entre les cer-
cueils du cardinal de la Luzerne
et du saint prêtre Legris- Duval.
On a placé sur son tombeau l’épi-
taphe suivante.
D10. M
HOC. SUB. TUMULO. JACET.
LUDOVICUS. FRANCISCUS. DE BAUSSET,
Episcopus. quondam. Alesiensis.
Præsesq. universatis. studiorum.
uaus. à. quadranginta, viris. Academiæ. Gallicæ,
Basilicæ. S. Dionysii. canonicus. honorificus.
Regi. sanctioribus. a. consilliis.
ordinis. S. Spiritus commandator,
Dux. et. par. Franciæ.
S. R. E. Presbiter. Cardinalis.
vir
Pietate. sapientia. morum. lenitate.
sermonum. suavilate. acque, commendatus.
BAU
Religioni. regno. littæris. pariter. acceptus.
qui
Bossueti. Fenelonii. Historias.
Elegantori. stylo. conscripsit.
Eorum. doctrinæ. virtutis. ingeniiq.
Discipulus. narralor. et. æmulus.
Natus Ponticerii. XIV. die. decembris.
Anu. MDCCXL VIII.
Obiit. Lutetiæ. XXI. die junii.
Ann. MDCCG XXIV.
L’éloge de M. le cardinalde Baus-
set, écrit par M. l’abbé de Mon-
tesquiou, a été lu à la tribune de
la chambre des Pairs, dans la
séance du 2 août 1824 (imprimé
à part, par ordre de la Chambre,
et dans le Moniteur du 6 août
1824). — L’oraison funèbre du
prélat a été prononcée le 13 juil-
let 1824, dans l’église métropoli-
taine d’Aix, par M. l’abbé Chris-
tine, chanoine de cette église, en
présence de M. de Bausset de Ro-
quefort, archevèque d’Aix, proche
parent du défunt. — On trouve
une Notice sur le cardinal de
Bausset, dans Ami de la Religion
et du Roi. t. XL, p. 275 et 560.
Cette notice, enrichie de quelques
augmentations , a été imprimée à
part, chez Adr. Leclère, 1824,
in-8. — On à aussi imprimé à
part:
Notice historiquesur S. E. Mgr.
L. Fr. de Bausset, cardinal-prétre
de la Sainte-Eglise Romaine, etc.,
elc., rédigée d’après les documens les
plus authentiques et Les lettres auto-
graphes adressées à l’auteur ; par
J. F, de G. (Gravine). Marseille,
Acbard; et Paris, Adr. Leclère ,
1924; in-8, de 72 pages.
Cette notice est principalement
intéressante par les lettres du car-
dinal à l’auteur, qui s’y trouvent
imprimées en grand nombre.
Notice biographique sur S. E.
Mgr. le cardinal duc de Bausset ,
1
BAU
lue en séance publique dW académie
de Marseille, le dimanche 29 août
1824, par son président, M. le
comte de Villeneuve, préfet du dé-
partement des Bouches-du-Rhône.
Marseille , Achard ; in-8, d’une
demi-feuille.
Il existe un beau portrait de
l’évêque d’Alais , peint à demi-
corps, assis, par Labby. Il a été
gravé par Dequevauviller. — On
trouve aussi un portrait du cardi-
nal de Bausset , dans la collection
des membres de l’Institut, litho-
graphiée par À. Boilly.
Liste des ouvrages de L. Fr. de
Bausset.
I. Lettre à M. le Curé de...
(27 novembre 1790 ). 52 pages
in-8. É
L’évêque d’Alais déclarait dans
cette lettre, adopter l'instruction
pastorale de M. Asseline, évêque
de Boulogne, du 24 octobre pré-
cédent, sur l’autorité de l'Eglise,
et dirigée contre les décrets de
l’Assemblée constituante,relatifs à
la Constitution civile du clergé.
IT. Lettre pastorale (12 mai
1791). 85 pages in-8.
Relative aux mêmes matières
que la lettre précédente.
HI. Réflexions sur la déclaration
exigée des ministres du culte, par la
loi du 7 vendémiaire an IV, 1506;
in-8, de 16 pages.
Cet écrit ne parut pas d’abord
en entier, et M. Emery, qui le
publia, rédigea l'Avertissement, et
en crut devoir supprimer une par-
tie, qui avait rapport au serment
de liberté.et d'égalité , lequel n’é-
tait plus exigé des ecclésiastiques;
mais la totalité de l’écrit vit le jour
l’année suivante ; sous le titre
BAU 29
d’'Exposé des principes sur le ser-
ment de Liberté et d'Egalité et sur
la déclaration , etc. Paris, Guer-
bart; in-8 , de vi et 171 pages.
IV. Lettre aux V'icaires-géné-
raux du diocèse d’Alais (24 dé-
cembre 1801). 34 pages in-8. —
Relative au concordat de 1802.
V. Notice historique sur S. E.
M gr. le cardinal de Boisgelin. 1804;
in-12. — Réimprimée en tête de
l’édition des Œuvres du cardinal
de Boisgelin. Paris, Guitel, 1818;
in-8.
M. de Crouseilhes, grand-vi-
caire de M. de Boisgelin, et depuis
évêque de Quimper, étant dans
l'intention de donner une notice
sur le cardinal , fit &äemander des
notes à M. de Bausset; les ayant
obtenues, il crutne pouvoir mieux
faire que de les publier. C’est donc
par erreur que nous avons attribué
la Notice historique sur M. de
Boisgelin, à M. de Crouzeilhes lui-
même (voyez son article Annuaire
Nécrologique de 1825, pag. 8o);il
n’en a été que l'éditeur.
VI. Histoire de Fénélon, arche-
vêéque de Cambray, composée sur Les
manuscrits originaux. 1808, 5 vol,
in-S. — Seconde édition, revue,
corrigée et augmentée. 1809, 3 vol.
in-8.— Troisième édition , ornée du
portrait de Fénélon. Paris, Le
Normant, 1817 ; 4 vol. in-8. —
Quatrième édition, revue et corrigée.
avec une table générale des matières.
Paris, Lebel, 1823 ; 4 vol. in-12.
(Voyezle Journal des Débats, du
25 mars 1808). — Traduit en an-
glais, par W. Mudford, Londres,
1810, 2 vol. in-8.
M. Tabaraud a publié : Lettre
à M. de Bausset, ancien évêque
d’ Alais, etc., pour servir de sup-
plément à son Histoire de Fénélon
30 BAU
Paris, Brajeux, 1809; in-8. —Et
une Seconde Leitre au même, sur
le même sujet. Limoges, Barbou,
1810; in-8. ( Voyez ci-après le
n° VII.)
VII. Histoire de J. B. Bossuet,
évêque de Meaux , composée sur les
manuscrits originaux. Paris, Le
Normant, 1814; 4vol. in-8, avec
portrait. — Deuxième édition, re-
vue el corrigée, elc.; 4 vol. in-8
et in-12.
M. Tabaraud a publié : Supplé-
ment aux Histoires de Bossuet et
de Fénélon, composées par M. le
cardinal de Bausset, où les textes
cilés dans ces histoires sont rétablis
dans leur intégrité, et les faits re-
placés dans leur ordre convenable.
Paris, 1822, Delestre-Boulage ;
in-8, de trente-trois feuilles un
quart.
VIII. Notice sur La vie de l’abbé
Legris-Duxal, prédicateur ordi-
naire du Roi (en tête de l'édition
de ses Sermons). Paris, Leclère,
1820 ; 2 vol. in-12.
Cette notice, qui a plus de 200
pages, fut écrite à la sollicitation
de M. le duc et de M"° ja du-
chesse de Doudeauville.
IX. Nolice historique sur S. E.
Mar. A. A. de Talleyrand, car-
dinal de Périgord, archevéque de
Paris, etc. Versailles, Lebel, et
Paris, Adr. Leclère, 1821 ; in-8,
de 114 pages. — Anonyme.
X. Notice sur M. le duc de Ri-
chelieu. — Discours de Mgr. le car-
dinal duc de Bausset, à l’occasion
de la mort de M. le duc de Riche-
lieu, prononcé à la chambre des
Pairs, le 8 juin 1822. Paris,
Dentu, 1822; in-8, de 47 pages.
— L'édition originale , sortie des
presses de P. Didot l’aîné, impri-
mée par ordre de la chambre des
BEA
Pairs., a été distribuée, mais non
mise en vente.
M. le cardinal de Bausset s’oc-
cupa, dans ses derniers temps,
d’une Histoire du cardinal de
Fleury, et il avait réuni une assez
grande quantité de matériaux pour
cet ouvrage. Mais les accès deve-
nus plus fréquens, de sa goutte, et
limpossiblité où il se trouvait
souvent, de faire usage de ses
mains. le forcèrent de renoncer
à son travail. On doit d'autant plus
le regretter, que ce nouveau sujet
paraissait parfaitement approprié
à la nature de l'esprit et du ta-
lent de l'historien.
BEAUCHÈNE (Enme-Prenre-
CHauvor DE), naquit aux Achar-
‘lis, près de Villeneuve-le-Roi,
département de l’Yonne ; il entra
d’abord dans l’état militaire , qu’il
abandonna pour se livrer à l'étude
de la médecine. C’est à Montpel-
lier qu'il fut recu docteur. Au
commencement de la Révolution
il en embrassa les principes, et
fut élu membre de la communede
Paris , en 1789, et même député
vers les princes à Coblentz, pour
les inviler à rentrer en France.
On lit le passage suivant, dans la
Relalion d’un voyage à Bruxelles
el à Coblentz , qu’on sait être une
production de la plume du feu roi.
«nous fallait un passe-port;mais
la difficulté était de lavoir sans
nous compromettre. Ma première
idée fut d’envoyer chercher Beau-
chêne, médecin de nos écuries,
qui avait des rapports avec M. de
Montmorin et M. de la Fayette,
et de lui dire que deux prêtres
non sermentaires de ma connais-
sance, effrayés de ce qui venait
récemment de se passer aux Théa-
BEA
tins, voulaient sortir du royaume,
sous le nom de deux Anglais , et
que je le chargeais de faire avoir
un passe-port, au bureau de M.de
Montmorin. D’Avaray ne goûta
pas cette idée; il me représenta
que Beauchêne , qui est fin , pour-
rait avoir quelques soupçons de
ce que nous avions tant d'intérêt
de cacher, et j’abandonnai ce pro-
jet... » (pag. 18,1" édit. de Bau-
douin frères ;}. On voit que si
M. Beauchêne était patriote, il
n’était pas jacobin. Aussi, en 1592,
il se retira à Sens, et passa les
jours les plus orageux dans une
terre qu’il avait achetée près de
cette ville. Il parut à la société
populaire ; mais l'intérêt de sa
sûreté put exiger de lui cette dé-
marche ; d’ailleurs, il ne craignit
pas de s’y opposer à un projet
d'adresse, au sujet de la mort de
Louis XVI. On dit aussi, qu'il
eut à subir une courte détention.
Deretour à Paris,après les derniers
excèsdurégimedelaterreur,Beau-
chêne s’y reconstitua une clien-
telle, la Révolution ayant dispersé
les élémens de la première qu'il
avait su s’acquérir. Il obtint suc-
cessivement les titres et fonctions
de médecin en chef de lhôpital
militaire du Gros-Caillou, du
Corps législatif, de l’École nor-
male, du Bureau de bienfaisance
de sasection, de médecin consul-
tant du Roi, membre de l’Aca-
démie royale de Médecine et de
la Légion-d’honneur. 11 avait été
compris dans la formation d’une
commission , créée par l’ordon-
pance du 9 novembre 1815 ,
pour rendre compte au Roi de
l'état de l’enseignement, dans les
écoles de médecine et de chirur-
gie; mais ce projet resta sans ré-
BEA 51
sultat.LaRestauration ne retrouva
plus M. Beauchêne patriote de
89. Au contraire , il professait,
dans ses dernières années, les
opinions les plus décidées du côté
droit, et il écrivit des articles de
journaux dans ce sens , principa-
lement dans la Quotidienne. X\ pu-.
blia aussi un recueil de Maxiies
et pensées ,; à la manière de La
Rochefoucault et de Vauvenar-
gues. L'idée en est quelquefois in-
génieuse et l'expression piquante.
Attaqué de la pierre, il en sup-
porta les douleurs pendant trois
ans, sans risquer l'opération.
Frappé tout à coup, par les pro-
grès inaperçus de la maladie, il ne
fut que deux jours au lit. II de-
manda les sacremens de l'Eglise,
les reçut avec l’expression des
plus vifs sentimens de foi , et
expira le 24 décembre 1824.
Lisle des ouvrages de Ed PCR:
de Beauchéne.
I. De l'influence des affections ae
l’âme sur les maladies nerveuses
des femmes, avec le traitement qui
convient à ces maladies. Amsterdam
el Paris, 1781 , in-8. — Nouvelle
édit. 1585, in-8. — 1598, in-8.—
Trad. en allemand, Leipzig, 1784,
in-S.
IE. Observations sur une maladie
nerveuse, avec compliculion d’un
sommeil , tantôt léthargique , tan-
tôt convulsif. 1585, in-8.
IT. Maximes , réflexions et pen-
sées diverses. Paris, Goujon, 1815;
un vol. in-18, de six feuilles (ano-
nyme).— Deuxième édit. corrigée et
augmentée,avecle nom de l’auteur.
Paris, Nicole, 18:8;in-12, de neuf
feuilles.— Troisième édition, Paris,
Goujon , 1819; in-12, de onze
L
32 BEA
feuilles. — On lit au sujet de cette
édition, la note suivante , dans la
Bibliographie de la France , rédi-
gée par M. Beuchot. — « Ce n’est
point une réimpression : on à
changé le frontispice et fait quel-
ques additions à la fin du volume.»
— Quatrième édition, corrigée ét
augmentée. Paris ,; Goujon ,
1821; in-12, de onze feuilles un
sixième.
: BEAUHARNAIS ( Euvcëne DE),
fils du vicomte Alexandre de
Beauharnais , l’un des plus illus-
tres patriotes de l’Assemblée con-
stituante, et de Joséphine Tas-
cher de la Pagerie, naquit en
Bretagne , le 5 septembre 1780.
Agé seulement de quatorze ans,
lorsque Ia faux révolutionnaire
lui ravit son père, il se trouva
uninstant, à peu près abandonné.
« Lors de la terreur, nous raconte
» Napoléon ,; Joséphine étant en
»prison, son mari mort sur l’e-
»chafaud, Eugène son fils avait
»été mis chez un menuisier , et y
»fut littéralement en apprentis-
»sage et en service » {1). Quand
les temps devinrent meilleurs , le
jeune Beauharnais fut placé à
Saint-Germain-en-Laye, dans
un pensionnat privé, tenu par
M. Mestre, chez lequel il reçut
Péducation qu’on donnait alors
communément en France. On
rapporte que lors du désarme-
ment ordonné après l’insurrec-
tion du 13 vendémiaire, Eugène
vint lui-même chez le général
Bonaparte , solliciter la remise de
l’épée de son père; il l’obtint,
(1) Mémorial de Sainte-Hélène. par
le comte de Las Cases. t. HI , p.358.
BEA
et l’on ajoute que cet incident
héroïque et romanesque fut le
premier fil de la liaison intime
qui unit bientôt après (février
1796) Napoléon et Joséphine.
Bonaparte nommé général en
chef de l’armée d'Italie, appela
près de lui son beau-fils. De-
puis, il l’entraîna avec lui vers
la fortune. Après le traité de
Campo-Formio , Eugène fut en-
voyé en mission à Corfou, pour
traiter avec Îles envoyés d’Ali-
Pacha. Passant par Rome ,; à
son retour, il faillit périr dans
l'émeute populaire qui coûta la
vie au général Duphot. Il ac-
compagna Bonaparte en Egypte ;
à Malte, il s’empara du seul
drapeau de la Religion ; que la
prompte cessation des hostilités
ait permis à l’armée républicaine
de conquérir. Pendant la cam-
pagne d'Orient, il fit constam-
ment le service le plus actif, et
se trouva aux actions les plus
meurtrières , à l'assaut d’Alexan-
drie , à la bataille des Pyramides,
à la révolte du Caire, au combat
d’El’Arish, à la prise de Jaïfa, à la
bataille d’Aboukir. Il fut blessé à
la tête d’un éclat de bombe, au
premier assaut de Saint-Jean-
d’Acre, et resta quelque temps
sous les décombres d’une mu-
raille écroulée. Eugène revint en
France avec son général, versla fin
de 1599. Nommé chef d’escadron
dela garde des Consuls, après Île
18 brumaire, il fit la campagne de
Marengo et s’y distingua par son
courage et son intelligence. Colo-
nel du même régiment, avec le
grade de général de brigade, en
1804, il aceompagna Bonaparle
dans plusieurs voyages. Il fut dé-
claré prince français , à l'époque
BEA
de la fondation de la monarchie
impériale , et reçut encore le titre
d’archichancelier d’état, le 1% fé-
vrier 1805. Napoléon ayant érigé
le royaume d'Italie, le 26 mai de
la même année, nomma, en juin
suivant , le prince Eugène vice-
roi de ce nouvel état , qu’il orga-
nisa sur le modèle de la France
et suivant l'esprit de sa politique.
Au mois de septembre, la guerre
éclata entre la France et lAu-
triche. Le prince Eugène resta
dans les états d'Italie, menacés
par larchiduc Charles , à l’habi-
leté duquel Napoléon crut devoir
opposer la vieille expérience de
Masséna: Eugèéneétaitalorsà peine
âgé de vingt-cinq ans. Après la
victoire d’Austerlitz, Napoléon
passa par Munich, fit roi l'électeur
de Bavière.,et lui demanda sa fille,
la princesse Auguste - Amélie ,
pour Eugène, qu'il déclara son
successeur à la couronne d’Ftalie,
en même temps qu'il Padoptait
pour son fils, le 12 janvier 1806.
Bientôt les Etats vénitiens furent
réunis au nouveau royaume d’I-
talie, et Eugène Napoléon créé
prince de Venise.
Lorsqu’en 1809, les hostilités
éclatèrent de nouveau entre la
France et l'Autriche , Eugène fut
mis à la tête de l’armée d'Italie,
et se porta sur la ligne de Trente,
que le général Joubert avait dé-
fendue quelques années aupara-
vant. L’archiduc Jean, comman-
dant l’armée autrichienne, forte
de plus de soixante mille combat-
tans, avait établi son quartier-
général à Malborghetto. Les trou-
pes françaises et italiennes s’éle-
vaient à peine à quarante mille
hommes : cette infériorité de forces
fut la principale cause des revers
BEA 35
qu’éprouva l’armée d’Italie,;au dé-
but de la campagne : ses avant-
postes furent forcés de se replier
sur le Tagliamento : Eugène fut
battu à Sacile, et, comme il le
disait lui-même avec ingénuité :
« Jamais bataille ne fut plus com-
»plètement perdue. » Mais déjà
son génie militaire s'était déve-
loppé : il ressemblait beaucoup à
celui de Moreau; il égalait sa pru-
dence et aspirait à son habileté.
Les Autrichiens s’avancèrent ra-
pidement sur Udine; poursuivi
jusqu’à Vérone, le vice-roi retran-
cha son armée dans la position de
Caldiero. Les Autrichiens, entrés
dans Padoue, se préparèrent à
tourner les redoutes placées sur
les hauteurs; mais cette attaque
leur réussit mal; ils ne parent em-
porter la position, et furent re-
poussés partout où ils se présen-
térent. Cette affaire, où les troupes
francaises et italiennes dévelop-
pèrent une rare intrépidité, coûta
la vie au général de brigade Sor-
bier. aide-de-camp du prince, à
l’habileté duquel on devait surtout
cet important avantage. Néan-
moins, la situation de l’armée du
vice-roi était loin d’être favorable.
Napoléon, instruit de ce qui se
passait en Italie, y envoya le ma-
réchal Macdonald , pour s’y con-
certer avec le prince Eugène sur
les opérations subséquentes. Ce-
pendant l’armée d’Allemagne ,
commandée par lPEmpereur en
personne, marchait de victoire en
victoire : les nouvelles qui en par-
vinrent au quartier-général de
l’archiduc Jean décidèrent ce
prince à effectuer, dès le 1°° mai
1809, sa retraite sur les états hé-
réditaires. Les troupes franco-.
italiennes, divisées en trois corps,
LA
d
54 BEA
se mirent aussitôt à sa poursuite.
Le vice-roi commandait le centre,
le général Baraguey d’'Hilliers la
gauche, et le général Macdonald
la droite, en marchant sur la di-
rection de Goritzia. L’arrière-
garde autrichienne engagea quel-
ques affaires de peu d'importance,
pour retarder la marche de Par-
mée française, et donner à lar-
chidue le temps d'assurer sa re-
traite; il y eut même un combat
assez wif à Saint-Daniel, dans la
vallée de la Sella. Le 17 mai, le
fort Malborghetto fut enlevé; on
se battit ensuite à Tarvis, sur les
bords de ia Schlitzer, où les Au-
trichiens firentune vive résistance.
Dans ces différentes affaires, les
troupes franco-italiennes furent
constamment victorieuses. Vers
cette époque, arriva de Vienne le
général d’Anthouard,premier aide-
de-camp du vice-roi, apportant
la nouvelle que Napoléon était
entré dans la capitale de l’em-
«pire autrichien. Cet événement
important, en redoublant l’acti-
vité et le courage de l’armée du
vice-roi, affaiblissait, dans une
proportion égale, les forces mo-
rales de l’armée de l’archidue. En
même temps que le prince Eugène
prenait possession de la ville de
Clagenfurth , le gencral Jella-
chich, dans l'impossibilité de ré-
sister à Napoléon en Allemagne ,
se portait en toute hâte sur Leo-
ben, avec huit mille hommes ,
dans l'espoir de se réunir à l’ar-
chiduc Jean, et de battre le vice-
roi, qui s’avançait sur la même
ville. Les deux armées se rencon-
trèrent le 25 mai, sur la route qui
conduit de Kanittelfeld à Léoben.
L'armée de JeJlachich fut mise
dans une déroute ecmplète. A la
BEA
suite de ces grands avantages, le
prince Eugène pénètre en Hon-
grie , réussit à arrêter long-temps
la marche de l’archidue, lui livre
bataille le 14 juin, à Raab, dans la
même position où, près d’un siè-
cle et demi auparavant, Monte-
cuculi avait remporté une victoire
signalée sur les Turcs, et obtint
un succès complet. La nouvelle
victoire de Raab était d’autant
plus importante pour le vice-roi,
qu’elle délivrait de tout danger les
derrières de son armée. Napoléon,
qui n’était pas sans quelque in-
quiétude sur cette armée, avait
envoyé le général Lauriston, avec
un corps d’observation,pour éclai-
rer sa marche. Ce fut seulement
à Bruck ( haute Styrie) que les
chasseurs des deux armées, en-
voyés de part et d'autre à la dé-
couverte, se rencontrèrent. Le
corps du général Lauriston se
réunit à l’armée du vice-roi, et ce
prince, qui était à Vienne le 26
mai, se rendit, le lendemain 27,
àaEbersdorff,où se trouvait Le quar-
tier-général de Napoléon. Celui-
ci, à la nouvelle de la victoire de
Raab, qu’il appelait une petite fille
de Marengo, s'écria : «Je savais
»bien en quelles mains j'avais re-
»mis mon épée! » Il adressa à
l’armée d'Italie une proclamation
d’une éloquence pittoresque, et
qui commençait par ces mots :
« Soldats de l’armée d'Italie ,
»soyez les bienvenus! je suis
» content de vous. » Le bulletin de
la Grande Armée ,en date du len-
demain , 28 mai, contient un
brillant éloge du vice-roi. Il y
était dit « que ce prince avait fait
»preuve, pendant la campagne,
» de toutes les qualités qui consti-
»tuent les plus grands capitai-
BEA
»nes(1).» On avait imprimé à Mi-
lan une histoire de cette campagne
d'Italie, racontée tout à l’avan-
tage du vice-roi; mais celui-ci fit
supprimer l’ouvrage, pour éviter,
à ce qu'on croit, de causer de
Pombrage à Napoléon. Le prince
Eugène donna encore, lors de la
bataille de Wagram, livrée le 6
juillet 1809 , de nouvelles preuves
de ses talens militaires et de son
courage.
Au mois de décembre 1809, le
prince Eugène fut appelé à Paris,
afin de recevoir communication
du projet que Napoléon avait
conçu,de divorcer ayecJoséphine,
et afin de sanctionner par sa pré-
sence cet acte irrégulier autant
qu'offensant pour son nom et pour
son sang. Bien qu’on eût obtenu
péniblement le consentement de
Joséphine, néanmoins la posi-
tion d’un fils en pareille circons-
tance devenait singulièrement dif-
ficile ; l'absence et le silence sem-
blaient lui convenir; mais au
contraire , il était dans le carac-
tère de Napoléon d’exiger une
approbation plus éclatante, à me-
sure que ses actions devaient pa-
(1) « Il est rare et difficile de réu-
nir toutes les qualités nécessaires à un
grand général. Ce qui est le plus né-
cessaire , C'est que chez lui, l'esprit soit
en équilibre avec le caractère ou le
courage. Si le courage est de beaucoup
supérieur, le général entreprend vi-
cieusement au-delà de ses concep-
tions ; et au contraire , il n'ose pas les
accomplir , si son caractère où son cou-
rage demeure au-dessous de son esprit.
Cet équilibre était le seul mérite du
vice-01, et suffisait néanmoins pour
en faire un homme très-distingué. »
( Mémorial de Sainte-Hélène , par le
comte de Las Cases. t, 11. p. 17.)
BEA 35
raître plus susceptibles de blime.
Des biographes indulgens ont loué
les sentimens d’Eugène en cette
circonstance. Nous ne doutons
point de leur générosité; mais, à
n'en juger que d’après les faits
extérieurs, il semble que le cour-
tisan l’emporta sur le fils. Eugène
assista à l’assemblée de la famille
impériale, convoquée dans le ca-
binet de l'Empereur, pour déli-
vrer à l'archichancelier, faisant
les fonctions d’oflicier de l’état-
civil, le consentement des époux
à leur séparation. La signature du
fils se lit au bas de cette déclara-
tion, à côté de celle de la mère.
Il vint ensuite prendre séance au
Sénat, où il souffrit que le prési-
dent le complimentit de ce qu'il
« faisait taire les sentimens privés
» devant l'intérêt des peuples. » Le
Sénat prononça le divorce de Na-
poléon et de Joséphine. Un petit
nombre d'hommes consciencieux
osa protester par ses votes, contre
cette décision : Eugène ne fut pas
de ce nombre.
Le 5 mars 1810 , le territoire et
la ville libre de Francfort ayant
été érigés en grand-duché, le
Prince-Primat fut déclaré grand-
duc, et ce titre reversible après sa
mort,;sur la tête du prince Eugène.
Celui-ci gouvernait paisiblement
le royaume d’Italie , lorsque l’ou-
verture de la dernière campagne
de Russie le fit appeler au com-
mandement du premier corps de
la Grande Armée, qui franchit le
Niémen, au mois de juin 1812. Il
justifia de nouveau et à plusieurs
reprises la réputation de bravoure
qu'il s'était précédemment acqui-
se, notamment aux combats d’Os-
trowno, de Witepsk, de la Mos-
kowa, et surtout à la bataille de
#
36 BEA
Malojaroslavetz, où il soutint seul
l'effort de toute l’armée ennemie.
Dans la retraite désastreuse qui
suivit de si près l'invasion, il fut
l’un des chefs qui montrèrent le
plus de fermeté d'âme et de dé-
vouement personnel. Quoiqu'il
souffrit beaucoup d’une infirmité
grave , il n’abandonna pas un ins-
tant les restes de son corps d’ar-
mée, partagea les fatigues et les
privations du soldat qui, plus
d’une fois, le vit marcher à côté
de lui, à l’arrière-garde , le fusil
sur l’épaule. Napoléon rendit la
plus éclatante justice à la conduite
d’Eugène dans cette pénible re-
traite, et même il eut le tort de
ne point assez ménager l’amour-
propre de Murat, par des compa-
raisons peu flatteuses des talens
de ce dernier avec ceux de son
beau-fils. Ces imprudences du
mécontentement et de lorgueil
blessé occasionèrent le départ
précipité du roi de Naples pour
"ses états, et préparèrent de loin
sa séparation de Napoléon. Après
le départ de l'Empereur et de
Murat, le commandement en chef
de la Grande Armée passa dans les
mains du vice-roi d'Italie. Il ter-
mina la retraite en aussi bon ordre
que le permettait l’état déplorable
de l’armée, et la ramena jusqu’à
Magdebourg, à travers les troupes
ennemies et les difficultés de toute
nature. C’est dans cette ville qu’il
s'arrêta; mais ce ne fut pas sans
peine ni sans habileté qu’il parvint
à conserver la ligne de l’Elbe, du-
rant quatre mois, jusqu’à l’ouver-
ture de la campagne de 1813.
Le 2 mai de cette année, Eu-
gène commanda à Lutzen l'aile
gauche de la Grande Armée, et le
5 du même mois, il entra le pre-
BEA
mier dans Dresde, à la tête de ses
troupes momentanément victo-
rieuses. Le 12, ilrecut l’ordre de
retourner en Italie , et de s’y dis-
poser à soutenir une nouvelle
campagne contre les Autrichiens,
qu’on savait être sur le point d’en-
trer dans la coalition. En peu de
jours, les conjectures furent chan-
gées en certitude.Les Autrichiens,
commandés par le vieux général
Hiller, se présentèrent sur les
frontières de lIllyrie, et s’avan-
cèrent avec une lenteur prudente.
Le vice-roi, posté sur la ligne de
l’Izonzo, adressa aux Italiens, de
son quartier-général de Gradisca ;,
une proclamation qui les appelait
aux armes , au nom de l’indépen-
dance italique, si constamment
menacée par lAutriche. Mais à
celte époque, les peuples étäient
trop fatigués par des guerres ini-
ques et sans cesse renaissantes ,
aussi bien que par les pénibles sa-
crifices qu’elles entraînent, pour
entendre cette vérité. Les soldats
ne se présentaient que par force,
et ils désertaient en foule. Les
armes et les magasins n'étaient
pas moins épuisés que les soldats,
C’est dans ces circonstances que
Eugène, instruit des négociations
entamées entre le roi Joachim et
le cabinet de Vienne, s’empressa
d'informer Napoléon qu'il aurait
bientôt un nouvel ennemi à com-
battre.
Cependant , les Autrichiens
avaient pris l'offensive. À la vérité,
la guerre se soutenait en Italie
avec des chances presque égales ;
et néanmoins l’armée franco-ita-
lienne se repliait sans cesse, en li-
vrant de continuels combats. Sur
ces entrefaites, le général Hiller ,
dont on accusait la lenteur, à
BEA
Vienne, ayant été rappelé, le ma-
réchal comte de Bellegarde vint
prendre le commandement de
l’armée autrichienne, et sembla
en effet donner une impulsion
plus active aux opérations. Un as-
sez long-temps s’écoula en affaires
journalières , dont pas une n’était
décisive ; mais les pertes récipro-
quesétaient loin d’être compensées
du côté des Italiens; car tandis
que l’armée autrichienne recevait
des renforts continuels par le Ty-
rol, que la nouvelle politique de
la Bavière venait de [ui ouvrir,
celle d'Italie au contraire, privée
de toute espèce de ressources,
voyait sa force morale avec sa
force numérique s’affaiblir dans la
même proportion. Le vice-roi fut
donc obligé de se retirer succes-
sivement sur l’Izonzo et sur l’A-
dige ; enfin, la défection du roi de
Naplesle forçaàse replier derrière
le Mincio, où il se maintint jus -
qu’à la fin de la campagne. Ses
deux adversaires réunis avaient à
lui opposer des forces plus que
triples des siennes; cependant il
battit les Autrichiens sur le Min-
cio, et les Napolitains sous les
murs de Parme. Mais ces avan-
tages, toujours achetés bien cher
dans l’état de dénuement où il se
trouvait, lui devenaient définiti-
vement plus funestes qu’utiles.
Enfin, la nouvelle de l’entrée des
armées Coalisées dans Paris, mit
un terme à la guerre, que le vice-
roi ne pouvait soutenir plus long-
temps, à la tête d’une armée dé-
couragée, mécontente et sans
solde. Déjà des relations amicales
avaient commencé de s'établir
avec le feld-maréchal de Belle-
garde, qui était venu lui rendre
visite à Mantoue. et avait con-
k
BEA 57
senti à tenir sur les fonts une fille
dont la vice-reine était accou-
chée. On suppose qu’au milieu de
ces événemens, Eugène conser-
vait encore l'espoir de rester pos-
sesseur de la couronne d'Italie,
lorsque des mouvemens popu-
laires très-violens le contraigni-
rent à sauver, non sans peine, sa
personne et sa vie.
Il se trouvait à Mantoue, où il
avait fait transporter ses effets les
lus précieux, lorsque le bruit se
répandit à Milan,que dansleSénat,
dans l’armée , un parti considé-
rable le demandait pour roi, et
que des députations étaient par-
ties vers le quartier-général des
souverains alliés, afin d'appuyer
ces réclamations. Tout à coup une
émeute violente éclata, le 20 avril,
dans la capitale de la Lembardie ;
elle était dirigée principaiement
contre le ministre Prina, dont
le nom était maudit par toute
l'Italie inférieure, comme le con-
seiller et l'agent principal des
mesures fiscales qui dépouillaient
ce pays, et quiétait représenté en
outre, dans ce moment, comme le
principal agent d’'Eugène dans le
Sénat. La populace déchainée sac-
cagea le palais du Sénat, et Prina
périt cruellement déchiré de leurs
mains. A cetteépoque,les patriotes
Italiens furent punis, par la perte
momentanée de leur popularité,
de s’être attachés trop aveuglé-
ment à un sceptre qui ne leur
procurait qu’une nationalité no-
minale , sans justice et sans li-
berté ; ils le furent plus cruelle-
ment encore, en se voyant en-
trainés par ce peuple imbécille ,
sous le joug pesant de l'Autriche.
On avait encore répandu que Île
vice-roi, en quittant l'armée , était
,
38 BEA
venu jusqu'aux portes de Milan ;
mais qu’apprenant ce qui s’y était
passé, il avait retrogradé sur-le-
champ. Le vice-roi, qui n’avait pas
été sans inquiétudes , dès que les
premières étincelles du mécon-
tentementpopulaire s'étaient ma-
nifestées, fitses dispositions pour
passer en Bavière. Il donna en-
suite des ordres pour le départ de
l'armée française, ,à laquelle il
laissa la proclamation suivante :
« Soldats Français ! de longs
» malheurs ont pesé sur notre pa-
»trie. La France, cherchant un
»remède à ses maux, s’est repla-
»cée sous son antique égide : le
» sentiment de toutes ses souf-
»frances s’efface déjà pour elle
» dans l'espoir, si nécessaire après
»tant d’agilations. En apprenant
» la nouvelle de ces grands chan -
»gemens , votre premier regard
»s’est porté vers cette mère ché-
»rie qui vous rappelle dans son
» sein. Soldats Français! vous allez
»reprendre le chemin de vos
» foyers : il n’eût été bien doux
»de pouvoir vous y ramener :
» dans d’autres circonstances, je
» n’eusse cédé à personne le soin
» de conduire au terme du repos
»les braves qui cent suivi avec un
» dévouement si noble et si con-
» stant les sentiers de la gloire et
» de l’honneur. »
Comme depuis six mois l’armée
n'avait reçu qu’une partie de sa
solde,quelques symptômes de mé-
contentement éclatèrent. Eugène
se hâta de prendre la route du Tyrol
avec son épouse, À Roveredo, le
colonelautrichien quicommandait
Je château, lui laissa concevoir des
inquiétudes pour sa sûreté person-
nelle, parce qu’on lui imputait, di-
sait-il, d’avoir fait fusiller, comme
BEA
espions, plusieurs habitans nota-
bles du pays. Cependant Eugène ne
pouvait pas rétrograder : le colo-
nel lui offrit son uniforme, ses
gens ,; sa voiture et sa livrée , lui
recommandant de ne s'arrêter
nulle part, et surtout de ne point
parler français. Ces précautions.
eurent le succès le plus heureux;
le passage s’effectua sans accident,
ct les deux époux arrivèrent à
Munich, chez leur père, le roi de
Bavière , dont la tendre bien-
veillance adoucit leurs chagrins.
Ici, arrêlons un moment la
narration , pour essayer d’appré-
cier le gouvernement du vice-roi
d'Italie; mais , avant tout, n’ou-
blions pas qu'il fut le vice-roi de
Bonaparte ; dès-lors il faut s’at-
tendre à voir trop souvent, sous
son gouvernement, en Italie com-
me en France, les droits des
peuples dédaignés et foulés, la
justice méconnue, l'humanité of-
fensée , l’ambition , Flavidité,
l’égo’sme , substituës sans cesse
au mobile sacré de la vertu.Celui-
li seul pourtant a le pouvoir d’atti-
rer sur les gouvernemens la-pro-
tection de Dieuetles bénédictions
des hommes : son absence expli-
que suffisamment l'instabilité et la
ruine finale de ces reyaumes éle-
xés par l'épée , et renversés par
elle. Mais il est juste d'observer
que la première responsabilité de
tout le mal qui s’est fait dans les
contrées qui furent soumises au
glaive de Bonaparte, retombe sur
sa tête coupable, puisqu'il réserva
à lui seul la souveraine puissance
de vouloir et de commander. Les
hommes d’une conscience timorée
ont pu pousser l’abnégalion jus-
qu’à refuser de participer à son
pouvoir et à sa fortune : un pareil
BEA
devoirne pouvait pas semblerim-
posé à Eugène de Beauharnuis,
puisque laprovidence l'avait placé
tout naturellement à côté de Bona-
parte. Il fut son premier soldat ; il
devint son fils. Eugène avait reçu,
avec le sang des Beauharnais, de
la noblesse d’âme et de la généro-
sité de cœur. Quoique dans les
premiers temps la jouissance pré-
coce d'unepuissance éblouissante,
enivrât un peu sa jeunesse, et
qu’il ne fût pas toujours bien
dirigé par quelques hommes de
son conseil, on vitie plus souvent
prévaloir en lui sa droiture et sa
loyauté natives. On ne lui a re-
proché qu’un petit nombre d’abus
de pouvoir qui lui soient person-
nels ; encore faut-il bien se sou-
venir que ce fut à une époque où
les puissans de la terre, tout ré-
cemment élevés au-dessus du
frottement des intérêts privés ,
ue s’en étaient pas complète-
tement désintéressés. On ajoute
qu’il revenait facilement sur ses
décisions sévères, lorsqu'il Les re-
connaissait injustes. Dans les pre-
miers temps de sa vice-royauté,
Eugène était fortbien dans Fesprit
du peuple de Milan; mais par la
suite, cette opinion changea tota-
lement : peut-être on en peut re-
chercher la cause dans les. intri-
gues de l'étranger; mais on la
trouvera plutôt dans cette légi-
time exigence des peuples qui
demandent des bienfaits positifs à
celui qui n’a ni droit ni préjugé ,
en vertu duquel il règne sur eux.
Il est certain d’ailleurs qu’il sem-
bla craindre et fuir la popularité.
Un temps vint où les simples ci-
toyens ne lapprochèrent plus que
difficilement, et où il fut exclusi-
vement possédé par ses courti-
BEA 29
sans. Trop souvent Eugène a
méconnu, et dans des occasions
importantes el décisives, le carac-
tère du peuple qu’il avait été ap-
pelé à gouverner. Les réquisitions
et les conscriptions immodérées
des dernières années de la domi-
nation française ne peuvent sans
doute lui être imputées : elles ap-
partiennent aux circonstances.,
ou plutôt à l’auteur de tous les
maux de la France et de l'Italie.
Mais la sensation douloureuse des
peuples ne sait pas remonter si
haut. Sans être doué d’une capa-
cité de premier ordre, soitcomme
général , soit comme roi, on peut
croire qu'Eugène eût paru plus
brillant , s’il n’eût pas été placé
continuellement à côté et au-des-
sous de Bonaparte. Mais celui-ci
fut un génie tellement supérieur,
que c’est déjà avoir fait preuve de
mérite que d’avoir été trouvé ca-
pable de seconder l'exécution de
ses vastes plans. L’adininistration
intérieure du vice-roi d'Italie pa-
raît avoir été généralement sage ,
prudente , éclairée ,. amie des
arts. Il embellit la ville de Milan
par des promenades et des édifices
publics; il favorisa l'établissement
de plusieurs manufactures. Sa ga-
lerie de tableaux était. devenue
l’une des plus magnifiques de l'I-
talie. On l’accusa néanmoins d’un
penchant décide à la parcimonie.
Sa plus grande faute peut-être ,
c’est de s'être laissé entrainer,
dans les derniers temps, à se
plaindre des troupes italiennes qui
servaient sous ses ordres; et ces
plaintes, qui eurent beaucoup de
publicité, n’ont pas médiocre-
ment contribué à lui aliéner une
partie de son armée. Or ces plain-
tes étaient mal fondées ét décidé-
40 BEA
ment impolitiques, surtout si Pon
réfléchit que les troupes italiennes
manquaient de tout, et qu’elles
étaient, aussi bien que le peuple,
fortement impressionnées de li-
dée d’un changement prochain et
inévitable dans le gouvernement.
Le mécontentement du vice-roi
s'explique toutefois par la situa-
tion cruellement compliquée de
découragement et de esponsabi-
lité où il se trouva finalement
engagé. C’est ainsi qu'après avoir
été un objet d'amour pour le
peuple lombard, Eugène s’est vu
plus tard un objet d’indifférence ,
et enfin un chjet de haine pro-
noncée pour ce même peuple.
Mais peut-être a-t-il pu apprendre,
dans la retraite de ses dernières
années, que désormais quelques
regrets étaient mêlés au souvenir
de son nom.
Un panégvyriste d'Eugène la
loué sans aucune restriction : cette
circonstance seule ôte quelque va-
leur aux éloges; cependant il
peut être utile de les entendre.
«..... Il régla successivement,
dit un biographe allemand, toutes
les branches de l'administration
publique, avec autant d'ordre que
d'économie; il apporta un soin
particulier dans l’organisation des
cours de justice et des tribunaux
inférieurs ; en peu d'années, l’ar-
mée-italienne fut mise en état de
rivaliser avec larmée française.
L'agriculture , le commerce, l’in-
dustrie, furent encouragés; de
grands et utiles travaux furent
exécutés sur tous les points du
royaume. l'instruction publique
fut assise sur des bases convena-
bles; on vit bientôt refleurir les
universités de Pavie, de Bologne
et de Padoue ; de nombreux col-
BEA
lèges furent établis dans les gran-
des villes; la mendicité, cette
lèpre de l'Italie, futextirpée et non
sans peine; les établissemens de
bienfaisance furent augmentés et
ramenés au véritable but de leur
institution ; le régime des prisons
reçut des changemens dictés par
l'humanité; les vols et les assassi-
nats furent réprimés avec vigueur,
ainsi que l’usage barbare de ter-
miner les querelles particulières
à coups de couteau. Les beaux
arts furent l’objet de la protection
spéciale du prince Eugène; il les
encouragea de toute manière, et
fonda le beau Muséum de Brera;
il établit un conservatoire de mu-
sique et de déclamation qui four-
nit bientôt des sujets aux premiers
théâtres de l'Italie; il fit revivre
l’art de la mosaïque en grand, et
fit exécuter à ses frais le beau ta-
bleau de la Cène qui est aujour-
d'hui à Vienne. Nous citerons
encore les belles fresques d’Ap-
piani et la façade du Dôme de Mi-
lan, comme des monumens qui
doivent immortaliser l’adminis-
tration du prince vice-roi. »
La mort de l’impératrice José-
phine sa mère, survenue quel-
ques jours après les grands évé-
nemens de 1814, engagea le
prince Eugène à demander lauto-
risation de se rendre à Paris, pour
y régler, avec la duchesse de St.-
Leu sa sœur (ci-devant reine de
Hollande), ses intérêts de famille.
Ils’y rendit incognito, sous le titre
de marquis de Beauharnais , et fut
très-bien accueilli par le roi de
France, qui eut la courioisie de
le qualifier dans la conversation ,
de prince Eugène. Ses affaires ter-
minées, le prince se hâta de quit-
ter la France. Il retourna à Mu-
BEA
nich, et se rendit ensuite à Vienne,
afin d’y faire valoir les droits qu'il
pensait avoir à quelque souverai-
neté, dans l’organisation définitive
du continent. Il parait que ses
prétentions étaient fondées prin-
cipalement sur la promesse ver-
bale que Napoléon avait faite en sa
faveur à la cour de Bavière, pour
décider son mariage , ainsi que sur
la déclaration du mème , à la suite
du traité d'Amiens, de ne vouloir
retenir les états de la Lombardie
que jusqu’à la paix générale. Les
souverains réunis à Vienne, et
particulièrement l’empereur de
Russie, qui, pendant son séjour
à Paris, avait témoigné les senti-
mens ies plus affectueux à l’im-
pératrice Joséphine, accueillirent
le prince Eugène avec distinction,
et il parut en public dans leurs
rangs et comme de leur famille.
Le retour de Bonaparte en France,
en mars 1815, rendit la position
du prince embarrassante et diffi-
cile. On parut le soupconner d’a-
voir eu des relations avec son
beau-père. Il se décida à quitter
Vienne, et à se retirer pour quel-
que temps à Bareuth. Bonaparte
avaitinscritson nom,commeprince
de la famille impériale, sur la liste
de la chambre des pairs qu'il avait
formée ; toutefois, Eugène ne prit
aucune part aux affaires de France,
et depuis qu’elles furent termi-
nées, on le vit constamment fixé
auprès de son beau-père le roi de
Bavière , qui le déclara prince de
sa famille, et lui conféra le titre
de duc de Leuchtenberg. Le Pape
consentit qu’il retint, dans les
états romains, des biens natio-
naux considérables, qui formaient
une partie de la dotation d’un
million de revenu que Bonaparte
BEA 7
lui avait assignée en Italie. De-
sormais le prince Eugène vécut
paisible au sein de la royale fa-
mille qui l’avait adopté, et dont
le vénérable chef eut pour lui une
sincère affection. La princesse de
Bavière , son épouse , qui fut tou-
jours fière de lui, n’avait jamais
paru le chérir avec plus de ten-
dresse. Le prince Charles, second
fils du Roïi,lui témoignait une vive
amitié. C’est avec leur aide qu'il
triompha de l’aversion que la ré-
cente tyrannie de Napoléon avait
laissé gravée au fond de tous les
cœurs allemands.
Au mois de janvier 1817, du-
rant le voyage de la cour de Mu-
nich à Vienne, à l’occasion du
mariage de l’empereur d’Autriche
avec une princesse de Bavière,
le prince Eugène se rendit à Lin-
dau , près du lac de Constance,
où la duchesse de Saint-Leu , sa
sœur, a fixé sa résidence; la prin-
cesse son épouse voulut ly ac-
compagner. Le motif de cevoyage
mérite d’être rapporté. On avait
élevé des difficultés sur le point
de savoir quel rang le prince Eu-
gène, qui n’était point issu de fa-
mille souveraine , devait avoir
dans les fêtes qui allaient se don-
ner à Vienne, et l’on avait réglé
que ce rang serait inférieur à ce-
lui de la princesse Auguste-Amélie
de Bavière,son épouse. Lorsque la
nouvelle de cette décision parvint
à Munich, la princesse déclara sa
ferme résolution de ne point se
rendre à Vienne, dans le cas où
son époux n’y jouirait pas des
mêmes honneurs qu’elle. Gette
réponse reportée à Vienne, donna
lieu à de nouvelles réflexions. On
ne voulait ni désobliger la cour
de Munich avec qui l’on formait
42 BEA
une alliance, ni se trop écarter du
cérémonial dont la cour de Vienne
s’est montrée dans tous les temps
rigide observatrice. On découvrit
enfin qu’à une époque reculée, une
princesse de la maison d'Autriche,
mariée à un simple gentilhomme,
ayant été l’occasion d’une discus-
sion de même nature, le gentil-
homme, par une décision ex-
presse de l'Empereur, avait été
élevé au rang de prince. Ce pré-
cédent parut faire autorité, et
lon s’empressa de transmettre
une décision analogue à la cour
de Munich; mais tandis que cette
affaire se traitait entre les deux
cours; la princesse avait déter-
miné son époux à se rendre à Lin-
dau , et la décision n’arriva à Mu-
nich que lorsqu'ils en étaient déjà
partis.
Au printemps de 1823, une
première attaque d’apoplexie fit
entrevoir au prince Eugène les
portes du tombeau. De nouvelles
atteintes de cette redoutable ma-
ladie mirent un terme à son exis-
tence , le 21 février 1824. Trois
jours avant sa mort, il fit ses der-
nières dispositions, et recut les
derniers sacremens avec une
pieuse résignation. Lorsque le
premier médecin vint annoncer
au Roi la fatale nouvelle, Sa
Majesté s’écria : «Je perds un
»excellent fils et mon meilleur
» ami! » Elle ajouta : « Je veux
» qu'il soit enterré comme si c’é-
»tait mon propre fils. »
Eugène de Beauharnais eut
sept enfans de son mariage avec
Auguste-Amélie de Bavière, parmi
lesquels on compte des héritiers
de son nom. Joséphine, l’ainée
de tous, a épousé Oscar, prince
royal de Suëde. Si nous avons dû
BEA
apporter des restrictions sévères
aux éloges prodigués à la vie pu-
blique du vice-roi d'Italie, ik nous
est doux d’ajouter en terminant,
que le caractère privé d’Eugène
ne mérita presque que des louan-
ges. La sagesse et la modération
semblèrent devancer pour lui le
nombre des années ; et surtout de-
puis le déclin de sa prospérité, sa
vie intérieure fut parfaitement mo-
rale.
On a publié : 1°Notice historique
sur le princeEugène, duc de Leuch-
tenberg , prince d’Eichstatt ; etc.
Augsbourg , imprimerie de Wirth,
1824; in-8, de 15 pages. (ano-
nyme.)
2° Wie politique et militaire du
prince Eugène, contenant, etc.,
ornée d’un beau portrait en buste,
de grandeur naturelle, faisant
partie de la Grande Galerie ci-
vile et militaire des personnages
célèbres contemporains. in-folio, de
4 pages ; Paris, 1824, à la Li-
brairie encyclopédique contempo-
raine.
3° Wie politique et militaire
d'Eugène Beauharnais, vice-roi
d'Italie; par M. Ant. Aubriet.
Paris, Auguste Imbert, 1824;
in-18. — 2° édit., ibid. 18925.
4° Histoire du prince Eugène de
Beauharnais, prince d'Eichstaed ,
etc. , par G*** , ex-ofjicier d’infan-
terie. Paris, Vauquelin, 1821t ;
in-12, de 10 feuilles.
5 Mémoires sur la cour du
prince Eugène et sur le royaume
d'Italie pendant la domination de
Napoléon Bonaparte; par un Fran-
çais attaché à la cour du vice-roi
d’Itdlie. Paris, Audin, 1824;
in-8.
Cet ouvrage n'est autre que
l'Histoire de l’administration du
BEL
royaume d’Ttalie pendant la domi-
nation française, publiée en 1825.
Il est de M. Lafolie. (Foy. ci-
après l’article Laroure.)
G> _ Observations du marquis Ar-
borio Gattinara de Brême, sur
quelques articles peu exacts de
l'Histoire de l’administration du
royaume d'Italie pendant la domi-
nation des Francais, attribuée à
un nommé M. Frédéric Coraccini
(Lafolie), et traduite de l'italien.
Turin, 18235, imprimerie de Jo-
seph Favale; in-8, de94 pages.
7° Lettre du prince Eugène Beau-
harnais aux souverains alliés, ou
Protestation contre le pouvoir arbi-
traire que s’est arrogé l Angle-
terre, de retenir à Sainte-Hélène
le corps de Napoléon, etc. Paris,
imp. de Hardy ; in-8; d’une demi-
feuille. —auteur supposé.
8 Ode sur la mort du prince
Eugène, duc de Leuchtenberg.
Paris, 1824; brochure in-8.
BELLAY ( François - Pxicr-
BERT), médecin, naquit le 26 août
1562, à Lent, petite ville de la
principauté de Dombes, près de
Bourg en Bresse, d’une famille
honnête , mais peu riche. Ilper-
dit son père de bonne heure;
son oncle, curé à Chalamont , se
chargea de son éducation. Le
jeune Bellay répondit au généreux
appel fait à son émulation par
des efforts soutenus. Au collége
où il obtint des prix, à Bourg, où
il étudia la chirurgie, à Lyon, où
il fut envoyé par son oncle, pour
suivre les cours de médecine et
de chirurgie, partout il se distin-
gua. Ses succès dans cette der-
nière ville, un prix d’encourage-
ment au Collége de médecine,
reçu en 1757, des mains du pre-
BEL 43
vôt des marchands, annoncèrent
à l'oncle bienfaisant qu’il avait
dignement placé ses dons. Marié
le 14 mai 1789, il poursuivit avec
le même zèle ses études médi-
cales, et fut recu docteur en mé-
decine , le 28 octobre 1790.
Aussitôt après sa réception, il
alla se fixer à Chalamont , près de
son bienfaiteur. Mais ses amis,
son oncle lui-même, l’engagèrent
à venir s'établir à Lyon, sur un
théâtre plus digne de lui et de ses
connaissances. Praticien bientôt
avantageusementconnu dans cette
ville, il enrichit les journaux de
médecine d’observations intéres-
santes, et publia, en 1791, une
petite brochure, sur la guérison
des hernies. La tourmente révo-
lutionnaire vintl’arracher à ses oc-
cupations. À l’époque de la chute
de la Gironde, Lyon leva léten-
dard d’une généreuse insurrec-
tion; M. Bellay se joignit aux habi-
tansde sa nouvelle patrie, combat-
tit dans les rangs des Lyonnais, et
succomba avec eux danscette lutte
inégale. Quand Lyon, occupé par
les troupes de la Convention, fut
livré à toutes les rigueurs de la
vengeance , M. Bellay fut dénoncé
pour avoir été officier munici-
pal; il dut fuir et chercher un
asile; comme tant d’autres, à
celte époque fatale, il le trouva
aux armées. Un homme que lexa-
gération de ses opinions rendait
alors tout-puissant, le fitnommer
médecin militaire. Plus tard, cet
homme, banni à son tour, me-
nacé dans son existence pour les
mêmes opinions, fut sauvé par
M. Bellay, qui eût rougi, lui
banni de la veille, de se ranger
parmi les proscripteurs du jour.
Employé aux armées des Alpes
44 BEL
et d'Italie, Bellay les suivit dans
leurs rapides conquêtes. Au mi-
lieu du mouvement général, il
s’occupait des devoirs de sa pro-
fession et de sa place ; il visitait
ces antiques universités dont tant
de professeurs illustrés par leurs
écrits ont fait la gloire ; il compa-
rait leur pratique avec la pratique
des médecins français, étudiait
leurs ouvrages et la langue même
de l'Italie. Cependant l’ordre re-
naissait en France; la société
tendait à se recomposer, après
les tempêtes qui l'avaient agitée.
M. Bellay, pressé de revoir sa
patrie , sollicita et obtint son rem-
placement ; il vint exercer de nou-
veau la médecine à Lyon. Dans
les intervalles d’une pratique as-
sez étendue, il traduisit de l’ita-
lien , de Joseph Pasta, un opus-
cule sur les devoirs du médecin,
sous le titre assez singulier de
Galatée des Médecins (1599, in-8 ).
Il traduisit également de l’italien,
de Michel Sarcone , l'Histoire
raisonnée des maladies observées à
Naples, pendant le cours entier de
Pannée 1564 (Lyon, 1803-4, 2 vol.
in-8),traduction utile,b'en qu’elle
porte l’empreinte de la précipita-
tion, et que la critique puisse y
signaler quelques négligences de
style. Au mois de février 1798,
M. Bellay entreprit la rédaction
d’un journal de médecine , avec
son ami M. Brion. Cet écrit pé-
riodique intitulé : /e Conservateur
de la Santé, Journal d'Hygiène et
de Prophylactique (1599 à 1805,
5 vol. in-8), paraissait tous les
dix jours. Outre les sujets variés
annoncés par le prospectus, cha-
que numéro présentait un tableau
des observations météorologiques
faites sur le baromètre et le ther-
BEL
momnètre ; enfin, tous les trois
mois ; lhistoire des maladies
observées pendant le trimestre.
Aucune des parties de la littéra-
ture médicale n’était étrangère à
ce journal. Les rédacteurs dénon-
cèrent à l’autorité tous les vices
de la police médicale ; ils se plai-
guirent de l'usage pernicieux de
conserver les boucheries au sein
des villes; ils signalèrent l’abus
de la vente des remèdes secrets et
des remèdes prescrits empirique-
ment par les herboristes; s’éle-
vant à de hautes considérations
d'économie politique etde morale,
ils donnèrent d’utiles avis sur les
épidémies, sur la conservation
des grains, et se récrièrent, avec
indignation, contre les scandales
de la prostitution publique. C’est
dans ce journal que se trouve le
plan d’une école secondaire de
médecine à Lyon.
En 1801, le journal de M. Bel-
lay devait briller d’un nouvel éclat,
et l’activité de ses rédacteurs de-
vait trouver un nouvel aliment.
Jenner venait de découvrir son
précieux préservatif de la petite-
vérole. En France, un homme
aussi illustre par ses nobles aïeux
que par d’importans services ren-
dus à humanité ( M. Je duc de la
Rochefoucauld-Liancourt) s’em-
pressait d'annoncer l’eflicacité de
la vaccine, et d’en étendre les
bienfaits par le moyen des sous-
criptions. D’une extrémité de la
France à l’autre, à la voix du
premier comité central de vac-
cine, à la voix des Thouret , des
Chaptal, des Pinel, des Husson,
les expériences se multiplièrent.
À Lyon, les premières vaccina-
tionsetles contre-épreuves furent
faites à l'hospice de la Charité, le
BEL
26 mars 1801, par M. le docteur
Martin jeune. Elles se firent sous
les auspices d’une cominission
nommée par la société de méde-
cine de cette ville et prise dans
son sein : ce ne fut pas sans op-
position qu’on put faire ces épreu-
ves. Le zèle de M. Bellay et de
son Collaborateur n’en fut point
ralenti, Ils proclamèrent la dé-
couverte dans leur journal, dis-
cutèrent son efficacité, et répon-
dirent avec chaleur et talent à
toutes les objections. Ils firent
plus : ils annoncèrent des vacci-
nations gratuites ; ilsles commen-
cèrent le 15 avril 1801, et les
continuérent pendant un grand
nombre d’années, avec autant
d’empressementque d’exactitude,.
Pour apprécier le mérite de telles
actions ; ik faut se reporter à
l’époque où tant de préjugés en-
vironnaient la nouvelle doctrine,
et. quand de nos jours, après
vingt-quatre ans d'épreuves, de
succès. dans toutes les parties du
monde, des écrivains , poussés
par je ne sais quel esprit d’impru-
dence, veulent faire naître des
doutes sur l'efficacité de la vac-
cine; on doit sentir [estime qui
est due au zèle de M. Bellay.
Il fut élu successivement se-
crétaire-général et président de la
société de, médecine de Lyon.
Cette compagnie ordonna l’im-
pression du compte qu’il rendit
de ses travaux, dans la séance du
16 mai 1808, ainsi que du dis-
cours qu’il prononça comme pré-
sident, dans la séance publique
du 50 juillet 1812. M. Bellay a
publié encore, à la fin de chaque
année, depuis la cessation de son
journal jusqu’en. 1813, sous le
titre de Météréologie médicale, une
BEL 45
petite brochure contenant des
observations barométriques et
thermométriques, et de plus, un
précis sur les maladies régnantes.
Ces occupations diverses ne lui
firent point négliger la propaga-
tion de la vaccine : nous en
voyons la preuve dans les rapports.
qu’il a publiés, comme secrétaire
du comité de vaccine, et dans les.
T'ableaux historiques de la vaccina-
tion praliquée à Lyon, depuis le
5 avril 1801 jusqu’au 51 décembre
1809, qu'il a publiés avec M.
Brion, en 1810. L'année suivante,
l’administration des hospices de
Lyon ayant arrêté que les places
de médecins seraient données au
concours, M. Bellay ne craignit
point, athlète vieilli, non sans
quelque gloire , de descendre dans
la carrière où se présentaient aussi
des adversaires dignes de lui. Le
concours s’ouyrit au mois de
septembre 1811, et M. Bellay y
obtint la première place. En 1822,
l'administration des hôpitaux de
Lyon l’appela aux fonctions de
médecin de l’hospice de la Cha-
rité. Mais peu de temps après, son
fils, peintre de genre estimé dans
la naissante école Iyonnaise, ma-
nifesta le désir d’aller à Paris, sur
un plus grand théâtre, produire
de brillantes dispositions. Bellay,
plein de tendresse pour ce file,
abandonna sans regret sa place,
sa clientelle , et le suivit dans la
Gpitale, où ilalla se fixer en 1823.
A l’âge où était parvenu M, Bellay,
on ue rompt pas impunément
d'anciennes habitudes. Le regret
d’avoir quitté Lyon s’empara vi-
vement de son âme; il tomba
malade. A toute force, en toute
hâte, il voulut revenir à Lyon ; il
partit, malgré les efforts de sa fa-
46 BÉN
mille ; mais, à peine arrivé à Mä-
con , affaibli par le chagrin, il fut
atteint par la maladie qui l’enleva,
loin de sa famille et de ses amis,
le 28 septembre 1824. (Extrait de
l'Eloge de M. Bellay, prononcé à
la société de médecine de Lyon,
le 20 décembre 1824, par J.-M.
Picnanp , secrétaire-général , im-
primé dans les Archives historiques
. et statistiques du département du
Rhône. Lyon, Barret, et Paris,
Audin; t. 1, 1825, p. 221 à 228.)
BÉNIT (ANNE-Francois), na-
quit à Mirecourt, département
des Vosges, en 1796. Ilembrassa
d’abord la profession des armes ;
mais ses méditations et les senti-
mens qu’elles réveillèrent en lui,
le dégoûtèrent bientôt de cette
carrière. En la quittant spontané-
ment, il crut devoir au public
les motifs de sa détermination; ils
sont consignés dans une brochure
intitulée : {dées d’un jeune officier
sur l’état militaire (Paris, décem-
bre 1820, in-8, de 66 pages).
L'organisation actuelle desarmées
européennes s’y trouve jugée
avec une sévérité qui n’est pas
dépourvue de fondement. L’au-
teur prétend « que les méthodes
adoptées pour l'instruction des
corps, le défaut d’émulation,
enfin des abus nombreux et in-
tolérables , font de l’état militaire
un véritable esclavage » ( pag. 6).
Il croit à la nécessité, au'moins
temporaire, des armées perma-
nentes; mais il les voudrait cam-
pées aux frontières, et qu’il fût
interdit par la loi de les employer,
en aucune occasion, contre les
citoyens ; car il pense qu’une
garde nationale nombreuse ethien
organisée doit toujours suffire au
BÉN
maintien de l’ordre intérieur, si
le gouvernement n’est pas oppres-
seur. L'étude des sciences physio-
logiques et médicales remplit
désormais les loisirs de Bénit: I
étudia les premières au Jardin du
Roï, sous M. Geoffroy-Saint-Hi-
laire, les secondes à l’école du
docteur Broussais. En ce genre,
nous connaissons de lui un article
publié dans les Annales de la mé-
decine physiologique {t. IIT, p. 140
-164) : il offre l’analyse du beau
système de philosophie anatomique
de M. Geoffroy-Saint- Hilaire.
L'idée ‘originale et féconde du
savant professeur, savoir l'unité
de composition organique, dans
tous les degrés de l’échelle ani-
male, s’y trouve exposée avec
précision, et ses importantes ap-
plications pour les sciences phy-
siologiques et médicales y sont dé-
veloppées avec méthode et clarté.
Cette esquisse que l'intérêt du
sujet et le talent du critique re-
commandent également, permet
de supposer que Bénit aurait pu
obtenir des succès dans la nou-
velle carrière qu’il venait d’em-
brasser; mais cet infortuné jeune
homme était prédestiné au mal-
heur. Des boulettes de mie de
pain, lancées par inadvertance,
chez un restaurateur, à la figure
d’un des convives, lui occasio-
nèrent un duel. L’adversaire de
Bénit recut son feu à quinze pas;
la balle du pistolet l’atteignit dans
les reins; il se crut mort, et per-
dant son sang-froid, il tira son
coup sur le témoin de Bénit, qui
accourait à son secours. Celui-ci
tomba roide et sans vie, tandis
que celui qui l’avait frappé guérit.
Bénit, son adversaire et Le témoin
de ce dernier furent traduits de-
BER
vant la cour d'assises de la Seine ,
sous la prévention de meurtre.
Ils furent tous trois acquittés par
le jury ; mais Bénit resta profon-
dément frappé de cet affreux évé-
nemént. Au commencement de
1823 , il disparut de Paris inopi-
nément. On croit qu’il passa en
Espagne, pour aller se joindre
aux Français qui s’y trouvaient
réunis, à cette époque, autour
d’un drapeau tricolore. On ajoute
qu'il fut tué à l’ouverture de la
campagne.
BERGON (LE comte ) naquit
à Mirabel, province du Rouergue,
en 1741. Après avoir débuté au
barreau du parlement de Paris,
Bergon abandonna cette carrière,
à l’époque des divisions qui écla-
tèrent entre cette cour souveraine
etles ministres de Louis XV. «Ani-
mé d’un goût vif pour les lettres,
dit un biographe (Journal des
Débats, du 22 novembre 1824),
il leur consacra alors tous ses
momens, et il composa plusieurs
ouvrages. Parmi ceux qu’il a pu-
bliés se trouvent les Eloges du ma-
réchal d'Estrées, de Clairaut et de
Restout. TIs attestent la variété de
ses connaissances,et ils sont écrits
avec un talent remarquable. » A
l’âge de vingt-six ans, Bergon
futnommé premier secrétaire des
intendances d’Auch et de Pau. Il
obtint dès 1780 une pension de
2400 fr. et futappelé à Paris auprès
de l’administration centrale, où il
fut successivement chef au con-
trôle général et directeur de cor-
respondance à l'administration de
l'enregistrement et des domaines,
avant que celle des forêts en fût
séparée. Il resta constamment en
place tout le temps de la Révolu-
BER 47
tion. En exécution de la loi du
25 nivose an IX, le gouvernement
consulaire nomma cinq adminis-
trateurs des forêts, dont M. Ber-
gon fut le premier. Il entra au
Conseil d’état,section desfinances,
le 10 mars 1806, et fut nommé
directeur - général des forêts, le
4 avril suivant. Il à occupé ce
poste important jusqu’au mois de
mai 1817, que l’administration
des forêts a été réunie à celle des
domaines. On sait qu’elle en a été
de nouveau séparée pour former
une direction à part, en 1824.
M. Bergon présida le collége élec-
toral du département de l'Aveyron
en 1812, et depuis la Restaura-
tion, en 1815. Il avait harangué,
le 17 avril 1814, Monsieur, comte
d'Artois, au nom du Conseil
d’état. Durant les Cent jours, il ne
conserva point d’activité; mais il
rentra au Gonseil d’état depuis,
et ne s’en est retiré qu'avec le
titre du service extraordinaire,
Il avait aussi la décoration de
grand-officier de la Légion-d’hon-
neur. Le comte Bergon est mort
d’une attaque d’apoplexie , aux
Thermes, près Paris, le 16 octobre
1824, âgé de près de quatre-vingt-
quatre ans. M. le général Dupont,
celui qui fut ministre de la guerre
en 1814, avail épousé la fille de
M. Bergon; et ses disgrâces en
1808.altérérentunmoment le cré-
dit dont jouissait son beau-père,
sous le gouvernement impérial.
BERNARDI (Josepx - ErzEar-
Dominique) naquit à Montjean,
en Provence, le 16 mars 1751.
Avant la Révolution, il étaitlieu-
tenant-général au siége du comté
de Sault, et membre de l’acadé-
mie de Marseille. Il se fit con-
48 BER
naître par divers écrits sur l’his-
toire et la philosophie de la
jurisprudence, dans lesquels on
remarquait , à Cette époque, une
tendance très-marquée vers les
idées libérales, puisqu'il réclamait
des réformes dans la justice cri-
minelle , la comparant à l’inqui-
sition, et qu’il sollicitait l’intro-
duction du jury dans nos lois.
Lors de la première organisation
populaire des tribunaux de district,
en 1791, M. Bernardi obtint une
place de juge : il fut révoqué après
le 10 août 1592. Arrêté dans le
mois de mars 1795, il ne dut son
salut qu’à l'insurrection des fédé-
ralistes de Marseille Il émigra
pour se soustraire aux dangers
qui ne tardèrent pas à le menacer
de nouveau, par suite des succès
de l’armée du général Carteaux,
et ne rentra en France qu’un an
après le 9 thermidor. A cette épo-
que, les royalistes ayant recon-
quis de l'influence en Provence,
M. Bernardi fut élu député du
département de Vaucluse, au
Conseil des Cinq-cents. Dans cette
assemblée, il prit la défense des
émigrés de Toulon, et obtint l’a-
brogation des lois portées contre
eux, Le Moniteur a passé son dis-
cours sous silence, mais cette
omission n’a pas été commise par
les autres journaux de l’époque.
C’est sur le rapport de M. Ber-
nardi que le Conseil desCingq-cents
adopta la résolution portant que
la fête de la fondation de la Répu-
blique serait célébrée le 1* ven-
démniaire (séance du 13 fructidor
an V.— Moniteur du 4 septembre
1797). Ce discours qui semblerait
aujourd’hui trop républicain, alors
ne le parut point assez. L'élection
de M. Bernardi fut annulée par
7
BER
suite du 18 fructidor. Après le 18
brumaire , il obtint la place de
chef de la division des affaires ci-
viles au ministère de la justice,
qu'il a occupée jusque vers ses
dernières années. Il professa le
droit civil à l’Académie de législa-
tion, et fut éku membre de la
deuxième classe de l’Institut (Aca-
démie des inscriptions et belles-
lettres) en 1812. Après la Restau-
ration , en 1814, il reçut la croix
de la Légion-d’honneur, et le titre
de censeur royal. M. Bernardi ob-
tint sa retraite en 1820, ei se re-
tira dans sa patrie, où il est mort,
au mois de novembre 1824, âge
de plus de soixante-treize ans.
Liste des ouvrages
de J. E. D. Bernardi.
I. Éloge de Cujas. Paris, li-
braires associés (Avignon, 1970);
in-12.
Cet éloge contient des notes
intéressantes qui ont commencé
d’éclaircir des faits jusqu’alors
très-obscurs, de l’histoire de Cu- :
jas. L'auteur l'avait composé pour
les concours de l’Académie des
Jeux floraux. Il a rédigé depuis
l'article Cujas, dans la Biographie
Universelle, avec ceux de quelques
autres jurisconsultes.
IT. Discours sur la Justice cri-
minelle, couronné par l’académié
de Chäâlons-sur - Marne. 1780;
in-8.
M. Bernardi partagea le prix
avec le célèbre Brissot, dont l’ou-
vrage a été aussi imprimé vers la
même époque, sous ce titre : Les.
moyens d’adoucir les lois pénales en
France , sans nuire à la sûreté pu-
blique.
III. Essai sur les révolutions du
BER
droit français, pour servir d’intro-
duction à l'étude de ce droit ; suivi
de Vues sur la justice civile, ou
Projet de réformalion de l’adminis-
tralion de la justice civile. 1582,
Me, : È
IV, Leitres sur La justice crimi-
nelle de la France, et-sa conformité
avec celle de l’[nquisition. 1586.
V. Principes des lois criminelles ,
suivis d’Observationsimpartiales sur
le droit romain. 1588 ; in-8.
VIE De la République, ou du
meilleur gouvernement ; ouxrage
traduit de Cicéron , et rétubli d’a-
près les fragmens et ses autres écrits.
Paris, J.-J. Fuchs, an VI (1598);
in-8. ( anonyme.)— 2° édit., avec
le nom du traducteur. Paris,
1807 ; 2 vol. in-12.
M. Bernardi a lié les fragmens
qu'on avait alors de l’ouvrage de
Cicéron, par des passages analo-
gues tirés de ses autres écrits,
sans autre secours étranger que
des fragmens de Salluste, et quel-
ques passages très-courts de Tite-
Live et de Florus, que la liaison
des faits l’a obligé d'employer.
Dans le rapport de la classe de
littérature ancienne de l'Institut
sur les prix décennaux, le jury a
mentionné honorablement cet ou-
vrage, et a loué l’auteur « d’avoir
»restitué le texte latin de Cicé-
»ron , et rempli les lacunes de cet
»excellent traité , avec autant de
» goût que de savoir. » On ne peut
dissimuler que ce travail a beau-
coup perdu de son intérêt et de
son utilité , depuis la découverte
du texte véritable de Cicéron,
faite par l’abbé Majo, biblicthé-
caire du Vatican, pubhé par ce
savant, avec un commentaire, et
traduit en français, avec un dis-
cours préliminaire et des disser-
BER 49
tations historiques, par M. Ville-
main. (Paris, Michaud , 1825 ;
2 vol. in-8.) — On a aussi une
édition du texte latin du même
ouvrage, publiée à la même épo-
que, chez M. Renouard.
VII. Znstitulion au droit fran-
çais, civil et criminel, suivi d'un
Mémoire sur l’origine et les révolu-
tions du droit de jugement par pairs
et par jurés, en France et en An-
gleterre, qui a remporté le prix de
l Académie des inscriptions, en1780.
1799, in-8. (anonyme.) — 2°
édit., avec le nom de l’auteur.
1900 , in-8.
VIII. Nouvelle Théorie des lois
civiles , où l’on donne le plan d’un
nouveau système général de jurispru-
dence, et la notice des codes les plus
fameux. 1802, in-8.
IX. Commentaire sur la loi du
19 floréal an ÀT , relütive aux do-
nations et aux testamens. 1804,
in-8.
X. Commextaire sur La loi du 20
pluviose an X1IT , relative aux con-
trats de mariage et aux droits res-
_ pectifs des époux, avec les formules
principales des conventions dont ce
contrat est susceptible. 1804, in-8.
XI. Cours complet de droit civil
français. 1803-1805 ; 4 vol. in-8.
XII. Essai sur La vie, les écrits
et Les lois de Michel de l’ Hospital
(imprimé dans les Archives lilté-
raires, et réimprimé à part ).1807;
in-8.
XIIL De l’Origine ei des: pro-
grès de la législation française, ou
Histoire du droit public et privé de
la France, depuis la fondation de
La monarchie jusques et compris La
Révolulion. Paris, Béchet, 1816;
in-8, de 59 feuilles.
XIV.Observations sur Les Quatre
Concordats, de M.de Pradt. Paris,
/,
d :
5o BI1D
Egron , 1819; in-8 , de dix-sept
feuilles.
M. Bernardi a été éditeur con-
jointement avec M. Hutteau, des
Œuvres de Pothier, mises en rap-
port avec le Code civil, le Code de
procédure civile etleCode de com-
merce (25 vol.in-8, 1806et années
suivantes). Cette édition qui ne
renferme nile Traité de la procé-
dure civile, ni ceux des fivfs etde la
garde noble, ni la Coutume d’Or-
léans, est moins recherchée que
d’autres plus complètes. — Le
Traité des Obligations a été repro-
duit, avec une Motice sur la vie de
Pothier, due aussi à Bernardi, en
1619 (Paris, Letellier, 2 vol. in-8).
Bernard: à fourni des articles
au Dictionnaire de la Provence et
du comtat Venaissin, par CI. Fr.
Achard (Marseille, 1785-87, 4 vol.
in-4). à divers journaux sa-
vans, notamment au Magasin En-
cyclopédique ; enfin, il a publié une
Notice sur Papon, hist iographe
de Provence , dans un numéro du
Journal des Débats, du mois de
janvier 1803. Cette notice n’est
pas exempte d’inexactitudes.
BERT ( Prerre-CLraupe-FRan-
cos), né dans le département üe
la Nièvre, est mort à Paris, le 12
septembre 1524, âgé d'environ
cinquante-six ans. Nous connais-
sons de lui :
I. D'une alliance entre la France
et l'Angleterre. 1700 , in-8.
IT, Des prélres salariés par la
nation, considérés dans leurs rap-
ports avec le gouvernement républi-
cain. 1799; in-8 , de plus de cent
pages.
BIDOU (Cu.....), instituteur,
mort à Chaillot, le 13 février
BOI
1824. Nous connaissons de lui :
Le Guide d’une Mère pour l’éduca-
tion de ses enfans.1805 ; 2 vol. in-8.
— Deuxième édition, 1805 ; 2 vol.
in-8.
BOISTE ( Prerre-Craupe-Vic-
TOIRE ), lexicographe, né à Paris,
en1765,est mort à Ivry-sur-Seine,
au mois d'avril 1824. Il avait été
avocat. C’était un écrivain labo-
rieux, mais de peu de goût et de
jugement. Ses ouvrages suppo-
sent une lecture immense ; ils sont
uliles, quoique mal rédigés. Son
style est commun et même trivial,
ce qui n’est pas sans exemple
parmi les grammairiens. Nous
connaissons de Boiste. les ou-
yrages Suivans :
I. Dictionnaire Universel de La
langue française, avec le latin etles
étymologies ; extrail comparatif,
concordance, critique et supplé-
ment de tous les dictionnaires ;
manuel encyclopédique et de
grammaire , d'orthographe , de
vieux langage, de néologie; con-
tenant, étc. — CU édtihio,
revue , corrigée el augmentée par
l’auteur. Paris, Verdière, 1823;
in-4. de xvi, 717 et 207 pages,
plus diverses pièces liminaires et
tableaux; ou z vol. in-8.
La première édition de ce dic-
tionnaire est de 1800, in-8, un
vol. Boiste eut pour collaborateur
F.-J. Bastien, son beau-père. —
La 2° édit. est de 1805, 2 vol. in-8.
La 5°,de 1808.—La 4°, de 18192,
in-4 et 2 vol. in-8 oblong. — La
5°, de 1819; che liNérdiére ; in-8
bibi 3 et in-4.
« bé mieux relatif, a dit M. Ch.
Nodier (Journal des Débats, du
10 avrili819 ), est le Dictionnaire
de M. Boiste , ouvrage immense,
BOT /
qui inérite toute notre recontiais-
sance et tous nos éloges; c’est Lx
seulementque se trouvent réunis,
avec de bonnes définitions et de
bonnesautorités, tous les élémens
de la langue, dans toutes leurs
acceptions. M. Boiste ne s’est pas
borné, comme l’Académie, à la
langue sociale; son plan infini-
ment plus vaste, renferme toutes
les langues spéciales, toutes Îles
nomenclaturés savantes... Les
deux volumes de M. Boiste sont
donc l'encyclopédie de la langie.»
LeDictionnaire deBoïste a donné
lieu à l’anecdote suivante. Après
chaque mot du dictionnaire , se
trouve indiqué, entre deux paren-
thèses, le nom de celui qui l’a ercé
ou employé de manière à faire
autorité. Or, il arriva par hasard
que dans l’édition de 1805, le nom
de Bonaparte se trouvait placé à
la suite de l’article spoliateur. La
police l'ayant remarqué, on fut
obligé de faire un carton, où le
nom de Frédéric-le-Grand à été
substitué à celui de Bonaparte.
IL Nouveaux Principes de gram-
maire , suivis de Notions gramma-
ticales élémentaires, de solutions
de questions et diflicultés gram-
maticales d’après ces principes,
la génération des idées, l'usage et
lharmonie ; avec un Appendice
sur le philosophismeetune Lettre
sur la critique, etc. Paris, Ver-
dière , 1820 ; un vol. in-8, de
712 pages.
HIT. Dictionnaire des Belles-
Lettres, contenant les élémens de
la littérature théorique et prati-
que, etc., appuyés d’extrait rai-
sonnés des écrits didactiques d’A-
ristole, Cicéron, Horace.…., de
BOT 5x
Barante, Lefebure, Guizot, etc.
Paris, Verdière, 1821-24; iu-8,
5 vol. |
Cet ouvrage était annoncé en
9 ou 10 volumes; le 5° seulement
avait paru à l’époque de la mort
de l’auteur. Les trois ouvrages
que nous venons de citer faisaient
partie, dans l’ordre où its sont
placés , d’un ensemble que Boiste
intitulait : ( Art d’écrire et de par-
ler français, ainsi qu’on le lit sur
le faux titre de chacun d'eux.
IV. L'Univers délivré, narra-
tion épique , en vingt-cinq livres.
Nouvelle édition avec figures,
1009; in-8.
La première édition de cet ou-
vrage est de l’an 1X (1801), in-6,
anonyme. — La deuxième, qui
porte le nom de Fauteur, est de
1802, 2 vol. in-8.— La troisième
est de 1805. La première édition
est intitulée : Univers, poëme en
prose et en douze chants, suivi de
notes et d'observations sur le sys-
tème de Newlon et la thécrie pay-
sique de la terre. T'auteur a Îa
prétention de combattre, sous le
voile de Pallégorie, les diverses -
théories métaphysiques et physi-
ques concernant Funivers, quil
considère comme fausses. L’uni-
vers de Boiste ressemble beau-
coupau chaos. Cet écrivain n'avait
niles connaissances positives né-
cessaires pour parler convenable -
ment d’un tel sujet, ni suriout
l'étendue d'esprit et la haute
portée d'intelligence indispensa-
bles pour embrasser un horizon
si vaste.
V. Dictionnaire de Géographie
universelle. 1806; in-8, avec
atlas in-4.
52 CAM
CAM
Ce
CAMBACÉRES (Jrax-Jacques-
Récis )}, naquit à Montpellier,
d’une ancienne famille de robe.
le 18 octobre 1555 (1). Destiné à
entrer dans l’un des parlemens
du royaume, leur suppression
passagère.en 1771, et des intérêts
de famille, déconcertèrent ce
projet. Le jeune Cambacérès fut
du nombre de ces hommes de loi,
indépendans et fidèles, qui refu-
sèrent de s'asseoir aux tribunaux
illégitimes du chancelier Mau-
peou. Jusqu'au rétablissement de
l'ancienne magistrature , il s’oc-
cupa dans la retraite, de l'étude
des lois, y fit dés progrès rapides
et y acquit des connaissances qui
lui valurent une considération
précoce. En 19771, il fut recu con-
seiller en la Cour des comptes,
aides et finances de Montpellier,
sur la démission de son père, qui
était en même temps maire de la
viile. Dès que la Révolution s’an-
nonça , Cambacérès en adopta les
principes. Il fut choisi par l’ordre
de lanoblesse, pourrédiger ses ca-
hiers et pour remplir une seconde
place de députée de cet ordre aux
Etats-généraux.que la sénéchaus-
sée de Montpellier croyait avoir
le droit d'occuper, d’après l’état
(1) La famille Cambacérès a donné
à l'Eglise ou à l'Etat un préd cateur
célèbre de la fin du dix-huitième siè-
cle; un docteur de Sorbonne , mort
en 1758, académicien de Béziers; un
cardinal-archevêque de Bouen ; et
enfin, un I#aréchal-de-can:p des armées
du Moi; ces deux derniers frères de
l'areluchancelicr.
de sa population et les exemples
du passé. Cette prétention n’ayant
point été admise, Camhacérès
fut d’abord élu à quelques fonc-
tions administratives . et bien-
tôt président du tribunal criminel
de l'Hérault; enfin, en septembre
1502, il fut élu député de ce dé-
partement à la Convention natio-
uale.
Entré au comité de législation,
Cambacérès y demeura près de
deux ans, essentiellement occupé
d’affaires contentieuses, de la so-
lutien d’une multitude de question
de droit, et de divers rapports
sur ces matières. Ileut le mal-,
heur de se trouver placé en grande
évidence et d’avoir un rôle beau-
coup trop important à remplir,
dans la fameuse affaire du juge-
ment de Louis XVI. Son caractère
circonspect aussi bien que ses
principes modérés le faisaient
incliner naturellement vers le
parti le moins violent; et néan-
moins, Ja difficulté des circon-
stances l’entraina dans un système
compliqué, dont il eut depuis à
se repentir. Cambacérès contesta
d’abord à la Convention le droit
de juger le monarqne : «Le peu-
»ple. dit-il, vous a créés législa-
vteurs, mais il ne vous a pas
» institués juges. Il vous a chargés
» d'établir sa félicité sur des bases
»immuables; maïs il ne vous a
». pas chargés de prononcer vous-
»mèmes la condamnation de l’au-
»teur de ses infortunes. »
Nommé l’un des commissaires
pour aller retirer du greffe du Tri-
bunal criminel les pièces pro-
CAM
duites contre Louis À VI, et pour
Jui annoncer le décret qui lui ac-
cordait un conseil, il se prononça
ouvertement afin que la plus
grande latitude fût laissée à la i-
berté de la défense , et aux com-
munications du Roi avec ses
défenseurs. Sur la première ques-
tion, celle de la culpabilité, Cam-
bacérès, avec presque tous ses
collègues, se déclara pour l'af-
firmative. — Sur la seconde ques-
tion, celle de la peine, il dit :
« J’estime que la Convention na-
»tionale doit déeréter que Louis a
» encouru les peines établies contre
»les conspirateurs par le code
»pénal; qu’elle doit suspendre
» l'exécution du décret jusqu’à la
»cessation des hostilités, époque
» à laquelle il sera définitivement
» prononcé par la Convention ou
»par le corps-législatif, sur Île
»sort de Louis, qui demeurera
» jusqu'alors en état de détention :
»et néanmoins, en Cas d’invasion
» du territoire francais par les en-
» nemis de la République, le décret
» sera mis à exécution. » Ce vote
contenait lintention de sauver
Louis XVI; etil est certain qu'il
fut compté au nombre des 554
votes d’absolution; les procès-
verbaux de la Convention en font
foi. Cambacerès se prononça en-
core pour le sursis à l'exécution; .
et c’est par une erreur impardon-
nable en matière si grave, que la
Biographie des hommes vivans
avance le contraire. Il est vrai
u'après la proclamation du décret
de condamnation, Cambacérès
ayant demandé pour Louis XVI
la liberté de voir sa famille et ses
conseils , ainsi que la faculté de se
choisir un confesseur à son gré,
ces propositions, qui d’ailleurs
CAM 55
furent adoptées, excitèrent les
murmures de quelques monta-
gnards; ces murmures détérmi-
nerent l’orateur à ajouter ces pa-
roles : « Sans toutefois que l’exé-
»cution puisse être retardée au-
» delà de vingt-quatre heures. »
Cette clause de soumission à la
chose jugée, est sans doute bien
dure à entendre, mais elle ne
changeait rien à la question; elle
ne rétractait pas le vote positif
émis par Cambacérès en faveur
du sursis, et même, avec un peu
d’impartialité , il est facile d’y en-
trevoir une précaution pour que
ce dernier effort tenté par la com-
misération qu’excitait la position
de Louis, ne vint pas encore à
échouer.
Aprèsle jugementde Louis XVI,
Cambacérès chercha à calmer les
impressions que les mencurs de la
Montagne avaient pu prendre
contre lui, et vota trop souvent
avec eux. Un comité de défense
générale venait d’être formé ;
Cambacérès en fut nommé mem-
bre et présenta en son nom, dans
la séance du 26 mars 1703, un
rapport sur la défection de Du-
mouriez, par laquelle il pouvait
craindre de se trouver compromis;
ayant, peu de jours auparavant,
embrassé chaudement sa défense.
Chargé par les comités de gou-
yernement, conjointement avec
M. Merlin (de Douai), de revoir
toutes les lois rendues depuis la
Révolution en matière de législa-
tion civile, et de les réunir en un
seul code, Cambacérès lut à la
Convention, dans la séance du
10 août 17099, un travail étendu
sur cet objet, qui se ressentait
fort des idées démocratiques de
l’époque. A ce rapport était joint
va CAN
un tableau de classification, d’après
lequel le nouveau code se serait
trouvé partagé en trois divisions
générales et vingt-huit subdivi-
sions. El peut paraître curieux
d'indiquer quelqu’une des prin-
cipales idées qu’il émit à cette
époque , les mêmes que son crédit
contribua si puissaminent depuis
à écarter ou à modifier, lors de la
rédaction du Code civil, au Con-
scil-d’état. Ainsi, on l’entendit
demander lapplication du jury
aux matiéres civiles, faire recon-
naître des droits de successibilité
aux enfans naturels, parler en fa-
veur de la plus grande extension
perinise à la faculté de divor-
cer : on le reconnaît mieux lors-
qu’il demande la suspension pro-
visoire des lois concernant l’éga-
lité des partages dans les succes-
sions. Ces projets de code civil de
Cambacéres , plusieurs fois repris
au sein de la Convention, n’eu-
rent cependant aucune suite déf-
nilive (1).
Cambacérès resta étranger aux
événemens du 9 thermidor; mais
cette journée augimenta son in-
fluence et lui permit d’énoncer
avec plus de sécarité ses véritables
principes, Douze jours après la
chute de Robespierre, lors de la
(1) Les travaux de Cambacérès sur
le Code civil sont imprimés, sous le
titre suivant : Projet de Code civil et
Discours préliminaire , 159... — Nou-
velle édit., 17096, in-8. — La France
litteraire de Érsch (tom. IV, pag. 91)
Jui attribue encore : Constitution de la
fépublique française, avec les lois y
relatives , précédées et suivies de Ta-
bles chronologiques et alphabétiques.
1598; 5 vol. in-12. (ayec Oudot,
+onventionnel. )
CAM
première réorganisation des co-
mités de gouvernement, il insista
pour qu’on leur retirât le droit
monstrueux d’attenter à la liberté
des membres de la Convention,
qui détruisait toute liberté dans
les opinions et dans les délibéra-
tions de l'assemblée. Appelé à Ja
présidence , le 16 vendémiaire
an ITT (5 novembre 1594), dont
il avait été éxclu jusques-là,
comme tous ceux qui n'avaient
pas voté la mort du Roi, il rédigea
une adresse au peuple français,
qui fit beaucoup de sensation,
parce qu’elle contenait un exposé
du nouveau système de politique
intérieure , juste et modéré, que
la Convention se proposait d’a-
dopter pour l'avenir. A l’occasion
de la rentrée au sein de l’assem-
blée, des soixante-treize députés
qui en avaient été illégalement
exclus le 51 mai, Cambaceéres
invoqua une amnistie pleine et
entière, pour tous les faits révo-
lutionnaires, non expressément
qualifiés par le code pénal; me-
sure qui ne tendait à rien moins
qu'à l’affranchissement complet
des victimes et à la punition des
bourreaux. Il prononça aussi du-
rant sa présidence, deux discours
remarquables , l’un au Panthéon,
quand les restes de J.-J. Rousseau
y furent transportés; l’autre au
Champ-de-Mars, pour annoncer
au peuple français que les enne-
misavaient entièrement évacué le
territoire de la République.
Cambacérès possédait alors un
grand crédit dans la Convention;
au sortir de sa présidence, il fut
placé au Comité de salut public,
où ilest resté jusqu’à la fin de la
session de l’assemblée. Chargé de
la direction des relations exté-
CAM
rieures, cette position lui fournit
le moyen d'amener la conclusion
de la paix avec la Prusse et avec
l'Espagne. Son habileté et son in-
fluence donnèrent beaucoup d’im-
portance au poste de président du
Comité de salut publie, qu’il oc-
cupait et d’où il sut saisir et con-
duire les rênes du gouvernement,
d'une main à la fois douce et
ferme. Son ‘système paraissait
alors d’affermir la constitution re-
publicaine, tout en revenant peu
à peu aux principes de modéra-
tion et de prudence qui convien-
nent à tous les gouvernemens.
C’est dans cette double vue qu’on
l’entendit s’opposer à la mise en li-
berté, jusqu’à la paix générale, des
prisonniers de la famille royale,
détenus au Temple; tandis qu’il
obtenait la substitution du ban-
nissement simple à la déporta-
tion, dans la législation tyranni-
que concernant les prêtres inser-
mentés, 11 parlait d’ailleurs avec
une grande facilité, et jouissait
beaucoup de faveur auprès de la
nouvelle majorité. Mais cette fa-
veur recut de graves atteinies au
15 vendémiaire. Il se trouva com-
promis dans la correspondance
saisie chez Lemaïtre , ancien se-
crétaire des finances, par ces mots
d’une letire de M. d’Entraigues :
« Je ne suis nullement étonné que
» Cambacérès soit du nombre de
» ceux qui veulentle rétablissement
» de la royauté; je le connais... »
Cambacérès repoussa vivement
l'inculpation , par un exposé de sa
conduite tout-à-fait dans le sens
révolutionnaire , dont l’assemblée
ordonna l'impression ; mais le
coup était porté à sa popularité,
et il fut écarté du Directoire, où
peu auparavant il semblait qu’il
CAM 55
dût être porté par la presque una-
nimité des suffrages.
Le sort favorisa Cambacérès et
le fit entrer au Conseil des Cinq-
cents. après la session conven-
tionnelle ; il y obtint de nouveau
les honneurs de la présidence et
parla plusieurs fois sur les ma-
tières de droit civil, qui lui étaient
particulièrement familières. A la
même époque, et lors de la pre-
mière organisation de l’Institut
national, il fut compris dans la
classe des sciences sociales et lé-
gislatives ; il passa depuis dans la
classe de la langue et de la litté-
rature française ( Académie fran-
çaise). Il n’a cessé de faire partie
de cette compagnie littéraire que
par l'ordonnance du 51 mars 1816,
Sorti du Conseil au bout de quel-
ques mois, avec le second tiers
conventionnel, le Directoire , qui
le considérait comme un chef
d'opposition, ne voulut pas l’em-
ployer : il rentra un moment dans
la vie privée, et se livra de nou-
veau à l’exercice de la profession
de jurisconsulte. 11 évita de la
sorte de se mêler aux événemens
-du 18 fructidor an V. La fraction
de lassemblée électorale de la
Seine, séante à l’Oratoire, l’élut
député en l’an VI; mais cette nomi-
nation fut annulée par l'influence
du Directoire. Au commencement
de l’an VII, le collége électoral
de la Haute-Vienne élut Camba-
cérès membre du Tribunal de cas-
sation : il n’accepta point; mais
enfin, le 50 prairial ayant écarté
ses adversaires du Directoire,
Sieyes, qui venait d’y être appelé,
lui fit accepter le ministère de la
justice, au mois de thermidor
an VIT. Il tenait ce portefeuille au
18 brumaire, et beaucoup de ses
56 CAM
amis ayant participé à celle jour-
née, Bonaparte le lui conserva
pendant la durée du gouverne-
ment provisoire. Durant ce peu
de temps, le nouveau maître de
l’état, qui n’avait fait la connuis-
sance de Cainbacérès que depuis
son retour d'Egypte, prit si bien
confiance à lui, que lors de l’or-
ganisation définitive de la consti-
tution de l’an VIII, Cambacérèes
fut choisi pour être le second con-
sul de la République française :
c'était comme la miain de justice
placée à côté de l’épée. Rien ne
manquait en effet à Cambacéres,
sous le rapport du bon sens, de
la capacité, et même, on doit le
dire, des bonnes intentions; mais
il ne fut point doué de cette aver-
sion inflexible pour linjustice,
qu’une grande énergie de carac-
tère peut seule donner aux hom-
nes puissans. Placé à côté de
Bonaparte, Cambacérès serésigna,
dès l’abord, à n'être point le mai-
tre, pour se borner au rôle de
premier exécuteur de ses plans,
dans les parties qui furent aban-
données à sa direction. Le Code
civil et l’organisation judiciaire
sont, en particulier, son ouvrage.
On y reconnait cetle modération,
cet esprit conservateur, cette foi
à l'expérience, cette défiance de
toute innovation, enfin cette aver-
sion pour toute démocratie, qui
dominaient le caractère de Cam-
bacérès. Quand Bonaparte se fit
empereur, son ancien collègue
devint un des principaux person-
nages de son empire. Il reçut
les titres d'archichancelier avec la
présidence perpétuelle du Sénat,
de prince, de duc de Parme, et,
les décorations de presque tous
les ordres nationaux et élran-
; CAM
gers (1). Des revenus et des dota-
tions proportionnés à l’éminence
de ces dignités,métamorphosèrent
le jurisconsulte de Montpellier en
l’un des plus grands seigneurs de
l’Europe. 11 eut bientôt pris les
mœurs et les habitudes de sa nou-
yelle position. On eût dit qu’il y
était né, et qu'il y avait toujours
vécu, tant il portait la prospérité
avec calme et la grandeur avec
facilité. Consul ou archichance-
lier, Cambacérès à toujours servi
Napoléon avec zèle et fidélité; il
a eu part à presque tous les actes
de son gouvernement, particuliè-
rement à ceux qui appartiennent
à l’administration intérieure. Si
Napoléon n’a pas toujours suivi
ses conseils, du moins iln’a jamais
douté de leur sincérité, non plus
que de l’habileté de celui qui les
donnait. Pendant quatorze ans, la
confiance qu’il accorda à Camba-
cérèsn’éprouvaaucune altération.
Celui-ci ne lui a pas épargné, plus
que d’autres, les adulations,
dont il s'était fait un besoin pué-
(1) Voici le texte dE lettre que :
Bonaparte écrivit à Cambacérès, lors-
que par suite du sénatus-consulie or-
ganique du 28 floréal an x1x , ceiui-ci
dut perdre son titre de consul.
« Citoyen consul Cambactrès ,
» Votre titre va changer; vos fonc-
» tions et ma confiance restent les
» mêmes. Dans la haute dignité d’ar-
» chichancelier de l'Empire dont vous
» allez être revêtu, vous manifesterez
» comme vous l'avez fait dans celle de
» consul, la sagesse de vos conseils et
» les talens distingués qui vous ont
» acquis une part aussi importante
» dans tout ce que je puis avoir fait
» de bien. — Je n’ai donc à désirer de
» vous que la continuation des mêmes
» sertimens, pour l'Etat ef pour moi.»
CAM
ril et fatal : celles qui accompa-
gnaient et coloraient les sénatus-
consultes si fréquens relatifs aux
conscriptions, furent sans doute
jes plus coupables, puisque le
sang des hommes et toutes les dé-
solations de la guerre en devaient
être Ja conséquence et le prix; il
ne faut ni l’oublier ni le pardon-
ner. Mais il est.certain que dans
le conseil, Cambacéres a fait quel-
que chose, pour affaiblir en Napo-
léon la passion funeste des com-
bats. C’est contre son opinion que
la campagne de Russie fut entre-
prise, et qu’on n'évita point les
chances de celle de 1813. Onne doit
pas taire non plus, qu’il ne fut pas
d'avis du meurtre du duc d’En-
ghien et même qu'il osa le dire.
Tout le monde reconnaît d’ail-
leurs que Cambacérès usa de son
crédit avec modération; qu’on n’a
jamais eu à lui reprocher aucun
acte arbitraire, relatif à sa per-
sonne privée ; qu’il a puissamment
contribué à mitiger d’abord, et
ensuite à faire rapporter entière-
u:ent, les lois contre les émigrés,
les prêtres insermentés, la liberté
du culte catholique; enfin, qu’on
lui est redevable en grande partie
du retour à ces mœurs douces, à
ces habitudes sages, que la Révo-
lution avait brusquement inter-
verlies.
Durant les voyages guerriers
de Napoléon hors de France,
Cambacérès fut chargé de la di-
rection suprême des affaires; ce
qui mérite d’autant plus d’être
remarqué ,; qu'on nignore pas
combien celui-ci futombrageux et
jaloux de son autorité. Après son
alliance avec l’Autriche, pour la-
quelle Cambacérès avait opiné
dans le conseil, c’est à Marie-
CAM 57
Louise que Napoléon conféra le
titre de régente de l'Empire,
mais en même temps Cambacérès
lui fut donné pour président de
son conseil de régence, et la con-
fiance que cette princesse, lui ac-
corda fut complète. C’est préci-
sement pour cette raison, qu’on a
voulu faire retomber sur Camba-
cérès la responsabilité de la déter-
mination qui fit quitter Paris à
l'Impératrice-régente, lorsque la
capitale se vit sur le point de tom-
ber au pouvoir des armées de la
coalition. Il n’est pas douteux que
“cette détermination eut une in-
fluence décisive sur la chute de la
dynastie de Napoléon; mais il
est encore plus certain que l’or-
dre de sortir de Paris, si les alliés
en approchaient, avait été donné
par Napoléon lui-même, dans les
instructions laissées avant son dé-
part pour l’armée. Il les renou-
vela dans le courant de mars, par
une lettre adressée à son frère
Joseph. Cette lettre ayant été lue
au conseil de régence , tous ceux
qui le composaient (hors un seul )
furent d’avis que l’Impératrice , la
cour et l’administration centrale
devaient se retirer au - delà de la
Loire. L’archichancelier ne fit que
se ranger au sentiment Commun,
et tout ce qu’on peut lui repro-
cher, c’est de n’avoir pas élevé la
voix pour le combattre.
Après que la nouvelle de lab-
dication de Napoléon fut connue
à Blois, et que l’Impératrice eût
été remise entre les mains des
commissaires de son père, char-
gés de l’accompagner en Autriche,
Cambacérès envoya, les 7 et 9
avril 1814, son adhésion aux ac-
tes du Sénat. Il revint ensuite à
Paris, où il vécut très-retiré, et
58 CAM
ne parut pas faire attention aux
libelles et aux caricatures qui,
dans ce premier moment, déver-
sèrent sur lui l’injure et la calom-
nie. Le retour de l’île d’'Elbe le
surprit et l’inquiéta , sans doute,
autant que qui que ce soit. Appele
aux Tuileries dès le 20 mars, il
ne s’yrendit que sur un ordre réi-
- téré, et il fit quelques efforts pour
être dispensé de se lancer de nou-
veau dans une activité désormais
trop périlleuse ; cependant il re-
prit le titre d’archichancelier de
PEmpire (1), et accepta, par in-
térim, le portefeuille de la jus-
tice. Le détail des affaires de ce
département fut confié entière-
ment à M. Boulay ( de la Meur-
the ) : Cambacérès n’eut qu’à prè-
ter sa signature. Le 26 mars, il
présenta, au nom du ministère,
une adresse à Napoléon, où l’on
remarque lexpression des prin-
cipes libéraux qui devaient presi-
der au nouveau système du gou-
vernement. C’est Cambacérès
qui, en sa qualité d’archichance-
lier, fit le recensement général
des votes sur l’Acte additionnel
aux constitutions de l'Empire , et
en proclama le résultat dans la
cérémonie du Champ de Mai ; en-
fin, il présida la chambre des{Pairs
des Cent-jours, avec sagesse et
gravité.
Le second retour des Bourbons
ramena naturellement Cambacé-
rès dans la retraite ; ilne deman-
dait qu’à y rester paisiblement,
lorsqu'on prétendit lui appliquer
l'article de la loi d’amnistie qui
(1) Le 26 mars 1815, Cambacérès en-
voya au congrès de Vicnne sa renon=
ciation en bonne forme, au titre de
duc de Parme.
CAM
condamnait les votans au bannis-
sement. Cette application était
évidemment injuste, puisque le
vote de Cambacérès n’ayant pas
été compté pour la mort, avait dû
compter au contraire nécessaire-
ment, au nombre des votes d’ab-
solution. Il sortit de France et se
réfugia en Belgique, partageant
sa résidence entre les deux villes
de Bruxelles et d'Amsterdam.
Lorsque l’administration française
fut revenue aux règles de justice
dont elle n'aurait jamais dû s’e-
carter, elle reconnut l'erreur com-
mise à l'égard de M. Cambacéres ;
en conséquence, une décision
royale , en date du 13 maï 1818 ,
le rétablit dans tous ses droits ci-
vils et politiques. Il revint à Paris,
où il est mort d’une attaque d’a-
poplexie, le 8 mars 15624, âgé de
plus de 50 ans. À peine il ävait
fermé les yeux, que des commis-
saires du gouvernement se pré-
sentèrent pour mettre la main sur
ses papiers, et recueillir ceux
qu'ils jugeraient être la propriété
de l’Etat.Cette prétention souleva
une contestation judiciaire d’un
grand intérêt, dans laquelle le
gouvernement triompha, et qui
donna lieu à la publication d’un
mémoire de M° Dupin aîné.
M. le duc Cambacérès laissa en
mourant, une grande fortune, qui
a été partagée, sauf plusieurs legs
particuliers, entre deux neveux ,
de son nom. Depuis qu'il avait été
visité de l’adversité , il s'était ré-
fugié avec une foi vive et une con-
viction sincère, dans le sein de la
religion, qui ne refuse à personne
ses ineffables conso!ations. On le
voyait assidument, le dimanche, à
Saint-'Thomas-d’Aquin, sa pa-
roisse. Il avait fondé, de son vi-
CAM
vant, un certain nombre de lits à
l'hospice Marie-Thérèse. Son tes-
tament commence par ces mots,
usités chez nos pères: Au nom de
la très - Sainte-Trinité; il déclare
vouloirmourir dans la communion
de l’église catholique, au sein de
laquelle il est né; il y demande
pardon des fautes innombrables
qu’il a commises, sans toutefois
spécifier particulièrement aucune
d’elles ; il y fait des legs nombreux
et considérables, aux pauvres et
aux églises de Paris, de Bruxelles
et de Montpellier, à la charge de
dire des messes pour le repos
de son âme. Après qu'il eut été
réhabilité dans ses droits politi-
ques, M. le duc Cambacérès les
exerça avec exactitude , aux élec-
tions de Paris. Plusieurs fois les
journaux se sont amusés à publier
qu’ilaurait voté pour les candidats
du côté droit ; ilne répondit point
à cette imputation , mais nous
avons lieu de croire que les jour-
nalistes furent toujours mal infor-
més. M. le duc Cambacérès était
trop ennemi du bruit, et trop
amoureux de scn repos, pour
donner à ses opinions et à ses
votes électoraux, une publicité à
laquelle il pouvait ne point se
croire obligé. Il est certain d’ail-
leurs que, sauf quelques préjugés
de vieille magistrature, les prin-
cipes politiques de ses derniers
jours furent ceux d’un sectateur
éclairé des libertés constitution-
nelles. Ses amis, et il en conserva
de toujours fidèles, dans les rangs
les plus éminens de la société,
peuvent, sur ce point, rendre un
témoignage honorable à sa mé-
moire.
On a publié : Wie de Cambacéres,
æx-archichancelier ; par M. A. A**.
CAR .. 59
(Aubriet.) Paris, Tourneux, 1824.
1 vol. in-18, de 524 pag. avec un
portrait lithographié.— 2° édition;
ibid. 1825. — On a un beau por-
trait de Cambacérès, gravé dans
la collection des Grands-Aigles de
la Légion-d’honneur.
CARON (Jran-CnarLes-FELix),
chirurgien, est mort à Paris, dans
un âge avancé, le 19 août 1824.
I se donnait, sur le frontispice
de ses ouvrages, les titres et qua-
lifications qui suivent : ancien
chirurgien -élève-aide-major-ga-
gnant-maitrise des Invalides ;
membre du collége de la ci-devant
Académie royale de chirurgie ; élu
deux fois de suite, prevôtdu col-
lège et hospice de chirurgie de
Paris ; chirurgien en chef de l’ho-.
pital Cochin, depuis sa fondation.
— On a publié son Oraison funé-
bre (imprimerie d’Eberhart, 1824,
in-8, d’une demi-feuille). Voici la
liste de ses écrits.
I. Compendium institutionum
philosophiæ , ad usum candidato-
rum, etc. — Abrégé des élémens
de philosophie, à l'usage des can-
didats au grade de maïître-ès-arts.
1770, 2 vol. in-8.
IT. De poplilis anevrismate. —
De Panévrisme de l'artère popli-
tée. 1772.
LIT. Recherches critiques sur la
quatrième section d’un ouvrage ayant
pour titre: De la connexion de
la vie avec la respiration, etc. ;
par Edme Godwin, traduit de
Panglais, par J.-N. Hallé; où ül
s’agit de déterminer l’action chimi-
que que l'air a sur les poumons,
dans la respiration. 1798, in-8.
IV. Dissertation sur l'effet mé-
canique de l’air dans les poumons,
pendant la respiration, avec des ré-
Go CHA
flexions sur un nouveau moyen de
rappeler les noyés à la vie, proposé
par le docteur Ménzies. 1798, in-8.
V. La chirurgie peut-elle retirer
quelques avantages de sa réunion à
la médecine ? Cette réunion four-
nira-t-elle des médecins assez in-
struits en chirurgie pour soulager
l'humanité souffrante ? 1802, in-8.
VI. Réflexions sur l'exercice de
la médecine. 1804, in-8.
VIL. Remarques sur un fait d'in-
sensibilité, qui quelquefois doit
avoir lieu sur les amputations des
grandes exlrémités. 1804, in-8.
VIIT. Examen du Recueil de tous
les faits et observations relatifs au
croup. 1808, in-8,
IX. Réfutation du premier mé-
moire de la Clinique chirurgicale,
de M. Pelletan, chirurgien consul-
tant de LL. MM. IT. et RR. etc.,
sur la Broncotomie. Paris, Mer-
lin, 1811; in-8, de quatre feuilles
un quart.
X. Programme d’un prix relatif
à la trachéotomie, dans le traite-
ment du croup, offert par Ch.F.
Caron. Paris, imp. de Pillet, 1812;
in-8, d’une feuille.
XI. Démonstration rigoureuse
du peu d'utilité de l Ecole de méde-
cine, du grand avantage que l’on
a retiré et que l’on retirera toujours
du rétablissement du Collége de chi-
rurgie. Paris, imp. de Pillet aîné,
1818 ; in-8, de deux feuilles un
quart.
CHAMPCOUR. (AxDRË DE),
chevalier de l’ordre royal et mili-
taire de Saint-Louis, est mort à
Paris, dans les derniers jours de
septembre 1823, à l’âge de cin-
quante-trois ans.—Je connais de
Jui.
JL L’Auteur et son compére,
CHA
dialogue en vers. 1810, in-12, de
douze pages.
Je présume que la date de 1810
est fautive, et qu’il faut lire 1820.
Cet opuscule à été réimprimé ,
page 55 du n° VITT, ci-après, sous
le titre de : les Deux Pédans.
I. Le Courage duns ladver-
sité, ode. 1821, in-12. — réim-
primé, page 37 du n° VIII.
IT. Mes V'œux, stances. 1891,
in-19. — réimprimé, page 52 du
NiNIIE
IV. Le Rendez-Vous , romance.
1821, in-12. —réimprimé, p. 129
du n° VIII.
V. Ma Philosophie, couplets
bachiques. 1821, in-12. — réim-
primé, page 155 du n° VIII, sous
le titre de Couplets bachiques.
VI. Les Moines, couplets bachi-
ques. 1821, in-12.—réimprimé ,
page 132 du n° VIII.
VII. Poésies légères. in-12, de
douze pages, sans frontispice ni
millésime, qui sans doute sont
comprises dans le n° VEII..
VIII. Poésies légères. 4822,
in-12, de vu et 204 pages.
On y trouve une pièce de théâtre
intitulée : Les Rivaux de la Cour-
tille, tragédie burlesque (en un
acte et en vers). — page #2, ilya
deux imitations de Martial. — p.
153, le Cantique de saint Ignace de
Loyola, fondateurdes Jésuites,etc.
— Ce volume, dont j’ai un exem-
plaire sous les yeux, n’a dû être
tiré qu’à un très-petit nombre. Il
est dédié à M. le duc de C**,
grand d’Espagne de première
classe , colonel du deuxième régi-
ment d'infanterie de Jigne. Dans
une note (page 126) est nommé
M. le duc de Céreste, colonel de
la légion de l’Aisne , et c’est pro-
CHA
bablement à Ini qu’est dédié le re-
cueil.
IX. Pièces fugitives et légères ,
ou Mélanges d’Ahistoriettes et d'a-
necdotesrécentes. Paris, 1820,in-18,
de cent-quatre-vingt-douze pages,
plus quatre pour les faux-titre et
titre, et un feuillet pour la table.
Ce volume a été tiré à très-petit
nombre. Toutes les pièces qu’il
contient sont en prose.
X. Histoire morale de lElé-
phant, où Choix des plus beaux
traits d'intelligence, d'affection et
de docilité de cet animal envers
l'homme, depuis les temps les plus
reculés jusqu’à nos jours. Paris,
1821, in-18 , de 158 pages, y
compris les faux-titre et titre,pré-
face et table.
Ce volume a été aussi tiré à
très-petit nombre et imprimé par
l’auteur lui-même, qui en avait
les moyens.
- (Extrait de la Bibliographie de
la France, rédigée par M.Beuchot,
volume de 1824,pages 216 et662).
CHASTELLAIN JEAN-
CLrauDe ), né le 4 décembre 1547,
était membre au directoire du dis-
trict de Sens, lorsqu'il fut nommé,
en 1792, par le département de
FYonne, député à la Convention
nationale , où il se fit remarquer
par la sagesse et le courage de ses
opinions, principalement dans le
procès de Louis XVI. Il se dé-
clara pour lappel au peuple, et
seul des députés de son départe-
ment, il ne vota point la mort du
monarque ; il opina pour la déten-
tion et le bannissement à la paix.
Devenu dès-lors suspectet accusé
de modérantisme ,; il donna plus
tard une preuve de courage qui
sélève jusqu’à lhéroïisme, Le
CHR 61
rapporteur de la Convention ne
pouvant lire distinctement sa si-
gnature, parmi celles qui se trou-
vaient au bas de l’acte de protesta-
iion contre la journée du 351 mai,
conclut à ne rien prononcer contre
inconnu. M. Chastellain se leva
aussitôt, et dit avec la plus noble
fermeté : « Cette signature est la
» mienne, et je demande à parta-
»ger le sort de mes collègues. »
Il fut mis en arrestation et ses
biens séquestrés. Ayant recouvyré
la liberté après le 9 thermidor, il
rentra à la Convention, et plustard
au Conseil des Cinq-cents, d’où il
sortit en mai 1797. Après le 18
brumaire (novembre 1799), Ghas-
tellain futnomineé juge au tribunal
civil de Sens; mais il n’occupa
que peu de temps ces fonctions, et
il se retira dans sa maison de cam-
pagne de Subligny, près Sens,
sur les bords de l'Yonne, oùil est
mort, au mois d'octobre 1824. —
On doit à J.-CI. Chastellain un
ouvrage intitulé : Pacte social
combiné sur l’intérêt physique, po-
litique et moral de la nation fran-
çaise et autres nations. Paris, imp.
nationale , messidor an III (juin
1595); in-4, avec tableaux. —
«Je crois me rappeler, ajoute
M. Beuchot (Bibliographie de la
France, vol. de 1825, page 159),
qu’en 1795, Chastellain publia un
Plan de constitution »
CHRISTOPHE (Axroixe-NoEr-
Marrmieu), né à Lyon, vers 1568,
venait d’être ordonné prêtre en
1791, lorsque le refus de prêter
serment à la Constitution civile du
clergé l’obligea à s’expatrier. IL
passa d’abord en Savoie, et de là
il vint à Fribourg, en Suisse, d’où
un ordre de la police le fit partir.
62 CHR
Alors il se réfugia dans les bail-
liages suisses et italiens ; mais il
revint à Paris, en 1595. I1y publia,
sous le voile de l’anonyme, une
brochure où il invitait les ecclé-
siastiques à se soumettre à l’auto-
rité de fait. Dans le même temps,
l'abbé Christophe, cédant à la li-
cence de l’époque, présenta aux
comédiens français une pièce de
sa composition; ceux-ci refusè-
rent de la jouer. Quelque mois
après parut pour la premiére fois,
sur la scène, Blanche et Montcas-
sin, tragédie de M. Arnault,
L'abbé Christophe, qui aurait pu
entrevoir dans la ressemblance de
cette tragédie avec la pièce qu’on
lui avait refusée une consolation
pour son amour-propre, aima
mieux supposer qu’on s'était in-
discrètement approprié son sujet
et une partie de son plan. Il es-
saya de faire du bruit dans les
journaux; mais ses réclamations
n’eurent point de suite. L’abhé
Christophe devint, sous le gou-
vernement impérial, professeur
de belles-lettres au collége de
Tournay. Il perdit cet emploi en
1819; il est mort à Néris-les-
Bains, département de l'Allier, le
91 juillet 1824. C’était un écrivain
laborieux et passablement versé
dans la connaissance des langues
anciennes.
Liste des ouvrages
de A.-N.-M. Christophe.
I. Les deux Emilies, ou Aven-
tures du duc et de la duchesse d’ A-
beerdeen, trad. de Henriette Lee.
1800, 2 vol. in-12.
IT. Arundel et Henrielte, ou
les Aventures de deux Orphelins ;
suivies de Montfort, ou les Dangers
COL
des voyages ; trad. de l’anglais, de
Henrielte Lee. 1800, in-1 2.
IT. Antoinelle et V'almont.
1801, 2 vol. in-18.
IV. Le Châleau de Saint-Hilaire,
ou le Frère et la Sœur devenus
Epoux, par Henriette Lee, trad.
de l'anglais. 1801, 2 vol. in-12.
V. Lettres Athéniennes, ou Cor-
respondance d’un agent du roi de
Perse, résidant à Athènes pendant
la guerre du Péloponèse , trad. de
l'anglais. 1802, 4 vol. in-12.
Cet ouvrage a aussi été traduit
par Villeterque.
VI. Dictionnaire pour servir à
intelligence des auteurs classiques,
grecs el latins. Paris, Duprat-Du-
vergier, an XIII (1805 ); 2 vol.
in-8.
C’est une traduction libre du
Dictionnaire anglais de Lem-
prière, qui estlui-même un abrégé
du grand Dictionnaire de Sabatier,
en 96 vol. in-8.
Christophe a laissé quelques
ouvrages inédits, parmi lesquels
on cile une Histoire de Malte.
COLLEVILLE, née SaT-Lécer
(Madame de }, fille d’un mé-
decin de Paris, est auteur de co-
médies, de romans'et de poésies
légères; elle est décédée le 15 sep-
tembre 1824. Nous connaissons
de cette dame ; les ouvrages sui-
vans :
I. Lettres du chevalier de Saint-
Alme et de mademoiselle de Mel-
court ; par mademoiselle de ***.
Amsterdam, Changuion; et Paris,
Delormel, 1581, in-12.
Il. {lexandrine, ou l Amour est
une vertu; par mademoiselle de
5***, Amsterdam; et Paris, De-
lormel, 1782 ; deux parties in-12.
On trouve le même ouvrage
CON
reproduit sous le titre suivant :
Alexandrine de Ba..., ou Lettres
de la princesse Albertine, trad. de
l'allemand. Paris, Buisson , 1786,
in-12.
III. Le Bouquet du Pire de fa-
mille, divertissement en un acte ct
en prose. 1784, in-8.
IV. Les Deux Sœurs, comédie
en un acte et en prose. 1584, in-8.
V. Sophie et Merville, comedie
en 2 actes et en prose. 1788, in-12.
VI. Madame de M ***, ou [la
Rentière. Paris, Maradan, 1802
et 1804; 4 vol. in-12 (anonyme).
VII. Wictotre de Martigues, ou
Suite de la Rentière. Paris, 1804 ;
4 vol. in-12.
VIII. Salut à Messieurs les ma-
ris, où Rose et Linval, par l’au-
teur de la Rentière. Paris, G. De-
senne, 1812, in-12.
Ce roman avait déjà paru en
1805 , ou 1806.
« M® de Collevilie nous avait
promis lhistoire d’une illustre
victime de la Révolution, sous
le titre du Porteur d'Eau ; des
scrupules religieux (dit-on ) ont
changé ses idées sur les ‘ro-
mans et l’ont pcriée à détruire
son manuscrit (Petite Bibliogra-
phie biographico-romancière ; par
le libraire Pigoreau, 1821 , in-8,
page 171).
CONDÉ (Louise-ApéraïnE DE
Bour8ox), fille de Louis-Joseph
de Bourbon, prince de Condé ,
et de Charlotte-Godefride-Elisa-
beth de Rohan-Soubise, naquit à
Chantilly, le 5 octobre 1755. Cette
princesse avait été destinée par
Louis XV à épouser M. le comte
d'Artois (aujourd’hui $. M. Char-
les X }; mais des divisions de fa-
mille, auxquelles on a dit, dansle
CON C5
temps, que la reine Marie-Antoi-
nette ne fut pas étrangère, empê-
chérent cette union. Mademoiselle
de Condé futnommée,en1586,ab-
besse du chapitre noble de Remi-
remont, dignité dotée avec opu-
lence; mais qui, suivant les usages
ou plutôt les abus du temps, ne
lobligeait pas à quitter le monde.
La princesse continua donc à res-
ter à la cour jusqu’au 16 juillet
1780, trois jours après la prise de
la Bastille, qu’elle émigra avec
son père. Mademoiselle de Condé
se rendit à Turin par la Suisse,
et résida successivement, pendant
vingt-cinq ans, en Allemagne, en
Russie et en Angleterre. C’est du-
rant son exil qu’elle prit la réso-
lution d’embrasser sérieusement
la vie religieuse. Elle en fit part
au roi Louis XVIII, par la lettre
suivante :
« SIRE, Ce n’est pas au moment
» Où je vais avoir l’inappréciable
» bonheur de me consacrer à mon
» Dieu, que j'oublierai, pour la
» première fois, ce que je dois à
» mon Roi! Appelée depuis long-
»temps à l’état religieux, je suis
» venue à Turin, où les bontés et
» l’ancienne amitié de madame la
»prieure de Piémont m'ont pro-
»curé des facilités pour exécuter
»mesprojets, mûürementexaminés
»et réfléchis. Mais avant leur en-
vtier accomplissement, je supplie
» V. M. de vouloir bien y donner
»son agrément. Je le lui demande
»ayec d'autant plus de confiance,
»que j'ai la certitude qu’il ne sera
» pas refusé, et que votre religion,
» oire, vous fera même trouver de
»la consolation à voir une prin-
»cesse de votre sang se revêtir
»des livrées de Jésus-Christ.
»Puisse le Dieu dont j’éprouve
64 CON
» d’une manière si insigne l’infinie
» miséricorde , exaucer les vœux
» que je formai constamment pour
» le rétablissement de l'autel et du
»trône dans ma malheureuse pa-
» trie : ils seront aussi sincères que
»les efforts de mes parens sont
» soutenus pour le même objet.
» Le désir du bouheur personnel de
» V. M. est également dans mon
» cœur : j ose la supplier de dai-
»gner en être persuadée.
»Je suis avec un profond res-
» pect, €ic. »
Turin, le, novembre 1795.
Le 1‘ décembre suivant, ma-
demoiselle de Condé reçut du Roi
la réponse qui suit, datée de Vé-
rone :
« Vous avez mûrement réfléchi,
»ma chère cousine, sur le parti
»que vous avez pris. Votre père
» y a donné son consentement, j'y
» donne aussi le mien, ou plutôt
»je cède à la Providence, qui
»exige de moi ce sacrifice. Il est
»grand, je ne vous le dissimule
» pas, et ce n’est qu'avec un re-
»gret extrême que je perds l’es-
»pérance de vous voir être un
»jour, par vos vertus, l'exemple
»de ma cour et l'édification de
»tous mes sujets. Je n’ai qu’une
» consolation ; c’est de penser que,
»tandis que la valeur et les talens
»de vos parens les plus proches
s m’aident à relever les autels de
» Dieu et le trône de saint Louis,
» Vos prières attireront les béné-
»dictions du Très-Haut sur ma
» Cause, qui est aussi la sienne, et
»ensuite sur tout mon règne. Je
»m’y recommande donc, et je vous
»prie, ma chère cousine, d’être
CON
»bien persuadée de toute mon
» amitié pour vous.
Signé Loris. »
Mademoiselle de Condé, ren-
trée en France avec la famille
royale, ne put reprendre immé-
diatement la clôture. Le Roi lui
donna l’ancien palais du Temple,
pour s’y réunir avec ses sœurs :
mais de grands travaux étaient
nécessaires afin de me ttre cette
demeure en état de les recevoir. Us
ne furent terminés qu’en 1816, et
le 3 novembre de cette même an-
née, la princesse entra dans cette
demeure pour n’en plus sortir, et
s’y consacra avec ses religieuses,
à l’'adoration perpétuelle du S'aint-
S'acrement , association dont l’ob-
jetest d’expier les crimes dela Ré-
volution. Mademoiselle de Conde
est morte comme elle avait vécu,
dans la profession et la pratique
du christianisme le plus sublime,
le 10 mars 1824.
CONSTANT-BERRIER (JEax-
François), natifd’Aire, en Artois,
est mort à Paris, le 12 juin 1824.
Il avait rempli près des armées
républicaines les fonctions d’a-
gent en chef des vivres, sous le
commandement de Kellermann
et sous celui de Schérer. Hu-
main et modéré dans ses opi-
nions, des personnes persécutées
durant la Révolution, trouverent
un asile dans son administra-
tion. Ce fut à tel point que le
Journal des Hommes - Libres dé-
nonca Constant-Berrier, et il fut
obligé de quitter ses fonctions.
1 sortit pauvre d’un poste où
tant d’autres auraient fait une
grande fortune ; depuis, il vé-
bat obscur, et mourut indigent,
CON
s’employant pour subsister, à tra-
duire les journaux étrangers, au
bureau de la Gazette de France. On
voit, en parcourant les titres de ses
productions, que Constant-Ber-
rier s’essaya à chanter toutes les
circonstances ; offrant ainsi en sa
personne ume triste et nouvelle
preuve de cêtte vérité, que la pro-
bité ne suffit pas seule pour faire
un homme honorable, si elle n’est
unie à l'indépendance de posi-
tion, que l’ordre et l’industrie
peuvent uniquement garantir.
Liste des ouvrages
de J.-Fr. Constant-Berrier.
I. Ode à LL. MM. II.et RR.
Napoléon - le- Grand et Marie-
Louise d’Autriche. Paris, Mi-
chaud , 1810; in-8.
IL. Siances à LL. MM. II. et
RR. sur la naissance du Roi de
Rome. Paris, Egron, 1811; in-8.
III. Le Livre du Destin, poëme
sur la naissance du Roi de Rome
(dans les Hommages poétiques à
Napoléon. t. I1, p. 233).
IV. (Avec Armand Ov.....)
Le Mari Confident, comédie-vau-
deville, représentée sur le théâtre
de l’'Ambigu-Comique, le 2 août
1520. Paris, Fages, in-8, de deux
feuilles un quart.
V. Le Dévouement de Males-
herbes. Paris, imprimerie de M°
Jeunehomme-Crémière , 1821 ;
in-8, d’une feuille un huitième.
VI. (Avec Armand Ov..... )
L’Epicurien malgré lui, vaudeville
en un acte, représenté sur le
théâtre de la Porte-Saint-Martin,
le 14 novembre 1822. Paris,
Quoy; in-8, de deux feuilles.
VII. La Restauration des lettres
et des arts sous Francois I”, ode
COR 65
qui a concourupour le prix de poé-
sie, à l’Académie française. Paris ,
Delaunay,1822; in-8, d’une demi-
feuille. — tiré à cent exemplaires.
VIIT. Les Médecins Français et
les Sœurs de Sainte-Camille à Bar-
celonne , pièce qui a concouru pour
le prix de poésie, à l’ Académie fran-
caise. Paris, Delaunay, 1822; in-8,
d’une feuille.
IX. (Avec Armand Ov.....)
Les Deux Lucas , vaudeville en un
acte , représenté sur le théâtre de
la Gaîté, le 5 mars 1823. Paris,
Duvernoy ; in-8, de deux feuilles
et demie.
X. (Avec le même et Hippo-
lyte L***) Félix et Roger, pièce
en un acte, mêlée de couplets,
représentée sur le théâtre de la
Gaîté, le 3 février 1824. Paris,
Barba ; in-8, de deux feuilles un
quart.
Constant-Berrier concourut en
1824, à la Société des Bonnes
Lettres , sur là question des avan-
tages de la légitimité, Son travail
obtint une mention honorable ;
mais il n’a point été imprimé.
CORDIER (. . . . . ). Ilétait
juge de paix à Coulommiers, en
Brie, et fut député de Seine-et-
Marne , à la Convention nationale.
Dans le jugement de Louis XVT,
il vota la mort de ce prince,
contre l’appel au peuple et contre
le sursis. Depuis, on l’a entière-
ment perdu de vue. Il est mort à
Bruxelles, où il vivait dans l'exil,
le 24 octobre 1824, à la suite
d’une maladie de langueur. Les
journaux ont publié qu’il avait ma-
nifesté les sentimens les plus vrais,
de religion et de résignation ;
ils ont ajouté qu’un service avait
été célébré pour le D :: son
66 CUG
âme,dans l’église de Notre-Dame,
de Bruxelles. Ni le Monileur , ni
aucune autre source qui nous soit
connue , ne fournissent de détail
sur la carrière politique ou sur la
vieprivée de Cordier; sans doute,
iln’est sorti qu’un seuljour de lob-
scurité qui couvre le reste de sa
carrière ; mais ce jour est de ceux
dont l’avenir doit garder la mé-
moire.
CUGNET DE MONTARLOT
(N.) naquit à Rioze, départe-
ment de la Haute-Saône, le5 juil-
let 1978. «Il servit d’abord, disent
les auteurs de la Biographie nou-
velle des Contemporains, dans la
vingt - troisième demi - brigade
d'infanterie de ligne. En 1598, il
prit, entre: Weintherthur et Fra-
wenfeld , un obusier et deux che-
vaux, à l’ennemi. Les blessures
graves qu'ilavaitreçues dans cette
campagne, ne lui permettant pas
de supporter les fatigues de la
marche, il entra, en l'an VIII
(1599 ): dans le deuxième régi-
ment de chasseurs à cheval. A la
baiaille de Sienne, en Toscane,
en l’an IX (1800), il chargea seul
sur une pièce de canon, tua Île
canonnier qui allait mettre le feu,
et en rejoignant son corps, il fit
prisonnier trois Cavaliers napoli-
tains. il compte trente-trois bles-
sures. Les gazettes d'Autriche et
de Saxe ont publié le fait suivant :
le 24 mai 1815, M. Cugnet de
Montarlot, charge de la police du
convoi des subsistances de l’ar-
mée, conduisait un convoi de
quarante-cinq voitures de vivres,
escorté par deux cent trente
hommes. L’escorte était réduite
à cent hommes, extrêmement fa-
tigués et pouvant à peine mar-
[4 IS ALL 0 LES LT 02
CUG
cher , lorsque trois cents Cosaques
se jettent sur elle, et cherchent à
lui enlever le convoi. Cugnet de
Montarlot, à la tête des braves
dont il prit le commandement, fit
si bonne contenance, que l’enne-
mi fut forcé de se retirer, après
avoir perdu beaucoup de monde.
Deux heures auparavant , les
mêmes Cosaques avaient pris deux
canons et des caissons, à deux
cent cinquante Français. »
in1816,Cugnetde Montarlotfut
arrêté comme prévenu d’avoir fait
partie d’une société secrète, dite
des Chevaliers du Lion, et dont le
procès, devenu célèbre, est connu
sous le nom d'affaire de lEpingle
noire, à cause du signe de rallie-
ment que l’accusation prêtait aux
conjurés. Après dix-huit mois de
détention, les accusés traduits de-
vant la cour d’assises de la Seine,
furent acquitlés par le jury (1).
Au sortir de la Conciergerie, Cu-
gnet de Montarlot entra dans les
bureaux de l Indépendant, journal
de l’opposition du côté gauche,
qui se publiait à cette époque;
mais il ne put y être employé que
d’une manière subalterne. En
1818, à la faveur de la législation
qui laissait une liberté illimitée
aux écrits périodiques publiés à
des époques irrégulières, on vit
éclore une foule de pampbhlets
rédigés souvent avec autant de
virulence que de légèreté. Parmi
eux , le Nouvel Homme gris
(1818 et 1819; Paris, Brissot-
(1) Voyez Conspiration des Cheva-
liers de l'Epingle noire , contenant
l'acte d'accusation, les débats, etc.
Paris, Plancher et Delaunay, 1817;
in-8, de 5 feuilles et demie.
CUG
Thivars, x1 livraisons, in-8) (1)
sut encore se faire distinguer par
son audacieuse amertume. La cou-
verture des cahiers de ce journal
portait le nom de Cugnet de Mon-
tarlot, qui en était effectivemeut
l'éditeur responsable, mais qui
fut toujours s incapable de concou-
rir de sa plume, à la rédaction.
Plus tard, le journal s’intitula :
le Libéral, ( dont il a paru douze
numéros, publiés en 1819, in-8,
Paris, ci Thivars ). Un DL
vidu nommé Coquelet ayant été
tué par un soldat de la garde
suisse , il parut à cetle occasion,
dans le Libéral un article où lon
disait que le $uisside pourrait bien
devenir le mot d’ordre universel
des habitans de Paris. Le pro-
cureur - général près la Cour
royale ayant vu dans ce jeu
de mots, une provocation au
meurtre, poursuivit l’éditeur res-
ponsable du Libéral, à ce qu’on as-
sure, contre l’intention du Garde-
des-steaux (M. de Serres), qui
professait à cette époque , une
grande tolérance pour la presse.
Cugnet de Montarlot traduit
devant la cour d’assises de la
(1) L’Homme gris est le principal
personnage d’un roman allemand que
MM. d'Aubigny et Pujol firent parai-
tre, en 1817, sur la scène de l'Odéon.
C'est un original franc et brusque, à
qui l’on donne un sobriquet emprunté
de la couleur des vêtemens qu'il porte
habituellement. — La Tabie du vo-
lume de 1820, dela Zibliographre de
la France , attribue à Cugnet de Mon-
tarlot l'Homme gris, Almanach fran-
çais, orné d'une victoire par jour, etc.
(Paris, Poulet, 1820, in-18, de 4 feuil-
les 479). Ce volume est en effet com-
posé presque tout entier, d'extraits du
journal l’Homme gris; mais Cugnet de
CUG 65
Seine ; fut encore acquitté hr le
jury y (2).
L'année suivante, le système
politique et le ministère ayant
changé, à la suite du funeste as-
sassinat de M. le duc de Berri,
Cugnet de Montarlot publia un
écrit intitulé : Opinion et protes-
tation de Cugnet de Montarlot, ex- |
commissaire des guerres, l’une des
victimes du pouvoir discrétionnaire
résultant de la loi du 9 novembre
1819, contre les propositions qui
tendent à porter atteinte à la loi des
éleclions , à la liberté individuelle et
à la liberté de la presse, adressées
à M. le président de la Chambre
des Députés, le 19 février 1820
(Paris, imprimerie de Renaudière,
1820, in-8, d’un quart de feuille).
Cugnet fut en effet un des pre-
miers atteints par les lois contre
lesquelles il protestait d'avance.
Arrêté d’abord extra-judiciaire-
ment, en vertu de la loi suspen-
sive de la liberté individuelle, il
fut immédiatement impliqué dans
un procès politique, désigné sous
la dénomination de Conspiration de
PEst, laquelle avait pour but, sui-
vant l’acte d’accusation, d’enle-
Montarlot est resté étranger à la ré-
daction de ce dernier, et par suite, à
la composition de l'Homme gris, al-
manach qui du reste ne porte point
son rom.
(2) H parut à l'occasion de ce procès,
un pamphlet judiciaire intitulé: Pre-
cis analytique pour servir de Jjustifr=
cation à Cugnet de Montarlot (ex-
commissaire des guerres) , en réponse
à une injure de 1. de Vatimesnb,
avocat-géneral faisant les fonctions
du ministère public , dans l'affaire du
Libéral , à l’occasion des Suisses , Le
14 juillet 1819. Paris, Corréard , 1819;
in-8, d'une feuille un quart.
68 CUG
ver où même d’assassiner M. le
ducd’Angoulême , dans un voyage
qu'il fit en Franche-Comté. Après
cinq mois de détention, la cour
de Besancon déclara qu'il n’y
avait lieu à suivre contre Cugnet
de Montarlot ; il fut mis en liberté,
et ceux de ses co-accusés qui
avaient été renvoyésdevantla cour
d'assises du Doubs, furent peu de
temps après acquittés par le jury.
Tant de tribulations qu’il avait
peut-être provoquées en partie,
par son imprudence, aigrirent
Cugnet de Montarlot. Croyant
sa liberté trop exposée en France,
il passa en Espagne, en 1821. Les
journaux de ce pays parlèrent de
lui, comme essayant de jouer un
rôle dans le parti démocratique.
Un mouvement attribuéaux com-
munéros, fut comprimé à Sarra-
gosse ; et Cugnet de Montarlot se
vit aussi poursuivi en Espagne,
comme ayant pris une part active
à ce nouveau complot. Alors il re-
passa clandestinement en France,
et parcourut, en se cachant, quel-
ques-uns des départemens du
midi. Après la journée de Madrid,
du 7 juillet 1822, il crut pouvoir
rentrer en Espagne. L’on doit
supposer qu'il s’y occupait de sus-
citer des obstacles à l’invasion des
Français, ou même d’y provoquer
une diversion, en excitant quel-
ques mouvemens sur leur fron-
tière , puisque le Moniteur publia
au commencement de 1823, une
pièce en forme de proclamation ,
surprise sur un de ses émissaires.
Ce document qui annonce un cer-
veau dérangé plutôt qu’un enne-
mi dangereux, prouve, s’il est au-
thentique, que l’auteur n’avait
pas la plus légère notion des vé-
ritables doctrines du parti poli-
CUV
tique qu'ilavait autrefois compro-
mis par les ardeurs de son zèle , et
que tout imbudes idées vaniteuses
et féodales de la monarchie mili-
taire de Napoléon, il confondait
aveclesprincipesdelaRévolution,
quelques locutions hyperboliques
quine sont plusemployéesaujour-
d’hui que par ses zélateursles plus
subalternes. Dans cette pièce, Cu-
gnet se qualifie chef du grand em-
pire français,etse gratifie de décora
tions de l’ordre du Soleil. Cugneide
Montarlot échappa aux Français,
même après qu'ils eurent envahi
toute l'Espagne ; mais il devait en-
fin rencontrer la destinée violente
qu’il semblait rechercher avec une
sorte d'inquiétude. Il se mêla,
sous le nom de D. Carlos de Mal-
sot, à la petite troupe d’Espagnols
du parti constitutionnel, qui,
partis de Gibraltar ou de la côte
d'Afrique , s’emparèrent, au mois
d'août 1824, de la forteresse de
Tarifa. Délogé de cette retraite
par les troupes françaises, il
tomba entre les mains des Espa-
gnols, fut condamné à mort par
une commission militaire de cette
nation, et fusillé à Almeria, en
Andalousie, le 24 août 1824. —
À l’époque où l’Homme gris fai-
sait quelque bruit dans le monde,
un dessinateur s’avisa de publier
le portrait lithographié de Cugnet
de Montarlot.
CUVELIER pe TRIE (JEan-
GUILLAUME - AUGUSTIN ), auteur
dramatique, naquit à Boulogne-
sur-Mer, le 15 janvier 1766. Il fut
recu avocat au barreau de cette
ville, après avoir fait ses études
à Paris, au collège des Grassins.
Mais la Révolution le jeta dans
une carrière différente. Nommé
AT TT,
ou D
dti
.
- CUV
capitaine dans la garde nationale
de Boulogne , il assista comme
député de ce corps, à la première
fédération , du 14 juillet 1790.
Ceite fois, la littérature et lambi-
tion le retinrent à Paris ; il obtint
successivement l'emploi de com-
missaire au gouvernement dans
les départemens de POuest, et de
sous-chef dans les bureaux de
l'instruction publique. Cuvelier,
qui était fils d’un ancien militaire,
avait porté l’uniforme dès l’âge de
douze ans, en qualité de garde
d'artillerie du petit port d’Amble-
teuse. I] le reprit de nouveau après
le 18 brumaire, er qualité de hus-
sard du premier Consul; servit à
la deuxième armée de réserve, en
Suisse et dans les Grisons, ensuite
à l’armée du Rhin. Nommé au
mois de prairial an XIT, capitaine
de première classe, commandant
les guides - interprètes, il fit les
premières campagnes de Prusse
et de Pologne. Les fatigues de cette
guerre et les rigueurs du climat
lui firent contracter un rhuma-
tisme aigu , qui le força de renon-
cer au métier des armes. Il lé-
changea contre celui des lettres,
dans lequel il sut conquérir des
succès productifs et bruyans. Il
est regardé comme le créateur du
mélodrame. On avait cependant,
je crois, joué Le Château du Diable,
au théâtre de Molière, avant qu'il
donnûât l'Enfant du Malheur, à
l’Ambigu. Des mélodrames nom-
breux, joués sur les divers théâ-
tres du boulevard, le firent pro-
clamer de son vivant, l’un des
pères de cette scène subalterne, et
lui acquirent le surnom ironique
de Corneille du boulevard. TX est
certain que Cuvelier abusa de sa
facilité et du peu d’exigence des
CUV 69
spectateurs auxquels s’adressaient
ses tableaux, pour produire sur les
théâtres populaires, des ouvrages
qui furent bien plus des spécula-
tions d’argent que des œuvres lit-
téraires ; aussi ses moyens drama-
tiques sont-ils trop souvent com-
muns etpeu vraisemblables, en
même temps que le dialogue de
ses personnages est emphatique
et incorrect. Il faut convenir
pourtant qu’il dut être doté, par
la nature, d’un esprit bien fé-
cond , et d’une imagination fertile
en toute sorte de combinaisons,
celui qui produisit sur la scène
plus de cent actions dramatiques,
toutes abondantes en ingénieuses
inventions, en situations pathéti-
ques ou terribles, en tableaux ef-
froyables ou gracieux. Savoir
amuser ou attendrir le peuple de
Paris, ce peuple dégrossi par la
présence et le contact du foyer de
la plus exquise civilisation, etau-
quel se mêlent d’ailleurs , au théä-
tre , les gens de lettres et les gens
du monde, n’est-ce pas posséder
un mérite plus réel, un talent
plus original , que celui de tant de
beaux esprits, qui encadrent sy-
métriquement des traits rebattus
de l’histoire ancienne , suivant les
règles qu’on nous apprend au col-
lége, et sans jamais rencontrer
une situation attachante, un mot
vrai, une pensée nouvelle ?
Cuvelier est mort le 25 mai
1924, âge de cinquante-huit ans.
Depuis seize années , il était per-
clus des jambes et des cuisses. Sa
philosophie et sa gaité, dans cette
triste situation, le faisaient com-
parer à Scarron, auquel il ne res
semblait d’ailleurs que par ses
beaux côtés. — On a publié : Pa-
roles funèbres prononcées sur la
7o CUV FA
tombe de notre ami J.-G.-A. Cu-
velier de Trie, capitaine de cavalerie
en retraite, membre de la Légion-
d'Honneur, conservateur ad vitam
de la R.. L.'.des Artistes, O.*. de
Paris, le Jeudi 25 mai 1824. in-8
d’une feuille, imp. de Dondey-
Dupré père; signé Dondey=D wpté:
fils.
Liste des ouvrages
de J.-G.-A. Cuvelier (1).
J. La Féte de l’Etre-Supréme.
20 prairial, an IT.
If. Le Codicille, ou les Deux
Héritiers, comédie représentée au
théâtre Montansier. Juin, 1799.
II. La Caverne dans les Pyré-
nées , pantomime en trois actes.
1709.
IV.Quel Guignon ! pantomime
(indiquée dans la France Lilléraire
de Ersch).
V. Le Menuisier de
35 brumaire, an HIT.
VI. Les Akankas, prologue;
suivi des Espagnols dans la Flo-
ride. an IT.
VII. La Fille Hermite, 1° bru-
maire, an IV.
VIII. Le Génie Azouf, ou Les
Deux Coffrets. 4 nivose, an IV.
1X. Le Damoisel et la Bergerelte,
historiette du 15° siècle , ornée
d’airs notés. 1799, in-8.
Cuvelier a composé depuis, une
pantomime, sous le même titre et
sur le même sujet, jouée d’abord
sur le théâtre de la Cité; remise
le 13 pluviose an VIT, avec des
changemens; enfin , imprimée
chez Barba, en 1804 et1818,ayant
Vierzon.
(1) La bibliographie de cet article a
été rectifiée et complétée d’après des
notes manuscrites communiquées par
M. Beuchot,
LR Let. 4 PR 2e
CUV
pour second titre : La Femme
vindicative, et jouée au Cirque-
Olympique de MM. Franconi frè-
res, rue du Faubourg-du-Temple.
X. Le Phénix, ou PIle des
Vieilles. 19 brumaire , an V.
XI. Le Conseil de Lucifer, pro-
logue; suivi des Tentations, ou
Tous les Diables. 25 frimaire, an V.
XII. L°Enfant du Malheur, ou
les Amans muets, comédie-féerie
en quatre actes et en prose, mêlée
de pantomimes,combatset danses,
représentée pour la première fois,
le 9 germinal, an V. 1599, in-8.
— remise en scène par M. Fran-
coni jeune, et reprise au théâtre
du Cirque-Olympique, faubourg
du Temple, le 2 août 1819. Paris,
Barba, 1817; in-8.
XHI. (Avec Bouilly ) La Mort
de Turenne, pièce historique et
militaire, à grand spectacle, en
trois actes , mêlée de pantomimes,
combats et évolutions, représen-
tée pour la première fois, le 29
prairial, an V (1797). in-8.
XIV. Les Faux Monnayeurs,
ou la Vengeance, drame en trois
actes, mêlé de chants, repré-
senté pour la première fois, le
12 floréal, an V (1597). in-8.
XV. C’est le Diable, ou la Bo-
hémienne. 28 brumaire, an VI.
XVI. Les Quiproquos noctur-
nes. 25 frimaire, an VI.
XVII. (Avec Hapdé) Le Petit
Poucet, ou POrpheiin de la Forét,
drame en 5 actes et en prose,
mêlé de chants, etc. ventose, an
VIE, in-8. — cinquième édition,
1801, in-8.
XVIII L’Anniversaire de la
Fête de la Souveraineté. 50 ven-
tose , an VI.
XIX. La Naissance de la Pan-
tomime. 2 floréal, an VI.
ve
CUV
XX. L'Héroine Suisse, ou
Amour et Courage. 7 prairial , an
VI.
XXI. Frédégilde, ou le Démon
Familier, drame à grand specta-
cle, en quatre actes, mêlé de
pantomimes, chants, danses et
évolutionsmilitaires. 15brumaire,
an VII (1798).
XXII. La Fille Hussard, ou
le Sergent Suédois. 29 frimaire,
an VII ( date d’une reprise).
Cuvelier a publié un roman,
sous ce même titre : un vol. in-18.
XXIII. L'Empire de la Folie,
ou la Mort et l À pothéose de don -
Quichotte. prairial, an VIE.
XXIV. Le Tombeau de Turenne,
ou {Armée du Rhin à Saspach.
an VII. — repris le 6 novembre
1809.
XXV. Les Miquelets, ou le Re-
paire des Pyrénées. 50 brumaire,
an VIIT.
XX VI. Les Chevaux savans, où
les Arabes à Marseille. 14ventose,
an VIIT.
XXVIT. Le Chevalier Noir, ou
le Dévouement de l Amitié , drame
à grand spectacle, en 3 actes. 17
prairial, an IX (1801), in-8.
XXVIII. Les Deux Sylphes,
prologue, suivi des Hommes de la
nature et des Hommes policés.
1°° fructidor , an IX.
XXIX. Le Chat Botté, ou les
V'ingt-quatre heures d Arlequin ,
opéra-pantomime, en quatre actes.
29 ventose, an X (1802), in-8.
XXX. Le Tribunal invisible ,
ou le Fils criminel, meélodrame
en trois actes, mêlé de pantomi-
mes, chants et danses. 10 floréal ,
an X (1801), in-8.
XXXI. Les Hommes et les Fem-
mes. an X.
AXXII. Kallick-Fergus, ou les
s CUV 71
Génies des Iles Hébrides, en trois
actes. 16 nivose, an XI (1803),
in-8.
XXXIIT. Ardres sauvée, ou les
Rambures. 23 pluviose, an XI.
XXXIV. A-t-il deux Femmes?
ou Les Corsaires Barbaresques.
an XI. |
XXXV. L’Oficier cosaque. 19
germinal , an XI.
XXXVI. L'Enfant Bradioue.
9 frimaire, an XII.
XXX VII. ctrat ali nan
et Morange) Le Nain Jaune, ou
la Fée du Désert, mélodrame-fée-
rie, en trois actes et en prose.
27 nivose, an XEE (1804), in-8.
XXXVIIE Téfe d’Airain, ou
le Prince à deux faces, pantomime
en trois actes, à grand spectacle.
7 ventose, an XEL (1804), in-8.
XXXIX. Hermann et Sophie,
ou le Carnaval Bavarois. 11 vendé-
miaire , an XIV (5 octobre 1805).
XL. Dago, ou les Mendians
d’Espagne. 12 juin 1806.
XLI. L’Enchanteur Morto-
V'ivo, prologue, suivi de l’Lle du
Silence, ou l’ Arlequin malgré lui.
15 juin 18006.
XLIY. La Lanterne de Diogène.
28 décembre 1807.
XLIIT. Les Français en Pologne.
9 mars 1805.
XLIV. Fradiavolo, ou Le Frère
Diable. 15 août 1808.
XLV. La Bataille d’Aboukir,
ou les Arabes du désert. 7 septem-
bre 1808.
XLVI. Cavdalo Dios, ou le Che-
val Génie bienfaisant. 16 novem-
bre 1508.
XLVII Nouvelles, Contes,
Historiettes, Anecdotes, Mélanges.
1808, 2 vol. in-8.
XLVIII. La Belle Espagnole,
72 » CUV
ou l’Entréetriomphale des Francais
à Madrid. 14 janvier 18009.
XLIX. V’aliher-le-cruel, ou
la Geôlière de Mergentheim. 235
août 1809.
L. La Fille mendiante.
tobre 1809.
LI. Le Bandit sans le vouloir
et sans le savoir. 1809, 5 vol. in-12.
Cuvelier a fait aussi une panto-
mime sur le même sujetetsous le
même titre que sonroman.
LIT. ( Avec Franconi cadet)
Gérard de Nevers et la Belle Eu-
ryant, scènes pantomimes, etc.,
représentées au Cirque-Olympi-
que, le 11 février 1810. — nou-
velle édition , Paris, Barba, 1814,
in-8. — nouvelle édition, ibid,
1820.
LIITI. La Main de Fer, ou l'E-
pouse criminelle. 24 mars 1810.
LIV. Le Faux Ami. 20 juillet
1810.
LV. La Famille Savoyarde, ou
les Jeux de la Fortune. 16 août
1810.
LVI. Martial et Angélique, ou
le Cheval accusateur , scènes pan-
tomimes, équestres et anecdoti-
ques, en trois parties, représen-
tées au Cirque-Olympique , le 10
novembre 1810, et reprises le
15 février 1812. Paris, Barba,
1812, in-8.
LVITI. T'ilberge l’ Amazone, ou
les Monténégrins. 6 décembre
1810.
LVIII. Le Jugement Suprême;
ou l’Innocence sauvée. février
1811.
LIX. L'Enfant d’Hercule, ou
les Deux Temples. 1° avril 1811.
LX. L’Entrée des Chevaliers
français dans Sérica, prologue ,
suivi du Chevalier de la T'able
Ronde. 17 juin 1811.
12 OC-
CUV
LXT. Séanislas Lesczinski, ou
le Siége de Dantzick. 25 juin 1813.
LXIT. Don Quichotte et Sancho .
Pança. 1811.
LXYII. (Avec Villiers) La Pe-
tite Nichon, ou La Petite paysanne
de la Moselle , anecdote consignée
dans le Journal de Paris, le 5 no-
vembre 1811, petits tableaux,
en une petite action, précédés
d’un petit prologue, représentés
à la salle des Jeux Gymniques, le
samedi 23 novembre 1811. chez
Barba, in-8.
LXIV L'Enfant Prodigue, ou
les Délices et les Dangers de Mem-
phis. 22 janvier 1812.
LXV. Le V'olcan, ou l Anacho-
rèle du Val des laves , pantomime
magique, en trois actes, à grand
spectacle , musique de M. Alexan-
dre , ballets de M. Camus, décors
de M. Moench, costumes exécutés
sur les dessins de M. Isidore ; re-
présentée pour la première fois au
Cirque-Olympique, le 11 mars
1812. chez Barba, in-8.
LXVI. La Fille Sauvage, ou
Inconnue des Ardennes , mélo-
drame en trois actes et à grand
spectacle, représenté pour la pre-
mière fois, à Paris, sur le théâ-
tre de la Gaîté, le 51 mars 1812.
Chez Barba, in-8.
LXVII. LaFemme Magnanime,
ou le Siége de La Rochelle,musique
par M. Alexandre, divertissemens
de M. Morand, costumes et décors
de M Isidore; représenté pour la
première fois, à Paris, au Cirque-.
Olympique, le 2 mai 1812. Paris,
Barba, 1812, in-8.
LXVIII, Le Regard, ou (a
Trahison. 8 septembre 1812.
LXIX.Le Renégat, ou la Belle
Géorgienne, pantomime chevale-
resque , en trois actes et à grand
CUV
spectacle, tirée de la Vieille Chro-
nique des Croisades, représentée
sur le théâtre du Cirque-Olympi-
que, le 25 novembre 1812; et
reprise pour l'ouverture de la
nouvelle salle de MM. Franconi,
le 8 février 1817. — nouvelle édi-
tion, corrigée. Paris, Barba, 1817,
in-8.
LXX. La Pauvre Fille, ou la
Victime de la séduction , panto-
mime en trois actes, musique ar-
rangée par M. Alexandre, repré-
sentée pour la première fois, à Pa-
ris, au théâtre de la Gaïîté, le
9 mars 1819. Paris, Barba, in-8.
LXXI. La Pucelle d'Orléans,
pantomime historique et chevale-
resque, en trois actes, à grand
spectacle, précédée du Songe de
Jeanne d Arc, et terminée par son
Apothéose, représentée pour la
première fois, à Paris, au Cirque-
Olympique, le 10 novembre 1 815.
Chez Barba, in-8. — nouvelle
édition, 1814, in-8.
Le tome V de la France Litté-
raire de Ersch , imprimé en 1806,
donne à cette pièce la date de 1803.
Les notes manuscrites de M. Beu-
chot lui donnent celle du 25 ger-
minal an XI. De là, il est néces-
saire de conclure que la pièce
avait déjà paru sur quelque autre
théâtre, avant de se produire
pour la premiere fois, au Cirque-
Olympique.
LXXII. Adolphe de Halden,
ou l’Orphelin du Château, mélo-
drame en trois actes, représenté
sur le théâtre de la Gaîté, le 12
octobre 1815. Paris, Barba, in-8.
LXXIIT Saint-Hubert, ou le
. Cerf Miraculeux , pantomime en
trois actes el à grand spectacle, re-
présentée pour la première fois, à
Paris, au Cirque - Olympique, le
CUV 73
22 janvier 1814.—remise avec des
changemens,le 21septembre1814.
— seconde édition, Paris, Barba,
1814, in-8.
LXXIV. Alcibiade
8 mars 1814.
LXXV. L’Entrée de Henri IV
à Paris. 50 avril 1814.
LXXVI. La Jeunesse du grand
Condé, ou la Bataille de Rocroy,
pantomime historique, mêlée de
dialogues, en trois actes et à grand
spectacle, représentée pour la pre-
mière fois, sur le théâtre du Cir-
que-Olympique, le 11 juin 1814.
Paris, Barba, in-8.
LXXVII La Paix ou la Fête
d’un bon Roi. 28 juin 1814.
LXX VIII. Le Vieux de la Mon-
tagne, ou les Arabes du Liban,
mélodrame en trois actes, en prose
et à grand spectacle, représenté
sur le théâtre de la Porte-Saint-
Martin, le 26 décembre 1814.
Paris, Barba, in-8.
LXXIX. Les Martyrs, ou Eu-
dore et Cymodocée, pantomime en
trois actes, à grand spectacle, ti-
rée de l’ouvrage de M. de Chä-
teaubriand. Paris , Barba, 1824 ;
in-8.
LXXX. Dieu, l’Honneur et les
Dames. 1° avril 1815.
LXXXI. Bélisaire.
1815.
LXXXII. Le Chef Ecossais, où
la Caverne d’Ossian, pantomime
en deux actes, à grand spectacle,
avec un prologue ; représentée sur
le théâtre du Cirque-Olympique,
le 25 septembre 1815. Paris,
Barba, in-8.
LXXXIII (Avec Francont
jeune) Sancho dans Pile de Bara-
Laria, pantomime bouflonne, en
deux actes, avec un prologue, etc.:
représentée sur le théâtre du Cir-
Solitaire.
19 avril
54 EUv
que-Olympique, le 14 février
1816. Paris, Barba, in-8,
LXXXIV. L'Union des Lys,
ou Le Triomphe du Génie du bien,
féerie mêlée de pantomime, de
chants et de danses, en deux actes
et à grand spectacle , représentée
(à l’occasion des fêtes pour le
mariage de S. À. R. le duc de
Berri) au théâtre de la Porte-
Saint-Martin , le 15 juin 1816.
Paris, Barba, in-86.
LXXXV. {Avec Léopold) Le
Sacrifice d'Abraham, pièce en
quatre actes, à grand spectacle,
mêlée de pantomimeset de danses,
représentée sur le théâtre de la
Gaïté, le 20 juin 1816. Paris,
Barba, in-8.
LXXXVI. ( Avec Hubert)
L'Homicide, où les Amis du Mo-
gol, melodrame en trois actes, à
grand spectacle, représenté sur
le théâtre de l’Ambigu-Comique,
le 8 janvier 1817. Paris, Fages,
in-8.
LXXX VIT. (Avec Léopold) La
Gucule de Lion, ou la Mère es-
clave, mélodrame en trois actes
et en prose, représenté sur le
théâtre de la Gaîté, le 14 janvier
1817. Paris, Barba , in-8.
LXXXVIIL ( Avec Brazier )
Le Boulevard du Temple, vaude-
ville en un acte, pour l'ouverture
de la nouvelle salle de MM. Fran-
coni, représenté sur le théâtre du
Cirque-Olympique , le 8 février
1817. Paris, Barba, in-8, — deux
éditions.
LXXXIX. Aacbecth, ou Les
Sorcières dela Forêt, pantomime
en trois actes, à grand spectacle ,
avecune {ntroduction, représentée
au Cirque-0Olympique , le 20 mars
1819. Paris, Fages, in-8.
XC. (Avec Léopold)Les Macha-
CUV
|
bées ou a Prise de Jérusalem, drame
sacré , en quatre actes , à grand
spectacle, représenté sur le théâtre
de l’'Ambigu-Comique, le 23 sep-
tembre 1817. Paris, Fages, in-8.
XCI. ( Avec le même ) Roland
Furieux , pantomime chevaleres-
que et féerie, en quatre actes, avec
des prologues, représentée au Cir-
que-Olympique, le 21 novembre
1917. Paris, Fages, in-8.
XCII. ( Avec le même ) Le
Coffre de Fer, ou la Grotte des
Apennins , pantomime en trois
actes, représentée au Cirque-
Olympique, le 21 février 1818.
Paris, Fages, in-8.
XCII. L’Orphelin soldat, drame
militaire, en trois actes, repré-
senité sur le théâtre de la Gaîté,
le: 5 mars 1818. Paris, Fages,
in-5.
XCIV. ( Avec Léopold ) Jean
Sbogar, mélodrame en trois actes,
à grand spectacle, tiré du roman
( de Ch. Nodier ), représenté
sur le théâtre de la Gaîté, le 24
octobre 1818. Paris, Fages, in-8.
XCV. Le More de Venise, ou
Othello, pantomime entremêlée
de dialogues, en troisactes, imitée
de la tragédie anglaise, représen-
tée sur le théâtre du Cirque-0Olym-
pique, le 29 octobre 1818. Paris,
Fages, in-6.
XCVI. La Mort de Kléber, ou
les Français en Egypte, mimo-
drame historique et militaire, en
deux actes , représenté au Cirque-
Olympique , le 7 janvier 1810.
Paris, Fages, in-8. — nouvelle
édition. Paris, Bezon, 1829; in-8.
XCVII. L’Ours et l'Enfant ou
la Fille bannie, mélodrame en
trois actes, à grand spectacle ,
représenté sur le théâtre du Gir-
que-Olympique de MM. Franconi,
mdr PAT
CUV
le 19 octobre 1819. Paris, Fages,
in-8.
XCVIIT. ( Avec Léopold) La
Montre d’or ou le Retour du fils,
mimodrame en deux actes, re-
présenté au Cirque-Olympique, le
29 février 1820. Paris, Fages,
in-8.
X CIX. (Avec Hélitas de Meun )
LaMort du Tasse,tragédie lyrique,
en trois actes , représentée sur le
théâtre de l’Académie-Royale de
musique, le 7 février 1821; mu-
sique de Manuel Garcia, ballets
de Milon. Paris, Vente, in-8.
C. ( Avec Léopold ) La Prise
de Milan, ou Dorothée et La Tré-
mouille , pièce en trois actes, à
grand spectacle; musique arran-
gée par MM. Leblancet Alexandre,
ballets de M. Lefèvre , décors de
M. Joanÿ; représentée sur le
théâtre de la Gaïté , le 10 février
1821. Paris, Fages, in-8.
CI, L’ Attaque du Convoi, mi-
modrame militaire , en trois actes;
musique composée et arrangée
par M. Sergent, ballets de M.
Chap ; représentée sur le théâtre
du Cirque-Olympique, le 17 fé-
vrier 1821. Paris, Fages, in-8.
CII. (Avec Léopold ) Sydonie,
ou la Famille de Heindorff, pièce
en trois actes , à grand spectacle,
imitée de l'allemand ; musique
arrangée par MM. Alexandre et
Marty, ballets de M. Renauzi, dé-
cors par M. Allaux; représentée le
3 juillet 1821, sur le théâtre du
Panorama - Dramatique. Paris ,
Pollet, in-8.
CILL. (Avec le même) Le Tem-
ple de la Mort, ou Ogier le Danois,
pièce en trois actes et à grand
spectacle, représentée au théâtre
du Panorama-Dramatique, le 15
CUV 75
septembre 1821. Paris, Pollet,
in-8.
CIV. L’ Armure , ow Le Soldat
Moldave. 20 octobre 1821.
CV. La Prise de la Flotte, ou
la Charge de cavalerie, mimo-
drame militaire et historique , en
trois actes, à grand spectacle,
mis en scène par M. Franconi
jeune ; musique de M. Sergent,
ballets de M. Chap, décoration
de MM. Demarcy et Justin ; re-
présenté sur le théâtre du Cirque-
Olympique, le 12 mars 1822.
Paris , Fages , in-8.
CVI. L'Amour Mendiant; ou
les Deux Chercheurs d'esprit, pan-
tomime-ballet, en un acte : musi-
que de M. Amédée, ballets de
M. Renauzi; représentée au Pa-
norama-Dramatique, le 26 dé-
cembre 1822, Paris, Pollet, in-8.
CVIT. (Avec Caron ) La Fausse
Aveugle , drame en un acte et en
prose, représenté sur le théâtre
du Cirque-Olympique, le 25 no-
vembre 1823. Paris, Duvernois,
in-8.
CVIII. La Gloire et la Paix,
dialogue dramatique en vers li-
bres, fait à l’occasion des victoires
en Espagne, etc. Paris, Dondey-
Dupré fils , 1825 , in-8.
CIX. ( Avec Franconi jeune }
Le Pont de Logrono , ou le petit
Tambour, suivi de La Prise du Tro-
cadero , action historique et mili-
taire, en trois parties, représentée
pour la première fois, au théâtre
du Cirque-Olympique , le 7 jan-
vier 1924. Paris, Bezon , in-8.
CX. ( Avec Etienne Arago et
Desvergers) Le Pont de Kehl, ou
les Faux Témoins, mélodrame en
trois actes, représenté sur le théâ-
tre de lAmbigu-Comique, le 6
août 1824. Paris, Barba, in-8.
"6 DAL
Peut-être n’avons-nous pas en-
core donné la liste entièrement
complète des ouvrages dramati-
ques de Cuvelier, puisque le
rédacteur de { Almanach des spec-
tacles pour 1825 , dit que le nom-
bre de ses pièces s'élève à plus
DAL
de cent dix. Toutefois, parmi le
petit nombre de celles qu’il indi-
que ; nous remarquons seule-
ment Barberousse-le-Balafré, mé-
lodrame ,; dont le titre n'était
point parvenu à notre connais-
sance.
D.
DALMAS ( Joserx-BENoîr) , né
à Aubenas , en Vivarais , exer-
çait avant la Révolution, la pro-
fession d'avocat dans sa ville
natale. En 1700, il fut nommé
procureur-général-syndic du dé-
partement de l’Ardèche, et dut,
en cette qualité, prendre des me-
sures contre l'insurrection du
camp de Jalès, circonstance dans
laquelle il se conduisit avec mo-
dération. Député de son dépar-
tement à l’Assemblée législative ,
en 1791, il y siégea constamment
dans les rangs du parti constitu-
tionnel. Le 25 octobre, il s’op-
posa à toutes les lois répressives
de lPémigration , soutint qu’elles
ne feraient qu’aggraver le mal , et
que d’ailleurs, on n’avait le droit
de prononcer des peines que
contre les fonctionnaires publics
qui abandonnaient leur poste. Le
11 juillet 1592, il parla avec force
contre la déchéance du Roi, etrap-
pela à l’Assemblée le serment
qu’elle avait fait de maintenir la
monarchie constitutionnelle. Le
13, il fit une vive sortie contre
Pétion , maire de Paris , s’opposa
à la levée de sa suspension, et de-
manda la punition de ceux qui,
le 20 juin, avaient forcé l’entrée
du château des Tuileries et outragé
Louis XVI. Enfin, le 10 août , il
fut un des députés qui accouru-
rent pour recevoir la famille royale,
lorsqu'elle vint se réfugier dans le
sein de l’Assemblée, et il donna
même son bras un moment, à la
Reine et à la princesse sa fille.
Après cette journée, Dalmas ré-
fugié à Rouen, qui offrait alors un
asiie aux personnes menacées ,
ne craignit pas de braver le dan-
ger, pour se dévouer à la défense
du Roi. Il composa et publia un
écrit intitulé : Réflexions sur le
Procès de Louis XVI (1503,
in-8 ), qu'il envoya à M. de Ma-
lesherbes. Ce mémoire fut dis-
tribué à tous les membres de la
Convention. Poursuivi à raison
de cette publication , en 1594, ül
fut arrêté et ne dut probablement
son salut qu’à la révolution du
9 thermidor. En 1595, Dalmas fut
nommé par voie d'élection po-
pulaire , président du tribunal ci-
vil du département de l’Ardèche.
Constant dans ses idées monar-
chiques , il publia en 1598 , un
écrit tendant au rétablissement de
la royauté en France, pour le-
quel il fut destitué et un mandat
d’arrêt fut lancé contre lui. Ap-
pelé au Corps législatif en 1805,
il y siégea durant cinq ans, et ob-
tint les honneurs de Ja vice-pré-
sidence. Lors de la réorganisation
à tél
DAM
des tribunaux ,; en 1811, il fut
nommé conseiller à la Cour im-
périale de Nîmes. Le 19 octo-
bre 1815, M. Dalmas fut pré-
senté au Roi, comme président
du Collége électoral de l’Ardèche,
ets. M. réponditau discours qu'il
lui adressa : « Je n’oublierai jamais
» le service que vous nous avez
» rendu dans une circonstance
» bien désastreuse. » En effet,
M. Dalmas fut nommé préfet de
la Charente-Inférieure , le 13 no-
vembre 1815. Il fut révoqué par le
ministère de 1818, et nommé en
1822, par un nouveau ministère,
à la préfecture du Var. Il est mort
à Draguignan, chef-lieu de ce
département , d’une attaque d’a-
poplexie , le 10 août 1824. — On
trouve une notice sur J. B. Dal-
mas , dans le Moniteur du 1° sep-
tembre 1824.
DAMPIERRE ( Antoine - Es-
MONIN , Marquis de), né à Beaune,
en Bourgogne, au mois de jan-
vier 1745, d’une famille de mi-
litaires ( son aïeul maternel était
maréchal-de-camp d'artillerie ),
suivit la carrière de la magistra-
ture: Il fut successivement con-
seiller et président à mortier au
Parlement de Bourgogne, et de-
puis , président de chambre en la
Cour royale de Dijon ; il fut aussi
membre du conseil général du
département de la Côte-d'Or. Ce
respectable magistrat est mort à
Dijon, le 12 septembre 1824.
Imbu de la lecture des livres
saints, M.de Dampierre s’était con-
stamment livré aux méditations
scripturaires : il en a consigné le
résultat dans les écrits suivans.
I. Wérités Divines pour le Cœur
et PEsprit, par À. de D... (avec
DAU 77
cette épigraphe, ) « J’ai cru, c’est
» pourquoi j’ai parlé ; car de lui,
» par lui et pour lui sont toutes
» choses; à lui soit gloire éternel-
» lement!» Ps. cxvi, vers. 10. et
Epis. ad Rom. x1, vers. 36. Lau-
sanne, Daniel Petillet, 1823. 2 vol.
in-8 ; le premier de xxiv et 4o1
pages , le 2° de 563 pages.
IT. Historique de la Révolution ,
tiré des Saintes Ecritures. D'jon,
imprimerie de Frantin , 1824 ;
in-8 , de 20 pages.
( Extrait d’une notice insérée
dans le Journal de Dijon et de la
Côte-d Or , du 15septembre 1824,
signée C. N. AMANTON. )
DAUDET ( Rogerr ), graveur,
naquit à Lyon, en 1759. 11 était
fils d’un marchand d’estampes de
cette ville. La vue des modèles
lui inspira le goût de l’art, et
après en avoir appris les premiers
principes, il quitta le magasin pa-
ternel pour venir à Paris, où il
entra dans l’atelier de Balechou.
Le célèbre Wille termina son
éducation. Ses premiers ouvrages
remontent vers 1772; Ce sont des
paysages de l’école flamande, tirés
du cabinet de M. le duc de Choi-
seul et ornés de ses armes. De-
puis cette époque , Daudet ne
quitta plus le burin jusqu’à l’âge
de 82 ans, qu’il termina son der-
nier morceau, la Promenade du
Prado, à Madrid, pour le Voyage
en Espüigne ,; de M. Alexandre
de Laborde : on y reconraît sa
manière correcte et spirituelie.
Voici l'indication de ses princi-
paux ouvrages.
Vue du Port d’Ostende, d'après
Solvyns , dédiée à l’archiduchesse
Marie Christine.
55 DAV
Les Ruines de Palmire, dans le
Voyage en Syrie de Cassas.
Passage du P6, par Napoléon
Bonaparte, d'après Carle Vernet.
Marines, d'après Joseph Vernet.
Des Batailles réduites, d’après
Vander-Meulen.
Six paysages dans le Musée
Français, de Robillard et Laurent.
Plusieurs planches dans la Ga-
lerie de Florence, dans le Voyage
à Naples de l'abbé de Saint-Non.
— dans le Voyage en Espagne de
M. Alexandre de Laborde.— dans
les Monumens de lHindoustan ,
par M. Langlès, etc., etc.
Robert Daudet est mort à Paris,
le 2 juin 1824, âgé de près de
87 ans. L'œuvre de ce laborieux
artiste se compose de quatre-vingt-
deux épreuves. M. Baluse son hé-
ritier possède l’exemplaire de l’au-
teur , avec soixante- déux eaux-
fortes, ainsi qu’un portrait de
Daudet , dessiné au crayon rouge,
en 176$, par G. Wille.
DAVID (FrAnÇois-ANNE) , gra-
veur de la-chambre et du cabinet
du Roi, membre des Académies
de Berlin et de Rouen, est mort à
Paris, le 2 avril 1824. Ses pro-
ductions comme artiste, particu-
riérement les dernières qu'il a
publiées, ne s'élèvent pas même
jusqu’à la médiocrité. La plu-
part furent destinées à devenir
l’ornemert ou le prétexte de diffé-
renslivres, Ce qui ne nous permet
pas de les passer entièrement sous
silence. Plus d’une fois d’ailleurs,
David a rédigé le texte qui accom-
pagne ses wnages. On rencontre
quelquefois des gravures isolées de
David, telles qu’un portrait en pied
de Louis XV TIT, en habits royaux,
un portrail en pied de Charle-
DAV
magne ; en habits impériaux :
celles-ci ne valent pas mieux que
ses autres productions.
Liste des livres de gravures
de F. A. David.
I. Elémens du dessin, ou Ca-
téchisme à l’usage de ceux qui se
destinent aux beaux-arts ; orné
de douze planches, d’après les
plus belles figures antiques, pour
l'intelligence des mesures et des
proportions. 15797, in-8.
IT. Proportions des plus belles
figures de l'antiquité, accompagnées
de leur description, par Winckel-
mann. 1798, in-4, avec vingt
planches.
Ces deux ouvrages ont été-tra-
duits en allemand. Leipzig, 1709,
in-8.
IIT. Les Monumens inédits de
l'Antiquité, expliqués par W'inc-
kelmann, gravés par David et M°-!°
Sibire, avec des explications fran-
çcaises, par À. F.Desodoards.Paris,
1806 ; 5 vol. in-4.
"AV. Les Antiquités d’Hercula-
num, avec les explications , par
Sylvain Maréchal. Paris, 1780-
1803 ; 12 vol. in-4. fig. et in-8.
V. Antiquités Etrusques, Grec-
ques et Romaines, avec leurs ex-
plications, par d'Hancarville. Pa-
ris, 1789-98; 9 vol. in-4. fig.
« Quoique ceite édition, dit
M. Brunet (Manuel du Libraire. Y.
I. page 500), ne soit pas compa-
rable à celle de Naples, elle est
pourtant assez bien exécutée, et
les exemplaires des premières
épreuves ont quelque valeur. »
VI. Muséum de Florence, avec
une explication, par Mulot. Paris,
1585-1805 ; 8 vol. in-4 et in-8.
VII. Histoire de France, avec
DAV
un Précis historique , par l'abbé
Guyot. Paris, 1787-06 ; 5 vol.
in-4, fig.
VIII. Histoire de France sous
le règne de Napoléon-le-Grand, re-
présentéeen figures, accompagnées
d’un Précis historique, depuis le
18 brumaire an VIII, par David.
Paris, 1811-19 ; 4 vol. in-4 (rare).
IX. Histoire de France jusqu’en
1814, représentée en figures, par
F. À. David, avec un Précis his-
torique, par Ant. Caillot. Paris,
1818 , 5 vol. in-8.
X. Histoire d Angleterre, repré-
sentée en figures, accompagnées
d’un Précis historique, par Le-
tourneur et autres, Paris, 1784-
1800. 3 vol. in-4, fig.
XI. Histoire d’ Angleterre, sous
le règne de Georges IIT, depuis
l’expédition du duc d’York conire
la Hollande, en 1709, jusqu’à l’a-
bandon de l’île de Walcheren, en
1809; représentée en figures, ac-
compagnées d’un Précis histori-
que , par David, graveur d’his-
toire. Paris, 1812 , in-4. — Les
quatre premitres livraisons seu-
lement ont été publiées.
XII. Histoire d’ Angleterre jus-
qu’au trailé de Paris, en 1814, re-
présentée en figures, par F. À.
David, avec un Précis historique ,
par Ant. Caillot. Paris, 1818,
un vol. in-8.
Cet article se joint ordinaire-
mentaun°IXci-dessus; les quatre
vol. doivent renfermer ensemble
cent douze gravures.
XIII. Histoire de Russie, re-
présentée en figures , accom-
pagnées d’un Précis historique,
par Blin de Sainmore. Paris,
1799-1805 ; 3 vol. in-4, fig. :
XIV. La Bible des Enfans, re-
présentée en figures, gravées par
DEG. 79
David, d’après les dessins de
Monnet; accompagnée d’un Pré-
cis historique de l’Ancien et du
Nouveau Testament, où l’on a
conservé les propres paroles de
l’Ecriture-Sainte. Ancien-T'esta-
ment. Paris, 1814; in-12, fig.
Nous ne croyons pas que la,
partie du Nouveau Testament
ait jamais été publiée. |
XV. Livres historiques del An-
cien - Testament , ornés de pein-
tures orientales, gravées par F. A.
David. Première livraison (conte-
nant le Cantique des Cantiques. )
Paris, 1819; in-8, de 2 feuilles.
Six livraisons étaient *annon-
cées : nous ne connaissons que la
première.
XVI. Le Cabinet du Rot, où
Les plus beauxTableaux des pein-
tres de l’école française, accom-
pagnés d’une notice sur les ou-
vrages de chaque maître , gravés
en miniature , par une société d’a-
mateurs et d'artistes. Paris, chez
David, 1816: in-12. — A daterde
la troisième livraison, le titre de
l'ouvrage porte simplement, par
F. À. David. I n’a paru que cinq
livraisons de cet ouvrage.
XVII. Abrégé de L Histoire uni-
verselle , depuis le commencement
du monde jusqu'au XIX® siècle ;
orné de figures. — Histoire an-
cienne, depuis la création jusqu’à
lempire de Charlemagne, par
Bossuet; les figures par F. A.
David, d’aprèsles dessins de Mon-
net. 1815, in-4. — Il n’a paru que
deux livraisons de cet ouvrage,
qui devait former deux vol.
DEGUERLE (Jeax-Nicoras-Ma-
RE ) naquit à Issoudun, en Berri,
le 15 janvier 1766. Son père ha-
bitait Paris, ef était employé dans
80 DEG
les bureaux du fermier général
Francueil. Le jeune Deguerle cul-
tiva d’abord la poésie légère, avec
quelque succès; mais, après la Ré-
volution, il embrassa la carrière de
l'instruction publique, à laquelle
il sacrifia entièrement la poésie.
Il fut successivement professeur
de rhétorique au prytanée de
Saint-Cyr , d’éloquence au lycée
Bonaparte, et à la faculté des
lettres de l’Académie de Paris;
enfin, censeur du collége royal
de Louis-le-Grand. Il est mort
dans l’exercice de ces fonctions,
par suite d’une maladie au foie ,
le 11 novembre 1824. —M.Ch. du
Rozoir, professeur d'histoire à
Louis-le-Grand , a prononcé un
Discours sur latombe de M. De-
guerle (Paris , 1824; in-8, d’une
demi-feuille ). Les poésies de De-
guerle ont dela facilité, de la grâce
et de la correction. Ses écrits en
prose sont ingénieux et décèlent
une instruction solide et variée.
C'était d’ailleurs un homme d’un
excellent esprit et d’un noble ca-
ractère. Quelques-uns de ses élè-
ves et de ses amis ont pu seuls
l’apprécier complètement sous ce
rapport : ils savent que la vérité
et la justice lui furent chères ; et
qu'il regrettait en silence, de vi-
vre dans des temps où l’une et
l’autre furent souvent calomniées
et persécutées. Honneur à la mé-
moire du poète ! Paix et béne-
diction à la tombe de l’homme de
bien.
Liste des ouvrages
de J. N. M. Deguerle.
I. Les Etats généraux des bêtes.
1790 ( anonyme ).
II. Proclamation du camp de
DEG
J'alès.1791; brochure pseudonyme
sous le nom du marquis d’ Arnay.
III. Origine des Temple de L 4-
mour, poëme érolique ( en trois
chants ) par M. de Chanély. 1789;
Paris, in-8, de 18 pages, sans
nom de libraire.
IV. Les Amours, Imitations en
vers des plus jolis poëtes latins. Pa-
ris, Pigoreau, an IT (1594); in-8,
de 126 pages ( anonyme ).
L'auteur a promis long-temps
une nouvelle édition de ce recueil
principal de ses poésies, que ses
fonctions dans l'instruction pu-
blique lui firent craindre plus
tard ,' de reproduire. Il appelait
alors ces poésies, delicta juventu-
tis ; sur quoi l’on a observé que
c’étaient des fautes souvent heu-
reuses. 11 a aussi promis long-
temps un poème de Paris el
Œnone, dont nous croyons qu’il
n’a composé que des fragmens.
V. Eloge des Perruques, enrichi
de notes plus amples que le texte ;
par le docteur Akerlio. Paris , Ma-
radan , an VII (1799). in-12. —
traduit en hollandais. Amsterdam ,
1800 , in-8.
C’est une débauche d’érudition
dans le genre de l’Eloge de la Folie,
par Erasme , et de Eloge de l'I-
vresse, par Sallengre; elle place
M. Deguerle au nombre des
savans apologistes des petites
choses.
VI. La Guerre civile, poëme,
traduction libre de Pétrone( en vers
francais ), orné du texte latin ; et
suivi de recherches criliques ,
tant sur la satire de Pétrone que
sur son auteur. Paris, an VII
( 1799). in-8. — réimprimé à la
suite du Lucain de M. Amar-Du-
rivier. (Paris, Delalain ; 1816 ,
2 vol. in-12);—etdans la seizième
DEG,
livraison des C/assiques latins, de
la collection in-12, du même li-
braire ( 1821 ).
VII. Sfratonice et son peintre,
ou les Deux Portraits ; conte qui
n'en est pas un. Suivent : Phryné
devant l’Aréopage; Pradon à la
comédie, ou les Sifflets ; Bona-
parte en Italie, etc. Paris, Pigo-
reau , brumaire an VIII ( 1800 );
in-8 , 51 pages.
Conte satirique à l’occasion
d’un portrait épigrammatique de
Mie Lange, exposé par Girodet,
au salon de lan VIII (V. ci-
après l’article GiroDET ).
VIII. Discours sur la Grammaire
générale , prononcé le 27 thermidor
an IX, à la distribution des prix,
faite aux élèves du collège de Saint-
Cyr, par le ministre de l’intérieur.
1801, in-8.
M. Deguerle a aussi prononcé
une fois, le discours universitaire
d’usage à la distribution annuelle
des prix du concours général des
lycées de Paris. Il paraît que l’é-
tude fut le sujet de cette disserta-
tion.
IX. L’Enéidede Virgile, traduc-
tionnouvelle, avec letexte en regard,
par J.-N. M. Deguerle; publiée
d'après les manuscrits autographes
de l’auteur, et précédée d’une notice
biographique et littéraire, par Ch.
Héguin-Deguerle, professeur au
collège royal de Louis-le-Grand.
Paris, À. Delalain, 1825; 2 vol.
in-8.
Les poésies fugilives de M. De-
guerle se trouvent imprimées en
grand nombre, dans les alma-
nachs des muses et recueils litté-
raires de l’époque du Directoire;
ainsi que dans les Etrennes d’A-
pollon , de 1804 à 1807. On trouve
aussi de ses pièces parmi les poé-
DEJ fi
L
sies de M. de Labouïsse, à qui il
adressa de jolis vers , et qui lui
répondit du même style.
Des biographes ont rangé au
nombre des ouvrages de M. De-
guerle, des Notices sur les Œuvres
de Léonard, publiées par Campe-
non, et sur la tragédie de Laurent
de Médicis, de M. Petitot. Ce sont
simplement des articles publiés
dans le Moniteur des 17 nivose
et 12 pluviose an VII. — M. De-
guerle a aussi coopéré, avant le 18
fructidor, au Mémorial de l’abbé de
Vauxcelle.—Le libraire Pigoreau,
dans la Bibliographie biographico-
romancière (art. Deguerle, p. 177),
insinue assez indiscrètement, que
notre poëte pourraithbien être l’au-
teur d’un ouvrage libre, intitulé :
la Prusse galante (1801, in-12 ).
Cette opinion fondée sans doute
sur une ressemblance inexacte du
pseudonyme (le docteur Akerlino),
avec celui dont s’est couvert M.
Deguerle pour publier son Eloge
des Perruques (le docteur A kerlio) ,
n’est point adoptée par M. Barbier
( v. Dictionnaire des ouvrages ano-
nymes et pseudonymes : seconde édi-
tion. T. III. p. 99).
M. Deguerle a laissé en manus-
crit, une traduction de la Satire
de Pétrone , en prose et en vers,
écrite en 1795, et un Discours sur
limitation, prononcé à la distribu-
tion des prix de Saint-Cyr, en
1809.—On trouve une notice bio-
graphique sur M. Deguerle , dans
les Souvenirs et Mélanges litté-
raires, politiques et biographiques ;
par M. L. de Rochefort. Paris,
Bossange frères, 1825. in-8 ,
T. II — Nous y avons puisé
des renseignemens pour la rédac-
tion de cet article.
DEJEAN (JEAN-FRANÇOIS-AIMÉ ,
6
\
82 DEJ
comte), pair de France, naquit
à Castelnaudary , en Languedoc,
le Goctobre 1749, de Jean-Pierre
- Dejean , qui fut successivement
maire de sa ville et subdélégué de
l’iniendant de la province, et de
dame Marie de Fabry (1). Destiné
à l’état militaire , il fut élevé au
collége des Bénédictins de Sorèze,
aux vicissitudes duquel il s’est in-
téressé jusqu’à ses derniers jours.
Il entra ensuite à l’école du génie
à Mézières, en 1766, avecle rang
de lieutenant en second; au sortir
de l’école, M. Dejean fut employé
comme ingénieur ordinaire du
Roi, dans diverses places fortes.
Il exercça les fonctions d'ingénieur
en chef dans celles de la Picardie,
depuis 1581 jusques et com-
pris 1791 : c’est à cette année
que remonte son admission dans
l’ordre royal et militaire de Saint-
Louis. M. Dejean s'était marie à
Abbeville , et la Picardie était de-
venue pour lui, par suite de ce
lien, comme une seconde patrie.
Déjàil y jouissait d’assez de consi-
ration pour être élu commandant
en second des gardes nationales
de la Somme , et bientôt après
membre de administration cen-
(1) Pierre-Jean Fabry , l'un des
aïeux de la mère du comte Dejean,
était médecin à Castelnaudary , sous
le règne de Louis XIII ; il a dédié à ce
Roi un traité d'alchimie (ce qui était
la chimie de son temps), intitulé :
Palladium spagyricum. Toulouse,
Pierre Bosc, 1624; petit :n-8, de
304 pages, plus les index : ce fut
son premier ouvrage. La Biographie
universelle , qui a consacré un article
à ce médecin, sous le nom de Fabre
(Tom. XIV , pag. 19), cite huit
autres ouvrages de lui, tous sur des su-
jets analogues.
DEJ
trale du même département. Ce-
pendant les guerres si longues de
la Révolution allaient commencer.
Depuis le mois de mai 1792 jus-
qu’à la fin de mars 1793, M. De-
jean fut employé à l’armée de
Dumouriez, au camp de Famars,
au camp de Maulde, à l’attaque
de St.-Amand, etc. Il assista à
plusieurs affaires de cette cam-
pagne et notamment à la bataille
de Neerwinde. Sur la nouvelle de
la mort cruelle de Louis XVI,
M. Dejean , alors capitaine du
génie , écrivit de Ruremonde ,
dont on venait de s’emparer ,
au général Beurnonville , mi-
nistre de la guerre, qu’il avait
particulièrement connu au camp
de Maulde, pour lui envoyer sa
démission : il demandait qu’il lui
fût permis de se retirer à Amiens,
pour s’y consacrer uniquement à
l'éducation de son fils, dont il
espérait, disait-il, faire un bon
citoyen, ami de son pays, soumis
aux lois , mais ennemi de l’anar-
chieet de toute espèce de tyrannie.
Cependant peu de temps après ,
les hostilités ayant recommencé,
et nôs armées ayant éprouvé des
revers, qui les rejetérent jus-
qu’en deçà de la frontière fran-
çaise ,; M. Dejean écrivit de nou-
veauau général Beurnonville pour
lui marquer que la position des
affaires se trouvant changée,etque
sentant qu’il pouvait encore être
utile à son pays, il priait le mi-
nistre de vouloir bien considérer
sa première lettre comme non
avenue. Mais cette démarche se
trouva superflue , car Beurnon-
ville au recu de la première
lettre , sentant bien qu’elle devait
compromettre gravement son au-
teur et peut-être même le perdre ;
avait pris sur lui de la suppri-
mer. r
Il paraîtque dès cette première
époque de sa vie, les talens de
M. Dejean pour l’administration
militaire avaient été appréciés ,
puisqu’en mars 1794, ilfut nommé
membre de la commission centrale
des travaux publics, qui était l’un
des grands démembremens du dé-
partement de la guerre ; mais ilne
jugea pas convenable d'accepter,
et préféra rester encore dans les
camps. Rappelé à l’armée du Nord
par le général en chef Pichegru ,
il commanda le génie dans cette
armée, dirigea les siéges d’Ypres,
de Niewport, de Nimègue, con-
duisit les attaques de Courtrai,
. de Menin, de l'ile de Cadzan , et
suivit Pichegru en Hollande ,
pendant sa campagne d'hiver ,
traversant sur la glace les fleuves,
et les bras de mer. Cependant
M. Dejean était arrivé de grade
en grade, jusqu’à celui de général
de brigade dans son arme , et
avait été nommé en outre , ins-
pecteur généraldes fortifications ,
à la fin de juin 1795. Lorsque l’ar-
mée de Sambre et Meuse,sous les
ordres du général en chef Jour-
dan , se préparait à franchir la
barrière du Rhin, le général
Dejean fut chargé de réunir se-
crétement, en Hollande, les ba-
teaux et les agrès nécessaires pour
tenter le passage. Cette opération
fut effectuée par lui, avec un suc-
cès complet , la nuit du 5 au 6
septembre1705, sur deux points, à
Ekelcamp au dessous d’Urdingen,
et à l'embouchure de PErft au
dessus de Dusseldorf , sous les
ordres du général Kléber et en
présence du général en chef
Jourdan. Un troisième passage
pa vs 1 ,
DEJ 85
entrepris à l’anse d’Urdingen ,
servit à tromper l’ennemi sur nos
véritables dispositions: L’honaeur
de cette brillante opération , non
moins habilement conçue qu’exé-
cutée ; appartient surtout au gé-
néral Dejean. Même ce ne fut pas
sans difficulté qu’il vint à bout de
faire adopter ses projets. Toute-
fois, il se plaisait à rendre justice
à Kléber, qui ne se faisant pas la
moindre idée de Popérations; y
résista d’abord fortement : mais
aussitôt qu’elle lui eut été expli-
quée, sa sagacité la saisit tout
entitre,etil en devint l’undes plus
chauds partisans. Le passage du
Rhin valut à M. Dejean le grade
de général de division , qu’il ob-
tint le 16 octobre 1795. Le général
Lejeune a fait de cette action le
sujet d’un de ses tableaux, où
l’on distingue ie général Dejean,
parmi les principaux personnages
de la scène.
Après avoir suivi l’armée de
Sambre et Meuse jusques sur le
Mein, le général Dejean revint à
l’armée du Nord , reprendre le
commandement du génie. Bien-
tôt le général en chef de cette
armée , Beurnonville, ayant été
appelé au commandement de celle
de Sambre et Meuse , le général
Dejean commanda en chef, par én-
terim, les troupes francaises et ba-
taves, en Hollande, depuis le 16
septembre 1796, jusqu’au 24 sep-
tembre 1597 , qu’il fut mis à la
réforme , pour un motif particu-
lièrement honorable. Les procla-
mations factieuses de l’armée d’I-
talie , contre la majorité du corps
législatif , lui avaient été trans-
mises , avec l'invitation de les
publier dans son armée. Mais
pénétré des grands principes d’or-
P_
84
dre public sur lesquels repo-
sent l’inviolabilité des lois et la
sécurité des états ,; approuvant
sans doute dans son cœur, les
efforts que les députés légitimes de
laFrance tentérent à cette époque,
pour la ramener dans les voies
de la morale et de la justice , le
général Dejean se refusa aux dé-
marches illégales qu’on sollicitait
de lui ; aussi fut-il destitué immé-
diatementaprèsle 18 fructidor. On
venait de le voir un moment dans
un de ces postes à la fois éminenset
difficiles, qui mettent en lumière
la vertu de l’homme de bien et la
capacité de l’homme habile ; et
dès lors aussi avait commencé de
s'établir , tant dans l’armée que
parmi les citoyens des pays occu-
pés par elle, cette haute réputa-
tion de probité et de justice, qui
fut le caractère distinctif de sa
carrière politique. Il revint ,
comme les grands citoyens de
l’antiquité etdu nouveau monde,
s'asseoir sans murmure et sans
bruit, au pied de son foyer.
Cependant , la guerre ayant
recommencé. en 1799 , sous de
malheureux auspices , le comité
DEJ
des fortifications se présenta chez
le ministre de la guerre , pour
redemander le général Dejean ,
qui fut réintégré dans ses fonctions
d’inspecteur général des fortifica-
tions. Après la révolution du 18
brumaire , le premier Consul l’ap-
pela au Conseil d'état , section de
la guerre. Néanmoins il métait
guères connu du nouveau chef de
laRépublique que par le refus qu’il
avait fait dans le temps, d’ac-
cueillir les proclamations du gé-
néral de l’armée d’Italie : mais à
cette époque pleine de jeunesse,
d'espérance , et peut-être bercée
DEJ
des rêves du bien , Bonaparte
s’efforçait de réunir à son gouver-
nement tous les hommes de grand
mérite et de bonne réputation :
sous ce double rapport, le général
Dejean dut fixer son attention. Il
lenvoya d’abord faire une inspec-
tion générale sur les côtes de Bre-
tagne , et particulièrement à Brest,
pour déterminer les mesures de
défense à prendre , dans le cas
où l’armée navale combinée de
France et d’Espagne quitterait ce
port. En mai 1800, le général
Dejean suivit le premier Consul
au-delà des Alpes, et fut nomme
commissaire pour l’exécution de
la convention de Marengo , qui
livrait aux Français la plus grande
partie de lItalie supérieure. La
ville de Gènes était un des fruits
les plus précieux de cette victoire.
Il s'agissait d'y organiser un gou-
vernement qui, en conservant
l'indépendance nominale du pays,
le maintint sous l'influence de la
France. Le général Dejean fut
désigné pour cette mission impor-
tante : il résida près de deux ans
à Gènes , avec le titre de ministre
extraordinaire, eten mêine temps
de président de la Consulta législa-
tive.Ilne fallut pas moins que l’ha-
bile circonspection et l’inaltérable
justice du général Dejean , pour
remplir, sans exciter des plaintes,
un poste où il devait être si difli-
cile de concilier avec la politique
du gouvernement français , la
susceptibilité nationale et les in-
térêts spéciaux des Génois. C’est
pendant son séjour dans leur
ville , que le général Dejean, après
un long veuvage, Contracta une
seconde union, qui embellit et
consola la plus brillante et la
dernière moitié de sa vie. Son fils
DEJ
et lui, épousèrent les deux sœurs.
I ne quitta Gènes que pour ve-
nir prendre à Paris , en 1802 , le
portie-feuille de l’administration
de la guerre.
« Les conquêtes de la France,
dit M. le comte Daru (1), avaient
amené un tel développement de
forces, et, par suite de ce déve-
loppement , une telle complica-
tion dans l’administration de tou-
tes les choses de la guerre , que
le gouvernement coneut la pensée
de partager entre deux ministres
les attributions de ce vaste dé-
partement. C’était bien sans doute
de quoi occuper un ministre que
le recrutement , organisation ,
les mouvemens d’une armée de
huit cent mille hommes ; mais il
restait à pourvoir àtousles besoins
de cette armée. Quelques esprits,
que l’expérience avait avertis de la
nécessité d’une impulsion unique
et simultanée, s’effrayèrent de
cette conception ; ils jugèrent la
division impraticable; ils pré-
virent des rivalités , le défaut
d'ensemble , les retards dans des
mesures qui exigent autant de
diligence que de secret : et en
effet, l’une des conditions du suc-
cès de cette innovation était de
trouver deux hommes indépen-
dans lun de l’autre, concilians
par caractère, au-dessus de toutes
les prétentions, et ne rivalisant
que de zèle pour le bien public.
Etablir un ordre régulier dans
ce qui, de sa nature, est l’élé-
I
(1) Discours prononcé à l'occasion
de la mort de M. le comte Dejean.
Chambre des Pairs de France. Séance
du jeudi 21 juin 1824. Impressions,
- n°115; et Moniteur du3 juillet 1824.
DEJ 85
ment du désordre ; développer
une activité ; une prévoyance
qu'on ne trouve jamais en dé-
faut; concevoir un système , avec
des plans de campagne , dont
mille circonstances devaient mo-
difier les opérations ; pourvoiren
homme d’état aux consommations
qui, par leur immensité, avaient
une si grande influence sur le
commerce et sur l’agriculture ;
enfin, appliquer une sage écono-
mie à l'emploi d’un budget de
quatre ou cinq cents millions :
telle fut la tâche qui se trouva im-
posée au général Dejean, lors-
qu'il fut appelé au ministère de
l'administration de la guerre , qu’il
a occupé pendant huit ans. —
Cette période embrasse deux
conquêtes de l'Allemagne, celle de
la Pologne et de l'Illyrie , l’occu-
pation de l'Italie, de l'Espagne,
et du Portugal. Quels que puissent
être Les jugemens que la postérité
aura à prononcer sur ces diverses
opérations ; la voix publique a
déjà rendu justice à la diligence,
à la sagesse du ministre qui y prit
une si grande part. L’intégrité
était chez lui une vertu naturelle,
dont il n’aurait pas permis qu’on
le louât : mais son exemple pro-
duisait d’heureux fruits, et ceux
qui n’en avaient pas besoin se
sentaient honorés d’avoir avec lui
cette noble conformité. On lui a
su gré de cet esprit de justice,
qui absout quelquefois les ri-
gueurs de l’administration, de
cette vigilance qui tendait sans
cesse à diminuer les abus , de cet
ordre qui allait tous les jours se
perfectionnant....... Ilest de la
nature de l’ordre de tendre sans
cesse à améliorer les objets aux-
quels on lapplique, parce qu’il
86 DEJ
tend à les éclaircir : M. le comte
Dejean fut un de ceux qui contri-
buèrent le plus à ces heureux
progrès. Mais ce ne fut point là
son seul mérite ; il en eut unbien
plus rare : il porta dans le conseil
cette intégrité de conscience qui
sait dire la vérité. À des vues
sages , à des conceptions Iumi-
neuses, il joignait des sentimens
élevés. La justesse et l’étendue de
son esprit lui faisaient apercevoir
de loin , des conséquences qu’il
ne dissimulait pas. Il était du petit
nombre des hommes qui ont des
idées arrêtées sur les objets impor-
tans, et qui se sont tracés d’a-
vance un plan de conduite pour
n’en dévier jamais. Maïs telle était
-la candeur , la modération de son
caractère , et le désintéressement
de toutes ses opinions, que de sa
part, la contradiction ne pouvait
déplaire. »
Une époque remarquable du
ministère du général Dejean, fut
celle du débarquement des An-
glais, dansles bouches de l’Escaut,
au mois d'août 1809. Peu aupa-
ravant, le 25 octobre 1808, üil
avait été promu à la dignité de
premier inspecteur - général du
génie, qui était l’une des charges
de grand-officier de la couronne.
C’est en cette qualité et pour as-
surer les subsistances de l’armée
qu’on improvisait autour d’An-
vers , qu'il vola à la défense des
frontières de lPempire menacées,
Nous avons sous les yeux une
courte relation manuscrite de sa
vie, où le général Dejean raconte
lui-même, avec une simplicité
pleine d'intérêt, quelques-unes
des circonstances de son voyage
en Belgique : nous allonsle laisser
parler :
DEJ
«La réputation du général en
» chef, prince de Ponte-Corvo , en
»imposa sans doute au général
»anglais , qui n’osa rien entre-
» prendre ; car les preunières dis-
» positions de défense n’auraient
» certainement pas arrêté un géné-
ral actifet entreprenant, vu que
»dans les premiers momens, il
»n’y avait à Anvers qu’un très-
» petit nombre de troupes, et que
» les gardes nationales qui y furent
» appelées , arrivaient, en grande
» partie désarmées et sans orga-
»nisation. Au bout de peu de
»jours, les moyens de défense
» furent organisés et l’inaction des
» Anglais me convainquit qu’il n’y
»avait plus rien à craindre, Je le
» dis au maréchal prince de Ponte-
»Corvo, qui était bien loin de
» partager ma sécurité. En effet ,
» le jour même où je lui annongais
»mon départ pour achever mon
» inspection des côtes, le maréchal
»avait ordonné, sans m'en faire
» part , la levée detousles hommes
»en état de porter les armes, de
» dix-huit à cinquante ans, par
» suite de fausses informations de
» ses espions. Je fus instruit de cet
» ordre en allant prendre congé de
» M. le comte d’Argenson , préfet
»du département. La flotte an-
» glaise ayant commencé sa retraite
»le soir même, l’ordre ne reçut
» point d'exécution. »
La retraite du général Dejean
du ministère suivit de quelques
mois son voyage d'Anvers. Cette
coïncidence de date a donné lieu
aux suppositions tout-à-fait in-
exactes de quelques biographes,
qui ont voulu rattacher l’un à
l’autre ces deux évènemens, quoi-
qu’en effet, il n'ait existé entre
eux aucune liaison ; l’unique mo-
DEJ
tif de la démission du général
Dejean fut qu’il ne crut pas pos-
sible de faire aller le ministère
de l'administration de la guerre
avec les fonds qui lui étaient ac-
cordés, et que d’un autre côté ,
il ne voulait pas promettre aux
fouranisseurs les fonds qu’il savait
bien ne pouvoir leur donner. Il
demandait donc à l'Empereur un
budget beaucoup plus élevé que
celui qui lui était alloué , tandis
que ; d'autre part, on promet-
tait de faire marcher le service
avec des fonds bien moins consi-
dérables. L'Empereur se déter-
mina à passer le porte-feuille en
d’autres mains. Peut-être le nou-
veau ministre fit-il quelques éco-
nomies la première année de son
administration ; mais aussi l’on
s’est plaint que plusieurs parties
du service furent désorganisées,
et l’on allégue que les années sui-
vantes furent infiniment plus coû-
teuses. Nous allons recueillir en-
core dans l'écrit du général Dejean
que nous ayons déjà cité, le récit
de quelques circonstances rela-
tives à la manière dont s’effectua
sa démission.
«Le 2 janvier 1810 , l’Empe-
»reur me fit demander par M. le
» duc de Bassano, ma démission du
» ministère , et M. le duc me pro-
» posa de signer une lettre sur cet
vobjet. Dans cette lettre, ma dé-
» mission n’était motivée que sur
» l’affaiblissement de ma santé. Je
»répondis, que d’après un pareil
»motif, je ne pouvais pas plus
» conserver l'inspection des forti-
» Cations que le ministère, et j’a-
»Joutai qu’il ne m'était pas pos-
»sible de motiver ainsi ma démis-
»sion. Je répondis naïvement,
» que si l'Empereur voulait payer
/
DEJ 87
» les dépenses du ministère, je me
»Croyais plus propre que tout
» autre à en remplir les fonctions ;
» mais que, s’il persistait dans son
»système de ne point payer, il
Ȏtait urgent de me remplacer
»plutôt que plus tard. M. le
» duc m’ayant proposé une autre
»rédaction , je me décidai à la
»signer, etje dois convenir que
» l'Empereur me proposa et m’ac-
»corda beaucoup plus que je
»n’aurais demandé. Je conservai
» la place de premier inspecteur du
» génie , etj’eusla promesse d’être
»nommé sénateur. Bonaparte y
» ajouta letraitement de 50,000 fr.
» pour honoraires de la place de
»grand trésorier de la Légion-
» d'Honneur, traitement dont je
»n’ai jamais joui, parce qu'il ne
»fut pas rendu de décret sur cet
»objet, et que je ne jugeai pas
» convenable de le réclamer(1).»
Au mois de novembre 1812, le
général Dejean fut nommé pour
présider le conseil de guerre qui
jugea le général Mallet et ceux qui
avaient tenté, avec lui, de ren-
verser le gouvernement impérial.
Toute commission de ce genre est
nécessairement pénible : mais
l’acceptation est au nombre des
devoirs de la condition militaire.
D'ailleurs, cette fois, les lois étaient
précises el les faits incontestes.
Il restait au gouvernement le soin
de se donner les honneurs et le
(1) Le général Dejean était grand-
trésorier de la Légion-d'Honneur, de-
puisla date de l'institution. — En avril
1805, il avait préside le collége électo-
ral de la Somme, qui l’élut candidat
au Sénat; et en janvier 1822 , il fut
nommé président à vie du collége élec-
toral d'Indre-et-Loire.
88
mérite du calme et de l’impartia-
lité. Le choix auquel il s’arrêta ,
dans celte vue, estun témoignage
de l’opinion qu’on s'était formée à
la cour de Napoléon, touchant
l’indépendance de caractère du
général Dejean ; et peut-ëtre que
cette indépendance contrariabien-
tôt cette espèce de courtisans et
d’administrateurs , qui ne con-
naissent d’autre moyen ge pou-
voir que la violence et la sévérité.
Le président du conseil de guerre
usa de l'influence de sa position
pour maintenir l’exécution stricte
des lois, et même pour en adou-
cir l'effet, autant que cela fut
possible. Ainsi, il accorda ia plus
grande latitude à la défense des
accusés, ce qui ne s'était pas vu
depuis long-temps, en de sem-
blables occasions, et ce qui fut
si bien remarqué, que les défen-
seurs en adressèrent des remer-
cimens au Conseil. Le président
parvint encore à faire renvoyer
absous tous les soldats et sous-
officiers qui avaient pris part à la
révolte , en les faisant considérer
comme agens passifs des ordres
de leurschefs. Cette décision était
absolument contraire aux idées
de plusieurs ministres d’alors ,
avec lesquels le président du
Conseil de guerre eut des discus-
sions très-vives sur ce point.
M. le comte Dejean ne fut pas
du nombre des sénateurs qui pro-
noncérent la déchéance de l’'Em-
pereur; mais après l’abdication ,
il adhéra au Gouvernement pro-
visoire et vint prendre sa place dans
les rangs du premier corps del’état.
Un membre ayant proposé l’é-
rection d’un monument à la mé-
moire de Moreau , le patriotisme
militaire du général Dejean s’a-
DEJ
DEJ
larma de cet hommage rendu à
celui que la fatalité des circon-
stances avait condamné à trouver
la mort dans les rangs des armées
étrangères ; il combatit vive-
ment la proposition ; au moins
comme intempestive , dans un
moment où ces armées envahis-
saient la meilleure partie de la
surface de la France, et occupaient
même la ville où l’on délibé-
rait. Monsieur, comte d’Artois,
alors lieutenant-général duroyau-
me , nomma le comte Dejean un
de ses commissaires extraordi-
naires, pour aller établir régu-
lièrement l’autorité royale, dans
la XI° division militaire. Arrivé à
Bordeaux, l’effervescence des es-
prits ne permit pas au général
Dejean d'accomplir tout ce qui
aurait pu être utile au maintien de
l’ordre et des lois, et il dut reve-
nir à Paris au bout de quelques
jours, après avoir vu l'autorité
légitime méconnue, ou du moins
éludée en sa personne. À son re-
tour, il futnommé successivement
pair de France , gouverneur de
l'Ecole royale Polytechnique et
président du comité de liquidation
de l’arriéré.
Cependant Bonaparte revint de
l’île d’Elbe, etreleva son trône. Le
général Dejean reprit sesfonctions
de premier inspecteur-général du
génie, qui avaient cessé depuis la
Restauration, et remplit par énté-
rim, durant les Cent jours , les
fonctions de grand-chancelier de
la Légion -d’Honneur. Il entra
aussi à la nouvelle chambre des
pairs. Après la bataille de Water-
loo et lorsque les armées coali-
sées étaient aux portes de Paris,
il eut dans les bureaux de la
Chambre, une discussion très-
DEJ
vive avec plusieurs généraux ;
qui soutenaient que la capi-
tale ne pouvait pas se défendre
et qu'il fallait adhérer à tout ce
qu’exigeait l'ennemi ; malgré son
âge et malgré l’affaiblissement de
ses forces, il montra dans cette
occasion, la plus grande énergie,
et dit hautement à ceux qui sou-
tenaient l’opinion contraire à la
sienne « qu'il était bien étonnant
»que des hommes qui avaient
»yété si braves toute leur vie ,
» montrassent autant de faiblesse
» dans un pareil moment.»
Le général Dejean se trouva
momentanément exclu de la
Chambre des Pairs, par l’ordon-
nance exira-constitutionnelle du
20 juillet 1815. Le maréchal Gou-
vion Saint-Cyr, ayant été appelé
au ministère de la guerre, déter-
mina son ancien compagnon d’ar-
mes à se charger de la direction
générale des subsistances mili-
taires , que le général Dejean a
conservée jusqu’à la fin de 1820,
époque à laquelle l’affaiblissement
sérieux de sa santé l’engagea à
donner sa démission. Sans doute
que le désir de voir rentrer en
France son fils aîné , dont le nom
avait été placé sur une liste d’exil,
par l'effet de la malveillance ca-
pricieuse de Fouché , contribua
pour beaucoup à faire rentrer le
comte Dejean dans le service actif.
Les nombreux employés qu’il
avait eus autrefois sous ses ordres
s’applaudirent de retrouver un
chef si juste et si éclairé. La di-
rection dessubsistances militaires,
qui échappait à des fermiers rui-
neux, futrétablie , grâce aux soins
actifs et éclairés de cet habile
administrateur, sur le meilleur
pied d'ordre et d'économie, Les
DEJ 89
calculsrigoureux de la statistique,
les idées les plus exactes de l’éco-
nomie politique , les vues les plus
sages d'intérêt public dirigèrent
ses marchés , et généralement
tous les actes de son administra-
tion, contre lesquels il ne s’éleva
jamais aucune plainte sérieuse.
Son zèle pour le bien du service
lui fit imaginer un procédé ingé-
nieux pour conserver le grain,
renfermé hermétiquement dans
des cuves de plomb. Cette inven-
tion extrêmement utile, soit pour
former des greniers d’abondance,
soit pour approvisionner les places
fortes , a été mise à l'épreuve avec
un plein succès, à la manutention
des vivres de la guerre. Tout ce
qui concerne ces expériences ,
auxquelles le général Dejean atta-
chait avec raison, beaucoup de
prix , se trouve consigné dans
deux brochures qu’il a publiéessur
cet objet (1).
(1) 1°. Description d'un nouveau
moyen proposé par le Directeur-gé-
néral des subsistances militaires, et
mis er essai à la manutention des
vivres, pour la conservation illimitée
des grains. Paris, Balard (sans date) ;
in-8 , 10 pages. Signé le comte Dejean.
— 2° Résuméide toutes les expériences
faites pour constater la bonté du pro=
cédé proposé par M. le comte Dejean,
pour la conservation illimitée des
grains et farines. Paris, Bachelier,
mars, 1824 ; in-8, de 40 pages. (Extrait
des Annales de l'Industrie nationale
et étrangère). Cette seconde brochure
est rédigée par M. le chevalier Sainte-
Fare-Bontemps, mais vue et approuvée
par le général Dejean. — On n'ignore
pas que M. Ternaux a fait également ,
et répété avec succès à son château de
Saint-Ouen , des expériences sur la
conservation des grains. M. Ternaux
enfouit les grains dans des silos de terre
90 DEJ
L’ordonnance royale du 6 mars
1819, rappela M. le comte De-
jean à la Chambre des Pairs. Il y
vota constamment avec les amis
des libertés constitutionnelles
deux fois il monta à la tribune
pour parler sur des questions d’é-
conomie publique qui lui étaient
plus spécialement familières. Il
appuya la loi du mois de juillet
1820 , relative à la limite de
l’importation et l'exportation des
grains, et en prit occasion de dé-
velopper l'utilité de faire des pro-
visions de blé pour les temps de
disette , aux époques d’abondance
et d’avilissement de la denrée, en
usant du procédé de conservation
dont nous venons de parler. Dans
la discussion de la loi du mois
d’août 1822 , relative à l’achéve-
ment et à la construction de plu-
sieurs canaux, il combattit comme
trop dispendieux relativement à
son utilité, le système de grande
navigation, du moins toutes les
fois que l’entreprise d’un canal
est à la charge du gouvernement,
et il fit part à la Chambre des
observations qu'ilavait été à portée
de faire , touchant l’économie et
l'utilité des canaux de petite navi-
gation,très-usités en Hollande(1).
M. le comte Dejean conservait
dans un âge avancé , non-seule-
ment toute la vigueur de sa tête,
mais même une énergie physique
très - remarquable. Une attaque
marneuse , après les avoir tapissés de
paille dans tous les sens. Le général
Dejean les conserve dans des cuves de
plomb. L'un et l’autre atteignent par-
faitement au but de la conservation ;
mais M. le général Dejean et M. Ter-
maux sont entièrement divisés sur la
question de l'économie des frais, dont
DEJ
d'apoplèxie qui paralysa en partie
le côté droit de son corps, res-
pecta encore toutes ses facultés
mentales. Il continua de travailler
dans son cabinet , et de jouir de
la vie , au milieu de sa famille et
de ses amis. On le vit même se
traîner, appuyé sur le bras d’un
ami, pour venir voter aux élec-
tions de 1824; mais enfin, une
affection au pylore, dont il se.
plaignait depuis long-temps, ter-
mina ses jours , après de cruelles
souffrances, le 12 mai 1824; il
était âgé de près de soixante-
quinze ans. Son corps fut déposé
au cimetière du Père-la-Chaise ,
dans le caveau de sa famille. Là ,
en présence d’un grand nombre
de Pairs , et d’officiers généraux,
principalement du corps du génie,
M. le baron Haxo, lieutenant-gé-
néral dans cette arme ; prononça
son éloge funèbre (2). Le général
Dejean a laissé après lui une nom-
breuse postérité; son fils aîné,
successeur de sa pairie , est lieu-
tenant- général des armées du
Roi, et cultive avec grande dis-
tinction ,; les sciences entomolo-
giques.
La famille de feu M. le comte
Dejean possède deux beaux por-
traits en pied, de lui ; l’un peint
par Kinson , et l’autre par Robert
Lefèbvre. Ce dernier particulière-
ment, est d’une belle exécution
et d’une parfaite ressemblance. Il
chacun d’eux réclame l'avantage pour
son procédé. |
(D Ces deux discours imprimés par
ordre de la Chambre,se trouvent dans
la collection de ses impressions, sous les
numéros 83 de 1820 , et 23 de 1822.
(2) Paris, imp. de Fain, 1824;
in-80, de 14 pages.
u
DEJ
en existe une bonne lithographie,
dessinée par M. Hesse. On trouve
aussi un portrait gravé du comte
Dejean, dans la Collection des dé-
fenseurs de la Charte et de la loides
élections , publiée en 1821, par
À. Tardieu.
C’est par le récit tout nu de sa
vie, et par l'indication de quel-
ques traits de son caractère , que
nous avons fait jusqu’à ce moment,
l'éloge de M. le comte Dejean.
Cette louange est la plus conve-
nable à sa vertu, qui fut si simple
et si naturelle. Les orages de
la Révolution le trouvèrent calme
et pur; les dangers et les difli-
cultés de la guerre firent bril-
ler sa bravoure et son habileté ;
la France n’eut jamais de fils
plus fidèle. C’est la fortune qui
vint le chercher, il ne fit rien
pour la conserver que son devoir.
L'instinct naturel et si bien re-
connu de Napoléon pour distin-
guer et attirer les hommes supé-
rieurs , conduisit seul ses regards
vers le général Dejean, et lui ins-
pira de le faire asseoir dans ses
conseils. Le système du gouver-
nement consulaire, considéré
uniquement de son côté juste ,
modéré , habile et moral, offre
l'expression exacte du caractère
politique du comte Dejean. A me-
sure qu’on s’écarta de cettenuance,
il se trouva moins en harmonie
avec les idées et les plans du ca-
binet impérial. Souvent il y fit en-
tendre la vérité avec cette sincérité
qui est inoffensive , parce qu’elle
est pleine de candeur ettout-à-fait
exemple de passion; mais aussi
avec un désintéressement d'autant
plus méritoire, qu’il est bien rare-
ment apprécié. Il en sortit enfin,
et ce fut pour rester fidèle à cette
DEJ 91
probité publique inaltérable, qui
décora toute sa vie, et qui pareille
à ia pudeur fuit à la fois l’éloge et
le soupçon. «II quitta le ministère,
» dit M. le comte Daru, comme
» il l'avait recu , sans se croire ni
» plus ni moins qu’il n’était aupa-
» rayant; et le lendemain de sa
» démission, rien, ni dans sa con-
» tenance , ni dans l’accueil qu’il
recevait, n'aurait pu faire soup-
» conner un ministre disgracié.
» En effet, il ne l'était pas; on
» l’avait décharge d’un fardeau. »
Le général Dejean jouit d’un rare
privilége pour un homme d’état;
il n’eut point d’ennemis; on doit
le croire , du moins , puisque ja-
mais on n’entendit dire du mal de
lui. Cet avantage singulier, il
le dut à une justice parfaite et à
une modération infinie. Il est vrai
que niles circonstances , ni la na-
ture de ses fonctions, ne le mirent
aux prises avec Ces passions ir-
ritables qui agitent le plus vio-
lemment les hommes ; pourtant il
y eut tant de droiture dans son
cœur , tant d’élévation dans son
esprit , tant de calme dans son ca-
ractère ,; qu’il faut bien accorder
à son mérite personnel, une large
portion dans cette conquête pai-
sible de l’estime, qui ne manqua
pas un seul moment à l’honneur
et à la consolation de sa vie. « Tel
» fut le général Dejean, dit M. le
» baron Haxo : semblable aux
» hommes que l’antiquité présente
» à notre admiration , également
» propres à la guerre et à l’admi-
» nistration de l’état , grand dans
» le public et grand dans son
» intérieur , mais d’une grandeur
» simple et toute humaine ; c’est
» de lui qu’on a dit avec justesse,
» qu’il portait des vertus comme
ÿ
=
92 DEL
» l’arbre porte des fruits. Sa vie
» entière a été sans tache; ceux
» qui l’ont connu le présen-
» teront comme un modèle ; on
» se souviendra long-temps des
» exemples qu’il a donnés, et ses
» mânes se réjouiront de ce qu’un
» tel souvenir sera encore utile à
» la patrie.
» Honneur à sa mémoire. »
La
DELICHÈRES ( Jean-PauL),
né en 1792, à Aubenas (Ardèche),
est mort dans cette ville , le pre-
mier décembre 1820. Juriscon-
sulte et littérateur, il se montra
aussi, patriote ethomme de bien,
dans les diverses fonctions publi-
ques où il fut appelé, sous le gou-
vernement républicain, par l’élec-
tion de sesconcitoyens. Il à été
successivement , maire de sa ville
natale, procureur-syndic de son
district, administrateur de son dé-
partement , député au Conseil des
Cinq cents, président au tribunal
de Privas. Il donna sa démission de
cette place en l’an XIT, quand le
gouvernement impérial éloignait
des fonctions publiques les hom-
mes d'opinion et de réputation dé-
mocratique.Rendu à la vie privée ..
il partagea son temps entre les
consultations du cabinet et la cul-
ture des lettres, qui avaient fait
toute sa vie, le charme de ses loi-
sirs. Lesantiquités etspécialement
celles de son pays, furent l’objet
particulier de ses études. On a de
lui plusieurs dissertations impri-
mées , parmi lesquelles on cite :
I. Notice historique du départe-
ment de l Ardèche.
IT. Dissertation sur le monument
de Mithra, qui existe à Bourg-
Saint-Andéol.
IT. Dissertation sur l Hercule
DES
Gaulois ; dans laquelle on indique
au bourg de Desagnez , le premier
monument qui lui fut élevé par les
Romains.
M. Delichères a laissé plusieurs
manuscrits qui sont au pouvoir de
son neveu ( M. Vernet, avocat et
juge suppléant au tribunal de Pri-
vas). Le plus considérable, celui
auquel l’auteur attachait le plus
de prix, a pour titre : Théorie de
la langue primitive, basée sur La
peinture des objets, par opposition
au langage des sons de la nature ,
ou de POnomatopée et de ses rap-
ports avec l’invention et les signes
de l’écriture alphabétique , etc.
Deux autres manuscrits se ratta-
chent à cet ouvrage; ils sont in-
ütulés : 1° Essai sur la langue
Celto-Helvienne ; dans lequel on
examine si les idiomes du midi de
la France sont dérivés ou corrom-
pus du latin, et l’on démontre que
celui du département de l Ardèche
est , en particulier , le dialecte le
moins altéré de la langue primitive
de l'Europe. »° Vocabulaire, ow
Choix raisonné des dénominations
des sites du département de l’Ar-
dèche ; expliquées par le rapport
des images qu’ils offrent avec l’idiome
des habitans et avec les langues an-
ciennes de l'Asie. Ces trois ou-
vrages formeraient trois ou même
quatre gros volumes. ( Extrait
d’une Notice signée V., insérée
dans la Revue Encyclopédique ;
tome XX V, page 287. )
DESCHAMPS ( Josern-Fran-
çors-Louis)naquità Chartres,le 14
mars 1740. Destiné à l’état ecclé-
siastique, il y renonça dès qu’il put
comprendre les sacrifices qu’im-
pose le culte des autels, et les
vertus difficiles qu’il exige. 11 se
DES
rendit à Paris à l’âge de dix-neuf
ans, pour étudier la médecine.
C’est en assistant aux visites de
Moreau , alors chirurgien en chef
de l’Hôtel-Dieu , qu’il se crut sen-
tir appelé à exercer cet art que
venaient d’élever si haut la muni-
ficence de Louis XV, et la célé-
brité de l’Académie royale de chi-
rurgie. Cette société savante que
renversa la tourmente révolu-
tionnaire et que remplaca si glo-
rieusement ensuite l'Ecole de san-
té, comptait parmi ses membres
des hommes qui attachaient toute
leur gloire à sa prospérité nais-
sante, y consacraient et leurs
travaux et leur fortune. Adnñs
en 1764 à l'Ecole pratique, Des-
champs remporta plusieurs an-
nées de suite, les premiers prix
fondés pour les élèves de cette
école expérimentale , par la bien-
veillante générosité de Houstet.
Bientôt il fut reçu membre du
Collège et de l’Académie de chi-
rurgie; un an plus tard, il obtint
au concours, la place de gagnant-
maitrise de l'hôpital de la Charité,
et y remplaca Desault, lorsque ce
célèbre praticien fut appelé à la
tête de la chirurgie de l'Hôtel-
Dieu.
Dès lors il crut se devoir tout
entier au service des pauvres. Re-
cherché par le riche , l’indigent
eut souvent la préférence , et il
négligea tellement le soin de sa
fortune que la place de chirurgien
consultant del’Empereur,qu’ilob-
ünt dans un âge fort avancé, fut
autant un secours qu’une juste
récompense de ses longs services.
L'année suivante, la classe des
sciences physiques et mathémati-
ques de l’Institut le choisit pour
occuper la place que laissait va-
4 4
AE
ane
æ
go
cante dans son sein la mort de
Sabatier.En 1815, Deschamps fut
membre d’une commission char-
gée par le gouvernement, de pren-
dre en considération l’exercice de
l’état médical. Les travaux de cette
commission furent interrompus
par les événemens politiques et
demeurèrent sans résultat. Nom-
mé chevalier de la Légion d’Hon-
neur vers la même année, cette
distinction tardive le flatta moins
que ne l’eût fait alors une déco-
ration plus ancienne à laquelle il
avait des droits , et qui lui aurait
été donnée , si la vertu , le mérite
et des travaux pénibles pouvaient
l'emporter sur la médiocrité en
faveur. Ennemi de l'intrigue,
doux, humain, charitable , Des-
champs consacrait son temps à
l’étude. La chirurgie doit à ses
recherches , à ses méditations,
à sa longue expérience, un Traité
historique et dogmatique de Po-
pération de la taille ( 1796-97,
4 vol. in-8) ; ouvrage un peu
prolixe peut-être , mais qui n’en
contient pas moins une excellente
doctrine , des faits intéressans et
une instruction complète. A la
suite de ce traité se trouvent plu-
sieurs Observations sur la ligature
des artères, et spécialement dans
l’anévrisme de l'artère poplitée ,
selon la méthode de J. Hunter,
que Deschamps adopta le premier
en France. Ces observations
avaient été publiées trois ans au-
paravant (en 1795), dans le jour-
nal de médecine que rédigeait
Fourcroy.
Lié d'amitié depuis l’enfanceavec
Colin d'Harleville et Guillard ses
compatriotes ,; Deschamps avait
pris près d’eux le goût de la bonne
littérature et des vers. Il faisaitavec
"DES
94 DES
facilité des couplets où la gaîté se
joignait aux sentimens tendres et
affectueux de son cœur , et qu'il
ne disait jamais sans verser une
larme d’attendrissement. Pans
une société où il était tendrement
chéri, on donna un jour des bouts-
rimés à remplir ; les deux poëtes
en firent à leur ami un hommage
que des dames se hâtèrent de lui
envoyer.
Voici les vers inédits de l’au-
teur du Vieux Célibataire :
L’amour de son prochain , la tendre... CHARITÉ ,
Deschamps, toi, docte Bls du profane...ESCULAPE,
Est un don, conviens-en, de la... DIVINITÉ.
Tel moderne censeur de l’église et du. PAPE
La met dans ses discours plus qu’en ses... ACTIONS;
Mais il dégrade en vain son oriyine... ILLUSTRE:
Elle est fille du Ciel, et ses... ÉMOTIONS
À la religion doivent leur plus beau... LUSTRE.
L'amitié inspira à l’auteur d’OE-
dipe à Colonne des vers non moins
flaitteurs , auxquels Deschamps ré-
pondit sur les mêmes rimes, en
adressant ses remerciemens à la
femme et à la sœur de Guillard ,
qui avaient provoqué les vers de
ses amis.
De ce triste séjour nommé la... CHARITÉ
Reçois l’encens offert par ur fils d’...ESCULAPE,
Sexe aimable , ici bas, notre... DIVINITÉ,
- Dont le culte enchanteur a séduit plus d’un... PAPE,
De ton sensible cœur je bénis..…… …. L'ACTION ;
Il inspira pour moi deux poètes... ILLUSTRES,.
O ciel! pour prolonger ma vive... ÉMOTION
À mes vieux ans encore ajoute quelques...LUSTRES!
Deschamps eut pendant plus de
trente ans, pour adjoint, le savant
M. Boyer, qui ne voulut jamais
consentir que ce bon vieillard se
démiît en sa faveur de la première
place. Cet homme exemplaire qui
le remplace à l’Institut et à l’hô-
pital de la Charité, ne cessa d’avoir
pour Deschamps les plus touchans
égards, jusqu'aux derniers instans
DES
d’une vie de près de quatre:
ving-Ccinq ans, qui s’éteignit le
8 décembre 1824. L’éloge de Des-
champs fut prononcé au nom de
l’Institut, par M. le baron Percy,
qui moins de deux mois après, le
suivit au tombeau. M. Roux ex-
prima les regrets de l’Académie-
Royale de médecine , dont Des-
champs était membre honoraire.
Ces deux discours ont été im-
primés.
Deschamps laisse un fils, doc-
teur en médecine, auteur d’un
Traité des maladies des fosses
nasales , et qui a traduit de l’an-
glais les Transactions médico-chirur-
gicales de la société de médecine de
Londres , le Traité de la goutte de
Scudamore, etc. ( Article commu-
niqué par M..le Docteur VAréLrauUD).
DESPREZ (Craune - AIMÉ )
naquit à Saint-Germain-en-Laye,
le 5 avril 17853. Il est auteur de
plusieurs vaudevilles et d’un grand
nombre de chansons. II mou-
rut d’une affection de poitrine ,
à Herbelay, près Pontoise , le
26 avril 1824, âgé de 41 ans,
chez son frère, curé d’Herbelay ,
auprès duquel il s'était retité. On
peut remarquer que sa dernière
chanson est intitulée : Ma Pro-
menade au Pèére-la-Chaise. Des-
prez avait joué la comédie , vers
1810 , à l’'Ambigu-Comique, sous
le nom de Saint-Clair. Depuis , il
fut employé à la Trésorerie ; et
après la Restauration, on le fit
officier dans la 5° légion de la
garde nationale de Paris, pour la-
quelle il composa souvent des cou-
plets de circonstance. On trouve
plusieurs des chansons de Desprez-
Saint-Clair dans lerecueilintitulé:
Les Soupers de Momus. Le t. xn°
de cette collection, pour 1825,
DES
contient une ÜMotice sur Cl. À.
Desprez, par M. Dussaulchoy ;,
président de la réunion.
Liste des owvrages
de Cl. A. Desprez-Saint-Clair.
I. ( Avec Varez. ) Le Foyer ou
le Couplet d'annonce , vaudeville
joué aux Jeunes Artistes.
II. ( Avec Brazier et Varez. )
Kikiki , parodie de Tékéli, jouée
aux Nouveaux Troubadours.
II. Le Mariage de La Valeur ,
yaudeville représenté à l’Ambigu-
Comique.
IV. L’Espoir Réalisé, vaude-
ville. ibid.
V. Le Jardin d'Olivier. id.,
ibid.
VI. (Avec de Ferrière) Le Mariage
sous d'heureux auspices, vaudewille
en un acte, pour les fêtes du ma-
riage de S. À. R. le ducde Berry,
représenté sur le théâtre de l’Am-
bigu-Comique ; le 15 juin 1816.
Paris, Fages, 1816, in-8.
VII. ( Avec le même.) Margue-
rite de Strafford , ou le Retour à la
Royauté,mélodrame en trois actes,
en prose et à spectacle , repré-
senté sur le théâtre de l’Ambigu-
Comique , le 21 août 1816. Paris,
Barba , in-8.
VIII. ( Avec Varez. ) Retour-
nons à Paris, comédie en un acte,
mêlée de vaudevilles , représentée
sur le théâtre de l’Ambigu-Co-
mique, le 4 décembre 1817. Pa-
ris , Barba , in-8.
IX. ( Avec de Ferrière. ) Gré-
goire à Tunis, vaudeville, repré-
senté à l’Ambigu-Comique.
X. Monsieur de la Hure, vau-
deville , représenté à la Gaîté.
XI. ( Avec un anonyme. }
DOD 99
’H omme à Tout , vaudexille ,
représenté à la Gaîté.
XII. ( Avec Edmond. ) Les
E paulettes du Grenadier , comédie
en un acte, mêlée de vaude-
villes, représentée sur le théâtre
de la Porte - Saint - Martin , le
29 mai 1820. Paris, Barba ,
in-6.
XIII. (Avec Edmond, Crosnier,
et Emile de Pluyette, ) Paris, Le
V'ingt-neuf septembre 1820 , im-
promptu mêlé de couplets, à l’oc-
casion de la naissance de S. A. R.
Mgr. le duc Bordeaux, représenté
sur le théâtre de la Porte-Saint-
Martin, le 8 octobre 1820. Paris,
Quoy , in-8.
XIV.( Avec de Ferrière. ) Le
Bouffon dans l'Embarras , vau-
deville, représenté sur le théâtre
des Variétés.
XV. ( Avec de Rougemont et
et Edmond. ) Les Ermites, co-
médie-vaudeville en un acte, re-
présentée sur le théâtre de la
Porte-Saint-Martin , le 25 juil-
let 1821. Paris, Barba, in-8.
XVI. ( Avec Joseph Dussaul-
choy. ) Le Protégé de tout le
Monde , comédie-vaudeville en
un acte, représentée sur le théâtre
de la Porte - Saint-Martin, le
12 novembre 1822. Paris, Quoy,
in-8.
XVII. ( Avec un anonyme.)
Le Mariage à la Turque , vaude-
ville en un acte, représenté sur le
théâtre de la Gaïîté , le 3 avril 1823.
Paris , Quoy, in-8.
XVIII Malbrouck , folie-vau-
deville.
XIX. La Grolte de Fingal, ou
le Soldat mystérieux.
DODERET ( ; an-
cien administrateur du district de
dre, sep tre
96 DOD
Langres , est mort à Rivières-les-
Fosses, département de la Haute-
Marne, au mois d'avril 1824. Il
paraît qu’il a publié plusieurs ou-
vrages, sur lesquels nous man-
quons de renseignemens précis.
Tout ce que nous savons de lui
est extrait du Drapeau Blanc, du
4 mai 1824, qui s'exprime en ces
termes.
« M. Doderet, ancien admi-
nistrateur du district de Langres,
connu par l’impièté dont il faisait
parade, et qui pendant son ad-
ministration, fit imprimer plu-
sieurs ouvrages contre la religion,
notamment le Catéchisme de toutes
les religions, en abrégé (1), vient
de mourir à Rivières , à l’âge de
735 ans. Pendant sa maladie qui
a été assez longue, et jusqu’au
moment de sa mort, ce vieillard a
conservé toute sa Connaissance.
Ses enfans, le voyant dans un
danger imminent , essayèrent de
lui faire abjurer ses erreurs, et le
supplièrent , avec les plus vives
instances , d’invoquer les secours
de la religion, ce à quoi il se re-
fusa pendant long-temps , avec la
plus grande opiniâtreté ; mais en-
fin, sentant la mort approcher, il
fit, de son propre mouvement et
au grand étonnement de sa famille,
appeler un prêtre qui, après l’a-
voir confessé deux fois, lui ad-
ministra les derniers sacremens.
Cette imposante cérémonie eut
lieu en présence de la majeure
partie des habitans de sa com-
mune, auxquels il déclara qu’il
avait toujours été dans l'erreur ,
(1) Cet ouvrage fut dédié au Cercle
constitutionnel de Langres, en l’an VI
de la République.
DRO
qu’ilen demandait pardon à Dieu,
et qu'il se rétractait de tout ce
qu’il avait écrit contre la religion,
dans le sein de laquelle il allait
mourir. »
DONNAT (Jacques), architecte,
est mort à Montpellier ; au mois
de juillet 1824, dansla 83° année
de son âge. Il était déjà entré dans
la carrière des beaux arts, quand
l’auteur justement estimé du bel
amphithéâtre de Saint-Côme, à
Montpellier, M. Giral , attira son
émulation du côté de l’architec-
ture, et après se l’être attaché
d’abord en qualité de disciple , se
l’attacha plus particulièrement en-
suite , en qualité de gendre et
d’associé. C’est au concours de
ces deux artistes réunis ,; que
Montpellier est redevable de la
magnifique place du Peyrou ,
sans parler d’une foule de con-
structions utiles et remarquables
dont Donnat a encore embelli
cette cité. Parmi les travaux qu'il
a exécutés sur divers autres points
du Languedoc , on cite les res-
taurations du palais archiépisco-
pal de Narbonne; l'édification de
la cathédrale d’Alais, et les belles
routes qu’il a tracées dans les
contrées montueuses et. difficiles
du Vivarais. Donnat dessina aussi
avec succès, les décorations éphé-
mères des fêtes ou cérémonies pu-
bliques , célébrées à diverses épo-
ques dans les villes du Bas-Lan-
guedoc; et il remplit pendant
près de cinquante ans, les fonc-
tions d'architecte de la ville de
Montpellier.
DROUET ( JEax - BApTISTE) ;
conventionnel, né le 8 janvier
1763 , servit quelque temps dans
x
DRG
les dragons, et devint ensuite
maitre de poste à Ste-Menehould,
en Champagne. Il occupait eet
emploi, lorsque Louis XVI,
fuyant de Paris avec sa famille,
le 21 juin 1791, pour se rendre à
Montmédy , traversa Ste-Mene-
hould. Les officiers municipaux
de cette ville avaient déjà recu
l'éveil, par quelques mouvemens
extraordinaires de troupes, quand
Drouet vint leur annoncer qu'il
avait vu passer une voiture sus-
pecte , dans laquelle il prétendait
avoir reconnu le Roi, dont il ne
connaissait pourtant que l'effigie
gravée sur les assignats : on lui
ordonna de Ja suivre. 11 prend en
conséquence un chemin de tra-
verse, devance la voiture du Roi
à Varennes , avertit le maître de
poste, et comme c'était au milieu
de la nuit, avant de donner l’a-
larme, et d’éveiller personne, il
alla droit au pont par où le Roi
devait passer, afin de le barricader.
Une voiture chargée de meubles
qui se trouva là , servit son projet:
il la renversa à l’entrée du pont,
et courutensuite avertir le procu-
reur de la commune , le maire et
lecommandantde la garde natio-
nale. L’arrestation de Louis XVI,
et par suite sa fin tragique et celle
d’une grande partie de sa famille,
sont devenus le terrible résultat
de ce zèle si malheureux (1).
L'Assemblée nationale voulut ac-
(1) On peut voir dans les Mémoires
de MM. le duc de Choiseul, le mar-
quis de Bouillé et le baron de Gogue-
lat, publiés dans la collection de
MM. Baudoin, tous les détails rela-
tifs au voyage de Varennes, y com-
pris le rôle que Drouct remplit dans
cette affaire,
DRO 97
corder à Drouet une gratification
de 30,000 livres qu’il refusa , et
au lieu de laquelle il sollicita un
grade dans la gendarmerie.
Nommé en septembre 1792 ;,
député de la Marne à la Conven-
tion nationale, Drouet figura dans
cette assemblée au rang des mon-
tagnards ; son caractère violent et
ses formes âpres l’entrainèrent
toujours auxplus furieuses exagé-
rations. On l’entendit demander
l'addition de nouveaux griefs à
ceux qu'un comité spécial avait
dressés contre Louis XVI; récla-
mer contre le décret qui permet-
tait à ce prince infortuné de com-
muniquer avec sa famille ; enfin,
voter pour sa mort et sans sursis :
il était absent lors du vote sur la
question de l'appel au peuple.
Plus tard, c’est contre Dumouriez
que Drouet tourna son ardeur dé-
magogique , et voici, selon la
version de Dumouriez lui-même ,
quelle fut l’origine de ces hosti-
lites.
«Le général, dit-il,avait pour
courrier affidé, un honnêteet bon
homme nommé Drouet , frère du
maître de poste de Ste-Mene-
hould , qui avait arrêté le Roi à
Varennes, et qui était un des dé-
putés dela Convention et jacobin ;
il Le fit d’abord préparer par son
frère, le courrier, et ensuite il le
fit venir ; il lui peignit avec tant
d'énergie l’atrocité de ce crime ,
que Drouet, frappé d'horreur ,
promit de demander la suspension
du procès à la Convention et aux
Jacobins. Drouet tomba malade
et n'opina pas au jugement (1),
mais à peine fut-il guéri, qu'il
a
(1) Cette assertion est inexacte,
"
{
98 DRO
dénonca, en pleiné Convention ,
la démarche du général Dumou-
riez.» (Mémoires du général D umou-
riez. T. II, page 327, édition de
1825.)
Ardent jacobin ; Drouet prit
une part très-active à la fatale
journée du 31 mai 1795 , attaquant
brutalement les Girondins à la
tribune , et faisant une guerre fé-
roce à leurs personnes. Le 5 sep-
tembre , il! proposa de rendre
les suspects responsables des suc-
cès des tyrans, et d’autoriseg les
conseils-généraux des communes,
ou les comités révolutionnaires ,
à lesincarcérer sansrendrecompte
de leurs motifs : à celte occasion,
il se livra à des mouvemens si vio-
lens, qu’il réussit à provoquer les
murmures de lassemblée même
devant laquelle it parlait. Le pré-
sident Thuriot le rappela à l’ordre
à cause de cette phrase : « S’il faut
» être brigand pourle bonheur du
»peuple , soyons brigands. » Peu
de temps après, on l’envoya à
Farmée du Nord, et il se trouva
enfermé dans Maubeuge, lorsque
cette place fut investie par le
prince de GCobourg. Craignant,
avec quelque raison , un traite-
ment sévère , s’il venait à tomber
entre les mains des Autrichiens,
il essaya de s’échapper avec cent
dragons, pendant la nuit du 2 au
3 octobre; mais il fut pris et en-
voyé dans la forteresse de Spiel-
berg, en Moravie. Il avait d’a-
bord été gardé quelque temps à
Bruxelles, et plusieurs rapports
faits à la Convention affirmèrent
qu’on l’y tenait enchaîné dans une
cage de fer, avec le projet de Île
laisser mourir de faim. On envoya
même à l’assemblée Pinstrument
qui le retenait enchaîné, et un
DRO
décret ordonna que cet instru-
ment serait attaché au pied de ta
statue de la Liberté ; mais ces de-
tails. malgré leur forme officielle,
peuvent être fort inexacts, et sont
réputés suspects d’exagération.
Le G juillet 1704, Drouet essaya
de s’échapper de la forteresse de
Spielberg , en sautant par une fe-
nêtre de sa prison , d’une hauteur
de deux cents pieds, muni d’une
espèce de parachute qu’il était
parvenu à fabriquer lui-même ;
mais il se cassa nn pied et fut re-
pris. Il avait laissé dans sa cham-
bre une lettre trèes-audacieuse ,
adressée à l'Empereur.
Drouet fut échangé à Bâle, en
novembre 1795, avec quelques
autres de ses collègues de la
Convention ,; contre la file de
Louis X VT, et il dut à sa captivité
l'entrée au Conseil des Cinq-cents.
Pourtant, sa conduite passée avait
laissé contre lui des impressions
tellement défavorables, qu’on de-
manda son exclusion spéciale du
Corps Législatif, et M. Defermom
raconta à cette occasion que ,
quelques jours après le 2 juin,
Drouet le menaçait de lui brûler
la cervelle ,; s'il ne lui livrait
M. Lanjuinais, qui venait d’être
mis hors la loi. Drouet fut admis
au Conseil des Cinq-cents, et le
récit qu'il y fitlui-même des souf-
frances de sa captivité, lui valut
sans doute un retour d'intérêt ,
puisqu'il fut élu secrétaire. Mais
la sagesse et la modération qui
régnaient à cette époque dans les
conseils de la république fran-
çaise, ne pouvaient plaire à cet
indomptable factieux. Il n’hésita
pas à confesser , ayec une naïveté
atroce «qu'il eût marché sur les
»traces de Robespierre et de Ma-
DRO
»rat , s’il se fût trouvé dans sa
» patrie, lors du régime de la ter-
»reur. » Regrettant sincèrement
ce règne de sang , il se lia avec
Babeuf et quelques insensés dé-
magogues qui complotaient le
renversement du gouvernement
directorial. Arrêté avec ses com-
plices, dans la nuit du 10 au 11
mai 1706, il fut enfermé à l’Ab-
baye, et le Conseil des Anciens
décréta qu’il serait renvoyé de-
vant la Haute-Cour nationale sié-
geante à Vendôme ; mais il vint
à bout de s’échapper dans la nuit
du 18 août; et, le 20, il fit pa-
raître dans le Journal des Hommes
libres, les détails de son évasion,
qu’il dit s'être opérée par un tuyau
de cheminée. Il paraît certain que
Drouet se trouva, dans la nuit du
9 au 10septembre 1796, au milieu
de cette foule impure d’agitateurs
subalternes , qui tentèrent de sou-
lever le camp de Grenelle contre
le Directoire, et qu’ildut son salut
à une laitière , qui le cacha sous
la paille de sa voiture. Après ce
dernier effort , Drouet voyant la
cause des Jacobins définitivement
perdue , songea à sauver sa per-
sonne ; il se réfugia d’abord en
Suisse , et s'embarqua ensuite
pour les Indes. Le vaisseau qui
le portait touchait au Pic de Téné-
riffe, au moment où les Anglais
attaquaient l’île ; Drouet se battit
contre eux avec courage. Ayant
appris peu après qu'il avait été
acquitté en son absence, par la
Haute-Cour nationale, ilrentra en
France , et y fut accueilli assez
favorablement, par suite de la
nouvelle direction que le 18 fruc-
tidor venait de donner au gouver-
nement. Il recut une indemaité
pécuniaire pour les pertes qu'il
DRO 99.
avait éprouvées durant sa capti-
vité en Autriche. Il fut, après la
journée du 30 prairial, un des
principaux organisateurs du club
du Manège, et obtint la piace de
commissaire du Directoire près
l'administration centrale du dé-
partement de la Marne. Après le
18 brumaire , les Consuls le nom-
mérent .sous-préfet à Ste-Mene-
hould, et il remplit assez paisi-
blement ces fonctions, pendant
toute la durée du gouvernement
impérial. Ce fut lui qui, en 1810,
reçut Napoléon dans cette ville ,
et qui le conduisit sur le champ
de bataille de Valmy, où il lui in-
diqua les positions. Drouet était
encore sous-préfet à Ste-Mene-
hould au commencement de 1814;
la Restauration l’écarta des fonc-
tions publiques. Durant les Cent
jours , il fut élu député de la
Marne à la Chambre des Repré-
sentans, où il ne se fit point re-
marquer. La loi d’amnistie du 6
janvier1816le condamnaità l'exil :
nous ignorons s’il sortit de France;
mais il est certain qu’il se retira
mystérieusement à Mâcon, où il
passa les dernières années de sa vie
caché sous le faux nom de Merger.
Cette époque est restée envelop-
pée de nuages. Inconnu à Mâcon,
Drouet vivait dans la retraite, ré-
gulièrement etmême pieusement.
A ses derniers momens, il montra
le trouble et la contrition d’un
chrétien repentant de ses fautes ;
mais il ne s’expliqua pas davan-
tage, au moins devant le public.
La surprise fut extrême , lorsqu'on
découvrit, après qu'il eut expiré,
que M. Merger était le fameux
Drouet, de Ste-Menehould. Sa
mort arriva le 11 avril 1824 : il
était âgé de plus de 61 ans,
100 DUB
DUBOIS ( François-Noet-
ALExANDRE ), chanoine et théo-
logal de l’église cathédrale de
Sainte-Croix d'Orléans, naquit
dans cette ville, en 1752. Après de
bonnes études, tant au collège
qu’au séminaire , à peine fut-il
surti des bancs qu'il devint maître.
Pendant plus de dix ans, il pro-
fessa les mathématiques et la phy-
sique, au petit-séminaire d'Or-
léans. L’évêque de cette ville le
nomma, €R 1787; à UN Cano-
nicat de la cathédrale. L’abbé
Dubois n’adopta point les prin-
cipes de la Révolution et ne leur
fit aucune concession ,; mais il
charma par l'amour des sciences,
les loisirs qu'elle lui imposait.
Aux mathémitiques qu’il avait
toujours cultivées par goût, il unit
l'étude de la botanique , et il a
laissé un monument des travaux
auxquels ii dut se livrer en ce
genre, pendant qu'il remplissait
les fonctions de démonstrateur au
Jardin des plantes d'Orléans. Aus-
sitôt que la législation fut devenue
tolérante pour les prêtres catholi-
ques ; l’abbé Dubois établit à Orlé-
ansun pensionnat quilong-tempsa
été florissant.et où l’ons’appliquait
surtout à élever la jeunesse dans
les principes religieux. Parvenu
à l’âge de plus de soixante ans,
l'abbé Dubois quitta l’enseigne-
ment ; mais il écrivit sur celte
matière, et dans son zèle pour
les Frères d: la doctrine chré-
tienne , il crut devoir attaquer
l’enseignement mutuel, avec le-
quel néanmoins ils ne sont nul-
lement incompatibles. Son acti-
vité aimait à s’exercer, en outre,
à la prédication. On pense que
l’ardeur avec laquelle ik se livra
dans ces derniers temps, à cette
DUB
*
fonction attrayante, mais pénible,
a pu abréger ses jours. Il suë-
comba à une inflammation d’en-
trailles, le 2 septembre 1824. Par
son testament, il laissa ses ma-
nuscrits théologiques au séminaire
d’Crléans, et ses manuscrits his-
toriques à la bibliothèque de la
même ville. Parmi les premiers ,
il existe une Dissertation contre le
serment de liberté et d'égalité. Un
travail sur Jeanne d’ Are, pour le-
quel il'avait fait des recherches
daus les archives de la villes d’Or-
léans , doit se trouver parmi les
seconds : cet ouvrage aurait formé
un vol. in-4, orné de planches et
de gravures.
Liste des ouvrages
de Fr. N. A. Dubois.
I. Méthode éprouvée avec laguette
on peut parvenir facilement et sans
maitre, à connaitre les plantes de
Pintérieur de la France et en par-
ticulier celles des environs dOr-
léans. Orléans et Paris . 1803,
in-8. — Il y a de nouveaux titres,
avec le millésime de 1825 ; Paris,
chez Creté.
IT. Mémoire en faveur des sœurs
de la Croix d’ Orléans. 1815.in-8,
de 40 pages.
IUT. Question importante. Les
Frères des Ecoles chrétiennes peu-
vent-ils adopter la méthode d’ensei-
gner connue sous le nom de méthode
de Lancaster, ou méthode d’ensei-
gnement mutuel; et s'ils pouvaient
l’adopter , serait-il avantageux pour
le public qu’ils le fissent ? Orléans,
imprimerie de Darnault-Maurant,
181% ; in-8, de deux feuilles.
L'auteur résout négativement
ces deux questions.
IV. Nouvelle Question impor-
DUB
tante : Est-il possible d’établir,
dans tous les chefs-lieux de dé-
partement, un collège royal dans
lequel Eadministration serait gra-
tuite, chrétienne et religieuse , en
procurant en mème temps au Sou-
vernement, une économie annuelle
de plus d’un million, et en di-
minuant d'environ six cents francs ;
la dépense que font les parens pour
chacun de leurs enfans qui étudient
comme externes dans les colléges
royaux ? Orléans, imprimerie de
Darnault-Maurant, 1818; in-5, de
quatre feuilles.
V. Réponse des défenseurs des
Frères des Écoles chrétiennes , à
un long article relalif à l’instruc-
tion publique , inséré dans le Mo-
niteur du 13 janvier 1818 , etc.
Orléans, Monceau, et Paris ,
Adr. Leclère , 1818; in-8, d’une
feuille et demie.
VI Notice historique et descrip-
tion de l’église cathédrale de Suinte-
Croix d'Orléans, 1818, in-8.
VII. Troisième Question impor-
tante : Est-il avantageux aux ha-
bitans d'Orléans qu'on établisse
dans leur ville une école d’ensei-
gnement mutuel ? Orléans , impri-
merie de Darnault-Maurant, 1819;
in-8, d’une feuille un quart.
VIII. Plan d'instruction publi-
que, également propre à procurer
l’exécution des intentions que S. M.
nous a manifestées dans son ordon-
nance du 17 février 1815, et à
combler les vœux des Français, en
assurant à tous leurs enfans , dans
tous Les chefs-lieux de département ,
une éducation chrétienne, religieuse
et entièrement gratuile, sans aug-
menter , et même en diminuant les
dépenses que le gouvernement fait
tous les ans , pour l'instruction pu-
blique. Orléans, imprimerie de
DUB . 101
Guyot aîné , 1822; in-8, d’une
feuille et demie.
Cet ouvrage reproduit les idées
proposées dans le n° IV ci-dessus.
IX. Notice historique sur Jeanne
d’ Arc, et les monumens érigés à
Orléans en son honneur. in-8 ; de
seize pages, sans date, mais
publiée en 1824.
DUBREUIL ( Joserx ), avocat,
né à Aix, le 22 juillet 17497, fut
maire de cette ville durantles Cent
jours, et y est décédé le 6 juin
1824. Il est auteur des ouvrages
suivans, cités dans la Bibliographie
de la France, rédigée par M. Beu-
chot ( vol. de 1825, pag. 432 );
et en tête desquels il prend aussi
les titres d’ancien assesseur d’Aix,
et procureur du pays de Pro-
vence. ”
I. Observations sur quelques cou-
tumes et usages de Provence , re-
cueillies par Jean de Bony : Essai
sur la simulation, sur la séparation
des patrimoines, les obligations de
la femme mariée et sur l’autorisa-
tion maritale. Aix, 1815 ; in-4, de
trente-sept feuilles et demie.
IT. Analyse raisonnée de la légis-
lation sur les eaux, pour servir de
suite aux Observations sur quel-
ques coutumes de Provence. Aix,
1817; in-4,de trente-trois feuilles.
III. Observations sur le rapport
des dons faits par le père à ses enfans,
réclamé par les légataires de la
quotité disponible ; sur le cumul de
la quotité disponible ordinaire, dé-
terminée par l'art. 913 du Code
civil, avec la quotité disponibleentre
époux , déterminée par l’art. 1904;
sur ia double relenue de la quotité
disponible et de la réserve légale, par
l'enfant donataire qui renonce à La
succession. Aix, Pontier, 1822;
r02 DUC
in-8, de cinq feuilles trois quarts.
DUCREST ( Cnanrces - Louts ,
marquis ), frère de M°° de Genlis,
descendait d’une famille noble de
Savoie , établie en Bourgogne :
il naquit aux environs d’Autun, le
28 avril 1747. Entré fort jeune
dans la marine , il la quitta pour
le service de terre, en 1765,
arriva successivement jusqu’au
poste de colonel-commandant du
régiment des grenadiers royaux,
en 1979, et obtint la croix de
saint Louis en 1582.Le père du feu
duc d'Orléans lui conféra, en1785,
la charge importante et lucrative
de chancelier de sa maison. L’on
dit que Ducrest donna des idées
pour le plan qu’on a suivi dans
les constructions du Palais-Royal.
En 1787, Ducrest fit présenter à
Louis XVI, un mémoire dans
lequel il s’annonçait comme
l’homme de France le plus pro-
re à rétablir les finances et à ra-
mener l’établissement d’un ordre
et d’un bonheur parfait. Cette
prétention lui attira lattention
des chansonniers, et l’on trouve
dans la Correspondance de Grimm.
plusieurs des plaisanteries qui
furent faites à ce sujet ( octobre
1587. T. IV. pag. 383 et suiv. ).
Grimm raconte que M. le duc
d'Orléans , après avoir entendu
très- patiemment tous les éloges
que Ducrest se donnait à lui-même
dans son mémoire, lui dit : « Vous
» n'avez oublié qu’une chose; c’est
» de dire que vousétiezle plus joli
» homme de France. » Le marquis
Ducrest essaya aussi de faire une
pièce pour le théâtre de M°° de
Montesson , que M. le duc d’Or-
léans avait épousée. — « La der-
nière nouyeauté, dit Grimm, par
DUC
laquelle on a fait la clôture de ce
brillant spectacle, est celle qui a le
moins réussi; c’est {a Réduction de
Paris par Henri IV, grand opéra,
paroles de M. le marquis Ducrest,
musique du sieur Méreaux , déjà
connu par quelques oratorios, exe-
cutés avec assez de succès aucon-
cert spirituel. Quoique dans cet
opéra, Mayenne voie en songe
toutes les hautes destinées de la
maison de Bourbon, toutes ses
alliances , sans en excepter celles
dont l’amour et la vertu ne s’ap-
plaudissent encore qu’en secret ;
quoique l’auteur n’ait rien négli-
ge, comme l’on voit, pour donner
à son poëme le caractère le plus
national , et s’il est permis de
s'exprimer ainsi, même le plus
domestique, l’ouvrage n’en a pas
été trouvé moins ennuyeux, mal-
adroitement conçu, plus mal-
adroitement exécuté, sans inven-
tion et du plus faible intérêt
( Correspondance de Grimm. Avril
1981; t. V, p. 289 ).
Ducrest se démit bientôt de
son emploi chez M. le duc d’Or-
léans , ne voulant pas, disait-il ,
s'attacher au parti dont quelques
hommes ambitieux envirounaient
ce prince, et il vint habiter la
terre de Gennevilliers, qu’il possé-
dait alors. Le Roi le chargea, quoi-
qu’il fût colonel d’infanterie , de
construire au Hâvre, d’après un
système particulier de son inven-
tion, une frégate de quarante ca-
nons, qui recut de Louis XVI
lui-même, le nom de la Prosélyte;
en même temps, il fit l’épreuve
d’un procédé qu’il avait imaginé ,
pour garantir nos ports de la
Manche de l'encombrement dont
ils sont menacés, par l’introduc-
tion continuelle du galet; mais
DUC
cet essai eut peu de succès. Plus
tard (1798), il construisit à Co-
penbague, pour le commerce de
cette ville, un bâtiment de cinq
cents tonneaux, uniquement for-
mé de planches de sapin ; d’un
pouce d'épaisseur. Ce bâtiment
navigua très-bien, durant un
mois, environ; mais entièrement
dépourvu des fortes pièces de bois
qui s’emploient dans tous les au-
tres, pour les rendre solides,
il heurta contre un banc de sable
et fut aussitôt mis en pièces. Du-
crest sortit de France en 1787;
il y revint vers la fin de l’an-
née 1790, afin de soutenir de-
vant lestribunaux, la réclamation
d’une rente de 13,000 fr. qu'il
prétendait sur le duc d'Orléans.
On a dit que deux ou trois avocats
de Paris , parmi les plus célebres
de l’époque , craignirent de se
charger de la cause du marquis
Ducrest, intimidés par la faveur
populaire dont jouissait le prince.
Ducxest prit le parti de plaider
lui-même et gagna complète-
ment. Après cela, il quitta la
France, pour la seconde fois,
séjourna dix ans environ, dans
le Holstein , et rentra en 1800. Il
publia encore depuis son retour,
divers écrits relatifs à des procédes
ou mécanismes nouveaux, de son
invention, qui annoncent tous
beaucoup d'imagination ,; mais
pas suffisamment de bon sens. Le
marquis Ducrest est mort le 8
avril 1824, dans sa terre de Me-
hung-sur-Loire , près Orléans : il
était âgé de 77 ans.
Liste des ouvrages
de Ch. L. Ducrest.
1. Essai sur les machines hydrau-
liques. 1777, in-$.
DUC 109
IT. Essai sur les principes d’une
bonne constitution. 1589, in-8.
III. Mémoire sur l'impôt consi-
déré dans ses rapports avec sa con-
stitution. 1591, in-$.
IV. Notice de l'expérience faite
à Copenhague, pour le compte de
M. de Coningk, d’un vaisseau cons-
truit en planches. Copenhague ,
705 , in-5.
V. Nouvelle Théorie de la con-
struction des vaisseaux. Copenha-
gur , 1800, in-8.
VI. Vue nouvelle sur les courans
d’eaux, la nwigation intérieure et
la marine. 1803, in-8.
VIT. Mémoire contenant le projet
de létablissement du commerce
maritime , à Paris et à Versailles.
1800 , in-8.
Cette pensée dont cn s’occupe
sérieusement aujourd'hui, per-
met de croire qu’il n’a manqué
aux conceptions de Ducrest,
pour n'être point chimériques,
que d’être accompagnées d’une
instruction plus solide.
VIII. Traité d'hydrauférie , ou
l'Art d'élever l'eau porté à sa per-
fection. 1809, in-8.
IX. Nouveau Système de navi-
gation, ayant pour objet la liberté
des mers pour toutes les nalions ,
et la restauration immédiate de
notre commerce maritime, au sein
même de la guerre actuelle. 1811 ,
in-8.
X.Traité de lamonarchie absolue,
et des véritables moyens pour opérer
la libération de la France, garantir
l’intégrilé de son territoire et assu-
rer le bonheur du peuple. 1847,
in-8.
Cet écrit, publié au commen-
cement de 1817, et dans lequel
l’auteur propose entre diverses
choses bizarres , de payer les sol-
n di. "tin mé,
0/4 DUM
dats avec des espèces de biilet
de loterie , a eu le sort des pre-
mières productions de Ducrest.
Les journalistes de nos jours ont
plaisanté de ses dernières idées,
à peu près comme firent Grimm
et les chansonniers de 1787.
DUMONT, baron de COURSET
(Geonces-Louis-MaRiE ) , agro-
nome , naquit à Boulogne-sur-
Mer, ancienne province d'Artois,
le 16 septembre 1746. Dans sa
jeunesse, il embrassa la carrière
militaire et parvint jusqu’au grade
de capitaine de cavalerie. Se trou-
vant en garnison danslesPyrénées,
il se livra à l’étude de la botani-
queetse passionna vivement pour
cette science. À l’âge de trente-
un ans, il quitta le service, se ma-
ria et s’adonna exclusivement aux
études et aux expériences agro-
nomiques. La terre de Courset ,
située à cinq lieues de Boulogne-
sur-Mer, au pied dela chaine cireu-
laire des moniagnes qui séparent
le haut et le bas Boulonnais,s’enri-
chit par ses soins persévérans, des
plus belles espèces du règne vé-
gétal, soit nationales , soit exo-
tiques. « Les jardins de Courset,
dit M. P.-A. Lair, contiennent
plus de 5 hectares (10 arpens) ;.
le parc est encore plus étendu ;
M. Dumont cultive , sans parler
des plantes annuelles, au-delà de
3,600espèces étrangères , vivaces
et ligneuses, de toute tempéra-
ture, dont la plupart sont très-
multipliées. Les châssis ont 120
pieds de longueur , et les serres
plus de 150 : celles-ci renferment
de 6 à 7000 pots et 120 caisses.
Je ne me lassais point de voir cette
réunion immense de plantes que
l’on devait à un seul homme , et
DUM
qui était entretenue par un seul
jardinier et un petit nombre
d'ouvriers. Le jardinier est chez
M. Dumont depuis la fondation
de son établissement ; il en a reçu
les premières lecons de botanique:
à travers sa simplicité , je remar-
quai. beaucoup de bon sens, et
même de l'instruction. Tous les
jours la collection de M. Dumont
augmente : l’on en sera peu sur-
pris. Placé près des frontières de
la France , voisin de la Belgique,
de l'Allemagne, de la Hollande
et de l’Angleterre , on dirait que
Courset est, en quelque sorte , au
centre du monde botanique ; aussi
est-il cité comme un modèle, dans
tous les ouvrages nouveaux sur
l’agriculture et le jardinage...
M. de Courset est le créateur de
cette belle propriété ; lui seul en
a dirigé les distributions , et il l’a
fait d’une manière d’autant plus
habile , qu’il ne possédait pas d’a-
bord tout le terrain, qui a été
réuni à des époques différentes et
par des acquisitions successives.
La forme actuelle des jardins
n'existe que depuis 1792 et 1794;
et les plantations n’ont été coim-
mencées qu’en 1784et 1788 (1).
M. Lair nous apprend encore
que le portefeuille de Damont de
Courset renfermait plus de 1000
plantes dessinées par lui, dans
les Pyrénées. Du fond de sa re-
traite , il entretenait une corres-
pondance élendue avec un grand
_ (1) Motice sur les Jardins de M. Du-
mont de Courset. Paris, imprimerie de
D. Colas, 1813; in 8, de 19 pages. —
réimprimée sous le titre de Descrip-
tion des Jardins de Courset ( Extrait
d’un Voyage en France). Paris, Dé-
terville , 1824; in-8, de 20 pages.
DÜUM
nombrede savans. Ce habile agro-
nome est décédé dans sa terre, au
mois de juin 1824, âgé de près de
58 ans. Il était membre de la
Société royale d’Agriculture et
correspondant de l’Institut. On
trouve son éloge dans le Procès-
verbal de la séance publique de la
Société d'Agriculture, du Com-
merce et des Arts, de Boulogne-sur-
mer, du 12 juillet 1824 (Bou-
logne , in-4°, de 64 pages). — La
Société royale d’Arras a mis au
concours lemême sujet, pour l’an-
née 1825.
Liste des ouvrages
de G.-L.-M. Dumont de Courset.
I. Observations sur l’agriculture
du Boulonnais. 1584, in-8.
Il. La Météréologie des cultiva-
leurs , suivie d’un Avis aux habi-
Lans des campagnes sur leur santé
et sur quelques-uns de leurs préju-
gés. 17598 , in-12.
TILL Le Botaniste Cultivateur ,
ou Description , culture et usages
de la plus grande partie des plantes
élrangères,naturalisées et indigènes,
cultivées en France et en Angle-
terre, et rangées suivant la méthode
de Jussieu. 1598, 3 vol. in-8. —
PEN O2 ES PES 1807.
— Seconde édition, entièrement re-
fondue et considérablement augmen-
tée. 1811, 6 vol. in-8. — T. VIT.
Supplément. Paris . Déterville ,
1814, in-8.— Trad. en allemand,
par C.-G. Berger. Leipzig ; 1804,
et années suivantes , in-8.
Le Botaniste Cultivateur a ob-
tenu beaucoup de succès. Outre
la nomenclature presque univer-
selle des plantes , il offre une des-
cription simple et précise de leurs
caractères et de leurs propriétés ,
DUS 105
avec la méthode de {es conserver
et de les propager. On lui a re-
proché d’être trop fidèlement tra-
duit des ouvrages anglais , en
sorte qu'on y trouve enseignés
d’une manière générale, des prin-
cipes de culture qui ne seraient
parfaitement appropriés qu’à des
climats analogues à celui de l’An-
gleterre.
Les Trimestres de l'ancienne
Société d'Agriculture de Paris ,
des années 1786, 15787 et 1788,
contiennent des observations
géorgico-météréologiques de Du-
mont de Courset. — Les Annales
de lAgriculture française, et la
Bibliothèque des Propriétaires ru-
raux , renferment plusieurs mé-
moires de lui. On remarque dans
le t. II‘ des Annales de LÀ gricul-
ture française , ses réponses à des
questions sur l’agriculture , pro-
posées par le ministre de l’inté-
rieur, en 1599. — On trouve le
nom “de Dumont de Courset ,
parmi ceux des collaborateurs
d'un jourralintitulé : Ephémérides
des Sciences naturelles et médicales,
dont nous croyons qu’il n’a paru
qu’un numéro, en 1816.
DUSSAULT ( Jean-Josern ), ;
naquit le 1° juillet 1769 , à VÉ-
cole royale militaire de Paris , où
son père était attaché en qua-
lité de médecin. Placé à l’école de
Sainte-Barbe, il y fit de brillantes
études, à la suite desquelles il se
destinait à l’enseignement des
humanités , lorsque la Révolution
survint. Dussault ne se fit remar-
quer qu'après le Q thermidor : ce
fut à cette époque qu'il écrivit
beaucoup dans le journal du con-
ventionnel Fréron, intitulé Ora-
teur du Peuple.Cette feuille pério=
106 DUS
dique, rédigée dans le sens de la
réaction thermidcrienne, provo-
quaitl’indignation publique contre
les hommes par qui la France ve-
nait d’être couverte d’échafauds
et de prisons. Cependant l’Ora-
teur du Peuple conservait la cou-
leur des idées dominantes , et
faisait de telles concessions aux
circonstances ,; qu’on y retrouve
jusqu’à l'éloge de Marat. M. Dus-
sault , qui rédigeait effectivement
le journal sous le nom de Fréron,
a dû subir plus tard , lorsqu'on
l’a vu rangé sousles bannières des
journaux du côté droit, des ré-
crininations à l'appui desquelles
il n’était pas difficile de choisir
des textes nombreux dans les
feuilles de l’Orateur du Peuple.
Néanmoins , on ne peut mécon-
naître que le journaliste s’éleva
souvent avec vigueur, contre les
excès et les crimes de l’époque ,
et qu’il contribua pour sa part,
à faire restituer aux victimes des
tribunaux révolutionnaires leurs
biens confisqués. Dussault publia
vers le mêine temps, quelques
pamphlets politiques, écrits dans
un esprit analogue et qui furent
remarques. Plus tard, il coopé-
ra à la rédaction du journal le
V éridique, dont les principaux
auteurs furent condamnés à la
déportation ,; le 18 fructidor
c’est dire assez dans quel sens il
était rédigé.
Après le 18 brumaire, et dès
l'établissement du Journal des
Débats, sous sa forme actuelle ,
Dussault devint l’un des collabo-
rateurs les plus actifs de cette
feuille, où ses articles sont signés
de la lettre Y, et plus tard de son
nom même. À cette époquede ses
brillans débuts , le Journal des
DUS
Débats faisait la guerre à l’école
philosophique et littéraire de Vol-
taire , dont les adeptes dégénérés
offraient de faciles victoires à ses
attaques. Les excès de la Révolu-
tion, l'anarchie introduite par
elle jusque dans la république des
lettres, avaient préparé les esprits
à un mouvement rétrograde vers
le passé. La France se trouvait
toute disposée à l’admiration pour
des époques déjà lointaines, signa-
lées sans doute par de grands
génieset par de grands caractères,
mais dont les imperfections et les
vices échappaient à la préoccupa-
tion des maux plus récens et plus
extrêmes, auxquels elle venait de
se soustraire. Bonaparte, occupé
à restaurer les institutions et les
idées de l’ancienne monarchie ,
voyait avec complaisance ce mou-
vement rétrograde, et le secon-
dait de tout le prestige de sa for-
tune, de toute la force de sa puis-
sance. Les écrivains du Journal
des Débats rendirent la victoire ,
on ne doit pas le méconuaitre ,
à des idées morales long-temps
outragées ; ils popularisèrent de
nouveau des doctrines sociales
long-temps dédaignées; maisleur
réaction fut trop souvent exagé-
rée,arrogante et cruelle. Trop bor-
nés dans leurs vues, ils ne surent
aspirer qu’à la résurrection d’un
ordre d'idées et de sentimens qui
ne pouvaient acquérir une exis-
tence nouvelle et durable , qu’à
condition de se représenter mo-
difiés par les lumières du siècle et
accommodés à la situation présente
de la société. Aussi, tandis qu’ils
auraient pu s’efforcer d'élargir la
voie à une philosophie et à une
littérature , toutes deux neuveset
fécondes , leurs efforts n’eurent
ACTE
DUS
pour résultat que de communi-
quer artificiellement un mouve-
ment factice et passager à des
cadavres éteints. Le despotisme
en profita pour marcher à l’accom-
plissement de ses desseins , et la
France , tourmentée par ces ten-
tatives impuissantes et mal diri-
gees , se montra bientôt disposée
à subir l’impulsion d’une réaction
nouvelle, qui risquaitde la retenir
encore éloignée des régions neu-
ves et fertiles, où une jeune école
philosophique , toute patriotique
et toute religieuse, promet de
l’entraîner. M. Dussault écrivit
dansle Journal des Débats, comme
on pouvait l’attendre d’un esprit
méthodique et cultivé, mais froid
et circonscrit en un cercle res-
serré. Il reproduisit fidèlement ,
dans un style orné des grâces sy-
métriques et compassées de l’é-
cole, les jugemens tout faits que
répète depuis deux siècles l’ob-
scure génération des rhéteurs.
Sans audace d'esprit, sans en-
thousiasme, sans passion , sans
criginalité , il vanta jusqu’à l’ido-
lâtrie le siècle de Louis XIV,
dont il ne voulut voir aucune des
imperfections, et dont il prit sou-
vent de travers les admirables
beautés. Injuste à l'égard de Vol-
taire et de son école, les égare-
mens de ce puissant génie ob-
scurcirent à ses yeux ses beau-
tés divines. Enfin , admirateur
exclusif de la perfection des an-
ciens, il sembla déshériter l'esprit
humain d’un coup de sa férule,
du pouvoir de remonter à ce qu’il
considérait comme l’apogée de sa
gloire. Il soutint dans une longue
suite d’articles , écrits avec une
_exagération paradoxale, qu’il est
impossible de traduire les anciens
DUS 107
d’une manière complètement satis-
faisante; assertion que dans les
principales langues modernes,
assez de grands écrivains avaient
pris soin de réfuter d’avance.
Le seul mérite qu’on ne peut
contester à M. Dussault, c’est
d'avoir très-bien possédé le mé-
canisme de son idiome, sans
qu'il lui ait été donné d’ajou-
ter à ses richesses par l'originalité
des expressions qu’il en obtint. Si
ces Jugemens paraissent sévères ,
c'est que nous n'apprécions pas
Dussault par comparaison à d’au-
tres critiques de la même école,
moins lettrés et moins élégans ;
mais plutôt , en récrimination
d’une certaine réputation de supé-
riorité ,; que l'esprit de coterie
essaya d’usurper pour lui.
Depuis 1818, M. Dussaultavait
cessé de coopérer régulièrement
à la rédaction du Journal des Dé-
bals ; mais ii jouissait d’une pen-
sion sur la caisse de ce journal.
Les articles principaux qu'il y
avait publiés durant une longue
suite d'années, furent recueillis
en volumes, sous le titre d’{n-
nales littéraires ; c’est alors qu’on
put s’apercevoir, par le froid
accueil du public, que ces pro-
ductions éphémères étaient déjà
vieiliies, et qu’elles n’étaient plus
en harmonie avec les idées et les
goûts de notre temps.Leslouanges
que les Annales littéraires obtin-
rent danslesjournauxs’expliquent
facilement, par la position parti-
culière de l’auteur, et par un
certain intérêt curieux , qui s’at-
tache toujours aux chroniques de
la république des lettres , surtout
quand elles nous entretiennent
d’époques qui n’ont point encore
trouvé leur historien.
108 DUS
M. Dussault obtint, en 1818 ,
la décoration de la Légion d’Hon-
neur, et plus tard, l’une des places
de conservateur de la bibliothèque
de Sainte-Geneviève ; c’est dans
cet asile littéraire qu’ilest décédé,
le 14 juillet 1824, âgé de cin-
quante-cinq ans, après avoir reçu
les secours de la reiigion catholi-
que et dans la profession de sa
foi et de sa piété. — M. de Féletz
a consacré dans le Journal des
Débats, du 19 juillet 1824, une
notice intéressante à son ancien
collaborateur. — On a publié:
Catalogue des livres de la biblio-
thèque de feu M. Dussault. Paris,
Pichard , ts in-8 , de quatre
feuilles.
Liste des ouvrages
de J. J. Dussuult.
EL. Fragmens pour servir à l’his-
toire de la Convention nationale.
IT. Letire au citoyen Raæderer,
sur la religion. An III, 1705 ,
in-8.
III. Lettre au citoyen Bonnet,
au sujet de son journal. dem.
IV. Lettre au citoyen La Harpe.
V. Leitre à M.J. Chénier.1807,
in-8.
Elle fut publiée à l’occasion des
critiques que Dussault avait faites
dans leJournal des Débats, du Cours
de littérature de Chénier, à l’A-
thénée. Chénier y répondit dans
un de ses opuscules.
VI. Annales Littéraires ; ou
Choix chronologique des principaux
articles de littérature insérés par
M. Dussault , dans le Journal des
Débats, depuis 1800 jusqu’en 1817
inclusivement ; recueillis ét publiés
par l'auteur des Mémoires histori-
ques sur Louis XVII ( M. Ec-
DUS
khard ). Paris, Maradan , 1818 ;
4 vol. in-8 —T. F. publié par M.
Massabiau. Paris, Grimbert, 1824;
in-8, un vol.
M. Dussault a été l'éditeur des
ouvrages suivans,; ou du moins
il a coopéré à leur publication :
1° Oraisons funèbres de Bossuet ,
Fléchier, Mascaron , de la Rue,
Bourdaloue, Massillon, etc. Paris,
Janet, 1820, 21, 22; 3 vol.
in-8 , fig.
Cette collection, dont M. Dus-
sault n’a publié que 3 volumes,
contient de lui, un Discours sur
l’'Oraison funèbre , et des Notices
biographiques sur les orateurs sa-
crés dont elle reproduit les chefs-
d'œuvre.
2° Quintus Fabius Quintilianus,
de Institutione oratoriä , ad codices
pärisinos recensitus , cum inlegris
commentariis G. L. Spalding ,
quibus novas lectiones et notas ad-
jecit J. J. Dussault. Paris,
Nicolle, 1821, 22, 23; in-8,
4 vol.
Cette édition fait partie de la
collection des Classiques latins,
publiée par M. E. Lemaire. La
préface, fort bien écrite en latin ,
est de M. Dussault. Celui-ci a
joint au travail de Spalding les no-
tes de Turnèbe et de Rollin , avec
les variantes de quinze manuscrits,
collationnés par M. Vicaire, qui
fut dans son temps, recteur de
l’Université de Paris,
5° Notice sur La vie et les outra-
ges d’ Augustin de Barruel. Paris,
Clo, 1823 ; in-12, de cinq sixièmes
de feuille. — opuscule tiré à part,
et qui se trouve en tête de la
sixième édition des Helviennes pu-
bliée la même année, chez Méqui-
gnon fils aîné, en 4 vol. in-12.
Nous avions “déjà et précédem-
C4
DUV
ment, consacré une notice à l'abbé
Barruel, dans l’ Annuaire Nécro-
logique de 1820 , page 6.
4° Mémoires de Melle Dumesnil,
en réponse aux Mémoires d'Hippo-
lyte Clairon; revus, corrigés et
augmentés d’une Notice sur cette
comédienne, par M.Dussault. Paris,
Ponthieu, 1823 ; in-8. — fait
artie d’une série de mémoires in-
titulée: Collection de L'émoires sur
l’ Art dramatique.
5° Enfin, M. Dussault a donné
des articles dans la Biographie
Universelle.
DUVAUCEL ( AzrRep }, VOya-
geur-naturaliste. Après avoir ser-
vi dans l’armée française. et
s'être distingué au siége d'Anvers,
où il fut nommé officier d’or-
donnance , il reprit, lors duréta-
blissement de la paix, ses études
d'histoire naturelle , dans les-
quelles il eut l'avantage d’être di-
rigé par le célèbre Cuvier, son
beau-père. Quelquetemps après,
il fut envoyé dans l’Inde par le
gouvernement français, comme
naturaliste du Roï, et arriva à
Calcutta en 1818. Il s’y joignit à
M. Diard, afin d’étudier l’histoire
naturelle de l’Inde, et rassembler
des animaux pour le Muséum de
Paris. Ils travaillèrent ainsi dans
les environs de Calcutta jusqu’à la
fin de 1818, et dans ce court es-
pace de temps, ils envoyèrent
parmi beaucoup d’autres objets,
un squelette du dauphin du Gange,
le crâne de la vache à courte
quêue, une description du tapir ,
deux faisans à cornes, et un bouc
de Cachemire, le premier qu’on
ait possédé en France, où il existe
encore. Les deux naturalistes quit-
ièrent le Bengale avec sir Stam-
DUV 109 ,
4
fort Raffles, pour se rendre à
Sumatra, où ils rassemblèrent
une collection considérable , jus-
qu’à la fin de 1819. Parmi un
grand nombre d'objets curieux
qu'ils avaient recueillis, se trou-
vait un dugong, celui de tous les
animaux qui se rapproche le plus
de la fabuleuse syrène. Une des-
cription de cet animal , faite par
les naturalistes français, a été in-
sérée par sir Everard Home, dans
la deuxième partie des Transac-
tions philosophiques de 1820. En
1819; MM. Diard et Duvaucel
quittèrent Bencoolen ; le premier
continua ses travaux du côté de
l'Est, et est au moment de reve-
nir de la Cochinchine ; M. Du-
vaucel retourna au Bengale, et
l’on reçut à Paris, pendant les
années 1820 et 1821, quatre col-
lections considérables qu’il y en-
voya , et qui furent déposées dans
les galeries du Muséum. En 1821,
M. Duvaucel partit pour explorer
les forêts du Sylhet : il pénétra
au delà des frontières, traversa
une partie du Cossya, et fut le
premier Européen qui visita la
caverne de Bhunava. Le climat
malsain du Sylhet lui donna une
fièvre des bois qui le força de re-
venir à Calcutta, ramenant une
grande quantité d'animaux , tous
d’un grand intérêt, soit local,
soit général. Son premier désir
fut ensuite de visiter le Napaul ;
mais les évènemens politiques fi-
rent échouer son projet, et il ne
put explurer que les contrées si-
tuées au pied des montagnes. Il
passa la plus grande partie des
années 1822 et 1823 à Bénarès et
à Katmendos, où il réunit les col-
lections les plus précieuses; mais
des fatigues et des dangers inouïs,
110 EYM
joints à la fièvre qui ne le quittait
plus , rendirent de nouveaux ef-
forts impossibles, et M. Duvaucel
revint à Calcutta. La collection
qu’il rapporta consistait principa-
lement en oïseaux ; les quadru-
pèdes avaient composé un pre-
mier convoi; il s’y trouvait aussi
une quantité considérable d’alli-
gators , de lézards , de serpens et
d'insectes. Le nombre des objets
se montait à plusieurs centaines.
Il languit pendant quelques mois
après son retour , sans éprouver
de soulagement; et on le décida ,
comme dernière ressource , à es-
sayer l’air dela mer. Il quitta donc
Calcutta vers la fin des dernières
pluies , et n’arriva à Madras que
pour y rendre le dernier soupir ;
il mourut dans la maison de Her-
bert-Compton , écuyer , avocat-
général, vers la fin d'août 1824,
âgé seulement de trente-un ans.
M. Duvaucel n’était pas simple-
ment un collecteur, c'était un
observateur spirituel des mœurs
EYM
animales ; il décrivait avec beau-
coup de talent tous les objets de
ses recherches immédiates, et
ceux même qui n'avaient avec
elles que des rapports éloignés.
Sa description de la caverne de
Cossya et les extraits de ses lettres
insérés dans la Revue encyclopédi-
que (1), sont des preuves suffi-
santes de son mérite en ce genre;
et ses communications à la Société
Asiatique témoignent de ses gran-
des connaissances et de son ardeur
pour l’histoire naturelle. Son der-
nier mémoire , inséré dans le vo-
Jume qui va paraître des Recherches
Asiatiques, peut donner une idée
de sa facilité à apprendre les lan-
gues étrangères. Quand il arriva
dans l’Inde , il ignorait compiè-
tement l'anglais, et cependant
le mémoire dont nous parlons,
sur l’Hippélaphe d’Aristote , est
écrit dans cette langue , et a
été rédigé par lui-même (Ex-
trait du Journal Asiatique ; mai
1825 ). (2)
Ee
EYMAR ( Craune ), naquit à
Marseille, en 1748. Fils d’un
négociant de ceite ville, il ne
s’appliquait qu'avec dégoût aux
affaires du commerce , lorsque
la lecture de l’Emile de J. J.
Rousseau lui inspira des idées
sérieuses et philosophiques qui
firent naître en lui l’amour du tra-
vail. Depuis lors , il voua une es-
pèce de culte au philosophe de
Genève. En 1754, ilentreprit le
voyage de Marseille à Paris, exprès
pour faire sa connaissance. On
sait qu’il n’était pas facile de voir
Rousseau. M. Eymar s’introduisit
chez lui, sous le prétexte de lui
apporter de la musique à copier.
Ce moyen lui réussit très-bien ;
et quatre ou cinq fois, il revint
(1) Voyez ?. x, p. 475; et t. xxi,
p: 297: |
(2) On a publié à part, extrait du
même Journal Asiatique : Notice sur
le voyage de M. 4. Duvaucel , dans
l'Inde. Paris, Doudey - Dupré, 1824;
iu-8°, d'une feuille et demie.
FIG
chez le philosophe de Genève,
lui paya son travail, et en fut
assez bien accueilli. Cette liaison
naissante fut brusquement inter-
rompue par les affaires, qui rap-
pelèrent M. Eymar à Marseille ;
et depuis , il ne conserva plus au-
cune relation avec Rousseau ;
mais son enthousiasme pour lui
ne fut point refroidi : il ne cessa
de s'occuper de ses ouvrages.
Plus tard, il mit par écrit jusqu'aux
détails les plus minutieux de ses
relations avec Jean-Jacques. Cet
opuscule intéressant, intitulé :
Mes Visites à J. J. Rousseau, à
été publié pour la première fois,
par M. Musset-Pathay, dans le
T. I des Œuvres Inédites de J. J.
Rousseau ( Paris, P. Dupont,
1825, in-8 ). Ce vol. contient en
outre, les opuscules suivans de
M. Eymar. — Examen de la lettre
de J. J. à d’ Alembert. — Examen
du jugement de M. Servan sur les
ouvrages de J.J. Rousseau. — Ré-
ponse aux critiques ( concernant
Rousseau ) de MM. Sennebier
Trembley et Prévost. — Question
de droit politique: Rousseau pouvait-
il renoncer à sa patrie ? — Examen
de la Nouvelle Héloïse. —Coup d'œil
sur lEmile. — Analyse du Con-
trat Social. Les divers écrits de
M. Eymar remplissent 404 pa-
ges du volume.
FIG 111
M. Beuchot indique encore (Bi-
bliographie de la France, vol. de
1825, p. 448), d’après les Notices
des travaux de F Académie du Gard
(cahiers de 1807, 1609 et 1810),
dont Eymar était membre, l’écrit
suivant du même auteur , proba-
blement inédit : Appel à la posté-
rité, ou Examen du discours deJ.J.
Rousseau sur l'inégalité des condi-
tions; et du discours de J.J. Rous-
seau sur les sciences. — M. Musset,
dans l’ Avertissement du tom.I1.des
Œuvres inédites de J.J. Rousseau,
nous fait connaître les sujets de six
autres écrits d'Eymar, savoir : Sur
la Nature et l'essence de la loi;
— sur le Droit de punir et la peine
de mort ; —sur la Mendicité ; — des
Causes favorubles à la population ;
—de la Liberté de la presse. — En-
fin, le sixième, qui seul a été
publié, est intitulé : De l’Influence
de la sévérité des peines sur les cri-
mes , discours qui aremperté le prix
de l Académie de Marseille. 1585;
in-8. — Plusieurs bibliographes,
Ersch , Desessarts ,; le Dic-
tionnaire historique universel de
1810, etc., attribuent mal à
propos ce dernier écrit à Ange
Marie d’'Eymar, mort préfet du
Léman , en 1803 : il est bien
de Claude Eymar. Celui-ci mou-
rut à Bellegarde, près Nimes,
en 1822.
Fe
FIGON ( Louis ), prêtre; né
aux Pennes, près Marseille , le
9 février 1745, avait fait sa théo-
logie aux missions de France.
Quand :ïl eut été ordonné, il
exerça le ministère sacré durant
quelques années , en diverses pa-
roisses, et entra ensuite dans Ja
congrégation de la mission, dite
de saint Lazare. Il professa la
112 FUL
théologie à Arles et puis à Mar-
seille. Ayant refusé de prêter ser-
ment à la Constitution civile du
clergé , il émigra à Nice, où il
s’adonna à la chaire. Revenu en
France sous le Directoire, il fut le
premier à Marseille , qui osa cé-
lébrer en public loffice divin ,
et il desservit l’église des Missions
jusqu’au concordat de 1802. A
cette époque, M. de Cicé , nou-
vel archevêque d’Aix, lui donna
la cure d’Aubagne. Lorsque la
congrégation de saint Lazare
eut été rétablie, en 1816, Fi-
gon obtint de son supérieur ,
de rester dans sa cure, sans cesser
d’appartenir à la congrégation. Il
est mort le 9 juillet 1824. C’é-
tait un ecclésiastique rempli de
piété et qui ne manquait pas
de lumière. On n’a de lui qu’un
opuscule intitulé : L’Encyclique de
Benoit XIV, Vix pervenit, eæpli-
quée par les tribunaux de Rome ;
par un curé, ancien professeur de
théologie. Marseille, Camoin; et
Paris, Adr. Leclère, 1822; in-8, de
deux feuilles et demie. C’est un
extrait des cahiers de théologie de
l’auteur ; il y démontre que l’En-
cyclique n’est pas contraire au
prêt à intérêt.
FULVY(Paiisert-Louis-Orry,
marquis de ), fils de Jean-Henri-
Louis Orry, conseiller d’état, in-
tendant des finances , frère du mi-
nistre d'état du même nom, à qui
Gresset adressa une jolie épitre.
Le père de notre auteur établit à
ses frais, à Vincennes, la belle
manufacture de porcelaine , qui,
à sa mort, fut transférée à Sèvres,
pour le compte du Roi, et mise
sous la surveillance de M. Bertin.
Elle est connue aujourd’hui de
FUL
toute l’Europe, par la perfection
de ses ouvrages et l’excellence des
peintures qui les embellissent.
— Le marquis de Fulvy naquit le
4 février 1756, peut-être à Ver-
sailles , ou peut-être dans la terre
dont il portait le nom (1), et qu’il
décrivit ainsi, dans sa quarante-
septième fable :
On rencontre , allant de Tonnerre
Au territoire bourguignon,
Un paysage gai, petit coin de la terre,
Aussi délicieux que les bords du Lignon:
Voisine d’un bosquet , solitude charmante,
Abri du rossignol , de mes courses le but,
Dans des roches de marbre brut,
Y jaillit avec force une source abondante.
LA coule, en serpentant, le paisible {rmançon,
Qui va bordant Fulwy de l’une de ses rives ,
Et l’enrichit de son poisson;
Qu’un joli château neuf, à mi-côte domine,
Ayant le village à ses pieds,
El pour vue un bassin que remplit, que termine
Un ensemble enchanteur de tableaux variés.
La fable intitulée : /e Pécheur et
le Brochet , contient ces détails :
Un jour, dans les filets que les pêcheurs jetèrent,
Pour moi, seigneur de ce château,
Vingt brochets d’un coup se trouvèrent,
Dix-neul étaient petits : on les remit à l’eau.
Un seul aux pêcheurs parut beau,
Et ce fui Le seul qu’ils gardèrent.
Le pêcheur lui reproche d’avoir
dévoré à lui seul plus que tous les
autres , le fretin de la rivière. Le
brochet l’avoue et il ajoute :
Mais du sort des humains que le nôtre diffère!
J’éprouve un châtiment que les petits ont fui;
Et le plus gros voleur est parmi vous celui
Qui se tire le mieux d'aflaire.
Cette fable est dédiée, par un
envoi, à M. de Lamoignon, garde
des sceaux de France , ancien ca-
marade de collége, et ami de
M. de Fulvyÿ, qui dit, entre au-
tres choses, que le chancelier
écrira sur le palais :
Aux gratds voleurs point de reldche.
(1) Suivant un journal, Fulvy na-
quit à l'ile de France (ile Maurice ).
FUL
Cela devrait bien être toujours
ainsi; mais l’on sait, par nulle
exemples passés, présens et fu-
turs, que la méthode contraire
la prévalu. — Dans la vingt-
deuxième fable , eù Pandore est
mise en scène avec un colporteur,
elle répond à un reproche de son
interlocuteur, ce trait si moral :
Monstre, reprit Pandore, aux malheureux mortels
Tunuis bien plus que moi, tu fais plus de victimes;
Si je portai les maux, toi tu portes les erimes,
Et ce sont là les maux réels.
On!peut juger par ces passages,
du style et du talent de M. de
Fulvy.Le Miroir, du 15 mai 1825,
contient un article spirituel et
caustique sur ce poëte, dont on a
attribué , je ne sais pourquoi, les
poésies à Louis X VIIT. Ce prince
avait assez d'esprit naturel, assez
de richesse de son propre fonds,
sans qu’il fût besoin d'aller dé-
pouiller autrui pour en grossir son
bagage.Est-il d’ailleurs nécessaire
qu’un roi fasse des vers ? Louis
XVIII en a fait, mais peu ;,tandis
que le marquis de Fulvy en a fait
beaucoup. — « On croit que ce
marquis est un être de raison ( dit
le Miroir ), un marquis imagi-
naire, comme le marquis de Ca-
rabas ; on a tort. Le marquis de
Fulvy a bien réellement existé ;
il était neveu de M. Orry, non
pas le comte, dont les prouesses
ont fourni matière à une romance
et à un vaudeville ; mais Orryÿ,
qui fut contrôleur général sous
Louis-le-Bien-Aimé: Fournisseur
des plus exacts du Mercure, de
l'A lmanach des Muses , et de l’Al-
manach (x) de l’illustre M. d'Aquin
(1) Connu sous le titre d'Ætrennes
d Apollon.
FUL 1195
de Château-Lyon, ce marquis flo-
rissait peu de temps après la Muse
limonadière ; entre le marquis de
Villette et le chevalier de Meude-
Maupas ; c'était l’inévitable de l’é-
poque, versifiant partout et sur
tout. Il a même rédigé pour les
Etats généraux, des cahiers ou des
avis en couplets, sur l’air du haut
en bas.» — Le petit Almanach des
Grands Hommes parle en ces ter-
mes (p.90 ), du marquis de Fulvy:
—« Un des poëêtes les plus labo-
« rieux de la nation ; on trouve,
« s’il est permis de le dire,
« que ses Charades sont un peu
« trop épiques : on désirerait qu’il
« les maintint à la hauteur de ses
« autres poésies. v — Et l’on ré-
voque en doute une existence si
authentiquement constatée ! l’exi-
stence d’un homme qui a brille
comme poëte et comme marquis!
C’est aux jeunes gens a réparer Ce
tort autant qu'ils le pourront. »
— Fortbien, ce ton est très-plai-
sant et très-piquant dans un jour-
nal ; mais le piquant et le plaisant
ne sont pas toujours le style de la
vérité. Si Rivarol a donné place
dans son Dictionnaire au marquis
de Fulvy,il s’y trouve avec De-
lille,et Florian, qu’il suffit de nom-
mer pour prouver que la justice
n’accompagne pas toujours le sel
de ses mordantes censures, qui
peuvent faire sourire les lecteurs,
mais qui ne doivent être d’aucune
autorité pourles critiques. Aussi,
a-t-on parlé de lui sur un autre
ton, dans le Journal des Débats du
15 juin 1825. C’est un correspon-
dant de Londres qui s'exprime de
cette manière : « Modeste, plein
de douceur et d’amabilité, il re-
présentait danstoute sa perfection,
l’ancien caractère des chevaliers
8
117 FUL
français. Homme d'esprit, sans
nulle prétention, il était, jusque
dans l'extrême vieillesse, de la
plus agréable société. Il avait cul-
tivé les musées avec succès , long-
temps avant notre révolution:
elles lui servirent dans lexil, à
charmer les chagrins que lui fai-
saient éprouver les malheurs de
sa patrie , et jamais paroles n’ont
été plus sincères, ni plus dignes
d’un vrai Français, que celles qui
terminent son testament : « Je
»meurs fidèle à la religion et à la
»monarChie établie sur la légiti-
» mité.» — Poëte chaste , poète de
la vertu , il a craint, par une dé-
licatesse qui lui était naturelle, de
s'être oublié une seule fois dans
ses nombreuses poésies ; et il a
fait cette recomandation qui
l'honore. « Si lon donne au pu-
»blic quelques ouvrages de moi,
»je veux que ce soit après l’exa-
»men le plus scrupuleux des
» pièces que l’on imprimera. Re-
»pentant des mauvais exemples
»que j'ai pu donner pendant ma
»vie, je suis loin de vouloir y
»ajouter de mauvaises leçons
»après ma mort. » —Sa maison,
simple comme celle d’un émigré,
paraissait un sanctuaire où l’on
n'entrait qu'avec respect. Il avait
choisi, dans un âge avancé , une
épouse vertueuse , digne de lui,
et qui, d’un caractère merveilleu-
sement assorti au sien, a fait la
consolation et tous les agrémens
de ses dernières années. Une
femme forte, donnée par le ciel à
Fhomme de bien , s’occupant sans
cesse d’adoucir les peines du vé-
nérable vieillard ; et ce vieillard
occupé paisiblement à chercher
encore , sous les glaces de l'âge ,
les fleurs de Fa poésie ; tout offrait,
FUL
chez ce vétéran de l’émigration ,
l’image de la paix et du bonheur.
Ses amis aimaient à jouir de ce
spectacle des mœurs antiques:
Quoiqu'il communiquäât peu ses
poésies, dont il ne fit jamais va-
nité, on connaît cependant de lui
quelques pièces pleines de grâces
et de délicatesse , surtout des fa-
bles imitées des plus célèbres fa-
bulistes anglais. On pourrait, de
ce qui se trouve de meilleur dans
ses ouvrages, former un volume
qui serait certainement reçu favo-
rablement du public. M. le mar-
quis de Fulvy emporte les regrets
de tous ceux qui l’ont connu, et
il suffisait de le connaitre pour
s'attacher irrévocablement à lui.»
— 1l paraît que le correspondant
de Londres ( où le marquis de
Fulvy décéda le 18 janvier 1823)
ne connaissait pas un recueil
in-12, qui parutà Madrid, en 1798,
contenant centtrente-trois fables;
de l’imprimerie de Sanche. Il est
de deux cent soixante-deux pages,
dit M. Adry: Nota. Je ne sais si
elles sont en français. » — Ce
doute du savant bibliographe est-il
une épigramune ? Car peut-il avoir
ignoré que le marquis de Fulvy
avait au moins une trentaine de
fables , imprimées depuis long-
temps dans tous les journaux ,
antérieurement à 1789? Quoi qu’il
en soit, le seul exemplaire peut-
être qui existe en France, se
trouve à la Bibliothèque du roi
(coté Y. 6611. t. V. a.) ; il n'a
que 260 pages.
On a publié :
1° Relation d’un voyage de Paris
à Brusxelles, en 1591, suivie de poé-
sies diverses. in-18, Paris, 1823,
Urbain Canel.
Le voyage est de Louis X VIIT ;
GAU
les poésies sont : la premitre,
sur un éventail, de Lemière ;
toutes celles qui suivent ap-
partiennent au marquis de Ful-
vy ,; sauf les deux dernitres
( la Boutade improvisée pour la fête
de Madame , et les Mouchoirs
blancs, anecdote historique ), qui
sont du feu roi. Mais on a oublié
d’y joindre d’autres morceaux qui
appartiennent réellement à ce
prince et entre autres un disti-
que sur les couches de S. A. R.
Madame la duchesse de Berri.
Comment a-t-on pu imaginer
que Louis X VIII, alors Monsieur,
avait pu preñdre le ton, le rôle,
le style de son prétendu pseudo-
nyme ? qu’il $’était amusé à se
dire, dans plusieurs piècesen vers,
neveu du ministre Orry, et qu’il
avait cru devoir parler sans césse
GAU 115
de éet Orry ? Cela était-il naturel,
et dans l’ordre des convenances ?
Ilne fallait donc pas que l’éditeur
de ce recueil admiît si légère-
ment une propriété qui, à là
simple réflexion, devaitlui paraî-
tre incertaine.
2° Louis XVIII : sa vie, ses
derniers momens et sa mort; sui-
vis du détail de ses funérailles,
d’un recueil d’anecdotes sur ce prin-
ce, etc. Par E. de St. H. — Paris,
Peytieux, 1825 ; in-12, deux édi-
tions.
On à répété exactement dans
ce volume les mêmes pièces qui
se trouvent dans le précédent ;
ainsi il faut lui appliquer les
inêmes remarques. ( Extrait des
Souvenirs et Mélanges de M. L. de
Rochefort. Paris, Bossange frè-
res, 1829. T TJ; pag. 199.)
Ge
. GAUTIER (du Vär}) (Istnore-
Mate - BRIGNOLLES ) , né à Bri-
gnolles, en Provence , fut député
du département du Var au Conseil
des Cinq-cents ; après le 18 fruc-
tidor. Il ne parut point à la tri-
bnne , mais il publia dans le Mo-
nileur des 2 prairial et 12 messidor
an VI (1798), deux lettres , oùil
accuse ceux qu’il appelle les
contre-révolutionnaires du Midi ,
de recommencer à piller et assas-
siner. Depuis la Restauration ,
M. Gautier changea de bannière ,
et devint écrivain ministériel ;
c’est-à-dire qu’il défendit d’abord
M. Decazes contre la majorité de
la chambre de 1815, puis contre
le côté droit et le côté gauche ;
puis il écrivit pour le second mi-
nistère de M. de Richelieu, puis
enfin, pour celui de M. de Villèle.
On suit dans ses Annales des ses-
sions du Corps Législatif. publiées
de 1814 à 1822, les révolutions
de sa politique. C’était d’ailleurs
un écrivain médiocre. Gautier (du
Var) est mort à Paris , le 20 dé-
cèmbre 1824, âgé de cinquante -
veuf ans.
Liste des ouvrages
de I.-M.-B. Gautier (du Var).
I. Réfutation de l'Exposé de la
conduite politique de M. Carnot.
1815, in-8.
IT. ( Avec M. d’Auréville. }
+
LL '
MG, p: 2ZGAU
Annales historiques des sessions du
Corps Législatif, années 1814 et
1815, et Parallèle des opinions des
auteurs avec celles de M. Fiévrée ,
auteur de l'Histoire de la session
de 18:5. Paris, 1816; 2 vol.
in-8. — Session de 1816; 181% ,
in-8. — Session de 1815 ; 1818,
a vol. in-8. — Seconde édition ;
1818, in-8. — Session de 1818 ;
1821, in-8. — Session de 1819 ;
1822 , in-8. — Session de 1820 ;
1822 , in-8. — Session de 1821 ;
1825, in-8. — Session de 1822 ;
1825 , in-8. Lacollection des An-
nales forme ainsi dix volumesin-8.
IT. (Avec le même.) La Vérité
sur les sessions , années 1815 et
1816, et Apercu sur les élections
de 181%. Paris, 1815, in-8. —
Seconde édition ; 1818 , in-8.
IV. (Avec le même.) Réflexions
sur le dernier ouvrage de M. le
vicomte de Châteaubriand , intitulé:
Du Système suivi par le ministère.
1818, in-8.
V. (Avec le même.) La Vérité
aux électeurs de 1818 , précédée
d’une Lettre à Benjamin Constant.
1818 , in-8.
VI. (Avec le même.) La Vérité
aux électeurs de 1820. Réflexions
sur la nouvelle loi des élections et
. sur les avantages de la dissolution
de la chambre. 1820, in-8.
VIL Attention ! électeurs de la
seconde série, sur les choix que vous
êtes appelés à faire. 1822. in-8.
VIII. Conduite de Bonaparte
relaticement aux assassinats de
Mgr. le duc d'Engfien et du mar-,
quis de Frotté. 1825 , in-8.
IX. Des Indépendans, des Libé-
raux et des Constitutionnels . ou-
vrage adressé aux électeurs fran-
cais. Paris, Ponthieu , 1825 ;
in-8 , de cinq feuilles.
GER
Quelques autres opuscules de
Gautier ( du Var )} sont ano-
nymes.
GERAUT ( Marmev ), doc-
teur-régent et professeur de lan-
cienne faculté de médecine de
Paris , ci-devant médecin bre-
veté de la marine , est mort subi-
tement, le 12 avril 1824, âgé de
76 ans. Nous connaissons de lui :
I. Essai sur la suppression des
fosses d’aisance , etc. Amsterdam
et Paris, 1786, in-12.
IL. Projet de décret à rendre sur
l’organisation civile des médecins et
des autres officiers de santé, pré-
senté à l Assemblée nationale. 17914
in-8.
GÉRICAULT ( Jeax - Lowis -
TaéonoRE-AxDRÉ), peintre, na-
quit vers le commencement de [a
Révolution. Entré à l’école de
M. Guérin, il y fit en fort peu de
temps, des progrès remarquables.
Son maitre, qui découvrait en
lui les symptômes d’une ima-
gination ardente , ne chercha
pas à l'arrêter dans son essor; il
permit à ce talent fougueux de
suivre le coursde sesinspirations,
quelquefois audacieuses , mais
toujours pleines de chaleur et
de vie. Son début au salon fit
beaucoup de sensation. Les ar-
tistes et les amateurs remarqué-
rent dans son Chasseur à cheval .
quelques incorrections ,; et un
faire trop heurté ; mais en même
temps, une fermeté de dessin et
une hardiesse de touche dignes
des plus grands éloges. Un Cui-
rassier blessé, expose l’année sui-
vante , obtint un pareil succés.
Mais tout à coup, le Naufrage de
la Méduse vint élever l'auteur
GER
au niveau des grands maitres. On
se souvient que la frégate fran-
çaise la Méduse , expédiée au Sé-
négal, échoua sur un banc, le
2 juillet 1816, à une très-grande
distance des côtes d’Afrique.
Cent cinquante hommes entassés
sur un radeau fait à la hâte , et
munis de quelques provisions , se
hvrent à la merci des vents et des
flots. Durant douze jours d’une
navigation rendue encore plus
effroyable par la faim , la fatigue
et l’épuisement , que par limmi-
nence constante de la mort , cent
trente-cinq d’entre eux succom-
bérent , et quinze qui restaient
allaient périr aussi, lorsqu'ils dé-
couvrirent enfin un bâtiment qui
les atteignit et les sauva. Tel est
le sujet éminemment pathétique
chuisi par le pcinfre, et déroulé
par lui sur une vaste toile (1),avec
une grande vigueur d'imagination
et une admirable fougue de pin-
ceau. Des cadavres à moitié sub-
mergés, des morts et des mou-
rans , des hommes livrés au dés-
espoir, et d’autres que soutient
un faible rayon d’espérance , une
lumière grise et sauvage, un des-
sin plein de chaleur et de nerf:
tels sont les traits les plus saillans
de cette belle composition. Le
succès du tableau, accru d’ailleurs.
par le stimulant de Pesprit de
parti (2), devint tout-à-fait po-
pulaire. Pendant toute la durée
de l’exposition ; la foule resta
(1) Hauteur, quinze pieds ; largeur,
vingt-deux picds.
(2) On imputa la perte de lz Méduse
à un défaut de pratique et de fermeté
du capitaine, émigré et officier de l’an-
cienne marine française.
- ACER 117
comme fixée en permanence, de-
vant le Radeau de la Méduse; on en
parlait dans les journaux, dans
les ateliers, dans les salons. En
vain quelques artistes et même
quelques théoriciens, que tout ce
qu’ils voient pour la première fois
épouvante, criérent à l’abomina=
tion , à la violation des usages.
Les uns demandaient si c'était un
tableau d'histoire , d’autres ne
consentaient à y voir qu’une ma-
rine : encore ils auraient voulu
agrandir la mer et rappetisser le
radeau. Ces critiques divertirent
beaucoup le public , et peut-être
même l'auteur ; tandis que le
Radeau de la Méduse, grâce à la
franchise du pinceau , à un colo-
ris sombre et terrible, et à l’ex-
pressive harmonie du désespoir et
de la mort, prit sa place au
premier rang des productions de
l’école romantique. À Londres,
où Géricault fit un voyage pour y
exposer aussi son tableau, le pu-
blic plus avide de sensations fortes
et de beautés originales , fut com-
plètement unanime dans ses ap-
plaudissemens (1).
Une inort prématurée enleva
Géricault, à peine âgé de 31 ans,
ke 26 janvier 1824, avant qu'il
eût le loisir de. multiplier les pro-
ductions de son génie. IL avait
entrepris deux grandes coinpo-
sitions , la Traile des Nègres., des-
tinée à faire pendant au Radeau.
de la Méduse , et la Peste de Bar-
(1) Le Radeau de la Méduse est placé
au musée du Louvre, dans le salon des
maitres français, décédés. Il a été payé
6000 fr. par l'administration de cet éta-
blissement., M. Landon a publié le trait
de cette composition dans son Salon de
1819 (t.1, p.65).
118 GER
celonne. Les esquisses et éludes
de ces deux sujets promettaient
de très-beaux ouvrages. Quoiqu'il
se sentit peu de goût pour traiter
les sujets sacrés , peut-être parce
qu'ils ont été à peu près épuisés
par les anciens maîtres, pourtant,
il avait voulu s’y essayer : une
Descente de croix, qu’il était sur
le point de terminer, rappelle la
imauière de l’école italienne. Gé-
ricault ne restera pas seulement
comme peintre d'histoire ; il au-
ra aussi un rang distingué , parmi
les peintres de chevaux. Ce genre
l’'absorba presque entièrement du-
rant les deux dernières années de
sa vie : là aussi il s’attachait à
rendre la nature telle qu’elle est,
ot il y réussissait avec une su-
périorité de talent, qui à fait re-
chercher avidement ses chevaux,
et leur a donné une grande va-
leur. On a vu au salonde 1824,
deux tableaux de chevalet repré-
sentant une Forge de village, et un
Enfant donnant à manger à un che-
val, où la vigueur, la’ hardiesse,
de la touche, la naïveté, la fran-
chise du dessin, la variété de l’ex-
pression et des attitudes , sont
portées à un très-haut. degré de
perfection (1). Parmi les dessins
et lithographies qu’on doit au
crayon facile de Géricault, lon
cite, un Épisode de la retraite de
Moscou, les Batailles de Maipu et
de Chacabucoen Espagne , où Pau-
teur figure lui-même , décoré de
létoile de la Légion-d’honneur.
Quelques aquarelles, avec trois ou
quatre planches de là Wie poli-
(1) Plusieurs livraisons d'études de
chevaux, par Géricault, ont été pu-
bliées chez Gihaut , marchand d'es-
tampes , boulevard des ltahiens.
GIR
tique et militaire de Napoléon , par
M. A. V. Arnault ( 1822-25 , in-
fol. ), complètent à peu près ce
qui nous reste de cet artiste.
Un émule du talent de Géri-
cault, M. Schæffer, a fait de son
dernier soupir le sujet d’un tableau
de chevalet très - intéressant ,
qu’on a yu au salon de 1824.
Cette composition a été litho-
graphiée par Maurin , en 1825.
GIRODET-TRIOSON (Anxe-
Louis), peintre, naquit à Mon-
targis (Loiret), le 5 janvier 1567.
Son père était directeur des do-
maines de M. le duc d'Orléans ;
sa mère, née Cornier, était fille
d’un banquier expéditionnaire en
cour de Rome. Orphelin de bonne
heure, avec un patrimoine plus
-que suflisant aux besoins de son
âge, il recevait, sous la garde
d’un tuteur, M. Trioson (1),mé-
decin des armées , une éducation
soignée, mais qui n’avait rien de
spécial, et dans laquelle le dessin
n'entrait que comme un art. d’a-
grément. Cependant, à treize ans,
pendant le cours de ses études, il
fit le portrait de son père. Avant
de s’adonner exclusivement à la
peinture, il eut à combattre les
intentions de ses parens , qui le
destinaient à la carrière militaire ;
mais enfin, son penchant l’em-
porta. Ses progrès, déjà avancés
sous des maitres particuliers qu'il
lui était facile de surpasser , de-
À
(1) En 1812, M. le docteur Trioson,
qu venait de perdre un fils unique,
voulut, par une adoption, associer son
nom à Fimmortalité du nom de son pu-
pille, C’est depuis cette époque que les
ouvrages de celui-ci ont été signés : Gr-
rodet-Trioson.
LA
Ge ponlel
{
_
4
GIR
vinrent rapides dans l’école de
M. David , que les succès du jeune
Drouais et le tableau des Horaces
venaient de rendre à jamais cé-
lébre et faisaient dès-lors recher-
cher par-dessus tous les autres.
David a dit plus tard, en parlant
de Girodet, que c'était son plus
bel ouvrage. Lauréat au concours
de 1789 (1) et pensionnaire de
l'Ecole de Rome, celui-ci dut,
selon l’usage, envoyer à Parisune
figure d'étude peinte : cette étude
était le tableau d’Endymion (2),
ouvrage où l’on admire la pureté
du dessin et la noble simplicité de
la composition, unies à une ex-
quise suavité de pinceau. David,
fier à juste titre d’un tel fruit de
ses lecons, se plaisait à raconter
l'étrange sensation que la première
yue de ce chef-d'œuvre avait pro-
duite sur les professeurs de lan-
cienne Académie, qui, la plupart,
pe savaient trop que penser et
que dire d’un ouvrage si différent
de tout ce qu'ils étaient habitués
à faire et à enseigner.
Le tableau d’Hippocrate repous-
sant les présens des envoyés du roi
de Perse, est aussi daté de Rome,
1792. C'était un hommage de la
reconnaissance de l'artiste envers
son tuteur; ce dernier l’a légué
par son testament à l’Ecole de
Médecine de Paris, dont il décore
(1) Le sujet était Joseph se faisant
connaître à ses frères : on y remarquait
déjà un talent supérieur dans l'heurei x
agencement des groupes, dans la no-
blesse des airs de tête, et dans le style
des draperies.
(2) Ce tableau a étégravé par M. Cha-
üllon. M. Aubry-Lecomte a lithogra-
phié les têtes des deux figures. L’origi-
nal est placé aujourd'hui dans la sec-
GTR
une des salles principales {1). La
figure du médecin grec est pleine
de noblesse : celle du jeune
homme qui verse des larmes en
perdant l'espoir d’amener près de
son père celui qui seul peut le
guérir, exprime la douleur la plus
vraie et la plus touchante.. Tous
les personnages qui composent
cette scène offrent la plus admira-
ble variété d'expression. Girodet
a introduit son portrait parmi eux,
dans le groupe placé derrière
Hippocrate.
A cette époque , les. événe-
mens qui avaient ébranlé la France
jusque dans ses fondemens , com-
mençaient à remuer le reste de
l’Europe; obligé de quitter Rome,
Girodet se rend à Naples ; il par-
court:en revenant diverses par-
ties de l'Italie , arrive à Gênes et
y tombe malade. M. Gros, son
ancien camarade , alors officier
d'état-major, depuis Pun de ses
plus illustres émules, informé de
cette nouvelle, accourt auprès de
lui et lui prodigue les soins les
plus empressés. Rentré en France,
Girodet resta plusieurs années
sans offrir aux regards du public
d’autres ouvrages que des por-
traits, dans lesquels il faisait bril-
ler toute la puissance de son ta-
lent (2); mais il travaillait en
silence, et c’est de cette même
époque que date une partie des
tion des peintres francais de la galerie
du Louvre, ainsi que l’Atala, la Re-
volte du Caire et la Scène du Déluge,
dont nous parlerons plus tard.
(1) Le tableau d’Æippocrate a été
gravé par Raphaël-Urbain Massard.
(2) On cite parmi ses portraits de
cette époque, celui d'un soir, député à
la Convention.
119:
e
120 GIR
compositions admirables dont
nous avons à parler. Ce fut au
salon de 1799 qu'ilse vengea d’une
insulte faite à son talent, par un
tableau satirique qui fit beaucoup
de bruit et de scandale. Il avait
fait le portrait d’une actrice nom-
mée M'° Lange. Celle-ci ne vou-
lut point le recevoir, sous pré-
texte qu'il manquait de ressem-
blance. Girodet irrité, peignit la
comédienne en Danaë; mais au
lieu d’une pluie d’or, c'était une
pluie de pièces de 5 francs et
même de monnaie de cuivre , qui
parsemait le boudoir de la nou-
velle Danaé; un dindon était re-
résenté , faisant la roue dans un
coin du tableau. L'ouvrage ne
passa guère que vingt-quatre heu-
res au salon : ce fut plus qu’il n’en
fallait pour faire beaucoup de
bruit. La malignité publiquetrouva
le portrait fort ressemblant. Les
journaux s’emparèrent de Panec-
dote, et un poëte (M. Deguerle)
la mit en vers dans un conte allé-
gorique intitulé : Stratonice et son
peintre, conte qui n’en est pas un
(brumaire an VIII, in-8).
« Vers la fin du dernier siècle,
dit M. P.-A. Coupin (1), une
circonstance particulière fournit
à Girodet l’occasion de montrer
tute la richesse de son imagina-
(1) Notrce nécrologique sur Girode.
Paris, 1825 ; In-8, de quinze pages ;
avec un portrait de l'artiste, Htho-
graplhué par Vigveron, d'après un des-
sin autographe du peintre , orné du
fac-simile de la signature de Girodet.
Cette notice est extraite de la Revue
Æncyclopédique, t. XXV, p. 336.
Nous avons adopté plusieurs fois les
opinions du critique judicieux à qui
elle est duc, et souvent jusqu'à ses pro-
GIR
tion. L'homme célèbre qui pré-
sidait alors aux destinées de la
France , aimait passionnément les
poésies fe Ossian. Deux élèves de
David, deux émules, deux rivaux
de gloire furent chargés d’exécu-
ter chacun un tableau dont le su-
jet serait choisi dans les chants du
barde écossais. Gérard et Girodet
déployèrent tous deux un grand
talent, La composition de Gérard,
empreinte de cette sorte de mélan-
colie sauvage qui caractérise Île
poëme où il'avait puisé son sujet,
se faisait distinguer autant par la
sagesse et l’habileté de la disposi-
tion que par le charme de l'effet.
Girodet y vit une occasion de
rapprocher et d'illustrer à la fois
le Courage des anciens Scandi-
naves et celui des guerriers fran-
çais, et il le fit avec une verve et
une fécondité extraordinaires. Qui
n’a gardé le souvenir de ces belles
têtes de bardes, de ces jeunes
filles pleines de grâces et de pu-
deur, de cet accent mâle qui
anime les figures des héros fran-
çais (1)!
Le tableau connu sous le nom
d'Une Scène du Déluge, fut ter-
ininé en 1806. « Ici l’artiste sem-
blait s’être inspiré du génie som-
bre du Dante et avoir voulu
développer les parties les plus
pres expressions. Nous ne pouvions sui-
vre un meilleur guide que celui que
Girodet honor: dé son amitié, et qui
est chargé, par les disciples de ce grand
maitre, de la rédaction du texte qui
accompagne la publication de ses des-
sins.
(1) Les têtes de ce tableau ont été
Jithographiées par M. Aubry-Lecomte ,
et forment une suite qui.a paru en
deux cahiers.
GIR
importantes et les plus élevées de
son art. Une famille, poursuivie
par les élémens en furie , est sur
le point d'échapper aux ondes qui
la menacent : les malheureux gra-
vissent des rochers; ils vont être
hors de danger. L'ime de cette
action, celui qui est tout à la fois
fils, époux et père des êtres qui
l'entourent et qu'il entraine, a
saisi une branche à laquelle il
= s'attache pour faire un dernier
effort. La branche rompt et les
infortunésretombent dans le gouf-
fre. Quel drame ! Le public, sous
les yeux duquel cette production
fut mise au salon de 1806, n’était
peut-être pas en état de sentir
tout ce qu’elle contenait de savant
et d’élevé ; mais il fut vivement
ému par le caractère ‘de la scène.
Les connaisseurs applaudirent
avec enthousiasme à la vue de
ce tableau, où le peintre avait
réuni, comme pour surmonter
toutes les difficultés de son art et
montrer l’étendue de sa science ,
un vieillard, un homme dans la
force de l’âge, une femme jeune
et belle et des enfans; et dès-lors
Girodet fut dans leur opinion, au
premier rang de l'Ecole fran-
caise.
» Nous voici arrivés à une épo-
que célèbre , où la place que Gi-
rodet devait occuper dans l’école
lui fut assignée par ses pairs. Deux
décrets, des 24 fructidor an X et
28 novembre 1809, avaient in-
stitué des prix décennaux. Les
chefs-d’œuvre des lettres, des
arts et des sciences devaient rece-
voir, avec une solennité extra-
ordinaire, des couronnes et des
récompenses. Les beaux temps de
l'ancienne Grèce allaient se re-
nouveler : ce fut une déception.
GIR 121
Les rivaux furent mis en pré-
sence; les juges du combat pro-
noncèrent; mais il w’y eut ni
récompenses ni couronnes. Dans
cette lutte , le maitre et l’élève
entrèrent en lice. Une Scène du
Déluge 'emporta sur les Sabines ,
et le grand prix de peinture his-
torique fut décerné à Girodet, par
le jury et par la classe des beaux-
arts de l’Institut. (1)»
Voici maintenant en quels ter-
mes se résume le rapport pré-
senté à l'Empereur dans cette
mémorable occasion « .... Cette
» scène si touchante et si terrible
» du déluge , en offrant à nos re-
» gards ce que la craiute et le dan-
» gerextrème ont de plus effrayant,
»ne présente que des mouvemens
» nobles et ce que la belle nature
» nue offre de plus pur. Laréunion
» des différens âges et des sexes
»différens, ajoute encore à la
»beauté du tableau par d’heu-
»reuses oppositions rendues avec
» autant de grâce que de force , et
» qui décèlent dans Partiste, une
»Cconnaissance approfondie de la
» nature et de cé qui constitue le
» beau. Le pinceau de M. Girodet,
»toujours précieux, est dans ce
» tableau aussi vigoureux que bril-
»lant. La couleur et l'effet y sont
» également poriés à un tres-haut
» degré. Enfin, on peut regarder
» cet ouvrage comme un des plus
»beaux de notre école, sous les
»rapports de l’expression, de la
» science du dessin et sous celui de
» l'exécution. » — Des ennemis
(1) Coupin; Notice necrologique sur
Girodet, p. 7. David dit, en voyaut le
tableau du Déluge, qu’on viendrait un
jour l'étudier, comme on étudie les ta-
bleaux de Michel-Ange.
GIR
122
de cet immortel triomphe ont de-
puis voulu insinuer qu’il avait été
décerné par la passion; mais il
faut remarquer qu’à l’époque où
le concours décennal fut jugé ,
d’abord par une commission de
l’Institut et ensuite par l’Institut
lui-même, l’auteur des Sabines
n’était nullement en butte à l’ani-
madversion de ce corps; tandis
qu’au contraire son rival y jouis-
sait de si peu de faveur, qu’on ne
l'avait pas encore appelé à en faire
partie, bien que l’occasion se fût
plusieurs fois présentée. Après un
si brillant succès, le tableau du
Déluge estresté dix ans dans l’a-
telier de l'artiste. Il a été acheté
en 1819, par le ministre dela mai-
son du Roi, avec l’Endymion et
l’Atala. |
Les Funérailles d’Atala mirent
le comble à la réputation de Giro-
det : « Ici tout le monde fut d’ac-
cord, dit M. Coupin, et la cri-
tique fut réduite au silence. Cet
épisode touchant d’un poëme qui
ayait mis son auteur au premier
rang de la littérature , était bien
digne d'occuper l'imagination ré-
veuse ; tendre et mélancolique de
notre grand peintre.Il fut sublime,
parce qu’il fut simple et touchant,
savant sans recherche, noble sans
affectation. Depuis ce moment la
gloire du peinire et celle du poëte
sont devenues inséparables : en
lisant le poëme, on à le tableau
sous les yeux; comme, en voyant
le tableau, le poëte et toute la ri-
chesse de son imagination se re-
présentent à l’esprit (1). »
Napoléon recevant les clefs de la
(1) Ce tableau a été gravé successive-
ment par MM. Roger et Raphaël-Ur-
bain Massard. Les têtes ont été plu-
GIR
ville de Vienne, tableau commandé
par le gouvernement, concourut
aussi pour le prix décennal et fut
exposé au salon de 1808 ; il ob-
tint une mention honorable dans
la classe des sujets empruntés à
l’histoire de France. Cette toile,
d’une exécution très-savante ,
porte le cachet du beau talent de
l’auteur. « Ce fut aussi un tableau
commandé que la Révolte du Caire.
Dans la Reddilion de Vienne, on
retrouvait deux des caractères par-
ticuliers du talent de Girodet : la
pureté du dessin et la force de
l’exécution ; mais la Révolte du
Caire fut conçue et exécutée avee
une chaleur , une verve, un élan
inexprimables. Cette scène offrait
des circonstances heureuses pour
la peinture , des nus , de beaux
caractères de têtes, des draperies
riches d’effet, des oppositions
fortes : le peintre ne laissa échap-
per aucune occasion de faire bril-
ler son talent. Quel bel épisode
que celui de cet Arabe nu, qui
soutient sur l’un de ses bras Île
fils du pacha expirant, tandis que
de l’autre il lève son cimeterre
pour se défendre contre les Fran-
çais. qui l’attaquent ! Que ce fils
du désert a de fierté dans Îles
poses , dans l’expression, dans les
mouvemens ! Comme la mort se
répand rapidement sur la figure
du jeune Osmanli qu’il soutient!
quelle douceur et quelle finesse
dans ses traits déjà décolorés! et
tout près de là, avec quelle éner-
gie la frayeur.et la rage sont
peintes sur le visage de cet Afri-
Cain , à. moitié renversé, qui
porte à sa main la tête d’un Fran-
sieurs fois gravées comme études, de
srandeur naturelle, à la manicre nome.
GIR
gais, digne trophée de son cou-
rage barbare! quelle beauté de
caractère dans cette même tête!
Mais ii faut aussi faire la part de
la critique. On a trouvé que ce
hussard qui s’élance , le sabre à la
main, occupait une trop grande
place dans le tableau relativement
à l'importance du personnage , et
que son mouvement avait quelque
chose d’exagéré, de désordonné.
Ce reproche n’est peut-être pas
sans fondement; mais ce tableau
n’étincelle pas moins de beautés
de premier ordre, et puis, quel
est l’ouvrage parfait au monde 1}?
» Maintenant, il s’écoulera un
long espace de temps avant que
nous voyons paraître un nouvel
ouvrage de Girodet, si ce n’est
toutefois, cette belle TétedeV'ierge,
que lon jugea digne et qui était
digne en effet d’être attribuée à
Raphaël : tant les moindres pro-
ductions de cet artiste avaient un
caractère élevé (2). Enfin peu de
jours avant la clôture de lexposi-
tion de 1819, parut le tableau
représentant Pygmalion et Gala-
tée (5). C'était un hommage à la
sculpture, dont le peintre avait
voulu montrer la puissance. Je
crois même que cette idée lui avait
été inspirée par son estime parti-
(1) Plusieurs têtes de a Révolle du
Caire ont été gravées, comme études,
à la manière noire.
(2) Sa tête de Vierge a été exposée
au Salon de 1812. Mme Jacquotot l'a
reproduite sur porcelaine, et en a fait
hommage à l’auteur, qui mettait beau-
coup de prix à cet ouvrage.
(5) Hauteur, sept A neuf pouces ;
largeur , six piéds quatre pouces. Ce
tableau , qui à été gravé, fait partie de
la galerie de M. Je comte de Sormma-
riVa , pour qui il a été exécuté.
GIR 125
culièré pour le caractère de Ca-
nova : rien n'était plus propre à
manifester la pensée du peintre
que cette fable, où l'amour réalise
l'illusion du génie qui croit voir
son propre ouvrage s’animer sous
ses doigts. Lui-même semblait
ayoir donné une seconde fois la
vie à Galatée…. (1) »
Le tableau de Pygmalion et
Galatée produisit une sensation
extraordinaire; il devint l’occa-
sion d’un grand nombre d’écrits
en vers et en prose. La critique ne
l’épargna point, et ses traits n’é-
taient point cette fois sans fonde-
ment, malgré les beautés dont le
nouveau. chef-d'œuvre étincelle.
Nous avons assez écouté la cri-
tique qui loue; écoutons une fois
celle qui blâme «...: Ce pro-
gramme ; dit M. Landon , tel que
l'artiste paraît l’avoir conçu, pou-
yait fournir à la poésieune suite d’i-
mages gracieuses, dont quelques-
unes auraient Pattrait de la nou-
veauté; mais la disposition est un
peu chargée d’idées accessoires ,
et, par cette raison, .elle est
moins favorable à la peinture.
L'art n’a pas de moyens assez
puissans pour rendre d’une ma-
nière:: satisfaisante ces rayons,
cette explosion lumineuse, élec-
trique, dont M. Girodet parait
avoir fait le principal ressort de
sa composition , et qui, loin d’en
augmenter l'intérêt, ne fait que
l’affaiblir, en détournant de lob-
jet essentiel Pattention du specta-
teur... Au surplus, abstraction
faite du, sujet et du goût de la
composition ; le tableau mérite
(x) Coupin; Notice nécnologique sur
Girodet; pag. Sel Lo, |
12/4 GIR
d’être considéré pour le dessin ,
le coloris et le goût, et l’on peut
dire que sous ces différens rap-
ports, il ne pouvait sortir rien de
médiocre du pinceau qui a retracé
les Funéraillcs d’Atala , une Scène
du Déluge et le Sommeil d’ Endy-
mion. On sait d’ailleurs que le ta-
bleau de Galatée est resté sept
ans sur le chevalet, et que Partiste
n’a épargné ni soins, ni études, ni
corrections, pour le rendre digne
de ceux qui l’ont précédée. Il est
vrai que les morceaux le plus
long-temps et le plus soigneuse-
ment médités, ont souvent moins
de succès que ceux qui sont le
fruit d’une subite inspiration et
dont l’exécution a suivi de près le
premier jet de la pensée. Le sujet
dont il s’agit paraît venir à appui
de cette observation. On peut
croire, au peu de liaison de cer-
taines parties, que l’ensemble
n'aurait pas été conçu d’abord tel
qu’il se présente aujourd’hui ; que
la figure de l'Amour n’y aurait été
placée qu'après coup; que, dans
l'origine, la statue de Galatée se
modelaiten clair sur un fond plus
coloré ou plus vigoureux, tel
qu’un rideau ou un morceau d’ar-
chitecture , et non sur cette masse
de fumée ou de lumière , on -ne
saurait trop dire lequel des deux,
dont la teinte blanchätre se con-
fond avec les parties les plus
éclairées des carnations et en ter-
nit l’éclat.
» On aurait désiré plus d'action,
plus d’élan, dans la figure de Pyg-
malion. Le peintre aura cru pou-
voir exprimer à la fois, dans
l'attitude , dans le geste et sur les
traits de l’amant de Galatée, les
divers sentimens dont il le sup-
pose agité. Mais, en voulant réu-
GIR
nir sous un seul aspect plusicurs
nuances; dont quelques-unes se
trouvent évidemment en opposi-
tion, il ne pouvait manquer de les
affaiblir. Moins heureux que le
poëte, le peintre ne peut repré-
senter qu’une action, un moment
déterminé, et ne saurait offrir sur
la physionomie du même person-
nage, qu’une seule sensation, une
seule passion à la fois; c’est pour
cette raison que les traits de l’a-
mant de Galatée ont paru man-
quer de chaleur et d'énergie. La
position de ses deux mains, égale-
ment rapprochées de la tête, n’est
pas heureuse : on ne conçoit ni
le mouvement ni l'attachement
du bras gauche ,; qui se trouve
entièrement cache ; et le droit, en
se repliant, forme un angle aigu
quicontrastesymétriquementavec
le bras gauche de Galatée : ces
légers défauts devaient être évités
dans une composition d’un si pe-
tit nombre de figures. La drape-
rie, un peu trop collée sur le nu,
n'offre que de petites masses, ou
plutôt de petits détails, et semble
plutôt avoir été arrangée pli à pli
sur le mannequin, mis préalable-
meut dans l'attitude converue,
que formée naturellement par le
mouvement et l’action du person-
nage. La figure de l'Amour aurait
plus de grâce si le bras droit n’é-
tait pas coupé dans son attache-
ment avec l’épaule; on ne peut
plus en suivre le mouvement ni
les contours , et la main se trouve
désagréablement isolée : au sur-
plus, cette petite figure est des-
sinée avec finesse; mais sOn sOu-
rire, purement malicieux , ne
paraît pas bien conforme à l'ex-
pression du sujet... Nous avons
cru remarquer une légère faute
GIR
de perspective dans le haut de la
statue de Galatée. Le point de vue
étant plus bas que le cou, l'épaule
droite qui fuit, devrait se trouver
moins élevée que la gauche; ici
l'effet est contraire et donne à la
pose un air un peu gêné. Quant
au coloris du tableau dans son
ensemble et de la figure de Galatée
en particulier, il n’est pas infe-
rieur à celui des autres tableaux
du même artiste ; peut-être même
est-il plus fin et plus vrai. Il ne
laisse rien à désirer pour la préci-
sion et l'agrément du pinceau(1).»
Depuis l’époque où il exposa
sa Galatée, Girodet semblait avoir
renoncé à la peinture. Les fatigues
inouïes que luiavait causées ce ta-
bleau , la maladie grave qui en
avait été la suite, le délabrement
de sa santé, occasioné par l’irri-
tabilité de son organisation et par
Vardeur de son sang; cette sorte
de fièvre qui s’emparait de lui
lorsqu'il était dominé par son
imagination, et qui l’avait con-
duit plusieurs fois aux portes du
tombeau, ne justifiaient que trop
son repos et semblaient lui inter-
dire de se livrer à une nouvelle
entreprise. Tout à coup il se ra-
nime ; sur la demande du minis-
tère de la maison du Roi, il exé-
cute et envoie au salon deux
. (1) Salon de 1819, par Landon ( Pa-
ris, in-8); t. IT, p. 11 et 15. — Outre
les divers écrits relatifs à l'exposition de
1819 en général, qui s'occupent tous,
comme ils le doivent, de la Galatée
de Girodet, ce tableau a donné lieu à
la publication de l'opuscule intitulé :
Examen critique et impartial du ta-
bleau de M. Girodet, ou Lettre d'un
amateur à un journaliste. Paris, Bou-
cher, 1519; in -8, d'une feuille et demie.
GIR 125
portraits en pied de Vendéens
(Cathelineau et Bonchamp) (1), où
Pon reconnaît les traces de son
génie , quoique sa main fût déjà
affaiblie par la maladie qui le trai-
nait au tombeau. Cette maladie
fut courte, mais douloureuse. De-
puis environ seize ans, la consti-
tution de Girodet, naturellement
bonne et forte , luttait contre un
principe de destruction menaçant.
Enfin , une affection gangréneuse,
qui déjà deux fois, à des inter-
valles éloignés , s’était manifestée
aux extrémités inférieures , se
porta sur la vessie. Après six jours
de douleurs croissantes, il fallut
se résoudre à une opération pé-
rilleuse. Comme tout était prêt
pour y procéder, Girodet eut
occasion d'entrer dans son atelier.
Là, le sentiment de son danger et
la vue des objets qui l’environ-
naient , produisirent sur lui une
vive émotion, qui s’exprima en
termes déchirans, par un adieu à
son art, à ses pinceaux, et à l’ou-
vrage qu’il allait laisser inachevé.
L'opération n’ayant pu retarder
les progrès du mal, M. l'abbé
Feutrier, alors curé de la Made-
leine , fut appelé auprès de celui
que, selon son expression, Dieu
avait doué d’un si beau génie.
Après avoir reçu de ce prélat plein
(1) Girodet n’a pas été moins supé-
rieur dans le portrait que dans le ta-
bleau d'histoire : parmi les plus remar-
quables de ses productions en ce genre,
on citeles portraits de Mme de Bréaud,
de Bernardin de Saint-Pierre, de M. De-
sèze, de M. de Châteaubriand ( en
pied). Ces deux derniers ont été litho-
graphiés, en 1823 ct 1825.Le portrait de
M. de Châteaubriand a été gravé au bu-
rin , par Laugier, en 1817.
126 GIR
de lumière et de charité les der-
niers sacremens de l'Eglise , Gi-
rodet expira , le 9 décembre 1824,
à neuf heures et demie du soir{1),
âgé d’un peu moïns de cinquante-
huit ans.
La mort de ce grand peintre
produisit une forte sensation dans
le monde , mais particulièrement
parmi les artistes : l’affluence était
immense à ses funérailles : elle se
composait des élèves de toutesles
écoles de la capitale , de tous les
rivaux de gloire du défunt , et de
plusieurs personnages illustres
dans les rangs les plus éminers ,
que les liens de l’amitié unissaient
à lui. Le grand écrivain qui célé-
bra le génie du christianisme vint
(1) M. le docteur Larrey a fait insé-
rer dans le Moniteur du 13 décembre
1824 , la lettre suivante :
« Le mereredi 1° décembre, M. Gi-
rodet me fit appeler pour remédier à
une ischurie violente, qui le tourmen-
tait depuis quatre jours. Une rétention
complète de l'urine , accompagnée de
douleurs lancinantes, et une tumeur
peu sensible au périnée, indiquaient
assez la formation d'un abcès profond.
Après avoir vainement essayé le cathé-
térisme, et après avoir employé, pen-
dant les premières vingt-quatre heures,
les déplétifs , les émolliens et les anti-
phlogistiques, je procédai, dès le len-
demain, à la pointe du jour, et en
présence de MM. les docteurs Chaus-
sier : t Ribes, appelés en consultation,
à l'ouverture de cet abcès. La quantité
et la nature de l'écoulement produit
aussitôt par l'incision, nous fit recon-
naître la profondeur de cet abcès, qui
avait envahi tout le tissu cellulaire qui
sépare la vessie du dernier des intestins;
clle nous annonçait également le dé-
veloppement d'une affection gangré-
neuse, et nous fit porter sur cette ma-
ladie, préparée d’ailleurs depuis lon-
gues années, un pronostic fâächeux. La
gangrène a fait des progrès si rapides
vers les organes intérieurs, que tous
GIR
rendre les derniers devoirs av
peintré d’Atala. Une certaine ana-
logie de talent etune entière con-
formité d'opinions politiques ,
avaient rapproché ces deux
hommes célèbres. Ce fut M. de
Chäteaubriand qui, à la de-
mande du président de l Académie
des Beaux-Arts , attacha sur le
cercueil les insignes d’oflicier de
la Légion-d’'Honneur (tr), que le
Roi avait accordés à la mémoire
de Girodet. Le corps fut trans--
porté dans sa dernière demeure ;
au cimetière du Père Lachaise ;
sur les épaules des jeunes gens
des diverses écoles, qui l'avaient
accompagné jusque-là. Plusieurs
discours furent prononcés sur la
les moyens mis en usage ont été inu-
tiles. Néanmoins, deux autres méde-
cins, MM. Portal et Lerminier, ont
été appelés. Enfe , M. Girodet a suc-
combé le neuvième jour de l'opération,
et le treizième de l'invasion de la ma-
ladie. L'autopsie cadar érique à fait dé-
couvrirune crevasse dansla partie mem-
braneuse du canal de l'urètre, très-près
du col de la vessie, par laquelle l'urine
s'était échappée, pour former , dans le
tissa cellulaire du bassin , l’abcès gan-
gréneux que nous avions ouvert pres-
que aussitôt son apparition au pérince.
Les reins étaient ramollis et parsemés
de taches gaugréneuses ; la cavité de la
vessie était ulcérée , et les autres viscè-
res du bas-ventre participaient de l'af-
fection gangréneuse. Nous avonsremar-
qué que les sillons qui séparaient les
circonvolutions du vaste cerveau de cë
peintre célèbre étaient beaucoup plus
profonds qu’on ne lobserve ordinaire-
ment. Tel est, M. le rédacteur, l'exposé
succinct, mais très-exact , de la marche
de la maladie cruelle qui a enlevé pré-
maturément un grand homme aux arts
et aux nombreux amis qui déplorent s4
perte.
» Baron LABREY , D. M., CH.»
(1) Girodet avait reçu le cordon de
Saint-Michel, au mois de janvier 181%.
+ dé A ÉÉt.
GÏIR
iotibe. Le plus remarquable fut
celui qu'improvisa M. Gros , lun
des plus illustres rivaux de la
gloire de Girodet.
« J’ai parlé jusqu’ici de l'artiste,
dit M. P.-A. Coupin (1); et ce-
pendant , il s’én faut de beaucoup
que j'aie nommé tous ses ou-
vrages. Je n’ai point rappelé ces
compositions puisées dans VE-
néide et dans Racine, et qui sont
jointes aux belles éditions impri-
mées par M. Didot ; j'aurais dû
mentionner cés charmantes figures
des Saisons , exécutées pour le roi
d’Espagne , et dont il existe des
répétitions à Compiègne ; une
Danaé, figure entièrement nue ,
où la grâce , la finesse de l’exé-
cution , se joignent à tout ce
qu'un esprit délicat peut produire
de plus aimable (2). Mais ce qu’il
serait impossible d’énumérer , ce
sont ces compositions admirables
dont ses porte-feuilles sont rem-
plis, et qui accroîtront d’une ma-
nière étonnante sa réputation ,
lorsqu'elles seront connues. Je
désignerai seulement cinquante
sujets environ, empruntés à Ana-
créon (5), gravés par M. Chatil-
lon, élève et ami de Girodet, et
qui allaïent être publiés , lorsque
la mort est venue tout arrêter ; à
peu près deux cents compositions
”
Ga) Notice nécrologique sur Girodet,
P- 15.
(2) Cette figure a été lithographiée
Par Aubry-Lecomte, avec quelques
changemens faits par le peintre lui-
meme,
(3) Quelques-uns de ces sujets ont
été gravés en taille-douce, et accom-
pagnent les belles éditions de la tra-
duction d'Anacréon, par M. de Saint-
Victor.
GIR 127
puisées dans Virgile, autres que
celles dont je viens de parler : Les
sept Chefs devant Thèbes, grande
eétmagnifique scène , dans laquelle
le peintre français a disputé la
palme au poëte grec; les Amours
des Dieux, une Pandore , la Nais-
sance de Vénus, Vénus implorant
Jupiter pour les Troyens, et une
foule d’autres choses , non moins
belles, non moins intéressantes ,
tirées de Sapho , Moschus, Mu-
sée et autres tragiques grecs ,
dans lesquelles il a répandu tout
ce qu’il y avait de grâce, de sen-
timent, d’élevation dans son ta-
lent ; où , livré à lui-même et
n'ayant point à s'occuper de l’o-
pinion du public et des autres , il
s’est abandonné à son génie créa-
teur et poétique (1).»
Girodet avait été nommé,
en 1816, membre du conseil
établi près Île ministère de
la maison du Roi, et composé
d'artistes et d'amateurs. Il était
membre de la classe des beaux-
arts de l’Institut, Le 3 mai 1818,
il lut dans la séance solennelle des
quatre Académies réunies, un
discours sur l'originalité dans les
arts du dessin , où il s’efforçait
d'indiquer les motifs qui justifient
etqui expliquent les sublimeshar-
diesses dont il.a semé ses compo-
sitions. Cet écrit n’est pas le seal
qui soit sorti de sa plume. JI avait
encore composé un poëme sur
les délices de la peinture , une
traduction d’ Anacréon ,; et même
(1) Les journaux ont parlé encore
de l’ébauche , ou du moins de l’es-
quisse d’un tableau de Saint Louis
en Egypte, qui fut demandé à Giro-
det par le gouvernement, dès 1815.
128 GIR
encore d’autres ouvrages qui sont
restés inédits (1).
L'originalité, la grandeur, l’é-
nergie et la grâce, mariées avec
un goût exquis, etrendues encore
plus séduisantes par une parfaite
pureté de dessin, une admirable
suavité de pinceau, et un coloris
plein d'harmonie et de chaleur :
telles sont les qualités qui doi-
vent placer Girodet au premier
rang des peintres ses contempo-
rains. Toutefois, nous ne pouvons
pas le dissimuler, cette opinion
quedes personnes d’un espritsupé-
rieur ont professée avec convic-
tion, ne fut pas de son vivant
celle de la majorité des artistes ,
ni même de l’ensemble du public.
Bien que le talent de Girodet n’ait
trouvé nulle part des contemp-
teurs , il y a pourtant dans
sa manière, comme dans toutes
les productions supérieures de
l’époque actuelle , quelque chose
d’inusité et de pittoresque , qui
fatigue les sensations blasées de
tant de gens qui ne savent juger
que par routine et par répétition.
Le commun du monde n’eut du
talent de Girodet qu’un senti-
ment très-incertain ,; une idée
(1) On attribue à Girodet une satire
intitulée : La Critique des critiques du
salon de 1806. Paris, F. Didot,
janvier 1807;in-8 , de quarante-deux
pages. Cet opuscule, dont l'anteur a pris
pour épigraphe : Ne sutor ultra crepi-
dam, montre que Girodet supportait
trop impatiemment la censure. La pen-
sée en est commune, l'expression froide
et peu élégante.—Nousciterons encore:
Lettre de M.Boher, peintre et statuaire,
et la réponse de M. Girodet. Perpignan,
imprimerie d’'Alzine (1820);1n-8, d'une
demi-feuille. La lettre de Girodet est
datée du 20 décembre 1819.
Rs Le ‘ot
r: L."1
GIR
très-vague. À part un petit nombre
de connaisseurs , l’issue du con-
cours décennal surprit fort les cri-
tiques parisiens : cela excédait de
beaucoup la portée de leurs lu-
mières. Jusques-là , on ne s'était
pas douté que Girodet füt un
aussi grand peintre, et cette dé-
couverte ne rendit pas ses ou-
vrages beaucoup plus populaires.
Il faut l'élite de plusieurs géné-
rations ; pour former autour de
mérites si élevés un concours
tant soit peu nombreux de véri-
tables amateurs. Girodet a eu et
aura, n’en doutons pas, le sort
réservé aux grands hommes. Il a
été méconnu; il sera un jour
complètement apprécié. Ce maître
avait pris de l’école de David, la
pureté et la science du dessin , la
beauté des formes , le goût et
l’entente de la composition ; mais
il a détaché tout cela de l’imitation
servile, froide et monotone des
marbres antiques ; il y a joint
le feu de l'imagination et la vérité
de la nature ; tantôt naïf jusqu’à
la simplicité , tantôt sublime jus-
qu’à l'audace. Or, c’est précisé-
ment ce caractère singulier de son
génie, qui ne fut pas toujours
senti du public, comme il devait
l'être. Le grand artiste s’en in-
quiéta vivement, et il est arrivé
qu’on a pris ses inquiétudes pour
de l’envie ; pourtant, personne ne
sentit et n’apprécia mieux que
Girodet les belles productions de
ses plus célèbres émules ; mais
plus original qu'aucun d’eux , il
ne sayait pas se soumettre à de
certaines formes symétriques et
conventionnelles , qui à chaque
époque dominent tyranniquement
les arts ; voilà ce qui explique
l'étonnement et même quelque-
GIR
fois la froideur du vulgaire. Les
mèmes préjugés d'école , qui ont
fait critiquer si déraisonnable-
ment et quelquefois accueilliravec
tant de dédain.les écritsimmortels
de M. de Châteaubriand et de
Mr: de Staël , nuisirent au suc-
cès des tableaux de Girodet. Avec
plus de circonspection que ces
grands écrivains ; mais avec non
moins d'enthousiasme , ils’efforca
de rajeunir le goût national, en
nous inspirant un attrait plus vif
pour le vrai et pour le beau, infi-
niment diversifiés de la nature,
qu'il voulut substituer au vrai
factice, au beau froid et limité de
l’art. Il poursuivit dans la pein-
ture la régénération qui s'opère
aujourd’hui simultanément, dans
la poésie et dans toutes les
branches du domaine de lesprit.
Engagé dans cette lutte glorieuse,
il en subit les amertumes; il fut
malheureux, puisqu'il faut le dire,
et puisqu'après tout, c’est la dure
compensation que le génie ap-
porte en lui-même, à ceux qui
sont dotés de ses inestimables
trésors. On peut même remarquer
que le pinceau de Girodet ne fut
appelé à décorer aucun édifice
public important (1), ‘que les rois
dontil futie partisan, mais non pas
le flatteur, ne lui commandèrent
pas leurs images. Cela tient en
artie, à cette méconnaissance
de la sublimité de son talent, dont
nous accusons avec lui ses con-
temporains(2) ; Mais autant pour
(1) Nous ne connaissons de Girodet,
en fait de peintures de décoration, que
celles qui ornent les plafonds du chà-
teau de Compiègne.
(2) « Si mes contemporains me mé.
« connaissent , s’écriait Girodet dans
GIR 129
le moins , à l'indépendance d’une
imagination qui ne savait s’appli-
quer qu'aux conceptions nées
d'elle-même.
« Chez Girodet, ajoute un cri-
tique éclairé (1),les puissances de
lâme avaient un grand empire
sur la nature physique. Quand il
était occupé de quelqu'ouvrage
important, il semblait qu'il fût
ravi en esprit, et que le corps
n’entrât alors pour rien, dans la
condition de son existence. 11s’é-
tait habitué à peindre la nuit aus-
si bien, mieux même, disait-il,
que le jour, et il passait des se-
maines, des mois, devant sa toile,
sans presque manger , ni dormir.
Son œuvre achevé, lorsqu'il sor-
iait de son atelier , on le revoyait
amaigri et le visage exténué ,
comme après une longue mala-
die, » La constitution de Giro-
det le maintenait dans un état ha-
bituel d’agitation:; ses regards pé-
nétrans et rapides annonçaient
assez la mobilité et la vivacité de
son esprit; sa conversation pleine
de chärme et d'intérêt, surpre-
nait par une originalité piquante
et par des aperçus qui décélaient
sa profonde sagacité. Le nombre
des ouvrages de ce peintre est
loin d’égaler , par exemple ,
ceux que nous ont laissés Ra-
phaël et Le Sueur, moissonnés à
un âge encore moins avancé. La
raison doit en être recherchée
dans l’altération habituelle de sa
santé, dans le soin avec lequel il
finissait ses ouvrages , dans la
« un moment d’amertume, je me jet-
« terai dans les bras de la postérité. »
(1) M. Boutard, Journal des Débats,
du 14 décembre 1824. »
9
130 GIR
mobilité de son esprit, et enfin:
dans la situation indépendante
où la fortune l’avait placé.
On a publié, à l’époque de la
mort de Girodet , et depuis, les
écrits SUIVADS :
1° Catalogue des tableaux, es-
quisses ; dessins et croquis de
M.Girodet-Trioson, etc., rédigé par
M. Pérignon son élève. Paris, im-
primerie de Moreau, 1825; in-6,
de 6 feuilles trois quarts.
La vente de l'atelier de Giro-
det attira un grand concours d’a-
mateurs, et les moindres produc-
tions échappées à son crayon ou
à son pinceau y furent payées de
grands prix.
2° Les Amours des Dieux : Re-
cueil de compositions dessinées
par Girodet, et lithographiées par
MM. Aubry-Lecomte , Chatillon,
Counis, Coupin de la Couprie,
Dassy, Dejuine, Delorme, Lan-
crenon, Monanteul , et Pannetier,
ses élèves; avec un texte expli-
catif, rédigé par M. P. A. Cou-
pin. Paris, lithographie d’En-
gelmann, 4 livraisons in-fol. de
5 planches chacune ,; tirées sur
papier-chine , 1825 et 1820.
5° Anacréon : Recueil de com-
positions dessinées par Girodet et
gravées par M. Chatillon son élève ;
avec La traduction en prose des odes
de ce poète, faite: également par
Girodet. Paris, Chaïillou-Potrelle
( imprimerie de F. Didot ),*1825
et 1826; in-4, neuf livraisons.
4° Girodet : 15 décembre. Paris,
1824 , chez les marchands de
nouveautés ; in-8, de trois quarts
de feuille.
5° Paroles prononcées sur la
tombe de M. Girodet-Trioson, par
M. Becquerel, ancien chef de ba-
GUI
taillon du génie. Paris, 1825, im-
primerie de Le Normant fils.
6° Sur Girodet ; par madame la
princesse Constancede Salm. Paris,
A. Bertrand; in-8, de trois quarts
de feuille , en vers.
7° Girodet. Ode en 13 strophes.
Paris, Ponthieu, 1825 ; in-8, d’une
demi-feuille.
8° Sur la mort deGirodet. Ode,
par le marquis de Valory. Paris,
Boucher , 1824 ; in-8, d’une de-
mi-feuille.
0° Aux mûânes de Girodet, Elé-
gie, par M. Ch. P**. Paris, Mau-
rice ; in-8, d’une demi-feuille,
— datée du 15 décmbre 1824.
10° Girodet : par E.Souesme, de
Montargis. Paris, Delaunay, 1825 ;
in-8, d’une demi-feuille, en vers.
Le portrait de Girodet a été
lithographié deux fois, par Vi-
gneron ; en profil, d’après un des-
sin autographe du peintre , et en
trois quarts. Le même dessin au-
tographe a été lithographié par
M. Aubry-Lecomte. On a encore.
un fac - simile, lithographié par
J. B. Lambert, d’un portrait
de Girodet, en trois quarts et en
buste, dessiné par lui-même, en
1824. Les mains qui dessinent et
la draperie ne sont qu’esquissées.
GUILLEMEAU (1) ( Jean-
Jacques-DaNiEL ) , ancien méde-
cin-militaire , descendant d’une
suite non-interrompue de mé-
decins , depuis plus de trois cents
(1)L’articleGuircemeau(Jean-Lovr -
Marie), publié dans l'Annuaire Né-
crologique de 1823, p. 173, doit être
annulé. Les prénoms et les ouvrages
pis indique sont ceux d’un autre
uillemeau, neveu de celui qui fait le
sujet de cet article.
GUI
ans , a terminé sa longue carrière
à Niort ( Deux-Sèvres) , le 18 oc-
tobre , à l’âge de 87 ans 3 mois
et 18 jours, après une courte
maladie. Toute sa vie fut con-
sacrée à l'étude des sciences ;
les langues mortes et la plupart
des langues vivantes lui étaient
familières; dans sa jeunesse , il
voyagea pour son instruction, en
Angleterre et en Italie; un grand
nombre d'ouvrages de médecine,
d'histoire naturelle, de politique,
et même de littérature, ont été
le fruit de ses veilles. Peu de
jours avant sa mort il écrivait en-
core; cependant , il a peu fait
imprimer. Voici quelques - uns
des ouvrages sortis de sa plume
laborieuse.
1° Nosologie méthodique , ou
Classification de toutes les mala-
dies qui aflligent l'espèce humaine.
2° Mémoire sur l'Egyple et la
Guiane (imprimé. ) 5° Moyens pour
cultiver avec succès la garunce dans
le département des Deux-Sèvres
( imprimé ). 4° Notice sur les
ruines d’une ville fortifiée ( Ger-
mon ) dans le département des
Deux-Sèvres, avec carte. 5° No-
tice sur la famille T'héodore-A grip-
pa d’Aubigné. 6° Mémoire sur la
manière de guérir, à volonté, les
fièvres intermittentes. 7° Jeanne de
Fouquet, ou le Siége de Beauvais ;
tragédie en 5 acles et en vers.
8° Mémoire sur l'épargne des vais-
seaux vinaires, et la manière de
faire artificiellement toutes sortes
de vins étrangers. 9° Notice sur
GUI 131
Jacques Gateau, de Niort, mort
en 1628 , prêtre de l’Oratoire , et
sur ses divers établissemens dans
les villes de Niortet de La Rochelle
( imprimé ). 10° Notice sur André
Jousseaume, de Niort, prêtre de
l’Oratoire, mort en 1661 , et au-
teur de plusieurs sermons impri-
més. 11° Histoire des sommeils
extrêmement longs , avec leurs
causes , etc. 12° Wie de Marthe-
Marguerite , comtesse de Caylus ,
fille de Philippe de Valois, sei-
gneur de Villette et de Murcay ,
née à Niort, le 18 avril1671, au-
teur des Souvenirs , etc. 13° No-
tice sur la vie et les ouvrages de
Jacques Hiver, auteur d’un poëme
intitulé : {e Printemps. 14° Con-
jeciures sur le but, les motifs et la
destination du monument soulter-
rain découvert à Niort , hors de la
porte Saint-Gelais, en 1818 (im-
primé }. 19° Notice sur le père
Isidore Binet , père provincial des
capucins, né à Niort, sous le
règne de Henri II. 16° Fragmens
d’une histoire entomologique des
environs de Niort. 17° Histoire de
la ville de Niort, et des maires qui
ont successivement gouverné cette
ville. 189 Vied Tsuac de Beausobre,
auteur de lHistoire du Mani-
chéisme , né à Niort, en 1659 et
mort à Bertin, le 5 juin 1758, etc.
— M. le docteur Guillemeau fut
Pundes fondateurs del’Athénée de
Niort, qu’il a long-temps présidé.
En mourant, il a légué à la ville
de Niort , sa bibliothèque, com-
posée de près de 3000 volumes.
192 HEU
HEU
Ele
BEURTURSERES "a
architecte ; né'à Paris , le 6 mars
1799 ,; passa son enfance à Ver-
sailles , où sa mère s'était reti-
rée, pour vivre économiquement.
Quand le goût des arts du dessin
se fut développé en lui, il vint
étudier à Paris. Recommandé au
marquis de Thiboutaut, comman-
dant-général de l'artillerie, Heur-
tier partit pour l’armée, et fit deux
campagnes , la première comme
dessinateur de plans et de fortifi-
cations, la seconde comme aide-
de-camp de M. de Thiboutaut.
Ramené par la paix à ses goûts
naturels , il obtint le grand prix
d'architecture , en 1704, et alla
passer à Rome les quatres années
de sa pension. Il y forma son style
sur l'antiquité, et en rapporta
dans ses portefeuilles, de nom-
breux souvenirs. Mais la fortune,
peu favorable à sa gloire, ne lui
permit qu’une seule fois de faire
preuve de talent et d'invention.
C’est M. Heurtier qui a construit
le théâtre de la place Favart, en
1782. Le reste de sa vie fut con-
sacré à soigner et à restaurer les
monumens de Versailles. Il fut
attaché aux bâtimens de cette ré-
sidence royale, à son retour d’'I-
talie, d’abord comme suppléant-
titulaire. 11 devint ensuite in-
specteur du château, enfin archi-
tecte du Roï et inspecteur de tous
les bâtimens. Il continua d'être
employé à Versailles, dans des
fonctions analogues,durant la Ré-
volution; mais on concoit que
les circonstances durent en dimi-
nuer beaucoup l'importance et
l’activité. Depuis, M. Heurtier
fut attaché à la grande voirie de
Paris et entra au Conseil des bâti-
mens civils. Il est mort à, Ver-
sailles, plus qu’octogénaire, dans
le courant de l’année 1825. Mem-
bre,avant la Révolution, de l’Aca-
démie royale d'architecture, il fut
appelé depuis, à la section d’archi-
tecture de la classe des beaux-arts
de l’Institut. C’est au nom de cette
compagnie, que M. Quatremère
de Quincy, son secrétaire perpé-
tuel, a prononcél’éloge de M. Heur-
tier, dans la séance publique du 2
octobre 1824 (imprimé dans la col-
lection de l’Institut, chez F. Didot,
182/4,in-4.) — «MM. Peyre et de
Wailly, dit M. Quatremère, ve-
naient de construire la Comédie
française. Il s'agissait aussi d’un
nouvel établissement pour ce
qu'on appelait les Comédiens Ita-
liens , ou l'Opéra - Comique.
M. Heurtier fut chargé d’en com-
poser et exécuter l’architecture. À
Paris, où le terrain pour bâtir
coûte souvent plus cher que la bäâ-
üsse , le difficile a presque tou-
jours été, non pas de faire un
monument , mais de lui faire
une place, et il ne paraît pas que
cette difficulté soitdiminuée denos
jours. On sait cependant à quel
point la beauté d’un emplacement
ajoute à celle d’un édifice : et
quelédificeen demande plus qu’un
théâtre , où afflue un si grand
concours de monde? Aussi M,
Heurtier s’applaudit-il du dessein
formé, de placer son théâtre en
reculée, sur les terrains qui de-
vaient s'ouvrir devant une des
"HEU
plus belles parties de la promenade
des boulevards. Ce fut pour figu-
rer de ce point de distance, qu'il
composa le péristyle ionique de sa
façade ; c’est -à-dire que le mo-
nument devait occuper le terrain
de la place actuelle, et cette place
celui du monument. Mais, à va-
nité des calculs de l'artiste ! une
autre sorte de vanité, celle des
comédiens d'alors, s’était alarmée
d’un rapport de position entre
leur théâtre etles petits spectacles,
qu’une appellation vulgaire dési-
gnait par le nom de leur em-
placement. « On pourrait donc
»aussi, disaient-ils, les appeler
» comédiens des boulevards.» Ce
fut là une objection sans réplique.
Le projet de M. Heurtier allait
être abandonné ( tant est grande
la puissance des mots contre celle
des choses! ) lorsqu’il fut proposé,
par manière d’accommodement ,
que le théâtre tournât le dos au
boulevard, comme pour protes-
ter, par ce signe d'opposition,
contre ce qu’il pourrait y avoir
de commun entre eux. En vain
M. Heurtier fit valoir la beauté de
la situation, l'accord de son péris-
tyle avec la distance du point de
vue pour lequel il était composé,
et le désaccord qu'il aurait avec
l’exiguité de la nouvelle place : il
fut obligé de faire faire volte-face
à son théâtre. L’architecture ex-
térieure ; la seule chose aujour-
d’hui de ce monument qui appar-
tienne en propre à son auteur, est
restée telle qu’il l'avait projetée ;
et il y a sans doute de quor, pour
l'artiste, y admirer le beau galbe
des colonnes, la pureté des pro-
fils, la simplicité élégante de
l'ordonnance ; l’exacte propor-
tion des formes, l’harmonie de
HUR 133
l’ensemble, et la sévère exécution
des détails. Mais celui qui connaît
toutes les causes des effets de
l'architecture , sait qu'aucun art
plus que celui-là,ne vit de rapports
et de correspondances. C’est un
avantage pour tout objet d’art ,
d’être vu et placé selon l’inten-
tion du sujet : c’est une nécessité
pour l'ouvrage d'architecture,
destiné plus que tous les autres ,
à s'adresser aux sensations de la
multitude, qui ne sait, ni ne peut
savoir les raisons du bon et du
mauvais effet de ce qu’elle voit ,
et ne saurait, avec l’aide de l’ima-
gination, corriger le défaut invo-
lontaire d’une position inoppor-
tune. Ainsi presque tout le monde
s’estaccordé à accuser M. Heurtier
de lourdeur dans un péristyle, qui,
vu d’où il aurait dû l'être, n’au-
rait manqué certainement ni d’é-
légance ni de légèreté. »
HURTAULT (Maximicren - Jo-
serx ), architecte , naquit à Hu-
ningue, en Alsace, en 1565,
d’une famille pauvre. II recut ,
sous le directeur des fortifications
de cette ville, les premiers élé-
mens du dessin, et montra dès
son plus jeune âge un goût décidé
pour les arts. Les circonstances
Payant amené à venir chercher
des ressources à Paris , il y trouva
quelques parens, qui voulurent lui
faire embrasser la carrière du
commerce ; mais sa vocation l’en
détournait. Il se mit à travailler
comme tailleur de pierre; bientôt
il conduisit les constructions qui
s’exécutaient dans les bâtimens
de la Reine, à Trianon, et y obtint
ensuile l'emploi de dessinateur ,
sous la direction de M. Mique ,
premier architecte de la princesse.
134 HUR
La Révolution survint et enleva
cette place à Hurtault. Ses con-
naissances en dessin et en mathé-
matiques le firent employer suc-
cessivement, dans ladministra-
tion de la grosse artillerie, puis
comme professeur adjoint à l’E-
cole polytechnique. Sa collection
de dessins en renfermait plu-
sieurs, qu'il avait composés pour
servir de modeles dans cetteécole.
Enfin , il devint inspecteur des
salles d’assemblée des conseils
des Anciens et des Cinq-cents.
Cependant son sort n’était point
encore assuré , mais il s’amélio-
rait, et son premier soin fut d’ap-
peler auprès de lui une mère qu’il
chérissait , et avec laquelle il par-
tageait le fruit de <es travaux.
Toutefois, il trouva les moyens de
commencer dès cette époque, à
réunir les premiers élémens d’une
bibliothèque et d’un cabinet d’ar-
chitecture , où furent successive-
mentaccumulés durant trente ans,
les ouvrages les plus précieux et
les plus rares qui concernent cet
art, presque tous choisis avec un
goût et un luxe remarquables (1).
Hurtault quin’avait fait dans sa
jeunesse que des études irrégu-
lières et incomplètes , les reprit
dans l’âge mûr , à l’école de M.
(1) On a publié, 1° du vivant de
M. Hurtauit : Catalogue des livres de
la bibliothèque de M. *** (rédigé par
M. Barbier jeune). Paris, imprimerie
bibliographique, 1805 ; in-8, cent cin-
quante-une pages, avec une table des
auteurs. 2° Après la mort de M. Hur-
tault : Catalogue des livres composant
Ja bibliothèque de feu M. I. Hurtault.
Paris, Merlin, 1824 ; in-8, cent soixante-
:ix pages, précédé d'une notice sur Hur-
‘ault, et orné de son portrait, lithogra-
phié par Vigneron.
HUR
Percier. Des succès académiques
couronnèrent son zèle : il obtint
un grand prix d'architecture , et
se présenta plusieurs fois dans la
lice, avec des projets qui réuni-
rent un grand nombre de suffra-
ges, tels qu'un monument à
Desaix, des colonnes départe-
mentales à la gloire des armées
francaises, etc. Enfin, il fit le
voyage d'Italie. Durant un sé-
jour de vingt mois dans ce pays,
il recueillit et dessina une pré-
cieuse collection de monumens
et d’édifices de tout genre : elle
a été donnée par sa famille, à
M. Malpièce son élève. Hurtault,
qui depuis onze ans était employé
à l'inspection des grands travaux
qui s’exécutaient aux Tuileries ,
sous la direction de MM. Percier
et Fontaine, fut nommé , quel-
que temps après son reteur d'I-
talie, architecte du château de
Fontainebleau , bäti par Fran-
cois I et embelli par le talent de
Vignolle et du Primatice. Le
nouvel architecte s’occupa d'a-
bord de la reconstruction de la
galerie de Diane, qui tombait en
ruine. Cette restauration présen-
tait, dans son exécution , plu-
sieurs difficultés à vaincre ; il les
surmonta avec beaucoup d'art.
Quoique circonscrit dans des li-
mites que les appartemens voisins
ne permettaient pas de changer ,
Hurtault a su trouver le moyen
de déguiser l'extrême longueur
de la pièce, comparée à sa largeur,
en plaçant aux deux extrémités
des arcs doubleaux , supportés
par des colonnes d'ordre dorique
en stuc, lesquelles à l'entrée, mé-
nagent une espèce de vestibule,
d’où l’on monte à la galerie , par
sept degrés en marbre, et qui, du
HUR
voté oppose, forment un salon
décoré avec plus de richesse en-
core que la galerie même. Huit
pilastres de même ordre que les
colonnes, marquent lé milieu de
la galerie, et rappellent très-heu-
reusement l’ordonnance des deux
extrémités et de l’ensemble. La
galerie estéclairée sur le fossé, du
côté de la ville, par une grande
croisée cintrée, avec un beau
balcon en pierre, dans le style de
la renaissance. Les quatre tru-
meaux qui se trouvent de chaque
côté des portes, sont revêtus de
stuc, et sur un fond blanc ; dans
le milieu, sont peints &es sujets
relatifs à l'histoire de Diane. Les
panneaux sont encadrés par des
ornemens de la plus grande dé-
licatesse. La coupure est en com-
partimens , peints en blanc, re-
haussés d’or ; les panneaux sont
remplis par des peintures , em-
pruntées aussi de l’histoire de
Diane et qui ont été exécutées par
M. Blondel. Des glaces placées
entre les colonnes , etles pilastres
des différens arcs-doubleaux du
vestibule et du salon, ajoutent
encore à la magnificence et à la
décoration de cette belle galerie.
Dans le jardin qui se trouve
sous les fenêtres de la même ga-
lerie , M. Hurtault a élevé un
petit monument qui est à la fois
un modèle d'élégance dans son
ensemble, de finesse et de goût
dans ses détails : c’est la fontaine
de Diane. Elle est construite sur
un plan circulaire ; quatre larges
gradins en marbre blanc Ja dessi-
nent; son diamètre de trente-
quatre pieds au gradin supérieur,
se réduit à dix-neuf pieds au gra-
din inférieur qui entoure les
eaux. Dans le milieu du bassin,
HUR , 199
sur un socle carré , dont les qua-
tre faces sont ornées de têtes de
cerfs qui jettent de l’eau, s'élève
le piédestal circulaire sur le-
quel est placée la statue de Diane.
Une riche et élégante balustrade
en fer doré, coupée par douze
piédestaux qui supportent des
vases de forme antique , entoure
et ferme ce bassin.
M. Hurtault à aussi dessiné à
Fontainebleau, unjardin pittores-
que de la plus belle ordonnance :
un terrain inculte , ingrat , maré-
cageux , sans mouvement, sans
point de vue , de la forme la plus
irrégulière ; fut méthamorphosé
en une année, en un parc déli-
cieux, dans le style anglais. Les
plantations ontété combinéesavec
art, de manière à dérober à la vue,
la majeure partie des bâtimens
voisins pour n’en laisser aperce-
voir que les façades pittoresques.
Des percées habilement ménagées
rattachent l’ensemble du jardin à
la forêt , et semblent ainsi réunir
ses montagnes agrestes au sol
riant du nouveau jardin; une
belle et grande allée, dont les con-
tours sont dessinés largement,
embrasse toute l'étendue du jar-
din qu’elle domine.
Les cascades du Tibre , dans le
même château de Fontainebleau,
ont été reconstruites sur les des-
sins de M. Hurtault; malheureu-
sement, il ne les a pas achevées.
La cour de la Fontaine , dont
l'architecture est de Serlio, a été
restaurée par Hurtault, en res-
pectant le caractère que lui avait
donné le premier architecte. Son
porte-feuille contenait une foule
d’autres restaurations projctées.
Il fit élever dans la forêt , une
chapelle avec un porche, pour
L D
136 HUR
servir d'asile aux voyageurs. Ce
petit édifice rappelle ceux du
même genre que l'on rencontre si
souvent en Italie.
Indépendamment de travaux
importans que M. Hurtault a sui-
visou dirigès dans les bâtimens de
la couronne, il a construit plusieurs
maisonsou édifices particuliers,qui
tous portent le cachet de ce carac-
tère simple, gracieux et noble,qu'il
savait donner à ses productions. On
distingue particulièrement parmi
ces ouvrages, une maison ( pas-
sage Ceudrier ) dont la distribu-
tion et la décoration eurent une
heureuse influence sur le goût des
constructions de ceite époque ; un
manège dans la rue Saint-Honoré,
où il sut allier dans la facade, le
double caractère d’un établisse-
ment publie au soubassement et
celui d'habitation, dans la partie
supérieure qui était consacrée au
logement du chef de l'école d’'e-
quitation ; un hôtel rue de la Paix
remarquable surtout par le ca-
ractère de la décoration extérieure;
enfin sa propre maison , rue
Richepanse , qui peut être con-
sidérée comme un chef-d'œuvre de
simplicité et de goût. Le préfet
de la Seine ayant demandé à di-
vers architectes , des projets de
fontaines monumentales pour la
ville de Paris, M. Hurtault pré-
senta le sien, qu'on à vu à l’ex-
position de 1818. Sa fontaine était
consacrée à Apollon et aux Muses;
elle devait être placée sur le bou-
levard Bonne-Nourvelle.
M. Hurtault obtint successi-
vement les principales distinc-
tions de la carrière qu’il parcou-
rait. Il fut élu membre de lIns-
titut , le 15 février 1810 ; il était
aussi membre du jury de l'Ecole
HUY
des beaux-arts. Le ministre de
l'intérieur le nomma inspecteur
général et membre du Conseil des
bitimens civils ; enfin, l’adminis-
lration des bâtimens de la Cou-
ronne l’appela à la direction des
travaux de Saint - Cloud : il y
donna de nouvelles preuves de
son habileté, dans la construc-
tion des petits pavillons de la
grille de Sèvres , et dans l'éta-
blissement d’un jardin à Mon-
tretous, pour M. le duc de Bor-
deaux. M. Percier l’avait proposé
lui-même, pour le remplacer dans
l'exécution du monument à éle-
ver à la mémoire du feu due de
Berri : mais une mort inopinée
priva notre artiste de l'avantage
d'y attacher son nom. Hurtault
mourut à Paris, le 2 mai 1824 :
plusieurs discours furent pro-
nonces sur sa tombe ; celui de
M. Mazois, au nom du Conseil
des bâtimens civils ,; a été im-
primé (Paris, F. Didot, in-8,
12 pages ).
HUVIER pes FONTENELLES
(Pierre-Marte-FRaxcois) naquit à
Coulommiers.en Brie. Aprèsavoir
été eleve au collége royal de Juil-
ly, il passa plusieurs années dans
la congrégation de lOratoire. 11
la quitta vers 17S0 , pour aider
son père, bailli de Coulommiers
et subdélégué de l'intendance.
Les lecons, les exemples d’un
père très-instruit, auraient fait de
M. Huvier des Fontenelles un
excellent administrateur ; mais
l'éloignement qu'il professa con-
stamment, pour les principes de la
Révolution, lempècha d'accepter
aucune place avant le retour de
la maison de Bourbon. La cul-
ture des lettres a rempli presque
HUV
tous ses momens. Personne n’a
mieux su que lui intéresser les
sociétés qu'il fréquentait par le
récit d’anecdotes piquantes et
variées , ou les amuser par ces
jeux dont il a fait la description.
Les Soirées amusantes , ou Entre-
tiens sur les jeux à gages et aulres.
Paris, veuve Duchesne , 1788.
— Nouvelle édit. 1590 , in-12.
Son ouvrage fut accueilli très-fa-
vorablement ; il est à regretter
que l’auteur n’en ait pas, dans
une nouvelle édition dirigée par
lui-même , fait disparaître des né-
gligences de style et desréflexions
peu mesurées, qui lui ont été jus-
tement reprochées. À son insu,
Lacombe l’a inséré en 1599, dans
la LXVI* livraison de l Encyclo-
pédie Méthodique , contenant les
jeux mathématiques et les jeux
familiers. Il se contente de dire
que ces entretiens sont tirés des
Soirées amusantes ,; sans même
donner la date de l’ouvrage.
M.Huvier des Fontenelles a publié
quelques brochures politiques,
sous le voile de l’anonyme (1). Il
envoya, en mars 1799, à la s0-
ciété des Diners du Vaudexille,
une liste d’airs, dont M. Capelle
(1) 19 La Targetade, tragédie un
peu burlesque, parodie d’ Athalie, de
Bacine. Paris, 1791; in-8, de soixante-
quinze pages (anonyme). — contre
Target, rapporteur du comité de ré-
vision de la constitution de 1791.
20 Les Remontrances du parterre,
HUV - 137
paraît avoir profité pour la com-
position de l’ouvrage qu’il a pu-
blié sous ce titre : La Clefdu Ca-
veau, à l’usage de tous les chan-
sonniers français, etc. ; par C***,
du Caveau moderne. Paris, Ca-
pelle et Renand , 1811 , in-8
oblong. Les auteurs des Di-
ners du Vaudeville adressèrent à
mon compatriote un reçu , en
trois couplets très-flatteurs pour
lui. — Lorsque les troupes alliées
se sont approchées de Coulom-
miers, le village de Monroux fut
incendié; la maison de M. Hu-
vier des Fontenelles qui en est
éloignée d’une demi-lieu, a été
pillée par les Cosaques. Il s’enfuit
dans les bois qui lavoisinent ;
mais les Cosaques ont fouillé ces
bois et ont dépouillé complète-
ment les malheureureux fu yards.
Le nouvel ordre de choses qui
s’ouvrait pour M. Huvier des
Fontenelles , et qui était si con-
forme à ses vœux , l’'empêcha de
se plaindre. Il est mort maire de
sa commune de Monroux , le
21 octobre 1825 , âgé de 66 ans
(Extrait du Dictionnaire des ou-
vrages anonymes et pseudonymes ;
par M. Barbier : seconde édition.
T. III. pag. 265. n° 17,112).
ete.; par M. Bellemare, ci-devant
commissaire-general de police à An-
vers; réfutées par M. H. D., otage de
Louis XV1. Paris, Panckoucke, 1814;
in-8, de trente-neuf pages.
138 JUB
JUB
J.
JUBÉ (Awevwsre , baron de La
PÉRELLE), né le 12 mai 1565, entra
dans l’administration de la marine
en 1#86 . et fut employé sur les
côtes de l'Océan, en 1789, par les
généraux Dumouriez , Soucy et
Wimpfen. Il devint successive-
ment , chef de la première légion
des gardes nationales de la Manche,
en 1792. inspecteur des côtes de
la Manche , en 1705, et l’année
suivante, inspecteur géneral des
côtes. En 1596 ; Jubeé était passé
dans l’armée de terre , avec le
grade d’adjudant général; il fut
employé auprès du général Hoche,
dans les fonctions de chef d’état-
major. Le 18 brumaire , an VIIT,
il se trouvait commandant de la
garde du Directoire. Bonaparte lui
confia pareillement le soin de la
première organisation de la garde
des consuls , maïs il le fit ensuite
passer dans l’administration civile.
M. Jubé fut d’abord membre du
Tribunat, où il paya son tribut
d’encens à l’idole du jour; en-
suite préfet de la Doire (Piémont }
et du Gers. Après la Restauration,
Jubé qui avait écrit sur l'histoire
de la guerre , fut attaché au dé-
pôt général de ce département,
avec le titre d’historiographe.
Plus tard , il fut mis à la retraite,
mais avec le grade de maré-
chal de camp et les décorations
de chevalier de Saint - Louis
et de commandant de la Légion-
d'Honneur. Le général Jubé est
mort à Dourdan ( Eure-et-Loir ),
le 1° juillet 1824, âgé de 59 ans.
Liste des ouvrages d’ A. Jubé.
L. Histoire des guerres des Gau-
lois et des Français en Italie, avec
Le tableau des événemens civils et
militaires, depuis Bellovèse jusqu’à
la mort de Louis XII , par Jubé;
et depuis Louis XIT jusqu’au traité
d'Amiens, par le général Servan.
1805. # vol. in-8, avec atlas.
Jubé est l’auteur seulement du
1“ volume de cette histoire ;
les six autres sont du général
Servan.
IT Hommage des Français à
l’empereur Alexandre. De la né-
cessité de transmettre à la posté-
rité le souvenir des bienfaits de
l'empereur Alexandre et de ses
augustes alliés, et des moyens
de signaler la reconnaissance des
Français. Paris , imprimerie de
F. Didot, 1814, in-8, d’une feuille.
LI. Lettre d’un Français à lord
Stanhope , et Réflexions sur l’évé-
nement arrivé à lord Wellington ,
dans la nuit du 10 au 11 février.
Paris, Plancher, 1818; in-8, d'une
feuille un quart.
IV. Le Temple de la Gloire, ou
les-Fastes militaires de la France ,
depuis le règne de Louis XIV
jusqu'à nos jours. Paris, Ra-
pet, 1819; 2 vol. in-fol. avec
4o gravures.
V. Histoire générale militaire des
guerres de la France, depuis
le commencement du règne de
Louis XIV jusqu'à l'année 1815.
L'ouvrage devait avoir 3 vol.;
la publication du dernier à été re-
tardée jusqu’à ce jour , par la ma-
ladie et la mort de l’auteur. Le
manuscrit se trouve dans ses pa-
piers.
Le général Jubé a coopéré à la
LAB
rédaction du Journal général ,
feuille de lopposition, en 1818
et années suivantes.
JUGE-SAINT-MARTIN (J.J.),
ancien professeur d'histoire na-
turelle à l’école centrale de Li-
moges, vice-président honoraire
de la societé d'agriculture, scien-
ces et arts de la même ville, y
est décédée, dans un âge avancé ,
au commencement de l’anné1 824.
Cet estimable agronome répandit
autour de lui, le goût d’une agri-
culture éclairée, non-seulement
par l'influence de ses exemples,
mais aussi par ses instructions et
par les secours qu’on trouvait
dans ses pépinières. La société
royale d'agriculture de Paris,
dont il était devenu correspon-
dant , lui avait décerné une mé-
daille d’or, pour avoir mis les
cultivateurs de son voisinage à
portée de se procurer chaque
année , des milliers d'arbres de
différentes espèces, qui n’avaient
jamais été cultivés dans son can-
ton. Des plantations d’arbres vi-
goureux et variés, couvrent au-
jourd'hui par les soins de Juge,
plus de deux cents hectares de
LAB 139
mauvaises terres qui formaient le
domaine de ses ancêtres.
Liste des ouvrages
deJ. J. Juge-Saint-Martin.
I. Traité de la culture du chêne.
1588 , in-8.
IT. Notice des arbres et arbustes
du Limousin. Limoges , 1790 ;
in-8. à
III. Observations méteréologi-
ques et économiques, faites pendant
Pannée 1791, dans le département
de la Haute-Vienne. 1591, in-8.
1V. Proposition d’un congrès de
paix générale.15798, in-12.
V. Théorie de la pensée, de son
activité primitive, et de sa conti-
nuation par les songes. 1806,
in-8.
VI. Changemens survenus dans
les mœurs des habitans de Limoges,
depuis une cinquantaine d’années.
Deuxième édition, augmentée des
changemens survenus depuis 1808
jusqu’en 1815, où l’on a mentionné
les nouveaux établissemens et quel-
ques faits historiques inédits , etc.
Limoges , Bargeas , et Paris,
M°° Huzard, 1817; in-8, de qua-
torze feuilles et demie.
L.
LABARTHE ( Pierre }, issu
d'une famille noble, naquit à
Dax, département des Landes,
le 9 juin 1560. Eleyé à Bordeaux,
où son père avait formé un éta-
blissement commercial, il fit ses
études à l’université de cette ville
et y fut reçu avocat. Mais des
liaisons de parenté et d'amitié le
dirigèrent vers une autre carrière,
En 1785, M. Devaivre, appelé à
l'intendance générale des colonies,
le choisit pour son secrétaire : il
ne tarda pas à être employé dans
l'administration elle-même. En
1594; Labarthe fut nommé chef
du bureau des colonies orientales
et des côtes d'Afrique ; au minis-
tère de la marine, Pendant qua-
torze ans qu'il occupa ce poste
140 . LAB
important , il eut le loisir de re-
cueillir une ample moisson de
documens authentiques , et d’ob-
servations importantes qui ren-
dentutileset précieuxles ouvrages
qu'il a publiés sur les colonies.
L'affaiblissement de sa vue le força
à demander sa retraite , qu’il ob=
tint en 1808, après vingt-cinq ans
de services. P. Labarthe est mort
à Paris, le 6 juin 1824. — M. Al-
lut a donné une Notice sur la vie
et les ouvrages de P. Lubarthe,
dans les Annales maritimes et colo-
niales.N° de juillet et août 1824,
pag. 162 - 164.
Liste des ouvrages
de P. Labarthe(à1).
I. Essai sur l'étude de la législa-
tion de la marine, tant ancienne que
moderne, avec les notices des décrets
rendus par les assemblées sur cette
matière , rangés par ordre métho-
dique. 1596, in-8, de trente-deux
pages.
IT. Annales maritimes et colonia-
les, contenant des recherches sur La
marine considérée sous les rapports
qui la caractérisent, la navigation ,
La construction et l'administration;
des relations des voyages en Asie,
en Afrique et en Amérique qui
n’ont jamais paru ; les actions mé-
morables des marins français ; les
lois et arrêtés relatifs au régime ma-
ritime et colonial ; l’analyse des
ouvrages nouveaurt sur la marine et
les colonies ; le tableau des prises
faites par la merine de la Républi-
que et les corsaires français , depuis
(1) Extrait de la Bibliographie de la
France , rédigée par M. Beuchot; vol.
de 1824, p. 566.
TT ES
LAB
Le commencement de la guerre. Paris,
Didot le jeune , et chez Bossange,
Masson et Besson. An septième ,
in-8. A
III. Voyage au Sénégal, pendant
les années 1784-85, d’après les
inémoires de Lafaille , ancien ofji-
cier de marine ; contenant des re-
cherches sur la géographie, la na-
vigation et le commerce de la côte
occidentale d'Afrique, depuis le
Cap-Blanc jusqu'à la rivière de
Sierra-Leone, avec des notes sur la
situation de cette partie de l Afrique
jusqu’en l’an À. Paris, Dentu;
1802 , in-8; — traduit en alle-
mand, Mayenceet Weimar, 1802,
in-8.
IV. Voyage à la côte de Guinée,
ou Description des côtes d’ Afrique,
depuis le Cap-Tagrinjusqu’'auCap
de Lopès Gonzalés, contenant des
instructions sur la traite des noirs,
d’après des mémoires authentiques ,
avec une carte gravée sous la direc-
tion de Brion fils, d’après un dessin
fourni par l'auteur. 1803, in-8 ;
— traduit en allemand par J. Ad.
Bergk. Leipzig, 1803, in-8.
V. Synonymes anglais, ou Diffé-
rences entre les mots réputés syno-
nymes dans la langue anglaise, avec
la traduction française en regard ;
ouvrage utile à ceux qui veulent
écrire et parlèr avec justesse et élé-
gance; traduit par P. L. 1805,
2 vol. in-8.
VI. Harmonies maritimes et eolo-
niales, contenant un Précis des éta-
blissemens français en Amérique ,
en Afrique et en Asie. Paris, im-
primerie de Didot jeune ; 1819;
in-8 , de cinq feuilles.
VII. Intérêts de la France dans
l'Inde, contenant, 1° l'indication
des titres de propriété denos posses-
sions d’ Asie ; 2° Epoques de nos
LAB
succès et de nos revers dans ces con-
trées ; 5° Les actes relatifs à la rétro-
cession de nos établissemens, après La
paix de 1583. Paris, imprimerie
de Didot le jeune , 1816; in-8, de
quatre feuilles.
Enfin, P. Labarthe a donné des
articles dans le journal intitulé :
Annales maritimes et coloniales, ré-
digé par M. Bajot.
LABOULLAYE - MARILLAC
(-.:...),chimiste, prenait
le titre de comte honoraire de
Brioude. Après s'être mis au rang
des personnes qui s’offrirent vo-
lontairement, comme otages de
Louis XVI, il servit, en qualité
d’oflicier , dans l’armée des prin-
ces, etobtint la croix de Saint-
Louis. Durant l’émigration, il prit
le grade de docteur en médecine,
à l’université de Goettingue. De-
puis la Restauration, il obtint les
emplois importans de directeur
de la manufacture de tapisserie
des Gobelins, et de contrôleur
des dépenses, au ministère de la
maison du Roi. Laboullaye-Maril-
lac est mort à Paris, le 25 août
1824. Nous connaissons de lui :
I. (Avec Tonnelier ) Voyages
entrepris dans les gouvernemens mé-
ridionaux de l’empire de Russie,
dans les années 1793 et 1594, par
le professeur Pallas, traduit de
l'allemand. Paris, 1805; deux vol.
in-4, et atlas in-fol.—Les mêmes,
Paris, 1811, 4 vol. in-8 , et atlas
in-4.
Une autre traduction de cet
ouvrage, en 2 vol. in-4 , et atlas
in-fol. avait déjà paru à Leipzig,
de 1599 à 1801.
Il. Mémoires sur les couleurs
inaltérables pour la teinture, décou-
vertes par M. de Laboullaye-M aril-
LAC 141
lac, etc. ; lu à la séance de la pre-
mière classe de l’Institut, le 29
mai 1814, et suivi du Rapport fait
à la classe des sciences physiques et
mathématiques , le 24 octobre 1824,
par MM. V'auquelin, Gay-Lussac
et Berthollet, Paris, Pillet, 18143
in-4, de deux feuilles et demie.
LACRETELLE aîné ( Prerre-
Louis) naquit à Metz, en 1751.
Son père, avocat distingué au
Parlement de Nancy, le destina
de bonne heure à la carrière du
barreau. Une occasion favorable
se présenta, en 1777, de prouver
à quel point il est possible d'allier,
dans les discussions judiciaires ,
les considérations de droit public
et de morale universelle, aux
discussions de droit et d’inté-
rêt privé. Le jeune Lacretelle
eut à plaider pour deux Juifs
de Metz , contre l’hôtel-de-
ville et le corps des marchands de
Thionville , qui leur refusaient le
droit de prendre des brevets pour
faire partie du corps des mar-
chands, droit accordé par lédit
de 1767, non-seulement aux na-
tionaux , mais encore aux étran-
gers. C’est par cette affaire qu’il
débuta au parlement de Nancy;
Ja justice et la raison étaient pour
M. Lacretelle : il perdit sa cause
au palais; mais léloquent mé-
moire qu'il publia à cette occa-
sion, a été long-temps cité comme
un modèle d'élégance de style et
de cet esprit philosophique qui
fut l’un des caractères de son ta-
lent. On reconnait le même esprit
dans un de ses mémoires de cette
époque, pour une comédienne ré-
clamant son douaire. Ces pre-
miers succès firent concevoir au
jeune avocat messin l’ambition de
142 LAC
se produire sur le théâtre plus
séduisant de la capitale. II vint à
Paris en 17578, et fut inscrit l’an-
née suivante. au tableau des avo-
cats en parlement; en même
temps, il devenait l’un des rédac-
teurs du Grand Répertoire de ju-
risprudence. Toutefois , le barreau
ne le fixa point exclusivement ;
même il ne s’y occupa guère que
de la rédaction de mémoires im-
primés, parmi lesquels on cite
encore ceux qu'il publia pour le
comte de Sannois, détenu arbi-
trairement, à l’instigation de sa
famille , sous prétexte d’aliénation
mentale ; et le mémoire pour la li-
berté du commerce, contre les
priviléges de la compagnie des
Indes, que le ministre Calonne
venait de rétablir. La période
de 1580 à 1790 fut celle des suc-
cès littéraires les plus remarqua-
bles de M. Lacretelle. Des jeunes
gens qui bientôt devinrent des
. hommes célèbres , furent alors
ses amis, ses camarades ; de ce
nombre étaient Garat, Fontanes,
Suard , Ginguené, M. de Pasto-
ret. À côté d’eux et à leur exem-
ple, M. Lacretelle s’adonna à la
littérature philosophique ; il en
recueillit les palmes dans les lices
académiques, où elles croissaient
alors sans contrainte. L’Eloge de
Montausier , couronné par l’Aca-
démie française, le Discours sur
le préjugé des peines infumantes,
des écrits sur des points importans
de philosophie législative ou sur
les diverses théories de plusieurs
genres d’éloquence , enfin, des
articles dans le Mercure de France,
élevèrent assez haut la réputa-
tion littéraire de M. Lacretelle ,
et ne restèrent pas sans influence
sur les progrès de la raison pu-
LAC
blique. L'on peut dire que cet
écrivain a efficacement contribué
à jeter le barreau moderne dans
cette voie nouvelle que le gouver-
nement représentatif lui promet
si brillante. « Le caractère princi-
pal des écrits de philosophie ju-
diciaire de M. Lacretelle, dit
M. Parent-Réal (Revue Encyclopé-
dique, tom. XIX , pag. 322),
c’est l’alliance nouvelle et intime
de la philosophie à la jurispru-
dence , du talent littéraire aux
oracles du droit. Leur effet con-
stant est d'indiquer les ressources
philosophiques et littéraires que
peuvent offrir les moindres causes
du barreau et surtout les grandes,
dont l'intérêt les détache des ou-
vrages ordinaires des juriscon-
sultes pour les placer dans la
bonne littérature ; c’est de prou-
ver, par des exemples autant que
par des principes, que les choses
judiciaires ont souvent un contact
utile avec les vues politiques; et
que la jurisprudence où l'étude
pratique des lois doit être consi-
dérée comme une partie de la
science sociale et non comme une
rubrique du palais.» —Admis dans
les cercles littéraires de cette épo-
que, M. Lacretelle y connut par-
ticulièrement d’Alembert, Con-
dorcet, La Harpe, Marmontel,
Saint-Lambert, Buffon, Turgot,
et surtout le vertueux Malesher-
bes. Il allait souvent visiter ce
dernier dans la terre dont il por-
tait le nom, et rêver avec lui aux
progrès de la civilisation, des
mœurs publiques, et au perfec-
tionnement des institutions natio-
nales. Ses rapports avec Buffon
furent moins intimes et moins
affectueux : néanmoins , il était
d’une réunion du Dimanche, dans
LAC
une maison de campagne que le
naturaliste possédait aux environs
de Paris, et au sein de laquelle il
se plaisait à disserter savamment
des artifices du style.
En 1587, M. Lacretelle avait
été placé, par le crédit de Males-
herbes, dans une commission
nommée par le Roi pour préparer
des projets de réforme de la légis-
lation pénale. Il fut, en 1789 ; un
des électeurs de Paris et membre
de la première commune élue par
cette grande cité : alors aussi, il
avait été nommé député-suppléant
de Paris aux Etats-généraux; il
ne siégea point dans l’Assemblée
constituante, mais dans l’Assem-
blée législative, où il entra comme
député de Paris. M. Lacretelle
était trop éclairé et trop pur pour
hésiter devant la Révolution ;
mais il fut de ce petit nombre en
qui se rencontra celte rare alliance
d’un amour ardent etindomptable
pour la vérité, avec une modéra-
tion parfaite dans le choix des
moyens qui devaient assurer son
triomphe. M. Lacretelle vota avec
la minorité, qui défendait la
constitution de 15791, et peut-être
l’ordre social tout entier. Mem-
bre du club des Feuillans, c’est lui
qui leur fit adopter pour devise:
la Constitution , toute la Consti-
tution, rien que la Constitution.
A l’occasion d’une adresse de fé-
licitation envoyée par le club des
Wihgs à l’Assemblée législative,
il témoigna publiquement son ad-
hésion aux principes de ces véri-
tables patriotes de la Grande-
Bretagne. Enfin, insulté et frappé
au sortir de la séance du 9 août
1702, parce qu’il avait voté contre
la mise en accusation de M. de
Lafayette , il écrivit à l’Assemblée
LAC 145
une lettre énergique , où il s’ef-
forçait de lui faire comprendre les
dangers qui menaçaient tous les
honnêtes gens, si on ne prenait
pas des mesures efficaces contre
les violences brutales et capri-
cieuses de la populace.
Le 10 août condamna M. La-
cretelle à la retraite et au silence :
amitié lui gardait un asile hors
de Paris. Ilreparut aprèsleo ther-
midor, toujours ami de la Révo-
lution, mais professant un juste
éloignement pour ceux qui la-
vaient déshonorée par leurs excès.
Cette opposition fut prise pour du
royalisme par ceux qui songeaient
alors au rétablissement de la mo-
narchie , et il faillit être compro-
mis , parce qu’on trouva des notes
sur son compte dans la corres-
pondance de Lemaïtre, Brottier,
la Vilheurnois et autres, où il était
représenté comme disposé en fa-
veur des Bourbons. M. Lacretelle
futélu, sous le gouvernement du
Directoire, l’un des jurés de la
Haute-Cour nationale.Le 18 bru-
maire flatta un moment ses illu-
sions : il entra au Corpslégislatifen
1801, maisil y vota contre la plu-
part des projets du gouvernement.
Aussi il ne fut pointréélu et nere-
cut aucune part de l’or des nations
et de leurs dépouilles, quelecon-
quérant du monde distribuait à la
France pour la distraire de ses
libertés. M. Lacretelle fut élu
membre de la classe de la langue
et de la littérature française de
l'Institut , à la place de La Harpe.
Fidèle à la mémoire des encyclo-
pédistes, pour lesquels il profes-
sait du respect et de l’amour,, bien
qu'il n’adoptât pas entièrement
leur philosophie, le récipiendaire
versa le blâme, dans son discours
144 LAC
de réception, sur son prédéces-
seur, qui, élevé et grandi sur le
sein des philosophes du dix-hui-
tième siècle, depuis, les combla
d’amertumes et de malédictions.
L'Académie , alors composée des
débris de celle qu’avaient élaborée
avec tant d’intrigues, d’Alembert
et Marmontel, sourit aux cen-
sures austères et mesurées de
M. Lacretelle. Mais son discours
trouva des censeurs virulens dans
des journaux dirigés par une autre
secte , dont la religion , pétrie de
vanité et de haine, n’est pas non
plus celle de l'Evangile,
Sous l’Empire comme sous la
République ; M. Lacretelle sut
conserver son indépendance aux
dépens de sa fortune; et sa pau-
vreté honorable n’excita jamais en
lui une plainte ni un regret. Cette
époque de sa vie fut remplie en
grande partie , par les soins qu'il
voua à la poursuite des réclama-
tions élevées sur les anciens biens
de la maison de Savoie, par le fils
de l’un des princes de Carignan; et
la réclamation du douaire de sa
mère, devenu l’unique ressource
de cette dernière. Après plusieurs
voyages à Turin , après la publica-
tion de divers mémoires sur cette
affaire, après y avoir consumé
une partie de sa fortune person-
nelle, M. Lacretelle obtint enfin
justice du chef du gouvernement
français.
Le règne de Napoléon , en bri-
sant toutes ses espérances et ne
lui présentant qu’une longue per-
spective de la dégradation des
hommes et des peuples , lui avait
ôté tout courage. Avec la plupart
des hommes éclairés et justes , il
se réjouit de sa chute , et son cœur,
ranimé par l'air de la liberté,
LAC
rendit à son esprit une activité
qui semblait éteinte. Avant la Ré-
volution , M. Lacretelle avait co-
opéré à la rédaction du Mercure ,
lorsque cette feuille, rédigée par
La Harpe , Marmontel , Garat ,
exerçail une grande influence sur
la république des lettres. Plus tard,
il avait donné des articles au Pu-
bliciste, de M. Suard. En 1815,
quand MM. Benjamin Constant ,
Etienne, Jouy, Jay et d’autres,
relevèrent le Mercure, qui plus
tard , obtint une si grande vogue,
sous le titre de Minerve française,
ils voulurent s'appuyer du nom
respecté de M. Lacretelle. Le petit
nombre d'articles qu’il publia dans
la Minerve , roule sur les sociétés
savantes, et retrace ses idées par-
üculières sur l'indépendance qu’il
leur souhaite et la tendance utile
qu'il voudrait leur imprimer. En
1820 , le changement survenu
dans les principes de l’adminis-
tration publique, amena ladop-
tion de lois oppressives de la
liberté de la presse. Cependant
la France, tourmentée d’une fiè-
vre brûlante, demandait à en-
tendre la voix de lopposition.
Dans les pays libres, obéir au
texte de la loi est le seul devoir
imposé au citoyen qui l’improuve,
et on lui reconnait le droit d’elu-
der la volonté du législateur, s’il
est assez circonspect et assez ha-
bile pour se soustraire à un texte
impuissant , ou par l'excès de sa
violence, ou même simplement
par son imperfection. M. Lacre-
telle se dévoua à tenter une expé-
rience en faveur de la plus pré-
cieuse des libertés publiques : il
se fit libraire, comme Franklin
fut imprimeur, espérant publier ,
sous la forme de brochures épar-
LAC
ses, le journal périodique dont
les nouvelles lois interdisaient la
continuation. Par là, il trompait
leur vœu fatal, nous pouvous le
dire , aujourd’hui que la France
est affranchie de leur joug, mais
il n'avait pas violé leur lettre. Ce-
pendant on appela devant la po-
lice correctionnelle l'ami de Ma-
ivsherbes , ce vieillard dont le
front rayonnait de candeur et de
vertu, et à l'aspect duquel un jury
français se serait levé peut-être ,
avec vénération,si comme aupara-
vant, la loi plus généreuse l’eût
amené devant lui; et non-seule-
ment il s’assit sur le bancdes accu-
sés, mais encore il fut condamné à
un mois de prison, pour Contraven-
tion aux lois de censure. Il s'était
défendu lui-même avec noblesse et
fermeté. Mais si la condamnation
fut prononcée , l’on sentit que
l'exécution serait impossible. Peut-
être que l’angoisse morale ou la
débilité physique allaient faire expi-
rer sous les verrous un homme de
bien, consacré par d’honorabies
souvenirs : quelque violentés que
fussent encore à cette époque, les
passions politiques, il paraît qu’on
s’effraya de cette chance. La jus-
tice du Roi fit remise à M. Lacre-
telle de lemprisonnement; mais
lui, non convaincu de son délit,
regretta d’avoir manqué d’énergie
pour revendiquer l'accomplisse-
ment de sa peine et s’en fit à lui-
même des reproches. Dans ces
pénibles circonstances , l’Acadé-
mie française s'empressa d’élire
M. Lacretelle pour son chance-
lier trimestriel.
M. Lacretelle consacra les der-
niers jours de sa vie à revoir ses
divers ouvrages et à préparer une
dernière édition de ses œuvres.
LAC 143
Un dépérissement graduel le
conduisit jusqu'à son terme :
« Mon ami, disait-il à M. Jouy
» la veille de son décès , je meurs
»saus regrets : j'ai rempli toute
» ina destinée; j'ai écrit quelques
» pages qui me survivront, voilà
» ma récompense dans ce monde ;
»j'ai fait un peu de bien, voilà
» mon espérance dans l’autre.» IL
expira paisiblement, le 5 septem-
bre 1824, âgé de 75 ans. Ses res-
tes mortels ont été déposés au ci-
inetière du P. Ja Chaise, où MM. le
comte Bigot de Préameneu etJouy,
tous deux de l’Académie française,
ont prononcé son éloge. M. Droz
lui a succédé au fauteuil académi-
que , et l’a loué à son tour, suivant
l’usage , dans la cérémonie de sa
réception (1). M. Parent-Réal,
avocat aux Conseils du Roi, lui a
consacré une Notice dans la Revue
Encyclopédique (t. XXEV, p.551).
On trouve le portrait de M. Lacre-
tele aîné, gravé dans la Coltection
des défenseurs de la Charte et de la
Loi des élections, publiée par Am-
broise Tardieu, et lithographié
dans la Collection des membres de
Plnstitut, par 4. Boilly.
Lacretelle aîné fut un homme
de bien, un écrivain utile, un bon
citoyen. La liberté, qu’il aima et
qu’il défendit toute sa vie, ne fut
jamais pour lui, comme on l’a
tres-bien dit, ni une déesse, ni une
bacchante, mais un droit public. X
traversa avec honneur nos sub-
versions sociales, sans jamais re-
culer devant les conséquences de
(1) On trouve le discours de M. Droz
et la réponse de M. Auger, faisant les
fonctions de chancelier de l'Académie,
dans /e Moniteur des 15 et 16 juillet
1825.
10
146 IE
la vérité qu'il eut le bonheur de
connaître, sans rétracler ses Opi-
nions suivant les circonstances,
par de pusillanimes conceptions
ou par de lîches apostasies. On
l’entendit sur ses vieux jours,
dans la Société des amis de la
l'berté de la presse, professer
avec une ferme conviction, sou-
tenir avec un dévouement plein
de chaleur, les principes politi-
ques et les droits constitutionnels
qu'il avait jadis accrédités par ses
écrits, et qu'il avait aidé à fonder
dès les premiers pas de la Révo-
lution. Sa bonne renommée et son
honorable caractère firent souvent
penser à lui, à l’époque où les élec-
tions populaires peuplaient la
chambre des Députés d'hommes
distingués par quelque supério-
rité; et c'était avec un regret mêlé
d’un peu d’admiration qu’on se
voyait arrêté, en apprenant que
cet homme intègre et simple n’a-
vait pas, dans tout le cours d’une
vie longue et honorée, rassemblé
assez des biens de la terre, pour
être légalement éligible. Elève des
encyclopédistes, M. Lacretelle
semble n'avoir pris de leurs doc-
irines que les idées philanthropi-
ques et les théories politiques;
mais son esprit, naturellement
doux et circonspect, se garda
de promulguer Leurs sophis-
mes irréligieux. Ilest vrai qu’on
ne trouve pas le chrétien dans
ses écrits moraux. La philoso-
phie de son temps n’était pas
encore remontée à celte hauteur;
mais, du moins, jamais par une
pensée ou par une parole impie,
il n’attriste ou ne scandalise le lec-
teur. Sa morale est douce et pure;
son style est exact et même élé-
gant; ses développemens métho-
LAC
digues et semés parfois d'idées in-
menieuses. Arrivés entre l’époque
des théories et celle des applica-
tions, ses écrits offrent le carac-
ière de cette situation transitoire :
à côté d'idées générales, ils offrent
quelques indications positives :
mais Ces esquisses communément
trop vagues, manquent souvent
d'importance et de précision; tan-
dis que les conceptions de lécri-
vain et ses expressions sont dé-
pourvues de cette audace originale
et éclatante, qui distingue ceux
du premier ordre. Le génie de
M. Lacretelle n’aspirait pas si haut:
ajouter à la popularité de vérités
déjà connues , en déduire quelques
applications utiles, les présenter
sous leurs faces diverses, les ap-
puyer de sa persévérance et de sa
conviction : telle fut la mission de
M. Lacreteile, et il l’a suffisam-
ment remplie. Il recueillit pour
récompense la vénération des siens
et l'estime, au moins, de ses an-
tagonistes. La douceur et la pureté
des mœurs privées de M. Lacre-
telle aîné , lui épargnèrent la plu-
part des amertumes de la vie; et
si facile fut la tolérance de son es-
prit, si douce l’aménité de son ca-
ractère, qu'il vécut toujours en
parfaite harmonie avec son frère,
M. Lacretelle jeune, malgré l’en-
tière opposition de leur maniere
de penser et d'agir.
Liste des ouvrages de
P. L. Lacretelle.
1. Essai sur l’éloquence du bar-
reau (réimprimé, dans les Œuvres
de l’auteur. V. ci-après n° XX }).
IT. Discours sur ce sujet : As-
signer les causes des crimes et
donner les moyens de Îles rendre
LAC
plus rares et moins funestes. Nan-
CYs 17743 in-6.
IT. Plaidoyers. Bruxelles (Nan-
CY) > 1775 ; in-8. — anonyme.
EV. Discours sur la multiplicité
des lois. 1578.
V. Mélanges de Jurisprudence ,
ou Divers © plaidoy ers ,; précédés
d’un Essai sur l° Eloquence du bar-
reau , et suivis de différens morceaux
de philosophie et de jurisprudence.
Paris, Hardouin, 1550; in-8,
anonyme. réimprimé dans
les Œuvres de l’auteur, ciaprès,
n XX.
VI. Eloge de Charles de Sainte-
Maure, duc de Montausier : Dis-
cours qui a obtenu l’accessit de l A-
cadémie française. 1581, in-.
M. Lacretelle eut pour concur-
rent M. Garat, qui obtint le prix.
VII. Notice sur M. Legouvé, avo-
cat au parlement de Paris ( dans
le Mercure de 1582 ).
L'avocat Legouvé fut le père de
l'auteur du Mérite des Femmes.
VIII. Sur les fonctions et sur
l'amélioration du sort des curés
( dans le Mercure de 1582 ).
IX. Discours sur le préjugé des
peines infamantes, couronné par
l’Académie de Metz. 1784, in-8.
— réimprimé avec les pièces sui-
vantes , du même auteur: Lettre
sur la réparation qui serait due aux
accusés jugés innocens ( 1785 ).
— Dissertation sur le ministère
public ( vers 1582 ). — Réflexions
sur la réforme des lois criminelles
( 1586 ).
En 1586, l’Académie francaise
décerna au Disrours sur le préjurzé
des peines infamantes, le prix
fondé par M. de Monthyon, en fa-
veur de louvrage le plus utile,
publié dans le courant de l’année.
L'Académie avait demandé pour
—
LAC 1
LA
17
Pannée suivante, un traité de
morale élémentaire et popalaire ,
sous le titre de Catéchisme de mo-
rale. M. Lacretelle, inspiré par la
lecture du programme, conçut
l'ouvrage surun plan plus étendu
et envoya l’apercu de son projet.
l’Académie eut le bon esprit
d’applaudir à l’écrivain qui avait
agrandi sa pensée, et recula de
deux années eterme du concours,
pour denner à M. Lacretelle le
temps d’achever son ouvrage. La
Révolution survint : l’Acadéinie
fut détruite et le prix ne fut point
adjugé. Le Discours sur le préjugé
des peines infamantes , est l’un des
titres les plus honorables de l’au-
teur, non-seulement à cause du ta-
lent distingué qu'il y a déployé,
mais surtout parce que cet ouvrage
ne fut pas sans une influence réelle
sur l’affaiblissement du préjugé
qu’il attaque. Thomas écr:vit à
M. Lacretelle une lettre où sa pro-
duction se trouve appréciée avec
justesse et avec éloge. Chénier,
dans son T'ableau de la Liltérature
du dix-huilième siècle (chap. XI),
s’en exprime en ces termes : « JI
» s'agissait de cette odieuse opi-
»nion qui faisait rejaillir sur une
» famille entière l’ignominie d’un
» coupable condamné. Il fallait re-
»monter à l’origine du préjugé ,
»peser ensuite ce qu'il pouvait
»avoir d’utile et ce qu’il avait de
» désastreux, indiquer enfin les
»moyens à metire en usage pour
»en triompher. Les trois parties
» sont ce qu’elles doivent être ; la
»seconde est d’un grand effet,
» Quoi de plus touchant que lhis-
»toire de cette famille, honneur
» du séjour qu’elle habite , et tout
» à coup plongée dans l’opprobre
»par le supplice d’un brigand
115 LAC
» qu’elle à produit !..... Quoi de
»plus terrible que l'hypothèse de
»ce jeune homme, n'ayant d'au-
»tre héritage que l’opprobre d’un
» père coupable, réduit par le dés-
“espoir à mériter au moins la
»houte. qu'il subit injustement,
»ne se voyant plus d'asile que
» parmi les brigands; et quand il
» va subir un juste supplice , repro-
» chant les crimes qu’il x commis
»à la société qui le rejeta loin
» d'elle , lorsqu'il était encore in-
» nocent ! etc.» Il est à remarquer
que M. Lacrelelle eut pour con-
current , à Académie de Metz,
le trop fameux Robespierre. Le
discours de ce dernier obtint le
second prix. M. Lacreteile en ren-
dit compte dans le Mercure, avec
impartialilé , et tout en critiquant
le style de l’avocat d’Arras, il se
plut à louer les beaux sentimiens
de l’excellent jeune homme. Il ne
paraît pas que Robespierre ait
gardé rancune à son critique , Car
les dangers que M. Lacretelle
courus durant la Révolution, ne
sont point du fait de son redou-
table concurrent.
X. Convocation de la prochaine
tenue des Etats - Généraux , en
France. Novembre 1788 (V. Cor-
respondance de Grimm, année:r88;
T..1V. pag. 634).
XI. De lEÆlablissement des con-
naissances humaines el de l’instruc-
lion publique; dans la Constilulion
française. 1791 , in-8.
XIT. Du Système du gouverne-
ment pendant lasession actuelle , et
de lPaffermissement de la Constitu-
tion par la préférence «de la réé-
lection sur le tirage au sort. pour
Les deux tiers non nele 1797;
in-8.
XILL. Sur le dix-sept brumaire :
EAC
dSieyes et à Bonaparte. 1599. in-8.
AV. {déc sommaire d'un grand
travail sur la nécessité, l'objet ej
les avantages de l'instruction ; sur
Les difficultés qui s’y opposent et sur
leur applanissement au moyen d’une
collection complète et méthodique de
toutes les connaissances humaines ;
par le citoyen D. L. C. 1800, in- 8.
AV. Œuvres diverses : Mélanges
de philosophie et de littérature.
1802-57. 5 vol. in-8.
XVI. Fragmens poliliques et lit-
téraires. Paris , Eymery , 1817 ;
in-8, deux parties.
XVIL Des Partis et des Faclions
de la prétendue aristocralie d’au-
Jour hui. Paris, Barrois laîné,
1819; in-8, de deux feuilles trois
quarts.
XVIII. Panorama, par M. La-
cretelle aîné. Paris, chez Lacre-
telle atné. Maï, 1820 ; in-8, de trois
feuilles.
Cette brochure qui n’est pas
tout entière de M. Lacretelle,
était destinée à faire suite à la
Minerve Française.
XIX. Mémoire pour M: P. L.
Lacreielle ( ainé), contrele jugement
par défaut, du 16 décembre 1820 ,
par le tribunal de la justice (sic)
correctionnelle, à Paris. Paris, in-
primerie de Plassan , mars, 1891 ;
in-8 , de trois feuilles.
XX. Œuvres de P. L. Lacretelle
ainé. Paris, Bossange-frères, in-8.
Eloquence judiciaire et philoso-
phielégislative. Y. —TIT, 1825.
— Roman théral. T. AV. 1824.
— Portraits et tableaux. T. Net
VI.1824.
Le prospectus de cette coilec-
tion promeltait le plan de publi-
cation suivant, que la mort de
l'auteur est venue troubler. — Ces
Œuvres seront divisées en quatre
| sh lésiial
nn)
LAC
parties ou collections. La pre-
miére collection intitulée : Elo-
quence judiciaireet philosophie légis-
lalive, aura 3 volumes. A
deuxième intitulée : Philosophie
el Littérature , 5 vol. — La troi-
sième, Organisalion des corps
scientifiques et Critiques littéraires.
9 volumes. — La quatrième ,
Etudes sur la Révolulion française,
précédées d Etudes sur la politique
gérérale de la législation civile,
4 volumes. — « L'auteur, ajoute
»le prospectus, si sa vie et ses
»forces pour le travail durent
»encore, se propose de publier
» un dernier écrit qui aurait pour
» titre : Revue de ma vie.» — Ces
æuvres devaient paraître par li-
vraisons, chaquelivraison formant
un ouvrage complet.
Charles Artaud Malherbe, ou
le Fils Naturel, roman théâtral,
qui forme le quatrième volume
de la collection ; avait déjà paru
avec l’édition de 1801. C’est un
drame dans la manière de Diderot,
divisé en plusieurs pièces ou jour-
nées ; l’auteur s’affranchissant des
entraves de la poétique de notre
scène , aspire, par tous les moyens
que le naturel et la vraisemblance
“interdisent pas, à émouvoir ou
du moins à intéresser son lecteur.
(et ouvrage qui obtint les éloges
de Chénier, est remarquable,
sous le rapport de l'effet drama-
tique, de la peinture des mœurs
de l’époque où l’action se passe,
et enfin, à cause de la vérité de
physionomie des personnages
sistoriques introduits en scène.
Malherbe est le masque de d’A-
lembert, fils naturel de la mar-
quise de Tencin. {1 s’interdit, par
respect filial, la réclamation juri-
dique de son éla! , et offre en sa
—
LAF 149
personne , un beau modèle de 14
haute vocation de l’homme de
lettres.
Les premiers volumes de cette
dernière édition des OEuvres de
M. Lacretelle aîné, contiennent la
plupart des écrits de législation
philosophique, publiés dans son
premier temps, que nous avons
indiqués ci-dessus : des extraits
de ses mémoires judiciaires les
plus importans, avec des modifi-
cations et les additions que le
temps à dû rendre nécessaires.
Cette collection sera continuée par
MM. Saulnier fils , ancien préfet ,
et J. M. Berton, avocat aux Con-
seils du Roi, neveux de M. Lacre-
telle et légataire de ses papiers.
Outre une foule de morceaux
détachés , elle contiendra deux
grands ouvrages inédits , savoir :
Les Etudes sur la Révolution, et
un écrit du plus grand intérêt,
intitulé: Mes Soirées à Malesherbes.
Ersch ( France Littéraire ; dit
que M. Lacretelle ainé est auteur
des traités de Logique, de Méla-
physique, et de Morale, dans l En-
cyclopédie méthodique; etqu’il a été
l’éditeur de la traduction française
des Lettres d’un cultivateur À méri-
cain, par Saint-John Crèvecœur
( Paris, 1784; 2 vol. in-8 ).
— On a imprimé lopinion de
M. Lacrelelle sur le Génie du
Christianisme, dans une collection
d’Observations critiques touchant
cet ouvrage. Paris, Maradan,
1817, in-8.
LAFOLIE ( Cuaarces-Jeax ),
né à Paris le 25 janvier 1780,
entra dès l’âge de ‘quinze ans,
dans les bureaux de Padministra-
tion départementale de la Seine,
section de l'instruction publique.
PA
150 LAF
Lors du procès du général Moreau,
en 1804, il répandit dans le pu-
blie, la veille du jugement, un
petit écrit anonyme auquel on a
voulu attribuer quelqu’influence
sur le dénouement non sanglant
de l'affaire de Moreau ( F7. le Pré-
cis historique de Fauche - Borel.
pag. 15, octobre 1815, in-8). « Des
» mercenaires à gages , disait La-
»folie , osent affirmer que per-
sonne ne doute plus de la com-
» plicité de Moreau; que personne
» ne doute plus de la part qu'it a
» prise à la conspiralion, que son
»crinme est avéré ; et Ces misé-
» sérables libellistes, jugeant de
»làme du chef de FPétat, par les
» passions honteuses dont la leur
»est dévorée, appellent déjà fa
» vengeance sur la tête de l’illustre
»et malheureux général. IT im-
» porte d'éclairer le gouvernement.
»'lous ceux qui ont assisté à la
» procédure , tous ceux qui ont lu
» les pièces du procès, imprimées
» par l’ordre même du gouverne-
»ment, tous ceux qui ont lu et
ses discours du général Moreau
» el son mémoire justificatif, ont
»une même opinion, et cette opi-
»nion est celle de l’innocence de
Ch x r . . N
»l’accusé. Le peuple qui ne juge
»que par sentiment, mais que le
» sentiment conduit si souvent à
» là vérité , l’a aussi cette opinion.
»L’intérêt pour ce général s’est
» accru au point de ne pouvoir plus
» croître. Tous les citoyens se sont
» étonnés d’être frappés d’un sen-
»{iment qui n'était pas encore
» celui du chef de l'Etat: ils se sont
»élonnés que, par une de ces in-
»spirations familières à un héros,
»il n’eût pas pressenti l'innocence
» de cet illustre général, lorsqu'ils
»en étaient tous convaincus. »
LAF
Lafolie fut appelé à Milan ,
en 18095, par M. Méjan, ministre
de la justice du royaume d'Italie,
pour y être chef de ses bureaux.
il publia dans cette ville, divers
écrits de poiitique et de littérature,
et y coopéra à la rédaction d’un
journal littéraire , intitulé : 14
Polisrafo. En 1812, il fut dis-
gracié pour avoir peint trop vi-
vement , dans sa correspondance
avec M. Méjan , qui était alors
près du vice-roid’Italie, au quar-
tier-général en Autriche,lemeécon-
tentement qu'inspirait aux Ita-
liens les charges sans cesse re-
naissantes de la guerre. Il fut en-
voyé à Trévise , avec la qualité
de secrétaire général de la pré-
fecture du Tagliamento, et de-
vintensuitesous-préfet à Ravenne.
Famené en France, par les évé-
nemens de 1814, Lafolie obtint
la même annte , la place de con-
servateur des monumens publics
de la capitale , dans les attri-
butions du ministère de l’intérieur.
Il est mort, le 4 février 1824,
âgé de 44 ans. — On a publié :
Catalogue de la Bibliothèque de feu
Ch. J. Lafolie. Paris, Pichard,
1824, in-8, d’une feuille.
Liste des Ouvrages
de Ch. J. Lafolie (1).
I. Une édition revue du J'anua
linguæ latinæ reserata ; de J.
Amos Comenius. 1802, in-12.
II. Discours prononcé à la dis-
tribution des prix d’une école se-
condaire. 1803 , in-8.
(1) La partie bibliographique de cet
article est extraite de la Brblrographie
de La France, rédigée par M. Beuchot.
vol. de 1524, p. 446.
LAF
III. Observations d’un habitant
de Vincennes , sur une demande
adressée à M. le cardinal .arche-
véque de Paris , tendant à ce que la
cure du canton de Vincennes soit
fixée à Montreuil. 1803, in-8.
IV. Petite lecon d’un habitant de
Vincennes , à un grand docteur de
Montreuil. 1803 , in-8.
V. Grammaire Italienne de MM.
de Port-Royul; cinquième édition ,
précédée de Réflexions ( par Ch.
J. L. ) sur cette grammaire el sui-
vie d’une préface de MM. de Port-
Royal , sur la décadence de la
langue latine et la renaissance de
l’ilalienne. Paris ,; Arthus-Ber-
trand , 1803 , in-8.
VI. L’Opinion publique sur le
procès du général Moreau, par un
ciloyen , dédiée à Napoléon Bo-
naparte. In-8.
VII. L’ Angleterre jugée par elle-
même, ou Aperçus moraux el po-
litiques sur la Grande-Bretagne ,
extraits des écrivains anglais ; ou-
vrage trad. de l'italien. Milan, 1806,
in-8. — Paris, 1808, in-12.
VIIT. Elisabetta, ovvero gli Esi-
liati in Sibenia , della signora Cot-
tin. Milan, 1817, in-18. — Eli-
sabeth , ou les Exilés en Sibérie ,
de M Cottin. trad. du français.
IX. Lettre de Vincent Monti
à M. lablé Xavier Betinelli , che-
palier de l’ordre de la Couronne de
Fer , membre de PInstitut d’I-
talie , trad. de l'italien. Milan,
1807 , in-8.
X. L’Epée de Frédéric IT, roi
de Prusse , Octave de M. VW.
Monti , historiographe du Roi ;
trad de italien. Milan , 1807,
in-8.
XI. De la Reconnaissance des
gens de lettres envers le gouverne-
ment bienfaileur : Discours pro-
LAF 191
noncé par Louis Mabil, professeur,
à la clôture de l’université «de
Padoue; trad. de l'italien. Bre:-
cia . 1808 , in-8.
XII L'Hiérogamie de Crète,
Hymne de M. le chevalier V. de
Monti: trad. de litalien. Paris,
1810, in-8.
XIII. T'avole chronologiche de-
gli uomini più illustré d'Italia, dal
tempo ilellaMagnaGrecia, fino a gior-
ni nostri. Milano , 1810 , in-8.—
Tables chronologiques des hom-
mes les plus célèbres de l’Ztalie ,
depuis ie temps de la Grande
Grèce, jusqu’à nos jours.
Ces tables font partie d’une édi-
tion italienne de la géographie de
Guthbrie, donnée à Milan, en 1810.
XIV. Mémoires historiques re-
latifs à la fonte et à l'élévation de
la statue équestre de Henri IF,
sur le terre-plain du Pont-Neuf.
Paris, Le Normant , 1819, in-8.
XV. Noticedes monumens publics,
palais , édifices , musées., galeries ,
depôtsi, bibliothèques , collèges,
écoles, hospices ; hôpitaux , ma-
nufactures royales, halles, marchés,
fontaines >» ponts, quais "À places z
jardins,théâtres,élablissemensscien-
tifiques, littéraires et d'art, de lu
ville de Paris , avec l'indication des
ministères , etc. Paris, Ballard,
1820, in-12, de 9 feuilles (ano-
nyme. )
XVI. Hisloire de l’administra-
tion du royaume d'Italie pendant
la domination française, précédée :
1° d’un Index chronologique des
principaux événemens concernant
PTtalie ; depuis 1792 jusqu’en
18143; 2° d'un Catelogue alpha-
bélique des [taliens et des Français
au service de ceroyaume , ec. ; par
M. Frédéric Corradini ; trad. de
Pitalien. Varis, Audio, 1823, in-8.
3 LA N
[PA
1
« Lafolie, poursuit M. Beuchot,
est non le traducteur, mais Pau-
teur de cet ouvrage anonyme et
pseudonyme, quoiqu'il Fait dés-
avoué par une lettre insérée
dans les journaux. Ce volume,
sans avoir été réimprimé , a
été reproduit en 1824 , sous
le titre de : Mémoires sur la
cour du prince Eugène ct sur Le
royaume d’Italie. — 4 a paru des
Observations du marquis Arborio
Galtinara de Brême ,; sur quel-
ques articles peu exacts de l'Histoire
de lFadnmaistration du royaume
d'Italie, pendant la domination
des Français , attribuée à un nom-
mé M. Frédéric Corradini, et
trad. de l'italien. Turin, 18923,
in-8 , de 94 pages.
Enfin, Lafolie a donné des No-
lices biographiques dans l'ouvrage
intitulé Galerie Française, ou Col-
lection des portraits des Honimes et
des Femmes célèbres quiont illustré
La France, dans les XV [° XV IT et
XVIII® siècles. Paris, imprime-
rie de F. Didot, 1622 et 1824,
in-/4.
LANGLES ( Lours-Marmec },
orientaliste, naquit à Péronne,
près Mont-Didier, en Picardie ,
le 23 août 1763. Son père , issu
d’une famille honorable, possé-
dait la charge militaire d’oflicier
près le tribunal des maréchaux de
France de la connétablie. Après
que le jeune Langlès eut fait ses
études en Picardie et qu’il eut
passé quelques années à Paris,
pour les compléter, ses parens
qui le destinaient à la carrière
militaire , firent passer la charge
sur la tête de leur fils. Mais Poisi-
veté de cétte profession s’accor-
dait mal avee cette ardeur si vive
LAN
pour Je travail qui distingua
M. Eanglés dès ses premières
années. I obtint donc la permis-
sion de se livrer à l'étude des
langues orientales , dont il espé-
rait avec raison, tirer un grand
parti, en servant dans l'Ende fran-
çaise . soit comme militaire , soft
comme diplomate. À cet effet, ïk
suivit au Collége de France, les
lecons d’arabe de M. Caussin de
Perceval , et celles de persan de
M. Ruffin. M. Langlès fit pour la
première fois, en 1587, connaitre
au public ses travaux sur les
langues et l’histoire de lPAsie,
par une traduction française des
Anstituts politiques et militaires de
T'amerlan, dont il existait déjà
une traduction anglaise , du 1ma-
jor Davy, Le maréchal de Ri-
chelieu, alors doyen du tribunal
des maréchaux de France, flalté
d’apercevoir un jeune savant
parmi les personnes attachées à
celte juridiction , lui procura une
des douze pensions de mérite dont
le tribunal disposait 'en faveur de
ses officiers les plus distingués.
M. Langlès n’avait que vingt-cinq
ans lorsqu'il obtint cette récom-
pense.
«La même année, dit un biogra-
phe de M. Langlès(1), M. Bertin,
trésorier des parties casuelles ,
qui depuis fong-temps entretenait
une correspondance suivie avee
les missionnaires de Ja Chine ,
cherchait un jeune littérateur qui
voulût se charger d’être éditeur
du dictionnaire mandchou-fran-
çais, dont le P. Æmiot lui avait
Lt di
(1) M. Abel Remuüsat, Journal
Asiatique , t. IV, pag. 151 (Pans,
Doudeyÿ-Dupré, 1824, ins).
Less ?
LAN
envoyé le manuscrit, M. Langlès
jui fut désigné pour ce travail, et
il s’en acquitta avec zèle etexacti-
tude{1).L’exanven des manuscrits
du missionnaire lui fournit en
même temps, les moyens de dé-
composer le syllabaire tartare ,
d'en rédiger un alphabet , et d’en
faire gmaverles poincons. La haute
importance. que M. Langlès met-
tait à cette analyse alphabétique ,
et les éloges un peu outrés qu’elle
lui attira, ont éveillé la sévérité
de la critique , et on l’a accusé de
s'être approprié l'alphabet que
Deshauterayes avait fait graver ,
vingt ans auparavavant, dans les
planches de l'Encyclopédie. 1 est
plus probable que M. Langlèsn’en
avait pas eu connaissance; Car
Popération qu'il avait exécutée ,
si simple et si facile que le pre-
mier venu eût pu le faire teut aussi
bien, ne méritait pas qu’on s’ex-
posät au reproche de plagiat.
M. Langles n’a jamais su le mand-
chou , assez, du moins, pour en
lire une page dont il n'aurait pas
connu Je sens d'avance : maïs il
a donné une édition très-exacte
du dictionnaire d’Amiot ; il a fait
graver deux corps de caractère de
cette langue ; et il en a tant de
(1) Le P. Amiot écrivait à M. Ber-
üin, en date de Pékin, le 10 octo-
bre 1788. « .… Si le hasard me procure
» l’acquisition de livres chinois, tra-
» duitsen tartare-mandchou, jene man-
» querai pas de leur faire passer les
» Mers pour nous mettre à même de
» proliter du talent de M. Langlés,
» dont j'ai lu les ouvrages. Ce qu'il a
» fait sur la langue des Mandchoux est
» très-bien; je vous prierai, Mon-
» seigneur, de Jui présenter de ma
» part, un Juste tribut d'estime.»
LAN
123
4
fois vanté l'utilité et la facilité,
qu’on peutle regarder, à plus
juste titre encore que les mis-
sionnaires, comme étant celui qui
en a introduit l’étude en Europe.
Les services qu’il a rendus aux
autres langues de l'Orient sont de
la même nature; il les aimait , les
célébrait en toute occasion, en
introduisait les mots ou les carac-
tères dans tous ses livres, éveiliait
par la bizarrerie même de ces
formes exotiques, l'attention de
ses lecteurs, publiait des textes
orientaux, indiquait les moyens
d’en étudier les idiomes , et par
là, il a peut-être plus contribué
à en répandre le goût, que bien
des savans plus profondément
initiés que lui dans leursmystères.
C’est de cette manière qu’il était
sans cesse ramené à entretenir ses
lecteurs des différentes langues de
la Tartarie, de l'Inde et des iles
orientules, Les langues plus ré-
pandues et dans lesquelles il est
tout à la fois, plus facile et plus
indispensable de faire desprogrès
réels, larabe, le turc et surtout
le persan, avaient aussi occupé
M. Langtès, et sa vie entière a été
rempiie par le soin de les popula-
riser. El aurait voulu les mettre à
la mode, et ses Recherches sur
l'essence de lu rose , petit ou vrage
peu propre à-produire cet heu-
reux effet, semblent n'avoir pas
eu d’autre but »,
La Révolution au lieu de dé-
tourner M. Langlès de la carrière
qu'il avait embrassée , ne fit que
l’y enfoncer davantage. En 1590,
il présenta une adresse à lAssem-
blée nationale { où il signalait
Vimportance des langues orien-
tales , pour lPextension du com-
merce, les progrès des scienees
154 LAN |
et des lettres. C’est à cette pre-
mière démarche et à celles qu'il
continua depuis, avec perséré-,
rance, qu'est due principalement
la création de PEcole des langues
orientales vivantes, fondée en
1594, près la Bibliothèque na-
tionale. M. Langlès fut nomimé
administrateur et en même temps
professeur de persan et de malais
au nouvel établissement. I! oceu-
pait dejà, depuis 1792, la place de
conservateur desmanuscritsorien-
taux àla Bibliothèque nationale, et
il eut le bonheur de n'être jamais
arraché à ce docte asile. Il fit
même partie, durant lestemps les
plus orageux , de la Commission
temporaire des arts, adjointe au
Comité d'instruction publique,
qui contribua eflicacement à sau-
ver la plupart desobjets de sciences
et d’arts qui ont échappé au van-
dalisme révolutionnaire ; enfin,
après le 9 thermidor , le Comité
d'instruction publique de la Con-
vention lui confia la garde du
dépôt littéraire des Capucins-
Saint-Honoré. M. Langlès ayant
eu les secondes voix à la dernière
élection de l’ancienne Académie
des inscriptions et belles-iettres ,
avait à peu près la certitude d’être
adinis à l’élection prochaine ; mais
le jour même que cette élection
devait avoir lieu , l'Académie fut
dissoute. Aussi dès la première
création de l’Institut, M. Langlès
fut appelé par le choix du pre-
mier tiers nommeéparleDirectoire,
à faire partie des deux autres tiers,
au moyen desquels ce corps savant
se trouva complètement organisé
pour la première fois.
Le reste de la carrière de
M. Langlès fut exclusivement
consacré à ses études favorites et
EAN
à la publication de voyages dans
l'Orient, Ta plupart traduits de
Panglais el qu'il enrichissait de
notes utiles, pour la connaissance
de la géographie, de la statisti-
que et des iangues de l'Asie. Quel-
ques-uns des nombreux ouvra-
ges qu'il a publiés, comptent
parmi les belles productiéifiis de
l'art typographique.SesMonumens
aneiens et modernes de l Hindous-
tan sont précieux pour l’histoire
de l’Inde , en même temps qu’ils
ont pris rang parmi les livres des-
tinés à faire l’ornement des gran-
des bibliothèques. — « Pendant
trente ans , dit M. Abel Remu-
sat (t), il ne s’est pas passé un
seul événement en Asie, il n’y a
pas eu en Europe de circun-
stance propre à rappeler quelque
chose de relatif à POrient, qui
n'aient été pour M. Langlès, le su-
jet ou l’occasion de quelque publi-
cation. Cette persévérance et le
bon accueil qu’obtenaient de lui
presque tous ceux qui aspiraient
au même genre de mérite, lui
avaient valu , dans cette branche
de littérature , une véritable po-
pularité. Nulle entreprise de li-
brairie , en ce qui concernait
PAsie, ne se formait sans qu'il
y eût participé ; l'Orient était
en quelque sorte son domaine ;
on le consultait sur ce qu’on
croyait qu'il devait savoir; et
Je nom nouveau d’oréentaliste,
sous lequel quelques personnes
aiment à confondre ceux qui
étudient les langues de l'Asie, et
ceux qui cherchent à approfondir
l’histoire de cette partie du monde,
(1) Journal Asiatique; tom. IV,
pag. 154.
LAN
ce nom aurait pu être inventé
pour M. Langiès, tant ilexprimait
bien tes goûts et les habitudes de
son esprii. La connaissance des
langues, même les plus éloignées
et lys plus difficiles, n’a rien en
soi de bien précieux; elle ne vaut
que par ce qu’on en tire : sous
ce rapport. on doit rendre justice
à M. Langlès ; s’il était trop sou-
vent préoccupé de l’idée qu’on
acquiert un haut mérite, en sa-
chant, mème médiocrement, un
grand nombre didivines, il a tou-
jours dirigé Pétude de ceux qu'il
avait réellement appris vers les
objets d'utilité. 1} s’est peu arrêté
à ces minuties philologiques , ou
à ces bagatelles poétiques, qui
exigent, à la vérité, des connais-
sances profondes, mais qui sont
peu propres à en faire sentir le
prix, et qui décréditeraient peut-
être les études orientales, si de
bons esprits ne se chargeaient du
soin de rappeler au public qu’elles
peuvent conduire à autre chose.
C'était surtout l'histoire et la géo-
graphie qui sollicitaient la curio-
sité de M. Langlès, et ce sont ces
sciences aussi qui lui ont eu le
plus d’obligation ; il a, si lon
veut, entrepris plus qu’il ne pou-
ait faire, ii a formé des systèmes,
émis même des erreurs ; mais il a
abordé des questions graves, pro-
voqué des discussions utiles , et
ceux qui le réfuteront lui seront
quelquefois redevables des con-
naissances même qu'ils emploie-
ront à cet usage. Il a réuni
beaucoup d'idées, mis en circu-
lation un grand nombre de ren-
seignemens , publié , traduit, ex-
trait une foule de livres , fait gra-
ver de nouveaux types, appelé
par sa prédication, de nombreux
LAN 159
partisans à l’étnde des langues
orientales. Bien des savans , plus
profonds dans leurs études , n’ont
pas laissé d'aussi grands résultats
de leurs veilles (1).»
M. Langlès est mort âgé d’un
peu plus de soixante ans, le 28
janvier 1824, d’une fièvre inflam-
matoire bilieuse , qui avait été
précédée d’une ophtalmie , pro-
voquée à ce qu’on croit, par son
application persévérante à sur-
veiller Îa fonte de caractères
orientaux. MM. Jomard, Gail,
Barbié-du-Bocage et Caussin,
prononcèrent tour à tour des dis—
cours funèbres sur la tombe de
M. Langlès, au nom des diverses
corporations savantes auxquelles
il appartenait. Parmi elles on peut
citer, cutre l’Institut de France,
la Société asiatique de Calcutta,
dont les suffrages durent le flatter
particulièrement , ainsi que les
sociétés des antiquaires de France
et de géographie, dont il était
l'un des présidens. En 1817,
M. Langlës reçut l’ordre de Saint-
Wladimir de Russie; il n’avait
obtenu que depuisla Restauration,
la décoration de la Légion d’Hon-
neur; cependant il était conuu
personnellement de Bonaparte ,
et avait même entretenu des re-
lations d'intimité avec lui, à l’une
des époques les moins heureuses
de la vie de ce dernier, celle qui
DR ES ET Rens
(1) On a quelquefois contesté du-
rement lé savoir de M. Lançslès, ct
potaminent, l'on a fait des erreurs qui
se trouvent dans quelques-uns de ses
vuvrages, le sujet d’une brochure in-
titulte: Grande exécution d'Automne ;
n. 1 Langlès. Paris, impr. de Fain,
1815 ; in-8, de iv et 76 pages (par
M. Jules de Kiaproth,.
156 LAN
précéda immédiatement la journée
de veudémiaire. Mais M. Langlès
avait refusé depuis, de suivre Bo-
naparte en Egypte; et surtout,
il étaitresié fidèle aux principes de
la Révolution; or ceci déplaisait
souverainement à Napoléon, qui
ne fit rien pour avancer la fortune
de celui-qui souvent avait été son
commensal, ù
Outre la notice de M. Abel Re-
musat que nous avons citée, on
trouve d'autres notices nécrolo-
giques sur M. Langlès: 1° dans
le Moniteur du 1° septembre 1825,
ar M. Dacier, secrétaire perpé-
tuel de l’Académie des inscrip-
tions et belles-leitres, prononcée
dans la séance publique de cette
Académie , du 29 juillet 1825;
2° dans le Bulletin de la Sociélé de
Géographie (n° XIT), par M. Roux,
prononcée dans la séance publique
de cette Société, pour 1824;
5° dans le Bulletin universel des
Sciences ,; de M. de Férussac
(Sciences Géographiques) T. XX,
page 82, par M. Aubert de Vitry ;
4° dans le Journal des Débats, du
20 janvier 1824, par M Malte-
Brun; 5° En tête du Calalogue de
sa bibliothèque, par M. Ed.
Gauttier (1). Ge catalogue est du
nombre de ceux qui doivent être
conservés parmi les ouvrages de
bibliographie. Faisant le plus noble
usage de son patrimoine et des
émolumens dé ses places litté-
raires, M. Langlès avait formé une
magnifique bibliothèque deslivres
relatifs à l'Orient. C'était la col-
lection la plus complète de ce
(3) Paris, Merlin, 1825 ;in-8, de
XVI} et 558 pages, plus les prix de ja
vente.
LAN
genre qui existât sur le eorti-
nent ; c'était aussi l’une des plus
belles par le choix et la condition
des exemplaires. Malheureuse-
ment elle a été vendue en détail
et dispersée. Le souvenir de ce
docte tabernacle des muses de FO-
rient vivra néanmoins encore
long-temps dans la mémoire de
ceux qui eurent lavantage d’ÿ
être admis, par le savant bieu-
veillant et loyal qui Pavait élevé
à leur culte. C’était au milieu de
ses livres, que M. Langlés avait
ouvertune sorte d'académie euro-
péenne , accueillant à jour fixe,
durant tout le cours de l’année,
les Français et les étrangers, que
le moindre lien attachait à la cul-
ture des lettres ou des sciences.
Là se rencontraient deux fois le
mois, les savans de Saint-Péters-
bourg, de Leipzig, de Naples;
de Londres, voyageurs à Paris.
Là, le Français Casanier, obser-
vait sans risque et sans frais, tanE
de nations diverses qu'il aurait
voulu visiter. L'homme de l'O-
rient lui-même y arrivait plus
d’une fois, avec ses mœurs, SO
costume, son langage , son aili-
tude austère et silencieuse, et ja
mais M. Langlès n’était plus fier
ni plus heureux que lorsqu'il pou-
vait présenter à la curiosité de ses
visiteurs, ses frères ou ses enfans
adoptifs. H semble au reste que ce
local des bâtimens de la Bibliothè-
que du Roi, où séjournérent trop
eu de temps les livres de M.Lan-
lès , Soit desormais -un carayan-
serail littéraire, consacre aux
réunions aimables et paisibles des
savans de la France et de létran-
ver, M. Millin ouvrit le premier,
et en fit les honneurs durant près
de vingt ans, avec la grace spiri-
LAN
tuelle et polie qui distinguait par-
ticulièrement cet érudit, homme
du monde. L’archéologie , la
numismatique et la gravure,
y prédominèrent à cette épo-
que. Plus tard, M. Langlès y fit
triompbher l’orientalisme. Aujour-
d’hui, par une heureuse analogie
avec les circonstances , la Grèce
antique , ses souvenirs , ses
grands écrivains, son harmonieux
idiome, y occupent le premier
rang , sous les auspices de
M. J. B. Gaïl. Puisse ce célèbre ca
helléniste, faire durant de lon-
gues années, les honneurs de
la Bibliothèque du Roi, aux sa-
vans de toutes les nations, que
son affabilité et sa réputation
y attirent! Accueilli moi-même
dans ces doctes réunions, avec
une bienveillance toujours crois-
sante , sous les trois générations
de professeurs , qui s’y sont
succédées , on m'’excusera sans
doute d’en avoir parlé un instant,
à l’occasion de celui qui les pré-
sida quelques années, et dont la
mémoire triste et pieuse ne s’ef-.
facera pas du milieu de nous.
On a un portrait ressemblant de
M. Langlès, dans la collection
des membres de lfnstitut, litho-
graphié par M. Boilly.
Liste des ouvrages
de L. M. Langlès (1):
I. Jnstiluts politiques et mili-
laires de Tamerlan, proprement
appelé Tymour, écrits par lui-
même, en mogol, et traduits en
(1) M. Langlès avait donné de son
vivant, divers catalogues détaillés de
ses propres ouvrages, notamment en
Fe =
1811, chez Le Normant , in-8.
LAN 157
francais sur la version persane
d'Abou-Thâleb-âl - Hoceiny ; avec
la vie du conquérant d’après les
meilleurs auteurs orientaux, des
notes el des tables historiques et
géographiques. Paris, Née de La
Rochelle, 1785, in-8, fig.; etchez
J.S. Merlin.—Dédiés à l’Acadé-
mie des inscriptions et belles-
lettres
«M. Langlès, dit M. Abel-
Remusat, s’exerca à comparer
la traduction anglaise du major
Davy, avec l'original persan; et
ce fut de cette manière qu’il ré-
digea une version nouvelle en
français. 11 la fit imprimer, en-
richie de quelques additions, et
cette publication fut son début
dans une carrière où il a toujours
persévéré depuis. »
IT. Alphabet T'artare-Mandchou,
composé d'après le syllabaire et
le dictionnaire universel de cette Lan-
gue, avec des détails sur les lettres
el écriture des Mandchous. Paris,
Fr. Ambr, Didot, 1587, in-4°. —
{roisiéme édit. augmentée d’une no-
lice sur Porigine, Phistoire et les
travaux littéraires des M andchour,
actuellement maitres de la Chine.
Paris, ÿmpr. impériale, 1805.
in-8.
C’est le premier ouvrage sur
Cetie langue, imprimé avec des
caractères mobiles.
III. Contes, fables el sentences
tirés de différens auteurs arabes et
persans, avec une analyse du poëme
de Ferdoussy. sur les rois de Perse.
Paris, Royer, 1788, in-18 ( V.
ci-après le n° VII).
IV. Ambassades réciproques
d'un roi des Indes, de la Perse, ét
d'un empereur de la Chine, trad.
du persan d Abdoul-Rizäc de Sa-
marcand , avec la vie de ces deux
:
158 LAN
souverains, et des notes tirées des
différens auteurs orientaux, manus-
crils el imprimés. Paris, Royer,
1789, in-8.
Y. Dictionnaire T'artare-Mand-
chou-Francais, composé daprés
un dictionnaire mandchouw-chinots ,
par le P. Amiot, rédigé et publié
avec des additions et l'alphabet de
celte langue, par M. L. Langlès.
Paris , Fr. Amb. Didot aîné,
1589—090; et chez J. S. Merlin,
5 vol. in-4°.
F. A. Didot aïiné publia, la
même année, un prospeclus inti-
tulé : Dictionnaire, grammaires
et dialogues tartares - mandchou-
français , rédigés et publiés avec
des additions considérables, par M.
Langlès.
VI. De l'importance des langues
orientales pour l'extension du com-
merce, les progrès des lettres et des
sciences ; adressé à l A ssembléena-
tionale. Paris, Champigny, 1790,
in-8. -
VII. Fables et contes indiens
nouvellement traduits , avec un dis-
cours préliminaire et des noles sur
la religion, La littérature, les
mœurs elc., des Hindous. Paris.
Royer, 1790, in-18.
VIIT. Description du Pégu et de
l’ile de Ceylan, renfermant des dé-
tails exacts el neufs sur le climat,
les productions, le commerce, le
gouvernement, les mœurs et les usa-
ges de ces contrées ; par W. Hun-
ter, Chr. Wolf et Eschelskroon .
trad. de l'anglais et de l'allemand.
Paris, 1799, in-8 ( anonyme).
IX. Collection portative de voya-
ges, trad. de différentes langues
orientales et européennes , avec des
notes géographiques et historiques.
Paris, Crapelet , 1797-1805 ,
in-8 , 5 vol., et atlas petit in-4.
LAN
Cette collection est composée
comme il suit :
Voyage de l'Inde à la Mekke,
par Abdoul-Kérym, pèlerin musul-
man , extrait de ses mémoires écrits
en persan; avec des notes géographi-
ques, historiques, etc. 1597. 1 vol.
1°" de la collection.
Voyage de la Perse dans l'Inde
en 1/442—1444; et du Bengale en
Perse, en 1585—1588; le pre-
mier trad. du persan ( d’Abd-Oul-
Rizaq }. le second de l'anglais (de
Franklin); avec une Notice sur les
révolutions de la Perse, un Mémoire
historique sur Perscpolis et des no-
tes. 1508. 2vol. im-18.T. II et LIT
de la collection.
La traduction du Voyage du
Bengale en Perse, par M. Fran-
klin, a été publiée à part. Paris,
an VI (1598). in-8.
Voyage pittoresque de l'Inde, de
1780 à 1583. par W°. Hodges,
dessinateur du capitaine Cook,
orné de planches, trad. de l'anglais,
avec des notes. 1805 , 2 vol. in-18.
T. IV et V. de la coltection.
X. Rapport de M. Langlès, au
nom de l'Institut , sur l’état des dé-
pôts établis dans le dépt. de la Seine
et à Versailles, et sur la destina-
tion à donner aux livres qu’ils ren-
ferment. Paris, impr. nat. an V,.
in-8.
XI. ( Avec J. B. Lamarck ).
Voyages de C. P. T'hunberg au
Japon, par le Cap de Bonne-Espé-
rance, les iles de la Sonde,etc , trad...
rédigé et augmenté de notes consi-
dérables sur lareligion, le gouver-
nement , Le commerce, l’industrie
et les langues deces différentes con-
trées, particulièrement sur le J'avan
et Le Malais. Paris, andré, 1596,
2 vol. io-4 , ou quatre vol. in-8.
XI. Voyage du Bengale à Pé-
LAN
tersbourg, àtravers Les provinces sep-
tentrionales del Ende, le Kachmyr,
la Perse, sur lamer Caspienne, elc.,
suivi de l'Histoire des Rohillahs et
de celle «des Scykes ; par Georges
Forster ; traduit de l'anglais , avec
des additions et une notice chrono-
logique des khans de Crimée, da-
près les écrivains turks, persans, etc.
Paris, Delance (an XI), 1805;
5 vol. in-8, avec deux grandes
cartes géographiques.
XITI. Voyage de Hornemann
dans l Afrique septentrionale , de-
puis le Caire jusqu à Mourzouk ,
capitale du F'ezzan, suivi d’éclaircis-
semens sur la géographie de l'A fri-
que, par Rennel; traduit de l'anglais
el augmenté de notes el d'un mé-
moire sur les Oasis, d’après les
auteurs arabes. Paris, Dentu,
an XI (1805 ); in-8, 2 vol. avec
cartes.
M. Barbicr( Dictionnaire des
Anonymes ) attribue le texte de
celte traduction à M. Labaume,
qui en effet, a exécuté plusieurs
travaux du même genre, avec
M. Langlès.
XIV. Recherches sur la décou-
verte de lessence de rose. Paris,
1804, in-8.
Cet opuscule, qui est un petit
chef-d'œuvre de typographie
orientale, était originairement
destiné à former une des notes
dont M. Langlès à enrichi la
traduction française des deux
premiers volumes des Æsiatic
Researches. L'auteur prouve que
la découverte de l’essence de rose
ne date, que de l’an 1612, et
qu’elle est due au hasard.
XV. ( Avec Alex. Hamilton }
Catalogue des manuscrits samskrits
de la Bibliothèque impériale , avec
dr
La
LAN 159
les notices du contenu de la plupart
des ouvrages.
Il paraît que Île corps de l’ou-
vrage a été composé en anglais ,
par Hamilton , et que M.Langlès
la traduit, en y ajoutant des
notes.
XVI. Notes sur les monnaies de
Crimée. Paris, imprimerie impé-
riale , 1806 ; in-8.
À VIT. Diatribe de l'ingénieur
Seid Moustapha, sur l’état actuel
de l’art militaire , du génie et des
sciences à Constantinople; publiée
littéralement, d'apres l'édition ori-
ginale , avec quelques notes qui ont
paru nécessaires pour l'intelligence
de l'ouvrage. Paris, Ferra, 1810,
in-8.
Le catalogue de la bibliothèque
de M. Langlès ({ n° 607 ), men-
tionne une édition de Paris , im-
primerie impériale, 1805, grand
in-8 , avec l’observation qui suit,
signée de l’auteur lui - même :
« Cet exemplaire, le seul qui
existe de cette édition, n’est com-
posé que d'épreuves, qui n’ont
été ni corrigées , ni tirées défini-
tivement. »
XVIII. Relation de Dourry
Efendy ; ambassadeur de la Porte-
Othomane auprès du roi de Perse,
traduit du lurk, et suivi de l'ex-
trail des voyages de Pétis de La-
Croix, rédigé par lui-même. Paris,
Ferra , 1810 ; in-8 ( anonyme ).
XIX. Voyages de Sin-Bad le
marin, el La Ruse des femmes,
contes arabes , traduction liltérale,
accompagnée du texte et des notes.
Paris, imprimerie royale, 1814,
in-18.
XX. Notices sur l’état actuel de
la Perse, en persan , en arménien
et en français: par Myr-Davaud-
Zadour de Melik Schahnazar, et
100 LAN
MM. Langlés et Chahan de Cirbied.
Paris, imprimerie royale; 1818,
in-158.
XXI. Monumens anciens ct mo-
dernes de l’Hindoustan, en cent cin-
quante planches, d’après MM. Da-
niél, Hodges, Holmes, Salt et
difjerens dessinateurs indiens , dé-
crits sous le double rapport archéo-
logique et pittoresque , et précédés
d’un Discours sur La religion, la
législation et les mœurs des Hin-
dous. Paris, P. Didot aîné,
1521, 2 vol. in-folio, figures.
Cet ouvrage est le plus consi-
dérable que M. Langlès aura laissé
après lui. | commence ses des-
criptions par l'extrémité de la
presqu'ile du Cap Comorin et re-
inonte ainsi jusqu'à Dehly etSri-
nagar, en passant alternativement
de lorient à l'occident. — « Les
planches, dit M. Abel Remusat, re-
produisent, dans une dimension
qui en rend le prix plus généra-
lement accessible, ce qu’il y a de
plus important dans celles de
Daniels. Le texte, comme celui des
autres ouvrages de M. Langles,
contient de nombreux extraits
d'ouvrages anglais publiés dans
l'Inde, qu'il possédait presque
seul sur le continent , et auxquels
il accordait parfois NE à Fr con-
fiance. » — La gravure a été di-
rigée par M. Bordéviite
XXIT. Analyse des mémoires con-
tenus dans le douzième volume des
Asiatic Researches, avec un appen-
dice. Paris, Everat , 1825; in-4,
avec deux planches.
L'impression de ce volume n’a
été terminée qu'après la mort du
traducteur.
M. Langlès a été éditeur ou coo-
pérateur des ouvrages Suivans :
1° Voyage de Pallas dans plu-
? : LAN
sieurs provinces de l'impire de
Russie el dans L Asie septentrionale,
traduit de l'allemand, par Gaultier
de la Peyronie , avec des notes par
MM. Lamarck et Langlès. Paris ,
Maradan , an II (1594 ), 8 vol.
in- + et atlas petit in-fol. :
* Journal des Savans. 1596 ,
Sr cahiers (avec MM. Camus,
Daunou et Baudin (des Ar dentiét)!
9° Voyage d'Egypte et de Nubie,
par Fr.L.Norden.Nouvelle édition,
avec des notes el des additions lirées
des auteurs anciens et modernes , et
des géograplh es arabes. Paris,
P. Didot aîné, 1799-98, in-4,
9 volumes.
Le troisième volume de cette
édition est presque entièrement
composé du travail du nouvel édi-
teur; il renferme, entre autres,
des Mémoires sur le canal de Suez ,
sur les Pyramides, qui étaient ori-
ginairement, suivant M. Langlès,
des monumens héliaques ; sur
Alexandrie, ete., composés sur-
tout, d’après les écrivains arabes.
— La première édition du Voyage
de Norden est de Copenhague, im-
primerie royale, 1759, 2 vol.
in-folio.
4° Œuvres complètes de P. Poivre,
précédées de sa vie el accompagnées
de notes ( par M. Langlès). Paris,
Fuchs, 1797, in-8.
5° Recherches Asialiques, ou
Mémoires de la société établie au
Bengale pour faire des recherches
sur l'histoire ; sur les antiquités ,
les sciences, les arts et La littérature
de l'Asie: traduites de l'anglais
par A. Labaume ; revues et enri-
chies de notes, par L. Langlès,
pour la partie orientale, et par
MM. Deélanbre, Cuxier, de La-
mark et Olivier , pour Les sciences
eæactes ét naturelles. Paris, impri-
LAN
merie impériale, 1805 ; in-4.T.T
et II, les seuls publiés.
6° Voyage en Chine et en T'arta-
rie, à la suite de l’ambassade de
lord Marcartney , par Holmes ;
auquel on a joint les vues , costumes
etc., de la Chine, par W. Alexan-
dre, les planches de l’atlas original
de celte ambassade omises dans la
traduction française, et leur explica-
tion ÿ; traduit de langlais par
PI 41. revu
et publié avec des observations sur
les relations politiques et commer-
ciales de l’ Angleterre et de la
France avec la Chine , et quelques
notes ; par M. Langlès. Paris,
Delance, 1805 ; 2 vol. in-8.
7° Voyages du chevalier Chardin
en Perse et autres lieux de l'Orient,
nouvelle édition ( la première est
de 1686 }), soigneusement conférée
sur les trois éditions originales,
augmentée d'une notice de la Perse,
depuis les temps les plus reculés
jusqu’à ce jour; de notes, etc.Paris,
Le Normant, 1811; 10 vol. in-8
et atlas in-folio.
Cette édition d’un ouvrage es-
timé , est fort bien exécutée ; les
notes de l'éditeur sont au nombre
de près de deux mille.
8 Murs , usages et coutumes
des Othomans , et Abrégé de leur
histoire; par M. 4. L. Castellan;
avec des éclaircissemens par M.Lan-
glés. Paris, Nepveu, 1812 ;in-18,
six volumes.
0° Grammaire de la langue arabe
vulgaire et lit'érale ( en français
et en latin ); ouvrage posthume
de Savary, augmenté de quelques
contes arabes, par l’éditeur(M.Lan-
glès ). Paris, imprimerie impé-
riale , 1815; in-4.
10° Voyage chez les Mahrattes,
par Tone; traduit de l'anglais, par
.161
MM. L et publié
avec des notes, rédigées en forme
de glossaire, par M.Langlès. Paris,
Everat , 1820 ; in-18,.
Un pseudonyme , se disant Jo-
seph, ancien corsaire, a publié des
chservations critiques sur le tra-
vail de M. Langlès, à la fin d’un
volume intitulé : Des Castes de
l'Inde, où Lettres sur les Hindous,
à l’occasion de la tragédie du Paria
de M. Casimir Delavigne. Paris,
P. Corneille, 1822; in-8, de
neuf feuilles un quart. — M. Lan-
glès avait déjà publié, en 1788, un
Précis historique sur les Mahrattes,
composé en persan, par l’écrivain
Hamédin, inséré dans le volume
intitulé : Affaires de l'Inde depuis
le commencement de la guerre avec
la France, etc. (traduit de l’anglais,
par Soulës ). Paris, Buisson,
1788 ; 2 vol. in-8.
11° Histoire de l'Egypte sous le
gouvernement de Mohammed-Aly ,
par M. Félix Mengin, avec des
notes par M. Langlès. Paris, 1823,
in-8 , 2 vol.
12°Dansles Mémoires de l’[nsti-
tut. Classe de littérature. T. IY.
page 119 à 141. Dissertation sur
les papiers monnaies des Orientaux.
13° Dans les Notices et Extraits
des manuscrits de la Bibliothèque du
Roi.T. V, pages 192-228.— Frag-
mens du Code de Djenguyz-Khän ,
( Gengis-Kan ), tirés de la grande
Histoire Universelle de Myrkhond.
N° 104 de la Bibliothèque du Roi.
—Notice d’un Dictionnaire latin-
mandchou-chinois , qui se trouve
en manuscrit, à la Bibliothèque
du Roi. Tome V. page 584.
— Même tome , page 668-688.
Recueil de Lettres écrites en arabe,
en turk et en persan , par différens
princes et souverains ‘othomans ,
11
162 LAX ;
persans , égyptiens, depuis 1°04
jusqu’en 1517. —T, VI. pag.520-
386, de la méme collection. Des-
criplion historique du canal d'E-
gypte (de Suez), tirée du Livre des
avis et sujets de réflesion (ou Des-
cription de l'Egypte ), par Al-
Magryzy.— T, VII. page 241-
308 de la même collection. Recueil
des usages ( oucérémonies ) établis
pour les offrandes et sacrifices des
Mandchouz , par ordre de l'empe-
reur (ou Rituel des Mandchoux ),
avec dis planches, représentant
soisante-cinq instrumens ét usten-
siles du culte chamanique., — tiré sé-
parément sous le titre de Rituel
des T'atares-Mandchouz, etc. 1804,
in-4.— 1. VINS. page 1-191 de la
méme collection. Table chronolo-
gique des crues du Nil Les plus re-
marquubles, depuis l'an 25 jusqu’en
922 de l’hégire(613-1517deJ.C.),
tirée de la cosmographie de Mo-
hammed-ben-Ahhmed - ben - À yüs.
— tiré à part, sous ce titre :
Extraits de l’odeur des fleurs dans
Les merveilles de l'univers. 1807,
in-4.
14° Des articles dans la Biogra-
phie Universelle, parmi lesquels
nous citerons : Abbas-le-Grand ,
roi de Perse, Aboul-Fuazl, Akbar,
Aureng - Zeyb, Chôh - A’alem,
Chàh-Djihan, Chardni, Djenguyz-
Khan, Ferdoucy, Hôfiz, Hyder-
Aly-K/hôn , W. Jones, Kerym-
Khôn, Mahé de la Bourdonnais.
15° Des Mémoires, notices ou ar-
ticles, dans le Magusin , les An-
nales, Va Revue Encyclopédique , et
dans le Mercure étranger, journaux
auxquels M. Langlës a coopéré.
Plusieurs de ces morceaux ont
été tirés à part , et leur collection
ne serait pas sans intérét pour
L À x
l'histoire de l'Asie : nousciterons,
entre autres :
Notice sur le Catalogue de la bi-
bliothèque de Lamoignon Malesher-
bes ( Magasin Encyclopédique ,
1797).
Notice de trois manuscrits orien-
taux rapportés d'Egypte et déposés
à la Bibliothèque nationale, par
Bonaparte ( VOrient du bonheur,
le Rosaire des justes, les Conver-
sations des amans )( Ibid, an Y ).
Sur la vie et les ouvrages de
Saady , d’après les manuscrits per-
sans de la Bibliothèque nalionale
( Ibid, deuxiëme année, 1796.
TITI. page 475).M., de Sacy ( Bio-
graphie Universelle, T, XXXIX.
page 404) assure que M. Lan-
glés n’a pas toujours bien entendu
Pauteur persan, duquel il a em-
prunté quelques traits de la vie
de Saadi,
T'rasous liltéraireset typographi-
ques des Anglais dans l Inde (Ibid).
Notice sur Les travaux littéraires
des missionnaires dans l'Inde (An-
nales encyclopédiques, juillets815).
Notice sur Fth-Aly -chôh de
Perse.
La France littéraire de Ersch ,
attribue encore à M. Langlés quel.
ques autres productions moins
importantes; mais attendu qu’on
ne les a pas revendiquées pour
lui, ni dans le Catalogue de ses
ouvrages qui précède celui de sa
bibliothèque, ni dans les biogra-
phiesrédigées à Paris du vivant de
l’auteur, et où il est facile de re-
marquer qu’on à obtenu des notes
assez directes, au moins pour la
partie bibliographique de son ar-
ticle , nous avons cra prudent de
ne point attribuer décisivement
ces ouvrages à M.Langlés, encore
que leur sujet rentre trés-bien
LA
LAU
dans le cercle ordinaire de ses tra-
vaux, et qu’il soit difficile d’ail-
leurs , de supposer aucun motif
qui ait pu le porter à ne pas les
avouer (1).
LAURAGUAIS ( Louis-Léox-
FéLicitÉ , duc de Braxcas, comte
dej, naquit à Paris, le 3 juil-
let 1733. Il était fils du duc de
Villars-Brancas, pair de France,
qui fut chevalier de la Toison-d’or
et lieutenant-général des armées
du Roi. Celui-ci mourut dans un
âge très-avancé, au mois de dé-
cembre 1773 (1). Le comte de
oo
(1) Les ouvrages attribués à M. Lan-
glès, par Ersch , sont les suivans :
1° Les Paroles du Sage. 1790, in-18.
— indiqué comme douteux.
2° Voyages sur la Mer rouge, les
côtes de l'Arabie heureuse , etc.; avec
une Notice sur l’erpédiion de M. de
Suffrein au Cap de Bonne-Espérance,
par Rooke, trad. de l'anglais. Paris,
Royer , 1787; in-8.
M. Barbier ( Dict. des Anonymes)
donne aussi cette traduction à M. Lan-
glés.
39 Description géngraphique, his-
torique et politique de N/aroc et Fez,
par G. Hoest; traduite et augmentée
de notes. 1796, in-4.
4o Notice des ouvrages élémentaires
manuscrits sur la lansue chinoise , que
possède La Bibliothèçuenationale.1800,
in-8.
5° Enfin, Ersch dit que M. Langlès
a rédigé avec Laporte du Theil et Le-
grand , le texte du Voyage dans la
Syrie, la Phenicie , la Palestine, cte.
de Cassas. 1798 el suivantes, in-fol.
(1) La famille des Brancacci, ori-
ginaire du royaume de Naples, où elle
subsiste encore avec distinction , était
déjà illustrée avant l'invasion des Nor-
mands. Elle possède les noms et titres
de Villars, Lauraguaïs, otre ‘oi 4
Céreste. Buphile de. Brancas fut le
premier de son nom qui s'établit en
-
EAU 165
Lauraguais débuta dans le monde
par la carrière des armes ; mais il
la quitta, bien feuve encore ,
en 1758, malgré les succès qu’il
avait obtenus durant la campagne
de l’année précédente , dans le
grade de colonel. Cette même an-
née , sa femme, M de Mérodes,
nièce du marquis d’Isenghien,
d’une famille ancienne du Bra-
bant, accoucha d’une fille, seul
enfant né d’un mariage célébré
France sous le règne de Charles VII.
Aprèsavoir soutenu en Italie, les inté-
réts de la seconde maison d'Anjou,
qu'il n’abandonna point dans ses mal-
Leurs, il la suivit en Provence, où il
fut doté de plusieurs fiefs considéra-
bies, tels que la baronie d'Oyse, le
marquisat de Villars et le comté de
Lauraguais. Le petit-fils de Buphile,
Barthélemi de Brancas, épousa une
fille du comte de Forcalquier et de
Toulouse , ce qui donna lieu à MM. de
Brancas de prendre quelquefois le nom
de Forcalquier. La famille de Brancas
s'étant séparée en deux branches, on
vit, vers le milieu du seizième siècle,
naitre de la seconde, Gaspard, André
et Georges. André, connu sous le non
de l'amiral de Villars, vécut sous
Henri IV, et tient une place mémo-
rable dans les annales de ce règne.
Georges de Brancas, son frère puiné,
lui survecut, et obtint, en 1726, le
brevet d’érection du marquisat de Vil-
lars en duché-pairie. (Il ne faut pas
confondre ce duché de Villars avec ce-
lui qui fut érigé en faveur du vainqueur
de rs ; celui-ci n'avait rien de com-
mun avec la famille de Brancas). Son
fils, celui qui fait le sujet de cet article,
eut une fille, mariée au duc d’Arem-
berg; mais étant décédé sans enfans
mälcslégitimes, une ordonnance royale
a transféré son duché-pairie sur la tête
de son neveu , Louis- Marie Buphile de
Prancas.— Constant Dioville de Bran-
cas, fils de Mlle Arnoult, colonel de cui-
rassiers, fut tué sur le ehamp de ba-
taille de Wagram.
16% LAU
en 3755. Le comte de Brancas,
son frère , avait épousé , en 1766,
uné fille du maréchal de Lo-
wendal.
Le comte de Lauraguaïis ne tarda
pas à se faire connaître dans Paris,
par un goût décidé pour les lettres
et pour les arts. I] fut à la fois un
savaut , un homme du monde et
un caractère original. Des expé-
riences, dés écarts, des bons
mots, furent les produits naturels
de ce triple caractère. Voltaire ré-
clamait contre l’usage ridicule des
siéges et des banquettes, qui ,
garnissant les deux côtés de la
scène française, plaçaient les ac-
teurs au milieu des spectateurs,
et ne permettaient à Auguste, à
Mithridate, à Mahomet , de se
montrer debout dans leur palais,
qu'entourés de marquis et de
financiers assis. Le ridicule était
senti, mais il ne pouvait dispa-
raître sans laisser dans la caisse
de la comédie un vide considéra-
ble ; ce vide, M. de Lauraguais le
combla avecune forte somme, et
il acheta au profit de l’art, la su-
pression définitive d’un abus invé-
téré. Ce fut à cette époque, et à cette
occasion , que Voltaire dédia son
Ecossaise au comte de Lauraguais.
«Vous avez rendu, luiécrivait-il,
un service éternel aux beaux-arts
et au bon goût, en contribuant
par votre générosité , à donner à
Ja ville de Paris un théâtre moins
indigne d’elle. Si l’on ne voit plus
sur la scène César et Ptolémée,
Athalie et Joad , Mérope et son
fils, entourés et pressés d’une
foule de jeunes gens; si les spec-
tacles ont plus de décence , c’est à
*ous seul qu'on en est redevable.
Ce bienfait est d'autant plusconsi-
rable que l’art de la tragédie ct de
LAU
la comédie est celui dans lequel
les Francais se sont distingués
davantage... Comment hasarder
ces spectacles pompeux, ces t1-
bleaux frappans, ces actions gran-
des et terribles qui, bien ména-
gées, sont un des plus grands res-
sorts de la tragédie ; cornment ap-
porter le corps de César sanglant
sur la scène, comment fajre des-
cendre une reine éperdue dans le
tombeau de son époux, et Ven
faire sortir mourante de la main
de son fils, au milieu d’une foule
qui cache et le tombeau et le filset
la mére, et qui énerve la terreur
du spectateur par le contraste du
ridicule? — C’est de ce défaut
monstrueux que vos seuls bien-
faits ont purgé la scène; et quand
ilsetrouverades géniesquisauront
allier la pompe d’un appareil né-
cessaire et la vivacité d’une action
également terrible et vraisembla-
ble, à la force des pensées et sur-
tout à la belle et naturelle poésie,
sans laquelle lart dramatique
n’est rien, ce sera vous, Mon-
sieur, que la postérité devra re-
mercier. »
Voltaire ajoute qu'il ne vent
pas laisser à la postérité le soin de
dire ce que ses contemporains
font de noble et d’utile. «Les justes
éloges, dit-il, sont un parfum
qu’on réserve pour embaumer les
morts. » Et il révèle un autre trait
honorable à la vie de M. de Laura-
guais. Dumarsais, soupconné de
jansénisme et même d’avoir dé-
fendu les droits de la couroane
contre les prétentions de la cour
de Rome, languissait, sans se-
cours, dans sa vieillesse, lorsque
le comte de Lauraguais se chargea
d’acquitter la dette du gouverne-
ment: il fit une pension à cet
LAU
écrivain. «Je veux, écrivait en-
core Voltaire , que ceux qui pour-
ront lire ce petit ouvrage sachent
qu'ily a dans Paris plus d’un
homme estimable et malheureux
secouru par vous; je veux qu’on
sache, que tandis que vous occu-
pez votre loisir à faire revivre par
les soins les plus coûteux et les
plus pénibles, un art utile perdu
dans l’Asie qui l’inventa (l’art de
faire résister au feu la porcelaine),
vous faites renaître un secret plus
ignoré, celui de soulager par vos
bienfaits cachés, la vertu indi-
gente. »
C'était l’époque où les sciences
exactes comimençaient à devenir
le sujet des méditations de la
plupart des esprits disposés à Pé-
tude. M. de Lauraguais s’y livra
avec ardeur et ne ménagea peur
leurs progrès, ni une application
constante, ni les dépenses auxquel-
les les expériences l’entrainaient.
On lui doit la découverte de la
décomposition du diamant, qu'il
fit d’un commun travail, avec son
malheureux ami Lavoisier. Déjà
sous le règne du dernier des Mé-
dicis, l’Académie de Florence
avait vu se dissiper sans laisser
aucune trace, un diamant exposé
au foyer d’un miroir ardent. Le
savant Darcet obtint le même ré-
sultat, en plaçant des diamans
dans le fourneau de porcelaine de
M. de Lauraguais. Les expérien-
ces furent répétées en public par
Rouelle,; Roux et Macquer : M. de
Lauraguais fournit plus d’une fois
le creuset et le diamant. Etcomme
à cette ardeur dispendieuse pour
la science, se joignait un goût
non moins yif pour le plaisir, la
fortune du comte se.trouva bien-
tôt dérangée. Il fit vendre publi-
LAU : 165
quement une bibliothèque riche et
nombreuse qu'il avait formée, et
dont le catalogue est encore re-
cherché par les bibliographes (1).
Le comte de Lauraguais avait
été nommé dès 15758, adjoint-
mécanicien à l’Académie des
sciences ; il fut reçu en 1771, asso-
cié vétéran, et dans la dernière or-
ganisation de cette société sa-
vante, en 1816, il se trouva , ét
il est mort le premier des Acadé-
miciens libres. L’inoculation de
la petite-vérole lui dut une partie
de la rapidité avec laquelle elle
s’introduisit en France, et même
il défendit par ses écrits la mé-
thode nouvelle contre les préju-
gés et les docteurs de plus d’une
faculté. Suivant Fexemple de Vol-
taire, M. de Lauraguais attachait
un écrit à presque tous les événe-
mens grands et petits qui venaient
fixer un moment Pattention pu-
blique, et ces écrits portaient
tous un cachet original. En 1971,
lors du grand ébranlement donné
à la monarchie par la lutte des
parlemens contre la cour, et par
les coups d’élat du chancelier
Maupeou, M. de Lauraguais publia
un écrit plus hardi que solide ,
plus singulier que profond : Il
avait pour titre : du Droit des Fran-
gais. Ce droit n’était alors que
dans la loi salique , ripuaire,
bourguignonne; dans les capitu-
aires , dans les premières ordon-
nances des rois de la 5° race, dans
les traditions antiques; et c’est Jà
que l’auteur alla le chercher, non
(1) L est intitulé : Catalogue d'une
.collection de livres choisis, provenant
du cabinet de M.***'. Paris, G. Dc-
bure fils ainé, 17970. in-8.
165 LAU
sans quelque désordre de style et
quelque confusion d'idées.
Les lettres partageaient avec
les sciences les goûts et les loisirs
de M. de Lauraguais; il fit impri-
mer en 1764, une tragédie de
Clytemnestre ; elle ne fut point
représentée. Les critiques du
temps louèrent l'exposition, les
caractères, la simplicité du plan
et la versification de la tragédie
nouvelle. Ils citèrent parmi beau-
coup d’autres, ces vers:
On voit l'ennui peser sur le front des tyran:.
Qui sait braver la mort est sûr de la donner
Ils n’approuvèrent ni lappari-
tion de l’ombre d’Agamemnon,
ni le tonnerre qui gronde pour le
dénouement, et peut-être ne fi-
rent-ils en ceci, que céder à des
préjugés d'école; mais ils recon-
aurent que l’auteur avait suivi les
traces des tragiques grecs, lesquels
n’avaient garde de dédaigner ces
moyens qui sympatisent si bien
avec nos instincts religieux. Le
Journal encyclopédique , alors fort
en vogue, trouva même dans
toute la pièce un air d’antiquité.
M. de Lauraguais l’avait dédiée
à Voltaire. Toutefois, l’exécution
et particulièrement la poésie du
style, ne répondaient pas à la har-
diesse de la conception. La tragé-
die de J'ocaste, imprimée en 1584,
fut encore un essai plus malheu-
reux. Voltaire étaitmort, et M. de
Lauraguais entreprit de refaire son
OEdipe. J'ocaste est précédée d’une
Dissertation sur les OEdipes de So-
phocle , de Corneille, de Voltaire,
de Lamothe, et sur Jocaste. L’OE-
dipe de Voltaire y est jugé sévère-
ment: cependant, on peut dire
qu’un grand nombre d’observa-
LAU
tions critiques ne manquent ni de
justesse ni de trait. L'auteur
prouve que Voltaire, en traduisant
dans la préface d’OEdipe, des pas-
sages de Sophocle, s’est permis de
les défigurer pour les rendre ridi-
cules. Quant au style de la tragé-
die de M. de Lauraguais, on en
peut juger par cette réponse de
Jocaste aux terribles confidences
d'Œdipe :
Abh!seigneur, c'en est trop; Gnissez, ou j'expire! (1}
M. de Lauraguais avait trop
d'esprit pour ne pas comprendre
le silence ou l’éloge embarrassé
de la critique. Il cessa de chausser
le cothurne, et se contenta des
succès de salon et de la fortune de
ses bons mots : mais bientôt Ja
Révolution le rappela aux choses
sérieuses. Jlécrivit en sa faveur,
et quand l’ordre de la noblesse
s’assembla pour élire ses députés,
il publia une lettre signée un bour-
geois de Paris. Cependant lori-
ginalité de son caractère et la
tournure de son esprit le condam-
paient à se trouver, sous tous les
régimes, dans les rangs de l’oppo-
sition. Frondeur durant les rè-
gnes de Louis XV el de Louis
XVI , il maudit en les persifflant ,
les excès de la Révolution. Bien-
tôt les fureurs démagogiques con-
duisirent son épouse sur l’écha-
faud; lui-même arriva jusqu’à la
Conciergerie, où il fut renfermé
en 1703. 11 en sortit la vie sauve,
mais dépouillé de la plus grande
(1) On lit dans la Correspondance
de Grimm (war 1781,t. V, p. 291),
une analyse de Jocaste. Suivant le
critique allemand, on disait que ce
qu'il y a de plus clair dans cette tra-
cédie, c'est l'énigme du «pkinx.
LAU
partie de ses biens , sans parler de
ses priviléges et de ses titres.
Soutenant les revers avec autant
de philosophie qu’il en avait mon-
tré dans la prospérité , et souvent
même , trouvant dans sa nouvelle
condition des sujets de plaisante-
rie, il traversa presque en riant,
le long intervalle qui sépare la
Révolution de la Restauration, fai-
sant par ses saillies, la petite guerre
au Directoire, au Consulat et à
l'Empire. Il adressa à Bonaparte
une comédie intitulée les Marionet-
tes ; dans laquelle son esprit plein
de sarcasme , manifestait claire-
ment des sentimens qui durent
ÔLer toute idée de fléchir son indé-
pendance. Un peu plus tard,
quaad il fut devenu physiquement
impossible d'atteindre avec Îa
plume, jusqu’au chef de l’état lui-
même , M. de Lauraguais choisit
Geoffroy pour adversaire et lança
contre lui un pamphlet. I| mon-
tra dans cette lutte, inégale par la
supériorité de Finstrument que
son enremi conservait chaque
jour à sa disposition, que son
esprit comme son style n’avaient
rien perdu de leur originalité bi-
zarre.
A la Restauration, M. de Lau-
raguais fut porté sur la première
liste des pairs, avec le titre de duc
de Brancas. On dit qu’il accepta
cette dignité du droit de sa nais-
sance, et en sa qualité d’ancien
pair du royaume, prétendant
qu’on reconnût sa Hégitimité pa-
rallèëlement avec d’autres. Il est
certain en effet, que ni son crédit ,
ni ses sollicitations ne doivent
être comptés parmi les causes qui
purent lui ouvrir les portes de la
chambre haute. Il y parla durant
la session de 1814, en faveur de
LAU 163
la liberté de la presse, et vota le
rejet de la loi présentée sur ce su-
jet, par M. l’abbé de Montesquiou.
Depuis, ses infirmités ne lui per-
mirent qne rarement d’y paraître,
mais ce fut constamment pour
voter avec les amis des libertés
publiques, qui toujours lui furent
chères. Sortant peu de chez lui,du-
rant ses dernières années, il con-
tinuait d’y vivre dans son origina-
lité et dans son indépendance,
entouré d’un petit cercle de sa-
vans et de gens de lettres, et s’oc-
cupant encore de physique et de
chimie, sciences dont il avait vu
commencer l’ére nouvelle et qu’il
avait suivi jusqu'aux plus beaux
développemens de leur maturité.
Lorsqu'il sentit ses derniers mo-
mens approcher, le duc de Bran-
cas voulut recevoir en chrétien, les
secours et les consolations de la
religion. Il mourut d’un accès de
goutte qui se fixa surla poitrine ,
le 9 octobre 1824, âgé de plus de
O1 ans.
Une si longue carrière , son es-
prit, sæ position dans le monde,
rendirent M. de Lauraguais té-
moin , toujours spirituel et sou-
vent actif, d'une grande succes-
sion de temps et d’événemens,
et contemporain d’un nombre
infini de personnages célèbres, à
des époques diverses, mais toutes
fécondes en faits importans et en
hommes distingués dans tous les
genres. Uneextrême vivacité d’es-
prit, une excessive sensibilité et
une imagination ardente, l’ont
quelquefois éloigné d’une juste
modération; mais ces écarts ou
plutôt ces singularités, portèrent
toujours l’empreinte d’un carac-
tère original et surtout d’un cœur.
généreux. Il favorisaconstamment
168 LAU
les innovations utiles et toutes les
idées qui eurent pour but le bien-
être et l'amélioration de l’espèce
humaine. Une grande facilité d’é-
crire et de s'exprimer, lui fit pro-
duire, avec une égele prodigalité,
des brochures et des bons mots.
Les premières trop négligemment
écrites et rattachées aux circon-
stances du moment, ont disparu
avec elles; les autres subsistent
encore, dans les traditions du
monde et dans lesmémoires litté-
raires les plus répandus du siècle
dernier, notamment dans ceux
dits de Bachaumont, et dans! 4r-
noldiana (1). Enfin, comme Pa
dit son ingénieux biographe (2),
(r) On ferait un na complet des
sailiies de M. de Lauraguais, Mlle Ar-
nould , de l'Opéra, avec laquelle il fut
intimement lié, prit de lui ce genre
d'esprit, auquel elle dut une partie de
sa vogue et de sa célébrité : souvent ils
nirent leur causticité en commun. Le
prince d’Hénin s'étant introduit dans
leur intimité , et y ayant porté l'ennui,
ST. de Lauraguais convoque une assem-
blée de médecins, et leur soumet sé-
rieusement, cette question : « Peut-on
mourir d'ennui? » La possibilité du fait
constatée, il accuse le nouveau venu
d'assassinat prémédité , en se fondant
sur la décision des docteurs. Cette sin-
gulière vengeance divertit tout Paris.
—Entre ses bons mots, citons celui-ci:
Après avoir manqué deux ou trois fois
de se rendre chez une dame, où , tout
en dinant mal, on médisait beaucoup,
il cessa définitivement d’y retourner,
Quelqu'un lui en demandant la cause,
« je suis las, répondit-il , de manger
» mon prochain sur du pain sec. » —
Par droit de représailles, on a fait aussi
des bons mots sur M. de Lauraguais.—
Qu'avez-vous fait en Angleterre ? lui
demandait Louis XV. — Sire, j'y ai
appris à penser. — Des chevaux? re-
partit le Roi.
(2) On trouve une Notice sur M de
LAU
« M. de Lauraguais est mort ayec
la réputation d’unhomme d'esprit,
qui aurait pu mieux ordonner sa
vie, mais non là semer de plus de
bons mots, et, ce qui est bien
préférable, de plus de bonnes ac-
tions. »
Liste des ouvrages
de L.L.F.Brancas-Lauraguais(à).
I. Dans les Mémoires de l Aca-
démie des sciences, année 1758 :
1° Maæxpériences sur les mélanges qui
donnent L’Ether, sur lEther lui-
même, et sur samiscibilité dans l'eau.
2° Mémoire sur La dissolution du
soufre dans l’esprit de vin.
IL Clytemnestre, tragédie en
5 actes et en vers. 1761, in-8.
L'auteur avait offert aux comé-
diens de fournir les habillemens
et de subvenir aux frais des
représentations ; Mais Ceux - Ci
ue crurent pas devoir accep-
ter, par égard pour Crébillon
et Voltaire, alors encore vivans,
et qui avaient déjà traité le même
sujet. Voilà du moins ce que di-
sent les Mémoires secrets ( de Ba-
chaumont }, du 11 février 1762.
III. Mémoire sur l Inoculation.
1503. in-12.
Le Parlement avait, le 8 juin,
sur le réquisitoire d’Omer de
Fleury, rendu un arrêt provisoire
coutre l’inoculation,
IV. Observation sur le Mémoire
de M. Guettard, concernant la por-
celaine. 1566, in-12.
V. Mémoiresur la compagnie des
Leuraguais, dans /a Semaine, Gazette
littéraire; t. 1, p.367.
(1) La bibliographie de cet article a
été rédigée, en grande partie, sur des
notes communiquées par M. Beuchot.
LAU
Indes, précédé d’un discours sur le
commerce en général. Paris , 1769;
in-4.
C’estdans un avertissement que
l’auteur réfutele Mémoire de l'abbé
Morellet, sur lasituation actuelle
de la compagnie des Indes. —
(Voyez Mercure. Août 1569, pag.
136 ; septembre 1769, pag. 129.
— Année littéraire. 17609, vol. 27.)
VI. Du Droit des Français.
1751, in-4.
VII. Mémoire pour moi, par
moi, Louis de Bruncus , comte de
Lauraguais. Londres, 1753, in-8,
de xlet 109 pages.
Ce mémoire est relatif à un
procès qu’on lui avait suscité en
Angleterre, pour un prétendu
enlèvement d’une de ses femmes
de chambre; ce sont ses expres-
sions.
VIII. Jocaste, tragédie en cinq
actes el en vers, précédée d’une
Dissertation (de 183 pages) sur Les
OEdipes de Sophocle, de Corneille,
de Voltaire, de Lamothe, et sur
Jocaste. Paris , Debure l’ainé,
1781,in-8.
C’est à la fin de la dissertation
que M. de Lauraguais rappelant le
service qu’il avait rendu à la Co-
médie française , en déblayant la
scène des spectateurs , a dit plai-
samment: « Je suis le marguillier
de cette paroisse. »
IX. Recueil des pièces historiques
sur la convocation des Élats-géné-
raux et sur l’élection de leurs dépu-
tés. 1788, in-8.
X. Dissertation sur les assem-
blées nationales , sous Les trois races
des rois, en France. 10 octobre
1788, in-8 , de 105 pages.
XI. Lettres sur les Etats-géné-
raux convoqués par Louis XVI, et
composés par M. Target. 1788 ;
LAU 169
in-8, de iv et 42 pages, plus les
faux titre et titre.
Grimm ( Correspondance litté-
raire. Novembre 1588.T.IV. pag.
627 ) donne encore un autre titre
d’une brochure de M. de Laura-
guais, sur le même sujet:Lettresur
la convocation des gens des trois
Etats et sur l’élection de leurs dé-
putés.
XII. Apercu historique sur la
cause et la tenue des Etats-géné-
raux, avec des Réflexions sur cer-
tains objets qui y ont été agilés et
d'où dépend le bien public. 1789,
in-8 , de viliet 226 pages, plus
deux tables.
XIII, Discours de M. le comtede
Lauraguais aux habitans de M ani-
camp ,; le n février 1590. in-8,
de 7 pages.
Les habitans de Manicamp
avaient élu maire M. de Laura-
guais. Il refusa? et motiva son
refus par un écrit public, fondé
sur son opposition aux décrets
de l’Assemblée constituante.
XIV. Lettres du citoyen B. Lau-
raguais , à l’occasion du contrat de
vente que le département de l’ Aisne
lui a passé, du presbytère et de l’é-
glise à Manicamp, et du sunsis que
le ministre des finances a mis à
l'exécution de ce contrat. Paris,
1797 ,; an V ;in-6, de 48 pages.
Ces lettres sont au nombre de
quatre.
AV. Première Leltre d’un incré-
dule à un converti, par le citoyen
Lauraguais. 1797, in-8, de 52
pages, plus une note de l'éditeur,
signée Sobry et qui est sur la cou-
verlure.
C’est une réponse à un article
de La Harpe, contre le discours
de M. Boulay ( de la Meurthe )
sur la déclaration exigce des prè-
iro LAU
tres catholiques. A la fin de cette
Première Lettre, l'auteur en pro-
met une autre; je ne sais si cette
seconde a paru.
XVI. Dissertation sur l'ostra-
cisme, par le citoyen Lauraguais.
24 vendémiaire an VI. Paris, de
Pirmprimerie de Lemaire ; in-8,
de 40 pages.
XVII. Lettres aux citoyens Le-
breton et Cuvier, à l’occasion de
lEloge du citoyen Darcet. 1802,
iu-8.
XVIII. Lettres de L. B. Laura-
guais à Madame ***, dans lesquelles
on trouve des jugemens sur quelques
ouvrages, la vie de l’abbé de V'oise-
non, une conversation de Champ-
fort sur l'abbé Sieyes, et un frag-
ment historique des Mémoires de
Mme de Brancas, sur Louis XV
et Mrre de Châteauroux. Paris,
Buisson, 1802; in-8 , de iv et 250
pages, plus un feuillet sur le-
quel l’Errata.
XIX. Lettre à M. & abbéGeoffroy,
rédacteur du feuilleton du Journal
des Débats. 1802 , in-8.
AX. Lettres à Suard. 1802,
in-8.
XXI. Lettres de M. de Laura-
guci à M leduc d’ Aremberg.Paris,
Pabin, an XI(1805); in-8 , de
vingt - deux pages. — relatif à
des discussions d’intérêts de fa-
miile.
XXII. Lettre de M. le duc de
Brancas à M. le vicomte de Chä-
teaubriand. Paris , imprimerie
de Charles , 1815; in-8, d’une
feuille trois quarts.
XXIH. Discours du duc de
Brancus, pair de France, prononcé
Le 10 août , dans le Bureau dont il
était membre. Paris, imprimerie
de Brasseur aîné, 1814; in-8, de
vingt-sept pages.
LEB
XXIV. Discours du duc de
Brancas, préparé pour la séance
des Pairs, du 50 août 1814. Paris ;,
imprimerie de Brasseur aîné,
1814; in-8 , de quinze pages.
XXV. Lettres de M. le duc de
Brancas, pair de France, à l’occa-
sion de la circulaire adressée Le 5
octobre 1815, aux pairs, par M. le
comte de Sémonville , leur Grand-
référendaire.1815 , in-8.
XXVI. Lettre à M. Michaud ,
membre de l’Académie française.
1818 , in-8.
XXVII. Lettre des consonnes
BR , à la voyelle E. 1819, in-8.
Enfin ,; on trouve diverses
pièces de M. de Lauraguais , dans
différensrecueils : telles que Lettre
à M. le comte de Saint-Florentin
en lui envoyant son mémoire sur
l’inoculation, pour être mis sous les
yeux du Roi ( dans les Mémoires
secrets. 18 juillet1763).— Lettre à
M. le comte de Bissy , en lui en-
voyant copie de la Lettre écrite à
M. le comte de Saint - Florentin ,
( ibid. 20 juillet ). — Lettre à M. le
comte de Noailles (Ibid. 2vjuillet).
— Lettre à M. de Saint-Florentin,
à la réception de la lettre de cachet
du 15 juillet ( Ibid. 10 août ). Ces
diverses lettres firent naître la
Lettre d’un philosophe à un autre
philosophe de ses amis ( ibid. id. ).
— Lettre à M. Suard, relativement
à la comédie des Originaux ( dans
la Correspondance de Grimm ;,
troisième partie. T.II. pag. 129).
LEBRUN (CnanLes-FRanÇoIs ,
duc de Plaisance), naquit à Saint-
Sauveur-Landelin, près de Cou-
tance , le 19 mars 1539. Sa fa-
mille , originaire de Bretagne,
était venue à une époque reculée,
s'établir en ce lieu , et y avait ac-
LEB
quis des propriétés. Son père,
connu sous le nom de Lebrun de
la Seniére, eut sept enfans, dont
quatre garçons. Charles-François,
le plus jeune, fut placé comme.
pensionnaire , au collége des
Grassins, à Paris , où il eut pour
professeur Charles Lebeau, célè-
bre dans les fastes de l’Université.
Le jeune Lebrun se livra avec ar-
deur, à l’étude des langues an-
ciennes et modernes, et c’est de
cette époque que datent ses pre-
miers essais des traductions d’Ho-
mère et du Tasse, qui lui valurent
depuis un rang honorable dans
la république des lettres , et jus-
tifièrent plus tard, son admission
dans la troisième classe de l’Insti-
tut. Après avoir fait sa philosophie
au collége de Navarre, il s’adonna
à l’étude du droit public et des
théories politiques, qui, à cette
époque,n’étaientencore familières
qu’à un nombre de personnes
très-restreint. Pour compléter son
instruction en ce genre, par la
contemplation de l’expérience, il
alla voyager en Hollande et en
Angleterre. À son retour, il se mit
à étudier le droit : le professeur
Lorry le donna pour répétiteur au
fils du premier président de Mau-
peou, qui, grâces aux abus du
temps, avait déjà le titre de pré-
sident à mortier, avant d’avoir
terminé ses cours de droit. Cette
circonstance fut la source pre-
mière de la fortune de M. Lebrun.
Quand Maupeou devint chancelier
de France , il prit son répétiteur
pour secrétaire ; c’est ainsi que
Lebrun devint le rédacteur des
actes de son ministère, et le dé-
fenseur de ses mesures, en faveur
desquelles il publia une foule de
pamphlets, dont quelques-uns, à
LEB 171
ce qu’on croit, sont restés jusqu’à
ce jour , cachés sous le voile de
anonyme. On lui attribua même
plusieurs des discours etmémoires
prononcés ou publiés par Mau-
peou.Ce chancelier ne craignit pas
de porter une main sacrilége sur le
sanctuaire de la justice, et de
réduire la France à la condition de
la monarchie la plus absolue , en
brisant illégalement ses Parle-
mens, vénérables et vieux débris
de nos antiques libertés. C’est au
profit du despotisme ministériel le
plus abusif et le plus capricieux,
que fut frappé ce coup d'état témeé-
raire. L’opinion nationale se sou-
leva contre un acte d’une audace
telle,que Louis XIV, irritéet victo-
rieux, n’avaitpas osé élever sa pen-
sée jusque là : mais la faiblesse mu-
tinée ne doute de rien. Maupeou
eut bien de la peine à trouver dans
les rangs secondaires de la magis-
trature et du barreau, de quoi
composer ses tribunaux illégi-
times : durant environ dix années,
on les repoussa avec une persis-
tance , qu’on rencontre rarement
chez les Français; et telle fut l’im-
pression de dégoût et de mépris
qu'ilsinspirérentuniversellement,
que dans les villes de Parlement ,
c’est encore au palais, une tache
qui n’est pas entièrement effacée,
d’avoir appartenu de quelque ma-
nière ,; au Parlement-Maupeou.
M. Lebrun partage avec son mi-
nistre la responsabilité historique
de ces événemens. Les hommes
de toutes les opinions s’accordent
aujourd’hui, sinon à vanter les
magistrats, du moins à blimer
celui qui les frappa.
Les querelles du duc d’Aïguil-
lon, gouverneur de la Bretagne,
avec le parlement de celte pro-
172 LEB
vince, amenèrent [a crise dont
nous parlons. C’est abbé Terray,
d’odieuse mémoire, qui composa
le préambule de l’édit de décembre
1769,et qui en rédigea les articles,
après que la rédaction de M. Le-
brun eut été écartée ; mais c’est
celui-ci qui composale discours du
chancelier Maupeou , et qui rédi-
gea ensuite les édits relatifs à l’é-
tablissement des Conseils supé-
rieurs qui remplacèrent les Parle-
mens. La fortune ne pouvait
manquer d'accompagner un tel
crédit. Lebrun fut nommé succes-
sivement, censeur royal, payeur
des rentes, inspecteur-général des
domaines de la couronne. Mais
après la disgrâce du duc de Choi-
seul, le duc d’Aiguillon étant
parvenu au ministère malgré le
chancelier, le crédit du protécteur
et celui du protégé baissèrent si-
multanément. Enfin, l’avénement
de Louis X VI anéantit pour jamais
celle justice éphémère, éclose de
leurs mains : Maupeou et Lebrun
furent renvoyés le même jour. Ce
dernier se retira dans sa terre de
Grillon , qui avait appartenu au
poëte Regnard, et y vécut quinze
ans dans la retraite : la Révolu-
tion vint l'en tirer.
Un écrit publié en 1789, sous
le titre de /a Voix du Citoyen,
rappela l'attention publique sur
M. Lebrun : on y retrouve au-
jourd’hui avec étonnement , ce
passage prophétique : « Il nous
faut une constitution nouvelle,
le vœu public l'appelle, l'intérêt
de la nation la demande , le sou-
verain la promise, et nous en
sommes venus au point où iln’ÿ
a plus pour nous de milieu entre
être libres ou cesser d’être... Mais
si un csprit de vertige égarait la
LEB
raison, si un vil intérêt , un inté-
rêt aveugle corrompait les âmes
les plus pures... alors, libres
comme les autres Ordres, vous
vous refuseriez ( le tiers-état ) à
un fardeau qu’ils ne voudraient
pas peser Alors , plus de puis-
HT A publique , plus de nœud s0-
cial , plus de nation ; ou si vous
pouviez l'être encore, vous seriez
la dernière de toutes... Bientôt
s’élèverait un homme audacieux,
un leveller déterminé, qui sur les
débris de vos anciennes fortunes,
établirait uue constitution nou-
velle.…Il appelleraitles citoyens à
plus de liberté, à plus de richesse;
mais il dirait aussi : l’autorité
manque àmes vuesbienfaisantes,à
chaque pas des formes importunes
arrêtent ma marche et votre pro-
spérité ; des assemblées perpé-
tuelles vous arrachent à votre
culture, à vos travaux, à voire
commerce : tranchons d’un seul
coup toutes les difficultés ; rom-
pons ces vieux liens qui en-
chainent un pouvoir qui n’existe
plus que pour vous rendre libres,
heureux et puissans !... Le vœu
général remettra dans ses mains
toute la puissance publique.Alors
sera établi un despotisme légal,
et nos fers à tous , seront rivés au
trône même de la constitution. » —
On est étourdi de lire l’avenir ainsi
raconté, avec tant de précision ,
précisément par un de ceux qui
devaient concourir si directement
à nous Île faire tel qu'il le disait.
Lebrun fut élu député de la
noblesse du bailliage de Dourdan,
aux états-généraux de 1789, et
rédigea les cahiers de son ordre.
Dans l’assemblée, il se montra
habile, patriote et modéré; ïl
parla fréquemment, particulitre-
LEB
ment sur les matières de finance,
qui lui étaient familières ; il s’op-
posa à la multiplication exagérée
des assignats, ce qui le mit aux
prises avec Mirabeau ; il fit pren-
dre plusieurs mesures favorables
au crédit public. Ses opinions les
plus remarquables furent con-
cernant les biens du clergé : ilne
crut pas que la nation eut le droit
de s’en emparer , et soutint qu’en
cas d'extinction de l’usufruit du
clergé, ils devaient légalement
faire retour aux héritiers des do-
nataires : en faveur des académies,
il demandait leur conservation :
« En créant l’Académie française,
dit-il, Richelieu n’y chercha peut-
être que des panégyristes et des
esclaves ; elle a expié son origine:
on n’oubliera pas que plusieurs
de ses membres ont été les apôtres
de la liberté. » Il fit enfin suppri-
mer diverses fonctions à la fois
onéreuses et sans utilité, parmi
lesquelles on remarque celles
des commnissaires-priseurs, qu’on
a rétablis depuis.
Au sortir de l’Assemblée con-
stituante, M. Lebrun fut élu
membre et présidentdu Directoire
du département de Seine-et-Oise.
À la fin de l’hiver de 1792, des
troubles très - inquiétans éclatè-
rent dans ce département, à l’oc-
casion de la disétte des grains ; les
marchés furent assaillis ; le maire
d’Etampes, nommé Simonneau,
fut massacré par les factieux ,
et celui de Montlhéry fut griève-
ment maltraité. M. Lebrun fut
député extraordinairement vers
l'Assemblée législative pour lui
rendre compte de ces événemens.
Il se présenta à la barre le 6 mars
1792, et dans son rapport, pei-
gnit des couleurs les plus fortes,
LED 1r9
l'anarchie et ses affreuses consé-
quences. Il obtint de l'assemblée
et du gouvernement, les forces né-
cessaires pour réprimer les mou-
vemens séditicux, et parvint avec
sescollègues, à ramener le calme,
par des mesures aussi sages qu’é-
nergiques. Après le 10 acût 1592,
il donna sa démission et s’écarta
des fonctions publiques. Le pre-
mier septembre 1505, il fut mis
en arrestation dans la maison des
Recollets de Versailles: relâché six
mois «près, et renvoyé chez lui
avec un gardien, il iut empri-
sonné de nouveau le 28 messidor
an IT, et aurait sans doute aug-
menté le nombre des victimes de
la terreur, sans la journée du 9
thermidor. Il fut rendu à la liberte
trois mois après, et ne tarda pas
à être appelé pour la seconde fois,
à la présidence du Directoire du
département de Seine-et-Oise.
En l’an IV, Lebrun fut élu par
son département, député au Con-
seil des Anciens. Tour à tour se-
crétaire et président, il s’y oc-
cupa exclusivement des finances,
parla toujours en faveur des re-
solutions conformes à la modéra-
tion et à la justice, notamment
contre l'emprunt forcé et pour
des mesures favorables aux
cendans des émigrés. Sans avoir
pris aucune part aux événemens
qui préparèrent la journée du
18 brumaire et le changement
de gouvernement qui en fut ia
suite; sansavoireu, à Ce Qu'un as-
sure, pendant qu’il présida la com
mission temporaire du Conseil des
Anciens, ni de relation, ni même
d’entrevue avec Bonaparte; en-
fin, sans avoir fait aucune démar-
che, il futnommé troisièmeconsul.
On ne sait si ce choix fut suggéré
as-
1r4 LEB
à Bonaparte par quelque circon-
stance particulière , ou s’il trouva
naturel de prendre le président du
Conseil des Anciens, pour com-
pléter par un financier , son con-
sulat, qui avait déjà son général
et son légiste. Le nom de M. Le-
brun était d’ailleurs de nature à
rassurer les personnes qui au-
raient pu craindre le retour de
l'influence des Jacobins. Aureste,
il faut entendre Bonaparte lui-
même , expliquer et justifier son
choix.
«Le premier Consul en arrivant
»aux Tuileries, succédait à des
»orages, des temps, des mœurs
» qu’ilétait résolu de faire oublier;
» maisilavaittoujours été aux ar-
»mées; il arrivait d'Egypte; il
»avait quitté la France jeune et
» sans expérience ; il ne connais-
» sait personne , et c’est ce qui lui
» causa d’abordun grandembarras.
» Lebrun fut pour lui, dans ces pre-
» miersmomens,une espèce de tu-
»teur fort précieux... Le premier
» Consul se vit presqu’aussitôt en-
» touréde femmes de fournisseurs;
» elles étaient presque toutes char-
» mantes et dela dernière élégance.
»Ces deux circonstances sem-
»blaient être de rigueur, parmi
»tous les faiseurs d’affaires, et
» entrer pour beaucoup dans leurs
» spéçulations. Mais le sévère
» Lebrun était là pour éclairer son
»jeune Télémaque. Il fut résolu
»de ne pas les admettre dans la
» société des Tuileries.....(1). Na-
»poléon disait qu’au demeurant,
»il avait choisi dans Cambacérès
(1) Mémorial de Sainte-Hélène ,
par le comte de ŒLascases. t. Il,
p. 4:12 et 413.
LEB
»vet Lebrun, deux hommes de
»mérite, deux personnages dis-
»tingués ; tous deux sages, mo-
»dérés, capables; mais d’une
» nuance tout-à-fait opposée. L’un
» (Cambacérès ) l’avocat des abus,
»des préjugés, des anciennes
»institutions, du retour des hon-
sneurs, des distinctions, etc.;
» l’autre froid , sévère, insensible,
»combattant tous ces objets, y
» cédant sans illusion, et tombant
»naturellement dans lidéolo-
»gie..... (1). Lebrun était le con-
ntraire de Cambacérès; il avait
»üne pente extrême vers le sens
» opposé; Lebrun était l’homme
» des idéalités (2). »
Avant que le jugement de Bo-
naparte sur ses deux collègues
nous fût connu, M"®° de Staël
avait prononcé le sien, qui lui est
assez analogue. « La constitution,
dit-elle, donnait à Bonaparte deux
collègues; il choisit, avec une sa-
gacité singulière, pour ses consuls
adjoints, deux hommes qui ne
servaient qu’à déguiser son unité
despotique : l’un, Cambacérès ,
jurisconsulte d’une grande in-
struction, mais qui avait appris,
dans la Convention, à plier mé-
thodiquement devant la terreur;
et l’autre, Lebrun, homme d’un
esprit très-cultivé et de manières
très-polies , mais qui s’était formé
sous le chancelier Maupeou, sous
ce ministre qui avait substitué
un parlement nommé par lui, à
ceux de France, ne trouvant pas
encore assez d’arbitraire dans la
monarchie telle qu’elle était alors.
Cambacérès était l’interprète de
(1) Zbide t. IV, p. 463 et 464.
(2) Zbid. t. NI, p. 45.
LEB
Bonaparte auprès des révolution-
naires, et Lebrun, auprès des
royalistes; l’un et l’autre tradui-
saient le même texte en deux lan-
gues différentes. »(Considérations
sur la Révolution française. T IT.
pag. 254, édit. de 1816. )
Collègue de Napoléon, le con-
sul Lebrun ne contraria point
sa politique, et ne conçut pas la
pensée de lui disputer le pouvoir;
mais il exerça une heureuse in-
fluence sur la restauration des fi-
nances de la France. On lui at-
tribue la rédaction de divers actes
du gouvernement consulaire, rela-
tifs à cette branche de l’adminis-
tration publique, et qui, en effet,
portent le caractère de son style.
La Cour des comptes est une de
ses créations. Quand Napoléon
érigea son trône, Lebrun fut dé-
dommagé de sa portion de sou-
veraineté, par la nouvelle dignité
d’Archi-irésorier de l’Empire et
par le titre de duc de Plaisance.
L’Archi-trésorier était le contrô-
leur, pour Empereur, des comp-
tes de ses comptables , àcommen-
cer par les ministres. C’est à lui
que la Cour descomptes remettait
ses observations sur les comptes
de toutesles administrationsfinan-
cières. Ce mécanisme qui pouvait
v’être pas dépourvu d’efficacité
dans une monarchie pure, con-
serva au duc de Plaisance une
fnfluence positive sur les affaires,
et il en usa pour maintenir l’ordre
dans les finances. Cependant, l’Ar-
chi-trésorier eut toujours bien
moins de crédit que son collègue
VArchi-chancelier : car celui-ci
tenait la clef du Sénat , qui après
l'épée de l'Empereur, fut le prin-
cipal levier de la monarchie im-
périale.
LEB 175
En lan XIII, le duc de Plai-
sance fut envoyé à Gênes, qui ve-
nait d’être réunie à la France,
avec le titre de gouverneur-gé-
néral de la Ligurie. Nommé ,
en 1809 ; président du collége
électoral du Rhône , il fonda à
Lyon, à cette occasion, un prix
d'encouragement pour l’industrie
de cette ville, qui continue d'y
être annuellement décerné. Après
qu’il eut forcé son frère Louis à
descendre du trône qu’il lui avait
élevé en Hollande, Napoléon con-
fia à M. Lebrun toute l’adminis-
tration de ce pays, avec le titre
de gouverneur-général. Le due
de Plaisance y resta jusqu’au mois
de novembre 1815, époque où
le pays se souleva et proclama
son indépendance. Les Hollandais
ayvouent eux-mêmes qu’ils furent
gouvernés avec modération et
avec équité, et que M. Lebrun sut
concilier les ménagemens dus à
un peuple malheureux, avec les
devoirs des fonctions dont il était
revêtu. L’Archi-trésorier ne signa
point l’acte du Sénat qui prononça
la déchéance de Napoléon , mais
il signa celui qui rappelait au
trône la maison de Bourben.
Monsieur , lieutenant-sénéral du
royaume , l’envoya à Caen, avec
le titre de commissaire extraor-
dinaire , pour y établir et y faire
reconnaître l’autorité royale. Il
fut compris dans la premiere
organisation de la Chambre des
Pairs du royaume ; il entra aussi
dans celle des cent jours, et à la
même époque, futnommé Grand-
Maître de l’Université. Eloigné de
la Chambre des Pairs par l’ordon-
nance du 24 juillet 1815, il y fut
rappelé par celle du 6 mars 1819,
et y vota habituellement avec le
1-0 LEB
parti constitutionnel. Le duc de
Plaisance mourut âgé de 85 ans,
le 16 juin 1824, à sa terre de
Saint-Mesmes , près Dourdan. Il
a laissé un fils, lieutenant géné-
ral des armées du Roï, et succes-
seur de sa pairie : celle-ci est
classée par les ordonnancesroyales
au banc des barons ; ce qui ne
préjudicie point au titre de duc de
Plaisance , qui reste héréditaire
dans sa famille, suivant les statuts
ordinaires qui régissent les trans-
missions des titres de noblesse. —
M. le marquis de Marboïs, uni à
M. le duc de Plaisance par les
liens du sang (1), a prononcé l’é-
loge de son collègue, à la tribune
de la Chambre des Pairs ( Moni-
teur du 25 juin 1824 ).
Liste des ouvrages
de Ch.-Fr. Lebrun.
I. La Jérusalem délivrée , poème
du Tasse, trad. de l'italien ( en
prose ). Paris, Musier fils, 1774,
2 vol. in-8 (anonyme.). — Nou-
velle édit. 1782, 2 vol. in-12. —
Lille , 1594, 3 vol. in-18. —
Nouvelle édit. revue, corrigée, en-
richie de la vie du Tasse (par
M. Suard); Paris, Bossange, 1805,
2 vol. in-8.—1810, 2 vol. in-18.
— Nouvelle édit. précédée de la vie
du Tasse ( par M. Suard); Paris,
Bossange,1811,in-fol.et2 vol.in-8
etin-12.—1bid. 1815, 2 vol in-8.
Traduction élégante et agréable
à lire. La singularité de la pré-
face fit, dans le temps, attribuer
louvrage à Jean-Jacques Rous-
seau.
(1) M. le duc de Plaisance actuel, a
épousé la fille unique de M. de Barbé-
Marbois. j
LEB
IT. L’Iliade d'Homére. Xraduct.
nouvelle , en prose. Paris, 1970,
3 vol. in-8 et in-4, ou 2 vol.
in-12 ( anonyme). — La même
traduction , presque entièrement
refaite. Paris, Bossange, 1809,
2 vol. in-12. Onatiré 25 exem-
plaires de cette édition , format
in-fol. à deux colonnes, avec un
titre imprimé en or. Ces exem-
plaires qui n’ont pas été mis dans
le commerce, sent ornés de 54
gravures d’après Flaxman et des
bustes d’Homère et d’Achille.
(F. ci-après le n° VIIL. )
C’est dans cette traduction que
les gens du monde lisent commu-
nément Homère ; en effet, la dic-
tion en est élégante et rapide :
mais le traducteur se permet
d'abréger son original ; d’ei-
facer les images qui lui sem-
blent incompatibles avec le génie
de notre langue, et d’altérer, s’il
est permis de le dire, les mœurs
homériques. Les savans accordent
plus d'estime à là traduction de
M. Dugas-Montbel.
III. Élogedel’abbéTerrey.178..
L'auteur le compare à Sully et
à Colbert.
IV. La Voix du Citoyen. 1789
( anonyme ). — Nouvelle édit.
Paris, Bossange et Masson , 1814.
in-8 , de 94 pages.
V. Utilité de régler la théorie de
l'impôt par des lois constitution
nelles. 1790, in-8. — douteux.
VI. Lettre sur les Finances ( V.
Moniteur,n° 46, de 1791.).
VII. Mémoire présenté à lAs-
semblée Nationale, sur les moyens de
soutenir et de faire hausser La valeur
des assignats , et de remédier au
renchérissement des biensusuels, par
M. Lebrun; et Parallèle de son plan
avec ceux de MM. Clavière, Bois-
LEM
tandry ; Philibert ; Condorcet ,
Cailhasson et Marbot. 1592, in-8.
VIII. L'Odyssée d’ Homère , tra-
duite du grec. Paris, Bossange et
Masson , 1819; 2 vol. in-12 ,
(anonyme ).
On à publié : Catalogue des
livres de la bibliothèque de feu M. le
duc de Plaisance. Paris , Bossange
père et Brunet, 1824; in-8, de
6 feuilles trois quarts.
LEGRAS ( Puimmpe ), ancien
procureur au parlement de Dijon,
fut un des hommes justes etcou-
rageux qui osèrent élever la voix
contre la loi du 9 floréal an HI
( 28 avril 1795 ), relative au par-
tage de présuccession des pères et
mères et autres ascendans d’éini-
grés. Il publia à cette occasion, un
écritintitulé: Pressante réclamation
pour les pères et mères des émigrés.
Paris, an LIT (1795) ; in-8 ( ano-
nyme). La Biographie des hommes
vivans (Paris, Michaud, t.1V,1818)
dit que Legras est encore auteur
d’un ouvrage intéressant sur les
Faillites. Cet écrit contribua sans
doute à fixer sur son auteur, l’at-
tention du ministre del’intérieur,
qui, en 1803, désigna Legras
pour faire partie de la commis-
sion chargée de rédiger le projet
de code de commerce, qui de-
puis a été converti en loi. Legras
fut nommé, le 8 juillet 1806,
avocat au Conseil d’état : ilobtint
aussi la décoration de la Légion-
d'Honneur. Les dernières années
de sa vie se sont écoulées à Dijon,
où il est décédé , le 14 avril 1824,
à l’âge de 72 ans.
LEMONNIER (Anicer-Cnarces-
GABRIEL), peintre d'histoire, na-
quit à Rouen, le 6 juin 1545.
LEM 197
Après qu'il eut fait ses études au
collége des Jésuites de cette ville,
ses parens qui auraient voulu le
destiner au commerce , cédant à
une vocation marquée , lenvoyè-
rent à Paris, étudier la peinture à
Pécole de Vien. Il s’y trouva con-
disciple de David et de Vincent,
à côté desquels il fit de rapides
progres. Lemonnierfréquentait le
monde, en même temps que l’a-
telier. Dans sa jeunesse, il fut
admis chez M Geoffrin , qui
l’avait pris en affection et qui le
tutoyait. Lorsqu'un demi-siècle
après, il fit le tableau qui repré-
sente une lecture chez M"° Geof-
frin, les personnes de cette so-
ciété étaient encore si bien pré-
sentes à sa mémoire, qu’on peut
dire qu’il les peignit d’après ua-
ture. En 1570, Lemonnier rem-
porta le grand prix de peinture,
sur le sujet de Molière et sa famille.
Il composa ensuite, d’après les
ordres du gouvernement, la Ré-
surrection de T'abithe, tableau qui
orne l’ancienne cathédrale de Li-
sieux. Il se rendit à Rome, en
1574, en qualité de pensionnaire
de l’Académie de France. Non-
content d’avoir exploré les anti-
ques trésors de cette vieille capi-
tale du monde, il parcourut d’au-
. tres contrées de l'Italie. Ilse trou -
vait à Naples, en 1779, époque
d’une fameuse éruption du Vésuve.
Plus tard , il fit un second voyage
à Rome, et eut lavantage d’y
être accueilli par le cardinal de
Bernis, ambassadeur de France,
De retour à Paris, pour s’y fixer
définitivement, Lemonnier exposa
au salon de 1585, son tableau de
Saint Charles-Borromée ; portant
les secours de la religion aux pesti-
férés de Milan. «Toutes les expres-
12
195 LEM
sions de ce tableau sont pleines
de sentiment, et les différentes
parties de l’art répondent à l’inté-
rêt du sujet (1}.» Le tableau de
Cléombrole fut exposé au salon
de 1787. Ce guerrier, gendre
de Léonidas II, roi de Sparte,
avait conspiré contre lui et
usurpé son trône; mais la face
des affaires changea, et Léonidas
fut rappelé par les Spartiates.
L'usurpateur cherche un refuge
aux autels de Neptune, où vient
le trouver le courrouxde son beau-
père , tandis qu’en même temps,
son épouse Chélonide etses enfans
accourent pour le protéger. « Cet
ouvrage, lun des plus capitaux
de M. Lemonnier, est recomman-
dable par le goût de la composi-
tion, l'expression des personnages
et la fermeté du pinceau (2). »
Deux fois exécuté en tapisserie,
ilest maintenant placé dans le
château de Versailles. David dit,
en voyant le Cléombrote : « Voilà
un tableau dexcellent profes-
seur, »
En 1786, Louis XVI passa par
Rouen, à son retour de Cher-
bourg , où il était allé visiter les
constructions de ce port. Les no-
tables commercans de la ville de
Rouen furent présentés au Roi,
qui leur fit un gracieux accueil.
La Chambre du commerce vou-
lant perpétuer la mémoire de cet
événement, invitaM. Lemonnier
à le retracer sur la toile. Ce
grand tableau composé de vingt-
deux figures, la plupart vêtues de
noir, fut exposé au salon du Lou-
(1) Annales du Musée, par Lan-
don. T.X, p.41. |
(2) 4bed. , p: 133.
LEM
re, en 1789. Il fut ensuite placé
dans la salle des séances de la
Chambre du commerce de Rouen,
où on le voit aujourd’hui. Les
traits de Louis X VI ont été fidèle-
ment rendus par Partiste, qui
avait obtenu une séance du Roi,
Autour du prince sont placés, le
duc d’Harcourt, gouverneur de
la Normandie, le maréchal de
Castries, ministre de la marine,
M. de Villedeuil , intendant de la
province, et plusieurs autres per-
sonnes de la cour. Seize membres
de la Chambre du commerce, ha-
bilement groupés, sont peints
avéc vérité, Sous le rapport de
l’art, pour l’entente du clair-ob-
seur, l'harmonie des lignes et
des plans, ce sujet présentait de
grandes difficultés, qui ont été
heureusement surmontées. Deux
fois, pendant la Révolution, sauvé
d’une destruction qui paraissait
inévitable, ce tableau a été con-
servé à Paris, durant quinze
années, dans les ateliers de son
auteur. Il a été replacé en 1816,
au lieu de sa destination.
Le Génie du Commerce,allégorie,
figure en face de la Présentation de la
Chambredu commerce à Louis XVI,
etdans la mème salle. Cette grande
machine, de vingt-six pieds de lon-
gueur, sur quatorze pieds de hau-
teur, ne fut terminée qu’en 1791.
Le Mercurede France du 25 juin
1791, doune de grands éloges à
ce tableau.
Lemonnier fut élu membre de
l’'Acadéinie royale de peinture,
en 2789: {a Mort d'Antoine lui
fournit le sujet de son morceau de
réception. Confiné au Louvre du-
rant la Révolution , il fit partie de
la Commission des monumens, ce
qui le mit à même de conserver
LEM
une foule d'objets précieux mena-
cés par le vandalisme. En 1794,
le Comité d'instruction publique
ayant organisé l'Ecole de Méde-
cine de Paris, Lemonnierfut choisi
pourremplir l'emploi de peintre-
dessinateur de cette école : elle
lui doit quatre beaux portraits et
beaucoup de dessins, où des bi-
zarreries de la nature sont fidèle-
mentretracées. Les Ambassadeurs
Romains venant demander à lAréo-
page communication des lois de So-
lon : tel est le sujet d’un des bons
tableaux de Lemonnier, qui fut ex-
posé au salon de 1808. L'année
suivante, la place de directeur de
l’Académie francaise de Rome
se trouvant vacante, Lemon-
nier se mit sur les rangs. ILob-
tint la majorité des voix, dans la
classe des beaux-arts de l'Institut;
mais un autre fut choisi par le
chef de l’état. Pour dédommager
M. Lemonnier, on le nomma, en
1810, administrateur de la manu-
facture des tapisseries de la cou-
ronne. Pendant les six années
qu'ii dirigea cet établissement, il
fit faire des progrès à Part de la
tapisserie, et c’est durant son ad-
miuistration que les Gobelins ont
fourni quelques-uns de leurs plus
beaux ouvrages, notamment , {a
Peste de Jaffa, d’après M. Gros.
M.Lemonnier avaitreçu, en 1814,
la décoration de la Légion-d’Hon-
neur ; mais il fut destitué au mois
de mai 1816, sans motif connu,
sans égard pour son âge avancé
et ses longs travaux, uniquement,
dit-on, par suite du système de per-
sécution suivi à cette époque. Peu
d’années après, la ville de Rouen
protesta contre cette injustice, en
lui votant une somme de 3000 fr.
Mais l'artiste ne vaulant passe lais-
LEM 1#9
ser vaincre en générosité. fit
hommage au muséum de cette
cité d’un de ses tableaux de
grande dimension, représentant
les adieux d'Ulysse et de Pénélope
à Icarius, qui avait figuré avec
distinction à l’exposition de 1811.
Le muséum de Rouen, qui a été
disposé par Lemonnier , contient
douze de ses ouvrages : les plus
versarquables sont : la Peste de
Milan, une Présentation delaÿ ierge
au Temple, une Mission desapôtres,
Jésus-Christ dans la Synagogue ,
un Sinile parrulos venire ad me, etc.
Tous ces tableaux se distinguent
par de beaux caractères de tête,
par la noblesse des expressions, et
parune grande manière de draper.
Quelque temps avant la chute
de l'Empire, Lemonnier avait exé-
cuté pour l’impératrice Joséphine,
son tableau d’'Une soirée chez ma-
dame Geoffrin. Il entreprit de lui
donner deux pendans. D’une
main Octogénaire ,; mais guidée
encore par un génie plein de ver-
deur , il peignit François I® re-
cevant à Fontainebleau, dans lu ga-
lerie de Diane, la sainte Famille
de Raphaël, et Louis XIV assis-
tant dans le parc de Versailles , à
l'inauguration de la statue de M ilon
de Crotone, du Puget, Ces trois
sujets avaient pour principale
donnée de rassembler les person-
nages qui ont illustré les siècles
de la France, où les arts et les
lettres ont jeté le plus grand éclat,
Le prince Eugène acquit ces ta-
bleaux pour sa galerie de Munich,
et une médaille d’or, à son eff-
gie, exprima sa satisfaction à l’au-
teur. La Lecture chez madame Geof-
frin, ayant été gravée par Jazet ,
le même prince en agréa la dé-
dicace, Le François I a été aussi
180 LEN
gravé par Debucourt. Ces trois
tableaux de chevalet se distinguent
‘surtout par le charme de la con-
ception : la Lecture chez Mme Geof-
frin offre un intérêt tout par-
t'eulier. Le peintre ,; comme
nous lavons dit, avait connu
la plupart des personnages cé-
libres qu'on y voit représentés.
Non-seulement il a copié les traits
de leur physionomie , mais en-
core, ila pu exprimer les diverses
habitudes de leur corps, et ces
riens importans , qui sont tout
pour la ressemblance. Près de
soixante figures , groupées au-
tour de Le Kain et de M° Clairon,
qui lisent une tragédie de Vol-
taire, remplissent sans confusion,
un cadre assez étroit, Des no-
tices imprimées ont donné des
explications étendues sur les trois
intéressantes productions qui clô-
turent l’œuvre de notre artiste.
Lemonnier mourut le 17 août
1824,dans sa 82° année. —Son fils,
connu avantageusement dans les
lettres, a publié : Notice historique
sur la vie et les ouvrages de A. C.
G. Lemonnier. Paris , imprimerie
de Crapelet, 1824; in-8, 23 pag.
C’est dans cet opuscule que nous
avons puisé pour la rédaction de
cet article.
LENOBLE (Pirnre-MADELEINE),
intendant-militaire , naquit à Au-
tun, en Bourgogne, en 1772. Se
trouvant à Paris, au commen-
cement de la Révolution , il en
adopta les principes, et les pro-
pagea dans un journal intitulé :
le Cosmopolite. En 31792; il fut
nommé commissaire des guerres
et employé à l'armée de la Bel-
gique. L'année suivante, il passa
aux armées de l’ouest. Le général
LEN
Canclauxle fit nommer , en 1594,
comumissaire-ordonnateur, par les
représentans en mission près les
armées de la Vendée. Mais d’après
une loi de cette même année, il
ne put conserver ce grade, n'ayant
point l’âge requis. Rentré dans
la classe des commissaires des
guerres , il n’en exerça pas moins
les fonctions d’ordonnateur pen-
dant onze ans , sans en avoir Île
titre. Il lobtint enfin définitive-
ment, après la campagne d’Eylau,
et depuis, il n’a cessé d’être em-
ployé en cette qualité, dans les di-
verses contrées où furent poussées
les armées françaises. Plus tard, il
passa dans le corps des intendans
militaires. Lenoble est mort à
Paris , le 28 mai 1824. Il était
chevalier des ordres de Saint-
Louis et de la Légion-d’Honnear.
Liste des ouvrages de P. M. Lenoble.
I. Projet de loi pour les ma-
riages ; présenté à l Assemblée na-
tionale. 1590 , in-8.
IL Projet pour l'établissement
des greniers d’abondance. 1592.
IT. Essai sur l'administration
militaire. 1597 ; 1“ cahier. —
1811, 2° et 5° cahier.
IV. Mémoires sur la panifica-
tion. 1708.
V. Découverte sur le galvanisme ,
comme cause des sensations de L'or-
gane de Pouie ct des effets de la
voix. 1803.
VI. Mémoire sur la formation
dun dépôt de l'administration de
la guerre. 1815.
VII. Considérations générales
sur l'état actuel de l'administration
militaire en France , au 1° jan-
vier 1816. Paris, Magimel , 3816;
in-4 , de cinq feuilles et demie.
VIT. Projet de loi ou d’ordon-
LEV
nance pour l’institulion d’une ma-
gistrature militaire’, en rempla-
cement de l'inspection aux revues
el du commissariat des guerres ,
fuisant suile aux Considérations
sénérales sur l’état de l’adminis-
tration militaire en France; au-
quel on a joint deux Mémoires,
le 1° sur la diététique militaire ;
Le 2° sur les moyens administra-
tifs dans la vallée du Tage; pré-
senté au maréchal Masséna, prince
d'Essling, lors de la retraite de
l’armée de Portugal. Paris, Ma-
gimel, 1817;in-4, de 22 feuilles.
IX. Mémoires sur les opérations
militaires des Français en Gulice ;
en Portugal et dans la vallée du
T'age, en 1809 , sous le comman-
dement du maréchal Soult ; avec un
Atlas militaire. Paris, Barrois l’ai-
né , 1824 ; in-8, de 25 feuilles,
et atlas petit in-fol.
X. Extrait de la pétilion pré-
sentée à la Chambre des Députés,
par le chevalier Lenoble , inten-
dant militaire, sur le refus qu’on
lui « fait dordonnancer deux
créances pour remboursement d’a-
vances qu'il & déboursées , sous la
garantie des lois ; pendant qu’il
était chargé en chef de l’adminis-
tration de 4° corps de læ Grande
Armée, puis à l'armée du midi de
l'Espagne. Paris, 1822; in-8, d’une
demi-feuille.
XI. Examen général et détaillé
des récolles et des consommations
de blé en France, avec indication
des moyens propres à remédier à la
surabondance et aux disettes. Pa-
ris, 1822 ; in-8, de 10 feuilles.
LEVAILLANT ( François ),
naturaliste voyageur, naquit à
Paramaribo, dans la Guyane Hol-
landaise. Son goût pour l'histoire
LEV 181
naturelle se manifesta de bonne
heure, et lui fit entreprendre deux
voyages au Cap de Bonne-Espé-
rance. La relation qu'il en a pu-
bliée, annonce un homme d’un
esprit ingénieux, mais on la ac-
cusé de manquer parfois de véra-
cité. L'histoire naturelle des oi-
seaux à plumage brillant de l’Amé-
rique et de l'Afrique, fixa princi-
palement son attention, et les ou-
vrages d’ornithologie qu'il a pu-
bliés, sont très-recherchés pour
leur belle exécution. Le cabinet
d'histoire naturelle du Jardin
du Roi possède Îa girafe de
Levaillant et sa riche collection
de perroquets et d’oiseaux de pa-
radis empaillés. Levaillant est
mort à Sézanne , en Champagne,
dans un âge avancé, au mois de
novembre 1824.
Liste des ouvrages
de F. Levaillant.
T. Voyage de M. Levaillant dans
Fintérieur de l Afrique, par le Cap
de Bonne-Espérance, dens les années
1780-1785. Paris, Leroi, 1799; 2
tom. en 1 voi in-4, fig.—2°
édit. Paris, Déterville, sans date,
im-4.— Nouvelle édit. 1589, 2 vol.
in-8.— Nouvelle édit. 1798, 2 vol.
in-8.—{rad. en allemand. Franc-
fort, :590,2 vol. in-8.— en Hol-
landais, par J. D. Pasteur. Leyde
et Amsterdam, 1791, 2 vol. in-8.
— En danois , dans lArchiv. f.
Reisebeskr. vol. TI. 1797.
IT. Second Voyage dans l'inté-
rieur de l'Afrique, dans les années
1583-1585. Paris, Jansen, an TITI
(1595); 2 vol..in-4. fig.—nouvelle
édit. augmentée de la carte & À fri-
que, et d'une table généraledes ma-
ticres, servant aux deux voyages.
+
182 LEV
Paris, Desray, an VIIf—1800;
5 vol. in-8.—trad. en allemand ,
257973 in-8. —{trad en danois, dans
l'Archiv. f. Reisebeskr. Vol. TI
et IV.— en suédois. Stockholm ,
1568, in-8.— trad. en Russe.
La rédaction de ces deux vnya-
ges est attribuée à Casimir Var-
ron, et au père de Levaillant lui-
même.— «En donnant la relation
de ses deux voyages, dit M. Bou-
cher dela Richarderie(Bibliothèque
des Voyages. T. IV pag. 242), M.
Levaillant s’est écarté rarement
de la fidélité des faits, dans l'ex-
posé de ses diverses excursions:
je dis rarement, car on ne peut
pas se dissimuler qu’il a sacrifié
quelquefois l'exactitude rigou-
reuse de la vérité, à la satifac-
tion de présenter à ses lecteurs
destableaux d’un coloris agréable.
Cette petite faiblesse lui a
attiré des censures amères de la
part de Jchn Barrow, et des criti-
ques plus sévères encore, quo:-
qu’un peu adoucies par l’expres-
sion, de la part du traducteur de
la reiation du voyageur anglais
(L. Grandpré ). —Au surplus, M.
Levaillanta jeté dans ses narra-
tions, tout le charme des fictions
roinanesques... Avec plus de se-
cours que Sparmann, il a pres-
qu'’essuyé les mêmes fatigucs. a
presque couru les mêmes dan-
gers, Indépendamment des gran-
des richesses qu’il a procurées à
J’ornithologie ,; en décrivant
tant d’espèces d'oiseaux inconnus
qui peuplent les forêts et les eaux
du midi de l'Afrique, où lui est
encore redevabie d’avoir fait par-
faitement connaître la girafle
mäle et femelle, de tous les ani-
maux duglobe celui dont la taille
est la plus haute. 1} parvint à en
LEY
tuer plasieurs et à rapporter la
dépouille du mâle en Europe (on
la voit au Muséum d'histoire na-
tirelle du Jardin du Roi): c'était
un des objets qu'il avait eu le
plus à cœur dans le cours de sa
première expédition... M. Levail-
lant ne mit pas moins d’ardeur
que Sparmann à poursuivre l’é-
norme amphibie connu sous le
nom d’hippopotame: plus heureux
que son devancier, il réussit à en
coucher un par terre, dont il a
conservé les défenses. Ces con-
quêtes sur le règne animal dans
deux de ses plus importantes es-
pèces, ne rendaient point M. Le-
vaillantindifférent aux plantes qui
couvrent la terre du Cap. Il nous
a donné la description etles dessins
de deux espèces d’euphorhes,
l’une à côte de melon, l’autre à
chenille, et toutes deux très-cu-
rieuses. Enfin , il a résolu le pro-
blème du fameux tablier des Hot-
tentotes, en vérifiant sur l’une
d’elles, qu’il sut rendre compiai-
sante pour ses recherches , que ce
prétendu tablier est tout sinple-
ment le prolongement de cer-
taines parties sexuelles , qu’a in-
troduit chez les Hottentotes le
caprice bizarre et inexplicable de
la mode, et qu’elles préparent de
bonne heure, en y disposant ces
partiesdès le plus bas âge.»
III. Histoire naturelle des oi-
seaux d’ Afrique. Paris, an IVet
suiv. (1797—1812),6 vol. in-4 et
in-12, fig. coloriées. 51 livraisons
— trad. en allemand par J.M.Bech-
stein; Nuremberg, 1797, et an-
nées suivantes, in-4.
IV. Histoire naturelle d’une par-
tie d’oiseaux nouveaux et rares de
l Amérique et des [ndes. Paris, Du-
four, 1801-1804, in-fol. fig.
gr
Frs
LA
#
+
À
ASE XVII.
LOU
V. Histoire naturelle des perro-
quets. Paris, Levrault, an IX,
(1801—1805). à vol. gr. in-4 et
in-fol. , fig. coloriées.
VI. Histoirenaturelle des oiseaux
de paradis, des toucuns et des bar-
bus ; suivie de celle des promerops-
guépiers ct des couroucous. Paris ,
Denné, 1803—1816. 3 vol. gr.
in-fol. 33. livraisons , fig. colo-
rites.
La collection complète des
dessins originaux des oiseaux de
paradis et des perroquets de Le-
vaillant , exécutée par Barrabant,
enlevé à la fleur de l’âge et d’un
talent distingué , est passée entre
les mains de M. Pichard, libraire,
à Paris.
LINDSAY ( Madame }, morte
à Angoulème, en 1520, était pro—
bablement anglaise d’origine,
comme son nom semble l’indi-
quer. M. Barbier ( Dictionnaire
des Anonymes. T. III. n. 19105.
2° édit. ) lui attribue la traduc-
tion française d’un ouvrage an-
glais de miss C. Knight, intitulé:
ie privée, politique et militaire
des Romaïns , sous Auguste et Ti-
bére. Paris, Buisson, 1801, in-8.
L'original de cet ouvrage publié
à Londres, en 1792 ,“porte pour
premier titre : Marcus Flaminius.
C’est une suite de lettres suppo-
sées écrites par un patricien à som
ami, vers lan de Rome 56%.
Dans ce cadre, l’auteur a fait pour
tome à peu près ce que l'abbé
Barthélemy avait déjà fait pour
la Grèce, en retraçant l’histoire
des mœurs et des monumens de
ce pays.
LOUIS XVIII, Roi de
France ,; naquit à Versailles ,
LOU 189
le 17 novembre 1555, et recut,
avec les prénoms de Louis-Sta-
nislas- Xavier (1) , le titre de
Comte de Provence. Il fut le
quatrième fils de Louis, Dauphin
de France, fils de Louis XV et de
Marie-Joséphine deSavoie.Louis-
Stanislas-Xavier n'avait que dix
ans lorsqu'il perdit son père. On
lui donna pour gouverneur, en
même temps qu'aux princes ses
frères, M. le duc de la Vauguyon,
et pour précepteur , M. de Coët-
losquet, évêque de Limoges. Le
marquis de Sinetti fut son sous-
gouverneur ; labbé Nollet lui
donna des leçons de physique , et
Moreau, l’historiographe, lui en-
seigna l’histoire. L’abbé de Ra-
donvilliers , de l’Académie fran-
çaise, et le P. Berthier, jésuite,
furent aussi au nombre. de ceux
qui donnèrent des. soins à l’édu-
cation de M. le comte de Pro-
vence. Suivant les idéesinexactes
du temps, cette éducation fut
principalement dirigée vers les.
études purement littéraires, pour
lesquelles fe prince conserva tou-
jours un goût prononcé : c’est à la
lecture et à observation qu’il dut
tout ce qu'il a pu apprendre de-
puis sur des matières plus impor-
tantes. Le père et la mère du
jeune prince, connus par la sévé-
rité de leurs principes religieux ,
(1) On sait que le nom de ZLour,
est patronimique dans la branche de:
Bourbons de France ; Stanislas était
le noin du roi de Pologne, aïcul ma-
ternel du comte de Provence; Xavær
fut choisi par le Dauphin son père, cn
témoignage de affection singalière
qu'il avait. vouée à la Compagnie de
Jésus, du sein de laquelle est sorti
saint François-Xavier.
184 EOU
écartérent de son enfance, avec
un soin extrême, des livres im-
pies ou immoraux quiauraient pu
en troubler l’innocence.ñladame la
Dauphine prenait soin de lire elle-
même tous les ouvrages qui de-
_vaient passer sous les yeux de ses
enfans. Son zèle, bien louable
sans doute , dans ses motifs, fut
poussé jusqu’à l'excès , et il eut
même des résultats funestes ,
puisqu'on à cru pouvoir atiribuer
une partie des maux qui fondi-
rent plus tard sur la tête de
l'infortuné Louis XVI, à l’éduca-
tion retrécie et arriérée du tem?s,
dans laquelle ses parens empri-
sonnèrent sa jeunesse. L'esprit de
M.le comte de Provence, natu-
rellement plus vigoureux et plus
actif, s’afiranchit bientôt de ces
entraves. La supériorité de son sa-
voir fut de bonne heure reconnue
ar son frère aînée, le duc de Berri
(Louis XVI). Celui-ci étant en-
fant,avait coutume de dire, quand
on agitait en sa présence quelque
chose qu’il ignoraïit : — «il faut de-
» mander cela à mon frère de Pro-
»vence. »— Un jour il arriva que
le petit duc de Berri dit, &/ pleuva
(pour ë plut) : — «Ah! mon
virère, quel barbarismel! » s’écria
M. le comte de Provence , qui
avait un an de moins que fui; «cela
»n'est pas beau : un prince doit
» savoir sa langue. » — « Et vous,
»mon frère, vous devriez retenir
»la vôtre,» répliqua le duc de
Berri, un peu mortifié de l’apos-
trophe. — Une autre fois, le
duc de Chartres ( le feu duc d’Or-
léans) était venu faire sa Cour aux
enfans de France. Il appelait tou-
jours le duc de Berri, alors Dau-
phir, Monsieur. —.« Mais, vous
» me traitez bien cavalièrement ,
LOU
»lui dit le jeune prince; ne de-
» vriezZ-VOUS pas m'appeler Mon-
» seigneur ? — Non, reprit vive-
» ment M. le comte de Provence ,
»non, mon frère , il vaudrait
» mieux qu’il dise mon cousin. »
Les dissipations du monde et
les plaisirs bruyans de la jeunesse
parurent de bonne heure offrir peu
d’attraits à M. Îe comte de Pro-
vence : non-seulement il protégea
dès-lors les sciences et les lettres,’
mais encore il essaya de les culti-
ver lui-même.ïlfitentrer en foule
dans l’organisation de sa maison
et dans les deux ordres hospita-
liers dont il était le grand-maitre
(Saint-Antoine(1)etN.D.du Mont
(1) Les affaires de l'ordre de Saint-
Antoine, donnèrent lieu à la lettre
suivante , que nous publions ici pour
la première fois. L’original fait partie
de la riche et curieuse collection d’au-
tographes du cabinet de M. Villenave.
« À Versailles, le 8 mars 1776.
» Par le compte, Monsieur, que
m'a rendu mon surintendant de la
commission que je lui avais donnée
auprès de vous, concernant la réunion
de l'Ordre de Saint-Antoine à celui
de Malte, je vois que l'état de la
question est absolument changé ; l'ob-
stacle ne vient plus des prétentions du
clergé; vous avez, m'a-t-on dit, si
bien reconnu le peu de fondement de
ses moyens , que Vous auriez Voté vous-
même pour la réunion, si le Roi dans
l'intervalle, ne vous avait ordonné de
chercher quelque emploi plus utile et
plus avantageux des biens de l'Ordre
de Saint-Antoine. C’est donc ce nou-
veau désir du Roi qmi devient en
quelque sorte aujourd’hui notre partie,
puisque vous voulez remplir ses inten-
tions de préférence à tout.
» Dicu me garde de vouloir altérer
en rien le zèle des ministres de S. M.
pour la moindre de ses volontés. Je
serai moi-même, dans tous les temps,
ua RL Ti
LOU
Carmel), des académiciens , des
savans et des artistes. On y voyait
le plus empressé de ses sujets à les
seconder ; mais comme le premier
d’entre eux, comme celui dont les
intérêts se confondent nécessairement
avec les siens, comme son frère enfin,
éclairé par ma tendresse et guidé par
l'amour le plus pur, j'ose croire que
la gloire du Roi est la première de
toutes les considérations, et que ce
serait surtout bien mal seconder ses
vues que de s’écarter de cet esprit de
justice qui les caractérise. Or , toute
application des biens de l'Ordre de
Saint-Antoine, autre que celle à la-
quelle ses membres ont unanimement
et volontairement consenti, serait in-
juste; elle serait même une violation
de propriété ; violation d'autant plus
étrange, qu'elle serait gratuite, puis-
qu’il ne tenait qu'au Roi de manifester
à l'Ordre de Saint-Antoine, dès le
principe, ses vues sur ses biens : cet
ordre se serait peut-être alors porté au
projet dont il s’agit aujourd’hui, avec
autant d’empressement qu'il s'est livré
à sa réunion à l'Ordre de Malte. Mais
malheureusement les choses ne sont
plus entières, et c’est ce que vous
perdez de vue et qui est cependant
capital. Quoi! ce serait après que le
Roi m'a permis de favoriser cette réu-
nion ; après que S. M. la elle-même
approuvée dans son conseil, qu'elle a
écrit directement au Pape pour lui
faire part des motifs qui l'y avaient
déterminée et pour lui demander sa
sanction; c'est après que le Pape
aurait fait examiner la question dans
un consistoire composé de plusieurs
cardinaux et des plus habiles juriscon-
sultes romains; ce serait enfin , quand
Sa Sainteté est déterminée à donner le
* bref nécessaire, qu’à l’occasion d’un
embarras frivole que quelques prélats
intrigans apportent à son expédition,
on ferait revenir le Roï sur ses pas, et
que par une destination imprévue des
biens de l'Ordre de Saint-Antoine , on
lui donnerait aux yeux de l'Europe
entière une apparence d’inconstance
dans ses décisions, que S. M. ne mc-
_
LOU
159
réunis Rulhières et Doyen, Didot
et Target, Elie de Beaumont et
rite assurément point; un vernis de
vexation envers l'Ordre de Saint-
Antoine , qu’elle mérite encore moins;
enfin, un air d'abandon et de mépris
pour les Ordres de Malte et de Sant-
Lazare, dont elle est surement bien
éloignée. S. M. pouvait sans doute se
refuser, dans le principe, à cette réu-
nien : ne pas accorder cette grâce n é-
tait qu’une chose simple; mais la reti-
rer quand elle est accordée , devien-
drait indigne d’elle et avilissant pour
deux Ordres remplis des premières
familles de son royaume. La noblesse
n’est pas moins digne des regards de
S. M. que les autres ordres de l'Etat;
si ceux quiarrosent de sueur nos siflons
paraissent intéressans , combien le se-
ront ceux qui arrosent les champsenne-
mis de leur sang versé pour l'Etat! Après
d'aussi grandes considérations , je ne
devrais faire entrer pour rien mon
personnel dans toute cette affaire. Je
vous avouerai cependant que je ne me
verrais pas sans une douleur amère
compromis aux yeux de toute la
France et des cours étrangères , dont
trois ou quatre ont déjà;, depuis cette
époque, opéré la réunion de POrdre
de Saint-Antoine à d’autres Ordres.
Personne n'ignore intérêt que j'ai
mis à celle dont il s'agit en France;
Pon ne m’accusera pas même de l’avoir
fait avec légèreté ; je ne m'y suis aban-
donné que d’après la permission du
Roi. L'approbation qu'il y donna lui-
même, lors du rapport qui Jui en fut
fait à Compiègne, en 1774, m'a dû
faire regarder son succès comme Cer-
tain; je m'en suis dès-lors déclaré ga-
rant; mon nom est devenu la sauve-
garde de plusieurs délibérations de
l'Ordre de Saint Antoine. J'ai cau-
tionné différens traités; j'ai moi-même
contracté en conséquence. Je ne eroi-
rai jamais, Monsieur , que le Roi, mon
frère, voulût me donner la mortifica-
tion sensible de détruire une Re
dans laquelle je me trouve autant
avancé et m'attirer l'humiliation qui
retomherait sur moi, si elle venait à
186 LOU
le marquis de Bièvre, Treilhard
et l’abbé de FAttaignant. La liste
serait longue des noms diverse-
ment célébres, que le comte de
Provence avait su s'attacher, à di-
vers titres. Nous ne citerons encore
que les architectes Louis et Chal-
grin, l’helléniste Laporte du Theil,
l'abbé Arnaud, le fabuliste Bois-
sard, les médecins Bourdois de
la Mothe , Buc’hozet Portal, le
chirurgien Loustouneau , l’ocu-
liste Grandjean, le géographe La-
croix , le prédicateur Gros de
Besplas, etc. Ducis était secrétaire
de ses commandemens ; Morel, de
son conseil. On a mêmevoulu attri-
buer au prince quelque participa-
tion à diverses productions litté-
raires de cette époque ; ce qui est
/
manquer aujourd'hui : jose dire que
je ne la mérite sous aucun regard. Un
semblable événement ne pourrait avoir
lieu qu’autant qu'on dissmulerait à
S. M. quelques-unes de toutes ces cir-
constances ; je Vous en crois incapable,
et c'est pour cette raison que je vous
les retrace ici, bien persuadé du soin
: vous prendrez au contraire de les
aire valoir. Au surplus, je me propose
ce les mettre moi-même sous les yeux
du Roi, si le cas l'exige, et je vous
demande à ect effet de me donner com-
munication , comme vous l'avez pro-
mis, de votre prejet et de vos dé-
marches : 1l n’en est pas que je ne sois
disposé à faire personnellement auprès
de S. M., dans une occasion où sa
justice et sa gloire me paraissent aussi
intéressées, et où la mienne propre
est autant compromise. Un grand Etat
comme celui-ci, et un génie comme
le vôtre, présenteront toujours au Roi
assez d'autres ressuurces pour remplir
ses vues,
» Vous connaissez , Monsieur , tous
mes sentimens pour vous
» Louis-SraxisLas-Xavies.
» À Monsieur de Malesherbes. »
LOU s CS
plus certain, c’est que le som de
Monsieur , que Louis-Stanislas-
Xavier dut adopter depuis que
son frère fut monté sur le trône ,
s’attacha à une foule d’établisse-
mens utiles et honorables pour
les lettres et pour les arts. A La
même époque ; Paris avait le
Lycée de Monsieur, Ye Théâtre de
Monsieur, le Journal de Monsieur,
l'Imprimerie de Monsieur (1).
(1) 19 Le Lycée de Monsieur, fondé
d'abord sous le titre de fusée, par P:-
lâtre du Rosier : cet établissewent étais
sur le point de périr avec son fondateur,
lorsque Mossirue , secondé par M. le
comte d'Artois son frère, acheta pour
cinquante mille francs le cabinet de
physique de Pilätre du Rosier, et par à,
rendit une nouvelle vie à cet établisse-
ment utile. Parvenu à Ja quarantième
année de sa nouvelle existence, 1suh-
siste encore aujourd’hui sous le titre
d'Athénée Royal. C'est en 1785 que
Monsieur adopta cet établissement et
lui permit de se parer de sou noi : le
premier programme des cours du Lycée
sortit de l’/rmprimerie de Monsieur :
les professeurs obtinrent l'honneur de
Lui être présentés. Le prosramme de
1765 indique leurs noms de La manière
suivante : — Pliysique. profcsseur,
M. Monge; adjoint, M. Gingembre.
— Mathématiques professeur. M. de
Condorcet ; adjoint, M. de Lacroix. —
Anatomie. professeur, M. Sue. —
Chimie. proiesseur, M. Fourcroy. —
Histoire. professeur , M. Marmontel ;
adjoint, M. Garat. — Littérature.
professeur, M. de La Harpe. (Voyez
Correspondancelittéraire de La Harpe.
t. V , p. 100.)
29 Le Theatre de Monsieur fut ou-
vert aux Tuileries , Le 26 janvier 15659.
C'était le troisième essai fait à Paris,
pour y naturaliser la musique drama-
tique des Italiens.
3° Le Journal de Monsieur parut
en 1776; c'était un cahier périodique ,
pan à peu près dans la forme de
"Annéc littéraire, mais écrit dans un
LOU
M. le comte de Provence fut
marié, en 1571, à Marie-José-
phine- Louise de Savoie, fille aînée
de Victor-Amédée 111, roide Sar-
daigne. Le banquet de cérémo-
nie fut célébré à Fontainebleau.
Tous les princes du sang ,excepté
le prince de la Marche ( Bour-
bon - Conti), s’en absentèrent.
Ils ne venaient plus à Versailles,
depuis leur protestation contre la
destruction des Parlemens.M"° du
Barry eut l’audace de venir s’as-
seoir à ce banquet; mais trois ou
quatre places restèrent vides entre
elle et les dames de la cour qui
avaient été invitées. Le comte de
Provence, qui professait un grand
éloignement pour la favorite , se
trouvait absent, l'étiquette exi-
geantqu’avant la bénédiction nup-
tiale , il s’abstint de coucher sous
le même toit que sa future. Les
deux époux furent unis devant
Dieu, le 14 mai 1771, dans la
chapelle de Versailles. — « Mon-
»sieur mon frère, lui dit le len-
» demain , M. le comte d’Artois ,
» vous aviez la voix bien forte hier;
» Vous avez crié bien fort votre oui.
— » C’est, répondit M. le comte de
»Provence, que j'aurais voulu
» qu’il eût été entendu jusqu’à Tu-
» rin,» Cette union qui parut d’a-
—
meilleur esprit. 1] cessa de paraître en
17983. On y remarque un article bien
pensé contre la traite des nègres, et
qui, publié à une époque déjà si
éloignée de nous, fait honneur à l’é-
crivain et au prince qui le protégeait.
4° Pierre-Francois Didot, frère de
François-Ambroise et l'oncle de MM.
Pierre Didot l’ainé et Firmin Didot É
fut nommé imprimeur de Monsieur,
en 1788. Les ouvrages sortis de ses
presses ne Sont pas indigues du nom
dé sa familie.
LOU 187
bord heureuse, n’eut pas le bor:-
heur d’être f cond.
Depuis [a Fronde , c'était une
maxine d'état, admise par tous les
ministres qui entraient au cabinet
de Versailles, de tenir les princes
dusangéloignés de la participation
auxaffairespubliques. Hormisen ce
qui touche lhéritier présomptif de
la couronne, cette tradition paraît
sage ; Car les affaires de l’état souf-
friraient d’être influencées par les
intérêts de famille ; et puis, un
prince du sangne pouvant être ren-
yoyéComime on renvoieun minis-
tre , et devant toujours rester à la
cour, il ne serait pas bon de se pla-
cer vis-à-vis de lui daus une pesi-
tion d’où il deviendrait trop difli-
cile de le faire sortir en cas de be-
soin. Louis XV poussa peut-être à
l'excès la pratique de cette politi-
que à l’égard du Dauphin son fils :
toutefois, c’est cette circonstance
qui permit au duc de Choiseul de
délivrer la France des Jésuites. A
l’avénement de Louis XVI, le
besoin de mouvement politique
qui bientôt devait agiter et entrai-
ner tous les esprits, commenca de
se manifester , au sein de la cour
et de la famille royale elle-même.
Monsieur se déclara contre le rap-
pel des Parlemens , et produisit
un mémoire , où la question est
envisagée exclusivement du côté
favorable au maintien de l’auto-
rité royale. Si l’on pouvait con-
sentir à négliger les diverses faces
de la question , il faudrait conye-
nir que cette pièce n’est dépour-
vue ni de logique , ni de raison.
Toutefois, ce mémoire, bien qu’a-
dopté par M. le comte de Pro-
vence , fut peut-être composé
seulement par ses ordres; mais
voici, à ce qu'on rapporte, les
185 LOU
propres paroles que [lui-même
adressa à Louis XVI, dans un en-
tretien qu’il eut avec lui, au su-
jet de cette même affaire : « Le
» Parlement actuel à remis sur la
» tête du roi la couronne, que le
» Parlement en exil lui avait ôtée;
» et M. de Maupeou que vous avez
»exilé , a fait gagner au feu roi le
>procès que les rois vos aïeux
» soutenaient contre les Parlemens.
» depuis deux siècles. Le procès
»était jugé ; et vous, mon frère,
> vous cassez le jugement pour re-
»commencer la procédure. » Au
reste , quelle que fût l’opinion in-
time de Monsieur, la mesure du
rétablissement des anciennes cours
souveraines une fois décidée, il
crut de son devoir de se charger
de l’installation de la Chambredes
comptes , et parut ainsi extérieu-
rement, adhérer à une mesure
que l’opinion nationale reçut avec
le plus vif enthousiasme.
Au mois de juin 1777, Monsieur
partit pour aller parcourir les
provinces méridionales du royau-
me. En passant par Toulouse , il
voulut recevoir l'Académie des
jeux floraux , immédiatement
après le Parlement et avant les
autres cours souveraines ; il assista
à l’une de ses séances particulières,
accepta son jeton de présence ,
en signe de l’égalité académique ,
et inscrivit son nom sur la liste
des mainteneurs du gay savoir. I}
visita Saint-Ferréol, dans la Mon-
tagne noire, où est situé le trésor
des eaux du canal de Languedoc,
et l’école royale de Sorèze, dou-
blement célèbre par ses longs
succés et par de récentes persé-
cutions. Le bénédictin D.Despaulx
était alors à la tête de la maison.
lonsieur, après avoir parcouru
PAL
LOU
tous les détails de l’établissement.,
dit en partant, à D. Despaulx :
— « Dans tout mon voyage , rien
one m'a plus flatté que cette
»école.» Il revint à Paris par la
Provence, où il rencontra l’empe-
reur d'Allemagne Joseph II, qui
venait à cette même époque, vi-
siter ces riches contrées.
Monsieur avait acheté le beau
château de Brunoy, où il tenait
comme une petite cour. M°®° de
B...i, entrée auprès de Madame,
en qualité de dame d’atours ,
jouissait de beaucoup de crédit au-
près du prince.— « M” de B...i, dit
un biographe étranger ( Gale-
rie historique des Contemporains.
Bruxelles , 1817), alors dans les
premières années de sa jeunesse ,
n’était pas régulièrement jolie;
mais sa physionomie était très-ex-
pressive, très-attachante , et ses
yeux étincelans ; sæ taille était
surtout d’une élégance parfaite.
Ces brillans avantages s’évanoui-
rent presqu’en un moment ; elle
fut horriblement défigurée par une
petite-vérole de la nature la plus
malfaisante. Cette disgrâce ne
sembla destinée qu’à faire ressortir
avec plus d'éclat les charmes d’un
esprit délié, brillant, souvent so-
lide et toujours aimable , auquel
la plus heureuse mémoire four-
nissait sans cesse, les traits les
plus ingénieuxet les plus piquans.
C’est ainsi qu’elle parvint , non-
seulement à oublier elle-même ,
mais encore à faire oublier aux
autres , par les dons qui lui res-
taient, les dons qu’elle avait per-
dus. Logée au château de Ver-
sailles, où sa place lui donnait
un appartement, sa société se
composait de ce qu'il y avait de
plus aimable et de plus spirituel
LOU
à la cour. Monsieur, si distingué
lui-même par une rare instruc-
tion et par les qualités d'un esprit
solide et cultivé, recherchait alors,
avec empressement, des réunions
qui lui offraient des ressources
toujours difficiles à trouver dans
le monde , mais plus difficiles en-
core à rencontrer à la cour. Il
entendit parler des assemblées de
M" de B...i et souhaita d'y être
admis. C'était ce qu’elle désirait
le plus. Le salon et le boudoir ri-
valisèrent d’efforts pour captiver
le prince, etc...» — M°°de B...i
continua jusqu’à la Révolution, à
jouir de beaucoup de crédit à la
cour de Monsieur. Lorsque ce
prince se décida à quitter laFrance,
en 1791 , elle régla son départ sur
le sien, et vint le retrouver dans
les Pays-Bas : tous deux se ren-
dirent presqu’en même temps , à
Coblentz. Là, étaient successive-
ment présentés à S.A.R. les per-
sonnes qui, depuis une année,
avaient quitté la France et celles
qui la quittaient journellement.
C'etait une convenance admise et
en quelque sorte une étiquette
d'obligation, régulièrement ob-
servée , lorsqu'on sortait de l’au-
dience de Monsieur, de se pré-
senter chez M” de B...i. La
campagne de septembre 1592
dispersa la cour de Coblentz, et
M de B...ise séparade Monsieur.
Cette dame ne vit point le Roi,
lors de son premier retour en
France , en 1814 : mais elle eut
l'honneur d'obtenir deux au-
diences de lui , à son retour de
Gand’, en 1815, et en reçut
des marques d'intérêt. On trouve
une lettre de M"*° de B...i à Mon-
sieur, datée de la fin de 1592,
dans un volume imprimé à Paris,
LOU 189
en 1709 , sous ce titre: Corres-
pondance criginale des émigrés ,
prise par l’évant-garde du général
Kellermann ; à Longwy et à Ver-
dun, etc.
Monsieur, qui, selon que nous
avons dit, avait embrassé le parti
de la cour dans l'affaire des Par-
lemens , devait pencher pour la
cause populaire, dans les assem-
biées des notables. Le ministère
de M. de Maurepas ne le comptait
point parmi ses appuis. On lui a
même attribué un écrit anonyme,
intitulé : Songe de M. de Maurepas,
ou les Machines du gouvernement
français. Cette satire allégorique
parut en 1776; elle est dirigée prin-
cipalement contre les réformes
libérales essayées par Turgot. La
pauvreté des idées et la médio-
crité de l’exécution , permettent
de douter qu’elle appartienne réel-
lement à celui auquel on s’est per-
mis de l’attribuer.Le premier mi-
nisttre de M. Necker futaussi mal
apprécié par Monsieur. Cromot et
Bourboulon, chefs des finances du
prince , se signalèrent parmi les
adversaires du nouveau conitro-
leur-général. Plus tard, une ca-
ricature allégorique circula contre
Calonne. Tout Paris répéta que
Monsieur en avait suggéré l’idée.
Cette opposition sourde éclata
d’une manière expresse etauthen-
tique, dans la première Assemblée
des Notables, tenue en 1787. Ca-
lonne l'avait convoquée pour
donner à ses plans de finances
l’appui d’une imposante sanction.
On sait que le contrôleur-général
se trouva entièrement déçu dars
ses espérances. L'assemblée devait
être présidée par le Roï, et en
son absence par Monsieur. Elle se
divisa en sept bureaux ou comt-
At
190 LOU
iés. Le premier présidé par Mon-
sieur, fut appelé, dans le monde,
le Comité des Sages. Le prince ne
manqua pas un seul jour de le pré-
sider ; et comme il parut partager
les sentimens patriotiques qui l’a-
nimaient, on en fit un sujet de
plaisanterie à la cour, au point
que le Roi lui-même, voyant un
jour le vieux duc de Biron qui al-
lait passer la revue , dit : « Il aime
»beaucoup la parade, comme
»mon frère les bureaux. » C’est
du bureau de Monsieur que
partirent les coups les plus redou-
tables qui renversèrent le minis-
tre. Ouverte le 22 février, la pre-
inière session des Notables fut
close le 25 mai 1585. Monsieur,
dans un discours adressé au Roi
son frère, se félicita « de l’honneur
d’être le premier gentilhomme du
royaume , puisqu'il lui procurait
l'avantage d’être auprès de S. M.,
l'organe de sa noblesse, » Une
grande popularité fut le prix de
la conduite de Monsieur, en ces
mémorables circonstances : il
en recueillit les plus éclatans té-
moignages , le jour qu’il recut
commission royale de faire enre-
gisirer les édits du timbre et de
l'impôt territorial à la Chambre
des comptes. Le peuple salua
Monsieur de mille acclamations ;
on s’empressait de lui présenter
des bouquets et de jeter des fleurs
sur son passage. Sa voilure pou-
vait à peine se faire jour à travers
la foule. Son cocher ayant voulu
hîter le pas, le prince mit la tête
à la portière,en lui criant : «Prenez
» garde de blesser personne.» Une
aitention si naturelle redoubla
les transports. Les dames de la
halle, se prévalant d’un antique
usage, haranguèrent Monsieur,
LOU
qui poussa laffabilité jusqu’à se
laisser embrasser par l’une d’elles.
Lors du premier rappel de
M. Necker, Monsieur lui adressa
ces propres paroles : « Le vœu
» de la nation vous rappelle ici; et
»je vous y vois avec le plus grand
»plaisir. En 1781, j'avais quel-
ques préventions contre vous,
» sans jamais cesser de vous esti-
»mer. Vos ouvrages m'ont récon-
» cilié avecle ministre des finances.
» À trente ans passés, on pense,
» on juge différemment qu’à vingt-
»cinq.» Depuis cette époque , les
suffrages de Monsieur parurent
définitivement acquis à la cause
populaire. Dans la seconde As-
semblée des Notables, son bureau
fut le seul qui se prononça pour
que le tiers-état députât aux Etats-
généraux qui allaient être réunis,
autant de membres que les deux
premiers ordresensemble. En ou-
tre, ce prince seul, de tous les
princes du sang, refusa de signer le
mémoire qu’ils adressèrent au Roi,
contre la convocation des Etats-
généraux : aussi resta -t-il en
France après le 14 juillet 1589,
tandis que M. le comte d’Artois
avec ses enfans , ainsi que M. le
prince de Condé, émigraient. Dans
ces nouvelles circonstances, Mon-
sieur se conduisit avec la plus
grande circonspection. Le mar-
quis de Favras ayant été arrêté ,
dans la nuit du 24 au 25 décem-
bre 1789, comme auteur d’un
projet tendant à soulever trente
mille hommes pour enlever le
Roi, faire assassiner MM. de la
Fayette et Bailly, et réduire Paris
par la disette, le prince fut accusé
le même jour ,; dans un pam-
phlet signé Barrauz, d’être l’âme
secrète de ce complot. Dès le
:
LOU
lendemain 26, il crut devoir se
rendre à l'Hôtel-de-Ville, où sié-
geaienties représentans de laGom-
une , pour donner des éclaircis-
semens sur cette affaire, à laquelle
il se déclara entièrement étranger.
Il termina son discours par les
paroles suivantes , qu'on peut
sans doute répéter encore aujour-
d’hui, sans crainte d’offenser sa
mémoire: «... Quant à mes opi-
»nions personnelles, j'en parlerai
»ayec confiance à mes Conci-
»toyens. Depuis le jour où, dans
» la seconde Assemblée des Nota-
» bles, je me déclaraisur laquestion
» fondamentale qui divisait encore
»les esprits, je n’ai pas cessé de
» croire qu’une grande révolution
» était prête; que le Roi, par ses
»intentions, ses vertus et son rang
» suprême, devait en être le chef,
» puisqu'elle ne pouvait pas être
» avantageuse à lanation sans l’être
» également au monarque; enfin,
» que l'autorité royale devait être
» le rempartdelautorité nationale,
»et la liberté nationale la base de
» l’autorité royale... Je n’ai jamais
» changé de sentimens ni de prin-
»cipes , et je n’en changerai
»jamais. » Cette démarche valut
au prince un retour de popularité,
dontil jouit encorequelque temps.
Lorsqu'en février 1791, Mesda-
mes, tantes de Louis XVI, quittè-
rent Paris, le bruit se répanditque
Monsieur devait les suivre de
près; et deux jours après leur dé-
part, une députation tumultueuse
se rendit au Luxembourg, où il
habitait. Les orateurs des groupes
ayant été introduits dansle palais,
demandèrent à Monsieur s’il était
vrai qu'il pensât à sortir du
royaume : le prince les assura
que jamais il ne se séparerait de la
k
LOU 1Ot
personne du Roi ; mais l’un d’eux
ayant répliqué : Et si le roi venait
à partir. ?— « Osez-vous bien le
prévoir ? » répondit le prince sans
se déconcerter.Cependant, le Roi,
étant parti effectivement , la nuit
du 20 au 21 juin 1791, Monsieur
quitta secrètement le Luxem-
bourg, accompagné seulement
du comte d’Avaray , une heure
après le départ de son frère des
Tuileries. Sous le nom de comte
de Lille, il prit la route de Mau-
beuge , et arriva heureusement à
Bruxelles, après avoir évité toutes
les difficultés de la route. On sait
que le comte de Lille nous a con-
servé lui-même la relation de ce
voyage.
Monsieur se rendit à Coblentz,
qui était devenu le quartier géné-
ral de l’émigration. Il n’assista pas
aux conférences de Pilnitz, mais
il provoqua la déclaration qui en
fut le résultat. Les frères de
Louis XVI ne pouvant plus cor-
respondre librement avec lui , de-
puis qu’on l’eut ramené de Va-
rennes, l’informèrent de la négo-
ciation , par un manifeste en
forme de lettre, datée du château
de Schoënbrunnstadt, près de Co-
blentz, le 10 septembre 1791, et
qui futrendue publique. Ils enga-
geaient fortement le Roi à refu-
ser son adhésion à l’acte consti-
tutionnel, et protestaient d'avance
contre tout ce qui avait été fait ,
ou pouvait l’être dans la suite par
l’Assemblée constituante; enfin,
ils annonçaient à Louis XVI, len-
gagement mutuel pris par l'Empe-
reur et le roi de Prusse,d'employer
toutes leurs forces pour le rétablir
dans la plénitude de son autorité.
Cette lettreconnue en France ne fit
qu’accroitre l’exaltation récipro-
162 LOU
que des partis, sansen décourager
aucun. De son côté, l Assemblée
Kgislative somma Monsieur de
rentrer dans le royaume , et ren-
dit successivement . des décrets
pour le mettre en accusation et le
déclarer déchu de son droit éven-
tuel à la régence. Le 8 août, il
signa, conjointement avec les au-
tres princes émigrés, un manifeste
où se trouvaient exposés les mo-
tifs de la coalition qui allait péné-
tirer sur le territoire français. Il
déclara ensuite personnellement,
dans un discours adressé aux gen-
tilshommes émigrés, que: « son
» intention, enrentranten France,
Ȏtait de pardonner aux erreurs
»de ses compatriotes.» Le 11 sep-
tembre 1792, accompagné de
M. le comte d’Artois, il partit à
la tête de six mille hommes de ca-
valerie , pour se réunir à l’armée
prussienne. Les princes établirent
d’abord , leur quartier-général à
Verdun , puis successivement à
Vouziers, Buzancy, et Somme-
Suipe ; mais bientôt la retraite de
l’armée prussienne les contraignit
arétrograder. Ils vinrent s'établir,
le 29 octobre , au chäteau de la
Neuville ; et là, ils attendirent les
événemens, qui prirent une tour-—
nure tellement contraire à leurs
intérêts. que le 15 novembre, ils
se virent forcés à licencier leur
armée,
Les Princes se trouvaient au
château de Ham, en Westphalie,
lorsqu'ils apprirent la mort de
Louis XVI. Le 28 janvier 1793,
il reconnurent, par une déclara-
tion , le fils de ce monarque in-
LOC
M. le comte d’Ariois. celui de
lieutenant-général du royaume.
Catherine IL , impératrice de
Russie , s’empressa de recon-
naître le Régent en sa nouvelle
qualité. Bientôt les deux frères
se séparérent, et Monsieur vint
résider à Vérone , sous le nom
de comte de Lille. À la mort du
fils de Louis XVI ( 8 juin 1795),
Monsieur se déclara roi de France,
sous le nom de Louis XVIII, et
data désormais de ce jour les
années de son règne. Le roi d’An-
gieterre Georges IIE lui fit pre-
senter, à Ceite occasion, les fe-
licitations accoutumées. Le pre-
mier acte du règne de Louis X VIII
fut la publication d’une procla-
mation ,; qui fut généralement
jugée impolitique. Cette pièce
ne promei qu'une amnistie excep-
tionnelle ; on y insiste fortement
sur le rétablissement de la mo-
narchie dans ses anciennes for-
mes, et du pouvoir royal dans
sa plénitude; elle ne laisse en-
trevoir que vaguement l'espérance
des améliorations et des garanties
que le progrès des lumières et le
nouvel état dela socièlé rendaient
dès-lors indispensables. Cet acte
daté du mois de juillet 1795, « et
de notre règne le premier » est
contre-signé : Le baron de Flasch-
landen.
Cependant les progrès des ar-
mées françaises en Italie, me-
naçaient Louis X VEIL jusque dans
son asile de Vérone. Le gouver-
nement Vénitien intimidé , en-
xoya le marquis Carletti porter
“à l’illustre exilé , l’ordre de quit-
ter les terres de la République. Le
Roi, justement blessé de cette dé-
marche , répondit qu'il avait droit
de rester , en sa qualité de noble
: fortuné pour roi de France, sous
= le nom de Louis XVIE Monsieur
1 pril en même temps le titre de
Bégent du royaume , et donna à
E :
LOU
Vénitien ; mais qu'il partirait
après toutefois , qu’on lui aurait
rendu l'épée dont jadis Henri IV
avait fait présent à la République,
et après qu'il aurait rayé de sa
main, six noms de sa famille,
inscrits au livre d’or du patriciat.
Les Vénitiens eurent, dit-on , la
dureté de répondre qu'ils raye-
raient les noms eux-mêmes , et
qu'ils rendraient lépée, quand
ils auraient reçu 12 millions ,
dont Henri IV était resté rede-
vable à la République. Le Roi
partit de Vérone, au mois d’a-
vril 1796, accompagné seulement
du comte d’Avaray , du vicomte
d’Agoult et d’un valet de chambre
nommé Guignet. Il traversa le
Saint-Gothard par des chemins
peu fréquentés; arriva en Suisse
sans accident, chez le comte de
Salis, et se rendit à l’armée de
Condé , n’ayant plus d'asile ,
comme il le dit lui-même, dans
son ordre du jour, hors celui de
l'honneur.
Jamais les armées de la Répu-
blique n’avaient vu le roi de
France d'aussi près; il se mon-
irait à leurs postes avancés, et
l’on y entendit sa voix. D’ail-
leurs, à cette époque, une grande
négociation se tramait pour ren-
verser le gouvernement républi-
cain et restaurer la monarchie
des Bourbons. Le général Piche-
gru était entré dans ce projet , et
Louis XVIIT avait écrit direc-
tement au général, pour lui dé-
léguer tous ses pouvoirs. La jour-
née du 18 fructidor renversa ces
plans et ajourna ces espérances.
Les papiers de la négociation tom-
bés entre les mains du Directoire
exécutif, furent publiés dans les
journaux français. Moreau, placé à
LOU 199
la tête de notre armée , passa le
Rhin,etlestroupesautrichiennes se
replièrent devant lui, Louis XVIII
quitta l’armée de Condé, où la:
politique de certains cabinets le
voyail avec ombrage, et traversa
la Souabe, dont la population pa-
rut mal disposée pour lui. Le 19
juillet, à Dillingen , un assassin
tira sur le Roi, d’une fenêtre, un
coup de carabine. La balle ef-
fleura le haut de la tête et fit
paraître le sang. Le Roiï portant la
maiñ au front, dit avec un calme
imperturbable : « Une demi-ligne
» plus bas , et le roi de France
» s'appelait Charles X. » Le duc
de Brunswick offrit au petit-fils de
Louis XIV, un asile que les plus
puissans monarques de l’Europe
auraient craint de lui accorder
chez eux. La petite ville de
Blankenbourg , dans le cercle
de la Basse-Saxe, devint la ré-
sidence de celui que la plupart
des gazeites de l’Europe n’appe-
laient désormais que le Prétendant.
LeRoi y resta jusqu’en février1708.
Là vint le joindre l’abbé Edge-
worth de Firmont, qui avait as-
sisté Louis XVI dans ses derniers
momens. Louis XVIIT choisit
pour son confesseur le confes-
seur de son frère. «Je ne vous
» commande pas , lui dit-il, de
vrester avec moi; mais si vous
» n'avez aucun autre engagement,
»et que vous puissiez disposer de
»yous-même, je vous invite a
» demeurer ici. » L'abbé £dge-
worth resta. Le fidèle Cléry vint
aussi peuaprès, à Blankenbourg.
C’est là que le roi perdit le baron
de Flashlanden , son ministre,
et son ami. Le comte de La-
chapelle le remplaça un moment.
Des, intelligences étaient tou-
15
194 LOU
jours entretenues avec ia France,
par des voies détournées. Des
personnes dévouées y servaient la
cause royale, avec plus d’ardeur
que de succès. Plusieurs agens
royalistes étaient presqu’en mème
temps arrêtés à Paris : des per-
sonnages alors influens , et qui
avaient joué un rôle très-actif, en
faveur de la Révolution, se trou-
vaient compromis par leurs pa-
piers. Avec Pichegru , quelques-
uns des membres des deux Con-
seils avaient trahi la cause de la
République. Sur ces entrefaites ,
la journée du 18 fructidor sus-
pendit violemment lordre légal
établi en France par la constitu-
tion de l’an IT; mais elle ajourna
pour long-temps le succès dont
les partisans de la dynastie pros-
crile avaient pu se flatter.
Cependant, Paul E* ayant suc-
cédé sur le trône de Russie à sa mère
Catherine, épousa ouvertement la
cause des Bourbons malheureux.
Il invita le chef de la famille à
venir prendre sa résidence au
château des anciens ducsde Cour-
lande , à Mittau , et lui offrit une
pension considérable. Louis X VITE
partit de Blankenbourg, Île 13
février 1708, et arriva le 23 mars
à Mittau , avec le comte de Schou-
valoff, aide-de-camp de l’empe-
reur de Russie qui avait reçu la
mission d'accompagner le Roi. Là,
parut renaître une ombre des
splendeurs , ou au moins de l’éti-
quette de Versailles. Cent des
anciens gardes-du-corps du Roi
faisaient le service du château ; le
cardinal de Montmorency y rem-
plissait ses fonctions de grand
aumônier de France : les ducs de
Villequier, de Guiche, de Fleury,
les contes d’Avaray, de Cossé ,
LOU
de Saint-Priest , le marquis de
Nesle, et un petit nombre d’autres
gentilshommes furent les cour-
tisans de ce règne d’adversité. La
Reine, séparée de son époux de-
puis huit ans, vint ie rejoindre à
Mittau. C’est là que fut célébré le
mariage de M. le duc d’Angou-
lême ( M. le Dauphin ), avec la
fille unique de Louis XVI Cet
événement apporta quelque dou-
ceur au milieu de ces jours d’af-
fliction « Si la couronne de France
» était de roses, dit le Roi aux deux
Ȏpoux, en les unissant, je vous
» la donnerais; elle est d’épines, je
»la garde. » Mitlau fut visité ,
entre autres personnages célèbres,
par les généraux Suwarow et Du-
mouriez. Après la mort de Pie VI,
les cardinaux réunis à Venise pour
élire son successeur, écrivirent
au roi de France, suivant l’usage,
pour lui notifier la perte que l'E-
glise venait de faire, et en même
temps la prochaine tenue du Con-
clave. S. M. leur répondit, le 24
novembre 1799.Peu après,Pie VIT
annonça son élection au Roi, qui
nomma le cardinal Maury son
ambassadeur auprès du nouveau
pontile.
Après trois années d’une noble
hospitalité , Louis XVIIT reçut
l’injonction formelle de quitter les
états de l’autocrate russe. Paul I‘,
changeant tout à coup d'affection
et de politique, venait de rompre
avec la coalition, pour former une
étroite alliance avec le premier
consul de la République française.
Repoussé de toutes parts par la
politique craintive des souverains
du Nord , la situation du mo-
narque proscrit devint un instant
très-cruelle. Enfin, il lui fut permis
de résider à Varsovie, avec l’au-
LOU
torisation de la cour de Berlin,
qui néanmoins, fit arrêter peu à
près , à Bareuth, à la demande du
gouvernement de France, quel-
ques-uns des agens de la maison
de Bourbon. Le voyage de Mittau
à Varsovie , entrepris par une
cruelle et impérieuse fatalité ,
précisément le 21 janvier de
l'an 1801 , fut pénible et dou-
loureux au delà de toute expres-
sion. Onen a connu les détails
par une Lettre de M. le comte d’A-
varay à un Ami, publiée par
M. Eckard, et datée de Memel, 30
janvier 1801. « Ce voyage, jus-
» qu'ici, dit M. d’Avaray , au bord
» de la mer surtout , a été cruel;
» une tempête horrible , des tour-
»billons dé neige aveuglant les
»hommes et effrayant les che-
»yaux, ont interrompu la der-
»nière journée ; déjà un des gens
» de la suite s’était démis le bras.
» Heureusement,nos chers maîtres
»n’ont point souffert ; ou, pour
» s'exprimer comme eux, les souf-
» frances qu’ils éprouvent ne sont
»antres que celles dont ils sonten-
»vironnés. La rigueur de la sai-
»son, les gites les plus affreux,
» l'ignorance absolue du lieu où
»puissent se reposer ces têtes
» précieuses ; rien n’altère la dou-
»ceur, la constance de notre ado-
» rable princesse. Uniquement oc-
»cupée du Roi, tout est bien,
»tout est bon pour elle. Ici, la
»chaleur étouflante, là, le froid
» glacial d’une chambre sans feu,
» qu’il faut habituellement parta-
»ger avec M" de Sérent et ses
» femmes, tandis que son oncle
»repose dans le s{ube commun ,
»rien ne peut lui arracher une
» plainte; c’est un ange consola-
»steur pour notre maître et un
195
LOU
»modèle de courage pour nous...
»Ce qui n’ajoute pas peu sans
» doute, à l’horreur de cette situa-
»tion, est de songer que malgré
» toutes les précautions que nous
»avons pu prendre ,; M. le duc
» d'Angoulême est peut-être er-
»rant de son côté, cherchant à
srevoir le précieux dépôt qu’il
» avait laissé en Courlande,etc.» Le
comte de Lille et la marquise
de Meilleray ( c'était le titre
qu'avait adopté en cette occa-
sion, M"* la duchesse d’Angou-
lêème ) , arrivèrent à Memel
le 27 janvier , au soir. Outre
M. d’Avaray et M"° de Sérant,
l'abbé Edgeworth et le duc de
Fleury formaient leur suite. Ce ne
fut que dans les premiers jours de
février qu'il leur devint pos-
sible de continuer leur route pour
Kœnigsberg, d’où ils se rendirent
à Varsovie, qui leur offrit enfin
un asile paisible (1).
(1) M. le marquis de Paroy ext-
cuta en France, vers cette méme
époque, une gravure qui représentait
Louis XVIII, conduit à travers les
neiges de la Lithuanie, s'appuyant sur
le bras de sa nièce. On lisait au bas
ces mots : {a moderné Antigone.
Cette gravure fut stvèrement recher-
chée par la police.—Le 14 octobre de Ja
même anuée, jour de la fête de X74-
drme, cette princesse ayant reçu
quelques complimens en vers, dont le
soût du Roi ue fut pas satisfait, S M.
improvisa les suivans, qu'elle intitula :
Bou'ade. Is nous paraissent les plus
jolis qui soient échappés à sa plume:
De Thérèse , en ce jour , pour célébrer la fête,
Poëtes, vous chantez ses grâces , ses appus ;
Avec vos lieux communs vous me rompez la tête ;
Messieurs, chantez des dons que tant d’autres n’ont
4 fa É pas :
Au milieu des revers son âme inaltérable,
Dans les fers , dans l'exil, ses parens consolés,
Le bonheur de Louis el d’un époux aimable,
Les malheureux par elle , en cent lieux sonlagés,
Des cœurs vraimen: français l'amouret l’espérance:
Voilà ce qu’il faut dire ou garder le silence,
196 LOU
Paul L'ayant été assassiné dans
la nuit du 25 au 24 août 1801,
son fils Alexandre rétablit la pen-
sion que son père faisait naguères
à Louis XVIIT, et la porta même
à 600,000 roubles. Le Roi passait
l'été à Lajinka, maison de plai-
sance des anciens souverains de
la Pologne , àun quart de lieue de
la ville. Au commencement de
février 1803 , le général Keller,
diplomate prussien , se présenta
devant S. M., et lui fit verbale-
ment, dans les termes les plus
polis, mais en même temps les
plus précis, la proposition de re-
noncer au trône de France et d’ÿ
faire renoncer les princes de sa
famille. Pour prix de ce sacrifice,
Bonaparte promettaitles plus bril-
lantes indemnités ; on a été jus-
qu’à dire ie trône de Pologne. Le
surlendemain, le Roi transmit à
lenvoyé prussien la lettre sui-
vante, monument remarquable
de fierté et d’élévation d’âme.
V'arsovie, 22 février 1805,
« Je ne confonds pas M. Buo-
» naparte avec ceux qui l’ont pré-
»cédé ; j'estime sa valeur , ses
»talens militaires ; je lui sais gré
»de plusieurs actes d’adminis-
»tration, car le bien que l’on fera
Ȉ mon peuple me sera toujours
»cher; mais il se trompe, sil
»croit m'engager à transiger sur
» mes droits : loin de là , illes éta-
»blirait lui-même , s’ils pouvaient
»être litigieux, par la démarche
» qu’il fait en ce moment.
» J'ignore quels sont les desseins
» de Dieu sur ma race et sur moi ;
»mais je connais les obligations
»qu'il m'a imposées par le rang
» Où il lui a plu de me faire naiïtre.
LOU
» Chrétien , jeremplirai ces obli-
» gatiOns jusqu’à mon dernier sou-
» pir ; fils de saint Louis, je saurai
» à son exemple, me respecter jus-
» que dans les fers ; successeur de
» François [*, je veux du moins
»pouvoir dire comme lui : tout
»est perdu, fors l'honneur. »
L’envoyé prussien emporta le
19 mars, la lettre que nous venons
de transcrire. Elle avait été munie
au paravant , de l’adhésion de
tous les princes de la maison de
Bourbon , et nulle considération
ne put y faire apporter le moindre
changement : elle parut bientôt
après dans les journaux anglais.
Le 5 juin 1804, à la nou-
velle de la création de la mo-
narchie impériale par Napoléon,
Louis XVIII adressa de Var-
sovie, à tous les souverains de
‘ l’Europe , une protestation contre
Penvahissement de son trône. En-
fin, quand le roi d'Espagne (Char-
les IV) donna le collier de la Toi-
son d'Or à Napoléon, Louis X VIII
lui envoya la lettre suivante :
« Sire, monsieur et cher cousin.
» C’est avec regret que:je vons
renvoie les insignia de l’ordre de
»la Toison d'Or, que S. M. votre
»père, de glorieuse mémoire ,
»im'avait confiés. Il ne peut y
»avoir rien de commun entre moi
vet le grand criminel que son au-
» dace et sa fortune ont placé sur
» mon trône, qu'il a eu la barbarie
»de teindre du sang d’un Bour-
»bon, le duc d’Enghien. La re-
»ligion peut m’engager à par-
» donner à un assassin, mais le
»tyran de mon peuple doit être
»toujours mon ennemi. Dans le
» siècle présent, ilest plus glorieux
» de mériter un sceptre que de le
» porter. La Providence , par des
LOU
» motifs incompréhensibles , peut
» me condamner à finir mes jours
» en exil ; mais ni la postérité , ni
»mes contemporains ne pour-
»ront dire que, dans le temps de
»l’adversité, je me suis montré
» indigne d'occuper jusqu’au der-
»nier soupir, le trône de mes
» ancêtres. »
Cette haine vigoureuse et fière
vouée au meurtrier du duc d'En-
ghien, convenait au chef'de la
race des Bourbons. Toutefois , ce
prince ne travailla jamais à la des-
tructionde ce redoutable rivalde sa
maison, que par des voies légitimes
que tous les gens de cœur et de
conscience pourraientavouer. «En
» passant en revue les nombreuses
» tentatives pratiquées sur sa per-
» sonne, dit M. de Lascases Mémo-
rial de Sainte-Hélène) , Napoléon
» observait que pourtant, il devait
» à la justice de dire, qu’il n'avait
» jamais trouvé Louis XVIII dans
»une conspiration directe contre
»sa vie... Il n'avait connu de ce
»prince que des plans systéma-
»tiques , des opérations idéa-
»les, etc. » Ce témoignage doit
tenir l'historien en garde contre
une foule de documens suspects,
concernant l'histoire de leémi-
gration , dans lesquels le nom du
comte de Lille se trouve parfois,
très-indiscrètement mêlé à des
intrigues équivoques, conduites Ja
plupart du temps , par des aven-
iuriers faméliques ou perfides.
Vers la fin de 1804, le comte
de Lille revint habiter Mittau , sur
l'invitation de empereur Alexan-
dre. Monsieur, comte d’Artois, ré-
sidait en Angleterre depuis 1799,
et il y avait onze ans que les deux
frères nes’étaient vus. Cette année,
Us eurent une entrevue en Suède,
LOU 197
où chacun se rendit de son côté.
Le Roi s’'embarqua à Riga, pour
Calmar; les deux princes y pas-
sérent quelques jours ensemble,
au mois de novembre 1804. Après
leur séparation , ils retournèrent
chacun à leur résidence ordinaire.
Bientôt l’ambition de Bonaparte
poussa les troupes francaises pres-
que vers ces contrées lointaines :
des prisonniers français furent
transportés jusqu’à Mittau , où la
famille royale revit des compa-
triotes. L’abbé Edgeworth se dé-
voua pour leur procurer les se-
cours de la religion, et mourut
en exerçant cet auguste ministère,
Le Roi fut très-sensible à la perte
de cet ami de sa famille, et com-
posa une épitaphe latine pour son
tombeau.
Trois années s'étaient écoulées
dans cette situation obscure,
mais paisible, quand le traité de
Tilsitt (8 juillet 1807) dut éloigner
le comte de Lille de la Russie. Il
s’embarqua pour la Suède, sans
savoir encore où il pourrait se
fixer. Enfin, il résolut d’aban-
donner le continent et de passer
en Angleterre. IF y arriva vers le
mois d'octobre , et résida durant
quelque temps, à Gosfield, puis à
Wanstead, enfin, à Hartwell,
château situé dans le comté de
Buckingham, à seize lieues de
Londres. Le marquis de Buckin-
gham lui en abandonna la jouis-
sance, et le gouvernement an-
glais lui assura les moyens d’exis-
ter convenablement ; c’est là que
le comte de Lille passa les der-
nières années de son exil. M. le
duc et M°° la duchesse d’Angou-
lême y résidaient habituellement
auprès de lui; Monsieur y ve-
nait fréquemment de Londres,
où il faisait son séjour ordinaire.
Le Roi sortit de sa retraite, le 14
juin 1811, à l’occasion de la fête
qui fut donnée par le prince Ré-
gent, pour célébrer anniversaire
de la naissance de Georges TIIT.
Invité de paraître à la cour de
Saint-James, Louis XVIII sy
montra,avec M" la duchesse d’An-
goulême, et y reçut les honneurs
du rang suprême. Plus tard, cé-
dant à un sentiment de patrio-
tisme honorable, le monarque
exilé refusa de paraître à une fête
brillante , célébrée par les corpo-
rations de la cité de Londres, à
l’occasion de la destruction de
l’armée de Napoléon, en Russie.
Cette armée, déplorable instru-
ment de désolation et d’injustice,
élait pourtant l’armée française :
Louis X VIII ne Poublia point. En
vain les ordonnateurs de la fête
multiplièrent les allusions à la
chute de Bonaparte et au rétablis-
sement des Bourbons; en vain ils
semérent les lis à demi fermés,
avec cette devise. « Ils vont re-
fleurir; » aucune personne de la fa-
mille royale ne parut. — «j'ignore,
» répondit le Roi, à la députation
»qui lui fut envoyée à ce sujet,
»j'ignore si ce désastre est un
> des moyens que la Providence,
» dontles vues sont impénétrables,
»veut employer pour rétablir
»lautorité légitime en France;
» mais jamais , ni mOi, ni aucun
»prince de ma famille, nous ne
» pourrons nous réjouir d’un évé-
» nement qui a fait périr deux cent
» mille Français.»
Durant son séjour à Hartwell,
LouisX VIII perditsuccessivement
plusieurs personnes qui lui étaient
chères : la reine, son épouse, qui
mourut le 10 novembre 1810 ;
LOU
le comte, depuis duc d’Avaray,
qui possédait toute la confiance
de son maître , mort loin de
lui à Madère ; enfin, le 10 avril
1813, M. Asseline , évêque de
Boulogne. Ce vertueux et savant
prélat était, depuis la mort de
abbé Edgeworth , le confesseur
du Roi, de M. le duc d’Angou-
lème et de Madame ; il résidait
auprès d’eux, à Avylesbury. Le
Roi choisit pour le remplacer,
M. l’abbé Rocher, ancien curé de
Loches, qui lui fut indiqué par
M. l’évêque d’Usez , et qui a con-
tinué jusqu’à la fin, avec autant de
désintéressement que de modes-
tie, à remplir le même ministère
auprès de S. M.
Cependant l’heure de la Res-
tauralion avait sonné. Avant l’e-
poque marquée par la Providence,
les hommes s'étaient agités vai-
nement pour la hâter. Les plus
habiles y perdirent leurs fatigues ;
les plus téméraires leur sang.
De toute la noblesse et de tout le
clergé émigré , il ne restait hors
de France, qu’un petit nombre
d’évêques et de gentilshommes,
fidèles jusqu’à la fin , même après
toute espérance évanouie. Bona-
parte avait reconstitué, sous d’au-
tres noms, mais avec des formes
identiques, la vieille monarchie
française. Tout ce qui vivait des
honneurs, des prodigalités, des
abas de l’ancien régime, avait
accepté l'échange , sans difficulté
et sans remords; les plus dévots
comme les plus nobles. La Vendée
était éleinte ; lémigration amnis-
tiée et satisfaite. Un petit nombre
d'hommes consciencieux et cir-
conspects , observaient en silence
le mouvement des esprits et des
événemens, bornant leurs com-
7 "00
LOU
plots ätenir le Roi informé, parde
fidèles rapports , du véritable état
des choses dans l’intérieur (1).
Mais quand l’œuvre à laquelle la
Providence l'avait destine, dans
ses profonds et redoutables des-
seins, fut accomplie, Bonaparte se
précipita lui-même du trône qu’il
avait relevé. Les Bourbons n’eu-
rent que la peine de venir s’y ras-
seoir, rappelés sans prémédita-
tion, par le souvenir des crimes de
leurs ennemis; plus encore par
le souvenir de la sainte mansué-
tude desanartyrs de leur famille ;
surtout en haine de Bonaparte,
de sa conscription, enfin, de son
gouvernement arbitraire et vio-
lent. Avant de quitter l’Angle-
terre, Louis XVIII passa par
Londres, où il adressa au Prince-
régent .d’expressives actions de
grâces.
Après vingt-trois ans d’exit,
Louis-Stanislas-Xavier rentra en
France , élu par le vœu unanime
du peuple, fatigué de la tyrannie
(:) Le comité royaliste dont nous
voulons parler se composait de MM.
Royer-Coliard, le marquis de Cler-
mont-Gallerande , mort pair de France
en 1921 , l'abbé de Montesquiou ,
M. Bequey, et l'abbé André, mort en
1823. Ce dernier était l'intermédiaire
de la correspondance avec le Roi. Ses
papiers , à ce qu'on nous assure , furent
réclamés, après son décès, par l’inter-
médiaire d'un maître des requêtes,
délégué par le Garde-des-sceaux. On
ajoute que parmi ceux qui furent rc-
cuelllis, S. M. déclara qu’elle ne re-
trouvait pas tous ceux dont elle con-
naissait l'existence : il y a lieu d’es-
pérer que ces pièces importantes ne
sont point perdues et qu'elles sont
tombées entre les mains d’un déposi-
taire fidèle, qui les conservera pour
llustoire,
LOU 199
belligérante de Napoléon, et par
les actes réguliers et légitimes
des corps qui représentaient léga-
lement la nation. 11 débarqua à
Calais, le 24 avril 1814, passa
par Compiègne, et s'arrêta au
château de Saint-Ouen, situé aux
portes de Paris : c’est là qu’il pu-
blia la déclaration célèbre , datée
du 2 mai, par laquelle , déclinant
l'acceptation de la couronne de
France qui lui était offerte en
vertu du principe de la souverai-
neté populaire , formellement
énoncé dans l’acte constitutionnel
decrété par le Sénat, et aux clauses
et conditions énoncées en cet acte,
il reprenait l’exercice du pouvoir
royal par le droit de sa naissance,
et comme étant le légitime héri-
tage de sa famille. La déclaration
de Saint-Ouen contient d’ailleurs
l'énoncé précis et pur des principes
fondamentaux du gouvernement
représentatif et des garanties spé-
ciales jugées nécessaires au main-
tien de l’ordre social, tel qu’il se
trouve reconstitué en France. de-
puis la Restauration. Par cet acte,
le Roi garantit aux Français l’éta-
blissement du gouvernement re-
présentatif, le libre consentement
de l'impôt par les députés des dé-
partemens, [a liberté individuelle
et celle de la presse , l’égale ad-
mission aux charges et emplois
publics, la liberté des cultes , la
responsabilité ministérielle , le
jugement par jury , l’indépen-
dance du pouvoir judiciaire , la
consolidation de la dette publique,
et divers priviléges particuliers
d’une moindre importance. Enfin,
le Roi déclare considérer la vente
des biens nationaux comme irré-
vocable, et les ovinions et votes
émis durantlaRévolution, comme.
#
200 LOU
exempts de toute responsabilité
légale. Ainsi l’on crut avoir assez
fait pour satisfaire à de certains
engagemens , et pour remplir les
vœux des monarques alliés, alors
favorables à la cause de la liberté
des peuples. Bientôt la plupart
des inquiétudes individuelles pa-
rurent apaisées ; personne ne ré-
clama en faveur de la constitution
du Sénat : on ne parut même pas
comprendre l’importance capitale
de cet acte, qui renfermait logi-
quement et moralement Ja Révo-
lution toute entière. D’ailleurs,
l'opinion dé la majorité numéri-
qué de la nâtion, quoique non ré-
gulièrement dénombrée, ne pou-
vait paraître douteuse auxhommes
sincères. On ne voulait plus de
Bonaparte et l’on voulait les Bour-
bons. L'histoire appréciera par
ses résultats, ce grand mouvement
de l’opinion nationale ; mais elle
n’en contestera point la réalité.
Elle ajoutera que Les amisles plus
sincères et les plus éclairés des li-
bertés publiques coopérèrent dans
toute la loyauté de leur cœur, à la
Restauration ; mais elle ne taira
point qu’ils ne furent pas entière-
ment exaucés lorsqu'ils réclamè-
rent des garanties eflicaces pour
l’asseoir et la consolider sur les
bases inébraniables de la raison et
de la justice. Il ne serait pas exact
de dire que l’ancienne dynastie
fut rendue à la France par les ar-
mées de la coalition : ies princes de
l'Europe animés, à celte époque,
des sentimens les plus généreux,
etconseiilés par des hommes aussi
justes qu’éclairés, se bornèrent à
laisser au vœu public la faculté
d’une libre expression : il faut
ajouter même qu’ils concoururent
à nous assurer le bienfoit inappré-
LOU
ciable de la possession du gouver-
nement représentatif, dont la na-
üon , dans l’impétuosité de ses
douleurs et de ses joies, semblait
oublier l'importance. Mille grâces
soient rendues , sous ce rapport ,
à leur généreuse intervention.
Louis XVIIT choisit, au sein du
Sénat et du Corps législatif, une
commission à laquelle il adjoignit
quelques-uns de ses conseillers,
afin de discuter les bases et d’ar-
rêter la rédaction de la Charte
constitutionnelle qu’il avait ré-
solu d’octroyer à ses petples. Le 2
juin , le Corps législatif et là ma-
jorité des membres du Sénat fu-
rent réunis en séance solennelle,
pour en recevoir communication.
La Charte fut jurée par eux, sans
discussion et sans réclamation.
Les autorités constituées y don-
nérent pareillement leur adhé-
sion. Comme la déclaration de
Saint-Ouen, la Charte contient
lexpression assez précise des
principes fondamentaux de la
monarchie constitutionnelle, en-
semble les garanties particulières
dontil a semblé convenable qu’elle
fût entourée en France. Imparfaite
comme toutes les œuvres humai-
nes, la Charte renferme, au moins
en germe, la plupart des amé-
liorations dont l’état social euro-
péen parait prochainement suscep-
tible.ParlaCharte.les familles sou-
veraines et l’aristocratie du vieux
continent ont pu se réconcilieravec
la démocratie parlementaire , que
les écarts de la Révolution les por-
taient à considérer comme un in-
traitable ennemi. Louis XVIII
conservera la gloire d’avoir atta-
ché son nom à cet acte, l’un des
plus mémorables de l’histoire mo-
derne, etcette gloire fera toujours
LOU
distinguer son règne entre tous
ceux de la monarchie.
En rentrant aux Tuileries, le
Roï data ses actes de la 19° année
de son règne. C’était la consé-
quence régulière du rejet de l’acte
constitutionnel du Sénat etde l’oc-
troi de la Charte. Le premier mi-
nistère de la nouvelle monarchie
offrit un amalgame sans harmonie,
d'hommes spirituels, mais légers,
alliés à d’autres, qui blessés dans
leurs intérêts personnels, et doués
d’une insuffisante capacité, man-
quaient tout à Ja fois de prévision
et de fermeté. M. le prince de
Talleyrand, chef nominal de ce
premier ministère , dut se rendre
immédiatementàVienne avecM.de
Jaucourt, pour assister au congrès,
où l’on posa les bases du nouvel
équilibre européen... M. le duc de
Blacas,resté Paris, eut àceite épo-
que la principale influence sur la di-
rection des affaires. LorsqueM. d’A-
varay était parti pour Madère,
en 1819, par l’ordre des médecins,
M. deBlacasavaitsuccédé à sesfonc-
tions ministérielles. Le Roi l'avait
connu à Vérone, etS.M.lavaitem-
ployé dans la négociation qui lui
obtint une asile au sein des états
de l’empereur de Russie. En quit-
tant cetempire, Elle l’avait amené
en Angleterre, et chaque jour
semblait accroître depuis la bien-
veillance et le crédit qu’Elle ac-
cordait à ce ministre. À la Restau-
ration , le département de la mai-
son du Roi lui fut confié; mais son
crédit ne se bornait pas à la distri-
bution des faveurs qui dépendent
de ce portefeuille. Sous l’admi-
nistration de M. de Blacas, des
fautes furent commises : elles por-
taient surtout le caractère de la lé-
gereté et de l’imprudence. Bientôt
LOU
201
les mécontentemens assoupis se
réveillèrent : on ne sut ni les satis-
faire ni les étouffer: on les négli-
gea. Ils s’emparèrent des idées
libérales, que le ministère aurait
pu approprier à la Restauration;
et ils empruntèrent d’elles une
certaine force morale que le cada-
vre de la monarchie impériale
eût été hors d'état de jamais
leur donner. On se trouvait dans
cesdispositions, quand Bonaparte
sortit de l’île d’Elbe, dernier re-
fuge abandonné à sa puissance
abattue , et mit le pied sur la côte
méridionale de la France. C’était,
on s’en souvient, le 6 mars 1815.
Le 20, il dormit aux Tuileries:
l’armée l’y avait porté. Une por-
üon de la nation, la minorité
sans doute, s’adjoignit à ce mou-
vement. Il y eut pourtant assez
de monde pour reconstituer toutes
les apparences d’un gouverne-
ment régulier. Pendant que l’o-
rage approchaït, le Roi, éclairé
sur son teiñps et sur sa nation,
demanda de l’appui à la véritable
source de la force; savoir, aux
idées libérales et aux institutions
populaires sagement, mais fran-
chement organisées. Le 6 mars,
il se rendit à la Chambre des Dé-
putés, accompagné de tous les
membres de sa famille qui se
trouvaient à Paris, et y renouvela
ses sermens à la monarchie cons-
titutionnelle. Cette démarche et
les principes vraiment libéraux
professés par les Bourbons, en ces
mémorables circonstances, ral-
lièrent autour d’eux un grand
nombre de patriotes sincères, dont
rien ne put altérer lesloyaux sen-
timens.
Forcé de pourvoir à sa sûreté
personnelle, le Roï quitta Paris,
202 LOU
etseretira à Gand,dans leroyaume
des Pays-Bas, par la route de la
Flandre, sous le titre de comte
de Lille, qu’il avait adopté lors de
sa première émigration. Une cour
et un ministère furent bientôt ra-
liés autour de lui. Les souverains
de l’Europe réunis au congrès de
Vienne , ne voulurent point recon-
uaître ailleurs le gouvernement
légitime de la France. Leurs ar-
mées furent employées à rouvrir
à Louis XVIII la route de Paris.
Deux partis s'étaient prononcés
dans l’intérieur ; celui des Bour-
bons se trouva debout , le lende-
main de la bataille de Waterloo,
et applanit la route par ses accla-
mations. Fidèle à ses engagemens
du jour de ladversité, Louis
XVIII s’empressa de promettre
de nouveau, toutes les améliora-
tions libérales que l’opinion des
horñhmes éclairés sollicitait (Or-
donnance du 13 juillet 1815 ).
Sacrifiant les plus légitimes ré-
pugnances, aux impérieuses ne-
cessités de la politique, il avait
consenti à prendre pour ministre
l’un des juges de Louis XVI, le
duc d’Otranie ; etce choix seul in-
diquait suffisamment quelle poli-
tique devait guider la nouvelle ad-
ministration, à la tête de laquellefut
placé de nouveau M. le prince de
Talleyrand. Le Roi était rentré en
France par Cambray , le 24 juin;
il reprit à Paris les rênes du gou-
vernement, le 17 juillet. Ses pre-
miers actes Comme ses premières
paroles , furent empreints de l’es-
prit de pacification et de concorde.
Roiet français, Louis XVIII vou-
lait ne se montrer sensible qu'aux
malheurs de la France. Mais le
levain des partis s’agitait autour
du trône: profitant du désordre in-
LOU
séparable de tels événemens.et des
cruelles circonstances de l’inva-
sion étrangère , les vieux ennemis.
de la Révolution s’interposèrent
entre le Roï et le peuple; ils pa-
ralysèrent les généreuses pensées.
du Monarque; ils exigèrent des
proscriptions (Ordonnance du 24
juillet 1815) qu'its eurent l'art
funeste d’amplifier et d’étendre
dans l’exécution; ils voulurent
effacer une clause sacrée du tes-
tament de Louis X VF, et rétracter
l'article 5 de la Charte constitu-
tionnelle (Loi d’amnistie du 6:
janvier 1816). La liberté indivi-
duelle et celle de la presse furent
par eux foulées aux pieds; laFrance
se trouva, en un instant, cou-
verte de prisons et de proscrits;
l’arbitraire et le désordre s’intro-
duisirent dans toutes les parties.
de l’administration, et l’on put ap-
préhender le moment où la justice
allait cesser d’être la loi souve-
raine de l’état. Aidés de la foule am-
bitieuse et intrigante qu’ilsavaient
ralliée autour d'eux, les réaction-
naires étaient parvenus à envahir
la Chambre des Députés, et par
elle, à renverser le ministère.
M. de Talleyrand se retira, et une
nouvelle administration fut for-
mée par M. le dac de Ri-
chelieu. Les sentimens person-
nels du Monarque en éloi-
gnèrent les plus ardens fauteurs.
de la réaction, et sa volonté bien
prononcée appuya son nouveau
ministère dans la lutte arageuse
qu'il eut bientôt à soutenir, placé
entre la Révolution exaspérée et
palpitante, et la contre-révolu-
tion irritée et parvenue à s’établir
jusqu’au cœur du gouvernement.
La sûreté du trône d’une part,
de l’autre la paix publique, sem
LOU
blaient menacées; tout système
paraissait dangereux à suivre,
tout parti diflicile à embrasser.
Le Roi sentait une répugnance
invincible pour ce royalisme cruel
et violent qui, à cette époque, ré-
clamait des punitions et des ré-
compenses, du ton dont parlent
les factions. Parmi ses ministres,
un hommene craignit pas d’affron-
ter toutesces haines parées de tant
de dévoument. Aussitôt l’impétuo-
sité du torrent se dirigea vers lui;
mais le Roi le couvrit de sa puis-
sante protection. Enfin, les am-
bitions et Îles animosités particu-
lières ayant mis à nu leur égoïsme,
on n’hésita plus à rentrer dans
lés voies de la conciliation et du
régime légai, dont on n’aurait pas
dû s’écarter un instant. L’ordon-
nance du 5 septembre fut rendue.
Par cet acte célèbre, la cou-
ronne , usant de la plus éminente
de ses prérogatives constitution-
nelles, cassa la Chambre des Dé-
putés élue en 1815, et fit un
appel à la nation, par la voie
d’une réélection générale. La na-
tion ne trompa point, en celte
circonstance, l’espoir de son Roi;
et aussitôt le nouveau système du
gouvernement parut se consoli-
der. Le grand crédit de M. De-
cazes date de cette époque; la
confiance , et on peut le dire, l’a-
mitié du Roi, lui attribuërent na-
turellement la principale part dans
la direction des affaires. Nous
n’essaierons pas d'apprécier ici
administration de cet homme
d'état : sans doute il n’est pas
difficile d’y signaler des erreurs;
peut-être serait-il plus facile en-
core de démontrer qu’elles furent
bien souvent entrainées par d’im-
périeuses nécessités. Il est cer-
LOU 2093
tain du moins, pour tout homme
de bonne foi, qu’à aucune autre,
époque, la France n’a été admi-
nistrée avec plus de modération
et d’impartialité, que par les mi-
nistres qui se succédérent depuis
le 5 septembre jusqu’au 13 février
1820. Parmi toutes les incrimina-
tions qui leur furent adressées par
l'opposition du côté droit de Ja
Chambre des Députés, il n’en est
pas une seule que les coryphées
de cette opposition n’eussent en-
courue et bien plus gravement,
alors qu’ils se disputaient et se par-
tageaient le pouvoir, en 1815; et
il n’en est pas une seule qu'ils
n’aient sciemment et ardemment
embrassée de nouveau, lorsque,
pour le malheur de la France,
le pouvoir leur est échu complète-
ment, en 1821.
Sans doute les pas du ministère
du 5 septembre furent mal assu-
rés, sa marche lente et vacillante;
surtout, il manqua de prévision
et de sollicitude pour l’avenir :
mais sa tendance évidente fut con-
stamment vers la liberté légale,
vers les principes les mieux en
harmonie avec les progrès actuels
des lumières et les plus favora-
bles aux développemens de la
civilisation. La France est en-
irée, conduite par lui, dans les
voies merveilleuses du crédit pu-
blic, à l’issue desquelles elle doit
rencontrer, tôt ou tard, la meil-
léure solution du problème difi-
cile de sa reconstitution sociale.
L'année 1819 vit arriver à son
plus grand développement les ap-
plications des idées libérales à la
monarchie constitutionnelle; et
jamais peut-être on n’entendit pro-
fesser, par aucun gouvernement
de l’Europe, des maximes plus
294 LOU :
sages, plus généreuses, plus mo-
rales que celles qui tombèrent à
cetle époque, du haut du trône ou
des deux tribunes nationales. Ja-
mais, erf France, les droits sacrés
de l'humanité ne furent plus stric-
tement respectés; jamais la justice
ne trouva moins d’obstacle à
promener son niveau sur la 50-
ciété entière. Telle était, sauf de
légères taches, qui chaque jour
allaient s’effaçcant, le tableau que
présentait la France fière et glo-
ricuse de sa prospérité, sous le
règne de Louis XVIII, et sous
l’administration libérale qu’il lui
plut de choisir dans sa sagesse. Le
Roi quiavait vunotrerévolution et
ses écarts, avait vu aussi l’Angle-
ierre et ses libertés : C’est pourquoi
il ne s’effrayait pas des nouvelles
mœurs auxquelles s’accoutumait
la France. Louis XVIIL professa
hautement les principes libéraux,
depuis le 5 septembre jusqu’à la
fin de 1819. Beaucoup d’anciens
royalistes, moins éclairés, moins
généreux que le Roi, s’en offen-
sèrent ; et un moment, son nom
fut prononcé par la bouche des
plus chauds amis de la maison
de Bourbon, non pas avec moins
de dévouement, mais peut-être
avec moins de tendresse : parce
qu'alors, les grâces n’étaient plus
leur patrimoine exclusif, ils par-
lèrent d’ingratitude ; mais le Roi
constitutionnel de la France n’est
pas un chef de parti; et Henri IV
a bien su trouver grâce devant la
postérité, quoiqu'il n’ait pas craint
de braver les mêmes murmures;,
de la part de quelques-uns des
siens.
Malheureusement, cette ère de
bonheur et de gloire, que faisait
luire sur la France un trône en-
LOU
touré des plus pures lumières de
la religion et de la philosophie,
ne devait pas s’accomplir, ou du
moins devait être interrompue par
de tristes jours. Les alarmes d’une
aristocratie corrompue par lé-
goïsme et dégradée par ligno-
rance, s’élevèrent jusqu'aux plus
hautes régions de la terre
lPatmosphère des trônes euro-
péens en fut troublée. Maïs peut-
être que l'esprit élevé du roï de
France, secondé de l'instinct excel-
lent de sa nation, aurait vaincu ce
nouvel orage, si un crime isolé
n’eût été exploité avec une infer-
nale science, par l'esprit de parti,
qui sut en faire la plus grande des.
calamités publiques. Les idées li-
bérales furent accusées d’un atten-
tat incité par un fanatisme inexpli-
cable et féroce. L’assassinat du duc-
de Berry blessa le cœur de Louis
XVIII dans ses sentimens les
plus vifs et les plus légitimes. I
craignit de s'être trop avancé vers
la Révolution, et que le tigre de
Panarchie démuselé ne s’apprêtât
de nouveau à dévorer les restes:
échappés de sa famille. La poli-
tique de son gouvernement prit
désormais une nouvelle direction :
elle se rapprocha de la Sainte
Alliance, à laquelle jusqu’à ce
jour, elle n’avait guère participé
que nominalement. Les ministres.
qui suivaient le système fondé de-
puis le 5 septembre furent ren-
voyés. Tout ce que la nation avait
obtenu de garanties et de libertés
publiques fut successivement al-
téré et considérablement restreint
par leurs successeurs. Une lutte
defrayeurs et de mécontentemens,
suivie d’irritations réciproques,
ne tarda pas à s’engager. La baïon-
nelte et même l’échafaud compri-
LOU
mèrent les oppositions trop exal-
tées. Le côté droit, maitre du pou- .
voir, partagea entre la noblesse, le
clergé et leur clientelle, toutes les
fayeurs de l'administration. La na-
tion française vaincue par un parti,
s’endormit d’un sommeil léthargi-
que; et la corruption acheva surelle
les dures expériences commencées
par la violence. Vers cette même
époque, les hommes éclairés et
généreux que l'Espagne recélait
dans son sein ayant accompli une
révolution qui devait régénérer
leur patrie, les armées et Les tré-
sors de la France furent dévoués
par le ministère français, à cour-
ber de nouveau ce malheureux
pays sous le joug du pouvoir ab-
solu, qui l’a strictement conservé
inerte el féroce, au milieu de
l’activité féconde et de la couce
culture du reste de l’Europe. Des
réactions sanglantes ont fait pas-
ser la jouissance du crime, de
l’oppresseur à lPopprimé, avec
cette différence qu'il y avait au
moins, derrière l'intolérance des
réformateurs , des principes de
justice et de raison , qui devaient
en modérer et en arrêter bientôt
l’excès; tandis que les cruautés
du fanatisme ne font qu’irriter la
soif qu’il éprouve du sang et lui
apprêtent sans cesse de nouvelles
victimes. D'ailleurs, la France n’é-
tait pas responsable du sang versé
dans les guerres civiles de l’Es-
pagne, tant qu'elle n'avait pris
fait et cause pour l’un ni l’autre
des partis qui dévorent cette mal-
heureuse contrée. Il n’en est plus
de même aujourd'hui, que ses
armes ont fait la loi dans les deux
Castilles. Si le sang innocent y fut
versé une seule fois, il pèsera aussi
sur Ceux qui ont prêté main-forte
LOU 205
pour aplanir, devant la victime, le
chemin de l’échafaud. Les mi-
nistres des dernières années de
Louis X VIFT ont fait servir le nom
de ce prince à renverser ce que
leurs prédécesseurs avaient fondé,
à proscrire età maudire la plupart
des principes publics que les pre-
miers avaient essayé d'introduire
dans les mœurs et dans les institu-
tions. L'histoire jugere les unsetles
autres:mais quelque soit son juge-
ment, elle remarquera sans doute
que les principes libéraux furent
ceux vers lesquels le feu Roi parut
incliner, tant que lesforces de l’âge
seconderent en lui les forces intel-
lectuelles ; elle observera qu’une
amère douleur, à laquelle il eût été
bien difficile de résister, put seule
entrainer sa politique hors des
sentiers qu’elle avait constamment
suivis, à l’époque de ses deux
restaurations successives; enfin,
elle n’oubliera pas qu’alors même
qu’un parti funeste eut obtenu ses
triomphes les plus décisifs, le
Roi conserva toujours à la France
la possession de la Charte consti-
tutionnelle, que l'Europe conti-
nentale lui envie, et qui, malgré
nos malheurs, renferme toujours
en soi, un germe immortel de ré- 2
génération et de vie.
Louis XVIII avait toujours été
d’une corpulence considérable.
L'âge et le défaut d'exercice fa-
Yorisèrent cette disposition; et,
comme il arrive trop souvent aux
personnes d’une constitution ana-
logue , les humeurs se laissant
tomber vers les extrémités infé-
rieures , engendrèrent des ulcères
aux jambes, accompagnés de sup-
purations abondantes. L’art des
médecins, aidé des soins les mieux
entendus, sut prolonger merveil-
LOU
leusement, en cet état, les jours,
et même on pourrait dire, la
santé du feu Roi; car si l’activité
corporelle lui devint pénible et
difficile, celle de son esprit ne se
ralentit sensiblement que dans les
derniers temps de sa vie. Au mois
de décembre 1823, la santé du
Roi, bien que déjà visiblement
altérée, lui permit encore d’ouvrir
en personne la session législative,
et d’y prononcer le discours de la
couronne. Au mois d'août sui-
vant, les signes précurseurs d’une
fin prochaine se manifestèrent.
Le 25, jour de la Saint-Louis, le
Roi eut encore la force de rece-
voir cette foule nombreuse de
fonctionnaires publics et de cour-
tisans, qui fréquentent le palais
aux époques solennelles ; et si son
abattement physique ne put être
dissimulé , sa présence d’esprit se
manifesta encore par des paroles
spirituelles ou gracieuses qu’il
adressa à quelques-uns de ceuxqui
passèrent devant lui. Il avait dit à
ceux qui voulaient le détourner
de recevoir ce jour-là : « Un roi de
» France meurt, mais il ne doit
» pas être malade. » Cependant le
12 septembre, sa maladie dut être
officiellement annoncée. Les évê-
ques ordonnèrent des prières pu-
bliques pour le rétablissement de
sa santé ; la Bourse, les spectacles
et les lieux publics d’amusement
furent fermés, en signe de deuil.
Averti par M. l’évêque d'Hermo-
polis du danger de son état, le
Roi désira recevoir les secours et
les fortifications de la religion de
ses pères. Il se confessa le di-
manche 12 septembre : depuis ce
jour, ses forces déclinèrent très-
rapidement; la fièvre augmenta
dès le soir, et la faiblesse s’accrut.
LOU
Néanmoins, le Roi conserva sa
connaissance. Il vit de nouveau
son confesseur le lundi matin. La
nuit n'ayant pas été bonne , S. M.
témoigna le désir d’être adminis-
trée. Son confesseur se rendit
_pour cet effet, chez le Grand-Au-
mônier. À huit heures du matin,
le prélat partit de la chapelle des
Tuileries, portant processionnel-
lement le Saint-Sacrement , ac-
compagné de M. l’évêque d’'Her-
mopolis etde plusieurs aumôniers
du Roi qui portaient des torches.
M. le curé de Saint-Germain-
l’Auxerrois, paroisse des Tuile-
ries, assistait en étole le Grand-
Aumônier, et portait les saintes
huiles. Monsieur et ses enfans
suivaient le Saint-Sacrement, te-
nant à la main des cierges allu-
més, et accompagnés des per-
sonnes de leur maison : lé cortège
était précédé et suivi des gardes-
du-corps. Arrivé dans la chambre
du Roi,leGrand-Aumônier adressa
à S. M. quelques paroles d’édifi-
cation et lui administra le saint
viatique. Monsieur, M..le duc
d'Angoulême, M. l’évêque d’'Her-
mopolis et M. l'abbé de Saman
tenaient la nappe de communion.
Immédiatement après, le Roi re-
cut l’Extrême onction. Les princes
retournèrent ensuite à la cha-
pelle , et entendirent la messe
pour la santé de S. M. A leur
retour, Elle leur dit les choses
les plus affectueuses , et bénit
toute sa famille, qui paraissait
plongée dans la plus vive afilic-
tion. Le mardi, à une heure après
midi , le Roi éprouva une défail-
lance , et les personnes qui l’en-
touraient crurent qu’il touchait à
sa dernière heure. M. larche-
vèque de Paris se mit à réciter
LOU
les prières des agonisans. Mais le
Roi reprit si bien sa présence
d'esprit, qu’il répondait aux priè-
res, et dans une occasion, il dit
au prélat : — « M. l’archevèque,
»vous passez un verset. » Le
mercredi matin, la fièvre redou-
bla et fut accompagnée d’anxiété
et de faiblesse : l’affaissement de
toutes les fonctions allait crois-
sant. Le soir, larespiration devint
râleuse et le pouls extrêmement
débile. C’est à onze heures de la
nuit que l’agonie commença. On
croit que le Roi conservait encore
sa connaissance, du moins il pa-
raissait vouloir parler; mais les
sons inarticulés de sa voix expi-
raient sur ses lèvres. Les Princes
du sang et de la famille royale
veillaient autour du lit de mort,
ainsi que le confesseur ; on y
voyait aussi le Grand - Aumônier
de France, le Ministre des affaires
ecclésiastiques, l’archevèque de
Paris, les grands officiers de la
couronne et les aumûniers de la
maison. Le moment suprème ne
fut marqué par aucune convul-
sion : c’est le 16 septembre 1824,
à quatre heures précises du ma-
tin, que Louis XVIII rendit le
dernier soupir. Les médecins en
avertirent l’assistance , et aussitôt
toutle monde tomba à genoux, et
resta quelque temps en prières.
Ensuite, toutes léSpersonnes qui
se trouvaient dans la chambre du
feu Roi passèrent successivement
dans une salle voisine. Son frère
resta seul un instant auprès de lui,
et quand il parut, M. le comte (au-
jourd’hui duc) de Damas, premier
gentilhomme de la chambre, le
précéda et dit, en ouvrant les deux
battans : « Le Roi, Messieurs. »
Immédiatement après, on an-
LOU 207
nonça M. le Dauphin et M°° la
Dauphine. A la pointe du jour, le
nouveau Roi quitta les Tuileries
et se rendit à Saint-Cloud,
Le corps de Louis XVIII resta
étendu plusieurs jours, sur le
même lit où il était mort. On
voyait placé dans ses mains un
crucifix qu'il tenait le jour même
de son décès. Les jours suivans, il
fut visité par une grande multi-
tude de peuple, à qui on ouvrit
la chambre mortuaire, sans ob-
stacle et sans distinction. Des ec-
clésiastiques , les grands officiers
de la couronne et des officiers aux
gardes , Veillèrent nuit et jour, et
récitèrent des prières auprès du
corps, tout le temps qu’il resta ex-
posé. L'acte de décès du Roi fut
rédigé, le jour même de sa mort,
par le chancelier de France, fai-
sant les fonctions d’officier de
l’état civil de la maison royale. Ce
magistrat apposa ensuite les scel-
lés sur les papiers particuliers du
défunt, qui furent remis quelques
jours après, suivant l’usage, au
Roi son successeur.
L'opération de l’'embaumement
du corps dura deux jours. Le
procès-verbal d’auptosie n’a point
été rendu public : mais on trouve
les détails qui suivent dans le
N° XX VIII de la Gazette de Santé,
dont ce journal garantit l’exac-
titude.
« On a remarqué que les os de
lapartieantérieure du crâne étaient
très-épais , tandis que ceux de la
partie postérieure étaient plus
minces qu’à l’ordinaire. Le cer-
veau, très-grand dans toutes ses
dimensions, était cependant plus
développé à gauche qu’à droite.
( C’est une circonstance assez
rare , et qui a été observée sur le
208. LOU
cerveau de Bichat.) Les poumons
ontété trouvés parfaitement sains.
Le cœur était gros, peu consistant
et vide de sang. L’estomac, d’un
très-grand volume, distendu par
des gaz et des mucosités : sa sur-
face interne offrait deux petites
plaques rouges. Les intestins n’ont
présenté ni rougeur ni ulcération;
mais on a trouvé dans la duplica-
ture du mésentère, une tumeur
stéatomateuse assez considérable,
qui n'avait occasioné aucune dou-
leur pendant la vie, et dont l’exis-
tence n’ayait été indiquée par
aucun signe sensible. ( Des tu-
meurs de celte nature se rencon-
trent souvent dans le mésentère ,
sans avoir même été soupconnées:
au reste, à moins d’un dévelop-
pement extraordinaire, elles ne
troublent pas d’une manière sen-
sible l’exercice des fonctions.) Les
autres viscères étaient en bon
état. Les extrémités supérieures et
inférieures très - amaigries. La
cuisse gauche offrait à la face in-
terne, la trace d’un ancien vésica-
toire. Les deux Jambes, depuis les
genoux jusqu’à l’extrémité des
pieds, présentaient une substance
lardacée, jaune , dans laquelle
les tissus cellulaires, musculeux,
et même osseux, étaient confon-
dus. L’instrument pérétrait avec
facilité jusque dans les os eux-
mêmes. Le pied droit et le bas de
la jambe, jusqu’à la hauteur du
mollet , étaient sphacélés ; les os
en étaient ramollis ; quatre orteils
s’en étaient détachés successive-
ment, par les progrès de la mala-
die. Le pied gauche était aussi
sphacélé, mais seulement jusqu’au
tarse. Quelque temps après la
mort, et au moment de l’embau-
mement, on a fait des lotions
x
LOU
avec le chlorure de M. Labarsa-
que, pharmacien , qui ont détruit
à l'instant, toute espèce de mau-
vaise odeur. L’embaumement a
été fait au moyen de ce chlorure
et du sublirmé. »
Le corps du Roi Louis XVIII,
placé dans un double cercueil de
plomb et de chêne, fut transporté
à Saint-Denis le 22 septembre , et
per un malentendu ou par un
oubli assez remarquable, le clergé
de Paris, qui n'avait point reçu
d'invitation , ne parut point à cette
cérémonie. Après la célébration
d’une pompe funèbre solennelle,
le cercueil fut descendu, selon
l'usage, à l'entrée de la basilique
où reposent les restes des rois et
des princes des maisons royales
de France.
Il est encore trop près de nous
ce premier roi dela Restauration,
pour qu'il nous soit permis de
parler de lui comme nous parle-
rions d’un roi de l’histoire. La
discrétion prescrite à la censure,
même dans le cas où elle pourrait
être dictée par la conscience,invite
user d’une égale mesure relative-
ment à l’éloge, fût-il le mieux
mérité ; car la louange juste et
vraie est encore de la flatterie, si
elle n’est parfaitement libre. Tou-
tefois, Louis X VIII n’est plus : sa
royauté n’est désormais qu’un sou-
venir et Le ombre. Essayons
de la considérer avec une respec-
tueuse liberté, afin qu’il nous soit
permis ensuite de la glorifer sans
rougir.
D'abord le règne de ce mo-
narque nous semble offrir un ca-
ractère dont on ne l’a point assez
loué , mais que nous ne passerons
pas sous silence. II fut un rai
magistrat, et non pas un roi sol-
LOU
1
dat. Cette distinction que la con-
stitution a fondée en Angleterre,
n’est pas encore légalement éta-
blie en France. La Providence at-
tentive au salut de ce pays, voulut
y pourvoir merveilleusement au
début de la Restauration. Elle
voulut que les dons de lesprit et
les vertus pacifiques obtinssent
une supériorité marquée chez
celui qu’elle avait prédestiné à
rasseoir la monarchie sur ses
nouvelles bases. Or, ce fut un
grand bonheur pour nous, et
cette circonstance seule imprima
au gouvernement de la Restaura-
tion un sceau de modération et
de légalité, qui le distingue es-
sentiellement des gouvernemens
militaires des autres monarchies
du continent, et plus encore que
ses formes extérieures , de l’an-
cienne monarchie française. Le
vieux principe de la France mili-
taire reste toujours debout, pour
flatter des penchans et des préju-
ges qu’il serait bon, sans doute, de
réformer , puisqu'ils peuvent en-
core produire des effets funestes.
Néanmoins, les principes de gou-
vernement et les habitudes d’ad-
ministration fondées en même
temps que la nouvelle monar-
chie constitutionnelle, resteront
comme antécédens d’une grande
influence sur les destinées de cet
empire. Echappant à la monar-
chie militaire de Napoléon pour
rentrer sous le sceptre des Bour-
bons ; anciennement aussi chefs
militaires des Français, il était
facile de donner dans l’écueil op-
posé à la route que nous avons
suivie, le plus funeste de ceux
qui menacent aujourd’hui les pro-
grès de la vraie civilisation. Sa-
chons gré au roi législateur qui
LOU 209
éloigna ce danger. Louis XVIII
crut toujours la meilleure part de
sa gloire attachée à la Charte
constitutionnelle, qu’il avait don-
née à ses peuples : et bien qu’en
abusant de son nom et de son
autorité, on ait essayé plus d’une
fois , de porter atteinte à ce pré-
cieux trésor de la France, il est
certain néanmoins, que le feu Roi
professa toujours un vif et pater-
nel attachement pour les institu-
tions politiques adoptées par sa
sagesse et par ses lumières. Gette
pensée dominante de son esprit
mérite aussi nos éloges; car il
lui fallut sans doute quelque élé-
vation d’âme pour ne point s’ef-
frayer de cette immense limitation
du pouvoir royal, lui surtout qui
en avait vu opérer naguère, et
presque en ses mains, l’appau-
vrissement et la sanglante ruine.
D'ailleurs , combien n’en est-il
pas à qui toute loi, si modérée
qu’elle soit, paraît un frein ou-
trageant et une dure capitulation ?
Louis X VIII futun homme d’es-
prit, dans l’acception commune
de ce mot. En quelque position
que le sort l’eût fait naître, on
peut croire qu'il aurait su s’assu-
rer dans le monde un rang hono-
rable. Il était gentilhomme autant
qu’ilconvient à un Bourbon, mais
il savait ne pas le laisser paraître
plus que ne ie doit le roi des Fran-
çais, au dix-neuvième siècle. Il
connaissait très-bien l’histoire des
familles de qualité de la monar-
chie, savait leurs alliances et leurs
prétentions, et même il attacha
toujours une importance de pre-
mier ordre à cet objet.}l avait bien
observé les mœurs de la cour, et
sentit de bonne heure le besoin de
s’y réserver un ami intime. Quel-
0 METRE
210 LOU
ques personnes de l’unet de l’autre
sexe, ont joui successivement de
l'honneur de ce choix; et toutes
ont paru le justifier, par quelque
mérite particulier, ou du moins
par un grand dévouement : le Roi
s’esttoujours montré envers elles,
généreux et magnifique jusqu’à
la prodigalité. La représentation
royale ne le fatiguaitpas; et il s’en
acquittait bien. Il avait le travail
facile avec ses ministres, et les
affaires ne semblèrent jamais l’im-
portuner. Il paraît qu’il lui fallut
se faire à lui-même une sorte de
violence, toutes les fois qu’il
se crut obligé à remercier quel-
qu’un de ses ministres. Aussi, il
évitait soigneusement de leur an-
noncer leur disgrâce, et semblait
espérer de l’adoucir par un redou-
blement de courtoisie. Cette con-
duite qui a été quelquefois mal
interprétée par le mécontente-
ment, peut aussi s'expliquer en
l’attribuant à un grand fonds de
bonté et au chagrin d’avoir à con-
trister des serviteurs quin’avaient
point perdu son estime. D'ailleurs,
il savait très-bien faire céder ses
affections et ses penchans parti-
culiers aux nécessités de la po-
litique et aux intérêts généraux de
l’état. Il savait distinguer entre
sa volonté royale et sa volonté
personnelle, et sacrifier l'homme
au roi, quand sa raison lui démon-
trait la nécessité de ce sacrifice.
Louis XVIII avait puisé dans le
commerce des lettres l’art de rédi-
ger ayec précision et facilité. Ses
discours d’apparat étaient nobles,
précis et convenables. Sa corres-
ondance était soignée et même
spirituelle; ceux qui ont eu l’hon-
neur d’être admis auprès de sa
personne vanten]s aussi sa COn-
LOU
Yersation ; le public en a entendu
raconter quelques bons mots : c’est
lui qui a dit : — «L’exactitude estla
politesse des roïs. » — « Chaque
soldat français porte le bâton de
maréchal dans sa giberne; il ne
s’agitque de l’en faire sortir. » Ces
mots et une foule d’autres, déno-
tent certainement un esprit fin et
agréable.
Onaeu raison de vanter l’amcur
du Roi pour les lettres et même
son aptitude à les cultiver. En
effet, cette branche des études
qu’on désigne sous le nom d’hu-
inanités, Jui était assez fami-
lière : il possédait bien son Horace
et d’autres classiques romains : il
tournait un madrigal français avec :
quelque délicatesse. Ces amuse-
mens sont innocens sans doute :
on peut même leurtrouverun ver-
nis d'élégance ; mais Louis XVIII
n'eut pas le bonheur de recevoir
dès son enfance une éducation
rationelle et bien entendue. Les
choses sérieuses et vraiment utiles
entrèrent dans son esprit par le
frottement de la vie; mais il ne
fut pas mis de bonne heure en
état d’en saisir facilement les théo-
ries et d'en apprécier nettement
l'importance etlavaleur. Personne
aujourd'hui ne conseillerait de
donner au jeune prince destiné à
régner un jour sur la France, une
éducation analogue à celle qu’a-
vait reçue son oncle. Le feu Roi
respecta toujours les idées reli-
gieuses ét honora comme il le de-
vait la religion de saint Louis; maïs
il ne fut point dominé par cette
espèce de dévotion minutieuse et
absolue que les gens du monde
taxent de bigoterie. L’enseigne-
ment mutuel, ce puissant véhicule
de l'instruction, et par conséquent
LOU
de l'amélioration du peuple,treuva
long-temps en lui, un zèlé protec-
teur. Il ne revint point de Pexi],
le cœur gonflé de ressentiment et
d’animosité, comme on aurait pu
le craindre d’un homme ordinaire,
Ji sentait très-bien que léquité
est la meilleure sauve-garde des
trônes, et la clémence leur plus
bel ornement. On se plaît à recon-
naître en lui, une foule de traits
de cette bonté paternelle et de cette
douce longanimité qui a si long-
temps fait chérir le sang des Bour-
bons. Durant sa maladie, on lui
présenta un travail relatif à des
commutations de peines : les ac-
corda toutes, en ajoutant : —
« Pourla première fois, ilme coûte
» de signer grâces et faveurs; je
»voudrais 1out réserver à mon
»frère; car c’est par là que doit
»toujours commencer Île règne
»d’un Bourbon. » En effet, les
grâces et les cCommutations de
peines sont devenues sous ce rè-
gne, d’un usage plus fréquent qu’à
aucune autre époque de la monar-
chie : tellement qu’on peut dire,
que se rapprochant en ce point
des institutions de l’Angleterre, la
prérogative de la couronne a cor-
rigé chez nous, comme chez nos
voisins, les rigueurs excessives
de notre code pénal. Ceci est un
très-grand éloge que j'entends
donner à la mémoire du Roi. Dieu
woit avec complaisance que
l’homme épargne le sang de son
semblable ; et sa miséricorde est
encore au-dessus de sa justice,
L'amélioration des prisons a com-
mencé aussi sous ce règne, à de-
venir le sujet d’une sollicitude
sérieuse, de la part du gouverne-
ment. S'il n’a pas pris Pinitiatiye,
il a du moins cédé à Pimpulsion.
LOU
211
Ii reste encore trop à faire, pour
que les philanthropes cessent de
réclamer en faveur des améliora-
lions; mais ils aiment à rendre
justice à celles qui déjà sont opé-
récs. La liberté individuelle et
le droit de propriété, ces deux
bases fondamentales et sacrées de
la société, ont obtenu, sous le
règne de Louis XVIIT, un degré
de respect et de sécurité inconnu
parmi nous, avant cette époque.
La liberté de la presse à triomphé
aussi, à travers mille vicissitudes.
Le crédit public a été fondé, par
l'effet de la sagesse du gouverne-
ment et de sa fidélité scrupuleuse
à remplir des engagemens, que
la mauvaise foi et l’esprit de parti
auraient pu facilement décliner.
L'industrie manufacturière a ac-
quis d'immenses développemens.
Le principe de labolition de Ja
traite des nègres a été posé, et
cet infàme trafic s’est vu flétri
par la loi : il est à regretter que
les dispositions qu’elle a traeées
pour le réprimer, soient restées
jusqu'ici presque entièrement in-
efficaces.
Ces bienfaits du règne de
Louis X VIII sont immenses, sans
doute. Peu habitué à encenser la
puissance, c’estavec quelque timi-
dité, etcomme vaincu parle devoir
de l’impartialité, que j'ose en faire
ici l’énumération. Hélas! pour-
quoi faut-il ajouter que toutes ces
Choses si précieuses à conserver,
manquent absolument de garan-
ties, parsuite de l’imperfection des
lois politiquesetdes vices du carac-
tère national. Aussi, combienil est
triste de remarquer, que lestriom-
phes d’un mauyais LUE parti
ontarrêté et même refoulé, durant
les secondes années de ce règne, le
212 LOU
mouvement progressif verslebien
qui avait signalé les premières!
Ainsi, la liberté de la presse a été
dépouillée de ses principales ga-
ranties, etnous avons acquis, pré-
cisément pendantlesderniersjours
du Roi, la cruelle et honteuse ex-
périence que rien n’était plus fa-
cite que de nous l’enlever. La cor-
ruption a été érigée en système et
pratiquée à la face du soleil, avec
une infernale effronterie. Le ca-
ractère national en a été profon-
dément altéré. La liberté politi-
que a été blessée du même coup;
les élections ont été corrompues
par la fraude combinée avecla vio-
lence; etnousavonsvuainsile gou-
vernement représentatif vicié dans
son premier élément. L’arbitraire
proscrit en thèse générale, s’est
glissé partout dans les détails et
triomphe par subtilité. L’indépen-
dance de toutes les professions, y
compris Celles qui vivent. de tra-
vail et d'industrie privée, a été
inopinément attaquée, par une
centralisation envahissante et in-
tolérante ; en sorte qu’à la faveur
de cette extension du pouvoir
central administratif, il est de-
venu rare et difficile en France,
de vivre et d’assurer du pain à ses
enfans, sans aliéner sa conscience
à la merci capricieuse' des agens
du pouvoir. L’hypocrisie et l’im-
moralité ont fait alliance, pour
s’ouvrir les routes de la fortune.
Un parti s’est aide. du clergé pour
arriver au pouvoir, et s’est vu
contraint aussitôt de le partager
avec lui. Ce point de l’horizon
politique paraît aujourd’hui mena-
cant et semble devoir lèguer à l’a-
venir bien des diflicultes. L’ensei-
gnement primaire a été Contrarié
dans ses développemens, et l'esprit
LOU
d'association souvent comprimé.
Enfin , les résultats de l’expédi-
tion d’Espagne n’ont que trop jus-
tifié les prévisions des orateurs,
qui, à la tribune des deux Parle-
mens d'Angleterre et de France,
ont contesté la moralité de son
principe et l'utilité de ses motifs.
Ces erreurs des dernières années
du dernier règne, les serviteurs de
la couronne en sont responsables
devant la loi : le Roi en a rendu
compte à Dieu.
Pour reposer la vue de ces
ombres ( eh! quel est le tableau
d'aucune époque de l’histoire qui
n’en présente d’analogues ? ) ré-
pétons en terminant ce récit de
la vie et de la mort du feu Roi,
l'hymne chanté sur son sépulcre
par le plus brillant écrivain de
notre siècle. Ses paroles où le feu
de l’imagination l’emporte sur la
sévère raison, partent toujours
d’une âme élevée et d’un esprit
généreux : c’est le secret de leur
popularité. Il y a de la volupté à
l’entendre, lors même qu’on hé-
siterait à penser tout ce qu’il dit;
et ce n’est pas une des moindres
bonnes fortunes des Bourbons,
que tous leurs événemens, depuis
la restauration de leur maison,
soient précédés , accompagnés ,
ou suivis de cette voix si harmo-
nieuse et si haut retentissante.
« Le prince comprenait son
siècle, dit M. de Châteaubriand,
et était l’homme de son temps :
avec des connaissances varices,
une instruction rare, surtout en
histoire, un esprit applicable aux
petites comme aux grandes af-
faires ; une élocution facile et
pleine de dignité, il convenait au
moment où il parut et.aux choses
qu'il a faites. S'il est.extraordi-
LOU
naire que Buonaparte ait pu fa-
conner à son joug les hommes
de la République, il n’est pas
moins étonnant que Louis X VIII
ait soumis à ses lois les hommes
de l’Empire ; que la gloire, queles
intérêts , que les passions, que
les vanités même , se soient tus
simultanément devant lui. On
éprouvait en sa présence un mé-
lange de confiance et de respect :
la bienveillance de son cœur se
manifestait dans sa parole , la
grandeur de sa race dans son re-
gard. fndulgent et généreux, il
rassurait ceux qui pouvaient avoir
des torts à se reprocher; toujours
calme et raisonnable , on pouvait
tout lui dire ; il savait tout en-
tendre. Pour les délits politiques,
le pardon: chez les Français,
lui semblait moins sûr que l’ou-
bli; sorte de pardon dépouillé
d’orgueil ,; qui guérit les plaies
sans faire d’autres blessures. Les
deux traits dominans de son carac-
tèreétaient la modération etla no-
blesse ; par l’une , il conçut qu’il
fallait de nouvelles institutions à
la France nouvelle; par l’autre,
il resta roi dans le malheur ; té-
moin sa belle réponse aux propo-
sitions de Buonaparte. La partie
active du règne de Louis XVIII a
été courte, mais elleoccupera une
grande place dans l’histoire. On
peut juger de ce règne par une
seule observation : il ne se perd
point dans l’éclat que Napoléon a
laissé sur ses traces. On demande
ce que c’estque Charles IT, après
Cromwell ; Charles II, dont la
restauration ne fut que celle
des abus qui avaient perdu sa fa-
mille : on ne demandera jamais
£e que c’est que le sage qui a dé-
ivré Ja France des armées étran-
LOU 213
gères, après l’ambitieux qui les
avait attirées dans le cœur du
royaume : on ne demandera ja-
mais ce que c’est que l’auteur de
la Charte , le fondateur de la
monarchie représentative ; ce que
c'est que le souverain qui a élevé
la liberté sur les débris de la ré-
volution, après le soldat qui avait
bâti le despotisme sur les mêmes
ruines ; on ne demandera jamais
ce que c’est que le roi qui a payé
les dettes de l’état , et fondé le
système de crédit , après les ban-
queroutes républicaines et im-
périales. Son règne s’agrandira
encore en s’éloignant de nous : la
postérité le regardera comme une
nouvelle ère de la monarchie,
comme l’époque où s’est résolu
le problème de la Révolution, où
s’est opérée la fusion des prin-
cipes, des hommes et des siècles;
où tout ce qu’il yavait de possible
dans le passé, s’est mêlé à tout
ce qu’il y avait de possible dans
le présent, De la considération
des difficultés innombrables que
Louis XVIII à dû rencontrer à
l'exécution de ses desseins, naîtra
pour lui, dans l’avenir, une ad-
miration réfléchie. Et quand on
observera que ce monarque, dé-
pouillé de tout, a aboli la confis-
cation; qu’étant maître de ne rien
accorder en rentrant en France,
il nous a rendu des libertés pour
des malheurs ; nul doute que sa
mémoire ne croisse en estime et
en vénération chez les peuples. »
Le bronze , le marbre et la
toile, ont si souvent et plusieurs
fois, si heureusement reproduit
les traits de Louis XVIII , qu'il
serait superflu de les esquisser
avec la plume ; la première
pièce de monnaie d’or ou d’ar-
214 LOU
gent, frappée depuis 1816, d’a-
près le coin de M. Michaut , suf-
fit pour les rappeler, avec autant
de noblesse que de fidélité. Des
circonstances divèrses n’ont pas
permis qu’ils fussent reproduits
par les deux plus célèbres artistes
de l’époque, David ét Canova, En
revanche, Gros ct Gérard les ont
multipliés à l’envi , ét chaque fois,
avec un succès éclatant; tantôt
dans de vastes compositions his-
toriques (1), tantôt par des por-
traits en pied sayamment histo-
riés (2). Les statuaires durent
être moins heureux à repro-
_duire Pimage du feu Roi; le cos-
tume moderne , combiné avec ses
proportions physiques, offrant des
difficultés à peu près insurmon-
tables à leur art. On à plusieurs
belles gravures du portrait de
Louis XVIIT. Celle de P. Audouin,
d’après M. Gros, en pied, avec
les ornemens et attributs de la
royauté, décore les plus beaux
cabinets , où elle se place en pen-
dant du rare et magnifique por-
trait de Louis XVI, restaurateur
des libertés publiques, de Bervic,
d’après Callet.
Liste des ouvrages
attribués à Louis XVIII.
I. Les Mannequins, ronte ou
histoire ; comme l’on voudra, à
Ispaham. (sans date) in-12, de
74 pag. ( V. Mémoires secrets de
Bachaumont. T.1x. p. 120.et121)
/
(1) Voy. Le Vingt mars, par M.Gres,
Ja Coupole de Saintec-Géneviève, par
M. Gérard.
(2) Entre autres, Louis XVIII à
Saint- Ouen, par M. Gérard.
LOU
avec une clef, imprimée en tête
du vol.
Cet écrit est principalement di-
rigé Contre Maurepas; Turgot'et
Terray.
IT. Description historique d’un
monstre symbolique, pris vivant sur
lesbords du lac Fagua près Santu Fé,
par les soins de Francisco X'aveiro
de Meunrios (Monsieur) , comte de
Barcelonne et vice-roi du Nouveau
Mexique. Envoyé pâr un négociant
du pays à ‘un Parisien son ami. A
Santa Fé, et se trouve à Paris ;
chez le correspondant de l’auteur ;
rue Neuve des Petils-Champs ; ef
sous les portiques du Mystère.
1584. In-8, de 29 pages, plus
deux gravures noires, représen-
tant le monstre mâle et femelle.
Cette brochure évidemment
allégorique , est dirigée selon les
uns, contre le magnétisme , sui-
vant les autres , contre le minis-
tère de M. de Calonne. Une opinion
accréditée parmi lesbibhographes,
et conservée par tradition, depuis
l’époque où la brochure circula
dans le public, l’attribue à Mon-
sieur. Il'existe aussi deux repré-
sentations du même monstre allé-
gorique, mâle et femelle, dont
on trouve la figure au commen-
cément et à la fin de la brochure,
toutes deux très-médiocrés d’exé-
eution, format in-4 , oblong ,
avec un texte explicatif au bas.
De ces deux gravures l’une ‘est
noire etreprésente une espèce de
harpie mâle , vue de profil; l’autre
est coloriée et représente la fe-
melle du même monstre, vue en
trois quarts; celle-ci porte l’a-
dresse de Paris, chez Basset , rue
Saint-Jacques. Le visage de forme
bumaine indique des traits qui ne
paraissent pas entièrement de fan-
LOU »;
taisie. On suppose que l’idée de
ces caricatures a pu sortir de chez
Monsieur , et que c’est d’après
cette première donnée, que quel-
qu’un se sera permis de faire circu-
ler sous son nom;,labrochure qu’on
lui attribue peut-être trop légè-
rement. Il existe une autre bro-
chure qui paraît avoir quelque
rapport avec la précédente , et
ornée comme elle d’une caricature
monstrueuse , dans un style ana-
logue. Celle-ci estintitulé : Traces
du magnétisme. À La Huie. 1784,
in-8 , 48 pages.
IIL. Eclaircissement sur le Livre
rouge, en ce qui concerne Mon-
SIEUR, frère du Roi. À Paris, de
Pimprimerie de Monsieur. 1790 ,
in-8, de 19 pages.
Ce mémoire, orné des armes
de Monsieur , et qui roule sur des
affaires financières le concernant
personnellement , paraît avoir
été rédigé par lui-même.
IV. Relation d’un voyage à
Bruxelles et à Coblentz (1591).
Paris, Baudouin frères, 1823; in-8,
de 120 pages.
M. Eckard, connu par plu-
sieurs écrits remplis de documens
Curieux et authentiques sur l’his-
toire de diverses personnes de la
Famille royale , durant la Révolu-
tion, a publié : Notice sur Le ma-
nuscrit original de la relation des
derniers événemens de la captivité de
Monsieur, frère de Louis XVI, roi
de France, ete. (véritable titreque
porte le manuscrit). Paris, G. L.
Michaud , 1823 ; in-8, de vi et 52
pages. Nous y avons recueilli les
renseignemensqui suivent.— «Ce
manuscrit est entièrement de la
main du Roi. Il avait été donné
par S. M. à son libérateur, im-
médiatement après qu’elle l’eut
LOU 219
achevé. M. le ducd’Avaray ne vou-
lant jamais s’en dessaisir, l’avait
emporté avec lui , à Madère.
Après sa mort, arrivée en 1811,
M. le comte de Pradel, qui avait
reçu les derniers vœux de M. d’A-
varay pour son Roi, recueillit le
manuscrit de la Relation et les
nombreuses lettres que ce prince
avait, presque journellement ,
écrites à son ami, et il les rap-
porta en Angleterre ,; où il les
remit à M. le comte, aujourd’hui
duc de Blacas d’Aulps, alors prin-
cipal ministre de Louis XVIII.
Le Roi avaitaussi daigné remettre
lui-même, à M. Peyronnet, une
copie qu'ilavait fait faire de cette
relation. Ce digneserviteur l’atou-
jours conservée religieusement ,
et sans l’avoir communiquée, jus-
qu’à présent, à qui que ce soit.
Enfin , il paraît que S. M. a bien
voulu en accorder deux copies à
des personnes qu’elle affectionnait,
et en envoyer une particulière-
ment, avec une lettre desa main, à
M. lecomte Romanzow,ami intime
de M. d’Avaray. Revenons à l’auto-
graphe. Apporté en France , il
n’a été découvert aux Tuileries et
ravi au noble dépositaire ( M. de
Blacas ) , que par l'oubli des me-
sures qu'il avait expressément
ordonnées , et pendant les fu-
nestes événemens où il suivit
notre monarque, obligé de sortir
encore de son palais et de s’éloi-
gner momentanément de son
royaume. On saït encore que ce
manuscrit , ainsi que plusieurs
autres laissés dans le cabinet du
Roi, furent transportés peu de
jours après son départ, chez Fou-
ché, redevenu ministre d: la po-
lice générale; mais on ignore
complètement ce que, depuis cette
216 LOU
époque’, est devenu cet autogra-
phe, si précieux à tant de titres
L'on a donc présumé que c'était
d’abord sur ce manuscrit , ainsi
égaré , que des copies plus ou
moins exactes , ont été prises de
la Relation du voyage à Coblentz ;
et qu’ensuite, elles ont servi à en
reproduire quelques autres... Ce-
pendant, il est à observer qu’au-
cune de ces copies, au moins de
celles que l’on connaît, ne con-
tient la lettre du Roi à M. le comte
Romanzow , dans laquelle sont
consignés de nouveaux témoi-
gnages de la reconnaissance du
prince envers son libératenr et
de son amitié pour lui; lettre qui
a été transcrite sur l’autographe ,
ainsi que sur les copies que S. M.
a bien voulu en accorder. En
outre, il existe dans toutes les
copies, autres que ces dernières ,
des lacunes importantes, ou des
omissions , et l’on remarque entre
elles, des variantes essentielles.
Que l’on joigne à toutes ces cir-
constances , les fautes, les erreurs
et les incorrections occasionées
successivement par l'ignorance
ou par l’inattention des copistes ;
et l’on jugera combien doivent
être défectueuses la plupart de
ces copies faites à la hâte, et qui
n’ont pas été, comme les pre-
mières dont on a parlé, revues
sur le manuscrit original. Enfin,
à l’égard de la publicité donnée
inopinément à fa Relation du
voyage à Coblentz, et qui a ex-
cité autant de surprise que l’ou-
vrage a produit de sensation, il
a été, dès les premiers momens,
répandu des bruits divers et si
contradictoires , quoique prove-
nus de la même source, que per-
sonne n'a voulu y ajouter foi.
LOU
Mais quoique les véritables causes
de cette publication ne soient pas
entièrement inconnues , on laisse
au temps le soin de les dévoiler.»
On a publié, dans le courant de
l’année 1823, plusieurs éditions
en divers rhone , de la Relation
d’un voyage à Bruxelles. Quel-
ques-unes sont accompagnées de
poésies attribuées à Louis XVIIF,
parmi lesquelles on remarque
celles qui parurent dans les 4/ma-
nachs des Muses des années qui
précédèrent immédiatement la Ré-
volution, et qui sont signées Le
marquis de Fulvy, masque adopté,
disait-on à cette époque, par
Monsieur ( voyez l’article Fuzvy,
ci-dessus, page 112). Nous igno-
rons sur quel fondement les au-
teurs de la Biographie nouvelle
des Contemporains, ont avancé que
la Relation d’un voyage à Bruxelles,
fut publiée à Londres en. 1791, et
nous persistons à croire que l’édi-
tion originale est celle de MM. Bau-
douin , que nous avons indiquée
Outre les nombreux articles des
journaux de l’époque, on a publié
à part:
Examen critique de la Relation
d’unvoyage fuit en1791,à Bruxelles
et à Coblentz, ou Problème histori-
que, par M. R***W*** (Regnault-
Warin), seconde édition, augmentée
d’un avertissement polémique. Plan-
cher, 1825, in-8, de sept feuilles.
— La première édition, publiée
quelques jours auparavant chez le
même libraire, n’offre d’autre dif-
férence que l’absence de l’avertis-
sement polémique. Elle est simple-
ment intitulée : Problème histori-
que, par M. Wilhem Roberts.
On peut voir encore :
Relation de ce qui s’est passé au
palais du Luxembourg, deux mois
LOU
avant le départ de Moxsreur ( au-
jourd hui Louis XVIII ); traits
anecdotiques et scènes de l’intérieur
du même palais, au temps de la
terreur, par M. Lablée Paris,
1823; in-12, de trois feuilles et
demie.
V. Correspondance et écrits po-
litiques de S. M. Louis XVTII.
Paris, Rapilly , 1824; in-18 , de
six feuilles un tiers.
VI. Lettres écrites d’Hartwell.
octobre 1824, in-8.
Ces lettres ont été imprimées,
mais non publiées.
L'ouvrage de M. Hue, intitulé :
Dernières années du règne et de la vie
de Louis XVI (Paris, imprimerie
royale ; 1814, in-8 ), a été posi-
tivementrevu, corrigé et complété
par Louis XVIII.
On cite parmi les poésies at-
tribuées à Louis XVIII, une fa-
ble intitulée : /e Petit Prince et les
Cartes. — un quatrain sur Les bal-
lons de Montgolfier. — des vers ac-
compagnant l’envoi d’un filet d’ar-
gent, à M®*de Montesson, à Sainte-
Assise, rapportés par M.Ch. Du-
rosoir, dans son ouvrage intitulé :
Le Dauphin, fils de Louis XV et
père de Louis XVI et de Louis
XVIII. — les Mouchoirs blancs,
conte composé durant les cent
jours, et imprimé pour la pre-
imière fois, dans le Moniteur de
Gand. On dit enfin que le même
prince a dû laisser des traductions
en versde plusieurs odesd'Horace,
auteur qu’ii possédait parfaite-
ment, qu’il citait volontiers et pour
lequel il avait un goût décidé.
Outre la Caravane de Morel,
on à cité aussi parmi les pièces
de théâtre auxquelles on sup-
pose que Louis XVIII aurait en
quelque part, le Luthier de Lu-
319
beck, comédie en un acte et en
prose , représentée sans succès au
Théâtre-Français en 1818, et non
imprimée.Mais cette dernière sup-
position ne paraît fondée que sur
des bruits très-vagues. Il est posi-
tif que Monsieur essaya quelque-
fois d'indiquer des corrections aux
tragédies de Ducis, du temps que
ce poëte était secrétaire de ses
commandemens. Charles Loyson
faisait entendre assez clairement
qu’il avait joui de la même faveur,
lorsqu'il imprimait, en tête de
son volume d’Epitres et Elégies
( 1819), «qu'il n’osait apprendre
au public quelle main auguste
avait daigné corriger ses vers.»
LOU
L'abbé Soulavie dit que Monsieur
envoyait en secret, à différens
journaux , et surtout à celui de
Paris, des pièces fugitives ano-
nymes ( Mémoires historiques et
politiques du règne de Louis XVI.
æ. IT}.
Le quatrain sur l’Eventail
de Marie Antoinette, attribué à
Monsieur , se trouve imprimé
dès 1782, sous le nom de Le-
mierre.— La chanson : J’aivu Lise
l’autre soir, etc. attribuée au même
prince , est positivement de feu
Germain Garnier, qui la composa
quelques années avant la Révolu-
tion , lorsqu'il eut l'honneur de
se rencontrer quelquefois avec
Monsieur, chez madame Adélaïde,
fille de Louis XV, où il avait l’em-
ploi de secrétaire des comman-
demens.
On a publié le prospectus des
Œuvres de Louis Stanislas X avier,
roi de France et de Navarre, pré-
cédées de la vie impartiale de ce mo-
narque, par MM. Lachassagne et
Dourille (de Crest). Paris, Trouvé,
1824, in-8. — L'ouvrage devait
218 LOU
former un volume , qui n’a point
paru.
Liste des ouvrages pour servir
à l’histoire de Louis XV III.
1° Le Roi est mort : Vive le Roi !
par-M. le vicomte de Chäteau-
briand , pair de France. Paris, Le
Normant , 1824, brochure in-8 ,
plusieurs éditions. — traduit deux
fois en anglais, sous ce titre : The
King is dead : live the king ! by vis-
count Châteaubriand , translated in
to english, by a friend to the
house of Bourbon. Paris, Clé,
1824, brochure in-8;— et Paris,
À. Boucher, 1824, brochure in-8.
2° Des Funérailles de Louis
XVIII, par N. A. de Salvandy.
Paris, Baudouin frères, 1824;
in-8 , d’une feuille et demie.
3° Louis XVIII à son lit de
mort , ou Récit exact et authentique
de ce qui s’est passé au château des
Tuileries , Les 13, 14, 15 et 16
septembre 1824 , par M. Alissan
de Chazet. Paris , Ponthieu, bro-
chure in-8.
4» Détails des cérémonies qui ont
été observées dans l'église royale de
Saint-Denis , le 25 octobre 1824 ,
jour. de Pinhumation de S. M.
Louis XV TITI, par M. l'abbé V***,
chanoine du chapitre royal de Saint-
Denis. Paris, Dentu , 1824; in-8,
de trois feuilles.
5° Oraison funèbre de très-haut,
très - puissant , et très - excellent
prince Louis XVIII, roi de
France et de Nararre, prononcée
dans l'église royale de Saint-Denis,
le 25 octobre 1824, par M. l'évêque
d’H érmopolis, premier aumônier du
Roi. Paris, A. Leclère, 1824;
iu-8, de trois feuilles et demie.
On aremarqué que l’orateur s’est
QU à
abstenu de prononcer le nom de
la Charte constitutionnelle. — On
a prononcé ou publié cette même
année plusieurs oraisons ou éloges
funèbres de Louis XVIII. Nous
nous bornerons à citer ceux de
M. l’abbé de Bonnevie ( Lyon,
Durand et Perrin, in-8 ); de
M. l'abbé Liautard ( Paris , Le-
blanc, deux éditions); de M. l'abbé
Savy, vicaire général de Toulouse;
de M. l’abbé de Bouvens; de
M.Rey, évêque de Pignerol, pro-
noncée à Turin (ibid. in-4 ); etc.
G° Wie privée politique et litté-
raire de Louis X VITIT, suivie de
la relation de ses derniers momens,
de morceaux choisis des ouvrages
qui lui sont attribués, etc. Paris,
imprimerie de Goëtschy ; 1824;
in-8 , de quatre feuilles.
A la suite et indépendamment
de la Vie privée, se trouve la Rela-
tion d’un voyage à Bruxelles et à
Coblentz.
7° Mémoires pour servir à l his-
toire de Louis XVIII. roi de
France et de Navarre ; par Fauteur
des Mémoires du duc d’Enghien.
Paris, Gaillot, 1824; in-8 , de
neuf feuilles trois quarts. — pre-
miére partie.
8° Vie de Louis XV IIT, roi de
France et de Navarre, continuée
jusqu’à sa mort; par M. Alphonse
de Beauchamp ; troisième édition ,
revue, corrigée , considérablement
augmentée et ornée du portrait de
Louis XV IIT.Paris,Naudin,1825;
2 vol. in-8, plus une planche.
Les deux premières éditions de
cet ouvrage ont été publiées du
vivant du feu roi.
9° Histoire de Sa Majesté
Louis XV III, surnommé le Mé-
siré, depuis sa naissance jusqu’au
traité de paix en 1815; par À. An-
LOU
toine , auteur de la Wie publique et
privée de Louis XVI, de la Vie de:
Louis XVII, etc. Paris, Blan-
chard , 1816 ; in-8, de vingt-
quatre feuilles. — J11 y a de nou-
veaux frontispices datés de 1824,
avec des cartons aux exemplaires
auxquels ils s’appliquent.
10° Louis XVIII à ses derniers
momens , précédé des exemples
édifians de ‘la mort des princes de
la famille des Bourbons , et suivi
d’un Précis anecdotique et chro-
logique sur Louis XVIII et
9. M. le roi Charles X ; avec un
Post-Scriptum comprenant les actes
de Charles X, les funérailles de
Louis XVIII , et son oraison fu-
nèbre prononcée par Monseigneur l'é-
vêque d'Hermopolis; par M. Charles
Durosoir, professeur d'histoire au
collège Louis-le-Grand, autenr du
Dauphin, père de Louis XVE, etc.,
ouvrage dédié à la jeunesse fran-
caise.. Paris, Pillet aîné, 1824 ;
in-12, de vingt-deux feuilles.
11°. Louis XVIII, ses derniers
Momens et sa Mort, suivis....d’un
recueil d’anecdotes...et de quelques-
unes de ses poësies; par E. M, de
451. I. (de Saint Hilaire). Paris,
Peytieu, 1825; in-12, deux édi-
uons.
12°. Règne de Louis XV III, ou
Histoire polilique et générale de
l'Europe, depuis la Restauration ,
avec le développement des principes
qui sont devenus la base de la Sainte
Alliance; par M. Barbet du Ber-
trand. Paris, Babeuf, 1825; 2 vol.
in-8 , avec deux planches de por-
traits lithographiés. — Deux édi-
tons.
19°. Ephémérides du règne de
Louis XVIII, par Cyprien Des-
marais. Paris, Maurice, 1825; un
vol. in-8.
LOU 219
Nous ayons indiqué seulement
les ouvrages qui se rapportent
d’une façon spéciale à la personne
de Louis XVIII; et parmi ceux-là,
nous avons fait un choix. Il est
facile de concevoir que tous les
mémoires politiques et littéraires
qui ont paru durant les cinquante
dernières années écoulées, con-
tiennent plus ou moins de choses
relatives à ce prince. Il est une
autre catégorie d'ouvrages que
nous n’avons pas indiqués : ce sont
ceux qui furent composés par les
ennemis du feu Roi, à l'époque
de ses malheurs, dans l’intention
de le noircir aux yeux des con-
temporains et de la postérité ;
tels sont entre autres: — l’ Histoire
secrète de la Cour de Coblentz, pu-
bliée en 1795, in-8 , sous le nom
de Rivarol, et réimprimée en
1814, sous le nom du comte de
Montgaillard, mais qui très-pro-
bablement n'appartient à l’un ni
à l’autre écrivain. — la Correspon-
dance (apocryphe) de Louis XVIII
avec Le duc de Fitz-James, le mar-
quis et la marquise de Favras et le
comte d’ Artois (Paris, avril 1815,
in-8 ). — Les Secrets de la Cour de
Louis XVIII ; recueil de pièces
authentiques, lettres confidentielles
au comte d’ Artois, au duc de Fitz-
James, aux généraux vendéens, etc.
(Paris ,avril1815). — Extraits du
Moniteur (prairial an VE); réim-
primés clandestinement en 1815
(in-8 , de trente-deux pages), et
supprimés par les tribunaux. As-
surément, nous ne prétendons
pas dire qu'aucun reproche ne
puisse être adressé par l’histoire, à
la mémoire du dernier monarque
qui a régné sur la France; mais ik
faudrait être dénué de toute cri-
tique, ou totalement aveuvlé pæ
220 MAI
la haine, pour ne pas reconnaître
les caractères évidens d’une sup-
position calomnieuse, dans la plu-
part des lettres attribuées à Louis
XVIII, par les pamphlets que
nous venons de citer, où-elles se
trouvent placées, avec une per-
fide adresse , à côté de proclama-
tions authentiques, et qui ne sont
pas indignes de celui dont elles
émanent. Ce ne peut être que par
une surprise fâcheuse, que ces
pièces apocryphes se trouvent ci-
tées comme authentiques, dans
le sixième volume d’un recueil,
dont les auteurs se sont toujours
fait distinguer par leur impartia-
lité et leur bonne foi. On sait au-
jourd'hui, d’une manière assez
positive, quand et comment elles
furent fabriquées par la police.
Elles parurent, pour la première
fois, en 1802, dans une espèce
de roman historique , intitulé : {es
Prisonniers du Temple ( 5 vol. in-
12 ). — La prétendue {ettre au duc
de Fitz-James , fabriquée avec
plus de grossièreté qu'aucune
autre, est le principal document
d’une fable autant absurde que
calomnieuse, mais que le res-
pect des convenances nous inter-
dit d'indiquer plus expressément.
Nous croyons en avoir trouvé l’o-
rigine dans le passage suivant des
Mémoires secrets de Bachaumont
(T. II. 12 janvier 1779) qui,
dans tous les cas, pourra servir à
compléter l’histoire anecdotique
MAI
du prince auquel nous avons con-
sacré cet article. — «On a remarqué
une observation de Monsieur, au
baptème de Madame, fille du Roi
(aujourd'hui M® la Dauphine ).
On sait que ce prince tenait
l'enfant sur les fonts pour le
roi d'Espagne. Le Grand-Aumô-
nier lui a demandé quel nom il
voulait lui donner; Monsieur a
répondu : —« Mais, ce n’est pas
par où l’on commence; la pre-
mière chose est de savoir quels
sont les père et mère : c’est ce
que prescrit le Rituel. » Le prélat a
répliqué que cette demande devait
avoir lieu lorsqu'on ne connais-
sait pas d’où venait l'enfant; qu'i-
ci, ce n'était pas le cas, et que
personne n'ignorait que Madame
était née de la Reine et du Roi.
S. À. R., non contente, s’est re-
tournée vers lé curé de Notre-
Pame (de Versailles ) présent à la
cérémonie, a voulu avoir son avis,
lui a demandé si, lui curé, plus
au fait de baptiser que le cardinal,
ne trouvait pas son objection juste.
Le curé a répliqué avec beaucoup
de respect qu’elle était vraie en
général; mais que, dans ce cas-ci,
il ne se serait pas conduit autre-
ment que le Grand-Aumônier; et
les courtisans malins de rire. Tout
ce qu’on peut inférer de là, c’est
que Monsieur a beaucoup de goût
pour lescérémonies de l’Eglise, est
fort instruit de la liturgie etse pique
de connaissances en tout genre. »
M.
MAINEDEBIRAN(Manie-Fran-
ÇoIs-PIERRE-GONTHIER ), né à Gra-
teloup,près Bergerac,en Périgord,
l'an 1766, entra au service, avant
la Révolution , dans les gardes-
du-corps du Roi. S’arrachant aux
MAI
séductions de son âge et aux dis-
sipations de son état, il s’enfonça,
dés sa jeunesse, dans les étuaes
sérieuses. et dans les méditations
abstraites de la métaphysique.
Sous le gouvernement directorial,
le département de la Dordogne
l’élut député au Conseil des Cinq-
cents, mais son élection fut an-
nuilée, le 18 fructidor. M. de
Biran reprit alors ses études favo-
rites, et s’acquit bientôt un rang
distingué dans la science. Un re-
cueil périodique, rédigé par des
écrivains d’un esprit très-distin-
gué, va nous fournir l’histoire
exacte et l’appréciation savante du
métaphysicien qui fait le sujet de
cet article.
«Undesphilosophes qui ontmar-
ché le plus près de Cabanis et de
M. de Tracy, dans l’école idéolo-
gique , estsans contredit M. Maine
de Biran. Il faut distinguer toute-
fois : c’est à son début dans la
carrière qu’il paraît leur disciple ;
par la suite, il l’est moins; à la
fin , il ne l’est plus; il devient ce-
lui de Leibnitz , il arrive au plus
pur spiritualisme. Mais n’antici-
pons pas.
«On connait peu la philosophie
de M. Maine de Biran, et cela
doit être : il n’y a rien dans ses
ouvrages ni dans son talent qui ait
pu frapper vivement l'attention
du public. Un mémoire sur l’In-
fluence de l'habitude (1), un mé-
moire, sur la Décomposition .de la
pensée, un Examen des Leçons de
(1) {nfluence de l'habitude sur ta
Jaculté de penser, ouvrage qui a rem-
porté le prix proposé par la classe des
sciences morales et politiques de l'In-
stitut national. Paris, an XI (1803),
in-8.
MAI 221
M. La Romiguière , un article sur
Leibnitz, voila des matières qui
sont peu propres à exciter l’inté-
rêt et la curiosité de la plupart des
esprits. Quelle question un peu
populaire s’y rattache ? En quoi
touchent-elles d’un peu près aux
beaux-arts , aux lettres , à la mo-
rale, à la politique et à la religion ?
Comment se laisser prévenir pour
des dissertations purement méta-
physiques et qui ne roulent d’ail-
leurs que sur quelques point parti-
culiers de la science? Ajoutez à cela
que M. Maine de Biran a d’ordi-
naire un sentiment si profondeten
quelque sorte si personnel de ce
qu’il veut dire, qu’il ne peut le
dire qu’à sa manière ; il lui faut sa
langue , et il la fait ; ce n’est pas
un écrivain , C’est un penseur qui
se sert des mots commeill’entend,
et sans songer au lecteur. De là
ces longueurs , ces bizarreries et
ces négligences qui choquent sou-
vent dans son style, et rebutent
ceux qui s’en tiennent à la phrase
et n’entrent pas dans l'esprit de
l'auteur , ne sympathisent pas
avec sa conscienee, ne sentent
pas avec lui et comme lui. Mais
pour les philosophes qui pénètrent
sa pensée intime et qui savent
combien cette science de soi-
même , à la fois, si profonde , si
déliée et si diverse, est difficile,
ils comprennent et pardonnent
aisément ces défauts d’expres-
sion. M. Maine de BPiran est un
de ces hommes si rares en des
temps d’affaires ei de mouvement,
qui par tempérament autant que
par réflexion, ont la faculté de des-
cendre , de rester en eux-mêmes,
ayec une sorte de contemplation
et de bonheur. Il se complaît à
oublier le monde extérieur, à
222 MAT
se faire dans sa conscience un
asile impénétrable et paisible, où
sa vie se passe dans létude et la
jouissance du spectacle des im-
pressions qui l’affectent. En cet
état, il n’emploie pour se connaître
aucun de ces artifices logiques
auxquels on a recours poursaisir
et déterminer les vubjets qui ne
peuvent pas être immédiatement
aperçus. Sa science n’est que la
conscience ; son grand mérite ;
c’est d’avoir fait de la philosophie
avec le sens philosophique, et non
avec les yeux, les maïns, Fouïe ,
en un mot avec les organes de la
perception externe. Notre philo-
sophie, trop souvent, n’est que la
physique appliquée à la connaïs-
sance de l'âme ; elle conçoit l'âme
à l’image de quelque substance
matérielle. d’une flamme subtile,
d’un souffle, d’un fluide délié ;
elle assimile ses actes aux mou-
vemens d'unagent naturel, etlors
même qu'elle veut le mieux être
spiritualiste , il lui arrive encore
de ne se former une idée de Fes-
prit que par analogie avec le corps.
Cela tient à une fausse méthode ,
au préjugé qui porte à croire que
l'étude psychologique doit se faire
par voie de raisonnement : car
alors on procède du connu à Vin-
connu; et comme l'inconnu est
l'esprit, que le connu ne peut
être que la matière, on conclut
ou du moins on incline à conclure
du physique au moral, de lex-
terne à l’interne. Telle n’est pas
la manière de M. de Birarn : il sent
et il observe ; anssi c'est un té-
moignage que lui rendent ceux
qui l’ont bien lu, ceux qui lont
vu dans des entretiens familiers,
pressé du besoïn de commniquer
et de rendre sensibles par le ton ;
le geste , l'air, et des expressions
trouvées , les résultats de son 6b-
servation intérieure ; tous le re-
* gardent comme ayant possédé au
plus haut point, la vraie méthode
philosophique : JL est notre maitre
à tous , a dit de lui un homme qui
ne prodigue pas son estime et qui
lui-même a été la gloire de len-
sel£Bement avant d'être celle de
la tribune politique (M. Royer-
Coïlard ).
«Ce qui a manqué à M. Maine
de Biran pour avoir plus de succès,
c’est, comme nous Favons déjädit,
l'art du style, dont il a trop
ignoré ou négligé les secrets. D
n’a donné à sa pensée aucun de
ces avantages extérieurs qui pour-
raient la faire valoir; il n’a mis
dans les formes qui l’expriment,
ni vivacité, ni grâce, ni force ,
ni même assez de clarté. On peut
aussi regretter que dans ses écrits,
dans ceux du moins qu’il a publiés,
il n’aît point embrassé un point
de vue plus large que celui auquel
il s'est constamment borné. Nul
n’a vu mieux que lui Pâmecomme
une pure force, comme un prin-
cipe essentiellement actif et libre;
nul n’a plus insisté sur ce point
capital en philosophie. Mais de
cette vérité si féconde , il n’a pres-
que tiré aucune importante appli-
cation ; il n'en à presque jamais
suivi les cor+équences jusqu’à la
morale, à la politique et à la reli-
ion ; il s’est toujours étroitement
tenu aux spéculations psycholo-
giques les plus générales. C'était
peut-être en lui le besoin d’un es-
prit qui, ayant de quitter un prin-
cipe pour passer aux idées qui s'en
déduisent, veut parfaitement l'ap-
profondir ; c'était peut-être tümi-
dité de caractère et condeseen-
“MAI
dance pour des opinions domi-
nantes qu’il craignait de blesser.
Quoi qu’il en soit, c’est là un des
défauts qu’on peut remarquer
dans ses ouvrages.
» Nous avons ditque M. de Biran
a passé de l’école de Cabanis à
une école toute différente : pour
s’en convaincre , qu’on lise dans
leur ordre les traités qu’il a suc-
cessivement publiés. Dans le pre-
mier , dont l’objet est de détermi-
ner l’{nfluence de l’habitude sur
la faculté de penser, son idéologie
n’est évidemment qu’une espèce
de physiologie , la physiologie
des impressions aclives où passives ,
dont les nerfs sont les organes et
le siége. C’est ce que fait d’abord
soupçonner le choix de son épi-
graphe : Mon cerveau est devenu
pour moi une retraite où j'ai goûlé
des plaisirs qui n’ont fait oublier
mes afflicions ( Bonxer }); et c’est
ce qui résulte clairement de l’ana-
lyse de sa doctrine, Selon lui, la
pensée n’est en général fortifiée ou
affaiblie que par des habitudes
passives ou actives ; ces habitudes
passivés on actives consistent
dans la répétition fréquente et fa-
cile de deux espèces de sensations ;
ces sensations sont produites Îes
unes par le simple ébranlement ,
la simple action, les autres par
Paction et la réaction des nerfs.
Ainsi en dernière analyse , les
nerfs, le cerveau qui en est le
centre commun, voilà le principe
de toute impression , de tout re-
nouvellement d'impression, de
toute habitude intellectuelle, de
toute pensée; l'étude de la pensée
n’est que celle d’un phénomène
particulier de l’organisation. Or
cette opinion de M. Maine de Bi-
ran se trouve déjà beaucoup mo-
MAI 2925
difiée dans son mémoire sur la Dé-
composition de la faculté de penser.
Là, en effet, s’il continue à voir
dans la pensée passivité et activité,
sentiment et réflexion , il paraît
moins disposé à expliquer tout
cela par la physiologie. La phy-
siologie lui semble toujours, et
avec raison, très-propre à éclaircir
les circonstances au milieu des-
quelles s’opère le développement
intellectuel; mais il n’est pas
éloigné de croire que l'être intel-
ligent, distinct de l’organisme,
est un principe à part, une sub-
stance réelle qui sent qu réfléchit,
perçoit simplement ou pense,
seion que les impressions, Îles
idées qu’elle recoit des ohjets sont
ou ne sont pas modifiées par
la réflexion. Mais c’est dans
son Examen des Lecons de M. La
Romiguière qu’il faut le suivre
pour le voir arrêter et décla-
rer ses principes nouveaux. Là
il établit à chaque pas que l’âme
est une cause, une force , un pri-
cipeactif. Cause , force , activité,
activité libre , volontaire et mo-
trice, voilà le point de vue qu’il
considère à lexclusion de tout
autre. Aussi ne doit-on pas s’é-
tonner de le trouver ensuite dans
son article de Leibnitz, leibnitzien,
monadiste, ou du moins partisan
d'un système dont le fond est le
monadisme. À sa manière de voir
les choses, à cette façon de se con-
centrer en lui-même, de se pré-
occuper de lobservation inté-
rieure, il était facile de juger
qu'il finirait par ne plus avoir
qu’une idée , celle de vie, de
force, de pure activité, et qu’il
arriverait ainsi à un spiritualisme
absolu et universel qui explique
tout, Dieu , l’homme et le monde,
224 MAI
leur nature et leurs rapports, par
les seules notions de principes
actifs et d’actions. C’est en effet à
ce système qu’il a été conduit; sa
dernière pensée, son dernier mot,
celui qu’il a assez positivement
donnée en exposant la doctrine de
Leibnitz, est le monadisme, sauf
toutefois le dogme de l’harmonie
préétablie et celui de la prédesti-
nation fatale de l’âme humaine
qu'il n’admet pas (1). »
On trouve dans le n° suivant
du même journal, des renseigne-
mens qui complètent tout ce
qu’on a pu savoir des écrits inédits
de M. de Biran. Il existe de lui un
ouvrage qu'il a laissé à peu près
termine. Le premier volume, qui
renfermait les principes généraux
de sa philosophie, était achevé;
le second , destiné à faire sentir la
vérité de ces principes par des
applications, ne demandait plus
qu'un peu de travail. On a dû
encore trouver parmi les papiers
de M. de Biran, un Traité de la
folie, dans lequel il se proposait
spécialement d'établir la nature
des rapports du physique et du
moral, sous un point de vue tout
différent que celui que Cabanis
a adopté. Ce traité était achevé,
et l’auteur avait l’intention de le
faire entrer dans le cadre de celui
de ses ouvrages inédits, que nous
venons d'indiquer.
La monarchie impériale rouvrit
à M. de Biran la carrière publique.
11 devint successivement, mem-
bre du conseil de préfecture de
son département, sous-préfet de
Bergerac, et enfin, en 1810, il fut
(1) Le Globe, n. 139, du 30 juillet
1825, article signé Px.
MAI
élu pour la seconde fois, dé-
puté au Corps législatif. Le 4 fé-
vrier 1810, au nom de la dé-
putation du collége électoral de
la Dordogne, il porta la parole
pour haranguer Napoléon, suivant
les formules d'usage. À la fin de
1813, M. de Biran eut le grand
courage et l’immortel honneur
d'accepter une place dans cette
commission de cinq membres, qui
après quatorze années de servilude
et de silence, osa réclamer pour
la France, la paix et la liberté, au
soldat formidable qui se courrou-
çait qu’on osût lui adresser des
demandes si légitimes et si modé-
rées.
Après la Restauration, M. de
Biran rentra dans les Gardes-du-
corps, compagnie de Raguse, et
recut la croix de Saint-Louis. Le
11 juin 1914, il fut nommé ques-
teur de la chambre des Députés,
Réélu au mois de septembre
1815, il vota avec la minorité et
appuya le ministère de M. De-
cazes. En conséquence, il fut re-
poussé de la députation après le
5 septembre, comme président
ministériel, La loi des élections
du 5 février 1817, rouvrit cette
même année, à M. de Biran,
les portes de la (Chambre
des Députés ; il continua de
voter comme précédemment ,
encore pendant une session; mais
à la fin de 1819, il suivit M.
Lainé dans une route qui défini-
tivement nous a conduits à une
issue toute opposée à celle
qu'indiquait l’ordonnance du 5
septembre. Depuis, M.de Biran
vota avec le ministère de M. le
duc de Richelieu, et puis aussi
avec celui de M. de Villèle, Deux
fois nommé président de collège
MAT
électoral, par la faveur de ces deux
administrations, et deux fois élu,
grâce à leur aide, il ne prit point
de part ostensible aux grandes
discussions qui passèrent sous ses
yeux, la faiblesse de son organe
lui interdisant l'accès de la tri-
bune; mais dès 1814, et jusqu’à
ses dernières années, on le vit,
non sans effroi, s’acharner au rë-
glement de la Chambre, pour lui
faire subir des modifications ten-
dant à restreindre la publicité des
discussions, à renforcer le pou-
voir de la majorité sur la mino-
rité, enfin, à étouffer arbitraire-
ment le droit de pétition. L’abon-
dance des affaires capitales, la
longueur des formes de délibé-
ration de la Chambre des Députés,
et peut-être aussi le bon génie de
la France ne permirent pas que
les propositions de M. de Biran,
beaucoup plus importantes que
leur nature règlementaire ne sem-
blait l'indiquer , fussent adop-
iées par la Chambre, bien qu’il
se soit toujours trouvé dans son
sein un grand nombre de mem-
bres dont elles flattaient les pas-
sions ou les infirmités d'esprit. Il
est vraiment triste d’avoir gâté
pour si peu de chose une carrière
législative qui débuta par la
gloire. M. de Biran avait été
nominé conseiller d'état, section
de l’intérieur, peu de temps après
le 5 septembre; il devint aussi vers
cette époque membre de la com-
mission de liquidation des créan-
ces étrangères. Durant les divers
ministères qui succédèrent à celui
de M. Decazes, il ne quitta pas
plus le conseil d’état que les bancs
de la majorité. Il était en outre,
correspondant de l’Institut et of-
ficier de la Légion-d'Honneur.
MAL 229
M. de Biran est mort à Paris d’une
maladie de poitrine, le 20 juillet
1824. Visité dans ses derniers
jours, par un prélat qui était lié
d'amitié avec lui, il a rempli
d’une manitreédifiante ses devoirs
de chrétien, et a reçu les sacre-
mens des mains de son pasteur,
le curé de Saint-Thomas d’Aquin.
C'était un homme d’un caractère
aimable et doux, d’un esprit con-
ciliant et pacifique à l’extrèême.
Ces dispositions expliquent, mais
ne justifient pas les incertitudes de
sa vie politique. Charles Loyson a
adressé à M. de Biran l’une des
meilleures épîtres qu’on trouve
dans le recueil de ses poésies.
MALEVILLE (Jacques DE),
pair de France , naquit à Domme,
province de Périgord, en 1741,
d’une famille qui tenait un rang
honorable dansle pays. Son oncle,
Guillaume de Maleville, prêtre et
docteur de Sorbonne, a laissé des
écrits de théologie et de philoso-
phie critique, qui obtinrent quel-
que estime, vers le milieu du
dernier siècle, époque où ils
furent publiés. Jacques de Male-
ville exerca d’abord la profession
d’avocat au barreau de Bordeaux:
rentré de bonne heure au sein de
sa famille, il y vivait sans fonc-
tions publiques depuis plusieurs
années, lorsquela Révolution écla-
ta. Tant qu’elle borna sa tendance
à l’établissement de la monarchie
constitutionnelle, M. de Male-
ville en fut le partisan; aussi,
fut-il élu, l’an 1590, membre et
puis président du directoire de
son département. Porté au Tribu-
nal de cassation, en 1791, par les
suffrages des électeurs de la Dor-
dogne, il devint, par les suffrages
19
226 MAL
de ses collègues, président tem-
poraire du tribunal suprème. Les
électionsde brumaire an IV le por-
térent au Conseil des Anciens, où
il vint se réunir à ces législateurs
courageux qui conspiraient pu-
bliquement le retour aux principes
d'ordre et de morale, hors des-
quels il n’existe ni société ni pa-
trie. Les émigrés étaient depuis
long-temps l’objet de mesures
législatives et administratives,
iniques et cruelles. M. de Male-
ville sejoignità ceux quiessayaient
de reconquérir à ces Français pro-
scrits, ou du moins à leur famille,
l’eau et le feu qu’on avait voulu
leur interdire. Dans le premier
discours qu’il prononça pour cette
cause, il ne craignit point de dire
«qu’il n’avait pas l'honneur d’a-
voir des émigrés dans sa famille ».
On l’entendit attaquer avec viva-
cité, la loi du 9 floréal an ITT, qui
avait ordonné le partage, à titre
de présuccession, des biens des
ascendans d’émigrés, et faire res-
sortir l'énorme injustice d’une lé-
gislation qui punissait si cruelle-
menti les parens , d’un tort auquel
ils étaient étrangers; et qui, plus
impitoyable que la mort, les dé-
pouillait, avant elle, des biens
qu’ils n'auraient dû quitter qu'avec
la vie. C’est avec la même éner-
gie qu'il appuya la proposition
d’abroger cette loi monstrueuse
du 3 brumaire an IV, qui plaçait
un nombre presqu’innombrable
de Français, en état de prévention
et de surveillance, et qui excluait
de toutes les fonctions électorales
les parens et les alliés d’émigrés.
Il demanda aussi que l’on rempla-
càt, selon les formés légales et
constitutionnelles, les magistrats
sans pouvoir que le Directoire
MAL
exécutif avait introduits irrégu-
lièrement dansle Tribunal de cas-
sation, pour en corrompre l’in-
dépendance.
Lié avec MM. Portalis, Lebrun,
Muraire, Barbé - Marbois et avec
les principaux chefs du parti de
Clichy, il fit partie d’un comité
décadaire où se concertaient leurs
résolutions. Néanmoins, plus cir-
conspect et moins engagé que
d’autres, la révolution du 18
fructidor ne l’atteignit point. De-
puis,le sentimentde la crainte qu’il
aurait pu raisonnablement éprou-:
ver, ne le fit point dévier de ses
principes. Le 21 nivose an VI, il
s'opposa à ce que là nomination
des membres des tribunaux cri-
minels fût provisoirement enlevée
aux assemblées électorales dont
on suspectait alors, l'esprit et la
tendance : « Oui, disait-il à cette
»occasion, Ce qui pourrait bien
» ramener le peuple au royalisme,
» malgré son éloignement naturel,
» c’est de s’apercevoir que sa sou-
» veraineté n'est qu’un vain nom
»et que l’exercice lui en devient
»illusoire ; c’est de voir .destituer
varbitrairement ses magistrats;
»c’est que des nominations, dic-
»tées (au Directoire) par des rap-
» ports infidèles, tombent sur des
» sujets indignes, souillés de sang
»et de rapine.» Ce discours fut
plusieurs fois interrompu par les
murmures et les cris de mécon-
tentement de la majorité du Con-
seil des Anciens, et l'impression en
fut refusée. Les journaux du parti
dominant l’attaquèrent par les plus
virulentes récriminations, et /’Ob-
servateur de la Dordogne reprocha
à l’orateur d’avoir été élu député
par lesroyalistes du département.
M. de Maleville se crut obligé de
MAL
répondre par une brochure adres-
sée à ses collègues et à ses com-
mettans. On l’entendit aussi défen-
dre avec un zèle que le succès cou-
ronna, les droits sacrés de la pro-
priété , dans la question si délicate
et siimportante des domaines con-
géables; on le vit soutenir le réta-
blissement de la contrainte par
corps; enfin il s’éleva, dans l’in-
térêt de la société et des familles,
contre cette législation corrup-
trice, née du bouleversement de
toutes les idées morales, qui,
déshonorant le mariage au profit
des enfans naturels, prodiguait
les avantages de la légitimité aux
fruits de ces unions fortuites, que
le christianisme réprouve et que
la loi doit toujours désavouer.
Au mois de floréal an VIT,
M. de Maleville fut réélu député
de la Dordogne par une assemblée
électorale scissionnaire. Le Direc-
toire, qui dominait le Corpslegis-
latifet lui faisait approuver oureje-
ter tous les choix qu’il lui plaisait,
fit annuler celui de M. de Male-
ville. Il demeura hors des fonctions
publiques jusqu’après l’établisse-
ment du gouvernement consu-
laire, en lan VIII. Il rentra, cette
fois, par le choix du Sénat, au
Tribunal de cassation , où déjà on
l'avait vu reparaitre précédem-
ment, en 1599, et où il avait
lutté avec une courageuse indé-
pendance, contre les influences
illégales et cruelles que le Direc-
toire s’efforçait de faire subir à ce
corps indépendant. Les suffrages
de ses collègues l’élevèrent à la
présidence de la section civile, en
remplacement de Tronchet, nom-
mé sénateur.
Une commission ayant été nom-
mée, par les consuls de la Répu-
MAL 22%
blique, le 24 thermidor de l’an
VIIT, pour préparer la rédaction
d’un projet de code civil. le nom
de Maleville y fut associé à ceux
de Tronchet, Portalis et Bigot
de Préameneu. Il prit une part
remarquable à la discussion et à
la confection de ce beau tra-
vail, qui présente l’ensemble de
nos lois civiles, soit au sein de la
commission, soit lors de la dis-
cussion solennelle qui eut lieu au
Conseil d'état. « Né dans un pays
de droit écrit, dit son panégyriste,
familiarisé avec les plus savans
interprètes des lois romaines, pé-
nétré de cet esprit d'ordre et de
famille que ces lois respirent , au-
stère de mœurs et de principes
comme les philosophesetles juris-
consultes dont elles étaient l’ou-
vrage , il se montra toujours leur
zélé partisan. Promoteur éclairé
de la puissance paternelle et de la
liberté de tester, il chercha, en
toute occasion, à concourir, par
ses efforts, au rétablissement de
cette magistrature domestique,
de cette juridiction des pères de
famille si favorable à la conserva-
tion des mœurs, si conforme aux
lois de la nature, et si utile auxi-
liaire des institutions politiques et
civiles. Persuadé enfin que les
familles sont les eélémens de la
société, et que la bonne constitu-
tion de l’état dépend en grande
partie de la bonne constitution
des familles , ilrepoussa, de tous
ses efforts, le divorce et l’adop-
tion. Selon lui, le divorce entrai-
nait, à sa suite, le relâchement de
tous les liens sociaux; il voyait
dans son établissement le vœu de
la nature méconnu, la sainteté du
mariage profanée, et dans cette
promiscuité des familles, les pa-
238 MAL
rens sans dignité, les enfans sans
respect et l'innocence des mœurs
sans asile. I] ne considérait l’adop-
tion que comme une fiction dan-
gereuse, propre à décourager du
mariage , à favoriser l’égoisme, à
faire entrer en partage des avan-
tages de la légitimité les enfans
illégitimes, à aflaiblir de plus en
plus l'esprit de famille (1) .»
M. de Maleville ne se contenta
pas de prendre une part impor-
tante à la discussion intérieure du
Code civil. Il publia en outre, un
écrit pour justifier une opinion
qu’il n’avait pu faire triompher;
savoir, que le divorce ne devait
être admis qu’en cas d’adultère ;
il reproduisit plus tard cet éerit,
avec des modifications, à l’époque
où le divorce a été définitivement
aboli en France (2). Enfin, il pu-
blia l’analyse complète de la dis-
cussion du Code civil au Conseil
d'état, et après avoir occupé une
place distinguée parmi ses au-
teurs, ilse plaça encore aux pre-
miers rangs de ses interprètes (3).
Au mois de mars 1806, M. de
Maleviile fut nommé sénateur par
le choix du Sénat lui-même, et
sur la présentation du collège
électoral de la Dordogne; il vota
(1) Eloge de M. le marquis de Ma-
leville , par M. le comte Portalis, pro-
noncé à la Chambre des Pairs, le
20 décembre 1524 ( Moniteur du
26 janvier 1825).
(2) Du Divorce et de la Séparation
de corps. 1801, in-8. — Examen du
Divorce. Paris, Cérioux jeune, 1816;
in-8 , de 2 feuilles trois quarts,
(3) Analyse raisonnée de La discus-
sion du Code civil au Conseil d'état.
1804-1805. 4 vol. in-8 (trois éditions.)
ps +524 en allemand , par Blanchard.
1000.
MAL
en 1814, pour la déchéance de
Bonaparte et pourle projet d’acte
copstitutionel du Sénat, qu'il dé-
fendit même par une brochure
anonyme (1).Compris dansla pre-
mière création de la Chambre des
Pairs, du 4 juin 1814, il n’a pas
cessé de faire partie de cette
chambre, dans laquelle il a con-
stamment défendu les principes
coustitutionnels. Dès le 25 août
1814, il parla contre le projet de
loi concernant la presse , où pour
la première fois, depuis la Res-
tauration, l’on rétablissait la cen-
sure. Le 28 novembre 1815, il
combattit une proposition de
M. le marquis de Bonnay, ayant
pour objet d'autoriser les Pairs
absens à voter par procureur,
ainsi que cela se pratique à la
chambre des lords de la Grande-
Bretagne. Lors du procès du ma-
réchal Ney, il fut du petit nombre
des juges qui opinèrent pour la
déportation. Le 4 mars 1816, il
demanda que la faculté de rece-
voir des donations ne fût pas res-
treinteauxétablissemensecelésias-
tiques descatholiques, maisqu’elle
s’étendit à ceux des cultes protes-
tans. Le 28 janvier 181, il pro-
nonca un discours en faveur de la
célèbre loi des élections promul-
guée le 5 février suivant , et abro-
gée en 1820. Le 22 février de la
même année, il fit un rapport au
nom d’une commission, en faveur
de Padoption d’un projet de loi qui
prolongeait pour un an la censure
des journaux; mais en même
temps, il énonça le vœu formel
(1) Défense de la Consutution ,
par un ancien magistrat. Paris, Dentu,
1814; in-8, d'une feuille un quart.
MAL
que ce sacrifie fût le dernier
concédé à la paix publique ou
plutôt à la timidité ministérielle.
Durant la session de 1818 , M. de
Maleville parla en faveur de la loi
du maréchal Gouvion-Saint-Cyr,
concernant le recrutement et
l’organisation de l’armée; le 26
janvier 1819, il s’opposa à len-
tière abolition du droit d’aubaine
et de détraction; le 2 mars, ilcom-
battit la proposition de M. lemar-
quis Barthélemy tendante à mo-
difier la loi des élections du 5
février 1817; le 27 juin 1821, il
vota contre l'augmentation du
nombre des évèchés proposée aux
chambres par le ministère de cette
époque. La plupart des opinions
de M. de Maleville, outre qu’elles
sont consignées dans le Moni-
leur, ont été imprimées à part, par
ordre de la chambre devant la-
quelle elles furent prononcées. Le
grand âge de M. de Maleville l’em-
pêcha désormais de prendre part
aux discussions de la Chambre des
Pairs. Il retourna à Domme, dé-
partement de la Dordogne, où il
était né, et il y a terminé ses
jours, le 25 novembre 1824. La
religion qu'il avait toujours res-
pectée, a sanctifié ses derniers mo-
mens,
M. de Maleville a présidé deux
fois, le collége électoral du dépar-
tement de la Dordogne , en 1809
et au mois d'août 1815. 11 était
décoré du cordon de grand offi-
cier de la Légion-d’Honneur, et
classé dans la Chambre des Pairs,
au titre des marquis: jusqu'en1817
il avait porté le titre de comte. Il
a laissé deux fils, qui ont déjà
fourni une carrière honorable
dans les lettres etdansles emplois
publics. L’ainé, premier président
MAR 229
de la cour royale d'Amiens, a
succédé à la pairie de son père.
MALINGRE ( P..... F.....)a
consacré ses premières rimes ,
en 1794, à Barra et Viala, mar-
tyrs de la liberté ; plus tard, c’est
Napoléon que sa muse a chanté;
enfin, elle a aussi trouvé des vers
pour les Bourbons. Il composa
en 1816 , des distiques placés au
bas du buste de Louis XVIII, à
la Bibliothéque royale , où Malin-
gre était employé. Il est mort
le 27 mai 1824 , âgé de soixante-
huit ans : on ne peut rien imagi-
uer de plus médiocre que ses poé-
sies ; nous connaissons de Jui :
I. Mémorial Anglais, ou Précis
des Révolutions d’ Angleterre jus-
qu’à nos jours, en trois ceñt cin-
quante vers. 1790 , in-8.
IL Appel à l'Angleterre (en
vers. 1792 , in-8.
IT. Ode sur le premier Consul.
1802 , in-12.
IV. Carmien de rebus egregie ges-
tis domi, à Neupoleone Augusto.
in-8. — Vers sur les belles actions
de lempereur Napoléon, dans
l'intérieur de sa famille. s
V. La Naissance de Titus (vers
à l’occasion de la naissance du
roi de Rome , imprimés dans les
Hommages poétiques , de Lucet et
Eckard. T. II. page 130 ).
MARCILLAC ( Prerre-Louis-
Aucuste de Crusy, marquis de }),
naquit le 9 février 1769 , à Vau-
ban, en Bourgogne, d’une fa-
mille ancienne. Admis à l’école
militaire de Paris, en qualité de
cadet-gentilhomme , il obtint au
sortir, une lieutenance dans le
régiment de Picardie-cavalerie ,
dont par la suite, 1! devint colo-
230 MAR
nel. Lors de la Révolution , M. de
Marcillac émigra. Les auteurs de
la Biographie des hommes vivans
( Paris, Michaud. T. IV. 1818 )
racontent des détails peu connus,
sur l’activité qu’il se donna durant
son séjour hors de France. Nous
allons reproduire la substance de
ces détails, qui paraissent avoir
été communiqués directement aux
biographes de quinouslesemprun-
tons , observant toutefois , que le
souvernement royal, depuis la
Restauration , n’ayant employé
M. de Marcillac, simplement que
dans son grade militaire , il est
permis de supposer qu'il aura pu
s’exagérer à lui-même l'impor-
tance des premiers événemens de
sa vie.
M. de Marcillac, suivant cette
narration , aurait donc été chargé
par les princes français, de se ren-
dre en Hollande , pour y négocier
un emprunt de deux millions defr.
Il traita cette affaire avec autant
de désintéressement que de zèle.
MM. Osy. de Rotterdam, et
Cohen, d'Amsterdam , les prè-
teurs , lui offrirent le pot-de-vin
d'usage , et il était considérable.
M. de Marcillac l’accepta, mais ce
fut pour le porter en diminution
des clauses onéreuses que les
Princes avaient à subir. La même
année , M. de Laqueuille , envoyé
des princes français près l'Archi-
duchesse gouvernante des Pays-
Bas , avait reçu à Bruxelles , où
il résidait, une dépêche écrite
de la maia de Louis XVI, qui lui
donnait l’ordre de se rendre à
Paris, où ce prince devait lui
communiquer les détails d’un
plan concerté pour amener Île
Dauphin hors de France. Le Roi.
MAR
en confiant une tête si chère à
M. de Laqueuille , lui ordonnait
de traverser le territoire français
avec la plus grande rapidité,
d'annoncer, dès «on “arrivée en
pays étranger, l'évasion du Dau-
phin ; de le faire reconnaître par
les Puissances coalisées et de res-
ter auprès de sa personne tant
qu'il serait hors de France ; enfin,
de se réunir aux princes francais,
à Coblentz. M. de Marcillac fut ad-
mis par M. de Laqueuille, son
oncle, dans le secret du projet, et
cette confidence fut approuvée
par Louis XVI. Déjà tout se trou-
vait disposé pour leur rentrée en
France, qui devait avoir lieu,
après l’arrivée d’un dernier cour-
rier , lorsque ce courrier rapporta
une dépêche écrite de la main du
Roi, annonçant que des raisons
puissantes l'avaient déterminé à
changer de résolution.
M. de Marcillac fit la campagne
de 1792, en qualité d’aide-de-
camp de M. de Laqueuille, et
celle de 1795, à l’armée du prince
de Cobourg, qu'il quitta après la
prise de Valenciennes. Il passa en
Espagne, pour commander une
compagnie de la légion formée
par le marquis de Saint-Simon,
et fut ensuite employé à l’etat-
major du général Don Ventura
Caro. Les biographes que nous
avons cités disent expressément,
qu'après la paix de Bâle ( 1795 ).
entre la République française et
l'Espagne, M. de Marcillac aurait
été envoyé par cette dernière
puissance, pour engager le gou-
vernement britannique à former
des entreprises utiles à la cause du
Roi, assertion qui paraîtra trop
étrange pour être admise sans
à
MAR
preuves. On vaplasloin cependant,
et l’on ajoute que M. de Marcillac,
après avoircouru risquede perdre
la vie dans un naufrage, sur les
côtes d'Angleterre, fut employéen
1797, dans une mission tendante à
affranchir le parti royaliste de la’
dépendance britannique,en le met-
tant sous la protection de l’Es-
pagne , dont on ne suspectait pas
la bonne foi. Cette puissance,
dit-on, offrait de l'argent avec
des munitions pour les armées de
l’ouest, et promettait de faire des
diversions utiles dans le midi , si
ces arméés obtenaient quelques
chances de succès. Le marquis
de Marcillac s’aboucha en consé-
quence avec MM. de Bourmont,
Frotté , d’Aiguillon, Mercier dit
la Vendée et George Cadoudal.
Sans doute que les plans qu’illeur
proposa étaient plutôt des projets
que des ouvertures positives ,
puisqu'ils n’eurent point de suite.
On enfantait sans cesse, à cette
époque , mille combinaisons de
ce genre, plus chimériques les
unes que les autres ; il paraît que
M. de Marcillac s’occupa fort de
ce genre d’affaires, et qu'on lui
donna le commandement nominal
de la province de Rouergue. Il se
rendit en conséquence, à l’armée
de Suvarow, qui devait envahir
le midi de la France, mais qui fut
repoussée à son tour Comme toutes
celles des coalitions formées con-
tre la République.
On retrouve M. de Marcillac
sous-préfet de Villefranche d’A-
veyron , en l’année 1812 ; ce qui
prouve ou qu’il avait changé
d’opinionset de principes, oubien
que le gouvernement impérial
était assez mal informé sur le dé-
voùment des personnes qu’il em
MAR 251
ployait. En effet, à l'approche de
l’armée anglaise, en 1814 ; M. de
Marcillac entra en relation avec
les comités royalistes , dès avani
la révolution du premier avril,
et usa de l’influence de son poste,
pour aider à soustraire le départe-
ment de l'Aveyron au gouverne-
ment impérial. Lors de Pinvasion
de Bonaparte; on sentilde nouveau
le besoin de recourir à son acti-
vité ; mais 11 n’obtint pas plus de
succès que tant d’autres. Après les
Cent jours, quand M. le duc
d'Angoulême vint occuper les dé-
partemens au midi , les personnes
qui entouraient S. À. R. firent
donner à M. Marcillac le titre de
préfet de l'Aveyron ; celte nomi-
nation ne fut point confirmée par
le gouvernement du Roi. M. de
Marcillac se rendit à Paris, où il
obtint enfin, la présidence du pre-
mier conseil de guerre de la Divi-
sion , ce qui le mit dans le cas de
prononcer des peines capitales,
contre un certaia nombre de mi-
litaires d’un rang distingué, qui
à cette époque malheureuse , fu-
rent amenés devant son tribunal.
Depuis, M. de Marcillac se fit re-
marquer dans les rangs de l’oppo-
sition royaliste ; il écrivit, notain-
ment dans la Quotidienne , des ar-
ticles tendant à provoquer fa
guerre au gouvernement constitu-
tionnel de l'Espagne , lorsqu'elle
ne paraissait pas encore résolue.
Quand elle fut déclarée, et même
commencée, M. de Marcillaé ob=
tint de l’emploi en Catalogne,
dans le corps d'armée du maré-
chal Moncey , en qualité de colo-
nel d'état-major. Ilmourutà Paris,
d’une fluxion de poitrine, peu
après sou retour d'Espagne, le 25
décembre 1824.
292 MAR
Liste des ouvrages
de P. L. A. de Marcillac.
I. Voyage en Espagne. Paris,
Le Normant, 1805. in-8.
Cet ouvrage paraît avoir été
entrepris pour réfuter Bourgoin,
et surtout le marquis de Langle.
IT. Aperçu sur la Biscaye, les
Asturies et la Galice, et précis de
la défense des frontières de Guipus-
coa et de la Navarre, 1806, in-8.
IT. Histoire de la guerre entre
la France et l'Espagne, pendant
les années de la révolution francaise.
1703, 1794 et partie de 1795.
Paris, 1808, un vol. in-8.
IV. Histoire de la guerre d’Es-
pagne en 1825 : campagne dé Cata-
logne. Paris, À. Leclère, 1824;
un vol. in-8., de 29 feuilles.
V. Souvenirs de l’émigration , à
l’usage de époque actuelle ( ou-
vrage posthume. ). Paris, Bau-
douin frères, 1825 ; un vol. in-8.,
de 14 feuilles.
M. Barbier, qui dans la pre-
mière édition de son Dictionnaire
des ouvrages anonymes et pseudo-
nymes ( T. IV. pag. 274. ), attri-
buait à M. de Marcillac le More-
Lack ( Paris, 1789; in-8. ), ne
mentionne plus cet ouvrage dans
sa seconde édition ; d’où l’on peut
conclure que le savant bibliogra-
he à reconnu qu’il n’est point de
Marcillac.
MARS ( Anroixe-JEan ), con-
seiller à la Cour royale de Paris,
est mort dans cette ville, le 17 dé-
cembre 1824, âgé de 47 ans. Il s’é-
tait d’abord fait connaitre comme
substitut du procureur du Roiprès
le tribunal de première instance
de la Seine. Appelé plusieurs fois
par ses fonctions , à porter la pa-
MÉG
role dans des causes relatives à
des délits de la presse, s’il soutint
trop souvent des doctrines erro-
nées, ce fut du moins avec quel-
que modération dans le langage.
En 1820, M. Mars, qui était passé
au parquet de la Cour royale,
fut l’un des substituts de M. de
Peyronnet, dans la cause de con-
spiration, poursuivie devant la
Cour des Pairs. M. de Peyron-
net, devenu Garde-des-Sceaux,
nomma M. Mars conseiller à la
Cour royale; et on le comptait
parmi les magistrats de cette cour,
les plus dévoués aux principes
constitutionnels. Nous ne connais-
sons qu'un seul ouvrage de
M. Mars, mais il est utile et sa-
vant. Les développemens un peu
longs de son titre, en expliquent
suffisamment l’objet : Corps de
droit criminel, ou Recueil complet,
méthodique et par ordre de matières,
des codes d'instruction criminelle et
pénal, des lois, arrétés du gouverne -
ment, décrets, avis duconseil d’ Etat,
ordonnances royales , édits, etc.,
actuellement en vigueur , en matière
criminelle, correctionnelle et de po-
lice, avec les arrêts de la Cour de
cassation, etc, ; suivi d’une T'able
chronologique des lois et des actes
du gouvernemént , et d'une Table
générale alphabétique des ma-
tières, etc. Paris, Ménard et De-
senne. T. LE, 1820. — T. II. 1621.
Deux forts vol. in-4.
MÉGLIN (J... A... ), méde-
cin, né à Sultz, en Alsace, en 1556,
estmort à Colmar, le 15 mars1824.
On lui doit plusieurs écrits es-
timés sur l'art de guérir , entre
autres 1° un Traité sur la Névrat-
gie faciale, maladie contre la-
quelle il a inventé des pilules qui
MON
portent son nom et qu’on emploie
souvent avec succès. 2° Une Dis-
sertation sur l'usage des bains dans
le Tétanos. 5° Analyse des eaux de
Sulzmatt, en haute Alsace (1779;
in-8. ). Enfin, Méglin a publié,
avec des notes, une MVotice histo-
rique sur l’état ancien de la ville de
Sultz, département du Haut-Rhin,
par l'abbé Grandidier, historiogra-
phe de France. Strasbourg, Le-
vrault, 1817; in-8 , d’une feuille
et demie.
MONDENARD ( Jean - SainT-
SARDOS DE MONTAGUu , marquis
de), est mort à Paris, le 7 fé-
vrier 1823. Tout ce que nous sa-
vons de lui, c’est qu’il émigra
durant la Révolution ; et qu’il
passa en Angleterre les années de
son émigration. On lui doit les
ouvrages suivans :
I. Considérations sur l’organi-
sation sociale , appliquées à l’état
civil , politique et militaire de la
France et de l’ Angleterre. Paris,
Migneret , an X, (1802 ); 3 vol.
in-8° (anonyme ).
IT. Examen du budget proposé
par le ministre des finances, pour
l’année 1817 ; par l'auteur des
Considérations sur l’organisation
sociale , etc. Paris, Dentu , 1817;
in-8 , de 2 feuilles trois quarts.
IL. Dialogue entre un mililaire
el un député, ou Petit Catéchisme
politique à l'usage des amis de la
liberté, de la légitimité et de l’in-
dustrie ; par l’auteur des Consi-
dérations sur l’organisation so-
ciale, etc. Paris, Porthmann,1819;
in-12, de trois feuilles et demie ,
plus un tableau.
MONTESQUIEU (le baron de),
petit-fils de l’auteur de l'Esprit
MON 233
:
des Lois , et son dernier descen-
dant direct, doit à cette circons-
tance le droit d'obtenir une place
dans cette biographie , quoique
d’ailleurs , sa vie n’ait été mar-
quée, nipar aucunécrit, ni par au-
cune action, dont l'avenir doive
conserver la mémoire. Le baron
de Montesquieu entré de très-
bonne heure au service, fut atta-
ché à l’état-major du comte de
Rochambeau. 11 combattit avec
distinction, pour la cause de la
liberté américaine, et obtint la dé-
coration de Cincinnatus ; à la paix,
il fut fait colonel en second du ré-
giment de Bourbonnais, et en-
suite colonel-commandant de ce-
lui de Cambrésis. Il crut' de
son devoir d’aller rejoindre les
princes dans l’émigration , où il
commanda, sous le feu duc de
La Châtre, le cantonnement d’Ath.
Les officiers de Cambrésis échap-
pés au désastre de leur régiment,
se réunirent sous ses ordres :
vingt-trois avaient péri dans la
journée du 9 septembre 1792, à
Versailles, avec le ducde Brissac.
Le baron de Montesquieu servit
depuis, dans le corps de M. le
duc de Laval, et fut ensuite at-
taché à l'état-major de lord Moi-
ra , destiné à soutenir la déplo-
rable expédition de Quiberon. Le
gouvernement consulaire avait
rendu à M. de Montesquieu une
portion non vendue de ses biens ;
mais par une générosité bien rare,
il la donna en 1814, sans en ré-
server l’usufruit, à un parent de
son nom, pour récompenser, dit-
on, le dévouement qu'il avait té-
moigné à la cause des Bourbons.
On assure que M. Decaze fit offrir
la pairie , lors de la promotion
du mois de mars 1819, au petit-fils
234 . MON
de Pauteur de PEsprit des Lois :
M. de Montesquieu fixé en Angle-
terre, par son mariage avec une
Anglaise, et n’ayant point d’en-
fant , crut devoir refuser cette
éminente faveur. Il s'était créé
une charmante demeure, à Bridg-
ge-Hall, près Cantorberry , où
vénéré de tout le canton , il me-
nait une vie patriarcale; c’est
la qu'il est décédé, sans pos-
tcrilé , Le 27 juillet 1824. M. le
comte Lynch, pair de France,
maire honoraire de Bordeaux, a
publié une Notice sur le baron de
Montesquieu. Paris ,; imprimerie
de Boucher, 1824; in-4, d’une
feuille.
MONTGARNY (Jean-Baprisre-
Trre-HarmanD ), médecin, était
probablement de la même famille
qu’un autre Jean-Baptiste-Har-
mand de Montgarny, aussi mé-
decin , résidant à Verdun et auteur
d’écrits sur la dyssenterie épidé-
mique, publiés dans cette ville.
Le jeune Montgarny, après avoir
été, d’abord, pharmacien à Par-
mée d'Espagne, fut placé, à la
paix de 1814, et lors de Forgani-
sation des hôpitaux militaires d’in-
struction, à celui du Val-de-Grâce,
à Paris, en qualité de pharma-
cien. C’est après avoir remporté
un prix, dans les concours de cet
établissement, qu’il présenta, en
1518, à la faculté de Paris, pour
obtenir le grade de docteur, un
Essai de toxicologie considérée d’une
manière générale, dans ses rapports
avec la physiologie hygiénique et
pathologique, et spécialement avec La
Jurisprudence médicale. Paris, Mé-
quignon-Marvis, 1818; iu-8, de
huitfeuilles. — Harmandde Mont-
garnÿ a été l’un des collaborateurs
MON
1° du Dictionnaire des termes de mé-
decine, chirurgie, art vétérinaire ,
elc. Paris, Crevot, 1823; un vol.
in-8. 2°, du Journal universel des
sciences médicales. Y faisait aussi ,
à Paris, des cours publics de phy-
sique et de chimie médicale. Il
est mort dans cette ville, jeune
encore, au mois de décembre
1823.
MONTMIGNON (JEax - Bar-
TISTE ), naquit, en 1797 , à Lucy,
près Château-Thierry, entra dans
l’état ecclésiastique et fut d’abord
secrétaire de l'évêché de Soissons,
sous M. de Bourdeilles. Plus tard,
le même prélat le nomma, succes-
sivement, chanoine, vice-gérent
de loflicialité, grand-vicaire et
archidiacre. En 1786, labbé
Montmignon succéda à labbé Di-
nouart dans Ja rédaction du J'our-
nal ecclésiastique; mais il aban-
donna ce travail à l’abbé Barruel,
en janvier 1788. Il eut part aux
écrits publiés par l’évêque de Sois-
sons, au commencement de la Ré-
volution, et il passa, notamment,
pour auteur d’un mandement et
ordonnance du prélat, daté de
Bruxelles, le 20 mai 1792, écrit
étendu , et qui fut alors remarqué
parmi les nombreux’ actes du
même genre qui signalèrent cette
époque. Obligé de sortir de France,
en 1709, l’abbé Montmignon y
rentra sous le gouvernement du
Directoire ; lors du Concordat ,
il fut nommé grand vicaire de
Poitiers; mais il resta peu dans
ce diocèse ; de retour à Paris,
il fut nommé chanoine de la mé-
tropole, en 1811, et depuis, grand
vicaire du diocèse. En dernier
lieu , l'archevêque de Paris Pavait
chargé de Pexamen des livres pour
MON |
lesquels on sollicite l’approbation
de l’autorité ecclésiastique. L’abbé
Montmignon est mort à Paris, le
21 février 1824. C'était un pieux
et sayant ecclésiastique. Indé-
pendamment des sciences théo-
logiques , il s'était occupé de
celles qui concernent le méca-
nisme des langues. — On à publié :
Notice des livres de la Bibliothèque
de feu M. l’abbé Montmignon.
Paris, Dehansy, 1824; in-8,
d’une feuille un quart.
Liste des ouvrages
de J. B. Montmignon.
I. Système de prononciation fi-
gurée, applicable àtoules Les langues,
et exécuté sur les langues francaise
el anglaise. Paris. Royer, 1787
( 1785) ; in-8.
IL. Lettre à l'éditeur des Œuvres
de Daguesseau ( insérée dans le
T. VIII de l'édition in-4, des
Œuvres du chancelier }.
IT. Crime dapostasie. Lettre
d’un religieux à un de ses amis.
Artois, Flandre, et Cambrésis.
in-8, de vingt-quatre pag. (1790).
IV. Vie édifiante de Benoit Jo-
seph Labre, mort à Rome, en odeur
de sainteté, le 16'avril 1783 , com-
posée par ordre du Saint-Siège, elc.,
par M. M°***( Marconi ), lecteur
du Collége romain, confesseur du
serviteur de Dieu; traduit de L’ita-
lien. Paris, Servière, ou Guillot,
1984; in-12, de deux cent vingt
pages ( anonyme ).
Cette traduction a eu trois édi-
tions, la même année. Il existe
du même ouvrage, une autre tra-
duction, sous le titre de : Vie et
T'ableau des vertus de B. J. Labre,
traduction nouvelle et complète (par
M. l'abbé Roubault).Paris,Berton,
MON 335
1909, in-12. — Avant ces deux
traductions , on avait publié en
français , une Vie édifiante de B.
J.Labre, etc., composée sur les in-
formations fuiles par le Saint-Siège.
Paris, 1784, in-12.
V. Préservatif contre le fana-
tisme, ou les Nouveaux millénaires
rappelés aux principes fondamen-
laux de la foi catholique. Paris,
1806 , in-8 (anonyme).
C’est une réponse à l’ouvrage
du P. Lambert, intitulé : Exposi-
tion des prédictions et des promesses
faites à l'Eglise, pour les derniers
temps de la gentilité. 1806, deux
vol. in-12.
VI. Choix de Lettres édifiantes,
ecriles des missions élrangères ;
précédées , etc. 1808, huit vol.
in-8.—Seconde édition, augmentée.
Paris, Grimbert, 1824 et 1829,
huit vol. in-8.
Les discours préliminaires , ad-
ditions et notes de Pabbé Mont-
mignon, forment plus du tiers des
huit volumes. La mort l’'empècha
de terminer lui-même la seconde
édition, dans laquelle on a eu soin
de supprimer celles des additions
de l’auteur qui ont paru trop
étrangères à cette collection.
VII. De la Règle de vérité et des
causes du fanatisme. 1808 , in-8,
de onze feuilles.
Cet écrit est anonyme; il n’a
point été mis en circulation, à l’c-
poque où il fut imprimé ; il semble
même que l’impression n’a pas été
entièrement terminée, puisqu'il
est sans frontispice. C’est dans cet
état qu’on en trouve des exem-
plaires chez le libraire Grimbert.
On ditquecetouvrage était destiné
à servir d'introduction au sui-
vant :
VIII. La Clef de toutes les lan-
256 MOU
gues, où Moyen prompt et facile
d'établir un lien de correspondance
entre tous les peuples, et de sim-
plifier extrémement les méthodes
denseignement par lPétude des
langues. 1811 , in-8.
C’estune espèce de pasigraphie
fondée sur le numérotage des mots
dans le Dictionnaire de chaque
langue, comme Cambry l'avait
exécuté en petit, dans ses Ÿocabu-
laires polyglottes.
Eofo, c’est l’abbé Montmignon
qui a revu et corrigé la seconde
édition de la Wie de J. C. par
Peigné ( V. l’art. PEIcNÉ, An-
nuaire Nécrologique de 1822, page
172 ).
MOULIN ( Oxvrare - Benoîr-
CrauDE ) , ancien procureur , né
au Moulin-à-Vent, hameau près
Lyon ,; mort subitement dans
cette ville , le 31 mars 1823, à
l’âge de 65 ans environ. C'était
un homme atteint d’une violente
scribomanie, et qui a passé Îles
dernières années de sa vie à faire
et à publier des pamphlets et des
articles de journaux. Personne ne
mourait à Lyon qu'aussitôt il ne
brochât sur le défunt une notice
biographique (1). Il fut le défen-
(1) La Gazette universelle de Lyon,
du 4 juin 1822, annoncantune Notice
sur M. Cozon, par M. Moulin, s'ex-
primait ainsi : « Îl est presque impos-
sible à un homme , même peu connu,
de mourir à Lyon sans que M.Onupbre
ne lui consacre aussitôt une notice
nécrologique. Ou serait tenté de croire
qu'il Sy prend d'avance et qu'il tient
en réserve l’histoire de chacun de ses
compatriotes , pour Ja faire paraître à
Finstant même de leur mort. C'est
ainsi que, Sans attendre que leurs
evndres fussent refroidies, 1l nous a
MOU
seur de Chalier , quoiqu'il ne
partageñt pas ses opinions poli-
tiques. En 1791, il avait publié
des factums , qui sont encore re-
cherchés à Lyon par les curieux ,
dans une cause entre Ennemond
Garnier et Louise-Marie Besson
sa femme, surnommée la Belle
V inaigrière, accusée d’adultère,
par son mari. Il a exercé pen-
dant plusieurs années, les fonc-
tions d’avoué près le tribunal de
première instance de Lyon. Il fut
donné successivement les biographies
de MM. Maillot, traiteur, rue des
Quatre Chapeaux ; Saget, propriétaire
à Sainte-Foy ; Dacier ; Guillin d'Ave-
nas, Gardaz et Hole: avocats ; Bu-
gnet, architecte; Martinière et Ri-
gaud , avoués , et Ronjon, ancien ma-
gistrat. Rien de plus bizarre que ces
notices, soit sous le rapport du style,
soit sous celui des pensées. On a sou-
vent de la peine à discerner si ce sont
des panégyriques ou des satires, si
l'auteur emploie l'ironie ou s’il parle
sérieusement; et les familles de ses
héros doivent être fortembarrassées de
savoir si elles lui adresseront des re-
merciemens, ou si elles se plaindront
de lui. Un homme d'esprit comparait
les phrases de Diderot à des bacchantes
dans l'ivresse , qui s'étaient mises à
courir les unes après les autres. On
peut de même assimiler à des ba-
chantes les phrases de M. Onuphre,
mais à des bacchantes d’un ordre moins
relevé. Le délire de Diderot est parfois
sublime, celui de son imitateur l’est
beaucoup moins. Ïl vient de lancer
du Château-de-Vaux, une nouvelle
notice aprés décès, celle de M. Cozon,
qui ressemble à toutes celles que nous
avons mentionnées. C'est la même
incohérence dans les expressions et
dans les idées, j'ai presque dit la même
extravagance... Mais je crains d'offen-
ser M. Onuphre : il pourrait se venger
dans la nécrologie qu'il me fera in-
manquablement ; si je meurs avant
lui, »
MOU
destitué en 1805 , pour s'être
laissé emporter à des mouvemens
de vivacité, dans une affaire qui
lui était personnelle, contre un des
magistrats appelés à la juger. Plus
royaliste que le roi, M. Moulin
ne savait pas contenir ses idées
dans les bornes d’une juste mo-
dération : c’est ce que prouve la
lecture de ses derniers ouvrages ,
où l’exagération des sentimens et
des pensées s’allie à une grande
bizarrerie de style.
Liste des ouvrages
d’O. B. C. Moulin.
I. Mémoire sur une question d’a-
dultère et de séduction, pour En-
nemond Garnier , ci-devant maitre
vinaigrier à Lyon... plaignant et
accusateur , contre M° Jean Girard,
conseiller du Roi, notaire à Lyon,
accusé, et Marie Besson, femme
Gurnier , ditela Belle Vinaigrière,
aussi accusée; enrichi des lettres
galantes et amoureuse de M. Gi-
rard. 1591, in-8 , de 60 pages.
IL. Le Notaire impuissant accusé
d’adultère , ou mémoire pour Louise-
Marie Besson..…, contre Ennemond
Garnier, en présence de M° Jean
Girard ; en réponse au mémoire
très-connu, fait pour Ennemond
Garnier par M° Moulin , avoué ,
son défenseur. Orné de deux lettres
galantes et amoureuses , nouvelle-
ment découvertes. 1591, in-8 , de
5o pages.
Ce mémoire, encore plus cy-
nique que le précédent, et c’est
beaucoup dire, est une réponse
ironique, destinée à le confirmer
et non à le réfuter ; ilest en faveur
du mari, quoiqu'il semble di-
rigé contre lui. L'auteur ne s’y
épargne pas lui-même, et se dé-
MOU 237
peint dans une note, comme un
débauché, un coureur defilles, etc,
111. Défense de Joseph Chalier ,
président du tribunal du district
de Lyon, prononcé à l'audience du
tribunal criminel du département de
Rhône-et-Loire, le 15 juillet 1595,
l’an II de la République, par le ci-
toyen avoué Moulin, son défenseur
officieux. in-12.
Cette défense fait partie du pro-
cès de J. Chalier…, avec un Tableau
analytique des principaux événemens
qui ont rapport aux conjuralions
ourdies dans le Club central ; suivi
de sa défense ; prononcée par le
citoyen Moulin, etc. C’est un ex-
trait du Journal de Lyon de cette
époque , tiré à part. Le Procès a
62 pages ; la Défense à laquelle la
pagination recommence , en à 48.
— « Chalier, dit son défenseur,
»est content de mourir pour la
» liberté. IL porte tout le monde
» dans son cœur; il ira à l’échafaud ,
» comme un jeune homme vigou-
» reux ya à la noce (1). »
IV. Notice nécrologique pour ser-
vir à l’éloge de M. Jean-Francçois-
Armand Riolz, ancien jurisconsulte,
etc., suivie d’une Dissertation sur Le
célèbre M. Prost de Royer, de Lyon,
et le fameux Merlin de Douai, rela-
(1) En publiant cemémoire, M. Mou-
lin se conforma aux dernières inten-
tions de son client , qui , le jour même
de son supplice , lui remit la note sui-
vante : « Le cit. Moulin fera imprimer
de suite et dans la présente semaine,
son plaidoyer prononcé pour ma dé-
fense , ainsi que la note par moi lue,
avec toutes les notes, les noms des
jurés et des juges qui‘ont prononcé
mon arrêt de mort. » Les Crimes des
Jacobins à Lyon, par le cit. Mau-
rille. Lyon, an IX (1501); in-12,
page 120.
238 MOU
tive à leur caractère particulier et à
leurs ouvrages. Dédiée à M. Nouclo
( anagramme de M. Coulon ), par
Onuphre***, Lyon, Boursy, 1817;
in-8, de var — 47 pages (1).
On a faità cette notice l’hon-
neur de la citer dans la Biographie
Universelle (article Prost de Royer).
Une autre notice de notre auteur
sur M. Gardaz, insérée dans une
feuille publique de Lyon, a servi
à composer l’article Gardaz, du
même recueil.
V. Observations sur l’ouvrage (de
M. Maret) intitulé : Traité du droit
de retour légal et conventionnel.
in-8 , de 6 pages.
Ces Observations sont datées
du 10 avril 1817,et signées le
Rustre, ci-devant Métayer. On à
des raisons suflisantes de croire
que c’est M. Moulin qui est caché
sous ce masque.
VI. Notice sur M. Martinière.
Lyon , Boursy, 1818; in-8, de 8
pages.
VIL. Nécrologie ( mars , 1819).
in-8.
C’est une notice dans le genre
grotesque, sur un avoué de la Cour
L
(1) Un M. D***, ancien professeur
de législation au département du Var,
de l'Académie des Arcades, adressa
au rédacteur du Journal de Lyon du
20 septembre 1817, une lettre relative
à la notice nécrologique de M. Riolz ;
on y remarque le passage suivant : « Il
paraît que ce M. Onuphre, ne pou-
vant plus sans doute, tourmenter les
vivans, prend plaisir à troubler le re-
pos des morts, en remuant leurs cen-
dres encore chaudes. Il épie , en effet,
chaque Lyonnais qui meurt, pour
dérouler le registre de ses talens ou
de ses travers; et ce registre n'est
que le dégoûtant. tableau, quelquefois
piquant , de la vie publique et privée
des malheureux trépassés. »
MOU
royale de Lyon, nommé Rigaud,
qui venait de mourir, et qui y
est dépeint comme un ivrogne.
Elle est signée Mancelinier.
VIII. L’Enseignement mutuel
dévoilé ; ainsi que ses jongleries et
prétintailles révolutionnaires ; ou
l'Art daffranchir l'éducation de
l'enfance de toute influence morale
et religieuse. Dédié à la jeunesse
pensante, réfléchissante , agissante
et surtout bien impressionnée. Pour
servir de de réponse à M. Sainte-
Marie, docteur en médecine, ete. (1).
Accompagné d'aperçus neufs et de
notices sur quelques-uns des pro-
fesseurs de morale qui dogmati-
sèrent le peuple Lyonnais, et bestia-
lisérent la jeunesse; jusqu’au retour
de l’auguste maison des Bourbons ;
par Onuphre: Lyon, Boursy, 1820;
in-8, de vI1 — 119 pages.
Quoique ce titre soit un peu
long ,je l’ai copié en entier, parce
qu’il fait connaître la manière de
l’auteur et à quel parti il appar-
tenait. L’Enseignement mutuel dé-
voilé est ce que M. Moulin a fait
de plus considérable et peut-être
de plus original. Lorsqu'il le mit
au jour, quelqu'un lui adressa
le distique suivant:
Tu viens de démasquer pourjamaisnos Lancastres :
Courage ! c’est ainsi que l’on va jusqu’aux astres.
IX. Letlre sur la souscription
sollicitée en faveur des Grecs, par les
libéraux, sous le nom de M. le comte
de Ruaxis-Flassan , grec d'origine
ct chevalier de plusieurs ordres ;
(1j M. Sainte-Marie venait de pu-
blier une brochure intitulée : Une
séance de L'Ecole d'enseignement
mutuel de Lyon. Lyon, 1819, in-8.
NOA
insérée dans le journal de l’Indé-
pendant et la Gazette universelle de
Lyon, du 1° septembre 1821. Sui-
vie de remarques et ornée de l’é-
bauche de portraits assez ressem-
blans; par Onuphre. Lyon, Bour-
Sy ; 1821; in-8, de 24 pages.
X. Nécrologie de M. Cozon, an-
cien magistrat à Lyon; parOnuphre.
Lyon, 1822; in-8 , de 20 pages.
C’est le dernier ouvrage M. Mou-
lin : il l’a daté du château de Vaux,
situé en Dauphiné, près de Lyon,
qu'il avait acquis depuis quelque
temps.
Ces dix opuscules sont difficiles
NOA 239
à réunir : ilen est même qui sont
devenus très-rares, tels que les
trois premiers ; ils forment tout
le bagage littéraire de M. Moulin,
en y joignant quelques manus-
crits du même genre, qu'il a lais-
sés à M°° Teste sa fille, quelques
mémoires judiciaires publiés par
Jui pendant qu'il était avoué, et
piusieurs articles qu’il a fait in-
sérer dans les journaux lyonnais,
et dont les principaux sont dési-
gnés dans les passages de la Gazette
Universelle de Lyon, cités précé-
demment, ( Arlicle communiqué
par M. I. F. de Lyon.)
Ne
NOAILLES ( le duc de },
connu jusqu'en 1789, sous le
nom de duc d’Ayen, était le fils
aîné du feu maréchal de Noailles;
il naquit le 26 octobre 15539.
Appelé par sa naissance, à la car-
rière des armes, il y entra en
l’année 1552, où il fut inscrit au
nombre des gardes-du-corps, et
devinten 1755 , colonel du régi-
ment de Nozilles-cavalerie , dont
sa famille était propriétaire, parce
qu’elle avait levé ce corps à secs
frais , pendant la guerre de la suc-
cession d’Espagne. I fit à la tête de
ce régiment,etavec distinction,les
quatre dernières campagnes de la
guerre de Sept ans. Il exerça la
charge de capitaine de la compa-
gnieEcossaise desgardes-du-corps,
sous les règnes de Louis XV et
de Louis XVI et fut décoré de la
Toison d’or. Elevé rapidement au
grade de brigadier et de maréchal
de camp , il obtint le gouverne-
ment du Roussillon, que son père
Adrien-Maurice de Noailles avait
possédé lorsqu'il fit la campagne
de Catalogne. M. le duc d’Ayen
fut employé en Bretagne, quand
la guerre avec l’Angleterre com-
mença. Nommé depuis, lieute-
nant-général, inspecteur-général
militaire commandant en Flandre,
et membre du conseil de la guerre
formé sous le ministère de M. le
maréchal de Ségur, c’est à plu-
sieurs mémoires qu'il Jut dans ce
conseil , qu'est due , entre autres
améliorations , la réforme de lu-
sage de faire coucher par trois les
soldats d'infanterie. Toutefois il
ne fit pas oublier, dans ces hautes
fonctions , qu’il avait débuté par
être un des seigneurs les plus spi-
rituels de la cour-de Louis XV,
où il s'était fait connaître avec des
mots heureux , de piquantes sail-
lies et même des vers faciles et
légers. On lui attribue entr’autres,
240 NOA
de jolis coupleis, qui furent
chantés eù 1767 , dans un souper
à l'Ile Adam, etauxquels Louis XV
en ajouta, dit-on, un de sa facon.
Ces couplets se trouvent dans
plusieurs recueils de l’époque.
Nous ne citerons ici , que le cou-
plet ajouté par le Roi.
Adam n'eut qu’une femme avec lui,
Encor c’élait la sienne :
Ici je vois celles d’autrui,
Et ne vois pas la mienne.
)
M. de Noailles avait émigré en
Suisse ; mais il revint auprès du
Roi, quand il vit sa personne me-
nacée ; à l’époque du ficenciement
des Gardes, il se trouva séparé de
Louis XVI, qu'il gardait depuis
dix-neuf ans, avec la même fidé-
lité qu’il avait montrée à Louis X V
pendant seize années. Au premier
signal d'alarme , il accourut aux
Tuileries , et se tint constamment
en uniforme delieutenant-général,
à côté du Roi, toute la semaine qui
précéda le 10 août, et durant
toute cette journée. Echappé aux
dangers qui menaçaient sa per-
sonne , le duc de Noailles alla
chercher un asile en Suisse, où
il a passé trente ans d’une vie pai-
sible, studieuse et honorée.Après
la Restauration, ilreparut un mo-
ment en France,et siégea quelque-
fois à la Chambre des Pairs, où il
avait été naturellement appelé.
Mais ses infirmités et de longues
et douces habitudes, le rappelè-
rent bientôt dans sa retraite du
canton de Vaud. M. le duc de
Noailles avait épousé en première
noces , M°°*° Daguesseau , fille du
célèbre chancelier , et lorsque l’a-
narchie épouvyanta et décima la
France, il perdit en un même jour
et sur le même échafaud, le 22
juillet 1794, la maréchale de
NOA
Noailles sa mère , la duchesse
d’Ayen sa femme, et la vicomtesse
de Noailles sa fille, Son mariage
lui avait donné cinq filles, mè-
res d’une nombreuse postérité :
M de Noailles, de Lafayette,
de Thésan,de Montagu et de Gram-
mont. Toutes furent des modèles
de vertu et d'honneur: l’une d’elles
fut un modèle d’héroïsme, et se
montra digne de porter le plus
beau nom de deux siècles et de
deux mondes. M. le duc de Noailles
avait épousé en secondes noces,
une dame russe , la comtesse de
Golofkin. Il la perdit en 1825.
Ce second veuvage le ramena dans
sa patrie et auprès de ses enfans.
Il expira paisiblement, au milieu
de quatre générations de sa fa-
mille, à Fontenay-en-Brie, où il
s'était retiré , le 20 octobre 1824,
à pareil jour que celui de sa nais-
sance, âgé de 85 ans. Dans sa
jeunesse, le ducde Noailles s’était
livré avec ardeur , à l’étude de la
physique expérimentale et de la
chimie, ce qui lui avait valu
d’être admis à l’Académie des
sciences, depuis 1975 : il lut au
sein de cette compagnie savante,
‘ quelques mémoires qui furent
distingués. Lors de la dernière
réorganisation de l’Institut, en
1816, le nom de M. de Noailles
s’y trouva compris, avec le titre
d’académicien libre. On sait que
c’est à lui qu’est due la carte d’Alle-
magne connue sous le nom de
Chancharel, carte reconnue par
les Allemands, pour la première
bonne qui ait été faite de leur
pays , et devenue depuis , classi-
que pour toutes les guerres dont
il a été le théâtre. M. de Noailles
conserva dans son extrême vieil-
lesse, une âme forte et un esprit
s
PAC
®
Jeune; peu de jours avant sa fin,
il rappelait encore et dictait sans
hésitation , à M. le comte de Sé-
gur son beau-frère, une assez
longue pièce de vers inédite, et
composée il y a cinquante ans,
PACHE (JEean-Nrcoras), naquit
dans la maison du maréchal de
Castries , à laquelle son père était
attaché. Il soigna l’éducation des
enfans de ce seigneur, qui lui as-
suraune pension, etluifitavoir un
emploi dans les bureaux de la ma-
rine. Il se maria ensuite, habita
quelque temps la Suisse, où même
ilacquit des propriétés. La Révolu-
tion le rappela en France; il y
apporta les mœurs austères d’un
montagnard, unies aux idées dé-
mocratiques les plus exagérées.
En conséquence, il commença
par renvoyer à M. de Castries le
titre de sa pension, renonca au
brevet de commissaire de marine
qu'ilavaitreçu sous son ministère,
et voulut travailler gratuitement
dans les bureaux de Roland, alors
ministre de l’intérieur. Pache se
présentaittous lesjours,à sept heu-
res du matin, à la porte du cabinet
du ministre, et y déjeunait avecun
morceau de pain sec, qu’ilappor-
tait dans sa poche. Cette conduite
lui valut quelque popularité ou
du moins, une certaine réputation
de singularité, ce qui était alors
aussi un moyen de fortune. Les
gazettes l’appelèrent Le bon homme
Pache, ou le papa Pache. Brissot
et Roland le prirent en affection
et le prônèrent beaucoup. Ce der-
PAC 241
par un de ses contemporaîne, L'6-
loge de M. le duc de Noailles a été
prononcé à la Chambre des Pairs,
par M. le prince de Poix {Noailies-
Mouchy } ({ Moniteur du 5 février
1825 ). |
Pe
nier,quiéprouvaitdes contrariétés,
s'était déterminé à la retraite, in-
diquant Pache pour lui succéder.
Cependant la démission ne fut
point donnée immédiatement ,
mais Servan quitta le ministère de
la guerre, pour raison de santé, et
Pache y fut nommé, le 50 octo-
bre 1792. Dumouriez prétend que
Roland le plaça à ce poste, espé-
rant gouverner par lui son dépar-
tement. Quoi qu'il en soit, à peine
le nouveau ministre fut-ilentré au
conseil, qu’il abandonna ses an-
ciens protecteurs, s’attacha aux
meneurs du club des Cordeliers, et
ne tayda pas à devenir, avec des
formes assez douces, l’un des plus
dangereux ennemis de ceux à
qui il devait sa fortune. Vin-
cent ,; Ronsin, Meusnier, et quel-
ques autres , devenus ses con-
seillers et ses agens, imprimèérent à
son administration une activité
aussi violente que désordonnée.
Ses commissaires inonderent bien-
tôt les départemens frontières ,
et les pays conquis, particulie-
rement la Belgique, où ils se
conduisirent de manière à tout
bouleverser, Les arrestations ar-
bitraires et la dissipation des
richesses publiques signalérent
partout leur passage. Dumouriez
eut beaucoup à se plaindre de ces
2
10
243 PAC
agens, qui contrariaient ses plans ,
bouleversaient ses mesures et lui
rendaient impossible toute espèce
d’ordre et d'organisation. En con-
séquence, il n’a point ménagé
Pache dans ses mémoires, où il
le représente comme la cause pre-
mière de tout ce mal (1). M"®° Ro-
land ne l’a pas ménagé davantage;
et il semble diflicile de répon-
dre à ce qu’elle dit contre lui (2).
Cependant les Girondins qui pou-
vaient encore se faire entendre ,
attaquèrent vivement le ministre
de la guerre, et il fut permis de
faire connaître les vexations et le
gaspillage qu’il avait au moins
tolérés; non , il faut s’empresser
de le dire ; par cupidité, mais par
on ne sait quel inexplicableamour
du désordre, trop commun à cette
triste époque. Mercier, qui votait
avec la Gironde , a dit que le mi-
nistère de Pache coûta plus à la
France que n’aurait pu le faire une
armée ennemie. Accusé par Du-
mouriez et par Valazé, Pache fut
défendu par Marat, qui prétendit
que les attaques dirigées contre
le ministre, étaient liées aux ma-
nœuvres empioyées pour sauver
le Roi. Néanmoins, le désordre fut
trouvé si grand et la désorganisa-
ticn si complète qu’on ne put
s'empêcher, le 3 janvier 1703,
de nommer une commission pour
(a). V. Correspondance du général
Dumouriez avec Pache, ministre de {a
guerre ; pendant la campagne de la
Belgique, en 1798. Paris, 1793 ,in-8.
— Le général Miranda a publié aussi,
vers la même époque , sa correspon-
dance avec Pache.
(2) Voir ses Mémoires; Tom. 11,
pag. 177. édit. de Collin de Plancy,
1823, 2 vol. in-18.
PAC
statuer sur ces dénonciations : et
le 2 févriér suivant, sur le rap-
port de Barrère, il fut décrété
que Pache serait remplacé: toute-
fois, le rapporteur rendait justice
à ses intentions, et disait, « qu’ii
» ne manquait que dunerfprincipa!
» de l’autorité publique, la con-
»fiance. » Les uns demandèrent
qu’on déclarât le ministre digne de
l'estime publique; les autres au
contraire, qu'il füt gardé à vue :
la Convention passa à l’ordre du
jour sur les deux propositions.
Cette disgrâce provoquée par la
Gironde, fixa décidément Pache
dans les rangs des Montagnards ,
qui en firent un de leurschefs, hors
de l’assemblée, quoique la douceur
naturelle de son caractère parût
le rendre peu propre à ce rôle. Peu
de jours après sa sortie du minis-
tère, le 15 février 1793, Pache
fut élu maire de Paris, à la place
du médecin Chambon, par les
anarchistes qui dominaient les
sections :ilobtinti2,000 suffrages,
sur 15,000 votans. Le 28 février,
le nouveau maire se présenta à la
barre, au nom des 48 sections de
la capitale, pour accuser indirec-
tement Dumouriez et les députés
qui lui prêtaient son appui. Le
15 avril, il parut de nouveau à la
tête d’une députation semblable
à la précédente, pour demander
l'expulsion illégale de Brissot et
des principaux chefs de la Gi-
ronde. La section de la Frater-
nité l’ayant dénoncé comme diri-
geant des complots dans le but de
dissoudre la Convention et d’as-
sassinerlesmeilleurs républicains,
Pache nia qu’il y eût des complots,
et fut justifié par Cambon, par-
lant au nom du Comité de salut
public. Tout cela se passait peu de
AC
jours avant celui du 31 mai 1795.
Une commission de douze députés
ayait été formée par l'influence
des Girondins qui conservaient la
majorité au sein de l’assemblée,
pour déjouer ces complots et en
poursuivre les auteurs. Il s’é-
leva contreelleune opposition fu-
rieuse, dont le foyer était placé à la
commune de Paris, etquela toute-
puissance de la Convention ne put
abattre, parce qu’elle fut mal ser-
vie ou trahie par les magistrats de
la capitale, nommés presque tous,
par l'influence démagogique. Les
26 et 257 mai, à l'instant même où
les attentats du 31, qu’il ne pou-
vait pas ignorer, étaient sur le
point de recevoir leur exécution,
Pache ne cessa de protester à l’as-
semblée qu’elle n'avait aucune
insurrection à redouter, bien que
déjà tout Paris fût en proie à la
plus vive agitation. Néanmoins,
* il vint annoncer le 30 mai, à la
Commune, que lescitoyens réunis
à l’Archevèché s'étaient déclarés
en insurrection et qu’ils allaient
faire fermer les barrières de Paris.
Le 31 mai, il rendit le même
compte à la Convention, avec un
sang-froid très-remarquable. Tout
en parlant des bonnes intentions
du peuple pour elle, if ne prit
aucune mesure pour la protéger.
Le 1‘ juin, il certifia au conseil
de la Commune qui tenait de nou-
veaux pouvoirs des insurgés, que
la Convention était pour eux dans
les meilleures intentions, et invo-
qua dans cette circonstance, le
témoignage de Marat, alors pré-
sent à. la Commune, où il était
venu pour faire sonner le tocsin,
qu'il sanna effectivement lui-
même. Marat confirma la déclara-
tion captieuse du maire et se mit
PAC 243
aussitôt à provoquer de tous ses
moyens, l'insurrection du peuple
rassemblé dans la salle. Des ap-
plaudissemens accueillirent les
discours incendiaires des deux
orateurs, et la multitude s’élança
sur leurs traces , demandant à
grands cris la proscription des
chefs de la Gironde. Elle lob-
tint par la violence ; et le gouver-
pement, à dater de ce moment,
passa entre les mains des Jacobins.
Quelques mois après, le jour que
les Girondins parurent devant le
Tribunal révolutionnaire qui les
envoya à l’échafaud, Pache déposa
contre eux, comme témoin, et
les accusa d’avoir voulu constituer
la France en république fédéra-
tive. Peu de jours auparavant, il
avait, par ordre du Comité de salut
public, séparé le jeune fils de
Louis XVI de sa malheureuse
mère, et fait arrêter le général
Arthur Dillon et d’autres accusés
de conspiration. Bientôt les vain-
queurs du 31 mai se déchirèrent
entre eux. tache se trouvait na-
turellement daas les rangs des Cor-
deliers qui dominaient à la Com-
mune, dont il était le chef : il s’y
conduisit avec adresse et circon-
spection. Atiaqué par Chabot dans
le Comité de sûreté générale, il y
fut défendu par Robespierre, qui
n'était pas encore décidé contre
lui. Lors de la conjuration d'Hé-
bert, qui amena la chute de la
faction des Gordeliers, Pache et le
conseil de la Commune parurent
bésiter sur le parti qu’ils pren-
draient. Lui-même était désigné,
dans un nouveau plan de républi-
que, pour les fonctions de grand-
juge. Il se présenta à la barre de
la Convention afin de se justifier,
sinon d’être entré dans le complot,
Le
2/7 da PAC
au moins d’avoir laissé apir les
conjurés. Ces bruits donnèrent à
Robespierre un prétexte pour l’é-
carter de la municipalité; il le fit
même arrêter et remplacer par
Fleuriot, qui paya bientôt après,
cette faveur sur l’échafaud.
Après le gthermidor, un décret
de la Convention ordonna la mise
en jugement de Pache, devant le
tribunal criminel d'Eure-et-Loire.
L’amnistie du 4 brumaire an IV
le rendit à la liberté. Le gouver-
nement du Directoire mal in-
formé, éleya contre lui des accu-
sations dénuées de fondement, et
essaya de l'impliquer dans la
conspiration de Babeuf. Cette
fois, Pache n’eut pas de peine à se
justifier (1). Dégoûté du monde
et des affaires, il se retira sur
un domaine national qu'il avait.
acquis, à Thym-le-Moûtiers, dé-
partement des Ardennes, et non-
seulement il ne fit plus parler de
lui, mais, à ce qu'il parait, ne
voulut plus entendre parler des
autres. Voici les détails authenti-
ques que nous avons obtenus sur
les vingt-cinq dernières années
de la vie de cet homme, qui, après
une carrière si orageuse et si
bruyante, se plongea tout à coup
dans la plus complète obscurité.
Le domaine de Thym-le-Moû-
tiers sur lequel Pache à vécu toat
le temps du Directoire, de l'Em-
ire et les neuf premières années
dela Restauration, formait toute sa
fortune, et rapportait seulement
de 3 à 4000 francs de revenus.
Cette médiocrité
suffisait à
ses besoins et à ses goûts, et
{1) I publia à cette occasion, trois
Mémoires (avril el mai 1795 ).
PAC
même il savait y trouver de quoi
pratiquer la bienfaisance. En 1814
et 1815, ses fermiers ont dû à sa
générosité de ne pas être ruinés
comme beaucoup d’autres, par les
charges de la guerre qu'il voulut
prendre à son compte. Toutefois,
il se vit forcé en 1815, de vendre
un quart de ses propriétés ; et c'est
à peu près vers cette époque que
l'inquiétude et les ennuis lui firent
perdre la mémoire à tel point,
que jusqu’à sa mort, arrivée sur la
fin de 1825, il lui était devenu
difficile de soutenir la conversa-
üon, seulement pour quelques
instans. Pache ne sortait de sa
retraile que pour venir quelque-
fois assister aux séances de la so-
ciété d'agriculture de Mézières,
dont il était membre. Il ne par-
Jait jamais des événemens politi-
ques de sa vie, pas plus que des
événemens subséquens qu’il vou-
lait ignorer, caril ne lisait jamais
les papiers publics. Il ne se mê-
lait pas même des affaires de sa
commune, Sansrelations'intimes,
sans société habituelle, il était
néanmoins aimé des campagnards
qui lentouraient, leur rendait
volontiers tous les services qui
étaient en son pouvoir, et
surtout se faisait un plaisir de
donner gratuitement de Vlins-
truction aux jeunes gens de sen
voisinage; il leur ouvrait sa bi-
bliothèque, où ils trouvaient
beaucoup d’ouvrages de mathé-
matiques, de physique, d'histoire
naiurelle, et leur transmettait
ses leçons avec une patience inal-
térable. C’est ainsi qu'il a formé
un grand nombre de géomètres
du cadastre. Sa conduite était
celle d’un philanthrope sauvage.
mais il est triste de dire qu'aucun
PAR
sentiment religieux n’échauffait le
PAR 243
Cournnné par la même société
eœur de Pache. La plupart de ses - que le précédent , dans la séance
élèves sont athées, etne le cachent
pas. C’est probablement dans ce
système qu'est rédigé un grand
ouvrage de métaphysique auquel
il travailla long-temps, etque l’af-
faiblissement de ses facultés in-
tellectuelles le força à laisser in-
complet. Le manuscrit est passé
entre les mains de M. Pache fils,
lieutenant - colonel d’artillerie ,
actuellement (1825) en activité:
PARIS ( Jeax-Josern ) a été
successivement, pendant l’occupa-
tion des Français, secrétaire en
chef de la Commission du gouver-
nement, dans les départemens
formant la République Septinsu-
laire , et depuis, sous-préfet en
France. Il est mort à Paris, le 15
mai 1824. Nous connaissons de
lui, les ouvrages suivans :
I. Essai sur celte question :
Quels sont les meilleurs moyens
de prévenir avec les seules res-
sources de la France, la disette
des blés et les trop grandes varia-
tions dans leur prix? Mémoire
qui a oblenu une médaille d'or de la
Société d'agriculture, commerce
sciences et arts du département de la
Marne , dans La séance du à6 août
1819. Paris, M°% Huzard, 1819;
in-8, de dix feuilles et demie.
II. Mémoire sur cette question :
Quelle est, dans l’état actuelde la
france, et dans ses rapports avec
les nations étrangères, l’extension
que l’industrie dirigée vers l’inté-
rêt national, doit donner aux dif-
ferens genres d’inventions qui
suppléent le travail des hommes
par le travail des machines. Paris,
M Huzard, 1821; iu-8, de
huit feuilles.
du 27 août 1821.
III. Considérations sur la crise
actuelle de empire Ottoman, les
causes qui l’ont amenée, et les effets
qui doivent la suivre. Paris, 1821;
in-8, de dix feuilles un quart.
PAROY ( Jeax-Pricipre-Guy-
LEGENTIL, marquis de }, issu
d’une ancienne famille de Bre-
tagne, naquit en 1790. Parvenu
au grade de colonel , il se retira
du service avec la croix de Saint-
Louis, à l’époquede laRévolution,
et consacra à la peinture tous ses
loisirs. Cette occupation déplaisait
à son père, qui jeta un jour, dans
les fossés de son château, la pa-
lette , les pinceaux et les couieurs
de son fils, disant qu’il ne s’était
pas donné un héritier de son nom,
pour en faire un artiste. Celui-ci
répondit que le talent dédaigné
par son père serait, peut-être, un
jour, sa ressource. En effet, la
Révolution enleva à la famille Pa-
roy les biens qu’elle possédait à
Saint-Domingue , et les crayons
du fils servirent non-seulement à
procurer la subsistance du père ,
durant ses derniers jours, mais ils
contribuërent encore à lui sauver
la vie, sous le régime de la ter-
reur, À cette époque, M. de Paroy
avait été emprisonné à Bordeaux,
où la mort l’atiendait, comme
noble et comme député du côté
droit de l’Assemblée constituante.
Le dessinateur réussit, par le
moyen de ses talens , à intéresser
des hommes alors puissans , et les
jours de son père furent épargnés.
Le 20 juin 1792, M. le marquis
de Paroy fut seul en faction, du-
rant toute la nuit, à fa porte
246 PAR
des appartemens de Louis XVT ;
il ne le quitta point de toute la
journée du 10 août, et courut
auprès de lui de grands dangers.
De son aucienne fortune, il ne
conservait plus qu’une petite pen-
sion de secours, conne colon.
Le crayon et le pinceau restèrent
sa seule ressource, soit en France,
soit en Espagne , où il conduisit
son fils pourle soustraire à la con-
scription. Toutefois, ce talent,
produit d’un goût naturel , plutôt
que d’études sérieuses , n'aurait
pas suffi à donner de la valeur à
ses ouvrages, s’il n’avait pris soin
de choisir les Bourbons et leurs
malheurs pour objets ordinaires
de ses dessins. ( V. ci-dessus l’ar-
ticle Louis xvur. pag. 195.) El est
vrai qu'il s’attira par là, quel-
ques tracasseries , qui n'eurent
pourtant pas des suites bien
graves. M. de Paroy avait aussi
l'esprit tourné vers les inventions
de toutes sortes ; c’est ainsi qu’on
lui doit un procédé de stéréoty-
page, où les matrices de cuivre
sont remplacés économiquement
par une pâte assez dure pour su-
bir sans altération l'effort de la
pression : il est aussi l’inventeur
d’un vernis à faïence , entremêlé
de poudre d’or, qui parait suscep-
üble d’un trè:-bel effet. Le mar-
quis de Paroy était de l’ancienne
académie de peinture; lors de la
dernière réorganisation de l’Ins-
titut, en 1816, il eut l’ambition
de faire partie de la classe des
beaux-arts ; et n’y ayant point
réussi, il manisfesta son chagrin
par des écrits contre un académi-
cien, dont il supposait que l’in-
fluence avait pu contribuer à l’e-
loigner. M. de Paroy est mort à
Paris, le 922 décembre :824,
PAU
âgé de près de #5 ans. On a un
portrait de lui, lithographié par
Dutertre, en 1825.
Lisle des ouvrages
de J. P. G.L. de Paroy.
L. Opinions religieuses , roya-
listes et politiques, de M. Ant.
Quatremère de Quincy ; imprimées
dans deux rapports faits au dépar-
tement de Paris, publiées par M. le
M... de P***, Püris, Herhan!,
1816 ; in-8 , d’une feuille. — Se-
conde édition, avecle nom de lau-
teur , ibid. id.
Ce pamphlet est orné d’une
gravure représentant un tourne-
sol, entouré de quatre mers : la
mer royaliste, la mer religieuse,
la mer révolutionnaire , et la mer
d'intrigue.
IT. Précis historique de l’origine
de l’Académie royale de peinture ,
sculpture et gravure; de sa fondation
par Louis XIV, des événemens qui
lui sont survenus à la Révolution ,
de sa dissolution par l’Assemblée
nationale, et de son rélablissement
par Louis XVIII. Paris, impri-
merie de Gratiot, 1816; in-8,
de quatre feuilles.
III. Précis sur la stéréotypie ;
précédé d’un Coup d’œil rapide sur
l’origine de l’imprimerie et ses pro-
grès. Edition stéréotype, d'après
le procédé de MM. le marquis de
Paroy et Durouchail. Paris, impri-
merie de Cosson, 1822; in-8,
de deux feuilles et cinq tableaux
imprimés.
On a exécuté à la même typo-
graphie, et d’après le procédé
M. de Paroy, une collection éco-
nomique de classiques latins.
PAULIN ( Auevusre ),
né à
PER
Bressuire, le 9 avril 1774, mort à
Nantes, le 11 août 1824, est au-
teur de :
I. Leçons de Cosmographie ou de
Géographie astronomique. Nantes ,
1811,in-8.—deuxièmeédit. 1812,
in-8.
IT. Une brochure sur le retour
«es Bourbons.
III. Plusieurs pièces de vers in-
sérées dans les journaux. (Extrait
de la Notice sur les villes et les prin-
cipales communes du département de
la Loire inférieure; par J. L.B. se-
conde édition. Nantes, Forest,1825,
in-12. )
On trouve une notice sur Au-
suste Paulin, dans le Lycée Ar-
inoricain , 20° livraison.
PELLETIER - VOLMÉRAN -
A 1 MD TIPT ONE ), auteur drama-
tique et professeur de déclama-
tion, est mort à Paris, des suites
d’une paralysie, le 24 février
1824, âgé de 68 ans. Nous con-
naissons de lui :
I. Le Mariage du Capucin, co-
médie -en 3 actes et en prose.
1798, in-8. ;
Il. Le Devoir et la Nature, drame.
1799 » in-8.
III. Clémence et Valdemar,
drame. in-8.
IV. ( Avec Cubières-Palmé-
zeaux) Paméla mariée, ou Le
Triomphe des Epouses, drame en
35 actes et en prose. Paris, Barba,
1804 ; in-6.
Y. Les deux Francs-Macons, ou
les Coups du hasard. 1808 , in-8.
VI. La Servante de qualité,
drame en 3 actes. 1811, in-8.
VII. Les Frères à l’Épreuve…
PERRIN-DULAC (F... M... ),
est mort sous-préfet de Rambouil-
PFL 247
let, au mois de juillet 1824. Nous
connaissons de lui :
I. Voyage duns les deux Loui-
sianes , et chez les nations sauvages
du Missouri, par les Etats-Unis,
POhio, et les provinces qui les bor-
dent , dans les années 1801 à 1803;
avec un Apercu des mœurs, etc.
Lyon , 1805 ; in-8 , fig.
II. Salomon, poème traduit de
l'anglais, de Prior. 1808, in-8.
PFLUGUER (Marc-Anam-Da-
NIEL }, né à Morges, dans le can-
ton de Vaud, en 1797 ; fixé à Paris,
il s’occupa dès l’enfance de l’agri-
culture pratique; il selivraensuite
à l’étude de la théorie de cette
science, et publia divers écrits
sur cette matière. Pfluguer est
mort à Paris, au mois de mars
1824. On a publié une Notice sur
Les livres de sa bibliothèque (Paris,
Edouard Garnot, 1824; in-8,
d’une feuille). Voici la liste des
ouvrages qu'il a publiés:
IL Cours d Agriculture pratique
divisé par ordre de matières, ou
l'Art de bien cultiver laterre. 1809,
2 vol. in-8.
II. Les Amusemens du Par-
nasse, où Mélanges de Poésies lé-
gères. 1810, in-18.
III. Manuel d’instruction mo-
rale. 1811, deux vol. in-12.
IV. Cours d'Etude à l'usage de
la Jeunesse, contenant les élémens
de la grammaire, le style épisto-
laire, l’arithmétique , la géogra-
phie, etc., etc, précédé d’une mé-
thode d'enseignement d’après les
principes d’une théorie simple, claire
et vraie; volume orné d’une carte
géographique et de 5 planches qui
renferment plus de 150 figures.
Paris, À. Bertrand, 1811; in-12,
de 39 feuilles. — Il y a des fron-
2/8 PIC
tispices nouveaux pour cet ou-
vrage, qui portent la date de
1818, et l'adresse du libraire
Blanchard, avec ces mots: nou-
velle édit. revue et corrigée.
V, La Maison des Champs, ou
M anuel du cultivateur etc., avec des
sravures en taille-douce. Paris,
Michaud, 1819; 4 vol. in-8.
PICOT-BELLOC ( Jean ),
frère puîné du botaniste Picot de
Lapeyrouse, naquit à Toulouse,
en 13548. Entré dans les gardes-
du-corps du Roi, il culiiva en
même temps, la musique et la
poësie , et composa quelques
eptrasjoués sur des théâtres par-
ticuliers, ou dans Îles pays étran-
gers. La cause de la Révolution
devint la sienne , en 1780, il la
seconda, disent ses biographes,
par plusieurs écrits où respiraient
la chaleur et lPenthousiasme. En
1709, il était comunissaire des
guerres ; il fut dénoncé à la Con-
vention, et son arrestation fut or-
donnée par un décret, rendu sur
les dénonciations parties de la
petite ville de Saint-Girons, dé-
partement de PAriège, où il
exerçait ses fonctions. Trainé dans
les prisons de Paris, il n’en sortit
qu'après le 9 thermidor. Picot fit
jouer sur le théâtre du Lycée des
Arts, le 15 brumaire an IIE (5
novembre 1594), un drameen
trois actes intitulé : Les Dangers
de la calomnie ( imprimé). Trois
ans après, Picot Belloc,
commissaire des guerres à Saint-
Gaudens ( Haute-Garonne), pu-
blia : Le Père comme il y en a peu,
ou {e Mariage assorti, comédie en
trois actes et en prose. L'ouvrage
est dédié au Directoire exécutif et
aux deux Conseils. Retiré d’abord
alors :
L POR
dans la château de Barbasan et
ensuite à Tarbes, il introduisit
dans les lieux voisins des Pyrénées
plusieurs genres d'industrie qui y
étaient inconnus. Picot- Belloe
mourut le 5 mai 1820. Les auteurs.
de Ia Biographie Toulousaine
( Toulouse, 1825, 2 vol. in-8 )
ajoutent, qu’il a laissé beaucoup
d’écrits politiques ; probablement
manuscrits,
PORTELANCE (.....de),
auteur dramatique , naquit en
17992, et se disait issu d’une fa-
mille distinguée d'Irlande, à la-
quelle Cromwell aurait ravi tous
ses biens. Ce qui est plus certain,
c’est qu’il avait un oncle chanoine
de Saint-Honoré, à Paris, grand
directeur d’âmes, et pourtant, à
ce qu'on ajoute, médiocrement
estimé. À l’âge de 19ans, Porte-
lance composa une tragédie in-
titulée : Antipater. Il en fit plu-
sieur lectures dans diverses socié-
tés de la capitale; les éloges de
complaisance dont elle fut l’objet,
comme il arrive d'ordinaire, l’eni-
vrèrent tellement qu’il se refusa ab-
solument à faire les changemens
que ses amis ou les comédiens lui
conseillaient. La pièce fut repré-
sentée le 25 novembre 1551, et
sifflée si unanimement qu’on a
ditproverbialement pendant quel-
que temps, S'il fallait en croire
Palissot, sifflé comme Antipaler.
Néanmoins, les lectures de cette
tragédie malheureuse, de laquelle
Coilé disait: « Elle n’est pourtant
»pas médiocre; elle est détesta-
ble », avaient séduit une riche
veuve, qui épousa l’auteur, etlui
üt don de tous sesbiens. Un parent
de la femme de Portelance, après
la mort de celle-ci, intehta un
POR
procès au veuf, et prit pour avo-
cat le fameux Linguet. Porte-
lance plaida lui-même sa cause,
en 1773, et publia en 1780, un
mémoire qui eut beaucoup de
succès. Il se retira par la suite au
château de Montaseau ; et depuis
long-temps il était aveugle,
lorsqu'il mourut en 1821. « Quel-
ques dictionnaires historiques, dit
M. Beuchot (Biogranhie Univer-
selle; t. XXXV. pag. 464), le
font mourir dès le 19 décembre
1779. Voici pourquoi et comment
cette erreur s’est commise.
M. Ersch dans la France litléraire
(T. III. p. 58), mit par un lapsus
calami, à l’article de Portelance,
la date de la mort de l'abbé de
la Porte, dont l’article précedait.
Désessart, dans le tome V de ses
Sièclesliltéraires,répétacette faute,
qui n’a pas manqué d’être copiée
dans le Dictionnaire Universel de
1810. Le nouveau Dictionnaire
historique, critique et bibliogra-
phique, place vaguement cette
mort vers la fin du 18° siècle.
Cependant, en 1810 même , Por-
telance avait donné signe d’exis-
tence. Ximenèsayant pris alors le
titre de Doyen des poètes tragi-
ques, Portelance lui disputa ce
titre, et prétendit que Ximenès,
quoique son aîné de cinq à six ans,
n'avait été sifflé que treize mois
après lui, puisqu’E picharis, sa pre-
mière pièce , n'avait été jouée que
le 2 janvier 1753... Portelance
est nommé une fois dans le second
chant de la Dunciade; et c’est
peut-être son plus grand titre à
l’immortalité.»
Liste des ouvrages del Portelance.
K a en 5 actes
cten vers. 1759, in-
POY 249
Jmprimée avec une Critique
qui est de l’auteur Iui-même.
II. Le Temple de Mémoire,
poëme. 1753,in-12. .
III. ( Avec Poinsinét) Totinet,
opéra-comique. 1753, in-8.
IV. (Avec Patu) Les Adieux
du Goût, comédie en vers libres
et.en un acte jouée ’sur. le
Théâtre-Français, le 13 février
1794. in-12.
Le sujet, le plan, la distribu-
tion, les petits vers, sont de Patu;
les vers alexandrins sont de
Portelance.
V. À trompeur trompeur et demi,
comédie en 3 actes et en versli-
bres, représentée et imprimée à
Manheim.
VI. (Avec l’abbé de Regley
et de Caux ) Journal des Jour-
naux, Où Précis des principaux
ouvrages périodiques de lEu-
rope. Manheim , 1760, 2 vol.
in-8, comprenant depuis janvier
jusques et compris avril de cette
seule année.
Le chevalier de Mouhy, dans
son Histoire du T'héâtre-Francçais ,
attribue à Portelance plusieurs
autres pièces jouées à l'Opéra-co-
mique set en province, qui y ont
été, dit-il, fort accueillies. k
POYET ( Berwarp ), architecte,
naquit à Dijon, le 5 mai 1742.
Contemporain des Peyre et des
Chalgrin , il fit comme eux, de
grands progrès en architecture,
tant sous la direction de M. de
Wailly leur maitre , que pendant
son séjour en Italie ,; comme
pensionnaire du Roi. C’est à cette
époque que Poyet, quoique très-
jeune encore, fat chargé par l’am-
bassadeur de France à Naples, de
la direction de fêtes brillantes ,
250 POY
qu'il exécuta de la manière la plus
ingénieuse. De retour dans sa pa-
trie, Poyet fut successivement ,
architecte de M. le duc d'Orléans,
de la ville de 1 «ris et de l’Arche-
vèché, de l'Université, du Corps
législatif, du ministère de l'inté-
rieur, etc., membre de l Académie
d'architecture, du Conseil des bâ-
timens civils, et enfin, dans ses
dernières années seulement, de
l’Académie des beaux-arts de
l'Institut. « Nous avons sous les
yeux, dit M. Vaudoyer (1), et
nous admirons tous les jours,
cette gracieuse fontaine de Jean
Goujon, que son génie ( de Poyet)
a su transporter et si élégamment
ajuster au milieu du marché des
Innocens.... c’est à son goût et à
sa persévérance que l’on doit l’as-
sainissementet l'un des plus utiles
ornemens de cette ville, la démo-
lition de toutes les maisons con-
struites sur les ponts... Les écu-
ries d'Orléans, bâties par lui, rap-
pellent l’heureuse application qu'il
a faite en ce monument, de la
mâle architecture florentine...…. ;
mais ce qui met le sceau à la ré-
putation de cet artiste, c’est le
superbe frontispice dodécastyle ,
d'ordre corinthien, qui à la tête
d'un pont, décore , avec toute
la richesse et le caractère con-
venable, la Chambre des Dépu-
tés. » — Toutefois, on ne saurait
dissimuler que l'opinion géné-
rale reproche à cette œuvre ca-
pitale de Poyet, de n’offrir qu’une
imitation commune de lantique
et d’être dénuée de grâce et d’etïet
(1) Discours prononcé sur la tombe
a Poyet. ( Moniteur du 16 décembre
3224).
POY
pittoresque. Les projets de Poyet
furent bien plus nombreux que
ses ouvrages. Celui de l’église de
Saint-Sauveur, qui, très-avancée
d'exécution , fut suspendue et dé-
molie, par l'effet des circonstances
de la Révolution, paraît mériter
des regrets. On se ferait difficile-
ment une idée de la fécondité et
de la fougue d'imagination de cet
artiste. Malkeureusement pour sa
gloire , il ne se défia jamais de
deux écueils contre lesquels il vint
souvent frapper: la bizarerie et les
conceplionschimériques.Aureste,
peu d’événemens de quelque im-
portance se sont passés, durant
ces derniers quarante ans, sans
lui inspirer l’idée de quelque con-
struction à la fois monumentale
et d’utilité publique : tels sont la
colonne colossaie renfermant un
muséum en spirale intérieure ,
le projet de transférer l’Hôtel-
Dieu dans l'ile des Cygnes, celui
d’un cirque national destiné aux
fêtes publiques, d’un édifice à
construire dans le grand carré des
Champs-Elysées pour lesréunions
de la garde nationale. Ses porte-
feuilles étaient remplis de projets
de ce genre, souvent excentriques
et gigantesques, mais toujours
ingénieux. arvenu à sa quatre-
vingt-troisième année, sans avoir
éprouvé d'inérmités, et encore
plein de verve et d'activité, l’on
peut dire que Poyet est mort le
crayon et la règle à la main. Il
cessa de vivre le 6 décembre 1824.
Liste des ouvrages
de B. Poyet.
I. Mémoire sur la nécessité de
transférer et dereconstruire l Hôtel-
Dieu de Paris. 1785, in-4.
sis
POY
II. Projet pour employer dix
mille personnes, tant artistes qu’ou-
vriers, à la construction d’une place
dédiée à la nation, avec l'exposi-
tion des moyens de fournir à la dc-
pense de ce monument civique.
1791 , in-8.
IT. Projet de cirque national et
de fêtes annuelles. 1592, in-8.
IV. Projet d’un monument à éle-
ver à la gloire de Napoléon [°. 1806.
V. Renouvellement du projet de
transférer l’Hôtel-Dieu à l’ile des
Cygnes. 1807, in-4 ; — et 1822,
Paris, imprimerie de Plassan,
in-4 , d'une feuille et demie.
—- Ibid. 1824.
VI. Poyet, architecte du Corps-
Législatif, etc., à tous les bonsFran-
çcais. Paris , imprimerie de Fain,
-1814, in-4, d’une feuille.
VII. 4 MM. de laChambre des
Députés des départemens ( Projet
d’un monument, par M... archi-
lecte de la Chambre). Paris , impri-
merie de Fain, 1814 ; in-4, d’une
demi-feuille.
VIII. Hommage national destiné
à consacrer l’époque fortunée du re-
tour de sa M. Louis XVIII , et la
réunion de tous les Français autour
du trône légitime. Paris, impri-
nerie de Fain, 1816 ; in-4, d’une
demi-feuille. — Paris, imprimerie
de Plassan, 1822; in-4, d’une
demi-feuille.
IX. Mémoire sur Le projet d’un
édifice à construire au centre du
grand carré des Champs-Elysées ,
pour les réunions de la garde royale
ct de la garde nationale, ainsi que
pour servir aux fêtes publiques.
Paris, imprimerie de Fain, 1816;
in-4 , d’une demi-feuille.
X. Projet d’une nouvelle salle
d'opéra à construire , sans qu’il en
coûle rien au gouvernement , et qui
POY 291
ferait disparaitre le déficit annuel
qui est à sa charge , etc.Paris, im-
primerie de Fain , 181%; in-4,
d’une feuille et demie.
XI. Réponse aux critiques des
Journaux et des Annalespolitiques,
morales et littéraires. Paris, impri-
marie de Fain, 1817; in-4, d'une
feuille.
XII. Poyet architecte du ministère
de l’intérieur et de la Chambre des
Députés. Paris, imprimerie de
Fain , 1818; in-8, d’une feuille.
XIII. 4 MM. les Députés des dé-
partemens de l'Allier, des Basses-
Alpes, etc. Paris, imprimerie de
Plassan, 1819; in-4, d’une feuille.
XIV. À MM. les membres du
Conseil-d’ Etat. Paris, imprimerie
de Plassan , 1819 ; in-4, d’une
feuille.
XV. À MM. les membres de la
Chambre des Députés. Paris, im-
primerie de Plassan , in-8 , d’une
demi-feuille ; — relatif au projet
d’un pont forgé en fer.
XVI .Copie de la lettre écrite le
26 février dernier... par M.Poryet,
par laquelle il propose d'élever, par
souscription , un monument expia-
toire àS. A. R. Monseigneur le
duc de Berry, sur le lieu même
où ce prince inforluné a reçu le coup
mortel, et de construire une nou-
velle salle d’opéra au centre du
Carrousel, Paris, imprimerie de
Plassau, 1820 ; ic-4, d’une demi-
feuille.
XVII. Observation sur le choix
d’un emplacement pour la con-
struction d’une nouvelle salle d’o-
péra.Paris, imprimerie de Plassan,
1819; in-4, d’une demi-feuilie.
X VIIL. Nouveau Système de ponts
en bois et en fer forgé, inventé par
M. Poyet, etc. — Rapport de
l’Athénée des arts, et de la Société
_
,
292 REV
royale académique des sciences
de Paris, déveleppant et consta-
tant l’avantage de ce nouveau
pont. — Procès-verbal dressé par
M. le maire de Livry, faisant
connaître que M. Poyet a mis en
exécution son nouveau système
de pont, dans le domaine du
Raincy, appartenant à $. À. KR.
Monseigneur le duc d'Orléans.
Paris, imprimerie de Plassan ,
1820 ; in-4, de deux feuilles et
demie.
On peut voir sur le même sujet:
Rapport duConseil général des ponts
et chaussées, sur un système de
construction des ponts en bois et en
fer, proposé par M. Poyet. Paris,
imprimerie de Plassan, 1823 ;
in- 4, de quatre feuilles.
XIX.A MM. les nobles Pairs de
France et à MM. les honorables
Députés des départemens. Paris,
imprimerie de Plassan, 1821;
in-4 , d’une feuille et demie.
XX. 4 MM. les membres de la
REV
Chambre des Pairs et dela Chambre
des Députés. Paris, imprimerie de
Plassan, 1821; in-4, d’une demi-
feuille et d’un quart de feuille.
XXI. Nouveau Système de ponts
en bois et en fer forgé... comparé
avec les ponts ordinaires , pour
la durée, La solidité et l’éronomie.
Paris, imprimerie de Plassan,
12822; in-{folio d’une feuille.
XXII. 4 MM. les membres de la
Chambre des Députés. Paris, impri-
merie de Plassan , 1823 ; in-4,
d’une feuille et demie ; — relatif
au pont sur la Seine, entre les
îles Saint-Louis et de la Cité.
XXIII. Copie de la Lettre adresée
à S. 4. R. Monseigneur le duc
d Angoulême, par M. Poÿet. Paris,
imprimerie de Plassan, 1824;
in-4 , d’une demi-feuille.
XXIV. 4.8. Exr. Monseigneur
le ministre de l’intérieur. Paris ,
imprimerie de Plassan, 1824 ;
in-4, d’un quart de feuille.
Re
REVELLIÈRE-LÉPEAUX
(Lours-Marie) (1 ),naquitle 25 août
(1) Cet article nous a été commu-
* niqué par une personne dont le nom
serait le meilleur garant de l’exacti-
tude des faits qu'il contient ; mais elle
a désiré garder l’anonyme. Elle a cru
devoir s’abstiner d'énoncer aucun ju-
gement sur les principales circon-
stances de la vie publique de feu
M. Revellière-Lépeaux.Le rédacteur de
cet ouvrage ne saurait observer le
même silence. Il apprécie autant qu'il
le doit, les vertus austères, le patrio-
Usme religieux , 1a fermeté d'âme et
1555, à Montaigu, département
de la Vendée. Son père, homme
la rectitude de cœur de M. Revellière-
Lépeaux, qualités d'autant plus dignes
d'estime , qu’elles se sont trouvées
bien rares dans nos temps. Certaine-
ment, s'il avait eu à raconter la vie
de celui qui fait le sujet de cet article,
il n'aurait pas manqué de l'en louer
avec effusion ; mais, quant à lui, il
aurait cru indispensable d'exprimer
une opinion sévère sur le vote de
de M. Revellière-Lépeaux dans le pro-
cès de Louis XVT, sur sa coopération
au 15 fructidor, sur les persécutions
ANR D
La
ile mérite et d’un caractère tievé,
était juge des traites, et exerça
pendant trente ans, les fonctions
de maire de sa petite ville, Presque
sans fortune, il s’imposa les plus
grands sacrifices , pour donner à
sa fille et à ses deux fils l’éduca-
tion qu’il avait lui-même reçue.
L’ainé, après avoir étudié la ju-
risprudence avec succès ; passa
plusieurs années à Paris et finit
par se fixer à Angers, où il acheta
une charge de conseiller au pré-
sidial. Ses grandes lumières et sa
robité lui attivèrent l’estime uni-
verselle. Ayant embrassé avec
beaucoup de modération les prin-
cipes de 1789, il expia sur l’é-
chafaud de la terreur, la consi-
dération dont i! jouissait. On n’o-
sa pas cependant le faire périr
sous les yeux de ses concitoyens.
Amené à Paris avec deux autres
magistrats du même corps, dont
l’un , Brevet de Beauiour , an-
nonçait de grands talens, il fut
envoyé à la mort par le tribunal
de Fouquier-Tinville , tandis que
RO de PLATS, hair RAR CORNE SRE LPS
religieuses, les mesures tyranniques et
usurpatrices au-dedans, les guerres
injustes et spoliatrices au-dehors, dont
l'opinion et l'histoire accusent le Di-
rectoire exécutif de la Répubiique
francaise. Ces tortssont réels ; ils sont
injustifiables. Il convient d'ajouter
pourtant, que les récriminations ont
été exagérées par l'effet de la politique
du gouvernement impérial; et peut-
être que le Directoire pourrait être
absous, si on ne devait le juger que
par comparaison. — Nos passions,
l'infirmité de notre esprit, la difficulté
des circonstances, condamnent pres-
que tous les hommes d'état à commet-
tre dGes fautes. Heureux ceux qui
surent les racheter par de grandes ver-
tus, et qui du moins ne laissèrent pla-
ner aucun doute sur la loyauté de
leurs intentions : ( Note du rédacteur.)
REV 27%
son frère, dont il est ici question,
était proserit et fugilif, Cedernier,
né avec une constitution faible ,
éprouva dès ses plus jeunes an-
nées, des maux dont la trace ne
devait jamais s’effacer. Un prêtre
fut chargé de lui enseigner les
élémens du latin, pour le mettre
en état d’entrer au coilége. Cet
homine cachait sous un extérieur
doucereux l’excessive violence de
son Caractère ; à la moindre faute
il frappait son élève de coups ter-
ribles dans le dos et dans l’esto-
mac.Bientôtla contrainte et la don-
leur lui déformèrent lépine der-
sale ; sa poitrine cruellement gè-
née ne put se développer etle con-
damna à des souffrances qui n’ont
fini qu'avec sa vie. Quand ses pa-
rens découvrirent la cause du mai,
il était déjà irremeédiable, Echappe
trop tard à ces durs traitemens, le
jeune Revellière-Lépeaux après
avoir passé sous un autre maitre ,
alla rejoindre son frère aîné au
collége de Beaupreäu, en Anjou,
et achevases classes chez les Ora-
ioriens d'Angers. Il se fit ensuite
recevoir licencié en droit à luni-
versité de cette viile. Décidé par
le vœu de sa famille à suivre la
carrière du barreau, il parüt
pour Paris à l’âge de vingt-deux
ans , prèta serment d'avocat au
Parlement et entra chez un pre-
cureur ,; nommé Potel, homme
excellent , qui voyant son peu
d'aptitude pour la pratique , le
laissa suivre la pente naturelle &e
son esprit, qui l’entrainait irré-
sistiblement vers les sciences mo-
rales et politiques. Le goût des
beaux-arts et surtout de la mu-
sique ne tarda pas à lui inspirer
celui de l'italien, qu'il apprit à
parler en peu de temps, avec
25 4 REV
beaucoup d’aisance et de pu-
reté. Un ami de collége , depuis
député à FlAssemblée consti-
tuante et à la Convention ( Le-
clerc, de Maine-et-Loire ), vint le
trouver à Paris; il était passionné
pour la musique et la savait fort
bien. Ils échangèrent ensemble
des lecons de composition et d’i-
talien. Les chants énergiques de
Gluck excitaient leur enthousias-
me ; ils parcouraient les collec-
tions de tableaux, visitaient les
monumens publics, et mêlant lé-
tude des arts à celle de la philo-
sophie, ils sentaient fermenter
dans leurs âmes le germe des sen-
tinens républicains. Aussi Re-
vellière-Lépeaux fut-il sur le
point de passer en Amérique ,
pour suivre les drapeaux des in-
surgens.
Une circonstance accidentelle
fit échouer ce projet ; renonçant
dès-lors à la jurisprudence »our
laquelle il n’était pas né, il re-
tourna dans sa famille. Après y
avoir passé un an, il revint à An-
gers ; séjour de sa première jeu-
nesse , où il avait conservé de
nombreuses liaisons, et bientôt
après il épousa M'° Boyleau de
Chandoiseau , fille d’un proprié-
taire du pays. Ils habitèrent Nan-
tes pendant quelque temps. Mais
des raisons de famille les ayant
rappelés en Anjou, ils firent bi-
ür à la campagne, une petite mai-
son assez agréable , ou ils vé-
curent plusieurs années , se bor-
nant à la société de leur famille
et d’un petit nombre d'amis.
M°°Revellière-Lépeaux avait pris
de bonne heure, un goût très-vif
pour l’étude des plantes, et s’y
était livrée avant son mariage;
elle communiqua ce goût à son
REV
mari ,; en lui donnant les pre-
miers principes de la science. De-
venu membre d’une société, en-
core peu nombreuse, de botano-
philes , qui s'était formée àAngers,
à la mort du professeur , il fut vi-
vement sollicité, par les associéset
par les étudians de l’université ,
de continuer le cours annuel de
botanique. Leurs instances le dé-
terminèrent ; il entreprit cette
tâche, qu’il regardait comme au
dessus de ses forces, et s’attacha
surtout à faire aimer la science,
en développant les conceptions
à la fois poétiques et profondes
dontlegénie de Linné l’a enrichie.
Doué d’une élocution facile et
animée, il vit chaque jour s’ac-
croître le nombre de ses audi-
teurs. Le jardin où il donnait ses
lecons devint bientôt un établis-
sement municipal, et c’est au-
jourd’hui dans son genre, l’un des
plus beaux de la France. Cepen-
dant M. et M Revellière-Lépeaux
avaient pris depuis long-temps ,
avec quelques amis , la résolution
d'aller chercher la liberté en
Suisse ou aux Etats-Unis d’Amé-
rique. L'un d'eux, M. Pilastre, de-
puis constituant, conventionnel,
législateur, et qui siégeait encore
en 1825 ,au côté gauche de la
Chambre des Députés, avait sé-
journé en Suisse, pour étudier
l’état du pays. L'Amérique allait
obtenir la préférence , quand les
événemens de 1789 vinrent Cou-
per court à ces projets. Nommé
syndic de sa commune , et mem-
bre de l'assemblée bailliagère
d'Angers, Revellière-Lépeaux y
fut élu à l'unanimité , moins une
voix, troisième député du tiers
aux Etats généraux. Il y montra
lors dela vérification des pouvoirs,
FEV
l'indépendance de ses opinions ; et
leur tendance républicaine se ma-
pifesta par son opposition à ce
que le titre de prince fût accordé
aux membres de la famille ré-
gnante, par son vote pour la de-
_vise du drapeau des gardes natio-
nales: La Liberté ou la Mort, etc.
Il prédit cependant que la chute
du trône serait funeste à la li-
berté, et se prononça pour la
non réélection des députés à la lé-
gislature suivante. Ne voulant ni
pactiser avec sa conscience , ni
violer ses engagemens , il évita
de s’associer à aucun parti. Le
duc d'Orléans fit pour l'entraîner
dans le sien, d’inutiles tentatives.
De retour dans ses foyers , Re-
vellière-Lépeaux fut élu membre
de l’administration départemen-
tale, et ensuite appelé aux fonc-
tions de juré près la Haute-Cour
nationale qui siégeait à Orléans;
il n’y parut que dans une facile
affaire, où l'accusé fut acquitté.
Au mois d’août 1592, 1l revint à
Angers, fut nommé adjudant-gé-
néral des gardes nationales du
district de Vihiers et peu de
temps après membre de la Con-
vention nationale. La guerre ci-
vile éclatait déjà dans l’ouest.
Guidées pardes prêtres , d’innom-
brables processions, de tout âge
et de tout sexe, parcouräient pen-
dant Ja nuit , à la lueur des torches
eten chantant des litanies, les
campagnes solitaires du bas An-
jou. Elles venaient implorer Pap-
pui de ia Vierge, de saint Laurent,
des Mages, contre les innova-
tions révolutionnaires ; la chapelle
fut démolie. Les pèlerins virent
dans un chêne voisin, l’image mi-
raculeuse de la Vierge : le chêne
iut abattu : ils la virent dans un
LA) T =
: EY 293
buisson. D’autres prodiges vin-
rent bientôt accroître la fermen-
tation générale et l’exaspération
mutuelle des partis. Fermement
attaché à celui de la République,
Revellière-Lépeaux fit dans Île
département de Maine-et-Loire ,
des tournées patriotiques pour tâ-
cher de réunir la population contre
lesennemisextérieursdelaFrance,
et coopéra à la rédaction d’un
journal et à la création d’un club,
qui se maintinrent long-temps
dans la direction qu’il avait tâché
de leur imprimer. Arrivé à la
Convention, il s’y déclara pour
l’incompatibilité de toute espèce
de fonction avec celle de légis-
lateur, et fit adopter, par re-
présailles contre le manifeste
allemand, la rédaction du décret
portant que la nation française
viendrait au secours de tous les
peuples opprimés, qui voudraient
recouvrer leur liberté. Dans le
procès du roi Louis XVI, il vota
pour la mort, contre le sursis et
l'appel au peuple. La Montagne
voulait qu’on statuät séance tie-
nante sur la question de sur-
sis, sous prétexte que l'humanité
exigeait qu’on ne fit pas languir
un condamné; Revellière-Lépeaux
combattit avec force cette proposi-
tion. « Ce n’est pas sans horreur.
» dit-il,que j’entendsinvoquer l’hu-
»manité avec des cris de sang.»
Le mois suivant, il fit paraître dans
la Chronique de Paris, un article
hardi, intitulé le Cromwellisme,
où il signalait claireinent les pro-
jets de Robespierre, et des mem-
bres de la commune de Paris.
Le 10 mars , il réclama sans pou-
voir l'obtenir, l’appel nominal
sur le projet de décrèt qui éta-
blissait le Tribunal révolutionaire,
ét
2 6 REV
afin de constater son opposition à
cette mesure. Le lendemain 14,
pour compléter le triomphe du
parti anarchiste, Danton de-
vait développer une motion ten-
dante à ce que la Convention se
reconnût le droit de prendre le
ministère dans son sein. Une foule
d'hommes de l’aspect le plus hi-
deux encombrait les tribunes et
obstruait les issues de la salle ;
ils étaient armés de piques , de
sabres et de pistolets, profé-
raient des menaces horribles et
tenaient à la main des bouts de
càble eflilés qu’ils disaient trem-
pés dans l’eau-forte, pour laver
la bouche des députés qui par-
leraient contre le peuple. Leschefs
de la Gironde, instruits qu’on
avait le projet de les égorger cha-
cun séparément , dans la nuit du
10 au 11, l’avaient passée réunis
ensemble,etdéterminés à se défen-
dre. Ils s'étaient rendus également
ensemble à la séance, et la con-
sternation la plus profonde ré-
gnait dans la partie saine de l’as-
semblée , lorsque Danton se di-
rigea fièrement vers la tribune
pour développer sa proposition.
Tandis qu'il attendait sur escalier
que le membre qui l’occupait eût
fini son discours, il vit Revel-
lière-Lépeaux qui le suivait pour
prendre rang après lui. Danton,
jetant sur ce faible adversaire un
regard de surprise et de dédain,
lui dit brusquement : Que viens-
tu faire ici? — Te démasquer et
teconfondre, répondit Revellière-
Lépeaux. — Toi? reprit Danton
avec un geste demépris, je te ferais
tourner sur le pouce. —Nous allons
voir. — Mais quitl’a donné tant de
présomption ? dit alors Bernard de
Saintes,quivenaitappuyerDanton.
REV
— J'ai la conscience d’un homme ,
iln'a que l'audace d’un scélerat, vèe-
pliqua Revellière - Lépeaux. Cet
étrange dialogue ne fut entendu
que des députés groupés au pied
de la tribune. Le discours de ’
Danton fut habile et insidieux :
Revellière-Lépeaux lui répondit.
Il aitaqua à ia fois Danton, Ro-
bespierre , le parti de la Com-
mune, et les montra montant à la
tyrannie par une route de sang.
Celte improvisation énergique
reieva les Girondins abaitus ;
l’ordre du jour fut appuyé avec
chaleur ; Danton déclara qu'il
n'avait exprimé que son opinion,
mais qu’il n’avait pas entendu faire
de proposition formelle , et mul-
gré l’obstination de Robespier-
re, qui revint à la charge, la
question préalable fut adoptée et
le dernier triomphe de l'anarchie
fut reculé de quelques jours. Ke-
vellière-Lépeaux appuya la mise
en accusation de Marat et pro-
posa de joindre au décret le nu-
méro de son journal où il de-
mandait un dictateur. Au 91 mui
et au 2 juin , il défendit les mein-
bres de la Gironde, fit une pro-
testation particulière avec Pilastre,
Leclère, et Lemaignan, contre
l’arrestation des 22, déclara qu'il
était prêt à partager le sort de ses
collègues et demanda avec Ver-
gniaud, la convocation des assem-
blées primaires. Chaque jour , de-
puis cette époque , Revellière-
Lépeaux venait à la tribune re-
clamer l'appel nominal , contre
les délibérations de l’assembiée ,
afin de constater son vote. Maïs
cette demande n’était accueillie
que par des vociférations et des
menaces. La majorité voulait que
le procès-verbal portât que toutes
REV
les décisions avaient été prises à
l’unanimité. Ses eflorts pour se
faire entendre au milieu d’un af-
freux tumulte, épuisèrent telle-
ment sa poitrine irritable , que ,
crachant le sang, miné par une
fièvre lente , il ne pouvait monter
l'escalier de la tribune, que sou-
tenu par ses deux amis, Pilastre
et Leclerc ( de Maine-et-Loire ).
Enfin, dans une séance du mois
d'octobre 1793 ; ayant encore:
sa de-
inutilement renouvelé
mande , il déclara que ne pouvant
faire constater son vote au pro-
cés-verbal , il se retirait , et ces-
serait d'assister aux séances, ne
voulant pas qu’on pût croire que
par son vote ou même par son si-
lence , il avait acquiescé aux me-
sures atroces et extravagantes
qu’on adoptait journellement. A
ces mots la Montagne se leva en
masse et lui répondit par le cri :
« Au tribunal révolutionnaire ! —
Ne vous gênez pas, reprit-il; un
crime de plus ou demoinsnedoitpas
par vous coûter beaucoup.» On al-
laitvoter sur la proposition, quand
la voix d’un homme, qui sans doute
voulaitle sauver, s’éleva du milieu
de la Montagne, et fit entendre
ces paroles grossières. « Eh! ne
voyez-vous pas queleb..vacrever!
Il ne vaut pas le coup. — Eh bien!
crève donc tout seul! » criérent
d’autresvoix. Revellière-Lépeaux
sortit, et dès le soir même, le Co-
mité de sureté générale lança con-
tre lui un mandat d'arrêt, aussitôt
converti en mise hors la loi. Pi-
lastre et Leclerc, ayant donné
leur démission après le 2 juin,
furent poursuivis en même temps.
Le premier s’échappa , l’autre fut
arrêté, et ne dut la vie qu’à un
raffinement de barbarie des terro-
REV 257
ristes, qui, voulant assortir leurs
victimes, attendaient pour len-
voyer au supplice, que ses deux
amis fussent saisis. Revellièré-Lé-
peaux trouva un premier refuge
à l’ermitage de Sainte-Radegonde,
dans la forêt de Montmorency.
C’est là que le courageux Bosc,
aujourd'hui professeur au Jardin
. du Roi, avait, étant proscrit lui-
même, accueilli beaucoup d’au-
tres proscrits, avec ce dévoue-
ment généreux dont il donna la
preuve ,; en accompagnant ses
amis de la Gironde jusqu’au pied de
léchafaud.
Dès les premières séances de
l’Assemblée constituante , Re-
vellière - Lépeaux s’était lié in-
timement avec un vieillard res-
pectable, député de Péronne ,
et nommé de Buire. Lorsqu'ils se
séparèrent, à la fin de leurs travaux
législatifs, cet homme de bien lui
dit : « De grands boulerersemens
se préparent ; je Connaiston cou-
rage : tu seras proscrit; promets-
moi de venir chercherun asile chez
moi, ou renonce pour toujours à
mon amitié. Revellière-Lépeaux
promit : il était depuis quinze jours
à Sainte-Radegonde, lorsque son
vieil ami ayant découvert sa re-
traite, le fit sommer de remplir
sa promesse. Sans argent, sans
habits, Revellière-Lépeaux quitta
la forêt de Montmorency , et mit
près de quinze jours à se rendre
au village de Buire , situé deux
lieues au delà de Péronne. El n’y
arriva qu'après avoir échappé plu-
sieurs fois, comme par miracle,
aux proscripteurs. Ce fut là que
pendant une année entiere , M: et
M°* de Buire exposèrent leurstêtes
pour le sauver. M. de Buire , an-
cien militaire, était à cheval jour
K2
298 REV
et nuit. À la tête de quelques
centaines de paysans, il tenait en
respect par des manœuvres ha-
biles, les forces autrichiennes qui
couvraient les districts de Cam-
bray et de Saint-Quentin, et tan-
dis que des greniers de son châ-
leau on apercevait chaque soir ,
à l’horizon, la lueur sinistre des
villages incendiés par l’ennemi,
le district de Péronne fut constam-
ment garanti de ces ravages. Plu-
sieurs fois Revellière - Lépeaux
voulut quitter sesvénérables amis.
Mais sa fuite les aurait compro-
mis peut-être plus encore que son
séjour. Cependant il était dans la
plus cruelle incertitude sur le sort
de sa femme et de sa fille, qui,
réfugiées dans les murs d'Angers,
assiégé par les Vendéens, étaient
sans cesse menacées de la prison
ct de la mort, par les terroristes
et par les insurgés. La chute de
Robespierre leur permit enfin de
se réunir à Paris , mais dans le
plus complet dénuement. La mai-
son qu'ils venaient de bâtir au
moment de la Révolution, avait
été réduite en cendre par les Ven-
déens, qui occupaient leurs pro-
priétés rayagées. Revellière-Lé-
peaux cherchait les moyens de
donner du pain à sa famike , lors-
qu’au mois de mars 1795, sur la
motion de Thibault (du Cantal), il
fut rappelé dans la Convention,
où il n’avait pas été remplacé. Le
décret fut porté au milieu des plus
vifs applaudissemens ( Moniteur ,
an III. n°71 ). Lors de la rentrée
des proscrits, il y eut dans l’assem-
blée un mouvement de réaction.
On demanda la mise hors la loi de
l'ancien président du Comité de
sûreté générale , qui s'était
soustrait par la fuite au mandat
REV
d'arrêt décerné contre lui. Re-
vellière-Lépeaux s’y opposa avec
succès. Appelé à la Commission
des onze, il fut à même d’ap-
précier les rares talens que le sage
Daunou y déploya; il n’en parlait
jamais sans admiration , et lui
voua depuis cette époque, une es-
time et une amitié qui n’éprou-
vérent jamais d’altération. Chargé
de soutenir diverses parties du
plan de constitution de Pan ITE, il
rappela à plusieurs reprises, à la
Convention , qu’elle n’avait été
convoquée que pour donner une
constitution à la France, et com-
battit avec une égale vigueur ;
les royalistes des sections et les
anarchistes , qui voulaient pro-
longer la dictature de l’assem-
blée , pour ressaisir le pouvoir
que le 9 thermidor leur avait ar-
raché. Les restes du parti de Dan-
ton s’étaient réunis aux royalistes:
mais s’élant aperçus que dès l’ins-
tantqu’onavail cru pouvoir se pas-
ser d'eux, on les traitaitavec mé-
pris , ils essayèrent de se relever
tous seuls ; en s’opposant à la
mise en activité de la constitution
qui venait d’être décretée. Leur
première démarche fut de deman-
der, en comité secret, la mise en
accusation de Lanjuinais, Boissy-
d’Anglas, et quelques autres. Re-
vellière-Lépeaux les défendit avec
force, attaqua. corps à corps les
anarchistes, et leur tentative
échoua. Revellière-Lépeaux fut
l’un des derniers présidens de la
Convention. Nommé membre du
Conseil des Anciens, et à l’una-
nimité, président de ce Conseil,
il y ramena l’ordre et la dé-
cence,bannis depuis silong-temps
des débats législatifs. Porté le
premier, à une grande majorité ,
REV
sur la liste des candidats au Di-
rectoire, par le Conseil des Cinq-
Cents, il obtint dans le Conseil
des Anciens,216 suffrages sur 218
yotans.
L’etat de la France était affreux,
quand le Directoire s’instalia. Les
caisses et les greniers étaient égale-
ment vides, et cependant le gou-
vernement était chargé de nourrir
toutes les grandes vilies. On impri-
mait la nuit les assignats , qui, en-
core humides, devaient solder les
dépenses du lendemain. Une pièce
desTuileries était remplie jusqu’au
plafond , de dépêches adressées
des armées, de l'étranger, des dé-
partemens,;aux comités de la Con-
vention, et quin’avaient jamaisété
ouvertes. Lefilde l'administration
était rompu et la dissolution com-
plète. Ce fut dans cet état de
choses, que par une froide ma-
tinée d'automne, les quatre pre-
miers Directeurs se réunirent
dans une chambre démeublée du
Luxembourg, n’ayant qu’une peti-
te table boiteuse, quelques chaises,
un Cahier de papier à lettre, un
cornet à encre et quelque bûches
empruntées au concierge. Ils sur-
montèrent cependant leur pro-
fond découragement, et annoncè-
rent aux deux Conseils que le Di-
rectoire - Exécutif était constitué.
L’eflet de cette nouvelle fut im-
mense : la France avait enfin un
gouvernement. Au bout d’un an
l’abondance était revenue, le nu-
méraire avait remplacé le papier,
et l’administration marchait. Mais
il faut dire que pendant les six
premiers mois de l’existence du
nouveau gouvernement , les di-
recteurs entraient tous les jours au
conseil, à huit heures du matin,
etn'’ensortaient qu’à quatre heures
REV 259
après midi; qu'ils y rentraient à
huit heures du soir, et ne se sé-
paraient souvent qu’à quatre heu-
res du matin. Touslescollègues de
Revellière-Lépeaux , quoique ro-
bustes , éprouvèrent successive-
vement des maladies graves ; lui
seul, faible et maladif, se sou-
tint toujours. Quand le résultat
des élections de l’an V eutintroduit
dans les Conseils , une majorité
royaliste, la majorité du Direc-
toire annonça franchement sa ré-
solution de soutenir le système
républicain contre le Corps-Lé-
gislatif. Revellière-Lépeaux, alors
président du Directoire, fit pres-
sentir clairement les événemens
du 18 fructidor, dans une répon-
se au général Bernadotte ; qui
présentait les drapeaux conquis
par l’armée d'Italie. Souvent
dans ses entrevues avec les mem-
bres du parti de Ciichi, il leur
avait déclaré que le Directoire les
renverserait, la veille du jour où
ils voudraient eux-mêmes ren-
verser la République. Il eut été
facile de donner à cette mesure
violente l'apparence d’une émeute
populaire, en faisant soulever les
faubourgs. Mais Revellière -Lé-
peaux se refusa toujours à ce
moyen. On lit dans les Mémoires
sur M. Suard, par M. Garat, que
M. Rewbell etRevellière-Lépeaux
abandonnèrent la dictature à Bar-
ras, dans la nuit du 17 au 18, et
s’enfermerent dans leurs appar-
temens. Rien n'est plus inexact.
Les trois Directeurs furent assem-
blés toute la nuit et ne cessèrent
de délibérer et d’agir en commun.
Après cette révolution, les chefs
de la nouvelle majorité des Con-
seils auraient voulu faire décré-
ter une prolongation de pouvoir
360 REV.
des membres du Directoire et du
Corps-Législatif. Revellière - Lé-
peaux opposa à ce plan une ré-
sistance énergique : il fut aban-
donné.
Lors de la création de l’Insti-
tut, Revellière-Lépeaux avait été
nommé membre de la classe des
sciences morales et politiques, par
le premier tiers de ce corps savant.
Quelque temps avant le 18 fructi-
dor, il lut à ses collègues un écrit
intitulé : Réflexions sur le culte,
les cérémonies civiles et les fêtes
nationales. y manifestait un éloi-
gnement prononcé pour les doc-
irines de ancien clergé dominant,
qu’il considérait comme entière-
ment incompatibles avec le sys-
tème républicain. Mais enrenver-
sant le sacerdoce, la démagogie n’a-
vait rien mis à sa place. Convaincu
que l’absence d'idées religieuses
devaitramenerle peuple, parl’ou-
bli des lois morales, aux excès de
la superstition, Revellière - Lé-
peaux pensait qu’un culte simple,
n’admettant pour dogmes que
l'existence de Dieu et l’immorta-
lité de l’îme, devait rallier à ces
bases essentielles de la morale
ceux que l’exaltation et la licence
révoiutionaire en avaient éloi-
gnés , sans exclure ceux qui, atta-
chés à des systèmes religieux plus
compliqués, ne pouvaient mé-
connaître dans celui-ci,le principe
commun de leurs croyances di-
verses, Ï1 aurait voulu que les
actes d’où naissent les liens des
familles, fussent célébrés avec
une solennité que repoussaient
les habitudes démagogiques, et
qu’ordonnées dans le même sens,
les fêtes publiques complétassent
l'ensemble des institutions mo-
rales de Ja nation, Ces idées
REV
firent quelque sensation dans le
public, mais ne convinrent ni
aux royalistes, ni aux anarchis-
tes. Elles donnèrent naissance à
une association connue sous le
nom de T'héophilanthropie, et dont
le frère du célèbre minéralogiste
Haüy paraît avoir été le véritable
fondateur. Cette secte fut adop-
tée par des hommes de diverses
nuances d'opinion, tels que Du-
pont de Nemours, Lecoulteux de
Canteleu , Goupil de Préfeln, etc.
Revellière-Lépeaux la considérait
comme une louable entreprise ;
mais il se borna à l’approuver,
sentant bien que toute coopération
du gouvernement lui serait nui-
sible. Ce n’était pas là le compte
de l'esprit de parti. Il lui fallait
un prétexte pour déchirer un
homme qui n’avait jamais varié,
et dont on ne pouvait attaquer la
probité. Aussi, quoique ni lui ni
personne de sa famille n’assistât
jamais aux réunions des thécphi-
lanthropes , on imagina de l'en
créer grand-prêtre , pape même ;
et, comme la passion ne recule
devant aucune absurdité, on lui
prêta le projet de parvenir par
cette voie, au pouvoir suprème.
Le ridicule s'empare aisément
des pensées graves, surtout en
France, où les usages monar-
chiques avaient enraciné l’habi-
tude de la frivolité. Bonaparte,
qui connaissait si profondément le
mauvais côté de la nature hu-
maine, dans les nations comme
dans les individus, tira plus tard,
de ces calomnies , un parti admi-
rable, pour dépopulariser un
homme qu’il détestait.
Lors de la crise du 50 prairial,
dont les suites fürent aussi impor-
tantes que les détails en sont peu
REV
connus, Revellière-Lépeaux fut
sollicité par beaucoup de membres
des Conseils, de donner sa démis-
sion, une plus longue résistance
devant, selon eux, être le sigual
d’une insurrection et d’un mas- ”
sacre. Il accorda à leurs prières
ce qu’ilavait refusé aux menaces,
et se retira dans une petite maison
de campagne qu’il avait à Andilly.
Les anarchistes, mis en avant par
un parti plus puissant et plus ha-
bile, qui préparait déjà le règne
de Bonaparte, adressèrent aux
Conseils de nombreuses dénoncia-
tions contre la majorité du Direc-
toire abattu; le club des Jacebins
fut rouvert; leJournal des Hommes
libres reparut, etles attaques les
plus violentes furent chaque jour
dirigées contre ceux qu’on appelait
les triumvirs. On voulait obtenir
de Revellière-Lépeaux qu’it sépa-
rât sa cause de celle de ses col-
lègues. IL s’y refusa constamment
et fit aux dénonciations une ré-
ponse vigoureuse, où on lit cette
phrase, que les faits n’ont pas dé-
mentie: «Dansaucunecirconstance
de ma vie,jene plierai mon langage
etmesactions au gré des partis, ni
pour obtenir leurs faveurs, nipour
sauver matête.» Les dénonciations
furent rejetées par le Conseil des
Cinq-cents.
Rentré, à cette époque, dans la
vie privée, Revellière-Lépeaux
continua d'assister assidûment aux
séances de l’Institut , où il lut
des Recherches historiques et stalis-
tiques sur la Vendée. Le défaut de
fortune l’obligea bientôt de se dé-
faire de sa maison d’Andilly et de
ses livres. Le premier Consul
l'ayant fait presser par divers in-
termédiaires, de paraître‘aux Tui-
leries, il lui fit répondre que, s’il
REV 261
avait le désir de le revoir, il sa-
vait qu’on était bien recu chez lui.
Le premier Consul ayant alors pris
un arrêté général pour fermer les
temples desThéophilanthropes, en
prit un spécial, pour ordonner la
clôture deceluid’Angers,où iln’en
avait jamais existé, manière indi-
recte,mais pourtant officieile,din-
diquer Revellière-Lépeaux comme
chef de cette secte si décriée.
Quand la France redevint mo-
narchie, l’Institut, comme tous
les autres corps, fut appelé à
prêter serment de fidélité à l'Em-
pereur. Deux collègues de Revel-
lière-Lépeaux étant venus lui de-
mander son avis et savoir ce qu’il
comptait faire : « Un conseil dan-
gereux, leur dit-il, je le prends
volontiers pour moi, mais jamais
nele donne à personne.» Révellière
Lépeaux ne s'étant pas présenté,
recut aussitôt du ministre de l’in-
térieur, une lettre close, qui lui
indiquait de par L Empereur,le jour
et l’heure où lon recevrait son
serment, avec injonction de se
présenter, et de renvoyer, signée
de lui, la formule jointe à la lettre.
Revellière-Lépeaux refusa d’ob-
tempérer à cet ordre, et quelque
temps après, il partit avec sa fa-
mille , pour une petite propriété
qu’il venait d'acheter, en Sologne,
aux environs d'Orléans. Cette con-
duite ne plut pas aux Tuileries, et
ses amis lui témoignant de vives
craintes sur les suites qu’elle pou-
vait avoir, Revellière - Lépeaux
leur dit : « Il peut me briser, caril
est fort et je suis faible ; mais il est
une chose au-dessus de sa puis-
sance : c’est de me faire plier. »
L'Empereur fit donner ayis, par
le ministre de l’intérieur, à la
classe où siégeait Revellière-Lé-
262 REV
peaux, de pourvoir à son rem-
placement, sur l'annonce qu’il
donnait de sa démission. Mais on
se garda bien de mettre sous les
yeux de la classe la lettre de Re-
vellière-Lépeauxau ministre. Dau-
nou, Ginguené, Camus et même
Pastoret, Quatremère de Quincy
et quelques autres membres de
leur opinion, s’opposèrent forte-
ment au remplacement, auquel
ils soutenaient qu’on ne pouvait
procéder sur la simple annonce
d’une démission, dont on n’ap-
portait pas la preuve authentique.
Cependant lantiquaire Visconti
fut choisi peur son successeur.
Revellière-Lépeaux eut dans sa
retraite, la satisfaction de voir ses
sentimens partagés par sa femme.
Elle avait approuvé sa conduite,
etjamais ni elle ni sa fille n’expri-
mèrent le moindre chagrin de lé-
tat de gêne, où les réduisait la
rivation du modique traitement
de l’Institut. L'éducation de leur
fils fut leur occupation et l’histoire
naturelle leur délassement. L’a-
mitié vint aussi embellir cet asile
où ils eurent le bonheur de rece-
voir plusieurs fois le vénérable de
Buire, qu'ils regardaient comme
leur second père, leurs amis de
l’ouest et quelques-uns de Paris,
tels que le sénateur Lambretchs.
Le poëte Ducis vint passer trois
étés avec eux, et composa, dans
les tristes bruyères de la Sologne,
sa belle épiître à Gérard. On re-
trouve, dans sa correspondance
avec Revellière-Lépeaux, cette
chaleur d'âme qui caractérisait sa
conversation et ses écrits : il lui
écrivait, le 3 septembre 1806 (1):
ER CO EEEEN
(1) Ces lettres de Ducis sont pu-
blices ici, pour la première fois.
REV
— «..Toutle monde, à Versailles,
» nous à fait des complimens sur
» notre santé. Effectivement, nous
»nous portons à merveille. Nous
»avons, ma sœur et moi, mené
»une vie si douce, si heureuse,
»si parfaitement libre, avec vous
» et votre charmante famille, que,
»si nous eussions apporté à la
» Rousselière, la moindre impres-
»sion de chagrin, l’air de votre
» maison et votre compagnie nous
»auraient guéris. J’aisous les yeux
»et M Lépeaux et votre chère
» Antigone, dite Clémentine, et
» le petit Ossian. Toutes ces douces
»images nous ramènent près de
» vous. Je me promène dans l’en-
»ceinte des souvenirs, sur le bord
» des eaux, au milieu des fleurs et
» de ces peupliers chargés de noms
» qui vous sont chers. Je me dis
»avec attendrissement et recon-
» naissance : « Et moi, j'y ai le
»mien aussi. » — Ma sœur, de
»son côté, ne peut parler sans
» émotion de nos bons hôtes et de
»cette terre de calme et de bon-
»heur, où elle s’est trouvée tout
»à coup, si à son aise. Une idée
» consolante pour nous, c’est que,
»comme mari et comme père;
» vous êtes sûrement le plus heu-
»reux des hommes,et ce sont là
»proprement les plus précieux
» dons du ciel. Tout ce que je dé-
»sire, du fond de mon cœur, mon
» cher et vénérable ami, c’est qu'il
» exauce vos yœux,si naturels et si
»modestes, que je connais; et
» que je puisse voir votre âme sa-
» tisfaite sur le bonheur des chers
»objets de votre affection. Car,
» pour vous, qu’avez-vous à dési-
» rer, puisque vous êtes si loin de
»l’orgueil et de toute ambition ?
» Oui, mon cher ami, tout le bon-
REV
» heur que je me souhaite , dans
» mes principes, je vous le souhaite
»à vous-même et à ces autres
»xous-mêmes. En sortant de votre
» désert, si j'avais été condamné
» par le devoir, à vivre dans le
» monde, je serais tombé dans la
» mélancolie du désespoir. »
«(2 novembre 1805). . . . . .
»Je ne puis, quand je vous lis
»ou que je vous entends, mon
» cher ami , ne pas me sentir de la
» douceur et de la fermeté extrème
»de votre âme, sur laquelle la
» justice et la raison règnent avec
» force, et sans violence. Il me
» semble que j'en vaux mieux, et
»ce qui metouche et me charme,
»me profite. Comment puis-je
»trop vous remercier de l’aiten-
»tion que vous avez eue de me
»donner des nouvelles de l’heu-
»reuse arrivée de votre voyage,
» presqu’en rentrant dans le sein
» de votre famille ! c’est m’y ad-
»mettre moi-même. Mais c’est
»déjà fait par la confiance dont
»vous m'honorez. . .
D, «
. . Si la Providence ne
» vous à pas comblé des biens de
»la fortune, elle vous a donné,
» en revanche, les plus douces et
» les plus profondes jouissances de
» la nature. »
« (11 septembre 1807.) Je ne
»vous remercie pas, mon cher
“hôte, de la réception que vous
» nous avez faite. Nous y comp-
»tions. Nous n’avons eu qu’à en
»jouir,sans surprise et tout bonne-
»ment. Les bonnes choses sont si
» simples ! Elles ne coûtent rien.
» Voilà pourquoi le bon sens est
»si rare et pourquoi, dans les af-
» faires des nations et des empires,
s le point de maturité est si difli-
»cile à saisir et nous échappe si
REV 263
» souvent. Que d’effets deviennent
» causes ! quelle chaîne que celle
» des réactions ! Mais il existe, au
» milieu de tant de renversemens,
» de renaissances et de débris, un
» point pour la probité et la con-
» science. C’est là que la liberté se
»réfugie. Vous savez, mon cher
» ami , depuis long-temps où j'ai
» placé la micnne. C’est là que je
» voudrais que fussent logées toutes
»les âmes qui ressemblent à la
» vôtre. Ma sœur n’oubliera jamais
» l’intérieur de votre famille. Nous
» assistons à vos pensées, à vos
»mouvemens, COMME NOUS avons
» assisté à vos déjeuners et à vos
» diners de famille, en Sologne.
» En vous disant adieu , mon cher
set digne ami, en vous embras-
» sant , je vous ai souhaité tout ce
» que je souhaitais à mon cher ami
» Thomas, qui a si bien peint l’âme
» de Marc-Aurèle, Ce que je lui
» souhaitais intérieurement lui est
»arrivé, en mourant. J’en remer-
»cie Dieu tous les jours. Car
» j'aime mes amis pour jamais et
» pour l’éternité. Comment puis-je
»vous aimer autrement que ma
» femme , mes enfans , tout ce que
»j'ai eu de plus cher au monde ?
» Adieu, mon cher ami; tous les
» honnêtes gens vous aimeront. Je
» me rappelle toujours de quelle
»manière votre âme a frappé et
» appelé la mienne. . . . .
. . . . 2 . .
» (28 juillet 1810). Vous avez
» donc songé, très-cher ami, dans
»notre pauvre et bonne Savoye,
»que c’est ma véritable patrie, le
» lieu de la naissance de mon père
»et de tous mes ancêtres. Saint
» Paul disait de lui : Hæbreus ex
» Hæbreis ; et moi, je dis de moi :
264
» Allobroz ex Allobrogibus. Le
»haut Mont-Blanc a couvert nos
»humbles berceaux de sa taille
» gigantesque. IIme semble qu’il
»existe, dans mon âme, des sou-
»venirs confus et égarés, d’une
» nature sauvage et bonne, et que
»toutes ces montagnes et moi
» nous sommes de connaissance.
»Je ne doute pas, mon cher et
» excellent ami, que dans la Ven-
»dée, qui vous à vu naître, s’il
»m'eût été permis d’y voyager,
»je n’y eusse rencontré votre âme
»et votre caractère. J’y aurais re-
» marqué vos mœurs et votre cou-
»rage sans faste et inébranlable,
»et la mélancolique et profonde
» sensibilité de M" de La Revel-
»lière , qui est le trait principal de
» physionomie, dans votre famille.
» Il y a de cela dans la mienne...
» C’est avec la plus particulière
» vénération et la plus tendre affec-
» tion que je vous embrasse, . . .»
En 1809, M. et M"° Revellière
Lépeaux, obligés de retourner à
Paris pour achever l’éducation de
leur fils, vinrent habiter près du
Jardin des plantes. Ils avaient
dans chacun des membres de la
respectable famille Thouin, des
amis de trente ans. En 1810, ils
firent une tournée dans les Alpes
pour la santé de leur fille, qu’ils
eurent la satisfaction de marier
l’année suivante, avecun de leurs
parens, qui venait de perdre la
place de commissaire-général de
police à Lyon, dans laquelle il
s'était acquis l’estime publique.
Peu de temps avant la disgrâce du
duc d’Otrante, l'Empereur avait
fait offrir à M. Revellière-Lépeaux
une pension, dont on le laissait
libre de fixer le taux. On exigeait
seulement,qu’il en fit la demande.
REV
REV
M. Revellière-Lépeaux pria l’ami
qu’on avait chargé de cette com-
munication de répondre en son
nom, que n'ayant pas servi le
gouvernement impérial, il n’a-
vait aucun droit à ses faveurs. —.
«J'aime mieux, ajouta-t-il en lui
» serrant la main, élever mon fils
»et doter ma fille du fruit de mes
»privations que de celui de mon
»déshonneur.»— «Voilà, répondit
«M. G*****, la réponse que j’atten-
«dais de vous. » Ge fut la dernière
fois que M. Revellière-Lépeaux se
trouva en rapportavecle pouvoir.
Il continua depuis cette époque,
à mener une vie paisible et retirée.
Lors de la seconde invasion, la
maison de campagne de son gen-
dre, avec lequel il habitait, fut
abandonnée auxtroupesalliées, et
M. Revellière-Lépeaux perditdes
lettres de Bonaparte, et d’autres
papiers intéressans. N’ayant
rempli pendant les Cent jours,
aucune fonction publique , il ne
fut point atteint par la loi d’am-
nistie. Néanmoins, en 1816, il-
reçut la visite d’un agent de po-
lice, qui lui annonça qu’on s’é-
tonnait de le voirtoujours à Paris;
il répondit qu'aucune loi ne le
forçait d’en sortir, et sur cette
observation, l’agent de police se
retira. Chaque année, il allait
passer deux mois dans l’ouest,
pour recueillir les revenus de ses
pelites propriétés, et visiter ses
parens et ses amis. Il avait con-
servé pour sa terre natale et pour
ses compatriotes un attachement
profond, et vécut toujours avec
sa sœur ,; dans la plus tendre inti-
mité, malgré l’opposition de leurs
principes politiques et religieux.
En 1819, M. Revellière-Lé-
peaux entreprit de dicter à son fils
REV
les mémoires de sa vie politique
et privée. Il termina en 1823, ce
travail , dont un double existe aux
Etats-Unis d'Amérique, entre les
mains d’un ami, et que son fils,
d’après ses intentions, ne doit pu-
blier qu’à une époque encore éloi-
gnée. Bonaparte lui légua un der-
nier témoignage de sahaine,
dans un récit qu’on lit dans le
Mémorial de Sainte-Hélène. Per-
sonne autant que Bonaparte n’a
eu l’art de déguiser la passion
sous les dehors d’une feinte indif-
férence, en mêlant habilement
quelqueséloges sans conséquence,
aux traits qui décolorent le carac-
tère de son ennemi. Mais dans ce
passage, ce qu’il tait et ce qu’il
raconte décèlent ses véritables
sentimens. Il rapporte les détails
d’un diner de famille qui n’eut
jamais lieu , et d’un sermon théo-
philanthropique de M. Revellière-
Lépeaux, qui n’eut jamaisl’incon-
séquence de lui parler d’idées re-
ligieuses d'aucune espèce, tandis
qu'il glisse sur cette résistance à
son pouvoir , qu'il ne put jamais
lui pardonner.
Atteint au mois de décembre
1823 ,; d’une affection chronique
de la poitrine , M. Revellière-Lé-
peaux y succomba, au printemps
de 1824, au moment où on l’en
croyait guéri. Il s’éteignit à l’âge
de 70 ans et demi, le 27 mars, à
5 heures du matin, sans agonie
et presque sans douleur. Le calme
de sa raison et la fermeté de son
caracière n’éprouvèrent pas un
instant d’altération. Le 29, ses
amis Conduisirent au cimetière du
Père la Chaise ses restes mortels,
qui furent déposés en silence, non
loin de l’obélisque de Masséna.
Le portrait de Revellière-J£-
REV 265
peaux a été peint par Gérard, il y
a vingt-cinq ans environ; et le sta-
tuaire David a reprodait, en 1823,
avec une fidélité parfaite, ses
traits dont les artistes n'étaient
pas les seuls à reconnaitre l’ex-
pression , à la fois, ferme et
douce. N. E. X.
Liste des ouvrages
dé L. M. Revellière-Lépeaux.
I. Réflexions sur le culte, sur les
cérémonies civileset sur les fêtes na-
tionales ; lues à l’Institut, le12 flo-
réal an V de la République, dans
la séance de la classe des sciences
morales et politiques. Paris ; Jan-
sen, l’an cinquième ; in-8, de
quarante-cinq pages. —Traduit en
allemand. 1597, in-8.
II. Essai sur les moyens de faire
participer l’universalité des specta-
teurs à tout ce qui se pratique dans
Les fêtes nationales ; lu à la classe
des sciences morales et politiques
de l’Institut national de France,
dans la séance du vingt-deux ven-
démiaire an sixième. Paris, Jan-
sen ; an sixième ; in-8 , de vingt-
six pages.
IL. Discours prononcé par L.
M. Revellière-Lépeaux , président
du Directoireexécutif , à la fête de
la République, le premier vendé-
miaire an VI, in-8.
IV. Discours prononcé à la céré-
monie funèbre exéculée en mémoire
du général Hoche, au champ de
Mars, le 10 vendémiaire an NI,
par L.M. Revellière-Lépeaux, pré-
sident du Directoire exécutif. Im-
primerie de Lemaire , in-8.
Ces deux opuscules réunis ne
forment que 16 pages.
V. Du Panthéon et d’un théâtre
national. Paris, imprimerie de
266 RIC
- Jansen, frimaire, an sixième;
in-8,de quinze pages. —Desexem-
plaires de ces cinq opuscules ont
été réunis , avec un frontispice
imprimé ; qui porte : Opuscules
moraux de L.M.Revellière-Lépeaux
et de J. B. Leclerc.
VI. Des Dangers de la Résolution
proposée sur l’enceinte des deux
Conseils. Paris , nivose an VI, im-
primerie de Gareau, in-8, de
vingt-deux pages (anonyme ).
L'auteur combat le projet d’at-
tribuer à des commissions d’in-
specteurs, la police de l'enceinte
des conseils législatifs établis par
la constitution de l’an IIT, et de
déterminer légalement les limites
de cette enceinte.
VII. Aucitoyen Texier-Olivier ,
membre du Conseil des Cing-cents.
Signé, N. E. Lacour , rue N. D.
Nazareth.
C’est une justification du sys-
tème suivi par le Directoire,
contre le parti démocratique, sys-
ième qu’un député d’Indre-et-
Loire avait critiqué, dans un écrit
adressé au directeur Merlin.
VIIE. Réponse de L.M.Reveillère-
Lépeaux, aux dénonciations portées
au Corps-Législatif, contre lui et
ses anciens collègues. 15 thermidor
an VII] (1799), imprimerie de
Jansen ; in-8, de quatre-vingt-
onze pages.
Revellière-Lépeaux a donné un
petit nombre d'articles dans les
journaux , et quelques morceaux
dans les cahiers de la ci-devant
Académie celtique, entre autres,
un Essai sur le patois vendéen.
RICHEBOURG ( Gizzes-Por-
cHer de Lissonay, comte de), pair
de France, naquit à la Châtre,
en Berry, en 1755. Il étudia d’a-
RIC
bord pour être médecin ; mais les
premières élections populaires de
Ja Révolution le firent maire de sa
ville natale ; ensuite il fut nommé
commissaire du Roi près le tribu-
nal de son district , et, en sep-
tembre 1791, député suppléant
du département de l’fndre à la
première législature ;, où il ne prit
point séance. Enfin , en septembre
1702 , il fut élu député titulaire à
la Convention nationale. Il y vota
la détention de Louis XVI, son
bannissement à la paix, pour l’ap-
pel au peuple et pour le sursis;
c'est-à-dire , dans toutes les ques-
tions de ce fameux procès, pour
l'opinion la plus humaine et par
conséquent la plus juste. Jus-
qu’au 9 thermidor, M. de Ri-
chebourg observa un silence cir-
conspect, que justifie l’impos-
sibilité de faire le bien et souvent
même d'empêcher le mal. Depuis
ceile dernière époque, il fut tou-
jours employé avec beaucoup
d'activité, tant au comité de le-
gislation, au nom duquel il fit
de fréquens rapports, que dans
les départemens , où il fit préva-
loir le retour aux principes d’or-
dre et de justice. C’est sur son
rapport, que le fameux tribunal
révolutionnaire fut définitivement
supprimé. Entré au Conseil des
Anciens, par l'élection des deux
départemens qui formaient l’an-
cienne province du Berry ( Indre
et Cher ), Porcher, quoiqu'alors
attaché au système républicain,
ne balança pas néanmoins, en di-
versesoccasions, d’appuyer toutes
les mesures tendantes à réparer
les bouleversemens funestes aux-
quels on venait à peine d’échap-
per. C’est ainsi que le 29 novem-
bre 1796, il s’eflorca, quoique
-RIC
vainement, de faire rejeter, au
nom de la majorité d’une com-
mission dont il était rapporteur ,
une résolution qui déclarait expi-
rées les fonctions des membres
des tribunaux criminels élus en
1505, et qui autorisait le Direc-
toire à les remplacer. Ce rapport
qui n’eut point de résultat, fut
réimprimé ettrès-répandu dans le
midi de la France, où la mesure
qu’il combattait contrariait vive-
ment l'opinion publique, et valut
à son auteur d’être réélu député
au Conseil des Anciens par le dé-
partement du Gard. Mais le 18
fruæidor ayant donné au Direc-
toire une influence illégale et
sans limite, l’élection de M. Por-
cher fut annulée. 11 devint alors
membre de la commission admi-
nistrative des hospices civils de
Paris ; il y eut des démêlés avec
les médecins de l’'Hôtel-Dieu, qui
éclatèrent avec bruit dans les
feuilles publiques, et amenèrent
enfin sa révocation, au mois d’a-
vril1799. Mais à la même époque,
le département de l’Indre le réélut
député au Conseil des Anciens. Il
s’y prononga en faveur de la ré-
volution de Saint-Cloud, devint
membre de la commission inter-
médiaire du Conseil , et passa de
là, au Sénat-Conservateur. Il se
trouvait secrétaire de ce corps à
l'époque des grands événemens
de 1814, et signa en cette qualité,
l'acte de déchéance de Napoléon.
Il entra ensuite à la Chambre des
Pairs, et ne fut point appelé à
celle des Cent-jours. Dansle procès
du maréchal Ney, M. de Riche-
bourg fut au nombre des quatorze
juges qui ne votèrent point la
mort , mais simplement la peine
de la déportation. Depuis, il vota
ROU 267
constamment avec le parti consti-
tutionnel. Il mourut le 10 avril
1824, âgé de soixante-dix ans.
—M. le comte Boissy d’Anglas a
prononcé l’éloge de son collègue,
à la tribune de la Chambre des
Pairs (Monileur du 4 août 1824).
— M. de Richebourg a laissé un
fils, qui après avoir compté hono-
rablement parmi les rangs de l’ar-
mée française, marche à Ja
Chambre des Pairs, sur les traces
de son père. — On a réimprimeé,
en 1816 ( nous ignorons pour
quel motif), Rapport fait à la
Convention nationale, au nom de son
comité de législation, sur les diffé-
rens mandats qni ont été décernés
par le comité de surveillance des
étrangers, de la section de l'Unité ;
par G. Porcher ; dépulé par le dé-
partement de l Indre; 26 mai 1595,
imprimé par ordre du comité de
législation. Paris , imprimerie de
Ch. Baudouin.
ROUZET ( François - LÉON), :
médecin, naquit à Toulouse, le 12
septembre 1795. Il était neveu du
conyentionnel Rouzet, depuis
comte de Folmon, auquel nous
avons consacré un article (An-
nuaire Nécrologique de 1820,
page 196) (1). Léon Rouzet fut
(1) Nous croyons devoir profiter de
cette occasion pour donner ici , d’après
la Bibliographie de la France(pag. 364
de 1823), rédigée par M. Beuchot , des
détails bibliographiques sur Rouzet de
Folmon , qui ne nous furent pas con-
nus à l'époque de la rédaction de son
article. Voici les écrits que lui attri-
bue M. Beuchot.
« I. Un ouvrage sur les domaines de
la Couronne, imprimé à l’époque de
la première assemblée des notables. —
Je ne connais cet ouvrage que d'après
308 ROU
l’unique enfant d’un famille ob-
secure et pauvre. Fortjeune encore,
il eut le malheur de perdre ses
parens, et c’est à un ami de sa
famille qu'il dut de recevoir le
bienfait de l'éducation. Il étudiait
en médecine, lorsque l’imminence
de la conscription militaire, le
détermina à solliciter Femploi de
chirurgien -aide-major. En cette
qualité , il fit honorablement les
campagnes de 1812 et1815. Après
la paix de 1814, Léon Rouzet
voulut régulariser ses études mé-
dicales , et il vint prendre le bon-
net de docteur à Montpellier, en
1818. C’est à cette occasion qu’il
présenta à la Faculté de médecine
ce qui enest dit: page3, du n. lil, ci-
après.
» Il. Explication de lénigme du
roman ( de M. de Montjoye ) entitulé :
Histoire de la Conjuration de Louis-
Philippe-Joseph d'Orléans à Féridis-
théal. (Paris, Barrois l’ainé, sans date)
4 vol. in-8.
» III. Analyse de la conduite d'un
des membres de la célèbre Convention
nationale. Paris, Pillet aîné, 1814;
in-8 , de 12 pages. — anonyme.
» Ce membre de la célèbre Conven-
tion , poursuit toujours M. Beuchot ,
est Rouzet lui-même; et je n’hésite
pas à le croire auteur de cette apolo-
gie. Lui seul pouvait donner les détails
qu'elle contient. Comme César, dans
ses Commentaires , c'est à la troisième
personne qu'il parle de lui. Le plus
souvent 1l y écrit son nom Âozet,
erreur trop forte pour ne pas être vo-
lontaire , et qui n'a peut-être été faite
que pour détourner toute idée de
coopération de la part de Rouzet. »
On peut ajouter à ces trois écrits,
d'après la France littéraire de Ersch
(tom. IIT, pag. 200), Opinion con-
cernant Le. jugement de Louis XVI.
Séance du 15novembre 17592. Imprimée
par ordre de la Convention nationale.
1792, in-$.
ROU
de cette ville, ses Recherches sur
le Cancer (1). Sa thèse était un
résumé de toutes les connaissances
acquises sur ce genre de maladie,
et devint par son mérite, comme
par son étendue, un ouvrage bien
fait. Presqu’à la même époque , il
obtenait au concours, [a place de
chef de clinique à la faculté de
Montpellier, et une médaille
proposée par la société de méde-
cine pratique de la même ville,
pour l’Eloge de Lapeyronie, chi-
rurgien qui florissait à Montpel-
lier dans le cours du dix-huitième
siècle. Cet ouvrage de Rouzet n’a
jamais été imprimé.
Peu de mois après avoir reçu le
titre de docteur, Rouzet ouvrit à
Montpellier , un cours d'anatomie
pathologique , dont il ne reste que
les notes. Arrivé à Paris vers la
fin de 1818, il conçut bientôt le
projet de fonder un journal de
médecine. Deux idées capitales
l’y invitaient : le besoin de sou-
tenir la gloire de l’école de Mont-
pellier, sa mère nourricière, qu’on
traitait alors avec beaucoup de
dédain , dans une certaine portion
du monde médical ; et l’envie non
moins pressante , de discuter les
nouvelles doctrines de la méde-
cine physiologique du docteur
Broussais, qui excitaient dès lors,
les plus vives controverses. Telle
fut l’origine de la Revue Médicale ,
dont la fondation est due princi-
palement, au talent et à l’activité
de Léon Rouzet , secondé de
ses amis. Au milieu des contro-
(1) Recherches et Observations sur
le Cancer. Montpellier, et Paris,
Gabon , 1818 ; in-8, de 23 feuilles.—
dédié à M. le comte de Folmon.
ROU
verses passionnées qui agitaient Ja
médecine , la Revue Médicale pro-
fessa les principesd’un sage éclec-
tisme, réclamant pour l’école de
Montpellier , une justice qu'on
lui refusait trop souvent, sans
dissimuler toutce que les théories
vagues et hypothétiques qu’on y
a long-temps professées , gagne-
raient à être vérifiées par les mé-
thodes sûres de l’observation.Pa-
reillément , la Revue Médicale ne
contesta ni le talent réel de Brous-
sais, ni les vérités essentielles
de sa doctrine ; mais elle combattit
avec un succès complet, les formes
despôtiques de son enseignement,
et les exagérations pernicieuses
qui résultent des déductions trop
absolues de son école. La Revue
réunitnaturellementautour d'elle,
les médecinsqui voulaient étendre
les anciennes vérités par des vé-
rités nouvelles, sous la garantie
des méthodes philosophiques les
plus suivies. Or, cette pensée do-
minante, à laquelle ce journal dut
particulièrement son succès , fut
conçue et son exécution eflicace-
ment secondée par Rouzet : c’est
un service qu'il a rendu à la
science.
Mais bientôt les préludes d’une
maladie de poitrine le forcèrent
d'abandonner la direction de la
Revue Médicale; 1 transmit ce
soin à M. le docteur Dupau , son
collaborateur et son ami, entre
les mains duquel ce journal a dé-
veloppé son caractère, agrandi
son plan et atteint un très-haut
degré de considération et de pro-
spérité, C’est le propre de la ma-
ladie dont Rouzet subissait les
premières atteintes, d’exciter Pac-
tivité naturelle des organes du
cerveau. On le vit donc sans éton-
ROU 269
nement, à mesure que son mal
faisait des progrès, se livrer à
l’étude avec une ardeur qu’encou-
rageaient d’ailleurs les distinctions
qu’il commençait d'obtenir. Déjà
membre des sociétés de médecine
de Paris , de Toulouse, de Mont--
pellier , de Marseille, le docteur
Rouzet avait été choisi, dès la
formation de l’Académie royale
de médecine, pour siéger dans
son sein, en qualité de membre
adjoint, en même temps qu’il re-
cevait le titre de médecin de la
Monnaie des médailles. L'année
même de sa mort, ilpublia simul-
tanément, une nouyelle édition de
la Doctrine générale des maladies
chroniques de Dumas (1), et les
Consultations et Observations (2)
inédites du même auteur, qui
avait été son maître, et dont il
commentait, expliquait et modi-
fiait les doctrines. Rouzet s’occu-
pait encore de divers autres tra-
vaux, dont quelques-uns furent
à peine ébauchés, tels qu’une
Histoire philosophique de la méde-
cine depuis la renaissance des lettres;
un Traité des fièvres; il avait com-
posé en grande partie, un Traité
d'Hygiène. Enfin on lui doit Particle
V' an-Helmont, dans la Biographie
du Dictionnaire des sciences mé-
dicales.
(1) Doctrine générale des maladies
chroniques , pour servir de fondement
à La connaïssance théorique et pratique
de ces maladies ; par Ch. L. Dumas.
— deuxième édition, publiée et ac-
compagnée d’un Discours préliminaire
et de notes, par L. Rouzet,etc. Pariset
Montpellier, Gabon, 1824. 2 vol. in-8.
(2) Consultations et Observations de
médecine de feu Ch. L. Dumas, pu-
blices par le docteur Rouzet. Paris et
Montpellier, Gabon, 1824 ; in-8 , de
32 feuilles trois huitièmes.
270 RUF
Epuisé par des efforts conti-
nuels , Rouzet fut pris d’une
hémoptysie , symptôme funeste
d’une phthisie tuberculeuse, à la-
quelle il était prédisposé , et qui
jadis avait moissonné son père ,
comme lui, à la fleur de l’âge.
Le 10 août 1824, Léon Rouzet
cessa de vivre, à peine âgé de
vingt-neuf ans. Il n’oublia pas
avant de mourir, de remplir ses
devoirs religieux.—M. le docteur
Dupau prononça un discours sur
la tombe de Rouzet. Plus tard ,
M.P. Bérard a écrit son Eloge his-
torique ; dans la Revue médicale ,
(tiré à part, 1824, in-8, de
vingt-cinq pages ). — Ona publié
aussile Catalogue de:sa bibliothè-
que. Paris, Gabon, 1825; in-8,
d’une feuille trois quarts.
RUFFIN (PrerRE-JEAN-MARIE) ,
diplomate et orientaliste, était
petit-fils d’un agent de change de
Paris ; il naquit, le 17 août 1742,
à Salonique, où son père remplis-
sait les fonctions de premier drog-
man de la nation française, Dès
sa plus tendre enfance, Pierre
Ruffin fut envoyé dans une pen-
sion de Marseille, et de là trans-
féré à Paris, au collège Louis-le-
Grand, où il reçut le bienfait de
l’éducation, aux frais du gouver-
nement. Petis de Lacroix, Le-
grand, Cardonne, etc., lui en-
seignèrent les langues orientales.
Ses études terminées, Ruffin vint
résider à Constantinople, en 1558;
il y fut attaché à l’ambassade fran-
çaise, tenue alors par M. de Ver-
gennes. En 1567, il accompagna
le baron de Tott, en qualité d’in-
terprète du Roi, auprès de Crym-
Guèray, khan de Crimée, et sui-
vit ce chef belliqueux dans son
RUF
expédition en Servie. Les vicissi-
tudes de la guerre le firent tom-
ber entre les mains des Russes.
Conduit à la citadelle de Péters-
bourg , il y fut gardé comme pri-
sonnier de guerre et d’état, pen-
dant près d’un an: lorsqu'il re-
couvra sa liberte, sur les instances
du ministre des affaires étrangères
de France, on lui fit lecture, aux
frontières de l’empire russe, d’une
sentence qui lui en interdisait
l'entrée à perpétuité. II passa par
Paris et fut immédiatement ren-
voyé en 1770, à Constantinople,
avec le titre d’interprète du Roi
auprès de la Porte. Il fut rappelé
à Paris en 1774, pour être em-
ployé dans les bureaux du minis-
tère des affaires étrangères. En
1784, il fut nommé professeur de
turc et de persan au Collége Royal,
et en 1788, on le chargea de négo-
cier avec les ambassadeurs de
Tippo-Saëb. Ces services furent
récompensés par le cordon de
Saint-Michel, accompagné de
lettres de noblesse.
Le gouvernement républicain
de la France renvoya Ruffin à
Constantinople, avec les titres de
secrétaire d’ambassade et de pre-
mier secrétaire interprète. ILeut
même officiellement le titre de
chargé d’affaires, en l’an VI. C’est
précisément pendant qu’il occu-
pait ce poste éminent que l'inva-
sion de l'Egypte par nos armées ,
vint le jeter dans une position
très-crilique. À la première nou-
velle qu'il en reçut, le Divan ac-
coutumé à mépriser le droit des
gens, fit renfermer le chargé d’af-
faires de France dans la prison
des Sept-Tours. Ruffin y tomba
dangereusement malade, et peut-
être qu'il aurait succombé, si sa
RUF
femme et M. deLesseps son gendre
n’eussent obtenu de s’y renfermer
avec lui. Il resta dans cette pri-
son depuis le 2 septembre 1798,
jusqu’en 1801, qu'il obtint en-
fin sa liberté, par linterven-
tion des ministres des puissances
neutres. Quoique désormais sans
caractère public, Ruffin usa avec
succès, de la considération dont il
jouissait auprès des . ministres
turcs, pour protéger tous ceux de
ses compalriotes qui se trouvèrent
dans le cas d’avoir besoin d’assis-
tance. 11 seconda utilement le co-
lonel Sebastiani, et l’ambassa-
deur Brune dans les négociations
qui amenèrent le rétablissement
de la paix et de la bonne intelli-
gence entre la Porte et la France.
Nommé successivement conseiller
d’ambassade en 1804, et premier
secrétaire delégation en 1805, ce
ne fut pas sans peine qu'il obtint
du reis-effendi, que les titres de
Padischah et d’Imperator fussent
employés à l’égard de Napoléon,
dans les communications offi-
cielles du Divan. « Pendant la vie
de linfortuné Louis XVI, dit
M. de la Roquette, Ruffin avait
été le traducteur inconnu et muet
de la correspondance privée que
ce souverain entretenait avec le
prince Sélim, héritier présomp-
tif de l'empire. Ce ne fut qu’au
mois de janvier 1806 , que Sélim,
assis, à cette époque, sur le trône
des Sultans, en comparant l’écri-
ture et le style d’une note de Ruf-
fin, crut voir en lui l’interme-
diaire de sa correspondance avec
le Roi de France, et désira s’en
assurer par lui-même: Cette dé-
couverte, que lui confirma Ruffin,
qui rompait le silence pour la
première fois, ajouta encore à son
RUF 21
estime et à son attachement pour
le diplomate (1).»
Ruflin, qui n'avait pas cessé
d’être attaché à l’ambassade de
France, sous les divers ministres
envoyés par le gouvernement
impérial, se trouvait chargé d’af-
faires de France , en l’absence de
l’ambassadeur , lors du retour de
Bonaparte de l’ile d'Elbe,en1815.
Il se conforma aux ordres qu'il
recut de lui , et arbora les trois
couleurs au palais de l’ambassade
de France. Cette conduite lui fit
encourir la disgrâce du ministère
des Bourbons, qui voulut le rap—
peler en France; mais Ruffin,
qui s'était comme naturalisé à
Constantinople, préféra rester
dans cette ville simple parti-
culier, d’ailleurs suffisamment
protégé par l'estime de toutes
les nations franques et par la
vénération des Turcs eux-mêmes.
Mais le besoin qu’on avait de ses
services ne tarda pas à lui faire
rendre les titres dont on l'avait
privé, et malgré son âge et ses in-
firmités, il eut encore la consola-
tion d’être utile à sa patrie. Ruffin
est mort à Constantinople, le 19
janvier 1824, âgé de près de 82
ans, parmi lesquels il comptait
66 années de service diplomati-
que. Tout le corps diplomatique
assista à ses obsèques, et l’abbé
Bricet, supérieur des Lazaristes,
y prononça un discours funébre.
« Personne, dit M. de la Ro-
quette, ne connut mieux que
Ruffin la politique du cabinet turc,
qu'il avait été à portée d’étudier
pendant tant d'années; et nul ne
(1) Biographie Universelle. Tome
XXXIX , page 271.
279 SAG
sut employer plus à propos, les
moyens nécessaires pour réussir.
Son long séjour à Constanti-
nople, et ses connaissances profon-
des et variées, l’avaient misen
relation avec les membres les plus
influens de cette cour, et avec
tout ce que l'empire othoman
renfermait de gens éclairés. Il fut
vers la fin de sa carrière, con-
sidéré comme le patriarche de la
diplomatie; et les Sultans même
avaient pour lui une vénération
profonde, et lui donnaient le titre
de père. Aussi exerça-t-il une
extrême influence, dont il n’usa
jamais que pour le bien de son
pays et delareligion catholique, à
laquelle il était sincèrement et
profondément attaché. Pour don-
ner une notice complète sur ce
diplomate, si distingué sous tous
les rapports, il faudrait passer en
revue toutes les affaires que la
France eut à traiter avec la Turquie
pendant plus d’un demi-siècle; car
il eut plus ou moins de part à cha-
cune. Ruffin possédait à fond le
latin, le grec, et la plupart des
langues orientales, dont tous les
auteurs lui étaient familiers. Il
les lisait et relisait sans cesse, et
parlait le turc, le persan, etc.,
aussi facilement que le français.
Il existe au dépôt des affaires
étrangères, plusieurs Mémoires de
SAG ;
Ruffin sur des sujets importans ;
mais ils ne paraissent pas destinés
à voir lé jour. On ne connaît de
lui que la traduction en arabe,
d’une Adresse de la Convention au
peuple français, du 18 vendémiaire
an LIT. Paris, 1505, in-fol. de 24
pages. C’est un monument pré-
cieux pour l’histoire de la typo-
graphie orientale, parce que c’est
le premier ouvrage imprimé avec
les caractères arabes de l’impri-
merie royale, retrouvés après
avoir été oubliés ou perdus pen-
dant plus d’un siecle. Ruffin était
en correspondance avec un grand
nombre de personnes très-distin-
_guées par leurs talens ou leurs
dignités. Comme il conservait des
minutes de toutes ses lettres, si
elles existent encore, elles forme-
raient une collection précieuse,
et dont une partie, du moins,
mériterait d’être publiée. Pendant
le régime révolutionnaire et au
moment des visites domiciliaires,
Ruffin brüla tous ses manuscrits,
dans la crainte de se compromet-
tre. Il paraît cependant qu'ilen a
depuis rédigé un assez grandnom-
bre, qui se trouvent à Constanti-
nople. »
On à publié : Notice historique
sur M. Rufjin, par M. Bianchi.
Paris, Dondey - Dupré , 1825 ;
in-8 , de 3 feuilles et demie.
Se
SAGE (BALTRAZARD-GEORGES) ,
chimiste, naquit à Paris , le 7 mai
1540. Son père, apothicaire dans
la même ville, lui fit faire de
bonnes études au collége des
Quatre-Nations. Il suivit ensuite
les cours de physique de labbé
Nollet, et ceux de chimie de
Rouelle, qui le mirent en état
après de nombreuses expériences
et manipulations , pratiquées dans
l’intérieur de sa maison. d'ouvrir
à l’âge de dix-neuf ans, des cours
publics et gratuits. Le succès qu'ils
SAG
cbtinrent lui valut des protec-
teurs riches et puissans, qui le
mirent en état de commencer à
former un cabinet de minéralogie
et d'établir un laboratoire de
chimie. Cette dernière science,
appliquée aux traitemens des mé-
taux, reçut notamment, de Sage,
une impulsion particulière. Dès
l’âge de vingt-deux ans il com-
muniquait à l’Académie des scien-
ces ses diverses expériences, et à
vingt-huit ans, il était appelé à
remplacer son maître Rouelle au
sein de cette compagnie savante.
Une chaire de minéralogie expé-
rimentale fut créée pour lui, en
1778, près la Monnaie de Paris,
et un local magnifique fut mis à
sa disposition, pour y former un
cabinet minéralogique, qui accru
successivement des dons du gou-
vernement, des envois des sa-
vans, ei par les sacrifices person-
nels de son fondateur, a été
dispersé immédiatement après
la mort de celui-ci. M. Sage
fut particulièrement protégé par
Louis XVI et par le minis-
tre Calonne, qui le nomma di-
recteur de l'Ecole des Mines,
fondée en 1783. Cependant, les
découvertes de Lavoisier, Guy-
ton-Morveau, Chaptal, les triom-
phes rapides de la nouvelle école
de chimie, chagrinèrent M. Sage,
au lieu de provoquer son ému-
lation. Loin de se mettre , lui
aussi, à la poursuite de la vérité
scientifique , qui ne se serait pas
montrée rebelle à ses efforts , il
s'arrêta dans la carrière , et s'irrita
inconsidérément contre des faits
qui l’importunaient. Par suite de
cette disposition au mécontente-
ment, il devint l’ennemi très-
prononcé de la Révolution, qui
SAG 278
ruinait de front ses protecteurs et
ses théories, et qui élevait au
pouvoir et à la gloire ses antago-
nistes et ses rivaux. Ceux-ci du-
rent au soin de leur réputation de
civisme , c’est-à-dire à leur sàreté
personnelle, et peut-être, il faut
le dire, aux intérêts de la science,
d’écarter M. Sage de quelqu’une
des fonctions de l’enseignement
public. Il perdit sa place de direc-
teur de l'Ecole des Mines, et
même il fut un instant jeté dans
les prisons, à la même époque où
Lavoisier montait sur l’échafaud.
Cependant, il ne tarda pas à être
rétabli, dès le temps du Direc-
toire , à la tête du cabinet de mi-
néralogie de l’hôtel des Monnaies,
sur lequel il avait des droits in-
contestables. Mais il se trouva
que la minéralogie avait marché
comme la chimie, et M. Sage n’a-
doptait pas plus la théorie d’fHaüy
que celle de Lavoisier. On ne
pouvait donc qu’admirer des
échantillons à la Monnaie, mais
on allait étudier les deux grands
systèmes français et allemand, à
l'Ecole des Mines et au Muséam
d'histoire naturelle. Par suite de
cette obstination stationnaire ,
M. Sage dut être écarté de la
nouvelle organisation du corps
des mines; il fut naturellement
très-sensible à ce coup, mais ses
plaintes et ses réclamatious sem-
blèrent porter trop spécialement
sur des suppressions ou des ré-
ductions de traitement et de pen-
sions, qui n'intéressaient qu’ac-
cessoirement la science. IL est
certain néanmoins, que les divers
gouvernemens qui se sont succé-
dé depuis la Révolution, n’ont
jamais laissé M. Sage sans un
traitement qui à aurait
1
/
274 SAG
semblé suffisant , s’il n’eût été
jadis accoutumé aux prodigalités
de M. de Calonne, et si, trop
confiant à leur perpétuité , il n’eût
dépensé tout ce qu’il recevait et
même au-delà, pour l’agrandis-
sement et la décoration de son
cabinet de minéralogie. M. Sage
raconte qu'étant âgé de dix-sept
ans, il fut empoisonné par des
vapeurs de sublimé corrosif, qui
lui occasionèrent un crachement
de sang tel, que douze saignées,
faites en trois jours , purent à
peine le faire cesser. En 1805, un
accident encore plus fatal le priva
pour toujours de la vue. Deux ans
ayant sa mort il se cassa la cuisse,
Il expira le 9 septembre 1824,
âgé de plus de quatre-vingt-quatre
ans. — Sage était membre de
l’Institut; il avait recu le cordon
de Saint-Michel en 1819 : avant
la Révolution, outre ses pensions
et ses places aux Mines et à la
Monnaie , il avait les titres de
censeur royalet d’apothicaire-ma-
jor des Invalides. +
M. Sage est sans doute resté
bien loin des Lavoisier, des Ber-
thollet, des Thénard, des Vau-
quelin ; avant eux il entra dans la
carrière, et quand il y eut fait
quelques pas assez remarquables,
il sembla s’y poser des bornes et
s’immobiliser. Défenseur obstiné
de l’ancienne chimie , il eut le
malheur de rejeter avec mépris et
de combattre avec une obstina-
tion puérile , la nouvelle nomen-
clature et les théories brillantes
qui allaient changer et agrandir
une science devenue malgré lui,si
féconde en résultatsutiles aux arts
et à l’industrie. Buffon, Guyton-
Morveau , Ghaptal, furent succes-
sivement ses anlagonisies , et
SAG
même, s’il fallait l’en croire, ses
ennemis; c’est assurément jouer
de malheur. Durant plus de cin-
quante ans, M. Sage professa la
chimie dans des cours publics et
dans de nombreux écrits. Il a vu
les premiers déserts d’auditeurs ,
et les seconds privés de lecteurs.
Cette triste terminaison d’une
carrière qui promettaitd’être bril-
lante et précieuse aux sciences,
ne doit pas nous rendre injustes ,
en nous portant à méconnaître
entiérement les services que leur
rendit celui qui fait le sujet de
cet article. En effet, on pourrait
dire que Sage fut pour la chimie
et la minéralogie ce que Buffon
avait été pour l’histoire naturelle.
L'un et l’autre ont popularisé et
fait aimer deux sciences qui,
avant eux, étaient négligées ; et
si depuis on a été beaucoup plus
loin, c’est dans la route qu'ils
ont ouverte. Sage a pressenti l’in-
fluence des arts chimiques sur
l'industrie ; l’art d’extraire et d’es-
sayer les substances métalliques
lui doit une partie de ses premiers
progrès. La fondation de l’Ecole
des Mines et celle du Cabinet de
minéralogie, doivent être comp-
tées aussi parmi ses titres à la
reconnaissance des amis de la
science. Peut-être qu’en effet,
comme il s’en plaignit, ces titres
furent trop méconnus par ceux
qui, avançant quand Sage s’ob-
stinait à rester immobile, se
montrèrent trop sévères aux cris
d’une colère d’amour-propre,
qu'ils auraient pu laisser s’exha-
ler sans en être atteints.
Liste des ouvrages
de B. G. Sage :
I. Examen chimique de différentes
SAG
substances minérales ; Essai sur le
vin, les pierres, les bézoards et
d'autres parties d'histoire naturelle
etde chimie ; traduction d’une Lettre
de M. Lehmann sur la mine de
plomb rouge. 1569 , in-12. — tra-
duit en allemand, par FPabbé Gf.
Schrader, avec des notes de J.
Beckmann. Gottingue. 1752,
in-6.
II. Elémens de minéralogie do-
cimastique ( expérimentale).1772,
in-8.—19757, deux volumes in-8.
( Voyez Catalogue de Fourcroy.
N° 464 et 465) ; — traduit en al-
Re avec des notes de Nth.
f. Leske. Leipzig, 19995 , in-5 ;
— en italien. Sienne , 1586, in- 8.
III. Mémoires de Caine, 1779,
in-8. |
IV. Analyse des blés et Expé-
riences propres à faire connaître la
qualité du froment et principale-
ment celle du son de ce grain. 1556,
in-8.
V. Expériences propres à faire
connaitre que lPalcali volatil-fluor
est le remède le plus efficace dans les
asphyæies ; avec des remarques sur
les effets avantageux qu'il produit
dans la morsure de la vipère, dans la
rage, etc.19977, in-8. — Deuxième
édition. 1578. — Troisième édition
id. — Traduit en allemand. Stras-
bourg , 1778, in-8 ; — en espa-
gnol, par Ortega, Madrid, 15578;
— en anglais, par Forster. Lon-
dres , 158 , in-8.
VI. Û Avec Perthuis de Laille-
vault.) L° Art de fabriquer le salin
et la potasse, suivi des expériences
sur les moyens de multiplier la po-
tasse. 17797 , in-8. — 174, in-8;
— traduit en allemand. Strasboùrg,
1795 , in-8.
VII. L’Art d'imiter les pierres
précieuses. 1778.
SAG 275
VITI. L’art d'essayer l'or et l’ar-
gent. 1780 , in-8 ;, — traduit en
allemand. Revel, 1782, in-8.
IX. Description méthodique du
cabinet de l’ Ecole royale des Mines.
1784, in-8. ( V. ci-après n° X{IL.)
X. Analyse chimique de la con-
cordance des trois règnes de la na-
ture. 1780, trois volumes in-8.
XI. Précis historique sur les dif-
férens genres de peintures , suivi de
PExämen physique des couleurs et
de la manière de les préparer. in-8.
XIT. Examen de la nature de di-
verses espèces de poisons , avec la
manière de les préparer. in-8.
XIII. Supplément à la Descrip-
tion du cabinet de P École royale des
mines. 1587. in-8.
XIV. De la terre végétale et de
ses engrais. 1802.
XV. Recherches ét Conjectures
sur la formation de lélectricité mé-
tallique nommé galvanisme. 180r ,
in-8.
XVI. Description de la collection
d'objets d’arts de B. G. Sage. 1807,
in-8.
XVIL. Observations sur les para-
tonnerres. 1808.
XVEIT. Des Mortiers ou Cimens.
1808. — Nouvelle édition avec des
additions. 1809.
XIX. Æxpériences sur la chaux
vive, dans son emplot pour Le mor-
tier. 1809-
XX. Observations sur l'emploi
du zinc. 1809.
XXI. Nature et propriétés des
trois espèces d'électricité. 1899.
XXII. Théorie de l’origine des
montagnes, el de laccrétion quo-
tidienne de la masse solide dx
globe , avec des conjectures sur la
cause des subversions qu’il a éprou-
vées. 1809, in-8.
XXIII. Précis des Mémoires de
276 SAG
B. G. Sage, lus dans la séance de
la première classe de lP Institut,
pendant l'année 1809. Paris, 1809,
in-8 , de vingt pages.
XXIV. Expériences qui font con-
naître que la chaux éteinte par im-
mersion , peut être régénérée en
pierre calcaire par le seul concours
de Peau de Marmorillo. 1820.
XXV. Exposé des effets de la
contagion nomenclative. 1810, in-8.
XXVI. Moyens de rémédier aux
poisons végélaux. 1811 , in-8 ,
deux éditions.
XXVIL. Jnstitutions de physique.
Paris, F. Didot , 1811 ; trois vo-
lumes in-8 , ornés du portrait
de l’auteur. — Supplément aux
Institutions de physique. Ibid.
1812, in-8.
XX VIII. Opuscules de physique.
Paris, F. Didot , 1813 ou 1815,
in-4.
XXIX. Exposé sommaire des
principales découvertes faites dans
l’espace de cinquante-quatre années,
par B. G. Sage. Paris , F. Didot,
1813 ; brochure in-8 , de trois
feuilles,
XXX. Traité des pierres pré-
cieuses, 1814 ; in-8.
XXXI. Tableau comparé de la
conduile qu’ont tenue envers moi les
ministres d'e l’ancien régimeavec celle
des ministres du nouveau régime.
Paris, F. Didot aîné , 1814; in-8,
de six feuilles.
XXXII. Descriptiondes colonnes
électrifères et de leurs effets. 1814;
in-8, de trois quarts de feuille.
XXXIYII. De Porigine et de la
nature des globes de feu météoriques.
1815, in-8 , de dix-neuf pages.
XAXXIV.De lanature et de la pro-
duction du gaz électrifiable. Paris,
P. Didot l’ainé , 1815 ; in-8 , de
trois feuilles un quart.
SAG
XXXV.Formotiondel'air.1815.
XXX VI. Vérités physiques fon-
damentales. Paris, P, Didot aîné,
1816 ; in-8 , de quatre feuilles et
demie.
XXXVII. Probabilités physi-
ques. Paris, P. Didot aîné, 1816;
in-8, de six feuilles et demie.
XXXVIII. Description de mon
cabinet particulier d’objets d'arts.
1816, in-8.
XXXIX. Mémoires historiques,
et physiques. 1817 , in-8 ; six
feuilles , avec une planche.
XL. Précis historique des mé-
moires sur l’eau de mer. 1815,
in-8, de douze pages.
XLI. Analyse de l’eau de mer.
1817, in-8, de deux feuilles.
XLII. Expériences sur la non
innocuité de l’eau de mer.
XLIII, Exposé des propriétés
de l’eau de mer distillée. 1815,
in-8 , de trois feuilles.
XELIV. Phénomènes que présente
la destruction des animaux après
leur mort. 1815.
XLV. Fondation de l’Ecole
royaledes Mines à la Monnaie.181r,
in-8 , d’une feuille.
XLVI. Fondation des monts igni-
vomes nommés volcans, par allusion
à Vulcain, dont on a supposé que
c’ctaient les forges.Paris, P. Didot
l'aîné, 18173 in-8, de quatre
feuilles.
XLVII. Exposé des tentatives
qui ont été faites dans le dessein de
rendre potable et salubre l'eau de
mer distillée. Paris, P. Didot Pai-
né, 1807; in-8, d’une feuille un
uart. x
XLVIITI. Opuscules physico-chi-
miques. 1818; in-8, de 5 feuilles
et demie.
XLIX. Pétition par B. G. Sage,
à S. Exc. leMinistre de l’intérieur.
SAG
Paris, P. Didot aîné , 1818 ; in-8,
d’une feuille.
L. Notice biographique (sur lui-
même ). Paris, imp. de P. Didot
aîné, 1818; in-8, de 37 pages.
LI. Enumération des découvertes
minérales, faites pendant Pespace
de soixante années. Paris, imp. de
P. Didot l’ainé, 1819; in-8, de 3
feuilles.
LIT. Mélanges historiques et phy-
siques. 1819.
LIL. Supplément à la Notice bio-
graphique. 1820; in-8, de 22
pages.
LIV. Analyse du lait de vache ;
suivie de la liste chronologique des
ouvrages publiés dans l’espace de
cinquante-un ans. 1820; in-8 , de
21 pages.
« Les numéros VI, XI et XIII
( dit M. Beuchot) {1}, dont je ne
parle toutefois que d’après autrui,
ne sont pas dans la liste donnée
par Sage; il a omis le numéro
XXXIT. Je n’ai pas vu le numéro
XLII indiqué par l’auteur lui-
même, »
LV. Lettre de B. G. Sage à son
ami M. Robert Ferguson, écuyer.
Paris, imprim. de P. Didot aîné.
1820 ; in-8, de 12 pages.
LVI. Propriélés du tabac. Ana-
lyse de la poudrette. Théorie de la
vitrificalion. Paris, 1821, imp. de
P. Didot ainé; in-8, de 3 feuilles
un quart.
Le discours préliminaire con-
tient une notice sur l’auteur, et
est terminé par la liste de ses
ouvrages ou opuscules.
LVIT. Probabilités physiques sur
(1) Bibliographie de la France. Vol.
de 1524, pages 645 et 676.
FSra à
SAG 257
la cause des contagions pestilen-
tielles. Paris, imp. de Didot aîné,
1822 ; in-8, de 2 feuilles.
LVIIT. Probabilités physiquessur
la cause de l’intermitlence de l’élec-
troscope. Paris, imprim., de Didot
aîné, 1822; in-8 , d’une feuille.
LIX. Époque de la fondation de
l'École royale des Mines, obtenue
par B. G. Sage. Paris, imp. de
Didot aîné, 1822 ; in-8, de trois
quarts de feuille.
LX. Annotation de B. G. Sage,
sur les personnages qui l’ont dé-
pouillé de sa fortune. Paris, 1822,
imp. de J. Didot aîné; in-8, d’une
feuille et demie.
LXI. Recueil historique d'effets
fulminaires. Paris, 1822, imp. de
Didot l’ainé; in-8, d’une feuille et
demie.
LXIT. Analyse comparée de la
morcassite et de la pyrite : origine
du ver blanc, nommé asticot. Note
biographique de B. G. Sage, Paris,
imp. de J. Didot aîné, 1822; in-8,
d’une feuille.
LXIII, Théorie de La vitalité.
Décomposition de la dépouille mor-
telle de l’homme : Itératives anno-
tations. Paris, imp. de J. Didot
aîné , 1823; in-8, de 2 feuilles et
demie.
LXIV. Examen analytique des
œufs de poule. Pétition au Roi. Pa-
ris, imp. de J. Didot aîné, 1823;
in-8 , d’une feuille.
LXV. Lettre de B. G. Sage à
S. Exc. Mgr. le comte de Corbières,
ministre de l’intérieur. Paris, 1823,
imp. de J. Didot ainé; in-8, d’un
quart de feuille.
LX VI. Pétilion adressée à S. M.,
le 6 mai 1824.
LXVII Motice
1824.
Enfin, Sage a donné des Obser-
biographique.
278 SAI
valions, dans je vol. intitulé : Des
pierres tombées du ciel, lithologie
physique, etc. (Paris, Brunot-
Labbe, 1810 ); des articles dans le
Journal de physique; des mé-
moires dans les recueils de l’Aca-
démie des sciences et de l’Institut.
SAINT-PARD (Prerre- Nico-
LAS-Van-BroTAQuE ), jésuite, na-
quit, le 9 février 1754, à Givet-
St-Hilaire, diocèse de Liége, au-
jourd'hui département des Ar-
dernes. A l’âge de dix ans, il entra
au collège des Jésuites de Dinan.
Il vint à Paris pour son noviciat,
et fut envoyé, ensuite, dans plu
sieurs colléges, pour y professer,
suivant l’usage. Il se trouvait à
Vannes lors des arrêts des Parle-
mens contre la société. Obligé de
quitter la Bretagne, il vint à Pa-
ris, et, au moment où il y entra,
on publiait un arrêt du Parlement,
qui défendait aux Jésuites d’exer-
cer le ministère. Le P. Van Blo-
taque s’adressa à l'archevêque de
Paris, Christophe de Beaumont,
ami dévoué des Jésuites; et
comme il n’était point connu dans
la capitale, le prélat lui conseilla
de changer de nom; c’est alors
qu'il adopta celui de Saint-Pard,
que beaucoup de gens ont cru être
son nom véritable et qu’il a tou-
jours conservé depuis. M. de Beau-
mont placa son protégé dans la
paroisse de saint Germain-en-
Laye,et l’abbé de Saint-Pardtrouva
moyen d’y échapper aux arrêts de
proscription et de bannissement.
Au bout de quelques années, vers
1779, il revint à Paris, et fut nom-
mé directeur des religieuses de la
Visitation de larue Saint-Antoine,
place qu'il occupa durant quinze
ans. La composition des livres de
SAI
piété et la prédication remplis-
saient les loisirs que lui laissait
son emploi. Pendant la Révolu-
tion, il ne sortit point de France
et se tint caché dans divers
asiles, toujours prêt, cependant,
à remplir les fonctions de son mi-
nistère. Ainsi dans un moment de
calme, sous le Directoire, il occu-
pa quelque temps la cure de San-
nois; Mais étant allé prêcher, le
jour des Rois, à Poissy, son ser-
mon choqua les républicains om-
brageux de cette époque. L'abbé
de Saint-Pard fut arrêté et conduit
dans les prisons de Versailles, où
il resta six mois. Dans une autre
circonstance , il fut enfermé, à
peu près le même temps, à Paris.
Après le concordat de 1801, M. de
Belloy le nomma chanoine bono-
raire. L'abbé de Saint-Pard se fixa
sur la paroisse de Saint-Jacques,
où il se rendait utile, confessant et
prêchant avec zèle, soit dans la
capitale, soit dans les provinces.
Ses infirmités l’empêchèrent, dans
ses dernières années, de célébrer
la messe, mais il allait encore
l'entendre , jusqu’à ce que l'âge le
priva de l’usage de ses jambes.
Il mourut, le 1° décembre 1824,
âgé de plus de quatre-vingt-dix
ans.
Liste des ouvrages
de P. N. de Saint-Pard.
1. Le Livre des Élus ou Jésus
crucifié, par le P. dé Saint-J'ure,
Lis
revu et corrigé par M. l'abbé ***.
Paris, Berton, 1771; in-12. —
nouvelle édit. Paris, Méquignon
junior, 1823; in-12, de seize
feuilles.
On trouve. en tête de ce li-
vre , une préface de l'éditeur, qui
SAT
contient l'éloge du P. de Saint-
Jure, avec une liste de ses ou-
vrages. — L'édit. de 1825 est
auginentée d’une notice sur Pabbé
de Saint-Pard. extraite àe l Ami
de la Religion et du Roi, T. XLLÏX,
pag. 198.
LI. De la Connaissance et del A-
mour de Jésus Christ, pour servir
de suite au Livre des Elus ; revu et
corrigé par M. lPabbé **. Paris,
1779 ; in-12.
L'éditeur réduisit l’in-folio du
P. de Saint-Jure, à un volume
ordinaire.
III. Retraile de dix jours, à
l’usage des Ecclésiastiques et des
Religieux , d’après PEcriture -
Sainte et les Pères de l'Eglise.
Paris, Berton, 1579; in-12.
IV. L’Ame chrétienne, formée
sur les maximes de l’Evangile ; ou-
orage de piété, en faveur des per-
sonnes qui aspirent à La perfection.
1774, iIn-12.
Cet ouvrage est suivi de l’Ora-
toire du cœur , ou Méthode très-fa-
cile pour s’entretenir intérieure-
ment avec Jésus-Christ, par feu
M. de Querdu-le-Gall, docteur
en théologie et recteur de Servel,
en Bretagne. L’Oratoire du cœur
avait paru en 1657; Saint-Pard
en retoucha le style.
V. La Vie et la doctrine de Jé-
sus-Christ, rédigées en méditations
pour tous les jours de l’année. +. ».
L. D. P. A. (traduit du latin du père
Avancin. ) Paris , Berton, 1579;
2 vol. in-12.
VI. Le Jour de la Communion ,
ou Jésus-Christ considéré sous les
différens rapports qu’il a avec
l'âme fidèle, dans l’Eucharistie ,
suivi de sentimens affectueux. 1758 ,
in-12. — Paris, Beaucé-Rusand,
1810; in-12 , de 14 feuilles,
SCH 279
VII. Conduite intérieure du chré-
tien. 1579, in-24. — petit ou-
vrage de piété, revu et mis dans
un nouvel ordre. Nouvelle édition,
Paris, Beaucé - Rusand , 1819 ;
in-52 , de 9 feuilles trois quarts.
VIII. Exercice de l’amour pé-
nitent, suivi d’un Essai sur l’ordre,
considéré comme vertu. 1819, in-
16.
Les ouvrages de l'abbé de Saint-
Pard ont paru tantôt anonymes,
tantôt avec le nom de l’auteur ;
quelques-uns ont été réimprimés.
11 laisse en manuscrit des Lettres
spirituelles et des Lectures pieuses
tirées des Psaumes, conservées par
un frère qui lui survit.
SCHWARTZ ( C... G...), est
mort à Paris, le 11 mai 1824. Je
connais de lui trois ouvrages qui
sont anonymes.
I. Qu'est-ce que le Zodiaque ?
En a-t-il jamais existé un vrai-
ment astronomique? In-8, sans date,
de 20 pages.
11. Mémoire explicatif sur la
sphère caucasienne et spécialement
sur le Zodiaque. 1815, in-4, de 7
feuilles un quart.
LIT. Leltre critique à mon ami,
en Angleterre, sur la Zodiacoma-
‘nie d’un journaliste anglais , avec la
traduction de l’article de ce même
journaliste inséré dans le British
Review, de février 1817, sur
la sphère caucasienne de C. G.
Schwartz. 1817,in-8. (Extrait de
la Bibliographie de la France, ré-
digée par M. Beuchot. vol. de
1824, pag. 782. )
SCHWEDIAUR ( Françors-
Xavier ), médecin, né à Steyer
dans la haute Autriche , le 24
mars 1748, fut recu docteur en
280 SCH
la faculté de médecine de Vienne.
Il pratiqua d’abord la médecine
dans cette capitale , puis en An-
gleterre et enfin à Paris, où il
était connu sous le nom de Swé-
diaur ( Francis), ainsi qu’on s’é-
tait habitué à l'appeler en Ecosse.
Cette variation de nom , qu’on
observe jusque sur les frontispi-
ces des divers ouvrages du même
auteur, a répandu quelques nua-
ges sur sa véritable patrie. Les
uns ont cru que Schwediaur était
Suédois ; Meusel, dans les cinq
éditions de son Allemagne Litlé-
raire, (t. vu, p. 15 ) le donne
pour Autrichien , sous le nom
de Schwediaur. Nous qui savons
qu'il s'était légalement naturalisé
Français. nous n’hésitons pas à
le ranger parmi les écrivains de
notre nation. Il en partageait
d’ailleurs toutes les sympathies.
Intimement lié avec plusieurs
personnes distinguées du parti
libéral , il s’inscrivit au nombre
de ceux qui demandèrent à se
porter caution. pour MM. Comte
et Dunoyer, rédacteurs du Cen-
seur Européen, lors du premier
procès politique qui fut intenté
à ces écrivains, à l’occasion de
leur estimable ouvrage. Schwe-
diaur est mort à Paris > au
mois d’août 1824. — On a PR
blié le Catalogue des livres de s
bibliothèque. { Paris, en
junior, 1824, de 3 feuilles trois
quarts.)
Liste des ouvrages
de Fr. À. Schwediaur.
I. Dissertalio exhibens descrip-
tionem preparalionum anatomica-
rum et instrumentorum chirurgi-
ccrum que possidet facultas medica
SCH
vindohonensis. — Dissertation of-
frant la description des prépara-
tions anatomiques et des intru-
mens de chirurgie que possède la
Faculté de ane de Vienne.
Vienne, 1777, in-8.
II. M A medendi hodierna ,
in nosvcomiis Londinensibus usi-
tata. — Méthode médicale usitée
aujourd’hui, dans les hôpitaux de
Londres. Vienne , 1975, in-8.
III. Practical Observations on the
more obstinaled and invétérated ve-
nereal complaints. — Observations
pratiques sur les maladies véné-
riennes les plus opiniâtres et les
plus invétérées. Londres, 1784,
in-8.—5* édit. Edimbourg, 15788,
in-8. — Traduit en ann par
l’auteur lui-même. Vienne, 1586.
IV. Traité complet sur Les symp-
tômes, les effets ,; la nature ct le
traitement des maladies syphiliti-
ques. Paris , 1798. — n° édit. ibid.,
2 vol. in-8. Méquiguon-Marvis,
1815.
Cet ouvrage est le plus impor-
tant de ceux qui sont sortis de la
plume de M. Schwediaur.C’estun
livre bien fait ; ilatteste un homme
érudit ; mais on suppose que
l’auteur l’a composé, plus avec
le secours des livres qu'avec celui
de l’observation pratique. Schwe-
diaur soutient que la maladie sy-
philitique n’est pas nouvelle dans
l’ancien continent, et qu’elle ne
nous vient point de l’Améri-
que : cette opinion paradoxale
est loin d’avoir été adoptée.
V. Pharmacopeia medici practici
universalis. — Pharmacopée uni-
verselle du médecin praticien.
1805, in-12.
VI. Materia medica. — Matière
médicale. Paris, 2 vol. in-12.
VIT. Novum Nosologiæ méthodiceæ
SEP
systema — Nouveau système de
nosologie méthodique. Paris, Ga-
bon, 1811—1812, 2 vol. in-8.
SENTIES (Josera ), sous-chef
à l'administration de la Loterie ,
est mort à Paris, le 3 jauvier 1814
Je connais de lui :
I. Doléancedes Dames de la Halle
1789, in-8 ( anonyme \.
11. La Pauvre Orpheline, ou la
Force du préjugé. Paris, Barba,
an IX, deux volumes in-12 (ano-
nyme ),
III. Le Joueur ou le Nouveau
Stukely. Paris, Barba, 1807;
deux volumes in-12.
L'auteur avait intitulé son ou-
vrage les Tripots, ou Mémoires
pour servir à l’histoire des maisons
de jeu : le libraire changea le titre.
Peu de temps après sa publica-
tion , ce roman qui est peut-être
une histoire, fut saisi, et contre
l'ordinaire , les exemplaires saisis
ne furent pas mis en circulation.
Les agens de la police du temps
qui faisaient vendre les ouvrages
contre les mœurs du marquis de
Sade, et qui même mirent en
circulation cinq cents exemplaires
de l’ouvrage de Proyart, contre
le gouvernement d'alors, intitulé :
Louis XVI et ses Vertus, etc.,
n’osèrent faire la même chose
pour un roman qui pouvait nuire
à l'administration des jeux.
M. Seixies a coopéré à la ré-
daction de la Notice sur Ahmed
bey de Soliman , réfugié en France.
1814, in-8. (Extrait de la Biblio-
graphie de lu France , rédigée par
M. Beuchot. vol. de 1824, p. 32).
SEPTIER ( Armanr) naquit à
Toulouse , le 15 avril 1744. Son
père, notaire en cette ville, était
A
SEP 281
parvenu à Ja charge élective et
municipale de capitoul, qui avait
le privilége de conférer la noblesse.
Dès l’âge de seize ans, le jeune
Septier vint se renfermer dans
l’abbaye royale de Saint-Victor, à
Paris , où il fut reçu chanoine ré-
gulier , le 8 octobre 1765. Licen-
cié en théologie de la faculté de
Paris , il enseigna cette science à
sesjeunesconfrères.Songoûl pour
l'étude et pour la retraite le firent
charger des fonctions de biblio-
thécaire de Saint-Victor; et bien-
tôt après, i! fut promu à la dignité
de chambrier, office claustral qui
correspondait dans la congréga-
tion de Saint-Victor, à celui de
procureur-général dans les autres
congrégations. Il fut récompensé
du zèle et de la capacité avec les-
quels il sut s’acquitter de ses im-
portantes fonctions, par le prieuré
de Bucy-le-Roy, diocèse d’Or-
léans , dont il prit possession le 17
novembre 1579. La Révolution
priva Septier de ce bénéfice , et
néanmoins elle trouva en lui, un
partisan de plus : il occupa à
cette époque,quelqu’une des fonc-
tions municipales électives que les
nouvelles lois avaient instituées.
Mais les personnes qui partagè-
rent le moins ses opinions, soit du
clergé, soit delanoblesse , se sont
complues à rendre témoignage
du bien qu'il leur fit, en ces temps
où il était si facile de nuire. Tou-
tefois, Septier ne se prévalut ja-
mais de ses sentimens loyaux et
de sa conduite honnête , pour ré-
clamer avec audace et turbulence,
la récompense du mal qu'il n'avait
pas fait. La bibliothèque d'Orléans
fondée par Guillaume Prousteau,
enrichie des dons du célèbre ju-
risconsulte Pothier et de quelques
282 SER
autres Orléanais, venait d'être
augmentée de vingt-six mille vo-
lumes, provenant des bibliothé-
ques des couvens supprimés dans
l'étendue de la circonscription du
département du Loiret. L’organi-
sation et la conservation de cette
bibliothèque furent confiées dès le
principe, à l'abbé Septier. Ce
poste modique suffit à son ambi-
tion et occupa tous ses loisirs. Il
refit le catalogue des livres impri-
més, et rédigea en entier celui
des manuscrits, qui a été imprimé
aux frais du conseil municipal de
la ville d'Orléans , sous le titre
qui suit : Manuscrits de la Biblio-
thèque d'Orléans, ou Notices sur
leur ancienneté , leurs auteurs, les
objets qu’on y a traités, le caractère
de leur écriture , l'indication de
ceux à qui ils ont appartenu , pré-
cedées de notes bistoriques sur les
anciennes bibliothèques d’Orléans ,
et en particulier sur celle de la ville.
Orléans, Rouzaut-Montaut, 1820;
un volume in-8, de dix-huit
feuilles. Ce catalogue est d’un
homme instruit et d’un esprit mé-
thodique. L’abbé Septier mourut
le 15 avril 1824, le lendemain du
jour qui venait de clore sa quatre-
vingtième année. Il était chanoine
honoraire d'Orléans et membre
ütulaire de laSociété des sciences,
arts et belles-lettres de la même
ville. — On trouve une notice sur
Arnaud Septier , dans le Journal
général du Loiret, du 25 avril1 824.
SERRE ( Hercure de ), issu
d’une famille honorable de Lor-
raine , était bien jeune encore
lorsqu'il émigra pour aller servir
en qualité de simple soldat, sous
les drapeaux de l’armée de Condé.
Rentré en France à la faveur de
SER
l’amnistie de 1802, M. de Serre
vint habiter à Metz, parmi les
siens. I fit ses cours de droit dans
l’âge mûr, fut ensuite recu avocat
au barreau de sa ville natale,et dans
peu, il se trouva y avoir acquisun
rang distingué. Lors de la réorga-
nisation générale des tribunaux ,
en 1811, M. de Serre, qui possé-
dait parfaitement la langue alle-
mande , fut nommé premier pré-
sident de la Cour impériale de
Hambourg. Placé dans une situa-
tion difficile et chargé d’une mis-
sion sévère , il gagna la considé-
ration de toutes les classes du
pays, allégea les nombreuses
vexations dont les Hambourgeois
eurent à gémir pendant l’occupa-
tion française , et quitta son poste,
encore environné d’égards, à tra-
vers la réaction populaire que le
despotisme militaire avait excité
en Allemagne et en Hollande.
À la Restauration, il obtint la
présidence de la Cour royale de
Colmar. Quand Bonaparte fat
rentré à Paris, en 1815, M. de
Serre harangua sa cour, lui fit
renouveler serment de fidélité au
Foi, et déclara son intention de
continuer à rendre la justice en
son nom, au moment même où
l’on arborait le drapeau tricolore
à Colmar, au milieu de l’efferves-
sence populaire. Obligé cepen-
dant de céder à la force, M. de
Serre prononça solennellement la
dissolution de sa cour et déclara
ses membres inhabiles à siéger
jusqu’au rétablissement des Bour-
bons. Il resta en France durant
les Cent jours, et après la rentrée
du Roi, Île département du Haut-
Rhin le nomma député à la Cham-
bre de 1815.11 y vota dans les
rangs de la nlinorité, avec l'appui
SER
de laquelle le ministère parvint
éniblement à traverser la session.
C’est alors qu’il forma des liaisons
étroites avec deux hommes aux-
quels il mérita quelque temps de
voir associer son nom, MM. Ca-
mille Jourdan et Royer-Collard :
il soutint à côté d'eux, et avec
un talent digne de cette illustre
association, les véritables doc-
trines de la liberté légale, leur
aida à élever les premières digues
aux folles et cruelles exigences
du parti de la réaction. Durant la
session de 1815, M. de Serre
combattit d’abord la loi suspensive
de la liberté individuelle (1) ;
— ensuite le projet d’amnistie de
la Commission , et défendit celui
du ministère { séance du 6 janvier
1816 ), disant à l'égard des votans
dontilrefusait de prononcer l'exil:
« Je soumets ma propre sagesse à
celle du monarque. » — 11 com-
battit aussi le projet de loi des
élections , refait par la commis-
sion de la Chambre des Députés
( séance du 20 février ). — Son
opinion sur le budget ( séance du
20 mars 1816) se terminait par
ces paroles : « On se plaint que les
ministres ne marchent pas; je
m'étonne moi, qu'ils puissent faire
un seul pas... tout se paralyse ,
chacun hésite, lorsque chaque pas
peut amener une accusation. Le
(4) Son opinion, qui fait partie
de la collection des impressions de la
Chambre des Députés , a été réimpri-
mée deux fois, chez Plancher, en
1815, avec les discours contre la même
loi, de MM. le comte Lanjuinais,
pair de France , Tournemine, Royer-
Collard, Voyer d'Argenson, et Pas-
quier, membres de la Chambre des
Députés.
SER 285
caractère national s’altère; la dé-
lation , horrible fléau, commence
à infecter la France. Il est temps
qu’un emploi cesse d’être un
crime , et la confiance du Roi un
titre de suspicion.» Dans la séance
du 22 avril, il se prononca forte-
ment contre le rapport de M. de
Kergoiay, sur le clergé. Quelques
passages de son discours ayant
provoqué les murmures du côté
droit , il s’écria que la liberté de
la discussion était détruite ; ces
mots ne firent qu'augmenter lir-
ritation de la majorité, et elle
prononça le rappel à l’ordre de
l’orateur.
Après l’ordonnance du 5 sep-
tembre 1816, M. de Serre fut
nommé président du collége élec-
toral du département du Haut-
Rhin, qui le réélut député; il
siégea avec la majorité ministé-
rielle. Durant le cours de la ses-
sion, il fut porte à la présidence,
en remplacement de M. Pasquier,
nommé garde des sceaux. Il rem-
plit cette importante fonction
avec autant d'impartialité que de
talent. Deux fois, il quitta le fau-
teuil pour la tribune : ce fut
d’abord pour parler comme rap-
porteur d’une commission cen-
trale en faveur de la prelongation
temporaire de la loi suspensive de
la liberté individuelle, que le côté
droit refusait au ministère privé
de sa confiance (1); en second lieu,
dans la discussion de la célèbre
(1) Ce discours a été imprimé dans
un recueil de discours ministériels
intitulé : Discussion à La Chambre des
Députés, sur La loi de la liberté indi-
viduclle. Session de 1816. Paris, 1817,
in-8.
284 SER
loi des élections, qui fut promul-
guée le 5 février 1817. A cette
époque ; M. de Serre entrait
pleinement dans le système poli-
tique qui a inspiré la pensée de
cette loi; mais il est juste de ne
point taire, qu’il manifesta dès
lors, son opposition aux bases sur
lesquelles elle fut établie. Toute-
fois , l’orateur se garda de voter
contre une loi présentée par un
ministère dontil était franchement
l’allié, mais ilen prit occasion de
développer théoriquement le sys-
tème d'élection qui plaisait le
mieux à son esprit, et qui aurait
consisté essentiellement, à faire
élire la Chambre des Députés par
les diverses classes ou corporations
des citoyens.
A l’ouverture de la session de
1817, M. de Serre fut réélu à la
présidence; mais il essuya imme-
diatement un véritable échec par-
lementaire. Dans la séance du 15
novembre , il développa une pro-
position pour la réforme et le per-
fectionnement du règlement de
la Chambre. Elle tendaiten géné-
ral, à investir la majorité de
moyens coërcitifs d’une efficacité
matérielle pour contenir la mino-
rité. L’orateur soutint que le rap-
pel à l’ordre, la censure et la
mention au procès-verbal, ne
constituaient pas des peines assez
efficaces pour empêcher lesmem-
bres de la Chambre de troubler
l’ordre de ses délibérations,et d’in-
sulter leurs collègues. En consé-
quence, et s'appuyant d'exemples
pris en Angleterre et même en
France , il proposa d'admettre la
peine de l’emprisonnement contre
les perturbateurs. Accueillie par
de nombreux murmures , du côté
droit ct du côté gauche, cette
SER
proposition fut vivement cen-
surée par plusieurs députés et
rejette définitivement , à une
grande majorité.
À l’ouverture de la session de
1818 , le ministère écarta M. de
Serre de la présidence, où il fut
remplacé par M. Ravez; mais le
29 décembre de cette même année,
M. le duc de Richelieu ayant
quitté les affaires, avec une partie
de ses collègues, et le système
politique de M. Decaze l'ayant
emporté, l’administration futcom-
pletée dans les rangs du centre
gauche de la Chambre des Dépu-
tés ; M. de Serre eut les sceaux
en partage. La première moitié
de la session fut pour le nouveau
ministre, une suite continuelle de
triomphes éclatans et porta au plus
haut degré sa popularité. Il débuta
par défendre avec la plus grande
énergie, la loi des élections du 5
février 1817, que menacait une
proposition adoptée par la Cham-
bre des Pairs. Répondant à un
ancien ministre ( M. Lainé ),
auteur primitif de la loi dont ül
demandait sitôt après la: ruine,
M. de Serre s’écriait :
«Il faut encore venger la for
des élections d’un autre reproche,
celui de ne produire que des choix
dans une seule sorte d’intérêts ,
dans une même nature d'opinion,
d’être trop exclusive , en un mot:
l'expérience a prouve tout le con-
traire, et plus d’une fois, le
scrutin étonné a vu sortir de la
même urne, les noms de deux ri-
vaux politiques. Leurs carrières ,
leurs opinionsavaientété diverses,
peut-être même ils s’étaient com-
battus ; mais l’un et l’autre avaient
aussi combattu pour les vrais in-
iérêts du pays; l’un et l’autre
SER
avaient, en diverses manières ,
fait preuve de lumière , de con-
science , de courage et de talent.
Ce qui arrivait dans un même
collége électoral arrivait égale-
ment d’un bout de la France à
l’autre. C’est ainsi qu'indépen-
damment des nuances d'opinion ;,
toules les notabilités réelles ont
pu se faire jour jusqu'à cette
Chambre; tous les intérêts légi-
times ont pu y être représentés!
Obtiendriez-vous le même ré-
sultat en brisant les collèges de
département en sections qui siége-
raient dans les chefs-lieux d’ar-
rondissemens? Des changemens
articulés, c’est celui sur lequel l’on
a le plus insisté, c’est aussi celui
qui porterait à la loi la plus funeste
atteinte. Le premier orateur qui
s’est fait entendre dans celte séance
( M. Royer-Collard ), vous a
prouvé que vous détruiriez ainsi
tout esprit public, c’est-à-dire le
principe vital de tout état bien
constitué. Les électeurs réunis au
chef-lieu du département se con-
fondent dans des sentimens gé-
néraux. Séparés par arrondisse-
mens, leurs sentimens et leurs
votes se resserreraient avec leur
sphère... Les choix au lieu de
s'élever vers l’homme en posses-
sion d’une influence, d’une con-
sidération qui domine le dépar-
tement, s’abaisseraient vers les
influences de localité. C’est au
chef-lieu du département que ré-
sident les grands propriétaires,
les grands négocians, toutes les
administrations, les hommes les
plus éclairés, enfin la véritable et
salutaire aristocratie ; celle qui ne
se fonde pas sur de vaines préten-
tions, mais sur les services rendus,
sur les services à rendre, sur la
SER 285
fortune, les lumières, le talent.
C’est là qu'est placé le foyer des
influences monarchiques et con-
stitutionnelles ; c’est là qu’il faut
réunir les électeurs, au lieu de
les diviser et de les laisser aux
prises avec toutes les petites in-
trigues, tous les petits intérêts de
localité... On reproche aux mi-
nistres du Roi d’être indifférens
aux pressans dangers de la mo-
narchie. Non, messieurs, mais
c’est ailleurs queles ministres ont
vu le danger. Ils ont vu le danger
de céder à l'attaque d’un parti, le
danger de saisir une occasion im-
prudemment offerte, le danger de
orter une main téméraire sur
une loi fondamentale, à laquelle
la ration s’est fortement attachée,
comme au rempart le plus sûr de
ses droits et de ses libertés,
comme à l’infaillible garant que
l'effet des promessesroyales ne lui
sera jamais ravi, Les ministres
ont vule danger d’altérer, de dé-
truire peut-être, cette confiance
entre le monarque et ses peuples,
première force de tous les gou-
vernemens, le soin le plus impé-
rieux d’une monarchie nouvelle-
ment restaurée. » (1) — C’est à
la fin de ce mémorable discours
que le garde des sceaux , repous-
sant les incriminations du côté
droit, accusa un parti d’avoir
soustrait à la justice les assassins
du général Lagarde à Nimes, ceux
du général Ramel à Toulouse, et
enfin d’avoir « disputé au glaive
» de la loi les accusés de l’assas-
» sinat de Fualdès. »
Durant la première partie de
cette session, M. de Serre pré-
\
(1) Moniteur du 25 mars 1819.
286 SER
senta trois lois sur la police de la
presse , iv formaient un bel en-
semble de législation touchant
cette matière. L’honneur de la
rédaction n'appartient pas à lui
seul; mais , soit par sa position,
soit par son talent, il peut re-
vendiquer en grande partie, celui
de la discussion. Cette législation
généreuse et digne d’une nation
éclairée et libre , grâce aux funes-
tes conséquences de la triste ver-
satilité de son auteur, n’est plus
aujourd'hui qu’un grand souvenir
et un amer regret. M. de Serre
fit briller sa logique, sa fécondité,
son érudition parlementaire, lé-
nergie de sa parole et l’éloquence
de son expression, en défendant
les principales dispositions de
cette législation nouvelle (1). On
sait qu'elle appelait le jury à pro-
noncer sur tous les délits com-
mis par voie de publication ,
et admettait la preuve testimo-
niale contre les fonctionnaires
publics. En même temps qu'il
défendait à la tribune Îa cause
de la liberté constitutionnelle ,
M. de Serre ne la servait pas
Ad EE SAP D er rm me ARS AT
(1) On trouve réunis tous les discours
que M. de Serre prononça lors des dis-
cussions des lois de la presse (session de
1819), dans un volume intitulé : H/a-
nuel de lalibertée de la presse,ou Analyse
des discussions législatives sur Les trors
lois relatives à La presse et aux jour-
naux et écrits périodiques, précédé
d’un Discours préliminaire, etc. (par
M. Maizeau). Paris, Pillet aîné, 1819 ;
1 vol. in-12. — ou 1820, deuxième
édition.— Les autres discours de M. de
Serre se retrouvent dans la collection
des impressions de ja Chambre des
Députés. Plusieurs ont été réimprimés
ct distribués par les soins du ministère,
sousle titre d'£xtraits du Moniteur.
SER
moins dané la partie de l’adminis-
tration publique confiée à sa vi-
gilance. Les circulaires émanées à
cette époque , de la Chancellerie,
attestent que les principes con-
stitutionnels ne sont ni stériles ni
menteurs à l'application; et qu’il
suffit au pouvoir, d’un homme
éclairé et ferme , pour leur faire
produire tout ce qu’ils promet-
tent. Jamais, à aucune époque,
depuis la Restauration, la justice
ne fut plus indépendante ; jamais
les magistrats ne furent traités
avec plus de respect et d'honneur;
jamais les cours et les tribunaux
du royaume ne s’enrichirent de
plus de sujets distingués par leurs
lumières et par leur moralité.
Malheureusement, M. de Serre
persista trop peu dans cette ligne
de conduite, où semblaient pour-
tant devoir le retenir de rombreux
antécédens, des liaisons illustres,
l'intérêt de. sa gloire, et par
dessus tout, Île principe de son
élévation au pouvoir. Porté au
ministère par l’opinion du centre
gauche de la Chambre des Dépu-
tés, c’est contre eile qu’il a tourné
définitivement les forces de son
talent et de sa position; en sorte
que , on peut le dire avec vérité,
personne n’a plus efficacement
que lui contribué à dépouiller
celte opinion, du pouvoir qu’elle
avait si légitimement conquis.
L’apostasie commença par une
violente querelle avec le côté
gauche, à l’occasion de la de-
mande du rappel des bannis, au
nombre desquels on comprenait
les régicides; question imprudem-
ment engagée et maladroitement
défendue. M. de Serre se pro-
nonca avec une véhémence ex-
trême, contre les pétitionnaires ,
SER
et c’est à cette occasion, que répli-
quant à M. Bignon, il proféra ces
paroles: —«M. Bignon ajoute
»qu'il rompra le silence le jour
» où il trouvera la Chambre dispo-
ssée à demander au Roi la révo-
» cation de l’article 7 de la loi du
» 12 janvier 1816 (celui qui bannit
»les votans ). Ce jour, nous l’es-
»pérons Messieurs, n’arrivera
» jamais... » ( Moniteur du 21 juin
1819 ).
On voit que le mot fameux qui
termine cette phrase, n’a pas été
prononcé dans un sens aussi ab-
solu que la polémique des jour-
naux l’a fait généralement sup-
poser. Il est une autre phrase de
tribune que les journaux du côté
droit ont dénaturée avec une mau-
vaise foi notoire. Ils ont répété
que M. de Serre avait fait l’apo-
logie de la majorité saine de la
Convention; labsurdité d’une
pareille calomnie aurait dû ce
semble ,; lui ôter tout crédit :
mais l'esprit de parti est tou-
jours malveillantet crédule; la vé-
rité est que l’orateur, cherchant
à justifier la France du meurtre de
Louis XVI, avait dit que la ma-
jorité de la Convention était fon-
cièrement saine, et que si elle fut
poussée à prononcer une si grande
injustice, c’est qu’elle délibérait
sous les poignards. Y a-t-il quelque
chose dans cette pensée , que le
plus fidèle serviteur de la maison
de Bourbon ne pût avouer? Au
reste, si l’on veut connaitre
quelle était à cette même épo-
que, l’opinion de M. de Serre sur
la Convention , il n’y a qu’à l’é-
couter parler : «L’impression qu’a
laissée la Convention est épou-
vantable ; elle nous rappelle un
pays entier inondé de sang, cou-
SER 287
vert de prisons et d'échafauds.
La Convention sera, si je puis
me servir de celte expression,
inoubliable pour nos derniers
neveux, »( Moniteur du 21 juin
1819 ).
Le 20 novembre 1819 , les
meinbres du ministère qui ne
voulurent pas consentir au chan-
gement de la loi des élections
furent contraints de donner leur
démission ,; et ce que lhis-
toire aura peine à faire com-
prendre ; ceux-là même ; qui,
peu de mois auparavant, avaient
si chaudement défendu cette loi,
appelèrent à côté d'eux, pour les
aider à la renverser, les hommes
d’état contre lesquels ils Pavaient
défendue. Il ne faut pas oublier
qu'à cette époque, le meurtre du
duc de Berry n’était pas encore
venu fournir un prétexte respec-
table à ces étourdissantes ver-
satilités ; ainsi le dépit de n'avoir
pu dominer complètementiesder-
nières élections, est le seul motif
reel qui fit jouer si témérairement
la fortune delaFrance.la gloire etle
bonheur de son avenir. M. de Serre
entra dans cesdesseinsaussicoupa-
bles qu’insensés; ilresta garde-des-
sceaux. Sur ces entrefaites , une
maladie de poitrine dont il était
menacé , lui fit conseiller les
eaux du Mont-d’Or, et ensuite
d'aller respirer l’air de Nice. C’est
peudant qu’il se trouvait dans
cette ville, que lattentat du 15
février 1820 occasiona la chute
du principal ministre ; et M. le
duc de Richelieu fut rappelé une
seconde fois, à la tête de l’admi-
nistration. Désormais il n’exis-
tait plus de moyen terme : c'était
bien tout le contraire de ce qui
s'était fait depuis l'ordonnance du
288 SER
5 septembre qu’on allait essayer.
Détruire la popularité des élec-
tions , étouffer la liberté de
la presse , suspendre la liberté
individuelle, gouverner par la
centralisation et par la force ma-
térielle , au lieu de gouverner par
l'opinion et par laliberté; tel fut
le butavoué du ministère de 1820.
Les personnes qui avaient con-
servé de l’estime et de l’attache-
ment pour M. de Serre , atten-
daient avec anxiété son retour,
espérant et souhaitant vivement
de le voir se prononcer contre
un système, qu'à lui moins qu’à
tout autre, il était permis d’em-
brasser,: on fut trompé. M. de
Serre de retour à Paris, rompit
avec ses anciens amis et COnsacra
son influence dans la Chambre
des Députés , et sa redoutable
éloquence , au renversement de
cette loi des élections qu’il avait
sauvée l’année précédente, à la
destruction de cette majorité si
loyale et si éclairée, par laquelle
il était parvenu au pouvoir.
La discussion sur la loi des
élections est la plys longue,
la plus vive, la plus passionnée
qu’oflrent nos annales parlemen-
taires, depuis la Restauration.
M. de Serre épuisé par la ma-
ladie, en soutint le choc avec
une vigueur de zèle et de talent
digne d’une meilieure cause. Dé-
sormais il se trouvait dans le
camp de ceux qui lavaient rap-
pelé à l’ordre en 1815, dure-
ment invectivé en 1819, et qui
devaient le renvoyer définitive-
ment en 1821. Il avait pour ad-
versaires presque tous Ceux qui
furent ses amis, et entre autres
MM. Royer-Coilard et Camille
Jourdan. C’est sur eux qu’il ob-
SER
tint un funeste triomphe , ou
plutôt une décevante capitula-
tion (l’amendement de M. Boin),
qui détruisant à la fois et la loi
électorale de la France et le pro-
jet ministériel , préparait la voie
d’une manière trop efficace , à
tout ce qui est arrivé depuis. Le
reste de la session se consuma en
discussions extrêmement aigres,
auxquelles M. de Serre prit une
part trop fréquente. Devenu in-
supportable à ceux dont il avait
déserté l’alliance et consommé la
chute , il fut accablé à [a face de
la France, des injures et des mé-
pris du côté gauche L’irritation
s’empara de son âme ,etilne sut
désormais repousser ses advyer-
saires que la haine dans le cœur,
et la menace sur les lèvres.
Refoulé sur le côté droit ,
M. de Serre rajeunit, à l’usa-
ge de sa nouvelle position , des
théories d’aristocratie consti-
tutionnelles , qu’il avait, il est
vrai, manifestées long-temps au-
paravant, mais jusqu'alors, avec le
soin de les allier aux plus géné-
reuses franchises. Aujourd’hui ,
sa manitre de voir la France
et de la gouverner était entiè-
rement changée. Il semblait ne
plus considérer dans l’aristocra-
tie, que la docile complaisance
du pouvoir. Ces précieuses con-
ditions de savoir ; de modé-
ration ,; d’impartialité , qu’on
l'avait vu un moment rechercher
avec tant de scrupule, dans les
magistrats dont sa haute dignité
Jui attribuait l'élection , il leur
préféra tout à coup, l'adhésion ab-
solue à son système ministériel ,
ou simplement la faveur et la
protection du côté droit. Onle vit
attirer la censure judiciaire sur
SER
un magistrat du plus noble ca-
ractère (M. Madier de Montjau),
qui, usant du droit de péti-
tion attribué par la Charte à
ious les Français, n’avait eu que
la pensée courageuse de préser-
ver son pays des calamités san-
glantes dont il le croyait me-
nacé ; et l’on n’a pas ignoré
que M. de Serre employa, bien
qu’en vain, l'influence que sa po-
siion lui donnait, pour écarter
du sanctuaire de la justice son
ministre si loyal et si généreux.
Tourmenté de l’idée chimérique
de reconstituer on ne sait quelle
aristocratie factice, qui n’eût été
ni l’ancienne ni la nouvelle , on
vit le garde-des-sceaux favoriser
de tout son pouvoir l'érection des
majorats , cette plaie dangereuse
de notre législation ; on le vit oser
expédier à un négociant des lettres
de relief de dérogeance, injure
qui eût été trop cruelle , si son
amertume ne s'était trouvée à
l'instant adoucie par sa ridiculité
même, et aussi par la démarche
pleine de fierté et de véritable
noblesse ; de lun des plus
puissans négocians de la France ;
qui est en même temps l’un de
ses meilleurs citoyens (1). Enfin,
l'impulsion donnée par M. de
Serre, en 1819, à l’administra-
tion de la justice, fut rétractée
(1) À cette occasion , M. Ternaux
déclara du haut de la tribune de la
Chambre des Députés, qu’il ne con-
sentirait pas à lever l'expédition du titre
de baron, qu'ane ordonnance royale
lui avait récemment conféré, jusqu'à
ce que l'injure faite au commerce,
par l'expédition des lettres de relief
de dérogeance , eùt été convyenable-
ment réparée.
SER 289
par lui, en 1820 et 1821, et le
mouvement accéléré dans un sens
contraire; des magistrats du mi-
nistère public furent révoqués
pour.avoir osé conserver l’indé-
pendance de leurs opinions po-
litiques; des circulaires coupables
essayèrent d’influencer l’impartia-
lité des tribunaux, sous prétexte
d'éclairer ou d’animer leur zèle ;
alors pour la première fois, fut
conçue la pensée monstrueuse et
sacrilége , de parler aux juges
d'élections et de partis politiques,
et d'emprunter leur organe ,
pour intimider ou séduire les
officiers ministériels qui concou-
rent à l’exécution de leurs sen-
tences. C’est alors aussi que pro-
fitant de la rédaction imprécau-
tionnée ou astucieuse de la loi, le
ministre de la justice composa la
liste des jurés pour les causes po-
litiques , à l’aide des notes de la
police , et avec plus d’inclé-
mence qu’on ne compose à la
guerre,les commissions militaires.
Alors reparurent les conspirations
dont on avait cessé d’entendre
parler depuis 1817, conséquence
inévitable de cet odieux écha-
faudage de compression et d’es-
pionage, dont il faut bien appuyer
la violence et la déception.Toute-
fois, ilest juste de ne pas oublier
que les dernières limites du mal
ne furent point atteintes sur tous
les points, et notamment, il
faut remarquer qu'aucune exécu-
tion sanglante pour cause poli-
tique, n’attrista sous le ministère
de M. de Serre , l’humanité et
la patrie éplorée.
Après avoir beaucoup fait pour
le côté gauche, en 1819 , M. de
Serre faisait toutpourle côté droit,
en 1821. Les principaux chefs de
19
290 SER
la majorité de 1815 contre les-
quels il avait lutté avec tant d’é-
nergie ; et dont il avait reçu des
témoignages si nombreux et si
amers de dissentiment et d’hos-
tilité, obtinrent son appui aux
élections, et grâce à lui, se virent
en mesure de le gourmander de
nouveau , et bientôt de le ren-
verser. En vain, après avoir épuisé
toutes les voies de pacification,
il poussa la condescendance jus-
qu'à les asseoir à côté de lui, dans
le conseil du Roi; aucune con-
cession ne put les satisfaire ,
et M. de Serre se vit forcé d’a-
bandonaer enfin, le pouvoir au-
quel il avait tout sacrifié. Au
commencement de la session de
1821 , une coalition formée de
la droite et de la gauche, s’orga-
nisa dans ia Chambre des Députés
pour renverser le ministère. On
est un peu embarrassé déjà, pour
raconter avec précision, quel en
fut le motif ou le prétexte. La
majorité fit insérer dans la ré-
ponse de laChambre audiscours de
la Couronne , une clause impro-
bative de la conduite du minis-
tère , relativement à sa politique
extérieure. Le côté droit enten-
dait lui reprocher le maintien de:
la paix avec le gouvernement des
Cortiès de Madrid ; le côté gauche,
son adhésion passive au sys-
ième de la Sainte - Alliance. La
discussion eut lieu en comité se-
cret; M. de Serre en supporta
tout le poids, et il se vit itéra-
tivement entraîné à manifester de
l’aigreur contre le côté droit. Ce
malheureux ministère que n’ap-
puyait aucun principe ; aucun
parti, aucun intérêt, privait la
France depuis près de deux an-
nées, de la liberté de la presse,
SER
qui dévoilait trop son isolement.
M.de Serre, qu’on avait pu croire
jadis le plus fidèle ami de cette
précieuse liberté , comme il s’en
était montré l’un des pluséloquens
défenseurs, était tombé à ce point,
que le gouvernement lui semblait
absolument impossible avec elle.
Or, devant cette chambre hostile à
lui, il eut, dirai-je l’audace ou la
folie, d'apporter comme pre-
mier brandon de discussion , un
projet de loi qui ne demandait
rien moins, que la prolongation
pour cinqans,de la censure minis-
térielle , censure qui s’exerçait
déjà, avec cette tyrannie lâche et
perfide que nous avons vu pour-
tant. dépasser depuis. Cette fois ,
il n’y eut qu’un cri aux deux ex-
trémités de la Chambre , et l’as-
semblée dans son impatience , ne
putpas attendre les délais ordinai-
res des discussions, pour déchirer
en mille pièces le projet du minis-
tre et l’accabler de ses lambeaux.
Une fois encore, comme il avait
déjà fait pour la loi des élections,
le garde-des-sceaux venait renier
lui-même, à la face de la France,
louvrage de ses mains. On l’avait
entendu en 1819, s’élever jus-
qu'aux accens de Ja plus hauteélo-
quence , pour repousser l'intro-
duction dans la loi, des mots ou-
trages à la religion de l’état(au lieu
de ceux-ci : à la morale publique
et religieuse) : on l’entendit en
1921 , justifier ce que lui-même
avait si puissamment contribué à.
faire écarter : on l’entendit encore
répéter avec les hommes d’état
d’une école à laquelle on l'aurait.
cru totalement antipathique , ces
déclamations banales , que la
presse périodique n’est par celle
qui fut émancipée par la Charte.
SER
et à qui le don de la liberté fut
irrévocablement concédé ; qu’elle
est le dissolvant le plus énergique
de la société, et l’agent le plus
puissant des révolutions; qu’elle
est bonne aux Etats-Unis, tolé-
rable peut-être en Angleterre ,
mais insupportable à la France ;
que personne hormis quelques
journalistes, n’en éprouve le be-
soin ; que tout le monde la craint,
à l'exception d’un petit nombre
de factieux. Toutes ces phrases
hypocrites ou soties ; auxquelles
une paisible expérience de plu-
sieurs années nous dispense au-
jourd’hui de répondre, se résu-
maient par demander la censure
pour cinq ans, laissant entrevoir
comme alternative, la pensée de la
remplacer au besoin, par le projet
d'attribuer au gouvernement la
nomination des journalistes ,
comme il fait ses propres agens.
M. Delalot, aunom du côté droit,
repoussa avec une indignation sé-
vère, la proposition ministérielle :
il fit entendre un cri d'accusation ;
et quels qu’aient été les événe-
mens postérieurs , le côté gauche
est justifié d’avoir cette fois, uni
sa voix à celle de l’orateur de la
droite, puisque. définitivement,
la chute de M. de Serre et de ses
collègues, a conservé à la France
et à la civilisation européenne,
leur plus solide garantie et leur
instrument je plus énergique.
Le ministère blessé à mort dans
la Chambre des Députés , se dé-
battitencore quelques jours , mais
ce fut sans succès ; vainement il
engagea, non sans témérité, la
parole du Roi, dans une lutte
contre les députés de la nation:
a sa gesse royale ne tarda pas à
SER 201
remarquer le précipice où pré-
tendait l’entraîner la faiblesse coa-
lisée avec l’orgueil : elle re-
lira $s0on appui au ministère, et
le ministère disparut. Le lende-
main de sa chute, M. de Serre se
montra à Ja Chambre des Dé-
putés , assis au centre droit. Une
dernière bonne fortune latten-
dait sur cet ancien théâtre de sa
gloire. Assuré de composer les ju-
rés, à l’aide des cartonsde la police,
il n'avait pas demandé dans ses
derniers projets de loi sur la
presse, qu’on leur enlevât la con-
vaissance des délits qui peuvent
se commettre avec son aide. Le
nouveau ministère, moins, peut-
être,par conviction,que pour obéir
à des engagemens de parti, pro-
posa aux Chambres de restituer
aux tribunaux de police correc-
tionnelle ce démembrement de
leur vieux patrimoine. M. de
Serre défendit le jury et parut
avoir retrouvé avec son éloquence
qui né l’abandonna jamais, ses
anciennes convictions. Le succès
qu’il obtint en cette circonstance
parut alarmant, et l’on jugea pru-
dent d’éloigner de l’arène où se
conteste la possession du pouvoir.
ce rival encore menaçant. M. de
Serre fut nommé ambassadeur de
France à Naples.
Il fut rendu dans ce brillant
exil , ayant la fin de l’année 1822.
C’est la qu’il passa dans la tris-
tesse, les derniers jours d’une vie
qui semblait promise à tant de
gloire , regrettant la France, cri-
tiquant l’administration du côté
droit,récriminantavecamertume,
contre les principes du côté gau-
che , et surtout contre les inten-
tions qu'il lui supposait. Un voyage
292 SER
diplomatique à Vérone, parut
être le seul incident remarquable
du séjour de M. de Scrreen Italie.
Cependant , la dissolution de la
Chambre des Députés venait d’être
prononcée, et lPon procédait à
la réélection septennale de 1824.
M. de Serre écrivit, dit-on, dans
son payspour faire ressouvenir de
lui. Peut-être espérait-il qu’on le
désirerait comme une ressource
dans la détresse, comme une
planche dans le naufrage ; il se
trompait. Lui dont tous les partis
avaient , tour-à-tour , redouté la
parole et recherché l'alliance ; lui
dont la célébrité populaire avait
successivement épuisé l’amour et
la haine de sa nation, il n’obtint
as une seule voix de toutes celles
des électeurs de la France. Les
amis de sa fortune, les yeux
tournés vers l’astre de ses suc-
cesseurs, n’osèrent agir pour lui;
et non-seulement il ne fut pas élu
député ( ce que l’influence minis-
térielle, ou simplement ke hasard,
auraient pu facilement expliquer),
mais même il n’obtint pas le sté-
rile honneur de la candidature,
malgré les tentatives impuissantes
qui furent essayées en sa faveur.
Au reste, il ne lui restait plus
que peu de jours à vivre. Atteint
au commencement de juiHet 1824,
d’une affection hémorrhoïdale , il
g’était fait transporter dans une
maison de campagne , à Castella-
mare. Bientôt une inflammation
au foie vint compliquer sa mala-
die de lamanièrelaplusalarmante.
Il se confessa et reçut les sacre-
mens de l’église , avec piété et re-
signation. « Sur les dernieres an-
nées de sa vie, nous apprend M.le
baron d’Ecstein , dans une notice
entièrement apologétique consa-
SER
réec à M. de Serre(1), la cause de :
la religion acquit en lui, un défen-
seur éclairé et un noble apprécia-
teur de ses mystères et de ses
dogmes. » Il expira dans la nuit
du 29 au 21 juillet 1824. Son
corps fut embaumé et transporté
en France. M. de Serre a laissé des
héritiers de son nom. Sa veuve
obtint du Roi une pension consi-
dérable. Les faveurs les plus écla-
tantes s’étaient répandues sur Jui,
depuis qu’il eut déserté la cause
populaire; ilreçut le cordon bleu,
lors de la promotion du 29 sep-
tembre 1820, à l’occasion de la
naissance de M. le duc de Bor-
deaux; eten quittant le ministère,
il obtint les titres de comte, et de
ministre d'état. Précédemment,on
lui avait donné la croix de Saint-
Louis, pour ses services à l’armée
de Condé. On n’a pas ignoré non
plus , que des récompenses d’une
autre espèce lui furent prodiguées
par le feu Roi.
La nature avait formé M. de
Serre pour devenir orateur : lé-
tude et la méditation fortifièrent
en lui ces dispositions.Le caractère
dominant de son éloquence fut
l'élévation et l’énergie. Ni la fi-
nesse, ni le sarcasme, ni même
la plaisanterie, ne s’offraient à
son improvisation. La facilité elle-
même en paraissait exclue : je dis
cette facilité verbeuse et com-
mune , que l’habitude enfante or-
dinairement ; mais en revanche,
s’il cherchaitsouvent l’expression,
il ne tardait pas de faire éprouver à
son auditeur, un charme de satis-
faction et d’étonnement, quand il
l'avait trouvé bientôt , originale,
pittoresque et quelquefois subli-
(1, Drapeau blanc, du 3 août 1824,
SER
me. Il avait la conception largeet
profonde, abordait son sujet de
haut, l’envisageait sous ses points
de vue les plus neufs et les plusim-
portans. Sa méthode de discuter
était nette et parfaitement bien
ordonnée; son style correct et
sagement hardi; il n’accordait rien
à la période ou à la déclamation ;
et jamaisilne se crutendroit,pour
prouver sa faconde, de fatiguer
par des développemens inutiles ou
insipides , les assemblées délibé-
rantes devant lesquelles il eut à
parler, et qu’il savait intelligentes,
passionnées , et surtout mobiles
et pressées d'agir. Froid et même
taciturne dans le monde , M. de
Serre possédait surtout, les parties
fortes et actives de l'intelligence ;
familier avec les principales
langues de l’Europe, il connais-
sait les législations aussi bien que
les littératures étrangères, et sans
cesse il tendit vers l’universalité.
Son talent le suivit sous les ban-
nières opposées où on Pa vu pa-
raître : moins franc et moins pur
sans doute , du côté de lerreur,
qu'il ne s'était montré du côté de
la vérité, mais toujours élevé et
toujours brillant, Comme admi-
nistrateur et comme chef de parti,
il fit preuve d’une capacité et
d’une habileté égales à son élo-
quence. Mais , ces dons inesti-
mables du ciel, qu’il répand avec
parcimonie, sur le petit nombre
de ceux qu'il prédestine aux
grandes choses, de quel poids ils
sont pour la mémoire de l’homme
état, qui. au lieu d’en faire la
fortune de son pays, n’en tira
que sa fortune personnelle! Encore
si lon pouvait supposer qu’il à
cédé à des sentimens d’affections
tendres, de fidélité passionnée ,
SER 299
de dévouement héréditaire , sen-
timens d’un ordre secondaire
et particulièrement appropriés
aux intelligences ordinaires ,
mais qui du moins prennent leur
source dans les portions saines
et nobles de notre être; mais
cette supposition n’est pas facile
à l’égard d’un homme de la
trempe de M. de Serre : car sans
parler de tant de circonstances
qui l’accablent , on ne peut pas
oublier qu’il a donné la mesure
de son esprit, qu'il avait vu la
vérité face à face, qu’il s'était
consacré à son culte, après avoir
développé avec supériorité les
motifs de sa conviction, qu’ilavait
accepté la mission de la. prêcher
au monde , et de travaitler à son
triomphe. Comment après cela,
a-t-il pu trouver quelque chose
plus doux ou plus précieux qu’elle?
Aujourd’hui , cette vérité qu'il a
dédaignée ou méconnue pèse sur
sa tombe. Nul nese présente pour
glorifier sa mémoire : à peine
quelquesapologistes timides osent
réclamer pour lui dusilence et de
l'oubli : Îls ne seront pas exaucés.
Quiconque a gouverné les Fran-
çais est voué à une inévitable im-
mortalité. M. de Serre a trompé
toutes leurs espérances, il subira
à jamais leurs ressentimens. Pour
nous, qui ne l’avons point connu
personnellement, mais qui l'avons
aimé un instant, de cet amour
que les gens de bien portent à
quiconque avance le règne de la
justice sur la terre, c’est avec
une conviction tout - à - fait
exempte d’hésitation et de re-
mords, que nous n'avons pas
craint de répéter les sévères accu-
sations de la France , Gontre celui
qui lui a fait tant de mal.
294 . THÉ
THÉ
Te
TAUNAY (A.....), sculpteur,
né à Paris , en 1768 , est mort le
#7 mai 1824, à Rio-Janeiro, où il
avait été appelé pour professer
la sculpture , à l’Académie des
beaux-arts. Il a exécuté au Bré-
sil, un buste très-beau du Ca-
moëns ; placé au palais royal
de Boa-Vista. Les ouvrages les
plus remarquables qu’il a laissés à
Paris, sont une Statue en pied du
général Lasalle, et un buste de
Ducis.
THÉVENOT ( Maccome }, né
à Dampierre , arrondissement
d’Arcis-sur-Aube, le 22 février
1746, était fils d’un maître d'école
primaire établi àPont-Sainte-Marie
près Troyes. 11 fut d’abord maitre
de pension dans cette dernière
ville, et y devintensuite professeur
de 4° au collége. 11 est mort pro-
fesseur émérite, le 19 février 1821,
âgé de soixante-quinze ans moins
trois jours.M.Patris-Dubreuil, l’un
de ses élèves, a publié : Hommage
à la mémoire de M. T'hévenot, dans
ses Mélanges de biographie, d’éco-
nomie publique et critique etc.,
( Paris, Pillet ainé, 1824 , in-8 };
et tiré à part , in-8, de 4o pag. Le
même avait déjà consacré un arti-
cle à Magloire Thévenot, dans le
t. II des Œuvres inédites de Gros-
ley. 1812. 3 vol, in-8.
Liste des ouvrages de M.T hévenot.
I. Cours de septième. Troyes,
1781, in-12, de 327 pages, y
compris un avertissement et des
observations. Anonyme.
IT. Elémens des langues latine
et française, où Méthode élémen-
taire pour apprendre la langue la-
line, précédée des premières notions
de la langue française. ‘Troyes,
MDCCLXXXTIII.deux part.in-12.
Cet ouvrage est le développe-
ment du précédent.
III. Principes de la grammaire
française. Troyes, an IX— 1801;
in-12.
IV. Questions sur les principes
généraux de la langue française. 5°
édit. Troyes, 1810 ; in-8 , de 48
pages. |
V. Anthologie poétique latine,
extrait des meilleurs poëtes moder-
nes, avec la matière en regard, dont
une partie est traduite en français
à l’usage de MM. les’ professeurs ,
instituteurs, etc. Paris, Aug. Dela-
lain, 1811; 2 vol. in-8.
Des exemplaires de cet ouvrage
ont été tirés sur papier vélin et
contiennent quelque chose de plus
que les exemplaires sur papier
ordinaire.
VI. Une édition de la Traduc-
lion anonyme , en vers latins, du
V'ervert de Gresset, avec le texte
en regard; suivie de la éraduction
en vers français, de la paraphrase
en vers lalins, du 8° Psaume, par
Théodore de Bèze. Troyes, Bou-
quot, 1811 ; in-8 , de 40 pages,
tiré à petit nombre.
Enfin, Magloire Thévenot a pu-
blié des Lettres et Dissertations ,
presque toutes anonymes, dans le
Journal de Champagne, 15782 et
THO
années suivantes, et dans d’autres
journaux qui lui ont succédé.
I] laisse en manuscrit une An-
thologie historique et morale, en
latin et en français, extrait de di-
vers auteurs , historiens el moralis-
tes, grecs, latins et français ; trois
parties, formant environ 900 pages
in-folio.
THOUIN ( Axpré }, botaniste,
quit au Jardin du Roi, en fé-
vrier 1747. Sa famille était atta-
chée à cet établissement depuis
plusieurs générations (1 ): lui-
même, dans son enfance et pour
ainsi dire durant tout le cours de
sa vie, ne connut d’autre étude
ni d'autre passion que celle des:
plantes de ce jardin; il n’eut le
temps de faires ses humanités
qu’imparfaitement. Ayant perdu
son père à l’âge de 17 ans, Buffon et
Bernard de Jussieu, qui aimaient
Thouin et qui s’intéressaient à sa
famille , dont il allait devenir l’u-
nique soutien, obtinrent malgré
sa jeunesse , qu’il lui fût donné
pour successeur. Ils se firent fort
pour le jeune homme, de remplir
les devoirs de l’emploi. Leur con-
fiance n’a pas été trompée : « Bien
que la nomination de Buffon, dit
Al.Silvestre (2), à l’intendance du
Jardin du Roi soit de beaucoup
(1) Deux. frères d'André Thouin
sont encore employés au Jardin du
Roi.
(2) Notice biographique sur M. À.
Thouën ; par A. F.Silvestre, secrétaire
perpétuel de la Société royale et cen-
trale d'agriculture, — dansles Mémoires
de cette société pour 1820, et tirée à
part, in-8, de 27 pages. — Nous em-
pruntons à la Notice de M. Silvestre
une portion de cet article.
THO 205
antérieure à celle d'André Thouin,
il est remarquable que ce ne fut
que quelques années après cette
dernière nomination que l’établis-
sement reçut l’immense accrois-
sement qu'il dut à l’impulsion et
au crédit de son illustre chef...
L’étendue du jardin ayant été dès
lors, plus que doublée, M. Thouin
ÿ planta une grande école de bo-
tanique, une collection d’arbres
fruitiers et un jardin de plantes
économiques; il dirigea l'emploi
des terres et des plantations pour
tout le jardin, il fit niveler le lo-
cal, creuser les bassins, bâtir les
murs d'enceinte, construire les
terrasses, et ce travail considéra-
ble fut exécuté dans deux années.
Thouin rendait fréquemment
compte de ses travaux à Buffon,
qui étaitalors à Montbard: ilexiste
encore une série de lettres qui
prouvent l’activité de la corres-
.pondance qui avait lieu entre eux,
à cette époque... «Non-seulement,
»mon cher ;Thouin, lui écrivait
»Buffon, vous êtes digne de
»toute estime, mais le zèle et
» l'intelligence avec lesquels vous
»conduisez nos affaires, méritent
» reconnaissance de ma part. Vos
» lettres sont faites à merveille (il
s'agissait d’une correspondance
administrative avec le ministre }) ;
» vous dites tout ce qu'il faut, et
» ne dites que ce qu’il faut, etc.»
Thouin, toujours simple jardinier,
fut recu membre de l’Académie
royale des sciences , à l’âge de 5
ans, et il puts’asseoir entre Buffon
et Bernard de Jussieu. II inséra
plusieurs mémoires dans les re-
cueils de cette compagnie, F1 fu
chargé de diriger pour l’Académie,
la partie rurale de l'instruction
que Louis XVI avait demandée à
296
ce corps savant,afin de guider l’in-
fortuné Lapeyrouse dans son
voyage autour du monde, et que
le Roi voulut remettre lui-même
au célèbre navigateur. On relit
toujours avec intérêt,cette instruc-
tion que Thouin semblait avoir
rédigée avec un soin particulier.
Il s’arrêteayec complaisance, sur
l'indication de tous les végétaux
utiles qu’on peut naturaliser
dans les latitudes qui devaient
être parcourues, sur les précau-
tions à prendre pour la conserva-
tion des semences, leur distribu-
tion et leur culture. Il indique
les points de relâche où l’on peut
puiser en ce genre, les objets utiles
que noire climat ne permet pas
de fournir.
a Un ouvrage très-important
du même genre, queThouin publia
plus tard, fut une instruction dé-
taillée sur les recherches qui de-
vaient être faites dans les colonies,
relativement aux objets qu’il serait
possible d’y recueillir et sur la
manière de conserver ces objets
et de les transporter. Personne
n'avait fait de plus profondes re-
cherches sur les divers moyens
d’acclimater les plantes étran-
gères. Il avait reconnu que c'était
moins lintensité du froid que son
action à des époques auxquelles
les arbres exotiques n'étaient point
accoutumés, qui empêchait d’éle-
ver, chez nous, en pleine terre,
ceux qui provenaient, soit de cli-
mais plus chauds, soit de pays
qui éprouvent habituellement une
température inférieure à la nôtre.
II pensait que la principale diffi-
culté tenait à la différence d'époque
de l'entrée en sève de ces arbres
et de leur floraison. La serre tem-
pérée qu’il dirigeait pour la natu-
THO
THO
ralisation , lui avait permis d’ob-
tenir des graines fécondes , et, en
variant l’époque des semis , d’ac-
coutumer aux influences de notre
climat, au bout d'un petit nombre
de générations, les plantes qui,
dans leur pays natal, avaient des
époques de végétation toutes diffe-
rentes. Telle a été la belle-de-nuit
à longues fleurs; tels furent les
dalhia , sur lesquels Thouin a pu-
blié un fort bon mémoire.
» Toutes les années, on en-
voyait, du Jardin du Roi, plus
de quatre-vingt mille sachets de
graines , qui étaient adressés gra-
tuitement, aux propriétaires ou
cultivateurs français, aux sociétés
d'agriculture, ou bien aux pé-
pinières départementales. Douze
mille étaient envoyés dans les
colonies françaises ou étrangères ;
environ vingt mille étaient adres-
sés aux différens souverains des
états de l’Europe; et en exami-
nant la liste de ces envois répétés,
on cherche vainement un seul de
ces souverains qui n’ait été tribu-
taire de cette portion de recon-
naissance toujours due à un bien-
fait constamment renouvelé, et
qui ne l'ait plus ou moins haute-
ment manifestée. L'empereur de
Russie et le roi de Prusse , lors de
leur présence à Paris, ont témoi-
gné une bienveillance particulière
à M. Thouin. L'empereur d’Au-
triche, surtout, visitait fréquem-
ment ses travaux , et sémblait ou-
blier tout-à-fait, près de lui, son
rang suprême. Les envois de
greffes et de végétaux vivans
étaient aussi fort nombreux; ils
ont contribué à répandre, en
France, les meilleures espèces de
fruits, et les arbres d’ornemens
ou forestiers qui avaient été sur-
THO
tout tirés de l’Amérique, et que
la culture, au Jardin du Roi,
avait conquis à la France. C’est à
cette culture que nous devons la
propagation de plusieurs plantes
utiles, telles que la patate, le lin de
la Nouvelle-Zélande, l’herbe de
Guinée, la baniande; de plusieurs
arbres précieux, tels que le sophora
du Japon, le robinier d’Anié-
rique, etc. C’est aussi à Ces envois
que nous devons aujourd'hui la
naturalisation, dans nos colonies,
de la canne à sucre d’Otaiti aux
Antilles, de la vanille à l’île de
Bourbon , et de l’arbre à pain à
Cayenne. Cet arbre précieux,
après avoir séjourné pendant
trois ou quatre ans, dans les serres
de M. Thouin, fut porté à la
Guiane , avec le même succès que
le café, jadis également cultivé
au Jardin du Roï, avait été trans-
orté à la Martinique.
» M. Thouin fut, en 1806, nom-
mé à une place de professeur de
culture , qui avait été créée pour
lui, dans l’établissement... Douze
professeurs étaient chargés de faire
connaître tous les objets qu’il ren-
ferme , leurs relations entre eux,
la place qu’ils occupent dans lé-
chelle des êtres; aucun n’y parlait
encore des moyens de les repro-
duire avec succès, ni de l’appli-
cation d’un très-grand nombre
d’entre eux à nos usages domes-
tiques : lanomination de M.Thouin
remplit cette lacune, et bientôt le
nouveau professeur établit une
école de culture pour servir à la
démonstration des lecons qu’il de-
vait donner. Cette école, la pre-
mière qui ait été instituée en Eu-
rope, était destinée à mettre sous
les yeux des élèves tout ce qui est
relatif à la culture des végétaux,
THO 207
à offrir des modèles des divers
procédés employés pour leur édu-
cation et leur multiplication, et
à faire des observations et des
expériences sur la physique végé-
tale... Une nombreuse coliection
d’instrumens d’agriculture de tous
les pays, fut attachée à cette chaire
et servit aux démonstrations. M.
Thouin à publié successivement,
dans les Annales du Muséum d’his-
toire naturelle, des mémoires dé-
taillés sur toutes les opérations et
sur tous les objets d'expériences
de cette école, qui a eu surtout,
pour principal résultat, de con-
tribuer au cours instructif que ce
célèbre professeur faisait chaque
année , dans l’établissement. Le
plan qu'il avait adopté était vaste
et méthodique; dans la première
division, il donnait l’histoire dé-
taillée de l’agriculture, depuis
son origine jusqu’à nos jours,
dans toutes les parties du monde;
et il cherchait à faire apprécier
quelles circonstances locales ou
politiques avaient pu influer sur
les progrès ou sur les mouvemens
rétrogrades de cet art, qui, pour
tous les pays, est le plus puissant
élément de prospérité. Dans la
seconde division, il donnait l’in-
dication et faisait connaître l’usage
de tous les produits de l’économie
rurale: il détaillait les procédés
de culture, de multiplication et
de conservation des plantes; il
examinait les effets des divers
agens de la végétation; il traitait
de l’architecture rurale, des clô-
tures, du transport et de la pré-
paration des terres, des arrose-
mens, des semis et plantations,
des tailles diverses, des récoltes ;
enfin, il présentait des considéra-
tions sur la végétation dans les
298 TEHC
quatre parties du monde, sur les
séries de plantes qu’il est le plus
facile de naturaliser, sur les
moyens à employer à cet effet, et
sur les avantages que peuvent
présenter des établissemens d’in-
struction consacrés à la culture et
à la naturalisation. Tels étaient
les principaux chjets des cours
annuels que Thouin faisait au Jar-
din du Roi. Ces cours attiraient
un grand concours d’auditeurs de
toutes les conditions... Thouin
agrandissait, chaque année, Île
cadre de ses leçons; il recueillait
toujours de nouvelles observa-
tions, qu'il ajoutait à son grand
travail. II ne pouvait se résoudre
à publier un ouvrage que lui seul
regardait encore comme incom-
plet; il se bornait à exposer, pen-
dant le temps de son cours, dans
la bibliothèque du Jardin du Roi,
destabléaux concernantla division
et la nomenclature méthodique et
raisonnée de tous les objets de ses
lecons. II à laissé, en mourant,
ses manuscrits à son neyeu, M.
Oscar Leclerc, qui était aussi son
aide...
» M. Thouin avait voyagé, vers
1780, en Auvergne; et ses obser-
vations sur cette intéressante con-
trée sont encore inédites; dans
un âge plus avancé, il fut, en
15099, envoyé en Hollande, en
Flandre et en Italie; il y séjourna
plusieurs années... Il examina
avec le plus grand soin, ‘tous les
procédés de culture particuliers à
CES deux Pays; il recueillit une
foule de notes intéressantes, dont
ia réunion forme plusieurs gros
volumes manuscrits... Dans son
Mémoire sur l’arrosement, il fit
connaitre toutes les espèces d’irri-
gations qui sont pratiquées avec
THO
tant de succès , en Italie; et dans
son Cours de culture, il exposait
avec détail, les procédés usités
dans les Pays-Bas , pour la prépa-
ration des engrais et des terres et
pour la série des assolemens, pra-
tiques qui ont fait regarder cette
contrée par tous les agronomes,
comme la terre classique de lagri-
culture. Il rapporta des deux
pays, tous les instrumens de cul-
ture qui offraient quelques avan-
tages sur ceux dont nous nous
servons ; il envoya aussi d'Italie,
des buffles , des bêtes à corne de
la Romanie, ainsi que des ânes de
Toscane... Les derniers se sont
reproduits et croisés ayec assez de
succès. Il rapporta aussi de ce
pays,diverses plantes,notamment,
l'espèce de blé de mars qui four-
nit, en Toscane, la paille propre
à faire des chapeaux; il cultiva ,
pendant plusieurs années, cette
plante, dans le Jardin botanique et
dans l’École de culture... »
Après ces détails sur la partie
scientifique de la carrière de
Thouin , dus à la plume de son
collègue, il nous reste à dire quel-
que chose , sur sa vie publique et
son caractère individuel. Des ver-
tus vraiment patriarcales et une
pureté d'âme sans tache, ne dé-
tournèrent pas M. Thouin d’adop-
ter avec la plus ferme conviction,
les principes de la Révolution; et,
s’il ne voulut jamais participer à
nul des excès qui la souillèrent ,
il ne put non plus se résoudre à
renoncer aux vérités qu’elle avait
manifestées. En 1791, M. Thouin
fut élu membre du département
de Paris. En 15704, il fut nommé
rofesseur à la première école
normale. Pendant les deux années
qui suivirent, il voyagea en qua-
THO
lité de commissaire du gouverne-
ment républicain , en Hollande et
en Italie, afin de reconnaître et
recueillir dans ces pays, les objets
intéressans pour l’agriculture. Il
rendit compte de sa mission le 9
thermidor de l’an VI, au milieu
de la cérémonie civique célébrée
au Champ-de-Mars, à l’occasion
de cet anniversaire, et reçut du
Directoire ; une médaille d’hon-
neur. Sous la monarchie impé-
riale, M. Thouin s’enfouit dans
son jardin, et plus que jamais , il
y concentra son existence. L’hor-
ticulture profita de ses études et
de ses travaux, sans que l’état fût
troublé de la candeur obstinée de
ses opinions politiques.
Jadis ses plus intimes amis,
après Buffon et Bernard de Jus-
sieu, avaient été Malesherbes et
Duhamel. Jean-Jacques Rousseau
l'avait visité souvent, et lui té-
moigna beaucoup d’affection. On
a trouvé à sa mort, parmi ses pa-
piers,soixante-douze diplômes d’a-
cadémies ou sociétés savantes ;
pourtant, il mettait fort rarement,
en tête de ses ouvrages, d’autres
titres que celui de professeur de
culture. Lorsqu'il recut la déco-
ration de la Légion-d’Honneur ,
il ne put se résoudre à la porter ;
il résista à ce sujet, aux plus pres-
santes sollicitations... Il craignait
tout ce qui pouvait attirer les re-
gards , tout ce qui semblait le sé-
parer de la classe des simples
jardiniers , à laquelle il s’applau-
dissait d’appartenir encore, et
dont la profession ayait fait le
bonheur de sa vie. Ce vénérable
vieillard se sentait averti par des
douleurs croissantes depuis une
année , de l'approche de la mort,
lorsqu'une maladie érysipélateuse
THO 299
étant venue le forcer à garder le
lit et à rester dans l’inaction, une
fièvre violente s’empara bientôt
de lui, et il expira, âgé de près de
soixante-dix-huit ans, le 27 oc-
tobre 1824.
M.Cordier, au nom des profes-
seurs du Muséum d'histoire na-
turelle ; M.G. Cuvier, au nom de
l’Institut, prononcèrent les dis-
cours funèbres aux funérailles du
patriarche des jardins.(1) «C’est la
modestie et la science unie à la
simplicité la plus aimable , s’é-
criait M. Cuvier , que nous per-
dons aujourd'hui, dans le bon
vieillard dont cette tombe va cou-
vrir lesrestes. Ce cercueil entouré
à la fois des membres d’un corps
illustre , et des humbles ouvriers
d’un grand établissement , égale-
ment arrosé de leurslarmes , est
celui d’un homme qui appartenait
à l’une et à l’autre famille, qui en
était également chéri et vénéré.
Succédant à deux ou trois géné-
rations patriarcales, dont le travail,
depuis près d’un siècle, embellis-
sait et faisait prospérer Ce magni-
fique dépôt des richesses de la
nature, M. Thouin y trouva, en
quelque sorte , un domaine héré-
ditaire : il en fit sa patrie, il y
placa toute son existence. Parmi
tant de changemens dans les
hommes et dans les choses , lors-
qu'aucune ambition ne manquait
d’appât, et qu’il y avait des ten-
tations pour toutes les faiblesses,
rien ne put l’arracher à ce séjour
paisible. Cette brillante végéta-
(1) M. Cuvier a aussi prononcé l'E-
loge de A. Thouin, dans la séancepu-
blique de l’Académie des Sciences, du
20 juin 1824. On le trouve imprimé
dans le Aoniieur du 13 août suivant.
3%0 THO
iation que ses soins prolongés
avaient en quelque sorte , rendue
son ouvrage, lui tint toujours
lieu de gloire et de fortune : mais
aussi, qui a mieux prouvé que lui,
que le mérite peut faire un poste
élevé de la place la plus humble ?
Il était nourri dans les travaux
d’un jardin ; maisil l’était sous les
yeux de Buffon et de Jussieu :
chaque jour il les voyait, il les
entendait. Il se sentit né pour
parler aussi leur langage , et bien-
tôt ce futauxtravaux de leur esprit
qu’il se trouva digne d’être associé.
Ces hommes célèbres se crurent
honorés de le voir s’asseoir à côté
d’eux , et l’Europe savante ne les
sépara plus dans ses hommages.
Dés lors, sa modeste carrière
s’est agrandie ‘et peu d'hommes
ont exercé une influence plus
atile, »
M. Geoffroy Saint-Hilaire, col-
lègue de M. Thouin à l’Institut et
au Jardin du Roi, lui a consacré
une notice intéressante ( Revue
Encyclopédique. T. XXIV. p.555),
qui achèvera de peindre ce carac-
tère qui fut si beau dans sa sim-
plicité (1). — « Comme homme
privé , dit M. Geoffroy , il est de-
demeuré incompréhensibie à qui-
conque n’est susceptible ni de
force d'âme, ni du désintéresse-
ment des pompes sociales. On
(1) On a publié aussi : Eloge histo-
rique de André Thouin, président de
La Société Linnéenne de Paris ; par
M. Arsène Thiébaut de Berneaud.
Paris , impr. de Lebel, 1825 ; in-8, de
2 feuilles un quart. — Le Bon Jardi-
nier, Almanach pour l'année 1825.
in-12, chez Audot, par MM. Boitard,
Noisette et Vilmorin, est orné du
portrait d'André Thouin.
THO
peut estimer à leur valeur réelie
tous les avantages du rang , tous
les hochets des distinctions ima-
ginées par la vanité, et cependant
s’y soumettre par docilité de ca-
ractère. M. Thouin en jugea tou-
jours autrement. Mais, s’il a re-
nouvelé parminous , les manières
de ces hommes de bien de l’an-
cienne Grèce , qui poussaient jus-
qu’à l’exagération la pratique des
vertus domestiques, ce fut du
moins sans affectation, sans le
dédommagement que procurait à
ceux-là, certain manteau qui flat-
tait en secret , une autre combi-
naison de vanité. M. Thouin sé-
para toujours les devoirs des
agrémens de la société, les dis-
tinguant non-seulement comme
rêves de l'esprit, mais dans lappli-
cation qu’il s’en faisait à lui-même;
car il accepta, il voulut les pre-
miers, quelquefois jusqu’à se
laisser accabler sous leur faix , et
il resta constamment inaccessible
à l’attrait des seconds. 11 ne se
soumit jamais non plus, au régime
des visites, ni à aucune de ces
communications prescrites par le
code si fastueusement nommé du
savoir-vivre. Aucune invitation
à diner n’eut de prise surlui:il ne
parut aussi jamais aux séances
solennelles des académies ; enfin
il se vit à regret, et l’on pourrait
ajouter avec une résignation stoi-
que , inscrit sur les listes des che-
valiers de la Légion-d’'Honneur ;
et il ne fut à ce sujet, attentif qu’à
une seule chose, à Pindulgence
de ses amis , qui ne s’offensaient
pas de ce qu’il ne portait point
habituellement une décoration
«sans objet, disait-il, sur l’habit
» d’un jardinier». Qu’on taxe cela
de singularité ; soit; mais l’on se
THO
tromperait beaucoup ,; si lon
croyait y voir aussi de la misan-
thropie , de éloignement décidé
pour les hommes. Nul n’était au
contraire, plus accessible ; nul n’a-
vait dans le commerce intime,plus
de douceur et d’aménité ; mais il
fallait venir à lui, puisqu'il n’al-
lait lui-même chez personne. Ilne
se complaisait que dans une seule
idée , celle d’être utile aux autres:
aussi, n’avait-il aucune force,
comme il ne trouvaitaucun terme,
pour refuser son temps, ses con-
naissances , sa science , ses végé-
taux : vous pouviez tout lui de-
mander. Dirigeait-il les travaux
de culture , il priait qu’on fit ceci,
qu’on arrangeât cela ; et c'était
toujours avec des manières de di-
gnité simple et de bonté, qui
plaçaient le dévouement dans l’o-
béissance. Toujours calme, il ne
s’abandonnaiït à quelqu’exaltation,
que si l’on exposait devant lui
le plan de nouvelles institutions
ou de nouvelles constructions
d'une grande utilité et d’une ap-
plication générale et durable ; les
délassemens qu’il s’accordaitetses
promenades avaient toujours pour
but les travaux publics où il avait
remarqué ces caractères. II ne se
maria point et devint cependant
un chef de famille dévoué et vé-
néré : et c’est peut-être cette der-
nière circonstance qui a donné
lieu à cette austérité , à cette
âpreté de mœurs que nous venons
de signaler...»
Trop souvent nous sommes
engagés à supprimer à cause de
leur vénalité, les Jouanges faci-
lement prodignées à la cendre à
peine éteinte des morts; on nous
excusera sans doute d’avoir fait
une exception pour celui qui sut
THO 501
mériter des éloges tellement una-
nimes , qu’il est permis de douter
si quelqu'un a jamais dit, ou
seulement pensé du mal du véné-
rable Thouin. Et d’ailleurs quelle
vie fut mieux remplie que la
sienne, non de ce qui fait du
bruit ; mais de ce qui fait du bien ?
On a donné en l’honneur de
Thouin, le nom de T'houina à un
genre de plante dont on connaît
trois ou quatre espèces.
Liste des ouvrages d’ A. T'houin.
I.( Avec M. Tessier et Bosc),
Le Dictionnaire d’ Agriculture de
l'Encyclopédie méthodique, en 6
vol. in-4. — toute la partie du
jardinage est de M. Thouin.
IL. Mémoires sur l’aërologie et
Pectrologie. 1806. 3 vol. in-8.
III. ( Avec Parmentier, Tessier,
Huzard, etc. ). Les tomes XI et
XII du Nouveau Cours complet
d'agriculture, rédigé sur le plan de
celui de Rozier. Paris, Déterville,
1809, 13 vol. in-8.
IV. Monographie des Greffes, ow
Description technique des diverses
sortes de greffes employées pour la
multiplication des végétaux. Paris,
M" Huzard, 1821, in-4, de 8
feuilles et demie, plus 13 planches.
André Thouïn a eu part au Dic-
tionnaire d’histoire naturelle de
Levrault, et au Mouveau Diction-
naire & histoire naturelle de Déter-
ville. Il àa donné des Mémoires
dans la collection de ceux de
l’Académie Royale des Sciences de
l'Institut, — du Muséum d'histoire
naturelle, — de la Société royale
d'agriculture. — 11 à particulière-
ment, inséré dans les Annales du
Muséum, une Description du
Jardin du Roi, des serres, de
502 TUR
l’école de culture, de celle des
arbres fruitiers, une instruction
sur l’établissement des pépiniè-
res, elc., etc.
On a publié, en octobre 1824,
le prospectus d’un Traité des ar-
bres forestiers, par M. Jaume
Saint-Hilaire, précédé d’une 7n-
struction sur La cullure des arbres,
par M. Thouin.
TURLOT ( Françors-CLAUDE )
naquit à Dijon, le 25 janvier 1545,
d’une famille honorable de magis-
trats. 11 embrassa l’état ecclésias-
tique. Dans sa jeunesse, il avait
été chargé par le roi Louis XVI, de
l’éducation de l’abbé de Bourbon,
l’un des fils naturels de Louis XV.
Il perdit cet élève à Naples, en
1787, où äl l’avait conduit dans
le cours des voyages qui devaient
compléter son éducation. Ce fut
un coup douloureux pour lui, et
trente ans après, il exprimait en-
core ses regrets d’une manière
touchante, dans ses Etudes sur La
T'héorie de l'avenir. A la suite de
cette éducation si malheureuse-
ment terminée, l’abbé Turlot fut
nommé aumônier de Madame
Victoire, bientôt après vicaire-
général du diocèse de Nancy et
pourvu d’un bénéfice. La Révo-
lution lui enleva tous ces biens:
il soutint cette perte avec fermeté,
se consola par l'étude, la com-
position d'ouvrages utiles, et l’ac-
complissement de ses devoirs,
dans une place modeste, mais
conforme à ses goûts, qu'il avait
obtenue à la Bibliothèque du Roi,
en 1596. Il est mort âgé de près
quatre-vingts ans, le 21 décembre
1821.
TUR
Liste des ouvrages
de CL Fr. Turlot.
I. Eludes sur la théorie de l’ave-
nir, où Considérations sur les mer-
veilles et les mystères de la nature ,
relatives aux fulures destinées de
l'homme. Paris, Maradan , 1810.
2 vol. in-8. — anonyme.
L'auteur y développe dans'un
style pur et souvent élégant, des
idées douces, consolantes et reli-
gieuses , sur l'avenir de l’homme.
Ses théories sont quelquefois abs-
traites,paradoxales, mais habituel-
lementrevètues d’une forme agréa-
ble, et semées d’anecdotes, et de
traits d'esprit ou de sentiment.
IT. De l’Instruction, ouvrage
destiné à compléler les connaissances
acquises dans les lycées, les collèges
et les maisons d’éducation. Paris ,
imprimerie royale, chez Mara-
dau, 1816. in-12, de 17 feuilles
et demie — seconde édit. Paris ,
Maradan, 1819; in-12, de 14
feuilles et demie.
Un discours préliminaire d’une
étendue considérable, trace l’ana-
lyse de nos connaissances, et le
fil qui les attache et les unit. Le
reste du volume est rempli par
une bibliographie universelle,
mais choisie, qui n’est pas sans
intérêt, mais où l’on regrette de
rencontrer des inexactitudes.
III. Abailard et Héloise, avec
un aperçu du XTI° siècle comparé
sous tous les rapports, avec Le siècle
actuel, et une vue de Paris tel qu’il
était alors. Paris, Janet et Cotelle,
1822; in-8, de 19 feuilles et trois
quarts, plus 4 planches.
VIG
IG
503
Ve
“
VIGNOLLE {le comte MARTIN
#E), lieutenant-général, naquit à
Massillargues, près Montpellier,
le 18 mars 1563. Sa famille était
vouée depuis plusieurs généra-
tions, au service militaire, ce qui
lui procura l’avantage, aussitôt
qu'il eut terminé ses premières
études, d'entrer dans le régiment
de Barrois-infanterie, en 1780,
comme cadet - gentilhomme. A
peine nommé capitaine en 1792;
c’est à l’armée des Alpes, sous le
général Montesquiou, qu'il fit sa
première campagne. Après la con-
quête de la Savoie, il passa à lar-
mée d’Italie,et obtint ie grade d’ad-
judant-général , en février 1504.
C’est en cette qualité qu’il eom-
manda , à la prise de Saorgio, une
des colonnes qui emportérent le
camp retranché : peu de temps
après, il en commanda une autre
à la prise du Col-de-Tende. Sa
réputation dans l’armée d’Italie,le
fit choisir pour sous-chef d’état-
major-général par le général Kel-
lermann, lorsqu'il en prit le com-
mandement , et ensuite pour chef
d’état-major par Schérer, qui vint
le remplacer , et à qui Vignolle
rendit de grands services, à la ba-
taille de la Borghetta. A l’arrivée
de Bonaparte, Berthier fut placé
à la tête de l'état-major, où il eut
Vignolle pour adjoint.Lenomdece
dermierfut citéhonorablement dans
les bulletins de la mémorable cam-
pagne de 1796 , notamment à l’oc-
casion des affaires importantes de
Dego et de Montenotte. Le Direc-
toire lui fit écrire une lettre de sa-
tisfaction, et de son côté, Vignolle
lui'envoya une adresse, au nom de
sa division, contre le club et le
parti de Clichi. Après la bataille
de Mondovi, il concournt au traité
par lequel le roi de Sardaigne con-
sentit que les forteresses de Céva,
Coni, Alexandrie et Tortone, re-
çussent garnison française. Il se
trouva, le 10 mai 1596, au pas-
sage du pont de Lodi, qui ouvrit
le Milanais aux armées françaises.
La bataille de Castiglione lui va-
lut le grade de général de brigade,
que Bonaparte demanda pour lui,
à cause de la bravoure sûre, letalent
et l’activité rares qu’il y avait mon-
trés. Vignolle fut blessé au pont
d’Arcole, et mis pour quelques
mois, hors de combat. Après sa
guérison , ‘il eut le commande-
ment de la province de Crémone,
et ensuite celui du Milanais, qu’il
conserva jusqu’à Ja fin de la cam-
pagne terminée par la paix de
Campo-Forrmio.
Resté en Italie avec le titre de
chef d’état-major del’armée, M. de
Vignolle fut nommé, après le de-
part de Bonaparte, ministre de la
guerre de la République cisalpine.
Mais à la reprise des hostilités, en
novembre 1798, il quitta ce poste
pour rentrer en activité. Durant
cette campagne , il s’empara de
Sienne , et fut chargé de la garde
des Apennins toscans. À près l’af—
faire de la Trebia et la retraite des
Français d'Italie, il reçut du gé-
néral Moreau, la mission d’aller #&
Nice organiser des bataillons sup-
plémentaires. Berthier étant de-
VIG
©
©
ES
venu ministre de la guerre, à la
suite du 18 brumaire, appela le
. général Vignolle aux fonctions de
secrétaire-général de ce départe-
ment : celui-ci ne les remplit que
deux mois, au bout desquels Bo-
naparte l’envoya à Dijon, pour y
organiser cette célèbre armée de
réserve qui, peu de mois après, de-
vait reconquérir l'Italie. Ayant
passé le Tésin avec une colonne,
Vignolle occupa Milan et en bloqua
la citadelle. À près la bataille de Ma-
rengo, il eut le commandement
de la Lombardie et la mission de
concourir à l’organisation de la
République italienne. Il se trouva
ensuite, au passage du Mincio
(26 décembre 1800), et y eut
son aide-de-camp tué à ses côtés.
Après cette campagne, il reprit le
commandement du Milanais jus-
qu’en 1802, et eut aussi celui des
troupes stationnées à Bergame et
à Côme, jusqu’en 18058, qu'il re-
vint à Paris. Il fut, à cette époque,
nommé chef d'état-major de l’ar-
mée de Hollande, et le 27 août
1805, promu au grade de général
de division. Il dirigea, sous le
maréchal Marmont, le deuxième
corps de la Grande-Armée, dans la
campagne de 1805 , et il alla avec
le même général, en Dalmatie,
comme chef d'état-major de lar-
mée destinée à combattre les Rus-
ses et les Monténégrins, et à déli-
vrer le général Lauriston, bloqué
dans Raguse. Il contribua beau-
coup au succès du combat de De-
bilibriock, en avant de Castel-
Nuovo et de quelques autres qui
mirent fin à cette campagne. De
retour en France, le général Vi-
gnolle futenvoyé à la Grande-Ar-
mée. et il y remplit îes fonctions
de chef d’état-major-général. TI
\
VIG
assista à la prise de Vienne et à la
bataille d’Essling. Le 18 juin 1809,
il passa comme chef d’état-major
général, à l’armée d'Italie, qui se
portait vers les provinces scla-"
vonnes de la Hongrie. A Ja pre-
mière journée de la bataille de
Wagram, le général Vignolle fut
grièvement blessé d’un éclat d’o-
bus, qui lui fracassa la tempe , le
priva de l’usage d’un œil, et le
retint pendantdeux mois.à Vienne,
où l’on craignit de le perdre. En
septembre 1809, il fut envoyé à
Milan, et particulièrement em-—
ployé, en 1812, à y organiser un
corps d'armée destiné à faire par-
tie de l’expédition de Russie. Il
n’obtint pas d’en faire partie, et
fat laissé en Italie, pour comman-
der les troupes qui s’y trouvaient.
Au retour du prince Eugène à Mi-
lan, en 1815, ilreprit ses fonctions
de chef d’état-major. Après qu’il
eut réorganisé l’armée d'Italie, il
fit la campagne de cette année,
dont il a écrit l’histoire (1) jus-
qu'aux événemens d'avril 1814.
Ces événemens l’obligèrent de
ramener l’armée sur les frontières
de France.
Le général Vignolle revenu à
Paris, au mois de juin 1814, y fut
nommé membre d’une commis-
sion chargée de l’examen des ser-
(1) Précis historique des opérations
militaires de l’armée d'Italie, en 1813
et 1814; par le chef d’état-major-
général de cette armée. Paris, Barrois
l'ainé , 18173 in-8, de 13 feuilles,
plus une carte. — La Ziographie des
hommes vivans, publiée chez Mi-
chaud , annoncait en 1819, que le
général Vignolle avait en portefeuille,
un Essai historique sur La campagne
de l’armée d'Italie, en 1800.
WAF
vices militaires des émigrés. Après
la journée du 20 mars 1819, il
se retira dans sa famille, et lors
de la seconde rentrée du Roi, il
fut nommé au commandement de
la 18° division militaire, à Dijon.
En septembre suivant, il se trouva
compris dans une ordonnance du
1" août 1815, et mis à la retraite,
On :’en dédommagea immédiate-
ment,par le titre de conseiller d’é-
tat, section de la guerre, et en
mars 1818, par la préfecture de
Ja Corse. C’est sous son adminis-
tration que M.le général Sébastiani
fut élu député. M. de Vignolle
donna sa démission, pour raison
de santé, en 1820. Ea même an-
née, il parut sur les rangs de la
candidature législative, et obtint
toutes les voix de l’opposition , en
nombre considérable, au grand
collége du Gard; mais en 182%,
le ministère le nomma président
du collége électoral de Parrondis-
sement d’Alais, lors des élections
pour la première chambre septen-
nale, et il l’emporta cette fois, sur
M. de Saint-Aulaire, son concur:
rent. Les antécédens militaires de
M. de Vignolle, et la religion ré-
WAF 305
formée qu’il professait, contri-
buërent sans doute, à lui acquérir
dessuffrages. Iln’estmonté qu’une
fois à la tribune de la Chambre
des députés, pour parler sur le
budget de la guerre, pendant la
session de 1824; mais on doit
supposer qu'il votait avec le mi-
nistère , puisqu'indépendamment
de la présidence du collége eélec-
toral qu’il avait acceptée, il a été
porté par!M.de Peyronnet, au ser-
vice actif du conseil d'état, section
de la guerre, lors de la dernière
organisation définitive de ce corps,
au mois d’acût 1824. — M. de Vi-
gnolle est mort à Paris, le 13 no-
vembre 1824, d’une maladie d’en-
trailles, à l’âge de 61 ans. Il était
commandeur de lordre royal ct
militaire de Saint-Louis, et grand
officier de celui de la Légion-
d'Honneur, — M. le lieutenant-
général du génie Campredon ei
M. le pasteur Marron, président
du Consistoire de l'Eglise réfor-
mée de Paris, ont prononcé cha-
cun , un discours sur sa tombe.
Le discours du général Cam-
predon se trouve dans le Moniteur
du 39 novembre 1824.
We
WAFFLARD (Arexrs-Jacques-
Mari), né à Versailles, le 29 juin
1785, est mort à Paris, le 12 jan-
vier 1824, d’une maladie de poi-
trine.-On lui doit plusieurs pièces
de théâtre qui se distinguent par
un dialogue pétillant d'esprit, et
par des effets dramatiques très-
bien calculés.
I. (Avec J. Gabriel) Haydn,
ou le Menuet du Bæuf, comédie
anecdotique en un acte, mêlée de
vaudevilles, représentée pour la
première fois,à Paris,sur le théâtre
du Vaudeville, le 12 novembre
1812.
II. ( Avec Moreau) Le Voile
d'Angleterre, ou la Revendeuse à
la toilette, comédie-vaudeville en
un acte, représentée pour la pre-
20
Lr4
506 WAF
mière fois, à Paris, sur le théâtre
du Vaudeville, le 14 mars 1814.
Paris, M"° Masson, in-8.
IHi. (Avec le même) Les Ca-
méecns, Comédie-vaudevyille en
nn acte, représentée pour la pre-
mière fois, à Paris, sur le théâtre
du Vaudewille, le 25 octobre 18:15.
IV. (avec un anonyme) Une
Promenade à Saint-Cloud, bluette
épisodique en un acie, mêlée de
vaudevilles, représentée pour la
première fois. à Paris, sur le théä-
tre du Vaudeville, le 10 septem-
bre 1817. Paris, M'° Huet-Mas-
son, in-8.
V. (Avec Fulgençe) Un Mo-
ment d’imprudence, comédie en
trois actes et en prose, représen-
tée pour la première fois, à Paris,
ar les comédiens du Roi, sur le
Second-Théâtre- Français, le 1°
décembre 1819. Paris, Barba,
in-8.—réimprimé dans la Fin du
Répertoire du Théâtre français.
Paris,M°®° Dabo,:825,5 vol.in-18.
VI. {Avec le même) LeVoyage
à Dieppe, Comédie en trois actes
et en prose, représentée pour la
première fois, à Paris, par les co-
médiens du Roi, sur le Second-
Théâtre-Français, le 1° mars1821.
Paris, Barba, in-8 —seconde édit.,
ibid, 1824.
VII. (Avec MM. Picard et Ful-
gence) Un J'eu de Bourse, où la
Bascule, comédie en un acte et
WAF
en prose, représentée pour la pre-
mière fois, à Paris, sur le théâtre
du Gymnase-Pramatique, le 26
juillet 1821. Paris, Barba, in-8.
VIJI. (Avec les mêmes) Les
Deux Ménages, comédie en trois
actes elen prose, représentée pour
la première fois, à Paris, par les
comédiens du Roi, sur le Second-
Théâtre -Français, le 21 mars
1822. Paris, Barba, in-8.
Cette pièce a été traduite en
italien,dans la collection intitulée:
Repertorio scelto ad uso de? T'eatri
Jialiani, du professeur Gaetan
Barbieri. Milan, 1824, 8 volumes
in-10.
IX. (Avec Fulgence) Le Cé-
libataire et l Homme marié, comé-
die en trois actes et en prose, re-
présentée pour la première fois, à
Paris, par les comédiens du Roi,
sur le Second-Théâtre-Français,
le16 décembre 1822. Paris, Barba,
in-8, 1829; deux éditions.
X. L’Ecolier d'Oxford, comé-
die (posihume) en trois actes et
en prose, représentée pour la pre-
mière fois, à Paris, par les comé-
diens du Roi, sur le Second-Théi-
tre-Français , le 29 juillet 1824.
Paris, Barba, 1824; in-8. — ré-
imprimé dans la Fin du Réper-
toire du Théâtre français.
Il reste encore une pièce iné-
dite de Wafflard , qui n’a point été
jouée.
ANNUAIRE
NÉCROLOGIQUE.
PARTIE ÉTRANGERE.
( 1823.)
À e
À rer - PRÉVOST (Mie ) est
morte à Genève, en 1823. Déjà
parvenue à un âge mûr, elle habi-
tait Lyon, lorsqu'elle eut occasion
de connaître Bonaparte, alors âgé
de 19 ans, et sous-lieutenant d’ar-
tillerie. L’éloignement qu’il mon-
trait pour la dissipation et les plai-
sirs, son extrème réserve dans la
société, son application constante
à l’étude, excitèrent l'intérêt de
M'e Agier-Prévost. Elle le vit
souvent ; et Bonanarte, apres son
départ de Lyon, écrivit queïque-
fois à celle qu’il avait pris l’habi-
tude d’appeler sa bonne-maman. Y
ne l’oublia pas dans sa prospérité :
traversant la Suisse, en 1795, il
Jui rendit visite à Lyon, et pour
la seconde fois, à son passage à
Chambéry, après la bataille de
Marengo. Différentes circonstan-
ces ayant privé M'e Agier de
l’honnète médiocrité qui suffisait
à ses besoins, on lui conseilla de
recourir à son ancien ami alors
parvenu au faîte des grandeurs
humaines : cette démarche aurait
trop coûté à son âme délicate et
fiére, et ce fut à son insu, qu’une
de ses amies lui obtint une pen-
sion de 6000 fr. Peu après la mort
de Me Agier-Prévost, on à pu-
blié un roman de sa composition,
intitulé : Eléonore de Cressy (Ge-
nève et Paris, J.-J. Paschoud,
1823; 2 vol. in-12. ) Cet ouvrage,
qui n’est pas absolument sans mé-
rite, ne s'élève pas pourtant au-
dessus de la médiocrité.
AIKIN ( JEAN ), naquit le 15 jan-
vier 1747, à Kilworth, comté de
Leicester. Il fut le plus jeune en-
fant et Punique fils d’un ministre
dissident qui tenait une pension
308 AIK
trés-accréditée. Son père ayant
été nommé professeur à l’aca-
démie des Dissidens de Warring-
ton, comté de Eancastre, le
jeune Aïkin eut occasion de faire
ses premières études dans: cet
établissement. Plus tard, il étudia
la médecine à Edimbourg et à
Manchester , et vintensuitel’exer-
cer successivement, à Chester et à
Warrington, où ses parens con-
tinuaient de résider: lui-même ne
tarda pas à être attaché à l’aca-
démie de cette ville, en qualité de
professeur pour la physique et la
chimie. Mais il dérobait le plus
d’instans qu’il lui était loisible à
sa profession, pour étudier les
belles-lettres et l'histoire na-
turelle, qui lui offraient plus d’at-
traits. Il a publié un très grand
nombre d'ouvrages de littérature ,
tous écrits avec élégance et avec
critique, et qui, s'ils ne portent
point le cachet de la supériorité,
prouvent au moins la variété de
connaissances et la facilité de ré-
daction de l’auteur. L’académie de
Warrington s'étant dissoute, en
1780, Aikin alla prendre à lPu-
niversité de Leyde, le bonnet de
docteur en médecine. Il vint en-
suite exercer sa profession à Yar-
mouth ; mais ses opinions reli-
gieuses comme dissident, et poli-
tiques, comme partisan de Ja
révolution française, ayant nui
à l’accroissement de sa clientelle,
il vint définitivement s'établir à
Londres, en 1792. Désormais, il
s’adonna presqu’exclusivement, à
ja littéraiure. M. Phiilips lui con-
fia la rédaction du Monthly Ma-
gazine, qu'il dirigea depuis sa
fondation en 1796, jusqu’au mois
de mai 1806, qu'il se brouillaavec
M. Phillips. H coopéra encore à
AIK |
K rédaction de plusieurs jour-
naux littéraires, tels que l’4-
theneum , Ve Classical Journal
de Valpy. Il avait entrepris en
même temps, de concert avec
son ami, le docteur Enthfeld, un
Dictionnaire universel de biographie
dont la publication se prolongea
jusqu’en 1815, c’est-à-dire pen-
dant environ vingt années. Cet
ouvrage forme , avec les Annules
durègne de Georges ITE, le princi-
pal titre littéraire d’Aikin. Cet
infatigable écrivain mourut âgé
de #5 ans, le 7 décembre 1822,
laissant plusieurs enfans , qui se
sont à leur tour distingués dans
les lettres.
Liste des ouvrages
de J. Aikin.
I. Essai sur la ligature des ar-
tères , publié dans l’ouvrage de
€. White, intitulé : Cases in sur-
gey ( Cas de chirurgie ).
IT. Observations on the external
use of preparations of lead. — Ob-
servations sur lusage des prépa-
rations de plomb, à l'extérieur.
Chester , 1571 , in-8.
LIT. Thougts on hospitals. —
Idées sur les hôpitaux. 1571, in-8.
IV. Sketch of the animal eco-
nomy. — Essai d'économie ani-
male.
V. Heads of chemistry. — Prin-
cipes de chimie, à l’usage des
classes.
VI. Traduction anglaise da Ma-
nuel de chimie, de Beaumé.
VIL. Essays on song-wrilings, etc.
— Essai sur la chanson , suivi
d’un recueil de chansons anglaises.
1772, in-8— 2° édit. 1774, in-12.
VIIZ. Miscellaneous pieces, etc.
Pièces diverses cn prose.
AIK
Londres, 1555, in-12—Aiten-
bourg, 1775.
Ces mélanges sont l'ouvrage
de Jean Aiïikin et de sa sœur,
Anna Lætitia Aikin , depuis Mis-
tress Barbauld, dont les écrits
n’ont pas moins de réputation,
en Angleterre , que ceux de son
frère. ;
IX. La Vied’ Agricola, de Ta-
cite, traduite en anglais. 1774,
in-8.—La même, avecles Mæœurs
des Germains, accompagnée de
notes et d’une carte de l’Alie-
mâgne. 17977 et 1919 ; in-8.
Aiïkin avait formé le projet de
donner une traduction complète
des œuvres de Tacite ; mais la pu-
biication de latraduction de Mur-
phy lui fit abandonner cette en-
treprise.
X. Specimen of the medical Bio-
graphy of Great-Brilain. — Spé-
cimen d’une biographie médicale
de la Grande-Bretagne. 1975 ,
in-4. (W. ci-après no XIII.)
XI. An Essay on the application
ofnatural history to poetry. —Es-
sai sur l’application de l’histoire
naturelle à la poésie. 1957, in-8.
— Réimprimé plusieurs fois.
XII. Thompson’ s Seasons, with an
Essay on the plan andcharacter,etc.
— Les Saisons de Thompson, avec
un Essai critique, sur le plan et
le caractère de ce poème. Londres,
1778, in-8; et 1794, in-4, fig.
XITI. Biographical Mémoirs of
medecine in Great-Britain, — Mé-
moires biographiques sur la mé-
decine, dans la Grande-Bretagne,
depuis la renaissance des lettres
jusqu’au temps d’Harvey. 1780,
in-8.
Aikin s'était proposé de don-
ner une histoire complète de !a
médecine , en Angleterre ; dans
AIK 309
cette vue, il avait fait, dès 1955,
un appel aux savans, pour en
chtenir Les livres et les renseigne-
mens nécessaires : mais l’insuf-
fisance des secours de cesgenre
qu’il-recut, le forçca de renoncer à
son entreprise ; et il se décida à
publier séparément, ce fragment
d'histoire médicale , qui contient
des détails souvent très-curieux
et très-peu connus, sur plus de
cinquante médecins ,; chirur-
giens, etc., qui vécurent entre
les années 1230 et 1675. Son
travail a été fondu par Benjamin
Hutchinson, dans un ouvrage pu-
blié en 1799 ( Londres, 2 vol.
in-8), et intitulé : Biographia me-
dica, ou Mémoires historiques et
critiques sur la vie et les ouvrages
des hommes les plus distingués dans
les sciences médicales, qui ont existé
depuis les premiers temps connus
jusqu’ à nos jours, avec un catalogue
de leurs productions littéraires.
XIV. The spirit of the church
and of the constitutien compared.
— L'esprit de l’église comparé
avec celui de la constitution.
XV. An Addressto the dissidents
of England , on their late defeat. —
Adresse aux dissidents d’Angle-
terre sur leur dernière défaite.
XVI. The Calendar of nature.—
Le Calendrier de la nature. 1784,
in-6.
XVII Matière médicale de
HF. Lewis, nouvelle édit.augmen-
iée. 1584, in-4, ( 3° édit. ) —
4° édit. 170n.
L’original de cet ouvrage, es-
timé dans son temps, a été trad.
en francais. Paris, 1779, 3 wol.
in-8.
XVIII Manual of materia me-
dica. — Manuel de matière mé-
dicale. 1539, in-5.
910 AIK
XIX England delineated.—Es-
quisses anglaises. 1788, in-8. —
Ce livre a eu plusieurs éditions.
XX. Poëmes. 1591, in-8.
XAI. À View of the character
and public services of the late John
Howard. — Aperçu du caracttre
et des services publics de feu
J. Howard. 1591, in-8.— Trad.
enfrançais, par M. Boulard. 1596,
in-12.
L'auteur de cette biographie,
qui avait été lié d’amitié avec
Howard, a eu dans ses mains les
papiers du célèbre philanthrope
dont il écrivait ia vie.
XXII. Evenings at home. — Les
Soirées au logis. 1795 — 96, 6
vol. in-12.
Cet ouvrage, approprié à l’édu-
calion de la jeunesse, a obtenu
un succès populaire. Il a été plu-
sieurs fois traduit et réimprimé.
Mistress Barbault, sœur de J.
Aikin, y a coopéré.
XXIII. Letters from a father to
his son, etc. — Lettres d’un père
à son fils sur différens sujets rela-
tifs à la littérature et à la conduite
de la vie. T. E*, 1795 et 1796;
in-8. — T. If. 1800.
XXIV. Armstrong’s Art of pre-
serving health. — L'art de corser-
ver la santé par Armstrong ,
accompagné d'essais critiques.
1709, in-8.
XXV. Description ofthe coun-
try round Manchester. — Descrip-
tion des environs de Manchester.
1709, in-8.
XX VI. Sommerville’s Chase. —
Le poëme de la chasse de Som-
merville, avec un Essai critique de
l'éditeur. Londres, 1796; in-8,
fig.
XXVII The Spleen and other
poëms, by Green. — Le Spleen et
AIK
autres poèmes de Math. Green,
avec un essai préliminaire de l’é-
diteur. 1796, in-8.
XX VIIL Pope’s Essay on man.
— Essai sur l’homme de Pope,
avec un essai critique de l'éditeur.
1790, in-8.
XXIX. Œuvres poétiques de
Milton. 1801, 4 vol. ina.
XXX. Sermons of the late Dr
Enthfield. — Sermons du feu Dr
Enthfield , avec les Mémoires de
l’auteur. 1708, 3 vol. in-8.
XXXTI. General Biography , or
Lives of the eminent persons of
all ages, countries, etc. — Biogra-
phie générale, ou Vie des per-
sonnes remarquables de tous les
siècles et de tousles pays. Londres,
1799 — 1815, 10 vol. in-4.
Aikin entreprit ce grand travail
de concert avec son ami le docteur
Enthfield ; ils en préparaient, dès
long-temps, ensemble, les maté-
riaux, lorsque le dernier mourut,
peu après la publication du 1°
volume. Aïkin s’adjoignit, depuis,
pour collaborateurs, Th. Morgan,
Nicholson et W. Johnston; mais
il eut toujours la principale part à
la rédaction : tellement que le 10°
et dernier volume a paru avec
son nom seul.
XXXII. Select Eulogies of mem-
bers ofthe french Academy , from
the french of d’ Alembert.—Choix
d’éloges des académiciens fran-
çais, traduits du français, de d’A-
lembert. 1799,2 vol. in-8.
XXXIII Jonhson’s poëts of
Great-Britain. — Poëtes anglais,
de Jonhson. in-8.
Cette collection comprend Spen-
cer, 6 vol. 1802. — Cowley, 3
vol. 1802. — Butler, 3 vol. 1802.
Aikin a fait des additions au tra-
ATK
rail de Jonhson, et ses tditions
sont ornées de jolies gravures.
XXXIV. Arts of life. — Les
Arts de la vie, pour se procurer :
1° la nourriture; 2° le vêtement;
5° l'abri; décrits dans une suite
de lettres. 1802, in-18.
XXXV. Wocdland companion.
— Le Compagnon des bois. 1802,
in-8.
XXXVI. The Works in natural
history of the late Rev. Gilbert
White M.A.— Œuvres d'histoire
naturelle du Révérend Gilbert
White. 1802. 2 vol. in-8.
XXXVIEL. Tschokke’s History of
the invasion of Switzerland. — His-
toire de l’invasion de la Suisse,
par Tschokke, trad. du français de
Briatte. 1803, in-ë.
XXXVIII Letters on «@ course
of english poëtry. — Lettres sur
un cours de poésie anglaise, adres-
sées à une jeune dame. 1804,
in-1 2.
XXXIX. Geographical delinea-
tions. — Esquisses géographiques,
ou Tableau de l’état physique et
politique de toutes les parties du
Globe. 1805, 2 vol. in-8.
XL. Memoirs of the life of Huet.
— Mémoires sur la vie de Huet,
évêque d’Avranches, écrits par
lui-même, trad. du latin, avec
des notes. 1809, 2 vol. in-8.
XLI. Focal poëtry. — Poésie
chantante, ou Recueil choisi de
chansons anglaises, 1810, in-8.
XLII. ÆEssays litterary and mis-
cellaneous. — Essais littéraires et
divers. 1811; in-8.
XLIIT. The lives of John Selden
esq., and archbishop Usher. —Vies
de j. Selden, écuyer, et de l’arche-
vêque Usher, avec des notices sur
ARR 911
les hommes de lettres anglais les”
plus remarquables qui furent liés
avec EUX. 1812, in-8. ,
XLIV. Annals of the reign of
George III. — Annales du règne
de Georges II}, depuis son ayéne-
mént au trône, jusqu . la fin de la
dernière guerre. 181. , 2 vol. in-8.
deuxième édit. continuée jus-
qu'à la fin du règne de Georges LE
(1820); 3 vol. in-8. — trad. en
francais, parJ. B. B. Eyriès. Pa-
ris, Gide fils, 1817 et 1820; 5 vol.
in-8.
XLV. Enfin, le docteur Aïkina
publié depuis 1801, jusqu’à sa
mort, un volume intitulé : The
Annual Review (Revue annuelle et
histoire de la littérature ).
ARROWSMITH (A... ), géo-
graphe anglais, est mort à Lon-
dres , le 11 avril 1825, âgé de 75
ans. Ses cartes géographiques sant
irès-estimées. Les principales
sont : — Muppemonde en deux hé-
misphères, d’après le tracé de Mer-
cator; Londres, 1790 et 1798;
6 feuilles ; — Curte d'Allemagne ,
18193, 7 feuilles; — d'Ecosse, 4
feuilles; — d'Irlande, 4 feuilles; —
de la Turquie d’ Europe ; Londres,
1801, 2 feuilles; del Asie, dédiée
au major Rennel; Londres, 1601,
4 feuilles; — des Etats-Unis de
l’Amérique septentrionale; Lon-
dres, 1790, 4 feuilles; —Carte
représentant les nouvelles décou-
certes faites dans l’intérieur de l 4-
mérique septentrionale; Londres,
1795, à feuilles. — Toutes les
cartes d’Arrowsimith sont en an-
glais; les principales ont été tra-
duites en français, et se trouvent à
’aris, à la librairie d'H. Langlois.
912 BAI
be
BAILLIE ( Marnieu) , mé-
decin , naquit le 27 octobre 1761,
près d'Hamilton, en Ecosse. I!
était fils d’un ecclésiastique de ce
pays et neveu par sa mére , des
célèbres anatomistes W. et John
Hunter, Après avoir fait ses pre-
mières études à luniversité de
Glascow, il prit le bonnet de
docteur en médecine à celle d’Gx-
ford. En 1580, il se rendit à
Londres, auprès de ses oncles,
les Hunter, qu’il assistait dans
leurs leçons et démonstrations pu-
bliques d’anatomie.Deleur vivant,
il commença à les suppléer , et
après, leur mort, sa réputation
n'eut pas de peine à se soutenir à
leur égal. Le cabinet de prépara-
tions anatomiques qu’il forma,
composé d'environ onze cents
pièces, ne contribua pas peu à
l’accroître. Le docteur Baillie pos-
sédait le précieux talent de rendre
claires les matières les plus ab-
straites. Ses leçons étaient remar-
quables par la méthode du plan et
la netteté des expressions : ei son
accent écossais fortement pro-
noncé , dont il ne paraît pas qu’il
ait cherché à se défaire , ne nuisit
point à leur succès. L'acccroisse-
ment de sa clientelle comme pra-
ticien , le détermina à cesser ses
cours, En 1799 : à cette occasion,
ses élèves lui firent hommage
d’une pièce d'argenterie, avec
une inscription latine , en son
honneur, Agrégé au Collége des
médecins de Londres , en 1790,
il remplit plusieurs fois les charges
syndicales de la corporation.
Pendant trente ans, il a exercé les
fonctions de médecin de l’hôpital
de Saint-George , à Londres ; et
successivement , plusieurs com-
missions publiques , relatives à sa
profession , jusqu’à l’époque où il
étendit sa clientelle parmi les
classes les plus élevées de la so-
ciété anglaise. Appelé lors de la
dernière maladie du feu due de
Gloucester, malgré l'issue fatale
qui la termina , il sut inspirer une
telle confiance à la famille royale,
qu’à la première occasion où l’état
mental du feu roi de la Grande-
Bretagne , fit sentir le besoin des
secours de l’art, le docteur Baillie
fut appelé en consultation avec
les médecins de la cour, et obtint
ensuite la principale direction du
traitement de S. M. Des intérêts
politiques de la plus haute impor-
tance dépendirent quelquefois de
ses décisions; et le public ne
douta jamais qu’elles ne fussent
toujours dictées par la plus par-
faite impartialité. Ce ne fut pour-
tant qu’en 1810, qu’une place
étant venue à vaquer parmi les
médecins du Roi,le docteur Baillie
en fut pourvu ; il reçut en même
temps, l’offre du titre de baronet,
qu'il eut, dit son biographe an-
glais , le bon sens et la modestie
de refuser. On se ferait difficile-
ment l’idée de l’'empressement du
public à obtenir les visites et les
consultations du docteur Baillie :
un temps vint, où il eut à peine le
loisir de prendre ses repas; et l’on
assure qu’une année , il gagna la
somme énorme de dix mille livres
BAI
sterling ( environ deux cent cin-
quarte mille fr. ). Cependant, il
trouva le loisir de rédiger des
écrits sur son art, qui ajoutèrent
encore à sa réputation. Le plus
important de ses ouvrages est
son Analomie des maladies des
principales parties du corps hu-
main, quijouit, à juste titre, de
l'estime de l’Europe savante , et
qui exerça en Angleterre, une vé-
ritable influence sur les progrès de
l’art de guérir, en le fixant dans
l’observation exacte des faits, au
moyen de la pratique constante de
l’autopsie cadavérique. Après la
description anatomique des effets
de la maladie, l’auteur a soin de
placer, avec autant de précision
qu'il est possible, indication des
symptômes qui la précèdent ou
qui l’zccompagnent. Ce ne fut pas
seulement par ses travaux per-
sonnels et par ses écrits,que le doc-
teur Baillie sut bien mériter de son
art et de l’humanité. Au mois de
décembre 1818, il fit don de son
vivant , au Collége royal de mé-
decine de Londres, de sa superbe
collection de préparations anato-
miques , avec une dotation de six
cents livres sterling pour servir à
son entretien. L'établissement y
ajouta de son côté, une pareille
somme , et les deux sommes réu-
nies forment une dotation qui a
reçu la dénomination de Fonds de
Baillie (1). Ce célèbre médecin
est mort à sa terre de Duntis-
(1) Le docteur Baillie a légué en
outre, par son testament : 1° au Col-
lége des médecins de Londres 300 liv.
sterl, , ses livres de médecine, de
chirurgie et d'anatomie, et tous les
cuivres de son ouvrage sur l'anatomie
BAI 913
bourne , près de Cirencesier,
comté de Gloucester , le 23 sep-
tembre 1823. Le docteur Baillie
n’était pas seulement distingué
dans son art, c'était aussi un
homme aimable et un homme de
bien. Jeune encore , et loin de cet
état d’opulence auquel il parvint
plus tard . il eut la délicatesse et
la générosité de renoncer au béné-
fice du testament de son oncle
maternel, le docteur W. Hunter,
pour ne point fruster J. Hunter,
frère du défunt, de l'héritage de
sa famille. Cette délicatesse ex-
quise de sentimens ne pouvait
manquer de se manifester jusque
dans l’exercice de la médecine :
ainsi, par exemple,malgré la mul-
tiplicité de ses occupations , il se
fit toujours un devoir de l’exacti-
tude aux rendez-vous de consul-
tation, particulièrement avec les
jeunes praticiens. « Je considère ,
» disait-il, cètteexactitude, comme
» l’une des chligations morales de
» ma profession; mes collègues ont
» le droit de l’exiger demoi;etmoi-
» même je souffriraistrop de penser
»que je compromets un jeune
» médecin aux yeux de son malade,
»si je Mmanquais à me trouver
» à une consultation assignée d’a-
» vance. »
Le cahier de février 1824 (n° 506
vol. 85) de l’Europæan Magazine,
est orné d’un portrait du docteur
Baillie, accompagné d’une notice
biographique sur sa personne.
des maladies. 2° À la Société de se-
cours pour les veuves ct orphelins de
médeams, 300 liv. sterl. Le reste de sa
fortune , évaluée à plus de 80,000 liv.
sterl., est passé , sauf quelques legs,
à son fils.
BAI
Liste des ouvrages
de M. Baillie.
I. Themorbid Anatomy. — Ana-
tomie des maladies des principales
parties du corps humain ; 1799.
— quatrième édition et supplément
à la première édition, 1807,in-8.—
traduil en allemand, sur la premiere
édition, par Soëmmering, avec des
additions.
Il. 4 Series of engravings 10 il-
lustratethe morbid anatomy.— Col-
lection de gravures , accompa-
gnées d'explications, pour servir
à l'intelligence de l’ Anatomie des
maladies du corps humain.
Cette collection de gravures,
magnifiquement exécutées , d’a-
près les dessins de M. Clifft, con-
servateur du Museum d’Hunter,
aLincolns-Inn-Fields,a été publiée
en dix fascicules in-4, 1599 à
1802. — Il y en a une seconde
édition de 1812, in-4.
IIT. 4n Anatomical Description
of the gravid uterus : — Descrip-
tion anatomique de l’utérus d’une
femme enceinte. in-4.
On doit encore au docteur Bail-
lie iesmémoires suivans , publiés
dans diverses collections.
Dans les Philosophical Transac-
tions, des années 1588 et 1789:
1° Observation sur la transposi-
tion remarquable d’un viscère ;
2° sur une variation singulière de
structure dans l’oyaire humain.
Dans les Transactions de la So-
ciété pour l’avancement des sciences
médicales et chirurgicales : 1° Sur
un Cas d'absence de péricarde dans
le corps humain ; 2° Sur des appa-
rences inusitées de maladies ,
dans les vaisseaux sanguins; 5° Sur
une déviation remarquable de la
structure de la vessie urinaire et
BO9
des organes de la génération
chez un individu mâle ; 4° Cas
d’emphysème (tumeur) survenue
sans percussion locale ;5° Histoire
d’un diabétès ( diarrhée sucrée),
avec la description des symptômes
observés après la mort;6° Maladie
singulière dans les grands intes-
tins ; »° Cas d’un homme qui n’a
pointeu d’évacuation par les in-
teslins, pendant cinquante se-
maines environ, avant sa mort;
S° Sur l’embaumement des corps
morts; 9°Sur plusieurs personnes,
dans la même famiile , aflectées
deux fois de la rougeole; 10° Me-
noire additionnel. sur le même
sujet; 11° Trois cas d’inflammation
de la membrane intérieure du la-
rynx et de la trachée , terminés
promptement par la mort.
Dans les Medical transactions ,
publiéespar le Collége royal des
médecins. 1° Cas d’un garcon de
six ans, hydrocéphale, chez lequel
les os du crâne, d’abord fortement
liés ensemble, furent par les
progrès de la maladie, disjoints
à une distance considérable; 2° De
quelques symplômes inusités ,
observés dans un cas d’hydrocé-
phale interne; 5° D’ane violente
pulsation de l’aorte dans la région
épigastrique; 4° D’unétrangleinent
du rectum , produit par une con-
traction spasmodique du sphincter
intérieur et extérieur de l’anus;
5° Observations sur une jaunisse
verte ; 6 sur une espèce particu-
lière de purgatif; 7° Sur la para-
plégie ( paralysie partielle } des
adultes.
BOON (Dante), américain,
était originaire de la Caroline sep-
tentrionale , où il cultivait une
ferme, En 1760, il quitta cette
BOO
province , accompagné de cinq
individus, et se dirigea vers une
rivière qui se jette dans l'Ohio,
avec l'intention d’y fonder un éta-
blissement. Le lieu qu’il choisit
était situé dans Pétat de Kentucky,
alors en friche et inhabité; il y
éleva une maison, et l’entoura de
palissades, pour se mettre à l’abri
des attaques des Indiens. Ce fort
(lesAméricains donnentcenomaux
constructions ainsi défendues)était
situé à environ #5 milles de len-
droit où l’on a bâti depuis la ville
de Francfort; les émigrés le nom-
mèrent Boonsborough. C’est ainsi
que se forma le premier établisse-
ment de l’état de Kentucky, qui a
aujourd’hui, une population d’en-
viron 564,000 âmes. Daniel Boon
prit possession des térres environ-
nantes,et s’en fitassurerla proprié-
té : il s’y trouvait tout-à-fait établi
en 1779. Quoique souvent attaqué
par les tribus indiennes, éloigné
de tout secours, au milieu d’une
forêt sauvage, ilse défendit, et
poursuivit l’exécution de son plan
avec une constance qui annonce
une âme au-dessus du vulgaire.
Son petit fort étant terminé et
protégé par d’ingénieuses for-
tifications, il y transporta de la
Caroline, sa femme et ses filles,
les premières femmes blanches
qui eussent encore paru sur les
rives du Kentucky. Quatre ou
cinq familles , et environ trente à
quarante hommes, se joignirent à
eux. Ils repoussèrent plusieurs
fois les Indiens; mais un jour
que Boon et vingt-sept de ses
compagnons étaient occupés à re-
cueillir du sel , dans des sources
salines ,; à quelque distance de
la colonie , ils furent surpris et
faits prisonniers par une centaine
BOO 519
d’Indiens. Boon capitula, et ob-
tint qu'on ne massacrerait per-
sonne, mais qu’on le conduiraïit
avec ses compagnons, au Dé-
troit, où était le gouverneur an-
glais Hamilton, promettant de
faire payer une rançon. Les natu-
rels remplirent d’abord scrupuleu-
sement leur promesse ; mais pen-
dant la route, ils s’attachèrent si
fortement à leur prisonnier, qu’ils
ne voulurent pas s’en séparer, et
refusèrent de le rendre au gou-
verneur anglais, qui leur offrait
100 louis en échange. Laissant
donc derrière lui ses compagnons,
que les Indiens consentirent à dé-
livrer, Boon retourna avec les na-
turels; il fut adopté par un de
leurs chefs, et traité comme mem-
bre de la tribu. Un jour qu'il était
allé, avec un parti d’Indiens, faire
une grande chasse , il rencontra
quatre cent cinquante guerriers ,
peints, armés et se dirigeant vers
le fort Boonsborough ; il se décida
aussitôt, à s'échapper, au risque de
sa vie, tremblant pour le sort de
sa famille et de son établissement.
Au bout de quatre jours, il attei-
gnit Boonsborough, ayant fran-
chi une distance de 160 milles,
et n’ayaut fait qu’un seul repas
pendant le trajet. Il ne perdit pas
un moment pour se mettre sur la
défensive ; devinant le motif de
son évasion, les Indiens retardè-
rent l’attaque : de son côté, Boon
reçut un renfort de quelques trou-
pes. Une armée de farouches In-
diens parut enfin devant le fort.
La petite garnison se défendit
avec un courage héroïque, et fit
savoir au chef indien que chaque
homme avait juré de combattre
jusqu’à ‘a mort. Ce dernier de-
manda alors à conférer avec neuf
316 BOO
des principaux assiégés. On pro-
posa un arrangement; les articles
furent arrêtés; mais, au moment
de conclure, Les Indiens rappele-
rent leur coutume de se donner la
main pour sceller un traité. On y
consentit, et chaque Indien se
saisit d’un Américain, et tenta de
le faire prisonnier. La force et la
souplesse des sauvages leur don-
naient le dessus; cependant, par
une sorte de miracle, huit des as-
siégés leur échappèrent, et se ré-
fugièrent dans le fort : Boon était
dunombre.L’attaquerecommenca
avec une nouvelle fureur, et dura
neuf jours et neuf nuits ; enfin, les
hostilités cessèrent , et les Indiens
se retirérent. La femme de Boon,
qui l'avait cru mort, lors de sa
première captivité, et qui était
partie avec ses filles pour la Caro-
line, vint rejoindre son mari, qui
se trouva enfin paisible possesseur
du lieu qui portait son nom. Son
courage l’avait rendu redoutable
aux Indiens, qui w’osaient plus
troubler sa tranquillité. IL s’oc-
cupa de nouvelles améliorations;
sa colonie s’agrandissait et pros-
pérait sous ses auspices, lorsque
cet homme, dont les travaux et
la persévérance méritaient une
couronne civique, se vit dépouillé
dans sa vieillesse , du bien qu'il
avait créé. Quelque aventurier, ja-
loux peut-être de son bonheur,
provoqua l’examen des titres de
Boon à la possession des terres
qu’il avait défrichées : un défaut
de forme fut cause de sa ruine. Au
moment oùil recueillait le fruit de
tant depeines, àun âge trop avancé
pour qu’il recommençâit une nou-
velle carrière, il fut dépossédé et
réduit à la misère. Blessé jusqu’au
fond de l’âme, il quitta le pays
BGO
où ilavaitintroduit le premier, une
population civilisée, qu’ilavait dé-
fendu contre les sauvages , où il
s'était montré si industrieux et si
persévérant. Considérant les liens
qui Vattachaient à La société
comme rompus, il dit un éternel
adieu à sa famille et à ses amis.
Armé de son fusil, il traversa
l'Ohio, et ne s’arrêla que lorsqu'il
fut à 2 ou 500 milles d’un établis-
sement américain. Comme le ter-
ritoire au nord de l’Ohio apparte-
nait aux États-Unis, et commen-
çait à se peupler, Boon traversa
le Mississipi, et s’enfonça dans les
régions immenses, et à peine Con-
nues, où coule le Missouri. Là, il
se bâtit une hutte sur les bords de
ce fleuve. Suivant le rapport de
quelques Indiens, son fils habitait
avec lui; le plus grand nombre
affirme qu’il n’avait d'autre com-
pagnon qu’un chien et son fusil.
Jl sema les graines de quelques
légumes autour de sa chaumière ;
mais il se nourrissait principale-
ment du produit de la chasse; un
ou deux voyageurs, et plusieurs
chasseursindiens l’ont aperçu, as-
sis à l'entrée de sa hutte. Boon
vécut ainsi jusqu’à l’âge de plus
de 80 ans, paraissant satisfait de
son sort. Vers la fin de l’année
1822, ou au commencement de
1823 , on le trouva mort, à ge-
noux, son fusil ajusté et posé sur
un tronc d'arbre. Boon avait l’âme
grande et aimante; il avait su se
faire chérir des sauvages au mi-
lieu desquels il avait séjourné ; il
avait consacré la meilleure partie
de sa vie à améliorer le sort de ses
semblables : payé par eux de la
plus noire ingratitude , il n’é-
prouva point le besoin de la ven-
geance, mais Je désir d'échapper
BOS
à l'oppression. Boonsborough est
aujourd’hui une ville florissante ;
et son fondateur est mort délaissé
au milieu des forêts, sans un ami
pour le consoler et pour adoucit
ses derniers instans. (Extrait du
New-Monthly-Magazine.)
BOSCH (MATHIEU, VAN Hex-
wineex ), moraliste hollandais ,
est mort à Groningue, sa ville na-
tale, au commencement de 1825,
dans sa cinquantième année. Ce
respectable ami de enfance a com-
posé pour elle , un grand nombre
d'ouvrages élémentaires de mo-
rale et de religion, souvent ré-
imprimés. L'année qui précéda
sa mort, il publia un Apercu sur
lenseignement des sourds-mucts,
accompagné de leur alphabet ma-
nuel, et de l’état de situation de
l’Institut national des sourds-
muets, créé à Groningue, et di-
rigé par H. D. Guyot, élève de
l’abbé de l’'Epée. On doit encore
à Heyningen-Bosch quelques ou-
yrages de poésie.
BOSSI (CHarLes-AURÈLE), na-
quit à Turin, le 15novembre 1558:
il était l’aîné des enfans du comte
Bossi de Sainte-Agathe. Recu doc-
teur en droit à l’Université de Tu-
rin,en 3780,Aurèle Bossi futélève,
et devint l’ami du célèbre Denina.
1 se livra d’abord à la littérature
avec succès, et à l’âge de dix-huit
ans, il avait publié deux tragédies,
les Circassiens et Rhea-Syloia, qui
furent bien accueillies par les
amateurs de la poésie; mais c'est
surtout comme poëte lyrique qu’il
prit de bonne heure, un rang dis-
tingué sur le parnasse italien. La
chaleur de l’imagination et la vi-
vacité de la pensée, caractérisent
BOS 31%
ses odes ou plutôtses dithyrambes,
auxquels il donne ordinairement
la forme dramatique. Les réfor-
mes de Joseph II, la mort du
prince Léopold de Brunswick, en-
seveli dans les flots de lOder,
en voulant secourir des malheu-
reux qui se noyaient, l’indépen-
dance américaine, la pacification de
la Hollande , Bonaparte enfin; tels
furent les principaux sujets de ses
chants ; mais des travaux d’une
nature plus sérieuse ne devaient
pas tarder à l’occuper. 11 ne fit
que passer un instant par la ma-
gistrature , et fut nommé immé-
diatement, secrétaire de légation à
Gênes, chargé d’affaires près cette
République; enfin, sous -secré-
taire d'état au département des
affaires étrangères. En 1792, il
remplit une mission confiden-
tielle du cabinet sarde auprès du
roi de Prusse, et fut ensuite en-
voyé en Russie, avec le titre de
conseiller du Roi, chargé spécia-
lement de travailler à une négo-
ciation de subsides ouverte à cette
cour. Bientôt il remplaca M. de
la Turbie , à Pétersbourg, en
qualité de chargé d’affaires de
Sardaigne. Mais après le traité
d’ailiance entre le souverain de
cet état et la République Fran-
çaise, traité que suivit la prise
de Mantoue, et qui constituait le
roi de Sardaigne en état d’hosti-
lité avec ses anciens alliés, Bossi
reçut de Paul F* l’ordre de quitter
le territoire de l'empire russe.
Nommé aussitôt après , ministre
résidant près la République de
Venise, il était à peine installé ,
que celte vieille aristocratie fut
renversée. Dans ces circonstan-
ces ; le roi de Sardaigne nomma
Bossi son député près le général
(
518 BOS
en chef de l’armée française en
Italie; il remplit ces fonctions
jusqu’à lépoque du traité de
Campo-Formio. Envoyé ensuite,
comme résident de Sardaigne,
près la République Batave, ce fut
à La Haye qu’il apprit la cession
formelle du Piémont à la Répu-
blique Française. Les troupes vic-
torieuses occupaient l'Italie ; les
hommes les plus coñsidérables du
pays donnaient leur adhésion à la
nouvelle domination. Le général
en chef Joubert, lié particuliè-
rement avec Bossi, l’informa de
ces événemens, l’invitant à reve-
nir en Piémont, coopérer à la
réorganisation de l’administration
de ce pays. Bossi quitta la Hol-
lande, passa par Paris, où il re-
cut les instructions du gouverne-
ment français, et arriva à Turin,
pour agir dans le sens de la réu-
nion à la France. C’est encore
une question douteuse de savoir
lequel était, à cette époque, le
véritable intérêt du Piémont, l’in-
dépendance démocratique, ou la
réunion à la RépubliqueFrancaise.
Ce dernier parti offrait plus de fa-
cilités, et un calme plus probable
et plus immédiat : ce fut celui que
Bossi parvint à faire triompher.
Députe vers le Directoire exécutif
avec MM.de Castellamonte et Sar-
torio, il ne réussit qu’imparfaite-
ment dans sa mission, et l’état du
Piémont demeura encore long-
temps précaire et incertain. Dans
ces circonstances délicates, Bossi
fut nommé commissaire du Di-
rectoire prés l’administration cen-
trale du département de l’Eridan,
dont Turin était le chef-lieu. Il se
rendit à son poste; mais la re-
traite de l’armée française et l’oc-
cupation de la plaine du Piémont
3
BOS
par l’armée ‘ennemie, rendit sa
position trèes-difficile. La nouvelle
administration fut dissoute : ce
fut la partie principale où se trou-
vait Bossi, qui résista le plus
long-temps, ce qui facilita le re-
tour en France des détachemens
de troupes isolés, et de convois
de blessés. IT fallut cependant se
soustraire aux poursuites de l’en-
nemi, dont l’avant- garde était
aux'portes de Turin. Bossi et ses
collègues se réfugièrent, non sans
peine , dans les vallées vaudoises,
dont les habitans les accueillirent
très-bien. Ces bons montagnards
exposèrent leur vie, pendant près
de deux mois, pour transporter à
travers les neiges des Alpes, les
blessés français et italiens. Plein
de reconnaissance pour les Vau-
dois, Bossi, peu d’années après,
signala sa rentrée dans le gouver-
nement, par un acte qui leur ren-
dit l’entière liberté de leur culte
et les moyens de le maintenir dans
son antique exercice. On sait que
les Vaudois étaient réformés avant
Luther et Calvin, et que leur ré-
forme remonte à l’époque d’Ar-
naud de Brescia. Persécutés par
Louis XIV, et toujours sourde-
ment opprimés dans leur croyance
par les princes de la maison de
Savoie ,ils eurent recours à la pro-
tection de l’Angleterre. C’est cette
puissance protestante qui stipula
pendant long-temps, en leur fa-
veur, auprès de la cour de Turin,
et qui, par des collectes faites à
Londres, pourvut à lentretien
des églises vaudoises. Les dota-
tions que Bossi leur fit assigner
pour suppléer à la religieuse gé-
nérosité des Anglais, furent ac-
cueillies avec enthousiasme par
les habitans des vallées. Suppri-
BOS
mées, deuxans après, par une ad-
ministration nouvelle, il fallut que
Bossi réclamât directement de Na-
poléon lui-même, leur conserva-
tion: elles furent tout-à-fait abolies
par la maison de Savoie. À la res-
tauration de cette maison,en 1814,
Bossi apprit à Londres,où ilse trou-
vaità cette dernière époque,queles
Vaudois étaient retombés dans le
même état d’oppression, d’où il
était parvenu à les retirer. À force
de démarches auprès du gouver-
nement anglais, et de réclama-
tions dans les papiers publics, il
réussit à persuader aux ministres
de la Grande-Bretagne de s’inté-
resser en faveur des Vaudois leurs
co-réligionnaires. Des notes éner-
giques furent remises , à ce sujet,
à la cour de Turin, et des adou-
cissemens importans en devin-
rent la conséquence.
Durant l’occupation du Pié-
mont par les Austro-Russes » en
1799, Alexandre Berihier, major-
général de l'armée d’Halie , avait
fait nommer Bossi ministre plé-
nipotentiaire près la république
de Gênes. Quand Bonaparte fut
rentré à Turin, il le nomma de
cette commission de trois mem-
bres, entre les mains de laquelle
il remit le pouvoir exécutif, Bossi
se rendit en toute hâte à Paris,
auprés du premier Consul, qui
sans doute, bien informé de son
dévoûment aux intérêts français,
n’hésita point à s'ouvrir à lui, et
à lui déclarer que le Piémont,
placé au centre et au pied des
Alpes, dont la République Fran-
çaise possédait déjà les provinces
latérales, était nécessaire à leur
jonction militaire. « C’était, di-
sait le conquérant, un pied à terre
en Italie, une tête de pont indis-
‘
BOS 91g
pensable à la France. » Il recom-
manda ensuite à Bossi le secret
sur cette confidence, que celui-ci
garda fidèlement. Bien plus : con-
formant sa Conduite aux desseins
qui lui avaient été révélés, Bossi
dirigea Paction du gouvernement
de manière à faire passer sans se-
cousse, le Piémont sous le régime
des lois françaises. Aucune démar-
che ostensible de la part de la
France n’autorisait ces mesures :
lun et l’autre parti, les royalistes
et les Cisalpins s’en inquiétaient
également, et Bossi se trouva na-
turellement en butte à leur ani-
madversion commune. Enfin, il
fut nommé , avec sept autres no-
tables piémontais , député près le
premier Consul, pour déterminer
et arrêter la réunion du Piémont
à la France, et bientôt après, cette
réunion fut solennellement pro-
clamée. Dans un discours public,
Bossi exposa les motifs des mesu-
res qu'il avait prises, et chercha à
les justifier par l’événement. Le
premier Consul lui témoigna sa
satisfaction par une lettre flat-
teuse; mais en même temps, il le
nomma son résident en Valachie
eten Moldavie. Après une si lon-
gue administration dans le Pié-
mont, et avec ce qui restait à faire
dans ce pays, une telle mission
dut paraître à Bossi un véritable
exit. Il refusa et fut oublié pen-
dant dix-huit mois. Au bout de ce
temps, il apprit, par le Moni-
leur, qu'il était nommé préfet de
l’Ain (1). En 1811, il apprit, par
la même voie, qu’il était nommé
baron de l'Empire, et qu'il passait
—————_—_—_————— mé
(1) Boss a rédigé et publié une
Stairstique du dépasriement de l Ain.
:
320 BOT
à la préfecture de la Manche. La
Restauration l’y trouva : le Roi le
fit officier de la Légion-d’Hon-
neur, et lui accorda des lettres de
naturalisation. A près le retour de
‘île d’'Elbe, il s’'empressa de faire
reconnaitre l'autorité impériale
dans son département. Au second
rétablissement du Roi, il fut des-
titué, sans pension, après trente-
cinq ans de service public. Il
voyagea depuis, dans le nord de
l’Europe , et revint définitivement
se fixer à Paris, où il est mort
vers la fin du mois de janvier
1823, âgé de soixante-cinq ans.
C’est pendant son administra-
tion de la préfecture de l’Ain que
Bossi composa un grand poëme
intitulé Oromasia, sur la révolu-
tion française, dans lequel il es-
saie de justifier l'influence que
Bonaparte à fait subir à ce grand
événement et le cours vers lequel
il l’a détourné. La versification
en est peu brillante , et l’effet gé-
néral monotone ; mais on ne peut
lui refuser le mérite d’une grande
force de pensée et d’un cer-
tain esprit philosophique , qui
conserve encore au poëte une
couleur d'indépendance , lors
même qu’il célèbre l’homme qui
a voulu les détruire toutes. Ce
poëme a été imprimé, mais tiré
seulement à cinquante exemplai-
res, ainsi que la seconde édition
des œuvres poétiques du même
auteur (Londres, 1814). La pre-
mière édition, beaucoup moins
considérable et moins complète ,
avait paru à Turin, en 1801, trois
petits volumes. Toutes deux por-
tent les noms anagrammatiques
d’Aibo Crisio.
BOTZARIS ( Mare ), l’un des
BOT
héros de la révolution grecque ,
était fils de Kitzos ( Christ) Bot-
zaris, lun des plus vaillans chefs
de la vaillante tribu des Souliotes.
Son père après avoirservi sous les
drapeaux de la France, périt as-
sassiné dans les cachots où le te-
nait plongé le féroce Ali-pacha.
En 1807, M. Pouqueville, alors
consul général de France à Ja-
nina, eut occasion de recormman-
der Marc Botzaris au général Cé-
sar Berthier, qui le fit entrer dans
le régiment albanais , où son père
et son oncle Nothi Botzaris furent
admis comme majors. Marc Bot-
zaris , réfugié avec les débris de $a
tribu errante dans lesiles Ionien-
nes, parut pour la première fois,
sous des drapeaux indépendans
lors des rassemblemens qui se
formèrent pour fondre sur l’Epire,
à la veille de la guerre de 1812 ,
entre la Porte et la Russie. Ces
tentatives n’eurent point, à cette
époque , des résultats importans;
mais en 1820, l’heure de la li-
berté de la Grèce était sonnée. Le
Sultan lui-même parut en donner
le signal, en convoquant tousses
vassaux contre Ali-pacha , rebelle
à sa suprême puissance. Les Sou-
liotes, toujours réfugiés dans les
îles, profitèrent d’une si belle
occasion de se venger du spolia-
teur et du meurtrier de leur race.
Ils accoururènt prêter leur assis-
tance aux armées du Sultan , qui
promettait de les rétablir dans la
possession de leurs rochers , per-
dus pour eux, depuis seize années
révolues : Marc Botzaris était à
leur tête. Voici le portrait poéti-
que qu'a tracé M. Pouqueville de
ce jeune héros : il est paraphrasé
d’une ballade épirote composée en
son honneur. « — Melpomène lui
BOT
avait départi le don de la voix et
de la cithare. Il chantait le temps
où, gardant les troupeaux du polé-
marque (chef de guerre) son père,
au bord du Selleïs, il abandonna
sa triste patrie, conquise par Ali,
pour se réfugier sous les drapeaux
français, avec son père, dont il
mêlait le nom à ses tristes myrio-
logies (chant funèbre des Epiro-
tes). De la taille ordinaire des
Souliotes, qui est de dix spitha-
mes (environ cinq pieds), sa
légèreté était telle qu’on le com-
parait au zéphir, voltigeant à tra-
vers les moissons ondoyantes, sur
lesquelles il aurait marché sans
courber leurs épis. Nul ne l’égalait
à la lutte, au jeu du disque; et
quand ses yeux ; bleus comme
l’azur du ciel, s’animaient; lors-
que sa longue chevelure flottait
agitée par le vent, et que son
front rasé, suivant l’usage anti-
que , reflétait les rayons du soleil,
il avait quelque chose de si extra-
ordinaire, qu’on l'aurait pris pour
un descendant de ces Peélasges ,
enfans de Phaëton, qui répandi-
rent dans l’Epire les arts de Îa
civilisation ,; au temps où Îles
Chaoniens ne connaissaient en-
core pour demeures et pour ali-
mens, que les antres et le gland
des forêts. Ilavait laissé son épouse
et deux enfans, qui ne tardèrent
pas à le rejoindre , sur une terre
étrangère, afin de se livrer tout
entier au hasard des combats(1 ).»
Marc Botzaris suivit donc l’ar-
(1) Histoire de la régénération de
la Grèce; part, €. H. L. Pouqueville.
Paris, F. Didot , 1825. deuxième eu
uon,t. Il, p. gi. — Cet article est
un extrait abrégé de ce précieux ct
intéressant ouvrage.
BOT 391
meée ottomane dans sa campagne
contre Ali-pacha , et contribua
puissamment aux succès qu’elle
obtint; mais il ne tarda pas à de-
venir suspect aux infidèles, qui,
violant la foi promise , refusèrent
à ses compagnons de les remettre
en possession du terriloire de
Souli. Ceux-ci, déliés de leurs en-
gagemens , traitèrent avec Ali-
pacha ; et Marc Botzaris, après
s’être offert personnellement pour
ôtage ( son jeune frère Constan-
tin lui disputa l’honneur de ce
dévouement ), quitta avec éclat
le camp des Turcs. Il était minuit
lorsque les Souliotes se mirent en
marche. Marc Botzaris resté dans
le camp avec trois cent vingt
hommes, fit abattre la palissade ;
et se portant ensuite avec sa
troupe sur le mont Paktoros, il
attendit que le jour parût, afin
d'annoncer hautement sa délfec-
tion à l’armée ottomane. Aulever
du soleil il ordonna une salve
générale de mousqueterie ; en
faisant pousser le cri de guerre.
Quelques Turcs, qui formaient
un poste avancé, sont tués; les
autres fuient et vont porter au
camp la nouvelle du départ des
Souliotes. On crie aux arime: ;
et Marc Botzaris, faisant déployer
l’étendard de la croix à la vue da
camp des infidèles, s’achemine en
défilant au pas de marche. I! pro-
voque à diverses reprises les istf-
mites, fait faire halte à sa troupe ;
et voyant qu'aucun d’entre eux
ne songe à le suivre, il prend le
chemin de Variadès, où il se
réunit le soir du même jour, à ses
frères d'armes. Dès qu’on eut
perdu de vue les Souliotes , des
cris de rage éclatèrent dans lPar-
mée ottomane ; les têtes de Nothi
21
322 BOT
et de Marc Botzaris furent mises à
prix; mais ces barbares avaient
mal supputé ce qu’elles devaient
leur coûter. Nothi Botzaris, élu
polémarque dans la première as-
semblée des capitaines de la Sel-
léide, compta bientôt sous ses
drapeaux, 3500 hommes. Marc
Botzaris fut détaché à la tête
d’un corps de deux cent qua-
rante hommes, pour s'emparer
du poste retranché des Cinq-
puits. Chemin faisant, il s'empara
d’un riche convoi de l’ennemi, et
l’épouvante semée par les fuyards
fut si grande, que la garnison
turque des Cinq-puits évacua le
poste, sans attendre les Grecs.Peu
de jours après, une expédition de
trois mille hommes fut détachée
du camp des Osmanlis pour re-
prendre le Caravansérail. Marc
Botzaris, qui avait porté à cinq
cents environ le nombre de ses
soldats, prévenu à temps de l’ap-
proche de l’expédition , plaça les
deux tiers de sa petite troupe en
embuscade dans les rochers voi-
sins du khan, en leur enjoignant
de n’attaquer les Turcs que quand
ils le verraient aux prises avec la
totalité de leurs forces. En consé-
quence de ce plan, il se retira
dans l’enceinte du poste fortifié;
et ses palicares { braves d'élite},
ayant occupé les embuscades qu’il
leur avait désignées, on attendit
Æs barbares. 11s se présentèrent
au lever du soleil, après avoir
marché toute la nuit, croyant par
ce moyen, surprendre les Grecs.
L’atiaque commença d’abord avec
fureur; et déjà, au milieu du tu-
multe, de la fumée et du: car-
nage , quelques-uns des assaillans
étaient parvenus au couronne-
ment de la muraille du fort,quand
- BOT
les Grecs , placés en embuscade ,
apparaissent subitement et pren-
nent leurs ennemis par derrière.
Aussitôt l’épouvante se met dans
leurs rangs; ils fuient avec plus
de précipitation qu'ils n'étaient
montés à l’assaut, se culbutent
les uns surles autres, dans l’étroit
chemin par où l’on gravit au fort.
Leur cavalerie foule aux pieds leur
infanterie ; et Marc Botzaris, sorti
de sa forteresse, disperse et refoule
l’une et l’autre dans le chemin des
Echelles, où ils tombent par cen-
taines. Le défaut de cavalerie em-
pêcha le chef souliote de poursui-
vre les Ottomans dans la plaine.
Contraint de les laisser fuir à tra-
vers champs, ilremonte au camp
des Cinq-puits,où, trouvant qu’on
a tranché les têtes de ceux quisont
tombés sous la main de ses sol-
dats, il empêche d’en dresser un
trophée. On compte les morts ,
dont le nombre, beaucoup moins
considérable qu’on ne l’avait jugé
après un pareil désordre, se mon-
tait du côté de l’ennemi, à deux
cent quatre-vingt-dix hommes ,
tandis que les Souliotes n’avaient
à regretter que dix de leurs bra-
yes. On rassemble ensuite les
armes, qui s’elevaient à mille
cinq cents fusils. Les pelisses,
les turbans sont étalés devant les
soldats, et après avoir rendu
grâce à Dieu de la victoire, on
procède au partage du butin, qui
aurait donné lieu à des alterca-
tions peut-être sanglantes, sans
la sagesse de Mare Botzaris, qui
empêcha les vainqueurs d’en ve-
nir aux mains.
Cependant une trève avait été
conclue entre les Souliotes et les
Osmanlis. (Ceux-ci, parjures à
leurssermens, qu’ils ne considè-
B0T
rent pas comine obligatoires
lorsqu'ils sont prêtés à des chré-
tiens, essayérent de surprendre
Marc Botzaris, posté au défilé
fortifié de Coumchadèz. Mais ce-
lui-ci, prévenu par les Grecs
habitans du pays, de tout ce qui
se passait chez l'ennemi, se trouva
parfaitement en mesure de le re-
cevoir. L’infidèle s’enfuit de nou-
veau devant le chrétien, laissant
sur le champ de bataille, cent
trente morts ou blessés.
Cependant les hostilités ayant
recommencé au printemps de
1821, Marc Botzaris s’empara de
Regniassa, espèce de tour retran-
chée qu’il emporta de vive force
et dans laquelle il mit garnison.
Poursuivant le. cours de ses suc-
cès, il fit mettre bas les armes
à un pacha campé à Variadès ,
dans la Parorée , avec treize cents
hommes, qui furent trainés en
esclavage dans les marais de l’A-
chérusie , où on les employa à la
culture du maïset du riz. « Ce fut
alors, ajoute M. Pouqueville,
que les superbes Osmanlis, coif-
fés d’un bonnet de coton, livrés
au fouet des femmes souliotes et
maniant péniblement le hoyau ,
apprirent à connaître à quel prix
les rayas subjugués mangeaient,
depuis plus de quatre siècles ,
le pain de la douleur, » L’or-
gueilleux pacha avait remis son
sabre à Marc Botzaris, qui, fran-
chissant les monts Olichiniens ,
avec six cents hommes, descen-
dit dans la plaine de Paparou. Il
y trouva Ismaël-Pachô-bey campé
avec deuxmille janissaires d'élite.
Divisés par d'anciennes haines de
famille, les deux chefs ne tardÿ-
rent pas à en venir aux mains. On
se battit sur les gradins du théâtre
-Souliotes,
BOT 323
qui retentit autrefois des accla-
mations d’un peuple civilisé, dans
l’acropole consacré à Pallas, au
milieu des ruines d’un temple
voisin ; et Pachô-bey, vaincu , ne
trou va de salut que dans le camp
du séraskier (général en chef) de
l’armée ottomane, Khourchid.
Marc Botzaris se porta le même
jour ( 22 juillet 2821), près de
Saint-Théodore , chapelle voisine
de Goméras; et aprèsune seconde
affaire, dans laquelle il vainquit
encore les Turcs, il établit som
camp à Rapchistas, grand village
éloigné d’une licue et demie de
Janina, où Ali-pacha, l’allié des
était bloqué par la
grande armée ottomane. Maîtres
du terrain, les Souliotes songè-
rent sans perdre de temps , à se
réunir aux insurgés de l’Athama-
nie, afin de resserrer les Turcs et
les séparer de toutes leurs com-
munications. Informé que le se-
raskieravait intention derenforcer
ses garnisons de Calaritès et de
Syraço , Marc Botzaris s’empressa
d'occuper la position centrale de
Placa , siluée dansune desrégions
les plus ardues de lAthamanie,
IL estaya ensuite d'attirer à lui les
habitans de Gredisia; mais ils
restèrent inactifs à cause qu’il ne
putleur fournirsept cents thaïaris
que leur avidité exigeait, sous ie
vain prétexte de les employer à
l'achat de munitions de guerre. IH
était engagé danstes négociations,
quand il vit paraître un corps de
deux mille Turcs, qu’il combautit
victorieusement,pendant lesjour-
nées des 29 ei 30 juillet. 1 parvint
à les disperser, après leur avoir
tué quatre cents hommes , fait
deux cents prisonniers, avec deux
beys de distinction, pris des che-
52/4 BOT
vaux et des bagages; mais le
brave de la Selleïde, qui avait
remporté cette victoire avec six
cents de ses meilleurs soldats ,
atteint d’une balle à la cuisse, se
trouva forcé de suspendre ses
opérations jusqu'au 6 août.
Il se préparait à marcher contre
Calaritès, quand il fut informé
que Khourchid venait de recevoir
des renforts considérables. Marc
Botzaris, instruit par les lecons
d’un père nourri à l’école de la
guerre et du malheur, songea à
resserrer ses positions; il fit ren-
forcer la garnison du fort des
Cinq-puits et se concentra de ma-
nière à maintenir ses communi-
cations directes avec le pays des
Souliotes et le gros de leurs forces.
Ce fut dans cette situation mili-
taire qül résolut d’attendre les
événemens de la campagne, qui
prenaient alors une tournure fâ-
cheuse pour Ali-pacha, son allié.
Attaqué dans ses retranchemens
par Hassan-pacha, à la tête d’un
détachement de mille hommes, il
l’assaillit si vivement de son côté,
à la tête seulement de cinq cents
hommes , qu’il lui tua la moitié
de son monde, pril sa caisse mili-
taire, ses drapeaux et le força de
rentrer précipitamment dans la
ville d’Arta , qu’il venait à peine
de quiiter. Cinq mille hommes dé-
fendaient l’approche de cette place
avec un parc d'artillerie. Le con-
seil de l’armée soulicte était d’a-
vis d’ajourner toute tentalive jus-
qu'à ce qu’on se fût procuré du
canon; Marc Botzaris seul fut
d’une opinion différente, et réso-
lut de tenter l’aventure. Après
quinze jours de combats sanglans,
il se voyait sur le point de con-
quérir l’une des plus fortes places
BOT
de PEpire, lorsque la trahison
des Albanais, qui marchaient à
côté de lui, comme alliés, le jeta
dans le plus grand péril. Engagé
avec sa petite armée, au milieu des
Turcs, qui lui étaient infiniment
supérieurs et par leur nombre et
par leur position, le chef souliote
leur échappa à l’aide d’une de ces
manœuvres rusées, familières à
ceux de sa nation. Pour apprécier
avec justesse les vicissitudes de
cette guerre, qui dure encore de-
puis si Jong-temps ; écoutons
l'historien de la Grèce moderne.
« Les Souliotes et les Acarna-
niens, attentifs aux ordres de
leurs capitaines, entourent Marc
Botzaris, qui leur montre le ciel
en disant : « Dieu nous voit, mes
» frères. marchons à l’ennemi.»Il
dit, et feint de vouloir donner
l'assaut, tandis que Cara Hyscos
(chef des Acarnaniens), profitant
d’un terrain fourré, à l'endroit où
le fleuve s'engage entre des îles
couvertes de buissons, y fait trans-
porter sur des bateletsles malades,
qu’il dérobe ainsi à un massacre
inévitable. À peine assuré que les
AcCarnaniens pouvaient se retirer
sans danger, à travers les rizières,
jusqu’à Copréna, d’où les blessés
seraient transportés par eau, sur
les plages du Macryn-Oros, il fait
enciouer lPartillerie , qu’il était
forcé d’abandonner. S’éloignant
ensuite à quelques portées de fu-
sil du pont, il ordonne à quel-
ques-uns de ses palicares, de chas-
ser devant eux un troupeau de
buffles rassemblés à dessein, et
il se précipite dans le fleuve , en
criant de le suivre. Tous entrent
dans le lit de l’Inachus, et sa
troupe, partie en nageant, par-
tie accrochée aux bufiles, pareille
BOT
à un train de bois flottant, em-
potté par les eaux, vient s’échouer
au-dessous de la berge du village
de Marât. Poussant les buffles de-
vant eux, les Souliotes, qui les
suivent le sabre à la main, se font
jour à travers la cavalerie enne-
mie, qui est culbutée par l’im-
pulsion de ces animaux, que les
blessures et le bruit des armes à
feu avaient rendus furieux. Alors
Botzaris donne le signal de la
dispersion, en faisant crier : Sauve
qui peut! et pour mot de rallie-
ment : à Loroux. Tous se déban-
dentet disparaissent aux yeux des
Turcs. Plus rapides que les plus
agiles coursiers , les Souliotes ar-
rivent au bord de l’Aréthon, le
passent, brûlent le ponten clayon-
nage qui. unissait ses bords ; et se
rallient en pénétrant dans les
vastes forêts de Candja. »
En effet, Marc Botzaris ne tarda
pas à reparaître sur le champ de
bataille,le 28. mars 1822.$Se faisant
précéder par le son des trompettes
de bois, musique distinctive des
visirs de Sa Hautesse, il surprit
les Turcs au nombre de plus de
trois mille, occupés à investir la
petite place de Regniassa, les bat-
tit, les dispersa et les contraignit
à lever le siége. Cependant la
Grèce, à demi affranchie du joug
des Musulmans, songeait à se
donner les formes d’un gouverne-
ment régulier. Marc Botzaris as-
sista, à Missolonghi, à l'assemblée
générale des Hellènes de la Grèce
occidentale , réunis dans cette
ville, et y prononça un discours
sur le mépris des richesses et l’a-
mour de la patrie, qui accrut la
popularité que ses succés militai-
res lui avaient si justement ac-
quise. Quelque temps après, il
BOT 325
eut la consolation de recouvrer sa
femme , et bientôt après son frère
Constantin , tombés tous deux
entre les mains des Tures, depuis
la chute d’Ali-pacha , avec les
autres otages que les Souliotes
remirent entre ses mains,en 1820,
à l’époque où ils firent alliance
avec ce satrape, Au commence-
ment de mai 1822, l’armée grecque
reprit l'offensive. Marc Botzaris
fut détaché , à la tête de huit cents
hommes, pour occuper cette ré-
gion montueuse de l’Epire, ap-
pelée Athamanie ,; et par là,
mettre la terre de Souli, envelop-
pée par les Turcs, en. communi-
cation avec la Grèce libre. Trahi
ou mal secondé , il fut-battu le 12
juillet ( 30 juin vieux style), par
un ennemi dix fois supérieur en
nombre ; et, ayant. donné le signal
de la dispersion, il rejoignit avec
trente-deux des siens , le gros de
l’armée grecque, commandée par
À. Mavrocordatos, président de
la République , avec lequel il eut
toujours la sagesse et le patrio-
tisme de se maintenir uni. Le
glorieux et funeste combat de Péta,
où fut détruit le premier corps des
Philhellènes, acheva de mettre
l’armée grecque en retraite; et
les discussions intestines , qui ne
tardèrent pas à éclater, mirent la
libertéet la civilisation grecques à
deux doigts de leur ruine. Marc
Botzaris, resté fidèle à la cause
publique, partagea les périls et
les travaux sans cesse renaissans
du président Mavrocordatos : sé-
parés du Péloponèse, errant au
milieu des armées turques et des
bandes albanuises qui les avaient
trahis, ils parvinrent enfin, par
des prodiges de valeur , à gagner
la place fortifiée de Missolonghi.
326 EOT
Voici, tracé de la main de M. Pou-
queville; le tableau de la dernière
action qui permit d’approvision-
ner et par suite:; de sauver cette
forteresse.
« Marc Botzaris, avec 600 pa-
licares, soutenait le poids et les
efforts de l’armée mahométane,
commandée par Omer Brionès et
Routchid-pacha. Les Thermopy-
les pâliront un jour à ce récit!
Retranchés auprès de Crionéro,
fontaine située à l'angle occiden-
tal du mont Aracynthe, en face
d’Anatolico, ces braves, après
avoir peigné leurs belles cheve-
lures , suivant l'usage immémorial
des soldats de la Grèce, conservé
jusqu’à nos jours, se lavent dans
les eaux de l’antique Aréthuse, et
revêtus de leurs plus riches orre-
mens, ils demandent à s’unir par
les liens de la fraternité, en se
déclarant V’lamia. Un ministre
des autels s’avance , et prosternés
au pied de la croix, ils échangent
leurs armes; ils se donnent ensuite
Ia main, en formant une chaîne
mystérieuse; et recueillis devant
le Dieu rédempteur, ils pronon-
cent les paroles sacramentelles :
« Ma vie est ta vie. et mon âme
» est ton âme.» Le prêtre alors les
bénit; et ayant donné le baiser
de paix à Marc Botzaris, qui le
rend à son lieutenant, ses soldats
après s'être mutuellement em-
brassés, présentent un front me-
naçant à l’ennemi. — C'était le
4 novembre 1822; au lever du
soleil, on apercevaitde Missolon-
ghi et d’Anatolico le feu du ba-
taillon immortel, qui s’assoupit
vers midi, I] reprit avec une nou-
velle vivacité, deux heures après
le passage du soleil au méridien ,
ct il diminüa insensiblement jus-
BOT
qu’au soir. À l’apparilion des pre-
mières étoiles, on aperçut dans
le lointain, les flammes des bi-
vouacs ennemis répandus dans la
plaine. La nuit fut calme, et le
5 au matin, Marc Botzaris entra à
Missolonghi, suivi de trente hom-
mes; le surplus de ses braves
avait vécu. »
À la faveur de la courageuse ré-
sistance de ces héros, la place de
Missolonghi avait été approvi-
sionnée , et ceux de ses habitans
qui étaient inutiles à la défense
purent être embarqués pour Île
Péloponèse ; la famille de Botzaris
fut du nombre de ces réfugiés. Le
siège de Missolonghi est l’un des
plusglorieux de la guerre hellé-
nique. Cette place couvrait le Pé-
loponèse; Marc Botzaris prolongea
sa défense, non -seulement par
son courage, mais encore par
celte habileté rusée, peut-être
trop familière à ceux de sa nation.
Le siége fut levé. À lPouverture
de la campagne de 1825, Marc
Botzaris nommé stratarque (gée-
néral) de la Grèce occidentale ,
s’occupa d’abord de mettre Mis-
solonghi dans le meilleur état de
défense; il parvint ensuite , par
les intelligences qu'il sut lier avec
les Albanais mécontens, à dis-
soudre l’armée de Joussouf-pa-
cha. Mais l'été n’était pas encore
écoulé, qu’une de ces armées otto-
manes, sans cesse renaissanles ,
menaçait de nouveau lEtolie,
sous le commandement de Mous-
taï-pacha. Marc Botzaris résolut
de se dévouer pour arrêter les
barbares. 11 les attendit à l'entrée
des gorges du mont Callidrome.
Deux mille cinq cents soldats en
tout, marchaient sous ses ordres ,
contre vingt mille Turcs; mais
BOT
quatre cent cinquante Souliotes
seulement se trouvèrent à côté de
leur héroïque chef pour attaquer
un corps de huit mille barbares,
qui formaient l'avant-garde du
seraskier Moustaï-pacha. Ce fut
le 20-8 août 1823 qu’ent lieu l’ac-
tion mémorable, où laigle de la
Selleide, comme dit la voix popu-
laire de la Grèce , devait trouver
à la fois sa mort et son apothéose.
Mais pour raconter ces faits mer-
veilleux , nous ne pouvons qu’em-
prunter en les abrégeant, les récits
poétiques de l’historien delaGrèce.
«Suivant l’usage immémorial
des belliqueuxenfans de la Grèce,
dit M. Pouqueville, Marc Botza-
ris se prépara au combat, en célé-
brant avec ses soldats, un banquet
dans lequel il offrit des libations
à la Vierge couronnée, protectrice
de Souli..….. Vêtu-de sa chlamyde
bleue, signe distinctif des stra-
tarques parmi les Hellènes , il
leur exposa son dessein, dans un
discours qui se terminait textuel-
lement par ces paroles : —« Cette
»nuit , mes frères , cette nuit
» même,pendant cette nuit redou-
»table, j'ai résolu d’entrer dans
» le camp des infidèles sans brûler
»une amorce. Le poignard et le
»sabre seront nos seules arnres
»pour y répandre la désolation,
» la terreur et la mort, compagnes
» inséparables des coups que nous
» leur porterons dans l’obscurité.…
» L'entreprise est audacieuse, je
sle sens avec orgueil; que chacun
» de vous en considère le danger
net se décide librement, car je
»n'admets au parlage d’aussi no-
»bles périls que des hommes de
»bonne volonté.» — Ainsi parla
Marc Botzaris, et deux cent qua-
rante palicares sortis des rangs
BOT 327
s'étaient écriés : « Nous marche-
» rons cette nuit avec toi, et nous
»espérons que la divine Provi-
»dence nous assistera. » Il les bé-
nit au nom de la patrie et de l'E-
ternel. Promenant ensuite ses
regards sur les Souliotes, qui
avaient gardé le silence , il rejeta
la demande tardive qu’ils lui firent
de l’accompagner, en les remer-
ciant avec bonté. « Le ciel, leur
dit-il, a marqué à chacun de
»nous sa place, mes frères; mais
»je compte sur Vous COMME sur
» un bouclier inexpugnable, pour
»couvrir notre retraite. Je vous
» confie la garde du drapeau de la
» Croix; et mon frère Constantin,
vqui s’avance, ne tardera pas à
» vous seconder. » — Après avoir
disposé suivant son plan, les diffé-
rens Corps de sa petite armée et
leur avoir prescrit de ne faire au-
cun mouvement qu’en entendant
sonner les trompettes qu'il em-
mena avec lui, Marc Botzaris,
s’étant mis en prières vers les dix
heures du soir, ainsi que ses sol--
dats, donna le signal du départen
s’écriant : « Dieu nous voit et nous
» guide ! que le Seigneur nous soit
»en aide! » Il était minuit quand
Botzaris, avec ses deux cent qua-
rante palicares, surprenait l’a-
vant-garde ennemie, dont les sol-
datsépars sur la pelouse dormaient
sans avoir pris aucune mesure de
sûreté. Dans une heure de temps,
plus de cinq cents barbares sont
ésorgés, et Marc, satisfait d’avoir
répandu l'alarme de ce côté, se
replie sur sa réserve, qui l’avait
suivi à une distance convenue. Il
prêtait l’oreille aux cris qui com=
mençaient à se faire entendre,
lorsqu’il fut rejoint par une quin-
zaine de ses soldats. Ceux-ci,
328 BOT
ayant perdu sa trace et ne pou-
vant le suivre dans la rapidité de
sa retraite, s'étaient couchés au
milieu des Schypetars (Guègues),
qui s’écriaient qu’on les assassi-
nait et que les Albanais épirotes
les trahissaient. Les Souliotes
finissaient à peine le récit de ce
qu’ilsavaient entendu , lorsqu'une
vive fusillade éclata dans l’armée
ennemie; et deux palicares restés
en arrière de ceux qui venaient de
parler, annoncèrent que les Sco-
drians et les Épirotes , s’accusant
de trahison, étaient aux prises
et se fusillaient réciproquement.
« Compagnons, s’écria à ces mots
» Marc Botzaris, vous venez de
» l'entendre , le ciel nous livre les
» infidèles. Suivez-moi,marchons !
» les Hellènes attaquent les avant-
» postes ! » Il dit, et rassemblant
tous ses palicares, il envoie l’or-
dre aux Hellènes embusqués sur
les flancs de l’armée ennemie de
se mettre en mouvement , afin
d'attaquer les Turcs. 11] se porta
aussitôt vers une autre partie du
camp que celle qu’il venait d’a-
border, en criant: « Où sont les
»pachas? » Il place en même
temps une partie de ses soldats
de manière à faire feu tour à tour,
contre les Scodrians et les Epiro-
tes, afin de les empêcher de se
reconnaître. Pour lui,continuant
à demander «où sont les pachas ?
»les Hellènes attaquent les avant-
» postes ! » il arrive à la tente
d’Hago Bessiaris, lieutenant-gé-
néral du seraskier, qu’il prend par
la barbe : « Bourreau des Soulio-
»tes, tu ne m’échapperas pas , »
et il le poignarde. Saisissant à
quelques pas de là, sous sa tente,
Sépher-pacha, à moitié endormi,
il le remet aux mains de ses pali-
BOT
cares, en leur ordonnant de fe
tuer s’il prononce une seule pa-
role, Frappant de toutes parts, em
répétant « où sont les pachas ? »,
Marc Botzaris et une partie des
siens pénètrent au quartier-géné-
ral. Tout tombe sous leurs coups,
et le nouveau Machabée, appe-
lant vainement Moustaï-pacha,
venait d’immoler successivement
son selictar on porte-glaive, et
sept des principaux beys de la
province fertile du Zadrima,
quand il fut atteint d’une balle à
la ceinture. Un nègre , auquel it
avait dédaigné d’ôter la vie, lui
avait tiré un coup de pistolet , au
moment où il sortait de la tente
du seraskier. Retiré à l’écart pour
panser sa blessure, qui était lé-
gère, mais dont il voulait dérober
la connaissance à ses palicares ,
Mare Botzaris entend les Turcs
qui s’efforçaient de rassurer leurs
soldats, en disant que ce qui se
passait était un maïentendu et
que les Hellènes n’attaquäient pas
leur avant-garde. Soudain l'aigle
de la Selieide s’élance en criant :
«Non, ce n’est point un malen-
» tendu. Tremblez , barbares ! c’est
» Marc Botzaris, en personne qui a
» pénétré dans votre camp, et vous
» tuera tous. » Il ordonne en même
temps à ses trompettes de sonner
la charge. À ce bruit, les Turcs ;,
faisant une décharge générale du
côté où le son se faisait entendre,
Marc Botzaris , atteint d’une balle
à la tête, tomba privé de senti-
ment.
Quand le jour eut paru, un
combat terrible s’engagea autour
du héros étendu sur la terre.
Vingt-six Souliotes sont tués
auprès de leur chef; et tous réunis-
BOT
sant leurs efforts, couvrent la
retraite d’Athanase Ronkas, qui
parvient à enlever du champ de
bataille le héros qu’ils chérissaient.
Celui-ci venait, quoique mortel-
lement blessé, de reprendre con-
naissance; et ses soldats arri-
vaient, chargés de leur précieux
fardeau, au pied du mont Am-
phrysse, où ils le déposaient à
peine, lorsqu'ils apercurent leurs
compatriotes qui descendaient des
montagnes, pour chercher l’en-
nemi. Alors, les Souliotes, retom-
bant sur les barbares avec tout le
poids de leur fureur, les attaquent
et les mettenten déroute.Ceux-ci
fuient en abandonnant aux chré-
tiens, tentes, bagages et muni-
tions , et en laissant la terre cou-
verte de 1500 morts. Les Hel-
Jènes n'avaient à regretter que
cinquante-trois hommes tués et
six blessés; mais ils éprouvaient
Ja plus cruelle detoutesles pertes.
Marc Botzaris était atteint d’un
coup mortel, et il fallait songer
à la retraite , tandis qu'ilen était
temps encore, car les hordes en-
nemies allaient se renforcer. Ces
considérations déterminèrent les
Hellènes à opèrer leur retraite. Ils
s’acheminent pour se retirer der-
rière le mont Aracynthe. Marc
Botzaris est déposé sur un bran-
card; on le transporte mourant
vers Missolonghi, escorté par un
détachement de cent Souliotes,
Arrivé le second jour à Képhalo-
Vrysson, précisément au même
lieu où, l’année précédente, il
avait par une résistance héroïque ,
couvert la forteresse de l’Etolie, il
leur adressa ses dernières paroles,
et rendit le dernier soupir. Les
Soulivtes achevèrent de porter
jusqu’à la ville ; le corps de leur
L
BOT 32
chef; la population entière accou-
rut au devant d’eux. Ce fut une
pompe à Ja fois funèbre et
triomphante. Le brancard était
précédé de prisonniers mahomé-
tans, qui marchaient suivis des
chevaux de bataille des pachas
et des beys tués dans le combat
nocturne du 20 août, couverts des
armes et des ornemens de leurs
maîtres. On voyait ensuite, cin-
quante-quatre drapeaux ennemis,
que des soldats grecs portaient
renversés. Venait après le corps
du défunt , enveloppé de sa chla-
myde bleue, porté sur les épaules
de ses plus anciens palicares.
Huit mille moutons ou chèvres
enlevés aux barbares formaient
son escorte, comme pour rappeler
sa condition primitive. Enfin, la
marche était fermée par plus de
mille chevaux de selle, et par un
grand nombre de mutets chargés de
3200 fusils, 500 paires de pistolets,
de tentes, de munitions de guerre,
de bagages et d’nne partie du
trésor de l’armée ennemie. La
cérémonie funèbre se prolongea
pendant deux jours, durant les-
quels, le clergé, l’armée et le
peuple témoignèrent à lenvi,
leur douleur,par toutes les pompes
cércmonieuses propres aux rits
religieux, et aux usages natio-
naux de la Grèce. Marc Botzaris à
laissé un frère, Constantin Botza-
ris, qui lui a succédé dans le com-
mandement militaire des Soulio-
tes; il a laissé aussi , une veuve
et des enfans qui resteront l’objet
de lintérêt et des vœux de
l’Europe chrétienne. L'un de ses
fils a été adopté par le vénérable
philanthrope anglais Jérémie
Bentham.— On a publié : — Eloge
funèbre de Marc Botzaris, par,
La
€
50 BOU ,;
O1
M. Schinas. Paris, F. Didot, 1824,
in-8 de 41 pages (en grec ).
BOURBON (Louis Marie de ),
infant d’Espagne, cardinal, ar-
chevêque de Tolède, naquit à
Cadahaiso, le 22 mai 1957. Il
était fils de l’infant Don Louis,
frère de Charles JII, le même
qui , après avoir été fait cardinal,
par Clément XIT, en 1535, remit
le chapeau en 1554. et se maria.
Le fils fut un des premiers cardi-
naux créés par Pie VIT, qui vou-
lut reconnaître par là, les services
que la cour d’Espagne avait ren-
dus à son vénérable prédécesseur.
Louis Marie de Bourbon fut dé-
claré cardinal-prêtre , le 22 octo-
bre 1800; il eut , quoiqu’absent,
le titre de Sainte-Marie della
Scala, qu'avait eu son père. En
même temps, il fut fait archevè-
que de Séville, puis archevêque
de Tolède, siége primatial des Es-
pagnes, et qui passe pour le plus
riche de toute la chrétienté. Ecclé-
siastique pieux et patriote éclairé, le
cardinal de Bourbon fut élu pré-
sident de la régence de Cadix,
pendant linvasion des Français.
Il sanctionna et promulgua en
celte qualité , les décrets de l’as-
semblée des Cortès constituantes,
notamment la célèbre constitution
de 1811, au bas de laquelle on lit
son nom, et le décret d’abolition
de l’Inquisition, qu'il fit exécuter
avec la plus entière franchise. Le
nonce du Pape, Pierre Gravina,
archevêque de Nicée, in partibus,
ayant fait des représentations in-
tempestives contre cette mesure,
la Régence, présidée par le cardi-
nal de Bourbon, publia le 23
avril 1813, un décret contre le
prélat ultramontain, qui peu
LL
BOU
après, fut invité à quitter l’Espa-
gne. À la nouvelle du traité de Va-
lençay , signé au mois de janvier
1814, le cardinal écrivit comme
président de la Régence, au Roi,
pour le féliciter sur son prochain
retour en Espagne; ensuite, il
fut envoyé au devant de son ne-
veu, pour recevoir à l'entrée du
royaume, son serment de fidélité
à la constitution. Le cardinal ne
rencontra pas le Roi, parce que
S. M. s’était écartée de l:: route que
lui avait tracée la Régence, sous le
prétexte d’aller visiter les vénéra-
bles débris de Sarragosse. Ce ne fut
qu’à quelques lieues de Valence
qu'il put voir le Roi. La manière
dont le prélat fut accueilli présa-
geait trop ce qui allait arriver. Les
Cortès avaient prescrit au prési-
dent de la Régence.de ne pas se
conformer à l’ancien cérémonial ,
qui était de baiser la main du Roi,
ce qu’on devait considérer comme
un signe de soumission et un en-
gagement de fidélité. Mais le car-
dinal ayant été admis devant le
Roi, et S. M. ayant paru exiger
qu'il se conformât à l’ancienne
coutume, il céda, soit par timi-
dité, soit parce qu’il crut que sa
conduite, en cette occasion, ne se-
rait pas d’une grande consé-
qüence.— « En agissant ainsi,
dit M. Blaquiere, il manqua de fer-
meté et de noblesse, dans un mo-
ment où il était d’une grande im-
portance pour les intérêts du peu-
ple, d’en montrer beaucoup (1).»
Cette condescendance malenten-
(1) Examen historique de la Révo-
lution espagnole , par Ed. Blaquière ;
traduit de l'anglais. Paris, Rosa . 1823 ;
2 vol. in-8,t. IL , p. 59.
BRA
due n’eut aucun heureux résu-
liat pour le cardinal ,; qui fut
congédié à moitié chemin de Ma-
drid, et,qui, quelque temps après
l’arrivée du Roi dans cette ville,
futexilé dans son diocèse, et privé
de l’adrñistration et des reve-
nus de celui de Séville, dont il
avait joui jusqu'alors. Lors de la
révolution du mois de mars 1820,
le cardinal de Bourbon fut nom-
mé président de la junte provi-
soire de gouvernement, et publia
une lettre pastorale, où il exor-
tait les ministres de la religion à
se conformer à la constitution.
L’évêque auxiliaire de Madrid,
son suffragant, se montra pareil-
lement, favorable au nouvel ordre
de choses. Quand le régime cons-
titutionnel fut définitivement re-
mis en vigueur, le cardinal eut
une place au conseil d'état. Il
mourul sans avoir la douleur de
le voir sbotir, le 19 mars 1825,
âgé seulement de 46 ans. C'était
un homme excellent; mais, à ce
qu’il paraît, d’une médiocre ca-
pacité.
BRACHMANN (Louise) na-
quit, en 1597, à Rochlitz; elle
eut sa mére pour première Insti-
tutrice : bientôt on reconnut dans
la jeune Louise d’éminentes dis-
positions pour la poésie, qui furent
encore développées par des cir-
constances favorables. En 158»,
son père ayant été placé à Weis-
senfels, elle y fit, dans la suite,
la connaissance du directeur des
salines, M. de Hardenberg, dont
le fils est ce Novalis, tant célébré
par elle , et sur lequel elle a donné
au public quelques détails dans
le second volume de la Harpe de
Sein. Le moyen âge surtout avait
BRA 991
droit à ses chants romantiques. Ces
chants et les vers à Novalis par-
vinrent à la connaissance de Schil-
ler, qui écrivit plusieurs lettres à
l’auteur. À Dresde, une inconsé-
quence eut pour Louise des suites
si fâcheuses, et influa si fort sur
son caractère naturellement dis-
posé à la mélancolie, qu'elle se
précipita d’un second étage sur
le pavé d’une cour et se blessa
grièvement. En peu de temps,
elle vit mourir tout ce qui lui était
cher. Novalis, qui périt le pre-
mier, fut bientôt suivi de la mère,
du père et de la sœur de Louise,
qui, restée sans appui, fut obligée,
pour trouver des moyens d’exis-
tence, de demander du pain à ces
muses qui avaient charme sa jeu-
nesse. Si le public y gagna de bons
ouvrages, il vit aussi grossir ces
mêmes ouvrages de choses faibles
et sans couleur. Les dernières
années de sa vie ont êté plus fé-
condes que sa jeunesse; néan-
moins, Pavidité ne mit point la
plume à la main de Louise; le be-
soin put seul lui faire produire au
delà de ses inspirations. D’ail-
leurs, ces temps-là même ne fu-
rent pas plus exempts de passions
que de malheurs. Elle éprouva
une viveinclinalion pour un jeune
médecin de l’armée française ;
mais il était marié.Les évènemens
de 1812 et 1915 lui causèrent une
maladie dont elle eut beaucoup
de peine à se remettre. Cepen-
dant, en 1820 , elle forma encore
une nouvelle liaison: Un jeune
officier , âgé de vingt-cinq ans,
l’épousa, voulut se faire acteur ,
débuta sans succès à Weimar, et
finit par se séparer d'elle. Enfin ,
lasse des tourmens de la fortune
et de ceux des passions, elle se
352 CIA
précipita dans la Saale, le 17 sep-
tembre 1822. après avoir fait
huit jours auparavant, une tenta-
tive inutile pour se détruire. Ses
principaux ouvrages sont un re-
cueil de poésies lyriques (1808).—
Romantische Blüthen und Blatter
( Feuilles et Fleurs romantiques,
1819). — Le Jugement de Dieu
CIA
(1818). — Nouvelles (1819). —
Narrations poéliques (1822 ). —
On a publié après la mort de l’au-
teur: Ausersesne Dichtungen von
L. Brachmann.—Choïx de poésies
de Louise Brachmann, avec une
Notice biographique , par Schutz,
professeur à Halle. Leipzig, 1824,
in-8.
Ce
CIAMCIAN (le père Micrez),
religieux arménien de la congré-
gation des Mékhitaristes de Ve-
nise, naquit à Constantinople, en
l'an 1758. Destiné dès sa jeu-
nesse, à la profession de joaiilier,
il se livra assez tard à la culture
des lettres ; il avait vingt-trois
ans quand il embrassa l’état ecclé-
siastique ; et pour cette raison, il
ne futadmis qu'avec beaucoup de
difficultés parmi les religieux mé-
khitaristes. Il étudia avec tant
de zèle, que bientôt il surpassa
tous ses condisciples dans la con-
naissance de l’arménien littéraire
et fut chargé de l’enseigner aux
autres. Cette occupation et les
divers travaux qui lui furent con-
fiés, ne lui permirent pas d’ap-
prendre la langue latine, dont
jamais il n’eut connaissance Son
premier ouvrage fut une Gram-
maire arménienne, rédigée en ar-
ménien et imprimée à Venise en
1779,1 vol. in-4°. C’est un ou-
vrage ulile ; mais, comme toutes
les autres grammaires composées
par des Arméniens, ilest diffus et
entiérement dépourvu d’ordre et
de clarté, et surchargé d’une mul-
titude de détails tout-à-fait inu-
tiles dans un ouvrage de ce genre,
Bientôt après il entreprit son
Histoire d’ Arménie, le plus con:
sidérable etle plus important de ses
ouvrages. Il fut secondé dans son
travail par ses jeunes disciples,
qu’il avait chargés d’extraire et de
rassembler tous les matériaux qui
lui étaient nécessaires. Cette his-
toire , écrite tout entière en ar-
ménien littéral, dans un style.
simple, mais toujours pur et cor-
rect, est contenue dans 3 vol.
in-4°, de plus. de mille pages cha-
cun. Ils furent imprimés à Venise
dans les années 1784, 85 et 86.
C’est une compilation très-utile
pour connaître l’état civil et ec-
clésiastique de l'Arménie , surtout
pour lestemps modernes; mais,
quoique l’auteur ait fait de grandes
recherches , elle laisse beaucoup
à désirer. Tout ce qui est relatif
à l'histoire ancienne , est rempli
d'erreurs souvent très-fortes et
entièrement destitué de critique.
L'auteur n’avait pas consulté un.
assez grand nombre d'écrivains :
anciens, et il n’avait pas une assez
grande connaissance des langues
et de l’histoire des nations étran-
gères à l'Arménie. Ce manque de
critique se fait sentir dans beau-
coup d’autres parties de l'ouvrage.
COC
Cependant, malgré ces défauts
que l’auteur ne pouvait guëre
éviter, c’est, à tout prendre , un
ouvrage utile et estimable, propre
à faire beaucoup d’honneur à la
littérature moderne des Armé-
niens. Le P. Ciamcian a pubiié
aussi un grand nombre de livres
et d’opuscules sur la théologie ou
sur des matières ascétiques : par-
mi eux on distingue un Commen-
taire sur Les Psaumes , en 10 vol.
in-8. Des différends qui le brouil-
lèrent avec les autres membres de
la congrégation arménienne de
Venise le contraignirent, dans
un âge avancé, de retourner à
Constantinople, sa patrie, où il
a terminé sa carrière, après un
séjour de vingt-cinq ans, dans la
quatre-vingt-sixième année de son
âge , le 50 novembre 1823 (Ex-
trait du Journal Asiatique, publié
par la Société Asiatique de Paris,
t. IV, p. 127).
COCO ( VixcexT ), naquit en
1770 ,; à Campomarano , pro-
vince de Molina, dans le royaume
de Naples. Envoyé dans la capi-
tale à l’âge de 157 ans , il suivit
d’abord le barreau ; mais , s’'aper-
cevant bientôt que son esprit
n'était pas propre à cette carrière,
telle qu’on l’entenduit et la pra-
tiquait à cette époque , il s’a-
donna aux études philosophiques.
Disciple de lécole de Vico , de
Genovesi, äe Filangieri, lié inti-
mement avec Cirillo, Pagano,
Delfico, et avec la plupart des
bommes distingués , qui vers la
fin du dernier siècle , faisaient
l’ornement de la ville de Naples;
aveceux , ilembrassa la cause de la
révolution démocratique de 1799.
Son nom se trouve mêlé à l’un des
COC 335
épisodes les plus tragiques de ce
drame sanglant. Il fréquentait la
maison de M®° San Felice, uapoli-
taine non moins distinguée par son
patriotisme que par sa beauté.Les
talens et le caractire de Coco,
avaient excité la bienveillance de
cette dame , qui avait pour lui des
attentions , qu’on interprétait in-
discrètement. Cependant , les
troupes du cardinal Ruffo mena-
caient l'existence de la république
Parthénopéenne , resserrée dans
les murs de la capitale, tandis
qu’un complot se tramnail dans
l'intérieur même de la ville, pour
la livrer aux assiégeans. Bacher ,
l’un des chefs de cette trame, fré-
quentait la société de M” San
Felice, dont il aurait voulu fixer
les regards. Désespérant de lui
voir accueillir ses vœux, dans un
moment d'’emportement , il eut
l’imprudence d'annoncer le sort ré-
servé aux républicains, et d’éclater
en invectives contre Coco, dont
il disait vouloir faire sa première
victime. Effrayée de ces menaces,
M°®* San Felice communiqua ses
alarmes à quelques-uns de ses amis,
ct prévint Coco des dangers aux-
quels elle le voyait exposé. Bacher
fut arrêté et périt sur l’échafaud.
Au retour du roi de Sicile ,
M°* San Felice , déclarée respon-
sable de la mort de Bacher, fut
condamnée à mort. Son état de
grossesse luivalut un sursis de trois
mois , au bout desquels elle fut
exécutée. Coco échappa par la
fuite, au sort funeste qui atteignit
à cette époque plusieurs de ses
illustres amis; il vint chercher un
asile en France, où il publia le
récit pathétique de cette révolu-
tion napolitaine, ou éclatérent à
la fois, d’une part tant d’héroïsne,
34 COC
Q1
de l’autre tant de férocité (1), Ce
travail l'ayant fait connaître avan-
tageusement en France, le minis-
tère du nouveau royaume d’I-
talie lui confia la direction du
journal officiel de cet état ( Gior-
nale [taliano).1! s’acquitta de cette
charge avec habileté , mais peut-
être fut-il obligé quelquefois, d’ex-
poser des opinions qui n’étaient
point celles de sa conviction en-
tière. En même temps il com-
posait un ouvrage, qui est resté
le plus solide fondement de la
réputation de son auteur. Ce que
Pabbé Barthélemy avait fait pour
la Grèce, dans son Woyage du
Jeune Anacharsis, Coco l’a fait pour
son pays, dans son Voyage de
Platon en Italie (2). I était diffi-
cile de choisir un cadre plus in-
structif et plus national. Coco y
fait bien connaître lPécole des P y-
thagoriciens, l’état de la Grande-
Grèce , et des républiques qui
ontfleuridansieslieuxoüil n’existe
presque plus que des déserts. Sur-
tout, il ne perdit pas cette oc-
casion de propager dans le nord
de l'Italie, les doctrines philoso-
phiques de Vico, qui est lui-même
un élève de l’école platonicienne.
En un mot, si Coco n’égale pas
son modèle , sous le rapport de
l’érudition , il le surpasse sans
(1) Cet ouvrage, intitulé : Fivolu-
ziont di Napoli, a été traduit en fran-
cais par un anonyme. Paris, 1500,
1n-8.
(2) Platone in Itaiia, traduzione
del Grico. Milano, 1806 , 3 vol. in-6.
— 1lea existe une seconde édition en
italien , trad. en français, par M. PBa-
rère de Vieusac. 1807, 3 vol. in-8 —
Cet ouvrage a été encore traduit en
d'autres lingues.
COC
difficulté > Sous le point de vue de
l'utilité morale, aussi bien que
sous le rapport de l'intérêt local
et patriotique, à l'égard des Hta-
liens.
Rentrée dans sa patrie , avec
Joseph Bonaparte, en 1806 , Coco
fut d’abord placé dans l’ancien
Conseil royal, et après la nou-
velle organisation du royaume de
Naples , il fut successivement
nommé membre de la Cour de
Cassation et du Conseil d'état.
Député vers Napoléon, en 1810, il
reçut de lui l’ordre de la couronne
de Fer; il était déjà comman-
deur de l’ordre royal des Deux-
Siciles. Une commission ayant été
instituée à Naples, pour laboli-
tion de la féodalité , Goco s’y pro-
nonca pour l'abolition des droits
purementféodaux ; mais il y défen-
dit ceux qui se rattachent directe-
ment au droit de propriété : cette
distinction fut mal accueillie par
les partisans des réformes. Il aita-
qua, avec beaucoup d’indépen-
dance , dans le Conseil d'état, le
projet d'organisation de Finstruc-
tion publique présenté par le mi-
nistre de l’intérieur Zurlo.Ses idées
n'ayant point prévalu, ii fut na-
turellement écarté de la direction
de cette branche importante de
Padministration qu’il aspirait à di-
riger, et à laquelle on lui avait
reconnu des droits. Cet échec lui
occasiona un vif chagrin, dont
il ne fat point consolé par la di-
rection du trésor public, poste
qui convenait moins à ses goûts
et à ses connaissances. Depuis
lors, des maux de tête violens,
auxquels il avait été sujet dès sa
jeunesse, acquirent une nouvelle
intensité; enfin, les révolutions
de 1815, provoquèrent chez lui,
COL
des symptômes d’aliénation men-
tale. Cependant le roi Ferdinand
lui avait conservé son poste au
trésor. L'on raconte qu’un jour
se trouvant à la cour, parmi plu-
sieurs personnes qui entouraient
le prince Léopold, fils cadet du
Roi, S. A. R. lui parla de son his-
toire de la Révolution de Naples,
et lui dit qu’elle désirait la lire.
Cet incident inattendu déconcerta
Coco, et aggrava, dit-on , le dés-
ordre de son esprit. Les efforts
de l’art aussi bien que ceux de
l’amitié restèrent impuissans pour
procurer sa guérison. Dans un pa-
roxysme de son délire , il jeta au
feu tous ses manuscrits; ainsi fut
anéanti un grand travail ; dans
lequel il développait une opinion
indiquée à la fin de son Voyage de
Platon , que les chants d'Homère
sont d’origine italienne et non
grecque. Coco mourut le 13 dé-
cembre 1825, des suites d’une
fracture de la cuisse gauche, où
la gangrène se mit. Il avait sur-
vécu près de deux lustres à son
être intellectuel. Il avait qua-
rante-Ccinq ans, quand s’éteignit
sa raison; il en avait cinquante-
qualre, quand se termina sa vie
physique. Malgré les fonctions
éminentes et bien dotées qu’il
remplissait , la maladie ne le trou-
va point riche , et la mort le dé-
iivra de la pauvreté. En effet, il
n'avait pour subsister qu’une
pension inédiocre ,; due à la fa-
veur éclairée du ministre Médici.
— On trouve une notice sur Coco
dans lAntolozia de Florence.
Vol. x1v. pag. 99: — 109. —
avril 1824. n° 40.
COLOMBEL ( Noëc) naquit à
Saint-Domingue, le jour de la Na-
COL 335
tivité, de l’an 1786, d’un Français
et d’une femine de couleur. En-
voyé de bonne heure en France,
il fitsesétudes au collége d'Angers.
Il vint ensuite à Paris , où il étu-
dia les sciencesnaturelles et médi-
cales. Sur la recommandation de
M. le comte Abrial, aujourd’hui
pair de France, M. Ladoucette ,
alors préfet de la Roër, lui donna
la place de chef de comptabilité
dans ses bureaux et en fit son se-
crétaire particulier. En 1814, Co-
lombel retourna dans sa patrie,
devenue une république indépen-
dante. Le général Péthion, pré-
sident d'Haïti, le nomma son se-
crétaire particulier et meinbre de
la Commission d'instruction pu-
blique. Il remplit les mêmes fonc-
tions sous le président Boyer,
dont il obtint toute la confiance.
Le 20 mars 1825 il partit du Port-
au-Prince pour lAngleterre, sur
le navire Le Léviathan. I n’est pas
douteux que le déplacement d’un
homme qui exerçait une aussi
grande influence que M. Colom-
bel sur le gouvernement de son
pays, devait avoir pour objet des
affaires d’une très-grande impor-
tance. Malheureusement le navire
a péri corps et biens , durant la
traversée. Cette perte est attri-
buée au chargement de café trop
considérable et à l’imprudence du
capitaine. Cette mort a été un
véritable malheur pour la répu-
blique d'Haïti, et un vif sujet
d’affliction pour tous les hommes
éclairés, qui suivent avec intérêt
les miraculeux développemens de
la civilisation chez la race noire,
importée aux Antilles. C’est M.Co-
lombel qui rédigeait la plupart
des proclamations, instructions,
correspondances officielles et au-
396 COL
tres actes dé son gouvernement.
Il entretenait des relations actives
avec les philanthropes qui com-
battent en Europe pour la cause
sacrée des noirs : il maintenait
son pays, autant que cela dépen-
dait de lui, au niveau des progrès
de la civilisation dans l’ancien
monde. Il enseignait à une société
encore novice, la science compli-
quée de l’administration, dont il
avait vu de près et manié le mé-
canisme. I] apportait dans la dis-
cussion des affaires, cette étenduc
d'esprit et cette impartialité , né-
cessairement étrangères à ceux qui
ne les ont jamais traitées que par
la force ; il favorisait puissamment
l’importation à Saint-Domingue,
des découvertes et inventions qui
dépendent des sciences physiques
et mathématiques avec lesquelles
il était familier, Enfin, quand la
lutte existait encore à Haïti entre
le génie funeste de la tyrannie et
le génie de la liberté , M. Colom-
bel s’est montré un des plus cou-
rageux et des plus énergiques
adversaires de la monarchie de
Christophe , un des plus fermes
et des plus généreux défenseurs
de la République.
M. Colombel a, durant plusieurs
années , rédigé un journal intitulé
l’ Abeille Haïtienne; il y a publié
l'éloge du docteur Montègre,mort
à Haïti, victime de son zèle pour
l'humanité. Le Propagateur haï-
tien lui doit sa fondation ; il y a
inséré des articles remarquables
par une logique vigoureuse et une
parfaite modération.
Liste des ouvrages deN. Colombel.
TJ. Examen d’un pamphlet ayant
COL
pour titre : Essai sur les causes
des révolutions et des guerres
civiles d'Haïti , etc. Port-au-
Prince ; novembre 1819 , de iv et
56 pages.
L’Essai sur les causes de la ré-
volution, etc. , d’Haiti, est de M. le
baron de Vastey, ministre de
Christophe, qui a péri avec son
maître , en 1820. La réfutation de
M. Colombel nous paraît tout-à-
fait victorieuse ; mais nous devons
avouer que sa plume africaine à
manque quelquefois de cette mo-
déralion extérieure usitée parmi
nous; son style est d’ailleurs in-
correct.
IT. Compte de l’examen public
du Lycée national. Port-au-Prince,
imprimerie du gouvernement,
janvier, 1820 ; in-8 , de 29 pages.
II. Réflexions sur un prétendu
prodige opéré au Port-au-Prince ,
dans les premiers jours du mois
d'août 1820, par le citoyen C..…….
Port-au-Prince, imprimerie du
gouvernement; in-5, de 23 pages.
Le prétendu prodige est une
jeune fille de seize à dix-sept ans,
qui prétendait vomir du coton,
des clous, des épingles ; elle en
rendait par les ongles, par les
yeux, par les oreilles, etc. —
Sans discuter le fait par les lois
de la physique, M. Colombel le
traite par des exemples; il cite la
liquéfaction du sang de saint Jan-
vier,, le livre de M. de Montgeron
sur les miracles du tombeau de
saint Médard, et enfin les tours en
apparence si prodigieux , de ces
liommes incombustibles, de ces
jongleurs, prestidigitateurs , etc.
qui parcourent habituellementles
grandes villes de l’Europe. Dans
ce dernier écrit, le style de l’au-
teur a fait des progrès remarqua-
CON
bles, et l’on peut en vanter l’élé-
gance et la fermeté.
CONSTABLE ( Taomas-Hu-
GuES-CLirroRD ) , baronnet de
Tixall, dans le comté de Stafford,
et de Burton-Constable , dans le
comté. d’'York, était fils ainé de
Thomas Clifford, dont les an-
cêtres avaient porté le titre de
lord. La famille Clifford, une des
plus anciennes de l'Angleterre,
est de celles qui ont persévéré
dans la religion catholique (:).
Sir Thomas naquit à Londres le
4 décembre 1562; il alla faire ses
études dans l’Académie des gen-
tilhommesanglais, établie à Liége,
et vint les terminer au collège de
Navarre, à Paris. Ayant perdu
son père en 1587, ilimagina pour
distraire sa douleur, d’aller à pied
visiter la Suisse. Il rapporta de
cette excursion un goût décidé
pour la botanique , auquel on doit
la Flora Tixaliania, imprimée à
la suite de la Description histori-
que et topographique dela paroisse
de Tixall, qu’il publia avec son
frère Arthur (2). A l'étude de la
(4) Voir, sur la famille Clifford, l'ou-
vrage intitulé : Collectanea Cliffor-
diana , etc. , contenant 10-Anecdotes
d'illustres personnages du nom de
Clifford ; 2° Nctices historiques et gé-
néalogiques sur l'origine et l'antiquité
de la famiile Clifford; 30 Clifford,
tragédie , par Arthur Clifford. Paris,
imprimerie de Nouzou , 1818; in-8,
de 24 feuilles (en anglais ).
(2) À toposgraphical and historical
Description of the parish of Tixallin
the county of Stafford. by sir Th.
C£'fjord bart., and Arthur Clifford
esq. Paris. imprimerie de Nouzou,
1818; in-4°, de 41 feuilles et demie,
plus 5 planches.
CON 33»
botanique Th. Clifford joignit di-
verses branches de la science his-
torique, qui se rapportent aux
antiquités locales. Ceci le condui-
sit à tracer le plan d’une Histoire
des Normands, dont il a laissé
l’exécution très-avancée. Il s’oc-
cupa aussi à traduire en vers an-
glais, les Fables de Lafontaine, et
l’on assure que sa traduction re-
produit jusqu’à un certain point,
la grâce et la naïveté de original.
Plus tard, sir Thomas Clifford
s’adonna à des compositions pieu-
ses. il entreprit, et l’on croitqu'il
a terminé, une traduction des
Psaumes en vers anglais. Il esti-
mait particulièrement l’Evangile
médité, par le père Giraudeau et
l’abbé Duquesne, et il en tira
quarante Méditations sur la divi-
nité et la passion de N, S. J.C.,
pour les quarante jours du carême,
qu'il traduisit en anglais et fit im-
primer à ses frais : le titre ne porte
que les initiales de son nom T.C.
Pendant sa résidence à Bath,
où il passa quelques années, sir
Thomas accueillit avec bienveil-
lance les émigrés français; il fut
présenté à Louis XVIII quand
ce prince visita Bath, en 1813,
peu de mois avant la Restau-
ration. S. M. l’invita deux fois
à sa table’ La dernière fois qu’il
fut admis à saluer le monarque,
Jui ayant demandé des nouvelles
de sa santé , le Roï Jui répondit
qu’il avait la goutte si fort,au doigt,
qu’à peine pouvait-il toucher la
main d’un ami: — « Essayons
pourtant, ajouta le prince, et
mettez votre main dans la mien-
ne. » — Par la suite, sir Thomas
ayant été admis à saluer le Roi aux
Tuileries , S. M. lui dit : « Je suis
»charmé de vous revoir ; vous
22
338 CZA
»ayez été parfait pour nous!»
C’est à la demande expresse de
Louis X VIII qu'il fut créé baron-
net, en 1819. Ce gentilhomme
anglais était fortement attaché à
la religion catholique, et il en
remplissait les pratiques avec une
grande exactitude. Il avait été en
relation intime avec le respecta-
ble abbé Carron (voir son article,
Annudire Nécrologique de 1821,
page 115), et l’avait choisi quel-
que temps, pour son confesseur.
Th. Clifford avait épousé miss
Chichester, dont il eut un fils et
deux filles. Deux ans avant sa
mort, il hérita des grands biens de
feu Francis Constable , et c’est
alors qu’il quitta le nom de Clif-
ford pour prendre celui de Con-
stable. Thomas Constable a fini
sa carrière à Gand , royaume des
Pays-Bas, le 25 février 1823, âgé
de plus de soixante ans.
CZARTORISKY ( Apam-Casi-
MIR, prince ), ne en Lithuanie, le
1° décembre 17531, descendait en
droite ligne de l’ancienne famille
des Jagellons. Unissant à cette
haute naissance. une immense for-
tune et un esprit distingué, ce sei-
gneur ne pouvait manquer de
jouer un rôle important dans Îes
affaires de son pays. Aussi, après
la mort d’Auguste HIT, en 1765,
quand là noblesse polonaise s’as-
sembla pour lui donner un suc-
cesseur , le prince Czartorisky,
élu grand-maréchal de la Diète,
fut au nombre des concurrens
pour le trône de Pologne; l’on
croit même que les vœux de ses
compatriotes l’y auraient porté,
si les efforts de l’Angleterre et de
la Russie ne se fussent réunis pour
CZA
y élever le jeune Poniatowski,
qui avait été envoyé à Saint-Pé-
tersbourg comme négociateur
pour cette affaire importante.
Dès-lors, la puissante, famille
Czartorisky se trouva en oppo-
sition avec le nouveau souverain ;
et cette circonstance contribua
beaucoup aux désastres qui, plus
tard, détruisirent la Pologne.
Quoique le prince Czartorisky, à
raison deses vastes possessions en
Gallicie , fût entré au service de
l’Autriche,après le premier parta-
ge, avec le grade de feld-maréchal,
néanmoins, il seconda énergique-
ment les efforts de la noblesse po-
lonaise , lors de la diète de 1589 à
1791, pour recouvrer l’indépen-
dance nationale, et pour recon-
stituer le gouvernement sous une
forme stable et paisible. Dans ces
circonstances, il fut nommé, par
le suffrage de ses concitoyens,
envoyé extraordinaire à Dresde,
afin d'engager l’électeur de Saxe
à accepter l’hérédité de la cou-
ronne de Pologne. Il se rendit
ensuite à Vienne, à l’effet d’ob-
tenir la médiation de l’empereur
d'Allemagne et sa protection con-
tre les envahissemens de la Rus-
sie. N'ayant pu réussir dans au-
cune de ces deux missions, et le
roi Stanislas Poniatowski ayant
accédé à la confédération de Tar-
gowitz, le prince Czartorisky cessa
de se mêler des affaires, et résida
tantôt dans ses terres, tantôt à la
cour de Vienne, où il paraissait
jouir d’une grande considération.
Il se trouvait dans cette capitale
lors de l’insurrection démocrati-
que de 1594, à laquelle il ne prit
aucune part.
L'éphémère confédération po-
lonaise de 1812, provoquée par
CZA
Napoléon, qui voulut relever le
royaume de Pologne pour en faire
une barrière entre l’Allemagne et
la Russie, vint arracher de nou-
veau le princeCzartorisk y au calme
de la vie privée. Il fut élu maré-
chal de la diète qui s’assembla au
mois de juin 1792, pour établir
cette confédération. Il accepta
avec émpressement, cette dignité
que ses concitoyens lui décerne-
rent unanimement, partageant
sans doute, avec eux, desespéran-
ces qui devaient être trompées. Il
serait difficile d'exprimer l’enthou-
siasme ayec lequel les Polonais
virent à la tête de leur confédéra-
tion cet illustre doyen de la no-
blesse nationale. Leurs représen-
tans lui adressèrent la parole en
ces termes, quand ils proclamè-
rent l’acte constitutionnel de la
Confédération, dans la séance s0-
lennelle du 29 juin : « Et vous,
» citoyen vénérable, que près d’un
»siècle de vertus a désigné aux
»vœux de vos concitoyens pour
» procéder à la scène la plus éton-
» nante de leur histoire, pour gui-
» der les premiers pas de la patrie
, renaissante, quelle douce et tou-
, Chante lecon offre ce prix de la
,veritu que yous recevez aujour-
d’hui! Ces yeux fixés sur vous,
» ces larmes qu’excite votre pré-
»sence, disent aux jeunes cœurs
»de vos compatriotes ce qui est,
» réservé à l’imitation des services
» que vous ayez rendus à la patrie.
» Placé pour ainsi dire aux deux
»extrémités de la vie de votre
»patrie, vous aurez assisté au
» crépuscule de sa première vie et
» à l’aurore de sa seconde; vous
» l'aurez vu tomber et se relever :
» quelle destinée pour un citoyen
» tel que vous ! Elle a voulu, cette
CZA 339
» destinée , que vous occupassiez
»il y a cinquante ans, dans la diète
» qui fit les premiers pas vers un
» meilleur gouvernement, lamême
nplace que vous occupez dans
» celle qui est appelée à en assurer
» l’existence et le bonheur. Nestor
»des patriotes polonais, quand
»vous disparûtes à leurs yeux ,
» Vous, emportiez avec vous les
» dieux sauvés de l’envahissement
» de votre patrie (1). » On raconte
que cette éloquente apostrophe
excita dans l’assemblée, qui rem-
plissait la plus vaste place de
Varsovie , des transports qui du-
rent enivrer de bonheur le yieil-
lard polonais. Quand les députés
de la Lithuanie , qui venait d’être
occupée par l’armée française,
arrivérent à Varsovie pour accé-
der à la Confédération , l’orateur
de la députation parla du prince
Czartorisky avec le même en-
thousiasme : « Applaudissez, dit-
»il, au renouvellement de ce
»lien, qui depuis quatre siècles,
» unit sans interruption la Pologne
» à la Lithuanie , et dont le but est
#la défense éternelle de nos in-
»térêts communs. Ce lien , c’est
»la mainlithuanienne du vertueux
» prince, Adam Czartorisky, qui
» le rattache et le rend indissolu-
» ble. Sénateurs, députés de l’ordre
» équestre polonais, vous qui avez
»signé dans le sanctuaire com-
(1) M. de Pradt, dans son Æistoire
de l'Ambassade de Varsovie ; raconte
qu'il rédigea ce discours , que M. Ma-
tuschewitz , qui devait le prononcer,
avait, selon Jui, d’abord fort mal fait.
M. le comte Morski, dans une Lettre
à l’abbe de Pradt, conteste l’exacti-
tude de cette circonstance.
340 CZA
» mun de notre représentation , à
s Varsovie, l’acte d’une confédé-
» ration générale pour la Pologne,
»la délicatesse de votre amitié
» dans le choix du maréchal de
»cette confédération , n'échappe
»pas aux yeux de la Lithuanie.
» Les cœurs des Lithuaniens Pont
» nommé d'avance maréchal com-
» mun ; et nous ne sommes depuis
»cemoment,qu’une seulé et même
»nation pour le nom.»
Malheureusement cet enthou-
siasme dut bientôt se refroidir,
lorsqu'on entenditNapoléon qu’un
instinct irrésistible rendait anti-
pathique à tout ce qui ressemblait
à de la liberté, répondre. va-
guement et avec froideur, aux
adresses de la Confédération, et
qu’on vit un conseil de minis-
tres, délégués par le roi de
Saxe, grand-duc de Varsovie,
agir selon les vues de la politique
ombrageuse etmaladroite de l’em-
pereur des Français, et former
avec le conseil delaConfédération,
un conflit de pouvoirs qui contra-
riait toutes les opérations de la
Diète. Le prince Czartorisky , ré-
duit à un rôle nul, ne trouva que
des dégoûts dans une dignité qui
Passujétissait à une représentation
ruineuse, tandis que d’autre part,
les armées ravageaient ses do-
maines : plusieurs fois il se plai-
gnit amèrement à l’ambassadeur
français , M. de Pradt. Bientôt les
revers qui suivirent l'incendie de
Moscou, ayant fait retomber la
Pologne au pouvoir des armées
russes ,; le sort de ce pays de-
mevra incertain jusqu’en 1815 ,
quel e congrès de Vienne recon-
CZA
nut l’empereur Alexandre pour
souverain de la Pologne. On sait
que ce monarque l’érigea immé-
diatement en royaume distinct et
indépendant de la Russie. Le
prince Adam Czartorsky fut nom-
mé par ses concitoyens , membre
d’une commission chargée d'aller
à Vienne, proposer à l’empereur
de Russie les bases d’une nouvelle
constitution du royaume de Po-
logne. Le 25 mai 1815 ce plan
fut présenté au monarque, qui y
donna son assentiment ; et peu de
mois après, la constitution fut
promulguée. Au mois de novem-
bre de la même année, Alexandre
visita la Pologne, et il traita le
prince Adam Czartorisky avec la
plus grande distinction : on croit
même que l’âge trop avancé du
prince polonais fut la seule cause
pour laquelle il ne fut point élevé
à Ja dignité de vice-roi. L'empe-
reur se borna à le nommer séna-
teur-palatin, et lui prodigua de
nouveau , les marques de la plus
haute considératien dans un nou-
veau voyage qu'il fit à Varsovie,
en 1818. Le prince Adam Czar-
torisky est mort au mois de mars
1825, âgé de plusde quatre-vingt-
one ans. Son Corps a élé déposé
dans la chapelle de sa famille, à
Varsovie, après des obsèques pom-
peuses, dans lesquelles M:Niecem-
witz , secrétaire du Sénat, a pro-
noncé l’oraison funèbre du défunt.
La capitale de la Pologne lui doit
son école des cadets et sa com-
mission d'éducation. Deux fils du
prince, Czartorisky sont au ser-
vice de Russie. L’ainé fut quel-
que temps, principal ministre de
l’empereur Alexandre.
DIC
_DOU
(|
ER
1.1
D.
DICKSON ( Jacques ), bota-
niste, naquit en Ecosse, de pa-
reus d’une humble condition. Ils
l’envoyèrent de bonne heure à
Londres, où iltravailla d’abord en
qualité de jardinier, chez un pépi-
niériste des environs d’Hammers-
mith. C’est là qu’il eut l’avan-
tage.de se faire connaître de sir Jo-
seph Banks , comme un jeune
homme intelligent. Bientôt il de-
vint jardinier en chef de grandes
maisons, et enfin il s’établit mar-
chand-grainetier à Londres. Dans
cette profession, il fit de très-
bonnes affaires, par suite de son
activité et de son goût passionné
pour la botanique; il continua
d’être bien accueilli à ce titre,
par Joseph Banks , qui lui ouvrit
Paccès de sa précieuse biblio-
thèque. Avec le temps, il acquit
de grandes connaissances dans
cette science, à tel point qu'il fut
cowpté parmi les botanistes les
plus distingués de l'Angleterre,
et que les ouvrages qu’il écrivit
étendirent sa réputation jusque
sur le continent. Il était l’un des
fondateurs de la société Linnéenne
de Londres et a publié plusieurs
mémoires dans ses Transactions.
Il était aussi vice-président de la
société d’horticulture de la même
ville. Jacques Dickson est mort
en 1522. — Nous connaissons de
lui :
L Fasciculi quatuor plantarum
cryplogamicarum Britanniæ, Lov-
don ,1785— 953, in-4.
IE. Collection of dried plants. —
Collection de plantes séchées.
17 fascicules, in-fol. , 1789—099
III, Bolanical calalogue, etc. —
Nomenclature botanique - alpha-
bétique , suivant le système de
Linnée. 1797, in-8
DODD (R....}), ingénieur an-
glais, après avoir fait exécuter
divers ouyrages de son art et no-
tamment plusieurs ponts, est
mort dans l’indigence, le 11 avril
1822, des suites de l’explosion
d’un bateau à vapeur, sur lequel
il se trouvait lors d’un accident
arrivé à Gloucester. On doit à
R. Dodd les ouvrages suivans :
L. Account of the principal ca-
nals,ete.—Tableau des principaux
canaux quiexistent dansle monde,
avec des réflexions sur l'utilité des
canaux. 1799, in-8. |
I. Reports , with plans and
sections, of the proposed dry tun-
nels, etc.— Rapport sur le chemin
creux proposé, de Gravesend a
Tilbury , et sur le canal de Grave-
send a Stroud. 1798, in-4°.
III. Letters on the improvement
of the port of London, etc.—Lettres
sur l’amélioration du port de
Londres, dans lesquelles on dé-
montre qu’elle est praticable sans
recourir à la construction de bas-
sins (docks). 1599.
IV. Observations on water. —Ob-
servations sur l'eau. 1805, in-8.
DOUGALL' (J£ax,, homme de
lettres, naquit àKirkaldy, dans le
comté de Fife , en Ecosse , où son
père tenait une école primaire. Il
s’adonna avec succès, à l'étude des
diverses sciences qu’on enseigne
dans les colléges , telles que la
342 EMM
\
géographie ancienne et moderne,
les mathématiques et la plupart
des langues vivantes de l’Europe.
Il fit plusieurs voyages sur le
continent, tantôt pour accompa-
gner des jeunes gens en qualité de
gouverneur , tantôt en qualité de
secrétaire particulier du feu gé-
néral Melville. Il publia plusieurs
ouvrages élémentaires, des tra-
ductions du français et de l’ita-
lien, et concourut à la rédaction
de divers écrits périodiques. IL a
laissé un grand nombre de tra-
vaux imparfaits, que l’exiguité
de ses ressources ne lui permit pas
de mettre au jour, parmi lesquels
on cite une Traduction des Com-
mentaires de César, avec des il-
Justrations et des notes ; une Tra-
duction de Strabon, des Eclair-
cissemens sur divers passages de
Polybe. Jchn Dougall est mort à
EMM
Londres , dans un état voisin de
l’indigence , en 1822. Nous con-
naissons de lui :
I. (Avec T. Hodson) The Ca-
binet of the Arts, etc.—Le Cabinet
des Arts, ou Règles du dessin,
de la gravure, de la peinture , de
la perspective et de l’architecture.
18031-800.,in-4°,—Le même,ren-
fermant les règles de l’arithmé-
tique, de la géométrie et de la
chimie ; 2 vol. in-8.
II.The modern P receptor, etc. —
Le Précepieurmoderne, ou Cours
universel de borine éducation.
1910, 2 vol. in-8.
IIL. Espana maritima.—VL’Espa-
gne maritime, ou le Pilote-côtier
de l’Espagne, traduit de lespa-
gnol. 1813, in-4°.
IV. Military Memoirs.—Mémoi-
res militaires. 1 vol. in-8.
E.
EMMERICH(ANNE-CATHERINE),
religieuse au couvent des Augus-
tines de Dulmen, en Westphalie ,
a fixé l’attention sur sa personne
par des circonstances extraordi-
naires, qui sont devenues l’objet
des enquêtes de l’autorité ecclé-
siastique et des observations des
médecins. Tout ce que nous al-
lons en rapporter est extrait fidè-
lement d’un opuscule intitulé :
Relation des faits miraculeux con-
cernant la révérende mère Emme-
rich, avec les témoignages qui con-
statent ces faits subsistans depuis
onze années. Paris, Beaucé, 1820 ;
in-8 , de 24 pages, plus 4 pages
de Notes el correctivns, imprimées
chez A. Egron {1). Cette rela-
tion, attribuée à un ancien ma-
gistrat, dont la plume fut tou-
jours consacrée aux matières reli-
gieuses,est dressée principalement
sur les témoignagesdeM.Manesse,
ancien chanoine régulier de l’ab-
baye de Saint-Jean-des-Vignes,
à Soissons, retiré alors au châ-
(1) On a publié encore : Note sur
l'existence miraculeuse de La révéreride
mère Ermmerich, etc. Paris, Beaucé ,
1819;in-8, d'un quart de feuille. —
ct Aelation historique sur la reverende
mère Emmerich. Imprimerie de Cail-
Jeaux-Lecoq , à Lille, 1820 ; in-plano,
d'une demi-feuille,
EMM
teau de Soupire (Aisne), où il est
mort, le 24 septembre 1820 ( Y.
son article, Annuaire Nécrologique
de 1820, page 190). Les Notes et
corrections sont dues à un ecclésias-
tique westphalien qu’onne nomme
pas. M. Manesse avait beaucoup
connu la religieuse de Dulmen et
avait suivi, dit-il, pendant quatre
ou cinq ans, les voies de Dieu sur
cette religieuse. La relation in-
voque encore comme témoins des
faits,diverses personnes dontnous
aurons soin de répéter les noms.
Anne-Catherine Emmerich fut
reçue dans le couvent de Dulmen,
ville située entre Wesel et Muns-
ter, vers l’année 1795. Elle était
alors âgée de dix-sept ans. Au-
paravant, elle était en service chez
M. Sontgen, organiste à Cocsfeld,
qui la conduisit à Dulmen avec sa
propre fille, et toutes deux pri-
rent l’habit en même temps. La
sœur Emmerich fut admise au
noviciat des dames de chœur. On
la placa sous la sacristine, à la-
quelle elle succéda bientôt. Elle
vivait dans la pratique des vertus
de son état, lorsque les Français
s'étant emparés de Dulmen, la
communauté religieuse fut dis-
persée : alors la sœur Emmerich
se retira dans une petite chambre,
où elle se livra uniquement à la
vie contemplative. Dans cette
voie, si supérieure à notre faible
nature , dit la Relation, dont nous
allons souvent emprunter le lan-
gage, en abrégeant toutefois les
récits , elle a éprouvé de grandes
souffrances de corps et d’esprit,
mais Jamais elles n’ont porté la
moindre altération à la pureté de
son âme. C’est le témoignage
qu'ont dû lui rendre ceux qui
Ventouraient , surtout son direc-
EMM 345
teur, le père Limberg, domini-
nicain , qui fut bien connu de
M. Manesse. Enfin , Dieu a élevé
cette digne religieuse à un état si
dégagé des sens, que depuis en-
viron onze ans , elle ne prend au-
cune nourriture solide. Si quel-
quefois elle essaie d’en goûter,
même légèrement, presque aus-
sitôt elle est obligée de la rejeter
avec des espèces de convulsions.
Quelques gorgées d’eau durant
des années, et queiques cuillerées
de café au lait fort léger, ont suffi
pour la soutenir; encore était-il
rare qu’elle pûl garder une si fai-
ble nourriture. M. Manesse à es-
sayé plusieurs fois, de lui donner
différentes espèces de fruits qui
semblaient lui faire plaisir. A
peine en avait-elle avalé une bou-
chée qu’elle était forcée de la
rendre. Malgré cette privation de
toute nourriture solide, la sœur
Ernmerich n’était point décharnée
et se conservait toujours au même
degré d’embonpoint. Mais un fait
plus extraordinaire est la faveur
dont Dieu l’agratifiée (nous citons
ici textuellement la Relation ) en
retraçant sur sa personne, par des
stigmates manifestes et sensibles,
les cinq plaies de N.S., parmi
lesquelles celle &u côté se trouve
surméôntée d’une petite croix (1).
(1) Sur cetie dernière circonstance
l'ecclésiastique anonyme de Munster
n'est pas d'accord avec M. l'abbé
Manesse. 1L assure que la petite croix
n'a pas existé. Cependant M. Manesse
a envoyé lui-même le dessin figuré de
cette petite eroix. « Nous avons par
écrit, ajoute l'auteur de la Æelation,
le témoignage de plusieurs personnes
très-dignes de foi, qui attestent que la
sœur Emmerich a porté durant des
années, sur la poitrine et dans le
944 EMM
Ces cinq plaies, tous les vendredis,
rendent du sang fort visiblement,
depuis sept à huit heures du ma-
tin jusqu’à midi. Dans le même
temps, le sang jaillit du front de
cette sainte fille et tout à l’entour
de sa tête, où il trace une cou-
ronne qui se trouve toujours en
harmonieavecles cinq plaies,pour
rendre le sang à la même heure.
— «dJ’ai presque toujours vu,
» écrivait M. Manesse, les plaies
» aussi fraîches qui si elles venaient
» d’être faites ; mais je n’ai jamais
» pu découvrir les issues par les-
» quelles le sang sortait autour de
» la tête , quoique je le visse quel-
» quefois sortir avec abondance et
»très-vermeil, particulièrement
» du front : il ne laisse là aucune
» trace après lui. Cependant j'ai
»trouvé les plaies des mains pres-
»que sèches, dans mon dernier
»voyage en Allemagne, il y a en-
»yiron deux ans, quoiqu’elles
» donnassent du sang aux jours
»ordinaires comme les autres. »
(Lettre du 27 décembre 18i9. ) —
« Elle est si brillante, surtout dans
»ses momens d’extase, qu’il est
» presque impossible de la fixer,
» quoiqu'’elle soit alors en appa-
»rence , dans un état de mort. »
(Lettre du mois de novembre 18 19).
Cet état*lumineux est encore at-
testé dans la Note imprimée à
— =
creux de l'estomac , l'empreinte d’une
double croix, laquelle elle savait mon-
trer dans les occasions , sans que da
modestie en fit blessée. C’est ce que
témoigne entre autres le savant comte
de Stolberg, dans une lettre qui a été
fort répandue en Allemagne, et où il
rend compte d’une visite qu’il fit avec
sa femme et sa fille, à la sœur Emmec-
rich , et où il vériGa les faits par lui-
même.
EMM
Lille, où l’on ajoute qu’elle était
sujette à des ravissemens d’esprit
qui duraient quelques heures.
M. Manesse conservait chez lui
un linge qu'il avait posé sur la
tête de la religieuse de Dulmen ,
et qui était imbibé du sang qui en
sortait tous les vendredis.
La sœur Emmerich tint d’abord
son état caché aussi long-temps
qu’elle put ; mais enfin elle en fit
la déclaration au grand-vicaire de
Munster, qui prit des mesures
pour constater la vérité des faits.
Il fit d’abord observer de près la
religieuse, et vint ensuite la visi-
ter lui-même en personne , ac-
compagné de M. ‘Overberg, su-
périeur du séminaire de Munster,
et de M. le conseiller médecin
Drussel. Les délégués du grand-
vicariat Ccontinuèrent à visiter la
religieuse, à peu près chaque
semaine , se faisant accompagner
d’un ou de deux médecins, qui,
après avoir constaté l’état des
plaies et l’écoulement du sang , en
dressaient procès-verbal. Le bruit
de cet éyénement s’étant répandu
dans le pays, au moment qu’il ve-
nait d’être réuni à la France, le
commissaire de police de Muns-
ter, nommé M. Garnier, se rendit
à Dulmen pour vérifier les faits.
A son retour à Munster, l’autorité
envoya à Dulmen des médecins
et chirurgiens de l’armée fran-
çaise. La Relation nenousapprend
pas quels furent le résultat et la
conclusion de leur examen ; mais
elle affirme que des médecins du
pays essayèrent, d’après l’invita-
tion du grand-vicariat de Muns-
ter, de cicatriser les plaies à Paide
des procédés de leur art, ayant
soin après avoir appliqué Îles
bandages, d’y apposer les scellés ;
À
EMM
imais leurs efforts restèrent im-
puissans. Cependant des habitans
de Dulmen, aussi sur la demande
du grand-vicariat de Munster,
passèrent tour à tour, en se rele-
vant , quatorze jours et autant de
nuits auprès du lit de la religieuse
pour la surveiller. Tous ont dé-
posé qu’ils n'avaient point décou-
vert la moindre fraude dans lap-
parition des plaies , et que la sœur
Emmerich n'avait rien pris de
solide pour-nourriture , durant
tout le temps qu’elle fut soumise
aux enquêtes de lautorité ecclé-
siastique de Munster. Celle-ci a
dressé procès-verbal du tout.Plus
tard, vers 1819, lautorité civile
de Munster a interdit aux étran-
gers l'approche de Ia sœur Emme-
rich, à moins d’une permission
du gouvernement ou de l’évéché ;
et l’on vit paraître dans quelques
journaux allemands , et dans le
Courrier (français) du 13 décem-
bre 1819, des articles qui niaient
l’état surnaturel de la sœur Em-
iwerich, et qui allaient jusqu'à
inculper sa bonne foi. Cependant
M. Manesse atteste avoir Connu,
en 1818 , un membre de la mu-
nicipalité de Duimen, qui em-
brassa la foi catholique après avoir
vu la sœur Emmerich.
Il résulte des faits que nous
venons de raconter , d’après Île
témoignage d'autrui :
1° Que des circonstances extra-
ordinaires ou singulières ont long-
temps attiré l'attention sur la re-
ligieuse de Dulmen.
2» Que le public n’a pas été mis
en état par les écrits imprimés
jusqu’à ce jour, au sujet de lasœur
Emmerich , de se former un ju-
sement éclairé sur les faits qui la
concernent, puisque les enquêtes
ESC 545
régulieres des deux autorités ec-
clésiastiques et civiles n’ont point
été placées sous ses yeux.
3° Que le témoignage de l’abbé
Manesse doit être considéré com-
me insuffisant, quelle que soit
d’ailleurs la sincérité du témoin :
premièrement parce que labbé
Manesse était dépourvu des con-
naissances scientifiques indispen-
sables pour apprécier et caractéri-
ser convenablement l'état de la
sœur Emmerich ; secondement
parce qu’il résulte des notes ad-
ditionnelles publiées parlécrivain
lui-même à qui l’on doit la pu-
blication du témoignage de l'abbé
Manesse, que les récits de cet
abbé sont entremêlés d’inexacti-
tudes graves, qui laissent planer
de l'incertitude et du doute,même
sur ce qui ne paraît point contesté,
4° Que malgré ces objections,
nous sommes excusables d’avoir
consacré un article sérieux à la
sœur Emmerich, puisqu'elle a fixé
l'attention de personnes graves et
loyales ; puisqu'elle a donné lieu à
la publication de divers écrits;
enfin parce que les faits de la na-
ture de ceux qui la concernent
(n’importe le jugement qu’on en
voudra porter), appartiennent à
l'histoire religieuse.et philosophi-
que de notre temps.
La sœur Emmerich est morte
durant l'hiver de 1893 à 1824.
Des gazettes ont publié qu'un
Hollandais avait offert 2000 fr.
pour avoir son corps, et un habi-
tant de Munster 5000 fr.; mais
que le corps s’est trouvé avoir été
enlevé.
ESCHER DE LA LINTH(JEan-
Coxrap), naquit à Zurich , le 2%
août 1507. Son père qui OCCupaik
346 ESC
la place de conseiller-d’état,après
lui avoir donné dans sa patrie , îe
genre d'éducation alors en usage
en Suisse, et qui était principale-
ment destiné à former des négo-
clans et des magistrats, lenvoya
à Genève, à l’âge de seize ans,
pour apprendre la langue fran-
çcaise et perfectionner son instruc-
tion. Non-seulement il y acquit
l’usage facile de la langue qu’on
y parle, mais il y fit quelques
études secondaires de logique et
de physique , auxquelles il mettait
beaucoup d'intérêt. Toutefois, il se
débattait en lui-même contre l’in-
struction classique, et il prétendait
souvent qu'un bonartisan etun bon
agriculteur étaient plus utiles au
genre humain que les savans les
plus distingués. Aussi, quand il
fut de retour à Zurich, se consa-
cra-t-il presque tout entier, à ce
qu’il appelait la prospérité pré-
sente de son pays. Il tâchait de
perfectionner l’économie indus-
trielle et rurale ; il prenait une
part très-active aux exercices mi-
litaires ; il était membre de la
société d’Olten , et de presque
toutes les réunions patriotiques.
En même temps il étudiait l’his-
toire de la Suisse, qu'il posseda
depuis , dans une rare perfec-
tion; et il s’appliquait à connaître
les intérêts des Cantons entre
eux et des puissances étrangé-
res respectivement à eux. Telles
étaient ses occupations , lorsqu'il
arriva à l’époque où les jeunes
gens des premières familles de
Zurich avaient coutume de voya-
ger. Il alla séjourner près de deux
ans à l’Université de Gœættingue ,
et s’y adonna principalement Fa
l'étude de la minéralogie, de la
géologie , de la statistique et de
ESC
l'économie politique ; il visitæ
ensuite l'Angleterre , dont il vou-
lait connaître les principales ma-
nufactures, et l'Italie, qui l’in-
téressait sous, des rapports plus
immédiats ; car les circonstances
l'appelaient à entrer dans la mai-
son de commerce et de fabrique
qui appartenait depuis long-temps
à ses parens.
Escher se maria l’âge de vingt-
deux ans. Quand les principes
démocratiques de la révolution
française pénétrèrent en Suisse ,
il les embrassa avec ardeur ; quoi-
que appartenant à la classe privi-
légiée ; aussi il fut élu membre du
grand Conseil helvétique ; il co-
opéra en même temps à la rédac-
tion de la feuille intitulée : Le
Républicain Suisse, qui défendait
le nouvel ordre de choses. Ecri-
vain et homme d’état, ses paroles
et ses actions furent également
irréprochables ; et il eut la satis-
faction de voir ses adversaires
politiques rendre justice à la pu-
reté de ses vues et à la droiture
de ses intentions. Mais l'influence
de Bonaparte ne tarda pas à dé-
truire la République Helvétique ,
et les cantons aristocratiques fu-
rent rendus à leur ancien isole-
ment , sous la condition qu’ils
modifieraientleurs anciennes con-
stitutions, et que comme le reste
de la Suisse, ils admettraient
parmi leurs citoyens ceux qu ils
avaient autrefois appelés leurs
sujets. Escher, qui durant cette
lutte , s’était mêlé constamment
aux affaires publiques, toujours
fidèle à ses principes , rentra
comme simple particulier dans sa
ville natale. Quoiqu'il eût blessé
le parti autrefois dominant à Zu-
rich, et qu'il se fût attiré beau-
ESC
coup de préventions, pour ne pas
dire beaucoup de haines, cepen-
dant l’opinion qu’on avait de sa
capacité et de sa loyauté était si
bien affermie, qu’on l’appela au
bout de quelques années, à la
place de conseiller d'état.
Bientôt s’offrit à lui la grande
entreprise qui devait immortaliser
son nom , le dessèchement des
marais de la Linth. Cette rivière,
qui déscend des Alpes de Glaris,
etqui dans son cours rapide, en-
traine beaucoup de pierres et de
limon, avait par la suite destemps,
formé un vaste marais, sur une
surface de plusieurs lieues carrées
et multipliait continuellement ses
ravages. Les habitans de ces mal-
heureuses contrées perdaient tous
les jours , quelques-unes de leurs
propriétés et périssaient victimes
de fièvres contagieuses. Après un
grand rombre de réclamations et
même de tentatives successive-
ment ajournées, Escher fut chargé
en 187, par la Diète de la Con-
fédération, conjointement ayec
le doyen Ith, de Berne, de ré-
diger un appel à la nation suisse
pour linviter à fournir aux dé-
penses que le dessèchement des
marais de la Linth devait nécessi-
ter. La nation entière répondit à
cet appel, et M. Escher fut nommé
président de la commission char-
gee de l’exécution du projet. Bien-
tôt après, abandonné par les hom-
mesdel'artqui l’avaient aidé à lever
les plans et à dresser les devis, il
demeura seul chargé de cette im-
mense tâche. C’est alors qu’il
forma le projet d’aller habiter les
marais de la Linth, et de se mettre
lui-même , à la tête des travail-
leurs. En effet, depuis 1807 jus -
qu’en 1819 , c’est-à-dire durant
2
ESC 547
l'intervalle de huit années , il n’a
cessé de se consacrer de corps et
d'âme, à cet unique objet. Aussi
la Linth, qui se perdait naguère
dans les marais infects, où l’on
pouvait difficilement diriger quel-
ques misérables barques, coule
maintenantdans deux magnifiques
canaux. dont le premier encaissé,
la conduit au lac de Wallenstadt
ou de Wesen, et dont l’autre,
plus large, navigable et pourvu
d’un chemin de hailage, la ra-
mène de ce lac à celui de Zurich,
qu’elle forme presque tout en-
tière, et d’où elle sort sous le
nom de Limmat.
« J'avais visité ces marais au-
trefois, avec mon ami, dit M. le
professeur Vaucher (1), et j'avais
été affligé comme lui, du hideux
spectacle qu’ils offraient. Je les ai
revus en 1819,avec quelques-uns
de mes compatriotes, conduits
par M. Escher, et je ne crois pas
que j'aie passé dans ma yie, de
journée plus heureuse. Nous re-
montâmes les marais à pied, de-
puis Uznach jusqu’à Wesen , et
depuis Wesen jusqu’à Miollis, par
un des plus beaux jours. Tous
ces lieux que j'avais vu inondés
et fangeux, commençaient à se
charger de la plus riche yégéta-
tion. ou étaient déjà couverts des
plus-beaux fourrages. Des canaux
plus petits venaientse rendre dans
le canal principal, et opéraient
(1) Notice biographique sur M. Es-
cher de La Linth, dans la Bibliothèque
universelle, de Genève. Sciences et
Arts, vol. XXII, pag. 232. C'est dans
cette notice qu'ont été puisés les ma-
tériaux qui ont servi à la rédaction de
cet article.
348 ESC
le desséchement jusque dans les
parties les plus lointaines et Les
plus abandonnées. Ici s’élevaient
de petites fermes, là on voyait
des ‘maisons*déjà opuleutes. Une
école d'agriculture avait été fon-
dée d’après la méthode de Fel-
lenberg. La ville de Wesen s’éle-
vait au-dessus du lac, où elle
avait failli s’écrouler; les habitans
montraient sur les murs de leurs
maisons les traces des anciennes
gaux, et comptaient le nombre
des pieds qu'ils avaient déjà ga-
gnés. On les voyait bien portans
et délivrés de leurs anciennes
fièvres; tous ceux que l’on ren-
contrait sur le canal, surtout les
ouvriers, saluaient avec allégresse
notre respectable conducteur. Ils
l’appelaient herr president , et dès
qu’ils s’entretenaient avec lui, la
joie et le contentement brillaient
dans leurs regards. Nous dinâmes
à Miollis, où s’étaient rendues
plusieurs } personnes du voisinage
qui ambitionnaient le bonheur dé
rencontrer notre illustre guide.
Bientôt nous trouvâmes un bateau
élégant qui avait été préparé à
ne insu , et sur lequelnous des-
cendimes piment le canal que
nous avions monté dans la mati-
née. Ce fut là que M. Escher dai-
gna. satisfaire aux. nombreuses
questions que chacun de nous lui
adressait à l’envi. Il nous raconta
toutes les privations qu'il avait
été obligé de s’imposer en vivant
au milieu de ces marais, toutes
les difficultés qu’il avait rencon-
trées pour se procurer des bras,
tous les obstacles qui s'étaient
présentés, soit de la part des
gouvernemens de Saint-Gall , de
Glaris, de Schwitz , entre lesquels
est partagé le cours de la Linth,
ESC
soit surtout, de lapart des diverses
communes qui avaient la posses-
sion partielle du sol; tous les em-
barras d'argent, toutes les intem-
péries , toutes les petites intri-
gues contre lesquelles il avait
fallu lutter. Mais enfin, ajoutait-
il, l’ouvrage est achévé et il
n'éxiie plus que des perfection-
nemens et une surveillance facile.
J'ai été récompensé de toutes mes
peines, le jour où le canal de na-
vigation s’ouvrit, et où, à la vue
he foule de spectateurs qui
étaient accourus de tous les lieux
voisins, je descendis le premier,
depuis Wesen jusqu ’au lac de
Zurich; dès lors j'ai été justifié.
Ilya quelque temps qu’une Com-
mune voisine, pour me témoi-
gner sa reconnaissance, a daigné
Comes a moi età ma famille,
les droits de sa bourgeoisie : c’est
un honneur dont j’ai été vivement
touché. (1) »
Dès que les travaux du dessè-
chement de la Linth furent ter-
minés, lâme d’Escher fut en
repos : il avait rempli sa tâche.
Dès-lors il ne désira plus rien avec
ardeur ; et sans rien diminuer de
son activité , il s’abandonna tout
entier avec ses projets, aux volon-
tés de la Providence. En effet , les
travaux de Ja Linth avaient con-
sommé les plus belles années de
a
(1) Voy. pour les détails con-
cernant les travaux de desséchement de
la Linth, ia Bibliothèque Universelle,
année 1810. Sciences et Arls, p. 272
et suivantes—un articicintitulé : Co2-
sidérations sur Les résultats moraux
de l’entreprise du dessèchement des
marais de La Linth. ibil. année 1825,
t. XXV. Sciences et arts , p.107. —
etla Revue enc; clopédique ; t. XXY 1,
pag. 1.
|
ESC
sa vie. il avait interrompu à cette
occasion, tous sesaulres lravauxet
tous les soins que pouvaient exiger
sa famille ou sa fortune.ll était le
jour avec ses ouvriers, €t la nuit
dans la petite cabane qu'il s'était
fait construire. Quelquefoisil par-
tait le soir pour Zurich, et mar-
chait toute la nuit, en dormant de
fatigue sur la route. Il revenait le
lendemain auprès de ses travail-
leurs, qu’il animait d’un nouveau
courage, et il passait ainsi les
mois et les années, bravant les
maladies et les fièvres qui infes-
taient tout le voisinage. Rien au
monde ne lui semblait plus doux
que d’avoir été utile à ses conci-
toyens jusqu'au sacrifice de sa
vie. Jamais il n’aurait consenti à
ce qu’on lui décernât sous aucun
titre, le moindre émolument ou la
moindre récompense ; au con-
traire , l’accomplissement de son
entreprise, dans lequel il mettait
sa véritable gloire , le faisait re-
noncer sans peine à l’avancement
de sa fortune, à ses occupations
habituelles, aux jouissances qui
lui étaient les plus douces : y
eut-il jamais un dévouement plus
complet ; plus généreux ? Ses
compatriotes Pont senti ,et le seul
prix qu’ils lui aient accordé, c’est
celui qui était selon son cœur ; ils
l’ont appelé Escher de la Linth,
dénomination sous laquelle il est
connu dans toute la Suisse, et
que la Diète helvétique a consa-
cré, en décrétant qu’un monument
serait élevé àsa mémoire, aux frais
de la nation.
Le succès de Pentreprise d'Es-
cher lui fit une réputation d’un
genre nouveau. De toules parts
on le consultait pour dessécher
des marais ourectifier les rivières.
ESC 349
Chargé de diverses commissions
publiques pour des objets analo-
gues , il se rendit sur divers points.
de la Suisse,afin de s’en acquitter:
Quand ilfut débarrassé destravaux
de laLinth, il revint à la geclogie,:
et particulièrement à l’étude de
la structure des montagnes suis-
ses, qui l'avait toujours occupé.
Il les avait parcourues dans tous
les sens , à plusieurs reprises et
à diverses époques de sa vie. ILen
avait dessiné les différens aspects
et les nombreuses couches, et il
en ramassait les produits les plus
remarquables. Divers journaux
allemands,.et la Bibliothèque Uni-
verselle de Genève, contiennent
des mémoires et des dissertations
d’'Escher sur divers points de la
géologie de la Suisse (1). Il se
plaisait à communiquer ses tra-
vaux à la Société Helvétique, dont
ilétaitun des membres les plus
zélés. Persévérant dans ses idées
politiques, il voyait dans cette
académie centraic, un nouveau
moyen de resserrer les nœuds
toujours trop lâches qui unissent
les citoyens des différens Cantons.
Il jouissait d’une grande consigé-
ration dans cette compagnie sa-
vante el patriotique ; etil en pro-
fitait pour échaufier le cœur de la
jeuuesse helvétique. quise presse
autour d’elle, et sur laquelle il se
plaisait à fonder de grandes et lé-
gitimes espérances. — « Dans les
derniers temps de sa vie, ajoute
(1) La notice de M. Vaucher an-
nonce que M. le conseiller Ustéri pré-
pare une biographie détaillée de M. Es-
cher de la Linth. La collection de ses
mémoires, publiés ou inédits, doit
seule former un volume.
ré
350 ESC
encore M. Vaucher, il ne traver-
sait plus les campagnes de Zurich
et les cantons de Glaris et de
Saint-Gall, où il était si connu,
sans que sa seule présence exci-
tât des transports. On accourait
pour le voir passer, on se pres-
sait pour l'entendre; partout il
était connu et fêté; on se dispu-
tait l'honneur de lui dounerl’hos-
pitalité, et plus on l'avait vu et
entendu, plus encore on voulait
le voir etl’entendre. Il faut avouer
aussi que sa figure et son maintien
inspiraient le respect et l’amour.
Il avait dans le regard et dans
tous les traits, une noblesse et une
décence qui indiquaient l’homme
supérieur ; et en même temps,son
expression était celle d’une par-
faite bonté et d’une douceur in-
altérable. Aussi aucun homme
n’a été aimé et n’a plus mérité de
‘ètre... Ses opinions religieuses
variérent suivant l’âge. Il avait
été élevé dans un attachement
aveugle à la religion de ses pères
(la Réforme); mais quand ilrexint
de ses voyages et surtout de
Gœttingue, il voulut tout sou-
mettre à l'examen. J’ai beaucoup
discuté avec lui, dans sa jeunesse,
les preuves fondamentales du
christianisme , et je n’espérais pas
l’avoir entièrement persuadé; tou-
tefois , à mesure qu'il avança dans
la carrière du monde et des affai-
res, il devint un véritable chré-
tien ...»
Escher de la Linth est mort à
Zurich, le 4 mars 1823 , îgé seu-
lement de cinquante-trois ans.
Depuis une année, sa santé dé-
clinait assez sensiblement, mais il
ne ralentissait rien de ses travaux
politiques et philanthropiques.
Quand il ne put plus aller au
EVA
Conseil d'état, il s’y fit porter en
litièré , et huit jours avant sa
mort ; il y parla avec une force et
une clarté d’esprit qui frappèrent
tout le monde. Le jour qui la
précéda fut employé à rédiger
les instructions nombreuses qu'il
croyait nécessaires à sa famille et
à ses amis. Quand elles furent
achevées, il passa une nuit pai-
sible, et après s'être réveillé le
matin, il se rendormit en bénis-
sant sa famille rassemblée autour
de son lit.
Quelques mois après le décès
d’Escher, M. Brukmann, graveur
à Heïilbronn, a publié une mé-
daille en sa mémoire , qui a été
frappée en or, en argent et en
bronze. D'un côté on voit l’image
d’Escher avec cette légende : 3.
C. Escuerus. Limaciaxus. Tuni-
GENSIS. NAT. 2/4. AUG. 1707. OB.
9. MarT. 1823. Sur le revers on
lit ces mots entourés d’une cou-
ronne de chêne : INGENIO. can-
DORE. VIRTUTE. CIVIS. OPTIMUS.
EVANS (Guirraume-Davin),
jurisconsulte anglais, remplit des
charges de magistrature à Man-
chester et à Bombay; il est mort
le 4 décembre 1821. Nous con-
naissons de lui :
I. Salkcd’s Reports of cases adju-
ged in the King's bench. — Juge-
mens de la cour du Banc du roi,
recueillis par Salked. Sixième édit.
publiée par W. Eyans, avec des
augmentations considérables. 3
vol. in-8, 15705.
IT. Essays on the action for mo-
ney lent and received, etc. — Essai
sur l’action qui nait de l’argent,
reçu et prêté ; sur les loïs d’assu-
rances et sur les lois qui concer-
nent les lettres de change et les
HER
engagemensparbillets.1802,in-8.
LIL. 4 general view of the decisions
of lord Mansfield, etc. — Tableau
général .des décisions de lord
Mansfield , dans les causes civiles,
1806, 2 vol. in-8.
IV. À Treatise on the laws of
obligations and contracts, etc: —
Traité des obligations et des con-
irats, trad, du français, de Po-
thier. 1806 , 2 vol. in-8.
BES 351
V. À Letter to sir Samuel Ro-
milly, on the revision of the ban-
krupt-laws. — Lettre à sir S, Ro-
milly, sur la révision des lois qui
concernent les banqueroutes.
VI. Letters on the desabilities of
the roman-catholics and dissenters.
— Lettres sur les incapacités des
catholiques-romains et des dissi-
dens. 1823, in-8.
HE.
HERMANN (Cnrisrian-Gorr-
L1EB), né à Erfurth, en 1565, étu-
dia avec succès, à l’Université de
cette ville et à celle de Gættingue,
les sciences théologiques, la phi-
losophie et la philologie. De re-
tour dans sa ville natale, il y ob-
tint, en 1789, une première place
à l’école des prédicateurs (predi-
ger schule). En 1500, il fut nommé
professeur à l’Université d’Erfurth;
en 1799, professeur au Gyinnase
évangélique de la mème ville, et
deux ans après, il fut nommé
membre de l’Académie des seien-
ces d’Erfurth. Pendant la domina-
tion des Français en Westphalie,
il se distingua par son zèle à con-
server les écoles confiées à ses
soins. Sous la domination de la
Prusse,il eut, en 1820, letitre de
doyen et la surintendance de Par-
rondissement de cette ville. Her-
manm, est mort, presque subite-
ment, le 26 août 1825, âgé de
cinquante-huit ans. — Outre plu-
sieurs dissertations et mémoires
moins considérables, il a publié
les ouyrages suiyans :
EL Wergleichung der theorieen ,
etc. — Comparaison des théories
sur le beau de Kent et d’'Hems-
terhuis. Erfurth , 1592: in-8.
Il. Lehrbuch der christichen re-
ligion, etc. — Livre élémentaire
de la religion chrétienne, à Pu-
sage des classes supérieures du
Gymnase. Erfurth , 1796, in-8.
Enfin , il a dirigé avec talent et
avec zèle, de 1595 à 1800, les
Annales scientifiques d’Erfurth
(Erfuter- gelerten nachrichten ).
HESS (J... Louis de), naquit à&
Stralsund , dans la Poméranie
suédoise, vers l’an 1560. Dès sa
première jeunesse , il embrassa
le métier des armes, et fut nommé
officier de l’un des régimens sué-
dois qui formaient la garnison de
Stralsund ; mais bientôt, son goût
pour la littérature et les succès
qu'obtinrent ses premiers écrits,
le déterminèrent à quitter le ser-
vice. Il s'établit dans la villé de
Hambourg, où ik consacra tout
son temps aux lettres. Après avoir
long-temps enrichi de ses articles
le journal d’Archenholtz, intitulé
Minerve , 11 fonda lui-même un
Fr
352 HES
ouvrage périodique, sous le titre
de Journal des journaux, qu'il pu-
blia depuis 1588 jusqu’en 1590. Il
a aussi travaillé au journal de Reic-
khard, intitulé la France. Hess
avait pris le bonnet de docteur en
médecine à l’Université de Koœæ-
nigsberg, et pratiquait gratuite-
ment cet art, avec la plus grande
générosité. Lors de la première
évacuation de Hambôurg par
les Français. au commence-
ment de 18:14, Hess se dis-
tingua d'une manière toute par-
üculière , par son ardent patrio-
tisme. Le généralrusse Tettenborn
le chargea de la formation et du
commandement de lagarde bour-
geoise, qui lui fut confirmé par
un décret du sénat et de la bour-
geoisie. Doué d’un caractère ori-
ginal, il se fut bientôt rendu po-
pulaire, moins par son éloquence
- que par dessaillies heureuses. Son
incroyable activité suppléa pen-
dant long-temps, à ce qu’il y avait
d’imparfait dans une institution
toute nouvelle à Hambourg. Lors
de la rentrée du maréchal Davoust
dass cette viile, Hess fut Pun des
vingt-huitcitoyens nominalement
exceptés de l’amnistie. Le temps
de sa proscription fut consacré à
voyager en Angleterre et en Da-
nemark. À son retour, en 1813,
il publia un ouvrage intitulé :
L’ Agonie de la république de Ham-
bourg, en 1815, qui fit la plus vive
sensation, dans celte viile et dans
toute l’Allemagne. Hess y accuse
plusieurs sénateurs d’avoir auto-
risé le commandant danois de la
ville d’Altona, M. de Hafiner, à
traiter secrètement avec les géné-
raux Davoust et Vandamme pour
lareddition de Hambourg, à l'insu
du général qui commandait dans
HOR
cette place, ef des autres chefs ci-
vils et militaires de la république.
J. L. Kess est mort à Hambourg
le 20 février 1825. On lui doit en-
core les ouvrages suivans :
T. Essai de voir. Hambourg ;
1506 et 1800. 2 vol.
Il. Voyage (Dürchflüge) par
l’Allemagne ; les Pays-Bas et la
France. Ibid. , 5 vol. in-8. —
Troisième édit. 1802.
IT. Description topographique,
politique ct historique de la ville de
Hambourg. Tbid. — Deuxième édit.
18123 9 vol. in-6, avec cartes.
HORN (le comte DE) , "d’une
famille ‘illustre de Suède ; $e
trouva impliqué dans le complot
d’Ankastroëm contre Gustave IIE.
Condamné à mort pour non-révé-
lation, ayec quatre autres accusés,
la peine du comte de Horn fut
commuée en celle du bannisse-
ment perpétuel. Après avoir
changé son nom en celui de
Classen-Horn , il vint passer le
reste de ses jours à Copenhague,
où ilestmorten 1823. Peu d'hom-
mes furent doués d’un esprit aussi
profond et aussi vif, de connais-
sances aussi étendues, d’üne con-
versation aussi spirituelle, d’un
caractère aussi aimable. Ayant
passé une partie de sa jeunesse à
la cour de Louis XVI, plein d’en-
thousiasme pour la cause de la li-
berté, ilunissait les idées sérieuses
des temps actuels aux formes élé-
gantes du siècie précédent: I était
habile mathématicien, parlait le
francais et l'allemand aussi bien
que sa langue maternelle, con-
naissait les langues anciennes, et
cultivait encore avec succès, la
poésie et la musique. Quelques
années ayant sa mort, le comte
JEN
de Horn à fait imprimer, à Co-
penhague (sans date et sans nom
de lieu), le recueil de ses poésies
fugilives en suédois, qu’il distri-
bua uniquement à ses amis. Le
portrait fort ressemblant de lau-
teur se voit sur le titre, à la place
de son nom. On y lit de plus cette
épigraphe , tirée des Tristes d’O-
vide : Parve liber, ibis in orbem.
Le recueil du comte de Horn con-
JEN 999
tient plusieurs:imorceaux d’une
grande beauté , dont quelques-
uns, par exemple , les élégies
qu’il a écrites dans sa prison, où
il attendoit de jour en jour la sen-
tence de mort,présentent en outre,
un intérêt qui se rattache à sa per
sonne. Ces poésies ont été tradui-
tes en danois, avec beaucoup d’é-
légance et de fidélité, par M. Rab-
bek ({ Copenhague, 1824 ).
Je
JENNER (Enouarp) naquit le
17 mai 1740, à Berkeley, dans le
comté de Gloucester. 11 était le
plus jeune fils du révérend Etienne
Jenner, ecclésiastique anglican,
et gradué de l’Université d’Ox-
ford. Sa famille tenait un rang
honorable dans le pays, et jouis-
sait d’une fortune indépendante.
A peine âgé de huit ans, il fut
inoculé, comme c’était alors l’u-
sage, depuis que lady Montaigu
avait apporté cette pratique de
l'Orient. Edouard Jenner eut le
malheur de perdre son père de
bonne heure; mais son éducation
fut soigneusement dirigée par son
frère aîné. Il étudia d’abord les
sciences médicales, spécialement
l’histoire naturelle , sous d’habiles
praticiens du comté, et vint en-
suite se perfectionner à l'hôpital
Saint-Georges , à Londres, sous
la direction du célèbre anatomiste
John Hunter, dont il fut pendant
deux ans, l'élève particulier , et
qu’il aida à former cette superbe
collection de pièces d'anatomie et
de physique, connue sous la dé-
nomination de Muséum huntérien.
Une parfaite intimité n’a cessé,
depuis, d’unir ces deux hommes
célèbres. Quand le docteur Jenner
eut terminé ses études classiques,
il revint dans son lieu natal, d’où
les propositions les plus sédui-
santes ne purent l’éloigner. Bien-
tôt il s’y acquit une clientelle con-
sidérable , dans la profession de
chirurgien qu’il exerçait. Une
opération d’hernie étranglée, qu’il
exécuta avec beaucoup d’habileté,
à l’hôpital de Gloucester, ne ser-
vit pas peu à augmenter sa répu-
tion; ses heures de loisirs furent
consacrées à la formation d’une
collection d'histoire naturelle et
d'anatomie comparée. Porté spé-
cialement vers l’étude de lorni-
thologie , il se livra à de curieuses
recherches sur les mœurs du cou-
cou, qui n'avaient été jusqu'alors
qu'imparfaitement observées. La
publication de ces recherches lui
valut ladmission à la Société
royale de Londres.
L’aisance dont il jouissait, ac-
crue par un mariage avantageux ,
contracté, en 1738, avec miss
Catherine Kingscote. permit au
29
354 JEN
docteur Jenner d'abandonner, en
1792, l’exercice actif de sa pre-
fession, afin de se livrer tout eu-
tier à l’étude de l’histoire natu-
relle, pour laquelle il avait un
goût décidé. Il vint faire sa rési-
dence häbituelle , aux environs de
Berkeley, dans une maison de
campagne appelée Chantry-Cot-
tage (Maison des Chantres), à
cause de sa destinalion, du temps
qu’elle avait appartenu à l'Eglise ;
mais en 1794, ayant éprouvé une
violente attaque de typhus, il alla
passer la saison des eaux de l’an-
née suivante à Cheltenh£m, où sa
réputation le retint beaucoup plus
qu'il n'avait compté, et peu à peu,
on l’engagea à partager sa rési-.
dence entre Berkeley et Chelten-
ham. A cette époque, il n’était pas
encore entièrement absorbé dans
ses travaux relatifs à la vacci-
nation; aussi trouva-t-il le loisir
de composer quelques vers de so-
ciété, d’un ton gracieusement
épigrammatique, et qui depuis
que le nom de leur auteur eut ac-
quis, d'autre part, une SI grande
célébrité, ont été livrés à la presse,
pour laquelle ils n'étaient point
destinés: Dès la première épo-
que de sa pratique médicale, on
devait déjà à Jenner des travaux
importans, tels qu'un procédé
nouveau et facile pour obtenir
du tartre émétique pur, des ob-
servations sur la cause ordinaire
de l’angine pectorale , qu’il fit dé-
pendre de l’ossification ou de Pal-
tération des vaisseaux du cœur,
comme le docteur Parry, son
ami, l’a consigné dans son livre
sur cette matière (1799, in-8);
des recherches concernant les tu-
bercules qui se développent dans
les poumons, et qui, suivant lui,
JEN
ne seraient à leur début, que de
simples hydatides, idée que le
docteur Baron a développée dans
son Traité des maladies tubercu-
leuses, et qui toutefois n’a point
reçu la sanction commune.Mais ce
quiétablitpar-dessus tout les droits
de Jenner à l’immortalité, c’est
sa précieuse découverte des pro-
priétés du cow-pox(variole de va-
che), qui remonte à l’année 1756;
c’est aussi la constance admirable
avec laquelle il a poursuivi ses re-
cherches, et la perfection qu'il
leur a donnée avant de les pu-
blier. Il existait dans les vacheries
du comte de Gloucester, depuis
un temps immémorial, une opi-
nion vague, que Ceux qui avaient
contracté le cow-pox accidentelle-
ment, étaient pour jamais préser-
vés de la petite-vérole. Frappé de
cette singularité et de la nature de
la maiadie sur le pis des vaches,
Jenner acquit la certitude que l’i-
noculation de la petite-vérole ne
produit aucun effet sur ceux qui
ont gagné la maladie de ces ani-
maux, en les trayant. Il se déter-
mina à faire part de ses observa-
tions aux médecins de son voisi-
nage, et à demander leur avis.
Tous regardaient la chose comme
un prejugé populaire, dénué de
raison et de preuves ; ceci ralentit
son zèle, mais ne léteignit pas.
Des pâtres l’ayant conduit pour
voir, sur les trayons de quelques
vaches, l’éruption qu’ils disaient
être la seule véritable, il en ino-
cula la matière, et n’obtint ce-
pendant aucun effet. Il fut alors
confirmé dans lopinion de ses
confrères ,; et la découverte fut
retardée d’environ dix ans. Après
ce temps, il remarqua sur les pis
de certaines vaches, des pustules
JEN
bien différentés des premières; il
sut’ alors distinguer qu’il n’y en a
qu'une espèce vraie et réellement
préservatrice de la variole , et que
toutes les autres sont fausses.
Jenner publia sa découverte au
mois de juin 179$. Dans son ou-
vrage, qui fit une sensation ex-
traordinaire , il présente vingt-
trois observations sur des sujets
qui long-temps après avoir gagné
le cow-pox, n’ont pu contracter la
variole, quelque moyen qu’on eût
employé pour la leur communi-
quer : on en voit d’autres fournis-
sant du fluide vaccin pour lino-
culer à plusieurs enfans ou adultes;
puis, ceux-ci subissant la contre-
épreuve variolique; enfin, lau-
teur y émet son opinion sur lori-
gine du virus anti-variolique, que
des recherches approfondies lui
font découvrir dans une affection
su talon du cheval, appelée en
anglais, grease, et en français,
eaux des jambes. Cette dernière
opinion, plus susceptible de con-
testation que l'efficacité de la vac-
cination elle-même, n’est pas
généralement adoptée. La décou-
verte de Jenner fut d’abord re-
poussée par quelques médecins
de renom, ce qui le détermina à
publier de nouvelles observations,
dans lesquelles il dit expressément
qu'il avait commencé ses investi-
gations depuis environ vingt-cinq
ans.
La première expérience de vac-
ciuation fut faite par Jenner, Île
14 mai 1590, sur un petit garçon
noinmé Phipps, dans le bras du-
quel on introduisit une parcelle
de virus vaccin, prise sur le bras
d’une jeune femme appelée Sara
Nelmes, qui avait été accidentel-
iement infeciée par une vache.
JEN 5535
Malgré la parfaite ressemblance
des pustules survenues au bras
de l'enfant, avec celles de l’érup-
tion variolique; cependant, Pin-
disposition qui en résulta fut si
légère , que l'opérateur pouvait à
peine se persuader que le sujet fi
mis à l’abri de l’atteinte de la pe -
tite-vérole, Néanmoins, le virus
variolique ayant été inoculé à
l'enfant, le 1° juillet suivant, il
demeura complètement sans effet.
Cette expérience inspira beaucoup
de confiance à Jenner, qui n’hé-
sita plus dès-lors, à tenter une sé-
rie nombreuse de vaccinations
avec la contre-épreuve ; les unes
el les autres réussirent parfaite-
ment. M. Cline, médecin de
l’hospice de Saint - Thomas, à
Londres, a le premier pratiqué |
les vaccinations dans l’éiablisse-
ment confié à ses soins, au mois
de juillet 1798, avec du vaccin
qu'il avait reçu de Jenner lui-
même. « On a fait beaucoup de
recherches, dit M. le docteur
Louis Valentin, on a fouillé par-
tout, dans la Grande-Bretagne ,
pour savoir si l’on avait eu, dans
les temps passés, quelques notions
sur la variole des vaches, et si on
l'avait vue se communiquer à des
individus humains. Tout ce qu’on
a pu apprendre à prouvé que le
cow-pox existait depuis long-temps
dans plusieurs comtés (on en
compte quatorze ), et qu’on lui
avait reconnu la propriété de pré-
server de la petite-vérole; mais
cette propriété n'était connue que
dans la basse classe du peuple, Le
docteurGibbs m'a dit à Bath, que
son pére allant à l'Université d’'Ox-
ford, quarante ans avant la décou-
verte de Jenner, demanda à son
domestique, én y arrivant, s’il ne
356 JEN
craignait pas la petite-vérole qui
régnait dans la ville; que celui-ci
lui répondit qu’il ne la prendrait
pas, parce qu'il avait eu au bout
des doigts le cow-pox , connu dans
le Meltshire pour être l’antidote
de la maladie. Jenner m’a raconté
une autre anecdote qui remonte-
fait au temps de Charles II. La
duchesse de Cleveland, femme
très-jolie et favorite de ce prince,
raillée par quelques-unes de ses
compagnes sur ce qu’elle pourrait
bientôt déplorer la perte de sa
beauté, en gagnant la petite-vé-
role qui faisait des ravages dans
Londres , leur répondit qu’elle
n’en avait aucune crainte , at-
tendu qu’elle avait eu dans son
pays, une maladie, le cow-pox ,
qui en préservait … On a dit :
puisque ja chose était connue ,
que les faits existaient depuis
long-temps , il n’a pas fallu un
effort surnaturel de génie pour
tirer des humbles laiteries un
moyen aussi simple, et le trans-
mettre à la société : c’est précisé-
ment cette simplicité qui en aug-
mente le mérite. Personne, en
Europe, avant Jenner, ne lavait
fait connaître au public ; personne
n’avaitessayé d’inoculer la liqueur
des pustules... Jenner a consacré
plusieurs années à s'assurer, par
un examen sévère, des propriétés
d’une pratique obscure et acciden-
telle. En l’utilisant et la conser-
vant pour l’humanité entière, il
l’a ingénieusement perfectionnée;
il + développé des principes, il a
tracé des règles pour son applica-
tion ; il a donc levé le voile qui
nous dérobait l’un des plus impor-
tans secrets ; il a prouvé cette vé-
rite; elle lui appartient exclusi-
vement. Jusqu’à lui, ce n’était
JEN
qu'une vérité stérile; elle n'avait
pas été démontrée; elle n'avait
point acquis la force péremptoire
de l'opinion. On peut appliquer à
Jenner ce qu’on a dit de Washing-
ton : « Ce n’est pas ce qu’on en-
streprend, c’est ce qu’on achève
»et qu’on afferimit qui fait la
» gloire. »
La découverte de Jenner lui
fut contestée : d’autres disaient
lavoir entrevue avant lui; cela
n’est pas impossible, puisque les
bramines avaient déjà inoculé la
petite-vérole des vaches, dans Île
canton de Benarès. Un anonyme
de Gæœttingue imprima, dès 1568,
dans un journal intitulé : 4Ulge-
meine unter haltungen , que la peste
dont parle Tite-Live, qui attaquait
les animaux, n’était autre chose
que le kuh-pocken (cow-pox) des
Allemands. Il décrit ensuite, avec
beaucoup d’exactitude , cette ma-
ladie des vaches, parle de l’opi-
nion qu'ont les laitiers de sa pro-
priété anti-variolique, des recher-
ches exactes qu’il a faites pour la
vérifier, et de Ja confirmation qu'il
en a reçue dela part de personnes
éclairées; mais trop préoccupé de
la question d’érudition, l’écrivain
allemand ne songea pas à faire
l'application de ce fait, par où il
aurait assuré l’immortalité de son
nom. En 1810, un français, Ra-
baut-Pommier, ministre protes-
tant, voulut revendiquer pour lui
l’idée première de la découverte
de la vaccine, appuyant sa pré-
tention sur une conversation qu’il
avait eue avec deux Anglais, en
1781 ( Woyez l’article g RaBAuT-
Poumier, dans |’ Annuaire Nécro-
logique de 1820 , p. 178). Maisil
faut remarquer que rien ne prouve
que ces conversations aient été
iransimises à Jenner; que le mé-
decin anglais avait déjà dès 1795,
c’est-à-dire cinq ans avant lépo-
que donnée par Rabaut, observé
les diverses propriétés du virus
vaccin; quil n’est nullement
prouvé, même aujourd’hui, que
le véritable cow-pox se rencontre
sur les vaches des provinces meé-
ridionales de la France; enfin (ce
qui est décisif dans la question),
qu’à Jenner seul appartient Pap-
plication et la pratique effective
de sa glorieuse découverte (1).
La France reçut en 1800, la dé-
couverte de Jenner, et c’est prin-
cipalement à active philanthropie
du vénérable duc de La Rochefou-
cault-Liancourt qu’elle en dut
l’importation, ainsi que l’Acadé-
mie royale de médecine la con-
staté après une discussion s0-
lennelle. Bientôt la vaccine se
propagea non-seulement en Eu-
rope, mais encore dans les Deux-
Indes. Le roi de Prusse fut le
premier, parmi les têtes couron-
nées, qui soumit ses enfans à la
vaccination, et son exemple fut
immédiatement suivi par l’empe-
reur d'Autriche. L’éloquence, la
poésie et la peinture célébrèrent à
Venvi ce don merveilleux de la
nature et le génie de celui auquel
il plut à la Providence d’en révéler
le secret (2). Une telle révolution
dans Part de guérir dut changer la
situation de Jenner; il ne put évi-
(1) L'histoire des prétentions de Ra-
baut-Pommier se trouve consignée
dansle grand Dietionnaire des Sciences
médicales , t. LVI, article l’accine ,
par M. Husson, ancien secrétaire du
Comité central de vaccine.
(2) L'Académie Française proposa la
JEN 397
ier de venir résider à Londres, au
moins pour un temps. Tous ses
momens durent être consacrés à
une immense correspondance chez
l'étranger, et à fournir à son pays
les éclaircissemens et les instruc-
tions dont on éprouvait le besoin.
La pratique de cette nouvelle ino-
culation donna lieu partout, à l’é-
tablissement de sociétés ou de
comités de vaccine, qui prirent
souvent le nom de Jenner; elle
reçut à Londres son complément
en 1803, par l'institution de la
Société royale Jennérienne , pour
l’extinction de la petite-vérole. Jen-
ner en fut le premier président.
Peu de temps après, il fut élu
maire de Cheltenham, lieu célèbre
par ses eaux minérales. À cette
époque, la fortune de la décou-
verte était décidée, et le nom de
son auteur volait dans toutes les
bouches. Le duc d’York avait
adopté la vaccine pour l’armée de
terre, et lord Spencer, premier
lord de l’Amirauté, pour l’armée
de mer. En 1801, les médecins et
les chirurgiens de la marine an-
glaise, à Plymouth, au nombre de
plus de cent, offrirent à Jenner
une médaille ; elle représente ,
d’un côté, Apollon médecin, pré-
sentant à la Grande-Bretagne un
jeune marin guéri par linocula-
tion de la vaccine ; la Patrie étend
une main qui tient la couronne
civique, où est inscrit le nom de
Découverte de la Taccine pour sujet
de son prix de poésie, en 1815. La
palme fut conquise par M. Soumet.
M. Casimir Delavigne obtint l’accessit.
— Nous connaissons encore : Jennero
(poëme latin). Gandæ, 1824, typis
J. N. Houdin; in-8, de 14 pages.
538 JEN
Jenner. Au dessus, on lit cette
devise : AUBA. NAUTIS. STELLA. RE-
FULsiT. Au dessous : 1801; au re-
vers, une ancre; au-dessus : GEOR-
GI0. TERTIO. REGE. ; au GeSSOUS :
PENCER. DUCE.
Le 4 mars 1804, la Société mé-
dicaie de Londres décerna aussi
une médaille à Jenner. On y lit
l'inscription suivante :
Pox. Soc. men. Lox».
AN. SALUT. 1559.
INSTIT.
E. JENNER. M. D.
SOCIO. SUO. EXIMI9.
OB.
VACCINATIONEM
EXPLEORATAM.
Le pariement d'Angleterre s’oc-
cupa de décerner une récompense
nationale à lillustre citoyen. La
discussion eut lieu dans la séance
du 2 juin 1802; on observa que la
découverte de Ia vaccine avait oc-
casioné de grands frais à l’auteur,
pour la propager; et qu’en livrant
gratuitement son secret au public,
Jenner s'était généreusement pri-
vé des bénéfices immenses qu’il
aurait pu en retirer. M. Adding-
ton (aujourd’hni lord Sidmouth),
alors ministre principal, seconda
la motion. « La Chambre, dit-il,
peut voter pour le docteur Jen-
ner , telle récompense qu’elle ju-
gera convenable; celui-ci a déjà
recu l'approbation unanime de
l'assemblée ; approbation bien
précieuse, puisqu'elle est le ré-
sultat de la plus grande, ou d’une
des plus importantes découvertes
que la société ail faite depuis Ja
création du monde. Je doute que
{a Chambre ait jamais eu à pro-
JEN
noncer sur un point plus intéres-
sant que celui qui occupe en ce
moment le comité... Le mérite
de la découverte du docteur Jen-
ner est au-dessus de toute expres-
sion. » Le Parlement lui octroya
cette fois, une somme de dix mille
liv. sterl., à laquelle le Roi, qui
lui avait done le titre de son
médecin extraordinaire , ajouta
cinq cents liv. sterl. En 1807,
Jenner reçut du Parlement une
nouvelle rémunération de vingt
mille livres sterl. ; ce qui porte
environ , à un total de sept cent
soixanie-deux mille francs la dô-
tation nationale dont il fut gratifié.
En 1805, le maire et le conseil
commnun de la cité de Londres, lui
décernérent le droit de cité , ac-
compagné d’un présent magnifi-
que ; l’Université de Cambridge
lui envoya le bonnet de docteur,
sans examen; honneur que cette
corporation savante ne confère
qu'aux plus grandes illustrations.
Enfin, aux Indes orientales, no-
tamment au Bengale, et à Madras,
l’on ouvrit une souscription en
faveur de celui qui avait procuré
aux peuples de ces contrées le
moyen d’en extirper le fléau Île
plus dévastateur. 1 est vrai que
Jenner le premier, s’était montré
généreux à l’égard de ce pays,
puisqu'il avait offert mille gui-
nées pour porter la vaccine en
Asie, lorsque la parcimonie du
gouvernement négligeait de le
faire. En France, M. le docteur
Louis Valentin, qui avait connu
Jenner en Angleterre et qui était
resté son correspondant, proposa
en 1807, d'ouvrir une souscrip-
tion nationale en faveur du bien-
faiteur de l’humanité; mais per-
sonne, dit-il, n’osa en parler à
JEN
cebui qui gou vernait la France( 1).
Bien plus, M. Valentin ne pou-
vait correspondre avec son illus-
tre ami, que par des voies dé-
tournées , telle qu’Alger et la côte
de Barbarie. Cependant, les corps
savans ne devaient pas rester
muets. Jenner appartenait pres-
que à toutes les sociétés scientifi-
ques. On lui envoyait des diplo-
mes des différentes parties du
monde. Il était associé étranger
de l’Institut de France. Dans le
Rapport sur les progrès des scien-
ces naturelles depuis 1789, au
nom de la première classe de l’In-
stitut, M. Cuvier disait , le 6 fe-
vrier 1808 : « Quant la décou-
verte de la vaccine serait la seule
que la médecine eûtobtenue dans
la période actuelle, elle suffirait
pour illustrer à jamais notre temps
dans l’histoire des sciences , com-
me pour immortaliser le nom de
Jenner, en lui assignant une place
(1) On raconte que le docteur Wick-
ham , se trouvant retenu en France
après la rupture de la paix d'Amiens,
l'on imagina de faire solliciter sa libé-
ration par Jenner. Une pétition fut
en conséquence, présentée à Napoléon,
dans un de ses voyages, à l'instant
qu'on changeait les chevaux de sa
voiture. C'était le moment de sa plus
grande irritation contre les Anglais : il
la repoussa brusquement. — « Mais,
» voyez donc, lui dit Joséphine, qui
» laccompagnait, elle est signée de
» Jenner! » — A ce nom, la physio-
nomie de Napoléon s’adoucit. — «Il
» est vrai, dit-il, qu'il n’est pas pos-
» sible de refuser ce que demande un
» tel homme, » En effet, le docteur
Wickham obtint des passe-ports pour
retourner en Angleterre. On assure
que cette occasion n’est pas la seule
où l’intercession de Jenner ait réussi
auprès de Bonaparte.
JEN 359
éminente parmi les principaux
bienfaiteurs de humanité... Il
n’y a point de phénomène à la
fois aussi surprenant et aussi cer-
tain que celui-là. »
Lorsque les souverains du con-
tinent visitèrent la métropole de
la Grande-Bretagne, en 1814, ils
voulurent voir le docteur Jenner,
et lui témoignérent la plus grande
considération. L’hetmann des Co-
saques , Platoff, lui dit : « Mon-
»sieur, vous avez étouffé la mala-
» die la plus terrible qui fût con-
» nue sur les bords du Don.» Ala
fin de cette même annce, Jenner,
ayant eu la douleur de perdre sa
femme, quitta Cheltenham et re-
vint demeurer à Berkeley, où
une attaque d’apoplexie termina
subitement sa vie, dans la soixan--
te-quatorzième année de son âge,
le 26 janvier 1823, La veille, il
s'était couché en bonne santé; il
se leva à son ordinaire et descen-
dit à sa bibliothèque ; comme il
ne paraissait pas à l’heure habi-
tuelle de son déjeuner , on envoya
un domestique, qui le trouva
étendu sur le parquet, la tête
appuyée sur le fauteuil où il s’as-
seyait. Son neveu, médecin de
profession , le saigna et lui donna
immédiatement les secours les
plus convenables, en attendant
l’arrivée du docteur Baron, qui
arriva à Berkeley , quatre heures
après l’accident. Le côté droit
était paralysé ; la pupille contrac-
tée, était iout-à-fait insensible à
la lumière; le pouls petit, très-
irrégulier , les extrémités froides,
la respiration fortement sterto-
reuse , annonCaient l'approche de
la mort, qui eut lieu quinze heu-
res après l'attaque. En attendant
l'érection d’un monument conve-
360 JEN
nable, les restes de Jenner ont
été déposés dans le chœur de lé-
glise paroissiale de Berkeley , ac-
compagnés d’une immense réu-
nion de peuple accouru à ses
funérailles. Le docteur Jenner a
laissé un fils et une fille. Ses pa-
piers ont été remis, d'après sa
volonté, au docteur Baron, son
ami particulier , pour en soigner
la publication.
Le nom de Jenner doit être in-
scrit aux premiers rangs des bien-
faiteurs de notre espèce. Les ra-
vages de la maladie dont sa dé-
couverte enseigne le moyen de
se préserver, s’étendaient en tout
temps eten tous lieux; d’autres
fléaux sont limités entre certaines
latitudes , ou sévissent en certai-
nes saisons : celui-là seul n’était
arrêté ni par le témps ni par l’es-
pace. Il y a des raisons de croire
que la pétite-vérole a existé dans
les parties orientales de notre
hémisphère , et nommément en
Chine et dans l’Indoustan, depuis
plusieurs milliers d’années. Elle
p’atteignit les nations des contrées
occidentales du globe que vers le
milieu du sixième siècle de notre
ère ; et finalement, de chez nous
elle fut transportée dans le nou-
veau monde, peu après la mort de
Christophe Colomb. Il a été dé-
montré que dans les Iles britanni-
ques seules, cette maladie faisait
périr annuellement quarante mille
individus. Eile y produisait une
mort sur quarante naissances; et
sur six personnes qui en étaient
attaquées, il en périssait une.
L'inoculation de la maladie elle-
même, était sans doute avan-
tageuse pour celui qui con-
sentait à s’y soumettre ; mais
en ajoutant quelque chose à Ja
JEN
sécurité individuelle , ii est bien
constant que cette pratique ac-
croissait la mortalité générale, en
multipliant les sources de la con-
tagion, et par une suite nécessaire,
le nombre desindividus qui étaient
attaqués naturellement de la ma-
ladie .Pour apprécier convenable-
ment l’étendue et l'importance du
bienfait de la vaccination, il faut
considérer d’une part les dégoûts,
les souffrances et les dangers de
la petite-vérole, même la plus bé-
nigne; d'autre part, que cette
cruelle maladie se trouve déjà,
grâce à la vaccine , bannie com-
plètement de plusieurs contrées ,
et qu'avec les soins convenables ,
il n’en est pas une seule d’où elle
ne doive être finalement extirpée;
que malgré les obstacles élevés
par les préjugés, l’ignorance et
l’incurie des hommes, des mil-
lions de créatures humaines jonis-
sent aujourd’hui de la vie, les-
quelles , sans la découverte de la
vaccination, seraient depuis long-
temps plongées au sein du tom-
beau. Celui qui auraït osé prédire
il y a peu d’années, que de si
grands résultats devaient couron-
ner les observations d’un homme,
aurait certainement passé pour un
esprit chimérique. Eh bien, ces
chimères, nous les voyons réa-
lisées, et certainement l’époque
qui les a vues s’accomplir doit
être comptée parmi les plus re-
marquables de l’histoire physique
de la race humaine.
Sans doute, quelques exceptions
accidentelles ont pu être citées con-
tre l’efficacité absolument préser-
vatrice de la vaccine : néanmoins,
jamais l’évidence ne fut plus
frappante ni plus décisive qu’en
cette matière; et lorsque Fon
JEN
considère l’infinie variété des tem-
éramens humains, l’on recon-
naît facilement qu’il eût été bien
extraordinaire que ces rares ex-
ceptions ne se fussent point ren-
contrées. D'ailleurs, l’inoculation
de la petite-vérole elle-même ne
produisait point une sécurité ab-
solue, et même ne cite-t-on pas
d'assez nombreux exemples de
personnes qui ont eu la petite-
vérole naturelle plus d’une fois?
Le Collège royal des médecins de
Londres, provoqué par le Parle-
ment en 1807, à donner son opi-
nion sur la vaccine, disait en
substance : La vaccine préserve
de la petite-vérole, sinon absolu-
ment, du moins à peu près autant
qu’on peul l’espérer d’une inven-
tion humaine. Parmi plusieurs
milliers de cas de vaccination que
le Collége s’est trouvé à même
d'observer, il s’en est rencontré
un si petit nombre qui lui soient
contraires , qu'ils ne sauraient
former une objection raisonnable
à adoption de cette pratique. Il
faut remarquer d’ailleurs, que Îles
cas d’exception où l’on a pu con-
stater l’impuissance de la vacci-
nation sont reconnus plus rares
que ceux où l’on a pu constater
Pimpuissance de l’inoculation. Au
surplus (ce qui n’est pas moins
important à observer }, chaque
fois que la petite-vérole est venue
à se manifester sur des sujets qui
précédemment avaient été vacci-
nés , elle s’est montrée constam-
ment, avec des caractères plus
bénins que dans aucun cas de
petite-vérole survenue par conta-
gion ou par insertion. Le Collège
des médecins n'hésite pas à pro-
noncer encore que la vaccination
altère bien moins la constitution
JEN 901
et qu'elle Ia prédispose à d’autres
maladies beaucoup plus rarement
que la petite vérole naturelle ou
inoculée. Pour apprécier conve-
nablement l’importance salutaire
de la vaccination, il faut considé-
rer les peraicieux effets de la
petite-vérole. On a calculé que la
petite vérole naturelle détruit la
sixième partie de ceux qu’elle at-
teint; et que parmi les inoculés ,
il en périt un sur trois cents. Le
dixième de la mortalité de Londres
était produit autrefois par la petite-
vérole. D’après toutes ces consi-
dérations , le Collège des méde-
cins croit de son devoir de recom-
mander fortement la pratique de
la vaccination , à l’aide de laquelle
il pense qu’on peut raisonnable-
ment espérer de poser un lerme ,
inon à l’existence, du moins aux
rayages de la petite-vérole.
Malgré l’évidence des faits et
la force des raisonnemens, la vac-
cination trouva des adversaires
dans le principe; mais on n’en
connaît plus aujourd’hui dont
Pautorité soit de quelque poids.
En Angleterre, Goldson , Wood-
ville ; Pearson, Moseley et quel-
ques autres , écrivirent contre
cette précieuse découverte ; mais
elle fut également défendue par
des savans d’une grande distinc-
tiou. Thouret, Le duc de La Roche-
foucault-Liancourt , les docteurs
Husson et L. Valentin, en France ;
J. de Carro , à Vienne ; Sacco , à
Milan ; Balmis, à Madrid ; M. jef-
ferson, en Amérique, ont bien
mérité de l'humanité par le zèle
avec lequel ils ont préconisé et
propagé la vaccination. On n’i-
gnore pas que désormais , la pra-
tique de linoculation est partout
abandonnée pour celle de la vac-
La
262 JEN
cination ; tandis que Îles gouver-
nemens, les magistrats, les évè-
ques, les curés, les chefs d’éta-
blissemens, les propriétaires et
généralement tous les honmes
éclairés et philanthropes , mettent
au rang de leurs premiers devoirs
celui de propager la vaccination
par tous les moyens d'influence
qui sont en leur poavoir.
Jenner était d’un caractère
doux, aimable , bienfaisant et
d’une simplicité de mœurs qui
formait un admirable contraste
avec son imposante réputation.—
«Je ne m'étonne pas, disait-il au
»docteur Baron, peu de temps
»avant sa mort, que les hommes
» aient peu de reconnaissance pour
»moi; mais je suis surpris qu’ils
»ne soient point pénétrés de gra-
»titude envers Dieu, qui leur a
» fait tant de bien par mon entre-
» mise. » —Ce propos dénote assez
un homme profondément reli-
gieux. En effet, la dernière fois
que Jenner ait paru en public, ce
fut à Berkeley, un mois environ
avant sa mort, dans une assem-
blée convoquée pour former une
société biblique; et ce dut être
un spectacle bien consolant pour
les chrétiens, d'entendre ce véné-
rable vieillard, dont la longue
carrière fut consacrée aveé un si
miraculeux succès, à l’extinction
de l’un des plus cruels fléaux qui
aient affligé l’humanité, présenter
l'Evangile aux hommes comme le
remède le plus efficace pour la
guérison de leurs maladies mo-
rales.
On a publié : 1° Notice histori-
que sur le docteur Jenner, suivie
de notes relatives à sa découverte de
la vaccine; par le docteur Louis
Valentin. Nancy , veuve Breton,
JEN
1823 ; in-8, de 47 pages. —
Deuxième édition, revue et augmen-
tée. ibid., in-8, de 52 pages.
2° Notice historique sur Le doc-
teur Ed. Jenner, inventeur de La
vaccine; par À medée Dupau, D.M.
Paris, imprimerie de Rignoux,
1824; in-8 , de 16 pages, orné
d’un portrait lithographié par
Vigneron, et du fac simile de
la signature de Jenner.
Cette biographie est extraite de
la Revue encyclopédique ; t. XXI,
pag. 21.
5° Enfin, on irouve une Notice
sur Jenner, par M. John Ring,
dans les Public characters. vol. de
1822.
Le portrait de Jenner se trouve
dans la jolie collection de l’Euro-
pean Magazine , et au frontispice
du Traité de vaccination du doc-
teur Sacco, publié à Milan , en
italien, 1809, in-4.
Liste des ouvrages d Ed. Jenner.
I. Observations on the natural
history of Cuckoo.— Observations
sur l’histoire naturelle du Coucou
(imprimé dans les Philosophical
Transactions de 1788 — trad. en
français dans le Journal de phy-
sique, de chimie et d'histoire na-
turelle de feu Delamétherie.)
« Le coucou, dit M. Dupau
(Notice historique sur le docteur
Ed. Jenner), est peut-être le seul
de tous les oiseaux qui ne prépare
pas un nid pour ses petits; mais
par un acte d’injustice inhérent à
sa nature , il devient usurpateur
et s'empare de la manière la plus
illégitime , du nid des autres oi-
seaux. Les observations recueillies
par Jenner établissent que réelle-
ment, la femelle va faire adroite-
JEN
ment sa ponte,;ordinairement dans
le nid des moineaux des haies, et
les abandonne aux soins d’une
autre mère; tandis que les jeunes
coucous , à peine éclos, parvien-
nentàäexpulserles œufs oules petits
moineaux pour usurper leur do-
micile. Voici comment Jenner ra-
conte lui-même la manière dont
s’y prend le jeune animal. —
« Le coucou, peu d’heures après
» sa naissance, en s’aidant de son
» dos et de ses ailes, tâche de se
» glisser sous le petit oiseau dont
»il partage le berceau et de le
» placer sur son dos, où il le re-
»tient en élevant ses ailes. Alors,
» se trainant à reculons au bord du
» nid , il se repose un instant, puis
»faisant un effort, il jette sa
» charge hors du nid. Il reste après
» cette opération un peu de temps,
»tâtant avec l’extrémité de ses
» ailes, comme s’il voulait se con-
» vaincre du succès de son entre-
»prise. » Cemémoire de Jenner
réunit beaucoup d'originalité à
une grande exactitude d’observa-
tion.
II. À process for preparing pure
emetic tartar. — Procédé pour
préparer le tartre émétique par la
recristallisation. 1795. Dédié à
J. Hunter (inséré dans le premier
volume des Transactions de la
Société huntérienne pour l’avan-
cement des sciences médicales et
chirurgicales ).
III. An Inquiry into the causes
and effects of the variolæ vac-
cinæ , etc. — Recherches sur les
causes et les effets de la variole
vaccine , maladie découverte dans
quelques contrées de l’Angleterre
occidentale, particulièrement dans
le comté de Gloucester, et con-
nue sous le nom de cow-pox, 1798,
JEN 303
in-4, de 65 pages. — Troisième
édition, 1805, in-4.
Après avoir rapporté les obser-
vations à l’aide desquelles il éta-
blit l’efficacité de la vaccination
contre les atteintes de la petite-
vérole , Jenner essaie l’explication
de ce phénomène de la manière
suivante : L'homme en s’écartant
de l’état où ia nature semble l’a-
voir originairement placé, s’est
créé à lui-même une source abon-
dante de maladies. Il s’est fami-
liarisé avec un grand nombre
d'animaux, avec lesquels il n’é-
tait point destiné à vivre en so-
ciété. Ces animaux domestiques
n’exercent pas toujours sur la race
humaine une influence directe,
comme dans le cas de la rage;
mais souvent, les espèces s’affec-
tent réciproquement, de telle fa-
con, qu’une maladie modifiée par
la transmission d’une espèce à
l’autre, devient susceptible de
produire sur l’homme un efiet
qui ne parait plus que secondaire
comparativement à celui qu’elle
aurait produit dans son état ori-
ginaire. Ainsi, par exemple, la
suppuration qui se forme aux
jambes des chevaux et que les ma-
réchaux appellent grease, irans-
portée sur les vaches, y engendre
la pustule vaccine, laquelle à son
tour, est capable d’engendrer sur
le corps de l’homme une mala-
die tellement ressemblante à la
petite-vérole, qu'il y a lieu de
penser qu’elle émane de la même
source.
IV. Further Observations on the
variolæ vaccineæ , etc. — Nouvelles
observations sur la variole vac-
cine, OU COwW-por. 1799 3 In-4. —
Dédiées au docteur Parry, de
204 JEN
Bath , père du célèbre navigateur
de ce nom.
© V. À continuation of facts and
observalions relative to the vaccinæ
variolæ. — Suite des faits et obser-
vations sur la variole vaccine, ou
COW-pox. 1800 , in-4.
Vi. Theorigin of the vaccin ino-
culation. — Origine de lino-
culation de la vaccine. 1801,
in-/.
VIS. On the V'arieties and modi-
fications of the vaccine pustule,
occasioned, etc.— Sur les Varietés
et les modifications des pustules
de vaccine occasionées par l’état
dartreux de la peau. 1806.
VIII. Observations on the dis-
temper in dogs. — Observations
sur une maladie deschiens (Fran-
sactions de la Société médico-
chirurgicale de Londres. 1809.
vol: I).
Il s’agit d’une maladie qui si-
mule la rage, mais qui n’est point
la rage elle-même, et à laquelle
les chiens sont sujets. Elle ne se
communique point à l’espèce hu-
maine. Les Anglais l’appellent
the distemper.
IX. Two Cases of small-pox in-
fection , etc. — Deux Cas d’infec-
tion de petite-vérole, transmise
au fœtus dans la matrice, avec
des circonstances particulières ,
suivis de remarques additionnel-
les. (Zbid.)
X.Facts for the most part inobser-
ved. -— Faits relatifs à la conta-
gion de la variole, la plupart
non observés jusqu’à présent, ou
inexactement observés. 1808.
XI. In Reference to the influence
of herpes , eic. — De l’Influence
des dartres pour modifier les bou-
tons de vaccine.
JEN
Cet écrit [ut envoyé par Jenuer
au docteur Willan, qui le plaça
dans son Trailé sur l’inoculation
de la vaccine. On trouve aussi des
observations analogues que Jen-
ner avait communiquées au doc-
teur Wilson (Philip) , de Worces-
ter, dans l’appendice de l’ouvrage
de ce dernier sur les maladies fé-
briles. — Jenner avait encore
appelé l'attention des médecins
sur ce point , dans une lettre pu-
bliée en 1821.
XII. Letter to Ch. Henry Par-
ry, ete. — Lettre à Ch. H. Parry,
médecin, membre de la Société
royale de Londres, sur l’influence
des éruptions artificielles dans
quelques maladies du corps hu-
main, avec des recherches sur les
avantages probables qui doivent
résulter de nouvelles expériences.
Londres, 1822, in-4, de 67 pages.
XIII. Essai sur les migrations
des oiseaux. (en anglais )— publié
dans le Philosophical Magazine,
de Tilloch, en 1824, après la mort
de l’auteur.
Jenner s’est proposé d’assigner
la véritable cause de ce phéno-
mène, jusqu’à présent plus connu
qu’expliqué. Il combat toutes les
opinions émises par les natura-
listes qui en ont parlé avant lui,
et notamment celles qui attribuent
les migrations des oiseaux au froid
et au manque de nourriture. Il
trouve la cause de ces voyages pé-
riodiques dans un changement
d’organisation intérieure de loi-
seau , qui le pousse avec une force
irrésistible et indépendante de
toute circonstance extérieure , à
chercher le lieu le plus convena-
ble pour produire et élever une
nouvelle famille. Les vues du doc-
LAM
teur Jenner sur cette question
sont neuves et paraissent très-
bien développées. On ne trouve
pas la même force de raisonne-
ment dans ce qu'il dit au sujet du
chant des oiseaux; son système
ne semble applicable qu'à un
petit nombre de lieux sur le globe
LLO 565
et serait en défaut dans beau-
coup d’autres.
Jenner écrivait aussi quelque-
fois , sur des sujets étrangers à la
médecine; on trouve plusieurs
articles de lui dans un recueil pé-
riodique anglais, intitulé : L°’A4r-
tiste.
Ée
LAMBTON (Gvwirraume),
lieutenant-colonel au service de
la compagnie des Indes anglaises,
directeur-général des opérations
trigonométriques dans cette con-
trée, mourut dans un âge avancé,
le 20 janvier 1825, à Kingin-
Ghaut , soixante milles sud de
Nagpoor. Les annalesdes Sociétés
royales et asiatiques de Londres ,
contiennent les principaux résul-
tats de ses observations , que
M. Fourier, secrétaire-perpétuel
de l’Académie des sciences de
l'Institut de France, a mentionnés
honorablement, dans son rapport
de 1825. Durant vingt-deux ans,
M. Lambton dirigea les travaux
géodésiques entrepris dans les
immenses possessions de la Com-
pagnie des Indes, pour dresser
une carte exacte de cette vaste et
importante contrée, dont un grand
nombre de lieux, même du pre-
mier ordre, laissaient encore des
doutes par rapport à leur position
géographique. Ceite carte, dres-
sée avec un soin remarquable et
qui sera d’une utilité si étendue,
ne peut manquer d’être rendue
publique. Assisté dans ses travaux
par plusieurs officiers de mérite,
Lambion s'était réservé les opé-
rations les plus difficiles ; celles-ci
eurent pour objet de mesurer avec
précision, un arc du méridien, de-
puis le cap Comorin (latitude 8°
23° 10° ) jusqu’auprès du village
de Takoor-Kera, 15 milles sud-
est de la ville d’Ellichpore (lon-
gitude 21° 6° ); distance plus
considérable que celle qui a été
mesurée de concert , par les géo-
mètres anglais et francais, entre
les parallèles de Greenwich et
l'ile de Formentera (Baléares ).
C'était même l'intention du colo-
nel Lambton d’étendre d’abord
son arc jusqu’à Agra, et de le pro-
longer ensuite à travers le Dooab
et les monts Himalays , jusqu’au
52° degré de latitude septentrio-
nale. Si cette vaste entreprise ve-
nait à être un jour accomplie , ce
qui n’est pas improbable, l’Inde
anglaise pourrait se vanter de
posséder la fraction la plus lon-
guement prolongée de la ligne du
méridien qui ait jamais été mesu-
rée sur notre globe. Le nom du
colonel Lambton doit rester insé-
parable de la gloire et de l'utilité
d’un si précieux travail.
LLORENTE (JEan-Anroine) ,
naquit , le 50 mars 1556 , à Rin-
366 LLO
con-del-Soto , près de Calahorra,
en Arragon, de don Jean-Fran-
cois Llorente y Alcarraz et de
dona Maria-Manuela-Gonzales y
Mendizabal , tous deux d’une no-
blesse ancienne, mais possesseurs
d’une fortune territoriale médio-
cre. Un oncle maternel du jeune
Llorente, prêtre bénéficier de la
ville de Calahorra, se chargea de
son éducation. Après avoir fait sa
philosophie à Tarragone, il reçut
la tonsure cléricale, à l’âge de
quatorze ans, des mains de l’évê-
que de Calahorra, le 21 décembre
1750. Les trois années suivantes
furent remplies, suivant les an-
ciens usages scolastiques, par des
cours de logique , après lesquels
M. Llorente soutint un acte public
de physique et de métaphysique.
Ces cours avaient lieu dans un
couvent de religieux de la Merci,
et ces pères, conformément à un
usage bizarre, en célébrèrent le
terme par la représentation d’une
comédie, que jouèrent leurs dis-
ciples, dans l’intérieur de leur
maison. On fit choix d’une pièce
intitulée: La prudente Abigaïl ; le
jeune Llorente. alors âgé de seize
ans et doué d’une physionomie
agréable, fut chargé du rôle d’A-
bigail, d’abord femme de Nabal,
et dans la suite, épouse du roi
David. Les chanoines de la cathé-
drale , les magistrats et les prin-
cipaux habitans de la ville furent
invités à ce spectacle; les jeunes
acteurs obtinrent un tel succès,
qu’on leur demanda plusieurs fois
la même représentation.
Au mois d’octôbre 1575, M.
Llorente vint à Saragosse pour
sy adonner à l'étude des lois. On
n’y enseignait alors que le droit
romein, quoique la durée des
LLO
cours fût de quatre années: Il
profita des vacances de 1555 pour
faire son premier voyage à Ma-
drid , où il fréquenta les théâtres
du Prince et de la Croix, et prit
tant de goût pour le genre drama-
tique, qu'après avoir lu et médité
attentivement la poétique d’Aris-
tote, traduite en espagnol par
Joseph Gonzalès de Salas, et E-
piître aux Pisons, d'Horace, tra-
duite en vers espagnols par don
Vincent Espinel, il s’essaya à
composer une comédie intitulée :
Le Dégoût du mariage, qu’il a jugée
lui-même depuis, un ouvrage très-
médiocre.Ondoitse rappeler qu’en
Espagne, comme en Italie, les
ecclésiastiques peuvent,sans scan-
dale, se montrer aux théâtres
publics. M. Llorente prit le grade
de bachelier-ès-lois , en 17576 ;
l’année suivante, il fut élu béné-
ficier du chapitre de Calahorra ,
et recut successivement lesquatre
ordres mineurs et le sous-diaco-
nat. Il étudia ensuite Île droit
canonique, enseigné alors dans
l’université de Saragosse, d’a-
près un canoniste, suivant Îe-
quel le docte Van Espen était ré-
puté suspect de jansénisme. Ce
canoniste fondait son ensei-
gnement sur les principes ultra-
montains et les fausses Décre-
tales. L'esprit juste et les con-
naissances etendues de M.Llorente
le préseryérent de ces notions
erronées, et firent de lui, au
contraire, un des plus chauds
défenseurs des libertés ecclésias-
tiques. Enfin, il fut ordonné prêtre
avec dispense, en 17579. n'élant
encore âgé que de vingt-trois ans
et deux mois (1), par l’évêque de
(1) L’age fixé par es canons ‘en
LLO
Calahorra, son diocésain. Il fut
autorisé à confesser les hommes
un mois après; mais il ne recut
le pouvoir de confesser les fem-
mes qu’au bout de quatre ans.
Peu après son ordination sacer-
dotale , M. Llorente, ayant ter-
miné tous ses cours, vint recevoir
à Valence le bonnet de docteur en
droit canon. Telle était dès-lors
la justesse de ses idées, qu'il fit
beaucoup d’efforts, quoique in-
fructueusement, pour détourner
un vieux ecclésiastique de léguer
ses biens à des moines, au préju-
dice de ses parens.
De retour à Madrid pour la se-
conde fois, en 1781, M. Llorente
s’y fit recevoir avocat au Conseil
suprême de Castille, après avoir
subi un examen approfondi sur
les lois et les coutumes nationales.
Cette même année, il fut recu
membre de l’Académie royale des
saints canons, de la liturgie et
de l’histoire ecclésiastique d’Es-
pagne, établie à Madrid, sous
l’invocation de saint Isidore. L’of-
fice de promoteur-fiscal-général-
ecclésiastique de l'évêché de Ca-
lahorra étant venu à vaquer , en
1782, M. Llorente en fut pourvu
par son évêque, qui lui conféra
en même temps, le titre de vicaire-
général. M. Llorente nous raconte
qu’au milieu des occupations mul-
tiplices de ces deux emplois, il
dérobait quelques heures de la
nuit pour composer une sorte
d'ouvrage dramatique . connu en
Espagne sous le nom d’operetta ,
et qui a quelque analogie avec nos
mélodrames. La pièce entremèêlée
usage est celui de 25 ans : les ancicns
canons exigeaient l’âge de 40 ans.
LLO 56%
d’ariettes, coupées sur les airs
italiens alors en vogue, était in-
titulée : Le Recruteur galicien , et
elle fut exécutée avec succès, dans
une maison particulière. M. Llo-
rente conserva long-tempsle goût
de la poésie dramatique ; car,
plus tard, il composa encore une
tragédie d’Euric , roi des Goths,
dans laquelle il voulut retracer
les intrigues et les vicissitudes qui
agitaient alors son pays: cette
pièce n’a pas vu le jour. En 1585,
M. Llorente adressa une repré-
sentation au roi Charles III pour
obtenir un degrèvement des tri-
buts que payaient les habitans de
sa province; et non-seulement il
eut le bonheur de réussir, mais
encore le roi lui accorda des se-
cours abondans, dont il le char-
gea lui-même de faire la distribu-
tion.
« L’année 1784, dit M. Llorente
dans sa Notice biographique, écrite
par lui-même (1), fut l’époque où
j'abandonnaiï tout-à-fait les prin-
cipes ultramontains en matière de
disciplineecclésiastique , les doc-
trines scolastiques en théologie ,
et les maximes péripatéticiennes
dans la philosophie et les sciences
naturelles... Un homme instruit et
judicieux qui habitait alors Cala-
horra ; me fit sentir qu’une grande
partie de mon savoir reposait sur
des préjugés, et n’était guère
puisé que dans des livres pleins
d'erreurs. Il m'offrit en même
temps , de diriger mes lectures.
J'avais observé qu’il avait des
connaissances supérieures à celles
——————
(1) Paris, 1818. un vol. in-12 , en
espagnol. Voyez ci-après, la Liste des
ouvrages de M. Llorente.
568 LLO
des ecclésiastiques et des laïques
de Calahorra; qu’il énonçait des
idées et des observations que je
ne rencontrais jamais dans mes
auteurs. Il me disait : « Tout
ici-bas peut se réduire en faits ou
en raisonnemens; ne croyez ja-
mais les premiers, sans témoi-
gnages authentiques et dignes de
foi; n’adhérez jamais aux seconds,
quelle que soit l’autorité sur la-
quelle ils s'appuient, à moins que
votre esprit n’en perçoive l’évi-
dence ; car il n’est point d’auto-
rité hors de nous , qui soit com-
pétente pour subjuguer la raison
que la nature nous à donnée. »
M. Llorente fit, sous l'influence
de ces idées, des progrès rapides
dans cette nouvelle direction. On
voit que sa philosophie raison-
nante était précisément l'opposé
de celle qu’a prétendu découvrir
tout récemment M. l’abbé de La
Mennais, et qui n’admet, comme
on sait, d’autre voie que l’auto-
rité pour conduire à la vérité.
On doit supposer qu’à cette
époque, l’inquisition d’Espagne
était bien mal avisée; car, en
1785, le tribunal du saint-office
de Logroño choisit M. Llorente
pour son commissaire. Il lui fal-
lut prouver que ses pères, en re-
montant jusqu’à la troisième gé-
nération, n’avaient encouru aucun
châtiment de la part du Saint-
Office, et qu’ils ne descendaient,
ni de juifs, ni de Maures, ni
d’hérétiques : formalité assez bi-
zarre , du moins quant au second
point; car celui qui voudrait pur-
ger sa race en remontant jusqu'à
l’époque de l’établissement de
l’Inquisition, devrait établir que
4064 personnes ( nombre calculé
d'après le terme moyen de la du-
LLO
rée de la vie humaine) ne furent
ni juifs, ni Maures, ni hérétiques.
Aussi, l’on $e contentait de véri-
fier que le nom d’aucun des ancë-
tres du fonctionnaire de l’Inquisi -
tion ne se trouvait inscrit sur les
registres du Saint-Office. M. Llo-
rente s’adonnait aussi avec quel-
que succès, à la prédication , lors-
qu’en 1588 , la duchesse de Soto-
mayor, première dame de la reine
Louise, femme de Charles IV,
l’appela auprès d’elle, comme
son conseil, sous le titre de Con-
sultor de camara; plus tard, ïl
devint un des exécuteurs testa-
mentaires de cette dame, en s0-
ciété avec des grands d’Espagne ,
des évêques et des membres du
conseil de Castille, et enfin tu-
teur du duc actuel de Sotomayer,
un des plus riches seigneurs d’Es-
pagne.
Au commencement de 1789,
le grand-inquisiteur-général, don
Augustin Rubin de Cevallos ,
évêque de Jaen, nomma M. Llo-
rente secrétaire-général de lin-
quisition de la cour, poste qu'il
occupa jusqu’en 1791, et qui mit
à sa disposition les archives du
Saint-Office, qu’il devait un jour
révéler au monde. La même an-
née, il fut admis deux fois auprès
du roi Charles IV et de la reine
sa femme, pour remettre en
leurs mains divers legs pieux de
la duchesse de Sotomayor. LL.
MM. lui témoignèrent leur bien-
veiilance en lui donnant un cano-
picat de l’église de Calahorra. Ce
bénéfice lui parut préférable au
poste plus éminent d’inquisiteur
de. Carthagène des Indes, que
don Augustin Rubbin lui offrit.
Le comte Ge Floridablanca était
cette époque, le ministre princi-
LLO
pal qui geuvernait l'Espagne ; cet
homme d’état, habile et éclairé ,
jugeant dès-lors que lemouvement
qui commençait d’agiter l’Europe
demandait plutôt à être secondé
‘et modéré par le pouvoir, qu’ir-
rité par d’imprudentes résistances,
s’efforçait de favoriser en Espagne,
le progrès des lumières et de la
civilisation. Dans cetie vue, il
institua à Madrid, une Académie
d'Histoire, dont M. Llorente fut
membre.Celui-ci fut même un des
académiciens qui soutinrent des
thèses publiques sur des points
importans d'histoire nationale.
On a conservé le souvenir d’une
de ces solennités littéraires, célé-
brée dans le monastère royal de
Saint-Isidore, où assistèrent les
personnages les plus distingués
de la capitale, et où le cardinal
de Lorenzana, alors archevêque
de Tolède et primat du royaume,
ne dédaigna pas de se mettre au
nombre des argumentateurs. Ea
thèse de M. Llorente avait pour
objet de développer les plans que
proposèrent, pour la restauration
des études littéraires dans la chré-
tienté, Cassiodore, en Italie, du-
rant le sixième siècle , saint Isi-
dore de Séville, en Espagne,
durant le septième ; Charle-
magne , en France , aidé d’Al-
cuin, vers la fin du huitième;
et de discuter si quelqu'un de ces
plans pouvait être adapté à cette
époque , et avec quelles modifica-
tions. M. Llorente s’efforça d’éta-
blir la supériorité de saint Isi-
dore , à qui les sciences ecclésias-
tiques durent en Espagne, leur
plus grand éclat. Sa dissertation,
analysée dans la gazette de Ma-
drid , n’a point été imprimée. Elle
lui valut la place de censeur, qu'il
LLO 369
exerça avec discernement et avec
tolérance.
M. Llorente se vit obligé, au
commencement de 1791 , par
suite de quelques intrigues de
courtisans, de quitter Madrid et
de se retirer dans son canonicat
de Calahorra. C’est alors qu’ileut
le bonheur d'offrir l'hospitalité à
un nombre considérable de prè-
tres français, que nos agitations
intestines forçaient à chercher un
refuge en Espagne. Il se trouvait
être la seule personne de Cala-
horra qui entendiît la langue fran-
çaise ; cette circonstance dut na-
turellement le faire choisir pour
servir d’intermédiaire entre les
exilés et les autorités ecclésiasti-
ques et civiles du pays. C’est lui
qui vérifia les papiers de nos pros-
crits, qui pourvut à leur nourri-
ture et à leur logement, examina
ceux qui furent reconnus propres
à servir dans l’exercice du saint
ministère , leur procura des mes-
ses rétribuées et même de l’em-
ploi dans différentes paroisses.
Outre ces soins personnels, M.
Llorente intéressa en faveur des
prêtres français, la générosité de
plusieurs personnages de l’Espa-
gne , dont il obtint des sommes
considérables , parmi lesquels il
cite le cardinal de Lorenzana,
archevêque de Tolède , l’archevê-
que de Séville, l’évêque de Cor-
doue , et d’autres prélats (1). On
(1) Non content de ces secours gé-
néraux , M. Llorente recueillit dans sa
propre maison M. Etienne Faisneau ,
clerc tonsuré du séminaire de Poitiers ;
il l'y entretint durant cinq ans, et lui
fournit les moyens d'établir un petit
commerce, à l'aide duquel il a pu
24
0
À
LEO
©
970
verra qu’exile à son tour, quel-
ques années plus tard, M. Llo-
rente fut payé de ces bienfaits par
une odieuse ingratitude.
L’année suivante , 1793 ; M.
Llorente avait écrit une Histoire
de lémigration du clergé français
en Espagne, quidevait former un
volume in-4°; mais le manuscrit
s’égara entre les mains des nom-
breux examinateurs auxquels il
futsoumis, et un procureur-fis-
cal essaya de consoler l’auteur de
cet accident, en l’assurant que
les circonstances n'auraient pas
permis la publication du livre.
À cette époque , un homme éclai-
ré, qui se trouvait inquisiteur-
général en Espague , don Manuel
Abad la Sierra, jeta les yeux sur
M. Llorente, précisément à cause
de ses opinions modérées et phi-
losophiques, pour dresser le plan
de modifications importantes ,
qu’il voulait faire subir à la con-
stitution intérieure et aux formes
de procédure de lInquisition.
Mais une intrigue de cour ne
tarda pas à déplacer l’honnèête in-
quisiteur : il fut destitué avant
d’avoir pu exécuter ses projets.
Plus tard, M. Llorente fut invité
par un homme en crédit, à repren-
dre l’exposition de ses plans,
qu’on avait quelque espoir de
faire réussir. Il se remit à l’œuvre
de concert avec son évêque de
Calahorra, don Franscisco Agui-
subsister jusqu'a sa rentrée en France.
M. Faisneau a été ordonné prêtre de-
puis,, et il a signé , en cette qualité,
uve attestation délivrée à M. Llorente,
où il nous apprend qu’on lui don-
vait le titre de père des ecclésias-
tiques français.
LEO
riano , aux lumières et à la sa>
gesse duquel il se plaît à rendre
hommage, bien que depuis, on ait
vu ce prélat voter, dans les cor-
tès de Cadix, en faveur du main-
tien de lInquisition. Quand le
travail fut terminé, M. Llorente
se rendit à Madrid, pour en favo-
riser le succès. Il s'agissait de
faire adopter le projet par le
prince de la Paix, alors ministre
tout-puissant. M. de Cabarrus et
M. de Jovellanos s’y employèrent
avec zèle. Il n’était question de
rien moins que de donner dé la
publicité aux procédures téné-
breuses du Saint-Office. M. de
Jovellanos ayant été appelé au
ministère de grâce et de justice,
M. Llorente acquit un nouveau
crédit; mais la chute trop subite
de ce ministre éclairé vint ajour-
ner encore toutes ces améliora-
tions. En 1706 et les années sui-
vantes, le Conseil souverain de
la Chambre royale des Indes plaça
le nom de M. Llorente sur les
listes de présentation soumises au
Roi pour les évèchés de Mechoa-
can, de Buenos-Ayres, et pour
l’archevêché de Manille.
Mais déjà les suppôts de l’In-
quisition , fidèles à leur système,
préparaient à M. Llorente ses
premières persécutions. Il avait
eu le courage de témoigner de
l’intérêt à M. de Jovellanos , lors-
qu'il passait à Calahorra pour se
rendre au lieu de son exil, et
l’on avait trouvé parmi lespapiers
du ministre , letravail de M. Llo-
rente sur l’Inquisition. C’était en
1801 ; et l’odieux tribunal, dont
on nous vante quelquefois la mo-
derne bénignité, poursuivait alors,
sous divers prétextes, entre au-
tres celui de jansénisme , les per-
LLO à
sonnes les plus respectables qui
avaient eu des liaisons avec M. de
Jovellanos. Don Antonio de la
Cuesta, archidiacre de la cathé-
drale d’Avila, fut jeté dans les
cachots, où il passa cinq années.
Don Geronimo , son frère, cha-
noine pénitencier de la même
église, fut contraint de se sauver
en France. Tous deux furent dé-
clarés innocens, ‘et ils l’étaient
en effet; mais, sans de puissantes
protections ,; leur innocence ne
leur aurait pas suffi. Des procès
furent intentés par l’Inquisition, à
la comtesse de Montijo , bien que
revêtue de la grandesse d’Espa-
gne ; à son Cousin, don Antoine
Palafox, évêque de Cuenca; à don
Antoine Tabira, évêque de Sala-
manque ; à don Augustin Abad la
Sierra, évêque de Barcelone,
enfin , à plusieurs chanoines de
Saint-Isidore ; à Madrid. Ces
exemples récens méritaient d’être
cités pour prouver que, si les
lumières du siècle et l’adoucisse-
ment des mœurs qui leur est dû ,
ont laissé sommeiller les familiers
du Saint-Office, la démence de
l'esprit de parti suffirait pour
rendre à une institution sacrilége
sa férocité native. On ouvrait à la
poste de Madrid, la correspon-
dance de M. Llorente avec M"° de
Montijo ; on en prenait copie, et
on laissait les lettres arriver à leur
destination, afin d’en obtenir la
suite. La collection en fut remise
à l’inquisiteur-général. M. Llo-
rente reçut ordre de se constituer
prisonnier dans un couvent, et au
bout de quelques jours, un mem-
bre du Conseil suprème de l’In-
quisition vintlui notifier un décret
qui le déposait de ses charges de
secrétaire et de commissaire du
LLO 371
Saint- Office, le condamnait à
payer cinquante ducats d’amende,
et à faire un mois de retraite dans
un couvent. On lui laissait ignorer
jusqu'aux motifs qui provoquaient
cette sentence. En lui rendant ses
papiers qu’on avait saisis, l’on
retint tous ceux qui étaient rela-
tifs à l’Inquisition, et quelques
écrits en. faveur des libertés de
l’église d'Espagne, et contre les
prétentions de la cour de Rome.
La disgrâce de M. Llorente dura
jusqu’en 1805; il passa ce temps
dans sa province, occupé de tra-
vaux d’érudition, de piété et d’u-
tilité publique. Rappelé à Madrid
pour se livrer à des recherches
historiques qui intéressaient le
gouvernement, il fat nommé par
le Roi, en 1806, chanoine de l’é-
glise primatiale de. Tolède; puis
écolâtre ( maître des écoles) du
même chapitre, dignité unie à la
place de chancelier de l’université
de ia même ville ; l’année suivante,
il fut reçu chevalier ecclésiastique
de l’ordre de Charles IIT, après
avoir fait les preuves de noblesse
exigées par 1es statuts de l’ordre.
Jusqu'ici, la carrière de M. Llo-
rente a été presque entièrement
ecclésiastique ; elle va maintenant
devenir politique. Les Français
avaient envahi l'Espagne; au mois
de juin 1808, un ordre de Joa-
chim Murat, alors grand-duc de
Berg, et qui commandait les ar-
mées de Napoléon, manda M. Llo-
rente à Bayonne pour faire partie
de l’assemblée des notables espa-
gnols, convoquée afin de réformer
le mode de gouvernement de la
monarchie, et lui donner une
constitution politique. I prit part
aux délibérations de cette assem-
blée , et son nom se lit au bas de
372 LLO
l'acte constitutionnel qu’elle rédi-
gea. Engagé ainsi dans le parti de
Joseph Bonaparte, il se vit appelé
dans son conseil-d’état. Bientôt
il lui fallut suivre, après ses pre-
miers revers, le roi qui venait de
l’attacher à sa fortune ; la victoire
de Baylen, réveillant l’énergie
nationale , avait propagé l’insur-
rection à Madrid et à Tolède.
M. Llorente se réfugia, à la suite
de Joseph Bonaparte, à Vittoria.
Il l’accompagna aussi dans un
voyage qu'il fit en Aragon, et
obtint de lui divers bienfaits pour
son pays natal.
L'année 1809 vit tomber lIn-
quisition , abolie en Espagne par
un décret du nouveau roi. M.Llo-
rente fut choisi pour examiner ses
vastes archives et pour écrire
V’histoire de ce tribunal ecclésias-
tique. Pendant deux années, plu-
sieurs personnes furent employées
à copier ou à extraire , d’après ses
Andications , les pièces originales
qui se trouvaient dans ces archi-
ves. La réunion de cès précieux
matériaux, joints à ceux qu'il
s’était occupé à rassembler depuis
1789 , lui permit de tracer un ta-
bleau du Saint-Office, qui lui a
mérité le surnom de Suétone de
l’Inquisition. La même année, les
ordres monastiques ayant été
supprimés, il fut chargé de faire
exécuter graduellement leur sup-
pression , et de recueillir le mo-
bilier et les effets des couvens
détruits. Il s’acquitta de cette
mission difficile, de manière à
tempérer tout ce qu’elle pouvait
avoir de rigoureux. La place im-
portante de directeur-général des
biens nationaux lui fut ensuite
confiée : on avait déclaré natio-
nales les propriétés de ceux qui
LLO
étaient allés se joindre au gouver-
nement de Cadix, ou des juntes
qui lui obéissaient ; lorsqu'ils
n'étaient pas rentrés dans leurs
foyers à l’époque fixée par les dé-
crets du nouveau gouvernement.
Engagé dans une si fatale cause ,
M. Llorente ne pouvait plus faire
le bien, mais seulement empé-
cher quelque mal : c’est ainsi
qu’il obtint qu’on laissât l’adminis-
tration des biens confisqués aux
femmes , aux enfans , aux parens
des émigrés ; il invoque nomina-
lement , à ce sujet, le témoignage
de quelques-uns des personnages
les plus illustres de lEspagne,
qui ne l’ont point démenti. 11 ne
conserva pas long-temps celte
charge pénible; et Joseph, comme
pour l’en dédommager, le nomma
commissaire-général-apostolique
de {a sainte croisade, place qui
conférait la distribution générale
des aumônes royales; genre de
libéralité assez mal entendu , si
on le considère sous le point de
vue de l’économie politique, mais
dont l'esprit monastique , qui a
si long-temps dominé en Espa-
gne, a fait dans ce pays, une sorte
d’usage national. Pendant qu’il
remplissait ces emplois si impor-
tans et si diversifiés, M. Llorente
publia, en Espagne même (cir-
constance qui exigeait quelque
courage de sa part), le premier
jet de son Histoire de l Inquisition.
Plus tard, il refondit ce travail et
le publia en français ; c’est depuis
cette dernière époque qu'il a ob-
tenu une célébrité européenne.
Au mois d'août 1812, par suite
de la perte de da bataille des
Arapiles , là cour de Joseph ayant
été obligée d’évacuer Madrid,
M. Llorente la suivit à Valence,
LLO
et publia dans cette ville, queiques
pamphlets politiques en faveur de
son parti. Ces brochures révèlent
dans leur auteur, un triste aveu-
glement, une véritable fascination
touchant l’opinion publique de sa
nation et ses intérêts réels : l’une
d'elles est même dirigée contre
les cortès de Cadix et contre les
principes de leur célèbre consti-
tution. Telles étaient devenues les
conséquences déplorables d’une
première déviation et d’un funeste
engagement. Les revers succes-
sifs des armées françaises forcè-
rent enfin M. Horente de quitter
avec elles le sol dé sa patrie; il
entra en France par Oléron , et,
après avoir visité Bordeaux, Tou-
louse et d’autres villes du midide
la France, il arriva à Paris, au
mois de mars 1814. Les grands
événemens de cette année s’ac-
complirent, et Ferdinand VIT re-
monta sur le trône , que l’héroïsme
de son peuple avait su lui conser-
ver.
Le parti de Joseph, qui n’avait
jamais eu d’autre argument que la
force , s’évanouit dès qu’elle lui
manqua ; aussi, nul de ses servi-
teurs ne fit difliculté de se sou-
mettre à Ferdinand. Celui-ci,
dominé par les conseils de quel-
ques courtisans qui le poussèrent
à des actes d’une rigueur impla-
cable, commenéa par renverser
l’œuvre de ceux qui avaient dé-
fendu sa couronne pendant qu’il
était captif, et il proscrivit à la
fois, les généreux citoyens qui
avaient constamment défendu la
patrie et servi la cause de l’indé-
pendance, et les Espagnols dési-
gnés sous le nom de Josephinos ,
dont il repoussa les actes de sou-
mission. M. Llorente subit, comme
LLO 979
tel , la double peine du bannisse-
ment perpétuel et de la confisca-
tion de ses biens : il perdit, entre
autres choses , par l’effet de cette
mesure, une bibliothèque de plus
de huit mille volumes, qu’il avait
laissée à Madrid, et qui se com-
posait d’un grand nombre de ma-
nuscrits et de livres rares et pré-
cieux. Il se trouvait à la fois,
dépouillé de ses dignités et de ses
revenus ecclésiastiques. En sa
qualité de chanoine et dignitaire
de Péglise de Tolède, il protesta
contre ces derniers résultats du
décret royal, et demanda à être
jugé régulièrement, après avoir
été entendu; il rendit publique sa
protestation. Pendant l’année
1814, M. Llorente fit un voyage
à Londres , dont le climat lui
convint peu, ce qui le détermina
à venir se fixer définitivement à
Paris. La richesse et l’accès facile
des bibliothèques publiques, le
commerce honorable et doux des
savans de celte capitale, quis’em-
pressèrent de rendre justice au
mérite du docte prêtre espagnol,
lui firent bientôt trouver des
charmes dans cette résidence
étrangère ; il s’y livra sans partage,
aux recherches d’érudition pour
lesquelles il était ne. Divers écrits
relatifs à l’histoire ancienne et
moderne de l'Espagne, furent les
fruits de sa retraite; même il se
produisit sur la scène politique ,
avec. cet éclat qui sied bien à
l'innocence calonminiée , alors
qu’un membre de la Chambre
des députés fit laffront à la
générosité française de deman-
der la suppression du pain de
l'exil, accordé aux Espagnols que
notre invasion avait entraînés
dans le gouffre de nos calamités.
374 LLO
Avec cette chaleur du cœur et
cette pompe de diction qui carac-
térisent son talent, M. Lainé vint
à l'instant même, donner satisfac-
tion au sentiment public. De son
côté, M. Llorente écrivit pour
justifier au moins les intentions
des personnes qui gémissaient
avec lui sous un malheur com-
mun ; il releva une foule d'erreurs
matérielles que M. Clausel de
Coussergues avait commises ; et
répondit à l’assertionirexacte qu’il
n’y ayait point eu d’auto-da-fé
depuis 1680 , en établissant que,
depuis Pan 1700 jusqu’en 1808 ,
quinze centsoixante-dix-huit per-
sonnes avaient péri dans les bû-
chers de l’Inquisition. La publica-
tion des annales complètes du St.-
Office suivit de près, et s’étendit
en Europe et même dans Îes deux
mondes; en sorte que, traduite
en anglais, en allemand , en ita-
lien, !’Histoire de l'Inquisition se
rencontre aujourd’hui dans la plu-
part des bibliothèques. La fortune
de ce livre est due, non pas au
style, dépourvu de coloris et
d'élégance , non pas à la disposi-
tion habile des matériaux, à l’é-
nergie des portraits, à la profon-
deur des aperçus , à la finesse des
observations; au contraire, Îles
parties brillantes de l’art d'écrire
manquent dans cet ouvrage ;
mais l’authenticité des pièces im-
portantes qu’il renferme , l’exac-
titude et la nouveauté des détails
qu’il révèle, la vérité frappante
d’une narration sans ornemens,
ont sufli pour donner tout à coup
à ce livre le caractère de source
historique ; c’est-à-dire qu'iln’est
plus permis désormais de parler
ui d'écrire sur l’Inquisition, sans
consulter et sans citer le témoi-
LLO
gnage de son véridique annaliste.
Mais, jusqu’à ce jour, ce n’est
pas impunément qu’on à pu por-
ter quelques coups à l’intolérance
et au fanatisme enveloppés du
manteau sacré. Les hommes gé-
néreux qui l’ont essayé, ont des
droits particuliers à notre estime,
car il dut leur être facile de pré-
voir qu’une longue responsabi-
lité poursuivrait leurs tentatives.
M. Llorente offrit à son tour , un
triste etnouvelexempledel’impla-
cabilité de ceux qui se disent les
disciples du maîtrele plus doux et
le plus miséricordieux. À peine
eut-il publié l'Histoire de l’Inqui-
silion, que le tribunal de Ja péni-
tence, où il consolait quelques
exilés de la nation catholique,
lui fug interdit à Paris. I] était
dans l’usage de célébrer la messe
à l’église de Saint-Eustache , et la
modique obole qu’une pieuse
charité attache au service sacré ,
concourait à pourvoir imparfaite-
ment aux nécessités de sa vieilles-
se. Les supérieurs ecclésiastiques
du diocèse de Paris lui firent si-
gnifier la défense de célébrer nos
saints mystères. Enfin, celui qui
avait été dignitaire de l’une des
plus riches églises de la catholi-
cité, conseiller-d’état du frère de
Napoléon, directeur de ses biens
nationaux et distributeur de ses
aumônes royales”, s’estimait heu-
reux de gagner honorablementun
médiocre salaire , en instruisant
de jeunes Français, dans un pen-
sionnat de Paris, à répéter les
accens de cette belle langue cas-
tillane, dont Raynala dit qu’elle
est éclatante comme l’or et sonore
comme Pargent. Eh bien! le
croira-t-on ? l'intolérance fut assez
puissante et la législation assez
LLO
dure, pour qu’il pût être interdit
à M. Llorente, au nom de l’Uni-
versité, de donner des lecons
d'espagnol dans une institution
particulière. Le directeur de cette
maison fit beaucoup d'efforts pour
obtenir la révocation de cette dé-
fense, et ses efforts furent tou-
jours superflus. En dépit de ses
ennemis,M. Llorente ne cessa
pas de trouver dans les trésors de
son érudition, dans ses goûts la-
borieux, dans la faveur publique,
et aussi dans les sollicitudes de
lestime et de l’amitié, ce que ré-
clamaient ses habitudes frugales
et les convenances de sa position
dans le monde.
La publication des Portraits
poliliques des. Papes vint mettre
le comble aux ressentimens que
les écrits de M. Llorente avaient
amassés contre lui. Cet ouvrage
est un travail d’une grande éru-
dition ; il fournira même, si l’on
veut, un triste divertissement à
ceux que les abus introduits dans
la religion catholique et les fautes
de ses prêtres, ont rendus ses
ennemis. Mais, outre que l’auteur
accueille une foule de choses
d’une authenticité plus que dou-
teuse, notamment l’histoire de la
prétendue papesse Jeanne, dont la
source apocryphe est aujourd’hui
suffisamment constatée , nous di-
rons avec douleur, que lesujet, le
but , et peut-être même le ton de
Vouvrage, convenaient également
peu au caractère d’un prêtre ca-
tholique , dont l’honneur est, en
quelque sorte, inséparable de
celui du Siége apostolique, quoi-
qu'il puisse toujours user d’une
juste liberté pour combattre les
erreurs qui prétendent se couvrir
de cette grave autorité. Après
LLO 373
avoir exposé avec franchise, notre
opinion personnelle sur ce livre,
ilnous devient permis d'exprimer
aussi l'indignation qu’a soulevée
dans toutesles âmes véritablement
chrétiennes, la rigueur inouïe
exercée. à l’égard de l’auteur. Au
commencement du mois de dé-
cembre 1822, il lui fut enjoint
de quitter Paris sous trois jours,
et la France sans délai. M. Llo-
rente aurait pu rentrer dans sa
patrie, immédiatement après la
révolution de 1820; mais il ne
devait plus y retrouver les biens
et les honneurs dont les événe-
mens précédens Pavaient dépouil-
lé ; jouissant d’ailleurs, à Paris, de
la sécurité et de la eonsidération
dont sa vieillesse éprouvait le be-
soin, il avait résolu d’y finir ses
jours. Son expulsion brusque et
violente de sa patrie adoptive, fut
donc pour lui, comme un second
exil. Des efforts furent tentés par
les amis de M. Llorente pour sus-
pendre au moins , l’exécution de
Pordre arbitraire qui devait lui
être si fatal; mais ils furent in-
fructueux; et Phonorable banni
partit, consolé par les témoigna-
ges d'estime et d’affection et par
les généreux secours dont le com-
blèrent , dans cette triste circon-
stance , plusieurs citoyens recom-
mandables, toujours prêts àbraver
la calomnie pour rester fidèles au
malheur.
M. Llorente traversa rapide-
ment la France, au moment où
la neige couvrait toute sa surface;
il ne lui fut pas même permis de
reposer quelques jours, à Bayon-
ne , sa tête septuagénaire. Dès son
entrée sur le sol natal, il fut ac-
cueilli par les témoignages les
plus éclatans de l'estime publique.
576 LLO
Il n'aurait pas tardé sans doute ,
à en recevoir des preuves plus
effectives, qui probablement l’au-
raient détourné de lPintention
qu'il avait eue d’accepter une
chaire qui lui était offerte dans
l’université de Santo-Domingo.
Mais, peu de jours après son ar-
rivée à Madrid, le 5 février 18253,
il succomba, par suite des fati-
gues extraordinaires auxquelles
on venait de le condamner. Ses
obsèques eurent lieu le 8, dans
l’église de San-Pedro, avec toute
la pompe convenable; son corps
a été déposé au cimetière de Fun-
carral, après qu’on eut levé un
moule en plâtre; de son buste.
M. Llorente a pardonné avant de
mourir, à ses persécuteurs; Dieu,
qui connaît le secret des cœurs,
peut pardonner aussi à leur re-
pentir; mais, sur la terre, on ne
leur pardonnera point, parce que
les hommes d’une certaine supé-
riorité morale ont acquis un droit
d'inviolabilité qui imprime une
tache indélébile à leurs proscrip-
teurs.
La religion, la politique et
Phistoire furent tour à tour rede-
vables à M. Llorente de services
importans ; quelquefois aussi,
elles eurent à se plaindre de ses
erreurs. Sans doute, il a bien mé-
rité de la religion, en combattant
et en démasquant le fanatisme
sanguinaire qui en souille la pu-
reté. Il a dû rallier à sa cause
plusieurs esprits généreux, que
d’odieuses et fausses interpréta-
tions en auraient éloignés; il a
contribué à la guérir de cette lè-
pre de la superstition , qui sou-
vent s'attache à ses œuvres: mais,
trop exclusivement voué à la
poursuite des abus modernes, on
ELLO
l’a vu quelquefois , offenser ees
traditions d’origine apostolique ,
que le vrai catholique respecte à
Pégal des dogmes de sa foi. Ac-
coutumé à remonter aux sources
historiques et à les vérifiér sévè-
rement, il a quelquefois oublié
que, dans sa communion, il est
des établissemens, des coutumes
et des faits, dont la discussion n’a
pas été abandonnée au libre ar-
bitre de chacun; mais qui, pour
nous catholiques , sont et demeu-
rent irrévocablement .fixés par
cette tradition constante des égli-
ses , que nous rangeons au nom-
bre des règles de notre foi : c’est
ainsi que la nation anglaise, jus-
tement admirée pour la sagesse
de ses lois et la générosité de ses
mœurs, compte parmi ses insti-
tutions les plus vénérées ; des
usages et des précédens, qu’elle
respecte à l’égal de ses chartes
écrites. Les .erreurs de M. Llo-
rente, dans la carrière politique ,
offrent également un point de vue
excusable, Il fut l’un des premiers
en Espagne, qui reçurent et pro-
pagèrent les idées libérales et phi-
losophiques de notre époque; il
contribua efficacement à les ré-
paudre dans son pays. En 1808,
Bonaparte était encore la Révolu-
tion pour beaucoup d'étrangers ,
qui ne s'étaient pas trouvés à
même d’apprécier le earactère de
l’un et les vrais principes de l’au-
tre.Combien de personnages émi-
nens de l'opposition anglaise
sont tombés dans la même erreur,
avec bien plus de lumières pour
léviter! D’un autre côté, tant
que l’étendard de la liberté ne
fut pas érigé à Cadix , Le parti de
Ferdinand VII pouvait sembler
celui de l’ancien régime et de
LLO
tous ses abus, sans en excepter
l’Inquisition. Joseph abolissait
celle-ci ; il attaquait au cœur l’ar-
bre de la féodalité ; il sapait par
sa base le colosse de la supersti-
tion. C’est sous l’empire de ces
prestiges que M. Llorente prit ses
premiers engagemens politiqires.
Ces motifs, toutefois, ne for-
maient qu’une partie des raisons
qu’il alléguait pour justifier sa
conduite, où il persista toujours
à ne pas reconnaitre des torts.
Lorsque la résistance commença,
disait-il, le succès semblait ün-
possible; elle livrait l’Espagne
aux horreurs de la guerre civile
et de la dévastation ; enfin, il à
pu faire autant et plus de bien à
son pays et à ses concitoyens dans
le parti de Joseph, que s’il avait
suivi le gouvernement de Cadix.
Ce système de justification parai-
tra sans doute inadmissible; car
il ne tendrait à rien moins qu’à
donner droit à la force , et à ran-
ger sur la même ligne le gouver-
nement national et l’usurpation
étrangère. Maïs si M. Llorente se
trompa, ce fut avec bonne foi.
Plus tard , et quand laconstitution
de Cadix eut été proclamée et re-
connue dans une partie de l’Es-
pagne , l’on doit attribuer la per-
sévérance que mit M. Llorente à
servir la cause de Joseph, à la
force de ses engagemens précé-
dens , et à la nécessité de sa con-
servation. Pour s’en séparer, il
lui eût fallu risquer, en 1812, les
élémens de son existence; en
1814, peut-être la vie. Nous pou-
vons ajouter qu'il vit avec joie la
révolution de 1820, et qu’il s’en
montra constamment le zélé dé-
fenseur ; quoiqu'il eût encore
quelque peine à se défendre d’une
LLO 377
fâcheuse prévention contre les
grands citoyens qui, en 1812,
sauvèrent l'Espagne à Cadix, et
qu’il n'ait pas cessé d'envisager
les événemens de cette époque
sous un point de vue tout-à-fait
erronné.
M. Llorente possédait un
vaste savoir , principalement dans
les matières ecclésiastiques et
historiques; mais son érudition
n'avait pas cetle précision rigou-
reuse ,; que les savans d’Angle-
terre, de France et d'Allemagne
exigent aujourd’hui. Son esprit
ne manquait pas de netteté et de
méthode; et pourtant, l’art de
faire un livre, tel que nous le
comprenons en France, ne lui
était pas connu. Son style dans
sa langue maternelle, autant qu’il
nous est permis d’ea juger, avait
de la correction et de la clarté,
mais ne se faisait distinguer
par aucune qualité brillante; il
parlait le français péniblement ,
peu eorrectement, et l’écrivait de
même, Ce qu’il a publié dans cette
langue , a dû nécessairement être
revu par des personnes à qui elle:
fût plus familière. Sa conversa-
tion était d’ailleurs animée comme
son regard, nourrie d'idées justes,
de souvenirs intéressans et de
faits curieux. Sa taille était médio-
cre, ses yeux noirs et vifs, son
teint brun , sa physionomie aus-
tère , son front élevé; tout en lui.
offrait le type de la nation espa-
gnole, dont son nom et ses tra-.
vaux doivent honorer les fastes.
Liste des ouvrages
de J.-A. Lilorente.
I. Historia de los pleytos de le:
casa de Sotomayor, etc:—Histoire
378 LLO
des prétentions de la maison de
Sotomayor , sur la seigneurie de
divers villages, et des autres droits
de cette maison, depuis le trei-
zième siècle.
M. Llorente a écrit quelques
autres ouvrages généalogiques du
même genre : il en donne la liste
dans sa vie, écrite par lui-même.
(pag- 69.)
IT. Monumento romano descu-
bierto , etc. — Monument romain
découvert à Calahorra , le 4 mars
1788. Madrid , 178y, in-4.
Ce monument consiste en une
pierre tumulaire , ornée d’une in-
scription et d'un bas-relief. Il a
été placé par les soins de M. Llo-
rente, dans la maison de ville de
Calahorra, où on le voit encore.
Les fouilles auxquelles il donna
lieu mirent sur la voie de la dé-
couverte d’un aquéduc romain,
et de diverses constructions anti-
ques très-importantes. M. Llo-
rente a publié la première expli-
cation de ce monument , dans le
Memoriale litterario de Madrid
(Septembre , 1789, tom. XVIII,
pag: 47): il l’a rectifiée ensuite ,
dans sa Notice historique des pro-
vinces Ÿasconnes pag. 299. ( Foy.
ci-après, n. IV , part. III). Enfin,
ce monument a fourni à M. d’Hau-
tefort , le sujet d’une dissertation
accompagnée d’une gravure, dans
les Annales Encylopédiques de
M. Millin (1818, tom. II, pag.
37 }.
III. Discursos historico-canoni-
cos, etc. — Discours historico-
canoniques sur l’origine et la na-
ture des bénéfices canonicaux de
l’église de Calahorra. 1790, in-4.
C’est une espèce de mémoire
judiciaire. L'auteur en a publié
plusieurs de ce genre, la plupart
LLO
anonymes. Il les indique dans sa
vie écrite par lui-même (pag. 58).
IV. MNoticias historicas, etc. —
Notices historiques sur les trois
provinces Vasconnes , Alava ,
Guipuscoa et Biscaye, avec l’o-
rigine de leurs lois fondamenta-
les (fueros). Madrid , imprimerie
royale, 1806-1807, 5 vol. in-4.
— Il restait encore 2 volumes à
publier pour compléter l’ouvrage.
V. Discurso heraldico , etc. —
Discours héraldique sur l’écu des
armes d’Espagne. Madrid, 1809,
in-8.
Ce discours avait été prononcé,
l’année précédente , dans l’assem-
blée constituante de Bayonne:
VI. Coleccion diplomatica de va-
rios papeles, etc. — Collection
diplomatique de diverses pièces
anciennes et modernes, sur les
dispenses matrimeoniales et autres
points de discipline ecclésiasti-
que. 1809, in-4.
Cet écrit fut publié, par ordre
de Joseph Bonaparte, pour pré-
parer l'opinion à l'abolition des.
tributs payés à la cour de Rome,
à l’occasion des dispenses.….
VII. Disertacion sobre el po-
der ; etc. — Dissertation sur le
pouvoir que les rois espagnols ont
exercé depuis Le douzième siècle ,
sur la division des évêchés, et sur
d’autres points de discipline ec-
clésiastique , avec un appendix de
pièces justificatives. 1810, in-4,
2/6 pages. |
VIII. Memoria historica sobre
qual ha sido, etc. — Mémoire
historique sur ce sujet : Quelle a
été Popinion nationale de l’Espa-
gne , touchant le tribunal de l’In-
quisition ? publié avec l’approba-
tion de l’Académie royale de
LLO
l'Histoire. 1812.— Madrid, 1821,
in-8.
L'auteur démontre dans cet
ouvrage, que la nation espagnole
a résisté, tant qu’elle l’a pu, à
l'établissement de l’Inquisition ,
et qu’elle n’a cessé de réclamer
son abolition.
IX. Discurso sobre la opinion
nationale de Espana, etc. — Dis-
cours sur l’opinion nationale de
l'Espagne , concernant la guerre
avec la France. Valence, 1812,
in-4 , et Saragosse, 18153.
C’est un manifeste en faveur de
Joseph et contre le parti national.
X. Observacions sobre las dinas-
tias, ete. — Observations sur les
dynasties d’Espagne. Valence ,
1812 ,in-4, et Saragosse , 1813.
L'auteur prétend démontrer
que toutes les familles qui ont
régné en Espagne ont été d’ori-
gine française.
XI. Representacion del. senor
obispo de Orense, eté: — Repré-
sentation de Mgr. l’évèque d’O-
rense, à la Régence de Cadix,
avec des réflexions de l’éditeur.
Saragosse , 1819.
D, Pierre Quevedo , évêque
d’Orense , fut banni du royaume,
dépouillé de ses honneurs et pré-
rogatives, et déclaré indigne du
nom d’Espagnol, par décret des
Cortès de Cadix, sanctionné par
la Régence, au mois d’août 1812,
pour n’avoir consenti à jurer fidé-
lité à la constitution qu’avec cer-
taines restrictions. M. Llorente
s’empara. de la réclamation de
l'évêque contre le décret, pour
critiquer la constitution espagnole
et argumenter de nouveau en fa-
veur de Joseph.
XII. Mémoires pour servir à
l’histoire de la révolution d'Espa-
LLO 979
gne, avec des pièces justificatives ,
par M. Nellerto (anagramme de
Llorente ). Paris, 1815-1819 ,
9 vol. in-8.
Ce recueil est composé, en
grande partie, de pièces authen-
tiques et originales, publiées pour
la première fois, par M. Llorente.
Il est indispensable à celui qui
veut approfondir l’histoire de la
révolution de 1808.
XIII. Defensa canonica y poli-
tica, etc. — Défense canonique et
politique de D. J. A. Llorente ,
contre l’injuste accusation de cri-
mes supposés, applicable sous
divers rapports, à la plupart des
Espagnoïs réfugiés en France.
Paris, 1816, in-12.
XIV. Lettre de D. J. A. Llo-
rente à M.Clausel de Coussergues,
sur lInquisition d'Espagne. Paris,
1817, in-8.
XV. Histoire critique de l’inqui-
sition d’Espagne, depuis l’époque
de son établissement par Ferdi-
nand V, jusqu’au règne de Fer-
dinand VIT , tirée des pièces ori-
ginales, des archives du conseil
de la Suprême, et de celles des
tribunaux subalternes du Saint-
Office; traduit de l’espagnol sur
le manuscrit et sous les yeux de
l’auteur, par Alexis Pellier. Paris,
Treuttel et Würtz, 1817, 1818,
4 vol. in-8, ornés des armes et
du portrait de l’auteur ( ce dernier
n’est pointressembiant).--deuxiè-
me édition, Paris, 1820, 4 vol.
in-8. — En éspagnol , Madrid
(Paris), 1822, 11 vol. in-12. —
En hollandais (deux traductions) ;
Amsterdam et Francker, J. C.
Sepp et fils, et G. Ypma , 1825,
in-8.
M. Léonard Gallois a publié
une Histoire abrégée de P Inquist.
380 LLO
dion. Paris, Chasseriau , 1823,
in-18. deux éditions — On a
réimprimé en tête, la présente
notite , en omettant le nom de
l’auteur. Elle a été. publiée ‘pour
la première fois, dans la Revue
encyclopédique (t: XVIIT, p. 25),
ornée d'nn portrait de M. Llo-
rente, lithographié d’après une mi-
gnatureressemblante(1).—L’His-
toire abrégée de l’[nquisttion, avec
la notice sur Llorente, ont été
traduités, en espagnol, par Ro-
driguez Buron (Paris, Tourna-
chon-Molin, 1825, 2 vol. in-18.);
— et en allemand, avec des notes
et un portrait, par M*** (Leipzig,
Voss, 1823; in-8 , de 556 pages).
XVI. Monumens historiques con-
cernant les. deux Pragmatiques
sanctions, avec des notes, suivies
d’un catéchisme sur les concordats.
Paris, 1818, in-8, de 200 pag.
XVII. Moticia biographica , etc.
— Notice biographique de D. J.
A. Llorente; ou Mémoires pour
l’histoire de sa vie, écrits par lui-
même, Paris, Bobée, 1818,in-12,
xxiv et 259 pages , orné du même
portrait que l’Histoire de l’Inqui-
sition édit. de Paris.
C’est dans ce volume que nous
avons puisé les détails qui servent
de base à notre Notice.
XVIII. Discursos sobre una con-
slitucion religiosa, etc.—Discours
sur une censtitution religieuse ,
considérée comme partie inté-
grante de la constitution natio-
nale ; écrits par un Américain,
publiés par D. J. A. Llorente,
docteur en droit canon. Paris,
(1) On a aussi un autre portrait res-
semblant de Llorente, lithographié en
1823, par M. Ponce-Camus.
LLO
Stahl, 1819; in-12, xvi et 187
pages.
Ce livre, destiné pour l’Amé-
rique espagnole, où l'édition a
passé presque entière, renferme
des choses très-hardies. 11 fut
censuré par l'autorité ecclésiasti-
que de Barcelone , tandis que la
Société patriotique, de cette. ville
en prit la défense, et inscrivit
Pauteur parmi ses membres. Ce
procès donna lieu à deux écrits,
publiés en espagnol , à Barcelone.
M. Llorente lui-même publia,
pour sa défense , l’ouvrage’ sui-
vant, qui contient le développe-
ment de ses idées, sur la réforme
à faire subir à la discipline ecclé-
siastique. |
XIX. A pologia catolica del Pro-
yecto, eltc.-— Apologie catholiq ue
du projet de constitution reli-
gieuse , etc. Paris, Moreau, 1821 ;
in-8 , xiij et 544 pag., un volume,
divisé en 2 tomes.
XX. Œuvres complètes de don
Barthélemy de Las Casas, évèque
de Chiapa, défenseur de Ja li-
berté des naturels de l'Amérique ;
précédées de sa Vie, et accom-
pagnées de notes historiques , ad-
ditions , etc, ; dédiées, à M. le
comte de Las Casas. Paris, 1822,
2 vol. in-8, ornés du portrait de
Las Casas.
Ce livre, fort estimé , est d’une
grande importance pour l’histoire
de l'Amérique.
XXI. Aforismos politicos, etc.
— Aphorismes politiques , ou-
vrage d’un philosophe anonyme
(M, Heiberg), natif de lun des
royaumes du nord de l’Europe,
traduit en espagnol, par D: J. A.
Llorente. Madrid, Antoran, 1822,
1 vol. in-12.
XXIT. Observations criliques sur
LLO
le roman de Gil Blas de Santil-
Lane : on y fait voir que le roman
de Gil Blas n’est pas un ouvrage
original, mais un démembrement
des Aventures du bachelier de Sa-
lamanque, manuscrit espagnol ,
alors inédit, que M. Le Sage dé-
pouilla des parties les plus pré-
cieuses. Paris, Moreau, 1822;
in-8. de viij et 509 pages.
Ce livre répond à un écrit de
M. François ( de Neufchâteau),
place en tête d’une nouvelle édi-
tion de Gil Blas, qui fait partie de
la Collection des meilleurs ouvrages
de. la langue française, de MM. Di-
dot père et fils L’académicien
français avait soutenu la thèse
opposée à la prétention du savant
espagnol.
XXIII. Portraits politiques des
Papes, considérés comme princes
temporels et comme chefs de VE-
glise, depuis l’établissement du
Saint-Siége à Rome . jusqu’en
1822. Paris, 1822, 2 vol. in-8,
En 1791, M. Llorente publia à
Madrid , une nouvelle édition du
Fuero juzgo, ou Collection des
lois promulguées en Espagne. par
les rois Goths. 11 n’en existait au-
paravant , qu'une seule et très-
ancienne édition, dont il a épuré
le texte, en y ajoutant un dis-
cours préliminaire, et un glos-
saire des vieux termes,
M. Llorente a fourni, pendant
quatre années, la plus grande
partie des matériaux qui ont formé
l’article Espagne, au Bulletin bi-
bliographique et aux Nouvelles lit-
téraires de la Revue encyclopédique.
Le même recueil lui doit encore
une ÂMotice sur Les Académies,
Sociétés littéraires, elc., d’Espa-
gne (tom. V,.p. 257); et les
analyses des ouvrages suivans :
LLO 381
Théorie des Cortés, par Mariana
(T.T, p. 441); Le Oui des jeunes
filles, comédie de Moratin (t. IF,
p. 487); Lecons d’agriculture ,
d’Arias (t. V, p. 293).
Il fut l’un des fondateurs et des
membres les plus zélés de la So-
cièté des méthodes, et de la Société
de la morale chrétienne. Le journal
de cette dernière Société ren-
ferme deux articies de lui, savoir :
de la Réunion des chrétiens de di-
verses communions ; dans une So-
ciété de Morale chrétienne (t. X,
p. 140 ), et Sociélé des prisons en
Espagne (ibid., p.215).
Il a aussi donné un article sur
l'ancien droit de l'Espagne, dans
le Journal général de Législation
et de Jurisprudence, qui se pu-
bliait en 1820 , in-S.
Ouvrages inédits et manuscrits
de M. Llorente.
I. Dissertation sur les décrétales
du code de Grégoire IX (lib. ,
tit. de Clericis pugnantibus in duel-
lo), lue à l’Académie des saints
canons , liturgie ethisioire écclé-
siastique d'Espagne, à Madrid.
1789.
L'auteur y établit que le carac-
ière particulier des ecclésiastiques
doit être un esprit de paix , de
douceur , de modération, diamé-
tralement opposé à toute guerre
et à tout usage d’arimnes offensives.
IT. -Préséance des ambassadeurs
d’Espagne sur les ambassadeurs de
France, aux conciles généraux , à
la cour de Rome et autres assem-
blées diplomatiques. 1586. — La
question dont il s’agit était restée
indécise au concile de Trente ; et,
dans diverses circonstances pos-
térieures , elle fut éludée par des
582 LLO
moyens dilatoires. M. Llorente
suivit les traces d’un auteur
nommé don Diego Valdez, qui,
sous le règne de Philippe IT,
écrivit un traité de Dignitale re-
gum Hispaniæ ; il adoptait le plan
et les autorités apocryphes de son
prédécesseur. « Cet écrit ne fut
jamais imprimé, uousdit M. Llo-
rente ; Car, peu après qu’il venait
de subir la dernière révision,
éclata la révolution française, du-
rant laquelle sa publication me
paraissait inopportune. Je pense
lamême chose aujourd’hui(1818),
malgré la diversité des circon-
stances. Le véritable intérêt de
l'Espagne consiste à faire fleurir
son agriculture, son commerce,
son industrie, ses manufactures;
les préséances de sesambassadeurs
sont un objet complétement in-
signifiant. »
IT. Dissertation sur le site de
l’añcienne cité de Segobriga, en-
voyée à l’Académie des belles-
lettres de Séville. 1790.
IV. Discours sur les qualifica-
teurs du Saint-Office. — Discours
sur l’ordre de procéder dans les tri-
bunaux de l’Inquisition, 1596,
composé pour l’inquisiteur - gé-
néral, D. Manuel Abad y la
Sierra, saisi plus tard et confis-
qué parles agens de l’Inquisition.
V. Démonstration du droit qu’ont
les métropolitains de confirmer les
évêques de leur province, traduit
du portugais de Pereira, en espa-
gnol, 1799, saisi et confisqué par
l’Inquisition.
VI. Aujourd’hui, ou le Monde
actuel n’est ni plus méchant ni plus
calamiteux que Le monde passé, tra-
duit de l’ouvrage italien du père
Lancelotti , de Pérouse , publié en
LLO
:
1630 , sous letitre de l’Hogzi-
di, etc., 1801.
VIT. Origine des seigneurs po-
pulaires en Espagne. 1804, 2 vol.
— Le manuscrit de cet ouvrage
doit se trouver entre les mains
de don Lorenzo Normante , secré-
taire du ministère des finances ,
en 1809, auquel il fut remis par
l’auteur, à cette époque.
VIII. Lettre critique sur la ques-
tion de savoir si l’église du Pilar ,
de Saragosse, fut construite dans
l’intérieur ou à l’extérieur des mu-
railles romaines de celle ville. 1813.
IX. Les Animaux parlans ,
poëme traduit de l'italien , de
Casti. 1813.
X. Illustration de l'arbre gé-
néalogique du roi d’Espagne ,
Ferdinand V'II.'1 vol. in-fol.,
dédié à Ferdinand VIE, 1815. —
Il doit en exister deux copies :
lune parmi les papiers de Pau-
teur ; l’autre dans les archives de
la secrétairerie-d’état , à Madrid.
XI. Dictionnaire topographique
de l'Espagne ancienne et moderne ,
avec les dénominations des deux
époques.
XII. Histoire de la vie et des
travaux d'Antoine Perès, premier
secrélaire-d’état du roi d’Espagne
Philippe FT. — Cet écrit impor-
tant devait être accompagné de
plusieurs pièces originales ine-
dites.
XIII. Dissertation sur la divi-
sion des évêchés d’Espagne, attri-
buée au roi Wamba, dans le
septième siècle, avec une carte
géographique de l'Espagne, sui-
vant cette division.
XIV. Sur la Constitution poli-
tique du royaume. d’ Aragon. —
L'auteur prétend démontrer que
les Espagnols admirent, dès le
n |
LLO
huitième siècle , la souverai-
neté du peuple, la limitation du
pouvoir exécutif, et le droit de
détrônement, en cas de contra-
vention au pacte fondamental
{ Noticia biographica, p. 176 ).
XV. Sur la persévérance des
Aragonais à assujettir leurs mo-
narques au respect des droits réser-
vés aux sujels, lors de la création
de la monarchie. — L'auteur re-
trace les succès les plus impor-
tans obtenus par les Aragonais sur
leurs rois, lorsque ceux-ci vou-
lurent tendre au despotisme , ag-
graver les impôts, ou attenter à
la liberté individuelle.
XVI. Sur les maux qu'a pro-
duits en Espagne , l’ambition des
grands.
XVII. Sur la résistance des Es-
pagnols , pour n'être point gouver-
nés par ceux qui n'étaient pas leurs
rois.
XVIIL. Sur le mal qu'a fait à la
Castille l'ignorance des sciences
physiques et mathématiques.
XIX. Que la multiplicité des
jours de fêtes, avec cessation de
travail , est contraire à la religion
et à la morale, aussi bien qu’à la
bonne politique. — La question est
traitée principalement d’après les
autorités de l’Ecriture, des Pères
et des conciles.
Tous ces manuscrits sont écrits
en espagnol; quelques-uns des
derniers ne sont pas entièrement
terminés.
M. Llorente était dans l’usage
de tenir un journal de ses voya-
ges. On a dû trouver, parmi ceux
de ses papiers qui sont restés à
Paris, le journal de son voyage
de Madrid à Valence , à Saragosse
et en France : dans ses papiers de
LUD 383
Madrid, on trouvera le journal
du voyage de Bayonne , en 1808,
qui contient des renseignemens
intéressans sur la révolution de
cette époque. C’est encore là
qu’on doit trouver une traduction
des Psaumes de la pénitence, et
1 vol. in-4.de Poésies lyriques.
LUDICKE (J...-M...-Aucusre-
FR...) , mathématicien , né le
6 octobre 1548, à Oschatz , fut
élevé à Torgau ; il a été d’abord
pendant trois ans, secrétaire de la
Société économique de Leipzig.
Il fut ensuite nommé professeur
de mathématiques à l’Ecole na-
tionale (Landschule ) de Meissen ,
fonctions qu’ilremplit durant qua-
rante et un ans. Il est mort à
Wilzdraft, le 15 décembre 1823,
âgé de soixante-quinze ans. On a
de lui les ouvrages suivans.
I. Commentatio de atlractionis
magnelum neturalium. quantitate.
Wittemberg , 1799, in-4.
Cet ouvrage se retrouve avec
quelques additions et corrections,
traduit en allemand , par l’auteur
lui-même , dans le troisièémetome
du Wittenbergen - Magazin , de
1783.
II. V'ersuch einer neuen T'heorie
der Parallelinien. — Essai d’une
nouvelle Théorie des parallèles,
Meissen ,; Godsche, 1810.
On doit en outre, à Ludicke, une
des traductions de l’Essai de Fabre
sur les. machines hydrauliques ;
une traduction de Nicholson , et
divers Mémoires de mathémati-
ques et de physique , insérés dans
les Annales de Gilbert, principa-
lement sur l’optique et le magné-
tisme (Leipzig litt, Zeitung. Juin
1525 , p. 1166 ).
MAC
MAC
LE
MAC'NAB (Hewrr-Grey ), mé-
decin ordinaire de S. A. R. le duc
de Kent, naquit en Angleterre,
d’une famille écoseaise; il fut
d’abord professeur d’éloquence à
l'Université de Glascow, où il
avait étudié sous le célèbre doc-
teur Reid. Retenu en France
comme otage, après la rupture de
la paix d'Amiens, Mac’nab obtint
de fixer sa résidence à Montpellier.
Il séjourna onze années dans cette
ville, occupé à étendre ses con-
naissances sur l’art de guérir, sur
l’économie politique et sur les
meilleures théories de l’éducation.
Ce dernier objet avait fini par
absorber entièrement ses médita-
tions. Il adopta le système d’édu-
cation fondé uniquement sur la
‘aison , mis en action à New-
Lanark ; par M. Robert Owen,
écrivit en sa faveur , et présenta
des mémoires au Parlement, à
l’occasion du bill de M. Broug-
ham sur l'éducation des pauvres,
pour recommander les essais de
son compatriote, La France, qui
avait commencé par être la prison
du docteur Mac’nab, avait fini
par devenir son séjour de prédi-
lection. Il est mort à Paris, le 3
février 1823, à l’âge de soixante
et un ans, et a été enseveli au
cimetière du Père Lachaise, où
M. Laffon-Ladebat a prononcé
son éloge funébre.
Liste des ouvrages
de H. G. Mac'nab.
I. Letter pointing out the impo-
licy , etc. — Lettre pour signaler
l'inconvénient de la mesure pro-
posée pour frapper d’un impôt le
charbon qui se consomme dans les
districts manufacturiers de lamé-
tropole. 1801, in-4.
IT. Observations on the probable
consequences, etc. — Observa-
tions sur les conséquences proba-
bles du nouvel essai tenté par
l'autorité législative , afin d’obte-
nir un impôt considérable sur le
charbon , dans le comté de Staf-
ford comme dans la métropole.
1801, in-4.
LIT. Analysis and analogy ,
ctc. —L’Analyse et analogie re-
commandées comme moyen de
rendre l’expérience et l’observa-
tion utiles en matière d’éduca-
tion, etc. Paris, imprimerie de
Nouzou, 1818; in-4, de vingt
feuilles.
IV. Examen impartial des nou-
velles vues de M. Robert Owen et
de sés établissemens à New-Lanark,
en Ecosse, pour le soulagement et
l'emploi le plus utile des classes
ouvrières et des pauvres, et pour
l'éducation de leurs enfans , etc. ,
avec des observations sur lapplica-
tion de son système à l'économie
politique de tous les gouvernemens ;
par H. G. Macnab, médecin de
feu le duc de Kent ; ouvrage dédié
à S. À. R. et publié par son ordre,
traduit de l'anglais par M. Laffon
de Ladebat , ancien député. On y à
joint une préface, un portrait du
duc de Kent, et deux vues de New-
Lanark. Paris, Treuttel et Würtz,
1820 ; in-8 , de 250 pages.
V. Observations on the politi-
cal, etc. — Observations sur lé-
MOL
tai politique, moral et religieux
du monde civilisé , au commen-.
cement du dix-neuvième siècle.
Paris, imprimerie de Nouzou,
1829 ; in-8, de 4 feuilles et demie.
Le docteur Mac’nab s’occupait
d’un ouvrage sur les enterremens
prématurés, qui n’a pas été pu-
blié.
MENDOCA ( Hiprozyre-Jo-
sepn-Hurrano-pa-Cosra de), né
à Colonia do San Sacramento ,
sur la rivière de la Plata, dans
l'Amérique méridionale , prit ses
degrés de docteur-es- lois à
l'Université de Coïmbre. Accusé
de franc-maçonnerie, il fut jeté
dans les cachots de l’inquisition
portugaise. Mais ayant fabriqué
une clef avec un vieux plat d’é-
tain , il ouvrit la porte de sa pri-
son et s’évada, pendant que les
gardes dormaient. Il parvint à
s’embarquer heureusement pour
l'Angleterre, où il résida depuis
cette époque, et où il publia : 4
Narrative of the persecution of the
author (Histoire de sa persecu-
tion), 2 vol. in-8, 1611. Il de-
vint ensuite. secrétaire de 5. À.R.
le duc de Sussex, et en dernier
lieu, chargé d’affaires du nouvel
empire brésilien, à Londres. Il
avait entrepris, dans celte capi-
taie, la publication d’un journal
écrit en langue porlugaise, sous
le ütre de Correio brasiliense
(Courrier brésilien), dont il n’a
paru que quelques numéros. Hur-
tado de Mendoca est mort à Lon-
dres , vers la fin de l’année 1825.
MOLDENHAWER ( Daner-
Gorrxixr), naquit à Kœnigsberg,
en Prusse, le 11 décembre 1751.
Après avoir étudié à Gœtiingue et
dans d’autres universités de PAI-
lemagne , il fut appelé, en 1557,
MUN 082
à celle de Kiel, en qualité de pro-
fesseur extraordinaire de philoso-
phie. En 1550, il fut nommé pro-
fesseur de théologie à la même
université, où il reçut les hon-
neurs du doctorat en théologie ,
Pan 1582. A son retour d’un
voyage en Hollande, en Angle-
terre, en Espagne et en Italie, il
fut nommé, en 1783, professeur
de theologie à l’université de Co-
penhague. Plus tard, il ft avec
l’orientaliste Tychsen, un second
voyage en Espagne , d’où il rap-
porta en Danemarck un grand
nombre d'ouvrages rares et de
manuscrits précieux en langue
espagnole et autres, qui font au-
jourd’hui partie des richesses de
la Bibliothèque royale de Copen-
hague. Moldenhawer fut nommé
administrateur en chef de cet
établissement, en 1788. Il est
mort le 21 novembre 1823, âgé
de soixante-douze ans. Il était
chevalier de l’ordre de Danebrog
depuis 1809. Les principaux ou-
vrages de ce savant sont une his-
toire des Templiers (en allemand)
et un Eloge du comte A. P. de
Bernstorff, écrit en lalin très-
élégant. Ses autres écrits sont
disséminés dans plusieurs recueils
périodiques, danois ou ailemands.
MUNOZ (Tnomas) , lieutenant-
général de la marine espagnole.
fut d’abord employé dans les ci-
devant possessions américaines. Il
s’acquit beaucoup de réputation
dans sa patrie, par les travaux
qu’il fit exécuter pour arrêler les
efforts de la mer qui menaçaient
de détruire l'ile sur laquelle est
bâtie la ville de Cadix. La yio-
lence des coups de mer dans ceite
baie, faisait consiäérer comme
impossible &’arrêter J’impétuosité
2
336 PER
des vagues. Grâce aux nouvelles
applications que Muñoz sut tirer
des sciences mathématiques et
physiques, Cadix se trouva , au
bout de quelques années , conso-
jidé au milieu de l'Océan. Il exé-
cuta encore à l’arsenal de la Car-
raca, dans le même port, des
travaux d’une grande solidité. A
l’époque où le gouvernement es-
pagnol préparait une expédition
maritime , pour faire le tour du
monde, sous le commandement
de M. de Malaspina, Muñoz fut
chargé de la construction des bâ-
timens que l’on prépara pour cette
destination , et leur donna une
distribution intérieure propre à
conserver la santé des équipages,
pendant une si longue traversée.
Au retour de l’expédition , après
avoir atteint complètement le but
PER
qu'elle s’était proposé, M. de
Malaspina rendit le compte le
plus satisfaisant de la santé des
marins placés sous ses ordres , et
il aitribua cet heureux résultat ,
du moins en grande partie, à la
prévoyance et aux bonnes con-
structions de Muñoz.Cet ingénieur
ayant embrassé le parti de Joseph
Bonaparte, vécutlong-tempsexilé
à Paris, dans une honorable pau-
vreté. C’est là qu’il composa un
Traité de la Fortification, qu’on
dit être un ouvrage d’un grand
mérite. La révolution de 1820 lui
ayant rouvert les portes de sa pa-
trie, sans lui rendre ses anciens
traitemens, il revint en Espagne,
où son fils pourvut par son tra-
vail, à sa subsistance. Muñoz mou-
rut à Madrid, le 28 novembre
1823 , âgé de 80 ans.
P.
PABAN (L....), fut, à ce qu’il
paraît, un Français, qui résida
long-temps à Stockholm, où il
enstignait avec succès, sa langue
maternelle. L'année même de sa
mort, il publia un opuscule in-
titulé : Marie et Julie, où Etren-
nes aux jeunes demoiselles qui étu-
dient la langue française, pour
servir à leur instruction et à leur
avancement (Stockholm , brochure
de 76 pages ). On doit à ce gram-
mairien la fondation d’une asso-
ciation philantbropique intitulée :
Société des amis des nécessiteux.
PERTUSATI (le comte FRan-
çois), né à Milan, le o mai 1741 ,
était fils d’un sénateur de cette
ville. Il fut élevé chezles Jésuites,
et porta mème quelque temps leur
habit ; mais il les quitta ensuite,
€ 08
et
sans cesser de leur être attaché.
Il se maria en 1772; l'éducation
de ses enfans , des travaux litté-
raires , et la direction de quel-
ques œuvres de charité , rempli-
rent les loisirs du reste de sa vie.
C'était un homme entièrement
adonné aux pratiques religieuses :
il dirigeait entre autres, l’établis-
sement fondé à Milan, par un
prêtre nommé Palazzi, pour ré-
pandre des livres de morale et
de piété. Les Français ayant en-
vahi ia haute Italie en 1796, le
comte Pertusati fut arrêté à Milan,
transporté à Pavie, puis à Nice,
où il subit un exil de quelques
mois. En 17909, il fut obligé de
fuir pour se soustraire à de nou-
velles persécutions. Après avoir
habité successivement, Padoue
Level se.
PER
et Venise, il revint à Milan,
quand l'influence française fut
établie sans contestation dans cette
ville. Le comte Pertusati vit avec
joie les événemens qui ont placé
l'Italie sous le pouvoir de la Sainte
Alliance ; il accueillit avec satis-
faction, le rétablissement de la
compagnie de Jésus dans cette
portion de la catholicité. Il mou-
rut subitement , le 22 mai 1823.
— Onirouve une notice sur Fran-
cois Pertusati , dans les Mémoires
de religion, de morale et de littéra-
ture, publiés à Modène par lPabbé
Baraldi (en italien). Elle offre la
liste des ouvrages de cet écrivain,
parmi lesquels nous ne pouvons
citer que les suivans, tous tra-
duits du français en italien.
Extrait de la liste des ouvrages
de Fr. Pertusati.
I. La Consolation du Chrétien,
par le P. Roissard , jésuite.
II. Lettres de la duchesse de la
V allière.
III. Lettres du P. Gourdan sur
la constitution Unigenitus.
IV. Circonstances de la mort de
Voltaire.
Nous pensons que c’est l’ou-
vrage du P. Harel (V. son article
Annuaire Nécrologique de 1823,
pag. 176), intitulé : VoLTaIRE :
Recucil de particularités curieuses
de sa vie et de sa mort, 1781,
in-8., On sait que cet écrit contient
beaucoup d’inexactitudes
V. Ecole de la parfaite morale.
VI.Entretiens de l'âme avec Dieu.
VII. Le Chrétien en retraite.
VII. Le retour du cœur humain
à Dieu.
IX. Pensées chrétiennes tirées du
Trésor du chrétien, par labbé
Champion de Pontalier.
PIE 587
X. Pieux soliloques sur les souf-
frances deN.S.,parle P.Compans.
XI. Mentor des enfans , de
l’abbé Reyre.
XII. La Vérité défendue el prou-
vée par des faits, contre les calom-
nies anciennes et nouvelles Reggio,
1819.
C’est une apologie des jésuites,
dont l'original a été puslié en
français, en 1817, à Polocz, par
le P. Louis Rosaven, jésuite.
XIII. Fragmens historiques sur
Les horreurs de la Révolution.
C’est un extrait de la première
édition des Mémoires pour servir
à l’histoire ecclésiastique du dix-
neuvième siècle , par M.Picot.
XIV. Recueil d’articles traduits
duS pectateur Français, au dix-neu-
vième siècle, par Fabry.(V.son ar-
ticle Annuaire de 1820 ; p. 167).
XV. Exercices pour la commu-
nion , du P. Griffet.
XVI. Le Chrétien ratholique
fermement attaché à la religion, par
le P. Diesbach.
PIE VII (Grécoie-Louis-Bar-
NABÉ-CHIARAMONTI ) ; naquit à
Césène, dans la Romagne, le
14 août 1940, du comte Scipion
Chiaramonti et de Jeanne Ghini.
Sa famille, noble, mais peu
riche , se dit alliée de la maison
française de Clermont, originaire
de la Catalogne , ce qu’on induit
seulement de la ressemblance de
nom, et d’un ancien portrait con-
servé dans la famille de Pie VII,
qui porte l'inscription suivante :
« Simon de la famille française
» des Claramonti , répandue dans
»toute l'Italie. » Du reste, les
armes des deux familles n’offrent
aucun point de ressemblance. Le:
parens du jeune Chiar:monti,
qui professaient de
grands senti-
#
388 PIE
mens de piété, envoyèrent leur
fils faire ses études au collége
noble de Ravenne, A peine il en-
trait dans l’âge de l’adolescence ,
quand cédant à ses désirs, ils lui
firent prendre l’habit de l’ordre
de Saint-Benoît. Il fit son novi-
ciat au couvent de Sainte-Marie ,
de la réforme du Mont-Cassin , à
Césène. C’est dans cette maison
qu'il prononça ses vœux, le 20
août 1758, et à celte occasion,
ilajouta à ses prénoms celui de
Grégoire. Par une concordance
singulière, c’est à pareil jour ,
.soixante-cinq ans plus tard , que
Dieu l’appela à lui. Immédiate-
mentaprès sa profession, Chiara-
monti passa au monastère de
Sainte-Justine, à Padoue, où il
commença ses études théologi-
ques , qu’il alla terminer au col-
lége de Saint-Anselme , de Rome.
Après y être demeuré trois ans,
il fut rommé professeur de philo-
sophie au couvent de Saint-Jean-
de-Parme.Chiaramonti,au bout de
quelques années de résidence dans
cette ville, fut appelé à la chaire
de philosophie des novices, dans
le monastère de Saint-Paul exfrà
muros, à Rome. Quand il eut
terminé ce cours, On le fit retour-
ner au collége de Saint-Anselme,
le même où il avait achevé ses
études, pour y enseigner à son
tour, la théologie dogmatique. Il
s’y trouvait encore lors de l’ave-
nement de Pie VE au trône pon-
tifical, circonstance importante,
à cause des liens du sang qui unis-
saient sa famille à celle des Bras-
chi. En effet, les faveurs du nou-
veau pontife ne tardérent à venir
chercher l’humble bénédictin. Il
acheyait la neuvième année de
son cours de théologie, lorsqu'il
PIE
fut élevé à la dignité d’abbé dans
son ordre; qui donné rang à
Rome ; parmi la prélature, et en
confère les honneurs. Les con-
frères de Chiaramonti ne purent
voir sans envie son élévation , et
même il a circulé une anecdote
de tentative d’empoisonnement
dans une tasse de chocolat, qui
est loin de paraître avérée, mais
qui en Italie, ne se présente point
tout-à-fait, sousles couleurs d’une
invention romanesque. Chiara-
monti achevait sa quarantième
année, quand Pie VI le nomma
à l'évêché de Tivoli. Il sut se faire
aimer de son troupeau et défen-
dre contre les moines, les préro-
gatives que la loi du pays attri-
buait à sa dignité. Un marchand
avait obtenu de lui la permission
de vendre à la foire de San Lo-
ren20 , des gravures publiées à
l’occasion de la béatification de
Benoît Joseph Labre. Le vicaire
du Saint-Office, offensé de ce
qu’on ne s'était pas adressé à lui
pour obtenir cette permission ,
qu’il supposait de sa juridiction ,
fit arrêter le marchand. L’évêque
se rendit à Rome, et offrit sa dé-
mission , si on ne lui rendait jus-
tice. Il t’obtint ; le dotninicain fut
exilé de Tivoli et remplace par un
autre.
Le 14 février 1785, l’évêque de
Tivoli fut créé cardinal, et trans-
féré en même temps, au siége d'T-
mola, dans la Romagne, à Ja
place du titulaire qui venait de
mourir, le cardinal Bondi , oncle
maternel de Pie VI. Chiaramonti
passa quinze ans sur ce second
siége , au milieu des circonstances
les plus difficiles, conservant la
réputation d’un prélal plein de
modération et de charité. En
PIE
ir596, le traité de Tolentino dé-
tacha Tivoli des Etats-Romains,
pour l’incorporer à la République
cisalpine. Cette cession de terri-
toire , arrachée sans doute par la
violence, comme il arrive presque
toujours, était au moins quant
aux formalités extérieures, con-
forme au droit qui régit les na-
tions civilisées, dans leurs rela-
tions réciproques. Ainsi, sous
aucun rapport, l’évêque d’Imola
ne peut être blâmé de s’être sou-
mis à un traité, consenti et signé
au nom de son souverain légi-
time. Une conduite opposée eût
été peu convenable à son minis-
tère. Celle qu’il observa , en pré-
chant la soumission au gouverne-
ment républicain, dans une ho-
mélie devenue célèbre, lui gagna
la confiance des généraux français,
et sans doute, épargua à son trou-
peau beaucoup de malheurs. Ce-
pendant les succès des Austro-
Russes éloignèrent bientôt nos
armées du cœur de PlItalie; et
précisément dans cet intervalle,
la chaire de Saint-Pierre vint à
vaquer, par la mort de Pie VI,
arrivée à Valence, le 29 août
1799. Venise fut le lieu désigné
par la politique autrichienne ,
alors dominante en Italie, pour
procéder à l’élection du nouveau
pape. Les cardinaux s’acheminé-
rent à cet effet, vers le couvent
des moines cassiniens de Saint-
Georges-le-Majeur, situé dans
cette ville, et qui avait été dis-
posé pour la tenue du conclave.
On raconte que l’évêque d’Imola
se trouvait alors réduit par les
malheurs du temps , à un tel état
de gène, qu’il fut obligé d’em-
prunter à un jeune seigneur ro-
main , de quoi subvenir aux frais
PIE 989
du voyage, service qu'il aurait
reconnu plus tard, en concédant
à son créancier la ferme lucrative
de la mouture dela ville de Rome.
Le nombre des cardinaux réunis
pour l'élection du nouveau pape,
se trouva être de trente-cinq,
nombre considérable , puisque le
complet du sacré collége n’est
que de quarante. Les deux tiers
des voix sont requises pour con-
sommer l'élection du pape. A lPou-
verture du conclave, les suffrages
se partagérent inégalement entre
deux candidats. Le cardinai Belii-
somi, évêque de Césène, natif de
Pavie, réunissait vingt-deux voix ;
le cardinal Mattei, romain, ar-
chevêque de Ferrare, avait les
treize autres. Le premier était
porté par la faction de l’ancien
pape, qui s'était naturellement
donné pour chef le cardinal Bras-
chi, neveu du pontife défunt.
Cette faction se présente inévita-
blement à chaque conclave. Il est
naturel que ceux qui tenaient le
pouvoir veuillent prendre des
mesures pour s’en assurer la con-
tinuation. Cette fois, la faction
de l’ancien pape dut se trouver
puissante , Pie VI ayant, durant
vingt-cinq ans de pontificat , re-
nouvelé presque en entier , le
sacré collége. Les deux seuls car-
dinaux qui restaient alors, de la
création de Benoît XIV, les car-
dinaux Albani et d’York, se dé-
clarèrent aussi en faveur de l’é-
vêque de Césène, en sorte qu’au
premier scrutin, il ne lui manqua
que deux voix pour être élu. Le
cardinal Antonelli était chef de
la faction opposée , qui se compo-
sait principalement des mécon-
tens du dernier règne : ils ne
réunissaient que treize voix, mais
40 PIE
elles furent opiniâtres durant deux
mois, à se refuser au cardinal
Bellisomi, sans que de leur côté,
le cardinal Mattei, qu'ils por-
aient, pût en acquérir une seule.
Mattei était remain, et les cardi-
naux romains ont pour maxime
de ne point élire parmi leurscom-
patriotes , de peur du népotisme.
Bellisomi était évêque de Césène,
patrie des Braschi, et cela faisait
craiudre qu’il ne fût enticrement
à leur dévotion. Quand il fut re-
connu que ces objections ne pou-
vaient être résolues, on essaya,
suivant l’usage , de disperser les
voix, pour arriver à foriner une
majorité. Les cardinaux Valenti ,
Antonelli, Albani, réunirent un
certain nombre de suffrages, mais
inférieur toutefois , à ceux qu’a-
vaient réunis les deux premiers
compétiteurs ; la balance était
prête à pencher en faveur du-dacte
cardinal Gerdil, lorsque le car-
dinal Hertzan , qui avait le secret
de l’Autriche , lui donna l’exclu-
sion , à cause qu'il était né sujet
du roi de Sardaigne. Cet incident
inattendu vint de nouveau para-
lyser les opérations du conclave,
et les cardinaux en furent d’au-
tant plus péniblement affectés,
qu’à la fatigue que leur faisait
éprouver la longueur de l’élec-
tion , se joignaient les rigueurs de
l'hiver, au milieu des humides
lagunes de Venise. Ce double
motif fut favorable au cardinal
Bellisomi; le peu de voix qui lui
manquaient annoncerent l’inten-
tion de se détacher du parti d’An-
tonelli, et son élection parut as-
surée. Mais quoique le cardinal
Hertzan fût lui-même un des
transfuges du parti d’Antonelli,
il ne voyait qu'avec peine le
PIE
triomphe du candidat de ses ar
ciens adversaires. Ilimaginaqu’en
diférant le scrutin définitif, et
par suite la proclamation du nou-
veau pape, il pourrait amener
quelque changement capable d’e-
carter Bellisomi.En conséquence,
il fit observer que le conclave se
tenant dans une ville des états de
l’empereur d'Autriche, et ce mo-
narque ayant dans cette occasion,
montré pour le sacré collége.
toutes sortes d'égards et de défé-
rences, la politique exigeait,
dans la situation présente de l’1-
talie, aussi bien que les conve-
pances, qu'avant d’être proclamé,
le choix définitif du conclave fût
communiqué à l’empereur par un
courrier. Il ajoutait que l’appro-
bation de S. M. Apostolique lui
semblait présumable, le candi-
dat étant natif de Pavie, ville du
duché de Milan, et par consé-
quent des anciens états autii-
chiens. Un courrier fut done en-
voyé à Vienne; mais plus de six
semaines s’écoulérent sans que le
conclave reçût aucune réponse.
Ce retard rendit le courage au
parti d’Antonelli, et il manœuvra
si bien, que non-seulement il
enleva à Bellisomi les voix qu’il
avait gagnées , mais encore quel-
ques-unes de celles qu’il avait
eues depuis l’origine. Cependant
le candidat du parti Antonelli ne
se trouvait pas pour cela, dans
une position plus avantageuse,
et jamais il ne put parvenir à
réunir les voix qui lui manquaient.
On se vit donc forcé derechef, à
chercher un candidat étranger aux
deux partis, qui luttaient si opi-
niâtrément.
C’est alors que pour la première
fois , le nom de Chiaramonti fut
PIE
prononcé.Ses titres à la faveur du
sacré collége étaient de plusieurs
sortes. IL avait passé de longues
années loin de Rome , sans par-
courir les charges diverses du
gouvernement; ce précédent vaut
l’avantage au candidat à la tiare,
de ne s’être acquis ni ennemis ni
envieux ; en même temps que
tous les ambitieux peuvent se
flatter de s'emparer du nouveau
règne. Né à Césène, il était allié
à la famille Braschi , et toutefois,
son caractère modeste et circon-
spect le faisait paraître peu re-
doutable aux Antonelli, Ces con-
sidérations jointes à la lassitude
de l’assemblée , formèrent la ma-
jorité en faveur de celui auquel
personne n’avait d’abord songé,
ainsi que cela arrive souvent, et
le cardinal Chiaramonti fut élu
pape , le 14 mars 1800. Il prit le
nom de Pie VIT, et se fit couron-
ner le 21 du même mois.
Pie VII s’empressa de se ren-
dre à Rome , malgré les conseils
d’une politique timide ou inlé-
ressée qui linvitait à prolonger
son séjour à Venise , sous la pro-
teclion de l’Autriche , jusqu’à ce
que le séjour de Rome n’offrit plus
aucune des chancessi cruelles que
venait de subir son prédécesseur.
Mais Rome est la ville papale ;
c'est là que saint Pierre fonda sa
chaire ; c’est là que depuis bien-
tôt deux mille ans, le ciel et la
terre sont accoutumés à voir le
point central de l'Eglise catho-
lique. Pie VIT ne balança pas; il
partit pour Rome, où il fit son
entrée solennelle, le 3 juillet
1800. La cérémonie de la prise
de possession n’eut lieu que le
24 novembre de l’année suivante.
La première chose qu’eut à faire
PIE 991
le nouveau souverain , ce fut de
se choisir un ministre. Peu connu
des hommes d’état romains, illes
connaissait encore moins lui-
même. Dans cetie incertitude , il
- confia provisoirement la secré-
tairerie d’état au prélat Consalvi,
qui, ayant été secrétaire du con-
clave, ne lui était plus entière-
ment inconnu. Le hasard cette
fois , se montra éclairé. Le nou-
veau ministre dépassa les espé-
rances que son maitre pouvait
avoir conçues de lui. Il fut autant
habile que dévoué. Aussi, quoique
d’après les habitudes de la cour
romaine, le prélat eût encore
plusieurs années à voir s’écouler,
avant d'atteindre à la pourpre, le
Pape lui donna le chapeau au
bout de quelques mois, en lui
conférant définitivement Ja secré-
tairerie d’état. Humble , sobre et
pieux, Pie VII ne tarda pas à
manifester son désintéressement
personnel en même temps que
son zèle pour la gloire de l'Eglise.
Plus tard et en d'importantes oc-
casions , la bonté naturelle de son
esprit, la force des choses et
l'expérience des affaires , lui ap-
rirent à régler ce zèle suivant la
science. Ses parens éprouvèrent
les premiers sa consciencieuse sé-
vérité. Le comte Grégoire Chia-
ramonti son frère, continua de
vivre à Bologne dans l’obscurité ,
ayecune pension de cent cinquante
écus romains par mois. Un des
neveux du Pape, orphelin, etau-
quel il était d’ailleurs fort atta-
ché, reçut une modique somme
d'argent pour acheter une terre à
Césène ; son mariage ayant été
arrêté avec une fille du prince
Barberini, il n’obtint pas la per-
mission de veuir à Rome, et les
62
noces furent célébrées modeste-
ment à Spolette.
L'administration de Pie VIT
ne mérita pas moins d’éloges
que sa conduite intérieure ; il
rétablit l’ordre, par l’économie ,
dans les finances de l'état, que les
prodigalités ou les malheurs de
ses prédécesseurs avaient laissé
tomber dans une grande déca-
dence ; la bulle Post diuturnas ,
du 30 des kalendes de novembre
(5a octobre 1800), contient des
règlemens très-sases sur ladmi-
nistration civile et l’organisation
judiciaire. Enfin, la religion et
Fhumanité durent applaudir, lors-
qu’il prit F prétexte des immunités
ecclésiastiques , pour sauver un
évêque et plusieurs prêtres, de la
sanglante réaction que la cour de
Sicile exerçait sur Naples. Un
homme d’état de France (M. Fa-
bre de l’Aude), alors président
du Tribunat , haranguant le Pape
lui-même , a retracé, en ces
termes, les bienfaits de son admi-
nistration temporelle : « V. S.,
disait l’orateur, a réduit les dé-
penses de tous les palais aposto-
liques ; sa table, son entretien ,
ses dépenses personnelles ont été
réglées comme celles du plus
simple particulier... L’agricul-
ture, le commerce et les beaux-
artsreprennent dans Pétat romain,
leur ancienne splendeur. Lescon-
tributions qu’on y prélevaitétaient
arbitraires, multipliées, mal ré-
parties; V. S. les a remplacées
par un système uniforme et mo-
déré de contributions foncière et
personnelle, toujours suffisant
dans un pays auquel sa situation
n’impose point la nécessité d’un
grand état militaire, et où une
sévère économie règne dans les
PIE
dépenses. Les Privilèges et les
exceptions ont été abolis; depuis
le prince jusqu’au dernier sujet ,
chacun paie en proportion de son
revenu. Le cadastre des provin-
ces ecclésiastiques commencé en
1579, et celui de l’agro romano,
entrepris par Pie VI, votre auguste
prédécesseur, sont terminés et
ont recu la perfection dont ils
étaient susceptibles. Un bureau
des hypothèques a été organisé,
et la bourse des capitalistes est
ouverte aux propriétaires mal-
aisés. Des primes ont été accor-
es à ceux qui formeront des
établissemens d’agricullure et des
plantations; la campagne de
Rome, depuis long-temps incuite
et stérile , sera bientôt couverte
de bois, comme dans le temps de
la splendeur romaine; une loi
oblige les grands propriétaires à
mettre leurs terres en culture, ou
à abandonner pour une modique
redevance , celles qu’ils ne pour-
ront faire travailler; enfin, le des-
séchement des marais Pontins, en
rendant à lPagriculture de vastes
terrains, PES RE à la salu-
brité de l’air et à l'accroissement
de la population de cette partie
de l’Etat romain. Le commerce
a besoin pour prospérer d’être
dégagé de toutes les entraves de
la fiscalité et de ce système des-
tructeur, de gènes et de prohibi-
tions; il ne être libre comme
l'air: V.S. a proclamé hautement
la liberté du commerce. — Les
monnaies de faux et de bas aloi,
sources de discrédit et d’immo-
ralité, ont été remplacées par une
monnaie réelle, — Des manufac-
tures de laines, des filatures de
coton, sont établies à Rome et à
Civita-Vecchia, pour les indi-
PIE
gens des hospiles caméranx...….
V. S. a ordonné des fouilles à
Ostie et sur le lac Trajan.... tous
les chefs-d’œuvre dispersés et ra-
chetables, sont rachetés par elle.
l'arc de Septime-Sévère est
décombré et la voie capitoline
retrouvée... tels sont les bien-
faits qui distinguent le règne pa-
ternel de V. S. jusqu’à ce jour
mémorable , etc. »
Toutefois, cette première pé-
riode du règne de Pie VIT fut
marquée par des actes, qui ne
semblaient pas annoncer le pontife
si longanime et si facile aux con-
cessions nécessaires, que nous
avons vu depuis. Les allocutions
de Venise ressuscitaient des maxi-
mes ultramontair.es, qui ne paru-
rent jamais plus intempestives.
Elles contenaient des apostrophes
assez dures aux philosophes et
aux révolutionnaires, deux enne-
mis que l’Eglise ne peut eombat-
tre avee succès, que par la double
puissance de la prière et de la
charité. Enfin, Pie VII ne crai-
gnit pas de relever cette société
redoutable, suspecte, et que
Clément XIV avait dissoute, à la
demande de l’Europe chrétienne.
Il accorda Les Jésuites à l’empres-
sement fanatique des cours de
Russie et de Sicile. On sait qu’en
1815 , il les rétablit en Espagne
et dans ses propres états. Ces di-
vers actes qui paraissent sortir de
la mesure de circonspection du
caractère de Pie VIT, obtiendront
difficilement l’approbation de la
postérité.
Bonaparte poursuivant son des-
sein de restaurer à son profit, l’an-
cienne monarchie française , ou-
vrit, du champ de bataille de
Marengo, les premières négocia-
PIE 505
tions du concordat, qui devait
refaire en France, de la religion
catholique , une institution natio-
nale. Il n’aurait pas été impossi-
ble de réconcilier Rome avec l’é-
glise de la Révolution. Des négo-
ciations ébauchées ous Pie VE, à
l’époque du traité de Tolentino ,
et dont on a pu vérifier les pièces
pendant le temps que les archives
du Vatican ont séjourné à Paris,
à l’hôtel de Soubise, élèvent cette
-possibilité au-dessus des simples
hypothèses. Mais tel n’était pas
le vœu de Bonaparte; il voulait
l’église de l’ancienrégime, comme
la monarchie de la même époque.
Les changemens qu’il exigea se
bornèrent à substituer ses créa-
tures aux créatures des Bourbons.
Par le concordat conclu entre les
plénipotentiaires des consuls de
la République française et ceux
du Saint-Siege apostolique , lé-
glise gallicane rentra dans la com-
munion extérieure de Rome ;
mais ce fut au prix de la plus im-
portante de ses libertés : lindé-
pendance et l'inamovibilité de
ses premiers pasteurs. Ils fu-
rent tous révoqués par un bref
aposiolique , acte de pouvoir ex-
oxbitant, dont l’histoire ecclé-
siastique n’offre pas un autre
exemple. Aussi, quarante évêques
émigrés environ ; protestèrent
contre cette violation du droit
antique , et leur résistance, que
la mauvaise fortune n'avait pu
lasser, n’a cédé définitivement
qu'après la Restauration, lorsque
les faits accomplis ont dû leur
paraître irrevocables, et quand
l’assentiment universel des diver-
ses églises de la catholicité est
venu leur prouver, Contraire-
ment aux imaximes du droit vul-
594 PIE
gaire , que le temps et la néces-
sité sanctionnent et régularisent
dans l’ordre politique, ce qui
n’offre bien souvent dans la théo-
rie qu’une légitimité équivoque.
Le concordat fut signé à Paris,
le 15 juillet 1801 , par le cardinal
Consalvi, l'archevêque de Co-
rinthe , et le père Caselli, de la
part du Saint-Siége; par Joseph
Bonaparte, le conseiller-d’état
Cretet , et l’abbé Bernier, ecclé-
siastique vendéen, du côté de la
République française. La bulle
de ratification est datée du 18 des
calendes de septembre (14 août)
de la même année. Gette pièce
est remarquable. Elle constate
d’abord que les premières ouver-
tures vinrent de la part du pre-
mier Consul; elle reconnaît en-
suite, la validité du gouvernement
républicain, en autorisant les
évêques nouvellement institués à
lui prêter un serment pareil à
celui qu’ils auraient dû prêter au
monarque, dans l’ancienne mo-
narchie ; elle substitue dans la
prière publique, la formule Domine
salvam fac Rempublicam, à l'an-
tique formule monarchique ; elle
reconnaît expressément dans Île
premier Consul «les mêmes droits
»et priviléges dont jouissait près
sdu Saint-Siège l’ancien gouver-
» nement. » Quant aux biens con-
fisqués sur le clergé , la bulle
s'exprime en ces termes : « Per-
»séyérant dans notre résolution
» de faire pour le bien de l'unité,
»tous les sacrifices que la religion
» peut permettre , et de coopérer
»autant qu’il esten nous, à la
vtranquillité des Français, qui
Ȏprouveraient de nouvelles se-
»cousses , si l’on entreprenait de
» rédemander les biens ecclésias-
PIE
\
»tiques; voulant surtoutque l’heu-
»reux rétablissement de la reli-
»gion n’éprouve aucun obstacle ,
» nous déclarons , à l’exemple de
» nos prédécesseurs, que ceux qui
» ont acquis des biens ecclésiasti-
»ques en France, ne seront trou-
»blés ni par nous, ni par nos
» successeurs , dans leur posses-
»sion ; et qu’en conséquence , la
» propriété de ces mêmes biens,
» les revenus et droits y attachés,
» demeurerontincommutables en-
tre leurs mains ou celles de leurs
»ayant-causes. » — Enfin, une
disposition particulière promet la
régularisation canonique de l’état
des prêtres mariés, en les écar-
tant toutefois de l’exercice du sa-
cré ministère. « Nous ne voulons
» pas qu’on regarde comme étran-
» gers à notre sollicitude et à no-
»tre amour paternel, les ecclé-
»siastiques qui, après la recep-
»tion des ordres sacrés , ont
» contracté mariage ou abandonné
» publiquement leur état. Nous
»suivrons à leur égard, confor-
»mément au désir du gouverne-
»ment , les traces de notre pré-
» décesseur le pape Jules IIT,
» d’heureuse mémoire, comme il
» est pourvu à leur salut par notre
» bref de ce jour. »
Considéré sous son double ca-
ractère d’acte politique et d’acte
religieux, le concordat de 1801
est tout à l’avantage du pontife
romain et du chefde l’église uni-
verselle. Au prix de quelques
concessions, que le temps devait
affaiblir ou détruire, la France se
trouva redevenue Île royaume
très-chrétien,et l’évêque de Rome,
le dictateur de la catholicité. Le
gouvernement français lui-même
sentit presque immédiatement ,
PIE
que lautorité civile avait en cette
occasion , fléchi devant l'autorité
ecclésiastique : il voulut reven-
diquer ses droits; et tel fut le but
de la loi du 18 germinalanX,
connue sous la dénomination
d'articles organiques du concordat.
On ne pouvait manquer d’être
mécontent à Rome de cette es-
pèce de rétractation , et le Pape
s’en plaignit de sa propre bouche,
dans uneallocution officielle. Lors
des démêlés survenus plus tard,
on n’a pas manqué de revenir sur
ce premier grief. Il faut croire
cependant que le mécontentement
du Pape ne fut pas trop profond,
puisqu'il se décida peu après, à
faire le voyage de Paris, afin de
présider lui-même à la cérémo-
nie religieuse du sacre de Napo-
léon.
Cette fois encore , ce fut de la
part du chef du gouvernement
français que partit la première
invitation. Il eût été plus con-
forme aux idées d'indépendance
et de patriotisme national de la
vicille monarchie , qu’un évêque
français présidät à cette cérémo-
nie; mais le siége de Reims,
l’abbaye de Saint -Nicaise , la
Sainte-Ampoule n’existaient plus;
les traditions du sacre royal
étaient perdues ou du moins effa-
cées , et Napoléon pensait que
Fonction du pontife romain, le
revêlirait aux yeux des peuples,
d’un prestige plus imposant que
celui qu’il pourrait recevoir de la
main d’un de ses sujets. À Rome,
la proposition de sacrer un roi de
France fut accueillie comme un
triomphe inespéré , et les cendres
d’Hildebrand en tressaillirent au
fond du tombeau. Napoléon ne pa-
rut pasd’abord se douterde cepoint
PIE 595
de vue de la question ; trop épris
qu'il était de la pompe des céré-
monies : d’ailleurs, en toute chose,
se reposant définitivement surson
épée. Au reste, à Rome comme
à Vienne, comme à Pétersbourg ,
comme à Madrid, comme à Ber-
lin, les droits de l’ancienne dynas-
tie paraissaient alors totalement
oubliés. Pie VII partit de sa ca-
pitale le 2 novembre 1804. 11 ar-
riva à Fontainebleau le vingt-
quatrième jour de son voyage.
Napoléon était allé au-devant de
lui jusqu’à la croix de Saint-Hé-
rem, rendez-vous de chasse de
la forêt. Les deux souverains
s’embrassèrent; mais on remar-
qua dès lors, qu’une certaine Ge-
fiance réglait l'étiquette de leurs
démarches respectives. Le Pape
entra à Paris le 28 novembre, et
fut logé aux Tuileries , au pavillon
de Flore. S. S. fit la première
visite à l'Empereur, qui la lui
rendit. Elle reçut ensuite les féli-
citations des grands corps de l’é-
tat. La cérémonie du sacre eut
lieu , avec une grande pompe,
dans la basilique métropolitaine
de Notre-Dame. Pie VIT se trouva
rendu au pied de lautel une
heure avant Napoléon; et c’est
Napoléon lui-même qui prit la
couronne sur lPautel et qui de sa
main, la posa sur sa tête ; il cou-
ronna pareillement l’impératrice
son épouse (1). Après quatre mois
de séjour à Paris, le 4 avril1805,
Pie VII reprit la route de Rome.
Toutes les fois qu'il s’était mon-
(1) On sait que David a fait de cette
cérémonie, le sujet d'un grand tablean
qui a été gravé à l'aqua-ttnta par
M. Jazet.
tré en public il avait reçu les
témoignages facilement prodi-
gués en France, de l’amour et
du respect. Il ÿ avait répondu
souvent, ayec une bonté naturelle
qui avait paru pleine de grâces.
Mais le but politique de son
voyage n’était pas atteint. Il s’é-
tait flatté d'obtenir de Napoléon
la restitution intégrale des an-
ciens états de l’Eglise et la réfor-
mation de plusieurs articles or-
ganiques du concordat. Napoléon
avait toujours évité d’entrer dans
aucune explication directe avec
le pontife ; et les instructions don-
nées àses ministres n’étaient point
favorables aux concessions. On se
quitta donc plus froidement qu’on
ne s'était abordé ; et le Pape évita
d'aller sacrer roi d'Italie à Milan ,
celui qu’il venait de sacrer empe-
reur des Français , à Paris.
Bientôt vont commencer les
longs et cruels démêlés du Pape
et de Napoléon : leur histoire est
toute à l’avantage du pontife : elle
forme la portion brillante de sa
vie : elle protégera sa mémoire
et en grandira le souvenir. Car
Pie VIlLeut pour lui la justice, le
courage et la modération. Napo-
léon se précipita , au contraire ,
dans tous les torts que l’irritation
fit naître sous ses pas. Sans motif
et sans déclaration de guerre ,
uniquement par le droit inique de
la force , il envahit un état faible ,
paisible , inoffensif et naturelle-
ment neutre. Ses agens, imbus
de sa colère , compromirent son
autorité, en portant la main jus-
que sur la personne d’un portife ,
que le monde avait appris de lui-
même , à entourer de ses hom-
mages, et qui venait de lui prodi-
guer tout à l’heure , les démous-
PIE
trations d’une amitié quasi pater-
nelle. Pie VIE fut grand dans
l’adversité , car il fut calme et
inébranlable ; enseignant par son
exemple aux plus grands comme
aux plus humbles, qu’il est des
choses que la violence la plus
énergique n'obtient pas, même
des hommes les plus faibles et les
plus doux. SET
Le 29 mai 1805, Pie VII était
rentré dans sa capitale. Six mois
n'étaient pas écoulés que les trou-
pes françaises, en se retirant du
royaume de Naples, occupèrent
à l’improviste , la ville et le port
d’Ancone. Le Pape écrivit direc-
tement à Napoléon une letire
autographe, pour se plaindre de
cette étrange usurpation : elle
était conçue en ces termes :
« À notre très-cher fils en J. C.
salut et bénédiction apostolique,
» C’est avec toute la franchise
de notre caractère que nous dé-
clarons sans détour , à V. M. que
l’ordre qu’elle a donné au général
Saint-Cyr,d’occuper Ancone avec
les troupes françaises et de faire
approvisionner la place, nous a
occasioné autant de surprise que
de douleur , tant par la chose
elle-même que par la manière
dont elle a été faite ; V.M. n'ayant
pas même daigné nous en pré-
venir d'avance. Nous ne pou-
xons dissimuler en effet, que c’est
avec une sensible affliction que
nous nous voyons traiter d’une
manière que nous ne croyons
mériter sous aucun rapport. No-
tre neutralité étant reconnue par
vous, ainsi que par toutes les
puissances, et étant pleinement
respectée par elles, nous nous
tenions bien assuré que ce ne
serait pas par Y. M. qu’elle serait
PIE
violée la première. Nous croyons
avoir des motifs particuliers pour
penser que les sentimens d'amitié
qu’elle noustémoignait nous met-
traient à l’abri d’un pareil désagré-
ment, Nous voyons que nous
nous étions trompés. — Nos états
exposés à devenir le théâtre de la
guerre, les dangers et les pertes
dont nos sujets sont menacés,
notre honneur compromis aux
yeux du public, sont des épines
aiguës qui nous percent le cœur.
Depuis l’époque de votre re-
tour à Paris, nous l’avouerons
franchement, nous n’avons éprou-
vé qu’amertume et déplaisir, tan-
dis que la connaissance person-
nelle que nous avions faite de
V. M. et la conduite que nous
avons constamment tenue ,; sem-
blaient devoir nous promettre le
contraire. En un mot, nous ne
sommes pas traités en retourpar
V. M., comme nous étions en
droit de l’attendre. Nous le res-
sentons vivement; et, quant au
fait en question , nous disons sin-
cérement que nos obligations en-
vers nos sujets et les puissances
belligérantes , entre lesquelles
nous voulons garder une entière
neutralité, nous forcent à de-
mander à V. M. l'évacuation
d’Ancone, en observant que si
elle est refusée, nous ne voyons
pas de quelle manière nous pour-
rions honorablement maintenir
nos rapports avec le ministre de
V. M. à Rome, puisque ces rap-
ports seraient en contradiction
avec le traitement que nous con-
tinuerions à recevoir de V. M. à
Ancone. — Que V. M. veuille
bien se persuader qu’en lui écri-
vant cette lettre, nous accomplis-
sons un devoir pénible pour notre
PIE 307
cœur; Mais nous ne pouvons ni
dissimuler la vérité, ni manquer
aux obligations qui nous sont im-
posées. Nous nous flattons cepen-
dant qu’au milieu de tant de dou-
leurs qui nous affligent, V. M.
voudra bien nous délivrer decelle
qu’il dépend de sa seule volonté
de nous épargner. Sur quoi, nous
lui donnons de tout notre cœur,
notre bénédiction paternelle et
apostolique. — Donné à Rome,
près de Sainte-Marie-Majeure ,
ce 13 novembre de l’an 1805, et
de notre pontificat le 6°.
J Par P'P.NIT.»
Le S. P. attendit long-temps
la réponse à une lettre aussi pleine
à la fois d'abandon et de dignité.
Ce ne fut qu'après la bataille
d’Austerlitz et la paix de Pres-
bourg, que, de retour à Munich,
Napoléon écrivit au Pape la lettre
suivante :
« Très-Saint Père,
» Je reçois une lettre de V, S.
sous la date du $ novembre. Je
n'ai pu qu'être vivement affecté
de ce que, quand toutes les puis-
sances à la solde de l'Angleterre
s'étaient coalisées pour me faire
une guerre injuste, V. S. ait
prêté l’oreille aux mauvais con-
seils et se soit portée à m'écrire
une lettre si peu ménagée. Elle
est parfaitement maitresse de
garder mon ministre à Rome ou
de le renvoyer. L’occupation
d’Ancone est une suite immédiate
et nécessaire de la mauvaise or-
ganisation de l’état militaire du
Saint-Siège. V. S. avait intérêt à
voir cette forteresse plutôt dans
mes mains que dans celles des
Russes, des Anglais, des Turcs.
V.S. se plaint que depuis son re-
598 PIE
tour de Paris elle n’a eu que des
sujets de peine. La raison en est
que depuis lors, ceux qui crai-
gnaient mon pouvoir et me té-
moignaient de l’amitié ont changé
de sentiment, s’y croyant autori-
sés par la force de la coalition ;
et que depuis le retour de V. S. à
Rome, je n’ai éprouvé que des
refus de sa part, sur tous les ob-
jets, même sur ceux qui étaient
d’un intérêt du premier ordre
pour la religion : comme, par
exemple, lorsqu'il s'agissait d’em-
pêcher les protestans d'élever la
tête en France. Je me suis consi-
déré comme le protecteur du
Saint-Siége, et, à ce titre, j'ai
occupé Ancone. Je me suis con-
sidéré , ainsi que mes prédéces-
seurs de la seconde et de la troi-
sième race, comme le fils aîné de
l'Eglise, comme ayant seul Pépéc
pour la protéger et la mettre à
l'abri d’être souillée par les Grecs
et par les Musulmans. Je proté-
gerai constamment le Saint-Siége,
malgré les fausses démarches,
l'ingratitude et les mauvaises dis-
positions des hommes qui se sont
démasqués pendant ces trois mois.
Ils me croyaient perdu : Dieu a
faitéclater , par le succès dont il
a favorisé mes armes, la protec-
tion qu’il a accordée à ma cause.
Je serai l’ami de V. S. toutes les
fois qu’elle ne consultera que son
cœur et les vrais amis de la reli-
gion. Je le répète, si V. S. veut
renvoyer mon ministre, elle est
libre de le faire. Elle est libre
d'accueillir de préférence et les
Russes et le calife de Constanti-
nople. Mais ne voulant pas expo-
ser le cardinal Fesch à ces avanies,
je le ferai remplacer par un sécu-
lier. Aussi bien, la haine que lui
PIE
porte le cardinal Consalvi est
telle ,; qu’il n’a constamment
éprouvé que des refus, tandis que
les préférences étaient pour les
Autrichiens et pour lies Russes.
Dieu est juge qui a le plus fait
pour la religion de tous les prin-
ces qui règnent. — Sur ce, je
prie Dieu, T. S. P., qu’il vous
conserve longues années au gou-
vernement de notre mère la sainte
Eglise. — À Munich, le ; janvier
1806. —Votre dévot fils , l’'Empe-
reur des Français, roi d’ftalie,
» NAPOLÉON. »
Ces deux lettres suffisent déjà
pour indiquer de quel côté vont
se trouver, dans ces pénibles dé-
mêlés, la justice ou la violence,
l’'emportement ou la longanimité,
la raison ou le délire.On croit voir
en action, l’apologue du loup et
de l'agneau. Le Pape répliqua de
point en point , aux griefs imagi-
naires de Napoléon ; par une
nouvelle lettre autographe, sous
la date du 29 janvier 1806. On y
voit briller la même bonne foi
dans la discussion, la même mo-
dération dans le langage. Napo-
léon consentit encore, à répondre
directement à cette seconde lettre,
mais ce fut pour la dernière fois.
Une correspondance simple et
franche devait l’embarrasser. Il
donna pour prétexte de son refus
d'entretenir désormais des rela-
tions directes avec le pontife, que
l’on communiquait ses lettres à
la diplomatie étrangère. La se-
conde lettre de Napoléon, datée
du 13 février 1806, demandait
expressément la rupture de la
neutralité, par le renvoi des mi-
nistres de toutes les puissances
belligérantes, résidens à Rome :
PIE
en outre, Napoléon élevait ouver-
tement la prétention à la suzerai-
neté de Rome, qu’il disait tenir
de Charlemagne, son prédéces-
seur; prétention, qui, dépouillée
aujourd’hui de la terreur qui l’es-
cortait alors, ressemble au rêve
d’un fou en délire. A la recep-
tion de la seconde lettre de Napo-
léon , contenant ses demandes pé-
remptoires, S. S. convoqua le
sacré collége, et après avoir pris
ses avis, il écrivit sa réponse,
dans laquelle tous les griefs de
Bonaparte étaient réfutés avec lo-
gique, clarté et simplicité. La
nécessité de l’indépendance poli-
tique du Saint-Siége pour le bien
de l'Eglise universelle ; la liaison
non moins indispensable, de cette
indépendance à sa neutralité per-
pétuelle ; l’avantage de cette neu-
tralité pour les catholiques rési-
dans dans les états dissidens; le
défaut absolu de fondement des
prétentions de Napoléon à la sou-
veraineté de l’état de l'Eglise,
même en consentant à le prendre
pour le successeur de Charlema-
gne : tous ces points s’y trouvaient
traités avec la clarté la plus par-
faite. Cette lettre longue et dé-
taillée, ne recut pour réponse
qu’une courte note du ministre
des affaires étrangères de France,
au légat résident à Paris, dans
laquelle on insistait avec les plus
fortes menaces , sur l’exécution
de tout ce qu’on avait demandé
précédemment. À la reception de
cette note, le S. P. ne put se
dissimuler que les griefs du gou-
vernement français et les préten-
tions qu’il mettait en avant, n’a-
vaient d’autre but que d’obtenir
des refus inévitables, afin d’en
prendre prétexte pour s'emparer
PIE 359
du patrimoine de saint Pierre. Le
Pape s’abstint donc désormais, d’a-
dresser lui-même d’inutiles ré-
pdnses; mais il continua ses re-
présentations par la voie diplo-
matique , et en joignit de nou-
velles sur de nouveaux procédés
du gouvernement français , tou-
chant les affaires ecclésiastiques.
C’est alors aussi qu’il commença
à laisser entrevoir la possibilité de
recourir aux armes spirituelles
qui dormaient dans ses mains.
Cependant les exigences et les
empiétemens des Français deve-
naient chaque jour plus flagrans.
On ayait promis de rembourser
les frais du passage des troupes
impériales dans l’état romain,
frais qui se montaient à des som-
mes considérables, et l’argent
n’arrivait jamais : les caisses pon-
tificales étant épuisées, il fallut
recourir à un emprunt forcé. Il
avait pour but de faire face aux
dépenses extraordinaires occasio-
nées au Pape par le gouvernement
français ; et ce gouvernement s’a-
visa de s’en plaindre, comme si
l'emprunt n’eûtété imaginé qu’a-
fin de le rendre lui-même odieux
à la nation: on partit de là pour
réclamer la communication de
la recette et de la dépense de l’é-
tat. L’intronisation de Joseph
Bonaparte à Naples, vint encore
créer un épisode embarrassant
au milieu de ces cruelles et dé-
goûtantes tracasseries. Pie VIT,
tidèle à défendre les prérogatives
et même les prétentions de ses
prédécesseurs , exigeait que, sui-
vant l’antique usage, le nouveau
roi de Naples recût l'investiture
du Saint-Siége et s'engageñt à
payer le tribut accoutumé. Napo-
léon s’y refusait : cet incident
4co PIE
donna lieu à une correspondance
diplomatique qui n’amena aucun
résultat. Joseph resta en posses-
sion du royaume de Naples, et le
Pape continua à lui en refuser
l'investiture.
Sur ces entrefaites, les troupes
françaises inondèrent de toutes
parts, l’état de l'Eglise, occupant
les villes situées sur la côte du
golfe adriatique. Enfin ; un jour,
un détachement français venu de
Naples, entra à Rome, annon-
çant qu'il allait tenir garnison à
Livourne; mais au milieu de da
nuit , le détachement prit la route
de Civita-Vecchia et en occupa le
port et la citadelle. Le $. P. pro-
tesia contre cette perfidie et fit
remettre par ses nonces, des notes
aux diverses puissances près des-
quelles ils résidaient, pour leur
déclarer que cette occupation s’é-
tait faite par la violence et sans
son consentement. Le Moniteur
apprit ensuite au Pape, sans avis
préalable , que Napoléon confis-
quait au profit d'autrui, les princi-
pautés de Bénévent et de Ponte-
Corvo. Bientôt les généraux fran-
çais s’emparèrent de la police et
de l'administration. Dans les pre-
miers jours de juillet 1866, le
général qui commandait à Ancône
enleva au colonel Braschi le com-
mandement des troupes pontifi-
cales, incorpora ces troupes dans
celles de France et leur donna le
titre de « troupes papales, au
» service de S. M. l’empereur des
» Français, roi d’Tialie. » Il ot-
donna aux percepteurs des impôts
d’en verser le produit dans les
caisses de l’armée française. En
attendant, le Pape restait inflexi-
ble sur le chapitre de la neutralité,
et Napoléon, vainqueur des plus
PIE -
\
puissans monarques , s’irritait en
lui-même des obstacles que lui
opposait un vieillard, avec le seul
aide de sa fermeté persévérante,
Après de longues négociations
tant à Paris qu’à Rome, mais
toujours sans résultat, le 2 février
1808 , le général Miollis exécuta
l’ordre qu'il avait reçu d’occuper
Rome militairement,en laissant au
Pape provisoirement.l’exercice du
pouvoir administratif. Depuis ce
jour et durant un espace de dix-huit
mois , les usurpations successives,
accompagnées quelquefois, des
procédés les plus violens, ne ces-
sérent d’abreuver d’amertume le
vénérable pontife. Le 7 avril, vers
six heures du matin , un détache-
ment de troupes françaises se
présenta à la grande porte du
palais pontifical. Le suisse qui
était de garde fit entendre à
officier qui commandait le déta-
chement, qu’il ne pouvait pas
permettre l'entrée du palais à des
gens armés, mais qu'il ne la lui
refuserait pas, s’il voulait entrer
seul. L’officier feignit de se con-
tenter de cette permission, et or-
donna aux troupes de s'éloigner
de quelques pas. Alors le faction-
naire ouvrit la petite porte, et,
pendant que l'officier y entrait ,
ses soldats, à un nouveau signal,
se jetérent sur le suisse, en lui
mettant la baïonnette sur la poi-
trine. Ayant pénétré par cette
ruse, dans le palais papal, le
détachement se rendit d’abord au
corps-de-garde de la milice du
Capitole, en enfonça la porte et
s’empara des carabines dont on se
servait pour monter la garde dans
une des antichambres du Pape :
il en fit de même aux gardes-
nobles. Pendant ce temps , un
PIE
autre officier français se rendait
chez le capitaine des Suisses,
pour lui déclarer qu’à compter de
ce jour, la garde suisse dépen-
drait des ordres du général fran-
cas; mais elle refusa d’obéir. La
garde sédentaire ayant suivi son
exemple , elle fut conduite toute
entière, au château Saint-Ange,
ainsi que les gardes-nobles et
leur commandant. Le motif de
cette nouvelle agression fut que
le commandant français ayant
laissé aux troupes incorporées la
cocarde qu’elles avaient coutume
de porter, le saint Père en avait
fait donner une nouvelle au petit
nombre de soldats qu’on lui avait
laissés, afin d’exprimer sa dés-
approbation de l'incorporation des
autres. Un ordre du jour français,
affiché à tous les coins de rue de
Rome et des villes de l’état ro-
main, signala cette nouvelle co-
carde comme un signe de rallie-
ment des ennemis de la France.
A tant de violence et d’hypo-
crisie, Pie VIT opposait une ad-
mirable fermeté de caractère’; il
écrivait aux évêques et aux curés
de son diocèse pour leur défendre
de chanter le Te Deum à l’occa-
sion de lusurpation française,
comme on prétendait l’exiger
d'eux ; il leur défendait expressé-
ment de prêter serment à l’empe-
reur Napoléon, et d'adopter les
lois françaises, en ce qu’elles
avaient de contraire à la discipline
de l’église romaine. En général,
sa voix fut entendue par le fidèle
clergé romain; aussi les persécu-
tions ne lui furent pas plus épar-
gnées qu'à son vénérable chef.
Elles commencèrent par les plus
fidèles et les plus immédiats ser-
viteurs du Pape. S. S. cédant aux
PIE hoi
instances réitérées du cardinal
Consalvi, qui, depuis que Na-
poléon avait manifesté du cour-
roux contre lui, avait sollicité sa
démission pour ne pas être la
cause ou le prétexte de nouvel-
les difficultés, l’avait remplacé
à la secrétairerie-d’état, par le
cardinal Gasoni. Ce cardinal
fut exilé sans ménagement, en
même temps que vingt de ses
collègues du sacré collége. Le S,
P. ne voulant pas considérer la
place comme devenue vacante
par l'effet de cette violence, nom-
ma le cardinal Gabrielli pro-se-
crétaire-d’état. Peu de temps après
deux officiers français se présen-
tent dans l’appartement du cardi-
nal , font apposer les scellés sur
le bureau où il conservait les pa-
piers d'état, placent une senti-
nelle devant sa porte et lui inti-
ment l’ordre de partir sous deux
jours , pour se rendre dans son
évêché. Il fut remplacé par le
cardinal Pacca. Trois mois n’é-
taient pasencore écoulés, que l’on
traitait pareillement le nouveau
ministre. Bénévent lui était assi-
gné pour exil. Cependant, comme
il demanda avant de partir, à
prendre les ordres du S. P., on lui
permit d'écrire un billet au Pape,
qui après l'avoir lu, descendit
lui-même dans l'appartement de
son ministre, lui défendit d’obéir
aux ordres de l'officier français,
et le prenant par la main, l’'amena
dans son propre appartement,
déclarant qu’on ne l’en arracherait
que par la violence.
On étaitau mois de septembre :
les notes que le Pape faisait re-
mettre tantôt aux commandans
français . tantôt aux ministres
étrangers, arrivaient au moins
26
402 PIE
par extraits, sous Îles yeux du
public, et entretenarent une ef-
fervescence qui donnait sans cesse
prétexte à de nouvelles vexations.
Le Pape à qui lPexpérience ne
pouvait pas laisser ignorer que
rien n’étaitsacré pourses geôliers,
faisait murer les portes de son
palais, garnir les fenêtres de bar-
reaux de fer, en un mot, fermer
toutes les voies par où l’on aurait
pu s’introduire dans l’intérieur de
sa résidence. La veille du premier
jour de l'an 1809, le général
Miollis, gouverneur de Rome,
ayant fait demander au $S. P. la
permission de venir lui rendre ses
hommages,le lendemain, avec son
état-major, S. S. fit répondre
qu'une profonde retraite conve-
nait seule à sa position présente;
mais qu’elle s’imposait à eile-
même une grande privation, en
s’interdisant de recevoir les ci-
toyens d’une nation pour laquelle
elle avait conservé le plus tendre
attachement. Cependant, les in-
quiétudes des chefs militaires qui
commañdaient dans Rome allaient
toujours croissant; l’enlèvement
du Pape en devint la conséquence.
Dans son exil, Bonaparte a voulu
rejeter l’odieux de cet attentat
sur celui qui en fut lexécuteur.
Mais personne de raisonnable ne
voudra croire qu’un général de
gendarmerie ait pris sur lui de con-
soruiner un acte qui ne pouvait
manquer d’avoir les plus grandes
conséquences.
Le Pape , informé d'avance
qu’on avait décidé d’employer
jusqu’à la violence pour l’arracher
de sa retraite ,avait donné l’ordre
que quand les portes seraient abat-
tues et tous les obstacles maté-
ricls renversés, les Suisses se
PIE
repliassent vers son appartement
sans faire de résistance. La veille
du jour fixé pour la consomma-
tion de lattentat, on avait fait
entrer à Rome trois mille hommes
de renfort, sous prétexte de leur
faire prendre le chemin de la
France. On se procura des échel-
les, et les troupes francaises,
ainsi que la garde civique, reçu-
rent l’ordre de se tenir sous les
armes. Dans la nuit du 5 au
6 juillet 1809, la vaste en-
ceinte du palais Quirinal fut
cernée et toules ses avenues
garnies de postes militaires. Vers
une heure’et demie du matin, le
général Radet, officier-général de
gendarmerie, donna le signal aux
troupes qui escaladèrent les murs
de trois côtés différens. Elles pé-
nétrèrent dans lintérieur du pa-
lais, à l’aide d’effractions : {es
Suisses posèrentlesarmes,comme
ils en avaient recu Pordre. Les
portes de l’appartement du Pape
s'étant trouvées fermées , elles
furent forcées. Le général Radet,
suivi de ses soldats , mais tenant
son chapeau à la main, entra dans
la chambre à coucher de S. S..Il
la trouva assise à son bureau,
revêtue de son costume de ville,
c’est-à-dire du rochet, du camail
et de l’étole. Le cardinal Pacce
était à ses côtés. — « Pourquoi
»venez-voustroubler ma solitude?
» dit le Pape au général français ;
»que voulez-vous... ? » — Le ge-
néral déclara qu'il venait pro-
poser au Pape pour la der-
nière fois, de la part de son gou-
vernement , l’abdication de sa
souveraineté temporelle, ajou-
tant qu’à cette condition , S. S.
pourrait rester tranquille à Rome.
Il lui remit en même temps , une
PIE
feuille de papier sur laquelle un
projet d’abdication était tracé. Le
saint Père levant les yeux au ciel
qu’il montrait de la main, répon-
dit au général : — « Je n’ai agi
»en tout, qu'après avoir consulté
» l'Esprit-Saint. et vous me met-
» trez en pièces avant que de m’o-
»bliger à rétracter ce que j'ai
fait. »—« Dans ce cas, lui dit
»le général, j'ai ordre de vous
»emmener hors de Rome.» Le
Pape se leva, mit son bréviaire
sous son bras et s’avança vers la
porte de sa chambre ; donnant la
main au cardinal Pacca, son se-
crétaire-d’état. On les conduisit
à la porte extérieure qu’on avait
enfoncée. Là se trouvait une voi-
ture dans laquelle on les fit mon-
ter. Le Pape avant de partir,
donna sa bénédiction à la ville
de Rome ; on placa à côté de lui
le cardinal Pacca , et l’on ferma
la voiture de manière à ce que
personne ne püt apercevoir ceux
qu’elle contenait. Elle sortit par
la porte Salara , qui est à peu de
distance du Quirinal, d’où elle
fit le tour des remparts, et se
rendit par la voie Flaminiene , au
pont Milvio. On y trouva des che-
vaux de poste qui avaient été pré-
parés d’avance ; et la voiture par-
tit sur-le-champ, escortée de
trente-cinq gendarmes , le géné-
ral Radet étant assis sur le siége.
C’est ici le lieu de parler de la
fameuse bulle d’excommunication
lancée contre Napoléon et ses
fauteurs dans l’usurpation de l’état
de l'Eglise. Elle est datée du 10
juin 1809, mais le saint Père ne se
décida à la publier que lorsqu'il
eut acquis la certitude que son
enlèvement était résolu : alors, il
s’efforca de donner à ce dernier
PIE 405
acte de sa puissance spirituelle
toute la publicité que les cireon-
stances permettaient. Les impri-
meries de Rome, même celle
de la Chambre apostolique, se
trouvant sous l’inspection de la
police militaire française , lon se
borna à en tirer quatre copies à la
main. La nuit même de l’enlève-
ment, l’une fut placardée à Sainte-
Marie-Majeure, une autre à Saint-
Jean-Latran , une troisième à la
basilique de Saint-Pierre : la po-
lice française les fit détacher.
L'une de ces copies fut adressée
immédiatement à Napoléon, et
une autre à Murat , alors régnant
à Naples. La quatrième copie,
confiée à une personne dévouée,
fut lancée par elle, la même nuit,
sous la porte de l’évèque de Cher-
sonèse, ministre de Bavière à
Rome. Bientôt la bulle d’ex-
communication fut répandue en
France, où elie donna lieu à bien
des persécutions, et peuaprès, par
toute l'Europe. Nous regrettons
que l’étendue de cette pièce mé-
morable nous prive d’en donner :a
traduction textuelle. Le Pape y
résume avec énergie et franchise,
les griefs et les usurpations dont
il a lieu de se plaindre de la part
du gouvernement français (car il
ne prononce jamais le nom de
Napoléon); il déclare qu'après
avoir épuisé tous les moyens de
douceur et toutes les voies de
conciliation, il se voit obligé en
conscience , de lancer les anathè-
mes ecclésiastiques ; contre Îles”
usurpateurs du domaine de l Egli-.
se. — «A. Ge causes , poursuit: la
bulle, par 1 autorité du Dieu tout-
puissant, par celle des apôtres “one
Pierre et saint Paul, et par la
nôtre, nous déclarons que tous
— M
404
ceux qui après l'invasion de cette
illustre ville et de l'Etat ecclésias-
tique, après la violation impie du
patrimoine de saint Pierre , le
prince des apôtres, commises par
les troupes françaises, après les
actes dont nous nous sommes
plaints dans les deux allocutions
consistoriales susdites (16 mars
et 11 juillet 1608), et dans plu-
sieurs protestations et réclama-
tions publiées par notre ordre , se
sont rendus coupables dans la
susdite ville et dans l’Etat ecclé-
siastique, de quelque attentat con-
tre les immunités de l'Eglise et
contre les droits, même tem-
porels du Saint-Siége, ainsi que
tous ceux dont ils ont recu des
ordres, leurs fauteurs, conseil-
lers, adhérens, ou qui que ce
soit qui y ait pris part, soit direc-
tement, soit indirectement, ont
encouru l’excommunication et les
autres censures et peines ecclé-
siastiques désignées par les sacrés
canons, par les constitutions apos-
toliques et par les conciles géné-
raux, particulièrement celui de
Trente (Sess. XXIT, cap. 4 de
Reform. ); et en tant que de be-
soin , les éxcommunions et ana-
thématisons de nouveau, etc.,
….. cependant, tandis que nous
sommes forcés de tirer du four-
reau l'épée du châtiment de l’E-
glise, nous ne pouvons oublier
que nous tenons sur terre, sans
l'avoir mérité, la place de celui
qui, en exerçant sa jusiice, n’a
jamais manqué de miséricorde.
C’est pourquoi nous invitons, en
veriu de lasainte obédience, d’a-
bord nos sujets et ensuite tous
les peuples chrétiens, et nous
leur prescrivons de ne porter à
ceux que les présentes lettres
PIE
PIE
concernent, dans leurs person-
nes, biens, droits ou prérogatives,
aucun dommage , injure, préju-
dice ou détriment quelconque, à
l’occasion ou sous le prétexte des-
ditesletires; carenles condamnant
à la seule peine que Dieu a mise en
notre pouvoir de leur infliger, et
en vengeant de si graves injures
faites à ce Dieu et à son Eglise ,
nous n'avons d'autre but que « de
»ramener à nous et de faire tra-
» Vailler avec nous ceux qui ña-
» guèrenous persécutaient» (Sanct.
August. in Psalm. 54.v. 1), dans
l'espoir que Dieu leur donnera
«l'esprit de pénitence pour leur
» faire connaître la vérité. » (Ep.IE.
ad Timoth. cap. IT, v. 25.)
Cet acte extraordinaire de Pie
VII a trouvé des désapprobateurs,
même dans les rangs de person-
nes dont l'attachement à la reli-
gion ne paraît point douteux.
Toutefois il nous semble facile à
justifier. L’usurpation de la pro-
priété d’autrui blesse la morale et
la religion : mais aux yeux de
cette dernière, l’usurpation prend
un caractère plus grave, lors-
qu’elle affecte les biens consacrés
à l’Eglise : dans ce cas, elle de-
vient sacrilège. À toutes les épo-
ques de l’histoire ecclésiastique et
depuis l’anathème prononcé par
saint Pierre , contre Ananie et Sa-
phire, l'Eglise n’a pas hésité à
menacer de ses foudres, ceux de
ses enfans rebelles qui l’ont dé-
pouillée des biens dont la desti-
nalion, sinon l’usage, est certai-
nement la gloire de Dieu etie bien
des hommes. Or, dans le cas dont
il s’agit, l’excommunication est
évidemment conforme auxSS. ca-
nons. Voilà en substance, ce qu’on
peut dire aux hommes religieux.
PIE
Aux hommes d'état, la réponse
n’est pas plus difficile, Souverain
de Rome, Pie VII devait défen-
dresa souveraineté parles moyens
les plus opportuns et les plus ef-
ficaces. Tant que les ménagemens
furent admissibles, l’on remar-
quera que le Pape n’en négligea
aucun. L’excommunication pou-
vait occasioner un soulèvement
de nature à délivrer l’état romain
de l’usurpation française : le Pape
était en droit de recourir à ce
moyen extrême, comme dans les
momens de crise, les chefs des
états appellent leurs sujets, par
des, proclamations , à se lever en
masse contre l'ennemi. C’est ainsi
‘que la religion intervenait direc-
tement dans les mouvemens les
‘plus solennels des républiques
‘anciennes ; C’est ainsi que son
influence apparaît visiblement
€ncore aujourd'hui ; dans Îles
actes qui parlent aux. peuples
de la Russie, ou de FEspa-
gne. Des malheurs individuels
pouvaient résulter sans dou-
te ,; d’une si grande détermi-
nation. C’est la conséquence iné-
vitable de ces luttes sanglanies
qu’allument les passions humai-
nes. Mais c’est à ceux-là qui les
ont provoquées d’en supporter
devant Dieu et devant les hom-
mes, la responsabilité. Quant à
celui qui se défend, il est dans
son droit ; et vraiment , il serait
trop bizarre qu’on lui imputât le
mal qu’il peut lui arriver de faire
à son agresseur. Pontife, Pie VIT
a défendu les droits et les proprié-
tés de l'Eglise, par les armes qui
lui sont propres : souverain de
Rome , il a défendu la triple cou-
ronue, Confiée viagèrement à sa
garde , par les armes particulières
PIE 405
à PEtat romain, par celles qui
ont de leflicacité sur les peuples
de ces contrées. Si un pape pré-
tendait exercer quelque influence
sur les affaires de la politique d’un
état étranger , au moyen des fou-
dres du Vatican , alors il ne fau-
drait pas hésiter à protester contre
cet abus du pouvoir des clefs,
et persévérer nonobstant, à rendre
à César ce qui lui est dû. L’his-
toire ecclésiastique et les libertés
des églises offriraient à cet égard
de nombreux précédens. Mais ici
le cas est bien différent. Ce n’était
pas seulement Avignon, Bénévent
ou Ponte-Corvo, qu’il s'agissait de
défendre; c'était le patrimoine de
saint Pierre, c’était le tombeau
des SS. apôtres, dont l’indépen-
dance politique n’est pas entière-
ment indifférente à la bonne ad-
ministration des églises de toute
la catholicité. Convenons donc
tout au moins, que ja question
offre des faces très-diverses et
très-compliquées : en attendant ,
tous les sentimens nobles et pieux,
de morale , de justice, de géné-
rosiié , de religion, parleront en
fayeur de l’opprimé et contre
l’oppresseur. D'ailleurs, il ne
“faut pas perdre de vue le langage
-plein de modération et de charité
du pontife dont nous avons cité
les paroles; et s’il est possible de
signaler dans les premières lignes
de la bulle Post memoranda, quel .
ques expressions inexactes que
l’on continue d'employer à Rome
plutôt comme maximes d’état que
comme maximes de religion , du
moins, on ne peut y signaler
rien de contraire aux prérogatives
de la souveraineté temporelle, et
aux principes généraux du droit
des nations européen.
406 PIE
£a partant de Rome, le Pape
fut conduit en toute hâte, aux
frontières de la Toscane. Le jour
même de l’enlèvement , il arriva
à Radicofani , premier village des
états de ce duché, situé dans un
pays montagneux.et isolé de toute
grande ville. C’est là qu'on le fil
stationner pour coucher. IL était
dix heures du soir, et le Pape
avait déjà parcouru un espace de
trente-six lieues de France sans
qu’on se fût arrêté, hormis îe
temps nécessaire pour charger
de chevaux. Près de Florence, le
cardinal Pacca fut séparé de son
maître , qui re le revit plus , jus-
qu'à ce qu'ils arrivassent Fun et
Pautre sur le Mont-Cenis, d’où
ils furent conduits à Grenoble, le
7 juillet. Comme il passait, le
Jundi , 5 juillet , entre Rivoli et
Suse, le Pape éprouvaune defail-
lance. Revenu à lui, il dit au co-
lonel de la gendarnierie qui com-
mandait son escorte : « Avez-
» vous l’ordre de me conduire mort
» ou vif ? Si votre ordre est de me
»faire mourir, continuons ; sil
»est contraire, je veux m'arrè-
»ter. » Le colonel fit arrêter la
voiture dans un petit village voi-
sin: 5. S. se reposa un moment,
et prit une tasse de chocolat chez
le maire. Elle passa deux jours
entiers à l’hospice du Mont-Cenis.
À Grenoble, l’on accorda au Pape
onze jours, Sa Sainteté ayant beau-
coup souffert dans la voiture fer-
mée ,etdurant leschaleursles plus
excessives de l'été. Desordres de
Napoléon lui firent repasser les
Alpes par la route de Nice. Dans
cette ville, la reine d’Etrurie et
son fils, victimes eux aussi, des
révolutions politiques , vinrent
baiser en silence les pieds du vi-
PIE
caire de Jésus-Christ. Enfin ;- M
résidence du Pape fut fixée à Sa-
vone , petite ville de l’ancienne
république de Gênes , où S. S.
fut gardée avec de grands égards,
il est vrai; mais , dans la réalité,
comme prisonnier d'état. Pendant
tout le voyage, l’illustre pontife
tint la contenance la plus noble
et la plus digne de son caractère.
Partout où il s'arrêta, les popu-
lations française et italienne ,
pénétirées de respect et de com-
passion, se portèrent sur son pas-
sage, pourluitémoigner leurs sen-
timens et obtenir sa bénédiction.
À Savone , le Pape refusa l'offre
de tenir une cour, ainsi que de
toucher les deux millions de re-
venu annuel, qui lui étaient as-
surés par le sénatus-consulte qui
avait réuni Rome à l’empire fran-
Çais. S. S. fut logée successive-
ment chez le maire, chez l’évêque,
enfin à la préfecture , où elle fut
gardée par une compagnie de
hendarmes. Supportant le mal-
reur avec un inéhranlablie cou-
gage, le pontife protesta plus vi-
goureusement que jamais, contre
les usurpations de Napoléon, et
refusa constamment de délivrer
l'institution canonique aux évê-
ques nommés par l'Empereur. Il
fulmina également contre leur ad-
ministration , depuis qu’on eut
pris le parti de leur faire déférer
les pouvoirs nécessaires par les
chapitres : toutefois, la disci-
pline gallicane offrait des précé-
dens dont il fut facile de s’autori-
ser pour défendre cette mesure
transitoire.
En 1811, Napoléon crut venir
à bout d’arranger les affaires ec-
clésiastiques, tout en conservant
sa proie temporelle, au moyen
PIE
de Fintervention d’un concile na-
tional. Quelsque fussent les plans
soumis à cette assemblée , la si-
tuation du Pape devait en rendre
Padoption pénible. Le corps épis-
copal français manifesta , en cette
occasion , son indépendance et
sa force; ik résista fermement à
l’homme devant qui l’Europe
ployait en silence , et alors qu’il
n'avait pas encore plu à Dieu
d'indiquer par aucun signe, que
cette formidable puissance dût
rencontrer un écueil ou seulement
une limite. Une députation d’évê-
ques avait été envoyée à Savone,
pour entamer une négociation ;
mais le S. P. la reçut avec une
sévérité que sa position actuelle
justifiait suffisamment. En défini-
tive , l’on n’obtint rien de lui, et
ses refus constans paraitront sans
doute suffisamment justifiés, par
ces dernières paroles qu’il adres-
saitaux évêques. français : « Con-
»sidérez l’état de captivité où je
»suis, les rigueurs dont on use
»envers moi, et ke refus que lon
» fait de me donner mon conseil :
»est-il raisonnable que l'Eglise
»cède toujours et n’obtienne Ja-
»mais rien ? Dois-je done laisser
» échapper de mes mains les rênes
sde la hiérarchie spirituelle que
» Dieu m'a confiées ? »
Dans l'été de 1812, et avant de
partir pour Fexpédition de Rus-
sie, Napoléon donna ordre qu’on
amenät son prisonnier à Fontai-
nebleau. Le Pape souffritsi cruel-
lement durant le voyage , d’une
rétention d'urine dont il était at-
teint , que l’archevèque d'Edesse ,
son aumoônier , le croyant arrivé
au dernier moment, lui adminis-
tra les secours de la religion. Ge-
pendant il arriva à Fontainebleau
PIE 40%
le 20 juin, et occupa les apparte-
mens qu'on lui avait préparés au
château. Toujours gardé par une
escorte militaire, le Pape y fut
d’ailleurs, sous les autres rap-
ports, traité avec les honneurs
de la souveraineté. LA, recom-
mencèrent les négociations, par
l'intermédiaire des évêques fran-
çais. Elles n’eurent pas plus de
succès qu'à Savone. Un moment
on crut s'être entendu; et de là
résulta la publication indiscrète
et prématurée d’une pièce qui fut
intitulée concordat , sous la date
du 25 janvier 1813. Cette conven-
tion , qui renfermoit des conces-
sions très - considérables de la
part du S. P., fut promulguée loi
eonstitutionnelle de l’état, par un
sénatus-consulte , et néanmoins
(chose difficile à expliquer), elle
ne fut jamais revêtue de l’assenti-
ment authentique et définitif de
Punedes parties contractantes. Bo-
naparte,qui vitquelquefoislePape,
durant ce second séjour àFontaine-
bleau, se vante de lui avoir arraché,
par la seule force de sa conversation
privée, ce fameux concordat (Mé-
morial de Sainte- Hélène). Nous
nous abstenons de rapporter aucu-
ne deses nombreuses digressions
sur Ce sujet, transcrites par M. de
Las Cases : eiles sont d’un ton
ironique et leste, peu conve-
nable en si grave matière , et
qui accuse irop évidemment la
mauvaise conscience de celui qui
parle. Mais nous nous empressons
de démentir l’inexactitude des
bruitsqui ont imputé à Bonaparte
de s’être livré à des voies de fait
sur la personne de son prisonnier.
Il n'existe pas le plus léger pre-
texte qui motive cette grossière
inculpation.
408 PIE
Au commencement de 1814,
Bonaparte voyant les frontières de
la France menacées de tous côtés,
se décida à rendre la liberté au
Pape , à la même époque qui vit
briser les liens du roi d’Espagne.
Les amis de la mémoire de Na-
poléon , toujours empressés à lui
sauver, comme une injure, le
moindre pas rétrograde , ont sup-
posé que le renvoi du Pape en
Italie, eut un grand but politique :
celui de contrarier les vues ambi-
tieuses de Murat. Nous croyons
qu’il est plus raisonnable d’ad-
mettre qu’en cette circonstance ,
comme en un petit nombre d’au-
tres , Napoléon céda à la néces-
sité qui commençait à l’écraser
de toutes parts; et peut-être qu’il y
a lieu de penser toutau contraire,
qu'il entrevit un adoucissement à
son humiliation , en remettant le
Pape entre les mains de Joachim
Murat , plutôt qu’à aucune autre
des puissances de la coalition.
Quoi qu'il en soit ,; le Pape,
après avoir obtenu la permission
de voir quelques-uns des cardi-
naux qui partageaient, loin de lui,
les angoisses de l’exil , partit de
Fontainebleau le 23 janvier 1814,
sous escorte d’un officier supé-
rieur de gendarmerie , toujours
traité comme un prisonnier d'état,
qu’on transférerait simplement de
résidence. On le dirigea d’abord
sur Toulouse, et de là vers Nice
et Savone , évitant les grandes
villes, et stationnant, pour man-
ger et pour coucher, dans les
plus modestes villages. Cette
marche , à demi clandestine, de-
vint un véritable triomphe popu-
laire. Les citoyens , le clergé , et
quelquefois même les autorités .
se portaient au devant du pontife
PIE
prisonnier, et , agenouillés dans
la boue des grandes routes, re-
cevaient avec vénération ,la béné-
diction du successeur de saint
Pierre. Arrivé sur le Taro, Pie VIE
fut remis aux avant-postes napo-
litains , au milieu desquels il re-
couvra sa liberté pleine et en-
tière. Mais Rome se trouvant oc-
cupée par les troupes de Murat ,
le Pape se détourna quelques jours
vers Césenne , sa patrie, et vers
Imola, son ancien siége, en atten-
dant qu’il eûtrégléles dernières dif-
ficultés relatives à sa rentrée dans
sesétats. Joachim élevait dit-on,
quelques prétentions sur les Mar-
ches ; mais le moment était peu
favorable pour obtenir des con-
cessions : celui qui venait de
triompher de Napoléon , après
une lutte de près de dix années,
ne devait plus craindre personne.
D'ailleurs, le congrès de Vienne
ne tarda pas à garantir au Pape
l'antique intégrité de ses états
italiens, y compris même Bé-
névent et Ponte-Corvo.
Pie VII rentra dans sa capitale
le 24 mai 1814. Le roi Charles IV,
d’Espagne, le roi de Sardaigne et
la reine d’Etrurie vinrent au-de-
vant de lui,augmenter la gloire de
son triomphe. Le Pape s'était fait
précéder d’un délégué, qui abolit
les loiset institutions du gouverne-
ment français, et rétablit toutes
choses sur l’ancien pied. Malgré
ce début, peut-être inévitable ,
le gouvernement papal usa tou-
jours d’une parfaite modération ,
envers toutes les personnes contre
lesquelles il pouvait avoir des
griefs. Le petit nombre d’ecelé-
siastiques qui avaient manqué aux
devoirs de la fidélité, obtinrent
leur pardon , au prix de quelques
PIE
légères pénitences. Non - seule-
mentaucune exécution sanglante ,
mais pas même un seul bannisse-
ment,ne troubla le calme de cette
pacifique restauration ; tandis que
les proscrits de toute l’Italie n’ont
cessé de trouver à Rome un re-
fuge inviolable et non suspect.
La famille Bonaparte elle-même,
à qui, peut-être, l'Europe monar-
chique entière aurait interdit le
feu et l’eau , trouva un asile doux
et sacré sous la protection du
pontife, qui n’avait reçu de son
chef que des maux. Le vicaire de
J.-C. voulut mettre en pratique,
à son égard , le précepte le plus
sublime de la morale évangélique.
Le cardinal Consalvi , à qui
Pie VII s’empressa de; rendre Île
porte-feuille de l’état, dirigea
constarmmentlapolitiqueroraine,
avec toute la sagesse et toute la
modération qui furent pratica-
bles.
Cependant , une dernière tri-
bulation était réservée au pon-
tife. La crise de 1815 ramena
les troupes de Joachim Murat
sur le territoire de l’Eglise, et
Pie VII quitta Rome de nouveau,
pour venir séjourner à Gênes; le
corps diplomatique lPy suivit.
Cette absence ne fut pas de longue
durée, et bientôt, le Pape rentra
dans sa capitale pour n’en plus
sortir. Le reste du pontificat de
Pie VIT n'offre plus que des actes
ou d'administration locale ettem-
porelle , marqués au coin de la
tolérance et quelquefois de lha-
bileté ; ou d'administration géné-
rale de l'Eglise , et ceux-ci parais-
sent dictés par un esprit différent.
Onsuppose queles premiers éma-
naient de son conseil, les seconds
de ses idées personnelles , et de
PIE 409
ses sentimens particuliers. Nous
allons indiquer rapidement les uns
et les autres.
Le gouvernement papal, sous
le pontificat de Pie VII, fut sin-
gulièrement indulgent et moderé.
Les étrangers professant des reli-
gions séparées de la communion
romaine , les Anglais particuliè-
rement ,; obtinrent presque au
pied du Vatican, des asiles pour
les cérémonies de leur culte , et
un champ consacré à leur sépul-
ture religieuse. Les bannis de
Naples et de Milan vécurent paisi-
blement à Rome, à côté des ban-
nis de France et d'Espagne. Pie VIT
continua aux beaux-arts la protec-
tion dont ses prédécesseurs lui
avaient laissé l’exemple. Il fit
poursuivre la plupart des fouilles
et des restaurations entreprises
sous l’administration française.
Un acte , motu proprio, de l’an-
née 1816 , abolit la torture et
d’autres supplices barbares, et
supprima une portion des droits
féodaux. Il rétablit, à la vérité,
le nom et la juridiction de l’In-
quisition ; mais la peine capitale
ayant été une fois, prononcée
par ce tribunal, contre un juif
de Ravenne qui était retourné au
judaïsme , après avoir embrassé
précédemment, fa religion chré-
tienne , non-seulement le Pape
arracha la victime à léchafaud,
mais il prit occasion de cette cir-
constance pour abolir la peine de
mort , et même toute effusion de
sang , en matière d'hérésie.
Pie VIT accorda l'hospitalité
dans ses états, aux chrétiens hé-
térodoxes , fugitifs de Chios et
d’autres parties de la Grèce. Une
lettre de remerciement, écrite par
le sénat hellénique , constate au-
410 PIE
thentiquement ce fait honorable.
Elle fut transmise au S. P.par les
mêmes envoyés du gouvernement
provisoire de la Grèce , qui furent
repoussés avec cruauté du congrès
de Vérone. Aussi, l’archinavarque
MiaoulisVocos,setrouvant enrade
de l’île catholique de Tinos, le
jour qu’on y célébrait la pompe
funèbre du pontife romain, fit
tirer le canon de sa flotte pen-
dant la cérémonie ; et , à la
même occasion , le n. 7 du T'élé-
graphe Grec publia un article conçu
dans les termes suivans — : « Le
souverain pontife Pie VII, objet
de nos regrets , ne se borna pas,
mes frères, à des vœux stériles
pour la cause des Grecs armés
contreleurstyrans anti-chrétiens.
Non content de parler en leur fa-
veur , il ouvrit à l’infortune ses
ports, il accueillit les victimes
échappées au glaive des barbares,
que l’Auiriche et l'Angleterre re-
poussaient de leurs plages. Il vint,
vous le savez, à leur secours, en
offrant à nos compatriotes , avec
le pain de Fhospitalité, asile et
protection. Honneur au père coui-
mun des fidèles! Les vertus étaient
dans son cœur, et sa mémoire sera
éternellement chère aux Hellènes.
En effet, mes frères , si les senti-
mens de la philanthropie n’avaient
pas été innés dans le cœur de
Pie VIT, quoiqu'il fût le chefspiri-
tuel de la chrétienté.assez de mo-
üfs plausibles pouvaient latta-
cher au parti de nos ennemis. N’a-
vait-il pas un prétexte natureldans
l'antique dissidence qui sépare
PEglise grecque de l'Eglise latine ?
N'avait-il pas des raisons politi-
ques ,; en voyant les commotions
de lltalie, qui agitaient même
une partie des états pontificaux ?
PIE
Ne pouvait-il pas partager les
soupçons des rois, qui croyaient
voir dans le soulèvement de la
Grèce, la suite du mouvementré-
volutionnaire dont l'Europe était
menacée ? Mais il n’en fut pas
ainsi, mes frères : l'œil pénétrant
du souverain pontife reconnutdans
les Hellènes, les héroïques défen-
seurs de la croix , les enfans d’un
même Dieu , etil leur tendit une
main secourable. Salut au roi-
pontife ! salut au bienfaiteur des
Hellènes Pie VII ! Que son nom
soit parmi nous, béni et réveéré
d'âge en âge!»
Voilà pour les actes du roi:
observons maintenant quels furent
ceux du pontife. Depuis plusieurs
années, des brefs avaient permis
aux Jésuites de se reformer par
maisons, dans l’empire de Russie,
et dans le royaume de Naples ;
mais la société elle-même fut for-
mellement rétablie, par la bulle du
7 août 1814. Rome, l'Espagne
et le Piémont virent alors, se rele-
ver les principaux établissemens
de la compagnie de Jésus. La con-
damnation desFrancs-Maçons sui-
vit de près le rétablissement des
Jésuites. Les sociétés secrètes ita-
liennes , connues sous la désigna-
tion de Carbonari, furent égale-
ment anathématisées par Pie VIE,
à la sollicitation de la Sainte-Al-
liance ; les sociétés bibliques par-
tagèrent le même sort. Il est
difficile de justifier d’une ma-
nière satisfaisante, ces actes bien
légèrement hasardés.
Le concordat de 1801 ; qui
avait paru à quelques politiques
de l’émigration ,; une concession
révolutionnaire , fut en effet, un
triomphe pour la cour de Rome.
Elle avaitsaisi avec empressement,
PIE
cette occasion long-temps désirée,
de proclamer amovibles, et révo-
cables par elie, les évêques fran-
çais qui , durant plusieurs siècles ,
secondés par la magistrature ,
avaient , presque seuls entre tous
les évêques de la catholicité ; con-
servé l'antique indépendance de
l’épiscopat. On dut s’apercevoir
de ceci , quand ïl fut question
de négocier le concordat de
1817; Car on ne voulut jamais
à Rome, rétracter celui de 1801,
et le nouveau traité que l’on con-
sentit enfin à conclure , ne fit
que confirmer et peut-être ac-
croître, la dépendance de l'insti-
tution ecclésiastique française. Des
concordats, rédigés dans un es-
prit pareil à celui qui avait dicté
la convention de 1801, furent
aussi conclus par Pie VII, avec les
gouvernemens de Naples et de
Bavière. D'interminables négo-
ciations entretenues avec les sou-
verains protestans de l’Allemagne,
vinrentaussi démontrer l’inflexibi-
lité politique du cabinet romain.
Les personnes qui ont eu l’hon-
neur d'approcher la personne
de Pie VII, assurent que , dans
son intérieur, il était bon, ai-
mable , spirituel. Lors de son seé-
jour à Paris, en 1804, il a circulé
des mots de lui, d’une philosophie
exquise et d’une finesse toute ita-
lienne. On n’a pas oublié ce jeune
homme que sa bénédiction attei-
gnit dans les galeries au Louvre,
et qu'il fit tomber à ses genoux
par ces mots touchans : « Mon
»enfant , acceptez la bénédiction
» d’un vieillard, elle vous portera
»bonheur. » Pie VIT parlait le
français avec facilité, ei paraissait
affectionner notre nation. En ef-
fet, il n’a recu nulle part plus
at
qu’en France, et dans l’une et
l’autre fortune , des témoignages
de vénération et d’amour. à" ap-
partement qu’il occupait au palais
Quirinal , était d’une grande sim-
plicité. Trois chefs-d’œuvre de la
peinture et un morceau de sculp-
ture antique étaient les seuls ob-
jets qui pouvaient y attirer les re-
gards. L’ameublement était le
même que celui qui avait servi à
son prédécesseur. De sa chambre
à coucher, on passait dans son
cabinet particulier. Là , se trou-
vait, parmi quelques objets de son
affection, le squelette d’une jambe
du cardinal Tomasso , qu’il révé-
rait comme la relique d’un saint.
Une armoire contenait sa bi-
bliothèque privée ,; composée
d’un petit nombre de volumes ,
parmi lesquels onremarquait Bos-
suet, Bourdaloue, Fénélon et
Massillon. Un Pastor fido, seul
livre profane mêlé à cette collec-
tion, se trouvait Comme égaré au
milieu des ouvrages les plus gra-
ves. Dans le temps des différends
avec le gouvernement français ,
un rayon de la même armoire
était occupé par l’almanach im
périal de l’année , et par quelques
ouvrages Herr ou de politi-
que, rate auxafaires deFrance.
— La table de Pie VIT était d’une
frugalité qui s’accordait parfaite-
ment avec le reste de-ses habitu-
des ; maisil partageait la prédiiec-
tion de la plupartdes Italiens pour
les fruits confits et les sucreries
qu'ils appellent roba dolce. Quel-
ques pots de confitures étaient dé-
posés dans une petite armoire voi-
sine de celle de la bibliothèque ,
pour satisfaire à ce goût. Chiara-
monti conserva sur le trône , l’a-
mour de la retraite à laquelle il
PIE
412 PIE
s’était habitué de bonne heure au
couvent. Il ne sortait presque ja-
mais, hormis pour aller prendre
l'air , en voiture, dans des lieux
isolés des environs de Rome. On
ne le voyait dans les rues de sa
capitale qu’au mois d'octobre,
époque où il avait coutume de
visiter les établissemens publics ,
surtout les maisons de bienfai-
sance. II s’y rendait quelquefois
à pied. En tout temps il était d’un
accès facile , et recevait avec une
extrême bienveillance tous ceux
qui l’approchaient.
Les années du pontificat de
Pie VII étaient sur le point d’é-
galer celles du pontificat de
saint Pierre , le plus prolongé
de tous, lorsqu'un accident vint
en accélérer le terme. Le 6 juillet
1823 , anniversaire du jour où le
Pape fut enlevé de Rome, qua-
torze ans auparavant , la journée
s’élant passée gaiment , vers dix
heures du soir, le S. P. con-
gédia son service. Resté seul, il
voulut se lever de son fauteuil,
en s'appuyant d’une main, sur son
bureau , et en cherchant , de
autre ,; son 4ppui sur un cordon
attaché à cet effet, contre la mu-
raille ; mais il ne put atteindre le
cordon, et iltomba sur le carreau
de marbre , entre la table et le
fauteuil : le côté gauche supporta
tout le poids du corps. Plusieurs
personnes étant survenues à ses
cris , on releva le Saint Père ,
et on le porta dans son lit. Dès la
première visite , il fut reconnu
que le col du fémur était fracturé.
La maladie se prolongea durant
six semaines, avec de légères vi-
cissitudes. Le vénérable patient
témoignait toute la piété et toute
la résignation qu’on pouvait at-
PIE
tendre de sa vertu et de son carac-
tère. I reçut les derniers sacre-
mens avec le cérémonial d'usage.
Dans ses momens de déiire , les
paroles qui lui échappaient indi-
quaient qu’il se croyait à Sayone
ou à Fontainebleau. Enfin , l’af-
faiblissement étant parvenu à son
dernier période , le vieillard ex-
pira, le 26 août 1823, à six heures
du matin, âgé de 83 ans accom-
plis. Pie VII a eu pour successeur
le cardinal Annibal della Genga ,
quia pris le nom de Léon XII.
Parmi un grand nombre de
portraits de Pie VIT, dont le plus
grand nombre offre au moins
l’idée de sa physionomie , facile
à saisir, nous nous bornerons à
citer celui qu’on à vu long-temps
à Paris, dans l’atelier du célèbre
David, à la Sorbonne.Cet ouvrage,
peint d’après nature en 1805 , est
à la fois un des chefs- d'œuvre
du grand maître, et l’un des mor-
ceaux les plus précieux de Part.
Liste des ‘principaux ouvrages
pour servir à l’histoire de
Pie VIT.
I. Omelia del cittadino: cardi-
nale C'hiaramonti, vescovo d Emola,
ora sommo pontefice Pio VIE, di-
relta al popolo della sua diocese ,
nella republicaCisalpina, nel giorno
del santissimo natale, l’annoir95.—
Homélie du citoyen cardinal Chia-
ramonti , évêque d’ [mola, actuelle-
ment souverain pontife Pie VIT,
adressée au peuple de son diocèse.
dans la république Cisalpine, le
jour de la naissance de J.-C., lan
1595. Imola , de l'imprimerie de
la nation , an VI de la liberté. —
réimprimé à Come, chez Charles-
Antoine Ostinelli, an VEHT.— #rad,
PIE
en français, par M. Grégoire , an-
cien évêque de Blois. Paris, Egron,
1814; in-8, de deux feuilles (pre-
mière édition française ).— troi-
sème édition, avec le texte italien
enregard. Paris, Baudouin frères,
1818 ; in-8. de trois feuilles et
demie.
Sur la traduction française ,
une en allemand parut à Sulzbach ;
une en anglais, à Philadelphie,
l’an 1817; et, en 1820 , une nou-
velle traduction en cette langue, a
été insérée dans l’Orthodox J'our-
nal. — À l'édition anglaise de
Philadelphie, fut jointe, en re-
gard, une traduction espagnole,
par M. Roscio, citoyen de Vene-
zuela, avec une préface.Une autre
traduction espagnole de l’'Homé-
lie a été publiée à Madrid, en
1820 , avec des notes, par D.
Rodriguëz Buron.
Cette homélie extrêmement cu-
rieuse,et qui a été comme révélée
au monde par le célèbre traduc-
teur, a pour objet de recommander
l’obéissance au gouvernement de
fait, et de démontrer par l’auto-
rité et par la raison , que le gou-
vernement démocratique n'est
nullement incompatible avec la
religion de J.-C.
IT. Correspondance authentique
de la cour de Rome avec la France ,
depuis Pinvasion de l’état Romain
Jusqu’à lenlèvement du Souverain
Pontife, suivie des pièces officielles
touchant l'invasion de Rome par les
Français, et des lettres de N,S. P.
le papePieV IT au cardinalM auri et
à M. Everard, archidiacreet vicaire-
capitulaire à Florence, ornée dupor-
traitdeS.S.2"édition, Paris, Egron,
1314;in-8,de onze feuilles un quart.
— édition de Gaude fils, à Nîmes,
1814 ,in-8 , de neuf feuilles et
PiE 413
demie. — édition de Suisard ,
à Bordeaux , in-8, de quatorze
feuilles trois quarts.
IN. Lettres de N. S. P. le pape
Pie VII, concernant les élections
capilulaires. Paris , imprimerie de
Le Normant, 1814; in-8, d’une
feuille.
IV. Bref de N. S. P. le pape
Pie VII à S. E. lecardinal Mauri,
pour lui ordonner de quitter sur-le-
champ , l'administration du diocèse
de Paris. Paris, imprimerie de
Moronval , 1814; ïin-8, latin-
français, de trois quarts de feuille.
V. Histoire des malheurs et ile la
captivité de Pie VIT, sous le règne
de Napoléon Bonaparte ; précédée
el suivie du tableau des principaux
événemens de la vie du souverain
pontife, etc., par M. 4. de Beau-
champ. Paris , Leprieur, 1814 ;
in-12, de dix-huit feuilles.
VI. Relation de ce qui s’est passé
à Rome, dans Penvahissement des
états du Saint-Siége par les Fran-
cais , et fermeté du S. P, pour dé-
fendre l'Eglise, ou Pièces officielles
et authentiques qui ont paru à ce
sujet. Londres , de l'imprimerie
de Juigné, 1812; in-8, par le
KR. P. de l’Estrange , abbé de la
Trappe.
VII Relation authentique de
l'assaut donné le 6 juillet 1809, au
palais Quirinal , et de l’enlève-
ment du souverain pontife le pape
Pie VII, par les généraux Miollis
et Radet : suivie du Journal circon-
stancié du voyage de S. S. de Rome
en France, et de son retour à Sa-
vone; traduit de l'italien par M. Le-
mière d’ Argy (avecportrait). Pa-
ris, Nicolie, 1814; in-8, de quatre
feuilles un quart.
VII. Les Quatre Concordats ,
suivis de Considérations sur Le gou—
14 REN
vernement de l'Église en général ,
et sur l’Eglise de France en parti-
culier , depuis 1515; par M. de
Pradt , ancien archevéque de Ma-
lines. Paris, Bechet, 1818 ; 2 vol.
in-8 , plusieurs éditions.
IX. Du Pape et des Jésuites,
ou Expose de quelques événemens du
pontificat de Pie VIT, de la con-
duite des Jésuites, etc., seconde édi-
tionrevuecorrigée, etc. Paris, Egron,
1815 , in-8. (par M. Tabaraud.)
X. Constitution donnée de sa pro-
prevolonté, par S.S. le pape PieV' IT,
aux états romains, leG juillet 1816,
traduite de Poriginal, imprimé à
Rome. Paris , Delaunay , 1816 ;
in-6, de quinze feuilles.
C’est simplement un code de
lois civiles.
XI. Réflexions sur les protesta-
tions du pape Pie VIT, relative-
ment au comtut d’ Avignon et au
comtat Venaissin ( dans le concor-
dat de 1817 }, par M. Moureau
( de Vaucluse ) , avocal. Paris,
Lhuilier , 1815 ; in-8 , de quatre
feuilles et demie.
XII. Esquisses historiques et po-
litiques sur le pape Pie VIT, sui-
oies , etc. , par M. Guadet. Paris,
Bechet aîné, 1823 , in-8.
XIII. Précis historique sur
PicVII, contenant, etc. , avec son
REN
portrait , par Jean Cohen. Paris ,
Delaunay et Le Clère, in-8, de 335
pages.
XIV. Wie du souverain pontife
Pie VII, par Henri Simon. Pa-
ris, Sanson, 18295; in-18, de dix
feuilles et demie.
POSSÉ (C....H...., comte
de} , seigneur de Fogelvik , en
Suède , mort le o juin 1823 , tint
un rang distingué parmi les pa-
triotes et les hommes éclairés de
son pays. Ilavait beaucoup voya-
gé an commencement de ce siè-
cle, dans le but spécial d'étudier
l’économie rurale , ainsi que
l’économie publique et la lé-
gislation. Nous croyons que Île
comte de Possé a composé plu-
sieurs écrits ; mais nous ne Con-
naissons que le suivant, publié
après sa mort : Haudlingar no-
vande tilæ fragan, etc. : Actes re-
latifs à la question de la responsa-
bilité ministérielle de la diète de
1829 ; Sujets de remarques contre
S. Ex. M. le comte d’Enges-
troëém, ministre desaffaires étran-
geres , présentés au comité de
constitution , et joints au rapport
dudit comité sur le même sujet.
Stockholm , in-8.
Re
RENZI (Axnroine ), né dans les
environs de Volterre , est mort à
Florence en 1823, âgé de 43 ans.
On lui doit un écrit où il essaie
de justifier l’Italie de quelques re-
proches qui lui sont adressés ,
dans la Corinne de M"° de Staël.
En outre, ila publié de belles
éditions du Dante et de l’Arioste ,
accompagnées de notes savantes.
Il était l’un des collaborateurs de
l’Antologia de Florence , recueil
péricdique , littéraire et philoso-
phique , l’un des meilleurs qui se
RIE
publient actuellement en Italie.
RIEGO x Nuxez (RAPnAEL DEL)
naquit en 1785, à Tuña , village
du district de Tineo, dans les As-
turies, de D. Eugène del Riego ,
gentilhomme connu par son goût
pour la poésie, dont il a publié
quelques essais. Raphaël del Rie-
go fut élevé dans un collège de
sa province. En 1808, il inter-
rompit ses classes, au bruit de la
glorieuse insurrection du peaple
espagnol contre l’usurpation de
Napoléon, et s’enrôla volontaire-
ment. Nommé oflicier dans le ré-
giment des Asturies, il fut fait
prisonnier et amené en France.
Durant une captivité de plusieurs
années, il étudia la langue du
pays, et fut initié par elle, aux
principes politiques de notre re-
volution. La philosophie et la litté-
rature partagèrentses loisirs, avec
l'étude dela tactique militaire.Ren-
du à son pays par les événemens
de 1814, Riego n’y rentra qu’après
avoir visité l’Allemagne et la capi-
tale de l’Angleterre.On imagine fa-
cilement,quel dégoût dut lui inspi-
rer à son retour, l’état où l’Es-
pagne se trouvait retombée , de-
puis l’abolition violente de la
constitution de Cadix. Cependant,
il reprit du service, et obtint le
grade de lieutenant-colonel dans
le régiment des Asturies. Or, il
arriva que , vers la fin de 1819,
son bataillon se trouva désigné
pour faire partie de l’armée d’ex-
pédition qu’on rassemblait autour
de Cadix, afin d’aller essayer de
reconquérir l'Amérique. Le mé-
contentement qu'inspirait aux of-
ficiers et aux soldats cette aventu-
reuse tentative,fitjuger à ceuxd’en-
ire eux qui étaient restés attachés
RIE 415
au gouvernement constitutionnel
que le moment serait favorable
pour tenter son rétablissement.
Les coionels Quiroga, Arco-Ar-
guero ; O’Daly, étaient les princi-
paux chefs du complot. Dénoncés
par le comte de l’Abisbal, qui
avait d’abord recu leurs confi-
dences , ils furent arrêtés ; mais
Riego restait libre , et le projet
ne fut pas échoué. Il se chargea
de la périlleuse mission de lever
l’étendard de l'insurrection. En
effet, le premier jour de janvier
1820, Riego proclame le rétablis-
sement de la constitution de Ca-
dix, au petit village de las Cabe-
zas de San-Juan, où son bataillon
se trouvait stationné. De là, il
court immédiatement à Arcos, y
trouve un autre bataillon, dont
il se fait seconder , arrête le nou-
veau général de l’armée expédi-
tionnaire , le comte de Calderon
et tout son état-maior. vole à
Alcala de las Gazules , et enlève
Quiroga à ses geoliers. Dans l’in-
tervalle, les régimens de Séville
et des Canaries suivent le mou-
vement insurrectionnel , tandis
que Quiroga, avec deux batail-
lons , surprenait et incorporait à
sa troupe, la garnison du fort de
San-Fernando , à l’entrée de l'ile
de Léon, qui commande la baie :
c’est là que Riego vint le rejoindre.
Ces deux chefs, avec une activité
remarquable , tentérent aussitôt
de s'emparer de la Cortadura ,
langue de terre fortifiée qui unit
la ville de Cadix au continent,
sachant bien qu'ils trouveraient
de l'appui dans cette cité, la plus
éclairée et la plus importante de
la péninsule. Maisle général Cam-
paña , qui commandait dans la
ville , sut rendre infructueuses
416 RIE
leurs attaques. Néanmoins, Riego
parvint à s'emparer de l’arsenal de
la Carraca , ce quicompensait,
en partie , l'effet moral de l’échec
précédent.
Cependant le reste de l’armée,
dont on s'attendait, à chaque
instant, d'apprendre le soulève-
ment, paraissait rester impas-
sible : la timidité et l’éloigne-
ment du théâtre de l’insurrection
la retenaient immobile, tandis que
le général Freyre réunissait des
troupes qui semblaient disposées
à combattre les constitutionnels ,
et que le gouvernement prenait
des mesures pour les comprimer.
Le mois de janvier s’était écoulé
tout entier, dans une stagnation
qui pouvait devenir funeste à l’en-
treprise. Dans les révolutions , si
l’on s'accorde le temps de la re-
flexion , l'enthousiasme meurt, et
l'amour de la vie reprend son
empire. Ces motifs déterminèrent
les chefs de l’île de Léon à tenter
une expédition d’invasion dans
l'intérieur de la Péninsule. Elle
devait avoir pour but de provo-
quer à l'insurrection les troupes
et les populations elles - mêmes.
Quinze cents hommes suivirent
pour cet effet, le colonel Riego ,
qui tenta, à leur tête, l’une des
plus périlleuses entreprises dont
les annales de la guerre fassent
mention (1). Prenant la route
d’Algésiras, il traversa toute l’An-
(1) Voyez Relation de l’expédition
ae Riego , par D. Evarisie San-Mi-
guel, Leutenant-colonel, chef de l'état-
major de l’armée expéditionnaire , or-
née des portraits de Quiroga, liie-
go, etc Paris, Corréard, 1820 ; in-8,
de 2 feuilles.
RIE
dalousie jusqu’à Malaga, toujours
suivipar le général Joseph O’Don-
nel , qui commandait des forces
triples , obligé , pour léviter , à
des marches et contre - marches
continuelles. Riego et Joseph O’-
Donnelarrivèrent presqu’en même
temps à Malaga , et se battirent
dans les rues de cette ville. Riego
échappa cependant ; mais sa pe-
tite colonne , réduite à une poi-
gnée de monde , était sur le point
de se dissoudre, quand on ap-
prit, dans les premiers jours de
mars, que la Corogne et Madrid
venaient de proclamer la consti-
tution. Ainsi cette petite colonne,
toujours errante et toujours en
péril d’être détruite , se trou-
vaitavoireffectivementconsommé
la révolution, en propageant lé-
branlement par toute la pénin-
sule.
Le Roi ayant accepté la consti-
tution, la position de Riego devint
brillante. Il parut à Séville, où il
fut reçu comme en triomphe; il
arriva à Madrid, où le roi d’Es-
pagne sembla rivaliser de bien-
veillance pour lui, avecles ci-
toyens. Riego ne fut point élu
député aux Cortès de 1820; mais
le premier ministère de la revo-
lution lui donna le grade de ma-
réchal-de-camp , et lui confia le
poste éminent de capitaine-géné-
ral de l’Aragon. Malheureuse-
ment , la division, et peut-être
la trahison , se mit parmi les
constitutionnels espagnols. Des
ministres impopulaires furent ap-
pelés au timon des affaires. On
obtint dès-lors, le licenciement de
l’armée de lile de Léon (1); la
(1) Voyez Adresse des généraux
RIE
diplomatie de la Sainte Alliance
reprit de l'influence à Madrid.
Riego , fidèle jusqu’à l’enthou-
siasme, à la cause qu’il avait em-
brassée, se trouva dans les rangs
del’opposition. Des différends, que
la divergence des opinions poli-
tiques suscitèrent naturellement ,
entre lai et le chef politique de
l’Aragon , Moreda , fournirent au
ministre de la guerre , Salvador,
des prétextes pour destituer Rie-
g0. Parce qu'il improuvait la mar-
che du ministère, on le rendit res-
ponsable d’un mouvement démo-
cratique qui éclata à Saragosse,
chef-lieu de son gouvernement; il
fut envoyé en exil à Lérida, et des
sociétés patriotiques, dévouées au
, ministère,demandèrent sa mise en
jugement. À cette occasion, Riego
publia un exposé justificatif de sa
conduite ; mais désormais , le
parti démocratique , appelé des
communeros ,; prit le nom de
Riego pour son cri de rallie-
ment, et accrut immodérément
sa popularité. Son nom, pro-
noncé dans les groupes , de-
vint quelquefois le signal de
l’effervescence populaire. Enfin ,
Riego fut élu député aux Cortès de
1822, par la province des Astu-
ries. Son voyage pour se rendre
àMadrid , fut véritablement une
marche triomphale. Il entra de
nuit dans la capitale, afin dese dé-
rober aux honneurs qu’on lui pré-
parait. Les autorités constituées
Riego et Arcc-Arguero aux Cortes et
au roi d'Espagne, sur la dissolution
de l’armée d'observation. Paris, li-
brairie nationale , chez Pontignac de
Villars, 1820; in-8 , d'une demi-
feuille.
RIE 419
s’empressèrent de le féliciter ; le
Roi lui-même parut céder à l’en-
thousiasme général ; il lui donna
publiquement des marques de
bienveillance , s’entretint familie-
rement avec lui, lui présenta un
cigarre à fumer, et le recut quel-
quefois dans sa société intime.
Dès leur première séance , les
nouvelles Gortès élurent Riego
président. Il remplit ces fonctions
avec une habileté qu’on n’avait pas
supposée en lui, et se fit souvent
admirer et applaudir à la tribune
nationale. Le 18 mars , le régi-
ment qu'il avait commandé à
Cadix eut l'honneur de défiler
dans la salle des séances : le sabre
de Riego , dont ce général avait,
durant la précédente session ,
fait hommage à l’assemblée , lui
fut remis en cette occasion, afin
qu'il s’en servit contre Îles enne-
mis de la constitution, et avec
l'invitation de le rendre, pour
être déposé parmi les monumens
nationaux , lorsqu'il aurait cessé
d’êtrenécessaire à la défense de la
patrie. Du reste, il est remarqua-
ble que ce militaire, que ses en-
nemis dépeignent comme un dé-
magogue , ne fit pas une seule
proposition qu’un homme raison-
nable ne pût avouer. On ne peut
pas lui reprocher d’avôir manqué
une seule fois, au respect dà à la
personne du Roï. Il fit l’abandon
d’une pension de 80,000 réaux
( environ 20,000 fr. )} , qui lui
avait été accordée à titre de ré-
compense nationale. Il ne siégea
dansaucun tribunal qui ait pronon-
cé la. mort de quelqu'un ; au con-
traire, il proposa d’accorder une
amnistie générale aux insurgés. Il
demanda lui-même , que le cri de
vive Rieso fût interdit. Enfin , il
27
418 RIE
n’usa jamais de l’ascendant extraor-
dinaire qu’ilavaitacquis sur Ja por-
tion constitutionnelle du peuple
espagnol , que pour le maintenir
dansle devoir. Voila quels furent
les actes de cethomme que l'avenir
ne voudra pas juger sur Îles ca-
lomnies de ses bourreaux.
Lors de l'insurrection de la
garde royale, le 7 juillet 1822,
Riego, membre des Cortès, cou-
rut dans les rangs des miliciens
de la capitale, et partagea leur
péril, cette fois victorieux. À l’ap-
proche de l’armée française,Riego
vota, conformément à un article
exprès de la constitution, la sus-
pension provisoire de lautorité
royale, en même temps que celle
de lassemblée des Gcrtès, qui
furent l’uve et l’autre remplacées
par une régence, durant la trans-
lation du gouvernement de Sé-
ville à Cadix. Cette circonstance
de la vie de Riego est d'autant plus
importante , que c'est sur elle
seule qu’on a basé larrêt de sa
mort. Ferdinand VIT avait nomme
Riego , à Séville, général en se-
cond du corps d'armée placé sous
les ordres de Ballesteros. Dans les
premiers jours du mois d’août ,
les Cortès, qui ne pouvaient s’ex-
pliquer la convention signée par
ce général , en vertu de laquelle
son armée restait, en un moment
si critique, dans la plus complète
inaction, dépêchèrent Riego, pour
prévenir, s’il en était temps, que
Ballesteros n’imitât les defections
de lP’Abisbal et de Morillo. El s’a-
gissait d'aller par mer à Malaga ,
d'y prendre le commandement des
troupes placées sous les ordres du
général Zayas , qui avait perdu la
confiance du gouvernement con-
titutionnel, et de tenter ensuite
RIE
une réunion ayec Ballesteros,pour
fondre de concert,sur les derrières
de l’armée française ; couper ses
communications avee Madrid, et
faire ainsi lever le siége de Cadix.
Riego sortit de Cadix, avec quel-
ques ofliciers, monté sur un bâti-
ment léger, passa au milieu de
lPescadre française, et vint dé-
barquer à Malaga , le 19 août. Il
enleya le commandement à Zayas,
et le fit embarquer pour Cadix.
Ensuile , il assembla trois mille
hommes avec lesquels il se dirigea
vers les cantonnemens de Balleste-
ros. Poursuivi parlesFrançais,aux
ordres du général Loverdo, Riego
les évita par des marches rapides,
etaprès quelques jours de fatigue ,
il apparut avec sa colonne, à Prie-
80, sur le front de Ballesteros. Les
deux généraux eurent une entre-
vue , à la suite de laquelle Riego
ne pouvant plus douter que Bal-
lesteros trahissait la cause des
Cortès , le fit arrêter par ses sol-
dats. Ce coup audacieux pouvait
amener des résultats importans ;
mais l’état-major de Ballesteros ,
qui avait embrassé les projéts de
son général , le délivra, et pro-
voqua son armée à résister à Rie-
go. Les Espagnols étaient sur le
point d’en venir aux mains entre
eux, lorsque l’arrivée d’une dixi-
sion française obligea Riego à
renoncer définitivement à son en-
treprise : alors, il se dirigea sur
Malaga , d’où il était parti la
veille , ramenant environ deux
mille cinq cents hommes abattus
et découragés.De là, il se jeta dans
la Sierra-Morena, où la division
française du général Bonnemain le
suivit. Tl était à Jaën lorsque les
Français l’atteignirent. Les Espa-
gnols se défendaient encore, es-
RIE
pérant gagner les montagnes, lors-
qu’un autre corps français, parti
d’Andujar, vint les placer entre
deux feux. À cette vue, la troupe
de Riego se dispersa, etlui-mêème
blessé à la jambe, se sauva sur
un cheval qu’on lui prêta, le sien
ayant été tué sous lui.
Pendant deux jours, Riego,suivi
d’un officier espagnol et d’un offi-
cieranglais, fidèles compagnons de
sa mauvaise fortune , erra dans
les sentiers les moins fréquen-
tés. S’étant rapprochés d’un lieu
habité , ils prirent pour guide un
ermite de la Torre de Pedro-
Gil et un habitant de Vilches.
Sans doute que, chemin faisant ,
les fugitifs commirent quelque im-
prudence qui dût les faire recon-
naître ; car leurs guides les livrèe-
rent à l’alcade d’Arquillos , qui les
fitconduire garottés à la Caroline.
À son arrivée dans la ville, Riego
fut jeté dans un cachot. Au bout
de quelques jours, un officier
français vint le réclamer, et le
conduisit à Andujar, vers le
quartier général, ce qui pouvait
faire espérer qu'il serait considéré
comme prisonnier des Français,
et, à ce titre, transféré en France.
Mais il parait qu’en considération
de ce qu’il avait été arrêté par
des paysans espagnols , on se crut
en droit de le livrer aux mains
des autorités royalistes du pays.
Dès-lors, sa perte fut certaine.
Après avoir passé quatre jours
dans la prison d’Andujar, Riego
fut dirigé sur Madrid. Il serait
trop long et trop pénible de ra-
conter les sauvages insultes dont
il fut abreuvé.sur toute la roule;
il suffira de dire que dans chaque
village , la populace ameutée
contre lui faisait retentir Pair des
BRIE 419
cris de : « Mort au traître » , ac-
compagnés des plushorribles blas-
phèmes. À Despeñaperros , elle
s'indigna de le voir dans une
vieille voiture , et forçca l’escorte
à placer le prisonnier sur une
mauvaise Charette. C’est dans cet
état queRiego entra dans Madrid,le
matin du 2octobre,;escorté par des
volontaires royalistes d’Arquilos et
par un détachement de troupes
françaises. On le conduisit à la
prison dite le Séminaire des no-
bles, où il fut mis au secret, et
traité ayec une rigueur barbare.
Avant que kRiego fût entré dans
les prisons de Madrid, la Régenc
avait rendu un décret portani qu’il
serait jugé uniquement pour Île
fait d’avoir voté la suspension du
Roïà Cadix,etqu’en conséquence,
on lui appliquerait l’article 5 du
décret de la Régence,du 23 juin,
qui porte : « Tousles députés aux
» Cortès qui ont pris part à la dé-
»libération dans laquelle a été
»résolue la destitution du Roi,
»notre seigneur, sont, pour ce
»seul fait, déclarés criminels de
» Ièse-majesté. Les tribunaux leur
» appliqueront, sans autres forma-
» lités que la preuve d'identité, la
» peine prononcée par les lois,
»pour cette classe de crimes. »
Riego fut renvoyé pour être jugé,
devant le tribunal appeléChambre
des alcades de la maison royale
et de la cour (Camera di casa y
corte ). Il voulut décliner la com-
pétence de ces juges, se préten-
dant justiciable destribunaux mi-
litaires ; mais cette compétence
fut confirmée par deux décrets
royaux. La procédure ne tarda pas
à être terminée ; et l’audience
appelée vista (dans laquelle lac-
cusé jouit du privilège d’être dé-
420 RIE
fendu en public) , fut fixée
au 27 octobre. Riego aurait eu
le droit d'y comparaître en per-
sonne; Mais il persista à nier
la compétence de ses juges,
et s’abstint dese rendre devant
eux. Après la lecture des pièces ,
le fiscal fut un acte d'accusation ,
dont la férocité ampoulée frappa
toute l'Europe d’indignation et
d'horreur. Il se terminait en ces
terme: « Par toutes ces considé-
rations , le fiscal requiert que le
traitre Don Raphaël Riego. atteint
et convaincu du crime de lèse-
majesté , soit condamné au der-
nier supplice. que ses biens soient
confisqués au profit de la com-
mune , que sa tête soit exposée
à Las Cabezas de San-Juan, et
que son corps soit partagé en
quatre quartiers, dont l’un sera
porté à Séville , l’autre à l’île de
Léon, le troisième à Malaga, et le
quatrième sera exposé dans cette
capitale , aux lieux accoutumes,
ces villes étant les points princi-
paux où le traître Riego a soufflé
le feu de la révolte , et manifesté
sa perfide conduite. Ainsi le re-
quiert le fiscal, dans l'intérêt de la
vindicte publique , dontla défense
lui est confiée, et en vertu des
droits qui lui sont commis en sa
qualité de procureur du Roi. » —
Vint ensuite le tour de parier
de l’avocat de l’accusé : aucun de
ceux de Madrid n'avait osése char-
ger de sa défense; la Chambre fut
obligée d’en nommer un d'office.
Cette garantie préliminaire inspi-
ra du courage au défenseur. Il
commença par nier la compétence
du tribunal qui venait de le dési-
gner. Passant ensuite au fond de
l'accusation, il établit que Riego,
dans la séance des Cortès du 11
RIE
juin, avait émis un vote irrespon-
sable de sa nature , conforme à
la constitution . à son mandat , à
ses sermens. Il soutint que le
gouvernement constitutionnel re-
connu en apparence par le Roi,
et en réalité par toutes les puis-
sances, était au moins un gou-
vernement de fait, placé dans les
circonstances les plus favorables
pour lui donner les coaleurs de la
légitimité. Le défenseur voulut
ensuite développer le principe de
la souveraineté du peuple ; mais
ses doctrines provoquèrent dans
l’assemblée de violens murmures,
que les magistrats eurent bien de
la peine à comprimer. — Le pro-
cureur fiscal prit de nouveau la
parole , pour réfuter les raison-
nemens de l'avocat; et à peine
eut-il cessé de parler, que lasalle
retentit de ce cri : « meure l’in-
»fime , le traître Riego ! » Le
président déclara {a vista ter-
minée. La Chambre des alcades
de la maison royale et de la cour
condamna Riego à perdre la vie
sur un gibet ; mais elle rejeta les
autres conclusions du fiscal, hor-
mis celles qui concernaient la
confiscation des biens, qu’elle pro-
nonçca aussi.
Le 4 novembre 1825, au milieu
de lanuit, Riego fut conduit du Sé-
minaire des nobles à la prison de
la Tour; le lendemain, à midi,
lorsqu'il eut entendu lecture de
sonarrêt , on le conduisit en cha-
pelle, assisté de deux moines. On
avait placé dans la rue, vis-à-vis
la prison , une table qui portait un
crucifix ; elle était destinée à re-
cevoir les offrandes des personnes
dévotes , et le produit devait ser-
vir à payer les frais de la messe
et des funérailles. Beaucoup de
RIE
gens auraient eu la euriosité de
voir Riego dans sa prison ; mais
toutes les demandes de cette na-
ture furent refusées. Le 7 n9-
vembre, à midi et demi, Riego
fut amené à la porte extérieure
de sa prison; il était pâle et dé-
fait. On lui avait enlevé son ha-
bit, et on l’avait revêtu d’une es-
pèce de robe de chambre, atta-
chée autour des reins avec une
corde. Il avait les mains et les
pieds liés. On le placa sur une
claie d’osier ; en forme de pa-
uier , trainée par un baudet; un
oreiller lui soutenait les reins,
et six frères gristenaient le panier
suspendu en l'air, de manière à
ce qu’il ne trainât pas contre
terre; un clerc présentait au
patient le Christ à baiser ; un
prêtre portant un grand crucifix ,
et un autre agitant une cloche
funèbre ,; compléiaient le cor-
tèége ,; qu'escortait un bataillon
de la bande de Bessières (1). Les
fenêtres et les balcons de presque
toutes les maisons devant les-
quelles le cortége devait passer ,
furent remplis de spectateurs,
parmi lesquels on s'accorde à
dire qu’on remarquait beaucoup
de moines et d’ecclésiastiques.
Un petit nombre de maisons,
dont les habitans avaient été les
amis de Riego , restèrent
désertes et fermées. Le général
français Verdier, accompagné de
son état-major , parcourut la
place de l'exécution et les prin-
cipales rues qui y aboutissent,
où il placa des piquets de cava-
(1) Au moment où l’on écrit cet ar-
ticle , le télégraphe transmet la nou-
velle que Bessières vient d'être fusillé
à Molina d'Aragon , le 26 aout 1825.
RTE 42#
lerie : des patrouilles francaises
circulaient aussi, autour de la
place et en différens quartiers de
la ville. Ilrégnapendant la longue
marche du cortége, un profond
silence. On ne pouvait guère dis-
tinguer les traits du patient,
attendu que sa tête était penchée
sur sa poitrine. Arrivé au pied de
la potence, d’une hauteur déme-
surée , qu'on avait dressée sur la
place de la Cebada , Riego fut
enlevé de la claie et placé sur le
premier degré de l'échelle , où
il se confessa ; ensuite. on l’aida
à monter , € qui paraissait lui
étrediflicile, à cause de l’enflure
de ses jambes, occasionée par
les fers dont ik n’avait pas cessé
d'être chargé depuis le jour de
son arrestation. Tandis que le
bourreau lui attachait la corde au
cou , le prêtre qui assistait le gé-
néral, demandait pour lui, aux
spectateurs, le pardon de ceux
qu'ilpouyaitavoir offensés,comme
il pardonnait à ses ennemis. IL
commença ensuite à réciter un
acte de foi , pendant lequel Riego
fat lancé en bas de l'échelle. Au
moment où le nom de Jésus-
Christ fut prononcé, le bourreau
sauta sur les épaules du patient ,
et deux hommes , placés sous
l’échafaud , le tirèrent par les
jambes. A l'instant de l'exécution,
des groupes placés immédiate-
ment autour de l’échafaud , firent
entendreles cris de vive la religion!
vive Le roi Ferdinand VII ! Un
seul homme se trouva dans la
foule, qui vintinsulter le corps du
défunt. Le soir, les restes mortels
du général Riego furent transpor-
tés dans une église voisine , et
enterrés au Campo santo, par
la confrérie de la Charité.
422 RIE
Des moines ayant pénétré seuls
auprès de Riego durant sa capti-
vité, on ne peut rien savoir que
par eux. Les journaux de Madrid
ont publié une pièce au bas de
laquelle ils ont apposé la signature
de l’infortuné général , avec la
légalisation d’un officier de jus-
tice. Dans cette pièce , on lui fait
désavouer sa conduite passée ,
et en demander pardon à Dieu et
aux hommes. Nous n’avons pas
besoin de dire quel cas on doit
faire d’un pareil document , daté
de la veille même de l'exécution,
au soir. Des témoins oculaires de
cette horrible scène attestent d’ail-
leurs, que le patient se trouvait
dans un état d’abatiement qui ne
lui laissait pas usage libre de son
esprit. Le supplice de Riego fit
beaucoup de sensation en France
et en Angleterre. Quant à ce qui
touche notre pays ,; nous ne
croyons pas la langue assez souple
ni la législation assez indulgente ,
pour qu’il nous soit permis d’ex-
primer ici toute notre pensée. À
Londres , où s'étaient réfugiés
l'épouse du général (1) et son
oncle ( Don Miguel del Riego ,
chanoine d’Ovicdo ), ces deux
personnes sollicitèrent par let-
tres , l'ambassadeur français ( M.
le prince de Polignac ) et le mi-
1) Doña Maria Theresa del Riego
était fille de D. Joaquim del Riego y
Bustillo et de Doña Josefa del Riego-
Fiorez. Elle naquit le 15 ina 1800,
dans la ville de ‘Finco, chef-lieu du
district de son nom , province des As-
turies. Elle fut l’ainée de trois frères
et de trois sœurs ; une de ces dernières,
Lucie, ia suivit dans son exil. Le gé-
néral Riego, que Doña Theresa avait
épousé, était aussi son oncle. Elle se
sépara de lui à Cadix, pour la dernière
RIE
nistre des affaires étrangères de
France , à l'effet d’obtenir l’in-
tervention du gouvernement de
S. M. T. C. auprès de S. M. C.,
en faveur du général Riego.
L'ambassadeur français répondit
avec quelque politesse ; mais les
lettres envoyées en France, et
transmises par l'ambassadeur , le
17 octobre , ne reçurent point
de réponse : bientôt toute dé-
marche fut devenue inutile.
Ouire les divers écrits relatifs
aux révolutions d’Espagne de
1820 et 1825, on peut consulter
les ouvrages suivans, qui con-
cernent plus spécialement celui
qui fait le sujet de cet article.
I. Memoirs ofthe Life of D. Ra-
phaël del Riego, by a spanish o fji-
cer. London, W. J. Partridge ,
1829. l
On annonçait à Londres, en
1824, la publication, par le cha-
noine Riego , des Mémoires du feu
général son neveu, suivis d’une
Histoire des dernières révolutions
d’Espagne et de la restauration de
Ferdinand VII. Cet ouvrage devait
être orné de portraits et de fac
simile : nous ignorons s’il a vu le
jour.
IL. Procès du général R. del
Riego, précédé d’un Notice biogra-
phique. Paris, Ponthieu, 1525,
in-ÿ, de 57 pages.
fois. Cette jeune femme , pleine d’en-
thousiasme pour son époux, ne put
survivre long-temps à la nouvelle de
sa fin tragique. Elle mourut à Londres,
un an après lui, consumée par la dou-
leur, dans les bras de sa jeune sœur,
de son oncle le respectable chanoine
Riéso, et entourée de plusieurs Espa-
gnols d’une grande distinction , restés .
fidèles à la mémoire de leur infortuné
compatriote.
nid :
STR
RUNG (Pairiere), Anglais de
naissance, est mort âgé de zoans, à
Halle , où il professait la langue
anglaise , à l’Université, le 11 fe-
vrier 2823. Rung a publié plu-
sieurs écrits, entre autres, un f}ic-
. 1 . . , 0
tionnaire biographique des J'uifs et
STR 423
des Juives qui se sont distingués
dans la carrière des lettres, en y
comprenant les patriarches, les
prophètes et les rabbins célèbres,
Leipsig , 1817. En 1820, Rung
pubiia une traduction anglaise
d’unecomédie allemande de Hell.
Se
STRAUCH x VIDAL ( Fran-
çors-Raymonr } , évêque de
Vich, naquit à Jarragone, en
1760. Son père était Suisse et capi-
taine dans un régiment au service
de l'Espagne. Le jeune Strauch fit
ses premières études à Saragosse,
et embrassa l’état monastique
dans un couvent de franciscains
de l’île de Majorque , où son père
se trouvait alors, avec son régi-
ment. 11 devint professeur de phi-
losophie dans un couvent de son
ordre , puis professeur de théolo-
gie, pendant vingt-cinq ans, à
l’université de Palma. À cet em-
ploi, le P. Strauch joignait l’exer-
cice de la prédication. Doué d’ap-
ütude et de goût pour diverses
sciences , il apprit les mathéma-
tiques , assez pour être en état de
dresser une carte topographique
de’ Majorque, qui est estimée sur
les lieux. Pendant la guerre de
l'indépendance , le P. Strauch fut
nomme aumônier d’un régiment ;
il remplit cet emploi avec zèle et
courage , exposant souvent sa vie
pour secourir les militaires sur les
champs de bataille. Ses vêtemens
furent une fois percés de balles :
mais des désordres qu'il ne put
réprimer le déterminèrent à quit-
ter le régiment. Durant l’inva-
sion , le père Strauch publia quel-
ques écrits, sous un nom supposé,
entre autres un Discours sur l’in-
fluence de lareligion dans la carrière
des armes. 1 traduisit en espagnol
les Mémoires pour servir à l’His-
toire du jacobinisme, de lPabbé
Barruel. Ce iravail le rangea,
parmi les ennemis des opinions
libérales qui se développaient
alors en Espagne , aussi bien qu’un
autre écrit qu’il publia en faveur
des immunités ecclésiastiques,
source féconde, dans la Péninsule
et ailleurs, des plus graves dés-
ordres. En 1811, Strauch rédi-
geait à Majorque, un journal qui
paraissait deux fois la semaine,
et qui avait pour titre : Semanario
christiaño politico. Son but était
de combaitre les doctrines irré-
ligieuses. Deux autres moines
l’aidaient dans ce travail, qui ne
l’empêcha point, cette année
même , de prècher le carême à
Palma. Ses opinions fui suscité-
rent dès lors, des persécutions de
la part du gouvernement consti-
tutionnel d'Espagne, et ildemeura
neuf mois en prison, protestant
contre la compétence de ses juges
sur les matières religieuses. À lé-
poque du retour de FerdinandVIII
dans ses états, le P. Strauch fut
récompensé de ses opinions et de
ses souffrances par sa promotion
à Pévêché de Vich , en Catalogne,
qui eut lieu en 1816. A celle oc-
424 VAN
casion il fut présenté au Roi, qui
lui fit des promesses d’une plus
haute fortune. Depuis le rétablis-
sement delaconstitution, l’évêque
de Vich ne put éviter les occasions
de témoigner son opposition au
nouveau système qui prévalait
alors. Il voulut d’abord s’opposer
à la publication d’un livre qui lui
parut hétérodoxe ; ensuite il re-
fusa de prêter serment à la consti-
tution de Cadix, tant que le Roi
n'eut pas prêté ce serment. Depuis,
le Roi en ayant donné l'exemple,
l’évêqueide Vich ne fit plus de dif-
ficulté de limiter; mais il se re-
fusa obstinément à publier le dé-
cret des Cortès du 25 octobre1820,
qui soumettait les moines à la ju-
ridiction de leurs évêques, lut-
tant ainsi pour des priviléges abu-
sifs, contre la véritable et antique
discipline catholique. Ce refus fit
traîner le P. Strauch dans la cita-
delle de Barcelone. Traduit devant
les tribunaux, il fut condamné à
mort, en vertu d’une législation
barbare ; mais il appela de cette
sentence ; elle fut cassée par
VAN
les seconds juges, qui ordon-
nérent sa translation à Tarragone,
où ils assignèrent sa résidence.
On le fit partir, accompagné d’un
frère lay pour le servir, et escorté
par un détachement de troupes.
Quand on fut arrivé à Ordalt, le
commandant de l’escorte, appre-
nant l'invasion de l’armée fran-
çaise (c'était le 16 avril 18253), fit
descendre l’évêque de voiture, et
lui tira un coup de pistolet à bout
portant. Le prélat tomba mort :
le frère lay qui l’accompagnait,
nommé Michel Quelus, subit le
même sort. Tel est du moins le
récit des journaux, écrits il est
vrai bien souvent, avec beaucoup
de légèreté, et sous Finfluence de
l'esprit de parti: ce qui est mal-
heureusement trop avéré, c’est la
mort violente de l’évêque de Vich.
Plusieurs individus ont été pour-
suivis, et même exécutés, depuis
l'abolition de la constitution ,
comme auteurs ou complices de
cet atroce assassinat. L’évêque de
Vich périt à l’âge de soixante-
trois ans.
Ve
VANDERSTRAETEN (Ferpr-
naxD),né le og mars 1571, à Gand,
fit de bonnes études au collége de
cette ville. Son père, négociant
fort instruit , Le destinait au com-
merce, et les affaires de sa maison
le conduisirent plusieurs fois en
Angleterre : il s’appliqua particu -
liërement, à découvrir les vérita-
bles causes de la prodigieuse pros-
périté de ce pays. D’autres voya-
ges en France, en Allemagne, en
Hollande, le mirent à même de
multiplier ses observations sur les
diversesbranches dont se compose
l’importante science de lécono-
mie politique. Fixé dans sa patrie
et débarrasse de ses affaires com-
merçiales , il se livra plus que ja-
mais à l’étude ; et l’examen des
procédés de lagriculture fla-
mande fixa son attention d’une
manière spéciale. Il erut devoir à
sa patrie le tribut de ses lumières
et de son expérience. En juin
1817, Vanderstraëten présenta au
roi des Pays-Bas un mémoire sur
la nécessité d’apporter quelques
VAN
restrictions au commerce des
grains; el, six semaines après,
il en adressa un second, relatif à
l'importance des manufuctures.
Ces deux mémoires renfermaient
le germe d’un ouvrage beaucoup
plus étendu , qu’il publia sous ce
titre : De l’Etat actuel du royaume
des Pays-Bas et des moyens de l’a-
méliorer (Bruxelles, 1819, in-8).
Cet écrit l’exposa à des poursuites
de la part du gouvernement, sous
le prétexte qu’en prédisant la
ruine de l’industrie belge, il jetait
l'alarme dans les esprits et pro-
voquait la désunion parmi les ha-
bitans du royaume. Vander-
straëten fut arrêté, et subit une
longue procédure. Des avocats de
Bruxelles, dont il réclama les con-
seils , rédigèrent une consultation
qui fut livrée à l’impression. Cette
publication provoqua larresta-
tion des défenseurs eux-mêmes,
au nombre de sept; puis, par
suite , leur suspension. La même
procédure donna lieu à un autre
épisode encore plus remarquable.
Le fils de l'accusé , jeune homme
mineur, qui avait satisfait aux pre-
mières interpellations du juge
d'instruction jusqu’à l’époque de la
consultation dont nous venons de
parler, ayant refusé constamment
depuis lors, de répondre aux ques-
tions qui lui étaient adressées par
le magistrat, fut emprisonné
comme son père. Le motif de ses
refus était fondé sur ce que les
lois de la nature, plus puissantes
que les lois humaines, lui défen-
daient de déposer dans une affaire
où son père se trouvait impliqué.
Néanmoins le jeune homme fut
élargi, sur la déclaration de la
chambre du conseil du tribunal,
qu'il n’y avait lieu à inculpa-
VAN 425
tion. Quant à M. Vanderstraëten,
la cour d’assises de Bruxelles le
condamna à 3000 flcrins d’amende
etaux frais dela procédure. Il fut
reconduit dans son domicile aux
applaudissemens des spectateurs,
et l’amende fut payée au moyen
d’une souscription. Lesnombreux
témoignages d'intérêt qu’il reçut
de ses concitoyens , dans cette cir-
constance , le dédommagèrent de
ces persécutions , qui néanmoins
furent plusieurs foisrenouvelées à
propos de différens articles de son
journal, P Ami duroiet de la patrie.
Il venait de comparaître encore
devant la cour d’assises, après
deux mois et demi de détention,
lorsque l'invasion subite de la
maladie lui ayant fait obtenir
d’être transporté dans sa maison,
il y mourut le même jour, 2 fé-
vrier 1823. Le second volume de
son ouvrage, De l’Etat actuel du
royaume des Pays-Bas, qui parut
en trois parties , de 1820 à 1825,
est infiniment supérieur au pre—
mier, sous le rapport de la mé-
thode et du style. L’un et l’autre
annonçent des connaissances pro-
fondes en économie politique ,
des vues presque toujours saines
et le plus ardent amour du bien
public. L'auteur, excellent père de
famille , ami zélé , citoyen coura-
geux, jouissait, à juste titre, de
l'estime générale. ( Article com-
muniqué par M. le baron de Stas-
sart, membre de la seconde Cham-
bre des Etats-généraux du royaume
des Pays-Bas.)
VAN DE VELDE ( JEax-Fran-
çois ), théologien belge, naquit
à Beveren , pays de Waës, le 5
mars 1743. Il étudia en théologie
à Louvain , reçut les ordres sa-
426 VAN
crés en 1769, et fut nommé biblio-
thécaire de l’université. Il prit le
bonnet de docteur dans cette fa-
culté cétèbre , en 197575 , y devint
professeur ,. et en fut deux fois
recteur. Dans les querelles concer-
nant les rapports de la discipline
ecclésiastique avec l’ordre civil,
Van de Velde prit parti contre les
canonistes qui défendaient les
droits de l'autorité temporelle,
appuyés par l’empereur JosephIl.
Le 28 juin 1584, fit soutenir une
thèse sur le pouvoir de l'Eglise
d'établir des empêchemens diri-
mans au mariage, dans laquelle
il combattait, sans le nommer ,
le système du docteur Le Plat. On
sait que Joseph usa souvent de
moyens de rigueur qui ne con-
viennent jamais à la cause de la
vérité; celle-ci demande seu-
lement la liberté, qui suffit tou-
jours à son triomphe et à la ruine
de l’erreur. Van de Velde fut mo-
mentanément , et à plusieurs re-
prises, éloigné de sa chaire , et
même banni de sa patrie , à l’oc-
casion des troubles théocratiques
qui l’agitèrent vers 1587. Il oc-
cupait le poste éminent de prési-
dent du grand collége de Louvain
lors de l'invasion des Français, en
juin 1594; il s'enfuit en Hollande,
puis en Westphalie. Les premières
lueurs d’un gouvernement mo-
déré lefirent revenir à Louvain, au
mois d'août 1595. Il s’y trouva
bientêt, enbutte aux persécutions.
Le Directoire suivait, à l'égard
des catholiques des Pays-Bas, le
système le plus tyrannique. Il dé-
truisait les monumens ecclésiasti-
ques , s’emparait des biens du
clergé ; gênait de diverses maniè-
res , la liberté des consciences et
des cultes. La faculté de théologie
VAN
fit des représentations; Van de
Velde , qui y avait eu part, fut
arrêté, en Mai 1799. La journée du
18 fructidor vint encore aggraver
le sort du clergé catholique des
Pays-Bas. Au mois de novembre
150;, on rendit des arrêtés de dé-
portations contre tous les profes-
seurs de Louvain. Van de Velde
parvint à se sauver, et passa de
l’autre côté du Rhin. Il parcourut
une partie de l’Allemagne, visi-
tant les bibliothèques, et faisant
des recherches relatives aux mo-
numens de l’histoire ecclésiastique
des Pays-Bas. Il ne rentra dans
son pays qu’en 1802; mais trou-
vant que l’université de Louvain
avait été supprimée, parun simple
arrêté du département de la Dyle,
du 25 octobre 1597, il n’eut plus
qu’à s'occuper de ses travaux his-
toriques. En 1811, M. deBroglie,
évèque de Gand , l’amena au con-
cile de Paris , en qualité de théo-
logien. On croit que le docteur
Van de Veilde ne fut pas étranger
à la rédaction du mémoire lu par
M. l’évêque de Gand, devant la
commission du concile , dans le-
quel le prélat discutait la compé-
tence de l’assemblée , pour chan-
ger la discipline de PEglise sur
l'institution des évêques. Le théo-
logien de Gand se trouva .enve-
loppé dans la disgrâce de son
évêque. Arrrêté comme lui, et
renfermé à Vincennes, il fut de
là, envoyé en exil à Rhetel, où ül
resta jusqu'au mois d'avril 1814.
La chute de Napoléon lui permit
de retourner dans sa patrie. Il se
flatta d’abord,d’obtenir le rétablis-
sement de l’université de Lou-
vain ; mais bientôt, s’étant aperçu
de Finutilité de ses efforts, il con-
sacra de nouveau tous ses loisirs
VAN
à ses recherches sur Îles monu-
mens de l’église des Pays-Bas. Il
se proposait de donner une édi-
tion des conciles de cette contrée,
et il a publié un abrégé de son
travail, sous le titre de Synopsis
monumentorum, etc. (Gand, 1822,
5 vol.in-8). Van de Velde mourut
à Beveren,le 9 janvier 1823, avant
d’avoir pu mettre la dernière main
à son grand ouvrage. On lui doit,
dit Ami de la Religion et du Roi
(t. AL, p. 84), un grand nombre
de mémoires, de dissertations et
d’opuscules , sur différens sujets,
les uns publiés, les autres manus-
crits.
VANSWINDEN (Jeax-Henn),
fils de Philippe Vanswinden,
avocat à la cour de justice des
provinces de Hollande et de Zé-
lande, naquit à La Haye, le 8 juin
1546. Dès sa première jeunesse ,
il montra un goût décidé pour les
sciences mathématiques et philo-
sophiques. Il fitses études à l’uni-
versité de Leyde, et y fut reçu
maître-ès-arts et docteur en phi-
losophie, le 12 juin 1766, après
avoir soutenu publiquement sa
dissertation inaugurale sur l’at-
traction. En décembre 1766, il fut
nommé professeur en philosophie,
logique et métaphysique, à l’aca-
démie de Franeker, en Frise.
Après avoir été pendant dix-neuf
ans , professeur à cette univer-
sité , il fut, en 1788, nommé
professeur de philosophie, phy-
sique, mathématiques et astrono-
mie, à l’Athénée illustre d’Am-
sterdam. En 1750, Vanswinden
remporta le prix à l’Académie
royale des sciences de Paris, sur
les aiguilles aimantées et leurs
variations. Son mémoire , très-
VAN
étendu , est rempli d’un grand
nombre d'observations curieuses
et profondes. En1780,Yanswinden
obtint un autre prix de l'académie
de Munich, sur la question :
Quelle est l’analogie entre le ma-
gnétisme et l'électricité? Ce mé-
moire est imprimé séparément, en
2 vol. in-8. Lorsqu’en 1798, l’In-
stitut national de Francerésolutde
convoquer à Paris, un congrès de
savans étrangers, à l’effet d’exa-
miner et de discuter les opérations
faites pour la détermination de la
base du nouveau système des
poids et mesures, Vanswinden fut
nommé, avec M. OEnex, de la
part de la République Batave,
pour assister à cette assemblée des.
sayans européens. C’est d’elle qu’il
obtint la distinction, encore plus
flatteuse, d’être choisi pour rap-
porteur, d’abord près la classe
des sciences mathématiques et
physiques de l’Institat, ensuite:
devant toutes les classes réunies.
Les deux rapports ont été publiés
dans les Mémoires de l’Institut (1).
Ces rapports, écrits en langue
française, et d’autres ouvrages
publiés par Vanswinden dans la
même langue , prouvent que ce
savant écrivait le français avec
correction et même avec élégance.
Après ladoption définitive du
(1) Rapport fait à l’Institut natio-
nal des sciences et arts, Le 29 prairial
an VII, au nom de la Classe des
sciences mathématiques et physiques,
sur La mesure du méridien de France,
et les résultats qui en ont ête déduits
pour déterminer des bases du nouveau
système métrique. — Précis des ope-
rations qui ont servi à déterminer Les
bases du nouveau système métrique ,
lu à La séance publique de l'Insti-
(ut, etc., le 1°* messidor an VEL.
428 VAN
nouveau système métrique, Van-
swinden se mit en devoir de faire
connaître à ses compatriotes la
perfection de ce système , par un
ouvrage où il examine à fond les
propriétés qui constituent la per-
fection des poids et mesures, et
qui est considéré en Hollande,
comme classique.
Vanswinden ne fut pas seule-
ment un savant du premier ordre;
il fut encore un patriote éminent.
Après la révolution de 1598, il
devint membre du directoire exé-
cutif de la RépubliqueBataxe.Sous
le gouvernement monarehique, il
refusa les titres et décorations
qu’on lui offrit; mais il accepta
du roi des Pays-Bas, en 1817, le
brevet de conseiller d'état en ser-
vice extraordinaire. En cette qua-
lité, il fut souvent consulté sur
des questions scientifiques , rela-
tives à l'administration publique.
Il mourut à Amsterdam, le g mars
1825, âgé de 57 ans. Vanswinden
était membre de PInstitut royal
des Pays-Bas et correspondant de
l’Institut de France, ainsi que de la
plupart des premières académies
de l’Europe. Son caractère et ses
vertus privées ajoutèrent à la con-
sidération que lui avaient juste-
ment acquise , ses mérites et ses
services.
On a publié : 1° Redevoering
over J.-H. Vanswinden. — Dis-
cours sur J.-H. Vanswinden, pro-
noncé le 26 août 1823, à l’Institut
des Pays-Bas, par M. Moll. Am-
sterdam , 1825, in-8 , de 79 pag.
2°. Catalogue des livres de la
bibliothèque de feu J.-H. V'an-
siwinden , conseiller détat, etc. ;
suivi du Catalogue des instrumens
ayant fait partie de son cabinet et
de sa collection très-rare de poids
YVAN
et mesures. Amsterdam , P. Der
Hengst et fils, 1824 ; in-8, de viij
et 159 pages.
Liste des ouvrages
de J.-H. V'answinden.
I. De causis errorum in rebus
philosophicis. — Des causes d’er-
reur en philosophie , discours pro-
noncé le 19 mars1767, pour l’ou-
verture du cours de philosophie,
à l’université de Franeker.
IT. Cogitationes de variis philo-
sophiæ capitibus. —— Pensées sur
divers sujets de philosophie. 1767,
in-4, 4 parties.
ITI. T'entamen theoriæ mutandæ
phænomenis magnetici. — Essai
d’une nouvelle théorie du phéno-
mène magnétique. Leyde, 1772,
in-4.
IV. Observations sur le froid ri-
goureux de janvier 1556. in-8.
V. Dissertation sur Le thermo-
mètre. 1771, in-8.
VI. De philosophiä newtonianä.
—De la philosophie newtonienne,
discours prononcé le 12 juin 17579;
en quittant le rectorat de lAca-
démie.
VII. Descryving van het hemel
gestel, door É. Eysenga. —- Des-
cription d'un planétaire construit
par E. Eysenga, à Franeker. i780,
in-S.
VIII. Observations météréologi-
ques pour l’année 1759-80. in-8.
IX. Recueil de différens mémoires
sur lélectricité et le magnétisme.
1984, 5 vol. in-6.
X. Oralio de hypothesibus phy-
sicis.— Discours sur les définitions
physiques. 1785, in-4.
XI. Description d'une nouvelle
pompe pneumalique. in-8.
XII. Posiliones physicæ.—Ques-
VAN
tions physiques. 1786, 2 vol.
in-8.
Cet ouvrage n’est pas terminé.
Le premier volume a été traduit
en hollandais.
XIII. T'heoremata geometrices. —
Théorèmes géométriques. 1786,
1 vol. in-8.
XIV. ( Avec P. Nieuwland et
Van Keulen) 4/manak ten dien-
sten der zeelieden, ete. — Alma-
nach à l’usage des marins, avec
l'explication. 1787, un vol. in-8.
La principale partie de la rédac-
tion de cet almanach nautique est
due au géomètre hollandais P.
Nieuwland.
XV. Verhandeling over het be-
palen der lengte op zee. — Traité
sur la détermination de la longi-
tude en mer, par les distances de
la lune au soleil et aux étoiles
fixes. 1787, in-0.
Cet ouvrage, rédigé aussi en
société avec P. Nieuwland, a été
réimprimé successivement, en
1789; 1706, 1802 et 1809, avec
des augmentations considérables.
Vauswinden en a publié, peu
d'années avant sa mort, une
sixième édition.
XVI. DeHypothesibus physicis,
quomodo sunt e menti Newioni in-
VAN 429
telligendæ.— Des systèmes physi-
ques , expliqués suivant les idées
de Newton, discours prononcé le
27 avril 1788, à l’Athénée illustre
d'Amsterdam.
XVII. Verhandeling over de oc-
tanten, etc. — Traité des octans.
1791, in-8.
XVIII. Lykrede — Oraison fu-
nèbre de P. Nieuwland , lue à la
société Felix Meritis. Amsterdam,
1799, in-8 , de 172 pages.
XIX. Grondbeginselen der meet-
kunst. — Elémens de géométrie.
1796 , in-8. — nouvelle édition ,
revue et augmentée , 1816.
XX. Lessen voor het planuarium
tellurium , en lunarium van V'an-
laen. 1802, in-8.
XXI. Werhandeling over vol-
maakte maten en gewigten.—Traité
des poids et mesures parfaites.
1802 , 2 vol. in-8.
Vanswinden a encore publié,
depuis 1810, plusieurs tables de
comparaison , entre les nouveaux
poidset mesures et ceux usités
en Hollande; il a donné aussi
plusieurs Mémoires sur différens
sujets de physique et de mathé-
matiques, dans le recueil de l’In-
stitut royal des Pays-Bas.
FIN.
A
ANNUAIRE
NÉCROLOGIQUE
POUR 1825 (6° ANNÉE ).
PROSPECTUS.
T'ableau des principaux articles de l'Annuaire Nécrologique
pour 1829.
_ Partie francaise. — VFErranD (le comte); GAvEAUx,
musicien; Lucas, minéralogiste ; LENorR-LAROGHE, pair
de France ; Percy, chirurgien ; RoBErT LiNDer, conven-
tionnel ; Durresxoy ( M); Bécrarp, médecin ; Bonnay,
(le marquis de), pair de France ; Lamouroux, natura-
liste; Perrier, l’un des rédacteurs des Actes des Apôtres ;
Hevouvicze (le général) ; Pertiror ; Courrier ( Paul-
Louis ), vigneron; Descrotzicre , chimiste ; DENON, direc-
teur des Musées ; la princesse BorGnèsEe ( Pauline Bona-
parte ); NincenT-SainT-LaurentT ; BourarD , traducteur;
BouLoene (l'abbé), évèque de Troyes; FaBre D’Oriver ;
SaINT-SIMON (Henri), industriel; Vicrevieizce (le marquis
de), parent de Voltaire; Rranrer (Edme) , mécanicien ;
BurckHARDT, astronome; Manzon (M), de Rhodez ;
D'ANDRÉ, de l'assemblée constituante ; Cocnon (comte
de l’Apparent ), conventionnel ; GAUTHEROT , peintre ;
Puysécur (le marquis de), magnétiseur; BaLGuERIE-
STUTTENBERG, négociant ; LACGÉrèÈDE; DurarTy (Charles),
sculpteur ; Foy (général ) ; BarBiEr (A. À,), biblio-
graphe , étea etc:
Partie étrangère. — WErNER, tragique ct prédicateur
allemand ; RADpcriFrE (Anne), romancière anglaise ;
KewBre, acteur anglais; Ricarpo , économiste anglais ;
lord ErSkINE; BELZONT, voyageur italien ; Bowpicn, voya-
seur anglais; lord Byron; Vicror-EmmaANvEL, roi de Sar-
daigne ; ConsALvr (le cardinal) ; la duchesse D’ArBani ;
Viorti , musicien; la reine D’ETRURIE ; la duchesse de
DevonsuirE; le duc del ParQuE; STADIoN (le comte },
ministre des finances d'Autriche ; FerbinAnD III , grand-
duc de Toscane ; KEmwper, jurisconsulte hollandais ;
Wozrr, philologue allemand; CarrrwieurT (le major),
patriote anglais; ÎrurBIDE, empereur du Mexique; Surru,
missionnaire fméthodiste , martyrisé à la Jamaïque ; Picrer
(Charles) , de Genève, etc. , etc.
L V4
FÉVRIER 1827.
Ed
£ …
DU CATALOGUE
GTS) L $ $
de fa Ad Abrairre
DE PONTHIEU ET C",
Pafais-Royal, à Davis.
Amour ET AMBITION, comédie de M. Riboutté. In-8°. 3 fr.
ANNALES ROMANTIQUES. Un très-joli vol. in-18. G fr.
ANNUAIRE ÂNECDOTIQUE, OU Souvenirs Contemporains.
L'année 1826, 2° édition, in-18. 4 fr.
L'année 1827, 2° édition, in-18. 4 fr:
ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE, où Complément annuëél et
continuation de toutes les biographies et diction-
naires historiques, contenant la vie de tous les
hommes remarquables par leurs actes ou par leurs
productions, morts dans le cours de chaque année,
à commencer de 1820; rédigé et publié par A. Mahul.
In-8°, orné de portraits.
Première année, pour 1820. Sfr >
Deuxième année, pour 1821. 7 fr. 50 c.
Troisième année, pour 1822. 7 fr. 50 c.
Quatrième année, pour 1823. 8fr. »
Cinquième année, pour 1824. 8fr. »
Sixième année, pour 1825. 8 fr. »
(21)
ART (1°) DE GAGNER sa VIE, d'augmenter ses revenus ,
et de parvenir à la fortune; ou des ressources que
tout homme possède pour se faire un état, etc, etc ;
par Mossé. 1 vol. in-8°. G fr.
L’ART DE JOUER ET DE GAGNER A L’ÉCARTÉ, enseigné en
huit lecons ; par Teyssèdre. 1 vol. in-18. 3 fr.
L’ART DE PRÉPARER, de composer et de conserver les
Boissons et les Liqueurs de ménage, enseigné en
douze lecons, par M. H. Clerc. 1 vol. in-12. 4 fr.
Anrisre (l’) Et LE Pmizosôpme, dialogue critique sur les
ouvrages exposés au salon de 1824, publié par Jal.
1 vol. in-8°, avec dix fig. | 8 fr.
Astra PoryeLora, par J. Klaproth. 1 vol. in-4°, et atlas
in-folio. 48 fr.
ATLAS DES ROUTES DE LA FRANCE, ou Guide des Voyageurs
dans toutes les parties du Royaume, dressé par
A. M. Perrot, membre de plusieurs sociétés savantes.
In-12, cartonné. 13 fr.
L£s Barricanes, scènes historiques. Maï 1598. 2° édit.
1 vol. in-8°. 6 fr.
BécLisaire , tragédie de M. de Jouÿ. In-8°. 4 fr.
BIOGRAPHIE DES CONTEMPORAINS, par Napoléon. 1 vol.
in-8°. | G fr.
BIOGRAPHIE DES QUARANTE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE , 2° Édi-
tion, 1826. 1 vol. in-8°. 6 fr.
Borre (la) pe Pannore, macédoine philosophique, anec-
dotique et morale. In-18, pap. fin. 2 fr.
CatastRoPHE pu Duc D'ExGRIEN, par M. le duc de Ro-
vigo, extrait des Mémoires de M. le duc de Rovigo.
In -8°. 2 fr. 50 c.
(3)
CHnarzes DE Navarre, tragédie par Briffaut. In-8°
5 fr. 5o c.
CLYTEMNESTRE, tragédie, par M. Soumet. In-8°. A fr.
CoLLecTION DES MÉMOIRES suR L'ART DRAMATIQUE, Conte-
nant des Mémoires de M”° Clairon, de Duménil, de
Molière, de Bellamy, de Lekain, de Molé, de Pré-
ville, de Dazincourt, d’Ifland, de Goldoni, de
Brand, etc.; publiés par MM. Andrieux, Barrière,
Félix Bodin, Depres, Évariste Dumoulin, Dussault ,
Étienne, Merle, Moreau, Picard, Talma et Léon
Thiessé. 14 vol. in-8°. 84 fr.
Le core Juxiex , tragédie, par Guiraud. In-8°. 4fr.
Cowriseur (le) monerne, ou l’Art du Confiseur et du
Distillateur, par J.-J. Machot, 4° édition. 1 vol.
in-8°. 6 fr.
CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES ET POLITIQUES sur la Russie ,
l'Autriche et la Prusse, etc., sur les rapports de ces
trois puissances avec la France et les autres états de
l'Europe. Paris, 1827. $ 4fr.
ConsPIRATION DE Russie, Rapport de la commission
d'enquête de Saint-Pétersbourg à S. M. l’empereur
Nicolas I‘, sur les sociétés secrètes découvertes en
Russie, et prévenues de conspiration contre J’État ;
sur leur origine, leur marche, le développement
suecessif de leurs plans, le degré de participation
de leurs principaux membres à leurs projets et à
leurs entreprises, ainsi que sur les actes individuels
dé chacun d’eux, et sur ses intentions avérées:;
2° édit. In-8°. 9 fr. 50 c.
Cuisinier (le) économe, ou Élémens nouveaux de Cui-
sine, de Pâtisserie et d'Office, par Archambault ;
suivis d’une Notice sur les vins, par Julien; 5° édit.
In-8°. S'TF.
(4)
Dernier (le) Cnanr pv PÉLERINAGE DE CniLne - Haro1»,
par Alphonse de Lamartine. 4° édit. in-18, gr. raisin,
avec gray. 4 fr.
— Le même ouvrage in-8°. 4 fr.
DICTIONNAIRE DES ARTS DU DESSIN, la Peinture, la
Sculpture et l'Architecture ; par Boutard. 1 gros vol.
in-8°. | 10 fr. 50 c.
DicTIONNAIRE BIBLIOGRAPHIQUE, où Nouveau manuel du
libraire et de l’amateur de livres, contenant l’indi-
cation ét le prix de tous les livres, tant anciens que
modernes, qui peuvent trouver leur place dans une
bibliothèque choisie, etc.; précédé d’un Essai élé-
mentaire sur la Bibliographie, par M. Pseaume,
membre de plusieurs sociétés savantes. 2 vol. in-8°,
à deux colonnes. 16 fr.
DicrionaIRE H1STORIQUE , ou Biographie universelle clas-
sique, ouvrage entièrement neuf; par M. le général
Beauvais, et par une Société de Gens de lettres; revu
et augmens, pour la partie bibliographique, par
M. Barbier et par M. Louis Barbier, fils aîné. Un seul
volume in-8° de 2500 pages. Pap. fin satiné. 48 fr.
— En pap. vélin satiné. 64 fr.
Drscours DE NaPozéon sur les vérités et les sentimens
qu’il importe le plus d’inculquer aux hommes pour
leur bonheur, suivi de pièces sur quelques époques
importantes de sa vie, publié par le général Gour-
gaud. In-8°, 1826. J'Ir.
Dumouriez et LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, par M. Ledieu.
1 vol. in-8°. 7 fr. 5o c.
Esprit DE L'ENCYCLOPÉDIE, par Hennequin, :5 vol.
in 8°. o 75 fr.
ÉSQUISSES HISTORIQUES, politiques et statistiques de Bué-
nos-Ayres, des autres provinces du Rio de la Plata
| (5)
et de la république de Bolivar, avec un Appendice sur
l’usurpation de Montévidéo par les gouvernemens
portugais et brésilien , et sur la guerre qui l’a suivie;
par M. Ignazio Nunez, traduit de l'espagnol, avec
des notes et additions par M. Varaigne, avec cartes.
In-8°, 1820. 8 fr.
DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION ET DU COMMERCE DE
L’ANGLETERRE, discours de M. Huskisson, président
du bureau de commerce, le 12 mai 1826, traduit
par M. Pichon, conseiller d'état ; accompagné de di-
verses pièces justificatives, et suivi du discours de
M. Huskisson, sur le commerce des Colonies, pro-
noncé dans la séance du 22 mai 1825. 1 vol. in-8°.
4 fr.
Évèques (des), ou Tradition des faits qui manifestent
le système d'indépendance que les évêques ont op-
posé, dans les différens siècles, aux principes inva-
riables de la justice souveraine du roi, sur tous ses
sujets indistinctement, et la nécessité de laisser agir
les juges séculiers contre leurs entreprises, pour
maintenir l’observation des lois et la tranquillité pu-
blique ; avec notes et introduction historique. 1 vol.
in-8°, 5 fr.
FaBces DE FLorian, suivies des poèmes de Ruth, de
Tobie et du Serf du mont Jura. 1 vol. in-8°, pap.
vél. satiné, dit cavalier, orné d’un portrait. » fr. 50 c.
Faces DE La Fonraixe, nouvelle édition. 2 vol. in-32,
ornés de jolies gravures. G fr.
Favorires (les) nes Rois DE FRANCE, depuis Agnès-Sorel,
d’après les sources les plus authentiques, par A.-H.
Châteauneuf; 2° édition. 2 vol. in-12. 6 fr.
FrEsQue, tragédie en cinq actes, par M. Ancelot, 2° édi-
tion. In-8-°. 4 tr.
(6)
Les Grecs; épître au Grand-Turc, par Barthélemy.
In-8°. 1 fr. 50 c.
#
GUERRE DES VENDÉENS ET DES CHOUANS CONTRE LA RÉPU-
BLIQUE FRANÇAISE, Où Annales des départemens de
l'Ouest , pendant ces guerres. 4 vol. in-8°. 28 fr.
GuiDe pu VOYAGEUR EN FRANCE, par Richard, 4°édition,
1826. 1 vol. in-12, orné d’une belle carte. » fr. 50 c.
Hisroire D’ALEXANDRE 1°", empereur de toutesles Russies ;
esquisses historiques de sa vie et des principaux évé-
nemens de son règne, par Alph. Rabbe. 2 vol. in-8°,
ornés d’un portrait de l’empereur et d’un plan de_
Taganroc. 15 fr.
Histoire D’ANGLETERRE, depuis Jules - César jusqu’en
1760, par Olivier Goldsmith, continuée jusqu’à nos
jours, par Ch. Coote; traduit de l’anglais, par M”
Aragon, avec une notice sur la vie et les ouvrages de
Goldsmith, par M. Albert-Montemont. 6 vol. in-8°.
36 fr.
Hisrorre pe LA Licue ET Du RÈGNE DE Henri IV; par
F. A. Mignet. 4 vol. in-8°. (sous presse. )
Histoire DE LA RÉVOLUTION HELVÉTIQUE, de 1797 à 1803,
par M. Raoul-Rochette. 1 vol. in-8°. 8 fr.
Hisroime pes CAMPAGNES DE 1814 et 1815 en France, par
le général Guillaume de Vaudoncourt, auteur de
l’histoire des campagnes d’Annibal en Italie, de celle
des guerres de Russie, en 1812, d'Allemagne, en 1815,
et d'Italie, en 1813-et 1814, directeur du Journal des
Sciences militaires. 5 vol. in-8°, ornés de 4 plans.
GDfr.
Hisroime pes Croisanes, par Michaud; 4° édition. 8 vol.
in-8°, avec cartes. 56 fr.
—
t#)
HiSTOIRE DE LA VIE ET DES OUVRAGES DE MOLIÈRE, par
M. Taschereau. 1 vol. in-8°, orné d’un portrait gravé
d’après le dessin de Dévéria, d’un cul-de-lampe, par
Thompson, et d’un fac simile de l'écriture de Molière
et de sa femme. Prix du volume, papier superfin sa-
tiné, avec portrait. 7 fr. 50 c.
Histoire DE L'ÉMIGRATION DE 1789 À 1825, par Montrol.
In-8°. 6 fr.
Histoire pes EXPÉDITIONS MARITIMES DES NorManps, et de
leur établissement en France, au dixième siècle,
par Depping; ouvrage qui, en 1822, a remporté le
prix à l’Institut de France. 2 vol. in-8°. 12 fr.
Hisroire DE NAPOLÉON ET DE LA GRANDE ÂRMÉE, 1812,
par le général comte de Ségur, 8° édit. 2 vol. in-8’,
ornés d’une carte. 15 fr.
Le même Ouvrage. 2 vol. in-18 cartonné. 10 fr.
Histoire DES RÉPUBLIQUES ITALIENNES DU MOYEN AGE, par
M. Simonde de Sismondi, nouvelle édition, revue
et corrigée. 16 vol. in-8°. 112 fr.
HISTOIRE DES REVOLUTIONS POLITIQUES ET LITTÉRAIRES DE
L'EUROPE, AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, par F.-G. Schlos-
ser, professeur d'histoire à l’Université d’Heidel-
berg, traduit de l'allemand, par W. Suckau. 2 vol.
in-8°. 19 fr.
HISTOIRE PHYSIQUE ; CIVILE ET MORALE DES ENVIRONS DE
Paris, depuis les premiers temps connus jusqu’à nos
jours , contenant l’histoire et la description du pays
et de tous les lieux remarquables compris dans un
rayon de vingt à vingt-cinq lieues autour de la capi-
tale ; enrichie de plusieurs cartes, et d’un grand
nombre de gravures représentant les principaux édi-
fices, tels qu'églises, palais, châteaux, maisons de
plaisance , vues pittoresques, canaux, etc.; par
(8)
M. J.-A. Dulaure, membre de la Société royale des
antiquaires de France. Environ G vol. in-8°, ornés
de quatre-vingts fig. 90 fr.
H1STOIRE PHYSIQUE , CIVILE ET MORALE DE Paris, depuis les
premiers temps historiques jusqu’à nous, contenant
les monumens anciens et modernes de cette ville, la
notice de toutes les institutions, tant civiles que re-
ligieuses, et à chaque période le tableau des mœurs,
des usages et des progrès de la civilisation, par
M. J.-A. Dulaure. 10 vol. in-12, ornés de quatre-
vingt-six grav. et d’un atlas. 100 fr.
DE L'INFLUENCE ATTRIBUÉE AUX PHILOSOPHES , AUX FRANCS-
MAÇONS ET AUX ILLUMINÉS, SUR LA RÉVOLUTION DE LA
France, par Mounier, membre de l’assemblée cons-
tituante. 1 vol. in-8°. 5 fr.
INTRODUCTION AUX MÉMOIRES SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ,
ou Tableau comparatif des mandats et pouvoirs
donnés par les provinces à leurs députés aux États-
Généraux de 1789, par F. Grille. 2 vol. in-8°. 15 fr.
Jésurres (les), ÉPÎTRE AU PRÉSIDENT SÉGUIER , par Méry
et Barthélemy, 2° édition. In-8°. 2 fr.
Jésuites (les), MARCHANDS, USURIERS ET USURPATEURS,
in-8°. G fr.
Léoninas, tragédie en cinq actes, de M. Pichat, qua-
trième édition. In-8°. 4 fr.
LETTRES DB DEUX AMIES, ou Correspondance entre deux
Élèves d’Écouen , par M®° Campan. 1 vol. in-12, fig.
3 fr.
LETTRES DE LA MARQUISE DU DEFFAND A HORACE WALPOLE,
depuis comte d’Orford, écrites dans les années 1766
à 1780, auxquelles sont jointes des lettres de M°°
(9)
du Deffand à Voltaire, écrites dans les années 1759
à 1775; publiées d’après les originaux déposés à
Strawberry - Hill. Nouvelle édition, augmentée des
lettres d’Horace Walpole. 4 vol. in-8°, portr. 24 fr.
Lerrres DE SAINT-PrE V, sur les affaires religieuses de
son temps, en France, adressées à Charles IX, à
Catherine de Médicis, à Philippe II, au duc
d’Anjou, etc., etc., traduites du latin par de Potter,
auteur de l'Esprit de l'Église. In-8°. 3.fr. 5o c.
LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE, par Augustin Thierry,
auteur de l'Histoire de la Conquête de l’ Angleterre.
1 vol. in-8°. 7 fr. 50 c.
Marre (le) pu Parais, tragédie de M. Ancelot. In-8°. 4 fr.
MANUEL DIPLOMATIQUE, ou Précis des droits et des fonc-
ticns des agens diplomatiques; suivi d’un Recueil
d’actes et d’offices, pour servir de guide aux per-
sonnes qui se destinent à la carrière politique, par
M. le baron Charles de Martens. In-8°. 9 fr.
Manuez Du VOYAGEUR EN SUISSE, ouvrage à l’aide du
quel l'étranger curieux recueillera facilement le fruit
et les jouissances que ce pays promet, par M. J.-G.
Ebel, nouvelle édition. In-12, 1826. 9 fr.
Le Marr A BONNES FORTUNES, Comédie en cinq actes, par
M. Casimir Bonjour. In-8°. 4 fr.
Marie DE BRABANT, poème en six chants, par M. Ancelot,
troisième édition. In-18, gr. raisin, pap. fin, orné
d’une belle gravure et vignettes. 4 fr.
Mémoires DE Conporcer, sur la révolution française.
2 vol. in-8°. 12 fr.
Mémoires DE MADAME Roraxn, nouvelle édition. 2 vol.
in-18, ornés d’un beau portrait. 6 fr.
(10)
Mémoires DE Scipion DE Riccr, évêque de Pistoie et
de Prato, réformateur du catholicisme en Toscane,
sous le règne de Léopold, publiés par de potter. 4
vol. in-8°. 28 fr.
MÉMOIRES DU CAPITAINE PERON, Sur ses voyages aux côtes
d’Afrique, en Arabie, à l’île d'Amsterdam, aux îles
d’Anjouan et de Mayotte, aux côtes nord-ouest de
l'Amérique, aux îles Sandwich, à la Chine, etc., etc.
2 vol. in-6°. . 14 fr.
MÉMOIRES POLITIQUES DE M. FoNvieLze. 4 gros vol. in-8°.
28 fr.
Mémorres sur la Convention et le Directoire, par A.-C.
Thibaudeau. 2° édit. 2 vol. in-8°. Ir.
MÉMOIRES SUR LA VIE ET LE SIÈCLE DE SALVATOR-ROSA , par
Lady Morgan; traduits par le traducteur de l'Italie
du mème auteur, et par M***. 2 vol. in-8°. 14 fr.
Mémoires sur le Consulat, 1599 à 1804, faisant suite
aux Mémoires de Thibaudeau. 1 vol. in-8°. 7 fr.
Menveicces pu Monpe (les), ou les plus beaux ouvrages
de la nature et des hommes, répandus sur toute la
surface de la terre, etc., etc. 2° édit, revue , corri-
gée et aug:nentée, et ornée de seize jolies gravures ;
par M. le chevalier de Propiac. 2 vol. in-12. 6fr.
Mucze Er une Nuits (les), contes arabes, traduits en
français, par Galland; nouvelle édition in-8°, avec
des contes nouveaux, etc., publiés par Édouard
Gauttier. 7 vol. in-8°, ornés de 21 grav. 63 fr.
Muse Er u» Jours (les), contes orientaux, traduits du
turc , du persan et de l’arabe, par Petits-de-la-Croix,
Galland, Cardonne, Chawis et Cazotte, avec une
Notice, par M. Collin de Plancy. 5 vol. in-8°, ornés
de dix belles gravures , dessinées et gravées par nos
premiers artistes. 55 fr
À ;
(1)
Ministre DE WaAkKeriELp (le ), traduction nouvelle , pré-
cédée d’un Essai sur la vieet les écrits d’Olivier
Goldsmith, par M. Hennequin, éditeur de l'Esprit
de l'Encyclopédie, et l'un des collaborateurs. 7 fr.
Moraze (la) EN action, ou Choix de faits historiques et
d’anecdotes instructives, nouvelle édition. x vol.
in-12, fig. 2 fr. 5o:c.
OEvuvres choisies de Ch. Perrault, de l’Académie fran-
caise, avec son éloge, par d’Alembert, et des Re-
cherches sur les Contes des Fées, par M. Collin de
Plancy. 1 beau vol. in-8°, imprimé en caractères
neufs, sur papier fin satiné, orné d’un joli portrait,
entouré de douze vignettes sur les contes. 7 fr. 50 c.
Œuvres comPLÈTEs DE CHAmProrT, recueillies et publiées,
avec une Notice historique sur la vie et les écrits
de l’auteur, par P.-R. Auguis. 5 vol. in-8°, 1826.
30 fr.
OEUVRES COMPLÈTES DE LAFONTAINE, nouvelle édition ,
collationnée avec le plus grand soin sur les meil-
leurs textes, accompagnée d’une Notice par M.
Walkenaer, et de l'éloge de La Fontaine, par
Champfort. Paris, 1825, 5 vol. in-8°, avec 197 gra-
vures. 70 fr.
OEuvres COMPLÈTES DE LAFONTAINE , ornées de trente vi-
gnettes dessinées par Dévéria et gravées par Thomp-
son. 1 vol. in-8°. 20 fr.
OEuvres COMPLÈTES DE MoriERE, ornées de trente vi-
gnettes dessinées par Dévéria et gravées par Thomp-
son. 1 vol. in-8°. 20 fr.
OEvvres comPLères DE C. F. Vozney, précédées d’une
Notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur. Paris,
8 vol. in-8°, pap. superfin des Vosges, enrichis de
vingt-quatre planches et d’un portr. de l’auteur. 64 fr.
( 2 )) |
OEuvREs COMPLÈTES DE VOLTAIRE. #5 Vol. in-S°, pap. fin,
4° édition. Prix de la souscription, 3 fr. 50 c. le vol.
Œuvres DE LAROCHEFOUCAULD , contenant les mémoires,
les maximes, avec les notes et variantes, et la cor-
respondance. 1 vol. in-8°, orné d’un portrait, papier
superfin satiné. | 7 fr. 5o c.
OEuvres DE MALriLATRE , nouvelle édition, accompagnée
de notes, et précédée d’une Notice par M. L***
éditeur des œuvres de Clément Marot. In-8°, 1825,
avec portrait. 6 fr. 5o c.
OEvvres DE M. LE coMTE XAVIER DE MAISTRE, 2° édition.
3 vol. in-18, grand raisin, papier vélin, contenant :
le Voyage autour de ma chambre ; le Lépreux de la
cité d’Aoste; l’Expédition nocturne autour de ma
chambre; les Prisonniers du Caucase, et la Jeune
Sibérienne. 12 fr.
OEuvres de Rabaut Saint-Étienne, avec une Notice,
par M. Collin de Plancy. 2 vol. in-8°, ornés d’un
portrait. 14 fr.
Oxivia. 1 vol. in-12. 3 fr
Once (1°) er La Niëce. In-12. 5 fr.
PANORAMA DE Paris, ou Guide de l'étranger à Paris,
extrait littéralement de l’histoire de Paris, par J.-A.
Dulaure. In-18, orné de 12 vignettes, 8 fr.
Panorama pu Rain, depuis Mayence jusqu’à Cologne,
dessiné d’après nature, et gravé par F.-W. Delkes-
kamp, en étui. 16 fr.
PRÉCIS DES DERNIÈRES GUERRES DES RUSSES CONTRE LES TURGS,
avec des Considérations militaires et politiques; tra-
duit de l’allemand du général Valentini, par Eugène
de la Coste. 1 vol. in-8°, avec 4 cartes, Paris, 1825.
7 fr.
PyRÈNéEs (les) et le Midi de la France, par Thiers. 1 vol.
in-8”°. & fr.
(15)
Quarre (les) Évaneices, précédés du Discours de Marcel,
curé du village de ***, et d’un avant-propos, par
Cauchois-Lemaire. 1818, in-18. 3 fr. 50 c.
RecuricL des principaux Traités de paix, de com-
merce, etc., etc., conclus par les puissances de
l’Europe, tant entre elles qu'avec les puissances et
états dans d’autres parties du monde, depuis 1761
jusqu’à présent, par de Martens. 16 vol. in-8°, dont
9 vol. de supplément. 180 fr.
RéçeuLus, tragédie, de M. Arnault. In-8°. 3fr. 50 c.
SarntTE-PÉRINE, Souvenirs contemporains, par M. Va-
lery. In-12. 1826. 4 fr.
SALON D’HoracE VERNET, Analyse historique et pitto-
resque des quarante-cinq tableaux exposés chez lui
en 1822, par MM. Jouy et Jay. 1 vol. in-8°. 4fr.
SAüL, tragédie, de M. Soumet. In-8°. 35 fr. 50 c.
SEcreT (le) DE TRIOMPHER DES FEMMES, ET DE LES FIXER,
par Saint-Ange. 1 vol. in-18. 2 fr. 50 c.
SéDiM, ou Les NEGRES, poème en trois chants, par
M. Viennet. In-18, pap. satiné. 1826. 3 fr.
SIÈCLE DE PIERRE-LE-GRAND, où Actions et haut-faits
des capitaines et des ministres qui se sont illustrés
sous le règne de cet empereur. Ouvrage écrit d’après
les actes et manuscrits des archives de Moscou, par
M. Bantisch-Kamensky, traduit du russe , et orné de
portraits. In-8°. 1826. 8 fr.
SOUVENIRS DE LA GRECE, pendant la campagne de 1825,
ou Mémoires historiques biographiques sur Ibrahim ,
son armée, Khourchid , Sève-Mari, et autres géné-
raux de l’armée d'Égypte en Morée, par Lauvergne.
In-8°. 1826. 4 fr.
(14)
Souvenirs Er MéLances littéraires, politiques et biogra-
phiques , par L. de Rochefort. 2 vol. in-8°. 1826. 14fr.
Syzca , tragédie, de M. de Jouy, 6° édition, avec fig.
In-8°. 4 fr.
TABLEAUX HISTORIQUES DE L'ASIE, depuis la monarchie de
Cyrus, jusqu’à nos jours, par J. Klaproth. à vol.
in-4°, avec un atlas de vingt-sept cartes in-folio. 85 fr.
THÉATRE DE VILLE ET DE SOCIÉTÉ, précédé de Contes
moraux, etc., etc., par F. Vernet de L. 2 vol. in-8°.
12:fr.
Trois (les) RÈexes DE L’Hisrore D’ANGLETERRE, par
Sauquaire-Souligné. 2 vol. in-8°. 10 fr.
Voyace D'UN AMÉRICAIN A Lonpres, ou Esquisses sur les
mœurs anglaises et américaines, traduit de l’anglais,
de M. Washington-Irwing. 2° édit. 2 vol. in-8°. 12 fr.
Livres en Langues étrangères.
AN APPENDIXTO SHAKESPEARE’SDRAMATIC Works, containing
the Life of the Author by Aug. Skottowe, his miscella-
neous poems ; a critical glossary compiled after Nares,
Drake, Ayscough, Hazlitt, Douce and others; with
Shakespeare’s portrait taken from the best originals
and engraved by one of our first Artists. in-8°. 10 fr.
Biblioteca di prose italiane, scelta e publicata da
À. Battura. 10 vol. in-32, pap. vél. et portraits. 5o fr.
Cette collection se compose de
Boccaccio. Novelle scelte. . . . ... . . . . 1 wol.
Scelta di prose d’autori antichi. . . . . . . . 1
Machiavelli: Storia di Firenze. . :. 4 . . . 8
-L:DENGIDEd croi ssspiroleit 294
——, [ discorsi.. , CS Le 2 GE ret.
Scelta di Guicciardini, Davyila, Galilei ed
altri prosatori di quesL” POUR eue. she UE
Scelta di prose di autori modern. + >. La 1
_
(15)
Chaque ouvrage se vend séparément.
Cette collection est destinée à faire suite à celle qu'a
publiée M. Lefèvre, pour la poésie.
CALDERON DE LA Barca, don Pédro, comepras, code ja-
das con las majores ediziones hasta ahora publicadas,
corregidas y dadas à luz por J.-J. Keïl, tom. E, IT, TTL,
in-12. |
CarecismMo DE Gesurmi. Esposto ed illustrato in confe-
renze storico - teologico - morali, a profitto della
gioventü, priva gia da tanto tempo di una buona
educazione. Ultima edizione corredata dall’ editore
con note, in-8°. 13.fr:,50;Ct
Conversations Lexicon, oder allgemeine deutsche Real.
Encyclopedie für die gebildeten Stande. 10 Bände,
in-8°, fünfte Auflage. 56 fr.
Eserr’s allgemeines bibliographisches lexicon. 2 Bande.
in-4°. 58 fr. 50 c.
GRAMMAIRE ALLEMANDE, par feu M. L. H. Schuchardt,
1 vol. in-8°.
GRAMMAIRE PORTUGAISE, Où Elémens de cette langue,
surtout pour ce qui concerne ses rapports avec le
français; par C. F. Hipp. Nouvelle édition in-8°.
JOURNAL OF THE (CONVERSATION OF LORD ByrON, noted
during a residence with his Lordship at Pisa, in the
years 1821 and 1822, by Thomas Moore. Fig. 2 vol.
in-12. Paris. |
NoveLLE p1 Casri. Parigi, 4 vol. in-12. 15 fr.
STATISTISCHER UMRISS DER SAMMTLICHEN EUROPAISCHEN, und
der ausser Europaischen Staaten, in Hinsicht, ihrer
Entwickelung, Grœsse, Volksmenge, Finanz-und
Militar - Verfassung ; Tabellarisch dargestellt, von
D' Georg. Hassel. 1 gros vol. in-fol.
TRE TRAGICAL HISTORY OF HamLer, prince of Denmarke .
by William Shakespeare, as it hath been diverse
2
acted by his Highnesse servants, in the cittie of Lon-
don; as also in the two universities of Cambridge,
and Oxford, and else where. At London, printed for
N. 4. And John Trundell, 1605. This first edition ver-
bally reprinted. In-12. afr. 25 c.
THE pRAMATIC Works OF SHAKESPEARE, printed from the
text of Samuel Johnson, George Steevens and Isaac
Reed; complete in one vol. 8°. Leipsic edition. 15 fr.
Tue Works or LORD Byron, complete in one vol. royal
in-8°. 18 fr.
Tue porricaz Works OF WALTER Scott, complete in one
vol. royal in-8°, cartonné. 14 fr.
Tue Wonxs of the late right honourable Richard Brins-
ley Sheridan, collected by Thomas Moore, complete
in one vol. in-8° cartonné. 6fr.5oc.
Tue Works or Taomas Moore accurately printed from
the last original editions with additional notes, com-
plete in one volume. Royal in-8° cartonné. 13 fr.
FEUILLE PÉRIODIQUE.
GAZETTE DES Trisunaux, journal de jurisprudence et des
débats judiciaires. Ce recueil, de même format que
les journaux politiques, devenu indispensable aux
magistrats et aux jurisconsultes , paraît tous les
jours. Sa correspondance avec les pays étrangers,
tels que l’Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne et les
États-Unis, etc., présente dans son ensemble des rap-
prochemens curieux et intéressans; tout justifie son
succès toujours croissant.
re
IMPRIMERIE DE VICTOR CABUCHET,
Rue du Bouloi, N° 4.
| OUVRAGES RÉCEMMENT MIS EN VENTÉ
À LA LIBRAIRIE DE PONTHIEU.
Histoire des Croisades , par Michaud, quatrième édition ;
huit vol. in-8. Ar Gif
Histoire des Républiques italiennes du moyen âge, par Sis-
monde de Sismondi ; seize vol. in-8. - tiafr.
Histoire abrégée des différens Cultes, pie Dulaure ; deux
vol. in-6. 16 fr.
Histoire physique , civile et morale de Paris, depuis les pre- |
miers temps historiques jusqu ’à nos jours, par Dulaure ;
dix vol. in-8 , ornés de 100 grav. et d'un atlas. 150 fr.
La même, 20 vol. in-12, avec 100 grav- et un atlas. 100 fr.
Histoire physique, civile et morale des environs de Paris, de ;
puis les premiers temps historiques, jusqu’à nos jours,
. cinq vol. in-8, ornés d’un grand nombre de grav. 75 fr.
Œuvres complètes de La Rochefoucauld , avec notes et va-
riantes; précédées d’une notice biographique et litté-
raire, un vol. in-8 , orné d’un portrait. 7 fr. 50 c.
Mémoires de Scipion de Ric êque de Pistoie et Prato,
réformateur du net à Toscane, sous le règne
de Léopold , publiés par de Potter; quatre vol. ornés du
portrait de Ricci. | | 28 fr.
Biographie de tous. les ministres , depuis la constitution de
1791 jusqu'à nos jours, un fort vol. in-8. 8 fr. .
Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, un is in-8, fr.
avec portrait et fuc simile. | 7 fr. #0: Cf
Biographie des quarante de l'Académie française. 8 fr.
is : a par M: Pichat. 4 fi
Me LUN
LL.
y be
ai