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Full text of "Annuaire ncrologique, ou Supplment annuel et continuation de toutes les biographies ou dictionnaires historiques"

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| CONTINUATION DE TOUTES LES BIOGRAPHIES, 
OU DICTIONNAIRES HISTORIQUES; 


Conrenaxr la vie detous les hommes remarquables par leurs actes |: 
ou leurs productions, morts dans le cours de chaque année, à |) 
commencer de 1820. — Ouai DE PORTRAITS. 


Re ET PUBLIÉ 


PAR ke MAHUL. 


ANNÉE 182%. 


PARIS, | 
| PONTHIEU, LIBRAIRE-ÉDITEUR, PALAIS-ROYAL, | 


‘GALERIE DE BOIS, N° 252 ET 253. 


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Décembre AS25. 


ANNUAIRE 
:NÉCROLOGIQUE. 


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5° ANNÉE. 41S2/. 


AVIS. 


Les personnes qui auraient des renseignemens à donner 
pour l'Annuaire Nécrologique de 1825, sont priées de 
vouloir bien. les adresser, FRANC DE PORT, & l'Editeur 
de l’ Annuaire Nécrologique ( Bureau de la Revue encyclo- 
pédique ) .. rue d'Enfer-Saint-Michel , n° 18. 


Première année de l’Annuaire Nécrologique,1820, 4 portr. 


5 francs. 
If Année , 1821, 4 portraits. Tue. 00e 
III° Année , 1822, 4 portraits. Tr. SOA 
IV: Année, 1823, 4 portraits. 8 fr. 
V: Année , 1824, 4 portraits. 8 Îr. 


PARIS ; IMPRIMERIE DE COSSON ,; RUE SAINT-GERMAIN-DES-PRES , N° 9. 


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Level. se. 


ANNUAIRE 
NÉCROLOGIQUE, 


OU 


COMPLÉMENT ANNUEL 


ET 


CONTINUATION DE TOUTES LES BIOGRAPHIES, 
OU DICTIONNAIRES HISTORIQUES ; 


ConTExaNT la vie de tous les hommes remarquables par leurs actes 
ou leurs productions, morts dans le cours de chaque sc à 
commencer de 1820. — ORNÉ DE PORTRAITS. 


RÉDIGÉ ET PUBLIÉ 


PAR A. MAHUL, 


ANNÉE 192/. 


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PARIS, 
PONTHIEU, LIBRAIRE-ÉDITEUR , PALAIS-ROYAL,, 


GALERIE DE BOIS, N° 292 ET 253. 


Décembre AS25. 


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ARTICLES CONTENUS DANS L'ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE 
| DE 1824. 


PARTIE FRANÇAISE. 


A. 


Agoult (d’}, évêque de Pamiers. 
Aignan. 

Albignac (le comte Ph. Fr. d’). 
Arnavon. 


Aubertin. 

B. 
Bacler d’Albe. 
Bail. 
Barentin-Montchal. 
Baroud. 


Bausset ( le cardinal de). 
Beauchêne { Chauvot de). 


Beauharnais (le prince Eugène). 


Bellay (Fr. Ph.) 
Benit (1823). 
Bergon. 
Bernardi. 

Bert (P. CI. Fr. ). 
Bidou. 

Boiste. 


C. 


Cambacérès. 

Caron , chirurgien. 
Champcour. 
Chastellain. 
Christophe (Mathieu ). 
Colleville ( M"° de ). 
Condé ( M': de ). 
Constant-Berrier. 


Cordier, conventionnel. 
Cugnet de Montarlot. 
Cuvyelier. 


D. 


Dalmas. 

Dampierre (le marquis de ). 
Daudet. 

David, graveur. 
Deguerle. 

Dejean (le comte). 
Delichères (1820). 
Deschamps, chirurgien. 
Desprez Saint-Clair. 
Doderet. 

Donnat, architecte. 
Drouet , conventionnel. 
Dubois’(Fr. N. A.). 
Dubreuil (J.). 

Ducrest (le marquis). 
Dumont de Courzet. 
Dussault (J. J.). 
Duvaucel (A.). 


E. 
Eymar (CI.) (1822). 


F. 
Figon. 
Fulvy (le marquis de) (1823). 


G. 


Gautier (du Var). 


v) 
Geraut. 
Gericault. 


Girodet. 
Guillemeau (J. J. D.) (1823). 


H. 


Heurtier. 
Hurtault (1823). 
Huvier des Fontenelles (1823). 


J. 
Jubé. 
Juge Saint-Martin. 
L. 


Labarthe (P.). 
Laboullaye-Marillac. 
Lacretelle aîné. 
Lafolie. 

Langlès. 


Lauraguais ( le duc de Brancas ). 


Lebrun (le duc de Plaisance). 
Legras. 

Lemonnier, peintre. 
Lenoble. ‘ 

Levaillant. 

Lindsay (M”°) (1820). 

Louis XVIII. 


M. 


Maine de Biran. 

Maleville (J. de ). 
Malingre. 

Marcillac. 

Mars. 

Méglin. 
Mondenard (1823). 
Montesquieu (le baron de). 


Montgarny (Harmand de)(1825). 


Montmignon. 
Moulin (Onuphre) (1823. 


N. 
Noäailles (le duc de). 


P. 


Pache (1823). 

Paris (J. J.). 

Paroy. 

Paulin (Auguste). 
Peltier-Volméranges. 
Perrin-Dulac. 
Pfluguer. 
Picot-Bellot (1820). 
Portelance (1821). 
Poyet. 


R. 


Réveillère-Lépeaux. 
Richebourg (le comte de). 
Rouzet (Léon). 

Ruffin (P. J. M.). 


S. 
Sage. 
Saint-Pard. 
Schwartz. 
Schwédiauér. 
Senties. 
Septier. 
Serre (H. de). 

T. 
Thévenot (Magloire) (1821). 
Thouin. 


Turlot. 
Taunay. 


V. 
Vignolles (le général Martin de). 


W. 
Waflard. 


vi] 


PARTIE ÉTRANGÈRE. 


( 1823.) 
A. H. 
Hermann. 
Agier-Prévost (M'°). Hess (J. L.). 
Aikin (1822). Horn (Classen). 
Arrowsmith. 
B J: 
À Jenner. 
Baillies. L. 
Bosch (van Heyningen). 
Bossi (Aurel de). Lambton. 
Botzaris (Marc). Ludicke. 
Bourbon (le cardinal Louis de). Llorente. 
Boon (Daniel). M 
Brachmann (Louise). : 
Macnab (Grey). 
C. Mendoça (Hurtado). 
née: Moldenhawer. 
iamcian. Muñoz 
Coco. ; 
Colombel. Pi 
Constable. - 
VII. 
Czartoriski (Adam). PR 
Pertusati. 


D. 


Dickson (1822). 
Dodd (1822). 
Dougall (1822). 


E. 
Emmerich (la sœur À 


Escher de la Linth. 
Evans (1821). 


Possé (le comte de ). 


R. 
Renzi. 
Riego. 
Rung. 

V. 


Vandevelde. 
Vanderstraëten. 
Vanswinden. 


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ANNUAIRE 
NÉCROLOGIQUE. 


PARTIE FRANCAISE. 


(1824. ) 


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AGouLT ( CHARLES- CONSTANCE- 
César - Loup - Joserx - MATHIEU, 
d’), évêque de Pamiers, naquit à 
Grenoble , en 1749, d’une an- 
cienne famille de Provence (1). 


(1) L’inféodation de la baronie et 
vallée de Sault, en Provence , fut 
accordée, en l’an 1004, à Raymond 
d’Agoult , par Frédéric Barberousse. 
Les restes du château , très-bien con- 
servés jusqu'à la Révolution, furent 
détruits à cette époque, mais la grande 
tour subsiste encore. L'un des meil- 
leurs historiens de Provence , M. de 
Vileneuve-Bargemont , cite plusieurs 
alliances de la maison d'Agoult avec 
les rois de Sicile et d'Aragon. Douze 
grands sénéchaux du nom d’Agoult 
administrèrent la Provence, suivant le 
même historien. Le pape Urbain V 
écrivait à Fouquet d'Agoult dans les 
mêmes termes qu'aux souverains de 
Savoie et du Dauphiné: il disait que 
la politesse, l’'urbanité, les lettres , sem- 
blent formerl’apanage de cette uoble 


Sorti du séminaire de Saint-Sul- 
pice, l’abbé d’Agoult, à son en- 
trée dans le monde, fut présenté 


au Palais-Royal, chez M. le duc 


famille. Aussi Fouquet d’Agoult, grand- 
sénéchal , acheta en 1481, et fit appor- 
ter à Sault, la plupart des livres et 
objets précieux qui avaient appartenu 
au Roi René et à Charles du Maine, 
dernier comte de Provence. Le nom 
d'Agoult est porté aujourd’hui par M.le 
vicomte d’Agoult, lieutenant-géncral 
des armées du. Roi, chevalier d'honneur 
de Mme la Dauphine, et par M.le 
comte Charles d’Agoult. descendant 
unique de la branche ainée, le pre- 
mier frère, le’ second neveu, du prélat 
qui fait le sujet de cet article. — On 
démandait à quelqu'un si M. l'évêque 
de Pamiers et ses frères étaient des 
bons d’Agoult ; à quoi cette personne 
répondit : « 11 y a incontestablement 


plus de neuf cents ans qu'on le con- 


teste. » Leur devise est Æospitalite 
d’Agoult : is la tiennent du roi René. 
2 


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Orléans, par l'abbé de Breteuil, 
oncle du ministre de Louis XVI. 
Il connaissait les principes de 
l’ancienne administration ; il avait 
étudié les théories de l’économie 
politique , des finances, du com- 
merce ; il en causait avec une fa- 
cilité qui n’était pas encore com- 
mune dans ce temps-là, ce qui 
lui valait de la considération dans 
le salon de M. de Breteuil, et 
faisait supposer qu’il ne serait pas 
impropre aux affaires. Nommé 
d’abord grand-vicaire de Rouen, 
avec le titre d’archidiacre du 
Vexin français, il fut sacré évêque 
de Pamiers, le 15 mai 1785. Son 
épiscopat fut court, mais marqué 
par la fondation d’un hôpital. En 
1789, il rédigea un Rapport una- 
nimement adopté par les commis- 
saires de l’ordre de la noblesse du 
comté de Foix, nommés, par déli- 
bération du 9 février, pour exami- 
ner les plaintes et demandes de 
quelques communes. Dans les dé- 
batsrelatifs à la Constitution civile 
du clergé, M. l’évêque de Pamiers 
adhéra, avec la grande majorité 
de l’épiscopat français, à l’'Expo- 
sition des principes de l’archevèque 
d'Aix ; il émigra en Suisse, dès 
1589.Louis XVI,constammentra- 
mené, par ses alentours vers la 
coterie du ministère Breteuil, qui 
conservait imperturbablement la 
prétention d’arrêter laRévolation 
de haute lutte, fit revenir secrète- 
ment à Paris, l’évêque de Pamiers, 
en novembre 1790..Celui-ci vit 
le Roi et la Reine, entretint peut- 
être leurs illusions, et reçut la 
confidence de leur projet de quit- 
ter la France, qui devait échouer 
l’été d’après à Varennes, Quant à 
lui, il était retourné hors de 
France, par ordre du Roi, plus 


AGO 


d’un mois avant l'événement, à 
l'exécution duquel il resta étran- 
FE: 

Plus tard, M. d'Agoult passa 
en Angleterre ; il continua d’y 
fréquenter les cercles politiques, 
où il eut des relations avec Ed- 
mond Burke. Rentré en France 
en 1801, après avoir donné sa 
démission du siége de Pamiers,sur 
l'invitation du Pape, il adressa, 
en 1814, à l’époque de la Res- 
tauration, des mémoires au roi 
Louis XVIIT, dont quelques-uns 
ont été rendus publics par la voie 
de l’impression. Ces écrits indi- 
quent un homme qui ne man- 
quait pas d’un certain esprit, non 
plus que de l'habitude de raison- 
ner des affaires publiques; mais 
ils portent le triste cachet de cette 
école politique, obstinée et cha- 
grine, à qui les faits accomplis 
n’ont point apporté d'expérience. 
Après les élections de 1815, et 
Jors de la retraite de M. le prince 
de Talleyrand et du duc d'Otrante, 
le nom de M. d’Agoult fut pro- 
noncé dans quelques salons pour 
le ministère des finances; mais, 
malgré des assertions assez préci- 
ses, on a peine à croire qu’on ait 
jamais arrêté des projets sérieux 
sur lui. M. l’évêque de Pamiers 
moutut à Paris, le 21 juillet 
1824, après avoir recu les conso- 
lations de la religion des mains 
de son collègue, M. l’évêque 
d’'Hermopolis. 


Liste des ouvrages 


de Ch: C. C. L. J. M. d’Agoult. 


I. Ordonnance sur l'élection de 
Bernard Font, curé de Serres, 
comme évêque constitutionnel de 


AGO 


l Ariège. — Datée de Soleure, le 
Oo mai 1791. 

II. Avertissement pastoral au 
clergé et aux fidèles du diocèse de 
Pamiers, pour les prémunir contre 
le schisme.—Daté du même lieu et 
du même jour que la pièce pré- 
cédente. 

III. Principes et Réflexions sur 
la constitution française ( ano- 
nyme). in-8. de 26 pages. 

IV. Conversation avec E. Burke, 
sur l’intérêt des puissances de l’ Eu- 
rope. 1814, tiré à petit nombre. 
( Quotidienne du 2 décembre 
1824.) 

V. Projet d’une banque nationale. 
Paris, Egron, 1815 ; in-4. de 
neuf feuilles (anonyme ). 

Ce projet, rédigé depuis long- 
temps, avait été présenté à 
Louis XVI. L'auteur s’est borné, 
en le publiant, à lui faire subir 
des modifications. 

VI. Eclaircissemens sur le Pro- 
jet d’une banque nationale, et Ré- 
ponse aux objections faites contre ce 
projet. Paris, EÉgron, 1816; in-4. 
de six feuilles. 

VII. Lettres à un Jacobin, ou 
KRéflexzions politiques sur la consti- 
tution d’ Angleterre et la Charte 
royale, considérée dans ses rapports 
avec l’ancienne constitution de la 
monarchie française.Paris, Egron, 
1815 ; in-8. — Seconde édii. 
1816, in-8. 

L'auteur d’une Notice sur l’an- 
cien évêque de Pamiers, insérée 
dans la Quotidienne du 2 décembre 
1824, s'exprime en ces termes, 
sur cet ouvrage : 

« L’4 ppendix, qui fait suite aux 
Lettres à un Jacobin , est regardé 
comme un chef-d'œuvre. L’au- 
teur a rassemblé, dans l’espace 
de cinquante pages, les principes 


AGO 3 


de l’ancienne constitution fran- 
çaise. L'indépendance des trois 
Ordres y est constatée par diffe- 
rentes pièces très-anciennes, ti- 
rées des archives et des, ordon- 
nances de nos rois : la supériorité 
et les avantages de notre ancienne 
constitution sur celles de tous les 
peuples connus y est étabiie de 
la manière la plus solide. L'auteur 
y démontre que dans l’origine, il 
n'existait aucune différence entre 
les franchises des différens Or- 
dres; que leurs dons étaient éga- 
lement gratuits, et qu’ensuite, la 
nation assemblée consacra comme 
principe fondamental, l'égalité 
des contributions, en déclarant 
que non-seulement deux Ordres 
réunis ne sauraient lier le troi- 
sième, mais qu’un impôt ne serait 
censé accordé que lorsqu'il aurait 
été librement consenti par les trois 
Ordres. Il prouve que la noblesse 
française est bien antérieure à la 
féodalité, et que, plusieurs siècles 
avant le règne de Charlemagne, 
les seigneuries étaient établies et 
connues; que le gouvernement 
féodal, suite de l’affaiblissement 
de l'autorité royale, s’établit àune 
époque postérieure, et changea 
en fief les seigneuries faisant par- 
tie des alleux, en rendant hérédi- 
taire la puissance des ducs et gou- 
verneurs de province, et qu’enfin 
quand le gouvernement du temps 
de Charlemagne serait parvenu 
jusqu’à nous, la Révolution aurait 
trouvé en France des seigneuries, 
des justices seigneuriales, des 
cens, des rentes et des champarts, 
prestations antérieures au régime 
féodal , qui prenaient leur origine 
dans la source la plus légitime, 
l'abandon de la propriété à cer- 
taines conditions. » 


4 AÏG 


VIH. Des ümpôts indirects et des 
droits de consommation, ou Essai 
sur l’origine et le système des im- 
positions francaises, comparé avec 
celui de Angleterre; suivi d’un 
Examen de deux projets de finan- 
ces, attribuës à deux membres de la 
commission du budget de 1816. 
Paris, Egron, 1817; in-8. 

IX. Essai sur la législation de la 
presse. 1817, in-8. (anonyme.) 

L'évêque de Pamiers a laissé 
des manuscrits. 


AIGNAX (Émexxe) naquit à 
Beaugency-sur-Loire, d’une fa- 
mille de robe, en 17575. Ses pre- 
mières pensées furent sans doute 
bien éloignées des excès et des fo- 
lies de la Révolution, puisqu'il 
est constant qu’il a composé une 
tragédie anonyme , intitulée /a 
Mort de Louis X VTT, et où sont 
déplorées les infortunes. de ce 

rince. Néanmoins , il: eut l'im- 
prudence ou la légèreté d’accep- 
ier, bien peu de temps après, les 
fonctions de procureur-général- 
syndic du département du Loiret, 
ce qui l’entraina à prononcer des 
discours et à publier des procla- 
mations dans le style de Ta plus 
violente démagogie, notamment 
en 1794, à l’occasion de la chute 
de la faction des Cordeliers, et de 
la célébration de la fête de l’Etre- 
Suprême ; ces discours ont été dé- 
couverts par l'esprit de parti, et 
reproduits plus d’une fois dans 
l'arène des pamphlets. IT faut re- 
marquer pourtant que ME. Aignan 
avait environ vingt ans quand il 
cédait au torrent furieux qui en- 
irainait tant d’autres. D'ailleurs, 
si ses paroles furent blimables, 
il parait que sa conduite ne le fut 
pas également; car, non-seule- 


AIG 


ment il fut confirmé dans ses fonc- 
tions après le 9 thermidor , mais 
de plus, on lit, dans le procès- 
verbal (imprimé chez Jacob aîné) 
de la séance publique des auto- 
rités administratives d'Orléans, 
tenue le 14 ventose an II, par le 
représentant du peuple Porcher, 
ces paroles remarquables, con- 
cernant M. Aignan : «Il est per- 
mis enfin de décerner la couronne 
civique au petit nombre d'hommes 
qui, sous l'empire de la tyrannie, 
eurent le courage si rare, d’atta- 
quer ses suppôts. Aignan, tu te 
dévouas pour la liberté, pour la 
patrie! ton courage entreprit de 


- devancer dans ces murs l’heu- 


reuse époque du 9 thermidor. » 
Ajoutons qu’à cette même époque 
de la réaction anti-terroriste, la 
municipalité d'Orléans voulant 
honorer par une fête funébre la 
mémoire de neuf citoyens qu’un 
proconsul envoyé dans ce dé- 
partement avait fait condamner à 
mort par le Tribunal révolution- 
naire, M. Aignan fut choisi pour 
composer les chants destinés à 
cette cérémonie. 
Lors de l’organisation des pré- 
fectures, Aignan fut donné pour 
secrétaire-général-adjoint à celle 
du Cher. M. de Lucay, qui était 
alors préfet de ce département, 
étant devenu préfet du Palais 
impérial, amena avec lui son se- 
crétaire, et lui fit obtenir le titre 
de secrétaire du Palais. En 1868 , 
Aignan fut nommé aide des cé- 
rémonies, etsecrétaire à la con- 
duite des ambassadeurs. Il rem- 
plissait les loisirs de ces brillantes 
sinécures par des tragaux littérai- 
res, dont le mérite fut souvent 
contesté. Il est certain que ses 
œuvres dramaliques et ses tra- 


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ductions annoncent un esprit Cor- 
rect et laborieux, plutôt qu’un 
génie original. En ces temps-là, 
M. Aignan était en crédit dans les 
salons des gens de cour : leur pa- 
tronage contribua pour quelque 
chose au succès de son élection à 
l’Institut, où il fut admis à la 
lace de Bernardin-de-St.-Pierre, 
et où il fut reçu pendant la durée 
du règne des cent jours. Préce- 
demment et durant la première 
restauration, M. Aignan avait 
reçu sa part des lazzis épigramma- 
tiques que distribuait avec profu- 
sion, en 1814, le pamphlet pé- 
riodique et satirique intitulé, le 
Nain jaune; mais désormais , sa 
position dans le monde et peut- 
être aussi la tournure de sesidées, 
se trouvèrent absoläment chau- 
gées. 
. En 1816, M. Aignan fut com- 
pris au nombre des jurés ap- 
pelés à prononcer sur la conspi- 
ration dite de l'Epingle noire, in- 
trigue misérable , compliquée de 
mécontentemens subalternes et de 
trames de police. Depuis plus d’une 
année, plusieurs décisionssévères, 
tant des jurés que des tribunaux, 
amenaient trop fréquemment des 
exéculions sanglantes dont se 
repaissait et s’altérait tour à tour 
un féroce esprit de faction : on 
se voyait entrainé vers une pente 
funeste. M. Aignan le sentit ; il 
fit plus, il eut le courage et l’es- 
prit de comprendre ce que peut 
un jury dans un pays libre , pour 
arrêter un mauvais système d’ad- 
ministralion, et ce que vaut un 
homme de cœur placé au sein d’un 
jury. Tous les accusés de la con- 
spiration furent renvoyés absous, 
et l’on sait que c’est à la généreuse 
influence de M. Aignan que fut 


AIG 3 


due principalement cette impor- 
tante décision. Lui-même s’en 
expiiqua hautement devant son 
pays, en publiant un écrit sur les 
débats de cette affaire , et sur leur 
résultat; il y résumait les motifs 
de sa conviction, et justifiait son 
verdict. Ces circonstances acqui- 
rent de la popularité au nom de 
M. Aignan, et l'engagèrent à se 
lancer dans la carrière des discus- 
sions politiques. La liberté de la 
presse commençait alors à déve- 
lopper parmi nous ses précieuses 
et bienfaisantes influences. M. Aï- 
gnan fit pariie de cetle réunion 
de publicistes habiles et diserts, 
qui rédigèrent avec un si grand 
succès la feuille périodique iati- 
tulée ‘a Minerve Française. On 
sait que ce journal popularisa par 
tout le monde les doctrines au 
côté gauche de la chambre des 
Députés. Des reproches qui ne 
sont pas sans fondement ont été 
adressés à ses rédacteurs : F’im- 
perfection est la condition néces- 
saire de l'humanité. Aujourd’hui 
l'événement a prouvé que le parti 
qu'ils soutinrent était vraiment 
celui de la justice et de la civiti- 
sation. M. Aignan occupa son 
rang avec honneur, dans cette 
association. Quand elle dut cesser, 
par l'effet de nouvelles circon- 
stances politiques, ia littérature 
vint de nouveau réclamer une 
portion de ses loisirs. Pendant 
qu'il s’y livrait avec ardeur, une : 
mort inopinée, amenée par une 
maladie violente, l’enleva de ce 
monde, le 21 juin 1824, lorsqu'il 
n'avait pas encore accompli sa 
cinquante-unième année. 

MM. Auger et Jouy ; de PAca- 
démie française, ont prononcé des 
discours funèbres sur la tombe de 


Ô AÏG 


M. Aignan. ( Voyez le Courrier 
Français du 25 juin 1824. )— Ona 
un portrait lithographié de M. Ai- 
gnan, dans la collection des mem- 
bres de l’Institut par A. Boilly, 
et un portrait gravé par A. Tar- 
dieu, dans sa Collection des défen- 
seurs de la Charte et de la Loi des 
élections. 


Liste des ouvrages d’E. Aignan. 


I. La mort de Louis XVT , tra- 
gédie ; 1599. 

Cette pièce, qu’on a quelquefois 
attribuée à M. Berthevin, est bien 
rééllement de M. Aignan. M. Ber- 
thevin, qui à cette époque, était 
libraire à Orléans, a participé il 
est vrai, à sa publication. En outre, 
c’est lui qui a mis en vers 1° le 
plaidoyer de M. Desèze, 2° le dé- 
bat entre Garran-Coulon et les 
conventionnels. 

IT. Chant funèbre aux mânes des 
neuf victimes d'Orléans. 1795, 
in-12. 

III. Abrégé duvoyage de Mungo- 
Parck.Orléans, Berthevin; et Pa- 
ris, Pougens, 1798. in-12 (ano- 
nyme ). 

Il y a des exemplaires datés de 
Paris, 1800. 

IV. Essai sur la critique, poëme 
en 3 chants, suivi de deux Discours 
philosophiques, trad. en vers li- 
bres , de l’anglais, de Pope. 1801, 
in-6. | 

Cetitre donné par Ersch (T. V. 
p. 3) n’est pas exact; ce n’est pas 
en effet une traduction en vers li- 
bres, maïs une traduction libre, 
en vers réguliers. 

V. L’Amitié mystérieuse, trad. 
de l’anglais. 1802, 3 vol. in-12. 

VI. La famille de Mourtray , 


s De 4 à .” 


AIG 


trad. de l’anglais. 1802, 5 vol. 
in-192. 

VIL. Sigismar, par M°°**, au- 
teur de Villeroy, trad. de l’an- 
glais, par E.*** A.** Paris, Ou- 
vrier, an XI (1805 ); 5 vol. in-12. 

VIII. Le Ministre de Wakefield, 
d Olivier Goldsmith, traduct. nou- 
velle. 1803, in-12 (anonyme). 

C’eit la G° traduction française 
de cet excellent livre. 

IX. Polivène, tragédie en 3 actes 
eten vers. 1804, in-8. ( V. {a Dé- 
cade philosophique. t. XL. p. 180.) 

X. L’Iliade, trad. en vers fran- 
çais , suivie de notes critiques , de 
morceaux empruntés d’Homère 
par les poëtes anciens et modernes 
les plus célèbres; et de Tables 
rédigées sur un nouveau plan. 
1809, 3 vol. in-12. — 2° édit. 
Paris, Egron, 1812; 2 vol. in-8. 

On a reproché à l’auteur d’avoir 
emprunté un très-grand nombre 
de vers à Rochefort, l’un de ses 
devanciers. — Il a laissé aussi une 
traduction en vers de l’Odyssée, 
à peu près terminée. 

XI. Clisson, opéra, musique 
de Pasta. 

XIL. ephtali, opéra, musique 
de Blangini. 

Ces deux pièces ont été men- 
tionnées avec éloge, dans le rap- 
port sur les prix décennaux, de la 
classe des beaux-arts de l’Institut. 

XIII. Brunehaut ou les Succes- 
seurs de Clovis, tragédie en 5 actes 
et en vers. 1811, in-5. 

XIV. Discours prononcés (par 
M.M. Parceval- Grandmaison et 
Aignan) dans la séance publique 
tenue par La classe de la langue et de 
la littérature française de l’Enstitut 
impérial , pour la réception de M. 
Aignan, le 18 mai 1815. Paris, F. 
Didot; in-8. de 3 feuilles. 


AIG 


XV. Arthur de Bretagne , tra- 
gédie représentée au Théâtre- 
Français, en janvier 1816. 

XVI. De la Justice et de la Police 
ou Examen de quelques parties de 
l'instruction criminelle considérées 
dans leurs rapports avec les mœurs 
et la sûreté des citoyens. Paris , 
Plancher et Delauray, 1817; in-8. 
de 4 feuilles uu quart. 

XVII. De l'Etat des protestans 
en France, depuis le XV I° siècle 
jusqu’à nos jours ; avec des notes et 
éclaircissemens historiques. Paris , 
Eymery, 1817;in-8 de 8 feuilles 
et demie. — 2% édit. in-8. de 9 
feuilles et demie. 

XVIII. Des coups d’état dans la 
monarchie constitutionnelle. Paris, 
Delaunay et Eymery, 1818; in-8 
de 2 feuilles ( deux éditions.) 

XIX. Histoire du Jury. Pa- 
ris, Eymery, 1822; in-8, de 22 
feuilles un quart — trad. en Alle- 
mand, dans un ouvrage périodique 
intitulé Thémis, publié à Stras- 
bourg, en 1823. 

XX.Bibliothèqueétrangèred” his- 
toire et de littérature ancienne et 
moderne, ou Choix d'ouvrages re- 
marquables et curieux, trad. ou 
extraits de diverseslangues, avec 
des notices et des remarques. Pa- 
ris, Ladvosat, 1823; in-8 , 2 vol. 

XXI. Extraits des mémoires re- 
latifs à l'histoire de France, depuis 
l’année 1555 jusqu’ à La Révolution. 
Paris, veuve Desoër, 1825 ; in-8, 
2 vol. (ouvrage posthume ), 

Le tome 1° de cette compilation 
relatif à l’Héstoire ecclésiastique de 
France(Jansénistes et Jésuites),est 
de M. Aignan , saufl’introduction. 
Le livre relatif à l'Histoire civile 
est de M. Norvins. 

M. Aignan a coopéré aux jour- 


ALB . 


naux et aux ouvrages dont les 
titres suivent : 

1° La Minerve Française (1815- 
20). 

2° La Renommée, feuille poli- 
tique quotidienne (1829-20). 

5° Le Courrier Français, feuille 
politique quotidienne (1821-24) 

4° La Revue Encyclopédique. 

9° Le Sacrede S. M. t Empereur 
Napoléon, dans Péglisé métropo- 
litaine de Paris , le 11 frimaire 
an À IIT (Dimanche 2 décembre 
1804). De l'imprimerie impériale, 
grand in-fol. — On trouve après 
la page 56, un second frontispice 
ainsi conçu : Descriptions des ta- 
bleuux el explications des costumes. 
M. Aignan est l’auteur de cette de- 
scription ( Dictionnaire des ano- 
nymes, par M. Barbier. Tom. III. 
p- 680 ). 

6° Dans l’Hymen et la Naissance 
(1812 in-S), recueil de pièces en 
honneur du mariage de Napo- 
léon et de la naissance de son fils, 
on trouve : La Vision du vieillard, 
dans la nuit du 12 décembre 1591, 
et une Cantate, qui sont de M. 
Aignan. | 

7° Chefs-d'œuvre des théâtres 
étrangers. Collection publiée par 
le libraire Ladvocat, en 1821 et 
années suivantes. — M. Aignan 
était un des collaborateurs de cette 
entreprise. 

8° OEuvres complètes de J. Ra- 
cine, avec les notes de tous les com- 
mentaieurs, et des études sur Ra- 
cine, par M. Aignan. Paris, P. 
Dupont, 1824 ; 6 vol. in-8. 


ALBIGNAC ( Pnirrppe-Fran- 
çois comte d’), lieutenant-général 
des armées du Roi, commandeur 
des ordres royaux de Saint-Louis, 
de la Légion - d'Honneur et de 


8 ALB 


l’ordre saxon de Saint-Henri. Issu 
d’une ancienne famille du Rouer- 
gue, vouée dès long-temps au ser- 
vice militaire, il futélevé aux pages 
du Roi. Il émigra en 1592, rejoi- 
gnit avec son père, l’armée des 
Princes, où il servit comme aide- 
de-camp de son grand-oncle ma- 
ternel, le comte de Montboïssier, 
commandant des compagnies rou- 
ges. Il fut depuis, attaché au ser- 
vice d'Autriche. M. d’Albignac 
rentra en France après le 28 bru- 
maire, et prit du service dans les 
gendarmes d’ordonnance, com- 
mandés par le comte de Laval- 
Montmorency. D'abord simple 
gendarme dans ce corps d'élite 
de la Garde impériale, il y devint 
successivement, pendant la cam- 
pagne de Tilsit, maréchal-des- 
logis, et officier. Ce corps ayant 
été licencié après [a campagne 
de 1807, Jérôme Bonaparte, roi 
de Westphalie, attacha M. d’Albi- 
gnac à sa personne, lui conféra 
le grade de lieutenant-général, le 
titre de comte de Ride, et en fit 
à la fois, son ministre de la guerre 
et son grand -écuyer. Placé au 
milieu d'exemples dangereux et 
d’attrayantes séductions, M. d’Al- 
bignac montra un caractère noble 
et ferme, qui, respecté de tous, 
imposa souvent au maître lui- 
même, un frein salutaire. Envoyé 
sur les bords de lEtbe en 1809, il 
poursuivit Schiller jusqu’à Stral- 
sund, dètruisit les bandes de ce 
fameux partisan, et le pressa si 
vivement quil le réduisit à se 
donner la mort, pour éviter de 
tomber entre les mains de Napo- 
léon. L’austérité du général d’Al- 
bignac ne lui permit pas de con- 
server long-temps la faveur dont 
il jouissait à la cour de Cassel; il 


ALB 


se fit des ennemis parmi ceux qui 
se hâtaient de dévorer ce règne 
d’un moment. Jérôme refusa de 
recevoir la déinission que lui 
offrait M. d’Albignac, l’accusant 
affectueusement d’ingratitude ; 
mais on parvint en quelques heu- 
res , à faire changer la volonté du 
Roi. M. d’Albignac, qui n'avait 
pas revu Jérôme depuis que, cé- 
dant à ses instances, il était con- 
venu de rester auprès de lui, dut 
éprouver quelque surprise, lors- 
que le lendemain de sa dernière 
conférence avec ce prince, il lut 
dansle Moniteur Westplialien, Var- 
ticle suivant : « Le Roi vient d’ac- 
vcepter la démission de M. fe 
ocomte d’Albignac , pour cause 
» de mauvaise santé; il part pour 
vle midi de la France. Le Roi, 
» par reconnaissance de ses ser- 
»vices, lui conserve son traite- 
»ment en entier.» M. d'Albignac, 
qui pensait avoir de justes motifs 
d'être mécontent d’un pareil pro- 
cédé, ne voulut pas accepter ka 
faveur dont il était accompagné. 
Il quitta Cassel emportant la ré- 
putation d’un homme de bien, 
d’un administrateur expérimenté, 
d’un militaire habile. 

Rentré en France, M. d’Albi- 
gnac obtint de emploi, en qualité 
de chef d'état-major du sixième 
corps de la Grande Armée, com- 
mandé par le maréchal Gouvion- 
Saint-Cyr. L’estime et l'amitié 
dé cet illustre guerrier ne tardè- 
rent pas à lui être acquises; Île 
temps et les évènemens parurent 
accroître l’une et F'autre. Après 
avoir lutté avec gloire contre 
un ennemi redoutable, si bien 
secondé par l’inclémence de son 
climat, M. d’Albignac termina la 
campagne de 1812, sous les ordres 


ALB 


du vice-roi d'Italie. En 1813, il 
fut nommé au commandement du 
département du Gard, et chargé 
de l’organisation de la quatrième 
division de réserve. IF se trouvait 
encore à Nimes au moment de la 
Restauration, et les honnêtes gens 
de cette villesavent par quelzèle et 
quelleprudence il parvint à lespré- 
server des troubles qui, plus tard, 
devaient ensanglanterleur cité;ce- 
pendant il fut mis à la demi-solde. 
J1 était de retour à Paris lors du 
débarquement deBonaparte surles 
côtes de Provence, ce qui lui fit re- 
prendre auprès du maréchal Gou- 
vion-Saint-Cyr, à Orléans, son 
poste de chef d'état-major. Leurs 
efforts étant restés impuissans, 
M. d’Albignac courut dans le midi 
offrir ses services à M. le duc 
d’Angoulème : il arriva auprès de 
ce prince à Valence , lorsqu'il ne 
restait plus à S. A.R, d’auire par- 
ti à prendre que celui de la retraite. 
M. d’Albignac parvint à voir le 
prince 'orsqu'il se trouvait arrêté 
au pont Saint-Esprit; il en reçut 
des pleins-pouvoirs avec lesquels 
il se rendit à Lyon, et ensuite 
dans les Pays-Bas, auprès du Roi. 
Il rentra en France avec S. M. , et 
fut nommé secrétaire-général du 
département de la guerre, sous 
le premier ministère du maré- 
chal Saint-Cyr, en juillet 1815. 
Il se retira avec ce ministre, et 
fut ensuite chargé de l’organi- 
sation et ducommandement de la 
nouvelle école militaire de Saint- 
Cyr. Dans ce nouveau poste, qu’il 
occupa durant six années, M.d’Al- 
bignac montra le zèle, la capacité, 
la sagesse qu’il avait déployés ail- 
leurs. Il sut être dévoué sans 
violence, et fidèle sans esprit de 
parti. Malgré son âge, et l’affai- 


ARN 9 


blissement de sa santé, il avait 
voulu se-soumettre le premier, à 
la discipline sévère qu’il avait éta- 
blie à Saint-Cyr. Les élèves de 
cette maison, qui peuplent les 
premiers rangs de l’armée fran- 
çaise, conserveront long - temps 
le souvenir de sa justice paternelle 
et de son équitable bonté. Quand 
la maladie ne lui permit plus de 
suivre le même régime que les 
jeunes gens confiés à ses soins, il 
ne se crut pas permis de conser- 
verpluslong-tempsleurdirection. 
Le général d’Albignac , après 
avoir pris sa relraite , vécutencore 
deux années , au milieu des souf- 
frances qui terminèrent préma- 
turément sa carrière , le 31 jan- 
vier 1824, lorsqu'il n’était encore 
âgé que de 48 ans. Avant de mou- 
rir, il reçut en chrétien fidèle les 
consolations puissantes de la reli- 
gion de ses pères. 


ARNAVON (Francois ) naquit 
à l’Isle, petite ville du comtat 
Venaissin, vers 1740. Aprèsavoir 
fait ses études en Sorbonne , où 
il prit le grade de bachelier, l’ab- 
bé Arnavon fut nommé chanoine 
de la collégiale de l'Isle , et prieur- 


curé de Vaucluse. Pendant qu'il 


remplissait ces fonctions, M. le 
comte de Provence ( depuis le 
Roi Louis XVIII ) étant venu 
visiter la fontaine de Vaucluse , 
en1777, l'abbé Arnavon eutl’hon- 
neur de l’y accompagner. Cette 
circonstance lui inspira le projet 
de décrire la célèbre fontaine et 
ses environs, d’éclaircir l’histoire 
de Pétrarque et de Laure, et de 
justifier l’histoire de leursamours. 
En 1790, Arnavon fut député 
par l’assemblée représentative du 
comtat Venaissin , auprès du pape 


10 ARN 


Pie VI, pour traiter des affaires 
de ce pays. Il paraît qu'il ne s’oc- 
cupa plus, le reste de la Révolu- 
tion, que de travaux littéraires. 
Après le concordat de 1802, il 
fut nommé chanoine titulaire de 
l'église de Paris ; ilestmort doyen 
du chapitre de cette métropole ; 
le 25 novembre 1824, âgé de plus 
de 84 ans. L'abbé Arnavon avait 
aussi le titre de vicaire-général de 
l’archevèque de Corfou. 


Liste des ouvrages 
de François Arnavon. 


I. Discours apologttique de la 
Religion chrétienne, au sujet de 
plusieurs assertions du Contrat So- 
cial, et contre les Paradoxes des 
faux politiques du siècle. 1773, 
in-8. 

IT. Voyage à Vaucluse. in-8. 

III. Pétrarque à Vaucluse, prin- 
ce de la poésie lyrique italienne, 
orateur et philosophe le plus re- 
nommé de son siècle, et non moins 
célèbre par la constance de sa pas- 
sion pour la vertueuse Laure; et 
Histoire de la fontaine de V'au- 


cluse, par un ancien habitant. Paris, : 


an XI (1803); in-8 de 591 pag. 

IV. Retour de la fontaine de 
Vaucluse , contenant l’histoire de 
cette source , et tout ce qui est digne 
d'observation dans cette contrée; 
par l'auteur du Voyage à Vaucluse 
et de Pétrarque à Vaucluse. Paris, 
Debray , 1805; in-8. 

Ces trois derniers ouvrages ont 
été réunis en un seul, avec de nou- 
veaux frontispices, sous la date de 


1814,etaugmentés d’une dédicace 


à S. M. Louis XVIII. — L'auteur 
trouva la plus grande partie des 
matériaux de son livre, dans les 
trois volumes in-4 des Mémoires 


AUB 


sur la vie de Pétrarque, que Fabbë 
de Sade avait publiés , en 1764. 
Arnavon parcourt, suivant l’or- 
dre chronologique, la vie et les 
ouvrages du poëte: l’état des let- 
tres et des arts, durant le quin- 
zième siècle, lui fournit le sujet 
d’une assez mince dissertation. 


AUBERTIN ( Marriar ), acteur 
et sociétaire du théâtre de la Porte- 
Saint-Martin, est mort à Paris, 
le 15 novembre 1824. Son corps 
a été présenté et admis à l’église. 
Précédemment, il faisait partie 
de la troupe des Variétés, où le 
public le voyait avec plaisir, dans 
le rôle de Labranche, du Ci-de- 
vant Jeune Homme, donnant la 
réplique à Potier. Il est auteur de 
plusieurs chansons et de quelques 
pièces de théâtre. 


Liste des ouvrages de M. Aubertin. 


I. (Avec Henrion) La Dupe de 
la ruse, comédie en un acte et 
en prose, mêlée de vaudevilles. 
1805 ; in-8°. | 

II. (Avec M. Dumersan) Zoé, 
ou lEffrt au porteur, comédie- 
vaudeville en un acte, mêlée de 
couplets , représentée sur le théâ- 
tre de la Porte-Saint-Martin, le 
28 décembre 1820. Paris, Barba, 
1821 ; in-8°. 

IIT.. (Avec Jouslin de Las- 
sale) Les Deux Veuves, ou les 
Contrastes, comédie en un acte, 
mêlée de couplets, représentée sur 
le théâtre de la Porte-Saint-Mar- 
tin, le 10 avril 1821. Paris, Quoy; 
in-8°, 

IV. (Avec Menissier et Martin) 
Les Suites d’un bienfait, à-propos 
en un acte, mêlé de couplets, 
pour le baptème de S, À, R. Mgr. 


BAC 


le duc de Bordeaux; représenté 
sur le théâtre de la Porte-Saint- 
Martin, le 30 avril 1821, jour du 
gratis, Paris, Quoy, 182: ; in-8°. 


BAC 11 


V. (Avec Bosquier-Gavaudan) 
La Suite du Diable couleur de 
rose. 

VI. Montbar l'Exterminateur. 


Be 


BACLER p'ALBE (Louis-Ar- 
BERT-GHISLAIN, baron), peintre et 
ingénieur -géographe, naquit à 
Saint-Pol, en Artois, le 22 oc- 
tobre 1762. Son père était direc- 
teur de la poste aux lettres à 
Amiens. Tandis que celui-ci fai- 
sait donner à son fils une éduca- 
tion savante, le goût de l’art du 
dessin s’empara du jeune Bacler, 
etil s’y voua presqu’exclusive- 
ment. Parti à vingt ans pour vi- 
‘siter l'Italie, il s'arrêta dans les 
Alpes. Sallenches, au pied du 
Mont-Blanc, fut pendant sept ans 
son séjour habituel : il y devint à 
la fois peintre et naturaliste, et 
bientôt ses tableaux, répandus en 
Suisse et en Allemagne, lui firent 
une réputation : ceux de cette 
première époque sontencore très- 
recherchés dans ces pays. Il ne 
borna pas là ses travaux : de fre- 
quentes explorations dans les 
montagnes , en le conduisant sou- 
vent sur leurs sommets élevés , 
découvraient-à ses yeux leur en 
chaînement et leur ramification ; 
là, il étudiait, il saisissait les rap- 
ports de liaisons de ces monts ag- 
glomérés , et il jetait dans sa mé- 
moire, les fondemens de cette 
topographie pittoresque, qu’il ne 
devait pas tarder à mettre en 
usage, et qui a fait faire un si 
grand pas au dessin de la carte. 

Mais bientôt, le cours des événe- 


mens apporta la guerre dans la 
vallée de Chamouny. Baclerquitte 
ses pinceaux; il se fait militaire 
et vient joindre volontairement 
un bataillon des chasseurs de 
l’Ariège. Cerné en une occasion, 
par des paysans insurgés, il tire 
son sabre, place sa femme et ses 
enfans sur l’avant-train d’un ca- 
non,.et traverse le rassemblement 
armé, qui demeure intimidé de- 
vantsonaudace. Nommé capitaine 
de canonniers, au siége de Lyon, il 
fut delà, envoyé à Toulon et en- 
suite à Nice. Ilse trouvaitau dépôt 
d’artillerie de cette ville, lorsque 
Bonaparte vint prendre le com- 
mandement de la première armée 
d'Italie. Des reconnaissances mi- 
litaires exécutées avec bravoure 
et succès, des dessins exacts de 
machines de guerre, le firent re- 
marquer du général en chef, qui 
l’attacha à son état-major, avec le 
titre de directeur du bureau topo- 
graphique. Bacler d’Albe prit part 
à toutes les actions de la mémo- 
rable campagne de 1796; il se 
distingua notamment à la bataille 
d’Arcole, dont il a fait en 1804, 
le sujet d’un grand tableau, re- 
marquable par sa belle exécution 
et sous le rapport de la vérité his- 
torique et des détails militai- 
res. 
L'Italie toujours morcelée ne 
pouvait offrir aucune carte géné- 


12 BAC 


{ 

rale suffisante pour les opérations 
de la guerre ; Bonaparte en sentait 
vivement le besoin : après la paix 
de Campo-Formio, il chargea 
Bacler d’Albe de l’exécuter. Tous 
les dépôts, toutes les bibliothè- 
ques de la contrée, particulière- 
ment la riche bibliothèque Am- 
broisienne, furent mis à sa dispo- 
sition ; et après un travail assidu 
de sept années, poussé avec la 
plus grande activité, il parvint à 
terminer la belle Carte du theâtre 
de la guerre en Italie. N'ayant pas 
reçu à temps l’ordre de s’embar- 
quer pour l'Egypte, Bacler ne 
suivit pas Bonaparte dans cette 
expédition; mais il fut nommé di- 
recteur du dépôt de la guerre de 
la république Cisalpine.Il ÿ pour- 
suivit l'achèvement des dix der- 
niers cuivres de sa carte. Les 
chances de la guerre en nous arra- 
chant l'Italie, vers la fin de 1799, 
dépouillèrent Bacler du fruit de 
ses longs travaux : la précieuse 
collection de dessins de nos fastes 
militaires, dont il n’avait encore 
gravé que le Passage du P6 et la 
Bataille de Lodi, devint ainsi 
que les vingt premiers cuivres de 
sa carte, la proie de l’ennemi. Un 
pareil revers ne le découragea pas; 
ses dessins topographiques étaient 
sauvés ; et retiré encore à Sallen- 
ches, puis à Paris, il avait pres- 
qu’entièrement refait ses vingt 
cuivres , lorsque le gouvernement 
autrichien lui rendit ceux qui 
avaient été transportés à Vienne. 
Alors il donna, en vingt-deux 
feuilles , la suite de la carte d’Ita- 
lice, comprenant le royaume de 
Naples, la Sicile et la Sardai- 
gne. 

« La carte d'Italie, en cinquante- 
deux feuilles, dit M. Alexis Don- 


BAC 


net (1), et particulièrement la 
première partie, a été, à juste 
titre, considérée comme la meil- 
leure qu’on eût sur cette contrée. 
Son échelle de 1 ligne pour 300 
toises, ou de 172 59,200, permet- 
tait d'intéressans détails. La ri- 
vière de Gênes, une grande partie 
du Piémont, toute la Lombardie, 
les Légations, la Toscane , une 
grande partie de l’état Vénitien et 
la frontière napolitaine, y sont 
fort bien traités; et les imperfec- 
tions qui se remarquent dans le 
reste du travail tiennent peut- 
être, en partie, à l'exécution vi- 
cieuse de la gravure, encore pour 
ainsi dire dans son enfance , sur- 
tout en Italie. La partie mathéma- 
tique n’a point été négligée; et 
l’on peut même voir, par les notes, 
que les points ont été discutés, et 
que l’auteur ne s’est décidé entre 
plusieurs observations, qu’après 
un mur examen. Mais ce qui 
distingue particulièrement cette 
carte , c’est le tracé pittoresque, 
quoique parfaitemeut géométri- 
que, des montagnes. Abandon- 
nant toute perspective linéaire, et 
rapportant tout à la projection 
horizontale , il a pour jamais, fait 
disparaître de nos cartes les ro- 
chers en élévation , les arbres qui 
cacbaient les routes qu'ils devaient 
border, et les montagnes sur les 
srêtes desquelles semblaient cou- 
ler les rivières qui devaient en 
baigner le pied; enfin, il laissa à 
une juste entente du clair obscur, à 
une sorte de perspective aérienne, 


(1) Extrait d'une Notice sur le 
géneral Baeler d'Albe, dans le Pubs 
lun de La Société de Géographie. 
no 18, t. II, p. 200. 


BAC 


de faire sentir et de déterminer 
l'élévation relative de ces monts, 
dont ses profondes méditations 
dans les grandes Alpes, lui avaient 
fait tracer l’enchainement avec 
tant d'intelligence. » 

Napoléon, revenu d'Egypte pour 
monter au faîte de la puissance, 
retrouva Bacler au Dépôt central 
de la guerre , à Paris, en qualité 
de chef de section. Il se l’attacha 
de nouveau ( septembre 1804), 
avec le titre de directeur de son 
cabinet topographique, et désor- 
mais il l’emmena avec lui dans 
toules ses campagnes, à compter 
de celle d’Austerlitz. Devenu suc- 
cessivement, adjudant-comman- 
dant (1807), et maréchal-de-camp 
(1813), dans ces divers grades, 
Bacler d’Albe parcourut l’Europe, 
du Tage au Volga et de J’Ebre au 
Vésuve. Admis dans la confiance 
la plus intime de Napoléon, dé- 
positaire des cartes, des plans et 
des papiers militaires les plus se- 
crets, c'était lui qui chaque jour, 
dressait l’esquisse des mouvemens 
des troupes projetés pour le len- 
demain; c'était lui qui faisait res- 
sortir sur la carte, à l’aide des 
épingles et des couleurs, l’en- 
semble des opérations dont le dé- 
tail se renouvelait à chaque in- 
stant, Epuisé enfin parune vie non 
moins aclive que celle de l'homme 
dont il suivait la fortune, ilne put 
résister aux fatigues toujours 
croissantes de la campagne de 
1814. Sa santé s’altérait visible- 
ment; Napoléon s’en étant aper- 
Çu, l’envoya à Paris prendre la 
direction du Dépôt de la guerre. 
Bacler sut se rendre utile, durant 
le peu de temps qu’il administra 
ce bel établissement. C’est à ses 
soins que l’on doitd’avoir conservé 


BAC 13 


les cuivres de la carte de France 
par Cassini, long-temps, mais 
inutilement cherchés par les géné- 
raux étrangers, Le général Bacler 
d’Albe perdit sa place de directeur 
du Dépôt de la guerre, le 10 juil- 
let18:5,et rentra désormais dans 
la vie privée.Retiré à Sèvres, dans 
une habitation modeste , l'amour 
des arts, et il faut le dire, l’exi- 
guité de sa fortune, lui firent re- 
prendre le crayon et le pinceau: 
ce fut toujours avec un nouveau 
succès. Il mourut dans sa retraite 
de Sèvres > le 12 septembre 1824, 
à peine âgé de soixante-deux ans. 
Ilétait officier de ia légion-d’hon- 
neur , chevalier des. ordres de 
Saint-Louis, de la Couronne de 
fer et de Saint-Henri de Saxe. 
Le général Bacler d’Albe mania 
tour à tour l’épée, la plume, le 
crayon et le pinceau. Nous avons 
raconté brièvement ses faits d’ar- 
mes, il nous reste encore quel- 
que chose à dire des productions 
de ‘sa main habile et spirituelle. 
Pendant qu’il était simple chef de 
section au Dépôt central de la 
guerre, il a fourni à cet établisse- 
ment d’excellens Mémoires sur la 
gravure des cartes, dont on peut lire 
des extraits dans le Mémorial to- 
pographique. C’est dans ses ate- 
liers que plusieurs graveurs dis- 
tingués du Dépôt se sont formés, 
ou ont commencé leurréputation. 
C’est aussi vers le même temps 
que, revenu par goût, non moins 
que par nécessité , à ses pinceaux , 
il prit rang, particulièrement par 
ses gouaches, parmi nos premiers 
paysagistes. Les salons d’exposi- 
tion du Louvre ont fréquemment 
vu briller les tableaux de Bacler 
d’Albe. La Bataille d’ Arcole et la 
Veille d’Austerlitz sont les plus 


14 BAI 


importans. Le premier orna long- 
temps le palais de Trianon ; le 
second se voyait dans la galerie 
de Diane, aux Tuileries. — Les 
livres dus au général Bacler d’Albe 


sont des collections de vues, des- 


sinées, gravées ou lithographiées,. 
Nous citerons, en ce genre, Vues 
pittoresques du Haut - Faucigny , 
gravures coloriées.—Ménales pit- 
toresques et historiques des paysa- 
gistes ( 1805).— Souvenirs pitto- 
resques du général Bacler d Albe, 
ou Vues lithographiées dela Suisse, 
du Valais, de la France, de l'Ita- 
lie , et surtout de l'Espagne ( ou- 
vrage orné du portrait de l’au- 
teur ).— Promenades dans Paris 
et ses environs; cahiers lithogra- 
phiés. Bacler d’Albe sentit de 
bonne heure , tous les avantages 
du procédé lithographique : cette 
belle découverte était encore dans 
son enfance, qu’il sut en tirer un 
grand parti; et il n’est point dou- 
teux qu’il a contribué à ses succès 
etàson perfectionnement, comme 
on en peut juger par les nom- 
breuses productions qu’il a lais- 
sées en Ce genre. 

On trouve une Notice sur Ba- 
cler d’Albe, dans le Moniteur du 19 
octobre 1824. 


BAIL ( Cnarres-Josepn ) na- 
quit à Béthune , en Artois, le 29 
janvier 15777. Il faisait ses études 
à Douay, en 1792, et n'avait 
pas encore atteint sa quinzième 
année , lorsque, voyant passer 
un corps nouvellement organisé, 
les chasseurs - francs du Hai- 
nault , qui marchaient au se- 
cours de Lille, bombardée par les 
Autrichiens, il fut saisi de l’en- 
thousiasme militaire , et s’engagea 
sur-le-champ. Il fit la campagne 


BAI 


de Dumouriez et les suivantes, 
comme simple volontaire, passa 
ensuite dans l'artillerie , et fut en- 
fin, attiré par diverses circonstan- 
ces, dans l’administration de l’ar- 
mée. Depuis, il a toujours suivi 
cette carrière, et s’y est distingué 
par un goût décidé pour l’étude, 
Adjoint, en 1807, à l’intendance 
d’Erfurth et du pays d’Eichsféld, 
il fut ensuite appelé à diriger les 
bureaux de la régence du royau- 
me de Westphalie. C’est par ses 
soins et ayec son concours, que 
furent exécutées et publiées, dans 
un court espace de temps, les no- 
tices connues en Allemagne , sous 
le titre de Séatistique générale du 
royaume de Westphalie, iniprimée 
à Goëttingue, par ordre du gou- 
vernement, en 1809; ouvrage le 
plus complet qui ait encore paru 
sur ce pays, et qui contient le 
résultat d'immenses recherches, 
Après avoir concouru à l’organi- 
sation administrative du nouveau 
royaume , sous les ordres de M. le 
comte Beugnot, membre de la 
Régence et ministre des finances, 
Bail fut appelé aux fonctions de 
secrétaire-général des finances, 
qu’il exerçca d’abord auprès de 
M. Beugnot, et ensuite auprès de 


M. Bulow , son successeur. Nom- 


mé inspecteur aux revues et COM- 
missaire du roi de Wesphalie, avec 
des pouvoirs extraordinaires , à la 
fin de 1808 , il fut envoyé à Mag- 
debourg pour rétablir l'harmonie 
momentanément troublée entre 
les Français et les Westphaliens; 
commission délicate, dont il s’ac- 
quitta avec habileté. Prisonnier 
de guerre en 1815, Bail perdit 
par la conquête le fruit de ses 
économies. Rentré dans son grade 
au service de France, en 1814, et 


BAI 


employé, à la fin de juillet 1815, 
à l’armée qui se retira sur les 
bords de la Loire, il concourut 
aux opérations du licenciement ; 
il revint ensuite à Paris, où il fut 
quelque temps en butte aux per- 
sécutions de l'esprit de parti. Ad- 
mis pour cinq ans au traiteinent 
de réforme, en février 1818, il 
se retira dans la vallée de Mont- 
morency, afin des’y livrer en paix 
à son goût pour les lettres. C’est 
là qu’il composa et publia divers 
écrits superficiels, il est vrai, 
mais qui attestent du moins la va- 
riété de ses connaissances, et la 
facilité de son travail. Une hydro- 
pisie de poitrine termina ses jours, 
à Margency ( vallée de Montmo- 
rency, ) le 20 février 1824. 


Liste des ouvrages 
de Ch. Jh. Buil. 


I. Réveries de M. de Chateau- 
briand, où Examen critique d’un 
libelle intitulé : De Buonaparte et 
des Bourbons. Paris, Eymery , 
avril, 1815 ; in-8. de trois feuilles 
et un quart. 

IT. Des Juifs au dix-neuvième 
siècle, où Considérations sur leur 
état civil et politique en Europe, 
suivies de la notice biographique des 
Juifs anciens et modernes qui se sont 
illustrés dans Les sciences et Les arts. 
Paris, Treuttel et Würtz, 1816; 
in-8. de quatre feuilles. — 2° édi- 
tion, 181%, ibid. 

Cet ouvrage, qui obtint au 
moins le succès d’une grande pu- 
blicité, fit naître les réclamations 
suivantes. 

Quelques Observations sur La 
deuvième édition de l'ouvrage inti- 
tulé: Des Juifs au XIX: siècle, etc.; 
par M.de Cologna, Grand-Rabbin 


BAI 15 


et président du Consistoire central 
des Tsraélites de France. Paris, im- 
primerie de Sétier, 1817; in-8, 
d’une feuille. 

L'auteur attaqué se défendit par 
l'écrit intitulé : Réplique et Com- 
mentaire de M. Bail aux Observa- 
tions de M. de Cologna sur la 
deuxième édition Des Juifs au 
XTX® siècle. Paris, Treuttel et 
Würtz, 1817; in-8 detrois feuilles. 

M. Silvestre de Sacy publia une 
Lettre à M*** conseiller de S. M. le 
Roi de Saxe, relativement à l’ou- 
vrage intitulé : Des Juifs au XIX° 
siècle , par M. le baron S. de S. ; 
Paris, Treuttel et Würtz 1817; 
in-8 d’une feuille un quart. 

Enfin M. de Cologna ferma la 
discussion par un dernier écrit in- 
titulé : Réflexions adressées à M. le 
baron S. deS., sur la LettreàM***, 
conseiller de S. M. le Roi de Saxe. 
Paris, Sétier, 1817 ; in-8 d’une 
feuille trois quarts. 

III. Essais historiques et criti- 
ques sur l’organisation des armées 
et sur l’administration militaire en 
France. Paris, Magimel, 1817 ; 
in-8 de douze feuilles. 

IV. Qu'est-ce qne le Clergé dans 
une monarchie constitutionnelle ? 
ou de l'Eglise selon la Charte. 
Paris, Lhuilier, 1818; in-8 de 
dix-sept feuilles et demie (à l’oc- 
casion du concordat de 1817). 

V. Du Cadastre considéré dans 
ses rapports avec l’économie politi- 
que et la répartition des impôts. 
Paris, Lhuilier, 1818 ; in-8 d’une 
feuille et demie. - 

VI. De l’Arbitraire dans ses 
rapports avec nos institutions ; ou 
la Police, les Prisons , le Jury, les 
Lois pénales et la Peine de mort, en 
France. Paris, Eymery, 1819; in-8 
de dix feuilles un quart. 


16 BAT 


VII. Correspondance de Berna- 
dotte, prince royal de Suède avec 
Napoléon, depuis 1810 jusqu’en 
1814, précédée de notices sur la 
situation de la Suède, depuis son 
élévation au trône des Scandinaves : 
pièces officielles recueillies et pu- 
bliées par M. Bail. Paris, Lhuil- 
lier, 1819; in-8 de dix feuilles. 

VIII. Histoire politique et mo- 
rale des révolutions de France, ou 
Chronologie raisonnée des événe- 
mens mémorables, depuis 1585 jus- 
qu’à la fin de 1820, époque des 
conférences de Troppau et de Lay- 
bach. Paris, Eymery, 1821; 2 vol. 
in-8. 

IX. Etat des Juifs en France, 
en Espagne et en Italie, sous les 
rapports du droit civil, du com- 
merce et de la littérature, depuis le 
commencement du W°® siècle de l’ère 
vuigaire jusqu’ à la fin du XV T°, 
ouvrage qui a concouru pour le prix 
décerné par l Académie des inscrip- 
tions et belles-lettres, en juillet 
1823. Paris, Eymery, 1823; in-8 
de 200 pages. 

Six mémoires furent présentés 
au concours de cette année. Celui 
de M. Capefigue obtint le prix et 
a été publié. Celui de M. Arthur 
Beugnot obtint une mention ho- 
norable ; il a été publié aussi, sous 
ce titre: Des Juifs d'Occident. 
M. Bail crut avoir à se plaindre 
du jugement de l’Académie, et il 
exhala son mécontentement dans 
la préface placée en tête de son 
livre. 

X. Etudes littéraires des classi- 
ques français, à l’usage de la jeu- 
nesse, des nationaux et des étran- 
gers, composées d'exemples, de 
critiques et de réflexions propres à 
former le goût et le jugement, ac- 
compagnées des traits les plus carac- 


BAR ss 


téristiques de la vie des auteurs, du 
précis de leurs ouvrages et du som- 
maire des chefs-d’'œuvre du théâtre. 
Paris, Eymery, 1824; 2 vol. in-12 
(ouvrage posthume). 

Enfin M. Bail a publié dans la 
Revue Encyclopédique (t. V, p.407 
ett. VI, p. 22. ), une Notice sur 
le commerce des anciens et des mo- 
dernes. 


BARENTIN-MONTCHAL (LE 
VICONTE L.... DE), lieutenant-gé- 
néral des armées du Roi, grand- 
croix de l’ordre royal et mili- 
taire de Saint-Louis, naquit en 
1737, d'une famille dont les trois 
branches servaient avec distinc- 
tion ,; sur terre , sur mer et 
dans la haute magistrature. Le 
vicomte de Barentin-Montchal fit 
la guerre de Sept-Ans comme 
capitaine de cavalerie; nommé 
ensuite officier supérieur dans la 
compagnie Ecossaise des gardes- 
du-corps des rois Louis XV et 
Louis XVI, il partagea depuis, 
avec sa famille, la proscription 
desserviteursdes Bourbons. Après 
avoir servi à l’armée des Princes 
et à celle de Condé, il commanda 
à Mittau, le petit détachement qui 
servait de garde à Louis XVIII. 
Le grand âge de ce gentilhomme 
ne put le détourner de reprendre 
son rang dans la première compa- 
gnie des gardes-du-corps du Roi, 
en 1814, et il servit. jusqu’en 
1816, qu’il fut forcé de prendre 
sa retraite. Le vicomte de Baren- 
tin-Montchal est mort à Paris, au 
mois de mars 1824. Nous con- 
naissons de lui les deux ouvrages 
suivans : | 

Voyage dans les Etats-Unis. de 
l Amérique, fait en 1784, traduit 
de l'anglais, de J.F. D. Smith ; 


43 À 
De BAR 


_ par M.de B..... Paris, Buisson, 
_ 1791; 2 vol. in-8, es! 

IL. Géographie ancienne et histo- 
rique, composée d’après les cartes de 
d’ Anville ; par L. B. D. M. Paris, 
Egron, 1807; 2 vol. in-8, et atlas 
in-fol. : 


BAROUD (Czaune-Onirre-Jo- 
sepx), né à Lyon en 1755, est mort 
au mois de mai 1824. Il exerca 
d’abord,la profession d’avocatdans 
sa ville natale ; étant venu à Paris, 
il dut à la protection de M. de Ca- 
lonne, alors contrôleur -général 
des finances, d’être mis en rela- 
tion avec les principaux financiers 
de l’époque. Initié à leur science, 
il en fit ke sujet de ses écrits. En 
1508 , il publia un mémoire contre 
le projet d'emprunt que la banque 
de Paris, ayant à sa tête M. Baril- 
lon, offrit au Directoire, pour pro- 
curer les moyens d'effectuer une 
descente en Angleterre. C’est Ba- 
roud qui rédigea les divers mé- 
moires publiés en 1815, pour Mi- 
chel jeune, contre Reynier, Bois- 
sière et Guille, prévenus de faux 
enecrilure privée et acquittés par 
la cour d’assises de la Seine. La 
Biographie nouvelle des Contempo- 
rains dit que Baroud « est auteur 
de différens ouvrages pseudony- 
mes sur les finances, imprimés 
en 1814-et 1816. » — Nous con- 
naissons les suivans : 

I. Observations en faveur des 
acquéreurs de biens d’émigrés, et 
en faveur des émigrés eux-mêmes , 
ci-devant propriétaires de ces biens. 
Paris, impr. de Michaud, 1814; 
in-8, d’une feuille. 

L'auteur proposait d’indemniser 
les émigrés au moyen d’une rente 
de dix-huit millions de fr. 5 °, 
mscrite au Grand Livre de La dette 


BAU 17 


publique. Il prétendait. que cette 
valeur devait se trouver équiva- 
lente à celle des biens confisqués. 
On sait que les documens authen- 
tiques sur lesquels à été basée de- 
puis, approximativement, la loi 
du 28 d'avril 1825, ont fixé cette 
valeur à la somme d’un milliard, 
en capital. 

II. Adresse des contribuables aux 
créanciers de l’arriéré, rédigée et 
présentée par un contribuable du 
département du Rhône , tant en son 
nom qu’au nom et comme ayant Te- 
cueilli les vœux et se faisant fort de 
la très-grande majcrité des contri- 
buables du royaume. Lyon, impr. 
de Pelzin, 1816; in-4, de quatre 
feuilles: 

III. Observations en faveur des 
acquéreurs de biens d'émigrés, et 
en faveur des émigrés eux-mêmes , 
propriétaires de @s biens; par 
M. Baroud , auteur d'un écrit por- 
tant le même titre, distribué aux 
deuxC hambres,aumoisd’aoûli814, 
pendant la discussion de la loi sur 
Les finances, du 23 septembre de la 
même année, et inséré au feuilleton 
de la Quotidienne , du 27 octobre 
18:54, N° 149. Lyon, impr. de 
Pelzin , 1817; in-4, de quatre 
feuilles. 

IV. Nouvelles observations en 
faveur des acquéreurs des biens 
d'émigrés, etc., par M. Baroud, 
auteur de deux écrits portant le 
méme tire, etc. Lyon, 1818, 
imp. de Pelzin; iu-4 , de cinq 
feuilles. 


BAUSSET (Louis-FRANÇOIS DE), 
naquit le 14 décembre 1745, à 
Pondichéri, chef-lieu des établis- 
segens français dans les Indes 
crientales, où son père, le mar- 
quis de Bausset, était placé à la 

2 


18 BAU 

tête de l’administration , avec le 
titre de grand-voyer. À l’âge de 
12 ans, on le fit passer en France; 
son oncle, l’évêque de Béziers, 
luquel il fut adressé, le plaça chez 
les jésuites du collége de la Flè- 
che, et il vint ensuite terminer 
ses humanités dans la capitale, 
au collége de Beauvais (1). Des- 
tiné à l’état ecclésiastique, le jeune 
Bausset entra au séminaire de 
St.-Sulpice, où il fit ses cours 
de philosophie et de théologie. 
Jusqu'à la fin de sa vie, il a con- 
servé pour messieurs de St.- 
Sulpice le plus vif attachement; 
il s’est plu à rendre hommage à 
leur congrégation dans son His- 
toire de Fénélon, et, par son tes- 
tament , il leur a légué les ma- 
nuscrits et documens des histoires 
de Fénélon et de Bossuet. L’abbé 


(1) M. le comte de Villenenve-Ear- 
gemont , parent de M. je cardinal de 
Baussét, rapporte un fait si prodi- 
gieux, concernant la mémoire extra- 
ordinaire dont le prélat fut doué, 
qu'il a besoin de son ‘témoignage 
pour être adinis. « Dans sa jeu- 
nesse , dit M. de Villeneuve, il en- 
tendit M. de Rulbières lire, devant 
un cercle choisi, son histoire manus- 
crite de la révolution qui, en 1762, 
précipita Pierre IL du trône de Russie, 
ct, rentré chez lui, 11 transcrivit de 
mémoire cet ouvrage qui l'avait vive- 
ment frappé. Le fait se répandit dans 
la société, et M. de Ralhières lui- 
même eut besoin d’étre assuré de la 
vérité de ce qu'on lui avait rapporté 
et de la loyauté de M.de Bausset, pour 
être convaincu qu'il n'avait rien à re- 
douter du résultat de cette prodigieuse 
mémoire. Get ouvrage, qui a près 
de 400 pages, n’a été imprimé qu’a- 

rès la mort de Catherine 11, ainsi que 

. de Rulhières en avait pris l'engalle. 
ment.» { Notice biographique sur SE. 
Mgr. le cardinal duc de Bausset. ) 


BAU 


de Bausset prit ensuite ses degrés, 
jusqu’à celui de licencié, dans la 
maison et société royale de Na- 
varre. Il n’était pas encore ma- 
jeur qu'il cumulait sur sà tête 
deux bénéfices, savoir : un cano- 
nicat de Béziers, et le titre de 
recteur de la chapelle du St.- 
Esprit, au diocèse de Fréjus: ces 
deux siéges se trouvaient occupés 
en mêine Lemps par deux prélats 
de sa famille. Le dernier titre, 
qui n’était qu’un bénéfice simple, 
servit de prétexte pour le faire 
élire député à l'assemblée du 
clergé de 1990 : il n’avait alors 
que 22 ans, et n’était encore que 
sous-diacre et baclielier en théo- 


logie. M. de Brancas, archevêque 


d'Aix, le portait à l'agence du 
clergé pour 1580, et cette dési- 
gnation avait reçu l'approbation 
de Louis XV, lorsque la mort de 
M. de Brancas dérangea ce projet. 
Son successeur, M. de Boiï:gelin, 
avait un neveu ecclésiastique qu’il 
fi nommer à ces fonctions ; mais 
il se crut obligé de dédommager 
Pabbé de Bausset, qui venait 
d’être ordonné prêtre, en lui don- 
nant, à 24 ans, en 1772, le titre 
de vicaire-général d'Aix. Ce con- 
tre-temps qui sans doute contra- 
ria les vues ambitieuses qu’on 
avait sur M. de Bausset, se trouva 
par événement lui ouvrir le che- 
min de l’épiscopat, plutôt que sil 
eût été nommé agent-général du 
clergé. En effet, l’agence de 1780 
ne finit qu’en 1785, et M. labbé 
de Bausset fut nommé évêque d’A- 
lais en 1784. 


Le jeune prélat s'était formé à 


la haute administration ecclésias- 
tique sous M. de Boisgelin. Il a 
toujours depuis,considéré, comme 
un bonheur d’avoir passé plu- 


BAU 


sieurs années dans cette école, et 


d’avoir reçu les conseils d’un évê- 
que distingué par son esprit et ses 
lumières. Un écrit consacré à. sa 
mémoire atteste en même temps 
la reconnaissance de son illustre 
élève. Celui-ci s’y est complu à 
rendre compte du soin que prit 
M. de Boisgelin de lui inspirer 
le goût de l'étude, et de lui ap- 
preudre à écrire avec méthode et 
pureté. A. de Bausset avail #te 
nomimé, en 1582, adminisæäteur 
de Digne, avecle titre de vicaire- 
général de ce diocèse, à l’occa- 
sion de trèés-vifs démêlés qui 
avaient éclaté entre l’évêque et 
son chapitre, relativement à leurs 
intérêts temporels. Il parvint à 
terminer celte affaire, et sa con- 
duite fut marquée au coin de la 
justice et de l'habileté. IT fut sacré 
le 18 juillet 1584, par l’archeve- 
que d’Aix, à [ssy, dans la cha- 
pelle des Sulpiciens. 

Le Diocèse d’Alais, situé dans 
les Cevennes, n’était pas fort 
étendu, mais il était peuplé de 
protestans, que des lois iniques 
vouaient à l'oppression. M. de 
Bausset ne vit en eux que les 
frères de ses enfans, et il étendit 
sur eux sa charité. Meñibre par 
le droit de son siége, des Etats 
provinciaux du Languedoc, qui 
cut laissé un grand nom dans les 
fastes de l’ancienne administra- 
tion, l’évêque d’Alais fut l’un des 
députés chargés, en 1580, de por- 
ter au pied du trône les cahiers de 
ces Etats. Organe de la députa- 
tion, il eut l'honneur de haranguer 
le roi Louis XVI et toutes les per- 


sonnes de la famille royale. Ces: 


harangues passaient ordinaire- 
ment avec la Gazette de France, 
qui les rapportait, et étaient aus- 


BAU 19 
sitôt oubliées qu’elle. On conserva 
le souvenir de cellesque prononca, 
cette fois, le député du Langue- 
doc. Son discours au Roi, soit par 
la générosité de la pensée, soit 
par la noblesse du langage , serait 
digne de l'assemblée librement 
élue d’une monarchie constitu- 
tionnelle ; le discours à Monsieur 
(Louis XVIII) rappelle que ce 
prince jouissait déjà de la réputa- 
tion d'aimer les lettres et la philo- 
sophie; le discours à AL. le comte 
d'Artois (S. M. Charles X) con- 
firme ce qu’on nous raconte des 
grâces chevaleresques de la jeu- 
nesse de ce Prince; enfin, le dis- 


— £<ours à Madame Élisabeth est un 


modèle parfait de la grâce la plus 
exquise et la plus décente (1). 


D 


(1) Lesdiscours prononcés par M. lé- 
véque d’'Alais, dans l'occasion dont il 
s'agit, se frouvent imprimts dans une 
Notice que M. de Gravine a consacrte 
à ce piélat. Ils sant au nombre de 
sept ; savoir : 1° au Roi, :0 à la Reine, 
30 à Mous'eur, 4° à Madame, 5°1àù 
M. le comic d’Artois ,G à Madame la 
cantesse d'Artois, 50 à Mme Elra- 
beth.— « Je crois, dit M. Eeuchot, 
Jcs 2° , 4° ct 6e inédits. Lerre*a cté 
imprimé dans le Conservateur (par 
M. Dilandine , année 1585, 1.1). Les 
1er 3 et 5°, dans le même 1ecucil 
(année 1588, € Il), où l'en trouve de 
plus, 10 Discours à M. l’archeséque 
de Narlorne, 20 Piscours à M. le 
Garde-des-sccaux , 30 Discours: M.Île 
comte de Vergennes ( Ziblirgra, hre 
de la France. 1824, p. 716). — Nous 
citerons lé dthut du d'scours au Kot 
. «Sire, un usage antique assure aux 
États de votre province de Languedoc 
le privilége de porter au pied de 
votre trône leurs réclamations et leurs 
vœux.— Heureux les peuples dont la 
voix peut frapper l'oreille du souve- 
CA ! Heureux les rois qui ne craignent 
pas d'entendre la voix de leurs suiets! 
—De cette utile correspondance, Sire , 


Li 


20 BAU 


M. l’évêque d’Alais fat membre 
de la première asserhblée des No- 
tables, convoquée en février 178», 
et aussi de la seconde, tenue en 
novembre 1788. IL fit partie du 
bureau de M. le duc de Bourbon, 
et fut chargé par ce Prince d’en 
rédiger les délibérations. À cette 
époque, il jouissait à Versailles de 
beaucoup de considération. Lors- 
que Louis XVI eut nommé ke duc 
d'Harcourt gouverneur du Dau- 


dépend la véritable force d’un empire. 
Le terme de sa prospérité serait celui 
où l’on verrait la plus noble de toutes 
les institutions dégénérer en une vaine 
cérémonie , qui rappellerait à une na- 
tion ce qu'elle était, en lui faisant 
sentir ce qu'elle n’est plus. — Parmi 
les provinces fortunées soumises à vos 
lois, le Languedoc, Sire, la première 
de toutes par son étendue, son com- 
mérce , sa situation , s'enorgueillit en- 
core des avantages de sa constitution ; 
cette constitution , souvent mécon- 
nue , souvent défigurée, offre tous les 
caractères qui peuvent , dans une mo- 
narchie, placer des sujets et des hom- 
mes à une distance égalc de la servitude 
et de la licence. — Défenseurs des 
peuples confiés à nos soins, nous cher- 
chons à concilier leurs intérêts avec 
les besoins de l'Etat dont nous sommes 
membres,avec les demandes du Prince 
dont nous sommes sujets. Les formes 
sacrées de la liberté, conservatrice de 
nos droits , attachent à nos délibéra- 
tions et à nos sacrifices un prix et un 
éclat qui les cnnoblissent aux yeux 
de Votre Majesté. Ces délibérations 
transmises ensuite au pied de votre 
trône, reçoivent le sceau de votre 
puissance souveraine et tous les carac- 
tères augustes qui rendent les lois res- 
pectables aux peuples. — C’est à l'om- 
bre d’une constitution aussi favorable 


à la prospérité publique que l'on. 
voit depuis vingt ans le Languedoc sc. 


livrer à des entreprises dont la géfn- 
deur appelle l'admiration même des 
étrangers. … etc. » 


BAU 


# 


phin son fils, les bruits de la cour 
désignèrent l’évêque d’Alais au 
nombre des candidats qui parais- 
saient convenables au poste de 
précepteur du jeune héritier de 
la couronne. M. de Bausset ne fut 
point député aux Etats-généraux 
de 1789, comme on l’a imprimé 
inexactement. L'Assemblée cons- 
tituante ayant décrété la suppres- 
sion de l’évêché d’Alais, le prélat 
crut devoir déclarer, par une lettre 
du 12 juillet 1790, que ce décret 
ne pouvait briser les liens qui l’at- 
tachaient à son église. Cette lettre 
fort courte , mais à la fois ferme 
et modérée, était adressée à ses 
grands-vicaires, et elle fut publiée 
le 1‘* novembre suivant, avec 
une. réclamation pour les droits 
de l'évêque, signée de l’abbé Gi- 
raud , un de ses grands-vicaires, 
qui avait été sommé par le direc- 
toire du district d’Alais, d’évacuer 
le palais épiscopal. M. de Bausset 
adhéra à l'Exposition des principes 
sur La constitution civile du clergé, 
par lesévêques députés à l’Assem- 
blée nationale, rédigée par M. de 
Boisgelin, et publia divers actes 
analogues, dans lesquels il s’unis- 
sait aux principes et aux détermi- 
nations adoptés par la majorité 
de ses collégues. 

Vers la fin de l’année 1501, 
M. l'évêque d’Alais avait émigré 
en Suisse, mais il se détermina à 
revenir à Paris, au mois de sep- 
tembre 1792. Les persécutions ne 
pouvaient manquer de l'y attein- 
dre. Il fut arrêté!, et enfermé au 
couvent de Port-Royal, rue de la 
Bourbe , alors transformé en pri- 
son. Ayant eu le bonheur d’échap- 
per au Tribunal révolutionnaire, 
M. de Bausset, rendu à la liberté 
après le 9 thermidor, se retira à 


BAU 

L 
Villemoisson, près Lonjumeau, 
chez M® de Bas®mpierre. Il 
y passait la plus grande partie 
de l’année, et ne faisait à Paris 
que quelques voyages rares et 
courts, pour voir ses amis. Parmi 
ceux-ci l’on distinguait M. Emery, 
supérieur-général de St.-Sulpice. 
Une grande conformité de vues 
et de caractère établit entre eux 
des rapports intimes; ils se prè- 
taient un mutuel secours dans 
leurs travaux, et entretenaient, 
lorsqu'ils étaient séparés, une 
correspondance assidue. Il paraît 
que ces deux ecclésiastiques se 
décidèrent de concert, en faveur 
de la déclaration exigée des mi- 
pistres du culte, par la loi du » 
vendémiaire an IV, déclaration de 
pure soumission , et au prix de la- 
quelle le clergé non assermenté a 
pu exercer librement, enFrance, le 
culte catholique , jusqu’à l'époque 
du 18 fructidor, Le prélat insistait 
notamment dans soa écrit,sur l’in- 
convénient de mêler les considé- 
rations de la politique aux affaires 
de la religion. M. de Bausset se 
déclara également en faveur de la 
promesse de fidélité à la constitu- 
tion, qui futexigée des ecclésias- 
tiques sous le gouvernement con- 
sulaire , et il est cité plusieurs fois 
à cette occasion, dans les Ænnales 
philosophiques , morales et littérai- 
res , journal ecclésiastique de l’é- 
poque. 

Lorsque Pie VIT, à la suite du 
concordat consenti avec le pre- 
mier consulde la République frau- 
çaise, demanda aux anciens évê- 
ques de France la démission de 
leurs sièges, M. d’Alais s’em- 
pressa d'envoyer la sienne. Sa 
lettre se trouve dans les Annales 
philosophiques ( T. IV, pag. 155). 


»] 


* 


BAU 21 


Mais en outre, le prélat crut de- 
voir manifester hautement ses 
sentimens dans cette importante 
circonstance ; à cet effet, il publia 
une autre lettre à ses vicaires- 
généraux, dans laquelle il déplore 
sans amertume les maux de l’E- 
glise, et montre la sagesse de la 
Providence dans la marche des 
événemens, et la protection de 
Dieu sur son Eglise. — « Ma con- 
» science m'a dit, s’écrie-t-il , que 


»je ne pouvais être exposé à au- 


» cun reproche de la part de Dieu, 
» ni des hommes , en remettant les 
» intérêts de la Religion et de l'E- 
»glise à mon supérieur, à celui 
» que la divine Providence a établi 
»le' vicaire de Jésus-Christ sur 
» la terre. — La simple raison a 
» suffi pour me convaincre qu’au- 
» cun évêque ne pouvait, dans les 
»circonstances présentes , juger 
»aussi sainement de ce qui con- 
» vient ou de ce quine convient pas 
> aux intérêts de l'Eglise de France, 
» que celui qui est préposé au gou- 
» vernement de l’église universelle 
set le centre de correspondance 
»de toutes les églises particu- 
» lières. » 

Le mérite et le caractère de 
l’évêque d’Alais lui eussent sans 
doute procuré un siége dans la 
nouvelle organisation de la Fran- 
ce ecclésiastique ; mais déjà il 
était attaqué de la maladie qui 
affligea ses dernières années. La 
goutte, dont les premières attein - 
tes l’avaient ramené en France, 
au risque des plus grands périls , 
à la fin de 1592, ne cessa de le 
tourmenter cruellement jusqu’au 
terme de ses jours; elle le priva 
peu à peu de l’usage de ses jam- 
bes ; elle l’empêchait même quel- 
quefois d'écrire, et c’est au mi- 


2° BAU 

lieu de ces douleurs qu’il a com- 
posé les deux ouvrages qui ont 
donné le plus de célébrité à son 
nom. M. l’abbé Emerÿ ayant 
trouvé l’occasion d'acquérir les 
manuscrits de Fénélon, les com- 
muniqua à M. l’évêque d’Alais, 
qui forma d’abord le dessein de 
donner une nouvelle édition des 
œuvres de l’archevèque de Cam- 
bray ; quelques lettres de M. de 
Bausset, que l’on a conservées, 
ne permettent pas de douter de 
ce projet. C’est M. Emery qui en- 
gagea le prélat à composer une 
histoire de Fénélon: l’auteur lui 
faisait passer ses cahiers à me- 
sure qu'illes écrivait, et obéissait 
avec beaucoup de déférence, aux 
observations qu’il recevait de lui. 
L'Histoire de Fénélon, publiée 
en 1808, obtintle succès le moias 
équivoque. Une diction agréable 
et pure, une heureuse abondance 
de style, un ton noble et simple, 
des jugemens souvent dictés par 
la sagesse, et toujours exprimés 
avec beaucoup de mesure et de 
dignité ; telles sont les principales 
qualités de cet ouvrage , qui ne 
coûta, dit-on , à l’auteur, que 
deux années de travail. En 18192, 
l’Institut désigna l’histoire de Fé- 
nélon comme méritant le deuxiè- 
me grand prix décennal de se- 
conde classe, pour le meilleur 
écrit de biographie. — « L’ou- 
»yrage , disait le jury, est écrit 
» partout avec le ton de noblesse 
»et de dignité qui cest propre à 
» l’histoire ; on y désirerait seule- 
» ment un peu plus de cette onction 
» douce et pénétrante qui convient 
» à l’histoire de Fénélon. Le style 
»en est, en général, pur, correct 
»et élégant, quoicu’on y puisse 
-»remarquer quelques taches. La 


BAU 


»narration manque quelquefois de 


srapidité, mais jamais de clarté, 
setrarement d'intérêt: attachante 
» par le ton de sincérité qui y rè- 
» gne, elle est semée de réflexions 
»ieujours jusies et jamais ambi- 
»tieusés, qui servent à relever les 
» détails et à jeter du jour sur les 
» faits.» Un critique ingénieux a dit 
ailleurs (1) : « Les trois époques 
qui lient l’histoire de Fénélon aux 
grands intérêts des peuples, de 
l'humanité et de la religion, et 
lui impriment un caractère d’élé- 
valion et d'importance qu’on trou- 
ve rarement dans une histoire par- 
ticulière, ont été supérieurement 
tracées par l’historien : éducation 
du duc de Bourgogne, la longue 
et déplorable querelle qui divisa 
deux hommes tels que Bossuet et 
Fénélon, enfin , la disgrâce dont 
cette querelle fut la première ori- 
gine, et ce long exil honoré par 
tant de vertus et de grandeur d’à- 
me. Ce qui attache surtout le lec- 
teur, et soutient son attention 
dans toute l’étendue de cet ou- 
vrage, dont la longueur paraît 
d’abord un peu hors de propor- 
tion avec l’histoire d’un simple 
particulier , ou, si l’on veut, d’un 
grand évêque et d’un beau génie, 
c’est que l’auteur sait y rattacher 
avec beaucoup d'art et d’agré- 
ment, des détails importans , des 
vues générales , des tableaux éten- 
dus et d’un intérêt public. IE pré- 
sente ce beau siècle de Louis XEV, 
non, à la vérité, dans ses rapports 
politiques , militaires, extérieurs, 
mais peut-être dans ses points de 


(1) M. de Féletz; Notice sur M. de 
ausset, dans le Journal des Débats 
du 28 juin 1824. 


BAU 


vue les plus intéressans, et sous 
ses aspects les plus curieux. 11 
peint ces mœurs élégantes, cette 
société spirituelle, celte cour tout 
à la fois brillante , grave et polie. 
Ilaime surtout à faire ressortir 
certains nobles caractères, la plu- 
part liésavec Fénélon, dont la re- 
ligion et l’honneur réglaient tou- 
jourssévèrement la conduite; qui, 
dans le séjour de la dissimulation 
et de la flatterie, où tout est 
trop souvent sacrifié à la faveur, 
donnèrent constamment l’exem- 
ple du plus noble désintéresse- 
ment, restèrent toujours fidèles à 
l'amitié malheureuse, ne flattèrent 
jamaisle vice triomphant,netrahi- 
rent jamais ni leurs sentimens 
ni la vérité, et, toujours respec- 
tueuxenversleursouverain, furent 
néanmoins toujours francs et sin- 
cères. » —Enfin, l’auteur écrivait 
lui-même à M. de Gravine : « Quel- 
» que flatté que je puisse être de la 
»bienveillance avec laquelle le 
» public à accueilli l'Histoire de 
» Fénélon , je n’ai point cherché à 
»me dissimuler que son principal 
» SUCCÈs est attaché à ce sentiment 
»universel d'intérêt qu’inspirent 
»toujours le nom et la mémoire de 
» Fénélon. On est toujours sûr de 
»plaire et de toucher lorsqu'on 
» retrace un des plus beaux carac- 
»tères qui aient honoré l’huma- 
»nité. ( 2 octobre 1808. ) »— Les 
bénéfices produits par l'Histoire 
de Fénélon furent abandonnés par 
l’auteur, au séminaire de Saint- 
Sulpice, où son héros et lui-même 
avaient reçu l’éducation sacerdo- 
tale. 

On avait cru remarquer dans 
l'Histoire de Fénélon , qu’en par- 
lant des longs démêlés qu'il eut 
avec Bossuet, l'historien paraissait 


BAU 25 
trop pencher pour larchevêque 
de Cambray, qui pourtant perdit 
sa cause à Rome, et qu'il n'avait 
pas assez ménagé la mémoire de 
l’évêque de Meaux. M. d’Alais en- 
tendit ces objections, et voulut y 
répondre, en essayant d’élever à 
Bossuet un monument pareil à 
celui qu’il venait de terminer pour 
Fénélon; mais cette fois , l'histo- 
rien , toujours élégant et toujours 
ingénieux, n’alteignit pas jusqu’à 
la hauteur de son objet. En eftet, 
l'esprit éminemment sage et cir- 
conspect de M. de Bausset man- 
quait de cet élan vigoureux et de 
ces touches brillantes nécessaires 
pour peindre le génie sublime et 
fier de l’aigle de Meaux. Peut-être 
aussi ce second ouvrage » t-il un 
peu moins travaillé, et offre-t-il 
plus de longueurs que le premier. 
D'ailleurs, ici aussi bien que dans 
l’ÆAistoire de Fénélon, les opinions 
de l’auteur , qu’il avait puisées à 
Saint - Sulpice, paraissent avoir 
obscurei à ses yeux les faits his- 
toriques , relatifs à diverses épo- 
ques importantes de l’histoire 
ecclésiastique du 157% siècle. Ces 
points d'histoire sont devenus 
l’objet d'attaques assez vives de 
la part d'écrivains exercés à la 
polémique, auxquelles l'historien 
de Bossuet et de Fénélon ne ju- 
gea point à propos de répondre. 
Au reste, nous sommes bienloin 
de vouloir insinuer que l’Histoire 
de Bossuet soit un ouvrage sans 
mérite; nous n’hésilons pas d’af- 
firmer au contraire, qu’elle offre 
le résultat de beaucoup de re- 
cherches et de lectures, qu’elle 
est à la fois agréable et instruc- 
tive (1). 


> 


(1) Nous avons pensé qu'or lirait 


24 BAU 


Lors de la première organisa- 


ici avecintérêt, unelettre irédrire adres- 
sée à M. de Bausset par le feu Roi, à 
l'occasion de l’Arstorre de Fénélon. 


« À Paris , ce 3 janvier 1815. 


» M. l'archevêque de Reims m'a 
en efiet remis, Monsieur, votre Z1rs- 
toire de Bossuet. Je l'ai reçue avec 
bienveillance sans doute, mais avec 
ayidité, et je me plains de mes occu- 
pations , qui depuis huit jours m'ont à 
peine permis d'achever la lecture du 
premier volume. » 

»Ecrire l’histoire de deux grands 
hommes contemporains, également cé- 
lèbres dans le même genre , unis d’a- 
bord , puis divisés avec éclat, et, sans 
jamais se contredire, les faire tous 
deux chérir et respecter au même degré, 
était un effort que Plutarque lui- 
même n’osa pas tenter : vous l'avez 
cependant entrepris. Je connaissais , 
j'aimais l'un de ces ouvrages, et si le 
nom de l'auteur, la magie du style, 
l'art de rendre historiques (ainsi que 
Bossuet lui-même l’a fait dans ses Va- 
siations ) les choses qui semblent le 
plus étrangères au domaine de l’his- 
toire ne me font pas illusion sur le 
second , je crois dès à présent pouvoir 
affirmer que jamais on nedira de vous: 
magnis tamen excidit musis. 

» Mais que dirai-je de votre lettre ? 
Ce tableau qu’elle offre en peu de li- 
gnes, ne déparerait ni le Discours sur 
l'Histoire universelle, ni l'Oraison fn- 
nèbre de la Reine d'Angleterre; mais 
vous y tracez de moi un portrait 
beaucoup trop flatteur; j'espère être 
le faible instrument que, par un mou- 
vement de sa volonté, le Dicu de 
saint Louis a destiné à faire éclater sa 
miséricorde sur la France; c'est bien 
assez d'honneur pour moi, et j'ai be- 
soin de chercher dans cette vérité des 
armes contre l'amour - propre qu'un 
suffrage tel que le vôtre ne serait que 
trop capable de m'inspirer. Soyez bien 
persuadé, Monsieur, de ma parfaite 
estime et de tous mes sentunens pour 
vous. 

» Louis. 


» À M l'ancien évêque d'Âlais. » 


BAU 


tion du chapitre de St.-Denis, 
M. de Bausset en avait été nommé 
chanoine de première classe , le 
13 avril 1806. II fut aussi nommé 
premier conseiller titulaire de 
l’Université, lors de lPétablisse- 
ment de cette institution, en 
1808. L’ordonnance du 17 février 
1815 donnait une organisation 
toute nouvelle à l'Université, plus 
conforme à l’esprit de la monar- 
chie constitutionnelle : elle lui 
donnait en même temps M. de 
Bausset pour chef, en remplace- 
ment de M. de Fontanes, sous le 
titre de président du Conseil royal 
de l'instruction publique. Le re- 
tour inopiné de Bonaparte empê- 
cha l’exécution de l’ordonnance, 
qui est restée sans effet. Durant 
les Cent jours, un décret impérial 
restitua à M. de Bausset son titre 
de conseiller titulaire de l’Uni- 

ersité; mais le prélat n’en exerça 
point les fonctions, et il habita la 
campagne, depuis le 21 mars jus- 
qu’au moment où les armées 
étrangères vinrent environner 
Paris. 

Aussitôt après la première res- 
tauration , en 1814, une commis- 
sion d’évèques ayant été formée 
pour s'occuper des affaires de lé- 
glise de France, M. de Bausset en 
futnommé membre, avec MM. de 
Périgord , de Pressigny et Boulo- 
gne : on leur adjoignit cinq ecclé- 
siastiques du second ordre.Au mois 
de novembre de la même année , 
l’on forma une seconde commis- 
sion composée de neuf évêques ; 
l’ancien évêque d’Alais fut encore 
de leur nombre.Ces deux comimis- 
sions ne produisirent point de ré- 
sultats; mais M. de Bausset s’y 
distingua par sa sagesse et sa MO- 
dération , et il contribua peut-être 


BAU 


à dissiper quelques préventions 
parmi des hommes absens depuis 
long-temps, et qui ne connais- 
saient pas bien l’état de l’église de 
France. Lorsqu’en 1818 l’on ou- 
vrit des négociations pour modi- 
fier le concordat de l’année précé- 
dente, la première réunion des 
évêques se tint le 12 mars, chez 
M. de Bausset; celle du lende- 
main se tint aux Tuileries, et la 
goutte empêcha le prélat d’y as- 
sister. Au mois de juin suivant, 
tous les évêques qui se trouvaient 
à Paris réclamèrent contre la non- 
exécution du concordat, Une lettre 
fut rédigée pour cet objet, et pré- 
sentée au Roi; elle porte la si- 
gnature de M. de Bausset (dès 
lors cardinal), et de trente-deux 
archevêques ou évêques. En 1819, 
les négociations recommencèrent; 
une première réunion d’évêques 
fut indiquée chez M. de Bausset; 
mais elle fut différée par une in- 
disposition de M. le cardinal de 
Périgord. Il y eut deux assem- 
blées d’évèques aux Tuileries, le 
10 et le 11 mai. Sur la fin de ce 
mois, les évêques arrêtèrent d’é- 
crire au Pape; leur lettre, datée 
du 50 mai, est signée des trois 
cardinaux francais, et de soixante- 
treize prélats institués ou simple- 
ment nommés. Le 15 juin suivant, 
ils écrivirent également au Roi en 
faveur des intérêts de l’église de 
France.Cette lettre futencoresous- 
crite par les trois cardinaux et par 
les prélats qui se trouvaient à Pa- 
ris. Ces diverses réclamations im- 
pliquaient une désapprobation as- 
sez formelle des résistances que 
le ministère de cette époque oppo- 
sait aux prétentions des chefs du 
clergé. M. de Bausset, dont l’es- 
prit éclairé et conciliant aurait re- 


BAU 25 - 
douté une scission éclatante, hor- 
mis le cas des motifs les plus gra- 
ves et les plus pressans, modifiait 
au moins dans les formes, les élans 
du zèle de ses eollègues, et pour- 
tant il se joignait définitivement 
à eux, parce qu’il lui aurait sem- 
blé pénible de s’en tenir séparé. 
Toutefois, une occasion se pré- 
senta où on ne le vit point mar- 
cher à côté d’eux. 

M. de Bausset avait été appelé 
à la chambre des Pairs, lors de la 
promotion du mois d’août 1815; 
mais ses infirmités habituelles ne 
lui ont permis d’assister aux séan- 
ces qu’un très-petit nombre de 
fois. Dans les premiers temps, le 
peu d’évêques qui faisaient partie 
de la chambre haute ne fréquen- 
taient guere ses séances. Il n’en 
fut pas de même lorsque les 
partisans du système politique 
du côté droit, mieux orgauisés, 
et comprenant lPavantage qu'ils 
pourraient tirer des formes du 
gouvernement constitutionnel , 
commencèrent à former dans la 
chambre des Pairs une opposition 
systématique au ministère du 5 
septembre. Les intérêts et les 
sentimens du clergé ne tardèrent 
pas à se trouver en jeu dans cette 
lutte. Un projet de loi sur la liberté 
de la presse avait été adopté 
par la chambre des Députés : il 
punissait les délits d’outrages à 
la morale publique et religieuse, 
commis par voie de publication. 
PlusieursPairs demandèrentqu’on 
y énonçât formellement en outre, 
des peines contre les auteurs d’ou- 
trages à la religion de l'Etat. 
Cet amendement fut rejeté par 
cent trois voix Contre quatre- 
vingt-quatorze. En conséquence, 
quatre évêques pairs de France , 


20 BAU 


signèrent une protestation contre 
le refus de mentionner expressé- 
ment la religion de l'Etat, dans 
la nouvelle loi. M. le cardinal de 
Bausset fut le seul évêque de la 
chambre haute qui ne signa pas 
celle déclaration (1); non sans 


(1) Les protestations des minorités, 
écrites et signées, dans les assemblées 
législatives , sont parfaitement régu- 
hères et essenticllement légales, puis- 
qu'elles sont un témoignage et un enga- 
gcrment que les protestans appellent de 
Ja décision rendue, à l'opinion publi- 
que , et à unc autre assemblée où plus 
hbre vu plus éclairée; non par consé- 
quent, à la violence, qui seule trouble 
l'ordre public et amënce la sédition. 
Les protestations par écrit sont d'un 
usage habituel sur toutes les questions 
capitales, dans la chambre des lords de 
la Grande-Bretagne. On n'a pas ou- 
Llié les mémorables protestations des 
minorités de l'Assembiée constituante, 
non plus que celle de la minorité de la 
Con’ention contre le 31 mai.Depuisla 
Restauration, outre la protestation des 
évêques dont il est question dans cet 
article , nons avons vu Id protestation 
de la minorité de la chambre des Pairs 
contre l'application de la peine faite 
an colonel Maziau, déclaré coupable 
denon-révélation de complot, en 1821; 
et la protestation de la minorité de la 
chambre des Députés contre l'expul- 
sion de M. Manuel, l’un de ses mem- 
bres. Les protestations verbalessont 1ir- 
régulières, et celles qui sont suivies de 
désertion tournent ordinairement con- 
tre leurs auteurs : i Assemblée consti- 
tuante en offrit l'éclatantexemple. C'est 
par une protestation de ce derniergenre 
que le coté droit de la chambre des Dé- 
putés essaya infructucusement , au 
commencement de la session de 18:6, 
de soutenir la pétition de la demoiselle 
Robert pour son père , détenu en 
vertu des lois d'exception votées du- 
rant la session de 1815. Le côté gauche 
de la même chambre a essayé, depuis, 
le même moyen de résistance, et tou- 
Jours avec aussi peu de succès. 


* BAU 


doute qu’il pensât autrement que 
ses collègues, touchant le respect 
dû à la religion, mais il n’avait 
point assisté aux discussions ; 
peut-être aussi qu’il ne voulut pas 
appuyer de l’autorité de son nom 
une démarche qui devait paraître 
un acte éclatant d'opposition con- 
tre le ministère de cette époque. 
Il écrivit en conséquence à M. le 
cardinal de Périgord, une lettre 
où il exposait les motifs de sa 
conduite. 

Cette occasion ne fut pas la 
seule où M. l’évêque d’Alaisexerca 
de l'influence dans l’assemblée 
dont il était membre. Un certain 
nombre de pairs, d’une opinion 
analogue à celle des députés qui, 
dans l’autre chambre, se plaçaient 
au centre droit, avaient pris l’ha- 
bitude de se réunir chez M. de 
Bausset, qu’on était trop certain 
de trouver constamment retenu 
chez lui par ses infirinités : là ils 
s’entretenaient des sujets à l’ordre 
du jour, et se concerlaient pour 
leurs votes. Cette réunion fut 
toujours peu nombreuse et néan- 
moins très-influente, soit par la 
position sociale des personnes qui 
ja fréquentaient, soit par l'effet de 


/ sa situation intermédiaire, qui lui 


donnait en quelque sorte la dispo- 
sition de la majorité, suivant 
qu'elle se portait d’un côté ou de 
l’autre, dans une chambre divisée 
par deux partis presque égaux en 
nombre. On a quelquefois désigné 
dans le monde, les pairs de la réu- 
nion de M. de Bausset, sous la 
dénomination de cardinalistes. 
M. le duc de Richelieu jouissait de 
beaucoup de faveur dans ce salon, 
et c’est avec un vif déplaisir qu’on 
le vit, à la fin de 1821, se relirer 
des affaires pour la seconde fois. 


BAU 


 Samort,arrivée peu de moisaprès, 
offrit à M. de Bausset l’occasion 
de s’en expliquer assez clairement 
à la tribune, le jour qu’il y fit lire 
l'éloge de son noble ami, et les 
regrets qu’il prodigua au ministre 
tombé parurent causer quelque 
émotion à ses successeurs. 

Ces diverses indications suffi- 
sent pour laisser comprendre que 
M. le cardinal de Bausset, éclai- 
rant son zèle par la science, en- 
trevit les nécessités de notre épo- 
que, et ne relusa d’y céder 
qu'autant qu'il put concevoir des 
alarmes pour l'intérêt de la reli- 
gion ou pour ceux de la monar- 
chie. C’est sans doute cette dispo- 
sition à la bienveillance et à la 
pais qu’un de ses panégyristes a 
voulu indiquer lorsqu'il a dit que 
«ses vertus pleines d’indulgence, 
de charité, de tolérance, étaient 
éminemment sociales; elles étaient 
aussi éminemment religieuses , 
quoiqu’elles aient trouvé quelques 
détracteurs dans des hommes qui 
croient être plus religieux encore, 
en privant la religion de ce qu’elle 
a de doux, d’aimable, de conci- 
liant, dattirant, de persuasif{1). » 
On doit ajouter à cet éloge de 
M. Pévèque d’Alais , qu’il aimait 
les arts et les choses utiles, et les 
encourageait autant qu’il dépen- 
dait de lui. Ainsi, il eut beaucoup 
de part au rétablissement de la 
statue de Henri IV sur le terre- 
plein du Pont-Neuf, et l’on dit 
que la première idée de ce mo- 
nument vint de lui; aussi fut-il 
un des membres de la commission 
quiendirigea et en surveilla l’exé- 
cution. 


(1) Journal des Débats du 28 juin 


1824. 


BAU 27 


C’est dans le consistoire du 28 
juillet 18:17 que M. l’évêque d’A- 
lais fut décoré de la pourpre ro. 
maine, sur la présentation de son 
scuverain, et en mêmetemps que 
MM. de Périgord etde la Luzerne. 
Ces prélats furent les trois pre- 
miers cardinaux présentés au 
Saint-Siége par le roi de France, 
depuis la restauration de sa mai- 
son. Le Roï remit la barette à M. de 
Baussetle 26 août,aveclessolenni- 
tésd’usage (2),etattacha le titre de 
duc à la pairie du prélat. Depuis;,les 
plus éminentes distinctionsne ces- 
sèrent de s’accumuler sur sa tête ; 
il fut nommé commandeur des 
ordres du Roi, lors de la promo- 
tion du 50 septembre 1820, à 
l’occasion de la naissance de M. le 
duc de Bordeaux, et ministre 
d'état, à la fin de 1821, après la 
mort de M. le cardinal de la Lu- 
zerne. 1l était entré dans l’Acadé- 
mie française par l’crdonnance de 
réorganisation de cette compa- 
gnie , en 1816 (3). 

M. le cardinal de Bausset se 
trouva empêché, par ses infirmi- 
tés toujours croissantes, de se 
rendre au conclave du mois de 
septembre 1823, où fut élu le 
pape Léon XII. La goutte, qui 
depuis si long-temps l'avait privé 
de l'usage de ses pieds, lui para- 
lysa aussi les mains, dans ses der- 


(2) On trouve le discours du car- 
dinal et la réponse du Roi dans le 
Moniteur des 27 et 30 août 1817. 

(3) M. de Quélen, archevêque de 
Paris, a remplacé M. le cardinal de 
Bausset à l’Académie francaise. On 
trouve son discours de reception, con- 
tenant l'éloge de son prédécesseur , 
ainsi que la réponse de M. Auger, 
chancelier trimestriel de l’Académie , 
dans le Moniteur du 6 décembre 1824. 


28 BAU 


niers jours; en sorte qu’il ne pou- 
yait plus écrire que par l’intermé- 
diaire d’un secrétaire. Au com- 
mencement du printemps de 1824, 
l’altération de la constitution phy- 
sique du prélat devint générale ; 
l’estomac ne faisait plus ses fonc- 
tions et refusait toute nourriture. 
Ilavait fait promettre à M. le doc- 
teur Portai, son médecin, de 
l’avertir aussitôt que son état pré- 
senterait du danger. On n'eut 
presque pas besoin de recourir 
avec lui aux précautions ordi- 
naires. Depuis long-temps fami- 
liarisé avec la mort, par l'habitude 
de la maladie, il l’attendait avec 
le calme d’une âme éclairée par 
la foi, soutenue par l'espérance et 
consolée par la charité. Plusieurs 
fois depuis ses infirmités , il avait 
fait célébrer la messe dans sa 
chambre ; il recut les derniers sa- 
cremens des mains de M. le curé 
de Saint-Thomas-d’Aquin, son 
confesseur, et expira doucement, 
le fundi 21 juillet 1824, à huit 
heures du soir. Son corps fut en- 
seveli, suivant ses désirs, dans 
Péglise des Carmes de la rue de 
Vaugirard, et placé entre les cer- 
cueils du cardinal de la Luzerne 
et du saint prêtre Legris- Duval. 
On a placé sur son tombeau l’épi- 
taphe suivante. 


D10. M 


HOC. SUB. TUMULO. JACET. 
LUDOVICUS. FRANCISCUS. DE BAUSSET, 
Episcopus. quondam. Alesiensis. 
Præsesq. universatis. studiorum. 
uaus. à. quadranginta, viris. Academiæ. Gallicæ, 
Basilicæ. S. Dionysii. canonicus. honorificus. 
Regi. sanctioribus. a. consilliis. 
ordinis. S. Spiritus commandator, 

Dux. et. par. Franciæ. 
S. R. E. Presbiter. Cardinalis. 
vir 
Pietate. sapientia. morum. lenitate. 
sermonum. suavilate. acque, commendatus. 


BAU 


Religioni. regno. littæris. pariter. acceptus. 
qui 
Bossueti. Fenelonii. Historias. 
Elegantori. stylo. conscripsit. 
Eorum. doctrinæ. virtutis. ingeniiq. 
Discipulus. narralor. et. æmulus. 
Natus Ponticerii. XIV. die. decembris. 
Anu. MDCCXL VIII. 
Obiit. Lutetiæ. XXI. die junii. 
Ann. MDCCG XXIV. 


L’éloge de M. le cardinalde Baus- 
set, écrit par M. l’abbé de Mon- 
tesquiou, a été lu à la tribune de 
la chambre des Pairs, dans la 
séance du 2 août 1824 (imprimé 
à part, par ordre de la Chambre, 
et dans le Moniteur du 6 août 
1824). — L’oraison funèbre du 
prélat a été prononcée le 13 juil- 
let 1824, dans l’église métropoli- 
taine d’Aix, par M. l’abbé Chris- 
tine, chanoine de cette église, en 
présence de M. de Bausset de Ro- 
quefort, archevèque d’Aix, proche 
parent du défunt. — On trouve 
une Notice sur le cardinal de 
Bausset, dans Ami de la Religion 
et du Roi. t. XL, p. 275 et 560. 
Cette notice, enrichie de quelques 
augmentations , a été imprimée à 
part, chez Adr. Leclère, 1824, 
in-8. — On à aussi imprimé à 
part: 

Notice historiquesur S. E. Mgr. 
L. Fr. de Bausset, cardinal-prétre 
de la Sainte-Eglise Romaine, etc., 
elc., rédigée d’après les documens les 
plus authentiques et Les lettres auto- 
graphes adressées à l’auteur ; par 
J. F, de G. (Gravine). Marseille, 
Acbard; et Paris, Adr. Leclère , 
1924; in-8, de 72 pages. 

Cette notice est principalement 
intéressante par les lettres du car- 
dinal à l’auteur, qui s’y trouvent 
imprimées en grand nombre. 

Notice biographique sur S. E. 
Mgr. le cardinal duc de Bausset , 


1 


BAU 


lue en séance publique dW académie 
de Marseille, le dimanche 29 août 
1824, par son président, M. le 
comte de Villeneuve, préfet du dé- 
partement des Bouches-du-Rhône. 
Marseille , Achard ; in-8, d’une 
demi-feuille. 

Il existe un beau portrait de 
l’évêque d’Alais , peint à demi- 
corps, assis, par Labby. Il a été 
gravé par Dequevauviller. — On 
trouve aussi un portrait du cardi- 
nal de Bausset , dans la collection 
des membres de l’Institut, litho- 
graphiée par À. Boilly. 


Liste des ouvrages de L. Fr. de 
Bausset. 


I. Lettre à M. le Curé de... 
(27 novembre 1790 ). 52 pages 
in-8. É 

L’évêque d’Alais déclarait dans 
cette lettre, adopter l'instruction 
pastorale de M. Asseline, évêque 
de Boulogne, du 24 octobre pré- 
cédent, sur l’autorité de l'Eglise, 
et dirigée contre les décrets de 
l’Assemblée constituante,relatifs à 
la Constitution civile du clergé. 

IT. Lettre pastorale (12 mai 
1791). 85 pages in-8. 

Relative aux mêmes matières 
que la lettre précédente. 

HI. Réflexions sur la déclaration 
exigée des ministres du culte, par la 
loi du 7 vendémiaire an IV, 1506; 
in-8, de 16 pages. 

Cet écrit ne parut pas d’abord 
en entier, et M. Emery, qui le 
publia, rédigea l'Avertissement, et 
en crut devoir supprimer une par- 
tie, qui avait rapport au serment 
de liberté.et d'égalité , lequel n’é- 
tait plus exigé des ecclésiastiques; 
mais la totalité de l’écrit vit le jour 
l’année suivante ; sous le titre 


BAU 29 
d’'Exposé des principes sur le ser- 
ment de Liberté et d'Egalité et sur 
la déclaration , etc. Paris, Guer- 
bart; in-8 , de vi et 171 pages. 

IV. Lettre aux V'icaires-géné- 
raux du diocèse d’Alais (24 dé- 
cembre 1801). 34 pages in-8. — 
Relative au concordat de 1802. 

V. Notice historique sur S. E. 
M gr. le cardinal de Boisgelin. 1804; 
in-12. — Réimprimée en tête de 
l’édition des Œuvres du cardinal 
de Boisgelin. Paris, Guitel, 1818; 
in-8. 

M. de Crouseilhes, grand-vi- 
caire de M. de Boisgelin, et depuis 
évêque de Quimper, étant dans 
l'intention de donner une notice 
sur le cardinal , fit &äemander des 
notes à M. de Bausset; les ayant 
obtenues, il crutne pouvoir mieux 
faire que de les publier. C’est donc 
par erreur que nous avons attribué 
la Notice historique sur M. de 
Boisgelin, à M. de Crouzeilhes lui- 
même (voyez son article Annuaire 
Nécrologique de 1825, pag. 8o);il 
n’en a été que l'éditeur. 

VI. Histoire de Fénélon, arche- 
vêéque de Cambray, composée sur Les 
manuscrits originaux. 1808, 5 vol, 
in-S. — Seconde édition, revue, 
corrigée et augmentée. 1809, 3 vol. 
in-8.— Troisième édition , ornée du 
portrait de Fénélon. Paris, Le 
Normant, 1817 ; 4 vol. in-8. — 
Quatrième édition, revue et corrigée. 
avec une table générale des matières. 
Paris, Lebel, 1823 ; 4 vol. in-12. 
(Voyezle Journal des Débats, du 
25 mars 1808). — Traduit en an- 
glais, par W. Mudford, Londres, 
1810, 2 vol. in-8. 

M. Tabaraud a publié : Lettre 
à M. de Bausset, ancien évêque 
d’ Alais, etc., pour servir de sup- 
plément à son Histoire de Fénélon 


30 BAU 

Paris, Brajeux, 1809; in-8. —Et 
une Seconde Leitre au même, sur 
le même sujet. Limoges, Barbou, 
1810; in-8. ( Voyez ci-après le 
n° VII.) 

VII. Histoire de J. B. Bossuet, 
évêque de Meaux , composée sur les 
manuscrits originaux. Paris, Le 
Normant, 1814; 4vol. in-8, avec 
portrait. — Deuxième édition, re- 
vue el corrigée, elc.; 4 vol. in-8 
et in-12. 

M. Tabaraud a publié : Supplé- 
ment aux Histoires de Bossuet et 
de Fénélon, composées par M. le 
cardinal de Bausset, où les textes 
cilés dans ces histoires sont rétablis 
dans leur intégrité, et les faits re- 
placés dans leur ordre convenable. 
Paris, 1822, Delestre-Boulage ; 
in-8, de trente-trois feuilles un 
quart. 

VIII. Notice sur La vie de l’abbé 
Legris-Duxal, prédicateur ordi- 
naire du Roi (en tête de l'édition 
de ses Sermons). Paris, Leclère, 
1820 ; 2 vol. in-12. 

Cette notice, qui a plus de 200 
pages, fut écrite à la sollicitation 
de M. le duc et de M"° ja du- 
chesse de Doudeauville. 

IX. Nolice historique sur S. E. 
Mar. A. A. de Talleyrand, car- 
dinal de Périgord, archevéque de 
Paris, etc. Versailles, Lebel, et 
Paris, Adr. Leclère, 1821 ; in-8, 
de 114 pages. — Anonyme. 

X. Notice sur M. le duc de Ri- 
chelieu. — Discours de Mgr. le car- 
dinal duc de Bausset, à l’occasion 
de la mort de M. le duc de Riche- 
lieu, prononcé à la chambre des 
Pairs, le 8 juin 1822. Paris, 
Dentu, 1822; in-8, de 47 pages. 
— L'édition originale , sortie des 
presses de P. Didot l’aîné, impri- 
mée par ordre de la chambre des 


BEA 


Pairs., a été distribuée, mais non 
mise en vente. 

M. le cardinal de Bausset s’oc- 
cupa, dans ses derniers temps, 
d’une Histoire du cardinal de 
Fleury, et il avait réuni une assez 
grande quantité de matériaux pour 
cet ouvrage. Mais les accès deve- 
nus plus fréquens, de sa goutte, et 
limpossiblité où il se trouvait 
souvent, de faire usage de ses 
mains. le forcèrent de renoncer 
à son travail. On doit d'autant plus 
le regretter, que ce nouveau sujet 
paraissait parfaitement approprié 
à la nature de l'esprit et du ta- 
lent de l'historien. 


BEAUCHÈNE (Enme-Prenre- 
CHauvor DE), naquit aux Achar- 


‘lis, près de Villeneuve-le-Roi, 


département de l’Yonne ; il entra 
d’abord dans l’état militaire , qu’il 
abandonna pour se livrer à l'étude 
de la médecine. C’est à Montpel- 
lier qu'il fut recu docteur. Au 
commencement de la Révolution 
il en embrassa les principes, et 
fut élu membre de la communede 
Paris , en 1789, et même député 
vers les princes à Coblentz, pour 
les inviler à rentrer en France. 
On lit le passage suivant, dans la 
Relalion d’un voyage à Bruxelles 
el à Coblentz , qu’on sait être une 
production de la plume du feu roi. 
«nous fallait un passe-port;mais 
la difficulté était de lavoir sans 
nous compromettre. Ma première 
idée fut d’envoyer chercher Beau- 
chêne, médecin de nos écuries, 
qui avait des rapports avec M. de 
Montmorin et M. de la Fayette, 
et de lui dire que deux prêtres 
non sermentaires de ma connais- 
sance, effrayés de ce qui venait 
récemment de se passer aux Théa- 


BEA 
tins, voulaient sortir du royaume, 
sous le nom de deux Anglais , et 
que je le chargeais de faire avoir 
un passe-port, au bureau de M.de 
Montmorin. D’Avaray ne goûta 
pas cette idée; il me représenta 
que Beauchêne , qui est fin , pour- 
rait avoir quelques soupçons de 
ce que nous avions tant d'intérêt 
de cacher, et j’abandonnai ce pro- 
jet... » (pag. 18,1" édit. de Bau- 
douin frères ;}. On voit que si 
M. Beauchêne était patriote, il 
n’était pas jacobin. Aussi, en 1592, 
il se retira à Sens, et passa les 
jours les plus orageux dans une 
terre qu’il avait achetée près de 
cette ville. Il parut à la société 
populaire ; mais l'intérêt de sa 
sûreté put exiger de lui cette dé- 
marche ; d’ailleurs, il ne craignit 
pas de s’y opposer à un projet 
d'adresse, au sujet de la mort de 
Louis XVI. On dit aussi, qu'il 
eut à subir une courte détention. 
Deretour à Paris,après les derniers 
excèsdurégimedelaterreur,Beau- 
chêne s’y reconstitua une clien- 
telle, la Révolution ayant dispersé 
les élémens de la première qu'il 
avait su s’acquérir. Il obtint suc- 
cessivement les titres et fonctions 
de médecin en chef de lhôpital 
militaire du Gros-Caillou, du 
Corps législatif, de l’École nor- 
male, du Bureau de bienfaisance 
de sasection, de médecin consul- 
tant du Roi, membre de l’Aca- 
démie royale de Médecine et de 
la Légion-d’honneur. 11 avait été 
compris dans la formation d’une 
commission , créée par l’ordon- 
pance du 9 novembre 1815 , 
pour rendre compte au Roi de 
l'état de l’enseignement, dans les 
écoles de médecine et de chirur- 
gie; mais ce projet resta sans ré- 


BEA 51 

sultat.LaRestauration ne retrouva 

plus M. Beauchêne patriote de 

89. Au contraire , il professait, 

dans ses dernières années, les 

opinions les plus décidées du côté 

droit, et il écrivit des articles de 

journaux dans ce sens , principa- 

lement dans la Quotidienne. X\ pu-. 
blia aussi un recueil de Maxiies 

et pensées ,; à la manière de La 

Rochefoucault et de Vauvenar- 

gues. L'idée en est quelquefois in- 

génieuse et l'expression piquante. 

Attaqué de la pierre, il en sup- 
porta les douleurs pendant trois 
ans, sans risquer l'opération. 

Frappé tout à coup, par les pro- 
grès inaperçus de la maladie, il ne 
fut que deux jours au lit. II de- 
manda les sacremens de l'Eglise, 

les reçut avec l’expression des 
plus vifs sentimens de foi , et 
expira le 24 décembre 1824. 


Lisle des ouvrages de Ed PCR: 


de Beauchéne. 


I. De l'influence des affections ae 
l’âme sur les maladies nerveuses 
des femmes, avec le traitement qui 
convient à ces maladies. Amsterdam 
el Paris, 1781 , in-8. — Nouvelle 
édit. 1585, in-8. — 1598, in-8.— 
Trad. en allemand, Leipzig, 1784, 
in-S. 

IE. Observations sur une maladie 
nerveuse, avec compliculion d’un 
sommeil , tantôt léthargique , tan- 
tôt convulsif. 1585, in-8. 

IT. Maximes , réflexions et pen- 
sées diverses. Paris, Goujon, 1815; 
un vol. in-18, de six feuilles (ano- 
nyme).— Deuxième édit. corrigée et 
augmentée,avecle nom de l’auteur. 
Paris, Nicole, 18:8;in-12, de neuf 
feuilles.— Troisième édition, Paris, 
Goujon , 1819; in-12, de onze 


L 


32 BEA 
feuilles. — On lit au sujet de cette 
édition, la note suivante , dans la 
Bibliographie de la France , rédi- 
gée par M. Beuchot. — « Ce n’est 
point une réimpression : on à 
changé le frontispice et fait quel- 
ques additions à la fin du volume.» 
— Quatrième édition, corrigée ét 
augmentée. Paris ,;  Goujon , 
1821; in-12, de onze feuilles un 
sixième. 


: BEAUHARNAIS ( Euvcëne DE), 
fils du vicomte Alexandre de 
Beauharnais , l’un des plus illus- 
tres patriotes de l’Assemblée con- 
stituante, et de Joséphine Tas- 
cher de la Pagerie, naquit en 
Bretagne , le 5 septembre 1780. 
Agé seulement de quatorze ans, 
lorsque Ia faux révolutionnaire 
lui ravit son père, il se trouva 
uninstant, à peu près abandonné. 
« Lors de la terreur, nous raconte 
» Napoléon ,; Joséphine étant en 
»prison, son mari mort sur l’e- 
»chafaud, Eugène son fils avait 
»été mis chez un menuisier , et y 
»fut littéralement en apprentis- 
»sage et en service » {1). Quand 
les temps devinrent meilleurs , le 
jeune Beauharnais fut placé à 
Saint-Germain-en-Laye, dans 
un pensionnat privé, tenu par 
M. Mestre, chez lequel il reçut 
Péducation qu’on donnait alors 
communément en France. On 
rapporte que lors du désarme- 
ment ordonné après l’insurrec- 
tion du 13 vendémiaire, Eugène 
vint lui-même chez le général 
Bonaparte , solliciter la remise de 
l’épée de son père; il l’obtint, 


(1) Mémorial de Sainte-Hélène. par 
le comte de Las Cases. t. HI , p.358. 


BEA 


et l’on ajoute que cet incident 
héroïque et romanesque fut le 
premier fil de la liaison intime 
qui unit bientôt après (février 
1796) Napoléon et Joséphine. 
Bonaparte nommé général en 
chef de l’armée d'Italie, appela 
près de lui son beau-fils. De- 
puis, il l’entraîna avec lui vers 
la fortune. Après le traité de 
Campo-Formio , Eugène fut en- 
voyé en mission à Corfou, pour 
traiter avec Îles envoyés d’Ali- 
Pacha. Passant par Rome ,; à 
son retour, il faillit périr dans 
l'émeute populaire qui coûta la 
vie au général Duphot. Il ac- 
compagna Bonaparte en Egypte ; 
à Malte, il s’empara du seul 
drapeau de la Religion ; que la 
prompte cessation des hostilités 
ait permis à l’armée républicaine 
de conquérir. Pendant la cam- 
pagne d'Orient, il fit constam- 
ment le service le plus actif, et 
se trouva aux actions les plus 
meurtrières , à l'assaut d’Alexan- 
drie , à la bataille des Pyramides, 
à la révolte du Caire, au combat 
d’El’Arish, à la prise de Jaïfa, à la 
bataille d’Aboukir. Il fut blessé à 
la tête d’un éclat de bombe, au 
premier assaut de Saint-Jean- 
d’Acre, et resta quelque temps 
sous les décombres d’une mu- 
raille écroulée. Eugène revint en 
France avec son général, versla fin 
de 1599. Nommé chef d’escadron 
dela garde des Consuls, après Île 
18 brumaire, il fit la campagne de 
Marengo et s’y distingua par son 
courage et son intelligence. Colo- 
nel du même régiment, avec le 
grade de général de brigade, en 
1804, il aceompagna Bonaparle 
dans plusieurs voyages. Il fut dé- 
claré prince français , à l'époque 


BEA 


de la fondation de la monarchie 
impériale , et reçut encore le titre 
d’archichancelier d’état, le 1% fé- 
vrier 1805. Napoléon ayant érigé 
le royaume d'Italie, le 26 mai de 
la même année, nomma, en juin 
suivant , le prince Eugène vice- 
roi de ce nouvel état , qu’il orga- 
nisa sur le modèle de la France 
et suivant l'esprit de sa politique. 
Au mois de septembre, la guerre 
éclata entre la France et lAu- 
triche. Le prince Eugène resta 
dans les états d'Italie, menacés 
par larchiduc Charles , à l’habi- 
leté duquel Napoléon crut devoir 
opposer la vieille expérience de 
Masséna: Eugèéneétaitalorsà peine 
âgé de vingt-cinq ans. Après la 
victoire d’Austerlitz, Napoléon 
passa par Munich, fit roi l'électeur 
de Bavière.,et lui demanda sa fille, 
la princesse Auguste - Amélie , 
pour Eugène, qu'il déclara son 
successeur à la couronne d’Ftalie, 
en même temps qu'il Padoptait 
pour son fils, le 12 janvier 1806. 
Bientôt les Etats vénitiens furent 
réunis au nouveau royaume d’I- 
talie, et Eugène Napoléon créé 
prince de Venise. 

Lorsqu’en 1809, les hostilités 
éclatèrent de nouveau entre la 
France et l'Autriche , Eugène fut 
mis à la tête de l’armée d'Italie, 
et se porta sur la ligne de Trente, 
que le général Joubert avait dé- 
fendue quelques années aupara- 
vant. L’archiduc Jean, comman- 
dant l’armée autrichienne, forte 
de plus de soixante mille combat- 
tans, avait établi son quartier- 
général à Malborghetto. Les trou- 
pes françaises et italiennes s’éle- 
vaient à peine à quarante mille 
hommes : cette infériorité de forces 
fut la principale cause des revers 


BEA 35 


qu’éprouva l’armée d’Italie,;au dé- 
but de la campagne : ses avant- 
postes furent forcés de se replier 
sur le Tagliamento : Eugène fut 
battu à Sacile, et, comme il le 
disait lui-même avec ingénuité : 
« Jamais bataille ne fut plus com- 
»plètement perdue. » Mais déjà 
son génie militaire s'était déve- 
loppé : il ressemblait beaucoup à 
celui de Moreau; il égalait sa pru- 
dence et aspirait à son habileté. 
Les Autrichiens s’avancèrent ra- 
pidement sur Udine; poursuivi 
jusqu’à Vérone, le vice-roi retran- 
cha son armée dans la position de 
Caldiero. Les Autrichiens, entrés 
dans Padoue, se préparèrent à 
tourner les redoutes placées sur 
les hauteurs; mais cette attaque 
leur réussit mal; ils ne parent em- 
porter la position, et furent re- 
poussés partout où ils se présen- 
térent. Cette affaire, où les troupes 
francaises et italiennes dévelop- 
pèrent une rare intrépidité, coûta 
la vie au général de brigade Sor- 
bier. aide-de-camp du prince, à 
l’habileté duquel on devait surtout 
cet important avantage. Néan- 
moins, la situation de l’armée du 
vice-roi était loin d’être favorable. 
Napoléon, instruit de ce qui se 
passait en Italie, y envoya le ma- 
réchal Macdonald , pour s’y con- 
certer avec le prince Eugène sur 
les opérations subséquentes. Ce- 
pendant l’armée d’Allemagne , 
commandée par lPEmpereur en 
personne, marchait de victoire en 
victoire : les nouvelles qui en par- 
vinrent au quartier-général de 
l’archiduc Jean décidèrent ce 
prince à effectuer, dès le 1°° mai 
1809, sa retraite sur les états hé- 
réditaires. Les troupes franco-. 
italiennes, divisées en trois corps, 


LA 


d 


54 BEA 


se mirent aussitôt à sa poursuite. 
Le vice-roi commandait le centre, 
le général Baraguey d’'Hilliers la 
gauche, et le général Macdonald 
la droite, en marchant sur la di- 
rection de Goritzia. L’arrière- 
garde autrichienne engagea quel- 
ques affaires de peu d'importance, 
pour retarder la marche de Par- 
mée française, et donner à lar- 
chidue le temps d'assurer sa re- 
traite; il y eut même un combat 
assez wif à Saint-Daniel, dans la 
vallée de la Sella. Le 17 mai, le 
fort Malborghetto fut enlevé; on 
se battit ensuite à Tarvis, sur les 
bords de ia Schlitzer, où les Au- 
trichiens firentune vive résistance. 
Dans ces différentes affaires, les 
troupes franco-italiennes furent 
constamment victorieuses. Vers 
cette époque, arriva de Vienne le 
général d’Anthouard,premier aide- 
de-camp du vice-roi, apportant 
la nouvelle que Napoléon était 
entré dans la capitale de l’em- 
«pire autrichien. Cet événement 
important, en redoublant l’acti- 
vité et le courage de l’armée du 
vice-roi, affaiblissait, dans une 
proportion égale, les forces mo- 
rales de l’armée de l’archidue. En 
même temps que le prince Eugène 
prenait possession de la ville de 
Clagenfurth , le gencral Jella- 
chich, dans l'impossibilité de ré- 
sister à Napoléon en Allemagne , 
se portait en toute hâte sur Leo- 
ben, avec huit mille hommes , 
dans l'espoir de se réunir à l’ar- 
chiduc Jean, et de battre le vice- 
roi, qui s’avançait sur la même 
ville. Les deux armées se rencon- 
trèrent le 25 mai, sur la route qui 
conduit de Kanittelfeld à Léoben. 
L'armée de JeJlachich fut mise 
dans une déroute ecmplète. A la 


BEA 


suite de ces grands avantages, le 
prince Eugène pénètre en Hon- 
grie , réussit à arrêter long-temps 
la marche de l’archidue, lui livre 
bataille le 14 juin, à Raab, dans la 
même position où, près d’un siè- 
cle et demi auparavant, Monte- 
cuculi avait remporté une victoire 
signalée sur les Turcs, et obtint 
un succès complet. La nouvelle 
victoire de Raab était d’autant 
plus importante pour le vice-roi, 
qu’elle délivrait de tout danger les 
derrières de son armée. Napoléon, 
qui n’était pas sans quelque in- 
quiétude sur cette armée, avait 
envoyé le général Lauriston, avec 
un corps d’observation,pour éclai- 
rer sa marche. Ce fut seulement 
à Bruck ( haute Styrie) que les 
chasseurs des deux armées, en- 
voyés de part et d'autre à la dé- 
couverte, se rencontrèrent. Le 
corps du général Lauriston se 
réunit à l’armée du vice-roi, et ce 
prince, qui était à Vienne le 26 
mai, se rendit, le lendemain 27, 
àaEbersdorff,où se trouvait Le quar- 
tier-général de Napoléon. Celui- 
ci, à la nouvelle de la victoire de 
Raab, qu’il appelait une petite fille 
de Marengo, s'écria : «Je savais 
»bien en quelles mains j'avais re- 
»mis mon épée! » Il adressa à 
l’armée d'Italie une proclamation 
d’une éloquence pittoresque, et 
qui commençait par ces mots : 
« Soldats de l’armée d'Italie , 
»soyez les bienvenus! je suis 
» content de vous. » Le bulletin de 
la Grande Armée ,en date du len- 
demain , 28 mai, contient un 
brillant éloge du vice-roi. Il y 
était dit « que ce prince avait fait 
»preuve, pendant la campagne, 
» de toutes les qualités qui consti- 
»tuent les plus grands capitai- 


BEA 


»nes(1).» On avait imprimé à Mi- 
lan une histoire de cette campagne 
d'Italie, racontée tout à l’avan- 
tage du vice-roi; mais celui-ci fit 
supprimer l’ouvrage, pour éviter, 
à ce qu'on croit, de causer de 
Pombrage à Napoléon. Le prince 
Eugène donna encore, lors de la 
bataille de Wagram, livrée le 6 
juillet 1809 , de nouvelles preuves 
de ses talens militaires et de son 
courage. 

Au mois de décembre 1809, le 
prince Eugène fut appelé à Paris, 
afin de recevoir communication 
du projet que Napoléon avait 
conçu,de divorcer ayecJoséphine, 
et afin de sanctionner par sa pré- 
sence cet acte irrégulier autant 
qu'offensant pour son nom et pour 
son sang. Bien qu’on eût obtenu 
péniblement le consentement de 
Joséphine, néanmoins la posi- 
tion d’un fils en pareille circons- 
tance devenait singulièrement dif- 
ficile ; l'absence et le silence sem- 
blaient lui convenir; mais au 
contraire , il était dans le carac- 
tère de Napoléon d’exiger une 
approbation plus éclatante, à me- 
sure que ses actions devaient pa- 


(1) « Il est rare et difficile de réu- 
nir toutes les qualités nécessaires à un 
grand général. Ce qui est le plus né- 
cessaire , C'est que chez lui, l'esprit soit 
en équilibre avec le caractère ou le 
courage. Si le courage est de beaucoup 
supérieur, le général entreprend vi- 
cieusement au-delà de ses concep- 
tions ; et au contraire , il n'ose pas les 
accomplir , si son caractère où son cou- 
rage demeure au-dessous de son esprit. 
Cet équilibre était le seul mérite du 
vice-01, et suffisait néanmoins pour 
en faire un homme très-distingué. » 
( Mémorial de Sainte-Hélène , par le 
comte de Las Cases. t, 11. p. 17.) 


BEA 35 


raître plus susceptibles de blime. 
Des biographes indulgens ont loué 
les sentimens d’Eugène en cette 
circonstance. Nous ne doutons 
point de leur générosité; mais, à 
n'en juger que d’après les faits 
extérieurs, il semble que le cour- 
tisan l’emporta sur le fils. Eugène 
assista à l’assemblée de la famille 
impériale, convoquée dans le ca- 
binet de l'Empereur, pour déli- 
vrer à l'archichancelier, faisant 
les fonctions d’oflicier de l’état- 
civil, le consentement des époux 
à leur séparation. La signature du 
fils se lit au bas de cette déclara- 
tion, à côté de celle de la mère. 
Il vint ensuite prendre séance au 
Sénat, où il souffrit que le prési- 
dent le complimentit de ce qu'il 
« faisait taire les sentimens privés 
» devant l'intérêt des peuples. » Le 
Sénat prononça le divorce de Na- 
poléon et de Joséphine. Un petit 
nombre d'hommes consciencieux 
osa protester par ses votes, contre 
cette décision : Eugène ne fut pas 
de ce nombre. 

Le 5 mars 1810 , le territoire et 
la ville libre de Francfort ayant 
été érigés en grand-duché, le 
Prince-Primat fut déclaré grand- 
duc, et ce titre reversible après sa 
mort,;sur la tête du prince Eugène. 
Celui-ci gouvernait paisiblement 
le royaume d’Italie , lorsque l’ou- 
verture de la dernière campagne 
de Russie le fit appeler au com- 
mandement du premier corps de 
la Grande Armée, qui franchit le 
Niémen, au mois de juin 1812. Il 
justifia de nouveau et à plusieurs 
reprises la réputation de bravoure 
qu'il s'était précédemment acqui- 
se, notamment aux combats d’Os- 
trowno, de Witepsk, de la Mos- 
kowa, et surtout à la bataille de 


# 
36 BEA 
Malojaroslavetz, où il soutint seul 
l'effort de toute l’armée ennemie. 
Dans la retraite désastreuse qui 
suivit de si près l'invasion, il fut 
l’un des chefs qui montrèrent le 
plus de fermeté d'âme et de dé- 
vouement personnel. Quoiqu'il 
souffrit beaucoup d’une infirmité 
grave , il n’abandonna pas un ins- 
tant les restes de son corps d’ar- 
mée, partagea les fatigues et les 
privations du soldat qui, plus 
d’une fois, le vit marcher à côté 
de lui, à l’arrière-garde , le fusil 
sur l’épaule. Napoléon rendit la 
plus éclatante justice à la conduite 
d’Eugène dans cette pénible re- 
traite, et même il eut le tort de 
ne point assez ménager l’amour- 
propre de Murat, par des compa- 
raisons peu flatteuses des talens 
de ce dernier avec ceux de son 
beau-fils. Ces imprudences du 
mécontentement et de lorgueil 
blessé occasionèrent le départ 
précipité du roi de Naples pour 
"ses états, et préparèrent de loin 
sa séparation de Napoléon. Après 
le départ de l'Empereur et de 
Murat, le commandement en chef 
de la Grande Armée passa dans les 
mains du vice-roi d'Italie. Il ter- 
mina la retraite en aussi bon ordre 
que le permettait l’état déplorable 
de l’armée, et la ramena jusqu’à 
Magdebourg, à travers les troupes 
ennemies et les difficultés de toute 
nature. C’est dans cette ville qu’il 
s'arrêta; mais ce ne fut pas sans 
peine ni sans habileté qu’il parvint 
à conserver la ligne de l’Elbe, du- 
rant quatre mois, jusqu’à l’ouver- 
ture de la campagne de 1813. 

Le 2 mai de cette année, Eu- 
gène commanda à Lutzen l'aile 
gauche de la Grande Armée, et le 
5 du même mois, il entra le pre- 


BEA 


mier dans Dresde, à la tête de ses 

troupes momentanément victo- 

rieuses. Le 12, ilrecut l’ordre de 

retourner en Italie , et de s’y dis- 

poser à soutenir une nouvelle 

campagne contre les Autrichiens, 

qu’on savait être sur le point d’en- 
trer dans la coalition. En peu de 

jours, les conjectures furent chan- 

gées en certitude.Les Autrichiens, 

commandés par le vieux général 

Hiller, se présentèrent sur les 

frontières de lIllyrie, et s’avan- 

cèrent avec une lenteur prudente. 

Le vice-roi, posté sur la ligne de 

l’Izonzo, adressa aux Italiens, de 

son quartier-général de Gradisca ;, 

une proclamation qui les appelait 

aux armes , au nom de l’indépen- 

dance italique, si constamment 
menacée par lAutriche. Mais à 
celte époque, les peuples étäient 
trop fatigués par des guerres ini- 
ques et sans cesse renaissantes , 
aussi bien que par les pénibles sa- 
crifices qu’elles entraînent, pour 
entendre cette vérité. Les soldats 
ne se présentaient que par force, 

et ils désertaient en foule. Les 
armes et les magasins n'étaient 
pas moins épuisés que les soldats, 

C’est dans ces circonstances que 
Eugène, instruit des négociations 
entamées entre le roi Joachim et 
le cabinet de Vienne, s’empressa 
d'informer Napoléon qu'il aurait 
bientôt un nouvel ennemi à com- 
battre. 

Cependant , les Autrichiens 
avaient pris l'offensive. À la vérité, 
la guerre se soutenait en Italie 
avec des chances presque égales ; 
et néanmoins l’armée franco-ita- 
lienne se repliait sans cesse, en li- 
vrant de continuels combats. Sur 
ces entrefaites, le général Hiller , 
dont on accusait la lenteur, à 


BEA 


Vienne, ayant été rappelé, le ma- 
réchal comte de Bellegarde vint 
prendre le commandement de 
l’armée autrichienne, et sembla 
en effet donner une impulsion 
plus active aux opérations. Un as- 
sez long-temps s’écoula en affaires 
journalières , dont pas une n’était 
décisive ; mais les pertes récipro- 
quesétaient loin d’être compensées 
du côté des Italiens; car tandis 
que l’armée autrichienne recevait 
des renforts continuels par le Ty- 
rol, que la nouvelle politique de 
la Bavière venait de [ui ouvrir, 
celle d'Italie au contraire, privée 
de toute espèce de ressources, 
voyait sa force morale avec sa 
force numérique s’affaiblir dans la 
même proportion. Le vice-roi fut 
donc obligé de se retirer succes- 
sivement sur l’Izonzo et sur l’A- 
dige ; enfin, la défection du roi de 
Naplesle forçaàse replier derrière 
le Mincio, où il se maintint jus - 
qu’à la fin de la campagne. Ses 
deux adversaires réunis avaient à 
lui opposer des forces plus que 
triples des siennes; cependant il 
battit les Autrichiens sur le Min- 
cio, et les Napolitains sous les 
murs de Parme. Mais ces avan- 
tages, toujours achetés bien cher 
dans l’état de dénuement où il se 
trouvait, lui devenaient définiti- 
vement plus funestes qu’utiles. 
Enfin, la nouvelle de l’entrée des 
armées Coalisées dans Paris, mit 
un terme à la guerre, que le vice- 
roi ne pouvait soutenir plus long- 
temps, à la tête d’une armée dé- 
couragée, mécontente et sans 
solde. Déjà des relations amicales 
avaient commencé de s'établir 
avec le feld-maréchal de Belle- 
garde, qui était venu lui rendre 
visite à Mantoue. et avait con- 


k 


BEA 57 
senti à tenir sur les fonts une fille 
dont la vice-reine était accou- 
chée. On suppose qu’au milieu de 
ces événemens, Eugène conser- 
vait encore l'espoir de rester pos- 
sesseur de la couronne d'Italie, 
lorsque des mouvemens popu- 
laires très-violens le contraigni- 
rent à sauver, non sans peine, sa 
personne et sa vie. 

Il se trouvait à Mantoue, où il 
avait fait transporter ses effets les 
lus précieux, lorsque le bruit se 
répandit à Milan,que dansleSénat, 
dans l’armée , un parti considé- 
rable le demandait pour roi, et 
que des députations étaient par- 
ties vers le quartier-général des 
souverains alliés, afin d'appuyer 
ces réclamations. Tout à coup une 
émeute violente éclata, le 20 avril, 
dans la capitale de la Lembardie ; 
elle était dirigée principaiement 
contre le ministre Prina, dont 
le nom était maudit par toute 
l'Italie inférieure, comme le con- 
seiller et l'agent principal des 
mesures fiscales qui dépouillaient 
ce pays, et quiétait représenté en 
outre, dans ce moment, comme le 
principal agent d’'Eugène dans le 
Sénat. La populace déchainée sac- 
cagea le palais du Sénat, et Prina 
périt cruellement déchiré de leurs 
mains. A cetteépoque,les patriotes 
Italiens furent punis, par la perte 
momentanée de leur popularité, 
de s’être attachés trop aveuglé- 
ment à un sceptre qui ne leur 
procurait qu’une nationalité no- 
minale , sans justice et sans li- 
berté ; ils le furent plus cruelle- 
ment encore, en se voyant en- 
trainés par ce peuple imbécille , 
sous le joug pesant de l'Autriche. 
On avait encore répandu que Île 
vice-roi, en quittant l'armée , était 


, 


38 BEA 


venu jusqu'aux portes de Milan ; 
mais qu’apprenant ce qui s’y était 
passé, il avait retrogradé sur-le- 
champ. Le vice-roi, qui n’avait pas 
été sans inquiétudes , dès que les 
premières étincelles du mécon- 
tentementpopulaire s'étaient ma- 
nifestées, fitses dispositions pour 
passer en Bavière. Il donna en- 
suite des ordres pour le départ de 
l'armée française, ,à laquelle il 
laissa la proclamation suivante : 

« Soldats Français ! de longs 
» malheurs ont pesé sur notre pa- 
»trie. La France, cherchant un 
»remède à ses maux, s’est repla- 
»cée sous son antique égide : le 
» sentiment de toutes ses souf- 
»frances s’efface déjà pour elle 
» dans l'espoir, si nécessaire après 
»tant d’agilations. En apprenant 
» la nouvelle de ces grands chan - 
»gemens , votre premier regard 
»s’est porté vers cette mère ché- 
»rie qui vous rappelle dans son 
» sein. Soldats Français! vous allez 
»reprendre le chemin de vos 
» foyers : il n’eût été bien doux 
»de pouvoir vous y ramener : 
» dans d’autres circonstances, je 
» n’eusse cédé à personne le soin 
» de conduire au terme du repos 
»les braves qui cent suivi avec un 
» dévouement si noble et si con- 
» stant les sentiers de la gloire et 
» de l’honneur. » 

Comme depuis six mois l’armée 
n'avait reçu qu’une partie de sa 
solde,quelques symptômes de mé- 
contentement éclatèrent. Eugène 
se hâta de prendre la route du Tyrol 
avec son épouse, À Roveredo, le 
colonelautrichien quicommandait 
Je château, lui laissa concevoir des 
inquiétudes pour sa sûreté person- 
nelle, parce qu’on lui imputait, di- 
sait-il, d’avoir fait fusiller, comme 


BEA 


espions, plusieurs habitans nota- 
bles du pays. Cependant Eugène ne 
pouvait pas rétrograder : le colo- 
nel lui offrit son uniforme, ses 
gens ,; sa voiture et sa livrée , lui 
recommandant de ne s'arrêter 
nulle part, et surtout de ne point 
parler français. Ces précautions. 
eurent le succès le plus heureux; 
le passage s’effectua sans accident, 
ct les deux époux arrivèrent à 
Munich, chez leur père, le roi de 
Bavière , dont la tendre bien- 
veillance adoucit leurs chagrins. 

Ici, arrêlons un moment la 
narration , pour essayer d’appré- 
cier le gouvernement du vice-roi 
d'Italie; mais , avant tout, n’ou- 
blions pas qu'il fut le vice-roi de 
Bonaparte ; dès-lors il faut s’at- 
tendre à voir trop souvent, sous 
son gouvernement, en Italie com- 
me en France, les droits des 
peuples dédaignés et foulés, la 
justice méconnue, l'humanité of- 
fensée , l’ambition , Flavidité, 
l’égo’sme , substituës sans cesse 
au mobile sacré de la vertu.Celui- 
li seul pourtant a le pouvoir d’atti- 
rer sur les gouvernemens la-pro- 
tection de Dieuetles bénédictions 
des hommes : son absence expli- 
que suffisamment l'instabilité et la 
ruine finale de ces reyaumes éle- 
xés par l'épée , et renversés par 
elle. Mais il est juste d'observer 
que la première responsabilité de 
tout le mal qui s’est fait dans les 
contrées qui furent soumises au 
glaive de Bonaparte, retombe sur 
sa tête coupable, puisqu'il réserva 
à lui seul la souveraine puissance 
de vouloir et de commander. Les 
hommes d’une conscience timorée 
ont pu pousser l’abnégalion jus- 
qu’à refuser de participer à son 
pouvoir et à sa fortune : un pareil 


BEA 


devoirne pouvait pas semblerim- 
posé à Eugène de Beauharnuis, 
puisque laprovidence l'avait placé 
tout naturellement à côté de Bona- 
parte. Il fut son premier soldat ; il 
devint son fils. Eugène avait reçu, 
avec le sang des Beauharnais, de 
la noblesse d’âme et de la généro- 
sité de cœur. Quoique dans les 
premiers temps la jouissance pré- 
coce d'unepuissance éblouissante, 
enivrât un peu sa jeunesse, et 
qu’il ne fût pas toujours bien 
dirigé par quelques hommes de 
son conseil, on vitie plus souvent 
prévaloir en lui sa droiture et sa 
loyauté natives. On ne lui a re- 
proché qu’un petit nombre d’abus 
de pouvoir qui lui soient person- 
nels ; encore faut-il bien se sou- 
venir que ce fut à une époque où 
les puissans de la terre, tout ré- 
cemment élevés au-dessus du 
frottement des intérêts privés , 
ue s’en étaient pas complète- 
tement désintéressés. On ajoute 
qu’il revenait facilement sur ses 
décisions sévères, lorsqu'il Les re- 
connaissait injustes. Dans les pre- 
miers temps de sa vice-royauté, 
Eugène était fortbien dans Fesprit 
du peuple de Milan; mais par la 
suite, cette opinion changea tota- 
lement : peut-être on en peut re- 
chercher la cause dans les. intri- 
gues de l'étranger; mais on la 
trouvera plutôt dans cette légi- 
time exigence des peuples qui 
demandent des bienfaits positifs à 
celui qui n’a ni droit ni préjugé , 
en vertu duquel il règne sur eux. 
Il est certain d’ailleurs qu’il sem- 
bla craindre et fuir la popularité. 
Un temps vint où les simples ci- 
toyens ne lapprochèrent plus que 
difficilement, et où il fut exclusi- 
vement possédé par ses courti- 


BEA 29 


sans. Trop souvent Eugène a 
méconnu, et dans des occasions 
importantes el décisives, le carac- 
tère du peuple qu’il avait été ap- 
pelé à gouverner. Les réquisitions 
et les conscriptions immodérées 
des dernières années de la domi- 
nation française ne peuvent sans 
doute lui être imputées : elles ap- 
partiennent aux circonstances., 
ou plutôt à l’auteur de tous les 
maux de la France et de l'Italie. 
Mais la sensation douloureuse des 
peuples ne sait pas remonter si 
haut. Sans être doué d’une capa- 
cité de premier ordre, soitcomme 
général , soit comme roi, on peut 
croire qu'Eugène eût paru plus 
brillant , s’il n’eût pas été placé 
continuellement à côté et au-des- 
sous de Bonaparte. Mais celui-ci 
fut un génie tellement supérieur, 
que c’est déjà avoir fait preuve de 
mérite que d’avoir été trouvé ca- 
pable de seconder l'exécution de 
ses vastes plans. L’adininistration 
intérieure du vice-roi d'Italie pa- 
raît avoir été généralement sage , 
prudente , éclairée ,. amie des 
arts. Il embellit la ville de Milan 
par des promenades et des édifices 
publics; il favorisa l'établissement 
de plusieurs manufactures. Sa ga- 
lerie de tableaux était. devenue 
l’une des plus magnifiques de l'I- 
talie. On l’accusa néanmoins d’un 
penchant décide à la parcimonie. 


Sa plus grande faute peut-être , 


c’est de s'être laissé entrainer, 
dans les derniers temps, à se 
plaindre des troupes italiennes qui 
servaient sous ses ordres; et ces 
plaintes, qui eurent beaucoup de 
publicité, n’ont pas médiocre- 
ment contribué à lui aliéner une 
partie de son armée. Or ces plain- 
tes étaient mal fondées ét décidé- 


40 BEA 

ment impolitiques, surtout si Pon 
réfléchit que les troupes italiennes 
manquaient de tout, et qu’elles 
étaient, aussi bien que le peuple, 
fortement impressionnées de li- 
dée d’un changement prochain et 
inévitable dans le gouvernement. 
Le mécontentement du vice-roi 
s'explique toutefois par la situa- 
tion cruellement compliquée de 
découragement et de esponsabi- 
lité où il se trouva finalement 
engagé. C’est ainsi qu'après avoir 


été un objet d'amour pour le 


peuple lombard, Eugène s’est vu 
plus tard un objet d’indifférence , 
et enfin un chjet de haine pro- 
noncée pour ce même peuple. 
Mais peut-être a-t-il pu apprendre, 
dans la retraite de ses dernières 
années, que désormais quelques 
regrets étaient mêlés au souvenir 
de son nom. 

Un panégvyriste d'Eugène la 
loué sans aucune restriction : cette 
circonstance seule ôte quelque va- 
leur aux éloges; cependant il 
peut être utile de les entendre. 
«..... Il régla successivement, 
dit un biographe allemand, toutes 
les branches de l'administration 
publique, avec autant d'ordre que 
d'économie; il apporta un soin 
particulier dans l’organisation des 
cours de justice et des tribunaux 
inférieurs ; en peu d'années, l’ar- 
mée-italienne fut mise en état de 
rivaliser avec larmée française. 
L'agriculture , le commerce, l’in- 
dustrie, furent encouragés; de 
grands et utiles travaux furent 
exécutés sur tous les points du 
royaume. l'instruction publique 
fut assise sur des bases convena- 
bles; on vit bientôt refleurir les 
universités de Pavie, de Bologne 
et de Padoue ; de nombreux col- 


BEA 


lèges furent établis dans les gran- 
des villes; la mendicité, cette 
lèpre de l'Italie, futextirpée et non 
sans peine; les établissemens de 
bienfaisance furent augmentés et 
ramenés au véritable but de leur 
institution ; le régime des prisons 
reçut des changemens dictés par 
l'humanité; les vols et les assassi- 
nats furent réprimés avec vigueur, 
ainsi que l’usage barbare de ter- 
miner les querelles particulières 
à coups de couteau. Les beaux 
arts furent l’objet de la protection 
spéciale du prince Eugène; il les 
encouragea de toute manière, et 
fonda le beau Muséum de Brera; 
il établit un conservatoire de mu- 
sique et de déclamation qui four- 
nit bientôt des sujets aux premiers 
théâtres de l'Italie; il fit revivre 
l’art de la mosaïque en grand, et 
fit exécuter à ses frais le beau ta- 
bleau de la Cène qui est aujour- 
d'hui à Vienne. Nous citerons 
encore les belles fresques d’Ap- 
piani et la façade du Dôme de Mi- 
lan, comme des monumens qui 
doivent immortaliser l’adminis- 


tration du prince vice-roi. » 


La mort de l’impératrice José- 
phine sa mère, survenue quel- 
ques jours après les grands évé- 
nemens de 1814, engagea le 
prince Eugène à demander lauto- 
risation de se rendre à Paris, pour 
y régler, avec la duchesse de St.- 
Leu sa sœur (ci-devant reine de 
Hollande), ses intérêts de famille. 
Ils’y rendit incognito, sous le titre 
de marquis de Beauharnais , et fut 
très-bien accueilli par le roi de 
France, qui eut la courioisie de 
le qualifier dans la conversation , 
de prince Eugène. Ses affaires ter- 
minées, le prince se hâta de quit- 
ter la France. Il retourna à Mu- 


BEA 


nich, et se rendit ensuite à Vienne, 
afin d’y faire valoir les droits qu'il 
pensait avoir à quelque souverai- 
neté, dans l’organisation définitive 
du continent. Il parait que ses 
prétentions étaient fondées prin- 
cipalement sur la promesse ver- 
bale que Napoléon avait faite en sa 
faveur à la cour de Bavière, pour 
décider son mariage , ainsi que sur 
la déclaration du mème , à la suite 
du traité d'Amiens, de ne vouloir 
retenir les états de la Lombardie 
que jusqu’à la paix générale. Les 
souverains réunis à Vienne, et 
particulièrement l’empereur de 
Russie, qui, pendant son séjour 
à Paris, avait témoigné les senti- 
mens ies plus affectueux à l’im- 
pératrice Joséphine, accueillirent 
le prince Eugène avec distinction, 
et il parut en public dans leurs 
rangs et comme de leur famille. 
Le retour de Bonaparte en France, 
en mars 1815, rendit la position 
du prince embarrassante et diffi- 
cile. On parut le soupconner d’a- 
voir eu des relations avec son 
beau-père. Il se décida à quitter 
Vienne, et à se retirer pour quel- 
que temps à Bareuth. Bonaparte 
avaitinscritson nom,commeprince 
de la famille impériale, sur la liste 
de la chambre des pairs qu'il avait 
formée ; toutefois, Eugène ne prit 
aucune part aux affaires de France, 
et depuis qu’elles furent termi- 
nées, on le vit constamment fixé 
auprès de son beau-père le roi de 
Bavière , qui le déclara prince de 
sa famille, et lui conféra le titre 
de duc de Leuchtenberg. Le Pape 
consentit qu’il retint, dans les 
états romains, des biens natio- 
naux considérables, qui formaient 
une partie de la dotation d’un 
million de revenu que Bonaparte 


BEA 7 


lui avait assignée en Italie. De- 
sormais le prince Eugène vécut 
paisible au sein de la royale fa- 
mille qui l’avait adopté, et dont 
le vénérable chef eut pour lui une 
sincère affection. La princesse de 
Bavière , son épouse , qui fut tou- 
jours fière de lui, n’avait jamais 
paru le chérir avec plus de ten- 
dresse. Le prince Charles, second 
fils du Roïi,lui témoignait une vive 
amitié. C’est avec leur aide qu'il 
triompha de l’aversion que la ré- 
cente tyrannie de Napoléon avait 
laissé gravée au fond de tous les 
cœurs allemands. 

Au mois de janvier 1817, du- 
rant le voyage de la cour de Mu- 
nich à Vienne, à l’occasion du 
mariage de l’empereur d’Autriche 
avec une princesse de Bavière, 
le prince Eugène se rendit à Lin- 
dau , près du lac de Constance, 
où la duchesse de Saint-Leu , sa 
sœur, a fixé sa résidence; la prin- 
cesse son épouse voulut ly ac- 
compagner. Le motif de cevoyage 
mérite d’être rapporté. On avait 
élevé des difficultés sur le point 
de savoir quel rang le prince Eu- 
gène, qui n’était point issu de fa- 
mille souveraine , devait avoir 
dans les fêtes qui allaient se don- 
ner à Vienne, et l’on avait réglé 
que ce rang serait inférieur à ce- 
lui de la princesse Auguste-Amélie 
de Bavière,son épouse. Lorsque la 
nouvelle de cette décision parvint 
à Munich, la princesse déclara sa 
ferme résolution de ne point se 
rendre à Vienne, dans le cas où 
son époux n’y jouirait pas des 
mêmes honneurs qu’elle. Gette 
réponse reportée à Vienne, donna 
lieu à de nouvelles réflexions. On 
ne voulait ni désobliger la cour 
de Munich avec qui l’on formait 


42 BEA 
une alliance, ni se trop écarter du 
cérémonial dont la cour de Vienne 
s’est montrée dans tous les temps 
rigide observatrice. On découvrit 
enfin qu’à une époque reculée, une 
princesse de la maison d'Autriche, 
mariée à un simple gentilhomme, 
ayant été l’occasion d’une discus- 
sion de même nature, le gentil- 
homme, par une décision ex- 
presse de l'Empereur, avait été 
élevé au rang de prince. Ce pré- 
cédent parut faire autorité, et 
lon s’empressa de transmettre 
une décision analogue à la cour 
de Munich; mais tandis que cette 
affaire se traitait entre les deux 
cours; la princesse avait déter- 
miné son époux à se rendre à Lin- 
dau , et la décision n’arriva à Mu- 
nich que lorsqu'ils en étaient déjà 
partis. 

Au printemps de 1823, une 
première attaque d’apoplexie fit 
entrevoir au prince Eugène les 
portes du tombeau. De nouvelles 

atteintes de cette redoutable ma- 

ladie mirent un terme à son exis- 
tence , le 21 février 1824. Trois 
jours avant sa mort, il fit ses der- 
nières dispositions, et recut les 
derniers sacremens avec une 
pieuse résignation. Lorsque le 
premier médecin vint annoncer 
au Roi la fatale nouvelle, Sa 
Majesté s’écria : «Je perds un 
»excellent fils et mon meilleur 
» ami! » Elle ajouta : « Je veux 
» qu'il soit enterré comme si c’é- 
»tait mon propre fils. » 

Eugène de Beauharnais eut 
sept enfans de son mariage avec 
Auguste-Amélie de Bavière, parmi 
lesquels on compte des héritiers 
de son nom. Joséphine, l’ainée 
de tous, a épousé Oscar, prince 
royal de Suëde. Si nous avons dû 


BEA 


apporter des restrictions sévères 
aux éloges prodigués à la vie pu- 
blique du vice-roi d'Italie, ik nous 
est doux d’ajouter en terminant, 
que le caractère privé d’Eugène 
ne mérita presque que des louan- 
ges. La sagesse et la modération 
semblèrent devancer pour lui le 
nombre des années ; et surtout de- 
puis le déclin de sa prospérité, sa 
vie intérieure fut parfaitement mo- 
rale. 

On a publié : 1°Notice historique 
sur le princeEugène, duc de Leuch- 
tenberg , prince d’Eichstatt ; etc. 
Augsbourg , imprimerie de Wirth, 
1824; in-8, de 15 pages. (ano- 
nyme.) 

2° Wie politique et militaire du 
prince Eugène, contenant, etc., 
ornée d’un beau portrait en buste, 
de grandeur naturelle, faisant 
partie de la Grande Galerie ci- 
vile et militaire des personnages 
célèbres contemporains. in-folio, de 
4 pages ; Paris, 1824, à la Li- 
brairie encyclopédique  contempo- 
raine. 

3° Wie politique et militaire 
d'Eugène Beauharnais, vice-roi 
d'Italie; par M. Ant. Aubriet. 
Paris, Auguste Imbert, 1824; 
in-18. — 2° édit., ibid. 18925. 

4° Histoire du prince Eugène de 
Beauharnais, prince d'Eichstaed , 
etc. , par G*** , ex-ofjicier d’infan- 
terie. Paris, Vauquelin, 1821t ; 
in-12, de 10 feuilles. 

5 Mémoires sur la cour du 
prince Eugène et sur le royaume 
d'Italie pendant la domination de 
Napoléon Bonaparte; par un Fran- 
çais attaché à la cour du vice-roi 
d’Itdlie. Paris, Audin, 1824; 
in-8. 

Cet ouvrage n'est autre que 
l'Histoire de l’administration du 


BEL 


royaume d’Ttalie pendant la domi- 
nation française, publiée en 1825. 
Il est de M. Lafolie. (Foy. ci- 
après l’article Laroure.) 

G> _ Observations du marquis Ar- 
borio Gattinara de Brême, sur 
quelques articles peu exacts de 
l'Histoire de l’administration du 
royaume d'Italie pendant la domi- 
nation des Francais, attribuée à 
un nommé M. Frédéric Coraccini 
(Lafolie), et traduite de l'italien. 
Turin, 18235, imprimerie de Jo- 
seph Favale; in-8, de94 pages. 

7° Lettre du prince Eugène Beau- 
harnais aux souverains alliés, ou 
Protestation contre le pouvoir arbi- 
traire que s’est arrogé l Angle- 
terre, de retenir à Sainte-Hélène 
le corps de Napoléon, etc. Paris, 
imp. de Hardy ; in-8; d’une demi- 
feuille. —auteur supposé. 

8 Ode sur la mort du prince 
Eugène, duc de Leuchtenberg. 
Paris, 1824; brochure in-8. 


BELLAY ( François - Pxicr- 
BERT), médecin, naquit le 26 août 
1562, à Lent, petite ville de la 
principauté de Dombes, près de 
Bourg en Bresse, d’une famille 
honnête , mais peu riche. Ilper- 
dit son père de bonne heure; 
son oncle, curé à Chalamont , se 
chargea de son éducation. Le 
jeune Bellay répondit au généreux 
appel fait à son émulation par 
des efforts soutenus. Au collége 
où il obtint des prix, à Bourg, où 
il étudia la chirurgie, à Lyon, où 
il fut envoyé par son oncle, pour 
suivre les cours de médecine et 
de chirurgie, partout il se distin- 
gua. Ses succès dans cette der- 
nière ville, un prix d’encourage- 
ment au Collége de médecine, 
reçu en 1757, des mains du pre- 


BEL 43 
vôt des marchands, annoncèrent 
à l'oncle bienfaisant qu’il avait 
dignement placé ses dons. Marié 
le 14 mai 1789, il poursuivit avec 
le même zèle ses études médi- 
cales, et fut recu docteur en mé- 
decine , le 28 octobre 1790. 
Aussitôt après sa réception, il 
alla se fixer à Chalamont , près de 
son bienfaiteur. Mais ses amis, 
son oncle lui-même, l’engagèrent 
à venir s'établir à Lyon, sur un 
théâtre plus digne de lui et de ses 
connaissances. Praticien bientôt 
avantageusementconnu dans cette 
ville, il enrichit les journaux de 
médecine d’observations intéres- 
santes, et publia, en 1791, une 
petite brochure, sur la guérison 
des hernies. La tourmente révo- 
lutionnaire vintl’arracher à ses oc- 
cupations. À l’époque de la chute 
de la Gironde, Lyon leva léten- 
dard d’une généreuse insurrec- 
tion; M. Bellay se joignit aux habi- 
tansde sa nouvelle patrie, combat- 
tit dans les rangs des Lyonnais, et 
succomba avec eux danscette lutte 
inégale. Quand Lyon, occupé par 
les troupes de la Convention, fut 
livré à toutes les rigueurs de la 
vengeance , M. Bellay fut dénoncé 
pour avoir été officier munici- 
pal; il dut fuir et chercher un 
asile; comme tant d’autres, à 
celte époque fatale, il le trouva 
aux armées. Un homme que lexa- 
gération de ses opinions rendait 
alors tout-puissant, le fitnommer 
médecin militaire. Plus tard, cet 
homme, banni à son tour, me- 
nacé dans son existence pour les 
mêmes opinions, fut sauvé par 
M. Bellay, qui eût rougi, lui 
banni de la veille, de se ranger 
parmi les proscripteurs du jour. 
Employé aux armées des Alpes 


44 BEL 


et d'Italie, Bellay les suivit dans 
leurs rapides conquêtes. Au mi- 
lieu du mouvement général, il 
s’occupait des devoirs de sa pro- 
fession et de sa place ; il visitait 
ces antiques universités dont tant 
de professeurs illustrés par leurs 
écrits ont fait la gloire ; il compa- 
rait leur pratique avec la pratique 
des médecins français, étudiait 
leurs ouvrages et la langue même 
de l'Italie. Cependant l’ordre re- 
naissait en France; la société 
tendait à se recomposer, après 
les tempêtes qui l'avaient agitée. 
M. Bellay, pressé de revoir sa 
patrie , sollicita et obtint son rem- 
placement ; il vint exercer de nou- 
veau la médecine à Lyon. Dans 
les intervalles d’une pratique as- 
sez étendue, il traduisit de l’ita- 
lien , de Joseph Pasta, un opus- 
cule sur les devoirs du médecin, 
sous le titre assez singulier de 
Galatée des Médecins (1599, in-8 ). 
Il traduisit également de l’italien, 
de Michel Sarcone , l'Histoire 
raisonnée des maladies observées à 
Naples, pendant le cours entier de 
Pannée 1564 (Lyon, 1803-4, 2 vol. 
in-8),traduction utile,b'en qu’elle 
porte l’empreinte de la précipita- 
tion, et que la critique puisse y 
signaler quelques négligences de 
style. Au mois de février 1798, 
M. Bellay entreprit la rédaction 
d’un journal de médecine , avec 
son ami M. Brion. Cet écrit pé- 
riodique intitulé : /e Conservateur 
de la Santé, Journal d'Hygiène et 
de Prophylactique (1599 à 1805, 
5 vol. in-8), paraissait tous les 
dix jours. Outre les sujets variés 
annoncés par le prospectus, cha- 
que numéro présentait un tableau 
des observations météorologiques 
faites sur le baromètre et le ther- 


BEL 


momnètre ; enfin, tous les trois 
mois ; lhistoire des maladies 
observées pendant le trimestre. 
Aucune des parties de la littéra- 
ture médicale n’était étrangère à 
ce journal. Les rédacteurs dénon- 
cèrent à l’autorité tous les vices 
de la police médicale ; ils se plai- 
guirent de l'usage pernicieux de 
conserver les boucheries au sein 
des villes; ils signalèrent l’abus 
de la vente des remèdes secrets et 
des remèdes prescrits empirique- 
ment par les herboristes; s’éle- 
vant à de hautes considérations 
d'économie politique etde morale, 
ils donnèrent d’utiles avis sur les 
épidémies, sur la conservation 
des grains, et se récrièrent, avec 
indignation, contre les scandales 
de la prostitution publique. C’est 
dans ce journal que se trouve le 
plan d’une école secondaire de 
médecine à Lyon. 

En 1801, le journal de M. Bel- 
lay devait briller d’un nouvel éclat, 
et l’activité de ses rédacteurs de- 
vait trouver un nouvel aliment. 
Jenner venait de découvrir son 
précieux préservatif de la petite- 
vérole. En France, un homme 
aussi illustre par ses nobles aïeux 
que par d’importans services ren- 
dus à humanité ( M. Je duc de la 
Rochefoucauld-Liancourt) s’em- 
pressait d'annoncer l’eflicacité de 
la vaccine, et d’en étendre les 
bienfaits par le moyen des sous- 
criptions. D’une extrémité de la 
France à l’autre, à la voix du 
premier comité central de vac- 
cine, à la voix des Thouret , des 
Chaptal, des Pinel, des Husson, 
les expériences se multiplièrent. 
À Lyon, les premières vaccina- 


tionsetles contre-épreuves furent 


faites à l'hospice de la Charité, le 


BEL 


26 mars 1801, par M. le docteur 
Martin jeune. Elles se firent sous 
les auspices d’une cominission 
nommée par la société de méde- 
cine de cette ville et prise dans 
son sein : ce ne fut pas sans op- 
position qu’on put faire ces épreu- 
ves. Le zèle de M. Bellay et de 
son Collaborateur n’en fut point 
ralenti, Ils proclamèrent la dé- 
couverte dans leur journal, dis- 
cutèrent son efficacité, et répon- 
dirent avec chaleur et talent à 
toutes les objections. Ils firent 
plus : ils annoncèrent des vacci- 
nations gratuites ; ilsles commen- 
cèrent le 15 avril 1801, et les 
continuérent pendant un grand 
nombre d’années, avec autant 
d’empressementque d’exactitude,. 
Pour apprécier le mérite de telles 
actions ; ik faut se reporter à 
l’époque où tant de préjugés en- 
vironnaient la nouvelle doctrine, 
et. quand de nos jours, après 
vingt-quatre ans d'épreuves, de 
succès. dans toutes les parties du 
monde, des écrivains , poussés 
par je ne sais quel esprit d’impru- 
dence, veulent faire naître des 
doutes sur l'efficacité de la vac- 
cine; on doit sentir [estime qui 
est due au zèle de M. Bellay. 

Il fut élu successivement se- 
crétaire-général et président de la 
société de, médecine de Lyon. 
Cette compagnie ordonna l’im- 
pression du compte qu’il rendit 
de ses travaux, dans la séance du 
16 mai 1808, ainsi que du dis- 
cours qu’il prononça comme pré- 
sident, dans la séance publique 
du 50 juillet 1812. M. Bellay a 
publié encore, à la fin de chaque 
année, depuis la cessation de son 
journal jusqu’en. 1813, sous le 
titre de Météréologie médicale, une 


BEL 45 
petite brochure contenant des 
observations barométriques et 
thermométriques, et de plus, un 
précis sur les maladies régnantes. 
Ces occupations diverses ne lui 
firent point négliger la propaga- 
tion de la vaccine : nous en 
voyons la preuve dans les rapports. 
qu’il a publiés, comme secrétaire 
du comité de vaccine, et dans les. 
T'ableaux historiques de la vaccina- 
tion praliquée à Lyon, depuis le 
5 avril 1801 jusqu’au 51 décembre 
1809, qu'il a publiés avec M. 
Brion, en 1810. L'année suivante, 
l’administration des hospices de 
Lyon ayant arrêté que les places 
de médecins seraient données au 
concours, M. Bellay ne craignit 
point, athlète vieilli, non sans 
quelque gloire , de descendre dans 
la carrière où se présentaient aussi 
des adversaires dignes de lui. Le 
concours s’ouyrit au mois de 
septembre 1811, et M. Bellay y 
obtint la première place. En 1822, 
l'administration des hôpitaux de 
Lyon l’appela aux fonctions de 
médecin de l’hospice de la Cha- 
rité. Mais peu de temps après, son 
fils, peintre de genre estimé dans 
la naissante école Iyonnaise, ma- 
nifesta le désir d’aller à Paris, sur 
un plus grand théâtre, produire 
de brillantes dispositions. Bellay, 
plein de tendresse pour ce file, 
abandonna sans regret sa place, 
sa clientelle , et le suivit dans la 
Gpitale, où ilalla se fixer en 1823. 
A l’âge où était parvenu M, Bellay, 
on ue rompt pas impunément 
d'anciennes habitudes. Le regret 
d’avoir quitté Lyon s’empara vi- 
vement de son âme; il tomba 
malade. A toute force, en toute 
hâte, il voulut revenir à Lyon ; il 
partit, malgré les efforts de sa fa- 


46 BÉN 

mille ; mais, à peine arrivé à Mä- 
con , affaibli par le chagrin, il fut 
atteint par la maladie qui l’enleva, 
loin de sa famille et de ses amis, 
le 28 septembre 1824. (Extrait de 
l'Eloge de M. Bellay, prononcé à 
la société de médecine de Lyon, 
le 20 décembre 1824, par J.-M. 
Picnanp , secrétaire-général , im- 
primé dans les Archives historiques 
. et statistiques du département du 
Rhône. Lyon, Barret, et Paris, 
Audin; t. 1, 1825, p. 221 à 228.) 


BÉNIT (ANNE-Francois), na- 
quit à Mirecourt, département 
des Vosges, en 1796. Ilembrassa 
d’abord la profession des armes ; 
mais ses méditations et les senti- 
mens qu’elles réveillèrent en lui, 
le dégoûtèrent bientôt de cette 
carrière. En la quittant spontané- 
ment, il crut devoir au public 
les motifs de sa détermination; ils 
sont consignés dans une brochure 
intitulée : {dées d’un jeune officier 
sur l’état militaire (Paris, décem- 
bre 1820, in-8, de 66 pages). 
L'organisation actuelle desarmées 
européennes s’y trouve jugée 
avec une sévérité qui n’est pas 
dépourvue de fondement. L’au- 
teur prétend « que les méthodes 
adoptées pour l'instruction des 
corps, le défaut d’émulation, 
enfin des abus nombreux et in- 
tolérables , font de l’état militaire 
un véritable esclavage » ( pag. 6). 
Il croit à la nécessité, au'moins 
temporaire, des armées perma- 
nentes; mais il les voudrait cam- 
pées aux frontières, et qu’il fût 
interdit par la loi de les employer, 
en aucune occasion, contre les 
citoyens ; car il pense qu’une 
garde nationale nombreuse ethien 
organisée doit toujours suffire au 


BÉN 


maintien de l’ordre intérieur, si 
le gouvernement n’est pas oppres- 
seur. L'étude des sciences physio- 
logiques et médicales remplit 
désormais les loisirs de Bénit: I 
étudia les premières au Jardin du 
Roï, sous M. Geoffroy-Saint-Hi- 
laire, les secondes à l’école du 
docteur Broussais. En ce genre, 
nous connaissons de lui un article 
publié dans les Annales de la mé- 
decine physiologique {t. IIT, p. 140 
-164) : il offre l’analyse du beau 
système de philosophie anatomique 
de M. Geoffroy-Saint- Hilaire. 
L'idée ‘originale et féconde du 
savant professeur, savoir l'unité 
de composition organique, dans 
tous les degrés de l’échelle ani- 
male, s’y trouve exposée avec 
précision, et ses importantes ap- 
plications pour les sciences phy- 
siologiques et médicales y sont dé- 
veloppées avec méthode et clarté. 
Cette esquisse que l'intérêt du 
sujet et le talent du critique re- 
commandent également, permet 
de supposer que Bénit aurait pu 
obtenir des succès dans la nou- 
velle carrière qu’il venait d’em- 
brasser; mais cet infortuné jeune 
homme était prédestiné au mal- 
heur. Des boulettes de mie de 
pain, lancées par inadvertance, 
chez un restaurateur, à la figure 
d’un des convives, lui occasio- 
nèrent un duel. L’adversaire de 
Bénit recut son feu à quinze pas; 
la balle du pistolet l’atteignit dans 
les reins; il se crut mort, et per- 
dant son sang-froid, il tira son 
coup sur le témoin de Bénit, qui 
accourait à son secours. Celui-ci 
tomba roide et sans vie, tandis 
que celui qui l’avait frappé guérit. 
Bénit, son adversaire et Le témoin 
de ce dernier furent traduits de- 


BER 


vant la cour d'assises de la Seine , 
sous la prévention de meurtre. 
Ils furent tous trois acquittés par 
le jury ; mais Bénit resta profon- 
dément frappé de cet affreux évé- 
nemént. Au commencement de 
1823 , il disparut de Paris inopi- 
nément. On croit qu’il passa en 
Espagne, pour aller se joindre 
aux Français qui s’y trouvaient 
réunis, à cette époque, autour 
d’un drapeau tricolore. On ajoute 
qu'il fut tué à l’ouverture de la 
campagne. 


BERGON (LE comte ) naquit 
à Mirabel, province du Rouergue, 
en 1741. Après avoir débuté au 
barreau du parlement de Paris, 
Bergon abandonna cette carrière, 
à l’époque des divisions qui écla- 
tèrent entre cette cour souveraine 
etles ministres de Louis XV. «Ani- 
mé d’un goût vif pour les lettres, 
dit un biographe (Journal des 
Débats, du 22 novembre 1824), 
il leur consacra alors tous ses 
momens, et il composa plusieurs 
ouvrages. Parmi ceux qu’il a pu- 
bliés se trouvent les Eloges du ma- 
réchal d'Estrées, de Clairaut et de 
Restout. TIs attestent la variété de 
ses connaissances,et ils sont écrits 
avec un talent remarquable. » A 
l’âge de vingt-six ans, Bergon 
futnommé premier secrétaire des 
intendances d’Auch et de Pau. Il 
obtint dès 1780 une pension de 
2400 fr. et futappelé à Paris auprès 
de l’administration centrale, où il 
fut successivement chef au con- 
trôle général et directeur de cor- 
respondance à l'administration de 
l'enregistrement et des domaines, 
avant que celle des forêts en fût 
séparée. Il resta constamment en 
place tout le temps de la Révolu- 


BER 47 


tion. En exécution de la loi du 
25 nivose an IX, le gouvernement 
consulaire nomma cinq adminis- 
trateurs des forêts, dont M. Ber- 
gon fut le premier. Il entra au 
Conseil d’état,section desfinances, 
le 10 mars 1806, et fut nommé 
directeur - général des forêts, le 
4 avril suivant. Il à occupé ce 
poste important jusqu’au mois de 
mai 1817, que l’administration 
des forêts a été réunie à celle des 
domaines. On sait qu’elle en a été 
de nouveau séparée pour former 
une direction à part, en 1824. 
M. Bergon présida le collége élec- 
toral du département de l'Aveyron 
en 1812, et depuis la Restaura- 
tion, en 1815. Il avait harangué, 
le 17 avril 1814, Monsieur, comte 
d'Artois, au nom du Conseil 
d’état. Durant les Cent jours, il ne 
conserva point d’activité; mais il 
rentra au Gonseil d’état depuis, 
et ne s’en est retiré qu'avec le 
titre du service extraordinaire, 
Il avait aussi la décoration de 
grand-officier de la Légion-d’hon- 
neur. Le comte Bergon est mort 
d’une attaque d’apoplexie , aux 
Thermes, près Paris, le 16 octobre 
1824, âgé de près de quatre-vingt- 
quatre ans. M. le général Dupont, 
celui qui fut ministre de la guerre 
en 1814, avail épousé la fille de 
M. Bergon; et ses disgrâces en 
1808.altérérentunmoment le cré- 
dit dont jouissait son beau-père, 
sous le gouvernement impérial. 


BERNARDI (Josepx - ErzEar- 
Dominique) naquit à Montjean, 
en Provence, le 16 mars 1751. 
Avant la Révolution, il étaitlieu- 
tenant-général au siége du comté 
de Sault, et membre de l’acadé- 
mie de Marseille. Il se fit con- 


48 BER 

naître par divers écrits sur l’his- 
toire et la philosophie de la 
jurisprudence, dans lesquels on 
remarquait , à Cette époque, une 
tendance très-marquée vers les 
idées libérales, puisqu'il réclamait 
des réformes dans la justice cri- 
minelle , la comparant à l’inqui- 
sition, et qu’il sollicitait l’intro- 
duction du jury dans nos lois. 
Lors de la première organisation 
populaire des tribunaux de district, 
en 1791, M. Bernardi obtint une 
place de juge : il fut révoqué après 
le 10 août 1592. Arrêté dans le 
mois de mars 1795, il ne dut son 
salut qu’à l'insurrection des fédé- 
ralistes de Marseille Il émigra 
pour se soustraire aux dangers 
qui ne tardèrent pas à le menacer 
de nouveau, par suite des succès 
de l’armée du général Carteaux, 
et ne rentra en France qu’un an 
après le 9 thermidor. A cette épo- 
que, les royalistes ayant recon- 
quis de l'influence en Provence, 
M. Bernardi fut élu député du 
département de Vaucluse, au 
Conseil des Cinq-cents. Dans cette 
assemblée, il prit la défense des 
émigrés de Toulon, et obtint l’a- 
brogation des lois portées contre 
eux, Le Moniteur a passé son dis- 
cours sous silence, mais cette 
omission n’a pas été commise par 
les autres journaux de l’époque. 
C’est sur le rapport de M. Ber- 
nardi que le Conseil desCingq-cents 
adopta la résolution portant que 
la fête de la fondation de la Répu- 
blique serait célébrée le 1* ven- 
démniaire (séance du 13 fructidor 
an V.— Moniteur du 4 septembre 
1797). Ce discours qui semblerait 
aujourd’hui trop républicain, alors 
ne le parut point assez. L'élection 
de M. Bernardi fut annulée par 


7 


BER 


suite du 18 fructidor. Après le 18 

brumaire , il obtint la place de 

chef de la division des affaires ci- 

viles au ministère de la justice, 

qu'il a occupée jusque vers ses 

dernières années. Il professa le 

droit civil à l’Académie de législa- 
tion, et fut éku membre de la 
deuxième classe de l’Institut (Aca- 
démie des inscriptions et belles- 
lettres) en 1812. Après la Restau- 
ration , en 1814, il reçut la croix 
de la Légion-d’honneur, et le titre 
de censeur royal. M. Bernardi ob- 
tint sa retraite en 1820, ei se re- 
tira dans sa patrie, où il est mort, 
au mois de novembre 1824, âge 
de plus de soixante-treize ans. 


Liste des ouvrages 
de J. E. D. Bernardi. 


I. Éloge de Cujas. Paris, li- 
braires associés (Avignon, 1970); 
in-12. 

Cet éloge contient des notes 
intéressantes qui ont commencé 
d’éclaircir des faits jusqu’alors 
très-obscurs, de l’histoire de Cu- : 
jas. L'auteur l'avait composé pour 
les concours de l’Académie des 
Jeux floraux. Il a rédigé depuis 
l'article Cujas, dans la Biographie 
Universelle, avec ceux de quelques 
autres jurisconsultes. 

IT. Discours sur la Justice cri- 
minelle, couronné par l’académié 
de Chäâlons-sur - Marne. 1780; 
in-8. 

M. Bernardi partagea le prix 
avec le célèbre Brissot, dont l’ou- 
vrage a été aussi imprimé vers la 
même époque, sous ce titre : Les. 
moyens d’adoucir les lois pénales en 
France , sans nuire à la sûreté pu- 
blique. 

III. Essai sur les révolutions du 


BER 


droit français, pour servir d’intro- 
duction à l'étude de ce droit ; suivi 
de Vues sur la justice civile, ou 
Projet de réformalion de l’adminis- 
tralion de la justice civile. 1582, 
Me, : È 

IV, Leitres sur La justice crimi- 
nelle de la France, et-sa conformité 
avec celle de l’[nquisition. 1586. 

V. Principes des lois criminelles , 
suivis d’Observationsimpartiales sur 
le droit romain. 1588 ; in-8. 

VIE De la République, ou du 
meilleur gouvernement ;  ouxrage 
traduit de Cicéron , et rétubli d’a- 
près les fragmens et ses autres écrits. 
Paris, J.-J. Fuchs, an VI (1598); 
in-8. ( anonyme.)— 2° édit., avec 
le nom du traducteur. Paris, 
1807 ; 2 vol. in-12. 

M. Bernardi a lié les fragmens 
qu'on avait alors de l’ouvrage de 
Cicéron, par des passages analo- 
gues tirés de ses autres écrits, 
sans autre secours étranger que 
des fragmens de Salluste, et quel- 
ques passages très-courts de Tite- 
Live et de Florus, que la liaison 
des faits l’a obligé d'employer. 
Dans le rapport de la classe de 
littérature ancienne de l'Institut 
sur les prix décennaux, le jury a 
mentionné honorablement cet ou- 
vrage, et a loué l’auteur « d’avoir 
»restitué le texte latin de Cicé- 
»ron , et rempli les lacunes de cet 
»excellent traité , avec autant de 
» goût que de savoir. » On ne peut 
dissimuler que ce travail a beau- 
coup perdu de son intérêt et de 
son utilité , depuis la découverte 
du texte véritable de Cicéron, 
faite par l’abbé Majo, biblicthé- 
caire du Vatican, pubhé par ce 
savant, avec un commentaire, et 
traduit en français, avec un dis- 
cours préliminaire et des disser- 


BER 49 


tations historiques, par M. Ville- 
main. (Paris, Michaud , 1825 ; 
2 vol. in-8.) — On a aussi une 
édition du texte latin du même 
ouvrage, publiée à la même épo- 
que, chez M. Renouard. 

VII. Znstitulion au droit fran- 
çais, civil et criminel, suivi d'un 
Mémoire sur l’origine et les révolu- 
tions du droit de jugement par pairs 
et par jurés, en France et en An- 
gleterre, qui a remporté le prix de 
l Académie des inscriptions, en1780. 
1799, in-8. (anonyme.) — 2° 
édit., avec le nom de l’auteur. 
1900 , in-8. 

VIII. Nouvelle Théorie des lois 
civiles , où l’on donne le plan d’un 
nouveau système général de jurispru- 
dence, et la notice des codes les plus 
fameux. 1802, in-8. 

IX. Commentaire sur la loi du 
19 floréal an ÀT , relütive aux do- 
nations et aux testamens. 1804, 
in-8. 

X. Commextaire sur La loi du 20 
pluviose an X1IT , relative aux con- 
trats de mariage et aux droits res- 


_ pectifs des époux, avec les formules 


principales des conventions dont ce 
contrat est susceptible. 1804, in-8. 

XI. Cours complet de droit civil 
français. 1803-1805 ; 4 vol. in-8. 

XII. Essai sur La vie, les écrits 
et Les lois de Michel de l’ Hospital 
(imprimé dans les Archives lilté- 
raires, et réimprimé à part ).1807; 
in-8. 

XIIL De l’Origine ei des: pro- 
grès de la législation française, ou 
Histoire du droit public et privé de 
la France, depuis la fondation de 
La monarchie jusques et compris La 
Révolulion. Paris, Béchet, 1816; 
in-8, de 59 feuilles. 

XIV.Observations sur Les Quatre 
Concordats, de M.de Pradt. Paris, 


/, 


d : 


5o BI1D 


Egron , 1819; in-8 , de dix-sept 
feuilles. 

M. Bernardi a été éditeur con- 
jointement avec M. Hutteau, des 
Œuvres de Pothier, mises en rap- 
port avec le Code civil, le Code de 
procédure civile etleCode de com- 
merce (25 vol.in-8, 1806et années 
suivantes). Cette édition qui ne 
renferme nile Traité de la procé- 
dure civile, ni ceux des fivfs etde la 
garde noble, ni la Coutume d’Or- 
léans, est moins recherchée que 
d’autres plus complètes. — Le 
Traité des Obligations a été repro- 
duit, avec une Motice sur la vie de 
Pothier, due aussi à Bernardi, en 
1619 (Paris, Letellier, 2 vol. in-8). 

Bernard: à fourni des articles 
au Dictionnaire de la Provence et 
du comtat Venaissin, par CI. Fr. 
Achard (Marseille, 1785-87, 4 vol. 
in-4). à divers journaux sa- 
vans, notamment au Magasin En- 
cyclopédique ; enfin, il a publié une 
Notice sur Papon, hist iographe 
de Provence , dans un numéro du 
Journal des Débats, du mois de 
janvier 1803. Cette notice n’est 
pas exempte d’inexactitudes. 


BERT ( Prerre-CLraupe-FRan- 
cos), né dans le département üe 
la Nièvre, est mort à Paris, le 12 
septembre 1524, âgé d'environ 
cinquante-six ans. Nous connais- 
sons de lui : 

I. D'une alliance entre la France 
et l'Angleterre. 1700 , in-8. 

IT, Des prélres salariés par la 
nation, considérés dans leurs rap- 
ports avec le gouvernement républi- 
cain. 1799; in-8 , de plus de cent 
pages. 


BIDOU (Cu.....), instituteur, 


mort à Chaillot, le 13 février 


BOI 


1824. Nous connaissons de lui : 
Le Guide d’une Mère pour l’éduca- 
tion de ses enfans.1805 ; 2 vol. in-8. 
— Deuxième édition, 1805 ; 2 vol. 


in-8. 


BOISTE ( Prerre-Craupe-Vic- 
TOIRE ), lexicographe, né à Paris, 
en1765,est mort à Ivry-sur-Seine, 
au mois d'avril 1824. Il avait été 
avocat. C’était un écrivain labo- 
rieux, mais de peu de goût et de 
jugement. Ses ouvrages suppo- 
sent une lecture immense ; ils sont 
uliles, quoique mal rédigés. Son 
style est commun et même trivial, 
ce qui n’est pas sans exemple 
parmi les grammairiens. Nous 
connaissons de Boiste. les ou- 
yrages Suivans : 

I. Dictionnaire Universel de La 
langue française, avec le latin etles 
étymologies ; extrail comparatif, 
concordance, critique et supplé- 
ment de tous les dictionnaires ; 
manuel encyclopédique et de 
grammaire , d'orthographe , de 
vieux langage, de néologie; con- 
tenant, étc. — CU édtihio, 
revue , corrigée el augmentée par 
l’auteur. Paris, Verdière, 1823; 
in-4. de xvi, 717 et 207 pages, 
plus diverses pièces liminaires et 
tableaux; ou z vol. in-8. 

La première édition de ce dic- 
tionnaire est de 1800, in-8, un 
vol. Boiste eut pour collaborateur 
F.-J. Bastien, son beau-père. — 
La 2° édit. est de 1805, 2 vol. in-8. 
La 5°,de 1808.—La 4°, de 18192, 


in-4 et 2 vol. in-8 oblong. — La 
5°, de 1819; che liNérdiére ; in-8 
bibi 3 et in-4. 


« bé mieux relatif, a dit M. Ch. 
Nodier (Journal des Débats, du 
10 avrili819 ), est le Dictionnaire 
de M. Boiste , ouvrage immense, 


BOT / 


qui inérite toute notre recontiais- 


sance et tous nos éloges; c’est Lx 


seulementque se trouvent réunis, 
avec de bonnes définitions et de 
bonnesautorités, tous les élémens 
de la langue, dans toutes leurs 
acceptions. M. Boiste ne s’est pas 
borné, comme l’Académie, à la 
langue sociale; son plan infini- 
ment plus vaste, renferme toutes 
les langues spéciales, toutes Îles 
nomenclaturés savantes... Les 
deux volumes de M. Boiste sont 
donc l'encyclopédie de la langie.» 
LeDictionnaire deBoïste a donné 
lieu à l’anecdote suivante. Après 
chaque mot du dictionnaire , se 
trouve indiqué, entre deux paren- 
thèses, le nom de celui qui l’a ercé 
ou employé de manière à faire 
autorité. Or, il arriva par hasard 
que dans l’édition de 1805, le nom 
de Bonaparte se trouvait placé à 
la suite de l’article spoliateur. La 
police l'ayant remarqué, on fut 
obligé de faire un carton, où le 
nom de Frédéric-le-Grand à été 
substitué à celui de Bonaparte. 

IL Nouveaux Principes de gram- 
maire , suivis de Notions gramma- 
ticales élémentaires, de solutions 
de questions et diflicultés gram- 
maticales d’après ces principes, 
la génération des idées, l'usage et 
lharmonie ; avec un Appendice 
sur le philosophismeetune Lettre 
sur la critique, etc. Paris, Ver- 
dière , 1820 ; un vol. in-8, de 
712 pages. 

HIT. Dictionnaire des  Belles- 
Lettres, contenant les élémens de 
la littérature théorique et prati- 
que, etc., appuyés d’extrait rai- 
sonnés des écrits didactiques d’A- 
ristole, Cicéron, Horace.…., de 


BOT 5x 


Barante, Lefebure, Guizot, etc. 
Paris, Verdière, 1821-24; iu-8, 
5 vol. | 

Cet ouvrage était annoncé en 
9 ou 10 volumes; le 5° seulement 
avait paru à l’époque de la mort 
de l’auteur. Les trois ouvrages 
que nous venons de citer faisaient 
partie, dans l’ordre où its sont 
placés , d’un ensemble que Boiste 
intitulait : ( Art d’écrire et de par- 
ler français, ainsi qu’on le lit sur 
le faux titre de chacun d'eux. 

IV. L'Univers délivré, narra- 
tion épique , en vingt-cinq livres. 
Nouvelle édition avec figures, 
1009; in-8. 

La première édition de cet ou- 
vrage est de l’an 1X (1801), in-6, 
anonyme. — La deuxième, qui 
porte le nom de Fauteur, est de 
1802, 2 vol. in-8.— La troisième 
est de 1805. La première édition 
est intitulée : Univers, poëme en 
prose et en douze chants, suivi de 
notes et d'observations sur le sys- 
tème de Newlon et la thécrie pay- 
sique de la terre. T'auteur a Îa 
prétention de combattre, sous le 
voile de Pallégorie, les diverses - 
théories métaphysiques et physi- 
ques concernant Funivers, quil 
considère comme fausses. L’uni- 
vers de Boiste ressemble beau- 
coupau chaos. Cet écrivain n'avait 
niles connaissances positives né- 
cessaires pour parler convenable - 
ment d’un tel sujet, ni suriout 
l'étendue d'esprit et la haute 
portée d'intelligence indispensa- 
bles pour embrasser un horizon 
si vaste. 

V. Dictionnaire de Géographie 
universelle. 1806; in-8, avec 
atlas in-4. 


52 CAM 


CAM 


Ce 


CAMBACÉRES (Jrax-Jacques- 
Récis )}, naquit à Montpellier, 
d’une ancienne famille de robe. 
le 18 octobre 1555 (1). Destiné à 
entrer dans l’un des parlemens 
du royaume, leur suppression 
passagère.en 1771, et des intérêts 
de famille, déconcertèrent ce 
projet. Le jeune Cambacérès fut 
du nombre de ces hommes de loi, 
indépendans et fidèles, qui refu- 
sèrent de s'asseoir aux tribunaux 
illégitimes du chancelier Mau- 
peou. Jusqu'au rétablissement de 
l'ancienne magistrature , il s’oc- 
cupa dans la retraite, de l'étude 
des lois, y fit dés progrès rapides 
et y acquit des connaissances qui 
lui valurent une considération 
précoce. En 19771, il fut recu con- 
seiller en la Cour des comptes, 
aides et finances de Montpellier, 
sur la démission de son père, qui 
était en même temps maire de la 
viile. Dès que la Révolution s’an- 
nonça , Cambacérès en adopta les 
principes. Il fut choisi par l’ordre 
de lanoblesse, pourrédiger ses ca- 
hiers et pour remplir une seconde 
place de députée de cet ordre aux 
Etats-généraux.que la sénéchaus- 
sée de Montpellier croyait avoir 
le droit d'occuper, d’après l’état 


(1) La famille Cambacérès a donné 
à l'Eglise ou à l'Etat un préd cateur 
célèbre de la fin du dix-huitième siè- 
cle; un docteur de Sorbonne , mort 
en 1758, académicien de Béziers; un 
cardinal-archevêque de Bouen ; et 
enfin, un I#aréchal-de-can:p des armées 
du Moi; ces deux derniers frères de 
l'areluchancelicr. 


de sa population et les exemples 
du passé. Cette prétention n’ayant 
point été admise, Camhacérès 
fut d’abord élu à quelques fonc- 
tions administratives . et bien- 
tôt président du tribunal criminel 
de l'Hérault; enfin, en septembre 
1502, il fut élu député de ce dé- 
partement à la Convention natio- 
uale. 

Entré au comité de législation, 
Cambacérès y demeura près de 
deux ans, essentiellement occupé 
d’affaires contentieuses, de la so- 
lutien d’une multitude de question 
de droit, et de divers rapports 
sur ces matières. Ileut le mal-, 
heur de se trouver placé en grande 
évidence et d’avoir un rôle beau- 
coup trop important à remplir, 
dans la fameuse affaire du juge- 
ment de Louis XVI. Son caractère 
circonspect aussi bien que ses 
principes modérés le faisaient 


incliner naturellement vers le 


parti le moins violent; et néan- 
moins, Ja difficulté des circon- 
stances l’entraina dans un système 
compliqué, dont il eut depuis à 
se repentir. Cambacérès contesta 
d’abord à la Convention le droit 
de juger le monarqne : «Le peu- 
»ple. dit-il, vous a créés législa- 
vteurs, mais il ne vous a pas 
» institués juges. Il vous a chargés 
» d'établir sa félicité sur des bases 
»immuables; maïs il ne vous a 
». pas chargés de prononcer vous- 
»mèmes la condamnation de l’au- 
»teur de ses infortunes. » 
Nommé l’un des commissaires 
pour aller retirer du greffe du Tri- 
bunal criminel les pièces pro- 


CAM 


duites contre Louis À VI, et pour 
Jui annoncer le décret qui lui ac- 
cordait un conseil, il se prononça 
ouvertement afin que la plus 
grande latitude fût laissée à la i- 
berté de la défense , et aux com- 
munications du Roi avec ses 
défenseurs. Sur la première ques- 
tion, celle de la culpabilité, Cam- 
bacérès, avec presque tous ses 
collègues, se déclara pour l'af- 
firmative. — Sur la seconde ques- 
tion, celle de la peine, il dit : 
« J’estime que la Convention na- 
»tionale doit déeréter que Louis a 
» encouru les peines établies contre 
»les conspirateurs par le code 
»pénal; qu’elle doit suspendre 
» l'exécution du décret jusqu’à la 
»cessation des hostilités, époque 
» à laquelle il sera définitivement 
» prononcé par la Convention ou 
»par le corps-législatif, sur Île 
»sort de Louis, qui demeurera 
» jusqu'alors en état de détention : 
»et néanmoins, en Cas d’invasion 
» du territoire francais par les en- 
» nemis de la République, le décret 
» sera mis à exécution. » Ce vote 
contenait lintention de sauver 
Louis XVI; etil est certain qu'il 
fut compté au nombre des 554 
votes d’absolution; les procès- 
verbaux de la Convention en font 
foi. Cambacerès se prononça en- 


core pour le sursis à l'exécution; . 


et c’est par une erreur impardon- 
nable en matière si grave, que la 
Biographie des hommes vivans 
avance le contraire. Il est vrai 
u'après la proclamation du décret 
de condamnation, Cambacérès 
ayant demandé pour Louis XVI 
la liberté de voir sa famille et ses 
conseils , ainsi que la faculté de se 
choisir un confesseur à son gré, 
ces propositions, qui d’ailleurs 


CAM 55 


furent adoptées, excitèrent les 
murmures de quelques monta- 
gnards; ces murmures détérmi- 
nerent l’orateur à ajouter ces pa- 
roles : « Sans toutefois que l’exé- 
»cution puisse être retardée au- 
» delà de vingt-quatre heures. » 
Cette clause de soumission à la 
chose jugée, est sans doute bien 
dure à entendre, mais elle ne 
changeait rien à la question; elle 
ne rétractait pas le vote positif 
émis par Cambacérès en faveur 
du sursis, et même, avec un peu 
d’impartialité , il est facile d’y en- 
trevoir une précaution pour que 
ce dernier effort tenté par la com- 
misération qu’excitait la position 
de Louis, ne vint pas encore à 
échouer. 

Aprèsle jugementde Louis XVI, 
Cambacérès chercha à calmer les 
impressions que les mencurs de la 
Montagne avaient pu prendre 
contre lui, et vota trop souvent 
avec eux. Un comité de défense 
générale venait d’être formé ; 
Cambacérès en fut nommé mem- 
bre et présenta en son nom, dans 
la séance du 26 mars 1703, un 
rapport sur la défection de Du- 
mouriez, par laquelle il pouvait 
craindre de se trouver compromis; 
ayant, peu de jours auparavant, 
embrassé chaudement sa défense. 
Chargé par les comités de gou- 
yernement, conjointement avec 
M. Merlin (de Douai), de revoir 
toutes les lois rendues depuis la 
Révolution en matière de législa- 
tion civile, et de les réunir en un 
seul code, Cambacérès lut à la 
Convention, dans la séance du 
10 août 17099, un travail étendu 
sur cet objet, qui se ressentait 
fort des idées démocratiques de 
l’époque. A ce rapport était joint 


va CAN 

un tableau de classification, d’après 
lequel le nouveau code se serait 
trouvé partagé en trois divisions 
générales et vingt-huit subdivi- 
sions. El peut paraître curieux 
d'indiquer quelqu’une des prin- 
cipales idées qu’il émit à cette 
époque , les mêmes que son crédit 
contribua si puissaminent depuis 
à écarter ou à modifier, lors de la 
rédaction du Code civil, au Con- 
scil-d’état. Ainsi, on l’entendit 
demander lapplication du jury 
aux matiéres civiles, faire recon- 
naître des droits de successibilité 
aux enfans naturels, parler en fa- 
veur de la plus grande extension 
perinise à la faculté de divor- 
cer : on le reconnaît mieux lors- 
qu’il demande la suspension pro- 
visoire des lois concernant l’éga- 
lité des partages dans les succes- 
sions. Ces projets de code civil de 
Cambacéres , plusieurs fois repris 
au sein de la Convention, n’eu- 
rent cependant aucune suite déf- 
nilive (1). 

Cambacérès resta étranger aux 
événemens du 9 thermidor; mais 
cette journée augimenta son in- 
fluence et lui permit d’énoncer 
avec plus de sécarité ses véritables 
principes, Douze jours après la 
chute de Robespierre, lors de la 


(1) Les travaux de Cambacérès sur 
le Code civil sont imprimés, sous le 
titre suivant : Projet de Code civil et 
Discours préliminaire , 159... — Nou- 
velle édit., 17096, in-8. — La France 
litteraire de Érsch (tom. IV, pag. 91) 
Jui attribue encore : Constitution de la 
fépublique française, avec les lois y 
relatives , précédées et suivies de Ta- 
bles chronologiques et alphabétiques. 
1598; 5 vol. in-12. (ayec Oudot, 
+onventionnel. ) 


CAM 


première réorganisation des co- 
mités de gouvernement, il insista 
pour qu’on leur retirât le droit 
monstrueux d’attenter à la liberté 
des membres de la Convention, 
qui détruisait toute liberté dans 
les opinions et dans les délibéra- 
tions de l'assemblée. Appelé à Ja 
présidence , le 16 vendémiaire 
an ITT (5 novembre 1594), dont 
il avait été éxclu jusques-là, 
comme tous ceux qui n'avaient 
pas voté la mort du Roi, il rédigea 
une adresse au peuple français, 
qui fit beaucoup de sensation, 
parce qu’elle contenait un exposé 
du nouveau système de politique 
intérieure , juste et modéré, que 
la Convention se proposait d’a- 
dopter pour l'avenir. A l’occasion 
de la rentrée au sein de l’assem- 
blée, des soixante-treize députés 
qui en avaient été illégalement 
exclus le 51 mai, Cambaceéres 
invoqua une amnistie pleine et 
entière, pour tous les faits révo- 
lutionnaires, non expressément 
qualifiés par le code pénal; me- 
sure qui ne tendait à rien moins 
qu'à l’affranchissement complet 
des victimes et à la punition des 
bourreaux. Il prononça aussi du- 
rant sa présidence, deux discours 
remarquables , l’un au Panthéon, 
quand les restes de J.-J. Rousseau 
y furent transportés; l’autre au 
Champ-de-Mars, pour annoncer 
au peuple français que les enne- 
misavaient entièrement évacué le 
territoire de la République. 
Cambacérès possédait alors un 
grand crédit dans la Convention; 
au sortir de sa présidence, il fut 
placé au Comité de salut public, 
où ilest resté jusqu’à la fin de la 
session de l’assemblée. Chargé de 
la direction des relations exté- 


CAM 


rieures, cette position lui fournit 
le moyen d'amener la conclusion 
de la paix avec la Prusse et avec 
l'Espagne. Son habileté et son in- 
fluence donnèrent beaucoup d’im- 
portance au poste de président du 
Comité de salut publie, qu’il oc- 
cupait et d’où il sut saisir et con- 
duire les rênes du gouvernement, 
d'une main à la fois douce et 
ferme. Son ‘système paraissait 
alors d’affermir la constitution re- 
publicaine, tout en revenant peu 
à peu aux principes de modéra- 
tion et de prudence qui convien- 
nent à tous les gouvernemens. 
C’est dans cette double vue qu’on 
l’entendit s’opposer à la mise en li- 
berté, jusqu’à la paix générale, des 
prisonniers de la famille royale, 
détenus au Temple; tandis qu’il 
obtenait la substitution du ban- 
nissement simple à la déporta- 
tion, dans la législation tyranni- 
que concernant les prêtres inser- 
mentés, 11 parlait d’ailleurs avec 
une grande facilité, et jouissait 
beaucoup de faveur auprès de la 
nouvelle majorité. Mais cette fa- 
veur recut de graves atteinies au 
15 vendémiaire. Il se trouva com- 
promis dans la correspondance 
saisie chez Lemaïtre , ancien se- 
crétaire des finances, par ces mots 
d’une letire de M. d’Entraigues : 
« Je ne suis nullement étonné que 
» Cambacérès soit du nombre de 
» ceux qui veulentle rétablissement 
» de la royauté; je le connais... » 
Cambacérès repoussa vivement 
l'inculpation , par un exposé de sa 
conduite tout-à-fait dans le sens 
révolutionnaire , dont l’assemblée 
ordonna l'impression ; mais le 
coup était porté à sa popularité, 
et il fut écarté du Directoire, où 
peu auparavant il semblait qu’il 


CAM 55 


dût être porté par la presque una- 
nimité des suffrages. 

Le sort favorisa Cambacérès et 
le fit entrer au Conseil des Cinq- 
cents. après la session conven- 
tionnelle ; il y obtint de nouveau 
les honneurs de la présidence et 
parla plusieurs fois sur les ma- 
tières de droit civil, qui lui étaient 
particulièrement familières. A la 
même époque, et lors de la pre- 
mière organisation de l’Institut 
national, il fut compris dans la 
classe des sciences sociales et lé- 
gislatives ; il passa depuis dans la 
classe de la langue et de la litté- 
rature française ( Académie fran- 
çaise). Il n’a cessé de faire partie 
de cette compagnie littéraire que 
par l'ordonnance du 51 mars 1816, 
Sorti du Conseil au bout de quel- 
ques mois, avec le second tiers 
conventionnel, le Directoire , qui 
le considérait comme un chef 
d'opposition, ne voulut pas l’em- 
ployer : il rentra un moment dans 
la vie privée, et se livra de nou- 
veau à l’exercice de la profession 
de jurisconsulte. 11 évita de la 
sorte de se mêler aux événemens 


-du 18 fructidor an V. La fraction 


de lassemblée électorale de la 
Seine, séante à l’Oratoire, l’élut 
député en l’an VI; mais cette nomi- 
nation fut annulée par l'influence 
du Directoire. Au commencement 
de l’an VII, le collége électoral 
de la Haute-Vienne élut Camba- 
cérès membre du Tribunal de cas- 
sation : il n’accepta point; mais 
enfin, le 50 prairial ayant écarté 
ses adversaires du Directoire, 
Sieyes, qui venait d’y être appelé, 
lui fit accepter le ministère de la 
justice, au mois de thermidor 
an VIT. Il tenait ce portefeuille au 
18 brumaire, et beaucoup de ses 


56 CAM 


amis ayant participé à celle jour- 
née, Bonaparte le lui conserva 
pendant la durée du gouverne- 
ment provisoire. Durant ce peu 
de temps, le nouveau maître de 
l’état, qui n’avait fait la connuis- 
sance de Cainbacérès que depuis 
son retour d'Egypte, prit si bien 
confiance à lui, que lors de l’or- 
ganisation définitive de la consti- 
tution de l’an VIII, Cambacérèes 
fut choisi pour être le second con- 
sul de la République française : 
c'était comme la miain de justice 
placée à côté de l’épée. Rien ne 
manquait en effet à Cambacéres, 
sous le rapport du bon sens, de 
la capacité, et même, on doit le 
dire, des bonnes intentions; mais 
il ne fut point doué de cette aver- 
sion inflexible pour linjustice, 
qu’une grande énergie de carac- 
tère peut seule donner aux hom- 
nes puissans. Placé à côté de 
Bonaparte, Cambacérès serésigna, 
dès l’abord, à n'être point le mai- 
tre, pour se borner au rôle de 
premier exécuteur de ses plans, 
dans les parties qui furent aban- 
données à sa direction. Le Code 
civil et l’organisation judiciaire 
sont, en particulier, son ouvrage. 
On y reconnait cetle modération, 
cet esprit conservateur, cette foi 
à l'expérience, cette défiance de 
toute innovation, enfin cette aver- 
sion pour toute démocratie, qui 
dominaient le caractère de Cam- 
bacérès. Quand Bonaparte se fit 
empereur, son ancien collègue 
devint un des principaux person- 
nages de son empire. Il reçut 
les titres d'archichancelier avec la 
présidence perpétuelle du Sénat, 
de prince, de duc de Parme, et, 
les décorations de presque tous 
les ordres nationaux et élran- 


; CAM 


gers (1). Des revenus et des dota- 
tions proportionnés à l’éminence 
de ces dignités,métamorphosèrent 
le jurisconsulte de Montpellier en 
l’un des plus grands seigneurs de 
l’Europe. 11 eut bientôt pris les 
mœurs et les habitudes de sa nou- 
yelle position. On eût dit qu’il y 
était né, et qu'il y avait toujours 
vécu, tant il portait la prospérité 
avec calme et la grandeur avec 
facilité. Consul ou archichance- 
lier, Cambacérès à toujours servi 
Napoléon avec zèle et fidélité; il 
a eu part à presque tous les actes 
de son gouvernement, particuliè- 
rement à ceux qui appartiennent 
à l’administration intérieure. Si 
Napoléon n’a pas toujours suivi 
ses conseils, du moins iln’a jamais 
douté de leur sincérité, non plus 
que de l’habileté de celui qui les 
donnait. Pendant quatorze ans, la 
confiance qu’il accorda à Camba- 
cérèsn’éprouvaaucune altération. 
Celui-ci ne lui a pas épargné, plus 
que d’autres, les adulations, 
dont il s'était fait un besoin pué- 


(1) Voici le texte dE lettre que : 
Bonaparte écrivit à Cambacérès, lors- 
que par suite du sénatus-consulie or- 
ganique du 28 floréal an x1x , ceiui-ci 
dut perdre son titre de consul. 


« Citoyen consul Cambactrès , 


» Votre titre va changer; vos fonc- 
» tions et ma confiance restent les 
» mêmes. Dans la haute dignité d’ar- 
» chichancelier de l'Empire dont vous 
» allez être revêtu, vous manifesterez 
» comme vous l'avez fait dans celle de 
» consul, la sagesse de vos conseils et 
» les talens distingués qui vous ont 
» acquis une part aussi importante 
» dans tout ce que je puis avoir fait 
» de bien. — Je n’ai donc à désirer de 
» vous que la continuation des mêmes 
» sertimens, pour l'Etat ef pour moi.» 


CAM 


ril et fatal : celles qui accompa- 
gnaient et coloraient les sénatus- 
consultes si fréquens relatifs aux 
conscriptions, furent sans doute 
jes plus coupables, puisque le 
sang des hommes et toutes les dé- 
solations de la guerre en devaient 
être Ja conséquence et le prix; il 
ne faut ni l’oublier ni le pardon- 
ner. Mais il est.certain que dans 
le conseil, Cambacéres a fait quel- 
que chose, pour affaiblir en Napo- 
léon la passion funeste des com- 
bats. C’est contre son opinion que 
la campagne de Russie fut entre- 
prise, et qu’on n'évita point les 
chances de celle de 1813. Onne doit 
pas taire non plus, qu’il ne fut pas 
d'avis du meurtre du duc d’En- 
ghien et même qu'il osa le dire. 
Tout le monde reconnaît d’ail- 
leurs que Cambacérès usa de son 
crédit avec modération; qu’on n’a 
jamais eu à lui reprocher aucun 
acte arbitraire, relatif à sa per- 
sonne privée ; qu’il a puissamment 
contribué à mitiger d’abord, et 
ensuite à faire rapporter entière- 
u:ent, les lois contre les émigrés, 
les prêtres insermentés, la liberté 
du culte catholique; enfin, qu’on 
lui est redevable en grande partie 
du retour à ces mœurs douces, à 
ces habitudes sages, que la Révo- 
lution avait brusquement inter- 
verlies. 

Durant les voyages guerriers 
de Napoléon hors de France, 
Cambacérès fut chargé de la di- 
rection suprême des affaires; ce 
qui mérite d’autant plus d’être 
remarqué ,; qu'on nignore pas 
combien celui-ci futombrageux et 
jaloux de son autorité. Après son 
alliance avec l’Autriche, pour la- 
quelle Cambacérès avait opiné 
dans le conseil, c’est à Marie- 


CAM 57 


Louise que Napoléon conféra le 
titre de régente de l'Empire, 
mais en même temps Cambacérès 
lui fut donné pour président de 
son conseil de régence, et la con- 
fiance que cette princesse, lui ac- 
corda fut complète. C’est préci- 
sement pour cette raison, qu’on a 
voulu faire retomber sur Camba- 
cérès la responsabilité de la déter- 
mination qui fit quitter Paris à 
l'Impératrice-régente, lorsque la 
capitale se vit sur le point de tom- 
ber au pouvoir des armées de la 
coalition. Il n’est pas douteux que 


“cette détermination eut une in- 


fluence décisive sur la chute de la 
dynastie de Napoléon; mais il 
est encore plus certain que l’or- 
dre de sortir de Paris, si les alliés 
en approchaient, avait été donné 
par Napoléon lui-même, dans les 
instructions laissées avant son dé- 
part pour l’armée. Il les renou- 
vela dans le courant de mars, par 
une lettre adressée à son frère 
Joseph. Cette lettre ayant été lue 
au conseil de régence , tous ceux 
qui le composaient (hors un seul ) 
furent d’avis que l’Impératrice , la 
cour et l’administration centrale 
devaient se retirer au - delà de la 
Loire. L’archichancelier ne fit que 
se ranger au sentiment Commun, 
et tout ce qu’on peut lui repro- 
cher, c’est de n’avoir pas élevé la 
voix pour le combattre. 

Après que la nouvelle de lab- 
dication de Napoléon fut connue 
à Blois, et que l’Impératrice eût 
été remise entre les mains des 
commissaires de son père, char- 
gés de l’accompagner en Autriche, 
Cambacérès envoya, les 7 et 9 
avril 1814, son adhésion aux ac- 
tes du Sénat. Il revint ensuite à 
Paris, où il vécut très-retiré, et 


58 CAM 


ne parut pas faire attention aux 
libelles et aux caricatures qui, 
dans ce premier moment, déver- 
sèrent sur lui l’injure et la calom- 
nie. Le retour de l’île d’'Elbe le 
surprit et l’inquiéta , sans doute, 
autant que qui que ce soit. Appele 
aux Tuileries dès le 20 mars, il 
ne s’yrendit que sur un ordre réi- 
- téré, et il fit quelques efforts pour 
être dispensé de se lancer de nou- 
veau dans une activité désormais 
trop périlleuse ; cependant il re- 
prit le titre d’archichancelier de 
PEmpire (1), et accepta, par in- 
térim, le portefeuille de la jus- 
tice. Le détail des affaires de ce 
département fut confié entière- 
ment à M. Boulay ( de la Meur- 
the ) : Cambacérès n’eut qu’à prè- 
ter sa signature. Le 26 mars, il 
présenta, au nom du ministère, 
une adresse à Napoléon, où l’on 
remarque lexpression des prin- 
cipes libéraux qui devaient presi- 
der au nouveau système du gou- 
vernement. C’est Cambacérès 
qui, en sa qualité d’archichance- 
lier, fit le recensement général 
des votes sur l’Acte additionnel 
aux constitutions de l'Empire , et 
en proclama le résultat dans la 
cérémonie du Champ de Mai ; en- 
fin, il présida la chambre des{Pairs 
des Cent-jours, avec sagesse et 
gravité. 

Le second retour des Bourbons 
ramena naturellement Cambacé- 
rès dans la retraite ; ilne deman- 
dait qu’à y rester paisiblement, 
lorsqu'on prétendit lui appliquer 
l'article de la loi d’amnistie qui 


(1) Le 26 mars 1815, Cambacérès en- 
voya au congrès de Vicnne sa renon= 
ciation en bonne forme, au titre de 
duc de Parme. 


CAM 


condamnait les votans au bannis- 
sement. Cette application était 
évidemment injuste, puisque le 
vote de Cambacérès n’ayant pas 
été compté pour la mort, avait dû 
compter au contraire nécessaire- 
ment, au nombre des votes d’ab- 
solution. Il sortit de France et se 
réfugia en Belgique, partageant 
sa résidence entre les deux villes 
de Bruxelles et d'Amsterdam. 
Lorsque l’administration française 
fut revenue aux règles de justice 
dont elle n'aurait jamais dû s’e- 
carter, elle reconnut l'erreur com- 
mise à l'égard de M. Cambacéres ; 
en conséquence, une décision 
royale , en date du 13 maï 1818 , 
le rétablit dans tous ses droits ci- 
vils et politiques. Il revint à Paris, 
où il est mort d’une attaque d’a- 
poplexie, le 8 mars 15624, âgé de 
plus de 50 ans. À peine il ävait 
fermé les yeux, que des commis- 
saires du gouvernement se pré- 
sentèrent pour mettre la main sur 
ses papiers, et recueillir ceux 
qu'ils jugeraient être la propriété 
de l’Etat.Cette prétention souleva 
une contestation judiciaire d’un 
grand intérêt, dans laquelle le 
gouvernement triompha, et qui 
donna lieu à la publication d’un 
mémoire de M° Dupin aîné. 

M. le duc Cambacérès laissa en 
mourant, une grande fortune, qui 
a été partagée, sauf plusieurs legs 
particuliers, entre deux neveux , 
de son nom. Depuis qu'il avait été 
visité de l’adversité , il s'était ré- 
fugié avec une foi vive et une con- 
viction sincère, dans le sein de la 
religion, qui ne refuse à personne 
ses ineffables conso!ations. On le 
voyait assidument, le dimanche, à 
Saint-'Thomas-d’Aquin, sa pa- 
roisse. Il avait fondé, de son vi- 


CAM 


vant, un certain nombre de lits à 
l'hospice Marie-Thérèse. Son tes- 
tament commence par ces mots, 
usités chez nos pères: Au nom de 
la très - Sainte-Trinité; il déclare 
vouloirmourir dans la communion 
de l’église catholique, au sein de 
laquelle il est né; il y demande 
pardon des fautes innombrables 
qu’il a commises, sans toutefois 
spécifier particulièrement aucune 
d’elles ; il y fait des legs nombreux 
et considérables, aux pauvres et 
aux églises de Paris, de Bruxelles 
et de Montpellier, à la charge de 


dire des messes pour le repos 


de son âme. Après qu'il eut été 
réhabilité dans ses droits politi- 
ques, M. le duc Cambacérès les 
exerça avec exactitude , aux élec- 
tions de Paris. Plusieurs fois les 
journaux se sont amusés à publier 
qu’ilaurait voté pour les candidats 
du côté droit ; ilne répondit point 
à cette imputation , mais nous 
avons lieu de croire que les jour- 
nalistes furent toujours mal infor- 
més. M. le duc Cambacérès était 
trop ennemi du bruit, et trop 
amoureux de scn repos, pour 
donner à ses opinions et à ses 
votes électoraux, une publicité à 
laquelle il pouvait ne point se 
croire obligé. Il est certain d’ail- 
leurs que, sauf quelques préjugés 
de vieille magistrature, les prin- 
cipes politiques de ses derniers 
jours furent ceux d’un sectateur 
éclairé des libertés constitution- 
nelles. Ses amis, et il en conserva 
de toujours fidèles, dans les rangs 
les plus éminens de la société, 
peuvent, sur ce point, rendre un 
témoignage honorable à sa mé- 
moire. 

On a publié : Wie de Cambacéres, 
æx-archichancelier ; par M. A. A**. 


CAR .. 59 


(Aubriet.) Paris, Tourneux, 1824. 
1 vol. in-18, de 524 pag. avec un 
portrait lithographié.— 2° édition; 
ibid. 1825. — On a un beau por- 
trait de Cambacérès, gravé dans 
la collection des Grands-Aigles de 
la Légion-d’honneur. 


CARON (Jran-CnarLes-FELix), 
chirurgien, est mort à Paris, dans 
un âge avancé, le 19 août 1824. 
I se donnait, sur le frontispice 
de ses ouvrages, les titres et qua- 
lifications qui suivent : ancien 
chirurgien -élève-aide-major-ga- 
gnant-maitrise des Invalides ; 
membre du collége de la ci-devant 
Académie royale de chirurgie ; élu 
deux fois de suite, prevôtdu col- 
lège et hospice de chirurgie de 
Paris ; chirurgien en chef de l’ho-. 
pital Cochin, depuis sa fondation. 
— On a publié son Oraison funé- 
bre (imprimerie d’Eberhart, 1824, 
in-8, d’une demi-feuille). Voici la 
liste de ses écrits. 

I. Compendium  institutionum 
philosophiæ , ad usum candidato- 
rum, etc. — Abrégé des élémens 
de philosophie, à l'usage des can- 
didats au grade de maïître-ès-arts. 
1770, 2 vol. in-8. 

IT. De poplilis anevrismate. — 
De Panévrisme de l'artère popli- 
tée. 1772. 

LIT. Recherches critiques sur la 
quatrième section d’un ouvrage ayant 
pour titre: De la connexion de 
la vie avec la respiration, etc. ; 
par Edme Godwin, traduit de 
Panglais, par J.-N. Hallé; où ül 
s’agit de déterminer l’action chimi- 
que que l'air a sur les poumons, 
dans la respiration. 1798, in-8. 

IV. Dissertation sur l'effet mé- 
canique de l’air dans les poumons, 
pendant la respiration, avec des ré- 


Go CHA 


flexions sur un nouveau moyen de 
rappeler les noyés à la vie, proposé 
par le docteur Ménzies. 1798, in-8. 

V. La chirurgie peut-elle retirer 
quelques avantages de sa réunion à 
la médecine ? Cette réunion four- 
nira-t-elle des médecins assez in- 
struits en chirurgie pour soulager 
l'humanité souffrante ? 1802, in-8. 

VI. Réflexions sur l'exercice de 
la médecine. 1804, in-8. 

VIL. Remarques sur un fait d'in- 
sensibilité, qui quelquefois doit 
avoir lieu sur les amputations des 
grandes exlrémités. 1804, in-8. 

VIIT. Examen du Recueil de tous 
les faits et observations relatifs au 
croup. 1808, in-8, 

IX. Réfutation du premier mé- 
moire de la Clinique chirurgicale, 
de M. Pelletan, chirurgien consul- 
tant de LL. MM. IT. et RR. etc., 
sur la Broncotomie. Paris, Mer- 
lin, 1811; in-8, de quatre feuilles 
un quart. 

X. Programme d’un prix relatif 
à la trachéotomie, dans le traite- 
ment du croup, offert par Ch.F. 
Caron. Paris, imp. de Pillet, 1812; 
in-8, d’une feuille. 

XI. Démonstration rigoureuse 
du peu d'utilité de l Ecole de méde- 
cine, du grand avantage que l’on 
a retiré et que l’on retirera toujours 
du rétablissement du Collége de chi- 
rurgie. Paris, imp. de Pillet aîné, 
1818 ; in-8, de deux feuilles un 
quart. 


CHAMPCOUR. (AxDRË DE), 
chevalier de l’ordre royal et mili- 
taire de Saint-Louis, est mort à 
Paris, dans les derniers jours de 
septembre 1823, à l’âge de cin- 
quante-trois ans.—Je connais de 
Jui. 

JL L’Auteur et son compére, 


CHA 


dialogue en vers. 1810, in-12, de 
douze pages. 

Je présume que la date de 1810 
est fautive, et qu’il faut lire 1820. 
Cet opuscule à été réimprimé , 
page 55 du n° VITT, ci-après, sous 
le titre de : les Deux Pédans. 

I. Le Courage duns ladver- 
sité, ode. 1821, in-12. — réim- 
primé, page 37 du n° VIII. 

IT. Mes V'œux, stances. 1891, 
in-19. — réimprimé, page 52 du 
NiNIIE 

IV. Le Rendez-Vous , romance. 
1821, in-12. —réimprimé, p. 129 
du n° VIII. 

V. Ma Philosophie, couplets 
bachiques. 1821, in-12. — réim- 
primé, page 155 du n° VIII, sous 
le titre de Couplets bachiques. 

VI. Les Moines, couplets bachi- 
ques. 1821, in-12.—réimprimé , 
page 132 du n° VIII. 

VII. Poésies légères. in-12, de 
douze pages, sans frontispice ni 
millésime, qui sans doute sont 
comprises dans le n° VEII.. 

VIII. Poésies légères. 4822, 
in-12, de vu et 204 pages. 

On y trouve une pièce de théâtre 
intitulée : Les Rivaux de la Cour- 
tille, tragédie burlesque (en un 
acte et en vers). — page #2, ilya 
deux imitations de Martial. — p. 
153, le Cantique de saint Ignace de 
Loyola, fondateurdes Jésuites,etc. 
— Ce volume, dont j’ai un exem- 
plaire sous les yeux, n’a dû être 
tiré qu’à un très-petit nombre. Il 
est dédié à M. le duc de C**, 
grand d’Espagne de première 
classe , colonel du deuxième régi- 
ment d'infanterie de Jigne. Dans 
une note (page 126) est nommé 
M. le duc de Céreste, colonel de 
la légion de l’Aisne , et c’est pro- 


CHA 


bablement à Ini qu’est dédié le re- 
cueil. 

IX. Pièces fugitives et légères , 
ou Mélanges d’Ahistoriettes et d'a- 
necdotesrécentes. Paris, 1820,in-18, 
de cent-quatre-vingt-douze pages, 
plus quatre pour les faux-titre et 
titre, et un feuillet pour la table. 

Ce volume a été tiré à très-petit 
nombre. Toutes les pièces qu’il 
contient sont en prose. 

X. Histoire morale de lElé- 
phant, où Choix des plus beaux 
traits d'intelligence, d'affection et 
de docilité de cet animal envers 
l'homme, depuis les temps les plus 
reculés jusqu’à nos jours. Paris, 
1821, in-18 , de 158 pages, y 
compris les faux-titre et titre,pré- 
face et table. 

Ce volume a été aussi tiré à 
très-petit nombre et imprimé par 
l’auteur lui-même, qui en avait 
les moyens. 

- (Extrait de la Bibliographie de 
la France, rédigée par M.Beuchot, 
volume de 1824,pages 216 et662). 


CHASTELLAIN JEAN- 
CLrauDe ), né le 4 décembre 1547, 
était membre au directoire du dis- 
trict de Sens, lorsqu'il fut nommé, 
en 1792, par le département de 
FYonne, député à la Convention 
nationale , où il se fit remarquer 
par la sagesse et le courage de ses 
opinions, principalement dans le 
procès de Louis XVI. Il se dé- 
clara pour lappel au peuple, et 
seul des députés de son départe- 
ment, il ne vota point la mort du 
monarque ; il opina pour la déten- 
tion et le bannissement à la paix. 
Devenu dès-lors suspectet accusé 
de modérantisme ,; il donna plus 
tard une preuve de courage qui 
sélève jusqu’à lhéroïisme, Le 


CHR 61 


rapporteur de la Convention ne 
pouvant lire distinctement sa si- 
gnature, parmi celles qui se trou- 
vaient au bas de l’acte de protesta- 
iion contre la journée du 351 mai, 
conclut à ne rien prononcer contre 
inconnu. M. Chastellain se leva 
aussitôt, et dit avec la plus noble 
fermeté : « Cette signature est la 
» mienne, et je demande à parta- 
»ger le sort de mes collègues. » 
Il fut mis en arrestation et ses 
biens séquestrés. Ayant recouvyré 
la liberté après le 9 thermidor, il 
rentra à la Convention, et plustard 
au Conseil des Cinq-cents, d’où il 
sortit en mai 1797. Après le 18 
brumaire (novembre 1799), Ghas- 
tellain futnomineé juge au tribunal 
civil de Sens; mais il n’occupa 
que peu de temps ces fonctions, et 
il se retira dans sa maison de cam- 
pagne de Subligny, près Sens, 
sur les bords de l'Yonne, oùil est 
mort, au mois d'octobre 1824. — 
On doit à J.-CI. Chastellain un 
ouvrage intitulé : Pacte social 
combiné sur l’intérêt physique, po- 
litique et moral de la nation fran- 
çaise et autres nations. Paris, imp. 
nationale , messidor an III (juin 
1595); in-4, avec tableaux. — 
«Je crois me rappeler, ajoute 
M. Beuchot (Bibliographie de la 
France, vol. de 1825, page 159), 
qu’en 1795, Chastellain publia un 
Plan de constitution » 


CHRISTOPHE (Axroixe-NoEr- 
Marrmieu), né à Lyon, vers 1568, 
venait d’être ordonné prêtre en 
1791, lorsque le refus de prêter 
serment à la Constitution civile du 
clergé l’obligea à s’expatrier. IL 
passa d’abord en Savoie, et de là 
il vint à Fribourg, en Suisse, d’où 
un ordre de la police le fit partir. 


62 CHR 

Alors il se réfugia dans les bail- 
liages suisses et italiens ; mais il 
revint à Paris, en 1595. I1y publia, 
sous le voile de l’anonyme, une 
brochure où il invitait les ecclé- 
siastiques à se soumettre à l’auto- 
rité de fait. Dans le même temps, 
l'abbé Christophe, cédant à la li- 
cence de l’époque, présenta aux 
comédiens français une pièce de 
sa composition; ceux-ci refusè- 
rent de la jouer. Quelque mois 
après parut pour la premiére fois, 
sur la scène, Blanche et Montcas- 
sin, tragédie de M. Arnault, 
L'abbé Christophe, qui aurait pu 
entrevoir dans la ressemblance de 
cette tragédie avec la pièce qu’on 
lui avait refusée une consolation 
pour son amour-propre, aima 
mieux supposer qu’on s'était in- 
discrètement approprié son sujet 
et une partie de son plan. Il es- 
saya de faire du bruit dans les 
journaux; mais ses réclamations 
n’eurent point de suite. L’abhé 
Christophe devint, sous le gou- 
vernement impérial, professeur 
de belles-lettres au collége de 
Tournay. Il perdit cet emploi en 
1819; il est mort à Néris-les- 
Bains, département de l'Allier, le 
91 juillet 1824. C’était un écrivain 
laborieux et passablement versé 
dans la connaissance des langues 
anciennes. 


Liste des ouvrages 


de A.-N.-M. Christophe. 


I. Les deux Emilies, ou Aven- 
tures du duc et de la duchesse d’ A- 
beerdeen, trad. de Henriette Lee. 
1800, 2 vol. in-12. 

IT. Arundel et Henrielte, ou 
les Aventures de deux Orphelins ; 
suivies de Montfort, ou les Dangers 


COL 


des voyages ; trad. de l’anglais, de 
Henrielte Lee. 1800, in-1 2. 

IT. Antoinelle et V'almont. 
1801, 2 vol. in-18. 

IV. Le Châleau de Saint-Hilaire, 
ou le Frère et la Sœur devenus 
Epoux, par Henriette Lee, trad. 
de l'anglais. 1801, 2 vol. in-12. 

V. Lettres Athéniennes, ou Cor- 
respondance d’un agent du roi de 
Perse, résidant à Athènes pendant 
la guerre du Péloponèse , trad. de 
l'anglais. 1802, 4 vol. in-12. 

Cet ouvrage a aussi été traduit 
par Villeterque. 

VI. Dictionnaire pour servir à 
intelligence des auteurs classiques, 
grecs el latins. Paris, Duprat-Du- 
vergier, an XIII (1805 ); 2 vol. 
in-8. 

C’est une traduction libre du 
Dictionnaire anglais de Lem- 
prière, qui estlui-même un abrégé 
du grand Dictionnaire de Sabatier, 
en 96 vol. in-8. 

Christophe a laissé quelques 
ouvrages inédits, parmi lesquels 
on cile une Histoire de Malte. 


COLLEVILLE, née SaT-Lécer 
(Madame de }, fille d’un mé- 
decin de Paris, est auteur de co- 
médies, de romans'et de poésies 
légères; elle est décédée le 15 sep- 
tembre 1824. Nous connaissons 
de cette dame ; les ouvrages sui- 


vans : 

I. Lettres du chevalier de Saint- 
Alme et de mademoiselle de Mel- 
court ; par mademoiselle de ***. 
Amsterdam, Changuion; et Paris, 
Delormel, 1581, in-12. 

Il. {lexandrine, ou l Amour est 
une vertu; par mademoiselle de 
5***, Amsterdam; et Paris, De- 
lormel, 1782 ; deux parties in-12. 

On trouve le même ouvrage 


CON 


reproduit sous le titre suivant : 
Alexandrine de Ba..., ou Lettres 
de la princesse Albertine, trad. de 
l'allemand. Paris, Buisson , 1786, 
in-12. 

III. Le Bouquet du Pire de fa- 
mille, divertissement en un acte ct 
en prose. 1784, in-8. 

IV. Les Deux Sœurs, comédie 
en un acte et en prose. 1584, in-8. 

V. Sophie et Merville, comedie 
en 2 actes et en prose. 1788, in-12. 

VI. Madame de M ***, ou [la 
Rentière. Paris, Maradan, 1802 
et 1804; 4 vol. in-12 (anonyme). 

VII. Wictotre de Martigues, ou 
Suite de la Rentière. Paris, 1804 ; 
4 vol. in-12. 

VIII. Salut à Messieurs les ma- 
ris, où Rose et Linval, par l’au- 
teur de la Rentière. Paris, G. De- 
senne, 1812, in-12. 

Ce roman avait déjà paru en 
1805 , ou 1806. 

« M® de Collevilie nous avait 
promis lhistoire d’une illustre 
victime de la Révolution, sous 
le titre du Porteur d'Eau ; des 
scrupules religieux (dit-on ) ont 
changé ses idées sur les ‘ro- 
mans et l’ont pcriée à détruire 
son manuscrit (Petite Bibliogra- 
phie biographico-romancière ; par 
le libraire Pigoreau, 1821 , in-8, 
page 171). 


CONDÉ (Louise-ApéraïnE DE 
Bour8ox), fille de Louis-Joseph 
de Bourbon, prince de Condé , 
et de Charlotte-Godefride-Elisa- 
beth de Rohan-Soubise, naquit à 
Chantilly, le 5 octobre 1755. Cette 
princesse avait été destinée par 
Louis XV à épouser M. le comte 
d'Artois (aujourd’hui $. M. Char- 
les X }; mais des divisions de fa- 
mille, auxquelles on a dit, dansle 


CON C5 


temps, que la reine Marie-Antoi- 
nette ne fut pas étrangère, empê- 
chérent cette union. Mademoiselle 
de Condé futnommée,en1586,ab- 
besse du chapitre noble de Remi- 
remont, dignité dotée avec opu- 
lence; mais qui, suivant les usages 
ou plutôt les abus du temps, ne 
lobligeait pas à quitter le monde. 
La princesse continua donc à res- 
ter à la cour jusqu’au 16 juillet 
1780, trois jours après la prise de 
la Bastille, qu’elle émigra avec 
son père. Mademoiselle de Condé 
se rendit à Turin par la Suisse, 
et résida successivement, pendant 
vingt-cinq ans, en Allemagne, en 
Russie et en Angleterre. C’est du- 
rant son exil qu’elle prit la réso- 
lution d’embrasser sérieusement 
la vie religieuse. Elle en fit part 
au roi Louis XVIII, par la lettre 
suivante : 

« SIRE, Ce n’est pas au moment 
» Où je vais avoir l’inappréciable 
» bonheur de me consacrer à mon 
» Dieu, que j'oublierai, pour la 
» première fois, ce que je dois à 
» mon Roi! Appelée depuis long- 
»temps à l’état religieux, je suis 
» venue à Turin, où les bontés et 
» l’ancienne amitié de madame la 
»prieure de Piémont m'ont pro- 
»curé des facilités pour exécuter 
»mesprojets, mûürementexaminés 
»et réfléchis. Mais avant leur en- 
vtier accomplissement, je supplie 
» V. M. de vouloir bien y donner 
»son agrément. Je le lui demande 
»ayec d'autant plus de confiance, 
»que j'ai la certitude qu’il ne sera 
» pas refusé, et que votre religion, 
» oire, vous fera même trouver de 
»la consolation à voir une prin- 
»cesse de votre sang se revêtir 
»des livrées de Jésus-Christ. 
»Puisse le Dieu dont j’éprouve 


64 CON 
» d’une manière si insigne l’infinie 
» miséricorde , exaucer les vœux 
» que je formai constamment pour 
» le rétablissement de l'autel et du 
»trône dans ma malheureuse pa- 
» trie : ils seront aussi sincères que 
»les efforts de mes parens sont 
» soutenus pour le même objet. 
» Le désir du bouheur personnel de 
» V. M. est également dans mon 
» cœur : j ose la supplier de dai- 
»gner en être persuadée. 

»Je suis avec un profond res- 
» pect, €ic. » 


Turin, le, novembre 1795. 


Le 1‘ décembre suivant, ma- 
demoiselle de Condé reçut du Roi 
la réponse qui suit, datée de Vé- 
rone : 


« Vous avez mûrement réfléchi, 
»ma chère cousine, sur le parti 
»que vous avez pris. Votre père 
» y a donné son consentement, j'y 
» donne aussi le mien, ou plutôt 
»je cède à la Providence, qui 
»exige de moi ce sacrifice. Il est 
»grand, je ne vous le dissimule 
» pas, et ce n’est qu'avec un re- 
»gret extrême que je perds l’es- 
»pérance de vous voir être un 
»jour, par vos vertus, l'exemple 
»de ma cour et l'édification de 
»tous mes sujets. Je n’ai qu’une 
» consolation ; c’est de penser que, 
»tandis que la valeur et les talens 
»de vos parens les plus proches 
s m’aident à relever les autels de 
» Dieu et le trône de saint Louis, 
» Vos prières attireront les béné- 
»dictions du Très-Haut sur ma 
» Cause, qui est aussi la sienne, et 
»ensuite sur tout mon règne. Je 
»m’y recommande donc, et je vous 
»prie, ma chère cousine, d’être 


CON 


»bien persuadée de toute mon 
» amitié pour vous. 
Signé Loris. » 


Mademoiselle de Condé, ren- 
trée en France avec la famille 
royale, ne put reprendre immé- 
diatement la clôture. Le Roi lui 
donna l’ancien palais du Temple, 
pour s’y réunir avec ses sœurs : 
mais de grands travaux étaient 
nécessaires afin de me ttre cette 
demeure en état de les recevoir. Us 
ne furent terminés qu’en 1816, et 
le 3 novembre de cette même an- 
née, la princesse entra dans cette 
demeure pour n’en plus sortir, et 
s’y consacra avec ses religieuses, 
à l’'adoration perpétuelle du S'aint- 
S'acrement , association dont l’ob- 
jetest d’expier les crimes dela Ré- 
volution. Mademoiselle de Conde 
est morte comme elle avait vécu, 
dans la profession et la pratique 
du christianisme le plus sublime, 
le 10 mars 1824. 


CONSTANT-BERRIER (JEax- 
François), natifd’Aire, en Artois, 
est mort à Paris, le 12 juin 1824. 
Il avait rempli près des armées 
républicaines les fonctions d’a- 
gent en chef des vivres, sous le 
commandement de Kellermann 
et sous celui de Schérer. Hu- 
main et modéré dans ses opi- 
nions, des personnes persécutées 
durant la Révolution, trouverent 
un asile dans son administra- 
tion. Ce fut à tel point que le 
Journal des Hommes - Libres dé- 
nonca Constant-Berrier, et il fut 
obligé de quitter ses fonctions. 
1 sortit pauvre d’un poste où 
tant d’autres auraient fait une 
grande fortune ; depuis, il vé- 
bat obscur, et mourut indigent, 


CON 


s’employant pour subsister, à tra- 
duire les journaux étrangers, au 
bureau de la Gazette de France. On 
voit, en parcourant les titres de ses 
productions, que Constant-Ber- 
rier s’essaya à chanter toutes les 
circonstances ; offrant ainsi en sa 
personne ume triste et nouvelle 
preuve de cêtte vérité, que la pro- 
bité ne suffit pas seule pour faire 
un homme honorable, si elle n’est 
unie à l'indépendance de posi- 
tion, que l’ordre et l’industrie 
peuvent uniquement garantir. 


Liste des ouvrages 
de J.-Fr. Constant-Berrier. 


I. Ode à LL. MM. II.et RR. 
Napoléon - le- Grand et Marie- 
Louise d’Autriche. Paris, Mi- 
chaud , 1810; in-8. 

IL. Siances à LL. MM. II. et 
RR. sur la naissance du Roi de 
Rome. Paris, Egron, 1811; in-8. 

III. Le Livre du Destin, poëme 
sur la naissance du Roi de Rome 
(dans les Hommages poétiques à 
Napoléon. t. I1, p. 233). 

IV. (Avec Armand Ov.....) 
Le Mari Confident, comédie-vau- 
deville, représentée sur le théâtre 
de l’'Ambigu-Comique, le 2 août 
1520. Paris, Fages, in-8, de deux 
feuilles un quart. 

V. Le Dévouement de Males- 
herbes. Paris, imprimerie de M° 
Jeunehomme-Crémière , 1821 ; 
in-8, d’une feuille un huitième. 

VI. (Avec Armand Ov..... ) 
L’Epicurien malgré lui, vaudeville 
en un acte, représenté sur le 
théâtre de la Porte-Saint-Martin, 
le 14 novembre 1822. Paris, 
Quoy; in-8, de deux feuilles. 

VII. La Restauration des lettres 
et des arts sous Francois I”, ode 


COR 65 


qui a concourupour le prix de poé- 
sie, à l’Académie française. Paris , 
Delaunay,1822; in-8, d’une demi- 
feuille. — tiré à cent exemplaires. 

VIIT. Les Médecins Français et 
les Sœurs de Sainte-Camille à Bar- 
celonne , pièce qui a concouru pour 
le prix de poésie, à l’ Académie fran- 
caise. Paris, Delaunay, 1822; in-8, 
d’une feuille. 

IX. (Avec Armand Ov.....) 
Les Deux Lucas , vaudeville en un 
acte , représenté sur le théâtre de 
la Gaîté, le 5 mars 1823. Paris, 
Duvernoy ; in-8, de deux feuilles 
et demie. 

X. (Avec le même et Hippo- 
lyte L***) Félix et Roger, pièce 
en un acte, mêlée de couplets, 
représentée sur le théâtre de la 
Gaîté, le 3 février 1824. Paris, 
Barba ; in-8, de deux feuilles un 
quart. 

Constant-Berrier concourut en 
1824, à la Société des Bonnes 
Lettres , sur là question des avan- 
tages de la légitimité, Son travail 
obtint une mention honorable ; 
mais il n’a point été imprimé. 


CORDIER (. . . . . ). Ilétait 
juge de paix à Coulommiers, en 
Brie, et fut député de Seine-et- 
Marne , à la Convention nationale. 
Dans le jugement de Louis XVT, 
il vota la mort de ce prince, 
contre l’appel au peuple et contre 
le sursis. Depuis, on l’a entière- 
ment perdu de vue. Il est mort à 
Bruxelles, où il vivait dans l'exil, 
le 24 octobre 1824, à la suite 
d’une maladie de langueur. Les 
journaux ont publié qu’il avait ma- 
nifesté les sentimens les plus vrais, 
de religion et de résignation ; 
ils ont ajouté qu’un service avait 
été célébré pour le D :: son 


66 CUG 

âme,dans l’église de Notre-Dame, 
de Bruxelles. Ni le Monileur , ni 
aucune autre source qui nous soit 
connue , ne fournissent de détail 
sur la carrière politique ou sur la 
vieprivée de Cordier; sans doute, 
iln’est sorti qu’un seuljour de lob- 
scurité qui couvre le reste de sa 
carrière ; mais ce jour est de ceux 
dont l’avenir doit garder la mé- 
moire. 


CUGNET DE MONTARLOT 
(N.) naquit à Rioze, départe- 
ment de la Haute-Saône, le5 juil- 
let 1978. «Il servit d’abord, disent 
les auteurs de la Biographie nou- 
velle des Contemporains, dans la 
vingt - troisième demi - brigade 
d'infanterie de ligne. En 1598, il 
prit, entre: Weintherthur et Fra- 
wenfeld , un obusier et deux che- 
vaux, à l’ennemi. Les blessures 
graves qu'ilavaitreçues dans cette 
campagne, ne lui permettant pas 
de supporter les fatigues de la 
marche, il entra, en l'an VIII 
(1599 ): dans le deuxième régi- 
ment de chasseurs à cheval. A la 
baiaille de Sienne, en Toscane, 
en l’an IX (1800), il chargea seul 
sur une pièce de canon, tua Île 
canonnier qui allait mettre le feu, 
et en rejoignant son corps, il fit 
prisonnier trois Cavaliers napoli- 
tains. il compte trente-trois bles- 
sures. Les gazettes d'Autriche et 
de Saxe ont publié le fait suivant : 
le 24 mai 1815, M. Cugnet de 
Montarlot, charge de la police du 
convoi des subsistances de l’ar- 
mée, conduisait un convoi de 
quarante-cinq voitures de vivres, 
escorté par deux cent trente 
hommes. L’escorte était réduite 
à cent hommes, extrêmement fa- 
tigués et pouvant à peine mar- 


[4 IS ALL 0 LES LT 02 


CUG 


cher , lorsque trois cents Cosaques 
se jettent sur elle, et cherchent à 
lui enlever le convoi. Cugnet de 
Montarlot, à la tête des braves 
dont il prit le commandement, fit 
si bonne contenance, que l’enne- 
mi fut forcé de se retirer, après 
avoir perdu beaucoup de monde. 
Deux heures auparavant , les 
mêmes Cosaques avaient pris deux 
canons et des caissons, à deux 
cent cinquante Français. » 
in1816,Cugnetde Montarlotfut 
arrêté comme prévenu d’avoir fait 
partie d’une société secrète, dite 
des Chevaliers du Lion, et dont le 
procès, devenu célèbre, est connu 
sous le nom d'affaire de lEpingle 
noire, à cause du signe de rallie- 
ment que l’accusation prêtait aux 
conjurés. Après dix-huit mois de 
détention, les accusés traduits de- 
vant la cour d’assises de la Seine, 
furent acquitlés par le jury (1). 
Au sortir de la Conciergerie, Cu- 
gnet de Montarlot entra dans les 
bureaux de l Indépendant, journal 
de l’opposition du côté gauche, 
qui se publiait à cette époque; 
mais il ne put y être employé que 
d’une manière subalterne. En 
1818, à la faveur de la législation 
qui laissait une liberté illimitée 
aux écrits périodiques publiés à 
des époques irrégulières, on vit 
éclore une foule de pampbhlets 
rédigés souvent avec autant de 
virulence que de légèreté. Parmi 
eux , le Nouvel Homme gris 
(1818 et 1819; Paris, Brissot- 


(1) Voyez Conspiration des Cheva- 
liers de l'Epingle noire , contenant 
l'acte d'accusation, les débats, etc. 
Paris, Plancher et Delaunay, 1817; 
in-8, de 5 feuilles et demie. 


CUG 


Thivars, x1 livraisons, in-8) (1) 
sut encore se faire distinguer par 
son audacieuse amertume. La cou- 
verture des cahiers de ce journal 
portait le nom de Cugnet de Mon- 
tarlot, qui en était effectivemeut 
l'éditeur responsable, mais qui 
fut toujours s incapable de concou- 
rir de sa plume, à la rédaction. 
Plus tard, le journal s’intitula : 
le Libéral, ( dont il a paru douze 
numéros, publiés en 1819, in-8, 
Paris, ci Thivars ). Un DL 
vidu nommé Coquelet ayant été 
tué par un soldat de la garde 
suisse , il parut à cetle occasion, 
dans le Libéral un article où lon 
disait que le $uisside pourrait bien 
devenir le mot d’ordre universel 
des habitans de Paris. Le pro- 
cureur - général près la Cour 
royale ayant vu dans ce jeu 
de mots, une provocation au 
meurtre, poursuivit l’éditeur res- 
ponsable du Libéral, à ce qu’on as- 
sure, contre l’intention du Garde- 
des-steaux (M. de Serres), qui 
professait à cette époque , une 
grande tolérance pour la presse. 
Cugnet de Montarlot traduit 
devant la cour d’assises de la 


(1) L’Homme gris est le principal 
personnage d’un roman allemand que 
MM. d'Aubigny et Pujol firent parai- 
tre, en 1817, sur la scène de l'Odéon. 
C'est un original franc et brusque, à 
qui l’on donne un sobriquet emprunté 
de la couleur des vêtemens qu'il porte 
habituellement. — La Tabie du vo- 
lume de 1820, dela Zibliographre de 
la France , attribue à Cugnet de Mon- 
tarlot l'Homme gris, Almanach fran- 

çais, orné d'une victoire par jour, etc. 
(Paris, Poulet, 1820, in-18, de 4 feuil- 
les 479). Ce volume est en effet com- 
posé presque tout entier, d'extraits du 
journal l’Homme gris; mais Cugnet de 


CUG 65 


Seine ; fut encore acquitté hr le 
jury y (2). 

L'année suivante, le système 
politique et le ministère ayant 
changé, à la suite du funeste as- 
sassinat de M. le duc de Berri, 
Cugnet de Montarlot publia un 
écrit intitulé : Opinion et protes- 


tation de Cugnet de Montarlot, ex- | 


commissaire des guerres, l’une des 
victimes du pouvoir discrétionnaire 
résultant de la loi du 9 novembre 
1819, contre les propositions qui 
tendent à porter atteinte à la loi des 


éleclions , à la liberté individuelle et 


à la liberté de la presse, adressées 
à M. le président de la Chambre 
des Députés, le 19 février 1820 
(Paris, imprimerie de Renaudière, 
1820, in-8, d’un quart de feuille). 
Cugnet fut en effet un des pre- 
miers atteints par les lois contre 
lesquelles il protestait d'avance. 
Arrêté d’abord extra-judiciaire- 
ment, en vertu de la loi suspen- 
sive de la liberté individuelle, il 
fut immédiatement impliqué dans 
un procès politique, désigné sous 
la dénomination de Conspiration de 
PEst, laquelle avait pour but, sui- 
vant l’acte d’accusation, d’enle- 


Montarlot est resté étranger à la ré- 
daction de ce dernier, et par suite, à 
la composition de l'Homme gris, al- 
manach qui du reste ne porte point 
son rom. 

(2) H parut à l'occasion de ce procès, 
un pamphlet judiciaire intitulé: Pre- 
cis analytique pour servir de Jjustifr= 
cation à Cugnet de Montarlot (ex- 
commissaire des guerres) , en réponse 
à une injure de 1. de Vatimesnb, 
avocat-géneral faisant les fonctions 
du ministère public , dans l'affaire du 
Libéral , à l’occasion des Suisses , Le 
14 juillet 1819. Paris, Corréard , 1819; 
in-8, d'une feuille un quart. 


68 CUG 

ver où même d’assassiner M. le 
ducd’Angoulême , dans un voyage 
qu'il fit en Franche-Comté. Après 
cinq mois de détention, la cour 
de Besancon déclara qu'il n’y 
avait lieu à suivre contre Cugnet 
de Montarlot ; il fut mis en liberté, 
et ceux de ses co-accusés qui 
avaient été renvoyésdevantla cour 
d'assises du Doubs, furent peu de 
temps après acquittés par le jury. 
Tant de tribulations qu’il avait 
peut-être provoquées en partie, 
par son imprudence, aigrirent 
Cugnet de Montarlot. Croyant 
sa liberté trop exposée en France, 
il passa en Espagne, en 1821. Les 
journaux de ce pays parlèrent de 
lui, comme essayant de jouer un 
rôle dans le parti démocratique. 
Un mouvement attribuéaux com- 
munéros, fut comprimé à Sarra- 
gosse ; et Cugnet de Montarlot se 
vit aussi poursuivi en Espagne, 
comme ayant pris une part active 
à ce nouveau complot. Alors il re- 
passa clandestinement en France, 
et parcourut, en se cachant, quel- 
ques-uns des départemens du 
midi. Après la journée de Madrid, 
du 7 juillet 1822, il crut pouvoir 
rentrer en Espagne. L’on doit 
supposer qu'il s’y occupait de sus- 
citer des obstacles à l’invasion des 
Français, ou même d’y provoquer 
une diversion, en excitant quel- 
ques mouvemens sur leur fron- 
tière , puisque le Moniteur publia 
au commencement de 1823, une 
pièce en forme de proclamation , 
surprise sur un de ses émissaires. 
Ce document qui annonce un cer- 
veau dérangé plutôt qu’un enne- 
mi dangereux, prouve, s’il est au- 
thentique, que l’auteur n’avait 
pas la plus légère notion des vé- 
ritables doctrines du parti poli- 


CUV 


tique qu'ilavait autrefois compro- 
mis par les ardeurs de son zèle , et 
que tout imbudes idées vaniteuses 
et féodales de la monarchie mili- 
taire de Napoléon, il confondait 
aveclesprincipesdelaRévolution, 
quelques locutions hyperboliques 
quine sont plusemployéesaujour- 
d’hui que par ses zélateursles plus 
subalternes. Dans cette pièce, Cu- 
gnet se qualifie chef du grand em- 
pire français,etse gratifie de décora 
tions de l’ordre du Soleil. Cugneide 
Montarlot échappa aux Français, 
même après qu'ils eurent envahi 
toute l'Espagne ; mais il devait en- 
fin rencontrer la destinée violente 
qu’il semblait rechercher avec une 
sorte d'inquiétude. Il se mêla, 
sous le nom de D. Carlos de Mal- 
sot, à la petite troupe d’Espagnols 
du parti constitutionnel, qui, 
partis de Gibraltar ou de la côte 
d'Afrique , s’emparèrent, au mois 
d'août 1824, de la forteresse de 
Tarifa. Délogé de cette retraite 
par les troupes françaises, il 
tomba entre les mains des Espa- 
gnols, fut condamné à mort par 
une commission militaire de cette 
nation, et fusillé à Almeria, en 
Andalousie, le 24 août 1824. — 
À l’époque où l’Homme gris fai- 
sait quelque bruit dans le monde, 
un dessinateur s’avisa de publier 
le portrait lithographié de Cugnet 
de Montarlot. 


CUVELIER pe TRIE (JEan- 
GUILLAUME - AUGUSTIN ), auteur 
dramatique, naquit à Boulogne- 
sur-Mer, le 15 janvier 1766. Il fut 
recu avocat au barreau de cette 
ville, après avoir fait ses études 
à Paris, au collège des Grassins. 
Mais la Révolution le jeta dans 
une carrière différente. Nommé 


AT TT, 


ou D 


dti 


. 


- CUV 


capitaine dans la garde nationale 
de Boulogne , il assista comme 
député de ce corps, à la première 
fédération , du 14 juillet 1790. 
Ceite fois, la littérature et lambi- 
tion le retinrent à Paris ; il obtint 
successivement l'emploi de com- 
missaire au gouvernement dans 
les départemens de POuest, et de 
sous-chef dans les bureaux de 
l'instruction publique. Cuvelier, 
qui était fils d’un ancien militaire, 
avait porté l’uniforme dès l’âge de 
douze ans, en qualité de garde 
d'artillerie du petit port d’Amble- 
teuse. I] le reprit de nouveau après 
le 18 brumaire, er qualité de hus- 
sard du premier Consul; servit à 
la deuxième armée de réserve, en 
Suisse et dans les Grisons, ensuite 
à l’armée du Rhin. Nommé au 
mois de prairial an XIT, capitaine 
de première classe, commandant 
les guides - interprètes, il fit les 
premières campagnes de Prusse 
et de Pologne. Les fatigues de cette 
guerre et les rigueurs du climat 
lui firent contracter un rhuma- 
tisme aigu , qui le força de renon- 
cer au métier des armes. Il lé- 
changea contre celui des lettres, 
dans lequel il sut conquérir des 
succès productifs et bruyans. Il 
est regardé comme le créateur du 
mélodrame. On avait cependant, 
je crois, joué Le Château du Diable, 
au théâtre de Molière, avant qu'il 
donnûât l'Enfant du Malheur, à 
l’Ambigu. Des mélodrames nom- 
breux, joués sur les divers théâ- 
tres du boulevard, le firent pro- 
clamer de son vivant, l’un des 
pères de cette scène subalterne, et 
lui acquirent le surnom ironique 
de Corneille du boulevard. TX est 
certain que Cuvelier abusa de sa 
facilité et du peu d’exigence des 


CUV 69 


spectateurs auxquels s’adressaient 
ses tableaux, pour produire sur les 
théâtres populaires, des ouvrages 
qui furent bien plus des spécula- 
tions d’argent que des œuvres lit- 
téraires ; aussi ses moyens drama- 
tiques sont-ils trop souvent com- 
muns etpeu vraisemblables, en 
même temps que le dialogue de 
ses personnages est emphatique 
et incorrect. Il faut convenir 
pourtant qu’il dut être doté, par 
la nature, d’un esprit bien fé- 
cond , et d’une imagination fertile 
en toute sorte de combinaisons, 
celui qui produisit sur la scène 
plus de cent actions dramatiques, 
toutes abondantes en ingénieuses 
inventions, en situations pathéti- 
ques ou terribles, en tableaux ef- 
froyables ou gracieux. Savoir 
amuser ou attendrir le peuple de 
Paris, ce peuple dégrossi par la 
présence et le contact du foyer de 
la plus exquise civilisation, etau- 
quel se mêlent d’ailleurs , au théä- 
tre , les gens de lettres et les gens 
du monde, n’est-ce pas posséder 
un mérite plus réel, un talent 
plus original , que celui de tant de 
beaux esprits, qui encadrent sy- 
métriquement des traits rebattus 
de l’histoire ancienne , suivant les 
règles qu’on nous apprend au col- 
lége, et sans jamais rencontrer 
une situation attachante, un mot 
vrai, une pensée nouvelle ? 
Cuvelier est mort le 25 mai 
1924, âge de cinquante-huit ans. 
Depuis seize années , il était per- 
clus des jambes et des cuisses. Sa 
philosophie et sa gaité, dans cette 
triste situation, le faisaient com- 
parer à Scarron, auquel il ne res 
semblait d’ailleurs que par ses 
beaux côtés. — On a publié : Pa- 
roles funèbres prononcées sur la 


7o CUV FA 


tombe de notre ami J.-G.-A. Cu- 
velier de Trie, capitaine de cavalerie 
en retraite, membre de la Légion- 
d'Honneur, conservateur ad vitam 
de la R.. L.'.des Artistes, O.*. de 
Paris, le Jeudi 25 mai 1824. in-8 
d’une feuille, imp. de Dondey- 


Dupré père; signé Dondey=D wpté: 


fils. 
Liste des ouvrages 


de J.-G.-A. Cuvelier (1). 


J. La Féte de l’Etre-Supréme. 
20 prairial, an IT. 

If. Le Codicille, ou les Deux 
Héritiers, comédie représentée au 
théâtre Montansier. Juin, 1799. 

II. La Caverne dans les Pyré- 
nées , pantomime en trois actes. 
1709. 

IV.Quel Guignon ! pantomime 
(indiquée dans la France Lilléraire 
de Ersch). 

V. Le Menuisier de 
35 brumaire, an HIT. 

VI. Les Akankas, prologue; 
suivi des Espagnols dans la Flo- 
ride. an IT. 

VII. La Fille Hermite, 1° bru- 
maire, an IV. 

VIII. Le Génie Azouf, ou Les 
Deux Coffrets. 4 nivose, an IV. 

1X. Le Damoisel et la Bergerelte, 
historiette du 15° siècle , ornée 
d’airs notés. 1799, in-8. 

Cuvelier a composé depuis, une 
pantomime, sous le même titre et 
sur le même sujet, jouée d’abord 
sur le théâtre de la Cité; remise 
le 13 pluviose an VIT, avec des 
changemens; enfin , imprimée 
chez Barba, en 1804 et1818,ayant 


Vierzon. 


(1) La bibliographie de cet article a 
été rectifiée et complétée d’après des 
notes manuscrites communiquées par 


M. Beuchot, 


LR Let. 4 PR 2e 


CUV 


pour second titre : La Femme 
vindicative, et jouée au Cirque- 
Olympique de MM. Franconi frè- 
res, rue du Faubourg-du-Temple. 

X. Le Phénix, ou PIle des 
Vieilles. 19 brumaire , an V. 

XI. Le Conseil de Lucifer, pro- 
logue; suivi des Tentations, ou 
Tous les Diables. 25 frimaire, an V. 

XII. L°Enfant du Malheur, ou 
les Amans muets, comédie-féerie 
en quatre actes et en prose, mêlée 
de pantomimes,combatset danses, 
représentée pour la première fois, 
le 9 germinal, an V. 1599, in-8. 
— remise en scène par M. Fran- 
coni jeune, et reprise au théâtre 
du Cirque-Olympique, faubourg 
du Temple, le 2 août 1819. Paris, 
Barba, 1817; in-8. 

XHI. (Avec Bouilly ) La Mort 
de Turenne, pièce historique et 
militaire, à grand spectacle, en 
trois actes , mêlée de pantomimes, 
combats et évolutions, représen- 
tée pour la première fois, le 29 
prairial, an V (1797). in-8. 

XIV. Les Faux Monnayeurs, 
ou la Vengeance, drame en trois 
actes, mêlé de chants, repré- 
senté pour la première fois, le 
12 floréal, an V (1597). in-8. 

XV. C’est le Diable, ou la Bo- 
hémienne. 28 brumaire, an VI. 

XVI. Les Quiproquos noctur- 
nes. 25 frimaire, an VI. 

XVII. (Avec Hapdé) Le Petit 
Poucet, ou POrpheiin de la Forét, 
drame en 5 actes et en prose, 
mêlé de chants, etc. ventose, an 
VIE, in-8. — cinquième édition, 
1801, in-8. 

XVIII L’Anniversaire de la 
Fête de la Souveraineté. 50 ven- 
tose , an VI. 

XIX. La Naissance de la Pan- 
tomime. 2 floréal, an VI. 


ve 


CUV 


XX. L'Héroine Suisse, ou 
Amour et Courage. 7 prairial , an 
VI. 

XXI. Frédégilde, ou le Démon 
Familier, drame à grand specta- 
cle, en quatre actes, mêlé de 
pantomimes, chants, danses et 
évolutionsmilitaires. 15brumaire, 
an VII (1798). 

XXII. La Fille Hussard, ou 
le Sergent Suédois. 29 frimaire, 
an VII ( date d’une reprise). 

Cuvelier a publié un roman, 
sous ce même titre : un vol. in-18. 

XXIII. L'Empire de la Folie, 


ou la Mort et l À pothéose de don - 


Quichotte. prairial, an VIE. 

XXIV. Le Tombeau de Turenne, 
ou {Armée du Rhin à Saspach. 
an VII. — repris le 6 novembre 
1809. 

XXV. Les Miquelets, ou le Re- 
paire des Pyrénées. 50 brumaire, 
an VIIT. 

XX VI. Les Chevaux savans, où 
les Arabes à Marseille. 14ventose, 
an VIIT. 

XXVIT. Le Chevalier Noir, ou 
le Dévouement de l Amitié , drame 
à grand spectacle, en 3 actes. 17 
prairial, an IX (1801), in-8. 

XXVIII. Les Deux Sylphes, 
prologue, suivi des Hommes de la 
nature et des Hommes policés. 
1°° fructidor , an IX. 

XXIX. Le Chat Botté, ou les 
V'ingt-quatre heures d Arlequin , 
opéra-pantomime, en quatre actes. 
29 ventose, an X (1802), in-8. 

XXX. Le Tribunal invisible , 
ou le Fils criminel, meélodrame 
en trois actes, mêlé de pantomi- 
mes, chants et danses. 10 floréal , 
an X (1801), in-8. 

XXXI. Les Hommes et les Fem- 
mes. an X. 


AXXII. Kallick-Fergus, ou les 


s CUV 71 
Génies des Iles Hébrides, en trois 
actes. 16 nivose, an XI (1803), 
in-8. 
XXXIIT. Ardres sauvée, ou les 
Rambures. 23 pluviose, an XI. 
XXXIV. A-t-il deux Femmes? 


ou Les Corsaires Barbaresques. 
an XI. | 
 XXXV. L’Oficier cosaque. 19 
germinal , an XI. 


XXXVI. L'Enfant Bradioue. 
9 frimaire, an XII. 

XXX VII. ctrat ali nan 
et Morange) Le Nain Jaune, ou 
la Fée du Désert, mélodrame-fée- 
rie, en trois actes et en prose. 
27 nivose, an XEE (1804), in-8. 

XXXVIIE Téfe d’Airain, ou 
le Prince à deux faces, pantomime 
en trois actes, à grand spectacle. 
7 ventose, an XEL (1804), in-8. 

XXXIX. Hermann et Sophie, 
ou le Carnaval Bavarois. 11 vendé- 
miaire , an XIV (5 octobre 1805). 

XL. Dago, ou les Mendians 
d’Espagne. 12 juin 1806. 

XLI. L’Enchanteur  Morto- 
V'ivo, prologue, suivi de l’Lle du 


Silence, ou l’ Arlequin malgré lui. 
15 juin 18006. 
XLIY. La Lanterne de Diogène. 


28 décembre 1807. 

XLIIT. Les Français en Pologne. 
9 mars 1805. 

XLIV. Fradiavolo, ou Le Frère 
Diable. 15 août 1808. 

XLV. La Bataille d’Aboukir, 
ou les Arabes du désert. 7 septem- 
bre 1808. 

XLVI. Cavdalo Dios, ou le Che- 


val Génie bienfaisant. 16 novem- 
bre 1508. 
XLVII Nouvelles, Contes, 


Historiettes, Anecdotes, Mélanges. 
1808, 2 vol. in-8. 
XLVIII. La Belle Espagnole, 


72 » CUV 
ou l’Entréetriomphale des Francais 
à Madrid. 14 janvier 18009. 

XLIX. V’aliher-le-cruel, ou 
la Geôlière de Mergentheim. 235 
août 1809. 

L. La Fille mendiante. 
tobre 1809. 

LI. Le Bandit sans le vouloir 
et sans le savoir. 1809, 5 vol. in-12. 

Cuvelier a fait aussi une panto- 
mime sur le même sujetetsous le 
même titre que sonroman. 

LIT. ( Avec Franconi cadet) 
Gérard de Nevers et la Belle Eu- 
ryant, scènes pantomimes, etc., 
représentées au Cirque-Olympi- 
que, le 11 février 1810. — nou- 
velle édition , Paris, Barba, 1814, 
in-8. — nouvelle édition, ibid, 
1820. 

LIITI. La Main de Fer, ou l'E- 
pouse criminelle. 24 mars 1810. 

LIV. Le Faux Ami. 20 juillet 
1810. 

LV. La Famille Savoyarde, ou 
les Jeux de la Fortune. 16 août 
1810. 

LVI. Martial et Angélique, ou 
le Cheval accusateur , scènes pan- 
tomimes, équestres et anecdoti- 
ques, en trois parties, représen- 
tées au Cirque-Olympique , le 10 
novembre 1810, et reprises le 
15 février 1812. Paris, Barba, 
1812, in-8. 

LVITI. T'ilberge l’ Amazone, ou 
les Monténégrins. 6 décembre 
1810. 

LVIII. Le Jugement Suprême; 
ou l’Innocence sauvée. février 
1811. 

LIX. L'Enfant d’Hercule, ou 
les Deux Temples. 1° avril 1811. 

LX. L’Entrée des Chevaliers 
français dans Sérica, prologue , 
suivi du Chevalier de la T'able 
Ronde. 17 juin 1811. 


12 OC- 


CUV 


LXT. Séanislas Lesczinski, ou 
le Siége de Dantzick. 25 juin 1813. 

LXIT. Don Quichotte et Sancho . 
Pança. 1811. 

LXYII. (Avec Villiers) La Pe- 
tite Nichon, ou La Petite paysanne 
de la Moselle , anecdote consignée 
dans le Journal de Paris, le 5 no- 
vembre 1811, petits tableaux, 
en une petite action, précédés 
d’un petit prologue, représentés 
à la salle des Jeux Gymniques, le 
samedi 23 novembre 1811. chez 
Barba, in-8. 

LXIV L'Enfant Prodigue, ou 
les Délices et les Dangers de Mem- 
phis. 22 janvier 1812. 

LXV. Le V'olcan, ou l Anacho- 
rèle du Val des laves , pantomime 
magique, en trois actes, à grand 
spectacle , musique de M. Alexan- 
dre , ballets de M. Camus, décors 
de M. Moench, costumes exécutés 
sur les dessins de M. Isidore ; re- 
présentée pour la première fois au 
Cirque-Olympique, le 11 mars 
1812. chez Barba, in-8. 

LXVI. La Fille Sauvage, ou 
Inconnue des Ardennes , mélo- 
drame en trois actes et à grand 
spectacle, représenté pour la pre- 
mière fois, à Paris, sur le théâ- 
tre de la Gaîté, le 51 mars 1812. 
Chez Barba, in-8. 

LXVII. LaFemme Magnanime, 
ou le Siége de La Rochelle,musique 
par M. Alexandre, divertissemens 
de M. Morand, costumes et décors 
de M Isidore; représenté pour la 
première fois, à Paris, au Cirque-. 
Olympique, le 2 mai 1812. Paris, 
Barba, 1812, in-8. 

LXVIII, Le Regard, ou (a 
Trahison. 8 septembre 1812. 

LXIX.Le Renégat, ou la Belle 
Géorgienne, pantomime chevale- 
resque , en trois actes et à grand 


CUV 


spectacle, tirée de la Vieille Chro- 
nique des Croisades, représentée 
sur le théâtre du Cirque-Olympi- 
que, le 25 novembre 1812; et 
reprise pour l'ouverture de la 
nouvelle salle de MM. Franconi, 
le 8 février 1817. — nouvelle édi- 
tion, corrigée. Paris, Barba, 1817, 
in-8. 

LXX. La Pauvre Fille, ou la 
Victime de la séduction , panto- 
mime en trois actes, musique ar- 
rangée par M. Alexandre, repré- 
sentée pour la première fois, à Pa- 
ris, au théâtre de la Gaïîté, le 
9 mars 1819. Paris, Barba, in-8. 

LXXI. La Pucelle d'Orléans, 
pantomime historique et chevale- 
resque, en trois actes, à grand 
spectacle, précédée du Songe de 
Jeanne d Arc, et terminée par son 
Apothéose, représentée pour la 
première fois, à Paris, au Cirque- 
Olympique, le 10 novembre 1 815. 
Chez Barba, in-8. — nouvelle 
édition, 1814, in-8. 

Le tome V de la France Litté- 
raire de Ersch , imprimé en 1806, 
donne à cette pièce la date de 1803. 
Les notes manuscrites de M. Beu- 
chot lui donnent celle du 25 ger- 
minal an XI. De là, il est néces- 
saire de conclure que la pièce 
avait déjà paru sur quelque autre 
théâtre, avant de se produire 
pour la premiere fois, au Cirque- 
Olympique. 

LXXII. Adolphe de Halden, 
ou l’Orphelin du Château, mélo- 
drame en trois actes, représenté 
sur le théâtre de la Gaîté, le 12 
octobre 1815. Paris, Barba, in-8. 

LXXIIT Saint-Hubert, ou le 
. Cerf Miraculeux , pantomime en 
trois actes el à grand spectacle, re- 
présentée pour la première fois, à 
Paris, au Cirque - Olympique, le 


CUV 73 
22 janvier 1814.—remise avec des 
changemens,le 21septembre1814. 
— seconde édition, Paris, Barba, 
1814, in-8. 

LXXIV. Alcibiade 
8 mars 1814. 

LXXV. L’Entrée de Henri IV 
à Paris. 50 avril 1814. 

LXXVI. La Jeunesse du grand 
Condé, ou la Bataille de Rocroy, 
pantomime historique, mêlée de 
dialogues, en trois actes et à grand 
spectacle, représentée pour la pre- 
mière fois, sur le théâtre du Cir- 
que-Olympique, le 11 juin 1814. 
Paris, Barba, in-8. 

LXXVII La Paix ou la Fête 
d’un bon Roi. 28 juin 1814. 

LXX VIII. Le Vieux de la Mon- 
tagne, ou les Arabes du Liban, 
mélodrame en trois actes, en prose 
et à grand spectacle, représenté 
sur le théâtre de la Porte-Saint- 
Martin, le 26 décembre 1814. 
Paris, Barba, in-8. 

LXXIX. Les Martyrs, ou Eu- 
dore et Cymodocée, pantomime en 
trois actes, à grand spectacle, ti- 
rée de l’ouvrage de M. de Chä- 
teaubriand. Paris , Barba, 1824 ; 
in-8. 

LXXX. Dieu, l’Honneur et les 
Dames. 1° avril 1815. 

LXXXI. Bélisaire. 
1815. 

LXXXII. Le Chef Ecossais, où 
la Caverne d’Ossian, pantomime 
en deux actes, à grand spectacle, 
avec un prologue ; représentée sur 
le théâtre du Cirque-Olympique, 
le 25 septembre 1815. Paris, 
Barba, in-8. 

LXXXIII (Avec Francont 
jeune) Sancho dans Pile de Bara- 
Laria, pantomime bouflonne, en 
deux actes, avec un prologue, etc.: 
représentée sur le théâtre du Cir- 


Solitaire. 


19 avril 


54 EUv 


que-Olympique, le 14 février 
1816. Paris, Barba, in-8, 

LXXXIV. L'Union des Lys, 
ou Le Triomphe du Génie du bien, 
féerie mêlée de pantomime, de 
chants et de danses, en deux actes 
et à grand spectacle , représentée 
(à l’occasion des fêtes pour le 
mariage de S. À. R. le duc de 
Berri) au théâtre de la Porte- 
Saint-Martin , le 15 juin 1816. 
Paris, Barba, in-86. 

LXXXV. {Avec Léopold) Le 
Sacrifice d'Abraham, pièce en 
quatre actes, à grand spectacle, 
mêlée de pantomimeset de danses, 
représentée sur le théâtre de la 
Gaïté, le 20 juin 1816. Paris, 
Barba, in-8. 

LXXXVI. ( Avec Hubert) 
L'Homicide, où les Amis du Mo- 
gol, melodrame en trois actes, à 
grand spectacle, représenté sur 
le théâtre de l’Ambigu-Comique, 
le 8 janvier 1817. Paris, Fages, 
in-8. 

LXXX VIT. (Avec Léopold) La 
Gucule de Lion, ou la Mère es- 
clave, mélodrame en trois actes 
et en prose, représenté sur le 
théâtre de la Gaîté, le 14 janvier 
1817. Paris, Barba , in-8. 

LXXXVIIL ( Avec Brazier ) 
Le Boulevard du Temple, vaude- 
ville en un acte, pour l'ouverture 
de la nouvelle salle de MM. Fran- 
coni, représenté sur le théâtre du 
Cirque-Olympique , le 8 février 
1817. Paris, Barba, in-8, — deux 
éditions. 

LXXXIX. Aacbecth, ou Les 
Sorcières dela Forêt, pantomime 
en trois actes, à grand spectacle , 
avecune {ntroduction, représentée 
au Cirque-0Olympique , le 20 mars 
1819. Paris, Fages, in-8. 

XC. (Avec Léopold)Les Macha- 


CUV 

| 
bées ou a Prise de Jérusalem, drame 
sacré , en quatre actes , à grand 
spectacle, représenté sur le théâtre 
de l’'Ambigu-Comique, le 23 sep- 
tembre 1817. Paris, Fages, in-8. 

XCI. ( Avec le même ) Roland 
Furieux , pantomime chevaleres- 
que et féerie, en quatre actes, avec 
des prologues, représentée au Cir- 
que-Olympique, le 21 novembre 
1917. Paris, Fages, in-8. 

XCII. ( Avec le même ) Le 
Coffre de Fer, ou la Grotte des 
Apennins , pantomime en trois 
actes, représentée au Cirque- 
Olympique, le 21 février 1818. 
Paris, Fages, in-8. 

XCII. L’Orphelin soldat, drame 
militaire, en trois actes, repré- 
senité sur le théâtre de la Gaîté, 
le: 5 mars 1818. Paris, Fages, 
in-5. 

XCIV. ( Avec Léopold ) Jean 
Sbogar, mélodrame en trois actes, 
à grand spectacle, tiré du roman 
( de Ch. Nodier ), représenté 
sur le théâtre de la Gaîté, le 24 
octobre 1818. Paris, Fages, in-8. 

XCV. Le More de Venise, ou 
Othello, pantomime entremêlée 
de dialogues, en troisactes, imitée 
de la tragédie anglaise, représen- 
tée sur le théâtre du Cirque-0Olym- 
pique, le 29 octobre 1818. Paris, 
Fages, in-6. 

XCVI. La Mort de Kléber, ou 
les Français en Egypte, mimo- 
drame historique et militaire, en 
deux actes , représenté au Cirque- 
Olympique , le 7 janvier 1810. 
Paris, Fages, in-8. — nouvelle 
édition. Paris, Bezon, 1829; in-8. 

XCVII. L’Ours et l'Enfant ou 
la Fille bannie, mélodrame en 
trois actes, à grand spectacle , 
représenté sur le théâtre du Gir- 


que-Olympique de MM. Franconi, 


mdr PAT 


CUV 


le 19 octobre 1819. Paris, Fages, 
in-8. 


XCVIIT. ( Avec Léopold) La 


Montre d’or ou le Retour du fils, 


mimodrame en deux actes, re- 
présenté au Cirque-Olympique, le 
29 février 1820. Paris, Fages, 
in-8. 

X CIX. (Avec Hélitas de Meun ) 
LaMort du Tasse,tragédie lyrique, 
en trois actes , représentée sur le 
théâtre de l’Académie-Royale de 
musique, le 7 février 1821; mu- 
sique de Manuel Garcia, ballets 
de Milon. Paris, Vente, in-8. 

C. ( Avec Léopold ) La Prise 
de Milan, ou Dorothée et La Tré- 
mouille , pièce en trois actes, à 
grand spectacle; musique arran- 
gée par MM. Leblancet Alexandre, 
ballets de M. Lefèvre , décors de 
M. Joanÿ; représentée sur le 
théâtre de la Gaïté , le 10 février 
1821. Paris, Fages, in-8. 

CI, L’ Attaque du Convoi, mi- 
modrame militaire , en trois actes; 
musique composée et arrangée 
par M. Sergent, ballets de M. 
Chap ; représentée sur le théâtre 
du Cirque-Olympique, le 17 fé- 
vrier 1821. Paris, Fages, in-8. 

CII. (Avec Léopold ) Sydonie, 
ou la Famille de Heindorff, pièce 
en trois actes , à grand spectacle, 
imitée de l'allemand ; musique 
arrangée par MM. Alexandre et 
Marty, ballets de M. Renauzi, dé- 
cors par M. Allaux; représentée le 
3 juillet 1821, sur le théâtre du 
Panorama - Dramatique. Paris , 
Pollet, in-8. 

CILL. (Avec le même) Le Tem- 
ple de la Mort, ou Ogier le Danois, 
pièce en trois actes et à grand 
spectacle, représentée au théâtre 
du Panorama-Dramatique, le 15 


CUV 75 


septembre 1821. Paris, Pollet, 
in-8. 

CIV. L’ Armure , ow Le Soldat 
Moldave. 20 octobre 1821. 

CV. La Prise de la Flotte, ou 
la Charge de cavalerie, mimo- 
drame militaire et historique , en 
trois actes, à grand spectacle, 
mis en scène par M. Franconi 
jeune ; musique de M. Sergent, 
ballets de M. Chap, décoration 
de MM. Demarcy et Justin ; re- 
présenté sur le théâtre du Cirque- 
Olympique, le 12 mars 1822. 
Paris , Fages , in-8. 

CVI. L'Amour Mendiant; ou 
les Deux Chercheurs d'esprit, pan- 
tomime-ballet, en un acte : musi- 
que de M. Amédée, ballets de 
M. Renauzi; représentée au Pa- 
norama-Dramatique, le 26 dé- 
cembre 1822, Paris, Pollet, in-8. 

CVIT. (Avec Caron ) La Fausse 
Aveugle , drame en un acte et en 
prose, représenté sur le théâtre 
du Cirque-Olympique, le 25 no- 
vembre 1823. Paris, Duvernois, 
in-8. 

CVIII. La Gloire et la Paix, 
dialogue dramatique en vers li- 
bres, fait à l’occasion des victoires 
en Espagne, etc. Paris, Dondey- 
Dupré fils , 1825 , in-8. 

CIX. ( Avec Franconi jeune } 
Le Pont de Logrono , ou le petit 
Tambour, suivi de La Prise du Tro- 
cadero , action historique et mili- 
taire, en trois parties, représentée 
pour la première fois, au théâtre 
du Cirque-Olympique , le 7 jan- 
vier 1924. Paris, Bezon , in-8. 

CX. ( Avec Etienne Arago et 
Desvergers) Le Pont de Kehl, ou 
les Faux Témoins, mélodrame en 
trois actes, représenté sur le théâ- 
tre de lAmbigu-Comique, le 6 
août 1824. Paris, Barba, in-8. 


"6 DAL 

Peut-être n’avons-nous pas en- 
core donné la liste entièrement 
complète des ouvrages dramati- 
ques de Cuvelier, puisque le 
rédacteur de { Almanach des spec- 
tacles pour 1825 , dit que le nom- 
bre de ses pièces s'élève à plus 


DAL 


de cent dix. Toutefois, parmi le 
petit nombre de celles qu’il indi- 
que ; nous remarquons seule- 
ment Barberousse-le-Balafré, mé- 
lodrame ,; dont le titre n'était 
point parvenu à notre connais- 
sance. 


D. 


DALMAS ( Joserx-BENoîr) , né 
à Aubenas , en Vivarais , exer- 
çait avant la Révolution, la pro- 
fession d'avocat dans sa ville 
natale. En 1700, il fut nommé 
procureur-général-syndic du dé- 
partement de l’Ardèche, et dut, 
en cette qualité, prendre des me- 
sures contre l'insurrection du 
camp de Jalès, circonstance dans 
laquelle il se conduisit avec mo- 
dération. Député de son dépar- 
tement à l’Assemblée législative , 
en 1791, il y siégea constamment 
dans les rangs du parti constitu- 
tionnel. Le 25 octobre, il s’op- 
posa à toutes les lois répressives 
de lPémigration , soutint qu’elles 
ne feraient qu’aggraver le mal , et 
que d’ailleurs, on n’avait le droit 
de prononcer des peines que 
contre les fonctionnaires publics 
qui abandonnaient leur poste. Le 
11 juillet 1592, il parla avec force 
contre la déchéance du Roi, etrap- 
pela à l’Assemblée le serment 
qu’elle avait fait de maintenir la 
monarchie constitutionnelle. Le 
13, il fit une vive sortie contre 
Pétion , maire de Paris , s’opposa 
à la levée de sa suspension, et de- 
manda la punition de ceux qui, 
le 20 juin, avaient forcé l’entrée 
du château des Tuileries et outragé 
Louis XVI. Enfin, le 10 août , il 


fut un des députés qui accouru- 
rent pour recevoir la famille royale, 
lorsqu'elle vint se réfugier dans le 
sein de l’Assemblée, et il donna 
même son bras un moment, à la 
Reine et à la princesse sa fille. 
Après cette journée, Dalmas ré- 
fugié à Rouen, qui offrait alors un 
asiie aux personnes menacées , 
ne craignit pas de braver le dan- 
ger, pour se dévouer à la défense 
du Roi. Il composa et publia un 
écrit intitulé : Réflexions sur le 
Procès de Louis XVI (1503, 
in-8 ), qu'il envoya à M. de Ma- 
lesherbes. Ce mémoire fut dis- 
tribué à tous les membres de la 
Convention. Poursuivi à raison 
de cette publication , en 1594, ül 
fut arrêté et ne dut probablement 
son salut qu’à la révolution du 
9 thermidor. En 1595, Dalmas fut 
nommé par voie d'élection po- 
pulaire , président du tribunal ci- 
vil du département de l’Ardèche. 
Constant dans ses idées monar- 
chiques , il publia en 1598 , un 
écrit tendant au rétablissement de 
la royauté en France, pour le- 
quel il fut destitué et un mandat 
d’arrêt fut lancé contre lui. Ap- 
pelé au Corps législatif en 1805, 
il y siégea durant cinq ans, et ob- 
tint les honneurs de Ja vice-pré- 
sidence. Lors de la réorganisation 


à tél 


DAM 


des tribunaux ,; en 1811, il fut 
nommé conseiller à la Cour im- 
périale de Nîmes. Le 19 octo- 
bre 1815, M. Dalmas fut pré- 
senté au Roi, comme président 
du Collége électoral de l’Ardèche, 
ets. M. réponditau discours qu'il 
lui adressa : « Je n’oublierai jamais 
» le service que vous nous avez 
» rendu dans une circonstance 
» bien désastreuse. » En effet, 
M. Dalmas fut nommé préfet de 
la Charente-Inférieure , le 13 no- 
vembre 1815. Il fut révoqué par le 
ministère de 1818, et nommé en 
1822, par un nouveau ministère, 
à la préfecture du Var. Il est mort 
à Draguignan, chef-lieu de ce 
département , d’une attaque d’a- 
poplexie , le 10 août 1824. — On 
trouve une notice sur J. B. Dal- 
mas , dans le Moniteur du 1° sep- 
tembre 1824. 


DAMPIERRE ( Antoine - Es- 
MONIN , Marquis de), né à Beaune, 
en Bourgogne, au mois de jan- 
vier 1745, d’une famille de mi- 
litaires ( son aïeul maternel était 
maréchal-de-camp d'artillerie ), 
suivit la carrière de la magistra- 
ture: Il fut successivement con- 
seiller et président à mortier au 
Parlement de Bourgogne, et de- 
puis , président de chambre en la 
Cour royale de Dijon ; il fut aussi 
membre du conseil général du 
département de la Côte-d'Or. Ce 
respectable magistrat est mort à 
Dijon, le 12 septembre 1824. 
Imbu de la lecture des livres 
saints, M.de Dampierre s’était con- 
stamment livré aux méditations 
scripturaires : il en a consigné le 
résultat dans les écrits suivans. 

I. Wérités Divines pour le Cœur 
et PEsprit, par À. de D... (avec 


DAU 77 


cette épigraphe, ) « J’ai cru, c’est 
» pourquoi j’ai parlé ; car de lui, 
» par lui et pour lui sont toutes 
» choses; à lui soit gloire éternel- 
» lement!» Ps. cxvi, vers. 10. et 
Epis. ad Rom. x1, vers. 36. Lau- 
sanne, Daniel Petillet, 1823. 2 vol. 
in-8 ; le premier de xxiv et 4o1 
pages , le 2° de 563 pages. 

IT. Historique de la Révolution , 
tiré des Saintes Ecritures. D'jon, 
imprimerie de Frantin , 1824 ; 
in-8 , de 20 pages. 

( Extrait d’une notice insérée 
dans le Journal de Dijon et de la 
Côte-d Or , du 15septembre 1824, 
signée C. N. AMANTON. ) 


DAUDET ( Rogerr ), graveur, 
naquit à Lyon, en 1759. 11 était 
fils d’un marchand d’estampes de 
cette ville. La vue des modèles 
lui inspira le goût de l’art, et 
après en avoir appris les premiers 
principes, il quitta le magasin pa- 
ternel pour venir à Paris, où il 
entra dans l’atelier de Balechou. 
Le célèbre Wille termina son 
éducation. Ses premiers ouvrages 
remontent vers 1772; Ce sont des 
paysages de l’école flamande, tirés 
du cabinet de M. le duc de Choi- 
seul et ornés de ses armes. De- 
puis cette époque , Daudet ne 
quitta plus le burin jusqu’à l’âge 
de 82 ans, qu’il termina son der- 
nier morceau, la Promenade du 
Prado, à Madrid, pour le Voyage 
en Espüigne ,; de M. Alexandre 
de Laborde : on y reconraît sa 
manière correcte et spirituelie. 
Voici l'indication de ses princi- 
paux ouvrages. 

Vue du Port d’Ostende, d'après 
Solvyns , dédiée à l’archiduchesse 
Marie Christine. 


55 DAV 


Les Ruines de Palmire, dans le 
Voyage en Syrie de Cassas. 
Passage du P6, par Napoléon 
Bonaparte, d'après Carle Vernet. 
Marines, d'après Joseph Vernet. 
Des Batailles réduites, d’après 
Vander-Meulen. 
Six paysages dans le Musée 
Français, de Robillard et Laurent. 
Plusieurs planches dans la Ga- 
lerie de Florence, dans le Voyage 
à Naples de l'abbé de Saint-Non. 
— dans le Voyage en Espagne de 
M. Alexandre de Laborde.— dans 
les Monumens de lHindoustan , 
par M. Langlès, etc., etc. 
Robert Daudet est mort à Paris, 
le 2 juin 1824, âgé de près de 
87 ans. L'œuvre de ce laborieux 
artiste se compose de quatre-vingt- 
deux épreuves. M. Baluse son hé- 
ritier possède l’exemplaire de l’au- 
teur , avec soixante- déux eaux- 
fortes, ainsi qu’un portrait de 
Daudet , dessiné au crayon rouge, 


en 176$, par G. Wille. 


DAVID (FrAnÇois-ANNE) , gra- 
veur de la-chambre et du cabinet 
du Roi, membre des Académies 
de Berlin et de Rouen, est mort à 
Paris, le 2 avril 1824. Ses pro- 
ductions comme artiste, particu- 
riérement les dernières qu'il a 
publiées, ne s'élèvent pas même 
jusqu’à la médiocrité. La plu- 
part furent destinées à devenir 
l’ornemert ou le prétexte de diffé- 
renslivres, Ce qui ne nous permet 
pas de les passer entièrement sous 
silence. Plus d’une fois d’ailleurs, 
David a rédigé le texte qui accom- 
pagne ses wnages. On rencontre 
quelquefois des gravures isolées de 
David, telles qu’un portrait en pied 
de Louis XV TIT, en habits royaux, 
un portrail en pied de Charle- 


DAV 


magne ; en habits impériaux : 
celles-ci ne valent pas mieux que 
ses autres productions. 


Liste des livres de gravures 


de F. A. David. 


I. Elémens du dessin, ou Ca- 
téchisme à l’usage de ceux qui se 
destinent aux beaux-arts ; orné 
de douze planches, d’après les 
plus belles figures antiques, pour 
l'intelligence des mesures et des 
proportions. 15797, in-8. 

IT. Proportions des plus belles 
figures de l'antiquité, accompagnées 
de leur description, par Winckel- 
mann. 1798, in-4, avec vingt 
planches. 

Ces deux ouvrages ont été-tra- 
duits en allemand. Leipzig, 1709, 
in-8. 

IIT. Les Monumens inédits de 
l'Antiquité, expliqués par W'inc- 
kelmann, gravés par David et M°-!° 
Sibire, avec des explications fran- 
çcaises, par À. F.Desodoards.Paris, 
1806 ; 5 vol. in-4. 

"AV. Les Antiquités d’Hercula- 
num, avec les explications , par 
Sylvain Maréchal. Paris, 1780- 
1803 ; 12 vol. in-4. fig. et in-8. 

V. Antiquités Etrusques, Grec- 
ques et Romaines, avec leurs ex- 
plications, par d'Hancarville. Pa- 
ris, 1789-98; 9 vol. in-4. fig. 

« Quoique ceite édition, dit 
M. Brunet (Manuel du Libraire. Y. 
I. page 500), ne soit pas compa- 
rable à celle de Naples, elle est 
pourtant assez bien exécutée, et 
les exemplaires des premières 
épreuves ont quelque valeur. » 

VI. Muséum de Florence, avec 
une explication, par Mulot. Paris, 
1585-1805 ; 8 vol. in-4 et in-8. 

VII. Histoire de France, avec 


DAV 


un Précis historique , par l'abbé 
Guyot. Paris, 1787-06 ; 5 vol. 
in-4, fig. 

VIII. Histoire de France sous 
le règne de Napoléon-le-Grand, re- 
présentéeen figures, accompagnées 
d’un Précis historique, depuis le 
18 brumaire an VIII, par David. 
Paris, 1811-19 ; 4 vol. in-4 (rare). 

IX. Histoire de France jusqu’en 
1814, représentée en figures, par 
F. À. David, avec un Précis his- 
torique, par Ant. Caillot. Paris, 
1818 , 5 vol. in-8. 

X. Histoire d Angleterre, repré- 
sentée en figures, accompagnées 
d’un Précis historique, par Le- 
tourneur et autres, Paris, 1784- 
1800. 3 vol. in-4, fig. 

XI. Histoire d’ Angleterre, sous 
le règne de Georges IIT, depuis 
l’expédition du duc d’York conire 
la Hollande, en 1709, jusqu’à l’a- 
bandon de l’île de Walcheren, en 
1809; représentée en figures, ac- 
compagnées d’un Précis histori- 
que , par David, graveur d’his- 
toire. Paris, 1812 , in-4. — Les 
quatre premitres livraisons seu- 
lement ont été publiées. 

XII. Histoire d’ Angleterre jus- 
qu’au trailé de Paris, en 1814, re- 
présentée en figures, par F. À. 
David, avec un Précis historique , 
par Ant. Caillot. Paris, 1818, 
un vol. in-8. 

Cet article se joint ordinaire- 
mentaun°IXci-dessus; les quatre 
vol. doivent renfermer ensemble 
cent douze gravures. 

XIII. Histoire de Russie, re- 
présentée en figures , accom- 
pagnées d’un Précis historique, 
par Blin de Sainmore. Paris, 
1799-1805 ; 3 vol. in-4, fig. : 

XIV. La Bible des Enfans, re- 
présentée en figures, gravées par 


DEG. 79 


David, d’après les dessins de 
Monnet; accompagnée d’un Pré- 
cis historique de l’Ancien et du 
Nouveau Testament, où l’on a 
conservé les propres paroles de 
l’Ecriture-Sainte. Ancien-T'esta- 
ment. Paris, 1814; in-12, fig. 


Nous ne croyons pas que la, 


partie du Nouveau Testament 
ait jamais été publiée. | 

XV. Livres historiques del An- 
cien - Testament , ornés de pein- 
tures orientales, gravées par F. A. 
David. Première livraison (conte- 
nant le Cantique des Cantiques. ) 
Paris, 1819; in-8, de 2 feuilles. 

Six livraisons étaient *annon- 
cées : nous ne connaissons que la 
première. 

XVI. Le Cabinet du Rot, où 
Les plus beauxTableaux des pein- 
tres de l’école française, accom- 
pagnés d’une notice sur les ou- 
vrages de chaque maître , gravés 
en miniature , par une société d’a- 
mateurs et d'artistes. Paris, chez 
David, 1816: in-12. — A daterde 
la troisième livraison, le titre de 
l'ouvrage porte simplement, par 
F. À. David. I n’a paru que cinq 
livraisons de cet ouvrage. 

XVII. Abrégé de L Histoire uni- 
verselle , depuis le commencement 
du monde jusqu'au XIX® siècle ; 
orné de figures. — Histoire an- 
cienne, depuis la création jusqu’à 
lempire de Charlemagne, par 
Bossuet; les figures par F. A. 
David, d’aprèsles dessins de Mon- 
net. 1815, in-4. — Il n’a paru que 
deux livraisons de cet ouvrage, 
qui devait former deux vol. 


DEGUERLE (Jeax-Nicoras-Ma- 
RE ) naquit à Issoudun, en Berri, 
le 15 janvier 1766. Son père ha- 
bitait Paris, ef était employé dans 


80 DEG 


les bureaux du fermier général 
Francueil. Le jeune Deguerle cul- 
tiva d’abord la poésie légère, avec 
quelque succès; mais, après la Ré- 
volution, il embrassa la carrière de 
l'instruction publique, à laquelle 
il sacrifia entièrement la poésie. 
Il fut successivement professeur 
de rhétorique au prytanée de 
Saint-Cyr , d’éloquence au lycée 
Bonaparte, et à la faculté des 
lettres de l’Académie de Paris; 
enfin, censeur du collége royal 
de Louis-le-Grand. Il est mort 
dans l’exercice de ces fonctions, 
par suite d’une maladie au foie , 
le 11 novembre 1824. —M.Ch. du 
Rozoir, professeur d'histoire à 
Louis-le-Grand , a prononcé un 
Discours sur latombe de M. De- 
guerle (Paris , 1824; in-8, d’une 
demi-feuille ). Les poésies de De- 
guerle ont dela facilité, de la grâce 
et de la correction. Ses écrits en 
prose sont ingénieux et décèlent 
une instruction solide et variée. 
C'était d’ailleurs un homme d’un 
excellent esprit et d’un noble ca- 
ractère. Quelques-uns de ses élè- 
ves et de ses amis ont pu seuls 
l’apprécier complètement sous ce 
rapport : ils savent que la vérité 
et la justice lui furent chères ; et 
qu'il regrettait en silence, de vi- 
vre dans des temps où l’une et 
l’autre furent souvent calomniées 
et persécutées. Honneur à la mé- 
moire du poète ! Paix et béne- 
diction à la tombe de l’homme de 
bien. 


Liste des ouvrages 


de J. N. M. Deguerle. 


I. Les Etats généraux des bêtes. 
1790 ( anonyme ). 
II. Proclamation du camp de 


DEG 


J'alès.1791; brochure pseudonyme 
sous le nom du marquis d’ Arnay. 

III. Origine des Temple de L 4- 
mour, poëme érolique ( en trois 
chants ) par M. de Chanély. 1789; 
Paris, in-8, de 18 pages, sans 
nom de libraire. 

IV. Les Amours, Imitations en 
vers des plus jolis poëtes latins. Pa- 
ris, Pigoreau, an IT (1594); in-8, 
de 126 pages ( anonyme ). 

L'auteur a promis long-temps 
une nouvelle édition de ce recueil 
principal de ses poésies, que ses 
fonctions dans l'instruction pu- 
blique lui firent craindre plus 
tard ,' de reproduire. Il appelait 
alors ces poésies, delicta juventu- 
tis ; sur quoi l’on a observé que 
c’étaient des fautes souvent heu- 
reuses. 11 a aussi promis long- 
temps un poème de Paris el 
Œnone, dont nous croyons qu’il 
n’a composé que des fragmens. 

V. Eloge des Perruques, enrichi 
de notes plus amples que le texte ; 
par le docteur Akerlio. Paris , Ma- 
radan , an VII (1799). in-12. — 
traduit en hollandais. Amsterdam , 
1800 , in-8. 

C’est une débauche d’érudition 
dans le genre de l’Eloge de la Folie, 
par Erasme , et de Eloge de l'I- 
vresse, par Sallengre; elle place 
M. Deguerle au nombre des 
savans apologistes des petites 
choses. 

VI. La Guerre civile, poëme, 
traduction libre de Pétrone( en vers 
francais ), orné du texte latin ; et 
suivi de recherches  criliques , 
tant sur la satire de Pétrone que 
sur son auteur. Paris, an VII 
( 1799). in-8. — réimprimé à la 
suite du Lucain de M. Amar-Du- 
rivier. (Paris, Delalain ; 1816 , 
2 vol. in-12);—etdans la seizième 


DEG, 


livraison des C/assiques latins, de 
la collection in-12, du même li- 
braire ( 1821 ). 

VII. Sfratonice et son peintre, 
ou les Deux Portraits ; conte qui 
n'en est pas un. Suivent : Phryné 
devant l’Aréopage; Pradon à la 
comédie, ou les Sifflets ; Bona- 
parte en Italie, etc. Paris, Pigo- 
reau , brumaire an VIII ( 1800 ); 
in-8 , 51 pages. 

Conte satirique à l’occasion 
d’un portrait épigrammatique de 
Mie Lange, exposé par Girodet, 
au salon de lan VIII (V. ci- 
après l’article GiroDET ). 

VIII. Discours sur la Grammaire 
générale , prononcé le 27 thermidor 
an IX, à la distribution des prix, 
faite aux élèves du collège de Saint- 
Cyr, par le ministre de l’intérieur. 
1801, in-8. 

M. Deguerle a aussi prononcé 
une fois, le discours universitaire 
d’usage à la distribution annuelle 
des prix du concours général des 
lycées de Paris. Il paraît que l’é- 
tude fut le sujet de cette disserta- 
tion. 

IX. L’Enéidede Virgile, traduc- 
tionnouvelle, avec letexte en regard, 
par J.-N. M. Deguerle; publiée 
d'après les manuscrits autographes 
de l’auteur, et précédée d’une notice 
biographique et littéraire, par Ch. 
Héguin-Deguerle, professeur au 
collège royal de Louis-le-Grand. 
Paris, À. Delalain, 1825; 2 vol. 
in-8. 

Les poésies fugilives de M. De- 
guerle se trouvent imprimées en 
grand nombre, dans les alma- 
nachs des muses et recueils litté- 
raires de l’époque du Directoire; 
ainsi que dans les Etrennes d’A- 
pollon , de 1804 à 1807. On trouve 
aussi de ses pièces parmi les poé- 


DEJ fi 


L 


sies de M. de Labouïsse, à qui il 
adressa de jolis vers , et qui lui 
répondit du même style. 

Des biographes ont rangé au 
nombre des ouvrages de M. De- 
guerle, des Notices sur les Œuvres 
de Léonard, publiées par Campe- 
non, et sur la tragédie de Laurent 
de Médicis, de M. Petitot. Ce sont 
simplement des articles publiés 
dans le Moniteur des 17 nivose 
et 12 pluviose an VII. — M. De- 
guerle a aussi coopéré, avant le 18 
fructidor, au Mémorial de l’abbé de 
Vauxcelle.—Le libraire Pigoreau, 
dans la Bibliographie biographico- 
romancière (art. Deguerle, p. 177), 
insinue assez indiscrètement, que 
notre poëte pourraithbien être l’au- 
teur d’un ouvrage libre, intitulé : 
la Prusse galante (1801, in-12 ). 
Cette opinion fondée sans doute 
sur une ressemblance inexacte du 
pseudonyme (le docteur Akerlino), 
avec celui dont s’est couvert M. 
Deguerle pour publier son Eloge 
des Perruques (le docteur A kerlio) , 
n’est point adoptée par M. Barbier 
( v. Dictionnaire des ouvrages ano- 
nymes et pseudonymes : seconde édi- 
tion. T. III. p. 99). 

M. Deguerle a laissé en manus- 
crit, une traduction de la Satire 
de Pétrone , en prose et en vers, 
écrite en 1795, et un Discours sur 
limitation, prononcé à la distribu- 
tion des prix de Saint-Cyr, en 
1809.—On trouve une notice bio- 
graphique sur M. Deguerle , dans 
les Souvenirs et Mélanges litté- 
raires, politiques et biographiques ; 
par M. L. de Rochefort. Paris, 
Bossange frères, 1825. in-8 , 
T. II — Nous y avons puisé 
des renseignemens pour la rédac- 
tion de cet article. 

DEJEAN (JEAN-FRANÇOIS-AIMÉ , 

6 


\ 


82 DEJ 


comte), pair de France, naquit 
à Castelnaudary , en Languedoc, 
le Goctobre 1749, de Jean-Pierre 
- Dejean , qui fut successivement 
maire de sa ville et subdélégué de 
l’iniendant de la province, et de 
dame Marie de Fabry (1). Destiné 
à l’état militaire , il fut élevé au 
collége des Bénédictins de Sorèze, 
aux vicissitudes duquel il s’est in- 
téressé jusqu’à ses derniers jours. 
Il entra ensuite à l’école du génie 
à Mézières, en 1766, avecle rang 
de lieutenant en second; au sortir 
de l’école, M. Dejean fut employé 
comme ingénieur ordinaire du 
Roi, dans diverses places fortes. 
Il exercça les fonctions d'ingénieur 
en chef dans celles de la Picardie, 
depuis 1581 jusques et com- 
pris 1791 : c’est à cette année 
que remonte son admission dans 
l’ordre royal et militaire de Saint- 
Louis. M. Dejean s'était marie à 
Abbeville , et la Picardie était de- 
venue pour lui, par suite de ce 
lien, comme une seconde patrie. 
Déjàil y jouissait d’assez de consi- 
ration pour être élu commandant 
en second des gardes nationales 
de la Somme , et bientôt après 
membre de administration cen- 


(1) Pierre-Jean Fabry , l'un des 
aïeux de la mère du comte Dejean, 
était médecin à Castelnaudary , sous 
le règne de Louis XIII ; il a dédié à ce 
Roi un traité d'alchimie (ce qui était 
la chimie de son temps), intitulé : 
Palladium spagyricum. Toulouse, 
Pierre Bosc, 1624; petit :n-8, de 
304 pages, plus les index : ce fut 
son premier ouvrage. La Biographie 
universelle , qui a consacré un article 
à ce médecin, sous le nom de Fabre 
(Tom. XIV , pag. 19), cite huit 
autres ouvrages de lui, tous sur des su- 
jets analogues. 


DEJ 


trale du même département. Ce- 
pendant les guerres si longues de 
la Révolution allaient commencer. 
Depuis le mois de mai 1792 jus- 
qu’à la fin de mars 1793, M. De- 
jean fut employé à l’armée de 
Dumouriez, au camp de Famars, 
au camp de Maulde, à l’attaque 
de St.-Amand, etc. Il assista à 
plusieurs affaires de cette cam- 
pagne et notamment à la bataille 
de Neerwinde. Sur la nouvelle de 
la mort cruelle de Louis XVI, 
M. Dejean , alors capitaine du 
génie , écrivit de Ruremonde , 
dont on venait de s’emparer , 


au général Beurnonville , mi- 


nistre de la guerre, qu’il avait 
particulièrement connu au camp 
de Maulde, pour lui envoyer sa 
démission : il demandait qu’il lui 
fût permis de se retirer à Amiens, 
pour s’y consacrer uniquement à 
l'éducation de son fils, dont il 
espérait, disait-il, faire un bon 
citoyen, ami de son pays, soumis 
aux lois , mais ennemi de l’anar- 
chieet de toute espèce de tyrannie. 
Cependant peu de temps après , 
les hostilités ayant recommencé, 
et nôs armées ayant éprouvé des 
revers, qui les rejetérent jus- 
qu’en deçà de la frontière fran- 
çaise ,; M. Dejean écrivit de nou- 
veauau général Beurnonville pour 
lui marquer que la position des 
affaires se trouvant changée,etque 
sentant qu’il pouvait encore être 
utile à son pays, il priait le mi- 
nistre de vouloir bien considérer 
sa première lettre comme non 
avenue. Mais cette démarche se 
trouva superflue , car Beurnon- 
ville au recu de la première 
lettre , sentant bien qu’elle devait 
compromettre gravement son au- 
teur et peut-être même le perdre ; 


avait pris sur lui de la suppri- 
mer. r 
Il paraîtque dès cette première 
époque de sa vie, les talens de 
M. Dejean pour l’administration 
militaire avaient été appréciés , 
puisqu’en mars 1794, ilfut nommé 
membre de la commission centrale 
des travaux publics, qui était l’un 
des grands démembremens du dé- 
partement de la guerre ; mais ilne 
jugea pas convenable d'accepter, 
et préféra rester encore dans les 
camps. Rappelé à l’armée du Nord 
par le général en chef Pichegru , 
il commanda le génie dans cette 
armée, dirigea les siéges d’Ypres, 
de Niewport, de Nimègue, con- 
duisit les attaques de Courtrai, 
. de Menin, de l'ile de Cadzan , et 
suivit Pichegru en Hollande , 
pendant sa campagne d'hiver , 
traversant sur la glace les fleuves, 
et les bras de mer. Cependant 
M. Dejean était arrivé de grade 
en grade, jusqu’à celui de général 
de brigade dans son arme , et 
avait été nommé en outre , ins- 
pecteur généraldes fortifications , 
à la fin de juin 1795. Lorsque l’ar- 
mée de Sambre et Meuse,sous les 
ordres du général en chef Jour- 
dan , se préparait à franchir la 
barrière du Rhin, le général 
Dejean fut chargé de réunir se- 
crétement, en Hollande, les ba- 
teaux et les agrès nécessaires pour 
tenter le passage. Cette opération 
fut effectuée par lui, avec un suc- 
cès complet , la nuit du 5 au 6 
septembre1705, sur deux points, à 
Ekelcamp au dessous d’Urdingen, 
et à l'embouchure de PErft au 
dessus de Dusseldorf , sous les 
ordres du général Kléber et en 
présence du général en chef 
Jourdan. Un troisième passage 


pa vs 1 , 

DEJ 85 
entrepris à l’anse d’Urdingen , 
servit à tromper l’ennemi sur nos 
véritables dispositions: L’honaeur 
de cette brillante opération , non 
moins habilement conçue qu’exé- 
cutée ; appartient surtout au gé- 
néral Dejean. Même ce ne fut pas 
sans difficulté qu’il vint à bout de 
faire adopter ses projets. Toute- 
fois, il se plaisait à rendre justice 
à Kléber, qui ne se faisant pas la 
moindre idée de Popérations; y 
résista d’abord fortement : mais 
aussitôt qu’elle lui eut été expli- 
quée, sa sagacité la saisit tout 
entitre,etil en devint l’undes plus 
chauds partisans. Le passage du 
Rhin valut à M. Dejean le grade 
de général de division , qu’il ob- 
tint le 16 octobre 1795. Le général 
Lejeune a fait de cette action le 
sujet d’un de ses tableaux, où 
l’on distingue ie général Dejean, 
parmi les principaux personnages 
de la scène. 

Après avoir suivi l’armée de 
Sambre et Meuse jusques sur le 
Mein, le général Dejean revint à 
l’armée du Nord , reprendre le 
commandement du génie. Bien- 
tôt le général en chef de cette 
armée , Beurnonville, ayant été 
appelé au commandement de celle 
de Sambre et Meuse , le général 
Dejean commanda en chef, par én- 
terim, les troupes francaises et ba- 
taves, en Hollande, depuis le 16 
septembre 1796, jusqu’au 24 sep- 
tembre 1597 , qu’il fut mis à la 
réforme , pour un motif particu- 
lièrement honorable. Les procla- 
mations factieuses de l’armée d’I- 
talie , contre la majorité du corps 
législatif , lui avaient été trans- 
mises , avec l'invitation de les 
publier dans son armée. Mais 
pénétré des grands principes d’or- 


P_ 


84 


dre public sur lesquels repo- 
sent l’inviolabilité des lois et la 
sécurité des états ,; approuvant 
sans doute dans son cœur, les 
efforts que les députés légitimes de 
laFrance tentérent à cette époque, 
pour la ramener dans les voies 
de la morale et de la justice , le 
général Dejean se refusa aux dé- 
marches illégales qu’on sollicitait 
de lui ; aussi fut-il destitué immé- 
diatementaprèsle 18 fructidor. On 
venait de le voir un moment dans 
un de ces postes à la fois éminenset 
difficiles, qui mettent en lumière 
la vertu de l’homme de bien et la 
capacité de l’homme habile ; et 
dès lors aussi avait commencé de 
s'établir , tant dans l’armée que 
parmi les citoyens des pays occu- 
pés par elle, cette haute réputa- 
tion de probité et de justice, qui 
fut le caractère distinctif de sa 
carrière politique. Il revint , 
comme les grands citoyens de 
l’antiquité etdu nouveau monde, 
s'asseoir sans murmure et sans 
bruit, au pied de son foyer. 

Cependant , la guerre ayant 
recommencé. en 1799 , sous de 
malheureux auspices , le comité 


DEJ 


des fortifications se présenta chez 


le ministre de la guerre , pour 
redemander le général Dejean , 
qui fut réintégré dans ses fonctions 
d’inspecteur général des fortifica- 
tions. Après la révolution du 18 
brumaire , le premier Consul l’ap- 
pela au Conseil d'état , section de 
la guerre. Néanmoins il métait 
guères connu du nouveau chef de 
laRépublique que par le refus qu’il 
avait fait dans le temps, d’ac- 
cueillir les proclamations du gé- 
néral de l’armée d’Italie : mais à 
cette époque pleine de jeunesse, 
d'espérance , et peut-être bercée 


DEJ 


des rêves du bien , Bonaparte 
s’efforçait de réunir à son gouver- 
nement tous les hommes de grand 
mérite et de bonne réputation : 
sous ce double rapport, le général 
Dejean dut fixer son attention. Il 
lenvoya d’abord faire une inspec- 
tion générale sur les côtes de Bre- 
tagne , et particulièrement à Brest, 
pour déterminer les mesures de 
défense à prendre , dans le cas 
où l’armée navale combinée de 
France et d’Espagne quitterait ce 
port. En mai 1800, le général 
Dejean suivit le premier Consul 
au-delà des Alpes, et fut nomme 
commissaire pour l’exécution de 
la convention de Marengo , qui 
livrait aux Français la plus grande 
partie de lItalie supérieure. La 
ville de Gènes était un des fruits 
les plus précieux de cette victoire. 
Il s'agissait d'y organiser un gou- 
vernement qui, en conservant 
l'indépendance nominale du pays, 
le maintint sous l'influence de la 
France. Le général Dejean fut 
désigné pour cette mission impor- 
tante : il résida près de deux ans 
à Gènes , avec le titre de ministre 
extraordinaire, eten mêine temps 
de président de la Consulta législa- 
tive.Ilne fallut pas moins que l’ha- 
bile circonspection et l’inaltérable 
justice du général Dejean , pour 
remplir, sans exciter des plaintes, 
un poste où il devait être si difli- 
cile de concilier avec la politique 
du gouvernement français , la 
susceptibilité nationale et les in- 
térêts spéciaux des Génois. C’est 
pendant son séjour dans leur 
ville , que le général Dejean, après 
un long veuvage, Contracta une 
seconde union, qui embellit et 
consola la plus brillante et la 
dernière moitié de sa vie. Son fils 


DEJ 


et lui, épousèrent les deux sœurs. 
I ne quitta Gènes que pour ve- 
nir prendre à Paris , en 1802 , le 
portie-feuille de l’administration 
de la guerre. 

« Les conquêtes de la France, 
dit M. le comte Daru (1), avaient 
amené un tel développement de 
forces, et, par suite de ce déve- 
loppement , une telle complica- 


tion dans l’administration de tou- 


tes les choses de la guerre , que 
le gouvernement coneut la pensée 
de partager entre deux ministres 
les attributions de ce vaste dé- 
partement. C’était bien sans doute 
de quoi occuper un ministre que 
le recrutement , organisation , 
les mouvemens d’une armée de 
huit cent mille hommes ; mais il 
restait à pourvoir àtousles besoins 
de cette armée. Quelques esprits, 
que l’expérience avait avertis de la 
nécessité d’une impulsion unique 
et simultanée, s’effrayèrent de 
cette conception ; ils jugèrent la 
division impraticable; ils pré- 
virent des rivalités , le défaut 
d'ensemble , les retards dans des 
mesures qui exigent autant de 
diligence que de secret : et en 
effet, l’une des conditions du suc- 
cès de cette innovation était de 
trouver deux hommes indépen- 
dans lun de l’autre, concilians 
par caractère, au-dessus de toutes 
les prétentions, et ne rivalisant 
que de zèle pour le bien public. 
Etablir un ordre régulier dans 
ce qui, de sa nature, est l’élé- 


I 


(1) Discours prononcé à l'occasion 
de la mort de M. le comte Dejean. 
Chambre des Pairs de France. Séance 
du jeudi 21 juin 1824. Impressions, 


- n°115; et Moniteur du3 juillet 1824. 


DEJ 85 
ment du désordre ; développer 
une activité ; une prévoyance 
qu'on ne trouve jamais en dé- 
faut; concevoir un système , avec 
des plans de campagne , dont 
mille circonstances devaient mo- 
difier les opérations ; pourvoiren 
homme d’état aux consommations 
qui, par leur immensité, avaient 
une si grande influence sur le 
commerce et sur l’agriculture ; 
enfin, appliquer une sage écono- 
mie à l'emploi d’un budget de 
quatre ou cinq cents millions : 
telle fut la tâche qui se trouva im- 
posée au général Dejean, lors- 
qu'il fut appelé au ministère de 
l'administration de la guerre , qu’il 
a occupé pendant huit ans. — 
Cette période embrasse deux 
conquêtes de l'Allemagne, celle de 
la Pologne et de l'Illyrie , l’occu- 
pation de l'Italie, de l'Espagne, 
et du Portugal. Quels que puissent 
être Les jugemens que la postérité 
aura à prononcer sur ces diverses 
opérations ; la voix publique a 
déjà rendu justice à la diligence, 
à la sagesse du ministre qui y prit 
une si grande part. L’intégrité 
était chez lui une vertu naturelle, 
dont il n’aurait pas permis qu’on 
le louât : mais son exemple pro- 
duisait d’heureux fruits, et ceux 
qui n’en avaient pas besoin se 
sentaient honorés d’avoir avec lui 
cette noble conformité. On lui a 
su gré de cet esprit de justice, 
qui absout quelquefois les ri- 
gueurs de l’administration, de 
cette vigilance qui tendait sans 
cesse à diminuer les abus , de cet 
ordre qui allait tous les jours se 
perfectionnant....... Ilest de la 
nature de l’ordre de tendre sans 
cesse à améliorer les objets aux- 
quels on lapplique, parce qu’il 


86 DEJ 

tend à les éclaircir : M. le comte 
Dejean fut un de ceux qui contri- 
buèrent le plus à ces heureux 
progrès. Mais ce ne fut point là 
son seul mérite ; il en eut unbien 
plus rare : il porta dans le conseil 
cette intégrité de conscience qui 
sait dire la vérité. À des vues 
sages , à des conceptions Iumi- 
neuses, il joignait des sentimens 
élevés. La justesse et l’étendue de 
son esprit lui faisaient apercevoir 
de loin , des conséquences qu’il 
ne dissimulait pas. Il était du petit 
nombre des hommes qui ont des 
idées arrêtées sur les objets impor- 
tans, et qui se sont tracés d’a- 
vance un plan de conduite pour 
n’en dévier jamais. Maïs telle était 


-la candeur , la modération de son 


caractère , et le désintéressement 
de toutes ses opinions, que de sa 
part, la contradiction ne pouvait 
déplaire. » 

Une époque remarquable du 
ministère du général Dejean, fut 
celle du débarquement des An- 
glais, dansles bouches de l’Escaut, 
au mois d'août 1809. Peu aupa- 
ravant, le 25 octobre 1808, üil 
avait été promu à la dignité de 
premier inspecteur - général du 
génie, qui était l’une des charges 
de grand-officier de la couronne. 
C’est en cette qualité et pour as- 
surer les subsistances de l’armée 
qu’on improvisait autour d’An- 
vers , qu'il vola à la défense des 
frontières de lPempire menacées, 
Nous avons sous les yeux une 
courte relation manuscrite de sa 
vie, où le général Dejean raconte 
lui-même, avec une simplicité 
pleine d'intérêt, quelques-unes 
des circonstances de son voyage 


en Belgique : nous allonsle laisser 


parler : 


DEJ 


«La réputation du général en 
» chef, prince de Ponte-Corvo , en 
»imposa sans doute au général 
»anglais , qui n’osa rien entre- 
» prendre ; car les preunières dis- 
» positions de défense n’auraient 
» certainement pas arrêté un géné- 
ral actifet entreprenant, vu que 
»dans les premiers momens, il 
»n’y avait à Anvers qu’un très- 
» petit nombre de troupes, et que 
» les gardes nationales qui y furent 
» appelées , arrivaient, en grande 
» partie désarmées et sans orga- 
»nisation. Au bout de peu de 
»jours, les moyens de défense 
» furent organisés et l’inaction des 
» Anglais me convainquit qu’il n’y 
»avait plus rien à craindre, Je le 
» dis au maréchal prince de Ponte- 
»Corvo, qui était bien loin de 
» partager ma sécurité. En effet , 
» le jour même où je lui annongais 
»mon départ pour achever mon 
» inspection des côtes, le maréchal 
»avait ordonné, sans m'en faire 
» part , la levée detousles hommes 
»en état de porter les armes, de 
» dix-huit à cinquante ans, par 
» suite de fausses informations de 
» ses espions. Je fus instruit de cet 
» ordre en allant prendre congé de 
» M. le comte d’Argenson , préfet 
»du département. La flotte an- 
» glaise ayant commencé sa retraite 
»le soir même, l’ordre ne reçut 
» point d'exécution. » 

La retraite du général Dejean 
du ministère suivit de quelques 
mois son voyage d'Anvers. Cette 
coïncidence de date a donné lieu 
aux suppositions tout-à-fait in- 
exactes de quelques biographes, 
qui ont voulu rattacher l’un à 
l’autre ces deux évènemens, quoi- 
qu’en effet, il n'ait existé entre 
eux aucune liaison ; l’unique mo- 


DEJ 


tif de la démission du général 
Dejean fut qu’il ne crut pas pos- 
sible de faire aller le ministère 
de l'administration de la guerre 
avec les fonds qui lui étaient ac- 
cordés, et que d’un autre côté , 
il ne voulait pas promettre aux 
fouranisseurs les fonds qu’il savait 
bien ne pouvoir leur donner. Il 
demandait donc à l'Empereur un 
budget beaucoup plus élevé que 
celui qui lui était alloué , tandis 
que ; d'autre part, on promet- 
tait de faire marcher le service 
avec des fonds bien moins consi- 
dérables. L'Empereur se déter- 
mina à passer le porte-feuille en 
d’autres mains. Peut-être le nou- 
veau ministre fit-il quelques éco- 
nomies la première année de son 
administration ; mais aussi l’on 
s’est plaint que plusieurs parties 
du service furent désorganisées, 
et l’on allégue que les années sui- 
vantes furent infiniment plus coû- 
teuses. Nous allons recueillir en- 
core dans l'écrit du général Dejean 
que nous ayons déjà cité, le récit 
de quelques circonstances rela- 
tives à la manière dont s’effectua 
sa démission. 

«Le 2 janvier 1810 , l’Empe- 
»reur me fit demander par M. le 
» duc de Bassano, ma démission du 
» ministère , et M. le duc me pro- 
» posa de signer une lettre sur cet 
vobjet. Dans cette lettre, ma dé- 
» mission n’était motivée que sur 
» l’affaiblissement de ma santé. Je 
»répondis, que d’après un pareil 
»motif, je ne pouvais pas plus 
» conserver l'inspection des forti- 
» Cations que le ministère, et j’a- 
»Joutai qu’il ne m'était pas pos- 
»sible de motiver ainsi ma démis- 
»sion. Je répondis naïvement, 
» que si l'Empereur voulait payer 


/ 

DEJ 87 
» les dépenses du ministère, je me 
»Croyais plus propre que tout 
» autre à en remplir les fonctions ; 
» mais que, s’il persistait dans son 
»système de ne point payer, il 
Ȏtait urgent de me remplacer 
»plutôt que plus tard. M. le 
» duc m’ayant proposé une autre 
»rédaction , je me décidai à la 
»signer, etje dois convenir que 
» l'Empereur me proposa et m’ac- 
»corda beaucoup plus que je 
»n’aurais demandé. Je conservai 
» la place de premier inspecteur du 
» génie , etj’eusla promesse d’être 
»nommé sénateur. Bonaparte y 
» ajouta letraitement de 50,000 fr. 
» pour honoraires de la place de 
»grand trésorier de la Légion- 
» d'Honneur, traitement dont je 
»n’ai jamais joui, parce qu'il ne 
»fut pas rendu de décret sur cet 
»objet, et que je ne jugeai pas 
» convenable de le réclamer(1).» 
Au mois de novembre 1812, le 
général Dejean fut nommé pour 
présider le conseil de guerre qui 
jugea le général Mallet et ceux qui 
avaient tenté, avec lui, de ren- 
verser le gouvernement impérial. 
Toute commission de ce genre est 
nécessairement pénible : mais 
l’acceptation est au nombre des 
devoirs de la condition militaire. 
D'ailleurs, cette fois, les lois étaient 
précises el les faits incontestes. 
Il restait au gouvernement le soin 
de se donner les honneurs et le 


(1) Le général Dejean était grand- 
trésorier de la Légion-d'Honneur, de- 
puisla date de l'institution. — En avril 
1805, il avait préside le collége électo- 
ral de la Somme, qui l’élut candidat 
au Sénat; et en janvier 1822 , il fut 
nommé président à vie du collége élec- 
toral d'Indre-et-Loire. 


88 


mérite du calme et de l’impartia- 
lité. Le choix auquel il s’arrêta , 
dans celte vue, estun témoignage 
de l’opinion qu’on s'était formée à 
la cour de Napoléon, touchant 
l’indépendance de caractère du 
général Dejean ; et peut-ëtre que 
cette indépendance contrariabien- 
tôt cette espèce de courtisans et 
d’administrateurs , qui ne con- 
naissent d’autre moyen ge pou- 
voir que la violence et la sévérité. 
Le président du conseil de guerre 
usa de l'influence de sa position 
pour maintenir l’exécution stricte 
des lois, et même pour en adou- 
cir l'effet, autant que cela fut 
possible. Ainsi, il accorda ia plus 
grande latitude à la défense des 
accusés, ce qui ne s'était pas vu 
depuis long-temps, en de sem- 
blables occasions, et ce qui fut 
si bien remarqué, que les défen- 
seurs en adressèrent des remer- 
cimens au Conseil. Le président 
parvint encore à faire renvoyer 
absous tous les soldats et sous- 
officiers qui avaient pris part à la 
révolte , en les faisant considérer 
comme agens passifs des ordres 
de leurschefs. Cette décision était 
absolument contraire aux idées 
de plusieurs ministres d’alors , 
avec lesquels le président du 
Conseil de guerre eut des discus- 
sions très-vives sur ce point. 

M. le comte Dejean ne fut pas 
du nombre des sénateurs qui pro- 
noncérent la déchéance de l’'Em- 
pereur; mais après l’abdication , 
il adhéra au Gouvernement pro- 
visoire et vint prendre sa place dans 
les rangs du premier corps del’état. 
Un membre ayant proposé l’é- 
rection d’un monument à la mé- 
moire de Moreau , le patriotisme 
militaire du général Dejean s’a- 


DEJ 


DEJ 


larma de cet hommage rendu à 
celui que la fatalité des circon- 
stances avait condamné à trouver 
la mort dans les rangs des armées 
étrangères ; il combatit vive- 
ment la proposition ; au moins 
comme intempestive , dans un 
moment où ces armées envahis- 
saient la meilleure partie de la 
surface de la France, et occupaient 
même la ville où l’on délibé- 
rait. Monsieur, comte d’Artois, 
alors lieutenant-général duroyau- 
me , nomma le comte Dejean un 
de ses commissaires extraordi- 
naires, pour aller établir régu- 
lièrement l’autorité royale, dans 
la XI° division militaire. Arrivé à 
Bordeaux, l’effervescence des es- 
prits ne permit pas au général 
Dejean d'accomplir tout ce qui 
aurait pu être utile au maintien de 
l’ordre et des lois, et il dut reve- 
nir à Paris au bout de quelques 
jours, après avoir vu l'autorité 
légitime méconnue, ou du moins 
éludée en sa personne. À son re- 
tour, il futnommé successivement 
pair de France , gouverneur de 
l'Ecole royale Polytechnique et 
président du comité de liquidation 
de l’arriéré. 
Cependant Bonaparte revint de 
l’île d’Elbe, etreleva son trône. Le 
général Dejean reprit sesfonctions 
de premier inspecteur-général du 
génie, qui avaient cessé depuis la 
Restauration, et remplit par énté- 
rim, durant les Cent jours , les 
fonctions de grand-chancelier de 
la Légion -d’Honneur. Il entra 
aussi à la nouvelle chambre des 
pairs. Après la bataille de Water- 
loo et lorsque les armées coali- 
sées étaient aux portes de Paris, 
il eut dans les bureaux de la 
Chambre, une discussion très- 


DEJ 

vive avec plusieurs généraux ; 
qui soutenaient que la capi- 
tale ne pouvait pas se défendre 
et qu'il fallait adhérer à tout ce 
qu’exigeait l'ennemi ; malgré son 
âge et malgré l’affaiblissement de 
ses forces, il montra dans cette 
occasion, la plus grande énergie, 
et dit hautement à ceux qui sou- 
tenaient l’opinion contraire à la 
sienne « qu'il était bien étonnant 
»que des hommes qui avaient 
»yété si braves toute leur vie , 
» montrassent autant de faiblesse 
» dans un pareil moment.» 

Le général Dejean se trouva 
momentanément exclu de la 
Chambre des Pairs, par l’ordon- 
nance exira-constitutionnelle du 
20 juillet 1815. Le maréchal Gou- 
vion Saint-Cyr, ayant été appelé 
au ministère de la guerre, déter- 
mina son ancien compagnon d’ar- 
mes à se charger de la direction 
générale des subsistances mili- 
taires , que le général Dejean a 
conservée jusqu’à la fin de 1820, 
époque à laquelle l’affaiblissement 
sérieux de sa santé l’engagea à 
donner sa démission. Sans doute 
que le désir de voir rentrer en 
France son fils aîné , dont le nom 
avait été placé sur une liste d’exil, 
par l'effet de la malveillance ca- 
pricieuse de Fouché , contribua 
pour beaucoup à faire rentrer le 
comte Dejean dans le service actif. 
Les nombreux employés qu’il 
avait eus autrefois sous ses ordres 
s’applaudirent de retrouver un 
chef si juste et si éclairé. La di- 
rection dessubsistances militaires, 
qui échappait à des fermiers rui- 
neux, futrétablie , grâce aux soins 
actifs et éclairés de cet habile 
administrateur, sur le meilleur 
pied d'ordre et d'économie, Les 


DEJ 89 


calculsrigoureux de la statistique, 
les idées les plus exactes de l’éco- 
nomie politique , les vues les plus 
sages d'intérêt public dirigèrent 
ses marchés , et généralement 
tous les actes de son administra- 
tion, contre lesquels il ne s’éleva 
jamais aucune plainte sérieuse. 
Son zèle pour le bien du service 
lui fit imaginer un procédé ingé- 
nieux pour conserver le grain, 
renfermé hermétiquement dans 
des cuves de plomb. Cette inven- 
tion extrêmement utile, soit pour 
former des greniers d’abondance, 
soit pour approvisionner les places 
fortes , a été mise à l'épreuve avec 
un plein succès, à la manutention 
des vivres de la guerre. Tout ce 
qui concerne ces expériences , 
auxquelles le général Dejean atta- 
chait avec raison, beaucoup de 
prix , se trouve consigné dans 
deux brochures qu’il a publiéessur 
cet objet (1). 


(1) 1°. Description d'un nouveau 
moyen proposé par le Directeur-gé- 
néral des subsistances militaires, et 
mis er essai à la manutention des 
vivres, pour la conservation illimitée 
des grains. Paris, Balard (sans date) ; 
in-8 , 10 pages. Signé le comte Dejean. 
— 2° Résuméide toutes les expériences 
faites pour constater la bonté du pro= 
cédé proposé par M. le comte Dejean, 
pour la conservation illimitée des 
grains et farines. Paris, Bachelier, 
mars, 1824 ; in-8, de 40 pages. (Extrait 
des Annales de l'Industrie nationale 
et étrangère). Cette seconde brochure 
est rédigée par M. le chevalier Sainte- 
Fare-Bontemps, mais vue et approuvée 
par le général Dejean. — On n'ignore 
pas que M. Ternaux a fait également , 
et répété avec succès à son château de 
Saint-Ouen , des expériences sur la 
conservation des grains. M. Ternaux 
enfouit les grains dans des silos de terre 


90 DEJ 
L’ordonnance royale du 6 mars 
1819, rappela M. le comte De- 
jean à la Chambre des Pairs. Il y 
vota constamment avec les amis 
des libertés constitutionnelles 
deux fois il monta à la tribune 
pour parler sur des questions d’é- 
conomie publique qui lui étaient 
plus spécialement familières. Il 
appuya la loi du mois de juillet 
1820 , relative à la limite de 
l’importation et l'exportation des 
grains, et en prit occasion de dé- 
velopper l'utilité de faire des pro- 
visions de blé pour les temps de 
disette , aux époques d’abondance 
et d’avilissement de la denrée, en 
usant du procédé de conservation 
dont nous venons de parler. Dans 
la discussion de la loi du mois 
d’août 1822 , relative à l’achéve- 
ment et à la construction de plu- 
sieurs canaux, il combattit comme 
trop dispendieux relativement à 
son utilité, le système de grande 
navigation, du moins toutes les 
fois que l’entreprise d’un canal 
est à la charge du gouvernement, 
et il fit part à la Chambre des 
observations qu'ilavait été à portée 
de faire , touchant l’économie et 
l'utilité des canaux de petite navi- 
gation,très-usités en Hollande(1). 
M. le comte Dejean conservait 
dans un âge avancé , non-seule- 
ment toute la vigueur de sa tête, 
mais même une énergie physique 
très - remarquable. Une attaque 


marneuse , après les avoir tapissés de 
paille dans tous les sens. Le général 
Dejean les conserve dans des cuves de 
plomb. L'un et l’autre atteignent par- 
faitement au but de la conservation ; 
mais M. le général Dejean et M. Ter- 
maux sont entièrement divisés sur la 
question de l'économie des frais, dont 


DEJ 


d'apoplèxie qui paralysa en partie 
le côté droit de son corps, res- 
pecta encore toutes ses facultés 
mentales. Il continua de travailler 
dans son cabinet , et de jouir de 
la vie , au milieu de sa famille et 
de ses amis. On le vit même se 
traîner, appuyé sur le bras d’un 
ami, pour venir voter aux élec- 
tions de 1824; mais enfin, une 
affection au pylore, dont il se. 
plaignait depuis long-temps, ter- 
mina ses jours , après de cruelles 
souffrances, le 12 mai 1824; il 
était âgé de près de soixante- 
quinze ans. Son corps fut déposé 
au cimetière du Père-la-Chaise , 
dans le caveau de sa famille. Là , 
en présence d’un grand nombre 
de Pairs , et d’officiers généraux, 
principalement du corps du génie, 
M. le baron Haxo, lieutenant-gé- 
néral dans cette arme ; prononça 
son éloge funèbre (2). Le général 
Dejean a laissé après lui une nom- 
breuse postérité; son fils aîné, 
successeur de sa pairie , est lieu- 
tenant- général des armées du 
Roi, et cultive avec grande dis- 
tinction ,; les sciences entomolo- 
giques. 

La famille de feu M. le comte 
Dejean possède deux beaux por- 
traits en pied, de lui ; l’un peint 
par Kinson , et l’autre par Robert 
Lefèbvre. Ce dernier particulière- 
ment, est d’une belle exécution 
et d’une parfaite ressemblance. Il 


chacun d’eux réclame l'avantage pour 
son procédé. | 

(D Ces deux discours imprimés par 
ordre de la Chambre,se trouvent dans 
la collection de ses impressions, sous les 
numéros 83 de 1820 , et 23 de 1822. 

(2) Paris, imp. de Fain, 1824; 
in-80, de 14 pages. 


u 


DEJ 


en existe une bonne lithographie, 
dessinée par M. Hesse. On trouve 
aussi un portrait gravé du comte 
Dejean, dans la Collection des dé- 
fenseurs de la Charte et de la loides 
élections , publiée en 1821, par 
À. Tardieu. 

C’est par le récit tout nu de sa 
vie, et par l'indication de quel- 
ques traits de son caractère , que 
nous avons fait jusqu’à ce moment, 
l'éloge de M. le comte Dejean. 
Cette louange est la plus conve- 
nable à sa vertu, qui fut si simple 
et si naturelle. Les orages de 
la Révolution le trouvèrent calme 
et pur; les dangers et les difli- 
cultés de la guerre firent bril- 
ler sa bravoure et son habileté ; 
la France n’eut jamais de fils 
plus fidèle. C’est la fortune qui 
vint le chercher, il ne fit rien 
pour la conserver que son devoir. 
L'instinct naturel et si bien re- 
connu de Napoléon pour distin- 
guer et attirer les hommes supé- 
rieurs , conduisit seul ses regards 
vers le général Dejean, et lui ins- 
pira de le faire asseoir dans ses 
conseils. Le système du gouver- 
nement consulaire, considéré 
uniquement de son côté juste , 
modéré , habile et moral, offre 
l'expression exacte du caractère 
politique du comte Dejean. A me- 
sure qu’on s’écarta de cettenuance, 
il se trouva moins en harmonie 
avec les idées et les plans du ca- 
binet impérial. Souvent il y fit en- 
tendre la vérité avec cette sincérité 
qui est inoffensive , parce qu’elle 
est pleine de candeur ettout-à-fait 
exemple de passion; mais aussi 
avec un désintéressement d'autant 
plus méritoire, qu’il est bien rare- 
ment apprécié. Il en sortit enfin, 
et ce fut pour rester fidèle à cette 


DEJ 91 
probité publique inaltérable, qui 
décora toute sa vie, et qui pareille 
à ia pudeur fuit à la fois l’éloge et 
le soupçon. «II quitta le ministère, 
» dit M. le comte Daru, comme 
» il l'avait recu , sans se croire ni 
» plus ni moins qu’il n’était aupa- 
» rayant; et le lendemain de sa 
» démission, rien, ni dans sa con- 
» tenance , ni dans l’accueil qu’il 
recevait, n'aurait pu faire soup- 
» conner un ministre disgracié. 
» En effet, il ne l'était pas; on 
» l’avait décharge d’un fardeau. » 
Le général Dejean jouit d’un rare 
privilége pour un homme d’état; 
il n’eut point d’ennemis; on doit 
le croire , du moins , puisque ja- 
mais on n’entendit dire du mal de 
lui. Cet avantage singulier, il 
le dut à une justice parfaite et à 
une modération infinie. Il est vrai 
que niles circonstances , ni la na- 
ture de ses fonctions, ne le mirent 
aux prises avec Ces passions ir- 
ritables qui agitent le plus vio- 
lemment les hommes ; pourtant il 
y eut tant de droiture dans son 
cœur , tant d’élévation dans son 
esprit , tant de calme dans son ca- 
ractère ,; qu’il faut bien accorder 
à son mérite personnel, une large 
portion dans cette conquête pai- 
sible de l’estime, qui ne manqua 
pas un seul moment à l’honneur 
et à la consolation de sa vie. « Tel 
» fut le général Dejean, dit M. le 
» baron Haxo : semblable aux 
» hommes que l’antiquité présente 
» à notre admiration , également 
» propres à la guerre et à l’admi- 
» nistration de l’état , grand dans 
» le public et grand dans son 
» intérieur , mais d’une grandeur 
» simple et toute humaine ; c’est 
» de lui qu’on a dit avec justesse, 
» qu’il portait des vertus comme 


ÿ 


= 


92 DEL 

» l’arbre porte des fruits. Sa vie 
» entière a été sans tache; ceux 
» qui l’ont connu le présen- 
» teront comme un modèle ; on 
» se souviendra long-temps des 
» exemples qu’il a donnés, et ses 
» mânes se réjouiront de ce qu’un 
» tel souvenir sera encore utile à 
» la patrie. 

» Honneur à sa mémoire. » 


La 


DELICHÈRES ( Jean-PauL), 
né en 1792, à Aubenas (Ardèche), 
est mort dans cette ville , le pre- 
mier décembre 1820. Juriscon- 
sulte et littérateur, il se montra 
aussi, patriote ethomme de bien, 
dans les diverses fonctions publi- 
ques où il fut appelé, sous le gou- 
vernement républicain, par l’élec- 
tion de sesconcitoyens. Il à été 
successivement , maire de sa ville 
natale, procureur-syndic de son 
district, administrateur de son dé- 
partement , député au Conseil des 
Cinq cents, président au tribunal 
de Privas. Il donna sa démission de 
cette place en l’an XIT, quand le 
gouvernement impérial éloignait 
des fonctions publiques les hom- 
mes d'opinion et de réputation dé- 


mocratique.Rendu à la vie privée .. 


il partagea son temps entre les 
consultations du cabinet et la cul- 
ture des lettres, qui avaient fait 
toute sa vie, le charme de ses loi- 
sirs. Lesantiquités etspécialement 
celles de son pays, furent l’objet 
particulier de ses études. On a de 
lui plusieurs dissertations impri- 
mées , parmi lesquelles on cite : 

I. Notice historique du départe- 
ment de l Ardèche. 

IT. Dissertation sur le monument 
de Mithra, qui existe à Bourg- 
Saint-Andéol. 

IT. Dissertation sur l Hercule 


DES 
Gaulois ; dans laquelle on indique 
au bourg de Desagnez , le premier 
monument qui lui fut élevé par les 
Romains. 

M. Delichères a laissé plusieurs 
manuscrits qui sont au pouvoir de 
son neveu ( M. Vernet, avocat et 
juge suppléant au tribunal de Pri- 
vas). Le plus considérable, celui 
auquel l’auteur attachait le plus 
de prix, a pour titre : Théorie de 
la langue primitive, basée sur La 
peinture des objets, par opposition 
au langage des sons de la nature , 
ou de POnomatopée et de ses rap- 
ports avec l’invention et les signes 
de l’écriture alphabétique , etc. 
Deux autres manuscrits se ratta- 
chent à cet ouvrage; ils sont in- 
ütulés : 1° Essai sur la langue 
Celto-Helvienne ; dans lequel on 
examine si les idiomes du midi de 
la France sont dérivés ou corrom- 
pus du latin, et l’on démontre que 
celui du département de l Ardèche 
est , en particulier , le dialecte le 
moins altéré de la langue primitive 
de l'Europe. »° Vocabulaire, ow 
Choix raisonné des dénominations 
des sites du département de l’Ar- 
dèche ; expliquées par le rapport 
des images qu’ils offrent avec l’idiome 
des habitans et avec les langues an- 
ciennes de l'Asie. Ces trois ou- 
vrages formeraient trois ou même 
quatre gros volumes. ( Extrait 
d’une Notice signée V., insérée 
dans la Revue Encyclopédique ; 
tome XX V, page 287. ) 


DESCHAMPS ( Josern-Fran- 
çors-Louis)naquità Chartres,le 14 
mars 1740. Destiné à l’état ecclé- 
siastique, il y renonça dès qu’il put 
comprendre les sacrifices qu’im- 
pose le culte des autels, et les 
vertus difficiles qu’il exige. 11 se 


DES 


rendit à Paris à l’âge de dix-neuf 
ans, pour étudier la médecine. 
C’est en assistant aux visites de 
Moreau , alors chirurgien en chef 
de l’Hôtel-Dieu , qu’il se crut sen- 
tir appelé à exercer cet art que 
venaient d’élever si haut la muni- 
ficence de Louis XV, et la célé- 
brité de l’Académie royale de chi- 
rurgie. Cette société savante que 
renversa la tourmente révolu- 
tionnaire et que remplaca si glo- 
rieusement ensuite l'Ecole de san- 
té, comptait parmi ses membres 
des hommes qui attachaient toute 
leur gloire à sa prospérité nais- 
sante, y consacraient et leurs 
travaux et leur fortune. Adnñs 
en 1764 à l'Ecole pratique, Des- 
champs remporta plusieurs an- 
nées de suite, les premiers prix 
fondés pour les élèves de cette 
école expérimentale , par la bien- 
veillante générosité de Houstet. 
Bientôt il fut reçu membre du 
Collège et de l’Académie de chi- 
rurgie; un an plus tard, il obtint 
au concours, la place de gagnant- 
maitrise de l'hôpital de la Charité, 
et y remplaca Desault, lorsque ce 
célèbre praticien fut appelé à la 
tête de la chirurgie de l'Hôtel- 
Dieu. 

Dès lors il crut se devoir tout 
entier au service des pauvres. Re- 
cherché par le riche , l’indigent 
eut souvent la préférence , et il 
négligea tellement le soin de sa 
fortune que la place de chirurgien 
consultant del’Empereur,qu’ilob- 
ünt dans un âge fort avancé, fut 
autant un secours qu’une juste 
récompense de ses longs services. 
L'année suivante, la classe des 
sciences physiques et mathémati- 
ques de l’Institut le choisit pour 
occuper la place que laissait va- 


4 4 
AE 


ane 


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cante dans son sein la mort de 
Sabatier.En 1815, Deschamps fut 
membre d’une commission char- 
gée par le gouvernement, de pren- 
dre en considération l’exercice de 
l’état médical. Les travaux de cette 
commission furent interrompus 
par les événemens politiques et 
demeurèrent sans résultat. Nom- 
mé chevalier de la Légion d’Hon- 
neur vers la même année, cette 
distinction tardive le flatta moins 
que ne l’eût fait alors une déco- 
ration plus ancienne à laquelle il 
avait des droits , et qui lui aurait 
été donnée , si la vertu , le mérite 
et des travaux pénibles pouvaient 
l'emporter sur la médiocrité en 
faveur. Ennemi de l'intrigue, 
doux, humain, charitable , Des- 
champs consacrait son temps à 
l’étude. La chirurgie doit à ses 
recherches , à ses méditations, 
à sa longue expérience, un Traité 
historique et dogmatique de Po- 
pération de la taille ( 1796-97, 
4 vol. in-8) ; ouvrage un peu 
prolixe peut-être , mais qui n’en 
contient pas moins une excellente 
doctrine , des faits intéressans et 
une instruction complète. A la 
suite de ce traité se trouvent plu- 
sieurs Observations sur la ligature 
des artères, et spécialement dans 
l’anévrisme de l'artère poplitée , 
selon la méthode de J. Hunter, 
que Deschamps adopta le premier 
en France. Ces observations 
avaient été publiées trois ans au- 
paravant (en 1795), dans le jour- 
nal de médecine que rédigeait 
Fourcroy. 

Lié d'amitié depuis l’enfanceavec 
Colin d'Harleville et Guillard ses 
compatriotes ,; Deschamps avait 
pris près d’eux le goût de la bonne 
littérature et des vers. Il faisaitavec 


"DES 


94 DES 


facilité des couplets où la gaîté se 
joignait aux sentimens tendres et 
affectueux de son cœur , et qu'il 
ne disait jamais sans verser une 
larme d’attendrissement. Pans 
une société où il était tendrement 
chéri, on donna un jour des bouts- 
rimés à remplir ; les deux poëtes 
en firent à leur ami un hommage 
que des dames se hâtèrent de lui 
envoyer. 

Voici les vers inédits de l’au- 
teur du Vieux Célibataire : 


L’amour de son prochain , la tendre... CHARITÉ , 
Deschamps, toi, docte Bls du profane...ESCULAPE, 
Est un don, conviens-en, de la... DIVINITÉ. 
Tel moderne censeur de l’église et du. PAPE 
La met dans ses discours plus qu’en ses... ACTIONS; 
Mais il dégrade en vain son oriyine... ILLUSTRE: 
Elle est fille du Ciel, et ses... ÉMOTIONS 
À la religion doivent leur plus beau... LUSTRE. 


L'amitié inspira à l’auteur d’OE- 
dipe à Colonne des vers non moins 
flaitteurs , auxquels Deschamps ré- 
pondit sur les mêmes rimes, en 
adressant ses remerciemens à la 
femme et à la sœur de Guillard , 
qui avaient provoqué les vers de 
ses amis. 


De ce triste séjour nommé la... CHARITÉ 
Reçois l’encens offert par ur fils d’...ESCULAPE, 
Sexe aimable , ici bas, notre... DIVINITÉ, 
- Dont le culte enchanteur a séduit plus d’un... PAPE, 
De ton sensible cœur je bénis..…… …. L'ACTION ; 


Il inspira pour moi deux poètes... ILLUSTRES,. 


O ciel! pour prolonger ma vive... ÉMOTION 
À mes vieux ans encore ajoute quelques...LUSTRES! 


Deschamps eut pendant plus de 
trente ans, pour adjoint, le savant 
M. Boyer, qui ne voulut jamais 
consentir que ce bon vieillard se 
démiît en sa faveur de la première 
place. Cet homme exemplaire qui 
le remplace à l’Institut et à l’hô- 
pital de la Charité, ne cessa d’avoir 
pour Deschamps les plus touchans 
égards, jusqu'aux derniers instans 


DES 


d’une vie de près de quatre: 
ving-Ccinq ans, qui s’éteignit le 
8 décembre 1824. L’éloge de Des- 
champs fut prononcé au nom de 
l’Institut, par M. le baron Percy, 
qui moins de deux mois après, le 
suivit au tombeau. M. Roux ex- 
prima les regrets de l’Académie- 
Royale de médecine , dont Des- 
champs était membre honoraire. 
Ces deux discours ont été im- 
primés. 

Deschamps laisse un fils, doc- 
teur en médecine, auteur d’un 
Traité des maladies des fosses 
nasales , et qui a traduit de l’an- 
glais les Transactions médico-chirur- 
gicales de la société de médecine de 
Londres , le Traité de la goutte de 
Scudamore, etc. ( Article commu- 
niqué par M..le Docteur VAréLrauUD). 

DESPREZ (Craune - AIMÉ ) 
naquit à Saint-Germain-en-Laye, 
le 5 avril 17853. Il est auteur de 
plusieurs vaudevilles et d’un grand 
nombre de chansons. II mou- 
rut d’une affection de poitrine , 
à Herbelay, près Pontoise , le 
26 avril 1824, âgé de 41 ans, 
chez son frère, curé d’Herbelay , 
auprès duquel il s'était retité. On 
peut remarquer que sa dernière 
chanson est intitulée : Ma Pro- 
menade au Pèére-la-Chaise. Des- 
prez avait joué la comédie , vers 
1810 , à l’'Ambigu-Comique, sous 
le nom de Saint-Clair. Depuis , il 
fut employé à la Trésorerie ; et 
après la Restauration, on le fit 
officier dans la 5° légion de la 
garde nationale de Paris, pour la- 
quelle il composa souvent des cou- 
plets de circonstance. On trouve 
plusieurs des chansons de Desprez- 
Saint-Clair dans lerecueilintitulé: 
Les Soupers de Momus. Le t. xn° 
de cette collection, pour 1825, 


DES 


contient une ÜMotice sur Cl. À. 
Desprez, par M. Dussaulchoy ;, 
président de la réunion. 


Liste des owvrages 
de Cl. A. Desprez-Saint-Clair. 


I. ( Avec Varez. ) Le Foyer ou 
le Couplet d'annonce , vaudeville 
joué aux Jeunes Artistes. 

II. ( Avec Brazier et Varez. ) 
Kikiki , parodie de Tékéli, jouée 
aux Nouveaux Troubadours. 

II. Le Mariage de La Valeur , 
yaudeville représenté à l’Ambigu- 
Comique. 

IV. L’Espoir Réalisé, vaude- 
ville. ibid. 

V. Le Jardin d'Olivier. id., 
ibid. 

VI. (Avec de Ferrière) Le Mariage 
sous d'heureux auspices, vaudewille 
en un acte, pour les fêtes du ma- 
riage de S. À. R. le ducde Berry, 
représenté sur le théâtre de l’Am- 
bigu-Comique ; le 15 juin 1816. 
Paris, Fages, 1816, in-8. 

VII. ( Avec le même.) Margue- 
rite de Strafford , ou le Retour à la 
Royauté,mélodrame en trois actes, 

en prose et à spectacle , repré- 
senté sur le théâtre de l’Ambigu- 
Comique , le 21 août 1816. Paris, 
Barba , in-8. 

VIII. ( Avec Varez. ) Retour- 
nons à Paris, comédie en un acte, 
mêlée de vaudevilles , représentée 
sur le théâtre de l’Ambigu-Co- 
mique, le 4 décembre 1817. Pa- 
ris , Barba , in-8. 

IX. ( Avec de Ferrière. ) Gré- 
goire à Tunis, vaudeville, repré- 
senté à l’Ambigu-Comique. 

X. Monsieur de la Hure, vau- 
deville , représenté à la Gaîté. 

XI. ( Avec un anonyme. } 


DOD 99 
’H omme à Tout , vaudexille , 
représenté à la Gaîté. 

XII. ( Avec Edmond. ) Les 
E paulettes du Grenadier , comédie 
en un acte, mêlée de vaude- 
villes, représentée sur le théâtre 
de la Porte - Saint - Martin , le 
29 mai 1820. Paris, Barba , 
in-6. 

XIII. (Avec Edmond, Crosnier, 
et Emile de Pluyette, ) Paris, Le 
V'ingt-neuf septembre 1820 , im- 
promptu mêlé de couplets, à l’oc- 
casion de la naissance de S. A. R. 
Mgr. le duc Bordeaux, représenté 
sur le théâtre de la Porte-Saint- 
Martin, le 8 octobre 1820. Paris, 
Quoy , in-8. 

XIV.( Avec de Ferrière. ) Le 
Bouffon dans l'Embarras , vau- 
deville, représenté sur le théâtre 
des Variétés. 

XV. ( Avec de Rougemont et 
et Edmond. ) Les Ermites, co- 
médie-vaudeville en un acte, re- 
présentée sur le théâtre de la 
Porte-Saint-Martin , le 25 juil- 
let 1821. Paris, Barba, in-8. 

XVI. ( Avec Joseph Dussaul- 
choy. ) Le Protégé de tout le 
Monde , comédie-vaudeville en 
un acte, représentée sur le théâtre 
de la Porte - Saint-Martin, le 
12 novembre 1822. Paris, Quoy, 
in-8. 

XVII. ( Avec un anonyme.) 
Le Mariage à la Turque , vaude- 
ville en un acte, représenté sur le 
théâtre de la Gaïîté , le 3 avril 1823. 
Paris , Quoy, in-8. 

XVIII Malbrouck , folie-vau- 
deville. 

XIX. La Grolte de Fingal, ou 
le Soldat mystérieux. 


DODERET ( ; an- 
cien administrateur du district de 


dre, sep tre 


96 DOD 
Langres , est mort à Rivières-les- 
Fosses, département de la Haute- 
Marne, au mois d'avril 1824. Il 
paraît qu’il a publié plusieurs ou- 
vrages, sur lesquels nous man- 
quons de renseignemens précis. 
Tout ce que nous savons de lui 
est extrait du Drapeau Blanc, du 
4 mai 1824, qui s'exprime en ces 

termes. 

« M. Doderet, ancien admi- 
nistrateur du district de Langres, 
connu par l’impièté dont il faisait 
parade, et qui pendant son ad- 
ministration, fit imprimer plu- 
sieurs ouvrages contre la religion, 
notamment le Catéchisme de toutes 
les religions, en abrégé (1), vient 
de mourir à Rivières , à l’âge de 
735 ans. Pendant sa maladie qui 
a été assez longue, et jusqu’au 
moment de sa mort, ce vieillard a 
conservé toute sa Connaissance. 
Ses enfans, le voyant dans un 
danger imminent , essayèrent de 
lui faire abjurer ses erreurs, et le 
supplièrent , avec les plus vives 
instances , d’invoquer les secours 
de la religion, ce à quoi il se re- 
fusa pendant long-temps , avec la 
plus grande opiniâtreté ; mais en- 
fin, sentant la mort approcher, il 
fit, de son propre mouvement et 
au grand étonnement de sa famille, 
appeler un prêtre qui, après l’a- 
voir confessé deux fois, lui ad- 
ministra les derniers sacremens. 
Cette imposante cérémonie eut 
lieu en présence de la majeure 
partie des habitans de sa com- 
mune, auxquels il déclara qu’il 
avait toujours été dans l'erreur , 


(1) Cet ouvrage fut dédié au Cercle 
constitutionnel de Langres, en l’an VI 
de la République. 


DRO 


qu’ilen demandait pardon à Dieu, 
et qu'il se rétractait de tout ce 
qu’il avait écrit contre la religion, 
dans le sein de laquelle il allait 
mourir. » 


DONNAT (Jacques), architecte, 
est mort à Montpellier ; au mois 
de juillet 1824, dansla 83° année 
de son âge. Il était déjà entré dans 
la carrière des beaux arts, quand 
l’auteur justement estimé du bel 
amphithéâtre de Saint-Côme, à 
Montpellier, M. Giral , attira son 
émulation du côté de l’architec- 
ture, et après se l’être attaché 
d’abord en qualité de disciple , se 
l’attacha plus particulièrement en- 
suite , en qualité de gendre et 
d’associé. C’est au concours de 
ces deux artistes réunis ,; que 
Montpellier est redevable de la 
magnifique place du Peyrou , 
sans parler d’une foule de con- 
structions utiles et remarquables 
dont Donnat a encore embelli 
cette cité. Parmi les travaux qu'il 
a exécutés sur divers autres points 
du Languedoc , on cite les res- 
taurations du palais archiépisco- 
pal de Narbonne; l'édification de 
la cathédrale d’Alais, et les belles 
routes qu’il a tracées dans les 
contrées montueuses et. difficiles 
du Vivarais. Donnat dessina aussi 
avec succès, les décorations éphé- 
mères des fêtes ou cérémonies pu- 
bliques , célébrées à diverses épo- 
ques dans les villes du Bas-Lan- 
guedoc; et il remplit pendant 
près de cinquante ans, les fonc- 
tions d'architecte de la ville de 
Montpellier. 


DROUET ( JEax - BApTISTE) ; 
conventionnel, né le 8 janvier 
1763 , servit quelque temps dans 


x 


DRG 


les dragons, et devint ensuite 
maitre de poste à Ste-Menehould, 
en Champagne. Il occupait eet 
emploi, lorsque Louis XVI, 
fuyant de Paris avec sa famille, 
le 21 juin 1791, pour se rendre à 
Montmédy , traversa Ste-Mene- 
hould. Les officiers municipaux 
de cette ville avaient déjà recu 
l'éveil, par quelques mouvemens 
extraordinaires de troupes, quand 
Drouet vint leur annoncer qu'il 
avait vu passer une voiture sus- 
pecte , dans laquelle il prétendait 
avoir reconnu le Roi, dont il ne 
connaissait pourtant que l'effigie 
gravée sur les assignats : on lui 
ordonna de Ja suivre. 11 prend en 
conséquence un chemin de tra- 
verse, devance la voiture du Roi 
à Varennes , avertit le maître de 
poste, et comme c'était au milieu 
de la nuit, avant de donner l’a- 
larme, et d’éveiller personne, il 
alla droit au pont par où le Roi 
devait passer, afin de le barricader. 
Une voiture chargée de meubles 
qui se trouva là , servit son projet: 
il la renversa à l’entrée du pont, 
et courutensuite avertir le procu- 
reur de la commune , le maire et 
lecommandantde la garde natio- 
nale. L’arrestation de Louis XVI, 
et par suite sa fin tragique et celle 
d’une grande partie de sa famille, 
sont devenus le terrible résultat 
de ce zèle si malheureux (1). 
L'Assemblée nationale voulut ac- 


(1) On peut voir dans les Mémoires 
de MM. le duc de Choiseul, le mar- 
quis de Bouillé et le baron de Gogue- 
lat, publiés dans la collection de 
MM. Baudoin, tous les détails rela- 
tifs au voyage de Varennes, y com- 
pris le rôle que Drouct remplit dans 
cette affaire, 


DRO 97 


corder à Drouet une gratification 
de 30,000 livres qu’il refusa , et 
au lieu de laquelle il sollicita un 
grade dans la gendarmerie. 

Nommé en septembre 1792 ;, 
député de la Marne à la Conven- 
tion nationale, Drouet figura dans 
cette assemblée au rang des mon- 
tagnards ; son caractère violent et 
ses formes âpres l’entrainèrent 
toujours auxplus furieuses exagé- 
rations. On l’entendit demander 
l'addition de nouveaux griefs à 
ceux qu'un comité spécial avait 
dressés contre Louis XVI; récla- 
mer contre le décret qui permet- 
tait à ce prince infortuné de com- 
muniquer avec sa famille ; enfin, 
voter pour sa mort et sans sursis : 
il était absent lors du vote sur la 
question de l'appel au peuple. 
Plus tard, c’est contre Dumouriez 
que Drouet tourna son ardeur dé- 
magogique , et voici, selon la 
version de Dumouriez lui-même , 
quelle fut l’origine de ces hosti- 
lites. 

«Le général, dit-il,avait pour 
courrier affidé, un honnêteet bon 
homme nommé Drouet , frère du 
maître de poste de Ste-Mene- 
hould , qui avait arrêté le Roi à 
Varennes, et qui était un des dé- 
putés dela Convention et jacobin ; 
il Le fit d’abord préparer par son 
frère, le courrier, et ensuite il le 
fit venir ; il lui peignit avec tant 
d'énergie l’atrocité de ce crime , 
que Drouet, frappé d'horreur , 
promit de demander la suspension 
du procès à la Convention et aux 
Jacobins. Drouet tomba malade 
et n'opina pas au jugement (1), 
mais à peine fut-il guéri, qu'il 


a 


(1) Cette assertion est inexacte, 
" 


{ 


98 DRO 


dénonca, en pleiné Convention , 
la démarche du général Dumou- 
riez.» (Mémoires du général D umou- 
riez. T. II, page 327, édition de 
1825.) 

Ardent jacobin ; Drouet prit 
une part très-active à la fatale 
journée du 31 mai 1795 , attaquant 
brutalement les Girondins à la 
tribune , et faisant une guerre fé- 
roce à leurs personnes. Le 5 sep- 
tembre , il! proposa de rendre 
les suspects responsables des suc- 
cès des tyrans, et d’autoriseg les 
conseils-généraux des communes, 
ou les comités révolutionnaires , 
à lesincarcérer sansrendrecompte 
de leurs motifs : à celte occasion, 
il se livra à des mouvemens si vio- 
lens, qu’il réussit à provoquer les 
murmures de lassemblée même 
devant laquelle it parlait. Le pré- 
sident Thuriot le rappela à l’ordre 
à cause de cette phrase : « S’il faut 
» être brigand pourle bonheur du 
»peuple , soyons brigands. » Peu 
de temps après, on l’envoya à 
Farmée du Nord, et il se trouva 
enfermé dans Maubeuge, lorsque 
cette place fut investie par le 
prince de GCobourg. Craignant, 
avec quelque raison , un traite- 
ment sévère , s’il venait à tomber 
entre les mains des Autrichiens, 
il essaya de s’échapper avec cent 
dragons, pendant la nuit du 2 au 
3 octobre; mais il fut pris et en- 
voyé dans la forteresse de Spiel- 
berg, en Moravie. Il avait d’a- 
bord été gardé quelque temps à 
Bruxelles, et plusieurs rapports 
faits à la Convention affirmèrent 
qu’on l’y tenait enchaîné dans une 
cage de fer, avec le projet de Île 
laisser mourir de faim. On envoya 
même à l’assemblée Pinstrument 
qui le retenait enchaîné, et un 


DRO 


décret ordonna que cet instru- 
ment serait attaché au pied de ta 
statue de la Liberté ; mais ces de- 
tails. malgré leur forme officielle, 
peuvent être fort inexacts, et sont 
réputés suspects d’exagération. 
Le G juillet 1704, Drouet essaya 
de s’échapper de la forteresse de 
Spielberg , en sautant par une fe- 
nêtre de sa prison , d’une hauteur 
de deux cents pieds, muni d’une 
espèce de parachute qu’il était 
parvenu à fabriquer lui-même ; 
mais il se cassa nn pied et fut re- 
pris. Il avait laissé dans sa cham- 
bre une lettre trèes-audacieuse , 
adressée à l'Empereur. 

Drouet fut échangé à Bâle, en 
novembre 1795, avec quelques 
autres de ses collègues de la 
Convention ,; contre la file de 
Louis X VT, et il dut à sa captivité 
l'entrée au Conseil des Cinq-cents. 
Pourtant, sa conduite passée avait 
laissé contre lui des impressions 
tellement défavorables, qu’on de- 
manda son exclusion spéciale du 
Corps Législatif, et M. Defermom 
raconta à cette occasion que , 
quelques jours après le 2 juin, 
Drouet le menaçait de lui brûler 
la cervelle ,; s'il ne lui livrait 
M. Lanjuinais, qui venait d’être 
mis hors la loi. Drouet fut admis 
au Conseil des Cinq-cents, et le 
récit qu'il y fitlui-même des souf- 
frances de sa captivité, lui valut 
sans doute un retour d'intérêt , 
puisqu'il fut élu secrétaire. Mais 
la sagesse et la modération qui 
régnaient à cette époque dans les 
conseils de la république fran- 
çaise, ne pouvaient plaire à cet 
indomptable factieux. Il n’hésita 
pas à confesser , ayec une naïveté 
atroce «qu'il eût marché sur les 
»traces de Robespierre et de Ma- 


DRO 


»rat , s’il se fût trouvé dans sa 
» patrie, lors du régime de la ter- 
»reur. » Regrettant sincèrement 
ce règne de sang , il se lia avec 
Babeuf et quelques insensés dé- 
magogues qui complotaient le 
renversement du gouvernement 
directorial. Arrêté avec ses com- 
plices, dans la nuit du 10 au 11 
mai 1706, il fut enfermé à l’Ab- 
baye, et le Conseil des Anciens 
décréta qu’il serait renvoyé de- 
vant la Haute-Cour nationale sié- 
geante à Vendôme ; mais il vint 
à bout de s’échapper dans la nuit 
du 18 août; et, le 20, il fit pa- 
raître dans le Journal des Hommes 
libres, les détails de son évasion, 
qu’il dit s'être opérée par un tuyau 
de cheminée. Il paraît certain que 
Drouet se trouva, dans la nuit du 
9 au 10septembre 1796, au milieu 
de cette foule impure d’agitateurs 
subalternes , qui tentèrent de sou- 
lever le camp de Grenelle contre 
le Directoire, et qu’ildut son salut 
à une laitière , qui le cacha sous 
la paille de sa voiture. Après ce 
dernier effort , Drouet voyant la 
cause des Jacobins définitivement 
perdue , songea à sauver sa per- 
sonne ; il se réfugia d’abord en 
Suisse , et s'embarqua ensuite 
pour les Indes. Le vaisseau qui 
le portait touchait au Pic de Téné- 
riffe, au moment où les Anglais 
attaquaient l’île ; Drouet se battit 
contre eux avec courage. Ayant 
appris peu après qu'il avait été 
acquitté en son absence, par la 
Haute-Cour nationale, ilrentra en 
France , et y fut accueilli assez 
favorablement, par suite de la 
nouvelle direction que le 18 fruc- 
tidor venait de donner au gouver- 
nement. Il recut une indemaité 
pécuniaire pour les pertes qu'il 


DRO 99. 
avait éprouvées durant sa capti- 
vité en Autriche. Il fut, après la 
journée du 30 prairial, un des 
principaux organisateurs du club 
du Manège, et obtint la piace de 
commissaire du Directoire près 
l'administration centrale du dé- 
partement de la Marne. Après le 
18 brumaire , les Consuls le nom- 
mérent .sous-préfet à Ste-Mene- 
hould, et il remplit assez paisi- 
blement ces fonctions, pendant 
toute la durée du gouvernement 
impérial. Ce fut lui qui, en 1810, 
reçut Napoléon dans cette ville , 
et qui le conduisit sur le champ 
de bataille de Valmy, où il lui in- 
diqua les positions. Drouet était 
encore sous-préfet à Ste-Mene- 
hould au commencement de 1814; 
la Restauration l’écarta des fonc- 
tions publiques. Durant les Cent 
jours , il fut élu député de la 
Marne à la Chambre des Repré- 
sentans, où il ne se fit point re- 
marquer. La loi d’amnistie du 6 
janvier1816le condamnaità l'exil : 
nous ignorons s’il sortit de France; 
mais il est certain qu’il se retira 
mystérieusement à Mâcon, où il 
passa les dernières années de sa vie 
caché sous le faux nom de Merger. 
Cette époque est restée envelop- 
pée de nuages. Inconnu à Mâcon, 
Drouet vivait dans la retraite, ré- 
gulièrement etmême pieusement. 
A ses derniers momens, il montra 
le trouble et la contrition d’un 
chrétien repentant de ses fautes ; 
mais il ne s’expliqua pas davan- 
tage, au moins devant le public. 
La surprise fut extrême , lorsqu'on 
découvrit, après qu'il eut expiré, 
que M. Merger était le fameux 
Drouet, de Ste-Menehould. Sa 
mort arriva le 11 avril 1824 : il 
était âgé de plus de 61 ans, 


100 DUB 


DUBOIS ( François-Noet- 
ALExANDRE ), chanoine et théo- 
logal de l’église cathédrale de 
Sainte-Croix d'Orléans, naquit 
dans cette ville, en 1752. Après de 
bonnes études, tant au collège 
qu’au séminaire , à peine fut-il 
surti des bancs qu'il devint maître. 
Pendant plus de dix ans, il pro- 
fessa les mathématiques et la phy- 
sique, au petit-séminaire d'Or- 
léans. L’évêque de cette ville le 
nomma, €R 1787; à UN Cano- 
nicat de la cathédrale. L’abbé 
Dubois n’adopta point les prin- 
cipes de la Révolution et ne leur 
fit aucune concession ,; mais il 
charma par l'amour des sciences, 
les loisirs qu'elle lui imposait. 
Aux mathémitiques qu’il avait 
toujours cultivées par goût, il unit 
l'étude de la botanique , et il a 
laissé un monument des travaux 
auxquels ii dut se livrer en ce 
genre, pendant qu'il remplissait 
les fonctions de démonstrateur au 
Jardin des plantes d'Orléans. Aus- 
sitôt que la législation fut devenue 
tolérante pour les prêtres catholi- 
ques ; l’abbé Dubois établit à Orlé- 
ansun pensionnat quilong-tempsa 
été florissant.et où l’ons’appliquait 
surtout à élever la jeunesse dans 
les principes religieux. Parvenu 
à l’âge de plus de soixante ans, 
l'abbé Dubois quitta l’enseigne- 
ment ; mais il écrivit sur celte 
matière, et dans son zèle pour 
les Frères d: la doctrine chré- 
tienne , il crut devoir attaquer 
l’enseignement mutuel, avec le- 
quel néanmoins ils ne sont nul- 
lement incompatibles. Son acti- 
vité aimait à s’exercer, en outre, 
à la prédication. On pense que 
l’ardeur avec laquelle ik se livra 
dans ces derniers temps, à cette 


DUB 


* 


fonction attrayante, mais pénible, 
a pu abréger ses jours. Il suë- 
comba à une inflammation d’en- 
trailles, le 2 septembre 1824. Par 
son testament, il laissa ses ma- 
nuscrits théologiques au séminaire 
d’Crléans, et ses manuscrits his- 
toriques à la bibliothèque de la 
même ville. Parmi les premiers , 
il existe une Dissertation contre le 
serment de liberté et d'égalité. Un 
travail sur Jeanne d’ Are, pour le- 
quel il'avait fait des recherches 
daus les archives de la villes d’Or- 
léans , doit se trouver parmi les 
seconds : cet ouvrage aurait formé 
un vol. in-4, orné de planches et 
de gravures. 


Liste des ouvrages 


de Fr. N. A. Dubois. 


I. Méthode éprouvée avec laguette 
on peut parvenir facilement et sans 
maitre, à connaitre les plantes de 
Pintérieur de la France et en par- 
ticulier celles des environs dOr- 
léans. Orléans et Paris . 1803, 
in-8. — Il y a de nouveaux titres, 
avec le millésime de 1825 ; Paris, 
chez Creté. 

IT. Mémoire en faveur des sœurs 
de la Croix d’ Orléans. 1815.in-8, 
de 40 pages. 

IUT. Question importante. Les 
Frères des Ecoles chrétiennes peu- 
vent-ils adopter la méthode d’ensei- 
gner connue sous le nom de méthode 
de Lancaster, ou méthode d’ensei- 
gnement mutuel; et s'ils pouvaient 
l’adopter , serait-il avantageux pour 
le public qu’ils le fissent ? Orléans, 
imprimerie de Darnault-Maurant, 
181% ; in-8, de deux feuilles. 

L'auteur résout négativement 
ces deux questions. 

IV. Nouvelle Question impor- 


DUB 


tante : Est-il possible d’établir, 
dans tous les chefs-lieux de dé- 
partement, un collège royal dans 
lequel Eadministration serait gra- 
tuite, chrétienne et religieuse , en 
procurant en mème temps au Sou- 
vernement, une économie annuelle 
de plus d’un million, et en di- 
minuant d'environ six cents francs ; 
la dépense que font les parens pour 
chacun de leurs enfans qui étudient 
comme externes dans les colléges 
royaux ? Orléans, imprimerie de 
Darnault-Maurant, 1818; in-5, de 
quatre feuilles. 

V. Réponse des défenseurs des 
Frères des Écoles chrétiennes , à 
un long article relalif à l’instruc- 
tion publique , inséré dans le Mo- 
niteur du 13 janvier 1818 , etc. 
Orléans, Monceau, et Paris , 
Adr. Leclère , 1818; in-8, d’une 
feuille et demie. 

VI Notice historique et descrip- 
tion de l’église cathédrale de Suinte- 
Croix d'Orléans, 1818, in-8. 

VII. Troisième Question impor- 
tante : Est-il avantageux aux ha- 
bitans d'Orléans qu'on établisse 
dans leur ville une école d’ensei- 
gnement mutuel ? Orléans , impri- 
merie de Darnault-Maurant, 1819; 
in-8, d’une feuille un quart. 

VIII. Plan d'instruction publi- 
que, également propre à procurer 
l’exécution des intentions que S. M. 
nous a manifestées dans son ordon- 
nance du 17 février 1815, et à 
combler les vœux des Français, en 
assurant à tous leurs enfans , dans 
tous Les chefs-lieux de département , 
une éducation chrétienne, religieuse 
et entièrement gratuile, sans aug- 
menter , et même en diminuant les 
dépenses que le gouvernement fait 
tous les ans , pour l'instruction pu- 
blique. Orléans, imprimerie de 


DUB . 101 


Guyot aîné , 1822; in-8, d’une 
feuille et demie. 

Cet ouvrage reproduit les idées 
proposées dans le n° IV ci-dessus. 

IX. Notice historique sur Jeanne 
d’ Arc, et les monumens érigés à 
Orléans en son honneur. in-8 ; de 
seize pages, sans date, mais 
publiée en 1824. 


DUBREUIL ( Joserx ), avocat, 
né à Aix, le 22 juillet 17497, fut 
maire de cette ville durantles Cent 
jours, et y est décédé le 6 juin 
1824. Il est auteur des ouvrages 
suivans, cités dans la Bibliographie 
de la France, rédigée par M. Beu- 
chot ( vol. de 1825, pag. 432 ); 
et en tête desquels il prend aussi 
les titres d’ancien assesseur d’Aix, 
et procureur du pays de Pro- 
vence. ” 

I. Observations sur quelques cou- 
tumes et usages de Provence , re- 
cueillies par Jean de Bony : Essai 
sur la simulation, sur la séparation 
des patrimoines, les obligations de 
la femme mariée et sur l’autorisa- 
tion maritale. Aix, 1815 ; in-4, de 
trente-sept feuilles et demie. 

IT. Analyse raisonnée de la légis- 
lation sur les eaux, pour servir de 
suite aux Observations sur quel- 
ques coutumes de Provence. Aix, 
1817; in-4,de trente-trois feuilles. 

III. Observations sur le rapport 
des dons faits par le père à ses enfans, 
réclamé par les légataires de la 
quotité disponible ; sur le cumul de 
la quotité disponible ordinaire, dé- 
terminée par l'art. 913 du Code 
civil, avec la quotité disponibleentre 
époux , déterminée par l’art. 1904; 
sur ia double relenue de la quotité 
disponible et de la réserve légale, par 
l'enfant donataire qui renonce à La 
succession. Aix, Pontier, 1822; 


r02 DUC 


in-8, de cinq feuilles trois quarts. 


DUCREST ( Cnanrces - Louts , 
marquis ), frère de M°° de Genlis, 
descendait d’une famille noble de 
Savoie , établie en Bourgogne : 
il naquit aux environs d’Autun, le 
28 avril 1747. Entré fort jeune 
dans la marine , il la quitta pour 
le service de terre, en 1765, 
arriva successivement jusqu’au 
poste de colonel-commandant du 
régiment des grenadiers royaux, 
en 1979, et obtint la croix de 
saint Louis en 1582.Le père du feu 
duc d'Orléans lui conféra, en1785, 
la charge importante et lucrative 
de chancelier de sa maison. L’on 
dit que Ducrest donna des idées 
pour le plan qu’on a suivi dans 
les constructions du Palais-Royal. 
En 1787, Ducrest fit présenter à 
Louis XVI, un mémoire dans 
lequel il s’annonçait comme 
l’homme de France le plus pro- 

re à rétablir les finances et à ra- 
mener l’établissement d’un ordre 
et d’un bonheur parfait. Cette 
prétention lui attira lattention 
des chansonniers, et l’on trouve 
dans la Correspondance de Grimm. 
plusieurs des plaisanteries qui 
furent faites à ce sujet ( octobre 
1587. T. IV. pag. 383 et suiv. ). 
Grimm raconte que M. le duc 
d'Orléans , après avoir entendu 
très- patiemment tous les éloges 
que Ducrest se donnait à lui-même 
dans son mémoire, lui dit : « Vous 
» n'avez oublié qu’une chose; c’est 
» de dire que vousétiezle plus joli 
» homme de France. » Le marquis 
Ducrest essaya aussi de faire une 
pièce pour le théâtre de M°° de 
Montesson , que M. le duc d’Or- 
léans avait épousée. — « La der- 
nière nouyeauté, dit Grimm, par 


DUC 


laquelle on a fait la clôture de ce 
brillant spectacle, est celle qui a le 
moins réussi; c’est {a Réduction de 
Paris par Henri IV, grand opéra, 
paroles de M. le marquis Ducrest, 
musique du sieur Méreaux , déjà 
connu par quelques oratorios, exe- 
cutés avec assez de succès aucon- 
cert spirituel. Quoique dans cet 
opéra, Mayenne voie en songe 
toutes les hautes destinées de la 
maison de Bourbon, toutes ses 
alliances , sans en excepter celles 
dont l’amour et la vertu ne s’ap- 
plaudissent encore qu’en secret ; 
quoique l’auteur n’ait rien négli- 
ge, comme l’on voit, pour donner 
à son poëme le caractère le plus 
national , et s’il est permis de 
s'exprimer ainsi, même le plus 
domestique, l’ouvrage n’en a pas 
été trouvé moins ennuyeux, mal- 
adroitement conçu, plus mal- 
adroitement exécuté, sans inven- 
tion et du plus faible intérêt 
( Correspondance de Grimm. Avril 
1981; t. V, p. 289 ). 

Ducrest se démit bientôt de 
son emploi chez M. le duc d’Or- 
léans , ne voulant pas, disait-il , 
s'attacher au parti dont quelques 
hommes ambitieux envirounaient 
ce prince, et il vint habiter la 
terre de Gennevilliers, qu’il possé- 
dait alors. Le Roi le chargea, quoi- 
qu’il fût colonel d’infanterie , de 
construire au Hâvre, d’après un 
système particulier de son inven- 
tion, une frégate de quarante ca- 
nons, qui recut de Louis XVI 
lui-même, le nom de la Prosélyte; 
en même temps, il fit l’épreuve 
d’un procédé qu’il avait imaginé , 
pour garantir nos ports de la 
Manche de l'encombrement dont 
ils sont menacés, par l’introduc- 
tion continuelle du galet; mais 


DUC 


cet essai eut peu de succès. Plus 
tard (1798), il construisit à Co- 
penbague, pour le commerce de 
cette ville, un bâtiment de cinq 
cents tonneaux, uniquement for- 
mé de planches de sapin ; d’un 
pouce d'épaisseur. Ce bâtiment 
navigua très-bien, durant un 
mois, environ; mais entièrement 
dépourvu des fortes pièces de bois 
qui s’emploient dans tous les au- 
tres, pour les rendre solides, 
il heurta contre un banc de sable 
et fut aussitôt mis en pièces. Du- 
crest sortit de France en 1787; 
il y revint vers la fin de l’an- 
née 1790, afin de soutenir de- 
vant lestribunaux, la réclamation 
d’une rente de 13,000 fr. qu'il 
prétendait sur le duc d'Orléans. 
On a dit que deux ou trois avocats 
de Paris , parmi les plus célebres 
de l’époque , craignirent de se 
charger de la cause du marquis 
Ducrest, intimidés par la faveur 
populaire dont jouissait le prince. 
Ducxest prit le parti de plaider 
lui-même et gagna complète- 
ment. Après cela, il quitta la 
France, pour la seconde fois, 
séjourna dix ans environ, dans 
le Holstein , et rentra en 1800. Il 
publia encore depuis son retour, 
divers écrits relatifs à des procédes 
ou mécanismes nouveaux, de son 
invention, qui annoncent tous 
beaucoup d'imagination ,; mais 
pas suffisamment de bon sens. Le 
marquis Ducrest est mort le 8 
avril 1824, dans sa terre de Me- 
hung-sur-Loire , près Orléans : il 
était âgé de 77 ans. 


Liste des ouvrages 


de Ch. L. Ducrest. 


1. Essai sur les machines hydrau- 


liques. 1777, in-$. 


DUC 109 


IT. Essai sur les principes d’une 
bonne constitution. 1589, in-8. 

III. Mémoire sur l'impôt consi- 
déré dans ses rapports avec sa con- 
stitution. 1591, in-$. 

IV. Notice de l'expérience faite 
à Copenhague, pour le compte de 
M. de Coningk, d’un vaisseau cons- 
truit en planches. Copenhague , 

705 , in-5. 

V. Nouvelle Théorie de la con- 
struction des vaisseaux. Copenha- 
gur , 1800, in-8. 

VI. Vue nouvelle sur les courans 
d’eaux, la nwigation intérieure et 
la marine. 1803, in-8. 

VIT. Mémoire contenant le projet 
de létablissement du commerce 
maritime , à Paris et à Versailles. 
1800 , in-8. 

Cette pensée dont cn s’occupe 
sérieusement aujourd'hui, per- 
met de croire qu’il n’a manqué 
aux conceptions de Ducrest, 
pour n'être point chimériques, 
que d’être accompagnées d’une 
instruction plus solide. 

VIII. Traité d'hydrauférie , ou 
l'Art d'élever l'eau porté à sa per- 
fection. 1809, in-8. 

IX. Nouveau Système de navi- 
gation, ayant pour objet la liberté 
des mers pour toutes les nalions , 
et la restauration immédiate de 
notre commerce maritime, au sein 
même de la guerre actuelle. 1811 , 
in-8. 

X.Traité de lamonarchie absolue, 
et des véritables moyens pour opérer 
la libération de la France, garantir 
l’intégrilé de son territoire et assu- 
rer le bonheur du peuple. 1847, 
in-8. 

Cet écrit, publié au commen- 
cement de 1817, et dans lequel 
l’auteur propose entre diverses 
choses bizarres , de payer les sol- 


n di. "tin mé, 


0/4 DUM 

dats avec des espèces de biilet 
de loterie , a eu le sort des pre- 
mières productions de Ducrest. 
Les journalistes de nos jours ont 
plaisanté de ses dernières idées, 
à peu près comme firent Grimm 
et les chansonniers de 1787. 


DUMONT, baron de COURSET 
(Geonces-Louis-MaRiE ) , agro- 
nome , naquit à Boulogne-sur- 
Mer, ancienne province d'Artois, 
le 16 septembre 1746. Dans sa 
jeunesse, il embrassa la carrière 
militaire et parvint jusqu’au grade 
de capitaine de cavalerie. Se trou- 
vant en garnison danslesPyrénées, 
il se livra à l’étude de la botani- 
queetse passionna vivement pour 
cette science. À l’âge de trente- 
un ans, il quitta le service, se ma- 
ria et s’adonna exclusivement aux 
études et aux expériences agro- 
nomiques. La terre de Courset , 
située à cinq lieues de Boulogne- 
sur-Mer, au pied dela chaine cireu- 
laire des moniagnes qui séparent 
le haut et le bas Boulonnais,s’enri- 
chit par ses soins persévérans, des 
plus belles espèces du règne vé- 
gétal, soit nationales , soit exo- 
tiques. « Les jardins de Courset, 
dit M. P.-A. Lair, contiennent 


plus de 5 hectares (10 arpens) ;. 


le parc est encore plus étendu ; 
M. Dumont cultive , sans parler 
des plantes annuelles, au-delà de 
3,600espèces étrangères , vivaces 
et ligneuses, de toute tempéra- 
ture, dont la plupart sont très- 
multipliées. Les châssis ont 120 
pieds de longueur , et les serres 
plus de 150 : celles-ci renferment 
de 6 à 7000 pots et 120 caisses. 
Je ne me lassais point de voir cette 
réunion immense de plantes que 
l’on devait à un seul homme , et 


DUM 
qui était entretenue par un seul 


jardinier et un petit nombre 
d'ouvriers. Le jardinier est chez 


M. Dumont depuis la fondation 


de son établissement ; il en a reçu 
les premières lecons de botanique: 
à travers sa simplicité , je remar- 
quai. beaucoup de bon sens, et 
même de l'instruction. Tous les 
jours la collection de M. Dumont 
augmente : l’on en sera peu sur- 
pris. Placé près des frontières de 
la France , voisin de la Belgique, 
de l'Allemagne, de la Hollande 
et de l’Angleterre , on dirait que 
Courset est, en quelque sorte , au 
centre du monde botanique ; aussi 
est-il cité comme un modèle, dans 
tous les ouvrages nouveaux sur 
l’agriculture et le jardinage... 
M. de Courset est le créateur de 
cette belle propriété ; lui seul en 
a dirigé les distributions , et il l’a 
fait d’une manière d’autant plus 
habile , qu’il ne possédait pas d’a- 
bord tout le terrain, qui a été 
réuni à des époques différentes et 
par des acquisitions successives. 
La forme actuelle des jardins 
n'existe que depuis 1792 et 1794; 
et les plantations n’ont été coim- 
mencées qu’en 1784et 1788 (1). 
M. Lair nous apprend encore 
que le portefeuille de Damont de 
Courset renfermait plus de 1000 
plantes dessinées par lui, dans 
les Pyrénées. Du fond de sa re- 
traite , il entretenait une corres- 
pondance élendue avec un grand 


_ (1) Motice sur les Jardins de M. Du- 
mont de Courset. Paris, imprimerie de 
D. Colas, 1813; in 8, de 19 pages. — 
réimprimée sous le titre de Descrip- 
tion des Jardins de Courset ( Extrait 
d’un Voyage en France). Paris, Dé- 
terville , 1824; in-8, de 20 pages. 


DÜUM 


nombrede savans. Ce habile agro- 
nome est décédé dans sa terre, au 
mois de juin 1824, âgé de près de 
58 ans. Il était membre de la 
Société royale d’Agriculture et 
correspondant de l’Institut. On 
trouve son éloge dans le Procès- 
verbal de la séance publique de la 
Société d'Agriculture, du Com- 
merce et des Arts, de Boulogne-sur- 
mer, du 12 juillet 1824 (Bou- 
logne , in-4°, de 64 pages). — La 
Société royale d’Arras a mis au 
concours lemême sujet, pour l’an- 
née 1825. 


Liste des ouvrages 


de G.-L.-M. Dumont de Courset. 


I. Observations sur l’agriculture 
du Boulonnais. 1584, in-8. 

Il. La Météréologie des cultiva- 
leurs , suivie d’un Avis aux habi- 
Lans des campagnes sur leur santé 
et sur quelques-uns de leurs préju- 
gés. 17598 , in-12. 

TILL Le Botaniste Cultivateur , 
ou Description , culture et usages 
de la plus grande partie des plantes 
élrangères,naturalisées et indigènes, 
cultivées en France et en Angle- 
terre, et rangées suivant la méthode 
de Jussieu. 1598, 3 vol. in-8. — 
PEN O2 ES PES 1807. 
— Seconde édition, entièrement re- 
fondue et considérablement augmen- 
tée. 1811, 6 vol. in-8. — T. VIT. 
Supplément. Paris . Déterville , 
1814, in-8.— Trad. en allemand, 
par C.-G. Berger. Leipzig ; 1804, 
et années suivantes , in-8. 

Le Botaniste Cultivateur a ob- 
tenu beaucoup de succès. Outre 
la nomenclature presque univer- 
selle des plantes , il offre une des- 
cription simple et précise de leurs 
caractères et de leurs propriétés , 


DUS 105 


avec la méthode de {es conserver 
et de les propager. On lui a re- 
proché d’être trop fidèlement tra- 
duit des ouvrages anglais , en 
sorte qu'on y trouve enseignés 
d’une manière générale, des prin- 
cipes de culture qui ne seraient 
parfaitement appropriés qu’à des 
climats analogues à celui de l’An- 
gleterre. 

Les Trimestres de l'ancienne 
Société d'Agriculture de Paris , 
des années 1786, 15787 et 1788, 
contiennent des observations 
géorgico-météréologiques de Du- 
mont de Courset. — Les Annales 
de lAgriculture française, et la 
Bibliothèque des Propriétaires ru- 
raux , renferment plusieurs mé- 
moires de lui. On remarque dans 
le t. II‘ des Annales de LÀ gricul- 
ture française , ses réponses à des 
questions sur l’agriculture , pro- 
posées par le ministre de l’inté- 
rieur, en 1599. — On trouve le 
nom “de Dumont de Courset , 
parmi ceux des collaborateurs 
d'un jourralintitulé : Ephémérides 
des Sciences naturelles et médicales, 
dont nous croyons qu’il n’a paru 
qu’un numéro, en 1816. 


DUSSAULT ( Jean-Josern ), ; 
naquit le 1° juillet 1769 , à VÉ- 
cole royale militaire de Paris , où 
son père était attaché en qua- 
lité de médecin. Placé à l’école de 
Sainte-Barbe, il y fit de brillantes 
études, à la suite desquelles il se 
destinait à l’enseignement des 
humanités , lorsque la Révolution 
survint. Dussault ne se fit remar- 
quer qu'après le Q thermidor : ce 
fut à cette époque qu'il écrivit 
beaucoup dans le journal du con- 
ventionnel Fréron, intitulé Ora- 
teur du Peuple.Cette feuille pério= 


106 DUS 

dique, rédigée dans le sens de la 
réaction thermidcrienne, provo- 
quaitl’indignation publique contre 


les hommes par qui la France ve- 


nait d’être couverte d’échafauds 
et de prisons. Cependant l’Ora- 
teur du Peuple conservait la cou- 
leur des idées dominantes , et 
faisait de telles concessions aux 
circonstances ,; qu’on y retrouve 
jusqu’à l'éloge de Marat. M. Dus- 
sault , qui rédigeait effectivement 
le journal sous le nom de Fréron, 
a dû subir plus tard , lorsqu'on 
l’a vu rangé sousles bannières des 
journaux du côté droit, des ré- 
crininations à l'appui desquelles 
il n’était pas difficile de choisir 
des textes nombreux dans les 
feuilles de l’Orateur du Peuple. 
Néanmoins , on ne peut mécon- 
naître que le journaliste s’éleva 
souvent avec vigueur, contre les 
excès et les crimes de l’époque , 
et qu’il contribua pour sa part, 
à faire restituer aux victimes des 
tribunaux révolutionnaires leurs 
biens confisqués. Dussault publia 
vers le mêine temps, quelques 
pamphlets politiques, écrits dans 
un esprit analogue et qui furent 
remarques. Plus tard, il coopé- 
ra à la rédaction du journal le 
V éridique, dont les principaux 
auteurs furent condamnés à la 
déportation ,; le 18 fructidor 
c’est dire assez dans quel sens il 
était rédigé. 

Après le 18 brumaire, et dès 
l'établissement du Journal des 
Débats, sous sa forme actuelle , 
Dussault devint l’un des collabo- 
rateurs les plus actifs de cette 
feuille, où ses articles sont signés 
de la lettre Y, et plus tard de son 
nom même. À cette époquede ses 
brillans débuts , le Journal des 


DUS 


Débats faisait la guerre à l’école 
philosophique et littéraire de Vol- 
taire , dont les adeptes dégénérés 
offraient de faciles victoires à ses 
attaques. Les excès de la Révolu- 
tion, l'anarchie introduite par 
elle jusque dans la république des 
lettres, avaient préparé les esprits 
à un mouvement rétrograde vers 
le passé. La France se trouvait 
toute disposée à l’admiration pour 
des époques déjà lointaines, signa- 
lées sans doute par de grands 
génieset par de grands caractères, 
mais dont les imperfections et les 
vices échappaient à la préoccupa- 
tion des maux plus récens et plus 
extrêmes, auxquels elle venait de 
se soustraire. Bonaparte, occupé 
à restaurer les institutions et les 
idées de l’ancienne monarchie , 
voyait avec complaisance ce mou- 
vement rétrograde, et le secon- 
dait de tout le prestige de sa for- 
tune, de toute la force de sa puis- 
sance. Les écrivains du Journal 
des Débats rendirent la victoire , 
on ne doit pas le méconuaitre , 
à des idées morales long-temps 
outragées ; ils popularisèrent de 
nouveau des doctrines sociales 
long-temps dédaignées; maisleur 
réaction fut trop souvent exagé- 
rée,arrogante et cruelle. Trop bor- 
nés dans leurs vues, ils ne surent 
aspirer qu’à la résurrection d’un 
ordre d'idées et de sentimens qui 
ne pouvaient acquérir une exis- 
tence nouvelle et durable , qu’à 
condition de se représenter mo- 
difiés par les lumières du siècle et 
accommodés à la situation présente 
de la société. Aussi, tandis qu’ils 
auraient pu s’efforcer d'élargir la 
voie à une philosophie et à une 
littérature , toutes deux neuveset 
fécondes , leurs efforts n’eurent 


ACTE 


DUS 


pour résultat que de communi- 
quer artificiellement un mouve- 
ment factice et passager à des 
cadavres éteints. Le despotisme 
en profita pour marcher à l’accom- 
plissement de ses desseins , et la 
France , tourmentée par ces ten- 
tatives impuissantes et mal diri- 
gees , se montra bientôt disposée 
à subir l’impulsion d’une réaction 
nouvelle, qui risquaitde la retenir 
encore éloignée des régions neu- 
ves et fertiles, où une jeune école 
philosophique , toute patriotique 
et toute religieuse, promet de 
l’entraîner. M. Dussault écrivit 
dansle Journal des Débats, comme 
on pouvait l’attendre d’un esprit 
méthodique et cultivé, mais froid 
et circonscrit en un cercle res- 
serré. Il reproduisit fidèlement , 
dans un style orné des grâces sy- 
métriques et compassées de l’é- 
cole, les jugemens tout faits que 
répète depuis deux siècles l’ob- 
scure génération des rhéteurs. 
Sans audace d'esprit, sans en- 
thousiasme, sans passion , sans 
criginalité , il vanta jusqu’à l’ido- 
lâtrie le siècle de Louis XIV, 
dont il ne voulut voir aucune des 
imperfections, et dont il prit sou- 
vent de travers les admirables 
beautés. Injuste à l'égard de Vol- 
taire et de son école, les égare- 
mens de ce puissant génie ob- 
scurcirent à ses yeux ses beau- 
tés divines. Enfin , admirateur 
exclusif de la perfection des an- 
ciens, il sembla déshériter l'esprit 
humain d’un coup de sa férule, 
du pouvoir de remonter à ce qu’il 
considérait comme l’apogée de sa 
gloire. Il soutint dans une longue 
suite d’articles , écrits avec une 
_exagération paradoxale, qu’il est 
impossible de traduire les anciens 


DUS 107 
d’une manière complètement satis- 
faisante; assertion que dans les 
principales langues modernes, 
assez de grands écrivains avaient 
pris soin de réfuter d’avance. 
Le seul mérite qu’on ne peut 
contester à M. Dussault, c’est 
d'avoir très-bien possédé le mé- 
canisme de son idiome, sans 
qu'il lui ait été donné d’ajou- 
ter à ses richesses par l'originalité 
des expressions qu’il en obtint. Si 
ces Jugemens paraissent sévères , 
c'est que nous n'apprécions pas 
Dussault par comparaison à d’au- 
tres critiques de la même école, 
moins lettrés et moins élégans ; 
mais plutôt , en récrimination 
d’une certaine réputation de supé- 
riorité ,; que l'esprit de coterie 
essaya d’usurper pour lui. 

Depuis 1818, M. Dussaultavait 
cessé de coopérer régulièrement 
à la rédaction du Journal des Dé- 
bals ; mais ii jouissait d’une pen- 
sion sur la caisse de ce journal. 
Les articles principaux qu'il y 
avait publiés durant une longue 
suite d'années, furent recueillis 
en volumes, sous le titre d’{n- 
nales littéraires ; c’est alors qu’on 
put s’apercevoir, par le froid 
accueil du public, que ces pro- 
ductions éphémères étaient déjà 
vieiliies, et qu’elles n’étaient plus 
en harmonie avec les idées et les 
goûts de notre temps.Leslouanges 
que les Annales littéraires obtin- 
rent danslesjournauxs’expliquent 
facilement, par la position parti- 
culière de l’auteur, et par un 
certain intérêt curieux , qui s’at- 
tache toujours aux chroniques de 
la république des lettres , surtout 
quand elles nous entretiennent 
d’époques qui n’ont point encore 
trouvé leur historien. 


108 DUS 


M. Dussault obtint, en 1818 , 
la décoration de la Légion d’Hon- 
neur, et plus tard, l’une des places 
de conservateur de la bibliothèque 
de Sainte-Geneviève ; c’est dans 
cet asile littéraire qu’ilest décédé, 
le 14 juillet 1824, âgé de cin- 
quante-cinq ans, après avoir reçu 
les secours de la reiigion catholi- 
que et dans la profession de sa 
foi et de sa piété. — M. de Féletz 
a consacré dans le Journal des 
Débats, du 19 juillet 1824, une 
notice intéressante à son ancien 
collaborateur. — On a publié: 
Catalogue des livres de la biblio- 
thèque de feu M. Dussault. Paris, 
Pichard , ts in-8 , de quatre 
feuilles. 


Liste des ouvrages 


de J. J. Dussuult. 


EL. Fragmens pour servir à l’his- 
toire de la Convention nationale. 

IT. Letire au citoyen Raæderer, 
sur la religion. An III, 1705 , 
in-8. 

III. Lettre au citoyen Bonnet, 
au sujet de son journal. dem. 

IV. Lettre au citoyen La Harpe. 

V. Leitre à M.J. Chénier.1807, 
in-8. 

Elle fut publiée à l’occasion des 
critiques que Dussault avait faites 
dans leJournal des Débats, du Cours 
de littérature de Chénier, à l’A- 
thénée. Chénier y répondit dans 
un de ses opuscules. 

VI. Annales Littéraires ; ou 
Choix chronologique des principaux 
articles de littérature insérés par 
M. Dussault , dans le Journal des 
Débats, depuis 1800 jusqu’en 1817 
inclusivement ; recueillis ét publiés 
par l'auteur des Mémoires histori- 
ques sur Louis XVII ( M. Ec- 


DUS 


khard ). Paris, Maradan , 1818 ; 
4 vol. in-8 —T. F. publié par M. 
Massabiau. Paris, Grimbert, 1824; 
in-8, un vol. 

M. Dussault a été l'éditeur des 
ouvrages suivans,; ou du moins 
il a coopéré à leur publication : 

1° Oraisons funèbres de Bossuet , 
Fléchier, Mascaron , de la Rue, 
Bourdaloue, Massillon, etc. Paris, 
Janet, 1820, 21, 22; 3 vol. 
in-8 , fig. 

Cette collection, dont M. Dus- 
sault n’a publié que 3 volumes, 
contient de lui, un Discours sur 
l’'Oraison funèbre , et des Notices 
biographiques sur les orateurs sa- 
crés dont elle reproduit les chefs- 
d'œuvre. 

2° Quintus Fabius Quintilianus, 
de Institutione oratoriä , ad codices 
pärisinos recensitus , cum inlegris 
commentariis G. L. Spalding , 
quibus novas lectiones et notas ad- 
jecit J. J. Dussault. Paris, 
Nicolle, 1821, 22, 23; in-8, 
4 vol. 

Cette édition fait partie de la 
collection des Classiques latins, 
publiée par M. E. Lemaire. La 
préface, fort bien écrite en latin , 
est de M. Dussault. Celui-ci a 
joint au travail de Spalding les no- 
tes de Turnèbe et de Rollin , avec 
les variantes de quinze manuscrits, 
collationnés par M. Vicaire, qui 
fut dans son temps, recteur de 
l’Université de Paris, 

5° Notice sur La vie et les outra- 
ges d’ Augustin de Barruel. Paris, 
Clo, 1823 ; in-12, de cinq sixièmes 
de feuille. — opuscule tiré à part, 
et qui se trouve en tête de la 
sixième édition des Helviennes pu- 
bliée la même année, chez Méqui- 
gnon fils aîné, en 4 vol. in-12. 
Nous avions “déjà et précédem- 


C4 


DUV 


ment, consacré une notice à l'abbé 
Barruel, dans l’ Annuaire Nécro- 
logique de 1820 , page 6. 

4° Mémoires de Melle Dumesnil, 
en réponse aux Mémoires d'Hippo- 
lyte Clairon; revus, corrigés et 
augmentés d’une Notice sur cette 
comédienne, par M.Dussault. Paris, 
Ponthieu, 1823 ; in-8. — fait 

artie d’une série de mémoires in- 

titulée: Collection de L'émoires sur 
l’ Art dramatique. 

5° Enfin, M. Dussault a donné 
des articles dans la Biographie 
Universelle. 


DUVAUCEL ( AzrRep }, VOya- 
geur-naturaliste. Après avoir ser- 
vi dans l’armée française. et 
s'être distingué au siége d'Anvers, 
où il fut nommé officier d’or- 
donnance , il reprit, lors duréta- 
blissement de la paix, ses études 
d'histoire naturelle , dans les- 
quelles il eut l'avantage d’être di- 
rigé par le célèbre Cuvier, son 
beau-père. Quelquetemps après, 
il fut envoyé dans l’Inde par le 
gouvernement français, comme 
naturaliste du Roï, et arriva à 
Calcutta en 1818. Il s’y joignit à 
M. Diard, afin d’étudier l’histoire 
naturelle de l’Inde, et rassembler 
des animaux pour le Muséum de 
Paris. Ils travaillèrent ainsi dans 
les environs de Calcutta jusqu’à la 
fin de 1818, et dans ce court es- 
pace de temps, ils envoyèrent 
parmi beaucoup d’autres objets, 
un squelette du dauphin du Gange, 
le crâne de la vache à courte 
quêue, une description du tapir , 
deux faisans à cornes, et un bouc 
de Cachemire, le premier qu’on 
ait possédé en France, où il existe 
encore. Les deux naturalistes quit- 
ièrent le Bengale avec sir Stam- 


DUV 109 , 


4 


fort Raffles, pour se rendre à 
Sumatra, où ils rassemblèrent 
une collection considérable , jus- 
qu’à la fin de 1819. Parmi un 
grand nombre d'objets curieux 
qu'ils avaient recueillis, se trou- 
vait un dugong, celui de tous les 
animaux qui se rapproche le plus 
de la fabuleuse syrène. Une des- 
cription de cet animal , faite par 
les naturalistes français, a été in- 
sérée par sir Everard Home, dans 
la deuxième partie des Transac- 
tions philosophiques de 1820. En 
1819; MM. Diard et Duvaucel 
quittèrent Bencoolen ; le premier 
continua ses travaux du côté de 
l'Est, et est au moment de reve- 
nir de la Cochinchine ; M. Du- 
vaucel retourna au Bengale, et 
l’on reçut à Paris, pendant les 
années 1820 et 1821, quatre col- 
lections considérables qu’il y en- 
voya , et qui furent déposées dans 
les galeries du Muséum. En 1821, 
M. Duvaucel partit pour explorer 
les forêts du Sylhet : il pénétra 
au delà des frontières, traversa 
une partie du Cossya, et fut le 
premier Européen qui visita la 
caverne de Bhunava. Le climat 
malsain du Sylhet lui donna une 
fièvre des bois qui le força de re- 
venir à Calcutta, ramenant une 
grande quantité d'animaux , tous 
d’un grand intérêt, soit local, 
soit général. Son premier désir 
fut ensuite de visiter le Napaul ; 
mais les évènemens politiques fi- 
rent échouer son projet, et il ne 
put explurer que les contrées si- 
tuées au pied des montagnes. Il 
passa la plus grande partie des 
années 1822 et 1823 à Bénarès et 
à Katmendos, où il réunit les col- 
lections les plus précieuses; mais 
des fatigues et des dangers inouïs, 


110 EYM 


joints à la fièvre qui ne le quittait 
plus , rendirent de nouveaux ef- 
forts impossibles, et M. Duvaucel 
revint à Calcutta. La collection 
qu’il rapporta consistait principa- 
lement en oïseaux ; les quadru- 
pèdes avaient composé un pre- 
mier convoi; il s’y trouvait aussi 
une quantité considérable d’alli- 
gators , de lézards , de serpens et 
d'insectes. Le nombre des objets 
se montait à plusieurs centaines. 
Il languit pendant quelques mois 
après son retour , sans éprouver 
de soulagement; et on le décida , 
comme dernière ressource , à es- 
sayer l’air dela mer. Il quitta donc 
Calcutta vers la fin des dernières 
pluies , et n’arriva à Madras que 
pour y rendre le dernier soupir ; 
il mourut dans la maison de Her- 
bert-Compton , écuyer , avocat- 
général, vers la fin d'août 1824, 
âgé seulement de trente-un ans. 
M. Duvaucel n’était pas simple- 
ment un collecteur, c'était un 
observateur spirituel des mœurs 


EYM 


animales ; il décrivait avec beau- 
coup de talent tous les objets de 
ses recherches immédiates, et 
ceux même qui n'avaient avec 
elles que des rapports éloignés. 
Sa description de la caverne de 
Cossya et les extraits de ses lettres 
insérés dans la Revue encyclopédi- 
que (1), sont des preuves suffi- 
santes de son mérite en ce genre; 
et ses communications à la Société 
Asiatique témoignent de ses gran- 
des connaissances et de son ardeur 
pour l’histoire naturelle. Son der- 
nier mémoire , inséré dans le vo- 
Jume qui va paraître des Recherches 
Asiatiques, peut donner une idée 
de sa facilité à apprendre les lan- 
gues étrangères. Quand il arriva 
dans l’Inde , il ignorait compiè- 
tement l'anglais, et cependant 
le mémoire dont nous parlons, 
sur l’Hippélaphe d’Aristote , est 
écrit dans cette langue , et a 
été rédigé par lui-même (Ex- 
trait du Journal Asiatique ; mai 


1825 ). (2) 


Ee 


EYMAR ( Craune ), naquit à 
Marseille, en 1748. Fils d’un 
négociant de ceite ville, il ne 
s’appliquait qu'avec dégoût aux 
affaires du commerce , lorsque 
la lecture de l’Emile de J. J. 
Rousseau lui inspira des idées 
sérieuses et philosophiques qui 
firent naître en lui l’amour du tra- 
vail. Depuis lors , il voua une es- 
pèce de culte au philosophe de 
Genève. En 1754, ilentreprit le 
voyage de Marseille à Paris, exprès 
pour faire sa connaissance. On 


sait qu’il n’était pas facile de voir 
Rousseau. M. Eymar s’introduisit 
chez lui, sous le prétexte de lui 
apporter de la musique à copier. 
Ce moyen lui réussit très-bien ; 
et quatre ou cinq fois, il revint 


(1) Voyez ?. x, p. 475; et t. xxi, 
p: 297: | 

(2) On a publié à part, extrait du 
même Journal Asiatique : Notice sur 
le voyage de M. 4. Duvaucel , dans 
l'Inde. Paris, Doudey - Dupré, 1824; 
iu-8°, d'une feuille et demie. 


FIG 


chez le philosophe de Genève, 
lui paya son travail, et en fut 
assez bien accueilli. Cette liaison 
naissante fut brusquement inter- 
rompue par les affaires, qui rap- 
pelèrent M. Eymar à Marseille ; 
et depuis , il ne conserva plus au- 
cune relation avec Rousseau ; 
mais son enthousiasme pour lui 
ne fut point refroidi : il ne cessa 
de s'occuper de ses ouvrages. 
Plus tard, il mit par écrit jusqu'aux 
détails les plus minutieux de ses 
relations avec Jean-Jacques. Cet 
opuscule intéressant, intitulé : 
Mes Visites à J. J. Rousseau, à 
été publié pour la première fois, 
par M. Musset-Pathay, dans le 
T. I des Œuvres Inédites de J. J. 
Rousseau ( Paris, P. Dupont, 
1825, in-8 ). Ce vol. contient en 
outre, les opuscules suivans de 
M. Eymar. — Examen de la lettre 
de J. J. à d’ Alembert. — Examen 
du jugement de M. Servan sur les 
ouvrages de J.J. Rousseau. — Ré- 
ponse aux critiques ( concernant 
Rousseau ) de MM. Sennebier 
Trembley et Prévost. — Question 
de droit politique: Rousseau pouvait- 
il renoncer à sa patrie ? — Examen 
de la Nouvelle Héloïse. —Coup d'œil 
sur lEmile. — Analyse du Con- 
trat Social. Les divers écrits de 
M. Eymar remplissent 404 pa- 
ges du volume. 


FIG 111 


M. Beuchot indique encore (Bi- 
bliographie de la France, vol. de 
1825, p. 448), d’après les Notices 
des travaux de F Académie du Gard 
(cahiers de 1807, 1609 et 1810), 
dont Eymar était membre, l’écrit 
suivant du même auteur , proba- 
blement inédit : Appel à la posté- 
rité, ou Examen du discours deJ.J. 
Rousseau sur l'inégalité des condi- 
tions; et du discours de J.J. Rous- 
seau sur les sciences. — M. Musset, 
dans l’ Avertissement du tom.I1.des 
Œuvres inédites de J.J. Rousseau, 
nous fait connaître les sujets de six 
autres écrits d'Eymar, savoir : Sur 
la Nature et l'essence de la loi; 
— sur le Droit de punir et la peine 
de mort ; —sur la Mendicité ; — des 
Causes favorubles à la population ; 
—de la Liberté de la presse. — En- 
fin, le sixième, qui seul a été 
publié, est intitulé : De l’Influence 
de la sévérité des peines sur les cri- 
mes , discours qui aremperté le prix 
de l Académie de Marseille. 1585; 
in-8. — Plusieurs bibliographes, 
Ersch , Desessarts ,; le Dic- 
tionnaire historique universel de 
1810, etc., attribuent mal à 
propos ce dernier écrit à Ange 
Marie d’'Eymar, mort préfet du 
Léman , en 1803 : il est bien 
de Claude Eymar. Celui-ci mou- 
rut à Bellegarde, près Nimes, 
en 1822. 


Fe 


FIGON ( Louis ), prêtre; né 
aux Pennes, près Marseille , le 
9 février 1745, avait fait sa théo- 
logie aux missions de France. 
Quand :ïl eut été ordonné, il 


exerça le ministère sacré durant 
quelques années , en diverses pa- 
roisses, et entra ensuite dans Ja 
congrégation de la mission, dite 
de saint Lazare. Il professa la 


112 FUL 

théologie à Arles et puis à Mar- 
seille. Ayant refusé de prêter ser- 
ment à la Constitution civile du 
clergé , il émigra à Nice, où il 
s’adonna à la chaire. Revenu en 
France sous le Directoire, il fut le 
premier à Marseille , qui osa cé- 
lébrer en public loffice divin , 
et il desservit l’église des Missions 
jusqu’au concordat de 1802. A 
cette époque, M. de Cicé , nou- 
vel archevêque d’Aix, lui donna 
la cure d’Aubagne. Lorsque la 
congrégation de saint Lazare 
eut été rétablie, en 1816, Fi- 
gon obtint de son supérieur , 
de rester dans sa cure, sans cesser 
d’appartenir à la congrégation. Il 
est mort le 9 juillet 1824. C’é- 
tait un ecclésiastique rempli de 
piété et qui ne manquait pas 
de lumière. On n’a de lui qu’un 
opuscule intitulé : L’Encyclique de 
Benoit XIV, Vix pervenit, eæpli- 
quée par les tribunaux de Rome ; 
par un curé, ancien professeur de 
théologie. Marseille, Camoin; et 
Paris, Adr. Leclère, 1822; in-8, de 
deux feuilles et demie. C’est un 
extrait des cahiers de théologie de 
l’auteur ; il y démontre que l’En- 
cyclique n’est pas contraire au 
prêt à intérêt. 


FULVY(Paiisert-Louis-Orry, 
marquis de ), fils de Jean-Henri- 
Louis Orry, conseiller d’état, in- 
tendant des finances , frère du mi- 
nistre d'état du même nom, à qui 
Gresset adressa une jolie épitre. 
Le père de notre auteur établit à 
ses frais, à Vincennes, la belle 
manufacture de porcelaine , qui, 
à sa mort, fut transférée à Sèvres, 
pour le compte du Roi, et mise 
sous la surveillance de M. Bertin. 
Elle est connue aujourd’hui de 


FUL 


toute l’Europe, par la perfection 
de ses ouvrages et l’excellence des 
peintures qui les embellissent. 
— Le marquis de Fulvy naquit le 
4 février 1756, peut-être à Ver- 
sailles , ou peut-être dans la terre 
dont il portait le nom (1), et qu’il 
décrivit ainsi, dans sa quarante- 
septième fable : 


On rencontre , allant de Tonnerre 
Au territoire bourguignon, 
Un paysage gai, petit coin de la terre, 
Aussi délicieux que les bords du Lignon: 
Voisine d’un bosquet , solitude charmante, 
Abri du rossignol , de mes courses le but, 
Dans des roches de marbre brut, 
Y jaillit avec force une source abondante. 
LA coule, en serpentant, le paisible {rmançon, 
Qui va bordant Fulwy de l’une de ses rives , 
Et l’enrichit de son poisson; 
Qu’un joli château neuf, à mi-côte domine, 
Ayant le village à ses pieds, 
El pour vue un bassin que remplit, que termine 
Un ensemble enchanteur de tableaux variés. 


La fable intitulée : /e Pécheur et 
le Brochet , contient ces détails : 
Un jour, dans les filets que les pêcheurs jetèrent, 

Pour moi, seigneur de ce château, 

Vingt brochets d’un coup se trouvèrent, 
Dix-neul étaient petits : on les remit à l’eau. 


Un seul aux pêcheurs parut beau, 
Et ce fui Le seul qu’ils gardèrent. 


Le pêcheur lui reproche d’avoir 
dévoré à lui seul plus que tous les 
autres , le fretin de la rivière. Le 
brochet l’avoue et il ajoute : 

Mais du sort des humains que le nôtre diffère! 
J’éprouve un châtiment que les petits ont fui; 


Et le plus gros voleur est parmi vous celui 
Qui se tire le mieux d'aflaire. 


Cette fable est dédiée, par un 
envoi, à M. de Lamoignon, garde 
des sceaux de France , ancien ca- 
marade de collége, et ami de 
M. de Fulvyÿ, qui dit, entre au- 
tres choses, que le chancelier 
écrira sur le palais : 


Aux gratds voleurs point de reldche. 


(1) Suivant un journal, Fulvy na- 
quit à l'ile de France (ile Maurice ). 


FUL 


Cela devrait bien être toujours 
ainsi; mais l’on sait, par nulle 
exemples passés, présens et fu- 
turs, que la méthode contraire 
la prévalu. — Dans la vingt- 
deuxième fable , eù Pandore est 
mise en scène avec un colporteur, 
elle répond à un reproche de son 
interlocuteur, ce trait si moral : 


Monstre, reprit Pandore, aux malheureux mortels 
Tunuis bien plus que moi, tu fais plus de victimes; 
Si je portai les maux, toi tu portes les erimes, 

Et ce sont là les maux réels. 


On!peut juger par ces passages, 
du style et du talent de M. de 
Fulvy.Le Miroir, du 15 mai 1825, 
contient un article spirituel et 
caustique sur ce poëte, dont on a 
attribué , je ne sais pourquoi, les 
poésies à Louis X VIIT. Ce prince 
avait assez d'esprit naturel, assez 
de richesse de son propre fonds, 
sans qu’il fût besoin d'aller dé- 
pouiller autrui pour en grossir son 
bagage.Est-il d’ailleurs nécessaire 
qu’un roi fasse des vers ? Louis 
XVIII en a fait, mais peu ;,tandis 
que le marquis de Fulvy en a fait 
beaucoup. — « On croit que ce 
marquis est un être de raison ( dit 
le Miroir ), un marquis imagi- 
naire, comme le marquis de Ca- 
rabas ; on a tort. Le marquis de 
Fulvy a bien réellement existé ; 
il était neveu de M. Orry, non 
pas le comte, dont les prouesses 
ont fourni matière à une romance 
et à un vaudeville ; mais Orryÿ, 
qui fut contrôleur général sous 
Louis-le-Bien-Aimé: Fournisseur 
des plus exacts du Mercure, de 
l'A lmanach des Muses , et de l’Al- 
manach (x) de l’illustre M. d'Aquin 


(1) Connu sous le titre d'Ætrennes 
d Apollon. 


FUL 1195 
de Château-Lyon, ce marquis flo- 
rissait peu de temps après la Muse 
limonadière ; entre le marquis de 
Villette et le chevalier de Meude- 
Maupas ; c'était l’inévitable de l’é- 
poque, versifiant partout et sur 
tout. Il a même rédigé pour les 
Etats généraux, des cahiers ou des 
avis en couplets, sur l’air du haut 
en bas.» — Le petit Almanach des 
Grands Hommes parle en ces ter- 
mes (p.90 ), du marquis de Fulvy: 
—« Un des poëêtes les plus labo- 
« rieux de la nation ; on trouve, 
« s’il est permis de le dire, 
« que ses Charades sont un peu 
« trop épiques : on désirerait qu’il 
« les maintint à la hauteur de ses 
« autres poésies. v — Et l’on ré- 
voque en doute une existence si 
authentiquement constatée ! l’exi- 
stence d’un homme qui a brille 
comme poëte et comme marquis! 
C’est aux jeunes gens a réparer Ce 
tort autant qu'ils le pourront. » 
— Fortbien, ce ton est très-plai- 
sant et très-piquant dans un jour- 
nal ; mais le piquant et le plaisant 
ne sont pas toujours le style de la 
vérité. Si Rivarol a donné place 
dans son Dictionnaire au marquis 
de Fulvy,il s’y trouve avec De- 
lille,et Florian, qu’il suffit de nom- 
mer pour prouver que la justice 
n’accompagne pas toujours le sel 
de ses mordantes censures, qui 
peuvent faire sourire les lecteurs, 
mais qui ne doivent être d’aucune 
autorité pourles critiques. Aussi, 
a-t-on parlé de lui sur un autre 
ton, dans le Journal des Débats du 
15 juin 1825. C’est un correspon- 
dant de Londres qui s'exprime de 
cette manière : « Modeste, plein 
de douceur et d’amabilité, il re- 
présentait danstoute sa perfection, 
l’ancien caractère des chevaliers 


8 


117 FUL 

français. Homme d'esprit, sans 
nulle prétention, il était, jusque 
dans l'extrême vieillesse, de la 
plus agréable société. Il avait cul- 
tivé les musées avec succès , long- 
temps avant notre révolution: 
elles lui servirent dans lexil, à 
charmer les chagrins que lui fai- 
saient éprouver les malheurs de 
sa patrie , et jamais paroles n’ont 
été plus sincères, ni plus dignes 
d’un vrai Français, que celles qui 
terminent son testament : « Je 
»meurs fidèle à la religion et à la 
»monarChie établie sur la légiti- 
» mité.» — Poëte chaste , poète de 
la vertu , il a craint, par une dé- 
licatesse qui lui était naturelle, de 
s'être oublié une seule fois dans 
ses nombreuses poésies ; et il a 
fait cette recomandation qui 
l'honore. « Si lon donne au pu- 
»blic quelques ouvrages de moi, 
»je veux que ce soit après l’exa- 
»men le plus scrupuleux des 
» pièces que l’on imprimera. Re- 
»pentant des mauvais exemples 
»que j'ai pu donner pendant ma 
»vie, je suis loin de vouloir y 
»ajouter de mauvaises leçons 
»après ma mort. » —Sa maison, 
simple comme celle d’un émigré, 
paraissait un sanctuaire où l’on 
n'entrait qu'avec respect. Il avait 
choisi, dans un âge avancé , une 
épouse vertueuse , digne de lui, 
et qui, d’un caractère merveilleu- 
sement assorti au sien, a fait la 
consolation et tous les agrémens 
de ses dernières années. Une 
femme forte, donnée par le ciel à 
Fhomme de bien , s’occupant sans 
cesse d’adoucir les peines du vé- 
nérable vieillard ; et ce vieillard 
occupé paisiblement à chercher 
encore , sous les glaces de l'âge , 
les fleurs de Fa poésie ; tout offrait, 


FUL 


chez ce vétéran de l’émigration , 
l’image de la paix et du bonheur. 
Ses amis aimaient à jouir de ce 
spectacle des mœurs antiques: 
Quoiqu'il communiquäât peu ses 
poésies, dont il ne fit jamais va- 
nité, on connaît cependant de lui 
quelques pièces pleines de grâces 
et de délicatesse , surtout des fa- 
bles imitées des plus célèbres fa- 
bulistes anglais. On pourrait, de 
ce qui se trouve de meilleur dans 
ses ouvrages, former un volume 
qui serait certainement reçu favo- 
rablement du public. M. le mar- 
quis de Fulvy emporte les regrets 
de tous ceux qui l’ont connu, et 
il suffisait de le connaitre pour 
s'attacher irrévocablement à lui.» 
— 1l paraît que le correspondant 
de Londres ( où le marquis de 
Fulvy décéda le 18 janvier 1823) 
ne connaissait pas un recueil 
in-12, qui parutà Madrid, en 1798, 
contenant centtrente-trois fables; 
de l’imprimerie de Sanche. Il est 
de deux cent soixante-deux pages, 
dit M. Adry: Nota. Je ne sais si 
elles sont en français. » — Ce 
doute du savant bibliographe est-il 
une épigramune ? Car peut-il avoir 
ignoré que le marquis de Fulvy 
avait au moins une trentaine de 
fables , imprimées depuis long- 
temps dans tous les journaux , 
antérieurement à 1789? Quoi qu’il 
en soit, le seul exemplaire peut- 
être qui existe en France, se 
trouve à la Bibliothèque du roi 
(coté Y. 6611. t. V. a.) ; il n'a 
que 260 pages. 

On a publié : 

1° Relation d’un voyage de Paris 
à Brusxelles, en 1591, suivie de poé- 
sies diverses. in-18, Paris, 1823, 
Urbain Canel. 

Le voyage est de Louis X VIIT ; 


GAU 


les poésies sont : la premitre, 
sur un éventail, de Lemière ; 
toutes celles qui suivent ap- 
partiennent au marquis de Ful- 
vy ,; sauf les deux dernitres 
( la Boutade improvisée pour la fête 
de Madame , et les Mouchoirs 
blancs, anecdote historique ), qui 
sont du feu roi. Mais on a oublié 
d’y joindre d’autres morceaux qui 
appartiennent réellement à ce 
prince et entre autres un disti- 
que sur les couches de S. A. R. 
Madame la duchesse de Berri. 
Comment a-t-on pu imaginer 
que Louis X VIII, alors Monsieur, 
avait pu preñdre le ton, le rôle, 
le style de son prétendu pseudo- 
nyme ? qu’il $’était amusé à se 
dire, dans plusieurs piècesen vers, 
neveu du ministre Orry, et qu’il 
avait cru devoir parler sans césse 


GAU 115 


de éet Orry ? Cela était-il naturel, 
et dans l’ordre des convenances ? 
Ilne fallait donc pas que l’éditeur 
de ce recueil admiît si légère- 
ment une propriété qui, à là 
simple réflexion, devaitlui paraî- 
tre incertaine. 

2° Louis XVIII : sa vie, ses 
derniers momens et sa mort; sui- 
vis du détail de ses funérailles, 
d’un recueil d’anecdotes sur ce prin- 
ce, etc. Par E. de St. H. — Paris, 
Peytieux, 1825 ; in-12, deux édi- 
tions. 

On à répété exactement dans 
ce volume les mêmes pièces qui 
se trouvent dans le précédent ; 
ainsi il faut lui appliquer les 
inêmes remarques. ( Extrait des 
Souvenirs et Mélanges de M. L. de 
Rochefort. Paris, Bossange frè- 
res, 1829. T TJ; pag. 199.) 


Ge 


. GAUTIER (du Vär}) (Istnore- 
Mate - BRIGNOLLES ) , né à Bri- 
gnolles, en Provence , fut député 
du département du Var au Conseil 
des Cinq-cents ; après le 18 fruc- 
tidor. Il ne parut point à la tri- 
bnne , mais il publia dans le Mo- 
nileur des 2 prairial et 12 messidor 
an VI (1798), deux lettres , oùil 
accuse ceux qu’il appelle les 
contre-révolutionnaires du Midi , 
de recommencer à piller et assas- 
siner. Depuis la Restauration , 
M. Gautier changea de bannière , 
et devint écrivain ministériel ; 
c’est-à-dire qu’il défendit d’abord 
M. Decazes contre la majorité de 
la chambre de 1815, puis contre 
le côté droit et le côté gauche ; 


puis il écrivit pour le second mi- 
nistère de M. de Richelieu, puis 
enfin, pour celui de M. de Villèle. 
On suit dans ses Annales des ses- 
sions du Corps Législatif. publiées 
de 1814 à 1822, les révolutions 
de sa politique. C’était d’ailleurs 
un écrivain médiocre. Gautier (du 
Var) est mort à Paris , le 20 dé- 
cèmbre 1824, âgé de cinquante - 
veuf ans. 


Liste des ouvrages 


de I.-M.-B. Gautier (du Var). 


I. Réfutation de l'Exposé de la 
conduite politique de M. Carnot. 
1815, in-8. 

IT. ( Avec M. d’Auréville. } 


+ 


LL ' 


MG, p: 2ZGAU 


Annales historiques des sessions du 


Corps Législatif, années 1814 et 
1815, et Parallèle des opinions des 


auteurs avec celles de M. Fiévrée , 
auteur de l'Histoire de la session 
de 18:5. Paris, 1816; 2 vol. 
in-8. — Session de 1816; 181% , 
in-8. — Session de 1815 ; 1818, 
a vol. in-8. — Seconde édition ; 
1818, in-8. — Session de 1818 ; 
1821, in-8. — Session de 1819 ; 
1822 , in-8. — Session de 1820 ; 
1822 , in-8. — Session de 1821 ; 
1825, in-8. — Session de 1822 ; 
1825 , in-8. Lacollection des An- 
nales forme ainsi dix volumesin-8. 

IT. (Avec le même.) La Vérité 
sur les sessions , années 1815 et 
1816, et Apercu sur les élections 
de 181%. Paris, 1815, in-8. — 
Seconde édition ; 1818 , in-8. 

IV. (Avec le même.) Réflexions 
sur le dernier ouvrage de M. le 
vicomte de Châteaubriand , intitulé: 
Du Système suivi par le ministère. 
1818, in-8. 

V. (Avec le même.) La Vérité 
aux électeurs de 1818 , précédée 
d’une Lettre à Benjamin Constant. 
1818 , in-8. 

VI. (Avec le même.) La Vérité 
aux électeurs de 1820. Réflexions 
sur la nouvelle loi des élections et 


. sur les avantages de la dissolution 


de la chambre. 1820, in-8. 

VIL Attention ! électeurs de la 
seconde série, sur les choix que vous 
êtes appelés à faire. 1822. in-8. 

VIII. Conduite de Bonaparte 
relaticement aux assassinats de 


Mgr. le duc d'Engfien et du mar-, 


quis de Frotté. 1825 , in-8. 

IX. Des Indépendans, des Libé- 
raux et des Constitutionnels . ou- 
vrage adressé aux électeurs fran- 
cais. Paris, Ponthieu , 1825 ; 
in-8 , de cinq feuilles. 


GER 


Quelques autres opuscules de 
Gautier ( du Var )} sont ano- 


nymes. 


GERAUT ( Marmev ), doc- 
teur-régent et professeur de lan- 
cienne faculté de médecine de 
Paris , ci-devant médecin bre- 
veté de la marine , est mort subi- 
tement, le 12 avril 1824, âgé de 
76 ans. Nous connaissons de lui : 

I. Essai sur la suppression des 
fosses d’aisance , etc. Amsterdam 
et Paris, 1786, in-12. 

IL. Projet de décret à rendre sur 
l’organisation civile des médecins et 
des autres officiers de santé, pré- 
senté à l Assemblée nationale. 17914 
in-8. 


GÉRICAULT ( Jeax - Lowis - 
TaéonoRE-AxDRÉ), peintre, na- 
quit vers le commencement de [a 
Révolution. Entré à l’école de 
M. Guérin, il y fit en fort peu de 
temps, des progrès remarquables. 
Son maitre, qui découvrait en 
lui les symptômes d’une ima- 
gination ardente , ne chercha 
pas à l'arrêter dans son essor; il 
permit à ce talent fougueux de 
suivre le coursde sesinspirations, 
quelquefois audacieuses , mais 
toujours pleines de chaleur et 
de vie. Son début au salon fit 
beaucoup de sensation. Les ar- 
tistes et les amateurs remarqué- 
rent dans son Chasseur à cheval . 
quelques incorrections ,; et un 
faire trop heurté ; mais en même 
temps, une fermeté de dessin et 
une hardiesse de touche dignes 
des plus grands éloges. Un Cui- 
rassier blessé, expose l’année sui- 
vante , obtint un pareil succés. 
Mais tout à coup, le Naufrage de 
la Méduse vint élever l'auteur 


GER 


au niveau des grands maitres. On 
se souvient que la frégate fran- 
çaise la Méduse , expédiée au Sé- 
négal, échoua sur un banc, le 
2 juillet 1816, à une très-grande 
distance des côtes d’Afrique. 
Cent cinquante hommes entassés 
sur un radeau fait à la hâte , et 
munis de quelques provisions , se 
hvrent à la merci des vents et des 
flots. Durant douze jours d’une 
navigation rendue encore plus 
effroyable par la faim , la fatigue 
et l’épuisement , que par limmi- 
nence constante de la mort , cent 
trente-cinq d’entre eux succom- 
bérent , et quinze qui restaient 
allaient périr aussi, lorsqu'ils dé- 
couvrirent enfin un bâtiment qui 
les atteignit et les sauva. Tel est 
le sujet éminemment pathétique 
chuisi par le pcinfre, et déroulé 
par lui sur une vaste toile (1),avec 
une grande vigueur d'imagination 
et une admirable fougue de pin- 
ceau. Des cadavres à moitié sub- 
mergés, des morts et des mou- 
rans , des hommes livrés au dés- 
espoir, et d’autres que soutient 
un faible rayon d’espérance , une 
lumière grise et sauvage, un des- 
sin plein de chaleur et de nerf: 
tels sont les traits les plus saillans 
de cette belle composition. Le 
succès du tableau, accru d’ailleurs. 
par le stimulant de Pesprit de 
parti (2), devint tout-à-fait po- 
pulaire. Pendant toute la durée 
de l’exposition ; la foule resta 


(1) Hauteur, quinze pieds ; largeur, 
vingt-deux picds. 

(2) On imputa la perte de lz Méduse 
à un défaut de pratique et de fermeté 
du capitaine, émigré et officier de l’an- 
cienne marine française. 


- ACER 117 


comme fixée en permanence, de- 
vant le Radeau de la Méduse; on en 
parlait dans les journaux, dans 
les ateliers, dans les salons. En 
vain quelques artistes et même 
quelques théoriciens, que tout ce 
qu’ils voient pour la première fois 
épouvante, criérent à l’abomina= 
tion , à la violation des usages. 
Les uns demandaient si c'était un 
tableau d'histoire , d’autres ne 
consentaient à y voir qu’une ma- 
rine : encore ils auraient voulu 
agrandir la mer et rappetisser le 
radeau. Ces critiques divertirent 
beaucoup le public , et peut-être 
même l'auteur ; tandis que le 
Radeau de la Méduse, grâce à la 
franchise du pinceau , à un colo- 
ris sombre et terrible, et à l’ex- 
pressive harmonie du désespoir et 
de la mort, prit sa place au 
premier rang des productions de 
l’école romantique. À Londres, 
où Géricault fit un voyage pour y 
exposer aussi son tableau, le pu- 
blic plus avide de sensations fortes 
et de beautés originales , fut com- 
plètement unanime dans ses ap- 
plaudissemens (1). 

Une inort prématurée enleva 
Géricault, à peine âgé de 31 ans, 
ke 26 janvier 1824, avant qu'il 
eût le loisir de. multiplier les pro- 
ductions de son génie. IL avait 
entrepris deux grandes coinpo- 
sitions , la Traile des Nègres., des- 
tinée à faire pendant au Radeau. 
de la Méduse , et la Peste de Bar- 


(1) Le Radeau de la Méduse est placé 
au musée du Louvre, dans le salon des 
maitres français, décédés. Il a été payé 
6000 fr. par l'administration de cet éta- 
blissement., M. Landon a publié le trait 
de cette composition dans son Salon de 


1819 (t.1, p.65). 


118 GER 


celonne. Les esquisses et éludes 
de ces deux sujets promettaient 
de très-beaux ouvrages. Quoiqu'il 
se sentit peu de goût pour traiter 
les sujets sacrés , peut-être parce 
qu'ils ont été à peu près épuisés 
par les anciens maîtres, pourtant, 
il avait voulu s’y essayer : une 
Descente de croix, qu’il était sur 
le point de terminer, rappelle la 
imauière de l’école italienne. Gé- 
ricault ne restera pas seulement 
comme peintre d'histoire ; il au- 
ra aussi un rang distingué , parmi 
les peintres de chevaux. Ce genre 
l’'absorba presque entièrement du- 
rant les deux dernières années de 
sa vie : là aussi il s’attachait à 
rendre la nature telle qu’elle est, 
ot il y réussissait avec une su- 
périorité de talent, qui à fait re- 
chercher avidement ses chevaux, 
et leur a donné une grande va- 
leur. On a vu au salonde 1824, 
deux tableaux de chevalet repré- 
sentant une Forge de village, et un 
Enfant donnant à manger à un che- 


val, où la vigueur, la’ hardiesse, 


de la touche, la naïveté, la fran- 


chise du dessin, la variété de l’ex- 


pression et des attitudes , sont 
portées à un très-haut. degré de 
perfection (1). Parmi les dessins 
et lithographies qu’on doit au 
crayon facile de Géricault, lon 
cite, un Épisode de la retraite de 
Moscou, les Batailles de Maipu et 
de Chacabucoen Espagne , où Pau- 
teur figure lui-même , décoré de 
létoile de la Légion-d’honneur. 
Quelques aquarelles, avec trois ou 
quatre planches de là Wie poli- 


(1) Plusieurs livraisons d'études de 
chevaux, par Géricault, ont été pu- 
bliées chez Gihaut , marchand d'es- 
tampes , boulevard des ltahiens. 


GIR 


tique et militaire de Napoléon , par 
M. A. V. Arnault ( 1822-25 , in- 
fol. ), complètent à peu près ce 
qui nous reste de cet artiste. 

Un émule du talent de Géri- 
cault, M. Schæffer, a fait de son 
dernier soupir le sujet d’un tableau 
de chevalet très - intéressant , 
qu’on a yu au salon de 1824. 
Cette composition a été litho- 
graphiée par Maurin , en 1825. 


GIRODET-TRIOSON (Anxe- 
Louis), peintre, naquit à Mon- 
targis (Loiret), le 5 janvier 1567. 
Son père était directeur des do- 
maines de M. le duc d'Orléans ; 
sa mère, née Cornier, était fille 
d’un banquier expéditionnaire en 
cour de Rome. Orphelin de bonne 
heure, avec un patrimoine plus 


-que suflisant aux besoins de son 


âge, il recevait, sous la garde 
d’un tuteur, M. Trioson (1),mé- 
decin des armées , une éducation 
soignée, mais qui n’avait rien de 
spécial, et dans laquelle le dessin 
n'entrait que comme un art. d’a- 
grément. Cependant, à treize ans, 
pendant le cours de ses études, il 
fit le portrait de son père. Avant 
de s’adonner exclusivement à la 
peinture, il eut à combattre les 
intentions de ses parens , qui le 
destinaient à la carrière militaire ; 
mais enfin, son penchant l’em- 
porta. Ses progrès, déjà avancés 
sous des maitres particuliers qu'il 
lui était facile de surpasser , de- 


À 


(1) En 1812, M. le docteur Trioson, 
qu venait de perdre un fils unique, 
voulut, par une adoption, associer son 
nom à Fimmortalité du nom de son pu- 
pille, C’est depuis cette époque que les 
ouvrages de celui-ci ont été signés : Gr- 
rodet-Trioson. 


LA 
Ge ponlel 


{ 
_ 


4 


GIR 


vinrent rapides dans l’école de 
M. David , que les succès du jeune 
Drouais et le tableau des Horaces 
venaient de rendre à jamais cé- 
lébre et faisaient dès-lors recher- 
cher par-dessus tous les autres. 
David a dit plus tard, en parlant 
de Girodet, que c'était son plus 
bel ouvrage. Lauréat au concours 
de 1789 (1) et pensionnaire de 
l'Ecole de Rome, celui-ci dut, 
selon l’usage, envoyer à Parisune 
figure d'étude peinte : cette étude 
était le tableau d’Endymion (2), 
ouvrage où l’on admire la pureté 
du dessin et la noble simplicité de 
la composition, unies à une ex- 
quise suavité de pinceau. David, 
fier à juste titre d’un tel fruit de 
ses lecons, se plaisait à raconter 
l'étrange sensation que la première 
yue de ce chef-d'œuvre avait pro- 
duite sur les professeurs de lan- 
cienne Académie, qui, la plupart, 
pe savaient trop que penser et 
que dire d’un ouvrage si différent 
de tout ce qu'ils étaient habitués 
à faire et à enseigner. 

Le tableau d’Hippocrate repous- 
sant les présens des envoyés du roi 
de Perse, est aussi daté de Rome, 
1792. C'était un hommage de la 
reconnaissance de l'artiste envers 
son tuteur; ce dernier l’a légué 
par son testament à l’Ecole de 
Médecine de Paris, dont il décore 


(1) Le sujet était Joseph se faisant 
connaître à ses frères : on y remarquait 
déjà un talent supérieur dans l'heurei x 
agencement des groupes, dans la no- 
blesse des airs de tête, et dans le style 
des draperies. 

(2) Ce tableau a étégravé par M. Cha- 
üllon. M. Aubry-Lecomte a lithogra- 
phié les têtes des deux figures. L’origi- 
nal est placé aujourd'hui dans la sec- 


GTR 


une des salles principales {1). La 
figure du médecin grec est pleine 
de noblesse : celle du jeune 
homme qui verse des larmes en 
perdant l'espoir d’amener près de 
son père celui qui seul peut le 
guérir, exprime la douleur la plus 
vraie et la plus touchante.. Tous 
les personnages qui composent 
cette scène offrent la plus admira- 
ble variété d'expression. Girodet 
a introduit son portrait parmi eux, 
dans le groupe placé derrière 
Hippocrate. 

A cette époque , les. événe- 
mens qui avaient ébranlé la France 
jusque dans ses fondemens , com- 
mençaient à remuer le reste de 
l’Europe; obligé de quitter Rome, 
Girodet se rend à Naples ; il par- 
court:en revenant diverses par- 
ties de l'Italie , arrive à Gênes et 
y tombe malade. M. Gros, son 
ancien camarade , alors officier 
d'état-major, depuis Pun de ses 
plus illustres émules, informé de 
cette nouvelle, accourt auprès de 
lui et lui prodigue les soins les 
plus empressés. Rentré en France, 
Girodet resta plusieurs années 
sans offrir aux regards du public 
d’autres ouvrages que des por- 
traits, dans lesquels il faisait bril- 
ler toute la puissance de son ta- 
lent (2); mais il travaillait en 
silence, et c’est de cette même 
époque que date une partie des 


tion des peintres francais de la galerie 
du Louvre, ainsi que l’Atala, la Re- 
volte du Caire et la Scène du Déluge, 
dont nous parlerons plus tard. 

(1) Le tableau d’Æippocrate a été 
gravé par Raphaël-Urbain Massard. 

(2) On cite parmi ses portraits de 
cette époque, celui d'un soir, député à 
la Convention. 


119: 


e 


120 GIR 


compositions admirables dont 
nous avons à parler. Ce fut au 
salon de 1799 qu'ilse vengea d’une 
insulte faite à son talent, par un 
tableau satirique qui fit beaucoup 
de bruit et de scandale. Il avait 
fait le portrait d’une actrice nom- 
mée M'° Lange. Celle-ci ne vou- 
lut point le recevoir, sous pré- 


texte qu'il manquait de ressem- 


blance. Girodet irrité, peignit la 
comédienne en Danaë; mais au 
lieu d’une pluie d’or, c'était une 
pluie de pièces de 5 francs et 
même de monnaie de cuivre , qui 
parsemait le boudoir de la nou- 
velle Danaé; un dindon était re- 
résenté , faisant la roue dans un 
coin du tableau. L'ouvrage ne 
passa guère que vingt-quatre heu- 
res au salon : ce fut plus qu’il n’en 
fallait pour faire beaucoup de 
bruit. La malignité publiquetrouva 
le portrait fort ressemblant. Les 
journaux s’emparèrent de Panec- 
dote, et un poëte (M. Deguerle) 
la mit en vers dans un conte allé- 
gorique intitulé : Stratonice et son 
peintre, conte qui n’en est pas un 
(brumaire an VIII, in-8). 

« Vers la fin du dernier siècle, 
dit M. P.-A. Coupin (1), une 
circonstance particulière fournit 
à Girodet l’occasion de montrer 
tute la richesse de son imagina- 


(1) Notrce nécrologique sur Girode. 
Paris, 1825 ; In-8, de quinze pages ; 
avec un portrait de l'artiste, Htho- 
graplhué par Vigveron, d'après un des- 
sin autographe du peintre , orné du 
fac-simile de la signature de Girodet. 
Cette notice est extraite de la Revue 
Æncyclopédique, t. XXV, p. 336. 
Nous avons adopté plusieurs fois les 
opinions du critique judicieux à qui 
elle est duc, et souvent jusqu'à ses pro- 


GIR 


tion. L'homme célèbre qui pré- 
sidait alors aux destinées de la 
France , aimait passionnément les 
poésies fe Ossian. Deux élèves de 
David, deux émules, deux rivaux 
de gloire furent chargés d’exécu- 
ter chacun un tableau dont le su- 
jet serait choisi dans les chants du 
barde écossais. Gérard et Girodet 
déployèrent tous deux un grand 
talent, La composition de Gérard, 
empreinte de cette sorte de mélan- 
colie sauvage qui caractérise Île 
poëme où il'avait puisé son sujet, 
se faisait distinguer autant par la 
sagesse et l’habileté de la disposi- 
tion que par le charme de l'effet. 
Girodet y vit une occasion de 
rapprocher et d'illustrer à la fois 
le Courage des anciens Scandi- 
naves et celui des guerriers fran- 
çais, et il le fit avec une verve et 
une fécondité extraordinaires. Qui 
n’a gardé le souvenir de ces belles 
têtes de bardes, de ces jeunes 
filles pleines de grâces et de pu- 
deur, de cet accent mâle qui 
anime les figures des héros fran- 
çais (1)! 

Le tableau connu sous le nom 
d'Une Scène du Déluge, fut ter- 
ininé en 1806. « Ici l’artiste sem- 
blait s’être inspiré du génie som- 
bre du Dante et avoir voulu 
développer les parties les plus 


pres expressions. Nous ne pouvions sui- 
vre un meilleur guide que celui que 
Girodet honor: dé son amitié, et qui 
est chargé, par les disciples de ce grand 
maitre, de la rédaction du texte qui 
accompagne la publication de ses des- 
sins. 

(1) Les têtes de ce tableau ont été 
Jithographiées par M. Aubry-Lecomte , 
et forment une suite qui.a paru en 
deux cahiers. 


GIR 


importantes et les plus élevées de 
son art. Une famille, poursuivie 
par les élémens en furie , est sur 
le point d'échapper aux ondes qui 
la menacent : les malheureux gra- 
vissent des rochers; ils vont être 
hors de danger. L'ime de cette 
action, celui qui est tout à la fois 
fils, époux et père des êtres qui 
l'entourent et qu'il entraine, a 
saisi une branche à laquelle il 
= s'attache pour faire un dernier 
effort. La branche rompt et les 
infortunésretombent dans le gouf- 
fre. Quel drame ! Le public, sous 
les yeux duquel cette production 
fut mise au salon de 1806, n’était 
peut-être pas en état de sentir 
tout ce qu’elle contenait de savant 
et d’élevé ; mais il fut vivement 
ému par le caractère ‘de la scène. 
Les connaisseurs applaudirent 
avec enthousiasme à la vue de 
ce tableau, où le peintre avait 
réuni, comme pour surmonter 
toutes les difficultés de son art et 
montrer l’étendue de sa science , 
un vieillard, un homme dans la 
force de l’âge, une femme jeune 
et belle et des enfans; et dès-lors 
Girodet fut dans leur opinion, au 
premier rang de l'Ecole fran- 
caise. 

» Nous voici arrivés à une épo- 
que célèbre , où la place que Gi- 
rodet devait occuper dans l’école 
lui fut assignée par ses pairs. Deux 
décrets, des 24 fructidor an X et 
28 novembre 1809, avaient in- 
stitué des prix décennaux. Les 
chefs-d’œuvre des lettres, des 
arts et des sciences devaient rece- 
voir, avec une solennité extra- 
ordinaire, des couronnes et des 
récompenses. Les beaux temps de 
l'ancienne Grèce allaient se re- 
nouveler : ce fut une déception. 


GIR 121 
Les rivaux furent mis en pré- 
sence; les juges du combat pro- 
noncèrent; mais il w’y eut ni 
récompenses ni couronnes. Dans 
cette lutte , le maitre et l’élève 
entrèrent en lice. Une Scène du 
Déluge 'emporta sur les Sabines , 
et le grand prix de peinture his- 
torique fut décerné à Girodet, par 
le jury et par la classe des beaux- 
arts de l’Institut. (1)» 

Voici maintenant en quels ter- 
mes se résume le rapport pré- 
senté à l'Empereur dans cette 
mémorable occasion « .... Cette 
» scène si touchante et si terrible 
» du déluge , en offrant à nos re- 
» gards ce que la craiute et le dan- 
» gerextrème ont de plus effrayant, 
»ne présente que des mouvemens 
» nobles et ce que la belle nature 
» nue offre de plus pur. Laréunion 
» des différens âges et des sexes 
»différens, ajoute encore à la 
»beauté du tableau par d’heu- 
»reuses oppositions rendues avec 
» autant de grâce que de force , et 
» qui décèlent dans Partiste, une 
»Cconnaissance approfondie de la 
» nature et de cé qui constitue le 
» beau. Le pinceau de M. Girodet, 
»toujours précieux, est dans ce 
» tableau aussi vigoureux que bril- 
»lant. La couleur et l'effet y sont 
» également poriés à un tres-haut 
» degré. Enfin, on peut regarder 
» cet ouvrage comme un des plus 
»beaux de notre école, sous les 
»rapports de l’expression, de la 
» science du dessin et sous celui de 
» l'exécution. » — Des ennemis 


(1) Coupin; Notice necrologique sur 
Girodet, p. 7. David dit, en voyaut le 
tableau du Déluge, qu’on viendrait un 
jour l'étudier, comme on étudie les ta- 
bleaux de Michel-Ange. 


GIR 


122 


de cet immortel triomphe ont de- 
puis voulu insinuer qu’il avait été 
décerné par la passion; mais il 
faut remarquer qu’à l’époque où 
le concours décennal fut jugé , 
d’abord par une commission de 
l’Institut et ensuite par l’Institut 
lui-même, l’auteur des Sabines 
n’était nullement en butte à l’ani- 
madversion de ce corps; tandis 
qu’au contraire son rival y jouis- 
sait de si peu de faveur, qu’on ne 
l'avait pas encore appelé à en faire 
partie, bien que l’occasion se fût 
plusieurs fois présentée. Après un 
si brillant succès, le tableau du 
Déluge estresté dix ans dans l’a- 
telier de l'artiste. Il a été acheté 
en 1819, par le ministre dela mai- 
son du Roi, avec l’Endymion et 
l’Atala. | 

Les Funérailles d’Atala mirent 
le comble à la réputation de Giro- 
det : « Ici tout le monde fut d’ac- 
cord, dit M. Coupin, et la cri- 
tique fut réduite au silence. Cet 
épisode touchant d’un poëme qui 
ayait mis son auteur au premier 
rang de la littérature , était bien 
digne d'occuper l'imagination ré- 
veuse ; tendre et mélancolique de 
notre grand peintre.Il fut sublime, 
parce qu’il fut simple et touchant, 
savant sans recherche, noble sans 
affectation. Depuis ce moment la 
gloire du peinire et celle du poëte 
sont devenues inséparables : en 
lisant le poëme, on à le tableau 
sous les yeux; comme, en voyant 
le tableau, le poëte et toute la ri- 
chesse de son imagination se re- 
présentent à l’esprit (1). » 

Napoléon recevant les clefs de la 


(1) Ce tableau a été gravé successive- 
ment par MM. Roger et Raphaël-Ur- 
bain Massard. Les têtes ont été plu- 


GIR 


ville de Vienne, tableau commandé 
par le gouvernement, concourut 
aussi pour le prix décennal et fut 
exposé au salon de 1808 ; il ob- 
tint une mention honorable dans 
la classe des sujets empruntés à 
l’histoire de France. Cette toile, 
d’une exécution très-savante , 
porte le cachet du beau talent de 
l’auteur. « Ce fut aussi un tableau 
commandé que la Révolte du Caire. 
Dans la Reddilion de Vienne, on 
retrouvait deux des caractères par- 
ticuliers du talent de Girodet : la 
pureté du dessin et la force de 
l’exécution ; mais la Révolte du 
Caire fut conçue et exécutée avee 
une chaleur , une verve, un élan 
inexprimables. Cette scène offrait 
des circonstances heureuses pour 
la peinture , des nus , de beaux 
caractères de têtes, des draperies 
riches d’effet, des oppositions 
fortes : le peintre ne laissa échap- 
per aucune occasion de faire bril- 
ler son talent. Quel bel épisode 
que celui de cet Arabe nu, qui 
soutient sur l’un de ses bras Île 
fils du pacha expirant, tandis que 
de l’autre il lève son cimeterre 
pour se défendre contre les Fran- 
çais. qui l’attaquent ! Que ce fils 
du désert a de fierté dans Îles 
poses , dans l’expression, dans les 
mouvemens ! Comme la mort se 
répand rapidement sur la figure 
du jeune Osmanli qu’il soutient! 
quelle douceur et quelle finesse 
dans ses traits déjà décolorés! et 
tout près de là, avec quelle éner- 
gie la frayeur.et la rage sont 
peintes sur le visage de cet Afri- 
Cain , à. moitié renversé, qui 
porte à sa main la tête d’un Fran- 


sieurs fois gravées comme études, de 
srandeur naturelle, à la manicre nome. 


GIR 


gais, digne trophée de son cou- 
rage barbare! quelle beauté de 
caractère dans cette même tête! 
Mais ii faut aussi faire la part de 
la critique. On a trouvé que ce 
hussard qui s’élance , le sabre à la 
main, occupait une trop grande 
place dans le tableau relativement 
à l'importance du personnage , et 
que son mouvement avait quelque 
chose d’exagéré, de désordonné. 
Ce reproche n’est peut-être pas 
sans fondement; mais ce tableau 
n’étincelle pas moins de beautés 
de premier ordre, et puis, quel 
est l’ouvrage parfait au monde 1}? 

» Maintenant, il s’écoulera un 
long espace de temps avant que 
nous voyons paraître un nouvel 
ouvrage de Girodet, si ce n’est 
toutefois, cette belle TétedeV'ierge, 
que lon jugea digne et qui était 
digne en effet d’être attribuée à 
Raphaël : tant les moindres pro- 
ductions de cet artiste avaient un 
caractère élevé (2). Enfin peu de 
jours avant la clôture de lexposi- 
tion de 1819, parut le tableau 
représentant Pygmalion et Gala- 
tée (5). C'était un hommage à la 
sculpture, dont le peintre avait 
voulu montrer la puissance. Je 
crois même que cette idée lui avait 
été inspirée par son estime parti- 


(1) Plusieurs têtes de a Révolle du 
Caire ont été gravées, comme études, 
à la manière noire. 

(2) Sa tête de Vierge a été exposée 
au Salon de 1812. Mme Jacquotot l'a 
reproduite sur porcelaine, et en a fait 
hommage à l’auteur, qui mettait beau- 
coup de prix à cet ouvrage. 

(5) Hauteur, sept A neuf pouces ; 
largeur , six piéds quatre pouces. Ce 
tableau , qui à été gravé, fait partie de 
la galerie de M. Je comte de Sormma- 
riVa , pour qui il a été exécuté. 


GIR 125 


culièré pour le caractère de Ca- 
nova : rien n'était plus propre à 
manifester la pensée du peintre 
que cette fable, où l'amour réalise 
l'illusion du génie qui croit voir 
son propre ouvrage s’animer sous 
ses doigts. Lui-même semblait 
ayoir donné une seconde fois la 
vie à Galatée…. (1) » 

Le tableau de Pygmalion et 
Galatée produisit une sensation 
extraordinaire; il devint l’occa- 
sion d’un grand nombre d’écrits 
en vers et en prose. La critique ne 
l’épargna point, et ses traits n’é- 
taient point cette fois sans fonde- 
ment, malgré les beautés dont le 
nouveau. chef-d'œuvre étincelle. 
Nous avons assez écouté la cri- 
tique qui loue; écoutons une fois 
celle qui  blâme «...: Ce pro- 
gramme ; dit M. Landon , tel que 
l'artiste paraît l’avoir conçu, pou- 
yait fournir à la poésieune suite d’i- 
mages gracieuses, dont quelques- 
unes auraient Pattrait de la nou- 
veauté; mais la disposition est un 
peu chargée d’idées accessoires , 
et, par cette raison, .elle est 
moins favorable à la peinture. 
L'art n’a pas de moyens assez 
puissans pour rendre d’une ma- 
nière:: satisfaisante ces rayons, 
cette explosion lumineuse, élec- 
trique, dont M. Girodet parait 
avoir fait le principal ressort de 
sa composition , et qui, loin d’en 
augmenter l'intérêt, ne fait que 
l’affaiblir, en détournant de lob- 
jet essentiel Pattention du specta- 
teur... Au surplus, abstraction 
faite du, sujet et du goût de la 
composition ; le tableau mérite 


(x) Coupin; Notice nécnologique sur 
Girodet; pag. Sel Lo, | 


12/4 GIR 

d’être considéré pour le dessin , 
le coloris et le goût, et l’on peut 
dire que sous ces différens rap- 
ports, il ne pouvait sortir rien de 
médiocre du pinceau qui a retracé 
les Funéraillcs d’Atala , une Scène 
du Déluge et le Sommeil d’ Endy- 
mion. On sait d’ailleurs que le ta- 
bleau de Galatée est resté sept 
ans sur le chevalet, et que Partiste 
n’a épargné ni soins, ni études, ni 
corrections, pour le rendre digne 
de ceux qui l’ont précédée. Il est 
vrai que les morceaux le plus 
long-temps et le plus soigneuse- 
ment médités, ont souvent moins 
de succès que ceux qui sont le 
fruit d’une subite inspiration et 
dont l’exécution a suivi de près le 
premier jet de la pensée. Le sujet 
dont il s’agit paraît venir à appui 
de cette observation. On peut 
croire, au peu de liaison de cer- 
taines parties, que l’ensemble 
n'aurait pas été conçu d’abord tel 
qu’il se présente aujourd’hui ; que 
la figure de l'Amour n’y aurait été 
placée qu'après coup; que, dans 
l'origine, la statue de Galatée se 
modelaiten clair sur un fond plus 
coloré ou plus vigoureux, tel 
qu’un rideau ou un morceau d’ar- 
chitecture , et non sur cette masse 
de fumée ou de lumière , on -ne 
saurait trop dire lequel des deux, 
dont la teinte blanchätre se con- 
fond avec les parties les plus 
éclairées des carnations et en ter- 
nit l’éclat. 

» On aurait désiré plus d'action, 
plus d’élan, dans la figure de Pyg- 
malion. Le peintre aura cru pou- 
voir exprimer à la fois, dans 
l'attitude , dans le geste et sur les 
traits de l’amant de Galatée, les 
divers sentimens dont il le sup- 
pose agité. Mais, en voulant réu- 


GIR 


nir sous un seul aspect plusicurs 
nuances; dont quelques-unes se 
trouvent évidemment en opposi- 
tion, il ne pouvait manquer de les 
affaiblir. Moins heureux que le 
poëte, le peintre ne peut repré- 
senter qu’une action, un moment 
déterminé, et ne saurait offrir sur 
la physionomie du même person- 
nage, qu’une seule sensation, une 
seule passion à la fois; c’est pour 
cette raison que les traits de l’a- 
mant de Galatée ont paru man- 
quer de chaleur et d'énergie. La 
position de ses deux mains, égale- 
ment rapprochées de la tête, n’est 
pas heureuse : on ne conçoit ni 
le mouvement ni l'attachement 
du bras gauche ,; qui se trouve 
entièrement cache ; et le droit, en 
se repliant, forme un angle aigu 
quicontrastesymétriquementavec 
le bras gauche de Galatée : ces 
légers défauts devaient être évités 
dans une composition d’un si pe- 
tit nombre de figures. La drape- 
rie, un peu trop collée sur le nu, 
n'offre que de petites masses, ou 
plutôt de petits détails, et semble 
plutôt avoir été arrangée pli à pli 
sur le mannequin, mis préalable- 
meut dans l'attitude converue, 
que formée naturellement par le 
mouvement et l’action du person- 
nage. La figure de l'Amour aurait 
plus de grâce si le bras droit n’é- 
tait pas coupé dans son attache- 
ment avec l’épaule; on ne peut 
plus en suivre le mouvement ni 
les contours , et la main se trouve 
désagréablement isolée : au sur- 
plus, cette petite figure est des- 
sinée avec finesse; mais sOn sOu- 
rire, purement malicieux , ne 
paraît pas bien conforme à l'ex- 
pression du sujet... Nous avons 
cru remarquer une légère faute 


GIR 


de perspective dans le haut de la 
statue de Galatée. Le point de vue 
étant plus bas que le cou, l'épaule 
droite qui fuit, devrait se trouver 
moins élevée que la gauche; ici 
l'effet est contraire et donne à la 
pose un air un peu gêné. Quant 
au coloris du tableau dans son 
ensemble et de la figure de Galatée 
en particulier, il n’est pas infe- 
rieur à celui des autres tableaux 
du même artiste ; peut-être même 
est-il plus fin et plus vrai. Il ne 
laisse rien à désirer pour la préci- 
sion et l'agrément du pinceau(1).» 

Depuis l’époque où il exposa 
sa Galatée, Girodet semblait avoir 
renoncé à la peinture. Les fatigues 
inouïes que luiavait causées ce ta- 
bleau , la maladie grave qui en 
avait été la suite, le délabrement 
de sa santé, occasioné par l’irri- 
tabilité de son organisation et par 
Vardeur de son sang; cette sorte 
de fièvre qui s’emparait de lui 
lorsqu'il était dominé par son 
imagination, et qui l’avait con- 
duit plusieurs fois aux portes du 
tombeau, ne justifiaient que trop 
son repos et semblaient lui inter- 
dire de se livrer à une nouvelle 
entreprise. Tout à coup il se ra- 
nime ; sur la demande du minis- 
tère de la maison du Roi, il exé- 
cute et envoie au salon deux 


. (1) Salon de 1819, par Landon ( Pa- 
ris, in-8); t. IT, p. 11 et 15. — Outre 
les divers écrits relatifs à l'exposition de 
1819 en général, qui s'occupent tous, 
comme ils le doivent, de la Galatée 
de Girodet, ce tableau a donné lieu à 
la publication de l'opuscule intitulé : 
Examen critique et impartial du ta- 
bleau de M. Girodet, ou Lettre d'un 
amateur à un journaliste. Paris, Bou- 
cher, 1519; in -8, d'une feuille et demie. 


GIR 125 
portraits en pied de Vendéens 
(Cathelineau et Bonchamp) (1), où 
Pon reconnaît les traces de son 
génie , quoique sa main fût déjà 
affaiblie par la maladie qui le trai- 
nait au tombeau. Cette maladie 
fut courte, mais douloureuse. De- 
puis environ seize ans, la consti- 
tution de Girodet, naturellement 
bonne et forte , luttait contre un 
principe de destruction menaçant. 
Enfin , une affection gangréneuse, 
qui déjà deux fois, à des inter- 
valles éloignés , s’était manifestée 
aux extrémités inférieures , se 
porta sur la vessie. Après six jours 
de douleurs croissantes, il fallut 
se résoudre à une opération pé- 
rilleuse. Comme tout était prêt 
pour y procéder, Girodet eut 
occasion d'entrer dans son atelier. 
Là, le sentiment de son danger et 
la vue des objets qui l’environ- 
naient , produisirent sur lui une 
vive émotion, qui s’exprima en 
termes déchirans, par un adieu à 
son art, à ses pinceaux, et à l’ou- 
vrage qu’il allait laisser inachevé. 
L'opération n’ayant pu retarder 
les progrès du mal, M. l'abbé 
Feutrier, alors curé de la Made- 
leine , fut appelé auprès de celui 
que, selon son expression, Dieu 
avait doué d’un si beau génie. 
Après avoir reçu de ce prélat plein 


(1) Girodet n’a pas été moins supé- 
rieur dans le portrait que dans le ta- 
bleau d'histoire : parmi les plus remar- 
quables de ses productions en ce genre, 
on citeles portraits de Mme de Bréaud, 
de Bernardin de Saint-Pierre, de M. De- 
sèze, de M. de Châteaubriand ( en 
pied). Ces deux derniers ont été litho- 
graphiés, en 1823 ct 1825.Le portrait de 
M. de Châteaubriand a été gravé au bu- 
rin , par Laugier, en 1817. 


126 GIR 

de lumière et de charité les der- 
niers sacremens de l'Eglise , Gi- 
rodet expira , le 9 décembre 1824, 
à neuf heures et demie du soir{1), 
âgé d’un peu moïns de cinquante- 
huit ans. 

La mort de ce grand peintre 
produisit une forte sensation dans 
le monde , mais particulièrement 
parmi les artistes : l’affluence était 
immense à ses funérailles : elle se 
composait des élèves de toutesles 
écoles de la capitale , de tous les 
rivaux de gloire du défunt , et de 
plusieurs personnages illustres 
dans les rangs les plus éminers , 
que les liens de l’amitié unissaient 
à lui. Le grand écrivain qui célé- 
bra le génie du christianisme vint 


(1) M. le docteur Larrey a fait insé- 
rer dans le Moniteur du 13 décembre 
1824 , la lettre suivante : 

« Le mereredi 1° décembre, M. Gi- 
rodet me fit appeler pour remédier à 
une ischurie violente, qui le tourmen- 
tait depuis quatre jours. Une rétention 
complète de l'urine , accompagnée de 
douleurs lancinantes, et une tumeur 
peu sensible au périnée, indiquaient 
assez la formation d'un abcès profond. 
Après avoir vainement essayé le cathé- 
térisme, et après avoir employé, pen- 
dant les premières vingt-quatre heures, 
les déplétifs , les émolliens et les anti- 
phlogistiques, je procédai, dès le len- 
demain, à la pointe du jour, et en 
présence de MM. les docteurs Chaus- 
sier : t Ribes, appelés en consultation, 
à l'ouverture de cet abcès. La quantité 
et la nature de l'écoulement produit 
aussitôt par l'incision, nous fit recon- 
naître la profondeur de cet abcès, qui 
avait envahi tout le tissu cellulaire qui 
sépare la vessie du dernier des intestins; 
clle nous annonçait également le dé- 
veloppement d'une affection gangré- 
neuse, et nous fit porter sur cette ma- 
ladie, préparée d’ailleurs depuis lon- 
gues années, un pronostic fâächeux. La 
gangrène a fait des progrès si rapides 
vers les organes intérieurs, que tous 


GIR 


rendre les derniers devoirs av 
peintré d’Atala. Une certaine ana- 
logie de talent etune entière con- 
formité d'opinions politiques , 
avaient rapproché ces deux 
hommes célèbres. Ce fut M. de 
Chäteaubriand qui, à la de- 
mande du président de l Académie 
des Beaux-Arts , attacha sur le 
cercueil les insignes d’oflicier de 
la Légion-d’'Honneur (tr), que le 
Roi avait accordés à la mémoire 
de Girodet. Le corps fut trans-- 
porté dans sa dernière demeure ; 
au cimetière du Père Lachaise ; 
sur les épaules des jeunes gens 
des diverses écoles, qui l'avaient 
accompagné jusque-là. Plusieurs 
discours furent prononcés sur la 


les moyens mis en usage ont été inu- 
tiles. Néanmoins, deux autres méde- 
cins, MM. Portal et Lerminier, ont 
été appelés. Enfe , M. Girodet a suc- 
combé le neuvième jour de l'opération, 
et le treizième de l'invasion de la ma- 
ladie. L'autopsie cadar érique à fait dé- 
couvrirune crevasse dansla partie mem- 
braneuse du canal de l'urètre, très-près 
du col de la vessie, par laquelle l'urine 
s'était échappée, pour former , dans le 
tissa cellulaire du bassin , l’abcès gan- 
gréneux que nous avions ouvert pres- 
que aussitôt son apparition au pérince. 
Les reins étaient ramollis et parsemés 
de taches gaugréneuses ; la cavité de la 
vessie était ulcérée , et les autres viscè- 
res du bas-ventre participaient de l'af- 
fection gangréneuse. Nous avonsremar- 
qué que les sillons qui séparaient les 
circonvolutions du vaste cerveau de cë 
peintre célèbre étaient beaucoup plus 
profonds qu’on ne lobserve ordinaire- 
ment. Tel est, M. le rédacteur, l'exposé 
succinct, mais très-exact , de la marche 
de la maladie cruelle qui a enlevé pré- 
maturément un grand homme aux arts 
et aux nombreux amis qui déplorent s4 


perte. 
» Baron LABREY , D. M., CH.» 
(1) Girodet avait reçu le cordon de 
Saint-Michel, au mois de janvier 181%. 


+ dé A ÉÉt. 


GÏIR 


iotibe. Le plus remarquable fut 
celui qu'improvisa M. Gros , lun 
des plus illustres rivaux de la 
gloire de Girodet. 

« J’ai parlé jusqu’ici de l'artiste, 
dit M. P.-A. Coupin (1); et ce- 
pendant , il s’én faut de beaucoup 
que j'aie nommé tous ses ou- 
vrages. Je n’ai point rappelé ces 
compositions puisées dans VE- 
néide et dans Racine, et qui sont 
jointes aux belles éditions impri- 
mées par M. Didot ; j'aurais dû 
mentionner cés charmantes figures 
des Saisons , exécutées pour le roi 
d’Espagne , et dont il existe des 
répétitions à Compiègne ; une 
Danaé, figure entièrement nue , 
où la grâce , la finesse de l’exé- 
cution , se joignent à tout ce 
qu'un esprit délicat peut produire 
de plus aimable (2). Mais ce qu’il 
serait impossible d’énumérer , ce 
sont ces compositions admirables 
dont ses porte-feuilles sont rem- 
plis, et qui accroîtront d’une ma- 
nière étonnante sa réputation , 
lorsqu'elles seront connues. Je 
désignerai seulement cinquante 
sujets environ, empruntés à Ana- 
créon (5), gravés par M. Chatil- 
lon, élève et ami de Girodet, et 
qui allaïent être publiés , lorsque 
la mort est venue tout arrêter ; à 
peu près deux cents compositions 


” 


Ga) Notice nécrologique sur Girodet, 
P- 15. 

(2) Cette figure a été lithographiée 
Par Aubry-Lecomte, avec quelques 
changemens faits par le peintre lui- 
meme, 

(3) Quelques-uns de ces sujets ont 
été gravés en taille-douce, et accom- 
pagnent les belles éditions de la tra- 
duction d'Anacréon, par M. de Saint- 
Victor. 


GIR 127 
puisées dans Virgile, autres que 
celles dont je viens de parler : Les 
sept Chefs devant Thèbes, grande 
eétmagnifique scène , dans laquelle 
le peintre français a disputé la 
palme au poëte grec; les Amours 
des Dieux, une Pandore , la Nais- 
sance de Vénus, Vénus implorant 
Jupiter pour les Troyens, et une 
foule d’autres choses , non moins 
belles, non moins intéressantes , 
tirées de Sapho , Moschus, Mu- 
sée et autres tragiques grecs , 
dans lesquelles il a répandu tout 
ce qu’il y avait de grâce, de sen- 
timent, d’élevation dans son ta- 
lent ; où , livré à lui-même et 
n'ayant point à s'occuper de l’o- 
pinion du public et des autres , il 
s’est abandonné à son génie créa- 
teur et poétique (1).» 

Girodet avait été nommé, 
en 1816, membre du conseil 
établi près Île ministère de 
la maison du Roi, et composé 
d'artistes et d'amateurs. Il était 
membre de la classe des beaux- 
arts de l’Institut, Le 3 mai 1818, 
il lut dans la séance solennelle des 
quatre Académies réunies, un 
discours sur l'originalité dans les 
arts du dessin , où il s’efforçait 
d'indiquer les motifs qui justifient 
etqui expliquent les sublimeshar- 
diesses dont il.a semé ses compo- 
sitions. Cet écrit n’est pas le seal 
qui soit sorti de sa plume. JI avait 
encore composé un poëme sur 
les délices de la peinture , une 
traduction d’ Anacréon ,; et même 


(1) Les journaux ont parlé encore 
de l’ébauche , ou du moins de l’es- 
quisse d’un tableau de Saint Louis 
en Egypte, qui fut demandé à Giro- 
det par le gouvernement, dès 1815. 


128 GIR 
encore d’autres ouvrages qui sont 
restés inédits (1). 

L'originalité, la grandeur, l’é- 
nergie et la grâce, mariées avec 
un goût exquis, etrendues encore 
plus séduisantes par une parfaite 
pureté de dessin, une admirable 
suavité de pinceau, et un coloris 
plein d'harmonie et de chaleur : 
telles sont les qualités qui doi- 
vent placer Girodet au premier 
rang des peintres ses contempo- 
rains. Toutefois, nous ne pouvons 
pas le dissimuler, cette opinion 
quedes personnes d’un espritsupé- 
rieur ont professée avec convic- 
tion, ne fut pas de son vivant 
celle de la majorité des artistes , 
ni même de l’ensemble du public. 
Bien que le talent de Girodet n’ait 
trouvé nulle part des contemp- 
teurs , il y a pourtant dans 
sa manière, comme dans toutes 
les productions supérieures de 
l’époque actuelle , quelque chose 
d’inusité et de pittoresque , qui 
fatigue les sensations blasées de 
tant de gens qui ne savent juger 
que par routine et par répétition. 
Le commun du monde n’eut du 
talent de Girodet qu’un senti- 
ment très-incertain ,; une idée 


(1) On attribue à Girodet une satire 
intitulée : La Critique des critiques du 
salon de 1806. Paris, F. Didot, 
janvier 1807;in-8 , de quarante-deux 
pages. Cet opuscule, dont l'anteur a pris 
pour épigraphe : Ne sutor ultra crepi- 
dam, montre que Girodet supportait 
trop impatiemment la censure. La pen- 
sée en est commune, l'expression froide 
et peu élégante.—Nousciterons encore: 
Lettre de M.Boher, peintre et statuaire, 
et la réponse de M. Girodet. Perpignan, 
imprimerie d’'Alzine (1820);1n-8, d'une 
demi-feuille. La lettre de Girodet est 
datée du 20 décembre 1819. 


Rs Le ‘ot 
r: L."1 


GIR 


très-vague. À part un petit nombre 
de connaisseurs , l’issue du con- 
cours décennal surprit fort les cri- 
tiques parisiens : cela excédait de 
beaucoup la portée de leurs lu- 
mières. Jusques-là , on ne s'était 
pas douté que Girodet füt un 
aussi grand peintre, et cette dé- 


couverte ne rendit pas ses ou- 


vrages beaucoup plus populaires. 
Il faut l'élite de plusieurs géné- 
rations ; pour former autour de 
mérites si élevés un concours 
tant soit peu nombreux de véri- 
tables amateurs. Girodet a eu et 
aura, n’en doutons pas, le sort 
réservé aux grands hommes. Il a 
été méconnu; il sera un jour 
complètement apprécié. Ce maître 
avait pris de l’école de David, la 
pureté et la science du dessin , la 
beauté des formes , le goût et 
l’entente de la composition ; mais 
il a détaché tout cela de l’imitation 
servile, froide et monotone des 
marbres antiques ; il y a joint 
le feu de l'imagination et la vérité 
de la nature ; tantôt naïf jusqu’à 
la simplicité , tantôt sublime jus- 
qu’à l'audace. Or, c’est précisé- 
ment ce caractère singulier de son 
génie, qui ne fut pas toujours 
senti du public, comme il devait 
l'être. Le grand artiste s’en in- 
quiéta vivement, et il est arrivé 
qu’on a pris ses inquiétudes pour 
de l’envie ; pourtant, personne ne 
sentit et n’apprécia mieux que 
Girodet les belles productions de 
ses plus célèbres émules ; mais 
plus original qu'aucun d’eux , il 
ne sayait pas se soumettre à de 
certaines formes symétriques et 
conventionnelles , qui à chaque 
époque dominent tyranniquement 
les arts ; voilà ce qui explique 
l'étonnement et même quelque- 


GIR 


fois la froideur du vulgaire. Les 
mèmes préjugés d'école , qui ont 
fait critiquer si déraisonnable- 
ment et quelquefois accueilliravec 
tant de dédain.les écritsimmortels 
de M. de Châteaubriand et de 
Mr: de Staël , nuisirent au suc- 
cès des tableaux de Girodet. Avec 
plus de circonspection que ces 
grands écrivains ; mais avec non 
moins d'enthousiasme , ils’efforca 
de rajeunir le goût national, en 
nous inspirant un attrait plus vif 
pour le vrai et pour le beau, infi- 
niment diversifiés de la nature, 
qu'il voulut substituer au vrai 
factice, au beau froid et limité de 
l’art. Il poursuivit dans la pein- 
ture la régénération qui s'opère 
aujourd’hui simultanément, dans 
la poésie et dans toutes les 
branches du domaine de lesprit. 
Engagé dans cette lutte glorieuse, 
il en subit les amertumes; il fut 
malheureux, puisqu'il faut le dire, 
et puisqu'après tout, c’est la dure 
compensation que le génie ap- 
porte en lui-même, à ceux qui 
sont dotés de ses inestimables 
trésors. On peut même remarquer 
que le pinceau de Girodet ne fut 
appelé à décorer aucun édifice 
public important (1), ‘que les rois 
dontil futie partisan, mais non pas 
le flatteur, ne lui commandèrent 
pas leurs images. Cela tient en 

artie, à cette méconnaissance 
de la sublimité de son talent, dont 
nous accusons avec lui ses con- 
temporains(2) ; Mais autant pour 


(1) Nous ne connaissons de Girodet, 
en fait de peintures de décoration, que 
celles qui ornent les plafonds du chà- 
teau de Compiègne. 

(2) « Si mes contemporains me mé. 
« connaissent , s’écriait Girodet dans 


GIR 129 
le moins , à l'indépendance d’une 
imagination qui ne savait s’appli- 
quer qu'aux conceptions nées 
d'elle-même. 

« Chez Girodet, ajoute un cri- 
tique éclairé (1),les puissances de 
lâme avaient un grand empire 
sur la nature physique. Quand il 
était occupé de quelqu'ouvrage 
important, il semblait qu'il fût 
ravi en esprit, et que le corps 
n’entrât alors pour rien, dans la 
condition de son existence. 11s’é- 
tait habitué à peindre la nuit aus- 
si bien, mieux même, disait-il, 
que le jour, et il passait des se- 
maines, des mois, devant sa toile, 
sans presque manger , ni dormir. 
Son œuvre achevé, lorsqu'il sor- 
iait de son atelier , on le revoyait 
amaigri et le visage exténué , 
comme après une longue mala- 
die, » La constitution de Giro- 
det le maintenait dans un état ha- 
bituel d’agitation:; ses regards pé- 
nétrans et rapides annonçaient 
assez la mobilité et la vivacité de 
son esprit; sa conversation pleine 
de chärme et d'intérêt, surpre- 
nait par une originalité piquante 
et par des aperçus qui décélaient 
sa profonde sagacité. Le nombre 
des ouvrages de ce peintre est 
loin d’égaler , par exemple , 
ceux que nous ont laissés Ra- 
phaël et Le Sueur, moissonnés à 
un âge encore moins avancé. La 
raison doit en être recherchée 
dans l’altération habituelle de sa 
santé, dans le soin avec lequel il 
finissait ses ouvrages , dans la 


« un moment d’amertume, je me jet- 
« terai dans les bras de la postérité. » 

(1) M. Boutard, Journal des Débats, 
du 14 décembre 1824. » 


9 


130 GIR 


mobilité de son esprit, et enfin: 


dans la situation indépendante 
où la fortune l’avait placé. 

On a publié, à l’époque de la 
mort de Girodet , et depuis, les 
écrits SUIVADS : 

1° Catalogue des tableaux, es- 
quisses ; dessins et croquis de 
M.Girodet-Trioson, etc., rédigé par 
M. Pérignon son élève. Paris, im- 
primerie de Moreau, 1825; in-6, 
de 6 feuilles trois quarts. 

La vente de l'atelier de Giro- 
det attira un grand concours d’a- 
mateurs, et les moindres produc- 
tions échappées à son crayon ou 
à son pinceau y furent payées de 
grands prix. 

2° Les Amours des Dieux : Re- 
cueil de compositions dessinées 
par Girodet, et lithographiées par 
MM. Aubry-Lecomte , Chatillon, 
Counis, Coupin de la Couprie, 
Dassy, Dejuine, Delorme, Lan- 
crenon, Monanteul , et Pannetier, 
ses élèves; avec un texte expli- 
catif, rédigé par M. P. A. Cou- 
pin. Paris, lithographie d’En- 
gelmann, 4 livraisons in-fol. de 
5 planches chacune ,; tirées sur 
papier-chine , 1825 et 1820. 

5° Anacréon : Recueil de com- 
positions dessinées par Girodet et 
gravées par M. Chatillon son élève ; 
avec La traduction en prose des odes 
de ce poète, faite: également par 
Girodet. Paris, Chaïillou-Potrelle 
( imprimerie de F. Didot ),*1825 
et 1826; in-4, neuf livraisons. 

4° Girodet : 15 décembre. Paris, 
1824 , chez les marchands de 
nouveautés ; in-8, de trois quarts 
de feuille. 

5° Paroles prononcées sur la 
tombe de M. Girodet-Trioson, par 
M. Becquerel, ancien chef de ba- 


GUI 


taillon du génie. Paris, 1825, im- 
primerie de Le Normant fils. 

6° Sur Girodet ; par madame la 
princesse Constancede Salm. Paris, 
A. Bertrand; in-8, de trois quarts 
de feuille , en vers. 

7° Girodet. Ode en 13 strophes. 
Paris, Ponthieu, 1825 ; in-8, d’une 
demi-feuille. 

8° Sur la mort deGirodet. Ode, 
par le marquis de Valory. Paris, 
Boucher , 1824 ; in-8, d’une de- 
mi-feuille. 

0° Aux mûânes de Girodet, Elé- 
gie, par M. Ch. P**. Paris, Mau- 
rice ; in-8, d’une demi-feuille, 
— datée du 15 décmbre 1824. 

10° Girodet : par E.Souesme, de 
Montargis. Paris, Delaunay, 1825 ; 
in-8, d’une demi-feuille, en vers. 

Le portrait de Girodet a été 
lithographié deux fois, par Vi- 
gneron ; en profil, d’après un des- 
sin autographe du peintre , et en 
trois quarts. Le même dessin au- 
tographe a été lithographié par 
M. Aubry-Lecomte. On a encore. 
un fac - simile, lithographié par 
J. B. Lambert, d’un portrait 
de Girodet, en trois quarts et en 
buste, dessiné par lui-même, en 
1824. Les mains qui dessinent et 
la draperie ne sont qu’esquissées. 


GUILLEMEAU (1) ( Jean- 
Jacques-DaNiEL ) , ancien méde- 
cin-militaire , descendant d’une 
suite non-interrompue de mé- 
decins , depuis plus de trois cents 


(1)L’articleGuircemeau(Jean-Lovr - 
Marie), publié dans l'Annuaire Né- 
crologique de 1823, p. 173, doit être 
annulé. Les prénoms et les ouvrages 
pis indique sont ceux d’un autre 

uillemeau, neveu de celui qui fait le 
sujet de cet article. 


GUI 


ans , a terminé sa longue carrière 
à Niort ( Deux-Sèvres) , le 18 oc- 
tobre , à l’âge de 87 ans 3 mois 
et 18 jours, après une courte 
maladie. Toute sa vie fut con- 
sacrée à l'étude des sciences ; 
les langues mortes et la plupart 
des langues vivantes lui étaient 
familières; dans sa jeunesse , il 
voyagea pour son instruction, en 
Angleterre et en Italie; un grand 
nombre d'ouvrages de médecine, 
d'histoire naturelle, de politique, 
et même de littérature, ont été 
le fruit de ses veilles. Peu de 
jours avant sa mort il écrivait en- 
core; cependant , il a peu fait 
imprimer. Voici quelques - uns 
des ouvrages sortis de sa plume 
laborieuse. 

1° Nosologie méthodique , ou 
Classification de toutes les mala- 
dies qui aflligent l'espèce humaine. 
2° Mémoire sur l'Egyple et la 
Guiane (imprimé. ) 5° Moyens pour 
cultiver avec succès la garunce dans 
le département des Deux-Sèvres 
( imprimé ). 4° Notice sur les 
ruines d’une ville fortifiée ( Ger- 
mon ) dans le département des 
Deux-Sèvres, avec carte. 5° No- 
tice sur la famille T'héodore-A grip- 
pa d’Aubigné. 6° Mémoire sur la 
manière de guérir, à volonté, les 
fièvres intermittentes. 7° Jeanne de 
Fouquet, ou le Siége de Beauvais ; 
tragédie en 5 acles et en vers. 
8° Mémoire sur l'épargne des vais- 
seaux vinaires, et la manière de 
faire artificiellement toutes sortes 
de vins étrangers. 9° Notice sur 


GUI 131 


Jacques Gateau, de Niort, mort 
en 1628 , prêtre de l’Oratoire , et 
sur ses divers établissemens dans 
les villes de Niortet de La Rochelle 
( imprimé ). 10° Notice sur André 
Jousseaume, de Niort, prêtre de 
l’Oratoire, mort en 1661 , et au- 
teur de plusieurs sermons impri- 
més. 11° Histoire des sommeils 
extrêmement longs , avec leurs 
causes , etc. 12° Wie de Marthe- 
Marguerite , comtesse de Caylus , 
fille de Philippe de Valois, sei- 
gneur de Villette et de Murcay , 
née à Niort, le 18 avril1671, au- 
teur des Souvenirs , etc. 13° No- 
tice sur la vie et les ouvrages de 
Jacques Hiver, auteur d’un poëme 
intitulé : {e Printemps. 14° Con- 
jeciures sur le but, les motifs et la 
destination du monument soulter- 
rain découvert à Niort , hors de la 
porte Saint-Gelais, en 1818 (im- 
primé }. 19° Notice sur le père 
Isidore Binet , père provincial des 
capucins, né à Niort, sous le 
règne de Henri II. 16° Fragmens 
d’une histoire entomologique des 
environs de Niort. 17° Histoire de 
la ville de Niort, et des maires qui 
ont successivement gouverné cette 
ville. 189 Vied Tsuac de Beausobre, 
auteur de lHistoire du Mani- 
chéisme , né à Niort, en 1659 et 
mort à Bertin, le 5 juin 1758, etc. 
— M. le docteur Guillemeau fut 
Pundes fondateurs del’Athénée de 
Niort, qu’il a long-temps présidé. 
En mourant, il a légué à la ville 
de Niort , sa bibliothèque, com- 
posée de près de 3000 volumes. 


192 HEU 


HEU 


Ele 


BEURTURSERES "a 
architecte ; né'à Paris , le 6 mars 
1799 ,; passa son enfance à Ver- 
sailles , où sa mère s'était reti- 
rée, pour vivre économiquement. 
Quand le goût des arts du dessin 
se fut développé en lui, il vint 
étudier à Paris. Recommandé au 
marquis de Thiboutaut, comman- 
dant-général de l'artillerie, Heur- 
tier partit pour l’armée, et fit deux 
campagnes , la première comme 
dessinateur de plans et de fortifi- 
cations, la seconde comme aide- 
de-camp de M. de Thiboutaut. 
Ramené par la paix à ses goûts 
naturels , il obtint le grand prix 
d'architecture , en 1704, et alla 
passer à Rome les quatres années 
de sa pension. Il y forma son style 
sur l'antiquité, et en rapporta 
dans ses portefeuilles, de nom- 
breux souvenirs. Mais la fortune, 
peu favorable à sa gloire, ne lui 
permit qu’une seule fois de faire 
preuve de talent et d'invention. 
C’est M. Heurtier qui a construit 
le théâtre de la place Favart, en 
1782. Le reste de sa vie fut con- 
sacré à soigner et à restaurer les 
monumens de Versailles. Il fut 
attaché aux bâtimens de cette ré- 
sidence royale, à son retour d’'I- 
talie, d’abord comme suppléant- 
titulaire. 11 devint ensuite in- 
specteur du château, enfin archi- 
tecte du Roï et inspecteur de tous 
les bâtimens. Il continua d'être 
employé à Versailles, dans des 
fonctions analogues,durant la Ré- 
volution; mais on concoit que 
les circonstances durent en dimi- 
nuer beaucoup l'importance et 


l’activité. Depuis, M. Heurtier 
fut attaché à la grande voirie de 
Paris et entra au Conseil des bâti- 
mens civils. Il est mort à, Ver- 
sailles, plus qu’octogénaire, dans 
le courant de l’année 1825. Mem- 
bre,avant la Révolution, de l’Aca- 
démie royale d'architecture, il fut 
appelé depuis, à la section d’archi- 
tecture de la classe des beaux-arts 
de l’Institut. C’est au nom de cette 
compagnie, que M. Quatremère 
de Quincy, son secrétaire perpé- 
tuel, a prononcél’éloge de M. Heur- 
tier, dans la séance publique du 2 
octobre 1824 (imprimé dans la col- 
lection de l’Institut, chez F. Didot, 
182/4,in-4.) — «MM. Peyre et de 
Wailly, dit M. Quatremère, ve- 
naient de construire la Comédie 
française. Il s'agissait aussi d’un 
nouvel établissement pour ce 
qu'on appelait les Comédiens Ita- 
liens , ou l'Opéra - Comique. 
M. Heurtier fut chargé d’en com- 
poser et exécuter l’architecture. À 
Paris, où le terrain pour bâtir 
coûte souvent plus cher que la bäâ- 
üsse , le difficile a presque tou- 
jours été, non pas de faire un 
monument , mais de lui faire 
une place, et il ne paraît pas que 
cette difficulté soitdiminuée denos 
jours. On sait cependant à quel 
point la beauté d’un emplacement 
ajoute à celle d’un édifice : et 
quelédificeen demande plus qu’un 
théâtre , où afflue un si grand 
concours de monde? Aussi M, 
Heurtier s’applaudit-il du dessein 
formé, de placer son théâtre en 
reculée, sur les terrains qui de- 
vaient s'ouvrir devant une des 


"HEU 


plus belles parties de la promenade 
des boulevards. Ce fut pour figu- 
rer de ce point de distance, qu'il 
composa le péristyle ionique de sa 


façade ; c’est -à-dire que le mo- 


nument devait occuper le terrain 
de la place actuelle, et cette place 
celui du monument. Mais, à va- 
nité des calculs de l'artiste ! une 
autre sorte de vanité, celle des 
comédiens d'alors, s’était alarmée 
d’un rapport de position entre 
leur théâtre etles petits spectacles, 
qu’une appellation vulgaire dési- 
gnait par le nom de leur em- 
placement. « On pourrait donc 
»aussi, disaient-ils, les appeler 
» comédiens des boulevards.» Ce 
fut là une objection sans réplique. 
Le projet de M. Heurtier allait 
être abandonné ( tant est grande 
la puissance des mots contre celle 
des choses! ) lorsqu’il fut proposé, 
par manière d’accommodement , 
que le théâtre tournât le dos au 
boulevard, comme pour protes- 
ter, par ce signe d'opposition, 
contre ce qu’il pourrait y avoir 
de commun entre eux. En vain 
M. Heurtier fit valoir la beauté de 
la situation, l'accord de son péris- 
tyle avec la distance du point de 
vue pour lequel il était composé, 
et le désaccord qu'il aurait avec 
l’exiguité de la nouvelle place : il 
fut obligé de faire faire volte-face 
à son théâtre. L’architecture ex- 
térieure ; la seule chose aujour- 
d’hui de ce monument qui appar- 
tienne en propre à son auteur, est 
restée telle qu’il l'avait projetée ; 
et il y a sans doute de quor, pour 
l'artiste, y admirer le beau galbe 
des colonnes, la pureté des pro- 
fils, la simplicité élégante de 
l'ordonnance ; l’exacte propor- 
tion des formes, l’harmonie de 


HUR 133 


l’ensemble, et la sévère exécution 
des détails. Mais celui qui connaît 
toutes les causes des effets de 
l'architecture , sait qu'aucun art 
plus que celui-là,ne vit de rapports 
et de correspondances. C’est un 
avantage pour tout objet d’art , 
d’être vu et placé selon l’inten- 
tion du sujet : c’est une nécessité 
pour l'ouvrage d'architecture, 
destiné plus que tous les autres , 
à s'adresser aux sensations de la 
multitude, qui ne sait, ni ne peut 
savoir les raisons du bon et du 
mauvais effet de ce qu’elle voit , 
et ne saurait, avec l’aide de l’ima- 
gination, corriger le défaut invo- 
lontaire d’une position inoppor- 
tune. Ainsi presque tout le monde 
s’estaccordé à accuser M. Heurtier 
de lourdeur dans un péristyle, qui, 
vu d’où il aurait dû l'être, n’au- 
rait manqué certainement ni d’é- 
légance ni de légèreté. » 


HURTAULT (Maximicren - Jo- 
serx ), architecte , naquit à Hu- 
ningue, en Alsace, en 1565, 
d’une famille pauvre. II recut , 
sous le directeur des fortifications 
de cette ville, les premiers élé- 
mens du dessin, et montra dès 
son plus jeune âge un goût décidé 
pour les arts. Les circonstances 
Payant amené à venir chercher 
des ressources à Paris , il y trouva 
quelques parens, qui voulurent lui 
faire embrasser la carrière du 
commerce ; mais sa vocation l’en 
détournait. Il se mit à travailler 
comme tailleur de pierre; bientôt 
il conduisit les constructions qui 
s’exécutaient dans les bâtimens 
de la Reine, à Trianon, et y obtint 
ensuile l'emploi de dessinateur , 
sous la direction de M. Mique , 
premier architecte de la princesse. 


134 HUR 


La Révolution survint et enleva 
cette place à Hurtault. Ses con- 
naissances en dessin et en mathé- 
matiques le firent employer suc- 
cessivement, dans ladministra- 
tion de la grosse artillerie, puis 
comme professeur adjoint à l’E- 
cole polytechnique. Sa collection 
de dessins en renfermait plu- 
sieurs, qu'il avait composés pour 
servir de modeles dans cetteécole. 
Enfin , il devint inspecteur des 
salles d’assemblée des conseils 
des Anciens et des Cinq-cents. 
Cependant son sort n’était point 
encore assuré , mais il s’amélio- 
rait, et son premier soin fut d’ap- 
peler auprès de lui une mère qu’il 
chérissait , et avec laquelle il par- 
tageait le fruit de <es travaux. 
Toutefois, il trouva les moyens de 
commencer dès cette époque, à 
réunir les premiers élémens d’une 
bibliothèque et d’un cabinet d’ar- 
chitecture , où furent successive- 
mentaccumulés durant trente ans, 
les ouvrages les plus précieux et 
les plus rares qui concernent cet 
art, presque tous choisis avec un 
goût et un luxe remarquables (1). 

Hurtault quin’avait fait dans sa 
jeunesse que des études irrégu- 
lières et incomplètes , les reprit 
dans l’âge mûr , à l’école de M. 


(1) On a publié, 1° du vivant de 
M. Hurtauit : Catalogue des livres de 
la bibliothèque de M. *** (rédigé par 
M. Barbier jeune). Paris, imprimerie 
bibliographique, 1805 ; in-8, cent cin- 
quante-une pages, avec une table des 
auteurs. 2° Après la mort de M. Hur- 
tault : Catalogue des livres composant 
Ja bibliothèque de feu M. I. Hurtault. 
Paris, Merlin, 1824 ; in-8, cent soixante- 
:ix pages, précédé d'une notice sur Hur- 
‘ault, et orné de son portrait, lithogra- 
phié par Vigneron. 


HUR 


Percier. Des succès académiques 
couronnèrent son zèle : il obtint 
un grand prix d'architecture , et 
se présenta plusieurs fois dans la 
lice, avec des projets qui réuni- 
rent un grand nombre de suffra- 
ges, tels qu'un monument à 
Desaix, des colonnes départe- 
mentales à la gloire des armées 
francaises, etc. Enfin, il fit le 
voyage d'Italie. Durant un sé- 
jour de vingt mois dans ce pays, 
il recueillit et dessina une pré- 
cieuse collection de monumens 
et d’édifices de tout genre : elle 
a été donnée par sa famille, à 
M. Malpièce son élève. Hurtault, 
qui depuis onze ans était employé 
à l'inspection des grands travaux 
qui s’exécutaient aux Tuileries , 
sous la direction de MM. Percier 
et Fontaine, fut nommé , quel- 
que temps après son reteur d'I- 
talie, architecte du château de 
Fontainebleau , bäti par Fran- 
cois I et embelli par le talent de 
Vignolle et du Primatice. Le 
nouvel architecte s’occupa d'a- 
bord de la reconstruction de la 
galerie de Diane, qui tombait en 
ruine. Cette restauration présen- 
tait, dans son exécution , plu- 
sieurs difficultés à vaincre ; il les 
surmonta avec beaucoup d'art. 
Quoique circonscrit dans des li- 
mites que les appartemens voisins 
ne permettaient pas de changer , 
Hurtault a su trouver le moyen 
de déguiser l'extrême longueur 
de la pièce, comparée à sa largeur, 
en plaçant aux deux extrémités 
des arcs doubleaux , supportés 
par des colonnes d'ordre dorique 
en stuc, lesquelles à l'entrée, mé- 
nagent une espèce de vestibule, 
d’où l’on monte à la galerie , par 
sept degrés en marbre, et qui, du 


HUR 


voté oppose, forment un salon 
décoré avec plus de richesse en- 
core que la galerie même. Huit 
pilastres de même ordre que les 
colonnes, marquent lé milieu de 
la galerie, et rappellent très-heu- 
reusement l’ordonnance des deux 
extrémités et de l’ensemble. La 
galerie estéclairée sur le fossé, du 
côté de la ville, par une grande 
croisée cintrée, avec un beau 
balcon en pierre, dans le style de 
la renaissance. Les quatre tru- 
meaux qui se trouvent de chaque 
côté des portes, sont revêtus de 
stuc, et sur un fond blanc ; dans 
le milieu, sont peints &es sujets 
relatifs à l'histoire de Diane. Les 
panneaux sont encadrés par des 
ornemens de la plus grande dé- 
licatesse. La coupure est en com- 
partimens , peints en blanc, re- 
haussés d’or ; les panneaux sont 
remplis par des peintures , em- 
pruntées aussi de l’histoire de 
Diane et qui ont été exécutées par 
M. Blondel. Des glaces placées 
entre les colonnes , etles pilastres 
des différens arcs-doubleaux du 
vestibule et du salon, ajoutent 
encore à la magnificence et à la 
décoration de cette belle galerie. 

Dans le jardin qui se trouve 
sous les fenêtres de la même ga- 
lerie , M. Hurtault a élevé un 
petit monument qui est à la fois 
un modèle d'élégance dans son 
ensemble, de finesse et de goût 
dans ses détails : c’est la fontaine 
de Diane. Elle est construite sur 
un plan circulaire ; quatre larges 
gradins en marbre blanc Ja dessi- 
nent; son diamètre de trente- 
quatre pieds au gradin supérieur, 
se réduit à dix-neuf pieds au gra- 
din inférieur qui entoure les 
eaux. Dans le milieu du bassin, 


HUR , 199 
sur un socle carré , dont les qua- 
tre faces sont ornées de têtes de 
cerfs qui jettent de l’eau, s'élève 
le piédestal circulaire sur le- 
quel est placée la statue de Diane. 
Une riche et élégante balustrade 
en fer doré, coupée par douze 
piédestaux qui supportent des 
vases de forme antique , entoure 
et ferme ce bassin. 

M. Hurtault à aussi dessiné à 
Fontainebleau, unjardin pittores- 
que de la plus belle ordonnance : 
un terrain inculte , ingrat , maré- 
cageux , sans mouvement, sans 
point de vue , de la forme la plus 
irrégulière ; fut méthamorphosé 
en une année, en un parc déli- 
cieux, dans le style anglais. Les 
plantations ontété combinéesavec 
art, de manière à dérober à la vue, 
la majeure partie des bâtimens 
voisins pour n’en laisser aperce- 
voir que les façades pittoresques. 
Des percées habilement ménagées 
rattachent l’ensemble du jardin à 
la forêt , et semblent ainsi réunir 
ses montagnes agrestes au sol 
riant du nouveau jardin; une 
belle et grande allée, dont les con- 
tours sont dessinés largement, 
embrasse toute l'étendue du jar- 
din qu’elle domine. 

Les cascades du Tibre , dans le 
même château de Fontainebleau, 
ont été reconstruites sur les des- 
sins de M. Hurtault; malheureu- 
sement, il ne les a pas achevées. 
La cour de la Fontaine , dont 
l'architecture est de Serlio, a été 
restaurée par Hurtault, en res- 
pectant le caractère que lui avait 
donné le premier architecte. Son 
porte-feuille contenait une foule 
d’autres restaurations projctées. 
Il fit élever dans la forêt , une 
chapelle avec un porche, pour 


L D 


136 HUR 


servir d'asile aux voyageurs. Ce 
petit édifice rappelle ceux du 
même genre que l'on rencontre si 
souvent en Italie. 

Indépendamment de travaux 
importans que M. Hurtault a sui- 
visou dirigès dans les bâtimens de 
la couronne, il a construit plusieurs 
maisonsou édifices particuliers,qui 
tous portent le cachet de ce carac- 
tère simple, gracieux et noble,qu'il 
savait donner à ses productions. On 
distingue particulièrement parmi 
ces ouvrages, une maison ( pas- 
sage Ceudrier ) dont la distribu- 
tion et la décoration eurent une 
heureuse influence sur le goût des 
constructions de ceite époque ; un 
manège dans la rue Saint-Honoré, 
où il sut allier dans la facade, le 
double caractère d’un établisse- 
ment publie au soubassement et 
celui d'habitation, dans la partie 
supérieure qui était consacrée au 
logement du chef de l'école d’'e- 
quitation ; un hôtel rue de la Paix 
remarquable surtout par le ca- 
ractère de la décoration extérieure; 
enfin sa propre maison , rue 
Richepanse , qui peut être con- 
sidérée comme un chef-d'œuvre de 
simplicité et de goût. Le préfet 
de la Seine ayant demandé à di- 
vers architectes , des projets de 
fontaines monumentales pour la 
ville de Paris, M. Hurtault pré- 
senta le sien, qu'on à vu à l’ex- 
position de 1818. Sa fontaine était 
consacrée à Apollon et aux Muses; 
elle devait être placée sur le bou- 
levard Bonne-Nourvelle. 

M. Hurtault obtint successi- 
vement les principales distinc- 
tions de la carrière qu’il parcou- 
rait. Il fut élu membre de lIns- 
titut , le 15 février 1810 ; il était 
aussi membre du jury de l'Ecole 


HUY 


des beaux-arts. Le ministre de 
l'intérieur le nomma inspecteur 
général et membre du Conseil des 
bitimens civils ; enfin, l’adminis- 
lration des bâtimens de la Cou- 
ronne l’appela à la direction des 
travaux de Saint - Cloud : il y 
donna de nouvelles preuves de 
son habileté, dans la construc- 
tion des petits pavillons de la 
grille de Sèvres , et dans l'éta- 
blissement d’un jardin à Mon- 
tretous, pour M. le duc de Bor- 
deaux. M. Percier l’avait proposé 
lui-même, pour le remplacer dans 
l'exécution du monument à éle- 
ver à la mémoire du feu due de 
Berri : mais une mort inopinée 
priva notre artiste de l'avantage 
d'y attacher son nom. Hurtault 
mourut à Paris, le 2 mai 1824 : 
plusieurs discours furent pro- 
nonces sur sa tombe ; celui de 
M. Mazois, au nom du Conseil 
des bâtimens civils ,; a été im- 
primé (Paris, F. Didot, in-8, 
12 pages ). 


HUVIER pes FONTENELLES 
(Pierre-Marte-FRaxcois) naquit à 
Coulommiers.en Brie. Aprèsavoir 
été eleve au collége royal de Juil- 
ly, il passa plusieurs années dans 
la congrégation de lOratoire. 11 
la quitta vers 17S0 , pour aider 
son père, bailli de Coulommiers 
et subdélégué de l'intendance. 
Les lecons, les exemples d’un 
père très-instruit, auraient fait de 
M. Huvier des Fontenelles un 
excellent administrateur ; mais 
l'éloignement qu'il professa con- 
stamment, pour les principes de la 
Révolution, lempècha d'accepter 
aucune place avant le retour de 
la maison de Bourbon. La cul- 
ture des lettres a rempli presque 


HUV 


tous ses momens. Personne n’a 
mieux su que lui intéresser les 
sociétés qu'il fréquentait par le 
récit d’anecdotes piquantes et 
variées , ou les amuser par ces 
jeux dont il a fait la description. 
Les Soirées amusantes , ou Entre- 
tiens sur les jeux à gages et aulres. 
Paris, veuve Duchesne , 1788. 
— Nouvelle édit. 1590 , in-12. 
Son ouvrage fut accueilli très-fa- 
vorablement ; il est à regretter 
que l’auteur n’en ait pas, dans 
une nouvelle édition dirigée par 
lui-même , fait disparaître des né- 
gligences de style et desréflexions 
peu mesurées, qui lui ont été jus- 
tement reprochées. À son insu, 
Lacombe l’a inséré en 1599, dans 
la LXVI* livraison de l Encyclo- 
pédie Méthodique , contenant les 
jeux mathématiques et les jeux 
familiers. Il se contente de dire 
que ces entretiens sont tirés des 
Soirées amusantes ,; sans même 
donner la date de l’ouvrage. 
M.Huvier des Fontenelles a publié 
quelques brochures politiques, 
sous le voile de l’anonyme (1). Il 
envoya, en mars 1799, à la s0- 
ciété des Diners du Vaudexille, 
une liste d’airs, dont M. Capelle 


(1) 19 La Targetade, tragédie un 
peu burlesque, parodie d’ Athalie, de 
Bacine. Paris, 1791; in-8, de soixante- 
quinze pages (anonyme). — contre 
Target, rapporteur du comité de ré- 
vision de la constitution de 1791. 

20 Les Remontrances du parterre, 


HUV - 137 
paraît avoir profité pour la com- 
position de l’ouvrage qu’il a pu- 
blié sous ce titre : La Clefdu Ca- 
veau, à l’usage de tous les chan- 
sonniers français, etc. ; par C***, 
du Caveau moderne. Paris, Ca- 
pelle et Renand , 1811 , in-8 
oblong. Les auteurs des Di- 
ners du Vaudeville adressèrent à 
mon compatriote un reçu , en 
trois couplets très-flatteurs pour 
lui. — Lorsque les troupes alliées 
se sont approchées de Coulom- 
miers, le village de Monroux fut 
incendié; la maison de M. Hu- 
vier des Fontenelles qui en est 
éloignée d’une demi-lieu, a été 
pillée par les Cosaques. Il s’enfuit 
dans les bois qui lavoisinent ; 
mais les Cosaques ont fouillé ces 
bois et ont dépouillé complète- 
ment les malheureureux fu yards. 
Le nouvel ordre de choses qui 
s’ouvrait pour M. Huvier des 
Fontenelles , et qui était si con- 
forme à ses vœux , l’'empêcha de 
se plaindre. Il est mort maire de 
sa commune de Monroux , le 
21 octobre 1825 , âgé de 66 ans 
(Extrait du Dictionnaire des ou- 
vrages anonymes et pseudonymes ; 
par M. Barbier : seconde édition. 
T. III. pag. 265. n° 17,112). 


ete.; par M. Bellemare, ci-devant 
commissaire-general de police à An- 
vers; réfutées par M. H. D., otage de 
Louis XV1. Paris, Panckoucke, 1814; 
in-8, de trente-neuf pages. 


138 JUB 


JUB 


J. 


JUBÉ (Awevwsre , baron de La 
PÉRELLE), né le 12 mai 1565, entra 
dans l’administration de la marine 
en 1#86 . et fut employé sur les 
côtes de l'Océan, en 1789, par les 
généraux Dumouriez , Soucy et 
Wimpfen. Il devint successive- 
ment , chef de la première légion 
des gardes nationales de la Manche, 
en 1792. inspecteur des côtes de 
la Manche , en 1705, et l’année 
suivante, inspecteur géneral des 
côtes. En 1596 ; Jubeé était passé 
dans l’armée de terre , avec le 
grade d’adjudant général; il fut 
employé auprès du général Hoche, 
dans les fonctions de chef d’état- 
major. Le 18 brumaire , an VIIT, 
il se trouvait commandant de la 
garde du Directoire. Bonaparte lui 
confia pareillement le soin de la 
première organisation de la garde 
des consuls , maïs il le fit ensuite 
passer dans l’administration civile. 
M. Jubé fut d’abord membre du 
Tribunat, où il paya son tribut 
d’encens à l’idole du jour; en- 
suite préfet de la Doire (Piémont } 
et du Gers. Après la Restauration, 
Jubé qui avait écrit sur l'histoire 
de la guerre , fut attaché au dé- 
pôt général de ce département, 
avec le titre d’historiographe. 
Plus tard , il fut mis à la retraite, 
mais avec le grade de maré- 
chal de camp et les décorations 
de chevalier de Saint - Louis 
et de commandant de la Légion- 
d'Honneur. Le général Jubé est 
mort à Dourdan ( Eure-et-Loir ), 
le 1° juillet 1824, âgé de 59 ans. 


Liste des ouvrages d’ A. Jubé. 


L. Histoire des guerres des Gau- 


lois et des Français en Italie, avec 
Le tableau des événemens civils et 
militaires, depuis Bellovèse jusqu’à 
la mort de Louis XII , par Jubé; 
et depuis Louis XIT jusqu’au traité 
d'Amiens, par le général Servan. 
1805. # vol. in-8, avec atlas. 


Jubé est l’auteur seulement du 
1“ volume de cette histoire ; 
les six autres sont du général 
Servan. 


IT Hommage des Français à 
l’empereur Alexandre. De la né- 
cessité de transmettre à la posté- 
rité le souvenir des bienfaits de 
l'empereur Alexandre et de ses 
augustes alliés, et des moyens 
de signaler la reconnaissance des 
Français. Paris , imprimerie de 
F. Didot, 1814, in-8, d’une feuille. 

LI. Lettre d’un Français à lord 
Stanhope , et Réflexions sur l’évé- 
nement arrivé à lord Wellington , 
dans la nuit du 10 au 11 février. 
Paris, Plancher, 1818; in-8, d'une 
feuille un quart. 

IV. Le Temple de la Gloire, ou 
les-Fastes militaires de la France , 
depuis le règne de Louis XIV 
jusqu'à nos jours. Paris, Ra- 
pet, 1819; 2 vol. in-fol. avec 
4o gravures. 

V. Histoire générale militaire des 
guerres de la France, depuis 
le commencement du règne de 
Louis XIV jusqu'à l'année 1815. 

L'ouvrage devait avoir 3 vol.; 
la publication du dernier à été re- 
tardée jusqu’à ce jour , par la ma- 
ladie et la mort de l’auteur. Le 
manuscrit se trouve dans ses pa- 
piers. 

Le général Jubé a coopéré à la 


LAB 


rédaction du Journal général , 
feuille de lopposition, en 1818 
et années suivantes. 


JUGE-SAINT-MARTIN (J.J.), 
ancien professeur d'histoire na- 
turelle à l’école centrale de Li- 
moges, vice-président honoraire 
de la societé d'agriculture, scien- 
ces et arts de la même ville, y 
est décédée, dans un âge avancé , 
au commencement de l’anné1 824. 
Cet estimable agronome répandit 
autour de lui, le goût d’une agri- 
culture éclairée, non-seulement 
par l'influence de ses exemples, 
mais aussi par ses instructions et 
par les secours qu’on trouvait 
dans ses pépinières. La société 
royale d'agriculture de Paris, 
dont il était devenu correspon- 
dant , lui avait décerné une mé- 
daille d’or, pour avoir mis les 
cultivateurs de son voisinage à 
portée de se procurer chaque 
année , des milliers d'arbres de 
différentes espèces, qui n’avaient 
jamais été cultivés dans son can- 
ton. Des plantations d’arbres vi- 
goureux et variés, couvrent au- 
jourd'hui par les soins de Juge, 
plus de deux cents hectares de 


LAB 139 


mauvaises terres qui formaient le 
domaine de ses ancêtres. 


Liste des ouvrages 


deJ. J. Juge-Saint-Martin. 


I. Traité de la culture du chêne. 
1588 , in-8. 

IT. Notice des arbres et arbustes 
du Limousin. Limoges , 1790 ; 
in-8. à 

III. Observations méteréologi- 
ques et économiques, faites pendant 
Pannée 1791, dans le département 
de la Haute-Vienne. 1591, in-8. 

1V. Proposition d’un congrès de 
paix générale.15798, in-12. 

V. Théorie de la pensée, de son 
activité primitive, et de sa conti- 
nuation par les songes. 1806, 
in-8. 

VI. Changemens survenus dans 
les mœurs des habitans de Limoges, 
depuis une cinquantaine d’années. 
Deuxième édition, augmentée des 
changemens survenus depuis 1808 
jusqu’en 1815, où l’on a mentionné 
les nouveaux établissemens et quel- 
ques faits historiques inédits , etc. 
Limoges , Bargeas , et Paris, 
M°° Huzard, 1817; in-8, de qua- 
torze feuilles et demie. 


L. 


LABARTHE ( Pierre }, issu 
d'une famille noble, naquit à 
Dax, département des Landes, 
le 9 juin 1560. Eleyé à Bordeaux, 
où son père avait formé un éta- 
blissement commercial, il fit ses 
études à l’université de cette ville 
et y fut reçu avocat. Mais des 
liaisons de parenté et d'amitié le 
dirigèrent vers une autre carrière, 


En 1785, M. Devaivre, appelé à 
l'intendance générale des colonies, 
le choisit pour son secrétaire : il 
ne tarda pas à être employé dans 
l'administration elle-même. En 
1594; Labarthe fut nommé chef 
du bureau des colonies orientales 
et des côtes d'Afrique ; au minis- 
tère de la marine, Pendant qua- 
torze ans qu'il occupa ce poste 


140 . LAB 


important , il eut le loisir de re- 
cueillir une ample moisson de 
documens authentiques , et d’ob- 
servations importantes qui ren- 
dentutileset précieuxles ouvrages 
qu'il a publiés sur les colonies. 
L'affaiblissement de sa vue le força 
à demander sa retraite , qu’il ob= 
tint en 1808, après vingt-cinq ans 


de services. P. Labarthe est mort 


à Paris, le 6 juin 1824. — M. Al- 
lut a donné une Notice sur la vie 
et les ouvrages de P. Lubarthe, 
dans les Annales maritimes et colo- 
niales.N° de juillet et août 1824, 
pag. 162 - 164. 


Liste des ouvrages 


de P. Labarthe(à1). 


I. Essai sur l'étude de la législa- 
tion de la marine, tant ancienne que 
moderne, avec les notices des décrets 
rendus par les assemblées sur cette 
matière , rangés par ordre métho- 
dique. 1596, in-8, de trente-deux 
pages. 

IT. Annales maritimes et colonia- 
les, contenant des recherches sur La 
marine considérée sous les rapports 
qui la caractérisent, la navigation , 
La construction et l'administration; 
des relations des voyages en Asie, 
en Afrique et en Amérique qui 
n’ont jamais paru ; les actions mé- 
morables des marins français ; les 
lois et arrêtés relatifs au régime ma- 
ritime et colonial ; l’analyse des 
ouvrages nouveaurt sur la marine et 
les colonies ; le tableau des prises 
faites par la merine de la Républi- 
que et les corsaires français , depuis 


(1) Extrait de la Bibliographie de la 
France , rédigée par M. Beuchot; vol. 


de 1824, p. 566. 


TT ES 


LAB 


Le commencement de la guerre. Paris, 
Didot le jeune , et chez Bossange, 
Masson et Besson. An septième , 
in-8. A 

III. Voyage au Sénégal, pendant 
les années 1784-85, d’après les 
inémoires de Lafaille , ancien ofji- 
cier de marine ; contenant des re- 
cherches sur la géographie, la na- 
vigation et le commerce de la côte 
occidentale d'Afrique, depuis le 
Cap-Blanc jusqu'à la rivière de 
Sierra-Leone, avec des notes sur la 
situation de cette partie de l Afrique 
jusqu’en l’an À. Paris, Dentu; 
1802 , in-8; — traduit en alle- 
mand, Mayenceet Weimar, 1802, 
in-8. 

IV. Voyage à la côte de Guinée, 
ou Description des côtes d’ Afrique, 
depuis le Cap-Tagrinjusqu’'auCap 
de Lopès Gonzalés, contenant des 
instructions sur la traite des noirs, 
d’après des mémoires authentiques , 
avec une carte gravée sous la direc- 
tion de Brion fils, d’après un dessin 
fourni par l'auteur. 1803, in-8 ; 
— traduit en allemand par J. Ad. 
Bergk. Leipzig, 1803, in-8. 

V. Synonymes anglais, ou Diffé- 
rences entre les mots réputés syno- 
nymes dans la langue anglaise, avec 
la traduction française en regard ; 
ouvrage utile à ceux qui veulent 
écrire et parlèr avec justesse et élé- 
gance; traduit par P. L. 1805, 
2 vol. in-8. 

VI. Harmonies maritimes et eolo- 
niales, contenant un Précis des éta- 
blissemens français en Amérique , 
en Afrique et en Asie. Paris, im- 
primerie de Didot jeune ; 1819; 
in-8 , de cinq feuilles. 

VII. Intérêts de la France dans 
l'Inde, contenant, 1° l'indication 
des titres de propriété denos posses- 
sions d’ Asie ; 2° Epoques de nos 


LAB 


succès et de nos revers dans ces con- 
trées ; 5° Les actes relatifs à la rétro- 
cession de nos établissemens, après La 
paix de 1583. Paris, imprimerie 
de Didot le jeune , 1816; in-8, de 
quatre feuilles. 

Enfin, P. Labarthe a donné des 
articles dans le journal intitulé : 
Annales maritimes et coloniales, ré- 
digé par M. Bajot. 


LABOULLAYE - MARILLAC 
(-.:...),chimiste, prenait 
le titre de comte honoraire de 
Brioude. Après s'être mis au rang 
des personnes qui s’offrirent vo- 
lontairement, comme otages de 
Louis XVI, il servit, en qualité 
d’oflicier , dans l’armée des prin- 
ces, etobtint la croix de Saint- 
Louis. Durant l’émigration, il prit 
le grade de docteur en médecine, 
à l’université de Goettingue. De- 
puis la Restauration, il obtint les 
emplois importans de directeur 
de la manufacture de tapisserie 
des Gobelins, et de contrôleur 
des dépenses, au ministère de la 
maison du Roi. Laboullaye-Maril- 
lac est mort à Paris, le 25 août 
1824. Nous connaissons de lui : 

I. (Avec Tonnelier ) Voyages 
entrepris dans les gouvernemens mé- 
ridionaux de l’empire de Russie, 
dans les années 1793 et 1594, par 
le professeur Pallas, traduit de 
l'allemand. Paris, 1805; deux vol. 
in-4, et atlas in-fol.—Les mêmes, 
Paris, 1811, 4 vol. in-8 , et atlas 
in-4. 

Une autre traduction de cet 
ouvrage, en 2 vol. in-4 , et atlas 
in-fol. avait déjà paru à Leipzig, 
de 1599 à 1801. 

Il. Mémoires sur les couleurs 
inaltérables pour la teinture, décou- 
vertes par M. de Laboullaye-M aril- 


LAC 141 
lac, etc. ; lu à la séance de la pre- 
mière classe de l’Institut, le 29 
mai 1814, et suivi du Rapport fait 
à la classe des sciences physiques et 
mathématiques , le 24 octobre 1824, 
par MM. V'auquelin, Gay-Lussac 
et Berthollet, Paris, Pillet, 18143 
in-4, de deux feuilles et demie. 


LACRETELLE aîné ( Prerre- 
Louis) naquit à Metz, en 1751. 
Son père, avocat distingué au 
Parlement de Nancy, le destina 
de bonne heure à la carrière du 
barreau. Une occasion favorable 
se présenta, en 1777, de prouver 
à quel point il est possible d'allier, 
dans les discussions judiciaires , 
les considérations de droit public 
et de morale universelle, aux 
discussions de droit et d’inté- 
rêt privé. Le jeune Lacretelle 
eut à plaider pour deux Juifs 
de Metz , contre l’hôtel-de- 
ville et le corps des marchands de 
Thionville , qui leur refusaient le 
droit de prendre des brevets pour 
faire partie du corps des mar- 
chands, droit accordé par lédit 
de 1767, non-seulement aux na- 
tionaux , mais encore aux étran- 
gers. C’est par cette affaire qu’il 
débuta au parlement de Nancy; 
Ja justice et la raison étaient pour 
M. Lacretelle : il perdit sa cause 
au palais; mais léloquent mé- 
moire qu'il publia à cette occa- 
sion, a été long-temps cité comme 
un modèle d'élégance de style et 
de cet esprit philosophique qui 
fut l’un des caractères de son ta- 
lent. On reconnait le même esprit 
dans un de ses mémoires de cette 
époque, pour une comédienne ré- 
clamant son douaire. Ces pre- 
miers succès firent concevoir au 
jeune avocat messin l’ambition de 


142 LAC 

se produire sur le théâtre plus 
séduisant de la capitale. II vint à 
Paris en 17578, et fut inscrit l’an- 
née suivante. au tableau des avo- 
cats en parlement; en même 
temps, il devenait l’un des rédac- 
teurs du Grand Répertoire de ju- 
risprudence. Toutefois , le barreau 
ne le fixa point exclusivement ; 
même il ne s’y occupa guère que 
de la rédaction de mémoires im- 
primés, parmi lesquels on cite 
encore ceux qu'il publia pour le 
comte de Sannois, détenu arbi- 
trairement, à l’instigation de sa 
famille , sous prétexte d’aliénation 
mentale ; et le mémoire pour la li- 
berté du commerce, contre les 
priviléges de la compagnie des 
Indes, que le ministre Calonne 
venait de rétablir. La période 
de 1580 à 1790 fut celle des suc- 
cès littéraires les plus remarqua- 
bles de M. Lacretelle. Des jeunes 
gens qui bientôt devinrent des 
. hommes célèbres , furent alors 
ses amis, ses camarades ; de ce 
nombre étaient Garat, Fontanes, 
Suard , Ginguené, M. de Pasto- 
ret. À côté d’eux et à leur exem- 
ple, M. Lacretelle s’adonna à la 
littérature philosophique ; il en 
recueillit les palmes dans les lices 
académiques, où elles croissaient 
alors sans contrainte. L’Eloge de 
Montausier , couronné par l’Aca- 
démie française, le Discours sur 
le préjugé des peines infumantes, 
des écrits sur des points importans 
de philosophie législative ou sur 
les diverses théories de plusieurs 
genres d’éloquence , enfin, des 
articles dans le Mercure de France, 
élevèrent assez haut la réputa- 
tion littéraire de M. Lacretelle , 
et ne restèrent pas sans influence 
sur les progrès de la raison pu- 


LAC 


blique. L'on peut dire que cet 
écrivain a efficacement contribué 
à jeter le barreau moderne dans 
cette voie nouvelle que le gouver- 
nement représentatif lui promet 
si brillante. « Le caractère princi- 
pal des écrits de philosophie ju- 
diciaire de M. Lacretelle, dit 
M. Parent-Réal (Revue Encyclopé- 
dique, tom. XIX , pag. 322), 
c’est l’alliance nouvelle et intime 
de la philosophie à la jurispru- 
dence , du talent littéraire aux 
oracles du droit. Leur effet con- 
stant est d'indiquer les ressources 
philosophiques et littéraires que 
peuvent offrir les moindres causes 
du barreau et surtout les grandes, 
dont l'intérêt les détache des ou- 
vrages ordinaires des juriscon- 
sultes pour les placer dans la 
bonne littérature ; c’est de prou- 
ver, par des exemples autant que 
par des principes, que les choses 
judiciaires ont souvent un contact 
utile avec les vues politiques; et 
que la jurisprudence où l'étude 
pratique des lois doit être consi- 
dérée comme une partie de la 
science sociale et non comme une 
rubrique du palais.» —Admis dans 
les cercles littéraires de cette épo- 
que, M. Lacretelle y connut par- 
ticulièrement d’Alembert, Con- 
dorcet, La Harpe, Marmontel, 
Saint-Lambert, Buffon, Turgot, 
et surtout le vertueux Malesher- 
bes. Il allait souvent visiter ce 
dernier dans la terre dont il por- 
tait le nom, et rêver avec lui aux 
progrès de la civilisation, des 
mœurs publiques, et au perfec- 
tionnement des institutions natio- 
nales. Ses rapports avec Buffon 
furent moins intimes et moins 
affectueux : néanmoins , il était 
d’une réunion du Dimanche, dans 


LAC 


une maison de campagne que le 
naturaliste possédait aux environs 
de Paris, et au sein de laquelle il 
se plaisait à disserter savamment 
des artifices du style. 

En 1587, M. Lacretelle avait 
été placé, par le crédit de Males- 
herbes, dans une commission 
nommée par le Roi pour préparer 
des projets de réforme de la légis- 
lation pénale. Il fut, en 1789 ; un 
des électeurs de Paris et membre 
de la première commune élue par 
cette grande cité : alors aussi, il 
avait été nommé député-suppléant 
de Paris aux Etats-généraux; il 
ne siégea point dans l’Assemblée 
constituante, mais dans l’Assem- 
blée législative, où il entra comme 
député de Paris. M. Lacretelle 
était trop éclairé et trop pur pour 
hésiter devant la Révolution ; 
mais il fut de ce petit nombre en 
qui se rencontra celte rare alliance 
d’un amour ardent etindomptable 
pour la vérité, avec une modéra- 
tion parfaite dans le choix des 
moyens qui devaient assurer son 
triomphe. M. Lacretelle vota avec 
la minorité, qui défendait la 
constitution de 15791, et peut-être 
l’ordre social tout entier. Mem- 
bre du club des Feuillans, c’est lui 
qui leur fit adopter pour devise: 
la Constitution , toute la Consti- 
tution, rien que la Constitution. 
A l’occasion d’une adresse de fé- 
licitation envoyée par le club des 
Wihgs à l’Assemblée législative, 
il témoigna publiquement son ad- 
hésion aux principes de ces véri- 
tables patriotes de la Grande- 
Bretagne. Enfin, insulté et frappé 
au sortir de la séance du 9 août 
1702, parce qu’il avait voté contre 
la mise en accusation de M. de 
Lafayette , il écrivit à l’Assemblée 


LAC 145 
une lettre énergique , où il s’ef- 
forçait de lui faire comprendre les 
dangers qui menaçaient tous les 
honnêtes gens, si on ne prenait 
pas des mesures efficaces contre 
les violences brutales et capri- 
cieuses de la populace. 

Le 10 août condamna M. La- 
cretelle à la retraite et au silence : 
amitié lui gardait un asile hors 
de Paris. Ilreparut aprèsleo ther- 
midor, toujours ami de la Révo- 
lution, mais professant un juste 
éloignement pour ceux qui la- 
vaient déshonorée par leurs excès. 
Cette opposition fut prise pour du 
royalisme par ceux qui songeaient 
alors au rétablissement de la mo- 
narchie , et il faillit être compro- 
mis , parce qu’on trouva des notes 
sur son compte dans la corres- 
pondance de Lemaïtre, Brottier, 
la Vilheurnois et autres, où il était 
représenté comme disposé en fa- 
veur des Bourbons. M. Lacretelle 
futélu, sous le gouvernement du 
Directoire, l’un des jurés de la 
Haute-Cour nationale.Le 18 bru- 
maire flatta un moment ses illu- 
sions : il entra au Corpslégislatifen 
1801, maisil y vota contre la plu- 
part des projets du gouvernement. 
Aussi il ne fut pointréélu et nere- 
cut aucune part de l’or des nations 
et de leurs dépouilles, quelecon- 
quérant du monde distribuait à la 
France pour la distraire de ses 
libertés. M. Lacretelle fut élu 
membre de la classe de la langue 
et de la littérature française de 
l'Institut , à la place de La Harpe. 
Fidèle à la mémoire des encyclo- 
pédistes, pour lesquels il profes- 
sait du respect et de l’amour,, bien 
qu'il n’adoptât pas entièrement 
leur philosophie, le récipiendaire 
versa le blâme, dans son discours 


144 LAC 


de réception, sur son prédéces- 
seur, qui, élevé et grandi sur le 
sein des philosophes du dix-hui- 
tième siècle, depuis, les combla 
d’amertumes et de malédictions. 
L'Académie , alors composée des 
débris de celle qu’avaient élaborée 
avec tant d’intrigues, d’Alembert 
et Marmontel, sourit aux cen- 
sures austères et mesurées de 
M. Lacretelle. Mais son discours 
trouva des censeurs virulens dans 
des journaux dirigés par une autre 
secte , dont la religion , pétrie de 
vanité et de haine, n’est pas non 
plus celle de l'Evangile, 

Sous l’Empire comme sous la 
République ; M. Lacretelle sut 
conserver son indépendance aux 
dépens de sa fortune; et sa pau- 
vreté honorable n’excita jamais en 
lui une plainte ni un regret. Cette 
époque de sa vie fut remplie en 
grande partie , par les soins qu'il 
voua à la poursuite des réclama- 
tions élevées sur les anciens biens 
de la maison de Savoie, par le fils 
de l’un des princes de Carignan; et 
la réclamation du douaire de sa 
mère, devenu l’unique ressource 
de cette dernière. Après plusieurs 
voyages à Turin , après la publica- 
tion de divers mémoires sur cette 
affaire, après y avoir consumé 
une partie de sa fortune person- 
nelle, M. Lacretelle obtint enfin 
justice du chef du gouvernement 
français. 

Le règne de Napoléon , en bri- 
sant toutes ses espérances et ne 
lui présentant qu’une longue per- 
spective de la dégradation des 
hommes et des peuples , lui avait 
ôté tout courage. Avec la plupart 
des hommes éclairés et justes , il 
se réjouit de sa chute , et son cœur, 
ranimé par l'air de la liberté, 


LAC 


rendit à son esprit une activité 
qui semblait éteinte. Avant la Ré- 
volution , M. Lacretelle avait co- 
opéré à la rédaction du Mercure , 
lorsque cette feuille, rédigée par 
La Harpe , Marmontel , Garat , 
exerçail une grande influence sur 
la république des lettres. Plus tard, 
il avait donné des articles au Pu- 
bliciste, de M. Suard. En 1815, 
quand MM. Benjamin Constant , 
Etienne, Jouy, Jay et d’autres, 
relevèrent le Mercure, qui plus 
tard , obtint une si grande vogue, 
sous le titre de Minerve française, 
ils voulurent s'appuyer du nom 
respecté de M. Lacretelle. Le petit 
nombre d'articles qu’il publia dans 
la Minerve , roule sur les sociétés 
savantes, et retrace ses idées par- 
üculières sur l'indépendance qu’il 
leur souhaite et la tendance utile 
qu'il voudrait leur imprimer. En 
1820 , le changement survenu 
dans les principes de l’adminis- 
tration publique, amena ladop- 
tion de lois oppressives de la 
liberté de la presse. Cependant 
la France, tourmentée d’une fiè- 
vre brûlante, demandait à en- 
tendre la voix de lopposition. 
Dans les pays libres, obéir au 
texte de la loi est le seul devoir 
imposé au citoyen qui l’improuve, 
et on lui reconnait le droit d’elu- 
der la volonté du législateur, s’il 
est assez circonspect et assez ha- 
bile pour se soustraire à un texte 
impuissant , ou par l'excès de sa 
violence, ou même simplement 
par son imperfection. M. Lacre- 
telle se dévoua à tenter une expé- 
rience en faveur de la plus pré- 
cieuse des libertés publiques : il 
se fit libraire, comme Franklin 
fut imprimeur, espérant publier , 
sous la forme de brochures épar- 


LAC 


ses, le journal périodique dont 
les nouvelles lois interdisaient la 
continuation. Par là, il trompait 
leur vœu fatal, nous pouvous le 
dire , aujourd’hui que la France 
est affranchie de leur joug, mais 
il n'avait pas violé leur lettre. Ce- 
pendant on appela devant la po- 
lice correctionnelle l'ami de Ma- 
ivsherbes , ce vieillard dont le 
front rayonnait de candeur et de 
vertu, et à l'aspect duquel un jury 
français se serait levé peut-être , 
avec vénération,si comme aupara- 
vant, la loi plus généreuse l’eût 
amené devant lui; et non-seule- 
ment il s’assit sur le bancdes accu- 
sés, mais encore il fut condamné à 
un mois de prison, pour Contraven- 
tion aux lois de censure. Il s'était 
défendu lui-même avec noblesse et 
fermeté. Mais si la condamnation 
fut prononcée , l’on sentit que 
l'exécution serait impossible. Peut- 
être que l’angoisse morale ou la 
débilité physique allaient faire expi- 
rer sous les verrous un homme de 
bien, consacré par d’honorabies 
souvenirs : quelque violentés que 
fussent encore à cette époque, les 
passions politiques, il paraît qu’on 
s’effraya de cette chance. La jus- 
tice du Roi fit remise à M. Lacre- 
telle de lemprisonnement; mais 
lui, non convaincu de son délit, 
regretta d’avoir manqué d’énergie 
pour revendiquer l'accomplisse- 
ment de sa peine et s’en fit à lui- 
même des reproches. Dans ces 
pénibles circonstances , l’Acadé- 
mie française s'empressa d’élire 
M. Lacretelle pour son chance- 
lier trimestriel. 

M. Lacretelle consacra les der- 
niers jours de sa vie à revoir ses 
divers ouvrages et à préparer une 
dernière édition de ses œuvres. 


LAC 143 
Un dépérissement graduel le 
conduisit jusqu'à son terme : 
« Mon ami, disait-il à M. Jouy 
» la veille de son décès , je meurs 
»saus regrets : j'ai rempli toute 
» ina destinée; j'ai écrit quelques 
» pages qui me survivront, voilà 
» ma récompense dans ce monde ; 
»j'ai fait un peu de bien, voilà 
» mon espérance dans l’autre.» IL 
expira paisiblement, le 5 septem- 
bre 1824, âgé de 75 ans. Ses res- 
tes mortels ont été déposés au ci- 
inetière du P. Ja Chaise, où MM. le 
comte Bigot de Préameneu etJouy, 
tous deux de l’Académie française, 
ont prononcé son éloge. M. Droz 
lui a succédé au fauteuil académi- 
que , et l’a loué à son tour, suivant 
l’usage , dans la cérémonie de sa 
réception (1). M. Parent-Réal, 
avocat aux Conseils du Roi, lui a 
consacré une Notice dans la Revue 
Encyclopédique (t. XXEV, p.551). 
On trouve le portrait de M. Lacre- 
tele aîné, gravé dans la Coltection 
des défenseurs de la Charte et de la 
Loi des élections, publiée par Am- 
broise Tardieu, et lithographié 
dans la Collection des membres de 
Plnstitut, par 4. Boilly. 
Lacretelle aîné fut un homme 
de bien, un écrivain utile, un bon 
citoyen. La liberté, qu’il aima et 
qu’il défendit toute sa vie, ne fut 
jamais pour lui, comme on l’a 
tres-bien dit, ni une déesse, ni une 
bacchante, mais un droit public. X 
traversa avec honneur nos sub- 
versions sociales, sans jamais re- 
culer devant les conséquences de 


(1) On trouve le discours de M. Droz 
et la réponse de M. Auger, faisant les 
fonctions de chancelier de l'Académie, 
dans /e Moniteur des 15 et 16 juillet 
1825. 

10 


146 IE 


la vérité qu'il eut le bonheur de 
connaître, sans rétracler ses Opi- 
nions suivant les circonstances, 
par de pusillanimes conceptions 
ou par de lîches apostasies. On 
l’entendit sur ses vieux jours, 
dans la Société des amis de la 
l'berté de la presse, professer 
avec une ferme conviction, sou- 
tenir avec un dévouement plein 
de chaleur, les principes politi- 
ques et les droits constitutionnels 
qu'il avait jadis accrédités par ses 
écrits, et qu'il avait aidé à fonder 
dès les premiers pas de la Révo- 
lution. Sa bonne renommée et son 
honorable caractère firent souvent 
penser à lui, à l’époque où les élec- 
tions populaires peuplaient la 
chambre des Députés d'hommes 
distingués par quelque supério- 
rité; et c'était avec un regret mêlé 
d’un peu d’admiration qu’on se 
voyait arrêté, en apprenant que 
cet homme intègre et simple n’a- 
vait pas, dans tout le cours d’une 
vie longue et honorée, rassemblé 
assez des biens de la terre, pour 
être légalement éligible. Elève des 
encyclopédistes, M.  Lacretelle 
semble n'avoir pris de leurs doc- 
irines que les idées philanthropi- 
ques et les théories politiques; 
mais son esprit, naturellement 
doux et circonspect, se garda 
de promulguer Leurs sophis- 
mes irréligieux. Ilest vrai qu’on 
ne trouve pas le chrétien dans 
ses écrits moraux. La philoso- 
phie de son temps n’était pas 
encore remontée à celte hauteur; 
mais, du moins, jamais par une 
pensée ou par une parole impie, 
il n’attriste ou ne scandalise le lec- 
teur. Sa morale est douce et pure; 
son style est exact et même élé- 
gant; ses développemens métho- 


LAC 


digues et semés parfois d'idées in- 
menieuses. Arrivés entre l’époque 
des théories et celle des applica- 
tions, ses écrits offrent le carac- 
ière de cette situation transitoire : 
à côté d'idées générales, ils offrent 
quelques indications positives : 
mais Ces esquisses communément 
trop vagues, manquent souvent 
d'importance et de précision; tan- 
dis que les conceptions de lécri- 
vain et ses expressions sont dé- 
pourvues de cette audace originale 
et éclatante, qui distingue ceux 
du premier ordre. Le génie de 
M. Lacretelle n’aspirait pas si haut: 
ajouter à la popularité de vérités 
déjà connues , en déduire quelques 
applications utiles, les présenter 
sous leurs faces diverses, les ap- 
puyer de sa persévérance et de sa 
conviction : telle fut la mission de 
M. Lacreteile, et il l’a suffisam- 
ment remplie. Il recueillit pour 
récompense la vénération des siens 
et l'estime, au moins, de ses an- 
tagonistes. La douceur et la pureté 
des mœurs privées de M. Lacre- 
telle aîné , lui épargnèrent la plu- 
part des amertumes de la vie; et 
si facile fut la tolérance de son es- 
prit, si douce l’aménité de son ca- 
ractère, qu'il vécut toujours en 
parfaite harmonie avec son frère, 
M. Lacretelle jeune, malgré l’en- 
tière opposition de leur maniere 
de penser et d'agir. 


Liste des ouvrages de 
P. L. Lacretelle. 


1. Essai sur l’éloquence du bar- 
reau (réimprimé, dans les Œuvres 
de l’auteur. V. ci-après n° XX }). 

IT. Discours sur ce sujet : As- 
signer les causes des crimes et 
donner les moyens de Îles rendre 


LAC 


plus rares et moins funestes. Nan- 
CYs 17743 in-6. 

IT. Plaidoyers. Bruxelles (Nan- 
CY) > 1775 ; in-8. — anonyme. 

EV. Discours sur la multiplicité 
des lois. 1578. 

V. Mélanges de Jurisprudence , 
ou Divers © plaidoy ers ,; précédés 
d’un Essai sur l° Eloquence du bar- 
reau , et suivis de différens morceaux 
de philosophie et de jurisprudence. 
Paris, Hardouin, 1550; in-8, 
anonyme. réimprimé dans 
les Œuvres de l’auteur, ciaprès, 
n XX. 

VI. Eloge de Charles de Sainte- 
Maure, duc de Montausier : Dis- 
cours qui a obtenu l’accessit de l A- 
cadémie française. 1581, in-. 

M. Lacretelle eut pour concur- 
rent M. Garat, qui obtint le prix. 

VII. Notice sur M. Legouvé, avo- 
cat au parlement de Paris ( dans 
le Mercure de 1582 ). 

L'avocat Legouvé fut le père de 
l'auteur du Mérite des Femmes. 

VIII. Sur les fonctions et sur 
l'amélioration du sort des curés 
( dans le Mercure de 1582 ). 

IX. Discours sur le préjugé des 
peines infamantes, couronné par 
l’Académie de Metz. 1784, in-8. 
— réimprimé avec les pièces sui- 
vantes , du même auteur: Lettre 
sur la réparation qui serait due aux 
accusés jugés innocens ( 1785 ). 
— Dissertation sur le ministère 
public ( vers 1582 ). — Réflexions 
sur la réforme des lois criminelles 
( 1586 ). 

En 1586, l’Académie francaise 
décerna au Disrours sur le préjurzé 
des peines infamantes, le prix 
fondé par M. de Monthyon, en fa- 
veur de louvrage le plus utile, 
publié dans le courant de l’année. 
L'Académie avait demandé pour 


— 


LAC 1 


LA 
17 
Pannée suivante, un traité de 


morale élémentaire et popalaire , 
sous le titre de Catéchisme de mo- 
rale. M. Lacretelle, inspiré par la 
lecture du programme, conçut 
l'ouvrage surun plan plus étendu 
et envoya l’apercu de son projet. 

l’Académie eut le bon esprit 
d’applaudir à l’écrivain qui avait 
agrandi sa pensée, et recula de 
deux années eterme du concours, 
pour denner à M. Lacretelle le 
temps d’achever son ouvrage. La 
Révolution survint : l’Acadéinie 
fut détruite et le prix ne fut point 
adjugé. Le Discours sur le préjugé 
des peines infamantes , est l’un des 
titres les plus honorables de l’au- 
teur, non-seulement à cause du ta- 
lent distingué qu'il y a déployé, 
mais surtout parce que cet ouvrage 
ne fut pas sans une influence réelle 
sur l’affaiblissement du préjugé 
qu’il attaque. Thomas écr:vit à 
M. Lacretelle une lettre où sa pro- 
duction se trouve appréciée avec 
justesse et avec éloge. Chénier, 
dans son T'ableau de la Liltérature 
du dix-huilième siècle (chap. XI), 
s’en exprime en ces termes : « JI 
» s'agissait de cette odieuse opi- 
»nion qui faisait rejaillir sur une 
» famille entière l’ignominie d’un 
» coupable condamné. Il fallait re- 
»monter à l’origine du préjugé , 
»peser ensuite ce qu'il pouvait 
»avoir d’utile et ce qu’il avait de 
» désastreux, indiquer enfin les 
»moyens à metire en usage pour 
»en triompher. Les trois parties 
» sont ce qu’elles doivent être ; la 
»seconde est d’un grand effet, 
» Quoi de plus touchant que lhis- 
»toire de cette famille, honneur 
» du séjour qu’elle habite , et tout 
» à coup plongée dans l’opprobre 

»par le supplice d’un brigand 


115 LAC 

» qu’elle à produit !..... Quoi de 
»plus terrible que l'hypothèse de 
»ce jeune homme, n'ayant d'au- 
»tre héritage que l’opprobre d’un 
» père coupable, réduit par le dés- 
“espoir à mériter au moins la 
»houte. qu'il subit injustement, 
»ne se voyant plus d'asile que 
» parmi les brigands; et quand il 
» va subir un juste supplice , repro- 
» chant les crimes qu’il x commis 
»à la société qui le rejeta loin 
» d'elle , lorsqu'il était encore in- 
» nocent ! etc.» Il est à remarquer 
que M. Lacrelelle eut pour con- 
current , à Académie de Metz, 
le trop fameux Robespierre. Le 
discours de ce dernier obtint le 
second prix. M. Lacreteile en ren- 
dit compte dans le Mercure, avec 
impartialilé , et tout en critiquant 
le style de l’avocat d’Arras, il se 
plut à louer les beaux sentimiens 
de l’excellent jeune homme. Il ne 
paraît pas que Robespierre ait 
gardé rancune à son critique , Car 
les dangers que M. Lacretelle 
courus durant la Révolution, ne 
sont point du fait de son redou- 
table concurrent. 

X. Convocation de la prochaine 
tenue des Etats - Généraux , en 
France. Novembre 1788 (V. Cor- 
respondance de Grimm, année:r88; 
T..1V. pag. 634). 

XI. De lEÆlablissement des con- 
naissances humaines el de l’instruc- 
lion publique; dans la Constilulion 
française. 1791 , in-8. 

XIT. Du Système du gouverne- 
ment pendant lasession actuelle , et 
de lPaffermissement de la Constitu- 
tion par la préférence «de la réé- 
lection sur le tirage au sort. pour 
Les deux tiers non nele 1797; 
in-8. 

XILL. Sur le dix-sept brumaire : 


EAC 


dSieyes et à Bonaparte. 1599. in-8. 

AV. {déc sommaire d'un grand 
travail sur la nécessité, l'objet ej 
les avantages de l'instruction ; sur 
Les difficultés qui s’y opposent et sur 
leur applanissement au moyen d’une 
collection complète et méthodique de 
toutes les connaissances humaines ; 
par le citoyen D. L. C. 1800, in- 8. 

AV. Œuvres diverses : Mélanges 
de philosophie et de littérature. 
1802-57. 5 vol. in-8. 

XVI. Fragmens poliliques et lit- 
téraires. Paris , Eymery , 1817 ; 
in-8, deux parties. 

XVIL Des Partis et des Faclions 
de la prétendue aristocralie d’au- 
Jour hui. Paris, Barrois laîné, 
1819; in-8, de deux feuilles trois 
quarts. 

XVIII. Panorama, par M. La- 
cretelle aîné. Paris, chez Lacre- 
telle atné. Maï, 1820 ; in-8, de trois 
feuilles. 

Cette brochure qui n’est pas 
tout entière de M. Lacretelle, 
était destinée à faire suite à la 
Minerve Française. 

XIX. Mémoire pour M: P. L. 
Lacreielle ( ainé), contrele jugement 
par défaut, du 16 décembre 1820 , 
par le tribunal de la justice (sic) 
correctionnelle, à Paris. Paris, in- 
primerie de Plassan , mars, 1891 ; 
in-8 , de trois feuilles. 

XX. Œuvres de P. L. Lacretelle 
ainé. Paris, Bossange-frères, in-8. 
Eloquence judiciaire et philoso- 
phielégislative. Y. —TIT, 1825. 
— Roman théral. T. AV. 1824. 
— Portraits et tableaux. T. Net 
VI.1824. 

Le prospectus de cette coilec- 
tion promeltait le plan de publi- 
cation suivant, que la mort de 
l'auteur est venue troubler. — Ces 
Œuvres seront divisées en quatre 


| sh lésiial 
nn) 


LAC 


parties ou collections. La pre- 
miére collection intitulée : Elo- 
quence judiciaireet philosophie légis- 
lalive, aura 3 volumes. A 
deuxième intitulée : Philosophie 
el Littérature , 5 vol. — La troi- 
sième, Organisalion des corps 
scientifiques et Critiques littéraires. 
9 volumes. — La quatrième , 
Etudes sur la Révolulion française, 
précédées d Etudes sur la politique 
gérérale de la législation civile, 
4 volumes. — « L'auteur, ajoute 
»le prospectus, si sa vie et ses 
»forces pour le travail durent 
»encore, se propose de publier 
» un dernier écrit qui aurait pour 
» titre : Revue de ma vie.» — Ces 
æuvres devaient paraître par li- 
vraisons, chaquelivraison formant 
un ouvrage complet. 

Charles Artaud Malherbe, ou 
le Fils Naturel, roman théâtral, 
qui forme le quatrième volume 
de la collection ; avait déjà paru 
avec l’édition de 1801. C’est un 
drame dans la manière de Diderot, 
divisé en plusieurs pièces ou jour- 
nées ; l’auteur s’affranchissant des 
entraves de la poétique de notre 
scène , aspire, par tous les moyens 
que le naturel et la vraisemblance 
“interdisent pas, à émouvoir ou 
du moins à intéresser son lecteur. 
(et ouvrage qui obtint les éloges 
de Chénier, est remarquable, 
sous le rapport de l'effet drama- 
tique, de la peinture des mœurs 
de l’époque où l’action se passe, 
et enfin, à cause de la vérité de 
physionomie des personnages 
sistoriques introduits en scène. 
Malherbe est le masque de d’A- 
lembert, fils naturel de la mar- 
quise de Tencin. {1 s’interdit, par 
respect filial, la réclamation juri- 
dique de son éla! , et offre en sa 


— 


LAF 149 
personne , un beau modèle de 14 
haute vocation de l’homme de 
lettres. 

Les premiers volumes de cette 
dernière édition des OEuvres de 
M. Lacretelle aîné, contiennent la 
plupart des écrits de législation 
philosophique, publiés dans son 
premier temps, que nous avons 
indiqués ci-dessus : des extraits 
de ses mémoires judiciaires les 
plus importans, avec des modifi- 
cations et les additions que le 
temps à dû rendre nécessaires. 
Cette collection sera continuée par 
MM. Saulnier fils , ancien préfet , 
et J. M. Berton, avocat aux Con- 
seils du Roi, neveux de M. Lacre- 
telle et légataire de ses papiers. 
Outre une foule de morceaux 
détachés , elle contiendra deux 
grands ouvrages inédits , savoir : 
Les Etudes sur la Révolution, et 
un écrit du plus grand intérêt, 
intitulé: Mes Soirées à Malesherbes. 

Ersch ( France Littéraire ; dit 
que M. Lacretelle ainé est auteur 
des traités de Logique, de Méla- 
physique, et de Morale, dans l En- 
cyclopédie méthodique; etqu’il a été 
l’éditeur de la traduction française 
des Lettres d’un cultivateur À méri- 
cain, par Saint-John Crèvecœur 
( Paris, 1784; 2 vol. in-8 ). 
— On a imprimé lopinion de 
M. Lacrelelle sur le Génie du 
Christianisme, dans une collection 
d’Observations critiques touchant 
cet ouvrage. Paris, Maradan, 


1817, in-8. 
LAFOLIE ( Cuaarces-Jeax ), 


né à Paris le 25 janvier 1780, 
entra dès l’âge de ‘quinze ans, 
dans les bureaux de Padministra- 
tion départementale de la Seine, 
section de l'instruction publique. 


PA 


150 LAF 

Lors du procès du général Moreau, 
en 1804, il répandit dans le pu- 
blie, la veille du jugement, un 
petit écrit anonyme auquel on a 
voulu attribuer quelqu’influence 
sur le dénouement non sanglant 
de l'affaire de Moreau ( F7. le Pré- 
cis historique de Fauche - Borel. 
pag. 15, octobre 1815, in-8). « Des 
» mercenaires à gages , disait La- 
»folie , osent affirmer que per- 
sonne ne doute plus de la com- 
» plicité de Moreau; que personne 
» ne doute plus de la part qu'it a 
» prise à la conspiralion, que son 
»crinme est avéré ; et Ces misé- 
» sérables libellistes, jugeant de 
»làme du chef de FPétat, par les 
» passions honteuses dont la leur 
»est dévorée, appellent déjà fa 
» vengeance sur la tête de l’illustre 
»et malheureux général. IT im- 
» porte d'éclairer le gouvernement. 
»'lous ceux qui ont assisté à la 
» procédure , tous ceux qui ont lu 
» les pièces du procès, imprimées 
» par l’ordre même du gouverne- 
»ment, tous ceux qui ont lu et 
ses discours du général Moreau 
» el son mémoire justificatif, ont 
»une même opinion, et cette opi- 
»nion est celle de l’innocence de 


Ch x r . . N 
»l’accusé. Le peuple qui ne juge 


»que par sentiment, mais que le 
» sentiment conduit si souvent à 
» là vérité , l’a aussi cette opinion. 
»L’intérêt pour ce général s’est 
» accru au point de ne pouvoir plus 
» croître. Tous les citoyens se sont 
» étonnés d’être frappés d’un sen- 
»{iment qui n'était pas encore 
» celui du chef de l'Etat: ils se sont 


»élonnés que, par une de ces in- 


»spirations familières à un héros, 
»il n’eût pas pressenti l'innocence 
» de cet illustre général, lorsqu'ils 
»en étaient tous convaincus. » 


LAF 


Lafolie fut appelé à Milan , 
en 18095, par M. Méjan, ministre 
de la justice du royaume d'Italie, 
pour y être chef de ses bureaux. 
il publia dans cette ville, divers 
écrits de poiitique et de littérature, 
et y coopéra à la rédaction d’un 
journal littéraire , intitulé : 14 
Polisrafo. En 1812, il fut dis- 
gracié pour avoir peint trop vi- 
vement , dans sa correspondance 
avec M. Méjan , qui était alors 
près du vice-roid’Italie, au quar- 
tier-général en Autriche,lemeécon- 
tentement qu'inspirait aux Ita- 
liens les charges sans cesse re- 
naissantes de la guerre. Il fut en- 
voyé à Trévise , avec la qualité 
de secrétaire général de la pré- 
fecture du Tagliamento, et de- 
vintensuitesous-préfet à Ravenne. 
Famené en France, par les évé- 
nemens de 1814, Lafolie obtint 
la même annte , la place de con- 
servateur des monumens publics 
de la capitale , dans les attri- 
butions du ministère de l’intérieur. 
Il est mort, le 4 février 1824, 
âgé de 44 ans. — On a publié : 
Catalogue de la Bibliothèque de feu 
Ch. J. Lafolie. Paris, Pichard, 
1824, in-8, d’une feuille. 


Liste des Ouvrages 
de Ch. J. Lafolie (1). 


I. Une édition revue du J'anua 
linguæ latinæ reserata ; de J. 
Amos Comenius. 1802, in-12. 

II. Discours prononcé à la dis- 
tribution des prix d’une école se- 
condaire. 1803 , in-8. 


(1) La partie bibliographique de cet 
article est extraite de la Brblrographie 
de La France, rédigée par M. Beuchot. 
vol. de 1524, p. 446. 


LAF 


III. Observations d’un habitant 
de Vincennes , sur une demande 
adressée à M. le cardinal .arche- 
véque de Paris , tendant à ce que la 
cure du canton de Vincennes soit 
fixée à Montreuil. 1803, in-8. 

IV. Petite lecon d’un habitant de 
Vincennes , à un grand docteur de 
Montreuil. 1803 , in-8. 

V. Grammaire Italienne de MM. 
de Port-Royul; cinquième édition , 
précédée de Réflexions ( par Ch. 
J. L. ) sur cette grammaire el sui- 
vie d’une préface de MM. de Port- 
Royal , sur la décadence de la 
langue latine et la renaissance de 
l’ilalienne. Paris ,; Arthus-Ber- 
trand , 1803 , in-8. 

VI. L’Opinion publique sur le 
procès du général Moreau, par un 
ciloyen , dédiée à Napoléon Bo- 


naparte. In-8. 


VII. L’ Angleterre jugée par elle- 
même, ou Aperçus moraux el po- 
litiques sur la Grande-Bretagne , 
extraits des écrivains anglais ; ou- 
vrage trad. de l'italien. Milan, 1806, 
in-8. — Paris, 1808, in-12. 

VIIT. Elisabetta, ovvero gli Esi- 
liati in Sibenia , della signora Cot- 
tin. Milan, 1817, in-18. — Eli- 
sabeth , ou les Exilés en Sibérie , 
de M Cottin. trad. du français. 

IX. Lettre de Vincent Monti 
à M. lablé Xavier Betinelli , che- 
palier de l’ordre de la Couronne de 
Fer , membre de PInstitut d’I- 
talie , trad. de l'italien. Milan, 
1807 , in-8. 

X. L’Epée de Frédéric IT, roi 
de Prusse , Octave de M. VW. 
Monti , historiographe du Roi ; 
trad de italien. Milan , 1807, 
in-8. 

XI. De la Reconnaissance des 
gens de lettres envers le gouverne- 
ment bienfaileur : Discours  pro- 


LAF 191 
noncé par Louis Mabil, professeur, 
à la clôture de l’université «de 
Padoue; trad. de l'italien. Bre:- 
cia . 1808 , in-8. 

XII L'Hiérogamie de Crète, 
Hymne de M. le chevalier V. de 
Monti: trad. de litalien. Paris, 
1810, in-8. 

XIII. T'avole chronologiche de- 
gli uomini più illustré d'Italia, dal 
tempo ilellaMagnaGrecia, fino a gior- 
ni nostri. Milano , 1810 , in-8.— 
Tables chronologiques des hom- 
mes les plus célèbres de l’Ztalie , 
depuis ie temps de la Grande 
Grèce, jusqu’à nos jours. 

Ces tables font partie d’une édi- 
tion italienne de la géographie de 
Guthbrie, donnée à Milan, en 1810. 

XIV. Mémoires historiques re- 
latifs à la fonte et à l'élévation de 
la statue équestre de Henri IF, 
sur le terre-plain du  Pont-Neuf. 
Paris, Le Normant , 1819, in-8. 

XV. Noticedes monumens publics, 
palais , édifices , musées., galeries , 
depôtsi, bibliothèques , collèges, 
écoles, hospices ; hôpitaux , ma- 
nufactures royales, halles, marchés, 
fontaines >» ponts, quais "À places z 
jardins,théâtres,élablissemensscien- 
tifiques, littéraires et d'art, de lu 
ville de Paris , avec l'indication des 
ministères , etc. Paris, Ballard, 
1820, in-12, de 9 feuilles (ano- 
nyme. ) 

XVI. Hisloire de l’administra- 
tion du royaume d'Italie pendant 
la domination française, précédée : 
1° d’un Index chronologique des 
principaux événemens concernant 
PTtalie ; depuis 1792 jusqu’en 
18143; 2° d'un Catelogue alpha- 
bélique des [taliens et des Français 
au service de ceroyaume , ec. ; par 
M. Frédéric Corradini ; trad. de 
Pitalien. Varis, Audio, 1823, in-8. 


3 LA N 


[PA 


1 


« Lafolie, poursuit M. Beuchot, 
est non le traducteur, mais Pau- 
teur de cet ouvrage anonyme et 
pseudonyme, quoiqu'il Fait dés- 
avoué par une lettre insérée 
dans les journaux. Ce volume, 
sans avoir été réimprimé , a 
été reproduit en 1824 , sous 
le titre de : Mémoires sur la 
cour du prince Eugène ct sur Le 
royaume d’Italie. — 4 a paru des 
Observations du marquis Arborio 
Galtinara de Brême ,; sur quel- 
ques articles peu exacts de l'Histoire 
de lFadnmaistration du royaume 
d'Italie, pendant la domination 
des Français , attribuée à un nom- 
mé M. Frédéric Corradini, et 
trad. de l'italien. Turin, 18923, 
in-8 , de 94 pages. 

Enfin, Lafolie a donné des No- 
lices biographiques dans l'ouvrage 
intitulé Galerie Française, ou Col- 
lection des portraits des Honimes et 
des Femmes célèbres quiont illustré 
La France, dans les XV [° XV IT et 
XVIII® siècles. Paris, imprime- 
rie de F. Didot, 1622 et 1824, 
in-/4. 


LANGLES ( Lours-Marmec }, 
orientaliste, naquit à Péronne, 
près Mont-Didier, en Picardie , 
le 23 août 1763. Son père , issu 
d’une famille honorable, possé- 
dait la charge militaire d’oflicier 
près le tribunal des maréchaux de 
France de la connétablie. Après 
que le jeune Langlès eut fait ses 
études en Picardie et qu’il eut 
passé quelques années à Paris, 
pour les compléter, ses parens 
qui le destinaient à la carrière 
militaire , firent passer la charge 
sur la tête de leur fils. Mais Poisi- 
veté de cétte profession s’accor- 
dait mal avee cette ardeur si vive 


LAN 
pour Je travail qui distingua 
M. Eanglés dès ses premières 


années. I obtint donc la permis- 
sion de se livrer à l'étude des 
langues orientales , dont il espé- 
rait avec raison, tirer un grand 
parti, en servant dans l'Ende fran- 
çaise . soit comme militaire , soft 
comme diplomate. À cet effet, ïk 
suivit au Collége de France, les 
lecons d’arabe de M. Caussin de 
Perceval , et celles de persan de 
M. Ruffin. M. Langlès fit pour la 
première fois, en 1587, connaitre 
au public ses travaux sur les 
langues et l’histoire de lPAsie, 
par une traduction française des 
Anstituts politiques et militaires de 
T'amerlan, dont il existait déjà 
une traduction anglaise , du 1ma- 
jor Davy, Le maréchal de Ri- 
chelieu, alors doyen du tribunal 
des maréchaux de France, flalté 
d’apercevoir un jeune savant 
parmi les personnes attachées à 
celte juridiction , lui procura une 
des douze pensions de mérite dont 
le tribunal disposait 'en faveur de 
ses officiers les plus distingués. 
M. Langlès n’avait que vingt-cinq 
ans lorsqu'il obtint cette récom- 
pense. 

«La même année, dit un biogra- 
phe de M. Langlès(1), M. Bertin, 
trésorier des parties casuelles , 
qui depuis fong-temps entretenait 
une correspondance suivie avee 
les missionnaires de Ja Chine , 
cherchait un jeune littérateur qui 
voulût se charger d’être éditeur 
du dictionnaire mandchou-fran- 
çais, dont le P. Æmiot lui avait 


Lt di 


(1) M. Abel Remuüsat, Journal 
Asiatique , t. IV, pag. 151 (Pans, 
Doudeyÿ-Dupré, 1824, ins). 


Less ? 


LAN 


envoyé le manuscrit, M. Langlès 
jui fut désigné pour ce travail, et 
il s’en acquitta avec zèle etexacti- 
tude{1).L’exanven des manuscrits 
du missionnaire lui fournit en 
même temps, les moyens de dé- 
composer le syllabaire tartare , 
d'en rédiger un alphabet , et d’en 
faire gmaverles poincons. La haute 
importance. que M. Langlès met- 
tait à cette analyse alphabétique , 
et les éloges un peu outrés qu’elle 
lui attira, ont éveillé la sévérité 
de la critique , et on l’a accusé de 
s'être approprié l'alphabet que 
Deshauterayes avait fait graver , 
vingt ans auparavavant, dans les 
planches de l'Encyclopédie. 1 est 
plus probable que M. Langlèsn’en 
avait pas eu connaissance; Car 
Popération qu'il avait exécutée , 
si simple et si facile que le pre- 
mier venu eût pu le faire teut aussi 
bien, ne méritait pas qu’on s’ex- 
posät au reproche de plagiat. 
M. Langles n’a jamais su le mand- 
chou , assez, du moins, pour en 
lire une page dont il n'aurait pas 
connu Je sens d'avance : maïs il 
a donné une édition très-exacte 
du dictionnaire d’Amiot ; il a fait 
graver deux corps de caractère de 
cette langue ; et il en a tant de 


(1) Le P. Amiot écrivait à M. Ber- 
üin, en date de Pékin, le 10 octo- 
bre 1788. « .… Si le hasard me procure 
» l’acquisition de livres chinois, tra- 
» duitsen tartare-mandchou, jene man- 
» querai pas de leur faire passer les 
» Mers pour nous mettre à même de 
» proliter du talent de M. Langlés, 
» dont j'ai lu les ouvrages. Ce qu'il a 
» fait sur la langue des Mandchoux est 
» très-bien; je vous prierai, Mon- 
» seigneur, de Jui présenter de ma 
» part, un Juste tribut d'estime.» 


LAN 


123 


4 
fois vanté l'utilité et la facilité, 
qu’on peutle regarder, à plus 
juste titre encore que les mis- 
sionnaires, comme étant celui qui 
en a introduit l’étude en Europe. 
Les services qu’il a rendus aux 
autres langues de l'Orient sont de 
la même nature; il les aimait , les 
célébrait en toute occasion, en 
introduisait les mots ou les carac- 
tères dans tous ses livres, éveiliait 
par la bizarrerie même de ces 
formes exotiques, l'attention de 
ses lecteurs, publiait des textes 
orientaux, indiquait les moyens 
d’en étudier les idiomes , et par 
là, il a peut-être plus contribué 
à en répandre le goût, que bien 
des savans plus profondément 
initiés que lui dans leursmystères. 
C’est de cette manière qu’il était 
sans cesse ramené à entretenir ses 
lecteurs des différentes langues de 
la Tartarie, de l'Inde et des iles 
orientules, Les langues plus ré- 
pandues et dans lesquelles il est 
tout à la fois, plus facile et plus 
indispensable de faire desprogrès 
réels, larabe, le turc et surtout 
le persan, avaient aussi occupé 
M. Langtès, et sa vie entière a été 
rempiie par le soin de les popula- 
riser. El aurait voulu les mettre à 
la mode, et ses Recherches sur 
l'essence de lu rose , petit ou vrage 
peu propre à-produire cet heu- 
reux effet, semblent n'avoir pas 
eu d’autre but », 

La Révolution au lieu de dé- 
tourner M. Langlès de la carrière 
qu'il avait embrassée , ne fit que 
l’y enfoncer davantage. En 1590, 
il présenta une adresse à lAssem- 
blée nationale { où il signalait 
Vimportance des langues orien- 
tales , pour lPextension du com- 
merce, les progrès des scienees 


154 LAN | 


et des lettres. C’est à cette pre- 
mière démarche et à celles qu'il 


continua depuis, avec perséré-, 


rance, qu'est due principalement 
la création de PEcole des langues 
orientales vivantes, fondée en 
1594, près la Bibliothèque na- 
tionale. M. Langlès fut nomimé 
administrateur et en même temps 
professeur de persan et de malais 
au nouvel établissement. I! oceu- 
pait dejà, depuis 1792, la place de 
conservateur desmanuscritsorien- 
taux àla Bibliothèque nationale, et 
il eut le bonheur de n'être jamais 
arraché à ce docte asile. Il fit 
même partie, durant lestemps les 
plus orageux , de la Commission 
temporaire des arts, adjointe au 
Comité d'instruction publique, 
qui contribua eflicacement à sau- 
ver la plupart desobjets de sciences 
et d’arts qui ont échappé au van- 
dalisme révolutionnaire ; enfin, 
après le 9 thermidor , le Comité 
d'instruction publique de la Con- 
vention lui confia la garde du 
dépôt littéraire des Capucins- 
Saint-Honoré. M. Langlès ayant 
eu les secondes voix à la dernière 
élection de l’ancienne Académie 
des inscriptions et belles-iettres , 
avait à peu près la certitude d’être 
adinis à l’élection prochaine ; mais 
le jour même que cette élection 
devait avoir lieu , l'Académie fut 
dissoute. Aussi dès la première 
création de l’Institut, M. Langlès 
fut appelé par le choix du pre- 
mier tiers nommeéparleDirectoire, 
à faire partie des deux autres tiers, 
au moyen desquels ce corps savant 
se trouva complètement organisé 
pour la première fois. 

Le reste de la carrière de 
M. Langlès fut exclusivement 
consacré à ses études favorites et 


EAN 


à la publication de voyages dans 
l'Orient, Ta plupart traduits de 
Panglais el qu'il enrichissait de 
notes utiles, pour la connaissance 
de la géographie, de la statisti- 
que et des iangues de l'Asie. Quel- 
ques-uns des nombreux ouvra- 
ges qu'il a publiés, comptent 
parmi les belles productiéifiis de 
l'art typographique.SesMonumens 
aneiens et modernes de l Hindous- 
tan sont précieux pour l’histoire 
de l’Inde , en même temps qu’ils 
ont pris rang parmi les livres des- 
tinés à faire l’ornement des gran- 
des bibliothèques. — « Pendant 
trente ans , dit M. Abel Remu- 
sat (t), il ne s’est pas passé un 
seul événement en Asie, il n’y a 
pas eu en Europe de circun- 
stance propre à rappeler quelque 
chose de relatif à POrient, qui 
n'aient été pour M. Langlès, le su- 
jet ou l’occasion de quelque publi- 
cation. Cette persévérance et le 
bon accueil qu’obtenaient de lui 
presque tous ceux qui aspiraient 
au même genre de mérite, lui 
avaient valu , dans cette branche 
de littérature , une véritable po- 
pularité. Nulle entreprise de li- 
brairie , en ce qui concernait 
PAsie, ne se formait sans qu'il 
y eût participé ; l'Orient était 
en quelque sorte son domaine ; 
on le consultait sur ce qu’on 
croyait qu'il devait savoir; et 
Je nom nouveau d’oréentaliste, 
sous lequel quelques personnes 
aiment à confondre ceux qui 
étudient les langues de l'Asie, et 
ceux qui cherchent à approfondir 
l’histoire de cette partie du monde, 


(1) Journal Asiatique; tom. IV, 
pag. 154. 


LAN 


ce nom aurait pu être inventé 
pour M. Langiès, tant ilexprimait 
bien tes goûts et les habitudes de 
son esprii. La connaissance des 
langues, même les plus éloignées 
et lys plus difficiles, n’a rien en 
soi de bien précieux; elle ne vaut 
que par ce qu’on en tire : sous 
ce rapport. on doit rendre justice 
à M. Langlès ; s’il était trop sou- 
vent préoccupé de l’idée qu’on 
acquiert un haut mérite, en sa- 
chant, mème médiocrement, un 
grand nombre didivines, il a tou- 
jours dirigé Pétude de ceux qu'il 
avait réellement appris vers les 
objets d'utilité. 1} s’est peu arrêté 
à ces minuties philologiques , ou 
à ces bagatelles poétiques, qui 
exigent, à la vérité, des connais- 
sances profondes, mais qui sont 
peu propres à en faire sentir le 
prix, et qui décréditeraient peut- 
être les études orientales, si de 
bons esprits ne se chargeaient du 
soin de rappeler au public qu’elles 
peuvent conduire à autre chose. 
C'était surtout l'histoire et la géo- 
graphie qui sollicitaient la curio- 
sité de M. Langlès, et ce sont ces 
sciences aussi qui lui ont eu le 
plus d’obligation ; il a, si lon 
veut, entrepris plus qu’il ne pou- 
ait faire, ii a formé des systèmes, 
émis même des erreurs ; mais il a 
abordé des questions graves, pro- 
voqué des discussions utiles , et 
ceux qui le réfuteront lui seront 
quelquefois redevables des con- 
naissances même qu'ils emploie- 
ront à cet usage. Il a réuni 
beaucoup d'idées, mis en circu- 
lation un grand nombre de ren- 
seignemens , publié , traduit, ex- 
trait une foule de livres , fait gra- 
ver de nouveaux types, appelé 
par sa prédication, de nombreux 


LAN 159 


partisans à l’étnde des langues 
orientales. Bien des savans , plus 
profonds dans leurs études , n’ont 
pas laissé d'aussi grands résultats 
de leurs veilles (1).» 

M. Langlès est mort âgé d’un 
peu plus de soixante ans, le 28 
janvier 1824, d’une fièvre inflam- 
matoire bilieuse , qui avait été 
précédée d’une ophtalmie , pro- 
voquée à ce qu’on croit, par son 
application persévérante à sur- 
veiller Îa fonte de caractères 
orientaux. MM. Jomard, Gail, 
Barbié-du-Bocage et Caussin, 
prononcèrent tour à tour des dis— 
cours funèbres sur la tombe de 
M. Langlès, au nom des diverses 
corporations savantes auxquelles 
il appartenait. Parmi elles on peut 
citer, cutre l’Institut de France, 
la Société asiatique de Calcutta, 
dont les suffrages durent le flatter 
particulièrement , ainsi que les 
sociétés des antiquaires de France 
et de géographie, dont il était 
l'un des présidens. En 1817, 
M. Langlës reçut l’ordre de Saint- 
Wladimir de Russie; il n’avait 
obtenu que depuisla Restauration, 
la décoration de la Légion d’Hon- 
neur; cependant il était conuu 
personnellement de Bonaparte , 
et avait même entretenu des re- 
lations d'intimité avec lui, à l’une 
des époques les moins heureuses 
de la vie de ce dernier, celle qui 


DR ES ET Rens 


(1) On a quelquefois contesté du- 
rement lé savoir de M. Lançslès, ct 
potaminent, l'on a fait des erreurs qui 
se trouvent dans quelques-uns de ses 
vuvrages, le sujet d’une brochure in- 
titulte: Grande exécution d'Automne ; 
n. 1 Langlès. Paris, impr. de Fain, 
1815 ; in-8, de iv et 76 pages (par 
M. Jules de Kiaproth,. 


156 LAN 
précéda immédiatement la journée 
de veudémiaire. Mais M. Langlès 
avait refusé depuis, de suivre Bo- 
naparte en Egypte; et surtout, 
il étaitresié fidèle aux principes de 
la Révolution; or ceci déplaisait 
souverainement à Napoléon, qui 
ne fit rien pour avancer la fortune 
de celui-qui souvent avait été son 

commensal, ù 
Outre la notice de M. Abel Re- 
musat que nous avons citée, on 
trouve d'autres notices nécrolo- 
giques sur M. Langlès: 1° dans 
le Moniteur du 1° septembre 1825, 
ar M. Dacier, secrétaire perpé- 
tuel de l’Académie des inscrip- 
tions et belles-leitres, prononcée 
dans la séance publique de cette 
Académie , du 29 juillet 1825; 
2° dans le Bulletin de la Sociélé de 
Géographie (n° XIT), par M. Roux, 
prononcée dans la séance publique 
de cette Société, pour 1824; 
5° dans le Bulletin universel des 
Sciences ,; de M. de Férussac 
(Sciences Géographiques) T. XX, 
page 82, par M. Aubert de Vitry ; 
4° dans le Journal des Débats, du 
20 janvier 1824, par M Malte- 
Brun; 5° En tête du Calalogue de 
sa bibliothèque, par M. Ed. 
Gauttier (1). Ge catalogue est du 
nombre de ceux qui doivent être 
conservés parmi les ouvrages de 
bibliographie. Faisant le plus noble 
usage de son patrimoine et des 
émolumens dé ses places litté- 
raires, M. Langlès avait formé une 
magnifique bibliothèque deslivres 
relatifs à l'Orient. C'était la col- 
lection la plus complète de ce 


(3) Paris, Merlin, 1825 ;in-8, de 
XVI} et 558 pages, plus les prix de ja 
vente. 


LAN 


genre qui existât sur le eorti- 
nent ; c'était aussi l’une des plus 
belles par le choix et la condition 
des exemplaires. Malheureuse- 
ment elle a été vendue en détail 
et dispersée. Le souvenir de ce 
docte tabernacle des muses de FO- 
rient vivra néanmoins encore 
long-temps dans la mémoire de 
ceux qui eurent lavantage d’ÿ 
être admis, par le savant bieu- 
veillant et loyal qui Pavait élevé 
à leur culte. C’était au milieu de 
ses livres, que M. Langlés avait 
ouvertune sorte d'académie euro- 
péenne , accueillant à jour fixe, 
durant tout le cours de l’année, 
les Français et les étrangers, que 
le moindre lien attachait à la cul- 
ture des lettres ou des sciences. 
Là se rencontraient deux fois le 
mois, les savans de Saint-Péters- 
bourg, de Leipzig, de Naples; 
de Londres, voyageurs à Paris. 
Là, le Français Casanier, obser- 
vait sans risque et sans frais, tanE 
de nations diverses qu'il aurait 
voulu visiter. L'homme de l'O- 
rient lui-même y arrivait plus 
d’une fois, avec ses mœurs, SO 
costume, son langage , son aili- 
tude austère et silencieuse, et ja 
mais M. Langlès n’était plus fier 
ni plus heureux que lorsqu'il pou- 
vait présenter à la curiosité de ses 
visiteurs, ses frères ou ses enfans 
adoptifs. H semble au reste que ce 
local des bâtimens de la Bibliothè- 
que du Roi, où séjournérent trop 
eu de temps les livres de M.Lan- 
lès , Soit desormais -un carayan- 
serail littéraire, consacre aux 
réunions aimables et paisibles des 
savans de la France et de létran- 
ver, M. Millin ouvrit le premier, 
et en fit les honneurs durant près 
de vingt ans, avec la grace spiri- 


LAN 


tuelle et polie qui distinguait par- 
ticulièrement cet érudit, homme 
du monde. L’archéologie , la 
numismatique et la gravure, 
y prédominèrent à cette épo- 
que. Plus tard, M. Langlès y fit 
triompbher l’orientalisme. Aujour- 
d’hui, par une heureuse analogie 
avec les circonstances , la Grèce 
antique , ses souvenirs , ses 
grands écrivains, son harmonieux 
idiome, y occupent le premier 
rang , sous les auspices de 


M. J. B. Gaïl. Puisse ce célèbre ca 


helléniste, faire durant de lon- 
gues années, les honneurs de 
la Bibliothèque du Roi, aux sa- 
vans de toutes les nations, que 
son affabilité et sa réputation 
y attirent! Accueilli moi-même 
dans ces doctes réunions, avec 
une bienveillance toujours crois- 
sante , sous les trois générations 
de professeurs , qui s’y sont 
succédées , on m'’excusera sans 
doute d’en avoir parlé un instant, 
à l’occasion de celui qui les pré- 
sida quelques années, et dont la 


mémoire triste et pieuse ne s’ef-. 


facera pas du milieu de nous. 

On a un portrait ressemblant de 
M. Langlès, dans la collection 
des membres de lfnstitut, litho- 
graphié par M. Boilly. 


Liste des ouvrages 


de L. M. Langlès (1): 


I. Jnstiluts politiques et mili- 
laires de Tamerlan, proprement 
appelé Tymour, écrits par lui- 
même, en mogol, et traduits en 


(1) M. Langlès avait donné de son 
vivant, divers catalogues détaillés de 
ses propres ouvrages, notamment en 

Fe = 
1811, chez Le Normant , in-8. 


LAN 157 


francais sur la version persane 
d'Abou-Thâleb-âl - Hoceiny ; avec 
la vie du conquérant d’après les 
meilleurs auteurs orientaux, des 
notes el des tables historiques et 
géographiques. Paris, Née de La 
Rochelle, 1785, in-8, fig.; etchez 
J.S. Merlin.—Dédiés à l’Acadé- 
mie des inscriptions et belles- 
lettres 

«M. Langlès, dit M. Abel- 
Remusat, s’exerca à comparer 
la traduction anglaise du major 
Davy, avec l'original persan; et 
ce fut de cette manière qu’il ré- 
digea une version nouvelle en 
français. 11 la fit imprimer, en- 
richie de quelques additions, et 
cette publication fut son début 
dans une carrière où il a toujours 
persévéré depuis. » 

IT. Alphabet T'artare-Mandchou, 
composé d'après le syllabaire et 
le dictionnaire universel de cette Lan- 
gue, avec des détails sur les lettres 
el écriture des Mandchous. Paris, 
Fr. Ambr, Didot, 1587, in-4°. — 
{roisiéme édit. augmentée d’une no- 
lice sur Porigine, Phistoire et les 
travaux littéraires des M andchour, 
actuellement maitres de la Chine. 
Paris, ÿmpr. impériale, 1805. 
in-8. 

C’est le premier ouvrage sur 
Cetie langue, imprimé avec des 
caractères mobiles. 

III. Contes, fables el sentences 
tirés de différens auteurs arabes et 
persans, avec une analyse du poëme 
de Ferdoussy. sur les rois de Perse. 
Paris, Royer, 1788, in-18 ( V. 
ci-après le n° VII). 

IV. Ambassades réciproques 
d'un roi des Indes, de la Perse, ét 
d'un empereur de la Chine, trad. 
du persan d Abdoul-Rizäc de Sa- 
marcand , avec la vie de ces deux 


: 


158 LAN 


souverains, et des notes tirées des 
différens auteurs orientaux, manus- 
crils el imprimés. Paris, Royer, 
1789, in-8. 

Y. Dictionnaire T'artare-Mand- 
chou-Francais, composé daprés 
un dictionnaire mandchouw-chinots , 
par le P. Amiot, rédigé et publié 
avec des additions et l'alphabet de 
celte langue, par M. L. Langlès. 
Paris , Fr. Amb. Didot aîné, 
1589—090; et chez J. S. Merlin, 
5 vol. in-4°. 

F. A. Didot aïiné publia, la 
même année, un prospeclus inti- 
tulé : Dictionnaire, grammaires 
et dialogues tartares - mandchou- 
français , rédigés et publiés avec 
des additions considérables, par M. 
Langlès. 

VI. De l'importance des langues 
orientales pour l'extension du com- 
merce, les progrès des lettres et des 
sciences ; adressé à l A ssembléena- 
tionale. Paris, Champigny, 1790, 
in-8. - 

VII. Fables et contes indiens 
nouvellement traduits , avec un dis- 
cours préliminaire et des noles sur 
la religion, La littérature, les 
mœurs elc., des Hindous. Paris. 
Royer, 1790, in-18. 

VIIT. Description du Pégu et de 
l’ile de Ceylan, renfermant des dé- 
tails exacts el neufs sur le climat, 
les productions, le commerce, le 
gouvernement, les mœurs et les usa- 
ges de ces contrées ; par W. Hun- 
ter, Chr. Wolf et Eschelskroon . 
trad. de l'anglais et de l'allemand. 
Paris, 1799, in-8 ( anonyme). 

IX. Collection portative de voya- 
ges, trad. de différentes langues 
orientales et européennes , avec des 
notes géographiques et historiques. 
Paris, Crapelet , 1797-1805 , 
in-8 , 5 vol., et atlas petit in-4. 


LAN 


Cette collection est composée 
comme il suit : 

Voyage de l'Inde à la Mekke, 
par Abdoul-Kérym, pèlerin musul- 
man , extrait de ses mémoires écrits 
en persan; avec des notes géographi- 
ques, historiques, etc. 1597. 1 vol. 
1°" de la collection. 

Voyage de la Perse dans l'Inde 
en 1/442—1444; et du Bengale en 
Perse, en 1585—1588; le pre- 
mier trad. du persan ( d’Abd-Oul- 
Rizaq }. le second de l'anglais (de 
Franklin); avec une Notice sur les 
révolutions de la Perse, un Mémoire 
historique sur Perscpolis et des no- 
tes. 1508. 2vol. im-18.T. II et LIT 
de la collection. 

La traduction du Voyage du 
Bengale en Perse, par M. Fran- 
klin, a été publiée à part. Paris, 
an VI (1598). in-8. 

Voyage pittoresque de l'Inde, de 
1780 à 1583. par W°. Hodges, 
dessinateur du capitaine Cook, 
orné de planches, trad. de l'anglais, 
avec des notes. 1805 , 2 vol. in-18. 
T. IV et V. de la coltection. 

X. Rapport de M. Langlès, au 
nom de l'Institut , sur l’état des dé- 
pôts établis dans le dépt. de la Seine 
et à Versailles, et sur la destina- 
tion à donner aux livres qu’ils ren- 
ferment. Paris, impr. nat. an V,. 
in-8. 

XI. ( Avec J. B. Lamarck ). 
Voyages de C. P. T'hunberg au 
Japon, par le Cap de Bonne-Espé- 
rance, les iles de la Sonde,etc , trad... 
rédigé et augmenté de notes consi- 
dérables sur lareligion, le gouver- 
nement , Le commerce, l’industrie 
et les langues deces différentes con- 
trées, particulièrement sur le J'avan 
et Le Malais. Paris, andré, 1596, 
2 vol. io-4 , ou quatre vol. in-8. 


XI. Voyage du Bengale à Pé- 


LAN 


tersbourg, àtravers Les provinces sep- 
tentrionales del Ende, le Kachmyr, 
la Perse, sur lamer Caspienne, elc., 
suivi de l'Histoire des Rohillahs et 
de celle «des Scykes ; par Georges 
Forster ; traduit de l'anglais , avec 
des additions et une notice chrono- 
logique des khans de Crimée, da- 
près les écrivains turks, persans, etc. 
Paris, Delance (an XI), 1805; 
5 vol. in-8, avec deux grandes 
cartes géographiques. 

XITI. Voyage de Hornemann 
dans l Afrique septentrionale , de- 
puis le Caire jusqu à Mourzouk , 
capitale du F'ezzan, suivi d’éclaircis- 
semens sur la géographie de l'A fri- 
que, par Rennel; traduit de l'anglais 
el augmenté de notes el d'un mé- 
moire sur les Oasis, d’après les 
auteurs arabes. Paris, Dentu, 
an XI (1805 ); in-8, 2 vol. avec 
cartes. 

M. Barbicr( Dictionnaire des 
Anonymes ) attribue le texte de 
celte traduction à M. Labaume, 
qui en effet, a exécuté plusieurs 
travaux du même genre, avec 
M. Langlès. 

XIV. Recherches sur la décou- 
verte de lessence de rose. Paris, 
1804, in-8. 

Cet opuscule, qui est un petit 
chef-d'œuvre de typographie 
orientale, était originairement 
destiné à former une des notes 
dont M. Langlès à enrichi la 
traduction française des deux 
premiers volumes des Æsiatic 
Researches. L'auteur prouve que 
la découverte de l’essence de rose 
ne date, que de l’an 1612, et 
qu’elle est due au hasard. 


XV. ( Avec Alex. Hamilton } 
Catalogue des manuscrits samskrits 
de la Bibliothèque impériale , avec 


dr 


La 
LAN 159 
les notices du contenu de la plupart 
des ouvrages. 

Il paraît que Île corps de l’ou- 
vrage a été composé en anglais , 
par Hamilton , et que M.Langlès 
la traduit, en y ajoutant des 
notes. 

XVI. Notes sur les monnaies de 
Crimée. Paris, imprimerie impé- 
riale , 1806 ; in-8. 

À VIT. Diatribe de l'ingénieur 
Seid Moustapha, sur l’état actuel 
de l’art militaire , du génie et des 
sciences à Constantinople; publiée 
littéralement, d'apres l'édition ori- 
ginale , avec quelques notes qui ont 
paru nécessaires pour l'intelligence 
de l'ouvrage. Paris, Ferra, 1810, 
in-8. 

Le catalogue de la bibliothèque 
de M. Langlès ({ n° 607 ), men- 
tionne une édition de Paris , im- 
primerie impériale, 1805, grand 
in-8 , avec l’observation qui suit, 
signée de l’auteur lui - même : 
« Cet exemplaire, le seul qui 
existe de cette édition, n’est com- 
posé que d'épreuves, qui n’ont 
été ni corrigées , ni tirées défini- 
tivement. » 

XVIII. Relation de Dourry 
Efendy ; ambassadeur de la Porte- 
Othomane auprès du roi de Perse, 
traduit du lurk, et suivi de l'ex- 
trail des voyages de Pétis de La- 
Croix, rédigé par lui-même. Paris, 
Ferra , 1810 ; in-8 ( anonyme ). 

XIX. Voyages de Sin-Bad le 
marin, el La Ruse des femmes, 
contes arabes , traduction liltérale, 
accompagnée du texte et des notes. 
Paris, imprimerie royale, 1814, 
in-18. 

XX. Notices sur l’état actuel de 
la Perse, en persan , en arménien 
et en français: par Myr-Davaud- 
Zadour de Melik Schahnazar, et 


100 LAN 

MM. Langlés et Chahan de Cirbied. 
Paris, imprimerie royale; 1818, 
in-158. 

XXI. Monumens anciens ct mo- 
dernes de l’Hindoustan, en cent cin- 
quante planches, d’après MM. Da- 
niél, Hodges, Holmes, Salt et 
difjerens dessinateurs indiens , dé- 
crits sous le double rapport archéo- 
logique et pittoresque , et précédés 
d’un Discours sur La religion, la 
législation et les mœurs des Hin- 
dous. Paris, P. Didot aîné, 
1521, 2 vol. in-folio, figures. 

Cet ouvrage est le plus consi- 
dérable que M. Langlès aura laissé 
après lui. | commence ses des- 
criptions par l'extrémité de la 
presqu'ile du Cap Comorin et re- 
inonte ainsi jusqu'à Dehly etSri- 
nagar, en passant alternativement 
de lorient à l'occident. — « Les 
planches, dit M. Abel Remusat, re- 
produisent, dans une dimension 
qui en rend le prix plus généra- 
lement accessible, ce qu’il y a de 
plus important dans celles de 
Daniels. Le texte, comme celui des 
autres ouvrages de M. Langles, 
contient de nombreux extraits 
d'ouvrages anglais publiés dans 
l'Inde, qu'il possédait presque 
seul sur le continent , et auxquels 
il accordait parfois NE à Fr con- 
fiance. » — La gravure a été di- 
rigée par M. Bordéviite 

XXIT. Analyse des mémoires con- 
tenus dans le douzième volume des 
Asiatic Researches, avec un appen- 
dice. Paris, Everat , 1825; in-4, 
avec deux planches. 

L'impression de ce volume n’a 
été terminée qu'après la mort du 
traducteur. 

M. Langlès a été éditeur ou coo- 
pérateur des ouvrages Suivans : 

1° Voyage de Pallas dans plu- 


? : LAN 


sieurs provinces de l'impire de 
Russie el dans L Asie septentrionale, 
traduit de l'allemand, par Gaultier 
de la Peyronie , avec des notes par 
MM. Lamarck et Langlès. Paris , 
Maradan , an II (1594 ), 8 vol. 
in- + et atlas petit in-fol. : 

* Journal des Savans. 1596 , 
Sr cahiers (avec MM. Camus, 
Daunou et Baudin (des Ar dentiét)! 

9° Voyage d'Egypte et de Nubie, 
par Fr.L.Norden.Nouvelle édition, 
avec des notes el des additions lirées 
des auteurs anciens et modernes , et 
des géograplh es arabes. Paris, 
P. Didot aîné, 1799-98, in-4, 
9 volumes. 

Le troisième volume de cette 
édition est presque entièrement 
composé du travail du nouvel édi- 
teur; il renferme, entre autres, 
des Mémoires sur le canal de Suez , 
sur les Pyramides, qui étaient ori- 
ginairement, suivant M. Langlès, 
des monumens héliaques ; sur 
Alexandrie, ete., composés sur- 
tout, d’après les écrivains arabes. 
— La première édition du Voyage 
de Norden est de Copenhague, im- 
primerie royale, 1759, 2 vol. 
in-folio. 

4° Œuvres complètes de P. Poivre, 
précédées de sa vie el accompagnées 
de notes ( par M. Langlès). Paris, 
Fuchs, 1797, in-8. 

5° Recherches Asialiques, ou 
Mémoires de la société établie au 
Bengale pour faire des recherches 
sur l'histoire ; sur les antiquités , 
les sciences, les arts et La littérature 
de l'Asie: traduites de l'anglais 
par A. Labaume ; revues et enri- 
chies de notes, par L. Langlès, 
pour la partie orientale, et par 
MM. Deélanbre, Cuxier, de La- 
mark et Olivier , pour Les sciences 
eæactes ét naturelles. Paris, impri- 


LAN 


merie impériale, 1805 ; in-4.T.T 
et II, les seuls publiés. 

6° Voyage en Chine et en T'arta- 
rie, à la suite de l’ambassade de 
lord Marcartney , par Holmes ; 
auquel on a joint les vues , costumes 
etc., de la Chine, par W. Alexan- 
dre, les planches de l’atlas original 
de celte ambassade omises dans la 
traduction française, et leur explica- 
tion ÿ; traduit de langlais par 
PI 41. revu 
et publié avec des observations sur 
les relations politiques et commer- 
ciales de l’ Angleterre et de la 
France avec la Chine , et quelques 
notes ; par M. Langlès. Paris, 
Delance, 1805 ; 2 vol. in-8. 

7° Voyages du chevalier Chardin 
en Perse et autres lieux de l'Orient, 
nouvelle édition ( la première est 
de 1686 }), soigneusement conférée 
sur les trois éditions originales, 
augmentée d'une notice de la Perse, 
depuis les temps les plus reculés 
jusqu’à ce jour; de notes, etc.Paris, 
Le Normant, 1811; 10 vol. in-8 
et atlas in-folio. 

Cette édition d’un ouvrage es- 
timé , est fort bien exécutée ; les 
notes de l'éditeur sont au nombre 
de près de deux mille. 

8 Murs , usages et coutumes 
des Othomans , et Abrégé de leur 
histoire; par M. 4. L. Castellan; 
avec des éclaircissemens par M.Lan- 
glés. Paris, Nepveu, 1812 ;in-18, 
six volumes. 

0° Grammaire de la langue arabe 
vulgaire et lit'érale ( en français 
et en latin ); ouvrage posthume 
de Savary, augmenté de quelques 
contes arabes, par l’éditeur(M.Lan- 
glès ). Paris, imprimerie impé- 
riale , 1815; in-4. 

10° Voyage chez les Mahrattes, 
par Tone; traduit de l'anglais, par 


.161 


MM. L et publié 
avec des notes, rédigées en forme 
de glossaire, par M.Langlès. Paris, 
Everat , 1820 ; in-18,. 

Un pseudonyme , se disant Jo- 
seph, ancien corsaire, a publié des 
chservations critiques sur le tra- 
vail de M. Langlès, à la fin d’un 
volume intitulé : Des Castes de 
l'Inde, où Lettres sur les Hindous, 
à l’occasion de la tragédie du Paria 
de M. Casimir Delavigne. Paris, 
P. Corneille, 1822; in-8, de 
neuf feuilles un quart. — M. Lan- 
glès avait déjà publié, en 1788, un 
Précis historique sur les Mahrattes, 
composé en persan, par l’écrivain 
Hamédin, inséré dans le volume 
intitulé : Affaires de l'Inde depuis 
le commencement de la guerre avec 
la France, etc. (traduit de l’anglais, 
par Soulës ). Paris, Buisson, 
1788 ; 2 vol. in-8. 

11° Histoire de l'Egypte sous le 
gouvernement de Mohammed-Aly , 
par M. Félix Mengin, avec des 
notes par M. Langlès. Paris, 1823, 
in-8 , 2 vol. 

12°Dansles Mémoires de l’[nsti- 
tut. Classe de littérature. T. IY. 
page 119 à 141. Dissertation sur 
les papiers monnaies des Orientaux. 

13° Dans les Notices et Extraits 
des manuscrits de la Bibliothèque du 
Roi.T. V, pages 192-228.— Frag- 
mens du Code de Djenguyz-Khän , 
( Gengis-Kan ), tirés de la grande 
Histoire Universelle de Myrkhond. 
N° 104 de la Bibliothèque du Roi. 
—Notice d’un Dictionnaire latin- 
mandchou-chinois , qui se trouve 
en manuscrit, à la Bibliothèque 
du Roi. Tome V. page 584. 
— Même tome , page 668-688. 
Recueil de Lettres écrites en arabe, 
en turk et en persan , par différens 
princes et souverains ‘othomans , 

11 


162 LAX ; 
persans , égyptiens, depuis 1°04 
jusqu’en 1517. —T, VI. pag.520- 
386, de la méme collection. Des- 
criplion historique du canal d'E- 
gypte (de Suez), tirée du Livre des 
avis et sujets de réflesion (ou Des- 
cription de l'Egypte ), par Al- 
Magryzy.— T, VII. page 241- 
308 de la même collection. Recueil 
des usages ( oucérémonies ) établis 
pour les offrandes et sacrifices des 
Mandchouz , par ordre de l'empe- 
reur (ou Rituel des Mandchoux ), 
avec dis planches, représentant 
soisante-cinq instrumens ét usten- 
siles du culte chamanique., — tiré sé- 
parément sous le titre de Rituel 
des T'atares-Mandchouz, etc. 1804, 
in-4.— 1. VINS. page 1-191 de la 
méme collection. Table chronolo- 
gique des crues du Nil Les plus re- 
marquubles, depuis l'an 25 jusqu’en 
922 de l’hégire(613-1517deJ.C.), 
tirée de la cosmographie de Mo- 
hammed-ben-Ahhmed - ben - À yüs. 
— tiré à part, sous ce titre : 
Extraits de l’odeur des fleurs dans 
Les merveilles de l'univers. 1807, 
in-4. 

14° Des articles dans la Biogra- 
phie Universelle, parmi lesquels 
nous citerons : Abbas-le-Grand , 
roi de Perse, Aboul-Fuazl, Akbar, 
Aureng - Zeyb, Chôh - A’alem, 
Chàh-Djihan, Chardni, Djenguyz- 
Khan, Ferdoucy, Hôfiz, Hyder- 
Aly-K/hôn , W. Jones, Kerym- 
Khôn, Mahé de la Bourdonnais. 


15° Des Mémoires, notices ou ar- 
ticles, dans le Magusin , les An- 
nales, Va Revue Encyclopédique , et 
dans le Mercure étranger, journaux 
auxquels M. Langlës a coopéré. 
Plusieurs de ces morceaux ont 
été tirés à part , et leur collection 
ne serait pas sans intérét pour 


L À x 


l'histoire de l'Asie : nousciterons, 
entre autres : 

Notice sur le Catalogue de la bi- 
bliothèque de Lamoignon Malesher- 
bes  ( Magasin Encyclopédique , 
1797). 

Notice de trois manuscrits orien- 
taux rapportés d'Egypte et déposés 
à la Bibliothèque nationale, par 
Bonaparte ( VOrient du bonheur, 
le Rosaire des justes, les Conver- 
sations des amans )( Ibid, an Y ). 

Sur la vie et les ouvrages de 
Saady , d’après les manuscrits per- 
sans de la Bibliothèque nalionale 
( Ibid, deuxiëme année, 1796. 
TITI. page 475).M., de Sacy ( Bio- 
graphie Universelle, T, XXXIX. 
page 404) assure que M. Lan- 
glés n’a pas toujours bien entendu 
Pauteur persan, duquel il a em- 
prunté quelques traits de la vie 
de Saadi, 

T'rasous liltéraireset typographi- 
ques des Anglais dans l Inde (Ibid). 

Notice sur Les travaux littéraires 
des missionnaires dans l'Inde (An- 
nales encyclopédiques, juillets815). 

Notice sur Fth-Aly -chôh de 
Perse. 

La France littéraire de Ersch , 
attribue encore à M. Langlés quel. 
ques autres productions moins 
importantes; mais attendu qu’on 
ne les a pas revendiquées pour 
lui, ni dans le Catalogue de ses 
ouvrages qui précède celui de sa 
bibliothèque, ni dans les biogra- 
phiesrédigées à Paris du vivant de 
l’auteur, et où il est facile de re- 
marquer qu’on à obtenu des notes 
assez directes, au moins pour la 
partie bibliographique de son ar- 
ticle , nous avons cra prudent de 
ne point attribuer décisivement 
ces ouvrages à M.Langlés, encore 
que leur sujet rentre trés-bien 


LA 


LAU 


dans le cercle ordinaire de ses tra- 
vaux, et qu’il soit difficile d’ail- 
leurs , de supposer aucun motif 
qui ait pu le porter à ne pas les 
avouer (1). 


LAURAGUAIS ( Louis-Léox- 
FéLicitÉ , duc de Braxcas, comte 
dej, naquit à Paris, le 3 juil- 
let 1733. Il était fils du duc de 
Villars-Brancas, pair de France, 
qui fut chevalier de la Toison-d’or 
et lieutenant-général des armées 
du Roi. Celui-ci mourut dans un 
âge très-avancé, au mois de dé- 
cembre 1773 (1). Le comte de 


oo 


(1) Les ouvrages attribués à M. Lan- 
glès, par Ersch , sont les suivans : 

1° Les Paroles du Sage. 1790, in-18. 
— indiqué comme douteux. 

2° Voyages sur la Mer rouge, les 
côtes de l'Arabie heureuse , etc.; avec 
une Notice sur l’erpédiion de M. de 
Suffrein au Cap de Bonne-Espérance, 
par Rooke, trad. de l'anglais. Paris, 
Royer , 1787; in-8. 

M. Barbier ( Dict. des Anonymes) 
donne aussi cette traduction à M. Lan- 
glés. 

39 Description géngraphique, his- 
torique et politique de N/aroc et Fez, 
par G. Hoest; traduite et augmentée 
de notes. 1796, in-4. 

4o Notice des ouvrages élémentaires 
manuscrits sur la lansue chinoise , que 
possède La Bibliothèçuenationale.1800, 
in-8. 

5° Enfin, Ersch dit que M. Langlès 
a rédigé avec Laporte du Theil et Le- 
grand , le texte du Voyage dans la 
Syrie, la Phenicie , la Palestine, cte. 
de Cassas. 1798 el suivantes, in-fol. 

(1) La famille des Brancacci, ori- 
ginaire du royaume de Naples, où elle 
subsiste encore avec distinction , était 
déjà illustrée avant l'invasion des Nor- 
mands. Elle possède les noms et titres 
de Villars, Lauraguaïs, otre ‘oi 4 
Céreste. Buphile de. Brancas fut le 
premier de son nom qui s'établit en 


- 


EAU 165 
Lauraguais débuta dans le monde 
par la carrière des armes ; mais il 
la quitta, bien feuve encore , 
en 1758, malgré les succès qu’il 
avait obtenus durant la campagne 
de l’année précédente , dans le 
grade de colonel. Cette même an- 
née , sa femme, M de Mérodes, 
nièce du marquis d’Isenghien, 
d’une famille ancienne du Bra- 
bant, accoucha d’une fille, seul 
enfant né d’un mariage célébré 


France sous le règne de Charles VII. 
Aprèsavoir soutenu en Italie, les inté- 
réts de la seconde maison d'Anjou, 
qu'il n’abandonna point dans ses mal- 
Leurs, il la suivit en Provence, où il 
fut doté de plusieurs fiefs considéra- 
bies, tels que la baronie d'Oyse, le 
marquisat de Villars et le comté de 
Lauraguais. Le petit-fils de Buphile, 
Barthélemi de Brancas, épousa une 
fille du comte de Forcalquier et de 
Toulouse , ce qui donna lieu à MM. de 
Brancas de prendre quelquefois le nom 
de Forcalquier. La famille de Brancas 
s'étant séparée en deux branches, on 
vit, vers le milieu du seizième siècle, 
naitre de la seconde, Gaspard, André 
et Georges. André, connu sous le non 
de l'amiral de Villars, vécut sous 
Henri IV, et tient une place mémo- 
rable dans les annales de ce règne. 
Georges de Brancas, son frère puiné, 
lui survecut, et obtint, en 1726, le 
brevet d’érection du marquisat de Vil- 
lars en duché-pairie. (Il ne faut pas 
confondre ce duché de Villars avec ce- 
lui qui fut érigé en faveur du vainqueur 
de rs ; celui-ci n'avait rien de com- 
mun avec la famille de Brancas). Son 
fils, celui qui fait le sujet de cet article, 
eut une fille, mariée au duc d’Arem- 
berg; mais étant décédé sans enfans 
mälcslégitimes, une ordonnance royale 
a transféré son duché-pairie sur la tête 
de son neveu , Louis- Marie Buphile de 
Prancas.— Constant Dioville de Bran- 
cas, fils de Mlle Arnoult, colonel de cui- 
rassiers, fut tué sur le ehamp de ba- 
taille de Wagram. 


16% LAU 

en 3755. Le comte de Brancas, 
son frère , avait épousé , en 1766, 
uné fille du maréchal de Lo- 
wendal. 

Le comte de Lauraguaïis ne tarda 
pas à se faire connaître dans Paris, 
par un goût décidé pour les lettres 
et pour les arts. I] fut à la fois un 
savaut , un homme du monde et 
un caractère original. Des expé- 
riences, dés écarts, des bons 
mots, furent les produits naturels 
de ce triple caractère. Voltaire ré- 
clamait contre l’usage ridicule des 
siéges et des banquettes, qui , 
garnissant les deux côtés de la 
scène française, plaçaient les ac- 
teurs au milieu des spectateurs, 
et ne permettaient à Auguste, à 
Mithridate, à Mahomet , de se 

montrer debout dans leur palais, 
qu'entourés de marquis et de 
financiers assis. Le ridicule était 
senti, mais il ne pouvait dispa- 
raître sans laisser dans la caisse 
de la comédie un vide considéra- 
ble ; ce vide, M. de Lauraguais le 
combla avecune forte somme, et 
il acheta au profit de l’art, la su- 
pression définitive d’un abus invé- 
téré. Ce fut à cette époque, et à cette 
occasion , que Voltaire dédia son 
Ecossaise au comte de Lauraguais. 
«Vous avez rendu, luiécrivait-il, 
un service éternel aux beaux-arts 
et au bon goût, en contribuant 
par votre générosité , à donner à 
Ja ville de Paris un théâtre moins 
indigne d’elle. Si l’on ne voit plus 
sur la scène César et Ptolémée, 
Athalie et Joad , Mérope et son 
fils, entourés et pressés d’une 
foule de jeunes gens; si les spec- 
tacles ont plus de décence , c’est à 
*ous seul qu'on en est redevable. 
Ce bienfait est d'autant plusconsi- 
rable que l’art de la tragédie ct de 


LAU 


la comédie est celui dans lequel 
les Francais se sont distingués 
davantage... Comment hasarder 
ces spectacles pompeux, ces t1- 
bleaux frappans, ces actions gran- 
des et terribles qui, bien ména- 
gées, sont un des plus grands res- 
sorts de la tragédie ; cornment ap- 
porter le corps de César sanglant 
sur la scène, comment fajre des- 
cendre une reine éperdue dans le 
tombeau de son époux, et Ven 
faire sortir mourante de la main 
de son fils, au milieu d’une foule 
qui cache et le tombeau et le filset 
la mére, et qui énerve la terreur 
du spectateur par le contraste du 
ridicule? — C’est de ce défaut 
monstrueux que vos seuls bien- 
faits ont purgé la scène; et quand 
ilsetrouverades géniesquisauront 
allier la pompe d’un appareil né- 
cessaire et la vivacité d’une action 
également terrible et vraisembla- 
ble, à la force des pensées et sur- 
tout à la belle et naturelle poésie, 
sans laquelle lart dramatique 
n’est rien, ce sera vous, Mon- 
sieur, que la postérité devra re- 
mercier. » 

Voltaire ajoute qu'il ne vent 
pas laisser à la postérité le soin de 
dire ce que ses contemporains 
font de noble et d’utile. «Les justes 
éloges, dit-il, sont un parfum 
qu’on réserve pour embaumer les 
morts. » Et il révèle un autre trait 
honorable à la vie de M. de Laura- 
guais. Dumarsais, soupconné de 
jansénisme et même d’avoir dé- 
fendu les droits de la couroane 
contre les prétentions de la cour 
de Rome, languissait, sans se- 
cours, dans sa vieillesse, lorsque 
le comte de Lauraguais se chargea 
d’acquitter la dette du gouverne- 
ment: il fit une pension à cet 


LAU 


écrivain. «Je veux, écrivait en- 
core Voltaire , que ceux qui pour- 
ront lire ce petit ouvrage sachent 
qu'ily a dans Paris plus d’un 
homme estimable et malheureux 
secouru par vous; je veux qu’on 
sache, que tandis que vous occu- 
pez votre loisir à faire revivre par 
les soins les plus coûteux et les 
plus pénibles, un art utile perdu 
dans l’Asie qui l’inventa (l’art de 
faire résister au feu la porcelaine), 
vous faites renaître un secret plus 
ignoré, celui de soulager par vos 
bienfaits cachés, la vertu indi- 
gente. » 

C'était l’époque où les sciences 
exactes comimençaient à devenir 
le sujet des méditations de la 
plupart des esprits disposés à Pé- 
tude. M. de Lauraguais s’y livra 
avec ardeur et ne ménagea peur 
leurs progrès, ni une application 
constante, ni les dépenses auxquel- 
les les expériences l’entrainaient. 
On lui doit la découverte de la 
décomposition du diamant, qu'il 
fit d’un commun travail, avec son 
malheureux ami Lavoisier. Déjà 
sous le règne du dernier des Mé- 
dicis, l’Académie de Florence 
avait vu se dissiper sans laisser 
aucune trace, un diamant exposé 
au foyer d’un miroir ardent. Le 
savant Darcet obtint le même ré- 
sultat, en plaçant des diamans 
dans le fourneau de porcelaine de 
M. de Lauraguais. Les expérien- 
ces furent répétées en public par 
Rouelle,; Roux et Macquer : M. de 
Lauraguais fournit plus d’une fois 
le creuset et le diamant. Etcomme 
à cette ardeur dispendieuse pour 
la science, se joignait un goût 
non moins yif pour le plaisir, la 
fortune du comte se.trouva bien- 
tôt dérangée. Il fit vendre publi- 


LAU : 165 
quement une bibliothèque riche et 
nombreuse qu'il avait formée, et 
dont le catalogue est encore re- 
cherché par les bibliographes (1). 

Le comte de Lauraguais avait 
été nommé dès 15758, adjoint- 
mécanicien à l’Académie des 
sciences ; il fut reçu en 1771, asso- 
cié vétéran, et dans la dernière or- 
ganisation de cette société sa- 
vante, en 1816, il se trouva , ét 
il est mort le premier des Acadé- 
miciens libres. L’inoculation de 
la petite-vérole lui dut une partie 
de la rapidité avec laquelle elle 
s’introduisit en France, et même 
il défendit par ses écrits la mé- 
thode nouvelle contre les préju- 
gés et les docteurs de plus d’une 
faculté. Suivant Fexemple de Vol- 
taire, M. de Lauraguais attachait 
un écrit à presque tous les événe- 
mens grands et petits qui venaient 
fixer un moment Pattention pu- 
blique, et ces écrits portaient 
tous un cachet original. En 1971, 
lors du grand ébranlement donné 
à la monarchie par la lutte des 
parlemens contre la cour, et par 
les coups d’élat du chancelier 
Maupeou, M. de Lauraguais publia 
un écrit plus hardi que solide , 
plus singulier que profond : Il 
avait pour titre : du Droit des Fran- 
gais. Ce droit n’était alors que 
dans la loi salique , ripuaire, 
bourguignonne; dans les capitu- 
aires , dans les premières ordon- 
nances des rois de la 5° race, dans 
les traditions antiques; et c’est Jà 
que l’auteur alla le chercher, non 


(1) L est intitulé : Catalogue d'une 
.collection de livres choisis, provenant 
du cabinet de M.***'. Paris, G. Dc- 


bure fils ainé, 17970. in-8. 


165 LAU 
sans quelque désordre de style et 
quelque confusion d'idées. 

Les lettres partageaient avec 
les sciences les goûts et les loisirs 
de M. de Lauraguais; il fit impri- 
mer en 1764, une tragédie de 
Clytemnestre ; elle ne fut point 
représentée. Les critiques du 
temps louèrent l'exposition, les 
caractères, la simplicité du plan 
et la versification de la tragédie 
nouvelle. Ils citèrent parmi beau- 
coup d’autres, ces vers: 


On voit l'ennui peser sur le front des tyran:. 


Qui sait braver la mort est sûr de la donner 


Ils n’approuvèrent ni lappari- 
tion de l’ombre d’Agamemnon, 
ni le tonnerre qui gronde pour le 
dénouement, et peut-être ne fi- 
rent-ils en ceci, que céder à des 
préjugés d'école; mais ils recon- 
aurent que l’auteur avait suivi les 
traces des tragiques grecs, lesquels 
n’avaient garde de dédaigner ces 
moyens qui sympatisent si bien 
avec nos instincts religieux. Le 
Journal encyclopédique , alors fort 
en vogue, trouva même dans 
toute la pièce un air d’antiquité. 
M. de Lauraguais l’avait dédiée 
à Voltaire. Toutefois, l’exécution 
et particulièrement la poésie du 
style, ne répondaient pas à la har- 
diesse de la conception. La tragé- 
die de J'ocaste, imprimée en 1584, 
fut encore un essai plus malheu- 
reux. Voltaire étaitmort, et M. de 
Lauraguais entreprit de refaire son 
OEdipe. J'ocaste est précédée d’une 
Dissertation sur les OEdipes de So- 
phocle , de Corneille, de Voltaire, 
de Lamothe, et sur Jocaste. L’OE- 
dipe de Voltaire y est jugé sévère- 
ment: cependant, on peut dire 
qu’un grand nombre d’observa- 


LAU 


tions critiques ne manquent ni de 
justesse ni de trait. L'auteur 
prouve que Voltaire, en traduisant 
dans la préface d’OEdipe, des pas- 
sages de Sophocle, s’est permis de 
les défigurer pour les rendre ridi- 
cules. Quant au style de la tragé- 
die de M. de Lauraguais, on en 
peut juger par cette réponse de 
Jocaste aux terribles confidences 


 d'Œdipe : 


Abh!seigneur, c'en est trop; Gnissez, ou j'expire! (1} 


M. de Lauraguais avait trop 
d'esprit pour ne pas comprendre 
le silence ou l’éloge embarrassé 
de la critique. Il cessa de chausser 
le cothurne, et se contenta des 
succès de salon et de la fortune de 
ses bons mots : mais bientôt Ja 
Révolution le rappela aux choses 
sérieuses. Jlécrivit en sa faveur, 
et quand l’ordre de la noblesse 
s’assembla pour élire ses députés, 
il publia une lettre signée un bour- 
geois de Paris. Cependant lori- 
ginalité de son caractère et la 
tournure de son esprit le condam- 
paient à se trouver, sous tous les 
régimes, dans les rangs de l’oppo- 
sition. Frondeur durant les rè- 
gnes de Louis XV el de Louis 
XVI , il maudit en les persifflant , 
les excès de la Révolution. Bien- 
tôt les fureurs démagogiques con- 
duisirent son épouse sur l’écha- 
faud; lui-même arriva jusqu’à la 
Conciergerie, où il fut renfermé 
en 1703. 11 en sortit la vie sauve, 
mais dépouillé de la plus grande 


(1) On lit dans la Correspondance 
de Grimm (war 1781,t. V, p. 291), 
une analyse de Jocaste. Suivant le 
critique allemand, on disait que ce 
qu'il y a de plus clair dans cette tra- 
cédie, c'est l'énigme du «pkinx. 


LAU 


partie de ses biens , sans parler de 
ses priviléges et de ses titres. 
Soutenant les revers avec autant 
de philosophie qu’il en avait mon- 
tré dans la prospérité , et souvent 
même , trouvant dans sa nouvelle 
condition des sujets de plaisante- 
rie, il traversa presque en riant, 
le long intervalle qui sépare la 
Révolution de la Restauration, fai- 
sant par ses saillies, la petite guerre 
au Directoire, au Consulat et à 
l'Empire. Il adressa à Bonaparte 
une comédie intitulée les Marionet- 
tes ; dans laquelle son esprit plein 
de sarcasme , manifestait claire- 
ment des sentimens qui durent 
ÔLer toute idée de fléchir son indé- 
pendance. Un peu plus tard, 
quaad il fut devenu physiquement 
impossible d'atteindre avec Îa 
plume, jusqu’au chef de l’état lui- 
même , M. de Lauraguais choisit 
Geoffroy pour adversaire et lança 
contre lui un pamphlet. I| mon- 
tra dans cette lutte, inégale par la 
supériorité de Finstrument que 
son enremi conservait chaque 
jour à sa disposition, que son 
esprit comme son style n’avaient 
rien perdu de leur originalité bi- 
zarre. 

A la Restauration, M. de Lau- 
raguais fut porté sur la première 
liste des pairs, avec le titre de duc 
de Brancas. On dit qu’il accepta 
cette dignité du droit de sa nais- 
sance, et en sa qualité d’ancien 
pair du royaume, prétendant 
qu’on reconnût sa Hégitimité pa- 
rallèëlement avec d’autres. Il est 
certain en effet, que ni son crédit , 
ni ses sollicitations ne doivent 
être comptés parmi les causes qui 
purent lui ouvrir les portes de la 
chambre haute. Il y parla durant 
la session de 1814, en faveur de 


LAU 163 
la liberté de la presse, et vota le 
rejet de la loi présentée sur ce su- 
jet, par M. l’abbé de Montesquiou. 
Depuis, ses infirmités ne lui per- 
mirent qne rarement d’y paraître, 
mais ce fut constamment pour 
voter avec les amis des libertés 
publiques, qui toujours lui furent 
chères. Sortant peu de chez lui,du- 
rant ses dernières années, il con- 
tinuait d’y vivre dans son origina- 
lité et dans son indépendance, 
entouré d’un petit cercle de sa- 
vans et de gens de lettres, et s’oc- 
cupant encore de physique et de 
chimie, sciences dont il avait vu 
commencer l’ére nouvelle et qu’il 
avait suivi jusqu'aux plus beaux 
développemens de leur maturité. 
Lorsqu'il sentit ses derniers mo- 
mens approcher, le duc de Bran- 
cas voulut recevoir en chrétien, les 
secours et les consolations de la 
religion. Il mourut d’un accès de 
goutte qui se fixa surla poitrine , 
le 9 octobre 1824, âgé de plus de 
O1 ans. 

Une si longue carrière , son es- 
prit, sæ position dans le monde, 
rendirent M. de Lauraguais té- 
moin , toujours spirituel et sou- 
vent actif, d'une grande succes- 
sion de temps et d’événemens, 
et contemporain d’un nombre 
infini de personnages célèbres, à 
des époques diverses, mais toutes 
fécondes en faits importans et en 
hommes distingués dans tous les 
genres. Uneextrême vivacité d’es- 
prit, une excessive sensibilité et 
une imagination ardente, l’ont 
quelquefois éloigné d’une juste 
modération; mais ces écarts ou 
plutôt ces singularités, portèrent 
toujours l’empreinte d’un carac- 
tère original et surtout d’un cœur. 
généreux. Il favorisaconstamment 


168 LAU 


les innovations utiles et toutes les 
idées qui eurent pour but le bien- 
être et l'amélioration de l’espèce 
humaine. Une grande facilité d’é- 
crire et de s'exprimer, lui fit pro- 
duire, avec une égele prodigalité, 
des brochures et des bons mots. 
Les premières trop négligemment 
écrites et rattachées aux circon- 
stances du moment, ont disparu 
avec elles; les autres subsistent 
encore, dans les traditions du 
monde et dans lesmémoires litté- 
raires les plus répandus du siècle 
dernier, notamment dans ceux 
dits de Bachaumont, et dans! 4r- 
noldiana (1). Enfin, comme Pa 
dit son ingénieux biographe (2), 


(r) On ferait un na complet des 
sailiies de M. de Lauraguais, Mlle Ar- 
nould , de l'Opéra, avec laquelle il fut 
intimement lié, prit de lui ce genre 
d'esprit, auquel elle dut une partie de 
sa vogue et de sa célébrité : souvent ils 
nirent leur causticité en commun. Le 
prince d’Hénin s'étant introduit dans 
leur intimité , et y ayant porté l'ennui, 
ST. de Lauraguais convoque une assem- 
blée de médecins, et leur soumet sé- 
rieusement, cette question : « Peut-on 
mourir d'ennui? » La possibilité du fait 
constatée, il accuse le nouveau venu 
d'assassinat prémédité , en se fondant 
sur la décision des docteurs. Cette sin- 
gulière vengeance divertit tout Paris. 
—Entre ses bons mots, citons celui-ci: 
Après avoir manqué deux ou trois fois 
de se rendre chez une dame, où , tout 
en dinant mal, on médisait beaucoup, 
il cessa définitivement d’y retourner, 
Quelqu'un lui en demandant la cause, 
« je suis las, répondit-il , de manger 
» mon prochain sur du pain sec. » — 
Par droit de représailles, on a fait aussi 
des bons mots sur M. de Lauraguais.— 
Qu'avez-vous fait en Angleterre ? lui 
demandait Louis XV. — Sire, j'y ai 
appris à penser. — Des chevaux? re- 
partit le Roi. 

(2) On trouve une Notice sur M de 


LAU 


« M. de Lauraguais est mort ayec 
la réputation d’unhomme d'esprit, 
qui aurait pu mieux ordonner sa 
vie, mais non là semer de plus de 
bons mots, et, ce qui est bien 
préférable, de plus de bonnes ac- 
tions. » 


Liste des ouvrages 
de L.L.F.Brancas-Lauraguais(à). 


I. Dans les Mémoires de l Aca- 
démie des sciences, année 1758 : 
1° Maæxpériences sur les mélanges qui 
donnent L’Ether, sur lEther lui- 
même, et sur samiscibilité dans l'eau. 
2° Mémoire sur La dissolution du 
soufre dans l’esprit de vin. 

IL Clytemnestre, tragédie en 
5 actes et en vers. 1761, in-8. 

L'auteur avait offert aux comé- 
diens de fournir les habillemens 
et de subvenir aux frais des 
représentations ; Mais Ceux - Ci 
ue crurent pas devoir accep- 
ter, par égard pour Crébillon 
et Voltaire, alors encore vivans, 
et qui avaient déjà traité le même 
sujet. Voilà du moins ce que di- 
sent les Mémoires secrets ( de Ba- 
chaumont }, du 11 février 1762. 

III. Mémoire sur l Inoculation. 
1503. in-12. 

Le Parlement avait, le 8 juin, 
sur le réquisitoire d’Omer de 
Fleury, rendu un arrêt provisoire 
coutre l’inoculation, 

IV. Observation sur le Mémoire 
de M. Guettard, concernant la por- 
celaine. 1566, in-12. 

V. Mémoiresur la compagnie des 


Leuraguais, dans /a Semaine, Gazette 
littéraire; t. 1, p.367. 

(1) La bibliographie de cet article a 
été rédigée, en grande partie, sur des 
notes communiquées par M. Beuchot. 


LAU 


Indes, précédé d’un discours sur le 
commerce en général. Paris , 1769; 
in-4. 

C’estdans un avertissement que 
l’auteur réfutele Mémoire de l'abbé 
Morellet, sur lasituation actuelle 
de la compagnie des Indes. — 
(Voyez Mercure. Août 1569, pag. 
136 ; septembre 1769, pag. 129. 
— Année littéraire. 17609, vol. 27.) 

VI. Du Droit des Français. 
1751, in-4. 

VII. Mémoire pour moi, par 
moi, Louis de Bruncus , comte de 
Lauraguais. Londres, 1753, in-8, 
de xlet 109 pages. 

Ce mémoire est relatif à un 
procès qu’on lui avait suscité en 
Angleterre, pour un prétendu 
enlèvement d’une de ses femmes 
de chambre; ce sont ses expres- 
sions. 

VIII. Jocaste, tragédie en cinq 
actes el en vers, précédée d’une 
Dissertation (de 183 pages) sur Les 
OEdipes de Sophocle, de Corneille, 
de Voltaire, de Lamothe, et sur 
Jocaste. Paris , Debure l’ainé, 
1781,in-8. 

C’est à la fin de la dissertation 
que M. de Lauraguais rappelant le 
service qu’il avait rendu à la Co- 
médie française , en déblayant la 
scène des spectateurs , a dit plai- 
samment: « Je suis le marguillier 
de cette paroisse. » 

IX. Recueil des pièces historiques 
sur la convocation des Élats-géné- 
raux et sur l’élection de leurs dépu- 
tés. 1788, in-8. 

X. Dissertation sur les assem- 
blées nationales , sous Les trois races 
des rois, en France. 10 octobre 
1788, in-8 , de 105 pages. 

XI. Lettres sur les Etats-géné- 
raux convoqués par Louis XVI, et 
composés par M. Target. 1788 ; 


LAU 169 
in-8, de iv et 42 pages, plus les 
faux titre et titre. 

Grimm ( Correspondance litté- 
raire. Novembre 1588.T.IV. pag. 
627 ) donne encore un autre titre 
d’une brochure de M. de Laura- 
guais, sur le même sujet:Lettresur 
la convocation des gens des trois 
Etats et sur l’élection de leurs dé- 
putés. 

XII. Apercu historique sur la 
cause et la tenue des Etats-géné- 
raux, avec des Réflexions sur cer- 
tains objets qui y ont été agilés et 
d'où dépend le bien public. 1789, 
in-8 , de viliet 226 pages, plus 
deux tables. 

XIII, Discours de M. le comtede 
Lauraguais aux habitans de M ani- 
camp ,; le n février 1590. in-8, 
de 7 pages. 

Les habitans de Manicamp 
avaient élu maire M. de Laura- 
guais. Il refusa? et motiva son 
refus par un écrit public, fondé 
sur son opposition aux décrets 
de l’Assemblée constituante. 

XIV. Lettres du citoyen B. Lau- 
raguais , à l’occasion du contrat de 
vente que le département de l’ Aisne 
lui a passé, du presbytère et de l’é- 


glise à Manicamp, et du sunsis que 


le ministre des finances a mis à 
l'exécution de ce contrat. Paris, 
1797 ,; an V ;in-6, de 48 pages. 

Ces lettres sont au nombre de 
quatre. 

AV. Première Leltre d’un incré- 
dule à un converti, par le citoyen 
Lauraguais. 1797, in-8, de 52 
pages, plus une note de l'éditeur, 
signée Sobry et qui est sur la cou- 
verlure. 

C’est une réponse à un article 
de La Harpe, contre le discours 
de M. Boulay ( de la Meurthe ) 
sur la déclaration exigce des prè- 


iro LAU 


tres catholiques. A la fin de cette 
Première Lettre, l'auteur en pro- 
met une autre; je ne sais si cette 
seconde a paru. 

XVI. Dissertation sur l'ostra- 
cisme, par le citoyen Lauraguais. 
24 vendémiaire an VI. Paris, de 
Pirmprimerie de Lemaire ; in-8, 
de 40 pages. 

XVII. Lettres aux citoyens Le- 
breton et Cuvier, à l’occasion de 
lEloge du citoyen Darcet. 1802, 
iu-8. 

XVIII. Lettres de L. B. Laura- 
guais à Madame ***, dans lesquelles 
on trouve des jugemens sur quelques 
ouvrages, la vie de l’abbé de V'oise- 
non, une conversation de Champ- 
fort sur l'abbé Sieyes, et un frag- 
ment historique des Mémoires de 
Mme de Brancas, sur Louis XV 
et Mrre de Châteauroux. Paris, 
Buisson, 1802; in-8 , de iv et 250 
pages, plus un feuillet sur le- 
quel l’Errata. 

XIX. Lettre à M. & abbéGeoffroy, 
rédacteur du feuilleton du Journal 
des Débats. 1802 , in-8. 

AX. Lettres à Suard. 1802, 
in-8. 

XXI. Lettres de M. de Laura- 
guci à M leduc d’ Aremberg.Paris, 
Pabin, an XI(1805); in-8 , de 
vingt - deux pages. — relatif à 
des discussions d’intérêts de fa- 
miile. 

XXII. Lettre de M. le duc de 
Brancas à M. le vicomte de Chä- 
teaubriand. Paris , imprimerie 
de Charles , 1815; in-8, d’une 
feuille trois quarts. 

XXIH. Discours du duc de 
Brancus, pair de France, prononcé 
Le 10 août , dans le Bureau dont il 
était membre. Paris, imprimerie 
de Brasseur aîné, 1814; in-8, de 
vingt-sept pages. 


LEB 
XXIV. Discours du duc de 


Brancas, préparé pour la séance 
des Pairs, du 50 août 1814. Paris ;, 
imprimerie de Brasseur aîné, 
1814; in-8 , de quinze pages. 
 XXV. Lettres de M. le duc de 
Brancas, pair de France, à l’occa- 
sion de la circulaire adressée Le 5 
octobre 1815, aux pairs, par M. le 
comte de Sémonville , leur Grand- 
référendaire.1815 , in-8. 

XXVI. Lettre à M. Michaud , 
membre de l’Académie française. 
1818 , in-8. 

XXVII. Lettre des consonnes 
BR , à la voyelle E. 1819, in-8. 

Enfin ,; on trouve diverses 
pièces de M. de Lauraguais , dans 
différensrecueils : telles que Lettre 
à M. le comte de Saint-Florentin 
en lui envoyant son mémoire sur 
l’inoculation, pour être mis sous les 
yeux du Roi ( dans les Mémoires 
secrets. 18 juillet1763).— Lettre à 
M. le comte de Bissy , en lui en- 
voyant copie de la Lettre écrite à 
M. le comte de Saint - Florentin , 
( ibid. 20 juillet ). — Lettre à M. le 
comte de Noailles (Ibid. 2vjuillet). 
— Lettre à M. de Saint-Florentin, 
à la réception de la lettre de cachet 
du 15 juillet ( Ibid. 10 août ). Ces 
diverses lettres firent naître la 
Lettre d’un philosophe à un autre 
philosophe de ses amis ( ibid. id. ). 
— Lettre à M. Suard, relativement 
à la comédie des Originaux ( dans 
la Correspondance de Grimm ;, 
troisième partie. T.II. pag. 129). 


LEBRUN (CnanLes-FRanÇoIs , 
duc de Plaisance), naquit à Saint- 
Sauveur-Landelin, près de Cou- 
tance , le 19 mars 1539. Sa fa- 
mille , originaire de Bretagne, 
était venue à une époque reculée, 
s'établir en ce lieu , et y avait ac- 


LEB 


quis des propriétés. Son père, 
connu sous le nom de Lebrun de 
la Seniére, eut sept enfans, dont 
quatre garçons. Charles-François, 


le plus jeune, fut placé comme. 


pensionnaire , au collége des 
Grassins, à Paris , où il eut pour 
professeur Charles Lebeau, célè- 
bre dans les fastes de l’Université. 
Le jeune Lebrun se livra avec ar- 
deur, à l’étude des langues an- 
ciennes et modernes, et c’est de 
cette époque que datent ses pre- 
miers essais des traductions d’Ho- 
mère et du Tasse, qui lui valurent 
depuis un rang honorable dans 
la république des lettres , et jus- 
tifièrent plus tard, son admission 
dans la troisième classe de l’Insti- 
tut. Après avoir fait sa philosophie 
au collége de Navarre, il s’adonna 
à l’étude du droit public et des 
théories politiques, qui, à cette 
époque,n’étaientencore familières 
qu’à un nombre de personnes 
très-restreint. Pour compléter son 
instruction en ce genre, par la 
contemplation de l’expérience, il 
alla voyager en Hollande et en 
Angleterre. À son retour, il se mit 
à étudier le droit : le professeur 
Lorry le donna pour répétiteur au 
fils du premier président de Mau- 
peou, qui, grâces aux abus du 
temps, avait déjà le titre de pré- 
sident à mortier, avant d’avoir 
terminé ses cours de droit. Cette 
circonstance fut la source pre- 
mière de la fortune de M. Lebrun. 
Quand Maupeou devint chancelier 
de France , il prit son répétiteur 
pour secrétaire ; c’est ainsi que 
Lebrun devint le rédacteur des 
actes de son ministère, et le dé- 
fenseur de ses mesures, en faveur 
desquelles il publia une foule de 
pamphlets, dont quelques-uns, à 


LEB 171 
ce qu’on croit, sont restés jusqu’à 
ce jour , cachés sous le voile de 
anonyme. On lui attribua même 
plusieurs des discours etmémoires 
prononcés ou publiés par Mau- 
peou.Ce chancelier ne craignit pas 
de porter une main sacrilége sur le 
sanctuaire de la justice, et de 
réduire la France à la condition de 
la monarchie la plus absolue , en 
brisant illégalement ses Parle- 
mens, vénérables et vieux débris 
de nos antiques libertés. C’est au 
profit du despotisme ministériel le 
plus abusif et le plus capricieux, 
que fut frappé ce coup d'état témeé- 
raire. L’opinion nationale se sou- 
leva contre un acte d’une audace 
telle,que Louis XIV, irritéet victo- 
rieux, n’avaitpas osé élever sa pen- 
sée jusque là : mais la faiblesse mu- 
tinée ne doute de rien. Maupeou 
eut bien de la peine à trouver dans 
les rangs secondaires de la magis- 
trature et du barreau, de quoi 
composer ses tribunaux illégi- 
times : durant environ dix années, 
on les repoussa avec une persis- 
tance , qu’on rencontre rarement 
chez les Français; et telle fut l’im- 
pression de dégoût et de mépris 
qu'ilsinspirérentuniversellement, 
que dans les villes de Parlement , 
c’est encore au palais, une tache 
qui n’est pas entièrement effacée, 
d’avoir appartenu de quelque ma- 
nière ,; au Parlement-Maupeou. 
M. Lebrun partage avec son mi- 
nistre la responsabilité historique 
de ces événemens. Les hommes 
de toutes les opinions s’accordent 
aujourd’hui, sinon à vanter les 
magistrats, du moins à blimer 
celui qui les frappa. 

Les querelles du duc d’Aïguil- 
lon, gouverneur de la Bretagne, 
avec le parlement de celte pro- 


172 LEB 

vince, amenèrent [a crise dont 
nous parlons. C’est abbé Terray, 
d’odieuse mémoire, qui composa 
le préambule de l’édit de décembre 
1769,et qui en rédigea les articles, 
après que la rédaction de M. Le- 
brun eut été écartée ; mais c’est 
celui-ci qui composale discours du 
chancelier Maupeou , et qui rédi- 
gea ensuite les édits relatifs à l’é- 
tablissement des Conseils supé- 
rieurs qui remplacèrent les Parle- 
mens. La fortune ne pouvait 
manquer d'accompagner un tel 
crédit. Lebrun fut nommé succes- 
sivement, censeur royal, payeur 
des rentes, inspecteur-général des 
domaines de la couronne. Mais 
après la disgrâce du duc de Choi- 
seul, le duc d’Aiguillon étant 
parvenu au ministère malgré le 
chancelier, le crédit du protécteur 
et celui du protégé baissèrent si- 
multanément. Enfin, l’avénement 
de Louis X VI anéantit pour jamais 
celle justice éphémère, éclose de 
leurs mains : Maupeou et Lebrun 
furent renvoyés le même jour. Ce 
dernier se retira dans sa terre de 
Grillon , qui avait appartenu au 
poëte Regnard, et y vécut quinze 
ans dans la retraite : la Révolu- 
tion vint l'en tirer. 

Un écrit publié en 1789, sous 
le titre de /a Voix du Citoyen, 
rappela l'attention publique sur 
M. Lebrun : on y retrouve au- 
jourd’hui avec étonnement , ce 
passage prophétique : « Il nous 
faut une constitution nouvelle, 
le vœu public l'appelle, l'intérêt 
de la nation la demande , le sou- 
verain la promise, et nous en 
sommes venus au point où iln’ÿ 
a plus pour nous de milieu entre 
être libres ou cesser d’être... Mais 
si un csprit de vertige égarait la 


LEB 


raison, si un vil intérêt , un inté- 
rêt aveugle corrompait les âmes 
les plus pures... alors, libres 
comme les autres Ordres, vous 
vous refuseriez ( le tiers-état ) à 
un fardeau qu’ils ne voudraient 

pas peser Alors , plus de puis- 
HT A publique , plus de nœud s0- 
cial , plus de nation ; ou si vous 
pouviez l'être encore, vous seriez 
la dernière de toutes... Bientôt 
s’élèverait un homme audacieux, 
un leveller déterminé, qui sur les 
débris de vos anciennes fortunes, 
établirait uue constitution nou- 
velle.…Il appelleraitles citoyens à 
plus de liberté, à plus de richesse; 
mais il dirait aussi : l’autorité 
manque àmes vuesbienfaisantes,à 
chaque pas des formes importunes 
arrêtent ma marche et votre pro- 
spérité ; des assemblées perpé- 
tuelles vous arrachent à votre 
culture, à vos travaux, à voire 
commerce : tranchons d’un seul 
coup toutes les difficultés ; rom- 
pons ces vieux liens qui en- 
chainent un pouvoir qui n’existe 


plus que pour vous rendre libres, 


heureux et puissans !... Le vœu 
général remettra dans ses mains 
toute la puissance publique.Alors 
sera établi un despotisme légal, 
et nos fers à tous , seront rivés au 
trône même de la constitution. » — 
On est étourdi de lire l’avenir ainsi 
raconté, avec tant de précision , 
précisément par un de ceux qui 
devaient concourir si directement 
à nous Île faire tel qu'il le disait. 

Lebrun fut élu député de la 
noblesse du bailliage de Dourdan, 
aux états-généraux de 1789, et 
rédigea les cahiers de son ordre. 
Dans l’assemblée, il se montra 
habile, patriote et modéré; ïl 
parla fréquemment, particulitre- 


LEB 


ment sur les matières de finance, 
qui lui étaient familières ; il s’op- 
posa à la multiplication exagérée 
des assignats, ce qui le mit aux 
prises avec Mirabeau ; il fit pren- 
dre plusieurs mesures favorables 
au crédit public. Ses opinions les 
plus remarquables furent con- 
cernant les biens du clergé : ilne 
crut pas que la nation eut le droit 
de s’en emparer , et soutint qu’en 
cas d'extinction de l’usufruit du 
clergé, ils devaient légalement 
faire retour aux héritiers des do- 
nataires : en faveur des académies, 
il demandait leur conservation : 
« En créant l’Académie française, 
dit-il, Richelieu n’y chercha peut- 
être que des panégyristes et des 
esclaves ; elle a expié son origine: 
on n’oubliera pas que plusieurs 
de ses membres ont été les apôtres 
de la liberté. » Il fit enfin suppri- 
mer diverses fonctions à la fois 
onéreuses et sans utilité, parmi 
lesquelles on remarque celles 
des commnissaires-priseurs, qu’on 
a rétablis depuis. 

Au sortir de l’Assemblée con- 
stituante, M. Lebrun fut élu 
membre et présidentdu Directoire 
du département de Seine-et-Oise. 
À la fin de l’hiver de 1792, des 
troubles très - inquiétans éclatè- 
rent dans ce département, à l’oc- 
casion de la disétte des grains ; les 
marchés furent assaillis ; le maire 
d’Etampes, nommé Simonneau, 
fut massacré par les factieux , 
et celui de Montlhéry fut griève- 
ment maltraité. M. Lebrun fut 
député extraordinairement vers 
l'Assemblée législative pour lui 
rendre compte de ces événemens. 
Il se présenta à la barre le 6 mars 
1792, et dans son rapport, pei- 
gnit des couleurs les plus fortes, 


LED 1r9 
l'anarchie et ses affreuses consé- 
quences. Il obtint de l'assemblée 
et du gouvernement, les forces né- 
cessaires pour réprimer les mou- 
vemens séditicux, et parvint avec 
sescollègues, à ramener le calme, 
par des mesures aussi sages qu’é- 
nergiques. Après le 10 acût 1592, 
il donna sa démission et s’écarta 
des fonctions publiques. Le pre- 
mier septembre 1505, il fut mis 
en arrestation dans la maison des 
Recollets de Versailles: relâché six 
mois «près, et renvoyé chez lui 
avec un gardien, il iut empri- 
sonné de nouveau le 28 messidor 
an IT, et aurait sans doute aug- 
menté le nombre des victimes de 
la terreur, sans la journée du 9 
thermidor. Il fut rendu à la liberte 
trois mois après, et ne tarda pas 
à être appelé pour la seconde fois, 
à la présidence du Directoire du 
département de Seine-et-Oise. 
En l’an IV, Lebrun fut élu par 
son département, député au Con- 
seil des Anciens. Tour à tour se- 
crétaire et président, il s’y oc- 
cupa exclusivement des finances, 
parla toujours en faveur des re- 
solutions conformes à la modéra- 
tion et à la justice, notamment 
contre l'emprunt forcé et pour 
des mesures favorables aux 
cendans des émigrés. Sans avoir 
pris aucune part aux événemens 
qui préparèrent la journée du 
18 brumaire et le changement 
de gouvernement qui en fut ia 
suite; sansavoireu, à Ce Qu'un as- 
sure, pendant qu’il présida la com 
mission temporaire du Conseil des 
Anciens, ni de relation, ni même 
d’entrevue avec Bonaparte; en- 
fin, sans avoir fait aucune démar- 
che, il futnommé troisièmeconsul. 
On ne sait si ce choix fut suggéré 


as- 


1r4 LEB 


à Bonaparte par quelque circon- 
stance particulière , ou s’il trouva 
naturel de prendre le président du 
Conseil des Anciens, pour com- 
pléter par un financier , son con- 
sulat, qui avait déjà son général 
et son légiste. Le nom de M. Le- 
brun était d’ailleurs de nature à 
rassurer les personnes qui au- 
raient pu craindre le retour de 
l'influence des Jacobins. Aureste, 
il faut entendre Bonaparte lui- 
même , expliquer et justifier son 
choix. 

«Le premier Consul en arrivant 
»aux Tuileries, succédait à des 
»orages, des temps, des mœurs 
» qu’ilétait résolu de faire oublier; 
» maisilavaittoujours été aux ar- 
»mées; il arrivait d'Egypte; il 
»avait quitté la France jeune et 
» sans expérience ; il ne connais- 
» sait personne , et c’est ce qui lui 
» causa d’abordun grandembarras. 
» Lebrun fut pour lui, dans ces pre- 
» miersmomens,une espèce de tu- 
»teur fort précieux... Le premier 
» Consul se vit presqu’aussitôt en- 
» touréde femmes de fournisseurs; 
» elles étaient presque toutes char- 
» mantes et dela dernière élégance. 
»Ces deux circonstances sem- 
»blaient être de rigueur, parmi 
»tous les faiseurs d’affaires, et 
» entrer pour beaucoup dans leurs 
» spéçulations. Mais le sévère 
» Lebrun était là pour éclairer son 
»jeune Télémaque. Il fut résolu 
»de ne pas les admettre dans la 
» société des Tuileries.....(1). Na- 
»poléon disait qu’au demeurant, 
»il avait choisi dans Cambacérès 


(1) Mémorial de Sainte-Hélène , 
par le comte de ŒLascases. t. Il, 
p. 4:12 et 413. 


LEB 


»vet Lebrun, deux hommes de 
»mérite, deux personnages dis- 
»tingués ; tous deux sages, mo- 
»dérés, capables; mais d’une 
» nuance tout-à-fait opposée. L’un 
» (Cambacérès ) l’avocat des abus, 
»des préjugés, des anciennes 
»institutions, du retour des hon- 
sneurs, des distinctions, etc.; 
» l’autre froid , sévère, insensible, 
»combattant tous ces objets, y 
» cédant sans illusion, et tombant 
»naturellement dans lidéolo- 
»gie..... (1). Lebrun était le con- 
ntraire de Cambacérès; il avait 
»üne pente extrême vers le sens 
» opposé; Lebrun était l’homme 
» des idéalités (2). » 

Avant que le jugement de Bo- 
naparte sur ses deux collègues 
nous fût connu, M"®° de Staël 
avait prononcé le sien, qui lui est 
assez analogue. « La constitution, 
dit-elle, donnait à Bonaparte deux 
collègues; il choisit, avec une sa- 
gacité singulière, pour ses consuls 
adjoints, deux hommes qui ne 
servaient qu’à déguiser son unité 
despotique : l’un, Cambacérès , 
jurisconsulte d’une grande in- 
struction, mais qui avait appris, 
dans la Convention, à plier mé- 
thodiquement devant la terreur; 
et l’autre, Lebrun, homme d’un 
esprit très-cultivé et de manières 
très-polies , mais qui s’était formé 
sous le chancelier Maupeou, sous 
ce ministre qui avait substitué 
un parlement nommé par lui, à 
ceux de France, ne trouvant pas 
encore assez d’arbitraire dans la 
monarchie telle qu’elle était alors. 
Cambacérès était l’interprète de 


(1) Zbide t. IV, p. 463 et 464. 
(2) Zbid. t. NI, p. 45. 


LEB 


Bonaparte auprès des révolution- 
naires, et Lebrun, auprès des 
royalistes; l’un et l’autre tradui- 
saient le même texte en deux lan- 
gues différentes. »(Considérations 
sur la Révolution française. T IT. 
pag. 254, édit. de 1816. ) 

Collègue de Napoléon, le con- 
sul Lebrun ne contraria point 
sa politique, et ne conçut pas la 
pensée de lui disputer le pouvoir; 
mais il exerça une heureuse in- 
fluence sur la restauration des fi- 
nances de la France. On lui at- 
tribue la rédaction de divers actes 
du gouvernement consulaire, rela- 
tifs à cette branche de l’adminis- 
tration publique, et qui, en effet, 
portent le caractère de son style. 
La Cour des comptes est une de 
ses créations. Quand Napoléon 
érigea son trône, Lebrun fut dé- 
dommagé de sa portion de sou- 
veraineté, par la nouvelle dignité 
d’Archi-irésorier de l’Empire et 
par le titre de duc de Plaisance. 
L’Archi-trésorier était le contrô- 
leur, pour Empereur, des comp- 
tes de ses comptables , àcommen- 
cer par les ministres. C’est à lui 
que la Cour descomptes remettait 
ses observations sur les comptes 
de toutesles administrationsfinan- 
cières. Ce mécanisme qui pouvait 
v’être pas dépourvu d’efficacité 
dans une monarchie pure, con- 
serva au duc de Plaisance une 
fnfluence positive sur les affaires, 
et il en usa pour maintenir l’ordre 
dans les finances. Cependant, l’Ar- 
chi-trésorier eut toujours bien 
moins de crédit que son collègue 
VArchi-chancelier : car celui-ci 
tenait la clef du Sénat , qui après 
l'épée de l'Empereur, fut le prin- 
cipal levier de la monarchie im- 
périale. 


LEB 175 


En lan XIII, le duc de Plai- 
sance fut envoyé à Gênes, qui ve- 
nait d’être réunie à la France, 
avec le titre de gouverneur-gé- 
néral de la Ligurie. Nommé , 
en 1809 ; président du collége 
électoral du Rhône , il fonda à 
Lyon, à cette occasion, un prix 
d'encouragement pour l’industrie 
de cette ville, qui continue d'y 
être annuellement décerné. Après 
qu’il eut forcé son frère Louis à 
descendre du trône qu’il lui avait 
élevé en Hollande, Napoléon con- 
fia à M. Lebrun toute l’adminis- 
tration de ce pays, avec le titre 
de gouverneur-général. Le due 
de Plaisance y resta jusqu’au mois 
de novembre 1815, époque où 
le pays se souleva et proclama 
son indépendance. Les Hollandais 
ayvouent eux-mêmes qu’ils furent 
gouvernés avec modération et 
avec équité, et que M. Lebrun sut 
concilier les ménagemens dus à 
un peuple malheureux, avec les 
devoirs des fonctions dont il était 
revêtu. L’Archi-trésorier ne signa 
point l’acte du Sénat qui prononça 
la déchéance de Napoléon , mais 
il signa celui qui rappelait au 
trône la maison de Bourben. 
Monsieur , lieutenant-sénéral du 
royaume , l’envoya à Caen, avec 
le titre de commissaire extraor- 
dinaire , pour y établir et y faire 
reconnaître l’autorité royale. Il 
fut compris dans la premiere 
organisation de la Chambre des 
Pairs du royaume ; il entra aussi 
dans celle des cent jours, et à la 
même époque, futnommé Grand- 
Maître de l’Université. Eloigné de 
la Chambre des Pairs par l’ordon- 
nance du 24 juillet 1815, il y fut 
rappelé par celle du 6 mars 1819, 
et y vota habituellement avec le 


1-0 LEB 

parti constitutionnel. Le duc de 
Plaisance mourut âgé de 85 ans, 
le 16 juin 1824, à sa terre de 
Saint-Mesmes , près Dourdan. Il 
a laissé un fils, lieutenant géné- 
ral des armées du Roï, et succes- 
seur de sa pairie : celle-ci est 
classée par les ordonnancesroyales 
au banc des barons ; ce qui ne 
préjudicie point au titre de duc de 
Plaisance , qui reste héréditaire 
dans sa famille, suivant les statuts 
ordinaires qui régissent les trans- 
missions des titres de noblesse. — 
M. le marquis de Marboïs, uni à 
M. le duc de Plaisance par les 
liens du sang (1), a prononcé l’é- 
loge de son collègue, à la tribune 
de la Chambre des Pairs ( Moni- 
teur du 25 juin 1824 ). 


Liste des ouvrages 
de Ch.-Fr. Lebrun. 


I. La Jérusalem délivrée , poème 
du Tasse, trad. de l'italien ( en 
prose ). Paris, Musier fils, 1774, 
2 vol. in-8 (anonyme.). — Nou- 
velle édit. 1782, 2 vol. in-12. — 
Lille , 1594, 3 vol. in-18. — 
Nouvelle édit. revue, corrigée, en- 
richie de la vie du Tasse (par 
M. Suard); Paris, Bossange, 1805, 
2 vol. in-8.—1810, 2 vol. in-18. 
— Nouvelle édit. précédée de la vie 
du Tasse ( par M. Suard); Paris, 
Bossange,1811,in-fol.et2 vol.in-8 
etin-12.—1bid. 1815, 2 vol in-8. 

Traduction élégante et agréable 
à lire. La singularité de la pré- 
face fit, dans le temps, attribuer 
louvrage à Jean-Jacques Rous- 
seau. 


(1) M. le duc de Plaisance actuel, a 
épousé la fille unique de M. de Barbé- 
Marbois. j 


LEB 


IT. L’Iliade d'Homére. Xraduct. 
nouvelle , en prose. Paris, 1970, 
3 vol. in-8 et in-4, ou 2 vol. 
in-12 ( anonyme). — La même 
traduction , presque entièrement 
refaite. Paris, Bossange, 1809, 
2 vol. in-12. Onatiré 25 exem- 
plaires de cette édition , format 
in-fol. à deux colonnes, avec un 
titre imprimé en or. Ces exem- 
plaires qui n’ont pas été mis dans 
le commerce, sent ornés de 54 
gravures d’après Flaxman et des 
bustes d’Homère et d’Achille. 
(F. ci-après le n° VIIL. ) 

C’est dans cette traduction que 
les gens du monde lisent commu- 
nément Homère ; en effet, la dic- 
tion en est élégante et rapide : 
mais le traducteur se permet 
d'abréger son original ; d’ei- 
facer les images qui lui sem- 
blent incompatibles avec le génie 
de notre langue, et d’altérer, s’il 
est permis de le dire, les mœurs 
homériques. Les savans accordent 
plus d'estime à là traduction de 
M. Dugas-Montbel. 

III. Élogedel’abbéTerrey.178.. 

L'auteur le compare à Sully et 
à Colbert. 

IV. La Voix du Citoyen. 1789 
( anonyme ). — Nouvelle édit. 
Paris, Bossange et Masson , 1814. 
in-8 , de 94 pages. 

V. Utilité de régler la théorie de 
l'impôt par des lois constitution 
nelles. 1790, in-8. — douteux. 

VI. Lettre sur les Finances ( V. 
Moniteur,n° 46, de 1791.). 

VII. Mémoire présenté à lAs- 
semblée Nationale, sur les moyens de 
soutenir et de faire hausser La valeur 
des assignats , et de remédier au 
renchérissement des biensusuels, par 
M. Lebrun; et Parallèle de son plan 
avec ceux de MM. Clavière, Bois- 


LEM 


tandry ; Philibert ; Condorcet , 
Cailhasson et Marbot. 1592, in-8. 

VIII. L'Odyssée d’ Homère , tra- 
duite du grec. Paris, Bossange et 
Masson , 1819; 2 vol. in-12 , 
(anonyme ). 

On à publié : Catalogue des 
livres de la bibliothèque de feu M. le 
duc de Plaisance. Paris , Bossange 
père et Brunet, 1824; in-8, de 
6 feuilles trois quarts. 


LEGRAS ( Puimmpe ), ancien 
procureur au parlement de Dijon, 
fut un des hommes justes etcou- 
rageux qui osèrent élever la voix 
contre la loi du 9 floréal an HI 
( 28 avril 1795 ), relative au par- 
tage de présuccession des pères et 
mères et autres ascendans d’éini- 
grés. Il publia à cette occasion, un 
écritintitulé: Pressante réclamation 
pour les pères et mères des émigrés. 
Paris, an LIT (1795) ; in-8 ( ano- 
nyme). La Biographie des hommes 
vivans (Paris, Michaud, t.1V,1818) 
dit que Legras est encore auteur 
d’un ouvrage intéressant sur les 
Faillites. Cet écrit contribua sans 
doute à fixer sur son auteur, l’at- 
tention du ministre del’intérieur, 
qui, en 1803, désigna Legras 
pour faire partie de la commis- 
sion chargée de rédiger le projet 
de code de commerce, qui de- 
puis a été converti en loi. Legras 
fut nommé, le 8 juillet 1806, 
avocat au Conseil d’état : ilobtint 
aussi la décoration de la Légion- 
d'Honneur. Les dernières années 
de sa vie se sont écoulées à Dijon, 
où il est décédé , le 14 avril 1824, 
à l’âge de 72 ans. 


LEMONNIER (Anicer-Cnarces- 
GABRIEL), peintre d'histoire, na- 
quit à Rouen, le 6 juin 1545. 


LEM 197 
Après qu'il eut fait ses études au 
collége des Jésuites de cette ville, 
ses parens qui auraient voulu le 
destiner au commerce , cédant à 
une vocation marquée , lenvoyè- 
rent à Paris, étudier la peinture à 
Pécole de Vien. Il s’y trouva con- 
disciple de David et de Vincent, 
à côté desquels il fit de rapides 
progres. Lemonnierfréquentait le 
monde, en même temps que l’a- 
telier. Dans sa jeunesse, il fut 
admis chez M Geoffrin , qui 
l’avait pris en affection et qui le 
tutoyait. Lorsqu'un demi-siècle 
après, il fit le tableau qui repré- 
sente une lecture chez M"° Geof- 
frin, les personnes de cette so- 
ciété étaient encore si bien pré- 
sentes à sa mémoire, qu’on peut 
dire qu’il les peignit d’après ua- 
ture. En 1570, Lemonnier rem- 
porta le grand prix de peinture, 
sur le sujet de Molière et sa famille. 
Il composa ensuite, d’après les 
ordres du gouvernement, la Ré- 
surrection de T'abithe, tableau qui 
orne l’ancienne cathédrale de Li- 
sieux. Il se rendit à Rome, en 
1574, en qualité de pensionnaire 
de l’Académie de France. Non- 
content d’avoir exploré les anti- 
ques trésors de cette vieille capi- 
tale du monde, il parcourut d’au- 


. tres contrées de l'Italie. Ilse trou - 


vait à Naples, en 1779, époque 
d’une fameuse éruption du Vésuve. 
Plus tard , il fit un second voyage 
à Rome, et eut lavantage d’y 
être accueilli par le cardinal de 
Bernis, ambassadeur de France, 

De retour à Paris, pour s’y fixer 
définitivement, Lemonnier exposa 
au salon de 1585, son tableau de 
Saint Charles-Borromée ; portant 
les secours de la religion aux pesti- 
férés de Milan. «Toutes les expres- 

12 


195 LEM 

sions de ce tableau sont pleines 
de sentiment, et les différentes 
parties de l’art répondent à l’inté- 
rêt du sujet (1}.» Le tableau de 
Cléombrole fut exposé au salon 
de 1787. Ce guerrier, gendre 
de Léonidas II, roi de Sparte, 
avait conspiré contre lui et 
usurpé son trône; mais la face 
des affaires changea, et Léonidas 
fut rappelé par les Spartiates. 
L'usurpateur cherche un refuge 
aux autels de Neptune, où vient 
le trouver le courrouxde son beau- 
père , tandis qu’en même temps, 
son épouse Chélonide etses enfans 
accourent pour le protéger. « Cet 
ouvrage, lun des plus capitaux 
de M. Lemonnier, est recomman- 
dable par le goût de la composi- 
tion, l'expression des personnages 
et la fermeté du pinceau (2). » 
Deux fois exécuté en tapisserie, 
ilest maintenant placé dans le 
château de Versailles. David dit, 
en voyant le Cléombrote : « Voilà 
un tableau dexcellent profes- 
seur, » 

En 1786, Louis XVI passa par 
Rouen, à son retour de Cher- 
bourg , où il était allé visiter les 
constructions de ce port. Les no- 
tables commercans de la ville de 
Rouen furent présentés au Roi, 
qui leur fit un gracieux accueil. 
La Chambre du commerce vou- 
lant perpétuer la mémoire de cet 
événement, invitaM. Lemonnier 
à le retracer sur la toile. Ce 
grand tableau composé de vingt- 
deux figures, la plupart vêtues de 
noir, fut exposé au salon du Lou- 


(1) Annales du Musée, par Lan- 
don. T.X, p.41. | 


(2) 4bed. , p: 133. 


LEM 


re, en 1789. Il fut ensuite placé 
dans la salle des séances de la 
Chambre du commerce de Rouen, 
où on le voit aujourd’hui. Les 
traits de Louis X VI ont été fidèle- 
ment rendus par Partiste, qui 
avait obtenu une séance du Roi, 
Autour du prince sont placés, le 
duc d’Harcourt, gouverneur de 
la Normandie, le maréchal de 
Castries, ministre de la marine, 
M. de Villedeuil , intendant de la 
province, et plusieurs autres per- 
sonnes de la cour. Seize membres 
de la Chambre du commerce, ha- 
bilement groupés, sont peints 
avéc vérité, Sous le rapport de 
l’art, pour l’entente du clair-ob- 
seur, l'harmonie des lignes et 
des plans, ce sujet présentait de 
grandes difficultés, qui ont été 
heureusement surmontées. Deux 
fois, pendant la Révolution, sauvé 
d’une destruction qui paraissait 
inévitable, ce tableau a été con- 
servé à Paris, durant quinze 
années, dans les ateliers de son 
auteur. Il a été replacé en 1816, 
au lieu de sa destination. 

Le Génie du Commerce,allégorie, 
figure en face de la Présentation de la 
Chambredu commerce à Louis XVI, 
etdans la mème salle. Cette grande 
machine, de vingt-six pieds de lon- 
gueur, sur quatorze pieds de hau- 
teur, ne fut terminée qu’en 1791. 
Le Mercurede France du 25 juin 
1791, doune de grands éloges à 
ce tableau. 

Lemonnier fut élu membre de 
l’'Acadéinie royale de peinture, 
en 2789: {a Mort d'Antoine lui 
fournit le sujet de son morceau de 
réception. Confiné au Louvre du- 
rant la Révolution , il fit partie de 
la Commission des monumens, ce 
qui le mit à même de conserver 


LEM 


une foule d'objets précieux mena- 
cés par le vandalisme. En 1794, 
le Comité d'instruction publique 
ayant organisé l'Ecole de Méde- 
cine de Paris, Lemonnierfut choisi 
pourremplir l'emploi de peintre- 
dessinateur de cette école : elle 
lui doit quatre beaux portraits et 
beaucoup de dessins, où des bi- 
zarreries de la nature sont fidèle- 
mentretracées. Les Ambassadeurs 
Romains venant demander à lAréo- 
page communication des lois de So- 
lon : tel est le sujet d’un des bons 
tableaux de Lemonnier, qui fut ex- 
posé au salon de 1808. L'année 
suivante, la place de directeur de 
l’Académie francaise de Rome 
se trouvant vacante, Lemon- 
nier se mit sur les rangs. ILob- 
tint la majorité des voix, dans la 
classe des beaux-arts de l'Institut; 
mais un autre fut choisi par le 
chef de l’état. Pour dédommager 
M. Lemonnier, on le nomma, en 
1810, administrateur de la manu- 
facture des tapisseries de la cou- 
ronne. Pendant les six années 
qu'ii dirigea cet établissement, il 
fit faire des progrès à Part de la 
tapisserie, et c’est durant son ad- 
miuistration que les Gobelins ont 
fourni quelques-uns de leurs plus 
beaux ouvrages, notamment , {a 
Peste de Jaffa, d’après M. Gros. 
M.Lemonnier avaitreçu, en 1814, 
la décoration de la Légion-d’Hon- 
neur ; mais il fut destitué au mois 
de mai 1816, sans motif connu, 
sans égard pour son âge avancé 
et ses longs travaux, uniquement, 
dit-on, par suite du système de per- 
sécution suivi à cette époque. Peu 
d’années après, la ville de Rouen 
protesta contre cette injustice, en 
lui votant une somme de 3000 fr. 
Mais l'artiste ne vaulant passe lais- 


LEM 1#9 


ser vaincre en générosité. fit 
hommage au muséum de cette 
cité d’un de ses tableaux de 
grande dimension, représentant 
les adieux d'Ulysse et de Pénélope 
à Icarius, qui avait figuré avec 
distinction à l’exposition de 1811. 
Le muséum de Rouen, qui a été 
disposé par Lemonnier , contient 
douze de ses ouvrages : les plus 
versarquables sont : la Peste de 
Milan, une Présentation delaÿ ierge 
au Temple, une Mission desapôtres, 
Jésus-Christ dans la Synagogue , 
un Sinile parrulos venire ad me, etc. 
Tous ces tableaux se distinguent 
par de beaux caractères de tête, 
par la noblesse des expressions, et 
parune grande manière de draper. 

Quelque temps avant la chute 
de l'Empire, Lemonnier avait exé- 
cuté pour l’impératrice Joséphine, 
son tableau d’'Une soirée chez ma- 
dame Geoffrin. Il entreprit de lui 
donner deux pendans. D’une 
main Octogénaire ,; mais guidée 
encore par un génie plein de ver- 
deur , il peignit François I® re- 
cevant à Fontainebleau, dans lu ga- 
lerie de Diane, la sainte Famille 
de Raphaël, et Louis XIV assis- 
tant dans le parc de Versailles , à 
l'inauguration de la statue de M ilon 
de Crotone, du Puget, Ces trois 
sujets avaient pour principale 
donnée de rassembler les person- 
nages qui ont illustré les siècles 
de la France, où les arts et les 
lettres ont jeté le plus grand éclat, 
Le prince Eugène acquit ces ta- 
bleaux pour sa galerie de Munich, 
et une médaille d’or, à son eff- 
gie, exprima sa satisfaction à l’au- 
teur. La Lecture chez madame Geof- 
frin, ayant été gravée par Jazet , 
le même prince en agréa la dé- 
dicace, Le François I a été aussi 


180 LEN 
gravé par Debucourt. Ces trois 
tableaux de chevalet se distinguent 
‘surtout par le charme de la con- 
ception : la Lecture chez Mme Geof- 
frin offre un intérêt tout par- 
t'eulier. Le peintre ,; comme 
nous lavons dit, avait connu 
la plupart des personnages cé- 
libres qu'on y voit représentés. 
Non-seulement il a copié les traits 
de leur physionomie , mais en- 
core, ila pu exprimer les diverses 
habitudes de leur corps, et ces 
riens importans , qui sont tout 
pour la ressemblance. Près de 
soixante figures , groupées au- 
tour de Le Kain et de M° Clairon, 
qui lisent une tragédie de Vol- 
taire, remplissent sans confusion, 
un cadre assez étroit, Des no- 
tices imprimées ont donné des 
explications étendues sur les trois 
intéressantes productions qui clô- 
turent l’œuvre de notre artiste. 
Lemonnier mourut le 17 août 
1824,dans sa 82° année. —Son fils, 
connu avantageusement dans les 
lettres, a publié : Notice historique 
sur la vie et les ouvrages de A. C. 
G. Lemonnier. Paris , imprimerie 
de Crapelet, 1824; in-8, 23 pag. 
C’est dans cet opuscule que nous 
avons puisé pour la rédaction de 
cet article. 


LENOBLE (Pirnre-MADELEINE), 
intendant-militaire , naquit à Au- 
tun, en Bourgogne, en 1772. Se 
trouvant à Paris, au commen- 
cement de la Révolution , il en 
adopta les principes, et les pro- 
pagea dans un journal intitulé : 
le Cosmopolite. En 31792; il fut 
nommé commissaire des guerres 
et employé à l'armée de la Bel- 
gique. L'année suivante, il passa 
aux armées de l’ouest. Le général 


LEN 


Canclauxle fit nommer , en 1594, 
comumissaire-ordonnateur, par les 
représentans en mission près les 
armées de la Vendée. Mais d’après 
une loi de cette même année, il 
ne put conserver ce grade, n'ayant 
point l’âge requis. Rentré dans 
la classe des commissaires des 
guerres , il n’en exerça pas moins 
les fonctions d’ordonnateur pen- 
dant onze ans , sans en avoir Île 
titre. Il lobtint enfin définitive- 
ment, après la campagne d’Eylau, 
et depuis, il n’a cessé d’être em- 
ployé en cette qualité, dans les di- 
verses contrées où furent poussées 
les armées françaises. Plus tard, il 
passa dans le corps des intendans 
militaires. Lenoble est mort à 
Paris , le 28 mai 1824. Il était 
chevalier des ordres de Saint- 
Louis et de la Légion-d’Honnear. 


Liste des ouvrages de P. M. Lenoble. 


I. Projet de loi pour les ma- 
riages ; présenté à l Assemblée na- 
tionale. 1590 , in-8. 

IL Projet pour l'établissement 
des greniers d’abondance. 1592. 

IT. Essai sur l'administration 
militaire. 1597 ; 1“ cahier. — 
1811, 2° et 5° cahier. 

IV. Mémoires sur la panifica- 
tion. 1708. 

V. Découverte sur le galvanisme , 
comme cause des sensations de L'or- 
gane de Pouie ct des effets de la 
voix. 1803. 

VI. Mémoire sur la formation 
dun dépôt de l'administration de 
la guerre. 1815. 

VII. Considérations générales 
sur l'état actuel de l'administration 
militaire en France , au 1° jan- 
vier 1816. Paris, Magimel , 3816; 
in-4 , de cinq feuilles et demie. 

VIT. Projet de loi ou d’ordon- 


LEV 


nance pour l’institulion d’une ma- 
gistrature militaire’, en rempla- 
cement de l'inspection aux revues 
el du commissariat des guerres , 
fuisant suile aux Considérations 
sénérales sur l’état de l’adminis- 
tration militaire en France; au- 
quel on a joint deux Mémoires, 
le 1° sur la diététique militaire ; 
Le 2° sur les moyens administra- 
tifs dans la vallée du Tage; pré- 
senté au maréchal Masséna, prince 
d'Essling, lors de la retraite de 
l’armée de Portugal. Paris, Ma- 
gimel, 1817;in-4, de 22 feuilles. 

IX. Mémoires sur les opérations 
militaires des Français en Gulice ; 
en Portugal et dans la vallée du 
T'age, en 1809 , sous le comman- 
dement du maréchal Soult ; avec un 
Atlas militaire. Paris, Barrois l’ai- 
né , 1824 ; in-8, de 25 feuilles, 
et atlas petit in-fol. 

X. Extrait de la pétilion pré- 
sentée à la Chambre des Députés, 
par le chevalier Lenoble , inten- 
dant militaire, sur le refus qu’on 
lui « fait dordonnancer deux 
créances pour remboursement d’a- 
vances qu'il & déboursées , sous la 
garantie des lois ; pendant qu’il 
était chargé en chef de l’adminis- 
tration de 4° corps de læ Grande 
Armée, puis à l'armée du midi de 
l'Espagne. Paris, 1822; in-8, d’une 
demi-feuille. 

XI. Examen général et détaillé 
des récolles et des consommations 
de blé en France, avec indication 
des moyens propres à remédier à la 
surabondance et aux disettes. Pa- 
ris, 1822 ; in-8, de 10 feuilles. 


LEVAILLANT ( François ), 
naturaliste voyageur, naquit à 
Paramaribo, dans la Guyane Hol- 
landaise. Son goût pour l'histoire 


LEV 181 
naturelle se manifesta de bonne 
heure, et lui fit entreprendre deux 
voyages au Cap de Bonne-Espé- 
rance. La relation qu'il en a pu- 
bliée, annonce un homme d’un 
esprit ingénieux, mais on la ac- 
cusé de manquer parfois de véra- 
cité. L'histoire naturelle des oi- 
seaux à plumage brillant de l’Amé- 
rique et de l'Afrique, fixa princi- 
palement son attention, et les ou- 
vrages d’ornithologie qu'il a pu- 
bliés, sont très-recherchés pour 
leur belle exécution. Le cabinet 
d'histoire naturelle du Jardin 
du Roi possède Îa girafe de 
Levaillant et sa riche collection 
de perroquets et d’oiseaux de pa- 
radis empaillés. Levaillant est 
mort à Sézanne , en Champagne, 
dans un âge avancé, au mois de 
novembre 1824. 


Liste des ouvrages 
de F. Levaillant. 


T. Voyage de M. Levaillant dans 
Fintérieur de l Afrique, par le Cap 
de Bonne-Espérance, dens les années 
1780-1785. Paris, Leroi, 1799; 2 
tom. en 1 voi in-4, fig.—2° 
édit. Paris, Déterville, sans date, 
im-4.— Nouvelle édit. 1589, 2 vol. 
in-8.— Nouvelle édit. 1798, 2 vol. 
in-8.—{rad. en allemand. Franc- 
fort, :590,2 vol. in-8.— en Hol- 
landais, par J. D. Pasteur. Leyde 
et Amsterdam, 1791, 2 vol. in-8. 
— En danois , dans lArchiv. f. 
Reisebeskr. vol. TI. 1797. 

IT. Second Voyage dans l'inté- 
rieur de l'Afrique, dans les années 
1583-1585. Paris, Jansen, an TITI 
(1595); 2 vol..in-4. fig.—nouvelle 
édit. augmentée de la carte & À fri- 
que, et d'une table généraledes ma- 
ticres, servant aux deux voyages. 


+ 
182 LEV 

Paris, Desray, an VIIf—1800; 
5 vol. in-8.—trad. en allemand , 
257973 in-8. —{trad en danois, dans 
l'Archiv. f. Reisebeskr. Vol. TI 
et IV.— en suédois. Stockholm , 
1568, in-8.— trad. en Russe. 

La rédaction de ces deux vnya- 
ges est attribuée à Casimir Var- 
ron, et au père de Levaillant lui- 
même.— «En donnant la relation 
de ses deux voyages, dit M. Bou- 
cher dela Richarderie(Bibliothèque 
des Voyages. T. IV pag. 242), M. 
Levaillant s’est écarté rarement 
de la fidélité des faits, dans l'ex- 
posé de ses diverses excursions: 
je dis rarement, car on ne peut 
pas se dissimuler qu’il a sacrifié 
quelquefois l'exactitude rigou- 
reuse de la vérité, à la satifac- 
tion de présenter à ses lecteurs 
destableaux d’un coloris agréable. 
Cette petite faiblesse lui a 
attiré des censures amères de la 
part de Jchn Barrow, et des criti- 
ques plus sévères encore, quo:- 
qu’un peu adoucies par l’expres- 
sion, de la part du traducteur de 
la reiation du voyageur anglais 
(L. Grandpré ). —Au surplus, M. 
Levaillanta jeté dans ses narra- 
tions, tout le charme des fictions 
roinanesques... Avec plus de se- 
cours que Sparmann, il a pres- 
qu'’essuyé les mêmes fatigucs. a 
presque couru les mêmes dan- 
gers, Indépendamment des gran- 
des richesses qu’il a procurées à 
J’ornithologie ,; en décrivant 
tant d’espèces d'oiseaux inconnus 
qui peuplent les forêts et les eaux 
du midi de l'Afrique, où lui est 
encore redevabie d’avoir fait par- 
faitement connaître la girafle 
mäle et femelle, de tous les ani- 
maux duglobe celui dont la taille 
est la plus haute. 1} parvint à en 


LEY 


tuer plasieurs et à rapporter la 
dépouille du mâle en Europe (on 
la voit au Muséum d'histoire na- 
tirelle du Jardin du Roi): c'était 
un des objets qu'il avait eu le 
plus à cœur dans le cours de sa 
première expédition... M. Levail- 
lant ne mit pas moins d’ardeur 
que Sparmann à poursuivre l’é- 
norme amphibie connu sous le 
nom d’hippopotame: plus heureux 
que son devancier, il réussit à en 
coucher un par terre, dont il a 
conservé les défenses. Ces con- 
quêtes sur le règne animal dans 
deux de ses plus importantes es- 
pèces, ne rendaient point M. Le- 
vaillantindifférent aux plantes qui 
couvrent la terre du Cap. Il nous 
a donné la description etles dessins 
de deux espèces d’euphorhes, 
l’une à côte de melon, l’autre à 
chenille, et toutes deux très-cu- 
rieuses. Enfin , il a résolu le pro- 
blème du fameux tablier des Hot- 
tentotes, en vérifiant sur l’une 
d’elles, qu’il sut rendre compiai- 
sante pour ses recherches , que ce 
prétendu tablier est tout sinple- 
ment le prolongement de cer- 
taines parties sexuelles , qu’a in- 
troduit chez les Hottentotes le 
caprice bizarre et inexplicable de 
la mode, et qu’elles préparent de 
bonne heure, en y disposant ces 
partiesdès le plus bas âge.» 

III. Histoire naturelle des oi- 
seaux d’ Afrique. Paris, an IVet 
suiv. (1797—1812),6 vol. in-4 et 
in-12, fig. coloriées. 51 livraisons 
— trad. en allemand par J.M.Bech- 
stein; Nuremberg, 1797, et an- 
nées suivantes, in-4. 

IV. Histoire naturelle d’une par- 
tie d’oiseaux nouveaux et rares de 
l Amérique et des [ndes. Paris, Du- 
four, 1801-1804, in-fol. fig. 


gr 


Frs 


LA 
# 
+ 

À 


ASE XVII. 


LOU 


V. Histoire naturelle des perro- 
quets. Paris, Levrault, an IX, 
(1801—1805). à vol. gr. in-4 et 
in-fol. , fig. coloriées. 

VI. Histoirenaturelle des oiseaux 
de paradis, des toucuns et des bar- 
bus ; suivie de celle des promerops- 
guépiers ct des couroucous. Paris , 
Denné, 1803—1816. 3 vol. gr. 
in-fol. 33. livraisons , fig. colo- 
rites. 

La collection complète des 
dessins originaux des oiseaux de 
paradis et des perroquets de Le- 
vaillant , exécutée par Barrabant, 
enlevé à la fleur de l’âge et d’un 
talent distingué , est passée entre 
les mains de M. Pichard, libraire, 
à Paris. 


LINDSAY ( Madame }, morte 

à Angoulème, en 1520, était pro— 
bablement anglaise d’origine, 
comme son nom semble l’indi- 
quer. M. Barbier ( Dictionnaire 
des Anonymes. T. III. n. 19105. 
2° édit. ) lui attribue la traduc- 
tion française d’un ouvrage an- 
glais de miss C. Knight, intitulé: 
ie privée, politique et militaire 
des Romaïns , sous Auguste et Ti- 
bére. Paris, Buisson, 1801, in-8. 
L'original de cet ouvrage publié 
à Londres, en 1792 ,“porte pour 
premier titre : Marcus Flaminius. 
C’est une suite de lettres suppo- 
sées écrites par un patricien à som 
ami, vers lan de Rome 56%. 
Dans ce cadre, l’auteur a fait pour 
tome à peu près ce que l'abbé 

Barthélemy avait déjà fait pour 
la Grèce, en retraçant l’histoire 
des mœurs et des monumens de 


ce pays. 


LOUIS XVIII, Roi de 
France ,; naquit à Versailles , 


LOU 189 
le 17 novembre 1555, et recut, 
avec les prénoms de Louis-Sta- 
nislas- Xavier (1) , le titre de 
Comte de Provence. Il fut le 
quatrième fils de Louis, Dauphin 
de France, fils de Louis XV et de 
Marie-Joséphine deSavoie.Louis- 
Stanislas-Xavier n'avait que dix 
ans lorsqu'il perdit son père. On 
lui donna pour gouverneur, en 
même temps qu'aux princes ses 
frères, M. le duc de la Vauguyon, 
et pour précepteur , M. de Coët- 
losquet, évêque de Limoges. Le 
marquis de Sinetti fut son sous- 
gouverneur ; labbé Nollet lui 
donna des leçons de physique , et 
Moreau, l’historiographe, lui en- 
seigna l’histoire. L’abbé de Ra- 
donvilliers , de l’Académie fran- 
çaise, et le P. Berthier, jésuite, 
furent aussi au nombre. de ceux 
qui donnèrent des. soins à l’édu- 
cation de M. le comte de Pro- 
vence. Suivant les idéesinexactes 
du temps, cette éducation fut 
principalement dirigée vers les. 
études purement littéraires, pour 
lesquelles fe prince conserva tou- 
jours un goût prononcé : c’est à la 
lecture et à observation qu’il dut 
tout ce qu'il a pu apprendre de- 
puis sur des matières plus impor- 
tantes. Le père et la mère du 
jeune prince, connus par la sévé- 
rité de leurs principes religieux , 


(1) On sait que le nom de ZLour, 
est patronimique dans la branche de: 
Bourbons de France ; Stanislas était 
le noin du roi de Pologne, aïcul ma- 
ternel du comte de Provence; Xavær 
fut choisi par le Dauphin son père, cn 
témoignage de affection singalière 
qu'il avait. vouée à la Compagnie de 
Jésus, du sein de laquelle est sorti 
saint François-Xavier. 


184 EOU 
écartérent de son enfance, avec 
un soin extrême, des livres im- 
pies ou immoraux quiauraient pu 
en troubler l’innocence.ñladame la 
Dauphine prenait soin de lire elle- 
même tous les ouvrages qui de- 
_vaient passer sous les yeux de ses 
enfans. Son zèle, bien louable 
sans doute , dans ses motifs, fut 
poussé jusqu’à l'excès , et il eut 
même des résultats funestes , 
puisqu'on à cru pouvoir atiribuer 
une partie des maux qui fondi- 
rent plus tard sur la tête de 
l'infortuné Louis XVI, à l’éduca- 
tion retrécie et arriérée du tem?s, 
dans laquelle ses parens empri- 
sonnèrent sa jeunesse. L'esprit de 
M.le comte de Provence, natu- 
rellement plus vigoureux et plus 
actif, s’afiranchit bientôt de ces 
entraves. La supériorité de son sa- 
voir fut de bonne heure reconnue 
ar son frère aînée, le duc de Berri 
(Louis XVI). Celui-ci étant en- 
fant,avait coutume de dire, quand 
on agitait en sa présence quelque 
chose qu’il ignoraïit : — «il faut de- 
» mander cela à mon frère de Pro- 
»vence. »— Un jour il arriva que 
le petit duc de Berri dit, &/ pleuva 
(pour ë plut) : — «Ah! mon 
virère, quel barbarismel! » s’écria 
M. le comte de Provence , qui 
avait un an de moins que fui; «cela 
»n'est pas beau : un prince doit 
» savoir sa langue. » — « Et vous, 
»mon frère, vous devriez retenir 
»la vôtre,» répliqua le duc de 
Berri, un peu mortifié de l’apos- 
trophe. — Une autre fois, le 
duc de Chartres ( le feu duc d’Or- 
léans) était venu faire sa Cour aux 
enfans de France. Il appelait tou- 
jours le duc de Berri, alors Dau- 
phir, Monsieur. —.« Mais, vous 
» me traitez bien cavalièrement , 


LOU 


»lui dit le jeune prince; ne de- 
» vriezZ-VOUS pas m'appeler Mon- 
» seigneur ? — Non, reprit vive- 
» ment M. le comte de Provence , 
»non, mon frère , il vaudrait 
» mieux qu’il dise mon cousin. » 
Les dissipations du monde et 
les plaisirs bruyans de la jeunesse 
parurent de bonne heure offrir peu 
d’attraits à M. Îe comte de Pro- 
vence : non-seulement il protégea 
dès-lors les sciences et les lettres,’ 
mais encore il essaya de les culti- 
ver lui-même.ïlfitentrer en foule 
dans l’organisation de sa maison 
et dans les deux ordres hospita- 
liers dont il était le grand-maitre 
(Saint-Antoine(1)etN.D.du Mont 


(1) Les affaires de l'ordre de Saint- 
Antoine, donnèrent lieu à la lettre 
suivante , que nous publions ici pour 
la première fois. L’original fait partie 
de la riche et curieuse collection d’au- 
tographes du cabinet de M. Villenave. 


« À Versailles, le 8 mars 1776. 


» Par le compte, Monsieur, que 
m'a rendu mon surintendant de la 
commission que je lui avais donnée 
auprès de vous, concernant la réunion 
de l'Ordre de Saint-Antoine à celui 
de Malte, je vois que l'état de la 
question est absolument changé ; l'ob- 
stacle ne vient plus des prétentions du 
clergé; vous avez, m'a-t-on dit, si 
bien reconnu le peu de fondement de 
ses moyens , que Vous auriez Voté vous- 
même pour la réunion, si le Roi dans 
l'intervalle, ne vous avait ordonné de 
chercher quelque emploi plus utile et 
plus avantageux des biens de l'Ordre 
de Saint-Antoine. C’est donc ce nou- 
veau désir du Roi qmi devient en 
quelque sorte aujourd’hui notre partie, 
puisque vous voulez remplir ses inten- 
tions de préférence à tout. 

» Dicu me garde de vouloir altérer 
en rien le zèle des ministres de S. M. 
pour la moindre de ses volontés. Je 
serai moi-même, dans tous les temps, 


ua RL Ti 


LOU 


Carmel), des académiciens , des 
savans et des artistes. On y voyait 


le plus empressé de ses sujets à les 
seconder ; mais comme le premier 
d’entre eux, comme celui dont les 
intérêts se confondent nécessairement 
avec les siens, comme son frère enfin, 
éclairé par ma tendresse et guidé par 
l'amour le plus pur, j'ose croire que 
la gloire du Roi est la première de 
toutes les considérations, et que ce 
serait surtout bien mal seconder ses 
vues que de s’écarter de cet esprit de 
justice qui les caractérise. Or , toute 
application des biens de l'Ordre de 
Saint-Antoine, autre que celle à la- 
quelle ses membres ont unanimement 
et volontairement consenti, serait in- 
juste; elle serait même une violation 
de propriété ; violation d'autant plus 
étrange, qu'elle serait gratuite, puis- 
qu’il ne tenait qu'au Roi de manifester 
à l'Ordre de Saint-Antoine, dès le 
principe, ses vues sur ses biens : cet 
ordre se serait peut-être alors porté au 
projet dont il s’agit aujourd’hui, avec 
autant d’empressement qu'il s'est livré 
à sa réunion à l'Ordre de Malte. Mais 
malheureusement les choses ne sont 
plus entières, et c’est ce que vous 
perdez de vue et qui est cependant 
capital. Quoi! ce serait après que le 
Roi m'a permis de favoriser cette réu- 
nion ; après que S. M. la elle-même 
approuvée dans son conseil, qu'elle a 
écrit directement au Pape pour lui 
faire part des motifs qui l'y avaient 
déterminée et pour lui demander sa 
sanction; c'est après que le Pape 
aurait fait examiner la question dans 
un consistoire composé de plusieurs 
cardinaux et des plus habiles juriscon- 
sultes romains; ce serait enfin , quand 
Sa Sainteté est déterminée à donner le 


* bref nécessaire, qu’à l’occasion d’un 


embarras frivole que quelques prélats 
intrigans apportent à son expédition, 
on ferait revenir le Roï sur ses pas, et 
que par une destination imprévue des 
biens de l'Ordre de Saint-Antoine , on 
lui donnerait aux yeux de l'Europe 
entière une apparence d’inconstance 
dans ses décisions, que S. M. ne mc- 


_ 


LOU 


159 


réunis Rulhières et Doyen, Didot 
et Target, Elie de Beaumont et 


rite assurément point; un vernis de 
vexation envers l'Ordre de Saint- 
Antoine , qu’elle mérite encore moins; 
enfin, un air d'abandon et de mépris 
pour les Ordres de Malte et de Sant- 
Lazare, dont elle est surement bien 
éloignée. S. M. pouvait sans doute se 
refuser, dans le principe, à cette réu- 
nien : ne pas accorder cette grâce n é- 
tait qu’une chose simple; mais la reti- 
rer quand elle est accordée , devien- 
drait indigne d’elle et avilissant pour 
deux Ordres remplis des premières 
familles de son royaume. La noblesse 
n’est pas moins digne des regards de 
S. M. que les autres ordres de l'Etat; 
si ceux quiarrosent de sueur nos siflons 
paraissent intéressans , combien le se- 
ront ceux qui arrosent les champsenne- 
mis de leur sang versé pour l'Etat! Après 
d'aussi grandes considérations , je ne 
devrais faire entrer pour rien mon 
personnel dans toute cette affaire. Je 
vous avouerai cependant que je ne me 
verrais pas sans une douleur amère 
compromis aux yeux de toute la 
France et des cours étrangères , dont 
trois ou quatre ont déjà;, depuis cette 
époque, opéré la réunion de POrdre 
de Saint-Antoine à d’autres Ordres. 
Personne n'ignore intérêt que j'ai 

mis à celle dont il s'agit en France; 
Pon ne m’accusera pas même de l’avoir 
fait avec légèreté ; je ne m'y suis aban- 
donné que d’après la permission du 
Roi. L'approbation qu'il y donna lui- 
même, lors du rapport qui Jui en fut 
fait à Compiègne, en 1774, m'a dû 
faire regarder son succès comme Cer- 
tain; je m'en suis dès-lors déclaré ga- 
rant; mon nom est devenu la sauve- 
garde de plusieurs délibérations de 
l'Ordre de Saint Antoine. J'ai cau- 
tionné différens traités; j'ai moi-même 
contracté en conséquence. Je ne eroi- 
rai jamais, Monsieur , que le Roi, mon 
frère, voulût me donner la mortifica- 
tion sensible de détruire une Re 
dans laquelle je me trouve autant 
avancé et m'attirer l'humiliation qui 
retomherait sur moi, si elle venait à 


186 LOU 

le marquis de Bièvre, Treilhard 
et l’abbé de FAttaignant. La liste 
serait longue des noms diverse- 
ment célébres, que le comte de 
Provence avait su s'attacher, à di- 
vers titres. Nous ne citerons encore 
que les architectes Louis et Chal- 
grin, l’helléniste Laporte du Theil, 
l'abbé Arnaud, le fabuliste Bois- 
sard, les médecins Bourdois de 
la Mothe , Buc’hozet Portal, le 
chirurgien Loustouneau , l’ocu- 
liste Grandjean, le géographe La- 
croix , le prédicateur Gros de 
Besplas, etc. Ducis était secrétaire 
de ses commandemens ; Morel, de 
son conseil. On a mêmevoulu attri- 
buer au prince quelque participa- 
tion à diverses productions litté- 
raires de cette époque ; ce qui est 


/ 


manquer aujourd'hui : jose dire que 
je ne la mérite sous aucun regard. Un 
semblable événement ne pourrait avoir 
lieu qu’autant qu'on dissmulerait à 
S. M. quelques-unes de toutes ces cir- 
constances ; je Vous en crois incapable, 
et c'est pour cette raison que je vous 
les retrace ici, bien persuadé du soin 
: vous prendrez au contraire de les 
aire valoir. Au surplus, je me propose 
ce les mettre moi-même sous les yeux 
du Roi, si le cas l'exige, et je vous 
demande à ect effet de me donner com- 
munication , comme vous l'avez pro- 
mis, de votre prejet et de vos dé- 
marches : 1l n’en est pas que je ne sois 
disposé à faire personnellement auprès 
de S. M., dans une occasion où sa 
justice et sa gloire me paraissent aussi 
intéressées, et où la mienne propre 
est autant compromise. Un grand Etat 
comme celui-ci, et un génie comme 
le vôtre, présenteront toujours au Roi 
assez d'autres ressuurces pour remplir 
ses vues, 

» Vous connaissez , Monsieur , tous 
mes sentimens pour vous 

» Louis-SraxisLas-Xavies. 


» À Monsieur de Malesherbes. » 


LOU s CS 


plus certain, c’est que le som de 
Monsieur , que Louis-Stanislas- 
Xavier dut adopter depuis que 
son frère fut monté sur le trône , 
s’attacha à une foule d’établisse- 
mens utiles et honorables pour 
les lettres et pour les arts. A La 
même époque ; Paris avait le 
Lycée de Monsieur, Ye Théâtre de 
Monsieur, le Journal de Monsieur, 
l'Imprimerie de Monsieur (1). 


(1) 19 Le Lycée de Monsieur, fondé 
d'abord sous le titre de fusée, par P:- 
lâtre du Rosier : cet établissewent étais 
sur le point de périr avec son fondateur, 
lorsque Mossirue , secondé par M. le 
comte d'Artois son frère, acheta pour 
cinquante mille francs le cabinet de 
physique de Pilätre du Rosier, et par à, 
rendit une nouvelle vie à cet établisse- 
ment utile. Parvenu à Ja quarantième 
année de sa nouvelle existence, 1suh- 
siste encore aujourd’hui sous le titre 
d'Athénée Royal. C'est en 1785 que 
Monsieur adopta cet établissement et 
lui permit de se parer de sou noi : le 
premier programme des cours du Lycée 
sortit de l’/rmprimerie de Monsieur : 
les professeurs obtinrent l'honneur de 
Lui être présentés. Le prosramme de 
1765 indique leurs noms de La manière 
suivante : — Pliysique. profcsseur, 
M. Monge; adjoint, M. Gingembre. 
— Mathématiques professeur. M. de 
Condorcet ; adjoint, M. de Lacroix. — 
Anatomie. professeur, M. Sue. — 
Chimie. proiesseur, M. Fourcroy. — 
Histoire. professeur , M. Marmontel ; 
adjoint, M. Garat. — Littérature. 
professeur, M. de La Harpe. (Voyez 
Correspondancelittéraire de La Harpe. 
t. V , p. 100.) 

29 Le Theatre de Monsieur fut ou- 
vert aux Tuileries , Le 26 janvier 15659. 
C'était le troisième essai fait à Paris, 
pour y naturaliser la musique drama- 
tique des Italiens. 

3° Le Journal de Monsieur parut 
en 1776; c'était un cahier périodique , 
pan à peu près dans la forme de 

"Annéc littéraire, mais écrit dans un 


LOU 


M. le comte de Provence fut 
marié, en 1571, à Marie-José- 
phine- Louise de Savoie, fille aînée 
de Victor-Amédée 111, roide Sar- 
daigne. Le banquet de cérémo- 
nie fut célébré à Fontainebleau. 
Tous les princes du sang ,excepté 
le prince de la Marche ( Bour- 
bon - Conti), s’en absentèrent. 
Ils ne venaient plus à Versailles, 
depuis leur protestation contre la 
destruction des Parlemens.M"° du 
Barry eut l’audace de venir s’as- 
seoir à ce banquet; mais trois ou 
quatre places restèrent vides entre 
elle et les dames de la cour qui 
avaient été invitées. Le comte de 
Provence, qui professait un grand 
éloignement pour la favorite , se 
trouvait absent, l'étiquette exi- 
geantqu’avant la bénédiction nup- 
tiale , il s’abstint de coucher sous 
le même toit que sa future. Les 
deux époux furent unis devant 
Dieu, le 14 mai 1771, dans la 
chapelle de Versailles. — « Mon- 
»sieur mon frère, lui dit le len- 
» demain , M. le comte d’Artois , 
» vous aviez la voix bien forte hier; 
» Vous avez crié bien fort votre oui. 
— » C’est, répondit M. le comte de 
»Provence, que j'aurais voulu 
» qu’il eût été entendu jusqu’à Tu- 
» rin,» Cette union qui parut d’a- 


— 


meilleur esprit. 1] cessa de paraître en 
17983. On y remarque un article bien 
pensé contre la traite des nègres, et 
qui, publié à une époque déjà si 
éloignée de nous, fait honneur à l’é- 
crivain et au prince qui le protégeait. 

4° Pierre-Francois Didot, frère de 
François-Ambroise et l'oncle de MM. 
Pierre Didot l’ainé et Firmin Didot É 
fut nommé imprimeur de Monsieur, 
en 1788. Les ouvrages sortis de ses 
presses ne Sont pas indigues du nom 
dé sa familie. 


LOU 187 
bord heureuse, n’eut pas le bor:- 
heur d’être f cond. 

Depuis [a Fronde , c'était une 
maxine d'état, admise par tous les 
ministres qui entraient au cabinet 
de Versailles, de tenir les princes 
dusangéloignés de la participation 
auxaffairespubliques. Hormisen ce 
qui touche lhéritier présomptif de 
la couronne, cette tradition paraît 
sage ; Car les affaires de l’état souf- 
friraient d’être influencées par les 
intérêts de famille ; et puis, un 
prince du sangne pouvant être ren- 
yoyéComime on renvoieun minis- 
tre , et devant toujours rester à la 
cour, il ne serait pas bon de se pla- 
cer vis-à-vis de lui daus une pesi- 
tion d’où il deviendrait trop difli- 
cile de le faire sortir en cas de be- 
soin. Louis XV poussa peut-être à 
l'excès la pratique de cette politi- 
que à l’égard du Dauphin son fils : 
toutefois, c’est cette circonstance 
qui permit au duc de Choiseul de 
délivrer la France des Jésuites. A 
l’avénement de Louis XVI, le 
besoin de mouvement politique 
qui bientôt devait agiter et entrai- 
ner tous les esprits, commenca de 
se manifester , au sein de la cour 
et de la famille royale elle-même. 
Monsieur se déclara contre le rap- 
pel des Parlemens , et produisit 
un mémoire , où la question est 
envisagée exclusivement du côté 
favorable au maintien de l’auto- 
rité royale. Si l’on pouvait con- 
sentir à négliger les diverses faces 
de la question , il faudrait conye- 
nir que cette pièce n’est dépour- 
vue ni de logique , ni de raison. 
Toutefois, ce mémoire, bien qu’a- 
dopté par M. le comte de Pro- 
vence , fut peut-être composé 
seulement par ses ordres; mais 
voici, à ce qu'on rapporte, les 


185 LOU 

propres paroles que [lui-même 
adressa à Louis XVI, dans un en- 
tretien qu’il eut avec lui, au su- 
jet de cette même affaire : « Le 
» Parlement actuel à remis sur la 
» tête du roi la couronne, que le 
» Parlement en exil lui avait ôtée; 
» et M. de Maupeou que vous avez 
»exilé , a fait gagner au feu roi le 
>procès que les rois vos aïeux 
» soutenaient contre les Parlemens. 
» depuis deux siècles. Le procès 
»était jugé ; et vous, mon frère, 
> vous cassez le jugement pour re- 
»commencer la procédure. » Au 
reste , quelle que fût l’opinion in- 
time de Monsieur, la mesure du 
rétablissement des anciennes cours 
souveraines une fois décidée, il 
crut de son devoir de se charger 
de l’installation de la Chambredes 
comptes , et parut ainsi extérieu- 
rement, adhérer à une mesure 
que l’opinion nationale reçut avec 
le plus vif enthousiasme. 

Au mois de juin 1777, Monsieur 
partit pour aller parcourir les 
provinces méridionales du royau- 
me. En passant par Toulouse , il 
voulut recevoir l'Académie des 
jeux floraux , immédiatement 
après le Parlement et avant les 
autres cours souveraines ; il assista 
à l’une de ses séances particulières, 
accepta son jeton de présence , 
en signe de l’égalité académique , 
et inscrivit son nom sur la liste 
des mainteneurs du gay savoir. I} 
visita Saint-Ferréol, dans la Mon- 
tagne noire, où est situé le trésor 
des eaux du canal de Languedoc, 
et l’école royale de Sorèze, dou- 
blement célèbre par ses longs 
succés et par de récentes persé- 
cutions. Le bénédictin D.Despaulx 
était alors à la tête de la maison. 

lonsieur, après avoir parcouru 


PAL 


LOU 


tous les détails de l’établissement., 
dit en partant, à D. Despaulx : 
— « Dans tout mon voyage , rien 
one m'a plus flatté que cette 
»école.» Il revint à Paris par la 
Provence, où il rencontra l’empe- 
reur d'Allemagne Joseph II, qui 
venait à cette même époque, vi- 
siter ces riches contrées. 
Monsieur avait acheté le beau 
château de Brunoy, où il tenait 
comme une petite cour. M°®° de 
B...i, entrée auprès de Madame, 
en qualité de dame d’atours , 
jouissait de beaucoup de crédit au- 
près du prince.— « M” de B...i, dit 
un biographe étranger ( Gale- 
rie historique des Contemporains. 
Bruxelles , 1817), alors dans les 
premières années de sa jeunesse , 
n’était pas régulièrement jolie; 
mais sa physionomie était très-ex- 
pressive, très-attachante , et ses 
yeux étincelans ; sæ taille était 
surtout d’une élégance parfaite. 
Ces brillans avantages s’évanoui- 
rent presqu’en un moment ; elle 
fut horriblement défigurée par une 
petite-vérole de la nature la plus 
malfaisante. Cette disgrâce ne 
sembla destinée qu’à faire ressortir 
avec plus d'éclat les charmes d’un 
esprit délié, brillant, souvent so- 
lide et toujours aimable , auquel 
la plus heureuse mémoire four- 
nissait sans cesse, les traits les 
plus ingénieuxet les plus piquans. 
C’est ainsi qu’elle parvint , non- 
seulement à oublier elle-même , 
mais encore à faire oublier aux 
autres , par les dons qui lui res- 
taient, les dons qu’elle avait per- 
dus. Logée au château de Ver- 
sailles, où sa place lui donnait 
un appartement, sa société se 
composait de ce qu'il y avait de 
plus aimable et de plus spirituel 


LOU 


à la cour. Monsieur, si distingué 
lui-même par une rare instruc- 
tion et par les qualités d'un esprit 
solide et cultivé, recherchait alors, 
avec empressement, des réunions 
qui lui offraient des ressources 
toujours difficiles à trouver dans 
le monde , mais plus difficiles en- 
core à rencontrer à la cour. Il 
entendit parler des assemblées de 
M" de B...i et souhaita d'y être 
admis. C'était ce qu’elle désirait 
le plus. Le salon et le boudoir ri- 
valisèrent d’efforts pour captiver 
le prince, etc...» — M°°de B...i 
continua jusqu’à la Révolution, à 
jouir de beaucoup de crédit à la 
cour de Monsieur. Lorsque ce 
prince se décida à quitter laFrance, 
en 1791 , elle régla son départ sur 
le sien, et vint le retrouver dans 
les Pays-Bas : tous deux se ren- 
dirent presqu’en même temps , à 
Coblentz. Là, étaient successive- 
ment présentés à S.A.R. les per- 
sonnes qui, depuis une année, 
avaient quitté la France et celles 
qui la quittaient journellement. 
C'etait une convenance admise et 
en quelque sorte une étiquette 
d'obligation, régulièrement ob- 
servée , lorsqu'on sortait de l’au- 
dience de Monsieur, de se pré- 
senter chez M” de B...i. La 
campagne de septembre 1592 
dispersa la cour de Coblentz, et 
M de B...ise séparade Monsieur. 
Cette dame ne vit point le Roi, 
lors de son premier retour en 
France , en 1814 : mais elle eut 
l'honneur d'obtenir deux au- 
diences de lui , à son retour de 
Gand’, en 1815, et en reçut 
des marques d'intérêt. On trouve 
une lettre de M"*° de B...i à Mon- 
sieur, datée de la fin de 1592, 
dans un volume imprimé à Paris, 


LOU 189 
en 1709 , sous ce titre: Corres- 
pondance criginale des émigrés , 


prise par l’évant-garde du général 
Kellermann ; à Longwy et à Ver- 
dun, etc. 

Monsieur, qui, selon que nous 
avons dit, avait embrassé le parti 
de la cour dans l'affaire des Par- 
lemens , devait pencher pour la 
cause populaire, dans les assem- 
biées des notables. Le ministère 
de M. de Maurepas ne le comptait 
point parmi ses appuis. On lui a 
même attribué un écrit anonyme, 
intitulé : Songe de M. de Maurepas, 
ou les Machines du gouvernement 
français. Cette satire allégorique 
parut en 1776; elle est dirigée prin- 
cipalement contre les réformes 
libérales essayées par Turgot. La 
pauvreté des idées et la médio- 
crité de l’exécution , permettent 
de douter qu’elle appartienne réel- 
lement à celui auquel on s’est per- 
mis de l’attribuer.Le premier mi- 
nisttre de M. Necker futaussi mal 
apprécié par Monsieur. Cromot et 
Bourboulon, chefs des finances du 
prince , se signalèrent parmi les 
adversaires du nouveau conitro- 
leur-général. Plus tard, une ca- 
ricature allégorique circula contre 
Calonne. Tout Paris répéta que 
Monsieur en avait suggéré l’idée. 
Cette opposition sourde éclata 
d’une manière expresse etauthen- 
tique, dans la première Assemblée 
des Notables, tenue en 1787. Ca- 
lonne l'avait convoquée pour 
donner à ses plans de finances 
l’appui d’une imposante sanction. 
On sait que le contrôleur-général 
se trouva entièrement déçu dars 
ses espérances. L'assemblée devait 
être présidée par le Roï, et en 
son absence par Monsieur. Elle se 
divisa en sept bureaux ou comt- 


At 
190 LOU 

iés. Le premier présidé par Mon- 
sieur, fut appelé, dans le monde, 
le Comité des Sages. Le prince ne 
manqua pas un seul jour de le pré- 
sider ; et comme il parut partager 
les sentimens patriotiques qui l’a- 
nimaient, on en fit un sujet de 
plaisanterie à la cour, au point 
que le Roi lui-même, voyant un 
jour le vieux duc de Biron qui al- 
lait passer la revue , dit : « Il aime 
»beaucoup la parade, comme 
»mon frère les bureaux. » C’est 
du bureau de Monsieur que 
partirent les coups les plus redou- 
tables qui renversèrent le minis- 
tre. Ouverte le 22 février, la pre- 
inière session des Notables fut 
close le 25 mai 1585. Monsieur, 
dans un discours adressé au Roi 
son frère, se félicita « de l’honneur 
d’être le premier gentilhomme du 
royaume , puisqu'il lui procurait 
l'avantage d’être auprès de S. M., 
l'organe de sa noblesse, » Une 
grande popularité fut le prix de 
la conduite de Monsieur, en ces 
mémorables circonstances : il 
en recueillit les plus éclatans té- 
moignages , le jour qu’il recut 
commission royale de faire enre- 
gisirer les édits du timbre et de 
l'impôt territorial à la Chambre 
des comptes. Le peuple salua 
Monsieur de mille acclamations ; 
on s’empressait de lui présenter 
des bouquets et de jeter des fleurs 
sur son passage. Sa voilure pou- 
vait à peine se faire jour à travers 
la foule. Son cocher ayant voulu 
hîter le pas, le prince mit la tête 
à la portière,en lui criant : «Prenez 
» garde de blesser personne.» Une 
aitention si naturelle redoubla 
les transports. Les dames de la 
halle, se prévalant d’un antique 
usage, haranguèrent Monsieur, 


LOU 


qui poussa laffabilité jusqu’à se 
laisser embrasser par l’une d’elles. 

Lors du premier rappel de 
M. Necker, Monsieur lui adressa 
ces propres paroles : « Le vœu 
» de la nation vous rappelle ici; et 
»je vous y vois avec le plus grand 
»plaisir. En 1781, j'avais quel- 
ques préventions contre vous, 
» sans jamais cesser de vous esti- 
»mer. Vos ouvrages m'ont récon- 
» cilié avecle ministre des finances. 
» À trente ans passés, on pense, 
» on juge différemment qu’à vingt- 
»cinq.» Depuis cette époque , les 
suffrages de Monsieur parurent 
définitivement acquis à la cause 
populaire. Dans la seconde As- 
semblée des Notables, son bureau 
fut le seul qui se prononça pour 
que le tiers-état députât aux Etats- 
généraux qui allaient être réunis, 
autant de membres que les deux 
premiers ordresensemble. En ou- 
tre, ce prince seul, de tous les 
princes du sang, refusa de signer le 
mémoire qu’ils adressèrent au Roi, 
contre la convocation des Etats- 
généraux : aussi resta -t-il en 
France après le 14 juillet 1589, 
tandis que M. le comte d’Artois 
avec ses enfans , ainsi que M. le 
prince de Condé, émigraient. Dans 
ces nouvelles circonstances, Mon- 
sieur se conduisit avec la plus 
grande circonspection. Le mar- 
quis de Favras ayant été arrêté , 
dans la nuit du 24 au 25 décem- 
bre 1789, comme auteur d’un 
projet tendant à soulever trente 
mille hommes pour enlever le 
Roi, faire assassiner MM. de la 
Fayette et Bailly, et réduire Paris 
par la disette, le prince fut accusé 
le même jour ,; dans un pam- 
phlet signé Barrauz, d’être l’âme 
secrète de ce complot. Dès le 

: 


LOU 


lendemain 26, il crut devoir se 
rendre à l'Hôtel-de-Ville, où sié- 
geaienties représentans de laGom- 
une , pour donner des éclaircis- 
semens sur cette affaire, à laquelle 
il se déclara entièrement étranger. 
Il termina son discours par les 
paroles suivantes , qu'on peut 
sans doute répéter encore aujour- 
d’hui, sans crainte d’offenser sa 
mémoire: «... Quant à mes opi- 
»nions personnelles, j'en parlerai 
»ayec confiance à mes Conci- 
»toyens. Depuis le jour où, dans 
» la seconde Assemblée des Nota- 
» bles, je me déclaraisur laquestion 
» fondamentale qui divisait encore 
»les esprits, je n’ai pas cessé de 
» croire qu’une grande révolution 
» était prête; que le Roi, par ses 
»intentions, ses vertus et son rang 
» suprême, devait en être le chef, 
» puisqu'elle ne pouvait pas être 
» avantageuse à lanation sans l’être 
» également au monarque; enfin, 
» que l'autorité royale devait être 
» le rempartdelautorité nationale, 
»et la liberté nationale la base de 
» l’autorité royale... Je n’ai jamais 
» changé de sentimens ni de prin- 
»cipes , et je n’en changerai 
»jamais. » Cette démarche valut 
au prince un retour de popularité, 
dontil jouit encorequelque temps. 
Lorsqu'en février 1791, Mesda- 
mes, tantes de Louis XVI, quittè- 
rent Paris, le bruit se répanditque 
Monsieur devait les suivre de 
près; et deux jours après leur dé- 
part, une députation tumultueuse 
se rendit au Luxembourg, où il 
habitait. Les orateurs des groupes 
ayant été introduits dansle palais, 
demandèrent à Monsieur s’il était 
vrai qu'il pensât à sortir du 
royaume : le prince les assura 
que jamais il ne se séparerait de la 


k 


LOU 1Ot 
personne du Roi ; mais l’un d’eux 
ayant répliqué : Et si le roi venait 
à partir. ?— « Osez-vous bien le 
prévoir ? » répondit le prince sans 
se déconcerter.Cependant, le Roi, 
étant parti effectivement , la nuit 
du 20 au 21 juin 1791, Monsieur 
quitta secrètement le Luxem- 
bourg, accompagné seulement 
du comte d’Avaray , une heure 
après le départ de son frère des 
Tuileries. Sous le nom de comte 
de Lille, il prit la route de Mau- 
beuge , et arriva heureusement à 
Bruxelles, après avoir évité toutes 
les difficultés de la route. On sait 
que le comte de Lille nous a con- 
servé lui-même la relation de ce 
voyage. 

Monsieur se rendit à Coblentz, 
qui était devenu le quartier géné- 
ral de l’émigration. Il n’assista pas 
aux conférences de Pilnitz, mais 
il provoqua la déclaration qui en 
fut le résultat. Les frères de 
Louis XVI ne pouvant plus cor- 
respondre librement avec lui , de- 
puis qu’on l’eut ramené de Va- 
rennes, l’informèrent de la négo- 
ciation , par un manifeste en 
forme de lettre, datée du château 
de Schoënbrunnstadt, près de Co- 
blentz, le 10 septembre 1791, et 
qui futrendue publique. Ils enga- 
geaient fortement le Roi à refu- 
ser son adhésion à l’acte consti- 
tutionnel, et protestaient d'avance 
contre tout ce qui avait été fait , 
ou pouvait l’être dans la suite par 
l’Assemblée constituante; enfin, 
ils annonçaient à Louis XVI, len- 
gagement mutuel pris par l'Empe- 
reur et le roi de Prusse,d'employer 
toutes leurs forces pour le rétablir 
dans la plénitude de son autorité. 
Cette lettreconnue en France ne fit 
qu’accroitre l’exaltation récipro- 


162 LOU 

que des partis, sansen décourager 
aucun. De son côté, l Assemblée 
Kgislative somma Monsieur de 
rentrer dans le royaume , et ren- 
dit successivement . des décrets 
pour le mettre en accusation et le 
déclarer déchu de son droit éven- 
tuel à la régence. Le 8 août, il 
signa, conjointement avec les au- 
tres princes émigrés, un manifeste 
où se trouvaient exposés les mo- 
tifs de la coalition qui allait péné- 
tirer sur le territoire français. Il 
déclara ensuite personnellement, 
dans un discours adressé aux gen- 
tilshommes émigrés, que: « son 
» intention, enrentranten France, 
Ȏtait de pardonner aux erreurs 
»de ses compatriotes.» Le 11 sep- 
tembre 1792, accompagné de 
M. le comte d’Artois, il partit à 
la tête de six mille hommes de ca- 
valerie , pour se réunir à l’armée 
prussienne. Les princes établirent 
d’abord , leur quartier-général à 
Verdun , puis successivement à 
Vouziers, Buzancy, et Somme- 
Suipe ; mais bientôt la retraite de 
l’armée prussienne les contraignit 
arétrograder. Ils vinrent s'établir, 
le 29 octobre , au chäteau de la 
Neuville ; et là, ils attendirent les 
événemens, qui prirent une tour-— 
nure tellement contraire à leurs 
intérêts. que le 15 novembre, ils 
se virent forcés à licencier leur 
armée, 

Les Princes se trouvaient au 
château de Ham, en Westphalie, 
lorsqu'ils apprirent la mort de 
Louis XVI. Le 28 janvier 1793, 
il reconnurent, par une déclara- 
tion , le fils de ce monarque in- 


LOC 


M. le comte d’Ariois. celui de 
lieutenant-général du royaume. 
Catherine IL , impératrice de 
Russie , s’empressa de recon- 
naître le Régent en sa nouvelle 
qualité. Bientôt les deux frères 
se séparérent, et Monsieur vint 
résider à Vérone , sous le nom 
de comte de Lille. À la mort du 
fils de Louis XVI ( 8 juin 1795), 
Monsieur se déclara roi de France, 
sous le nom de Louis XVIII, et 
data désormais de ce jour les 
années de son règne. Le roi d’An- 
gieterre Georges IIE lui fit pre- 
senter, à Ceite occasion, les fe- 
licitations accoutumées. Le pre- 
mier acte du règne de Louis X VIII 
fut la publication d’une procla- 
mation ,; qui fut généralement 
jugée impolitique. Cette pièce 
ne promei qu'une amnistie excep- 
tionnelle ; on y insiste fortement 
sur le rétablissement de la mo- 
narchie dans ses anciennes for- 
mes, et du pouvoir royal dans 
sa plénitude; elle ne laisse en- 
trevoir que vaguement l'espérance 
des améliorations et des garanties 
que le progrès des lumières et le 
nouvel état dela socièlé rendaient 
dès-lors indispensables. Cet acte 
daté du mois de juillet 1795, « et 
de notre règne le premier » est 
contre-signé : Le baron de Flasch- 
landen. 

Cependant les progrès des ar- 
mées françaises en Italie, me- 
naçaient Louis X VEIL jusque dans 
son asile de Vérone. Le gouver- 
nement Vénitien intimidé , en- 
xoya le marquis Carletti porter 
“à l’illustre exilé , l’ordre de quit- 


ter les terres de la République. Le 
Roi, justement blessé de cette dé- 
marche , répondit qu'il avait droit 
de rester , en sa qualité de noble 


: fortuné pour roi de France, sous 
= le nom de Louis XVIE Monsieur 
1 pril en même temps le titre de 
Bégent du royaume , et donna à 


E  : 


LOU 


Vénitien ; mais qu'il partirait 
après toutefois , qu’on lui aurait 
rendu l'épée dont jadis Henri IV 
avait fait présent à la République, 
et après qu'il aurait rayé de sa 
main, six noms de sa famille, 
inscrits au livre d’or du patriciat. 
Les Vénitiens eurent, dit-on , la 
dureté de répondre qu'ils raye- 
raient les noms eux-mêmes , et 
qu'ils rendraient lépée, quand 
ils auraient reçu 12 millions , 
dont Henri IV était resté rede- 
vable à la République. Le Roi 
partit de Vérone, au mois d’a- 
vril 1796, accompagné seulement 
du comte d’Avaray , du vicomte 
d’Agoult et d’un valet de chambre 
nommé Guignet. Il traversa le 
Saint-Gothard par des chemins 
peu fréquentés; arriva en Suisse 
sans accident, chez le comte de 
Salis, et se rendit à l’armée de 
Condé , n’ayant plus d'asile , 
comme il le dit lui-même, dans 
son ordre du jour, hors celui de 
l'honneur. 

Jamais les armées de la Répu- 
blique n’avaient vu le roi de 
France d'aussi près; il se mon- 
irait à leurs postes avancés, et 
l’on y entendit sa voix. D’ail- 
leurs, à cette époque, une grande 
négociation se tramait pour ren- 
verser le gouvernement républi- 
cain et restaurer la monarchie 
des Bourbons. Le général Piche- 
gru était entré dans ce projet , et 
Louis XVIIT avait écrit direc- 
tement au général, pour lui dé- 
léguer tous ses pouvoirs. La jour- 
née du 18 fructidor renversa ces 
plans et ajourna ces espérances. 
Les papiers de la négociation tom- 
bés entre les mains du Directoire 
exécutif, furent publiés dans les 
journaux français. Moreau, placé à 


LOU 199 
la tête de notre armée , passa le 
Rhin,etlestroupesautrichiennes se 
replièrent devant lui, Louis XVIII 
quitta l’armée de Condé, où la: 
politique de certains cabinets le 
voyail avec ombrage, et traversa 
la Souabe, dont la population pa- 
rut mal disposée pour lui. Le 19 
juillet, à Dillingen , un assassin 
tira sur le Roi, d’une fenêtre, un 
coup de carabine. La balle ef- 
fleura le haut de la tête et fit 
paraître le sang. Le Roiï portant la 
maiñ au front, dit avec un calme 
imperturbable : « Une demi-ligne 
» plus bas , et le roi de France 
» s'appelait Charles X. » Le duc 
de Brunswick offrit au petit-fils de 
Louis XIV, un asile que les plus 
puissans monarques de l’Europe 
auraient craint de lui accorder 
chez eux. La petite ville de 
Blankenbourg , dans le cercle 
de la Basse-Saxe, devint la ré- 
sidence de celui que la plupart 
des gazeites de l’Europe n’appe- 
laient désormais que le Prétendant. 
LeRoi y resta jusqu’en février1708. 
Là vint le joindre l’abbé Edge- 
worth de Firmont, qui avait as- 
sisté Louis XVI dans ses derniers 
momens. Louis XVIIT choisit 
pour son confesseur le confes- 
seur de son frère. «Je ne vous 
» commande pas , lui dit-il, de 
vrester avec moi; mais si vous 
» n'avez aucun autre engagement, 
»et que vous puissiez disposer de 
»yous-même, je vous invite a 
» demeurer ici. » L'abbé £dge- 
worth resta. Le fidèle Cléry vint 
aussi peuaprès, à Blankenbourg. 
C’est là que le roi perdit le baron 
de Flashlanden , son ministre, 
et son ami. Le comte de La- 
chapelle le remplaça un moment. 
Des, intelligences étaient tou- 
15 


194 LOU 


jours entretenues avec ia France, 
par des voies détournées. Des 
personnes dévouées y servaient la 
cause royale, avec plus d’ardeur 
que de succès. Plusieurs agens 
royalistes étaient presqu’en mème 
temps arrêtés à Paris : des per- 
sonnages alors influens , et qui 
avaient joué un rôle très-actif, en 
faveur de la Révolution, se trou- 
vaient compromis par leurs pa- 
piers. Avec Pichegru , quelques- 
uns des membres des deux Con- 
seils avaient trahi la cause de la 
République. Sur ces entrefaites , 
la journée du 18 fructidor sus- 
pendit violemment lordre légal 
établi en France par la constitu- 
tion de l’an IT; mais elle ajourna 
pour long-temps le succès dont 
les partisans de la dynastie pros- 
crile avaient pu se flatter. 
Cependant, Paul E* ayant suc- 
cédé sur le trône de Russie à sa mère 
Catherine, épousa ouvertement la 
cause des Bourbons malheureux. 
Il invita le chef de la famille à 
venir prendre sa résidence au 
château des anciens ducsde Cour- 
lande , à Mittau , et lui offrit une 
pension considérable. Louis X VITE 
partit de Blankenbourg, Île 13 
février 1708, et arriva le 23 mars 
à Mittau , avec le comte de Schou- 
valoff, aide-de-camp de l’empe- 
reur de Russie qui avait reçu la 
mission d'accompagner le Roi. Là, 
parut renaître une ombre des 
splendeurs , ou au moins de l’éti- 
quette de Versailles. Cent des 
anciens gardes-du-corps du Roi 
faisaient le service du château ; le 
cardinal de Montmorency y rem- 
plissait ses fonctions de grand 
aumônier de France : les ducs de 
Villequier, de Guiche, de Fleury, 
les contes d’Avaray, de Cossé , 


LOU 


de Saint-Priest , le marquis de 
Nesle, et un petit nombre d’autres 
gentilshommes furent les cour- 
tisans de ce règne d’adversité. La 
Reine, séparée de son époux de- 
puis huit ans, vint ie rejoindre à 
Mittau. C’est là que fut célébré le 
mariage de M. le duc d’Angou- 
lême ( M. le Dauphin ), avec la 
fille unique de Louis XVI Cet 
événement apporta quelque dou- 
ceur au milieu de ces jours d’af- 
fliction « Si la couronne de France 
» était de roses, dit le Roi aux deux 
Ȏpoux, en les unissant, je vous 
» la donnerais; elle est d’épines, je 
»la garde. » Mitlau fut visité , 
entre autres personnages célèbres, 
par les généraux Suwarow et Du- 
mouriez. Après la mort de Pie VI, 
les cardinaux réunis à Venise pour 
élire son successeur, écrivirent 
au roi de France, suivant l’usage, 
pour lui notifier la perte que l'E- 
glise venait de faire, et en même 
temps la prochaine tenue du Con- 
clave. S. M. leur répondit, le 24 
novembre 1799.Peu après,Pie VIT 
annonça son élection au Roi, qui 
nomma le cardinal Maury son 
ambassadeur auprès du nouveau 
pontile. 

Après trois années d’une noble 
hospitalité , Louis XVIIT reçut 
l’injonction formelle de quitter les 
états de l’autocrate russe. Paul I‘, 
changeant tout à coup d'affection 
et de politique, venait de rompre 
avec la coalition, pour former une 
étroite alliance avec le premier 
consul de la République française. 
Repoussé de toutes parts par la 
politique craintive des souverains 
du Nord , la situation du mo- 
narque proscrit devint un instant 
très-cruelle. Enfin, il lui fut permis 
de résider à Varsovie, avec l’au- 


LOU 


torisation de la cour de Berlin, 
qui néanmoins, fit arrêter peu à 
près , à Bareuth, à la demande du 
gouvernement de France, quel- 
ques-uns des agens de la maison 
de Bourbon. Le voyage de Mittau 
à Varsovie , entrepris par une 
cruelle et impérieuse fatalité , 
précisément le 21 janvier de 
l'an 1801 , fut pénible et dou- 
loureux au delà de toute expres- 
sion. Onen a connu les détails 
par une Lettre de M. le comte d’A- 
varay à un Ami, publiée par 
M. Eckard, et datée de Memel, 30 
janvier 1801. « Ce voyage, jus- 
» qu'ici, dit M. d’Avaray , au bord 
» de la mer surtout , a été cruel; 
» une tempête horrible , des tour- 
»billons dé neige aveuglant les 
»hommes et effrayant les che- 
»yaux, ont interrompu la der- 
»nière journée ; déjà un des gens 
» de la suite s’était démis le bras. 
» Heureusement,nos chers maîtres 
»n’ont point souffert ; ou, pour 
» s'exprimer comme eux, les souf- 
» frances qu’ils éprouvent ne sont 
»antres que celles dont ils sonten- 
»vironnés. La rigueur de la sai- 
»son, les gites les plus affreux, 
» l'ignorance absolue du lieu où 
»puissent se reposer ces têtes 
» précieuses ; rien n’altère la dou- 
»ceur, la constance de notre ado- 
» rable princesse. Uniquement oc- 
»cupée du Roi, tout est bien, 
»tout est bon pour elle. Ici, la 
»chaleur étouflante, là, le froid 
» glacial d’une chambre sans feu, 
» qu’il faut habituellement parta- 
»ger avec M" de Sérent et ses 
» femmes, tandis que son oncle 
»repose dans le s{ube commun , 
»rien ne peut lui arracher une 
» plainte; c’est un ange consola- 
»steur pour notre maître et un 


195 


LOU 
»modèle de courage pour nous... 
»Ce qui n’ajoute pas peu sans 
» doute, à l’horreur de cette situa- 
»tion, est de songer que malgré 
» toutes les précautions que nous 
»avons pu prendre ,; M. le duc 
» d'Angoulême est peut-être er- 
»rant de son côté, cherchant à 
srevoir le précieux dépôt qu’il 
» avait laissé en Courlande,etc.» Le 
comte de Lille et la marquise 
de Meilleray ( c'était le titre 
qu'avait adopté en cette occa- 
sion, M"* la duchesse d’Angou- 
lêème ) , arrivèrent à Memel 
le 27 janvier , au soir. Outre 
M. d’Avaray et M"° de Sérant, 
l'abbé Edgeworth et le duc de 
Fleury formaient leur suite. Ce ne 
fut que dans les premiers jours de 
février qu'il leur devint pos- 
sible de continuer leur route pour 
Kœnigsberg, d’où ils se rendirent 
à Varsovie, qui leur offrit enfin 
un asile paisible (1). 


(1) M. le marquis de Paroy ext- 
cuta en France, vers cette méme 
époque, une gravure qui représentait 
Louis XVIII, conduit à travers les 
neiges de la Lithuanie, s'appuyant sur 
le bras de sa nièce. On lisait au bas 
ces mots : {a moderné Antigone. 
Cette gravure fut stvèrement recher- 
chée par la police.—Le 14 octobre de Ja 
même anuée, jour de la fête de X74- 
drme, cette princesse ayant reçu 
quelques complimens en vers, dont le 
soût du Roi ue fut pas satisfait, S M. 
improvisa les suivans, qu'elle intitula : 
Bou'ade. Is nous paraissent les plus 
jolis qui soient échappés à sa plume: 
De Thérèse , en ce jour , pour célébrer la fête, 
Poëtes, vous chantez ses grâces , ses appus ; 
Avec vos lieux communs vous me rompez la tête ; 
Messieurs, chantez des dons que tant d’autres n’ont 

4 fa É pas : 
Au milieu des revers son âme inaltérable, 
Dans les fers , dans l'exil, ses parens consolés, 
Le bonheur de Louis el d’un époux aimable, 
Les malheureux par elle , en cent lieux sonlagés, 


Des cœurs vraimen: français l'amouret l’espérance: 
Voilà ce qu’il faut dire ou garder le silence, 


196 LOU 

Paul L'ayant été assassiné dans 
la nuit du 25 au 24 août 1801, 
son fils Alexandre rétablit la pen- 
sion que son père faisait naguères 
à Louis XVIIT, et la porta même 
à 600,000 roubles. Le Roi passait 
l'été à Lajinka, maison de plai- 
sance des anciens souverains de 
la Pologne , àun quart de lieue de 
la ville. Au commencement de 
février 1803 , le général Keller, 
diplomate prussien , se présenta 
devant S. M., et lui fit verbale- 
ment, dans les termes les plus 
polis, mais en même temps les 
plus précis, la proposition de re- 
noncer au trône de France et d’ÿ 
faire renoncer les princes de sa 
famille. Pour prix de ce sacrifice, 
Bonaparte promettaitles plus bril- 
lantes indemnités ; on a été jus- 
qu’à dire ie trône de Pologne. Le 
surlendemain, le Roi transmit à 
lenvoyé prussien la lettre sui- 
vante, monument remarquable 
de fierté et d’élévation d’âme. 


V'arsovie, 22 février 1805, 


« Je ne confonds pas M. Buo- 
» naparte avec ceux qui l’ont pré- 
»cédé ; j'estime sa valeur , ses 
»talens militaires ; je lui sais gré 
»de plusieurs actes d’adminis- 
»tration, car le bien que l’on fera 
Ȉ mon peuple me sera toujours 
»cher; mais il se trompe, sil 
»croit m'engager à transiger sur 
» mes droits : loin de là , illes éta- 
»blirait lui-même , s’ils pouvaient 
»être litigieux, par la démarche 
» qu’il fait en ce moment. 

» J'ignore quels sont les desseins 
» de Dieu sur ma race et sur moi ; 
»mais je connais les obligations 
»qu'il m'a imposées par le rang 
» Où il lui a plu de me faire naiïtre. 


LOU 


» Chrétien , jeremplirai ces obli- 
» gatiOns jusqu’à mon dernier sou- 
» pir ; fils de saint Louis, je saurai 
» à son exemple, me respecter jus- 
» que dans les fers ; successeur de 
» François [*, je veux du moins 
»pouvoir dire comme lui : tout 
»est perdu, fors l'honneur. » 
L’envoyé prussien emporta le 
19 mars, la lettre que nous venons 
de transcrire. Elle avait été munie 
au paravant , de l’adhésion de 
tous les princes de la maison de 
Bourbon , et nulle considération 
ne put y faire apporter le moindre 
changement : elle parut bientôt 
après dans les journaux anglais. 
Le 5 juin 1804, à la nou- 
velle de la création de la mo- 
narchie impériale par Napoléon, 
Louis XVIII adressa de Var- 
sovie, à tous les souverains de 


‘ l’Europe , une protestation contre 


Penvahissement de son trône. En- 
fin, quand le roi d'Espagne (Char- 
les IV) donna le collier de la Toi- 
son d'Or à Napoléon, Louis X VIII 
lui envoya la lettre suivante : 

« Sire, monsieur et cher cousin. 

» C’est avec regret que:je vons 
renvoie les insignia de l’ordre de 
»la Toison d'Or, que S. M. votre 
»père, de glorieuse mémoire , 
»im'avait confiés. Il ne peut y 
»avoir rien de commun entre moi 
vet le grand criminel que son au- 
» dace et sa fortune ont placé sur 
» mon trône, qu'il a eu la barbarie 
»de teindre du sang d’un Bour- 
»bon, le duc d’Enghien. La re- 
»ligion peut m’engager à par- 
» donner à un assassin, mais le 
»tyran de mon peuple doit être 
»toujours mon ennemi. Dans le 
» siècle présent, ilest plus glorieux 
» de mériter un sceptre que de le 
» porter. La Providence , par des 


LOU 


» motifs incompréhensibles , peut 
» me condamner à finir mes jours 
» en exil ; mais ni la postérité , ni 
»mes contemporains ne pour- 
»ront dire que, dans le temps de 
»l’adversité, je me suis montré 
» indigne d'occuper jusqu’au der- 
»nier soupir, le trône de mes 
» ancêtres. » 

Cette haine vigoureuse et fière 
vouée au meurtrier du duc d'En- 
ghien, convenait au chef'de la 
race des Bourbons. Toutefois , ce 
prince ne travailla jamais à la des- 
tructionde ce redoutable rivalde sa 
maison, que par des voies légitimes 
que tous les gens de cœur et de 
conscience pourraientavouer. «En 
» passant en revue les nombreuses 
» tentatives pratiquées sur sa per- 
» sonne, dit M. de Lascases Mémo- 
rial de Sainte-Hélène) , Napoléon 
» observait que pourtant, il devait 
» à la justice de dire, qu’il n'avait 
» jamais trouvé Louis XVIII dans 
»une conspiration directe contre 
»sa vie... Il n'avait connu de ce 
»prince que des plans systéma- 
»tiques , des opérations idéa- 
»les, etc. » Ce témoignage doit 
tenir l'historien en garde contre 
une foule de documens suspects, 
concernant l'histoire de leémi- 
gration , dans lesquels le nom du 
comte de Lille se trouve parfois, 
très-indiscrètement mêlé à des 
intrigues équivoques, conduites Ja 
plupart du temps , par des aven- 
iuriers faméliques ou perfides. 

Vers la fin de 1804, le comte 
de Lille revint habiter Mittau , sur 
l'invitation de empereur Alexan- 
dre. Monsieur, comte d’Artois, ré- 
sidait en Angleterre depuis 1799, 
et il y avait onze ans que les deux 
frères nes’étaient vus. Cette année, 
Us eurent une entrevue en Suède, 


LOU 197 
où chacun se rendit de son côté. 
Le Roi s’'embarqua à Riga, pour 
Calmar; les deux princes y pas- 
sérent quelques jours ensemble, 
au mois de novembre 1804. Après 
leur séparation , ils retournèrent 
chacun à leur résidence ordinaire. 
Bientôt l’ambition de Bonaparte 
poussa les troupes francaises pres- 
que vers ces contrées lointaines : 
des prisonniers français furent 
transportés jusqu’à Mittau , où la 
famille royale revit des compa- 
triotes. L’abbé Edgeworth se dé- 
voua pour leur procurer les se- 
cours de la religion, et mourut 
en exerçant cet auguste ministère, 
Le Roi fut très-sensible à la perte 
de cet ami de sa famille, et com- 
posa une épitaphe latine pour son 
tombeau. 

Trois années s'étaient écoulées 
dans cette situation obscure, 
mais paisible, quand le traité de 
Tilsitt (8 juillet 1807) dut éloigner 
le comte de Lille de la Russie. Il 
s’embarqua pour la Suède, sans 
savoir encore où il pourrait se 
fixer. Enfin, il résolut d’aban- 
donner le continent et de passer 
en Angleterre. IF y arriva vers le 
mois d'octobre , et résida durant 
quelque temps, à Gosfield, puis à 
Wanstead, enfin, à Hartwell, 
château situé dans le comté de 
Buckingham, à seize lieues de 
Londres. Le marquis de Buckin- 
gham lui en abandonna la jouis- 
sance, et le gouvernement an- 
glais lui assura les moyens d’exis- 
ter convenablement ; c’est là que 
le comte de Lille passa les der- 
nières années de son exil. M. le 
duc et M°° la duchesse d’Angou- 
lême y résidaient habituellement 
auprès de lui; Monsieur y ve- 
nait fréquemment de Londres, 


où il faisait son séjour ordinaire. 
Le Roi sortit de sa retraite, le 14 
juin 1811, à l’occasion de la fête 
qui fut donnée par le prince Ré- 
gent, pour célébrer anniversaire 
de la naissance de Georges TIIT. 
Invité de paraître à la cour de 
Saint-James, Louis XVIII sy 
montra,avec M" la duchesse d’An- 
goulême, et y reçut les honneurs 
du rang suprême. Plus tard, cé- 
dant à un sentiment de patrio- 
tisme honorable, le monarque 
exilé refusa de paraître à une fête 
brillante , célébrée par les corpo- 
rations de la cité de Londres, à 
l’occasion de la destruction de 
l’armée de Napoléon, en Russie. 
Cette armée, déplorable instru- 
ment de désolation et d’injustice, 
élait pourtant l’armée française : 
Louis X VIII ne Poublia point. En 
vain les ordonnateurs de la fête 
multiplièrent les allusions à la 
chute de Bonaparte et au rétablis- 
sement des Bourbons; en vain ils 
semérent les lis à demi fermés, 
avec cette devise. « Ils vont re- 
fleurir; » aucune personne de la fa- 
mille royale ne parut. — «j'ignore, 
» répondit le Roi, à la députation 
»qui lui fut envoyée à ce sujet, 
»j'ignore si ce désastre est un 
> des moyens que la Providence, 
» dontles vues sont impénétrables, 
»veut employer pour rétablir 
»lautorité légitime en France; 
» mais jamais , ni mOi, ni aucun 
»prince de ma famille, nous ne 
» pourrons nous réjouir d’un évé- 
» nement qui a fait périr deux cent 
» mille Français.» 

Durant son séjour à Hartwell, 
LouisX VIII perditsuccessivement 
plusieurs personnes qui lui étaient 
chères : la reine, son épouse, qui 
mourut le 10 novembre 1810 ; 


LOU 


le comte, depuis duc d’Avaray, 
qui possédait toute la confiance 
de son maître , mort loin de 
lui à Madère ; enfin, le 10 avril 
1813, M. Asseline , évêque de 
Boulogne. Ce vertueux et savant 
prélat était, depuis la mort de 
abbé Edgeworth , le confesseur 
du Roi, de M. le duc d’Angou- 
lème et de Madame ; il résidait 
auprès d’eux, à Avylesbury. Le 
Roi choisit pour le remplacer, 
M. l’abbé Rocher, ancien curé de 
Loches, qui lui fut indiqué par 
M. l’évêque d’Usez , et qui a con- 
tinué jusqu’à la fin, avec autant de 
désintéressement que de modes- 
tie, à remplir le même ministère 
auprès de S. M. 

Cependant l’heure de la Res- 
tauralion avait sonné. Avant l’e- 
poque marquée par la Providence, 
les hommes s'étaient agités vai- 
nement pour la hâter. Les plus 
habiles y perdirent leurs fatigues ; 
les plus téméraires leur sang. 
De toute la noblesse et de tout le 
clergé émigré , il ne restait hors 
de France, qu’un petit nombre 
d’évêques et de gentilshommes, 
fidèles jusqu’à la fin , même après 
toute espérance évanouie. Bona- 
parte avait reconstitué, sous d’au- 
tres noms, mais avec des formes 
identiques, la vieille monarchie 
française. Tout ce qui vivait des 
honneurs, des prodigalités, des 
abas de l’ancien régime, avait 
accepté l'échange , sans difficulté 
et sans remords; les plus dévots 
comme les plus nobles. La Vendée 
était éleinte ; lémigration amnis- 
tiée et satisfaite. Un petit nombre 
d'hommes consciencieux et cir- 
conspects , observaient en silence 
le mouvement des esprits et des 
événemens, bornant leurs com- 


7 "00 


LOU 


plots ätenir le Roi informé, parde 
fidèles rapports , du véritable état 
des choses dans l’intérieur (1). 
Mais quand l’œuvre à laquelle la 
Providence l'avait destine, dans 
ses profonds et redoutables des- 
seins, fut accomplie, Bonaparte se 
précipita lui-même du trône qu’il 
avait relevé. Les Bourbons n’eu- 
rent que la peine de venir s’y ras- 
seoir, rappelés sans prémédita- 
tion, par le souvenir des crimes de 
leurs ennemis; plus encore par 
le souvenir de la sainte mansué- 
tude desanartyrs de leur famille ; 
surtout en haine de Bonaparte, 
de sa conscription, enfin, de son 
gouvernement arbitraire et vio- 
lent. Avant de quitter l’Angle- 
terre, Louis XVIII passa par 
Londres, où il adressa au Prince- 
régent .d’expressives actions de 
grâces. 

Après vingt-trois ans d’exit, 
Louis-Stanislas-Xavier rentra en 
France , élu par le vœu unanime 
du peuple, fatigué de la tyrannie 


(:) Le comité royaliste dont nous 
voulons parler se composait de MM. 
Royer-Coliard, le marquis de Cler- 
mont-Gallerande , mort pair de France 
en 1921 , l'abbé de Montesquiou , 
M. Bequey, et l'abbé André, mort en 
1823. Ce dernier était l'intermédiaire 
de la correspondance avec le Roi. Ses 
papiers , à ce qu'on nous assure , furent 
réclamés, après son décès, par l’inter- 
médiaire d'un maître des requêtes, 
délégué par le Garde-des-sceaux. On 
ajoute que parmi ceux qui furent rc- 
cuelllis, S. M. déclara qu’elle ne re- 
trouvait pas tous ceux dont elle con- 
naissait l'existence : il y a lieu d’es- 
pérer que ces pièces importantes ne 
sont point perdues et qu'elles sont 
tombées entre les mains d’un déposi- 
taire fidèle, qui les conservera pour 
llustoire, 


LOU 199 


belligérante de Napoléon, et par 
les actes réguliers et légitimes 
des corps qui représentaient léga- 
lement la nation. 11 débarqua à 
Calais, le 24 avril 1814, passa 
par Compiègne, et s'arrêta au 
château de Saint-Ouen, situé aux 
portes de Paris : c’est là qu’il pu- 
blia la déclaration célèbre , datée 
du 2 mai, par laquelle , déclinant 
l'acceptation de la couronne de 
France qui lui était offerte en 
vertu du principe de la souverai- 
neté populaire , formellement 
énoncé dans l’acte constitutionnel 
decrété par le Sénat, et aux clauses 
et conditions énoncées en cet acte, 
il reprenait l’exercice du pouvoir 
royal par le droit de sa naissance, 
et comme étant le légitime héri- 
tage de sa famille. La déclaration 
de Saint-Ouen contient d’ailleurs 
l'énoncé précis et pur des principes 
fondamentaux du gouvernement 
représentatif et des garanties spé- 
ciales jugées nécessaires au main- 
tien de l’ordre social, tel qu’il se 
trouve reconstitué en France. de- 
puis la Restauration. Par cet acte, 
le Roi garantit aux Français l’éta- 
blissement du gouvernement re- 
présentatif, le libre consentement 
de l'impôt par les députés des dé- 
partemens, [a liberté individuelle 
et celle de la presse , l’égale ad- 
mission aux charges et emplois 
publics, la liberté des cultes , la 
responsabilité ministérielle , le 
jugement par jury , l’indépen- 
dance du pouvoir judiciaire , la 
consolidation de la dette publique, 
et divers priviléges particuliers 
d’une moindre importance. Enfin, 

le Roi déclare considérer la vente 
des biens nationaux comme irré- 
vocable, et les ovinions et votes 
émis durantlaRévolution, comme. 


# 


200 LOU 


exempts de toute responsabilité 
légale. Ainsi l’on crut avoir assez 
fait pour satisfaire à de certains 
engagemens , et pour remplir les 
vœux des monarques alliés, alors 
favorables à la cause de la liberté 
des peuples. Bientôt la plupart 
des inquiétudes individuelles pa- 
rurent apaisées ; personne ne ré- 
clama en faveur de la constitution 
du Sénat : on ne parut même pas 
comprendre l’importance capitale 
de cet acte, qui renfermait logi- 
quement et moralement Ja Révo- 
lution toute entière. D’ailleurs, 
l'opinion dé la majorité numéri- 
qué de la nâtion, quoique non ré- 
gulièrement dénombrée, ne pou- 
vait paraître douteuse auxhommes 
sincères. On ne voulait plus de 
Bonaparte et l’on voulait les Bour- 
bons. L'histoire appréciera par 
ses résultats, ce grand mouvement 
de l’opinion nationale ; mais elle 
n’en contestera point la réalité. 
Elle ajoutera que Les amisles plus 
sincères et les plus éclairés des li- 
bertés publiques coopérèrent dans 
toute la loyauté de leur cœur, à la 
Restauration ; mais elle ne taira 
point qu’ils ne furent pas entière- 
ment exaucés lorsqu'ils réclamè- 
rent des garanties eflicaces pour 
l’asseoir et la consolider sur les 
bases inébraniables de la raison et 
de la justice. Il ne serait pas exact 
de dire que l’ancienne dynastie 
fut rendue à la France par les ar- 
mées de la coalition : ies princes de 
l'Europe animés, à celte époque, 
des sentimens les plus généreux, 
etconseiilés par des hommes aussi 
justes qu’éclairés, se bornèrent à 
laisser au vœu public la faculté 
d’une libre expression : il faut 
ajouter même qu’ils concoururent 
à nous assurer le bienfoit inappré- 


LOU 


ciable de la possession du gouver- 
nement représentatif, dont la na- 
üon , dans l’impétuosité de ses 
douleurs et de ses joies, semblait 
oublier l'importance. Mille grâces 
soient rendues , sous ce rapport , 
à leur généreuse intervention. 
Louis XVIIT choisit, au sein du 
Sénat et du Corps législatif, une 
commission à laquelle il adjoignit 
quelques-uns de ses conseillers, 
afin de discuter les bases et d’ar- 
rêter la rédaction de la Charte 
constitutionnelle qu’il avait ré- 
solu d’octroyer à ses petples. Le 2 
juin , le Corps législatif et là ma- 
jorité des membres du Sénat fu- 
rent réunis en séance solennelle, 
pour en recevoir communication. 
La Charte fut jurée par eux, sans 
discussion et sans réclamation. 
Les autorités constituées y don- 
nérent pareillement leur adhé- 
sion. Comme la déclaration de 
Saint-Ouen, la Charte contient 
lexpression assez précise des 
principes fondamentaux de la 
monarchie constitutionnelle, en- 
semble les garanties particulières 
dontil a semblé convenable qu’elle 
fût entourée en France. Imparfaite 
comme toutes les œuvres humai- 
nes, la Charte renferme, au moins 
en germe, la plupart des amé- 
liorations dont l’état social euro- 
péen parait prochainement suscep- 
tible.ParlaCharte.les familles sou- 
veraines et l’aristocratie du vieux 
continent ont pu se réconcilieravec 
la démocratie parlementaire , que 
les écarts de la Révolution les por- 
taient à considérer comme un in- 
traitable ennemi. Louis XVIII 
conservera la gloire d’avoir atta- 
ché son nom à cet acte, l’un des 
plus mémorables de l’histoire mo- 
derne, etcette gloire fera toujours 


LOU 


distinguer son règne entre tous 
ceux de la monarchie. 

En rentrant aux Tuileries, le 
Roï data ses actes de la 19° année 
de son règne. C’était la consé- 
quence régulière du rejet de l’acte 
constitutionnel du Sénat etde l’oc- 
troi de la Charte. Le premier mi- 
nistère de la nouvelle monarchie 
offrit un amalgame sans harmonie, 
d'hommes spirituels, mais légers, 
alliés à d’autres, qui blessés dans 
leurs intérêts personnels, et doués 
d’une insuffisante capacité, man- 
quaient tout à Ja fois de prévision 
et de fermeté. M. le prince de 
Talleyrand, chef nominal de ce 
premier ministère , dut se rendre 
immédiatementàVienne avecM.de 
Jaucourt, pour assister au congrès, 
où l’on posa les bases du nouvel 
équilibre européen... M. le duc de 
Blacas,resté Paris, eut àceite épo- 
que la principale influence sur la di- 
rection des affaires. LorsqueM. d’A- 
varay était parti pour Madère, 
en 1819, par l’ordre des médecins, 
M. deBlacasavaitsuccédé à sesfonc- 
tions ministérielles. Le Roi l'avait 
connu à Vérone, etS.M.lavaitem- 
ployé dans la négociation qui lui 
obtint une asile au sein des états 
de l’empereur de Russie. En quit- 
tant cetempire, Elle l’avait amené 
en Angleterre, et chaque jour 
semblait accroître depuis la bien- 
veillance et le crédit qu’Elle ac- 
cordait à ce ministre. À la Restau- 
ration , le département de la mai- 
son du Roi lui fut confié; mais son 
crédit ne se bornait pas à la distri- 

bution des faveurs qui dépendent 
de ce portefeuille. Sous l’admi- 
nistration de M. de Blacas, des 
fautes furent commises : elles por- 
taient surtout le caractère de la lé- 
gereté et de l’imprudence. Bientôt 


LOU 


201 


les mécontentemens assoupis se 
réveillèrent : on ne sut ni les satis- 
faire ni les étouffer: on les négli- 
gea. Ils s’emparèrent des idées 
libérales, que le ministère aurait 
pu approprier à la Restauration; 
et ils empruntèrent d’elles une 
certaine force morale que le cada- 
vre de la monarchie impériale 
eût été hors d'état de jamais 
leur donner. On se trouvait dans 
cesdispositions, quand Bonaparte 
sortit de l’île d’Elbe, dernier re- 
fuge abandonné à sa puissance 
abattue , et mit le pied sur la côte 
méridionale de la France. C’était, 
on s’en souvient, le 6 mars 1815. 
Le 20, il dormit aux Tuileries: 
l’armée l’y avait porté. Une por- 
üon de la nation, la minorité 
sans doute, s’adjoignit à ce mou- 
vement. Il y eut pourtant assez 
de monde pour reconstituer toutes 
les apparences d’un gouverne- 
ment régulier. Pendant que l’o- 
rage approchaït, le Roi, éclairé 
sur son teiñps et sur sa nation, 
demanda de l’appui à la véritable 
source de la force; savoir, aux 
idées libérales et aux institutions 
populaires sagement, mais fran- 
chement organisées. Le 6 mars, 
il se rendit à la Chambre des Dé- 
putés, accompagné de tous les 
membres de sa famille qui se 
trouvaient à Paris, et y renouvela 
ses sermens à la monarchie cons- 
titutionnelle. Cette démarche et 
les principes vraiment libéraux 
professés par les Bourbons, en ces 
mémorables circonstances, ral- 
lièrent autour d’eux un grand 
nombre de patriotes sincères, dont 
rien ne put altérer lesloyaux sen- 
timens. 

Forcé de pourvoir à sa sûreté 
personnelle, le Roï quitta Paris, 


202 LOU 


etseretira à Gand,dans leroyaume 
des Pays-Bas, par la route de la 
Flandre, sous le titre de comte 
de Lille, qu’il avait adopté lors de 
sa première émigration. Une cour 
et un ministère furent bientôt ra- 
liés autour de lui. Les souverains 
de l’Europe réunis au congrès de 
Vienne , ne voulurent point recon- 
uaître ailleurs le gouvernement 
légitime de la France. Leurs ar- 
mées furent employées à rouvrir 
à Louis XVIII la route de Paris. 
Deux partis s'étaient prononcés 
dans l’intérieur ; celui des Bour- 
bons se trouva debout , le lende- 
main de la bataille de Waterloo, 
et applanit la route par ses accla- 
mations. Fidèle à ses engagemens 
du jour de ladversité, Louis 
XVIII s’empressa de promettre 
de nouveau, toutes les améliora- 
tions libérales que l’opinion des 
horñhmes éclairés sollicitait (Or- 
donnance du 13 juillet 1815 ). 
Sacrifiant les plus légitimes ré- 
pugnances, aux impérieuses ne- 
cessités de la politique, il avait 
consenti à prendre pour ministre 
l’un des juges de Louis XVI, le 
duc d’Otranie ; etce choix seul in- 
diquait suffisamment quelle poli- 
tique devait guider la nouvelle ad- 
ministration, à la tête de laquellefut 
placé de nouveau M. le prince de 
Talleyrand. Le Roi était rentré en 
France par Cambray , le 24 juin; 
il reprit à Paris les rênes du gou- 
vernement, le 17 juillet. Ses pre- 
miers actes Comme ses premières 
paroles , furent empreints de l’es- 
prit de pacification et de concorde. 
Roiet français, Louis XVIII vou- 
lait ne se montrer sensible qu'aux 
malheurs de la France. Mais le 
levain des partis s’agitait autour 
du trône: profitant du désordre in- 


LOU 


séparable de tels événemens.et des 
cruelles circonstances de l’inva- 
sion étrangère , les vieux ennemis. 
de la Révolution s’interposèrent 
entre le Roï et le peuple; ils pa- 
ralysèrent les généreuses pensées. 
du Monarque; ils exigèrent des 
proscriptions (Ordonnance du 24 
juillet 1815) qu'its eurent l'art 
funeste d’amplifier et d’étendre 
dans l’exécution; ils voulurent 
effacer une clause sacrée du tes- 
tament de Louis X VF, et rétracter 
l'article 5 de la Charte constitu- 
tionnelle (Loi d’amnistie du 6: 
janvier 1816). La liberté indivi- 
duelle et celle de la presse furent 
par eux foulées aux pieds; laFrance 
se trouva, en un instant, cou- 
verte de prisons et de proscrits; 
l’arbitraire et le désordre s’intro- 
duisirent dans toutes les parties. 
de l’administration, et l’on put ap- 
préhender le moment où la justice 
allait cesser d’être la loi souve- 
raine de l’état. Aidés de la foule am- 
bitieuse et intrigante qu’ilsavaient 
ralliée autour d'eux, les réaction- 
naires étaient parvenus à envahir 
la Chambre des Députés, et par 
elle, à renverser le ministère. 
M. de Talleyrand se retira, et une 
nouvelle administration fut for- 
mée par M. le dac de Ri- 
chelieu. Les sentimens person- 
nels du Monarque en  éloi- 
gnèrent les plus ardens fauteurs. 
de la réaction, et sa volonté bien 
prononcée appuya son nouveau 
ministère dans la lutte arageuse 
qu'il eut bientôt à soutenir, placé 
entre la Révolution exaspérée et 
palpitante, et la contre-révolu- 
tion irritée et parvenue à s’établir 
jusqu’au cœur du gouvernement. 
La sûreté du trône d’une part, 
de l’autre la paix publique, sem 


LOU 


blaient menacées; tout système 
paraissait dangereux à suivre, 
tout parti diflicile à embrasser. 
Le Roi sentait une répugnance 
invincible pour ce royalisme cruel 
et violent qui, à cette époque, ré- 
clamait des punitions et des ré- 
compenses, du ton dont parlent 
les factions. Parmi ses ministres, 
un hommene craignit pas d’affron- 
ter toutesces haines parées de tant 
de dévoument. Aussitôt l’impétuo- 
sité du torrent se dirigea vers lui; 
mais le Roi le couvrit de sa puis- 
sante protection. Enfin, les am- 
bitions et Îles animosités particu- 
lières ayant mis à nu leur égoïsme, 
on n’hésita plus à rentrer dans 
lés voies de la conciliation et du 
régime légai, dont on n’aurait pas 
dû s’écarter un instant. L’ordon- 
nance du 5 septembre fut rendue. 

Par cet acte célèbre, la cou- 
ronne , usant de la plus éminente 
de ses prérogatives constitution- 
nelles, cassa la Chambre des Dé- 
putés élue en 1815, et fit un 
appel à la nation, par la voie 
d’une réélection générale. La na- 
tion ne trompa point, en celte 
circonstance, l’espoir de son Roi; 
et aussitôt le nouveau système du 
gouvernement parut se consoli- 
der. Le grand crédit de M. De- 
cazes date de cette époque; la 
confiance , et on peut le dire, l’a- 
mitié du Roi, lui attribuërent na- 
turellement la principale part dans 
la direction des affaires. Nous 
n’essaierons pas d'apprécier ici 
administration de cet homme 
d'état : sans doute il n’est pas 
difficile d’y signaler des erreurs; 
peut-être serait-il plus facile en- 
core de démontrer qu’elles furent 
bien souvent entrainées par d’im- 
périeuses nécessités. Il est cer- 


LOU 2093 


tain du moins, pour tout homme 
de bonne foi, qu’à aucune autre, 
époque, la France n’a été admi- 
nistrée avec plus de modération 
et d’impartialité, que par les mi- 
nistres qui se succédérent depuis 
le 5 septembre jusqu’au 13 février 
1820. Parmi toutes les incrimina- 
tions qui leur furent adressées par 
l'opposition du côté droit de Ja 
Chambre des Députés, il n’en est 
pas une seule que les coryphées 
de cette opposition n’eussent en- 
courue et bien plus gravement, 
alors qu’ils se disputaient et se par- 
tageaient le pouvoir, en 1815; et 
il n’en est pas une seule qu'ils 
n’aient sciemment et ardemment 
embrassée de nouveau, lorsque, 
pour le malheur de la France, 
le pouvoir leur est échu complète- 
ment, en 1821. 

Sans doute les pas du ministère 
du 5 septembre furent mal assu- 
rés, sa marche lente et vacillante; 
surtout, il manqua de prévision 
et de sollicitude pour l’avenir : 
mais sa tendance évidente fut con- 
stamment vers la liberté légale, 
vers les principes les mieux en 
harmonie avec les progrès actuels 
des lumières et les plus favora- 
bles aux développemens de la 
civilisation. La France est en- 
irée, conduite par lui, dans les 
voies merveilleuses du crédit pu- 
blic, à l’issue desquelles elle doit 
rencontrer, tôt ou tard, la meil- 
léure solution du problème difi- 
cile de sa reconstitution sociale. 
L'année 1819 vit arriver à son 
plus grand développement les ap- 
plications des idées libérales à la 
monarchie constitutionnelle; et 
jamais peut-être on n’entendit pro- 
fesser, par aucun gouvernement 
de l’Europe, des maximes plus 


294 LOU : 


sages, plus généreuses, plus mo- 
rales que celles qui tombèrent à 
cetle époque, du haut du trône ou 
des deux tribunes nationales. Ja- 
mais, erf France, les droits sacrés 
de l'humanité ne furent plus stric- 
tement respectés; jamais la justice 
ne trouva moins d’obstacle à 
promener son niveau sur la 50- 
ciété entière. Telle était, sauf de 
légères taches, qui chaque jour 
allaient s’effaçcant, le tableau que 
présentait la France fière et glo- 
ricuse de sa prospérité, sous le 
règne de Louis XVIII, et sous 
l’administration libérale qu’il lui 
plut de choisir dans sa sagesse. Le 
Roi quiavait vunotrerévolution et 
ses écarts, avait vu aussi l’Angle- 
ierre et ses libertés : C’est pourquoi 
il ne s’effrayait pas des nouvelles 
mœurs auxquelles s’accoutumait 
la France. Louis XVIIL professa 
hautement les principes libéraux, 
depuis le 5 septembre jusqu’à la 
fin de 1819. Beaucoup d’anciens 
royalistes, moins éclairés, moins 
généreux que le Roi, s’en offen- 
sèrent ; et un moment, son nom 
fut prononcé par la bouche des 
plus chauds amis de la maison 
de Bourbon, non pas avec moins 
de dévouement, mais peut-être 
avec moins de tendresse : parce 
qu'alors, les grâces n’étaient plus 
leur patrimoine exclusif, ils par- 
lèrent d’ingratitude ; mais le Roi 
constitutionnel de la France n’est 
pas un chef de parti; et Henri IV 
a bien su trouver grâce devant la 
postérité, quoiqu'il n’ait pas craint 
de braver les mêmes murmures;, 
de la part de quelques-uns des 
siens. 

Malheureusement, cette ère de 
bonheur et de gloire, que faisait 
luire sur la France un trône en- 


LOU 


touré des plus pures lumières de 
la religion et de la philosophie, 
ne devait pas s’accomplir, ou du 
moins devait être interrompue par 
de tristes jours. Les alarmes d’une 
aristocratie corrompue par lé- 
goïsme et dégradée par ligno- 
rance, s’élevèrent jusqu'aux plus 
hautes régions de la terre 

lPatmosphère des trônes euro- 
péens en fut troublée. Maïs peut- 
être que l'esprit élevé du roï de 
France, secondé de l'instinct excel- 
lent de sa nation, aurait vaincu ce 
nouvel orage, si un crime isolé 
n’eût été exploité avec une infer- 
nale science, par l'esprit de parti, 
qui sut en faire la plus grande des. 
calamités publiques. Les idées li- 
bérales furent accusées d’un atten- 
tat incité par un fanatisme inexpli- 
cable et féroce. L’assassinat du duc- 
de Berry blessa le cœur de Louis 
XVIII dans ses sentimens les 
plus vifs et les plus légitimes. I 
craignit de s'être trop avancé vers 
la Révolution, et que le tigre de 
Panarchie démuselé ne s’apprêtât 
de nouveau à dévorer les restes: 
échappés de sa famille. La poli- 
tique de son gouvernement prit 
désormais une nouvelle direction : 
elle se rapprocha de la Sainte 
Alliance, à laquelle jusqu’à ce 
jour, elle n’avait guère participé 
que nominalement. Les ministres. 
qui suivaient le système fondé de- 
puis le 5 septembre furent ren- 
voyés. Tout ce que la nation avait 
obtenu de garanties et de libertés 
publiques fut successivement al- 
téré et considérablement restreint 
par leurs successeurs. Une lutte 
defrayeurs et de mécontentemens, 
suivie d’irritations réciproques, 
ne tarda pas à s’engager. La baïon- 
nelte et même l’échafaud compri- 


LOU 


mèrent les oppositions trop exal- 


tées. Le côté droit, maitre du pou- . 


voir, partagea entre la noblesse, le 
clergé et leur clientelle, toutes les 
fayeurs de l'administration. La na- 
tion française vaincue par un parti, 
s’endormit d’un sommeil léthargi- 
que; et la corruption acheva surelle 
les dures expériences commencées 
par la violence. Vers cette même 
époque, les hommes éclairés et 
généreux que l'Espagne recélait 
dans son sein ayant accompli une 
révolution qui devait régénérer 
leur patrie, les armées et Les tré- 
sors de la France furent dévoués 
par le ministère français, à cour- 
ber de nouveau ce malheureux 
pays sous le joug du pouvoir ab- 
solu, qui l’a strictement conservé 
inerte el féroce, au milieu de 
l’activité féconde et de la couce 
culture du reste de l’Europe. Des 
réactions sanglantes ont fait pas- 
ser la jouissance du crime, de 
l’oppresseur à lPopprimé, avec 
cette différence qu'il y avait au 
moins, derrière l'intolérance des 
réformateurs , des principes de 
justice et de raison , qui devaient 
en modérer et en arrêter bientôt 
l’excès; tandis que les cruautés 
du fanatisme ne font qu’irriter la 
soif qu’il éprouve du sang et lui 
apprêtent sans cesse de nouvelles 
victimes. D'ailleurs, la France n’é- 
tait pas responsable du sang versé 
dans les guerres civiles de l’Es- 
pagne, tant qu'elle n'avait pris 
fait et cause pour l’un ni l’autre 
des partis qui dévorent cette mal- 
heureuse contrée. Il n’en est plus 
de même aujourd'hui, que ses 
armes ont fait la loi dans les deux 
Castilles. Si le sang innocent y fut 
versé une seule fois, il pèsera aussi 
sur Ceux qui ont prêté main-forte 


LOU 205 
pour aplanir, devant la victime, le 
chemin de l’échafaud. Les mi- 
nistres des dernières années de 
Louis X VIFT ont fait servir le nom 
de ce prince à renverser ce que 
leurs prédécesseurs avaient fondé, 
à proscrire età maudire la plupart 
des principes publics que les pre- 
miers avaient essayé d'introduire 
dans les mœurs et dans les institu- 
tions. L'histoire jugere les unsetles 
autres:mais quelque soit son juge- 
ment, elle remarquera sans doute 
que les principes libéraux furent 
ceux vers lesquels le feu Roi parut 
incliner, tant que lesforces de l’âge 
seconderent en lui les forces intel- 
lectuelles ; elle observera qu’une 
amère douleur, à laquelle il eût été 
bien difficile de résister, put seule 
entrainer sa politique hors des 
sentiers qu’elle avait constamment 
suivis, à l’époque de ses deux 
restaurations successives; enfin, 
elle n’oubliera pas qu’alors même 
qu’un parti funeste eut obtenu ses 
triomphes les plus décisifs, le 
Roi conserva toujours à la France 
la possession de la Charte consti- 
tutionnelle, que l'Europe conti- 
nentale lui envie, et qui, malgré 
nos malheurs, renferme toujours 


en soi, un germe immortel de ré- 2 


génération et de vie. 

Louis XVIII avait toujours été 
d’une corpulence considérable. 
L'âge et le défaut d'exercice fa- 
Yorisèrent cette disposition; et, 
comme il arrive trop souvent aux 
personnes d’une constitution ana- 
logue , les humeurs se laissant 
tomber vers les extrémités infé- 
rieures , engendrèrent des ulcères 
aux jambes, accompagnés de sup- 
purations abondantes. L’art des 
médecins, aidé des soins les mieux 
entendus, sut prolonger merveil- 


LOU 


leusement, en cet état, les jours, 
et même on pourrait dire, la 
santé du feu Roi; car si l’activité 
corporelle lui devint pénible et 
difficile, celle de son esprit ne se 
ralentit sensiblement que dans les 
derniers temps de sa vie. Au mois 
de décembre 1823, la santé du 
Roi, bien que déjà visiblement 
altérée, lui permit encore d’ouvrir 
en personne la session législative, 
et d’y prononcer le discours de la 
couronne. Au mois d'août sui- 
vant, les signes précurseurs d’une 
fin prochaine se manifestèrent. 
Le 25, jour de la Saint-Louis, le 
Roi eut encore la force de rece- 
voir cette foule nombreuse de 
fonctionnaires publics et de cour- 
tisans, qui fréquentent le palais 
aux époques solennelles ; et si son 
abattement physique ne put être 
dissimulé , sa présence d’esprit se 
manifesta encore par des paroles 
spirituelles ou gracieuses qu’il 
adressa à quelques-uns de ceuxqui 
passèrent devant lui. Il avait dit à 
ceux qui voulaient le détourner 
de recevoir ce jour-là : « Un roi de 
» France meurt, mais il ne doit 
» pas être malade. » Cependant le 
12 septembre, sa maladie dut être 
officiellement annoncée. Les évê- 
ques ordonnèrent des prières pu- 
bliques pour le rétablissement de 
sa santé ; la Bourse, les spectacles 
et les lieux publics d’amusement 
furent fermés, en signe de deuil. 
Averti par M. l’évêque d'Hermo- 
polis du danger de son état, le 
Roi désira recevoir les secours et 
les fortifications de la religion de 
ses pères. Il se confessa le di- 
manche 12 septembre : depuis ce 
jour, ses forces déclinèrent très- 
rapidement; la fièvre augmenta 
dès le soir, et la faiblesse s’accrut. 


LOU 


Néanmoins, le Roi conserva sa 
connaissance. Il vit de nouveau 
son confesseur le lundi matin. La 
nuit n'ayant pas été bonne , S. M. 
témoigna le désir d’être adminis- 
trée. Son confesseur se rendit 


_pour cet effet, chez le Grand-Au- 


mônier. À huit heures du matin, 
le prélat partit de la chapelle des 
Tuileries, portant processionnel- 
lement le Saint-Sacrement , ac- 
compagné de M. l’évêque d’'Her- 
mopolis etde plusieurs aumôniers 
du Roi qui portaient des torches. 
M. le curé de Saint-Germain- 
l’Auxerrois, paroisse des Tuile- 
ries, assistait en étole le Grand- 
Aumônier, et portait les saintes 
huiles. Monsieur et ses enfans 
suivaient le Saint-Sacrement, te- 
nant à la main des cierges allu- 
més, et accompagnés des per- 
sonnes de leur maison : lé cortège 
était précédé et suivi des gardes- 
du-corps. Arrivé dans la chambre 
du Roi,leGrand-Aumônier adressa 
à S. M. quelques paroles d’édifi- 
cation et lui administra le saint 
viatique. Monsieur, M..le duc 
d'Angoulême, M. l’évêque d’'Her- 
mopolis et M. l'abbé de Saman 
tenaient la nappe de communion. 
Immédiatement après, le Roi re- 
cut l’Extrême onction. Les princes 
retournèrent ensuite à la cha- 
pelle , et entendirent la messe 
pour la santé de S. M. A leur 
retour, Elle leur dit les choses 
les plus affectueuses , et bénit 
toute sa famille, qui paraissait 
plongée dans la plus vive afilic- 
tion. Le mardi, à une heure après 
midi , le Roi éprouva une défail- 
lance , et les personnes qui l’en- 
touraient crurent qu’il touchait à 
sa dernière heure. M. larche- 
vèque de Paris se mit à réciter 


LOU 


les prières des agonisans. Mais le 
Roi reprit si bien sa présence 
d'esprit, qu’il répondait aux priè- 
res, et dans une occasion, il dit 
au prélat : — « M. l’archevèque, 
»vous passez un verset. » Le 
mercredi matin, la fièvre redou- 
bla et fut accompagnée d’anxiété 
et de faiblesse : l’affaissement de 
toutes les fonctions allait crois- 
sant. Le soir, larespiration devint 
râleuse et le pouls extrêmement 
débile. C’est à onze heures de la 
nuit que l’agonie commença. On 
croit que le Roi conservait encore 
sa connaissance, du moins il pa- 
raissait vouloir parler; mais les 
sons inarticulés de sa voix expi- 
raient sur ses lèvres. Les Princes 
du sang et de la famille royale 
veillaient autour du lit de mort, 
ainsi que le confesseur ; on y 
voyait aussi le Grand - Aumônier 
de France, le Ministre des affaires 
ecclésiastiques, l’archevèque de 
Paris, les grands officiers de la 
couronne et les aumûniers de la 
maison. Le moment suprème ne 
fut marqué par aucune convul- 
sion : c’est le 16 septembre 1824, 
à quatre heures précises du ma- 
tin, que Louis XVIII rendit le 
dernier soupir. Les médecins en 
avertirent l’assistance , et aussitôt 
toutle monde tomba à genoux, et 
resta quelque temps en prières. 
Ensuite, toutes léSpersonnes qui 
se trouvaient dans la chambre du 
feu Roi passèrent successivement 
dans une salle voisine. Son frère 
resta seul un instant auprès de lui, 
et quand il parut, M. le comte (au- 
jourd’hui duc) de Damas, premier 
gentilhomme de la chambre, le 
précéda et dit, en ouvrant les deux 
battans : « Le Roi, Messieurs. » 
Immédiatement après, on an- 


LOU 207 
nonça M. le Dauphin et M°° la 
Dauphine. A la pointe du jour, le 
nouveau Roi quitta les Tuileries 
et se rendit à Saint-Cloud, 

Le corps de Louis XVIII resta 
étendu plusieurs jours, sur le 
même lit où il était mort. On 
voyait placé dans ses mains un 
crucifix qu'il tenait le jour même 
de son décès. Les jours suivans, il 
fut visité par une grande multi- 
tude de peuple, à qui on ouvrit 
la chambre mortuaire, sans ob- 
stacle et sans distinction. Des ec- 
clésiastiques , les grands officiers 
de la couronne et des officiers aux 
gardes , Veillèrent nuit et jour, et 
récitèrent des prières auprès du 
corps, tout le temps qu’il resta ex- 
posé. L'acte de décès du Roi fut 
rédigé, le jour même de sa mort, 
par le chancelier de France, fai- 
sant les fonctions d’officier de 
l’état civil de la maison royale. Ce 
magistrat apposa ensuite les scel- 
lés sur les papiers particuliers du 
défunt, qui furent remis quelques 
jours après, suivant l’usage, au 
Roi son successeur. 

L'opération de l’'embaumement 
du corps dura deux jours. Le 
procès-verbal d’auptosie n’a point 
été rendu public : mais on trouve 
les détails qui suivent dans le 
N° XX VIII de la Gazette de Santé, 
dont ce journal garantit l’exac- 
titude. 

« On a remarqué que les os de 
lapartieantérieure du crâne étaient 
très-épais , tandis que ceux de la 
partie postérieure étaient plus 
minces qu’à l’ordinaire. Le cer- 
veau, très-grand dans toutes ses 
dimensions, était cependant plus 
développé à gauche qu’à droite. 
( C’est une circonstance assez 
rare , et qui a été observée sur le 


208. LOU 


cerveau de Bichat.) Les poumons 
ontété trouvés parfaitement sains. 
Le cœur était gros, peu consistant 
et vide de sang. L’estomac, d’un 
très-grand volume, distendu par 
des gaz et des mucosités : sa sur- 
face interne offrait deux petites 
plaques rouges. Les intestins n’ont 
présenté ni rougeur ni ulcération; 
mais on a trouvé dans la duplica- 
ture du mésentère, une tumeur 
stéatomateuse assez considérable, 
qui n'avait occasioné aucune dou- 
leur pendant la vie, et dont l’exis- 
tence n’ayait été indiquée par 
aucun signe sensible. ( Des tu- 
meurs de celte nature se rencon- 
trent souvent dans le mésentère , 
sans avoir même été soupconnées: 
au reste, à moins d’un dévelop- 
pement extraordinaire, elles ne 
troublent pas d’une manière sen- 
sible l’exercice des fonctions.) Les 
autres viscères étaient en bon 
état. Les extrémités supérieures et 
inférieures très - amaigries. La 
cuisse gauche offrait à la face in- 
terne, la trace d’un ancien vésica- 
toire. Les deux Jambes, depuis les 
genoux jusqu’à l’extrémité des 
pieds, présentaient une substance 
lardacée, jaune , dans laquelle 
les tissus cellulaires, musculeux, 
et même osseux, étaient confon- 
dus. L’instrument pérétrait avec 
facilité jusque dans les os eux- 
mêmes. Le pied droit et le bas de 
la jambe, jusqu’à la hauteur du 
mollet , étaient sphacélés ; les os 
en étaient ramollis ; quatre orteils 
s’en étaient détachés successive- 
ment, par les progrès de la mala- 
die. Le pied gauche était aussi 
sphacélé, mais seulement jusqu’au 
tarse. Quelque temps après la 
mort, et au moment de l’embau- 


mement, on a fait des lotions 
x 


LOU 


avec le chlorure de M. Labarsa- 
que, pharmacien , qui ont détruit 
à l'instant, toute espèce de mau- 
vaise odeur. L’embaumement a 
été fait au moyen de ce chlorure 
et du sublirmé. » 

Le corps du Roi Louis XVIII, 
placé dans un double cercueil de 
plomb et de chêne, fut transporté 
à Saint-Denis le 22 septembre , et 
per un malentendu ou par un 
oubli assez remarquable, le clergé 
de Paris, qui n'avait point reçu 
d'invitation , ne parut point à cette 
cérémonie. Après la célébration 
d’une pompe funèbre solennelle, 
le cercueil fut descendu, selon 
l'usage, à l'entrée de la basilique 
où reposent les restes des rois et 
des princes des maisons royales 
de France. 

Il est encore trop près de nous 
ce premier roi dela Restauration, 
pour qu'il nous soit permis de 
parler de lui comme nous parle- 
rions d’un roi de l’histoire. La 
discrétion prescrite à la censure, 
même dans le cas où elle pourrait 
être dictée par la conscience,invite 
user d’une égale mesure relative- 
ment à l’éloge, fût-il le mieux 
mérité ; car la louange juste et 
vraie est encore de la flatterie, si 
elle n’est parfaitement libre. Tou- 
tefois, Louis X VIII n’est plus : sa 
royauté n’est désormais qu’un sou- 
venir et Le ombre. Essayons 
de la considérer avec une respec- 
tueuse liberté, afin qu’il nous soit 
permis ensuite de la glorifer sans 
rougir. 

D'abord le règne de ce mo- 
narque nous semble offrir un ca- 
ractère dont on ne l’a point assez 
loué , mais que nous ne passerons 
pas sous silence. II fut un rai 
magistrat, et non pas un roi sol- 


LOU 


1 


dat. Cette distinction que la con- 
stitution a fondée en Angleterre, 
n’est pas encore légalement éta- 
blie en France. La Providence at- 
tentive au salut de ce pays, voulut 
y pourvoir merveilleusement au 
début de la Restauration. Elle 
voulut que les dons de lesprit et 
les vertus pacifiques obtinssent 
une supériorité marquée chez 
celui qu’elle avait prédestiné à 
rasseoir la monarchie sur ses 
nouvelles bases. Or, ce fut un 
grand bonheur pour nous, et 
cette circonstance seule imprima 
au gouvernement de la Restaura- 
tion un sceau de modération et 
de légalité, qui le distingue es- 
sentiellement des gouvernemens 
militaires des autres monarchies 
du continent, et plus encore que 
ses formes extérieures , de l’an- 
cienne monarchie française. Le 
vieux principe de la France mili- 
taire reste toujours debout, pour 
flatter des penchans et des préju- 
ges qu’il serait bon, sans doute, de 
réformer , puisqu'ils peuvent en- 
core produire des effets funestes. 
Néanmoins, les principes de gou- 
vernement et les habitudes d’ad- 
ministration fondées en même 
temps que la nouvelle monar- 
chie constitutionnelle, resteront 
comme antécédens d’une grande 
influence sur les destinées de cet 
empire. Echappant à la monar- 
chie militaire de Napoléon pour 
rentrer sous le sceptre des Bour- 
bons ; anciennement aussi chefs 
militaires des Français, il était 
facile de donner dans l’écueil op- 
posé à la route que nous avons 
suivie, le plus funeste de ceux 
qui menacent aujourd’hui les pro- 
grès de la vraie civilisation. Sa- 
chons gré au roi législateur qui 


LOU 209 
éloigna ce danger. Louis XVIII 
crut toujours la meilleure part de 
sa gloire attachée à la Charte 
constitutionnelle, qu’il avait don- 
née à ses peuples : et bien qu’en 
abusant de son nom et de son 
autorité, on ait essayé plus d’une 
fois , de porter atteinte à ce pré- 
cieux trésor de la France, il est 
certain néanmoins, que le feu Roi 
professa toujours un vif et pater- 
nel attachement pour les institu- 
tions politiques adoptées par sa 
sagesse et par ses lumières. Gette 
pensée dominante de son esprit 
mérite aussi nos éloges; car il 
lui fallut sans doute quelque élé- 
vation d’âme pour ne point s’ef- 
frayer de cette immense limitation 
du pouvoir royal, lui surtout qui 
en avait vu opérer naguère, et 
presque en ses mains, l’appau- 
vrissement et la sanglante ruine. 
D'ailleurs , combien n’en est-il 
pas à qui toute loi, si modérée 
qu’elle soit, paraît un frein ou- 
trageant et une dure capitulation ? 

Louis X VIII futun homme d’es- 
prit, dans l’acception commune 
de ce mot. En quelque position 
que le sort l’eût fait naître, on 
peut croire qu'il aurait su s’assu- 
rer dans le monde un rang hono- 
rable. Il était gentilhomme autant 
qu’ilconvient à un Bourbon, mais 
il savait ne pas le laisser paraître 
plus que ne ie doit le roi des Fran- 
çais, au dix-neuvième siècle. Il 
connaissait très-bien l’histoire des 
familles de qualité de la monar- 
chie, savait leurs alliances et leurs 
prétentions, et même il attacha 
toujours une importance de pre- 
mier ordre à cet objet.}l avait bien 
observé les mœurs de la cour, et 
sentit de bonne heure le besoin de 
s’y réserver un ami intime. Quel- 


0 METRE 


210 LOU 


ques personnes de l’unet de l’autre 
sexe, ont joui successivement de 
l'honneur de ce choix; et toutes 
ont paru le justifier, par quelque 
mérite particulier, ou du moins 
par un grand dévouement : le Roi 
s’esttoujours montré envers elles, 
généreux et magnifique jusqu’à 
la prodigalité. La représentation 
royale ne le fatiguaitpas; et il s’en 
acquittait bien. Il avait le travail 
facile avec ses ministres, et les 
affaires ne semblèrent jamais l’im- 
portuner. Il paraît qu’il lui fallut 
se faire à lui-même une sorte de 
violence, toutes les fois qu’il 
se crut obligé à remercier quel- 
qu’un de ses ministres. Aussi, il 
évitait soigneusement de leur an- 
noncer leur disgrâce, et semblait 
espérer de l’adoucir par un redou- 
blement de courtoisie. Cette con- 
duite qui a été quelquefois mal 
interprétée par le mécontente- 
ment, peut aussi s'expliquer en 
l’attribuant à un grand fonds de 
bonté et au chagrin d’avoir à con- 
trister des serviteurs quin’avaient 
point perdu son estime. D'ailleurs, 
il savait très-bien faire céder ses 
affections et ses penchans parti- 
culiers aux nécessités de la po- 
litique et aux intérêts généraux de 
l’état. Il savait distinguer entre 
sa volonté royale et sa volonté 
personnelle, et sacrifier l'homme 
au roi, quand sa raison lui démon- 
trait la nécessité de ce sacrifice. 
Louis XVIII avait puisé dans le 
commerce des lettres l’art de rédi- 
ger ayec précision et facilité. Ses 
discours d’apparat étaient nobles, 
précis et convenables. Sa corres- 
ondance était soignée et même 
spirituelle; ceux qui ont eu l’hon- 
neur d’être admis auprès de sa 
personne vanten]s aussi sa COn- 


LOU 


Yersation ; le public en a entendu 
raconter quelques bons mots : c’est 
lui qui a dit : — «L’exactitude estla 
politesse des roïs. » — « Chaque 
soldat français porte le bâton de 
maréchal dans sa giberne; il ne 
s’agitque de l’en faire sortir. » Ces 
mots et une foule d’autres, déno- 
tent certainement un esprit fin et 
agréable. 

Onaeu raison de vanter l’amcur 
du Roi pour les lettres et même 
son aptitude à les cultiver. En 
effet, cette branche des études 
qu’on désigne sous le nom d’hu- 
inanités, Jui était assez fami- 
lière : il possédait bien son Horace 
et d’autres classiques romains : il 
tournait un madrigal français avec : 
quelque délicatesse. Ces amuse- 
mens sont innocens sans doute : 
on peut même leurtrouverun ver- 
nis d'élégance ; mais Louis XVIII 
n'eut pas le bonheur de recevoir 
dès son enfance une éducation 
rationelle et bien entendue. Les 
choses sérieuses et vraiment utiles 
entrèrent dans son esprit par le 
frottement de la vie; mais il ne 
fut pas mis de bonne heure en 
état d’en saisir facilement les théo- 
ries et d'en apprécier nettement 
l'importance etlavaleur. Personne 
aujourd'hui ne conseillerait de 
donner au jeune prince destiné à 
régner un jour sur la France, une 
éducation analogue à celle qu’a- 
vait reçue son oncle. Le feu Roi 
respecta toujours les idées reli- 
gieuses ét honora comme il le de- 
vait la religion de saint Louis; maïs 
il ne fut point dominé par cette 
espèce de dévotion minutieuse et 
absolue que les gens du monde 
taxent de bigoterie. L’enseigne- 
ment mutuel, ce puissant véhicule 
de l'instruction, et par conséquent 


LOU 


de l'amélioration du peuple,treuva 
long-temps en lui, un zèlé protec- 
teur. Il ne revint point de Pexi], 
le cœur gonflé de ressentiment et 
d’animosité, comme on aurait pu 
le craindre d’un homme ordinaire, 
Ji sentait très-bien que léquité 
est la meilleure sauve-garde des 
trônes, et la clémence leur plus 
bel ornement. On se plaît à recon- 
naître en lui, une foule de traits 
de cette bonté paternelle et de cette 
douce longanimité qui a si long- 
temps fait chérir le sang des Bour- 
bons. Durant sa maladie, on lui 
présenta un travail relatif à des 
commutations de peines : les ac- 
corda toutes, en ajoutant : — 
« Pourla première fois, ilme coûte 
» de signer grâces et faveurs; je 
»voudrais 1out réserver à mon 
»frère; car c’est par là que doit 
»toujours commencer Île règne 
»d’un Bourbon. » En effet, les 
grâces et les cCommutations de 
peines sont devenues sous ce rè- 
gne, d’un usage plus fréquent qu’à 
aucune autre époque de la monar- 
chie : tellement qu’on peut dire, 
que se rapprochant en ce point 
des institutions de l’Angleterre, la 
prérogative de la couronne a cor- 
rigé chez nous, comme chez nos 
voisins, les rigueurs excessives 
de notre code pénal. Ceci est un 
très-grand éloge que j'entends 
donner à la mémoire du Roi. Dieu 
woit avec complaisance que 
l’homme épargne le sang de son 
semblable ; et sa miséricorde est 
encore au-dessus de sa justice, 
L'amélioration des prisons a com- 
mencé aussi sous ce règne, à de- 
venir le sujet d’une sollicitude 
sérieuse, de la part du gouverne- 
ment. S'il n’a pas pris Pinitiatiye, 
il a du moins cédé à Pimpulsion. 


LOU 


211 


Ii reste encore trop à faire, pour 
que les philanthropes cessent de 
réclamer en faveur des améliora- 
lions; mais ils aiment à rendre 
justice à celles qui déjà sont opé- 
récs. La liberté individuelle et 
le droit de propriété, ces deux 
bases fondamentales et sacrées de 
la société, ont obtenu, sous le 
règne de Louis XVIIT, un degré 
de respect et de sécurité inconnu 
parmi nous, avant cette époque. 
La liberté de la presse à triomphé 
aussi, à travers mille vicissitudes. 
Le crédit public a été fondé, par 
l'effet de la sagesse du gouverne- 
ment et de sa fidélité scrupuleuse 
à remplir des engagemens, que 
la mauvaise foi et l’esprit de parti 
auraient pu facilement décliner. 
L'industrie manufacturière a ac- 
quis d'immenses développemens. 
Le principe de labolition de Ja 
traite des nègres a été posé, et 
cet infàme trafic s’est vu flétri 
par la loi : il est à regretter que 
les dispositions qu’elle a traeées 
pour le réprimer, soient restées 
jusqu'ici presque entièrement in- 
efficaces. 

Ces bienfaits du règne de 
Louis X VIII sont immenses, sans 
doute. Peu habitué à encenser la 
puissance, c’estavec quelque timi- 
dité, etcomme vaincu parle devoir 
de l’impartialité, que j'ose en faire 
ici l’énumération. Hélas! pour- 
quoi faut-il ajouter que toutes ces 
Choses si précieuses à conserver, 
manquent absolument de garan- 
ties, parsuite de l’imperfection des 
lois politiquesetdes vices du carac- 
tère national. Aussi, combienil est 
triste de remarquer, que lestriom- 
phes d’un mauyais LUE parti 


ontarrêté et même refoulé, durant 


les secondes années de ce règne, le 


212 LOU 


mouvement progressif verslebien 
qui avait signalé les premières! 
Ainsi, la liberté de la presse a été 
dépouillée de ses principales ga- 
ranties, etnous avons acquis, pré- 
cisément pendantlesderniersjours 
du Roi, la cruelle et honteuse ex- 
périence que rien n’était plus fa- 
cite que de nous l’enlever. La cor- 
ruption a été érigée en système et 
pratiquée à la face du soleil, avec 
une infernale effronterie. Le ca- 
ractère national en a été profon- 
dément altéré. La liberté politi- 
que a été blessée du même coup; 
les élections ont été corrompues 
par la fraude combinée avecla vio- 
lence; etnousavonsvuainsile gou- 
vernement représentatif vicié dans 
son premier élément. L’arbitraire 
proscrit en thèse générale, s’est 
glissé partout dans les détails et 
triomphe par subtilité. L’indépen- 
dance de toutes les professions, y 
compris Celles qui vivent. de tra- 
vail et d'industrie privée, a été 
inopinément attaquée, par une 
centralisation envahissante et in- 
tolérante ; en sorte qu’à la faveur 
de cette extension du pouvoir 
central administratif, il est de- 
venu rare et difficile en France, 
de vivre et d’assurer du pain à ses 
enfans, sans aliéner sa conscience 
à la merci capricieuse' des agens 
du pouvoir. L’hypocrisie et l’im- 
moralité ont fait alliance, pour 
s’ouvrir les routes de la fortune. 
Un parti s’est aide. du clergé pour 
arriver au pouvoir, et s’est vu 
contraint aussitôt de le partager 
avec lui. Ce point de l’horizon 
politique paraît aujourd’hui mena- 
cant et semble devoir lèguer à l’a- 
venir bien des diflicultes. L’ensei- 
gnement primaire a été Contrarié 
dans ses développemens, et l'esprit 


LOU 


d'association souvent comprimé. 
Enfin , les résultats de l’expédi- 
tion d’Espagne n’ont que trop jus- 
tifié les prévisions des orateurs, 
qui, à la tribune des deux Parle- 
mens d'Angleterre et de France, 
ont contesté la moralité de son 
principe et l'utilité de ses motifs. 
Ces erreurs des dernières années 
du dernier règne, les serviteurs de 
la couronne en sont responsables 
devant la loi : le Roi en a rendu 
compte à Dieu. 

Pour reposer la vue de ces 
ombres ( eh! quel est le tableau 
d'aucune époque de l’histoire qui 
n’en présente d’analogues ? ) ré- 
pétons en terminant ce récit de 
la vie et de la mort du feu Roi, 
l'hymne chanté sur son sépulcre 
par le plus brillant écrivain de 
notre siècle. Ses paroles où le feu 
de l’imagination l’emporte sur la 
sévère raison, partent toujours 
d’une âme élevée et d’un esprit 
généreux : c’est le secret de leur 
popularité. Il y a de la volupté à 
l’entendre, lors même qu’on hé- 
siterait à penser tout ce qu’il dit; 
et ce n’est pas une des moindres 
bonnes fortunes des Bourbons, 
que tous leurs événemens, depuis 
la restauration de leur maison, 
soient précédés , accompagnés , 
ou suivis de cette voix si harmo- 
nieuse et si haut retentissante. 

« Le prince comprenait son 
siècle, dit M. de Châteaubriand, 
et était l’homme de son temps : 
avec des connaissances varices, 
une instruction rare, surtout en 
histoire, un esprit applicable aux 
petites comme aux grandes af- 
faires ; une élocution facile et 
pleine de dignité, il convenait au 
moment où il parut et.aux choses 
qu'il a faites. S'il est.extraordi- 


LOU 


naire que Buonaparte ait pu fa- 
conner à son joug les hommes 
de la République, il n’est pas 
moins étonnant que Louis X VIII 
ait soumis à ses lois les hommes 
de l’Empire ; que la gloire, queles 
intérêts , que les passions, que 


les vanités même , se soient tus 


simultanément devant lui. On 
éprouvait en sa présence un mé- 
lange de confiance et de respect : 
la bienveillance de son cœur se 
manifestait dans sa parole , la 
grandeur de sa race dans son re- 
gard. fndulgent et généreux, il 
rassurait ceux qui pouvaient avoir 
des torts à se reprocher; toujours 
calme et raisonnable , on pouvait 
tout lui dire ; il savait tout en- 
tendre. Pour les délits politiques, 
le pardon: chez les Français, 
lui semblait moins sûr que l’ou- 
bli; sorte de pardon dépouillé 
d’orgueil ,; qui guérit les plaies 
sans faire d’autres blessures. Les 
deux traits dominans de son carac- 
tèreétaient la modération etla no- 
blesse ; par l’une , il conçut qu’il 
fallait de nouvelles institutions à 
la France nouvelle; par l’autre, 
il resta roi dans le malheur ; té- 
moin sa belle réponse aux propo- 
sitions de Buonaparte. La partie 
active du règne de Louis XVIII a 
été courte, mais elleoccupera une 
grande place dans l’histoire. On 
peut juger de ce règne par une 
seule observation : il ne se perd 
point dans l’éclat que Napoléon a 
laissé sur ses traces. On demande 
ce que c’estque Charles IT, après 
Cromwell ; Charles II, dont la 
restauration ne fut que celle 
des abus qui avaient perdu sa fa- 
mille : on ne demandera jamais 
£e que c’est que le sage qui a dé- 
ivré Ja France des armées étran- 


LOU 213 
gères, après l’ambitieux qui les 
avait attirées dans le cœur du 
royaume : on ne demandera ja- 
mais ce que c’est que l’auteur de 
la Charte , le fondateur de la 
monarchie représentative ; ce que 
c'est que le souverain qui a élevé 
la liberté sur les débris de la ré- 
volution, après le soldat qui avait 
bâti le despotisme sur les mêmes 
ruines ; on ne demandera jamais 
ce que c’est que le roi qui a payé 


les dettes de l’état , et fondé le 


système de crédit , après les ban- 
queroutes républicaines et im- 
périales. Son règne s’agrandira 
encore en s’éloignant de nous : la 
postérité le regardera comme une 
nouvelle ère de la monarchie, 
comme l’époque où s’est résolu 
le problème de la Révolution, où 
s’est opérée la fusion des prin- 
cipes, des hommes et des siècles; 
où tout ce qu’il yavait de possible 
dans le passé, s’est mêlé à tout 
ce qu’il y avait de possible dans 
le présent, De la considération 
des difficultés innombrables que 
Louis XVIII à dû rencontrer à 
l'exécution de ses desseins, naîtra 
pour lui, dans l’avenir, une ad- 
miration réfléchie. Et quand on 
observera que ce monarque, dé- 
pouillé de tout, a aboli la confis- 
cation; qu’étant maître de ne rien 
accorder en rentrant en France, 
il nous a rendu des libertés pour 
des malheurs ; nul doute que sa 
mémoire ne croisse en estime et 
en vénération chez les peuples. » 
Le bronze , le marbre et la 
toile, ont si souvent et plusieurs 
fois, si heureusement reproduit 
les traits de Louis XVIII , qu'il 
serait superflu de les esquisser 
avec la plume ; la première 
pièce de monnaie d’or ou d’ar- 


214 LOU 

gent, frappée depuis 1816, d’a- 
près le coin de M. Michaut , suf- 
fit pour les rappeler, avec autant 
de noblesse que de fidélité. Des 
circonstances divèrses n’ont pas 
permis qu’ils fussent reproduits 
par les deux plus célèbres artistes 
de l’époque, David ét Canova, En 
revanche, Gros ct Gérard les ont 
multipliés à l’envi , ét chaque fois, 
avec un succès éclatant; tantôt 
dans de vastes compositions his- 
toriques (1), tantôt par des por- 
traits en pied sayamment histo- 
riés (2). Les statuaires durent 
être moins heureux à repro- 
_duire Pimage du feu Roi; le cos- 
tume moderne , combiné avec ses 
proportions physiques, offrant des 
difficultés à peu près insurmon- 
tables à leur art. On à plusieurs 
belles gravures du portrait de 
Louis XVIIT. Celle de P. Audouin, 
d’après M. Gros, en pied, avec 
les ornemens et attributs de la 
royauté, décore les plus beaux 
cabinets , où elle se place en pen- 
dant du rare et magnifique por- 
trait de Louis XVI, restaurateur 
des libertés publiques, de Bervic, 
d’après Callet. 


Liste des ouvrages 
attribués à Louis XVIII. 


I. Les Mannequins, ronte ou 
histoire ; comme l’on voudra, à 
Ispaham. (sans date) in-12, de 
74 pag. ( V. Mémoires secrets de 
Bachaumont. T.1x. p. 120.et121) 

/ 


(1) Voy. Le Vingt mars, par M.Gres, 
Ja Coupole de Saintec-Géneviève, par 
M. Gérard. 

(2) Entre autres, Louis XVIII à 
Saint- Ouen, par M. Gérard. 


LOU 


avec une clef, imprimée en tête 
du vol. 

Cet écrit est principalement di- 
rigé Contre Maurepas; Turgot'et 
Terray. 

IT. Description historique d’un 
monstre symbolique, pris vivant sur 
lesbords du lac Fagua près Santu Fé, 
par les soins de Francisco X'aveiro 
de Meunrios (Monsieur) , comte de 
Barcelonne et vice-roi du Nouveau 
Mexique. Envoyé pâr un négociant 
du pays à ‘un Parisien son ami. A 
Santa Fé, et se trouve à Paris ; 
chez le correspondant de l’auteur ; 
rue Neuve des Petils-Champs ; ef 
sous les portiques du Mystère. 
1584. In-8, de 29 pages, plus 
deux gravures noires, représen- 
tant le monstre mâle et femelle. 

Cette brochure évidemment 
allégorique , est dirigée selon les 
uns, contre le magnétisme , sui- 
vant les autres , contre le minis- 
tère de M. de Calonne. Une opinion 
accréditée parmi lesbibhographes, 
et conservée par tradition, depuis 
l’époque où la brochure circula 
dans le public, l’attribue à Mon- 
sieur. Il'existe aussi deux repré- 
sentations du même monstre allé- 
gorique, mâle et femelle, dont 
on trouve la figure au commen- 
cément et à la fin de la brochure, 
toutes deux très-médiocrés d’exé- 
eution, format in-4 , oblong , 
avec un texte explicatif au bas. 
De ces deux gravures l’une ‘est 
noire etreprésente une espèce de 
harpie mâle , vue de profil; l’autre 
est coloriée et représente la fe- 
melle du même monstre, vue en 
trois quarts; celle-ci porte l’a- 
dresse de Paris, chez Basset , rue 
Saint-Jacques. Le visage de forme 
bumaine indique des traits qui ne 
paraissent pas entièrement de fan- 


LOU »; 
taisie. On suppose que l’idée de 
ces caricatures a pu sortir de chez 
Monsieur , et que c’est d’après 
cette première donnée, que quel- 
qu’un se sera permis de faire circu- 
ler sous son nom;,labrochure qu’on 
lui attribue peut-être trop légè- 
rement. Il existe une autre bro- 
chure qui paraît avoir quelque 
rapport avec la précédente , et 
ornée comme elle d’une caricature 
monstrueuse , dans un style ana- 
logue. Celle-ci estintitulé : Traces 
du magnétisme. À La Huie. 1784, 
in-8 , 48 pages. 

IIL. Eclaircissement sur le Livre 
rouge, en ce qui concerne Mon- 
SIEUR, frère du Roi. À Paris, de 
Pimprimerie de Monsieur. 1790 , 
in-8, de 19 pages. 

Ce mémoire, orné des armes 
de Monsieur , et qui roule sur des 
affaires financières le concernant 
personnellement , paraît avoir 
été rédigé par lui-même. 

IV. Relation d’un voyage à 
Bruxelles et à Coblentz (1591). 
Paris, Baudouin frères, 1823; in-8, 
de 120 pages. 

M. Eckard, connu par plu- 
sieurs écrits remplis de documens 
Curieux et authentiques sur l’his- 
toire de diverses personnes de la 
Famille royale , durant la Révolu- 
tion, a publié : Notice sur Le ma- 
nuscrit original de la relation des 
derniers événemens de la captivité de 
Monsieur, frère de Louis XVI, roi 
de France, ete. (véritable titreque 
porte le manuscrit). Paris, G. L. 
Michaud , 1823 ; in-8, de vi et 52 
pages. Nous y avons recueilli les 
renseignemensqui suivent.— «Ce 
manuscrit est entièrement de la 
main du Roi. Il avait été donné 
par S. M. à son libérateur, im- 
médiatement après qu’elle l’eut 


LOU 219 
achevé. M. le ducd’Avaray ne vou- 
lant jamais s’en dessaisir, l’avait 
emporté avec lui , à Madère. 
Après sa mort, arrivée en 1811, 
M. le comte de Pradel, qui avait 
reçu les derniers vœux de M. d’A- 
varay pour son Roi, recueillit le 
manuscrit de la Relation et les 
nombreuses lettres que ce prince 
avait, presque journellement , 
écrites à son ami, et il les rap- 
porta en Angleterre ,; où il les 
remit à M. le comte, aujourd’hui 
duc de Blacas d’Aulps, alors prin- 
cipal ministre de Louis XVIII. 
Le Roi avaitaussi daigné remettre 
lui-même, à M. Peyronnet, une 
copie qu'ilavait fait faire de cette 
relation. Ce digneserviteur l’atou- 
jours conservée religieusement , 
et sans l’avoir communiquée, jus- 
qu’à présent, à qui que ce soit. 
Enfin , il paraît que S. M. a bien 
voulu en accorder deux copies à 
des personnes qu’elle affectionnait, 
et en envoyer une particulière- 
ment, avec une lettre desa main, à 
M. lecomte Romanzow,ami intime 
de M. d’Avaray. Revenons à l’auto- 
graphe. Apporté en France , il 
n’a été découvert aux Tuileries et 
ravi au noble dépositaire ( M. de 
Blacas ) , que par l'oubli des me- 
sures qu'il avait expressément 
ordonnées , et pendant les fu- 
nestes événemens où il suivit 
notre monarque, obligé de sortir 
encore de son palais et de s’éloi- 
gner momentanément de son 
royaume. On saït encore que ce 
manuscrit , ainsi que plusieurs 
autres laissés dans le cabinet du 
Roi, furent transportés peu de 
jours après son départ, chez Fou- 
ché, redevenu ministre d: la po- 
lice générale; mais on ignore 
complètement ce que, depuis cette 


216 LOU 

époque’, est devenu cet autogra- 
phe, si précieux à tant de titres 

L'on a donc présumé que c'était 
d’abord sur ce manuscrit , ainsi 
égaré , que des copies plus ou 
moins exactes , ont été prises de 
la Relation du voyage à Coblentz ; 
et qu’ensuite, elles ont servi à en 
reproduire quelques autres... Ce- 
pendant, il est à observer qu’au- 
cune de ces copies, au moins de 
celles que l’on connaît, ne con- 
tient la lettre du Roi à M. le comte 
Romanzow , dans laquelle sont 
consignés de nouveaux témoi- 
gnages de la reconnaissance du 
prince envers son libératenr et 
de son amitié pour lui; lettre qui 
a été transcrite sur l’autographe , 
ainsi que sur les copies que S. M. 
a bien voulu en accorder. En 
outre, il existe dans toutes les 
copies, autres que ces dernières , 
des lacunes importantes, ou des 
omissions , et l’on remarque entre 
elles, des variantes essentielles. 
Que l’on joigne à toutes ces cir- 
constances , les fautes, les erreurs 
et les incorrections occasionées 
successivement par l'ignorance 
ou par l’inattention des copistes ; 
et l’on jugera combien doivent 
être défectueuses la plupart de 
ces copies faites à la hâte, et qui 
n’ont pas été, comme les pre- 
mières dont on a parlé, revues 
sur le manuscrit original. Enfin, 
à l’égard de la publicité donnée 
inopinément à fa Relation du 
voyage à Coblentz, et qui a ex- 
cité autant de surprise que l’ou- 
vrage a produit de sensation, il 
a été, dès les premiers momens, 
répandu des bruits divers et si 
contradictoires , quoique prove- 
nus de la même source, que per- 


sonne n'a voulu y ajouter foi. 


LOU 


Mais quoique les véritables causes 
de cette publication ne soient pas 
entièrement inconnues , on laisse 
au temps le soin de les dévoiler.» 

On a publié, dans le courant de 
l’année 1823, plusieurs éditions 
en divers rhone , de la Relation 
d’un voyage à Bruxelles. Quel- 
ques-unes sont accompagnées de 
poésies attribuées à Louis XVIIF, 
parmi lesquelles on remarque 
celles qui parurent dans les 4/ma- 
nachs des Muses des années qui 
précédèrent immédiatement la Ré- 
volution, et qui sont signées Le 
marquis de Fulvy, masque adopté, 
disait-on à cette époque, par 
Monsieur ( voyez l’article Fuzvy, 
ci-dessus, page 112). Nous igno- 
rons sur quel fondement les au- 
teurs de la Biographie nouvelle 
des Contemporains, ont avancé que 
la Relation d’un voyage à Bruxelles, 
fut publiée à Londres en. 1791, et 
nous persistons à croire que l’édi- 
tion originale est celle de MM. Bau- 
douin , que nous avons indiquée 
Outre les nombreux articles des 
journaux de l’époque, on a publié 
à part: 

Examen critique de la Relation 
d’unvoyage fuit en1791,à Bruxelles 
et à Coblentz, ou Problème histori- 
que, par M. R***W*** (Regnault- 
Warin), seconde édition, augmentée 
d’un avertissement polémique. Plan- 
cher, 1825, in-8, de sept feuilles. 
— La première édition, publiée 
quelques jours auparavant chez le 
même libraire, n’offre d’autre dif- 
férence que l’absence de l’avertis- 
sement polémique. Elle est simple- 
ment intitulée : Problème histori- 
que, par M. Wilhem Roberts. 

On peut voir encore : 

Relation de ce qui s’est passé au 
palais du Luxembourg, deux mois 


LOU 


avant le départ de Moxsreur ( au- 
jourd hui Louis XVIII ); traits 
anecdotiques et scènes de l’intérieur 
du même palais, au temps de la 
terreur, par M. Lablée Paris, 
1823; in-12, de trois feuilles et 
demie. 

V. Correspondance et écrits po- 
litiques de S. M. Louis XVTII. 
Paris, Rapilly , 1824; in-18 , de 
six feuilles un tiers. 

VI. Lettres écrites d’Hartwell. 
octobre 1824, in-8. 

Ces lettres ont été imprimées, 
mais non publiées. 

L'ouvrage de M. Hue, intitulé : 
Dernières années du règne et de la vie 
de Louis XVI (Paris, imprimerie 
royale ; 1814, in-8 ), a été posi- 
tivementrevu, corrigé et complété 
par Louis XVIII. 

On cite parmi les poésies at- 
tribuées à Louis XVIII, une fa- 
ble intitulée : /e Petit Prince et les 
Cartes. — un quatrain sur Les bal- 
lons de Montgolfier. — des vers ac- 
compagnant l’envoi d’un filet d’ar- 
gent, à M®*de Montesson, à Sainte- 
Assise, rapportés par M.Ch. Du- 
rosoir, dans son ouvrage intitulé : 
Le Dauphin, fils de Louis XV et 
père de Louis XVI et de Louis 
XVIII. — les Mouchoirs blancs, 
conte composé durant les cent 
jours, et imprimé pour la pre- 
imière fois, dans le Moniteur de 
Gand. On dit enfin que le même 
prince a dû laisser des traductions 
en versde plusieurs odesd'Horace, 
auteur qu’ii possédait parfaite- 
ment, qu’il citait volontiers et pour 
lequel il avait un goût décidé. 

Outre la Caravane de Morel, 
on à cité aussi parmi les pièces 
de théâtre auxquelles on sup- 
pose que Louis XVIII aurait en 
quelque part, le Luthier de Lu- 


319 


beck, comédie en un acte et en 
prose , représentée sans succès au 
Théâtre-Français en 1818, et non 
imprimée.Mais cette dernière sup- 
position ne paraît fondée que sur 
des bruits très-vagues. Il est posi- 
tif que Monsieur essaya quelque- 
fois d'indiquer des corrections aux 
tragédies de Ducis, du temps que 
ce poëte était secrétaire de ses 
commandemens. Charles Loyson 
faisait entendre assez clairement 
qu’il avait joui de la même faveur, 
lorsqu'il imprimait, en tête de 
son volume d’Epitres et Elégies 
( 1819), «qu'il n’osait apprendre 
au public quelle main auguste 
avait daigné corriger ses vers.» 


LOU 


L'abbé Soulavie dit que Monsieur 


envoyait en secret, à différens 
journaux , et surtout à celui de 
Paris, des pièces fugitives ano- 
nymes ( Mémoires historiques et 
politiques du règne de Louis XVI. 
æ. IT}. 

Le quatrain sur l’Eventail 
de Marie Antoinette, attribué à 
Monsieur , se trouve imprimé 
dès 1782, sous le nom de Le- 
mierre.— La chanson : J’aivu Lise 
l’autre soir, etc. attribuée au même 
prince , est positivement de feu 
Germain Garnier, qui la composa 
quelques années avant la Révolu- 
tion , lorsqu'il eut l'honneur de 
se rencontrer quelquefois avec 
Monsieur, chez madame Adélaïde, 
fille de Louis XV, où il avait l’em- 
ploi de secrétaire des comman- 
demens. 

On a publié le prospectus des 
Œuvres de Louis Stanislas X avier, 
roi de France et de Navarre, pré- 
cédées de la vie impartiale de ce mo- 
narque, par MM. Lachassagne et 
Dourille (de Crest). Paris, Trouvé, 
1824, in-8. — L'ouvrage devait 


218 LOU 
former un volume , qui n’a point 
paru. 


Liste des ouvrages pour servir 


à l’histoire de Louis XV III. 


1° Le Roi est mort : Vive le Roi ! 
par-M. le vicomte de Chäteau- 
briand , pair de France. Paris, Le 
Normant , 1824, brochure in-8 , 
plusieurs éditions. — traduit deux 
fois en anglais, sous ce titre : The 
King is dead : live the king ! by vis- 


count Châteaubriand , translated in 


to english, by a friend to the 
house of Bourbon. Paris, Clé, 
1824, brochure in-8;— et Paris, 
À. Boucher, 1824, brochure in-8. 

2° Des Funérailles de Louis 
XVIII, par N. A. de Salvandy. 
Paris, Baudouin frères, 1824; 
in-8 , d’une feuille et demie. 

3° Louis XVIII à son lit de 
mort , ou Récit exact et authentique 
de ce qui s’est passé au château des 
Tuileries , Les 13, 14, 15 et 16 
septembre 1824 , par M. Alissan 
de Chazet. Paris , Ponthieu, bro- 
chure in-8. 

4» Détails des cérémonies qui ont 
été observées dans l'église royale de 
Saint-Denis , le 25 octobre 1824 , 
jour. de Pinhumation de S. M. 
Louis XV TITI, par M. l'abbé V***, 
chanoine du chapitre royal de Saint- 
Denis. Paris, Dentu , 1824; in-8, 
de trois feuilles. 

5° Oraison funèbre de très-haut, 
très - puissant , et très - excellent 
prince Louis XVIII, roi de 
France et de Nararre, prononcée 
dans l'église royale de Saint-Denis, 
le 25 octobre 1824, par M. l'évêque 
d’H érmopolis, premier aumônier du 
Roi. Paris, A. Leclère, 1824; 
iu-8, de trois feuilles et demie. 

On aremarqué que l’orateur s’est 


QU à 


abstenu de prononcer le nom de 
la Charte constitutionnelle. — On 
a prononcé ou publié cette même 
année plusieurs oraisons ou éloges 
funèbres de Louis XVIII. Nous 
nous bornerons à citer ceux de 
M. l’abbé de Bonnevie ( Lyon, 
Durand et Perrin, in-8 ); de 
M. l'abbé Liautard ( Paris , Le- 
blanc, deux éditions); de M. l'abbé 
Savy, vicaire général de Toulouse; 
de M. l’abbé de Bouvens; de 
M.Rey, évêque de Pignerol, pro- 
noncée à Turin (ibid. in-4 ); etc. 

G° Wie privée politique et litté- 
raire de Louis X VITIT, suivie de 
la relation de ses derniers momens, 
de morceaux choisis des ouvrages 
qui lui sont attribués, etc. Paris, 
imprimerie de Goëtschy ; 1824; 
in-8 , de quatre feuilles. 

A la suite et indépendamment 
de la Vie privée, se trouve la Rela- 
tion d’un voyage à Bruxelles et à 
Coblentz. 

7° Mémoires pour servir à l his- 
toire de Louis XVIII. roi de 
France et de Navarre ; par Fauteur 
des Mémoires du duc d’Enghien. 
Paris, Gaillot, 1824; in-8 , de 
neuf feuilles trois quarts. — pre- 
miére partie. 

8° Vie de Louis XV IIT, roi de 
France et de Navarre, continuée 
jusqu’à sa mort; par M. Alphonse 
de Beauchamp ; troisième édition , 
revue, corrigée , considérablement 
augmentée et ornée du portrait de 
Louis XV IIT.Paris,Naudin,1825; 
2 vol. in-8, plus une planche. 

Les deux premières éditions de 
cet ouvrage ont été publiées du 
vivant du feu roi. 

9° Histoire de Sa Majesté 
Louis XV III, surnommé le Mé- 
siré, depuis sa naissance jusqu’au 


traité de paix en 1815; par À. An- 


LOU 


toine , auteur de la Wie publique et 


privée de Louis XVI, de la Vie de: 


Louis XVII, etc. Paris, Blan- 
chard , 1816 ; in-8, de vingt- 
quatre feuilles. — J11 y a de nou- 
veaux frontispices datés de 1824, 
avec des cartons aux exemplaires 
auxquels ils s’appliquent. 

10° Louis XVIII à ses derniers 
momens , précédé des exemples 
édifians de ‘la mort des princes de 
la famille des Bourbons , et suivi 
d’un Précis anecdotique et chro- 
logique sur Louis XVIII et 
9. M. le roi Charles X ; avec un 
Post-Scriptum comprenant les actes 
de Charles X, les funérailles de 
Louis XVIII , et son oraison fu- 
nèbre prononcée par Monseigneur l'é- 
vêque d'Hermopolis; par M. Charles 
Durosoir, professeur d'histoire au 
collège Louis-le-Grand, autenr du 
Dauphin, père de Louis XVE, etc., 
ouvrage dédié à la jeunesse fran- 
caise.. Paris, Pillet aîné, 1824 ; 
in-12, de vingt-deux feuilles. 

11°. Louis XVIII, ses derniers 
Momens et sa Mort, suivis....d’un 
recueil d’anecdotes...et de quelques- 
unes de ses poësies; par E. M, de 
451. I. (de Saint Hilaire). Paris, 
Peytieu, 1825; in-12, deux édi- 
uons. 

12°. Règne de Louis XV III, ou 
Histoire polilique et générale de 
l'Europe, depuis la Restauration , 
avec le développement des principes 
qui sont devenus la base de la Sainte 
Alliance; par M. Barbet du Ber- 
trand. Paris, Babeuf, 1825; 2 vol. 
in-8 , avec deux planches de por- 
traits lithographiés. — Deux édi- 
tons. 

19°. Ephémérides du règne de 
Louis XVIII, par Cyprien Des- 
marais. Paris, Maurice, 1825; un 
vol. in-8. 


LOU 219 


Nous ayons indiqué seulement 
les ouvrages qui se rapportent 
d’une façon spéciale à la personne 
de Louis XVIII; et parmi ceux-là, 
nous avons fait un choix. Il est 
facile de concevoir que tous les 
mémoires politiques et littéraires 
qui ont paru durant les cinquante 
dernières années écoulées, con- 
tiennent plus ou moins de choses 
relatives à ce prince. Il est une 
autre catégorie d'ouvrages que 
nous n’avons pas indiqués : ce sont 
ceux qui furent composés par les 
ennemis du feu Roi, à l'époque 
de ses malheurs, dans l’intention 
de le noircir aux yeux des con- 
temporains et de la postérité ; 
tels sont entre autres: — l’ Histoire 
secrète de la Cour de Coblentz, pu- 
bliée en 1795, in-8 , sous le nom 
de Rivarol, et réimprimée en 
1814, sous le nom du comte de 
Montgaillard, mais qui très-pro- 
bablement n'appartient à l’un ni 
à l’autre écrivain. — la Correspon- 
dance (apocryphe) de Louis XVIII 
avec Le duc de Fitz-James, le mar- 
quis et la marquise de Favras et le 
comte d’ Artois (Paris, avril 1815, 
in-8 ). — Les Secrets de la Cour de 
Louis XVIII ; recueil de pièces 
authentiques, lettres confidentielles 
au comte d’ Artois, au duc de Fitz- 
James, aux généraux vendéens, etc. 
(Paris ,avril1815). — Extraits du 
Moniteur (prairial an VE); réim- 
primés clandestinement en 1815 
(in-8 , de trente-deux pages), et 
supprimés par les tribunaux. As- 
surément, nous ne prétendons 
pas dire qu'aucun reproche ne 
puisse être adressé par l’histoire, à 
la mémoire du dernier monarque 
qui a régné sur la France; mais ik 
faudrait être dénué de toute cri- 
tique, ou totalement aveuvlé pæ 


220 MAI 


la haine, pour ne pas reconnaître 
les caractères évidens d’une sup- 
position calomnieuse, dans la plu- 
part des lettres attribuées à Louis 
XVIII, par les pamphlets que 
nous venons de citer, où-elles se 
trouvent placées, avec une per- 
fide adresse , à côté de proclama- 
tions authentiques, et qui ne sont 
pas indignes de celui dont elles 
émanent. Ce ne peut être que par 
une surprise fâcheuse, que ces 
pièces apocryphes se trouvent ci- 
tées comme authentiques, dans 
le sixième volume d’un recueil, 
dont les auteurs se sont toujours 
fait distinguer par leur impartia- 
lité et leur bonne foi. On sait au- 
jourd'hui, d’une manière assez 
positive, quand et comment elles 
furent fabriquées par la police. 
Elles parurent, pour la première 
fois, en 1802, dans une espèce 
de roman historique , intitulé : {es 
Prisonniers du Temple ( 5 vol. in- 
12 ). — La prétendue {ettre au duc 
de Fitz-James , fabriquée avec 
plus de grossièreté qu'aucune 
autre, est le principal document 
d’une fable autant absurde que 
calomnieuse, mais que le res- 
pect des convenances nous inter- 
dit d'indiquer plus expressément. 
Nous croyons en avoir trouvé l’o- 
rigine dans le passage suivant des 
Mémoires secrets de Bachaumont 
(T. II. 12 janvier 1779) qui, 
dans tous les cas, pourra servir à 
compléter l’histoire anecdotique 


MAI 


du prince auquel nous avons con- 
sacré cet article. — «On a remarqué 
une observation de Monsieur, au 
baptème de Madame, fille du Roi 
(aujourd'hui M® la Dauphine ). 
On sait que ce prince tenait 
l'enfant sur les fonts pour le 
roi d'Espagne. Le Grand-Aumô- 
nier lui a demandé quel nom il 
voulait lui donner; Monsieur a 
répondu : —« Mais, ce n’est pas 
par où l’on commence; la pre- 
mière chose est de savoir quels 
sont les père et mère : c’est ce 
que prescrit le Rituel. » Le prélat a 
répliqué que cette demande devait 
avoir lieu lorsqu'on ne connais- 
sait pas d’où venait l'enfant; qu'i- 
ci, ce n'était pas le cas, et que 
personne n'ignorait que Madame 
était née de la Reine et du Roi. 
S. À. R., non contente, s’est re- 
tournée vers lé curé de Notre- 
Pame (de Versailles ) présent à la 
cérémonie, a voulu avoir son avis, 
lui a demandé si, lui curé, plus 
au fait de baptiser que le cardinal, 
ne trouvait pas son objection juste. 
Le curé a répliqué avec beaucoup 
de respect qu’elle était vraie en 
général; mais que, dans ce cas-ci, 
il ne se serait pas conduit autre- 
ment que le Grand-Aumônier; et 
les courtisans malins de rire. Tout 
ce qu’on peut inférer de là, c’est 
que Monsieur a beaucoup de goût 
pour lescérémonies de l’Eglise, est 
fort instruit de la liturgie etse pique 
de connaissances en tout genre. » 


M. 


MAINEDEBIRAN(Manie-Fran- 
ÇoIs-PIERRE-GONTHIER ), né à Gra- 


teloup,près Bergerac,en Périgord, 


l'an 1766, entra au service, avant 
la Révolution , dans les gardes- 
du-corps du Roi. S’arrachant aux 


MAI 


séductions de son âge et aux dis- 


sipations de son état, il s’enfonça, 


dés sa jeunesse, dans les étuaes 
sérieuses. et dans les méditations 
abstraites de la métaphysique. 
Sous le gouvernement directorial, 
le département de la Dordogne 
l’élut député au Conseil des Cinq- 
cents, mais son élection fut an- 
nuilée, le 18 fructidor. M. de 
Biran reprit alors ses études favo- 
rites, et s’acquit bientôt un rang 
distingué dans la science. Un re- 
cueil périodique, rédigé par des 
écrivains d’un esprit très-distin- 
gué, va nous fournir l’histoire 
exacte et l’appréciation savante du 
métaphysicien qui fait le sujet de 
cet article. 

«Undesphilosophes qui ontmar- 
ché le plus près de Cabanis et de 
M. de Tracy, dans l’école idéolo- 
gique , estsans contredit M. Maine 
de Biran. Il faut distinguer toute- 
fois : c’est à son début dans la 
carrière qu’il paraît leur disciple ; 
par la suite, il l’est moins; à la 
fin , il ne l’est plus; il devient ce- 
lui de Leibnitz , il arrive au plus 
pur spiritualisme. Mais n’antici- 
pons pas. 

«On connait peu la philosophie 
de M. Maine de Biran, et cela 
doit être : il n’y a rien dans ses 
ouvrages ni dans son talent qui ait 
pu frapper vivement l'attention 
du public. Un mémoire sur l’In- 
fluence de l'habitude (1), un mé- 
moire, sur la Décomposition .de la 
pensée, un Examen des Leçons de 


(1) {nfluence de l'habitude sur ta 
Jaculté de penser, ouvrage qui a rem- 
porté le prix proposé par la classe des 
sciences morales et politiques de l'In- 
stitut national. Paris, an XI (1803), 
in-8. 


MAI 221 


M. La Romiguière , un article sur 
Leibnitz, voila des matières qui 
sont peu propres à exciter l’inté- 
rêt et la curiosité de la plupart des 
esprits. Quelle question un peu 
populaire s’y rattache ? En quoi 
touchent-elles d’un peu près aux 
beaux-arts , aux lettres , à la mo- 
rale, à la politique et à la religion ? 
Comment se laisser prévenir pour 
des dissertations purement méta- 
physiques et qui ne roulent d’ail- 
leurs que sur quelques point parti- 
culiers de la science? Ajoutez à cela 
que M. Maine de Biran a d’ordi- 
naire un sentiment si profondeten 
quelque sorte si personnel de ce 
qu’il veut dire, qu’il ne peut le 
dire qu’à sa manière ; il lui faut sa 
langue , et il la fait ; ce n’est pas 
un écrivain , C’est un penseur qui 
se sert des mots commeill’entend, 
et sans songer au lecteur. De là 
ces longueurs , ces bizarreries et 
ces négligences qui choquent sou- 
vent dans son style, et rebutent 
ceux qui s’en tiennent à la phrase 
et n’entrent pas dans l'esprit de 
l'auteur , ne sympathisent pas 
avec sa conscienee, ne sentent 
pas avec lui et comme lui. Mais 
pour les philosophes qui pénètrent 
sa pensée intime et qui savent 


combien cette science de soi- 


même , à la fois, si profonde , si 
déliée et si diverse, est difficile, 
ils comprennent et pardonnent 
aisément ces défauts d’expres- 


sion. M. Maine de BPiran est un 


de ces hommes si rares en des 
temps d’affaires ei de mouvement, 
qui par tempérament autant que 
par réflexion, ont la faculté de des- 
cendre , de rester en eux-mêmes, 
ayec une sorte de contemplation 
et de bonheur. Il se complaît à 
oublier le monde extérieur, à 


222 MAT 

se faire dans sa conscience un 
asile impénétrable et paisible, où 
sa vie se passe dans létude et la 
jouissance du spectacle des im- 
pressions qui l’affectent. En cet 
état, il n’emploie pour se connaître 
aucun de ces artifices logiques 
auxquels on a recours poursaisir 
et déterminer les vubjets qui ne 
peuvent pas être immédiatement 
aperçus. Sa science n’est que la 
conscience ; son grand mérite ; 
c’est d’avoir fait de la philosophie 
avec le sens philosophique, et non 
avec les yeux, les maïns, Fouïe , 
en un mot avec les organes de la 
perception externe. Notre philo- 
sophie, trop souvent, n’est que la 
physique appliquée à la connaïs- 
sance de l'âme ; elle conçoit l'âme 
à l’image de quelque substance 
matérielle. d’une flamme subtile, 
d’un souffle, d’un fluide délié ; 
elle assimile ses actes aux mou- 
vemens d'unagent naturel, etlors 
même qu'elle veut le mieux être 
spiritualiste , il lui arrive encore 
de ne se former une idée de Fes- 
prit que par analogie avec le corps. 
Cela tient à une fausse méthode , 
au préjugé qui porte à croire que 
l'étude psychologique doit se faire 
par voie de raisonnement : car 
alors on procède du connu à Vin- 
connu; et comme l'inconnu est 
l'esprit, que le connu ne peut 
être que la matière, on conclut 
ou du moins on incline à conclure 
du physique au moral, de lex- 
terne à l’interne. Telle n’est pas 
la manière de M. de Birarn : il sent 
et il observe ; anssi c'est un té- 
moignage que lui rendent ceux 
qui l’ont bien lu, ceux qui lont 
vu dans des entretiens familiers, 
pressé du besoïn de commniquer 
et de rendre sensibles par le ton ; 


le geste , l'air, et des expressions 
trouvées , les résultats de son 6b- 
servation intérieure ; tous le re- 

* gardent comme ayant possédé au 
plus haut point, la vraie méthode 
philosophique : JL est notre maitre 
à tous , a dit de lui un homme qui 
ne prodigue pas son estime et qui 
lui-même a été la gloire de len- 
sel£Bement avant d'être celle de 
la tribune politique (M. Royer- 
Coïlard ). 

«Ce qui a manqué à M. Maine 
de Biran pour avoir plus de succès, 
c’est, comme nous Favons déjädit, 
l'art du style, dont il a trop 
ignoré ou négligé les secrets. D 
n’a donné à sa pensée aucun de 
ces avantages extérieurs qui pour- 
raient la faire valoir; il n’a mis 
dans les formes qui l’expriment, 
ni vivacité, ni grâce, ni force , 
ni même assez de clarté. On peut 
aussi regretter que dans ses écrits, 
dans ceux du moins qu’il a publiés, 
il n’aît point embrassé un point 
de vue plus large que celui auquel 
il s'est constamment borné. Nul 
n’a vu mieux que lui Pâmecomme 
une pure force, comme un prin- 
cipe essentiellement actif et libre; 
nul n’a plus insisté sur ce point 
capital en philosophie. Mais de 
cette vérité si féconde , il n’a pres- 
que tiré aucune importante appli- 
cation ; il n'en à presque jamais 
suivi les cor+équences jusqu’à la 
morale, à la politique et à la reli- 
ion ; il s’est toujours étroitement 
tenu aux spéculations psycholo- 
giques les plus générales. C'était 
peut-être en lui le besoin d’un es- 
prit qui, ayant de quitter un prin- 
cipe pour passer aux idées qui s'en 
déduisent, veut parfaitement l'ap- 
profondir ; c'était peut-être tümi- 
dité de caractère et condeseen- 


“MAI 


dance pour des opinions domi- 
nantes qu’il craignait de blesser. 
Quoi qu’il en soit, c’est là un des 
défauts qu’on peut remarquer 
dans ses ouvrages. 

» Nous avons ditque M. de Biran 
a passé de l’école de Cabanis à 
une école toute différente : pour 
s’en convaincre , qu’on lise dans 
leur ordre les traités qu’il a suc- 
cessivement publiés. Dans le pre- 
mier , dont l’objet est de détermi- 
ner l’{nfluence de l’habitude sur 
la faculté de penser, son idéologie 
n’est évidemment qu’une espèce 
de physiologie , la physiologie 
des impressions aclives où passives , 
dont les nerfs sont les organes et 
le siége. C’est ce que fait d’abord 
soupçonner le choix de son épi- 
graphe : Mon cerveau est devenu 
pour moi une retraite où j'ai goûlé 
des plaisirs qui n’ont fait oublier 
mes afflicions ( Bonxer }); et c’est 
ce qui résulte clairement de l’ana- 
lyse de sa doctrine, Selon lui, la 
pensée n’est en général fortifiée ou 
affaiblie que par des habitudes 
passives ou actives ; ces habitudes 
passivés on actives consistent 
dans la répétition fréquente et fa- 
cile de deux espèces de sensations ; 
ces sensations sont produites Îes 
unes par le simple ébranlement , 
la simple action, les autres par 
Paction et la réaction des nerfs. 
Ainsi en dernière analyse , les 
nerfs, le cerveau qui en est le 
centre commun, voilà le principe 
de toute impression , de tout re- 
nouvellement d'impression, de 
toute habitude intellectuelle, de 
toute pensée; l'étude de la pensée 
n’est que celle d’un phénomène 
particulier de l’organisation. Or 
cette opinion de M. Maine de Bi- 
ran se trouve déjà beaucoup mo- 


MAI 2925 


difiée dans son mémoire sur la Dé- 
composition de la faculté de penser. 
Là, en effet, s’il continue à voir 
dans la pensée passivité et activité, 
sentiment et réflexion , il paraît 
moins disposé à expliquer tout 
cela par la physiologie. La phy- 
siologie lui semble toujours, et 
avec raison, très-propre à éclaircir 
les circonstances au milieu des- 
quelles s’opère le développement 
intellectuel; mais il n’est pas 
éloigné de croire que l'être intel- 
ligent, distinct de l’organisme, 
est un principe à part, une sub- 
stance réelle qui sent qu réfléchit, 
perçoit simplement ou pense, 
seion que les impressions, Îles 
idées qu’elle recoit des ohjets sont 
ou ne sont pas modifiées par 
la réflexion. Mais c’est dans 
son Examen des Lecons de M. La 
Romiguière qu’il faut le suivre 
pour le voir arrêter et décla- 
rer ses principes nouveaux. Là 
il établit à chaque pas que l’âme 
est une cause, une force , un pri- 
cipeactif. Cause , force , activité, 
activité libre , volontaire et mo- 
trice, voilà le point de vue qu’il 
considère à lexclusion de tout 
autre. Aussi ne doit-on pas s’é- 
tonner de le trouver ensuite dans 
son article de Leibnitz, leibnitzien, 
monadiste, ou du moins partisan 
d'un système dont le fond est le 
monadisme. À sa manière de voir 
les choses, à cette façon de se con- 
centrer en lui-même, de se pré- 
occuper de lobservation inté- 
rieure, il était facile de juger 
qu'il finirait par ne plus avoir 
qu’une idée , celle de vie, de 
force, de pure activité, et qu’il 
arriverait ainsi à un spiritualisme 
absolu et universel qui explique 
tout, Dieu , l’homme et le monde, 


224 MAI 

leur nature et leurs rapports, par 
les seules notions de principes 
actifs et d’actions. C’est en effet à 
ce système qu’il a été conduit; sa 
dernière pensée, son dernier mot, 
celui qu’il a assez positivement 
donnée en exposant la doctrine de 
Leibnitz, est le monadisme, sauf 
toutefois le dogme de l’harmonie 
préétablie et celui de la prédesti- 
nation fatale de l’âme humaine 
qu'il n’admet pas (1). » 

On trouve dans le n° suivant 
du même journal, des renseigne- 
mens qui complètent tout ce 
qu’on a pu savoir des écrits inédits 
de M. de Biran. Il existe de lui un 
ouvrage qu'il a laissé à peu près 
termine. Le premier volume, qui 
renfermait les principes généraux 
de sa philosophie, était achevé; 
le second , destiné à faire sentir la 
vérité de ces principes par des 
applications, ne demandait plus 
qu'un peu de travail. On a dû 
encore trouver parmi les papiers 
de M. de Biran, un Traité de la 
folie, dans lequel il se proposait 
spécialement d'établir la nature 
des rapports du physique et du 
moral, sous un point de vue tout 
différent que celui que Cabanis 
a adopté. Ce traité était achevé, 
et l’auteur avait l’intention de le 
faire entrer dans le cadre de celui 
de ses ouvrages inédits, que nous 
venons d'indiquer. 

La monarchie impériale rouvrit 
à M. de Biran la carrière publique. 
11 devint successivement, mem- 
bre du conseil de préfecture de 
son département, sous-préfet de 
Bergerac, et enfin, en 1810, il fut 


(1) Le Globe, n. 139, du 30 juillet 
1825, article signé Px. 


MAI 


élu pour la seconde fois, dé- 
puté au Corps législatif. Le 4 fé- 
vrier 1810, au nom de la dé- 
putation du collége électoral de 
la Dordogne, il porta la parole 
pour haranguer Napoléon, suivant 
les formules d'usage. À la fin de 
1813, M. de Biran eut le grand 
courage et l’immortel honneur 
d'accepter une place dans cette 
commission de cinq membres, qui 
après quatorze années de servilude 
et de silence, osa réclamer pour 
la France, la paix et la liberté, au 
soldat formidable qui se courrou- 
çait qu’on osût lui adresser des 
demandes si légitimes et si modé- 
rées. 

Après la Restauration, M. de 
Biran rentra dans les Gardes-du- 
corps, compagnie de Raguse, et 
recut la croix de Saint-Louis. Le 
11 juin 1914, il fut nommé ques- 
teur de la chambre des Députés, 
Réélu au mois de septembre 
1815, il vota avec la minorité et 
appuya le ministère de M. De- 
cazes. En conséquence, il fut re- 
poussé de la députation après le 
5 septembre, comme président 
ministériel, La loi des élections 
du 5 février 1817, rouvrit cette 
même année, à M. de Biran, 
les portes de la (Chambre 
des Députés ; il continua de 
voter comme précédemment , 
encore pendant une session; mais 
à la fin de 1819, il suivit M. 
Lainé dans une route qui défini- 
tivement nous a conduits à une 
issue toute opposée à celle 
qu'indiquait l’ordonnance du 5 
septembre. Depuis, M.de Biran 
vota avec le ministère de M. le 
duc de Richelieu, et puis aussi 
avec celui de M. de Villèle, Deux 
fois nommé président de collège 


MAT 


électoral, par la faveur de ces deux 
administrations, et deux fois élu, 
grâce à leur aide, il ne prit point 
de part ostensible aux grandes 


discussions qui passèrent sous ses 


yeux, la faiblesse de son organe 
lui interdisant l'accès de la tri- 
bune; mais dès 1814, et jusqu’à 
ses dernières années, on le vit, 
non sans effroi, s’acharner au rë- 
glement de la Chambre, pour lui 
faire subir des modifications ten- 
dant à restreindre la publicité des 
discussions, à renforcer le pou- 
voir de la majorité sur la mino- 
rité, enfin, à étouffer arbitraire- 
ment le droit de pétition. L’abon- 
dance des affaires capitales, la 
longueur des formes de délibé- 
ration de la Chambre des Députés, 
et peut-être aussi le bon génie de 
la France ne permirent pas que 
les propositions de M. de Biran, 
beaucoup plus importantes que 
leur nature règlementaire ne sem- 
blait l'indiquer , fussent adop- 
iées par la Chambre, bien qu’il 
se soit toujours trouvé dans son 
sein un grand nombre de mem- 
bres dont elles flattaient les pas- 
sions ou les infirmités d'esprit. Il 
est vraiment triste d’avoir gâté 
pour si peu de chose une carrière 
législative qui débuta par la 
gloire. M. de Biran avait été 
nominé conseiller d'état, section 
de l’intérieur, peu de temps après 
le 5 septembre; il devint aussi vers 
cette époque membre de la com- 
mission de liquidation des créan- 
ces étrangères. Durant les divers 
ministères qui succédèrent à celui 
de M. Decazes, il ne quitta pas 
plus le conseil d’état que les bancs 
de la majorité. Il était en outre, 
correspondant de l’Institut et of- 
ficier de la Légion-d'Honneur. 


MAL 229 
M. de Biran est mort à Paris d’une 
maladie de poitrine, le 20 juillet 
1824. Visité dans ses derniers 
jours, par un prélat qui était lié 
d'amitié avec lui, il a rempli 
d’une manitreédifiante ses devoirs 
de chrétien, et a reçu les sacre- 
mens des mains de son pasteur, 
le curé de Saint-Thomas d’Aquin. 
C'était un homme d’un caractère 
aimable et doux, d’un esprit con- 
ciliant et pacifique à l’extrèême. 
Ces dispositions expliquent, mais 
ne justifient pas les incertitudes de 
sa vie politique. Charles Loyson a 
adressé à M. de Biran l’une des 
meilleures épîtres qu’on trouve 
dans le recueil de ses poésies. 


MALEVILLE (Jacques DE), 
pair de France , naquit à Domme, 
province de Périgord, en 1741, 
d’une famille qui tenait un rang 
honorable dansle pays. Son oncle, 
Guillaume de Maleville, prêtre et 
docteur de Sorbonne, a laissé des 
écrits de théologie et de philoso- 
phie critique, qui obtinrent quel- 
que estime, vers le milieu du 
dernier siècle, époque où ils 
furent publiés. Jacques de Male- 
ville exerca d’abord la profession 
d’avocat au barreau de Bordeaux: 
rentré de bonne heure au sein de 
sa famille, il y vivait sans fonc- 
tions publiques depuis plusieurs 
années, lorsquela Révolution écla- 
ta. Tant qu’elle borna sa tendance 
à l’établissement de la monarchie 
constitutionnelle, M. de Male- 
ville en fut le partisan; aussi, 
fut-il élu, l’an 1590, membre et 
puis président du directoire de 
son département. Porté au Tribu- 
nal de cassation, en 1791, par les 
suffrages des électeurs de la Dor- 
dogne, il devint, par les suffrages 

19 


226 MAL 


de ses collègues, président tem- 
poraire du tribunal suprème. Les 
électionsde brumaire an IV le por- 
térent au Conseil des Anciens, où 
il vint se réunir à ces législateurs 
courageux qui conspiraient pu- 
bliquement le retour aux principes 
d'ordre et de morale, hors des- 
quels il n’existe ni société ni pa- 
trie. Les émigrés étaient depuis 
long-temps l’objet de mesures 
législatives et administratives, 
iniques et cruelles. M. de Male- 
ville sejoignità ceux quiessayaient 
de reconquérir à ces Français pro- 
scrits, ou du moins à leur famille, 
l’eau et le feu qu’on avait voulu 
leur interdire. Dans le premier 
discours qu’il prononça pour cette 
cause, il ne craignit point de dire 
«qu’il n’avait pas l'honneur d’a- 
voir des émigrés dans sa famille ». 
On l’entendit attaquer avec viva- 
cité, la loi du 9 floréal an ITT, qui 
avait ordonné le partage, à titre 
de présuccession, des biens des 
ascendans d’émigrés, et faire res- 
sortir l'énorme injustice d’une lé- 
gislation qui punissait si cruelle- 
menti les parens , d’un tort auquel 
ils étaient étrangers; et qui, plus 
impitoyable que la mort, les dé- 
pouillait, avant elle, des biens 
qu’ils n'auraient dû quitter qu'avec 
la vie. C’est avec la même éner- 
gie qu'il appuya la proposition 
d’abroger cette loi monstrueuse 
du 3 brumaire an IV, qui plaçait 
un nombre presqu’innombrable 
de Français, en état de prévention 
et de surveillance, et qui excluait 
de toutes les fonctions électorales 
les parens et les alliés d’émigrés. 
Il demanda aussi que l’on rempla- 
càt, selon les formés légales et 
constitutionnelles, les magistrats 
sans pouvoir que le Directoire 


MAL 


exécutif avait introduits irrégu- 
lièrement dansle Tribunal de cas- 
sation, pour en corrompre l’in- 
dépendance. 

Lié avec MM. Portalis, Lebrun, 
Muraire, Barbé - Marbois et avec 
les principaux chefs du parti de 
Clichy, il fit partie d’un comité 
décadaire où se concertaient leurs 
résolutions. Néanmoins, plus cir- 
conspect et moins engagé que 
d’autres, la révolution du 18 
fructidor ne l’atteignit point. De- 
puis,le sentimentde la crainte qu’il 
aurait pu raisonnablement éprou-: 
ver, ne le fit point dévier de ses 
principes. Le 21 nivose an VI, il 
s'opposa à ce que là nomination 
des membres des tribunaux cri- 
minels fût provisoirement enlevée 
aux assemblées électorales dont 
on suspectait alors, l'esprit et la 
tendance : « Oui, disait-il à cette 
»occasion, Ce qui pourrait bien 
» ramener le peuple au royalisme, 
» malgré son éloignement naturel, 
» c’est de s’apercevoir que sa sou- 
» veraineté n'est qu’un vain nom 
»et que l’exercice lui en devient 
»illusoire ; c’est de voir .destituer 
varbitrairement ses magistrats; 
»c’est que des nominations, dic- 
»tées (au Directoire) par des rap- 
» ports infidèles, tombent sur des 
» sujets indignes, souillés de sang 
»et de rapine.» Ce discours fut 
plusieurs fois interrompu par les 
murmures et les cris de mécon- 
tentement de la majorité du Con- 
seil des Anciens, et l'impression en 
fut refusée. Les journaux du parti 
dominant l’attaquèrent par les plus 
virulentes récriminations, et /’Ob- 
servateur de la Dordogne reprocha 
à l’orateur d’avoir été élu député 
par lesroyalistes du département. 
M. de Maleville se crut obligé de 


MAL 


répondre par une brochure adres- 
sée à ses collègues et à ses com- 
mettans. On l’entendit aussi défen- 
dre avec un zèle que le succès cou- 
ronna, les droits sacrés de la pro- 
priété , dans la question si délicate 
et siimportante des domaines con- 
géables; on le vit soutenir le réta- 
blissement de la contrainte par 
corps; enfin il s’éleva, dans l’in- 
térêt de la société et des familles, 
contre cette législation corrup- 
trice, née du bouleversement de 
toutes les idées morales, qui, 
déshonorant le mariage au profit 
des enfans naturels, prodiguait 
les avantages de la légitimité aux 
fruits de ces unions fortuites, que 
le christianisme réprouve et que 
la loi doit toujours désavouer. 

Au mois de floréal an VIT, 
M. de Maleville fut réélu député 
de la Dordogne par une assemblée 
électorale scissionnaire. Le Direc- 
toire, qui dominait le Corpslegis- 
latifet lui faisait approuver oureje- 
ter tous les choix qu’il lui plaisait, 
fit annuler celui de M. de Male- 
ville. Il demeura hors des fonctions 
publiques jusqu’après l’établisse- 
ment du gouvernement consu- 
laire, en lan VIII. Il rentra, cette 
fois, par le choix du Sénat, au 
Tribunal de cassation , où déjà on 
l'avait vu reparaitre précédem- 
ment, en 1599, et où il avait 
lutté avec une courageuse indé- 
pendance, contre les influences 
illégales et cruelles que le Direc- 
toire s’efforçait de faire subir à ce 
corps indépendant. Les suffrages 
de ses collègues l’élevèrent à la 
présidence de la section civile, en 
remplacement de Tronchet, nom- 
mé sénateur. 

Une commission ayant été nom- 
mée, par les consuls de la Répu- 


MAL 22% 
blique, le 24 thermidor de l’an 
VIIT, pour préparer la rédaction 
d’un projet de code civil. le nom 
de Maleville y fut associé à ceux 
de Tronchet, Portalis et Bigot 
de Préameneu. Il prit une part 
remarquable à la discussion et à 
la confection de ce beau tra- 
vail, qui présente l’ensemble de 
nos lois civiles, soit au sein de la 
commission, soit lors de la dis- 
cussion solennelle qui eut lieu au 
Conseil d'état. « Né dans un pays 
de droit écrit, dit son panégyriste, 
familiarisé avec les plus savans 
interprètes des lois romaines, pé- 
nétré de cet esprit d'ordre et de 
famille que ces lois respirent , au- 
stère de mœurs et de principes 
comme les philosophesetles juris- 
consultes dont elles étaient l’ou- 
vrage , il se montra toujours leur 
zélé partisan. Promoteur éclairé 
de la puissance paternelle et de la 
liberté de tester, il chercha, en 
toute occasion, à concourir, par 
ses efforts, au rétablissement de 
cette magistrature domestique, 
de cette juridiction des pères de 
famille si favorable à la conserva- 
tion des mœurs, si conforme aux 
lois de la nature, et si utile auxi- 
liaire des institutions politiques et 
civiles. Persuadé enfin que les 
familles sont les eélémens de la 
société, et que la bonne constitu- 
tion de l’état dépend en grande 
partie de la bonne constitution 
des familles , ilrepoussa, de tous 
ses efforts, le divorce et l’adop- 
tion. Selon lui, le divorce entrai- 
nait, à sa suite, le relâchement de 
tous les liens sociaux; il voyait 
dans son établissement le vœu de 
la nature méconnu, la sainteté du 
mariage profanée, et dans cette 
promiscuité des familles, les pa- 


238 MAL 


rens sans dignité, les enfans sans 
respect et l'innocence des mœurs 
sans asile. I] ne considérait l’adop- 
tion que comme une fiction dan- 
gereuse, propre à décourager du 
mariage , à favoriser l’égoisme, à 
faire entrer en partage des avan- 
tages de la légitimité les enfans 
illégitimes, à aflaiblir de plus en 
plus l'esprit de famille (1) .» 

M. de Maleville ne se contenta 
pas de prendre une part impor- 
tante à la discussion intérieure du 
Code civil. Il publia en outre, un 
écrit pour justifier une opinion 
qu’il n’avait pu faire triompher; 
savoir, que le divorce ne devait 
être admis qu’en cas d’adultère ; 
il reproduisit plus tard cet éerit, 
avec des modifications, à l’époque 
où le divorce a été définitivement 
aboli en France (2). Enfin, il pu- 
blia l’analyse complète de la dis- 
cussion du Code civil au Conseil 
d'état, et après avoir occupé une 
place distinguée parmi ses au- 
teurs, ilse plaça encore aux pre- 
miers rangs de ses interprètes (3). 

Au mois de mars 1806, M. de 
Maleviile fut nommé sénateur par 
le choix du Sénat lui-même, et 
sur la présentation du collège 
électoral de la Dordogne; il vota 


(1) Eloge de M. le marquis de Ma- 
leville , par M. le comte Portalis, pro- 
noncé à la Chambre des Pairs, le 
20 décembre 1524 ( Moniteur du 
26 janvier 1825). 

(2) Du Divorce et de la Séparation 
de corps. 1801, in-8. — Examen du 
Divorce. Paris, Cérioux jeune, 1816; 
in-8 , de 2 feuilles trois quarts, 

(3) Analyse raisonnée de La discus- 
sion du Code civil au Conseil d'état. 
1804-1805. 4 vol. in-8 (trois éditions.) 
ps +524 en allemand , par Blanchard. 
1000. 


MAL 


en 1814, pour la déchéance de 


Bonaparte et pourle projet d’acte 
copstitutionel du Sénat, qu'il dé- 


fendit même par une brochure 
anonyme (1).Compris dansla pre- 
mière création de la Chambre des 
Pairs, du 4 juin 1814, il n’a pas 
cessé de faire partie de cette 
chambre, dans laquelle il a con- 
stamment défendu les principes 
coustitutionnels. Dès le 25 août 
1814, il parla contre le projet de 
loi concernant la presse , où pour 
la première fois, depuis la Res- 
tauration, l’on rétablissait la cen- 
sure. Le 28 novembre 1815, il 
combattit une proposition de 
M. le marquis de Bonnay, ayant 
pour objet d'autoriser les Pairs 
absens à voter par procureur, 
ainsi que cela se pratique à la 
chambre des lords de la Grande- 
Bretagne. Lors du procès du ma- 
réchal Ney, il fut du petit nombre 
des juges qui opinèrent pour la 
déportation. Le 4 mars 1816, il 
demanda que la faculté de rece- 
voir des donations ne fût pas res- 
treinteauxétablissemensecelésias- 
tiques descatholiques, maisqu’elle 
s’étendit à ceux des cultes protes- 
tans. Le 28 janvier 181, il pro- 
nonca un discours en faveur de la 
célèbre loi des élections promul- 
guée le 5 février suivant , et abro- 
gée en 1820. Le 22 février de la 
même année, il fit un rapport au 
nom d’une commission, en faveur 
de Padoption d’un projet de loi qui 
prolongeait pour un an la censure 
des journaux; mais en même 
temps, il énonça le vœu formel 


(1) Défense de la Consutution , 
par un ancien magistrat. Paris, Dentu, 
1814; in-8, d'une feuille un quart. 


MAL 


que ce sacrifie fût le dernier 
concédé à la paix publique ou 
plutôt à la timidité ministérielle. 
Durant la session de 1818 , M. de 
Maleville parla en faveur de la loi 
du maréchal Gouvion-Saint-Cyr, 
concernant le recrutement et 
l’organisation de l’armée; le 26 
janvier 1819, il s’opposa à len- 
tière abolition du droit d’aubaine 
et de détraction; le 2 mars, ilcom- 
battit la proposition de M. lemar- 
quis Barthélemy tendante à mo- 
difier la loi des élections du 5 
février 1817; le 27 juin 1821, il 
vota contre l'augmentation du 
nombre des évèchés proposée aux 
chambres par le ministère de cette 
époque. La plupart des opinions 
de M. de Maleville, outre qu’elles 
sont consignées dans le Moni- 
leur, ont été imprimées à part, par 
ordre de la chambre devant la- 
quelle elles furent prononcées. Le 
grand âge de M. de Maleville l’em- 
pêcha désormais de prendre part 
aux discussions de la Chambre des 
Pairs. Il retourna à Domme, dé- 
partement de la Dordogne, où il 
était né, et il y a terminé ses 
jours, le 25 novembre 1824. La 
religion qu'il avait toujours res- 
pectée, a sanctifié ses derniers mo- 
mens, 

M. de Maleville a présidé deux 
fois, le collége électoral du dépar- 
tement de la Dordogne , en 1809 
et au mois d'août 1815. 11 était 
décoré du cordon de grand offi- 
cier de la Légion-d’Honneur, et 
classé dans la Chambre des Pairs, 
au titre des marquis: jusqu'en1817 
il avait porté le titre de comte. Il 
a laissé deux fils, qui ont déjà 
fourni une carrière honorable 
dans les lettres etdansles emplois 
publics. L’ainé, premier président 


MAR 229 
de la cour royale d'Amiens, a 
succédé à la pairie de son père. 


MALINGRE ( P..... F.....)a 
consacré ses premières rimes , 
en 1794, à Barra et Viala, mar- 
tyrs de la liberté ; plus tard, c’est 
Napoléon que sa muse a chanté; 
enfin, elle a aussi trouvé des vers 
pour les Bourbons. Il composa 
en 1816 , des distiques placés au 
bas du buste de Louis XVIII, à 
la Bibliothéque royale , où Malin- 
gre était employé. Il est mort 
le 27 mai 1824 , âgé de soixante- 
huit ans : on ne peut rien imagi- 
uer de plus médiocre que ses poé- 
sies ; nous connaissons de Jui : 

I. Mémorial Anglais, ou Précis 
des Révolutions d’ Angleterre jus- 
qu’à nos jours, en trois ceñt cin- 
quante vers. 1790 , in-8. 

IL Appel à l'Angleterre (en 
vers. 1792 , in-8. 

IT. Ode sur le premier Consul. 
1802 , in-12. 

IV. Carmien de rebus egregie ges- 
tis domi, à Neupoleone Augusto. 
in-8. — Vers sur les belles actions 
de lempereur Napoléon, dans 
l'intérieur de sa famille. s 

V. La Naissance de Titus (vers 
à l’occasion de la naissance du 
roi de Rome , imprimés dans les 
Hommages poétiques , de Lucet et 
Eckard. T. II. page 130 ). 


MARCILLAC ( Prerre-Louis- 
Aucuste de Crusy, marquis de }), 
naquit le 9 février 1769 , à Vau- 
ban, en Bourgogne, d’une fa- 
mille ancienne. Admis à l’école 
militaire de Paris, en qualité de 
cadet-gentilhomme , il obtint au 
sortir, une lieutenance dans le 
régiment de Picardie-cavalerie , 
dont par la suite, 1! devint colo- 


230 MAR 

nel. Lors de la Révolution , M. de 
Marcillac émigra. Les auteurs de 
la Biographie des hommes vivans 
( Paris, Michaud. T. IV. 1818 ) 
racontent des détails peu connus, 
sur l’activité qu’il se donna durant 
son séjour hors de France. Nous 
allons reproduire la substance de 
ces détails, qui paraissent avoir 
été communiqués directement aux 
biographes de quinouslesemprun- 
tons , observant toutefois , que le 
souvernement royal, depuis la 
Restauration , n’ayant employé 
M. de Marcillac, simplement que 
dans son grade militaire , il est 
permis de supposer qu'il aura pu 
s’exagérer à lui-même l'impor- 
tance des premiers événemens de 
sa vie. 


M. de Marcillac, suivant cette 
narration , aurait donc été chargé 
par les princes français, de se ren- 
dre en Hollande , pour y négocier 
un emprunt de deux millions defr. 
Il traita cette affaire avec autant 
de désintéressement que de zèle. 
MM. Osy. de Rotterdam, et 
Cohen, d'Amsterdam , les prè- 
teurs , lui offrirent le pot-de-vin 
d'usage , et il était considérable. 
M. de Marcillac l’accepta, mais ce 
fut pour le porter en diminution 
des clauses onéreuses que les 
Princes avaient à subir. La même 
année , M. de Laqueuille , envoyé 
des princes français près l'Archi- 
duchesse gouvernante des Pays- 
Bas , avait reçu à Bruxelles , où 
il résidait, une dépêche écrite 
de la maia de Louis XVI, qui lui 
donnait l’ordre de se rendre à 
Paris, où ce prince devait lui 
communiquer les détails d’un 
plan concerté pour amener Île 
Dauphin hors de France. Le Roi. 


MAR 


en confiant une tête si chère à 
M. de Laqueuille , lui ordonnait 
de traverser le territoire français 
avec la plus grande rapidité, 
d'annoncer, dès «on “arrivée en 
pays étranger, l'évasion du Dau- 
phin ; de le faire reconnaître par 
les Puissances coalisées et de res- 
ter auprès de sa personne tant 
qu'il serait hors de France ; enfin, 
de se réunir aux princes francais, 
à Coblentz. M. de Marcillac fut ad- 
mis par M. de Laqueuille, son 
oncle, dans le secret du projet, et 
cette confidence fut approuvée 
par Louis XVI. Déjà tout se trou- 
vait disposé pour leur rentrée en 
France, qui devait avoir lieu, 
après l’arrivée d’un dernier cour- 
rier , lorsque ce courrier rapporta 
une dépêche écrite de la main du 
Roi, annonçant que des raisons 
puissantes l'avaient déterminé à 
changer de résolution. 


M. de Marcillac fit la campagne 
de 1792, en qualité d’aide-de- 
camp de M. de Laqueuille, et 
celle de 1795, à l’armée du prince 
de Cobourg, qu'il quitta après la 
prise de Valenciennes. Il passa en 
Espagne, pour commander une 
compagnie de la légion formée 
par le marquis de Saint-Simon, 
et fut ensuite employé à l’etat- 
major du général Don Ventura 
Caro. Les biographes que nous 
avons cités disent expressément, 
qu'après la paix de Bâle ( 1795 ). 
entre la République française et 
l'Espagne, M. de Marcillac aurait 
été envoyé par cette dernière 
puissance, pour engager le gou- 
vernement britannique à former 
des entreprises utiles à la cause du 
Roi, assertion qui paraîtra trop 
étrange pour être admise sans 


à 


MAR 


preuves. On vaplasloin cependant, 
et l’on ajoute que M. de Marcillac, 
après avoircouru risquede perdre 
la vie dans un naufrage, sur les 
côtes d'Angleterre, fut employéen 
1797, dans une mission tendante à 


affranchir le parti royaliste de la’ 


dépendance britannique,en le met- 
tant sous la protection de l’Es- 
pagne , dont on ne suspectait pas 
la bonne foi. Cette puissance, 
dit-on, offrait de l'argent avec 
des munitions pour les armées de 
l’ouest, et promettait de faire des 
diversions utiles dans le midi , si 
ces arméés obtenaient quelques 
chances de succès. Le marquis 
de Marcillac s’aboucha en consé- 
quence avec MM. de Bourmont, 
Frotté , d’Aiguillon, Mercier dit 
la Vendée et George Cadoudal. 
Sans doute que les plans qu’illeur 
proposa étaient plutôt des projets 
que des ouvertures positives , 
puisqu'ils n’eurent point de suite. 
On enfantait sans cesse, à cette 
époque , mille combinaisons de 
ce genre, plus chimériques les 
unes que les autres ; il paraît que 
M. de Marcillac s’occupa fort de 
ce genre d’affaires, et qu'on lui 
donna le commandement nominal 
de la province de Rouergue. Il se 
rendit en conséquence, à l’armée 
de Suvarow, qui devait envahir 
le midi de la France, mais qui fut 
repoussée à son tour Comme toutes 
celles des coalitions formées con- 
tre la République. 

On retrouve M. de Marcillac 
sous-préfet de Villefranche d’A- 
veyron , en l’année 1812 ; ce qui 
prouve ou qu’il avait changé 
d’opinionset de principes, oubien 
que le gouvernement impérial 
était assez mal informé sur le dé- 
voùment des personnes qu’il em 


MAR 251 
ployait. En effet, à l'approche de 
l’armée anglaise, en 1814 ; M. de 
Marcillac entra en relation avec 
les comités royalistes , dès avani 
la révolution du premier avril, 
et usa de l’influence de son poste, 
pour aider à soustraire le départe- 
ment de l'Aveyron au gouverne- 
ment impérial. Lors de Pinvasion 
de Bonaparte; on sentilde nouveau 
le besoin de recourir à son acti- 
vité ; mais 11 n’obtint pas plus de 
succès que tant d’autres. Après les 
Cent jours, quand M. le duc 
d'Angoulême vint occuper les dé- 
partemens au midi , les personnes 
qui entouraient S. À. R. firent 
donner à M. Marcillac le titre de 
préfet de l'Aveyron ; celte nomi- 
nation ne fut point confirmée par 
le gouvernement du Roi. M. de 
Marcillac se rendit à Paris, où il 
obtint enfin, la présidence du pre- 
mier conseil de guerre de la Divi- 
sion , ce qui le mit dans le cas de 
prononcer des peines capitales, 
contre un certaia nombre de mi- 
litaires d’un rang distingué, qui 
à cette époque malheureuse , fu- 
rent amenés devant son tribunal. 
Depuis, M. de Marcillac se fit re- 
marquer dans les rangs de l’oppo- 
sition royaliste ; il écrivit, notain- 
ment dans la Quotidienne , des ar- 
ticles tendant à provoquer fa 
guerre au gouvernement constitu- 
tionnel de l'Espagne , lorsqu'elle 
ne paraissait pas encore résolue. 
Quand elle fut déclarée, et même 
commencée, M. de Marcillaé ob= 
tint de l’emploi en Catalogne, 
dans le corps d'armée du maré- 
chal Moncey , en qualité de colo- 
nel d'état-major. Ilmourutà Paris, 
d’une fluxion de poitrine, peu 
après sou retour d'Espagne, le 25 
décembre 1824. 


292 MAR 
Liste des ouvrages 
de P. L. A. de Marcillac. 


I. Voyage en Espagne. Paris, 
Le Normant, 1805. in-8. 

Cet ouvrage paraît avoir été 
entrepris pour réfuter Bourgoin, 
et surtout le marquis de Langle. 

IT. Aperçu sur la Biscaye, les 
Asturies et la Galice, et précis de 
la défense des frontières de Guipus- 
coa et de la Navarre, 1806, in-8. 

IT. Histoire de la guerre entre 
la France et l'Espagne, pendant 
les années de la révolution francaise. 
1703, 1794 et partie de 1795. 
Paris, 1808, un vol. in-8. 

IV. Histoire de la guerre d’Es- 
pagne en 1825 : campagne dé Cata- 
logne. Paris, À. Leclère, 1824; 
un vol. in-8., de 29 feuilles. 

V. Souvenirs de l’émigration , à 
l’usage de époque actuelle ( ou- 
vrage posthume. ). Paris, Bau- 
douin frères, 1825 ; un vol. in-8., 
de 14 feuilles. 

M. Barbier, qui dans la pre- 
mière édition de son Dictionnaire 
des ouvrages anonymes et pseudo- 
nymes ( T. IV. pag. 274. ), attri- 
buait à M. de Marcillac le More- 
Lack ( Paris, 1789; in-8. ), ne 
mentionne plus cet ouvrage dans 
sa seconde édition ; d’où l’on peut 
conclure que le savant bibliogra- 

he à reconnu qu’il n’est point de 
Marcillac. 


MARS ( Anroixe-JEan ), con- 
seiller à la Cour royale de Paris, 
est mort dans cette ville, le 17 dé- 
cembre 1824, âgé de 47 ans. Il s’é- 
tait d’abord fait connaitre comme 
substitut du procureur du Roiprès 
le tribunal de première instance 
de la Seine. Appelé plusieurs fois 
par ses fonctions , à porter la pa- 


MÉG 


role dans des causes relatives à 
des délits de la presse, s’il soutint 
trop souvent des doctrines erro- 
nées, ce fut du moins avec quel- 
que modération dans le langage. 
En 1820, M. Mars, qui était passé 
au parquet de la Cour royale, 
fut l’un des substituts de M. de 
Peyronnet, dans la cause de con- 
spiration, poursuivie devant la 
Cour des Pairs. M. de Peyron- 
net, devenu Garde-des-Sceaux, 
nomma M. Mars conseiller à la 
Cour royale; et on le comptait 
parmi les magistrats de cette cour, 
les plus dévoués aux principes 
constitutionnels. Nous ne connais- 
sons qu'un seul ouvrage de 
M. Mars, mais il est utile et sa- 
vant. Les développemens un peu 
longs de son titre, en expliquent 
suffisamment l’objet : Corps de 
droit criminel, ou Recueil complet, 
méthodique et par ordre de matières, 
des codes d'instruction criminelle et 
pénal, des lois, arrétés du gouverne - 
ment, décrets, avis duconseil d’ Etat, 
ordonnances royales , édits, etc., 
actuellement en vigueur , en matière 
criminelle, correctionnelle et de po- 
lice, avec les arrêts de la Cour de 
cassation, etc, ; suivi d’une T'able 
chronologique des lois et des actes 
du gouvernemént , et d'une Table 
générale alphabétique des  ma- 
tières, etc. Paris, Ménard et De- 
senne. T. LE, 1820. — T. II. 1621. 
Deux forts vol. in-4. 


MÉGLIN (J... A... ), méde- 
cin, né à Sultz, en Alsace, en 1556, 
estmort à Colmar, le 15 mars1824. 
On lui doit plusieurs écrits es- 
timés sur l'art de guérir , entre 
autres 1° un Traité sur la Névrat- 
gie faciale, maladie contre la- 
quelle il a inventé des pilules qui 


MON 


portent son nom et qu’on emploie 
souvent avec succès. 2° Une Dis- 
sertation sur l'usage des bains dans 
le Tétanos. 5° Analyse des eaux de 
Sulzmatt, en haute Alsace (1779; 
in-8. ). Enfin, Méglin a publié, 
avec des notes, une MVotice histo- 
rique sur l’état ancien de la ville de 
Sultz, département du Haut-Rhin, 
par l'abbé Grandidier, historiogra- 
phe de France. Strasbourg, Le- 
vrault, 1817; in-8 , d’une feuille 
et demie. 


MONDENARD ( Jean - SainT- 
SARDOS DE MONTAGUu , marquis 
de), est mort à Paris, le 7 fé- 
vrier 1823. Tout ce que nous sa- 
vons de lui, c’est qu’il émigra 
durant la Révolution ; et qu’il 
passa en Angleterre les années de 
son émigration. On lui doit les 
ouvrages suivans : 

I. Considérations sur l’organi- 
sation sociale , appliquées à l’état 
civil , politique et militaire de la 
France et de l’ Angleterre. Paris, 
Migneret , an X, (1802 ); 3 vol. 
in-8° (anonyme ). 

IT. Examen du budget proposé 
par le ministre des finances, pour 
l’année 1817 ; par l'auteur des 
Considérations sur l’organisation 
sociale , etc. Paris, Dentu , 1817; 
in-8 , de 2 feuilles trois quarts. 

IL. Dialogue entre un mililaire 
el un député, ou Petit Catéchisme 
politique à l'usage des amis de la 
liberté, de la légitimité et de l’in- 
dustrie ; par l’auteur des Consi- 
dérations sur l’organisation so- 
ciale, etc. Paris, Porthmann,1819; 
in-12, de trois feuilles et demie , 
plus un tableau. 


MONTESQUIEU (le baron de), 
petit-fils de l’auteur de l'Esprit 


MON 233 


: 


des Lois , et son dernier descen- 
dant direct, doit à cette circons- 
tance le droit d'obtenir une place 
dans cette biographie , quoique 
d’ailleurs , sa vie n’ait été mar- 
quée, nipar aucunécrit, ni par au- 
cune action, dont l'avenir doive 
conserver la mémoire. Le baron 
de Montesquieu entré de très- 
bonne heure au service, fut atta- 
ché à l’état-major du comte de 
Rochambeau. 11 combattit avec 
distinction, pour la cause de la 
liberté américaine, et obtint la dé- 
coration de Cincinnatus ; à la paix, 
il fut fait colonel en second du ré- 
giment de Bourbonnais, et en- 
suite colonel-commandant de ce- 
lui de Cambrésis. Il crut' de 
son devoir d’aller rejoindre les 
princes dans l’émigration , où il 
commanda, sous le feu duc de 
La Châtre, le cantonnement d’Ath. 
Les officiers de Cambrésis échap- 
pés au désastre de leur régiment, 
se réunirent sous ses ordres : 
vingt-trois avaient péri dans la 
journée du 9 septembre 1792, à 
Versailles, avec le ducde Brissac. 
Le baron de Montesquieu servit 
depuis, dans le corps de M. le 
duc de Laval, et fut ensuite at- 
taché à l'état-major de lord Moi- 
ra , destiné à soutenir la déplo- 
rable expédition de Quiberon. Le 
gouvernement consulaire avait 
rendu à M. de Montesquieu une 
portion non vendue de ses biens ; 
mais par une générosité bien rare, 
il la donna en 1814, sans en ré- 
server l’usufruit, à un parent de 
son nom, pour récompenser, dit- 
on, le dévouement qu'il avait té- 
moigné à la cause des Bourbons. 
On assure que M. Decaze fit offrir 
la pairie , lors de la promotion 
du mois de mars 1819, au petit-fils 


234 . MON 

de Pauteur de PEsprit des Lois : 
M. de Montesquieu fixé en Angle- 
terre, par son mariage avec une 
Anglaise, et n’ayant point d’en- 
fant , crut devoir refuser cette 
éminente faveur. Il s'était créé 
une charmante demeure, à Bridg- 
ge-Hall, près Cantorberry , où 
vénéré de tout le canton , il me- 
nait une vie patriarcale; c’est 
la qu'il est décédé, sans pos- 
tcrilé , Le 27 juillet 1824. M. le 
comte Lynch, pair de France, 
maire honoraire de Bordeaux, a 
publié une Notice sur le baron de 
Montesquieu. Paris ,; imprimerie 
de Boucher, 1824; in-4, d’une 
feuille. 


MONTGARNY (Jean-Baprisre- 
Trre-HarmanD ), médecin, était 
probablement de la même famille 
qu’un autre Jean-Baptiste-Har- 
mand de Montgarny, aussi mé- 
decin , résidant à Verdun et auteur 
d’écrits sur la dyssenterie épidé- 
mique, publiés dans cette ville. 
Le jeune Montgarny, après avoir 
été, d’abord, pharmacien à Par- 
mée d'Espagne, fut placé, à la 
paix de 1814, et lors de Forgani- 
sation des hôpitaux militaires d’in- 
struction, à celui du Val-de-Grâce, 
à Paris, en qualité de pharma- 
cien. C’est après avoir remporté 
un prix, dans les concours de cet 
établissement, qu’il présenta, en 
1518, à la faculté de Paris, pour 
obtenir le grade de docteur, un 
Essai de toxicologie considérée d’une 
manière générale, dans ses rapports 
avec la physiologie hygiénique et 
pathologique, et spécialement avec La 
Jurisprudence médicale. Paris, Mé- 
quignon-Marvis, 1818; iu-8, de 
huitfeuilles. — Harmandde Mont- 
garnÿ a été l’un des collaborateurs 


MON 


1° du Dictionnaire des termes de mé- 
decine, chirurgie, art vétérinaire , 
elc. Paris, Crevot, 1823; un vol. 
in-8. 2°, du Journal universel des 
sciences médicales. Y faisait aussi , 
à Paris, des cours publics de phy- 
sique et de chimie médicale. Il 
est mort dans cette ville, jeune 
encore, au mois de décembre 
1823. 


MONTMIGNON (JEax - Bar- 
TISTE ), naquit, en 1797 , à Lucy, 
près Château-Thierry, entra dans 
l’état ecclésiastique et fut d’abord 
secrétaire de l'évêché de Soissons, 
sous M. de Bourdeilles. Plus tard, 
le même prélat le nomma, succes- 
sivement, chanoine, vice-gérent 
de loflicialité, grand-vicaire et 
archidiacre. En 1786, labbé 
Montmignon succéda à labbé Di- 
nouart dans Ja rédaction du J'our- 
nal ecclésiastique; mais il aban- 
donna ce travail à l’abbé Barruel, 
en janvier 1788. Il eut part aux 
écrits publiés par l’évêque de Sois- 
sons, au commencement de la Ré- 
volution, et il passa, notamment, 
pour auteur d’un mandement et 
ordonnance du prélat, daté de 
Bruxelles, le 20 mai 1792, écrit 
étendu , et qui fut alors remarqué 
parmi les nombreux’ actes du 
même genre qui signalèrent cette 
époque. Obligé de sortir de France, 
en 1709, l’abbé Montmignon y 
rentra sous le gouvernement du 
Directoire ; lors du Concordat , 
il fut nommé grand vicaire de 
Poitiers; mais il resta peu dans 
ce diocèse ; de retour à Paris, 
il fut nommé chanoine de la mé- 
tropole, en 1811, et depuis, grand 
vicaire du diocèse. En dernier 
lieu , l'archevêque de Paris Pavait 
chargé de Pexamen des livres pour 


MON | 


lesquels on sollicite l’approbation 
de l’autorité ecclésiastique. L’abbé 
Montmignon est mort à Paris, le 
21 février 1824. C'était un pieux 
et sayant ecclésiastique. Indé- 
pendamment des sciences théo- 
logiques , il s'était occupé de 
celles qui concernent le méca- 
nisme des langues. — On à publié : 
Notice des livres de la Bibliothèque 
de feu M. l’abbé Montmignon. 
Paris, Dehansy, 1824; in-8, 
d’une feuille un quart. 


Liste des ouvrages 
de J. B. Montmignon. 


I. Système de prononciation fi- 
gurée, applicable àtoules Les langues, 
et exécuté sur les langues francaise 
el anglaise. Paris. Royer, 1787 
( 1785) ; in-8. 

IL. Lettre à l'éditeur des Œuvres 
de Daguesseau ( insérée dans le 
T. VIII de l'édition in-4, des 
Œuvres du chancelier }. 

IT. Crime dapostasie. Lettre 
d’un religieux à un de ses amis. 
Artois, Flandre, et Cambrésis. 
in-8, de vingt-quatre pag. (1790). 

IV. Vie édifiante de Benoit Jo- 
seph Labre, mort à Rome, en odeur 
de sainteté, le 16'avril 1783 , com- 
posée par ordre du Saint-Siège, elc., 
par M. M°***( Marconi ), lecteur 
du Collége romain, confesseur du 
serviteur de Dieu; traduit de L’ita- 
lien. Paris, Servière, ou Guillot, 
1984; in-12, de deux cent vingt 
pages ( anonyme ). 

Cette traduction a eu trois édi- 
tions, la même année. Il existe 
du même ouvrage, une autre tra- 
duction, sous le titre de : Vie et 
T'ableau des vertus de B. J. Labre, 
traduction nouvelle et complète (par 
M. l'abbé Roubault).Paris,Berton, 


MON 335 


1909, in-12. — Avant ces deux 
traductions , on avait publié en 
français , une Vie édifiante de B. 
J.Labre, etc., composée sur les in- 
formations fuiles par le Saint-Siège. 
Paris, 1784, in-12. 

V. Préservatif contre le fana- 
tisme, ou les Nouveaux millénaires 
rappelés aux principes fondamen- 
laux de la foi catholique. Paris, 
1806 , in-8 (anonyme). 

C’est une réponse à l’ouvrage 
du P. Lambert, intitulé : Exposi- 
tion des prédictions et des promesses 
faites à l'Eglise, pour les derniers 
temps de la gentilité. 1806, deux 
vol. in-12. 

VI. Choix de Lettres édifiantes, 
ecriles des missions élrangères ; 
précédées , etc. 1808, huit vol. 
in-8.—Seconde édition, augmentée. 
Paris, Grimbert, 1824 et 1829, 
huit vol. in-8. 

Les discours préliminaires , ad- 
ditions et notes de Pabbé Mont- 
mignon, forment plus du tiers des 
huit volumes. La mort l’'empècha 
de terminer lui-même la seconde 
édition, dans laquelle on a eu soin 
de supprimer celles des additions 
de l’auteur qui ont paru trop 
étrangères à cette collection. 

VII. De la Règle de vérité et des 
causes du fanatisme. 1808 , in-8, 
de onze feuilles. 

Cet écrit est anonyme; il n’a 
point été mis en circulation, à l’c- 
poque où il fut imprimé ; il semble 
même que l’impression n’a pas été 
entièrement terminée, puisqu'il 
est sans frontispice. C’est dans cet 
état qu’on en trouve des exem- 
plaires chez le libraire Grimbert. 
On ditquecetouvrage était destiné 
à servir d'introduction au sui- 
vant : 

VIII. La Clef de toutes les lan- 


256 MOU 

gues, où Moyen prompt et facile 
d'établir un lien de correspondance 
entre tous les peuples, et de sim- 
plifier extrémement les méthodes 
denseignement par lPétude des 
langues. 1811 , in-8. 

C’estune espèce de pasigraphie 
fondée sur le numérotage des mots 
dans le Dictionnaire de chaque 
langue, comme Cambry l'avait 
exécuté en petit, dans ses Ÿocabu- 
laires polyglottes. 

Eofo, c’est l’abbé Montmignon 
qui a revu et corrigé la seconde 
édition de la Wie de J. C. par 
Peigné ( V. l’art. PEIcNÉ, An- 
nuaire Nécrologique de 1822, page 


172 ). 


MOULIN ( Oxvrare - Benoîr- 
CrauDE ) , ancien procureur , né 
au Moulin-à-Vent, hameau près 
Lyon ,; mort subitement dans 
cette ville , le 31 mars 1823, à 
l’âge de 65 ans environ. C'était 
un homme atteint d’une violente 
scribomanie, et qui a passé Îles 
dernières années de sa vie à faire 
et à publier des pamphlets et des 
articles de journaux. Personne ne 
mourait à Lyon qu'aussitôt il ne 
brochât sur le défunt une notice 
biographique (1). Il fut le défen- 


(1) La Gazette universelle de Lyon, 
du 4 juin 1822, annoncantune Notice 
sur M. Cozon, par M. Moulin, s'ex- 
primait ainsi : « Îl est presque impos- 
sible à un homme , même peu connu, 
de mourir à Lyon sans que M.Onupbre 
ne lui consacre aussitôt une notice 
nécrologique. Ou serait tenté de croire 
qu'il Sy prend d'avance et qu'il tient 
en réserve l’histoire de chacun de ses 
compatriotes , pour Ja faire paraître à 
Finstant même de leur mort. C'est 
ainsi que, Sans attendre que leurs 
evndres fussent refroidies, 1l nous a 


MOU 


seur de Chalier , quoiqu'il ne 
partageñt pas ses opinions poli- 
tiques. En 1791, il avait publié 
des factums , qui sont encore re- 
cherchés à Lyon par les curieux , 
dans une cause entre Ennemond 
Garnier et Louise-Marie Besson 
sa femme, surnommée la Belle 
V inaigrière, accusée d’adultère, 
par son mari. Il a exercé pen- 
dant plusieurs années, les fonc- 
tions d’avoué près le tribunal de 
première instance de Lyon. Il fut 


donné successivement les biographies 
de MM. Maillot, traiteur, rue des 
Quatre Chapeaux ; Saget, propriétaire 
à Sainte-Foy ; Dacier ; Guillin d'Ave- 
nas, Gardaz et Hole: avocats ; Bu- 
gnet, architecte; Martinière et Ri- 
gaud , avoués , et Ronjon, ancien ma- 
gistrat. Rien de plus bizarre que ces 
notices, soit sous le rapport du style, 

soit sous celui des pensées. On a sou- 
vent de la peine à discerner si ce sont 
des panégyriques ou des satires, si 
l'auteur emploie l'ironie ou s’il parle 
sérieusement; et les familles de ses 
héros doivent être fortembarrassées de 
savoir si elles lui adresseront des re- 
merciemens, ou si elles se plaindront 
de lui. Un homme d'esprit comparait 
les phrases de Diderot à des bacchantes 
dans l'ivresse , qui s'étaient mises à 
courir les unes après les autres. On 
peut de même assimiler à des ba- 
chantes les phrases de M. Onuphre, 
mais à des bacchantes d’un ordre moins 
relevé. Le délire de Diderot est parfois 
sublime, celui de son imitateur l’est 
beaucoup moins. Ïl vient de lancer 
du Château-de-Vaux, une nouvelle 
notice aprés décès, celle de M. Cozon, 

qui ressemble à toutes celles que nous 
avons mentionnées. C'est la même 
incohérence dans les expressions et 
dans les idées, j'ai presque dit la même 
extravagance... Mais je crains d'offen- 
ser M. Onuphre : il pourrait se venger 
dans la nécrologie qu'il me fera in- 
manquablement ; si je meurs avant 
lui, » 


MOU 


destitué en 1805 , pour s'être 
laissé emporter à des mouvemens 
de vivacité, dans une affaire qui 
lui était personnelle, contre un des 
magistrats appelés à la juger. Plus 
royaliste que le roi, M. Moulin 
ne savait pas contenir ses idées 
dans les bornes d’une juste mo- 
dération : c’est ce que prouve la 
lecture de ses derniers ouvrages , 
où l’exagération des sentimens et 
des pensées s’allie à une grande 
bizarrerie de style. 


Liste des ouvrages 


d’O. B. C. Moulin. 


I. Mémoire sur une question d’a- 
dultère et de séduction, pour En- 
nemond Garnier , ci-devant maitre 
vinaigrier à Lyon... plaignant et 
accusateur , contre M° Jean Girard, 
conseiller du Roi, notaire à Lyon, 
accusé, et Marie Besson, femme 
Gurnier , ditela Belle Vinaigrière, 
aussi accusée; enrichi des lettres 
galantes et amoureuse de M. Gi- 
rard. 1591, in-8 , de 60 pages. 

IL. Le Notaire impuissant accusé 
d’adultère , ou mémoire pour Louise- 
Marie Besson..…, contre Ennemond 
Garnier, en présence de M° Jean 
Girard ; en réponse au mémoire 
très-connu, fait pour Ennemond 
Garnier par M° Moulin , avoué , 
son défenseur. Orné de deux lettres 
galantes et amoureuses , nouvelle- 
ment découvertes. 1591, in-8 , de 
5o pages. 

Ce mémoire, encore plus cy- 
nique que le précédent, et c’est 
beaucoup dire, est une réponse 
ironique, destinée à le confirmer 
et non à le réfuter ; ilest en faveur 
du mari, quoiqu'il semble di- 
rigé contre lui. L'auteur ne s’y 
épargne pas lui-même, et se dé- 


MOU 237 


peint dans une note, comme un 
débauché, un coureur defilles, etc, 

111. Défense de Joseph Chalier , 
président du tribunal du district 
de Lyon, prononcé à l'audience du 
tribunal criminel du département de 
Rhône-et-Loire, le 15 juillet 1595, 
l’an II de la République, par le ci- 
toyen avoué Moulin, son défenseur 
officieux. in-12. 

Cette défense fait partie du pro- 
cès de J. Chalier…, avec un Tableau 
analytique des principaux événemens 
qui ont rapport aux conjuralions 
ourdies dans le Club central ; suivi 
de sa défense ; prononcée par le 
citoyen Moulin, etc. C’est un ex- 
trait du Journal de Lyon de cette 
époque , tiré à part. Le Procès a 
62 pages ; la Défense à laquelle la 
pagination recommence , en à 48. 
— « Chalier, dit son défenseur, 
»est content de mourir pour la 
» liberté. IL porte tout le monde 
» dans son cœur; il ira à l’échafaud , 
» comme un jeune homme vigou- 
» reux ya à la noce (1). » 

IV. Notice nécrologique pour ser- 
vir à l’éloge de M. Jean-Francçois- 
Armand Riolz, ancien jurisconsulte, 
etc., suivie d’une Dissertation sur Le 
célèbre M. Prost de Royer, de Lyon, 
et le fameux Merlin de Douai, rela- 


(1) En publiant cemémoire, M. Mou- 
lin se conforma aux dernières inten- 
tions de son client , qui , le jour même 
de son supplice , lui remit la note sui- 
vante : « Le cit. Moulin fera imprimer 
de suite et dans la présente semaine, 
son plaidoyer prononcé pour ma dé- 
fense , ainsi que la note par moi lue, 
avec toutes les notes, les noms des 
jurés et des juges qui‘ont prononcé 
mon arrêt de mort. » Les Crimes des 
Jacobins à Lyon, par le cit. Mau- 
rille. Lyon, an IX (1501); in-12, 
page 120. 


238 MOU 


tive à leur caractère particulier et à 
leurs ouvrages. Dédiée à M. Nouclo 
( anagramme de M. Coulon ), par 
Onuphre***, Lyon, Boursy, 1817; 
in-8, de var — 47 pages (1). 

On a faità cette notice l’hon- 
neur de la citer dans la Biographie 
Universelle (article Prost de Royer). 
Une autre notice de notre auteur 
sur M. Gardaz, insérée dans une 
feuille publique de Lyon, a servi 
à composer l’article Gardaz, du 
même recueil. 

V. Observations sur l’ouvrage (de 
M. Maret) intitulé : Traité du droit 
de retour légal et conventionnel. 
in-8 , de 6 pages. 

Ces Observations sont datées 
du 10 avril 1817,et signées le 
Rustre, ci-devant Métayer. On à 
des raisons suflisantes de croire 
que c’est M. Moulin qui est caché 
sous ce masque. 

VI. Notice sur M. Martinière. 
Lyon , Boursy, 1818; in-8, de 8 
pages. 

VIL. Nécrologie ( mars , 1819). 
in-8. 

C’est une notice dans le genre 
grotesque, sur un avoué de la Cour 


L 


(1) Un M. D***, ancien professeur 
de législation au département du Var, 
de l'Académie des Arcades, adressa 
au rédacteur du Journal de Lyon du 
20 septembre 1817, une lettre relative 
à la notice nécrologique de M. Riolz ; 
on y remarque le passage suivant : « Il 
paraît que ce M. Onuphre, ne pou- 
vant plus sans doute, tourmenter les 
vivans, prend plaisir à troubler le re- 
pos des morts, en remuant leurs cen- 
dres encore chaudes. Il épie , en effet, 
chaque Lyonnais qui meurt, pour 
dérouler le registre de ses talens ou 
de ses travers; et ce registre n'est 
que le dégoûtant. tableau, quelquefois 
piquant , de la vie publique et privée 
des malheureux trépassés. » 


MOU 


royale de Lyon, nommé Rigaud, 
qui venait de mourir, et qui y 
est dépeint comme un ivrogne. 
Elle est signée Mancelinier. 

VIII. L’Enseignement mutuel 
dévoilé ; ainsi que ses jongleries et 
prétintailles révolutionnaires ; ou 
l'Art daffranchir l'éducation de 
l'enfance de toute influence morale 
et religieuse. Dédié à la jeunesse 
pensante, réfléchissante , agissante 
et surtout bien impressionnée. Pour 
servir de de réponse à M. Sainte- 
Marie, docteur en médecine, ete. (1). 
Accompagné d'aperçus neufs et de 
notices sur quelques-uns des pro- 
fesseurs de morale qui dogmati- 
sèrent le peuple Lyonnais, et bestia- 
lisérent la jeunesse; jusqu’au retour 
de l’auguste maison des Bourbons ; 
par Onuphre: Lyon, Boursy, 1820; 
in-8, de vI1 — 119 pages. 

Quoique ce titre soit un peu 
long ,je l’ai copié en entier, parce 
qu’il fait connaître la manière de 
l’auteur et à quel parti il appar- 
tenait. L’Enseignement mutuel dé- 
voilé est ce que M. Moulin a fait 
de plus considérable et peut-être 
de plus original. Lorsqu'il le mit 
au jour, quelqu'un lui adressa 
le distique suivant: 


Tu viens de démasquer pourjamaisnos Lancastres : 
Courage ! c’est ainsi que l’on va jusqu’aux astres. 


IX. Letlre sur la souscription 
sollicitée en faveur des Grecs, par les 
libéraux, sous le nom de M. le comte 
de Ruaxis-Flassan , grec d'origine 
ct chevalier de plusieurs ordres ; 


(1j M. Sainte-Marie venait de pu- 
blier une brochure intitulée : Une 
séance de L'Ecole d'enseignement 
mutuel de Lyon. Lyon, 1819, in-8. 


NOA 


insérée dans le journal de l’Indé- 
pendant et la Gazette universelle de 
Lyon, du 1° septembre 1821. Sui- 
vie de remarques et ornée de l’é- 
bauche de portraits assez ressem- 
blans; par Onuphre. Lyon, Bour- 
Sy ; 1821; in-8, de 24 pages. 

X. Nécrologie de M. Cozon, an- 
cien magistrat à Lyon; parOnuphre. 
Lyon, 1822; in-8 , de 20 pages. 

C’est le dernier ouvrage M. Mou- 
lin : il l’a daté du château de Vaux, 
situé en Dauphiné, près de Lyon, 
qu'il avait acquis depuis quelque 
temps. 

Ces dix opuscules sont difficiles 


NOA 239 
à réunir : ilen est même qui sont 
devenus très-rares, tels que les 
trois premiers ; ils forment tout 
le bagage littéraire de M. Moulin, 
en y joignant quelques manus- 
crits du même genre, qu'il a lais- 
sés à M°° Teste sa fille, quelques 
mémoires judiciaires publiés par 
Jui pendant qu'il était avoué, et 
piusieurs articles qu’il a fait in- 
sérer dans les journaux lyonnais, 
et dont les principaux sont dési- 
gnés dans les passages de la Gazette 
Universelle de Lyon, cités précé- 
demment, ( Arlicle communiqué 


par M. I. F. de Lyon.) 


Ne 


NOAILLES ( le duc de }, 
connu jusqu'en 1789, sous le 
nom de duc d’Ayen, était le fils 
aîné du feu maréchal de Noailles; 
il naquit le 26 octobre 15539. 
Appelé par sa naissance, à la car- 
rière des armes, il y entra en 
l’année 1552, où il fut inscrit au 
nombre des gardes-du-corps, et 
devinten 1755 , colonel du régi- 
ment de Nozilles-cavalerie , dont 
sa famille était propriétaire, parce 
qu’elle avait levé ce corps à secs 
frais , pendant la guerre de la suc- 
cession d’Espagne. I fit à la tête de 
ce régiment,etavec distinction,les 
quatre dernières campagnes de la 
guerre de Sept ans. Il exerça la 
charge de capitaine de la compa- 
gnieEcossaise desgardes-du-corps, 
sous les règnes de Louis XV et 
de Louis XVI et fut décoré de la 
Toison d’or. Elevé rapidement au 
grade de brigadier et de maréchal 
de camp , il obtint le gouverne- 


ment du Roussillon, que son père 
Adrien-Maurice de Noailles avait 
possédé lorsqu'il fit la campagne 
de Catalogne. M. le duc d’Ayen 
fut employé en Bretagne, quand 
la guerre avec l’Angleterre com- 
mença. Nommé depuis, lieute- 
nant-général, inspecteur-général 
militaire commandant en Flandre, 
et membre du conseil de la guerre 
formé sous le ministère de M. le 
maréchal de Ségur, c’est à plu- 
sieurs mémoires qu'il Jut dans ce 
conseil , qu'est due , entre autres 
améliorations , la réforme de lu- 
sage de faire coucher par trois les 
soldats d'infanterie. Toutefois il 
ne fit pas oublier, dans ces hautes 
fonctions , qu’il avait débuté par 
être un des seigneurs les plus spi- 
rituels de la cour-de Louis XV, 
où il s'était fait connaître avec des 
mots heureux , de piquantes sail- 
lies et même des vers faciles et 
légers. On lui attribue entr’autres, 


240 NOA 
de jolis coupleis, qui furent 
chantés eù 1767 , dans un souper 
à l'Ile Adam, etauxquels Louis XV 
en ajouta, dit-on, un de sa facon. 
Ces couplets se trouvent dans 
plusieurs recueils de l’époque. 
Nous ne citerons ici , que le cou- 
plet ajouté par le Roi. 
Adam n'eut qu’une femme avec lui, 
Encor c’élait la sienne : 


Ici je vois celles d’autrui, 
Et ne vois pas la mienne. 
) 


M. de Noailles avait émigré en 
Suisse ; mais il revint auprès du 
Roi, quand il vit sa personne me- 
nacée ; à l’époque du ficenciement 
des Gardes, il se trouva séparé de 
Louis XVI, qu'il gardait depuis 
dix-neuf ans, avec la même fidé- 
lité qu’il avait montrée à Louis X V 
pendant seize années. Au premier 
signal d'alarme , il accourut aux 
Tuileries , et se tint constamment 
en uniforme delieutenant-général, 
à côté du Roi, toute la semaine qui 
précéda le 10 août, et durant 
toute cette journée. Echappé aux 
dangers qui menaçaient sa per- 
sonne , le duc de Noailles alla 
chercher un asile en Suisse, où 
il a passé trente ans d’une vie pai- 
sible, studieuse et honorée.Après 
la Restauration, ilreparut un mo- 
ment en France,et siégea quelque- 
fois à la Chambre des Pairs, où il 
avait été naturellement appelé. 
Mais ses infirmités et de longues 
et douces habitudes, le rappelè- 
rent bientôt dans sa retraite du 
canton de Vaud. M. le duc de 
Noailles avait épousé en première 
noces , M°°*° Daguesseau , fille du 
célèbre chancelier , et lorsque l’a- 
narchie épouvyanta et décima la 
France, il perdit en un même jour 
et sur le même échafaud, le 22 
juillet 1794, la maréchale de 


NOA 


Noailles sa mère , la duchesse 
d’Ayen sa femme, et la vicomtesse 
de Noailles sa fille, Son mariage 
lui avait donné cinq filles, mè- 
res d’une nombreuse postérité : 
M de Noailles, de Lafayette, 
de Thésan,de Montagu et de Gram- 
mont. Toutes furent des modèles 
de vertu et d'honneur: l’une d’elles 
fut un modèle d’héroïsme, et se 
montra digne de porter le plus 
beau nom de deux siècles et de 
deux mondes. M. le duc de Noailles 
avait épousé en secondes noces, 
une dame russe , la comtesse de 
Golofkin. Il la perdit en 1825. 
Ce second veuvage le ramena dans 
sa patrie et auprès de ses enfans. 
Il expira paisiblement, au milieu 
de quatre générations de sa fa- 
mille, à Fontenay-en-Brie, où il 
s'était retiré , le 20 octobre 1824, 
à pareil jour que celui de sa nais- 
sance, âgé de 85 ans. Dans sa 
jeunesse, le ducde Noailles s’était 
livré avec ardeur , à l’étude de la 
physique expérimentale et de la 
chimie, ce qui lui avait valu 
d’être admis à l’Académie des 
sciences, depuis 1975 : il lut au 
sein de cette compagnie savante, 


‘ quelques mémoires qui furent 


distingués. Lors de la dernière 
réorganisation de l’Institut, en 
1816, le nom de M. de Noailles 
s’y trouva compris, avec le titre 
d’académicien libre. On sait que 
c’est à lui qu’est due la carte d’Alle- 
magne connue sous le nom de 
Chancharel, carte reconnue par 
les Allemands, pour la première 
bonne qui ait été faite de leur 
pays , et devenue depuis , classi- 
que pour toutes les guerres dont 
il a été le théâtre. M. de Noailles 
conserva dans son extrême vieil- 
lesse, une âme forte et un esprit 


s 


PAC 
® 
Jeune; peu de jours avant sa fin, 
il rappelait encore et dictait sans 
hésitation , à M. le comte de Sé- 
gur son beau-frère, une assez 
longue pièce de vers inédite, et 
composée il y a cinquante ans, 


PACHE (JEean-Nrcoras), naquit 
dans la maison du maréchal de 
Castries , à laquelle son père était 
attaché. Il soigna l’éducation des 
enfans de ce seigneur, qui lui as- 
suraune pension, etluifitavoir un 
emploi dans les bureaux de la ma- 
rine. Il se maria ensuite, habita 
quelque temps la Suisse, où même 
ilacquit des propriétés. La Révolu- 
tion le rappela en France; il y 
apporta les mœurs austères d’un 
montagnard, unies aux idées dé- 
mocratiques les plus exagérées. 
En conséquence, il commença 
par renvoyer à M. de Castries le 
titre de sa pension, renonca au 
brevet de commissaire de marine 
qu'ilavaitreçu sous son ministère, 
et voulut travailler gratuitement 
dans les bureaux de Roland, alors 
ministre de l’intérieur. Pache se 
présentaittous lesjours,à sept heu- 
res du matin, à la porte du cabinet 
du ministre, et y déjeunait avecun 
morceau de pain sec, qu’ilappor- 
tait dans sa poche. Cette conduite 
lui valut quelque popularité ou 
du moins, une certaine réputation 
de singularité, ce qui était alors 
aussi un moyen de fortune. Les 
gazettes l’appelèrent Le bon homme 
Pache, ou le papa Pache. Brissot 
et Roland le prirent en affection 
et le prônèrent beaucoup. Ce der- 


PAC 241 
par un de ses contemporaîne, L'6- 
loge de M. le duc de Noailles a été 
prononcé à la Chambre des Pairs, 
par M. le prince de Poix {Noailies- 
Mouchy } ({ Moniteur du 5 février 
1825 ). | 


Pe 


nier,quiéprouvaitdes contrariétés, 
s'était déterminé à la retraite, in- 
diquant Pache pour lui succéder. 
Cependant la démission ne fut 
point donnée immédiatement , 
mais Servan quitta le ministère de 
la guerre, pour raison de santé, et 
Pache y fut nommé, le 50 octo- 
bre 1792. Dumouriez prétend que 
Roland le plaça à ce poste, espé- 
rant gouverner par lui son dépar- 
tement. Quoi qu'il en soit, à peine 
le nouveau ministre fut-ilentré au 
conseil, qu’il abandonna ses an- 
ciens protecteurs, s’attacha aux 
meneurs du club des Cordeliers, et 
ne tayda pas à devenir, avec des 
formes assez douces, l’un des plus 
dangereux ennemis de ceux à 
qui il devait sa fortune. Vin- 
cent ,; Ronsin, Meusnier, et quel- 
ques autres , devenus ses con- 
seillers et ses agens, imprimèérent à 
son administration une activité 
aussi violente que désordonnée. 
Ses commissaires inonderent bien- 
tôt les départemens frontières , 
et les pays conquis, particulie- 
rement la Belgique, où ils se 
conduisirent de manière à tout 
bouleverser, Les arrestations ar- 
bitraires et la dissipation des 
richesses publiques signalérent 
partout leur passage. Dumouriez 
eut beaucoup à se plaindre de ces 
2 
10 


243 PAC 

agens, qui contrariaient ses plans , 
bouleversaient ses mesures et lui 
rendaient impossible toute espèce 
d’ordre et d'organisation. En con- 
séquence, il n’a point ménagé 
Pache dans ses mémoires, où il 
le représente comme la cause pre- 
mière de tout ce mal (1). M"®° Ro- 
land ne l’a pas ménagé davantage; 
et il semble diflicile de répon- 
dre à ce qu’elle dit contre lui (2). 
Cependant les Girondins qui pou- 
vaient encore se faire entendre , 
attaquèrent vivement le ministre 
de la guerre, et il fut permis de 
faire connaître les vexations et le 
gaspillage qu’il avait au moins 
tolérés; non , il faut s’empresser 
de le dire ; par cupidité, mais par 
on ne sait quel inexplicableamour 
du désordre, trop commun à cette 
triste époque. Mercier, qui votait 
avec la Gironde , a dit que le mi- 
nistère de Pache coûta plus à la 
France que n’aurait pu le faire une 
armée ennemie. Accusé par Du- 
mouriez et par Valazé, Pache fut 
défendu par Marat, qui prétendit 
que les attaques dirigées contre 
le ministre, étaient liées aux ma- 
nœuvres empioyées pour sauver 
le Roi. Néanmoins, le désordre fut 
trouvé si grand et la désorganisa- 
ticn si complète qu’on ne put 
s'empêcher, le 3 janvier 1703, 
de nommer une commission pour 


(a). V. Correspondance du général 
Dumouriez avec Pache, ministre de {a 
guerre ; pendant la campagne de la 
Belgique, en 1798. Paris, 1793 ,in-8. 
— Le général Miranda a publié aussi, 
vers la même époque , sa correspon- 
dance avec Pache. 

(2) Voir ses Mémoires; Tom. 11, 
pag. 177. édit. de Collin de Plancy, 
1823, 2 vol. in-18. 


PAC 


statuer sur ces dénonciations : et 
le 2 févriér suivant, sur le rap- 
port de Barrère, il fut décrété 
que Pache serait remplacé: toute- 
fois, le rapporteur rendait justice 
à ses intentions, et disait, « qu’ii 
» ne manquait que dunerfprincipa! 
» de l’autorité publique, la con- 
»fiance. » Les uns demandèrent 
qu’on déclarât le ministre digne de 
l'estime publique; les autres au 
contraire, qu'il füt gardé à vue : 
la Convention passa à l’ordre du 
jour sur les deux propositions. 
Cette disgrâce provoquée par la 
Gironde, fixa décidément Pache 
dans les rangs des Montagnards , 
qui en firent un de leurschefs, hors 
de l’assemblée, quoique la douceur 
naturelle de son caractère parût 
le rendre peu propre à ce rôle. Peu 
de jours après sa sortie du minis- 
tère, le 15 février 1793, Pache 
fut élu maire de Paris, à la place 
du médecin Chambon, par les 
anarchistes qui dominaient les 
sections :ilobtinti2,000 suffrages, 
sur 15,000 votans. Le 28 février, 
le nouveau maire se présenta à la 
barre, au nom des 48 sections de 
la capitale, pour accuser indirec- 
tement Dumouriez et les députés 
qui lui prêtaient son appui. Le 
15 avril, il parut de nouveau à la 
tête d’une députation semblable 
à la précédente, pour demander 
l'expulsion illégale de Brissot et 
des principaux chefs de la Gi- 
ronde. La section de la Frater- 
nité l’ayant dénoncé comme diri- 
geant des complots dans le but de 
dissoudre la Convention et d’as- 
sassinerlesmeilleurs républicains, 
Pache nia qu’il y eût des complots, 
et fut justifié par Cambon, par- 
lant au nom du Comité de salut 
public. Tout cela se passait peu de 


AC 


jours avant celui du 31 mai 1795. 
Une commission de douze députés 
ayait été formée par l'influence 
des Girondins qui conservaient la 
majorité au sein de l’assemblée, 
pour déjouer ces complots et en 
poursuivre les auteurs. Il s’é- 
leva contreelleune opposition fu- 
rieuse, dont le foyer était placé à la 
commune de Paris, etquela toute- 
puissance de la Convention ne put 
abattre, parce qu’elle fut mal ser- 
vie ou trahie par les magistrats de 
la capitale, nommés presque tous, 
par l'influence démagogique. Les 
26 et 257 mai, à l'instant même où 
les attentats du 31, qu’il ne pou- 
vait pas ignorer, étaient sur le 
point de recevoir leur exécution, 
Pache ne cessa de protester à l’as- 
semblée qu’elle n'avait aucune 
insurrection à redouter, bien que 
déjà tout Paris fût en proie à la 
plus vive agitation. Néanmoins, 


* il vint annoncer le 30 mai, à la 


Commune, que lescitoyens réunis 
à l’Archevèché s'étaient déclarés 
en insurrection et qu’ils allaient 
faire fermer les barrières de Paris. 
Le 31 mai, il rendit le même 
compte à la Convention, avec un 
sang-froid très-remarquable. Tout 
en parlant des bonnes intentions 
du peuple pour elle, if ne prit 
aucune mesure pour la protéger. 
Le 1‘ juin, il certifia au conseil 
de la Commune qui tenait de nou- 
veaux pouvoirs des insurgés, que 
la Convention était pour eux dans 
les meilleures intentions, et invo- 
qua dans cette circonstance, le 
témoignage de Marat, alors pré- 
sent à. la Commune, où il était 
venu pour faire sonner le tocsin, 
qu'il sanna effectivement lui- 
même. Marat confirma la déclara- 
tion captieuse du maire et se mit 


PAC 243 
aussitôt à provoquer de tous ses 
moyens, l'insurrection du peuple 
rassemblé dans la salle. Des ap- 
plaudissemens accueillirent les 
discours incendiaires des deux 
orateurs, et la multitude s’élança 
sur leurs traces , demandant à 
grands cris la proscription des 
chefs de la Gironde. Elle lob- 
tint par la violence ; et le gouver- 
pement, à dater de ce moment, 
passa entre les mains des Jacobins. 
Quelques mois après, le jour que 
les Girondins parurent devant le 
Tribunal révolutionnaire qui les 
envoya à l’échafaud, Pache déposa 
contre eux, comme témoin, et 
les accusa d’avoir voulu constituer 
la France en république fédéra- 
tive. Peu de jours auparavant, il 
avait, par ordre du Comité de salut 
public, séparé le jeune fils de 
Louis XVI de sa malheureuse 
mère, et fait arrêter le général 
Arthur Dillon et d’autres accusés 
de conspiration. Bientôt les vain- 
queurs du 31 mai se déchirèrent 
entre eux. tache se trouvait na- 
turellement daas les rangs des Cor- 
deliers qui dominaient à la Com- 
mune, dont il était le chef : il s’y 
conduisit avec adresse et circon- 
spection. Atiaqué par Chabot dans 
le Comité de sûreté générale, il y 
fut défendu par Robespierre, qui 
n'était pas encore décidé contre 
lui. Lors de la conjuration d'Hé- 
bert, qui amena la chute de la 
faction des Gordeliers, Pache et le 
conseil de la Commune parurent 
bésiter sur le parti qu’ils pren- 
draient. Lui-même était désigné, 
dans un nouveau plan de républi- 
que, pour les fonctions de grand- 
juge. Il se présenta à la barre de 
la Convention afin de se justifier, 
sinon d’être entré dans le complot, 


Le 


2/7 da PAC 
au moins d’avoir laissé apir les 
conjurés. Ces bruits donnèrent à 
Robespierre un prétexte pour l’é- 
carter de la municipalité; il le fit 
même arrêter et remplacer par 
Fleuriot, qui paya bientôt après, 
cette faveur sur l’échafaud. 
Après le gthermidor, un décret 
de la Convention ordonna la mise 
en jugement de Pache, devant le 
tribunal criminel d'Eure-et-Loire. 
L’amnistie du 4 brumaire an IV 
le rendit à la liberté. Le gouver- 
nement du Directoire mal in- 
formé, éleya contre lui des accu- 
sations dénuées de fondement, et 
essaya de l'impliquer dans la 
conspiration de Babeuf. Cette 
fois, Pache n’eut pas de peine à se 
justifier (1). Dégoûté du monde 
et des affaires, il se retira sur 


un domaine national qu'il avait. 


acquis, à Thym-le-Moûtiers, dé- 
partement des Ardennes, et non- 
seulement il ne fit plus parler de 
lui, mais, à ce qu'il parait, ne 
voulut plus entendre parler des 
autres. Voici les détails authenti- 
ques que nous avons obtenus sur 
les vingt-cinq dernières années 
de la vie de cet homme, qui, après 
une carrière si orageuse et si 


bruyante, se plongea tout à coup 


dans la plus complète obscurité. 
Le domaine de Thym-le-Moû- 
tiers sur lequel Pache à vécu toat 
le temps du Directoire, de l'Em- 
ire et les neuf premières années 
dela Restauration, formait toute sa 
fortune, et rapportait seulement 
de 3 à 4000 francs de revenus. 
Cette médiocrité 


suffisait à 
ses besoins et à ses goûts, et 


{1) I publia à cette occasion, trois 
Mémoires (avril el mai 1795 ). 


PAC 


même il savait y trouver de quoi 
pratiquer la bienfaisance. En 1814 
et 1815, ses fermiers ont dû à sa 
générosité de ne pas être ruinés 
comme beaucoup d’autres, par les 
charges de la guerre qu'il voulut 
prendre à son compte. Toutefois, 
il se vit forcé en 1815, de vendre 
un quart de ses propriétés ; et c'est 
à peu près vers cette époque que 
l'inquiétude et les ennuis lui firent 
perdre la mémoire à tel point, 
que jusqu’à sa mort, arrivée sur la 
fin de 1825, il lui était devenu 
difficile de soutenir la conversa- 
üon, seulement pour quelques 
instans. Pache ne sortait de sa 
retraile que pour venir quelque- 
fois assister aux séances de la so- 
ciété d'agriculture de Mézières, 
dont il était membre. Il ne par- 
Jait jamais des événemens politi- 
ques de sa vie, pas plus que des 
événemens subséquens qu’il vou- 
lait ignorer, caril ne lisait jamais 
les papiers publics. Il ne se mê- 
lait pas même des affaires de sa 
commune, Sansrelations'intimes, 
sans société habituelle, il était 
néanmoins aimé des campagnards 
qui lentouraient, leur rendait 
volontiers tous les services qui 
étaient en son pouvoir, et 
surtout se faisait un plaisir de 
donner gratuitement de Vlins- 
truction aux jeunes gens de sen 
voisinage; il leur ouvrait sa bi- 
bliothèque, où ils trouvaient 
beaucoup d’ouvrages de mathé- 
matiques, de physique, d'histoire 
naiurelle, et leur transmettait 
ses leçons avec une patience inal- 
térable. C’est ainsi qu'il a formé 
un grand nombre de géomètres 
du cadastre. Sa conduite était 
celle d’un philanthrope sauvage. 
mais il est triste de dire qu'aucun 


PAR 


sentiment religieux n’échauffait le 


PAR 243 


Cournnné par la même société 


eœur de Pache. La plupart de ses - que le précédent , dans la séance 


élèves sont athées, etne le cachent 
pas. C’est probablement dans ce 
système qu'est rédigé un grand 
ouvrage de métaphysique auquel 
il travailla long-temps, etque l’af- 
faiblissement de ses facultés in- 
tellectuelles le força à laisser in- 
complet. Le manuscrit est passé 
entre les mains de M. Pache fils, 
lieutenant - colonel d’artillerie , 
actuellement (1825) en activité: 


PARIS ( Jeax-Josern ) a été 
successivement, pendant l’occupa- 
tion des Français, secrétaire en 
chef de la Commission du gouver- 
nement, dans les départemens 
formant la République Septinsu- 
laire , et depuis, sous-préfet en 
France. Il est mort à Paris, le 15 
mai 1824. Nous connaissons de 
lui, les ouvrages suivans : 

I. Essai sur celte question : 
Quels sont les meilleurs moyens 
de prévenir avec les seules res- 
sources de la France, la disette 
des blés et les trop grandes varia- 
tions dans leur prix? Mémoire 
qui a oblenu une médaille d'or de la 
Société d'agriculture, commerce 
sciences et arts du département de la 
Marne , dans La séance du à6 août 
1819. Paris, M°% Huzard, 1819; 
in-8, de dix feuilles et demie. 

II. Mémoire sur cette question : 
Quelle est, dans l’état actuelde la 
france, et dans ses rapports avec 
les nations étrangères, l’extension 
que l’industrie dirigée vers l’inté- 
rêt national, doit donner aux dif- 
ferens genres d’inventions qui 
suppléent le travail des hommes 
par le travail des machines. Paris, 
M Huzard, 1821; iu-8, de 
huit feuilles. 


du 27 août 1821. 

III. Considérations sur la crise 
actuelle de empire Ottoman, les 
causes qui l’ont amenée, et les effets 
qui doivent la suivre. Paris, 1821; 
in-8, de dix feuilles un quart. 


PAROY ( Jeax-Pricipre-Guy- 
LEGENTIL, marquis de }, issu 
d’une ancienne famille de Bre- 
tagne, naquit en 1790. Parvenu 
au grade de colonel , il se retira 
du service avec la croix de Saint- 
Louis, à l’époquede laRévolution, 
et consacra à la peinture tous ses 
loisirs. Cette occupation déplaisait 
à son père, qui jeta un jour, dans 
les fossés de son château, la pa- 
lette , les pinceaux et les couieurs 
de son fils, disant qu’il ne s’était 
pas donné un héritier de son nom, 
pour en faire un artiste. Celui-ci 
répondit que le talent dédaigné 
par son père serait, peut-être, un 
jour, sa ressource. En effet, la 
Révolution enleva à la famille Pa- 
roy les biens qu’elle possédait à 
Saint-Domingue , et les crayons 
du fils servirent non-seulement à 
procurer la subsistance du père , 
durant ses derniers jours, mais ils 
contribuërent encore à lui sauver 
la vie, sous le régime de la ter- 
reur, À cette époque, M. de Paroy 
avait été emprisonné à Bordeaux, 
où la mort l’atiendait, comme 
noble et comme député du côté 
droit de l’Assemblée constituante. 
Le dessinateur réussit, par le 
moyen de ses talens , à intéresser 
des hommes alors puissans , et les 
jours de son père furent épargnés. 
Le 20 juin 1792, M. le marquis 
de Paroy fut seul en faction, du- 
rant toute la nuit, à fa porte 


246 PAR 

des appartemens de Louis XVT ; 
il ne le quitta point de toute la 
journée du 10 août, et courut 
auprès de lui de grands dangers. 
De son aucienne fortune, il ne 
conservait plus qu’une petite pen- 
sion de secours, conne colon. 
Le crayon et le pinceau restèrent 
sa seule ressource, soit en France, 
soit en Espagne , où il conduisit 
son fils pourle soustraire à la con- 
scription. Toutefois, ce talent, 
produit d’un goût naturel , plutôt 
que d’études sérieuses , n'aurait 
pas suffi à donner de la valeur à 
ses ouvrages, s’il n’avait pris soin 
de choisir les Bourbons et leurs 
malheurs pour objets ordinaires 
de ses dessins. ( V. ci-dessus l’ar- 
ticle Louis xvur. pag. 195.) El est 
vrai qu'il s’attira par là, quel- 
ques tracasseries , qui n'eurent 
pourtant pas des suites bien 
graves. M. de Paroy avait aussi 
l'esprit tourné vers les inventions 
de toutes sortes ; c’est ainsi qu’on 
lui doit un procédé de stéréoty- 
page, où les matrices de cuivre 
sont remplacés économiquement 
par une pâte assez dure pour su- 
bir sans altération l'effort de la 
pression : il est aussi l’inventeur 
d’un vernis à faïence , entremêlé 
de poudre d’or, qui parait suscep- 
üble d’un trè:-bel effet. Le mar- 
quis de Paroy était de l’ancienne 
académie de peinture; lors de la 
dernière réorganisation de l’Ins- 
titut, en 1816, il eut l’ambition 
de faire partie de la classe des 
beaux-arts ; et n’y ayant point 
réussi, il manisfesta son chagrin 
par des écrits contre un académi- 
cien, dont il supposait que l’in- 
fluence avait pu contribuer à l’e- 
loigner. M. de Paroy est mort à 
Paris, le 922 décembre :824, 


PAU 


âgé de près de #5 ans. On a un 
portrait de lui, lithographié par 
Dutertre, en 1825. 


Lisle des ouvrages 


de J. P. G.L. de Paroy. 


L. Opinions religieuses , roya- 
listes et politiques, de M. Ant. 
Quatremère de Quincy ; imprimées 
dans deux rapports faits au dépar- 
tement de Paris, publiées par M. le 
M... de P***, Püris, Herhan!, 
1816 ; in-8 , d’une feuille. — Se- 
conde édition, avecle nom de lau- 
teur , ibid. id. 

Ce pamphlet est orné d’une 
gravure représentant un tourne- 
sol, entouré de quatre mers : la 
mer royaliste, la mer religieuse, 
la mer révolutionnaire , et la mer 
d'intrigue. 

IT. Précis historique de l’origine 
de l’Académie royale de peinture , 
sculpture et gravure; de sa fondation 
par Louis XIV, des événemens qui 
lui sont survenus à la Révolution , 
de sa dissolution par l’Assemblée 
nationale, et de son rélablissement 
par Louis XVIII. Paris, impri- 
merie de Gratiot, 1816; in-8, 
de quatre feuilles. 

III. Précis sur la stéréotypie ; 
précédé d’un Coup d’œil rapide sur 
l’origine de l’imprimerie et ses pro- 
grès. Edition stéréotype, d'après 
le procédé de MM. le marquis de 
Paroy et Durouchail. Paris, impri- 
merie de Cosson, 1822; in-8, 
de deux feuilles et cinq tableaux 
imprimés. 

On a exécuté à la même typo- 
graphie, et d’après le procédé 
M. de Paroy, une collection éco- 
nomique de classiques latins. 


PAULIN ( Auevusre ), 


né à 


PER 


Bressuire, le 9 avril 1774, mort à 
Nantes, le 11 août 1824, est au- 
teur de : 

I. Leçons de Cosmographie ou de 
Géographie astronomique. Nantes , 
1811,in-8.—deuxièmeédit. 1812, 
in-8. 

IT. Une brochure sur le retour 
«es Bourbons. 

III. Plusieurs pièces de vers in- 
sérées dans les journaux. (Extrait 
de la Notice sur les villes et les prin- 
cipales communes du département de 
la Loire inférieure; par J. L.B. se- 
conde édition. Nantes, Forest,1825, 
in-12. ) 

On trouve une notice sur Au- 
suste Paulin, dans le Lycée Ar- 
inoricain , 20° livraison. 


PELLETIER - VOLMÉRAN - 
A 1 MD TIPT ONE ), auteur drama- 
tique et professeur de déclama- 
tion, est mort à Paris, des suites 
d’une paralysie, le 24 février 
1824, âgé de 68 ans. Nous con- 
naissons de lui : 

I. Le Mariage du Capucin, co- 
médie -en 3 actes et en prose. 
1798, in-8. ; 

Il. Le Devoir et la Nature, drame. 
1799 » in-8. 

III. Clémence et Valdemar, 
drame. in-8. 

IV. ( Avec Cubières-Palmé- 
zeaux) Paméla mariée, ou Le 
Triomphe des Epouses, drame en 
35 actes et en prose. Paris, Barba, 
1804 ; in-6. 

Y. Les deux Francs-Macons, ou 
les Coups du hasard. 1808 , in-8. 

VI. La Servante de qualité, 
drame en 3 actes. 1811, in-8. 

VII. Les Frères à l’Épreuve… 


PERRIN-DULAC (F... M... ), 
est mort sous-préfet de Rambouil- 


PFL 247 
let, au mois de juillet 1824. Nous 
connaissons de lui : 

I. Voyage duns les deux Loui- 
sianes , et chez les nations sauvages 
du Missouri, par les Etats-Unis, 
POhio, et les provinces qui les bor- 
dent , dans les années 1801 à 1803; 
avec un Apercu des mœurs, etc. 
Lyon , 1805 ; in-8 , fig. 

II. Salomon, poème traduit de 
l'anglais, de Prior. 1808, in-8. 


PFLUGUER (Marc-Anam-Da- 
NIEL }, né à Morges, dans le can- 
ton de Vaud, en 1797 ; fixé à Paris, 
il s’occupa dès l’enfance de l’agri- 
culture pratique; il selivraensuite 
à l’étude de la théorie de cette 
science, et publia divers écrits 
sur cette matière. Pfluguer est 
mort à Paris, au mois de mars 
1824. On a publié une Notice sur 
Les livres de sa bibliothèque (Paris, 
Edouard Garnot, 1824; in-8, 
d’une feuille). Voici la liste des 
ouvrages qu'il a publiés: 

IL Cours d Agriculture pratique 
divisé par ordre de matières, ou 
l'Art de bien cultiver laterre. 1809, 
2 vol. in-8. 

II. Les Amusemens du Par- 
nasse, où Mélanges de Poésies lé- 
gères. 1810, in-18. 

III. Manuel d’instruction mo- 
rale. 1811, deux vol. in-12. 

IV. Cours d'Etude à l'usage de 
la Jeunesse, contenant les élémens 
de la grammaire, le style épisto- 
laire, l’arithmétique , la géogra- 
phie, etc., etc, précédé d’une mé- 
thode d'enseignement d’après les 
principes d’une théorie simple, claire 
et vraie; volume orné d’une carte 
géographique et de 5 planches qui 
renferment plus de 150 figures. 
Paris, À. Bertrand, 1811; in-12, 
de 39 feuilles. — Il y a des fron- 


2/8 PIC 
tispices nouveaux pour cet ou- 
vrage, qui portent la date de 
1818, et l'adresse du libraire 
Blanchard, avec ces mots: nou- 
velle édit. revue et corrigée. 

V, La Maison des Champs, ou 
M anuel du cultivateur etc., avec des 
sravures en taille-douce. Paris, 


Michaud, 1819; 4 vol. in-8. 


PICOT-BELLOC ( Jean ), 
frère puîné du botaniste Picot de 
Lapeyrouse, naquit à Toulouse, 
en 13548. Entré dans les gardes- 
du-corps du Roi, il culiiva en 
même temps, la musique et la 
poësie , et composa quelques 
eptrasjoués sur des théâtres par- 
ticuliers, ou dans Îles pays étran- 
gers. La cause de la Révolution 
devint la sienne , en 1780, il la 
seconda, disent ses biographes, 
par plusieurs écrits où respiraient 
la chaleur et lPenthousiasme. En 
1709, il était comunissaire des 
guerres ; il fut dénoncé à la Con- 
vention, et son arrestation fut or- 
donnée par un décret, rendu sur 
les dénonciations parties de la 
petite ville de Saint-Girons, dé- 
partement de PAriège, où il 
exerçait ses fonctions. Trainé dans 
les prisons de Paris, il n’en sortit 
qu'après le 9 thermidor. Picot fit 
jouer sur le théâtre du Lycée des 
Arts, le 15 brumaire an IIE (5 
novembre 1594), un drameen 
trois actes intitulé : Les Dangers 
de la calomnie ( imprimé). Trois 
ans après, Picot Belloc, 
commissaire des guerres à Saint- 
Gaudens ( Haute-Garonne), pu- 
blia : Le Père comme il y en a peu, 
ou {e Mariage assorti, comédie en 
trois actes et en prose. L'ouvrage 
est dédié au Directoire exécutif et 
aux deux Conseils. Retiré d’abord 


alors : 


L POR 


dans la château de Barbasan et 
ensuite à Tarbes, il introduisit 
dans les lieux voisins des Pyrénées 
plusieurs genres d'industrie qui y 
étaient inconnus. Picot- Belloe 
mourut le 5 mai 1820. Les auteurs. 
de Ia Biographie Toulousaine 
( Toulouse, 1825, 2 vol. in-8 ) 
ajoutent, qu’il a laissé beaucoup 
d’écrits politiques ; probablement 
manuscrits, 


PORTELANCE (.....de), 
auteur dramatique , naquit en 
17992, et se disait issu d’une fa- 
mille distinguée d'Irlande, à la- 
quelle Cromwell aurait ravi tous 
ses biens. Ce qui est plus certain, 
c’est qu’il avait un oncle chanoine 
de Saint-Honoré, à Paris, grand 
directeur d’âmes, et pourtant, à 
ce qu'on ajoute, médiocrement 


estimé. À l’âge de 19ans, Porte- 


lance composa une tragédie in- 
titulée : Antipater. Il en fit plu- 
sieur lectures dans diverses socié- 
tés de la capitale; les éloges de 
complaisance dont elle fut l’objet, 
comme il arrive d'ordinaire, l’eni- 
vrèrent tellement qu’il se refusa ab- 
solument à faire les changemens 
que ses amis ou les comédiens lui 
conseillaient. La pièce fut repré- 
sentée le 25 novembre 1551, et 
sifflée si unanimement qu’on a 
ditproverbialement pendant quel- 
que temps, S'il fallait en croire 
Palissot, sifflé comme Antipaler. 
Néanmoins, les lectures de cette 
tragédie malheureuse, de laquelle 
Coilé disait: « Elle n’est pourtant 
»pas médiocre; elle est détesta- 
ble », avaient séduit une riche 
veuve, qui épousa l’auteur, etlui 
üt don de tous sesbiens. Un parent 
de la femme de Portelance, après 
la mort de celle-ci, intehta un 


POR 


procès au veuf, et prit pour avo- 
cat le fameux Linguet. Porte- 
lance plaida lui-même sa cause, 
en 1773, et publia en 1780, un 
mémoire qui eut beaucoup de 
succès. Il se retira par la suite au 
château de Montaseau ; et depuis 
long-temps il était aveugle, 
lorsqu'il mourut en 1821. « Quel- 
ques dictionnaires historiques, dit 
M. Beuchot (Biogranhie Univer- 
selle; t. XXXV. pag. 464), le 
font mourir dès le 19 décembre 
1779. Voici pourquoi et comment 
cette erreur s’est commise. 
M. Ersch dans la France litléraire 
(T. III. p. 58), mit par un lapsus 
calami, à l’article de Portelance, 
la date de la mort de l'abbé de 
la Porte, dont l’article précedait. 
Désessart, dans le tome V de ses 
Sièclesliltéraires,répétacette faute, 
qui n’a pas manqué d’être copiée 
dans le Dictionnaire Universel de 
1810. Le nouveau Dictionnaire 
historique, critique et bibliogra- 
phique, place vaguement cette 
mort vers la fin du 18° siècle. 
Cependant, en 1810 même , Por- 
telance avait donné signe d’exis- 
tence. Ximenèsayant pris alors le 
titre de Doyen des poètes tragi- 
ques, Portelance lui disputa ce 
titre, et prétendit que Ximenès, 
quoique son aîné de cinq à six ans, 
n'avait été sifflé que treize mois 
après lui, puisqu’E picharis, sa pre- 
mière pièce , n'avait été jouée que 
le 2 janvier 1753... Portelance 
est nommé une fois dans le second 
chant de la Dunciade; et c’est 
peut-être son plus grand titre à 
l’immortalité.» 


Liste des ouvrages del Portelance. 


K a en 5 actes 
cten vers. 1759, in- 


POY 249 


Jmprimée avec une Critique 
qui est de l’auteur Iui-même. 

II. Le Temple de Mémoire, 
poëme. 1753,in-12. . 

III. ( Avec Poinsinét) Totinet, 
opéra-comique. 1753, in-8. 

IV. (Avec Patu) Les Adieux 
du Goût, comédie en vers libres 
et.en un acte jouée ’sur. le 
Théâtre-Français, le 13 février 
1794. in-12. 

Le sujet, le plan, la distribu- 
tion, les petits vers, sont de Patu; 


les vers alexandrins sont de 
Portelance. 


V. À trompeur trompeur et demi, 
comédie en 3 actes et en versli- 
bres, représentée et imprimée à 
Manheim. 

VI. (Avec l’abbé de Regley 
et de Caux ) Journal des Jour- 
naux, Où Précis des principaux 
ouvrages périodiques de lEu- 
rope. Manheim , 1760, 2 vol. 
in-8, comprenant depuis janvier 
jusques et compris avril de cette 
seule année. 

Le chevalier de Mouhy, dans 
son Histoire du T'héâtre-Francçais , 

attribue à Portelance plusieurs 
autres pièces jouées à l'Opéra-co- 
mique set en province, qui y ont 
été, dit-il, fort accueillies. k 


POYET ( Berwarp ), architecte, 
naquit à Dijon, le 5 mai 1742. 
Contemporain des Peyre et des 
Chalgrin , il fit comme eux, de 
grands progrès en architecture, 
tant sous la direction de M. de 
Wailly leur maitre , que pendant 
son séjour en Italie ,; comme 
pensionnaire du Roi. C’est à cette 
époque que Poyet, quoique très- 
jeune encore, fat chargé par l’am- 
bassadeur de France à Naples, de 
la direction de fêtes brillantes , 


250 POY 

qu'il exécuta de la manière la plus 
ingénieuse. De retour dans sa pa- 
trie, Poyet fut successivement , 
architecte de M. le duc d'Orléans, 
de la ville de 1 «ris et de l’Arche- 
vèché, de l'Université, du Corps 
législatif, du ministère de l'inté- 
rieur, etc., membre de l Académie 
d'architecture, du Conseil des bâ- 
timens civils, et enfin, dans ses 
dernières années seulement, de 
l’Académie des beaux-arts de 
l'Institut. « Nous avons sous les 
yeux, dit M. Vaudoyer (1), et 
nous admirons tous les jours, 
cette gracieuse fontaine de Jean 
Goujon, que son génie ( de Poyet) 
a su transporter et si élégamment 
ajuster au milieu du marché des 
Innocens.... c’est à son goût et à 
sa persévérance que l’on doit l’as- 
sainissementet l'un des plus utiles 
ornemens de cette ville, la démo- 
lition de toutes les maisons con- 
struites sur les ponts... Les écu- 
ries d'Orléans, bâties par lui, rap- 
pellent l’heureuse application qu'il 
a faite en ce monument, de la 
mâle architecture florentine...…. ; 
mais ce qui met le sceau à la ré- 
putation de cet artiste, c’est le 
superbe frontispice dodécastyle , 
d'ordre corinthien, qui à la tête 
d'un pont, décore , avec toute 
la richesse et le caractère con- 
venable, la Chambre des Dépu- 
tés. » — Toutefois, on ne saurait 
dissimuler que l'opinion géné- 
rale reproche à cette œuvre ca- 
pitale de Poyet, de n’offrir qu’une 
imitation commune de lantique 
et d’être dénuée de grâce et d’etïet 


(1) Discours prononcé sur la tombe 
a Poyet. ( Moniteur du 16 décembre 
3224). 


POY 


pittoresque. Les projets de Poyet 
furent bien plus nombreux que 
ses ouvrages. Celui de l’église de 
Saint-Sauveur, qui, très-avancée 
d'exécution , fut suspendue et dé- 
molie, par l'effet des circonstances 
de la Révolution, paraît mériter 
des regrets. On se ferait difficile- 
ment une idée de la fécondité et 
de la fougue d'imagination de cet 
artiste. Malkeureusement pour sa 
gloire , il ne se défia jamais de 
deux écueils contre lesquels il vint 
souvent frapper: la bizarerie et les 
conceplionschimériques.Aureste, 
peu d’événemens de quelque im- 
portance se sont passés, durant 
ces derniers quarante ans, sans 
lui inspirer l’idée de quelque con- 
struction à la fois monumentale 
et d’utilité publique : tels sont la 
colonne colossaie renfermant un 
muséum en spirale intérieure , 
le projet de transférer l’Hôtel- 
Dieu dans l'ile des Cygnes, celui 
d’un cirque national destiné aux 
fêtes publiques, d’un édifice à 
construire dans le grand carré des 
Champs-Elysées pour lesréunions 
de la garde nationale. Ses porte- 
feuilles étaient remplis de projets 
de ce genre, souvent excentriques 
et gigantesques, mais toujours 
ingénieux. arvenu à sa quatre- 
vingt-troisième année, sans avoir 
éprouvé d'inérmités, et encore 
plein de verve et d'activité, l’on 
peut dire que Poyet est mort le 
crayon et la règle à la main. Il 
cessa de vivre le 6 décembre 1824. 


Liste des ouvrages 
de B. Poyet. 


I. Mémoire sur la nécessité de 
transférer et dereconstruire l Hôtel- 
Dieu de Paris. 1785, in-4. 


sis 


POY 


II. Projet pour employer dix 
mille personnes, tant artistes qu’ou- 
vriers, à la construction d’une place 
dédiée à la nation, avec l'exposi- 
tion des moyens de fournir à la dc- 
pense de ce monument civique. 
1791 , in-8. 

IT. Projet de cirque national et 
de fêtes annuelles. 1592, in-8. 

IV. Projet d’un monument à éle- 
ver à la gloire de Napoléon [°. 1806. 

V. Renouvellement du projet de 
transférer l’Hôtel-Dieu à l’ile des 
Cygnes. 1807, in-4 ; — et 1822, 
Paris, imprimerie de Plassan, 
in-4 , d'une feuille et demie. 
—- Ibid. 1824. 

VI. Poyet, architecte du Corps- 
Législatif, etc., à tous les bonsFran- 
çcais. Paris , imprimerie de Fain, 


-1814, in-4, d’une feuille. 


VII. 4 MM. de laChambre des 
Députés des départemens ( Projet 
d’un monument, par M... archi- 
lecte de la Chambre). Paris , impri- 
merie de Fain, 1814 ; in-4, d’une 
demi-feuille. 

VIII. Hommage national destiné 
à consacrer l’époque fortunée du re- 
tour de sa M. Louis XVIII , et la 
réunion de tous les Français autour 
du trône légitime. Paris, impri- 
nerie de Fain, 1816 ; in-4, d’une 
demi-feuille. — Paris, imprimerie 
de Plassan, 1822; in-4, d’une 
demi-feuille. 

IX. Mémoire sur Le projet d’un 
édifice à construire au centre du 
grand carré des Champs-Elysées , 
pour les réunions de la garde royale 
ct de la garde nationale, ainsi que 
pour servir aux fêtes publiques. 
Paris, imprimerie de Fain, 1816; 
in-4 , d’une demi-feuille. 

X. Projet d’une nouvelle salle 
d'opéra à construire , sans qu’il en 
coûle rien au gouvernement , et qui 


POY 291 


ferait disparaitre le déficit annuel 
qui est à sa charge , etc.Paris, im- 
primerie de Fain , 181%; in-4, 
d’une feuille et demie. 

XI. Réponse aux critiques des 
Journaux et des Annalespolitiques, 
morales et littéraires. Paris, impri- 
marie de Fain, 1817; in-4, d'une 
feuille. 

XII. Poyet architecte du ministère 
de l’intérieur et de la Chambre des 
Députés. Paris, imprimerie de 
Fain , 1818; in-8, d’une feuille. 

XIII. 4 MM. les Députés des dé- 
partemens de l'Allier, des Basses- 
Alpes, etc. Paris, imprimerie de 
Plassan, 1819; in-4, d’une feuille. 

XIV. À MM. les membres du 
Conseil-d’ Etat. Paris, imprimerie 
de Plassan , 1819 ; in-4, d’une 
feuille. 

XV. À MM. les membres de la 
Chambre des Députés. Paris, im- 
primerie de Plassan , in-8 , d’une 
demi-feuille ; — relatif au projet 
d’un pont forgé en fer. 

XVI .Copie de la lettre écrite le 
26 février dernier... par M.Poryet, 
par laquelle il propose d'élever, par 
souscription , un monument expia- 
toire àS. A. R. Monseigneur le 
duc de Berry, sur le lieu même 
où ce prince inforluné a reçu le coup 
mortel, et de construire une nou- 
velle salle d’opéra au centre du 
Carrousel, Paris, imprimerie de 
Plassau, 1820 ; ic-4, d’une demi- 
feuille. 

XVII. Observation sur le choix 
d’un emplacement pour la con- 
struction d’une nouvelle salle d’o- 
péra.Paris, imprimerie de Plassan, 

1819; in-4, d’une demi-feuilie. 

X VIIL. Nouveau Système de ponts 
en bois et en fer forgé, inventé par 
M. Poyet, etc. — Rapport de 
l’Athénée des arts, et de la Société 


_ 
, 


292 REV 

royale académique des sciences 
de Paris, déveleppant et consta- 
tant l’avantage de ce nouveau 
pont. — Procès-verbal dressé par 
M. le maire de Livry, faisant 
connaître que M. Poyet a mis en 
exécution son nouveau système 
de pont, dans le domaine du 
Raincy, appartenant à $. À. KR. 
Monseigneur le duc d'Orléans. 
Paris, imprimerie de Plassan , 
1820 ; in-4, de deux feuilles et 
demie. 

On peut voir sur le même sujet: 
Rapport duConseil général des ponts 
et chaussées, sur un système de 
construction des ponts en bois et en 
fer, proposé par M. Poyet. Paris, 
imprimerie de Plassan, 1823 ; 
in- 4, de quatre feuilles. 

XIX.A MM. les nobles Pairs de 
France et à MM. les honorables 
Députés des départemens. Paris, 
imprimerie de Plassan, 1821; 
in-4 , d’une feuille et demie. 

XX. 4 MM. les membres de la 


REV 


Chambre des Pairs et dela Chambre 
des Députés. Paris, imprimerie de 
Plassan, 1821; in-4, d’une demi- 
feuille et d’un quart de feuille. 


XXI. Nouveau Système de ponts 
en bois et en fer forgé... comparé 


avec les ponts ordinaires , pour 


la durée, La solidité et l’éronomie. 
Paris, imprimerie de Plassan, 
12822; in-{folio d’une feuille. 

XXII. 4 MM. les membres de la 
Chambre des Députés. Paris, impri- 
merie de Plassan , 1823 ; in-4, 
d’une feuille et demie ; — relatif 
au pont sur la Seine, entre les 
îles Saint-Louis et de la Cité. 


XXIII. Copie de la Lettre adresée 
à S. 4. R. Monseigneur le duc 
d Angoulême, par M. Poÿet. Paris, 
imprimerie de Plassan, 1824; 
in-4 , d’une demi-feuille. 

XXIV. 4.8. Exr. Monseigneur 
le ministre de l’intérieur. Paris , 
imprimerie de Plassan, 1824 ; 
in-4, d’un quart de feuille. 


Re 


REVELLIÈRE-LÉPEAUX 
(Lours-Marie) (1 ),naquitle 25 août 


(1) Cet article nous a été commu- 
* niqué par une personne dont le nom 
serait le meilleur garant de l’exacti- 
tude des faits qu'il contient ; mais elle 
a désiré garder l’anonyme. Elle a cru 
devoir s’abstiner d'énoncer aucun ju- 
gement sur les principales circon- 
stances de la vie publique de feu 
M. Revellière-Lépeaux.Le rédacteur de 
cet ouvrage ne saurait observer le 
même silence. Il apprécie autant qu'il 
le doit, les vertus austères, le patrio- 
Usme religieux , 1a fermeté d'âme et 


1555, à Montaigu, département 
de la Vendée. Son père, homme 


la rectitude de cœur de M. Revellière- 
Lépeaux, qualités d'autant plus dignes 
d'estime , qu’elles se sont trouvées 
bien rares dans nos temps. Certaine- 
ment, s'il avait eu à raconter la vie 
de celui qui fait le sujet de cet article, 
il n'aurait pas manqué de l'en louer 
avec effusion ; mais, quant à lui, il 
aurait cru indispensable d'exprimer 
une opinion sévère sur le vote de 
de M. Revellière-Lépeaux dans le pro- 
cès de Louis XVT, sur sa coopération 
au 15 fructidor, sur les persécutions 


ANR D 


La 


ile mérite et d’un caractère tievé, 
était juge des traites, et exerça 
pendant trente ans, les fonctions 
de maire de sa petite ville, Presque 
sans fortune, il s’imposa les plus 
grands sacrifices , pour donner à 
sa fille et à ses deux fils l’éduca- 
tion qu’il avait lui-même reçue. 
L’ainé, après avoir étudié la ju- 
risprudence avec succès ; passa 
plusieurs années à Paris et finit 
par se fixer à Angers, où il acheta 
une charge de conseiller au pré- 
sidial. Ses grandes lumières et sa 

robité lui attivèrent l’estime uni- 
verselle. Ayant embrassé avec 
beaucoup de modération les prin- 
cipes de 1789, il expia sur l’é- 
chafaud de la terreur, la consi- 
dération dont i! jouissait. On n’o- 
sa pas cependant le faire périr 
sous les yeux de ses concitoyens. 
Amené à Paris avec deux autres 
magistrats du même corps, dont 
l’un , Brevet de Beauiour , an- 
nonçait de grands talens, il fut 
envoyé à la mort par le tribunal 
de Fouquier-Tinville , tandis que 
RO de PLATS, hair RAR CORNE SRE LPS 


religieuses, les mesures tyranniques et 
usurpatrices au-dedans, les guerres 
injustes et spoliatrices au-dehors, dont 
l'opinion et l'histoire accusent le Di- 
rectoire exécutif de la Répubiique 
francaise. Ces tortssont réels ; ils sont 
injustifiables. Il convient d'ajouter 
pourtant, que les récriminations ont 
été exagérées par l'effet de la politique 
du gouvernement impérial; et peut- 
être que le Directoire pourrait être 
absous, si on ne devait le juger que 
par comparaison. — Nos passions, 
l'infirmité de notre esprit, la difficulté 
des circonstances, condamnent pres- 
que tous les hommes d'état à commet- 
tre dGes fautes. Heureux ceux qui 
surent les racheter par de grandes ver- 
tus, et qui du moins ne laissèrent pla- 
ner aucun doute sur la loyauté de 
leurs intentions : ( Note du rédacteur.) 


REV 27% 


son frère, dont il est ici question, 
était proserit et fugilif, Cedernier, 
né avec une constitution faible , 
éprouva dès ses plus jeunes an- 
nées, des maux dont la trace ne 
devait jamais s’effacer. Un prêtre 
fut chargé de lui enseigner les 
élémens du latin, pour le mettre 
en état d’entrer au coilége. Cet 
homine cachait sous un extérieur 
doucereux l’excessive violence de 
son Caractère ; à la moindre faute 
il frappait son élève de coups ter- 
ribles dans le dos et dans l’esto- 
mac.Bientôtla contrainte et la don- 
leur lui déformèrent lépine der- 
sale ; sa poitrine cruellement gè- 
née ne put se développer etle con- 
damna à des souffrances qui n’ont 
fini qu'avec sa vie. Quand ses pa- 
rens découvrirent la cause du mai, 
il était déjà irremeédiable, Echappe 
trop tard à ces durs traitemens, le 
jeune Revellière-Lépeaux après 
avoir passé sous un autre maitre , 
alla rejoindre son frère aîné au 
collége de Beaupreäu, en Anjou, 
et achevases classes chez les Ora- 
ioriens d'Angers. Il se fit ensuite 
recevoir licencié en droit à luni- 
versité de cette viile. Décidé par 
le vœu de sa famille à suivre la 
carrière du barreau, il parüt 
pour Paris à l’âge de vingt-deux 
ans , prèta serment d'avocat au 
Parlement et entra chez un pre- 
cureur ,; nommé Potel, homme 
excellent , qui voyant son peu 
d'aptitude pour la pratique , le 
laissa suivre la pente naturelle &e 
son esprit, qui l’entrainait irré- 
sistiblement vers les sciences mo- 
rales et politiques. Le goût des 
beaux-arts et surtout de la mu- 
sique ne tarda pas à lui inspirer 
celui de l'italien, qu'il apprit à 
parler en peu de temps, avec 


25 4 REV 

beaucoup d’aisance et de pu- 
reté. Un ami de collége , depuis 
député à FlAssemblée  consti- 
tuante et à la Convention ( Le- 
clerc, de Maine-et-Loire ), vint le 
trouver à Paris; il était passionné 
pour la musique et la savait fort 
bien. Ils échangèrent ensemble 
des lecons de composition et d’i- 
talien. Les chants énergiques de 
Gluck excitaient leur enthousias- 
me ; ils parcouraient les collec- 
tions de tableaux, visitaient les 
monumens publics, et mêlant lé- 
tude des arts à celle de la philo- 
sophie, ils sentaient fermenter 
dans leurs âmes le germe des sen- 
tinens républicains. Aussi Re- 
vellière-Lépeaux fut-il sur le 
point de passer en Amérique , 
pour suivre les drapeaux des in- 
surgens. 

Une circonstance accidentelle 
fit échouer ce projet ; renonçant 
dès-lors à la jurisprudence »our 
laquelle il n’était pas né, il re- 
tourna dans sa famille. Après y 
avoir passé un an, il revint à An- 
gers ; séjour de sa première jeu- 
nesse , où il avait conservé de 
nombreuses liaisons, et bientôt 
après il épousa M'° Boyleau de 
Chandoiseau , fille d’un proprié- 
taire du pays. Ils habitèrent Nan- 
tes pendant quelque temps. Mais 
des raisons de famille les ayant 
rappelés en Anjou, ils firent bi- 
ür à la campagne, une petite mai- 
son assez agréable , ou ils vé- 
curent plusieurs années , se bor- 
nant à la société de leur famille 
et d’un petit nombre d'amis. 
M°°Revellière-Lépeaux avait pris 
de bonne heure, un goût très-vif 
pour l’étude des plantes, et s’y 
était livrée avant son mariage; 
elle communiqua ce goût à son 


REV 


mari ,; en lui donnant les pre- 
miers principes de la science. De- 
venu membre d’une société, en- 
core peu nombreuse, de botano- 
philes , qui s'était formée àAngers, 
à la mort du professeur , il fut vi- 
vement sollicité, par les associéset 
par les étudians de l’université , 
de continuer le cours annuel de 
botanique. Leurs instances le dé- 
terminèrent ; il entreprit cette 
tâche, qu’il regardait comme au 
dessus de ses forces, et s’attacha 
surtout à faire aimer la science, 
en développant les conceptions 
à la fois poétiques et profondes 
dontlegénie de Linné l’a enrichie. 
Doué d’une élocution facile et 
animée, il vit chaque jour s’ac- 
croître le nombre de ses audi- 
teurs. Le jardin où il donnait ses 
lecons devint bientôt un établis- 
sement municipal, et c’est au- 
jourd’hui dans son genre, l’un des 
plus beaux de la France. Cepen- 
dant M. et M Revellière-Lépeaux 
avaient pris depuis long-temps , 
avec quelques amis , la résolution 
d'aller chercher la liberté en 
Suisse ou aux Etats-Unis d’Amé- 
rique. L'un d'eux, M. Pilastre, de- 
puis constituant, conventionnel, 
législateur, et qui siégeait encore 
en 1825 ,au côté gauche de la 
Chambre des Députés, avait sé- 
journé en Suisse, pour étudier 
l’état du pays. L'Amérique allait 
obtenir la préférence , quand les 
événemens de 1789 vinrent Cou- 
per court à ces projets. Nommé 
syndic de sa commune , et mem- 
bre de l'assemblée bailliagère 
d'Angers, Revellière-Lépeaux y 
fut élu à l'unanimité , moins une 
voix, troisième député du tiers 
aux Etats généraux. Il y montra 
lors dela vérification des pouvoirs, 


FEV 


l'indépendance de ses opinions ; et 
leur tendance républicaine se ma- 
pifesta par son opposition à ce 
que le titre de prince fût accordé 
aux membres de la famille ré- 
gnante, par son vote pour la de- 
_vise du drapeau des gardes natio- 
nales: La Liberté ou la Mort, etc. 
Il prédit cependant que la chute 
du trône serait funeste à la li- 
berté, et se prononça pour la 
non réélection des députés à la lé- 
gislature suivante. Ne voulant ni 
pactiser avec sa conscience , ni 
violer ses engagemens , il évita 
de s’associer à aucun parti. Le 
duc d'Orléans fit pour l'entraîner 
dans le sien, d’inutiles tentatives. 
De retour dans ses foyers , Re- 
vellière-Lépeaux fut élu membre 
de l’administration départemen- 
tale, et ensuite appelé aux fonc- 
tions de juré près la Haute-Cour 
nationale qui siégeait à Orléans; 
il n’y parut que dans une facile 
affaire, où l'accusé fut acquitté. 
Au mois d’août 1592, 1l revint à 
Angers, fut nommé adjudant-gé- 
néral des gardes nationales du 
district de Vihiers et peu de 
temps après membre de la Con- 
vention nationale. La guerre ci- 
vile éclatait déjà dans l’ouest. 
Guidées pardes prêtres , d’innom- 
brables processions, de tout âge 
et de tout sexe, parcouräient pen- 
dant Ja nuit , à la lueur des torches 
eten chantant des litanies, les 
campagnes solitaires du bas An- 
jou. Elles venaient implorer Pap- 
pui de ia Vierge, de saint Laurent, 
des Mages, contre les innova- 
tions révolutionnaires ; la chapelle 
fut démolie. Les pèlerins virent 
dans un chêne voisin, l’image mi- 
raculeuse de la Vierge : le chêne 
iut abattu : ils la virent dans un 


LA) T = 
: EY 293 


buisson. D’autres prodiges vin- 
rent bientôt accroître la fermen- 
tation générale et l’exaspération 
mutuelle des partis. Fermement 
attaché à celui de la République, 
Revellière-Lépeaux fit dans Île 
département de Maine-et-Loire , 
des tournées patriotiques pour tâ- 
cher de réunir la population contre 
lesennemisextérieursdelaFrance, 
et coopéra à la rédaction d’un 
journal et à la création d’un club, 
qui se maintinrent long-temps 
dans la direction qu’il avait tâché 
de leur imprimer. Arrivé à la 
Convention, il s’y déclara pour 
l’incompatibilité de toute espèce 
de fonction avec celle de légis- 
lateur, et fit adopter, par re- 
présailles contre le manifeste 
allemand, la rédaction du décret 
portant que la nation française 
viendrait au secours de tous les 
peuples opprimés, qui voudraient 
recouvrer leur liberté. Dans le 
procès du roi Louis XVI, il vota 
pour la mort, contre le sursis et 
l'appel au peuple. La Montagne 
voulait qu’on statuät séance tie- 
nante sur la question de sur- 
sis, sous prétexte que l'humanité 
exigeait qu’on ne fit pas languir 
un condamné; Revellière-Lépeaux 
combattit avec force cette proposi- 
tion. « Ce n’est pas sans horreur. 
» dit-il,que j’entendsinvoquer l’hu- 
»manité avec des cris de sang.» 
Le mois suivant, il fit paraître dans 
la Chronique de Paris, un article 
hardi, intitulé le Cromwellisme, 
où il signalait claireinent les pro- 
jets de Robespierre, et des mem- 
bres de la commune de Paris. 
Le 10 mars , il réclama sans pou- 
voir l'obtenir, l’appel nominal 
sur le projet de décrèt qui éta- 
blissait le Tribunal révolutionaire, 


ét 


2 6 REV 

afin de constater son opposition à 
cette mesure. Le lendemain 14, 
pour compléter le triomphe du 
parti anarchiste, Danton de- 
vait développer une motion ten- 
dante à ce que la Convention se 
reconnût le droit de prendre le 
ministère dans son sein. Une foule 
d'hommes de l’aspect le plus hi- 
deux encombrait les tribunes et 
obstruait les issues de la salle ; 
ils étaient armés de piques , de 
sabres et de pistolets, profé- 
raient des menaces horribles et 
tenaient à la main des bouts de 
càble eflilés qu’ils disaient trem- 
pés dans l’eau-forte, pour laver 
la bouche des députés qui par- 
leraient contre le peuple. Leschefs 
de la Gironde, instruits qu’on 
avait le projet de les égorger cha- 
cun séparément , dans la nuit du 
10 au 11, l’avaient passée réunis 
ensemble,etdéterminés à se défen- 
dre. Ils s'étaient rendus également 
ensemble à la séance, et la con- 
sternation la plus profonde ré- 
gnait dans la partie saine de l’as- 
semblée , lorsque Danton se di- 
rigea fièrement vers la tribune 
pour développer sa proposition. 
Tandis qu'il attendait sur escalier 
que le membre qui l’occupait eût 
fini son discours, il vit Revel- 
lière-Lépeaux qui le suivait pour 
prendre rang après lui. Danton, 
jetant sur ce faible adversaire un 
regard de surprise et de dédain, 


lui dit brusquement : Que viens- 


tu faire ici? — Te démasquer et 
teconfondre, répondit Revellière- 
Lépeaux. — Toi? reprit Danton 
avec un geste demépris, je te ferais 
tourner sur le pouce. —Nous allons 
voir. — Mais quitl’a donné tant de 
présomption ? dit alors Bernard de 
Saintes,quivenaitappuyerDanton. 


REV 


— J'ai la conscience d’un homme , 
iln'a que l'audace d’un scélerat, vèe- 
pliqua Revellière - Lépeaux. Cet 
étrange dialogue ne fut entendu 
que des députés groupés au pied 
de la tribune. Le discours de ’ 
Danton fut habile et insidieux : 
Revellière-Lépeaux lui répondit. 
Il aitaqua à ia fois Danton, Ro- 
bespierre , le parti de la Com- 
mune, et les montra montant à la 
tyrannie par une route de sang. 


Celte improvisation énergique 
reieva les Girondins abaitus ; 


l’ordre du jour fut appuyé avec 
chaleur ; Danton déclara qu'il 
n'avait exprimé que son opinion, 
mais qu’il n’avait pas entendu faire 
de proposition formelle , et mul- 
gré l’obstination de Robespier- 
re, qui revint à la charge, la 
question préalable fut adoptée et 
le dernier triomphe de l'anarchie 
fut reculé de quelques jours. Ke- 
vellière-Lépeaux appuya la mise 
en accusation de Marat et pro- 
posa de joindre au décret le nu- 
méro de son journal où il de- 
mandait un dictateur. Au 91 mui 
et au 2 juin , il défendit les mein- 
bres de la Gironde, fit une pro- 
testation particulière avec Pilastre, 
Leclère, et Lemaignan, contre 
l’arrestation des 22, déclara qu'il 
était prêt à partager le sort de ses 
collègues et demanda avec Ver- 
gniaud, la convocation des assem- 
blées primaires. Chaque jour , de- 
puis cette époque , Revellière- 
Lépeaux venait à la tribune re- 
clamer l'appel nominal , contre 
les délibérations de l’assembiée , 
afin de constater son vote. Maïs 
cette demande n’était accueillie 
que par des vociférations et des 
menaces. La majorité voulait que 
le procès-verbal portât que toutes 


REV 


les décisions avaient été prises à 
l’unanimité. Ses eflorts pour se 
faire entendre au milieu d’un af- 
freux tumulte, épuisèrent telle- 
ment sa poitrine irritable , que , 
crachant le sang, miné par une 
fièvre lente , il ne pouvait monter 
l'escalier de la tribune, que sou- 
tenu par ses deux amis, Pilastre 
et Leclerc ( de Maine-et-Loire ). 
Enfin, dans une séance du mois 


d'octobre 1793 ; ayant encore: 
sa de- 


inutilement renouvelé 
mande , il déclara que ne pouvant 
faire constater son vote au pro- 
cés-verbal , il se retirait , et ces- 
serait d'assister aux séances, ne 
voulant pas qu’on pût croire que 
par son vote ou même par son si- 
lence , il avait acquiescé aux me- 
sures atroces et extravagantes 
qu’on adoptait journellement. A 
ces mots la Montagne se leva en 
masse et lui répondit par le cri : 
« Au tribunal révolutionnaire ! — 
Ne vous gênez pas, reprit-il; un 
crime de plus ou demoinsnedoitpas 
par vous coûter beaucoup.» On al- 
laitvoter sur la proposition, quand 
la voix d’un homme, qui sans doute 
voulaitle sauver, s’éleva du milieu 
de la Montagne, et fit entendre 
ces paroles grossières. « Eh! ne 
voyez-vous pas queleb..vacrever! 
Il ne vaut pas le coup. — Eh bien! 
crève donc tout seul! » criérent 
d’autresvoix. Revellière-Lépeaux 
sortit, et dès le soir même, le Co- 
mité de sureté générale lança con- 
tre lui un mandat d'arrêt, aussitôt 
converti en mise hors la loi. Pi- 
lastre et Leclerc, ayant donné 
leur démission après le 2 juin, 
furent poursuivis en même temps. 
Le premier s’échappa , l’autre fut 
arrêté, et ne dut la vie qu’à un 
raffinement de barbarie des terro- 


REV 257 
ristes, qui, voulant assortir leurs 
victimes, attendaient pour len- 
voyer au supplice, que ses deux 
amis fussent saisis. Revellièré-Lé- 
peaux trouva un premier refuge 
à l’ermitage de Sainte-Radegonde, 
dans la forêt de Montmorency. 
C’est là que le courageux Bosc, 
aujourd'hui professeur au Jardin 


. du Roi, avait, étant proscrit lui- 


même, accueilli beaucoup d’au- 
tres proscrits, avec ce dévoue- 
ment généreux dont il donna la 
preuve ,; en accompagnant ses 
amis de la Gironde jusqu’au pied de 
léchafaud. 

Dès les premières séances de 
l’Assemblée constituante , Re- 
vellière - Lépeaux s’était lié in- 
timement avec un vieillard res- 
pectable, député de Péronne , 
et nommé de Buire. Lorsqu'ils se 
séparèrent, à la fin de leurs travaux 
législatifs, cet homme de bien lui 
dit : « De grands boulerersemens 
se préparent ; je Connaiston cou- 
rage : tu seras proscrit; promets- 
moi de venir chercherun asile chez 
moi, ou renonce pour toujours à 
mon amitié. Revellière-Lépeaux 
promit : il était depuis quinze jours 
à Sainte-Radegonde, lorsque son 
vieil ami ayant découvert sa re- 
traite, le fit sommer de remplir 
sa promesse. Sans argent, sans 
habits, Revellière-Lépeaux quitta 
la forêt de Montmorency , et mit 
près de quinze jours à se rendre 
au village de Buire , situé deux 
lieues au delà de Péronne. El n’y 
arriva qu'après avoir échappé plu- 
sieurs fois, comme par miracle, 
aux proscripteurs. Ce fut là que 
pendant une année entiere , M: et 
M°* de Buire exposèrent leurstêtes 
pour le sauver. M. de Buire , an- 
cien militaire, était à cheval jour 

K2 


298 REV 

et nuit. À la tête de quelques 
centaines de paysans, il tenait en 
respect par des manœuvres ha- 
biles, les forces autrichiennes qui 
couvraient les districts de Cam- 
bray et de Saint-Quentin, et tan- 
dis que des greniers de son châ- 
leau on apercevait chaque soir , 
à l’horizon, la lueur sinistre des 
villages incendiés par l’ennemi, 
le district de Péronne fut constam- 
ment garanti de ces ravages. Plu- 
sieurs fois Revellière - Lépeaux 
voulut quitter sesvénérables amis. 
Mais sa fuite les aurait compro- 
mis peut-être plus encore que son 
séjour. Cependant il était dans la 
plus cruelle incertitude sur le sort 
de sa femme et de sa fille, qui, 
réfugiées dans les murs d'Angers, 
assiégé par les Vendéens, étaient 
sans cesse menacées de la prison 
ct de la mort, par les terroristes 
et par les insurgés. La chute de 
Robespierre leur permit enfin de 
se réunir à Paris , mais dans le 
plus complet dénuement. La mai- 
son qu'ils venaient de bâtir au 
moment de la Révolution, avait 
été réduite en cendre par les Ven- 
déens, qui occupaient leurs pro- 
priétés rayagées. Revellière-Lé- 
peaux cherchait les moyens de 
donner du pain à sa famike , lors- 
qu’au mois de mars 1795, sur la 
motion de Thibault (du Cantal), il 
fut rappelé dans la Convention, 
où il n’avait pas été remplacé. Le 
décret fut porté au milieu des plus 
vifs applaudissemens ( Moniteur , 
an III. n°71 ). Lors de la rentrée 
des proscrits, il y eut dans l’assem- 
blée un mouvement de réaction. 
On demanda la mise hors la loi de 
l'ancien président du Comité de 
sûreté générale , qui s'était 
soustrait par la fuite au mandat 


REV 


d'arrêt décerné contre lui. Re- 
vellière-Lépeaux s’y opposa avec 
succès. Appelé à la Commission 
des onze, il fut à même d’ap- 
précier les rares talens que le sage 
Daunou y déploya; il n’en parlait 
jamais sans admiration , et lui 
voua depuis cette époque, une es- 
time et une amitié qui n’éprou- 
vérent jamais d’altération. Chargé 
de soutenir diverses parties du 
plan de constitution de Pan ITE, il 
rappela à plusieurs reprises, à la 
Convention , qu’elle n’avait été 
convoquée que pour donner une 
constitution à la France, et com- 
battit avec une égale vigueur ; 


les royalistes des sections et les 


anarchistes , qui voulaient pro- 
longer la dictature de l’assem- 
blée , pour ressaisir le pouvoir 
que le 9 thermidor leur avait ar- 
raché. Les restes du parti de Dan- 
ton s’étaient réunis aux royalistes: 
mais s’élant aperçus que dès l’ins- 
tantqu’onavail cru pouvoir se pas- 
ser d'eux, on les traitaitavec mé- 
pris , ils essayèrent de se relever 
tous seuls ; en s’opposant à la 
mise en activité de la constitution 
qui venait d’être décretée. Leur 
première démarche fut de deman- 
der, en comité secret, la mise en 
accusation de Lanjuinais, Boissy- 
d’Anglas, et quelques autres. Re- 
vellière-Lépeaux les défendit avec 
force, attaqua. corps à corps les 
anarchistes, et leur tentative 
échoua. Revellière-Lépeaux fut 
l’un des derniers présidens de la 
Convention. Nommé membre du 
Conseil des Anciens, et à l’una- 
nimité, président de ce Conseil, 
il y ramena l’ordre et la dé- 
cence,bannis depuis silong-temps 
des débats législatifs. Porté le 
premier, à une grande majorité , 


REV 


sur la liste des candidats au Di- 
rectoire, par le Conseil des Cinq- 
Cents, il obtint dans le Conseil 
des Anciens,216 suffrages sur 218 
yotans. 

L’etat de la France était affreux, 
quand le Directoire s’instalia. Les 
caisses et les greniers étaient égale- 
ment vides, et cependant le gou- 
vernement était chargé de nourrir 
toutes les grandes vilies. On impri- 
mait la nuit les assignats , qui, en- 
core humides, devaient solder les 
dépenses du lendemain. Une pièce 
desTuileries était remplie jusqu’au 
plafond , de dépêches adressées 
des armées, de l'étranger, des dé- 
partemens,;aux comités de la Con- 
vention, et quin’avaient jamaisété 
ouvertes. Lefilde l'administration 
était rompu et la dissolution com- 
plète. Ce fut dans cet état de 
choses, que par une froide ma- 
tinée d'automne, les quatre pre- 
miers Directeurs se réunirent 
dans une chambre démeublée du 
Luxembourg, n’ayant qu’une peti- 
te table boiteuse, quelques chaises, 
un Cahier de papier à lettre, un 
cornet à encre et quelque bûches 
empruntées au concierge. Ils sur- 
montèrent cependant leur pro- 
fond découragement, et annoncè- 
rent aux deux Conseils que le Di- 
rectoire - Exécutif était constitué. 
L’eflet de cette nouvelle fut im- 
mense : la France avait enfin un 
gouvernement. Au bout d’un an 
l’abondance était revenue, le nu- 
méraire avait remplacé le papier, 
et l’administration marchait. Mais 
il faut dire que pendant les six 
premiers mois de l’existence du 
nouveau gouvernement , les di- 
recteurs entraient tous les jours au 
conseil, à huit heures du matin, 

etn'’ensortaient qu’à quatre heures 


REV 259 
après midi; qu'ils y rentraient à 
huit heures du soir, et ne se sé- 
paraient souvent qu’à quatre heu- 
res du matin. Touslescollègues de 
Revellière-Lépeaux , quoique ro- 
bustes , éprouvèrent successive- 
vement des maladies graves ; lui 
seul, faible et maladif, se sou- 
tint toujours. Quand le résultat 
des élections de l’an V eutintroduit 
dans les Conseils , une majorité 
royaliste, la majorité du Direc- 
toire annonça franchement sa ré- 
solution de soutenir le système 
républicain contre le Corps-Lé- 
gislatif. Revellière-Lépeaux, alors 
président du Directoire, fit pres- 
sentir clairement les événemens 
du 18 fructidor, dans une répon- 
se au général Bernadotte ; qui 
présentait les drapeaux conquis 
par l’armée d'Italie. Souvent 
dans ses entrevues avec les mem- 
bres du parti de Ciichi, il leur 
avait déclaré que le Directoire les 
renverserait, la veille du jour où 
ils voudraient eux-mêmes ren- 
verser la République. Il eut été 
facile de donner à cette mesure 
violente l'apparence d’une émeute 
populaire, en faisant soulever les 
faubourgs. Mais Revellière -Lé- 
peaux se refusa toujours à ce 
moyen. On lit dans les Mémoires 
sur M. Suard, par M. Garat, que 
M. Rewbell etRevellière-Lépeaux 
abandonnèrent la dictature à Bar- 
ras, dans la nuit du 17 au 18, et 
s’enfermerent dans leurs appar- 
temens. Rien n'est plus inexact. 
Les trois Directeurs furent assem- 
blés toute la nuit et ne cessèrent 
de délibérer et d’agir en commun. 
Après cette révolution, les chefs 
de la nouvelle majorité des Con- 
seils auraient voulu faire décré- 
ter une prolongation de pouvoir 


360 REV. 


des membres du Directoire et du 
Corps-Législatif. Revellière - Lé- 
peaux opposa à ce plan une ré- 
sistance énergique : il fut aban- 
donné. 

Lors de la création de l’Insti- 
tut, Revellière-Lépeaux avait été 
nommé membre de la classe des 
sciences morales et politiques, par 
le premier tiers de ce corps savant. 
Quelque temps avant le 18 fructi- 
dor, il lut à ses collègues un écrit 
intitulé : Réflexions sur le culte, 
les cérémonies civiles et les fêtes 
nationales. y manifestait un éloi- 
gnement prononcé pour les doc- 
irines de ancien clergé dominant, 
qu’il considérait comme entière- 
ment incompatibles avec le sys- 
tème républicain. Mais enrenver- 
sant le sacerdoce, la démagogie n’a- 
vait rien mis à sa place. Convaincu 
que l’absence d'idées religieuses 
devaitramenerle peuple, parl’ou- 
bli des lois morales, aux excès de 
la superstition, Revellière - Lé- 
peaux pensait qu’un culte simple, 
n’admettant pour dogmes que 
l'existence de Dieu et l’immorta- 
lité de l’îme, devait rallier à ces 
bases essentielles de la morale 
ceux que l’exaltation et la licence 
révoiutionaire en avaient éloi- 
gnés , sans exclure ceux qui, atta- 
chés à des systèmes religieux plus 
compliqués, ne pouvaient mé- 
connaître dans celui-ci,le principe 
commun de leurs croyances di- 
verses, Ï1 aurait voulu que les 
actes d’où naissent les liens des 
familles, fussent célébrés avec 
une solennité que repoussaient 
les habitudes démagogiques, et 
qu’ordonnées dans le même sens, 
les fêtes publiques complétassent 
l'ensemble des institutions mo- 
rales de Ja nation, Ces idées 


REV 


firent quelque sensation dans le 
public, mais ne convinrent ni 
aux royalistes, ni aux anarchis- 
tes. Elles donnèrent naissance à 
une association connue sous le 
nom de T'héophilanthropie, et dont 
le frère du célèbre minéralogiste 
Haüy paraît avoir été le véritable 
fondateur. Cette secte fut adop- 
tée par des hommes de diverses 
nuances d'opinion, tels que Du- 
pont de Nemours, Lecoulteux de 
Canteleu , Goupil de Préfeln, etc. 
Revellière-Lépeaux la considérait 
comme une louable entreprise ; 
mais il se borna à l’approuver, 
sentant bien que toute coopération 
du gouvernement lui serait nui- 
sible. Ce n’était pas là le compte 
de l'esprit de parti. Il lui fallait 
un prétexte pour déchirer un 
homme qui n’avait jamais varié, 
et dont on ne pouvait attaquer la 
probité. Aussi, quoique ni lui ni 
personne de sa famille n’assistât 
jamais aux réunions des thécphi- 
lanthropes , on imagina de l'en 
créer grand-prêtre , pape même ; 
et, comme la passion ne recule 
devant aucune absurdité, on lui 
prêta le projet de parvenir par 
cette voie, au pouvoir suprème. 
Le ridicule s'empare aisément 
des pensées graves, surtout en 
France, où les usages monar- 
chiques avaient enraciné l’habi- 
tude de la frivolité. Bonaparte, 
qui connaissait si profondément le 
mauvais côté de la nature hu- 
maine, dans les nations comme 
dans les individus, tira plus tard, 
de ces calomnies , un parti admi- 
rable, pour dépopulariser un 
homme qu’il détestait. 

Lors de la crise du 50 prairial, 
dont les suites fürent aussi impor- 
tantes que les détails en sont peu 


REV 


connus, Revellière-Lépeaux fut 
sollicité par beaucoup de membres 
des Conseils, de donner sa démis- 
sion, une plus longue résistance 
devant, selon eux, être le sigual 


d’une insurrection et d’un mas- ” 


sacre. Il accorda à leurs prières 
ce qu’ilavait refusé aux menaces, 
et se retira dans une petite maison 
de campagne qu’il avait à Andilly. 
Les anarchistes, mis en avant par 
un parti plus puissant et plus ha- 
bile, qui préparait déjà le règne 
de Bonaparte, adressèrent aux 
Conseils de nombreuses dénoncia- 
tions contre la majorité du Direc- 
toire abattu; le club des Jacebins 
fut rouvert; leJournal des Hommes 
libres reparut, etles attaques les 
plus violentes furent chaque jour 
dirigées contre ceux qu’on appelait 
les triumvirs. On voulait obtenir 
de Revellière-Lépeaux qu’it sépa- 
rât sa cause de celle de ses col- 
lègues. IL s’y refusa constamment 
et fit aux dénonciations une ré- 
ponse vigoureuse, où on lit cette 
phrase, que les faits n’ont pas dé- 
mentie: «Dansaucunecirconstance 
de ma vie,jene plierai mon langage 
etmesactions au gré des partis, ni 
pour obtenir leurs faveurs, nipour 
sauver matête.» Les dénonciations 
furent rejetées par le Conseil des 
Cinq-cents. 

Rentré, à cette époque, dans la 
vie privée, Revellière-Lépeaux 
continua d'assister assidûment aux 
séances de l’Institut , où il lut 
des Recherches historiques et stalis- 
tiques sur la Vendée. Le défaut de 
fortune l’obligea bientôt de se dé- 
faire de sa maison d’Andilly et de 
ses livres. Le premier Consul 
l'ayant fait presser par divers in- 
termédiaires, de paraître‘aux Tui- 
leries, il lui fit répondre que, s’il 


REV 261 
avait le désir de le revoir, il sa- 
vait qu’on était bien recu chez lui. 
Le premier Consul ayant alors pris 
un arrêté général pour fermer les 
temples desThéophilanthropes, en 
prit un spécial, pour ordonner la 
clôture deceluid’Angers,où iln’en 
avait jamais existé, manière indi- 
recte,mais pourtant officieile,din- 
diquer Revellière-Lépeaux comme 
chef de cette secte si décriée. 
Quand la France redevint mo- 
narchie, l’Institut, comme tous 
les autres corps, fut appelé à 
prêter serment de fidélité à l'Em- 
pereur. Deux collègues de Revel- 
lière-Lépeaux étant venus lui de- 
mander son avis et savoir ce qu’il 
comptait faire : « Un conseil dan- 
gereux, leur dit-il, je le prends 
volontiers pour moi, mais jamais 
nele donne à personne.» Révellière 
Lépeaux ne s'étant pas présenté, 
recut aussitôt du ministre de l’in- 
térieur, une lettre close, qui lui 
indiquait de par L Empereur,le jour 
et l’heure où lon recevrait son 
serment, avec injonction de se 
présenter, et de renvoyer, signée 
de lui, la formule jointe à la lettre. 
Revellière-Lépeaux refusa d’ob- 
tempérer à cet ordre, et quelque 
temps après, il partit avec sa fa- 
mille , pour une petite propriété 
qu’il venait d'acheter, en Sologne, 
aux environs d'Orléans. Cette con- 
duite ne plut pas aux Tuileries, et 
ses amis lui témoignant de vives 
craintes sur les suites qu’elle pou- 
vait avoir, Revellière - Lépeaux 
leur dit : « Il peut me briser, caril 
est fort et je suis faible ; mais il est 
une chose au-dessus de sa puis- 
sance : c’est de me faire plier. » 
L'Empereur fit donner ayis, par 
le ministre de l’intérieur, à la 
classe où siégeait Revellière-Lé- 


262 REV 
peaux, de pourvoir à son rem- 
placement, sur l'annonce qu’il 
donnait de sa démission. Mais on 
se garda bien de mettre sous les 
yeux de la classe la lettre de Re- 
vellière-Lépeauxau ministre. Dau- 
nou, Ginguené, Camus et même 
Pastoret, Quatremère de Quincy 
et quelques autres membres de 
leur opinion, s’opposèrent forte- 
ment au remplacement, auquel 
ils soutenaient qu’on ne pouvait 
procéder sur la simple annonce 
d’une démission, dont on n’ap- 
portait pas la preuve authentique. 
Cependant lantiquaire Visconti 
fut choisi peur son successeur. 
Revellière-Lépeaux eut dans sa 
retraite, la satisfaction de voir ses 
sentimens partagés par sa femme. 
Elle avait approuvé sa conduite, 
etjamais ni elle ni sa fille n’expri- 
mèrent le moindre chagrin de lé- 
tat de gêne, où les réduisait la 
rivation du modique traitement 
de l’Institut. L'éducation de leur 
fils fut leur occupation et l’histoire 
naturelle leur délassement. L’a- 
mitié vint aussi embellir cet asile 
où ils eurent le bonheur de rece- 
voir plusieurs fois le vénérable de 
Buire, qu'ils regardaient comme 
leur second père, leurs amis de 
l’ouest et quelques-uns de Paris, 
tels que le sénateur Lambretchs. 
Le poëte Ducis vint passer trois 
étés avec eux, et composa, dans 
les tristes bruyères de la Sologne, 
sa belle épiître à Gérard. On re- 
trouve, dans sa correspondance 
avec Revellière-Lépeaux, cette 
chaleur d'âme qui caractérisait sa 
conversation et ses écrits : il lui 
écrivait, le 3 septembre 1806 (1): 


ER CO EEEEN 


(1) Ces lettres de Ducis sont pu- 
blices ici, pour la première fois. 


REV 


— «..Toutle monde, à Versailles, 
» nous à fait des complimens sur 
» notre santé. Effectivement, nous 
»nous portons à merveille. Nous 
»avons, ma sœur et moi, mené 
»une vie si douce, si heureuse, 
»si parfaitement libre, avec vous 
» et votre charmante famille, que, 
»si nous eussions apporté à la 
» Rousselière, la moindre impres- 
»sion de chagrin, l’air de votre 
» maison et votre compagnie nous 
»auraient guéris. J’aisous les yeux 
»et M Lépeaux et votre chère 
» Antigone, dite Clémentine, et 
» le petit Ossian. Toutes ces douces 
»images nous ramènent près de 
» vous. Je me promène dans l’en- 
»ceinte des souvenirs, sur le bord 
» des eaux, au milieu des fleurs et 
» de ces peupliers chargés de noms 
» qui vous sont chers. Je me dis 
»avec attendrissement et recon- 
» naissance : « Et moi, j'y ai le 
»mien aussi. » — Ma sœur, de 
»son côté, ne peut parler sans 
» émotion de nos bons hôtes et de 
»cette terre de calme et de bon- 
»heur, où elle s’est trouvée tout 
»à coup, si à son aise. Une idée 
» consolante pour nous, c’est que, 
»comme mari et comme père; 
» vous êtes sûrement le plus heu- 
»reux des hommes,et ce sont là 
»proprement les plus précieux 
» dons du ciel. Tout ce que je dé- 
»sire, du fond de mon cœur, mon 
» cher et vénérable ami, c’est qu'il 
» exauce vos yœux,si naturels et si 
»modestes, que je connais; et 
» que je puisse voir votre âme sa- 
» tisfaite sur le bonheur des chers 
»objets de votre affection. Car, 
» pour vous, qu’avez-vous à dési- 
» rer, puisque vous êtes si loin de 
»l’orgueil et de toute ambition ? 
» Oui, mon cher ami, tout le bon- 


REV 


» heur que je me souhaite , dans 
» mes principes, je vous le souhaite 
»à vous-même et à ces autres 
»xous-mêmes. En sortant de votre 
» désert, si j'avais été condamné 


» par le devoir, à vivre dans le 


» monde, je serais tombé dans la 
» mélancolie du désespoir. » 

«(2 novembre 1805). . . . . . 
»Je ne puis, quand je vous lis 
»ou que je vous entends, mon 
» cher ami , ne pas me sentir de la 
» douceur et de la fermeté extrème 
»de votre âme, sur laquelle la 
» justice et la raison règnent avec 
» force, et sans violence. Il me 
» semble que j'en vaux mieux, et 
»ce qui metouche et me charme, 
»me profite. Comment puis-je 
»trop vous remercier de l’aiten- 
»tion que vous avez eue de me 
»donner des nouvelles de l’heu- 
»reuse arrivée de votre voyage, 
» presqu’en rentrant dans le sein 
» de votre famille ! c’est m’y ad- 
»mettre moi-même. Mais c’est 
»déjà fait par la confiance dont 
»vous m'honorez. . . 


D, « 


. . Si la Providence ne 
» vous à pas comblé des biens de 
»la fortune, elle vous a donné, 
» en revanche, les plus douces et 
» les plus profondes jouissances de 
» la nature. » 

« (11 septembre 1807.) Je ne 
»vous remercie pas, mon cher 
“hôte, de la réception que vous 
» nous avez faite. Nous y comp- 
»tions. Nous n’avons eu qu’à en 
»jouir,sans surprise et tout bonne- 
»ment. Les bonnes choses sont si 
» simples ! Elles ne coûtent rien. 
» Voilà pourquoi le bon sens est 
»si rare et pourquoi, dans les af- 
» faires des nations et des empires, 
s le point de maturité est si difli- 
»cile à saisir et nous échappe si 


REV 263 


» souvent. Que d’effets deviennent 
» causes ! quelle chaîne que celle 
» des réactions ! Mais il existe, au 
» milieu de tant de renversemens, 
» de renaissances et de débris, un 
» point pour la probité et la con- 
» science. C’est là que la liberté se 
»réfugie. Vous savez, mon cher 
» ami , depuis long-temps où j'ai 
» placé la micnne. C’est là que je 
» voudrais que fussent logées toutes 
»les âmes qui ressemblent à la 
» vôtre. Ma sœur n’oubliera jamais 
» l’intérieur de votre famille. Nous 
» assistons à vos pensées, à vos 
»mouvemens, COMME NOUS avons 
» assisté à vos déjeuners et à vos 
» diners de famille, en Sologne. 
» En vous disant adieu , mon cher 
set digne ami, en vous embras- 
» sant , je vous ai souhaité tout ce 
» que je souhaitais à mon cher ami 
» Thomas, qui a si bien peint l’âme 
» de Marc-Aurèle, Ce que je lui 
» souhaitais intérieurement lui est 
»arrivé, en mourant. J’en remer- 
»cie Dieu tous les jours. Car 
» j'aime mes amis pour jamais et 
» pour l’éternité. Comment puis-je 
»vous aimer autrement que ma 
» femme , mes enfans , tout ce que 
»j'ai eu de plus cher au monde ? 
» Adieu, mon cher ami; tous les 
» honnêtes gens vous aimeront. Je 
» me rappelle toujours de quelle 
»manière votre âme a frappé et 
» appelé la mienne. . . . . 


. . . . 2 . . 


» (28 juillet 1810). Vous avez 
» donc songé, très-cher ami, dans 
»notre pauvre et bonne Savoye, 
»que c’est ma véritable patrie, le 
» lieu de la naissance de mon père 
»et de tous mes ancêtres. Saint 
» Paul disait de lui : Hæbreus ex 
» Hæbreis ; et moi, je dis de moi : 


264 


» Allobroz ex Allobrogibus. Le 
»haut Mont-Blanc a couvert nos 
»humbles berceaux de sa taille 
» gigantesque. IIme semble qu’il 
»existe, dans mon âme, des sou- 
»venirs confus et égarés, d’une 
» nature sauvage et bonne, et que 
»toutes ces montagnes et moi 
» nous sommes de connaissance. 
»Je ne doute pas, mon cher et 
» excellent ami, que dans la Ven- 
»dée, qui vous à vu naître, s’il 
»m'eût été permis d’y voyager, 
»je n’y eusse rencontré votre âme 
»et votre caractère. J’y aurais re- 
» marqué vos mœurs et votre cou- 
»rage sans faste et inébranlable, 
»et la mélancolique et profonde 
» sensibilité de M" de La Revel- 
»lière , qui est le trait principal de 
» physionomie, dans votre famille. 
» Il y a de cela dans la mienne... 
» C’est avec la plus particulière 
» vénération et la plus tendre affec- 
» tion que je vous embrasse, . . .» 

En 1809, M. et M"° Revellière 
Lépeaux, obligés de retourner à 
Paris pour achever l’éducation de 
leur fils, vinrent habiter près du 
Jardin des plantes. Ils avaient 
dans chacun des membres de la 
respectable famille Thouin, des 
amis de trente ans. En 1810, ils 
firent une tournée dans les Alpes 
pour la santé de leur fille, qu’ils 
eurent la satisfaction de marier 
l’année suivante, avecun de leurs 
parens, qui venait de perdre la 
place de commissaire-général de 
police à Lyon, dans laquelle il 
s'était acquis l’estime publique. 
Peu de temps avant la disgrâce du 
duc d’Otrante, l'Empereur avait 
fait offrir à M. Revellière-Lépeaux 
une pension, dont on le laissait 
libre de fixer le taux. On exigeait 
seulement,qu’il en fit la demande. 


REV 


REV 


M. Revellière-Lépeaux pria l’ami 
qu’on avait chargé de cette com- 
munication de répondre en son 
nom, que n'ayant pas servi le 
gouvernement impérial, il n’a- 
vait aucun droit à ses faveurs. —. 
«J'aime mieux, ajouta-t-il en lui 
» serrant la main, élever mon fils 
»et doter ma fille du fruit de mes 
»privations que de celui de mon 
»déshonneur.»— «Voilà, répondit 
«M. G*****, la réponse que j’atten- 
«dais de vous. » Ge fut la dernière 
fois que M. Revellière-Lépeaux se 
trouva en rapportavecle pouvoir. 

Il continua depuis cette époque, 
à mener une vie paisible et retirée. 
Lors de la seconde invasion, la 
maison de campagne de son gen- 
dre, avec lequel il habitait, fut 
abandonnée auxtroupesalliées, et 
M. Revellière-Lépeaux perditdes 
lettres de Bonaparte, et d’autres 
papiers  intéressans.  N’ayant 
rempli pendant les Cent jours, 
aucune fonction publique , il ne 
fut point atteint par la loi d’am- 
nistie. Néanmoins, en 1816, il- 
reçut la visite d’un agent de po- 
lice, qui lui annonça qu’on s’é- 
tonnait de le voirtoujours à Paris; 
il répondit qu'aucune loi ne le 
forçait d’en sortir, et sur cette 
observation, l’agent de police se 
retira. Chaque année, il allait 
passer deux mois dans l’ouest, 
pour recueillir les revenus de ses 
pelites propriétés, et visiter ses 
parens et ses amis. Il avait con- 
servé pour sa terre natale et pour 
ses compatriotes un attachement 
profond, et vécut toujours avec 
sa sœur ,; dans la plus tendre inti- 
mité, malgré l’opposition de leurs 
principes politiques et religieux. 

En 1819, M. Revellière-Lé- 
peaux entreprit de dicter à son fils 


REV 


les mémoires de sa vie politique 
et privée. Il termina en 1823, ce 
travail , dont un double existe aux 
Etats-Unis d'Amérique, entre les 
mains d’un ami, et que son fils, 
d’après ses intentions, ne doit pu- 
blier qu’à une époque encore éloi- 
gnée. Bonaparte lui légua un der- 
nier témoignage de sahaine, 
dans un récit qu’on lit dans le 
Mémorial de Sainte-Hélène. Per- 
sonne autant que Bonaparte n’a 
eu l’art de déguiser la passion 
sous les dehors d’une feinte indif- 
férence, en mêlant habilement 
quelqueséloges sans conséquence, 
aux traits qui décolorent le carac- 
tère de son ennemi. Mais dans ce 
passage, ce qu’il tait et ce qu’il 
raconte décèlent ses véritables 
sentimens. Il rapporte les détails 
d’un diner de famille qui n’eut 
jamais lieu , et d’un sermon théo- 
philanthropique de M. Revellière- 
Lépeaux, qui n’eut jamaisl’incon- 
séquence de lui parler d’idées re- 
ligieuses d'aucune espèce, tandis 
qu'il glisse sur cette résistance à 
son pouvoir , qu'il ne put jamais 
lui pardonner. 

Atteint au mois de décembre 
1823 ,; d’une affection chronique 
de la poitrine , M. Revellière-Lé- 
peaux y succomba, au printemps 
de 1824, au moment où on l’en 
croyait guéri. Il s’éteignit à l’âge 
de 70 ans et demi, le 27 mars, à 
5 heures du matin, sans agonie 
et presque sans douleur. Le calme 
de sa raison et la fermeté de son 
caracière n’éprouvèrent pas un 
instant d’altération. Le 29, ses 
amis Conduisirent au cimetière du 
Père la Chaise ses restes mortels, 
qui furent déposés en silence, non 
loin de l’obélisque de Masséna. 

Le portrait de Revellière-J£- 


REV 265 
peaux a été peint par Gérard, il y 
a vingt-cinq ans environ; et le sta- 
tuaire David a reprodait, en 1823, 
avec une fidélité parfaite, ses 
traits dont les artistes n'étaient 
pas les seuls à reconnaitre l’ex- 
pression , à la fois, ferme et 
douce. N. E. X. 


Liste des ouvrages 


dé L. M. Revellière-Lépeaux. 


I. Réflexions sur le culte, sur les 
cérémonies civileset sur les fêtes na- 
tionales ; lues à l’Institut, le12 flo- 
réal an V de la République, dans 
la séance de la classe des sciences 
morales et politiques. Paris ; Jan- 
sen, l’an cinquième ; in-8, de 
quarante-cinq pages. —Traduit en 
allemand. 1597, in-8. 

II. Essai sur les moyens de faire 
participer l’universalité des specta- 
teurs à tout ce qui se pratique dans 
Les fêtes nationales ; lu à la classe 
des sciences morales et politiques 
de l’Institut national de France, 
dans la séance du vingt-deux ven- 
démiaire an sixième. Paris, Jan- 
sen ; an sixième ; in-8 , de vingt- 
six pages. 

IL. Discours prononcé par L. 
M. Revellière-Lépeaux , président 
du Directoireexécutif , à la fête de 
la République, le premier vendé- 
miaire an VI, in-8. 

IV. Discours prononcé à la céré- 
monie funèbre exéculée en mémoire 
du général Hoche, au champ de 
Mars, le 10 vendémiaire an NI, 
par L.M. Revellière-Lépeaux, pré- 
sident du Directoire exécutif. Im- 
primerie de Lemaire , in-8. 

Ces deux opuscules réunis ne 
forment que 16 pages. 

V. Du Panthéon et d’un théâtre 
national. Paris, imprimerie de 


266 RIC 


- Jansen, frimaire, an sixième; 
in-8,de quinze pages. —Desexem- 
plaires de ces cinq opuscules ont 
été réunis , avec un frontispice 
imprimé ; qui porte : Opuscules 
moraux de L.M.Revellière-Lépeaux 
et de J. B. Leclerc. 

VI. Des Dangers de la Résolution 
proposée sur l’enceinte des deux 
Conseils. Paris , nivose an VI, im- 
primerie de Gareau, in-8, de 
vingt-deux pages (anonyme ). 

L'auteur combat le projet d’at- 
tribuer à des commissions d’in- 
specteurs, la police de l'enceinte 
des conseils législatifs établis par 
la constitution de l’an IIT, et de 
déterminer légalement les limites 
de cette enceinte. 

VII. Aucitoyen Texier-Olivier , 
membre du Conseil des Cing-cents. 
Signé, N. E. Lacour , rue N. D. 
Nazareth. 

C’est une justification du sys- 
tème suivi par le Directoire, 
contre le parti démocratique, sys- 
ième qu’un député d’Indre-et- 
Loire avait critiqué, dans un écrit 
adressé au directeur Merlin. 

VIIE. Réponse de L.M.Reveillère- 
Lépeaux, aux dénonciations portées 
au Corps-Législatif, contre lui et 
ses anciens collègues. 15 thermidor 
an VII] (1799), imprimerie de 
Jansen ; in-8, de quatre-vingt- 
onze pages. 

Revellière-Lépeaux a donné un 
petit nombre d'articles dans les 
journaux , et quelques morceaux 
dans les cahiers de la ci-devant 
Académie celtique, entre autres, 
un Essai sur le patois vendéen. 


RICHEBOURG ( Gizzes-Por- 
cHer de Lissonay, comte de), pair 
de France, naquit à la Châtre, 
en Berry, en 1755. Il étudia d’a- 


RIC 


bord pour être médecin ; mais les 
premières élections populaires de 
Ja Révolution le firent maire de sa 
ville natale ; ensuite il fut nommé 
commissaire du Roi près le tribu- 
nal de son district , et, en sep- 
tembre 1791, député suppléant 
du département de l’fndre à la 
première législature ;, où il ne prit 
point séance. Enfin , en septembre 
1702 , il fut élu député titulaire à 
la Convention nationale. Il y vota 
la détention de Louis XVI, son 
bannissement à la paix, pour l’ap- 
pel au peuple et pour le sursis; 
c'est-à-dire , dans toutes les ques- 
tions de ce fameux procès, pour 
l'opinion la plus humaine et par 
conséquent la plus juste. Jus- 
qu’au 9 thermidor, M. de Ri- 
chebourg observa un silence cir- 
conspect, que justifie l’impos- 
sibilité de faire le bien et souvent 
même d'empêcher le mal. Depuis 
ceile dernière époque, il fut tou- 
jours employé avec beaucoup 
d'activité, tant au comité de le- 
gislation, au nom duquel il fit 
de fréquens rapports, que dans 
les départemens , où il fit préva- 
loir le retour aux principes d’or- 
dre et de justice. C’est sur son 
rapport, que le fameux tribunal 
révolutionnaire fut définitivement 
supprimé. Entré au Conseil des 
Anciens, par l'élection des deux 
départemens qui formaient l’an- 
cienne province du Berry ( Indre 
et Cher ), Porcher, quoiqu'alors 
attaché au système républicain, 
ne balança pas néanmoins, en di- 
versesoccasions, d’appuyer toutes 
les mesures tendantes à réparer 
les bouleversemens funestes aux- 
quels on venait à peine d’échap- 
per. C’est ainsi que le 29 novem- 
bre 1796, il s’eflorca, quoique 


-RIC 


vainement, de faire rejeter, au 
nom de la majorité d’une com- 
mission dont il était rapporteur , 
une résolution qui déclarait expi- 
rées les fonctions des membres 
des tribunaux criminels élus en 
1505, et qui autorisait le Direc- 
toire à les remplacer. Ce rapport 
qui n’eut point de résultat, fut 
réimprimé ettrès-répandu dans le 
midi de la France, où la mesure 
qu’il combattait contrariait vive- 
ment l'opinion publique, et valut 
à son auteur d’être réélu député 
au Conseil des Anciens par le dé- 
partement du Gard. Mais le 18 
fruæidor ayant donné au Direc- 
toire une influence illégale et 
sans limite, l’élection de M. Por- 
cher fut annulée. 11 devint alors 
membre de la commission admi- 
nistrative des hospices civils de 
Paris ; il y eut des démêlés avec 
les médecins de l’'Hôtel-Dieu, qui 
éclatèrent avec bruit dans les 
feuilles publiques, et amenèrent 
enfin sa révocation, au mois d’a- 
vril1799. Mais à la même époque, 
le département de l’Indre le réélut 
député au Conseil des Anciens. Il 
s’y prononga en faveur de la ré- 
volution de Saint-Cloud, devint 
membre de la commission inter- 
médiaire du Conseil , et passa de 
là, au Sénat-Conservateur. Il se 
trouvait secrétaire de ce corps à 
l'époque des grands événemens 
de 1814, et signa en cette qualité, 
l'acte de déchéance de Napoléon. 
Il entra ensuite à la Chambre des 
Pairs, et ne fut point appelé à 
celle des Cent-jours. Dansle procès 
du maréchal Ney, M. de Riche- 
bourg fut au nombre des quatorze 
juges qui ne votèrent point la 
mort , mais simplement la peine 
de la déportation. Depuis, il vota 


ROU 267 
constamment avec le parti consti- 
tutionnel. Il mourut le 10 avril 
1824, âgé de soixante-dix ans. 
—M. le comte Boissy d’Anglas a 
prononcé l’éloge de son collègue, 
à la tribune de la Chambre des 
Pairs (Monileur du 4 août 1824). 
— M. de Richebourg a laissé un 
fils, qui après avoir compté hono- 
rablement parmi les rangs de l’ar- 
mée française, marche à Ja 
Chambre des Pairs, sur les traces 
de son père. — On a réimprimeé, 
en 1816 ( nous ignorons pour 
quel motif), Rapport fait à la 
Convention nationale, au nom de son 
comité de législation, sur les diffé- 
rens mandats qni ont été décernés 
par le comité de surveillance des 
étrangers, de la section de l'Unité ; 
par G. Porcher ; dépulé par le dé- 
partement de l Indre; 26 mai 1595, 
imprimé par ordre du comité de 
législation. Paris , imprimerie de 
Ch. Baudouin. 


ROUZET ( François - LÉON), : 
médecin, naquit à Toulouse, le 12 
septembre 1795. Il était neveu du 
conyentionnel Rouzet, depuis 
comte de Folmon, auquel nous 
avons consacré un article (An- 
nuaire Nécrologique de 1820, 


page 196) (1). Léon Rouzet fut 


(1) Nous croyons devoir profiter de 
cette occasion pour donner ici , d’après 
la Bibliographie de la France(pag. 364 
de 1823), rédigée par M. Beuchot , des 
détails bibliographiques sur Rouzet de 
Folmon , qui ne nous furent pas con- 
nus à l'époque de la rédaction de son 
article. Voici les écrits que lui attri- 
bue M. Beuchot. 

« I. Un ouvrage sur les domaines de 
la Couronne, imprimé à l’époque de 
la première assemblée des notables. — 
Je ne connais cet ouvrage que d'après 


308 ROU 


l’unique enfant d’un famille ob- 
secure et pauvre. Fortjeune encore, 
il eut le malheur de perdre ses 
parens, et c’est à un ami de sa 
famille qu'il dut de recevoir le 
bienfait de l'éducation. Il étudiait 
en médecine, lorsque l’imminence 
de la conscription militaire, le 
détermina à solliciter Femploi de 
chirurgien -aide-major. En cette 
qualité , il fit honorablement les 
campagnes de 1812 et1815. Après 
la paix de 1814, Léon Rouzet 
voulut régulariser ses études mé- 
dicales , et il vint prendre le bon- 
net de docteur à Montpellier, en 
1818. C’est à cette occasion qu’il 
présenta à la Faculté de médecine 


ce qui enest dit: page3, du n. lil, ci- 
après. 

» Il. Explication de lénigme du 
roman ( de M. de Montjoye ) entitulé : 
Histoire de la Conjuration de Louis- 
Philippe-Joseph d'Orléans à Féridis- 
théal. (Paris, Barrois l’ainé, sans date) 
4 vol. in-8. 

» III. Analyse de la conduite d'un 
des membres de la célèbre Convention 
nationale. Paris, Pillet aîné, 1814; 
in-8 , de 12 pages. — anonyme. 

» Ce membre de la célèbre Conven- 
tion , poursuit toujours M. Beuchot , 
est Rouzet lui-même; et je n’hésite 
pas à le croire auteur de cette apolo- 
gie. Lui seul pouvait donner les détails 
qu'elle contient. Comme César, dans 
ses Commentaires , c'est à la troisième 
personne qu'il parle de lui. Le plus 
souvent 1l y écrit son nom Âozet, 
erreur trop forte pour ne pas être vo- 
lontaire , et qui n'a peut-être été faite 
que pour détourner toute idée de 
coopération de la part de Rouzet. » 

On peut ajouter à ces trois écrits, 
d'après la France littéraire de Ersch 
(tom. IIT, pag. 200), Opinion con- 
cernant Le. jugement de Louis XVI. 
Séance du 15novembre 17592. Imprimée 
par ordre de la Convention nationale. 
1792, in-$. 


ROU 


de cette ville, ses Recherches sur 
le Cancer (1). Sa thèse était un 
résumé de toutes les connaissances 
acquises sur ce genre de maladie, 
et devint par son mérite, comme 
par son étendue, un ouvrage bien 
fait. Presqu’à la même époque , il 
obtenait au concours, [a place de 
chef de clinique à la faculté de 
Montpellier, et une médaille 
proposée par la société de méde- 
cine pratique de la même ville, 
pour l’Eloge de Lapeyronie, chi- 
rurgien qui florissait à Montpel- 
lier dans le cours du dix-huitième 
siècle. Cet ouvrage de Rouzet n’a 
jamais été imprimé. 

Peu de mois après avoir reçu le 
titre de docteur, Rouzet ouvrit à 
Montpellier , un cours d'anatomie 
pathologique , dont il ne reste que 
les notes. Arrivé à Paris vers la 
fin de 1818, il conçut bientôt le 
projet de fonder un journal de 
médecine. Deux idées capitales 
l’y invitaient : le besoin de sou- 
tenir la gloire de l’école de Mont- 
pellier, sa mère nourricière, qu’on 
traitait alors avec beaucoup de 
dédain , dans une certaine portion 
du monde médical ; et l’envie non 
moins pressante , de discuter les 
nouvelles doctrines de la méde- 
cine physiologique du docteur 
Broussais, qui excitaient dès lors, 
les plus vives controverses. Telle 
fut l’origine de la Revue Médicale , 
dont la fondation est due princi- 
palement, au talent et à l’activité 
de Léon Rouzet , secondé de 
ses amis. Au milieu des contro- 


(1) Recherches et Observations sur 
le Cancer. Montpellier, et Paris, 
Gabon , 1818 ; in-8, de 23 feuilles.— 
dédié à M. le comte de Folmon. 


ROU 


verses passionnées qui agitaient Ja 
médecine , la Revue Médicale pro- 
fessa les principesd’un sage éclec- 
tisme, réclamant pour l’école de 
Montpellier , une justice qu'on 
lui refusait trop souvent, sans 
dissimuler toutce que les théories 
vagues et hypothétiques qu’on y 
a long-temps professées , gagne- 
raient à être vérifiées par les mé- 
thodes sûres de l’observation.Pa- 
reillément , la Revue Médicale ne 
contesta ni le talent réel de Brous- 
sais, ni les vérités essentielles 
de sa doctrine ; mais elle combattit 
avec un succès complet, les formes 
despôtiques de son enseignement, 
et les exagérations pernicieuses 
qui résultent des déductions trop 
absolues de son école. La Revue 
réunitnaturellementautour d'elle, 
les médecinsqui voulaient étendre 
les anciennes vérités par des vé- 
rités nouvelles, sous la garantie 
des méthodes philosophiques les 
plus suivies. Or, cette pensée do- 
minante, à laquelle ce journal dut 
particulièrement son succès , fut 
conçue et son exécution eflicace- 
ment secondée par Rouzet : c’est 
un service qu'il a rendu à la 
science. 

Mais bientôt les préludes d’une 
maladie de poitrine le forcèrent 
d'abandonner la direction de la 
Revue Médicale; 1 transmit ce 
soin à M. le docteur Dupau , son 
collaborateur et son ami, entre 
les mains duquel ce journal a dé- 
veloppé son caractère, agrandi 
son plan et atteint un très-haut 
degré de considération et de pro- 
spérité, C’est le propre de la ma- 
ladie dont Rouzet subissait les 
premières atteintes, d’exciter Pac- 
tivité naturelle des organes du 
cerveau. On le vit donc sans éton- 


ROU 269 
nement, à mesure que son mal 
faisait des progrès, se livrer à 
l’étude avec une ardeur qu’encou- 
rageaient d’ailleurs les distinctions 
qu’il commençait d'obtenir. Déjà 
membre des sociétés de médecine 
de Paris , de Toulouse, de Mont-- 
pellier , de Marseille, le docteur 
Rouzet avait été choisi, dès la 
formation de l’Académie royale 
de médecine, pour siéger dans 
son sein, en qualité de membre 
adjoint, en même temps qu’il re- 
cevait le titre de médecin de la 
Monnaie des médailles. L'année 
même de sa mort, ilpublia simul- 
tanément, une nouyelle édition de 
la Doctrine générale des maladies 
chroniques de Dumas (1), et les 
Consultations et Observations (2) 
inédites du même auteur, qui 
avait été son maître, et dont il 
commentait, expliquait et modi- 
fiait les doctrines. Rouzet s’occu- 
pait encore de divers autres tra- 
vaux, dont quelques-uns furent 
à peine ébauchés, tels qu’une 
Histoire philosophique de la méde- 
cine depuis la renaissance des lettres; 
un Traité des fièvres; il avait com- 
posé en grande partie, un Traité 
d'Hygiène. Enfin on lui doit Particle 
V' an-Helmont, dans la Biographie 
du Dictionnaire des sciences mé- 
dicales. 


(1) Doctrine générale des maladies 
chroniques , pour servir de fondement 
à La connaïssance théorique et pratique 
de ces maladies ; par Ch. L. Dumas. 
— deuxième édition, publiée et ac- 
compagnée d’un Discours préliminaire 
et de notes, par L. Rouzet,etc. Pariset 
Montpellier, Gabon, 1824. 2 vol. in-8. 

(2) Consultations et Observations de 
médecine de feu Ch. L. Dumas, pu- 
blices par le docteur Rouzet. Paris et 
Montpellier, Gabon, 1824 ; in-8 , de 
32 feuilles trois huitièmes. 


270 RUF 

Epuisé par des efforts conti- 
nuels , Rouzet fut pris d’une 
hémoptysie , symptôme funeste 
d’une phthisie tuberculeuse, à la- 
quelle il était prédisposé , et qui 
jadis avait moissonné son père , 
comme lui, à la fleur de l’âge. 
Le 10 août 1824, Léon Rouzet 
cessa de vivre, à peine âgé de 
vingt-neuf ans. Il n’oublia pas 
avant de mourir, de remplir ses 
devoirs religieux.—M. le docteur 
Dupau prononça un discours sur 
la tombe de Rouzet. Plus tard , 
M.P. Bérard a écrit son Eloge his- 
torique ; dans la Revue médicale , 
(tiré à part, 1824, in-8, de 
vingt-cinq pages ). — Ona publié 
aussile Catalogue de:sa bibliothè- 
que. Paris, Gabon, 1825; in-8, 
d’une feuille trois quarts. 


RUFFIN (PrerRE-JEAN-MARIE) , 
diplomate et orientaliste, était 
petit-fils d’un agent de change de 
Paris ; il naquit, le 17 août 1742, 
à Salonique, où son père remplis- 
sait les fonctions de premier drog- 
man de la nation française, Dès 
sa plus tendre enfance, Pierre 
Ruffin fut envoyé dans une pen- 
sion de Marseille, et de là trans- 
féré à Paris, au collège Louis-le- 
Grand, où il reçut le bienfait de 
l’éducation, aux frais du gouver- 
nement. Petis de Lacroix, Le- 
grand, Cardonne, etc., lui en- 
seignèrent les langues orientales. 
Ses études terminées, Ruffin vint 
résider à Constantinople, en 1558; 
il y fut attaché à l’ambassade fran- 
çaise, tenue alors par M. de Ver- 
gennes. En 1567, il accompagna 
le baron de Tott, en qualité d’in- 
terprète du Roi, auprès de Crym- 
Guèray, khan de Crimée, et sui- 
vit ce chef belliqueux dans son 


RUF 


expédition en Servie. Les vicissi- 
tudes de la guerre le firent tom- 
ber entre les mains des Russes. 
Conduit à la citadelle de Péters- 
bourg , il y fut gardé comme pri- 
sonnier de guerre et d’état, pen- 
dant près d’un an: lorsqu'il re- 
couvra sa liberte, sur les instances 
du ministre des affaires étrangères 
de France, on lui fit lecture, aux 
frontières de l’empire russe, d’une 
sentence qui lui en interdisait 
l'entrée à perpétuité. II passa par 
Paris et fut immédiatement ren- 
voyé en 1770, à Constantinople, 
avec le titre d’interprète du Roi 
auprès de la Porte. Il fut rappelé 
à Paris en 1774, pour être em- 
ployé dans les bureaux du minis- 
tère des affaires étrangères. En 
1784, il fut nommé professeur de 
turc et de persan au Collége Royal, 
et en 1788, on le chargea de négo- 
cier avec les ambassadeurs de 
Tippo-Saëb. Ces services furent 
récompensés par le cordon de 
Saint-Michel, accompagné de 
lettres de noblesse. 

Le gouvernement républicain 
de la France renvoya Ruffin à 
Constantinople, avec les titres de 
secrétaire d’ambassade et de pre- 
mier secrétaire interprète. ILeut 
même officiellement le titre de 
chargé d’affaires, en l’an VI. C’est 
précisément pendant qu’il occu- 
pait ce poste éminent que l'inva- 
sion de l'Egypte par nos armées , 
vint le jeter dans une position 
très-crilique. À la première nou- 
velle qu'il en reçut, le Divan ac- 
coutumé à mépriser le droit des 
gens, fit renfermer le chargé d’af- 
faires de France dans la prison 
des Sept-Tours. Ruffin y tomba 
dangereusement malade, et peut- 
être qu'il aurait succombé, si sa 


RUF 


femme et M. deLesseps son gendre 
n’eussent obtenu de s’y renfermer 
avec lui. Il resta dans cette pri- 
son depuis le 2 septembre 1798, 
jusqu’en 1801, qu'il obtint en- 
fin sa liberté, par linterven- 
tion des ministres des puissances 
neutres. Quoique désormais sans 
caractère public, Ruffin usa avec 
succès, de la considération dont il 
jouissait auprès des . ministres 
turcs, pour protéger tous ceux de 
ses compalriotes qui se trouvèrent 
dans le cas d’avoir besoin d’assis- 
tance. 11 seconda utilement le co- 
lonel Sebastiani, et l’ambassa- 
deur Brune dans les négociations 
qui amenèrent le rétablissement 
de la paix et de la bonne intelli- 
gence entre la Porte et la France. 
Nommé successivement conseiller 
d’ambassade en 1804, et premier 
secrétaire delégation en 1805, ce 
ne fut pas sans peine qu'il obtint 
du reis-effendi, que les titres de 
Padischah et d’Imperator fussent 
employés à l’égard de Napoléon, 
dans les communications  offi- 
cielles du Divan. « Pendant la vie 
de linfortuné Louis XVI, dit 
M. de la Roquette, Ruffin avait 
été le traducteur inconnu et muet 
de la correspondance privée que 
ce souverain entretenait avec le 
prince Sélim, héritier présomp- 
tif de l'empire. Ce ne fut qu’au 
mois de janvier 1806 , que Sélim, 
assis, à cette époque, sur le trône 
des Sultans, en comparant l’écri- 
ture et le style d’une note de Ruf- 
fin, crut voir en lui l’interme- 
diaire de sa correspondance avec 
le Roi de France, et désira s’en 
assurer par lui-même: Cette dé- 
couverte, que lui confirma Ruffin, 
qui rompait le silence pour la 
première fois, ajouta encore à son 


RUF 21 
estime et à son attachement pour 
le diplomate (1).» 

Ruflin, qui n'avait pas cessé 
d’être attaché à l’ambassade de 
France, sous les divers ministres 
envoyés par le gouvernement 
impérial, se trouvait chargé d’af- 
faires de France , en l’absence de 
l’ambassadeur , lors du retour de 
Bonaparte de l’ile d'Elbe,en1815. 
Il se conforma aux ordres qu'il 
recut de lui , et arbora les trois 
couleurs au palais de l’ambassade 
de France. Cette conduite lui fit 
encourir la disgrâce du ministère 
des Bourbons, qui voulut le rap— 
peler en France; mais Ruffin, 
qui s'était comme naturalisé à 
Constantinople, préféra rester 
dans cette ville simple parti- 
culier, d’ailleurs suffisamment 
protégé par l'estime de toutes 
les nations franques et par la 
vénération des Turcs eux-mêmes. 
Mais le besoin qu’on avait de ses 
services ne tarda pas à lui faire 
rendre les titres dont on l'avait 
privé, et malgré son âge et ses in- 
firmités, il eut encore la consola- 
tion d’être utile à sa patrie. Ruffin 
est mort à Constantinople, le 19 
janvier 1824, âgé de près de 82 
ans, parmi lesquels il comptait 
66 années de service diplomati- 
que. Tout le corps diplomatique 
assista à ses obsèques, et l’abbé 
Bricet, supérieur des Lazaristes, 
y prononça un discours funébre. 

« Personne, dit M. de la Ro- 
quette, ne connut mieux que 
Ruffin la politique du cabinet turc, 
qu'il avait été à portée d’étudier 
pendant tant d'années; et nul ne 


(1) Biographie Universelle. Tome 
XXXIX , page 271. 


279 SAG 


sut employer plus à propos, les 
moyens nécessaires pour réussir. 
Son long séjour à Constanti- 
nople, et ses connaissances profon- 
des et variées, l’avaient misen 
relation avec les membres les plus 
influens de cette cour, et avec 
tout ce que l'empire othoman 
renfermait de gens éclairés. Il fut 
vers la fin de sa carrière, con- 
sidéré comme le patriarche de la 
diplomatie; et les Sultans même 
avaient pour lui une vénération 
profonde, et lui donnaient le titre 
de père. Aussi exerça-t-il une 
extrême influence, dont il n’usa 
jamais que pour le bien de son 
pays et delareligion catholique, à 
laquelle il était sincèrement et 
profondément attaché. Pour don- 
ner une notice complète sur ce 
diplomate, si distingué sous tous 
les rapports, il faudrait passer en 
revue toutes les affaires que la 
France eut à traiter avec la Turquie 
pendant plus d’un demi-siècle; car 
il eut plus ou moins de part à cha- 
cune. Ruffin possédait à fond le 
latin, le grec, et la plupart des 
langues orientales, dont tous les 
auteurs lui étaient familiers. Il 
les lisait et relisait sans cesse, et 
parlait le turc, le persan, etc., 
aussi facilement que le français. 
Il existe au dépôt des affaires 
étrangères, plusieurs Mémoires de 


SAG ; 


Ruffin sur des sujets importans ; 
mais ils ne paraissent pas destinés 
à voir lé jour. On ne connaît de 
lui que la traduction en arabe, 
d’une Adresse de la Convention au 
peuple français, du 18 vendémiaire 
an LIT. Paris, 1505, in-fol. de 24 
pages. C’est un monument pré- 
cieux pour l’histoire de la typo- 
graphie orientale, parce que c’est 
le premier ouvrage imprimé avec 
les caractères arabes de l’impri- 
merie royale, retrouvés après 
avoir été oubliés ou perdus pen- 
dant plus d’un siecle. Ruffin était 
en correspondance avec un grand 
nombre de personnes très-distin- 


_guées par leurs talens ou leurs 


dignités. Comme il conservait des 
minutes de toutes ses lettres, si 
elles existent encore, elles forme- 
raient une collection précieuse, 
et dont une partie, du moins, 
mériterait d’être publiée. Pendant 
le régime révolutionnaire et au 
moment des visites domiciliaires, 
Ruffin brüla tous ses manuscrits, 
dans la crainte de se compromet- 
tre. Il paraît cependant qu'ilen a 
depuis rédigé un assez grandnom- 
bre, qui se trouvent à Constanti- 
nople. » 

On à publié : Notice historique 
sur M. Rufjin, par M. Bianchi. 
Paris, Dondey - Dupré , 1825 ; 
in-8 , de 3 feuilles et demie. 


Se 


SAGE (BALTRAZARD-GEORGES) , 
chimiste, naquit à Paris , le 7 mai 
1540. Son père, apothicaire dans 
la même ville, lui fit faire de 
bonnes études au collége des 
Quatre-Nations. Il suivit ensuite 
les cours de physique de labbé 


Nollet, et ceux de chimie de 
Rouelle, qui le mirent en état 
après de nombreuses expériences 
et manipulations , pratiquées dans 
l’intérieur de sa maison. d'ouvrir 
à l’âge de dix-neuf ans, des cours 
publics et gratuits. Le succès qu'ils 


SAG 
cbtinrent lui valut des protec- 
teurs riches et puissans, qui le 
mirent en état de commencer à 
former un cabinet de minéralogie 
et d'établir un laboratoire de 
chimie. Cette dernière science, 
appliquée aux traitemens des mé- 
taux, reçut notamment, de Sage, 
une impulsion particulière. Dès 
l’âge de vingt-deux ans il com- 
muniquait à l’Académie des scien- 
ces ses diverses expériences, et à 
vingt-huit ans, il était appelé à 
remplacer son maître Rouelle au 
sein de cette compagnie savante. 
Une chaire de minéralogie expé- 
rimentale fut créée pour lui, en 
1778, près la Monnaie de Paris, 
et un local magnifique fut mis à 
sa disposition, pour y former un 
cabinet minéralogique, qui accru 
successivement des dons du gou- 
vernement, des envois des sa- 
vans, ei par les sacrifices person- 
nels de son fondateur, a été 
dispersé immédiatement après 
la mort de celui-ci. M. Sage 
fut particulièrement protégé par 
Louis XVI et par le minis- 
tre Calonne, qui le nomma di- 
recteur de l'Ecole des Mines, 
fondée en 1783. Cependant, les 
découvertes de Lavoisier, Guy- 
ton-Morveau, Chaptal, les triom- 
phes rapides de la nouvelle école 
de chimie, chagrinèrent M. Sage, 
au lieu de provoquer son ému- 
lation. Loin de se mettre , lui 
aussi, à la poursuite de la vérité 
scientifique , qui ne se serait pas 
montrée rebelle à ses efforts , il 
s'arrêta dans la carrière , et s'irrita 
inconsidérément contre des faits 
qui l’importunaient. Par suite de 
cette disposition au mécontente- 
ment, il devint l’ennemi très- 
prononcé de la Révolution, qui 


SAG 278 
ruinait de front ses protecteurs et 
ses théories, et qui élevait au 
pouvoir et à la gloire ses antago- 
nistes et ses rivaux. Ceux-ci du- 
rent au soin de leur réputation de 
civisme , c’est-à-dire à leur sàreté 
personnelle, et peut-être, il faut 
le dire, aux intérêts de la science, 
d’écarter M. Sage de quelqu’une 
des fonctions de l’enseignement 
public. Il perdit sa place de direc- 
teur de l'Ecole des Mines, et 
même il fut un instant jeté dans 
les prisons, à la même époque où 
Lavoisier montait sur l’échafaud. 
Cependant, il ne tarda pas à être 
rétabli, dès le temps du Direc- 
toire , à la tête du cabinet de mi- 
néralogie de l’hôtel des Monnaies, 
sur lequel il avait des droits in- 
contestables. Mais il se trouva 
que la minéralogie avait marché 
comme la chimie, et M. Sage n’a- 
doptait pas plus la théorie d’fHaüy 
que celle de Lavoisier. On ne 
pouvait donc qu’admirer des 
échantillons à la Monnaie, mais 
on allait étudier les deux grands 
systèmes français et allemand, à 
l'Ecole des Mines et au Muséam 
d'histoire naturelle. Par suite de 
cette obstination stationnaire , 
M. Sage dut être écarté de la 
nouvelle organisation du corps 
des mines; il fut naturellement 
très-sensible à ce coup, mais ses 
plaintes et ses réclamatious sem- 
blèrent porter trop spécialement 
sur des suppressions ou des ré- 
ductions de traitement et de pen- 
sions, qui n'intéressaient qu’ac- 
cessoirement la science. IL est 
certain néanmoins, que les divers 
gouvernemens qui se sont succé- 
dé depuis la Révolution, n’ont 
jamais laissé M. Sage sans un 
traitement qui à aurait 
1 


/ 


274 SAG 
semblé suffisant , s’il n’eût été 
jadis accoutumé aux prodigalités 
de M. de Calonne, et si, trop 
confiant à leur perpétuité , il n’eût 
dépensé tout ce qu’il recevait et 
même au-delà, pour l’agrandis- 
sement et la décoration de son 
cabinet de minéralogie. M. Sage 
raconte qu'étant âgé de dix-sept 
ans, il fut empoisonné par des 
vapeurs de sublimé corrosif, qui 
lui occasionèrent un crachement 
de sang tel, que douze saignées, 
faites en trois jours , purent à 
peine le faire cesser. En 1805, un 
accident encore plus fatal le priva 
pour toujours de la vue. Deux ans 
ayant sa mort il se cassa la cuisse, 
Il expira le 9 septembre 1824, 
âgé de plus de quatre-vingt-quatre 
ans. — Sage était membre de 
l’Institut; il avait recu le cordon 
de Saint-Michel en 1819 : avant 
la Révolution, outre ses pensions 
et ses places aux Mines et à la 
Monnaie , il avait les titres de 
censeur royalet d’apothicaire-ma- 
jor des Invalides. + 

M. Sage est sans doute resté 
bien loin des Lavoisier, des Ber- 
thollet, des Thénard, des Vau- 
quelin ; avant eux il entra dans la 
carrière, et quand il y eut fait 
quelques pas assez remarquables, 
il sembla s’y poser des bornes et 
s’immobiliser. Défenseur obstiné 
de l’ancienne chimie , il eut le 
malheur de rejeter avec mépris et 
de combattre avec une obstina- 
tion puérile , la nouvelle nomen- 
clature et les théories brillantes 
qui allaient changer et agrandir 
une science devenue malgré lui,si 
féconde en résultatsutiles aux arts 
et à l’industrie. Buffon, Guyton- 
Morveau , Ghaptal, furent succes- 
sivement ses anlagonisies , et 


SAG 


même, s’il fallait l’en croire, ses 
ennemis; c’est assurément jouer 
de malheur. Durant plus de cin- 
quante ans, M. Sage professa la 
chimie dans des cours publics et 
dans de nombreux écrits. Il a vu 
les premiers déserts d’auditeurs , 
et les seconds privés de lecteurs. 
Cette triste terminaison d’une 
carrière qui promettaitd’être bril- 
lante et précieuse aux sciences, 
ne doit pas nous rendre injustes , 
en nous portant à méconnaître 
entiérement les services que leur 
rendit celui qui fait le sujet de 
cet article. En effet, on pourrait 
dire que Sage fut pour la chimie 
et la minéralogie ce que Buffon 
avait été pour l’histoire naturelle. 
L'un et l’autre ont popularisé et 
fait aimer deux sciences qui, 
avant eux, étaient négligées ; et 
si depuis on a été beaucoup plus 
loin, c’est dans la route qu'ils 
ont ouverte. Sage a pressenti l’in- 
fluence des arts chimiques sur 
l'industrie ; l’art d’extraire et d’es- 
sayer les substances métalliques 
lui doit une partie de ses premiers 
progrès. La fondation de l’Ecole 
des Mines et celle du Cabinet de 
minéralogie, doivent être comp- 
tées aussi parmi ses titres à la 
reconnaissance des amis de la 
science. Peut-être qu’en effet, 
comme il s’en plaignit, ces titres 
furent trop méconnus par ceux 
qui, avançant quand Sage s’ob- 
stinait à rester immobile, se 
montrèrent trop sévères aux cris 
d’une colère d’amour-propre, 
qu'ils auraient pu laisser s’exha- 
ler sans en être atteints. 


Liste des ouvrages 


de B. G. Sage : 


I. Examen chimique de différentes 


SAG 

substances minérales ; Essai sur le 
vin, les pierres, les bézoards et 
d'autres parties d'histoire naturelle 
etde chimie ; traduction d’une Lettre 
de M. Lehmann sur la mine de 
plomb rouge. 1569 , in-12. — tra- 
duit en allemand, par FPabbé Gf. 
Schrader, avec des notes de J. 
Beckmann. Gottingue. 1752, 
in-6. 

II. Elémens de minéralogie do- 
cimastique ( expérimentale).1772, 
in-8.—19757, deux volumes in-8. 
( Voyez Catalogue de Fourcroy. 
N° 464 et 465) ; — traduit en al- 
Re avec des notes de Nth. 

f. Leske. Leipzig, 19995 , in-5 ; 
— en italien. Sienne , 1586, in- 8. 

III. Mémoires de Caine, 1779, 
in-8. | 

IV. Analyse des blés et Expé- 
riences propres à faire connaître la 
qualité du froment et principale- 
ment celle du son de ce grain. 1556, 
in-8. 

V. Expériences propres à faire 
connaitre que lPalcali volatil-fluor 
est le remède le plus efficace dans les 
asphyæies ; avec des remarques sur 
les effets avantageux qu'il produit 
dans la morsure de la vipère, dans la 
rage, etc.19977, in-8. — Deuxième 
édition. 1578. — Troisième édition 
id. — Traduit en allemand. Stras- 
bourg , 1778, in-8 ; — en espa- 
gnol, par Ortega, Madrid, 15578; 
— en anglais, par Forster. Lon- 
dres , 158 , in-8. 

VI. Û Avec Perthuis de Laille- 
vault.) L° Art de fabriquer le salin 
et la potasse, suivi des expériences 
sur les moyens de multiplier la po- 
tasse. 17797 , in-8. — 174, in-8; 
— traduit en allemand. Strasboùrg, 
1795 , in-8. 

VII. L’Art d'imiter les pierres 
précieuses. 1778. 


SAG 275 
VITI. L’art d'essayer l'or et l’ar- 

gent. 1780 , in-8 ;, — traduit en 

allemand. Revel, 1782, in-8. 

IX. Description méthodique du 
cabinet de l’ Ecole royale des Mines. 
1784, in-8. ( V. ci-après n° X{IL.) 

X. Analyse chimique de la con- 
cordance des trois règnes de la na- 
ture. 1780, trois volumes in-8. 

XI. Précis historique sur les dif- 
férens genres de peintures , suivi de 
PExämen physique des couleurs et 
de la manière de les préparer. in-8. 

XIT. Examen de la nature de di- 
verses espèces de poisons , avec la 
manière de les préparer. in-8. 

XIII. Supplément à la Descrip- 
tion du cabinet de P École royale des 
mines. 1587. in-8. 

XIV. De la terre végétale et de 
ses engrais. 1802. 

XV. Recherches ét Conjectures 
sur la formation de lélectricité mé- 
tallique nommé galvanisme. 180r , 
in-8. 

XVI. Description de la collection 
d'objets d’arts de B. G. Sage. 1807, 
in-8. 

XVIL. Observations sur les para- 
tonnerres. 1808. 

XVEIT. Des Mortiers ou Cimens. 
1808. — Nouvelle édition avec des 
additions. 1809. 

XIX. Æxpériences sur la chaux 
vive, dans son emplot pour Le mor- 
tier. 1809- 

XX. Observations sur l'emploi 
du zinc. 1809. 

XXI. Nature et propriétés des 
trois espèces d'électricité. 1899. 

XXII. Théorie de l’origine des 
montagnes, el de laccrétion quo- 
tidienne de la masse solide dx 
globe , avec des conjectures sur la 
cause des subversions qu’il a éprou- 
vées. 1809, in-8. 

XXIII. Précis des Mémoires de 


276 SAG 

B. G. Sage, lus dans la séance de 
la première classe de lP Institut, 
pendant l'année 1809. Paris, 1809, 
in-8 , de vingt pages. 

XXIV. Expériences qui font con- 
naître que la chaux éteinte par im- 
mersion , peut être régénérée en 
pierre calcaire par le seul concours 
de Peau de Marmorillo. 1820. 

XXV. Exposé des effets de la 
contagion nomenclative. 1810, in-8. 

XXVI. Moyens de rémédier aux 
poisons végélaux. 1811 , in-8 , 
deux éditions. 

XXVIL. Jnstitutions de physique. 
Paris, F. Didot , 1811 ; trois vo- 
lumes in-8 , ornés du portrait 
de l’auteur. — Supplément aux 
Institutions de physique. Ibid. 
1812, in-8. 

XX VIII. Opuscules de physique. 
Paris, F. Didot , 1813 ou 1815, 
in-4. 

XXIX. Exposé sommaire des 
principales découvertes faites dans 
l’espace de cinquante-quatre années, 
par B. G. Sage. Paris , F. Didot, 
1813 ; brochure in-8 , de trois 
feuilles, 

XXX. Traité des pierres pré- 
cieuses, 1814 ; in-8. 

XXXI. Tableau comparé de la 
conduile qu’ont tenue envers moi les 
ministres d'e l’ancien régimeavec celle 
des ministres du nouveau régime. 
Paris, F. Didot aîné , 1814; in-8, 
de six feuilles. 

XXXII. Descriptiondes colonnes 
électrifères et de leurs effets. 1814; 
in-8, de trois quarts de feuille. 

XXXIYII. De Porigine et de la 
nature des globes de feu météoriques. 
1815, in-8 , de dix-neuf pages. 

XAXXIV.De lanature et de la pro- 
duction du gaz électrifiable. Paris, 
P. Didot l’ainé , 1815 ; in-8 , de 
trois feuilles un quart. 


SAG 


XXXV.Formotiondel'air.1815. 

XXX VI. Vérités physiques fon- 
damentales. Paris, P, Didot aîné, 
1816 ; in-8 , de quatre feuilles et 
demie. 

XXXVII. Probabilités physi- 
ques. Paris, P. Didot aîné, 1816; 
in-8, de six feuilles et demie. 

XXXVIII. Description de mon 
cabinet particulier d’objets d'arts. 
1816, in-8. 

XXXIX. Mémoires historiques, 
et physiques. 1817 , in-8 ; six 
feuilles , avec une planche. 

XL. Précis historique des mé- 
moires sur l’eau de mer. 1815, 
in-8, de douze pages. 

XLI. Analyse de l’eau de mer. 
1817, in-8, de deux feuilles. 

XLII. Expériences sur la non 
innocuité de l’eau de mer. 

XLIII, Exposé des propriétés 
de l’eau de mer distillée. 1815, 
in-8 , de trois feuilles. 

XELIV. Phénomènes que présente 
la destruction des animaux après 
leur mort. 1815. 

XLV. Fondation de l’Ecole 
royaledes Mines à la Monnaie.181r, 
in-8 , d’une feuille. 

XLVI. Fondation des monts igni- 
vomes nommés volcans, par allusion 
à Vulcain, dont on a supposé que 
c’ctaient les forges.Paris, P. Didot 
l'aîné, 18173 in-8, de quatre 
feuilles. 

XLVII. Exposé des tentatives 
qui ont été faites dans le dessein de 
rendre potable et salubre l'eau de 
mer distillée. Paris, P. Didot Pai- 
né, 1807; in-8, d’une feuille un 

uart. x 

XLVIITI. Opuscules physico-chi- 
miques. 1818; in-8, de 5 feuilles 
et demie. 

XLIX. Pétition par B. G. Sage, 
à S. Exc. leMinistre de l’intérieur. 


SAG 


Paris, P. Didot aîné , 1818 ; in-8, 
d’une feuille. 

L. Notice biographique (sur lui- 
même ). Paris, imp. de P. Didot 
aîné, 1818; in-8, de 37 pages. 

LI. Enumération des découvertes 
minérales, faites pendant Pespace 
de soixante années. Paris, imp. de 
P. Didot l’ainé, 1819; in-8, de 3 
feuilles. 

LIT. Mélanges historiques et phy- 
siques. 1819. 

LIL. Supplément à la Notice bio- 
graphique. 1820; in-8, de 22 
pages. 

LIV. Analyse du lait de vache ; 
suivie de la liste chronologique des 
ouvrages publiés dans l’espace de 
cinquante-un ans. 1820; in-8 , de 
21 pages. 

« Les numéros VI, XI et XIII 
( dit M. Beuchot) {1}, dont je ne 
parle toutefois que d’après autrui, 
ne sont pas dans la liste donnée 
par Sage; il a omis le numéro 
XXXIT. Je n’ai pas vu le numéro 
XLII indiqué par l’auteur lui- 
même, » 

LV. Lettre de B. G. Sage à son 
ami M. Robert Ferguson, écuyer. 
Paris, imprim. de P. Didot aîné. 
1820 ; in-8, de 12 pages. 

LVI. Propriélés du tabac. Ana- 
lyse de la poudrette. Théorie de la 
vitrificalion. Paris, 1821, imp. de 
P. Didot ainé; in-8, de 3 feuilles 
un quart. 

Le discours préliminaire con- 
tient une notice sur l’auteur, et 
est terminé par la liste de ses 
ouvrages ou opuscules. 

LVIT. Probabilités physiques sur 


(1) Bibliographie de la France. Vol. 
de 1524, pages 645 et 676. 


FSra à 


SAG 257 


la cause des contagions pestilen- 
tielles. Paris, imp. de Didot aîné, 
1822 ; in-8, de 2 feuilles. 

LVIIT. Probabilités physiquessur 
la cause de l’intermitlence de l’élec- 
troscope. Paris, imprim., de Didot 
aîné, 1822; in-8 , d’une feuille. 

LIX. Époque de la fondation de 
l'École royale des Mines, obtenue 
par B. G. Sage. Paris, imp. de 
Didot aîné, 1822 ; in-8, de trois 
quarts de feuille. 

LX. Annotation de B. G. Sage, 
sur les personnages qui l’ont dé- 
pouillé de sa fortune. Paris, 1822, 
imp. de J. Didot aîné; in-8, d’une 
feuille et demie. 

LXI. Recueil historique d'effets 
fulminaires. Paris, 1822, imp. de 
Didot l’ainé; in-8, d’une feuille et 
demie. 

LXIT. Analyse comparée de la 
morcassite et de la pyrite : origine 
du ver blanc, nommé asticot. Note 
biographique de B. G. Sage, Paris, 
imp. de J. Didot aîné, 1822; in-8, 
d’une feuille. 

LXIII, Théorie de La vitalité. 
Décomposition de la dépouille mor- 
telle de l’homme : Itératives anno- 
tations. Paris, imp. de J. Didot 
aîné , 1823; in-8, de 2 feuilles et 
demie. 

LXIV. Examen analytique des 
œufs de poule. Pétition au Roi. Pa- 
ris, imp. de J. Didot aîné, 1823; 
in-8 , d’une feuille. 

LXV. Lettre de B. G. Sage à 
S. Exc. Mgr. le comte de Corbières, 
ministre de l’intérieur. Paris, 1823, 
imp. de J. Didot ainé; in-8, d’un 
quart de feuille. 

LX VI. Pétilion adressée à S. M., 
le 6 mai 1824. 

LXVII Motice 
1824. 

Enfin, Sage a donné des Obser- 


biographique. 


278 SAI 

valions, dans je vol. intitulé : Des 
pierres tombées du ciel, lithologie 
physique, etc. (Paris, Brunot- 
Labbe, 1810 ); des articles dans le 
Journal de physique; des mé- 
moires dans les recueils de l’Aca- 
démie des sciences et de l’Institut. 


SAINT-PARD (Prerre- Nico- 
LAS-Van-BroTAQuE ), jésuite, na- 
quit, le 9 février 1754, à Givet- 
St-Hilaire, diocèse de Liége, au- 
jourd'hui département des Ar- 
dernes. A l’âge de dix ans, il entra 
au collège des Jésuites de Dinan. 
Il vint à Paris pour son noviciat, 

et fut envoyé, ensuite, dans plu 
sieurs colléges, pour y professer, 
suivant l’usage. Il se trouvait à 
Vannes lors des arrêts des Parle- 
mens contre la société. Obligé de 
quitter la Bretagne, il vint à Pa- 
ris, et, au moment où il y entra, 
on publiait un arrêt du Parlement, 
qui défendait aux Jésuites d’exer- 
cer le ministère. Le P. Van Blo- 
taque s’adressa à l'archevêque de 
Paris, Christophe de Beaumont, 
ami dévoué des Jésuites; et 
comme il n’était point connu dans 
la capitale, le prélat lui conseilla 
de changer de nom; c’est alors 
qu'il adopta celui de Saint-Pard, 
que beaucoup de gens ont cru être 
son nom véritable et qu’il a tou- 
jours conservé depuis. M. de Beau- 
mont placa son protégé dans la 
paroisse de saint Germain-en- 
Laye,et l’abbé de Saint-Pardtrouva 
moyen d’y échapper aux arrêts de 
proscription et de bannissement. 
Au bout de quelques années, vers 
1779, il revint à Paris, et fut nom- 
mé directeur des religieuses de la 
Visitation de larue Saint-Antoine, 
place qu'il occupa durant quinze 
ans. La composition des livres de 


SAI 


piété et la prédication remplis- 
saient les loisirs que lui laissait 
son emploi. Pendant la Révolu- 
tion, il ne sortit point de France 
et se tint caché dans divers 
asiles, toujours prêt, cependant, 
à remplir les fonctions de son mi- 
nistère. Ainsi dans un moment de 
calme, sous le Directoire, il occu- 
pa quelque temps la cure de San- 
nois; Mais étant allé prêcher, le 
jour des Rois, à Poissy, son ser- 
mon choqua les républicains om- 
brageux de cette époque. L'abbé 
de Saint-Pard fut arrêté et conduit 
dans les prisons de Versailles, où 
il resta six mois. Dans une autre 
circonstance , il fut enfermé, à 
peu près le même temps, à Paris. 
Après le concordat de 1801, M. de 
Belloy le nomma chanoine bono- 
raire. L'abbé de Saint-Pard se fixa 
sur la paroisse de Saint-Jacques, 
où il se rendait utile, confessant et 
prêchant avec zèle, soit dans la 
capitale, soit dans les provinces. 
Ses infirmités l’empêchèrent, dans 
ses dernières années, de célébrer 
la messe, mais il allait encore 
l'entendre , jusqu’à ce que l'âge le 
priva de l’usage de ses jambes. 
Il mourut, le 1° décembre 1824, 
âgé de plus de quatre-vingt-dix 
ans. 


Liste des ouvrages 


de P. N. de Saint-Pard. 


1. Le Livre des Élus ou Jésus 
crucifié, par le P. dé Saint-J'ure, 
Lis 


revu et corrigé par M. l'abbé ***. 
Paris, Berton, 1771; in-12. — 


nouvelle édit. Paris, Méquignon 
junior, 1823; in-12, de seize 
feuilles. 


On trouve. en tête de ce li- 
vre , une préface de l'éditeur, qui 


SAT 


contient l'éloge du P. de Saint- 
Jure, avec une liste de ses ou- 
vrages. — L'édit. de 1825 est 
auginentée d’une notice sur Pabbé 
de Saint-Pard. extraite àe l Ami 
de la Religion et du Roi, T. XLLÏX, 
pag. 198. 

LI. De la Connaissance et del A- 
mour de Jésus Christ, pour servir 
de suite au Livre des Elus ; revu et 
corrigé par M. lPabbé **. Paris, 
1779 ; in-12. 

L'éditeur réduisit l’in-folio du 
P. de Saint-Jure, à un volume 
ordinaire. 

III. Retraile de dix jours, à 
l’usage des Ecclésiastiques et des 
Religieux , d’après PEcriture - 
Sainte et les Pères de l'Eglise. 
Paris, Berton, 1579; in-12. 

IV. L’Ame chrétienne, formée 
sur les maximes de l’Evangile ; ou- 
orage de piété, en faveur des per- 
sonnes qui aspirent à La perfection. 
1774, iIn-12. 

Cet ouvrage est suivi de l’Ora- 
toire du cœur , ou Méthode très-fa- 
cile pour s’entretenir intérieure- 
ment avec Jésus-Christ, par feu 
M. de Querdu-le-Gall, docteur 
en théologie et recteur de Servel, 
en Bretagne. L’Oratoire du cœur 
avait paru en 1657; Saint-Pard 
en retoucha le style. 

V. La Vie et la doctrine de Jé- 
sus-Christ, rédigées en méditations 
pour tous les jours de l’année. +. ». 
L. D. P. A. (traduit du latin du père 
Avancin. ) Paris , Berton, 1579; 
2 vol. in-12. 

VI. Le Jour de la Communion , 
ou Jésus-Christ considéré sous les 
différens rapports qu’il a avec 
l'âme fidèle, dans l’Eucharistie , 
suivi de sentimens affectueux. 1758 , 
in-12. — Paris, Beaucé-Rusand, 
1810; in-12 , de 14 feuilles, 


SCH 279 
VII. Conduite intérieure du chré- 
tien. 1579, in-24. — petit ou- 
vrage de piété, revu et mis dans 
un nouvel ordre. Nouvelle édition, 
Paris, Beaucé - Rusand , 1819 ; 
in-52 , de 9 feuilles trois quarts. 

VIII. Exercice de l’amour pé- 
nitent, suivi d’un Essai sur l’ordre, 
considéré comme vertu. 1819, in- 
16. 

Les ouvrages de l'abbé de Saint- 
Pard ont paru tantôt anonymes, 
tantôt avec le nom de l’auteur ; 
quelques-uns ont été réimprimés. 
11 laisse en manuscrit des Lettres 
spirituelles et des Lectures pieuses 
tirées des Psaumes, conservées par 
un frère qui lui survit. 


SCHWARTZ ( C... G...), est 
mort à Paris, le 11 mai 1824. Je 
connais de lui trois ouvrages qui 
sont anonymes. 

I. Qu'est-ce que le Zodiaque ? 
En a-t-il jamais existé un vrai- 
ment astronomique? In-8, sans date, 
de 20 pages. 

11. Mémoire explicatif sur la 
sphère caucasienne et spécialement 
sur le Zodiaque. 1815, in-4, de 7 
feuilles un quart. 

LIT. Leltre critique à mon ami, 
en Angleterre, sur la Zodiacoma- 


‘nie d’un journaliste anglais , avec la 


traduction de l’article de ce même 
journaliste inséré dans le British 


Review, de février 1817, sur 
la sphère caucasienne de C. G. 


Schwartz. 1817,in-8. (Extrait de 
la Bibliographie de la France, ré- 
digée par M. Beuchot. vol. de 
1824, pag. 782. ) 


SCHWEDIAUR ( Françors- 
Xavier ), médecin, né à Steyer 
dans la haute Autriche , le 24 
mars 1748, fut recu docteur en 


280 SCH 


la faculté de médecine de Vienne. 
Il pratiqua d’abord la médecine 
dans cette capitale , puis en An- 
gleterre et enfin à Paris, où il 
était connu sous le nom de Swé- 
diaur ( Francis), ainsi qu’on s’é- 
tait habitué à l'appeler en Ecosse. 
Cette variation de nom , qu’on 
observe jusque sur les frontispi- 
ces des divers ouvrages du même 
auteur, a répandu quelques nua- 
ges sur sa véritable patrie. Les 
uns ont cru que Schwediaur était 
Suédois ; Meusel, dans les cinq 
éditions de son Allemagne Litlé- 
raire, (t. vu, p. 15 ) le donne 
pour Autrichien , sous le nom 
de Schwediaur. Nous qui savons 
qu'il s'était légalement naturalisé 
Français. nous n’hésitons pas à 
le ranger parmi les écrivains de 
notre nation. Il en partageait 
d’ailleurs toutes les sympathies. 
Intimement lié avec plusieurs 
personnes distinguées du parti 
libéral , il s’inscrivit au nombre 
de ceux qui demandèrent à se 
porter caution. pour MM. Comte 
et Dunoyer, rédacteurs du Cen- 
seur Européen, lors du premier 
procès politique qui fut intenté 
à ces écrivains, à l’occasion de 
leur estimable ouvrage. Schwe- 
diaur est mort à Paris > au 
mois d’août 1824. — On a PR 
blié le Catalogue des livres de s 
bibliothèque. { Paris, en 
junior, 1824, de 3 feuilles trois 
quarts.) 


Liste des ouvrages 
de Fr. À. Schwediaur. 


I. Dissertalio exhibens descrip- 
tionem preparalionum anatomica- 
rum et instrumentorum chirurgi- 
ccrum que possidet facultas medica 


SCH 


vindohonensis. — Dissertation of- 
frant la description des prépara- 
tions anatomiques et des intru- 
mens de chirurgie que possède la 
Faculté de ane de Vienne. 
Vienne, 1777, in-8. 

II. M A medendi hodierna , 
in nosvcomiis Londinensibus usi- 
tata. — Méthode médicale usitée 
aujourd’hui, dans les hôpitaux de 
Londres. Vienne , 1975, in-8. 

III. Practical Observations on the 
more obstinaled and invétérated ve- 
nereal complaints. — Observations 
pratiques sur les maladies véné- 
riennes les plus opiniâtres et les 
plus invétérées. Londres, 1784, 
in-8.—5* édit. Edimbourg, 15788, 
in-8. — Traduit en ann par 
l’auteur lui-même. Vienne, 1586. 

IV. Traité complet sur Les symp- 
tômes, les effets ,; la nature ct le 
traitement des maladies syphiliti- 
ques. Paris , 1798. — n° édit. ibid., 
2 vol. in-8. Méquiguon-Marvis, 
1815. 

Cet ouvrage est le plus impor- 
tant de ceux qui sont sortis de la 
plume de M. Schwediaur.C’estun 
livre bien fait ; ilatteste un homme 
érudit ; mais on suppose que 
l’auteur l’a composé, plus avec 
le secours des livres qu'avec celui 
de l’observation pratique. Schwe- 
diaur soutient que la maladie sy- 
philitique n’est pas nouvelle dans 
l’ancien continent, et qu’elle ne 
nous vient point de l’Améri- 
que : cette opinion paradoxale 
est loin d’avoir été adoptée. 

V. Pharmacopeia medici practici 
universalis. — Pharmacopée uni- 
verselle du médecin praticien. 
1805, in-12. 

VI. Materia medica. — Matière 
médicale. Paris, 2 vol. in-12. 

VIT. Novum Nosologiæ méthodiceæ 


SEP 


systema — Nouveau système de 
nosologie méthodique. Paris, Ga- 
bon, 1811—1812, 2 vol. in-8. 


SENTIES (Josera ), sous-chef 
à l'administration de la Loterie , 
est mort à Paris, le 3 jauvier 1814 
Je connais de lui : 

I. Doléancedes Dames de la Halle 
1789, in-8 ( anonyme \. 

11. La Pauvre Orpheline, ou la 
Force du préjugé. Paris, Barba, 
an IX, deux volumes in-12 (ano- 
nyme ), 

III. Le Joueur ou le Nouveau 
Stukely. Paris, Barba, 1807; 
deux volumes in-12. 

L'auteur avait intitulé son ou- 
vrage les Tripots, ou Mémoires 
pour servir à l’histoire des maisons 
de jeu : le libraire changea le titre. 
Peu de temps après sa publica- 
tion , ce roman qui est peut-être 
une histoire, fut saisi, et contre 
l'ordinaire , les exemplaires saisis 
ne furent pas mis en circulation. 
Les agens de la police du temps 
qui faisaient vendre les ouvrages 
contre les mœurs du marquis de 
Sade, et qui même mirent en 
circulation cinq cents exemplaires 
de l’ouvrage de Proyart, contre 
le gouvernement d'alors, intitulé : 
Louis XVI et ses Vertus, etc., 
n’osèrent faire la même chose 
pour un roman qui pouvait nuire 
à l'administration des jeux. 

M. Seixies a coopéré à la ré- 
daction de la Notice sur Ahmed 
bey de Soliman , réfugié en France. 
1814, in-8. (Extrait de la Biblio- 
graphie de lu France , rédigée par 
M. Beuchot. vol. de 1824, p. 32). 


SEPTIER ( Armanr) naquit à 
Toulouse , le 15 avril 1744. Son 
père, notaire en cette ville, était 


A 


SEP 281 


parvenu à Ja charge élective et 
municipale de capitoul, qui avait 
le privilége de conférer la noblesse. 
Dès l’âge de seize ans, le jeune 
Septier vint se renfermer dans 
l’abbaye royale de Saint-Victor, à 
Paris , où il fut reçu chanoine ré- 
gulier , le 8 octobre 1765. Licen- 
cié en théologie de la faculté de 
Paris , il enseigna cette science à 
sesjeunesconfrères.Songoûl pour 
l'étude et pour la retraite le firent 
charger des fonctions de biblio- 
thécaire de Saint-Victor; et bien- 
tôt après, i! fut promu à la dignité 
de chambrier, office claustral qui 
correspondait dans la congréga- 
tion de Saint-Victor, à celui de 
procureur-général dans les autres 
congrégations. Il fut récompensé 
du zèle et de la capacité avec les- 
quels il sut s’acquitter de ses im- 
portantes fonctions, par le prieuré 
de Bucy-le-Roy, diocèse d’Or- 
léans , dont il prit possession le 17 
novembre 1579. La Révolution 
priva Septier de ce bénéfice , et 
néanmoins elle trouva en lui, un 
partisan de plus : il occupa à 
cette époque,quelqu’une des fonc- 
tions municipales électives que les 
nouvelles lois avaient instituées. 
Mais les personnes qui partagè- 
rent le moins ses opinions, soit du 
clergé, soit delanoblesse , se sont 
complues à rendre témoignage 
du bien qu'il leur fit, en ces temps 
où il était si facile de nuire. Tou- 
tefois, Septier ne se prévalut ja- 
mais de ses sentimens loyaux et 
de sa conduite honnête , pour ré- 
clamer avec audace et turbulence, 
la récompense du mal qu'il n'avait 
pas fait. La bibliothèque d'Orléans 
fondée par Guillaume Prousteau, 
enrichie des dons du célèbre ju- 
risconsulte Pothier et de quelques 


282 SER 


autres Orléanais, venait d'être 
augmentée de vingt-six mille vo- 
lumes, provenant des bibliothé- 
ques des couvens supprimés dans 
l'étendue de la circonscription du 
département du Loiret. L’organi- 
sation et la conservation de cette 
bibliothèque furent confiées dès le 
principe, à l'abbé Septier. Ce 
poste modique suffit à son ambi- 
tion et occupa tous ses loisirs. Il 
refit le catalogue des livres impri- 
més, et rédigea en entier celui 
des manuscrits, qui a été imprimé 
aux frais du conseil municipal de 
la ville d'Orléans , sous le titre 
qui suit : Manuscrits de la Biblio- 
thèque d'Orléans, ou Notices sur 
leur ancienneté , leurs auteurs, les 
objets qu’on y a traités, le caractère 
de leur écriture , l'indication de 
ceux à qui ils ont appartenu , pré- 
cedées de notes bistoriques sur les 
anciennes bibliothèques d’Orléans , 
et en particulier sur celle de la ville. 
Orléans, Rouzaut-Montaut, 1820; 
un volume in-8, de dix-huit 
feuilles. Ce catalogue est d’un 
homme instruit et d’un esprit mé- 
thodique. L’abbé Septier mourut 
le 15 avril 1824, le lendemain du 
jour qui venait de clore sa quatre- 
vingtième année. Il était chanoine 
honoraire d'Orléans et membre 
ütulaire de laSociété des sciences, 
arts et belles-lettres de la même 
ville. — On trouve une notice sur 
Arnaud Septier , dans le Journal 
général du Loiret, du 25 avril1 824. 


SERRE ( Hercure de ), issu 
d’une famille honorable de Lor- 
raine , était bien jeune encore 
lorsqu'il émigra pour aller servir 
en qualité de simple soldat, sous 
les drapeaux de l’armée de Condé. 
Rentré en France à la faveur de 


SER 


l’amnistie de 1802, M. de Serre 
vint habiter à Metz, parmi les 
siens. I fit ses cours de droit dans 
l’âge mûr, fut ensuite recu avocat 
au barreau de sa ville natale,et dans 
peu, il se trouva y avoir acquisun 
rang distingué. Lors de la réorga- 
nisation générale des tribunaux , 
en 1811, M. de Serre, qui possé- 
dait parfaitement la langue alle- 
mande , fut nommé premier pré- 
sident de la Cour impériale de 
Hambourg. Placé dans une situa- 
tion difficile et chargé d’une mis- 
sion sévère , il gagna la considé- 
ration de toutes les classes du 
pays, allégea les nombreuses 
vexations dont les Hambourgeois 
eurent à gémir pendant l’occupa- 
tion française , et quitta son poste, 
encore environné d’égards, à tra- 
vers la réaction populaire que le 
despotisme militaire avait excité 
en Allemagne et en Hollande. 
À la Restauration, il obtint la 
présidence de la Cour royale de 
Colmar. Quand Bonaparte fat 
rentré à Paris, en 1815, M. de 
Serre harangua sa cour, lui fit 
renouveler serment de fidélité au 
Foi, et déclara son intention de 
continuer à rendre la justice en 
son nom, au moment même où 
l’on arborait le drapeau tricolore 
à Colmar, au milieu de l’efferves- 
sence populaire. Obligé cepen- 
dant de céder à la force, M. de 
Serre prononça solennellement la 
dissolution de sa cour et déclara 
ses membres inhabiles à siéger 
jusqu’au rétablissement des Bour- 
bons. Il resta en France durant 
les Cent jours, et après la rentrée 
du Roi, Île département du Haut- 
Rhin le nomma député à la Cham- 
bre de 1815.11 y vota dans les 
rangs de la nlinorité, avec l'appui 


SER 


de laquelle le ministère parvint 

éniblement à traverser la session. 
C’est alors qu’il forma des liaisons 
étroites avec deux hommes aux- 
quels il mérita quelque temps de 
voir associer son nom, MM. Ca- 
mille Jourdan et Royer-Collard : 
il soutint à côté d'eux, et avec 
un talent digne de cette illustre 
association, les véritables doc- 
trines de la liberté légale, leur 
aida à élever les premières digues 
aux folles et cruelles exigences 
du parti de la réaction. Durant la 
session de 1815, M. de Serre 
combattit d’abord la loi suspensive 
de la liberté individuelle (1) ; 
— ensuite le projet d’amnistie de 
la Commission , et défendit celui 
du ministère { séance du 6 janvier 
1816 ), disant à l'égard des votans 
dontilrefusait de prononcer l'exil: 
« Je soumets ma propre sagesse à 
celle du monarque. » — 11 com- 
battit aussi le projet de loi des 
élections , refait par la commis- 
sion de la Chambre des Députés 
( séance du 20 février ). — Son 
opinion sur le budget ( séance du 
20 mars 1816) se terminait par 
ces paroles : « On se plaint que les 
ministres ne marchent pas; je 
m'étonne moi, qu'ils puissent faire 
un seul pas... tout se paralyse , 
chacun hésite, lorsque chaque pas 
peut amener une accusation. Le 


(4) Son opinion, qui fait partie 
de la collection des impressions de la 
Chambre des Députés , a été réimpri- 
mée deux fois, chez Plancher, en 
1815, avec les discours contre la même 
loi, de MM. le comte Lanjuinais, 
pair de France , Tournemine, Royer- 
Collard, Voyer d'Argenson, et Pas- 
quier, membres de la Chambre des 
Députés. 


SER 285 
caractère national s’altère; la dé- 
lation , horrible fléau, commence 
à infecter la France. Il est temps 
qu’un emploi cesse d’être un 
crime , et la confiance du Roi un 
titre de suspicion.» Dans la séance 
du 22 avril, il se prononca forte- 
ment contre le rapport de M. de 
Kergoiay, sur le clergé. Quelques 
passages de son discours ayant 
provoqué les murmures du côté 
droit , il s’écria que la liberté de 
la discussion était détruite ; ces 
mots ne firent qu'augmenter lir- 
ritation de la majorité, et elle 
prononça le rappel à l’ordre de 
l’orateur. 

Après l’ordonnance du 5 sep- 
tembre 1816, M. de Serre fut 
nommé président du collége élec- 
toral du département du Haut- 
Rhin, qui le réélut député; il 
siégea avec la majorité ministé- 
rielle. Durant le cours de la ses- 
sion, il fut porte à la présidence, 
en remplacement de M. Pasquier, 
nommé garde des sceaux. Il rem- 
plit cette importante fonction 
avec autant d'impartialité que de 
talent. Deux fois, il quitta le fau- 
teuil pour la tribune : ce fut 
d’abord pour parler comme rap- 
porteur d’une commission cen- 
trale en faveur de la prelongation 
temporaire de la loi suspensive de 
la liberté individuelle, que le côté 
droit refusait au ministère privé 
de sa confiance (1); en second lieu, 
dans la discussion de la célèbre 


(1) Ce discours a été imprimé dans 
un recueil de discours ministériels 
intitulé : Discussion à La Chambre des 
Députés, sur La loi de la liberté indi- 
viduclle. Session de 1816. Paris, 1817, 
in-8. 


284 SER 

loi des élections, qui fut promul- 
guée le 5 février 1817. A cette 
époque ; M. de Serre entrait 
pleinement dans le système poli- 
tique qui a inspiré la pensée de 
cette loi; mais il est juste de ne 
point taire, qu’il manifesta dès 
lors, son opposition aux bases sur 
lesquelles elle fut établie. Toute- 
fois , l’orateur se garda de voter 
contre une loi présentée par un 
ministère dontil était franchement 
l’allié, mais ilen prit occasion de 
développer théoriquement le sys- 
tème d'élection qui plaisait le 
mieux à son esprit, et qui aurait 
consisté essentiellement, à faire 
élire la Chambre des Députés par 
les diverses classes ou corporations 
des citoyens. 

A l’ouverture de la session de 
1817, M. de Serre fut réélu à la 
présidence; mais il essuya imme- 
diatement un véritable échec par- 
lementaire. Dans la séance du 15 
novembre , il développa une pro- 
position pour la réforme et le per- 
fectionnement du règlement de 
la Chambre. Elle tendaiten géné- 
ral, à investir la majorité de 
moyens coërcitifs d’une efficacité 
matérielle pour contenir la mino- 
rité. L’orateur soutint que le rap- 
pel à l’ordre, la censure et la 
mention au procès-verbal, ne 
constituaient pas des peines assez 
efficaces pour empêcher lesmem- 
bres de la Chambre de troubler 
l’ordre de ses délibérations,et d’in- 
sulter leurs collègues. En consé- 
quence, et s'appuyant d'exemples 
pris en Angleterre et même en 
France , il proposa d'admettre la 
peine de l’emprisonnement contre 
les perturbateurs. Accueillie par 
de nombreux murmures , du côté 
droit ct du côté gauche, cette 


SER 


proposition fut vivement cen- 
surée par plusieurs députés et 
rejette définitivement , à une 
grande majorité. 

À l’ouverture de la session de 
1818 , le ministère écarta M. de 
Serre de la présidence, où il fut 
remplacé par M. Ravez; mais le 
29 décembre de cette même année, 
M. le duc de Richelieu ayant 
quitté les affaires, avec une partie 
de ses collègues, et le système 
politique de M. Decaze l'ayant 
emporté, l’administration futcom- 
pletée dans les rangs du centre 
gauche de la Chambre des Dépu- 
tés ; M. de Serre eut les sceaux 
en partage. La première moitié 
de la session fut pour le nouveau 
ministre, une suite continuelle de 
triomphes éclatans et porta au plus 
haut degré sa popularité. Il débuta 
par défendre avec la plus grande 
énergie, la loi des élections du 5 
février 1817, que menacait une 
proposition adoptée par la Cham- 
bre des Pairs. Répondant à un 
ancien ministre ( M. Lainé ), 
auteur primitif de la loi dont ül 
demandait sitôt après la: ruine, 
M. de Serre s’écriait : 

«Il faut encore venger la for 
des élections d’un autre reproche, 
celui de ne produire que des choix 
dans une seule sorte d’intérêts , 
dans une même nature d'opinion, 
d’être trop exclusive , en un mot: 
l'expérience a prouve tout le con- 
traire, et plus d’une fois, le 
scrutin étonné a vu sortir de la 
même urne, les noms de deux ri- 
vaux politiques. Leurs carrières , 
leurs opinionsavaientété diverses, 
peut-être même ils s’étaient com- 
battus ; mais l’un et l’autre avaient 
aussi combattu pour les vrais in- 
iérêts du pays; l’un et l’autre 


SER 


avaient, en diverses manières , 
fait preuve de lumière , de con- 
science , de courage et de talent. 
Ce qui arrivait dans un même 
collége électoral arrivait égale- 
ment d’un bout de la France à 
l’autre. C’est ainsi qu'indépen- 
damment des nuances d'opinion ;, 
toules les notabilités réelles ont 
pu se faire jour jusqu'à cette 
Chambre; tous les intérêts légi- 
times ont pu y être représentés! 
Obtiendriez-vous le même ré- 
sultat en brisant les collèges de 
département en sections qui siége- 
raient dans les chefs-lieux d’ar- 
rondissemens? Des changemens 
articulés, c’est celui sur lequel l’on 
a le plus insisté, c’est aussi celui 
qui porterait à la loi la plus funeste 
atteinte. Le premier orateur qui 
s’est fait entendre dans celte séance 
( M. Royer-Collard ), vous a 
prouvé que vous détruiriez ainsi 
tout esprit public, c’est-à-dire le 
principe vital de tout état bien 
constitué. Les électeurs réunis au 
chef-lieu du département se con- 
fondent dans des sentimens gé- 
néraux. Séparés par arrondisse- 
mens, leurs sentimens et leurs 
votes se resserreraient avec leur 
sphère... Les choix au lieu de 
s'élever vers l’homme en posses- 
sion d’une influence, d’une con- 
sidération qui domine le dépar- 
tement, s’abaisseraient vers les 
influences de localité. C’est au 
chef-lieu du département que ré- 
sident les grands propriétaires, 
les grands négocians, toutes les 
administrations, les hommes les 
plus éclairés, enfin la véritable et 
salutaire aristocratie ; celle qui ne 
se fonde pas sur de vaines préten- 
tions, mais sur les services rendus, 
sur les services à rendre, sur la 


SER 285 


fortune, les lumières, le talent. 
C’est là qu'est placé le foyer des 
influences monarchiques et con- 
stitutionnelles ; c’est là qu’il faut 
réunir les électeurs, au lieu de 
les diviser et de les laisser aux 
prises avec toutes les petites in- 
trigues, tous les petits intérêts de 
localité... On reproche aux mi- 
nistres du Roi d’être indifférens 
aux pressans dangers de la mo- 
narchie. Non, messieurs, mais 
c’est ailleurs queles ministres ont 
vu le danger. Ils ont vu le danger 
de céder à l'attaque d’un parti, le 
danger de saisir une occasion im- 
prudemment offerte, le danger de 
orter une main téméraire sur 
une loi fondamentale, à laquelle 
la ration s’est fortement attachée, 
comme au rempart le plus sûr de 
ses droits et de ses libertés, 
comme à l’infaillible garant que 
l'effet des promessesroyales ne lui 
sera jamais ravi, Les ministres 
ont vule danger d’altérer, de dé- 
truire peut-être, cette confiance 
entre le monarque et ses peuples, 
première force de tous les gou- 
vernemens, le soin le plus impé- 
rieux d’une monarchie nouvelle- 
ment restaurée. » (1) — C’est à 
la fin de ce mémorable discours 
que le garde des sceaux , repous- 
sant les incriminations du côté 
droit, accusa un parti d’avoir 
soustrait à la justice les assassins 
du général Lagarde à Nimes, ceux 
du général Ramel à Toulouse, et 
enfin d’avoir « disputé au glaive 
» de la loi les accusés de l’assas- 
» sinat de Fualdès. » 
Durant la première partie de 


cette session, M. de Serre pré- 
\ 


(1) Moniteur du 25 mars 1819. 


286 SER 


senta trois lois sur la police de la 
presse , iv formaient un bel en- 
semble de législation touchant 
cette matière. L’honneur de la 
rédaction n'appartient pas à lui 
seul; mais , soit par sa position, 
soit par son talent, il peut re- 
vendiquer en grande partie, celui 
de la discussion. Cette législation 
généreuse et digne d’une nation 
éclairée et libre , grâce aux funes- 
tes conséquences de la triste ver- 
satilité de son auteur, n’est plus 
aujourd'hui qu’un grand souvenir 
et un amer regret. M. de Serre 
fit briller sa logique, sa fécondité, 
son érudition parlementaire, lé- 
nergie de sa parole et l’éloquence 
de son expression, en défendant 
les principales dispositions de 
cette législation nouvelle (1). On 
sait qu'elle appelait le jury à pro- 
noncer sur tous les délits com- 
mis par voie de publication , 
et admettait la preuve testimo- 
niale contre les fonctionnaires 
publics. En même temps qu'il 
défendait à la tribune Îa cause 
de la liberté constitutionnelle , 
M. de Serre ne la servait pas 


Ad EE SAP D er rm me ARS AT 


(1) On trouve réunis tous les discours 
que M. de Serre prononça lors des dis- 
cussions des lois de la presse (session de 
1819), dans un volume intitulé : H/a- 
nuel de lalibertée de la presse,ou Analyse 
des discussions législatives sur Les trors 
lois relatives à La presse et aux jour- 
naux et écrits périodiques, précédé 
d’un Discours préliminaire, etc. (par 
M. Maizeau). Paris, Pillet aîné, 1819 ; 
1 vol. in-12. — ou 1820, deuxième 
édition.— Les autres discours de M. de 
Serre se retrouvent dans la collection 
des impressions de ja Chambre des 
Députés. Plusieurs ont été réimprimés 
ct distribués par les soins du ministère, 
sousle titre d'£xtraits du Moniteur. 


SER 


moins dané la partie de l’adminis- 
tration publique confiée à sa vi- 
gilance. Les circulaires émanées à 
cette époque , de la Chancellerie, 
attestent que les principes con- 
stitutionnels ne sont ni stériles ni 
menteurs à l'application; et qu’il 
suffit au pouvoir, d’un homme 
éclairé et ferme , pour leur faire 
produire tout ce qu’ils promet- 
tent. Jamais, à aucune époque, 
depuis la Restauration, la justice 
ne fut plus indépendante ; jamais 
les magistrats ne furent traités 
avec plus de respect et d'honneur; 
jamais les cours et les tribunaux 
du royaume ne s’enrichirent de 
plus de sujets distingués par leurs 
lumières et par leur moralité. 
Malheureusement, M. de Serre 
persista trop peu dans cette ligne 
de conduite, où semblaient pour- 
tant devoir le retenir de rombreux 
antécédens, des liaisons illustres, 
l'intérêt de. sa gloire, et par 
dessus tout, Île principe de son 
élévation au pouvoir. Porté au 
ministère par l’opinion du centre 
gauche de la Chambre des Dépu- 
tés, c’est contre eile qu’il a tourné 
définitivement les forces de son 
talent et de sa position; en sorte 
que , on peut le dire avec vérité, 
personne n’a plus efficacement 
que lui contribué à dépouiller 
celte opinion, du pouvoir qu’elle 
avait si légitimement conquis. 
L’apostasie commença par une 
violente querelle avec le côté 
gauche, à l’occasion de la de- 
mande du rappel des bannis, au 
nombre desquels on comprenait 
les régicides; question imprudem- 
ment engagée et maladroitement 
défendue. M. de Serre se pro- 
nonca avec une véhémence ex- 
trême, contre les pétitionnaires , 


SER 


et c’est à cette occasion, que répli- 
quant à M. Bignon, il proféra ces 
paroles: —«M. Bignon ajoute 
»qu'il rompra le silence le jour 
» où il trouvera la Chambre dispo- 
ssée à demander au Roi la révo- 
» cation de l’article 7 de la loi du 
» 12 janvier 1816 (celui qui bannit 
»les votans ). Ce jour, nous l’es- 
»pérons Messieurs,  n’arrivera 
» jamais... » ( Moniteur du 21 juin 
1819 ). 

On voit que le mot fameux qui 
termine cette phrase, n’a pas été 
prononcé dans un sens aussi ab- 
solu que la polémique des jour- 
naux l’a fait généralement sup- 
poser. Il est une autre phrase de 
tribune que les journaux du côté 
droit ont dénaturée avec une mau- 
vaise foi notoire. Ils ont répété 
que M. de Serre avait fait l’apo- 
logie de la majorité saine de la 
Convention; labsurdité d’une 
pareille calomnie aurait dû ce 
semble ,; lui ôter tout crédit : 
mais l'esprit de parti est tou- 
jours malveillantet crédule; la vé- 
rité est que l’orateur, cherchant 
à justifier la France du meurtre de 
Louis XVI, avait dit que la ma- 
jorité de la Convention était fon- 
cièrement saine, et que si elle fut 
poussée à prononcer une si grande 
injustice, c’est qu’elle délibérait 
sous les poignards. Y a-t-il quelque 
chose dans cette pensée , que le 
plus fidèle serviteur de la maison 
de Bourbon ne pût avouer? Au 
reste, si l’on veut connaitre 
quelle était à cette même épo- 
que, l’opinion de M. de Serre sur 
la Convention , il n’y a qu’à l’é- 
couter parler : «L’impression qu’a 
laissée la Convention est épou- 
vantable ; elle nous rappelle un 
pays entier inondé de sang, cou- 


SER 287 
vert de prisons et d'échafauds. 
La Convention sera, si je puis 
me servir de celte expression, 
inoubliable pour nos derniers 
neveux, »( Moniteur du 21 juin 
1819 ). 

Le 20 novembre 1819 , les 
meinbres du ministère qui ne 
voulurent pas consentir au chan- 
gement de la loi des élections 
furent contraints de donner leur 
démission ,; et ce que lhis- 
toire aura peine à faire com- 
prendre ; ceux-là même ; qui, 
peu de mois auparavant, avaient 
si chaudement défendu cette loi, 
appelèrent à côté d'eux, pour les 
aider à la renverser, les hommes 
d’état contre lesquels ils Pavaient 
défendue. Il ne faut pas oublier 
qu'à cette époque, le meurtre du 
duc de Berry n’était pas encore 
venu fournir un prétexte respec- 
table à ces étourdissantes ver- 
satilités ; ainsi le dépit de n'avoir 
pu dominer complètementiesder- 
nières élections, est le seul motif 
reel qui fit jouer si témérairement 
la fortune delaFrance.la gloire etle 
bonheur de son avenir. M. de Serre 
entra dans cesdesseinsaussicoupa- 
bles qu’insensés; ilresta garde-des- 
sceaux. Sur ces entrefaites , une 
maladie de poitrine dont il était 
menacé , lui fit conseiller les 
eaux du Mont-d’Or, et ensuite 
d'aller respirer l’air de Nice. C’est 
peudant qu’il se trouvait dans 
cette ville, que lattentat du 15 
février 1820 occasiona la chute 
du principal ministre ; et M. le 
duc de Richelieu fut rappelé une 
seconde fois, à la tête de l’admi- 
nistration. Désormais il n’exis- 
tait plus de moyen terme : c'était 
bien tout le contraire de ce qui 
s'était fait depuis l'ordonnance du 


288 SER 


5 septembre qu’on allait essayer. 
Détruire la popularité des élec- 
tions , étouffer la liberté de 
la presse , suspendre la liberté 
individuelle, gouverner par la 
centralisation et par la force ma- 
térielle , au lieu de gouverner par 
l'opinion et par laliberté; tel fut 
le butavoué du ministère de 1820. 
Les personnes qui avaient con- 
servé de l’estime et de l’attache- 
ment pour M. de Serre , atten- 
daient avec anxiété son retour, 
espérant et souhaitant vivement 
de le voir se prononcer contre 
un système, qu'à lui moins qu’à 
tout autre, il était permis d’em- 
brasser,: on fut trompé. M. de 
Serre de retour à Paris, rompit 
avec ses anciens amis et COnsacra 
son influence dans la Chambre 
des Députés , et sa redoutable 
éloquence , au renversement de 
cette loi des élections qu’il avait 
sauvée l’année précédente, à la 
destruction de cette majorité si 
loyale et si éclairée, par laquelle 
il était parvenu au pouvoir. 

La discussion sur la loi des 
élections est la plys longue, 
la plus vive, la plus passionnée 
qu’oflrent nos annales parlemen- 
taires, depuis la Restauration. 
M. de Serre épuisé par la ma- 
ladie, en soutint le choc avec 
une vigueur de zèle et de talent 
digne d’une meilieure cause. Dé- 
sormais il se trouvait dans le 
camp de ceux qui lavaient rap- 
pelé à l’ordre en 1815, dure- 
ment invectivé en 1819, et qui 
devaient le renvoyer définitive- 
ment en 1821. Il avait pour ad- 
versaires presque tous Ceux qui 
furent ses amis, et entre autres 
MM. Royer-Coilard et Camille 
Jourdan. C’est sur eux qu’il ob- 


SER 


tint un funeste triomphe , ou 
plutôt une décevante capitula- 
tion (l’amendement de M. Boin), 
qui détruisant à la fois et la loi 
électorale de la France et le pro- 
jet ministériel , préparait la voie 
d’une manière trop efficace , à 
tout ce qui est arrivé depuis. Le 
reste de la session se consuma en 
discussions extrêmement aigres, 
auxquelles M. de Serre prit une 
part trop fréquente. Devenu in- 
supportable à ceux dont il avait 
déserté l’alliance et consommé la 
chute , il fut accablé à [a face de 
la France, des injures et des mé- 
pris du côté gauche L’irritation 
s’empara de son âme ,etilne sut 
désormais repousser ses advyer- 
saires que la haine dans le cœur, 
et la menace sur les lèvres. 
Refoulé sur le côté droit , 
M. de Serre rajeunit, à l’usa- 
ge de sa nouvelle position , des 
théories d’aristocratie  consti- 
tutionnelles , qu’il avait, il est 
vrai, manifestées long-temps au- 
paravant, mais jusqu'alors, avec le 
soin de les allier aux plus géné- 
reuses franchises. Aujourd’hui , 
sa manitre de voir la France 
et de la gouverner était entiè- 
rement changée. Il semblait ne 
plus considérer dans l’aristocra- 
tie, que la docile complaisance 
du pouvoir. Ces précieuses con- 
ditions de savoir ; de modé- 
ration ,; d’impartialité , qu’on 
l'avait vu un moment rechercher 
avec tant de scrupule, dans les 
magistrats dont sa haute dignité 
Jui attribuait l'élection , il leur 
préféra tout à coup, l'adhésion ab- 
solue à son système ministériel , 
ou simplement la faveur et la 
protection du côté droit. Onle vit 
attirer la censure judiciaire sur 


SER 


un magistrat du plus noble ca- 
ractère (M. Madier de Montjau), 
qui, usant du droit de péti- 
tion attribué par la Charte à 
ious les Français, n’avait eu que 
la pensée courageuse de préser- 
ver son pays des calamités san- 
glantes dont il le croyait me- 
nacé ; et l’on n’a pas ignoré 
que M. de Serre employa, bien 
qu’en vain, l'influence que sa po- 
siion lui donnait, pour écarter 
du sanctuaire de la justice son 
ministre si loyal et si généreux. 
Tourmenté de l’idée chimérique 
de reconstituer on ne sait quelle 
aristocratie factice, qui n’eût été 
ni l’ancienne ni la nouvelle , on 
vit le garde-des-sceaux favoriser 
de tout son pouvoir l'érection des 
majorats , cette plaie dangereuse 
de notre législation ; on le vit oser 
expédier à un négociant des lettres 
de relief de dérogeance, injure 
qui eût été trop cruelle , si son 
amertume ne s'était trouvée à 
l'instant adoucie par sa ridiculité 
même, et aussi par la démarche 
pleine de fierté et de véritable 
noblesse ; de lun des plus 
puissans négocians de la France ; 
qui est en même temps l’un de 
ses meilleurs citoyens (1). Enfin, 
l'impulsion donnée par M. de 
Serre, en 1819, à l’administra- 
tion de la justice, fut rétractée 


(1) À cette occasion , M. Ternaux 
déclara du haut de la tribune de la 
Chambre des Députés, qu’il ne con- 
sentirait pas à lever l'expédition du titre 
de baron, qu'ane ordonnance royale 
lui avait récemment conféré, jusqu'à 
ce que l'injure faite au commerce, 
par l'expédition des lettres de relief 
de dérogeance , eùt été convyenable- 
ment réparée. 


SER 289 
par lui, en 1820 et 1821, et le 
mouvement accéléré dans un sens 
contraire; des magistrats du mi- 
nistère public furent révoqués 
pour.avoir osé conserver l’indé- 
pendance de leurs opinions po- 
litiques; des circulaires coupables 
essayèrent d’influencer l’impartia- 
lité des tribunaux, sous prétexte 
d'éclairer ou d’animer leur zèle ; 
alors pour la première fois, fut 
conçue la pensée monstrueuse et 
sacrilége , de parler aux juges 
d'élections et de partis politiques, 
et d'emprunter leur organe , 
pour intimider ou séduire les 
officiers ministériels qui concou- 
rent à l’exécution de leurs sen- 
tences. C’est alors aussi que pro- 
fitant de la rédaction imprécau- 
tionnée ou astucieuse de la loi, le 
ministre de la justice composa la 
liste des jurés pour les causes po- 
litiques , à l’aide des notes de la 
police , et avec plus d’inclé- 
mence qu’on ne compose à la 
guerre,les commissions militaires. 
Alors reparurent les conspirations 
dont on avait cessé d’entendre 
parler depuis 1817, conséquence 
inévitable de cet odieux écha- 
faudage de compression et d’es- 
pionage, dont il faut bien appuyer 
la violence et la déception.Toute- 
fois, ilest juste de ne pas oublier 
que les dernières limites du mal 
ne furent point atteintes sur tous 
les points, et notamment, il 
faut remarquer qu'aucune exécu- 
tion sanglante pour cause poli- 
tique, n’attrista sous le ministère 
de M. de Serre , l’humanité et 
la patrie éplorée. 

Après avoir beaucoup fait pour 
le côté gauche, en 1819 , M. de 
Serre faisait toutpourle côté droit, 
en 1821. Les principaux chefs de 


19 


290 SER 

la majorité de 1815 contre les- 
quels il avait lutté avec tant d’é- 
nergie ; et dont il avait reçu des 
témoignages si nombreux et si 
amers de dissentiment et d’hos- 
tilité, obtinrent son appui aux 
élections, et grâce à lui, se virent 
en mesure de le gourmander de 
nouveau , et bientôt de le ren- 
verser. En vain, après avoir épuisé 
toutes les voies de pacification, 
il poussa la condescendance jus- 
qu'à les asseoir à côté de lui, dans 
le conseil du Roi; aucune con- 
cession ne put les satisfaire , 
et M. de Serre se vit forcé d’a- 
bandonaer enfin, le pouvoir au- 
quel il avait tout sacrifié. Au 
commencement de la session de 
1821 , une coalition formée de 
la droite et de la gauche, s’orga- 
nisa dans ia Chambre des Députés 
pour renverser le ministère. On 
est un peu embarrassé déjà, pour 
raconter avec précision, quel en 
fut le motif ou le prétexte. La 
majorité fit insérer dans la ré- 
ponse de laChambre audiscours de 
la Couronne , une clause impro- 
bative de la conduite du minis- 
tère , relativement à sa politique 
extérieure. Le côté droit enten- 


dait lui reprocher le maintien de: 


la paix avec le gouvernement des 
Cortiès de Madrid ; le côté gauche, 
son adhésion passive au sys- 
ième de la Sainte - Alliance. La 
discussion eut lieu en comité se- 
cret; M. de Serre en supporta 
tout le poids, et il se vit itéra- 
tivement entraîné à manifester de 
l’aigreur contre le côté droit. Ce 
malheureux ministère que n’ap- 
puyait aucun principe ; aucun 
parti, aucun intérêt, privait la 
France depuis près de deux an- 
nées, de la liberté de la presse, 


SER 


qui dévoilait trop son isolement. 

M.de Serre, qu’on avait pu croire 
jadis le plus fidèle ami de cette 
précieuse liberté , comme il s’en 
était montré l’un des pluséloquens 
défenseurs, était tombé à ce point, 

que le gouvernement lui semblait 
absolument impossible avec elle. 

Or, devant cette chambre hostile à 

lui, il eut, dirai-je l’audace ou la 
folie, d'apporter comme pre- 

mier brandon de discussion , un 

projet de loi qui ne demandait 
rien moins, que la prolongation 
pour cinqans,de la censure minis- 

térielle , censure qui s’exerçait 

déjà, avec cette tyrannie lâche et 
perfide que nous avons vu pour- 
tant. dépasser depuis. Cette fois , 
il n’y eut qu’un cri aux deux ex- 
trémités de la Chambre , et l’as- 
semblée dans son impatience , ne 
putpas attendre les délais ordinai- 
res des discussions, pour déchirer 
en mille pièces le projet du minis- 
tre et l’accabler de ses lambeaux. 
Une fois encore, comme il avait 
déjà fait pour la loi des élections, 
le garde-des-sceaux venait renier 
lui-même, à la face de la France, 
louvrage de ses mains. On l’avait 
entendu en 1819, s’élever jus- 
qu'aux accens de Ja plus hauteélo- 
quence , pour repousser l'intro- 
duction dans la loi, des mots ou- 
trages à la religion de l’état(au lieu 
de ceux-ci : à la morale publique 
et religieuse) : on l’entendit en 
1921 , justifier ce que lui-même 
avait si puissamment contribué à. 
faire écarter : on l’entendit encore 
répéter avec les hommes d’état 
d’une école à laquelle on l'aurait. 


cru totalement antipathique , ces 
déclamations banales , que la 


presse périodique n’est par celle 
qui fut émancipée par la Charte. 


SER 


et à qui le don de la liberté fut 
irrévocablement concédé ; qu’elle 
est le dissolvant le plus énergique 
de la société, et l’agent le plus 
puissant des révolutions; qu’elle 
est bonne aux Etats-Unis, tolé- 
rable peut-être en Angleterre , 
mais insupportable à la France ; 
que personne hormis quelques 
journalistes, n’en éprouve le be- 
soin ; que tout le monde la craint, 
à l'exception d’un petit nombre 
de factieux. Toutes ces phrases 
hypocrites ou soties ; auxquelles 
une paisible expérience de plu- 
sieurs années nous dispense au- 
jourd’hui de répondre, se résu- 
maient par demander la censure 
pour cinq ans, laissant entrevoir 
comme alternative, la pensée de la 
remplacer au besoin, par le projet 
d'attribuer au gouvernement la 
nomination des journalistes , 
comme il fait ses propres agens. 
M. Delalot, aunom du côté droit, 
repoussa avec une indignation sé- 
vère, la proposition ministérielle : 
il fit entendre un cri d'accusation ; 
et quels qu’aient été les événe- 
mens postérieurs , le côté gauche 
est justifié d’avoir cette fois, uni 
sa voix à celle de l’orateur de la 
droite, puisque. définitivement, 
la chute de M. de Serre et de ses 
collègues, a conservé à la France 
et à la civilisation européenne, 
leur plus solide garantie et leur 
instrument je plus énergique. 


Le ministère blessé à mort dans 
la Chambre des Députés , se dé- 
battitencore quelques jours , mais 
ce fut sans succès ; vainement il 
engagea, non sans témérité, la 
parole du Roi, dans une lutte 
contre les députés de la nation: 
a sa gesse royale ne tarda pas à 


SER 201 
remarquer le précipice où pré- 
tendait l’entraîner la faiblesse coa- 
lisée avec l’orgueil : elle re- 
lira $s0on appui au ministère, et 
le ministère disparut. Le lende- 
main de sa chute, M. de Serre se 
montra à Ja Chambre des Dé- 
putés , assis au centre droit. Une 
dernière bonne fortune latten- 
dait sur cet ancien théâtre de sa 
gloire. Assuré de composer les ju- 
rés, à l’aide des cartonsde la police, 
il n'avait pas demandé dans ses 
derniers projets de loi sur la 
presse, qu’on leur enlevât la con- 
vaissance des délits qui peuvent 
se commettre avec son aide. Le 
nouveau ministère, moins, peut- 
être,par conviction,que pour obéir 
à des engagemens de parti, pro- 
posa aux Chambres de restituer 
aux tribunaux de police correc- 
tionnelle ce démembrement de 
leur vieux patrimoine. M. de 
Serre défendit le jury et parut 
avoir retrouvé avec son éloquence 
qui né l’abandonna jamais, ses 
anciennes convictions. Le succès 
qu’il obtint en cette circonstance 
parut alarmant, et l’on jugea pru- 
dent d’éloigner de l’arène où se 
conteste la possession du pouvoir. 
ce rival encore menaçant. M. de 
Serre fut nommé ambassadeur de 
France à Naples. 


Il fut rendu dans ce brillant 
exil , ayant la fin de l’année 1822. 
C’est la qu’il passa dans la tris- 
tesse, les derniers jours d’une vie 
qui semblait promise à tant de 
gloire , regrettant la France, cri- 
tiquant l’administration du côté 
droit,récriminantavecamertume, 
contre les principes du côté gau- 
che , et surtout contre les inten- 
tions qu'il lui supposait. Un voyage 


292 SER 
diplomatique à Vérone, parut 
être le seul incident remarquable 
du séjour de M. de Scrreen Italie. 
Cependant , la dissolution de la 
Chambre des Députés venait d’être 
prononcée, et lPon procédait à 
la réélection septennale de 1824. 
M. de Serre écrivit, dit-on, dans 
son payspour faire ressouvenir de 
lui. Peut-être espérait-il qu’on le 
désirerait comme une ressource 
dans la détresse, comme une 
planche dans le naufrage ; il se 
trompait. Lui dont tous les partis 
avaient , tour-à-tour , redouté la 
parole et recherché l'alliance ; lui 
dont la célébrité populaire avait 
successivement épuisé l’amour et 
la haine de sa nation, il n’obtint 
as une seule voix de toutes celles 
des électeurs de la France. Les 
amis de sa fortune, les yeux 
tournés vers l’astre de ses suc- 
cesseurs, n’osèrent agir pour lui; 
et non-seulement il ne fut pas élu 
député ( ce que l’influence minis- 
térielle, ou simplement ke hasard, 
auraient pu facilement expliquer), 
mais même il n’obtint pas le sté- 
rile honneur de la candidature, 
malgré les tentatives impuissantes 
qui furent essayées en sa faveur. 
Au reste, il ne lui restait plus 
que peu de jours à vivre. Atteint 
au commencement de juiHet 1824, 
d’une affection hémorrhoïdale , il 
g’était fait transporter dans une 
maison de campagne , à Castella- 
mare. Bientôt une inflammation 
au foie vint compliquer sa mala- 
die de lamanièrelaplusalarmante. 
Il se confessa et reçut les sacre- 
mens de l’église , avec piété et re- 
signation. « Sur les dernieres an- 
nées de sa vie, nous apprend M.le 
baron d’Ecstein , dans une notice 
entièrement apologétique consa- 


SER 


réec à M. de Serre(1), la cause de : 
la religion acquit en lui, un défen- 
seur éclairé et un noble apprécia- 
teur de ses mystères et de ses 
dogmes. » Il expira dans la nuit 
du 29 au 21 juillet 1824. Son 
corps fut embaumé et transporté 
en France. M. de Serre a laissé des 
héritiers de son nom. Sa veuve 
obtint du Roi une pension consi- 
dérable. Les faveurs les plus écla- 
tantes s’étaient répandues sur Jui, 
depuis qu’il eut déserté la cause 
populaire; ilreçut le cordon bleu, 
lors de la promotion du 29 sep- 
tembre 1820, à l’occasion de la 
naissance de M. le duc de Bor- 
deaux; eten quittant le ministère, 
il obtint les titres de comte, et de 
ministre d'état. Précédemment,on 
lui avait donné la croix de Saint- 
Louis, pour ses services à l’armée 
de Condé. On n’a pas ignoré non 
plus , que des récompenses d’une 
autre espèce lui furent prodiguées 
par le feu Roi. 

La nature avait formé M. de 
Serre pour devenir orateur : lé- 
tude et la méditation fortifièrent 
en lui ces dispositions.Le caractère 
dominant de son éloquence fut 
l'élévation et l’énergie. Ni la fi- 
nesse, ni le sarcasme, ni même 
la plaisanterie, ne s’offraient à 
son improvisation. La facilité elle- 
même en paraissait exclue : je dis 
cette facilité verbeuse et com- 
mune , que l’habitude enfante or- 
dinairement ; mais en revanche, 
s’il cherchaitsouvent l’expression, 
il ne tardait pas de faire éprouver à 
son auditeur, un charme de satis- 
faction et d’étonnement, quand il 
l'avait trouvé bientôt , originale, 
pittoresque et quelquefois subli- 


(1, Drapeau blanc, du 3 août 1824, 


SER 


me. Il avait la conception largeet 
profonde, abordait son sujet de 
haut, l’envisageait sous ses points 
de vue les plus neufs et les plusim- 
portans. Sa méthode de discuter 
était nette et parfaitement bien 
ordonnée; son style correct et 
sagement hardi; il n’accordait rien 
à la période ou à la déclamation ; 
et jamaisilne se crutendroit,pour 
prouver sa faconde, de fatiguer 
par des développemens inutiles ou 
insipides , les assemblées délibé- 
rantes devant lesquelles il eut à 
parler, et qu’il savait intelligentes, 
passionnées , et surtout mobiles 
et pressées d'agir. Froid et même 
taciturne dans le monde , M. de 
Serre possédait surtout, les parties 
fortes et actives de l'intelligence ; 
familier avec les principales 
langues de l’Europe, il connais- 
sait les législations aussi bien que 
les littératures étrangères, et sans 
cesse il tendit vers l’universalité. 
Son talent le suivit sous les ban- 
nières opposées où on Pa vu pa- 
raître : moins franc et moins pur 
sans doute , du côté de lerreur, 
qu'il ne s'était montré du côté de 
la vérité, mais toujours élevé et 
toujours brillant, Comme admi- 
nistrateur et comme chef de parti, 
il fit preuve d’une capacité et 
d’une habileté égales à son élo- 
quence. Mais , ces dons inesti- 
mables du ciel, qu’il répand avec 
parcimonie, sur le petit nombre 
de ceux qu'il prédestine aux 
grandes choses, de quel poids ils 
sont pour la mémoire de l’homme 
état, qui. au lieu d’en faire la 
fortune de son pays, n’en tira 
que sa fortune personnelle! Encore 
si lon pouvait supposer qu’il à 
cédé à des sentimens d’affections 
tendres, de fidélité passionnée , 


SER 299 
de dévouement héréditaire , sen- 
timens d’un ordre secondaire 


et particulièrement appropriés 
aux intelligences ordinaires , 
mais qui du moins prennent leur 
source dans les portions saines 
et nobles de notre être; mais 
cette supposition n’est pas facile 
à l’égard d’un homme de la 
trempe de M. de Serre : car sans 
parler de tant de circonstances 
qui l’accablent , on ne peut pas 
oublier qu’il a donné la mesure 
de son esprit, qu'il avait vu la 
vérité face à face, qu’il s'était 
consacré à son culte, après avoir 
développé avec supériorité les 
motifs de sa conviction, qu’ilavait 
accepté la mission de la. prêcher 
au monde , et de travaitler à son 
triomphe. Comment après cela, 
a-t-il pu trouver quelque chose 
plus doux ou plus précieux qu’elle? 
Aujourd’hui , cette vérité qu'il a 
dédaignée ou méconnue pèse sur 
sa tombe. Nul nese présente pour 
glorifier sa mémoire : à peine 
quelquesapologistes timides osent 
réclamer pour lui dusilence et de 
l'oubli : Îls ne seront pas exaucés. 
Quiconque a gouverné les Fran- 
çais est voué à une inévitable im- 
mortalité. M. de Serre a trompé 
toutes leurs espérances, il subira 
à jamais leurs ressentimens. Pour 
nous, qui ne l’avons point connu 
personnellement, mais qui l'avons 
aimé un instant, de cet amour 
que les gens de bien portent à 
quiconque avance le règne de la 
justice sur la terre, c’est avec 
une conviction tout - à - fait 
exempte d’hésitation et de re- 
mords, que nous n'avons pas 
craint de répéter les sévères accu- 
sations de la France , Gontre celui 
qui lui a fait tant de mal. 


294 . THÉ 


THÉ 


Te 


TAUNAY (A.....), sculpteur, 
né à Paris , en 1768 , est mort le 
#7 mai 1824, à Rio-Janeiro, où il 
avait été appelé pour professer 
la sculpture , à l’Académie des 
beaux-arts. Il a exécuté au Bré- 
sil, un buste très-beau du Ca- 
moëns ; placé au palais royal 
de Boa-Vista. Les ouvrages les 
plus remarquables qu’il a laissés à 
Paris, sont une Statue en pied du 
général Lasalle, et un buste de 
Ducis. 


THÉVENOT ( Maccome }, né 
à Dampierre , arrondissement 
d’Arcis-sur-Aube, le 22 février 
1746, était fils d’un maître d'école 
primaire établi àPont-Sainte-Marie 
près Troyes. 11 fut d’abord maitre 
de pension dans cette dernière 
ville, et y devintensuite professeur 
de 4° au collége. 11 est mort pro- 
fesseur émérite, le 19 février 1821, 
âgé de soixante-quinze ans moins 
trois jours.M.Patris-Dubreuil, l’un 
de ses élèves, a publié : Hommage 
à la mémoire de M. T'hévenot, dans 
ses Mélanges de biographie, d’éco- 
nomie publique et critique etc., 
( Paris, Pillet ainé, 1824 , in-8 }; 
et tiré à part , in-8, de 4o pag. Le 
même avait déjà consacré un arti- 
cle à Magloire Thévenot, dans le 
t. II des Œuvres inédites de Gros- 
ley. 1812. 3 vol, in-8. 


Liste des ouvrages de M.T hévenot. 


I. Cours de septième. Troyes, 
1781, in-12, de 327 pages, y 


compris un avertissement et des 
observations. Anonyme. 

IT. Elémens des langues latine 
et française, où Méthode élémen- 
taire pour apprendre la langue la- 
line, précédée des premières notions 
de la langue française. ‘Troyes, 
MDCCLXXXTIII.deux part.in-12. 

Cet ouvrage est le développe- 
ment du précédent. 

III. Principes de la grammaire 
française. Troyes, an IX— 1801; 
in-12. 

IV. Questions sur les principes 
généraux de la langue française. 5° 
édit. Troyes, 1810 ; in-8 , de 48 
pages. | 

V. Anthologie poétique latine, 
extrait des meilleurs poëtes moder- 
nes, avec la matière en regard, dont 
une partie est traduite en français 
à l’usage de MM. les’ professeurs , 
instituteurs, etc. Paris, Aug. Dela- 
lain, 1811; 2 vol. in-8. 

Des exemplaires de cet ouvrage 
ont été tirés sur papier vélin et 
contiennent quelque chose de plus 
que les exemplaires sur papier 
ordinaire. 

VI. Une édition de la Traduc- 
lion anonyme , en vers latins, du 
V'ervert de Gresset, avec le texte 
en regard; suivie de la éraduction 
en vers français, de la paraphrase 
en vers lalins, du 8° Psaume, par 
Théodore de Bèze. Troyes, Bou- 
quot, 1811 ; in-8 , de 40 pages, 
tiré à petit nombre. 

Enfin, Magloire Thévenot a pu- 
blié des Lettres et Dissertations , 
presque toutes anonymes, dans le 
Journal de Champagne, 15782 et 


THO 


années suivantes, et dans d’autres 
journaux qui lui ont succédé. 

I] laisse en manuscrit une An- 
thologie historique et morale, en 
latin et en français, extrait de di- 
vers auteurs , historiens el moralis- 
tes, grecs, latins et français ; trois 
parties, formant environ 900 pages 
in-folio. 


THOUIN ( Axpré }, botaniste, 

quit au Jardin du Roi, en fé- 
vrier 1747. Sa famille était atta- 
chée à cet établissement depuis 
plusieurs générations (1 ): lui- 
même, dans son enfance et pour 
ainsi dire durant tout le cours de 
sa vie, ne connut d’autre étude 


ni d'autre passion que celle des: 


plantes de ce jardin; il n’eut le 
temps de faires ses humanités 
qu’imparfaitement. Ayant perdu 
son père à l’âge de 17 ans, Buffon et 
Bernard de Jussieu, qui aimaient 
Thouin et qui s’intéressaient à sa 
famille , dont il allait devenir l’u- 
nique soutien, obtinrent malgré 
sa jeunesse , qu’il lui fût donné 
pour successeur. Ils se firent fort 
pour le jeune homme, de remplir 
les devoirs de l’emploi. Leur con- 
fiance n’a pas été trompée : « Bien 
que la nomination de Buffon, dit 
Al.Silvestre (2), à l’intendance du 
Jardin du Roi soit de beaucoup 


(1) Deux. frères d'André Thouin 
sont encore employés au Jardin du 
Roi. 

(2) Notice biographique sur M. À. 
Thouën ; par A. F.Silvestre, secrétaire 
perpétuel de la Société royale et cen- 
trale d'agriculture, — dansles Mémoires 
de cette société pour 1820, et tirée à 
part, in-8, de 27 pages. — Nous em- 
pruntons à la Notice de M. Silvestre 
une portion de cet article. 


THO 205 
antérieure à celle d'André Thouin, 
il est remarquable que ce ne fut 
que quelques années après cette 
dernière nomination que l’établis- 
sement reçut l’immense accrois- 
sement qu'il dut à l’impulsion et 
au crédit de son illustre chef... 
L’étendue du jardin ayant été dès 
lors, plus que doublée, M. Thouin 
ÿ planta une grande école de bo- 
tanique, une collection d’arbres 
fruitiers et un jardin de plantes 
économiques; il dirigea l'emploi 
des terres et des plantations pour 
tout le jardin, il fit niveler le lo- 
cal, creuser les bassins, bâtir les 
murs d'enceinte, construire les 
terrasses, et ce travail considéra- 
ble fut exécuté dans deux années. 
Thouin rendait fréquemment 
compte de ses travaux à Buffon, 
qui étaitalors à Montbard: ilexiste 
encore une série de lettres qui 
prouvent l’activité de la corres- 


.pondance qui avait lieu entre eux, 


à cette époque... «Non-seulement, 
»mon cher ;Thouin, lui écrivait 
»Buffon, vous êtes digne de 
»toute estime, mais le zèle et 
» l'intelligence avec lesquels vous 
»conduisez nos affaires, méritent 
» reconnaissance de ma part. Vos 
» lettres sont faites à merveille (il 
s'agissait d’une correspondance 
administrative avec le ministre }) ; 
» vous dites tout ce qu'il faut, et 
» ne dites que ce qu’il faut, etc.» 
Thouin, toujours simple jardinier, 
fut recu membre de l’Académie 
royale des sciences , à l’âge de 5 
ans, et il puts’asseoir entre Buffon 
et Bernard de Jussieu. II inséra 
plusieurs mémoires dans les re- 
cueils de cette compagnie, F1 fu 
chargé de diriger pour l’Académie, 
la partie rurale de l'instruction 
que Louis XVI avait demandée à 


296 


ce corps savant,afin de guider l’in- 
fortuné Lapeyrouse dans son 
voyage autour du monde, et que 
le Roi voulut remettre lui-même 
au célèbre navigateur. On relit 
toujours avec intérêt,cette instruc- 
tion que Thouin semblait avoir 
rédigée avec un soin particulier. 
Il s’arrêteayec complaisance, sur 
l'indication de tous les végétaux 
utiles qu’on peut naturaliser 
dans les latitudes qui devaient 
être parcourues, sur les précau- 
tions à prendre pour la conserva- 
tion des semences, leur distribu- 
tion et leur culture. Il indique 
les points de relâche où l’on peut 
puiser en ce genre, les objets utiles 
que noire climat ne permet pas 
de fournir. 

a Un ouvrage très-important 
du même genre, queThouin publia 
plus tard, fut une instruction dé- 
taillée sur les recherches qui de- 
vaient être faites dans les colonies, 
relativement aux objets qu’il serait 
possible d’y recueillir et sur la 
manière de conserver ces objets 
et de les transporter. Personne 
n'avait fait de plus profondes re- 
cherches sur les divers moyens 
d’acclimater les plantes étran- 
gères. Il avait reconnu que c'était 
moins lintensité du froid que son 
action à des époques auxquelles 
les arbres exotiques n'étaient point 
accoutumés, qui empêchait d’éle- 
ver, chez nous, en pleine terre, 
ceux qui provenaient, soit de cli- 
mais plus chauds, soit de pays 
qui éprouvent habituellement une 
température inférieure à la nôtre. 
II pensait que la principale diffi- 
culté tenait à la différence d'époque 
de l'entrée en sève de ces arbres 
et de leur floraison. La serre tem- 
pérée qu’il dirigeait pour la natu- 


THO 


THO 


ralisation , lui avait permis d’ob- 
tenir des graines fécondes , et, en 
variant l’époque des semis , d’ac- 
coutumer aux influences de notre 
climat, au bout d'un petit nombre 
de générations, les plantes qui, 
dans leur pays natal, avaient des 
époques de végétation toutes diffe- 
rentes. Telle a été la belle-de-nuit 
à longues fleurs; tels furent les 
dalhia , sur lesquels Thouin a pu- 
blié un fort bon mémoire. 

» Toutes les années, on en- 
voyait, du Jardin du Roi, plus 
de quatre-vingt mille sachets de 
graines , qui étaient adressés gra- 
tuitement, aux propriétaires ou 
cultivateurs français, aux sociétés 
d'agriculture, ou bien aux pé- 
pinières départementales. Douze 
mille étaient envoyés dans les 
colonies françaises ou étrangères ; 
environ vingt mille étaient adres- 
sés aux différens souverains des 
états de l’Europe; et en exami- 
nant la liste de ces envois répétés, 
on cherche vainement un seul de 
ces souverains qui n’ait été tribu- 
taire de cette portion de recon- 
naissance toujours due à un bien- 
fait constamment renouvelé, et 
qui ne l'ait plus ou moins haute- 
ment manifestée. L'empereur de 
Russie et le roi de Prusse , lors de 
leur présence à Paris, ont témoi- 
gné une bienveillance particulière 
à M. Thouin. L'empereur d’Au- 
triche, surtout, visitait fréquem- 
ment ses travaux , et sémblait ou- 
blier tout-à-fait, près de lui, son 
rang suprême. Les envois de 
greffes et de végétaux vivans 
étaient aussi fort nombreux; ils 
ont contribué à répandre, en 
France, les meilleures espèces de 


fruits, et les arbres d’ornemens 


ou forestiers qui avaient été sur- 


THO 


tout tirés de l’Amérique, et que 
la culture, au Jardin du Roi, 
avait conquis à la France. C’est à 
cette culture que nous devons la 
propagation de plusieurs plantes 
utiles, telles que la patate, le lin de 
la Nouvelle-Zélande, l’herbe de 
Guinée, la baniande; de plusieurs 
arbres précieux, tels que le sophora 
du Japon, le robinier d’Anié- 
rique, etc. C’est aussi à Ces envois 
que nous devons aujourd'hui la 
naturalisation, dans nos colonies, 
de la canne à sucre d’Otaiti aux 
Antilles, de la vanille à l’île de 
Bourbon , et de l’arbre à pain à 
Cayenne. Cet arbre précieux, 
après avoir séjourné pendant 
trois ou quatre ans, dans les serres 
de M. Thouin, fut porté à la 
Guiane , avec le même succès que 
le café, jadis également cultivé 
au Jardin du Roï, avait été trans- 
orté à la Martinique. 

» M. Thouin fut, en 1806, nom- 
mé à une place de professeur de 
culture , qui avait été créée pour 
lui, dans l’établissement... Douze 
professeurs étaient chargés de faire 
connaître tous les objets qu’il ren- 
ferme , leurs relations entre eux, 
la place qu’ils occupent dans lé- 
chelle des êtres; aucun n’y parlait 
encore des moyens de les repro- 
duire avec succès, ni de l’appli- 
cation d’un très-grand nombre 
d’entre eux à nos usages domes- 
tiques : lanomination de M.Thouin 
remplit cette lacune, et bientôt le 
nouveau professeur établit une 
école de culture pour servir à la 
démonstration des lecons qu’il de- 
vait donner. Cette école, la pre- 
mière qui ait été instituée en Eu- 
rope, était destinée à mettre sous 
les yeux des élèves tout ce qui est 
relatif à la culture des végétaux, 


THO 207 


à offrir des modèles des divers 
procédés employés pour leur édu- 
cation et leur multiplication, et 
à faire des observations et des 
expériences sur la physique végé- 
tale... Une nombreuse coliection 
d’instrumens d’agriculture de tous 
les pays, fut attachée à cette chaire 
et servit aux démonstrations. M. 
Thouin à publié successivement, 
dans les Annales du Muséum d’his- 
toire naturelle, des mémoires dé- 
taillés sur toutes les opérations et 
sur tous les objets d'expériences 
de cette école, qui a eu surtout, 
pour principal résultat, de con- 
tribuer au cours instructif que ce 
célèbre professeur faisait chaque 
année , dans l’établissement. Le 
plan qu'il avait adopté était vaste 
et méthodique; dans la première 
division, il donnait l’histoire dé- 
taillée de l’agriculture, depuis 
son origine jusqu’à nos jours, 
dans toutes les parties du monde; 
et il cherchait à faire apprécier 
quelles circonstances locales ou 
politiques avaient pu influer sur 
les progrès ou sur les mouvemens 
rétrogrades de cet art, qui, pour 
tous les pays, est le plus puissant 
élément de prospérité. Dans la 
seconde division, il donnait l’in- 
dication et faisait connaître l’usage 
de tous les produits de l’économie 
rurale: il détaillait les procédés 
de culture, de multiplication et 
de conservation des plantes; il 
examinait les effets des divers 
agens de la végétation; il traitait 
de l’architecture rurale, des clô- 
tures, du transport et de la pré- 
paration des terres, des arrose- 
mens, des semis et plantations, 
des tailles diverses, des récoltes ; 
enfin, il présentait des considéra- 
tions sur la végétation dans les 


298 TEHC 

quatre parties du monde, sur les 
séries de plantes qu’il est le plus 
facile de naturaliser, sur les 
moyens à employer à cet effet, et 
sur les avantages que peuvent 
présenter des établissemens d’in- 
struction consacrés à la culture et 
à la naturalisation. Tels étaient 
les principaux chjets des cours 
annuels que Thouin faisait au Jar- 
din du Roi. Ces cours attiraient 
un grand concours d’auditeurs de 
toutes les conditions... Thouin 
agrandissait, chaque année, Île 
cadre de ses leçons; il recueillait 
toujours de nouvelles observa- 
tions, qu'il ajoutait à son grand 
travail. II ne pouvait se résoudre 
à publier un ouvrage que lui seul 
regardait encore comme incom- 
plet; il se bornait à exposer, pen- 
dant le temps de son cours, dans 
la bibliothèque du Jardin du Roi, 
destabléaux concernantla division 
et la nomenclature méthodique et 
raisonnée de tous les objets de ses 
lecons. II à laissé, en mourant, 
ses manuscrits à son neyeu, M. 
Oscar Leclerc, qui était aussi son 
aide... 

» M. Thouin avait voyagé, vers 
1780, en Auvergne; et ses obser- 
vations sur cette intéressante con- 
trée sont encore inédites; dans 
un âge plus avancé, il fut, en 
15099, envoyé en Hollande, en 
Flandre et en Italie; il y séjourna 
plusieurs années... Il examina 
avec le plus grand soin, ‘tous les 
procédés de culture particuliers à 
CES deux Pays; il recueillit une 
foule de notes intéressantes, dont 
ia réunion forme plusieurs gros 
volumes manuscrits... Dans son 
Mémoire sur l’arrosement, il fit 
connaitre toutes les espèces d’irri- 
gations qui sont pratiquées avec 


THO 


tant de succès , en Italie; et dans 
son Cours de culture, il exposait 
avec détail, les procédés usités 
dans les Pays-Bas , pour la prépa- 
ration des engrais et des terres et 
pour la série des assolemens, pra- 
tiques qui ont fait regarder cette 
contrée par tous les agronomes, 
comme la terre classique de lagri- 
culture. Il rapporta des deux 
pays, tous les instrumens de cul- 
ture qui offraient quelques avan- 
tages sur ceux dont nous nous 
servons ; il envoya aussi d'Italie, 
des buffles , des bêtes à corne de 
la Romanie, ainsi que des ânes de 
Toscane... Les derniers se sont 
reproduits et croisés ayec assez de 
succès. Il rapporta aussi de ce 
pays,diverses plantes,notamment, 
l'espèce de blé de mars qui four- 
nit, en Toscane, la paille propre 
à faire des chapeaux; il cultiva , 
pendant plusieurs années, cette 
plante, dans le Jardin botanique et 
dans l’École de culture... » 

Après ces détails sur la partie 
scientifique de la carrière de 
Thouin , dus à la plume de son 
collègue, il nous reste à dire quel- 
que chose , sur sa vie publique et 
son caractère individuel. Des ver- 
tus vraiment patriarcales et une 
pureté d'âme sans tache, ne dé- 
tournèrent pas M. Thouin d’adop- 
ter avec la plus ferme conviction, 
les principes de la Révolution; et, 
s’il ne voulut jamais participer à 
nul des excès qui la souillèrent , 
il ne put non plus se résoudre à 
renoncer aux vérités qu’elle avait 
manifestées. En 1791, M. Thouin 
fut élu membre du département 
de Paris. En 15704, il fut nommé 

rofesseur à la première école 
normale. Pendant les deux années 
qui suivirent, il voyagea en qua- 


THO 


lité de commissaire du gouverne- 
ment républicain , en Hollande et 
en Italie, afin de reconnaître et 
recueillir dans ces pays, les objets 
intéressans pour l’agriculture. Il 
rendit compte de sa mission le 9 
thermidor de l’an VI, au milieu 
de la cérémonie civique célébrée 
au Champ-de-Mars, à l’occasion 
de cet anniversaire, et reçut du 
Directoire ; une médaille d’hon- 
neur. Sous la monarchie impé- 
riale, M. Thouin s’enfouit dans 
son jardin, et plus que jamais , il 
y concentra son existence. L’hor- 
ticulture profita de ses études et 
de ses travaux, sans que l’état fût 
troublé de la candeur obstinée de 
ses opinions politiques. 

Jadis ses plus intimes amis, 
après Buffon et Bernard de Jus- 
sieu, avaient été Malesherbes et 
Duhamel. Jean-Jacques Rousseau 
l'avait visité souvent, et lui té- 
moigna beaucoup d’affection. On 
a trouvé à sa mort, parmi ses pa- 
piers,soixante-douze diplômes d’a- 
cadémies ou sociétés savantes ; 
pourtant, il mettait fort rarement, 
en tête de ses ouvrages, d’autres 
titres que celui de professeur de 
culture. Lorsqu'il recut la déco- 
ration de la Légion-d’Honneur , 
il ne put se résoudre à la porter ; 
il résista à ce sujet, aux plus pres- 
santes sollicitations... Il craignait 
tout ce qui pouvait attirer les re- 
gards , tout ce qui semblait le sé- 
parer de la classe des simples 
jardiniers , à laquelle il s’applau- 
dissait d’appartenir encore, et 
dont la profession ayait fait le 
bonheur de sa vie. Ce vénérable 
vieillard se sentait averti par des 
douleurs croissantes depuis une 
année , de l'approche de la mort, 
lorsqu'une maladie érysipélateuse 


THO 299 
étant venue le forcer à garder le 
lit et à rester dans l’inaction, une 
fièvre violente s’empara bientôt 
de lui, et il expira, âgé de près de 
soixante-dix-huit ans, le 27 oc- 
tobre 1824. 

M.Cordier, au nom des profes- 
seurs du Muséum d'histoire na- 
turelle ; M.G. Cuvier, au nom de 
l’Institut, prononcèrent les dis- 
cours funèbres aux funérailles du 
patriarche des jardins.(1) «C’est la 
modestie et la science unie à la 
simplicité la plus aimable , s’é- 
criait M. Cuvier , que nous per- 
dons aujourd'hui, dans le bon 
vieillard dont cette tombe va cou- 
vrir lesrestes. Ce cercueil entouré 
à la fois des membres d’un corps 
illustre , et des humbles ouvriers 
d’un grand établissement , égale- 
ment arrosé de leurslarmes , est 
celui d’un homme qui appartenait 
à l’une et à l’autre famille, qui en 
était également chéri et vénéré. 
Succédant à deux ou trois géné- 
rations patriarcales, dont le travail, 
depuis près d’un siècle, embellis- 
sait et faisait prospérer Ce magni- 
fique dépôt des richesses de la 
nature, M. Thouin y trouva, en 
quelque sorte , un domaine héré- 
ditaire : il en fit sa patrie, il y 
placa toute son existence. Parmi 
tant de changemens dans les 
hommes et dans les choses , lors- 
qu'aucune ambition ne manquait 
d’appât, et qu’il y avait des ten- 
tations pour toutes les faiblesses, 
rien ne put l’arracher à ce séjour 
paisible. Cette brillante végéta- 


(1) M. Cuvier a aussi prononcé l'E- 
loge de A. Thouin, dans la séancepu- 
blique de l’Académie des Sciences, du 
20 juin 1824. On le trouve imprimé 
dans le Aoniieur du 13 août suivant. 


3%0 THO 


iation que ses soins prolongés 
avaient en quelque sorte , rendue 
son ouvrage, lui tint toujours 
lieu de gloire et de fortune : mais 
aussi, qui a mieux prouvé que lui, 
que le mérite peut faire un poste 
élevé de la place la plus humble ? 
Il était nourri dans les travaux 
d’un jardin ; maisil l’était sous les 
yeux de Buffon et de Jussieu : 
chaque jour il les voyait, il les 
entendait. Il se sentit né pour 
parler aussi leur langage , et bien- 
tôt ce futauxtravaux de leur esprit 
qu’il se trouva digne d’être associé. 
Ces hommes célèbres se crurent 
honorés de le voir s’asseoir à côté 
d’eux , et l’Europe savante ne les 
sépara plus dans ses hommages. 
Dés lors, sa modeste carrière 
s’est agrandie ‘et peu d'hommes 
ont exercé une influence plus 
atile, » 

M. Geoffroy Saint-Hilaire, col- 
lègue de M. Thouin à l’Institut et 
au Jardin du Roi, lui a consacré 
une notice intéressante ( Revue 
Encyclopédique. T. XXIV. p.555), 
qui achèvera de peindre ce carac- 
tère qui fut si beau dans sa sim- 
plicité (1). — « Comme homme 
privé , dit M. Geoffroy , il est de- 
demeuré incompréhensibie à qui- 
conque n’est susceptible ni de 
force d'âme, ni du désintéresse- 
ment des pompes sociales. On 


(1) On a publié aussi : Eloge histo- 
rique de André Thouin, président de 


La Société Linnéenne de Paris ; par 


M. Arsène Thiébaut de Berneaud. 
Paris , impr. de Lebel, 1825 ; in-8, de 
2 feuilles un quart. — Le Bon Jardi- 
nier, Almanach pour l'année 1825. 
in-12, chez Audot, par MM. Boitard, 
Noisette et Vilmorin, est orné du 
portrait d'André Thouin. 


THO 


peut estimer à leur valeur réelie 
tous les avantages du rang , tous 
les hochets des distinctions ima- 
ginées par la vanité, et cependant 
s’y soumettre par docilité de ca- 
ractère. M. Thouin en jugea tou- 
jours autrement. Mais, s’il a re- 
nouvelé parminous , les manières 
de ces hommes de bien de l’an- 
cienne Grèce , qui poussaient jus- 
qu’à l’exagération la pratique des 
vertus domestiques, ce fut du 
moins sans affectation, sans le 
dédommagement que procurait à 
ceux-là, certain manteau qui flat- 
tait en secret , une autre combi- 
naison de vanité. M. Thouin sé- 
para toujours les devoirs des 

agrémens de la société, les dis- 
tinguant non-seulement comme 
rêves de l'esprit, mais dans lappli- 
cation qu’il s’en faisait à lui-même; 
car il accepta, il voulut les pre- 
miers, quelquefois jusqu’à se 
laisser accabler sous leur faix , et 
il resta constamment inaccessible 
à l’attrait des seconds. 11 ne se 
soumit jamais non plus, au régime 
des visites, ni à aucune de ces 
communications prescrites par le 
code si fastueusement nommé du 
savoir-vivre. Aucune invitation 
à diner n’eut de prise surlui:il ne 
parut aussi jamais aux séances 
solennelles des académies ; enfin 
il se vit à regret, et l’on pourrait 
ajouter avec une résignation stoi- 
que , inscrit sur les listes des che- 
valiers de la Légion-d’'Honneur ; 
et il ne fut à ce sujet, attentif qu’à 
une seule chose, à Pindulgence 
de ses amis , qui ne s’offensaient 
pas de ce qu’il ne portait point 
habituellement une décoration 
«sans objet, disait-il, sur l’habit 
» d’un jardinier». Qu’on taxe cela 
de singularité ; soit; mais l’on se 


THO 


tromperait beaucoup ,; si lon 
croyait y voir aussi de la misan- 
thropie , de éloignement décidé 
pour les hommes. Nul n’était au 
contraire, plus accessible ; nul n’a- 
vait dans le commerce intime,plus 
de douceur et d’aménité ; mais il 
fallait venir à lui, puisqu'il n’al- 
lait lui-même chez personne. Ilne 
se complaisait que dans une seule 
idée , celle d’être utile aux autres: 
aussi, n’avait-il aucune force, 
comme il ne trouvaitaucun terme, 
pour refuser son temps, ses con- 
naissances , sa science , ses végé- 
taux : vous pouviez tout lui de- 
mander. Dirigeait-il les travaux 
de culture , il priait qu’on fit ceci, 
qu’on arrangeât cela ; et c'était 
toujours avec des manières de di- 
gnité simple et de bonté, qui 
plaçaient le dévouement dans l’o- 
béissance. Toujours calme, il ne 
s’abandonnaiït à quelqu’exaltation, 
que si l’on exposait devant lui 
le plan de nouvelles institutions 
ou de nouvelles constructions 
d'une grande utilité et d’une ap- 
plication générale et durable ; les 
délassemens qu’il s’accordaitetses 
promenades avaient toujours pour 
but les travaux publics où il avait 
remarqué ces caractères. II ne se 
maria point et devint cependant 
un chef de famille dévoué et vé- 
néré : et c’est peut-être cette der- 
nière circonstance qui a donné 
lieu à cette austérité , à cette 
âpreté de mœurs que nous venons 
de signaler...» 

Trop souvent nous sommes 
engagés à supprimer à cause de 
leur vénalité, les Jouanges faci- 
lement prodignées à la cendre à 
peine éteinte des morts; on nous 
excusera sans doute d’avoir fait 
une exception pour celui qui sut 


THO 501 
mériter des éloges tellement una- 
nimes , qu’il est permis de douter 
si quelqu'un a jamais dit, ou 
seulement pensé du mal du véné- 
rable Thouin. Et d’ailleurs quelle 
vie fut mieux remplie que la 
sienne, non de ce qui fait du 
bruit ; mais de ce qui fait du bien ? 

On a donné en l’honneur de 
Thouin, le nom de T'houina à un 
genre de plante dont on connaît 
trois ou quatre espèces. 


Liste des ouvrages d’ A. T'houin. 


I.( Avec M. Tessier et Bosc), 
Le Dictionnaire d’ Agriculture de 
l'Encyclopédie méthodique, en 6 
vol. in-4. — toute la partie du 
jardinage est de M. Thouin. 

IL. Mémoires sur l’aërologie et 
Pectrologie. 1806. 3 vol. in-8. 

III. ( Avec Parmentier, Tessier, 
Huzard, etc. ). Les tomes XI et 
XII du Nouveau Cours complet 
d'agriculture, rédigé sur le plan de 
celui de Rozier. Paris, Déterville, 
1809, 13 vol. in-8. 

IV. Monographie des Greffes, ow 
Description technique des diverses 
sortes de greffes employées pour la 
multiplication des végétaux. Paris, 
M" Huzard, 1821, in-4, de 8 
feuilles et demie, plus 13 planches. 

André Thouïn a eu part au Dic- 
tionnaire d’histoire naturelle de 
Levrault, et au Mouveau Diction- 
naire & histoire naturelle de Déter- 
ville. Il àa donné des Mémoires 
dans la collection de ceux de 
l’Académie Royale des Sciences de 
l'Institut, — du Muséum d'histoire 
naturelle, — de la Société royale 
d'agriculture. — 11 à particulière- 
ment, inséré dans les Annales du 
Muséum, une Description du 
Jardin du Roi, des serres, de 


502 TUR 

l’école de culture, de celle des 
arbres fruitiers, une instruction 
sur l’établissement des pépiniè- 
res, elc., etc. 

On a publié, en octobre 1824, 
le prospectus d’un Traité des ar- 
bres forestiers, par M. Jaume 
Saint-Hilaire, précédé d’une 7n- 
struction sur La cullure des arbres, 


par M. Thouin. 


TURLOT ( Françors-CLAUDE ) 
naquit à Dijon, le 25 janvier 1545, 
d’une famille honorable de magis- 
trats. 11 embrassa l’état ecclésias- 
tique. Dans sa jeunesse, il avait 
été chargé par le roi Louis XVI, de 
l’éducation de l’abbé de Bourbon, 
l’un des fils naturels de Louis XV. 
Il perdit cet élève à Naples, en 
1787, où äl l’avait conduit dans 
le cours des voyages qui devaient 
compléter son éducation. Ce fut 
un coup douloureux pour lui, et 
trente ans après, il exprimait en- 
core ses regrets d’une manière 
touchante, dans ses Etudes sur La 
T'héorie de l'avenir. A la suite de 
cette éducation si malheureuse- 
ment terminée, l’abbé Turlot fut 
nommé aumônier de Madame 
Victoire, bientôt après vicaire- 
général du diocèse de Nancy et 
pourvu d’un bénéfice. La Révo- 
lution lui enleva tous ces biens: 
il soutint cette perte avec fermeté, 
se consola par l'étude, la com- 
position d'ouvrages utiles, et l’ac- 
complissement de ses devoirs, 
dans une place modeste, mais 
conforme à ses goûts, qu'il avait 
obtenue à la Bibliothèque du Roi, 
en 1596. Il est mort âgé de près 
quatre-vingts ans, le 21 décembre 
1821. 


TUR 


Liste des ouvrages 


de CL Fr. Turlot. 


I. Eludes sur la théorie de l’ave- 
nir, où Considérations sur les mer- 
veilles et les mystères de la nature , 
relatives aux fulures destinées de 
l'homme. Paris, Maradan , 1810. 
2 vol. in-8. — anonyme. 


L'auteur y développe dans'un 
style pur et souvent élégant, des 
idées douces, consolantes et reli- 
gieuses , sur l'avenir de l’homme. 
Ses théories sont quelquefois abs- 


traites,paradoxales, mais habituel- 


lementrevètues d’une forme agréa- 
ble, et semées d’anecdotes, et de 
traits d'esprit ou de sentiment. 


IT. De l’Instruction, ouvrage 
destiné à compléler les connaissances 
acquises dans les lycées, les collèges 
et les maisons d’éducation. Paris , 
imprimerie royale, chez Mara- 
dau, 1816. in-12, de 17 feuilles 
et demie — seconde édit. Paris , 
Maradan, 1819; in-12, de 14 
feuilles et demie. 


Un discours préliminaire d’une 
étendue considérable, trace l’ana- 
lyse de nos connaissances, et le 
fil qui les attache et les unit. Le 
reste du volume est rempli par 
une bibliographie universelle, 
mais choisie, qui n’est pas sans 
intérêt, mais où l’on regrette de 
rencontrer des inexactitudes. 


III. Abailard et Héloise, avec 
un aperçu du XTI° siècle comparé 
sous tous les rapports, avec Le siècle 
actuel, et une vue de Paris tel qu’il 
était alors. Paris, Janet et Cotelle, 
1822; in-8, de 19 feuilles et trois 
quarts, plus 4 planches. 


VIG 


IG 


503 


Ve 


“ 


VIGNOLLE {le comte MARTIN 
#E), lieutenant-général, naquit à 
Massillargues, près Montpellier, 
le 18 mars 1563. Sa famille était 
vouée depuis plusieurs généra- 
tions, au service militaire, ce qui 
lui procura l’avantage, aussitôt 
qu'il eut terminé ses premières 
études, d'entrer dans le régiment 
de Barrois-infanterie, en 1780, 
comme cadet - gentilhomme. A 
peine nommé capitaine en 1792; 
c’est à l’armée des Alpes, sous le 
général Montesquiou, qu'il fit sa 
première campagne. Après la con- 
quête de la Savoie, il passa à lar- 
mée d’Italie,et obtint ie grade d’ad- 
judant-général , en février 1504. 
C’est en cette qualité qu’il eom- 
manda , à la prise de Saorgio, une 
des colonnes qui emportérent le 
camp retranché : peu de temps 
après, il en commanda une autre 
à la prise du Col-de-Tende. Sa 
réputation dans l’armée d’Italie,le 
fit choisir pour sous-chef d’état- 
major-général par le général Kel- 
lermann, lorsqu'il en prit le com- 
mandement , et ensuite pour chef 
d’état-major par Schérer, qui vint 
le remplacer , et à qui Vignolle 
rendit de grands services, à la ba- 
taille de la Borghetta. A l’arrivée 
de Bonaparte, Berthier fut placé 
à la tête de l'état-major, où il eut 
Vignolle pour adjoint.Lenomdece 
dermierfut citéhonorablement dans 
les bulletins de la mémorable cam- 
pagne de 1796 , notamment à l’oc- 
casion des affaires importantes de 
Dego et de Montenotte. Le Direc- 
toire lui fit écrire une lettre de sa- 


tisfaction, et de son côté, Vignolle 
lui'envoya une adresse, au nom de 
sa division, contre le club et le 
parti de Clichi. Après la bataille 
de Mondovi, il concournt au traité 
par lequel le roi de Sardaigne con- 
sentit que les forteresses de Céva, 
Coni, Alexandrie et Tortone, re- 
çussent garnison française. Il se 
trouva, le 10 mai 1596, au pas- 
sage du pont de Lodi, qui ouvrit 
le Milanais aux armées françaises. 
La bataille de Castiglione lui va- 
lut le grade de général de brigade, 
que Bonaparte demanda pour lui, 
à cause de la bravoure sûre, letalent 
et l’activité rares qu’il y avait mon- 
trés. Vignolle fut blessé au pont 
d’Arcole, et mis pour quelques 
mois, hors de combat. Après sa 
guérison , ‘il eut le commande- 
ment de la province de Crémone, 
et ensuite celui du Milanais, qu’il 
conserva jusqu’à Ja fin de la cam- 
pagne terminée par la paix de 
Campo-Forrmio. 

Resté en Italie avec le titre de 
chef d’état-major del’armée, M. de 
Vignolle fut nommé, après le de- 
part de Bonaparte, ministre de la 
guerre de la République cisalpine. 
Mais à la reprise des hostilités, en 
novembre 1798, il quitta ce poste 
pour rentrer en activité. Durant 
cette campagne , il s’empara de 
Sienne , et fut chargé de la garde 
des Apennins toscans. À près l’af— 
faire de la Trebia et la retraite des 
Français d'Italie, il reçut du gé- 
néral Moreau, la mission d’aller #& 
Nice organiser des bataillons sup- 
plémentaires. Berthier étant de- 


VIG 


© 
© 
ES 


venu ministre de la guerre, à la 
suite du 18 brumaire, appela le 
. général Vignolle aux fonctions de 
secrétaire-général de ce départe- 
ment : celui-ci ne les remplit que 
deux mois, au bout desquels Bo- 
naparte l’envoya à Dijon, pour y 
organiser cette célèbre armée de 
réserve qui, peu de mois après, de- 
vait reconquérir l'Italie. Ayant 
passé le Tésin avec une colonne, 
Vignolle occupa Milan et en bloqua 
la citadelle. À près la bataille de Ma- 
rengo, il eut le commandement 
de la Lombardie et la mission de 
concourir à l’organisation de la 
République italienne. Il se trouva 
ensuite, au passage du Mincio 
(26 décembre 1800), et y eut 
son aide-de-camp tué à ses côtés. 
Après cette campagne, il reprit le 
commandement du Milanais jus- 
qu’en 1802, et eut aussi celui des 
troupes stationnées à Bergame et 
à Côme, jusqu’en 18058, qu'il re- 
vint à Paris. Il fut, à cette époque, 
nommé chef d'état-major de l’ar- 
mée de Hollande, et le 27 août 
1805, promu au grade de général 
de division. Il dirigea, sous le 
maréchal Marmont, le deuxième 
corps de la Grande-Armée, dans la 
campagne de 1805 , et il alla avec 
le même général, en Dalmatie, 
comme chef d'état-major de lar- 
mée destinée à combattre les Rus- 
ses et les Monténégrins, et à déli- 
vrer le général Lauriston, bloqué 
dans Raguse. Il contribua beau- 
coup au succès du combat de De- 
bilibriock, en avant de Castel- 
Nuovo et de quelques autres qui 
mirent fin à cette campagne. De 
retour en France, le général Vi- 
gnolle futenvoyé à la Grande-Ar- 
mée. et il y remplit îes fonctions 
de chef d’état-major-général. TI 


\ 


VIG 


assista à la prise de Vienne et à la 
bataille d’Essling. Le 18 juin 1809, 
il passa comme chef d’état-major 
général, à l’armée d'Italie, qui se 
portait vers les provinces scla-" 
vonnes de la Hongrie. A Ja pre- 
mière journée de la bataille de 
Wagram, le général Vignolle fut 
grièvement blessé d’un éclat d’o- 
bus, qui lui fracassa la tempe , le 
priva de l’usage d’un œil, et le 
retint pendantdeux mois.à Vienne, 
où l’on craignit de le perdre. En 
septembre 1809, il fut envoyé à 
Milan, et particulièrement em-— 
ployé, en 1812, à y organiser un 
corps d'armée destiné à faire par- 
tie de l’expédition de Russie. Il 
n’obtint pas d’en faire partie, et 
fat laissé en Italie, pour comman- 
der les troupes qui s’y trouvaient. 
Au retour du prince Eugène à Mi- 
lan, en 1815, ilreprit ses fonctions 
de chef d’état-major. Après qu’il 
eut réorganisé l’armée d'Italie, il 
fit la campagne de cette année, 
dont il a écrit l’histoire (1) jus- 
qu'aux événemens d'avril 1814. 
Ces événemens l’obligèrent de 
ramener l’armée sur les frontières 
de France. 

Le général Vignolle revenu à 
Paris, au mois de juin 1814, y fut 
nommé membre d’une commis- 
sion chargée de l’examen des ser- 


(1) Précis historique des opérations 
militaires de l’armée d'Italie, en 1813 
et 1814; par le chef d’état-major- 
général de cette armée. Paris, Barrois 
l'ainé , 18173 in-8, de 13 feuilles, 
plus une carte. — La Ziographie des 
hommes vivans, publiée chez Mi- 
chaud , annoncait en 1819, que le 
général Vignolle avait en portefeuille, 
un Essai historique sur La campagne 
de l’armée d'Italie, en 1800. 


WAF 


vices militaires des émigrés. Après 
la journée du 20 mars 1819, il 
se retira dans sa famille, et lors 
de la seconde rentrée du Roi, il 
fut nommé au commandement de 
la 18° division militaire, à Dijon. 
En septembre suivant, il se trouva 
compris dans une ordonnance du 
1" août 1815, et mis à la retraite, 
On :’en dédommagea immédiate- 
ment,par le titre de conseiller d’é- 
tat, section de la guerre, et en 
mars 1818, par la préfecture de 
Ja Corse. C’est sous son adminis- 
tration que M.le général Sébastiani 
fut élu député. M. de Vignolle 
donna sa démission, pour raison 
de santé, en 1820. Ea même an- 
née, il parut sur les rangs de la 
candidature législative, et obtint 
toutes les voix de l’opposition , en 
nombre considérable, au grand 
collége du Gard; mais en 182%, 
le ministère le nomma président 
du collége électoral de Parrondis- 
sement d’Alais, lors des élections 
pour la première chambre septen- 
nale, et il l’emporta cette fois, sur 
M. de Saint-Aulaire, son concur: 
rent. Les antécédens militaires de 
M. de Vignolle, et la religion ré- 


WAF 305 
formée qu’il professait, contri- 
buërent sans doute, à lui acquérir 
dessuffrages. Iln’estmonté qu’une 
fois à la tribune de la Chambre 
des députés, pour parler sur le 
budget de la guerre, pendant la 
session de 1824; mais on doit 
supposer qu'il votait avec le mi- 
nistère , puisqu'indépendamment 
de la présidence du collége eélec- 
toral qu’il avait acceptée, il a été 
porté par!M.de Peyronnet, au ser- 
vice actif du conseil d'état, section 
de la guerre, lors de la dernière 
organisation définitive de ce corps, 
au mois d’acût 1824. — M. de Vi- 
gnolle est mort à Paris, le 13 no- 
vembre 1824, d’une maladie d’en- 
trailles, à l’âge de 61 ans. Il était 
commandeur de lordre royal ct 
militaire de Saint-Louis, et grand 
officier de celui de la Légion- 
d'Honneur, — M. le lieutenant- 
général du génie Campredon ei 
M. le pasteur Marron, président 
du Consistoire de l'Eglise réfor- 
mée de Paris, ont prononcé cha- 
cun , un discours sur sa tombe. 
Le discours du général Cam- 
predon se trouve dans le Moniteur 
du 39 novembre 1824. 


We 


WAFFLARD (Arexrs-Jacques- 
Mari), né à Versailles, le 29 juin 
1785, est mort à Paris, le 12 jan- 
vier 1824, d’une maladie de poi- 
trine.-On lui doit plusieurs pièces 
de théâtre qui se distinguent par 
un dialogue pétillant d'esprit, et 
par des effets dramatiques très- 
bien calculés. 

I. (Avec J. Gabriel) Haydn, 


ou le Menuet du Bæuf, comédie 
anecdotique en un acte, mêlée de 
vaudevilles, représentée pour la 
première fois,à Paris,sur le théâtre 
du Vaudeville, le 12 novembre 
1812. 

II. ( Avec Moreau) Le Voile 
d'Angleterre, ou la Revendeuse à 
la toilette, comédie-vaudeville en 
un acte, représentée pour la pre- 

20 


Lr4 


506 WAF 


mière fois, à Paris, sur le théâtre 
du Vaudeville, le 14 mars 1814. 
Paris, M"° Masson, in-8. 

IHi. (Avec le même) Les Ca- 
méecns, Comédie-vaudevyille en 
nn acte, représentée pour la pre- 
mière fois, à Paris, sur le théâtre 
du Vaudewille, le 25 octobre 18:15. 

IV. (avec un anonyme) Une 
Promenade à Saint-Cloud, bluette 
épisodique en un acie, mêlée de 
vaudevilles, représentée pour la 
première fois. à Paris, sur le théä- 
tre du Vaudeville, le 10 septem- 
bre 1817. Paris, M'° Huet-Mas- 
son, in-8. 

V. (Avec Fulgençe) Un Mo- 
ment d’imprudence, comédie en 
trois actes et en prose, représen- 
tée pour la première fois, à Paris, 

ar les comédiens du Roi, sur le 
Second-Théâtre- Français, le 1° 
décembre 1819. Paris, Barba, 
in-8.—réimprimé dans la Fin du 
Répertoire du Théâtre français. 
Paris,M°®° Dabo,:825,5 vol.in-18. 

VI. {Avec le même) LeVoyage 
à Dieppe, Comédie en trois actes 
et en prose, représentée pour la 
première fois, à Paris, par les co- 
médiens du Roi, sur le Second- 
Théâtre-Français, le 1° mars1821. 
Paris, Barba, in-8 —seconde édit., 
ibid, 1824. 

VII. (Avec MM. Picard et Ful- 
gence) Un J'eu de Bourse, où la 
Bascule, comédie en un acte et 


WAF 


en prose, représentée pour la pre- 
mière fois, à Paris, sur le théâtre 
du Gymnase-Pramatique, le 26 
juillet 1821. Paris, Barba, in-8. 

VIJI. (Avec les mêmes) Les 


Deux Ménages, comédie en trois 


actes elen prose, représentée pour 
la première fois, à Paris, par les 
comédiens du Roi, sur le Second- 
Théâtre -Français, le 21 mars 
1822. Paris, Barba, in-8. 

Cette pièce a été traduite en 
italien,dans la collection intitulée: 
Repertorio scelto ad uso de? T'eatri 
Jialiani, du professeur Gaetan 
Barbieri. Milan, 1824, 8 volumes 
in-10. 

IX. (Avec Fulgence) Le Cé- 
libataire et l Homme marié, comé- 
die en trois actes et en prose, re- 
présentée pour la première fois, à 
Paris, par les comédiens du Roi, 
sur le Second-Théâtre-Français, 
le16 décembre 1822. Paris, Barba, 
in-8, 1829; deux éditions. 

X. L’Ecolier d'Oxford, comé- 
die (posihume) en trois actes et 
en prose, représentée pour la pre- 
mière fois, à Paris, par les comé- 
diens du Roi, sur le Second-Théi- 
tre-Français , le 29 juillet 1824. 
Paris, Barba, 1824; in-8. — ré- 
imprimé dans la Fin du Réper- 
toire du Théâtre français. 

Il reste encore une pièce iné- 
dite de Wafflard , qui n’a point été 
jouée. 


ANNUAIRE 
NÉCROLOGIQUE. 


PARTIE ÉTRANGERE. 


( 1823.) 


À e 


À rer - PRÉVOST (Mie ) est 
morte à Genève, en 1823. Déjà 
parvenue à un âge mûr, elle habi- 
tait Lyon, lorsqu'elle eut occasion 
de connaître Bonaparte, alors âgé 
de 19 ans, et sous-lieutenant d’ar- 
tillerie. L’éloignement qu’il mon- 
trait pour la dissipation et les plai- 
sirs, son extrème réserve dans la 
société, son application constante 
à l’étude, excitèrent l'intérêt de 
M'e Agier-Prévost. Elle le vit 
souvent ; et Bonanarte, apres son 
départ de Lyon, écrivit queïque- 
fois à celle qu’il avait pris l’habi- 
tude d’appeler sa bonne-maman. Y 
ne l’oublia pas dans sa prospérité : 
traversant la Suisse, en 1795, il 
Jui rendit visite à Lyon, et pour 
la seconde fois, à son passage à 
Chambéry, après la bataille de 
Marengo. Différentes circonstan- 
ces ayant privé M'e Agier de 


l’honnète médiocrité qui suffisait 
à ses besoins, on lui conseilla de 
recourir à son ancien ami alors 
parvenu au faîte des grandeurs 
humaines : cette démarche aurait 
trop coûté à son âme délicate et 
fiére, et ce fut à son insu, qu’une 
de ses amies lui obtint une pen- 
sion de 6000 fr. Peu après la mort 
de Me Agier-Prévost, on à pu- 
blié un roman de sa composition, 
intitulé : Eléonore de Cressy (Ge- 
nève et Paris, J.-J. Paschoud, 
1823; 2 vol. in-12. ) Cet ouvrage, 
qui n’est pas absolument sans mé- 
rite, ne s'élève pas pourtant au- 
dessus de la médiocrité. 


AIKIN ( JEAN ), naquit le 15 jan- 
vier 1747, à Kilworth, comté de 
Leicester. Il fut le plus jeune en- 
fant et Punique fils d’un ministre 
dissident qui tenait une pension 


308 AIK 


trés-accréditée. Son père ayant 
été nommé professeur à l’aca- 
démie des Dissidens de Warring- 
ton, comté de Eancastre, le 
jeune Aïkin eut occasion de faire 
ses premières études dans: cet 
établissement. Plus tard, il étudia 
la médecine à Edimbourg et à 
Manchester , et vintensuitel’exer- 
cer successivement, à Chester et à 
Warrington, où ses parens con- 
tinuaient de résider: lui-même ne 
tarda pas à être attaché à l’aca- 
démie de cette ville, en qualité de 
professeur pour la physique et la 
chimie. Mais il dérobait le plus 
d’instans qu’il lui était loisible à 
sa profession, pour étudier les 
belles-lettres et l'histoire na- 
turelle, qui lui offraient plus d’at- 
traits. Il a publié un très grand 
nombre d'ouvrages de littérature , 
tous écrits avec élégance et avec 
critique, et qui, s'ils ne portent 
point le cachet de la supériorité, 
prouvent au moins la variété de 
connaissances et la facilité de ré- 
daction de l’auteur. L’académie de 
Warrington s'étant dissoute, en 
1780, Aikin alla prendre à lPu- 
niversité de Leyde, le bonnet de 
docteur en médecine. Il vint en- 
suite exercer sa profession à Yar- 
mouth ; mais ses opinions reli- 
gieuses comme dissident, et poli- 
tiques, comme partisan de Ja 
révolution française, ayant nui 
à l’accroissement de sa clientelle, 
il vint définitivement s'établir à 
Londres, en 1792. Désormais, il 
s’adonna presqu’exclusivement, à 
ja littéraiure. M. Phiilips lui con- 
fia la rédaction du Monthly Ma- 
gazine, qu'il dirigea depuis sa 
fondation en 1796, jusqu’au mois 
de mai 1806, qu'il se brouillaavec 
M. Phillips. H coopéra encore à 


AIK | 


K rédaction de plusieurs jour- 
naux littéraires, tels que l’4- 
theneum , Ve Classical Journal 
de Valpy. Il avait entrepris en 
même temps, de concert avec 
son ami, le docteur Enthfeld, un 
Dictionnaire universel de biographie 
dont la publication se prolongea 
jusqu’en 1815, c’est-à-dire pen- 
dant environ vingt années. Cet 
ouvrage forme , avec les Annules 
durègne de Georges ITE, le princi- 
pal titre littéraire d’Aikin. Cet 
infatigable écrivain mourut âgé 
de #5 ans, le 7 décembre 1822, 
laissant plusieurs enfans , qui se 
sont à leur tour distingués dans 
les lettres. 


Liste des ouvrages 


de J. Aikin. 


I. Essai sur la ligature des ar- 
tères , publié dans l’ouvrage de 
€. White, intitulé : Cases in sur- 
gey ( Cas de chirurgie ). 

IT. Observations on the external 
use of preparations of lead. — Ob- 
servations sur lusage des prépa- 
rations de plomb, à l'extérieur. 
Chester , 1571 , in-8. 

LIT. Thougts on hospitals. — 
Idées sur les hôpitaux. 1571, in-8. 

IV. Sketch of the animal eco- 
nomy. — Essai d'économie ani- 
male. 

V. Heads of chemistry. — Prin- 
cipes de chimie, à l’usage des 
classes. 

VI. Traduction anglaise da Ma- 
nuel de chimie, de Beaumé. 

VIL. Essays on song-wrilings, etc. 
— Essai sur la chanson , suivi 
d’un recueil de chansons anglaises. 
1772, in-8— 2° édit. 1774, in-12. 
VIIZ. Miscellaneous pieces, etc. 

Pièces diverses cn prose. 


AIK 


Londres, 1555, in-12—Aiten- 
bourg, 1775. 

Ces mélanges sont l'ouvrage 
de Jean Aiïikin et de sa sœur, 
Anna Lætitia Aikin , depuis Mis- 
tress Barbauld, dont les écrits 
n’ont pas moins de réputation, 
en Angleterre , que ceux de son 
frère. ; 

IX. La Vied’ Agricola, de Ta- 
cite, traduite en anglais. 1774, 
in-8.—La même, avecles Mæœurs 
des Germains, accompagnée de 
notes et d’une carte de l’Alie- 
mâgne. 17977 et 1919 ; in-8. 

Aiïkin avait formé le projet de 
donner une traduction complète 
des œuvres de Tacite ; mais la pu- 
biication de latraduction de Mur- 
phy lui fit abandonner cette en- 
treprise. 

X. Specimen of the medical Bio- 
graphy of Great-Brilain. — Spé- 
cimen d’une biographie médicale 
de la Grande-Bretagne. 1975 , 
in-4. (W. ci-après no XIII.) 

XI. An Essay on the application 
ofnatural history to poetry. —Es- 
sai sur l’application de l’histoire 
naturelle à la poésie. 1957, in-8. 
— Réimprimé plusieurs fois. 

XII. Thompson’ s Seasons, with an 
Essay on the plan andcharacter,etc. 
— Les Saisons de Thompson, avec 
un Essai critique, sur le plan et 
le caractère de ce poème. Londres, 
1778, in-8; et 1794, in-4, fig. 

XITI. Biographical Mémoirs of 
medecine in Great-Britain, — Mé- 
moires biographiques sur la mé- 
decine, dans la Grande-Bretagne, 
depuis la renaissance des lettres 
jusqu’au temps d’Harvey. 1780, 
in-8. 

Aikin s'était proposé de don- 
ner une histoire complète de !a 
médecine , en Angleterre ; dans 


AIK 309 
cette vue, il avait fait, dès 1955, 
un appel aux savans, pour en 
chtenir Les livres et les renseigne- 
mens nécessaires : mais l’insuf- 
fisance des secours de cesgenre 
qu’il-recut, le forçca de renoncer à 
son entreprise ; et il se décida à 
publier séparément, ce fragment 
d'histoire médicale , qui contient 
des détails souvent très-curieux 
et très-peu connus, sur plus de 
cinquante médecins ,; chirur- 
giens, etc., qui vécurent entre 
les années 1230 et 1675. Son 
travail a été fondu par Benjamin 
Hutchinson, dans un ouvrage pu- 
blié en 1799 ( Londres, 2 vol. 
in-8), et intitulé : Biographia me- 
dica, ou Mémoires historiques et 
critiques sur la vie et les ouvrages 
des hommes les plus distingués dans 
les sciences médicales, qui ont existé 
depuis les premiers temps connus 
jusqu’ à nos jours, avec un catalogue 
de leurs productions littéraires. 


XIV. The spirit of the church 


and of the constitutien compared. 


— L'esprit de l’église comparé 
avec celui de la constitution. 

XV. An Addressto the dissidents 
of England , on their late defeat. — 
Adresse aux dissidents d’Angle- 
terre sur leur dernière défaite. 

XVI. The Calendar of nature.— 
Le Calendrier de la nature. 1784, 
in-6. 

XVII Matière médicale de 
HF. Lewis, nouvelle édit.augmen- 
iée. 1584, in-4, ( 3° édit. ) — 
4° édit. 170n. 

L’original de cet ouvrage, es- 
timé dans son temps, a été trad. 
en francais. Paris, 1779, 3 wol. 
in-8. 

XVIII Manual of materia me- 
dica. — Manuel de matière mé- 
dicale. 1539, in-5. 


910 AIK 

XIX England delineated.—Es- 
quisses anglaises. 1788, in-8. — 
Ce livre a eu plusieurs éditions. 

XX. Poëmes. 1591, in-8. 

XAI. À View of the character 
and public services of the late John 
Howard. — Aperçu du caracttre 
et des services publics de feu 
J. Howard. 1591, in-8.— Trad. 
enfrançais, par M. Boulard. 1596, 
in-12. 

L'auteur de cette biographie, 
qui avait été lié d’amitié avec 
Howard, a eu dans ses mains les 
papiers du célèbre philanthrope 
dont il écrivait ia vie. 

XXII. Evenings at home. — Les 
Soirées au logis. 1795 — 96, 6 
vol. in-12. 

Cet ouvrage, approprié à l’édu- 
calion de la jeunesse, a obtenu 
un succès populaire. Il a été plu- 
sieurs fois traduit et réimprimé. 
Mistress Barbault, sœur de J. 
Aikin, y a coopéré. 

XXIII. Letters from a father to 
his son, etc. — Lettres d’un père 
à son fils sur différens sujets rela- 
tifs à la littérature et à la conduite 
de la vie. T. E*, 1795 et 1796; 
in-8. — T. If. 1800. 

XXIV. Armstrong’s Art of pre- 
serving health. — L'art de corser- 
ver la santé par Armstrong , 
accompagné d'essais critiques. 
1709, in-8. 

XXV. Description ofthe coun- 
try round Manchester. — Descrip- 
tion des environs de Manchester. 
1709, in-8. 

XX VI. Sommerville’s Chase. — 
Le poëme de la chasse de Som- 
merville, avec un Essai critique de 
l'éditeur. Londres, 1796; in-8, 
fig. 
XXVII The Spleen and other 
poëms, by Green. — Le Spleen et 


AIK 


autres poèmes de Math. Green, 
avec un essai préliminaire de l’é- 
diteur. 1796, in-8. 

XX VIIL Pope’s Essay on man. 
— Essai sur l’homme de Pope, 
avec un essai critique de l'éditeur. 
1790, in-8. 

XXIX. Œuvres poétiques de 
Milton. 1801, 4 vol. ina. 

XXX. Sermons of the late Dr 
Enthfield. — Sermons du feu Dr 
Enthfield , avec les Mémoires de 
l’auteur. 1708, 3 vol. in-8. 

XXXTI. General Biography , or 
Lives of the eminent persons of 
all ages, countries, etc. — Biogra- 
phie générale, ou Vie des per- 
sonnes remarquables de tous les 
siècles et de tousles pays. Londres, 
1799 — 1815, 10 vol. in-4. 

Aikin entreprit ce grand travail 
de concert avec son ami le docteur 
Enthfield ; ils en préparaient, dès 
long-temps, ensemble, les maté- 
riaux, lorsque le dernier mourut, 
peu après la publication du 1° 
volume. Aïkin s’adjoignit, depuis, 
pour collaborateurs, Th. Morgan, 
Nicholson et W. Johnston; mais 
il eut toujours la principale part à 
la rédaction : tellement que le 10° 
et dernier volume a paru avec 
son nom seul. 

XXXII. Select Eulogies of mem- 
bers ofthe french Academy , from 
the french of d’ Alembert.—Choix 
d’éloges des académiciens fran- 
çais, traduits du français, de d’A- 
lembert. 1799,2 vol. in-8. 

XXXIII Jonhson’s poëts of 
Great-Britain. — Poëtes anglais, 
de Jonhson. in-8. 

Cette collection comprend Spen- 
cer, 6 vol. 1802. — Cowley, 3 
vol. 1802. — Butler, 3 vol. 1802. 
Aikin a fait des additions au tra- 


ATK 


rail de Jonhson, et ses tditions 
sont ornées de jolies gravures. 

XXXIV. Arts of life. — Les 
Arts de la vie, pour se procurer : 
1° la nourriture; 2° le vêtement; 
5° l'abri; décrits dans une suite 
de lettres. 1802, in-18. 

XXXV. Wocdland companion. 
— Le Compagnon des bois. 1802, 
in-8. 

XXXVI. The Works in natural 
history of the late Rev. Gilbert 
White M.A.— Œuvres d'histoire 
naturelle du Révérend Gilbert 
White. 1802. 2 vol. in-8. 

XXXVIEL. Tschokke’s History of 
the invasion of Switzerland. — His- 
toire de l’invasion de la Suisse, 
par Tschokke, trad. du français de 
Briatte. 1803, in-ë. 

XXXVIII Letters on «@ course 
of english poëtry. — Lettres sur 
un cours de poésie anglaise, adres- 
sées à une jeune dame. 1804, 
in-1 2. 

XXXIX. Geographical delinea- 
tions. — Esquisses géographiques, 
ou Tableau de l’état physique et 
politique de toutes les parties du 
Globe. 1805, 2 vol. in-8. 

XL. Memoirs of the life of Huet. 
— Mémoires sur la vie de Huet, 
évêque d’Avranches, écrits par 
lui-même, trad. du latin, avec 
des notes. 1809, 2 vol. in-8. 

XLI. Focal poëtry. — Poésie 
chantante, ou Recueil choisi de 
chansons anglaises, 1810, in-8. 

XLII. ÆEssays litterary and mis- 
cellaneous. — Essais littéraires et 
divers. 1811; in-8. 

XLIIT. The lives of John Selden 
esq., and archbishop Usher. —Vies 
de j. Selden, écuyer, et de l’arche- 
vêque Usher, avec des notices sur 


ARR 911 
les hommes de lettres anglais les” 
plus remarquables qui furent liés 
avec EUX. 1812, in-8. , 

XLIV. Annals of the reign of 
George III. — Annales du règne 
de Georges II}, depuis son ayéne- 
mént au trône, jusqu . la fin de la 
dernière guerre. 181. , 2 vol. in-8. 
deuxième édit. continuée jus- 
qu'à la fin du règne de Georges LE 
(1820); 3 vol. in-8. — trad. en 
francais, parJ. B. B. Eyriès. Pa- 
ris, Gide fils, 1817 et 1820; 5 vol. 
in-8. 

XLV. Enfin, le docteur Aïkina 
publié depuis 1801, jusqu’à sa 
mort, un volume intitulé : The 
Annual Review (Revue annuelle et 
histoire de la littérature ). 


ARROWSMITH (A... ), géo- 
graphe anglais, est mort à Lon- 
dres , le 11 avril 1825, âgé de 75 
ans. Ses cartes géographiques sant 
irès-estimées. Les principales 
sont : — Muppemonde en deux hé- 
misphères, d’après le tracé de Mer- 
cator; Londres, 1790 et 1798; 
6 feuilles ; — Curte d'Allemagne , 
18193, 7 feuilles; — d'Ecosse, 4 
feuilles; — d'Irlande, 4 feuilles; — 
de la Turquie d’ Europe ; Londres, 
1801, 2 feuilles; del Asie, dédiée 
au major Rennel; Londres, 1601, 
4 feuilles; — des Etats-Unis de 
l’Amérique septentrionale; Lon- 
dres, 1790, 4 feuilles; —Carte 
représentant les nouvelles décou- 
certes faites dans l’intérieur de l 4- 
mérique septentrionale; Londres, 
1795, à feuilles. — Toutes les 
cartes d’Arrowsimith sont en an- 
glais; les principales ont été tra- 
duites en français, et se trouvent à 
’aris, à la librairie d'H. Langlois. 


912 BAI 


be 


BAILLIE ( Marnieu) , mé- 
decin , naquit le 27 octobre 1761, 
près d'Hamilton, en Ecosse. I! 
était fils d’un ecclésiastique de ce 
pays et neveu par sa mére , des 
célèbres anatomistes W. et John 
Hunter, Après avoir fait ses pre- 
mières études à luniversité de 
Glascow, il prit le bonnet de 
docteur en médecine à celle d’Gx- 
ford. En 1580, il se rendit à 
Londres, auprès de ses oncles, 
les Hunter, qu’il assistait dans 
leurs leçons et démonstrations pu- 
bliques d’anatomie.Deleur vivant, 
il commença à les suppléer , et 
après, leur mort, sa réputation 
n'eut pas de peine à se soutenir à 
leur égal. Le cabinet de prépara- 
tions anatomiques qu’il forma, 
composé d'environ onze cents 
pièces, ne contribua pas peu à 
l’accroître. Le docteur Baillie pos- 
sédait le précieux talent de rendre 
claires les matières les plus ab- 
straites. Ses leçons étaient remar- 
quables par la méthode du plan et 
la netteté des expressions : ei son 
accent écossais fortement pro- 
noncé , dont il ne paraît pas qu’il 
ait cherché à se défaire , ne nuisit 
point à leur succès. L'acccroisse- 
ment de sa clientelle comme pra- 
ticien , le détermina à cesser ses 
cours, En 1799 : à cette occasion, 
ses élèves lui firent hommage 
d’une pièce d'argenterie, avec 


une inscription latine , en son 


honneur, Agrégé au Collége des 
médecins de Londres , en 1790, 
il remplit plusieurs fois les charges 
syndicales de la corporation. 


Pendant trente ans, il a exercé les 
fonctions de médecin de l’hôpital 
de Saint-George , à Londres ; et 
successivement , plusieurs com- 
missions publiques , relatives à sa 
profession , jusqu’à l’époque où il 
étendit sa clientelle parmi les 
classes les plus élevées de la so- 
ciété anglaise. Appelé lors de la 
dernière maladie du feu due de 
Gloucester, malgré l'issue fatale 
qui la termina , il sut inspirer une 
telle confiance à la famille royale, 
qu’à la première occasion où l’état 
mental du feu roi de la Grande- 
Bretagne , fit sentir le besoin des 
secours de l’art, le docteur Baillie 
fut appelé en consultation avec 
les médecins de la cour, et obtint 
ensuite la principale direction du 
traitement de S. M. Des intérêts 
politiques de la plus haute impor- 
tance dépendirent quelquefois de 
ses décisions; et le public ne 
douta jamais qu’elles ne fussent 
toujours dictées par la plus par- 
faite impartialité. Ce ne fut pour- 
tant qu’en 1810, qu’une place 
étant venue à vaquer parmi les 
médecins du Roi,le docteur Baillie 
en fut pourvu ; il reçut en même 
temps, l’offre du titre de baronet, 
qu'il eut, dit son biographe an- 
glais , le bon sens et la modestie 
de refuser. On se ferait difficile- 
ment l’idée de l’'empressement du 
public à obtenir les visites et les 
consultations du docteur Baillie : 
un temps vint, où il eut à peine le 
loisir de prendre ses repas; et l’on 
assure qu’une année , il gagna la 
somme énorme de dix mille livres 


BAI 


sterling ( environ deux cent cin- 
quarte mille fr. ). Cependant, il 
trouva le loisir de rédiger des 
écrits sur son art, qui ajoutèrent 
encore à sa réputation. Le plus 
important de ses ouvrages est 
son Analomie des maladies des 
principales parties du corps hu- 
main, quijouit, à juste titre, de 
l'estime de l’Europe savante , et 
qui exerça en Angleterre, une vé- 
ritable influence sur les progrès de 
l’art de guérir, en le fixant dans 
l’observation exacte des faits, au 
moyen de la pratique constante de 
l’autopsie cadavérique. Après la 
description anatomique des effets 
de la maladie, l’auteur a soin de 
placer, avec autant de précision 
qu'il est possible, indication des 
symptômes qui la précèdent ou 
qui l’zccompagnent. Ce ne fut pas 
seulement par ses travaux per- 
sonnels et par ses écrits,que le doc- 
teur Baillie sut bien mériter de son 


art et de l’humanité. Au mois de 


décembre 1818, il fit don de son 
vivant , au Collége royal de mé- 
decine de Londres, de sa superbe 
collection de préparations anato- 
miques , avec une dotation de six 
cents livres sterling pour servir à 
son entretien. L'établissement y 
ajouta de son côté, une pareille 
somme , et les deux sommes réu- 
nies forment une dotation qui a 
reçu la dénomination de Fonds de 
Baillie (1). Ce célèbre médecin 
est mort à sa terre de Duntis- 


(1) Le docteur Baillie a légué en 
outre, par son testament : 1° au Col- 
lége des médecins de Londres 300 liv. 
sterl, , ses livres de médecine, de 
chirurgie et d'anatomie, et tous les 
cuivres de son ouvrage sur l'anatomie 


BAI 913 
bourne , près de Cirencesier, 
comté de Gloucester , le 23 sep- 
tembre 1823. Le docteur Baillie 
n’était pas seulement distingué 
dans son art, c'était aussi un 
homme aimable et un homme de 
bien. Jeune encore , et loin de cet 
état d’opulence auquel il parvint 
plus tard . il eut la délicatesse et 
la générosité de renoncer au béné- 
fice du testament de son oncle 
maternel, le docteur W. Hunter, 
pour ne point fruster J. Hunter, 
frère du défunt, de l'héritage de 
sa famille. Cette délicatesse ex- 
quise de sentimens ne pouvait 
manquer de se manifester jusque 
dans l’exercice de la médecine : 
ainsi, par exemple,malgré la mul- 
tiplicité de ses occupations , il se 
fit toujours un devoir de l’exacti- 
tude aux rendez-vous de consul- 
tation, particulièrement avec les 
jeunes praticiens. « Je considère , 
» disait-il, cètteexactitude, comme 
» l’une des chligations morales de 
» ma profession; mes collègues ont 
» le droit de l’exiger demoi;etmoi- 
» même je souffriraistrop de penser 
»que je compromets un jeune 
» médecin aux yeux de son malade, 
»si je Mmanquais à me trouver 
» à une consultation assignée d’a- 
» vance. » 

Le cahier de février 1824 (n° 506 
vol. 85) de l’Europæan Magazine, 
est orné d’un portrait du docteur 
Baillie, accompagné d’une notice 
biographique sur sa personne. 


des maladies. 2° À la Société de se- 
cours pour les veuves ct orphelins de 
médeams, 300 liv. sterl. Le reste de sa 
fortune , évaluée à plus de 80,000 liv. 
sterl., est passé , sauf quelques legs, 
à son fils. 


BAI 


Liste des ouvrages 


de M. Baillie. 


I. Themorbid Anatomy. — Ana- 
tomie des maladies des principales 
parties du corps humain ; 1799. 
— quatrième édition et supplément 
à la première édition, 1807,in-8.— 
traduil en allemand, sur la premiere 
édition, par Soëmmering, avec des 
additions. 

Il. 4 Series of engravings 10 il- 
lustratethe morbid anatomy.— Col- 
lection de gravures , accompa- 
gnées d'explications, pour servir 
à l'intelligence de l’ Anatomie des 
maladies du corps humain. 

Cette collection de gravures, 
magnifiquement exécutées , d’a- 
près les dessins de M. Clifft, con- 
servateur du Museum d’Hunter, 
aLincolns-Inn-Fields,a été publiée 
en dix fascicules in-4, 1599 à 
1802. — Il y en a une seconde 
édition de 1812, in-4. 

IIT. 4n Anatomical Description 
of the gravid uterus : — Descrip- 
tion anatomique de l’utérus d’une 
femme enceinte. in-4. 

On doit encore au docteur Bail- 
lie iesmémoires suivans , publiés 
dans diverses collections. 

Dans les Philosophical Transac- 
tions, des années 1588 et 1789: 
1° Observation sur la transposi- 
tion remarquable d’un viscère ; 
2° sur une variation singulière de 
structure dans l’oyaire humain. 

Dans les Transactions de la So- 
ciété pour l’avancement des sciences 
médicales et chirurgicales : 1° Sur 
un Cas d'absence de péricarde dans 
le corps humain ; 2° Sur des appa- 
rences inusitées de maladies , 
dans les vaisseaux sanguins; 5° Sur 
une déviation remarquable de la 
structure de la vessie urinaire et 


BO9 


des organes de la génération 
chez un individu mâle ; 4° Cas 
d’emphysème (tumeur) survenue 
sans percussion locale ;5° Histoire 
d’un diabétès ( diarrhée sucrée), 
avec la description des symptômes 
observés après la mort;6° Maladie 
singulière dans les grands intes- 
tins ; »° Cas d’un homme qui n’a 
pointeu d’évacuation par les in- 
teslins, pendant cinquante se- 
maines environ, avant sa mort; 
S° Sur l’embaumement des corps 
morts; 9°Sur plusieurs personnes, 
dans la même famiile , aflectées 
deux fois de la rougeole; 10° Me- 
noire additionnel. sur le même 
sujet; 11° Trois cas d’inflammation 
de la membrane intérieure du la- 
rynx et de la trachée , terminés 
promptement par la mort. 

Dans les Medical transactions , 
publiéespar le Collége royal des 
médecins. 1° Cas d’un garcon de 
six ans, hydrocéphale, chez lequel 
les os du crâne, d’abord fortement 
liés ensemble, furent par les 
progrès de la maladie, disjoints 
à une distance considérable; 2° De 
quelques symplômes inusités , 
observés dans un cas d’hydrocé- 
phale interne; 5° D’ane violente 
pulsation de l’aorte dans la région 
épigastrique; 4° D’unétrangleinent 
du rectum , produit par une con- 
traction spasmodique du sphincter 
intérieur et extérieur de l’anus; 
5° Observations sur une jaunisse 
verte ; 6 sur une espèce particu- 
lière de purgatif; 7° Sur la para- 
plégie ( paralysie partielle } des 
adultes. 


BOON (Dante), américain, 
était originaire de la Caroline sep- 
tentrionale , où il cultivait une 
ferme, En 1760, il quitta cette 


BOO 


province , accompagné de cinq 
individus, et se dirigea vers une 
rivière qui se jette dans l'Ohio, 
avec l'intention d’y fonder un éta- 
blissement. Le lieu qu’il choisit 
était situé dans Pétat de Kentucky, 
alors en friche et inhabité; il y 
éleva une maison, et l’entoura de 
palissades, pour se mettre à l’abri 
des attaques des Indiens. Ce fort 
(lesAméricains donnentcenomaux 
constructions ainsi défendues)était 
situé à environ #5 milles de len- 
droit où l’on a bâti depuis la ville 
de Francfort; les émigrés le nom- 
mèrent Boonsborough. C’est ainsi 
que se forma le premier établisse- 
ment de l’état de Kentucky, qui a 
aujourd’hui, une population d’en- 
viron 564,000 âmes. Daniel Boon 
prit possession des térres environ- 
nantes,et s’en fitassurerla proprié- 
té : il s’y trouvait tout-à-fait établi 
en 1779. Quoique souvent attaqué 
par les tribus indiennes, éloigné 
de tout secours, au milieu d’une 
forêt sauvage, ilse défendit, et 
poursuivit l’exécution de son plan 
avec une constance qui annonce 
une âme au-dessus du vulgaire. 
Son petit fort étant terminé et 
protégé par d’ingénieuses for- 
tifications, il y transporta de la 
Caroline, sa femme et ses filles, 
les premières femmes blanches 
qui eussent encore paru sur les 
rives du Kentucky. Quatre ou 
cinq familles , et environ trente à 
quarante hommes, se joignirent à 
eux. Ils repoussèrent plusieurs 
fois les Indiens; mais un jour 
que Boon et vingt-sept de ses 
compagnons étaient occupés à re- 
cueillir du sel , dans des sources 
salines ,; à quelque distance de 
la colonie , ils furent surpris et 
faits prisonniers par une centaine 


BOO 519 


d’Indiens. Boon capitula, et ob- 
tint qu'on ne massacrerait per- 
sonne, mais qu’on le conduiraïit 
avec ses compagnons, au Dé- 
troit, où était le gouverneur an- 
glais Hamilton, promettant de 
faire payer une rançon. Les natu- 
rels remplirent d’abord scrupuleu- 
sement leur promesse ; mais pen- 
dant la route, ils s’attachèrent si 
fortement à leur prisonnier, qu’ils 
ne voulurent pas s’en séparer, et 
refusèrent de le rendre au gou- 
verneur anglais, qui leur offrait 
100 louis en échange. Laissant 
donc derrière lui ses compagnons, 
que les Indiens consentirent à dé- 
livrer, Boon retourna avec les na- 
turels; il fut adopté par un de 
leurs chefs, et traité comme mem- 
bre de la tribu. Un jour qu'il était 
allé, avec un parti d’Indiens, faire 
une grande chasse , il rencontra 
quatre cent cinquante guerriers , 
peints, armés et se dirigeant vers 
le fort Boonsborough ; il se décida 
aussitôt, à s'échapper, au risque de 
sa vie, tremblant pour le sort de 
sa famille et de son établissement. 
Au bout de quatre jours, il attei- 
gnit Boonsborough, ayant fran- 
chi une distance de 160 milles, 
et n’ayaut fait qu’un seul repas 
pendant le trajet. Il ne perdit pas 
un moment pour se mettre sur la 
défensive ; devinant le motif de 
son évasion, les Indiens retardè- 
rent l’attaque : de son côté, Boon 
reçut un renfort de quelques trou- 
pes. Une armée de farouches In- 
diens parut enfin devant le fort. 
La petite garnison se défendit 
avec un courage héroïque, et fit 
savoir au chef indien que chaque 
homme avait juré de combattre 
jusqu’à ‘a mort. Ce dernier de- 
manda alors à conférer avec neuf 


316 BOO 


des principaux assiégés. On pro- 
posa un arrangement; les articles 
furent arrêtés; mais, au moment 
de conclure, Les Indiens rappele- 
rent leur coutume de se donner la 
main pour sceller un traité. On y 
consentit, et chaque Indien se 
saisit d’un Américain, et tenta de 
le faire prisonnier. La force et la 
souplesse des sauvages leur don- 
naient le dessus; cependant, par 
une sorte de miracle, huit des as- 
siégés leur échappèrent, et se ré- 
fugièrent dans le fort : Boon était 
dunombre.L’attaquerecommenca 
avec une nouvelle fureur, et dura 
neuf jours et neuf nuits ; enfin, les 
hostilités cessèrent , et les Indiens 
se retirérent. La femme de Boon, 
qui l'avait cru mort, lors de sa 
première captivité, et qui était 
partie avec ses filles pour la Caro- 
line, vint rejoindre son mari, qui 
se trouva enfin paisible possesseur 
du lieu qui portait son nom. Son 
courage l’avait rendu redoutable 
aux Indiens, qui w’osaient plus 
troubler sa tranquillité. IL s’oc- 
cupa de nouvelles améliorations; 
sa colonie s’agrandissait et pros- 
pérait sous ses auspices, lorsque 
cet homme, dont les travaux et 
la persévérance méritaient une 
couronne civique, se vit dépouillé 
dans sa vieillesse , du bien qu'il 
avait créé. Quelque aventurier, ja- 
loux peut-être de son bonheur, 
provoqua l’examen des titres de 
Boon à la possession des terres 
qu’il avait défrichées : un défaut 
de forme fut cause de sa ruine. Au 
moment oùil recueillait le fruit de 
tant depeines, àun âge trop avancé 
pour qu’il recommençâit une nou- 
velle carrière, il fut dépossédé et 
réduit à la misère. Blessé jusqu’au 
fond de l’âme, il quitta le pays 


BGO 


où ilavaitintroduit le premier, une 
population civilisée, qu’ilavait dé- 
fendu contre les sauvages , où il 
s'était montré si industrieux et si 
persévérant. Considérant les liens 
qui Vattachaient à La société 
comme rompus, il dit un éternel 
adieu à sa famille et à ses amis. 
Armé de son fusil, il traversa 
l'Ohio, et ne s’arrêla que lorsqu'il 
fut à 2 ou 500 milles d’un établis- 
sement américain. Comme le ter- 
ritoire au nord de l’Ohio apparte- 
nait aux États-Unis, et commen- 
çait à se peupler, Boon traversa 
le Mississipi, et s’enfonça dans les 
régions immenses, et à peine Con- 
nues, où coule le Missouri. Là, il 
se bâtit une hutte sur les bords de 
ce fleuve. Suivant le rapport de 
quelques Indiens, son fils habitait 
avec lui; le plus grand nombre 
affirme qu’il n’avait d'autre com- 
pagnon qu’un chien et son fusil. 
Jl sema les graines de quelques 
légumes autour de sa chaumière ; 
mais il se nourrissait principale- 
ment du produit de la chasse; un 
ou deux voyageurs, et plusieurs 
chasseursindiens l’ont aperçu, as- 
sis à l'entrée de sa hutte. Boon 
vécut ainsi jusqu’à l’âge de plus 
de 80 ans, paraissant satisfait de 
son sort. Vers la fin de l’année 
1822, ou au commencement de 
1823 , on le trouva mort, à ge- 
noux, son fusil ajusté et posé sur 
un tronc d'arbre. Boon avait l’âme 
grande et aimante; il avait su se 
faire chérir des sauvages au mi- 
lieu desquels il avait séjourné ; il 
avait consacré la meilleure partie 
de sa vie à améliorer le sort de ses 
semblables : payé par eux de la 
plus noire ingratitude , il n’é- 
prouva point le besoin de la ven- 
geance, mais Je désir d'échapper 


BOS 


à l'oppression. Boonsborough est 
aujourd’hui une ville florissante ; 
et son fondateur est mort délaissé 
au milieu des forêts, sans un ami 
pour le consoler et pour adoucit 
ses derniers instans. (Extrait du 
New-Monthly-Magazine.) 


BOSCH (MATHIEU, VAN Hex- 
wineex ), moraliste hollandais , 
est mort à Groningue, sa ville na- 
tale, au commencement de 1825, 
dans sa cinquantième année. Ce 
respectable ami de enfance a com- 
posé pour elle , un grand nombre 
d'ouvrages élémentaires de mo- 
rale et de religion, souvent ré- 
imprimés. L'année qui précéda 
sa mort, il publia un Apercu sur 
lenseignement des sourds-mucts, 
accompagné de leur alphabet ma- 
nuel, et de l’état de situation de 
l’Institut national des sourds- 
muets, créé à Groningue, et di- 
rigé par H. D. Guyot, élève de 
l’abbé de l’'Epée. On doit encore 
à Heyningen-Bosch quelques ou- 
yrages de poésie. 


BOSSI (CHarLes-AURÈLE), na- 
quit à Turin, le 15novembre 1558: 
il était l’aîné des enfans du comte 
Bossi de Sainte-Agathe. Recu doc- 
teur en droit à l’Université de Tu- 
rin,en 3780,Aurèle Bossi futélève, 
et devint l’ami du célèbre Denina. 
1 se livra d’abord à la littérature 
avec succès, et à l’âge de dix-huit 
ans, il avait publié deux tragédies, 
les Circassiens et Rhea-Syloia, qui 
furent bien accueillies par les 
amateurs de la poésie; mais c'est 
surtout comme poëte lyrique qu’il 
prit de bonne heure, un rang dis- 
tingué sur le parnasse italien. La 
chaleur de l’imagination et la vi- 
vacité de la pensée, caractérisent 


BOS 31% 
ses odes ou plutôtses dithyrambes, 
auxquels il donne ordinairement 
la forme dramatique. Les réfor- 
mes de Joseph II, la mort du 
prince Léopold de Brunswick, en- 
seveli dans les flots de lOder, 
en voulant secourir des malheu- 
reux qui se noyaient, l’indépen- 
dance américaine, la pacification de 
la Hollande , Bonaparte enfin; tels 
furent les principaux sujets de ses 
chants ; mais des travaux d’une 
nature plus sérieuse ne devaient 
pas tarder à l’occuper. 11 ne fit 
que passer un instant par la ma- 
gistrature , et fut nommé immé- 
diatement, secrétaire de légation à 
Gênes, chargé d’affaires près cette 
République; enfin, sous -secré- 
taire d'état au département des 
affaires étrangères. En 1792, il 
remplit une mission confiden- 
tielle du cabinet sarde auprès du 
roi de Prusse, et fut ensuite en- 
voyé en Russie, avec le titre de 
conseiller du Roi, chargé spécia- 
lement de travailler à une négo- 
ciation de subsides ouverte à cette 
cour. Bientôt il remplaca M. de 
la Turbie , à Pétersbourg, en 
qualité de chargé d’affaires de 
Sardaigne. Mais après le traité 
d’ailiance entre le souverain de 
cet état et la République Fran- 
çaise, traité que suivit la prise 
de Mantoue, et qui constituait le 
roi de Sardaigne en état d’hosti- 
lité avec ses anciens alliés, Bossi 
reçut de Paul F* l’ordre de quitter 
le territoire de l'empire russe. 
Nommé aussitôt après , ministre 
résidant près la République de 
Venise, il était à peine installé , 
que celte vieille aristocratie fut 
renversée. Dans ces circonstan- 
ces ; le roi de Sardaigne nomma 
Bossi son député près le général 
( 


518 BOS 

en chef de l’armée française en 
Italie; il remplit ces fonctions 
jusqu’à lépoque du traité de 
Campo-Formio. Envoyé ensuite, 
comme résident de Sardaigne, 
près la République Batave, ce fut 
à La Haye qu’il apprit la cession 
formelle du Piémont à la Répu- 
blique Française. Les troupes vic- 
torieuses occupaient l'Italie ; les 
hommes les plus coñsidérables du 
pays donnaient leur adhésion à la 
nouvelle domination. Le général 
en chef Joubert, lié particuliè- 
rement avec Bossi, l’informa de 
ces événemens, l’invitant à reve- 
nir en Piémont, coopérer à la 
réorganisation de l’administration 
de ce pays. Bossi quitta la Hol- 
lande, passa par Paris, où il re- 
cut les instructions du gouverne- 
ment français, et arriva à Turin, 
pour agir dans le sens de la réu- 
nion à la France. C’est encore 
une question douteuse de savoir 
lequel était, à cette époque, le 
véritable intérêt du Piémont, l’in- 
dépendance démocratique, ou la 
réunion à la RépubliqueFrancaise. 
Ce dernier parti offrait plus de fa- 
cilités, et un calme plus probable 
et plus immédiat : ce fut celui que 
Bossi parvint à faire triompher. 
Députe vers le Directoire exécutif 
avec MM.de Castellamonte et Sar- 
torio, il ne réussit qu’imparfaite- 
ment dans sa mission, et l’état du 
Piémont demeura encore long- 
temps précaire et incertain. Dans 
ces circonstances délicates, Bossi 
fut nommé commissaire du Di- 
rectoire prés l’administration cen- 
trale du département de l’Eridan, 
dont Turin était le chef-lieu. Il se 
rendit à son poste; mais la re- 
traite de l’armée française et l’oc- 
cupation de la plaine du Piémont 

3 


BOS 


par l’armée ‘ennemie, rendit sa 
position trèes-difficile. La nouvelle 
administration fut dissoute : ce 
fut la partie principale où se trou- 
vait Bossi, qui résista le plus 
long-temps, ce qui facilita le re- 
tour en France des détachemens 
de troupes isolés, et de convois 
de blessés. IT fallut cependant se 
soustraire aux poursuites de l’en- 
nemi, dont l’avant- garde était 
aux'portes de Turin. Bossi et ses 
collègues se réfugièrent, non sans 
peine , dans les vallées vaudoises, 
dont les habitans les accueillirent 
très-bien. Ces bons montagnards 
exposèrent leur vie, pendant près 
de deux mois, pour transporter à 
travers les neiges des Alpes, les 
blessés français et italiens. Plein 
de reconnaissance pour les Vau- 
dois, Bossi, peu d’années après, 
signala sa rentrée dans le gouver- 
nement, par un acte qui leur ren- 
dit l’entière liberté de leur culte 
et les moyens de le maintenir dans 
son antique exercice. On sait que 
les Vaudois étaient réformés avant 
Luther et Calvin, et que leur ré- 
forme remonte à l’époque d’Ar- 
naud de Brescia. Persécutés par 
Louis XIV, et toujours sourde- 
ment opprimés dans leur croyance 
par les princes de la maison de 
Savoie ,ils eurent recours à la pro- 
tection de l’Angleterre. C’est cette 
puissance protestante qui stipula 
pendant long-temps, en leur fa- 
veur, auprès de la cour de Turin, 
et qui, par des collectes faites à 
Londres, pourvut à lentretien 
des églises vaudoises. Les dota- 
tions que Bossi leur fit assigner 
pour suppléer à la religieuse gé- 
nérosité des Anglais, furent ac- 
cueillies avec enthousiasme par 
les habitans des vallées. Suppri- 


BOS 


mées, deuxans après, par une ad- 
ministration nouvelle, il fallut que 
Bossi réclamât directement de Na- 
poléon lui-même, leur conserva- 
tion: elles furent tout-à-fait abolies 
par la maison de Savoie. À la res- 
tauration de cette maison,en 1814, 
Bossi apprit à Londres,où ilse trou- 
vaità cette dernière époque,queles 
Vaudois étaient retombés dans le 
même état d’oppression, d’où il 
était parvenu à les retirer. À force 
de démarches auprès du gouver- 
nement anglais, et de réclama- 
tions dans les papiers publics, il 
réussit à persuader aux ministres 
de la Grande-Bretagne de s’inté- 
resser en faveur des Vaudois leurs 
co-réligionnaires. Des notes éner- 
giques furent remises , à ce sujet, 
à la cour de Turin, et des adou- 
cissemens importans en devin- 
rent la conséquence. 

Durant l’occupation du Pié- 
mont par les Austro-Russes » en 
1799, Alexandre Berihier, major- 
général de l'armée d’Halie , avait 
fait nommer Bossi ministre plé- 
nipotentiaire près la république 
de Gênes. Quand Bonaparte fut 
rentré à Turin, il le nomma de 
cette commission de trois mem- 
bres, entre les mains de laquelle 
il remit le pouvoir exécutif, Bossi 
se rendit en toute hâte à Paris, 
auprés du premier Consul, qui 
sans doute, bien informé de son 
dévoûment aux intérêts français, 
n’hésita point à s'ouvrir à lui, et 
à lui déclarer que le Piémont, 
placé au centre et au pied des 
Alpes, dont la République Fran- 
çaise possédait déjà les provinces 
latérales, était nécessaire à leur 
jonction militaire. « C’était, di- 
sait le conquérant, un pied à terre 
en Italie, une tête de pont indis- 


‘ 


BOS 91g 
pensable à la France. » Il recom- 
manda ensuite à Bossi le secret 
sur cette confidence, que celui-ci 
garda fidèlement. Bien plus : con- 
formant sa Conduite aux desseins 
qui lui avaient été révélés, Bossi 
dirigea Paction du gouvernement 
de manière à faire passer sans se- 
cousse, le Piémont sous le régime 
des lois françaises. Aucune démar- 
che ostensible de la part de la 
France n’autorisait ces mesures : 
lun et l’autre parti, les royalistes 
et les Cisalpins s’en inquiétaient 
également, et Bossi se trouva na- 
turellement en butte à leur ani- 
madversion commune. Enfin, il 
fut nommé , avec sept autres no- 
tables piémontais , député près le 
premier Consul, pour déterminer 
et arrêter la réunion du Piémont 
à la France, et bientôt après, cette 
réunion fut solennellement pro- 
clamée. Dans un discours public, 
Bossi exposa les motifs des mesu- 
res qu'il avait prises, et chercha à 
les justifier par l’événement. Le 
premier Consul lui témoigna sa 
satisfaction par une lettre flat- 
teuse; mais en même temps, il le 
nomma son résident en Valachie 
eten Moldavie. Après une si lon- 
gue administration dans le Pié- 
mont, et avec ce qui restait à faire 
dans ce pays, une telle mission 
dut paraître à Bossi un véritable 
exit. Il refusa et fut oublié pen- 
dant dix-huit mois. Au bout de ce 
temps, il apprit, par le Moni- 
leur, qu'il était nommé préfet de 
l’Ain (1). En 1811, il apprit, par 
la même voie, qu’il était nommé 
baron de l'Empire, et qu'il passait 


—————_—_—_————— mé 


(1) Boss a rédigé et publié une 
Stairstique du dépasriement de l Ain. 


: 


320 BOT 
à la préfecture de la Manche. La 
Restauration l’y trouva : le Roi le 
fit officier de la Légion-d’Hon- 
neur, et lui accorda des lettres de 
naturalisation. A près le retour de 
‘île d’'Elbe, il s’'empressa de faire 
reconnaitre l'autorité impériale 
dans son département. Au second 
rétablissement du Roi, il fut des- 
titué, sans pension, après trente- 
cinq ans de service public. Il 
voyagea depuis, dans le nord de 
l’Europe , et revint définitivement 
se fixer à Paris, où il est mort 
vers la fin du mois de janvier 
1823, âgé de soixante-cinq ans. 
C’est pendant son administra- 
tion de la préfecture de l’Ain que 
Bossi composa un grand poëme 
intitulé Oromasia, sur la révolu- 
tion française, dans lequel il es- 
saie de justifier l'influence que 
Bonaparte à fait subir à ce grand 
événement et le cours vers lequel 
il l’a détourné. La versification 
en est peu brillante , et l’effet gé- 
néral monotone ; mais on ne peut 
lui refuser le mérite d’une grande 
force de pensée et d’un cer- 
tain esprit philosophique , qui 
conserve encore au poëte une 
couleur d'indépendance , lors 
même qu’il célèbre l’homme qui 
a voulu les détruire toutes. Ce 
poëme a été imprimé, mais tiré 
seulement à cinquante exemplai- 
res, ainsi que la seconde édition 
des œuvres poétiques du même 
auteur (Londres, 1814). La pre- 
mière édition, beaucoup moins 
considérable et moins complète , 
avait paru à Turin, en 1801, trois 
petits volumes. Toutes deux por- 


tent les noms anagrammatiques 
d’Aibo Crisio. 


BOTZARIS ( Mare ), l’un des 


BOT 


héros de la révolution grecque , 
était fils de Kitzos ( Christ) Bot- 
zaris, lun des plus vaillans chefs 
de la vaillante tribu des Souliotes. 
Son père après avoirservi sous les 
drapeaux de la France, périt as- 
sassiné dans les cachots où le te- 
nait plongé le féroce Ali-pacha. 
En 1807, M. Pouqueville, alors 
consul général de France à Ja- 
nina, eut occasion de recormman- 
der Marc Botzaris au général Cé- 
sar Berthier, qui le fit entrer dans 
le régiment albanais , où son père 
et son oncle Nothi Botzaris furent 
admis comme majors. Marc Bot- 
zaris , réfugié avec les débris de $a 
tribu errante dans lesiles Ionien- 
nes, parut pour la première fois, 
sous des drapeaux indépendans 
lors des rassemblemens qui se 
formèrent pour fondre sur l’Epire, 
à la veille de la guerre de 1812 , 
entre la Porte et la Russie. Ces 
tentatives n’eurent point, à cette 
époque , des résultats importans; 
mais en 1820, l’heure de la li- 
berté de la Grèce était sonnée. Le 
Sultan lui-même parut en donner 
le signal, en convoquant tousses 
vassaux contre Ali-pacha , rebelle 
à sa suprême puissance. Les Sou- 
liotes, toujours réfugiés dans les 
îles, profitèrent d’une si belle 
occasion de se venger du spolia- 
teur et du meurtrier de leur race. 
Ils accoururènt prêter leur assis- 
tance aux armées du Sultan , qui 
promettait de les rétablir dans la 
possession de leurs rochers , per- 
dus pour eux, depuis seize années 
révolues : Marc Botzaris était à 
leur tête. Voici le portrait poéti- 
que qu'a tracé M. Pouqueville de 
ce jeune héros : il est paraphrasé 
d’une ballade épirote composée en 
son honneur. « — Melpomène lui 


BOT 


avait départi le don de la voix et 
de la cithare. Il chantait le temps 
où, gardant les troupeaux du polé- 
marque (chef de guerre) son père, 
au bord du Selleïs, il abandonna 
sa triste patrie, conquise par Ali, 
pour se réfugier sous les drapeaux 
français, avec son père, dont il 
mêlait le nom à ses tristes myrio- 
logies (chant funèbre des Epiro- 
tes). De la taille ordinaire des 
Souliotes, qui est de dix spitha- 
mes (environ cinq pieds), sa 
légèreté était telle qu’on le com- 
parait au zéphir, voltigeant à tra- 
vers les moissons ondoyantes, sur 
lesquelles il aurait marché sans 
courber leurs épis. Nul ne l’égalait 
à la lutte, au jeu du disque; et 
quand ses yeux ; bleus comme 
l’azur du ciel, s’animaient; lors- 
que sa longue chevelure flottait 
agitée par le vent, et que son 
front rasé, suivant l’usage anti- 
que , reflétait les rayons du soleil, 
il avait quelque chose de si extra- 
ordinaire, qu’on l'aurait pris pour 
un descendant de ces Peélasges , 
enfans de Phaëton, qui répandi- 
rent dans l’Epire les arts de Îa 
civilisation ,; au temps où Îles 
Chaoniens ne connaissaient en- 
core pour demeures et pour ali- 
mens, que les antres et le gland 
des forêts. Ilavait laissé son épouse 
et deux enfans, qui ne tardèrent 
pas à le rejoindre , sur une terre 
étrangère, afin de se livrer tout 
entier au hasard des combats(1 ).» 

Marc Botzaris suivit donc l’ar- 


(1) Histoire de la régénération de 
la Grèce; part, €. H. L. Pouqueville. 
Paris, F. Didot , 1825. deuxième eu 
uon,t. Il, p. gi. — Cet article est 
un extrait abrégé de ce précieux ct 
intéressant ouvrage. 


BOT 391 
meée ottomane dans sa campagne 
contre Ali-pacha , et contribua 
puissamment aux succès qu’elle 
obtint; mais il ne tarda pas à de- 
venir suspect aux infidèles, qui, 
violant la foi promise , refusèrent 
à ses compagnons de les remettre 
en possession du terriloire de 
Souli. Ceux-ci, déliés de leurs en- 
gagemens , traitèrent avec Ali- 
pacha ; et Marc Botzaris, après 
s’être offert personnellement pour 
ôtage ( son jeune frère Constan- 
tin lui disputa l’honneur de ce 
dévouement ), quitta avec éclat 
le camp des Turcs. Il était minuit 
lorsque les Souliotes se mirent en 
marche. Marc Botzaris resté dans 
le camp avec trois cent vingt 
hommes, fit abattre la palissade ; 
et se portant ensuite avec sa 
troupe sur le mont Paktoros, il 
attendit que le jour parût, afin 
d'annoncer hautement sa délfec- 
tion à l’armée ottomane. Aulever 
du soleil il ordonna une salve 
générale de mousqueterie ; en 
faisant pousser le cri de guerre. 
Quelques Turcs, qui formaient 
un poste avancé, sont tués; les 
autres fuient et vont porter au 
camp la nouvelle du départ des 
Souliotes. On crie aux arime: ; 
et Marc Botzaris, faisant déployer 
l’étendard de la croix à la vue da 
camp des infidèles, s’achemine en 
défilant au pas de marche. I! pro- 
voque à diverses reprises les istf- 
mites, fait faire halte à sa troupe ; 
et voyant qu'aucun d’entre eux 


ne songe à le suivre, il prend le 


chemin de Variadès, où il se 

réunit le soir du même jour, à ses 

frères d'armes. Dès qu’on eut 

perdu de vue les Souliotes , des 

cris de rage éclatèrent dans lPar- 

mée ottomane ; les têtes de Nothi 
21 


322 BOT 


et de Marc Botzaris furent mises à 
prix; mais ces barbares avaient 
mal supputé ce qu’elles devaient 
leur coûter. Nothi Botzaris, élu 
polémarque dans la première as- 
semblée des capitaines de la Sel- 
léide, compta bientôt sous ses 
drapeaux, 3500 hommes. Marc 
Botzaris fut détaché à la tête 
d’un corps de deux cent qua- 
rante hommes, pour s'emparer 
du poste retranché des Cinq- 
puits. Chemin faisant, il s'empara 
d’un riche convoi de l’ennemi, et 
l’épouvante semée par les fuyards 
fut si grande, que la garnison 
turque des Cinq-puits évacua le 
poste, sans attendre les Grecs.Peu 
de jours après, une expédition de 
trois mille hommes fut détachée 
du camp des Osmanlis pour re- 
prendre le Caravansérail. Marc 
Botzaris, qui avait porté à cinq 
cents environ le nombre de ses 
soldats, prévenu à temps de l’ap- 
proche de l’expédition , plaça les 
deux tiers de sa petite troupe en 
embuscade dans les rochers voi- 
sins du khan, en leur enjoignant 
de n’attaquer les Turcs que quand 
ils le verraient aux prises avec la 
totalité de leurs forces. En consé- 
quence de ce plan, il se retira 
dans l’enceinte du poste fortifié; 
et ses palicares { braves d'élite}, 
ayant occupé les embuscades qu’il 
leur avait désignées, on attendit 
Æs barbares. 11s se présentèrent 
au lever du soleil, après avoir 
marché toute la nuit, croyant par 
ce moyen, surprendre les Grecs. 
L’atiaque commença d’abord avec 
fureur; et déjà, au milieu du tu- 
multe, de la fumée et du: car- 
nage , quelques-uns des assaillans 
étaient parvenus au couronne- 
ment de la muraille du fort,quand 


- BOT 


les Grecs , placés en embuscade , 
apparaissent subitement et pren- 
nent leurs ennemis par derrière. 
Aussitôt l’épouvante se met dans 
leurs rangs; ils fuient avec plus 
de précipitation qu'ils n'étaient 
montés à l’assaut, se culbutent 
les uns surles autres, dans l’étroit 
chemin par où l’on gravit au fort. 
Leur cavalerie foule aux pieds leur 
infanterie ; et Marc Botzaris, sorti 
de sa forteresse, disperse et refoule 
l’une et l’autre dans le chemin des 
Echelles, où ils tombent par cen- 
taines. Le défaut de cavalerie em- 
pêcha le chef souliote de poursui- 
vre les Ottomans dans la plaine. 
Contraint de les laisser fuir à tra- 
vers champs, ilremonte au camp 
des Cinq-puits,où, trouvant qu’on 
a tranché les têtes de ceux quisont 


tombés sous la main de ses sol- 


dats, il empêche d’en dresser un 
trophée. On compte les morts , 
dont le nombre, beaucoup moins 
considérable qu’on ne l’avait jugé 
après un pareil désordre, se mon- 
tait du côté de l’ennemi, à deux 
cent quatre-vingt-dix hommes , 
tandis que les Souliotes n’avaient 
à regretter que dix de leurs bra- 
yes. On rassemble ensuite les 
armes, qui s’elevaient à mille 
cinq cents fusils. Les pelisses, 
les turbans sont étalés devant les 
soldats, et après avoir rendu 
grâce à Dieu de la victoire, on 
procède au partage du butin, qui 
aurait donné lieu à des alterca- 
tions peut-être sanglantes, sans 
la sagesse de Mare Botzaris, qui 
empêcha les vainqueurs d’en ve- 
nir aux mains. 

Cependant une trève avait été 
conclue entre les Souliotes et les 
Osmanlis. (Ceux-ci, parjures à 
leurssermens, qu’ils ne considè- 


B0T 


rent pas comine obligatoires 
lorsqu'ils sont prêtés à des chré- 
tiens, essayérent de surprendre 
Marc Botzaris, posté au défilé 
fortifié de Coumchadèz. Mais ce- 
lui-ci, prévenu par les Grecs 
habitans du pays, de tout ce qui 
se passait chez l'ennemi, se trouva 
parfaitement en mesure de le re- 
cevoir. L’infidèle s’enfuit de nou- 
veau devant le chrétien, laissant 
sur le champ de bataille, cent 
trente morts ou blessés. 
Cependant les hostilités ayant 
recommencé au printemps de 
1821, Marc Botzaris s’empara de 
Regniassa, espèce de tour retran- 
chée qu’il emporta de vive force 
et dans laquelle il mit garnison. 
Poursuivant le. cours de ses suc- 
cès, il fit mettre bas les armes 
à un pacha campé à Variadès , 
dans la Parorée , avec treize cents 
hommes, qui furent trainés en 
esclavage dans les marais de l’A- 
chérusie , où on les employa à la 
culture du maïset du riz. « Ce fut 
alors, ajoute M. Pouqueville, 
que les superbes Osmanlis, coif- 
fés d’un bonnet de coton, livrés 
au fouet des femmes souliotes et 
maniant péniblement le hoyau , 
apprirent à connaître à quel prix 
les rayas subjugués mangeaient, 
depuis plus de quatre siècles , 
le pain de la douleur, » L’or- 
gueilleux pacha avait remis son 
sabre à Marc Botzaris, qui, fran- 
chissant les monts Olichiniens , 
avec six cents hommes, descen- 
dit dans la plaine de Paparou. Il 
y trouva Ismaël-Pachô-bey campé 
avec deuxmille janissaires d'élite. 
Divisés par d'anciennes haines de 
famille, les deux chefs ne tardÿ- 
rent pas à en venir aux mains. On 
se battit sur les gradins du théâtre 


-Souliotes, 


BOT 323 
qui retentit autrefois des accla- 
mations d’un peuple civilisé, dans 
l’acropole consacré à Pallas, au 
milieu des ruines d’un temple 
voisin ; et Pachô-bey, vaincu , ne 
trou va de salut que dans le camp 
du séraskier (général en chef) de 
l’armée ottomane, Khourchid. 
Marc Botzaris se porta le même 
jour ( 22 juillet 2821), près de 
Saint-Théodore , chapelle voisine 
de Goméras; et aprèsune seconde 
affaire, dans laquelle il vainquit 
encore les Turcs, il établit som 
camp à Rapchistas, grand village 
éloigné d’une licue et demie de 
Janina, où Ali-pacha, l’allié des 
était bloqué par la 
grande armée ottomane. Maîtres 
du terrain, les Souliotes songè- 
rent sans perdre de temps , à se 
réunir aux insurgés de l’Athama- 
nie, afin de resserrer les Turcs et 
les séparer de toutes leurs com- 
munications. Informé que le se- 
raskieravait intention derenforcer 
ses garnisons de Calaritès et de 
Syraço , Marc Botzaris s’empressa 
d'occuper la position centrale de 
Placa , siluée dansune desrégions 
les plus ardues de lAthamanie, 
IL estaya ensuite d'attirer à lui les 
habitans de Gredisia; mais ils 
restèrent inactifs à cause qu’il ne 
putleur fournirsept cents thaïaris 
que leur avidité exigeait, sous ie 
vain prétexte de les employer à 
l'achat de munitions de guerre. IH 
était engagé danstes négociations, 
quand il vit paraître un corps de 
deux mille Turcs, qu’il combautit 
victorieusement,pendant lesjour- 
nées des 29 ei 30 juillet. 1 parvint 
à les disperser, après leur avoir 
tué quatre cents hommes , fait 
deux cents prisonniers, avec deux 
beys de distinction, pris des che- 


52/4 BOT 

vaux et des bagages; mais le 
brave de la Selleïde, qui avait 
remporté cette victoire avec six 
cents de ses meilleurs soldats , 
atteint d’une balle à la cuisse, se 
trouva forcé de suspendre ses 
opérations jusqu'au 6 août. 

Il se préparait à marcher contre 
Calaritès, quand il fut informé 
que Khourchid venait de recevoir 
des renforts considérables. Marc 
Botzaris, instruit par les lecons 
d’un père nourri à l’école de la 
guerre et du malheur, songea à 
resserrer ses positions; il fit ren- 
forcer la garnison du fort des 
Cinq-puits et se concentra de ma- 
nière à maintenir ses communi- 
cations directes avec le pays des 
Souliotes et le gros de leurs forces. 
Ce fut dans cette situation mili- 
taire qül résolut d’attendre les 
événemens de la campagne, qui 
prenaient alors une tournure fâ- 
cheuse pour Ali-pacha, son allié. 
Attaqué dans ses retranchemens 
par Hassan-pacha, à la tête d’un 
détachement de mille hommes, il 
l’assaillit si vivement de son côté, 
à la tête seulement de cinq cents 
hommes , qu’il lui tua la moitié 
de son monde, pril sa caisse mili- 
taire, ses drapeaux et le força de 
rentrer précipitamment dans la 
ville d’Arta , qu’il venait à peine 
de quiiter. Cinq mille hommes dé- 
fendaient l’approche de cette place 
avec un parc d'artillerie. Le con- 
seil de l’armée soulicte était d’a- 
vis d’ajourner toute tentalive jus- 
qu'à ce qu’on se fût procuré du 
canon; Marc Botzaris seul fut 
d’une opinion différente, et réso- 
lut de tenter l’aventure. Après 
quinze jours de combats sanglans, 
il se voyait sur le point de con- 
quérir l’une des plus fortes places 


BOT 


de PEpire, lorsque la trahison 
des Albanais, qui marchaient à 
côté de lui, comme alliés, le jeta 
dans le plus grand péril. Engagé 
avec sa petite armée, au milieu des 
Turcs, qui lui étaient infiniment 
supérieurs et par leur nombre et 
par leur position, le chef souliote 
leur échappa à l’aide d’une de ces 
manœuvres rusées, familières à 
ceux de sa nation. Pour apprécier 
avec justesse les vicissitudes de 
cette guerre, qui dure encore de- 
puis si Jong-temps ; écoutons 
l'historien de la Grèce moderne. 
« Les Souliotes et les Acarna- 
niens, attentifs aux ordres de 
leurs capitaines, entourent Marc 
Botzaris, qui leur montre le ciel 
en disant : « Dieu nous voit, mes 
» frères. marchons à l’ennemi.»Il 
dit, et feint de vouloir donner 
l'assaut, tandis que Cara Hyscos 
(chef des Acarnaniens), profitant 
d’un terrain fourré, à l'endroit où 
le fleuve s'engage entre des îles 
couvertes de buissons, y fait trans- 
porter sur des bateletsles malades, 
qu’il dérobe ainsi à un massacre 
inévitable. À peine assuré que les 
AcCarnaniens pouvaient se retirer 
sans danger, à travers les rizières, 
jusqu’à Copréna, d’où les blessés 
seraient transportés par eau, sur 
les plages du Macryn-Oros, il fait 
enciouer lPartillerie , qu’il était 
forcé d’abandonner. S’éloignant 
ensuite à quelques portées de fu- 
sil du pont, il ordonne à quel- 
ques-uns de ses palicares, de chas- 
ser devant eux un troupeau de 
buffles rassemblés à dessein, et 
il se précipite dans le fleuve , en 
criant de le suivre. Tous entrent 
dans le lit de l’Inachus, et sa 
troupe, partie en nageant, par- 
tie accrochée aux bufiles, pareille 


BOT 


à un train de bois flottant, em- 
potté par les eaux, vient s’échouer 
au-dessous de la berge du village 
de Marât. Poussant les buffles de- 
vant eux, les Souliotes, qui les 
suivent le sabre à la main, se font 
jour à travers la cavalerie enne- 
mie, qui est culbutée par l’im- 
pulsion de ces animaux, que les 
blessures et le bruit des armes à 
feu avaient rendus furieux. Alors 
Botzaris donne le signal de la 
dispersion, en faisant crier : Sauve 
qui peut! et pour mot de rallie- 
ment : à Loroux. Tous se déban- 
dentet disparaissent aux yeux des 
Turcs. Plus rapides que les plus 
agiles coursiers , les Souliotes ar- 
rivent au bord de l’Aréthon, le 
passent, brûlent le ponten clayon- 
nage qui. unissait ses bords ; et se 
rallient en pénétrant dans les 
vastes forêts de Candja. » 

En effet, Marc Botzaris ne tarda 
pas à reparaître sur le champ de 
bataille,le 28. mars 1822.$Se faisant 
précéder par le son des trompettes 
de bois, musique distinctive des 
visirs de Sa Hautesse, il surprit 
les Turcs au nombre de plus de 
trois mille, occupés à investir la 
petite place de Regniassa, les bat- 
tit, les dispersa et les contraignit 
à lever le siége. Cependant la 
Grèce, à demi affranchie du joug 
des Musulmans, songeait à se 
donner les formes d’un gouverne- 
ment régulier. Marc Botzaris as- 
sista, à Missolonghi, à l'assemblée 
générale des Hellènes de la Grèce 
occidentale , réunis dans cette 
ville, et y prononça un discours 
sur le mépris des richesses et l’a- 
mour de la patrie, qui accrut la 
popularité que ses succés militai- 
res lui avaient si justement ac- 
quise. Quelque temps après, il 


BOT 325 
eut la consolation de recouvrer sa 
femme , et bientôt après son frère 
Constantin , tombés tous deux 
entre les mains des Tures, depuis 
la chute d’Ali-pacha , avec les 
autres otages que les Souliotes 
remirent entre ses mains,en 1820, 
à l’époque où ils firent alliance 
avec ce satrape, Au commence- 
ment de mai 1822, l’armée grecque 
reprit l'offensive. Marc Botzaris 
fut détaché , à la tête de huit cents 
hommes, pour occuper cette ré- 
gion montueuse de l’Epire, ap- 
pelée Athamanie ,; et par là, 
mettre la terre de Souli, envelop- 
pée par les Turcs, en. communi- 
cation avec la Grèce libre. Trahi 
ou mal secondé , il fut-battu le 12 
juillet ( 30 juin vieux style), par 
un ennemi dix fois supérieur en 
nombre ; et, ayant. donné le signal 
de la dispersion, il rejoignit avec 
trente-deux des siens , le gros de 
l’armée grecque, commandée par 
À. Mavrocordatos, président de 
la République , avec lequel il eut 
toujours la sagesse et le patrio- 
tisme de se maintenir uni. Le 
glorieux et funeste combat de Péta, 
où fut détruit le premier corps des 
Philhellènes, acheva de mettre 
l’armée grecque en retraite; et 
les discussions intestines , qui ne 
tardèrent pas à éclater, mirent la 
libertéet la civilisation grecques à 
deux doigts de leur ruine. Marc 
Botzaris, resté fidèle à la cause 
publique, partagea les périls et 
les travaux sans cesse renaissans 
du président Mavrocordatos : sé- 
parés du Péloponèse, errant au 
milieu des armées turques et des 
bandes albanuises qui les avaient 
trahis, ils parvinrent enfin, par 
des prodiges de valeur , à gagner 
la place fortifiée de Missolonghi. 


326 EOT 


Voici, tracé de la main de M. Pou- 
queville; le tableau de la dernière 
action qui permit d’approvision- 
ner et par suite:; de sauver cette 
forteresse. 

« Marc Botzaris, avec 600 pa- 
licares, soutenait le poids et les 
efforts de l’armée mahométane, 
commandée par Omer Brionès et 
Routchid-pacha. Les Thermopy- 
les pâliront un jour à ce récit! 
Retranchés auprès de Crionéro, 
fontaine située à l'angle occiden- 
tal du mont Aracynthe, en face 
d’Anatolico, ces braves, après 
avoir peigné leurs belles cheve- 
lures , suivant l'usage immémorial 
des soldats de la Grèce, conservé 
jusqu’à nos jours, se lavent dans 
les eaux de l’antique Aréthuse, et 
revêtus de leurs plus riches orre- 
mens, ils demandent à s’unir par 
les liens de la fraternité, en se 
déclarant V’lamia. Un ministre 
des autels s’avance , et prosternés 
au pied de la croix, ils échangent 
leurs armes; ils se donnent ensuite 
Ia main, en formant une chaîne 
mystérieuse; et recueillis devant 
le Dieu rédempteur, ils pronon- 
cent les paroles sacramentelles : 
« Ma vie est ta vie. et mon âme 
» est ton âme.» Le prêtre alors les 
bénit; et ayant donné le baiser 
de paix à Marc Botzaris, qui le 
rend à son lieutenant, ses soldats 
après s'être mutuellement em- 
brassés, présentent un front me- 
naçant à l’ennemi. — C'était le 
4 novembre 1822; au lever du 
soleil, on apercevaitde Missolon- 
ghi et d’Anatolico le feu du ba- 
taillon immortel, qui s’assoupit 
vers midi, I] reprit avec une nou- 
velle vivacité, deux heures après 
le passage du soleil au méridien , 
ct il diminüa insensiblement jus- 


BOT 


qu’au soir. À l’apparilion des pre- 
mières étoiles, on aperçut dans 
le lointain, les flammes des bi- 
vouacs ennemis répandus dans la 
plaine. La nuit fut calme, et le 
5 au matin, Marc Botzaris entra à 
Missolonghi, suivi de trente hom- 
mes; le surplus de ses braves 
avait vécu. » 

À la faveur de la courageuse ré- 
sistance de ces héros, la place de 
Missolonghi avait été approvi- 
sionnée , et ceux de ses habitans 
qui étaient inutiles à la défense 
purent être embarqués pour Île 
Péloponèse ; la famille de Botzaris 
fut du nombre de ces réfugiés. Le 
siège de Missolonghi est l’un des 
plusglorieux de la guerre hellé- 
nique. Cette place couvrait le Pé- 
loponèse; Marc Botzaris prolongea 
sa défense, non -seulement par 
son courage, mais encore par 
celte habileté rusée, peut-être 
trop familière à ceux de sa nation. 
Le siége fut levé. À lPouverture 
de la campagne de 1825, Marc 
Botzaris nommé stratarque (gée- 
néral) de la Grèce occidentale , 
s’occupa d’abord de mettre Mis- 
solonghi dans le meilleur état de 
défense; il parvint ensuite , par 
les intelligences qu'il sut lier avec 
les Albanais mécontens, à dis- 
soudre l’armée de Joussouf-pa- 
cha. Mais l'été n’était pas encore 
écoulé, qu’une de ces armées otto- 
manes, sans cesse renaissanles , 
menaçait de nouveau lEtolie, 
sous le commandement de Mous- 
taï-pacha. Marc Botzaris résolut 
de se dévouer pour arrêter les 
barbares. 11 les attendit à l'entrée 
des gorges du mont Callidrome. 
Deux mille cinq cents soldats en 
tout, marchaient sous ses ordres , 
contre vingt mille Turcs; mais 


BOT 


quatre cent cinquante Souliotes 
seulement se trouvèrent à côté de 
leur héroïque chef pour attaquer 
un corps de huit mille barbares, 
qui formaient l'avant-garde du 
seraskier Moustaï-pacha. Ce fut 
le 20-8 août 1823 qu’ent lieu l’ac- 
tion mémorable, où laigle de la 
Selleide, comme dit la voix popu- 
laire de la Grèce , devait trouver 
à la fois sa mort et son apothéose. 
Mais pour raconter ces faits mer- 
veilleux , nous ne pouvons qu’em- 
prunter en les abrégeant, les récits 
poétiques de l’historien delaGrèce. 
«Suivant l’usage immémorial 
des belliqueuxenfans de la Grèce, 
dit M. Pouqueville, Marc Botza- 
ris se prépara au combat, en célé- 
brant avec ses soldats, un banquet 
dans lequel il offrit des libations 
à la Vierge couronnée, protectrice 
de Souli..….. Vêtu-de sa chlamyde 
bleue, signe distinctif des stra- 
tarques parmi les Hellènes , il 
leur exposa son dessein, dans un 
discours qui se terminait textuel- 
lement par ces paroles : —« Cette 
»nuit , mes frères , cette nuit 
» même,pendant cette nuit redou- 
»table, j'ai résolu d’entrer dans 
» le camp des infidèles sans brûler 
»une amorce. Le poignard et le 
»sabre seront nos seules arnres 
»pour y répandre la désolation, 
» la terreur et la mort, compagnes 
» inséparables des coups que nous 
» leur porterons dans l’obscurité.… 
» L'entreprise est audacieuse, je 
sle sens avec orgueil; que chacun 
» de vous en considère le danger 
net se décide librement, car je 
»n'admets au parlage d’aussi no- 
»bles périls que des hommes de 
»bonne volonté.» — Ainsi parla 
Marc Botzaris, et deux cent qua- 
rante palicares sortis des rangs 


BOT 327 


s'étaient écriés : « Nous marche- 
» rons cette nuit avec toi, et nous 
»espérons que la divine Provi- 
»dence nous assistera. » Il les bé- 
nit au nom de la patrie et de l'E- 
ternel. Promenant ensuite ses 
regards sur les Souliotes, qui 
avaient gardé le silence , il rejeta 
la demande tardive qu’ils lui firent 
de l’accompagner, en les remer- 
ciant avec bonté. « Le ciel, leur 
dit-il, a marqué à chacun de 
»nous sa place, mes frères; mais 
»je compte sur Vous COMME sur 
» un bouclier inexpugnable, pour 
»couvrir notre retraite. Je vous 
» confie la garde du drapeau de la 
» Croix; et mon frère Constantin, 
vqui s’avance, ne tardera pas à 
» vous seconder. » — Après avoir 
disposé suivant son plan, les diffé- 
rens Corps de sa petite armée et 
leur avoir prescrit de ne faire au- 
cun mouvement qu’en entendant 
sonner les trompettes qu'il em- 
mena avec lui, Marc Botzaris, 
s’étant mis en prières vers les dix 
heures du soir, ainsi que ses sol-- 
dats, donna le signal du départen 
s’écriant : « Dieu nous voit et nous 
» guide ! que le Seigneur nous soit 
»en aide! » Il était minuit quand 
Botzaris, avec ses deux cent qua- 
rante palicares, surprenait l’a- 
vant-garde ennemie, dont les sol- 
datsépars sur la pelouse dormaient 
sans avoir pris aucune mesure de 
sûreté. Dans une heure de temps, 
plus de cinq cents barbares sont 
ésorgés, et Marc, satisfait d’avoir 
répandu l'alarme de ce côté, se 
replie sur sa réserve, qui l’avait 
suivi à une distance convenue. Il 
prêtait l’oreille aux cris qui com= 
mençaient à se faire entendre, 
lorsqu’il fut rejoint par une quin- 
zaine de ses soldats. Ceux-ci, 


328 BOT 
ayant perdu sa trace et ne pou- 
vant le suivre dans la rapidité de 
sa retraite, s'étaient couchés au 
milieu des Schypetars (Guègues), 
qui s’écriaient qu’on les assassi- 
nait et que les Albanais épirotes 
les trahissaient. Les Souliotes 
finissaient à peine le récit de ce 
qu’ilsavaient entendu , lorsqu'une 
vive fusillade éclata dans l’armée 
ennemie; et deux palicares restés 
en arrière de ceux qui venaient de 
parler, annoncèrent que les Sco- 
drians et les Épirotes , s’accusant 
de trahison, étaient aux prises 
et se fusillaient réciproquement. 
« Compagnons, s’écria à ces mots 
» Marc Botzaris, vous venez de 
» l'entendre , le ciel nous livre les 
» infidèles. Suivez-moi,marchons ! 
» les Hellènes attaquent les avant- 
» postes ! » Il dit, et rassemblant 
tous ses palicares, il envoie l’or- 
dre aux Hellènes embusqués sur 
les flancs de l’armée ennemie de 
se mettre en mouvement , afin 
d'attaquer les Turcs. 11] se porta 
aussitôt vers une autre partie du 
camp que celle qu’il venait d’a- 
border, en criant: « Où sont les 
»pachas? » Il place en même 
temps une partie de ses soldats 
de manière à faire feu tour à tour, 
contre les Scodrians et les Epiro- 
tes, afin de les empêcher de se 
reconnaître. Pour lui,continuant 
à demander «où sont les pachas ? 
»les Hellènes attaquent les avant- 
» postes ! » il arrive à la tente 
d’Hago Bessiaris, lieutenant-gé- 
néral du seraskier, qu’il prend par 
la barbe : « Bourreau des Soulio- 
»tes, tu ne m’échapperas pas , » 
et il le poignarde. Saisissant à 
quelques pas de là, sous sa tente, 
Sépher-pacha, à moitié endormi, 
il le remet aux mains de ses pali- 


BOT 


cares, en leur ordonnant de fe 
tuer s’il prononce une seule pa- 
role, Frappant de toutes parts, em 
répétant « où sont les pachas ? », 
Marc Botzaris et une partie des 
siens pénètrent au quartier-géné- 
ral. Tout tombe sous leurs coups, 
et le nouveau Machabée, appe- 
lant vainement Moustaï-pacha, 


venait d’immoler successivement 


son selictar on porte-glaive, et 
sept des principaux beys de la 
province fertile du Zadrima, 
quand il fut atteint d’une balle à 
la ceinture. Un nègre , auquel it 
avait dédaigné d’ôter la vie, lui 
avait tiré un coup de pistolet , au 
moment où il sortait de la tente 
du seraskier. Retiré à l’écart pour 
panser sa blessure, qui était lé- 
gère, mais dont il voulait dérober 
la connaissance à ses palicares , 
Mare Botzaris entend les Turcs 
qui s’efforçaient de rassurer leurs 
soldats, en disant que ce qui se 
passait était un maïentendu et 
que les Hellènes n’attaquäient pas 
leur avant-garde. Soudain l'aigle 
de la Selieide s’élance en criant : 
«Non, ce n’est point un malen- 
» tendu. Tremblez , barbares ! c’est 
» Marc Botzaris, en personne qui a 
» pénétré dans votre camp, et vous 
» tuera tous. » Il ordonne en même 
temps à ses trompettes de sonner 
la charge. À ce bruit, les Turcs ;, 
faisant une décharge générale du 
côté où le son se faisait entendre, 
Marc Botzaris , atteint d’une balle 
à la tête, tomba privé de senti- 
ment. 


Quand le jour eut paru, un 
combat terrible s’engagea autour 
du héros étendu sur la terre. 
Vingt-six Souliotes sont tués 
auprès de leur chef; et tous réunis- 


BOT 


sant leurs efforts, couvrent la 
retraite d’Athanase Ronkas, qui 
parvient à enlever du champ de 
bataille le héros qu’ils chérissaient. 
Celui-ci venait, quoique mortel- 
lement blessé, de reprendre con- 
naissance; et ses soldats arri- 
vaient, chargés de leur précieux 
fardeau, au pied du mont Am- 
phrysse, où ils le déposaient à 
peine, lorsqu'ils apercurent leurs 
compatriotes qui descendaient des 
montagnes, pour chercher l’en- 
nemi. Alors, les Souliotes, retom- 
bant sur les barbares avec tout le 
poids de leur fureur, les attaquent 
et les mettenten déroute.Ceux-ci 
fuient en abandonnant aux chré- 
tiens, tentes, bagages et muni- 
tions , et en laissant la terre cou- 
verte de 1500 morts. Les Hel- 
Jènes n'avaient à regretter que 
cinquante-trois hommes tués et 
six blessés; mais ils éprouvaient 
Ja plus cruelle detoutesles pertes. 
Marc Botzaris était atteint d’un 
coup mortel, et il fallait songer 
à la retraite , tandis qu'ilen était 
temps encore, car les hordes en- 
nemies allaient se renforcer. Ces 
considérations déterminèrent les 
Hellènes à opèrer leur retraite. Ils 
s’acheminent pour se retirer der- 
rière le mont Aracynthe. Marc 
Botzaris est déposé sur un bran- 
card; on le transporte mourant 
vers Missolonghi, escorté par un 
détachement de cent Souliotes, 
Arrivé le second jour à Képhalo- 
Vrysson, précisément au même 
lieu où, l’année précédente, il 
avait par une résistance héroïque , 
couvert la forteresse de l’Etolie, il 
leur adressa ses dernières paroles, 
et rendit le dernier soupir. Les 
Soulivtes achevèrent de porter 
jusqu’à la ville ; le corps de leur 


L 


BOT 32 
chef; la population entière accou- 
rut au devant d’eux. Ce fut une 
pompe à Ja fois funèbre et 
triomphante. Le brancard était 
précédé de prisonniers mahomé- 
tans, qui marchaient suivis des 
chevaux de bataille des pachas 
et des beys tués dans le combat 
nocturne du 20 août, couverts des 
armes et des ornemens de leurs 
maîtres. On voyait ensuite, cin- 
quante-quatre drapeaux ennemis, 
que des soldats grecs portaient 
renversés. Venait après le corps 
du défunt , enveloppé de sa chla- 
myde bleue, porté sur les épaules 
de ses plus anciens palicares. 
Huit mille moutons ou chèvres 
enlevés aux barbares formaient 
son escorte, comme pour rappeler 
sa condition primitive. Enfin, la 
marche était fermée par plus de 
mille chevaux de selle, et par un 
grand nombre de mutets chargés de 
3200 fusils, 500 paires de pistolets, 
de tentes, de munitions de guerre, 
de bagages et d’nne partie du 
trésor de l’armée ennemie. La 
cérémonie funèbre se prolongea 
pendant deux jours, durant les- 
quels, le clergé, l’armée et le 
peuple témoignèrent à lenvi, 
leur douleur,par toutes les pompes 
cércmonieuses propres aux rits 
religieux, et aux usages natio- 
naux de la Grèce. Marc Botzaris à 
laissé un frère, Constantin Botza- 
ris, qui lui a succédé dans le com- 
mandement militaire des Soulio- 
tes; il a laissé aussi , une veuve 
et des enfans qui resteront l’objet 
de lintérêt et des vœux de 
l’Europe chrétienne. L'un de ses 
fils a été adopté par le vénérable 
philanthrope anglais Jérémie 
Bentham.— On a publié : — Eloge 
funèbre de Marc Botzaris, par, 


La 


€ 


50 BOU ,; 


O1 


M. Schinas. Paris, F. Didot, 1824, 
in-8 de 41 pages (en grec ). 


BOURBON (Louis Marie de ), 
infant d’Espagne, cardinal, ar- 
chevêque de Tolède, naquit à 
Cadahaiso, le 22 mai 1957. Il 
était fils de l’infant Don Louis, 
frère de Charles JII, le même 
qui , après avoir été fait cardinal, 
par Clément XIT, en 1535, remit 
le chapeau en 1554. et se maria. 
Le fils fut un des premiers cardi- 
naux créés par Pie VIT, qui vou- 
lut reconnaître par là, les services 
que la cour d’Espagne avait ren- 
dus à son vénérable prédécesseur. 
Louis Marie de Bourbon fut dé- 
claré cardinal-prêtre , le 22 octo- 
bre 1800; il eut , quoiqu’absent, 
le titre de Sainte-Marie della 
Scala, qu'avait eu son père. En 
même temps, il fut fait archevè- 
que de Séville, puis archevêque 
de Tolède, siége primatial des Es- 
pagnes, et qui passe pour le plus 
riche de toute la chrétienté. Ecclé- 
siastique pieux et patriote éclairé, le 
cardinal de Bourbon fut élu pré- 
sident de la régence de Cadix, 
pendant linvasion des Français. 
Il sanctionna et promulgua en 
celte qualité , les décrets de l’as- 
semblée des Cortès constituantes, 
notamment la célèbre constitution 
de 1811, au bas de laquelle on lit 
son nom, et le décret d’abolition 
de l’Inquisition, qu'il fit exécuter 
avec la plus entière franchise. Le 
nonce du Pape, Pierre Gravina, 
archevêque de Nicée, in partibus, 
ayant fait des représentations in- 
tempestives contre cette mesure, 
la Régence, présidée par le cardi- 
nal de Bourbon, publia le 23 
avril 1813, un décret contre le 
prélat ultramontain, qui peu 


LL 
BOU 
après, fut invité à quitter l’Espa- 
gne. À la nouvelle du traité de Va- 
lençay , signé au mois de janvier 
1814, le cardinal écrivit comme 
président de la Régence, au Roi, 
pour le féliciter sur son prochain 
retour en Espagne; ensuite, il 
fut envoyé au devant de son ne- 
veu, pour recevoir à l'entrée du 
royaume, son serment de fidélité 
à la constitution. Le cardinal ne 
rencontra pas le Roi, parce que 
S. M. s’était écartée de l:: route que 
lui avait tracée la Régence, sous le 
prétexte d’aller visiter les vénéra- 
bles débris de Sarragosse. Ce ne fut 
qu’à quelques lieues de Valence 
qu'il put voir le Roi. La manière 
dont le prélat fut accueilli présa- 
geait trop ce qui allait arriver. Les 
Cortès avaient prescrit au prési- 
dent de la Régence.de ne pas se 
conformer à l’ancien cérémonial , 
qui était de baiser la main du Roi, 
ce qu’on devait considérer comme 
un signe de soumission et un en- 
gagement de fidélité. Mais le car- 
dinal ayant été admis devant le 
Roi, et S. M. ayant paru exiger 
qu'il se conformât à l’ancienne 
coutume, il céda, soit par timi- 
dité, soit parce qu’il crut que sa 
conduite, en cette occasion, ne se- 
rait pas d’une grande consé- 
qüence.— « En agissant ainsi, 
dit M. Blaquiere, il manqua de fer- 
meté et de noblesse, dans un mo- 
ment où il était d’une grande im- 
portance pour les intérêts du peu- 
ple, d’en montrer beaucoup (1).» 
Cette condescendance malenten- 


(1) Examen historique de la Révo- 
lution espagnole , par Ed. Blaquière ; 
traduit de l'anglais. Paris, Rosa . 1823 ; 
2 vol. in-8,t. IL , p. 59. 


BRA 


due n’eut aucun heureux résu- 
liat pour le cardinal ,; qui fut 
congédié à moitié chemin de Ma- 
drid, et,qui, quelque temps après 
l’arrivée du Roi dans cette ville, 
futexilé dans son diocèse, et privé 
de l’adrñistration et des reve- 
nus de celui de Séville, dont il 
avait joui jusqu'alors. Lors de la 
révolution du mois de mars 1820, 
le cardinal de Bourbon fut nom- 
mé président de la junte provi- 
soire de gouvernement, et publia 
une lettre pastorale, où il exor- 
tait les ministres de la religion à 
se conformer à la constitution. 
L’évêque auxiliaire de Madrid, 
son suffragant, se montra pareil- 
lement, favorable au nouvel ordre 
de choses. Quand le régime cons- 
titutionnel fut définitivement re- 
mis en vigueur, le cardinal eut 
une place au conseil d'état. Il 
mourul sans avoir la douleur de 
le voir sbotir, le 19 mars 1825, 
âgé seulement de 46 ans. C'était 
un homme excellent; mais, à ce 
qu’il paraît, d’une médiocre ca- 
pacité. 


BRACHMANN (Louise) na- 
quit, en 1597, à Rochlitz; elle 
eut sa mére pour première Insti- 
tutrice : bientôt on reconnut dans 
la jeune Louise d’éminentes dis- 
positions pour la poésie, qui furent 
encore développées par des cir- 
constances favorables. En 158», 
son père ayant été placé à Weis- 
senfels, elle y fit, dans la suite, 
la connaissance du directeur des 
salines, M. de Hardenberg, dont 
le fils est ce Novalis, tant célébré 
par elle , et sur lequel elle a donné 
au public quelques détails dans 
le second volume de la Harpe de 
Sein. Le moyen âge surtout avait 


BRA 991 
droit à ses chants romantiques. Ces 
chants et les vers à Novalis par- 
vinrent à la connaissance de Schil- 
ler, qui écrivit plusieurs lettres à 
l’auteur. À Dresde, une inconsé- 
quence eut pour Louise des suites 
si fâcheuses, et influa si fort sur 
son caractère naturellement dis- 
posé à la mélancolie, qu'elle se 
précipita d’un second étage sur 
le pavé d’une cour et se blessa 
grièvement. En peu de temps, 
elle vit mourir tout ce qui lui était 
cher. Novalis, qui périt le pre- 
mier, fut bientôt suivi de la mère, 
du père et de la sœur de Louise, 
qui, restée sans appui, fut obligée, 
pour trouver des moyens d’exis- 
tence, de demander du pain à ces 
muses qui avaient charme sa jeu- 
nesse. Si le public y gagna de bons 
ouvrages, il vit aussi grossir ces 
mêmes ouvrages de choses faibles 
et sans couleur. Les dernières 
années de sa vie ont êté plus fé- 
condes que sa jeunesse; néan- 
moins, Pavidité ne mit point la 
plume à la main de Louise; le be- 
soin put seul lui faire produire au 
delà de ses inspirations. D’ail- 
leurs, ces temps-là même ne fu- 
rent pas plus exempts de passions 
que de malheurs. Elle éprouva 
une viveinclinalion pour un jeune 
médecin de l’armée française ; 
mais il était marié.Les évènemens 
de 1812 et 1915 lui causèrent une 
maladie dont elle eut beaucoup 
de peine à se remettre. Cepen- 
dant, en 1820 , elle forma encore 
une nouvelle liaison: Un jeune 
officier , âgé de vingt-cinq ans, 
l’épousa, voulut se faire acteur , 
débuta sans succès à Weimar, et 
finit par se séparer d'elle. Enfin , 
lasse des tourmens de la fortune 
et de ceux des passions, elle se 


352 CIA 

précipita dans la Saale, le 17 sep- 
tembre 1822. après avoir fait 
huit jours auparavant, une tenta- 
tive inutile pour se détruire. Ses 
principaux ouvrages sont un re- 
cueil de poésies lyriques (1808).— 
Romantische Blüthen und Blatter 
( Feuilles et Fleurs romantiques, 
1819). — Le Jugement de Dieu 


CIA 


(1818). — Nouvelles (1819). — 
Narrations poéliques (1822 ). — 
On a publié après la mort de l’au- 
teur: Ausersesne Dichtungen von 
L. Brachmann.—Choïx de poésies 
de Louise Brachmann, avec une 
Notice biographique , par Schutz, 
professeur à Halle. Leipzig, 1824, 
in-8. 


Ce 


CIAMCIAN (le père Micrez), 
religieux arménien de la congré- 
gation des Mékhitaristes de Ve- 
nise, naquit à Constantinople, en 
l'an 1758. Destiné dès sa jeu- 
nesse, à la profession de joaiilier, 
il se livra assez tard à la culture 
des lettres ; il avait vingt-trois 
ans quand il embrassa l’état ecclé- 
siastique ; et pour cette raison, il 
ne futadmis qu'avec beaucoup de 
difficultés parmi les religieux mé- 
khitaristes. Il étudia avec tant 
de zèle, que bientôt il surpassa 
tous ses condisciples dans la con- 
naissance de l’arménien littéraire 
et fut chargé de l’enseigner aux 
autres. Cette occupation et les 
divers travaux qui lui furent con- 
fiés, ne lui permirent pas d’ap- 
prendre la langue latine, dont 
jamais il n’eut connaissance Son 
premier ouvrage fut une Gram- 
maire arménienne, rédigée en ar- 
ménien et imprimée à Venise en 
1779,1 vol. in-4°. C’est un ou- 
vrage ulile ; mais, comme toutes 
les autres grammaires composées 
par des Arméniens, ilest diffus et 
entiérement dépourvu d’ordre et 
de clarté, et surchargé d’une mul- 
titude de détails tout-à-fait inu- 
tiles dans un ouvrage de ce genre, 


Bientôt après il entreprit son 
Histoire d’ Arménie, le plus con: 
sidérable etle plus important de ses 
ouvrages. Il fut secondé dans son 
travail par ses jeunes disciples, 
qu’il avait chargés d’extraire et de 
rassembler tous les matériaux qui 
lui étaient nécessaires. Cette his- 
toire , écrite tout entière en ar- 
ménien littéral, dans un style. 
simple, mais toujours pur et cor- 
rect, est contenue dans 3 vol. 
in-4°, de plus. de mille pages cha- 
cun. Ils furent imprimés à Venise 
dans les années 1784, 85 et 86. 
C’est une compilation très-utile 
pour connaître l’état civil et ec- 
clésiastique de l'Arménie , surtout 
pour lestemps modernes; mais, 
quoique l’auteur ait fait de grandes 
recherches , elle laisse beaucoup 
à désirer. Tout ce qui est relatif 
à l'histoire ancienne , est rempli 
d'erreurs souvent très-fortes et 
entièrement destitué de critique. 
L'auteur n’avait pas consulté un. 
assez grand nombre d'écrivains : 
anciens, et il n’avait pas une assez 
grande connaissance des langues 
et de l’histoire des nations étran- 
gères à l'Arménie. Ce manque de 
critique se fait sentir dans beau- 
coup d’autres parties de l'ouvrage. 


COC 


Cependant, malgré ces défauts 
que l’auteur ne pouvait guëre 
éviter, c’est, à tout prendre , un 
ouvrage utile et estimable, propre 
à faire beaucoup d’honneur à la 
littérature moderne des Armé- 
niens. Le P. Ciamcian a pubiié 
aussi un grand nombre de livres 
et d’opuscules sur la théologie ou 
sur des matières ascétiques : par- 
mi eux on distingue un Commen- 
taire sur Les Psaumes , en 10 vol. 
in-8. Des différends qui le brouil- 
lèrent avec les autres membres de 
la congrégation arménienne de 
Venise le contraignirent, dans 
un âge avancé, de retourner à 
Constantinople, sa patrie, où il 
a terminé sa carrière, après un 
séjour de vingt-cinq ans, dans la 
quatre-vingt-sixième année de son 
âge , le 50 novembre 1823 (Ex- 
trait du Journal Asiatique, publié 
par la Société Asiatique de Paris, 
t. IV, p. 127). 


COCO ( VixcexT ), naquit en 
1770 ,; à Campomarano , pro- 
vince de Molina, dans le royaume 
de Naples. Envoyé dans la capi- 
tale à l’âge de 157 ans , il suivit 
d’abord le barreau ; mais , s’'aper- 
cevant bientôt que son esprit 
n'était pas propre à cette carrière, 
telle qu’on l’entenduit et la pra- 
tiquait à cette époque , il s’a- 
donna aux études philosophiques. 
Disciple de lécole de Vico , de 
Genovesi, äe Filangieri, lié inti- 
mement avec Cirillo, Pagano, 
Delfico, et avec la plupart des 
bommes distingués , qui vers la 
fin du dernier siècle , faisaient 
l’ornement de la ville de Naples; 
aveceux , ilembrassa la cause de la 
révolution démocratique de 1799. 
Son nom se trouve mêlé à l’un des 


COC 335 
épisodes les plus tragiques de ce 
drame sanglant. Il fréquentait la 
maison de M®° San Felice, uapoli- 
taine non moins distinguée par son 
patriotisme que par sa beauté.Les 
talens et le caractire de Coco, 
avaient excité la bienveillance de 
cette dame , qui avait pour lui des 


attentions , qu’on interprétait in- 


discrètement. Cependant , les 
troupes du cardinal Ruffo mena- 
caient l'existence de la république 
Parthénopéenne , resserrée dans 
les murs de la capitale, tandis 
qu’un complot se tramnail dans 
l'intérieur même de la ville, pour 
la livrer aux assiégeans. Bacher , 
l’un des chefs de cette trame, fré- 
quentait la société de M” San 
Felice, dont il aurait voulu fixer 
les regards. Désespérant de lui 
voir accueillir ses vœux, dans un 
moment d'’emportement , il eut 
l’imprudence d'annoncer le sort ré- 
servé aux républicains, et d’éclater 
en invectives contre Coco, dont 
il disait vouloir faire sa première 
victime. Effrayée de ces menaces, 
M°®* San Felice communiqua ses 
alarmes à quelques-uns de ses amis, 
ct prévint Coco des dangers aux- 
quels elle le voyait exposé. Bacher 
fut arrêté et périt sur l’échafaud. 
Au retour du roi de Sicile , 
M°* San Felice , déclarée respon- 
sable de la mort de Bacher, fut 
condamnée à mort. Son état de 
grossesse luivalut un sursis de trois 
mois , au bout desquels elle fut 
exécutée. Coco échappa par la 
fuite, au sort funeste qui atteignit 
à cette époque plusieurs de ses 
illustres amis; il vint chercher un 
asile en France, où il publia le 
récit pathétique de cette révolu- 
tion napolitaine, ou éclatérent à 
la fois, d’une part tant d’héroïsne, 


34 COC 


Q1 


de l’autre tant de férocité (1), Ce 
travail l'ayant fait connaître avan- 
tageusement en France, le minis- 
tère du nouveau royaume d’I- 
talie lui confia la direction du 
journal officiel de cet état ( Gior- 
nale [taliano).1! s’acquitta de cette 
charge avec habileté , mais peut- 
être fut-il obligé quelquefois, d’ex- 
poser des opinions qui n’étaient 
point celles de sa conviction en- 
tière. En même temps il com- 
posait un ouvrage, qui est resté 
le plus solide fondement de la 
réputation de son auteur. Ce que 
Pabbé Barthélemy avait fait pour 
la Grèce, dans son Woyage du 
Jeune Anacharsis, Coco l’a fait pour 
son pays, dans son Voyage de 
Platon en Italie (2). I était diffi- 
cile de choisir un cadre plus in- 
structif et plus national. Coco y 
fait bien connaître lPécole des P y- 
thagoriciens, l’état de la Grande- 
Grèce , et des républiques qui 
ontfleuridansieslieuxoüil n’existe 
presque plus que des déserts. Sur- 
tout, il ne perdit pas cette oc- 
casion de propager dans le nord 
de l'Italie, les doctrines philoso- 
phiques de Vico, qui est lui-même 
un élève de l’école platonicienne. 
En un mot, si Coco n’égale pas 
son modèle , sous le rapport de 
l’érudition , il le surpasse sans 


(1) Cet ouvrage, intitulé : Fivolu- 
ziont di Napoli, a été traduit en fran- 
cais par un anonyme. Paris, 1500, 
1n-8. 

(2) Platone in Itaiia, traduzione 
del Grico. Milano, 1806 , 3 vol. in-6. 
— 1lea existe une seconde édition en 
italien , trad. en français, par M. PBa- 
rère de Vieusac. 1807, 3 vol. in-8 — 
Cet ouvrage a été encore traduit en 
d'autres lingues. 


COC 


difficulté > Sous le point de vue de 
l'utilité morale, aussi bien que 
sous le rapport de l'intérêt local 
et patriotique, à l'égard des Hta- 
liens. 

Rentrée dans sa patrie , avec 
Joseph Bonaparte, en 1806 , Coco 
fut d’abord placé dans l’ancien 
Conseil royal, et après la nou- 
velle organisation du royaume de 
Naples , il fut successivement 
nommé membre de la Cour de 
Cassation et du Conseil d'état. 
Député vers Napoléon, en 1810, il 
reçut de lui l’ordre de la couronne 
de Fer; il était déjà comman- 
deur de l’ordre royal des Deux- 
Siciles. Une commission ayant été 
instituée à Naples, pour laboli- 
tion de la féodalité , Goco s’y pro- 
nonca pour l'abolition des droits 
purementféodaux ; mais il y défen- 
dit ceux qui se rattachent directe- 
ment au droit de propriété : cette 
distinction fut mal accueillie par 
les partisans des réformes. Il aita- 
qua, avec beaucoup d’indépen- 
dance , dans le Conseil d'état, le 
projet d'organisation de Finstruc- 
tion publique présenté par le mi- 
nistre de l’intérieur Zurlo.Ses idées 
n'ayant point prévalu, ii fut na- 
turellement écarté de la direction 
de cette branche importante de 
Padministration qu’il aspirait à di- 
riger, et à laquelle on lui avait 
reconnu des droits. Cet échec lui 
occasiona un vif chagrin, dont 
il ne fat point consolé par la di- 
rection du trésor public, poste 
qui convenait moins à ses goûts 
et à ses connaissances. Depuis 
lors, des maux de tête violens, 
auxquels il avait été sujet dès sa 
jeunesse, acquirent une nouvelle 
intensité; enfin, les révolutions 
de 1815, provoquèrent chez lui, 


COL 


des symptômes d’aliénation men- 
tale. Cependant le roi Ferdinand 
lui avait conservé son poste au 
trésor. L'on raconte qu’un jour 
se trouvant à la cour, parmi plu- 
sieurs personnes qui entouraient 
le prince Léopold, fils cadet du 
Roi, S. A. R. lui parla de son his- 
toire de la Révolution de Naples, 
et lui dit qu’elle désirait la lire. 
Cet incident inattendu déconcerta 
Coco, et aggrava, dit-on , le dés- 
ordre de son esprit. Les efforts 
de l’art aussi bien que ceux de 
l’amitié restèrent impuissans pour 
procurer sa guérison. Dans un pa- 
roxysme de son délire , il jeta au 
feu tous ses manuscrits; ainsi fut 
anéanti un grand travail ; dans 
lequel il développait une opinion 
indiquée à la fin de son Voyage de 
Platon , que les chants d'Homère 
sont d’origine italienne et non 
grecque. Coco mourut le 13 dé- 
cembre 1825, des suites d’une 
fracture de la cuisse gauche, où 
la gangrène se mit. Il avait sur- 
vécu près de deux lustres à son 
être intellectuel. Il avait qua- 
rante-Ccinq ans, quand s’éteignit 
sa raison; il en avait cinquante- 
qualre, quand se termina sa vie 
physique. Malgré les fonctions 
éminentes et bien dotées qu’il 
remplissait , la maladie ne le trou- 
va point riche , et la mort le dé- 
iivra de la pauvreté. En effet, il 
n'avait pour subsister qu’une 
pension inédiocre ,; due à la fa- 
veur éclairée du ministre Médici. 
— On trouve une notice sur Coco 


dans lAntolozia de Florence. 
Vol. x1v. pag. 99: — 109. — 


avril 1824. n° 40. 


COLOMBEL ( Noëc) naquit à 
Saint-Domingue, le jour de la Na- 


COL 335 
tivité, de l’an 1786, d’un Français 
et d’une femine de couleur. En- 
voyé de bonne heure en France, 
il fitsesétudes au collége d'Angers. 
Il vint ensuite à Paris , où il étu- 
dia les sciencesnaturelles et médi- 
cales. Sur la recommandation de 
M. le comte Abrial, aujourd’hui 
pair de France, M. Ladoucette , 
alors préfet de la Roër, lui donna 
la place de chef de comptabilité 
dans ses bureaux et en fit son se- 
crétaire particulier. En 1814, Co- 
lombel retourna dans sa patrie, 
devenue une république indépen- 
dante. Le général Péthion, pré- 
sident d'Haïti, le nomma son se- 
crétaire particulier et meinbre de 
la Commission d'instruction pu- 
blique. Il remplit les mêmes fonc- 
tions sous le président Boyer, 
dont il obtint toute la confiance. 
Le 20 mars 1825 il partit du Port- 
au-Prince pour lAngleterre, sur 
le navire Le Léviathan. I n’est pas 
douteux que le déplacement d’un 
homme qui exerçait une aussi 
grande influence que M. Colom- 
bel sur le gouvernement de son 
pays, devait avoir pour objet des 
affaires d’une très-grande impor- 
tance. Malheureusement le navire 
a péri corps et biens , durant la 
traversée. Cette perte est attri- 
buée au chargement de café trop 
considérable et à l’imprudence du 
capitaine. Cette mort a été un 
véritable malheur pour la répu- 
blique d'Haïti, et un vif sujet 
d’affliction pour tous les hommes 
éclairés, qui suivent avec intérêt 
les miraculeux développemens de 
la civilisation chez la race noire, 
importée aux Antilles. C’est M.Co- 
lombel qui rédigeait la plupart 
des proclamations, instructions, 
correspondances officielles et au- 


396 COL 

tres actes dé son gouvernement. 
Il entretenait des relations actives 
avec les philanthropes qui com- 
battent en Europe pour la cause 
sacrée des noirs : il maintenait 
son pays, autant que cela dépen- 
dait de lui, au niveau des progrès 
de la civilisation dans l’ancien 
monde. Il enseignait à une société 
encore novice, la science compli- 
quée de l’administration, dont il 
avait vu de près et manié le mé- 
canisme. I] apportait dans la dis- 
cussion des affaires, cette étenduc 
d'esprit et cette impartialité , né- 
cessairement étrangères à ceux qui 
ne les ont jamais traitées que par 
la force ; il favorisait puissamment 
l’importation à Saint-Domingue, 
des découvertes et inventions qui 
dépendent des sciences physiques 
et mathématiques avec lesquelles 
il était familier, Enfin, quand la 
lutte existait encore à Haïti entre 
le génie funeste de la tyrannie et 
le génie de la liberté , M. Colom- 
bel s’est montré un des plus cou- 
rageux et des plus énergiques 
adversaires de la monarchie de 
Christophe , un des plus fermes 
et des plus généreux défenseurs 
de la République. 

M. Colombel a, durant plusieurs 
années , rédigé un journal intitulé 
l’ Abeille Haïtienne; il y a publié 
l'éloge du docteur Montègre,mort 
à Haïti, victime de son zèle pour 
l'humanité. Le Propagateur haï- 
tien lui doit sa fondation ; il y a 
inséré des articles remarquables 
par une logique vigoureuse et une 
parfaite modération. 


Liste des ouvrages deN. Colombel. 


TJ. Examen d’un pamphlet ayant 


COL 


pour titre : Essai sur les causes 
des révolutions et des guerres 
civiles d'Haïti , etc. Port-au- 
Prince ; novembre 1819 , de iv et 
56 pages. 

L’Essai sur les causes de la ré- 
volution, etc. , d’Haiti, est de M. le 
baron de Vastey, ministre de 
Christophe, qui a péri avec son 
maître , en 1820. La réfutation de 
M. Colombel nous paraît tout-à- 
fait victorieuse ; mais nous devons 
avouer que sa plume africaine à 
manque quelquefois de cette mo- 
déralion extérieure usitée parmi 
nous; son style est d’ailleurs in- 
correct. 

IT. Compte de l’examen public 
du Lycée national. Port-au-Prince, 
imprimerie du gouvernement, 
janvier, 1820 ; in-8 , de 29 pages. 

II. Réflexions sur un prétendu 
prodige opéré au Port-au-Prince , 
dans les premiers jours du mois 
d'août 1820, par le citoyen C..……. 
Port-au-Prince, imprimerie du 
gouvernement; in-5, de 23 pages. 

Le prétendu prodige est une 
jeune fille de seize à dix-sept ans, 
qui prétendait vomir du coton, 
des clous, des épingles ; elle en 
rendait par les ongles, par les 
yeux, par les oreilles, etc. — 
Sans discuter le fait par les lois 
de la physique, M. Colombel le 
traite par des exemples; il cite la 
liquéfaction du sang de saint Jan- 
vier,, le livre de M. de Montgeron 
sur les miracles du tombeau de 
saint Médard, et enfin les tours en 
apparence si prodigieux , de ces 
liommes incombustibles, de ces 
jongleurs, prestidigitateurs , etc. 
qui parcourent habituellementles 
grandes villes de l’Europe. Dans 
ce dernier écrit, le style de l’au- 
teur a fait des progrès remarqua- 


CON 


bles, et l’on peut en vanter l’élé- 
gance et la fermeté. 


CONSTABLE ( Taomas-Hu- 
GuES-CLirroRD ) , baronnet de 
Tixall, dans le comté de Stafford, 
et de Burton-Constable , dans le 
comté. d’'York, était fils ainé de 
Thomas Clifford, dont les an- 
cêtres avaient porté le titre de 
lord. La famille Clifford, une des 
plus anciennes de l'Angleterre, 
est de celles qui ont persévéré 
dans la religion catholique (:). 
Sir Thomas naquit à Londres le 
4 décembre 1562; il alla faire ses 
études dans l’Académie des gen- 
tilhommesanglais, établie à Liége, 
et vint les terminer au collège de 
Navarre, à Paris. Ayant perdu 
son père en 1587, ilimagina pour 
distraire sa douleur, d’aller à pied 
visiter la Suisse. Il rapporta de 
cette excursion un goût décidé 
pour la botanique , auquel on doit 
la Flora Tixaliania, imprimée à 
la suite de la Description histori- 
que et topographique dela paroisse 
de Tixall, qu’il publia avec son 
frère Arthur (2). A l'étude de la 


(4) Voir, sur la famille Clifford, l'ou- 
vrage intitulé : Collectanea Cliffor- 
diana , etc. , contenant 10-Anecdotes 
d'illustres personnages du nom de 
Clifford ; 2° Nctices historiques et gé- 
néalogiques sur l'origine et l'antiquité 
de la famiile Clifford; 30 Clifford, 
tragédie , par Arthur Clifford. Paris, 
imprimerie de Nouzou , 1818; in-8, 
de 24 feuilles (en anglais ). 

(2) À toposgraphical and historical 
Description of the parish of Tixallin 
the county of Stafford. by sir Th. 
C£'fjord bart., and Arthur Clifford 
esq. Paris. imprimerie de Nouzou, 
1818; in-4°, de 41 feuilles et demie, 
plus 5 planches. 


CON 33» 
botanique Th. Clifford joignit di- 
verses branches de la science his- 
torique, qui se rapportent aux 
antiquités locales. Ceci le condui- 
sit à tracer le plan d’une Histoire 
des Normands, dont il a laissé 
l’exécution très-avancée. Il s’oc- 
cupa aussi à traduire en vers an- 
glais, les Fables de Lafontaine, et 
l’on assure que sa traduction re- 
produit jusqu’à un certain point, 
la grâce et la naïveté de original. 
Plus tard, sir Thomas Clifford 
s’adonna à des compositions pieu- 
ses. il entreprit, et l’on croitqu'il 
a terminé, une traduction des 
Psaumes en vers anglais. Il esti- 
mait particulièrement l’Evangile 
médité, par le père Giraudeau et 
l’abbé Duquesne, et il en tira 
quarante Méditations sur la divi- 
nité et la passion de N, S. J.C., 
pour les quarante jours du carême, 
qu'il traduisit en anglais et fit im- 
primer à ses frais : le titre ne porte 
que les initiales de son nom T.C. 
Pendant sa résidence à Bath, 
où il passa quelques années, sir 
Thomas accueillit avec bienveil- 
lance les émigrés français; il fut 
présenté à Louis XVIII quand 
ce prince visita Bath, en 1813, 
peu de mois avant la Restau- 
ration. S. M. l’invita deux fois 
à sa table’ La dernière fois qu’il 
fut admis à saluer le monarque, 
Jui ayant demandé des nouvelles 
de sa santé , le Roï Jui répondit 
qu’il avait la goutte si fort,au doigt, 
qu’à peine pouvait-il toucher la 
main d’un ami: — « Essayons 
pourtant, ajouta le prince, et 
mettez votre main dans la mien- 
ne. » — Par la suite, sir Thomas 
ayant été admis à saluer le Roi aux 
Tuileries , S. M. lui dit : « Je suis 
»charmé de vous revoir ; vous 
22 


338 CZA 

»ayez été parfait pour nous!» 
C’est à la demande expresse de 
Louis X VIII qu'il fut créé baron- 
net, en 1819. Ce gentilhomme 
anglais était fortement attaché à 
la religion catholique, et il en 
remplissait les pratiques avec une 
grande exactitude. Il avait été en 
relation intime avec le respecta- 
ble abbé Carron (voir son article, 
Annudire Nécrologique de 1821, 
page 115), et l’avait choisi quel- 
que temps, pour son confesseur. 
Th. Clifford avait épousé miss 
Chichester, dont il eut un fils et 
deux filles. Deux ans avant sa 
mort, il hérita des grands biens de 
feu Francis Constable , et c’est 
alors qu’il quitta le nom de Clif- 
ford pour prendre celui de Con- 
stable. Thomas Constable a fini 
sa carrière à Gand , royaume des 
Pays-Bas, le 25 février 1823, âgé 
de plus de soixante ans. 


CZARTORISKY ( Apam-Casi- 
MIR, prince ), ne en Lithuanie, le 
1° décembre 17531, descendait en 
droite ligne de l’ancienne famille 
des Jagellons. Unissant à cette 
haute naissance. une immense for- 
tune et un esprit distingué, ce sei- 
gneur ne pouvait manquer de 
jouer un rôle important dans Îes 
affaires de son pays. Aussi, après 
la mort d’Auguste HIT, en 1765, 
quand là noblesse polonaise s’as- 
sembla pour lui donner un suc- 
cesseur , le prince Czartorisky, 
élu grand-maréchal de la Diète, 
fut au nombre des concurrens 
pour le trône de Pologne; l’on 
croit même que les vœux de ses 
compatriotes l’y auraient porté, 
si les efforts de l’Angleterre et de 
la Russie ne se fussent réunis pour 


CZA 


y élever le jeune Poniatowski, 
qui avait été envoyé à Saint-Pé- 
tersbourg comme négociateur 
pour cette affaire importante. 
Dès-lors, la puissante, famille 
Czartorisky se trouva en oppo- 
sition avec le nouveau souverain ; 
et cette circonstance contribua 
beaucoup aux désastres qui, plus 
tard, détruisirent la Pologne. 
Quoique le prince Czartorisky, à 
raison deses vastes possessions en 
Gallicie , fût entré au service de 
l’Autriche,après le premier parta- 
ge, avec le grade de feld-maréchal, 
néanmoins, il seconda énergique- 
ment les efforts de la noblesse po- 
lonaise , lors de la diète de 1589 à 
1791, pour recouvrer l’indépen- 
dance nationale, et pour recon- 
stituer le gouvernement sous une 
forme stable et paisible. Dans ces 
circonstances, il fut nommé, par 
le suffrage de ses concitoyens, 
envoyé extraordinaire à Dresde, 
afin d'engager l’électeur de Saxe 
à accepter l’hérédité de la cou- 
ronne de Pologne. Il se rendit 
ensuite à Vienne, à l’effet d’ob- 
tenir la médiation de l’empereur 
d'Allemagne et sa protection con- 
tre les envahissemens de la Rus- 
sie. N'ayant pu réussir dans au- 
cune de ces deux missions, et le 
roi Stanislas Poniatowski ayant 
accédé à la confédération de Tar- 
gowitz, le prince Czartorisky cessa 
de se mêler des affaires, et résida 
tantôt dans ses terres, tantôt à la 
cour de Vienne, où il paraissait 
jouir d’une grande considération. 
Il se trouvait dans cette capitale 
lors de l’insurrection démocrati- 
que de 1594, à laquelle il ne prit 
aucune part. 

L'éphémère confédération po- 
lonaise de 1812, provoquée par 


CZA 

Napoléon, qui voulut relever le 
royaume de Pologne pour en faire 
une barrière entre l’Allemagne et 
la Russie, vint arracher de nou- 
veau le princeCzartorisk y au calme 
de la vie privée. Il fut élu maré- 
chal de la diète qui s’assembla au 
mois de juin 1792, pour établir 
cette confédération. Il accepta 
avec émpressement, cette dignité 
que ses concitoyens lui décerne- 
rent unanimement, partageant 
sans doute, avec eux, desespéran- 
ces qui devaient être trompées. Il 
serait difficile d'exprimer l’enthou- 
siasme ayec lequel les Polonais 
virent à la tête de leur confédéra- 
tion cet illustre doyen de la no- 
blesse nationale. Leurs représen- 
tans lui adressèrent la parole en 
ces termes, quand ils proclamè- 
rent l’acte constitutionnel de la 
Confédération, dans la séance s0- 
lennelle du 29 juin : « Et vous, 
» citoyen vénérable, que près d’un 
»siècle de vertus a désigné aux 
»vœux de vos concitoyens pour 
» procéder à la scène la plus éton- 
» nante de leur histoire, pour gui- 
» der les premiers pas de la patrie 
, renaissante, quelle douce et tou- 
, Chante lecon offre ce prix de la 
,veritu que yous recevez aujour- 

d’hui! Ces yeux fixés sur vous, 
» ces larmes qu’excite votre pré- 
»sence, disent aux jeunes cœurs 


»de vos compatriotes ce qui est, 


» réservé à l’imitation des services 
» que vous ayez rendus à la patrie. 
» Placé pour ainsi dire aux deux 
»extrémités de la vie de votre 
»patrie, vous aurez assisté au 
» crépuscule de sa première vie et 
» à l’aurore de sa seconde; vous 
» l'aurez vu tomber et se relever : 
» quelle destinée pour un citoyen 
» tel que vous ! Elle a voulu, cette 


CZA 339 
» destinée , que vous occupassiez 
»il y a cinquante ans, dans la diète 
» qui fit les premiers pas vers un 
» meilleur gouvernement, lamême 
nplace que vous occupez dans 
» celle qui est appelée à en assurer 
» l’existence et le bonheur. Nestor 
»des patriotes polonais, quand 
»vous disparûtes à leurs yeux , 
» Vous, emportiez avec vous les 
» dieux sauvés de l’envahissement 
» de votre patrie (1). » On raconte 
que cette éloquente apostrophe 
excita dans l’assemblée, qui rem- 
plissait la plus vaste place de 
Varsovie , des transports qui du- 
rent enivrer de bonheur le yieil- 
lard polonais. Quand les députés 
de la Lithuanie , qui venait d’être 
occupée par l’armée française, 
arrivérent à Varsovie pour accé- 
der à la Confédération , l’orateur 
de la députation parla du prince 
Czartorisky avec le même en- 
thousiasme : « Applaudissez, dit- 
»il, au renouvellement de ce 
»lien, qui depuis quatre siècles, 
» unit sans interruption la Pologne 
» à la Lithuanie , et dont le but est 
#la défense éternelle de nos in- 
»térêts communs. Ce lien , c’est 
»la mainlithuanienne du vertueux 
» prince, Adam Czartorisky, qui 
» le rattache et le rend indissolu- 
» ble. Sénateurs, députés de l’ordre 
» équestre polonais, vous qui avez 
»signé dans le sanctuaire com- 


(1) M. de Pradt, dans son Æistoire 
de l'Ambassade de Varsovie ; raconte 
qu'il rédigea ce discours , que M. Ma- 
tuschewitz , qui devait le prononcer, 
avait, selon Jui, d’abord fort mal fait. 
M. le comte Morski, dans une Lettre 
à l’abbe de Pradt, conteste l’exacti- 
tude de cette circonstance. 


340 CZA 

» mun de notre représentation , à 
s Varsovie, l’acte d’une confédé- 
» ration générale pour la Pologne, 
»la délicatesse de votre amitié 
» dans le choix du maréchal de 
»cette confédération , n'échappe 
»pas aux yeux de la Lithuanie. 
» Les cœurs des Lithuaniens Pont 
» nommé d'avance maréchal com- 
» mun ; et nous ne sommes depuis 
»cemoment,qu’une seulé et même 
»nation pour le nom.» 


Malheureusement cet enthou- 
siasme dut bientôt se refroidir, 
lorsqu'on entenditNapoléon qu’un 
instinct irrésistible rendait anti- 
pathique à tout ce qui ressemblait 
à de la liberté, répondre. va- 
guement et avec froideur, aux 
adresses de la Confédération, et 
qu’on vit un conseil de minis- 
tres, délégués par le roi de 
Saxe, grand-duc de Varsovie, 
agir selon les vues de la politique 
ombrageuse etmaladroite de l’em- 
pereur des Français, et former 
avec le conseil delaConfédération, 
un conflit de pouvoirs qui contra- 
riait toutes les opérations de la 
Diète. Le prince Czartorisky , ré- 
duit à un rôle nul, ne trouva que 
des dégoûts dans une dignité qui 
Passujétissait à une représentation 
ruineuse, tandis que d’autre part, 
les armées ravageaient ses do- 
maines : plusieurs fois il se plai- 
gnit amèrement à l’ambassadeur 
français , M. de Pradt. Bientôt les 
revers qui suivirent l'incendie de 
Moscou, ayant fait retomber la 
Pologne au pouvoir des armées 
russes ,; le sort de ce pays de- 
mevra incertain jusqu’en 1815 , 
quel e congrès de Vienne recon- 


CZA 


nut l’empereur Alexandre pour 
souverain de la Pologne. On sait 
que ce monarque l’érigea immé- 
diatement en royaume distinct et 
indépendant de la Russie. Le 
prince Adam Czartorsky fut nom- 
mé par ses concitoyens , membre 
d’une commission chargée d'aller 
à Vienne, proposer à l’empereur 
de Russie les bases d’une nouvelle 
constitution du royaume de Po- 
logne. Le 25 mai 1815 ce plan 
fut présenté au monarque, qui y 
donna son assentiment ; et peu de 
mois après, la constitution fut 
promulguée. Au mois de novem- 
bre de la même année, Alexandre 
visita la Pologne, et il traita le 
prince Adam Czartorisky avec la 
plus grande distinction : on croit 
même que l’âge trop avancé du 
prince polonais fut la seule cause 
pour laquelle il ne fut point élevé 
à Ja dignité de vice-roi. L'empe- 
reur se borna à le nommer séna- 
teur-palatin, et lui prodigua de 
nouveau , les marques de la plus 
haute considératien dans un nou- 
veau voyage qu'il fit à Varsovie, 
en 1818. Le prince Adam Czar- 
torisky est mort au mois de mars 
1825, âgé de plusde quatre-vingt- 
one ans. Son Corps a élé déposé 
dans la chapelle de sa famille, à 
Varsovie, après des obsèques pom- 
peuses, dans lesquelles M:Niecem- 
witz , secrétaire du Sénat, a pro- 
noncé l’oraison funèbre du défunt. 
La capitale de la Pologne lui doit 
son école des cadets et sa com- 
mission d'éducation. Deux fils du 
prince, Czartorisky sont au ser- 
vice de Russie. L’ainé fut quel- 
que temps, principal ministre de 
l’empereur Alexandre. 


DIC 


_DOU 


(| 
ER 
1.1 


D. 


DICKSON ( Jacques ), bota- 
niste, naquit en Ecosse, de pa- 
reus d’une humble condition. Ils 
l’envoyèrent de bonne heure à 
Londres, où iltravailla d’abord en 
qualité de jardinier, chez un pépi- 
niériste des environs d’Hammers- 
mith. C’est là qu’il eut l’avan- 
tage.de se faire connaître de sir Jo- 
seph Banks , comme un jeune 
homme intelligent. Bientôt il de- 
vint jardinier en chef de grandes 
maisons, et enfin il s’établit mar- 
chand-grainetier à Londres. Dans 
cette profession, il fit de très- 
bonnes affaires, par suite de son 
activité et de son goût passionné 
pour la botanique; il continua 
d’être bien accueilli à ce titre, 
par Joseph Banks , qui lui ouvrit 
Paccès de sa précieuse biblio- 
thèque. Avec le temps, il acquit 
de grandes connaissances dans 
cette science, à tel point qu'il fut 
cowpté parmi les botanistes les 
plus distingués de l'Angleterre, 
et que les ouvrages qu’il écrivit 
étendirent sa réputation jusque 
sur le continent. Il était l’un des 
fondateurs de la société Linnéenne 
de Londres et a publié plusieurs 
mémoires dans ses Transactions. 
Il était aussi vice-président de la 
société d’horticulture de la même 
ville. Jacques Dickson est mort 
en 1522. — Nous connaissons de 
lui : 

L Fasciculi quatuor plantarum 
cryplogamicarum Britanniæ, Lov- 
don ,1785— 953, in-4. 

IE. Collection of dried plants. — 
Collection de plantes séchées. 


17 fascicules, in-fol. , 1789—099 


III, Bolanical calalogue, etc. — 
Nomenclature botanique - alpha- 
bétique , suivant le système de 
Linnée. 1797, in-8 


DODD (R....}), ingénieur an- 
glais, après avoir fait exécuter 
divers ouyrages de son art et no- 
tamment plusieurs ponts, est 
mort dans l’indigence, le 11 avril 
1822, des suites de l’explosion 
d’un bateau à vapeur, sur lequel 
il se trouvait lors d’un accident 
arrivé à Gloucester. On doit à 
R. Dodd les ouvrages suivans : 

L. Account of the principal ca- 
nals,ete.—Tableau des principaux 
canaux quiexistent dansle monde, 
avec des réflexions sur l'utilité des 
canaux. 1799, in-8. | 

I. Reports , with plans and 
sections, of the proposed dry tun- 
nels, etc.— Rapport sur le chemin 
creux proposé, de Gravesend a 
Tilbury , et sur le canal de Grave- 
send a Stroud. 1798, in-4°. 

III. Letters on the improvement 
of the port of London, etc.—Lettres 
sur l’amélioration du port de 
Londres, dans lesquelles on dé- 
montre qu’elle est praticable sans 
recourir à la construction de bas- 
sins (docks). 1599. 

IV. Observations on water. —Ob- 
servations sur l'eau. 1805, in-8. 


DOUGALL' (J£ax,, homme de 
lettres, naquit àKirkaldy, dans le 
comté de Fife , en Ecosse , où son 
père tenait une école primaire. Il 
s’adonna avec succès, à l'étude des 
diverses sciences qu’on enseigne 


dans les colléges , telles que la 


342 EMM 


\ 


géographie ancienne et moderne, 
les mathématiques et la plupart 
des langues vivantes de l’Europe. 
Il fit plusieurs voyages sur le 
continent, tantôt pour accompa- 
gner des jeunes gens en qualité de 
gouverneur , tantôt en qualité de 
secrétaire particulier du feu gé- 
néral Melville. Il publia plusieurs 
ouvrages élémentaires, des tra- 
ductions du français et de l’ita- 
lien, et concourut à la rédaction 
de divers écrits périodiques. IL a 
laissé un grand nombre de tra- 
vaux imparfaits, que l’exiguité 
de ses ressources ne lui permit pas 
de mettre au jour, parmi lesquels 
on cite une Traduction des Com- 
mentaires de César, avec des il- 
Justrations et des notes ; une Tra- 
duction de Strabon, des Eclair- 
cissemens sur divers passages de 
Polybe. Jchn Dougall est mort à 


EMM 


Londres , dans un état voisin de 
l’indigence , en 1822. Nous con- 
naissons de lui : 

I. (Avec T. Hodson) The Ca- 
binet of the Arts, etc.—Le Cabinet 
des Arts, ou Règles du dessin, 
de la gravure, de la peinture , de 
la perspective et de l’architecture. 
18031-800.,in-4°,—Le même,ren- 
fermant les règles de l’arithmé- 
tique, de la géométrie et de la 
chimie ; 2 vol. in-8. 

II.The modern P receptor, etc. — 
Le Précepieurmoderne, ou Cours 
universel de borine éducation. 
1910, 2 vol. in-8. 

IIL. Espana maritima.—VL’Espa- 
gne maritime, ou le Pilote-côtier 
de l’Espagne, traduit de lespa- 
gnol. 1813, in-4°. 

IV. Military Memoirs.—Mémoi- 
res militaires. 1 vol. in-8. 


E. 


EMMERICH(ANNE-CATHERINE), 
religieuse au couvent des Augus- 
tines de Dulmen, en Westphalie , 
a fixé l’attention sur sa personne 
par des circonstances extraordi- 
naires, qui sont devenues l’objet 
des enquêtes de l’autorité ecclé- 
siastique et des observations des 
médecins. Tout ce que nous al- 
lons en rapporter est extrait fidè- 
lement d’un opuscule intitulé : 
Relation des faits miraculeux con- 
cernant la révérende mère Emme- 
rich, avec les témoignages qui con- 
statent ces faits subsistans depuis 
onze années. Paris, Beaucé, 1820 ; 
in-8 , de 24 pages, plus 4 pages 
de Notes el correctivns, imprimées 


chez A. Egron {1). Cette rela- 
tion, attribuée à un ancien ma- 
gistrat, dont la plume fut tou- 
jours consacrée aux matières reli- 
gieuses,est dressée principalement 
sur les témoignagesdeM.Manesse, 
ancien chanoine régulier de l’ab- 
baye de Saint-Jean-des-Vignes, 
à Soissons, retiré alors au châ- 


(1) On a publié encore : Note sur 
l'existence miraculeuse de La révéreride 
mère Ermmerich, etc. Paris, Beaucé , 
1819;in-8, d'un quart de feuille. — 
ct Aelation historique sur la reverende 
mère Emmerich. Imprimerie de Cail- 
Jeaux-Lecoq , à Lille, 1820 ; in-plano, 
d'une demi-feuille, 


EMM 


teau de Soupire (Aisne), où il est 
mort, le 24 septembre 1820 ( Y. 
son article, Annuaire Nécrologique 
de 1820, page 190). Les Notes et 
corrections sont dues à un ecclésias- 
tique westphalien qu’onne nomme 
pas. M. Manesse avait beaucoup 
connu la religieuse de Dulmen et 
avait suivi, dit-il, pendant quatre 
ou cinq ans, les voies de Dieu sur 
cette religieuse. La relation in- 
voque encore comme témoins des 
faits,diverses personnes dontnous 
aurons soin de répéter les noms. 

Anne-Catherine Emmerich fut 
reçue dans le couvent de Dulmen, 
ville située entre Wesel et Muns- 
ter, vers l’année 1795. Elle était 
alors âgée de dix-sept ans. Au- 
paravant, elle était en service chez 
M. Sontgen, organiste à Cocsfeld, 
qui la conduisit à Dulmen avec sa 
propre fille, et toutes deux pri- 
rent l’habit en même temps. La 
sœur Emmerich fut admise au 
noviciat des dames de chœur. On 
la placa sous la sacristine, à la- 
quelle elle succéda bientôt. Elle 
vivait dans la pratique des vertus 
de son état, lorsque les Français 
s'étant emparés de Dulmen, la 
communauté religieuse fut dis- 
persée : alors la sœur Emmerich 
se retira dans une petite chambre, 
où elle se livra uniquement à la 
vie contemplative. Dans cette 
voie, si supérieure à notre faible 
nature , dit la Relation, dont nous 
allons souvent emprunter le lan- 
gage, en abrégeant toutefois les 
récits , elle a éprouvé de grandes 
souffrances de corps et d’esprit, 
mais Jamais elles n’ont porté la 
moindre altération à la pureté de 
son âme. C’est le témoignage 
qu'ont dû lui rendre ceux qui 
Ventouraient , surtout son direc- 


EMM 345 
teur, le père Limberg, domini- 
nicain , qui fut bien connu de 
M. Manesse. Enfin , Dieu a élevé 
cette digne religieuse à un état si 
dégagé des sens, que depuis en- 
viron onze ans , elle ne prend au- 
cune nourriture solide. Si quel- 
quefois elle essaie d’en goûter, 
même légèrement, presque aus- 
sitôt elle est obligée de la rejeter 
avec des espèces de convulsions. 
Quelques gorgées d’eau durant 
des années, et queiques cuillerées 
de café au lait fort léger, ont suffi 
pour la soutenir; encore était-il 
rare qu’elle pûl garder une si fai- 
ble nourriture. M. Manesse à es- 
sayé plusieurs fois, de lui donner 
différentes espèces de fruits qui 
semblaient lui faire plaisir. A 
peine en avait-elle avalé une bou- 
chée qu’elle était forcée de la 
rendre. Malgré cette privation de 
toute nourriture solide, la sœur 
Ernmerich n’était point décharnée 
et se conservait toujours au même 
degré d’embonpoint. Mais un fait 
plus extraordinaire est la faveur 
dont Dieu l’agratifiée (nous citons 
ici textuellement la Relation ) en 


retraçant sur sa personne, par des 


stigmates manifestes et sensibles, 
les cinq plaies de N.S., parmi 
lesquelles celle &u côté se trouve 
surméôntée d’une petite croix (1). 


(1) Sur cetie dernière circonstance 
l'ecclésiastique anonyme de Munster 
n'est pas d'accord avec M. l'abbé 
Manesse. 1L assure que la petite croix 
n'a pas existé. Cependant M. Manesse 
a envoyé lui-même le dessin figuré de 
cette petite eroix. « Nous avons par 
écrit, ajoute l'auteur de la Æelation, 
le témoignage de plusieurs personnes 
très-dignes de foi, qui attestent que la 
sœur Emmerich a porté durant des 
années, sur la poitrine et dans le 


944 EMM 

Ces cinq plaies, tous les vendredis, 
rendent du sang fort visiblement, 
depuis sept à huit heures du ma- 
tin jusqu’à midi. Dans le même 
temps, le sang jaillit du front de 
cette sainte fille et tout à l’entour 
de sa tête, où il trace une cou- 
ronne qui se trouve toujours en 
harmonieavecles cinq plaies,pour 
rendre le sang à la même heure. 
— «dJ’ai presque toujours vu, 
» écrivait M. Manesse, les plaies 
» aussi fraîches qui si elles venaient 
» d’être faites ; mais je n’ai jamais 
» pu découvrir les issues par les- 
» quelles le sang sortait autour de 
» la tête , quoique je le visse quel- 
» quefois sortir avec abondance et 
»très-vermeil, particulièrement 
» du front : il ne laisse là aucune 
» trace après lui. Cependant j'ai 
»trouvé les plaies des mains pres- 
»que sèches, dans mon dernier 
»voyage en Allemagne, il y a en- 
»yiron deux ans, quoiqu’elles 
» donnassent du sang aux jours 
»ordinaires comme les autres. » 
(Lettre du 27 décembre 18i9. ) — 
« Elle est si brillante, surtout dans 
»ses momens d’extase, qu’il est 
» presque impossible de la fixer, 
» quoiqu'’elle soit alors en appa- 
»rence , dans un état de mort. » 
(Lettre du mois de novembre 18 19). 
Cet état*lumineux est encore at- 
testé dans la Note imprimée à 


— = 


creux de l'estomac , l'empreinte d’une 
double croix, laquelle elle savait mon- 
trer dans les occasions , sans que da 
modestie en fit blessée. C’est ce que 
témoigne entre autres le savant comte 
de Stolberg, dans une lettre qui a été 
fort répandue en Allemagne, et où il 
rend compte d’une visite qu’il fit avec 
sa femme et sa fille, à la sœur Emmec- 
rich , et où il vériGa les faits par lui- 
même. 


EMM 


Lille, où l’on ajoute qu’elle était 
sujette à des ravissemens d’esprit 
qui duraient quelques heures. 
M. Manesse conservait chez lui 
un linge qu'il avait posé sur la 
tête de la religieuse de Dulmen , 
et qui était imbibé du sang qui en 
sortait tous les vendredis. 

La sœur Emmerich tint d’abord 
son état caché aussi long-temps 
qu’elle put ; mais enfin elle en fit 
la déclaration au grand-vicaire de 
Munster, qui prit des mesures 
pour constater la vérité des faits. 
Il fit d’abord observer de près la 
religieuse, et vint ensuite la visi- 
ter lui-même en personne , ac- 
compagné de M. ‘Overberg, su- 
périeur du séminaire de Munster, 
et de M. le conseiller médecin 
Drussel. Les délégués du grand- 
vicariat Ccontinuèrent à visiter la 
religieuse, à peu près chaque 
semaine , se faisant accompagner 
d’un ou de deux médecins, qui, 
après avoir constaté l’état des 
plaies et l’écoulement du sang , en 
dressaient procès-verbal. Le bruit 
de cet éyénement s’étant répandu 
dans le pays, au moment qu’il ve- 
nait d’être réuni à la France, le 
commissaire de police de Muns- 
ter, nommé M. Garnier, se rendit 
à Dulmen pour vérifier les faits. 
A son retour à Munster, l’autorité 
envoya à Dulmen des médecins 
et chirurgiens de l’armée fran- 
çaise. La Relation nenousapprend 
pas quels furent le résultat et la 
conclusion de leur examen ; mais 
elle affirme que des médecins du 
pays essayèrent, d’après l’invita- 
tion du grand-vicariat de Muns- 
ter, de cicatriser les plaies à Paide 
des procédés de leur art, ayant 
soin après avoir appliqué Îles 
bandages, d’y apposer les scellés ; 


À 


EMM 


imais leurs efforts restèrent im- 
puissans. Cependant des habitans 
de Dulmen, aussi sur la demande 
du grand-vicariat de Munster, 
passèrent tour à tour, en se rele- 
vant , quatorze jours et autant de 
nuits auprès du lit de la religieuse 
pour la surveiller. Tous ont dé- 
posé qu’ils n'avaient point décou- 
vert la moindre fraude dans lap- 
parition des plaies , et que la sœur 
Emmerich n'avait rien pris de 
solide pour-nourriture , durant 
tout le temps qu’elle fut soumise 
aux enquêtes de lautorité ecclé- 
siastique de Munster. Celle-ci a 
dressé procès-verbal du tout.Plus 
tard, vers 1819, lautorité civile 
de Munster a interdit aux étran- 
gers l'approche de Ia sœur Emme- 
rich, à moins d’une permission 
du gouvernement ou de l’évéché ; 
et l’on vit paraître dans quelques 
journaux allemands , et dans le 
Courrier (français) du 13 décem- 
bre 1819, des articles qui niaient 
l’état surnaturel de la sœur Em- 
iwerich, et qui allaient jusqu'à 
inculper sa bonne foi. Cependant 
M. Manesse atteste avoir Connu, 
en 1818 , un membre de la mu- 
nicipalité de Duimen, qui em- 
brassa la foi catholique après avoir 
vu la sœur Emmerich. 

Il résulte des faits que nous 
venons de raconter , d’après Île 
témoignage d'autrui : 

1° Que des circonstances extra- 
ordinaires ou singulières ont long- 
temps attiré l'attention sur la re- 
ligieuse de Dulmen. 

2» Que le public n’a pas été mis 
en état par les écrits imprimés 
jusqu’à ce jour, au sujet de lasœur 
Emmerich , de se former un ju- 
sement éclairé sur les faits qui la 
concernent, puisque les enquêtes 


ESC 545 
régulieres des deux autorités ec- 
clésiastiques et civiles n’ont point 
été placées sous ses yeux. 

3° Que le témoignage de l’abbé 
Manesse doit être considéré com- 
me insuffisant, quelle que soit 
d’ailleurs la sincérité du témoin : 
premièrement parce que labbé 
Manesse était dépourvu des con- 
naissances scientifiques indispen- 
sables pour apprécier et caractéri- 
ser convenablement l'état de la 
sœur Emmerich ; secondement 
parce qu’il résulte des notes ad- 
ditionnelles publiées parlécrivain 
lui-même à qui l’on doit la pu- 
blication du témoignage de l'abbé 
Manesse, que les récits de cet 
abbé sont entremêlés d’inexacti- 
tudes graves, qui laissent planer 
de l'incertitude et du doute,même 
sur ce qui ne paraît point contesté, 

4° Que malgré ces objections, 
nous sommes excusables d’avoir 
consacré un article sérieux à la 
sœur Emmerich, puisqu'elle a fixé 
l'attention de personnes graves et 
loyales ; puisqu'elle a donné lieu à 
la publication de divers écrits; 
enfin parce que les faits de la na- 
ture de ceux qui la concernent 
(n’importe le jugement qu’on en 
voudra porter), appartiennent à 
l'histoire religieuse.et philosophi- 
que de notre temps. 

La sœur Emmerich est morte 
durant l'hiver de 1893 à 1824. 
Des gazettes ont publié qu'un 
Hollandais avait offert 2000 fr. 
pour avoir son corps, et un habi- 
tant de Munster 5000 fr.; mais 
que le corps s’est trouvé avoir été 
enlevé. 


ESCHER DE LA LINTH(JEan- 
Coxrap), naquit à Zurich , le 2% 
août 1507. Son père qui OCCupaik 


346 ESC 

la place de conseiller-d’état,après 
lui avoir donné dans sa patrie , îe 
genre d'éducation alors en usage 
en Suisse, et qui était principale- 
ment destiné à former des négo- 
clans et des magistrats, lenvoya 
à Genève, à l’âge de seize ans, 
pour apprendre la langue fran- 
çcaise et perfectionner son instruc- 
tion. Non-seulement il y acquit 
l’usage facile de la langue qu’on 
y parle, mais il y fit quelques 
études secondaires de logique et 
de physique , auxquelles il mettait 
beaucoup d'intérêt. Toutefois, il se 
débattait en lui-même contre l’in- 
struction classique, et il prétendait 
souvent qu'un bonartisan etun bon 
agriculteur étaient plus utiles au 
genre humain que les savans les 
plus distingués. Aussi, quand il 
fut de retour à Zurich, se consa- 
cra-t-il presque tout entier, à ce 
qu’il appelait la prospérité pré- 
sente de son pays. Il tâchait de 
perfectionner l’économie indus- 
trielle et rurale ; il prenait une 
part très-active aux exercices mi- 
litaires ; il était membre de la 
société d’Olten , et de presque 
toutes les réunions patriotiques. 
En même temps il étudiait l’his- 
toire de la Suisse, qu'il posseda 
depuis , dans une rare perfec- 
tion; et il s’appliquait à connaître 
les intérêts des Cantons entre 
eux et des puissances étrangé- 
res respectivement à eux. Telles 
étaient ses occupations , lorsqu'il 
arriva à l’époque où les jeunes 
gens des premières familles de 
Zurich avaient coutume de voya- 
ger. Il alla séjourner près de deux 
ans à l’Université de Gœættingue , 
et s’y adonna principalement Fa 
l'étude de la minéralogie, de la 
géologie , de la statistique et de 


ESC 


l'économie politique ; il visitæ 
ensuite l'Angleterre , dont il vou- 
lait connaître les principales ma- 
nufactures, et l'Italie, qui l’in- 
téressait sous, des rapports plus 
immédiats ; car les circonstances 
l'appelaient à entrer dans la mai- 
son de commerce et de fabrique 
qui appartenait depuis long-temps 
à ses parens. 

Escher se maria l’âge de vingt- 
deux ans. Quand les principes 
démocratiques de la révolution 
française pénétrèrent en Suisse , 
il les embrassa avec ardeur ; quoi- 
que appartenant à la classe privi- 
légiée ; aussi il fut élu membre du 
grand Conseil helvétique ; il co- 
opéra en même temps à la rédac- 
tion de la feuille intitulée : Le 
Républicain Suisse, qui défendait 
le nouvel ordre de choses. Ecri- 
vain et homme d’état, ses paroles 
et ses actions furent également 
irréprochables ; et il eut la satis- 
faction de voir ses adversaires 
politiques rendre justice à la pu- 
reté de ses vues et à la droiture 
de ses intentions. Mais l'influence 
de Bonaparte ne tarda pas à dé- 
truire la République Helvétique , 
et les cantons aristocratiques fu- 
rent rendus à leur ancien isole- 
ment , sous la condition qu’ils 
modifieraientleurs anciennes con- 
stitutions, et que comme le reste 
de la Suisse, ils admettraient 
parmi leurs citoyens ceux qu ils 
avaient autrefois appelés leurs 
sujets. Escher, qui durant cette 
lutte , s’était mêlé constamment 
aux affaires publiques, toujours 
fidèle à ses principes , rentra 
comme simple particulier dans sa 
ville natale. Quoiqu'il eût blessé 
le parti autrefois dominant à Zu- 
rich, et qu'il se fût attiré beau- 


ESC 


coup de préventions, pour ne pas 
dire beaucoup de haines, cepen- 
dant l’opinion qu’on avait de sa 
capacité et de sa loyauté était si 
bien affermie, qu’on l’appela au 
bout de quelques années, à la 
place de conseiller d'état. 

Bientôt s’offrit à lui la grande 
entreprise qui devait immortaliser 
son nom , le dessèchement des 
marais de la Linth. Cette rivière, 
qui déscend des Alpes de Glaris, 
etqui dans son cours rapide, en- 
traine beaucoup de pierres et de 
limon, avait par la suite destemps, 
formé un vaste marais, sur une 
surface de plusieurs lieues carrées 
et multipliait continuellement ses 
ravages. Les habitans de ces mal- 
heureuses contrées perdaient tous 
les jours , quelques-unes de leurs 
propriétés et périssaient victimes 
de fièvres contagieuses. Après un 
grand rombre de réclamations et 
même de tentatives successive- 
ment ajournées, Escher fut chargé 
en 187, par la Diète de la Con- 
fédération, conjointement ayec 
le doyen Ith, de Berne, de ré- 
diger un appel à la nation suisse 
pour linviter à fournir aux dé- 
penses que le dessèchement des 
marais de la Linth devait nécessi- 
ter. La nation entière répondit à 
cet appel, et M. Escher fut nommé 
président de la commission char- 
gee de l’exécution du projet. Bien- 
tôt après, abandonné par les hom- 
mesdel'artqui l’avaient aidé à lever 
les plans et à dresser les devis, il 
demeura seul chargé de cette im- 
mense tâche. C’est alors qu’il 
forma le projet d’aller habiter les 
marais de la Linth, et de se mettre 
lui-même , à la tête des travail- 
leurs. En effet, depuis 1807 jus - 
qu’en 1819 , c’est-à-dire durant 


2 


ESC 547 


l'intervalle de huit années , il n’a 
cessé de se consacrer de corps et 
d'âme, à cet unique objet. Aussi 
la Linth, qui se perdait naguère 
dans les marais infects, où l’on 
pouvait difficilement diriger quel- 
ques misérables barques, coule 
maintenantdans deux magnifiques 
canaux. dont le premier encaissé, 
la conduit au lac de Wallenstadt 
ou de Wesen, et dont l’autre, 
plus large, navigable et pourvu 
d’un chemin de hailage, la ra- 
mène de ce lac à celui de Zurich, 
qu’elle forme presque tout en- 
tière, et d’où elle sort sous le 
nom de Limmat. 

« J'avais visité ces marais au- 
trefois, avec mon ami, dit M. le 
professeur Vaucher (1), et j'avais 
été affligé comme lui, du hideux 
spectacle qu’ils offraient. Je les ai 
revus en 1819,avec quelques-uns 
de mes compatriotes, conduits 
par M. Escher, et je ne crois pas 
que j'aie passé dans ma yie, de 
journée plus heureuse. Nous re- 
montâmes les marais à pied, de- 
puis Uznach jusqu’à Wesen , et 
depuis Wesen jusqu’à Miollis, par 
un des plus beaux jours. Tous 
ces lieux que j'avais vu inondés 
et fangeux, commençaient à se 
charger de la plus riche yégéta- 
tion. ou étaient déjà couverts des 
plus-beaux fourrages. Des canaux 
plus petits venaientse rendre dans 
le canal principal, et opéraient 


(1) Notice biographique sur M. Es- 
cher de La Linth, dans la Bibliothèque 
universelle, de Genève. Sciences et 
Arts, vol. XXII, pag. 232. C'est dans 
cette notice qu'ont été puisés les ma- 
tériaux qui ont servi à la rédaction de 
cet article. 


348 ESC 

le desséchement jusque dans les 
parties les plus lointaines et Les 
plus abandonnées. Ici s’élevaient 
de petites fermes, là on voyait 
des ‘maisons*déjà opuleutes. Une 
école d'agriculture avait été fon- 
dée d’après la méthode de Fel- 
lenberg. La ville de Wesen s’éle- 
vait au-dessus du lac, où elle 
avait failli s’écrouler; les habitans 
montraient sur les murs de leurs 
maisons les traces des anciennes 
gaux, et comptaient le nombre 
des pieds qu'ils avaient déjà ga- 
gnés. On les voyait bien portans 
et délivrés de leurs anciennes 
fièvres; tous ceux que l’on ren- 
contrait sur le canal, surtout les 
ouvriers, saluaient avec allégresse 
notre respectable conducteur. Ils 
l’appelaient herr president , et dès 
qu’ils s’entretenaient avec lui, la 
joie et le contentement brillaient 
dans leurs regards. Nous dinâmes 
à Miollis, où s’étaient rendues 
plusieurs } personnes du voisinage 
qui ambitionnaient le bonheur dé 
rencontrer notre illustre guide. 
Bientôt nous trouvâmes un bateau 
élégant qui avait été préparé à 
ne insu , et sur lequelnous des- 
cendimes piment le canal que 
nous avions monté dans la mati- 
née. Ce fut là que M. Escher dai- 
gna. satisfaire aux. nombreuses 
questions que chacun de nous lui 
adressait à l’envi. Il nous raconta 
toutes les privations qu'il avait 
été obligé de s’imposer en vivant 
au milieu de ces marais, toutes 
les difficultés qu’il avait rencon- 
trées pour se procurer des bras, 
tous les obstacles qui s'étaient 
présentés, soit de la part des 
gouvernemens de Saint-Gall , de 
Glaris, de Schwitz , entre lesquels 
est partagé le cours de la Linth, 


ESC 


soit surtout, de lapart des diverses 
communes qui avaient la posses- 
sion partielle du sol; tous les em- 
barras d'argent, toutes les intem- 
péries , toutes les petites intri- 
gues contre lesquelles il avait 
fallu lutter. Mais enfin, ajoutait- 
il, l’ouvrage est achévé et il 
n'éxiie plus que des perfection- 
nemens et une surveillance facile. 
J'ai été récompensé de toutes mes 
peines, le jour où le canal de na- 
vigation s’ouvrit, et où, à la vue 
he foule de spectateurs qui 
étaient accourus de tous les lieux 
voisins, je descendis le premier, 

depuis Wesen jusqu ’au lac de 
Zurich; dès lors j'ai été justifié. 
Ilya quelque temps qu’une Com- 
mune voisine, pour me témoi- 
gner sa reconnaissance, a daigné 
Comes a moi età ma famille, 
les droits de sa bourgeoisie : c’est 
un honneur dont j’ai été vivement 
touché. (1) » 

Dès que les travaux du dessè- 
chement de la Linth furent ter- 
minés, lâme d’Escher fut en 
repos : il avait rempli sa tâche. 
Dès-lors il ne désira plus rien avec 
ardeur ; et sans rien diminuer de 
son activité , il s’abandonna tout 
entier avec ses projets, aux volon- 
tés de la Providence. En effet , les 
travaux de Ja Linth avaient con- 
sommé les plus belles années de 


a 


(1) Voy. pour les détails con- 
cernant les travaux de desséchement de 
la Linth, ia Bibliothèque Universelle, 
année 1810. Sciences et Arls, p. 272 
et suivantes—un articicintitulé : Co2- 
sidérations sur Les résultats moraux 
de l’entreprise du dessèchement des 
marais de La Linth. ibil. année 1825, 
t. XXV. Sciences et arts , p.107. — 
etla Revue enc; clopédique ; t. XXY 1, 


pag. 1. 


| 


ESC 


sa vie. il avait interrompu à cette 
occasion, tous sesaulres lravauxet 
tous les soins que pouvaient exiger 
sa famille ou sa fortune.ll était le 
jour avec ses ouvriers, €t la nuit 
dans la petite cabane qu'il s'était 
fait construire. Quelquefoisil par- 
tait le soir pour Zurich, et mar- 
chait toute la nuit, en dormant de 
fatigue sur la route. Il revenait le 
lendemain auprès de ses travail- 
leurs, qu’il animait d’un nouveau 
courage, et il passait ainsi les 
mois et les années, bravant les 
maladies et les fièvres qui infes- 
taient tout le voisinage. Rien au 
monde ne lui semblait plus doux 
que d’avoir été utile à ses conci- 
toyens jusqu'au sacrifice de sa 
vie. Jamais il n’aurait consenti à 
ce qu’on lui décernât sous aucun 
titre, le moindre émolument ou la 
moindre récompense ; au con- 
traire , l’accomplissement de son 
entreprise, dans lequel il mettait 
sa véritable gloire , le faisait re- 
noncer sans peine à l’avancement 
de sa fortune, à ses occupations 
habituelles, aux jouissances qui 
lui étaient les plus douces : y 
eut-il jamais un dévouement plus 
complet ; plus généreux ? Ses 
compatriotes Pont senti ,et le seul 
prix qu’ils lui aient accordé, c’est 
celui qui était selon son cœur ; ils 
l’ont appelé Escher de la Linth, 
dénomination sous laquelle il est 
connu dans toute la Suisse, et 
que la Diète helvétique a consa- 
cré, en décrétant qu’un monument 
serait élevé àsa mémoire, aux frais 
de la nation. 

Le succès de Pentreprise d'Es- 
cher lui fit une réputation d’un 
genre nouveau. De toules parts 
on le consultait pour dessécher 
des marais ourectifier les rivières. 


ESC 349 
Chargé de diverses commissions 
publiques pour des objets analo- 
gues , il se rendit sur divers points. 
de la Suisse,afin de s’en acquitter: 
Quand ilfut débarrassé destravaux 
de laLinth, il revint à la geclogie,: 
et particulièrement à l’étude de 
la structure des montagnes suis- 
ses, qui l'avait toujours occupé. 
Il les avait parcourues dans tous 
les sens , à plusieurs reprises et 
à diverses époques de sa vie. ILen 
avait dessiné les différens aspects 
et les nombreuses couches, et il 
en ramassait les produits les plus 
remarquables. Divers journaux 
allemands,.et la Bibliothèque Uni- 
verselle de Genève, contiennent 
des mémoires et des dissertations 
d’'Escher sur divers points de la 
géologie de la Suisse (1). Il se 
plaisait à communiquer ses tra- 
vaux à la Société Helvétique, dont 
ilétaitun des membres les plus 
zélés. Persévérant dans ses idées 
politiques, il voyait dans cette 
académie centraic, un nouveau 
moyen de resserrer les nœuds 
toujours trop lâches qui unissent 
les citoyens des différens Cantons. 
Il jouissait d’une grande consigé- 
ration dans cette compagnie sa- 
vante el patriotique ; etil en pro- 
fitait pour échaufier le cœur de la 
jeuuesse helvétique. quise presse 
autour d’elle, et sur laquelle il se 
plaisait à fonder de grandes et lé- 
gitimes espérances. — « Dans les 
derniers temps de sa vie, ajoute 


(1) La notice de M. Vaucher an- 
nonce que M. le conseiller Ustéri pré- 
pare une biographie détaillée de M. Es- 
cher de la Linth. La collection de ses 
mémoires, publiés ou inédits, doit 
seule former un volume. 


ré 


350 ESC 

encore M. Vaucher, il ne traver- 
sait plus les campagnes de Zurich 
et les cantons de Glaris et de 
Saint-Gall, où il était si connu, 
sans que sa seule présence exci- 
tât des transports. On accourait 
pour le voir passer, on se pres- 
sait pour l'entendre; partout il 
était connu et fêté; on se dispu- 
tait l'honneur de lui dounerl’hos- 
pitalité, et plus on l'avait vu et 
entendu, plus encore on voulait 
le voir etl’entendre. Il faut avouer 
aussi que sa figure et son maintien 
inspiraient le respect et l’amour. 
Il avait dans le regard et dans 
tous les traits, une noblesse et une 
décence qui indiquaient l’homme 
supérieur ; et en même temps,son 
expression était celle d’une par- 
faite bonté et d’une douceur in- 
altérable. Aussi aucun homme 
n’a été aimé et n’a plus mérité de 
‘ètre... Ses opinions religieuses 
variérent suivant l’âge. Il avait 
été élevé dans un attachement 
aveugle à la religion de ses pères 
(la Réforme); mais quand ilrexint 
de ses voyages et surtout de 
Gœttingue, il voulut tout sou- 
mettre à l'examen. J’ai beaucoup 
discuté avec lui, dans sa jeunesse, 
les preuves fondamentales du 
christianisme , et je n’espérais pas 
l’avoir entièrement persuadé; tou- 
tefois , à mesure qu'il avança dans 
la carrière du monde et des affai- 
res, il devint un véritable chré- 
tien ...» 

Escher de la Linth est mort à 
Zurich, le 4 mars 1823 , îgé seu- 
lement de cinquante-trois ans. 
Depuis une année, sa santé dé- 
clinait assez sensiblement, mais il 
ne ralentissait rien de ses travaux 
politiques et philanthropiques. 
Quand il ne put plus aller au 


EVA 


Conseil d'état, il s’y fit porter en 
litièré , et huit jours avant sa 
mort ; il y parla avec une force et 
une clarté d’esprit qui frappèrent 
tout le monde. Le jour qui la 
précéda fut employé à rédiger 
les instructions nombreuses qu'il 
croyait nécessaires à sa famille et 
à ses amis. Quand elles furent 
achevées, il passa une nuit pai- 
sible, et après s'être réveillé le 
matin, il se rendormit en bénis- 
sant sa famille rassemblée autour 
de son lit. 

Quelques mois après le décès 
d’Escher, M. Brukmann, graveur 
à Heïilbronn, a publié une mé- 
daille en sa mémoire , qui a été 
frappée en or, en argent et en 
bronze. D'un côté on voit l’image 
d’Escher avec cette légende : 3. 
C. Escuerus. Limaciaxus. Tuni- 
GENSIS. NAT. 2/4. AUG. 1707. OB. 
9. MarT. 1823. Sur le revers on 
lit ces mots entourés d’une cou- 
ronne de chêne : INGENIO. can- 
DORE. VIRTUTE. CIVIS. OPTIMUS. 


EVANS (Guirraume-Davin), 
jurisconsulte anglais, remplit des 
charges de magistrature à Man- 
chester et à Bombay; il est mort 
le 4 décembre 1821. Nous con- 
naissons de lui : 

I. Salkcd’s Reports of cases adju- 
ged in the King's bench. — Juge- 
mens de la cour du Banc du roi, 
recueillis par Salked. Sixième édit. 
publiée par W. Eyans, avec des 
augmentations considérables. 3 
vol. in-8, 15705. 

IT. Essays on the action for mo- 
ney lent and received, etc. — Essai 
sur l’action qui nait de l’argent, 
reçu et prêté ; sur les loïs d’assu- 
rances et sur les lois qui concer- 
nent les lettres de change et les 


HER 


engagemensparbillets.1802,in-8. 

LIL. 4 general view of the decisions 
of lord Mansfield, etc. — Tableau 
général .des décisions de lord 
Mansfield , dans les causes civiles, 
1806, 2 vol. in-8. 

IV. À Treatise on the laws of 
obligations and contracts, etc: — 
Traité des obligations et des con- 
irats, trad, du français, de Po- 
thier. 1806 , 2 vol. in-8. 


BES 351 


V. À Letter to sir Samuel Ro- 
milly, on the revision of the ban- 
krupt-laws. — Lettre à sir S, Ro- 
milly, sur la révision des lois qui 
concernent les banqueroutes. 


VI. Letters on the desabilities of 
the roman-catholics and dissenters. 
— Lettres sur les incapacités des 
catholiques-romains et des dissi- 
dens. 1823, in-8. 


HE. 


HERMANN (Cnrisrian-Gorr- 
L1EB), né à Erfurth, en 1565, étu- 
dia avec succès, à l’Université de 
cette ville et à celle de Gættingue, 
les sciences théologiques, la phi- 
losophie et la philologie. De re- 
tour dans sa ville natale, il y ob- 
tint, en 1789, une première place 
à l’école des prédicateurs (predi- 
ger schule). En 1500, il fut nommé 
professeur à l’Université d’Erfurth; 
en 1799, professeur au Gyinnase 
évangélique de la mème ville, et 
deux ans après, il fut nommé 
membre de l’Académie des seien- 
ces d’Erfurth. Pendant la domina- 
tion des Français en Westphalie, 
il se distingua par son zèle à con- 
server les écoles confiées à ses 
soins. Sous la domination de la 
Prusse,il eut, en 1820, letitre de 
doyen et la surintendance de Par- 
rondissement de cette ville. Her- 
manm, est mort, presque subite- 
ment, le 26 août 1825, âgé de 
cinquante-huit ans. — Outre plu- 
sieurs dissertations et mémoires 
moins considérables, il a publié 
les ouyrages suiyans : 

EL Wergleichung der theorieen , 


etc. — Comparaison des théories 
sur le beau de Kent et d’'Hems- 
terhuis. Erfurth , 1592: in-8. 

Il. Lehrbuch der christichen re- 
ligion, etc. — Livre élémentaire 
de la religion chrétienne, à Pu- 
sage des classes supérieures du 
Gymnase. Erfurth , 1796, in-8. 

Enfin , il a dirigé avec talent et 
avec zèle, de 1595 à 1800, les 
Annales scientifiques d’Erfurth 
(Erfuter- gelerten nachrichten ). 


HESS (J... Louis de), naquit à& 
Stralsund , dans la Poméranie 
suédoise, vers l’an 1560. Dès sa 
première jeunesse , il embrassa 
le métier des armes, et fut nommé 
officier de l’un des régimens sué- 
dois qui formaient la garnison de 
Stralsund ; mais bientôt, son goût 
pour la littérature et les succès 
qu'obtinrent ses premiers écrits, 
le déterminèrent à quitter le ser- 
vice. Il s'établit dans la villé de 
Hambourg, où ik consacra tout 
son temps aux lettres. Après avoir 
long-temps enrichi de ses articles 
le journal d’Archenholtz, intitulé 
Minerve , 11 fonda lui-même un 


Fr 


352 HES 


ouvrage périodique, sous le titre 
de Journal des journaux, qu'il pu- 
blia depuis 1588 jusqu’en 1590. Il 
a aussi travaillé au journal de Reic- 
khard, intitulé la France. Hess 
avait pris le bonnet de docteur en 
médecine à l’Université de Koœæ- 
nigsberg, et pratiquait gratuite- 
ment cet art, avec la plus grande 
générosité. Lors de la première 
évacuation de Hambôurg par 
les Français. au commence- 
ment de 18:14, Hess se dis- 
tingua d'une manière toute par- 
üculière , par son ardent patrio- 
tisme. Le généralrusse Tettenborn 
le chargea de la formation et du 
commandement de lagarde bour- 
geoise, qui lui fut confirmé par 
un décret du sénat et de la bour- 
geoisie. Doué d’un caractère ori- 
ginal, il se fut bientôt rendu po- 
pulaire, moins par son éloquence 
- que par dessaillies heureuses. Son 
incroyable activité suppléa pen- 
dant long-temps, à ce qu’il y avait 
d’imparfait dans une institution 
toute nouvelle à Hambourg. Lors 
de la rentrée du maréchal Davoust 
dass cette viile, Hess fut Pun des 
vingt-huitcitoyens nominalement 
exceptés de l’amnistie. Le temps 
de sa proscription fut consacré à 
voyager en Angleterre et en Da- 
nemark. À son retour, en 1813, 
il publia un ouvrage intitulé : 
L’ Agonie de la république de Ham- 
bourg, en 1815, qui fit la plus vive 
sensation, dans celte viile et dans 
toute l’Allemagne. Hess y accuse 
plusieurs sénateurs d’avoir auto- 
risé le commandant danois de la 
ville d’Altona, M. de Hafiner, à 
traiter secrètement avec les géné- 
raux Davoust et Vandamme pour 
lareddition de Hambourg, à l'insu 
du général qui commandait dans 


HOR 


cette place, ef des autres chefs ci- 
vils et militaires de la république. 
J. L. Kess est mort à Hambourg 
le 20 février 1825. On lui doit en- 
core les ouvrages suivans : 

T. Essai de voir. Hambourg ; 
1506 et 1800. 2 vol. 

Il. Voyage (Dürchflüge) par 
l’Allemagne ; les Pays-Bas et la 
France. Ibid. , 5 vol. in-8. — 
Troisième édit. 1802. 

IT. Description topographique, 
politique ct historique de la ville de 
Hambourg. Tbid. — Deuxième édit. 
18123 9 vol. in-6, avec cartes. 


HORN (le comte DE) , "d’une 
famille ‘illustre de Suède ; $e 
trouva impliqué dans le complot 
d’Ankastroëm contre Gustave IIE. 
Condamné à mort pour non-révé- 
lation, ayec quatre autres accusés, 
la peine du comte de Horn fut 
commuée en celle du bannisse- 
ment perpétuel. Après avoir 
changé son nom en celui de 
Classen-Horn , il vint passer le 
reste de ses jours à Copenhague, 
où ilestmorten 1823. Peu d'hom- 
mes furent doués d’un esprit aussi 
profond et aussi vif, de connais- 
sances aussi étendues, d’üne con- 
versation aussi spirituelle, d’un 
caractère aussi aimable. Ayant 
passé une partie de sa jeunesse à 
la cour de Louis XVI, plein d’en- 
thousiasme pour la cause de la li- 
berté, ilunissait les idées sérieuses 
des temps actuels aux formes élé- 
gantes du siècie précédent: I était 
habile mathématicien, parlait le 
francais et l'allemand aussi bien 
que sa langue maternelle, con- 
naissait les langues anciennes, et 
cultivait encore avec succès, la 
poésie et la musique. Quelques 
années ayant sa mort, le comte 


JEN 


de Horn à fait imprimer, à Co- 
penhague (sans date et sans nom 
de lieu), le recueil de ses poésies 
fugilives en suédois, qu’il distri- 
bua uniquement à ses amis. Le 
portrait fort ressemblant de lau- 
teur se voit sur le titre, à la place 
de son nom. On y lit de plus cette 
épigraphe , tirée des Tristes d’O- 
vide : Parve liber, ibis in orbem. 
Le recueil du comte de Horn con- 


JEN 999 


tient plusieurs:imorceaux d’une 
grande beauté , dont quelques- 
uns, par exemple , les élégies 
qu’il a écrites dans sa prison, où 
il attendoit de jour en jour la sen- 
tence de mort,présentent en outre, 
un intérêt qui se rattache à sa per 

sonne. Ces poésies ont été tradui- 
tes en danois, avec beaucoup d’é- 
légance et de fidélité, par M. Rab- 
bek ({ Copenhague, 1824 ). 


Je 


JENNER (Enouarp) naquit le 
17 mai 1740, à Berkeley, dans le 
comté de Gloucester. 11 était le 
plus jeune fils du révérend Etienne 
Jenner, ecclésiastique anglican, 
et gradué de l’Université d’Ox- 
ford. Sa famille tenait un rang 
honorable dans le pays, et jouis- 
sait d’une fortune indépendante. 
A peine âgé de huit ans, il fut 
inoculé, comme c’était alors l’u- 
sage, depuis que lady Montaigu 
avait apporté cette pratique de 
l'Orient. Edouard Jenner eut le 
malheur de perdre son père de 
bonne heure; mais son éducation 
fut soigneusement dirigée par son 
frère aîné. Il étudia d’abord les 
sciences médicales, spécialement 
l’histoire naturelle , sous d’habiles 
praticiens du comté, et vint en- 
suite se perfectionner à l'hôpital 
Saint-Georges , à Londres, sous 
la direction du célèbre anatomiste 
John Hunter, dont il fut pendant 
deux ans, l'élève particulier , et 
qu’il aida à former cette superbe 
collection de pièces d'anatomie et 
de physique, connue sous la dé- 
nomination de Muséum huntérien. 


Une parfaite intimité n’a cessé, 
depuis, d’unir ces deux hommes 
célèbres. Quand le docteur Jenner 
eut terminé ses études classiques, 
il revint dans son lieu natal, d’où 
les propositions les plus sédui- 
santes ne purent l’éloigner. Bien- 
tôt il s’y acquit une clientelle con- 
sidérable , dans la profession de 
chirurgien qu’il exerçait. Une 
opération d’hernie étranglée, qu’il 
exécuta avec beaucoup d’habileté, 
à l’hôpital de Gloucester, ne ser- 
vit pas peu à augmenter sa répu- 
tion; ses heures de loisirs furent 
consacrées à la formation d’une 
collection d'histoire naturelle et 
d'anatomie comparée. Porté spé- 
cialement vers l’étude de lorni- 
thologie , il se livra à de curieuses 
recherches sur les mœurs du cou- 
cou, qui n'avaient été jusqu'alors 
qu'imparfaitement observées. La 
publication de ces recherches lui 
valut ladmission à la Société 
royale de Londres. 

L’aisance dont il jouissait, ac- 
crue par un mariage avantageux , 
contracté, en 1738, avec miss 
Catherine Kingscote. permit au 

29 


354 JEN 

docteur Jenner d'abandonner, en 
1792, l’exercice actif de sa pre- 
fession, afin de se livrer tout eu- 
tier à l’étude de l’histoire natu- 
relle, pour laquelle il avait un 
goût décidé. Il vint faire sa rési- 
dence häbituelle , aux environs de 
Berkeley, dans une maison de 
campagne appelée Chantry-Cot- 
tage (Maison des Chantres), à 
cause de sa destinalion, du temps 
qu’elle avait appartenu à l'Eglise ; 
mais en 1794, ayant éprouvé une 
violente attaque de typhus, il alla 
passer la saison des eaux de l’an- 
née suivante à Cheltenh£m, où sa 
réputation le retint beaucoup plus 
qu'il n'avait compté, et peu à peu, 


on l’engagea à partager sa rési-. 


dence entre Berkeley et Chelten- 
ham. A cette époque, il n’était pas 
encore entièrement absorbé dans 
ses travaux relatifs à la vacci- 
nation; aussi trouva-t-il le loisir 
de composer quelques vers de so- 
ciété, d’un ton gracieusement 
épigrammatique, et qui depuis 
que le nom de leur auteur eut ac- 
quis, d'autre part, une SI grande 
célébrité, ont été livrés à la presse, 
pour laquelle ils n'étaient point 
destinés: Dès la première épo- 
que de sa pratique médicale, on 
devait déjà à Jenner des travaux 
importans, tels qu'un procédé 
nouveau et facile pour obtenir 
du tartre émétique pur, des ob- 
servations sur la cause ordinaire 
de l’angine pectorale , qu’il fit dé- 
pendre de l’ossification ou de Pal- 
tération des vaisseaux du cœur, 
comme le docteur Parry, son 
ami, l’a consigné dans son livre 
sur cette matière (1799, in-8); 
des recherches concernant les tu- 
bercules qui se développent dans 
les poumons, et qui, suivant lui, 


JEN 


ne seraient à leur début, que de 
simples hydatides, idée que le 
docteur Baron a développée dans 
son Traité des maladies tubercu- 
leuses, et qui toutefois n’a point 
reçu la sanction commune.Mais ce 
quiétablitpar-dessus tout les droits 
de Jenner à l’immortalité, c’est 
sa précieuse découverte des pro- 
priétés du cow-pox(variole de va- 
che), qui remonte à l’année 1756; 
c’est aussi la constance admirable 
avec laquelle il a poursuivi ses re- 
cherches, et la perfection qu'il 
leur a donnée avant de les pu- 
blier. Il existait dans les vacheries 
du comte de Gloucester, depuis 
un temps immémorial, une opi- 
nion vague, que Ceux qui avaient 
contracté le cow-pox accidentelle- 
ment, étaient pour jamais préser- 
vés de la petite-vérole. Frappé de 
cette singularité et de la nature de 
la maiadie sur le pis des vaches, 
Jenner acquit la certitude que l’i- 
noculation de la petite-vérole ne 
produit aucun effet sur ceux qui 
ont gagné la maladie de ces ani- 
maux, en les trayant. Il se déter- 
mina à faire part de ses observa- 
tions aux médecins de son voisi- 
nage, et à demander leur avis. 
Tous regardaient la chose comme 
un prejugé populaire, dénué de 
raison et de preuves ; ceci ralentit 
son zèle, mais ne léteignit pas. 
Des pâtres l’ayant conduit pour 
voir, sur les trayons de quelques 
vaches, l’éruption qu’ils disaient 
être la seule véritable, il en ino- 
cula la matière, et n’obtint ce- 
pendant aucun effet. Il fut alors 
confirmé dans lopinion de ses 
confrères ,; et la découverte fut 
retardée d’environ dix ans. Après 
ce temps, il remarqua sur les pis 
de certaines vaches, des pustules 


JEN 


bien différentés des premières; il 
sut’ alors distinguer qu’il n’y en a 
qu'une espèce vraie et réellement 
préservatrice de la variole , et que 
toutes les autres sont fausses. 

Jenner publia sa découverte au 
mois de juin 179$. Dans son ou- 
vrage, qui fit une sensation ex- 
traordinaire , il présente vingt- 
trois observations sur des sujets 
qui long-temps après avoir gagné 
le cow-pox, n’ont pu contracter la 
variole, quelque moyen qu’on eût 
employé pour la leur communi- 
quer : on en voit d’autres fournis- 
sant du fluide vaccin pour lino- 
culer à plusieurs enfans ou adultes; 
puis, ceux-ci subissant la contre- 
épreuve variolique; enfin, lau- 
teur y émet son opinion sur lori- 
gine du virus anti-variolique, que 
des recherches approfondies lui 
font découvrir dans une affection 
su talon du cheval, appelée en 
anglais, grease, et en français, 
eaux des jambes. Cette dernière 
opinion, plus susceptible de con- 
testation que l'efficacité de la vac- 
cination elle-même, n’est pas 
généralement adoptée. La décou- 
verte de Jenner fut d’abord re- 
poussée par quelques médecins 
de renom, ce qui le détermina à 
publier de nouvelles observations, 
dans lesquelles il dit expressément 
qu'il avait commencé ses investi- 
gations depuis environ vingt-cinq 
ans. 

La première expérience de vac- 
ciuation fut faite par Jenner, Île 
14 mai 1590, sur un petit garçon 
noinmé Phipps, dans le bras du- 
quel on introduisit une parcelle 
de virus vaccin, prise sur le bras 
d’une jeune femme appelée Sara 
Nelmes, qui avait été accidentel- 
iement infeciée par une vache. 


JEN 5535 
Malgré la parfaite ressemblance 
des pustules survenues au bras 
de l'enfant, avec celles de l’érup- 
tion variolique; cependant, Pin- 
disposition qui en résulta fut si 
légère , que l'opérateur pouvait à 
peine se persuader que le sujet fi 
mis à l’abri de l’atteinte de la pe - 
tite-vérole, Néanmoins, le virus 
variolique ayant été inoculé à 
l'enfant, le 1° juillet suivant, il 
demeura complètement sans effet. 
Cette expérience inspira beaucoup 
de confiance à Jenner, qui n’hé- 
sita plus dès-lors, à tenter une sé- 
rie nombreuse de vaccinations 
avec la contre-épreuve ; les unes 
el les autres réussirent parfaite- 
ment. M. Cline, médecin de 
l’hospice de Saint - Thomas, à 
Londres, a le premier pratiqué | 
les vaccinations dans l’éiablisse- 
ment confié à ses soins, au mois 
de juillet 1798, avec du vaccin 
qu'il avait reçu de Jenner lui- 
même. « On a fait beaucoup de 
recherches, dit M. le docteur 
Louis Valentin, on a fouillé par- 
tout, dans la Grande-Bretagne , 
pour savoir si l’on avait eu, dans 
les temps passés, quelques notions 
sur la variole des vaches, et si on 
l'avait vue se communiquer à des 
individus humains. Tout ce qu’on 
a pu apprendre à prouvé que le 
cow-pox existait depuis long-temps 
dans plusieurs comtés (on en 
compte quatorze ), et qu’on lui 
avait reconnu la propriété de pré- 
server de la petite-vérole; mais 
cette propriété n'était connue que 
dans la basse classe du peuple, Le 
docteurGibbs m'a dit à Bath, que 
son pére allant à l'Université d’'Ox- 
ford, quarante ans avant la décou- 
verte de Jenner, demanda à son 
domestique, én y arrivant, s’il ne 


356 JEN 


craignait pas la petite-vérole qui 
régnait dans la ville; que celui-ci 
lui répondit qu’il ne la prendrait 
pas, parce qu'il avait eu au bout 
des doigts le cow-pox , connu dans 
le Meltshire pour être l’antidote 
de la maladie. Jenner m’a raconté 
une autre anecdote qui remonte- 
fait au temps de Charles II. La 
duchesse de Cleveland, femme 
très-jolie et favorite de ce prince, 
raillée par quelques-unes de ses 
compagnes sur ce qu’elle pourrait 
bientôt déplorer la perte de sa 
beauté, en gagnant la petite-vé- 
role qui faisait des ravages dans 
Londres , leur répondit qu’elle 
n’en avait aucune crainte , at- 
tendu qu’elle avait eu dans son 
pays, une maladie, le cow-pox , 
qui en préservait … On a dit : 
puisque ja chose était connue , 
que les faits existaient depuis 
long-temps , il n’a pas fallu un 
effort surnaturel de génie pour 
tirer des humbles laiteries un 
moyen aussi simple, et le trans- 
mettre à la société : c’est précisé- 
ment cette simplicité qui en aug- 
mente le mérite. Personne, en 
Europe, avant Jenner, ne lavait 
fait connaître au public ; personne 
n’avaitessayé d’inoculer la liqueur 
des pustules... Jenner a consacré 
plusieurs années à s'assurer, par 
un examen sévère, des propriétés 
d’une pratique obscure et acciden- 
telle. En l’utilisant et la conser- 
vant pour l’humanité entière, il 
l’a ingénieusement perfectionnée; 
il + développé des principes, il a 
tracé des règles pour son applica- 
tion ; il a donc levé le voile qui 
nous dérobait l’un des plus impor- 
tans secrets ; il a prouvé cette vé- 
rite; elle lui appartient exclusi- 
vement. Jusqu’à lui, ce n’était 


JEN 


qu'une vérité stérile; elle n'avait 
pas été démontrée; elle n'avait 
point acquis la force péremptoire 
de l'opinion. On peut appliquer à 
Jenner ce qu’on a dit de Washing- 
ton : « Ce n’est pas ce qu’on en- 
streprend, c’est ce qu’on achève 
»et qu’on afferimit qui fait la 
» gloire. » 

La découverte de Jenner lui 
fut contestée : d’autres disaient 
lavoir entrevue avant lui; cela 
n’est pas impossible, puisque les 
bramines avaient déjà inoculé la 
petite-vérole des vaches, dans Île 
canton de Benarès. Un anonyme 
de Gæœttingue imprima, dès 1568, 
dans un journal intitulé : 4Ulge- 
meine unter haltungen , que la peste 
dont parle Tite-Live, qui attaquait 
les animaux, n’était autre chose 
que le kuh-pocken (cow-pox) des 
Allemands. Il décrit ensuite, avec 
beaucoup d’exactitude , cette ma- 
ladie des vaches, parle de l’opi- 
nion qu'ont les laitiers de sa pro- 
priété anti-variolique, des recher- 
ches exactes qu’il a faites pour la 
vérifier, et de Ja confirmation qu'il 
en a reçue dela part de personnes 
éclairées; mais trop préoccupé de 
la question d’érudition, l’écrivain 
allemand ne songea pas à faire 
l'application de ce fait, par où il 
aurait assuré l’immortalité de son 
nom. En 1810, un français, Ra- 
baut-Pommier, ministre protes- 
tant, voulut revendiquer pour lui 
l’idée première de la découverte 
de la vaccine, appuyant sa pré- 
tention sur une conversation qu’il 
avait eue avec deux Anglais, en 
1781 ( Woyez l’article g RaBAuT- 
Poumier, dans |’ Annuaire Nécro- 
logique de 1820 , p. 178). Maisil 
faut remarquer que rien ne prouve 
que ces conversations aient été 


iransimises à Jenner; que le mé- 
decin anglais avait déjà dès 1795, 
c’est-à-dire cinq ans avant lépo- 
que donnée par Rabaut, observé 
les diverses propriétés du virus 
vaccin; quil n’est nullement 
prouvé, même aujourd’hui, que 
le véritable cow-pox se rencontre 
sur les vaches des provinces meé- 
ridionales de la France; enfin (ce 
qui est décisif dans la question), 
qu’à Jenner seul appartient Pap- 
plication et la pratique effective 
de sa glorieuse découverte (1). 

La France reçut en 1800, la dé- 
couverte de Jenner, et c’est prin- 
cipalement à active philanthropie 
du vénérable duc de La Rochefou- 
cault-Liancourt qu’elle en dut 
l’importation, ainsi que l’Acadé- 
mie royale de médecine la con- 
staté après une discussion s0- 
lennelle. Bientôt la vaccine se 
propagea non-seulement en Eu- 
rope, mais encore dans les Deux- 
Indes. Le roi de Prusse fut le 
premier, parmi les têtes couron- 
nées, qui soumit ses enfans à la 
vaccination, et son exemple fut 
immédiatement suivi par l’empe- 
reur d'Autriche. L’éloquence, la 
poésie et la peinture célébrèrent à 
Venvi ce don merveilleux de la 
nature et le génie de celui auquel 
il plut à la Providence d’en révéler 
le secret (2). Une telle révolution 
dans Part de guérir dut changer la 
situation de Jenner; il ne put évi- 


(1) L'histoire des prétentions de Ra- 
baut-Pommier se trouve consignée 
dansle grand Dietionnaire des Sciences 
médicales , t. LVI, article l’accine , 
par M. Husson, ancien secrétaire du 
Comité central de vaccine. 

(2) L'Académie Française proposa la 


JEN 397 
ier de venir résider à Londres, au 
moins pour un temps. Tous ses 
momens durent être consacrés à 
une immense correspondance chez 
l'étranger, et à fournir à son pays 
les éclaircissemens et les instruc- 
tions dont on éprouvait le besoin. 
La pratique de cette nouvelle ino- 
culation donna lieu partout, à l’é- 
tablissement de sociétés ou de 
comités de vaccine, qui prirent 
souvent le nom de Jenner; elle 
reçut à Londres son complément 
en 1803, par l'institution de la 
Société royale Jennérienne , pour 
l’extinction de la petite-vérole. Jen- 
ner en fut le premier président. 
Peu de temps après, il fut élu 
maire de Cheltenham, lieu célèbre 
par ses eaux minérales. À cette 
époque, la fortune de la décou- 
verte était décidée, et le nom de 
son auteur volait dans toutes les 
bouches. Le duc d’York avait 
adopté la vaccine pour l’armée de 
terre, et lord Spencer, premier 
lord de l’Amirauté, pour l’armée 
de mer. En 1801, les médecins et 
les chirurgiens de la marine an- 
glaise, à Plymouth, au nombre de 
plus de cent, offrirent à Jenner 
une médaille ; elle représente , 
d’un côté, Apollon médecin, pré- 
sentant à la Grande-Bretagne un 
jeune marin guéri par linocula- 
tion de la vaccine ; la Patrie étend 
une main qui tient la couronne 
civique, où est inscrit le nom de 


Découverte de la Taccine pour sujet 
de son prix de poésie, en 1815. La 
palme fut conquise par M. Soumet. 
M. Casimir Delavigne obtint l’accessit. 
— Nous connaissons encore : Jennero 
(poëme latin). Gandæ, 1824, typis 
J. N. Houdin; in-8, de 14 pages. 


538 JEN 


Jenner. Au dessus, on lit cette 
devise : AUBA. NAUTIS. STELLA. RE- 
FULsiT. Au dessous : 1801; au re- 
vers, une ancre; au-dessus : GEOR- 
GI0. TERTIO. REGE. ; au GeSSOUS : 
 PENCER. DUCE. 

Le 4 mars 1804, la Société mé- 
dicaie de Londres décerna aussi 
une médaille à Jenner. On y lit 
l'inscription suivante : 


Pox. Soc. men. Lox». 
AN. SALUT. 1559. 
INSTIT. 

E. JENNER. M. D. 
SOCIO. SUO. EXIMI9. 
OB. 
VACCINATIONEM 

EXPLEORATAM. 


Le pariement d'Angleterre s’oc- 
cupa de décerner une récompense 
nationale à lillustre citoyen. La 
discussion eut lieu dans la séance 
du 2 juin 1802; on observa que la 
découverte de Ia vaccine avait oc- 
casioné de grands frais à l’auteur, 
pour la propager; et qu’en livrant 
gratuitement son secret au public, 
Jenner s'était généreusement pri- 
vé des bénéfices immenses qu’il 
aurait pu en retirer. M. Adding- 
ton (aujourd’hni lord Sidmouth), 
alors ministre principal, seconda 
la motion. « La Chambre, dit-il, 
peut voter pour le docteur Jen- 
ner , telle récompense qu’elle ju- 
gera convenable; celui-ci a déjà 
recu l'approbation unanime de 
l'assemblée ; approbation bien 
précieuse, puisqu'elle est le ré- 
sultat de la plus grande, ou d’une 
des plus importantes découvertes 
que la société ail faite depuis Ja 
création du monde. Je doute que 
{a Chambre ait jamais eu à pro- 


JEN 


noncer sur un point plus intéres- 
sant que celui qui occupe en ce 
moment le comité... Le mérite 
de la découverte du docteur Jen- 
ner est au-dessus de toute expres- 
sion. » Le Parlement lui octroya 
cette fois, une somme de dix mille 
liv. sterl., à laquelle le Roi, qui 
lui avait done le titre de son 
médecin extraordinaire , ajouta 
cinq cents liv. sterl. En 1807, 
Jenner reçut du Parlement une 
nouvelle rémunération de vingt 
mille livres sterl. ; ce qui porte 
environ , à un total de sept cent 
soixanie-deux mille francs la dô- 
tation nationale dont il fut gratifié. 
En 1805, le maire et le conseil 
commnun de la cité de Londres, lui 
décernérent le droit de cité , ac- 
compagné d’un présent magnifi- 
que ; l’Université de Cambridge 
lui envoya le bonnet de docteur, 
sans examen; honneur que cette 
corporation savante ne confère 
qu'aux plus grandes illustrations. 
Enfin, aux Indes orientales, no- 
tamment au Bengale, et à Madras, 
l’on ouvrit une souscription en 
faveur de celui qui avait procuré 
aux peuples de ces contrées le 
moyen d’en extirper le fléau Île 
plus dévastateur. 1 est vrai que 
Jenner le premier, s’était montré 
généreux à l’égard de ce pays, 
puisqu'il avait offert mille gui- 
nées pour porter la vaccine en 
Asie, lorsque la parcimonie du 
gouvernement négligeait de le 
faire. En France, M. le docteur 
Louis Valentin, qui avait connu 
Jenner en Angleterre et qui était 
resté son correspondant, proposa 
en 1807, d'ouvrir une souscrip- 
tion nationale en faveur du bien- 
faiteur de l’humanité; mais per- 
sonne, dit-il, n’osa en parler à 


JEN 


cebui qui gou vernait la France( 1). 
Bien plus, M. Valentin ne pou- 
vait correspondre avec son illus- 
tre ami, que par des voies dé- 
tournées , telle qu’Alger et la côte 
de Barbarie. Cependant, les corps 
savans ne devaient pas rester 
muets. Jenner appartenait pres- 
que à toutes les sociétés scientifi- 
ques. On lui envoyait des diplo- 
mes des différentes parties du 
monde. Il était associé étranger 
de l’Institut de France. Dans le 
Rapport sur les progrès des scien- 
ces naturelles depuis 1789, au 
nom de la première classe de l’In- 
stitut, M. Cuvier disait , le 6 fe- 
vrier 1808 : « Quant la décou- 
verte de la vaccine serait la seule 
que la médecine eûtobtenue dans 
la période actuelle, elle suffirait 
pour illustrer à jamais notre temps 
dans l’histoire des sciences , com- 
me pour immortaliser le nom de 
Jenner, en lui assignant une place 


(1) On raconte que le docteur Wick- 
ham , se trouvant retenu en France 
après la rupture de la paix d'Amiens, 
l'on imagina de faire solliciter sa libé- 
ration par Jenner. Une pétition fut 
en conséquence, présentée à Napoléon, 
dans un de ses voyages, à l'instant 
qu'on changeait les chevaux de sa 
voiture. C'était le moment de sa plus 
grande irritation contre les Anglais : il 
la repoussa brusquement. — « Mais, 
» voyez donc, lui dit Joséphine, qui 
» laccompagnait, elle est signée de 
» Jenner! » — A ce nom, la physio- 
nomie de Napoléon s’adoucit. — «Il 
» est vrai, dit-il, qu'il n’est pas pos- 
» sible de refuser ce que demande un 
» tel homme, » En effet, le docteur 
Wickham obtint des passe-ports pour 
retourner en Angleterre. On assure 
que cette occasion n’est pas la seule 
où l’intercession de Jenner ait réussi 
auprès de Bonaparte. 


JEN 359 


éminente parmi les principaux 
bienfaiteurs de humanité... Il 
n’y a point de phénomène à la 
fois aussi surprenant et aussi cer- 
tain que celui-là. » 

Lorsque les souverains du con- 
tinent visitèrent la métropole de 
la Grande-Bretagne, en 1814, ils 
voulurent voir le docteur Jenner, 
et lui témoignérent la plus grande 
considération. L’hetmann des Co- 
saques , Platoff, lui dit : « Mon- 
»sieur, vous avez étouffé la mala- 
» die la plus terrible qui fût con- 
» nue sur les bords du Don.» Ala 
fin de cette même annce, Jenner, 
ayant eu la douleur de perdre sa 
femme, quitta Cheltenham et re- 
vint demeurer à Berkeley, où 
une attaque d’apoplexie termina 
subitement sa vie, dans la soixan-- 
te-quatorzième année de son âge, 
le 26 janvier 1823, La veille, il 
s'était couché en bonne santé; il 
se leva à son ordinaire et descen- 
dit à sa bibliothèque ; comme il 
ne paraissait pas à l’heure habi- 
tuelle de son déjeuner , on envoya 
un domestique, qui le trouva 
étendu sur le parquet, la tête 
appuyée sur le fauteuil où il s’as- 
seyait. Son neveu, médecin de 
profession , le saigna et lui donna 
immédiatement les secours les 
plus convenables, en attendant 
l’arrivée du docteur Baron, qui 
arriva à Berkeley , quatre heures 
après l’accident. Le côté droit 
était paralysé ; la pupille contrac- 
tée, était iout-à-fait insensible à 
la lumière; le pouls petit, très- 
irrégulier , les extrémités froides, 
la respiration fortement sterto- 
reuse , annonCaient l'approche de 
la mort, qui eut lieu quinze heu- 
res après l'attaque. En attendant 
l'érection d’un monument conve- 


360 JEN 

nable, les restes de Jenner ont 
été déposés dans le chœur de lé- 
glise paroissiale de Berkeley , ac- 
compagnés d’une immense réu- 
nion de peuple accouru à ses 
funérailles. Le docteur Jenner a 
laissé un fils et une fille. Ses pa- 
piers ont été remis, d'après sa 
volonté, au docteur Baron, son 
ami particulier , pour en soigner 
la publication. 

Le nom de Jenner doit être in- 
scrit aux premiers rangs des bien- 
faiteurs de notre espèce. Les ra- 
vages de la maladie dont sa dé- 
couverte enseigne le moyen de 
se préserver, s’étendaient en tout 
temps eten tous lieux; d’autres 
fléaux sont limités entre certaines 
latitudes , ou sévissent en certai- 
nes saisons : celui-là seul n’était 
arrêté ni par le témps ni par l’es- 
pace. Il y a des raisons de croire 
que la pétite-vérole a existé dans 
les parties orientales de notre 
hémisphère , et nommément en 
Chine et dans l’Indoustan, depuis 
plusieurs milliers d’années. Elle 
p’atteignit les nations des contrées 
occidentales du globe que vers le 
milieu du sixième siècle de notre 
ère ; et finalement, de chez nous 
elle fut transportée dans le nou- 
veau monde, peu après la mort de 
Christophe Colomb. Il a été dé- 
montré que dans les Iles britanni- 
ques seules, cette maladie faisait 
périr annuellement quarante mille 
individus. Eile y produisait une 
mort sur quarante naissances; et 
sur six personnes qui en étaient 
attaquées, il en périssait une. 
L'inoculation de la maladie elle- 
même, était sans doute avan- 
tageuse pour celui qui con- 
sentait à s’y soumettre ; mais 
en ajoutant quelque chose à Ja 


JEN 


sécurité individuelle , ii est bien 
constant que cette pratique ac- 
croissait la mortalité générale, en 
multipliant les sources de la con- 
tagion, et par une suite nécessaire, 
le nombre desindividus qui étaient 
attaqués naturellement de la ma- 
ladie .Pour apprécier convenable- 
ment l’étendue et l'importance du 
bienfait de la vaccination, il faut 
considérer d’une part les dégoûts, 
les souffrances et les dangers de 
la petite-vérole, même la plus bé- 
nigne; d'autre part, que cette 
cruelle maladie se trouve déjà, 
grâce à la vaccine , bannie com- 
plètement de plusieurs contrées , 
et qu'avec les soins convenables , 
il n’en est pas une seule d’où elle 
ne doive être finalement extirpée; 
que malgré les obstacles élevés 
par les préjugés, l’ignorance et 
l’incurie des hommes, des mil- 
lions de créatures humaines jonis- 
sent aujourd’hui de la vie, les- 
quelles , sans la découverte de la 
vaccination, seraient depuis long- 
temps plongées au sein du tom- 
beau. Celui qui auraït osé prédire 
il y a peu d’années, que de si 
grands résultats devaient couron- 
ner les observations d’un homme, 
aurait certainement passé pour un 
esprit chimérique. Eh bien, ces 
chimères, nous les voyons réa- 
lisées, et certainement l’époque 
qui les a vues s’accomplir doit 
être comptée parmi les plus re- 
marquables de l’histoire physique 
de la race humaine. 

Sans doute, quelques exceptions 
accidentelles ont pu être citées con- 
tre l’efficacité absolument préser- 
vatrice de la vaccine : néanmoins, 
jamais l’évidence ne fut plus 
frappante ni plus décisive qu’en 
cette matière; et lorsque Fon 


JEN 


considère l’infinie variété des tem- 

éramens humains, l’on recon- 
naît facilement qu’il eût été bien 
extraordinaire que ces rares ex- 
ceptions ne se fussent point ren- 
contrées. D'ailleurs, l’inoculation 
de la petite-vérole elle-même ne 
produisait point une sécurité ab- 
solue, et même ne cite-t-on pas 
d'assez nombreux exemples de 
personnes qui ont eu la petite- 
vérole naturelle plus d’une fois? 
Le Collège royal des médecins de 
Londres, provoqué par le Parle- 
ment en 1807, à donner son opi- 
nion sur la vaccine, disait en 
substance : La vaccine préserve 
de la petite-vérole, sinon absolu- 
ment, du moins à peu près autant 
qu’on peul l’espérer d’une inven- 
tion humaine. Parmi plusieurs 
milliers de cas de vaccination que 
le Collége s’est trouvé à même 
d'observer, il s’en est rencontré 
un si petit nombre qui lui soient 
contraires , qu'ils ne sauraient 
former une objection raisonnable 
à adoption de cette pratique. Il 
faut remarquer d’ailleurs, que Îles 
cas d’exception où l’on a pu con- 
stater l’impuissance de la vacci- 
nation sont reconnus plus rares 
que ceux où l’on a pu constater 
Pimpuissance de l’inoculation. Au 
surplus (ce qui n’est pas moins 
important à observer }, chaque 
fois que la petite-vérole est venue 
à se manifester sur des sujets qui 
précédemment avaient été vacci- 
nés , elle s’est montrée constam- 
ment, avec des caractères plus 
bénins que dans aucun cas de 
petite-vérole survenue par conta- 
gion ou par insertion. Le Collège 
des médecins n'hésite pas à pro- 
noncer encore que la vaccination 
altère bien moins la constitution 


JEN 901 
et qu'elle Ia prédispose à d’autres 
maladies beaucoup plus rarement 
que la petite vérole naturelle ou 
inoculée. Pour apprécier conve- 
nablement l’importance salutaire 
de la vaccination, il faut considé- 
rer les peraicieux effets de la 
petite-vérole. On a calculé que la 
petite vérole naturelle détruit la 
sixième partie de ceux qu’elle at- 
teint; et que parmi les inoculés , 
il en périt un sur trois cents. Le 
dixième de la mortalité de Londres 
était produit autrefois par la petite- 
vérole. D’après toutes ces consi- 
dérations , le Collège des méde- 
cins croit de son devoir de recom- 
mander fortement la pratique de 
la vaccination , à l’aide de laquelle 
il pense qu’on peut raisonnable- 
ment espérer de poser un lerme , 
inon à l’existence, du moins aux 
rayages de la petite-vérole. 
Malgré l’évidence des faits et 
la force des raisonnemens, la vac- 
cination trouva des adversaires 
dans le principe; mais on n’en 
connaît plus aujourd’hui dont 
Pautorité soit de quelque poids. 
En Angleterre, Goldson , Wood- 
ville ; Pearson, Moseley et quel- 
ques autres , écrivirent contre 
cette précieuse découverte ; mais 
elle fut également défendue par 
des savans d’une grande distinc- 
tiou. Thouret, Le duc de La Roche- 
foucault-Liancourt , les docteurs 
Husson et L. Valentin, en France ; 
J. de Carro , à Vienne ; Sacco , à 
Milan ; Balmis, à Madrid ; M. jef- 
ferson, en Amérique, ont bien 
mérité de l'humanité par le zèle 
avec lequel ils ont préconisé et 
propagé la vaccination. On n’i- 
gnore pas que désormais , la pra- 
tique de linoculation est partout 
abandonnée pour celle de la vac- 


La 


262 JEN 

cination ; tandis que Îles gouver- 
nemens, les magistrats, les évè- 
ques, les curés, les chefs d’éta- 
blissemens, les propriétaires et 
généralement tous les honmes 
éclairés et philanthropes , mettent 
au rang de leurs premiers devoirs 
celui de propager la vaccination 
par tous les moyens d'influence 
qui sont en leur poavoir. 

Jenner était d’un caractère 
doux, aimable , bienfaisant et 
d’une simplicité de mœurs qui 
formait un admirable contraste 
avec son imposante réputation.— 
«Je ne m'étonne pas, disait-il au 
»docteur Baron, peu de temps 
»avant sa mort, que les hommes 
» aient peu de reconnaissance pour 
»moi; mais je suis surpris qu’ils 
»ne soient point pénétrés de gra- 
»titude envers Dieu, qui leur a 
» fait tant de bien par mon entre- 
» mise. » —Ce propos dénote assez 
un homme profondément reli- 
gieux. En effet, la dernière fois 
que Jenner ait paru en public, ce 
fut à Berkeley, un mois environ 
avant sa mort, dans une assem- 
blée convoquée pour former une 
société biblique; et ce dut être 
un spectacle bien consolant pour 
les chrétiens, d'entendre ce véné- 
rable vieillard, dont la longue 
carrière fut consacrée aveé un si 
miraculeux succès, à l’extinction 
de l’un des plus cruels fléaux qui 
aient affligé l’humanité, présenter 
l'Evangile aux hommes comme le 
remède le plus efficace pour la 
guérison de leurs maladies mo- 
rales. 

On a publié : 1° Notice histori- 
que sur le docteur Jenner, suivie 
de notes relatives à sa découverte de 
la vaccine; par le docteur Louis 
Valentin. Nancy , veuve Breton, 


JEN 


1823 ; in-8, de 47 pages. — 
Deuxième édition, revue et augmen- 
tée. ibid., in-8, de 52 pages. 

2° Notice historique sur Le doc- 
teur Ed. Jenner, inventeur de La 
vaccine; par À medée Dupau, D.M. 
Paris, imprimerie de Rignoux, 
1824; in-8 , de 16 pages, orné 
d’un portrait lithographié par 
Vigneron, et du fac simile de 
la signature de Jenner. 

Cette biographie est extraite de 
la Revue encyclopédique ; t. XXI, 
pag. 21. 

5° Enfin, on irouve une Notice 
sur Jenner, par M. John Ring, 
dans les Public characters. vol. de 
1822. 

Le portrait de Jenner se trouve 
dans la jolie collection de l’Euro- 
pean Magazine , et au frontispice 
du Traité de vaccination du doc- 
teur Sacco, publié à Milan , en 
italien, 1809, in-4. 


Liste des ouvrages d Ed. Jenner. 


I. Observations on the natural 
history of Cuckoo.— Observations 
sur l’histoire naturelle du Coucou 
(imprimé dans les Philosophical 
Transactions de 1788 — trad. en 
français dans le Journal de phy- 
sique, de chimie et d'histoire na- 
turelle de feu Delamétherie.) 

« Le coucou, dit M. Dupau 
(Notice historique sur le docteur 
Ed. Jenner), est peut-être le seul 
de tous les oiseaux qui ne prépare 
pas un nid pour ses petits; mais 
par un acte d’injustice inhérent à 
sa nature , il devient usurpateur 
et s'empare de la manière la plus 
illégitime , du nid des autres oi- 
seaux. Les observations recueillies 
par Jenner établissent que réelle- 
ment, la femelle va faire adroite- 


JEN 


ment sa ponte,;ordinairement dans 
le nid des moineaux des haies, et 
les abandonne aux soins d’une 
autre mère; tandis que les jeunes 
coucous , à peine éclos, parvien- 
nentàäexpulserles œufs oules petits 
moineaux pour usurper leur do- 
micile. Voici comment Jenner ra- 
conte lui-même la manière dont 
s’y prend le jeune animal. — 
« Le coucou, peu d’heures après 
» sa naissance, en s’aidant de son 
» dos et de ses ailes, tâche de se 
» glisser sous le petit oiseau dont 
»il partage le berceau et de le 
» placer sur son dos, où il le re- 
»tient en élevant ses ailes. Alors, 
» se trainant à reculons au bord du 
» nid , il se repose un instant, puis 
»faisant un effort, il jette sa 
» charge hors du nid. Il reste après 
» cette opération un peu de temps, 
»tâtant avec l’extrémité de ses 
» ailes, comme s’il voulait se con- 
» vaincre du succès de son entre- 
»prise. » Cemémoire de Jenner 
réunit beaucoup d'originalité à 
une grande exactitude d’observa- 
tion. 

II. À process for preparing pure 
emetic tartar. — Procédé pour 
préparer le tartre émétique par la 
recristallisation. 1795. Dédié à 
J. Hunter (inséré dans le premier 
volume des Transactions de la 
Société huntérienne pour l’avan- 
cement des sciences médicales et 
chirurgicales ). 

III. An Inquiry into the causes 
and effects of the variolæ vac- 
cinæ , etc. — Recherches sur les 
causes et les effets de la variole 
vaccine , maladie découverte dans 
quelques contrées de l’Angleterre 
occidentale, particulièrement dans 
le comté de Gloucester, et con- 
nue sous le nom de cow-pox, 1798, 


JEN 303 
in-4, de 65 pages. — Troisième 
édition, 1805, in-4. 

Après avoir rapporté les obser- 
vations à l’aide desquelles il éta- 
blit l’efficacité de la vaccination 
contre les atteintes de la petite- 
vérole , Jenner essaie l’explication 
de ce phénomène de la manière 
suivante : L'homme en s’écartant 
de l’état où ia nature semble l’a- 
voir originairement placé, s’est 
créé à lui-même une source abon- 
dante de maladies. Il s’est fami- 
liarisé avec un grand nombre 
d'animaux, avec lesquels il n’é- 
tait point destiné à vivre en so- 
ciété. Ces animaux domestiques 
n’exercent pas toujours sur la race 
humaine une influence directe, 
comme dans le cas de la rage; 
mais souvent, les espèces s’affec- 
tent réciproquement, de telle fa- 
con, qu’une maladie modifiée par 
la transmission d’une espèce à 
l’autre, devient susceptible de 
produire sur l’homme un efiet 
qui ne parait plus que secondaire 
comparativement à celui qu’elle 
aurait produit dans son état ori- 
ginaire. Ainsi, par exemple, la 
suppuration qui se forme aux 
jambes des chevaux et que les ma- 
réchaux appellent grease, irans- 
portée sur les vaches, y engendre 
la pustule vaccine, laquelle à son 
tour, est capable d’engendrer sur 
le corps de l’homme une mala- 
die tellement ressemblante à la 
petite-vérole, qu'il y a lieu de 
penser qu’elle émane de la même 
source. 


IV. Further Observations on the 
variolæ vaccineæ , etc. — Nouvelles 
observations sur la variole vac- 
cine, OU COwW-por. 1799 3 In-4. — 
Dédiées au docteur Parry, de 


204 JEN 
Bath , père du célèbre navigateur 
de ce nom. 

© V. À continuation of facts and 
observalions relative to the vaccinæ 
variolæ. — Suite des faits et obser- 
vations sur la variole vaccine, ou 
COW-pox. 1800 , in-4. 

Vi. Theorigin of the vaccin ino- 
culation. — Origine de lino- 
culation de la vaccine. 1801, 
in-/. 

VIS. On the V'arieties and modi- 
fications of the vaccine pustule, 
occasioned, etc.— Sur les Varietés 
et les modifications des pustules 
de vaccine occasionées par l’état 
dartreux de la peau. 1806. 


VIII. Observations on the dis- 
temper in dogs. — Observations 
sur une maladie deschiens (Fran- 
sactions de la Société médico- 
chirurgicale de Londres. 1809. 
vol: I). 

Il s’agit d’une maladie qui si- 
mule la rage, mais qui n’est point 
la rage elle-même, et à laquelle 
les chiens sont sujets. Elle ne se 
communique point à l’espèce hu- 
maine. Les Anglais l’appellent 
the distemper. 


IX. Two Cases of small-pox in- 
fection , etc. — Deux Cas d’infec- 
tion de petite-vérole, transmise 
au fœtus dans la matrice, avec 
des circonstances particulières , 
suivis de remarques additionnel- 
les. (Zbid.) 

X.Facts for the most part inobser- 
ved. -— Faits relatifs à la conta- 
gion de la variole, la plupart 
non observés jusqu’à présent, ou 
inexactement observés. 1808. 

XI. In Reference to the influence 
of herpes , eic. — De l’Influence 
des dartres pour modifier les bou- 
tons de vaccine. 


JEN 


Cet écrit [ut envoyé par Jenuer 
au docteur Willan, qui le plaça 
dans son Trailé sur l’inoculation 
de la vaccine. On trouve aussi des 
observations analogues que Jen- 
ner avait communiquées au doc- 
teur Wilson (Philip) , de Worces- 
ter, dans l’appendice de l’ouvrage 
de ce dernier sur les maladies fé- 
briles. — Jenner avait encore 
appelé l'attention des médecins 
sur ce point , dans une lettre pu- 
bliée en 1821. 


XII. Letter to Ch. Henry Par- 
ry, ete. — Lettre à Ch. H. Parry, 
médecin, membre de la Société 
royale de Londres, sur l’influence 
des éruptions artificielles dans 
quelques maladies du corps hu- 
main, avec des recherches sur les 
avantages probables qui doivent 
résulter de nouvelles expériences. 
Londres, 1822, in-4, de 67 pages. 

XIII. Essai sur les migrations 
des oiseaux. (en anglais )— publié 
dans le Philosophical Magazine, 
de Tilloch, en 1824, après la mort 
de l’auteur. 

Jenner s’est proposé d’assigner 
la véritable cause de ce phéno- 
mène, jusqu’à présent plus connu 
qu’expliqué. Il combat toutes les 
opinions émises par les natura- 
listes qui en ont parlé avant lui, 
et notamment celles qui attribuent 
les migrations des oiseaux au froid 
et au manque de nourriture. Il 
trouve la cause de ces voyages pé- 
riodiques dans un changement 
d’organisation intérieure de loi- 
seau , qui le pousse avec une force 
irrésistible et indépendante de 
toute circonstance extérieure , à 
chercher le lieu le plus convena- 
ble pour produire et élever une 
nouvelle famille. Les vues du doc- 


LAM 


teur Jenner sur cette question 
sont neuves et paraissent très- 
bien développées. On ne trouve 
pas la même force de raisonne- 
ment dans ce qu'il dit au sujet du 
chant des oiseaux; son système 
ne semble applicable qu'à un 
petit nombre de lieux sur le globe 


LLO 565 
et serait en défaut dans beau- 
coup d’autres. 

Jenner écrivait aussi quelque- 
fois , sur des sujets étrangers à la 
médecine; on trouve plusieurs 
articles de lui dans un recueil pé- 
riodique anglais, intitulé : L°’A4r- 
tiste. 


Ée 


LAMBTON (Gvwirraume), 
lieutenant-colonel au service de 
la compagnie des Indes anglaises, 
directeur-général des opérations 
trigonométriques dans cette con- 
trée, mourut dans un âge avancé, 
le 20 janvier 1825, à Kingin- 
Ghaut , soixante milles sud de 
Nagpoor. Les annalesdes Sociétés 
royales et asiatiques de Londres , 
contiennent les principaux résul- 
tats de ses observations , que 
M. Fourier, secrétaire-perpétuel 
de l’Académie des sciences de 
l'Institut de France, a mentionnés 
honorablement, dans son rapport 
de 1825. Durant vingt-deux ans, 
M. Lambton dirigea les travaux 
géodésiques entrepris dans les 
immenses possessions de la Com- 
pagnie des Indes, pour dresser 
une carte exacte de cette vaste et 
importante contrée, dont un grand 
nombre de lieux, même du pre- 
mier ordre, laissaient encore des 
doutes par rapport à leur position 
géographique. Ceite carte, dres- 
sée avec un soin remarquable et 
qui sera d’une utilité si étendue, 
ne peut manquer d’être rendue 
publique. Assisté dans ses travaux 
par plusieurs officiers de mérite, 
Lambion s'était réservé les opé- 


rations les plus difficiles ; celles-ci 
eurent pour objet de mesurer avec 
précision, un arc du méridien, de- 
puis le cap Comorin (latitude 8° 
23° 10° ) jusqu’auprès du village 
de Takoor-Kera, 15 milles sud- 
est de la ville d’Ellichpore (lon- 
gitude 21° 6° ); distance plus 
considérable que celle qui a été 
mesurée de concert , par les géo- 
mètres anglais et francais, entre 
les parallèles de Greenwich et 
l'ile de Formentera (Baléares ). 
C'était même l'intention du colo- 
nel Lambton d’étendre d’abord 
son arc jusqu’à Agra, et de le pro- 
longer ensuite à travers le Dooab 
et les monts Himalays , jusqu’au 
52° degré de latitude septentrio- 
nale. Si cette vaste entreprise ve- 
nait à être un jour accomplie , ce 
qui n’est pas improbable, l’Inde 
anglaise pourrait se vanter de 
posséder la fraction la plus lon- 
guement prolongée de la ligne du 
méridien qui ait jamais été mesu- 
rée sur notre globe. Le nom du 
colonel Lambton doit rester insé- 
parable de la gloire et de l'utilité 
d’un si précieux travail. 


LLORENTE (JEan-Anroine) , 
naquit , le 50 mars 1556 , à Rin- 


366 LLO 


con-del-Soto , près de Calahorra, 
en Arragon, de don Jean-Fran- 
cois Llorente y Alcarraz et de 
dona Maria-Manuela-Gonzales y 
Mendizabal , tous deux d’une no- 
blesse ancienne, mais possesseurs 
d’une fortune territoriale médio- 
cre. Un oncle maternel du jeune 
Llorente, prêtre bénéficier de la 
ville de Calahorra, se chargea de 
son éducation. Après avoir fait sa 
philosophie à Tarragone, il reçut 
la tonsure cléricale, à l’âge de 
quatorze ans, des mains de l’évê- 
que de Calahorra, le 21 décembre 
1750. Les trois années suivantes 
furent remplies, suivant les an- 
ciens usages scolastiques, par des 
cours de logique , après lesquels 
M. Llorente soutint un acte public 
de physique et de métaphysique. 
Ces cours avaient lieu dans un 
couvent de religieux de la Merci, 
et ces pères, conformément à un 
usage bizarre, en célébrèrent le 
terme par la représentation d’une 
comédie, que jouèrent leurs dis- 
ciples, dans l’intérieur de leur 
maison. On fit choix d’une pièce 
intitulée: La prudente Abigaïl ; le 
jeune Llorente. alors âgé de seize 
ans et doué d’une physionomie 
agréable, fut chargé du rôle d’A- 
bigail, d’abord femme de Nabal, 
et dans la suite, épouse du roi 
David. Les chanoines de la cathé- 
drale , les magistrats et les prin- 
cipaux habitans de la ville furent 
invités à ce spectacle; les jeunes 
acteurs obtinrent un tel succès, 
qu’on leur demanda plusieurs fois 
la même représentation. 

Au mois d’octôbre 1575, M. 
Llorente vint à Saragosse pour 
sy adonner à l'étude des lois. On 
n’y enseignait alors que le droit 
romein, quoique la durée des 


LLO 


cours fût de quatre années: Il 
profita des vacances de 1555 pour 
faire son premier voyage à Ma- 
drid , où il fréquenta les théâtres 
du Prince et de la Croix, et prit 
tant de goût pour le genre drama- 
tique, qu'après avoir lu et médité 
attentivement la poétique d’Aris- 
tote, traduite en espagnol par 
Joseph Gonzalès de Salas, et E- 
piître aux Pisons, d'Horace, tra- 
duite en vers espagnols par don 
Vincent Espinel, il s’essaya à 
composer une comédie intitulée : 
Le Dégoût du mariage, qu’il a jugée 
lui-même depuis, un ouvrage très- 
médiocre.Ondoitse rappeler qu’en 
Espagne, comme en Italie, les 
ecclésiastiques peuvent,sans scan- 
dale, se montrer aux théâtres 
publics. M. Llorente prit le grade 
de bachelier-ès-lois , en 17576 ; 
l’année suivante, il fut élu béné- 
ficier du chapitre de Calahorra , 
et recut successivement lesquatre 
ordres mineurs et le sous-diaco- 
nat. Il étudia ensuite Île droit 
canonique, enseigné alors dans 
l’université de Saragosse, d’a- 
près un canoniste, suivant Îe- 
quel le docte Van Espen était ré- 
puté suspect de jansénisme. Ce 
canoniste fondait son  ensei- 
gnement sur les principes ultra- 
montains et les fausses Décre- 
tales. L'esprit juste et les con- 
naissances etendues de M.Llorente 
le préseryérent de ces notions 
erronées, et firent de lui, au 
contraire, un des plus chauds 
défenseurs des libertés ecclésias- 
tiques. Enfin, il fut ordonné prêtre 
avec dispense, en 17579. n'élant 
encore âgé que de vingt-trois ans 
et deux mois (1), par l’évêque de 


(1) L’age fixé par es canons ‘en 


LLO 


Calahorra, son diocésain. Il fut 
autorisé à confesser les hommes 
un mois après; mais il ne recut 
le pouvoir de confesser les fem- 
mes qu’au bout de quatre ans. 
Peu après son ordination sacer- 
dotale , M. Llorente, ayant ter- 
miné tous ses cours, vint recevoir 
à Valence le bonnet de docteur en 
droit canon. Telle était dès-lors 
la justesse de ses idées, qu'il fit 
beaucoup d’efforts, quoique in- 
fructueusement, pour détourner 
un vieux ecclésiastique de léguer 
ses biens à des moines, au préju- 
dice de ses parens. 

De retour à Madrid pour la se- 
conde fois, en 1781, M. Llorente 
s’y fit recevoir avocat au Conseil 
suprême de Castille, après avoir 
subi un examen approfondi sur 
les lois et les coutumes nationales. 
Cette même année, il fut recu 
membre de l’Académie royale des 
saints canons, de la liturgie et 
de l’histoire ecclésiastique d’Es- 
pagne, établie à Madrid, sous 
l’invocation de saint Isidore. L’of- 
fice de promoteur-fiscal-général- 
ecclésiastique de l'évêché de Ca- 
lahorra étant venu à vaquer , en 
1782, M. Llorente en fut pourvu 
par son évêque, qui lui conféra 
en même temps, le titre de vicaire- 
général. M. Llorente nous raconte 
qu’au milieu des occupations mul- 
tiplices de ces deux emplois, il 
dérobait quelques heures de la 
nuit pour composer une sorte 
d'ouvrage dramatique . connu en 
Espagne sous le nom d’operetta , 
et qui a quelque analogie avec nos 
mélodrames. La pièce entremèêlée 


usage est celui de 25 ans : les ancicns 
canons exigeaient l’âge de 40 ans. 


LLO 56% 


d’ariettes, coupées sur les airs 
italiens alors en vogue, était in- 
titulée : Le Recruteur galicien , et 
elle fut exécutée avec succès, dans 
une maison particulière. M. Llo- 
rente conserva long-tempsle goût 
de la poésie dramatique ; car, 
plus tard, il composa encore une 
tragédie d’Euric , roi des Goths, 
dans laquelle il voulut retracer 
les intrigues et les vicissitudes qui 
agitaient alors son pays: cette 
pièce n’a pas vu le jour. En 1585, 
M. Llorente adressa une repré- 
sentation au roi Charles III pour 
obtenir un degrèvement des tri- 
buts que payaient les habitans de 
sa province; et non-seulement il 
eut le bonheur de réussir, mais 
encore le roi lui accorda des se- 
cours abondans, dont il le char- 
gea lui-même de faire la distribu- 
tion. 

« L’année 1784, dit M. Llorente 
dans sa Notice biographique, écrite 
par lui-même (1), fut l’époque où 
j'abandonnaiï tout-à-fait les prin- 
cipes ultramontains en matière de 
disciplineecclésiastique , les doc- 
trines scolastiques en théologie , 
et les maximes péripatéticiennes 
dans la philosophie et les sciences 
naturelles... Un homme instruit et 
judicieux qui habitait alors Cala- 
horra ; me fit sentir qu’une grande 
partie de mon savoir reposait sur 
des préjugés, et n’était guère 
puisé que dans des livres pleins 
d'erreurs. Il m'offrit en même 
temps , de diriger mes lectures. 
J'avais observé qu’il avait des 
connaissances supérieures à celles 


—————— 


(1) Paris, 1818. un vol. in-12 , en 
espagnol. Voyez ci-après, la Liste des 
ouvrages de M. Llorente. 


568 LLO 

des ecclésiastiques et des laïques 
de Calahorra; qu’il énonçait des 
idées et des observations que je 
ne rencontrais jamais dans mes 
auteurs. Il me disait : « Tout 
ici-bas peut se réduire en faits ou 
en raisonnemens; ne croyez ja- 
mais les premiers, sans témoi- 
gnages authentiques et dignes de 
foi; n’adhérez jamais aux seconds, 
quelle que soit l’autorité sur la- 
quelle ils s'appuient, à moins que 
votre esprit n’en perçoive l’évi- 
dence ; car il n’est point d’auto- 
rité hors de nous , qui soit com- 
pétente pour subjuguer la raison 
que la nature nous à donnée. » 
M. Llorente fit, sous l'influence 
de ces idées, des progrès rapides 
dans cette nouvelle direction. On 
voit que sa philosophie raison- 
nante était précisément l'opposé 
de celle qu’a prétendu découvrir 
tout récemment M. l’abbé de La 
Mennais, et qui n’admet, comme 
on sait, d’autre voie que l’auto- 
rité pour conduire à la vérité. 

On doit supposer qu’à cette 
époque, l’inquisition d’Espagne 
était bien mal avisée; car, en 
1785, le tribunal du saint-office 
de Logroño choisit M. Llorente 
pour son commissaire. Il lui fal- 
lut prouver que ses pères, en re- 
montant jusqu’à la troisième gé- 
nération, n’avaient encouru aucun 
châtiment de la part du Saint- 
Office, et qu’ils ne descendaient, 
ni de juifs, ni de Maures, ni 
d’hérétiques : formalité assez bi- 
zarre , du moins quant au second 
point; car celui qui voudrait pur- 
ger sa race en remontant jusqu'à 
l’époque de l’établissement de 
l’Inquisition, devrait établir que 
4064 personnes ( nombre calculé 
d'après le terme moyen de la du- 


LLO 


rée de la vie humaine) ne furent 
ni juifs, ni Maures, ni hérétiques. 
Aussi, l’on $e contentait de véri- 
fier que le nom d’aucun des ancë- 
tres du fonctionnaire de l’Inquisi - 
tion ne se trouvait inscrit sur les 
registres du Saint-Office. M. Llo- 
rente s’adonnait aussi avec quel- 
que succès, à la prédication , lors- 
qu’en 1588 , la duchesse de Soto- 
mayor, première dame de la reine 
Louise, femme de Charles IV, 
l’appela auprès d’elle, comme 
son conseil, sous le titre de Con- 
sultor de camara; plus tard, ïl 
devint un des exécuteurs testa- 
mentaires de cette dame, en s0- 
ciété avec des grands d’Espagne , 
des évêques et des membres du 
conseil de Castille, et enfin tu- 
teur du duc actuel de Sotomayer, 
un des plus riches seigneurs d’Es- 
pagne. 

Au commencement de 1789, 
le grand-inquisiteur-général, don 
Augustin Rubin de Cevallos , 
évêque de Jaen, nomma M. Llo- 
rente secrétaire-général de lin- 
quisition de la cour, poste qu'il 
occupa jusqu’en 1791, et qui mit 
à sa disposition les archives du 
Saint-Office, qu’il devait un jour 
révéler au monde. La même an- 
née, il fut admis deux fois auprès 
du roi Charles IV et de la reine 
sa femme, pour remettre en 
leurs mains divers legs pieux de 
la duchesse de Sotomayor. LL. 
MM. lui témoignèrent leur bien- 
veiilance en lui donnant un cano- 
picat de l’église de Calahorra. Ce 
bénéfice lui parut préférable au 
poste plus éminent d’inquisiteur 
de. Carthagène des Indes, que 
don Augustin Rubbin lui offrit. 
Le comte Ge Floridablanca était 
cette époque, le ministre princi- 


LLO 


pal qui geuvernait l'Espagne ; cet 
homme d’état, habile et éclairé , 
jugeant dès-lors que lemouvement 
qui commençait d’agiter l’Europe 
demandait plutôt à être secondé 
‘et modéré par le pouvoir, qu’ir- 
rité par d’imprudentes résistances, 
s’efforçait de favoriser en Espagne, 
le progrès des lumières et de la 
civilisation. Dans cetie vue, il 
institua à Madrid, une Académie 
d'Histoire, dont M. Llorente fut 
membre.Celui-ci fut même un des 
académiciens qui soutinrent des 
thèses publiques sur des points 
importans d'histoire nationale. 
On a conservé le souvenir d’une 
de ces solennités littéraires, célé- 
brée dans le monastère royal de 
Saint-Isidore, où assistèrent les 
personnages les plus distingués 
de la capitale, et où le cardinal 
de Lorenzana, alors archevêque 
de Tolède et primat du royaume, 
ne dédaigna pas de se mettre au 
nombre des argumentateurs. Ea 
thèse de M. Llorente avait pour 
objet de développer les plans que 
proposèrent, pour la restauration 
des études littéraires dans la chré- 
tienté, Cassiodore, en Italie, du- 
rant le sixième siècle , saint Isi- 
dore de Séville, en Espagne, 
durant le septième ; Charle- 
magne , en France , aidé d’Al- 
cuin, vers la fin du huitième; 
et de discuter si quelqu'un de ces 
plans pouvait être adapté à cette 
époque , et avec quelles modifica- 
tions. M. Llorente s’efforça d’éta- 
blir la supériorité de saint Isi- 
dore , à qui les sciences ecclésias- 
tiques durent en Espagne, leur 
plus grand éclat. Sa dissertation, 
analysée dans la gazette de Ma- 
drid , n’a point été imprimée. Elle 
lui valut la place de censeur, qu'il 


LLO 369 


exerça avec discernement et avec 
tolérance. 

M. Llorente se vit obligé, au 
commencement de 1791 , par 
suite de quelques intrigues de 
courtisans, de quitter Madrid et 
de se retirer dans son canonicat 
de Calahorra. C’est alors qu’ileut 
le bonheur d'offrir l'hospitalité à 
un nombre considérable de prè- 
tres français, que nos agitations 
intestines forçaient à chercher un 
refuge en Espagne. Il se trouvait 
être la seule personne de Cala- 
horra qui entendiît la langue fran- 
çaise ; cette circonstance dut na- 
turellement le faire choisir pour 
servir d’intermédiaire entre les 
exilés et les autorités ecclésiasti- 
ques et civiles du pays. C’est lui 
qui vérifia les papiers de nos pros- 
crits, qui pourvut à leur nourri- 
ture et à leur logement, examina 
ceux qui furent reconnus propres 
à servir dans l’exercice du saint 
ministère , leur procura des mes- 
ses rétribuées et même de l’em- 
ploi dans différentes paroisses. 
Outre ces soins personnels, M. 
Llorente intéressa en faveur des 
prêtres français, la générosité de 
plusieurs personnages de l’Espa- 
gne , dont il obtint des sommes 
considérables , parmi lesquels il 
cite le cardinal de Lorenzana, 
archevêque de Tolède , l’archevê- 
que de Séville, l’évêque de Cor- 
doue , et d’autres prélats (1). On 


(1) Non content de ces secours gé- 
néraux , M. Llorente recueillit dans sa 
propre maison M. Etienne Faisneau , 
clerc tonsuré du séminaire de Poitiers ; 
il l'y entretint durant cinq ans, et lui 
fournit les moyens d'établir un petit 
commerce, à l'aide duquel il a pu 
24 


0 


À 


LEO 


© 


970 


verra qu’exile à son tour, quel- 
ques années plus tard, M. Llo- 
rente fut payé de ces bienfaits par 
une odieuse ingratitude. 

L’année suivante , 1793 ; M. 
Llorente avait écrit une Histoire 
de lémigration du clergé français 
en Espagne, quidevait former un 
volume in-4°; mais le manuscrit 
s’égara entre les mains des nom- 
breux examinateurs auxquels il 
futsoumis, et un procureur-fis- 
cal essaya de consoler l’auteur de 
cet accident, en l’assurant que 
les circonstances n'auraient pas 
permis la publication du livre. 
À cette époque , un homme éclai- 
ré, qui se trouvait inquisiteur- 
général en Espague , don Manuel 
Abad la Sierra, jeta les yeux sur 
M. Llorente, précisément à cause 
de ses opinions modérées et phi- 
losophiques, pour dresser le plan 
de modifications importantes , 
qu’il voulait faire subir à la con- 
stitution intérieure et aux formes 
de procédure de lInquisition. 
Mais une intrigue de cour ne 
tarda pas à déplacer l’honnèête in- 
quisiteur : il fut destitué avant 
d’avoir pu exécuter ses projets. 
Plus tard, M. Llorente fut invité 
par un homme en crédit, à repren- 
dre l’exposition de ses plans, 
qu’on avait quelque espoir de 
faire réussir. Il se remit à l’œuvre 
de concert avec son évêque de 
Calahorra, don Franscisco Agui- 


subsister jusqu'a sa rentrée en France. 
M. Faisneau a été ordonné prêtre de- 
puis,, et il a signé , en cette qualité, 
uve attestation délivrée à M. Llorente, 
où il nous apprend qu’on lui don- 
vait le titre de père des ecclésias- 
tiques français. 


LEO 


riano , aux lumières et à la sa> 
gesse duquel il se plaît à rendre 
hommage, bien que depuis, on ait 
vu ce prélat voter, dans les cor- 
tès de Cadix, en faveur du main- 
tien de lInquisition. Quand le 
travail fut terminé, M. Llorente 
se rendit à Madrid, pour en favo- 
riser le succès. Il s'agissait de 
faire adopter le projet par le 
prince de la Paix, alors ministre 
tout-puissant. M. de Cabarrus et 
M. de Jovellanos s’y employèrent 
avec zèle. Il n’était question de 
rien moins que de donner dé la 
publicité aux procédures téné- 
breuses du Saint-Office. M. de 
Jovellanos ayant été appelé au 
ministère de grâce et de justice, 
M. Llorente acquit un nouveau 
crédit; mais la chute trop subite 
de ce ministre éclairé vint ajour- 
ner encore toutes ces améliora- 
tions. En 1706 et les années sui- 
vantes, le Conseil souverain de 
la Chambre royale des Indes plaça 
le nom de M. Llorente sur les 
listes de présentation soumises au 
Roi pour les évèchés de Mechoa- 
can, de Buenos-Ayres, et pour 
l’archevêché de Manille. 

Mais déjà les suppôts de l’In- 
quisition , fidèles à leur système, 
préparaient à M. Llorente ses 
premières persécutions. Il avait 
eu le courage de témoigner de 
l’intérêt à M. de Jovellanos , lors- 
qu'il passait à Calahorra pour se 
rendre au lieu de son exil, et 
l’on avait trouvé parmi lespapiers 
du ministre , letravail de M. Llo- 
rente sur l’Inquisition. C’était en 
1801 ; et l’odieux tribunal, dont 
on nous vante quelquefois la mo- 
derne bénignité, poursuivait alors, 
sous divers prétextes, entre au- 
tres celui de jansénisme , les per- 


LLO à 


sonnes les plus respectables qui 
avaient eu des liaisons avec M. de 
Jovellanos. Don Antonio de la 
Cuesta, archidiacre de la cathé- 
drale d’Avila, fut jeté dans les 
cachots, où il passa cinq années. 
Don Geronimo , son frère, cha- 
noine pénitencier de la même 
église, fut contraint de se sauver 
en France. Tous deux furent dé- 
clarés innocens, ‘et ils l’étaient 
en effet; mais, sans de puissantes 
protections ,; leur innocence ne 
leur aurait pas suffi. Des procès 
furent intentés par l’Inquisition, à 
la comtesse de Montijo , bien que 
revêtue de la grandesse d’Espa- 
gne ; à son Cousin, don Antoine 
Palafox, évêque de Cuenca; à don 
Antoine Tabira, évêque de Sala- 
manque ; à don Augustin Abad la 
Sierra, évêque de Barcelone, 
enfin , à plusieurs chanoines de 
Saint-Isidore ; à Madrid. Ces 
exemples récens méritaient d’être 
cités pour prouver que, si les 
lumières du siècle et l’adoucisse- 
ment des mœurs qui leur est dû , 
ont laissé sommeiller les familiers 
du Saint-Office, la démence de 
l'esprit de parti suffirait pour 
rendre à une institution sacrilége 
sa férocité native. On ouvrait à la 
poste de Madrid, la correspon- 
dance de M. Llorente avec M"° de 
Montijo ; on en prenait copie, et 
on laissait les lettres arriver à leur 
destination, afin d’en obtenir la 
suite. La collection en fut remise 
à l’inquisiteur-général. M. Llo- 
rente reçut ordre de se constituer 
prisonnier dans un couvent, et au 
bout de quelques jours, un mem- 
bre du Conseil suprème de l’In- 
quisition vintlui notifier un décret 
qui le déposait de ses charges de 
secrétaire et de commissaire du 


LLO 371 
Saint- Office, le condamnait à 
payer cinquante ducats d’amende, 
et à faire un mois de retraite dans 
un couvent. On lui laissait ignorer 
jusqu'aux motifs qui provoquaient 
cette sentence. En lui rendant ses 
papiers qu’on avait saisis, l’on 
retint tous ceux qui étaient rela- 
tifs à l’Inquisition, et quelques 
écrits en. faveur des libertés de 
l’église d'Espagne, et contre les 
prétentions de la cour de Rome. 
La disgrâce de M. Llorente dura 
jusqu’en 1805; il passa ce temps 
dans sa province, occupé de tra- 
vaux d’érudition, de piété et d’u- 
tilité publique. Rappelé à Madrid 
pour se livrer à des recherches 
historiques qui intéressaient le 
gouvernement, il fat nommé par 
le Roi, en 1806, chanoine de l’é- 
glise primatiale de. Tolède; puis 
écolâtre ( maître des écoles) du 
même chapitre, dignité unie à la 
place de chancelier de l’université 
de ia même ville ; l’année suivante, 
il fut reçu chevalier ecclésiastique 
de l’ordre de Charles IIT, après 
avoir fait les preuves de noblesse 
exigées par 1es statuts de l’ordre. 

Jusqu'ici, la carrière de M. Llo- 
rente a été presque entièrement 
ecclésiastique ; elle va maintenant 
devenir politique. Les Français 
avaient envahi l'Espagne; au mois 
de juin 1808, un ordre de Joa- 
chim Murat, alors grand-duc de 
Berg, et qui commandait les ar- 
mées de Napoléon, manda M. Llo- 
rente à Bayonne pour faire partie 
de l’assemblée des notables espa- 
gnols, convoquée afin de réformer 
le mode de gouvernement de la 
monarchie, et lui donner une 
constitution politique. I prit part 
aux délibérations de cette assem- 
blée , et son nom se lit au bas de 


372 LLO 
l'acte constitutionnel qu’elle rédi- 
gea. Engagé ainsi dans le parti de 
Joseph Bonaparte, il se vit appelé 
dans son conseil-d’état. Bientôt 
il lui fallut suivre, après ses pre- 
miers revers, le roi qui venait de 
l’attacher à sa fortune ; la victoire 
de Baylen, réveillant l’énergie 
nationale , avait propagé l’insur- 
rection à Madrid et à Tolède. 
M. Llorente se réfugia, à la suite 
de Joseph Bonaparte, à Vittoria. 
Il l’accompagna aussi dans un 
voyage qu'il fit en Aragon, et 
obtint de lui divers bienfaits pour 
son pays natal. 

L'année 1809 vit tomber lIn- 
quisition , abolie en Espagne par 
un décret du nouveau roi. M.Llo- 
rente fut choisi pour examiner ses 
vastes archives et pour écrire 
V’histoire de ce tribunal ecclésias- 
tique. Pendant deux années, plu- 
sieurs personnes furent employées 
à copier ou à extraire , d’après ses 
Andications , les pièces originales 
qui se trouvaient dans ces archi- 
ves. La réunion de cès précieux 
matériaux, joints à ceux qu'il 
s’était occupé à rassembler depuis 
1789 , lui permit de tracer un ta- 
bleau du Saint-Office, qui lui a 
mérité le surnom de Suétone de 
l’Inquisition. La même année, les 
ordres monastiques ayant été 
supprimés, il fut chargé de faire 
exécuter graduellement leur sup- 
pression , et de recueillir le mo- 
bilier et les effets des couvens 
détruits. Il s’acquitta de cette 
mission difficile, de manière à 
tempérer tout ce qu’elle pouvait 
avoir de rigoureux. La place im- 
portante de directeur-général des 
biens nationaux lui fut ensuite 
confiée : on avait déclaré natio- 
nales les propriétés de ceux qui 


LLO 


étaient allés se joindre au gouver- 
nement de Cadix, ou des juntes 
qui lui obéissaient ; lorsqu'ils 
n'étaient pas rentrés dans leurs 
foyers à l’époque fixée par les dé- 
crets du nouveau gouvernement. 
Engagé dans une si fatale cause , 
M. Llorente ne pouvait plus faire 
le bien, mais seulement empé- 
cher quelque mal : c’est ainsi 
qu’il obtint qu’on laissât l’adminis- 
tration des biens confisqués aux 
femmes , aux enfans , aux parens 
des émigrés ; il invoque nomina- 
lement , à ce sujet, le témoignage 
de quelques-uns des personnages 
les plus illustres de lEspagne, 
qui ne l’ont point démenti. 11 ne 
conserva pas long-temps celte 
charge pénible; et Joseph, comme 
pour l’en dédommager, le nomma 
commissaire-général-apostolique 
de {a sainte croisade, place qui 
conférait la distribution générale 
des aumônes royales; genre de 
libéralité assez mal entendu , si 
on le considère sous le point de 
vue de l’économie politique, mais 
dont l'esprit monastique , qui a 
si long-temps dominé en Espa- 
gne, a fait dans ce pays, une sorte 
d’usage national. Pendant qu’il 
remplissait ces emplois si impor- 
tans et si diversifiés, M. Llorente 
publia, en Espagne même (cir- 
constance qui exigeait quelque 
courage de sa part), le premier 
jet de son Histoire de l Inquisition. 
Plus tard, il refondit ce travail et 
le publia en français ; c’est depuis 
cette dernière époque qu'il a ob- 
tenu une célébrité européenne. 
Au mois d'août 1812, par suite 
de la perte de da bataille des 
Arapiles , là cour de Joseph ayant 
été obligée d’évacuer Madrid, 
M. Llorente la suivit à Valence, 


LLO 


et publia dans cette ville, queiques 
pamphlets politiques en faveur de 
son parti. Ces brochures révèlent 
dans leur auteur, un triste aveu- 
glement, une véritable fascination 
touchant l’opinion publique de sa 
nation et ses intérêts réels : l’une 
d'elles est même dirigée contre 
les cortès de Cadix et contre les 
principes de leur célèbre consti- 
tution. Telles étaient devenues les 
conséquences déplorables d’une 
première déviation et d’un funeste 
engagement. Les revers succes- 
sifs des armées françaises forcè- 
rent enfin M. Horente de quitter 
avec elles le sol dé sa patrie; il 
entra en France par Oléron , et, 
après avoir visité Bordeaux, Tou- 
louse et d’autres villes du midide 
la France, il arriva à Paris, au 
mois de mars 1814. Les grands 
événemens de cette année s’ac- 
complirent, et Ferdinand VIT re- 
monta sur le trône , que l’héroïsme 
de son peuple avait su lui conser- 
ver. 

Le parti de Joseph, qui n’avait 
jamais eu d’autre argument que la 
force , s’évanouit dès qu’elle lui 
manqua ; aussi, nul de ses servi- 
teurs ne fit difliculté de se sou- 
mettre à Ferdinand. Celui-ci, 
dominé par les conseils de quel- 
ques courtisans qui le poussèrent 
à des actes d’une rigueur impla- 
cable, commenéa par renverser 
l’œuvre de ceux qui avaient dé- 
fendu sa couronne pendant qu’il 
était captif, et il proscrivit à la 
fois, les généreux citoyens qui 
avaient constamment défendu la 
patrie et servi la cause de l’indé- 
pendance, et les Espagnols dési- 
gnés sous le nom de Josephinos , 
dont il repoussa les actes de sou- 
mission. M. Llorente subit, comme 


LLO 979 
tel , la double peine du bannisse- 
ment perpétuel et de la confisca- 
tion de ses biens : il perdit, entre 
autres choses , par l’effet de cette 
mesure, une bibliothèque de plus 
de huit mille volumes, qu’il avait 
laissée à Madrid, et qui se com- 
posait d’un grand nombre de ma- 
nuscrits et de livres rares et pré- 
cieux. Il se trouvait à la fois, 
dépouillé de ses dignités et de ses 
revenus ecclésiastiques. En sa 
qualité de chanoine et dignitaire 
de Péglise de Tolède, il protesta 
contre ces derniers résultats du 
décret royal, et demanda à être 
jugé régulièrement, après avoir 
été entendu; il rendit publique sa 
protestation. Pendant l’année 
1814, M. Llorente fit un voyage 
à Londres , dont le climat lui 
convint peu, ce qui le détermina 
à venir se fixer définitivement à 
Paris. La richesse et l’accès facile 
des bibliothèques publiques, le 
commerce honorable et doux des 
savans de celte capitale, quis’em- 
pressèrent de rendre justice au 
mérite du docte prêtre espagnol, 
lui firent bientôt trouver des 
charmes dans cette résidence 
étrangère ; il s’y livra sans partage, 
aux recherches d’érudition pour 
lesquelles il était ne. Divers écrits 
relatifs à l’histoire ancienne et 
moderne de l'Espagne, furent les 
fruits de sa retraite; même il se 
produisit sur la scène politique , 
avec. cet éclat qui sied bien à 
l'innocence calonminiée , alors 
qu’un membre de la Chambre 
des députés fit laffront à la 
générosité française de deman- 
der la suppression du pain de 
l'exil, accordé aux Espagnols que 
notre invasion avait entraînés 
dans le gouffre de nos calamités. 


374 LLO 

Avec cette chaleur du cœur et 
cette pompe de diction qui carac- 
térisent son talent, M. Lainé vint 
à l'instant même, donner satisfac- 
tion au sentiment public. De son 
côté, M. Llorente écrivit pour 
justifier au moins les intentions 
des personnes qui gémissaient 
avec lui sous un malheur com- 
mun ; il releva une foule d'erreurs 
matérielles que M. Clausel de 
Coussergues avait commises ; et 
répondit à l’assertionirexacte qu’il 
n’y ayait point eu d’auto-da-fé 
depuis 1680 , en établissant que, 
depuis Pan 1700 jusqu’en 1808 , 
quinze centsoixante-dix-huit per- 
sonnes avaient péri dans les bû- 
chers de l’Inquisition. La publica- 
tion des annales complètes du St.- 
Office suivit de près, et s’étendit 
en Europe et même dans Îes deux 
mondes; en sorte que, traduite 
en anglais, en allemand , en ita- 
lien, !’Histoire de l'Inquisition se 
rencontre aujourd’hui dans la plu- 
part des bibliothèques. La fortune 
de ce livre est due, non pas au 
style, dépourvu de coloris et 
d'élégance , non pas à la disposi- 
tion habile des matériaux, à l’é- 
nergie des portraits, à la profon- 
deur des aperçus , à la finesse des 
observations; au contraire, Îles 
parties brillantes de l’art d'écrire 
manquent dans cet ouvrage ; 
mais l’authenticité des pièces im- 
portantes qu’il renferme , l’exac- 
titude et la nouveauté des détails 
qu’il révèle, la vérité frappante 
d’une narration sans ornemens, 
ont sufli pour donner tout à coup 
à ce livre le caractère de source 
historique ; c’est-à-dire qu'iln’est 
plus permis désormais de parler 
ui d'écrire sur l’Inquisition, sans 
consulter et sans citer le témoi- 


LLO 


gnage de son véridique annaliste. 

Mais, jusqu’à ce jour, ce n’est 
pas impunément qu’on à pu por- 
ter quelques coups à l’intolérance 
et au fanatisme enveloppés du 
manteau sacré. Les hommes gé- 
néreux qui l’ont essayé, ont des 
droits particuliers à notre estime, 
car il dut leur être facile de pré- 
voir qu’une longue responsabi- 
lité poursuivrait leurs tentatives. 
M. Llorente offrit à son tour , un 
triste etnouvelexempledel’impla- 
cabilité de ceux qui se disent les 
disciples du maîtrele plus doux et 
le plus miséricordieux. À peine 
eut-il publié l'Histoire de l’Inqui- 
silion, que le tribunal de Ja péni- 
tence, où il consolait quelques 
exilés de la nation catholique, 
lui fug interdit à Paris. I] était 
dans l’usage de célébrer la messe 
à l’église de Saint-Eustache , et la 
modique obole qu’une pieuse 
charité attache au service sacré , 
concourait à pourvoir imparfaite- 
ment aux nécessités de sa vieilles- 
se. Les supérieurs ecclésiastiques 
du diocèse de Paris lui firent si- 
gnifier la défense de célébrer nos 
saints mystères. Enfin, celui qui 
avait été dignitaire de l’une des 
plus riches églises de la catholi- 
cité, conseiller-d’état du frère de 
Napoléon, directeur de ses biens 
nationaux et distributeur de ses 
aumônes royales”, s’estimait heu- 
reux de gagner honorablementun 
médiocre salaire , en instruisant 
de jeunes Français, dans un pen- 
sionnat de Paris, à répéter les 
accens de cette belle langue cas- 
tillane, dont Raynala dit qu’elle 
est éclatante comme l’or et sonore 
comme Pargent. Eh bien! le 
croira-t-on ? l'intolérance fut assez 
puissante et la législation assez 


LLO 


dure, pour qu’il pût être interdit 
à M. Llorente, au nom de l’Uni- 
versité, de donner des lecons 
d'espagnol dans une institution 
particulière. Le directeur de cette 
maison fit beaucoup d'efforts pour 
obtenir la révocation de cette dé- 
fense, et ses efforts furent tou- 
jours superflus. En dépit de ses 
ennemis,M. Llorente ne cessa 
pas de trouver dans les trésors de 
son érudition, dans ses goûts la- 
borieux, dans la faveur publique, 
et aussi dans les sollicitudes de 
lestime et de l’amitié, ce que ré- 
clamaient ses habitudes frugales 
et les convenances de sa position 
dans le monde. 

La publication des Portraits 
poliliques des. Papes vint mettre 
le comble aux ressentimens que 
les écrits de M. Llorente avaient 
amassés contre lui. Cet ouvrage 
est un travail d’une grande éru- 
dition ; il fournira même, si l’on 
veut, un triste divertissement à 
ceux que les abus introduits dans 
la religion catholique et les fautes 
de ses prêtres, ont rendus ses 
ennemis. Mais, outre que l’auteur 
accueille une foule de choses 
d’une authenticité plus que dou- 
teuse, notamment l’histoire de la 
prétendue papesse Jeanne, dont la 
source apocryphe est aujourd’hui 
suffisamment constatée , nous di- 
rons avec douleur, que lesujet, le 
but , et peut-être même le ton de 
Vouvrage, convenaient également 
peu au caractère d’un prêtre ca- 
tholique , dont l’honneur est, en 
quelque sorte, inséparable de 
celui du Siége apostolique, quoi- 
qu'il puisse toujours user d’une 
juste liberté pour combattre les 
erreurs qui prétendent se couvrir 
de cette grave autorité. Après 


LLO 373 
avoir exposé avec franchise, notre 
opinion personnelle sur ce livre, 
ilnous devient permis d'exprimer 
aussi l'indignation qu’a soulevée 
dans toutesles âmes véritablement 
chrétiennes, la rigueur inouïe 
exercée. à l’égard de l’auteur. Au 
commencement du mois de dé- 
cembre 1822, il lui fut enjoint 
de quitter Paris sous trois jours, 
et la France sans délai. M. Llo- 
rente aurait pu rentrer dans sa 
patrie, immédiatement après la 
révolution de 1820; mais il ne 
devait plus y retrouver les biens 
et les honneurs dont les événe- 
mens précédens Pavaient dépouil- 
lé ; jouissant d’ailleurs, à Paris, de 
la sécurité et de la eonsidération 
dont sa vieillesse éprouvait le be- 
soin, il avait résolu d’y finir ses 
jours. Son expulsion brusque et 
violente de sa patrie adoptive, fut 
donc pour lui, comme un second 
exil. Des efforts furent tentés par 
les amis de M. Llorente pour sus- 
pendre au moins , l’exécution de 
Pordre arbitraire qui devait lui 
être si fatal; mais ils furent in- 
fructueux; et Phonorable banni 
partit, consolé par les témoigna- 
ges d'estime et d’affection et par 
les généreux secours dont le com- 
blèrent , dans cette triste circon- 
stance , plusieurs citoyens recom- 
mandables, toujours prêts àbraver 
la calomnie pour rester fidèles au 
malheur. 

M. Llorente traversa rapide- 
ment la France, au moment où 
la neige couvrait toute sa surface; 
il ne lui fut pas même permis de 
reposer quelques jours, à Bayon- 
ne , sa tête septuagénaire. Dès son 
entrée sur le sol natal, il fut ac- 
cueilli par les témoignages les 
plus éclatans de l'estime publique. 


576 LLO 

Il n'aurait pas tardé sans doute , 
à en recevoir des preuves plus 
effectives, qui probablement l’au- 
raient détourné de lPintention 
qu'il avait eue d’accepter une 
chaire qui lui était offerte dans 
l’université de Santo-Domingo. 
Mais, peu de jours après son ar- 
rivée à Madrid, le 5 février 18253, 
il succomba, par suite des fati- 
gues extraordinaires auxquelles 
on venait de le condamner. Ses 
obsèques eurent lieu le 8, dans 
l’église de San-Pedro, avec toute 
la pompe convenable; son corps 
a été déposé au cimetière de Fun- 
carral, après qu’on eut levé un 
moule en plâtre; de son buste. 
M. Llorente a pardonné avant de 
mourir, à ses persécuteurs; Dieu, 
qui connaît le secret des cœurs, 
peut pardonner aussi à leur re- 
pentir; mais, sur la terre, on ne 
leur pardonnera point, parce que 
les hommes d’une certaine supé- 
riorité morale ont acquis un droit 
d'inviolabilité qui imprime une 
tache indélébile à leurs proscrip- 
teurs. 

La religion, la politique et 
Phistoire furent tour à tour rede- 
vables à M. Llorente de services 
importans ; quelquefois aussi, 
elles eurent à se plaindre de ses 
erreurs. Sans doute, il a bien mé- 
rité de la religion, en combattant 
et en démasquant le fanatisme 
sanguinaire qui en souille la pu- 
reté. Il a dû rallier à sa cause 
plusieurs esprits généreux, que 
d’odieuses et fausses interpréta- 
tions en auraient éloignés; il a 
contribué à la guérir de cette lè- 
pre de la superstition , qui sou- 
vent s'attache à ses œuvres: mais, 
trop exclusivement voué à la 
poursuite des abus modernes, on 


ELLO 


l’a vu quelquefois , offenser ees 
traditions d’origine apostolique , 
que le vrai catholique respecte à 
Pégal des dogmes de sa foi. Ac- 
coutumé à remonter aux sources 
historiques et à les vérifiér sévè- 
rement, il a quelquefois oublié 
que, dans sa communion, il est 
des établissemens, des coutumes 
et des faits, dont la discussion n’a 
pas été abandonnée au libre ar- 
bitre de chacun; mais qui, pour 
nous catholiques , sont et demeu- 
rent irrévocablement .fixés par 
cette tradition constante des égli- 
ses , que nous rangeons au nom- 
bre des règles de notre foi : c’est 
ainsi que la nation anglaise, jus- 
tement admirée pour la sagesse 
de ses lois et la générosité de ses 
mœurs, compte parmi ses insti- 
tutions les plus vénérées ; des 
usages et des précédens, qu’elle 
respecte à l’égal de ses chartes 
écrites. Les .erreurs de M. Llo- 
rente, dans la carrière politique , 
offrent également un point de vue 
excusable, Il fut l’un des premiers 
en Espagne, qui reçurent et pro- 
pagèrent les idées libérales et phi- 
losophiques de notre époque; il 
contribua efficacement à les ré- 
paudre dans son pays. En 1808, 
Bonaparte était encore la Révolu- 
tion pour beaucoup d'étrangers , 
qui ne s'étaient pas trouvés à 
même d’apprécier le earactère de 
l’un et les vrais principes de l’au- 
tre.Combien de personnages émi- 
nens de l'opposition anglaise 
sont tombés dans la même erreur, 
avec bien plus de lumières pour 
léviter! D’un autre côté, tant 
que l’étendard de la liberté ne 
fut pas érigé à Cadix , Le parti de 
Ferdinand VII pouvait sembler 
celui de l’ancien régime et de 


LLO 


tous ses abus, sans en excepter 
l’Inquisition. Joseph abolissait 
celle-ci ; il attaquait au cœur l’ar- 
bre de la féodalité ; il sapait par 
sa base le colosse de la supersti- 
tion. C’est sous l’empire de ces 
prestiges que M. Llorente prit ses 
premiers engagemens politiqires. 
Ces motifs, toutefois, ne for- 
maient qu’une partie des raisons 
qu’il alléguait pour justifier sa 
conduite, où il persista toujours 
à ne pas reconnaitre des torts. 
Lorsque la résistance commença, 
disait-il, le succès semblait ün- 
possible; elle livrait l’Espagne 
aux horreurs de la guerre civile 
et de la dévastation ; enfin, il à 
pu faire autant et plus de bien à 
son pays et à ses concitoyens dans 
le parti de Joseph, que s’il avait 
suivi le gouvernement de Cadix. 
Ce système de justification parai- 
tra sans doute inadmissible; car 
il ne tendrait à rien moins qu’à 
donner droit à la force , et à ran- 
ger sur la même ligne le gouver- 
nement national et l’usurpation 
étrangère. Maïs si M. Llorente se 
trompa, ce fut avec bonne foi. 
Plus tard , et quand laconstitution 
de Cadix eut été proclamée et re- 
connue dans une partie de l’Es- 
pagne , l’on doit attribuer la per- 
sévérance que mit M. Llorente à 
servir la cause de Joseph, à la 
force de ses engagemens précé- 
dens , et à la nécessité de sa con- 
servation. Pour s’en séparer, il 
lui eût fallu risquer, en 1812, les 
élémens de son existence; en 
1814, peut-être la vie. Nous pou- 
vons ajouter qu'il vit avec joie la 
révolution de 1820, et qu’il s’en 
montra constamment le zélé dé- 
fenseur ; quoiqu'il eût encore 
quelque peine à se défendre d’une 


LLO 377 
fâcheuse prévention contre les 
grands citoyens qui, en 1812, 
sauvèrent l'Espagne à Cadix, et 
qu’il n'ait pas cessé d'envisager 
les événemens de cette époque 
sous un point de vue tout-à-fait 
erronné. 

M. Llorente possédait un 
vaste savoir , principalement dans 
les matières ecclésiastiques et 
historiques; mais son érudition 
n'avait pas cetle précision rigou- 
reuse ,; que les savans d’Angle- 
terre, de France et d'Allemagne 
exigent aujourd’hui. Son esprit 
ne manquait pas de netteté et de 
méthode; et pourtant, l’art de 
faire un livre, tel que nous le 
comprenons en France, ne lui 
était pas connu. Son style dans 
sa langue maternelle, autant qu’il 
nous est permis d’ea juger, avait 
de la correction et de la clarté, 
mais ne se faisait distinguer 
par aucune qualité brillante; il 
parlait le français péniblement , 
peu eorrectement, et l’écrivait de 
même, Ce qu’il a publié dans cette 
langue , a dû nécessairement être 
revu par des personnes à qui elle: 
fût plus familière. Sa conversa- 
tion était d’ailleurs animée comme 
son regard, nourrie d'idées justes, 
de souvenirs intéressans et de 
faits curieux. Sa taille était médio- 
cre, ses yeux noirs et vifs, son 
teint brun , sa physionomie aus- 
tère , son front élevé; tout en lui. 
offrait le type de la nation espa- 
gnole, dont son nom et ses tra-. 
vaux doivent honorer les fastes. 


Liste des ouvrages 


de J.-A. Lilorente. 


I. Historia de los pleytos de le: 
casa de Sotomayor, etc:—Histoire 


378 LLO 

des prétentions de la maison de 
Sotomayor , sur la seigneurie de 
divers villages, et des autres droits 
de cette maison, depuis le trei- 
zième siècle. 

M. Llorente a écrit quelques 
autres ouvrages généalogiques du 
même genre : il en donne la liste 
dans sa vie, écrite par lui-même. 
(pag- 69.) 

IT. Monumento romano descu- 
bierto , etc. — Monument romain 
découvert à Calahorra , le 4 mars 
1788. Madrid , 178y, in-4. 

Ce monument consiste en une 
pierre tumulaire , ornée d’une in- 
scription et d'un bas-relief. Il a 
été placé par les soins de M. Llo- 
rente, dans la maison de ville de 
Calahorra, où on le voit encore. 
Les fouilles auxquelles il donna 
lieu mirent sur la voie de la dé- 
couverte d’un aquéduc romain, 
et de diverses constructions anti- 
ques très-importantes. M. Llo- 
rente a publié la première expli- 
cation de ce monument , dans le 
Memoriale litterario de Madrid 
(Septembre , 1789, tom. XVIII, 
pag: 47): il l’a rectifiée ensuite , 
dans sa Notice historique des pro- 
vinces Ÿasconnes pag. 299. ( Foy. 
ci-après, n. IV , part. III). Enfin, 
ce monument a fourni à M. d’Hau- 
tefort , le sujet d’une dissertation 
accompagnée d’une gravure, dans 
les Annales Encylopédiques de 
M. Millin (1818, tom. II, pag. 
37 }. 

III. Discursos historico-canoni- 
cos, etc. — Discours historico- 
canoniques sur l’origine et la na- 
ture des bénéfices canonicaux de 
l’église de Calahorra. 1790, in-4. 

C’est une espèce de mémoire 
judiciaire. L'auteur en a publié 
plusieurs de ce genre, la plupart 


LLO 


anonymes. Il les indique dans sa 
vie écrite par lui-même (pag. 58). 

IV. MNoticias historicas, etc. — 
Notices historiques sur les trois 
provinces Vasconnes , Alava , 
Guipuscoa et Biscaye, avec l’o- 
rigine de leurs lois fondamenta- 
les (fueros). Madrid , imprimerie 
royale, 1806-1807, 5 vol. in-4. 
— Il restait encore 2 volumes à 
publier pour compléter l’ouvrage. 

V. Discurso heraldico , etc. — 
Discours héraldique sur l’écu des 
armes d’Espagne. Madrid, 1809, 
in-8. 

Ce discours avait été prononcé, 
l’année précédente , dans l’assem- 
blée constituante de Bayonne: 

VI. Coleccion diplomatica de va- 
rios papeles, etc. — Collection 
diplomatique de diverses pièces 
anciennes et modernes, sur les 
dispenses matrimeoniales et autres 
points de discipline ecclésiasti- 
que. 1809, in-4. 

Cet écrit fut publié, par ordre 
de Joseph Bonaparte, pour pré- 
parer l'opinion à l'abolition des. 
tributs payés à la cour de Rome, 
à l’occasion des dispenses.…. 

VII. Disertacion sobre el po- 
der ; etc. — Dissertation sur le 
pouvoir que les rois espagnols ont 
exercé depuis Le douzième siècle , 
sur la division des évêchés, et sur 
d’autres points de discipline ec- 
clésiastique , avec un appendix de 
pièces justificatives. 1810, in-4, 
2/6 pages. | 

VIII. Memoria historica sobre 
qual ha sido, etc. — Mémoire 
historique sur ce sujet : Quelle a 
été Popinion nationale de l’Espa- 
gne , touchant le tribunal de l’In- 
quisition ? publié avec l’approba- 
tion de l’Académie royale de 


LLO 


l'Histoire. 1812.— Madrid, 1821, 
in-8. 

L'auteur démontre dans cet 
ouvrage, que la nation espagnole 
a résisté, tant qu’elle l’a pu, à 
l'établissement de l’Inquisition , 
et qu’elle n’a cessé de réclamer 
son abolition. 

IX. Discurso sobre la opinion 
nationale de Espana, etc. — Dis- 
cours sur l’opinion nationale de 
l'Espagne , concernant la guerre 
avec la France. Valence, 1812, 
in-4 , et Saragosse, 18153. 

C’est un manifeste en faveur de 
Joseph et contre le parti national. 

X. Observacions sobre las dinas- 
tias, ete. — Observations sur les 
dynasties d’Espagne. Valence , 
1812 ,in-4, et Saragosse , 1813. 

L'auteur prétend démontrer 
que toutes les familles qui ont 
régné en Espagne ont été d’ori- 
gine française. 

XI. Representacion del. senor 
obispo de Orense, eté: — Repré- 
sentation de Mgr. l’évèque d’O- 
rense, à la Régence de Cadix, 
avec des réflexions de l’éditeur. 
Saragosse , 1819. 

D, Pierre Quevedo , évêque 
d’Orense , fut banni du royaume, 
dépouillé de ses honneurs et pré- 
rogatives, et déclaré indigne du 
nom d’Espagnol, par décret des 
Cortès de Cadix, sanctionné par 
la Régence, au mois d’août 1812, 
pour n’avoir consenti à jurer fidé- 
lité à la constitution qu’avec cer- 
taines restrictions. M. Llorente 
s’empara. de la réclamation de 
l'évêque contre le décret, pour 
critiquer la constitution espagnole 
et argumenter de nouveau en fa- 
veur de Joseph. 

XII. Mémoires pour servir à 
l’histoire de la révolution d'Espa- 


LLO 979 
gne, avec des pièces justificatives , 
par M. Nellerto (anagramme de 
Llorente ). Paris, 1815-1819 , 
9 vol. in-8. 

Ce recueil est composé, en 
grande partie, de pièces authen- 
tiques et originales, publiées pour 
la première fois, par M. Llorente. 
Il est indispensable à celui qui 
veut approfondir l’histoire de la 
révolution de 1808. 

XIII. Defensa canonica y poli- 
tica, etc. — Défense canonique et 
politique de D. J. A. Llorente , 
contre l’injuste accusation de cri- 
mes supposés, applicable sous 
divers rapports, à la plupart des 
Espagnoïs réfugiés en France. 
Paris, 1816, in-12. 

XIV. Lettre de D. J. A. Llo- 
rente à M.Clausel de Coussergues, 
sur lInquisition d'Espagne. Paris, 
1817, in-8. 

XV. Histoire critique de l’inqui- 
sition d’Espagne, depuis l’époque 
de son établissement par Ferdi- 
nand V, jusqu’au règne de Fer- 
dinand VIT , tirée des pièces ori- 
ginales, des archives du conseil 
de la Suprême, et de celles des 
tribunaux subalternes du Saint- 
Office; traduit de l’espagnol sur 
le manuscrit et sous les yeux de 
l’auteur, par Alexis Pellier. Paris, 
Treuttel et Würtz, 1817, 1818, 
4 vol. in-8, ornés des armes et 
du portrait de l’auteur ( ce dernier 
n’est pointressembiant).--deuxiè- 
me édition, Paris, 1820, 4 vol. 
in-8. — En éspagnol , Madrid 
(Paris), 1822, 11 vol. in-12. — 
En hollandais (deux traductions) ; 
Amsterdam et Francker, J. C. 
Sepp et fils, et G. Ypma , 1825, 
in-8. 

M. Léonard Gallois a publié 
une Histoire abrégée de P Inquist. 


380 LLO 


dion. Paris, Chasseriau , 1823, 
in-18. deux éditions — On a 
réimprimé en tête, la présente 
notite , en omettant le nom de 
l’auteur. Elle a été. publiée ‘pour 
la première fois, dans la Revue 
encyclopédique (t: XVIIT, p. 25), 
ornée d'nn portrait de M. Llo- 
rente, lithographié d’après une mi- 
gnatureressemblante(1).—L’His- 
toire abrégée de l’[nquisttion, avec 
la notice sur Llorente, ont été 
traduités, en espagnol, par Ro- 
driguez Buron (Paris, Tourna- 
chon-Molin, 1825, 2 vol. in-18.); 
— et en allemand, avec des notes 
et un portrait, par M*** (Leipzig, 
Voss, 1823; in-8 , de 556 pages). 

XVI. Monumens historiques con- 
cernant les. deux Pragmatiques 
sanctions, avec des notes, suivies 
d’un catéchisme sur les concordats. 
Paris, 1818, in-8, de 200 pag. 

XVII. Moticia biographica , etc. 
— Notice biographique de D. J. 
A. Llorente; ou Mémoires pour 
l’histoire de sa vie, écrits par lui- 
même, Paris, Bobée, 1818,in-12, 
xxiv et 259 pages , orné du même 
portrait que l’Histoire de l’Inqui- 
sition édit. de Paris. 

C’est dans ce volume que nous 
avons puisé les détails qui servent 
de base à notre Notice. 

XVIII. Discursos sobre una con- 
slitucion religiosa, etc.—Discours 
sur une censtitution religieuse , 
considérée comme partie inté- 
grante de la constitution natio- 
nale ; écrits par un Américain, 
publiés par D. J. A. Llorente, 
docteur en droit canon. Paris, 


(1) On a aussi un autre portrait res- 
semblant de Llorente, lithographié en 
1823, par M. Ponce-Camus. 


LLO 


Stahl, 1819; in-12, xvi et 187 
pages. 

Ce livre, destiné pour l’Amé- 
rique espagnole, où l'édition a 
passé presque entière, renferme 
des choses très-hardies. 11 fut 
censuré par l'autorité ecclésiasti- 
que de Barcelone , tandis que la 
Société patriotique, de cette. ville 
en prit la défense, et inscrivit 
Pauteur parmi ses membres. Ce 
procès donna lieu à deux écrits, 
publiés en espagnol , à Barcelone. 
M. Llorente lui-même publia, 
pour sa défense , l’ouvrage’ sui- 
vant, qui contient le développe- 
ment de ses idées, sur la réforme 
à faire subir à la discipline ecclé- 
siastique. | 

XIX. A pologia catolica del Pro- 
yecto, eltc.-— Apologie catholiq ue 
du projet de constitution reli- 
gieuse , etc. Paris, Moreau, 1821 ; 
in-8 , xiij et 544 pag., un volume, 
divisé en 2 tomes. 

XX. Œuvres complètes de don 
Barthélemy de Las Casas, évèque 
de Chiapa, défenseur de Ja li- 
berté des naturels de l'Amérique ; 
précédées de sa Vie, et accom- 
pagnées de notes historiques , ad- 
ditions , etc, ; dédiées, à M. le 
comte de Las Casas. Paris, 1822, 
2 vol. in-8, ornés du portrait de 
Las Casas. 

Ce livre, fort estimé , est d’une 
grande importance pour l’histoire 
de l'Amérique. 

XXI. Aforismos politicos, etc. 
— Aphorismes politiques , ou- 
vrage d’un philosophe anonyme 
(M, Heiberg), natif de lun des 
royaumes du nord de l’Europe, 
traduit en espagnol, par D: J. A. 
Llorente. Madrid, Antoran, 1822, 
1 vol. in-12. 

XXIT. Observations criliques sur 


LLO 


le roman de Gil Blas de Santil- 
Lane : on y fait voir que le roman 
de Gil Blas n’est pas un ouvrage 
original, mais un démembrement 
des Aventures du bachelier de Sa- 
lamanque, manuscrit espagnol , 
alors inédit, que M. Le Sage dé- 
pouilla des parties les plus pré- 
cieuses. Paris, Moreau, 1822; 
in-8. de viij et 509 pages. 

Ce livre répond à un écrit de 
M. François ( de Neufchâteau), 
place en tête d’une nouvelle édi- 
tion de Gil Blas, qui fait partie de 
la Collection des meilleurs ouvrages 
de. la langue française, de MM. Di- 
dot père et fils L’académicien 
français avait soutenu la thèse 
opposée à la prétention du savant 
espagnol. 

XXIII. Portraits politiques des 
Papes, considérés comme princes 
temporels et comme chefs de VE- 
glise, depuis l’établissement du 
Saint-Siége à Rome . jusqu’en 
1822. Paris, 1822, 2 vol. in-8, 

En 1791, M. Llorente publia à 
Madrid , une nouvelle édition du 
Fuero juzgo, ou Collection des 
lois promulguées en Espagne. par 
les rois Goths. 11 n’en existait au- 
paravant , qu'une seule et très- 
ancienne édition, dont il a épuré 
le texte, en y ajoutant un dis- 
cours préliminaire, et un glos- 
saire des vieux termes, 

M. Llorente a fourni, pendant 
quatre années, la plus grande 
partie des matériaux qui ont formé 
l’article Espagne, au Bulletin bi- 
bliographique et aux Nouvelles lit- 
téraires de la Revue encyclopédique. 
Le même recueil lui doit encore 
une ÂMotice sur Les Académies, 
Sociétés littéraires, elc., d’Espa- 
gne (tom. V,.p. 257); et les 
analyses des ouvrages suivans : 


LLO 381 


Théorie des Cortés, par Mariana 
(T.T, p. 441); Le Oui des jeunes 
filles, comédie de Moratin (t. IF, 
p. 487); Lecons d’agriculture , 
d’Arias (t. V, p. 293). 

Il fut l’un des fondateurs et des 
membres les plus zélés de la So- 
cièté des méthodes, et de la Société 
de la morale chrétienne. Le journal 
de cette dernière Société ren- 
ferme deux articies de lui, savoir : 
de la Réunion des chrétiens de di- 
verses communions ; dans une So- 
ciété de Morale chrétienne (t. X, 
p. 140 ), et Sociélé des prisons en 
Espagne (ibid., p.215). 

Il a aussi donné un article sur 
l'ancien droit de l'Espagne, dans 
le Journal général de Législation 
et de Jurisprudence, qui se pu- 
bliait en 1820 , in-S. 


Ouvrages inédits et manuscrits 


de M. Llorente. 


I. Dissertation sur les décrétales 
du code de Grégoire IX (lib. , 
tit. de Clericis pugnantibus in duel- 
lo), lue à l’Académie des saints 
canons , liturgie ethisioire écclé- 
siastique d'Espagne, à Madrid. 
1789. 

L'auteur y établit que le carac- 
ière particulier des ecclésiastiques 
doit être un esprit de paix , de 
douceur , de modération, diamé- 
tralement opposé à toute guerre 
et à tout usage d’arimnes offensives. 

IT. -Préséance des ambassadeurs 
d’Espagne sur les ambassadeurs de 
France, aux conciles généraux , à 
la cour de Rome et autres assem- 
blées diplomatiques. 1586. — La 
question dont il s’agit était restée 
indécise au concile de Trente ; et, 
dans diverses circonstances pos- 
térieures , elle fut éludée par des 


582 LLO 

moyens dilatoires. M. Llorente 
suivit les traces d’un auteur 
nommé don Diego Valdez, qui, 
sous le règne de Philippe IT, 
écrivit un traité de Dignitale re- 
gum Hispaniæ ; il adoptait le plan 
et les autorités apocryphes de son 
prédécesseur. « Cet écrit ne fut 
jamais imprimé, uousdit M. Llo- 
rente ; Car, peu après qu’il venait 
de subir la dernière révision, 
éclata la révolution française, du- 
rant laquelle sa publication me 
paraissait inopportune. Je pense 
lamême chose aujourd’hui(1818), 
malgré la diversité des circon- 
stances. Le véritable intérêt de 
l'Espagne consiste à faire fleurir 
son agriculture, son commerce, 
son industrie, ses manufactures; 
les préséances de sesambassadeurs 
sont un objet complétement in- 
signifiant. » 


IT. Dissertation sur le site de 
l’añcienne cité de Segobriga, en- 
voyée à l’Académie des belles- 
lettres de Séville. 1790. 

IV. Discours sur les qualifica- 
teurs du Saint-Office. — Discours 
sur l’ordre de procéder dans les tri- 
bunaux de l’Inquisition, 1596, 
composé pour l’inquisiteur - gé- 
néral, D. Manuel Abad y la 
Sierra, saisi plus tard et confis- 
qué parles agens de l’Inquisition. 


V. Démonstration du droit qu’ont 
les métropolitains de confirmer les 
évêques de leur province, traduit 
du portugais de Pereira, en espa- 
gnol, 1799, saisi et confisqué par 
l’Inquisition. 

VI. Aujourd’hui, ou le Monde 
actuel n’est ni plus méchant ni plus 
calamiteux que Le monde passé, tra- 
duit de l’ouvrage italien du père 
Lancelotti , de Pérouse , publié en 


LLO 


: 


1630 , sous letitre de l’Hogzi- 
di, etc., 1801. 

VIT. Origine des seigneurs po- 
pulaires en Espagne. 1804, 2 vol. 
— Le manuscrit de cet ouvrage 
doit se trouver entre les mains 
de don Lorenzo Normante , secré- 
taire du ministère des finances , 
en 1809, auquel il fut remis par 
l’auteur, à cette époque. 

VIII. Lettre critique sur la ques- 
tion de savoir si l’église du Pilar , 
de Saragosse, fut construite dans 
l’intérieur ou à l’extérieur des mu- 
railles romaines de celle ville. 1813. 

IX. Les Animaux parlans , 
poëme traduit de l'italien , de 
Casti. 1813. 

X. Illustration de l'arbre gé- 
néalogique du roi d’Espagne , 
Ferdinand V'II.'1 vol. in-fol., 
dédié à Ferdinand VIE, 1815. — 
Il doit en exister deux copies : 
lune parmi les papiers de Pau- 
teur ; l’autre dans les archives de 
la secrétairerie-d’état , à Madrid. 

XI. Dictionnaire topographique 
de l'Espagne ancienne et moderne , 
avec les dénominations des deux 
époques. 

XII. Histoire de la vie et des 
travaux d'Antoine Perès, premier 
secrélaire-d’état du roi d’Espagne 
Philippe FT. — Cet écrit impor- 
tant devait être accompagné de 
plusieurs pièces originales ine- 
dites. 

XIII. Dissertation sur la divi- 
sion des évêchés d’Espagne, attri- 
buée au roi Wamba, dans le 
septième siècle, avec une carte 
géographique de l'Espagne, sui- 
vant cette division. 

XIV. Sur la Constitution poli- 
tique du royaume. d’ Aragon. — 
L'auteur prétend démontrer que 
les Espagnols admirent, dès le 


n | 


LLO 


huitième siècle , la souverai- 
neté du peuple, la limitation du 
pouvoir exécutif, et le droit de 
détrônement, en cas de contra- 
vention au pacte fondamental 
{ Noticia biographica, p. 176 ). 

XV. Sur la persévérance des 
Aragonais à assujettir leurs mo- 
narques au respect des droits réser- 
vés aux sujels, lors de la création 
de la monarchie. — L'auteur re- 
trace les succès les plus impor- 
tans obtenus par les Aragonais sur 
leurs rois, lorsque ceux-ci vou- 
lurent tendre au despotisme , ag- 
graver les impôts, ou attenter à 
la liberté individuelle. 

XVI. Sur les maux qu'a pro- 
duits en Espagne , l’ambition des 
grands. 

XVII. Sur la résistance des Es- 
pagnols , pour n'être point gouver- 
nés par ceux qui n'étaient pas leurs 
rois. 

XVIIL. Sur le mal qu'a fait à la 
Castille l'ignorance des sciences 
physiques et mathématiques. 

XIX. Que la multiplicité des 
jours de fêtes, avec cessation de 
travail , est contraire à la religion 
et à la morale, aussi bien qu’à la 
bonne politique. — La question est 
traitée principalement d’après les 
autorités de l’Ecriture, des Pères 
et des conciles. 

Tous ces manuscrits sont écrits 
en espagnol; quelques-uns des 
derniers ne sont pas entièrement 
terminés. 

M. Llorente était dans l’usage 
de tenir un journal de ses voya- 
ges. On a dû trouver, parmi ceux 
de ses papiers qui sont restés à 
Paris, le journal de son voyage 
de Madrid à Valence , à Saragosse 
et en France : dans ses papiers de 


LUD 383 


Madrid, on trouvera le journal 
du voyage de Bayonne , en 1808, 
qui contient des renseignemens 
intéressans sur la révolution de 
cette époque. C’est encore là 
qu’on doit trouver une traduction 
des Psaumes de la pénitence, et 
1 vol. in-4.de Poésies lyriques. 


LUDICKE (J...-M...-Aucusre- 
FR...) , mathématicien , né le 
6 octobre 1548, à Oschatz , fut 
élevé à Torgau ; il a été d’abord 
pendant trois ans, secrétaire de la 
Société économique de Leipzig. 
Il fut ensuite nommé professeur 
de mathématiques à l’Ecole na- 
tionale (Landschule ) de Meissen , 
fonctions qu’ilremplit durant qua- 
rante et un ans. Il est mort à 
Wilzdraft, le 15 décembre 1823, 
âgé de soixante-quinze ans. On a 
de lui les ouvrages suivans. 

I. Commentatio de atlractionis 
magnelum neturalium. quantitate. 
Wittemberg , 1799, in-4. 

Cet ouvrage se retrouve avec 
quelques additions et corrections, 
traduit en allemand , par l’auteur 
lui-même , dans le troisièémetome 
du Wittenbergen - Magazin , de 


1783. 
II. V'ersuch einer neuen T'heorie 
der Parallelinien. — Essai d’une 


nouvelle Théorie des parallèles, 
Meissen ,; Godsche, 1810. 

On doit en outre, à Ludicke, une 
des traductions de l’Essai de Fabre 
sur les. machines hydrauliques ; 
une traduction de Nicholson , et 
divers Mémoires de mathémati- 
ques et de physique , insérés dans 
les Annales de Gilbert, principa- 
lement sur l’optique et le magné- 
tisme (Leipzig litt, Zeitung. Juin 
1525 , p. 1166 ). 


MAC 


MAC 


LE 


MAC'NAB (Hewrr-Grey ), mé- 
decin ordinaire de S. A. R. le duc 
de Kent, naquit en Angleterre, 
d’une famille écoseaise; il fut 
d’abord professeur d’éloquence à 
l'Université de Glascow, où il 
avait étudié sous le célèbre doc- 
teur Reid. Retenu en France 
comme otage, après la rupture de 
la paix d'Amiens, Mac’nab obtint 
de fixer sa résidence à Montpellier. 
Il séjourna onze années dans cette 
ville, occupé à étendre ses con- 
naissances sur l’art de guérir, sur 
l’économie politique et sur les 
meilleures théories de l’éducation. 
Ce dernier objet avait fini par 
absorber entièrement ses médita- 
tions. Il adopta le système d’édu- 
cation fondé uniquement sur la 
‘aison , mis en action à New- 
Lanark ; par M. Robert Owen, 
écrivit en sa faveur , et présenta 
des mémoires au Parlement, à 
l’occasion du bill de M. Broug- 
ham sur l'éducation des pauvres, 
pour recommander les essais de 
son compatriote, La France, qui 
avait commencé par être la prison 
du docteur Mac’nab, avait fini 
par devenir son séjour de prédi- 
lection. Il est mort à Paris, le 3 
février 1823, à l’âge de soixante 
et un ans, et a été enseveli au 
cimetière du Père Lachaise, où 
M. Laffon-Ladebat a prononcé 
son éloge funébre. 


Liste des ouvrages 


de H. G. Mac'nab. 


I. Letter pointing out the impo- 
licy , etc. — Lettre pour signaler 


l'inconvénient de la mesure pro- 
posée pour frapper d’un impôt le 
charbon qui se consomme dans les 
districts manufacturiers de lamé- 
tropole. 1801, in-4. 

IT. Observations on the probable 
consequences, etc. — Observa- 
tions sur les conséquences proba- 
bles du nouvel essai tenté par 
l'autorité législative , afin d’obte- 
nir un impôt considérable sur le 
charbon , dans le comté de Staf- 
ford comme dans la métropole. 
1801, in-4. 

LIT. Analysis and analogy , 
ctc. —L’Analyse et analogie re- 
commandées comme moyen de 
rendre l’expérience et l’observa- 
tion utiles en matière d’éduca- 
tion, etc. Paris, imprimerie de 
Nouzou, 1818; in-4, de vingt 
feuilles. 

IV. Examen impartial des nou- 
velles vues de M. Robert Owen et 
de sés établissemens à New-Lanark, 
en Ecosse, pour le soulagement et 
l'emploi le plus utile des classes 
ouvrières et des pauvres, et pour 
l'éducation de leurs enfans , etc. , 
avec des observations sur lapplica- 
tion de son système à l'économie 
politique de tous les gouvernemens ; 
par H. G. Macnab, médecin de 
feu le duc de Kent ; ouvrage dédié 
à S. À. R. et publié par son ordre, 
traduit de l'anglais par M. Laffon 
de Ladebat , ancien député. On y à 
joint une préface, un portrait du 
duc de Kent, et deux vues de New- 
Lanark. Paris, Treuttel et Würtz, 
1820 ; in-8 , de 250 pages. 

V. Observations on the politi- 
cal, etc. — Observations sur lé- 


MOL 


tai politique, moral et religieux 
du monde civilisé , au commen-. 
cement du dix-neuvième siècle. 
Paris, imprimerie de Nouzou, 
1829 ; in-8, de 4 feuilles et demie. 

Le docteur Mac’nab s’occupait 
d’un ouvrage sur les enterremens 
prématurés, qui n’a pas été pu- 
blié. 

MENDOCA ( Hiprozyre-Jo- 
sepn-Hurrano-pa-Cosra de), né 
à Colonia do San Sacramento , 
sur la rivière de la Plata, dans 
l'Amérique méridionale , prit ses 
degrés de docteur-es- lois à 
l'Université de Coïmbre. Accusé 
de franc-maçonnerie, il fut jeté 
dans les cachots de l’inquisition 
portugaise. Mais ayant fabriqué 
une clef avec un vieux plat d’é- 
tain , il ouvrit la porte de sa pri- 
son et s’évada, pendant que les 
gardes dormaient. Il parvint à 
s’embarquer heureusement pour 
l'Angleterre, où il résida depuis 
cette époque, et où il publia : 4 
Narrative of the persecution of the 
author (Histoire de sa persecu- 
tion), 2 vol. in-8, 1611. Il de- 
vint ensuite. secrétaire de 5. À.R. 
le duc de Sussex, et en dernier 
lieu, chargé d’affaires du nouvel 
empire brésilien, à Londres. Il 
avait entrepris, dans celte capi- 
taie, la publication d’un journal 
écrit en langue porlugaise, sous 
le ütre de Correio brasiliense 
(Courrier brésilien), dont il n’a 
paru que quelques numéros. Hur- 
tado de Mendoca est mort à Lon- 
dres , vers la fin de l’année 1825. 

MOLDENHAWER ( Daner- 
Gorrxixr), naquit à Kœnigsberg, 
en Prusse, le 11 décembre 1751. 
Après avoir étudié à Gœtiingue et 
dans d’autres universités de PAI- 
lemagne , il fut appelé, en 1557, 


MUN 082 
à celle de Kiel, en qualité de pro- 
fesseur extraordinaire de philoso- 
phie. En 1550, il fut nommé pro- 
fesseur de théologie à la même 
université, où il reçut les hon- 
neurs du doctorat en théologie , 
Pan 1582. A son retour d’un 
voyage en Hollande, en Angle- 
terre, en Espagne et en Italie, il 
fut nommé, en 1783, professeur 
de theologie à l’université de Co- 
penhague. Plus tard, il ft avec 
l’orientaliste Tychsen, un second 
voyage en Espagne , d’où il rap- 
porta en Danemarck un grand 
nombre d'ouvrages rares et de 
manuscrits précieux en langue 
espagnole et autres, qui font au- 
jourd’hui partie des richesses de 
la Bibliothèque royale de Copen- 
hague. Moldenhawer fut nommé 
administrateur en chef de cet 
établissement, en 1788. Il est 
mort le 21 novembre 1823, âgé 
de soixante-douze ans. Il était 
chevalier de l’ordre de Danebrog 
depuis 1809. Les principaux ou- 
vrages de ce savant sont une his- 
toire des Templiers (en allemand) 
et un Eloge du comte A. P. de 
Bernstorff, écrit en lalin très- 
élégant. Ses autres écrits sont 
disséminés dans plusieurs recueils 
périodiques, danois ou ailemands. 

MUNOZ (Tnomas) , lieutenant- 
général de la marine espagnole. 
fut d’abord employé dans les ci- 
devant possessions américaines. Il 
s’acquit beaucoup de réputation 
dans sa patrie, par les travaux 
qu’il fit exécuter pour arrêler les 
efforts de la mer qui menaçaient 
de détruire l'ile sur laquelle est 
bâtie la ville de Cadix. La yio- 
lence des coups de mer dans ceite 
baie, faisait consiäérer comme 
impossible &’arrêter J’impétuosité 

2 


336 PER 

des vagues. Grâce aux nouvelles 
applications que Muñoz sut tirer 
des sciences mathématiques et 
physiques, Cadix se trouva , au 
bout de quelques années , conso- 
jidé au milieu de l'Océan. Il exé- 
cuta encore à l’arsenal de la Car- 
raca, dans le même port, des 
travaux d’une grande solidité. A 
l’époque où le gouvernement es- 
pagnol préparait une expédition 
maritime , pour faire le tour du 
monde, sous le commandement 
de M. de Malaspina, Muñoz fut 
chargé de la construction des bâ- 
timens que l’on prépara pour cette 
destination , et leur donna une 
distribution intérieure propre à 
conserver la santé des équipages, 
pendant une si longue traversée. 
Au retour de l’expédition , après 
avoir atteint complètement le but 


PER 


qu'elle s’était proposé, M. de 
Malaspina rendit le compte le 
plus satisfaisant de la santé des 
marins placés sous ses ordres , et 
il aitribua cet heureux résultat , 
du moins en grande partie, à la 
prévoyance et aux bonnes con- 
structions de Muñoz.Cet ingénieur 
ayant embrassé le parti de Joseph 
Bonaparte, vécutlong-tempsexilé 
à Paris, dans une honorable pau- 
vreté. C’est là qu’il composa un 
Traité de la Fortification, qu’on 
dit être un ouvrage d’un grand 
mérite. La révolution de 1820 lui 
ayant rouvert les portes de sa pa- 
trie, sans lui rendre ses anciens 
traitemens, il revint en Espagne, 
où son fils pourvut par son tra- 
vail, à sa subsistance. Muñoz mou- 
rut à Madrid, le 28 novembre 
1823 , âgé de 80 ans. 


P. 


PABAN (L....), fut, à ce qu’il 
paraît, un Français, qui résida 
long-temps à Stockholm, où il 
enstignait avec succès, sa langue 
maternelle. L'année même de sa 
mort, il publia un opuscule in- 
titulé : Marie et Julie, où Etren- 
nes aux jeunes demoiselles qui étu- 
dient la langue française, pour 
servir à leur instruction et à leur 
avancement (Stockholm , brochure 
de 76 pages ). On doit à ce gram- 
mairien la fondation d’une asso- 
ciation philantbropique intitulée : 
Société des amis des nécessiteux. 

PERTUSATI (le comte FRan- 
çois), né à Milan, le o mai 1741 , 
était fils d’un sénateur de cette 
ville. Il fut élevé chezles Jésuites, 
et porta mème quelque temps leur 
habit ; mais il les quitta ensuite, 


€ 08 


et 


sans cesser de leur être attaché. 
Il se maria en 1772; l'éducation 
de ses enfans , des travaux litté- 
raires , et la direction de quel- 
ques œuvres de charité , rempli- 
rent les loisirs du reste de sa vie. 
C'était un homme entièrement 
adonné aux pratiques religieuses : 
il dirigeait entre autres, l’établis- 
sement fondé à Milan, par un 
prêtre nommé Palazzi, pour ré- 
pandre des livres de morale et 
de piété. Les Français ayant en- 
vahi ia haute Italie en 1796, le 
comte Pertusati fut arrêté à Milan, 
transporté à Pavie, puis à Nice, 
où il subit un exil de quelques 
mois. En 17909, il fut obligé de 
fuir pour se soustraire à de nou- 
velles persécutions. Après avoir 
habité successivement, Padoue 


Level se. 


PER 


et Venise, il revint à Milan, 
quand l'influence française fut 
établie sans contestation dans cette 
ville. Le comte Pertusati vit avec 
joie les événemens qui ont placé 
l'Italie sous le pouvoir de la Sainte 
Alliance ; il accueillit avec satis- 
faction, le rétablissement de la 
compagnie de Jésus dans cette 
portion de la catholicité. Il mou- 
rut subitement , le 22 mai 1823. 
— Onirouve une notice sur Fran- 
cois Pertusati , dans les Mémoires 
de religion, de morale et de littéra- 
ture, publiés à Modène par lPabbé 
Baraldi (en italien). Elle offre la 
liste des ouvrages de cet écrivain, 
parmi lesquels nous ne pouvons 
citer que les suivans, tous tra- 
duits du français en italien. 


Extrait de la liste des ouvrages 
de Fr. Pertusati. 


I. La Consolation du Chrétien, 
par le P. Roissard , jésuite. 

II. Lettres de la duchesse de la 
V allière. 

III. Lettres du P. Gourdan sur 
la constitution Unigenitus. 

IV. Circonstances de la mort de 
Voltaire. 

Nous pensons que c’est l’ou- 
vrage du P. Harel (V. son article 
Annuaire Nécrologique de 1823, 
pag. 176), intitulé : VoLTaIRE : 
Recucil de particularités curieuses 
de sa vie et de sa mort, 1781, 
in-8., On sait que cet écrit contient 
beaucoup d’inexactitudes 

V. Ecole de la parfaite morale. 

VI.Entretiens de l'âme avec Dieu. 

VII. Le Chrétien en retraite. 

VII. Le retour du cœur humain 
à Dieu. 

IX. Pensées chrétiennes tirées du 
Trésor du chrétien, par labbé 
Champion de Pontalier. 


PIE 587 
X. Pieux soliloques sur les souf- 
frances deN.S.,parle P.Compans. 
XI. Mentor des enfans , de 
l’abbé Reyre. 

XII. La Vérité défendue el prou- 
vée par des faits, contre les calom- 
nies anciennes et nouvelles Reggio, 
1819. 

C’est une apologie des jésuites, 
dont l'original a été puslié en 
français, en 1817, à Polocz, par 
le P. Louis Rosaven, jésuite. 

XIII. Fragmens historiques sur 
Les horreurs de la Révolution. 

C’est un extrait de la première 
édition des Mémoires pour servir 
à l’histoire ecclésiastique du dix- 
neuvième siècle , par M.Picot. 

XIV. Recueil d’articles traduits 
duS pectateur Français, au dix-neu- 
vième siècle, par Fabry.(V.son ar- 
ticle Annuaire de 1820 ; p. 167). 

XV. Exercices pour la commu- 
nion , du P. Griffet. 

XVI. Le Chrétien ratholique 
fermement attaché à la religion, par 
le P. Diesbach. 

PIE VII (Grécoie-Louis-Bar- 
NABÉ-CHIARAMONTI ) ; naquit à 
Césène, dans la Romagne, le 
14 août 1940, du comte Scipion 
Chiaramonti et de Jeanne Ghini. 
Sa famille, noble, mais peu 
riche , se dit alliée de la maison 
française de Clermont, originaire 
de la Catalogne , ce qu’on induit 
seulement de la ressemblance de 
nom, et d’un ancien portrait con- 
servé dans la famille de Pie VII, 
qui porte l'inscription suivante : 
« Simon de la famille française 
» des Claramonti , répandue dans 
»toute l'Italie. » Du reste, les 
armes des deux familles n’offrent 
aucun point de ressemblance. Le: 
parens du jeune Chiar:monti, 
qui professaient de 


grands senti- 


# 


388 PIE 
mens de piété, envoyèrent leur 
fils faire ses études au collége 
noble de Ravenne, A peine il en- 
trait dans l’âge de l’adolescence , 
quand cédant à ses désirs, ils lui 
firent prendre l’habit de l’ordre 
de Saint-Benoît. Il fit son novi- 
ciat au couvent de Sainte-Marie , 
de la réforme du Mont-Cassin , à 
Césène. C’est dans cette maison 
qu'il prononça ses vœux, le 20 
août 1758, et à celte occasion, 
ilajouta à ses prénoms celui de 
Grégoire. Par une concordance 
singulière, c’est à pareil jour , 
.soixante-cinq ans plus tard , que 
Dieu l’appela à lui. Immédiate- 
mentaprès sa profession, Chiara- 
monti passa au monastère de 
Sainte-Justine, à Padoue, où il 
commença ses études théologi- 
ques , qu’il alla terminer au col- 
lége de Saint-Anselme , de Rome. 
Après y être demeuré trois ans, 
il fut rommé professeur de philo- 
sophie au couvent de Saint-Jean- 
de-Parme.Chiaramonti,au bout de 
quelques années de résidence dans 
cette ville, fut appelé à la chaire 
de philosophie des novices, dans 
le monastère de Saint-Paul exfrà 
muros, à Rome. Quand il eut 
terminé ce cours, On le fit retour- 
ner au collége de Saint-Anselme, 
le même où il avait achevé ses 
études, pour y enseigner à son 
tour, la théologie dogmatique. Il 
s’y trouvait encore lors de l’ave- 


nement de Pie VE au trône pon- 


tifical, circonstance importante, 
à cause des liens du sang qui unis- 
saient sa famille à celle des Bras- 
chi. En effet, les faveurs du nou- 
veau pontife ne tardérent à venir 
chercher l’humble bénédictin. Il 
acheyait la neuvième année de 
son cours de théologie, lorsqu'il 


PIE 


fut élevé à la dignité d’abbé dans 
son ordre; qui donné rang à 
Rome ; parmi la prélature, et en 
confère les honneurs. Les con- 
frères de Chiaramonti ne purent 
voir sans envie son élévation , et 
même il a circulé une anecdote 
de tentative d’empoisonnement 
dans une tasse de chocolat, qui 
est loin de paraître avérée, mais 
qui en Italie, ne se présente point 
tout-à-fait, sousles couleurs d’une 
invention romanesque. Chiara- 
monti achevait sa quarantième 
année, quand Pie VI le nomma 
à l'évêché de Tivoli. Il sut se faire 
aimer de son troupeau et défen- 
dre contre les moines, les préro- 
gatives que la loi du pays attri- 
buait à sa dignité. Un marchand 
avait obtenu de lui la permission 
de vendre à la foire de San Lo- 
ren20 , des gravures publiées à 
l’occasion de la béatification de 
Benoît Joseph Labre. Le vicaire 
du Saint-Office, offensé de ce 
qu’on ne s'était pas adressé à lui 
pour obtenir cette permission , 
qu’il supposait de sa juridiction , 
fit arrêter le marchand. L’évêque 
se rendit à Rome, et offrit sa dé- 
mission , si on ne lui rendait jus- 
tice. Il t’obtint ; le dotninicain fut 
exilé de Tivoli et remplace par un 
autre. 

Le 14 février 1785, l’évêque de 
Tivoli fut créé cardinal, et trans- 
féré en même temps, au siége d'T- 
mola, dans la Romagne, à Ja 
place du titulaire qui venait de 
mourir, le cardinal Bondi , oncle 
maternel de Pie VI. Chiaramonti 
passa quinze ans sur ce second 
siége , au milieu des circonstances 
les plus difficiles, conservant la 
réputation d’un prélal plein de 
modération et de charité. En 


PIE 


ir596, le traité de Tolentino dé- 
tacha Tivoli des Etats-Romains, 
pour l’incorporer à la République 
cisalpine. Cette cession de terri- 
toire , arrachée sans doute par la 
violence, comme il arrive presque 
toujours, était au moins quant 
aux formalités extérieures, con- 
forme au droit qui régit les na- 
tions civilisées, dans leurs rela- 
tions réciproques. Ainsi, sous 
aucun rapport, l’évêque d’Imola 
ne peut être blâmé de s’être sou- 
mis à un traité, consenti et signé 
au nom de son souverain légi- 
time. Une conduite opposée eût 
été peu convenable à son minis- 
tère. Celle qu’il observa , en pré- 
chant la soumission au gouverne- 
ment républicain, dans une ho- 
mélie devenue célèbre, lui gagna 
la confiance des généraux français, 
et sans doute, épargua à son trou- 
peau beaucoup de malheurs. Ce- 
pendant les succès des Austro- 
Russes éloignèrent bientôt nos 
armées du cœur de PlItalie; et 
précisément dans cet intervalle, 
la chaire de Saint-Pierre vint à 
vaquer, par la mort de Pie VI, 
arrivée à Valence, le 29 août 
1799. Venise fut le lieu désigné 
par la politique autrichienne , 
alors dominante en Italie, pour 
procéder à l’élection du nouveau 
pape. Les cardinaux s’acheminé- 
rent à cet effet, vers le couvent 
des moines cassiniens de Saint- 
Georges-le-Majeur, situé dans 
cette ville, et qui avait été dis- 
posé pour la tenue du conclave. 
On raconte que l’évêque d’Imola 
se trouvait alors réduit par les 
malheurs du temps , à un tel état 
de gène, qu’il fut obligé d’em- 
prunter à un jeune seigneur ro- 
main , de quoi subvenir aux frais 


PIE 989 


du voyage, service qu'il aurait 
reconnu plus tard, en concédant 
à son créancier la ferme lucrative 
de la mouture dela ville de Rome. 
Le nombre des cardinaux réunis 
pour l'élection du nouveau pape, 
se trouva être de trente-cinq, 
nombre considérable , puisque le 
complet du sacré collége n’est 
que de quarante. Les deux tiers 
des voix sont requises pour con- 
sommer l'élection du pape. A lPou- 
verture du conclave, les suffrages 
se partagérent inégalement entre 
deux candidats. Le cardinai Belii- 
somi, évêque de Césène, natif de 
Pavie, réunissait vingt-deux voix ; 
le cardinal Mattei, romain, ar- 
chevêque de Ferrare, avait les 
treize autres. Le premier était 
porté par la faction de l’ancien 
pape, qui s'était naturellement 
donné pour chef le cardinal Bras- 
chi, neveu du pontife défunt. 
Cette faction se présente inévita- 
blement à chaque conclave. Il est 
naturel que ceux qui tenaient le 
pouvoir veuillent prendre des 
mesures pour s’en assurer la con- 
tinuation. Cette fois, la faction 
de l’ancien pape dut se trouver 
puissante , Pie VI ayant, durant 
vingt-cinq ans de pontificat , re- 
nouvelé presque en entier , le 
sacré collége. Les deux seuls car- 
dinaux qui restaient alors, de la 
création de Benoît XIV, les car- 
dinaux Albani et d’York, se dé- 
clarèrent aussi en faveur de l’é- 
vêque de Césène, en sorte qu’au 
premier scrutin, il ne lui manqua 
que deux voix pour être élu. Le 
cardinal Antonelli était chef de 
la faction opposée , qui se compo- 
sait principalement des mécon- 
tens du dernier règne : ils ne 
réunissaient que treize voix, mais 


40 PIE 

elles furent opiniâtres durant deux 
mois, à se refuser au cardinal 
Bellisomi, sans que de leur côté, 
le cardinal Mattei, qu'ils por- 
aient, pût en acquérir une seule. 
Mattei était remain, et les cardi- 
naux romains ont pour maxime 
de ne point élire parmi leurscom- 
patriotes , de peur du népotisme. 
Bellisomi était évêque de Césène, 
patrie des Braschi, et cela faisait 
craiudre qu’il ne fût enticrement 
à leur dévotion. Quand il fut re- 
connu que ces objections ne pou- 
vaient être résolues, on essaya, 
suivant l’usage , de disperser les 
voix, pour arriver à foriner une 
majorité. Les cardinaux Valenti , 
Antonelli, Albani, réunirent un 
certain nombre de suffrages, mais 
inférieur toutefois , à ceux qu’a- 
vaient réunis les deux premiers 
compétiteurs ; la balance était 
prête à pencher en faveur du-dacte 
cardinal Gerdil, lorsque le car- 
dinal Hertzan , qui avait le secret 
de l’Autriche , lui donna l’exclu- 
sion , à cause qu'il était né sujet 
du roi de Sardaigne. Cet incident 
inattendu vint de nouveau para- 
lyser les opérations du conclave, 
et les cardinaux en furent d’au- 
tant plus péniblement affectés, 
qu’à la fatigue que leur faisait 
éprouver la longueur de l’élec- 
tion , se joignaient les rigueurs de 
l'hiver, au milieu des humides 
lagunes de Venise. Ce double 
motif fut favorable au cardinal 
Bellisomi; le peu de voix qui lui 
manquaient annoncerent l’inten- 
tion de se détacher du parti d’An- 
tonelli, et son élection parut as- 
surée. Mais quoique le cardinal 
Hertzan fût lui-même un des 
transfuges du parti d’Antonelli, 
il ne voyait qu'avec peine le 


PIE 


triomphe du candidat de ses ar 
ciens adversaires. Ilimaginaqu’en 
diférant le scrutin définitif, et 
par suite la proclamation du nou- 
veau pape, il pourrait amener 
quelque changement capable d’e- 
carter Bellisomi.En conséquence, 
il fit observer que le conclave se 
tenant dans une ville des états de 
l’empereur d'Autriche, et ce mo- 
narque ayant dans cette occasion, 
montré pour le sacré collége. 
toutes sortes d'égards et de défé- 
rences, la politique exigeait, 
dans la situation présente de l’1- 
talie, aussi bien que les conve- 
pances, qu'avant d’être proclamé, 
le choix définitif du conclave fût 
communiqué à l’empereur par un 
courrier. Il ajoutait que l’appro- 
bation de S. M. Apostolique lui 
semblait présumable, le candi- 
dat étant natif de Pavie, ville du 
duché de Milan, et par consé- 
quent des anciens états autii- 
chiens. Un courrier fut done en- 
voyé à Vienne; mais plus de six 
semaines s’écoulérent sans que le 
conclave reçût aucune réponse. 
Ce retard rendit le courage au 
parti d’Antonelli, et il manœuvra 
si bien, que non-seulement il 
enleva à Bellisomi les voix qu’il 
avait gagnées , mais encore quel- 
ques-unes de celles qu’il avait 
eues depuis l’origine. Cependant 
le candidat du parti Antonelli ne 
se trouvait pas pour cela, dans 
une position plus avantageuse, 
et jamais il ne put parvenir à 
réunir les voix qui lui manquaient. 
On se vit donc forcé derechef, à 
chercher un candidat étranger aux 
deux partis, qui luttaient si opi- 
niâtrément. 

C’est alors que pour la première 
fois , le nom de Chiaramonti fut 


PIE 


prononcé.Ses titres à la faveur du 
sacré collége étaient de plusieurs 
sortes. IL avait passé de longues 
années loin de Rome , sans par- 
courir les charges diverses du 
gouvernement; ce précédent vaut 
l’avantage au candidat à la tiare, 
de ne s’être acquis ni ennemis ni 
envieux ; en même temps que 
tous les ambitieux peuvent se 
flatter de s'emparer du nouveau 
règne. Né à Césène, il était allié 
à la famille Braschi , et toutefois, 
son caractère modeste et circon- 
spect le faisait paraître peu re- 
doutable aux Antonelli, Ces con- 
sidérations jointes à la lassitude 
de l’assemblée , formèrent la ma- 
jorité en faveur de celui auquel 
personne n’avait d’abord songé, 
ainsi que cela arrive souvent, et 
le cardinal Chiaramonti fut élu 
pape , le 14 mars 1800. Il prit le 
nom de Pie VIT, et se fit couron- 
ner le 21 du même mois. 

Pie VII s’empressa de se ren- 
dre à Rome , malgré les conseils 
d’une politique timide ou inlé- 
ressée qui linvitait à prolonger 
son séjour à Venise , sous la pro- 
teclion de l’Autriche , jusqu’à ce 
que le séjour de Rome n’offrit plus 
aucune des chancessi cruelles que 
venait de subir son prédécesseur. 
Mais Rome est la ville papale ; 
c'est là que saint Pierre fonda sa 
chaire ; c’est là que depuis bien- 
tôt deux mille ans, le ciel et la 
terre sont accoutumés à voir le 
point central de l'Eglise catho- 
lique. Pie VIT ne balança pas; il 
partit pour Rome, où il fit son 
entrée solennelle, le 3 juillet 
1800. La cérémonie de la prise 
de possession n’eut lieu que le 
24 novembre de l’année suivante. 
La première chose qu’eut à faire 


PIE 991 
le nouveau souverain , ce fut de 
se choisir un ministre. Peu connu 
des hommes d’état romains, illes 
connaissait encore moins lui- 
même. Dans cetie incertitude , il 


- confia provisoirement la secré- 


tairerie d’état au prélat Consalvi, 
qui, ayant été secrétaire du con- 
clave, ne lui était plus entière- 
ment inconnu. Le hasard cette 
fois , se montra éclairé. Le nou- 
veau ministre dépassa les espé- 
rances que son maitre pouvait 
avoir conçues de lui. Il fut autant 
habile que dévoué. Aussi, quoique 
d’après les habitudes de la cour 
romaine, le prélat eût encore 
plusieurs années à voir s’écouler, 
avant d'atteindre à la pourpre, le 
Pape lui donna le chapeau au 
bout de quelques mois, en lui 
conférant définitivement Ja secré- 
tairerie d’état. Humble , sobre et 
pieux, Pie VII ne tarda pas à 
manifester son désintéressement 
personnel en même temps que 
son zèle pour la gloire de l'Eglise. 
Plus tard et en d'importantes oc- 
casions , la bonté naturelle de son 
esprit, la force des choses et 
l'expérience des affaires , lui ap- 

rirent à régler ce zèle suivant la 
science. Ses parens éprouvèrent 
les premiers sa consciencieuse sé- 
vérité. Le comte Grégoire Chia- 
ramonti son frère, continua de 
vivre à Bologne dans l’obscurité , 
ayecune pension de cent cinquante 
écus romains par mois. Un des 
neveux du Pape, orphelin, etau- 
quel il était d’ailleurs fort atta- 
ché, reçut une modique somme 
d'argent pour acheter une terre à 
Césène ; son mariage ayant été 
arrêté avec une fille du prince 
Barberini, il n’obtint pas la per- 
mission de veuir à Rome, et les 


62 


noces furent célébrées modeste- 
ment à Spolette. 
L'administration de Pie VIT 
ne mérita pas moins d’éloges 
que sa conduite intérieure ; il 
rétablit l’ordre, par l’économie , 
dans les finances de l'état, que les 
prodigalités ou les malheurs de 
ses prédécesseurs avaient laissé 
tomber dans une grande déca- 
dence ; la bulle Post diuturnas , 
du 30 des kalendes de novembre 
(5a octobre 1800), contient des 
règlemens très-sases sur ladmi- 
nistration civile et l’organisation 
judiciaire. Enfin, la religion et 
Fhumanité durent applaudir, lors- 
qu’il prit F prétexte des immunités 
ecclésiastiques , pour sauver un 
évêque et plusieurs prêtres, de la 
sanglante réaction que la cour de 
Sicile exerçait sur Naples. Un 
homme d’état de France (M. Fa- 
bre de l’Aude), alors président 
du Tribunat , haranguant le Pape 
lui-même , a retracé, en ces 
termes, les bienfaits de son admi- 
nistration temporelle : « V. S., 
disait l’orateur, a réduit les dé- 
penses de tous les palais aposto- 
liques ; sa table, son entretien , 
ses dépenses personnelles ont été 
réglées comme celles du plus 
simple particulier... L’agricul- 
ture, le commerce et les beaux- 
artsreprennent dans Pétat romain, 
leur ancienne splendeur. Lescon- 
tributions qu’on y prélevaitétaient 
arbitraires, multipliées, mal ré- 
parties; V. S. les a remplacées 
par un système uniforme et mo- 
déré de contributions foncière et 
personnelle, toujours suffisant 
dans un pays auquel sa situation 
n’impose point la nécessité d’un 
grand état militaire, et où une 
sévère économie règne dans les 


PIE 


dépenses. Les Privilèges et les 
exceptions ont été abolis; depuis 
le prince jusqu’au dernier sujet , 
chacun paie en proportion de son 
revenu. Le cadastre des provin- 
ces ecclésiastiques commencé en 
1579, et celui de l’agro romano, 
entrepris par Pie VI, votre auguste 
prédécesseur, sont terminés et 
ont recu la perfection dont ils 
étaient susceptibles. Un bureau 
des hypothèques a été organisé, 
et la bourse des capitalistes est 
ouverte aux propriétaires mal- 
aisés. Des primes ont été accor- 
es à ceux qui formeront des 
établissemens d’agricullure et des 
plantations; la campagne de 
Rome, depuis long-temps incuite 
et stérile , sera bientôt couverte 
de bois, comme dans le temps de 
la splendeur romaine; une loi 
oblige les grands propriétaires à 
mettre leurs terres en culture, ou 
à abandonner pour une modique 
redevance , celles qu’ils ne pour- 
ront faire travailler; enfin, le des- 
séchement des marais Pontins, en 
rendant à lPagriculture de vastes 
terrains, PES RE à la salu- 
brité de l’air et à l'accroissement 
de la population de cette partie 
de l’Etat romain. Le commerce 
a besoin pour prospérer d’être 
dégagé de toutes les entraves de 
la fiscalité et de ce système des- 
tructeur, de gènes et de prohibi- 
tions; il ne être libre comme 
l'air: V.S. a proclamé hautement 
la liberté du commerce. — Les 
monnaies de faux et de bas aloi, 
sources de discrédit et d’immo- 
ralité, ont été remplacées par une 
monnaie réelle, — Des manufac- 
tures de laines, des filatures de 
coton, sont établies à Rome et à 
Civita-Vecchia, pour les indi- 


PIE 


gens des hospiles caméranx...…. 
V. S. a ordonné des fouilles à 
Ostie et sur le lac Trajan.... tous 
les chefs-d’œuvre dispersés et ra- 
chetables, sont rachetés par elle. 
l'arc de Septime-Sévère est 
décombré et la voie capitoline 
retrouvée... tels sont les bien- 
faits qui distinguent le règne pa- 
ternel de V. S. jusqu’à ce jour 
mémorable , etc. » 

Toutefois, cette première pé- 
riode du règne de Pie VIT fut 
marquée par des actes, qui ne 
semblaient pas annoncer le pontife 
si longanime et si facile aux con- 
cessions nécessaires, que nous 
avons vu depuis. Les allocutions 
de Venise ressuscitaient des maxi- 
mes ultramontair.es, qui ne paru- 
rent jamais plus intempestives. 
Elles contenaient des apostrophes 
assez dures aux philosophes et 
aux révolutionnaires, deux enne- 
mis que l’Eglise ne peut eombat- 
tre avee succès, que par la double 
puissance de la prière et de la 
charité. Enfin, Pie VII ne crai- 
gnit pas de relever cette société 
redoutable, suspecte, et que 
Clément XIV avait dissoute, à la 
demande de l’Europe chrétienne. 
Il accorda Les Jésuites à l’empres- 
sement fanatique des cours de 
Russie et de Sicile. On sait qu’en 
1815 , il les rétablit en Espagne 
et dans ses propres états. Ces di- 
vers actes qui paraissent sortir de 
la mesure de circonspection du 
caractère de Pie VIT, obtiendront 
difficilement l’approbation de la 
postérité. 

Bonaparte poursuivant son des- 
sein de restaurer à son profit, l’an- 
cienne monarchie française , ou- 
vrit, du champ de bataille de 
Marengo, les premières négocia- 


PIE 505 
tions du concordat, qui devait 
refaire en France, de la religion 
catholique , une institution natio- 
nale. Il n’aurait pas été impossi- 
ble de réconcilier Rome avec l’é- 
glise de la Révolution. Des négo- 
ciations ébauchées ous Pie VE, à 
l’époque du traité de Tolentino , 
et dont on a pu vérifier les pièces 
pendant le temps que les archives 
du Vatican ont séjourné à Paris, 
à l’hôtel de Soubise, élèvent cette 


-possibilité au-dessus des simples 


hypothèses. Mais tel n’était pas 
le vœu de Bonaparte; il voulait 
l’église de l’ancienrégime, comme 
la monarchie de la même époque. 
Les changemens qu’il exigea se 
bornèrent à substituer ses créa- 
tures aux créatures des Bourbons. 
Par le concordat conclu entre les 
plénipotentiaires des consuls de 
la République française et ceux 
du Saint-Siege apostolique , lé- 
glise gallicane rentra dans la com- 
munion extérieure de Rome ; 
mais ce fut au prix de la plus im- 
portante de ses libertés : lindé- 
pendance et l'inamovibilité de 
ses premiers pasteurs. Ils fu- 
rent tous révoqués par un bref 
aposiolique , acte de pouvoir ex- 
oxbitant, dont l’histoire ecclé- 
siastique n’offre pas un autre 
exemple. Aussi, quarante évêques 
émigrés environ ; protestèrent 
contre cette violation du droit 
antique , et leur résistance, que 
la mauvaise fortune n'avait pu 
lasser, n’a cédé définitivement 
qu'après la Restauration, lorsque 
les faits accomplis ont dû leur 
paraître irrevocables, et quand 
l’assentiment universel des diver- 
ses églises de la catholicité est 
venu leur prouver, Contraire- 
ment aux imaximes du droit vul- 


594 PIE 
gaire , que le temps et la néces- 
sité sanctionnent et régularisent 
dans l’ordre politique, ce qui 
n’offre bien souvent dans la théo- 
rie qu’une légitimité équivoque. 
Le concordat fut signé à Paris, 
le 15 juillet 1801 , par le cardinal 
Consalvi, l'archevêque de Co- 
rinthe , et le père Caselli, de la 
part du Saint-Siége; par Joseph 
Bonaparte, le conseiller-d’état 
Cretet , et l’abbé Bernier, ecclé- 
siastique vendéen, du côté de la 
République française. La bulle 
de ratification est datée du 18 des 
calendes de septembre (14 août) 
de la même année. Gette pièce 
est remarquable. Elle constate 
d’abord que les premières ouver- 
tures vinrent de la part du pre- 
mier Consul; elle reconnaît en- 
suite, la validité du gouvernement 
républicain, en autorisant les 
évêques nouvellement institués à 
lui prêter un serment pareil à 
celui qu’ils auraient dû prêter au 
monarque, dans l’ancienne mo- 
narchie ; elle substitue dans la 
prière publique, la formule Domine 
salvam fac Rempublicam, à l'an- 
tique formule monarchique ; elle 
reconnaît expressément dans Île 
premier Consul «les mêmes droits 
»et priviléges dont jouissait près 
sdu Saint-Siège l’ancien gouver- 
» nement. » Quant aux biens con- 
fisqués sur le clergé , la bulle 
s'exprime en ces termes : « Per- 
»séyérant dans notre résolution 
» de faire pour le bien de l'unité, 
»tous les sacrifices que la religion 
» peut permettre , et de coopérer 
»autant qu’il esten nous, à la 
vtranquillité des Français, qui 
Ȏprouveraient de nouvelles se- 
»cousses , si l’on entreprenait de 
» rédemander les biens ecclésias- 


PIE 


\ 
»tiques; voulant surtoutque l’heu- 
»reux rétablissement de la reli- 
»gion n’éprouve aucun obstacle , 
» nous déclarons , à l’exemple de 
» nos prédécesseurs, que ceux qui 
» ont acquis des biens ecclésiasti- 
»ques en France, ne seront trou- 
»blés ni par nous, ni par nos 
» successeurs , dans leur posses- 
»sion ; et qu’en conséquence , la 
» propriété de ces mêmes biens, 
» les revenus et droits y attachés, 
» demeurerontincommutables en- 
tre leurs mains ou celles de leurs 
»ayant-causes. » — Enfin, une 
disposition particulière promet la 
régularisation canonique de l’état 
des prêtres mariés, en les écar- 
tant toutefois de l’exercice du sa- 
cré ministère. « Nous ne voulons 
» pas qu’on regarde comme étran- 
» gers à notre sollicitude et à no- 
»tre amour paternel, les ecclé- 
»siastiques qui, après la recep- 
»tion des ordres sacrés , ont 
» contracté mariage ou abandonné 
» publiquement leur état. Nous 
»suivrons à leur égard, confor- 
»mément au désir du gouverne- 
»ment , les traces de notre pré- 
» décesseur le pape Jules IIT, 
» d’heureuse mémoire, comme il 
» est pourvu à leur salut par notre 
» bref de ce jour. » 

Considéré sous son double ca- 
ractère d’acte politique et d’acte 
religieux, le concordat de 1801 
est tout à l’avantage du pontife 
romain et du chefde l’église uni- 
verselle. Au prix de quelques 
concessions, que le temps devait 
affaiblir ou détruire, la France se 
trouva redevenue Île royaume 
très-chrétien,et l’évêque de Rome, 
le dictateur de la catholicité. Le 
gouvernement français lui-même 
sentit presque immédiatement , 


PIE 


que lautorité civile avait en cette 
occasion , fléchi devant l'autorité 
ecclésiastique : il voulut reven- 
diquer ses droits; et tel fut le but 
de la loi du 18 germinalanX, 
connue sous la dénomination 
d'articles organiques du concordat. 
On ne pouvait manquer d’être 
mécontent à Rome de cette es- 
pèce de rétractation , et le Pape 
s’en plaignit de sa propre bouche, 
dans uneallocution officielle. Lors 
des démêlés survenus plus tard, 
on n’a pas manqué de revenir sur 
ce premier grief. Il faut croire 
cependant que le mécontentement 
du Pape ne fut pas trop profond, 
puisqu'il se décida peu après, à 
faire le voyage de Paris, afin de 
présider lui-même à la cérémo- 
nie religieuse du sacre de Napo- 
léon. 

Cette fois encore , ce fut de la 
part du chef du gouvernement 
français que partit la première 
invitation. Il eût été plus con- 
forme aux idées d'indépendance 
et de patriotisme national de la 
vicille monarchie , qu’un évêque 
français présidät à cette cérémo- 
nie; mais le siége de Reims, 
l’abbaye de Saint -Nicaise , la 
Sainte-Ampoule n’existaient plus; 
les traditions du sacre royal 
étaient perdues ou du moins effa- 
cées , et Napoléon pensait que 
Fonction du pontife romain, le 
revêlirait aux yeux des peuples, 
d’un prestige plus imposant que 
celui qu’il pourrait recevoir de la 
main d’un de ses sujets. À Rome, 
la proposition de sacrer un roi de 
France fut accueillie comme un 
triomphe inespéré , et les cendres 
d’Hildebrand en tressaillirent au 
fond du tombeau. Napoléon ne pa- 
rut pasd’abord se douterde cepoint 


PIE 595 


de vue de la question ; trop épris 
qu'il était de la pompe des céré- 
monies : d’ailleurs, en toute chose, 
se reposant définitivement surson 
épée. Au reste, à Rome comme 
à Vienne, comme à Pétersbourg , 
comme à Madrid, comme à Ber- 
lin, les droits de l’ancienne dynas- 
tie paraissaient alors totalement 
oubliés. Pie VII partit de sa ca- 
pitale le 2 novembre 1804. 11 ar- 
riva à Fontainebleau le vingt- 
quatrième jour de son voyage. 
Napoléon était allé au-devant de 
lui jusqu’à la croix de Saint-Hé- 
rem, rendez-vous de chasse de 
la forêt. Les deux souverains 
s’embrassèrent; mais on remar- 
qua dès lors, qu’une certaine Ge- 
fiance réglait l'étiquette de leurs 
démarches respectives. Le Pape 
entra à Paris le 28 novembre, et 
fut logé aux Tuileries , au pavillon 
de Flore. S. S. fit la première 
visite à l'Empereur, qui la lui 
rendit. Elle reçut ensuite les féli- 
citations des grands corps de l’é- 
tat. La cérémonie du sacre eut 
lieu , avec une grande pompe, 
dans la basilique métropolitaine 
de Notre-Dame. Pie VIT se trouva 
rendu au pied de lautel une 
heure avant Napoléon; et c’est 
Napoléon lui-même qui prit la 
couronne sur lPautel et qui de sa 
main, la posa sur sa tête ; il cou- 
ronna pareillement l’impératrice 
son épouse (1). Après quatre mois 
de séjour à Paris, le 4 avril1805, 
Pie VII reprit la route de Rome. 
Toutes les fois qu'il s’était mon- 


(1) On sait que David a fait de cette 
cérémonie, le sujet d'un grand tablean 
qui a été gravé à l'aqua-ttnta par 
M. Jazet. 


tré en public il avait reçu les 
témoignages facilement prodi- 
gués en France, de l’amour et 
du respect. Il ÿ avait répondu 
souvent, ayec une bonté naturelle 
qui avait paru pleine de grâces. 
Mais le but politique de son 
voyage n’était pas atteint. Il s’é- 
tait flatté d'obtenir de Napoléon 
la restitution intégrale des an- 
ciens états de l’Eglise et la réfor- 
mation de plusieurs articles or- 
ganiques du concordat. Napoléon 
avait toujours évité d’entrer dans 
aucune explication directe avec 
le pontife ; et les instructions don- 
nées àses ministres n’étaient point 
favorables aux concessions. On se 
quitta donc plus froidement qu’on 
ne s'était abordé ; et le Pape évita 
d'aller sacrer roi d'Italie à Milan , 
celui qu’il venait de sacrer empe- 
reur des Français , à Paris. 
Bientôt vont commencer les 
longs et cruels démêlés du Pape 
et de Napoléon : leur histoire est 
toute à l’avantage du pontife : elle 
forme la portion brillante de sa 
vie : elle protégera sa mémoire 
et en grandira le souvenir. Car 
Pie VIlLeut pour lui la justice, le 
courage et la modération. Napo- 
léon se précipita , au contraire , 
dans tous les torts que l’irritation 
fit naître sous ses pas. Sans motif 
et sans déclaration de guerre , 
uniquement par le droit inique de 
la force , il envahit un état faible , 
paisible , inoffensif et naturelle- 
ment neutre. Ses agens, imbus 
de sa colère , compromirent son 
autorité, en portant la main jus- 
que sur la personne d’un portife , 
que le monde avait appris de lui- 
même , à entourer de ses hom- 
mages, et qui venait de lui prodi- 
guer tout à l’heure , les démous- 


PIE 


trations d’une amitié quasi pater- 
nelle. Pie VIE fut grand dans 
l’adversité , car il fut calme et 
inébranlable ; enseignant par son 
exemple aux plus grands comme 
aux plus humbles, qu’il est des 
choses que la violence la plus 
énergique n'obtient pas, même 
des hommes les plus faibles et les 
plus doux. SET 

Le 29 mai 1805, Pie VII était 
rentré dans sa capitale. Six mois 
n'étaient pas écoulés que les trou- 
pes françaises, en se retirant du 
royaume de Naples, occupèrent 
à l’improviste , la ville et le port 
d’Ancone. Le Pape écrivit direc- 
tement à Napoléon une letire 
autographe, pour se plaindre de 
cette étrange usurpation : elle 
était conçue en ces termes : 

« À notre très-cher fils en J. C. 
salut et bénédiction apostolique, 

» C’est avec toute la franchise 
de notre caractère que nous dé- 
clarons sans détour , à V. M. que 
l’ordre qu’elle a donné au général 
Saint-Cyr,d’occuper Ancone avec 
les troupes françaises et de faire 
approvisionner la place, nous a 
occasioné autant de surprise que 
de douleur , tant par la chose 
elle-même que par la manière 
dont elle a été faite ; V.M. n'ayant 
pas même daigné nous en pré- 
venir d'avance. Nous ne pou- 
xons dissimuler en effet, que c’est 
avec une sensible affliction que 
nous nous voyons traiter d’une 
manière que nous ne croyons 
mériter sous aucun rapport. No- 
tre neutralité étant reconnue par 
vous, ainsi que par toutes les 
puissances, et étant pleinement 
respectée par elles, nous nous 
tenions bien assuré que ce ne 
serait pas par Y. M. qu’elle serait 


PIE 


violée la première. Nous croyons 
avoir des motifs particuliers pour 
penser que les sentimens d'amitié 
qu’elle noustémoignait nous met- 
traient à l’abri d’un pareil désagré- 
ment, Nous voyons que nous 
nous étions trompés. — Nos états 
exposés à devenir le théâtre de la 
guerre, les dangers et les pertes 
dont nos sujets sont menacés, 
notre honneur compromis aux 
yeux du public, sont des épines 
aiguës qui nous percent le cœur. 
Depuis l’époque de votre re- 
tour à Paris, nous l’avouerons 
franchement, nous n’avons éprou- 
vé qu’amertume et déplaisir, tan- 
dis que la connaissance person- 
nelle que nous avions faite de 
V. M. et la conduite que nous 
avons constamment tenue ,; sem- 
blaient devoir nous promettre le 
contraire. En un mot, nous ne 
sommes pas traités en retourpar 
V. M., comme nous étions en 
droit de l’attendre. Nous le res- 
sentons vivement; et, quant au 
fait en question , nous disons sin- 
cérement que nos obligations en- 
vers nos sujets et les puissances 
belligérantes , entre lesquelles 
nous voulons garder une entière 
neutralité, nous forcent à de- 
mander à V. M. l'évacuation 
d’Ancone, en observant que si 
elle est refusée, nous ne voyons 
pas de quelle manière nous pour- 
rions honorablement maintenir 
nos rapports avec le ministre de 
V. M. à Rome, puisque ces rap- 
ports seraient en contradiction 
avec le traitement que nous con- 
tinuerions à recevoir de V. M. à 
Ancone. — Que V. M. veuille 
bien se persuader qu’en lui écri- 
vant cette lettre, nous accomplis- 
sons un devoir pénible pour notre 


PIE 307 
cœur; Mais nous ne pouvons ni 
dissimuler la vérité, ni manquer 
aux obligations qui nous sont im- 
posées. Nous nous flattons cepen- 
dant qu’au milieu de tant de dou- 
leurs qui nous affligent, V. M. 
voudra bien nous délivrer decelle 
qu’il dépend de sa seule volonté 
de nous épargner. Sur quoi, nous 
lui donnons de tout notre cœur, 
notre bénédiction paternelle et 
apostolique. — Donné à Rome, 
près de Sainte-Marie-Majeure , 
ce 13 novembre de l’an 1805, et 
de notre pontificat le 6°. 
J Par P'P.NIT.» 


Le S. P. attendit long-temps 
la réponse à une lettre aussi pleine 
à la fois d'abandon et de dignité. 
Ce ne fut qu'après la bataille 
d’Austerlitz et la paix de Pres- 
bourg, que, de retour à Munich, 
Napoléon écrivit au Pape la lettre 
suivante : 


« Très-Saint Père, 

» Je reçois une lettre de V, S. 
sous la date du $ novembre. Je 
n'ai pu qu'être vivement affecté 
de ce que, quand toutes les puis- 
sances à la solde de l'Angleterre 
s'étaient coalisées pour me faire 
une guerre injuste, V. S. ait 
prêté l’oreille aux mauvais con- 
seils et se soit portée à m'écrire 
une lettre si peu ménagée. Elle 
est parfaitement maitresse de 
garder mon ministre à Rome ou 
de le renvoyer. L’occupation 
d’Ancone est une suite immédiate 
et nécessaire de la mauvaise or- 
ganisation de l’état militaire du 
Saint-Siège. V. S. avait intérêt à 
voir cette forteresse plutôt dans 
mes mains que dans celles des 
Russes, des Anglais, des Turcs. 
V.S. se plaint que depuis son re- 


598 PIE 

tour de Paris elle n’a eu que des 
sujets de peine. La raison en est 
que depuis lors, ceux qui crai- 
gnaient mon pouvoir et me té- 
moignaient de l’amitié ont changé 
de sentiment, s’y croyant autori- 
sés par la force de la coalition ; 
et que depuis le retour de V. S. à 
Rome, je n’ai éprouvé que des 
refus de sa part, sur tous les ob- 
jets, même sur ceux qui étaient 
d’un intérêt du premier ordre 
pour la religion : comme, par 
exemple, lorsqu'il s'agissait d’em- 
pêcher les protestans d'élever la 
tête en France. Je me suis consi- 
déré comme le protecteur du 
Saint-Siége, et, à ce titre, j'ai 
occupé Ancone. Je me suis con- 
sidéré , ainsi que mes prédéces- 
seurs de la seconde et de la troi- 
sième race, comme le fils aîné de 
l'Eglise, comme ayant seul Pépéc 
pour la protéger et la mettre à 
l'abri d’être souillée par les Grecs 
et par les Musulmans. Je proté- 
gerai constamment le Saint-Siége, 
malgré les fausses démarches, 
l'ingratitude et les mauvaises dis- 
positions des hommes qui se sont 
démasqués pendant ces trois mois. 
Ils me croyaient perdu : Dieu a 
faitéclater , par le succès dont il 
a favorisé mes armes, la protec- 
tion qu’il a accordée à ma cause. 
Je serai l’ami de V. S. toutes les 
fois qu’elle ne consultera que son 
cœur et les vrais amis de la reli- 
gion. Je le répète, si V. S. veut 
renvoyer mon ministre, elle est 
libre de le faire. Elle est libre 
d'accueillir de préférence et les 
Russes et le calife de Constanti- 
nople. Mais ne voulant pas expo- 
ser le cardinal Fesch à ces avanies, 
je le ferai remplacer par un sécu- 
lier. Aussi bien, la haine que lui 


PIE 
porte le cardinal Consalvi est 
telle ,; qu’il n’a constamment 


éprouvé que des refus, tandis que 
les préférences étaient pour les 
Autrichiens et pour lies Russes. 
Dieu est juge qui a le plus fait 
pour la religion de tous les prin- 
ces qui règnent. — Sur ce, je 
prie Dieu, T. S. P., qu’il vous 
conserve longues années au gou- 
vernement de notre mère la sainte 
Eglise. — À Munich, le ; janvier 
1806. —Votre dévot fils , l’'Empe- 
reur des Français, roi d’ftalie, 
» NAPOLÉON. » 


Ces deux lettres suffisent déjà 
pour indiquer de quel côté vont 
se trouver, dans ces pénibles dé- 
mêlés, la justice ou la violence, 
l’'emportement ou la longanimité, 
la raison ou le délire.On croit voir 
en action, l’apologue du loup et 
de l'agneau. Le Pape répliqua de 
point en point , aux griefs imagi- 
naires de Napoléon ; par une 
nouvelle lettre autographe, sous 
la date du 29 janvier 1806. On y 
voit briller la même bonne foi 
dans la discussion, la même mo- 
dération dans le langage. Napo- 
léon consentit encore, à répondre 
directement à cette seconde lettre, 
mais ce fut pour la dernière fois. 
Une correspondance simple et 
franche devait l’embarrasser. Il 
donna pour prétexte de son refus 
d'entretenir désormais des rela- 
tions directes avec le pontife, que 
l’on communiquait ses lettres à 
la diplomatie étrangère. La se- 
conde lettre de Napoléon, datée 
du 13 février 1806, demandait 
expressément la rupture de la 
neutralité, par le renvoi des mi- 
nistres de toutes les puissances 
belligérantes, résidens à Rome : 


PIE 


en outre, Napoléon élevait ouver- 
tement la prétention à la suzerai- 
neté de Rome, qu’il disait tenir 
de Charlemagne, son prédéces- 
seur; prétention, qui, dépouillée 
aujourd’hui de la terreur qui l’es- 
cortait alors, ressemble au rêve 
d’un fou en délire. A la recep- 
tion de la seconde lettre de Napo- 
léon , contenant ses demandes pé- 
remptoires, S. S. convoqua le 
sacré collége, et après avoir pris 
ses avis, il écrivit sa réponse, 
dans laquelle tous les griefs de 
Bonaparte étaient réfutés avec lo- 
gique, clarté et simplicité. La 
nécessité de l’indépendance poli- 
tique du Saint-Siége pour le bien 
de l'Eglise universelle ; la liaison 
non moins indispensable, de cette 
indépendance à sa neutralité per- 
pétuelle ; l’avantage de cette neu- 
tralité pour les catholiques rési- 
dans dans les états dissidens; le 
défaut absolu de fondement des 
prétentions de Napoléon à la sou- 
veraineté de l’état de l'Eglise, 
même en consentant à le prendre 
pour le successeur de Charlema- 
gne : tous ces points s’y trouvaient 
traités avec la clarté la plus par- 
faite. Cette lettre longue et dé- 
taillée, ne recut pour réponse 
qu’une courte note du ministre 
des affaires étrangères de France, 
au légat résident à Paris, dans 
laquelle on insistait avec les plus 
fortes menaces , sur l’exécution 
de tout ce qu’on avait demandé 
précédemment. À la reception de 
cette note, le S. P. ne put se 
dissimuler que les griefs du gou- 
vernement français et les préten- 
tions qu’il mettait en avant, n’a- 
vaient d’autre but que d’obtenir 
des refus inévitables, afin d’en 
prendre prétexte pour s'emparer 


PIE 359 
du patrimoine de saint Pierre. Le 
Pape s’abstint donc désormais, d’a- 
dresser lui-même d’inutiles ré- 
pdnses; mais il continua ses re- 
présentations par la voie diplo- 
matique , et en joignit de nou- 
velles sur de nouveaux procédés 
du gouvernement français , tou- 
chant les affaires ecclésiastiques. 
C’est alors aussi qu’il commença 
à laisser entrevoir la possibilité de 
recourir aux armes spirituelles 
qui dormaient dans ses mains. 
Cependant les exigences et les 
empiétemens des Français deve- 
naient chaque jour plus flagrans. 
On ayait promis de rembourser 
les frais du passage des troupes 
impériales dans l’état romain, 
frais qui se montaient à des som- 
mes considérables, et l’argent 
n’arrivait jamais : les caisses pon- 
tificales étant épuisées, il fallut 
recourir à un emprunt forcé. Il 
avait pour but de faire face aux 
dépenses extraordinaires occasio- 
nées au Pape par le gouvernement 
français ; et ce gouvernement s’a- 
visa de s’en plaindre, comme si 
l'emprunt n’eûtété imaginé qu’a- 
fin de le rendre lui-même odieux 
à la nation: on partit de là pour 
réclamer la communication de 
la recette et de la dépense de l’é- 
tat. L’intronisation de Joseph 
Bonaparte à Naples, vint encore 
créer un épisode embarrassant 
au milieu de ces cruelles et dé- 
goûtantes tracasseries. Pie VIT, 
tidèle à défendre les prérogatives 
et même les prétentions de ses 
prédécesseurs , exigeait que, sui- 
vant l’antique usage, le nouveau 
roi de Naples recût l'investiture 
du Saint-Siége et s'engageñt à 
payer le tribut accoutumé. Napo- 
léon s’y refusait : cet incident 


4co PIE 

donna lieu à une correspondance 
diplomatique qui n’amena aucun 
résultat. Joseph resta en posses- 
sion du royaume de Naples, et le 
Pape continua à lui en refuser 
l'investiture. 

Sur ces entrefaites, les troupes 
françaises inondèrent de toutes 
parts, l’état de l'Eglise, occupant 
les villes situées sur la côte du 
golfe adriatique. Enfin ; un jour, 
un détachement français venu de 
Naples, entra à Rome, annon- 
çant qu'il allait tenir garnison à 
Livourne; mais au milieu de da 
nuit , le détachement prit la route 
de Civita-Vecchia et en occupa le 
port et la citadelle. Le $. P. pro- 
tesia contre cette perfidie et fit 
remettre par ses nonces, des notes 
aux diverses puissances près des- 
quelles ils résidaient, pour leur 
déclarer que cette occupation s’é- 
tait faite par la violence et sans 
son consentement. Le Moniteur 
apprit ensuite au Pape, sans avis 
préalable , que Napoléon confis- 
quait au profit d'autrui, les princi- 
pautés de Bénévent et de Ponte- 
Corvo. Bientôt les généraux fran- 
çais s’emparèrent de la police et 
de l'administration. Dans les pre- 
miers jours de juillet 1866, le 
général qui commandait à Ancône 
enleva au colonel Braschi le com- 
mandement des troupes pontifi- 
cales, incorpora ces troupes dans 
celles de France et leur donna le 
titre de « troupes papales, au 
» service de S. M. l’empereur des 
» Français, roi d’Tialie. » Il ot- 
donna aux percepteurs des impôts 
d’en verser le produit dans les 
caisses de l’armée française. En 
attendant, le Pape restait inflexi- 
ble sur le chapitre de la neutralité, 
et Napoléon, vainqueur des plus 


PIE - 


\ 


puissans monarques , s’irritait en 
lui-même des obstacles que lui 
opposait un vieillard, avec le seul 
aide de sa fermeté persévérante, 
Après de longues négociations 
tant à Paris qu’à Rome, mais 
toujours sans résultat, le 2 février 
1808 , le général Miollis exécuta 
l’ordre qu'il avait reçu d’occuper 
Rome militairement,en laissant au 
Pape provisoirement.l’exercice du 
pouvoir administratif. Depuis ce 
jour et durant un espace de dix-huit 
mois , les usurpations successives, 
accompagnées quelquefois, des 
procédés les plus violens, ne ces- 
sérent d’abreuver d’amertume le 
vénérable pontife. Le 7 avril, vers 
six heures du matin , un détache- 
ment de troupes françaises se 
présenta à la grande porte du 
palais pontifical. Le suisse qui 
était de garde fit entendre à 
officier qui commandait le déta- 
chement, qu’il ne pouvait pas 
permettre l'entrée du palais à des 
gens armés, mais qu'il ne la lui 
refuserait pas, s’il voulait entrer 
seul. L’officier feignit de se con- 
tenter de cette permission, et or- 
donna aux troupes de s'éloigner 
de quelques pas. Alors le faction- 
naire ouvrit la petite porte, et, 
pendant que l'officier y entrait , 
ses soldats, à un nouveau signal, 
se jetérent sur le suisse, en lui 
mettant la baïonnette sur la poi- 
trine. Ayant pénétré par cette 
ruse, dans le palais papal, le 
détachement se rendit d’abord au 
corps-de-garde de la milice du 
Capitole, en enfonça la porte et 
s’empara des carabines dont on se 
servait pour monter la garde dans 
une des antichambres du Pape : 
il en fit de même aux gardes- 
nobles. Pendant ce temps , un 


PIE 


autre officier français se rendait 
chez le capitaine des Suisses, 
pour lui déclarer qu’à compter de 
ce jour, la garde suisse dépen- 
drait des ordres du général fran- 
cas; mais elle refusa d’obéir. La 
garde sédentaire ayant suivi son 
exemple , elle fut conduite toute 
entière, au château Saint-Ange, 
ainsi que les gardes-nobles et 
leur commandant. Le motif de 
cette nouvelle agression fut que 
le commandant français ayant 
laissé aux troupes incorporées la 
cocarde qu’elles avaient coutume 
de porter, le saint Père en avait 
fait donner une nouvelle au petit 
nombre de soldats qu’on lui avait 
laissés, afin d’exprimer sa dés- 
approbation de l'incorporation des 
autres. Un ordre du jour français, 
affiché à tous les coins de rue de 
Rome et des villes de l’état ro- 
main, signala cette nouvelle co- 
carde comme un signe de rallie- 
ment des ennemis de la France. 

A tant de violence et d’hypo- 
crisie, Pie VIT opposait une ad- 
mirable fermeté de caractère’; il 
écrivait aux évêques et aux curés 
de son diocèse pour leur défendre 
de chanter le Te Deum à l’occa- 
sion de lusurpation française, 
comme on prétendait l’exiger 
d'eux ; il leur défendait expressé- 
ment de prêter serment à l’empe- 
reur Napoléon, et d'adopter les 
lois françaises, en ce qu’elles 
avaient de contraire à la discipline 
de l’église romaine. En général, 
sa voix fut entendue par le fidèle 
clergé romain; aussi les persécu- 
tions ne lui furent pas plus épar- 
gnées qu'à son vénérable chef. 
Elles commencèrent par les plus 
fidèles et les plus immédiats ser- 
viteurs du Pape. S. S. cédant aux 


PIE hoi 
instances réitérées du cardinal 
Consalvi, qui, depuis que Na- 
poléon avait manifesté du cour- 
roux contre lui, avait sollicité sa 
démission pour ne pas être la 
cause ou le prétexte de nouvel- 
les difficultés, l’avait remplacé 
à la secrétairerie-d’état, par le 
cardinal Gasoni. Ce cardinal 
fut exilé sans ménagement, en 
même temps que vingt de ses 
collègues du sacré collége. Le S, 
P. ne voulant pas considérer la 
place comme devenue vacante 
par l'effet de cette violence, nom- 
ma le cardinal Gabrielli pro-se- 
crétaire-d’état. Peu de temps après 
deux officiers français se présen- 
tent dans l’appartement du cardi- 
nal , font apposer les scellés sur 
le bureau où il conservait les pa- 
piers d'état, placent une senti- 
nelle devant sa porte et lui inti- 
ment l’ordre de partir sous deux 
jours , pour se rendre dans son 
évêché. Il fut remplacé par le 
cardinal Pacca. Trois mois n’é- 
taient pasencore écoulés, que l’on 
traitait pareillement le nouveau 
ministre. Bénévent lui était assi- 
gné pour exil. Cependant, comme 
il demanda avant de partir, à 
prendre les ordres du S. P., on lui 
permit d'écrire un billet au Pape, 
qui après l'avoir lu, descendit 
lui-même dans l'appartement de 
son ministre, lui défendit d’obéir 
aux ordres de l'officier français, 
et le prenant par la main, l’'amena 
dans son propre appartement, 
déclarant qu’on ne l’en arracherait 
que par la violence. 

On étaitau mois de septembre : 
les notes que le Pape faisait re- 
mettre tantôt aux commandans 
français . tantôt aux ministres 
étrangers, arrivaient au moins 


26 


402 PIE 

par extraits, sous Îles yeux du 
public, et entretenarent une ef- 
fervescence qui donnait sans cesse 
prétexte à de nouvelles vexations. 
Le Pape à qui lPexpérience ne 
pouvait pas laisser ignorer que 
rien n’étaitsacré pourses geôliers, 
faisait murer les portes de son 
palais, garnir les fenêtres de bar- 
reaux de fer, en un mot, fermer 
toutes les voies par où l’on aurait 
pu s’introduire dans l’intérieur de 
sa résidence. La veille du premier 
jour de l'an 1809, le général 
Miollis, gouverneur de Rome, 
ayant fait demander au $S. P. la 
permission de venir lui rendre ses 
hommages,le lendemain, avec son 
état-major, S. S. fit répondre 
qu'une profonde retraite conve- 
nait seule à sa position présente; 
mais qu’elle s’imposait à eile- 
même une grande privation, en 
s’interdisant de recevoir les ci- 
toyens d’une nation pour laquelle 
elle avait conservé le plus tendre 
attachement. Cependant, les in- 
quiétudes des chefs militaires qui 
commañdaient dans Rome allaient 
toujours croissant; l’enlèvement 
du Pape en devint la conséquence. 
Dans son exil, Bonaparte a voulu 
rejeter l’odieux de cet attentat 
sur celui qui en fut lexécuteur. 
Mais personne de raisonnable ne 
voudra croire qu’un général de 
gendarmerie ait pris sur lui de con- 
soruiner un acte qui ne pouvait 
manquer d’avoir les plus grandes 
conséquences. 

Le Pape , informé d'avance 
qu’on avait décidé d’employer 
jusqu’à la violence pour l’arracher 
de sa retraite ,avait donné l’ordre 
que quand les portes seraient abat- 
tues et tous les obstacles maté- 
ricls renversés, les Suisses se 


PIE 


repliassent vers son appartement 
sans faire de résistance. La veille 
du jour fixé pour la consomma- 
tion de lattentat, on avait fait 
entrer à Rome trois mille hommes 
de renfort, sous prétexte de leur 
faire prendre le chemin de la 
France. On se procura des échel- 
les, et les troupes francaises, 
ainsi que la garde civique, reçu- 
rent l’ordre de se tenir sous les 


armes. Dans la nuit du 5 au 
6 juillet 1809, la vaste en- 
ceinte du palais Quirinal fut 


cernée et toules ses avenues 
garnies de postes militaires. Vers 
une heure’et demie du matin, le 
général Radet, officier-général de 
gendarmerie, donna le signal aux 
troupes qui escaladèrent les murs 
de trois côtés différens. Elles pé- 
nétrèrent dans lintérieur du pa- 
lais, à l’aide d’effractions : {es 
Suisses posèrentlesarmes,comme 
ils en avaient recu Pordre. Les 
portes de l’appartement du Pape 
s'étant trouvées fermées , elles 
furent forcées. Le général Radet, 
suivi de ses soldats , mais tenant 
son chapeau à la main, entra dans 
la chambre à coucher de S. S..Il 
la trouva assise à son bureau, 
revêtue de son costume de ville, 
c’est-à-dire du rochet, du camail 
et de l’étole. Le cardinal Pacce 
était à ses côtés. — « Pourquoi 
»venez-voustroubler ma solitude? 
» dit le Pape au général français ; 
»que voulez-vous... ? » — Le ge- 
néral déclara qu'il venait pro- 
poser au Pape pour la der- 
nière fois, de la part de son gou- 
vernement , l’abdication de sa 
souveraineté temporelle, ajou- 
tant qu’à cette condition , S. S. 
pourrait rester tranquille à Rome. 
Il lui remit en même temps , une 


PIE 


feuille de papier sur laquelle un 
projet d’abdication était tracé. Le 
saint Père levant les yeux au ciel 
qu’il montrait de la main, répon- 
dit au général : — « Je n’ai agi 
»en tout, qu'après avoir consulté 
» l'Esprit-Saint. et vous me met- 
» trez en pièces avant que de m’o- 
»bliger à rétracter ce que j'ai 
fait. »—« Dans ce cas, lui dit 
»le général, j'ai ordre de vous 
»emmener hors de Rome.» Le 
Pape se leva, mit son bréviaire 
sous son bras et s’avança vers la 
porte de sa chambre ; donnant la 
main au cardinal Pacca, son se- 
crétaire-d’état. On les conduisit 
à la porte extérieure qu’on avait 
enfoncée. Là se trouvait une voi- 
ture dans laquelle on les fit mon- 
ter. Le Pape avant de partir, 
donna sa bénédiction à la ville 
de Rome ; on placa à côté de lui 
le cardinal Pacca , et l’on ferma 
la voiture de manière à ce que 
personne ne püt apercevoir ceux 
qu’elle contenait. Elle sortit par 
la porte Salara , qui est à peu de 
distance du Quirinal, d’où elle 
fit le tour des remparts, et se 
rendit par la voie Flaminiene , au 
pont Milvio. On y trouva des che- 
vaux de poste qui avaient été pré- 
parés d’avance ; et la voiture par- 
tit sur-le-champ, escortée de 
trente-cinq gendarmes , le géné- 
ral Radet étant assis sur le siége. 

C’est ici le lieu de parler de la 
fameuse bulle d’excommunication 
lancée contre Napoléon et ses 
fauteurs dans l’usurpation de l’état 
de l'Eglise. Elle est datée du 10 
juin 1809, mais le saint Père ne se 
décida à la publier que lorsqu'il 
eut acquis la certitude que son 
enlèvement était résolu : alors, il 
s’efforca de donner à ce dernier 


PIE 405 
acte de sa puissance spirituelle 
toute la publicité que les cireon- 
stances permettaient. Les impri- 
meries de Rome, même celle 
de la Chambre apostolique, se 
trouvant sous l’inspection de la 
police militaire française , lon se 
borna à en tirer quatre copies à la 
main. La nuit même de l’enlève- 
ment, l’une fut placardée à Sainte- 
Marie-Majeure, une autre à Saint- 
Jean-Latran , une troisième à la 
basilique de Saint-Pierre : la po- 
lice française les fit détacher. 
L'une de ces copies fut adressée 
immédiatement à Napoléon, et 
une autre à Murat , alors régnant 
à Naples. La quatrième copie, 
confiée à une personne dévouée, 
fut lancée par elle, la même nuit, 
sous la porte de l’évèque de Cher- 
sonèse, ministre de Bavière à 
Rome. Bientôt la bulle d’ex- 
communication fut répandue en 
France, où elie donna lieu à bien 
des persécutions, et peuaprès, par 
toute l'Europe. Nous regrettons 
que l’étendue de cette pièce mé- 
morable nous prive d’en donner :a 
traduction textuelle. Le Pape y 
résume avec énergie et franchise, 
les griefs et les usurpations dont 
il a lieu de se plaindre de la part 
du gouvernement français (car il 
ne prononce jamais le nom de 
Napoléon); il déclare qu'après 
avoir épuisé tous les moyens de 
douceur et toutes les voies de 
conciliation, il se voit obligé en 
conscience , de lancer les anathè- 
mes ecclésiastiques ; contre Îles” 
usurpateurs du domaine de l Egli-. 
se. — «A. Ge causes , poursuit: la 
bulle, par 1 autorité du Dieu tout- 
puissant, par celle des apôtres “one 
Pierre et saint Paul, et par la 
nôtre, nous déclarons que tous 


— M 


404 


ceux qui après l'invasion de cette 
illustre ville et de l'Etat ecclésias- 
tique, après la violation impie du 
patrimoine de saint Pierre , le 
prince des apôtres, commises par 
les troupes françaises, après les 
actes dont nous nous sommes 
plaints dans les deux allocutions 
consistoriales susdites (16 mars 
et 11 juillet 1608), et dans plu- 
sieurs protestations et réclama- 
tions publiées par notre ordre , se 
sont rendus coupables dans la 
susdite ville et dans l’Etat ecclé- 
siastique, de quelque attentat con- 
tre les immunités de l'Eglise et 
contre les droits, même tem- 
porels du Saint-Siége, ainsi que 
tous ceux dont ils ont recu des 
ordres, leurs fauteurs, conseil- 
lers, adhérens, ou qui que ce 
soit qui y ait pris part, soit direc- 
tement, soit indirectement, ont 
encouru l’excommunication et les 
autres censures et peines ecclé- 
siastiques désignées par les sacrés 
canons, par les constitutions apos- 
toliques et par les conciles géné- 
raux, particulièrement celui de 
Trente (Sess. XXIT, cap. 4 de 
Reform. ); et en tant que de be- 
soin , les éxcommunions et ana- 
thématisons de nouveau, etc., 
….. cependant, tandis que nous 
sommes forcés de tirer du four- 
reau l'épée du châtiment de l’E- 
glise, nous ne pouvons oublier 
que nous tenons sur terre, sans 
l'avoir mérité, la place de celui 
qui, en exerçant sa jusiice, n’a 
jamais manqué de miséricorde. 
C’est pourquoi nous invitons, en 
veriu de lasainte obédience, d’a- 
bord nos sujets et ensuite tous 
les peuples chrétiens, et nous 
leur prescrivons de ne porter à 
ceux que les présentes lettres 


PIE 


PIE 


concernent, dans leurs person- 
nes, biens, droits ou prérogatives, 
aucun dommage , injure, préju- 
dice ou détriment quelconque, à 
l’occasion ou sous le prétexte des- 
ditesletires; carenles condamnant 
à la seule peine que Dieu a mise en 
notre pouvoir de leur infliger, et 
en vengeant de si graves injures 
faites à ce Dieu et à son Eglise , 
nous n'avons d'autre but que « de 
»ramener à nous et de faire tra- 
» Vailler avec nous ceux qui ña- 
» guèrenous persécutaient» (Sanct. 
August. in Psalm. 54.v. 1), dans 
l'espoir que Dieu leur donnera 
«l'esprit de pénitence pour leur 
» faire connaître la vérité. » (Ep.IE. 
ad Timoth. cap. IT, v. 25.) 

Cet acte extraordinaire de Pie 
VII a trouvé des désapprobateurs, 
même dans les rangs de person- 
nes dont l'attachement à la reli- 
gion ne paraît point douteux. 
Toutefois il nous semble facile à 
justifier. L’usurpation de la pro- 
priété d’autrui blesse la morale et 
la religion : mais aux yeux de 
cette dernière, l’usurpation prend 
un caractère plus grave, lors- 
qu’elle affecte les biens consacrés 
à l’Eglise : dans ce cas, elle de- 
vient sacrilège. À toutes les épo- 
ques de l’histoire ecclésiastique et 
depuis l’anathème prononcé par 
saint Pierre , contre Ananie et Sa- 
phire, l'Eglise n’a pas hésité à 
menacer de ses foudres, ceux de 
ses enfans rebelles qui l’ont dé- 
pouillée des biens dont la desti- 
nalion, sinon l’usage, est certai- 
nement la gloire de Dieu etie bien 
des hommes. Or, dans le cas dont 
il s’agit, l’excommunication est 
évidemment conforme auxSS. ca- 
nons. Voilà en substance, ce qu’on 
peut dire aux hommes religieux. 


PIE 


Aux hommes d'état, la réponse 
n’est pas plus difficile, Souverain 
de Rome, Pie VII devait défen- 
dresa souveraineté parles moyens 
les plus opportuns et les plus ef- 
ficaces. Tant que les ménagemens 
furent admissibles, l’on remar- 
quera que le Pape n’en négligea 
aucun. L’excommunication pou- 
vait occasioner un soulèvement 
de nature à délivrer l’état romain 
de l’usurpation française : le Pape 
était en droit de recourir à ce 
moyen extrême, comme dans les 
momens de crise, les chefs des 
états appellent leurs sujets, par 
des, proclamations , à se lever en 
masse contre l'ennemi. C’est ainsi 
‘que la religion intervenait direc- 
tement dans les mouvemens les 
‘plus solennels des républiques 
‘anciennes ; C’est ainsi que son 
influence apparaît visiblement 
€ncore aujourd'hui ; dans Îles 
actes qui parlent aux. peuples 
de la Russie, ou de FEspa- 
gne. Des malheurs individuels 
pouvaient résulter sans dou- 
te ,; d’une si grande détermi- 
nation. C’est la conséquence iné- 
vitable de ces luttes sanglanies 
qu’allument les passions humai- 
nes. Mais c’est à ceux-là qui les 
ont provoquées d’en supporter 
devant Dieu et devant les hom- 
mes, la responsabilité. Quant à 
celui qui se défend, il est dans 
son droit ; et vraiment , il serait 
trop bizarre qu’on lui imputât le 
mal qu’il peut lui arriver de faire 
à son agresseur. Pontife, Pie VIT 
a défendu les droits et les proprié- 
tés de l'Eglise, par les armes qui 
lui sont propres : souverain de 
Rome , il a défendu la triple cou- 
ronue, Confiée viagèrement à sa 
garde , par les armes particulières 


PIE 405 
à PEtat romain, par celles qui 
ont de leflicacité sur les peuples 
de ces contrées. Si un pape pré- 
tendait exercer quelque influence 
sur les affaires de la politique d’un 
état étranger , au moyen des fou- 
dres du Vatican , alors il ne fau- 
drait pas hésiter à protester contre 
cet abus du pouvoir des clefs, 
et persévérer nonobstant, à rendre 
à César ce qui lui est dû. L’his- 
toire ecclésiastique et les libertés 
des églises offriraient à cet égard 
de nombreux précédens. Mais ici 
le cas est bien différent. Ce n’était 
pas seulement Avignon, Bénévent 
ou Ponte-Corvo, qu’il s'agissait de 
défendre; c'était le patrimoine de 
saint Pierre, c’était le tombeau 
des SS. apôtres, dont l’indépen- 
dance politique n’est pas entière- 
ment indifférente à la bonne ad- 
ministration des églises de toute 
la catholicité. Convenons donc 
tout au moins, que ja question 
offre des faces très-diverses et 
très-compliquées : en attendant , 
tous les sentimens nobles et pieux, 
de morale , de justice, de géné- 
rosiié , de religion, parleront en 
fayeur de l’opprimé et contre 
l’oppresseur. D'ailleurs, il ne 
“faut pas perdre de vue le langage 
-plein de modération et de charité 
du pontife dont nous avons cité 
les paroles; et s’il est possible de 
signaler dans les premières lignes 
de la bulle Post memoranda, quel . 
ques expressions inexactes que 
l’on continue d'employer à Rome 
plutôt comme maximes d’état que 
comme maximes de religion , du 
moins, on ne peut y signaler 
rien de contraire aux prérogatives 
de la souveraineté temporelle, et 
aux principes généraux du droit 
des nations européen. 


406 PIE 

£a partant de Rome, le Pape 
fut conduit en toute hâte, aux 
frontières de la Toscane. Le jour 
même de l’enlèvement , il arriva 
à Radicofani , premier village des 
états de ce duché, situé dans un 
pays montagneux.et isolé de toute 
grande ville. C’est là qu'on le fil 
stationner pour coucher. IL était 
dix heures du soir, et le Pape 
avait déjà parcouru un espace de 
trente-six lieues de France sans 
qu’on se fût arrêté, hormis îe 
temps nécessaire pour charger 
de chevaux. Près de Florence, le 
cardinal Pacca fut séparé de son 
maître , qui re le revit plus , jus- 
qu'à ce qu'ils arrivassent Fun et 
Pautre sur le Mont-Cenis, d’où 
ils furent conduits à Grenoble, le 
7 juillet. Comme il passait, le 
Jundi , 5 juillet , entre Rivoli et 
Suse, le Pape éprouvaune defail- 
lance. Revenu à lui, il dit au co- 
lonel de la gendarnierie qui com- 
mandait son escorte : « Avez- 
» vous l’ordre de me conduire mort 
» ou vif ? Si votre ordre est de me 
»faire mourir, continuons ; sil 
»est contraire, je veux m'arrè- 
»ter. » Le colonel fit arrêter la 
voiture dans un petit village voi- 
sin: 5. S. se reposa un moment, 
et prit une tasse de chocolat chez 
le maire. Elle passa deux jours 
entiers à l’hospice du Mont-Cenis. 
À Grenoble, l’on accorda au Pape 
onze jours, Sa Sainteté ayant beau- 
coup souffert dans la voiture fer- 
mée ,etdurant leschaleursles plus 
excessives de l'été. Desordres de 
Napoléon lui firent repasser les 
Alpes par la route de Nice. Dans 
cette ville, la reine d’Etrurie et 
son fils, victimes eux aussi, des 
révolutions politiques , vinrent 
baiser en silence les pieds du vi- 


PIE 


caire de Jésus-Christ. Enfin ;- M 
résidence du Pape fut fixée à Sa- 
vone , petite ville de l’ancienne 
république de Gênes , où S. S. 
fut gardée avec de grands égards, 
il est vrai; mais , dans la réalité, 
comme prisonnier d'état. Pendant 
tout le voyage, l’illustre pontife 
tint la contenance la plus noble 
et la plus digne de son caractère. 
Partout où il s'arrêta, les popu- 
lations française et italienne , 
pénétirées de respect et de com- 
passion, se portèrent sur son pas- 
sage, pourluitémoigner leurs sen- 
timens et obtenir sa bénédiction. 
À Savone , le Pape refusa l'offre 
de tenir une cour, ainsi que de 
toucher les deux millions de re- 
venu annuel, qui lui étaient as- 
surés par le sénatus-consulte qui 
avait réuni Rome à l’empire fran- 
Çais. S. S. fut logée successive- 
ment chez le maire, chez l’évêque, 
enfin à la préfecture , où elle fut 
gardée par une compagnie de 
hendarmes. Supportant le mal- 
reur avec un inéhranlablie cou- 
gage, le pontife protesta plus vi- 
goureusement que jamais, contre 
les usurpations de Napoléon, et 
refusa constamment de délivrer 
l'institution canonique aux évê- 
ques nommés par l'Empereur. Il 
fulmina également contre leur ad- 
ministration , depuis qu’on eut 
pris le parti de leur faire déférer 
les pouvoirs nécessaires par les 
chapitres : toutefois, la disci- 
pline gallicane offrait des précé- 
dens dont il fut facile de s’autori- 
ser pour défendre cette mesure 
transitoire. 

En 1811, Napoléon crut venir 
à bout d’arranger les affaires ec- 
clésiastiques, tout en conservant 
sa proie temporelle, au moyen 


PIE 


de Fintervention d’un concile na- 
tional. Quelsque fussent les plans 
soumis à cette assemblée , la si- 
tuation du Pape devait en rendre 
Padoption pénible. Le corps épis- 
copal français manifesta , en cette 
occasion , son indépendance et 
sa force; ik résista fermement à 
l’homme devant qui l’Europe 
ployait en silence , et alors qu’il 
n'avait pas encore plu à Dieu 
d'indiquer par aucun signe, que 
cette formidable puissance dût 
rencontrer un écueil ou seulement 
une limite. Une députation d’évê- 
ques avait été envoyée à Savone, 
pour entamer une négociation ; 
mais le S. P. la reçut avec une 
sévérité que sa position actuelle 
justifiait suffisamment. En défini- 
tive , l’on n’obtint rien de lui, et 
ses refus constans paraitront sans 
doute suffisamment justifiés, par 
ces dernières paroles qu’il adres- 
saitaux évêques. français : « Con- 
»sidérez l’état de captivité où je 
»suis, les rigueurs dont on use 
»envers moi, et ke refus que lon 
» fait de me donner mon conseil : 
»est-il raisonnable que l'Eglise 
»cède toujours et n’obtienne Ja- 
»mais rien ? Dois-je done laisser 
» échapper de mes mains les rênes 
sde la hiérarchie spirituelle que 
» Dieu m'a confiées ? » 

Dans l'été de 1812, et avant de 
partir pour Fexpédition de Rus- 
sie, Napoléon donna ordre qu’on 
amenät son prisonnier à Fontai- 
nebleau. Le Pape souffritsi cruel- 
lement durant le voyage , d’une 
rétention d'urine dont il était at- 
teint , que l’archevèque d'Edesse , 
son aumoônier , le croyant arrivé 
au dernier moment, lui adminis- 
tra les secours de la religion. Ge- 
pendant il arriva à Fontainebleau 


PIE 40% 
le 20 juin, et occupa les apparte- 
mens qu'on lui avait préparés au 
château. Toujours gardé par une 
escorte militaire, le Pape y fut 
d’ailleurs, sous les autres rap- 
ports, traité avec les honneurs 
de la souveraineté. LA, recom- 
mencèrent les négociations, par 
l'intermédiaire des évêques fran- 
çais. Elles n’eurent pas plus de 
succès qu'à Savone. Un moment 
on crut s'être entendu; et de là 
résulta la publication indiscrète 
et prématurée d’une pièce qui fut 
intitulée concordat , sous la date 
du 25 janvier 1813. Cette conven- 
tion , qui renfermoit des conces- 
sions très - considérables de la 
part du S. P., fut promulguée loi 
eonstitutionnelle de l’état, par un 
sénatus-consulte , et néanmoins 
(chose difficile à expliquer), elle 
ne fut jamais revêtue de l’assenti- 
ment authentique et définitif de 
Punedes parties contractantes. Bo- 
naparte,qui vitquelquefoislePape, 
durant ce second séjour àFontaine- 
bleau, se vante de lui avoir arraché, 
par la seule force de sa conversation 
privée, ce fameux concordat (Mé- 
morial de Sainte- Hélène). Nous 
nous abstenons de rapporter aucu- 
ne deses nombreuses digressions 
sur Ce sujet, transcrites par M. de 
Las Cases : eiles sont d’un ton 
ironique et leste, peu conve- 
nable en si grave matière , et 
qui accuse irop évidemment la 
mauvaise conscience de celui qui 
parle. Mais nous nous empressons 
de démentir l’inexactitude des 
bruitsqui ont imputé à Bonaparte 
de s’être livré à des voies de fait 
sur la personne de son prisonnier. 
Il n'existe pas le plus léger pre- 
texte qui motive cette grossière 
inculpation. 


408 PIE 


Au commencement de 1814, 
Bonaparte voyant les frontières de 
la France menacées de tous côtés, 
se décida à rendre la liberté au 
Pape , à la même époque qui vit 
briser les liens du roi d’Espagne. 
Les amis de la mémoire de Na- 
poléon , toujours empressés à lui 
sauver, comme une injure, le 
moindre pas rétrograde , ont sup- 
posé que le renvoi du Pape en 
Italie, eut un grand but politique : 
celui de contrarier les vues ambi- 
tieuses de Murat. Nous croyons 
qu’il est plus raisonnable d’ad- 
mettre qu’en cette circonstance , 
comme en un petit nombre d’au- 
tres , Napoléon céda à la néces- 
sité qui commençait à l’écraser 
de toutes parts; et peut-être qu’il y 
a lieu de penser toutau contraire, 
qu'il entrevit un adoucissement à 
son humiliation , en remettant le 
Pape entre les mains de Joachim 
Murat , plutôt qu’à aucune autre 
des puissances de la coalition. 
Quoi qu'il en soit ,; le Pape, 
après avoir obtenu la permission 
de voir quelques-uns des cardi- 
naux qui partageaient, loin de lui, 
les angoisses de l’exil , partit de 
Fontainebleau le 23 janvier 1814, 
sous escorte d’un officier supé- 
rieur de gendarmerie , toujours 
traité comme un prisonnier d'état, 
qu’on transférerait simplement de 
résidence. On le dirigea d’abord 
sur Toulouse, et de là vers Nice 
et Savone , évitant les grandes 
villes, et stationnant, pour man- 
ger et pour coucher, dans les 
plus modestes villages. Cette 
marche , à demi clandestine, de- 
vint un véritable triomphe popu- 
laire. Les citoyens , le clergé , et 
quelquefois même les autorités . 
se portaient au devant du pontife 


PIE 


prisonnier, et , agenouillés dans 
la boue des grandes routes, re- 
cevaient avec vénération ,la béné- 
diction du successeur de saint 
Pierre. Arrivé sur le Taro, Pie VIE 
fut remis aux avant-postes napo- 
litains , au milieu desquels il re- 
couvra sa liberté pleine et en- 
tière. Mais Rome se trouvant oc- 
cupée par les troupes de Murat , 
le Pape se détourna quelques jours 
vers Césenne , sa patrie, et vers 
Imola, son ancien siége, en atten- 
dant qu’il eûtrégléles dernières dif- 
ficultés relatives à sa rentrée dans 
sesétats. Joachim élevait dit-on, 
quelques prétentions sur les Mar- 
ches ; mais le moment était peu 
favorable pour obtenir des con- 
cessions : celui qui venait de 
triompher de Napoléon , après 
une lutte de près de dix années, 
ne devait plus craindre personne. 
D'ailleurs, le congrès de Vienne 
ne tarda pas à garantir au Pape 
l'antique intégrité de ses états 
italiens, y compris même Bé- 
névent et Ponte-Corvo. 

Pie VII rentra dans sa capitale 
le 24 mai 1814. Le roi Charles IV, 
d’Espagne, le roi de Sardaigne et 
la reine d’Etrurie vinrent au-de- 
vant de lui,augmenter la gloire de 
son triomphe. Le Pape s'était fait 
précéder d’un délégué, qui abolit 
les loiset institutions du gouverne- 
ment français, et rétablit toutes 
choses sur l’ancien pied. Malgré 
ce début, peut-être inévitable , 
le gouvernement papal usa tou- 
jours d’une parfaite modération , 
envers toutes les personnes contre 
lesquelles il pouvait avoir des 
griefs. Le petit nombre d’ecelé- 
siastiques qui avaient manqué aux 
devoirs de la fidélité, obtinrent 
leur pardon , au prix de quelques 


PIE 


légères pénitences. Non - seule- 
mentaucune exécution sanglante , 
mais pas même un seul bannisse- 
ment,ne troubla le calme de cette 
pacifique restauration ; tandis que 
les proscrits de toute l’Italie n’ont 
cessé de trouver à Rome un re- 
fuge inviolable et non suspect. 
La famille Bonaparte elle-même, 
à qui, peut-être, l'Europe monar- 
chique entière aurait interdit le 
feu et l’eau , trouva un asile doux 
et sacré sous la protection du 
pontife, qui n’avait reçu de son 
chef que des maux. Le vicaire de 
J.-C. voulut mettre en pratique, 
à son égard , le précepte le plus 
sublime de la morale évangélique. 
Le cardinal Consalvi , à qui 
Pie VII s’empressa de; rendre Île 
porte-feuille de l’état, dirigea 
constarmmentlapolitiqueroraine, 
avec toute la sagesse et toute la 
modération qui furent pratica- 
bles. 

Cependant , une dernière tri- 
bulation était réservée au pon- 
tife. La crise de 1815 ramena 
les troupes de Joachim Murat 
sur le territoire de l’Eglise, et 
Pie VII quitta Rome de nouveau, 
pour venir séjourner à Gênes; le 
corps diplomatique lPy suivit. 
Cette absence ne fut pas de longue 
durée, et bientôt, le Pape rentra 
dans sa capitale pour n’en plus 
sortir. Le reste du pontificat de 
Pie VIT n'offre plus que des actes 
ou d'administration locale ettem- 
porelle , marqués au coin de la 
tolérance et quelquefois de lha- 
bileté ; ou d'administration géné- 
rale de l'Eglise , et ceux-ci parais- 
sent dictés par un esprit différent. 
Onsuppose queles premiers éma- 
naient de son conseil, les seconds 
de ses idées personnelles , et de 


PIE 409 
ses sentimens particuliers. Nous 
allons indiquer rapidement les uns 
et les autres. 

Le gouvernement papal, sous 
le pontificat de Pie VII, fut sin- 
gulièrement indulgent et moderé. 
Les étrangers professant des reli- 
gions séparées de la communion 
romaine , les Anglais particuliè- 
rement ,; obtinrent presque au 
pied du Vatican, des asiles pour 
les cérémonies de leur culte , et 
un champ consacré à leur sépul- 
ture religieuse. Les bannis de 
Naples et de Milan vécurent paisi- 
blement à Rome, à côté des ban- 
nis de France et d'Espagne. Pie VIT 
continua aux beaux-arts la protec- 
tion dont ses prédécesseurs lui 
avaient laissé l’exemple. Il fit 
poursuivre la plupart des fouilles 
et des restaurations entreprises 
sous l’administration française. 
Un acte , motu proprio, de l’an- 
née 1816 , abolit la torture et 
d’autres supplices barbares, et 
supprima une portion des droits 
féodaux. Il rétablit, à la vérité, 
le nom et la juridiction de l’In- 
quisition ; mais la peine capitale 
ayant été une fois, prononcée 
par ce tribunal, contre un juif 
de Ravenne qui était retourné au 
judaïsme , après avoir embrassé 
précédemment, fa religion chré- 
tienne , non-seulement le Pape 
arracha la victime à léchafaud, 
mais il prit occasion de cette cir- 
constance pour abolir la peine de 
mort , et même toute effusion de 
sang , en matière d'hérésie. 

Pie VIT accorda l'hospitalité 
dans ses états, aux chrétiens hé- 
térodoxes , fugitifs de Chios et 
d’autres parties de la Grèce. Une 
lettre de remerciement, écrite par 
le sénat hellénique , constate au- 


410 PIE 


thentiquement ce fait honorable. 
Elle fut transmise au S. P.par les 
mêmes envoyés du gouvernement 
provisoire de la Grèce , qui furent 
repoussés avec cruauté du congrès 
de Vérone. Aussi, l’archinavarque 
MiaoulisVocos,setrouvant enrade 
de l’île catholique de Tinos, le 
jour qu’on y célébrait la pompe 
funèbre du pontife romain, fit 
tirer le canon de sa flotte pen- 
dant la cérémonie ; et , à la 
même occasion , le n. 7 du T'élé- 
graphe Grec publia un article conçu 
dans les termes suivans — : « Le 
souverain pontife Pie VII, objet 
de nos regrets , ne se borna pas, 
mes frères, à des vœux stériles 
pour la cause des Grecs armés 
contreleurstyrans anti-chrétiens. 
Non content de parler en leur fa- 
veur , il ouvrit à l’infortune ses 
ports, il accueillit les victimes 
échappées au glaive des barbares, 
que l’Auiriche et l'Angleterre re- 
poussaient de leurs plages. Il vint, 
vous le savez, à leur secours, en 
offrant à nos compatriotes , avec 
le pain de Fhospitalité, asile et 
protection. Honneur au père coui- 
mun des fidèles! Les vertus étaient 
dans son cœur, et sa mémoire sera 
éternellement chère aux Hellènes. 
En effet, mes frères , si les senti- 
mens de la philanthropie n’avaient 
pas été innés dans le cœur de 
Pie VIT, quoiqu'il fût le chefspiri- 
tuel de la chrétienté.assez de mo- 
üfs plausibles pouvaient latta- 
cher au parti de nos ennemis. N’a- 
vait-il pas un prétexte natureldans 
l'antique dissidence qui sépare 
PEglise grecque de l'Eglise latine ? 
N'avait-il pas des raisons politi- 
ques ,; en voyant les commotions 
de lltalie, qui agitaient même 
une partie des états pontificaux ? 


PIE 


Ne pouvait-il pas partager les 
soupçons des rois, qui croyaient 
voir dans le soulèvement de la 
Grèce, la suite du mouvementré- 
volutionnaire dont l'Europe était 
menacée ? Mais il n’en fut pas 
ainsi, mes frères : l'œil pénétrant 
du souverain pontife reconnutdans 
les Hellènes, les héroïques défen- 
seurs de la croix , les enfans d’un 
même Dieu , etil leur tendit une 
main secourable. Salut au roi- 
pontife ! salut au bienfaiteur des 
Hellènes Pie VII ! Que son nom 
soit parmi nous, béni et réveéré 
d'âge en âge!» 

Voilà pour les actes du roi: 
observons maintenant quels furent 
ceux du pontife. Depuis plusieurs 
années, des brefs avaient permis 
aux Jésuites de se reformer par 
maisons, dans l’empire de Russie, 
et dans le royaume de Naples ; 
mais la société elle-même fut for- 
mellement rétablie, par la bulle du 
7 août 1814. Rome, l'Espagne 
et le Piémont virent alors, se rele- 
ver les principaux établissemens 
de la compagnie de Jésus. La con- 
damnation desFrancs-Maçons sui- 
vit de près le rétablissement des 
Jésuites. Les sociétés secrètes ita- 
liennes , connues sous la désigna- 
tion de Carbonari, furent égale- 
ment anathématisées par Pie VIE, 
à la sollicitation de la Sainte-Al- 
liance ; les sociétés bibliques par- 
tagèrent le même sort. Il est 
difficile de justifier d’une ma- 
nière satisfaisante, ces actes bien 
légèrement hasardés. 

Le concordat de 1801 ; qui 
avait paru à quelques politiques 
de l’émigration ,; une concession 
révolutionnaire , fut en effet, un 
triomphe pour la cour de Rome. 
Elle avaitsaisi avec empressement, 


PIE 


cette occasion long-temps désirée, 
de proclamer amovibles, et révo- 
cables par elie, les évêques fran- 
çais qui , durant plusieurs siècles , 
secondés par la magistrature , 
avaient , presque seuls entre tous 
les évêques de la catholicité ; con- 
servé l'antique indépendance de 
l’épiscopat. On dut s’apercevoir 
de ceci , quand ïl fut question 
de négocier le concordat de 
1817; Car on ne voulut jamais 
à Rome, rétracter celui de 1801, 
et le nouveau traité que l’on con- 
sentit enfin à conclure , ne fit 
que confirmer et peut-être ac- 
croître, la dépendance de l'insti- 
tution ecclésiastique française. Des 
concordats, rédigés dans un es- 
prit pareil à celui qui avait dicté 
la convention de 1801, furent 
aussi conclus par Pie VII, avec les 
gouvernemens de Naples et de 
Bavière. D'interminables négo- 
ciations entretenues avec les sou- 
verains protestans de l’Allemagne, 
vinrentaussi démontrer l’inflexibi- 
lité politique du cabinet romain. 
Les personnes qui ont eu l’hon- 
neur d'approcher la personne 
de Pie VII, assurent que , dans 
son intérieur, il était bon, ai- 
mable , spirituel. Lors de son seé- 
jour à Paris, en 1804, il a circulé 
des mots de lui, d’une philosophie 
exquise et d’une finesse toute ita- 
lienne. On n’a pas oublié ce jeune 
homme que sa bénédiction attei- 
gnit dans les galeries au Louvre, 
et qu'il fit tomber à ses genoux 
par ces mots touchans : « Mon 
»enfant , acceptez la bénédiction 
» d’un vieillard, elle vous portera 
»bonheur. » Pie VIT parlait le 
français avec facilité, ei paraissait 
affectionner notre nation. En ef- 
fet, il n’a recu nulle part plus 


at 


qu’en France, et dans l’une et 
l’autre fortune , des témoignages 
de vénération et d’amour. à" ap- 
partement qu’il occupait au palais 
Quirinal , était d’une grande sim- 
plicité. Trois chefs-d’œuvre de la 
peinture et un morceau de sculp- 
ture antique étaient les seuls ob- 
jets qui pouvaient y attirer les re- 
gards. L’ameublement était le 
même que celui qui avait servi à 
son prédécesseur. De sa chambre 
à coucher, on passait dans son 
cabinet particulier. Là , se trou- 
vait, parmi quelques objets de son 
affection, le squelette d’une jambe 
du cardinal Tomasso , qu’il révé- 
rait comme la relique d’un saint. 
Une armoire contenait sa bi- 
bliothèque privée ,; composée 
d’un petit nombre de volumes , 
parmi lesquels onremarquait Bos- 
suet, Bourdaloue, Fénélon et 
Massillon. Un Pastor fido, seul 
livre profane mêlé à cette collec- 
tion, se trouvait Comme égaré au 
milieu des ouvrages les plus gra- 
ves. Dans le temps des différends 
avec le gouvernement français , 
un rayon de la même armoire 
était occupé par l’almanach im 
périal de l’année , et par quelques 
ouvrages Herr ou de politi- 
que, rate auxafaires deFrance. 
— La table de Pie VIT était d’une 
frugalité qui s’accordait parfaite- 
ment avec le reste de-ses habitu- 
des ; maisil partageait la prédiiec- 
tion de la plupartdes Italiens pour 
les fruits confits et les sucreries 
qu'ils appellent roba dolce. Quel- 
ques pots de confitures étaient dé- 

posés dans une petite armoire voi- 
sine de celle de la bibliothèque , 
pour satisfaire à ce goût. Chiara- 
monti conserva sur le trône , l’a- 
mour de la retraite à laquelle il 


PIE 


412 PIE 

s’était habitué de bonne heure au 
couvent. Il ne sortait presque ja- 
mais, hormis pour aller prendre 
l'air , en voiture, dans des lieux 
isolés des environs de Rome. On 
ne le voyait dans les rues de sa 
capitale qu’au mois d'octobre, 
époque où il avait coutume de 
visiter les établissemens publics , 
surtout les maisons de bienfai- 
sance. II s’y rendait quelquefois 
à pied. En tout temps il était d’un 
accès facile , et recevait avec une 
extrême bienveillance tous ceux 
qui l’approchaient. 

Les années du pontificat de 
Pie VII étaient sur le point d’é- 
galer celles du pontificat de 
saint Pierre , le plus prolongé 
de tous, lorsqu'un accident vint 
en accélérer le terme. Le 6 juillet 
1823 , anniversaire du jour où le 
Pape fut enlevé de Rome, qua- 
torze ans auparavant , la journée 
s’élant passée gaiment , vers dix 
heures du soir, le S. P. con- 
gédia son service. Resté seul, il 
voulut se lever de son fauteuil, 
en s'appuyant d’une main, sur son 
bureau , et en cherchant , de 
autre ,; son 4ppui sur un cordon 
attaché à cet effet, contre la mu- 
raille ; mais il ne put atteindre le 
cordon, et iltomba sur le carreau 
de marbre , entre la table et le 
fauteuil : le côté gauche supporta 
tout le poids du corps. Plusieurs 
personnes étant survenues à ses 
cris , on releva le Saint Père , 
et on le porta dans son lit. Dès la 
première visite , il fut reconnu 
que le col du fémur était fracturé. 
La maladie se prolongea durant 
six semaines, avec de légères vi- 
cissitudes. Le vénérable patient 
témoignait toute la piété et toute 
la résignation qu’on pouvait at- 


PIE 


tendre de sa vertu et de son carac- 
tère. I reçut les derniers sacre- 
mens avec le cérémonial d'usage. 
Dans ses momens de déiire , les 
paroles qui lui échappaient indi- 
quaient qu’il se croyait à Sayone 
ou à Fontainebleau. Enfin , l’af- 
faiblissement étant parvenu à son 
dernier période , le vieillard ex- 
pira, le 26 août 1823, à six heures 
du matin, âgé de 83 ans accom- 
plis. Pie VII a eu pour successeur 
le cardinal Annibal della Genga , 
quia pris le nom de Léon XII. 
Parmi un grand nombre de 
portraits de Pie VIT, dont le plus 
grand nombre offre au moins 
l’idée de sa physionomie , facile 
à saisir, nous nous bornerons à 
citer celui qu’on à vu long-temps 
à Paris, dans l’atelier du célèbre 
David, à la Sorbonne.Cet ouvrage, 
peint d’après nature en 1805 , est 
à la fois un des chefs- d'œuvre 
du grand maître, et l’un des mor- 
ceaux les plus précieux de Part. 


Liste des ‘principaux ouvrages 
pour servir à l’histoire de 


Pie VIT. 


I. Omelia del cittadino: cardi- 
nale C'hiaramonti, vescovo d Emola, 
ora sommo pontefice Pio VIE, di- 
relta al popolo della sua diocese , 
nella republicaCisalpina, nel giorno 
del santissimo natale, l’annoir95.— 
Homélie du citoyen cardinal Chia- 
ramonti , évêque d’ [mola, actuelle- 
ment souverain pontife Pie VIT, 
adressée au peuple de son diocèse. 
dans la république Cisalpine, le 
jour de la naissance de J.-C., lan 
1595. Imola , de l'imprimerie de 
la nation , an VI de la liberté. — 
réimprimé à Come, chez Charles- 
Antoine Ostinelli, an VEHT.— #rad, 


PIE 


en français, par M. Grégoire , an- 
cien évêque de Blois. Paris, Egron, 
1814; in-8, de deux feuilles (pre- 
mière édition française ).— troi- 
sème édition, avec le texte italien 
enregard. Paris, Baudouin frères, 
1818 ; in-8. de trois feuilles et 
demie. 

Sur la traduction française , 
une en allemand parut à Sulzbach ; 
une en anglais, à Philadelphie, 
l’an 1817; et, en 1820 , une nou- 
velle traduction en cette langue, a 
été insérée dans l’Orthodox J'our- 
nal. — À l'édition anglaise de 
Philadelphie, fut jointe, en re- 
gard, une traduction espagnole, 
par M. Roscio, citoyen de Vene- 
zuela, avec une préface.Une autre 
traduction espagnole de l’'Homé- 
lie a été publiée à Madrid, en 
1820 , avec des notes, par D. 
Rodriguëz Buron. 

Cette homélie extrêmement cu- 
rieuse,et qui a été comme révélée 
au monde par le célèbre traduc- 
teur, a pour objet de recommander 
l’obéissance au gouvernement de 
fait, et de démontrer par l’auto- 
rité et par la raison , que le gou- 
vernement démocratique n'est 
nullement incompatible avec la 
religion de J.-C. 

IT. Correspondance authentique 
de la cour de Rome avec la France , 
depuis Pinvasion de l’état Romain 
Jusqu’à lenlèvement du Souverain 
Pontife, suivie des pièces officielles 
touchant l'invasion de Rome par les 
Français, et des lettres de N,S. P. 
le papePieV IT au cardinalM auri et 
à M. Everard, archidiacreet vicaire- 
capitulaire à Florence, ornée dupor- 
traitdeS.S.2"édition, Paris, Egron, 
1314;in-8,de onze feuilles un quart. 
— édition de Gaude fils, à Nîmes, 
1814 ,in-8 , de neuf feuilles et 


PiE 413 


demie. — édition de Suisard , 
à Bordeaux , in-8, de quatorze 
feuilles trois quarts. 

IN. Lettres de N. S. P. le pape 
Pie VII, concernant les élections 
capilulaires. Paris , imprimerie de 
Le Normant, 1814; in-8, d’une 
feuille. 

IV. Bref de N. S. P. le pape 
Pie VII à S. E. lecardinal Mauri, 
pour lui ordonner de quitter sur-le- 
champ , l'administration du diocèse 
de Paris. Paris, imprimerie de 
Moronval , 1814; ïin-8, latin- 
français, de trois quarts de feuille. 

V. Histoire des malheurs et ile la 
captivité de Pie VIT, sous le règne 
de Napoléon Bonaparte ; précédée 
el suivie du tableau des principaux 
événemens de la vie du souverain 
pontife, etc., par M. 4. de Beau- 
champ. Paris , Leprieur, 1814 ; 
in-12, de dix-huit feuilles. 

VI. Relation de ce qui s’est passé 
à Rome, dans Penvahissement des 
états du Saint-Siége par les Fran- 
cais , et fermeté du S. P, pour dé- 
fendre l'Eglise, ou Pièces officielles 
et authentiques qui ont paru à ce 
sujet. Londres , de l'imprimerie 
de Juigné, 1812; in-8, par le 
KR. P. de l’Estrange , abbé de la 
Trappe. 

VII Relation authentique de 
l'assaut donné le 6 juillet 1809, au 
palais Quirinal , et de l’enlève- 
ment du souverain pontife le pape 
Pie VII, par les généraux Miollis 
et Radet : suivie du Journal circon- 
stancié du voyage de S. S. de Rome 
en France, et de son retour à Sa- 
vone; traduit de l'italien par M. Le- 
mière d’ Argy (avecportrait). Pa- 
ris, Nicolie, 1814; in-8, de quatre 
feuilles un quart. 

VII. Les Quatre Concordats , 
suivis de Considérations sur Le gou— 


14 REN 

vernement de l'Église en général , 
et sur l’Eglise de France en parti- 
culier , depuis 1515; par M. de 
Pradt , ancien archevéque de Ma- 
lines. Paris, Bechet, 1818 ; 2 vol. 
in-8 , plusieurs éditions. 

IX. Du Pape et des Jésuites, 
ou Expose de quelques événemens du 
pontificat de Pie VIT, de la con- 
duite des Jésuites, etc., seconde édi- 
tionrevuecorrigée, etc. Paris, Egron, 

1815 , in-8. (par M. Tabaraud.) 

X. Constitution donnée de sa pro- 
prevolonté, par S.S. le pape PieV' IT, 
aux états romains, leG juillet 1816, 
traduite de Poriginal, imprimé à 
Rome. Paris , Delaunay , 1816 ; 
in-6, de quinze feuilles. 

C’est simplement un code de 
lois civiles. 

XI. Réflexions sur les protesta- 
tions du pape Pie VIT, relative- 
ment au comtut d’ Avignon et au 
comtat Venaissin ( dans le concor- 
dat de 1817 }, par M. Moureau 
( de Vaucluse ) , avocal. Paris, 
Lhuilier , 1815 ; in-8 , de quatre 
feuilles et demie. 

XII. Esquisses historiques et po- 
litiques sur le pape Pie VIT, sui- 
oies , etc. , par M. Guadet. Paris, 
Bechet aîné, 1823 , in-8. 

XIII. Précis historique sur 
PicVII, contenant, etc. , avec son 


REN 


portrait , par Jean Cohen. Paris , 
Delaunay et Le Clère, in-8, de 335 
pages. 


XIV. Wie du souverain pontife 
Pie VII, par Henri Simon. Pa- 
ris, Sanson, 18295; in-18, de dix 
feuilles et demie. 


POSSÉ (C....H...., comte 
de} , seigneur de Fogelvik , en 
Suède , mort le o juin 1823 , tint 
un rang distingué parmi les pa- 
triotes et les hommes éclairés de 
son pays. Ilavait beaucoup voya- 
gé an commencement de ce siè- 
cle, dans le but spécial d'étudier 
l’économie rurale , ainsi que 
l’économie publique et la lé- 
gislation. Nous croyons que Île 
comte de Possé a composé plu- 
sieurs écrits ; mais nous ne Con- 
naissons que le suivant, publié 
après sa mort : Haudlingar no- 
vande tilæ fragan, etc. : Actes re- 
latifs à la question de la responsa- 
bilité ministérielle de la diète de 
1829 ; Sujets de remarques contre 
S. Ex. M. le comte d’Enges- 
troëém, ministre desaffaires étran- 
geres , présentés au comité de 
constitution , et joints au rapport 
dudit comité sur le même sujet. 
Stockholm , in-8. 


Re 


RENZI (Axnroine ), né dans les 
environs de Volterre , est mort à 
Florence en 1823, âgé de 43 ans. 
On lui doit un écrit où il essaie 
de justifier l’Italie de quelques re- 
proches qui lui sont adressés , 
dans la Corinne de M"° de Staël. 


En outre, ila publié de belles 
éditions du Dante et de l’Arioste , 
accompagnées de notes savantes. 
Il était l’un des collaborateurs de 
l’Antologia de Florence , recueil 
péricdique , littéraire et philoso- 
phique , l’un des meilleurs qui se 


RIE 
publient actuellement en Italie. 


RIEGO x Nuxez (RAPnAEL DEL) 
naquit en 1785, à Tuña , village 
du district de Tineo, dans les As- 
turies, de D. Eugène del Riego , 
gentilhomme connu par son goût 
pour la poésie, dont il a publié 
quelques essais. Raphaël del Rie- 
go fut élevé dans un collège de 
sa province. En 1808, il inter- 
rompit ses classes, au bruit de la 
glorieuse insurrection du peaple 
espagnol contre l’usurpation de 
Napoléon, et s’enrôla volontaire- 
ment. Nommé oflicier dans le ré- 
giment des Asturies, il fut fait 
prisonnier et amené en France. 
Durant une captivité de plusieurs 
années, il étudia la langue du 
pays, et fut initié par elle, aux 
principes politiques de notre re- 
volution. La philosophie et la litté- 
rature partagèrentses loisirs, avec 
l'étude dela tactique militaire.Ren- 
du à son pays par les événemens 
de 1814, Riego n’y rentra qu’après 
avoir visité l’Allemagne et la capi- 
tale de l’Angleterre.On imagine fa- 
cilement,quel dégoût dut lui inspi- 
rer à son retour, l’état où l’Es- 
pagne se trouvait retombée , de- 
puis l’abolition violente de la 
constitution de Cadix. Cependant, 
il reprit du service, et obtint le 
grade de lieutenant-colonel dans 
le régiment des Asturies. Or, il 
arriva que , vers la fin de 1819, 
son bataillon se trouva désigné 
pour faire partie de l’armée d’ex- 
pédition qu’on rassemblait autour 
de Cadix, afin d’aller essayer de 
reconquérir l'Amérique. Le mé- 
contentement qu'inspirait aux of- 
ficiers et aux soldats cette aventu- 
reuse tentative,fitjuger à ceuxd’en- 
ire eux qui étaient restés attachés 


RIE 415 
au gouvernement constitutionnel 
que le moment serait favorable 
pour tenter son rétablissement. 
Les coionels Quiroga, Arco-Ar- 
guero ; O’Daly, étaient les princi- 
paux chefs du complot. Dénoncés 
par le comte de l’Abisbal, qui 
avait d’abord recu leurs confi- 
dences , ils furent arrêtés ; mais 
Riego restait libre , et le projet 
ne fut pas échoué. Il se chargea 
de la périlleuse mission de lever 
l’étendard de l'insurrection. En 
effet, le premier jour de janvier 
1820, Riego proclame le rétablis- 
sement de la constitution de Ca- 
dix, au petit village de las Cabe- 
zas de San-Juan, où son bataillon 
se trouvait stationné. De là, il 
court immédiatement à Arcos, y 
trouve un autre bataillon, dont 
il se fait seconder , arrête le nou- 
veau général de l’armée expédi- 
tionnaire , le comte de Calderon 
et tout son état-maior. vole à 
Alcala de las Gazules , et enlève 
Quiroga à ses geoliers. Dans l’in- 
tervalle, les régimens de Séville 
et des Canaries suivent le mou- 
vement insurrectionnel , tandis 
que Quiroga, avec deux batail- 
lons , surprenait et incorporait à 
sa troupe, la garnison du fort de 
San-Fernando , à l’entrée de l'ile 
de Léon, qui commande la baie : 
c’est là que Riego vint le rejoindre. 
Ces deux chefs, avec une activité 
remarquable , tentérent aussitôt 
de s'emparer de la Cortadura , 
langue de terre fortifiée qui unit 
la ville de Cadix au continent, 
sachant bien qu'ils trouveraient 
de l'appui dans cette cité, la plus 
éclairée et la plus importante de 
la péninsule. Maisle général Cam- 
paña , qui commandait dans la 
ville , sut rendre infructueuses 


416 RIE 

leurs attaques. Néanmoins, Riego 
parvint à s'emparer de l’arsenal de 
la Carraca , ce quicompensait, 
en partie , l'effet moral de l’échec 
précédent. 

Cependant le reste de l’armée, 
dont on s'attendait, à chaque 
instant, d'apprendre le soulève- 
ment, paraissait rester impas- 
sible : la timidité et l’éloigne- 
ment du théâtre de l’insurrection 
la retenaient immobile, tandis que 
le général Freyre réunissait des 
troupes qui semblaient disposées 
à combattre les constitutionnels , 
et que le gouvernement prenait 
des mesures pour les comprimer. 
Le mois de janvier s’était écoulé 
tout entier, dans une stagnation 
qui pouvait devenir funeste à l’en- 
treprise. Dans les révolutions , si 
l’on s'accorde le temps de la re- 
flexion , l'enthousiasme meurt, et 
l'amour de la vie reprend son 
empire. Ces motifs déterminèrent 
les chefs de l’île de Léon à tenter 
une expédition d’invasion dans 
l'intérieur de la Péninsule. Elle 
devait avoir pour but de provo- 
quer à l'insurrection les troupes 
et les populations elles - mêmes. 
Quinze cents hommes suivirent 
pour cet effet, le colonel Riego , 
qui tenta, à leur tête, l’une des 
plus périlleuses entreprises dont 
les annales de la guerre fassent 
mention (1). Prenant la route 
d’Algésiras, il traversa toute l’An- 


(1) Voyez Relation de l’expédition 
ae Riego , par D. Evarisie San-Mi- 
guel, Leutenant-colonel, chef de l'état- 
major de l’armée expéditionnaire , or- 
née des portraits de Quiroga, liie- 
go, etc Paris, Corréard, 1820 ; in-8, 
de 2 feuilles. 


RIE 


dalousie jusqu’à Malaga, toujours 
suivipar le général Joseph O’Don- 
nel , qui commandait des forces 
triples , obligé , pour léviter , à 
des marches et contre - marches 
continuelles. Riego et Joseph O’- 
Donnelarrivèrent presqu’en même 
temps à Malaga , et se battirent 
dans les rues de cette ville. Riego 
échappa cependant ; mais sa pe- 
tite colonne , réduite à une poi- 
gnée de monde , était sur le point 
de se dissoudre, quand on ap- 
prit, dans les premiers jours de 
mars, que la Corogne et Madrid 
venaient de proclamer la consti- 
tution. Ainsi cette petite colonne, 
toujours errante et toujours en 
péril d’être détruite , se trou- 
vaitavoireffectivementconsommé 
la révolution, en propageant lé- 
branlement par toute la pénin- 
sule. 

Le Roi ayant accepté la consti- 
tution, la position de Riego devint 
brillante. Il parut à Séville, où il 
fut reçu comme en triomphe; il 
arriva à Madrid, où le roi d’Es- 
pagne sembla rivaliser de bien- 
veillance pour lui, avecles ci- 
toyens. Riego ne fut point élu 
député aux Cortès de 1820; mais 
le premier ministère de la revo- 
lution lui donna le grade de ma- 
réchal-de-camp , et lui confia le 
poste éminent de capitaine-géné- 
ral de l’Aragon. Malheureuse- 
ment , la division, et peut-être 
la trahison , se mit parmi les 
constitutionnels espagnols. Des 
ministres impopulaires furent ap- 
pelés au timon des affaires. On 
obtint dès-lors, le licenciement de 
l’armée de lile de Léon (1); la 


(1) Voyez Adresse des généraux 


RIE 


diplomatie de la Sainte Alliance 
reprit de l'influence à Madrid. 
Riego , fidèle jusqu’à l’enthou- 
siasme, à la cause qu’il avait em- 
brassée, se trouva dans les rangs 
del’opposition. Des différends, que 
la divergence des opinions poli- 
tiques suscitèrent naturellement , 
entre lai et le chef politique de 
l’Aragon , Moreda , fournirent au 
ministre de la guerre , Salvador, 
des prétextes pour destituer Rie- 
g0. Parce qu'il improuvait la mar- 
che du ministère, on le rendit res- 
ponsable d’un mouvement démo- 
cratique qui éclata à Saragosse, 
chef-lieu de son gouvernement; il 
fut envoyé en exil à Lérida, et des 
sociétés patriotiques, dévouées au 
, ministère,demandèrent sa mise en 
jugement. À cette occasion, Riego 
publia un exposé justificatif de sa 
conduite ; mais désormais , le 
parti démocratique , appelé des 
communeros ,; prit le nom de 
Riego pour son cri de rallie- 
ment, et accrut immodérément 
sa popularité. Son nom, pro- 
noncé dans les groupes ,  de- 
vint quelquefois le signal de 
l’effervescence populaire. Enfin , 
Riego fut élu député aux Cortès de 
1822, par la province des Astu- 
ries. Son voyage pour se rendre 
àMadrid , fut véritablement une 
marche triomphale. Il entra de 
nuit dans la capitale, afin dese dé- 
rober aux honneurs qu’on lui pré- 
parait. Les autorités constituées 


Riego et Arcc-Arguero aux Cortes et 
au roi d'Espagne, sur la dissolution 
de l’armée d'observation. Paris, li- 
brairie nationale , chez Pontignac de 
Villars, 1820; in-8 , d'une demi- 
feuille. 


RIE 419 
s’empressèrent de le féliciter ; le 
Roi lui-même parut céder à l’en- 
thousiasme général ; il lui donna 
publiquement des marques de 
bienveillance , s’entretint familie- 
rement avec lui, lui présenta un 
cigarre à fumer, et le recut quel- 
quefois dans sa société intime. 
Dès leur première séance , les 
nouvelles Gortès élurent Riego 
président. Il remplit ces fonctions 
avec une habileté qu’on n’avait pas 
supposée en lui, et se fit souvent 
admirer et applaudir à la tribune 
nationale. Le 18 mars , le régi- 
ment qu'il avait commandé à 
Cadix eut l'honneur de défiler 
dans la salle des séances : le sabre 
de Riego , dont ce général avait, 
durant la précédente session , 
fait hommage à l’assemblée , lui 
fut remis en cette occasion, afin 
qu'il s’en servit contre Îles enne- 
mis de la constitution, et avec 
l'invitation de le rendre, pour 
être déposé parmi les monumens 
nationaux , lorsqu'il aurait cessé 
d’êtrenécessaire à la défense de la 
patrie. Du reste, il est remarqua- 
ble que ce militaire, que ses en- 
nemis dépeignent comme un dé- 
magogue , ne fit pas une seule 
proposition qu’un homme raison- 
nable ne pût avouer. On ne peut 
pas lui reprocher d’avôir manqué 
une seule fois, au respect dà à la 
personne du Roï. Il fit l’abandon 
d’une pension de 80,000 réaux 
( environ 20,000 fr. )} , qui lui 
avait été accordée à titre de ré- 
compense nationale. Il ne siégea 
dansaucun tribunal qui ait pronon- 
cé la. mort de quelqu'un ; au con- 
traire, il proposa d’accorder une 
amnistie générale aux insurgés. Il 
demanda lui-même , que le cri de 
vive Rieso fût interdit. Enfin , il 
27 


418 RIE 

n’usa jamais de l’ascendant extraor- 
dinaire qu’ilavaitacquis sur Ja por- 
tion constitutionnelle du peuple 
espagnol , que pour le maintenir 
dansle devoir. Voila quels furent 
les actes de cethomme que l'avenir 
ne voudra pas juger sur Îles ca- 
lomnies de ses bourreaux. 

Lors de l'insurrection de la 
garde royale, le 7 juillet 1822, 
Riego, membre des Cortès, cou- 
rut dans les rangs des miliciens 
de la capitale, et partagea leur 
péril, cette fois victorieux. À l’ap- 
proche de l’armée française,Riego 
vota, conformément à un article 
exprès de la constitution, la sus- 
pension provisoire de lautorité 
royale, en même temps que celle 
de lassemblée des Gcrtès, qui 
furent l’uve et l’autre remplacées 
par une régence, durant la trans- 
lation du gouvernement de Sé- 
ville à Cadix. Cette circonstance 
de la vie de Riego est d'autant plus 
importante , que c'est sur elle 
seule qu’on a basé larrêt de sa 
mort. Ferdinand VIT avait nomme 
Riego , à Séville, général en se- 
cond du corps d'armée placé sous 
les ordres de Ballesteros. Dans les 
premiers jours du mois d’août , 
les Cortès, qui ne pouvaient s’ex- 
pliquer la convention signée par 
ce général , en vertu de laquelle 
son armée restait, en un moment 
si critique, dans la plus complète 
inaction, dépêchèrent Riego, pour 
prévenir, s’il en était temps, que 
Ballesteros n’imitât les defections 
de lP’Abisbal et de Morillo. El s’a- 
gissait d'aller par mer à Malaga , 
d'y prendre le commandement des 
troupes placées sous les ordres du 
général Zayas , qui avait perdu la 
confiance du gouvernement con- 
titutionnel, et de tenter ensuite 


RIE 


une réunion ayec Ballesteros,pour 


fondre de concert,sur les derrières 


de l’armée française ; couper ses 
communications avee Madrid, et 
faire ainsi lever le siége de Cadix. 
Riego sortit de Cadix, avec quel- 
ques ofliciers, monté sur un bâti- 
ment léger, passa au milieu de 
lPescadre française, et vint dé- 
barquer à Malaga , le 19 août. Il 
enleya le commandement à Zayas, 
et le fit embarquer pour Cadix. 
Ensuile , il assembla trois mille 
hommes avec lesquels il se dirigea 
vers les cantonnemens de Balleste- 
ros. Poursuivi parlesFrançais,aux 
ordres du général Loverdo, Riego 
les évita par des marches rapides, 
etaprès quelques jours de fatigue , 
il apparut avec sa colonne, à Prie- 
80, sur le front de Ballesteros. Les 
deux généraux eurent une entre- 
vue , à la suite de laquelle Riego 
ne pouvant plus douter que Bal- 
lesteros trahissait la cause des 
Cortès , le fit arrêter par ses sol- 
dats. Ce coup audacieux pouvait 
amener des résultats importans ; 
mais l’état-major de Ballesteros , 
qui avait embrassé les projéts de 
son général , le délivra, et pro- 
voqua son armée à résister à Rie- 
go. Les Espagnols étaient sur le 
point d’en venir aux mains entre 
eux, lorsque l’arrivée d’une dixi- 
sion française obligea Riego à 
renoncer définitivement à son en- 
treprise : alors, il se dirigea sur 
Malaga , d’où il était parti la 
veille , ramenant environ deux 
mille cinq cents hommes abattus 
et découragés.De là, il se jeta dans 
la Sierra-Morena, où la division 
française du général Bonnemain le 
suivit. Tl était à Jaën lorsque les 
Français l’atteignirent. Les Espa- 
gnols se défendaient encore, es- 


RIE 


pérant gagner les montagnes, lors- 
qu’un autre corps français, parti 
d’Andujar, vint les placer entre 
deux feux. À cette vue, la troupe 
de Riego se dispersa, etlui-mêème 
blessé à la jambe, se sauva sur 
un cheval qu’on lui prêta, le sien 
ayant été tué sous lui. 
Pendant deux jours, Riego,suivi 
d’un officier espagnol et d’un offi- 
cieranglais, fidèles compagnons de 
sa mauvaise fortune , erra dans 
les sentiers les moins fréquen- 
tés. S’étant rapprochés d’un lieu 
habité , ils prirent pour guide un 
ermite de la Torre de Pedro- 
Gil et un habitant de Vilches. 
Sans doute que, chemin faisant , 
les fugitifs commirent quelque im- 
prudence qui dût les faire recon- 
naître ; car leurs guides les livrèe- 
rent à l’alcade d’Arquillos , qui les 
fitconduire garottés à la Caroline. 
À son arrivée dans la ville, Riego 
fut jeté dans un cachot. Au bout 
de quelques jours, un officier 
français vint le réclamer, et le 
conduisit à Andujar, vers le 
quartier général, ce qui pouvait 
faire espérer qu'il serait considéré 
comme prisonnier des Français, 
et, à ce titre, transféré en France. 
Mais il parait qu’en considération 
de ce qu’il avait été arrêté par 
des paysans espagnols , on se crut 
en droit de le livrer aux mains 
des autorités royalistes du pays. 
Dès-lors, sa perte fut certaine. 
Après avoir passé quatre jours 
dans la prison d’Andujar, Riego 
fut dirigé sur Madrid. Il serait 
trop long et trop pénible de ra- 
conter les sauvages insultes dont 
il fut abreuvé.sur toute la roule; 
il suffira de dire que dans chaque 
village , la populace ameutée 
contre lui faisait retentir Pair des 


BRIE 419 
cris de : « Mort au traître » , ac- 
compagnés des plushorribles blas- 
phèmes. À Despeñaperros , elle 
s'indigna de le voir dans une 
vieille voiture , et forçca l’escorte 
à placer le prisonnier sur une 
mauvaise Charette. C’est dans cet 
état queRiego entra dans Madrid,le 
matin du 2octobre,;escorté par des 
volontaires royalistes d’Arquilos et 
par un détachement de troupes 
françaises. On le conduisit à la 
prison dite le Séminaire des no- 
bles, où il fut mis au secret, et 
traité ayec une rigueur barbare. 
Avant que kRiego fût entré dans 
les prisons de Madrid, la Régenc 

avait rendu un décret portani qu’il 
serait jugé uniquement pour Île 
fait d’avoir voté la suspension du 
Roïà Cadix,etqu’en conséquence, 
on lui appliquerait l’article 5 du 
décret de la Régence,du 23 juin, 
qui porte : « Tousles députés aux 
» Cortès qui ont pris part à la dé- 
»libération dans laquelle a été 
»résolue la destitution du Roi, 
»notre seigneur, sont, pour ce 
»seul fait, déclarés criminels de 
» Ièse-majesté. Les tribunaux leur 
» appliqueront, sans autres forma- 
» lités que la preuve d'identité, la 
» peine prononcée par les lois, 
»pour cette classe de crimes. » 
Riego fut renvoyé pour être jugé, 
devant le tribunal appeléChambre 
des alcades de la maison royale 
et de la cour (Camera di casa y 
corte ). Il voulut décliner la com- 
pétence de ces juges, se préten- 
dant justiciable destribunaux mi- 
litaires ; mais cette compétence 
fut confirmée par deux décrets 
royaux. La procédure ne tarda pas 
à être terminée ; et l’audience 
appelée vista (dans laquelle lac- 
cusé jouit du privilège d’être dé- 


420 RIE 

fendu en public) , fut fixée 
au 27 octobre. Riego aurait eu 
le droit d'y comparaître en per- 
sonne; Mais il persista à nier 
la compétence de ses juges, 
et s’abstint dese rendre devant 
eux. Après la lecture des pièces , 
le fiscal fut un acte d'accusation , 
dont la férocité ampoulée frappa 
toute l'Europe d’indignation et 
d'horreur. Il se terminait en ces 
terme: « Par toutes ces considé- 
rations , le fiscal requiert que le 
traitre Don Raphaël Riego. atteint 
et convaincu du crime de lèse- 
majesté , soit condamné au der- 
nier supplice. que ses biens soient 
confisqués au profit de la com- 
mune , que sa tête soit exposée 
à Las Cabezas de San-Juan, et 
que son corps soit partagé en 
quatre quartiers, dont l’un sera 
porté à Séville , l’autre à l’île de 
Léon, le troisième à Malaga, et le 
quatrième sera exposé dans cette 
capitale , aux lieux accoutumes, 
ces villes étant les points princi- 
paux où le traître Riego a soufflé 
le feu de la révolte , et manifesté 
sa perfide conduite. Ainsi le re- 
quiert le fiscal, dans l'intérêt de la 
vindicte publique , dontla défense 
lui est confiée, et en vertu des 
droits qui lui sont commis en sa 
qualité de procureur du Roi. » — 
Vint ensuite le tour de parier 
de l’avocat de l’accusé : aucun de 
ceux de Madrid n'avait osése char- 
ger de sa défense; la Chambre fut 
obligée d’en nommer un d'office. 
Cette garantie préliminaire inspi- 
ra du courage au défenseur. Il 
commença par nier la compétence 
du tribunal qui venait de le dési- 
gner. Passant ensuite au fond de 
l'accusation, il établit que Riego, 
dans la séance des Cortès du 11 


RIE 


juin, avait émis un vote irrespon- 
sable de sa nature , conforme à 
la constitution . à son mandat , à 
ses sermens. Il soutint que le 
gouvernement constitutionnel re- 
connu en apparence par le Roi, 
et en réalité par toutes les puis- 
sances, était au moins un gou- 
vernement de fait, placé dans les 
circonstances les plus favorables 
pour lui donner les coaleurs de la 
légitimité. Le défenseur voulut 
ensuite développer le principe de 
la souveraineté du peuple ; mais 
ses doctrines provoquèrent dans 
l’assemblée de violens murmures, 
que les magistrats eurent bien de 
la peine à comprimer. — Le pro- 
cureur fiscal prit de nouveau la 
parole , pour réfuter les raison- 
nemens de l'avocat; et à peine 
eut-il cessé de parler, que lasalle 
retentit de ce cri : « meure l’in- 
»fime , le traître Riego ! » Le 
président déclara {a vista ter- 
minée. La Chambre des alcades 
de la maison royale et de la cour 
condamna Riego à perdre la vie 
sur un gibet ; mais elle rejeta les 
autres conclusions du fiscal, hor- 
mis celles qui concernaient la 
confiscation des biens, qu’elle pro- 
nonçca aussi. 

Le 4 novembre 1825, au milieu 
de lanuit, Riego fut conduit du Sé- 
minaire des nobles à la prison de 
la Tour; le lendemain, à midi, 
lorsqu'il eut entendu lecture de 
sonarrêt , on le conduisit en cha- 
pelle, assisté de deux moines. On 
avait placé dans la rue, vis-à-vis 
la prison , une table qui portait un 
crucifix ; elle était destinée à re- 
cevoir les offrandes des personnes 
dévotes , et le produit devait ser- 
vir à payer les frais de la messe 
et des funérailles. Beaucoup de 


RIE 


gens auraient eu la euriosité de 
voir Riego dans sa prison ; mais 
toutes les demandes de cette na- 
ture furent refusées. Le 7 n9- 
vembre, à midi et demi, Riego 
fut amené à la porte extérieure 
de sa prison; il était pâle et dé- 
fait. On lui avait enlevé son ha- 
bit, et on l’avait revêtu d’une es- 
pèce de robe de chambre, atta- 
chée autour des reins avec une 
corde. Il avait les mains et les 
pieds liés. On le placa sur une 
claie d’osier ; en forme de pa- 
uier , trainée par un baudet; un 
oreiller lui soutenait les reins, 
et six frères gristenaient le panier 
suspendu en l'air, de manière à 
ce qu’il ne trainât pas contre 
terre; un clerc présentait au 
patient le Christ à baiser ; un 
prêtre portant un grand crucifix , 
et un autre agitant une cloche 
funèbre ,; compléiaient le cor- 
tèége ,; qu'escortait un bataillon 
de la bande de Bessières (1). Les 
fenêtres et les balcons de presque 
toutes les maisons devant les- 
quelles le cortége devait passer , 
furent remplis de spectateurs, 
parmi lesquels on s'accorde à 
dire qu’on remarquait beaucoup 
de moines et d’ecclésiastiques. 
Un petit nombre de maisons, 
dont les habitans avaient été les 
amis de Riego , restèrent 
désertes et fermées. Le général 
français Verdier, accompagné de 
son état-major , parcourut la 
place de l'exécution et les prin- 
cipales rues qui y aboutissent, 
où il placa des piquets de cava- 


(1) Au moment où l’on écrit cet ar- 
ticle , le télégraphe transmet la nou- 
velle que Bessières vient d'être fusillé 
à Molina d'Aragon , le 26 aout 1825. 


RTE 42# 
lerie : des patrouilles francaises 
circulaient aussi, autour de la 
place et en différens quartiers de 
la ville. Ilrégnapendant la longue 
marche du cortége, un profond 
silence. On ne pouvait guère dis- 
tinguer les traits du patient, 
attendu que sa tête était penchée 
sur sa poitrine. Arrivé au pied de 
la potence, d’une hauteur déme- 
surée , qu'on avait dressée sur la 
place de la Cebada , Riego fut 
enlevé de la claie et placé sur le 
premier degré de l'échelle , où 
il se confessa ; ensuite. on l’aida 
à monter , € qui paraissait lui 
étrediflicile, à cause de l’enflure 
de ses jambes, occasionée par 
les fers dont ik n’avait pas cessé 
d'être chargé depuis le jour de 
son arrestation. Tandis que le 
bourreau lui attachait la corde au 
cou , le prêtre qui assistait le gé- 
néral, demandait pour lui, aux 
spectateurs, le pardon de ceux 
qu'ilpouyaitavoir offensés,comme 
il pardonnait à ses ennemis. IL 
commença ensuite à réciter un 
acte de foi , pendant lequel Riego 
fat lancé en bas de l'échelle. Au 
moment où le nom de Jésus- 
Christ fut prononcé, le bourreau 
sauta sur les épaules du patient , 
et deux hommes , placés sous 
l’échafaud , le tirèrent par les 
jambes. A l'instant de l'exécution, 
des groupes placés immédiate- 
ment autour de l’échafaud , firent 
entendreles cris de vive la religion! 
vive Le roi Ferdinand VII ! Un 
seul homme se trouva dans la 
foule, qui vintinsulter le corps du 
défunt. Le soir, les restes mortels 
du général Riego furent transpor- 
tés dans une église voisine , et 
enterrés au Campo santo, par 
la confrérie de la Charité. 


422 RIE 


Des moines ayant pénétré seuls 
auprès de Riego durant sa capti- 
vité, on ne peut rien savoir que 
par eux. Les journaux de Madrid 
ont publié une pièce au bas de 
laquelle ils ont apposé la signature 
de l’infortuné général , avec la 
légalisation d’un officier de jus- 
tice. Dans cette pièce , on lui fait 
désavouer sa conduite passée , 
et en demander pardon à Dieu et 
aux hommes. Nous n’avons pas 
besoin de dire quel cas on doit 
faire d’un pareil document , daté 
de la veille même de l'exécution, 
au soir. Des témoins oculaires de 
cette horrible scène attestent d’ail- 
leurs, que le patient se trouvait 
dans un état d’abatiement qui ne 
lui laissait pas usage libre de son 
esprit. Le supplice de Riego fit 
beaucoup de sensation en France 
et en Angleterre. Quant à ce qui 
touche notre pays ,; nous ne 
croyons pas la langue assez souple 
ni la législation assez indulgente , 
pour qu’il nous soit permis d’ex- 
primer ici toute notre pensée. À 
Londres , où s'étaient réfugiés 
l'épouse du général (1) et son 
oncle ( Don Miguel del Riego , 
chanoine d’Ovicdo ), ces deux 
personnes sollicitèrent par let- 
tres , l'ambassadeur français ( M. 
le prince de Polignac ) et le mi- 


1) Doña Maria Theresa del Riego 
était fille de D. Joaquim del Riego y 
Bustillo et de Doña Josefa del Riego- 
Fiorez. Elle naquit le 15 ina 1800, 
dans la ville de ‘Finco, chef-lieu du 
district de son nom , province des As- 
turies. Elle fut l’ainée de trois frères 
et de trois sœurs ; une de ces dernières, 
Lucie, ia suivit dans son exil. Le gé- 
néral Riego, que Doña Theresa avait 
épousé, était aussi son oncle. Elle se 
sépara de lui à Cadix, pour la dernière 


RIE 


nistre des affaires étrangères de 
France , à l'effet d’obtenir l’in- 
tervention du gouvernement de 
S. M. T. C. auprès de S. M. C., 
en faveur du général Riego. 
L'ambassadeur français répondit 
avec quelque politesse ; mais les 
lettres envoyées en France, et 
transmises par l'ambassadeur , le 
17 octobre , ne reçurent point 
de réponse : bientôt toute dé- 
marche fut devenue inutile. 

Ouire les divers écrits relatifs 
aux révolutions d’Espagne de 
1820 et 1825, on peut consulter 
les ouvrages suivans, qui con- 
cernent plus spécialement celui 
qui fait le sujet de cet article. 

I. Memoirs ofthe Life of D. Ra- 
phaël del Riego, by a spanish o fji- 
cer. London, W. J. Partridge , 
1829. l 

On annonçait à Londres, en 
1824, la publication, par le cha- 
noine Riego , des Mémoires du feu 
général son neveu, suivis d’une 
Histoire des dernières révolutions 
d’Espagne et de la restauration de 
Ferdinand VII. Cet ouvrage devait 
être orné de portraits et de fac 
simile : nous ignorons s’il a vu le 
jour. 

IL. Procès du général R. del 
Riego, précédé d’un Notice biogra- 
phique. Paris, Ponthieu, 1525, 
in-ÿ, de 57 pages. 


fois. Cette jeune femme , pleine d’en- 
thousiasme pour son époux, ne put 
survivre long-temps à la nouvelle de 
sa fin tragique. Elle mourut à Londres, 
un an après lui, consumée par la dou- 
leur, dans les bras de sa jeune sœur, 
de son oncle le respectable chanoine 
Riéso, et entourée de plusieurs Espa- 
gnols d’une grande distinction , restés . 
fidèles à la mémoire de leur infortuné 
compatriote. 


nid : 


STR 
RUNG (Pairiere), Anglais de 


naissance, est mort âgé de zoans, à 
Halle , où il professait la langue 
anglaise , à l’Université, le 11 fe- 
vrier 2823. Rung a publié plu- 
sieurs écrits, entre autres, un f}ic- 
. 1 . . , 0 
tionnaire biographique des J'uifs et 


STR 423 


des Juives qui se sont distingués 
dans la carrière des lettres, en y 
comprenant les patriarches, les 
prophètes et les rabbins célèbres, 
Leipsig , 1817. En 1820, Rung 
pubiia une traduction anglaise 
d’unecomédie allemande de Hell. 


Se 


STRAUCH x VIDAL ( Fran- 
çors-Raymonr } , évêque de 
Vich, naquit à Jarragone, en 
1760. Son père était Suisse et capi- 
taine dans un régiment au service 
de l'Espagne. Le jeune Strauch fit 
ses premières études à Saragosse, 
et embrassa l’état monastique 
dans un couvent de franciscains 
de l’île de Majorque , où son père 
se trouvait alors, avec son régi- 
ment. 11 devint professeur de phi- 
losophie dans un couvent de son 
ordre , puis professeur de théolo- 
gie, pendant vingt-cinq ans, à 
l’université de Palma. À cet em- 
ploi, le P. Strauch joignait l’exer- 
cice de la prédication. Doué d’ap- 
ütude et de goût pour diverses 
sciences , il apprit les mathéma- 
tiques , assez pour être en état de 
dresser une carte topographique 
de’ Majorque, qui est estimée sur 
les lieux. Pendant la guerre de 
l'indépendance , le P. Strauch fut 
nomme aumônier d’un régiment ; 
il remplit cet emploi avec zèle et 
courage , exposant souvent sa vie 
pour secourir les militaires sur les 
champs de bataille. Ses vêtemens 
furent une fois percés de balles : 
mais des désordres qu'il ne put 
réprimer le déterminèrent à quit- 
ter le régiment. Durant l’inva- 
sion , le père Strauch publia quel- 
ques écrits, sous un nom supposé, 


entre autres un Discours sur l’in- 
fluence de lareligion dans la carrière 
des armes. 1 traduisit en espagnol 
les Mémoires pour servir à l’His- 
toire du jacobinisme, de lPabbé 
Barruel. Ce iravail le rangea, 
parmi les ennemis des opinions 
libérales qui se développaient 
alors en Espagne , aussi bien qu’un 
autre écrit qu’il publia en faveur 
des immunités ecclésiastiques, 
source féconde, dans la Péninsule 
et ailleurs, des plus graves dés- 
ordres. En 1811, Strauch rédi- 
geait à Majorque, un journal qui 
paraissait deux fois la semaine, 
et qui avait pour titre : Semanario 
christiaño politico. Son but était 
de combaitre les doctrines irré- 
ligieuses. Deux autres moines 
l’aidaient dans ce travail, qui ne 
l’empêcha point, cette année 
même , de prècher le carême à 
Palma. Ses opinions fui suscité- 
rent dès lors, des persécutions de 
la part du gouvernement consti- 
tutionnel d'Espagne, et ildemeura 
neuf mois en prison, protestant 
contre la compétence de ses juges 
sur les matières religieuses. À lé- 
poque du retour de FerdinandVIII 
dans ses états, le P. Strauch fut 
récompensé de ses opinions et de 
ses souffrances par sa promotion 
à Pévêché de Vich , en Catalogne, 
qui eut lieu en 1816. A celle oc- 


424 VAN 

casion il fut présenté au Roi, qui 
lui fit des promesses d’une plus 
haute fortune. Depuis le rétablis- 
sement delaconstitution, l’évêque 
de Vich ne put éviter les occasions 
de témoigner son opposition au 
nouveau système qui prévalait 
alors. Il voulut d’abord s’opposer 
à la publication d’un livre qui lui 
parut hétérodoxe ; ensuite il re- 
fusa de prêter serment à la consti- 
tution de Cadix, tant que le Roi 
n'eut pas prêté ce serment. Depuis, 
le Roi en ayant donné l'exemple, 
l’évêqueide Vich ne fit plus de dif- 
ficulté de limiter; mais il se re- 
fusa obstinément à publier le dé- 
cret des Cortès du 25 octobre1820, 
qui soumettait les moines à la ju- 
ridiction de leurs évêques, lut- 
tant ainsi pour des priviléges abu- 
sifs, contre la véritable et antique 
discipline catholique. Ce refus fit 
traîner le P. Strauch dans la cita- 
delle de Barcelone. Traduit devant 


les tribunaux, il fut condamné à 


mort, en vertu d’une législation 
barbare ; mais il appela de cette 
sentence ; elle fut cassée par 


VAN 


les seconds juges, qui ordon- 
nérent sa translation à Tarragone, 
où ils assignèrent sa résidence. 
On le fit partir, accompagné d’un 
frère lay pour le servir, et escorté 
par un détachement de troupes. 
Quand on fut arrivé à Ordalt, le 
commandant de l’escorte, appre- 


nant l'invasion de l’armée fran- 


çaise (c'était le 16 avril 18253), fit 
descendre l’évêque de voiture, et 
lui tira un coup de pistolet à bout 
portant. Le prélat tomba mort : 
le frère lay qui l’accompagnait, 
nommé Michel Quelus, subit le 
même sort. Tel est du moins le 
récit des journaux, écrits il est 
vrai bien souvent, avec beaucoup 
de légèreté, et sous Finfluence de 
l'esprit de parti: ce qui est mal- 
heureusement trop avéré, c’est la 
mort violente de l’évêque de Vich. 
Plusieurs individus ont été pour- 
suivis, et même exécutés, depuis 
l'abolition de la constitution , 
comme auteurs ou complices de 
cet atroce assassinat. L’évêque de 
Vich périt à l’âge de soixante- 
trois ans. 


Ve 


VANDERSTRAETEN (Ferpr- 
naxD),né le og mars 1571, à Gand, 
fit de bonnes études au collége de 
cette ville. Son père, négociant 
fort instruit , Le destinait au com- 
merce, et les affaires de sa maison 
le conduisirent plusieurs fois en 
Angleterre : il s’appliqua particu - 
liërement, à découvrir les vérita- 
bles causes de la prodigieuse pros- 
périté de ce pays. D’autres voya- 
ges en France, en Allemagne, en 
Hollande, le mirent à même de 
multiplier ses observations sur les 


diversesbranches dont se compose 
l’importante science de lécono- 
mie politique. Fixé dans sa patrie 
et débarrasse de ses affaires com- 
merçiales , il se livra plus que ja- 
mais à l’étude ; et l’examen des 
procédés de lagriculture fla- 
mande fixa son attention d’une 
manière spéciale. Il erut devoir à 
sa patrie le tribut de ses lumières 
et de son expérience. En juin 
1817, Vanderstraëten présenta au 
roi des Pays-Bas un mémoire sur 
la nécessité d’apporter quelques 


VAN 


restrictions au commerce des 
grains; el, six semaines après, 
il en adressa un second, relatif à 
l'importance des manufuctures. 
Ces deux mémoires renfermaient 
le germe d’un ouvrage beaucoup 
plus étendu , qu’il publia sous ce 
titre : De l’Etat actuel du royaume 
des Pays-Bas et des moyens de l’a- 
méliorer (Bruxelles, 1819, in-8). 
Cet écrit l’exposa à des poursuites 
de la part du gouvernement, sous 
le prétexte qu’en prédisant la 
ruine de l’industrie belge, il jetait 
l'alarme dans les esprits et pro- 
voquait la désunion parmi les ha- 
bitans du royaume. Vander- 
straëten fut arrêté, et subit une 
longue procédure. Des avocats de 
Bruxelles, dont il réclama les con- 
seils , rédigèrent une consultation 
qui fut livrée à l’impression. Cette 
publication provoqua larresta- 
tion des défenseurs eux-mêmes, 
au nombre de sept; puis, par 
suite , leur suspension. La même 
procédure donna lieu à un autre 
épisode encore plus remarquable. 
Le fils de l'accusé , jeune homme 
mineur, qui avait satisfait aux pre- 
mières interpellations du juge 
d'instruction jusqu’à l’époque de la 
consultation dont nous venons de 
parler, ayant refusé constamment 
depuis lors, de répondre aux ques- 
tions qui lui étaient adressées par 
le magistrat, fut emprisonné 
comme son père. Le motif de ses 
refus était fondé sur ce que les 
lois de la nature, plus puissantes 
que les lois humaines, lui défen- 
daient de déposer dans une affaire 
où son père se trouvait impliqué. 
Néanmoins le jeune homme fut 
élargi, sur la déclaration de la 
chambre du conseil du tribunal, 
qu'il n’y avait lieu à inculpa- 


VAN 425 
tion. Quant à M. Vanderstraëten, 
la cour d’assises de Bruxelles le 
condamna à 3000 flcrins d’amende 
etaux frais dela procédure. Il fut 
reconduit dans son domicile aux 
applaudissemens des spectateurs, 
et l’amende fut payée au moyen 
d’une souscription. Lesnombreux 
témoignages d'intérêt qu’il reçut 
de ses concitoyens , dans cette cir- 
constance , le dédommagèrent de 
ces persécutions , qui néanmoins 
furent plusieurs foisrenouvelées à 
propos de différens articles de son 
journal, P Ami duroiet de la patrie. 
Il venait de comparaître encore 
devant la cour d’assises, après 
deux mois et demi de détention, 
lorsque l'invasion subite de la 
maladie lui ayant fait obtenir 
d’être transporté dans sa maison, 
il y mourut le même jour, 2 fé- 
vrier 1823. Le second volume de 
son ouvrage, De l’Etat actuel du 
royaume des Pays-Bas, qui parut 
en trois parties , de 1820 à 1825, 
est infiniment supérieur au pre— 
mier, sous le rapport de la mé- 
thode et du style. L’un et l’autre 
annonçent des connaissances pro- 
fondes en économie politique , 
des vues presque toujours saines 
et le plus ardent amour du bien 
public. L'auteur, excellent père de 
famille , ami zélé , citoyen coura- 
geux, jouissait, à juste titre, de 
l'estime générale. ( Article com- 
muniqué par M. le baron de Stas- 
sart, membre de la seconde Cham- 
bre des Etats-généraux du royaume 
des Pays-Bas.) 


VAN DE VELDE ( JEax-Fran- 
çois ), théologien belge, naquit 
à Beveren , pays de Waës, le 5 
mars 1743. Il étudia en théologie 
à Louvain , reçut les ordres sa- 


426 VAN 

crés en 1769, et fut nommé biblio- 
thécaire de l’université. Il prit le 
bonnet de docteur dans cette fa- 
culté cétèbre , en 197575 , y devint 
professeur ,. et en fut deux fois 
recteur. Dans les querelles concer- 
nant les rapports de la discipline 
ecclésiastique avec l’ordre civil, 
Van de Velde prit parti contre les 
canonistes qui défendaient les 
droits de l'autorité temporelle, 
appuyés par l’empereur JosephIl. 
Le 28 juin 1584, fit soutenir une 
thèse sur le pouvoir de l'Eglise 
d'établir des empêchemens diri- 
mans au mariage, dans laquelle 
il combattait, sans le nommer , 
le système du docteur Le Plat. On 
sait que Joseph usa souvent de 
moyens de rigueur qui ne con- 
viennent jamais à la cause de la 
vérité; celle-ci demande seu- 
lement la liberté, qui suffit tou- 
jours à son triomphe et à la ruine 
de l’erreur. Van de Velde fut mo- 
mentanément , et à plusieurs re- 
prises, éloigné de sa chaire , et 
même banni de sa patrie , à l’oc- 
casion des troubles théocratiques 
qui l’agitèrent vers 1587. Il oc- 
cupait le poste éminent de prési- 
dent du grand collége de Louvain 
lors de l'invasion des Français, en 
juin 1594; il s'enfuit en Hollande, 
puis en Westphalie. Les premières 
lueurs d’un gouvernement mo- 
déré lefirent revenir à Louvain, au 
mois d'août 1595. Il s’y trouva 
bientêt, enbutte aux persécutions. 
Le Directoire suivait, à l'égard 
des catholiques des Pays-Bas, le 
système le plus tyrannique. Il dé- 
truisait les monumens ecclésiasti- 
ques , s’emparait des biens du 
clergé ; gênait de diverses maniè- 
res , la liberté des consciences et 
des cultes. La faculté de théologie 


VAN 


fit des représentations; Van de 
Velde , qui y avait eu part, fut 
arrêté, en Mai 1799. La journée du 
18 fructidor vint encore aggraver 
le sort du clergé catholique des 
Pays-Bas. Au mois de novembre 
150;, on rendit des arrêtés de dé- 
portations contre tous les profes- 
seurs de Louvain. Van de Velde 
parvint à se sauver, et passa de 
l’autre côté du Rhin. Il parcourut 
une partie de l’Allemagne, visi- 
tant les bibliothèques, et faisant 
des recherches relatives aux mo- 
numens de l’histoire ecclésiastique 
des Pays-Bas. Il ne rentra dans 
son pays qu’en 1802; mais trou- 
vant que l’université de Louvain 
avait été supprimée, parun simple 
arrêté du département de la Dyle, 
du 25 octobre 1597, il n’eut plus 
qu’à s'occuper de ses travaux his- 
toriques. En 1811, M. deBroglie, 
évèque de Gand , l’amena au con- 
cile de Paris , en qualité de théo- 
logien. On croit que le docteur 
Van de Veilde ne fut pas étranger 
à la rédaction du mémoire lu par 
M. l’évêque de Gand, devant la 
commission du concile , dans le- 
quel le prélat discutait la compé- 
tence de l’assemblée , pour chan- 
ger la discipline de PEglise sur 
l'institution des évêques. Le théo- 
logien de Gand se trouva .enve- 
loppé dans la disgrâce de son 
évêque. Arrrêté comme lui, et 
renfermé à Vincennes, il fut de 
là, envoyé en exil à Rhetel, où ül 
resta jusqu'au mois d'avril 1814. 
La chute de Napoléon lui permit 
de retourner dans sa patrie. Il se 
flatta d’abord,d’obtenir le rétablis- 
sement de l’université de Lou- 
vain ; mais bientôt, s’étant aperçu 
de Finutilité de ses efforts, il con- 
sacra de nouveau tous ses loisirs 


VAN 


à ses recherches sur Îles monu- 
mens de l’église des Pays-Bas. Il 
se proposait de donner une édi- 
tion des conciles de cette contrée, 
et il a publié un abrégé de son 
travail, sous le titre de Synopsis 
monumentorum, etc. (Gand, 1822, 
5 vol.in-8). Van de Velde mourut 
à Beveren,le 9 janvier 1823, avant 
d’avoir pu mettre la dernière main 
à son grand ouvrage. On lui doit, 
dit Ami de la Religion et du Roi 
(t. AL, p. 84), un grand nombre 
de mémoires, de dissertations et 
d’opuscules , sur différens sujets, 
les uns publiés, les autres manus- 
crits. 


VANSWINDEN (Jeax-Henn), 
fils de Philippe Vanswinden, 
avocat à la cour de justice des 
provinces de Hollande et de Zé- 
lande, naquit à La Haye, le 8 juin 
1546. Dès sa première jeunesse , 
il montra un goût décidé pour les 
sciences mathématiques et philo- 
sophiques. Il fitses études à l’uni- 
versité de Leyde, et y fut reçu 
maître-ès-arts et docteur en phi- 
losophie, le 12 juin 1766, après 
avoir soutenu publiquement sa 
dissertation inaugurale sur l’at- 
traction. En décembre 1766, il fut 
nommé professeur en philosophie, 
logique et métaphysique, à l’aca- 
démie de Franeker, en Frise. 
Après avoir été pendant dix-neuf 
ans , professeur à cette univer- 
sité , il fut, en 1788, nommé 
professeur de philosophie, phy- 
sique, mathématiques et astrono- 
mie, à l’Athénée illustre d’Am- 
sterdam. En 1750, Vanswinden 
remporta le prix à l’Académie 
royale des sciences de Paris, sur 
les aiguilles aimantées et leurs 
variations. Son mémoire , très- 


VAN 


étendu , est rempli d’un grand 
nombre d'observations curieuses 
et profondes. En1780,Yanswinden 
obtint un autre prix de l'académie 
de Munich, sur la question : 
Quelle est l’analogie entre le ma- 
gnétisme et l'électricité? Ce mé- 
moire est imprimé séparément, en 
2 vol. in-8. Lorsqu’en 1798, l’In- 
stitut national de Francerésolutde 
convoquer à Paris, un congrès de 
savans étrangers, à l’effet d’exa- 
miner et de discuter les opérations 
faites pour la détermination de la 
base du nouveau système des 
poids et mesures, Vanswinden fut 
nommé, avec M. OEnex, de la 
part de la République Batave, 
pour assister à cette assemblée des. 
sayans européens. C’est d’elle qu’il 
obtint la distinction, encore plus 
flatteuse, d’être choisi pour rap- 
porteur, d’abord près la classe 
des sciences mathématiques et 
physiques de l’Institat, ensuite: 
devant toutes les classes réunies. 
Les deux rapports ont été publiés 
dans les Mémoires de l’Institut (1). 
Ces rapports, écrits en langue 
française, et d’autres ouvrages 
publiés par Vanswinden dans la 
même langue , prouvent que ce 
savant écrivait le français avec 
correction et même avec élégance. 
Après ladoption définitive du 


(1) Rapport fait à l’Institut natio- 
nal des sciences et arts, Le 29 prairial 
an VII, au nom de la Classe des 
sciences mathématiques et physiques, 
sur La mesure du méridien de France, 
et les résultats qui en ont ête déduits 
pour déterminer des bases du nouveau 
système métrique. — Précis des ope- 
rations qui ont servi à déterminer Les 
bases du nouveau système métrique , 
lu à La séance publique de l'Insti- 
(ut, etc., le 1°* messidor an VEL. 


428 VAN 

nouveau système métrique, Van- 
swinden se mit en devoir de faire 
connaître à ses compatriotes la 
perfection de ce système , par un 
ouvrage où il examine à fond les 
propriétés qui constituent la per- 
fection des poids et mesures, et 
qui est considéré en Hollande, 
comme classique. 

Vanswinden ne fut pas seule- 
ment un savant du premier ordre; 
il fut encore un patriote éminent. 
Après la révolution de 1598, il 
devint membre du directoire exé- 
cutif de la RépubliqueBataxe.Sous 
le gouvernement monarehique, il 
refusa les titres et décorations 
qu’on lui offrit; mais il accepta 
du roi des Pays-Bas, en 1817, le 
brevet de conseiller d'état en ser- 
vice extraordinaire. En cette qua- 
lité, il fut souvent consulté sur 
des questions scientifiques , rela- 
tives à l'administration publique. 
Il mourut à Amsterdam, le g mars 
1825, âgé de 57 ans. Vanswinden 
était membre de PInstitut royal 
des Pays-Bas et correspondant de 
l’Institut de France, ainsi que de la 
plupart des premières académies 
de l’Europe. Son caractère et ses 
vertus privées ajoutèrent à la con- 
sidération que lui avaient juste- 
ment acquise , ses mérites et ses 
services. 

On a publié : 1° Redevoering 
over J.-H. Vanswinden. — Dis- 
cours sur J.-H. Vanswinden, pro- 
noncé le 26 août 1823, à l’Institut 
des Pays-Bas, par M. Moll. Am- 
sterdam , 1825, in-8 , de 79 pag. 

2°. Catalogue des livres de la 
bibliothèque de feu J.-H. V'an- 
siwinden , conseiller détat, etc. ; 
suivi du Catalogue des instrumens 
ayant fait partie de son cabinet et 
de sa collection très-rare de poids 


YVAN 


et mesures. Amsterdam , P. Der 
Hengst et fils, 1824 ; in-8, de viij 
et 159 pages. 


Liste des ouvrages 
de J.-H. V'answinden. 


I. De causis errorum in rebus 
philosophicis. — Des causes d’er- 
reur en philosophie , discours pro- 
noncé le 19 mars1767, pour l’ou- 
verture du cours de philosophie, 
à l’université de Franeker. 

IT. Cogitationes de variis philo- 
sophiæ capitibus. —— Pensées sur 
divers sujets de philosophie. 1767, 
in-4, 4 parties. 

ITI. T'entamen theoriæ mutandæ 
phænomenis magnetici. — Essai 
d’une nouvelle théorie du phéno- 
mène magnétique. Leyde, 1772, 
in-4. 

IV. Observations sur le froid ri- 
goureux de janvier 1556. in-8. 

V. Dissertation sur Le thermo- 
mètre. 1771, in-8. 

VI. De philosophiä newtonianä. 
—De la philosophie newtonienne, 
discours prononcé le 12 juin 17579; 
en quittant le rectorat de lAca- 
démie. 

VII. Descryving van het hemel 
gestel, door É. Eysenga. —- Des- 
cription d'un planétaire construit 
par E. Eysenga, à Franeker. i780, 
in-S. 

VIII. Observations météréologi- 
ques pour l’année 1759-80. in-8. 

IX. Recueil de différens mémoires 
sur lélectricité et le magnétisme. 
1984, 5 vol. in-6. 

X. Oralio de hypothesibus phy- 
sicis.— Discours sur les définitions 
physiques. 1785, in-4. 

XI. Description d'une nouvelle 
pompe pneumalique. in-8. 

XII. Posiliones physicæ.—Ques- 


VAN 


tions physiques. 1786, 2 vol. 
in-8. 

Cet ouvrage n’est pas terminé. 
Le premier volume a été traduit 
en hollandais. 

XIII. T'heoremata geometrices. — 
Théorèmes géométriques. 1786, 
1 vol. in-8. 

XIV. ( Avec P. Nieuwland et 
Van Keulen) 4/manak ten dien- 
sten der zeelieden, ete. — Alma- 
nach à l’usage des marins, avec 
l'explication. 1787, un vol. in-8. 

La principale partie de la rédac- 
tion de cet almanach nautique est 
due au géomètre hollandais P. 
Nieuwland. 

XV. Verhandeling over het be- 
palen der lengte op zee. — Traité 
sur la détermination de la longi- 
tude en mer, par les distances de 
la lune au soleil et aux étoiles 
fixes. 1787, in-0. 

Cet ouvrage, rédigé aussi en 
société avec P. Nieuwland, a été 
réimprimé successivement, en 
1789; 1706, 1802 et 1809, avec 
des augmentations considérables. 
Vauswinden en a publié, peu 
d'années avant sa mort, une 
sixième édition. 

XVI. DeHypothesibus physicis, 
quomodo sunt e menti Newioni in- 


VAN 429 
telligendæ.— Des systèmes physi- 
ques , expliqués suivant les idées 
de Newton, discours prononcé le 
27 avril 1788, à l’Athénée illustre 
d'Amsterdam. 

XVII. Verhandeling over de oc- 
tanten, etc. — Traité des octans. 
1791, in-8. 

XVIII. Lykrede — Oraison fu- 
nèbre de P. Nieuwland , lue à la 
société Felix Meritis. Amsterdam, 
1799, in-8 , de 172 pages. 

XIX. Grondbeginselen der meet- 
kunst. — Elémens de géométrie. 
1796 , in-8. — nouvelle édition , 
revue et augmentée , 1816. 

XX. Lessen voor het planuarium 
tellurium , en lunarium van V'an- 
laen. 1802, in-8. 

XXI. Werhandeling over vol- 
maakte maten en gewigten.—Traité 
des poids et mesures parfaites. 
1802 , 2 vol. in-8. 


Vanswinden a encore publié, 
depuis 1810, plusieurs tables de 
comparaison , entre les nouveaux 
poidset mesures et ceux usités 
en Hollande; il a donné aussi 
plusieurs Mémoires sur différens 
sujets de physique et de mathé- 
matiques, dans le recueil de l’In- 
stitut royal des Pays-Bas. 


FIN. 


A 


ANNUAIRE 


 NÉCROLOGIQUE 


POUR 1825 (6° ANNÉE ). 


PROSPECTUS. 


T'ableau des principaux articles de l'Annuaire Nécrologique 
pour 1829. 


_ Partie francaise. — VFErranD (le comte); GAvEAUx, 
musicien; Lucas, minéralogiste ; LENorR-LAROGHE, pair 
de France ; Percy, chirurgien ; RoBErT LiNDer, conven- 
tionnel ; Durresxoy ( M); Bécrarp, médecin ; Bonnay, 
(le marquis de), pair de France ; Lamouroux, natura- 
liste; Perrier, l’un des rédacteurs des Actes des Apôtres ; 
Hevouvicze (le général) ; Pertiror ; Courrier ( Paul- 
Louis ), vigneron; Descrotzicre , chimiste ; DENON, direc- 
teur des Musées ; la princesse BorGnèsEe ( Pauline Bona- 
parte ); NincenT-SainT-LaurentT ; BourarD , traducteur; 
BouLoene (l'abbé), évèque de Troyes; FaBre D’Oriver ; 
SaINT-SIMON (Henri), industriel; Vicrevieizce (le marquis 
de), parent de Voltaire; Rranrer (Edme) , mécanicien ; 
BurckHARDT, astronome; Manzon (M), de Rhodez ; 
D'ANDRÉ, de l'assemblée constituante ; Cocnon (comte 
de l’Apparent ), conventionnel ; GAUTHEROT , peintre ; 
Puysécur (le marquis de), magnétiseur; BaLGuERIE- 
STUTTENBERG, négociant ; LACGÉrèÈDE; DurarTy (Charles), 
sculpteur ; Foy (général ) ; BarBiEr (A. À,), biblio- 
graphe , étea etc: 


Partie étrangère. — WErNER, tragique ct prédicateur 
allemand ; RADpcriFrE (Anne), romancière anglaise ; 
KewBre, acteur anglais; Ricarpo , économiste anglais ; 
lord ErSkINE; BELZONT, voyageur italien ; Bowpicn, voya- 
seur anglais; lord Byron; Vicror-EmmaANvEL, roi de Sar- 
daigne ; ConsALvr (le cardinal) ; la duchesse D’ArBani ; 
Viorti , musicien; la reine D’ETRURIE ; la duchesse de 
DevonsuirE; le duc del ParQuE; STADIoN (le comte }, 
ministre des finances d'Autriche ; FerbinAnD III , grand- 
duc de Toscane ; KEmwper, jurisconsulte hollandais ; 
Wozrr, philologue allemand; CarrrwieurT (le major), 
patriote anglais; ÎrurBIDE, empereur du Mexique; Surru, 
missionnaire fméthodiste , martyrisé à la Jamaïque ; Picrer 
(Charles) , de Genève, etc. , etc. 


L V4 


FÉVRIER 1827. 


Ed 


£ … 
DU CATALOGUE 
GTS) L $ $ 
de fa Ad Abrairre 
DE PONTHIEU ET C", 
Pafais-Royal, à Davis. 
Amour ET AMBITION, comédie de M. Riboutté. In-8°. 3 fr. 
ANNALES ROMANTIQUES. Un très-joli vol. in-18. G fr. 
ANNUAIRE ÂNECDOTIQUE, OU Souvenirs Contemporains. 
L'année 1826, 2° édition, in-18. 4 fr. 
L'année 1827, 2° édition, in-18. 4 fr: 


ANNUAIRE NÉCROLOGIQUE, où Complément annuëél et 
continuation de toutes les biographies et diction- 
naires historiques, contenant la vie de tous les 
hommes remarquables par leurs actes ou par leurs 


productions, morts dans le cours de chaque année, 
à commencer de 1820; rédigé et publié par A. Mahul. 
In-8°, orné de portraits. 


Première année, pour 1820. Sfr > 
Deuxième année, pour 1821. 7 fr. 50 c. 
Troisième année, pour 1822. 7 fr. 50 c. 
Quatrième année, pour 1823. 8fr. » 
Cinquième année, pour 1824. 8fr. » 


Sixième année, pour 1825. 8 fr. » 


(21) 

ART (1°) DE GAGNER sa VIE, d'augmenter ses revenus , 
et de parvenir à la fortune; ou des ressources que 
tout homme possède pour se faire un état, etc, etc ; 
par Mossé. 1 vol. in-8°. G fr. 


L’ART DE JOUER ET DE GAGNER A L’ÉCARTÉ, enseigné en 
huit lecons ; par Teyssèdre. 1 vol. in-18. 3 fr. 


L’ART DE PRÉPARER, de composer et de conserver les 
Boissons et les Liqueurs de ménage, enseigné en 
douze lecons, par M. H. Clerc. 1 vol. in-12. 4 fr. 


Anrisre (l’) Et LE Pmizosôpme, dialogue critique sur les 
ouvrages exposés au salon de 1824, publié par Jal. 
1 vol. in-8°, avec dix fig. | 8 fr. 


Astra PoryeLora, par J. Klaproth. 1 vol. in-4°, et atlas 
in-folio. 48 fr. 


ATLAS DES ROUTES DE LA FRANCE, ou Guide des Voyageurs 
dans toutes les parties du Royaume, dressé par 
A. M. Perrot, membre de plusieurs sociétés savantes. 
In-12, cartonné. 13 fr. 


L£s Barricanes, scènes historiques. Maï 1598. 2° édit. 


1 vol. in-8°. 6 fr. 
BécLisaire , tragédie de M. de Jouÿ. In-8°. 4 fr. 
BIOGRAPHIE DES CONTEMPORAINS, par Napoléon. 1 vol. 

in-8°. | G fr. 
BIOGRAPHIE DES QUARANTE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE , 2° Édi- 

tion, 1826. 1 vol. in-8°. 6 fr. 
Borre (la) pe Pannore, macédoine philosophique, anec- 
dotique et morale. In-18, pap. fin. 2 fr. 


CatastRoPHE pu Duc D'ExGRIEN, par M. le duc de Ro- 


vigo, extrait des Mémoires de M. le duc de Rovigo. 
In -8°. 2 fr. 50 c. 


(3) 
CHnarzes DE Navarre, tragédie par Briffaut. In-8° 
5 fr. 5o c. 


CLYTEMNESTRE, tragédie, par M. Soumet. In-8°. A fr. 


CoLLecTION DES MÉMOIRES suR L'ART DRAMATIQUE, Conte- 
nant des Mémoires de M”° Clairon, de Duménil, de 
Molière, de Bellamy, de Lekain, de Molé, de Pré- 
ville, de Dazincourt, d’Ifland, de Goldoni, de 
Brand, etc.; publiés par MM. Andrieux, Barrière, 
Félix Bodin, Depres, Évariste Dumoulin, Dussault , 
Étienne, Merle, Moreau, Picard, Talma et Léon 
Thiessé. 14 vol. in-8°. 84 fr. 


Le core Juxiex , tragédie, par Guiraud. In-8°. 4fr. 


Cowriseur (le) monerne, ou l’Art du Confiseur et du 
Distillateur, par J.-J. Machot, 4° édition. 1 vol. 


in-8°. 6 fr. 


CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES ET POLITIQUES sur la Russie , 
l'Autriche et la Prusse, etc., sur les rapports de ces 
trois puissances avec la France et les autres états de 
l'Europe. Paris, 1827. $ 4fr. 


ConsPIRATION DE Russie, Rapport de la commission 
d'enquête de Saint-Pétersbourg à S. M. l’empereur 
Nicolas I‘, sur les sociétés secrètes découvertes en 
Russie, et prévenues de conspiration contre J’État ; 
sur leur origine, leur marche, le développement 
suecessif de leurs plans, le degré de participation 
de leurs principaux membres à leurs projets et à 
leurs entreprises, ainsi que sur les actes individuels 
dé chacun d’eux, et sur ses intentions avérées:; 
2° édit. In-8°. 9 fr. 50 c. 


Cuisinier (le) économe, ou Élémens nouveaux de Cui- 
sine, de Pâtisserie et d'Office, par Archambault ; 
suivis d’une Notice sur les vins, par Julien; 5° édit. 
In-8°. S'TF. 


(4) 

Dernier (le) Cnanr pv PÉLERINAGE DE CniLne - Haro1», 
par Alphonse de Lamartine. 4° édit. in-18, gr. raisin, 
avec gray. 4 fr. 

— Le même ouvrage in-8°. 4 fr. 


DICTIONNAIRE DES ARTS DU DESSIN, la Peinture, la 
Sculpture et l'Architecture ; par Boutard. 1 gros vol. 
in-8°. | 10 fr. 50 c. 


DicTIONNAIRE BIBLIOGRAPHIQUE, où Nouveau manuel du 
libraire et de l’amateur de livres, contenant l’indi- 
cation ét le prix de tous les livres, tant anciens que 
modernes, qui peuvent trouver leur place dans une 
bibliothèque choisie, etc.; précédé d’un Essai élé- 
mentaire sur la Bibliographie, par M. Pseaume, 
membre de plusieurs sociétés savantes. 2 vol. in-8°, 
à deux colonnes. 16 fr. 


DicrionaIRE H1STORIQUE , ou Biographie universelle clas- 
sique, ouvrage entièrement neuf; par M. le général 
Beauvais, et par une Société de Gens de lettres; revu 
et augmens, pour la partie bibliographique, par 
M. Barbier et par M. Louis Barbier, fils aîné. Un seul 
volume in-8° de 2500 pages. Pap. fin satiné. 48 fr. 
— En pap. vélin satiné. 64 fr. 


Drscours DE NaPozéon sur les vérités et les sentimens 
qu’il importe le plus d’inculquer aux hommes pour 
leur bonheur, suivi de pièces sur quelques époques 
importantes de sa vie, publié par le général Gour- 
gaud. In-8°, 1826. J'Ir. 


Dumouriez et LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, par M. Ledieu. 
1 vol. in-8°. 7 fr. 5o c. 


Esprit DE L'ENCYCLOPÉDIE, par Hennequin, :5 vol. 
in 8°. o 75 fr. 


ÉSQUISSES HISTORIQUES, politiques et statistiques de Bué- 
nos-Ayres, des autres provinces du Rio de la Plata 


| (5) 
et de la république de Bolivar, avec un Appendice sur 
l’usurpation de Montévidéo par les gouvernemens 
portugais et brésilien , et sur la guerre qui l’a suivie; 
par M. Ignazio Nunez, traduit de l'espagnol, avec 
des notes et additions par M. Varaigne, avec cartes. 
In-8°, 1820. 8 fr. 


DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION ET DU COMMERCE DE 
L’ANGLETERRE, discours de M. Huskisson, président 
du bureau de commerce, le 12 mai 1826, traduit 
par M. Pichon, conseiller d'état ; accompagné de di- 
verses pièces justificatives, et suivi du discours de 
M. Huskisson, sur le commerce des Colonies, pro- 
noncé dans la séance du 22 mai 1825. 1 vol. in-8°. 

4 fr. 

Évèques (des), ou Tradition des faits qui manifestent 
le système d'indépendance que les évêques ont op- 
posé, dans les différens siècles, aux principes inva- 
riables de la justice souveraine du roi, sur tous ses 
sujets indistinctement, et la nécessité de laisser agir 
les juges séculiers contre leurs entreprises, pour 
maintenir l’observation des lois et la tranquillité pu- 
blique ; avec notes et introduction historique. 1 vol. 
in-8°, 5 fr. 


FaBces DE FLorian, suivies des poèmes de Ruth, de 
Tobie et du Serf du mont Jura. 1 vol. in-8°, pap. 
vél. satiné, dit cavalier, orné d’un portrait. » fr. 50 c. 


Faces DE La Fonraixe, nouvelle édition. 2 vol. in-32, 
ornés de jolies gravures. G fr. 


Favorires (les) nes Rois DE FRANCE, depuis Agnès-Sorel, 
d’après les sources les plus authentiques, par A.-H. 
Châteauneuf; 2° édition. 2 vol. in-12. 6 fr. 


FrEsQue, tragédie en cinq actes, par M. Ancelot, 2° édi- 
tion. In-8-°. 4 tr. 


(6) 
Les Grecs; épître au Grand-Turc, par Barthélemy. 
In-8°. 1 fr. 50 c. 


# 
GUERRE DES VENDÉENS ET DES CHOUANS CONTRE LA RÉPU- 
BLIQUE FRANÇAISE, Où Annales des départemens de 
l'Ouest , pendant ces guerres. 4 vol. in-8°. 28 fr. 


GuiDe pu VOYAGEUR EN FRANCE, par Richard, 4°édition, 
1826. 1 vol. in-12, orné d’une belle carte. » fr. 50 c. 


Hisroire D’ALEXANDRE 1°", empereur de toutesles Russies ; 
esquisses historiques de sa vie et des principaux évé- 
nemens de son règne, par Alph. Rabbe. 2 vol. in-8°, 
ornés d’un portrait de l’empereur et d’un plan de_ 
Taganroc. 15 fr. 


Histoire D’ANGLETERRE, depuis Jules - César jusqu’en 
1760, par Olivier Goldsmith, continuée jusqu’à nos 
jours, par Ch. Coote; traduit de l’anglais, par M” 
Aragon, avec une notice sur la vie et les ouvrages de 
Goldsmith, par M. Albert-Montemont. 6 vol. in-8°. 

36 fr. 


Hisrorre pe LA Licue ET Du RÈGNE DE Henri IV; par 
F. A. Mignet. 4 vol. in-8°. (sous presse. ) 


Histoire DE LA RÉVOLUTION HELVÉTIQUE, de 1797 à 1803, 
par M. Raoul-Rochette. 1 vol. in-8°. 8 fr. 


Hisroime pes CAMPAGNES DE 1814 et 1815 en France, par 
le général Guillaume de Vaudoncourt, auteur de 
l’histoire des campagnes d’Annibal en Italie, de celle 
des guerres de Russie, en 1812, d'Allemagne, en 1815, 
et d'Italie, en 1813-et 1814, directeur du Journal des 


Sciences militaires. 5 vol. in-8°, ornés de 4 plans. 
GDfr. 


Hisroime pes Croisanes, par Michaud; 4° édition. 8 vol. 
in-8°, avec cartes. 56 fr. 


— 


t#) 

HiSTOIRE DE LA VIE ET DES OUVRAGES DE MOLIÈRE, par 
M. Taschereau. 1 vol. in-8°, orné d’un portrait gravé 
d’après le dessin de Dévéria, d’un cul-de-lampe, par 
Thompson, et d’un fac simile de l'écriture de Molière 
et de sa femme. Prix du volume, papier superfin sa- 
tiné, avec portrait. 7 fr. 50 c. 


Histoire DE L'ÉMIGRATION DE 1789 À 1825, par Montrol. 
In-8°. 6 fr. 


Histoire pes EXPÉDITIONS MARITIMES DES NorManps, et de 
leur établissement en France, au dixième siècle, 
par Depping; ouvrage qui, en 1822, a remporté le 
prix à l’Institut de France. 2 vol. in-8°. 12 fr. 


Hisroire DE NAPOLÉON ET DE LA GRANDE ÂRMÉE, 1812, 
par le général comte de Ségur, 8° édit. 2 vol. in-8’, 
ornés d’une carte. 15 fr. 


Le même Ouvrage. 2 vol. in-18 cartonné. 10 fr. 


Histoire DES RÉPUBLIQUES ITALIENNES DU MOYEN AGE, par 
M. Simonde de Sismondi, nouvelle édition, revue 
et corrigée. 16 vol. in-8°. 112 fr. 


HISTOIRE DES REVOLUTIONS POLITIQUES ET LITTÉRAIRES DE 
L'EUROPE, AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, par F.-G. Schlos- 
ser, professeur d'histoire à l’Université d’Heidel- 
berg, traduit de l'allemand, par W. Suckau. 2 vol. 
in-8°. 19 fr. 


HISTOIRE PHYSIQUE ; CIVILE ET MORALE DES ENVIRONS DE 
Paris, depuis les premiers temps connus jusqu’à nos 
jours , contenant l’histoire et la description du pays 
et de tous les lieux remarquables compris dans un 
rayon de vingt à vingt-cinq lieues autour de la capi- 
tale ; enrichie de plusieurs cartes, et d’un grand 
nombre de gravures représentant les principaux édi- 
fices, tels qu'églises, palais, châteaux, maisons de 
plaisance , vues pittoresques, canaux, etc.; par 


(8) 
M. J.-A. Dulaure, membre de la Société royale des 
antiquaires de France. Environ G vol. in-8°, ornés 


de quatre-vingts fig. 90 fr. 


H1STOIRE PHYSIQUE , CIVILE ET MORALE DE Paris, depuis les 
premiers temps historiques jusqu’à nous, contenant 
les monumens anciens et modernes de cette ville, la 
notice de toutes les institutions, tant civiles que re- 
ligieuses, et à chaque période le tableau des mœurs, 
des usages et des progrès de la civilisation, par 
M. J.-A. Dulaure. 10 vol. in-12, ornés de quatre- 


vingt-six grav. et d’un atlas. 100 fr. 


DE L'INFLUENCE ATTRIBUÉE AUX PHILOSOPHES , AUX FRANCS- 
MAÇONS ET AUX ILLUMINÉS, SUR LA RÉVOLUTION DE LA 


France, par Mounier, membre de l’assemblée cons- 
tituante. 1 vol. in-8°. 5 fr. 


INTRODUCTION AUX MÉMOIRES SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE , 
ou Tableau comparatif des mandats et pouvoirs 
donnés par les provinces à leurs députés aux États- 
Généraux de 1789, par F. Grille. 2 vol. in-8°. 15 fr. 


Jésurres (les), ÉPÎTRE AU PRÉSIDENT SÉGUIER , par Méry 


et Barthélemy, 2° édition. In-8°. 2 fr. 


Jésuites (les), MARCHANDS, USURIERS ET USURPATEURS, 


in-8°. G fr. 


Léoninas, tragédie en cinq actes, de M. Pichat, qua- 
trième édition. In-8°. 4 fr. 


LETTRES DB DEUX AMIES, ou Correspondance entre deux 
Élèves d’Écouen , par M®° Campan. 1 vol. in-12, fig. 

3 fr. 

LETTRES DE LA MARQUISE DU DEFFAND A HORACE WALPOLE, 
depuis comte d’Orford, écrites dans les années 1766 

à 1780, auxquelles sont jointes des lettres de M°° 


(9) 
du Deffand à Voltaire, écrites dans les années 1759 
à 1775; publiées d’après les originaux déposés à 
 Strawberry - Hill. Nouvelle édition, augmentée des 
lettres d’Horace Walpole. 4 vol. in-8°, portr. 24 fr. 


Lerrres DE SAINT-PrE V, sur les affaires religieuses de 
son temps, en France, adressées à Charles IX, à 
Catherine de Médicis, à Philippe II, au duc 
d’Anjou, etc., etc., traduites du latin par de Potter, 
auteur de l'Esprit de l'Église. In-8°. 3.fr. 5o c. 


LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE, par Augustin Thierry, 
auteur de l'Histoire de la Conquête de l’ Angleterre. 


1 vol. in-8°. 7 fr. 50 c. 


Marre (le) pu Parais, tragédie de M. Ancelot. In-8°. 4 fr. 


MANUEL DIPLOMATIQUE, ou Précis des droits et des fonc- 
ticns des agens diplomatiques; suivi d’un Recueil 
d’actes et d’offices, pour servir de guide aux per- 
sonnes qui se destinent à la carrière politique, par 
M. le baron Charles de Martens. In-8°. 9 fr. 


Manuez Du VOYAGEUR EN SUISSE, ouvrage à l’aide du 
quel l'étranger curieux recueillera facilement le fruit 


et les jouissances que ce pays promet, par M. J.-G. 
Ebel, nouvelle édition. In-12, 1826. 9 fr. 


Le Marr A BONNES FORTUNES, Comédie en cinq actes, par 
M. Casimir Bonjour. In-8°. 4 fr. 


Marie DE BRABANT, poème en six chants, par M. Ancelot, 
troisième édition. In-18, gr. raisin, pap. fin, orné 
d’une belle gravure et vignettes. 4 fr. 


Mémoires DE Conporcer, sur la révolution française. 
2 vol. in-8°. 12 fr. 


Mémoires DE MADAME Roraxn, nouvelle édition. 2 vol. 
in-18, ornés d’un beau portrait. 6 fr. 


(10) 

Mémoires DE Scipion DE Riccr, évêque de Pistoie et 
de Prato, réformateur du catholicisme en Toscane, 
sous le règne de Léopold, publiés par de potter. 4 
vol. in-8°. 28 fr. 


MÉMOIRES DU CAPITAINE PERON, Sur ses voyages aux côtes 
d’Afrique, en Arabie, à l’île d'Amsterdam, aux îles 
d’Anjouan et de Mayotte, aux côtes nord-ouest de 
l'Amérique, aux îles Sandwich, à la Chine, etc., etc. 
2 vol. in-6°. . 14 fr. 


MÉMOIRES POLITIQUES DE M. FoNvieLze. 4 gros vol. in-8°. 
28 fr. 


Mémorres sur la Convention et le Directoire, par A.-C. 
Thibaudeau. 2° édit. 2 vol. in-8°. Ir. 


MÉMOIRES SUR LA VIE ET LE SIÈCLE DE SALVATOR-ROSA , par 
Lady Morgan; traduits par le traducteur de l'Italie 
du mème auteur, et par M***. 2 vol. in-8°. 14 fr. 


Mémoires sur le Consulat, 1599 à 1804, faisant suite 
aux Mémoires de Thibaudeau. 1 vol. in-8°. 7 fr. 


Menveicces pu Monpe (les), ou les plus beaux ouvrages 
de la nature et des hommes, répandus sur toute la 
surface de la terre, etc., etc. 2° édit, revue , corri- 
gée et aug:nentée, et ornée de seize jolies gravures ; 
par M. le chevalier de Propiac. 2 vol. in-12. 6fr. 


Mucze Er une Nuits (les), contes arabes, traduits en 
français, par Galland; nouvelle édition in-8°, avec 
des contes nouveaux, etc., publiés par Édouard 
Gauttier. 7 vol. in-8°, ornés de 21 grav. 63 fr. 


Muse Er u» Jours (les), contes orientaux, traduits du 
turc , du persan et de l’arabe, par Petits-de-la-Croix, 
Galland, Cardonne, Chawis et Cazotte, avec une 
Notice, par M. Collin de Plancy. 5 vol. in-8°, ornés 
de dix belles gravures , dessinées et gravées par nos 
premiers artistes. 55 fr 


À ; 
(1) 

Ministre DE WaAkKeriELp (le ), traduction nouvelle , pré- 
cédée d’un Essai sur la vieet les écrits d’Olivier 
Goldsmith, par M. Hennequin, éditeur de l'Esprit 
de l'Encyclopédie, et l'un des collaborateurs. 7 fr. 


Moraze (la) EN action, ou Choix de faits historiques et 
d’anecdotes instructives, nouvelle édition. x vol. 
in-12, fig. 2 fr. 5o:c. 


OEvuvres choisies de Ch. Perrault, de l’Académie fran- 
caise, avec son éloge, par d’Alembert, et des Re- 
cherches sur les Contes des Fées, par M. Collin de 
Plancy. 1 beau vol. in-8°, imprimé en caractères 
neufs, sur papier fin satiné, orné d’un joli portrait, 
entouré de douze vignettes sur les contes. 7 fr. 50 c. 


Œuvres comPLÈTEs DE CHAmProrT, recueillies et publiées, 
avec une Notice historique sur la vie et les écrits 
de l’auteur, par P.-R. Auguis. 5 vol. in-8°, 1826. 

30 fr. 


OEUVRES COMPLÈTES DE LAFONTAINE, nouvelle édition , 
collationnée avec le plus grand soin sur les meil- 
leurs textes, accompagnée d’une Notice par M. 
Walkenaer, et de l'éloge de La Fontaine, par 
Champfort. Paris, 1825, 5 vol. in-8°, avec 197 gra- 
vures. 70 fr. 


OEuvres COMPLÈTES DE LAFONTAINE , ornées de trente vi- 
gnettes dessinées par Dévéria et gravées par Thomp- 
son. 1 vol. in-8°. 20 fr. 


OEuvres COMPLÈTES DE MoriERE, ornées de trente vi- 
gnettes dessinées par Dévéria et gravées par Thomp- 
son. 1 vol. in-8°. 20 fr. 


OEvvres comPLères DE C. F. Vozney, précédées d’une 
Notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur. Paris, 
8 vol. in-8°, pap. superfin des Vosges, enrichis de 
vingt-quatre planches et d’un portr. de l’auteur. 64 fr. 


( 2 )) | 
OEuvREs COMPLÈTES DE VOLTAIRE. #5 Vol. in-S°, pap. fin, 
4° édition. Prix de la souscription, 3 fr. 50 c. le vol. 


Œuvres DE LAROCHEFOUCAULD , contenant les mémoires, 
les maximes, avec les notes et variantes, et la cor- 
respondance. 1 vol. in-8°, orné d’un portrait, papier 
superfin satiné. | 7 fr. 5o c. 


OEuvres DE MALriLATRE , nouvelle édition, accompagnée 
de notes, et précédée d’une Notice par M. L*** 
éditeur des œuvres de Clément Marot. In-8°, 1825, 
avec portrait. 6 fr. 5o c. 


OEvvres DE M. LE coMTE XAVIER DE MAISTRE, 2° édition. 
3 vol. in-18, grand raisin, papier vélin, contenant : 
le Voyage autour de ma chambre ; le Lépreux de la 
cité d’Aoste; l’Expédition nocturne autour de ma 


chambre; les Prisonniers du Caucase, et la Jeune 
Sibérienne. 12 fr. 


OEuvres de Rabaut Saint-Étienne, avec une Notice, 
par M. Collin de Plancy. 2 vol. in-8°, ornés d’un 


portrait. 14 fr. 
Oxivia. 1 vol. in-12. 3 fr 
Once (1°) er La Niëce. In-12. 5 fr. 


PANORAMA DE Paris, ou Guide de l'étranger à Paris, 
extrait littéralement de l’histoire de Paris, par J.-A. 
Dulaure. In-18, orné de 12 vignettes, 8 fr. 


Panorama pu Rain, depuis Mayence jusqu’à Cologne, 
dessiné d’après nature, et gravé par F.-W. Delkes- 
kamp, en étui. 16 fr. 

PRÉCIS DES DERNIÈRES GUERRES DES RUSSES CONTRE LES TURGS, 
avec des Considérations militaires et politiques; tra- 
duit de l’allemand du général Valentini, par Eugène 
de la Coste. 1 vol. in-8°, avec 4 cartes, Paris, 1825. 

7 fr. 

PyRÈNéEs (les) et le Midi de la France, par Thiers. 1 vol. 

in-8”°. & fr. 


(15) 
Quarre (les) Évaneices, précédés du Discours de Marcel, 
curé du village de ***, et d’un avant-propos, par 
Cauchois-Lemaire. 1818, in-18. 3 fr. 50 c. 


RecuricL des principaux Traités de paix, de com- 
merce, etc., etc., conclus par les puissances de 
l’Europe, tant entre elles qu'avec les puissances et 
états dans d’autres parties du monde, depuis 1761 
jusqu’à présent, par de Martens. 16 vol. in-8°, dont 
9 vol. de supplément. 180 fr. 


RéçeuLus, tragédie, de M. Arnault. In-8°. 3fr. 50 c. 


SarntTE-PÉRINE, Souvenirs contemporains, par M. Va- 
lery. In-12. 1826. 4 fr. 


SALON D’HoracE VERNET, Analyse historique et pitto- 
resque des quarante-cinq tableaux exposés chez lui 
en 1822, par MM. Jouy et Jay. 1 vol. in-8°. 4fr. 


SAüL, tragédie, de M. Soumet. In-8°. 35 fr. 50 c. 


SEcreT (le) DE TRIOMPHER DES FEMMES, ET DE LES FIXER, 
par Saint-Ange. 1 vol. in-18. 2 fr. 50 c. 


SéDiM, ou Les NEGRES, poème en trois chants, par 
M. Viennet. In-18, pap. satiné. 1826. 3 fr. 


SIÈCLE DE PIERRE-LE-GRAND, où Actions et haut-faits 
des capitaines et des ministres qui se sont illustrés 
sous le règne de cet empereur. Ouvrage écrit d’après 
les actes et manuscrits des archives de Moscou, par 
M. Bantisch-Kamensky, traduit du russe , et orné de 
portraits. In-8°. 1826. 8 fr. 


SOUVENIRS DE LA GRECE, pendant la campagne de 1825, 
ou Mémoires historiques biographiques sur Ibrahim , 
son armée, Khourchid , Sève-Mari, et autres géné- 
raux de l’armée d'Égypte en Morée, par Lauvergne. 
In-8°. 1826. 4 fr. 


(14) 
Souvenirs Er MéLances littéraires, politiques et biogra- 
phiques , par L. de Rochefort. 2 vol. in-8°. 1826. 14fr. 


Syzca , tragédie, de M. de Jouy, 6° édition, avec fig. 
In-8°. 4 fr. 


TABLEAUX HISTORIQUES DE L'ASIE, depuis la monarchie de 
Cyrus, jusqu’à nos jours, par J. Klaproth. à vol. 
in-4°, avec un atlas de vingt-sept cartes in-folio. 85 fr. 


THÉATRE DE VILLE ET DE SOCIÉTÉ, précédé de Contes 
moraux, etc., etc., par F. Vernet de L. 2 vol. in-8°. 
12:fr. 

Trois (les) RÈexes DE L’Hisrore D’ANGLETERRE, par 
Sauquaire-Souligné. 2 vol. in-8°. 10 fr. 


Voyace D'UN AMÉRICAIN A Lonpres, ou Esquisses sur les 
mœurs anglaises et américaines, traduit de l’anglais, 
de M. Washington-Irwing. 2° édit. 2 vol. in-8°. 12 fr. 


Livres en Langues étrangères. 


AN APPENDIXTO SHAKESPEARE’SDRAMATIC Works, containing 
the Life of the Author by Aug. Skottowe, his miscella- 
neous poems ; a critical glossary compiled after Nares, 
Drake, Ayscough, Hazlitt, Douce and others; with 
Shakespeare’s portrait taken from the best originals 
and engraved by one of our first Artists. in-8°. 10 fr. 


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Cette collection se compose de 


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Scelta di Guicciardini, Davyila, Galilei ed 

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Scelta di prose di autori modern. + >. La 1 


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Cette collection est destinée à faire suite à celle qu'a 
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corregidas y dadas à luz por J.-J. Keïl, tom. E, IT, TTL, 
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renze storico - teologico - morali, a profitto della 
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con note, in-8°. 13.fr:,50;Ct 


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Encyclopedie für die gebildeten Stande. 10 Bände, 
in-8°, fünfte Auflage. 56 fr. 


Eserr’s allgemeines bibliographisches lexicon. 2 Bande. 
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GRAMMAIRE ALLEMANDE, par feu M. L. H. Schuchardt, 
1 vol. in-8°. 

GRAMMAIRE PORTUGAISE, Où Elémens de cette langue, 
surtout pour ce qui concerne ses rapports avec le 
français; par C. F. Hipp. Nouvelle édition in-8°. 


JOURNAL OF THE (CONVERSATION OF LORD ByrON, noted 
during a residence with his Lordship at Pisa, in the 
years 1821 and 1822, by Thomas Moore. Fig. 2 vol. 
in-12. Paris. | 

NoveLLE p1 Casri. Parigi, 4 vol. in-12. 15 fr. 


STATISTISCHER UMRISS DER SAMMTLICHEN EUROPAISCHEN, und 
der ausser Europaischen Staaten, in Hinsicht, ihrer 
Entwickelung, Grœsse, Volksmenge, Finanz-und 
Militar - Verfassung ; Tabellarisch dargestellt, von 
D' Georg. Hassel. 1 gros vol. in-fol. 


TRE TRAGICAL HISTORY OF HamLer, prince of Denmarke . 
by William Shakespeare, as it hath been diverse 


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acted by his Highnesse servants, in the cittie of Lon- 
don; as also in the two universities of Cambridge, 
and Oxford, and else where. At London, printed for 
N. 4. And John Trundell, 1605. This first edition ver- 
bally reprinted. In-12. afr. 25 c. 


THE pRAMATIC Works OF SHAKESPEARE, printed from the 
text of Samuel Johnson, George Steevens and Isaac 
Reed; complete in one vol. 8°. Leipsic edition. 15 fr. 


Tue Works or LORD Byron, complete in one vol. royal 


in-8°. 18 fr. 
Tue porricaz Works OF WALTER Scott, complete in one 
vol. royal in-8°, cartonné. 14 fr. 


Tue Wonxs of the late right honourable Richard Brins- 
ley Sheridan, collected by Thomas Moore, complete 
in one vol. in-8° cartonné.  6fr.5oc. 


Tue Works or Taomas Moore accurately printed from 
the last original editions with additional notes, com- 
plete in one volume. Royal in-8° cartonné. 13 fr. 


FEUILLE PÉRIODIQUE. 


GAZETTE DES Trisunaux, journal de jurisprudence et des 
débats judiciaires. Ce recueil, de même format que 
les journaux politiques, devenu indispensable aux 
magistrats et aux jurisconsultes , paraît tous les 
jours. Sa correspondance avec les pays étrangers, 
tels que l’Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne et les 
États-Unis, etc., présente dans son ensemble des rap- 
prochemens curieux et intéressans; tout justifie son 
succès toujours croissant. 


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IMPRIMERIE DE VICTOR CABUCHET, 
Rue du Bouloi, N° 4. 


| OUVRAGES RÉCEMMENT MIS EN VENTÉ 


À LA LIBRAIRIE DE PONTHIEU. 


Histoire des Croisades , par Michaud, quatrième édition ; 


huit vol. in-8. Ar Gif 
Histoire des Républiques italiennes du moyen âge, par Sis- 
monde de Sismondi ; seize vol. in-8. - tiafr. 


Histoire abrégée des différens Cultes, pie Dulaure ; deux 
vol. in-6. 16 fr. 


Histoire physique , civile et morale de Paris, depuis les pre- | 
miers temps historiques jusqu ’à nos jours, par Dulaure ; 
dix vol. in-8 , ornés de 100 grav. et d'un atlas. 150 fr. 


La même, 20 vol. in-12, avec 100 grav- et un atlas. 100 fr. 


Histoire physique, civile et morale des environs de Paris, de ; 
puis les premiers temps historiques, jusqu’à nos jours, 
. cinq vol. in-8, ornés d’un grand nombre de grav. 75 fr. 


Œuvres complètes de La Rochefoucauld , avec notes et va- 

 riantes; précédées d’une notice biographique et litté- 
raire, un vol. in-8 , orné d’un portrait. 7 fr. 50 c. 

Mémoires de Scipion de Ric êque de Pistoie et Prato, 
réformateur du net à Toscane, sous le règne 
de Léopold , publiés par de Potter; quatre vol. ornés du 
portrait de Ricci. | | 28 fr. 


Biographie de tous. les ministres , depuis la constitution de 
1791 jusqu'à nos jours, un fort vol. in-8. 8 fr. . 
Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, un is in-8, fr. 
avec portrait et fuc simile. | 7 fr. #0: Cf 


Biographie des quarante de l'Académie française. 8 fr. 
is : a par M: Pichat. 4 fi 


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