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Full text of "Apologie pour ceux de la religion : sur les suiets d'aversion que plusieurs pensent avoir contre leurs personnes & leur creance"

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^^-  - 


4 


rv 


x' 


Division      :SCo 


Section 


I 


APOLOGIE 

PO  VR 

CEVX  DE  LA 

RELIGION. 

SFR  LES  S  FI  ET  S  D'AFER:. 

fion  queplufeurspenjènt  auoir  contre 
leurs  fer  formes  O'kii'i''  créance. 

Par  MOYSE  'ÂMYRAVT. 


Se  vendent  à  Charenton, 

ParSAMVELPETiT,  Marchand  Librai--' 
.  re ,  demeurant  à  Paris  dans  la  court 
du  Palais,  à  la  Bible  d'Or. 


M.  DC  XLVIIL 


MONSIEVR 

MONSIEVR 

SARRAV^ 

CONSEILLER 

DV  ROY  EN  SON 

PARLEMENT. 

ONSIEFR, 


Je  crains  aucunement 
que  ceux  entre  les  mains  de  qui  cette 
apologie  tombera  ,  n'y  trouuent  d'à- 


*<^. 


È  P  I  s  T  R  È. 
tord  aeu)é  choies  njn  peu  efirangti. 
L'vne  3  quejlant  exl?re0ment  drejîéé 
four  diminuer  l'auerjton  que  tant  de 
gens  ont  contre  nous  ^  elle  fort  d'^vn 
lieu  oU  nous  en  expérimentons  beaucoup 
hîoins  que  plufeurs  de  nos  frères  ne 
font  ailleurs  y  ç^ou  nom  ioiitjjonsd'njne 
grande  paix^  par  la  prudence  &  par  la 
generojîtê  de  ceux  qui  nous  gouuerndnt. 
L'autre :,  qu'ejiant  particulièrement  de- 
Jlinee  a  nous  rendre  les  J\/] agijlrats  équi- 
tables dans  les  Prouinces^,  te  la  "vous  dé- 
die^ M  Ô  N  s  I  E  V  R  ;,  qui  faites  partie 
de  cet  augufle  Parlement:,  dans  V équité 
auquel  nous  au6ns  accouflumé  de  troU- 
uer  du  fupport ^  lors  quon  nous  fait  de- 
fa  delà  quelques  traittemens  peu  fauo^ 
râbles.  Car  il  Çemble  que  cette  forte 
d 'Efcrtts  contienne  quelque  tacite  plainte 
de  ce  quon  a  befoin  de  les  publier.  Or 
les  plaintes  ne  font  pas  jeantes  en  U 
bouche  de  ceux  qui  en  ont  peu  defujets 


E  P  1  s  T  R  E. 

&f  quelque  raison  nous  induit  4  nous 

interejfcren  ce  qui  touche  nos  frères  ^  an 

pejit  dire  que  nous  deurions  plufioji  nous 

addrejpr  aux  autheurs  de  leurs  mefcon- 

tentemens  ^  pour  leur  ojîer  les  mauuai^ 

fes  imprefjions  quils   ont  contre  nows  ^ 

ÇjT  leur  en  donner  de  meilleures.    Mais 

ïefjere  pourtant ,  M  ON  s  l  E  v  R  ^  ^^e 

quiconque  prendra  la  peine  de  lire  ce 

petit  ouurage  y  fe  delmrera  aisément  de. 

cet  eflonnement  par  ces  confiderations. 

Tous  ceux  de  la  Religion  qui  font  en  ce 

Royaume  ne  conflituent  qu^n  mefme 

corps  ,   en  qui  le   def^laifir  de  chacun 

de  fes  membres  efi  jenfihle  4  tous  les 

autres.    Comme  donc  il  arriue  au  corps 

humain  ,  que  quelques-fois  la  partie  ou, 

efi  le  fege  de  la  douleur  ^  efi  fort  ejloi^ 

gnée  de  celle  d'où  fortent  les  gemijjè^ 

me^s  t0  les  fou^irs  ,   &  neantmoins 

tant   s'en  faut  quon  blafme  en  cela 

Vmfiitution    de    la    Nature  ,    quon 

a    iii 


E  P  I  s  T  R  E. 

admire  la  fdgejje  de  Jbn  autheurj  qui  lu\ 
a  donne  ces  ient'imens  :  fi  quelques-vns 
de  nos  frères  ont  occajion  de  Je  plaint^e 
en  des  lieux  Jèpare:(^  de  notis  j  on  ne 
doit  nullement  trouuer  mauuais  que  la 
communion  d'njne  meCme  foj  nous  en 
infpire  la  Jympathie.  Quant  a  nous^ 
bien  que  par  la  grâce  de  T>ieu  nous 
ayons  tout  Jujet  de  nous  loiier  de  /V- 
quité  du  gouuernement  fous  lequel  nous 
"viuons  y  nous  fçauons  pourtant  quelle 
efl  quajtpar  tout  V inclination  des  peu^ 
pies  y  &  que  Jt  Vauthorité  Jupeneure  ne 
ta  retenoit  ^  icy  comme  ailleurs  nous 
ej^rouuerions  te  dejaduantage  qu'il  y 
a  d^ habiter  parmy  des  gens  mal  affe- 
élionne:^  ,  quand  la  balance  nefl  pas 
^fgale,  C'efl  pourquoj  fi  outre  la  con^ 
duite  de  noflre  vie^  dont  ceux  auec  qui 
nous  conuerjons  ont  leurs  jeux  mepnes, 
pour  tejmoins  _,  nous  tafchons  de  les  in- 
former de  la  pureté  de  noflre  créance  ^ 


E  P  I  s  T  R  E. 

4e  l'innocence  de  nos  pntimens  j  nous 
le  faijons  &  par  deuoir  &  par  intc^ 
refl.    Car  nous  fommes  oblige:^^  de  leur 
donner  ^  Pil  ejl  pojjible  ^  quelque  tein-' 
ture  de  la  ^vérité  ^  &  nous  a^er mirons 
far  ce  moyen  dauantage  nojlre  repos  y 
quand  ils  n  auront  plus  cette  mauuaiji 
opinion  de  nojlre  Religion  ,  qui  leur 
donne  quelque  haine   couuerte   contre 
nos  personnes.  Pour  ce  qui  ejl  de  'vous  3, 
Mo}!isîEYKyfoit que  l'on  vous  con^ 
Jidere  en  la  dignité  que  "vous  pojjede"^^ 
ou  bien  en  la  profejfton  de  Religion  que 
vous  faites^  cet  Ecrit  ne  pouuoit  ejlre 
mieux  adreJSé  qua  vous,  en  ce  premier 
ejgard  ceji  non  tant  vne  plainte  des 
dèportemens  d'autrujj  ny  vne  iujlifica^ 
tion  des  nojlres^  <^  de  la  Foy  que  nous: 
fuiuons  j   quvne  aBion  de  grâces  quet 
nous  rendons  en  vojlre  personne  a  cette 
iUuJlre  Cour  dont  vous  ejles  membre  y 
de  ce  que  par  Vauthorité  de  Ces  Arrefis^ 

a  iiij 


E  P  I  s  T  R  E. 

eUe  a  diuerjes  fois  corrigé  ce  qu'il  or 
peut:  auoir  eu  d'excejjîf  dans  le  :^ele 
des  autres  luges.  En  ce  fécond  j  s  il  y, 
d  quelquojn  des  Sénateurs  qui  la  com^ 
fojent  j  qui  dejïre  d'eflre  efclaircy  de  U 
fincerité  de  noi  pensées  y  pour  en  ejlre 
d'autant  plus  enclin  a  nous  rendre  iu.^ 
fiice  aux  occajions  ^  le  crédit  que  ^vofire, 
rare  njertu  nj-ous.  donne  entre  eux  ^  ad-^ 
jouficra  beaucoup  d'cjjicace  aux  chojes 
que  ie  repre fente  .  j4  la  ucrité  njojlre 
Jïnguliere  (uffifance  :,  &  la  parfaite  co- 
gnoifjknce  que  ^ous  aue^  de  ce  qui  ejl 
de  nofire  profejjion  ^  nauoient  point 
bejoin  d'eflre  aidées  de  ma  méditation ^ 
pour  donner  de  bonnes  opinions  de  nous 
dans  les  occurrences.  Auffl  ne  me  fuis -^^ 
je  nullement  proposé  de  njous  wflruire- 
tn  rien  de  ce  qui  j  peut  contribuer  ;po^r-^ 
ce  que  njos  cognoijTanccs  paffent  bien, 
loin  au  delà  de  ces  réflexions  toutes 
firnples  &  populaires .     Je  njcux  di^t^. 


Epistre. 
fenlement  c^ue  ^ojlre  nom  peut  donner 
beaucoup  d'accès  a  cet  Ouurage  ^  'vers 
ceux  mil  efl  expédient  que  nous  in- 
formions plus  exactement  de  nos  crean^ 
ces  &  de  nos  inclinations  ^  &  que  la 
réputation  de  voflre  rare  probité  efl  ca- 
pable de  nous  mettre  bien  en  Vefj^rit  de 
ceux  qui  pounoient  auoir  eflé  preuenus 
de  quelques  mauuais  preiuge:^^  par  nos 
aduer [aires.  Ouoy  cm  il  en  foit^  il  im- 
porte que  l'on  jçâche^  que  comme  "vous 
efles  absolument  de  mefme  créance  auec 
les  Miniflres  de  la  Religion  que  vous 
projvjjè^  ^  dans  la  doÛrine  de  la  Foy  y 
les  Afinijlres  font  entièrement  de  mej^ 
me  opinion  auec  "vous  en  ce  qui  efl  dpù 
Politic  j,  &  àe  Voheifpince  que  les  Ju^ 
jets  doiuent  à  leurs  Princes,  En  Vnjn 
il  efl  manifefle  que  ce  nefl  pas  tant  le 
jerment  -^  l obligation  de  njos  charges ^ 
qui  vous  attachent ,  vous  ^  ces  autres 
aji'.  ejfieurs  qui  font  dç  noflre  Religion^  * 


E  P  I  s  T  R  E. 

ilans  les  Parlemens  ^  au  feruice  de  pt 
Jidajejlé^  que  le  lien  de  U  conjcience  ç^ 
le  génie  de  U  Foy  que  nous  njous  fre ju- 
chons y  puis  que  vos  jentimens  ^  les 
noflre  s  y  p)nt  conformes.  En  b  autre  il 
faroifi  que  ceji  U  cognoijfance  de  la 
vérité  y  ^  non  aucun  interefl  de  no-- 
ftre  condition  ,  comme  quelques-'yns  Je 
Vimaginent  j  qui  nous  ajjeaionne  aux 
4ogmes  que  nous  'vous  annonçons  dans 
la  matière  dujalut  j  puis  que  'vous  en 
çftes  perfuade-^comme nous^&  que  vous 
y  perjeuere-^jt  conjiammcnt.quoy  qu'au- 
cune des  raijons  du  monde  ne  vous  y 
arrejle.  Mais  quand  ie  mettray  tou- 
tes ces  conjtderations  à  part  ^  il  me 
Jèmhle  que  l'ay  grande  occajion  d'ail- 
leurs de  conceuoir  vne  confiance  bien 
certaine  ^  que  vous  prendre-;^  en  bonne 
fart  ce  mien  dejjèin  de  mettre  vofire 
nom  fur  le  jront  de  ce  petit  labeur^  cJr 
^quc  tout  le  monde  l'approuuera  ,  bie% 


Epistre, 
que  les  autres  caufes  que  len  ay  luy, 
furent  entièrement  incognuès.     C'^fi 
que  neujfe-je  point  tant  de  tefmoignages 
de  r  honneur  de  njoflre  bonne  volonté  y 
njojlre  exemplaire  pieté ,  'vojlre  fçauoir 
eminent ,  cognu  dedans   O*  dehors  le 
Koyaume  ^  &  le  rejle  de  "vos  excellen- 
tes vertus  y  me  conuieroient  a  donner 
quelque  tejmoignage  au  public  que  l'en 
fais  vne  ejiime  tout  à  fait  extraordi- 
naire. Et  quand  les  belles  &  grandes 
qualité'^  que  Dieu  a  miÇes  en  vous^ 
nattireroiént    point    fi    puijjamment 
mes  rejj>eâis  ,    cette  tendrejjè    d  '^ffc- 
clion  dont  il  vous  plaijl  me  fauorijèrj 
m'oblige  ^  fi  ie  ne  veux  eflre  ingrat  ^  a 
vous    en    faire   vne    folennelle   reco^ 
gnoijjance    Receue:(^là  donc  ^  s'il  vous 
plaifi  ^  M  o  N  s  I  E  Y  R ,  du  mejme 
ail  duquel  vous  aue'^  accoujlumé  de 
voir  [on  autheur,  -^  continue';(^de croire^ 
comme  vous  aue:^  fait  depuis  que  i'ay 


E  P  I  s  T  R  E. 

le  bien  d'ejire  cognu  de  vous  ^  au  il  nj 
^  perfenne  qui  fajjè  des  vaux  plus  ar-- 
dens  que  t'en  Jais  à  Dieu  pour  vojlre 
entière  proj^erité  ,  ny  qui  foit  plm  m- 
uioUhlement  ^ 


MONSIEYK. 


io^r'  ^T7'  ''    Voftre  trcs-humble  & 

lour  de  Palcjuc^         ▼      '^  -^ 

^^47»  très  -  obeiflant  1er- 

uiteur, 
AMYRAVX  : 


,      Sfe  îfë»  (???)  Vf?  --ÏV  fte  -ate  -r^?'  .-^fei  '-^  -•'♦  r^-ys  /^  -5^ 
g».  *|^  ^  ^  ^  y^  ^  «a  «^  «r^  «^  4^  ^  é>^  VJgk-  ^ 


^DVEKTI SSEMENT. 

^^Ommç  rappelle  ordinairc- 
\^mcnc  en  cette  Apologie  ceux 
de  noftre  communion,  les  Refor- 
mez ,  auflî  Remployé  fouuent  ces 
mots  de  Catholiques  Romains ,  &c 
quelquesfois  celuy  de  Catholiques 
tout  feul ,  pour  fignifier  ces  Mef- 
iîeurs  de  la  communion  de  Rome. 
Si  Ton  prenoit  ces  termes  autremét 
que  comme  des  noms,  par  lefquels 
on  defîgnc  ces  deux  communions 
différentes,  &  fi  l'on  y  auoit  égard  à 
la  qualité  pour  laquelle  ils  ont  efté 
premièrement  attribuez  chacun  à 
fonfujet,  ily  auroit  de  la  contradi- 
dion  en  IViage  de  ces  deux  appella^ 
tions.  Gar  celle  de  Reformez  figni-; 


Aduertijjement. 
îîëlaprofefïîondeceux  qui  ont  rc- 
purgé  la  Religion  de  ce  dont  la  cor- 
ruption du  temps  Tauoit  alterne. 
Et  quant  à  celle  de  Catholique  5  elle 
fut  premièrement  appliquée  àTE- 
glile  Chrefticnne ,  pour  la  diftin- 
guer  d'auec  la  ludaïque  ,  pource 
que  le  Chriftianifme  n  eft  affecté  à 
aucune  particulière  nation^  &  doit 
courir  par  tout  1* Vniuers.  Mais  de- 
puis on  s'en  eft  feruy  pour  diftin- 
guer  les  Orthodoxes  d'auec  les  Se- 
ctaires, qui  s'eft oient  feparexde  la 
communion  de  cette  Eglife  à  qui 
le  Symbole  audit ,  comme  il  y  a 
apparence ,  le  premier  donné  ce 
nom.  Ainfi  ce  feroit  mal  à  pro- 
pos que  i'appcUcrois  les  vns  Or- 
thodoxes, éc  les  autres  Reformez  : 
pource  que  la  Reformation  pre- 
fuppofe  qu'on  a  dégénéré  de  l'Or- 
thodoxie, &  fi  elle  ïuft  demeurée 


Jlâuertijjemeni. 
en  fon  entier  en  l'Eglife^  il  n'euft 
pas  efté  neccflaire  de  la  reformer. 
Mais  déformais  ce  nom  de  Catho- 
lique a  paflfé  en  vn  tout  autre  vfa- 
ge,  &  ne  fîgnifie  rien  autre  chofc 
nnonceux  qui  font  profelïion  du 
Chriftianifme  ^  tel  qu  il  eftoit  en 
r  Europe  auant  la  prédication  de 
Luther:  comme  on  employé  celuy 
de  Proteftans  &  de  Reformez,  pour 
dénoter  ceux  qui  le  profefl'ent  tel 
qu'il  eft  en  la  communion  laquel- 
le s'eft  feparée  d'auec  Rome.    Et 
n'y  a  rien  de  fî  ordinaire  que  de 
voir  ainfî  pafler  les  noms  d Vne  li- 
gnification à lautre 5  ny  rien  de  fi 
indiffèrent  que  leur  vfage  quand 
Vne  fois  le  temps&lacouftumeen 
ont  authorifé  le  changement-  l'ap- 
pelle donc  Meflîeurs  de  l*Egli(e 
Romaine  Catholiques,comme  plu- 
fieurs  honncftes  gens  d*cntre-cux 


AâHertijJcment. 
nous  nomment  ceux  de  la  Reli- 
gion ;  &  ne  feroit  pas  raifonnable 
que  nyeuxny  moytiraflionsauan- 
tagedece  refpeâ:  ou  de  cette  ciui- 
lité  ,  pour  le  fonds  de  la  Contro- 
uerfe.  Pleuft  à  Dieu  que  nous  ne 
fufïîons  en  difpute  que  des  noms: 
ceux  qui  font  de  bon  fcns  ont  tou- 
jours remarqué  qu'ils  ne  font  du 
tout  rien  aux  chofes. 


APOLOGIE 

POVR  CEVX  DE 

LA  RELIGION. 

Sur  les  Jkjets  ctauer/ton  que  plufieurs 

penpnt'  auoir  contre  leurs  perfon-' 

nés  &  leur  créance. 


DESSEÏN     DE     L' OVVRAGE, 

lEN  que  par  là  grâce  de 
Dieu ,  &:  par  la  bonté  de 
nos  Rois  5  tioftre  condition 
foit  mcrueilleufement  dif- 
férente de  1  eftat  auquel 
eftoyent  les  Chreftiens  autrefois  ,  lots 
que  luftin  Martyr  ôc  TertuUian  écriui- 
renc  leurs  Apologies,  finelaiflbhs  nour 

A 


z  ^polûpd 

pas  d^ertfe  hcccflitez  par  1  auerfiori  que 
beaucoup  de  gens  ont  contre  nous ,  d  en- 
trer en  quelque  iuftification  de  nos  de- 
portemens  &c  de  noftre  créance.  Car  il  eft 
bien  vray  quenousviuonsen  paixfoubs 
la  proteâiondesEdiûsde  noiîreSouue- 
rain  >  8c  que  la  Reine  fa  mère,  depuis  qu- 
elle a  le  gouuernement  de  TEftat  entre 
les  mains  >  a  toufiours  de  fa  grâce  déclaré 
qu  elle  vouloir  qu'ils  fulFent  ponftuelle- 
ment  entretenus.  Nofleigïieurs  de  fon 
Confeil  fécondent  ordinaireract  fes  bon- 
nes intentions  >  Se  nous  aurions  tort  fi 
nous  ne  recognoiflioils  qu'en  diuers  lieux 
la  douceur  &c  Tequité  des  Gouuerneurs,  Se 
la  iuftice  des  Magiftrats  nous  donnent 
plus  de  fu  jet  de  nous  loiier  d  eux ,  que  de 
nous  plaindre  de  la  feuerité  de  leur  con- 
duite. Gomme  la  Noblefle  a  d'ordinaire 
lesfentimens  éleuez  Se  généreux ,  il  y  en 
a  grand  nombre  de  cette  condition ,  qui 
fans  s'arrefter  à  la  difFerêce  des  religions^ 
eftiment  Thonneur  &c  la  vertu  par  tout 
où  elle  fe  rencontre.  Èc  généralement 
ea  toutes  fortes  de  profefTions  il  fe  trouue 
far  tout  d'honneftes  gens,  que  non  feu- 
lement la  diuerfitc  de  la  créance  n'empef- 


pour  ccHx  de  h  Kelip  | 

chc  pas  de  viure  aUec  nous  ciuilcment, 
mais  de  la  bonne  volonté  de  qui  nous 
pourrions  bien  nous  affeurer  dans  les  oc- 
currences les  plus  importantes.  Mais 
neantmoins  il  ne  fe  peut  pas  nier  qu'il  ne 
fe  rencontre  quantité  d'occalions^où  le 
traittement  que  nous  recelions  de  la  part 
de  quelqucs-vns  de  ceux  à  qui  ladmini- 
ftration  des  chofes  publiques  a  efté  com- 
inife,  porte  des  marques  indubitables  de 
ia  mauuaife  d/fpofition  de  leurs  efprits  en 
nofire  endroit.  De  forte  que  les  bonnes 
Volontez  de  fa  Majefté ,  qui  font  comme 
autant  de  douces  3c  fauorables  influences, 
qui  deuroient  fe  refpandre  en  toutes  les 
parties  du  Royaume  oii  nous  en  auons 
befoin  ,  font  interceptées  auant  qu'elles 
viennent  iùfques  à  nous,  ou  ^u  moins  teL 
lemcnt  altérées &: débilitées  parla  mau- 
uaife conftitutlon  des  efprits  par  Icfquels 
elles  ont  à  paffer,  qu'elles  ne  produlfent 
pas  à  beaucoup  prés  tous  les  effets  aul- 
quels  elles  font  deftinées.  En  effet ,  foie 
qu'il  s  agiffe  des  chqCes  qui  r^ous  ont  efté 
odroyées  par  les  Edids^nous  trouuon^ 
affez  fouuent  des  difficultez  très  cqnfide- 
ra,blesà  les  obtenir,?c.n^efmesquelques- 


fois  des  oppofitions  &:  des  embarras  qui 
nous  font  entièrement  infurmontabjes^ 
Soie  qu'il  s'agifle  de  celles  qui  peuuenc 
eftre  communes  àtouslesfujctsduRoy, 
la  différence  notable  qu'on  y  met  à  no- 
ftte  defaUantage  entre  les  Catholrques 
Romains  &:nous,  en  vne  infinité  de  ren- 
contres 5  eft  vne  prcuuc  trop  authentique 
de  la  haine  que  nous  portent  quelques- 
vns  de  czs  Meffieurs?  à  qui  la  putfTance 
fouueraine  a  remis,  l'a  difpenfation  de 
quelque  partie  de  fon  authorité.  Q3nt  à 
ce  qui  regarde  les  peuples  en  general> 
comme  ils  ont  accouftumé  d'eitre  plus 
extrêmes  en  toutes  chofes ,  ôc  de  felaiffer 
emporter  à  leurs  mouuemens  auec  moins 
de  drconfpeftion  ,  ils  defcouurent  pour 
la  plufpart,  où  les  occalîons  s'enprefen- 
tent  5  vne  fi  mauuaifé  inclination  contre 
nous,  que  fans  la  proteûion  de  fa  Maj  efté, 
&:  fauthorité  des  Gouuerneurs ,  &:  la  re- 
tenue des  Magiftrats,  nous  aurions  fans 
doute  beaucoup  à  fouifrir  de  ce  cofte  là. 
Or  fçauons  nous  fort  bien  qu  après  la  bon- 
ne Prouidcnce  de  Dieu,qui  tient  les  cœurs 
des  Grands  8c  des  petits  en  la  main,  le  plus 
efficace  remède  que  nous  puiflions  appor- 


pour  ceux  de  ldl\elig.  y 

teràcemahdefpend  de  noitrepcatience, 
&  de  la  tranquilké  de  nos  efprits.  Néant- 
moins ,  nxffant  aucunement  à  prefumcr 
qu'en  des  hommes  en  qui  l'on  void  d'ail- 
leurs tant  de  belles  propenlions  à  l'cqui- 
té ,  il  fe  rencontraft  de  fi  mauuaifes  dii- 
polîtions  en  ce  qui  nous  concerne  y  s'ils 
n'eftoient  imbus  de  fort  iinifties  préju- 
gez contre  nos  perfonnes  ,  &:  contre  1^ 
Religion  que  nous  profeffons,  il  efctoii- 
jours  iufte^r^ifonnable,^  mefmesau- 
çunefois  abfolument  nccelTaire  5  que 
nous  tafchions  de  les  informer'  autre- 
ment. Ec  quoy  que  depuis  yn  peu  plus  de 
cent  ans  qu'il  y  a  qu'on  commence  à  par- 
ler de  nous  en  ce  Royaume  3  nous  ayons 
effayé  de  le  faire  par  vne  infinité  deicrits. 
de  différentes  façons  ,  fi  eft-ce  que  le 
mal  ne  fe  gueriffant  point  entièrement, 
&:  mefmes  fe  renouuellant  de  temps  en 
temps  en  diuers  fymptomes  ?  i'ay  creu 
qu'il  ne  feroit  pas  inutile  que  ie  con- 
tribuaffé  aufli  quelque  chofe  de  ma  parc 
à  le  diminuer.  Ce  n  efl:  pas  que  ie  doi- 
ue  auoir  cette  opinion  de  moy  que  ie 
puiffe  produire  quelque  choie  5  ou  qui 
n'^it  point  eljé  dite  pat  ceux  qui  nous; 


Ç  apologie 

ont  deuancez  ,  ou  qui  fortant  dz  ma 
plum^  puifîe  auoirpU^s  d  efficace  que  U 
leur  ne  luy  en  a  peu  donner.  Il  eft  forty 
parle  pafle  tant  de  beaux  tràuaux  en  lu- 
mière, qui  pouuoient  feruir  àcedcflein, 
foit  qu'on  y  regarde  la  profondeur  du 
fçauoir ,  ou  rexcellence  de  Téloquence, 
que  ce  feroit  trop  de  prefomption  à  moy 
fi  ieme  propofois  feulement  de  les  éga- 
ler. Mais  comme  c'efl:  vn  précepte  de  mé- 
decine y  quand  on  s'eft  pris  à  traitter  vn 
mal  3  de  n'abandonner  pas  fa  méthode, 
encore  qu'elle  ne  produife  pas  tout  Teffct 
que  Ton  defire ,  pourueu  qu'elle  foit  fon- 
dée en  bonne  raifon  ;  auffi  eft-ce  vne 
pratique  de  la  prudence,  de  ne  defifter 
pas  d'inculquer  les  mefmes  chofes  à  des 
tfprits  preoccupezjcncore  qu'on  n'y  reiif- 
fiife  pas  entièrement  ,  pourueu  qu'elles 
foient  conformes  à  la  vérité  ,  &c  propres 
4  les  defabufer  de  leurs  opinions  antici- 
pées. Joignez  à  cela  que Itsl^iurts  ont 
leur  temps, 8c que  pluficurs  qui  ont  efté 
bien  rçceus  au  fiecle  pafle,  font  en  ceftuy- 
cy  (îpafi  jperis  de  la  connoifsâce  des  hom- 
mes; foit  que  le  changement  qui  arriue 
gàafi  iolirnellemeut  au  langage,  nous. 


pour  ceux  de  la  Re!ig,  y 

dégouftedes  Efcrks  en  qui  nous  voyons 
trop  de  marques  du  ftile  de  nos  ayeuls, 
ou  qu'il  y  ait  à  cette  heure  quelque  air  en 
la  façon  non  feulement  de  s'exprimer, 
inais  de  conceuoir  les  chofes  mefmes,  qui 
leur  donne  plus  d  agréement  &:  de  lumiè- 
re qu  elles  n  en  auoient  auparauant.  Pour 
inoy,  bien  que  ie  ne  fois  pas  de  ceux  qui 
fe  plaifent  extrememer\t  aux  chofes  nou- 
uelles  5  &que  quand  ie  ne  le  dirois  pas, 
i'ay  peur  que  moneloeutionnefaffe  que 
trop  paroiftre  que  ie  ne  m'applique  pas 
beaucoup  à  la  lefture  des  Autheurs  qui 
ont  donné  à  noftre  langue  la  delicateife 
Se  les  ornemens  dont  les  efprits  poli$ 
font  maintenant  tant  de  cas  j  i'efpere 
pourtant  dreffer  cette  Apologie  de  telle 
forte  ,  qu'on  ne  pourra  pas  dire  que  ce 
ne  foit  qu Vne  fimple  répétition  de  ce 
que  les  autres  ont  déjà  mis  en  auant.  Car 
ce  n'eft  nullement  mon  intention  d'en-^ 
trer  dans  l'examen  de  ces  Controuerfes 
de  religion  qui  exercent  les  Chreftiens 
depuis  vn  fi  long-temps ,  &  qui  bien  fou-^ 
uent  ont  efté  traittées  de  telle  manière^ 
quelles  ont  fait  vn^fFèttout  contraire  à 
eeluy  que  ie  me  profQfe  icy  :  pour  ç^ 

A    uij 


s  Apologie 

que  iedefirc  reconcilier  tant  que  îe  pour- 
ray  les  volontez  des  hommes  à  ceux  de 
noftre  profefiion,  au  lieu  que  le  plus  or- 
dinairement cQ,s  çonteftations  les  irritent. 
fit  puis ,  ç'ell  vne  mer  dont  vn  deflein  de 
fi  petite  efteuduè  qu'eft  le  mien ,  ne  fçau- 
roit  trouuer  ny  la  riue  ny  le  fonds.  La  fub- 
tilité  des  raifonneme^s  y  furpafle  bien 
fouuent  la  portée  des  efprits  du  peuple  : 
la  multitude  des  allégations  dont  chacun 
des  deux  partis  a  accouftumé  d'appuyer 
fon  fentiment ,  requiert  plus  de  temps  à  , 
les  examiner  que  les  occupations  des  Ma- 
giftr^ts  ne  leur  permettent  d'y  en  don- 
ner :&:  enfin ,  la  paffion  quife  melle  par 
tout  fous  l'apparence  d^  zèle  ,6c  ledefir 
de  vaincre  qui  l'emporte  aifez  fouuent 
pardeffus  l'amour  dé  la  vérité  ,  met  en 
ces  difputes  tant  de  ténèbres  6^  deconfu- 
fionjquauant  queçeuxde  l'authorité  de 
qui  nous  dépendons  a,yent  peu  venir  à 
bout  de  les  demefler ,  les  fafcheufes  opi- 
nions dont  ils  ont  l'efprit  faifi>produifent 
vne  infinité  d'effets  à  noftre  dommage.  Il 
y  pourroit  auoir  vn  moyen  de  refoudre 
ces  difficukez  ,  qui  requerroit  beaucoup 
xnqinsde  temps  ,&:  dont  le  fucce^  ferpit; 


pour  ceux  de  la  Rekg,  ^ 

incomparablement  plus  certam  &c  plus  fa- 
uorable.  C'eft  que  les  principales  &:  plus 
fondamentales  créances  du  Chriftianif- 
me  nous  eftant  communes  à  l'Eglife  Ro- 
maine &:  à  nous^il  ne  faudroit  que  voir 
dans  les  choies  dont  nous  difputons ,  ce 
qui  s'accorde  auec  ces  principes ,  3c  ce  qui 
ne  s'y  accorde  pas ,  comme  on  fait  lors 
qu'il  eft  queftion  de  décider  ce  qui  pour- 
roit  eftre  douteux  dedans  les  autres  fcien- 
ccs.  Car  puis  que  iamais  vne  vérité  ne 
choque  l'autre  5  au  lieu  que  le  menfonse 
fouuent  fe  ruine  foy-mefme^S^  ne  s'a jufte 
iamais  auec  la  vérité  j  ce  quife  trouueroit 
contreuenir  aux  dix  Commandemens  de 
pieu  5  à  la  prière  de  noftre  Seigneur ,  3c 
au  Symbole  de  fes  Apoftres ,  deuroit  eftre 
tenu  fans  difficulté  pour  rejettable ,  puis 
que  nous  receuons  pour  diuines  3c  vérita- 
bles ces  formules  de  la  créance  de  tous  les 
Çhreftiens.  Mais  ons'eftengagéfiauant 
dans  cette  autre  manière  de  dilputer  par 
authoritez  6^  par  tefmoignages ,  tant  des 
anciens  que  des  modernes  ?  qu  il  n  eft  pas 
aifé  de  s'en  reûrer.  I  ay  donc  intention 
demonftrer  par  vne  voye  beaucoup  plus 
courte  ,  que  foit  qu  on  nous  regarde 


comme  des  hommes  >&:  dans  les  deupir^ 
aufquels  nous  fommes  obligez  les  vns 
(cnuers  les  autres  entant  que  tels  ;  car  ç  eft 
la  première  chofe  qui  doit  venir  en  con- 
fideration  ;  nous  ne  méritons  nullement 
lauerfion  que  tant  de  gens  ont  contre 
nous.  Soit  qu'on  nous  confidere  comme 
François ,  Se  fujets  dVn  mefme  Prince 
f  uec  tous  les  autres  habitans  de  cet  Em- 
pire, il  y  a  quantité  deraifons  pourquoy 
nos  plus  grands  ennemis  deuroient  yfer 
de  toute  forte  d'équité  &:deiuftice  enno- 
ftre  endroit.  Soit  enfin  qu'on  ait  efgardà 
la  qualité  de  Chreftiens  que  nous  por- 
tons 5  on  ne  nous  fçauroit  haïr  pour  le 
Chriftianifme  tel  que  nous  le  croyons, 
fans  pécher  contre  là  loy  de  Chï^ift ,  Se  la 
charité  de  fon  Euangile"I'^r  comme  mon 
deflein ,  Se  mon  deupir ,  Se  mon  inclinar 
tion  encore  me  portent  à  déduire  tout  ce- 
la fans  aucune  paffion ,  i'efpere  que  ceux 
entre  les  mains  de  qui  cette  Apologie 
tombera,n'en  apporteront  point  non  plus 
que  moy  à  lire  ce  que  i'efcriray  pour  la^ 
iuftification  de  n^os  Eglifeî^. 


pour  ceux  de  la  R^lig^  u 


SECTION     I. 

^f  Jîon  conpdere  ceux  de  U  Religion 
dans  les  deuoirs  aujauels  ilsjontobli^ 
ge':^  enuers  les  autres  entant  qu'hom-- 
mes  y  ils  ne  font  dignes  de  ïauerfion 
de  qui  que  cejoit. 

Ppur  commencer  par  la  première  de 
ces  chofes,  Thomme  a  ces  deux  qua- 
lîtez  qui  le  diftinguent  d'auec  tous  les 
^nimaux,  qu'il  eft premièrement  raifon- 
^able5&:  puis  après  politique  ;  ce  qui  vient 
en  confequencè  de  la  railbn  :  c'eft  à  dire, 
qu  il  vfe d'intelligence  en  ce  qu  il  entre- 
prend de  faire  5  &c  s  y  porte  par  la  con- 
noiflance  qu'il  a  de  la  nature  de  fes  ob- 
jets j&:  qu  il  eft  propre  à  la  focieté^ô^de- 
ftiné  par  la  nature  à  viiire  en  la  compa- 
gnie des  autres  hommes  comme  luy.  Otx 
ne  fçauroit  donc  raifonnablement  rien 
defirer  denous  en  cet  efgard ,  pour  nous 
rendre  dignes  de  l'humanité  ôc  de  la 
bonne  volonté  de  tout  le  mQnde,fin0a 


|X  uifologie 

qu'ci¥  ce  qui  regarde  les  fentimens  &:  la 
créance,  nous  ne  tenions  &:  n'enfeignions 
rien  qui  deflruife  les  loix  de  la  vertu  mo- 
rale, de  laquelle  tous  les  hommes  font 
capables  par  IVfage  de  laraifon  ,ny  qui 
corrompe  cette  inclination  que  nous  de- 
uonstous  auoir  à  entretenir  vneiuftefo- 
cieté  auec  ceux  auec  qui  nous  auons  à  vi- 
ure.  Et  pour  ce  qui  concerne  ta  pratique 
de  ces  loix  de  la  vertu  ,  ^  notamment 
l'exercice  de  l'équité  &;dela  iufticcqui 
eft  la  bafe  &:  le  lien  de  cette  focieté:  On  ne 
doit  non  plus  requérir  de  nous,  pour  eftre 
dignes  de  Tamitié  des  autres  hommes, 
finon  que  nous  conduifions  noftre  con- 
uerfation  de  fovte  qu'on  ne  puiffe  nous 
acculer  de  faire  le  contraire  de  ce  que 
nous  enfeignons.  Or  pour  ce  qui  eft  de 
noftre  créance ,  quel  que  foit  le  refte  de  la 
dodrine  que  nous  embraflbns  en  matière 
de  Religion, tant  y  a  que  les  enfeigne- 
mens  moraux  que  nous  donnons  à  ceux 
de  noftre  profeiîion  pour  modèle  de  leur 
vie  ,  n  ont  iamais  efté  blafmez  par  nos 
plus  grands  6c  plus  enuenimez  aduerfai- 
res,  de  heurter  le  moins  du  monde  contre 
les  principes  de  U  vertu^  J^Ios  gen^  om 


pour  ceux  de  la  Religion,        I3 
fait  des  recueils  des  opiniôs  des  Cafuiftes, 
oùilsoncrâmafTé  quantité  de  chofes  qui 
fembient  contrarier  aux  fentiméns  d'vne 
bonne  confcience ,  &:  corrompre  les  fe- 
mences  de  l'honnefteté ,  6c  de  la  pudeur, 
&:  des  autres  bonnes  qualitez  que  la  natu- 
re met  en  nous.  Ces  Meflîeurs  de  la  com- 
munion de  Rome,  qui  tiennent  le  party 
de  rVniuerfité  de  Paris  contre  les  lefui- 
tes ,  ont  publié  leur  Théologie  morale,  &: 
diuers  autres  lieux  communs  de  leurs  opi- 
nionsjoii  ils  les  flcftriflent  du  blafme  d'en- 
feigner  vne  infinité  de  chofes  contre  les 
loix  diuines  &  humaines,&:  qui  ouurent  la 
porte  toute  large  a  la  fraude,  à  la  perfidie, 
à  la  vengeance,  à  Fauarice ,  &:  à  la  diflblu- 
tion.  Mais  quant  ànousjquoy  que  nous  ne 
manquons  pas  de  mauuais  amis  ,  qui  ne 
nous  efpargneroient  pas  s'ils  trouuoient 
quelque  cho£e  à  reprendre  en  nous  en  cet- 
te matiere,fi  eft-ce  que  iufquesàcette  heu- 
re il  ne  s'en  eft  trouué  aucun  qui  ait  eu  af- 
fez  de  hardiefle  pour  nous  imputer  rien 
de  tel.    Et  véritablement  on  ne  le  fçau- 
roit  faire  fans  vne  extrême  impuden- 
ce ,  &:  contre  toute  apparence  de  rai- 
fon.   La  Parole  de  Dieu  eftant  de  tous 


14  apologie 

les  Liures   du  monde  celuy   qui  fan$ 
comparaifon  eft  le  plus  propre  à  former 
les  hommes  à  toutes  chofes  dignes  de 
louange^nous  lauons  expreffement  tour- 
née en  langue  vulgaire  ,  &c  la  mettons 
entre  les  mains  mefmes  des  petits  enfans, 
afin  que  toutes  fortes  de  perfonnes  y  ap- 
prennent de  bonne  heure  en  quoy  la 
vraye  vertu  cc)nfifte,&:  quels  font  les  vrai^ 
motifs  qui  nous  y  doiuent  porter.   Les 
Prédicateurs  d'entre  nous  fement  tous; 
leurs  propos  particuliers ,  8c  toutes  leurs 
aftions   publiques    d'enfeignemens   de 
mefme  nature  ,  &c  bonne  partie  des  le- 
çons qu'ils  font  dans  les  Académies  y  ont 
cette  matière  pour  fujet.  Sur  tout  ils  ne 
concluent  iamais  leurs  prédications  que 
par  des  exhortations  à  mener  vnevieoù 
toutes  bonnes  qualitez  reluifent  ,  de  ne 
traittent  aucune  dodrine  ,  pour  fublimc 
qu  elle  puifTe  eftre,  ou  pour  debatuè  qu  el- 
le foit  entre  les  Catholiques  &  les  Refor- 
mez ,  qu  ils  ne  ramènent  aux  inftruâions 
qui  feruent  à  mener  vne  vie  honnefte,  &: 
d'où  ils  ne  tirent  quelques  aiguillons  ca- 
pables d'y  exciter  les  ^ffeftions  de  leurs 
auditear^.  Outre  U  leûure  de  la  parole 


pour  ceux  de  la  Helig.  ij 

deDieu^&rvfage  de  la  Prédication,  lé 
monde ,  par  manière  de  dire ,  eft  remply 
de  liures  que  nous  auoiis  faits  pour  expli- 
quer en  quoy  la  vraye  vertu  eft  recom- 
manda ble  ,  quels  font  les  commande- 
mens  que  Dieu  nous  en  a  donnez  :  quel- 
les les  efperaiïces  qu'il  propofc  à  ceux  qui 
s  y  adonnent  :  quelles  les  menaces  quil 
fait  à  ceux  qui  la  mcfprifent,&  com.bien 
la  doûrine  de  1  Euangile  a  adjoufté  de 
poids  àcequelaLoy  nous  en  enfeignoit 
auparauant.  Et  ce  que  i'aydit  delà  vertu 
morale  en  gênerai  ^fe  peut  dire  en  parti- 
culier de  l'exercice  de  la  luftlce,  de  la- 
quelle defpend  la  conferuation  de  lafo- 
cieté  :  Car  il  n  y  a  deuoirs  de  maris  en- 
uers  leurs  femmes,  ny  de  femmes  enuers 
leurs  mafis ,  ny  de  pères  enuers  leurs  en- 
fans,  ny  de  bons  enfans  enuers  leurs  pè- 
res ,  que  nous  ne  prdpofions ,  Se  que  nous 
ne  repreféntions  fans  celTe  à  tous  ceux 
qui  les  doiuent  pratiquer.  Un  y  a  ny  hu- 
manité Se  équité  des  maiftres  enuers  leurs 
feruiteurs ,  ny  refpeft  &:  obeiifance  des 
feruiteurs  à  Tendroit  des  mairtres^à  quoy 
on  n'induife  perpetuellem?.nt  parmy 
ftousceux  en  qui  il fc rencontre  dételles 


i6  jij^îogtê 

relations.  Il  n'y  a  aucun  entre  nous  j  de 
quelque  condition  que  ce  puifle  eftre ,  qui 
(oit  fujet  aux  Mag?ftrats  >  aux  Gouuer= 
neurs3&:  généralement  à  tous  ceux  en  qui 
il  y  a  quelque  degré  de  fuperiorité  ,à  qui 
on  n'enjoigne  &:  tres-éxpr elle  ment  6t 
contmuellement  de  ne  rien  oublier  de  la 
reuerence  &:  de  rhonneur  qu'on  doit  à 
ceux  qui  font  en  ces  charges ,  &  à  qui  on 
ne  donne  à  entendre  qu'elles  font  de  1  in- 
ftitution  de  Dieu.  Il  n'y  a  qui  que  ce  foit  à 
qui  on  ne  faffe  cognoiftre  qu'à  caufe  de 
cette  inftitution,  ce  ne  doit  pas  feulement 
eftre  la  crainte  de  la  vengeance  ,  qu  ils 
ont  toute  prefte  en  la  main  contre  ceu^ 
qui  mefpriîent  leur  authorité5mais  princi- 
palement le  mouuement  delà  confcience, 
pource  que  Dieu  le  veut  ainfi>  qui  nous 
porte  à  obeïr  à  leurs  ordonnances  ^  quand 
rhonneur  de  Dieu  àc  le  falut  éternel  de 
1  homme  n'y  eft  point  interefle.  Il  n'y  a 
perfonne  entre  nous  qui  porte  la  qualité 
de  Magiftratjou  en  qui  la  Puifiance  fouue- 
raine  ait  imprimé  quelque  charadcre  dé 
fa  grandeur ,  à  qui  on  ne  reprefente  par  la 
parole  de  Dieu ,  quelle  eft  la  façon  dont 
les  Supérieurs  fe  doiuent  comporter  en- 

uers 


pour  ceux  de  la  E^elig.  17 

cnuers  leurs  inférieurs  ,  &c  particulière- 
ment comment  ils  doiuent  rendre  la  iu- 
ftice  vniuerfellemët  à  tous,  fans  acception 
de  perfonnes ,  6>c  fans  autre  confideration 
que  celle  de  la  vérité ,?  de  requitc.  Se  du 
droit.Enfin  il  n'y  a  ny  petit  ny  grand  dans 
noftre  profefRon,  qui  ait  ou  commerce  ou 
liaifon  auec  vn  autre ,  ou  parenté ,  ou  al- 
liance )  ou  voifmage,  ou  communication:, 
quinefoit  iournellement  incité  à  rendre 
à  chacun  ce  qui  luy  appartient,  &:  à  mettre 
en  vfage  en  toutes  chofes  cette  règle  de 
charité  5  de  ne  point  faireàautruy  finon 
ce  qu'il  voudroit  qu'onfifl;  à  luy-mefme. 
Et  pource  que  c'eft  par  rvnion  de  par  la 
bonne  intelligence  que  les  focietez  fe 
maintiennent ,  &:  qu'au  contraire  c'eft  la 
difçordje  ôcladiuifion  qui  les  perd ,  il  n  y  a 
aduertilîement  qulrefonne  iifouuent  en 
noftre  bouche ,  ny  qui  rempliffc  fi  vniuer- 
fellement toutes  les  aûions  publiques  Se 
les  entretiens  particuliers  de  ceux  qui  ont 
la  charge  de  nous  enfçigner,queceluy  de 
conferuer  inuioUblernent  la  paix  auec  fes 
prochains,  &: de relafchei&:  beaucoup  de 
fes  partions  >  Se  beaucoup  de  fes  interefts, 
afin  de  l'entretenir  auec  tout  le  monde.  le 

B 


i8  jipùlogit 

diray  encore  quelque  chofe  dauantàge^ 
Tant  s'en  faut  qu'on  ak  aucune  occafion 
de  haine  à  l'encontre  dé  nous ,  comme  fi 
îioftre  créance  efloitpoûrrenuerfer  ou  la 
iullice  3  qui  fouftient  laibcicté ,  ouïes  au- 
tres vertus. morales  5  qui  conuiennent  à 
}  homme  entant  qu'il  cft doué  deraifonj 
que  no^  Bglife's  ont  fait  certains  ï:égle- 
mens ,  &:  eftablycénaihes-forte^'de  cenfu- 
res  :,  qui  nâùs  oblîg'ént  -^v  ne 'plu s  grande 
intégrité  -  de  vie"  5  c^é/  fâs  autres  ri  y  font 
obligez  par  les  loiîé  communes  fous  lef- 
quelles  nous  vluom.  Car  les  loix  publi- 
ques n'ont  autre  efga'rd  fmonàceque  la 
focieténe  foit  point  manifeftement  vio- 
lée >ny  par  l'adultère  5  ny  par  le  meurtre, 
ny  par  le  larcin ,  ny  par  les  autres  crimes 
cfclattans ,  dont  on  a  toufiours  creu  que 
l'impunité  tire  neceffairement  après  foy 
la  ruine  de  la  Republique.  Q^Sht  aux  au- 
tres cHofes  ou  ny  le  particulier  ,  ny  le  pu- 
blic ne  femble  pas  eftre  fi  notoirement  en- 
dommagé ,  les  Magiftrats  n'ont  point  âc- 
couftume  d'en  prendre  cognoifTance ,  &: 
quelques-vns  mefmes  d'entreux  ne  font 
point  de  difficulté  de  s'ylaiffer  quelque- 
fois aller  :  au  lieu  que  nous  auons  parmy 


pour  ceux  'de  la  Relig,  ijp 

hous  yne  Difcipline  qui  defFend  les  ieux 
qui  ibnt  purement  de  hazard,  comme  de- 
rogeansaureipeÊt  qu'on  doit  à  la  diuine 
Prouidencejôc  à  l'excellence  de  Thomme, 
à  qui  la  prudence  èç  l'induftrie  a  efté  don- 
née pour  conduite  bc  pour  modératrice  de 
toutes  fes  aftions.  Elle  ne  fouffre  ny  le;^ 
comédies ,  ny  les  mommeries:,ny  les  dan- 
fes,pource  qu'elleacreu  que  ce  font  cho- 
fes  indignes  delà  grauité  des  gensfages;, 
qui  peuuent  raefme.  effleurer  ou  corrom- 
pre tout  à  fait  la  pudicité  de  Tvn  &:  de  1  au- 
trefexe,  &:  qui  au  préjudice  deç^equeclia- 
cun  doit  aux  chofes  de  fa  vocation  ^  tirent 
à,uec  elles  vne  manifefte  perte  de-  temps. 
Elle  a  mefme  regle.i.ufques  à  la  fuperfluité 
deshabillemens,  comme  fic'eftoit  chofe 
contraire  à  la  modeflie  ,  &:  qui  nourrift  Se 
fomentaft  l'inclination  à  la  vanité.  Et  afin 
que  les  reglemens  de  cette  difcipline  nç 
demeurent  pas  inutiles  par  l'inexécution* 
nous  auons  eftably  des  Goniîftpires;,com- 
pofez  des  Miniftres  &:  dçs  plu$  fages  de 
ceux  dé  noftre  Communion.fous  laquaj 
lité  d  Anciens.,  pour  ordojriner  des  repre- 
henfions,des  fatisfadions^Sc  des  peines 
EccUfiàftiques  qu  il  faut  agpUquer  à  ceux 


qui  font  tombez  en  quelqu Vne  de  ces  fau- 
tes, dont  les  Magiltrats  ne  cognoiffenc 
point.  Ce  qui  cft  pour  réduire  la  vie  des 
Reformez  à  vne  vertu  plus  cxade  &:  plus 
circonfpefte  que  ne  porte  l'éducation  6^ 
Tinftitution  des  autres  5  qui  n'ont  autre  rè- 
gle de  leur  conduite  que  la  crainte  des 
fupplices  qui  font  infligez  par  les  Loix. 
Or  eft-ce  fans  doute  vn  tort  bel  ordre^que 
Bodîn.   les  Politiques  louent  >&:  quils  açcompa- 
^UK^p  ^^^^  ^"^^  plus  vtiles  Conftitutions  des  Re- 
i^h.  I.     publiques  les  mieux  policées  >  telle  -que- 
ftoitàpeupres  la  Cenfure  entre  les  Ro- 
mains. 

Pour  ce  qui  regarde  la  pratique  de  la 
vertu,  quelque  créance  que  l'on  tienne  au 
fait  de  la  Religion  ,  il  n'y  a  perfonne  qui 
ne  fçache  qu  elle  eft  toufiours  bien  loin  au 
deflbus  des  loix  qu'on  fait  pour  nous  y  for- 
mer, ôc  des  inftruftions  qu'on  nous  y  don- 
ne. Ceux  qui  en  eftabliflent  les  reglemens 
eftans  vuides  de  paflions  &:  d'interefl  pen- 
dant quils  y  vacquent ,  n'ont  rien  qui  les 
empefche  de  voir  en  leur  naturel  l'hon- 
nefteté  des  chofes  louables.  Et  quâd  ils  en 
^rit  formé  en  leur  entendemét  la  plus  bel- 
le idée  qu'il  fepeut,ils  la  reprefentct  toute 


pour  ceux  de  la  Relig,  ii 

telle  qu'ils  l'ont  côceuëjde  iorte  que  d  or- 
dinaire il  n  y  a  rien  de  fi  beau  que  les  le- 
çons que  les  Philofophes  en  font  ^ny  que 
les  conftitutions  que  les  Legiflateurs  en 
ordonnent,  ou  qui  en  font  dreffées  par 
ceux  à  qui  les  Republiques  donnent  Tin- 
tendance  des  bonnes  mœurs.  Mais  lors 
qu  il  eft  queftion  de  les  réduire  à  IVfage, 
tant  s'en  faut  que  le  commun  des  hom- 
mes ,  qui  n'a  pas  accouftumé  d'efleuer  fes 
penfèes  fi  haut ,  Se  qui  ne  fe  reprefente  pas 
la  forme  des  belles  chofes  fi  excellence, 
refponde  parfaitement  en  fa  conuerfa- 
tion  à  toute  l'intégrité  des  bonnes  loix, 
que  mefmes  ces  grandes  d>c  genereufes 
âmes,  que  Dieu  a  faites  pour  donner  des 
exemples  au  genre  humain,  n'égalent  pas 
de  leurs  aftiôs  tout  ce  qu'ils  en  ont  conçeu 
en  la  penfée.  Car  quand  il  faut  venir  aux 
chofes  particulières  où  nos  intereftsfont 
méfiez,  nos  partions  ne  manquent  iamais 
à  s'émouuoir ,  Se  c  eft:  merueille  fi  elles  ne 
corrompent  la  fincerité  du  iugement  que 
nousfaifonsde  ces  belles  idées  de  l'hon- 
neft:eté&:  delà  iufl:ice,  lors  que  nous  les 
confiderons  fans  efmotion.  Il  eft  bien 
vray  que  cette  inclination  que  nous  auons 

B    iij 


Z2,  Jtj^ologlC 

naturellement  à  la  focieté,aideroit  beau- 
coup à  nous  duire  à  la  vertu^fi  nous  auions. 
touliours  à  conuerfer  auec  des  gens  qui 
laimaiTent.  Car  leurs  exhortations  nous 
y  porteroient  5  &:  comme  l'homme  fe  for- 
me volontiers  à  Timitation  de  ce  qu'il 
void  faire  continuellemcnt^ainfi  que  ceux 
qui  fe  pourmenent  au  Soleil  fe  colorent 
fans  y  penfer ,  nous  tirerions  fans  doute 
infenliblement ,  mefmes  fans  exhorta- 
tion 5  vne  belle  teinture  de  l'honneur ,  de. 
la  continuelle  fréquentation  des  gens  de 
hicn  5  &  de  la  veuè  des  bons  exemples. 
Mais  pource  qu'il  arriue  qu'il  y  a  toufigurs 
au  monde  plus  grand  nombre  de  vicieux 
que  de  vertueux  3  8c  qu'outre  l'imitation, 
à  laquelle  nous  fommes  enclins  ,  nous, 
auons  naturellement  vne  fort  violente 
pente  vers  le  vice  ;  fous  quelque  belle  dif- 
cipUne  que  les  hommes  foient  eileuez, 
quelques  belles  inftitutions  que  l'on  faife, 
pour  leur  faire  prendre  le  ply  de  l'honne- 
fteté  &  de  la  vertu>ils  fe  trouuent  toujours 
fort  elioigxiez  des  préceptes  qu'on  leur 
en  donne.  Neantmoinsiln'ya.  gueresde 
gens  fi  peu  verfez  en  la  cognoiffancede^ 
chofes  payées,  ny  fi  peu  attentifs  à  la  cpn- 


pour  ceux  de  la  Relig.  x^ 

iîderation  des  prefentes^qui  ne  recognoif- 
fent  qu'autre sf ois  ceux  de  noftre  profef- 
fion  auoient  en  cet  efgard  vn  merueilieu- 
l'ement  grand  aduantagepardefïus  leurs 
concitoyens,  &:  que  maintenant  encore 
nousnauon3  point  fi  fort  dégénéré  que 
pour  çeta  nous  en  méritions  la  haine  pu- 
blique. Enlanaiffancede  nosEglifes  en 
ceRoyaumc&iplufieurs  années  depuis, 
il  ne  s'entendoit  entre  nous  ny  bhfphemc 
contre  Dieu  ,  ny  mefdifance  ou  inlure 
contre  les  hommes.  Les  propos  falcs  ^  les 
chanfons  lafciuesen  eftoient  bannies  ab- 
folument  î  c'eftoit  chofe  rare  que  de  voir 
ceux  de  noftre  Religion  fréquenter  les  ca- 
barets, &:  les  autres  lieux, ou  de  berlan> 
ou  de  diflblutiô  j  &c  s'il  eftoit  arriué  à  quel- 
qu'un de  mettre  le  pied  en  ceux  que  la 
paillardife  auoit  diffamez,  on  le  tenoit  cô- 
me  vn  monftre.  La  rondeur ,rintegiité,la, 
bonne  foy,la  fîncerité  eftoiet  chofes  fi  or- 
dinaires &:  h  populaires  parmy  nous ,  qu  il 
n  y  auoit  pas  à  beaucoup  prés  tat  de  louan- 
ge &  de  recommandation  à  les  pratiquer* 
que  d  horreur  &:  d'exécration  à  encou- 
rir 5  fi  on  ne  les  faifoit  pas  aflez  claire- 
ment reluire  en  tpute.-fa  vie.    La  charité 


$-4  j^pologî-e 

y  eftok  fi  exemplaire  ,  notamment  ou 
il  eftoit  befoin  de  foulagcr  les  pauures 
&:  ks  fouffreteux  ,  qu'il  fembloit  qualî 
qu'on  ne  poiTeda-ft  rien  en  particulier, 
i>c  qu'à  rimitaticn  des  premiers  Chre- 
ftiens  5  chacun  peniaft  que  fi  Dieu  luy 
^uoit  donné  du  bienjil  l'eu  auoit  pluftoft 
eftably  difpenfateur  pour  la  commodité 
d'autruy ,  que  feigneur  &:  poffefTeur  pour 
Tes  propres  au^ntages.  La  fimplicité  des 
habillemens  eftoit  la  marque  extérieure 
de  la  modeftie  intérieure  du  cœur ,  &:  gé- 
néralement toute  la  conuerfation  de  nos 
ayeuls  eftoit  pkine  d'inftrudlon  &:  d'é- 
ducation ,  mefmes  à  leurs  propres  adr 
uerfaires.  Au  commencement  à  la  vé- 
rité 5  lors  que  la  rigueur  des  maiiuais  trai- 
temens  obligeoit  nos  pères  à  faire  leurs 
exercices  de  pieté  la  nuict,  ou  en  des  lieux 
cachez  &:  reculez  de  la  cognoilTance  des 
autres  hommes  ,  quelques-vns  leur  ont 
imputé  d'y  commettre  des  aftions  qui 
à  peine  fe  feroient  entre  les  barbares. 
Mais  quand  on  en  a  voulu  prendre  co- 
gnoiftance  >  ou  bien  qu  on  leur  a  don- 
né la  liberté  de  paroiftre  à  la  veuè  du 
fnoîidp  )  la  calomnrè  meftne  a  eu  quel- 


^QUr  ceux  de  la  Relig-  ly 

que  honte  de  les  en  auoir  accufez .  Et 
pour  eux,  outre  le  tefmoignage  de  leur 
bonne  confcience  ,  qui  leur  eftoit  vn 
inuincible  rempart  contre  ces  horribles 
accufations,  ils  le  font  confolez  en  la  con- 
formité qu'ils  y  ont  eue  auec  les  premiers 
Chreiliens,  que  les  Payens  ont  autresfois 
voulu  diffamer  des  mefmes  crimes.Main- 
tenant  comme  perfonne  ne  nous  met  fus 
de  fi  atroces  Se  de  fi  épouucntables  aûios, 
aufli  aduoiions  nous  franchement  que 
nous  ne  méritons  pas  toute  la  loiiange 
qui  cft  deuè  à  la  vie  de  nos  predcceffeurs. 
Car  encore  que  nous  ne  le  puiflions  faire 
fans  qu'il  nous  en  reuîenne  de  la  honte,  fi 
faut-il  pourtant  recognoiftre  que  nous 
fommes  beaucoup  décheus  de  noftre  an- 
cienne pureté ,  &:  qu  il  ne  fe  void  que  ttop 
ordinairement  parmy  nous  des  exemples 
de  tous  les  vices  qui  ont  la  vogue  dans  le 
ficelé.  le  ne  fçay  fi  l'en  dois  accufer  la 
commune  condition  de  toiites  les  chofes 
du  monde,  qui  ne  fe  maintiennent  iamaîs 
Gonllamment  en  vn  eftaf,  ou  fi  noftre  fré- 
quentation s'eftant  rendue  plus  ordinaire 
&:plus  familière  auec  ceux  qui  fontpro- 
feiîion  de  viure  plus  licentieufement ,  nQ\ 


^^  jipologie 

ftre  conueifation  s  eft  altérée  pat  leurs 
exemples.  Tant  y  a  que  noftre  lumière  a, 
foulFert  vn  grand  oblcurcifTement,  &  que 
il  on  compare  noftre  eftat  prefent  aueç 
celuy  des  temps  paffez,  peu  s'e^  faut  que 
ie  ne  die  qu  en  beaucoup  de  chofes ,  &c  en 
beaucoup  de  lieux  à  peine  fommes  nous 
recognoiffables.  Neantmoins  fi  on  ne 
nous  compare  point  auecnos  pères,  en 
quoy  fans  doute  nous  auons  du  defauan- 
tagetant  &:  plus ,  mais  qu'on  nous  confi- 
dere  feulement  du  mefme  œil  dont  on  re- 
garde la  plus-part  de  ceux  qui  font  en  la 
communion  de  RomCjil  n'y  a  perfonne  fi 
peu  équitable  qui  eftime  que  noftre  vie 
nous  rende  indignes  de  TaifFedidn  des 
honneftes  gen5.  Car  au  moins  on  n'en- 
tend point  entre  nous  ces  exécrables  blaf- 
phemes  contre  la  Diuinité  ,  que  nous 
voyons  auec  beaucoup  de  douleur  de- 
meurer impunis  en  diuers  lieux  jpourueu 
que  ceux  qui  les  commettent  au  veu  8c  au 
fçeu  de  tout  le  monde,  ie  ne  diray  pas  ail- 
lent à  la  Meffevne  fois  l'an,  car  on  ne 
s'enquiert  pas  s'ils  y  affiftent ,  mais  feule- 
ment qu'ils  ne  viennent  point  auPrefche 
auec  nous.  Et  ne  pouuon^  affez  noua  qf- 


pour  ceux  de  laRelig.  17 

^erueiller  que  s'il  eft  arriué  à  qaelqu  va 
de  noftreProfeiïionde  laiffer  eichapper 
quelque  parole  inconliderée,  qui  fe  puiffe 
mal  interpréter  contre  fon  intention  ^ 
comme  fi  elleauoit  elle  diteaudes  hon- 
neur de  la  Bien-h-ureiife  Vierge ,  ou  des 
autres  Sainds  de  Paradis ,  les  Magiftrats 
inférieurs  prononcent  incontinent  allen- 
contre  deux  des  iugemens  fi  rigoureux, 
qu'il  faut, que  les  Parlemens  les  corrigent;. 
&:  que  cependant  en  la  prefence  mefoie 
de  ceux  qui  font  en  authprité,  on  vomiffe 
impunément  contre  Dieu  &c  contre  noftre 
Seigneur  lefus  des  horreurs  qui  font  fré- 
mir iufques  à  ceux  qui  ne  font  pas  fort  feu- 
fibksàcequi  eft  de  leur  gloire.    S'il^y  a 
des  débauchez  en  noftre  profeffion,  côme 
il  n  y  en  a  fans  doute  que  trop  5  au  moins 
faut-il  qu'ils  effayent  de  l'eftre  en  cachet- 
te ,  Se  que  leurs  diffolutions  ne  puiflent 
eftre  conuaincuës  ;  au  lieu  que  nous  en 
voyons  ailleurs  qui  font  trophée  de  leurs 
vices  ,  Se  qui  prennent  à  grande  gloire 
qu'on  les  tienne  pour  bons  compa gnons- 
S  il  y  a  quelqu'vn  de  noftre  nombre  que 
le  Magiftratfoit  obligé  dechaftier  par  la 
feuerité  des  loix  publiques  ,  cela  arriue 


t8  '        Apologie 

pourtantaflezraremcncquoy  qu'il  y  en 
a  beaucoup  qui  ne  nous  font  pas  li  fauora- 
bles,que  de  vouloir  conniiier  à  nos  flûtes, 
silnousarriuoit  d'en  faire  qui  fulTent  di- 
gnes de  leur  chaftiinent.  Il  refte  encore 
entre  ceux  de  la  Religion  quelque  chofe 
de  cette  ancienne  charité ,  que  nos  pères 
auoient  pour  les  panures,  au  moins  pour 
ne  permettre  pas,  sll  eft  pofliblcque  ceux 
qui  font  neceffiteux  foient  obligez  de 
mandier.  Simefmesles  panures  de  pro^ 
feflion  contraire  ne  trouuoient  en  nous  de 
l'humanité ,  nous  ne  les  verrions  pas  en 
foule  aux  portes  de  nos  maifons  &:dans 
les  entrées  de  nos  Temples  ;  au  lieu  que  fi 
les  nofl  res  auoient  efté  réduits  à  cette  ne- 
celTité de  queftcr par  les  maifons,  &:aux 
veftibules  des  Eglifes ,  il  y  a  des  lieux  où 
tant  s  en  faut  qu'ils  trouuaffent  les  entrail- 
les des  homme.s  ouuertes ,  que  ce  feroic 
beaucoup  s'ils  fe  pouuoient  retirer  fans 
autre  mécontentement  que  deftre  tout 
fimplement  efconduits.  Enfin,  lorsque 
quelque  difette  extraordinaire  prefTe  ceux 
qui  ont  le  foin  de  l'adminiftration  des 
Hofpitaux ,  ils  trouucnt  félon  nos  facul- 
té?, 6ç  au  de  là  de  nos  facultez,nas  bourfes 


pour  ceux  de  la  Relig,  zp 

Diiuertes  pour  leur  foulagemenr;  au  lieu 
qu'en  diuers  endroits,  s'il  y  a  quelque  mi- 
lerable  de  noftre  profefllon  qui  n  ait  point 
de  retraitte  ailleurs,  il  y  a  toutes  les  peines 
du  monde  à  obtenir  qu  il  foit  recueilly  en 
CCS  lieux  publics,  &c  quand  il  y  eft ,  il  n'y  a 
moyen  de  le  garentir  de  la  perfecution 
qu'on  y  fait  à  la  confciençe,  le  fçay  bien 
que  cela  ne  fe  fait  pas  vniuerfellement  par 
tout,  de  qu'en  quelques-vns  nous  rencon- 
trons plus  de  debonnaireté,8c  ne  mets  pas 
cela  en  auant ,  ny  par  forme  de  plainte 
contre  ceux  qui  fe  monftrent  plus  rigou- 
reux, ny  pour  olFenfer  l  efprit  deperfon- 
ne.Ieferois  marry  que  ces  proposjquifont 
deftinez  à  diminuer  la  haine  que  beau- 
coup de  gens  ont  contre  nous,  en  irritaf- 
fent  aucun  par  quelque  parole  inconlîdé- 
rée  5  ie  veux  feulement  dire  que  la  condi- 
tion des  chofes  humaines  eftant  telle,qu'il 
n'y  a  pas  moyen  de  preferuerny  l'vneny 
l'autre  profeflîon  de  quelque  corruption 
dans  les  bonnes  mœurs,nous  ne  méritons 
pas  en  cet  égard  d'eftre  haïs  de  ceux  donc 
les  deportcmens  n'ont  point  d'auantage 
pardefTuslesnoftres.  Car  quand  le  diray 
que  dans  l'ordre  de  la  Nobkffcôc  de  ceux 


jo  ji^ologie 

qui  fréquentent  les  Cours  des  Roys,  nous 
auons  dans  ce  peu  qui  nous  en  refte  des 
exemples  dVne  très- haute  Se  tres-emi- 
nente  vertu  :  que  d'ans  ce  petit  norribre  de 
Magiftrats  que  nous  auons  dans  les  Cours 
Souueraines  &c  inférieures,  il  y  a  des  pe-r- 
fonnagesdVne  droiture  rare  &  fingulie- 
re,  auiugement  mefrne  de  leurs  ehnemis; 
ique  dans  la  condition  des  Miniftres  il  y  a 
de  1  hdnnefteté,  de  la  circonfpedion  &  de 
la  retenue  ,  à  laquelle  quelques- vns  d'en- 
tre les  Ecclefiaftiques  ne  voudroient  p^s 
eux  mefmes  fe  comparer ;&  qae  parmy  ce 
qu'ôfi  appelle  le  peuplcqucy  que  celiiy  de 
noftr€  profefliô  ait  beaucoup  dégénéré  de 
la  pujeté  defes  ancîeftres,  fine  sômes  nous 
pas  encore  abfolunlént  réduits  à  l'égali- 
té )  ie  m'afleure  qu'aucun  ne  m' accufera 
d'auoir  auancé  vue  propofition  témérai- 
re. On  oit  fencore  fouuent  de  la  bouche  de 
nos  aduerfaire-s  des  tefmoignages  fem- 
blables  à  ceux  dont  les  Chreftiens  fe  van- 
tent dans  TertuUien  >  Caius  Seiuseji  homme 
de  hïen,(^  nr^  arien  a  redire  en  luy  -,  finon 
(^uilfaitfrofefion  du  chrijiiamfme  :  C  eft 
dommage,  dit-on  >  dequoy  vn  tel  eft  Hu- 
guenot 5  caf  d'ailleurs' c'eft  vn  parfaite- 


pouf  teux  de  la  Relig,  31 

ment  honnefte  homme.  Partant  puis  que 
nous  ne  diflipons  poiat  la  Republique  par 
nos  crimes,  que  nous  ne  gaftons  point  nos 
prochains  par  les  mauuais  exemples  de 
nos  aftions ,  &:  que  mefme  noftre  difcipli- 
ne  &  nos  inftitutions  peuuent  contribuer 
quelque  chofe  à  la  correûion  des  vices 
qui  deshonorent  la  vie  des  hommes  ,  Se 
qui  incommodent  leur  focieté ,  foit  pour 
enarrefter  le  courant,  ou  pour  empefcher 
au  nîdins  qu  elle  n'en  foit  entièrement 
irtondée,  ie  conclus  que  nous  deurions  r e- 
ceuoir  de  toutes  fortes  de  perfonnes  plus 
depreuuesde  leur  bonne  volonté  >  &:  par- 
ticulièrement de  nos  Supérieurs  vn  traite- 
mentfanspaflîoniencequieft  de  IVfage 
de  leur  puiffance.Tellement  que  s'ils  nous 
y  tiennent  quelques  rigueurs  que  les  au- 
tres n  efprouuent  pas ,  il  y  a  en  cela  vn  af- 
fez  notable  manquement  contré  les  droits 
communs  que  la  nature  &  la  raifon  ont 
eftablis  entre  les  hommes.  Car  quant  à  ce 
quieftdenosfentimensen  la  matière  de 
la  Religion,  c'eft  vne  chofe  qui  doit  eftre 
mifetout  à  fait  à  part.  Nous  verronscy- 
defTous  ,  Dieu  aydant ,  que  ny  pour  ce 
que  nous  en  croyons ,  ny  pour  ce  que 


$t  ..      Afologie 

nous  n'en  croyons  pas ,  nous  ne  méritons 
nullement  qu  a  cette  occafion  1  on  nous 
traite  moins  fauorablement  que  les  au- 
treSi  Maisquelsqu'ilsfoientjiedis  qu  ils 
nedoiuent  nullement  venir  en  confiderar 
tion,  foit  pour  nous  priuer  des  bons  offices 
de  la  commune  humanité ,  ou  pour  per- 
ucrtir  noftre  droift  enl'adminiftration  de 
la  luftice.   Le  premier  droid  de  tous  eft 
celuy  de  la  Nature:  c'eft  le  fondement  fur 
lequel  les  autres  font  édifiez,  «5c  comn^ela 
fourcedont  ils  découlent.   Le  fecon4  eft 
celuy  de  la  Police,  qui  ne  doit ,  s^il  eft  ppf^ 
fible^  en  aucime  façon  pteiudicier  au  pre- 
mier :  pour  ceque  c'eft  vn  droiâ: ,  ç'eft  à 
dire  vne  règle  de  la  iuftice  &:  de  la  vertu, 
qui  ne  peut  eftre  violé  fans  péché  ;&:  pour- 
ce  encore  qu'en  le  renuerfant,  le  droid  dç 
Li  Police  fe  renuerfe  aufli  luy-mefme ,  &: 
deftruit  la  bafe  de  fon  eftabliflement.  Le 
troifiélîie  finalement  eft  celuy  de  laReli- 
gion.qui  ne  fçauroit  fi^fifter  fi  celuy  de  la 
Nature  &:  de  la  Police  ne  demeurent  ;  car 
pource  que  nous  fommes  hommes  auant 
que  d'eftre  Chreftiensjes  fentimens  de  la 
Nature  précèdent  en  nous  les  créances  de 
la  Foy.  Et  pource  que  nous  fommes  focia- 

ble^ 


pour  ceux  de  la  Jieliv.  m 

blés  dVne  focieté  politique  ,  auant. que 
nous  en  formions  aucune  pour  les  deuoir^ 
de  la  pieté  ,  c'efl:  Vn  peruertiflement  de 
1  ordre  que  Dieu  a  mis  entre  les  chofesi 
que  de  penfer  faire  œuure  de  pieté.quani 
en  fa  coniîderation  on  ruine  les  droits 
fur  lefquels  la  focieté  politique  eft  efta- 
Uie.  Au  contraire,  qui  obéît  aux  loix  de 
la  Nature  oc  de  la  Police  bien  &:.legitime- 
ment  confti  tuée,  fe  conforme  à  celles  de 
laReligloni  d  autant  qu'en  ^Religion 
Dieu  commande  que  ces . deux  l^remier^ 
droids  nous  foient  abfolumént  imiiola- 
bles.La  Religionveut  que  le^  peresà  leurs 
cnfans,&:lesenfansàieUrs  pères  >Jes  fu- 
perieursi  leurs  inferieursiScks  inférieure 
à  leurs  fuperieurs  de  incfme,  k  que  les  ef- 
gaux  finalement  à  leurs  efgaux ,  de  voifin 
à  voifin ,  de  citoyen  à  citoyen ^d'amy  a 
amy,&;  de  frère  à  frercj. chacun  à  caufe  de 
ces  relations  >  Se  fans  eh  eftre  deftourné 
par  aucune  autre  cohfideration  ,  rende 
tous  les  deuoirs  aufquels  les  làixàt  ïhu- 
matiité, Scelles  delafodetéLhous  obli- 
gent. Dans  lesoffices  &la charité  Se  de  la 
beneficcnce,  qui  ne  font  pas  fi  eXademenu 
obligatoires  que  ceux  delà  iuftice&  du 
droia,  r  Apoftre  faina  Paul  ordonné-  aux 

€ 


J4  Afologie 

ChreftknUie  faire  du  bien  à  toUSf>  .iT3ai$ 
principale  ment  aux  domeftiques  de  la 
toy.  Pource  qu'eftant  la  queflion-de  don- 
ner à  aiitruy  ce  qui  nous  appartient  ôi  nort 
àiuyvcduy  auec  qui  nous  n'auons  autre 
communion  que  celle  de  la  Nature  3^  de 
la  Police  ,ncie  doit  pas  plaindre  fi  nous 
faifons'  plus  de  cCnfideration  d  vn  autre 
anse  quii>  outre  la  Nature  &  la  Poli- 
cCî  nous  auons  encore  cette  eftroite  liai- 
fon  qui  nous  conjoint  en  vne  mefme  Re- 
ligion. Car  puis  que  ce  font  ces  relations 
qui  nous  obligent  à  les  gratifier  de  nos 
biensrfaits,  quand  il  les.  faudra  mettre  en 
comparaifon  5  celuy  en  qui  nous  les  ver- 
rons toutes  conjointementjfera  lans  dou- 
tc.preferable  à  vaautreen  qui  nous  n'en 
verrons  finon  quelques-vnes.  Mais  en 
radminiftration  de  la  lufticcilen  va  tout 
autremenocar  pour  ce  qu'il  s'agift  de  ren- 
dre à  autry  ce  <|ui  luy appartient ,  &:  non  à 
nous  5  nulles  autres  relations  n'y  doiuent 
eJEtreconfiderées.  En  la  diftribution  des 
ofiîces  de  la  charité^quiconque  préfère  le^ 
domefl:iques  de  la  foy  à  ceux  qui  ne  le  font 
pas,  fuît  la  difpofition  de  la  volonté  de 
Dieu ,  qui  a  plus  mis  en  cettuy-cy  qu'en 
cettuy-làde  ces  raifonsôc  de  ces  motifs 


pour  ceux  de  U  Relig,  j^ 

qui  la  doiuenc  exciter  en  nous.  En  la  dif- 
penfationdesdeuoirs  de  la  iuftice  bc  du 
droi<a,quiconque  met  déliant  fes. y e.ux  au-^ 
tre  cohiideration  qiie  celle  de.  Jtândre  à 
chacun  ce  qui  luy  appartient ,  faiç  diteûer 
ment  contre  la  difpôficion  de  la.  yolonté 
deDieu,qui  auoit  ordonné  qu  vaxeUquLcl  ^ 
que  profeffion  qu'il  fift  en  matière  de,  Re- 
ligion,ou  quelqu  autre  defFaut  qui  fuft  en 
fa,perfonne;d ailleurs,  Jouiftpu  àc  telle 
chofe,  ou  de  telle  liberté^,  par  lesteixdela 
Naturel  de  la  Police,  Et  puis  queDîeuj 
quieft  plus  zélateur  de  fa  glôire^y  &:quî 
Içait  mieux  ce  qui  la  peut  auancér.que 
nousja  tellement  conduit  les  chofes  par  ia 
Prouidence^qu'en  fuiuam  l'ordre  des  loix 
de  la  Nature  &  de  la  Police ,  defquelks  il 
eft  autheur  ,11  a  lailTé  la  jouilïane4  dç,  di- 
uerfes  chofes,  &  IVfagCLde  diu^rCâLS;  libeji^ 
tezaux  ennemis  defa  yetltéjC  eftpà/Tion» 
&:  précipitation,^:  témérité  à  qQu$i  que  de 
les  leur  vouloir  ofter ,  iufques  a  ce  que  par 
la mefme Prouidence  il. ait  changé  l'or- 
dre de  CCS  loix ,  ou  de  la  Police  i  ou  de  la 
Nature.  En  efFet  T Apoftre  ne  reut  pas  que 
ladifFerence  de  Religion  dontedelegi- 
timeoccafiOii  à  la  diflblutidn  des  maria- 
gesiny  à  ceu^  que  ce  liénàcoti joints  fujet 

C   ij 


$6  V  '   ''  Âfologw 

de  fC'priUer  mutuellement  des  deuôifs 
aufqiiei^Sîihfont  obligez.  Et  û  le  mefme 
Apoft  tCi'o'blige  les  Cnreftiés  de  fon  temps 
iprier  Dieu  pour  les' Roy  s,  pour  les  Gou- 
uemeur^irpour  le^MagiftratS:,  &  gênera-* 
kmeht  po^ur  tousle^hotones^pource  que 
rauantage  qails  auoient  dcftre  Chre- 
ftiensi  au  lieu^que  les  autres  neleftoienc 
pas,  &:quc  d'emreuxil  y  en^auoit  plu- 
iielîts  horriblement  perdus  6c  mfarncs> ne 
les  e^cemptoit  pasde  robligaî;on  du  droit 
politiquer^  qui,  faifoit  qu'ils  compofoierit 
vnmefmeEftac  i  il^eft  certes  à  prefumer 
que  files  Roys,>&:  les'Gouuerneurs  >  &  les 
Magiftrats,&:  la  plus  grade  partie  des  peu* 
pies  euffent  efté  Chreftiens  de  fon  temps, 
il  ri'ebft  pas  permis nô  plus  que  leChhftia- 
nifme  kur  eufteftévn  prétexte  d'abufer 
d^  leur  àuthôrké  6i  de  leur  nombre  à  l'op- 
^reifTiondeceux  qui  n'auoient  encore  pu 
cognoiftrelà  vferîté  de  lefus-Chrift. Com- 
me encore  quekleux  nations  foient  de  Re- 
ligion differentcfieft-ce  que  le  zélé  delà 
Chreftiéne  ne  la  doit  pas  portera  Violer  à 
l'égard  de  lautre  le  droiâ:  des  gens^pour^ 
ce  que  c*eft  vne  loy  commune  que  le  con- 
fentement  des  peuples  a  eftablie  entr'euxj 
encore  que  deux  perfonnes  foient  dans  Ip 


pour  ceux  de  la  Relig.  j y 

Chriftianifine  d Vne  profeflion  toute  6p- 
fée  5  le  zèle  de  la  Catholique  ne  la  doit 
point  porter  à  l'efgard  de  la  Reformée  à 
enfraindre  les  droiûs  de  leur  foçietc ,  que 
la  Nature,  &:  lauthorité  du  Souuerain,  ou 
leur  commun  confemement  a  eftablis 
cnt;r'ellcs  de  mefme.  Et  véritablement  ie 
ne  puis  que  ie  ne  loue  icy  le  iugement  de 
Monfieur  de  Silhon ,  l'vn  desbons  politi-' 
qucs  de  noftre  temps,  qui  dit  que  ce  tut  iu- 
Itement  que  Ladillas  Roy  de  Hongrie, 
perdit  labatailleÇ^  la  vie  àVarnes.pourcq 
•qu'à  la  fuggeftion  du  Légat  du  Pape  il 
auoit  rompu  la  foy  qu'il  auoit  donnée  à, 
Amurat  Empereur  des  Turcs  j,&:  que  cet 
infidèle  auoit  raifon  ,  en  la  chaleur  du 
combat ,  dappeller  lefus  Chrift  à  venger 
Ja  perfidie  de  ceux  qui  faifoient  profeflion 
4e  fon  Nom ,  dont  ils  auoient  inter poCç 
lauthorité  en  la  paix  qu'ils  auoient  iurée-, 
Or  quelque  différence  qa'û  y  a  en  matière 
de  creâce  entrç  les  Catholiques  Romains 
8c  les  Reformez  ,  fi  ne  peut-elle  efl:re  fi 
grande  qu'elle  eft  entre  lesChreftiens  de 
lesTurcs,oule$  autres  infidèles.  Et  fi  le 
Pape  n'a  point  la  puiflance  de  difpenfer  du 
ferment  par  lequel  on  a  ratifié  la  paix  aueç 
IçsMccreans^rilnyapQint;  derailfen  que 

C  iij 


$%  -,       Apologie 

lat^aiîion  particulière  de  qiielqucs-vns  les 

diiperife  de  nous  rendre  le  droid  qui  nous 

€Û  acquis  par  des  Edids  &  par  des  ioix  fî 

fôlemnellemenrpubliéej. 


SECTION     IL 

Que  fi  on  confidtre  ceux  de  la  Religwn 
dans  les  deuoirsaufauelsîlsjontohli^ 
ge'^  enuers  le  Roy  &  l'Ejlat  entant 
que  François  ^ils  nç  font  point  dignes 
de  l'auerfion  de  qui  que  ce  foit. 

QVant  à  la  féconde  façon  en  laquel- 
le nous  pouuons  eftre  confiderez, 
c  elt  à  fçauoir  entant  que  nous  foinraes 
François ,  nous  ne  fommes  certes  non 
plus  dignes  de  la  mauuaiie  volonté  de  nos 
concitoyens,  foit  à  l'efgard  de  ce  que  nous 
fommes  à  TEftat  en  general/oit  à  l'efgard 
de  ce  que  nous  deuons  eftre  entiers  npftre 
Princejcar  pour  ce  qui  eft  de  TEftat/i  nous 
cftiôs  ou  Mores ,  ou  Gots,ou  Vandalesjou 
quelqu  autre  nation  eftrangere  de  cett;ç 
fortcqui  fuft  venue  en  France  pour  occu- 
per le  pays  à  force  d  armes ,  &  en  réduire 
cnferuitude  les  naturels  habitans?  &:.que 
la  cQrfftitution  des  chofd  ayant  changé  ^ 


pour  ceux  de  la  Rclig.  ^^ 

nous  fuflions  deuenus  plus  tbibles  en 
nombre  ,  &c  incapables  de  nous  deôen- 
dre  contre  la  nation  originaire ,  on  pour- 
roit  aucunement  excufer  fes-'reifcmi- 
mens.  Le  mauuais  traitement  que  nous 
en  receurions  pourroit  melme  eftre  colo- 
ré de  cette raiiond'Eftat, que  pour  nous 
ofter  rhumcur  de  Conquerajns ,  il  nous 
faudroit  tenir  bas  ,  afin  qu  auec  le  pou- 
uoir  Se  Tefperance  de  reiiflîr,  nôusper- 
diflions  auiîi  Tenuie  de  rien  entrepren- 
dre. Si  nous  eftions  originaires  du  pays, 
8>c  que  les  Catholiques  Romains  fuffenc 
eftrangers  ,  qui  nous  euffent  fubiuguez 
èc  afferuis  de  bonne  guerre  ,  on  pour- 
roit dire  s'ils  nous  traitoient  vn  peu  ri- 
goureufement ,  qu'ils  vferoient  en  quel- 
que façon  du  droiddes  gens, qui  donne 
cet  auantage  aux  viaorieux,&:  que  la  pru- 
dence ne  permet  pas  qu'on  laiiTe  tant 
foit  peu  leuer  la  tefte  aux  vaincus ,  de 
peur  que  le  courage  ne  leur  reuienne. 
Quoy  que  Ja  plus  fage  Politique  du  mon- 
de, qui  eft  celle  des  anciens  Romains, 
en  vfoit  ordinairement  autrement  j  car 
ou  bien  ils  incorporoient  auec  eux  en  vne 
mefme  nation  celles  qu'ils  auoient  vain- 
eues,  en  leur  donnait  les  mefmes  priai- 

C    iiij 


^  .;,     ,    ^fologit 

legQS.  iciSC  le  mefme  rang  au  gGUucrnc- 
meaç  id^. leur  JEftac  j  ou  bien  au  moins 
ils  leSiU-^ittoientaucc  toute  forte  d'é- 
quité 3^  de  douceur ,  &:  les  empefchoient 
ainli  de  regretter  leur  fortune  précé- 
dente. Pour  ce  qu'ils  fçauoient  que 
ceux  qui  font  contents  de  leur  condi- 
tion, n'en  défirent  point  yne  meilleure]^ 
hc  qu'au  contraire  les  mécontçntemens 
que  ron  donne  à  des  gens  vaincus  ,  les 
rendent  indubitablement  defireux  de 
nouueautez  ,  bc  enclins  a  toutes  fortes 
de  partis  qui  leur  prefentent  de  meil- 
XQ,s  efperances.  Ç  eft  pourquoy  quand 
ils  demandèrent  à  ceux  de  Priuerne  , 
qui  s'cftoiçnt  rebellez  çontr'eux  ^  6^  qu'ils 
auoienc  ramenez;  à  la  raifon  par  la  voye 
4es  armes»  quelle  ils,  fe  deuoicnt  atten- 
dre que  pourroit  eftre  la  paix  s'ils  la  leur 
donnqient  ;  6<:  que  ceux  de  Priuerne  eu- 
rent refpondu  ?  pdcUe  dr  perpétuelle  ^  fi 
*vous  mt^s  U  donnez,  bonne  ;  mais  de  peu  de 
dwcç  y  fi  vous  nous  U  donnez  wauuaife  > 
^infî  qu'ils  eftoient  magnanimes  5  ils  ap- 
ptquuevent  cettje  generofité.  jpt  leur  rai- 
fon fut  qu'il  n'y  auoic  nulle  apparence 
qu'il  ferenco.ntraft  ny  peuple, ny  hom- 
îï^e,  gulii'.eftam.pas  cpment  de  fa  con- 


pour  ceux  de  URelig.  41 

fiitiqn  ,  la  fupportaft  finon  autant  de 
lemps  qu'il  y  leroit  contraint  ,  &:  quil 
ne  stn  pourroit  pas;  procurer  vne  plus 
douce  àc  plus  raifonnable.  Mais  quel- 
les quefoient  toutes  ces  con{iderations,el- 
jes  n'ont  point  de  lieu  en  ce  qui  nous  con- 
cerne. Car  nous  fommes  >  comme  cha- 
cun fçait  5  originaires  du  Paysjainii  que 
les  autres  :  &C  s'il  y  en  a  quelques-vns  d'en- 
cre nous  qui  foient  venus  des  payseftran- 
gers,  ou  bien  ils  font  en  extrêmement  pe- 
tit, nombre,  ou  ils  font  fortisde  Nations 
auec  lefquelles  la  noftre  a  toufiours  eu  de 
fi  eftroittes  alliances  ,  que  quand  ils  ont 
mis  le  pied  en  France  >  ils  ont  efté  tenus 
pour  Françoisjou  bien  il  y  a  fi  long-temps 
que  leurs  anceftres  font  habituez  parmy 
nous  5  8c  ils  font  entez  dans  le  corps  de  la 
Nation  de  fi  longue-main,  qu'il  ne  refte 
plus  de  mémoire  de  leur  extradion,  ny 
plus  de  marque  de  la  diftindion  de  leur 
origine.  Or  tout  le  monde  fçait  qu'il  eft 
naturel  aux  hommes  de  tirer  occafion  de- 
là de  s'entr'aimer  &:  des'entrefauoriferjSc 
que  fi  l'amour  de  la  Patrie  s'cftend  iufques 
auxcoftaux,  &aux  riuicres  ,&:  aux  cam- 
pagnes de  noftre  habitation,  les  affcdions 
qu'elle  engendre  doiuent  fe  porter  plu^ 


41  apologie 

direabmcritfur  les  hommes  mcfmes,puis 
que  ce  fonc  eux  ?  qui  à  proprement  parler, 
tont  la  Patrie  ôc  l'Êftat,  beaucoup  plus  que 
leschofes  iiifenlibles  Se  inanimées.  Ad- 
jouftezàcelaquenos  parencez  &:nos  al- 
liances font  telles  en  tout  le  Royai^me> 
qu'il  n  y  a  aucune  famille  de  noltre  prô^ 
feiTion  qui  ne  foit  meflée  auecd'autres  qui 
n'en  font  pas.  Car  quand  nos  anceftres 
l'ont  premièrement  embraffée ,  la  fepara- 
tion  s'eft  faite  de  telle  forte ,  que  non  feu^ 
lement  il  n'y  a  eu  parenté  qui  n'aie  eu  d-es 
familles  de  fonfang  8c  de  fes  alliances  en 
Fvn  8c  l'autre  party ,  mais  mefmes  qu'il  y 
a  eu  quantité  de  maifons  particulières 
partagées  5  le  perefetrouuantd'vne  reli- 
gion 3  &:  la  mère  d'vne  autre,  6c  les  enfans 
pareillement.  Depuis ,  ou  bien  les  Catho- 
liques  ont  tellement  continué  de  fe  ran-^ 
ger  du  cofté  des  Reformez ,  ou  les  Refor- 
mez en  changeant  d'aduis  font  tellement 
retournez  en  la  communion  des  Catholi- 
ques, ou  enfin  les  mariages  fefont  telle-^ 
ment  bigarrez  entr'eux ,  que  leurs  famil- 
les s'entretiennent  par  vne  infinité  d'atta- 
chemens  6c  d'alliances.  Ce  qui  deuroit 
non  feulement  beaucoup  diminuer  de 
cette  auerfion  ,  que  la  diuerfité  des  opi- 


four  ceux  de  U  Relig,  43 

nions  au  tait  de  la  Religion  engendre  de- 
dans nos  efprits,  mais  mefmes  y  produire 
des  alFedions  dignes  des  plus  beaux  &: 
plus  louables  fencimens  de  la  Nature.  De 
plus,  encore  que  le  nombre  que  nous  fai- 
fons  n'eft  pas  à  comparer  àceluy  depro» 
feflîon contraire, fi  neft-il  pas  li  petit ny 
fi  contemptible  pourtant ,  qu'on  n'en  doi- 
ue  faire  confideration  en  l'Eilat  :  Car  la 
grandeur  &;  la  force  des  Empires  confifte 
principalement  en  la  multitude  des  hom- 
4nes  ;  c'eft  là  que  font  leurs  relTources  quad 
il  leur  arriue  quelques  notables  accidens> 
c'eft  ce  qui  les  rend  confiderables  à  leurs 
voifins  5  &:  redoutables  à  leurs  ennemisv 
c'eft  en  vn  mot  ce  qui  les  rend  capables  ,&: 
de  fouftenir  les  grades  guerres ,  lors  qu'on 
les  attaque  chez  eux ,  &:  d'entreprendre 
au  dehors  des  conqueftes  Se  vtiles  &:  glo- 
rieufes.Or  eft-il  vray  qu'en  quelques  Pro- 
uinces  de  ce  Royaume,  comme  eft  la  Pro- 
uence ,  la  Bretagne ,  le  Berry ,  la  Bour- 
gongne ,  la  Picardie,  &:  la  Champagne,il 
y  a  fort  peu  de  Reformez  en  comparaifon 
des  autres.  Mais  aufli  n'ignore-t'on  pas 
que  le  Poiûou  ,&:  la  Xainftonge,  &:  la 
haute  8c  la  baffe  Guyenne,  le  Bearn,  le 
Languedoc ,  les  Seuenes ,  le  Dauphiné,  ô<: 


44  apologie 

quelques  autres  Prouinccs  en  font  tellc^ 
lîient  femées ,  fans  compter  ce  qu'il  y  en  ^ 
en  rifle  de  France  5  en  Normandie ,  8c  eu 
tous  les  autres  lieux  où  ils  font  efpars, 
(ju'ilsfont  vne  partie  fxjrt  confiderable  de 

•  ce  grand  corps.  Tellement  qu  encore 
qu'ils  n  y  tiennent  pas  le  lieu  que  la  tefte 
tient  au  corps  humain ,  fi  eft-ce  que  com- 
me la  tefte  a  foin  des  parties  inférieures, 
la  bonté  de.  la  fageffe  de  nos  Rois  a  çreu 
qu  elle  deupit  pouruoir  à  noftre  confer- 
uationparlauthorité  des  loix  publiques^ 
Or  les  parties  qui  font  au  deflbus  de  late- 
fte.s  entr'aflîftent  refpeftiuement  ;  de  for- 
te que  celles  qui  en  font  les  plus  prochai- 
nes 5  8c  qui  feruent  à  Tefgard  des  autres, 
ainfi  que  de  canaux  pour  y  porter  les  ef- 
prits ,  ne  les  arreftent  pas  en  paiTant^pour- 

•  ce  que  de  laperclufiori,oude  la  foibleilc 
de  quelques-vns  de  fes  membres ,  le  corps 
demeuréroit  incommodé-  Ceux  donc  qui 
tiennent  en  ce  Royaume  le  gouucrne- 
ment&lapuiflancefousrauthorité  de  fa 
Majefté  5  &c  généralement  tous  ceux  auee 
qui  nous  viuons,  font  obligez  par  TafFé- 
âion  qu'ils  portent  à  TEftat ,  de  ne  nous 
empefcher  point  l'effet  des  bonnes  volon- 
tez  de  noftre  Pvijnçea  Sç  4^  nous  afFéftion- 


pour  ceux  de  la  Relîg.  4I 

net  cQmme  compofans  auee  eux  vn  mef- 
me  corps,  dont  la  eonferuation  &:  la  feli^ 
cité  deijpend  de  la  bonne  vniondeies  par- 
ties. Ec  véritablement  nos  plus  grands  ad- 
uerfaires  mefmes  ne  peuuem  pas  reuo- 
quer  en  doute ,  que  félon  le  nombre  que 
nous  y  faifonsj&i  les  emplois  que  noltrd 
propre  inclination  où  la  puiffance  publi- 
que nous  y  donne ,  nous  ne  contribuyons 
au  bien  de  ce  grand  Empire,  tout  ce  que 
nous  y  pouuons  apporter  d'ornement  Se 
dVtilité.  Les  payfaris ,  qui  font  en  grand 
nombre  de  noftre  profeflion  dans  les  Pro- 
uinces^dont  i'ay  fait  mention  cy-deflus, 
y  cultiuentla  terre, &:fourniiTent  parce 
moyen  à  la  nourriture  de  ceux  qui  les 
gouuernent,&:  aux  neceffitez  de  lEIrac. 
L'::s  artifans  n'y  font  point  inférieurs  aux 
autres  en  toutes  fortes  d'ouurages ,  bt  n'y 
a  guère  de  profefTions  de  cette  nature,  où 
nous  n  en  ayons  toufiours  eu  quelques- 
Vns  fort  excellens.    Les  Marchands  qui 
font  par  tout,&:  notamment  dans  les  Ports 
de  mer,  fourniflent  les  villes  des  commo- 
ditez  des  Pays  eftranges ,  tranfportent 
chez  nos  voifins  les  chofes  dont  nous 
abondons ,  8c  par  le  moyen  de  ce  com- 
merce defchargent  le  Royaume  de  ce  qui 


46  Jîfologie 

luy  pcfe ,  l'accommodent  de  cèdent  il  à 
beioin^S^  mefmes  y  attirent  l'argentjdont 
nous  manquerions  autrement  par  faute 
démines.  Les  gens  de  lettres  n'y  reuffif- 
Tent  point  fi  mal  ,  qu'on  ne  voye  fortir 
d'entre  nous  des  hommes  eloquens  pour 
le  Barreau  ,  de  bons  Médecins  pour  les 
villes,  &:  de  rares  lumières  en  toutes  fcien 
ces,  &:femble  mefme  qu'en  la  belle  litté- 
rature ,  6^  en  lacognoiffance  de  l'antiqui- 
té, les  Cafaubons,les  Scaligers.  &:  les  Sau- 
maifes  layent  emporté  pardefliis  tous 
ceux  qui  s'en  font  meflez  depuis  long- 
temps. La  Nobleffe ,  &:tous  ceux  que  la 
generofité  de  leurs  inclinations  attire  à 
iuiure  les  armes,  ne  font  pas  en  fi  petit 
nombre  dans  les  armées,  qu  ils  ne  s'y  ren-^ 
dent  confiderables ,  &c  ils  s'y  acquittent  de 
leur  deuoir  de  telle  forte,  qu'ils  s'y  font 
fignalez  en  de  tres-erandes  &:  très-impor- 
tantes occafions.  Et  c'eft  chofe  aucune- 
ment eftrange ,  que  quelquefois  à  1  heure 
que  les  pauures  artifans  ont  bien  de  la  pei- 
neà  furmonter  la  haine  que J'on  porte  à 
la  Religion  quils  profeffent , pour  auoir 
habitation  dans  les  villes,&:  s  eftablir  dans 
les  Maiftrifes  de  leurs  meftiers  :  le  Roy 
metvne  bonne  partie  des  forces  &:  de  U 


pour  ceux  de  la^elig.  47 

feureté  de  fon  Eftat  entre  les  mains  de 
Généraux  d'armée  qui  font  de  mefme 
profeflion.  Ainfi  au  Confeil  de  la  Ma jeft.é, 
l'auerfion  qu'on  peut  auoir  contre  noftrc 
creancejn'empefche  pas  que  le  bon-heur, 
&:  la  conduitte,  bc  le  courage  >  ne  puiflent 
elleuer  les  homti^s  aux  grandes  charges 
de  la  Couronne^?  &:  à  de  ii  glorieux  em- 
plois :  &:  dedans  les  Prpuinces  en  diuers 
cndroitsj  elle  empefche  que  Tindullrie,  &: 
ladreffe  ,  8c  l'intelligence  dans  les  plus 
petits  arts. ,  n'y  puiffent  promouuoir  les 
liijetsdefaMajeité  ,  pour  rvcilitédu  pu- 
blic 3  ôc  pour  le  fauftien  de  leurs  familles. 
Enfin  généralement  en  toutes  fes  necefli- 
tez  du  Royaume  3  s  il  y  a  quelque  choie  à 
faire,  nous  la  faifons  félon  noftre  puif- 
fanceauiït  alaigrement  que  ceux  qui  font 
beaucoup  plus  fauorifez  que  nous,  &:  s'il 
y  en  a  quelque  autre  à  foufFrir ,  nous  la 
portons  pour  le  moins  aulTi  patiemment 
que  les  autres  >  bien  qu'on  ne  nous  efpar- 
gne  nullement  en  la  diftribution  du  faix, 
Zc  que  la  plufpart  du  temps  les  propor- 
tions ny  font  nullement  gardées.  Il  y  a 
donc  certes  quelque  fujet  d'eftonnement 
que  toutes  ces  confideratiôs  ne  font  point 
capables  de  contrebalancer  vn  peu  cette  '■ 


48  Hiipok^it 

violente  paffion  que  quelques-vns  biiG. 
contre  nous.  Si  celloient  les  Moines  ,&: 
les  gens  particulièrement  deftinez  à  la 
deuotion,  de  qui  dependift  l'exécution 
des  volontez  de  fa  Ma)  efté  en  ce  qui  nous 
concerne  î  cela  ne  deuroit  paseftre  trou- 
ué  fi  eftrange  comme  il  eft.  Ceis  Meflieurs 
font  d  ordinaire  fi  préoccupez  5&:felaif- 
fent  tellement  tranfporter  au  zèle  qiùls 
ont  pour  rauàncement  de  leurs  dogmes^* 
&:  pour  reftablilfe ment  deTauthorité  de 
leurs  charges ,  que  noftre  doûrme  atta- 
que particulièrement  5  qu'il  nVarien  de 
merueilleux  s'ils  s'emportent  en  cette  oc- 
currence, loint  que  leur  condition  ne  les 
appellant  pas  au  gouu^rnement  ,  ils  ne 
pcuuent  pas  fi  bien  fçauoir  quel  tempéra- 
ment la  bonne  &c  fage  Politique,  6c  les 
raifons  de  la  luftice  &:  du  Public  ,  doiuent 
apporter  àTardeUf  decezeledontil  faut 
que  des  gens  de  leur  robbe  fafient  profef- 
fion  de  bruller.  Mais  quant  à  ceuk  qui  font 
nourris  dans  le  monde,  ôi  efleuez  dans 
les  charges,  donc  noftre  religion  n'^inta-* 
me  aucunement  Tauthorité  ,  &:  à  qui  TeX- 
periencedes  chofes  a  deu  faire  comprêrt-^ 
dre  qu'il  y  a  bien  de  la  différence  entré^ 
les  règles  du  gouuernement  d'vn  Cloî-' 

trei 


pour  ceux  de  la  Relig,  45) 

tre,  &  celles  de  radminiftration  delà  lu- 
ftice ,  félon  les  loix  dVn  grand  Eftat,  c  eft 
véritablement  vnechofe  digne  de  quel- 
que admiration,  quil  sentrouue  que  la 
paffion  de  la  Religion  deftourne  fi  loin 
du  droit  chemin  de  Tequité,  qullsfuiucnc 
affez  cDnfeientieufement  en  autres  ren- 
contres. 

Si  on  nous  confiderc  à  l'etgard  de  ce 
que  nous  deuons  eftre  enuers  noftre  Prin- 
ce ,  nos  confciences  nous  rendent  tefmoi- 
gnage  que  nos  âmes  font  li  remplies  du 
refped ,  de  la  reuerence ,  &:  de  lafFediori 
que  nous  auons  à  fa  perfonnc^:  du  zèle  &: 
de  la  ialoufie  que  nous  auons  pour  fa  gloi- 
re 8^  pour  fa  grandeur ,  que  nous  ne  pou- 
uons  nous  perfuader  qu'il  y  ait  aucun  qui 
nous  furpaffe  en  cette  louange.  Et  i'eftimé 
que  nos  plus  grands  ennemis  ne  la  con- 
teftent  pas.  Car  encore  que  depuis  que 
nous  auons  commencé  de  paroiftre  en  cet 
Eftat  5  il  y  ait  eu  des  confufions  eftranges, 
&  que  quelques-vns  de  nos  Rois ,  à  la  fol- 
licitation  de  nos  ennemis^ayent  employé 
tout 'ce  qu'ils  auoient  de  puifTance  pour 
nous  en  exterminer ,  iufques  là  que  fous 
leur  nom  il  s'y  eft  fait  contre  nous  des 
exécutions  capables  dematreles  moins 

D 


yo  jApologte 

impatiens  au  deiclpoirj  li  eft-ce  que  parla:- 

grâce  de  Dieu  aucun  de  nous  ne  s'ell  en- 
core iamais  trouué  meflé  dans  les  confeils 
des  exécrables  attentats  qu  on  a  commis 
contre  leurs  peribnnes.Et  ii  noftre  Nation 
a  receu  quelque  deshonneur  de  laprodu- 
ftion  de  ces  monitres  qui  ont  li  traitreufe- 
ment  violé  leur  facr^e  Majefté  ,  noftre 
communion  au  moins  eft  exempte  de  la 
honte  &:  de  Tinfamie  de  leur  éducation.!! 
eft  vray  que  quelques-vns  nous  ont  foup-. 
f  onnez ,  &c  mefmes  ouuertement  accufez 
d'eftre  ennemis  de  la  royauté ,  ^  d*auoir 
eu  quelque  deffein  >  ou  de  changer  la  for- 
me du  gouuernement  de  TEftat ,  ou  au 
moins  de  nous  y  vouloir  cantonner  en 
qrielque  lieu ,  pour  nous  tbrmer  en  Repu- 
tlique.    Et  ceux  qui  veulent  croire  que 
nous  auons  eu  cette  malheureufe  inten- 
tion ,  penfent  en  auoir  quelque  preuue 
dans  les  guerres  qui  le  font  faites  en  ce 
Royaume  du  temps  de  nos  Pères  &:  du 
noftre.  Quelques-vns  mefmes  nous  obie-- 
dent  que  les  affaires  qui  fe  palTent  main- 
tenant en  Angleterre ,  defcouurent  aflez^ 
quel  eft  en  celade  génie  de  noftre  Religiô. 
Mais  certainement  quelque  malheur  qui 
fbitarriué  à  ceux  de  noftre  communion. 


ffôur  ceux  de  là  Relig.  fi 

d'eftre  ou  forcez^ou  obligez^ou  portez  par 
quelque  confideraciô  que  ç  ait  eftc^à  pren- 
dre les  armes  pour  la  liberté  de  leurs  con- 
fciencesjC  eft  à  grand  tort  qu'on  nous  im-i 
puted'auoir  eu  de  fi  pernicieufes  penfées> 
ôc  c*eft  auec  beaucoup  de  douleur  que 
nous  en  voyons laccuiation imprimée  en 
tant  d'endroits.Mai^  i'eftime  neantmoins 
qu'ils  n'y  a  point  de  luges  équitables  de- 
uant  qui  nous  plaidions  cette  caufe,  qui  ne 
nous  en  enuoy ent  pleinement  iuftifiez.  le 
ne  veux  nullement  entreprendre  la  de- 
fenfe  de  la  prife  des  armes  cotre  fori  Prin- 
ce, pour  quelque  caule  que  ce  puiffe  eftre. 
lefçay  quil  y  a  des  lurifconfakes  &  des 
Politiquesjdes Théologiens  &c des  Cafiii- 
ftes  5  qui  ont  débattu  cette  queftion  de  tel- 
le forte,  qu'où  bien  ils  l'ont  laifFée  indeci- 
fe ,  ou  bien  ils  ont  trop  fauorilé  ceux  qui 
veulent  limiter  lauthorité  de  la  Royau- 
té. Mais  bien  queplufieurs  gens  de  toutes 
profefTions  eftiment  la  defenfe  de  la  reli- 
gion que  l'on' croit  vraye  ,  Se  la  liberté  de 
la  confcience  à  là  profefler ,  la  moifis  illé- 
gitime de  toutes  les  caufes  qu'on  peut  al- 
léguer pour  la  iuftificatiô  de  cette  adiom 
i'ay  toufiours  creu  pour  tant  qu'il  conuient 
beaucoup  mieux  à  la  nature &I'Euangile5 

D   ij 


ft  Apologie 

&:  à  là'pratique  de  TEglifc  ancienne ,  dc^ 
n'auoir  recours  à  autres  armes  qu'à  la  pa- 
tience, aux  larmes ,  &:  aux  pricres^en  at- 
tendant qu'il  pLiife  à  Dieu  changer  le 
cœurdesR.ois5&:  donner  par  quelque  au- 
tre voye  repos  &  liberté  à  fes  feruiteurs. 
Et  à  toutes  les  foisqucierepafle  les  yeux: 
de  Kefprit  deffus  Thiftoire  de  nos  Peres,ie 
ne  puis  que  ie  ne  regrette  tres-fenfiblc- 
men  t  qu'ils  n'ay  en  t  couronné  tant  d'au- 
tres belles  vertus  dont  ils  nous  ont  laiffé 
les  exemples,  de  l'imitation  des  premiers 
Chreftiens ,  en  cette  inuincible  patience 
qu'ils  monftrerent  fous  lesperfecutions 
dés  Empereurs.  Car  ils  eull'ent  ai nfi  re- 
tranché toute  occafion  à  ceux  qui  cher^ 
choient  dequoy  diffamer  leur  profeffion; 
&:  euffent,  comme  i'eftime,plus  glorieu- 
fementauancélacognoiffancc  de  la  vé- 
rité par  radmiratiori  de  leur  vertu  &:  de 
leur  conftance,  qu'ils  ne  l'ont  défendue 
auantageufement  par  la  force  de  leurs  ar- 
mes. Toutesfois  >  encore  qu  a  mon  aduis 
leur  adion  ne  foit  pas  de  la  nature  de  cel- 
les qu'on  doit  louer  ;  car  on  ne  loue  finon- 
celles  en  qui  la  vertu  paroift  eminente: 
encore  quelle  ne  foit  pas  abfolument  à 
iuftifier  j  pourcc  qu'on  ne  iuftifie  finoa 


poHr  ceux  de  l'a  Religo  yî 

celles  qui  s'accordent  tout  àraitaux  loixj 
au  iieu  que  celle-cy  ue  fe  rapporte  pas  par- 
faitement aux  commandemens  de  1  Euâ- 
gileûe  m'affeure  qu'on  me  fupportera  ii  ie 
dis ,  que  s'il  y  en  a  aucune  de  cette  nature 
quipuifle  eftreexcufée  ,ou  fupportée,ou 
pardonnée  benignement,  c  eft  celle  que 
nos  ançeftres  ont  faite  en  cette  occurren- 
ce. Chacun  fçait  la  violence  des  Edift^,^ 
des  perfecutions  qui  ont  efté  faites  contre 
eux  au  commencement.  Les  prifons  ,  les 
gibets,  les  feux  ,  les  plus  infupportables. 
(uplices  qui  fe  puifsêt  imaginer ,  y  ont  efté 
employez  affez  long-temps  fans  aucune 
mifericorde.  Les  bourreaux  ont  eu  quel- 
quesfois  horreur  de  leurs  t;ourmésj6i  quoy 
pue  les  peuples  fuffent  extrêmement  ani- 
mez à  ['encontre  d'eux ,  fi ont-ils  eu  affez 
fouuent  de  la  compaflîon  de  leurs  fouf- 
frances.  Quand  donc  nonobftant  la  dure- 
té de  CCS  traittcmens ,  ils  ne  laifferent  pas 
démultiplier  dételle  façon  , qu'en  beau- 
coup de  lieux  ils  enflent  bien  peu  fe  défen- 
dre fi  la  patience  leur  euft  efchappé  ,  pour 
chercher  quelques  moyens  de  fe  garentir 
desextremi,tez  aufquelles  on  les  mettoit,. 
3^  non  certes  attenter  auxloix  de  l'Eftat, 
$C  à  la  forme  defon  gouuernem entier 

D   iij 


Î4  udpolûgir 

ceftchofe à  laquelle  ils  n'ont  iamaisdeu 
peofer,  mais  empefcher  feulement  que  les 
confeillers  de  ces  inhumanitezn'abufaf- 
ient  de  1  authorité  des  Rois  à  leur  entière 
deftruftion  ,  euffent-ils  rien  fait  en  cela 
qu'on  n'ait  accouftumédexcufer  charita- 
blement en  toutes  rencontres?  Y  a-t'il  for- 
te de  refped  dont  la  violation  nefoitfa- 
uorablcment  interprétée,  quand  elle  ne 
procède  que  du  delirdela  conferuatiô  de 
fa  vie  en  vne  extrême  ôcineuitable  necef- 
lité  ?  Et  de  ceux  qui  font  les  plusfeucres  à 
condamner  cette  impatiéce  de  nos  ay  euls, 
y  en  a-t  il  aucun  qui  fe  peufl  vanter  de 
monftrer  autant  de  modération  qu'ils  ont 
faites 'il  auoit  efté  mis  à  des  efpreuues  aufli 
rigoureufes  ?  Neâtmoins  pendant  que  du- 
ra le  règne  de  François  I.  &c  de  Henry 
fécond^ lors  qu'on  ne  pouuoit accufer  ny 
la  foiblefTe  ,  ny  le  bas  aage  de  ces  deux 
grâds  Rois^^:  que  grands  8c  petits  demeu- 
roiët  en  leur  obeïfTance,  8c  en  l'obteruatio 
de  l'ordre  publicil  ne  s  eft  iamais  veu  que 
nos  Pères  ayent  rien  oppofé  à  la  feuerité 
.  de  leurs  Edifts ,  finon  vne  infurmontable 
patience.  Depuis,  le  nom  de  rauchoiité 
ïoLiucraine  eftant  deuoiu  à  des  Princes  à 
qui  rage  n'auok  pas  encore  permis  d'ap- 


peur  ceux  de  la  Relig.  ^ 

pendre  l  an  de  régner,  6c  toute  leur  puîi- 
lance  eftant  efFcdiuemêt  tombée  entre  les 
mains  de  gens  >  dont  laggrandiilement 
extraordinaire  eiloit  en  chanr-eauxGrâds 
de  lEftatjÔ^  (iitfK  d  aux  Princes  du  iang^ûc 
àlaMaifon  Royale  meime^ees  ialoulies 
iS^ces  foupçôs  partagèrent  manifeftement 
èc  leRoyaume  d>c  la  Cour.Tellement  qu'y 
en  ayant  pluiieurs  qui  pour  des  interefts 
beaucoup  moindres  que  ceux  de  lacon- 
fcience  ou  de  la  vicjfe  difpenferent  de  ce 
refped  quonaccufe  ceux  de  la  Religion 
de  n'auoir  pas  rendu  alors^ce  ne  feroit  pas 
chofebien  citrange  quand  ilsfe  feroient 
trouuez  enueloppez  dans  vne  faute  ,  dont 
eftoient  coupables  tant  de  gens  quin  a- 
uoient  pas  à  beaucoup  près  telle  occafion 
de  la  faire  qu 'eux-Mais  encore  peut-  on  di- 
re icy  diuerfes  cliofes  fort  confiderables 
pour  leur  defcharge.La  première  eft,qu  ils 
n'en  font  iamais  venus  à  prendre  les  ar- 
mes dVn  commun  confentement;  defoiv 
te  qu'on  puiiTe  attribuer  cette  adion  au  gê- 
nerai de  ceux  de  la  Religion,  ny  mefme  à 
vne  partie  fort  confiderable  de  leur  corps, 
iniques  à  ce  qu'ils  ont  penfé  eftre  tout  ap- 
paremmêt  fondez  en  droit  de  le  faire,pour 
eonferuerauec  leur  vie  6^  leiu*  religion  la 

P  iiij 


J^  apologie 

niajefté  des  loix  publiques ,  &:  Tauthorité 
du  Soiiuerain.  Car  ils  ne  les  prirent  qu  a- 
près  le  fait  de  Vaffi ,  qui  eftoit  vne  infra- 
aion  toute  ouuertede  l'Ediade  lanuier, 
lequelauoiteftéfaitenleurfaueur  par  le 
Roy jde  l'aduis  de  la  Reyne  fa  mereRegê- 
tederEftat5^deceux  qui  ont  accouftumé 
d  auoir  quelque  voix  &:  quelque  crédit  dâs 
le  gouuernement  pendant  la  minorité  du 
Prince. Quand  donc  ils  virent  que  rautho- 
rité  duSouuerain  ne  leurpouuoit  eftrevnc 
affezfeure  fauuegarde  contre  la  violence 
des  particuliers,  6^  qu  à  ce  deiir  naturel  de 
la  conferuation  de  leur  vie,  qu'ils  voy  ciét 
autrement  expofce  à  la  fureur  de  leurs  en- 
nemisjfeioignit  encore  cette  confidera- 
tion^que  ce  feroit  faire  feruice  &:au  Roy 
S^àrÊftatque  d  entreprendre  la  defenfé 
de  fes  loix  5  ils  ne  firent  plus  de  fcrupule 
dVne  chofe  contre  laquelle  leur  confcien- 
çeauoitrefifté  iufques  alors.  Car  quant  à 
ce  qui  eil:  de  l'entreprife  d'Amboife ,  &:de 
cette  petite  guerre  fi  fage  6^  fi  bien  réglée 
que  le  Sieur  de  Mouuâs  entreprit  en  Dau- 
phiné  5  outre  qu  il  y  auoit  autant  ou  plus 
de  raifons  politiques  qui  agiffoient  en  ces 
rencontres ,  que  de  caufes  de  religion  ,  ce 
font  faits  de  particuliers  y  dont  il  ne  faut 


pour  ceux  de  la  Relig.  fj 

point  acculer  nos  Eglifes  en  gênerai ,  6c 
qu'on  ne  doit  nullement  imputer  aux  in- 
clinations que  leur  créance  leur  auoic 
données.  Mouuans  effaya  bien  d'attirer 
les  Prouinces  voifines  à  fon  exemples 
mais  aucune  ne  le  voulut  fuiure,&:  luy- 
mefme  de  fon  inftinft  mit  incontinent  les 
armes  bas ,  laiflant  pluftoft  dedans  lesef- 
prits  des  lionimes  vne  finguliere  admira- 
tion  de  fa  modération  &:  de  fa  continence 
cnvnechofe  qui  d'ordinaire  en  garde  fi 
peu  5  qu  vne  mauuaife  impreflion  de  fon 
attentat  ;  car  à  peine  void-on  rien  de  fi  re- 
tenu ny  de  fi  régulier  maintenant  en  plei- 
ne paix,  que  furent  ces  petits  mouuemens 
comme  les  hiftoires  les  nous  rapportent. 
Quant  à  laffaire  d'Amboifcon  fçait  aflez 
que  c'eftoient  des  Princes  qui  fe  feruoient 
de  la  Renaudie ,  &c  qui  luy  f  aifoient  jolier 
le  jeu,  beaucoup  plufloft  pour  Tinterefl:  de 
leur  grandeur ,  que  pour  la  confideration 
de  la  confcience.  Mais  quoy  qu'il  en  foit, 
&:  de  quelques  motifs  qu'on  y  ait  efté  por- 
té 5  il  fetrouue  encore  des  lettres  dcCal- 
uin  mefme  qui  improuuent  tant  &  plus 
cette  confpiration.  Ce  qui  rnonftre  qu'il 
s'en  a  beaucoup  fallu  que  tous  ceux  de  la 
Religion  y  ayent  trempé  >  eftant  àprefu* 


J8  Apologie 

mer  qu'il  n'y  auoit  perionne  alors  dont  la 
plus-part  fuiuift  pluftoftlesconfeilsS^  les 
xnouuemens ,  que  de  ce  grand  perlonna- 
ge.  Et  de  fait,  il  eft  imaginable  qu'elle  euft 
peu  eftre  fi  feorette  fi  elle  euft  efté  corn- 
muniquée  à  tant  de  gens  qu'il  y  en  auoit 
^lors  de  noftre  profeffion:&:  celuy  mefme 
qui  la  defcouurit  en  eftoitjSd  il  a  ce  tefmoi- 
gnage  dans  l'hiftoire  de  Monfieur  de 
Thou , qu'il  le  fit  par  pur  &:  fimple  mou- 
uement  de  fa  confcience.  La  féconde  cho~ 
fe  qu'on  peut  dire  eft,que  quand  tous  ceuj^ 
de  la  Religion  prirent  les  armes  en  ce 
Royaume  en  l'an  mil  cinq  foixante-deux, 
les  affaires  politiques  Scelles  de  la  con- 
fcience fe  trouuerent  alors  fi  mefléesi  &:  la 
querelle  entre  laMaifon  de  Bourbon  d>c 
celle  de  Guife  éclatta  de  telle  façousqu'en- 
core  que  la  Religion  fuft  le  prétexte  de  la 
guerre,  fi  eft-cequ'à  l'efgard  des  Grands 
&:  de  quelques- vns  de  laNobleife>la  vray e 
caufe  en  eftoit  en  grande  partie  dans  vne 
ialoufie  d'Eftat.  Or  en  ce  qu'il  y  auoit  de 
Religion  ,  ceux  de  noftre  profefsion 
auoient  au  moins  cétauantage,  qu'outre 
la  couleur  apparente  de  iuftice  qui  fe 
yoyoit  en  la  deffenfe  d'vn  Edid  enfraint  fi 
violemment ,  ils  auoient  pour  chefs  des 


pour  ceux  de  la  Relig.  y? 

Pdnces  dulang,  dont  la  confideration  a 
toujours  efté  tres-fmguUere  en  ce  Royau- 
me. Quanta  ce  qu'il  y  auoit  de  politique, 
ils  fouitenolent  la  caufe  des  enfans  de  la 
M^ifon,  contre  ceux  qu'on  diibit  vouloir 
fe  rendre  poffeflTeur  de  la  Couronne  ,  6c 
dont  quelque  temps  après  les  deporte- 
mens  ne  iuitifierent  que  trop  lesfoupçons 
qu'on  en  auoit  eus  j  car  cette  querelle,  de- 
puis la  première  guerre ,  iufques  à  l'entie- 
tiere  extindion  de  la  Ligue  ,  qui  ne  fut 
qu'enuiron  trente  cinq  anç  après  ?  a  efté 
comme  vne  fièvre  continuè^qui  a  eu  quel- 
quesfois  fes  remifes  à  la  vérité,  mais  dont 
le  Corps  de  TEftatne  fut  iamais  bien  net 
pourtant ,  &c  qui  ayant  tpufiours  fon  fiege 
en  mefmes  parties  &:cn  mefmes  humeurs, 
s'eft  renouuellée  de  temps  en  temps  par 
4e  fort  furieux  fymptomes.    La  troifief- 
me  chofe  finalement  cft,  que  dés  aufsi  toft 
qu'on  a  donné  aux  Princes  de  la  Reli- 
gion, vne  partie  du  contentement  qu'il^ 
defiroient ,  &:  à  ceux  qui  les  fuiuoient  à  U 
guerre,  la  feureté  de  leurs  vies,  &:  la  liber- 
té de  leurs  confciences,auec  quelque  exer- 
cice de  leur  pieté,  ils  ont  incontinent  quit- 
té les  armes,&:  mefme  aflez  forment  aban- 
donné des  occafions  auantageufes,ou  d'a^ 


$Q  apologie 

uancei*  leurs  dcffeins^s  ils  en  euflent  eu 
d'autres  que  modérées  &  dignes  de  bons 
François^ou  d  affeurer  leur  condition5&:  la 
rendre  moins  iujecte  aux  effets  de  la  mau^ 
uaife  volonté  de  leurs  aduerfaircsjcar  ils 
ont  rendu  de  bonne  foy  les  places  qu'ils 
âuoiêt  occupées?  Se  font  eux-mefmes  allez 
les  premiers  afsieger  celles  qu'ils  auoient 
efté  contraints  de  mettre  entre  Jes  mains 
des  eftrangers,  corne  ils  firent  le  Haure  de 
Grâce  j  aimant  mieux  qu'on  les  acçufaft 
de  peu  de  précaution  en  leurs  affaires  ,  &c 
de  peu  de  gratitude  enuers  ceux  qui  les 
auoient  affiftez,  que  de  faute  d'affcftion  a 
leur  pays,  ou  de  fidélité  à  leur  Prince.  Et 
véritablement  c'eft  chofe  tout  à  fait  hors 
d  apparence  que  nos  Pères  ayent  eu  aucu- 
ne penfée  de  Républicains,  puis  qu'ils  ne 
faifoient  la  guerre  que  fous  les  enfeignes 
des  Princes  du  fan  g  5  qui  auoient  vn  trop 
notable  intereft  en  la  conferuation  de  la 
Monarchie,  pour  fauorifer de  leur  autho- 
rite  &  de  leur  conduite  le  deffein  de  la 
renuerfer.  En  effet,  par  vne  extraordinai- 
re grâce  de  Dieu  leurs  enfans  font  main- 
tenant deffus  le  Throfne  Se  tout  à  l'en- 
tour,  &:  ny  à  aucun  de  la  naiffance  de  ceux 
4e  qui  fe  font  nos  Roy  s,  dont  les  pères  ou 


pour  ceux  de  laRelig.  6i 

les  ayeuls  n  ayent  dans  les  cempeftes  de 
rEftat>  efté  heureufement  coiiferuez  au 
milieu  de  nos  Eglifes.  Certainement  on  a 
enfeuely  la  mémoire  des  Ligues  qui  fe 
font  faites  pour  exclure  de  la  fuccelTion  au 
Royaume  ceux  queMa  Loy  de  TEftat  y  ap- 
pelloit,  fous  prétexte  quils  n'eftoient  pas 
Catholiques.  On  ne  le  fouuient  plus  des 
Barricades  Se  des  conspirations  qui  ont 
efté  faites  contre  lesPrinces  defia  regnans» 
fous  ombre  qu  ils  né  nous  perfecutoient 
pas  aflez  cruellement  au  gré  de  nos  enne  - 
mis.    On  a  perdu  la  fouuenance  des  me- 
nées &c  des  monopoles  qui  fe  font  faits 
pour  tranfporter  la  couronne  aux  eftran- 
gers,  pource  que  le  légitime  heritier^quoy 
qu'il  euft  laifle  noftrc  communion,  eitoit 
foupçonné  ne  l  auoir  pas  fait  de  bon  cœur, 
êc  n  eftoit  pas  encore  bien  auec  Rome.  Et 
nous  ne  trouuons  nullement  eftrange  que 
ceux  qui  ont  efté  coupables  de  ces  aaions5 
quand  ils  s'en  font  repentis ,  ny  que  leurs 
enfans ,  quand  ils  ont  efté  bons  François, 
ayent  efté  traitez  aufli  fauorablementquê 
fiiamais  ces  chofes  n'eftoient  arriuéesi  car 
il  n  eft  pas  raifonnable  que  la  mémoire 
des  fautes  demeure  à  perpétuité,  ny  qu  el- 
les impriment  pour  touûours  des  fleftrif- 


6l  j^pologie 

fures  irlefFaçables.  Il  y  a  quelquesfôis  quel- 
que mauuaiie  conftellation  qui  règne  def- 
fus  vne  nation ,  ou  pour  mieux  dire  quel^ 
que  clprit  de  tumulte  &c  de  l'édition ,  quel- 
que démon  enriemy  de  la  iocieté  du  gen- 
re humain  ,  qui  charme  les  entendemens 
des  hommes  de  fes  illufions,&:  qui  fe  mcile 
dans  leurs  paflions ,  &:  les  porte  à  des  fu- 
reurs dont  ils  ont  les  premiers  horreur 
quand  ils  font  reuenus  à  eux  -  mefmes. 
Alors  ce  n'eft  ny  indice  ny  humanité  que 
de  leur  reprocher  leurs  trafports,  non  plus 
qu'à  des  phrenetiques  les  leurs,  quand  ils 
retournent  en  conualefcerice.  Pourquoy 
donc  nous  accuferoit-on  encore  mainte- 
nant d'eftre  ilTus  de  pères  ennemis  de  la 
Pv.oyauté  ,  pource  que  Timpatience  des 
tcurmens  ,  Se  notamment  Thorreur  des 
maffacres ,  les  a  fait  recourir  aux  armes, 
non  pour  auoir  des  Roy  s  de  Leur  Reli- 
gion, non  pour  refufer  l  obeïflance  à  ceux 
qui  en  profeffoient  vne  contraire  ,  niais 
amplement  pour  tafcher  à  fe  garentir  de 
lopprcffion  ,  de  laquelle  tout  aufTi-toft 
qu'ils  ontpenfé  eftre  a  côuuert  fous  les 
Edits  de  paix,  il  fe  font  déportez  des  voyes 
defait,&:fe  font  d'eux-mefmes  rasiez' aux 
termes  d  vne  entière  obeïffa.nce  ?•  En  va 


pour  ceux  de  la  Relig.  c^ 

mot, cette  parole  qu*on  attribue  à  la  Rcy- 
nc  Catherine  de  Medicis,leur  eft  vne  en-= 
ciere  iuftification;  quil  ne  fe  falloir  pas 
doner  beaucoup  de  peine  des  guerres  des 
Huguenots  ,  ny  craindre  qu'elles  riraf- 
fent  d*elles-mefmes  à  quelque  mauuaife 
confequencepour  la  France.  D'autant 
que  pour  opiniâftrement  & furieufcment 
qu  ils  y  femblaffent  acharnez,  on  leur  fe- 
roit  quand  on  vou  droit  tomber  les  armes 
des  mains ,  pourueu  qu'on  letir  donnait 
leur  faoul  de  prefches. 

Pour  ce  qui  regarde  les  guerres  de  nos 
rcmps,où  nosEglifes  onteu  quelque  part, 
il  y  faut  bien  diftinguer  les  mouuemens 
de  quelques  Grands,  &  peut  eftre  encore 
les  inclinations  de  quelque  ville  en  par- 
ticulier, d'auec  le  gcneral  de  ceux  de  no- 
ftre  profeflîon  en  ce  Royaume.  Si  quel- 
ques Seigneurs  y  ont  efté  menez  d'ambi- 
tion &de  dcfirdeparoiftrcàlatefte  d'vn 
parti  confiderabkjC'eftvn  péché  de  leurs 
perfonnes ,  qui  ne  doit  point  eftre  autre- 
ment attribué  aux  peuples  de  nôtre  com- 
munion îfinon  qu'ils  n'ont  pas  efté  affcz 
circonfpeds  pour  fe  donner  garde  de  l'ar- 
tifice de  ceux  qui  fe  feruét  affe:i  fouuêt  du 
prétexte  de  la  religion  &:  du  bien  public. 


iS^  Apologie 

pourfàtisfaireà  leurs  p  a  (fions  particuliè- 
res. S'il  y  a  eu  quelque  ville  capable  de 
cette  mutine  &:  criminelle  penféc,  de  fe- 
coûer  Tauthorité  de  la  Monarchie ,  &:  de 
(donner  la  naiffance  à  vn  nouucl  Eftat 
dans  rEfl:at,c'cft  vn  crime  qui  eft  dcmeu- 
to.  dedans Tenccintc de  fcs  murailles,  SC 
tant  s'en  faut  que  le  refte  de  ceux  de  la  re- 
ligion qui  fpntcfpandus  dans  le  Royau- 
me, cnaycntefté  ou  complices  ou  cor- 
rompus, qu'ils  peuueutproteftcr  en  bon- 
ne confciencc  qu'il  n'eft  iamais  venu  à 
leur  cognoiflTance  5  &:  que  s'ils  en  euffenc 
fçeu  quelque  chofeailsî'euffent  eu  en  hor- 
reur. Et  fi  on  ne  veut  croire  à  là  fincere 
proteftation  qu'ils  font  de  leur  entière 
innocence,  au  moins  certes  peut-on  bien 
adjoufter  quelque  foy  à  la  voix  de  leur 
intereft.  En  quelle  ame  tant  foit  peu  (cn^ 
fée  peut  tomber  cette  imagination  ,  que 
tant  de  NcblefTe  de  la  Rehgion,  qui  tient 
toute  fa  grandeur  de  la  M  onarchie,  àc  qui 
ne  refplendit  fino  des  rayons  de  la  royau- 
té? eufl;  voulu  abandonner  les  efperances 
de  la  Cour,&:  fes  terres  &:  fes  maifons ,  en 
tant  de  Prouinces  où  elle  eft  difperfée, 
pour  s'en  aller  dépendre  du  caprice  d'vn 
peuple  feditieux  &:  turbulent ,  comme 

dedans 


pour  ceux  de  In  E^elig.  ëf 

dedans  les  republiques  ils  le  font  ordinai- 
rement ?  Carquinefçaitque  les  peuples 
qui  fe  penfent  cftre  les  maiftres  de  leurs 
loix&:  de  leur  conduite ,  paflent  inconti-^ 
nent  de  la  liberté  à  la  licence  3^  de  la  li- 
cenceàroppreflionde  tout  ce  quiparoift 
auoir  quelque  qualité  eminente ,  èc  quel- 
que charattere  de  grandeur  ?  Quelle  ap^ 
parence  que  ceux  d'encre  nous  qui  font  eu 
quelque  degré  dans  les  Parlemens  &c  dans 
les  places  de  ludicature^côme  il  y  en  auoit 
affez  bon  nombre  alors ,  prifTent  plaifir  à 
laifler  leurs  offices  Sèleursidignitez ,  &:  à 
abandonner  leurs  biens  à  la  confifcation  5 
pour  s'en  aller  eftre  fimples  bourgeois 
dVne  Republique  populaire  ?  Car  qui  ne 
fçaic  encor  que  non  feulemet  tout  y  eft  ré- 
duit à  l'egalité^mais  que  lès  anciens  de  ori- 
ginaires nabitans  y  prétendent  toufiours 
àuoir  quelque  droit  d'eftre  priuilegiez^dâs 
le  gouuernemêt  Se  dans  les  charges?Ènfin 
généralement  parlant  nous  tient-on  capa- 
bles de  cette  fureur,  que  poui^  le  contente- 
met  que  nous  aurions  de  voir  vne  ville  de 
nôftre  profelTion  formée  en  Republique  à 
cent  lieues  de  nous,  nous  nous  priuaffions 
de  la  proteftion  des  Edifts  du  Roi ,  fous  la 
quelle  feule  nous  viuonsr^nous  expofaf- 

•:^--    E 


è6  Apologie 

fions  à  foh  indignation,  à  la  haine  de  fe§ 
officiers,  &:  à  la  rage  des  peuples  l  Carde 
nous  propofer  de  nous  y  retirer  quant  à 
nous  5  pour  jouïr  de  cette  imaginaire  li- 
berté^les  héritages  que  plufieurs  de  nous 
polFedenten  diuers  endroits,  nos  affaires 
qui  nous  tiennent  attachez  en  vne  infini- 
té de  contrées,  &:  les  inclinations  que  cha- 
ctin  a  pour  Thabitation  de  fon  pays  ,  ne 
nous  en  empefchaffent-elles  point,  quelle 
ville  de  celles  qu'on  peut  auoir  foupçon- 
nées  de  vouloir  fe  fouftraire  à  la  Royauté^ 
feroit  capable  de  contenir  la  centiefme 
partie  de  ce  que  nous  fommcs ,  pardelTus 
fes  naturels  habitans ,  qu'on  ne  s'y  eftouf- 
faft  les  vns  les  autres  :  Oùeft-ce  que  cinq* 
ou  fix  cens  Miniftres  y  trouueroicint  leurs 
émplois,6c  tant  de  milliers  de  marchands, 
d'artifans,&:  depayfans,  leur  trafic ,  ôc  l'e- 
xerciGêde  leurs  arts,  &  leur  labourage  > 
Où  logeroit-on  tant  de  vieillards,  tant  de 
femmes  j  &:  tant  d  enfans,  S^  dequoy  pour- 
roit-on  fournir  à  leur  nourriture?  Quant  à 
ce  que  quelques-vns  ont  mis  en  auant  l'e- 
xemple des  Prouinces  du  Pays-bas  >  ce 
n'eft  pas  bien  prendre  les  chofes.  Nous  ne 
prétendons  nullement  enuers  noftre  Sou- 
verain les  droifts  qiie  ces  peuples  ont 


pour  ceux  de  la  Bj^lig.  ^y 

penfé  auoir  à  l'endroit  des  Ducs  de  Bra- 
bant ,  des  Comtes  de  Hollande  ,  que  la 
France ,  &:  tout  le  relie  des  Puiflances  de 
l'Europe,  qui  ne  dépendent  point  de  TEf- 
pagne ,  a  afiez  ouuertement  ratifiez  /par 
rafliflance  qu'ona  donnée  à  leur  foûleue- 
menton  à  leurs  armes.  La  proximité  des 
Villes  ne  nous  pouuoit  pas  donner  la  com- 
modité de  nous  joindre  ,  comme  elle  a 
fait  aux  Hollandois.  La  nature  du  pays? 
n  euft  pas  permis  que  nous  euflions  pu  fou- 
tenir  la  puiiïance  dVn  Roy  de  France , 
comme  ils  ont  fait  celle  d'Efpagrie ,  efloi- 
gnez  qu'ils  eftoient  du  fiege  de  ibri  empi- 
re, &:,  retranchez  fi  auantageufement  en- 
tre leurs  mers  8c  leurs  canaux.  Enfin ,  ny 
la  terre^ny  la  mer  ne  nous  euft  pu  permet- 
tre d'entretenir  pour  noftre  conferuation 
les  correfpondances  qu'ils  ont  eues.  Si 
donc  il  y  en  a  eu  quelques-vns  d'entre 
nous  qui  ayent  pris  les  armes  pour  la  def- 
fenfe  des  villes  que  le  feu  Roy  de  glorieu- 
fe  mémoire  a  voulu  tirer  d'entre  nos 
mains ,  &c  fi  ceux  qui  font  demeurez  en 
leurs  maifons  ont  eu  quelques  tacites  in- 
clinations à defirer des fuccez  contraires  à 
ceux  que  nous  auons  veus  Jl  ne  le  faut  im- 
puter qu'à  la  crainte  que  la  plus-part  de 

s    ij 


es  Jfologie 

nous  ont  cLië ,  que  li  les  euenernés  eiloîetiC 
contraires  à  leurs  fouhaits  •>  on  ne  leur 
oftafl:  ce  qu'ils  eftiment  plus  que  la  vie ,  &: 
qu'ils  ne  fuflent  contraints  d  aller  cher- 
cher la  liberté  de  prier  Dieu  félon  leur 
Religion  chez  les  eilrangers.  le  fçay  qu'il 
s'en  eil  troimé  qui  ont  eu  quelque  peur  de 
ces  époLiuantabks  executionsjqui  ont  fait 
defirer  à  nos  pères  des  villes  de  feureté. 
Mais  bien  que  la  crainte  foitvne  paflion 
fort  innocente  ,  ^  que  l'impreiTion  que 
faitvne  Saint-Barihelemy  foit  fi  profon- 
dcqu'il  faut  plus  dVn  fiecle  pour  1  effacer^ 
fi  deuoient-ils  auoir  beaucoup  i-neilleure 
opinion  de  nos  temps,  &:  ne  ctoirc  pas  que 
noftre  nation  pûft  commettre  deux  fois 
d-*s  barbaries  fi  contrcuenantes  à  fon  gé- 
nie. Qjant  à  cette  autre  apprehenfion, 
d'eftre  contraints  de  vuider  le  Royaume 
lionvouloitauoir  la  liberté  de  l'exercice 
de  fa  Religion  ,  ie  laiffe  à  iuger  à  ceux  qui 
font  plus  prudens  bc  plus  entendus  aux 
chofes  du  monde ,  s'il  y  auoit  de  l'appa- 
rence que  nous  nous  en  deuflions  laifler 
preuenir.  Certes  ce  que  nous  en  crai- 
gnions, nos  ennemis  l'efperoient,  S^c'e- 
ftoit  la  voix  commune  du  peuple.  Ce  qui 
cftvnepreuue  bienmanifefte  que'noftre 


pour  ceux  de  la  Relig.  C^ 

crainte  n  eftoit  pas  tout  à  fait  i'ans  fonde- 
ment, &:  qu'encore  que  ce  ne  fuft  nulle- 
ment  le  deflein  du  Roy ,  les  chofes  pour- 
tantjà  les coniiderei:  en  elles  mefmes^  en 
preientoient  les  apparences.  Or  ii  vne  tel- 
le crainte,  bien  ou  mal  fondée ,  peut  four- 
nir quelque  excufe  à  defemblablesmou- 
uemens ,  le  m'en  rapporte  à  l'équité  de 
ceux  qui  fçauent  combien  la  conicience> 
la  Religion ,  la  liberté,  le  bien ,  la  vie ,  la 
douceur  de  la  patrie,  &:  les  autres  chofes 
femblables ,  font  capables  de  caufcr  de  vi- 
ues  Se  de  violentes  émotions  en  l'efprit 
humain.  Car  pour  fi  profondement  qu'on 
âitimbulesfentimcnsde  la  pieté,  ficfi:  ce 
qu  en  telles  occafions  il  eft  extrêmement 
mal  aifé  de  ne  fe  laifler  point  emporter 
aux  inclinations  de  la  Nature.  Mais  en 
tout  cas,&:  quelque  iugemêt  qu  on  faile  de 
cette adian,car  encore n'eft- ce  nullement 
mion  deffein  que  delà  deffen'dre,  aucun  de 
ceux  de  la  Religion  n'a  eu  de  plus  mau- 
uaifes  intentions  que  celle-là,  fi  vous  en 
exceptez, comme  i'aydit,  ou  l'ambition 
de  quelques  Grands,  ou,comme  quelques- 
vnsonteftimé  ,1a  folie  d'vne  feule  ville. 
Encore  croy-je  certes  qu'il  n'en  faut  exce- 
pter ny  ville ,  ny  Grand  3  ô^  que  tous  vni^ 

E    iij 


^o  ^j^ologte 

ùerfelkment  ont  efté  préoccupez  de  \z, 
mefme  crainte.  Afleurément  aucun  ne  fe 
fuftiamais  laiffé  aller  à  ce  qu'on  a  tant  de 
fois  depuis  appelle  de  ce  nom  de  rébel- 
lion 5  fi  on  eult  pii  auoir  affez  de  fpy  pour 
croire  ,  comme  nous;  le  voyons ,  que  la 
Prouidence  de  DieUj&  la  clémence  de  nos 
Roys,  euffentdeu  eftre  des  digues  affez 
puiffantes  pour  arrefter  les  tprrens  de 
iîiaux  qui  fembipient  menacer  toutes  nos 
Eglifes  ;  car  n'ayant  point  ny  de  preuue 
certaine:,ni  de  raifon  feulement  apparem-- 
ment  concluante  5  que  qui  que  ce  fpit  ait 
eu  de  fi  mauuais  &:  de  fi  pernicieux  def- 
feins,  ce  n'eft  ny  iuftice  ny  charité  de  dé- 
férer, aux  mauuais  foupçôs,  ou  aux  ouuer- 
tzs  accufations  de  perfonnes  notoirenient 
animées.  levoy,  comme  i'ay  défia  dit^ 
que  quelques-vns  prennent  pccafion  de  ce 
qui  fe  paffe  en  Angleterre ,  pour  décrier 
généralement  noftre  profcffion,  comme, 
fi  d'elle  mefme  elle  nousdonnolt  quelque 
inauuaife  volonté  contre  les  Monarques» 
Et  bien  que  la  Nature  ait  feparé  l'Angle- 
terre d  auec  la  France  dVne  mer,  &:  que  la 
langue  &:  les  inclinations  nous  efloignent 
encore  plus  des  Anglois  &de  leur  com- 
^unication^  que  ne  fait  l'Océan  mefme,  fi. 


pour  ceux  de  laRelig.  ji 

eft-ce  que  pource  que  nous  lomme^  de' 
jTiefme  Religion,  il  y  a  des  gens  fi  peu 
équitables,  qu  ils  ne  laiffent  pas  desima- 
giner que  nousauons  quelque  fecrettc  in- 
telligence de  defir  &:de  ientimcnt  auec  1  es 
Parlementaires.  Il  feroit  peut-eftre  àde- 
firer  que  les  hommes  de  condition  priuéc 
s'attachafTent  tellement  aux  chofes  de  leur 
vocation ,  qu'ils  n'euflent  pas  le  loifir  de 
s'enquérir  du  gpuuernement  des  Eftats>m 
des  nouuelles  des  affaires  eftrangeres, 
Maispuis  qu'on  ne  fçauroitrempefcher,&:; 
que  mefmcs  du  confentement  de  l'ordre 
public  on  informe  vniuerfellement  tout  le 
monde  des  plus  importantes  afF^ires  de 
l'Europe ,  au  moins  en  ce  qui  eft  des  plus, 
notables  euenemés ,  il  n'y  a  pas  moyen  de 
faire  que  lesfpeculattfsne  raifonnent  fur 
les  occurréces du  temps,  ny  mefrae s  qu'ils 
ne  s'y  intereffent  en  quelque  façon,  cha- 
cun félon  la  paflion  qui  legouuerne.  Car 
il  eft  naturel  aux  hommes  en  toutes  fortes 
de  contentions  de  fe  déterminer  de  quel- 
que  cofté ,  &:  mefmes  dedans  le  jeu>  où  les 
fpeûateurs  n'ont  point  de  part,la  moindre 
chofe  du  monde  eft  capable  d'encli.ner 
leurs  afFeaions ,  &:  de  leur  faire  fouhaiter 
fans  inter eft  l'auantage  àryne  des  pa.rtiès 

E    iiij 


72.  Apologie 

plûtofl;  qu'à  l'autre. Oii  doncfoit  que  laRc^ 
Ugion  ou  l'Eftat  çngage  leur$  inclinatiôs, 
il  n'eft  pas  de  merueille  s'ils  y  portent  aufli 
leurs  vœux,Sc  fi  dans  la  conueriation  ils  en 
donnent  quelque  tefmoignage.  En  cette 
guerre  d'entre  les  Vénitiens  8c  le  Turc, 
Catholiques  Romains  de  Reformez  ont 
tous  vn  mefme  fentimefitjpource  que  leur 
inçereft  eft  commun  contre  l'ennemy  du 
Chriftianifme;mais  fi  laprofperité  desMe- 
creâs  apportoit  quelque  notable  afFoiblif- 
fement  au  party  Reformé,ie  ne  doute  nul  - 
lement  que  les  Catholiques  zelez  n'en  re-r 
ceufTent  du  contêment:  cômé  il  s'en  pour-- 
roit  trpuuer  quelques-vns  entre  les  Prote- 
ftans  qui  ne  ferpiét  pas  fort  marris  de  leurs 
progrés^s^il$  eftoiem  caufe  de  quelque  no^ 
table  déchet  à  lapuiffancedeRome.  Ce 
n'eft  pas  que  ni  les  vns  ni  les  autres  aiment 
le  Turcjmais  c'eft  que  quelquefois  la  pafTiô 
maiftrife  les  hommes  tell emêtjqu'ilspen-r 
fent  gagner  ce  que  leurs  aduerf^ires  per-r 
dent.  A  n'en  point  mentir  c'eft  vne  puiflan  - 
te  inclination  que  le  zèle  dcReligiÔ5&  qui 
porte  fouuent  les  homes  à  des  chofes  bien 
eftranges.  Vniuerfellement  tous  ceux  dç 
poftreprofeffionen  ce  Royaume  fouhai- 
tent  ardempiçnt  toute  forte  de  profpçrité 


jpQur  ceux  de  la  Relig*  73 

aux  armes  de  fa  Majefté ,  &:auancent  tant 
qu'ils  peuuent  de  leurs  vœux.  Ces  vidoires 
6c  [es  conqueftes.  La  nature  les  y  oblige^Sc 
lefentiment  de  bons  François;  6C  pource 
que  fi  fes  progrez  n'auancent  point  leur 
religion^au  moins  n'en  reçoit  elle  aucune 
dimmution^il  ne  faut  nullement  craindre 
que  cet  intereft  diuertifle  leurs  affeftions, 
ny  qu'il  leur  donne  d'autres  penfées.  Mais 
entre  Jes  Catholiques  Romains  la  confti- 
tutiondes  efprits  neft  pas  fi  abfolument 
vniforme.  Il  y  en  a  plulieurs  qui  fçachant 
bien  que  nos  Rois  ne  font  pas  moins  afïe- 
Êtiônezàla  Religion  Romaine  que  leurs 
ennemis ,  ont  dans  les  affaires  du  temps 
mefme  paiGTion  que  nous?  &:  qui  pour  cette 
raifon  fe  portent  aux  occafions  auec  mef- 
me courage.  Quelques  autres  foupçon- 
nent  &:  craignent  aucunement  qu'enfin 
de  cette  ligue  que  la  France  a  faite  aueç 
dluers  Potentats  Proteftans^Sc  de  l'abbaif- 
fement  de  la  puilT^nce  d'Efpagne,  la  Reli- 
gion Romaine  ne  reçoiuei  quelque  détri- 
ment. Neantmoins  pource  que  TafFeOiion 
auferuice  de  leur  Prince  preuaut  en  eux, 
^  que  la  crainte  d  Vn  mal  incertain  &:  à 
venir ,  ne  le  doit  pas  emporter  fur  la  eon- 
fideration  d  vn  deuoir certaine:  prefent. 


74  u^pologie 

îlsnelaiiTent  pas  de  feruir  le  Roy  çourar^^ 
geufement  Se  fidèlement,  en  remettant 
les  euenemens  futurs  à  la  diuine  Proui- 
dence.  Demefme  que  d'entre  les  noftres 
il  s'en  tft  trouué  quelques -vns  qui  ont 
feruy  le  feu  Roy  contre  la  Rochelle  3c 
Montauban ,  pource  que  leur  vocation  les 
y  appelloit,  3c  qu'ils  çroyoient  que  c'eftoit 
à  ÏDieu,  3c  non  à  eux  à  prendre  le  foin  de  la 
conferuation  de  fes  Eglifes.  Mais  il  y  en  a 
quelques  autres  5  6<:  nous  envoyons  tous 
lesioursquinefe  peuuent  empefcher  de 
tefmoigncr  qu'ils  ont  du  regret  3c  de  la 
douleur  de  la  profperité  des  armes  du 
Roy  5pource  qu'ils  s'imaginent  que  la  Re- 
ligion Romaine,  &:les  interefts  de  lEf- 
pagne  ont  yne  ii  eftroite  connexion,qu'ils. 
font  entièrement  infeparàbles.  Ils  dimi- 
nuent autant  qu'ils  peuuent  nos  bons  fuc-. 
cez, Renflent  au  contraire  ceux  del'Ef- 
pagne.    Ils  recueillent  auec  auidité  les 
niauuais  bruits  qui  fefement  contre  I'Et 
ftat  y  3c  refpandent  auec  contentement  les 
nouuelles  des  difgraces  qui  nous  arriuent. 
Ils  cenfurent  à  toute  rencontre  le  Gouuer- 
nement  prefent,  3c  fi  quelquvn  de  nos 
deffeinsnereiifHtpas^ils  en  triomphent. 
Si  le  Cardinal  d'OlTat  liu.  3.  lett.  87.  a  bieni 


pour  ceux  de  la  Kelig.  7; 

dit  du  Pape  Clément  huiaiefme ,  quenco'^ 
re  au  il  neuji  aucune  mAUuai[e  affection  en- 
uers  le  Roy  ,  ny  aucun  amour  vers  le  Roy 
d'Effagne,  &  que  d'ailleurs  ïleufttame  bon- 
ne ,  néanmoins  la  haine  qu  il  portait  k  la  Rey- 
ne  Elifaheth ,  &  aux  autres  hérétiques  d' An- 
gleterre ,  le  tranfpgrtoit  fi  auant ,  qtiil  Ce  laif-- 
foit  efchapper  de  la  hos^çhe  des  maximes  fer  ni- 
çieufes,  &  indignes  de  tout  homme  de  hien^, 
ceux-là  ne  doiuent  pas  trouuer  mauuais 
que  ie  die  qu'ils  font  indignes  qu'on  les 
tienne  pour  bons  François ,  puis  que  leurs 
imaginations,&:  ce  zèle  fans  fcience  qu'ils 
ont  pour  leur  Religion,eftcignent  en  eux 
celuy  qu'ils  doiuent  auoir  pour  la  gloire 
de  leur  Pays ,  8c  pour  la  grandeur  de  leur 
Prince.  Et  toutesfois  non  feulement  on  ne 
les  chaftie  pas ,  non  feulement  cette  paf- 
fion  ne  leur  nuit  point  dans  leurs  affaires 
particulières,  s  ils  ont  quelque  çhofe  ou  à 
faire  ou  à  obtenir  qui  dépende  dcTautho- 
rité  des  Magiftrats  :  mais  il  y  en  a  qui  les 
en  aiment  d'autant  mieux  y  Se  qui  les  en 
efcoutent  d'autant  plus  volontiers  ,  qu'à 
leur  aduis  eftre  bon  François  eft  yne 
moindre  qualité  qued'ellrezclé  Catholi- 
que. Puis  donc  que  iufques  icy  noftre  Roy 
n'a  point  déclaré  qu'il  prift  aucune  part 


7^  Apologie 

aux  affaires  d'Angleterre  ,  &:  qu'il  laiffe 
cette  querelle  de  les  voilîns  à  demeller 
entre  ceux  qui  y  ont  intereft  ;,  quel  grand 
crime  y  auroit-il  quand  quelques-vns 
d'entre  nous  fauoriferoient  de  leurs  fenti- 
mens  intérieurs  1  vndeces  partis  pluftoft 
que  l'autre  ?  Car  qui  peut  ignorer  que  s  il 
y  en  a  quelques-vns  qui  le  tont^c'eft  le  zè- 
le de  leur  Religion,  &:  non  les  confidera- 
tions de  lEftat,  ou  la  forme  du  gouuerne- 
xnentqui  les  y  inuite  ?  Si  le  bruit  qui  seft 
efpandu  par  tout,  que  le  Roy  de  la  Grand' 
Bretagne  a  eu  deffein  d'y  changer  la  Re- 
ligion, eil  faux ,  il  n'y  en  a  pas  vn  d" entre 
nous  qui  fe  fbuçie  des  priuileges  du  Parle- 
ment 5  ny  qui  ne  vift  fort  volontiers  ce 
Prince  en  toute  fplendeur  Se  en  toute  au- 
thorité  à^Sus.  fon  throfne.  S'il  eft  vray 
qu'il  ait  eu  cette  intention; comme  nous 
auons  autrefois  blafmé  la  Ligue  de  ce 
qu'elle  s'eft  fouleuéc  contre  leRoyHenry 
troifiefme,  ôcla  Sorbonncde  ce  quelle 
déclara  que  fes  fujets  efloient  quittes  du 
ferment  de  fid elité ,  il  eft  de  la  iuftice  &:  de 
la  raifon  que  nous  blafmions  pareille- 
ment les  Anglois,  qui  fe  font  fouleuçz 
contre  leur  Souuerain  ,  fi  le  droit  de  la 
Royauté  eft  en  Angleterre  tel  qu'il  eft  en 


pour  ceux  de  UKelig,  yj 

France.  Mais  c  eft  ce  que  ks  Anglois  ne 
diftnc  pas:,^:  dequoy  quant  à  nous  nous 
iie  iugeôns  pas  >8i  nous  contentons  d  a- 
uoir  en  toutes  ces  chofesles  mouuemens 
^  les  inclinations  que  noftre  Religion 
nous  ordonne.Car  voicy  la  règle  généra- 
le qu'elle  nous  preicrit  en  ces  matières* 
C  eft  que  d  vn  coilé  la  Religion  Chre- 
{tienne  n'eftant  pas  deftmeeà  donner  la 
forme  aux  gouuernemens  des  Empires, 
mais  eftant  obligée  de  les  laiffer  chacun 
en  la  conftitution  en  laquelle  elle  lc<s  ren- 
contre quand  elle  fe  plante  au  milieu 
d'eux  5  il  eft  du  deuoir  des  Chreftiens  de 
rendre  en  toutes  les  chofes  qui  regardent 
la  vie  ciuile ,  vne  pleine  &:  entière  obeïf- 
fance  auxloix  &:àla  forme  de  1  Eftat  où 
la  prouidence  de  Dieu  les  fait  habiter.  Et  fi 
le  Souuerain  Magiftrat ,  qui  a  la  puiffance 
abfoluë  entre  les  mains,  entreprend  quel- 
que chofe au  fait  de  la  Religion ,  qui  cho- 
que l'honneur  de  lefus-Chrift,  &:  l'efpe- 
rance  du  fâlut,  i  ay  defia  dit  qu'il  conuient 
incomparablemét  mieux  aux  Chreftiens, 
d'imiter  les  Apoftres  de  noftre  Seigneur, 
&:  ceux  qui  les  ont  fuiuis  inlmediatement, 
qui  à  la  vérité  nous  ont  appris  qu'il  n'eft 
pas  iufte  6c  raifonjnable  d  obeïr  aux  hom- 


mes  pluftoft  qu'à  Dieu  jinais  qui  ne  nôu;^ 
ont  pourtant  point  laiffé  d'exemple  d'au- 
tre refiftahce  aux  violences  qu'on  leur  fai- 
foit  i  finon  celuy  d'vne  infurmôntable  pa- 
tience. D  autre  cofté  cette  meime  Reli- 
gion h'oftant  point  aux  peuples  libres  l'v- 
lage  de  leur  liberté ,  ny  à  ceux  dont  la  fu- 
jettion  eft  tempérée  de  quelques  droits  êi 
de  quelques  priuilegesjla  iuftice  de  leur 
defenfe  ii  on  les  veut  afferuir  abfolumenti 
il  eft  encore  du  deuoir  de$  mefmes  Chre- 
ftiens  de  ne  iuger  point  témérairement 
des  entreprifes  8c  des  aûions  de  leurg  voi- 
fîns  5  principalement  quand  on  ne  fçait  pas 
bien  les  loix  fur  lefquelles  leur  Eftat  ou 
leur  Republique  eft  fondée.  Car  il  n'y  a 
pas  feulement  au  monde  des  Monarchies, 
des  Ariftoci'aties  ?  Se  des  Démocraties  tou- 
tes pures,  mais  auffi  des  gouuernemens 
mêliez.  Il  y  eri  a  qui  font  compofez  en 
partie  de  Monarchie  8c  en  partie  des  deux 
autres,  comme  celle  de  Sparte  autrefois. 
Il  y  en  a  d'autres  qui  font  meflez  en  partie 
d'Ariftocratie ,  8c  en  partie  de  Démocra- 
tie ,  comme  Rome  Ta  efté  long-temps.  Il 
y  en  a  d'autres  où  la  Monarchie  8c  l' Ari- 
ftocratie  font  iointes  enfemble  ,  comme 
en  Polongne  maintenant.    Les  Monar- 


pour  ceux  de  U  Reli^.  y^ 

eîlies  toutes  pures  ne  le  font  pas  dVne 
mefnlè  façon  pourtant.  Car  autre  eft  celle 
de  ce  Royaume,  6c  autre  celle  du  Turc, 
&:peuteftre  encore  autre  celle  de  l'Efpa- 
^ne.  Et  enfin  il  y  a  vne  fi  grande  variété 
en  la  conftitution  des  Eftats ,  qu'à  peine 
s'en  trouuera-t'il  deux  qui  foient  entière- 
ment femblable5.  Il  n'y  a  donc  rien  qui 
empefche  que  chacun  en  obeïlfant  en 
confcience  à  la  puiffaneefouueraine ,  telle 
qu'il  latrouue  eftablie  dedans  fon  Pays^ 
n'ait  quelque  liberté  de  iugement  &:am- 
clinations  fur  les  occurrences  des  Pays 
eftrangers ,  félon  la  cognoiifance  qu'il  en 
peut  auoir.  Se  feldn  qu'il  s'imagine  y  auoir 
quelque efpeced'intereft  parla  confcien- 
ce. Partant  fi  telle  eft  de  tout  temps  la  for- 
me du  gouuernement  de  l'Angleterre ^ 
que  l'authorité  royale  y  foit  aucunement 
limitée  6£ modérée  par  celledVn  Parle- 
ment ,  vn  bon  François  qui  demeurera  re- 
ligieufement  &c  inuiolablement  en  cette 
penfée,  de  refpeder  la  Monarchie, telle 
qu'elle  eft  en  ce  Royaume ,  c'eft  à  dire  ab- 
foluë  Se  fans  limitation ,  nelaiffera  pas  de 
iuger  qu'il  eft  iufte  8c  raifonnable  qu'en 
Angleterre  elle  foit  bornée  par  les  an- 
ciennes loix  de  rEftat,6i  que  le  Parlement 


lozte 


fait  bien  d'y  vouloir  ramener  le  Roy ,  s'il 
a  véritablement  trop  entrepris  fur  les 
droits  8c  libertez  de  fon  peuple:  Car  les; 
plus  grands  6t  les  plus  abfolus  Monarques 
mefmes  ont  fait  gloire  de  maintenir  la  li- 
berté des  Republiques  populaires  5  &c  de 
chaftier  kiS  tyrans  qui  les  ont  voulu  àffer- 
uir  iniuftement  5  Se  comme  il  leur  con- 
iiient  très-bien  d'eftre  extrêmement  ia- 
loux  de  leur  authorité  ,  pource  qu'elle 
vient  de  Dieu,  aiifli  eft-il  fouueraineinent 
digne  de  leur  iuftice&deleur  grandeur, 
de  ne  permettre  pa^  qu'aucun  eftende  la 
fienneplus  loin  queDieu  ne  luy  a  donnée. 
Et  c'eft  ce  qui  a  fait  que  nos  Roisjqui  pour- 
ce  qu'ils  font  absolument  Souuerains  en 
leur  Royaume ,  n'ont  pas  voulu  fouffrir 
qu'il  y  euft  aucune  puiffance  qui  arreftaft 
tant  foit  peu  la  leur ,  ont  neantmoins  fou- 
ftenul'vnion  des  Prouinces  des  Pays  bas 
contre  l'Efpagnol,  pource  qu'ils  ont  créa 
qu'il  y  auoit  rendu  fa  domination  plus  in- 
dependâte  &c  plus  rigoureufe  que  ne  fouf- 
froient  les  Loix^-du  Pays ,  Se  le.s  droits  que 
les  anciens  Seigneurs  des  lieux  y  auoient 
laiffez  à  leurs  peuples.  C'eft  pour  la  mef- 
me  raifon  qu'ils  ont  diuerfes  fois  entrepris 
ladefenfedespriuileges  des  villes  Impé- 
riales 


^our  ceux  de  la  Reîig.  ^i 

Utiles  contre  l'ambition  des  Empereurs  : 
c  eft  pour  cela  qu'ils  ont  pris  Geneue  en 
leurproteftion  contre  les  pretenfions  du 
Duc  de  Sauoye:c'eft  pour  cela  que  de  fraif- 
che  datte  ils  ont  tendu  la  main  aux  Cata- 
lans, dont  le  Roy  d'Efpagne  opprimoit 
les  couftumes  Se  les  libertez  :  6c  pource 
qu  ils  ne  font  rien  en  ces  occafions ,  fmon 
félon  la  iuftice  8>c  le  droit ,  ils  ne  craignent 
pas  que  leurs  fu jets  tirent  quelque  humeur 
de  rébellion  de  la  contagion  de  ces  exem- 
ples. Partant  tandis  que  lès  affaires  de  là 
France  n'ont  rien  de  commun  atiec  celles 
d' AngleterrCjil  demeure  en  la  liberté  des 
fujetsdu  Roy  de  fauorifer  de  leurs  incli- 
nations Tvn  ou  l'autre  des  deux  partis, 
chacun  félon  que  la  Religion  dont  il  fait 
profeiïionjOulacognoifTance  quilade  la 
nature.du  gouuernemént  de  cette  Ifle,  dé- 
termine fes  afFedions.  Si  le  Roy  s'eftoit 
déclaré  pour  l'vn  ou  pour  l'autre  des  con- 
tendans  5  d'autant  qu'il  neft  pas  de  la  vo- 
cation des  fujets  de  s'enquérir  des  volon- 
tez  de  leurs  Soùuerains ,  Se  qu'ils  doiuent 
tenir  pour  bien  Se  légitimement  fait, ce 
qu'ils  font  dans  leurs  Confeils  aucccon- 
noiffance  de  caufe,  en  remettant  à  Dieu  le 
foin  de  la  conferuation  de  la  Religion  j  il 


8i  Apologie 

feroit  du  deuoir  de  tous  les  bons  Françoi<î 
de  porter  leurs  affedions  ou  leur  Prince 
porteroit  fes  armes.  Car  comme  nous  ne 
pouuons  foufFrir  que  le  zèle  de  la  Reli- 
gion Catholique  Romaine  en  aueugle 
tellement  quelques-vns ,  qu'ils  ne  voyent 
les  profperitez  de  la  France  qu'à  contre- 
cœur, pource  qu'ils  s'imagment  quelles 
font  enfin  pour  cauler  du  dommage  à  Ro- 
me :  aiîifine  pouuons  nous  approuuer  que 
le  zèle  de  la  Religion  Reformée  foit  fi 
puiffant  en  Tefprit  de  ceux  qui  en  font 
profefllon ,  que  de  les  rendre  mefcontens 
des  bons  fuccez  des  armes  de  faMajefté, 
quand  il  les  employé  où  le  bien  de  fon 
Eftatjla  indice  de  la  caufedefes  voifin&> 
Bcrintereft  de  fes  alliez  l'appelle. 

sTctTo  îsT^in. 

Que  jt  on  conjîdere  ceux  de  la  Religion 
en  qualité  de  Chrefliens ^ils  ne  méri- 
tent l'auerfon  de  qui  que  cejoit.  Et 

.  premièrement  a  teÇgard  des  créances 
qu'on  leur  impute  contre-vérité, 

REfte  le  troifiefme  efgard  au^el  on 
nous  peut  cçnfiderejt ,  c'eft  à  fjauoir. 


&0Hir  ceux  de  la  Relig.  8  j 

Cjtîtant  que  nous  fommes  Chreftiens.  Et 
cette  matière  nous  doit  tenir  vn  peu  plus 
long-temps  que  les  précédentes  >  pource 
que  les  acculations  qu'on  y  fait  contre 
nous  font  en  plus  grand  nombre ,  3c  qu'ail 
fonds  c'eft  tout  le  fondement  de  l'auerfion 
qu'on  a  pour  nous.  Car  le  refteque  l'ay 
cy-d^ffus  examiné  ,  quelque  apparence 
dont  on  tafche  de  le  reueftir  i  n'a  du  tout 
point  de  realité ,  non  pas  mefme  au  iuge- 
ment  de  nos  plus  grands  ennemis  j  s'ils 
vouloient  dire  franchement  ce  qu'ils  en 
penfent  en  confcience.  Il  nous  faut  donc 
voir  ce  qu'on  nous  accufe  de  croire,  Se  que 
nous  ne  croyons  pas  pourtant  :  ce  qu'on 
voudroit  que  nous  creuflions  ,  mais  que 
nous  ne  pouuons  nous  perfuader,  &c  à  cau- 
fedequoy  on  nous  veut  du  mal  :  5c  enfin? 
ce  que  nouscroyons  efFeaiuement ,  ôc  fur 
quoyla  pratique  de  noftre  pieté  eft  fon- 
dée ;  pour  fçauoir  fi,comme  on  le  prétend, 
nousmeritons  à  cette  occafion  la  haine  de 
Dieu  &:  des  hommes. 

Pour  ce  qui  eft  de  ce  qu'on  nous  accufe 
de  croire,  6c  que  rious^ne  croyons  nulle- 
ment ,  ien'en  prodiiiray  que  peu  d'exem^ 
pies  feulement ,  dont  le  premier  fera  cette 
vieille accufâtiou, que  nous  fommes  en- 

F   i; 


84  apologie 

nemts<les  bonnes  œuures  ,  fous  ombtê 
que  nous  ne  ci  oyons  pas  qu*elles  méritent 
deuantDieu  ^ny  que  ce  (oit  par  elles  que 
nous  obtenons  noltreiuftification  en  fon 
iugemcnt.  Certainement  ce  queiay  dit 
ey-defllisdelafaçon  de  laquelle  nous  vi- 
lions,  &:  particulièrement  de  celle  de  la* 
quelle  on  nous  exhorte  continuellement 
à  bien  viurcrious  abfout  affez  de  cett^  im- 
putation. Car  comment  fommes  nous  en- 
nemis des  bonnes  œuures,  fi  nous  exhor- 
tons fans  cefTe  le  monde  à  s'y  eftudier ,  Se 
fî  nous  elfayons  d'en  faire  refplendir  toute 
noftrevie?  Il  eft  vrayquece  neft  pas  en 
vertu  de  leur  mérite  que  nous  efperons 
obtenir  la  iouiflance  du  falut  j  8c  eft  vray 
encore  que  quand  nous  nous  difpofons  à 
comparoiftre  deuant  le  tribunal  de  Dieu, 
cen^eft  nullement  fur  nos  bonnes  adions 
que  nous  fondons  Tefperance  d'eftrc  iuftj- 
fiez  en  fa  prefence.  Mais  de  cela  il  ne  s'en- 
fuit pas  pourtant  que  nous  ne  fafïions  au- 
cune eftime  des  bonnes  aftions.  Nous 
auons  accouftumé  d'enfeigner  que  la  pie-» 
té  enuers  Dieu  y  8>c  la  charité  que  nous  de- 
uonsauoir  pour  les  hommes,  font  chofes 
iî  excellentes  en  elles  mefmes5&:  fi  con- 
uenables  à  la  dignité  de  nollre  nature;, 


pour  ceux  de  la  Kelig.  8; 

que  quand  Dieu  ne  les  nous  aurolt  point 
plus  expreflement  commandées  que  par- 
ce que  la  Nature  nous  en  apprend  ,  &: 
quand  il  ny  auroic  attaché  ny  aucune 
promeffe  de  recompenfe ,  ny  aucune  me^ 
nace  de  punition,  fi  eft-ce  que  naus  dé- 
lirions nous  y  adonner  auec  vne  afpjftion 
tres-iincere&tres-ardente.  Qoand  donc 
nous  aurions  cette  opinion  que  la  pieté  Sc- 
ia vertu  n'auroient  point  de  certaine  re- 
lation au  Royaume  des  Cieux ,  6c  qu  elles 
ne  porteroient  auec  elles  aucune  confidc- 
rable  vtilité  pour  nous  y  faire  paruenir, 
nous  en  ferions  pourtant  plus  de  cas,  ainfi 
que  ne  font  ceux  qui  ne  les  confiderent 
finon  entant  qu'ils  efpercnt  qu'elles  leur 
produiront  quelque  fruit  de  remuneratio* 
Pource  que  chacun  peut  fçauoir  par  fa 
propre  experience^que  les  chofes  aufquel- 
les  nous  ne  nous  portons  finon  entant 
qu'elles  font  propres  pour  nous  obtenir 
vne  certaine  fin ,  font  en  noftre  opinion 
moins  à  prifer  que  la  fin  mefme.  Ceu3^ 
donc  qui  n  eftiment  les  bannes  œuures.  fi- 
non pource  que  Dieu  les  recompçnfera  de 
la  félicité ,  eftimem  fans  doute  la  félicité 
plus  qulls.  ne  font  les  bonnes,  ceuures  :  au 
lieu  que  quant  à  nous  nQu$  les  aimons  à 


$6  jépologw 

j:aufç  de  leur  propre  dignité  ,  &:  les  treu- 
uons  plus  dignes  de  nos  afFeftions  que 
p'eft  cette  félicité  qu'on  s'y  propofe  pour 
jfalaire.  Car  la  félicité  eft  ce  qui  nous  fait 
heureux ,  ^  la  pieté  §c  la  charité  eft  ce  qui 
nous  fait  gens  de  bien.  Or  aimer  mieux 
eftre  heureux  qu'homme  de  bien ,  eft  vfte 
marque  indubitable  qu  on  ne  recognoift 
pasaffez  que  c'eftque  d'eftre  homme  de 
bien,  ny  combien  fepropofer  de  le  deue- 
nir  eft  vn  objet  qui  mérite  vne  confiante 
6c  véhémente  application  de  toutes  les 
puifTances  de  nos  âmes.  De  plus,  c'eftà 
grand  tort  qu'ô  nous  accufe  de  croire  que 
les  bonnes  œuures  n'ont  point  de  relation 
âufalut.  Outre  leur  excellence  naturelle, 
à  caufedeiaquelleon  les  doit  fouueraine- 
ment  p^ifer^  l'amour  que  nous  auons  pour 
elles  naift  en  grade  partie  en  nous  de  celle 
que  nous  portons  à  hoftre  propre  félicité. 
Parce  que  nous  regardons  noftrefalut,  ou 
bien  côme  vnechofede^  laquelle  le  droit 
nous  eft  défia  acquis  par  1^  mort  de  noftre 
Seigneurjou  comme  vne  chofe  de  laquel- 
le, bien  que  le  droit  nous  en  foit  acquis, 
mous  ne  fommes  pourtant  point  encore 
venus  en  ioulffànce.  Carautre  chofe  fan$ 
doute  eft  Ip  droit  de  poffçder  yij  ipur  que^- 


pour  ceux  de  UKelig.  87 

que  bien  ,&: autre  l'atluelle  pcfTcfiion  du 
bien  mefme.  Quand  donc  nous  le  confia 
derons  en  cette  première  façon,nous  fem- 
mes rauis  en  admiration  de  la  bonté  de 
Dieu,  &:  de  la  charité  inénarrable  de  Ion 
pils^en  ce  que  le  Père  le  nous  a  voulu  don- 
ner ,&:  en  ce  que  le  Fils  s'eft  volontaire- 
ment domié  à  nous  ,&:  s'eft  abandonné  à 
la  mort  pour  nous  rachepter ,  6<:  nous  ac- 
quérir la  vie  éternelle.  Ôrilneftpaspof-^ 
fible  que  nous  foyons  rauis  en  admiration 
de  ce  bien-fait,  ny  que  nous  Teftimions 
comme  il  faut^que  le  reflentimêt  que  nous 
en  auons  ne  rempliffe  nos  âmes  de  dile^ 
ftion  enuers  Dieu  5  Se  d'vne  amour  arden^ 
te  &:  inuiolable  enuers  fon  Vnique.  Com- 
ment donc  pourrions  nous  les  aimer  à  cet- 
te occafion  auec  tant  d'ardeur ,  fans  difpo- 
fer  toutes  les  facilitez  de  nos  efprits  à  ren- 
dre obeïffance  à  leur^  commandemens  l 
Y  a-t'il  aucun  plus  puiiTant  attrait  5  ny  au^ 
cun  plus  ferme  lien  pour  nous  attirer  & 
pour  nous  attacher  aux  volontez  de  ceux 
à  qui  nous  deuons  obeïr ,  quceeluy  d Vne 
affeftion  violente  5  Certes  c'eft  là  le  mou- 
uemet  qui  porte  les  Saints  qui  fontauGieU 
&:  qui  nous  portera  lors  que  nous  y  ferons 
çeçueillis  3  à  mener  vne  vie  éternellement 


?8  jÉ^olo^e 

fainde  6ç  imrnacixiée.Car  nous  n  y  ferons 
pas  gens  de  bien  afin  d'obtenir  le  Royau- 
me des  Cieux,  pour  ce  que  nous  l'aurons 
défia  •>  ny  mcfnies  pour  le  nous  çonfçruer 
à  perpétuité ,  pource  qu'il  n'y  aura  plus  de 
péril  de  le  perdre.  Mais  nous  ferons  gen^ 
de  bien  3  par  vn  merueilleufement  vif  5^ 
permanent  fentiment  d'obligation>pour- 
ce  que  nous  aurons  obtenu  cette  mcom- 
parable  félicité  ^  par  vn  don  qui  ne  f© 
pourra  jamais  reuoquer,^^  par  vne  tout 
à  faitinçomprehenfible  mifericorde.  Or 
ie  ne  penfe  pas  qu'il  y  ait  perfonne  qui 
doiue  trouuer  mauuais  que  nous  foyons 
excitez  à  airner  Dieu  par  la  gratitude  que 
nous  auons  de  fon  amour  en  noftre  en- 
droit 5  &:  par  les  mefmes  motifs  qui  y  in- 
duifent  fi  puiffamment  les  bien-heureux 
Sainfts  de  Paradis  ,  à  proportion  de  la 
cognoijQTance  qu'eux  8^  nous  auons  de  la 
charité  qu'il  nous  a  portée. 

Qoand  nous  regardoi^s,  Vetcrnelle  féli- 
cité comme  vne  c-hofe  do  nt  nous  ne  fom- 
mes  pas  encore  en  poffeffion ,  le  defir  que 
nous  auons  d'y  paruenir  nous  fait  faire  fur 
les  bonnes  œuures  deux  reflexions  princi- 
pales. L'vne  efi:  qu'encore  que  Dieu  nous 
<^it  déclaré  par  fa  Parole  que  c'eft  en  U 


pour  ceux  de  U  Reîig.  85? 

feiilc  coniideration  de  lamorc  dç  fonFils 
qu'il  nou5  promet  le  falut,^  que  noftre 
çonfcience  nous,  tefmQÎgne  qu'il  a  liuré 
fon  Fils  à  la  mort  pour  nous  auant  quQ 
liQUs  fiflions  de  bonnes  ccuures,  6^  quil 
|ipus  euft  pu  conlîderei'  comme  en  ayant: 
faitjfi  eft  ce  que  cette  mefme  Parole5&:  ces 
mefmes  mouuemens  de  noftre  çonfcien- 
ce nous  apprennent,  qu  il  n*eft  pas  raifon- 
nabi (^qu  il  exécute  cetteprornefleenuers 
ceux  qui  par  leur  mefcognoiflancefe  ren- 
dront indignes,  de  fon  falut.  Puis  que  Ci 
nous  en  jouiiîions defia,  ôç  que  nous  vinfn 
fions  à  le  mécQgnoiilre,.il  feroii  iufte  qull 
le  nous  oftaftjil  eft  iufte  pareillement  qiul 
ne  le  nous  donne  pas ,  fi  nous  nous  mon- 
ftrons  ingrats  à  la  faueur  qu'il  npus  a  faite 
de  nous  en  donner  le  droift  par  la  -grâce 
de  fes  promefles,  Cependant  toute  noftre 
recognoiffance  gift  en  amour  d^c  en  ref- 
peft^&^les  preuues  indvibitablesde  lamour 
hc  du  refpeft  confiftent  en  robeïfTance 
auxcommandemens  de  Dieu,  &:  en  Te-, 
xercice  des  bonnes  œuures.  Ainfi  nous 
nous  y  appliq  ions,  non  pas  comme  à  des 
moyens  par  lefquels  nous  puiffions  obte-. 
nir  le  droict.de  paruenir  au  falut  ;  car  nous 
l'huons  defia  en  la  iTiort  de  Noftre  Sei-. 


90  j^pologie 

gneur  lefus,  à  laquelle  Dieu  nous  a  donné 
decroire  :  mais  cpmme  à  des  chofesdont 
lemefpiisnous  enferoit  déchoir  ,&  em~ 
pefcheroit  Texecution  des  promeffes  que 
Dieu  nous  en  a  données.  Telles  font  donc 
ïios  inclinations  en  cet  égard  que  doiuent 
eftire  celle  des  bons  enfans ,  Se  qui  ne  doi- 
uent pas  eftre  blafmées  en  nousjpuis  qu'en 
eux  on  les  eftime  louables.  Ils  ne  font  pas 
enfans>  pource  qu'ils  font  honneftes'gens, 
&:  dans l'obeiffance  qu  ils  rendent  à  leurs 
perfesilsne  fe  proposent  nullement  pour 
but  Tacquifition  du  droift  de  leur  hérédi- 
té. Ils  font  enfans  pource  que  leurs  pères 
les  ont  engendrez ,  Se  ont  le  droift  de  ve- 
nir quelque  iour  à  leur  hérédité  >  d'autant 
qu'ils  font  leurs  enfans ,  Se  que  telle  eft  la 
difpofition  des  loix  y  Se  l'inflitution  de  la 
Nature.  Si  donc  quand  ils  deuiennent  hô- 
neftes  gen,s  puis  après ,  ils  y  font  quelque 
Gonfideration  de  l'efperance  de  Fheredi- 
té ,  c'efl:  afin  feulemeut  que  leurs  débau- 
ches 5  Se  leurs  mauuaiscomportemens  ne 
portent  pas  l'indignation  de  leurs  pères  à 
les  priuer  du  droiÊt  de  fucceder  à  leurs 
biens,  lequel  leur  auoit  efté  acquis  par  la 
naiflance.  Il  eft  bien  vray  que  nous  ne 
^omme^pas  enfant  de  Dieu  de  noftrena- 


pour  ceux  de  la  Relig,  ^l 

mre ,  &:  ne  le  deuenons  finon  par  la  grâce 
de  ladoption.  Mais  comme  les  entans  ont 
à  leurs  peres-toute  l'obligation  de  ce  qu'ils 
les  ont  engendrez  5  nous  auons  pareille^ 
ment  à  Dieu  toute  Tobligation  de  ce  qu'il 
nous  a  adoptez.  Et  comme  l'honneur  qu  il 
luy  â  pieu  de  nous  faire  de  nous  adopter 
en  fon  vnique^nous  donne  le mefme  droit 
à  l'héritage  celefte ,  que  la  naiflance  don- 
ne aux  enfans  pour  Theredité  de  leurs  pa- 
rens  \  la  grâce  de  rEfpiit  qui  accompagne 
cette  adoption  engendre  en  nous  les  mef- 
mes  affeÛions  que  la  nature  produit  dans 
les  bons  enfans  >  lors  qu  il  s'agift  de  l'ô- 
beïflance  Se  du  refpea  qu  il  faut  qu'ils  por- 
tent à  leurs  pères.  L'autre  reflexion  eit, 
que  de  toutes  les  chofes  que  Dieu  aime ,  il 
n'en  aime  aucune  à  l'efgaldelafaintete; 
èc  toutes  les  autres  qu'il  aime ,  il  ne  les  ai- 
me fmon  autant  qu'elles  en  font  partici- 
pantes, ou  qu'elles  y  peuuent  feruir.  Et  la 
raifonen  eft  que  de  toutes  les  chofes  auf- 
qu^les  il  a  mis  quelque  emprainte  de  fa 
diuinité ,  il  n'y  en  a  aucune  autre  qu  elle 
qui  lareprefente  àl'efgardde  ce  qu'elle 
poffedede  plus  vénérable  &:de  plus  glo- 
rieux. Toutes  chofes ,  en  ce  qu  elles  font, 
portent  quelque  refliemblance  de  fon  exi»? 


ph  Jlpolûgie 

jftence.  tes  vents  &:  Icsçrei'nblcmens  de 
terre  ,&:  la  puifllmce  des  flots  de  Iamer> 
ont  quelque  ombre  de  fa  vertu-  La  ferme- 
té des  rochers  >la  durée  des  elemens ,  ôc 
l'incorruptibilité  des  cieux^femblent  eftre 
va  crayon  obfcur  de  l'immutabilitç  de 
foneflence.  Dans  la  gloire  6^  dans  l'au- 
thorité  des  Monarques  il  a  rendu  vifible 
en  laterre  quelque  rayon  de  fa  Majefté. 
Mais  quant  à  fa  puretéjà  fa  iuftice,  à  fa  mi-, 
fericorde,  &:  à  la  bonté  inénarrable  de  fes 
inclinatios  &:defes  penfées ,  en  quoy  cQn- 
fiftefans  contredit  la  plus  belle  merueille 
de  fon  eftrcëdle  couronnement  de  (es  au- 
tres propriete.z  y  il  n'y  a  que  la  fainfteté  de 
la  créature  intelligente  Se  raifonnable  en 
qui  on  en  voye  la  refplendeur.  A  raisô  de- 
quoy  aufli  il  n'y  a  qu'elle  proprement  qui 
foit  dite  âuoir  efté  faite  à  fon  image.  Qûat 
à  nous  ,  il  nous  a  aimez  à  la  vérité  dés 
auant  que  nous  fuflîons  fain£ts5  mais  c'a 
cfté  pour  nous  rendre  fainfts ,  qu'il  a  àé- 
ployé  défias  nous  fes  admirables  miferi- 
cordes  ;car  il  nous  a  racheptez  pour  nous. 
51  mener  à  la  fanftification,  &:pour  reparer 
çn  nous  la  refféniblance  de  fes  vertus,dont 
le  péché  auoit  gaftétous  les  traits  8c  tous 
les^lineame^s,  en  nos  âmes,.  Mais  depuis 


mur  ceux  de  la  Relig.  p^ 

àa  il  nous  afandiiiez,  il  nous  aime  à  cette 
occafion  )  &:  ne  peut  contempler  en  nous 
cette  belle  idée  de  fa  diumité^qu'il  ne  nous 
affectionne    merueilleufement    à  cauie 
d*elle.  Comme  les  bons  pères  aiment  fans 
doute  leurs  enfansauant  qu'ils  voycntpa- 
roiftreen  eux  aucune  lumière  de  vertu  : 
mais  leurs  afFeftions  fe  redoublent  à  me- 
fure  qu'ils  apperçoiuent  qu'en  croiflant  ils 
fe  forment  peu  à  peu  par  leur  éducation^ 
ôc  s'auancent  de  iour  en  iour  en  l'amour 
des  chofes  louables.    Or  eft-ce  rinclina- 
tion  naturelle  de  l'amour  que  de  bien  tai- 
re à  ce  que  l'on  aime  ;  Se  comme  dans  les 
chofes  pefantes  à  peine  fçauroit-ôn  diftm- 
guer  entre  la  pefantéur  &c  la  propenfion 
au  mouuement  contre-basj'amaur  ^^l'iii- 
clination  à  vouloir  Se  à  faire  du  bien,  quad 
on  en  a  le  moyen,  ou  ne  font  qu'vne  mef- 
me  choie  abfolument ,  ou  fi  elles  en  font 
deux  ,  elles  font  infeparables.  De  forte 
qu'il  ne  fe  peut  faire  que  Dieu  nous  em- 
braflant de  fes  afFeûion^  à  caufe de  l'ima- 
ge de  fa  fainfteté  qui  reluit  en  nousi  il  ne 
nous  vueille 'faire  du  bien:&:  puis  eftant 
puiffant  comrtie  il  eft,  il  ne  le  veut  point 
de  la  façon,  qu'indubitablement  il  ne  le 
fafle .  Noftre  fainaeté  donc,  Se  les  bonnet 


^4  Apologie 

ceuurés  qui  en  dépendent  ne  nous  acquiè- 
rent pas  le  droiû  de  la  jouifTance  de  la  fé- 
licité, puis  que  Dieu  le  nous  adonné  gra- 
tuitement lors  qu'ils  nous  a  adoptez  pour 
eftre  du  nombre  de  fes  enfans  :  mais  elles 
attirent  fes  affeûions ,  comme  celles  d  vn 
bon  père ,  pour  exécuter  par  inclination 
d  amour  enuers  noftre  fandification  ,  les 
promelîes  qu'il  nous  auoit  défia  faites  de 
fure  gratification  >  &  à  l'accompli  ffement 
defquelles  il  eftoit  defia  porté  comme  fi- 
dèle &:  véritable.  Ainfi  plus  nous  fommes 
gens  de  bien ,  plus  deuons  nous  eftre  per- 
fuadez  que  Dieu  nous  aime  cordialement: 
&  plus  nous  fommes  affeurez  que  nous 
fommes  aimez  de  luy,  plus  auons  nous  de 
certitude  de  fes  fauorables  inclinations  à 
nous  donner  la  joiiiflance  de  fon  Royau- 
me. Comme  au  réciproque  plus  nousde- 
firons  ardemment  cette  immortelle  féli- 
cité, plus  foigneufement  cherchons  nous 
les  moyens  de  nousperfuader  fermement 
que  nous  l'obtiendrons.  Puis  donc  que 
l'affeurancede  la  dileftion  deDieu  enuers 
nous  en  eft  vn  indubitable  afrgument ,  bc 
que  noftre  fandificàtion  produit  cette  di-' 
leftion  à  proportion  de  ce  qu'elle  eft  gran- 
de bc  lumineufe  >  &:  qu'elle  reprefente  ex- 


pour  ceux  de  U  Relig.  ^^ 

cellemment  la  faindeté  laquelle  eft  en 
Dieu,  il  n'y  a  peribnhe  qui  ne  comprenDC 
aiiement  qu'autant  que  nous  auonsdefoin 
de  noftre  ialut ,  autant  faut-il  neceflaire- 
ment  que  nous  ibyons  embrafcz  de  la- 
mour  des  bonnes  œuures.  Et  neantmoins 
pour  tout  eela  nous  ne  croyons  nullement 
ny  que  nous  foyohs  iuftifiez  à  caufe  d'elles 
deuant  Dieu,  ny  qu'elles  foient  aucune- 
ment méritoires  de  fon  Royaume  ;  Se  cela 
ne  doit  fembl  er  eftrange  à  qui  que  ce  foit-, 
puis  que  noitre  confcience  ne  nous  permet 
pas  ae  nous  perfuader  l'vn  ^  Se  que  noftre 
modeftie  nous  oblige  à  efloigner  de  nous 
toute  opinion  de  l'autre.  le  dis  première- 
ment que  noftre  confcience  ne  nous  per- 
met pas  de  nous  figurer  que  Hjous  piûf- 
fions  eftre  iuftifiez  deuant  Dieu  par  le 
moyen  de  nos  bonnes  allions  >  car  eftre 
iuftifié  deuant  Dieu  5  c'eft  eftre  abfous  en 
fon  iugenîent.Ûr  nous  fçauons  que  fiDieu 
nous  examine  tant  foit  peu  rigoureufe- 
ment  par  nos  œuures,  ils  ne  trouuera  nul- 
lement le  fujet  de  prononcer  pour  nous 
fentence  d'abfolution.  Pource  qu'auant 
que  nous  fuflions  venus  à  fa  cognoiffan- 
ce,  nous  péchions  continuellement  con- 
.tre  luy:  ce  qui  aggrauoit  iournellement  la 


5^  jij^oiogîe 

maledidion  dans  laquelle  nous  fommc^ 
naturellement  par  la  corruption  origi- 
nelle. Tellement  qu'à  l'efgard  de  tout  ce 
temps-là  nous  ne  pouuons  prétendre  au- 
tre iuftification  qu'en  la  remiffion  de  nos 
péchez.  Depuis  que  nous  lecognoifTonsi 
quelques  bonnes  oeuures  que  nous  ayons 
faites,  nous  en  auons  tant  fait  de  mauuai- 
fes,&:  il  y  a  tant  de  deffautsmefmes  dans 
les  bonnes  dont  nous  nous  vantons,  que  fi 
nousprefumions  d'eftre  iuftifiez  de  cette 
façon, nous  nous  txouuerions  trop  efloi- 
*gnezdenosefperances.  S'il  yen  a  queI-= 
ques-vns  entre  les  Catholiques  Romams 
qui  ayent  cette  bonne  opinion  d'eux-mef- 
mes,  qu'ils  n'ayeht  iamais  commis  de  pé- 
ché, &:  qu'ils  ne  pèchent  du  tout  point  en- 
cor,  c'eft  à  eux  à  aduifer  comment  ils  fou- 
ftiendront  quelque  iour  vne  propofition  fi 
hardie  deuant  le  throfne  de  Dieu,  &:  com- 
ment ils  la  pourront  accorder  àuec  leur 
propre  Patenoftre.  Pour  nous ,  nous  ai- 
mons mieux  nous  confefler  pécheurs  de- 
uant noftre  Seigneur ,  &:  auoir  à  fa  miferi- 
corde  toute  l'obligation  de  noftre  faîut, 
que  de  nous  mettre  en  vn  inéuitable  péril 
de  remporter  vne  éternelle  confufion  de 
fa  prefence.  Et  véritablement  ie  ne  puis 

que 


f>our  ceux  de  la  Bjlig.  5?  7 

que  ie  ne  me  plaigne  icydu  peu  d'equité 
de  ceux  qui  nous  haïflent  àcaufede  cette 
créance.  Noftre  confcience  nous  rend  té- 
moignage de  noftre  fidélité  enuers  nos 
Roys>  &:  l'Eicriture  &  l'expérience  con~ 
uainquent  vniuerfellement  tout  le  monde 
d'vne  infinité  de  péchez  commis  contre 
Dieu.  S'ileftarriué  à  nos  pères  &:  à  nous 
de  faire  quelque  chofe  qui  ait  dépieu  à  nos 
Souuerains  ,  ce  n'a  point  efté  par  faute 
d  afFedion  à  leurs  perfonnes5ny  de  refpeft 
àleur  authorité,  mais  par  desmouuemens 
qu'ils  ont  eux-mefmes  excufez  ;  au  lieu 
que  les  péchez  que  tous  les  hommes  com-^ 
mettent  en  fi  grand  nombre ,  procèdent 
deTafFedion  de  la  chair,  qm  efi  ijnmitié 
contre  Vteu,  Hors  ces  actions  aufqu elles 
ou  la  foufFrance,  ou  la  crainte  de  la  perfe- 
cutionnous  a  portez  trois  ou  quatre  fois 
feulement 5 on  ne  fçauroitnous  ofter  cette 
louange  que  nous  n'ayons  rendu  quel- 
ques bons  feruices  à  FEftat,  &:  que  nous 
n'ayons vefcu  conformément  aies  loix: 
au  lieu  que  tous  les  iours  tous  les  hommes 
pèchent  contre  Dieu ,  &c  tranfgrelîent  (ç.s 
commandemens  en  mille  &:  mille  ren- 
contres. Et  neantmoins  par  tout  où  on 
parle  d.e  nous  dans  lesEfcrits  politiques  ac 


58  jfologié 

dans  les  produftions  da  temps, on  n'en-' 
tend  rkn  autre  choie  que  ces  mots  de/4- 
cfht^.àç,  rehelhony  de  Uiiolie--,  au  lieu  que 
danslesliuresdeTheologicouil  eftque- 
ftion  de  Dieu  5  en  ne  parle  que  de  bonnes 
œuures  &:  de  fatistadions.  Si  nous  nous 
eftions  vantez  de  pouuoir  fouftenir  nos 
aftions  deuant  le  Confeil  de  nos  Roys 
contre  ceux  qui  les  fleftriiTent  de  ces  titres 
fi  odieux, &:  de  n'auoir  bel oin  d'autre  cho- 
feque  de  leur  iuftice  pour  en  eftre  iufti- 
fiez,  on  nous  accuferoit  de  prcfomption  6^: 
de  quelque  efpece  d'impudence,  pour  ne 
recognoiftre  pas  afïez  com.bicn  nous 
auons  eu  befoin  de  leur  fupport:  au  lieu 
qu'en  la  controuerfe  de  la  iuftificatioïi. 
des  hommes  deuant  Dieu ,  ils  ne  parlent 
que  de  leurs  propres  iuftices,&:  s'appuy  ent 
deffus  elles  pour  comparoiftre  en  ton  iu- 
geinent.  Bien  que,commeie  l'ay  dit,nou5 
foyons  originaires  du  pays,  &:nez  fujets 
de  nofîre  Prince  ,  nos  ennemis  difent 
pourtant  que  nous  ne  fubfiftons  en  ce 
Royaume  que  de  fa  grâce  feulement  > 
pourcequepar  nos  fautes,  qu'ils  veulent 
eftre  fi  criminelles ,  nous  aurions  mérité 
d'en  eftre  expulfez:  &:  cependant,bien  que 
les  hommes  foient  naturellement  eftran- 


pour  ceux  de  la  îielig.  c}p 

gers  du  Royaume  des  Cieux ,  Se  que  tous 
les  iours  ils  commettent  quelque  chore 
qui  les  en  deuroit  rendre  indignes^on  veut 
pourtant  qu  il  leur  foit  donné  envertude 
leurs  iuftices,  &c  comme  vne  recompenfé 
deuë  à  leurs  bônes  aftiolis.  Certes  ou  bien 
qu'ils  ne  nous  faffent  pas  fi  criminels  de- 
uantnosRoys,  ou  bien  qu'ils  confelferit 
qu  ils  ne  le  font  pas  moins  enuers  Dieu  -,  8c 
s'ils  veulent  qae  nous  recognoiffions  que 
c'eft  de  la  pure  bonté  de  nos  Souuerains 
ijue  nous  fubfiftons  en  cet  Eftat  auec  la  li- 
berté dont  nous  y  jouiflbns  ,  qu'ils  ne 
faflent  point  auffi  de  leur  cofté  difficulté 
de  confeffer  que  s'ils  Jouiflent  quelque 
iour  de  la  félicité  du  Ciel ,  ce  fera  de  pure 
mifericorde.  l'ay  dit  que  noftre  modeftie 
nous  defFend  de  croire  que  nos  œuures 
puiflent  mériter  le  falut.    En  efFeft ,  nous 
voyons  que  les  pères  ne  peuuent  foufFrir 
que  leurs  enfans  fe  glorifient  en  leur  pre- 
fence  qu'ils  leur  foient  redeuables  de  quoy 
que  ce  foit.    Or  nous  fommes  enfans  de 
Dieu ,  Se  nous  luy  auons  faiis  doute  plus 
d'obligation  que  nous  n  en  pouuons  auoir 
à  ceux  qui  nous  ont  engendrez.    Et  nous 
voyons  que  les  Princes  ne  peuuent  non 
plus  endurer  que  leurs  fujets  appellent  ce 

G  ij 


IGO  apologie 

quils  font  pour  eux  autrement  que  au 
nom  de  feruice  auquel  la  naillance  les 
oblige.  Or  nousfommes  beaucoup  moins 
à  refgard  de  Dieu,  que  les  ilijets  ne  font  à 
l'efgard  des  Princes  Et  enfin,nous  voyons 
que  les  Cardinaux  mefmesadont  la  digni- 
té eft  fi  e  minent  e  ,  fe  recognoilfent  telle^ 
ment  inférieurs  à  ceux  de  qui  ils  font  nez 
fujets,  qu'ils  ne  croy cnt  pas  que  leurs  fer- 
uices  puiflent  iamais  égaler  leurs  obliga- 
tions, ny  les  en  acquitter  enuers  eux ,  no- 
tamment quand  à  leur  faueur&:  par  leur 
recommandation  ils  ont  efté  efleuez  à  ce 
degré  fi  prochain  de  la  Ma j efté  Pontifi- 
cale. Car  de  cette  modefte  recognoiJQTan- 
ce  de  l'infuffifancc  de  leurs  aftions  à  re- 
cognoiftre  ce  bien-fait  ,  nous  auons  des 
preuues  très  belles  &:tres-exprcfles  dans 
les  lettres  des  Cardinaux  d'Oflat  &c  du 
Perron  au  Roy  Henry  le  Grand  de  glo- 
rieufe  mémoire.  Or  s'ils  ledifenten  iin- 
cerité,  nous  auons  beaucoup  plus  de  fujet 
d'eftre  humbles  en  comparoifTant  deuant 
Dieu,  qu  ils  n'ont  d'eftre  modeftes  enuers 
les  hommes.  S'ils  le  difent  feulement  par 
compliment ,  quant  à  nous  nous  efti- 
mons  qu'on  nous  peut  bien  fouffrir  parler 
ainfi  à  Dieu  en  vérité ,  3c  nous  fentir  efFe- 


poHr  ceux  de  la  Relig,  lo 

ftiuemcnt  autant  ôcplus  tenus  à  fa  bon- 
té^qu'ils  ont  fait  femblant  de  Teftie  à  celle 
de  leur  Prince.  Si,  dis- je,  ils  ont  penfé 
qu'ilspouuoientbien  teimoigner  la  gra- 
titude de  leurs  efprlts  aux  grands  Roy  s 
par  des  paroles  excefliues ,  &c  qui  furpal- 
fent  la  mefure  de  leurs  grarifications,nous 
croyons  qu'on  ne  nous  doit  point  vouloir 
de  mal  fi  nous  eftimons  que  la  Maiefté 
du  Roy  des  Roys^  de  qui  tous  les  Roys 
mefmes&:  les  Papes  font  nez  fuiets?  Se  la 
grandeur  de  fes  biens-faits  en  noftre  en- 
droit., excédent  beaucoup  tout  ce  que  les 
hommes  peuucnt  ou  faire  ou  dire  pour  en 
reprefenter  le  rcflentiment  ,  Se  qu'elles 
font  bien  loin  au  delà  de  toutes  leurs  ciui- 
litez  &:  de  toutes  leurs  hyperboles.  En  vn 
mot  y  on  ne  peut  trouuer  eft range  que 
nous  fuiuions  cette  belle  maxime  du  Car- 
dinal Bellarmin  ,  qui  après  auoir  long- 
temps difputé  de  Teftime  des  bonnes 
afbions  >&:du  moyen  d'obtenir  la  iuftifi- 
cation ,  pofe  pour  chofe  decifiue  ,  liu.  j. 
de  luftif.  chap,7^  quà  caufe  de  l'incertitude 
de  nojire  propre  iuflice ,  ^  du  péril  de  vâine 
gloire ,  dans  lequel  on  pourroit  tomber  > 
c'ejf  le  plus  feur  en  toute  manière  de  mettre 
tonte  [a  jimce  en  U  [euh  mifericorde  dr  be* 

E    iij 


IÇL  apologie 

wgnité  de  Dieu.  Car  qui  nous  pourroit  blaf- 
mer  de  nous  tenir  au  plus  ccrtain,^^  de  ne 
vouloir  rien  bazarder  en  chpfe  dç  telle 
importance  > 

Ce  que  ie  viens  de  dire  des  bonnes 
ceuures,  6c  de  l'eftime  que  nous  en  faifons, 
pourroit  fatisfaire  à  cette  autre  imputa- 
tion, que  nous  croyons  la  predeftination 
de  telle  forte  ^  que  quelque  chofe  que  Ton 
faffcfpitque  Ion  croye  enlefus-Chrift^ 
ou  qu'on  n'y  croye  pas ,  foit  qu'on  faiTe  de 
bonnes  œuures ,  ou  bien  qu'on  n'en  faffe 
pas  5  on  ne  laiflera  pas  d'eftrefauué ,  fi  on 
çft  predeftiné  pour  cela,  ou  de  tomber  en 
damnation  ,  fi  par  la  réprobation  on  eft 
deftiné  à  mort  éternelle.  Car  il  y  en  a  qui 
ne  font  point  de  difficulté  de  nous  accufer 
d'enfeigner  ce  dogme  hautement,  Se  c'eft 
vn  des  moyens  qu'on  employé  dans 
les  prédications  pour  rendre  noftre  pro- 
feffion  odieufe.  Certainement  puis  que 
nous  croyons  les  bonnes  œuures  abfolu- 
OTnent  neceflaiçes  à  falut  ,  de  quelque  fa- 
çon que  nous  eftimion«i  que  nous  fouî- 
mes predcftinez ,  noftre  créance  eft  que 
iioftre  predeftination  ne  nous  amènera 
pasà  falut  fans  les  bonnes  œuures.  Neant- 
inoins  afin  d'ofter  tout  fcrupnle  de  Wùz 


pour  ceux  de  la  I^elig,  103 

prit  4^  ceux  qii  voudront  s  en  éclaircir^ 
voyons  s'il  y  peutauoir  rien  de  plus  rai- 
fonnable  que  noftre  dodrine  3c  noftrc 
prajciqu^  en  cette  matière.  Qjand  on  nous 
prefche  l'Euangile  pour  nous  offrir  le  fa- 
îut  en  lefus-Chrift ,  pn  ne  manque  iamais 
de  nous  dire  qu'il  n'y  a  pas  moyen  d'en 
eftre  effeftiuemem  participant  .finon  en 
croyant  en  ce  Rédempteur,  Alors  nous 
ne  nous  enquerons  ■  nullement  .11  noiu 
fommes  pre;deftjnez  ou  non  5'^  ne.  nous 
mettons  nullement  en  peine  des  fecrets 
de  Dieu  5  ny  des  Arrefts  qu  vl  a  donnez,  de 
pouce  éternité  poiyrie'ialut  Si  pour  la  con- 
damnation des  hommes.  Nous  nous  diC-> 
pofons  feulement  à  croire  en  çeluy  quï 
nous  efl;  offert  pour  Sai^iueur  o  pms  que 
quelle  qae  foit  la  Predeftination  de  Dieui 
il  eft  impoj[ribled'Qftr.e  parttnpant  dufa- 
lut  dont  il  eft  autheur  ,  finon  en  l'em- 
hraffant  par  vne  foy  viue  &:  profonde. 
On  ne  peut  donc  pas  dire  que  bous  ayonsi 
cette  crçance ,  que-foit  qu  on  croye  ,  foit 
qu'on  ne  croye  pas,  on  fera  fauuè  pourueu 
qu'on  y  foit  predeftiné ,  puis  que  nous  te- 
nons qu'abfolument  il  n'y  a  point^de  fa- 
lut  en  lefus-Chrift  fihon  pour  ceux  qui 
a-pyent.  Apres  celaiJiors  qu'on  nous.prd"^ 

G    iiij 


I04  jé^OlQgîC 

elle  qu'il  faut  croire ,  on  ne  manque  ia- 
mais  de  nous  expliquer  nettemenr  quelle 
doit  eilre  cette  toy,  &  de  nous  dire  qu'il 
eft  necefiaire  qu'elle  foit  accompagnée 
dVne  ferieufe  repentance.  Car  faire  feu- 
lement profeflion  extérieure  du  Chriftia- 
nifmejU  eft  pascroire>felon  nous  :  non  pas 
mefmes  auoir  en  Tentendement  quelque 
légère  teinture  delà  vérité  de  fes  dogmes. 
Croire  en  noftre Théologie,  eft  eftre  fi 
viuement  &:  fi  profondement  perfuadé 
des  veritez  de  l'Euangile de  lefus- Glarift , 
que  cette  perfuafion  malftrife  toutes  les 
autres  >  8c  qu'elle  fafle  telle  impreflion 
dedans  les  volontez  &:  1esafte£tions,qu  el- 
le les  détourne  de  leurs  mauuaifes  incli- 
nations, &:  qu'elle  les  régénère.  '  Alors 
nous  ne  penfons  point  encore  à  laprede- 
ftination  ,  &  -ne  nous  enquêtons  nulle- 
ment de  ce  que  Dieu-  peut  auoir  ordoh- 
nédetoute  éternité  pour  rious,ny  pour 
le  rçfte  des  autres  hommes.    Nous  exa- 
mmons  feulement  nos  confciences  pour 
/çauoir  fi  nous  croyons  de  la  façon  ,  &: 
nous  difpofons  à  ne  nous  y  abufer  pa^> 
de  peur  qu'au  lieu  de  la  vérité  B^'àt 
la  foUdité  de  la  foy^'iiôus  n'en  ayom 
embrafle  que  Tombr^:  Partant-  quetle 


four  ceux  de  la  Relig.  105 

quefoitou  la  predeftination  ou  la  répro- 
bation 5  nous  croyons  que  la  foy  non  feu- 
lement eft  necetfaire  à  ialut,  mais  vne  foy 
qui  fe  charaderife  nettement,  de  qui  fe  di- 
ftingue  de  la  vaine  imagination  de  la  foy 
par  vne  fmcere:&:  ardente  afFedion  aux 
bonnes  œuures.  De  plus ,  lors  qu'on  nous 
prefche  qu'il  faut  croire  de  la  façon ,  on  ne 
manque  iamais  d'y  adjoufter  qu'il  faut 
perfeuerer  en  cette  foy,  Se  dans  les  bonnes 
œuures  qui  la  marquent  Se  qui  laccompa- 
gnent.Pourcequelefalut  n  eft  pas  promis 
à  ceux  qui  croiront  fmiplemenc  5  mais  qui 
perfeuereront  en  la  foy  Se  en  la  fandifica- 
tion  5  Se  qui  demeureront  vidoricux  iuf- 
ques  à  la  fin  de  toutes  les  tentations  qui 
les  attaquent.  Et  alors  encore  nousnefti- 
mons  pas  qu'il  foitneceffaire  de  penfer  à 
la  predeftination  -,  feulement  refueillons 
nous  nos  entendemens  à  cet  aducrtiffe- 
ment ,  &:  autant  que  nous  pouuons  nous 
nous  excitons  nous  mefmes  à  receuoir 
rimprelTion  de  TEuangile  bien  auant, 
pour  eftre  capables  de  refifter ,  en  cas  que 
.quelque  tentation  nous  affaille..  Ainfi  nous 
croyons,  encore  que  Ta  perfeuerance  eft 
necefiaire ,  quelle  que  foit  la  predeftina- 
tion, 8c  quels  que  puiffent  eftre  fur  cette 


I0(î  jifolûgie 

madère  les  fencimens  des  Doûeurs  de  ncf- 
ftre  communion,  tant  y  a.que  rien  n'eft 
capable  d'arracher  cette  perfualion  de  nos 
confcîençes.  Enfin ,  on  ne  nous  éxtortç 
pointa  la  perfeuerance  qu  on  ne  nous  en- 
feigne  quant^^  quant  quels  font  les  moyés 
de  l'obtenir.  Car  quant  à  la  foy ,  poiarce 
qu  elle  conliile  en  la  cognoiflance  ^en  la 
perfuafiondes  veritez  Euangeliques,  on 
nous  dirque  le  moyen  de  la  conferuer  eflt 
de  lire  &:  d'efcouter  ,  &:  de  medker  fcfti- 
gneufement  la  parole  de  Dieu,  qui  Ta  pre- 
m^^ierementengendrée.  Q23nt  à  la  raiidi--, 
fication,d' autant  qu'elle  conlifte  en  la  har~ 
ne  du  vice&cenr'amour  de  la  vertu,6^que 
ces  aaeriipns  &:  ces  aÉFcftions  fe  donfer- 
uent  par  )  attentiue  conûderatiôn  de  la 
nature  de  leurs  objets,  par  raccouftumàn- 
ce  de  faire! es  chofes ban-nes  ,&:  de  s  abfte- 
nir  des  mauuaifes,par  Timitation  des  bons 
exemples ,  par  efuiter  les  vicieufes  con- 
uerfations ,  par  la  crainte  de  la  peine  qui 
fuit  le  péché ,  par  l'efperance  de  la  t^^mu- 
neration  que  Dieu  a  mifericordieufement 
promife  aux  bonnes  œuures,  ècÇwx  tout; 
par  la  contemplatiô  de  la  Croixde  Chrift 
&:  de  fa  Refurredion  ,  dont  l'vne-  nous 
fournit  le  modèle  de  làmartifica-fioa  de 


pour  ceux  de  UBjlig.  107 

nos  afFedions  ,  &:  l'autre  le  patron  &:  le 
motif  de  reflufciter  en  nouuelle  vie,  on 
laous  met  continuellement  toutes  ces  dio^ 
fes  deuant  les  yeux  ,  pour  fomenter  en 
nous  la  faindeté  que  noftre  conuerfion  à 
(^hrift  y  a  commencée.  A  quoy  on  ne 
manque  iamais  d'adjoufter  que  lafoy  &: 
la  fandification  venant  de  Dieu,  c  eft  à 
luy  qu'il  fe  faut  addrefler  pour  obtenir  la 
grâce  par  la  vertu  de  laquelle  elles  foient 
çonferuées  en  nous ,  ^  de  nous  exhorter 
à  cette  occafion  de  veiller  auec  aflfiduité  à 
la  prière.  Et  afin  de  nous  y  exciter  d'au- 
tant plus  viuement  >  on  nous  aduertit  que 
nousauons  à  faire  à  vne  infinité  d'enne- 
mis, qui  nous  obligent  à  vne  fouuerainc 
vigilance  de  noftre  part ,  &:  qui  nous  ren- 
dent vne  particulière  aflîftance  de  la  grâ- 
ce de  Dieu  necelTaire.  Le  péché  que  nous 
portons  naturellement  en  nos  afFedions; 
le  monde  qui  nous  amorce  par  fes  volu-» 
ptez ,  ou  qui  nous  eftonne  parfesperfecu- 
tions  j  le  malin  qui  nousdreffe  mille  piè- 
ges, &:  qui  nous  attaque  de  mille  tenta- 
tions ,  nous  font  perpetuellemçnt  ramen- 
teus,  afin  que  nous  nous  tenions  fur  nos; 
gardes.  Lànousnepenfons  point  encore 
à  la  Predeftination  a  &:  quelle  qu  e^lle  fait. 


To8  apologie 

nous  tafchons  d'elueilicr  routes  les  puif- 
fances  de  nos  efprits ,  &c  pour  embraffer 
toutes  les  occalions  denousauancer  en  la 
pieté  &c  en  la  venu.  Se  pour  fuir  toutes  cel- 
les qui  font  capables  de  nous  en  deftoûr- 
ner  5  8^  pour  demander  à  noftie  Seigneur 
qu  il  nous  donne  le  pouuoir  de  le  faire» 
Pourquoy  donc  nous  accufe-t'on  de  croi- 
re que  la  Predeftination  eft  fi  puiflante  en 
ce  qui  eft  du  falut  Se  delà  condamnation, 
que  fans  auoir  efgard  ny  à  bien  nyà  mal 
elle  y  fait  tout  toute  feule  ?  Il  eft  bien  vray 
certes  premièrement ,  que  nous  fommes 
affeurez  qu'en  vertu  de  cette  predeftina- 
tion nous  obtiendrons  indubitablement 
lavie  éternelle.  Mais  pour  ce  qui  eft  de  la 
créance  de  la  Predeftination,puis  que  c'eft 
vn  poinft  de  la  Foy ,  que  S.  Paul  enfeigne 
tres-ouuertement,  oùil  faut  renoncer  au 
nom  de  Chreftien,où  il  fautaduouer  qu'il 
yenavne.  A  la  vérité  la  manière  de  l'in^ 
terpreter  eft  différente  entre  les  Catholi^ 
ques  Romains  Se  les  Reformez.  Mais  cela 
nedoit  pas  cftre  trouué  fort  merueilleux> 
puis  que  les  Catholiques  ne  s'en  accordent 
pas  abfolument  entr'cux  mefmes.  Tant  y 
a  qu'il  y  a  vne  predeftination  de  quelques- 
vnsàfalut^  8c  que  pour  eftre  bon  Chre- 


tour  ceux  de  laRelig.  105) 

ftien  il  le  tautainii  croire.  Or  puis  qu'il  y 
ena  vne,on  ne  doit  point  trouuermau- 
iiais  que  nous  nous  eftimions  eftre  du 
nombre  de  ceux  qui  font  predeftinezjpuis 
que  nous  crouuons  en  nous  les  marques 
6d  les  effets  par  lefquels  la  Predeftination 
fereuele.  Car  puis  que  nous  croyons  trC 
lefus-Chriit ,  &:  que  nous  nous  adonnons 
tant  que  nous  pouuons  aux  œaurcs  de 
fandification  ,  &  que  l'expcrience  nous 
.fait  voir  que  beaucoup  d'autres  n'y  croy  et 
pas,  &: qu'ils  fe  laiflcnt  emporter  au  pé- 
ché à  1  abandon  ,  il  faut  neceffairement 
ou  que  cette  différence  vienne  de  nous, 
ou  que  Dieu  nous  ait  fait  en  cela  quel- 
que grâce  ,  laquelle  il  n'a  pas  faite  aux 
autres.  Or  cfl-ce  là  où  on  commence  à 
nous  parkr  de  la  Predeftination  ,  lors 
qu'il  eft  queftion  de  fçauoir  d'où  vient 
cette  différence. Car  on  nous  enfeigne  que 
dénature  nous  nefommes  pas  meilleurs 
que  les  autres ,  &:  par  confequent,puis  que 
nous  croy  os,  &:  que  tant  d'autres  ne  croy  et 
pasjil  faut  que  Dieu  nous  ait  traittez  iné- 
galement. Et  cette  inégalité  confifte  en 
ce  que  Dieu  nous  ayant  prefenté  exté- 
rieurement à  tous  vn  commun  Rédem- 
pteur par  la  predication^S^  nous  ayant  fait 


iio  Apologie 

exhorter  les  vns  &  ks  autres  à  le  receubir 
auectoy  &:  repentance,  il  s'eft  contenté 
de  cette  grâce  commune  &:  extérieure  en- 
uerseeux-là ,  au  lieu  qu'enuers  nous  il  en 
adeiployé  vne  intérieure  oc  particulière. 
D  où  elt  venu  qu'au  lieu  que  les  autres  ont 
par  leur  malice  reietté  le  Rédempteur  qui 
leur  a  efté  offert  *  nous  1  auons  quant  à 
nous  receu  par  la  grâce  que  Dieu  nous  a 
faite.  Pour  ce  donc  que  Dieu  ne  prend  pas 
lesconfeils  de  ce  qu  il  doit  faire  deiour  à 
iour  5  &:  que  comme  dit  l'Efcriture ,  de  tout 
temp  toutes  [es  œutires  luy font  cognuc  s  ^  il  faut 
tieceffairement  que  de  toute  éternité  il  ait 
ordonné  de  mette  cette  diftinÉtion  entre 
les  autres  &:  nous,  6c  c  eft  en  cette  éternel- 
le ordonnance  que  la  Predeftination  con- 
fifte.  lufques  là  il  n'eft  pas  poflîble  que  no- 
ftre  créance  choque  l'efprit  de  perfonne 
qui  foit  tant  foit  peu  raifonn^ble.  Car 
quoy  ?  Trouuera-t'on  mauuais  que  nous 
donnions  à  Dieu  toute  la  louange  de  ce 
que  nous  croyons,  &  de  ce  que  nous  nous 
repentons  de  nos  péchez  ,  au  lieu  que  les 
autres  s'endurciffent  en  leul*  incrédulité 
8c  en  leur  impenitence  ?  Certes  ce  feroit 
eftre  trop  prefomptueux  que  de  vouloir 
rauir  cette  gloire  à  Dieu  pour  fe  lattri- 


pour  ceux  de  U  Relig.  rii 

buer  àfoy-meimc.  Ceux  ae  i'Eglife  Ro- 
maine mefmes  ,  fur  cette  prefuppoiition 
quiis  font  dans  la  voye  de  faluc,  bc  que 
nous  n'y  femmes  pas ,  rendent  lans  doute 
grâces  a  Dieu  de  ce  qu'il  les  y  a  mis  plûtoft 
que  nous  5  ^ ainfi  rendent  tefmoignage  à 
cette  maxime  de  noftre  profcffion  >  que 
c'efl:  la  mifericordedeDieu  qui  met  cette 
diftindion  entre  les  hommes.  Ou  bien  fe 
fcandaiifera-t'on  de  ce  que  nous  difons 
que  ce  que  Dieu  exécute  maintenant  cit 
nous  5  il  la  ordonné  de  toute  éternité  ?  Ce 
feroit  aller  contre  la  parole  de  Dieu  Se 
contrelaraifon3<S£  rauiràDieu  la  louan- 
ge de  fa  prefcience.  Ou  finalement  elH- 
mera-t'on  que  cette  doftrine  nous  rende 
plus  nonchalans  en  ce  qui  eft  de  noftre  fa- 
lut  '".  NuUement.Car  pui^  que  tandis  qu'on 
nous  exhorte  à  la  foy  5  à  la  repentance,  à 
la  fan^tification^ny  nous  ne  penfons  point 
à  la  predeftination ,  ny  on  ne  nous  donné 
point  d'occafion  d*y  penfer ,  elle  ne  peut 
trauerfer  l'efficace  des  exhortations  qu'on 
nous  addreffe*  Q^nd  nous  venons  à  y 
penier,  puis  que  nous  ne  cognoiffons  no- 
ftre predeftination  que  par  fes  effets,  5c 
que  fes  effets  confiftent  en  foy  de  en  fan- 
Étification  ,  à  mefure  que  nous  délirons 


lit  Apologie 

d  eftre  du  nombre  des  predeftinez,  à  mef^ 
me  mefure  faut-il  que  nous  tafchions  d  a- 
uoir  la  foy  &  la  fandification ,  qui  en  font 
les  feules  marques.  Enfin ,  quand  nous  les 
auons  trouuées  en  nous ,  &:  que  par  ce 
moyen  nous  auons  cognu  que  nousfom- 
mes  predeftinez,  tant  s'en  faut  que  nous 
en  prenions  occafion  de  relafcher  quelque 
cliofe  de  lardeur  que  nous  deuons  auoir  à 
la  pieté  ?  qu'au  contraire ,  plus  la  grâce  de 
Dieu  a  efté  fpeciale  en  noftre  endroit,plus 
nous  en  fentons  nous  obligez  de  luy  en 
rendre  nos  recognoiflances.  Pour  ce  qui 
eft  de  cette  perfuafion  que  nous  auons 
d'obtenir  afleurément  le  fa  lut  en  vertu  de 
cette  predeftination ,  voicy  comment  on 
nous  en  inftruit.  On  nous  dit  que  puis  que 
les  hommes  font  naturellemêt  aufll  mau- 
uais  les  vns  que  les  autres,  ce  que  Dieu 
nous  a  fait  vne  grâce  fi  particulière,  ne 
vient  pas  de  quelque  mérite  qui  fuft  en 
nous.  Il  faut  que  ce  foit  de  fa  pure  &  libre 
volonté  ,  &:  dVne  faueur  fpeciale  qu'il 
nous  a  portée ,  fans  que  nous  l'y  ayons  in- 
uité,  qu'il  nous  ait  ainfi  gratifiez.  Et  le 
Cardinal  Bellarmin  eft  entièrement  de 
ce  fentiment ,  &:  ne  veut  pas  que  Teledion 
bc  la  predeftination  de  quelques-vnsfoit 

fondée 


^our  ceux  de  la  Relig.  lij 
fondée  fur  aucune  preuifion  ou  prefcience 
de  leurs  œuures.  Ce  qui  nous  donne  occa- 
fion  de  raifonner  de  cette  façon.  Puis  que 
Dieu  n'a  point  eu  d'autre  motif  que  fa  pu- 
re volonté  qui  lait  induit  à  nous  auanta- 
ger  plus  que  les  autres  en  cet  efgard,  il 
n'y  peut  auoir  de  raifon  pourquoy  il  ne 
nous  conferue  pas  la  foy  Jaquelle  il  nous  a 
donnée.  Pourquoy  changeroit-il  d  aduis 
en  vne  chofe  dont  la  refolutîon  n'a  point 
dépendu  d'ailleurs  que  de  fon  bon  plai- 
fir  feulement  ?  De  plus,  la  foy  &:  la  re- 
pentarice  font  des  qualitez  fouueraine- 
ment  belles  en  elles  mefmes ,  &:  capables 
à  merueille  d'attirer  fes  afFeftions.  Si 
donc  il  nous  a  tant  aimez  que  de  les  nous 
vouloir  communiquer  du  temps  que  nous 
ne  les  auions  pas,  comment  ne  nous  ai- 
meroit-il  point  après  qu'il  nous  les  a  com- 
muniquées ?  Et  {i  l'amour  qu'il  nous  a 
porté  auant  qu'il  y  euft  rien  en  nous  qui 
l'y  inuitaft ,  l'a  peu  exciter  à  nous  orner  de 
fi  excellentes  qualitez  ,  fon  amour,  qui 
s'eft  redoublé  depuis  qu'il  les  a  veuës  en 
nous ,  ne  le  porteroit-il  point  à  les  confer- 
uer  après  les  y  auoir  mifes  ?  Enfin  il  ne 
nous  les  a  données  qu'afin  de  nous  con- 
duire à  falut  :  Car  le  falut  eft  la  fin ,  la  foy 

H 


114  Aj^'ologie 

eft  le  itioyén  par  lequel  il  nous  y  amener 
Puis  donc  qu  il  s'eft  propote  cette  fin  B 
premièrement,  &:  quil  a  eu  fi  fort  à  cœur 
de  nous  y  faire  paruenirque  de  nous  en 
donner  de  tels  &:  de  fi  certains  moyens  ? 
qui eft-ce  qui  peut  interuenir  qui lempef- 
che  de  fe  propofer  toufiours  le  mcfme  but, 
&:  par  confequent  d'employer  auffi  toû- 
jours  les  moyens  qui  nous  yconduifent? 
Sur  ces  raifonnemens  qui  font  tirez  de  la 
parole  de  Dieu,  8^  que  diuers  beaux  pafla- 
ges  authorifent ,  nous  fondons  cette  efpe- 
rance,  qu  alTeurément  Dieu  nous  fauuera, 
&:quilnefe  prefentera  aucun  obftacle  à 
i'accompliffement  de  ce  beau  deffein^qu  il 
ne  furmonte.Or  comme  chacun  peut  voir 
que  ces  raifonnemens  tournent  à  la  gloire 
de  la  fageffe  &:  de  la  bonté  de  Dieu,  Se 
qu'ils  conuiennent  merueilleufemêt  bien 
à  la  fermeté  tnuariable  de  fa  nature  &:  de 
fes  confeils,  aufli  ne  peut-  on  pas  dire  qu  ils 
nous  rendent  negligens  en  ce  qui  eft  des 
chofes  qui  font  neceflaires  pournôftre  fa- 
lut.  Et  ie  m'émerueille>  ou  qu  on  fe  lepuif- 
fe  imaginer ,  ou  qu'on  nous  le  puiffe  re- 
procher 5  veu  qu'en  TEglife  Romaine  on 
a  des  créances  à  qui  on  pourroit  imputer 
4efemblables  cozifequences.LePape  croit 


pour  ceux  de  la  Relig,  jif 

\\fi\  ne  peut  errer  dans  les  matières  de  la 
foy.  Ceux  qui  font  des  fentimens  de  là 
Sorbonne  attribuent  cette  prerogatiue  au 
Concile.  Soit  au  Concile,  foit  au  Pape 
qu'appartiennent  lepriuilege  de  rinfalii- 
bilité,  tant  y  a  que  tous  ceux  de  cette  com- 
munion tiennent  conftammenc  qu  il  a 
cfté  donné  à  l'Eglife.  Si  cela  eit ,  c'eft  vne 
certaine  predeftination  de  Dieu;,  par  la- 
quelle il  a  ordonné  depreferuer  fon  Egli- 
ie  de  toute  erreur  en  la  foy  >  &c  de  Tillumi- 
ner  éternellement  de  la  cognoiflance  de 
fa  vérité.  Quand  donc  il  eft  queflion  de 
vuider  quelque  controuerfc  en  la  Reli- 
gion,cette  créance  rend-elle  les  Papes  ou 
les  Conciles,moins  diligens  à  bien  exami- 
ner la  Parole  deDieu,&:  la  tradition  des 
anciens ,  6^  à  fe  bien  garder  de  la  fineffe de 
Satan,&:delafophifteric  des  hérétiques? 
On  y  croit  que  TÉglife  eft  imperiflable ,  8c 
que  Dieu  la  garantira  de  fes  eniiemisiuf*- 
ques  à  la  fin.  Cela  vient  encore  fans  doute 
de  quelque  predeftination  de  Dieu,  qui  a 
refolu  de  mener  la  Naftelle  qu'ils  appel- 
lent de  S.  Pierre,  à  bon  port,  &:  de  la  fau- 
uer  de  tous  naufrages.Cette  créance  donc 
empefche-t'elk  que  ceux  qui  font  au  gou- 
uernail    nemployent   toutes  fortes  de 

H  ij 


Il  6  apologie 

moyens  propres  pour  la  conferuatiorii 
ou  imprimc-c'elle  en  leur  ei'prit  vne  û 
profonde  fecurité  ,  qu'ils  ne  le  mettent 
point  en  peine  du  falut  de  leur  vailTeau ,  Se 
qu'ils  le  laiffent  aller  à  l'abandon  entre 
les  bancs  3c  contre  les  roches  ?  Comme 
donc  ils  ne  conliderent  pas  cette  prede- 
ftinationdeDieuàrefgard  de  l'inrallibi-i 
lité  de  TEglife ,  ô^  <ie  Ton  indefeûibilité, 
comme  on  parle ,  aijifi  qu'vnc  occafion  de 
fecurité  &:  de  négligence  en  ce  qui  regar- 
de Femploy  des  moyens ,  mais  feulement 
comme  vn  accouragement  à  les  employer 
Se  foigneufement  Se  ioyeufement ,  auec- 
vne  eiperance  indubitable  d Vn  auanta- 
geux  fuccez  ;  airnfi  ne  confiderons  noua 
nullement  cette  predeftination  en  ce  qui 
eft  de  noftre  falut  ,  comme  vn  fujet  de 
nous  y  comporter nonchalamment,mai5 
pluftoft  comme  vn  motif  d'y  trauailler 
auec  grand  foin  Se  grande  confolatiori 
auflî  5  fçachant  qu'il  en  reuffira  vn  euene- 
mentfauorable.  Autre  donc  eft  la  prede- 
ftination par  laquelle  Dieu  a  refolu  de 
produire  luy-mefme  quelque  euenement 
fans  l'entremife  d'aucuns  moyens ,  ou  au 
moins  par  l'enttemife  de  certains  moyens 
fur  lefquels  il  ne  nous  donne  point  de 


pour  ceux  de  la  Relig.  1 1 7 

eommandemens  :  &C  autre  la  prcdcftina- 
rion  qu'il  n'exécute  que  par  le  moyen  de 
nos  aftions  y  dont  il  nous  a  luy-mefme 
donné  les  commandemens  &:  les  règles. 
Lànous  pouuons  bien  demeurer  les  tras 
croifez ,  Se  attendre  pouï  exemple  que  Te- 
çlipfedu  SoleiljOU  arrlue ,  ou  fepafle,  fans 
y  rien  contribuer  denoftre  part.  Car  ny 
noftre  mouuement ,  ny  noftre  repos  ne  la,^ 
hafterqnt  ,  ny  la  retarderont  pas  dVne 
minute.  Icy  c'eft  vne  pure  frenefie  que  de 
négliger  de  faire  ce  qui  nous  y  eft  com- 
mandé 5  6^  neantmoins  en  efpcrer  Fac- 
cornpUlTement ,  puis  que  cette  forte  de 
predeftination  ne  s'accomplit  point  finon 
par  l'exécution  des  commandemens  que 
Dieu  nous  y  donne,   fartant  comme  le 
mefprisdes  moyens  qui  empefche  Teue- 
nement  3  eft  vne  preuue  indubitable  qu'il 
n'auoit  point  efté  preordonné  jainfile  lé- 
gitime employ  des  moyens  eft  vn  certain 
argument  de  la  predeftinatiofi  de  l'eue- 
nement  mefme.  Et  comme  celuy  qui  fc 
croit  predeftiné  à  viure,  &:  neantmoins  ne 
veut  pas  manger ,  eft  à  demy  furieux  j  ce- 
iuy  qui  mange  &:  qui  boit ,  &:  qui  fait  les 
fondions  dVn  homme  viua^nt,  s'il  ne  croit 
^uoir  efl:é  predeftiné  à  viure  par  ce  moyer^ 


ii8  j4pologie 

là  :,  n  a  pas  la  cerueile  en  bonne  afliette,  - 
Le  troiiiefme  exemple  fera  pris  de  cç 
qu  on  nous  impute  de  ne  croire  pas  le 
tranc  arbitre.  Se  parce  moyen  de  dépoûiU 
1er  l'homme  de  fa  nature,  d'ofter  à  fes 
âûions  la  qualité  de  bonnes  6c  de  mau^ 
uailes ,  de  de  donner  ainfi  n;iatiere  d'accu- 
fer  Dieu  d'inipertinence  q^and  il  les  ré- 
munère, &:  dmjuftice  quand  il  les  punit- 
Pource  que  ce  qui  n'eft  ny  bon  ny  mau^ 
iiais,ne  peut  eftre  vn  fujet  capable  de 
loiiange,ny  deblafme,defupplice  ny  de 
rémunération.  Certainement  :,fi  nous  en- 
feignions  tout  cela  difertement ,  ce  feroic 
non  feulement  vn  grand  erreur  en  la  Re- 
ligion, mais  vne  dodrine  pernicieufe  à  la 
vie  ciuile.  Car  ce  feroit  autant  que  fi  nous 
oftions  la  différence  qui  eft  naturellement 
entre  le  vice  8c  la  vertu  ;  ce  qui  fans  doute 
apporteroit  vne  horrible  confufion  aux 
chofes  du  monde.  Mais  iufqucs  icy  aucun 
n  a  efté  fi  peu  fpigneux  de  la  réputation  de 
fa  pudeur,  que  d'ofer  nous  en  accufer;  feu- 
lement on  dit  que  ce  que  nous  enfeignons 
en  la  matière  du  franc-arbitre ,  tire  necef- 
fairement  ces  mauuaifesdo£i:rines  en  con- 
fequence.  Or  quand  ainfi  feroit,Il  ne  feroit' 
pourtant  pas  raifonnable  de  nous  impute? 


tour  ceux  de  la  Fjlig.  lis^ 

les  confcquences  de  nos  dogmes,  fi  nous 
ne  les  recognoiffons  &:  ne  Tes  aduoUons 
pas  i  car  il  y  a  peu  d'erreurs  dont  on  nç 
puifTe  cirer  de  fort  dangereufes  conclu- 
lions:,fi  on  veut  vn  peu  fubtilement  raifon- 
ner  j  &:  il  y  a  fort  peu  de  gens  qui  ne  tien- 
nent quelques-vnesde  ces  erreurs  dont  vn 
fubtil  raifonnement  peut  déduire  des  con- 
cluions pernicieufes.  De  forte  qu'il  n'y 
auroit  quafi  homme  au  monde  qui  ne 
deuft  &:  haïr  fon  prochain,  &:  eftre  hay  ré- 
ciproquement de  luy/i  nous  voulions  fui- 
ure  trop  loin  les  confequêces  des  opinions 
les  vnsdes  autres.  Il  fuffit  donc  que  nous 
re/ettions  celles  qu'on  veut  tirer  de  nos 
fentimens  >  &:  que  ce  que  nous  croyons  en 
cette  matière,  ne  produife  aucun  mauuais 
effet  au  préjudice  de  la  Religion ,  ny  au 
dommage  delavie  ciuile.  Orque  noftrç 
créance  ne  produife  rien  de  tel,  c'eft  chofe 
claire  par  l'experienceicar  elle  ne  peut  ga- 
fter  la  pieté  ny  les  mœurs  de  ceux  qui  ont 
des"opinions  contraires  aux  noflres ,  puis 
qu'ils^  ont  6i  les  confequences  &:  les  princi-^ 
pes  dont  ils  eitiment  quelles  nailTent  en 
abomination:  en  horreur.Et  quant  à  nous, 
tant  s'en  faut  qu  elles  foient  pour  corrom- 
pre nos  inclinations  >  6c  pour  efleindcQ 

H       xxi\ 


uo  Âj^ologtt 

en  nos  efprits  l'amour  &:  Teftimc  de  U 
vertu ,  que  nous  les  auons  encore  en  plus 
grande  horreur  que  nos  aduerfaires ,  que 
nous  fouftenons  qu'elles  ne  découlent 
nullement  de  noftre  do£trine,&:  que  de 
ces  mefmes  principes  dont  quelques-vns 
çffayent  de  déduire  ces  damnables  con- 
çlufions  9  nous  faifons  fortir  des  enfei- 
gnemens  tres-efîicacieux  ^  &:des  exhorta- 
tions tres-viues  pour  induire  les  hommes 
Ma  pieté»  En  effet ,  quoy  que  Ton  die  de 
nos  fentimens  en  cette  matière  3  tant  y  a 
qu'en  nos  adions  nous  ne  prétendons  pas 
êftre  comme  des  troncs  de  bois,  ou  com- 
me des  pierres,  dont  le  mpuuement  natu-r 
rel  de  haut  en  basane  peut  nullement  eftre 
compté  entre  les  chofes  moralement 
bonnes  ou  mauuaifes.  Nous  auons  des 
fens  exterieurs^par  lefquels  nous  cognoif- 
fons  les  objets  qui  fe  prefentent  deuant 
nous>&:  des  appétits  intérieurs  qui  nou^ 
portent  vers  ces  objets,  ou  bien  qui  nous 
en  retirent ,  ^pres  que  nous  les  aÛons 
cognus  dignes  de  noftre  auerfion  ou  de 
noftre  agréement»  Nous  ne  préten- 
dons pas  mefmes  agir  à  la  façon  de;$ 
animaux  dçftituez  de  la  raifon  ,  dont 
fous  les  mouuemens  &  les  appétits  foçt 


tour  ceux  de  la  Kelig.  i^I 

brutes  ,  quoy  qu'ils  procèdent  de  quelque 
cognoiffance  des  objets  extérieurs ,  àur 
;antque  les  fens  8c  la  faculté  de  Timagi- 
nation  leur  en  donne.  Pource  que  cette 
cognoiffance  qui  naift  des  fens  extérieurs 
&:de  rimagination  feulement ,  ne  peut 
pas  atteindre  iufques  audifcernement  des 
qualitez  ôc  des  citconftances  qui  font  que 
ks  adions  font  morales ,  c'eft  à  dire ,  bon- 
nes ou  mauuaifes,8c  dignes  de  peine  ou 
de  rémunération.  Nous  auons  tous  par  la 
grâce  de  Dieu  la  raifqn  &:  l'intelligence^ 
faculté  naturellement  capable  de  iuger 
des  relations  qui  donnent  aux  avions  hu- 
maines la  qualité  de  vice  ou  de  vertu.  Et 
comme  ainfi  foit  que  c  eft  le  propre  de 
l'intelligence,  de  ne  tirer  pas  fes  aftions 
à  coup  perdu,  mais  de  s'y  propofer  vne 
certaine  fin,  comme  vn  blanc  où  elle  vife, 
^  que  toutes  les  fins  que  nous  pouuons 
nous  propofer  font  ou  dans  Thonnefteté 
des  chofes  louables ,  ou  dans  le  contente- 
ment qui  naift  des  chofes  deledables ,  ou 
dans  l'vtilité  de  celles  qui  peuuent  profi- 
ter ,  nous  ne  faifons  aucune  adion  auec 
intelligence,  que  nous  ne  nous  mettions 
.  deuant  les  yeux  quelqu  vne  de  ces  trois 
fins.    De  plus ,  toute  intelligence  qui  fe 


itz  Apologie 

f  ropofe  vne  certaine  fin,  ayant  encore  ce 
propre  de  la  Nature  de  iuger  des  moyens 
qui  font  bons  pour  y  paruenir,  &:  quand  il 
s'en  prefente  plufieurs,  de  faire  le  choix  de 
ceux  qu  elle  eftimeles  meilleurs,  &:de  les 
préférer  aux  autres ,  nous  ne  nous  propo- 
sons iamais  de  telles  fins  en  nos  adions, 
que  nous  ne  confultions  pareillement  fur 
les  moyens  5  6^  que  de  cette  confultation 
nous  ne  formions  la  refolution  d'agir  ou 
den  agir  pas  3  conformément  à  la  nature 
tant  de  la  fin  &  des  moyens,  que  de  l'in- 
telligence qui  fe  la  propofe  &  qui  les  gou- 
uerne.  Enfin  toutes  les  aftions  de  cette 
nature  procédant  de  la  volonté  ,  &:  ce  que 
Ton  fait  du  mouue  ment  de  fa  volonté  ne 
pouuant  eftre  imputé  à  contrainte  ny  à 
violence  5  foit  bien  ou  mal  que  nous  faf- 
fîons ,  nous  nous  y  portons  volontaire- 
Biet,  àc  n  au:rit>uons  aucune  de  nos  adions 
à  chofe  quelconque  qui  foit  tellement  au 
dehors  de  nous  j  qu  elle  nous  y  force.  luf- 
ques-lànousrecognoiflbns  vn  franc  arbi^ 
tre,&:onne  peut  raifonnablement  nous 
accufer  de  rien  croire,  nyde  rien  enfei- 
gner  autrement.  Cela  donc  fans  aucune 
difficulté  fuffifant  pour  rendre  nos  adions 
dignes  de  blafme  ê£  de  punition,  ou  de 


pour  ceux  de  U  Kelig,  li j 

rémunération  ôcde  louange, peut-on  iu- 
ftemenc  demander  de  nous  dauantage^ 
Certainement  quand  il  eft  queftion  d  al* 
1er  plus  auant  ,  &c  de  fçauoir  quelle  firt 
nous  fommes  capables  de  nous  mettre 
deuant  les  yeux  ,  nous  difons  que  nous 
fommes  de  noftre  nature  fi  mauuais  3c  fi 
corrompus  en  nos  paffions  ?  que  nous  ne 
nous  propofons  iamais^fors  rVtile  Se  le 
Deleftable,  iinon  que  Dieu  nous  faffe  la 
grâce  d'apperceuoir  Texcellêce  de  l'Hon- 
nefte  5  &  qu'il  nous  donne  de  nous  y  por- 
tet.Encore  nous  trompons  nous  toufiours 
au  iugement  que  nous  faifons  du  deleda- 
ble&delVtile,  &:neleconftituons  finon 
dans  les  choies  qui  plaifent  a  nos  mauuai- 
{es  paffions  5  iufques  à  ce  que  Dieu  nous  il- 
lumine, pour  fçauoir  bien  difcerner  la  fo- 
lidité  de  la  vérité  d'auec  la  vanité  des  ap- 
parences.   Puis  donc  qu'il  ne  nous  arriue 
lamaisd'en  bien  iuger  de  nous  mcfmes, 
fans  lapreuention  &c  laffiftance  de  la  grâ- 
ce de  noftre  Seigneur,  il  faut  qu'il  y  ait  na- 
turellement en  rous  quelque  chofe  qui 
nous  en  rende  incapables,6^  qui  nous  ofte, 
non  le  franc  arbitre  mefme,  car  nous  ne  le 
pouuons  perdre  fmon  en  perdant  la  raifon 
Bc  la  volonté  >  mais  lebon  vfage  du  frana 


U4  apologie 

arbitre  en  ce  qui  eft  du  bien  &:  du  mal>  c^v 
ce  quieftainiivniuedel  &:  en  toutes  per-î 
fonncsôc  en  tous  temps  y  doit  auoir  vnç 
caufe  neceffaire  Se  déterminée ,  &c  c'eft  ce 
qu'on  appelle  le  péché  originel ,  dont  tou- 
tes les  puiflances  de  nos  ameç  Tont  infé- 
rées. Si  cette  do£trine-là  nous  priue  de 
Ja  bonne  grâce  de  nos  fuperieurs  Se  de  nos 
concitoyens,  il  y  a  certes  matière  de  s'en 
eftonner,pour  ces  trois  raifons  principales. 
La  première  eft ,  qu'elle  donne  à  Dieu  la 
louange  toute  entière  de  tout  le  bien  qui 
eft  en  nous  &:  que  nous  faifo  ns.  Or  y  a-t'il 
fans  doute  moins  de  péril  à  donner  à  Dieii 
yn  peu  plus  de  loiiange  qu'il  ne  faut ,  qu'à 
en  donner  beaucoup  moins  qu'il  ne  faut  à 
1  homme.  Quant  nous  attribuerions  4 
Dieu  quelque  partie  de  la  louange  qui 
inous  appartiendroit  (  ce  que  nous  ne  fai- 
fons  nullement  pourtant  )  nous  ne  croi- 
rions pas  en  deuoir  encourir  la  reprehen- 
fio^ideperfonne.  AlTeurémentfi  ce  qu'il 
y  a  de  Dieu ,  Se  ce  qu'il  y  a  de  l'homme  en 
:î|os  avions,  eft  fi  mal-aifé  àdiuifer,  qifil 
foit  comme  impo/Tible  de  le  partager  que 
l'vn  ou  l'autre  n'y  perde  5  il  eft  fans  doute 
plus  raifonnable  de  tout  rapporter  à  la 
gloire  de  Dieu  5  de  qui  nous  tenons,  tftuta^ 


poUr  ceux  de  U  J{elig,  nj 

^u  a  noiis  5  qui  n  auons  rien  de  nous-mef- 
mes .    La  féconde  eft,  qu'en  cela  nous  fui- 
uons  precifémenc  les  decifions  que  l'Egli- 
fe  a  taites  contre  les  Pelagiens  &:  Semi- 
pelagiens,  qui  ont  voulu  donner  plus  qu  il 
ne  faut  au  franc  arbitre  de  l'honime.    Et 
qui  confiderera  bien  ladoârine  de  faincfe 
Auguftin  en  cette  matierctrouuera  qu'el- 
le eft  entièrement  conforme  à  la  ncftre,  6r 
qu'il  a  combattu  Pelagius&ifesfedateur s 
des  mefmes  arnies  dont  lious  nous  fer- 
lions maintenant.  Or  feroit-ce  choie  bien 
eftrange  qu'on  nous  haïft  à  caufe  dVn  fen- 
timent  en  faueur  de  qui  l'Eglife  a  notoi- 
rement prononcé  ,&:  qui  a  efté  conft ani- 
ment tenu  par  ce  grand  Saind,  dont  le 
nom  &:  la  mémoire  eft  en  beaedidion  en 
l'Eglife.  La  troifiefme  eft  finalement^qu'il 
y  a  vne  infinité  d'honneftes  gens  en  la 
communion  de  Rome,  qui  font  en  cela  de 
mefme  opinion  auec  nous ,  qu'on  noni- 
iiioit  cy-deuant  dans  les  Efcoles  Predeter- 
minans ,  &:  qu'e  depuis  quelques  temps  on 
appelle  lanfeniftes.  Et  on  ne  peut  pas  dire 
que  nous  en  vueillions  faire  accroire  au 
monde  lors  que  nous  parlons  ainfi  ;  car  les 
efcrits  qu'on  fait  contr'eux  les  accufent  li 
hautemet  d'eftre  Caluixiiftcs  en  ce  poinft» 


jtt6  '  Apologie 

qu  il  jie  fe  peut  reuoqaer  en  doute.  Le  feui 
liureque  le  Icfuite  Petau  a  compôfé  tou- 
chant le  franc  arbitre  depuis  peu ,  en  fait 
foy  à  tout  k  monde.  Or  iufques  à  cette 
heure  on  les  a  f  upportez  doucement ,  8^ 
Rome  mefme  ne ^eftoit  point  meflée  de 
ce  différend  jouau  moins  n'auoit  ouuer- 
tementfauorifé  aucun  des  partis  contçn- 
dans  >  iufques  à  il  y  a  fort  peu,  que  le  Pape 
de  maintenant  5  s'eft  3  à  ce  qu'on  dit ,  dé- 
claré pour  les  Anti  -lanfenifles.  Ce  fe- 
loit  donc  certes  paflîon  fi  on  auoit  de  l'a* 
iierfion  contre  nous  à  l'occafion  d'vne 
chofe  que  la  communion  de  Rome  n'a 
point  encor  décidée  formellement ,  8>c  qui 
n'empefche  pas  qu'on  ne  tienne  pour  fort 
honneftes  gens  ôc  pour  bons  Chreftiens 
ceux  qui  y  ont  des  fentimens  tout  à  fait 
conformes  aux  noftres. 

Le  quatriefme  exemple  fera  pris  de  cet- 
te accufation  fi  atroce ,  que  nous  faifons 
Dieu  autheur  de  péché.  Ce  qui  véritable- 
ment feroit  digne  de  beaucoup  d'horreur, 
s'il  eftoit  auffi  véritable ,  que  beaucoup  de 

fens  le  nous  imputent  hardiment.  Or  d'à- 
ord  il  y  a  de  la  peine  à  conceuoir  com- 
ment cette  accufation  s'accorde  auec  la 
précédente  j  cai:  ie  ne  diray  pas  que  fi  nous 


pour  CCHX  de  la  Relig.  itj 

minons  abiblument  le  franc  arbitre,  dont 
IVlage  ell  neceifaire  pour  faire  que  nos 
aftions  portent  iullemen:  la  qualité  de 
vertuou  depechc^nous  oftonsaufli  tout 
péché  de  la  conuerfation  des  hommes ,  &: 
que  Dieu  ne  peut  eftre  autheur  dVne  cho- 
fe  qui  n^eft  point.  le  diray  feulement  que 
fi,  comme  nous  le  faifons,  nous  attribuons 
à  Dieu  toute  la  gloire  des  bonnes  a£tions 
que  nous  produifonsjôc  fi,comme  on  nous 
en  accufejnous  le  faifons  encor  autheur  de 
toutes  les  mauuaifes,  il  faut  qu'il  y  ait  vne 
merueilleufe  bizarrerie  en  nos  opmions, 
&  que  nous  ayons  bien  peu  d  entende- 
ment de  ne  recognoiftre  pas  quelle  extra- 
uagance il  y  auroit  d'attribuer  également 
à  Dieu  tout  le  bien  &:  tout  le  mal  qui  fe 
-trouueroit  dans  les  actions  des  hommes. 
Outre  qu'ainii  nous  ne  laifferions  à  la 
créature  ny  louange  ny  blafme  de  bien  Se 
de  mal ,  le  zèle  que  nous  auons  d'vn  cofté 
à  la  glpire  du  Créateur ,  feroit  de  l'autre 
choqué  bien  rudement  &:bien  manifefte- 
ment  par  la  mauuaife  opinion  que  nous 
aurions  de  la  fainfteté  de  fa  prouidence: 
Mais  véritablement  on  a  grand  tort  de 
nous  attribuer  des  fentimens  que  non  feu- 
lement npus  re jettons  comme  faux  j  m^i^ 


ii8  jdpologie 

que  nous  auons  en  exécration  cotiiiné 
abominables.  Tant  s'en  faut  que  nous 
foyons  coupables  de  ce  crime ,  qu'au  con- 
traire, nous  mettons  conftamment  Se  vni- 
uerfellement  cette  diftinâion  entre  le 
bien  d>c  le  mal  de  nos  aûions,  que  nous  at- 
tribuons abfolument  le  bien  à  Dieu ,  com- 
me àlaleulecaufedont  il  peut  eftre  pro- 
duit 3  &c  quant  au  maLnous  le  donnons  en- 
tièrement à  l'homme  &:  au  malin, qui  en 
font  la  (eule  origine.  Or  encore  que  cette 
queftion^que  ceft  que  la  Prouidence  de 
Dieu  fait  ou  ne  fait  pas  en  la  produdiô  des 
mauuaifes  aûionsj  foit  ardue  d*elle-mef- 
me,  6c  de  longue  difcufrion5&:  qu'en  accu- 
fations  fi  calomnieufes,  qu'on  ne  fouftient 
d'aucunes  preuues^il  fuffit  de  nier  le  crime 
pour  en  eftre  iuftifié,  ie  ne  laifTera^  pas  dé 
dire  icy  deux  ou  trois  chofes  pour  noftrc 
defFenfe.  Premierementjil  ne  nous  eft  ia- 
inais  tombé  dans  la  penfée ,  que  Dieu  par 
quelque  opération  intérieure  de  fa  Pro- 
uidence,  mette  au  cœur  des  hommes  de 
mal  faire ,  ny  qu'il  y  incite  le  moins  du 
monde  leurs  aft'edions.  Ceft  dans  la  con- 
uoitife  5  Se  dans  la  corruption  de  noftre  na- 
ture qu'eft  le  germe  du  péché ,  qui  s'excite 
&:  qui  bourgeonne  deluy-mefme,  Se  qui 

refpand 


pour  ceux  de  la B^elig.  n^ 

refpanden  nos  penfées,  en  nos  avions,  <S^ 
en  nos  paroles  tout  le  viee  qui  y  eft.Ce  que 
la  Prouidence  de  Dieu  fait  en  cela^  eft  de 
gouuerner  tellement  quant  à  l'extérieur, 
radminiftration  des  objets  qui  font  capa- 
bles d'exciter  les  affeftions  ^  les  conuoi- 
tifesjquilsfeprefentent  à  propos  deuant 
les  facultez  &:  les  efmeuuent,  lors  qu  il  eft 
queftion  de  l'exécution  de  quelque  arreft 
de  fa  ProuidencC>  où  les  péchez  des  hom- 
mes doiuentinteruenir.  Comme  ça  efté 
cette  diuine  conduite  &  du  Père  &:  du  Fils> 
qui  a  fait  que  le  Seigneur  s'eft  trouué  à 
point  nommé  deuant  les  yeux  de  ludas, 
des  Pharifien^ ,  &:  de  Pilate ,  pour  efmou- 
uoir  en  chacun  d'eux  les  pafTions  aufquel- 
les  ils  eftoient  enclins  ,  &:  de  l'émotion 
defquelles  dependoit  la  crucifixion  du 
Sauueur  du  monde.  Car  il  n'eft  point  be- 
foin  d'inftiller  ny  l'auarice ,  ny  Tenule,  ny 
la  cruauté  dans  Tefprit  de^  hommes ,  à  ce 
qu'ils  foient  induits  à  faire  des  adions 
conuenables  à  la  nature  de  ces  vices  5  lors 
que  les  occafions  s'en  prefenteront;  la  cor- 
ruption qui  eft  en  eux  tous  dés  le  ven- 
tre ,  les  rend  d'eux -mefmes  affez  en- 
uieux,&:  aflez cruels.  Il  ne  faut  que  leur 
faire  voir  ,  ou  quelque  notable  fomme 

I 


ijo  apologie 

d'argent  >  ou  quelque  eminente  vertu  qtiî 
ofFulque  leur  réputation ,  de  qui  abbaiffe 
leur  puillanceyou  quelque  auire  tel  objet  . 
fur  lequel  ils  puiffenc  contenter  la  barba- 
rie de  leurs  pafiions.  Et  comme  ii  vous  ap- 
prochez vne  matière  fouuerainement 
combultible  de  la  flamme ,  incontinent 
le  feu  s'y  prend ,  la  feule  prefence  des  cho- 
fes  capables  d'exciter  ces  paflions,  les  allu- 
me incontinent.  Pour  ce  qui  eft  de  l'inté- 
rieur, l'efficace  de  la  Prouidence  confifte 
principalement  en  ce  que  les  penfées  des 
hommes  eftans  fort  errantes  8c  vagabon- 
des, &:  la  variété  de  s  objets  qui  feprefen- 
tentà  eux  les  faifans  alfez  foiiueiit  flotter 
irrefolus  entre  diuers  miauuaifes  aftiotiSi 
elle  fait  par  des  moyens  fecrets  &  tout  à 
fait  imperceptibles  à  noftrcintelligenceii 
qu'ils  fe  déterminent  pluftoft  à  vnechofe 
qu'à  l'autre,  pour  feruir  fans  y  penfer  au 
deffeiri  lequel  Dieu  s'eftoit  formé.  Ce  qui 
fait  qu'encore  qu'il  ne  contribue  du  tout 
rien  à  lanaiffancc  de  ces  mauuaifes  pen- 
fées,&:  que  toute  fon  opération  fe  déployé 
à  les  gouuerher  feulement ,  l'euenement 
qui  s'en  enfuit  luy  eft  attribué  comme  s'il 
en  eftoit  la  caufe.  A  quoy  contribue  beau- 
Coup  ce  que  Sàtàn  nepouuant  rien  entre- 


pofir  ceux  de  la  Relig.  15 ï 

|)rendredefrusleshommes>  iinon  autatit 
que  Dieu  luy  permet ,  aufli-coft  que  Dieu 
luy  a  lafché  la  bride ,  il  court  &:  vole  de- 
dans leurs  efpi:itS5&:  y  embrafe  les  paffions 
qui  n'y  eftoient  déjà  que  trop  enflammées 
d'elles-mefmes.  Apres  cela^de  quelque  fa- 
çon qu'on  explique  cette  matière,  car  fa 
difficulté  fait  prendre  diuerfes  routes  à 
ceux  qui  fe  méfient  de  l'mterpreter  tant 
en  l'vne  qu  en  l'autre  communion^  tant  y 
a  que  nous  n'auons  iamais  parlé  de  ce  que 
Dieu  y  fait  en  termes  fi  précis,  &:  qui  fem- 
•blent  tant  faire  dépendre  les  manuaifes 
aftions  des  hommes  de  loperation  de  la 
main  de  Dieu,  que  l'Efcriture  n'en  em- 
ployé de  beaucoup  plus  emphatiques  ,  ôc 
qui  d enrôlent  donner  beaucoup  plus  de 
fujet  de  fcaiidalcs'il  y  auoit  quelque  chofe 
en  l'Efcriture  dont  on  fe  deuft  fcandalifen 
car  elle  ne  fe  contente  pas  de  dire  en  ce 
qui  eft  de  la  crucifixiô  de  noflre  Seigneur, 
que  les  luifs  qui  Tont  mis  à  mort  n'ont  rien 
fait  finon  ce  que  la  wain  é*  le  confeil  de 
T>ieHduoïent  déterminé  fe  deuoir  fme-t  Aft.44 
8.  mais  elle  enfeigne  difertement  que  c'eft 
Dieu  qui  a  endurci  lecœurdeFharao  contre 
Ces  propres  commandemens,Exod.7.3.que 
x'eft  luy  qui  nfm  qu'Abfalon  a  commis 


îjt  jipologie 

incefte  aiiec  les  concubines  de  Dauid,  afin 
de  le  punir  de  fes  péchez,  2.  Sam.  ii.  11. 12. 
que  c'eft  luy  qui  enuoye  efficace  d'erreur  en 
ceux  oui  ri  ont  f  oint  receu  UdtUciion  deveri» 
te  i  afin  an  ils  croyent  à  mcnfonge.  2*Thein 
II.  IG.  II.  ^  chofcs  femblables.  Comme 
donc  la  bonne  opinion  qu'on  a  de  la  fain- 
6teté  de  lEfcriture  &:  de  la  diuinité  de  fon 
infpiration  ,  fait  qu'on  ie  porte  à  expli- 
quer ces  endroits  dételle  forte j>  qu'on  y 
trouue  enfin  que  la  conduite  de  noftre  Sei- 
gneur y  demeure  exempte  de  blafme  î  la 
charité  Chreftienne  deuroit  porter  ceux 
qui  lifentlesefcritsde  nos  gens  liir  cette 
matière,  à  les  expofer  fauorablemcnt,  s'ils 
y  trouuoient  quelque  chofe  quide  prime 
abord  ne  fuft  pas  à  leur  contentement-Car 
ceftbienvn  effet  de  noftre  pieté  que  de 
tafcher  d'applanir  dans  les  Efcritures  les 
pafTagesquis'y  rencontrent  vn  peu  diffi- 
ciles ou  fcabreux  ;  mais  c'eft  vn  grand  def- 
faut  de  charité,  ôivne  procédure  qui  tef- 
moigne  de  la  paflion  beaucoup  ,  que  de 
condamner  comme  criminel  dans  les  li- 
ures  de  nos  gens ,  ce  qu  on  trouue  moyen 
de  iuftifier  pleinement  dans  ceux  des  Pro- 
phètes &:  des  Apoftr es.  Finalement,  il  n'y 
a  dans  ces  diuins  authewiL's  &:  dans  les  no-? 


pour  ceux  de  la  Kelig,  13  ^ 

ftresexprefsion  fi  dure  en  cette  matière, 
ny  fi  capable  de  donner  de  l'alarme  à  Tef- 
prit  humain5qu'il  ne  s  en  trouue  de  pareil- 
les &:  de  plus  fortes  encore  dans  les  çfcrits 
des  autheurs  les  plus  illuftres  de  la  com- 
munion de  Rome.  Car ,  ie  vous  prie  ^  que 
peut-on  rencontrer  en  nos  gens  qiii  foit 
au  delà  de  ces  paroles  dii  Cardinal  B  :llar- 
min  au  fécond  de  fes  liures  de  la  Perte  de 
la  Grâce,  chap.  13.    Pour  ce  qui  efi  de  Vin-^ 
ce  fie  (V  Ahfalon  ,  Bieu  ejl  dit  auoir  fait  cç 
mal-la ,  non  entant  que  cefloit  vne  peine  four 
I>auid.   Car  encore  que  cefujl  vn  mal  quAb^ 
falon  fechaji  ,  ce  que  Bieu  ne  voulait  point , 
mais  le  dejfendoit  j  ceHoit  pourtant  vn  bien 
que  Bauid  fufl  puny  ;  ce  que  Dieu  a  voulu  dr 
r a  fait.  Item  au  chap.  i^.  Non  feulement 
Dieu  delaijfe  les  pécheurs  quand  il  les  aban-^ 
donne  aux  defirs  de  leurs  cœurs  ,  mais  aufit 
quand  il  tourne^  gouuçr ne  ^  f^  ordonne  fi  ad^ 
mirablement  les  mauuaijes  volonté z^-^  lefquel^ 
les  il  na  pas  faites ,  maurin  pas  ignoré  quelles 
fer  oient  telles ,  que  malgré  quelles  en  ayent» 
elles  luy  feruent:  c'eû  à  dire,  à  l'exécution 
defesdefleins.  Ailleurs  il  dit  que  Dieu  les 
régit,  &  les  gouuerne,  &C  qu'il  les  tordy  ou  fis- 
chit,&c  mefmes  auec  quelque  efpece  de  vio- 
lence, (car  le  mot  fçrquet  ugnifie  tout  cela) 

I  iij 


134  jifologie 

opérant  en  elles  inuifibiement,  tellemenç 
qu  elles  s'addreffenc  pluftoft  à  vn  mal  qu'^ 
l'autre  p^r  la  prouidence  de  Dieu.  Il  cft 
vray  qu'il  dit  que  ce  n'eft  pas  pofmuementi 
qu'il  le  fait  5  mzis  fermtjl^tuement  itul^- 
ment,  &  qu'il  explique  cela  parla  compa- 
raifondvnchafleur  duquel  oh  ditquil  a 
ponffé  fon  chien  fur  le  Heure ,  quoy  qu'il 
n'ait  fait  que  lafcher  lalefledont  il  lete- 
noit  arrefté.  Mais  outre  que  Temphafe  de 
ces  mots  monflre  qu'en  ctttc permiJsionM  y 
a  quelque  cfftczccpojïtmeyil  dit  que  mef- 
mcspo/âiuemef2f  Dieu,  encline  les  volontez 
des  mefchans  pluftoft  à  vn  m^l  qu  a  l'au- 
tre,quoy  que  ce  foit  QccaftonmUement&mo^ 
ralementyC^Çi  à  dire,  en  leur  mettant  ei> 
l'efprit  quelques  penfées  bonnes  en  elles 
mefmes,  mais  dont  ils  abufent  à  mal.  Puis 
donc  que  nous  faifons  également  profef- 
fion  d*auoir  en  deteftation  que  Dieu  foit 
lautheurdes  péchez  dçs  hommes,  &  que 
nous  nous  exprimons  en  termes  qui  font 
cfgalement  capables ,  en  les  prenant  trop 
à  la  rigueur ,  de  faire  foupçonner  quelque 
chofe  de  tel  pourtant,  quelle  apparence  de 
raifon  y  peut -il  auoir  que  les  Dofteurs 
Romains  foient  neantmoins  receus  à  nous 
fccufer  continuellement,  ôcque  quant  à 


pour  ceux  de  la  Kelig,  13^ 

nous  on  ne  vueille  pas  donner  vne  oreille 
à  nos  defFenfes  :  Ou  de  quelle  iuftice  peut- 
on  colorer  ce  procédé ,  que  Ton  recoin- 
penfedes  dignitez  les  plus  eminentes  de 
l'Eglife  de  Rome  ceux  de  fa  communion 
qui  parlent  ainli,&:qua  ces  pauures Re- 
formez 5  qui  ne  difent  du  tout  rien  de  pis, 
on  fafle  fentir  tant  d'eiSFets  dVne  animof^- 
té  comme  implacable  ? 

SECTION     IV. 

Que  ft  on  confdere  ceux  de  U  Keligioff  d 
l'ejgard  des  chofes  qu'ils  ne  crojent 
pas  ^  ils  ne  mentent  point  d'auerfion. 
Et  premièrement  touchant  Vinuoca-' 
tion  des  SainHsy  l'adoration  des  Ima^ 
ges^  ^  le  Purgatoire. 

Viennent  maintenant  à  eftre  confide-. 
rez  les  principaux  chefs  des  chofes 
que  nous  ne  croyons  pas ,  ou  que  nous  ne 
pratiquons  pa^  en  matière  de  Religion, 
Car  ie  ne  veux  parcourir  que  les  plus  no- 
tables ,  ne  doutant  pas  que  fi  i'y  puis  don^ 
ner  quelque  fatisfîi^ion  à  ceux  qui  wm 


13^  apologie 

veulent  du  mal  ,  ils  ne  fe  portent  d'eux 
mefmes  à  iuger  équkablemenL  &:  fauo- 
rablement  du  refte.  Le  premier  que  ie 
propoleray  eft  l'inuocation  des  Sainfts, 
que  nous  ne  croyons  pas  eftre  permife  à 
TEglife  3  Se  qu'à  cette  occafion  nous  ne 
pratiquons  point  entre  nous.  Surquoy  cer- 
tes il  y  afujetde  s'eftonner  comment  on 
le  trouue  fi  mauuais.  A  la  vérité  fi  nous 
le  faifions  poiirce  que  nous  fuflions  enne- 
mis  des  Sainûs  &c  de  la  Vierge  Bien-heu- 
reufe ,  quoy  que  la  chofe  ne  fuft  pas  blaf- 
mable  en  elle-mefme  ,  nous  n'en  pour- 
rions pourtant  nullement  nyiuftifier,  ny 
mefmes  excufer  le  motif.  Mais  Dieu  3c 
hs  hommes  nous  font  tefmoins,  quelques 
calomnies  qui  fe  fement  parmy  le  vul- 
gaire i  Se  à  quelques  excez  qu'on  s'em- 
porte quelquesfois  dans  le  zèle  des  pré- 
dications >  que  nous  eftimons  les  Sainds 
Bien-heui^eux,  que  nous  admirons  leurs 
vertus  y  que  nous  imitons  leurs  exem- 
ples 5  Se  fur  tout  5  que  nous  auons  de  la 
glorieufe  Mère  de  Noftre  Seigneur,  tou- 
tes les  plus  hautes  &:  les  plus  auantageu- 
(ts  opinions  que  Ton  peut  auoir  d Vne  per- 
fonne  purement  humaine.  Nos  efcrits  pu- 
blics en  font  foy ,  nos  propos  en  atteftenç 


pour  ceux  de  la  Relig.  137 

en  toutes  occafions ,  &:  nos  prédications, 
au  moindre  fu jet  qui  nous  en  eft  prefenté, 
refonnêt  magnifiquemêt  de  leurs  louages. 
De  forte  que  fi  nous  ne  lesinuoquonspas, 
il  le  faut  fimplement  attribuer  à  vn  pieux 
5i  religieux  mouuement  de  nos  conlcien- 
ces.  Or  y  a-t'il  certes  diuerfes  confidera- 
tions  pour  lefqucUes  ceux  auec  qui  nous 
viuons  nous  y  doiuent  eftreplus  équita- 
bles; car  pour  ne  dire  point  icy  que  tout 
tel  mouuement  de  confcience  procède  de 
quelque  reuerence  enuersla  Diuinité^tout 
le  monde  aduouë  que  nous  n'auons  point 
de  commandement  en  l'Ecriture  d'inuo- 
quer  autre  que  Dieu.  Et  de  fait  le  Concile 
de  Trente  neditpa.s.quecefoitvne  chofe 
neceffaire,  mdih  bonne  é"vtile  feulement, 
que  d  muoquer  les  Sain£i:s  qui  régnent 
auec  noftre  Seigneur.  De  forte  qu'on  ne 
nous  peut  accufer  de  rébellion  contre 
Dieu ,  ny  de  defobeyffance  à  fes  comman- 
demens  en  cet  efgard.  Or  fi  l'Apoftre  S. 
Paul  dit  qu  il  faut  fupporter  charitable- 
ment ceux  qui  n  ofent  manger  de  quel- 
que efpece  de  viande ,  pource  qu'ils  fe  fi- 
gurent qu'elle  eft  défendue ,  encore  qu'el- 
le ne  le  foit  pas ,  il  nousfupporteroit  fans 
doute  beaucoup  plus  doucement  encore"" 


138  jâ^ologiç 

ç'il  viuoit  3  eftant  icy  queftion  dVne  chofe 
qui  quand  elieneferoit  pas  défendue  de 
Dieu  5  nous  eft  fort  fufpcfte  pourtant ,  ôc 
quieft  d'incomparablement  plus  grande 
importance.  Apres  cela ,  ce  qui  augmente 
noftre  foupçon  ,  c'eft  que  ny  dedans  le 
Vieil  ny  dedans  le  Nouueau  Teftament 
nous  n'en  voyons  aucun  exemple.  Car 
tout  ce  qu'on  en  veut  tirer  pour  iuftifier  le 
contraire ,  eft  fifriuolejque  peu  s'en  faut 
que  ceux  mefmes  qui  lallçguent  n'en 
ayent  honte.  En  effet ,  pour  ce  qui  eft  du 
Vieux  Teftament,  puis  qu'en  l'Eglife  BLo- 
•ma'ine  on  croit  que  ny  les  Patriarches ,  ny 
les  Prophètes ,  ny  les  autres  Sainfts  de  ces 
temps-ià^n'ont  point  cfté  recueillis  en  Pa- 
radis finon  àl'aduenemctdu  MelTie^c  euft 
efté  lors  chofe  bien  impertinente  que  de 
les  vouloir  inuoquer.  Pour  ce  qui  eft  du 
Nouueau  5  les  plus  paOionnez  difputeurs 
n'y  en  trouuentpas  la  moindre  trace.  Or 
ce  qu'il  n'y  a  point  de  commandement 
d'inuoquer  les  Saints,  eft  vn  argument  in- 
dubitable de  l'inutilité  de  la  chofe  en  foy. 
Si  elle  pouuoit  feruir  a  la  gloire  de  Dieu 
&:  à  noftre  falut  ^tres-afleurément  Dieu  la 
nouseuft  commandée.  Mai$  ce  qu'il  n'y 
en  a  point  d'exemple,  eft  vne  tres-violen-. 


pour  ceux  de  la  Relig.  i  j^ 

te  prefomption  qu'il  y  a  quelque  chofe  de 
vicieux  en  cette  deuotion ,  n  eftant  nulle- 
ment àprefuppofer  que  nous  foypns  plus 
aduifez\)u  plus  deuotieux  que  ces  Sainûs 
à  qui  Ion  défère  cet  honneur ,  pour  inuen- 
ter  en  matière  de  pieté  quelque  nouueau- 
té  qui  ne  leur  ait  point  eftécognuè.  Il  eft 
vray  que  le  Concile  de  Trente  couche  icy 
magnifiquement  de  la  couftume  de  TE- 
glife  Catholique  &:  Apoftolique ,  6c  qu'il 
en  rappelle  lorigine  de  la  plus  lointaine 
antiquité.  Mais  après  quinze  cens  ans  qu'il 
ly  a  que  les  Apoftres  font  morts ,  les  traces 
de  ces  traditions  nousparoiflentûconfu- 
(csyàc  la  iadance  de  ceux  qui  fe  vantent 
de  les  nous  monftrer  dans  les  efcrits  des 
anciens  Hiftoriens  &:  des  Pères ,  eft  ou  fi 
peu  fondée  en  bons  tefmoignages,  ou 
inefmes  contredite  fi  fortement  par  ceux 
que  nous  alléguons,  que  nous  ne  voyons 
aucune  apparence  Je  raifon  de  nous  ra- 
foudre  làdeffus  à  vne  chofe  de  telle  im- 
portance. En  effet,  i'eftime  que  cecy  nous 
doit  iuftifier  deuant  tout  le  monde.  Il  faut 
neceflairement  que  Tinuocation  qu'on 
addrefTe  à  ces  beniftes  créatures  qui  foqt 
au  Ciel ,  foit  vn  feruice  religieux  qu'on 
leur  rende  comme  à  des  médiateurs  6c  in- 


140  jéj^ologie 

terceffeurs  entre  Dieu  &:  nous ,  Se  vn  hon- 
neur qui  leur  foit  deu  à  caufe  de  cette 
charge  3  ou  que  ce  foit  feulement  vn  effet 
de  la  communion  des  Saindls ,  qui  nous 
fait  implorer  l'affiftance  des  prières  de  nos 
amis  dans  Ic^necefTitez  qurnous  preffent. 
Si  c'eft  le  pr emi  er ,  il  me  femble  qu'il  n'y  a 
perfonne  qui  entende  que  c'eft  de  raifon, 
qui  n'aduouë  que  nous  en  auons  beaucoup 
de  nourrir  de  fi  fartes  auerfions  pour  ce 
culte  :  Car  quant  à  hpnorer  le  Créateur 
d Vn  feruice  religieux  ,  c'eft  chofe  que 
nous  deurions  faire  quand  il  ne  le  nous 
auroit  pas  commandé,  pource  que  l'excel- 
lence &:  Timmenfité  de  fa  nature,  l'eftre 
qu'il  nous  a  donné,  la  prouidence  par  la- 
quelle il  nous  gouuerne,&:  les  autres  bien- 
faits que  nous  auons  receus  deluy,  l'exi- 
gent de  nous  clairement.    Mais  honorer 
vne  fimple  créature  dVn  feruice  reli- 
gieux ,  eft  chofe  que*nos  confciences  ne 
peuuert  gaigner  fur  elles  mefmes ,  fans 
vn  commandement  tres-exprés  &:  très- 
euident  -,  &  quand  elles  verroient  quelque 
chofe  de  tel ,  il  feroit  bien  malaifé  que  la 
qualité  de  leur  objet  ne  les  fift  beaucoup 
hefiterauant  qu'elles  y  condefcendifTent; 
car  le  feruice  religieux  eft  comme  l'amour 


pour  ceux  de  la  Relig.  141 

cônlugal,  ainfi  que  l'Ecriture  enfeigne.Or 
'tant  s'enfaucqu  vne  femme challe  com- 
munique cet  amour  à  autre  qu'à  ton  ma- 
ry,  fans  fon  confentemcnt  bien  exprés, 
que  mefmes  quand  il  le  luy  ordonneroit, 
la  nature  delachofe  la  porteroit  à  sciki- 
mer  difpenfée  de  lobeifTance.  Joignez  à 
cela  que  la  charge  de  médiateur  Se  d'in- 
tercelfeureftenrEcriture  attribuée  à  le- 
fus-Chrifl:  exclufiuement  à  tout  autre.  //  y 
a,  dit  l'ApSftre  l.  Tim.z.  5.  vnfeul  Dieu  & 
njnfeul  Médiateur  entre  Dieudr  les  homme  s  y 
à  fçauoir  lefus-Chrift.Or  le  veux  qu'on  al- 
lègue icy  de  fubtiles  diftinftions  de  Mé- 
diateur d'interceffion  6^:  de  médiateur  de 
redemption.&autres  telles  qu'il  vous  plai- 
ra 5  tant  y  a  que  cela  ne  djous  ofte  pas  les 
fcrupulesde  la  confcience.  Les  termes  de 
r Apoftre,  comme  il  eft  manifeftcfont  di- 
fertsjces  difl:in£tions  font  de  l'inuention 
de  Tefprit  humain  jôcfondées  fur  certaines 
fuppofitions  dont  nous  ne  voyons  aucune 
trace  en  l'Ecriture.  le  vous  prie, en  vne 
chofe  dont  nous  n'auons  point  de  com- 
mandement, dont  nous  ne  voyons  aucun 
exemple,  où  il  y  a  tant  d'apparence  que  la 
chafteté  de  la  confcience, &: la  pureté  de 
l'amour  que  nous  deuons  à  Pieu  çft 


tj^L  Apologie 

Violée  5  &:  où  la  gloire  de  la  charge  de  no- 
ftre  Médiateur  eft  communiquée  à  au- 
truy,  où  trouueray-ie  dequoy  fuflifammet 
authorifer  ces diftindions,  pour  medeli- 
urerde  rapprehenfion  que  i'aydebleffer 
le  feruice  de  mon  Dieu ,  &:  le  falut  de  mon 
ame  ?  Dans  les  chofes  humaines ,  c'eft  vn 
précepte  de  prudence  que  nul  ne  tranf- 
greffe  à  moins  que  d'eftre  quafi  tenu  pour 
infenfé ,  de  ne  fe  porter  iamais  à  faire  cho- 
fe  quelconque  fans  necefllté,  otffans  quel- 
que vtilité  louuerainement  confiderable, 
quand  il  y  a  dans  Tadion  quelque  notable 
péril.  Ou  donc  ie  ne  voy  nulle  neceflité 
d'inuoquer  les  SainÛs^jCar  il  n'y  en  a  point 
de  commandement,  ou  iene  voy  point 
d'euidente  vtilité  ;  car  puis  que  le  Fils  vni- 
quede  Dieu  eft  mon  incerceffeur ,  le  me 
puis  fort  bien  pafTer  de  rinterceflion  de 
'  tous  les  Sain<^s  bc  de  tous  les  Anges  5  ou  le 
danger  eft  fimanifefte  de  choquer  l'hon- 
neur de  monCreateur5&:  la  gloire  de  mon 
Rédempteur ,  ou  finalement  ie  cours  rif- 
que  de  la  perte  de  mon  falut  ;  de  quel  cha- 
ftiment  ne feroit  point  digne  matemm-- 
té,  ou  quel  fupplice  ne  meriteroit  poiilc 
mon  irreligion ,  fi  ie  palToispardeffus  tou- 
tes CCS  eonfiderations  par  inaduertance. 


pour  ceux  de  la  Kelig.  i^^ 

ôupar  complaifance?  Si  Ion  prend  cette 
inuocationieuleinent  comme  vn  effet  de 
la  communion  des  Saints, les fcrupul es 
que  nous  en  auons  ne  font  pas  moins  con- 
iiderables  :  Car  premièrement  nous  la 
voyons  pratiquer  en  lEglife  Romaine 
comme  vn  ieruice  religieux.  On  y  prie  les 
SainCts  tout  de  mefme  que  la  Trmité  :  &: 
comme  l'air  d>c  la  façon  extérieure  de  le 
faire  eft  toute  femblable  au  feruice  reli- 
gieux que  Ion  prefente  à  lefus-Chrift , 
aufli  voyons  nous  que  la  deuotion  &:  les 
mouuemens  du  cœur  ne  différent  aucu- 
nement de  ceux  qu'on  efpand  en  lapre- 
fcnce  du  Redempteur,quand  on  s'addref- 
fe  à  la  perfonne  :  pource  que  l'inuocation 
eft  vne  dépendance  de  l'adoration,  on  n  y 
nie  pas  qu'on  ne  puilfe  &:  qu'on  ne  doiue 
adorer  les  Sainâs  àc  la  Mère  de  lefus- 
Chrift  ,  feulement  on  cherche  quelques 
degrez  d'adoration  fubalternes  &:  quel- 
que peu  moins  efleuez,  pour  ne  les  cfgaler 
pas  tout  à  fait  au  Sauueurdu  monde.  On 
diftingue  entre  l'adoration  de  Utrie  ,  Se 
celle  qui  n'en  eft  pas  î  on  fubdiuife  encore 
cette-cy ,  pour  ne  mettre  pas  les  Sainfts  6i 
la  Vierge  bien-heureufe  en  mefme  rang> 
en  affignaut  à  ceux-là  la  d»l$€  tout  limple-^ 


144  jipologie 

ment,  au  lieu  qu'on  eftime  celle-cy  digne 
de  l'hyferdulïe.  Mais  quoy  qu'il  en  Ibit ,  la- 
trie, dulie  5  hyperdulie,  ce  lont  cultes  reli- 
gieux 5  qui  différent  feulement  de  quel- 
ques degrez  entr'eux  i  ce  qui  fcandalilc 
tout  à  fait  nosconfciencesjcar  il  nousfem- 
ble  que  comme  la  différence  des  degrez 
au  culte^induit  bien  neceffairement  la  dif- 
férence des  degrés  en  Texcellence  de  l'ob- 
jet, de  forte  que  les  perfeftions  desSainÊts 
n'égalent  pas  celles  de  la  Vierge,  &:  que 
celles  de  la  Vierge  ne  vont  pas  au  pair  de 
lefus-  Clirift ,  ainfi  la  conformité  en  la  na- 
ture du  culte,  induit  pareillement  la  con- 
formité delà  nature  de  l'objet j  de  fortç 
que  ce  font  des  Dieux  &:  des  Rédempteurs 
à  qui  on  addreffe  cette  inuocation ,  mais 
d'vne   dignité  inférieure  à  noftre   Sei- 

fneur ,  &:  à  la  Diuinité  éternelle  de  fon 
ère.  On  ne  craint  pas  mefmes  de  dire 
qu'ils  font  Dieux  &  Redemfteurs,  quoy  que 
cène  foit  qu'en  quelque  façon  c^  far  par- 
ticipation :>  comme  Bellarmin  les  appelle. 
Comment  donc  pourrions  nous  confide- 
rer  cette  inuocation  comme  vnfimple  ef- 
fet de  la  communion  des  Sainfts,  &:  com- 
ment y  pourrions  nous  participer  fans 
crainte  de  polluer  nos  confciences  ?  Puis 

après 


four  ceux  de  U  Relig.  i^ j 

après  en  cette  communion  que  les  Sainûs 
ôc  fidèles  ont  entr'eux  ,  nous  implorons 
bien  lafliftance  des  prières  de  ceux  à  qui 
nous  pouuons  parler ,  fi  nous  nous  ren- 
controns en  mefme  lieu  auec  eux.  Sil'in- 
terualle  des  lieux  qui  nous  leparenc, 
n  empefche  pas  le  commerce  &c  la  com- 
munication 5  nous  le  pouuons  faire  par 
lettres.  Mais  quant  à  prier  ceux  qui  font 
fi  efloignez  de  nous ,  qu'ils  ne  peuuent  ny 
entendre  noftre  voix ,  ny  receuoir  de  nos 
lettres ,  ny  eftre  informez  par  aucun  au- 
tre moyen  de  nos  inclinations  &:de  nos 
neceffitez  ,  c'efl:  ce  que  nous  ne  penfons 
pas  qu  aucun  des  Catholiques  pratique. 
Ceux  donc  qui  inuoquent  les  Sainfts,  s'i- 
maginent qu'ils  font  entendus  d'eux ,  Se 
quilscognoiffent  leurs  necefiirez  Se  les 
mouuemens  de  leurs  confciences.  Or 
comment  cela  fe  peut-il  fans  leur  attri- 
buer ce  qui  ne  conuientquala  feule  diui- 
nité  5  c'eft  à  fçauoir  vne  cognoiflance  infi- 
nie ?  le  fçay  bien  encore  qu'on  allègue  icy 
beaucoup  de  diftindiôs  ingenieufes.  Mais 
comme  quand  il  eflqueftion  d'vfer  dVne 
drogue  bien  dâgereufcapres  diuerfes  pré- 
cautions, &:  diuerfes  preparations^le  meil- 
kur,ôc  le  plus  falutaire  cft  de  n  en  prendre 

K 


ij^6  apologie 

du  tout  point^pource  que  la  moindre  pe- 
tite omiffion  en  tant  de  circonipcillons, 
elt  capable  de  faire  que  vous  vous  empoi- 
fonnerez ,  au  lieu  de  prendre  a Vn  bon  re- 
mède :ainii  envne  adion  de  cette  idrte> 
après  toutes  ces  fabtilitez,leplus.ieur  de 
le  plus  expédient  cft  de  ne  la  faire  du  tout 
point  5  pource  que  ii  vous  vous  y  trompez, 
l'erreur  y  eil  pernicieufe.  En  eft'et/urquoy 
pouuons  nous  fonder  aucune  certitude  de 
cette  perfuafion ,  que  les  Sainâis  qui  font 
en  Paradis  nous  entendent  ?  Quel  enfei- 
snement  en  auons  nous  en  la  Parole  de 
Dieu,  quel  exemple  dans  les  expériences 
des  chofes  huntiaines  ?  C:uel  raifonnement 
tire  ou  de  la  nature  eu  de  l'eftenduë  de 
leur  félicité  efl:  capable  de  nous  en  rendre 
GertainsîQ^ls  Anges  enuoyez  des  Cieux 
riôùs  en  ont  iamais  rendu  tefm^oignage? 
Et  û  ie  ne  fuis  point  affcuré  d'eilre  efcoute 
de  celuy  que  i'appelle  à  mort  fecours ,  à 
quoy  faire  rempliray-je  la  terre  &  les 
Cieux  des  clameurs  de  mes  litanies?Enfin, 
foit  qu'oit  confidere  Tinuocation  des 
Sainfts  comme  vn  culte  religieuxjn'ayant 
point  de  commandement  de  la  pratiquer, 
nous  nefçauons  fl  ceft  chofe  agréable  à 
Dieu.  Or  Salnd  Paul  dit  que  faire  vne 


^         pour  ceux  de  la  Rclig.  i^-^ 

ààion  fans  fpuoir  fi  elle  eit  agréable  à 
JDieuounon^&cpecheisc'eft  vne  mefme 
chofe.  Soit  qu'on  la  coniidere  feulement 
comme  vn  effet  de  la  communion  des 
Sainfts ,  n'ayant  aucune  certitude  qu'ils 
entendent  nos  oraifons,  la  fagefle  ny  k 
pieté  ne  nous  permet  pas  de  faire  des 
actions  de  cette  nature  à  la  volée.  Si  ie 
m'eftois  propofé  de  difputer  de  la  Reli- 
gionj  ie  m'arrefterois  dauantage  à  refou- 
dre tout  ce  que  Ton  met  en  auant  fur  cette 
matière ,  3c  monftrerois  que  tout  ce  qu'on 
a  accouftumé  d'alléguer  pour  donner 
couleur  à  cette  partie  du  feruice  de  l'Egli- 
fe  Romaine ,  eft  fans  folide  fondement. 
Et  ficét  efcriteftoit  entrepris  proprement 
Se  principalement  à  dcflein  de  conuertir 
à  noftre  prdfeffion  ceux  qui  en  font  efloi- 
gnez,  ieme  mettrois  en  deuoir  de  prou- 
uerbien  fortement  que  c'eft  vne  pratique 
qui  ne  s'accorde  nullement  auec  le  génie 
de  la  Religion  Chreftienne.  Mais  pource 
que  ic  n'ay  defiein  finon  de  diminuer  Ta- 
uerfîonquetantde  gens  ont  contre  nousi 
Umefuffit  de  dire  que  là  où  deux  chofes 
qui  nous  doiuent  eftre  en  fi  fouueraine  re- 
commandation, la  gloire  de  noftre  grand 
Diau ,  ôc  noftre  falut  éternel ,  nous  empef- 

K  ij         ■ 


148  Afologie 

chent  feules  fans  autre  confideration  d'ap-^^ 
prouuei'iSide  pratiquer  ce  culce  ennoftre 
Communion  ,  nous  mcritons  pluftoft 
louange  d'eftre  circonfpeûs ,  6c  fi  l'on  le 
veut  ainfi,  fcrupukuxjpar  des  motifs  fi  im- 
portans  ?  que  non  pas  l'indignation  de 
ceux  à  qui  noftre  créance  eft  odieufe. 

Le  fécond  point  eil:  celuy  de  l'adoration 
des  images  ^  fur.  lequel  y  a  encore  beau- 
coup plus  de  fujet  de  s'eftonner  que  no- 
ftre créance  &:  noftre  pratique  nous  puif- 
fe  attirer  la  haine  de  nos  concitoyens  5 
car  non  feulement  nous  n  auons  dans  la 
Parole  de  Dieu ,  ny  aucun  précepte  ,  ny 
aucun  exemple  de  les  vénérer ,  mais  nous 
auons  &:  des  commandemens  tres-pre- 
cisj  &:des  exemples  très- autentiques  qui 
le  nous  défendent.  La  defenfe  en  eft 
tres-expreffe  en  ces  paroles  du  fécond 
commandement  de  la  Loy.  Tu  ne  te  feras 
aucune  image  t Aillée  ,  ny  reffemhUnce  des 
chojes  quïfont  Ik  haut  au  Ciel,  ny  icy  bas  en 
la  terre ,  tu  ne  te  froflerneras  point  deuant  el- 
les-^CT  ne  les  feruiras  point.  Et  en  celle-cy 
du  quatriefme  Chapitre  du  Deuterono- 
mç..i  Vom  prendrez  bien  garde  'fur  vos 
âmes ,  (  car  vous  nauez  veu  reffemh lance  au- 
cune au  iour  que  nofre  Dieu  a.  parlé  à  vous 


pour  ceux  de  UB^elig.  l^s> 

en  Oreh  du  milieu  du  feu  :  )  De  fenr  que  vous 
ne  vous  corrompiez ,  (^  ne  vous  fafiiez.  quel- 
que image  taillée  ,  eu  refJemhUnce  qm  vous 
ref  refente  chcfe  quelconque  ,  qui  fott  effigie 
de  ma  fie  ou  de  femelle  y  ou  effigie  d  aucune  hefie 
qui  f oit  en  la  terre  y  ou  effigie  d  aucun  oifeau 
ayant  aife  qui  vole  par  les  deux.  Et  cela  eft 
répété  &:  dans  le  mefme  Chapitre  àc  en 
mille  autres  endroits.  Les  exemples  en 
font  en  ce  que  c'a  efté  la,  confiante  ^  in- 
uariable  pratique  des  luifs  >  den  auoir  au- 
cune reprefentation  de  chofe  viuante  qui 
peuft  le  moins  du  monde  attirer  leur  de- 
uotion^&c  en  ce  que  les  premiers  Chreftics 
y  ont  encore  eu  plus  d'auerfion  qu  eux ,  &: 
s  en  font  gardez  auec  vne  fouueraine  dili- 
gence. Il  eft  bien  certain  que  ceux  qui  ont 
introduit  la  couftume  de  mettre  des  ima- 
ges en  l'Eglife^S^  de  les  y  honorer^ont  ap- 
porté touç  ce  qu'ils  ont  peu  de  fubtilité, 
pour  nous  faire  croire  que  Dieu  ne  nous 
la  pas  dçfendu.Tantoft  on  y  diftingue  en- 
tre idole  Se  mage,Sc  repr^fentatiô  de  chofe$ 
C[mfcnt,8cdc  cdlcs  qui  ne  font  point  Tâtoft 
on  va  chercher  la  forme  des  Chérubins 
dedans  le  Sanctuaire  deffus  rArche5.&:  dâs 
les  courtines  dont  le  Tabernacle  eftoît 
çouuert.  Tantoft  on  dit  que  ce  comandQ- 


ijQ  apologie 

pient  eftait  cercmcniai  &c  légal  ^  ^  que 
nous  n'y  fpmmes  plus  aftreints  fous  l'E- 
uangile  de  lefus  Chrift.  Tantoft  on  em- 
ployé quelque  autre  artifice  pour  nous 
rendre  la  tranfgreflion  de  ce  commande- 
ment moins  fcandaleufe  &:  moins  eftran- 
ge>  Mais  on  ne  fçauroit  tant  faire  pour- 
tant 5  que  cela  nous  deliure  des  peniécs 
que  cette  forte  de  deuoùon  lette  dedans; 
nos  efprits  ;  car  quelle  apparence  que  les 
Çhreftiens  de  maintenant  entendent 
mieux  cescommandemens  que  lesluifs, 
à  qui  ils  ont  efté  donnez  par  Moyfe  mef- 
me>poiireftrela  règle  de  leur  pieté,  ny 
que  les  premiers  Çhreftiens  qui  auoicnt 
receu  le  Chriftianifmc  de  la  bouche  des 
Sainfts  Apoftres  ?Ou  qui  a  donné  le  pou- 
uoir  aux  Çhreftiens  de  ces  derniers  temps, 
d'interpréter  les  ioix  de  Dieu,  que  les  luifs 
&lespremiers  Çhreftiens»  ont  rcceuës  &: 
exécutées  tout  fimplement ,  fans  entre- 
prendre de  les  glofer  d'aucune  e:^pofition 
telle  qu*eft  celle  dpnt  à  cette  heure  on  les 
enerue^Et  s'il  fetrouuequeces  interpré- 
tations ne  foient  pas  félon  le  fens  du  Le- 
giflateur^quinou^  g^réntira  delà  maie- 
diâionqueces  Ioix  dénoncent  à  ceux  qui 
les  violent  ^  ï'ay  defîa  dit  que  ie  ne  veux 


pour  ceux  de  la  Rclig,  iji 

nullement  encrer  icy  dans  la  Controuer-- 
le:  mais  celan'empefchera  pas  que  ie  ne 
mecce  icy  en  auant  les  precaucions  fous 
lefqaeil'wS  le  Cardinal  B^ilarmin  veut  que 
les  imaiTes  foient  vénérées  j  afin  de  voir 
s'il  y  a  raifon  de  nous  vouloir  du  mal,' 
po  Siïct  que  nous  n  y  pouuons  confentir.  Il 
apporte  donc  premièrement  au  fécond  li-, 
ure  qu'il  a  efcrit  de  cette  matière,  trois  di^ 
ilinftions  qu  ileftime  préalables  à  la  deci- 
fion  de  la  queftion  >  &:  à  la  reconciliation: 
des  diuerfes  opinions  des  Dodeurs  Ca- 
tholiques Romains; puis  après  il  met  en 
auant  quatre  ou  cinq  propofitions?  dans 
lefquelles  il  comprend  toutes  les  règles  de 
ladeuotiondes  Chreftiens  en  cetefgard. 
H  diftingue  entré  les  chofesqui  fe  peuuent 
honorer  de  pare  lies  mefmcs.cçyxnvat  le  Roy  3 
excelles  qui  ne  s'honorent  fmon  far  acci- 
dent feulement-,  comme  la  pourpre  dont 
il  eft  veftu.  Item ,  entre  les  chafe$  qui  fe 
peuuent  honorer  a.  caufe  â^ elles  mefmes  ^ 
comme  font  celles  qui  font  fainftes  8c  fa- 
crées  de  leur  nature  ;  6^:  celles  qui  fe  peu- 
uent honorer  k  caufe  de  certaines  autres  yCO  m- 
me  les  fignes  des  chofes  fàcrées^à  caufe  de 
la  rerfemblance  qu  ils  ont  auec  elles.  En- 
fin^ encre  les  chofesqui  fe  peuuent  hono- 


iji  ^^ologîç 

rer  prcprement ,  comme  quand  on  fait  de 
l'honneur  à  vn  mon ,  que  I  on  porte  effe- 
ftiuement  dans  la  pompe  de  fes  funérail- 
les :  &  celles  qui  fe  peuuent  honorer  im- 
froprement  comme  quand  on  fait  de  l'hon- 
neur à  vne  image  de  cire  qui  reprefente  le 
mort.dont  le  corps  eft  en  quelque  lieu  ail- 
leurs. Ces  propofîtions  font:  ^lutles  ïmxg^s. 
'  ds  Chrifi  dr  des  Saincis  dcïuent  eflre  venc- 
rées  y  non  p^  feulement pù.r  accident ,  ny  im  - 
proprement ,  mais  de  par  elles  me  [mes ,  d^  pro- 
prement^ tellement  que  U  vénération  au  on  leur 
vendfe  termim,  en  elles  ,  entant  quelles  font 
confderêes  en  elles  mefmes  ,  dr  non  f  as  fuie  ' 
ment  entant  quelles  fupplecnt  à  lahfence  de 
t' original quelle^reprf entent.  En  après  :  ^ue 
pour  ce  qui  regarde,  la  façon  de  parler  de  cette 
matière  i  notamment  dans  les  prédications  qui 
fe  font  au  peuple ,  Une  fatst  pas  dire  qu  aucunes 
images  do  tuent  efire  adorées  de  t  adorât  wn  de  U^ 
m>,  qui  eft  celle  qu'on  doit  à  ladiuinité> 
mais  au  contraire  y  il  faut  dire  qutl  ne  les  faut 
p4.sainfi  adorer,  Neantmoins il  adjoufte  en 
troifiefmelieu;^^/?^/^^^/?  qui  e/fde  Ucho- 
fe  mefme ,  on  peut  accorder  que  le  s  images  peu- 
uent efire  honorées  ou  fermes  improprement  oh 
par  accident  y  du  mefme  genre  de  culte  dont  [o- 
rigmal  mefme  doit  efire  honoré  ouferuy.   Cç 


ffour  ceux  de  la  Relig.  i j3 

qui  efl  vne  merueilleufe  manière  de  pref- 
cher  5  que  non  feulement  on  ccle  au  peu- 
pie  la  vérité ,  mais  qu'on  luy  prefche  le 
contraire  ;  car  proprement  ou  impropre- 
ment,  par  elles-mefmes  ou  par  accident, 
tant  y  a  qu'elles  peuuent  eftre  honorées 
ducultedeubàladiLiinité^ri  ce  font  ima- 
ges delaDiuinité  mefme.  Ce  donc  qui 
fe  peut  &:  qui  fe  doit  faire  en  leur  efgard, 
pourquoy  ne  fe  doit-il  pas  dire  ?  Ou  pour- 
quoy  enieignera-t'on  au  peuple  le  con- 
traire de  ce  qu'il  faut  qu'il  pratique  ?  Il  dit 
de  plus,  afin  que  perfonne  ne  s  y  trompe  ; 
^^e  l  ^ image  ne  doit  Va6  élire  adorée  par  elle 
mefme  c^  proprement  :>  du  mefme  culte  duquel 
on  honore  l' original,  é^- partant  qu  il  ne  faut 
adorer  aucune  image  par  elle  mefme  ^  propre- 
ment-,  du  culte  que  Von  nomme  de  latrie.  Fi- 
nalement il  conclud,  ^ele  culte  qui  par 
foy-mefme  ^  proprement  e fi  deuh  aux  images 
ejl  vn  certain  culte  imparfait ,  qui  fe  rapporte 
analogiquement  dr  rednciiucment  k  la  mefme 
ef^ece  du  culte  qui  efl  deu  a  fon  original.  QA)n 
me  die  vn  peu  icy  au  nom  de  Dieu ,  com- 
ment nous  pourrions  faire  entendre  au 
peuple  toutes  ao^s  diftinftionsj  de  par  foy  S>c 
par  accident  ^c^d^ à  caufede  foy^ ^  d'à caufe 
d'vne  autre chofe ^  de  proprement  &c  d 'impro- 


IJ4  j4t)ologtc 

ment  i  d  ' ândofni^ue'riem  3c yedticîhtement ,  SC 
ce  que  liiy  eft  oppoféj  de  ^Wf;7  &  de  /'r<:'/>r6'5 
de  r)s^//'(?  pârfatt  ^  &:  de  culte  impArfait ,  dont 
l'vn  eft  deub  à  /  original ,  &:  /  '^«/r^  à  la  co- 
fie^.  Qf£on  mediecncorcaunoindcNo- 
ftre  Seigneur  >  quand  nous  aurons  def- 
ployé  toute  laddrefle  de  nos  efprits  à  Tm- 
terpreter  au  peuple ,  &:  que  Dieu  luy  aura 
donné  plus  de  capacité  que  d'ordinaire^ll 
n'en  a  pour  le  comprendre  ^  lors  qu'il  fau- 
dra efFcdiuement  le  profterner  deuant  les 
images,  comment  ôc  luy  &:  nous  pourrons 
nous  garder  en  nos  efprits  toutes  ces  di~ 
ftinûions  5  S^  coniment  pourrons-nous  fi 
bien  partager  les  mouuemens  de  noftre 
deuoiion,  que  nous  ne  foyons  point  fujets 
à  nous  y  mefprendre?  Car  ii  par  vn  mefme 
aftc  de  mon  entendement  i'honore  l'ima- 
ge &:  fon  original,  comment  pourra  eftre 
mon  adoration  direûe  &:  reflexiue,propre 
&:  analogique  par  fo.y  6^  par  accident,  pro- 
pre &:  impropre, terminée  en  l'image  ^ 
relatiue  à  l'original,  de  latrie  èc  non  de  J  a- 
trie  tout  enfemble?  Et  s'il  faut  que  cela  fe 
fafFe  par  diuers  aftes de  mon  efprit ,  qui  fe 
fuGcedent  les  vns  aux  autres  ,  comment 
pourray-je  fi  biçn  en  déterminer  les  mou- 
uemens ,  que  quand  l'adoreray  l'image  de. 


pour  ceux  de  la  Relig.  iy| 

Tcfus-Chrift  proprement  &:  àcaufe  d'elie- 
inefme,  4^  cette  forte  de  culte  qui  luy  con- 
uient,  ie  ne  fafle  aucune  reflexion  fur  fon 
original  >  de  peur  de  Thonorer  dVn  culte 
inférieur  à  fa  dignité  ?  Puis  quand  le  la- 
doreray  par  accident ,  improprement  Se 
reflexiuement  à  fpn  origmal  feulement, 
comment  pourray  je  fi  bien  faire  que  mon 
ame  ne  s'attache  nullement  à  elle  pour- 
tant 5  de  peur  de  luy  rendre  l'honneur  qui 
ne  conuient  qu'à  la  Diuinité  mefme  ?  Ou 
eft  l'homme  viuant  qui  ait  fçeu  fibien  me- 
furer  les  opérations  de  fon  efprit>&:  no- 
tamment en  vne  chofe  fi  ardente  Se  fi  vé- 
hémente que  doit  eftre  la  deuotion,que  de 
ne  confondre  point  ces  idéc$  l  Cependant 
le  moindre  péché  en  cela  eft  mortel ,  la 
moindre  inconfîderation  qui  s  y  commet^ 
eft  vn  adultère  de  l'âme  :  m.ais  pour  n'en- 
trer pas  plus  auantdans  cette  difpute,  ie 
mecontenteray  icy  d'vne  confideration, 
qui,  ie  m'afleure ,  nous  exemptera  de  blaf- 
me  enuers  toutes  perfonnes  raifonnables» 
Ceux  de  la  bonne  volonté  de  qui  nous 
auons  le  plus  de  befoin  en  diuerfes  occa- 
fions,  font  les  luges  Se  les  Magiftrats>à  qui 
eft  commife  l'adminiftration  de  la  luftice 
en  ce  qui  nous  regarde.  Et  laLoy  ?  félon 


}S6  apologie 

laquelle  ils  nous  doiuentiugei  ,  font  les 
Edifts  de  nos  Roys,  &:  généralement  tou- 
tes les  conftitutions  qui  ont  efté  faites  en 
faueurde  nos  Eglifes.    levoudrois  donc 
qu'ils  me  fupporcaflcnt  en  la  hardieffe  que 
ie  prendrois  de  leur  demander  ,  en  cas- 
qu'ils  y  euft  quelque  article  dedans  les 
Edifts  par  lequel  quelque  chofe  nous  fuft 
anffi  clairement  défendue,  que  T vfage  des 
Images  en  matière  de  pieté  eft  defFendu  à 
tous  les  hommes  par  la  Loy  de  Dieu ,  s'ils 
nousreceuroient  à  excepter  contre  la  def- 
fenfe  par  des  diftinftions&ides  interpré- 
tations femblables  à  celles  qu'on  apporte 
à  ce  commandement.   Certes  tout  ce  que 
nous  pourrions  attendre  d'eux  de  plus  mo- 
déré feroit^quecen'eftpas  à  nous  à  inter- 
préter les  Loix,maisàceluyquilcs  a  fai- 
tes ,  &  que  fi  on  nous  donne  la  liberté  d'é- 
luder par  nos  diftinûions  la  volonté  du 
Souuerain  5nous  auons  affez  d'inuention 
ôc  de  fubtilité  pour  le  faire  :  envn  mot^ 
qu'il  fe  faut  tenir  aux  termes  précis  de  la 
Loy,  &:  la  pratiquer  exactement  fans  tou- 
tes ces  chicaneries.  Etlàdeflusonnousfe- 
roitincontment  desdeffenfes  qui  coupe- 
roient  dans  la  racine  toutes  nos  fpecula» 


pour  ceux  de  Ul{e/ig.  j^y 

tions  5  6c  qui  tireroiem  après  elles  des  cha- 
ftimensbien  rigoureux, fi nous  auionsla 
hardieflede  rien  entreprendre  allencon- 
tre.  Nous  fupplions  donc  ces  Meffieurspar 
la  charité  de  Noftre  Seigneur ,  qu'ils  ne 
nous  vueillent  point  de  mal  de  ce  que 
nous  ne  faifons  point  enuers  Dieu  ,  ce 
qu'ils  ne  pourroient  foufFrir  que  nous  fif- 
iions  enuers  eux,  &  fi  nous  redoutons  en- 
core plus  la  feueritédefesiugemens,  que 
nous  ne  faifons  la  leur  en  de  telles  occur- 
rences. Comme  tant  s'en  faut  qu  ils  nous 
blafmafTent  d'eftre  religieux  obferuateurs 
de  laLoyde  ncftre  Prince,  d>c  timides  a 
l'interpréter ,  qu'au  contraire  ils  nous  en 
loiieroient  *  &:iugeroient  noftre  modeftie 
digne  de  recommandation  j  ils  ne  nous 
doiuent  point  fçauoir  mauuaisgré  de  ce 
que  nous  fommes  fcrupuleux  en  ce  qui  eft 
de  lobferuation  des  loix  du  Souuerain  iu- 
gecM monde  ;  car  la  Majefté  des  Roys  qui 
eft  imprimée  dans  leurs  loix,  eft  à  refpe- 
âer  tant  3c  plus  ;  mais  la  Majefté  du  grand 
Dieu^dont  il  a  mis  Temprainte  enfes  corn- 
mandemens,reft  fans  contredit  beaucoup 
dauantage. 

On  pourroit  icy  douter  fi  ie  deurois  met- 
tre la  doctrine  du  Purgatoire  au  nombre 


i;8.  Apologie 

despoinftsfur  leiqutls  noiisauonsà  faire 
nofti'e  Apologie ,  pource  que  nous  ne  les 
croyons  pas  ;  car  il  ell:  bien  vray  qu'elle  eft 
extrêmement  éloigncede  noilre  croyan- 
ce, &:  eft  vray  encore  qu'elle  eft  peut  eftre 
vne  de  celles  pour  la  reje6tion  dcfquelles 
nous  auons  le  plus  encouru  de  haine  à  l'ef- 
gard  de  quelques-vns.  Mais  ce  ne  font 
pourtant  pas  ny  les  peuples  ^ny  lesMagi- 
ftrats,  ny  les  Grands ,  qui  nous  veulent  du 
mal  à  cette  occafion  ;ce  font  lesEcclefia- 
ftiques,  Se  les  Moines ,  &:  l'Euefque  de  Ro- 
menotammentj  àqui  le  renuerfement  de 
ce  dogme  peut  autant  preiudicicr,  que  fon 
eftabliflement  leur  a  apporté  d'accommo- 
dement &:  dVtilité.  Car  c  eft  làdefllis  que 
font  bafties  tant  de  bonnes  friches  fon- 
dations 5  c'eft  de  là  que  germe  la  neceflité 
de  tant  de  Mefles ,  c'eft  ce  qui  a  donné  cré- 
dit aux  Indulgences  &:  aux  Pardons  ,  6c 
fans  cette  opinion ,  le  threfor  des  Satisfa- 
ftions  5  dont  le  Pape  garde  la  clef,  feroit 
entièrement  inutile.  Quant  aux  autres  de 
cette  communion ,  il  y  en  a  vne  infinité 
qui  ne  croyent  du  tout  point  de  Purgatoi- 
re :  8c  de  ceux  qui  le  croyent ,  la  plus-part 
le  craignent  plus  qu'ils  ne  l'aiment  ;  de 
forte  qu'ils  ne  doiuent  point  trouuer  mau- 


pour  ceux  de  U  ï{elig,  i0 

liais  j,  que  nous  ayons  cherché  dans  la  Pa- 
i'ole  de  Dieu  le  moyen  de  nous  en  affran- 
chir. N-antmoins  pource  que  ks  Ecclc- 
iiaftiques  ôc  les  Religieux  ont  vne  grande 
puijflfance  fur  les  efprits  des  ancres  ordres 
de  cette  communion,&;  que  la  haine  qu'ils 
ont  conceue  contre  nous  à  caufe  de  l'abo- 
lition du  Purgatoire ,  les  rend  plus  ardens 
&:  plus  animez  à  allumer  celle  que  les  au- 
tres nous  portent  pour  d'autres  occalîons> 
il  vaut  mieux  en  dire  quelque  chofe  en 
paflanc,  à  ce  que  noflre  iuitificacion  en  (bit 
plus  compiette.  Certainement  s'il  y  auoit 
en  l'Efcriture  feulement  quelque  ombre 
apparente  d'enfeignement  qu  il  nous  faut 
attendre  quelque  telle  forte  de  tourment 
après  cette  vie^it  faudroit  tafcherde  refou- 
dre nos  efprits  à  erl  receuoir  la  perfuafion, 
bîenquelledoiue  eftre  accompagnée  dé 
beaucoup  de  douleur  Se  de  chagrin.  Car- 
bon Dieu  qu'eft-ce  que  cela  >  qu'après  tant 
de  miferes  qu'on  a  foufFertes  en  ce  mondé 
icy,  3c  au  milieu  des  angoifles  de  la  mort 
qui  a  accouftumé  d'eftre  li  efpouuantable, 
on  nous  vienne  troubler  l'imagination  ds 
l'apprehenfion  d'vn  feu  horriblement  cuî- 
fantjdans  les  flammes  duquel  nos  âmes 
doiuent  eftre  tourmentées  durant  ie  ne 


fçay  combien  de  liecles  î  Nous  admirons 
la  fermeté  du  courage  des  Martyrs,  qui 
ont  pu  le  refoudre  à  la  foufFrance  du  feu 
pour  deux  ou  trois  heures  tout  au  plus,  &c 
quand  nous  les  nous  reprefentons  roftir 
fans  le  defeiperer,  l'idée  feule  de  ce  fuppli- 
ced'vncofté  5  &:  de  leur  conftance  de  l'au- 
tre 5  comble  tout  enfemble  nos  efprits  de 
tremeur  Se  de  merueille.Q;^  doit-ce  donc 
eftre  de  ceux  à  qui  on  fait  voir  en  mourant 
cétefFroyableabifmeouuertjOÙ  le  feu  eft 
incomparablement  plus  ardent  que  celuy 
que  les  Martyrs  ont  efprouué  delfus  leurs 
bufchers  5  &  auquel  il  n'y  en  a  pasvn  qui 
ne  fe  doiue  prefumer  eftre  condamné 
pour  tant  d  années  ?  Mais  puis  que  la  Pa~ 
rôle  de  Dieu  n'en  parle  point,  &c  qu'il  n'y  a 
DoÊteur  en  la  terre  qui  en  ofaft  entrepren- 
dre la  preuue  par  elle  fans  la  Tradition, 
quel  mal  nous  peut-on  raifonnablement 
vouloir  fi  nous  nous  fonimes  par  la  grâce 
de  Dieu  deliurez  de  cette  gefne?  Car  pour 
ce  qui  eft  de  la  Tradition, i*ay  defiâ  dit  ail- 
leurs que  c'eft  chofe  qui  ne  nous  touche 
pas  beaucoup ,  à  caufe  de  Téloignement 
Se  de  l'obfcurité  de  fes  fources,&:  de  la  con- 
teftation  que  nous  voyons  eftre  entre  les 
fçauans  touchant  la  pureté  ou  impureté 

de 


pour  ceux  de  URelig,  itfl 

de  fes  milTeaux ,  chacun  des  partis  preten-» 
dantque  la  Tradition  eft  pour  luy.  loinc 
qu'il  y  a  beaucoup  plus  de  raifon  de  croire 
que  le  Purgatoire  eft  vne  inuention  de 
refprit  humain  ,  Se  vne  imitation  des 
Payens  5  dans  les  efcrits  defquels  les  Do- 
âeurs  de  l'Eglife  Romaine  ne  nient  pas 
qu'il  ne  foit  tout  du  long  ,  comme  dans 
Virgile  de  dans  Platon ,  que  non  pas  vne 
doftrine  du  Chriftianifme.  La  Religion 
C/hreftienne  eftât  en  toutes  fes  autres  par-* 
tiesdeftinée  à  la  joye&:  à  la  confolatioiî 
de  nos  efprits  ,&  propre  pour  les  affeurer 
contre  la  crainte  de  la  mort ,  6c  de  tout  ce 
qui  peut  venir  en  fuite  y  il  n'y  a  du  tout 
point  d'apparence  qu'en  celle- cy  elle  fe 
loit  eftudiée  à  remplir  nos  cccurs  d'alar- 
me 8c  d'efpouuantement.  le  diray  quel- 
que chofe  de  plus.  Q^y  que  la  Parole  do 
Dieu  n'en  enfeignaft  rien  difertement  >  Se 
que  la  Tradition  y  fuft  encore  plus  dou- 
teufe,  quoy  que  le  reftede  la  Religion  ne 
s'y  accordaft  pas  oumertement  ,  fi  nous 
voyions  que  raboliffement  du  Purgatoi- 
re apportaft  quelque  diminution  à  la  gloi- 
re de  Dieu ,  8c  de  Noftre  Sauueur  ,  nous 
effayerions  de  faire  en  forte  que  le  zèle 
^ue  nous  aidons  pour  eux  3  l'emportaft 

L 


Ut  apologie 

pardeffus  ledèfir  que  nous  auons  de  nous 
procurer  contentement  &:  latisfadion  à 
nous-mefmes.    Gar  fi  Ton  prend  à  gloire 
d'endurer  quelque  chofe  pour  l'honneur 
des  Princes  Souuerains,  il  ieroit  beaucoup 
flusraifonnabie  que  nous  feruilTions  à  ce- 
îuydcNoftre  Sauueur,  &  que  pour  cela 
ilDus  nous  difpoiaffiDns  aux  foufFrances 
les  plus  redoutables.    Mais  quoy  ?  Nous 
prateftohs  eh  la  fincerité  de  nos  cœurs, 
qu'outre  l'intereft  de  noftre  confolation 
&:  de  noftre  paix>  c'eft  celuy  principale- 
ment de  la  gloire  de  Noftre  Seigneur5qui 
flous  a  fait  entreprendre  la  deftruftion  de 
cet  édifice.  Nous  voyons  que  1  Efcriturc 
le  nomme  nofire  Sauueur^  &c  ce  doux  Se  pré- 
cieux Nom  refottiie  perpétuellement  en 
la  bouche  de  fonEglife.    Elle  dit  qu'il  à 
fait  la  purgaûon  de  tous  nos  fech^'z^^SL  n'ex- 
cepte de  cette  expiation  aucune  de  nos  of- 
fenfes^  Elle  protefte  qu'il  nous  a  deliurez 
de  la  malediàion ,  &  que  déformais  il  ri  y  a, 
fins  de  condammtio^^ournoiis   Elle  nous 
reprefente  Noftre  Seigneur  introduifant 
le  Larron  e//P4;'^^/dfdésle  iourmefme  de 
fa  mort ,  &c  nous  promet  qu'au  déloger  de 
ce  corps ,  nous  ferons  Irecueillis  dans  le  do^ 
imiâle  celejie.    En  vn  ùiot  elle  efleue  nos 


pour  ceux  de  la  I{elig.  j^j 

efprits  vers  la  bien-heureufe  immortalité, 
&  nous  réjouit  à  la  mort  de  l'efperanee 
iqu  elle  nous  en  donne.  De  forte  que  nous 
croirions  trop  preiudicier  à  l'honneur  de 
ce  Rédempteur,  Se  à  l'efficace  de  fa  Croixi 
finous  croyions  que  nous  çiiflîôs  encore  à 
fouffrir  quelques  tourniens5&:  à  faire  quel- 
que fatisfaftion  pour  nos  crimes.  En  effet 
en  l'Eglife  Romaine  on  exempte  les  Mar« 
tyrs  du  Purgatoire  par  vn  priuilege  fpe- 
cial.    Si  donc  Ton  prétend  qu'ils  en  doi- 
uent  eftre  difpenfcz  à  caufe  de  ce  qu'ils  ont 
enduré ,  pourquoy  ne  le  ferons  nous  pas 
en  vertu  de  la  mort  de  Chrift  ,  laquelle 
nous  eft  imputée  ?  Eft-elle  moins  digne 
de  nous  obtenir  vne  entière  exemption  de 
toute  la  peine  de  nos  péchez  ,  que  les 
foufFrances  des  Martyrs  ?  Ou  riir.putation 
que  Dieu  nous  en  a  fait  afin  de  nous  ra- 
chepter  par  là  ,  eft-elle  moins  efficace  à 
nous  en  deliurer  ,  que  fi  nous  Tauions 
âduellement  endurée  ?  Mais  pour  n'aller 
pas  plus  auant  en  la  difpute ,  il  me  femble 
que  Meffieurs  les  Magiftrats  fe  doiugnt  in- 
terefler  auec  nous  en  la  defFenfede  cette 
vérité  5  car  ils  condamneroient  d  miuftice 
vn  créancier  qui  fe  voudroit  faire  payer 
deux  fois  dvne  mefmedebte:  Si  fp  con- 


1^4  Afologie 

damneroient  eux-melmes  d'inhumanité^ 
s'ils puniiroient  deux  fois  vn  mefme  crime 
félon  la  feuerité  des  Loix.  Or  nos  péchez 
font  comme  debtes,Dieu  comme  le  créan- 
cier i  lefus-Chrift  comme  noftre  caution. 
Nos  péchez  font  véritablement  des  cri- 
mes >  Dieu  le  luge  de  l'vniuers  ,  lefus* 
Chrift  le  pleige  de  tous  les  fidèles.    De 
forte  que  leur  pratique  inuiolable  en  Tad- 
miniftration  de  la  luftice  ,  &:  la  créance 
qu'ils  doiuerit  auoir  que  Dieu  n'eft  pas 
moins  iufte  ny  moins  équitable  qu'eux  Jes 
conuie  à  prendre  noftre  party  dans  la  con- 
trôuerfe  que  nous  auons  auec  les  Moines 
Se  les  autres  Ecclefiaftiques  pour  cette 
créances  car  quant  à  la  nouuelle  inuen- 
tion  de  quelques-vns ,  que  les  peines  du 
Purgatoire  ne  font  pas  tant  fatisfadoires 
enellesmefmes,quapplicatiuesde  la  fa- 
dsfa£bion  de  lefus-Chrift,  c'eft  vne  diftin- 
£kion  que  Meilleurs  les  Magiftrats  ne  doi- 
uent  iamais  goufter.La  raifon  en  eft^qulls 
ne  foufïriroient  nuUemct  que  ny  le  paye- 
ment, ny  la  peine quVn  autre  a  fait,  ou 
foufFcrte  en  qualité  de  pleige  &:  de  cau- 
tion ,  fuft  appliquée  au  premier  Se  vray 
debteur  par  vn  autre  fécond  pay  ement.ou 
par  va  vxiic  nouueau  fupplice.  AlTcuréf 


pour  ceux  de  URelig.  iV| 

ment  fi  la  luftice  humaine  receuoit  les 
cautions  en  matière  de  crimejclle  ne  fouf- 
friroitpasque  fi  Meuius  auoit  efté  pendu 
au  bois  pour  le  forfait  de  Titius  j  de  forte 
que  par  ce  moyen  il  euft  efté  pleinement 
fatisfait  auxLoix,  la  fatisfaftion  rendue 
par  Meuius  fuft  appliquée  à  Titius  parla 
foufFrancedu  fouet ,  ou  par  quelques  an- 
nées de  galères. 


SECTION     V. 

Que  pour  ne  croire  pas  ny  la  TranJJuh^ 
ftanttationy  ny  le  Sacrifice  delà  Mejfe^ 
ceux  de  la  Reli^on  ne  méritent  point 
l  \auerfion  de  perfonne. 

DE  cette  grande  multitude  d'articles 
pour  lefquels  il  y  a  tant  de  difputes 
entre  les  Chreftiens  depuis  fix  ou  fopt- 
vingts  ans  ,  ie  n'en  produiray  plus  que 
trois,  pour  n'eftrc  pas  long  :  la  doÊtrine  de 
de  la  Tranffubftantiation  :  celle  du  Sacri- 
fice de  la  Méfie ,  Se  celle  de  l'authoritc  de 
rEuefque  dé  Rome:  à  quoy  i'adioufteray 
quelques  confiderations  fur  nôftre  fepara- 
lion  de  fa  commwnion.  Car  fi  ie  puis  mon-- 

L    iij 


16&  '      apologie 

ftrer,  comme  ierefpere  5  qu'il  n'y  a  niillô 
raifon  de  nous  haïr  à  roccafion  de  ces 
trois  ou  quatre  chefs  jie  me  fais  fort  de  la 
reconciliation  de  nos  plus  grands  aduer- 
faires  en  tout  le  refte.  Pour  ce  qui  eft  de  la 
Tranffubllantiation  ,  le  plus  grand  ,  &c 
peut-eftre  IVnique  fujet  de  la  haine  que 
îioftjre  créance  nous  attire  fur  ce  poinft^eft 
que  nous  ne  voulons  pas  rendre  au  Sacre- 
ment l'honneur  que  Ton  penfe  luy  eftre 
deub  comme  au  Seigneur  lefus-Chrift 
^Dieu&:  Homme  tout  enfemble.  Nous  ne 
l'accompagnons  pas  en  proceflion ,  nous 
ne  nous  profternons  pas  deuant  luy  quand 
nous  le  rencontrons  5  nous  ne  Talions  pas 
adorer  deflu$  les  Autels  dans  les  Eglifes, 
ipn  vn  mot  nous  ne  le  tenons  nullement 
pour  Dieu  5  ce  qui  offenfe  merueilleufe- 
ment  ceux  qui  l'adorent.  Véritablement 
fi  ç  eftoit  faute  :d'afïe6tion  enuers  Noftrc 
Seigneur  qui  nous  portaft  à  refufer  au  Sa- 
crement rhonneur  qu'on  defi^rc  de  nous  a 
nous  ne  nions  pas  que  nous  ne  meritaf- 
fions  dcftre  en  horreur  a  tous  les  Chre- 
ftiens.  Car  quel  honneur  ne  doit-on  point 
ècçluy  quieft  Dieu  bénit  éternellement? 
Et  de  quel  amour  ne  doit-on  point  reco- 
gaoiftre  la  charité  qui  l'a  induit  a  vouloir 


pour  ceux  de  U  Relig.  iëf 

lîîQurir  pour  nous  entant  qu'il  eft  Hom^ 
me  ?  Mais  puis  qu'on  ne  nous  peut  accufei? 
de  cela,  &:qu  au  contraire  c'eft  rextreme' 
refpeâ:  3c  la  deuotion  ardente  que  nous 
auons  pour lefus-Chrift,  qui  ne  nous  peut; 
permettre  de  rendre  ces  honneurs  à  autre 
qu'à  luy,il  me  femble  qu  il  eft  euident  que 
ccft  à  tort  qu'on  nous  haït  pour  ce  fujct, 
îufques  à  ce  qu  on  nous .  ait  monftré  que 
çcit  opiniaftreté  de  obftination  d'efpriç 
qui  noi4s  empefche  de  croire  que  Noftre' 
Seigneur  foit  par  Tranflubftantiation  en* 
l'Euchariftie.  Ce  que  les  Athées  font  êïi 
exécration  à  tout  le  monde  ,  c'cft  trea^ 
iuftement  5  pource  que  Dieu  ayant  ef{)an-" 
du  par  tout  au  Ciel  Se  en  la  Terre  tant  dé 
preuues  iadubit^blesdefaDiuinité  >  U'I^ 
façon  mef  me  de  laquçUe  les  hommes  fon^ 
CQmpofez^auecles  facuUez  dont  ils  fonc 
doîiez ,  leur  en  fournifTant  des  argumens 
irréfragables ,  ils  ne  peuuent  reuoquer  e» 
doute  vnc  vérité  fi  confiante ,  Se  dom:  1^ 
nature  mefme  a  mistant  defemencesen 
nos  efprits ,  finon  par  vne  obftination  vo-. 
lontaire ,  Se  qui  decouure  manifeftemenG 
la  haine  qu'ils  ont  contre  Dieu.  Car  il$ 
ne  croyent  pas  qu'il  y  ait  vn  Dieu ,  pour- 
ce  qu'ils  ne  le  veulent  pas  croire  ,  ôc  i^q 

L   fil'} 


16&  ^P^l^_ 

le  veulent  pas  croire,  pource  qu'ils  vou- 
droient  qu  il  n  y  en  euft  point.  Ce  que 
les  Hérétiques  qui  nient  qucNoftre  Sei- 
gneur lefus-Chrift  foit  Dieu  ,  font  en 
deteftation  à  tous  les  Chreftiens  ,  ceft 
tres-iuftement  encore.  Pource  qu'il  y  a 
dans  la  Parole  de  Dieu  tant  8>c  de  fi  éui- 
dens  tefmoignages  de  la  Deïté  delefuç- 
Chrift  5  que  ceux  qui  font  profeflion  de 
receuoir  cette  parole ,  ne  peuuent  rejetter 
cette  vérité. fînon  par  vne  incrédulité  afFe- 
4lée  ,  qui  monflre  ou  vne  tacite  haine, 
QU  vn  mefpris  tout  ouuert  de  la  Maiefté 
dje,  ce  grand  Sauueur.  Ce  que  les  luifs 
ne  le  receurent  pas  autresfois  pour  le 
Meffie  que  les  Prophètes  auoient  pro- 
mis ,  &c  que  maintenant  encore  ils  ne  le 
recognoifTent  point  pour  leur  Redépteur, 
c'eft  vn  crime  qui  mérite  la  vengeance 
qu'ils  ont  foufferte  de  la  main  de  Dieu, 
$c  rindignation  qu'ils  efprouuent  de  la 
part;-  des  hommes.  Ce  bon  Se  glorieux 
Çeigneur  a  to.ufiours  monftré  dans  fa 
perfonne  ,  Bc  dans  fa  dodrine  ,  Se  dans 
fes  adicns  ,  6^  monftre  tous  les  iours 
en  h  vérité  de  fon  Euangile,en  la  con- 
duite de  fon  Eglife  ,  &c  au  gouuerne- 
ment  de  Tvniuersjtant  &:de  fi  exp/'cffes 


pouf-  ceux  de  la  Relig.         1^5 
marques  qu'il  eft  celuy  dont  les  SainÉts 
oracles  auoient  parlé,  qu'il  ne  peut  auoit 
eftc  mecognu ,  &c  ne  peut  encore  eftre  re- 
jette, finon  par  ceux  qui  font  aueuglez  de 
quelque  paffiondefefperée.  Mais  quant  a 
nous,  i'attefte  icy  la  confcience  de  tous  les 
hommes ,  fi  on  nous  peut  accufer  de  quel- 
que chofe  de  tel  fans  vnetrop  grande  în- 
iuftice.Pour  faire  que  noftre  Seigneur  foit 
en  TEuchariftiedelafaçon  qu'on  le  pré- 
tend ,  il  eft  neceffaire  que  Dieu  y  produife 
ienefçay  combien  de  miracles  fi  grands  , 
8c  fi  extraordinaires ,  qu'il  n'en  a  iamais 
fait  de  femblables ,  ny  par  les  Prophètes, 
ny  par  les  Apoftres,ny  par  la  main  mef- 
medefonFils:Car  défia  deconuertir  du 
pain ,  qui  eft  vne  fubftancc  inanimée ,  en 
vn  corps  humain  Se  viuant ,  Se  doiié  d' vne 
ame  a  giflante  ôc  raifonnable ,  c  eft  à  quoy 
tous  les  fiecles  precedens  n'auoicnt  rien 
veu  de  pareil.  A  la  vérité  Dieu  a  formé  le 
premier  homme  de  la  terre,  &:  a  donné  à 
cette  matière  des  difpofitions  8t  des  orga- 
nes qu'elle  ne  pouuoit  auoir  que  par  vfi 
miracle  fignalé.  Mais  il  créa  de  rien  l'ame 
qu'il  y  vouloir  infpirer ,  6i  ne  la  tira  pas 
de  cette  matière  terreftre.Icy  il  faut  que  le 
corps  6c  l'ame  de  noftre  Seigneur  vien- 


Î7Q  j^pologie 

nent  de  la  fubftance  du  pain ,  fi,  coir  me  le 
Concile  de  Trente  l'a  deôny,  toute  la  fub- 
ftance du  pain  eft  conuertie  en  toute  la 
Tubilance  du  corps  du  Sauueur  du  monde, 
^pres  ccla>  il  faut  que  Dieu  conuertiile 
jcette fubftance  en  vne  autre ,  laquelle  exi- 
ftoit  défia  auant  que  cette  conuerfion  fe 
fift  5  à  quoy  il  n'y  a  encore  iamais  rien  eu 
de  femblable  :  Car  s'il  a  conuerty  la  ycvgç, 
d  Aaron  en  ferpent  >  ce  ferpent  n'eftoit 
point  auparauaht  :  Se  s'il  a  changé  l'eau 
des  nopces  de  Cana  en  vin  >  ce  vin  n'eftoit 
point  non  plus  auant  cette  tranfmutatioii. 
Au  lieu  que  le  corps  de  noftre  Seigneur 
exifteilyadefia  plusdefeizefiecles,.  De 
plus ,  il  faut  qu'il  fafle  qu'yn  corps  humain 
qui  garde  toutes  fes  dimenfions ,  de  long> 
de  large ,  Se  de  profond  ,  ne  tienne  point 
de  place  pourtàntice  dont  il  n'y  eut  iama;i5 
aucun  exemple:  Car  iufques  à  la  Tranfub- 
ftantiation  on  auoit  toufiours.  mis  cette 
différence  entre  les  efprits  êc  les  corps^ 
qu'aux  yns  on  ne  donnoit  point  de  certain 
efpace  pour  occuper ,  pource  que  les  fub^ 
ftancf  s  fpiritueiles  n'ont  ny  quantité  ny 
parties  :  mais  quant  aux  autres  on  leur 
auoit  toufiours  affigné  va  certain  lieu^^ 
dont  ils  rempiiffoientjes  effaces  par  Te?-. 


pour  ceux  de  h  Kelig.  171 

ftenduèdes  parties  defquels  ils  eftoient 
çompofez.Oucrecela^il  eft  neceffaire  qu'il 
jfaire  qu'vn  feul  &:  mefme  corps  )  qui  ne 
fouffre  point  de  diuilîon  >  foit  en  plufieurs 
6c  comme  infinis  lieux  diftans  l'vn  de  l'au- 
tre tout  à  la  fois-  Ce  qui  n  eftoit  iamais 
tombé  en  l'imagination  des  hommes  :  car 
on  auoit  toufiours  çreu  que  comme  les 
lieux  diftans  de  quelque  interualle,  font 
auffi  difFerens  en  nombre ,  &:  fe  comptent 
par  yn,  &:  deux ,  5^  trois,  félon  la  multitu- 
de qu'on  s'en  imagine ,  ainfi  les  corps  qui 
font  en  ces  lieux  difFerens  5  différent  en 
nombre  aulTi,  6c  fe  compte  de  mefme  que 
les  lieux  où  ils  fe  trouuent.  Au  lieu  que  fi 
ce  qu'on  dit  de  cette  TranfTubftantiation 
eft  vray  5  on  peut  bien  compter  les  lieux 
pu  eft  le  corps  de  lefus-Chrift^mais  non 
iuy ,  pource  qu'il  demeure  toufiours  vn> 
en  quelque  multitude  de  lieux  qu'il  fe 
trouue  en  mefme  moment .  Il  faut  encore 
que  Dieu  faiTe  que  les  accidens  d'vne  fub- 
ftance  telle  qu'eft  le  pain  6c  le  vin,  co  mme 
font  la  figure ,  6c  la  couleur ,  6c  la  faueur, 
fubfiftent  après  que  la  fubftance  eft  abolie, 
fans  aupir  aucun  fondement  de  leur  cxi^ 
itence,ny  au  corps  de  Ghrift,  ny  en  au- 
cun autrefujet.  Ce  qui  ne  s.'eft  iamais  veu 


i-jL  Apologie 

en  aucune  autre  occafion  :  car  on  auoit 
toufiours  creu  que  la  couleur  >  &  la  figure, 
^clegouft,  dependoient  tellement  de  la 
fubftance  en  ce  qui  eft  de  leur  exiftencc, 
qu'ils  nepouuoient  demeurer  linon  dans 
vn  certain  fu jet.  Et  ce  qui  n  eft  pas  moins 
merueilleux  ,  il  faut  pardelTus  tout  cela 
qucDieufaffequeles  accidensdVne  fub- 
ftance telle  qu  eft  le  corps  de  lefus-Chrift, 
exiftent  &:refident  véritablement  en  leur 
fujet ,  fans  neantmoins  lafFeder  en  au- 
cune forte,  de  la  façon  de  laquelle  les  ac- 
cidens  affedent  naturellement  la  fubftan- 
ce dans  laquelle  ils  fontj  car  le  corps  de 
Chrift  y  doit  auoir  vne  couleurjqui  néant- 
moins  ne  le  rend  ny  coloré  ny  vifible; 
il  y  doit  auoir  vne  folidité  ,  qui  neant- 
moins ne  le  rend  nullement  palpable: 
il  y  doit  auoir  vne  figure  ,  qui  neant- 
moins ne  donne  à  fes  membres  aucune 
configuration  :  &:ainfi  de  tous  les  autres 
accidens  qui  l'accompagnent.  Or  depuis 
le  commencement  du  monde  on  n'auoit 
rien  cognudetehôc  n'y  auoit  eu  iufques 
à  la  Tranffubftantiatlon  fubftance  aucu- 
ne en  IVniuers,  que  Ton  ne  qualifiaft  fé- 
lon les  accidens  &:  les  qualitez  dont  elle 
eft  enuironnée.    Enfin,  il  faut  que  Dieu 


\ 


pour  ceux  de  la  Relig.  173 

faffe  quVn  leul  de  mefme  corpà  de  no- 
ftre  Seigneur,  ait  vne  exiftence  naturel- 
le dans  le  Ciel ,  8>c  vne  autre  Sacramen- 
telle en  la  terre  ,  vn  eftat  glorieux  là 
,  haut  5  &c  vn  autre  conremptible  icy  bas; 
6c  qu'il  fe  voye  >  6c  qu'il  fe  fente  5  Se  qu  il 
fe  croye  affis  en  magnificence  à  la  dex- 
tre  de  Dieu,  &c  que  neantmoins  il  fe  voye, 
8c  fe  fente ,  de  fe  créyc  entre  les  mains 
dVn  Preftre  en  mefme  temps  :  ce  donc 
aucun  des  fiecles  precedens  na  iamais 
fait  l'expérience;  car  iufques  à  la  Trani- 
fubftantiation  on  auoit  toufiours  creu 
que  chaque  chofe ,  qui  n'eft  qu  vne ,  n'.a 
qu'vne  eflence ,  ny  qu  vne  exiftence  par 
confequent  ;  Se  que  fi  elle  a  quelque  con- 
noiffance  Se  quelque  fcntiment  de  foy , 
elle  ne  peut  pas  iuger  autrement  d'elle 
mefme  fans  commettre  des  extrauagan- 
ces.  Iufques  là  que  les  Comiques  en  ont 
fait  des  rifées  autrefois  ,  qu'on  a  encore 
depuis  peu  portées  delTus  le  théâtre  en 
noftre  langue.  Dr  n'auons  nous  que  trois 
voyes  de  nous  perfuader  la  vérité  des 
chofes  ,  foit  naturelles  ou  miraculeu  - 
fes  :  c'eft  à  fçauoir  les  Sens  >  la  Raifon> 
Se  la  Foy.  Les  Sens  font  pour  difcer- 
ner  les  çhofes  fçjnfibles ,  comme  les 


174  jifologie 

couleurs ,  6c  les  figures ,  &:  les  fons ,  &  le^ 
odeurs,  &:  les  faueurs ,  &c  toutes  les  quali- 
tez  qui  tombent  fous  lattouchement.  La 
Raiion  eft  pour  cognoiflre  les  chofes  in- 
telleauelles  defquelles  nous  fonimes  na- 
turellement capables ,  pour  les  comparer 
les  vnesaux  autres  félon  les  rapports^:  les 
proportions  qu  elles  ont  entr'elles,  &:  voir 
comment  elles  s'ajuftent  :,  &:  comment  el- 
les fe  contrarient ,  pour  les  affirmer  ou  les 
nier, prononcer  celaeft  vray  ou  cela  eft 
faux^ielon  que  nous  eh  àpperceuons  ou 
l'accord  ou  la  repugnance.La  Foy  eft  pour 
âcquiefcer  à  l'authorité  diuinc  dans  les 
chofes  qui  furpaflent  ou  la  comprehen- 
fion,  ou  au  m.oins  certes  l'inuention  de 
noftre intelligence, &:  quà  cette occafion 
Dieu  nous  avoulureueler.  Voyons  donc 
fi  l'on  nous  peut  accufer  au  fiijet  dont  il 
s'agit  de  n  vfer  pas  comme  il  faut  de  quel- 
qu'vn  de  cos  principes  de  nos  cognoiflan- 
ces.Pour  ce  qui  eft  des  fens,tous  les  noftres 
nous  perfuadent  le  contraire  de  ce  qu'on 
nous  dit  de  la  Tranffubftantiation.  Nous 
ny  voyons ,  riy  entendons,  ny  flairons,ny 
gouftons,  ny  touchons  rien  qui  ne  nous 
attefte  que  c'eft  du  pain  6c  du  vin ,  &  non 
le  corps  6c  le  fangduSauueur  du  monde. 


pour  ceux  de  la  Relig.  ijj 

JLcsfensdeceux  quicroyentla  Tranffub- 
ftaiitiaaon  en  iugeat  de  melmes  que  les 
noilres ,  2^  depuis  l'inflitution  de  la  pre- 
mière Cène  du  Seigneur  iufqua  mainte^ 
nanc  >  il  en  a  touliours  efté  ainli  ,&:  en  fera 
toufiours  ainfi  lufques  à  la  confommation 
desfieclcs.  leneiçaylion  appel!  eopinia- 
ftres  ou  infenfez  ceux  qui  ne  fe  lailTcnt  pas 
perfuader  à  l'expérience  qu'ils  font  de  la 
naturedes  chofes  par  le  moyen  de  leurs 
fens.    Ariftote  dilbit  qu'à  ceux  qui  ne 
croy ent  pas  quele  feu  foit  chaud,  il  ne  faut 
que  le  leur  faire  toucher  ;  fi  après  cela  ils 
perfiftent  encore  en  leur  opinion ,  il  n'im- 
porte pas  beaucoup  comment  on  les  nom- 
me. Mais  tant  y  a  que  quant  à  nous  on  ne 
nous  peut  pas  accufer  ny  de  cette  folie  j  ny 
de  cette  obftination^de  refifter  détermi- 
né ment  à  la  depofition  de  nos  fens ,  puis 
que  nous  iugeons  des  chofes  conformé- 
ment à  la  realité  des  qualitez  qu'ils  nous 
enreprefententicarnul  ne  nie  que  ce  ne 
foient  là  véritablement  les  accidens  du 
pain  Se  du  vin ,  comme  nos  yeux  Se  noftrc 
gouft.  Se  nos  autres  fens  nous  en  atteftent. 
Pour  ce  qui  eft  de  la  raifon^c'efl:  vne  facul- 
té fuperieure  aux  fens  à  la  vérité.  Se  qui  eft 
deftinée  à  nous  raddreffer  de  leurs  erreurs 


Ij^  jipolagic 

quand  il  leur  arriue  d'en  commettre.  Ain- 
Il ,  encore  que  nos  yeux  iugent  qu'il  y  a  de 
véritables  couleurs  en  larc-en-Ciel ,  ou 
qu'vn  bafton  quç  nous  auons  mis  droit  en 
l'eau,  y  deuient  vn  peu  courbé ,  ou  qu  vnc 
longue  allée  fe  fait  plus  eftroite  à  mefure 
qu'elle  s'efloigne  de  nous  3  noftre  raifon 
nous  fait  croire  le  contraire  pourtant ,  6c 
nous  perfuade  que  cela  vient  des  diuerfes 
reflexions  bc  pofitions  de  la  lumière ,  de  la 
diuerfité  des  deux  moyens  qui  nous  rap- 
portent la  reprefentation  de  l'obiet ,  Se  de 
ce  que  les  rayons  que  l'on  appelle  vifuels 
font  en  nos  yeux  les  angles  de  leur  ren- 
contre plus  ou  moins  aigus ,  à  proportion 
delà  diftance  de  l'objet  où  ils  fe  portent. 
Et  on  appelle  opiniaftres  &:  obftinez  ceux 
qui  s'attachent  tellement  à  ce  fauxiuge- 
ment  des  fens ,  qu'Us  ne  veulent  pas  défé- 
rer à  vne  raifon  claire  &:  euidente.  Il  eft 
vray  que  pourceque  de  fon  codé  la  rai- 
fon n'eft  pas  infaillible5&:  qu'affez  fouuent 
il  luy  arriue  de  fe  tromper  >  on  rcdrefle 
auflifes  manquemens  par  le  tefmoignage 
des  fens.  Comme  quand  vn  Philofophc 
s'eftant  autrefois  imaginé  par  ie  ne  fçay 
quelle  bizarre  fpeculation  de  fa  raifon, 
i]u'il  n  y  auoit  point  de  mouuement,  quel- 

qu'va 


pour  ceuk  de  la  Kelig.  1 7  "^ 

iju'vn  fe  leua  deuant  luy 5  &:  le  mit  à  fe  pro- 
mener en  fa  prefence.  Et  c  eft  encore  ainfi 
que  les  Peripateciciens  difputent  en  beau- 
coup de  chofes  contre  les  Sceptiques ,  en 
leur  faifant  voir  à  l'œil  6i  toucher  à  la 
main  la  certitude  des  choies  dont  ils  pen- 
fent  pouuoir  douter  par  le  difcours  de  la 
raifon.  Ainfî  ces  deux  facultez  s'entr'ai-' 
dent  IVne  à  l'autre,  &:  s'inftruifent  mu- 
tuellement. Tellement  que  comme  ceux 
là  font  tenus  pour  des  acarîaftres  ,  qui  fans 
vouloir  efcouter  aucune  raifon ,  défèrent 
abfolument  tout  à  leurs  fens  ;  ainfi  tient- 
on  pour  des  aheurtez  ceux  qui  fur  quel- 
que vaine  imagination  de  raifon  reiettent 
latteftation  des  fens  dans  les  chofes  les 
plus  euidentes.  Mais  quoy  qu'il  en  foit,  on 
ne  nous  peut  icy  imputer  ny  l'vn  ny  l'au- 
tre; car  puis  que  nos  fens  ne  fe  trompent 
point  en  ce  qui  eftdela  Tranffubftantia- 
tion,  &:  que  véritablement  ils  nous  rap- 
portent les  qualitez  des  chofes  telles  qu'el- 
les font  5  nous  n'auons  pas  befoiri  que  là 
raifon  vienne  à  leur  fecours  pour  corriget 
leurs  manquemens ,  &:  nous  ne  déferons  à 
leur  tefmoignage  fmon  comme  il^aut,  en 
croyant  que  ce  font  les  qualitez  du  pain  &: 
d^  vin  >  Si  non  les  accidens  d'vne  autre 

M 


1^8  jij^ologte 

fubftânce.  Et  quand  il  y  auroit  quelque 
chofe  à  corri  ger  au  iu  gement  que  no^iens 
en  font ,  nous  ne  pouuons  eitre  acculez 
d'opiniaftreté>  comme  fi  nous  n'vfionspas 
affez  de  noftre  raifon  pour  le  faire  ,  car 
iious  n  vfons  de  noftre  raifon  finon  fur  les 
fujets  qui  luy  font -proportionnez ,  &:  ne 
foufmettons  point  à  fon  examen  les  cho- 
fes  qui  font  au  defius  d'elle.  Or  n'y  a-t'il 
comme  ie  croy  perfonne  en  la  commu- 
tiion  de  Rome>  qui  vouluft  dire  que  les 
myftcres  &:  les  miracles  delaTranflub- 
ftantiation  fuffent  proportionnez  à  noftre 
raifon  ,  ny  qui  confentift  qu'il  nous  fuft 
permisde  croire  ce  qu'elle  nous  endifte. 
Au  contraire  >  on  nous  blafme  de  ce  qu'en 
ces  myfteres  nous  voulons  trop  efcouter 
la  voix  de  la  raifon  5  &:  de  ce  que  nous  ne 
déferons  pas  affez  à  vne  authorité  fupe- 
rieute.  Pour  ce  qui  eft  de  rauthorité:,nous 
en  parlerons  tântoft:  mais  tant  y  a  que  ce 
feroit  vne  chofe  bien  eftrange  que  ceux 
qui  ne  donnent  icy  du^out  rien  ny  au  fens 
hy  à  la  raifon  5  nous  accufaffent  d'eftre 
opiniaftres  &:  arreftez  à  nos  imaginations» 
en  ce  que  nous  tafchons  d'examiner  les 
chofes  par  la  voye  des  fens  &  de  la  raifon, 
puis  que  d'ordinaire  on  nomme  de  ce 


pour  ceux  ck  U  Relig*  ly^ 

nom  ceux  qui  ne  les  veulent  pas  ehten^ 
dre.  Au  fonds,  nous  faifons  tout  ce  que 
nouspouuons  pour  comprédre  comment 
vne  chofe  qui  eft ,  peut  eftre  conucrtie  en 
Vne  autre  qui  eft  aufli ,  fans  que  celle-cy 
foit premièrement  abolie, ny  quelle  ac- 
quière vnnouuel  eftre, &:  nous  n'y  pou- 
uons  rcuffir.    Nous  faifons  tout  l'effort 
dont  nos  entendemens  font  capables^pour 
entendre  comment  vn  corps  humain  peut 
cftre  dVne  iufte  &:  naturelle  grandeur, 
&que  néant  moins  il  ne  foit  point  befoin 
d  efpace  pour  le  contenir  ,  Se  nous  n'en 
pouuons  trouuer  le  moyen.  Nous  parta- 
geons tant  qu'il  nous  eftpoflible  les  pen- 
fées  de  nos  efprits  pour  conceuoir  quVn 
corps  foit  en  diuers  lieux  fepàrez  ,  &:  que 
neantmoins  ce  ne  foit  qu  vn  melme  corps> 
&:  nous  n'en  pouuons  venir  à  bout.  Nous 
faifons  en  noftre  penfée  toutes  les  ab- 
ftraftions  imaginables  pour  feparer  les 
accidens  d  auec  leur  fubftance  ,  &:  pour 
leur  donner  quelque  fubfiftance  à  part ,  Se 
nous  ne  pouuons  fî  bien  faire  qu'ils  ne  fe 
diffipent.  En  vn  mot ,  nous  tafchons  d  a- 
jufter  noftre  intelligence  à  toutes  ces  mer-^ 
ueilleslàj&toufiours  noftre raifon  y  fait 
vne  inuincibk  refiftance.  Nous  faifoni 

M  i; 


î8o  .       jdpoiogiê 

encore  dauantagejafind'efloigner  d'âii- 
tant  plus  de  nous  tout  foupçon  d'obftina- 
tion.  Nous  cherchons  dedans  les  efcrits 
des  Dodeurs  de  TEglife  Romaine  quel- 
ques aides  à  noftre  conception ,  8>c  nous  y 
trouuons  à  la  vérité  force  lubtilitez,  force 
diftinftions ,  force  fpeculations  Scholafti- 
ques^par  lesquelles  ilseflayent  de  dimi- 
nuer Tétrangeté  que  noftre  raifontrouue 
là  dedans  :  Mais  plus  nous  nous  y  alambi- 
quons  refprit ,  3>c  moins  nous  y  trouuons 
de  fatisfciftiofi  :.plus  nous  nous  efforçons 
de  lesfaifîr ,  Se  plus  efchappent-elles  à  no- 
ftre comprehenfion  ,  Se  s'éuanoiiiffent  en 
fumée.  Nous  accuferions  volontiers  la 
tardiueté  de  nos  efprits  3  dont  le  mouue- 
nientneferoit  pas  affez  agile  pour  attra- 
per des  chofes  fi  minces  >  Se  qui  ont  fi  peu 
de  folidité  s  finon  que  nous  trouuons  que 
nousfommes  faits  comme  les  autres ,  &c 
qu  en  toutes  autres  matières  nous  ne 
voyons  pas  que  ces  Meiflieurs  aillent  plus 
auant  que  nous  5  Se  que  depuis  plus  de  cent 
ans  qu'il  y  a  eu  de  toutes  fortes  de  gens 
parmy  nous ,  Se  plufieurs  dotiez  dVn  très- 
excellent  entendement ,  Se  tres-exercité 
en  toutes  chofes,  quelqu  vn  fans  doute  les 
cuft  entendues  fi  elles  eufient  cfté  intelli- 


pour  ceux  de  la  Kelig.  j8i 

gibles.  Ce  qui  nous  fait  croire  que  ceux 
mefmes  qui  les  propofent,  le  fontjcomme 
diibin  l'Archcuelque  de  Cologne  au  Con- 
cile de  Trente,  no/i  intendendo  la  materia.mk 
pr  confuetudtne  ^  habito  di  S  cola.  Affeu- 
rément,  s'ils  en  vouloient  dire  laveritéi 
ils  aduouèroienç  que  ce  n  eft  qu'vne  rou- 
tine d'Efcole,  en  laquelle  leur  mémoire 
agit  3  &:  leur  imagination  cQurt  après  cer- 
tams  petits  fantolmes,  où  quand  la  rail  ou 
fait  véritablement  fon  office,  elle  ne  trou- 
ue  pas  meime  la  moindre  ombre  dVn 
vray  corps.  N'y  euft-il  que  cette  propor- 
tion là  5  qu'vn  feul  &:  mefme  homme  peut 
s  acheminer  à  l'Orient  ô£  à  l'Occident  en 
mefme  moment,  &:  venir  enfin  en  tour- 
nant par  diuers  chemins  au  deuant  de  luy- 
mefme  5^  fetrouuer  luy-mefme  front  à 
front  4  &:  s'il  cpntinuë  d'aller  ,  fepenetrei;' 
par  toutes  les  parties  de  fon  corps,S^  auoir> 
comme  Ianus,des.vifagçs  a  double  ren- 
contre 5  puis  en  continuant  fon  chemin  fe 
feparer  de  foy-mefmc  encore ,  &:  s'il  luy 
prend  enuie  d'aller  au  Septentrion  &:  au 
Midy  en  mefme  temps  >  ne  fentir  au  Mi-^ 
dy  la  chaleur  du  Soleil  fmon  à  propor-^ 
tionde  ce  que  la  froideur  du  Septentrion 
luy  fera  de  la  rcfiftance  ,  il  y  en  auroii 

M   iij 


l82r  apologie 

affés  pour  nous  faire  croire  qu  ils  s'egayêtjN 
de  qu'ils  nous  débitent  ces  gentilleffes 
comme  on  fait  la  Metamorphofe  d'Ouide 
aux  petits  enfans.  A  cçla  donc  que  ferions 
nous?  Carpuis  que  noftreconfciçnce  nous 
rend  tefmoignage  que  ce  n'eft  pas  opi- 
niaftreté  qui  nous  empefche  d'acconimo- 
dernoftre  raifon  à  tout  cela  pour  en  re- 
ceuoir  la  perfuafion,  quel  fujet  de  niau- 
uaife  volonté  peut-on  auoir  contre  nous 
fi  nous  ne  nous  y  pouuons  refoudre?  Refte 
donc  maintenant  la  Foy,  qui  a  pour  ob- 
jet la  reuelation  de  la  Parole  de  Dieu, 
dans  laquelle  fi  nous  fçauions  certaine- 
ment quecemyftere  euft  efté  reuelé  com-» 
me  on  le  prétend?  alors  certes  nous  trou-, 
uerions  nous  bien  enferrez  entre  nos  fens 
Se  noftre  raifon  dVn  cofté.  Se  la  reuela- 
tion 4^  Dieu  de  Tautre  >  car  il  eft  bien 
vray  que  fon  authorité  eft  abfolument 
fouueraine ,  Se  que  c'eft  crime  que  d'y  re- 
fîfter.  Mais  neantmoins  pource  qu'en  tou* 
tes  les  autres  parties  de  la  Religion,  il  fe 
fert  du  minlftere  de  nos  fens  pour  nous 
inftruire  ,  Se  que  mefmes  il  n'y  reîettè 
nullement  Tentremife  de  noftre  raifon* 
il  yauroit  beaucoup  de  fujet  de  s'efton- 
ner  qu'il  çn  ruinaft  entièrement  les;  fon- 


pour  ceax  de  la  Relig,  183 

ftlons&:  les  opérations  en  cette  matiercc 
Enfin  pourtant  nous  recognoiflbns  qu'il 
faudroit  que  l'vn  3c  lautre  cedaft  à  la  Foy, 
û  le  tefmoignage  de  la  reuelation  eftoit 
entièrement  irréfragable.  Or  eft  il  vray 
que  noftre  Seigneur  a  dit ,  Cecy  ej9  mon 
corps .  &:  nul  des  Chreftiens  ne  le  contefte. 
Mais  auflînulne  fçauroit-il  nier  que  cet- 
te parole  ne  puiffe  auoir  deux  fens  \  Tvn 
propre  5  corne  l'Eglife  Romaine  la  prend  \ 
l'autre  métaphorique  3c  figuré  i  comme 
les  RefiDrmez  l'entendent  j  car  qui  peut 
douter  que  comme  ces  mots,  U  Pierre  elioit 
Chri  i,  I.  Cor ,10.  ont  cette  intelligence  en 
Sainâ;  Paul ,  U  Pierre  efiott  U  figure  de  le- 
fus-Chrifi ,  ceux  cy  5  le  pain  eft  le  corps  de 
Chri/9,nc  puiflent  auoir  celle-cy  pareille- 
ment,/e  pain  e1  Ureprefentation,  ou  comme 
dit  S.  Auguftin  >  U  figure  du  corps  de  Chrifi^ 
^c  qu'ils  ne  prefentent  ainfi  à  l'intelleft 
vne  idée  fort  raifonnahle  ?  De  fait  Bellar- 
min  difputant  contre  toutes  les  autres  in- 
terprétations qu'on  apporte  à  ces  paroles 
de  noftre  Seigneur  ,  dit  nettement  qu'il 
n'y  a  que  celle  de  l'Eglife  Romaine  ou  la 
noftre  qui  leur  puifTent  conuenir  ,  8c  ne 
contefte  nullement  que  fi  on  n'a  efgard  fî~ 
non  à  la  forme  de  s'énoncer ,  cette  propa- 

M    iiii 


184  apologie 

fition,le  pain  eft  le  corps  de  Chrift^  ne 
puifle  receuoir  vne  expolicion  métaphori- 
que. On  ne  peut  donc  nous  accufer  d'ob- 
itination  contre  cette  reuelation  >  iufques 
à  ce  qu'on  nous  ait  clairement  iuftifié  le- 
quel des  deux  il  faut  embrafler  àTexclu- 
lion  de  Tautie  :  Car  nous  voyons  que  de 
tous  les  miracles  que  Dieu  a  faits,  aucun 
n'aiamais  dernenty  le  tefmoignage  des 
fens.  Au  contraire  ^  il  a  necelfairement  fa- 
lu  qu'ils  ayent  tres-yiuement  ^  très-cer- 
tainement conuaincu  les  fens  pour  fe  faire 
croire  miracles.Ii  y  a  plus.Iamais  Dieu  n'a 
fait  aucun  miracle  qui  ait  choqué  la  rai- 
fon:  Car  il  eft  bien  vray  que  tous  les  mira- 
cles ont  quelque  chofe  au  deffus  de  larai- 
fon  5  en  ce  que  la  raifon  eftant  la  faculté 
qui  eft  deftinée  à  comprendre  les  propor- 
tions naturelles  qui  font  entre  les  chofes> 
3c  particulieremçt  entre  les  caufes^  leurs 
effets  >  comme  entre  la  chaleur  du  feu  &c 
l'aftiondebrufler^nous  voyons  que  cer- 
tains tels  effets  fe  produifent  fans  telles 
caufes  f8c  ne  voyons  point  de  telles  natu- 
relles proportions  entr'eux,  Se  la  caufe  qui 
les  produit ,  qui  eft  l'opération  de  la  Diui- 
nitéjcar  cette  puifflince  de  Dieu  n'eft  point 
4eterminée  a  certaine  fortç  d'effets  par 


pour  ceux  de  U  Kelig-  185 

aucune  qualité ,  corne  le  feu  1  eft  à  brufler 
par  fa  chaleur  ,  8^  le  Soleil  à  efclairer  par 
fa  lumière.  Elle  eft  au  deffusde  cette  dé- 
termination 5  6c  contient  tellement  en  foy 
pareminence  toutes  fortes  de  facultez  &: 
de  vertus  5  que  neantmoins  quand  elle  fe 
defploye  en  quelque  opération ,  nous  n'en 
conceuons  en  façon  du  monde  la  manie-* 
re.  Mais  tant  y  a  que  lî  vous  mettez  à 
part  la  confideration  de  la  caufe  qui  pro- 
duit les  miracles  ,  Se  que  vous  les  confia 
deriez  en  eux  -  mefmes  quand  vne  fois 
ils  ont  efté  faits  5  il  ne  s'en  eft  iamaisfait 
aucun  dont  la  cojiftitution  ne  fe  fort  par- 
faitement bien  accordée  auec  la  raifon. 
L'eau  qui  fut  conuertie  en  vin,  auoit  après 
fa  tranfmutation  vne  certaine  quantité 
qui  rempliflbit  certains  vailleaux  j  elle 
eftoit  en  vn  certain  lieu  déterminé  ,  Se 
n  eftoit  nullement  en  lautre  ;  elle  auoit  le 
gouft  &:  la  force  du  vin^^:  verifioit  fa  traf- 
mutation  par  là ,  elle  auoit  perdu  les  acci- 
dens  de  l'eau,  &:  ils  n'y  fubfiftoient  plus 
fans  fubftance  :  bref,  la  raifon  admiroit 
bien  la  caufe  de  ce  miraculeux  euenemet, 
mais  en  l'euenement  mefme  il  n'y  auoit 
rien  d'extrauagant,  ny  hors  des  termes  de 
la conftitutiôdu  vin,telle qu'elle  doit  eftre 


i8(î  Apologie 

par  les  loix  de  la  nature.  Au  lieu  qu'en 
la  Tranlïubftantiation  ce  n  cft  pas  tant 
la  vertu  à  laquelle  on  attribue  TefFea , 
qui  donne  de  l'admiration  >  que  Tellre 
meftne  de  la  chofe  produite  >  qui  cho- 
que toutes  les  reigles  de  la  raifon  &:  de 
Tintelligence.  Joignez  à  cela  que  Noftre 
Seigneur  fembleauoir  pris plaifir  à  ces  fa- 
çons de  parler,  tant  il  s'en  fert  ordinaire- 
ment. Il  dit  qu //  eji  la  porte,  qufl  e^  lèche* 
min^^cjdileft  le  fef,  que  fon  père  efl  le  vigne- 
ron ;  &  le  Vieil  &  le  Nouueau  Teftament 
n'ont  rien  de  plus  fréquent  que  cette  locu- 
tion^par  tout  où  il  s'agit  de  chofes  qui  font 
deftinées  à  la  reprefentation  des  autres, 
Lrfssfept  YTidiQs  font  fept  années ,  &:  les  fept 
cfpics  pareillement  :  les  fept  chandeliers 
d'or  font  fept  Eglifes  >  ôc  les  fept  eftoiles 
font  fept  Anges  Se  ces  façons  de  s'exprimer 
font  vfitées  en  toutes  langues.  La  Carte  de 
la  France  ejl  la  France,  au  langage  de  tout 
lemondejôil'imageduRoy  eflleRoyi  le 
Crucifix  eJi  lefus-Chrifli  &:  quand  il  nous 
arriue  de  parler  ainfi ,  nul  ne  fe  figure  des 
miracles.  Peut-on  donc  accufer  d'opinia- 
ftreté  ceux  qui  aiment  mieux  embraffer 
vne  interprétation  facile ,  vfitée  en  toutes 
nations  >  familière  ^  commune  dans  les 


pour  ceux  de  URelig,  187 

propos  de  Noftre  Seigneur,  &:  qui  n  a  rien 
de  contraire  aux  fens,  ny  de  répugnant  à 
la  raifon  ,  qu  vne  qui  ne  peut  fubfifter  fi 
Dieu  ne  renuerfe  la  nature  des  chofes  tout 
à  fait ,  s'il  ne  démonte  tout  ce  qu'il  y  a  de 
certitude  au  iugement  de  la  raifon,  &:s'il 
ne  met  en  trouble  &:  en  erreur  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  afleuré  dans  les  fondions  de 
nos  fenspour  la  cognoiffancedes  chofes  ? 
Mais  quoy?  Il  ne  faut  que  rapporter  icy  les 
paroles  du  Cardinal  Ca  jetan ,  perfonnage 
de  grande  réputation  en  fa  communion, 
pour  nous  abfoudre  pleinemét  d'eftre  ob- 
ftinez  en  cette  matière.  Cejïvne  chofequil 
fmt  ffauo^r,d^t-û  en  efcriuâtfur  la  Somme 
de  Thomas,  que  de  l 'authoritéde  l  ^Efcriture 
Sainte  touchant  l 'exifience  du  Corp  de  Chrifi 
au  Sacrement,  on  ri  a  autre  chofe  d'ex^rcsfinon 
h  farole  du  Sauueur  difant ,  Cecy  eft  mon 
Corps  î  car  il  faut  que  ces  farole  s j oient  vray  es. 
Bt  d 'autant  que  les  paroles  de  lEjcriture  Sain- 
te sexpofent  en  deux  façons  î  cefl  a  fçauoir^ou 
f  rof  rement  ou  métaphoriquement ,  le  premier 
erreur  fur  ce  fujeta  eflé  de  ceux  qui  interprètent 
ces  paroles  de  Noiîre  Seigneur  métaphorique'^ 
ment  y  lequel  erreur  le  Maiftre  des  Sentences 
traite  en  la  diflin^ion  r  o.  liu.  4 .  qui  au  fit  efi  r<?- 
jette  en  cet  article  de  Thomas  :  &  U  force  de 


î89  apologie 

la  raijan  pourquoy  on  le  re jette  conjijie  e tue  qm 
les  paroles  de  N ojîre  Seigneur  fom  fcir  V Eglt- 
fe  entendues  proprement ,  ^  partant  il  faut 
qu*  elles  f oient  vérifiée  s  proprement.  Or  te  dy  par 
tEgliJe  i  four  ce  q^ii  Une  paroi  fi  rien  en  l  Euan- 
gile  qui  force  à  entendre  ces  paroles  proprement-, 
car  par  ces  mots  que  le  Seigneur  a  adiou/lez,  Qiu 
eft  donné  pour  vous  en  remiflion  des  pé- 
chez, on  ne  peut  pas  conclure  euidemment  que 
les  paroles  précédentes  doiuent  ejlre  entendues 
proprement  ;  car  cette  parole ^  qui,  nefi  pas  em-^ 
ployé e  peur  monjlrer  la  conion6tionde  l'attri- 
but âuec  lefuieti  mais  pourmonftrer  l 'attribut  » 
çefl  a  dire ,  mon  corps  ^ce  qui  nempefche  pas 
que  la  propojition précédente  ne  fe  trouue  vrayey 
efiant  prijeen  vnfens  métaphorique  feulement. 
Comme  là  où  fApofire  dit^Oi:  la  pierre  eftoit 
Chrijfl,  quand  ileuftadioujlèi  Qm  a.  efté  cru-f 
cifié  pour  nous^qui  eft  reffufçité  pour  nous, 
qui  eft  monté  au  CieL  endijant:,  Or  la  pier- 
re eftoit  Chrift  ,  qui  a  efté  crucifié  pour 
Î10US5  &c.  cette  propefition  précédente ,  Or  la 
pierre  eftoit  Chrift,  ne  laifferoit  pas  de  s  en- 
tendre métaphoriquement  ^  non  proprement: 
éi^  femblahlement  en  cequi  fe  prcpofe  ^dont 
ilsagifii  en  ces  paroles  de  Nofire  Seigneur^  Ge- 
cy  eft  mon  Corps,qui  fera  liuré  pour  vous, 
ds  cette  addition ,  qui  fera  liuré  pour  vous,  /^ 


pour  Ceux  de  la  J{elig.  î8p 

première  frofofition  nefi  fas  rejtreïnte  a,  vn 
fensprofre ,  mais  ne  laijjeroit  ffts  cVeprevraye 
quand  mefme  elle  jtrêit  frïfé  tn  vnfens  metA-^ 
fhorique  feulement.  Et  c'eftoitropinion  de 
quelques  Théologies  au  Concile  de  Tren- 
te, qu  il  n€  falloir  pas  fonder  la  doftrine 
de  la  Tranflubftantiation  deifus  cepalTa- 
ge, comme  s'il  eftoic  inéuitablement  ne- 
ceffaire  de  l'interpréter  ainfi ,  mais  fur  la 
tradition  de  l'Eglife  en  vertu  &:par  Tau- 
thorité  de  laquelle  elle  l'a  ainfi  entendu. 
Pourquoy  donc  nous  accuferoit-on  d'opi- 
niaftreté ,  en  ce  que  nous  ne  pouuons  ga- 
gner fur  nous  d'entendre  cq.s  paroles  en  ce 
fensjveuqueparradueumefme  de  quel- 
ques Théologiens  célèbres  enla  commu- 
nion de  Rome  6<:  de  quelques  Cardinaux, 
elles  fe  peuuent  prendre  en  vn  qui  n'efl: 
pas  moins  clair  ny  moins  certain ,  6c  qui 
s'accorde  mieux  auec  la  raifon  en  toutes 
manières  ?  Car  quant  à  ce  qui  eft  de  Tau- 
thorité  de  la  Tradition ,  nous  auons  Vne 
infinité  de  preuues  en  l' Antlquité^que  plu- 
fieurs  fiecles  depuis  la  naiflance  du  Chri- 
ftianifme  J'Eglife  n'a  rien  crû  de  tel.  Quad 
les  preuues  en  feroient  moins  euidentes 
qu  elles  ne  font, il  y  en  a  aflez  pourtant 
pour  rendras,  notamment  en  ce  poinû ,  la 


15^0  jipologu 

Tradition  douteufe.  Qiiand  elle  fetoit 
moins  douteufe,  nous  voyons  vne  fi  gran- 
de différence  entre  la  probabilité  qu'il  y  a 
que  les  hommes  fe  foient  trompez  >  &:  que 
Dieu  fafle  tant  &:  de  fi  prodigieux  mira- 
cles tous  les  iours  5  que  nous  ne  pouuons 
comprendre  comment  on  nous  pourroit 
condamner,  fi  nous  ne  croyons  pas  fi  toft 
des  choies  de  cette  nature,dont  il  n'y  a  au- 
cun exemple  dans  tous  les  fiecles  prece- 
dens,  que  nous  croyons  que  les  hommes 
fefont  abufez ,  veu  que  nous  auons  tant 
d'expériences  de  leur  inclination  à  l'er- 
reur en  tous  temps  ^  en  toutes  chofes. 
Neantmoins  s'il  n^eftoi t  queftion  que  de  la 
vie  ciuile ,  ou  d'vne  loy  politique  feule- 
ment, peut  efl:reque  le  defir  Se  l'intereft 
que  nous  auons  de  nous  reconcilier  la 
bien-veillance  de  nos  fuperieurs  Se  de  nos 
compatriotes ,  nous  porteroit  à  quelque 
condefcendance.  Non  que  nous  peuflions 
obtenir  de  nous-mefmes  de  croire  la 
TranflTubftantiation  ;  car  nous  ne  fommes 
ny  les  maiftresde  nos  fens ,  qui  nous  rap- 
portent les  chofes  telles  qu'elles  font ,  & 
non  telles  que  peut  -  eftre  les  voudrions 
nous  bien  eftre:  ny  lesdominateurs  de  no- 
ftre  raifon,pour  luy  commander  de  croire 


pour  ceux  de  U  Relig.         ic>i 

ce  qu'elle  void  contredit  par  des  preuues 
aufli  éuidentes  que  des  demonitracions  > 
ny  les  Autheurs  de  noftre  foy ,  pour  iuy 
faire  embrafler  d'autres  où  jets  que  ceux 
quelle  void  &:  quelle  cognoift  certaine- 
ment eftre  de  reuelation  diuine.  Mais  au 
moins  ferions-nous  peut-eftre  quelque  ef- 
pece  de  femblant  que  nous  n  y  auons  point 
d'auerfion^ôidifTimulerions  tant  que  nous 
pourrions  le  melcontentement  de  noftre 
xaifon  ,  pour  nous  accommoder  en  vnc 
mefme  communion  aucc  ceux  qui  font 
profeflion  de  croire  toutes  ces  mcrueilles. 
Il  y  a  quelquesfois  certames  opinions  po- 
pulaires aulquelles  Icsfagesne  s'oppofenc 
pasouuertement,  quoy  qu'ils  les  reprou- 
uent  en  l'intérieur,  pource  qu'il  eft  ou  inu- 
tile, ou  mefme  affez  fouuent  dangereux 
de  nager  contre  lestorrens  >  Se  que  c'ell: 
malvferde  la  raifon,  que  de  l'expofer  à 
eftre  foulée  aux  pied^  par  ceux  qui  font 
aueuglez  de  leurs  preiugez,  ou  à  qui  la  na- 
ture n'a  pas  donné  afTez  de  capacité  pour 
l'entendre.  Simefmesil  n'eftoit  queftion 
que  d'vn  erreur  qui  ne  fuftpas  de  grande 
confequence  en  la  Religion,  &:  particuliè- 
rement qui  n  apportaft  aucune  altération 
au  culte  delaDiuinitc,  peut-eftre  y  con- 


niuerions  i;ous  encore ,  &:  qufe  Tamoui:  de 
la  Paix  l'emporteroit  pardefTus  celuy  de 
la  Vérité 5au  moins  pour  ne  pas  rompre  la 
çommunionj^:  pour  laifler  dans  leurs  fcn- 
timens  ceux  qui  nous  laiflcroiem  dans  les 
noftresîcaril  faut  fupporter  beaucoup  dé 
chofes  en  autruy ,  quand  de  fa  part  il  ne 
vous  aftreint  à  rien  qui  choque  l'honneur 
de  DieU:,  &:  la  paix  de  la  confcience.  Mais 
il  y  va  du  feruice  de  Noftre  Seigneur^qu  il 
nous  eft  abfolumentimpoflible  de  déférer 
au  Sacrement  ^  tel  qu  on  le  defire  de  nous> 
tandis  que  nous  ne  fommes  pas  pcrfuadcz 
delà TranfTubftantiation,  fans  que  noftre 
confcience  nous  conuainque  d  vne  idola^ 
trie  inexcufable.  Et  il  y  va  du  falut  éternel 
ti  de  nos  corps  &:  de  nos  efprits,  dont  nous 
croirions  quVne  telle  adion  commife  con- 
tre noftre  confcience  nous  priueroit  iufte- 
ment  ^  pour  eftre  précipitez  dans  vne  per- 
dition entièrement  irrémédiable.  Partant 
nous  fupplions  tout  le  monde  de  confide- 
rer  auec  quelle  équité  on  peut  defirer  de 
nous  vne  fi  pernicieufe  &:  fi  criminelle 
complaifance.  Nous  eftimons  qu'en  la 
communion  de  Rome  il  y  a  vn  péril  ma- 
nifefte  pour  le  falut,  à  caufe  qu'on  y  adore 
du  culte  de  la  Diuinité  ce  qui  n'eft  pas 

Dieu. 


pour  ceux  de  lal{elig.  ic^^ 

Dku.  On  s'excufe  fur  ce  qu'on  croid  qu  ou 
■n  y  adore  rien  de  cette  efpece  de  culte,  qui 
ne  foit  Dieu  véritablement.  Etfion  ne  le 
croyoit  ainfi,  onprotefte  qu'on  n'y  adore- 
roit  pas  le  Sacrement.  Cette  excufe  ne 
peut  eftre  bonne,  finon  que  les  preuues  fur 
iefquelles  on  fonde  cette  créance,  foient 
fi  certaines  &:  fi  cuidentes ,  qu'il  n  y  ait 
pas  moyen  d'y  refifter.  Ceft  donc  à  ceux 
qui  ont  receu  cette  perfuarion,que  THoftie 
eft  vrayement  Dieu ,  à  les  bien  examiner, 
afin  de  ne  fe  pas  tromper  en  vnechofe  de 
telle  importance.  Ceux  de  la  communion 
de  Rome  nous  croyent  perdus  fans  refour- 
ce  ,  pource  que  nous  n'adorons  pas  le  Sei- 
gneur lefus  au  Sacrement.  Nous  nous  ex- 
cufons  fur  ce  que  nous  ne  croyons  pas 
qu'il  y  foit ,  &:  proteftons  que  (i  nous  en 
auions  vne  autre'  opinion^nous  ne  maur 
qucrions  nullement  de  luy  rendre  toute 
forte  de  vénération,  félon  fa  dignité  in- 
comprehenfible.  Ceft  à  nousànousbien 
examiner ,  à  ce  que  ne  foit  ny  paflion  ny 
opiniaftreté  qui  nous  empefche  de  voir 
la  vérité  des  preuues  qu  on  nous  allè- 
gue. Et  ie  m  affeure  que  ce  que  ie  viens 
de  reprefenter  nous  garantit  affez  de 
cette  imputation.  Comme  donc  ceferoic 

N 


iniiiftlce  à  nous  fi  nous  voulions  obliget 
les  Catholiques  à  n'adorer  pas  le  Sacre- 
ment 5  que  premièrement  nous  ne  leur 
euflions  monftré  par  des  preuues  indubi- 
tables qu  il  n'eft  pas  Dieu,  puis  que  nous 
fommes  ainli  diipoiez  que  fi  nous  croyions 
qu^il  fuft  Dieu  ,  nous  l'adorerions  fans 
doutexe  ne  peut  eft r e  iuftice  à  eux  de  nous 
Vouloir  obliger  a  adorer  le  Sacrement,iuf- 
que5  à  ce  qu'ils  nous  ayent  perfuadé  qu'il 
êft  Dieu,  puis  que  telle  eft  la  difpofition  dé 
leurs  efpritSi  qu'ils  ne  Tadoreroient  iamais 
s'ils  n'auoient  de  luy  cette  créance. 
•  'Le  Sacrifice  deiaMcffe  eft  vne  doûri- 
hequenousnepouuons  receuoir,  princi- 
palement pour  deux  raifons.  L'vnejqu'elle 
|)reftippofe  la  Tranffubftantiation,  laquel- 
le nous  ne  croyons  pas.  L'autre ,  que  nous 
tenons  ce  facrifice  non  feulement  pour 
inutile  >  car  ce  feroit  peu  de'  chofe  s'il  n'y 
auoitirien  de  plus  ;  mais  encore  pour  ihiu- 
rieux  à  rhônîieur  du  facrifice  de  la  Croix 
du  Sauueur  dû  mode  Et  quant  à  la  premiè- 
re de  ces  raifons,  puis  que  nous  ne  pouuotis 
croire  la  Tranflubftantiation ,  8c  qu'il  rif 
3L  -nulle  pertinente  raifon  de  nous  blafmer 
à  cette  caufe ,  il  vient  neceffairement  eiï 
confequence  que  la  rejefition  du  facrifice 


pour  ceux  de  là  lielip  îj>^ 

•foit  à  noftre  cfgard  exempte  de  blafme  ; 
car  puis  que  de  l'adueu  de  nos  adueriaires 
il  ne  peut  eftre  de  facrifice  de  la  Méfie  fans 
Tranflubftantiation  5  &:puis  que  ^  comme 
ie  viens  de  monftrer ,  il  n'y  a  point  d  opi- 
niaftreté  à  ne  croire  point  laTranfliibftan- 
tiation ,  ny  de  fujet  de  mauuaife  volonté 
de  la  part  des  gens  railbnnables  >  il  n'y  en 
peut  auoir  non  plus  à  ne  croire  point  le  Sa- 
crifice qui  a  ce  dogme,  pour  fondement. 
Quant  à  la  féconde,  afin  qu'on  nait  pas 
cette  opinion  de  nous  que  nous  foyons 
mal-aifez  à  contenter ,  6^  que  nous  cher- 
chions de  gayeté  de  cœur  matière  de  diui- 
fion  &c  rupture  ,  après  qu'ion  nous  aura 
jnonftré  qu  il  faut  neceiraiî:ement  reccuoir 
ladoftrinedelaTranfl'ubftantiation  :  cal' 
c'eft  vne  préalable  ineuitable,  nous  nous 
fatisferons  volontiers  fi  on  nous  refpond 
fuffifamment  à  cette  difficulté  fur  le  Sacrir 
fice  :  car  bien  qu'il  y  aitvne  infinité  d'au- 
tres preuues  de  noltre  doctrine  en  cette 
matière  ,  Se  que  l'Epiftre  aux  Hcbrieux  y 
fourmille  de  pafQiges  euidens ,  la  folution 
.de  cette  ratiocination  fuffira  pour  mettre  à 
touuert  l'intereft  de  la  Croix  du  Sauueur 
du  monde.  Ou  bien  le  Sacrifice  fait  en  la 
Croix  nous  a  pleinement  racheptez  de 

N   ij 


i^6  Jlpologié 

nos  peclièz ,  ou  non.  S  il  nous  en  à  racîie- 
ptez,  c  eft  choie  inutile  de  tafcher  de  faire 
vne  chofe  dcfia  faite ,  Se  iniurieufe  à  celuy 
qui  Ta  entreprife ,  comme  fi  elle  né  l'eftoit 
pas.  S'il  ne  nous  en  a  pas  racheptez ,  c'eft 
ou  pourcequ  il  ne  l'a  pas  pu  ,  ou  pource 
que  Chrift  ne  la  pas  voulu.  SHl  ne  Ta  pas 
pu  5  comment  l'expiation  qui  n'a  pu  fe 
faire  en  la  Croix  ,  fe  pourra-t'elle  para- 
cheuer  en  l'Euchariftie  :  Et  quelle  affeu- 
rance  auons  nous  denoftre  rédemption  i 
il  la  mort  de  Noftre  Seigneur  n  a  pu  fatis- 
faire  pleinement  à  la  iuflice  de  Dieu  fon 
Père  ?  S'il  l'a  pu  de  qu'il  ne  l'ait  pas  voulu, 
qui  alTeurera  que  ce  qu'il  n'a  pas  voulu  fai- 
re en  ia  Croix,  il  le  vueille  faire  en  la  fain- 
fte  Cène  ?  La  célébration  de  ce  Sacrement 
porte-t'elle  plus  de  marques  de  la  bonne 
volonté  qu  il  a  pour  noftre  rédemption  , 
que  la  foufFrance  d'vne  Croix  maudite  3t 
ignominieufe  ?  Il  eft  vray  qu'on  diftingue 
encore  icy  entre  facrifice  de  rqdemption 
Se  facrifice  d'application  8c  de  reprefen- 
ration.  Mais  cela  ne  fa&isfaitpas  à  noftre 
demande  ;  car  ou  bien  ceà  reprefentations 
Se  ces  applications  font  vne  efFe£liue  &c 
aftuelle  propitiation  de  nos  péchez,  en  fa- 
tisfaifant  à  la  luftice  de  Dieu ,  ou  non.  Si 


pour  ceux  de  U  Relig.  197 

on  prétend  qu'elles  en  font ,  il  faut  retour- 
ner à  refpondre  à  la  raifon  précédente  >  &: 
foudre  cette  difficulté,  fiChrift  nous  a  va- 
çheptez^ounenous  a  pasracheptezenla 
Croix.  Si  on  ne  le  prétend  pas  jpourquoy 
ceux  qui  diftinguent  auffi  nous  veulent-ils 
perfuader  ce  qu'ils  ne  fc  perfuadent  pas 
çux-mefmes  ?  Et  puis  qu'ils  necroyentpas 
qu'en  la  MeflTc  il  fe  faffe  aucune  réelle  ex- 
piation, quel  fujet  d'indignation  pçuuent- 
ils  aupir  contre  nous  fi  nous  n'y  pouuons; 
non  plus  confentir?  Q^ilsnoys  fouftrent 
doncs'il  leur  plaift  mettre  toute  noftrc  ef- 
pcrance  en  la  Croix  de  Noftre  Sauueur, 
&:  ne  recognoiftre  autre  oblation  propitia- 
toire de  nos  péchez  5  finon  celle  qu'il  y  a, 
offerte.  QjVjls  ne  nous  vueil  lent  point  de 
mal  fi  nous  ne  pouuons  digérer  qu'on  ad- 
joufte  à  la  plénitude  de  fa  fatisfaâ:ion,com- 
me  fi  la  rédemption  qu  e  nous  auons  en  el- 
le eftoit  imparfaite.  QiA)n  ne  nous  impu- 
te point  comme  vn  deft'aut  de  pieté  >  que 
nous  ne  donnons  point  de  compagnons  à 
Noftre  Seigneur  lefus  en  fa  charge  deSa- 
crificateur.    Q^on  ne  nous  tourne  point 
à  crime  cette  refpeftueufe  timidité   qui 
nous  qnipefche  de  nous  ingérer  à  fairQ 
dçs  ohlati^nç  aiifquelle?  nous  ne  voyo.j;i:| 


ïpS  jfpologie 

point  que  la  vocation  de  Dieu  nous  appel- 
le. Bref:,  qu'on  ne  trouue  ny  eftrange,  ny 
mauuais  fi  ayant  deuant  nos  yeux  de  li 
mémorables  exemples  de  la  vengeance 
de  Dieu  fur  ceux  qui  ont  ofé  entreprendre 
fur  la  facrificature  d'Aaron ,  que  les  flam» 
mes  de  Dieu  les  ont  confumez5&:  que  pour 
les  engloutir  la  terre  seft  entrebaillées 
nous  craignons  de  rien  attenter  à  la  facrifi- 
cature de  Clirift ,  dont  la  faindeté  eft  plus 
grande  fans  comparaifon ,  3c  la  majefté 
plusinuiolable. 


SECTION     VI. 

Q^e  ceux  de  la  J{eligion  ne  font  point  di- 
gnes d'auerjion  ,  ny  pour  ne  déférer, 
pas  à  l'authoritê  de  i  Eue  (que  de  Ro- 
me comme  il  le  "veut^  ny  pour  s'eflre. 
'ifepare^i  de  la  communion  de  l'EgliJè 
Romaine, 

LA  caufe  de  cette  auerfion  quVne 
"grande  f^artie  des  peuples ,  Se  quel- 
^ues-'vnsd^  ceux  qui  font  en  authorité,& 
quafi  généralement  tous  lesEcclefiaftiqucs 
^nccontre  nous  5  peut  bien  eftreen  ce  que 


pour  ceux  de  la  K^lig.  l^^ 

Hous  ne  croyons  pas  toutes  les  chofes  qui 
font  rcceuès  en  la  Religion  de  Rome; 
maisie  fuis  tres-afleuré  que  quant  au  Siè- 
ge Romain^la  haine  implacable  qu  il  nous 
porte,  8c  les  perfecutions  qu'il  fufcite  cotre 
nouspartQutpù  il  le  peut,  ont  pour  prin- 
cipal, &c  peut-eftre  pour  vnique  motif,  que 
nous  ne  voulons  pas  recognoiftre  fa  puif-i 
fance  ;  car  il  voudroit  qu'il  luy  en  euft  cou- 
fté  le  Purgatoire  ,  &c  laTranffubftantia- 
tion ,  dç  le  Sacrifice  de  la  Melfe  encore  ,8^ 
tout  ce  que  le  commun  tient  de  plus  facré 
&c  de  plus  inuioiable  çn  fa  Religion,^:  que 
toute  l'Europe  fuft  bien  reiinie  dcffous  fon 
authorité  ,  tellement  que  le  party  Catho- 
lique Se  le  P^eformé  luy  preftaflent  leurs, 
forces  conjointement  pour  s'affujettij:  l'A- 
frique de  r Afie.  Apres  cela  il  voudroit  dif- 
pofer  des  parties  les  plus  éloignées  de  l'O- 
rient &c  de  rOccident ,  Se  de  fait  il  a  entre- 
pris en  ces  derniers  temps  de  donner  le 
droiftdeconquefterlesvnes  Se  les.  autres 
Indes.  Etieneparlerois  pas  fi  hardiment 
de  ce  génie  de  dominationjqui  depuis  Ro- 
mulusiufqu  à  maintenant  a  toufioursefté 
infeparablement  attaché  au  Capitole  ,  fi 
les  Cours  Souueraines  de  cet  Eftat  ne  l'a- 
uoient  expreflement  remarqué  ,&:  fi  elles 


loo  j4ùologie 

nes'eftoient  oppoi'ees  àicsentrcprifespar 
la  generofité  de  leurs  Arrefts  encore  de- 
puis peu  d'années.  Or  fi  lambition  de  ce 
Siège  le  porte  à  nous  haïr  à  cette  occa- 
fion,  tant  s'en  faut  que  ceux  qui  ne  font 
pas  menez  de  mefmes  interells  ,  doiuent 
imiter  fa  paflîon,  que  toutes  fortes  de  gens 
nous  deuroient  aimer  de  ce  que  nous  com- 
battons fa  puiflance.  En  effet,  il  en  affe- 
ftcde  deux  fortes.  LVne  temporelle ,  def- 
fus  les  Eftats  politiques  :  8c  l'autre  Spiri- 
tuelle ,  fur  les  confciences  des  Chreftieni. 
Quant  à  ce  qui  eft  de  celle  -  cy  ,  il  faut 
que  ie  répète  icyce  que  i'ay  délia  dit  ail- 
leurs 5  que  mon  intention  n  eft  pas  d'en- 
trer dedans  la  Controuerfe.  le  diray  feu- 
lement qu'on  ne  doit  pas  trouuer  eftran- 
ge  fi  nous  ne  luy  voulons  pas  déférer  tou- 
te l'authorité  qu'il  s'attribue  en  cet  efgard, 
puis  que  plufieurs  de  fa  communiô  la  trou- 
uent  exorbitante.  Pour  exemple,  fi  on  Ycih 
croyoit,il  auroit  pareil  pouuoir  de  pardon- 
ner les  pecRez  que  Noftre  Seigneur  lefus, 
non  pas  comme  miniftre  de  fa  grâce  &:  de 
fa  paix,. qui  diU  Sï  vous  croyez,  ô' fi  va  tu  vous 
reprntez.vos  pschz  vous  font  pardonnez.cc  qui 
eft  la  voix  de  l'Euagilcj  mais  comme  Prin- 
ce Souuerain  en  l'Églife  de  Dieu, à  qui  il 


pour  ceux  de  la  Relig.  z.oi 

appartient  de  retenir  ôc  de  remettre  les  pé- 
chez auec  plénitude  de  puifsace.Or  qu  elle 
apparence  y  a-t'il  de  fouffrir  cette  prefom- 
ption  en  vn  homme  mortel ,  que  chacun 
i'çait  eflre  pécheur  comme  nous ,  3c  qui 
quelqucsfois  furpaffe  les  autres  pécheurs  ^ 
en  atrocité  de  crimes  ?  S'il  ne  met  pas  en 
auant  cette  plénitude  de  puiflance  ordi- 
nairement fi  cruëment ,  que  de  ne  faire 
defpendre  la  remiflion  des  péchez  d'aucu- 
ne condition ,  quoy  que  chacun  fçait  que, 
Sîcvolo ,  Çc  iuhen^  eft  la  plus  ordinaire  loy 
de  fon  Empirejes  conditions  fous  lefquel- 
les  il  la  promet  ne  monftrent  pas  moins  fa 
prefomption  5  que  s'il  lefaifoit  d'vne  au- 
thorité  abfolument  fouueraine  5  car  il  ne 
dit  pas  i fi  vous  croyez. ,  dr  fi  vous  vous  re fen- 
te^ y  vos  pcchez  vous  feront  -pardonnerai  en 
quoyilfemonftreroit  Seruiteurde  lefus- 
Chrift  j  mais  :>  fi  vous  d^tes  tant  de  fois  vne 
telle  oraifon  i  fi  vous  vénérez  les  reliques  d'vn 
tel  Sainôî ,  fi  vcusvïfiteT^  telle  ou  telle  Eglije. 
A  ce  qu'il  paroiffe  que  c'eft  luy  qui  a  le 
droit  &:  l'authorité  de  faire  des  loix,  ï  l'ob- 
feruation  defquelles  il  attache  &:  la  pro- 
meffedc  la  rémunération,  &;  la  menace 
de  la  punition ,  comme  bon  luy  femble.  Il 
eft  vray  qu'il  ne  dit  pas  ouuertement  qu'il 


20I  Apologie 

abroge  la  loy  de  Chrift.  Mais  tant  y  a  que 
puis  qu'il  en  ordonne  de  nouuelles  auU 
quellesnoflre  Seigneur  n'a  iamaispenfé,, 
&  qu'il  promet  à  ceux  qui  les  obferueront 
la  mefme  rémunération  que  celle  que  le- 
fus-Chrift  fait  efperer  à  ceux  qui  garde- 
ront les  liennes ,  il  s'attrihuè  en  TEglife 
vne  puiffance  aufli  abfoluë  que  celle  de 
lefus-Chrift.  Or  de  qui  eft-ce  que  cela  ne 
choque  point  Fentendement,  qu'vn  lim- 
ple  homme,  &:  mortel,  &:  pécheur, s'en 
vucille  tant  faire  accroire  ?  Il  pafie  mef- 
mes  en  quelque  façon  au  delà  de  noftre 
Seigneur  en  la  diftribution  de  fes  recom- 
penfes  ;  car  ou  bien  noftre  Seigneur  a  pro- 
mis vne  mefme  rémunération  vniuerfel- 
lement  à  tous  les  croyans ,  ou  s'il  y  a  mis 
quelque  iaegalité^tant  y  a  qu'il  en  a  remi$ 
lareuelation  au  dernier  iour , ôc qu'il  n'a 
point  defigné  les  perfonnes  particulières, 
à  qui  vne  plus  grande  mefure  de  gloire  eft 
affignée.  Au  lieu  que  rEuefquedeRomc 
prétend  auoir  le  droid  de  diftribuer  les 
couronnes  de  là  haut,  en  faifant  les  vns 
^AÏncis ,  &  fe  contentant  de  faire  les  autres 
bienheureux , Scieur afligne leur  culte  re- 
ligieux proportionné  à  l'eminence  de  ce$ 
degrez ,  ainfi  qu'il  pUift  à  fa  SAtnÛeté  &:  \ 


four  ceux  de  la  Relig.  205 

fa  Béatitude  Pontificale.  Qlù  nous  accufe* 
ra  d'incrédulité  ou  d'opiniaftreté  fi  nous 
ne  pouuons  croire  que  ceux-là  difpenfent 
la  gloire  Se  la  félicité  de  là  haut  5  de  qui 
leurs  propres  hiftoriens  difcnt  qu'ils  n'y 
ont  point  de  part  ;  &r  que  Baronius  Se  Ge^ 
nebrard  ne  traittcnt  point  autrement  que 
comme  des  Apoltats  Se  des  monftres  ?  \\ 
nefe  contente  pas  de  faire  plus  que  noftre 
Seigneur  n'a  fait  en  cela ,  il  deffait  ce  que 
noftre  Seigneur  a  fait  Se  conftitué  en  au- 
tres chofes.  le  vous  prie  à  quoy  faire  les 
Pifpenfes  qu'il  diftribuë  amfi  qu'il  luy 
plaift,  finon  à  monftrer  qu'il  a  le  droit ,  ou 
de  permettre  ce  que  lefus-Chrift  a  defen- 
du  5  ou  de  défendre  ce  que  lefus-Chrift 
auoit  lailTé  libre  ?  Car  fi  ce  dont  il  difptn- 
feaefté  défendu  de  Dieu,  il  entreprend 
fur  lauthorité  de  fes  loix.  Si  ce  dont  il  dif- 
penfe  auoit  efté  laifie  en  noftre  liberté  ,  la 
defenfe  qu'il  en  auoit  faite  luy-mefme  >  Se 
dont  il  nous  veutdifpenfer,  eft  vn  atten- 
tat à  la  liberté  que  Dieu  auoit  laiffée  à  nos 
confciences.  Or  quelle  ombre  de  verifîmi- 
litude  y  peut-il  auoir  en  cela ,  que  le  Sau- 
ueur  nous  ait  laifféfes  loix  pour  règle  de 
noftre  conduite  quand  il  eft  monté  au 
Ciel,  Se  qu'il  ait  donné  aux  hommes  moç- 


t04  Apologie 

tels  la  puiffancede  les  enfraindrcr  Mais 
infraaiondesloixdeDieUjquil  y  ait  en 
cts  ÎDifpenfes,  ou  non,  tant  y  a  que  nous 
ne  pouuons  digérer,  &:  nul  ne  le  doit  trou- 
uer  mauiïais,que  TEuefque  de  Rome  don- 
ne des  loix  à  nos  confciences.  Si  quand  il 
en  eftablit  quelques-vnes ,  il  difoit  ;  le  n'a- 
uance  rien  de  mon  chef.  Se  ne  veux  point 
dominer  fur  les  héritages  ju  Seigneur  ,  ainfi 
que  Sainft  Pierre  l'ordonne  ;  le  mets  feu- 
lement en  auant  ce  que  noftre  Seigneur 
nous  a  laiffé  en  fa  Parole  :  Nous  aurions 
en  cela  la  voix  dVn  feruiteur  qui  fait  pr  o- 
feflîon  de  ne  vouloir  rien  faire  valoir  fî- 
non  la  volonté  de  fon  Maiftre.  Ainfi  ce  fe- 
roit  à  nous  à  chercher  en  cette  parole  Çi  ce 
qu'il  diroit  y  feroit  fondé ,  pour  difpofer 
nosconfciencesàrefpeder  comme  il  faut 
Tauthorité  de  ce  grand  Dieu,à  quiXeul,en 
ce  qui  eft  de  la  Religion,  elles  doiuent 
obeïflance.  Mais  ou  bien  il  ne  nous  parle 
du  tout  point  delà  Parole  de  Dieu  en  fes 
loix ,  ou  il  veut  que  s*il  y  en  fait  mention, 
nous  nous  en  rapportions  entièrement  à 
fon  interprétation  :  de  forte  qu'il  vaudroit 
autant  qu'il  lesnous  donnaft  abfolument 
de  fon  chef,  que  de  nous  y  alléguer  la  Pa- 
role de  Dieu,  8^  neantmoins  ne  voulais 


pour  ceux  de  la  Rclig.  1 0 j* 
f>as  que  nous  les  examinions,  pour  voir  fi 
elles  y  font  conformes.  Or  quoy  ?  Que 
peut  auoirl'EuefquedeRomç  qui  donne 
telle  authorité  à  fes  conftitutions,que  nous 
yfoûmettionsnosames  ?Eft'ilt)ieu  pour 
régner  dedans  nos  efprits  >  cotçime  les 
Rois  de  U  terre  régnent  deflus  nos  corps? 
Ou  de  quelles  preuues  peut-il  fouftenir 
vne  fi  haute  prétention ,  que  Dieu  luy  ait 
religné  fon authorité ,  pour  auoir  vn  env 
pire  abfolu  deffus  les  âmes  des  hommes? 
Enfin ,  i'attefte  nos  plus  palTionnez  aduer- 
faires ,  s'il  eft  raifonnable  de  nous  con- 
damner pour  ne  ibuârir  pas  qu'il  empiète 
la  dominatiô  abfolue  deflus  nos  confcicn- 
ces.  Si  nous  demandons  à  l'Euefque  de 
Rom€  les  titres  fur  lefquels  il  fonde  fa  vo- 
cation 5  &:  cette  puifCance  illimitée  qu'il 
prétend  fur  l'Eglifede  Dieu/d  nous  pro- 
duit quelques  textes  de  TEfcriture  :  Com- 
me, 1  ues  pierre,  &c  Paxj  mes  brebis.  Se  fem- 
blables.  Si  nous  voulons  dire  quelque 
chofe  fur  l'intelligence  de  ces  mots  ,  il 
nous  dit  qu'il  les  faut  entendre ,  non  félon 
noftre  fens,mais  félon  fon  interprétation. 
Si  nous  voulons  reuoquer  en  doute  l'au^ 
thorité  de  fon  interprétation ,  il  nous  dit 
quêtant  s'en  faut  <jue  nous  deuions  endej 


%o^  apologie 

iîiander  qudque  autre  preuuc  que  letei^ 
moignage  qu  il  luy  rend^  que  la  Parole  de 
Dieu  mefme  ny  ne  peut ,  ny  ne  dt)it  auoir 
aucune  authoritè  enuersnous,  linon  celle 
qu  il  luy  donne  par  Ion  tehnoignage.Qj© 
fans  cela  on  n  en  feroit  pas  plus  de  cas  que 
des  fables  d'EfopejOU  de  f  Alcoran  de  Ma. 
homet  3  8c  qu'enfin  après  toutes  queftiôns, 
toutes  interrogations  ,  toutes  ratiocina-' 
tions  y  il  faut  croire  ce  qu'il  a  dit ,  pourcc 
qu'il  l'a  dit ,  Se  ne  croire  pas  à  Dieu  mcfme 
qui  parle  dans  le  Vieil  3c  dans  le  Nouueau 
Teftament  5  finon  autant  qu  il  plaira  au 
fouuerain  Pontife  de  Rome.  Qni^fe  per- 
fuadera  qu'vn  homme  foit  plus  croyable 
que  Dieu^ou  que  les  Conftitutions  du  fiege 
Romain  portent  plus  de  marques  de  di- 
uinité  que  les  efcrits  des  Prophètes  8>c  des? 
Apoftre.s  ?  On  tient  en  la  communion  Ro- 
maine que  l'Eglife  ne  peut  errer  :  mais 
quand  il  faut  expliquer  enquirefide  cette 
grâce  de  l'infallibilité,  les  opinions  fe  par- 
tagent. Les  vnsdifent  qu'elle  refide  au 
Concile ,  qu'ils  efleuent  au  deffus  du  Pape 
à  cette  occafion  :  les  autres  fouftiennent 
qu'elle  refide  au  Pape  >  qu'à  cette  raifon  ils 
mettent  audeflusdu  Concile.La  Sorbon- 
tie  a  efte  au]t;i:efoi^  de  ce  premier  fcnti- 


pour  ceux  de  la  Relig,  207 

ment  58c  a  efté  iliiaie  parce  qu  il  yauoit 
de  plus  fain  de  de  plus  liauanc  en  cette 
communion.  Les  leiuites  qui  font  venus 
depuis  ont  pris  determinément  l'autre 
party ,  &c  ont  tiré  beaucoup  de  gens  après 
eux  5  &c,  peut-eftre  quelques-vns  de  la  Sor- 
bonne  mefme.  Ceux-cy  accufent  les  au- 
tres de  rébellion  contre  le  chef  de  lEglife 
de  lefus-Ghrift  .-ceux-là  accufent  le  Pape 
de  prefomption  5  &:  d'entreprendre  delTus 
les  droits  de  l'Eglife.Et  pource  que  le  Pape 
n  oze  hafarder  la  dcciiîon  de  cette  que- 
ftion  5  &c  qu'à  fon  aduis  il  eft  beaucoup  plus 
expédient  de  gaigner  pied  à  pied  dans  les 
efpritspar  les  eferits  de  fcs  Dodeurs,  de 
par  Tentremife  de  fes  emiflaires  ?  que  de 
s'expoferauiugement  d'vn  Concile,  qui 
félon  lapparence  fe  porteroit  à  la  defenfe 
de  fes  propres  droits  vil  fouffre  en  fa  com- 
munion ceux  qui  ne  luy  accordent  pas  cct^ 
re  puiflarice  fouuei'aine.  Pourquoy  donc 
nous  haïroit-on  pource  que  nous  la  luy 
refufons ,  &c  que  nous  rious  oppofons  en- 
core plus  vigoureufement  qu'aucun  à  [^ 
^tyrannie  ?  Quant  à  ce  qui  eft  de  la  puiffan- 
te  temporelle  qu'il  prétend  auoir  deflus 
les  Rois>les  efpritsn  y  fontpas  moins  par>i 
tagez ,  Se  la  qualité  de  ceux  qui  y  ont  inte-* 


2o8  Afologie 

reû  rend  la  difpute  plus  efclacance  ;  car  il 
eft  queftion  de  la  fouueraineté  des  Poten- 
tats, que  le  Pape  &:fes  adherans  préten- 
dent eitre  foumife  à  fa  domination^au  lieu 
que  les  Princes  bc  leurs  bons  fujets  la 
maintiennent  eftre  abfolument  indépen- 
dante. Et  icy  encore  véritablement  nous 
méritons  la  bien-veillance  des  gens  de 
bien ,  &:  qui  font  affeûionnez  comme  il 
faut  à  leurs  Princes  &:  à  leur  Patrie  ;  car 
bi^n  que  ceux  qui  fauorifent  les  dcffeins 
du  Pape  en  cet  efgard^difent  de  cette  puif- 
fance  temporelle  qu'il  affefte  fur  lesEftatSj 
quelle  ne  luy  conuient  qu'mdireftement 
feulement ,  pource  qu  elle  ne  luy  a  efté 
donnée  finon  pour  feruir  à  la  manuten- 
tion de  rautre,&:  pour  la  faire  valoir,  li 
eft-cequedireûement  ou  indireftemenr, 
il  aflujettit  tant  qu'il  peut  les  Couronnes  à 
fa  Tiare.  Les  Parlemens  à  la  vérité  s'op- 
pofent  ouuertement  à  cet  attentat  ;  la  Sor- 
bonne  par  fes  Décrets ,  les  a  fécondez  où 
l'occafionl'a  requis  î^:,  ce  qui  vaut  mieux 
que  ny  les  Arrefts ,  ny  les  Décrets ,  nos 
Rois  3  où  la  neceflîté  l'a  voulu ,  n'ont  ia-9> 
mais  manqué  d'y  dégainer  leur  efpée. 
Mais  on  nous  permettra  pourtant  de  dire, 
qu€  la  faf  on  dont  nous  nous  fommes  pri^ 

à  en 


pour  ceux  de  la  lielig.  zop 

à  en  arrefter  lesprogrez ,  eit  de  toutes  la 
plus  efficace ,  fî  on  nous  vouloit  entendre. 
Tandis  qu'on  permet  à  1  Euefque  de  Ro- 
me de  fe  preualoir  de  cette  puilTance  {pi- 
rituelle  Se  direde  qu  il  vibrpe  efFcftiue- 
mentjquoy  que  le  droit  ne  luy  en  ait  point 
encore  efté  oûroyé  par  les. Conciles,  3c 
tandis  qu  on  fouffre  qu'il  en  efpande  k 
créance  par  tout,  Se  melmes  dans  les  Con- 
feils  des  Rois ,  il  raifonne  toufiours  affez 
probablement  qu'elle  luy  auroit  efté  don- 
née inutilement,  li  lautre  pour  la  fouftc- 
nirne  venoit  en  confequence.  Et  s'il  eft 
vray  qu'il  ibit  le  Vicaux  de  noftre  Sei- 
gneur enuers  les  Chrcftiens ,  pour  leur 
donner  des  loix  félon  lefquellesilsfc  rè- 
glent en  ce  qui  eft  de  la  pieté  &c  de  la  ver- 
tu ,  il  femble  qu'il  ait  quelque  apparence 
de  raifon  de  vouloir  eftre  fon  Lieutenant, 
en  ce  qui  eft  de  l'vfage  de  la  puiflance 
temporelle;  car  fi  nous  confîderons  noftre 
Seigneur  comme  Médiateur  feulement, 
l'authorité  que  fon  Pcre  luy  a  donnée  def- 
fus  toutes  chofesa  ces  deuxrelati6s,qu'en- 
tant  qu'elle  s'eftend  deffus  les  confciences 
des  hommes ,  pour  les  former  aux  vertus 
qui  font  neeeflaires  au  faluticlle  luy  ap- 
partient direâiement ,  pource  que  fa  ch^r* 

O 


ge  de  Médiateur  regarue  dire£temenc  le 
lalut&:  la  rédemption  de  lame.  Mais  en- 
tant qu'elle  s*eftend  fur  les  chofes  de  la  vie 
prefente  ,  8>c  deflus  1  authorité  des  Rois, 
elle  ne  luy  a  efté  donné  e  linon,  pour  le  di- 
re a  inii ,  aucunement  indiredement ,  afin 
de  gouuerner  tellement  toutes  chofes  icy 
bas,  que  rien  ne  puiffe  empefcher  le  falut 
de  fon  Eglife,  pour  laquelle  feule  il  eft 
Mcdiateiu'  aftuellement.  Comme  donc 
elle  luy  a  eft  é  donnée  à  cet  cScZy&c  comme 
fa  charge  de  Médiateur  n'a  peu  s'en  pal- 
fer  5  celuy  qui  s'attribue  l'honneur  d'eftre 
fon  Lieutenant  en  vne  partie  de  fon  au- 
thorité ,  n'eft  pas  fans  quelque  couleur  de 
raifon  enuers  ceux  qui  la  luy  veulent  ac- 
corder,  de  prétendre  encore  la  communi- 
cation de  l'autre.  Etilfçaitfîbien  mefna- 
ger  cette  probabilité  de  fon  raifonnemét, 
datant  de  gens  à  fa  deuotion  pour  gou- 
uerner les  efprits  de  la  plufpart  de  laChre- 
ftienté ,  qu'elle  pafle  pour  demonftration 
enuers  vne  infinité  de  perfonnes,  Ainfi  les 
Parlemens  5par  l'afFeûion  qu'ils  portent  à 
lauthorité des  Rois ,6^  par  le  iufte  inte- 
feft  de  la  leur  propre ,  conferuent  les  bons 
fentimens,  8c  les  authorifent  tant  qu'ils 
.  pcuuent.  La  Sorbonne ,  ou  par  zèle  à  la 


ùQur  ceux  de  la  Hflig.  lit 

Jloyauté ,  ou  par  l'amour  de  la  propre  li- 
berté ,  ou  par  quelque  autre  telle  confide- 
ration ,  ne  s'eft  point  iufques  icy  abfolu-* 
ment  laiflee  corrompre.  Enfin ,  la  puifTan- 
ce  &:  la  generofité  de  nos  Rois  a  toufiours 
vaillamment  Ibuftenu  les  droits  de  leur 
Eftat ,  &:  la  fplendeur  de  leur  Couronne. 
Mais  cela  n'empefche  pas  qu'il  n'y  ait  de- 
dans tous  les  Ordres ,  quantité  d'efprits 
infeûez  de  cette  pernicieufe  opinion,  que 
les  Papes  font  au  delTus  des  Rois  :,  &  que 
leur  authoritc  eft  dépendante  de  la  fienne. 
De  façon  que  s'il  arriuoit  quelques  faf-  ■ 
cheux  temps  ,  comme  nos  pères  en  ont 
vcujoùlesbonsfentimens  ne  fuffent  pas 
armez  de  toute  la  puiflance  qu'ils  ont 
maintenant ,  il  ne  faut  pas  douter  que  les 
mauuais  n'en  priflent  l'occafion  pour  ef- 
clorre.  Quanta  nous,  nous  auons  porté  la 
hache  à  la  racine  de  cette  a^nbition ,  en 
oftant  à  l'Euefque  de  Rome  la  puiflance 
fpirituelle  qu'il  prétend ,  6c  auons  par  ce 
moyen  rendu  nos  am,es  impénétrables  à 
toutes  fortes  d'opinions ,  qui  feroient  p.our 
y  choquer  tant  foit  peu  la  fidélité  que  nous 
deuons  à  nos  Princesîcar  ne  recognoiflans 
au  monde,  hors  noftre  Seigneur  lefus, 
homme  quelconque  au  deflus  d'eux,  on  fs 


%t%  Afolûgie 

peut  bien  aireurer  que  noftre  obeïiTaneé 
&:  noftre  fidélité  demeure  abfoluèment 
inuiolâble.  Tellement  qu'en  cette  partie 
en  laquelle  on  nous  accufe  de  n  eftr^  pas 
aflez  bons  Chreftiens  ,  noftre  doCtrme 
nous  oblige  à  eftre  parfaitement  bons 
Françoisjau  lieu  qu  autant  qu'on  s'éloigne 
de  noftre  fentiment  en  cela,  autant  donne 
t'on  fansy  penfer ,  d'ouuerture  &;d'auan- 
tage  à  Tambition  eftrangere.  Mais  certes 
c'eft  à  grand  tort  qu  on  nous  accufe  de  n  e- 
fire  pas  bons  Chreftiens  en  cet  efgard. 
-C'eft  le  zèle  que  nous  auons  à  la  gloire  de 
lefus-Chrift ,  qui  nous  rend  irreconcilist- 
bles  auec  l'Euefque  de  Rome ,  ôc  cela  pour 
trois  raifons  principales.  La  première  eft, 
•que  de  ce  fîege  là ,  comme  dVne  fource  fé- 
conde à  merueille,  font  venues  en  l'Eglife 
toutes  ces  doftrines  que  nous  ne  pouuons 
croire ,  &  que  nous  eftimons  ne  s'accorder 
nullement  auec  la  Religion  de  lefus- 
Chrift.  Ou  fi  ce  ne  font  les  Euefquesde 
Rome  qui  les  aycnt  inuentées ,  ils  les  ont 
reçeuës  auec  tant  d'auidité,  ils  les  ont  pro- 
uignées  auec  tant  de  foin ,  ils  les  ont  dé- 
fendues auec  tant  de  chaleur ,  ils  les  ont 
tellement  appuyéesde  leur  authorité,  &: 
ont  excité  tant  de  perfecutioni^  contre 


pour  ceux  de  la  Relig.  iij 

ceux  qui  ont  voulu  y  refiftcr,  que  fans  leur 
faire  ton  on  leur  en  peut  bien  attribuer 
loriginc.  Ayansdonc  enl'anie  vne  per- 
fuafîon  fi  profonde,  que  ces  dogmes  ont 
gafté  la  pureté  de  TEuangile  de  Chrift, 
comment  pourroit-on  trouuer  mauuais 
que  nous  ayons  cette  implacable  animofi- 
té  contre  çeluy  que  nous  en  croyons  eftrc 
la  caufe  ?  La  féconde  eft,  que  comme  nous 
l'auonsveu  cy-deffus,  il  s'attribue  quan- 
tité de  chofes,  qui  n'appartiennent  fmon  à 
noftrefeul  Rédempteur ,  Se  dont  la  com- 
munication à  qui  que  ce  foit ,  ou  ruine,  ou 
au  moins  eibranchetrop  notablement  la 
Souueralne  authorité  que  fon  Père  luy  a 
donnée;  car  il  veut  régner  dedans  les  con- 
fciences  des  Chreftiens ,  quoy  que  ce  foiç 
rempire  de  la  feuk^DiuinitéjOÙ  l'hom- 
me mortelle  doit  rien  attenter,  3c  où  il 
nefçauroit  atteindre.  Il  ordonne  comme 
i'ay  dit ,  de  toutes  chofes  à  fa  fantaifie ,  Se 
dénonce  éternelle  damnation  à  ceux  qui 
n'obe 'iront  pas  ;  il  pardonne  comme  il  luy 
plaift ,  Se  veut  qu'on  foit  aufli  affeuré  de 
fon  pardon ,  que  fi  on  Tauoit  receu  de  la. 
bouche  de  Dieu  mefme.  Il  détermine  de 
ce  qu'il  faut  croire ,  Se  commande  qu'on  y 
adjoufte  foy  comme  ^ux  oracles  diuins 

O    iij 


y 


zl4  apologie 

Il  difpenfe  d  e  ce  qu  il  veuc  >  Se  mefmes  des 
commandemens  de  Dieu ,  8c  prétend  que 
fa  difpenfe  met  à  couuert  des  menaces  du 
Souuerain  luge  du  monde.  En  vn  mot  >  fi 
lefus  Chrift  eftoit  defcendu  du  Ciel ,  il  ne 
requerroit  pas  de  nous  vne  plus  entière  ny 
plus  abfoluë  obeïfTance  à  fes  ordonnan- 
ces. Or  nous  nç  croirions  pas  eftre  bons 
Chreftiens  fi  nous  confentions  à  cet  atten- 
tat >&:  penferions  trahir  indignement  la 
gloire  de  noftre  bon  Maifl:re.La  troifiéme 
finalement  efl:,que  par  quelque  rencontre 
que  cefoit ,  il  eft  arriué  qiiVne  infinité  de 
chofes  que  nous  voyons  auoir  efté  prédi- 
tes dVn  certain  ennemy  iuré  de  Chrift:,  fe 
rapportent  merueilleufement  à  ce  qui  pa-- 
roift  en  l'Euefque  Se  en  la  Cour  de  Rome, 
Et  pQurce  qu'il  eft:  dit  que  cet  ennemy  doit 
cfl:re  manifeft;é  aux  derniers  temps,  6^  que 
déformais  après  feize  ou  dix-fept  cens  ans 
tous  ces  temps  doiuent  eftre  eftimez  faire 
partie  de  ces  derniers,  toutes  chofes  de 
cette  nature  nous  font  fufpeftes  ;  car  nous 
ne  nions  pas  qu'il  n'y  ait  quelquesfois.dç 
la  fallace  dans  les  apparences,  &:  qu'il  y  a 
beaucoup  de  chofes  qui  ont  quelque  ref- 
femblance  de  ce  qu'elles  ne  font  pas,  Se 
d'autres  qui  font  ce  dont  elles  ne  porterît 


pour  ceux  delà  Helig.  iiy 

pas  les  marques  bien  euidences.  Nous  fça- 
uons  mefmes  que  lors  qu  il  elt  queflion 
de  l'interprétation  des  Prophéties  ^  oneft 
fujet  à  s'y  tromper  auant  qu  elles  ioient 
efclaircies  par  les  euenemens ,  Se  qu'eaco- 
re  après  les  euenemens,  on  ne  rencontre 
pas  touliours  à  les  parfaitement  adjufter 
enfemble.  Mais  tant  y  a  que  la  deffiance 
eftant  la  mère  de  feureté3&:  les  Chreftiens 
s'eftansbien  paffez  de  Pape  au  commen- 
cement ,  nous  aimons  mieux  nous  en  pal- 
fer,  3c  nous  abftenir  de  toute  communion 
auec  qui  que  ce  foit ,  qui  ait  quelque  air  de 
cetadueriaire.  Enquoy  Ton  peut  penfer 
que  nous  ne  fommes  menez  d  autre  con- 
lideration  finon  du  zèle  de  noftre  Seir 
gneur ,  &:  du  defir  de  noftreialut,  qui  nous 
deuroientfans  doute  excufer ,  quand  il  y 
auroit ,  ce  que  nous  ne  croyons  pas ,  quel- 
que chofe  d'vn  peu  fcrupuleux  en  noftre 
conduite. 

Icpenferois  auoir  fatisfait  aux  plaintes 
les  plus  importantes  qu'on  faffe  ordinaire- 
ment contre  nous  à  legard  de  ce  que  nous 
ne  croyons  pas,fmon  qu'on  nous  accufe 
encorede  n  auoir  pas  affcz  déféré  àl'au- 
thorité  de  l'Eglife,  8^  de  ne  recognoiftre 
pas  affez  les  bien-faits  que  nous  en  avions 

O    iiij 


u 


%l^  A'^yologie 

rcceus  î  car  quoy  qu  ii  en  foit  jon  dit  que 
c'eft  elle  qui  nous  a  enfantez  à  Dieu  par 
le  Baptefme,  ^  qui  nous  a  donné  la  ton- 
noiffance  de  lefusChrift.  Ceft  à  elle  à 
qui  Dieu  auoit  donné  lauthorité  de  nous 
gouuerner  comme  à  noftre  mère  ,  &:  à 
qui  il  auoit  remis  le  foin  de  noftre  édu- 
cation- Et  neantmpins  nous  nous  fom- 
mes  feparez  d'elle  comme  d'auec  vne 
eftrangere,  &:  luy  faifons  tout  ouuerte- 
ment  la  guerre  >  comme  fic'eftoit  vn  en- 
nemy.  Au  lieu  de  fupporter  doucement 
fes  défauts,  en  cas  quelle  en  euft5.6<L  de 
refpeâer  pluftoft  fes  rides ,  que  de  luy  in- 
fukcr  5  pource  que  Taage  de  tant  deiie- 
clés  a  gafté  quelque  chofe  de  fa  premiè- 
re beauté  3  nous  Tauons  diffamée  de  tous 
coftdz  5  &:  luy  âuons  fait  les  reproches  les 
plus  fcandaleux  ,  &:  donné  les  titres  les 
iplusiniurieux  du  monde.  Eftans  fortis  de 
fes  entrailles  ,  ne  deuions  nous  pas  gar- 
der quelque  reuerence  à  fon  nom ,  Se  con- 
feriier  autant  que  nous  pourrions  fa  bon- 
ne rcpuration  dcuant  les  hommes  ?  Ce 
font  les  accufations  qu'on  nous  fait  ,  & 
Pvn  des  principaux  fujets  pour  lef^ 
quels  ceux  qui  font  demeurez  dans  la 
communion  dont  nous  fommes  fortis. 


four  ceux  de  UEjelig.  2.I7 

ont  de  Tauerfion  contre  nos  perfonnes. 
Certainement  s'il  eftoit  permis  de  diftin- 
gucr  entre  nous  &:  nos  pères ,  en  ce  qui  eft 
de  la  Religion  que  par  la  grâce  de  Dieu 
nous  tenons ,  la  plus-part  de  ces  accufa- 
rions  ne  nous  roucheroientaucunementi 
car  pour  ce  que  par  l'Eglife  on  entend  feu^ 
lement  la  Romaine,  nous  pourrions  in- 
comment  refpondrc^que  quant  ànous  elle 
ne  nous  a  point  engendrez  à  lefus-Chrift, 
&:  que  ce  n'efl  point  d'elle  que  nous  auons 
receu  le  figne  du  fainft  Baptefme ,  ny  no- 
ftre  éducation  en  l'efperance  du  lalut. 
Nous  tenons  toutes  ces  chofes  de  la  com- 
munion Reformée  ,  dans  laquelle  nous 
fommes  nez,  &  n  en  auons  l'obligation  à 
aucune  autre.  Nosayeuls  font  bien  fortis 
de  la  communion  de  Rome  à  la  veritc, 
pource  qu'ils  y  eftoientauparauanf.mais 
pour  nous,qui  n'y  auons  iamaisefté^on  ne 
nous  peut  accufer  de  l'auoir  abandonnée. 
Quand  donc  l'aftionde  nos  pères  auroiç 
efté  tachée  de  quelque  manqucde  refpeft, 
&  de  quelque  defFaut  de  gratitude  enuers 
cette  Eglife-là,  il  ne  feroit  pas  raifonnable 
d'en  faire  tomber  le  blafme  fur  nous ,  ny 
que  s'ils  ont  mangé  Taigret  ,  nous  en 
ayons  les  dents  agacées.  Q^iant  à  nou3> 


\  / 


il8  Apologie 

pour  ce  que  c  eft  1  Egliie  Reformée  qui 
nous  a  engendrez  à  Dieu ,  Se  qu  elle  nous 
nourrie  en  la  cognoiffance  delefus-Chrift 
beaucoup  plus  purement  que  ne  fçauroit 
faire  la  Romaine ,  fi  nous  nous  feparions 
d'elle  pour  entrer  en  la  communion  de 
l'autre,  veu  que  nous  n  en  auons  point  de 
fujet^&que  nous  ne  voyons  rien  en  elle 
qui  nous  ofFenfe,  ne  meriterions-nous  pas 
qu'elle  fift  contre  nous  en  beaucoup  plus 
forts  termes ,  les  plaintes  que  la  Romaine 
fait  contre  ladlion  de  nos  ayculs  ?  Ce 
qu'on  dit  qu'ils  ont  eu  tort  de  fe  feparer  de 
l'Eglife  en  laquelle  ils  eftoient  nez ,  &:  à 
laquelle  ils  auoient  tant  d'obligations,  ne 
iuftine-tll  pas  clairement  la  refolutlon 
que  nous  gardons  de  demeurer  en  celle 
où  nous  fommes  ?  Car  autrement  nous  fe- 
rions tout  de  mefme  que  fi  eftant  arriué  de 
la  difpute  entre  noftre  mere&:  noftre  bi- 
fayeule,  nous  abandonnions  la  maifon  de 
celle  qui  nous  a  prochainemét  donné  no- 
ftre eftre,  quoy  qu  elle  ait  vn  merueilleux 
foin  de  nous ,  &:  qu'elle  nous  efleue  à  toute 
forte  de  vertu  &:  de  pudeur ,  pour  nous  at- 
tacher à  celle  que  nous  ne  recognoiflbns 
pour  origine  de  noftre  eftre  finon  de 
loin,  ôc  à  qui  la  foibleffe  de  l'aage  ne  per-» 


\, 


pour  ceux  de  la  Relig.  1 1> 

met  pas  de  remédier  aux  defordres  que  la 
plus-parc  des  fiens  commettent  chez  elle. 
Mais,  bien  :  foufFrons  qu'on  nous  impute 
la  faute  de  nos  peresjs'il  y  en  a ,  &  voyons 
fi  leur  aftion  eft  telle  qu'elle  mérite  ce 
nom,  èc  qu'elle  ait  deu  attirer  la  mauuaife 
volonté  du  refte  des  Chreftiens  deflus  eux 
&:deffus  nous.  Il  eft  certain  que  c'eft  de 
l'Eglife  Romaine  qu'ils  ont  receu  le  Ba- 
pcefme,  &:  qu'ils  ont  fuccé  lepremlerlaidl: 
delacognoiffanceduSauueur.  Et  tandis 
qu'ils  ont  cfté  comme  des  enfans  en  intel- 
ligence, 6c  qu'ils  ne  fe  font  point  apper- 
ceus  delà  façon  de  laquelle  on  lesnour- 
riflbit  5  ils  ont  vefcu  dansvn  merueilleux 
refped  à  toutes  fes  ordonnances  j  à  peu 
prés  comme  les  petits  enfans  aiment  leurs 
nourrices ,  pource  qu'elles  les  portent  au 
col ,  qu'elles  les  jouent  ôcles  ébatent.  Se, 
qu'elles  leur  donnent  la  mammelle ,  fan« 
difcerner  quand  ils  tetcent  fi  c  eft  de  bon 
ou  dexnauuais  laid.  Depuis  qu  ils  font  de- 
uenus  grands.  Se  que  Dieu  a  illuminé  leur 
raifonjils  ont  recognu  que  ce  qu'ils  auoiéc 
fuccé  de  la  mammelle  de  leur  mère.  Se  de 
leurs  nourrices ,  eftoit  corrompu ,  Se  que 
les  alimens  qu'on  leur  prefentoit  conti- 
nuellement, eft  oient  quafi  tou5  fi  gaftez. 


ziô  \Jpologie 

qu'auec  fort  peu  de  nourriture  qu'ils  y 
trouuoientrils  en  tiroient  quantité  de  fuc 
qui  auoit  des  qualitez  extrêmement  vene- 
heufes.  On  leur  enfeignoit  bien  qu'il  y 
auoit  vn  Dieu  &c  vn  Médiateur  entre  Dieu 
^  les  hommes  :  mais  on  enuirpnnoit  cela 
dVne  telle  foule  de  Sainds  6c  de  Sainftes, 
qu'on  leurpropofoit  pour  objet  de  leurs 
adorations  j  que  leur  deuotion  s'arreftoit 
d'ordinaire  toute  fur  eux.  Se  ne  paruenoit 
pasiufques  au  vrayDieu  &c  auvray  Mé- 
diateur, fur  lef quels  feul  elle  doit  tendre. 
On  leur  difoitbien  que  le  Seigneur  lefus 
a  foufFert  la  mort  en  la  Croix  pour  eux  \ 
mais  on  ne  faifoit  autre  infiftancefur  cet- 
te do£lrine  finon  de  leur  monftrer  vn 
Crucifix  ;  du  refte  ,  le5  fatisfaftions  des 
Sainfts  ,  les  fouffrances  des  Martyrs,  le 
rhrefor  des  Indulgences  ,  les  peines  du 
Purgatoire,  la  propitiation  de  laMeffe, 
les  mérites  des  œuures ,  &:  les  autres  aydes 
de  cette  nature,  que  les  hommes  auoient 
trouuez  contre  le  fentiment  du  peché,leur 
eftoient  tellement  inculquez,  que  la  fatis- 
f aftion  de  Qhrift  demeuroit  eftouffée  là 
deffous,  &z  ne  defployoit  quafi  aucune  effi- 
cace en  la  confcience.  On  leur  difoit  bien 
que  lefus-Chrift  eft  là  haut  au  Ciel  :  mais 


V^ 


polir  ceux  de  URelig.  m 

on  leur  repetoic  fi  fouuent  qu'il  eftoit  auflî 
dans  l'Hoftie ,  on  le  mettoic  en  cet  eftac  ii 
afliduellement  deuant  leurs  yeux,  on  y  aE- 
tachoic  leurs  cfprits  de  telle  façon,  on  leur 
en  recommandoit  fi  diligemment  &:  la 
vénération  &:  l'vfage ,  qu'au  lieu  d'efleuer 
leurs  âmes  en  haut  pour  chercher  le  Sau- 
ueur  à  la  dextre  du  Perc  en  vn  eftat  glo- 
rieux, tous  les  mouuemens  de  leur  pieté 
s'efpandoientddTus  lesaceidensd'vn  pe- 
tit morceau  de  pain ,  fous  lefquels  on  leur 
,difoit  qu'il  eftoit  enueloppé  icy  bas  en  ter-»- 
re.  On  les  aduertiffoit  quelquesfois  qu'il 
y  a  vncertainliure  qu'on  nomme  la  Pa- 
role de  Dieu  :  mais  ils  n'en  tiroient  non 
plusd'inftrudion  ny  de  confolation  que 
s'il  euft  efté  aux  Indes.  Les  exemplaires  en 
eftoient  rares  à  merueille, comme  main- 
tenant encore  en  Italie  &  en  Efpagne  c'eft. 
vn  liure  quafi  entièrement  incognu.Ceux: 
qui  leur  en  pouuoient  tomber  entre  les 
m.ains  eftoient  en  langue  où  ils  n'enten- 
doient  du  tout  rien  ;  ou  s'ils  y  entendoienc 
quelque  chofe,  il  ne  leur  eftoit  pas  permis 
d'y  lire.  Au  lieu  de  cela  tout  eftoit  rem- 
ply de  Légendes  deSainds,de  conftitu- 
tions  Papales ,  de  récits  de  faux  miracles 
&c  de  vaiaes  vifions ,  ôc  de  liures  de  deuo- 


Zit  apologie 

tionefgalemcnt  remplis  d'attraits  à  lafii- 
perftition,  &c  d'inutiles  impertinences.  On 
leur  faiibft  bien  à  la  vérité  quelquesfois 
quelques  Sermons  i  mais  on  n  y  entendoit 
refonner  autre  chofe  fmon,  ou  la  coitime- 
moration  de  la  vie  des  SainCts ,  ou  des  ex- 
iler cations  au  feruicede  la  Vierge,  ou  la 
recommandation  des  pardons  émanez  du 
Siège  Romain,  ou  le  débit  des  mérites  de 
furerogation  >  ou  des  contes  extrauagans 
8c  fabuleux^fans  aucune  folide  inftruftion 
en  la  doftrine  de  TEuangile.  On  les  ex- 
hortoit  à  eftre  pieux  &c  deuorieux:mais 
cette  deuotion  conliftoit  à  fréquenter  fou- 
uent  les  Eglifes,  pour  y  marmonner  quel- 
ques prières  aufquelles  ils  n'entendoient 
quafirien  ,à  aflifteraux  procefTions  Tans^ 
Içauoir  àquel  deffcin ,  à  chanter  quelques 
Litanies  aux  Sainfts  de  Paradis^à  faire  des 
offrandes  aux  Autels ,  Se  à  faire  force  fon- 
dations de  Méfies  pour  eux  8c  pour  les 
âmes  de  leurs  pères.  Enfin ,  les  chapelets, 
les  Agnus  Dei,  les  grains  benits,les  afper- 
gés  d'eau  confacrée ,  les  petits  morceaux 
de  bois  de  la  Croix  enchafiez  precieufe- 
ment,  quelques  efclats  de  vieux  ofl'em.ens 
de  morts,  quelques  lambeaux  de  leurs  ha- 
billemens ,  quelque  petit  ais  demy  pourry 


pour  ceux  de  la  Kelig.  1 13 

refté  de  leurs  bières ,  quelques  chandelles 
offertes  à  vne  image ,  quelques  agcnoùil* 
4emens  deuant  vn  Crucifix^S^  quelque  pè- 
lerinage au  fepulchre  d'vn  Martyr ,  eftoit 
cela  en  quoy  confiftoit  alors  le  principal 
de  la  pieté  en  laquelle  on  exerçoit  nos  an- 
ceftres.  Ceftoient  là  les  alimens  dont  on 
les  nourriflbit ,  au  lieu  de  la  bonne  dodri- 
ne  de  la  Parole  de  Dieu  ,  qui  feule  peut 
donner  Se  vne  falutaire  infl:xu£l:ion,&:  vne 
folide  confolation ,  Se  de  bons  motifs  à  la 
vrayefandification,  &:debons&r  fermes 
fondemens  àl'efperance.  Et  ie  ne  crains 
pas  qu'on  m'accufe  d'en  vouloir  faire  ac- 
croire quand  ie  parle  ainfîi  car  ceux  de  TE- 
glife  Romaine  mefmè ,  qui  ont  quelque 
cognoiffance  de  ce  qui  fe  faifoit  il  y  a  deux 
cens  ans  en  la  Chrefl:i,enté ,  Se  qui  veulent 
parler auec  ingénuité, aduoiient  franche- 
ment que  fans  la  prédication  de  Luther  8c 
de  fe  s  compagnes,  le  nom  delefus-Chrift 
s  en  alloit  quaiî  entièrement  efteint  dans 
la  mémoire  des  hommes.  Quand  donc 
Dieu  a  fait  cette  grâce  à  nos  pères  de  reco- 
gnoiftre  la  mauuaife  difpoîition  que  ces 
alimens  auoient  donnée  à  leurs  efprits,  Se 
lesmauuaifes  habitudes  qu'ils  en  auoient 
contraûéesjilsontcrû  eftre  obligez  par 


2.2.4  apologie 

toutes  fortes  de  deuoirs  &c  entiers  autriiy^ 
&:  çnuers  eux-mefiT^eSjd  aduertir  leur  mè- 
re de  ce  mal.  Se  de  la  prier  d'y  donner  or- 
drc.  Ce  qu'ils  ont  fait  tant  afin  de  corriger 
leur  propre  tempérament,  en  fe  feruant 
déformais  de  viandes  plus  iaiubres  ,  que 
pour empefcher que  leurs  frères,  qu'elle 
enfantoit  iourncllement,  nefuflentàlad- 
uenirauffi  mal  nourris  &:ai]fli  mal  efle- 
uez  qu'eux.  Et  nul  ne  peut  douter  que  k 
charité  fraternelle  5  que  les  Clirelticns  le 
doiuent  porter  les  vns  aux  autres,  ne  les  y 
obligeaft  eflroitement,  comme  les  affe- 
ftions  naturelles  obligent  ceux  qui  font 
les  plus  auancez  en  aage  entre  les  enfans 
d'vnemaifon^de  pouruoir  entant  qu'en 
eux  eft  que  les  plus  petits  foient  nourris 
comme  ils  doiuent  eiîre.  Or  le  moyen  d'y 
donner  ordre  eftoit  que  la  mère  mefme 
changeaft  la  première  le  régime  de  fa  vie, 
afin  de  faire  de  bon  fuc  pour  le  donner  à 
fes  enfans  :  qu'elle  euft  foin  de  la  condui- 
te des  nourrices  aufquelles  elle  les  com- 
niettoit,afinqu  elles  ne  gaftaffent  pas  leur 
propre  fang  par  leurs  débauches;  ce  qu'el- 
les ne  pQuuoient  faire  fans vitier  les  par- 
ties nobles  de  ceux  qu'elles  allaitto  ient:  ôc 
cnfin>  qu  elle  changeaft  tout  le  gouuerne- 

menc 


pour  ceux  de  la  J^eïig,  2.1  c 

ment  de  fa  maifon  ,  afin  que  ceux  qui 
auoient  le  foin  de  faire  les  prouifions ,  ou 
n'y  apportaffent  que  de  bons  ôcfalutaires 
alimens:,ou  ne  les  gaftaffent  point  eux- 
jnefmes  de  leurs  empoifonnemens.  Pour 
cela  il  falloir  que  Rome  fe  reformaft  la 
première ,  puis  qu  elle  fe  vante  d'eftre  la 
mère  de  tous  les  Chfeftiens.  Il  falioit 
qu'ellepourueuft  en  toutes  les  parties  de 
la  Chreftienté,  à  ce  quelesEuefques&les 
Preftres  ,  aufquels  elle  prétend  auoir  le 
droia  dé  donner  fes  enfançànourrii:,  ne 
leur  enfeignaffent  que  les  doftrines  de 
TEiiangile,  ^  qu'ils  les  deftournaffent  de 
tout  ce  qui  peut  endommager  la  pureté 
de  la  pieté.  Bref  il  falioit  quelle  s'em- 
ployaft  à  cequeles  Vniuerfitez  , les  Aca- 
démies ,  &  les  Collèges ,  qui  font  comme 
des  lieux  publics ,  dont  on  apporte  lesdo- 
ftrines  en rEglifeAfrent  repurgez  de  tou- 
tes erreurs  ,  afin  que  ceux  qui  en  vien- 
droient  n  mftillafrent  rien  dans  TeTprit  du 
peuple,  qui  ne  fuft  conforme  à  la  ver ité,&; 
propre  pour  engendrer  la  pieté ,  la  confo- 
îation,  Se  Tefperance.  Cet  aduis  donc  que 
nos  ayeuls  ont  donné  à  TEglife  Romai- 
ne>  meritoit-il  blafme,  ou  loiiange,  6^  de- 
quoy  deuoit-il  eftrereçognu,  de  haine.ou 

P 


tiij  Apologie 

d'amour  ?  Et  maintenant  encore  que  nous 
periîftons  à  luy  départir  ces  bons  aduertif- 
i'emens,  qui  ne  procèdent  iinon  du  zèle  de 
ia  gloire  de  Dieu  ,  &:  de  la  charité  que 
nous  auoris  pour  le  falui  de  nos  pro- 
chains, y  a  t'il  fujetde  crier  contre  nous 
comme  contre  des  enhns  defobcïflans  &: 
rebelles  à  leurmeire  ?  Pour  ce  quieftde 
l'authorité  que  noftre  père  celeile  luy 
auoit  donnée  j nous  recognoiffons  certes 
que  nos  ayeuls  ont  efté  obligez  d'en  taire 
confideration^  Mais  aufli  prions  nous  tout 
le  monde  de  recognoiftre  que  cette  au- 
thoritè-là  n  eft  ny  infinie  ,  ny  illimitée, 
ny  11  abfolument  fouueraine,  qu  elle  les 
aitdeu  empefcher  de  pouruoirà  ce  qu'ils 
ontcrûeftre  de  leur  deuoir  entiers  Dieu, 
&de  Tefperance  de  leur  falut  j  car  il  ny 
a  authorité  de  mère  lî  refpedable  en  la 
terre,  qui  oblige  les  enfans  à  le  laifTer  em- 
poitonner ,  quoy  qu  il  n  y  aille  finon  de 
la  vie  prefente  feulement.  Qje  peut-ce 
donc  eftre  lors  qu'il  y  va  d'vne  félicité 
cternelle  ?  Et  fi  on  dit  que  les  enfans  doi- 
uent  auoir  affez  bonne  opinion  de  leur 
mère,  pour  ne  croire  pas  qu'elle  foit  ny 
fi  mefchante  qu^elle  vouluft ,  ny  fi  impru- 
dente que  fans  y  penfer  elle  permift  qu'on 


pour  ceux  de  la  Relig.  %iy 

leur  donnaft  du  poifon  ,  à  la  vérité  tels 
foupçons  ne  doiuent  pas  venir  légère- 
ment en  la  penfée.  Mais  quand  on  fe  fent 
défia  le  corps  afFedé,  ô£  que  toutes  les  fon- 
dions en  font  altérées  ;  quand  après  auoir 
attentiuement  confideré  les  qualitez  des 
alimens  que  l'on  prend  >  on  les  a  recognqs 
pernicieux  ,  &:  qu'on  a  toutes  fortes  de 
prennes  certaines  &:  indubitables  que  le 
mal  eft  venu  de  là ,  alors  il  n'y  a  perfonne 
qui  ne  doiue  pouruoir  à  fa  feureté ,  &:  n'y  a 
refpeft  de  mère  qui  tienne.  Nos  pères 
donc  ayant  recognu  à  toutes  les  opéra* 
tions  de  leurs  âmes ,  que  la  doftrine  qu'on 
leur  enfeignoit  eftoit  toute  imbue  de  v^* 
nim  5  que  leur  pieté  enuersDieu  en  eftoit 
gaftée  d'idolâtrie  &:  dé  fuperftition ,  que 
leur  charité  enuers  le  prochain  en  eftoit 
toute  languiffante  3  que  la  paix  de  leurs 
efprits  eftoit  continuellement  troublée,  &: 
leurs  confciences  pleines  d'inquiétude  &: 
d'ardeur, que  l'efperance  delabien-heu- 
reufe  immortalité  eftoit  eftoufFée  par 
des  doutes  &:  des  craintes  irrémédia- 
bles ,  &  que  généralement  toute  l'éco- 
nomie de  leurs  efprits  eftoit  en  defor- 
dre  ,  que  pouuoient  -  ils  faire  finon  re- 
chercher la  caufe  de  leur  mal ,  &:  après 

p  ij 


liS  jépologk 

Taucir  coghu  courir  promptemcht  ait 
temede  ?  Et  puis  qu^  la  reuerence  que 
leur  Père  eelefte  leur  auoit  enjoint  de 
porter  à  l'Eglife  ,  n  auoit  pour  but  finon 
leur  falut  ,  eftoit-il  raifonnable  qu'ils  la 
gardaflent  encore  quand  elle  y  deuencic 
pernicieufe  ?  Adjouftez  à  cela  qu'en  vne 
telle  occurrence  5  après  qu'vn  bon  enfant 
auroit  fait  fa  plainte  à  fa  mère,  il  fe  trou- 
ueroitmerueilleufementfurpris  fiau  lieii 
de  luy  donner  quelque  fatisfaftlon,  il  n'en 
remportoît  que  ces  refponfes.  le  nefçau- 
rois  vous  tromper  ,  &:  ne  fçaurois  eftre 
trompée  moy-mefme.  le  ne  puis  faillir  en 
voftrc  conduite ,  3c  fuis  impeccable  en  la 
ihienne,  &:  vous  deuez  vous  laifler  mener 
àmonauthorité  aueuglément.  Cen'eft 
pas  à  vous  à  iuger  de  la  qualité  des  alimens 
dont  on  vous  nourrit  ;  c'eft  à  moy  que  vo- 
ftrepere  a  laifTéeen  fon  abfence  difpen- 
fatrice  des  biens  de  fa  maifonjadmitiiftra- 
trice  de fes  affaires,  tutrice  ôi  curatrice  de 
fes  enfans ,  auec  vne  authorité  indépen- 
dante &:fouueraine.Ie  vous  prie  cette  pro- 
cédure ne  feroit-elle  pas  indigne  d  vne 
bonne  merc,6c  n'augmenteroit-elle  pas 
îesfoupçonsque  fes  enfans  auroient  délia 
de  fon  gouuernement  ?  le  diray  encore 


pour  ceux  de  la  Kelig.  iip 

quelque  chofe  dauantage.    Si  pour  faire 
femblant  de  donner  quelque  fatifadion  à 
fes  enfans ,  &  de  leur  ofter  ces  fafcheux 
fcrupules  de  refpritjelle  fai{'oit  vne  aflem- 
blée  de  Médecins  pour  examiner  ces  ali- 
mens ,  bc  qu'elle  n  y  appellaft  finon  ceux 
qui  leur  font  fuCpefts,  &:  de  l'ignorance  ou 
de  la  perfidie  de  qui  ils  fe  plaignent  y  5ç 
qu'en  cette  congrégation  on  nevift  rieri 
finon  des  menées  Se  des  artifices  pour  pro- 
noncer à  quelque  prix  que  ce  fuft  en  fa- 
neur de  fon  authorité  >  Se  pour  affermir  fa 
domination,  cela  fans  doute  augmente-, 
roit  encore  leur  mécontentement.  Se  leur 
mettroit  de  plus  mauuaifes  penféesen  Ta^ 
me.  Or  c'eft  ce  que  l'Eglife  Romaine  a  fait 
à  nos  pères  5  car  au  lieu  d'efcouter  leurs 
plaintes,8^  de  leur  y  donner  quelque  iufte 
fatisfadion,  elle  a  refpondu,  quelle  ne pou-i 
mit  errer  iC^UQ  Dieu  rauoitejlabliela  dtjpen- 
fatrice  de /es  fecrets  ^qn  elle  auoit  dans  l'ecram 
de  fa  foîBrine  tous  les  myfieres  du  Royaume 
des  Çkux  ,  qu  elle  eftoit  la  depofitaire  de  la 
Tradition ,  qu'i  elle  appartenait  la  decifion  des 
Controuerfes  pour  y  prononcer  infailliblement 
qu'elle  feule  pouuoit  interpréter  la  parole  de 
Dieu  fans  perd  de  s'y  tromper,  o^Q  l'Efcritu-^ 
ta  neft  que  la  lettre  dfi  cr%anse  ,  &  l'^Eglif^ 

E   iij 


230  jtfolo^ 

l  ' AwbaJJadeur  a  cuites  dogmes  dtuins Auoient 
tflé  commis  four  les  reueler-^c^ic  cette  lettre  de 
créance  mejmen  auoit  de  credttdr  d'authorité 
finoïh  autant  que  l'Eglife  luyen  donnait  >  & 
qu  elle  l 'authortfoit  enuers  nous  far  [on  témoi- 

fnage-     Puis  quand  à  la  foUicitation  des 
^ois  &:  des  Empereurs  elle  s  eft  difpofée  à 
conuoquex'  vn  Concile  pour  vuider  les  dif- 
férent luruenus  entre  elle  &:  nous,  elle  n'a 
pas  vQuIu  permettre  qu'aucun  s'y  trouuaft, 
fînoh  ceux  qu'elle  fçauoit  eftre  nos  ennc- 
rais,&:  a  fi  bien  fçeu  mefnager  toutes  leurs 
intrigues  ,  que  de  Rome  on  enuoyoit  à 
Trente  la  decifî^n  tpute  nette  de  ce  qui  s'y 
difputoit  i  iufques  là  que  mefmesles  Am- 
bafladeurs  de  nos  Roy  s  n'ont  pu  s'empef- 
cher  d'en  tefmoigner  ou  leur  mefpris,  ou 
leur,  indignation  par  des  farcafmes  :  car. 
c*eft  à  cette  occafipn  que  Monfieur  de  Lan- 
fac  difoit^au  rapport  de  Mofieur  de  Thou, 
te  du  Père  Paul,  ^ony  apportoit  de  R  orne  le 
S. Ef prit  dam  vnevalife.  Et  la  belle  hiftoire 
que  ce  dernier",  l'vn  des  plus  grands  hom- 
mes de  ces  derniers  temps ,  &:  de  commu- 
nion Romainf  pourtant,  a  mife  en  lumie- 
rç  touchant  ce  Cp.ncile,  eft  vne  preuue 
tres-euidente  &:  tres-authentique,que  Ro- 
me n'y  aviféà  autre  chofe  qu'à  l'eftablii- 


pour  ceux  de  la  Relig.  131 

fement  de  fa  grandeuï.  Au  nom  de  Dieu, 
qu  elle  opinion  nos  pères  pouuoient-ils 
auoir  de  cette  conduite  ?  Et  que  peuuent, 
desenfans,  qui  font  en  cette  extrémité, 
penfer  ou  foupçonner  de  leur  mère  l  Sur. 
tout  il  eft  fouuerainement  à  confiderer , 
que  quand  auee  de  ii  violentes  prefom- 
ptions  d'cmpoifonnement  ?  il  y  a  encore 
des  indices  tres-preignans  que  la  mère 
fauffe  la  foy  àfon  mary ,  de  qu  elle  fe  laiffe 
cageoler  ècpoffeder  à  des  gens  qui  la  cor- 
rompent,  il  eft  certes  naturel  auxenfans 
depouruoir  par  toutes  voyes  raifonnables 
à  la  conferuation  de  leur  vie,  mais  il  eft  de 
leur  deuoi?:inuiolabled'empefcher  autant 
qu'il  leur  cftpofTible,  le  des-honneur  de 
leur  père ,  &c  le  diffame  de  fa  maifon.  Par- 
tant puis  que  ceux  qui  nous  ont^  deuancez 
en  noftre  profefTionont  eu  cette  créance, 
&:  fi  profondement  emprainte,  Se  fi  parfai- 
tement bien  fondée,  qu'en  l'Eglife  Ro- 
maine non  feulement  ils  çouroient  rifque 
ineuitable  de  leur  falut,  mais  qu'elle  fe 
laiffoit  aller  à  des  feruices  reli  gieux  enuers 
les  créatures,  qui  font  dans  la  Religion  la 
mefmechofe  que  l'adultère  eft  au  maria-, 
ge  5  il  n'y  a  perfonne  fi  déraifonnable  qui 
HQ  les  exempte  deblafme  s'ils  ont  tafçhé 

P    iiij 


%$Z  A^ologiç 

de  remédierai  Tvn  &:  1  autre  de  ces  maux. 
Pour  ce  qui  regarde  la  feparation  d'auec 
elle,  c  eft  bien  certes  vne  chofe  qui  femble 
aucunement  fcandaleufe  ^  de  voir  des  en- 
fans  abandonner  la  demeure  de  leur  me- 
xty  pource  quHlsblafmentfafaçondevi- 
ure^&:  qu  ils  difent  hautement  qu'ils  ne  s'y 
trouuent  pas  en  feureté.  Mais  quoy  ?  Pou;- 
demeurer  dans  les  mefmes  comparaifons 
dont  nous  nous  fommes  feruis  y  ie  fa  is  tou- 
te perfonne  raifonnable  iuge  de  cette 
adion.  Nos  ayculs  eftoient  dans  la  mai- 
fonde  leur  mère  à  table  auec  elle  &  auec 
fes  autres  enfans  ;  ils  fe  font  apperceus 
qu'on  ne  leur  feruoit  fmon  des  viandes, 
dàngereufes ,  ^  ont  aduerty  &  leur  mère 
èc  leurs  frères  de  s'en  abftenir,  de  peur  de 
quelque  funefté  accident.  Au  lieu  de  faire 
projfit  de  cet  aduertiffement ,  on  les  a  pre- 
mieremêt  eftimezdesinfejnfez.  Puisquad 
cux-mefmes  les  premiers:,afin  d'en  donner 
fèxemple^ontvoulu  s'en  abftenir,  &:  la 
Éfiere ,  &:  les  autres ,  après  diuerfes  paroles 
<î)utrageufos  &:  iniuricufes ,  leur  ont  jette 
ks  Sambeaux  &:  les  afRettes  à  la  tefte  auec 
qûelqiie  efpece  de  fureur.  Ils  fe  font  retirez 
doucement ,  Zc  pour  ne  mourir  pas  de 
fàirn,ilsont  dreffé  vne tàtle  à  part  dafis 


pour  ceux  de  URelig.  13} 

la  mefme  chambre  de  leur  mère ,  ou  au 
moins  dans  la  court  de  fa  maifon  :  Car  au 
commencement  nos  pères  prefcherent  en 
diuers  lieux  dans  les  nefs  des  mefmes 
Eglifesjoùleferuicede  la  Religion  Ro- 
maine fe  faifoit.  Aux  lieux  où  on  ne  leur 
permettoit  pas  de  fe  feruir  des  mefmes 
Temples  à  des  heures  différentes  3  ils  pref- 
choient  dans  les  carrefours,  ou  deflbus  le^ 
Halles  des  villes  ,&:  par  tout  ailleurs  où 
on  leur  en  donnoit  la  commodité»  Là  or\ 
ne  les  a  pas  encore  voulu  foufFrir ,  &:  leur 
mcre  a  premièrement  fait  des  proclama- 
tions violentes,  qu  ell  e  ne  les  ticndroit  pas. 
pourfes  enfans,^  qu'elle  leur  defendoit 
rentrée  de  fa  maifon,  s'ils  ne  fe  laiflbient 
noqrrir3&:s'ilsneluypermettoient  de  fe 
gouuerner  entièrement  à  fa  fantaifie.  Puis 
elle  a  armé  fes  autres  enfans  &:  fes  fer- 
uiteurs  à  rencontre  d'eux ,  &:  les  a  efloi- 
gnez  d'elle  tant  qu  elle  a  peu  à  belles  har- 
quebufades  :  Car  comment  pouuonsnous 
•autrement  appeller  les  Anathemes  qu  elle 
a  fulminez  contre  nous ,  les  Canonsqu'eU 
le  a  dreflez  dedans  fes  Conciles  ,  &:  les 
horribles  perfecutions  dont  elle  a  tafché 
de  nous  ruiner  ?  l'appelle  donc  icy  Dieu  Se 
les  hommes  a  iuger ,  à  qui  d'elle  ou  de  i^os 


2J4  apologie 

ayeuls  doit  eftre  donné  ce  blafme  du 
fchifme  qiû  nous  fepare.  Enfin,  poui  ce 
quieft  des  termes  qu'on  appelleïcanda- 
leux  Se  iniurieux  dont  on  le  plaint  que 
nouslauons  diffamée;,  à  la  vérité  ii  nous 
n'euflionsdeu  auoir  aucuns  autres  efgards 
finon  ceux  de  la  retenue  des  enfans ,  &c  de 
leur  foin  à  couurir  les  défauts  de  ceux  qui 
les  ont  engendrez,  le  filence  nous  euft  elté 
plus  conuenable ,  que  les  bruits  Se  les  va- 
carmes quinailTent  de  ces  conteftations. 
Mais  nous  auons  deu  auoir  enfinguliere 
recommandation  le  falut  de  tous  lesChre- 
ftiensj&n'auons  peu  le  leur  procurer  û- 
non  en  difant  ouuertemêt  la  vérité.  Com- 
ment pouuions  nous  les  retirer  de  legare- 
ment  de  fes  erreur^ ,  de  la  tyrannie  de  fon 
gouuernement  ,,  Se  du  feruice  ou  qu  elle 
fouffre>  ou  qu'elle  veut  que  l'on  rende  aux 
créatures 5  linon  en  nommant^leschofes 
par  leur  nom?  Et  veu  qu  encore  auec  toute 
la  véhémence  des  paroles  qu'on  peut  em- 
ployer en  telles  occafions  >  les  horames 
font  naturellement  fi  attachez  aux  créan- 
ces dont  ils  font  imbus  de  longue  main> 
qu'on  a  toutes  les  peines  du  monde  aies 
en  déprendre, n'eu fl:-ce pas  efl:é trahir  la 
caufede  Dieu  Se  leur  falut ,  fi  par  complai- 


pour  ceux  de  la  Relig.  235 

fânce&:par  diflimulation  ,nous  lenreuf- 
fions  caché  le  péril  où  ils  eftoient5&:  le  vi- 
ce de  leurs  créances  ?  Nous  auons  deu  taf- 
cher  à  reformer  l'EglifeRomaine  mefme, 
Se  à  la  ramener  à  meilleur  fens,  &:n'auons 
peu  le  faire  autrement  fmon  en  parlant  à 
elle  franchement ,  Se  en  luy  découuranc 
les  manquemens  dans  lefquels  elle  eftoic 
tombée-  Et  comme  quand  le  Prophète  le- 
remie  dit  que  luy  Se  fes  compagnons  ont 
effayé  de  medeciner  cette  grande  Métro- 
politaine des  Chaldeens ,  il  a  voulu  don- 
ner à  entendre  qu'ils  luy  ont  monftré  fes 
playes^afin  de  l'induire ,  s'il  eftoit  poffi- 
ble ,  à  receuoir  les  remèdes  dont  elle  auoit 
befoin  ;  nous  n'auons  peu  nous  mettre  en 
deuoir  de  guérir  celle  qui  fe  prétend  eftre 
la  fouueraine  de  tous  les  Chreftiens ,  que 
nous  ne  luy  miffipns  tout  à  nud  deuant  les 
yeux  les  vlceres  dont  elle  cil  gaftée.  Mais 
nous  prions  ces  Chreftiens  de  confiderei^ 
que  s'il  y  a  quelque  vehemer>ce  ennoftre 
procédé ,  Se  quelque  chofe  de  tranchant 
en  nos  exprerfions ,  c'eft  à  l'Eglife  de  Ro- 
me ,  qui  refifte  à  fa  guerifon ,  Se  non  à  eux 
que  nous  en  voulons ,  Se  que  nous  n'auons 
autre  paflioucontr'eux,  fmon  vne  incom- 
parable ardeur  d'affedion  de  les  détacher 


^Î6  apologie 

d'auec  elle  :  Car  ce  n'elt  pas  fans  vne  dou^ 
leur  incroyabJe,  &:quenous  ne  pouuons 
^flez  exprimer  ,  que  les  voyant  commu- 
niquer à  fés  péchez,  nous  les  voyons  aufli 
dans  le  péril  de  participer  à  Tes  player. 
Comme  ce  n'eft  pas  non  plus  fa  ns  quelque 
admiration  de fes  appas, &:  delà  force  de 
les  charmes  3  qu'eftant  de  toutes  les  focie- 
tez  Chreftiennes  celle  parmy  laquelle  le 
Chrifrianifme  s'eft  le  plus  corrompu  en 
toutes  façons,  èc  qui  par  confequent  méri- 
te le  moins  qu'onrefpefte  fa  communion, 
les  autres  Eglifes  pourtant,  8>c  la  Gallicane 
notamment,  qui  scfttoufiours  le  plus  vi- 
goureufement  oppofée  à  fon  ambitionjeft 
iifcrupuleufe  encét  efgard,  qu  elle  penfe- 
roits'eftrefeparéede  Chrift, fielle  auoi^ 
rompu  auec  Rome.  Q^auons  nous  à  faire 
d'eflre  Romains  pour  eftreChreftiens?Le 
Chriftianifme  n'a-t'ilpaseftéfalutaire  Se 
enlerufalem.  Se  en  Antioche,  &:endiuers 
endroits  de  TO rient ,  auant  que  Rome  en 
euftouy  parler?  Et  depuis  que  Rome  en  à 
ouy  parler ,  où  font  dans  les  Epiilres  de  S: 
Paul,  ou  dans  les  autres  efcrits  du  Nou- 
ueau  Teftament,  les  traces  qu'il  falluft  ne- 
C  eflairemenr  entretenir  communion  auec  | 
çlle pour  iouïr  de  l'efperancc  de  la  gloirel 


bour  ceux  de  la  Relig,  z^f 

Saind  Pierre  mefmenous  parle-t'il  daiïr 
tre  chofe  que  de  la  foy  en  k  Croix  dé 
Chrift ,  8c  de  la  vraye  fan£tification ,  pour 
mériter  le  nom  de  Chrefliens  ?  Paroift-il 
en  fes,efcrits  feulement  vne  ombre  d'en- 
feignement ,  ie  ne  diray  pas  qu'il  ait  efta- 
blyrEuefquedeRome  fon  fuccefleur  en 
fon  authorité  5  mais  qu'il  ait  defiré  qu'on 
tint  fa  communion  plus  necelTaireàfaluti 
que  celle  des  autres  Apoflres  ?  Enfin ,  en 
cette  Eglife  de  Rome  s  le  vray  objet  de 
noftre  indignation  eft  celuyde  qui  nous 
auons  cette  opinion ,  comme  ie  difois  cy- 
deffus  5  qu'il  l'a  corrompue  ,  3c  qui  fous  le 
nom  de  Dieu  en  t;erre  j  femble  fe  vouloir 
mettre  en  la  place  de  noftre  Père  qui  cit 
aux  Gieux.  Si  donc  elle  auoit  refolu  de  fai- 
re diuorce  auec  luy ,  &:  de  fe  remettre  en 
cet  eftat  de  pureté  auquel  elle  eftoie  aupa- 
rauant ,  nous  oublierions  Volontiers  tout 
lepaffé  5  d>c  ne  ferions  point  de  difficulté 
de  nous  reiinir  auec  elle.  Si  mefmes  elle 
iiefe  contentoit  pas  que  noftre  Eglife  la 
recognuft:  pour  fa  fceur,  comme  elle  a  fait 
celle  d'Angleterre  ,  &c  d'Alemagne  ,  ôc 
des  Pays-bas ,  d'autant  qu'elle  s'imagine 
quec'eftdeRome  que  FEuangilc  eftpar- 
Uenu  iufques  à  nous ,  nous  luy  donnerionj' 


XjS  jipologie 

tels  titres  qu  elle  voiidroitjpourauoir  paix 
auec  elkicar  quelque  droit  d'aine flc  qu  el- 
le pretendift  entre  fes  fœurs  y  ou  de  quel- 
que autre  qualité  qu'elle  vouluft  qu'on 
l'honoraft  ,  nous  lupporterions  douce- 
ment ce  petit  reftc  de  vanité,  pourueu  que 
celan'allaft  point  iufques  à  preiudicier  à 
la  gloire  de  noftre  commun.  Seigneur  &c 
Maiftre.  Mais  tandis  que  nous  l'y  voyons 
fi  fort  intereffé  qu'il  eft  ,  le  refpeft  que 
nousluy  portons  ,&:  le  foin  que  nous  de- 
uons  auoir  de  noftre  propre  falut,  nous  eft 
vne  pleine  Se  entière  iuftification  deuant 
les  yeux  de  l'Vniuers,  fi  nous  ne  portons 
pas  plus  auant  les  effets  de  noftre  condef- 
cendance. 

SECTION     VIL 

Qt^en  ce  que  ceux  de  U'Rfligion  croyent 
effeéîiuementj  ils  ne  font  dignes  de  ta^ 
urrjîon  de  perjonne  ;  au  contraire  ^ 
(juils  doiuent  ejlre  tenus  pour  bons 
Chrejliens. 

E  n  ay  donc  plus  finon  à  reprefenter 
fimplement  ce  que  nous  croyons  ^  ôc 


I 


tour  ceux  de  URelig,  i^c^ 

ce  que  nous  faiions  en  la  communion  Re- 
formée; à  cequeceuxquinen  ont  pas  la 
cognoiffance ,  enpuiflent  cftre  informez, 
èc  qu'ils  iugent  par  là  ce  qu'on  doit  efti- 
iner  de  nous.  Peut-eftre  qu'il  n  e  feroit  pas 
absolument  neceffaire  que  ie  m'arreftaffe 
icy  bien  particulièrement:  pource  que  no- 
ftre  Confeffion  de  Foy  ,&:  la  Liturgie  de 
nosEglifes  peut  en  inftruire  tout  le  mon- 
de. Neantmoms^pourne  renuoyer  point 
mon  Lefteur  ailleurs,  &;  ppurce  qu  en  no- 
ftre  Confeffion  de  Foy  nous  ne  nous  fom- 
mes  pas  contentez  de  mettre  les  articles 
poiitifs  de  noflre  créance ,  nous  y  auons 
auffi  méfié  ceux  que  nous  ne  receuons  pas; 
afin  qu'on  voye  noftre  Religion  tout  à 
nud  5  &:  que  fans  préoccupation  l'on  puifle 
d  autant  mieux  luger  de  fon  excellen- 
ce y  i'extrairay  de  cette  commune  dé- 
claration de  noftre  doctrine,  ce  qu'efFefti- 
uement  nous  croyons ,  fans  y  rien  adjou- 
fter  de  ce  que  nous  auons  rejette. 

Dés  auffi-toft  donc  que  nous  commen- 
çafmes  àparoiftre  en  ce  Royaume ,  nous 
declarafmes  publiquemêt  que  nous  croy os 
qu'il  y  a  vn  feul  Dieu,  qui  dans  rimmenii- 
té  &:  {implicite  inénarrable  de  fon  effence 
fpirituelle  y  &:  éternelle,  ôc  incomprehen;^ 


i40  apologie 

fible  en  toutes  manières^  comprend  toutes 
fortes  de  vertus  ?  de  Bonté ,  de  luftice ,  de 
SagelTe,  de  Mifericordejauec  vne  PuifTan- 
ce  infinie ,  en  vne  li  eminente  perieftion^ 
qu'il  furpaffe  infiniment  iaportéedel  ei- 
pritdeshommes,  &:de  l'intelligence  des 
Anges  mefmes.  Cela  pofé  pour  fonde- 
ment de  noftre  créance.,  nous  adjouftaf- 
mes  que  Dieu  nous  a  manifefté  cette  co- 
gnoiffance  de  fon  eftre  par  deux  voyes  :  à 
fçauoirparTouurage  du  Monde  dcdc  fes 
parties,  conjointement  auec  la  Prouiden- 
ce  qui  les  conferue  Se  qui  les  gouuerne  :  Se 
par  les  reuclations  de  fa  Parole,  qu'il  nous 
a  laiffée  par  efcrit.  Et  chacun  feait^fans  que 
l'en  fafle  le  catalogue,  que  nous  auons  re- 
cognu  pour  parties  de  cette  diuine  Parole, 
dans  le  NouueauTeftament  tout  ce  qui  a 
toufiours  efté  recognu  pour  tel  par  les 
Chreftiens,  Se  dans  le  Vieil,  tout  ce  qui  eft 
dans  le  Canon  des  Hebrieux,  Se  que  TE- 
glifeludaïque  a  crû  eftre  d'origine  celé- 
fte.  Or  bien  que  nous  parlions  ainfi,  fi  eft- 
ce  que  nous  ne  croyons  pas  que  ces  liurcs 
foient  diuins  pource  feulement  que  ça 
toufiours  efté  le  confentement  vnanime 
de  l'Eglife ,  Se  que  tous  ks  Chreftiens  en 
font  d'accord  j  car  fi  nous  n'auions  autre 

fonde- 


pour  ceux  de  la  Relig.  241 

fandemcncdenoftre  foy  ,  elle  feroit  ap- 
puyée fur  le  tefmoignage  des  hommes, 
qui  s  accordent  bien  auffi  quelquesfois  à 
receuoir  ce  qui  eft  faux.  Mais  comme  ainfi 
foit  que  ces  liures  ne  peuuent  eftre  diuins, 
8c  procédez  de  l'Efprit  de  Dieu ,  qu'ils  ne 
portent  vne  infinité  de  marques  de  leur 
origine,  chaque  efFeft  ayant  toujours  des 
marques  indubitables  de  fa  caufe ,  Dieu 
par  vne  fecrette  Se  intérieure  opération 
de'  fon  Efprit ,  ouure  tellement  les  yeux 
denosentendemens ,  qu'il  les  rend  capa- 
bles de  recognoiftre  ces  charaderes  de  la 
Diuinité,&:  nous  fait  difcerner  ces  liures 
d  auec  tous  les  autres  efcrits  purement  hu- 
mains, de  quelque  nature  qu'ils  foient  :  de 
forte  que  nous  les  receuons  auec  vneper- 
fuafion  pleine  3c  entière  pour  la  règle  trcs- 
certaineôctres-parfaite  de  noftrefoy,  &c 
pour  l'inftrument  efficacieux  par  lequel  il 
a  pieu  à  Dieu  nousreueler  fa  cognoiffan- 
ce.  Car  quant  à  ce  qui  eft  du  monde  &:  de 
fes  parties,  &:  de  toutes  les  œuuresdela 
diuine  Prouidence ,  lacognoiflance  qu'on 
en  peut  recueillir  a  cela  de  particulier, 
qu'elle  eft  expofée  aux  yeux  &c  aux  efprits 
de  toutes  les  Nations,  &:  de  tous  les  hom- 
mes de  la  terre ,  en  quelque  lieu  qu'il§ 


foient  cfpai's»  De  façon  qu'il  n'y  eh  a  aii^ 
cun ,  s'il  y  vouloit  vfer  de  ion  entendemét 
coiHmc  il  faut ,  qui  n'y  pcuft  r ecogi:oiftr0 
que  Dieu  eft  vne  nature  telle  queiel'ay 
defcrite  au  commencement  ,  &:  qui  par 
tonfequent  ne  peuft  eftre  induit  par  là  à 
luy  rendre  l'honneur ,  le  feruice  ,  bc  ley 
aâions  de  grâces  ,  auxquelles  la  cognoif- 
failce  de  ces  vertus5&:  les  bien-faits  que  les 
hommes  en  ont  receus ,  inuitent  naturel- 
lement. Mais  pour  ce  qui  eft  de  la  reue* 
lation  de  la  Parole,  qui  eft  contenue  eh 
ces  liures ,  elle  a  cet  aduancage  qu'elle  eft 
incomparablement  plus  claire  &:plusdi- 
ftinae,&:  qu'elle  nous  apprend  pour  no- 
ftre  falut  vne  infinité  de  chofes  qui  ne 
nouspeuuent  eftre  eiifeignéespar  la  con- 
templation de  rVniuers.  Car  elle  nous 
defcouure  premièrement  qu'en  cette  fou- 
ueraine  Diuinité,  quefâ  nature3&:  la  créa- 
tion du  monde  nous  monftre  clairement 
he  pouuoir  eftre  qu'vne,  il  y  a  heantmoihs 
trois  perfonnes  >  qui  y  fubfiftent  diftinde- 
ment  :  c'eft  à  fçauoir  le  Père ,  que  nous  re- 
eognoifTons  eftre  la  première  caufe  ?  le 
principe, &:rorigihe de  toutes  chofes:  le 
Fils ,  qui  eft  fa  Parole ,  &  fa  Sapience  eter- 
helle  :  &  le  S.  Efprit ,  qui  eft  fa  vertu ,  foit 


pour  ceux  delà  Rdig.  245 

efficace,  &:lapuifiance,  qui  exécute  tous 
les  confcils  que  le  Père  a  formez  pa  r  fa  Sa- 
pieiice^qui  eil  fon  Fils.  Que  le  Fils  eft  éter- 
nellement engendré  du  Pcre  ;  que  le  S. 
Efprit  procède  éternellement  du  Pa:e  Se 
du  Fils  >  &:  qu  encore  qu  ils  n'ayent  qu'vne 
mefme  elTence ,  fi  eft-ce  que  leurs  Perfon^ 
ries  ne  font  point  confuies  entr'elles  >  &: 
jgardent  vnc  éternelle  &:  inuiolable  di- 
ftindion.  En  vn  mot ,  tout  ce  que  les  an- 
ciens Pères,  comme  S.Hilairc,S. Atha- 
nafe,S.  Ambroife>  &:  S.  Cynlk  en  ont  dit, 
tout  ce  que  les  anciens  Conciles  en  ont 
décidé ,  pource  que  nous  le  voyons  très- 
conforme  à  cette  parole  de  Dieu ,  nous  le 
tenons  pour  tres-veritable  6c  trcs-ortho- 
doxe.  En  après,  le  Monde,  finôusyeuf- 
fions  efté  bien  attei^itifs,  nous  euft  bien 
peu  apprendre  que  c'eft  ce  grand  Dieu  qui 
l'a  créé  :  Car  les  cieux  6c  la  terre  rendent 
aflezde  tefmoignages  à  leur  autheur ,  fî 
les  hommes  apportoient  à  les  contempler 
vneaflezpure8c  aflez  lumineufe  intelli- 
gence. Mai^  pource  que  le  péché  nous  a 
aueuglezjles  vnsont  abfolument  ignoré 
cette  vérité,  les  autres  ne  Font  cognue  que 
tres-imparfaitemcnt,  &:  de  ce  qu'ils  en  ont 
cognu ,  ils  n  en  ont  point  eu  de  perfuafioa 

9^ 


2-44  j4polôgk 

finondcitteule8<:chanceiiante5  iufques  à 
ce  que  cette  diiiine  Parole  nous  en  a  tres- 
plemement  ôc  trcs-certamement  infor- 
mez. Car  G  eft  en  elle  qu  il  nous  eft  reci- 
té 5  comment  ce  Dieu,  lequel  s  eft  manife- 
ftc  à  nous  en  trois  pcrlonncs,  a  au  com- 
mencement forme  les  cicux  6c  la  terre, 
&:  toutes  les  chofes  qui  y  font  i  tant  celles 
qui  n  ont  que  l'efti  e ,  ou  la  vie ,  ou  le  fen- 
timent  feulement  ,  que  celles  qui  font 
douées  de  raifon  ,  de  mefmes  celles  qui 
eftansfpirituelles  &:  inuiiibles  de  leur  na- 
ture, ont  vn  eftre  qui  confiile  quafi  tout  en 
intelligence  :  Car  c'eft  de  (es  enfeigne- 
mcnsque  nous  recueillons  certainement 
qu'il  y  a  des  Ariges  èc  des  Démons,  qui 
font  tous  efgalement  créez  de  la  main  de 
Dieu,  mais  dont  lesvns  ont  abandonne 
leur  origine  par  la  reuolte  ,  &:  font  deue- 
nus  ennemis  de -leur  autheur  Se  de  tout 
bien  ;  les  autres,  qulont  perfifté  en  leur  in- 
tegrité,font  employez  à  l'exécution  des 
volontez  de  leur  Créateur ,  notamment 
en  ce  qui  concerne  les  hommes,  &plus 
particulièrement  ceux  d'entr'eux  pour  lef- 
quelsila  de  plus  tendres  &:  de  plus  véhé- 
mentes affedions.  Et  quoy  que  la  raifon 
nous  deuft  affez  aduertir  que  Dieu  n  a 


f^our  ceux  de  Ul{_elig.  14  f 

point  crcé  ce  grand  ouuragc  du  monde 
pour  Tabandonner ,  ii  aiions  nous  eu  bc- 
loin  que  cette  parole  nous  efclaircift  cette 
vérité,  &:  nous affcrmiil:  en  cette  créance, 
que  toutes  chofcs  font  maintenues,  con- 
leruées,  régies ,  &:  gouuernées  par  la  Pre- 
uidence  de  leur  Créateur.  Tellement  que 
dans  les  caufes  naturelles,  &:  dans  les  cho- 
fcs qu'on  appelle  commun'  ment  contin- 
gentes, il n  arriue  aucun  euenement qu'il 
n'ait  éternellement  preueu  èc  preordonné 
eafa  Sapience,&:  fur  lequel  »  1  n'a itpreiidé 
par  la  conduite  &:  par  l'efficace  de  fa  main; 
Et  bien  qu'il  fcmble  que  les  hommes  5^  les 
Anges  ayent  plus  de  liberté  en  laprodu- 
âion  de  l^'s  actions,  que  n^ont  toutes  les . 
autres  créatures,  &:  que  de  fait  ils  s'y  por- 
tent par  les  mouuemens  de  rintelligence, 
6^  les  exécutent  volontairement , néant- 
moins  cette  liberté  s'accorde   tellement 
auec  la  Prouidence  diuincquetout  ce  qui 
dépend  des  caufes  intelligentes,  eft  fouf- 
misàfongouuernement.  Il  efl  vray  que 
les  mefchans  hommes  &:  les  démons  fem-r 
blent  auoir  voulu  fe  fouftralrcde  fon  Em- 
pire j  mais  fi  font-ils  pourtant  fujets  à  fa 
volonté.  De  forte  qu'ils  n  entreprennent- 
rien  que  comme  il  le  permet,  &:nexecu- 


Z^ë  A^ologut 

tenc  rien  finon  comme  il  leur  en  donne 
lapuiflance;  &:  fur  tout  il  a  vn  foin  fpe- 
cial  de  veiller  fur  leurs  actions,  en  ce  qui 
foncerne  ceux  d'entre  les  homrties  qu'il 
aime  particulicremenc.  Car  pource  que 
ces  mefchances  créatures  les  ha.ifient  à 
merueille,  &:  machinent  toutes  fortes  de 
maux  à  Fenccntre  d'eux,  il  cftneceffaire 
qu'il  poumoye  à  leur  protedion  dVnefa- 
^on fpcciale,  autrement  ilsauroient  trop 
ifouàrir  de  la  part  de  leurs  aduerfaires, 
yeu  qu'ils  font  fi  enuenimez ,  en  fi  grand 
îiombre  ,,  Se  fi  puifTans.  Cette  mefme 
Parole  nous  inftruit  encor ,  &:  de  la  con-- 
dition  de  noftre  première  origine  ,  &:de 
la  façon  de  la. quelle  nous  en  fermes  def- 
cheus  ,  &:  de  Teftat  auquel  i:ious  nou$ 
trouuons  maintenant  naturellement  par 
cette  cheute.  Car  ceft  elle  qui  nous  ra- 
conte comment  Dieu  auoit  créé  Thom- 
jTne  en  vn  eftat  d'intégrité ,  Se  de  félicité 
excellente,  Scàç,  tout  poinft  accomplie, 
autant  que  la  condition  de  la  Nature  le 
pouuoit  porter.  Ceft  elle  qui  nous  réci- 
te comment  rhomme  en  tranfgreflant 
volontairement  la  loy  que  fon  Créateur, 
luy  auoit  donnée,  s'efl:  rendu  indigne  de, 
U  fcli^itc  en  laquelle  il  auoit  eftc  mis  > 


pour  ceux  de  la  Relig,  Z47 

Se  s*efl:  luy  mefme  corrompu.  De  ma-f 
niere  qu  au  lieu  que  Dieu  luy  auoit  don-f 
né  vne  intelligence  lumineufe  5  &c  rem* 
plie  de  la  cognoiiraiice  de  fon  autheurj 
ôcvnc  volonté  toute  encline  à  fuiure  les  . 
^ouuemens  de  cette  belle  intelligence  en 
toutepietéenuersDieu,&:en  toute  force 
de  vertu  i  Se  finalement  des  appétits  bien 
réglez  5  &:  parfaitement  afliijettits  à  l'em- 
pire de  la  raifon  :  fes  appétits  ont  par  le 
peclié  fecoué  le  ioug  de  la  raifon  y  de  fe 
font  émancipez  dyne  façon  merueilleu- 
fcment  licentieufe;  fa  volonté  eft  deue- 
nue  deprauée  d>c  portée  à  toute  forte  de 
m  ah  Se  les  ténèbres  ont  tellement  faifi  fon 
intelligence  quelle  n'a  plus  efté  capable 
ny  de  gouucrner  les  appétits  comme  il 
faut ,  ny  de  tourner  la  volonté  vers  les  ob- 
jets bons  Se  loiii^bles,  ny  de  iuger  des  cho- 
fes  conuenablement.  Vray  eft  qu'il  fem- 
ble  que  pour  ce  qui  regarde  les  chofes  po- 
litiques Se  morales ,  il  foit  refté  dans  Tcn- 
tendement  de  l'homme  quelque  faculté 
dedifcerner  entre  le  bien  Se  le  mal.  D'où 
vient  qu'il  n'y  a  iamais  eu  de  nation  deffus 
îa  terre ,  pour  fi  barbare  qu  elle  fuft ,  par- 
my  laquelle  il  ne  foit  demeuré  quelque 
trace  4e  Teftime  de  la  iuftice ,  de  l'honne.-? 


24S  Afolo^e 

fteté ,  8^  de  la  vertu.  Mais  outre  quec'eft 
encore  vnefed  de  la  diulne  Prouidenee 
quia  voulu  conkruer  ce  petit  relie  de  co- 
gnoiflancc  parmy  les  hommes ,  afin  de 
feruirdelienà  leur  Ibciecé;  lors  qu'il  eft 
queftion  de  Dieu  ,  Se  de  le  cognoiftre 
comme  il  faut ,  ^.  de  luy  rendre  le  ferui- 
ce  qui  conuient  à  l'excellence  de  fa  natu- 
.çe  5  ils  y  font  entièrement  aueugles ,  fi 
Dieu  ne  les  y  adreffe  &  ne  les  illumine 
pour  cet  cffcd  extraordinairement.  Ain- 
fi,  encore  que  l'homme  foit  libre,  en  ce 
qu'il  eft  porté  à  fes  aftions  par  le  mouue- 
ment  de  fa  volonté,  &:  que  la  volonté  y 
eft  portée  pource  que  fon  entendemet  dif- 
court  &:raifonne  fur  les  choies  qui  fe  pre- 
fentent  pour  iuger  de  leurs  qualitez ,  il  eft 
neantmoins  efclaue ,  en  ce  que  fa  malice 
naturelle  eft  fi  grande ,  &:  qu'elle  a  telle- 
ment faifi  toutes  les  puifTances  de  fon  ef- 
prit ,  que  fi  Dieu  par  la  vertu  du  fien  ne  le 
deliure  de  cette  feruitude  volontaire  ,  il 
ne  iuge  point,  &:  ne  peut  iuger  des  choies 
autrement  que  mal ,  ^  par  conlequent 
il  ne  fait  que  mal  ,  èc  ne  peut  rien  fi- 
non  mal -faire.  Or  pource  que  tous  les 
hommes  font  defcendus  de  ce  premier , 
qui  s'eft  ainfi  mal -heureufcmènc  cor- 


pour  ceux  de  U  Relig.  24^ 

rompu  5  il  nous  euffions  retenu  la  co- 
gnoiflance  de  noftre  origine  ,  elle  nous 
cuftpù  apprendre  5  outre  les  autres  preu- 
ues  que  nous  en  auions  en  nous  melnaes, 
que  noftre  premier  père  a  prouigné  cette 
fienne  corruption  en  nous  tous.  Mais  pout 
ce  que  cet  aueuglement  naturel ,  qui  nous 
empefchedeiuger  de  toutes  autres  cho- 
fes ,  nous  a  auffi  ofté  la  cognoifTance  de 
noftre  principe  &:  de  nous-mefmes  5  il  a 
fallu  que  cette  mefme  Parole  nous  apprift 
que  tous  les  hommes  du  monde  en  font 
naturellement  gaftez.  Tellement  qu'il 
n  y  a  aucun  dcsdefcendans  d'Adam,  en 
qui  par  la  génération  des  pères  aux  en- 
fans,  cette  corrupuô  ne  fe  foit  écoulée  j  car 
ce  que  lesPelagiens  ont  voulu  dire,  que 
nousnefommes  mauuais  que  par  imita- 
tion ^eftvn  pernicieux  erreur,  que  nous 
deteftons  :  nous  fommes  auffx  outre  cela 
mauuais  de  nature ,  de  quelque  façon  que 
cette  tache  originelle  fe  prouigné  en 
nous.  Cognoiflans  comme  nous  faifons 
fi  certainement  le  mal ,  nous  ne  nous  don- 
nons pas  beaucoup  de  pemede  içauoir  la 
façon  comment  il  fe  perpétue  au  monde. 
Et  ce  mal  eft  fi  grand  ,  que  quand  nous 
n'en  commettrions  point  d'autre,  il  nous 


îjo  Apologie 

rend  coupables  deuant  le  iugement  de 
Pleuy &  nous  affujettlt  à  la  more.  Bien  eft 
vray  quel^icLi  le  nous  pardonne  ,  Scquill 
nous  donne  le  feau  de  cette  remiffion  par 
le  Baptefme  \  mais  ncantmoins  il  garde 
touliours  fa  nature;  cav  ppur  n'eftre  pas  pu- 
ny,vn  péché  ne  laiffe  pas  d'eO.re  péché 
pourtant.  Et  qu'il  garde  toufiours  fa  natu- 
te^l  en  appert  par  expérience  j car  c'eft  de 
là,  comme  dVnefource  inefpuifable  ,  que 
viennent  toutes  les  mauuaifes  pa/Rons  > 
toutes  les  mauuaifes  penfées  >  toutes  les, 
mauuaifes  aillions  >  6^  toutes  les  mauuai-r 
fes  paroles ,  par  lefquelles  les  hommes 
attirent  deffus  eux  ire  &:  makdidlion. 
Mais  bien  que  la  Parole  de  Dieu  foit  ad- 
mirable en  la  reuelation  qu  elle  nous  don- 
ne de  toutes  ces  belles  co  gnoiffances,  fine 
1  eft-elie  point  tant  qu  en  la  déclaration 
qu'elle  nous  a  faite  du  moyen  par  lequel 
Dieu  nous  retire  de  cette  malediftion,  ^ 
des  motifs  qui  l'ont  porté  à  nous  en  ga,- 
rcntir  icar  pour  ce  qui  eft  des  motifs ,  elîo 
nousenfeigne  qu'outre  cette  charité,  iné- 
narrable qu'il  a  tefmoigné  enuers  le  mon- 
de, en  ce  que  fans  yeftre  incité  d  aucune 
^utre  caufe,  que  de  fa  feule  bonne  volon- 
^,  il  a.  voulu  donner  fon  Fils  vnique  pou.ç- 


pour  cçHX  de  la  Relig.  iji 

labandoriner  àlamprc^afin  que  quicon- 
que croiroit  en  luy  ^tuft  fauué  par  luyjnou* 
auons  encore  en  elle  la  reuelation  dVn 
jnyltere  que  nous  ne  pouuions  iamais  ap- 
prendre d'ailleurs.  Ceft  que  Dieu,  meu 
de  fa  pure  volonté ,  &c  fans  y  eftre  inuité 
par  aucune  bonne  qualité  qui  fuft  en  Ivn 
pluftoft  qu  en  laucre  d'entre  les  hommes, 
ti  de  toute  éternité  ,  Se  dans  le  confeil 
qu'il  en  a  formé  deuant  la  fondation  du 
monde ,  mis  de  la  diftinftion  entre  eux; 
car  il  a  eu  le  falut  des  vns  tellement  à  cœur, 
qu'il  les  a  mis  à  part  des  autres  ,  afin  de 
leurdonner  de  croire  en  ce  Rédempteur, 
$cdeles  amener  parce  moyen  indubita- 
blement à  la  jouiffance  de  fa  félicité  éter- 
nelle. Au  lieu  qu'il  a  laifféles  autres  ei^ 
arrière  pour  les  abandonner  à  eux  mef- 
mes>  Se  à  l'aueuglement  de  leurs  cœurs. 
Leur  aueuglement  donc  eftant  tel  que 
nousTauonscy-deffus  reprefenté,il  eft  ab- 
folument  ineuîtable  qu'ils  ne  croiront 
point  en  l'Eiianglle,  8>c  ainfi  qu'ils  demeu- 
reront en  kur  naturelle  perdition.  De 
forte  que  comme  fa  mifericorde  paroift 
merueilkufement  riche  en  la  difpcnfa- 
lion  de  laquelle  II  a  vfé  enuers  les  vnS;,cet- 
îefeueritédonc  il  a  vfé  enuers  les  antres^ 


2.fi  jifologie 

bien  qu'elle  ne  foie  nuilcment  iniiiftc , 
pour  ce: qu'ils  ont  bien  mérité  d'eftre  ainii 
abandonnez  ,  donne  de  reftonnement 
pourtant ,  &:  ell  enfin  fuiuie  de  Texecution 
d'vne  ire  &:  d'vne  vengeance  elpoiiuanta- 
ble.  Et  l'expérience  nous  ratifie  ce  que  la 
Parole  d  e  Dieu  nous  en  apprends  car  com- 
xne  le  l'ay  dit  ailleurs  ,  puis  que  les  vns 
croyent  en  lefiis  -  Chrift ,  d>c  les  autres  n'y 
croy  ent  pas,  &:  que  nul  n'y  croid  finon  par 
la  grâce  que  Dieu  luy  en  donne, il  faut  ne- 
ceflairement  qu'il  ait  mis  diftinftion  en- 
tre les  hommes  en  cet  efgard,  8i  que  ce 
que  nous  en  voyons  arriuer  m-alntenant, 
foit  l'effet  de  la  refolution  qu'il  en  auoit 
prife  auant  la  fondation  du  monde.  Do- 
ûrineà  laquelle  le  Cardinal  Bellarmin,8^ 
les  autres  prmcipaux  Docteurs  de  l'Eglife 
Romaine  confentent.  Quant  à  ce  qui  eft 
du  moyen  que  Dieu  a  fuiuypour  nous  ti- 
rer de  cette  condamnation  ,  qui  eft-ce  qui 
peut  porter  le  nom  de  Chreftien,  s'il  ne 
c|:oid  ce  que  nos  Eglifes  en  enfeignent? 
Elles  difent  premièrement  qu'en  lefus- 
Chrift  Dieu  nous  a  offert  ^communiqué 
tout  ce  qui  nous  eft  neceffaire  pour  noftre 
falut  ;  en  ce  qu'il  a  efté  fait  fapience ,  pour 
nousreuelertojLites  les  lumières  &:  toutes 


pour  cmx  de  la  Relig.  i)^ 

ks  cognoiffances   qui    concernoient  la 
gloire  de  Dieu  6c  noftre  Ibuueraine  fé- 
licité :  &:iuftice,pour  nous  faire  abioudre 
deuant  le  iugenienc  de  Dieu  par  le^inoyen 
de  fa  fatisfadViOn :  bc  fandification,pour 
nous  communiquer  de  fonEfprit,  e>c  repa- 
rer en  nous  l'image  de  la  fainfteté  du  Pè- 
re celefte:  Se  rédemption  ,  pour  ce  qu'il 
nous  retirera  enfin  de  la  main  de  tous  nos 
ennemis, &: de  celle  de  la  mort  mefme. 
Teiiemêt  que  qui  s'addrefle  à  lui,il  y  trou- 
ue  tout  ce  qui  luy  eft  nèceffaire  pour  cftre 
fauué  ;  Se  qui  fe  deftourne  de  luy,  renonce 
à  la  mifericorde  de  Dieu,  laquelle  il  luy  a 
plu  de  reueler  en  fon  Vnique.  Elles  ad jou- 
ilent  qu'encore  que  ce  lefusChrift  foit  la 
fageffe  de  Dieu,  Se  fon  Fils  éternel  ,  Se 
Dieu  beny  ésfiecles  des  fiecles  ,  fi  eft-ce 
qu'il  a  vertu  noftre  chair,  &:  joint  en  vne 
mefme  perfonne  en  luy  la  nature  humai- 
ne auec  la  diuine.  Par  ce  moyen  non  feu- 
lement quant  au  corps  il  a  jefté  fait  fembla- 
blcs  à  nous  en  toutes  infir mitez,  mais  aufTi 
quant  à  Tanie  il  n  a  point  différé  de  nous 
en  toutes  fortes  de  partions,  finon  entant 
quenrvn&:  en  l'autre  il  a  efté  parfaite- 
ment exempt  Se  des  péchez  que  nous  y 
commettons ,  Se  du  vice  qui  y  eft  inhérent 


iy4  Apologie 

denoftre  nature.  Mais  quoy  que  c'en  foie, 
il  a  cfté  homme  veritabiement,  &  comme 
il  eftoit  dcfccndu  de  la  race  de  Dauid  &: 
d'Abraham ,  ainfi  que  les  fainûs  Oracles^ 
rauoicnt promis ,  il  a  eu  vne  nature  toute 
Semblable  a  la  leur  5  mife  à  part  la  corru- 
ption laquelle  y  eft  furuenue .  Et  s'il  y  a  eu,- 
ou  entre  les  anciens ,  ou  entre  les  moder- 
nes, quelques  gens  qui  en  ayent  crû  autre- 
ment, nos  Eglifes  ont  toufiours  eu  leurs 
erreurs  en  vne  abomination  extrême.  Et 
afin  que  perfonnene  fe  trampaft  en  Tin- 
telligence  de  leur  fentiment ,  elles  en  ont 
donné  par  tout  Vne  interprétation  &  vne 
declaratiô  tres-exprefféj  car  elles  ont  tou- 
jours crû  &  toujours  dit ,  que  ces  deux  na- 
tures, diuine  &  humaine ,  font  tellement 
conjointes  en  vne  mefme  perfo nhe  en  le- 
fus-Chrift,  qu  encore  qu'elles  foient  inf  e- 
parablement  vnies,  chacune  d'elles  y  gar- 
de diftin£kementfes  propiietez.  Comme 
donc  la  nature  diuine  y  demeure  increée, 
infinie  >&:  immenfe  tout  a  faitî  la  nature 
humaine  y  demeure  limitée  des  bornes 
qyi  luy  font  propres  comme  aux  autres 
hommes ,  ôc  reueftuc  de  fa  figure ,  &  con-r 
formée  en  fa  ftature  ainfi  que  les  autresf 
cof  ps  humitins.  Vray  eft  qu'en  la  refurre-? 


ponr  ceux  de  la  Kelig.  t  j^ 

èiôh  le  corps  de  Noftre  Seigneur  lefus  d 
acquis  des  qiialicez  fore  différentes  de  cel- 
les qu'il  auoic  en  Tinfirmicé  de  la  chair: 
car  il  eft  deuenu  incorruptible ,  5c  immor- 
tel :  maisneantiTioins  il  a  toujours  côferué 
la  nature d' vn  vray  corps ,  3c  la  poiTede  là 
haut  en  la  gloire  des  lieux  celcftes.Or  bien 
quilnousreuienne  vne  infinité  d'auanta- 
ges  8c  d'incomparables  vtilitez  ,  de«  l'en- 
iioy  de  Noftre  Seigneur  icy  bas  y  de  qu'on 
y  puifîe  remarquer  vne  infinité  de  chara- 
cleres  admirables  des  Vertu  s  que  Dieu  y  a 
vouludécouurir^le  principal  iujet  pour- 
tant de  tout  ce  merueilleux  myfterca  efté 
que  Dieu  nous  a  Voulu  monltrer  fon  in^ 
cftimable  charité,  de  fon  amour  inénarra- 
ble enuers  nous,  en  ce  qu'il  la  liiiré  volon- 
tairement à  la  mortjafin  d'y  Tatisfa Ire  pour 
hds  pechez,&:  qu'il  la  reffulcité  d'entre  les 
morts  y  afin  de  nous  attefter  que  la  fatisfa- 
£iIon  eftoit  parfaite ,  Se  qu'elle  auoit  efté 
acceptée  de  luy ,  puis  qu'il  liberôit  noftre 
caution.  De  forte  que  par  ce  moyen  nous 
à  efté  acquife ,  &  la  iuftice  en  vertu  de  la- 
quelle nous  comparoiffons  hardiment  dé- 
liant luy  en  iugement ,  Se  la  vie  éternelle, 
qui  eft  le  but  de  nos  fouhaits&:  l'objet  de 
nos  efperances.   Pour  nous  obtenir  cela. 


2^6  Aj^ologie 

nous  croyons  que  Noftre  Seigneur  lefus  a 
offert  à  Dieu  ion  père  vn  feul  facrifice  en 
la  Croix,  par  le  moyen  duquel  nous  fom- 
mes  reconciliez  à  Dieu ,  &:  tenus  pour  iu- 
fies  en  fa  pretence.  Et  cela  eftoit  abfolu- 
ment  neceffaire  pour  nous  taire  obtenir 
la  vie  à  laquelle  nous  afpironsi  car  nous  ne 
l'obtenons  fmon  comme  vn  héritage,  &: 
en  qualité  d'enfans  :  &:  ne  lommes  enfans 
de  Dieu  fmon  par  fon  adoption^  Or  ne 
pouuions  nous  eftre  participons  de  fon 
adoption,  que  premièrement  il  ne  nous 
pardonnai!  &:  n  enfeueliil  toutes  nos  ot- 
fenfes. .  Pour  ce  donc  que  nos  iautes  font 
des  debtes  Se  des  crimes,comme  ie  Tay  dit 
cy-deuant,  &:  que  pour  des  debtes  &r  des 
crimes  il  faut  vne  iatisfadion  &:  vn  paye- 
ment, qui  fdit  proportionné  à  l'obligation 
&:à  la  peine  que  la  loy  dénonce  ,  comme 
il  n'y  auoit  aucun  qui  peuft  faire  cela  par- 
faitement fmon  le  Seigneur,  auflila  t  il  ii 
parfaitement  accomply ,  qu'il  n  eft  deior- 
maisplus  de  befoin  d'autre  fatisf  :  dion  ny 
d'autres  fouffrances.  Or  comme  qui  a- 
payé,eil  quitte  de  fon  obligation,&:  qui  pa- 
reillement àibufFert,eft  quitte  de  l'obliga- 
tion à  la  vengeance  ,  foit  qu'il  l'ait  fait 
pour  foy-  mefme,  ou  par  l'entremife  de-  fa 

caution 


pour  ceux  de  la  I{elig.  2/7 

Caution,  Noftre  Seigneur  ayant  ainii  6^ 
payé  8c  fatisfait  pleinement  pour  nous , 
nous  fondons  là  deiTus  la  prétention  que 
nous  auons  d'eilre  abfous  Se  iullifiez  de 
Dieu, qui  à  cette occafion  ne  nous  punit 
pas,  mais  nous  remet  gratuitement  toutes 
nos  debtes  &c  tous  nos  crïmesjcar  puis  qu'il 
eft  entièrement  fatisfait  en  Noftre  Sei- 
gneur, il  n'a  plus  rien  à  demander  à  nos 
perfonnes.  Pour  cela  nous  eftimonsnous 
fouuerainement  heureux  ,  ainfi  qu'a  fait 
Dauid  autrefois ,  de  ce  que  n  ayans  rien  en 
nous  mefmcs  dequoy  contenter  la  iuftice 
de  Dieu,ny  en  mérites  ny  en  fatisfadions, 
nous  auons  tout  en  Iefus-Chrift,qui  paù 
cette  fienne  fatisfadion  nous  a  acquis  la 
remiflîon  de  nos  péchez,  &c  nous  a  efieuez 
à  Tefperance  certaine  de  la  félicité  éter- 
nelle. Amfinous  jouïflbns  par  la  grâce  de 
Dieu  de  paix  d>c  de  repos  en  nos  cœursj.aU 
lieu  qu'autrement  nous  ferions  toufiours 
agitez  d'apprehenfiions ,  fi  nous  auionsà 
refpondre  de  nous-mefmes ,  &:fur  l'afTcu- 
rance  de  noftre  propre  iuftice ,  à  fon  iuge- 
ment.  C'eft  aulTi  en  cette  niefme  confian- 
ce, que  nous  inuoquons  Dieu  comme  no- 
ftre Pcre  ,  &c  que  nous  fommes  affeurcz 
d'eftre  exaucez  en  tout  ce  que  nous  de-* 

R 


ij8  j^pologie 

manderons  au  Nom  de  ce  grand  Média- 
teur j  car  puis  qu'il  eft  noftre  Moy enneur, 
il  rendra  nos  prières  agréables  à  ion  Perei 
puis  qu'il  eft  celuy  auquel  nous  auons  eftc 
adoptez ,  il  fera  que  nos  lupplications  fe- 
ront receuès  de  Dieu ,  comme  venant  de 
fes  chers  enfans  ,  Se  puis  qu'il  eft  noftre 
chefaôc  nous  (es  membres,  il  ne  fe  peut  que 
li  faueur  que  le  Père  cclefte  luy  porte,  ne 
fc  tefpande  defTusnous ,  &  deflus  les  priè- 
res que  nous  luy  prefentons  par  luy.  Au 
refte, comme ainfi  foitque  lespromeffes 
de  toutes  ces  grâces,  qui  nous  font  faites 
enTEuangile  ,  foient  vniuerfelles  fous  la 
condition  de  la  ÎFoy ,  félon  ce  qu'il  eft  dit, 
qu  il  a  fouffert  pour  nous  acquérir  falut, 
afin  que  quiconque  croira  en  luy  ne  perifie 
point,  mais  qu'il  ait  la  vie  éternelle ,  nous 
nous  rendons  ces  promeffes  particulières, 
6c  les  iîous  approprions  par  la  Foy.  De 
forte  qu'au  lieu  que  les  autres  n'en  fentent 
aucun  efFet,pourcequilsn'y  croyentpasi 
nous  en  feiltons  quant  à  nous ,  pource  que 
nous  les  acceptons.  Et  comme  en  les  acce- 
ptant de  noftre  cofté  nous  demeurons  per^ 
fuadez  que  Dieii  lie  manquera  pasd'exe^ 
cutercequede  fa  bouche  facréeil  a  pro- 
fnis  3  Dieu  de  fà  part  les  exécute  cfFeftiue- 


froUr  ceux  de  la  I{elig.  i^p 

ïriént  en  noftre  efgard ,  &:  nous  rend  par- 
îicipans  de  cette  iuftice  de  fon  Fils  en  la  re- 
million  de  nos  péchez ,  iufques  à  ce  qu'il 
nous  introduire  en  la  joiiiffancedelavie. 
Cependant  ce  que  nous  croyons ,  nous  ne 
le  nous  attribuons  pas  à  nous-mefmes  9 
mais  nous  recognoiflbns  le  tenir  tout  de 
la  grâce  de  Dieu  j  car  les  prbmeffes ,  com- 
me i  ay  dit  cy-deflu^,  font  ofFertcs  généra- 
lement à  tous ,  mais  la  grâce  de  les  rece- 
uoir  eft  vn  don  gratuit  &  particulier  que 
Dieu  donne  à  qui  bon  luy  femble.  Telle- 
ment du  au  lieu  que  les  vns  ont  feulement 
cette  obligation  à  Dieu  en  ce  qui  regarde 
leur  ialut,  qu'il  leur  a  efté  offert  de  fa  parc 
darislespromeflesderEuangiledeClirifl:, 
les  autres  luy  font  obligez  au  double ,  eri 
ce  qu'en  la  diftribution  de  la  grâce  par  la- 
quelle on  les  embraffe^ilsont  efté  préfé- 
rez. Et  l'obligation  qu'ils  en  ont  à  Dieu  eft 
d'autant  plus  grande ,  que  cette  illumina- 
tion intérieure  ôc  fecrette  de  Tefpric  de 
Dieu,  par  laquelle  ils  font  rendus  capable^ 
de  rccognoiftre  la  vérité  de  TEuangile  du 
Sauueur,ne  fe  defploye  pas  en  eux  pour 
Vne  fois  feulement ,  comme  fi  Dieu  les 
vouloit  feulement  mettre  dans  le  chemin 
du  faluc,  pour  les  laiflei:  là  puis  après  à  leur 


2.6^0  j^pologie 

propre  conduite.  Gequil  commence  erî 
eux  5  il  le  concmuè  &c  le  paracheue  auffi. 
Et  de  fait  comme  luy  leul  en  a  pu  donner 
les  commencemens,  auffi  peut-il  leul  don  - 
ner  la  perfeftion  à  ion  ouurage.  Et  pour- 
ce  que  la  promt  lîe  de  rE:iangile  né  regar- 
de pas  feulement  la  rcmifTiondes  péchez, 
mais  auffi  lavraye  iandiiication  dont  le 
fainft  Efprit  eft  autlieur ,  quand  nous  di- 
fons  que  nous  receuons  cette  promefle  par 
foy  5  nous  donnons  affez  à  entendre  que 
la  foy  ne  nous  mer  pas  feulement  en  la 
pofTeffion  de  cette  remiffion,  mais  auffi 
nous  obtient  l'Efprit  de  fanftification  qui 
nous  régénère.  Tellement  qu'outre  ce  que 
la  foy  d'elle-mefme  exxite  ralFeftion  de 
bien  Se  faintement  viure^en  ce  que  nos  en- 
tendemens  ne  peuuent  eftre  illuminez 
dVne  fi  belle  vérité,  que  nos  afFcdions  ne 
s'enflamment  de fon amour,  &:nefe  con- 
forment à  fa  fainfiteté  ;  elle  produit  encore 
la  vraye  régénération  en  nous  >  en  ce  qu'- 
ayant par  fa  grâce  crû  à  la  pronieffe  de 
Dieu,  il  nous  donne  plus  libéralement  fon 
S.Efprit,  pour  nous  refor met  à  fon  image. 
Et  pour  ce  que  c  eft  en  cela  que  confifte  le 
fuc  Se  la  moiielle  de  la  doilrine  de  TËuan- 
gile.  Se  quant  Se  quant  le  corps  Se  h  vérité 


^our  ceux  de  la  Relig.  iCi 

4e  çc  qui  eftoit  autresfois  repreicnté  dans 
les  lig  lires  de  la  Loy ,  nous  ne  conlîderonE 
plus  les  cérémonies  que  comme  des  cho-' 
fes  paifées  ,  &:  ne  nous  feruons  de  la 
Loy  morale  mefme  ,  linon  pour  eftre  la 
fegle  de  noftre  conduite  &:  de  nos  depor-, 
temcns. 

Pour  ce  que  ce  grand  faluc  que  nous 
auons  en  lefus-Chrift  nous  eft  communi- 
qué pari  Euangile,  &: ratifié  par  les  Sacre-^ 
mens,  &:  qu'au  refte  ny  l'Euangile  ne  nous: 
eft  prefché,  ny  les  Sacremensne  nous  font 
adminiftrez,  linon  par  Tordre  delEgliie,; 
tel  qu'il  a  pieu  à  Dieu  de  Teftablir  ,il  eft- 
raifonnable  que  l'on  fçache  aulTi  ce  que 
r;pus  croyons  de  toutes  ces  chofcs  5  &  que 
To  a  voy e  combien  la  créance  que  nous  en 
auonsîeft  non  feulement  innocente ,  mais 
conforme  à  la  vérité  diuine,  &:  digne  de 
l'approbation  de  tous  les  Ghreftiens.  Afin 
donc decommencerpar  là, nous  croyons 
que  Dieu  a  eftably  vn  certain  ordre  en 
fonE^life,  félon  lequel  les  vns  font  or- 
donnez pour  eftre  Pafteurs  &:  Dofteurs,  8c 
les  autres  pour  receuoir  leurs  inftru£bions, 
&:  que  cet  ordre  doit  eftre  facré  bc  imùola-. 
ble.En  telle  manière  queles  vns^que  Dieu 
a»  doUez  des  dons  neceffaires  pour.cela> 

R    îij: 


9^^t  ji^oîùgîe 

foicnt  appeliez  à  ce  miniftere  par  des 
voyesconuenables,  &: qu'ils  Texercent en 
toute  fidélité ,  &que  les  autres  efcoutent 
auec  refpeû  &  reuerence ,  &c  faffent  profijc 
de  leurs  enfeignemens.  Ce  n  eft  pas  que 
s'il  euft  pieu  à  Pieu  choifir  quelqu  autre 
Voyedenous  enfeignercequi  eft  de  no- 
ftrefalut ,  il  ne  Teuft  peu  faire.  Ny  fa  Sa  - 
pienccny  fa  PuiiTance  n'eftoient  pas  tel- 
lement aftreintes  &:  déterminées  à  ce 
tnoyen-là  5  qu  il  fuft  abfolument  ineuita- 
ble.  Mais  l'ayant  iugé  le  plus  propre ,  ^  le 
plus  accommodé  à  la  nature  de  Tliomme, 
ainfi  qu'il  a  fait,  ç  eft  luy  refifter  que  de  ne 
s'y  afllijettir  pas ,  &:  ruiner  l'édification  de 
fes  cnfansjque  de  Vouloir  abolir  vne  fi  bel- 
le difcipline  Et  de  là  s'enfuit  neceffaire- 
ment  qu'encore  que  chacun  doiue  auoi? 
îe  foin  de  s'inftruire  en  particulier  en  la 
cognoiflance  de  la  vérité,  6cque  chaque 
père  de  famille  foit  particulièrement  obli- 
gé à  linftruftion  de  ceux  qui  font  def- 
lousfon  gouuernement  ,neantmoins  il  y 
4pit  auoir  des  affemblées  publiques  ,  oii 
|out  le  monde  foit  endoctriné  en  com- 
mun par  ceux  à  qui  Dieu  en  a  commis  la, 
charge ,  tellement  que  ceux  qui  fe  fepa- 
JTcnt  de  cts  affcmbîées  i  contrarient  \ 


pQUr  çeu^  de  la  Relig.  z  d 

J ordonnance  de  Dieu,  fefouftrayent  du 
iougdenoftre  Seigneur  Icfus-Chrift,  ôc 
irompent  rvnité  de  fon  Eglife.    Et  cela  a 
cfté  iugé  fi  neceflaire  par  les  Apoftres  de 
&:  par  les  anciens  Chreiliens,  qu'ils  lont, 
tpufiours  pratiqué  nonobftant  les  Edifts 
des  Empereurs,  &  toutes  les  perfeçutions 
qui  leur  ont  eftç  faites  pour  les  en  cmpef- 
cher  ;  car  pource  qu'ils  ont  cru  que  cela 
eftoitdeTinftitutiondeDieujils  ont  efti- 
mé  quileftoitplusiufte6c  plus  raifonna- 
ble  d  obéira  Dieu  qu'aux  hommes.    Or 
eft-il  bien  aifé  de  recueillir  de  ce  que  iay 
dit  cy-deflus ,  que  ç  eft  que  nous  croyons 
delà  nature  de  TEglife; car fi vous  confî- 
derez  les  fideUes  entant  qu'ils  fe  trouuent; 
aftuellement  enfemble  pour  oUir  la  pre-i 
dication  de  la  Parole  de  Dieu ,  Se  vaquer 
aux  exercices  de  pieté  ,  TEglife  eft  Taf- 
{emblée  de  ceux  qui  conuiennent  en  mef- 
me  lieu  à  cette  intention  de  tefmoigner 
la  foy  qu'ils  ont  en  noftre  Seigneur  lefus- 
Chrift  ,&de  sauancer  en  fa  cognoifTan-- 
ce  falutaire  par  Fouie  de  la  prédication 
de  fa  Parole  J&:  par  la  célébration  de  fes; 
Sacremens ,  comme  aufR  pour  prier  Dleu> 
luy  rendre  aftions  de  grâces  dVn  com- 
mua confemenxent  vôc  fe  fortifier  de  plus 


26'4  apologie 

en  plusenrefperance  de  la  bien-Iieureu- 
ie  immortalité  :  félon  que  nous  auons 
tous  bcfoin  de  faire  progrés  en  toutes  ces 
chofes  5  iufques  à  ce  que  nous  foyonspar- 
uenusàlaperfedion  à  laquelle  nous  afpi- 
rons.  Et  li  vous  les  conlîderez  feparez, 
comme  il  n'efl:  pas  polTible  qu'ils  vacquenE 
touliours  enfembie  à  ces  fainfts  exercices, 
l'Egliie  eft  la  focieté  de  ceux  qui  entre- 
tiennent communion  enfembie  par  vne 
mefme  foy  en  lefus-Chrift ,  &c  par  la  par- 
ticipation à  mefme  efperance.  Se  qui  don- 
nent des  tefmoignages  de  cette  commu- 
nion où  les  occasions  s'en  prefentent ,  pai' 
toutes  les  chofes  que  ie  viens  de  rappor- 
ter.  Or  quand  nous  compofons  ainfi  TE- 
glife  de  fidèles,  nous  ne  prétendons  pas 
dire  qu'il  ne  fe  mcfle  point  parmy  eux  des 
gens  qui  ne  méritent  pas  ce  nom.  Car  il 
n'y  a  que  trop  d'hypocrites  >  qui  pour 
quelques  confiderations  demeurent  exté- 
rieurement en  cette  focieté.    Mais  cela 
n'empefche  pas  que  la  fôcieté  ne  fubfifte, 
3<:qucllenedoiue  eftre  nommée  du  nom 
d'Eglife,àcaufeque  le  nombre  des  vrais 
jfidelles  y  eft  plus  confiderable  Se  plus 
grandît  que  la  R.eligion  qui  les  rend  tels, 
eft  pratiquée  comme  il  faut  en  toutes  fes 


pour  ceux  de  ta  Helig,  1 6$ 

parties.  A  la  vérité ,  où  la  Parole  de  Dieu 
neft point  prelchée,où  lesSacremensne 
font  point  adminiftrez ,  où  il  n'y  a  point 
d'ordre  eftably  pour  le  feruice  de  Dieu 
S>c  pour  la  conduite  de  fon  peuple ,  on  ne 
peut  pas  dire  qu'il  y  ait  aucune  Eglife, 
quelle  qu'elle  Ibit.  Où  la  parole  de  Dieu 
eft  prefchée  en  quelque  façon ,  mais  méf- 
iée des  erreurs  &:  des  fuperftitions  des 
hommes;  où  les  Sacremens  font  admini- 
ftrez ,  mais  gaftez  Se  corrompus  en  diuer- 
(ts  manières  :  où  il  y  a  quelque  ordre 
pour  la  conduite  de  ceux  qui  fontprofef- 
fion  du  nom  Chrefticn ,  mais  altéré  6^  dé- 
généré de  rinftitution  du  Sauueur  du 
monde, il  fcpeut  faire  qu'on  donnera  le 
nom  d'Eglife  à  vne  telle  focieté  ,  mais 
elle  ne  fera  telle  pourtant  finon  à  propor- 
tion de  ce  que  toutes  ces  chofes  y  feront 
ou  pures  ou  contaminées.  Car  puisque 
ce  font  ces  chofes  -là  qui  à  proprement 
parler, ôçconftitucnt  Remarquent  TEgli- 
fe  de  Dieu ,  nulle  focieté  ne  peut  porter 
ce  glorieux  nom ,  finon  autant  qu'elles  s'y 
rencontrent.  Et  ce  n'eft  pas  fans  raifon  que 
i'ay  fait  mention  d'vn  ordre  fous  la  con- 
duite duquel  l'Eglifefoit  gouuernée;  car 
nous  tenons  cela  pour  certain  ,  que  ç'cft 


^66  apologie 

yne  chofe  ncceffaire  a  la  fubfiftance  de 
la  vraye  Eglife  ,  qu  il  y  ait  vne  certain^ 
police  eftablie  pour  fon  adminiftration» 
qui  Toit  entièrement  conforme  à  Tinititu- 
tion  delefus-Chrift ,  ou  au  moins  qui  ap- 
proche le  plus  que  faire  fe  peut  de  la  pra- 
tique des  iainfts  Apofti^es.  Ç'eft  pour- 
quoy  outre  les  Paftcurs  qui  font  ordon- 
nez pour  inftruire  le  peuple  ,&pourluy 
iidminiftrer  lc$  Saçremens  5  nous  eftimons 
qu  il  faut  qu'il  y  ait  des  Anciens  Se  Sur- 
ueillans  >  Se  des  Diacres  3  dont  la  charge 
çonfifte  principalement  à  remédier  aux 
fcandales  qui  peuuent  arriuer  par  les  mau- 
uais  deportemens  des  vicieux  5a  foulager 
les  neceflîtez  des  panures  ,  &  feruir  à  ^ 
confolation  des  affligez  5  a  donner  ordre 
que  les  affemblées  fe  tiennent  auec  la  dé- 
cence conuenaUe,  Se  fans  tumulte  ny  con- 
fufion.  Se  en  vn  mot,  à  feruir  à  Tedificatior^ 
de  tous  5  &  à  contribuer  auec  les  Paft:eur$ 
à  lauancement  de  la  doârrine  du  fàind 
Euangile.Entre  cesAnciens  Se  ces  Diacres, 
Se  les  Pafteurs  qui  prefchent  la  Parole  & 
qui  adminiftrent  les  Sacrcmens^nous  met- 
tons vne  notable  differécequantà  Tordre 
de  leurs  charges ,  Se  ne  croyons  pas  qu  ils: 
(oiét  d  egak  authoi:ité  en  TEglife  de  Dieu« 


pour  çcHx  de  la  Rehg.  %6y 

Mais  quant  auxPafteurs,  nous  eftimoi^ 
que  leur  charge  le.s  efgale  ,  8c  ne  reco- 
gnoiflbns  point  d'autre  différence  entre 
eux  ,  finon  celle  qu  il  plaift  à  noftre  Sei- 
gneur lefus  d'y  mettre  par  la  diftinftion 
de  leurs  dons.  Car  comme  ç'eft  luy  qui  eft 
le  Chef  de  Ion  Egliie,  Se  (on  fouuerain 
Pafleur  ,  auffi  eft-ce  luy  qui  orne  de  fcs 
dons  comme  il  luy  plaift  ceux  qu'il  em- 
ployé en  ce  miniftere.  Mais  tant  y  a  que 
hy  l'ordre  de  leurs  charges ,  ny  le  lieu  au- 
quel ils  font  eftablis,  ne  leur  donne  au- 
cune prerogatiue  >  ny  aucune  domination 
ks  vns  fur  les  autres  entre  nous.  En  quoy 
nousfçauons  bien  que  tout  le  monde  n  eft 
pas  de  mefme  fentiment  auec  nous.  Mais 
puis  que  nous  ne  fuiuons  cette  efgalité  fi-? 
non  pour  fuir  l'ambition  Se  la  tyrannie, 
qui  font  les  peftes  de  l'Eglife  de  Dieu ,  il 
n  y  a  nulle  apparence  qu'on  nous  doiiie 
fçauoir  mauuais  gré  d'vne  inftitution  fi 
conuenable  à  l'humilité  y  qui  fied  fi  bien  à 
tous  les  Chreftiens ,  Se  notamment  aux 
Miniftres  de  rEuangile.  Q^y  qu'il  en 
foit , efgaux ou inefgaux , que  Ion  confti- 
tue  les  Pafteurs,  nous  eftimons  que  nul  ne 
fe  doit  ingérer  de  fon  propre  mpuucment 
en  Texercicc  de  cette  charge  3  mais  que 


tes  apologie 

ceux  qui  y  ferueuty  doiuct  eftre  légitime^ 
ment  appeliez  félon  l'ordre  de  r£gUiede 
Dieu.  A  la  vérité  ii  quelque  Chreitien  de 
condition  priuée  seiloit  rencontré  feul 
parmi  des  barbares,  qu'il  peuft  conuertir  à 
la  cognoiffance  de  leibs-Chrift?  nous  efti- 
mons  qu'il  feroit  aiTez  authorifé  par  la 
necefficé  de  la  chofe,  par  la  charité  enuer$ 
le  procham ,  par  le  zèle  de  la  gloire  du 
Sauueur ,  dç  par  la  conduite  de  la  proui- 
dence  de  fon  Pere^d'entreprendre  d'y  for- 
iner  vneEglile,  &:  d'y  faire  les  fpnftions 
de  Pafteur.  Et  le  confentement  de  ceux 
qu'il  auroit  conuertis  y  furuenant ,  nous 
tiendrions  fa  vocation  pour  parfaite  &: 
pour  authentique.  Si  puis  après  il  pouuoic 
auoir  quelque  communion  auecvne  au- 
tre Eglife>  ^  eftre  confirme  en  l'exercico 
de  fa  charge  par  ceux  qui  y  auroient  efté 
eftablis  plus  régulièrement  5  afleurémenc 
cela  feruiroit  à  1  édification  commune ,  8c 
il  a  efté  ainii  pratiqué  entre  les  anciens 
Chreftiens.Mais  fi  cela  ne  fe  pouuoit,com- 
me  tout  le  monde  eft  légitimement  appel- 
lé  par  la  règle  de  la  charité ,  à  fauuer  fon 
prochain  dvn  embrafement  6cd'vn  nau- 
frage 3  nous  eftimons  qu  vn  tel  en  beau- 
coup plus  forts  termes  aurpic  yne  iufte  va- 


ffour  ceUx  de  U  E^elig.  i  Cs> 

cation  à  recirer  les  hommes  de  la  malédi- 
ction. Et  n'y  a  rien  au  monde  de  fi  raifon* 
nable.  De  mefmes,  s'il  eûoic  arriué  à  quel- 
que Chreftiende  condition  priuée  ,  de  le 
trouuer  en  vne  Eglife  en  laquelle  le  fer- 
uicedeDieu ,  la  prédication  de  la  Paro- 
le )  radminiftration  des  Sacremens ,  &:  la 
conduite  de  Tordre  ,  fuflent  tellement 
corrompus  d'idolâtrie,  d'iiereficdefuper- 
ftition,  &:  de  ty rannie^qu'il  fuft  abfoluméL 
impofTible  de  faire  fon  lalut  en  cette  com- 
munion, nous  eftimons  que  fon  deuoir  fe- 
roit  d  aduertir  premièrement  ceux  qui  y 
porteroient  la  qualité  de  Pafteurs ,  d'y  ap- 
pointer la  reformatiô  nece{raire5&:  de  pour- 
uoir  à  leur  falur  &:  à  celui  de  leur  troupeau» 
Si  après  les  en  auoir  auertis  ils  n'y  vouloiêc 
pas  côieiitinnous  tenons  pour  indubitable 
que  plûtoft  que  d'endurer  la  ruïne  de  la  rer 
llgiô,  la  profanatiô  de  la  gloire  &:  de  la  vé- 
rité de  fon  Sauueur^&i  la  perte  du  falut  des 
homes^il  deuroit  en  entreprendre  la  refor- 
mation defoy  mefme ,  principalement  fî 
Dieu  luy  auoit  donné  les  dons  de  cognoif- 
fance,d'éloquence,  de  prudence>&:  de  zèle- 
pour  cela.  Car  en  vne  neceffité  extraordi- 
naire,&:  d' vne  telle  importâcejl'ardeur  du 
2ele  de  Tentreprêdre  >  &  les  dons  neccflai- 


res  pour  rexecuter/onc  vne  iiiarique  alFez 
authentique  de  la  vocation  de  Dieu.  Bien 
eftvrayque  fi  les  Miniftres  ordinaires  y 
Vouloienc  mettre  la  main ,  il  ne  s'y  de- 
uroit  ingérer  que  conjointement  auec 
eux  Se  par  leur  aflbciation  j  pource  qu'en^ 
tant  qu'il  fe  peut  5  il  faut  toufîours  déférer 
à  l'ordre  des  chofes  qui  font  dcfia  légiti- 
mement eftablies.  Mais  fi  les  Miniilrcs 
ordinaires  ou  ncgligeoient  de  le  faire ,  ou 
s'y  oppofoient ,  aufli  bien  icy  qu  en  toute 
autre  police ,  le  falut  du  peuple  eft  la  fou- 
ueraine  loy.  Où  donc  l'ordre  public  vient 
à  manquer,  la  voix  de  la  neceflîté  cft  la 
voix  de  Dieu,  qui  appelle  à  la  reftauration 
de  fa  vérité  ceux  à  qui  il  a  donné  la  faculté 
debpouuoirdeliurerde  l'imufticeoù  les 
hommes  la  détiennent.  Hors  ces  deux 
occafions,  nous  croyons  qu'il  faut:  tres-re- 
ligieufement  obferuer  cette  règle  en  cfe 
qui  eft  de  reftabliffement  des  rafteurs  i 
qu'on  y  fuiue  quelque  ordre  public ,  &:  que 
la  miflion  de  chacun  foit  ratifiée  par  de 
bons  &:  authentiques  témoignages-Q^ant 
à  ce  qui  eft  de  la  Difcipline  par  laquelle 
l'Eglife  doit  eftre  gouuernée,  nous  efti- 
mons  que  c  eft  aux  Miniftres  de  TEuangi- 
îe^conioinftement  auec  ceux  que  Ton  à 


ftour  ceux  de  la  Relig.  1 7 1 

choiiispoLii:  Siirueillans ,  à  en  drefler  les 
reglemens ,  en  telle  forte  qu'ils fe  confor- 
ment emierement  à  la  Parole  de  Dieu ,  Se 
<ju'ilsnevifent  à  autre  chofe  qu'à  Tedifi- 
cation  commune.  Il  eft  vray  qu'en  telle 
nature  de  ehofes  qui  regardent  la  police 
extérieure  de  lEglife^  la  parôie  deDica 
s^eftaht  quelqucsfois  contentée  de  donner 
des  règles  générales  >  lefquelles  il  faut 
appliquer  aux  circonftances  particulières 
des  cbofes ,  des  perfonnes  5  &  des  tempsj 
iéc  CCS  circonftances  là  n  eftant  pas  fem- 
blables  en  tous  lieux ,  &:  mefmes  ne  per- 
feuerant  pas  toujours  en  mefmes  lieux  en 
Vn  eftat  vniforme ,  il  eft  aucunement  in- 
euicable,  Se  qu'entre  diuerfes  Eglifes  il  y 
ait  quelque  diuerfité  en  cet  ^gard ,  Se 
qu'en  vne  mefme  Eglife  quelquesfois  oit 
en  varie  la  conftitution  félon  les  occur- 
rences. Mais  cela  n  arriue  finon  en  ehofes 
légères  ?  &:qui  ne  font  pas  d  importance 
^our  le  falut:  en  celles  qui  font  de  quel- 
que confequence ,  on  doit  eftre  beaucoup 
plusexad  àfuiurepon£tuellemeritce  que 
la  Parole  de  Dieu  en  ordonne.  Et  d'autant 
qu'entre  autres  ehofes  elle  s'explique  di- 
fertementen  ce  qui  eft  de  Texcom  muni- 
cation  de  cpux  qui  font  incorrigibles  cil 


^72^  Apologie 

leurs  vices,  &:  opiniaitrement  refra£lai- 
resà  l'ordre  de  l'Eglife  de  Dieu,  nous  ne 
faifons  nulle  difficulté  qu'il  n'en  faille 
vier  où  loccafion  le  requiert,  en  y  obfer- 
uant  toutes  les  précautions  de  prudence 
&  de  charité  qu'il  eft  poffible.  Car  noftre 
Seigneur  lefus  le  nous  a  enjoint  ^  quand  il 
a  donné  à  fes  feruiteurs  l'authorité  d'ap- 
pliquer la  rigueur  de  fes  chaftimens  félon 
les  occurrences.  Quant  à  ce  qui  eft  des  Sa- 
cremens ,  nous  croyons  que  Dieu  les  a  ad- 
jouftez  à  la  prédication  de  fa  Parole  pour 
nous  confirmer  &:  ratifier  de  plus  en  plus 
la  vérité  des  promefTes  qu'il  nou5  y  fait. 
Car  pource  que  noftre  félicité  defpend  de 
laperfuafionquenous  auons  de  la  vérité 
des  promues  diuines  ^  &  que  l'infirniitc 
de  noftre  chair  a  befoin  de  beaucoup 
d'aydes  pour  les  nous  perfuader.  Dieu  ne 
s'eft  pas  contenté  de  les  nous  faire  annon- 
cer de  viue  voix ,  il  nous  en  a  encore  vou- 
lu donner  des  gages  &  des  affeurances  vi- 
fibles.  Etcommeilfefcrt  tellement  de  la 
prédication  de  fa  Parole,  qu'il  ne  veut  pas 
feulement  que  ce  foit  vn  fon  extérieur  qui 
batte  les  oreilles  de  nos  corps,  il  l'accom- 
pagne de  l'efficace  de  fon  Efprit ,  par  le 
moyen  de  laquelle  elle  s'infinuë  en  nos 

âmes  : 


pour  ceux  deU  Relig.  273 

â-mes  :  aufli  quand  il  nous  fait  adminiftrer 
les  Sacremeiis  ^  il  ne  fe  contente  pas  de 
faire  que  ce  foient  feulement  des  fignes 
extérieurs  qui  fe  prefentent  à  nos  yeux ,  il 
y  déployé  la  mefme  vertu  de  fon  Efpriti 
pour  les  rendre  efficacieux  en  nos  con- 
fciences.  Mais  comme  c  eft  de  Tcfficace  de 
TEfprit  qui  accompagne  iVn  &c  l'autre  que 
toute  leur  vertu  dépend,  auffi  n'ont-ils  au- 
tre vertu  ny  Ivn  ny  Tautre  non  plus,  finon 
de  nous  amener  à  lefus-Chrift  ,  feul  au- 
theur  de  noftre  falut,  &c  le  feul  objet  delà 
vénération  &c  de  la  deuotionde  nos  amcs. 
Nous  fçauons  qu'en  l'Eglife  Romaine  on 
croid qui]  y  a  fept  Sacremens >  &: noftre 
intention  n  eft  pas  de  difputer  contre  cette 
opinion  maintenant.  En  quelque  nombre 
que  les  Catholiques  les  reçoiuent,  tant  y  a 
qu'ils  ne  nous  conteftentpas  que  ceux  <^iic 
nous  croyons  eftre  tels ,  ne  le  foient  véri- 
tablement, à  fçauoir  le  Baptefme  la  fainte 
Cène  5  qu'on  nomme  autrement TEucha- 
riftie.  Et  bien  qu'à  l'efgard  de  ces  faintes 
cérémonies  ils  tiennent  beaucoup  de  cho- 
fes  que  nous  ne  tenons  pas  quant  à  nous ,  fi 
cft-cc  que  pour  ce  que  nous  en  croyons^ils 
nefçauroient  y  rientrouu^rà  reprendre. 
Car  qua  nt  à  ce  qui  eft  du  Bajptefme ,  nous 


274  Apologie 

croyons  auee  eux  qu'il  nous  eft  donné 
pour  gage  que  Dieu  nous  adopte  en  ion 
Fils^  pour  eftre  du  nombre  deies  enfans: 
&  que  comme  Teau  eft  propre  pour  net- 
toyer les  fouilkures  de  nos  corps  5  le  fang 
de  Chrift,  qu  il  a  refpandu  en  la  Croix ,  àc 
le  Sainft  Elprit  qu'il  nous  donne  lauent  les 
foiiiileures  de  nos  efprits,  l'vn parla  rc- 
miflion  qu'il  nous  a  obtenue,  &:  l'autre  par 
la  fandification  qu'il  nous  communique- 
Nous  croyons  encore  comme  eux,  que  le 
Baptefmene  doit  eftre  adminiftréquVne 
fois  à  chaque  perfonne ,  &:  ne  fe  doit  point 
réitérer  :  mais  que  quant  à  Ion  ïmidi&c  à 
Ton  efficace ,  il  s'eftend  à  toute  la  vie,  pour 
nous  afleurer  que  nous  trouuerons  tou- 
jours enlefus-Chrift  &:  la  remiffion  de  nos 
ofFenfes  >  ôc  la  grâce  de  la  fanûification* 
En  fin  nous  fommes  encore  d'accord  auec 
eux^que  quoy  que  cefoit  vn  Sacrement  de 
foy  &:  de  pénitence ,  &:  que  ceux  qui  vien- 
nent grands  à  la  cognoiffance  du  Chri- 
^ianifme  ,   doiuent   tefmoigner   qu'ils 
croyent  &: qu'ils  fe  repentent,  auant  que 
de  le  receuoir,neantmoins  il  doit  eftre  ad- 
miniftré  aux  petits  enfans  de  ceux  qui  font 
défia  en  rEglife,&:  que  noftre  Seigneur 
Içfus'Chrift  Ta  ainfi  voulu.  Pour  ce  qui  eft 


pour  veux  de  la  Relig,  xyf 

de  la  Sainde  Cène ,  on  ne  nous  conccile 
non  plus  que  tout  ce  que  nous  en  croyons 
ne  ibit  ablolument  véritable.  Car  premiè- 
rement nous  tenons  que  c  eft  le  tefmoi-- 
gnagede  la  communion  que  nous  auons 
auecnoftre  Seigneur  lerusChrift,  laquel- 
le conlifte  en  ce  qu'il  n  eil  pas  feulement 
vne  fois  mort  pour  nos  offjntes,  ôc  refluf- 
cité  pour  noftre  iuilification  :  mais  aufîî 
qu*il  fe  communique  tellement  à  nous, 
quil  n'eft  pas  plusvray  que  le  pain  Scie 
vin  nourriflent  nos  corps,  qu'il  eft  certain 
&  indubitable  que  fa  chair  &  fon  fan  g  font 
la  nourriture  3c  le  breuuage  de  nos  amesî. 
Il  eft  bien  vray  que  nous  croyons  qu'il  eft 
au  Ciel,  comme  auffi  ceux  de  !  Eglife  Ro- 
maine le  croyent  j  &c  eft  bien  vray  encore 
que  nous  fommes  en  la  terre.  Se  qu  ainfi  il 
y  a  vh  merueilleux  interualle  entre  luy  ëc 
nous.  Mais  cela  n'empcfche  pas  que  par  la 
force  de  la  foy,  par  laquelle  nous  l'cm- 
brafTons ,  &c  par  la  vertu  fecrette  Se  incom- 
frehenfible  de  fon  Efprit,  lequel  il  nous 
communique,  nous  ne  nous  iolgnionstel- 
lement  à  luy  ,  &c  qu'il  ne  fe  ioigns  telle- 
ment à  nous  ,  que  nous  fommes  nourris  Sc 
fouftenus  de  fa  fubftance.   Et  confeiTons 
que  cette  communion  dcChnft  auec  nous^ 

s  ij 


ijC  Apologie 

U  de  nous  auec  luy ,  elt  vn  myftere  àohi 
nos  efprits  ne  font  pas  capables  de  com- 
prendre toute  la  grandeur  8>c  lexcellencCi 
Néant  moins  quoy  que  nous  ne  le  compre- 
nions pas  entièrement  ,  ii  lommes  nous 
pleinement  6c  profondément  perfuadez, 
commeieTay  défia  dit cy-deflus,  quenj^ 
le  Baptefme ,  ny  la  Cène ,  ne  font  pas  des 
fignes  creux  ^  qui  ne  contiennent  ^  qui  ne 
communiquent  pas  efFcdiuemét  ce  qu'ils 
reprcfenrent.  Car  nous  croyons  ferme- 
ment qu  au  fainft  Baptefme  noftre  Sei- 
gneur lefus-Ciirift,  par  l'efficace  de  fon 
fangôcpar  la  vertu  de  fon  Efprit ,  nous  la^ 
ue  de  nos  péchez ,  aufTi  certamement  qu'il 
efl:  vray  que  Teau  nettoyé  les  foùillures  de 
nos  corps.  Et  qu'en  la  Cène  il  nourrit  fpi- 
rituelleiiient  nos  arries  de  fa  chair  &  de 
fon  fang^auflî  certainement  que  le  pain  &: 
le  vin  feruent  à  la  nourriture  de  nos  corpso 
Ainfi  difon?  nous  qu'il  faut  bien  foi gneu- 
fement  diftinguer  entre  les  chofes  exté- 
rieures qui  nous  font  communiquées  aux 
Sacremens ,  à  les  confiderer  precifémenc 
en  elles  mefmes5&  la  vertu  que  noftre  Sei- 
gneur leur  a  don  ce  par  fon  inftitution* 
de  nous  en  reprcfenter  d'autres,  &  de  nous 
^n  mettre  en  pofTeflîon  ;  car  quant  à  ce 


tour  ceux  de  U  Rclig,  lyj 

qu'il  a  d  extérieur ,  l'eau  de  loy-mefnie  elt 
vn  élément  caduque  3c  concempcible ,  qui 
n  a  en  elle  aucune  vertu  en  ce  qui  eft  de 
noftrefalut.    Mais  rinftitutionde  noftre 
Seigneur  lefus-Chiift  fait  qu'elle  nous  re- 
prelente  noftre  lauement  ipirituel  ,  3c 
qu'aduellement  5  autant  qu'vne  telle  cho- 
fe  extérieure  le  peut ,  elle  nous  en  met  en 
joûilTance.  Le  pain  Se  le  vin  aufli.à  les  con- 
liderer  precifément  en  eux'mcfmes^n'onc 
aucune  vertu  de  nourrir  nos  efprlts  en  vn® 
vie  éternelle,  ny  de  les  eileuer  à  l'efperari- 
eedelabien-heureufe  immortalité.  Mais 
l'inftitution   de   noftre  Seigneur  lefus  - 
Chrift  les  a  non  feulement  rendus  capa- 
bles de  nous  reprefenter  fa  chair.  Se  fon 
fangjcomme  il  nous  les  voyions  à  Toeil, 
mais  de  nous  en  mettre  en  aàuelle  poffef- 
fion,  autant  quedeschofes  de  cette  nature 
en  font  capables.    Car  cen'eft  pas  certes 
pour  néant  que  noftre  Seigneur  lefus  a 
prononcé  ces  paroles ,  Cecy  eft  mon  Corpy 
fon  intention  a  efté  de  donner  au  pain 
qu'il  nom  moit  ai  nfi,^:  vne  particulière  di- 
gnité 5  Se  vne  finguliere  efficace.    C'eft 
pourquoy  nous  célébrons  ce  Sacrement 
auec  toute  forte  de  refpefl,  8^  en  y  partiel- 
p^nt comme U  faut, nous  prétendons  en- 

S    iij 


2^78  apologie 

trer  en  la  communion  de  noftre  Seigneur, 
Se  en  la  participation  de  toutes  fcs  grâces. 
Il  ne  çie  refte  plus  qu'vn  mot  à  dire  de  no- 
jftre  créance  ;  non  pour  ce  qu'il  foit  abfolur 
ment  neceflaire  de  m'en  énoncer  icy,pour 
ce  que  ie  m'en  fuis  aflez  expliqué  lorsque 
iay  parlé  delà  relation  que  nous  auonsSc 
au  Roy  3c  à  TEftat:  mais  feulement  afin 
qull  ne  manque  rien  à  labregéque  i'ay 
voulu  faire  icy  de  la  Fcy  de  nos  !pglifes. 
Nous  croyons  donc  finalement,  que  com- 
me Dieu  eftlautheur  de  la  Religion,  en 
quoy  il  a  voulu  auoir  foin  du  falut  des 
hommes ,  il  efl  auffi  Tautheurdu  gouucr- 
ment  politique ,  en  quoy  il  a  voulu  pour- 
uoir  à  la  conf  ^ru âtion  de  leur  focicté  ;  8c  il 
eftoitainfi  abfolument  necefia ire, autre- 
ment les  paflions  des  hommes,  qui  font 
naturellement  effrénées,  eufîent  tout  ren- 
uerfé  c  en  defllis  deffous.  Pour  obuier  à  ce 
defordre,,  Dieu  a  eftably  les  Royaumes,&: 
les  Republiques,  &:  toutes  fortes  dePrin- 
GÎpautez:  ô^  bien  qu'il  y  aitvne  merueil- 
leufe  diuerfité  tant  en  leurs  formes ,  qu'en 
la  manière  de  leur  eftabliffement ,  8c  en 
l'ordre  de  leur  fucce/fion ,  les  vnes  eftant 
de^tiues,^:  les  autres  héréditaires ,.&:  la 
jfajonmefmeou  d'en  hériter,  ou  d'y  eftre 


pour  ceux  de  la  B^elig.  z  7^ 

efleu  ;,  n'eftant  pas  efgale  par  tout,  fi  eft-ce 
que  c'eft  Dieu  qui  y  prefide,^:  qu'elles  doi- 
uent  toutes  eftre  rapportées  à  foninftitu- 
tion.  Et  afin  que  le  charaftere  de  fon  au- 
thorité  qu'il  y  imprime,ne  foit  pas  mefpri- 
fié  par  l'audace  des  mefchans>  il  a  mis  le 
glaiue  en  la  main  des  Puiffances  fijperieu- 
res,  pour  punir  les  péchez  qui  tendent  à  la 
ruine  de  cette  focieté,  foit  qu'ils  violent  les 
commandemens  de  la  féconde  Table ,  ou 
font  contenus  les  deuoirs  de  la  chanté  en- 
uers  le  prochain,  foit  qu'ils  foient  commis 
contre  la  première  5  où  font  contenus  les 
commandemens  qui  concernent  les  de- 
uoirs de  la  pieté  enuers  Dieu  j  car  la  Reli- 
gion eftam  vn  desprincipaux  liens  de  cet- 
te focieté,  le  Magiflrat  doit  auoir  foin  de 
fa  conferuation ,  au  moins  certes  autanc 
que  le  mefpris  qu'on  enfaicen  ébranle  les 
fondemens&:  la  fubfiftance.  Non  feule- 
ment donc  Dieu  ne  veut  pas  qu  aucun  en- 
treprenne de  renuerfer  cet  ordre  politi- 
que qu'il  a  ainfi  authorifé,  mais  il  veut  que 
chacun  s'y  foufmette  auec  refpeft,  en  ren- 
dant obeïflance  tant  auSouuerainMagi- 
ftrat ,  qu'à  ux  qu'il  a  ordonnez  pour  fup- 
pléer  àfonabfence,&:fairefes  fondions 
comme  lieutenans>chacun  félon  le  degré 

S   iiij 


xSo  Apologie 

qu'il  tient, &: félon  reitcnduë  defalurif- 
cUftionôcdcfa  puiffance.  Et  pour  ce  que 
cet  ordre  public  ne  fe  maintient  que  par 
les  Loix ,  àc  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  faire 
valoir  les  Loix,  fi  le  Magiftrat  qui  les  efta-  ^ 
blit  &:  qui  les  conferue ,  h'eft  en  cftat  de  les 
defFendre ,  ô<-  que  pour  le  maintenir  en  cet 
cftat ,  il  faut  faire  des  defpenfes  aufquelles 
il  ny  a  moyen  de  fournir  fans  fubfides  ôc 
fans  impofts  :  nous  croyons  que  chacun 
non  feulement  eft  obligé  d  obeïr  à  ces 
Loix,  maisaufll  de  contribuer  à  ces  dépen- 
fcs.  Tellement  qu'en  toutes  les  neccflitez 
publiques,  chacun  eft  oblige  de  porter  vo- 
lontairement ce  joug,felon  que  la  Puiflan- 
ce  fuperieure  en  diftribuè  le  faix  par  fa 
prudence.  Comme  donc  les  fainfts  Apo- 
ftres  nous  ont  donné  ces  inftrudions  en 
vn  temps  auquel  les  fouuerains  Magiftrats 
eftoient  infidèles  ,  &:  comme  les  premiers 
Chreftiênsles  ont  fidelkmcnt  pratiquées 
enuers  les  Empereurs  &"  Payens  &  perfe- 
cuteurs,ainfi  croyons  nous  qu'en  ce  temps, 
ladiuerfité  de  Religion  n'empefche  nul- 
lement ny  l'authorité  des  Magiftrats ,  ny 
la  fujettion  des  inférieurs,  &  que  k  co- 
gnoijffance  &:  la  profeffion  de  la  vérité  ne 
dilpenfe  aucunement  de  ce  refpeS:,  enuer* 


pour  ceux  de  la  Relig.  281 

ceux  à  qui  Dieu  n'en  a  pas  encore  donné 
i  illumination  par  fa  grâce.  Voiladoncce 
que  nous  croyons  efteftiuement  3  que  i'ofe 
bien  prononcer  eftre  tel,  qu'il  n'y  a  per- 
fonne  qui  fçache  que  c'eft  du  Chriftianif- 
jncqui  y  trouue  rien  à  reprendre.Car  touc 
cela  efl:  conforme  aux  commandemens  de 
Dieu  :  à  Toraifon  que  noftre  Seigneur  a 
enfeignéeà  fesDifciplesî  au  Symbole  que 
nous  appelions  communément  des  Apo- 
ftresj  à  celuy  du  Concile  de  Nicée;  à  celuy 
qui  a  efté  compofé  par  S.  Athanafe,  Se  ap- 
prouué  par  tous  lesOrthodoxesîauxdeci- 
fions  des  premiers.Conciles  del'Eglife,  8c 
généralement  à  tout  ce  que  l'Eglife  Ro- 
maine mefme  croid^en  cela  en  quoy  il  n'y 
a  point  de  différent  entre  nous.  Partant 
nous  fommes  perfuadez  que  tant  s'en  faut 
que  cette  créance  nous  doiue  produire  l'a- 
uerfion  de  ceux  auec  qui  nous  viuons , 
qu'au  contraire  5  elle  nous  deuroit  confi-^ 
lier  la  bien-vueillance  de  tout  le  monde^ 


%2x  j^pologie 

SECTION     VIII. 

Qu'en  ce  que  ceux  de  U  I{eligion  font  en 
leurs  exercices  de  pieté  en  conleauence 
de  leurs  dogmes^  il  ny  4  rien  qui  me^ 
rite  quon  dit  aucune  auerfion  pour 

eux. 

A  Près  auoir  expofé  ce  que  nous 
croyons, il eft  raifonnable  d'infor- 
mer ceux  qui  ne  le  fçauent  pas ,  de  ce  que 
nous  faifons  en  confequence  >  en  ce  qui  eft 
(le  nos  exercices  de  pieté.  Si  nos  plus 
grands  aduerfairesauoient  lacuriofité  de 
venir  feulement  en  nos  Temples ,  à  l'heu-r 
ne  que  nous  y  fommes  affemblcz  pour  le 
fcruice  de  Dieu^pourueu  qu'ils  peufleht  vn 
peu  mettre  à  part  leur  paflîon ,  ils  en  rem- 
porteroient  fans  doute  vne  grande  édifi- 
cation,  5^  nous  n'aurions  point  à  faire  de 
nous  eftendre  en  cette  partie  de  noftre  de- 
fenfe.  Mais  pourcc  qu'où  bien  les  Dire- 
fteursde  leurs  confciences  les  endeftour- 
nent ,  ou  bien  ils  y  ont  de  la  répugnance 
d'eux-mef mes,  ou  ils  crai  gnent  de  fcanda- 
lifçrcéuxde  leur  profeiTion  >  6^  d'engen- 


pour  ceux  de  U  Relig.  283 

4rer  en  leurs  efprits  de  mauaaisfoupçons, 
pubien  finalemsnc  les  occupations  de  la 
vie prefente  3  &:  quelque  nonchalance  les 
retient, ie  reprefenteray  icy  briefuemsnt 
ce  que  ç  eft,  afin  qu'au  moins  quelques- vns 
s'inftruifent  en  particulier ,  de  ce  contre 
quoy  tant  de  gens  crient  ordinairement, 
lans  en  auoir  aucune  certaine  cognoif- 
fance. 

Outre  les  prières  particulières  de  cha^ 
queperfonnc&dechaqae  famille ,  qui  fc 
font  foir  Se  matin  dans  les  maifons  5  8c  la 
lefture  de  la  Parole  de  Dieu ,  qui  fe  fait  rè- 
glement en  diuers  lieux  après  les  repassj 
nous  auonSj  où  la  commodité  le  peut  per- 
mettre,  diuers  ioursen  la  femaine  defti- 
nez  à  la  prédication ,  Se  aux  autres  parties 
du  culte  diuin.  Sur  tout  y  auôs  nous  fi  par- 
ticulièrement confacré  le  fainâ:  Diman-f 
che,  à  l'imitation  des  Apcftres&de  toute 
TEglife  ancienne,  en  mémoire  de  la  refur- 
rcfltion  duSauueur,  qu'il  n'y  a  lieu  où  il 
nous  foit  permis  de  le  faire  par  lesEdifts, 
auquel  ceux  de  noftreprofcffion  ne  saf- 
femblentce  iour-là  folemnellement  vne 
ou  deux  fois,  pour  rendre  à  Dieu  les  de- 
voirs de  leur  pieté ,  8>c  en  s'auançant  en  la 
fandification,  fe  confirmer  de  plus  en  plus 


i84  jipologie 

enrefgcrance  de  la  vie.   Là  donc  la  prc- 
inierechdfe  qu'on  fait;  ell:  qu'après  Tinuo- 
canon  du  nom  de  Dieu ,  quclqùVn  qui  eft 
deftiné  pour  cela  lit  hautement  1  Efcriture 
en  langage  populaire  >  afin  de  donner  au 
peuple  la  cognoiflance  de  rhiftoire  fain- 
£te,  quelque  teinture  des  prédirions  des 
chofes futures  lefquelles  y  font  contenues, 
5c  fur  tout  rintelligcnce  des  myfteres  de 
jpoftre  rédemption.  Ce  qui  ne  fe  peut  fai- 
re fans  luy  inculquer  les  enfeignejnsns  à 
la  pieté  &  à  U  vertu,  6i  les  confolations,  &: 
les  exhortations  qui  nous  y  ont  efté  laif- 
féespar  les  Prophètes  &  par  les  Apoftres. 
Et  on  nefçaurdit  fuffifamment  reprefen- 
ter  combien  cette  lefture  a  d'efficace  pour 
cfmouuoir  les  confciences ,  &:  pour  impri- 
mer de  bonnes  penféesdans  lésâmes  des 
Chreftlens.  AufTia-t'ellcefté  fi  foigneu- 
fement  pratiquée  en  fEglife  Primitiue, 
qu'il  y  a  eu  des  Lecteurs  en  charge  parti- 
culière pour  cela,qui  depuis  ont  tenu  rang 
entre  jesordresde  l'Eglife.  Acettelefture 
on  entremcfle  le  chant  de  quelques  Pfeau- 
mesdeDauidjComme  ils  ont  efté  mis  en 
rime  par  Clément  Marotôcpar  deBeze. 
Or  d'autant  que  de  tout  le  Vieux  Tefta- 
ment  le  liviredeçesfain£ts  Cantiques  ell; 


pour  ceux  de  U  Relig.  28; 

faiis  aucune  difficulté  le  plus  beau.  Se  le 
plus  capable  de  former  les  hommes  à  la 
pietéj  ce  n  ell  pas  chofe  conceuable  à  ceux 
4ui  ne  1  ont  point  expérimenté  ,  com- 
bien ce  chant  adjoufte  à  la  deuotion  ^ny 
quelle  Vcilitc  ceux  qui  y  ont  de  lattention 
en  recueillent*  Car  il  n'y  a  perfonne  en 
affliftion,qui  n  y  trouu€  de  la  confolation, 
ilny  a  qui  que  ce  foitenprofperité,  qui 
n  y  trouuedequoy  s'exciter  à  louanges  6c 
à  aûionS  de  grâces.  Les  prières  y  font  ar- 
dentes tout  ce  qui  fe  peut,  les  louan  ges  des 
vertus  de  Dieu  y  font  illuflres  ^  magnifi- 
ques. LesacGour^gemensà  la  patience  y 
font  fouuerainement  puiflans ,  les  pro- 
meflesSc  l^s  aflcuranccs  de  la  bonne  vo- 
lonté de  Dieu  y  ^ohtexprefles  à  merueil- 
les.  Les  exemples  de  (zs  iugcmens  &:  de 
ks  benédiftlons  y  font  en  grand  nombre 
dans  les  hiftoires  du  temps  paffé,lcs  predi- 
ûions  de  ce  qui  deuoit  arriuer  à  noftre  Sei- 
gneur y  font  fi  exaftes&fi  precifes,que 
vous  diriez  que  fes  aûions,  &  notamment 
fes  paflîons,  y  ont  efté  peintes.  Les  exhor- 
tations à  la  pi  été ,  à  la  fainfteté,  &  à  la  ver- 
tu y  efleucnt  Tame  iufques  dans  les  Cieux, 
ies  imprécations  prophétiques  que  Dauid 
y  fait  contre  les  mefchaus ,  ôc  les  dçnon- 


2Sà  jéifologie 

ciatiôns  des  iugemens  ut^Dieti  deffus  tu%i 
font  capables  de  mettre  la  terreur  ôcrcf- 
pouuantemcnt  dans  lésâmes  les  plus  in- 
lenfibles.  Au  refte  tout  cela  y  eft  femé  dé 
fi  beaux  ornemens,  enrichy  defi  glorieux 
emblémeSiôcrehauffcdepcnfces  fi  fubli- 
mes  &:  fi  celeftes^qu'il  faut  eftre  plus  brutal 
que  les  brutes  mefmes,  &:  plus  endurci  que 
les  rochers ,  pour  n'en  eftre  point  rauy  eii 
admiration,  &:  pour  n'en  fentir  point  d'in- 
comparables eflancemens  de  pieté,  &:  d'i- 
nénarrables efmotions  de  deuorion  en  la 
confcience.  Nous  fçauons  bien  qu'il  y  à 
quelques  efprits  mal  formel ,  U  mefmes 
entre  les  Prédicateurs,  qui  tafchent  autant 
comme  ils  peuuent  de  rendre  ce  fainft 
exercice  ridicule.  Car  ils^rouuent  eftran- 
ge  premièrement  qu'vniuerfellemét  tout 
le  monde  y  chante,  tant  les  petits  que  les 
grands,  fans  en  excepter  les  femmes  mef- 
mes. Puis  après  ils  cherchent  par  cy  par  là 
quelques  vieux  mots  &:  quelques  locu^^ 
tions  furannées,qui  fe  rencontrent  notam- 
ment dans  la  rime  de  Marot,  qu  ils  tour- 
nent en  derifion  ;  iufques-là  qu'il  y  en  â 
quelques-vnsqui  les  veulent  faire  feruir  à 
engendrer  dans  les  efprits ,  des  penfées  fa- 
les  ôc  profanes.  Or  pour  ce  qui  eft  de  ces 


pour  ceux  de  la  Relig,  z^y 

derniers 5 le ne  leur  refponds point.  lisne 
font  pas  dignes  que  les  gens  d  honneur 
s amulenc  à  eux  j  &c  beaucoup  moins  de- 
ftre  receus  à  monter  dans  les  chaires  defln 
nées  à  la  prédication,  leîquelles  doiuenc 
eftre  fi  fainftes  Se  iî  vénérables.  le  diray 
feulement  que  pour  ce  qui  eft  de  la  vieil- 
lefle  de  l'elocution ,  fi  nous  voulions  nous 
entrechicanerjô^:  nous  rendre  ridicules  les 
Vns  les  autres,  il  fetrouueroit  d'auHî  mau- 
uais  mots  ,  èc  aufll  peu  congrus  pour  le 
moins,  dedans  le  Latin  de  la  Meffe ,  c]u  on 
en  rencontre  dans  le  François  de  la  rime 
de  Marot.  Chacun  fçait  combien  noftrg 
langue  eft  expofée  au  changement  ,  Se 
comment  au  bout  de  neuf  ou  dix  ans  pour 
le  plus,  vne  façon  de  parler  qui  a  eu  de  i'e- 
Icgance  en  fon  temps ,  dénient  quafi  bar- 
bare &c  eftrangere  à  nos  oreilles.  Tant  y 
a  quecesPfeaumes,dontonferit  à  cette 
heure,  eftoient  ily  acent  ans  radmiracion 
des  Cours  des  Rois ,  Se  qu  auant  que  l'vfa- 
ge  auquel  nous  les  auons  employez  les 
euft  rendus  odieux ,  ils  eftoient  Vniuerfel- 
lement  eftimez  par  tout  le  Royaume.  Et 
ceux  qui  ont  quelque  fens  >  8c  tout  enfem- 
ble  quelque  candeur ,  aduouent  que  fi  Ion 
en  ofte  quelques-vns  des  plus  vieux  ter- 


2.88  Apologie 

mes,  qui  font  en  alTez  petit  nombre  pour- 
tant, ils  ont  en  leur  fimplicité  vne  grâce 
tout  à  fait  incomparable.  Tellement  que 
les  efforts  qu'y  ont  fait  les  Des-Portes  èc 
les  Marillacs5&:  généralement  tous  ceux 
qui  fe  font  eftudiez  à  eftendre  ces  fainfts 
Cantiques  en  Paraphrafes  ,  les  ont  bien 
furmontez  en  pompe  &  en  élégance  quel- 
quesfois  5  mais  n'ont  iamàis  fçeu  appro- 
cher de  cette  claire  naifueté  qui  refpond  fi 
parfaitement  au  texte  originel  du  fainft 
Prophète.  Mais  nous  viuons  envn  temps 
auquel  on  ne  fait  plus  de  cas  ny  de  la  beau- 
té des  penfées,  nyde  la  grâce  naturelle 
d'vne  diftion  fimple  &:  fans  fard,  ny  de  cet 
air  généreux  Se  quelquesfois  vn  peu  non- 
chalant dvn  génie  qui  enfante  {es  produ- 
ûions  fans  peine,  ce  qui  a  rendu  firecom- 
mandablesles  ouurages  des  plus  anciens 
Autheurs,  fi  le  moindre  petit  mot  qui  n  eft 
pas  à  la  mode  les  des- honore.  La  pieté  mê- 
me n'eft  pas  agréable  fi  elle  n'eft  aiuftée 
félon  le  temps,  6c  jpour  plaire,  il  faut  qu  el- 
le eftudie  tous  fes  pas ,  &  qu'elle  pefe  tous 
(es  mots ,  &  que  toutes  fes  périodes  tom- 
bent en  cadence.  Certainement  cette  cu- 
riofité  aux  choix  des  mots,  ce  nombre  & 
cette  mefure  qu'on  affeâ:e  maintenant 

auec 


pour  ceux  de  Ulielig.  2^^ 

aucc  tant  de  foin  dans  les  périodes ,  Se.  cet- 
te iuftefle  fi  parfaite  qu'on  obferue  dans  H 
ftruÊture  des  termesj  6c  dans  la  mefure  dci 
vers ,  a  quelque  chofe  de  iingulierement 
élégant.  Mais  outre  qu'il  a  efté  ingénieur 
fement  8iiudicieufemét  dit  par  quelqu Vn^ 
queceftvne  faute  en  matière  de  bien  di- 
re, que  de  ne  faillir  du  tout  point ,  de  qu  vn 
foin  fi  fcrupuleux  femble  auoir  quelque 
chofe  de  feruile ,  c'eft  bien  fouuent  vne 
gefne  des  efprits,qui  leur  fait  perdre  quan^ 
tité  de  beaux  eflans  &c  de  genereufes  pen- 
fées.  Ql^ipy  qu'il  en  foit ,  car  ie  m'auancc 
peut  -eflre  vn  peu  trop ,  la  Religion  n'a  ia- 
mais  efté  fuperftitieufe  en  matière  de  pa- 
roles5&:  comme  elle  n'emprunte  point  fon 
efficace  de  l'éloquence  du  fiecle ,  aufTi  ne 
fe  donne-t'elle  pas  beaucoup  de  peine  d'e- 
lire  parée  de  ces  ornemens.  Il  luyfuffît 
qu'on  l'entende  feulement  ,  Se  femble 
qu'elle  feplaife  a  triompher  en  fa  fimplici- 
té,delapompe&:de  la  magnilîcencc  dit 
monde.  Pour  ce  qui  efl  de  permettre  que 
toutes  perfonnes  chantent  en  nos  afTem- 
blées,  ceux  qui  nous  en  blafment  ne  fça- 
uent  pas  que  l'Eglife  Primitiue  le  prati- 
quoit  ainfi ,  comme  il  y  en  a  de  beaux  en* 
feignemés  dans  Pline  Seco^d^dans  Chry- 

T 


l^ô  apologie 

Toftome,  dans  faind  Augullin,  &c  quantité 
d'autres.  Vericablement  li  cela  engendroit 
quelque  confuiîon  5  il  i>'en  faudroit  abfte- 
nir  5  afin  qu'en  rEglile  de  Dieu  tout  fe  fift^ 
ielon  le  précepte  de  laind  Paul>  honnefle- 
mêt  Se  par  ordre.  Mais  bien  que  ces  Picau- 
mes  ayent  efté  mis  fur  vne  mufique  vn  peu 
difficile  enquelques  endroits, nous  lom- 
aîies  tellement  accouftumez  à  les  chanter 
dés  noftre bas  aage,que  les  plus  fimples 
du  populaire  s'y  rencontrent  en  vn  parfai- 
tement bon  accord  auec  les  meilleurs  Mu- 
ficiens  ,  &c  que  du  meflange  de  tant  de 
voix  fe  forme  le  ne  fçay  quelle  harmonie^ 
dont  le  fcul  fon  a  quejquesfois  rauy  les 
paflans ,  tant  Tair  de  ce  chant  eft  mélo- 
dieux, 8c  tant  il  eft  propre  à  donner  à  Tef- 
pritdes  efmotions  extraordinaires.  Pour 
nous  certes  nous  pouuons  bien  parler  de 
ce  que  nous  en  expérimentons.  Se  dire  en 
toute  vérité  qu'il  y  a  telleoccafion  où  ces 
diuines  paroles  animées  de  la  façon ,  met- 
tent quafi  nos  âmes  hors  d'elles-mefmes. 
De  forte  que  ie  ne  croypas  qu'il  fepuiffe 
voir  en  la  terre  vne  plus  belle  image  de 
ce  que  nous  efpcrons  quelque  iour  en  Pa- 
radis ,  qu'vne  telle  congregatiô  de  perfon- 
nes  affemblées  pour  les  adions  de  pietés 


pour  ceux  de  laRelig,  15)1 

lors  qu'elle  pouffe  vers  le  ciel  les  loiian-^ 
ges  de  Dieu  fur  tant  de  voix ,  où  reluifenc 
de  tous  coftez  les  eftincelles  de  fa  deuo- 
tion  &:  de  fon  zèle.  Le  Miniftre  eftant  ve-^ 
nu  après  cette  lefture  &:ce  chant ,  il  fait 
affez  ordinairement  lire  les  Comm^nde- 
xnensdeDieu,  que  l'on  efcoute  aucc  re- 
uerence ,  les  hommes  ayans  la  tefte  def- 
couuerte  par  reiped,  ^  tout  le  refte  de 
l'affemblée  en  profond  lilence .  Ce  qui 
donne  de  la  reuerence  pour  la  Loy  de 
Dieu, &; la  ramentoit  à  chacun  de  nous, 
pour  enfairela  règle  de  noftre  conduite. 
Cela  fait,  le  Miniftre  monte  en  chaire ,  &C 
commence  fon  adion  par  vne  générale 
confefTion  des  péchez  de  toute  l'affem- 
blée, par  vne  proteftation  folennelle  de 
repentance  ,  Se  par  vne  prière  bien  ex- 
preffe  Se  bien  emphatique  pour  demander 
pardon  à  Dieu,  Se  implorer  lafTiftancede 
la  grâce  de  fonEfpritau  nom  de  Noftre 
Seigneur  lefus-Chrift.  Apres  cela  il  fait 
chanter  vne  paufe  dVn  Pfeaume  ou  clxoi- 
lî  expreffement  pour  fon  aftion ,  ou  fuiuy 
félon  Tordre  eftably  dedans  TEglife  ,  &C 
le  Cantique  acheué ,  il  recommence  vne 
autre  prière ,  dans  laquelle  recognoiffant 
la  fublimitc  incomprehenfible  des  myfte- 

T   i) 


25^1  Apologtè 

resdelaFoy  ,&rimbecilité  naturelle  iû 
Ventendement  de  1  homme,  il  demande  à 
Dieu  nilumination  de  ù  grace,pour  bien 
comprendre  fes  diuins  fecrets ,  &:  la  facul- 
té de  les  énoncer  en  pureté  &:  en  vérité,  à 
Tedification  de  ceux  qui  l'entendent.  Sur 
tout  il  le  prie  qu'il  rende  fa  parole  effica- 
ce par  fa  benedidion ,  à  ce  qu  elle  entre 
bien  auant  dedans  les  efprits  de  fes  audi- 
teurs, &  qu'elle  y  foit  comme  vne  femen- 
ce  féconde  de  fanftification,  qui  produife 
abondamment  desfruifts  de  iuftice&de 
pieté  ,  à  la  gloire  de  Dieu,  à  l'édification 
du  prochain ,  ôc  au  falut  de  chacun  parti- 
culier ;  puis  iJ  conclud par  loraifon  Do- 
minicale. En  fuite,  après  auoir  aduerty 
d'efcouter  auec  reuerence  &  obeïflance 
de  foy ,  il  lit  quelque  partie  de  l'Efcriture, 
qu^il  fe  propofe  d  expofer ,  &  puis  s'efîant 
composé  à  parler,  tout  le  ijnonde  fe  difpo- 
fe  à  Tefcouter  eh  filence.  Alors  ^pres  vnc 
préface  accommodée  à  fon  tejcte  ,  ou  a 
quelque  occafion  qui  fe  prefente ,  il  ex- 
plique fon  fujet  le  plus  exa£fcement  qu'il 
fe  peut,  fe  tenant  ferré  aux  paroles  &:  à 
Imtention  de  fon  autheurjfansfelaiffer 
emporter  ny  à  des  digreflîons  inutiles,  ny 
A  des  narrations  d'hiftoire  hors  de  pro- 


tour  ceux  de  la  Relig,  apj 

fos,  ny  à  des  amplifications  pedantef- 
ques,  ny  à  beaucoup  de  citations  d'an- 
ciens autheurs  y  de  quelque  nature  qu'ils 
foient ,  $c  fe  contente  d'expliquer ,  d  illu- 
ftrer ,  Se  de  confirmer  ce  qu  il  fe  propofe,  ' 
parpaffagesdeU  Parole  de  Dieu ,  &:par 
les  raifons  qui  s'en  defduifent.  S'il  fe  pre- 
fente  en  fuite  quelque  comrouerfe,  à  la 
decifionde  laquelle  la  matière  dont  il  fç 
traittepuiffeferuir,  il  la  y  applique  mo- 
deftement,  fans  autre  chaleur  ôc  fans  au- 
tre paffion  que  celles  qui  font  permifes  par 
les  hoix  de  difputer ,  &  que  la  véhémence 
ordinaire  de  la  prédication  donne.    En 
quoy  il  luy  eft  fouuerainement  recom-? 
mandé  de  ne  tefmoigner  point  qu'il  ai^ 
me  la  controuerfe  auec  qui  que  cefoit,&: 
de  n'infulter  point  aux  perfonnes  auec  qui 
eft  le  demcflé ,  ny  mefmes  au  dogme  qu'il 
entreprend  de  réfuter,  fmon  autant  que  la 
gloire  de  la  vérité  le  requiert,  &:que  Ta- 
mourdelapaixjô^lerefpeft  des  perfon- 
nes le  peut  permettre.  En  fin  il  vient  aux 
enfeignemens  que  le  paffage  qu'il  a  traitté 
luy  fournit ,  pour  les  appliquer  en  remon- 
trances ,  en  exhortations  ,  en  confola* 
tlons ,  Se  en  accoura^emens  félon  la  ne- 
çciUcé  des  occurrences.  Particulier enîiem 

T    iij 


%^^  apologie 

ii  infifte  fur  les  exhortations  à  la  pieté,  à 
la  faindeté  ,  à  la  vertu ,  à  la  charité  ,  au 
meiprîs  des  choies  du  monde ,  à  la  patien-^ 
ce  en  aiïliftion ,  à  la  confiance  en  la  bonté 
de  noftre  Seigneur  ,  à  lobeilTance  aux 
Magiftrats ,  tant  Souuerains  quefubalter^ 
nés ,  &c  à  dreffer  toutes  fes  peniees  vers  le 
prix  de  rimmortalité  >  dont  il  ramentoit 
toufiours  1  efperance  à  la  fin  de  £on  pro-^ 
pos,  félon  les  promcffes  de  lEuangile. 
Tout  cela  fe  fait  auec  vne  fiinplicité  8c 
vne granité  digne  de  la  fain&eté  de  la^ 
âion,  &:dufuj  t  qui  s'y  traitte;  fans  ge« 
ftes  de  bafteleur  ou  de  charlatan  ,  lans 
contenances  de  bouffon  ny  d  hypocrite, 
fans  affe dation  d'éloquence  ny  de  vaine 
érudition,  fans  marques  de  vanité  ,  fans 
oftentation  &c  fans  parade.  De  forte  que 
s'il  y  paroift  quelque  véhémence  &:  quel- 
que grâce  dans  la  prononciation ,  c'eft 
Texcellence  du  fujet  de  la  nature  du  prédi- 
cateur qui  la  donne.S'il  y  a  quelques  fleurs 
en  fon  langage.  Se  quelques  ornemens  en 
fon propos,  on  les  y  void  naiftre  d'eux- 
mefmes ,  Se  non  y  eftre  amenez  de  loinj^: 
quoy  qii  on  n'y  vienne  point  fans  preme-^ 
ditation,  l'adion  eft  toufiours  pleine  d'au-» 
tantdefimplicité  ,&:  autant  elloignée  do 


pour  ceux  de  la  Rclig.  X9S 

la  magnificence  de  l'art ,  que  li  elle  eftoit 
linpixmeditée.  De  forte  quà  rimitation 
de  TApoftre  S.Paiil,toute  l'efficace  de  tel- 
les prédications  defpend,  non  des  diicôurs 
attrayans  de lafapiencc du  fiecle,  mais dç 
la  Parole  de  Dieu,  &:  de  la  vertu defon 
Efprir  qui  raccompagne.  Mais  elle  sy  dé- 
ployé de  telle  façon,  que  iouuent  il  y  en  a 
peu  dans  lafiemblée  qui  n'en  foient  cf- 
meus;  &:  quelques  foi  s  on  y  expérimente 
detels  tranfports,  que  s'il  plaifoit  à  Dieu 
retirer  du  monde  à  l'heure  qu'on  eft  ainfi 
rauy,on  en  fortiroit  non  feulement  fans 
l'cgret,  mais  auecvne  allegrefTe  incom- 
parable. Le  PrefcheacheuéleMiniftre  fe 
met  à  prier ,  ou  bien  en  termes  qu'il  con- 
çoit luymefme,  ou  bien  félon  les  formu- 
laires que  nous  en  auons  en  nos  Eglifes. 
Quoy  qu'il  en  foit ,  tous  les  Dimanches  il 
recite  en  la  prefençe du  peuple,  qui  le  fuit 
des  mouuemens  de  fa  deuotion,  vne  afle? 
longue  prière,  dans  laquelle  nous  auons 
recueilly  tout  ce  qui  eft  neceffàire  de  de- 
mandera Dieu,  tant  pour  le  public  que 
pour  les  particuliers,  tant  pour  ce  qui  re- 
garde la  vie  prefente,  que  principalemenc 
pour  ce  qui  concerne  celle  qui  eft  à  venir. 
Là  donc  après  auoir  déclaré  que  c  eft  en  la 

T    iiij 


i')i$  JÎfologie 

feule  confiance  des  promeffes  que  Dieu 
nous  à  faites  en  lefus  -Chiift  ,  que  nous, 
pous  preicnco^is  deuant  luy ,  pour  luy  ad- 
drefler  nos  oraifons,  nous  commençons  à 
le  prier  pour  les  Puifrances  du  monde,  8ç 
notamment  pour  le  Roy  qu'il  nous  a  don- 
né, luy  dem^îîdans  ardemment  toute  for- 
te defaueur ,  de  protedion  bc  de  benedi- 
âion  pour  fa  perfonne ,  &:  pour  fon  Eilat. 
£n  fuite  nous  ne  manquôs  lam^isde  prier 
pour  la  Reyne,  pour  Monfeigneur  le  Fre- 
rc  du  Roy^Mpnfeigneur  le  duc  dOrleanSi^ 
l^lefTeigneurs  les  Princes  du  Sang,  &:  tous 
ceuxdelaMaifpn  Royale,  &:duConfeil 
de  fa  Ma jeftéj  auec  tous  ceux  qui  font  en 
authorité  en  l'adminiflration  des  affaires 
du  Royaume.  Nommément  nous  refpan- 
dpns  nos  vaeyx  en  laprçfencedu  Seigneur 
pour  les  Gpuuerneurs  des  Prouinces  &:  des 
Places  dans  lefqnellcs  nous  habitons,  ôç 

?)pur  lesMagiftrats  à  qui  la  luftice  &:  la  Po- 
ice  en  eft  commife;à  ce  qu'il  luy  plaife  les 
bénir  &:  les  conduire  par  fon  bon  Efprit  en 
l'exercice  de  leurs  cliïirges5&:  qu'il  encline 
leurs  cœuvs  ver$  ceux  qui  le  feruent  en  pu- 
rç,té.  pe  1^  nous  palpons  ^ prier  pour  les 
Pafteurs  que  Dieu  a  eftablis  defTus  fon  E- 
gUfe,à  ce  qu'il  leq^  do|iii|e  de  s'acquiter  fi- 


pour  ceux  de  la  Relig.  25)7 

delementde  leur  deuoir; pour  toushom^ 
mes  généralement,  à  ce  qu'il  les  appelle  à 
facognoifTancejpour  tous  ceux  qui  font 
affligez  3  à  ce  qu  il  les.  confole  Se  qu'il  le$ 
deliure  5  pour  tous  ceux  qui  fouffrent  per- 
fecution  pour  la  vérité ,  à  ce  qu'il  les  fou- 
ftienne  8c  qu'il  les  rende  inuincibles;  Se  en 
fin  pour  nous  mefmes ,  à  ce  qu  il  nous  ren- 
de capables  de  la  ioùiflance  de  fon  Royau- 
mej  puis  nous  finiflbns  par  l'oraifon  de  no- 
ftre  Seigneur ,  Se  par  le  récit  du  Symbolç 
des  Apoftres.  Quelquesfois  dans  les  affli- 
i9:ions  publiques  5  dans  la  célébration  de 
nos  ieufnes,  ou  quand  quelque  autre  occa- 
fion  le  requicrt,nou«  fuiuons  vn  autre  for-r 
mulaire  de  prière ,  que  nous  auons  encore 
en  la  Liturgie  de  nos  Eglifes^dont  toute  U 
matière  eft  à  peu  près  femblable  à  la  pré- 
cédente 5  finon  que  la  côfelTion  des  péchez 
y  eft  encore  plus  expreffe  Jes  fentimens  de 
repentance  aucunement  plus  vifs  ôcplus 
profondsjes  vœux  encore  ie  ne  fçay  com- 
ment plus  feruens,&:  les  marques  deThu- 
miliation  de  l'efprit ,  telles  qu  elles  doiuet 
eftre  en  vn  dueil  public  Se  en  vne  affliftion 
'  extraordinaire.  Or  ie  ne  veux  point  autre- 
ment recommander  ces  prières  que  par  le 
iugement  que  nos  ennemis  mefpie«  ea 


3Lp8  Afologie 

ont  fait.  Car  ils  lesonttrouuéesfi  dignes 
du  ChriftianifiTie  ,  ii  propies  à  enflammer 
la  pieté  ,  fi  pleines  d'eiprits  Se  d  aftion ,  fi 
belles  &:  fi  eiîicaces,quc  quclquesCurez  de 
Paris  les  ont  inférées  dans  le  volume  des 
prières  qu'ils  ont  recueillies  pour  mettre 
entre  les  mains  de  leurs  parroifliensi  de 
forte  qu'il  y  a  tel  qui  fans  nous  cognoiftre 
nous  maudit,  qui  prie  Dieu  comme  nous 
pourtâtj&àquinousfourniffonslemoyei^ 
de  nourrira  de  fomenter  ce  qu'il  y  peut 
auoir  de  bon  dans  fa  pieté^fans  qu  il  y  pen- 
fe.  Apres  ces  prières,  s'il  y  a  queiquVn  des 
Sâcremens  à  célébrer, on  le  fait  autant  que 
Ion  pc*  t  auec  la  reuerence  conuenable: 
Car  s'il  faut  baptifer  vn  enfant,on  l'appor- 
te  en  la  prefence  de  toute  l'Eglile,  afin  d'e- 
ftre  confacré  à  Dieu  le  plus  folennellemêt 
qu'il  fepcut,  &:làeftant  prefenté  auMi- 
mfl:repârlepere,  &:en  fon  nom  par  ceux 
qu'il  achoifis  pour  cet  efFeâ:,9n  lit  publi- 
quement le  formulaire  dans  lequel  nous 
auons  compris  rinfl:itutiQn  du  S.  Baptef- 
me,fQnbut,fes  fruits,  fon  efficace,  è^Ies 
principales  chofes  pour  lefquelles  nous 
croyons  qu'il  doit  eftre  adminifl:ré  aux  pe- 
tits enfans.  Puis  par  vne  prière  foîennclli^ 
on  offre  cet  enfant  à  Dieu  ,  en  demandante 


tfour  ceux  de  la  Kelig.         15)^ 

au  nom  de  nofti;e  Seigneur  lefus-Chrift 
quilfoir  fait  participant  de  fon  falut,  àc 
que  le  Baptefme  produife  en  luy  fa  vertu, 
en  remiiTion  du  péché  originel,  ôc  en  fan- 
ftification,  lors  qu  il  en  fera  venu  en  aage. 
Et  après  auoir  tiré  promeffe  de  ceux  qui  le 
prefentent,  qu  ils  l'inftruiront  en  la  foy  de 
î'Euarigilcôc  en  l'arriour  de  la  picté^on  lui 
verfede  Teau  fur  latefte,  en  le  baptifant 
au  nom  du  Père,  Se  du  Fils ,  ôc  du  S.  Efprit. 
Si  c'eft  le  temps  ^  l'occafion  de  participer 
à  la  Ccne  ,  on  adjoufte  premièrement 
quelque  chofe  à  la  prière  publique ,  pour 
demander  à  Dieu  qu'il  nous  difpofe  à  com- 
muniquer deuotieufement  à  ce  Sacremêt, 
&:  qu'il  le  rende  efficacieux  au  falut  &:  à  la 
confolation  de  nos  confciences.  Puis  on 
lit  le  formulaire  dans  lequel  nous  auons 
compris  fon  inftitution,  comme  elte  eft 
rapportée  par  S.  Paul,  8^  briefuement  ex-- 
pliqué  IVfage  de  cette  cérémonie, fa  na- 
ture &:  fon  efficace ,  conjointement  auec 
les  exhortations  par  lefquelles  leMiniftre 
reueille  les  confciences  des  afTiftans.Par  là 
il  les  incite  à  s'examiner  eux  mefmes^S^  à 
fedifpofer  à  la  communion  par  foy  &:  par 
repentance ,  &:  par  de  fainftes  difpofitions 
à  la  charité  ,  en  dénonçant  à  ceux  qui 


JOQ  apologie 

ne  font  pas  bien  préparez,  de  s'abftenir  do 
cesfaim^  myfteres.  Ce  qui  ayant  efté  fait 
^ueç  toute  la  grauitç  conuenablç,  le  Mi- 
mftre  prononce  quelques  paroles  tarées 
de  l'Ecriture  fur  le  pain  &:  le  vin  du  Sa- 
crement,  communie  auec  fes  collègues» 
Se  en  fuite  donne  à  communier  a  tous  ceux 
de  ralTemblée  qui  s'y  veulent  prefentcr, 
6i  qui  portent  auec  eux  certaine  marque 
qu'ils  font  reconnus  pour  eftrç  de  noftrç 
profeflion.  Là  viennent  premièrement 
les  hommesjfelon  la  prerogatiue  de  leur 
fexe,la  teftc  defcouuerte,  6c  en  eftat  de 
refpeâ:&:  d  humilité  :  puis  les  femmes  en 
vne  modefte  contenâce>  fans  pompe  d'ha- 
billemens:,&;fans  marques  de  vanité iôc 
ainfi  chacun  eftant  aduerty  par  la  bouche 
du  Miniftre  que  c'eft  la  communion  au 
corps  Se  au  fang  de  Chrift ,  qu'on  luy  don- 
ne pour  feau  de  la  remlflion  de  fes  péchez» 
prend  le  pain  èc  la  coupe  de  fa  main,  com^? 
munie  debout  en  tefmoignage  de  reue-^ 
rence,  ôcpuisfe  retire  en  fît  place  fans  tu- 
multe ny  confufion.  La  communion  para- 
cheuée,  le  Miniftre  remonte  en  chaire, 
rend  grâces  à  Dieu  folennellement  de  ce 
qu'il  a  fait  la  faucur  à  rafTemblce  de  i'at^. 
rirer  g  la  communion  de  fon  Filsjôç  le  prlQ 


pour  ceux  de  ta  tielig,  3  d î 

d'en  imprimer  bien  profondement  !a  fou- 
uenancedans  la  confcience  de  fes  fidèles* 
&  de  leur  rendre  cette  fainte  cérémonie 
fingulierement  efficace  en  fanftification. 
QK)y  fait,  on  chante  le  Cantique  d  aûlon 
de  grâces,  à  l'imitation  de  noftre  Sei- 
gneur &:  de  fesApoftres.  Si  ce  n'eft  point 
iour  de  célébrer  les  Sacremens ,  après  la 
prière  dont  i'ay  cy-defTus  parle,  on  chante 
VnepaufedePfeaume,  après  laquelle  on 
donne  la  benedidion  au  peuple  par  les 
paroles  que  Dieu  auoit  autrefois  ordon- 
nées en  fa  Loy,  Se  le  renuoye  ton  en  paix 
auec  exhortation  de  n  oublier  iamais  la 
charité  enuers  les  panures.  Outre  tout 
celas  dans  les  Eglifesvn  peu  populeufes, 
&:  où  ny  Tefloignement  du  lieu,ny  les 
autres  incommoditez  qui  trauerfent  les 
exercices  de  plufieurs,  nempefchent  pas 
robferuatiodVn  ordre  vn  peu  plus  exad, 
on  explique  le  Catechifme  le  Dimanche 
à  Taprefdifnée.  Car  nous  auons  fait  foubs 
ce  nom  vn  recueil  de  toutes  les  dodrines 
fondamentales  à  la  religion  Chreftienne, 
difpofépar  interrogations  &:par  refpon- 
fes ,  accommodé  le  plus  qu'on  a  peu  à  là 
capacité  des  enfanS)  &:  où  on  a  bricfuemét 
couche  les  principales  controuerfes  de  nos 


joi  Apologie 

temps .  On  en  prend  donc  vne  fe£tion.i 
qu'on  fait  réciter  à  quelques  enfans ,  puis 
on  l'expoie  deuant  le  peuple  le  plus  intel- 
ligiblement quil  fe  peut,  afin  de  donner  à 
la  ieuneffe  de  bonnes  impreflions  >  tann 
pour  ce  qui  eft  de  la  dodrine ,  que  pour  ce 
qui  regarde  la  pietés  les  bonnes  mœurs: 
ce  qui  renouuelle  en  l'efprit  de  tous  les 
afiîftans  les  ideées  des  connoiffances  qu'ils 
auoient  défia  acquifes.  Tellement  que 
tous  les  ans  \  car  le  nombre  des  feftions  eft 
à  peu  près  comme  ccluy  des  Dimanches 
de  l'année;  on  donneau  peuple  Chreftien 
vne  expofition  populaire  de  tous  les  my- 
fteres  de  la  Foy ,  &:  on  le  prémunit  des 
principales  raifons  par  lefque)les  il  en  faut 
défendre  la  vérité  contre  )es  erreurs  les 
plus  importantes.  Ce  qui  eft  accompagné 
de  prières  ,  de  chant  de  Pfeaumes  ,  &:  de 
toutes  les  parties  du  Culte  que  l'ay  cy- 
delTus  defcrit. 

Orne  veux-je  point  icy  faire  de  com- 
paraifon  entre  ceferuice  que  nous  rendos 
à  Dieu  par  noftre  Seigneur  lefus  Chrift,&: 
celuyqui  eft  receu  en  la  communion  Ro- 
maine. Les  Cérémonies  y  font  fi  diuerfes, 
le  langage  fi  différent,  &:  généralement 
toutes  chofes  y  font  fi  diamétralement 


pour  ceux  de  la  Relig.  jô} 

oppofees  ,  quil  faudroic  trop  allonger 
cette  Apologie  pour  bien  expliquer  6i 
bien  demonftrer  les  raifons  de  ii  différen- 
tes inftitutions  ,  les  auantages  de  IVne 
pardefTus  Tautre ,  8c  Tedification  &:  la  fan- 
(ftification  que  le  peuple  en  peut  rempor- 
ter. Chacun  peut  affez  faire  cette  compa- 
raifon defoy-mcfme ,  &: qui  qu'il  foit , s'il 
ne  fe  laifTe  point  trop  maiftrifçr  par  les 
partions  &:  les  preiugez,  nous  necraignôs 
pas  que  le  iugement  qu'il  en  fera ,  nous 
foit  autre  que  fauorable.  Et  quant  à 
ceux  qui  ont  quelque  connoiflance  de  la 
première  antiquité  de  l'Eglite  ,  comme 
nous  en  auons  les  enfeignemens  dans  les 
Èfcrirs  des  Apoftres ,  de  luftin  Martyr ,  de 
Tertullian,  &:  de  quelques  autres,  ils  ne 
nieront  pas  que  noftre  Culte  ne  luy  foit 
fans  contredit  plus  conforme ,  que  celuy 
que  FEglife  de  Rome  pratique  maintenât. 
le  diray  feulement  que  toute  comparai- 
fon  mife  à  part ,  6c  à  nous  confiderer  pu- 
rement Se  fimplement  en  nous-mefmes,  il 
n'y  a  rien  en  tout  ce  feruice  de  nos  Eglifes 
qui  meiite  la  haine  publiqucque  plufieurs 
cffayêt  de  nous  faire  porter  depuis  fi  long 
temps.  Car  tout  ce  que  nous  y  faifons 
cftant  conforme  à  noftre  créance  >  ^  np* 


^04  jipologie 

ftre  créance  eftant,  comme  nous  Tauons 
veu  cy-deffus ,  de  l'adueu  mei'me  de  nos 
aduerfairesje  Clmftianifme  en  tous  Tes 
principes,  &:  dans  fes  plus  belles  &:  plus 
importantes  conclufions  ,  le  feruice  qui 
eft  édifié  delTus  ne  peut  fmon  eftre  propre 
à  engendrer  la  pieté  enuers  Dieu,  8c  la 
charité  enuers  les  hommes .  Or  fi  nous 
fommes  dignes  de  haine  pour  eftre  pieux 
enuers  Dieu  ,  &:  charitables  enuers  nos 
prochains ,  par  quel  moyen  nous  conci- 
lierons nous  la  bonne  volôté  de  noscon^ 
citoyens,  6c  qu'eft-ce  qui  nous  pourra  ren- 
dre recommandables  enuers  nos  Supé- 
rieurs, pout  obtenir  leur  protedion,&:  les 
effets  de  leur  équité,  ficesqualitez  nous 
les  aliènent  >  Il  eft  vray  qu'il  y  en  a  quel- 
ques-vns  qui  font  équitables  iufcjues  à  de 
point ,  que  de  confeffer  que  nous  ne  fom- 
mes point  dignes  de  Tauerfion  qu'on  a 
pour  nous ,  à  caufe  de  ce  que  nous  croyos  5 
mais  ils  pretendêt  que  pour  ce  que  nous 
n*en  croyons  pas  afTez ,  nous  n  en  failbns 
pasafTez  auffi ,  &:  qu'encore  que  nous  em- 
braflTions  vne  partie  du  feruice  de  Dieu ,  fi 
ne  peut-on  pasfupporter  que  nous  en  rc- 
iettions  Tautre.  Car  comme  ceux-là  font 
odieux  qui  eommettenc  quelque  chofe 

contre 


pour  ceux  de  la  Relig.  joj 

contre  les  règles  que  Dieu  nous  a  don- 
nées pour  conduire  noftre  pieté  ,  aufli 
ceux-là  tombent-ils  dans  vn  notable  dé- 
faut, qui  ne  rempliffent  pas  toute  la  me- 
fure  de  ces  règles ,  Se  qui  retrancher  quel- 
que partie  de  la  pieté  que  iious  luy  deuôs. 
Pour  donc  fatisfaire  à  cette  plainte  ,  qui 
feule  refte  à  faire  contre  nous  y  outre  les 
reflexions  que  nous  auons  faites  cy-delTus» 
ces  Meflîeurs  fahs  doute  trouueront  bon 
^ue  noqs  leur  reprefentions  deux  chofes. 
LVne  eft ,  que  quand  on  s'abftiet  de  quel- 
que partie  du  feruice  de  Dieu  par  mefprisj 
il  n'y  a  point  d'excufè  pour  celuy  qui  le 
fait,  ny  dcuant  Dieu^  ny  deuant  les  hom- 
Jtnes.  Mais  quand  on  le  fait  par  moùuemet 
de  la  confcieiice  >  &  pource  que  n  eftant 
pas  bien  informé  de  la  volonté  de  noftre 
Seigneur  5 on  a  peur  d'en  faire  trop,  il  à 
fans  co  mpataifori  plus  agireable  cette  mo- 
defte  timidité ,  que  la  témérité  de  ceux 
qui  fc  portent  indifféremment  &C  fans  au- 
cune circonfpeftion,  à  ce  dorit  ils  n'ont 
aucune  certitude  qu'il  foit  légitime.  Car 
quoy  que  c'en  foit ,  la  timidité  en  telles 
chofes  eft  vne  marque  de  refpeiSt,  au  lieu 
que  la  précipitation .  qui  induit  à  faire  X 
t0xs  &c  à  crauers  couc  ce  qiue  la  fantaifiia». 

Y 


jôè  Apologie 

nousfuggerejou  à  receuoir  fans  exami- 
ner tout  ce  qui  nous  eft  fourny  par  autruy, 
nionftre  qu  on  ne  fe  donne  pas  beaucoup 
de  follicitude  fi  le  feruice  qu  on  rend  à 
Dieu  luy  peut  eftre  agréable  ou  non.  Ceft 
pourquoy  S.  Paul  enleigne  conftamment 
&:difertemenc,  qu'encore  que  rvfagede 
toutes  fortes  de  viandes  foit  indifFerent  de 
fa  nature,  &: permis  par  la  doftrine  de  fa- 
lut  j  fi  eft-ce  que  celuy  qui  s'en  abftient 
pource  qu'il  a  peur  d'offenfer  Dieu ,  &:  de 
Violer  quelquVne  de  fes  inftitutions  s'il  en 
vfoitjuy  eft  fans  comparaifonplus  agréa- 
ble que  celuy  qui  nonobftant  le  fcrupule 
qu  il  en  fait,  s  y  la  iffe  emporter  parfexê-^ 
ple>  ou  par  quelque  autre  tel  motif.  Puis 
donc  que  non  feulement  nous  foupçon- 
rions  que  ce  qu'on  eftimc  eftre  de  manque 
dans  noftre  créance ,  bc  dans  le  feruice  qui 
s'en  enfuit,  eft  pluftoft  vn  excès  que  non 
pas  vn  défaut ,  mais  mefmes  que  nous 
fommes  viucment  bc  profondément  per* 
fuadez  que  ce  font  chofes  ennemies  de  la 
gloire  de  noftre  Sauueur^  &:  pernicieufes  à 
noftre  efperance ,  nous  ferions  dignes  de 
beaucoup  plus  d'auerfiô  qu'on  n'en  a  pour 
nous,  finous  nous  laiflions  emporter  par- 
deffus  cette  perfuafion  bccC  mouuement 


pour  ceux  de  la  Relig.  ^éj 

de  nos  confci^nces.  L'autre  elt,  que  fi  ceux 
qui  eftimenc  que  noftre  créance  eft  defe- 
àueufe,  y  veulêt  adioufter  quelque  chofe> 
&:  nous  perfuader  ce  que  nous  ne  croyons 
pas,  il  faut  qu'Us  prennent  tout  le  contre- 
pied  de  la  violence  &:  de  la  haine.  Car  ou- 
tre que  les  créances  ne  s'impriment  que 
par  la  raifon ,  outre  que  la  religion  Chre- 
ftienne  a  cela  de  particulier  pardelfus  tou^ 
te  autre  difcipline  qui  foit  fur  la  terre ,  qu- 
elle forme  les  efprits  des  hommes  à  la 
douceur  &:  à  la  debonnaireté  :  diuerfes  co- 
fideratios  font  que  la  haine  Se  lanimofité, 
&  les  traittemês  défauorables,  produifent 
en  nous  vn  effet  tout  contraire  à  Tintentiô 
de  ceux  qui  les  employent  en  noftre  en- 
droit. DVn  codé  nous  fommes  hommes, 
qui  auons  les  refTentimens  naturels  tous 
femblables  à  ceux  des  autres ,  finoii  autant 
que  nous  tafchons  de  corriger  par  la  pa- 
role de  Dieu  ce  qu'il  y  a  de  vicieux.  Or 
c'eft  le  naturel  de  tous  les  hommes  de  fe 
roidir  contre  la  contrainte ,  &:  de  tafcher 
de  maintenir  leur  liberté.   Et  bien  que 
pour  ce  qui  regarde  les  adions  corporellet 
que  nous  pouuons  faire  en  bonne  confcic- 
ce,  nous  ployons  volpntairemêt  fous  l'au- 
torité de  nos  Supérieurs,  &:  qu'on  ne  nous 

y  ij 


5o8  j^polàgiè 

petit  pas  acciifer  d'y  eltre  plus  refraftâifes 
que  celle  de  Tautre  communion ,  ii  eft-ce 
que  pour  ce  qui  regarde  les  opinions  de 
refprit  en  matière  de  religion^  nous  fom-^ 
^  ^nes  efleucz  dés  noftre  enfance  à  déférer 
fïeu  à  toute  autre  authorité  qu  à  celle 
de  Dieu.  Car  on  nous  perfuade  par  la  con- 
noiflance  de  la  vérité ^  on  force  nos  enten- 
demerispar  fon  euidéce  i  on  nous  fait  voir 
à  Toeili  ôc  toucher  à  la  main  les  raifonsde 
ce  qu'on  veut  que  nous  croyïons ,  &:nous 
fommes  fî  habituez  à  cela  5  quVn  feul  paf- 
fage  de  l'Ecriture  que  nous  entendons  bié, 
à  plus  de  poids  enuers  nous  que  l'authori^ 
té  de  tout  vn  Concile.  Tellement  qu'en 
des  âmes  ainiî  difpofees  dés  leur  enfance^ 
&  qui  ne  font  menées  en  telles  chofes 
d'autre  paflion  que  du  zèle  de  la  gloire  de 
Dieu,  &c  du  defir  de  leur  falutjil  ne  faut  pas 
efpeter  de  faire  iamais  entrer  aucun  dog- 
me de  la  Foy ,  finon  à  force  de  raifons  ac- 
-  compagnées  de  demonftration  de  dou- 
^ceur  Se  de  bienveillace.  D  autre  cofté  cette 
façon  dt  nous  vouloir  conuertir  par  des 
traittemens  peu  équitables ,  nous  rend  fu- 
fpefte  la  créance  de  ceux  qui  en  vfent  en- 
uers nous.Pource  que  de  toutes  les  veritez 
^ui/x)nt  au  monde Ja  plus  claire  ôc  la  plus 


tour  ceux  de  la  Relig.  305^ 
euidéte  eit  celle  de  la  Religion  de  Chrift, 
Ceft  elle  fans  doute  qui  a  le  plus  d'attraits 
pour  fe  perfuader  aux  hommes  aucune^ 
ment  raifonnablesrôi  le  plus  de  force  en- 
cor  pour  jconuaincré  les  contredifans.  Et 
afin  de  faire  d  autant  plus  paroiftre  cette 
clarté  &:  cette  force  de  la  Foy  Chreftiêne, 
Dieu  a  exprcffémet  voulu  que  quand  elle 
s'eft  eftablie  en  la  terre ,  elle  n'euft  aucun 
fupport  dans  les  puiflances  du  monde ,  6c 
qu  elle  tiraft  tous  fes  auantage  s  d'elle  mef- 
me&:  de  fa  naturelle  beauté.  Auflî  a-t'il 
cfté  fans  doute  beaucoup  plus  glorieux 
pour  elle  5  que  douze  pauures  pefcheurs, 
qui  auoient  pour  ennemis  tous  lesPoten-» 
tats  de  la  terre ,  l'ayent  neâtmoins  rendue 
vidorieufe  de  tout  rVmuers,  &:  ayçt  ame^ 
né  les  plus  grands  Empires  fous  lobeïf- 
fance  de  lefus-Chrift ,  que  fi  Dieu  reuft 
armée  deschofesquiont  de  l'éclat,  &;  qui 
impriment  de  la  terreur  dans  les  entende-- 
mensdes  hommes.  Si  donc  c'eft  la  vérité 
qu'an  nous  veut  faire  receuoir ,  on  luy 
fait  tort  d'y  employer,  non  certes  les  vio- 
lences ouuertes  &:  les  perfecutions ,  car 
la  bonté  de  nos  Roys  ,  &  la  iuftice  de 
nos  Gouuerneurs  nous  en  garentit ,  mais 
les  iniquitez  moins  defcouuertes  ,  82  le^ 

V    iij 


310  Aj^ologie 

traittemens  peu  fauorables  que  quelques- 
vns  des  officiers  de  ludicature;,  &:  la  plus- 
parc  des  peuples  pratiquent  aflez  ordinai- 
rement enuers  nous.  Enfin,  pour  ce  que  les 
anciens  Chreftiens  ont  dit  alors  qu'on  les 
mal-trait  toit ,  que  la  vérité  eft  eftrangere 
en  ce  monde ,  &:  partant  que  ce  n'eft  pas 
chofe  eftrange  fi  elle  y  trouue  peudefa- 
ueur.  Gomme  les  efprits  des  hommes  font 
enclins  à  tirer  toutes  chofes  à  leur  auanta- 
ge  5  nous  nefentôs  aucun efFeft  de  la  mau- 
uaife  volonté  de  nos  concitoyens,  qu'il  ne 
nous  vienne  incontinent  en  la  penfée,  que 
c  eft  la  vérité  de  Dieu  que  nous  mainte- 
nons,&:  que  Ton  combat  en  nos  perfonnes 
fans  la  connoiftre.  A  quoy  nous  adiouftôs 
cette  confideration ,  que  le  Seigneur  lefus 
&:  fes  Apoftres  ont  prédit ,  que  la  religion 
qu'ils  annonçoient  fouiFriroit  beaucoup, 
de  contradiftion  en  la  terre.  Vous  ferez,  dit 
le  Sauueur,  hays  a  cauje  démon  Nom.  Nous 
fçauons  bien  qu'il  faut  vfer  de  quelque  re- 
tenue à  raifonner  de  cette  forte ,  &:  qu'il 
faut  eftre  peduadé  par  d'autres  preuues 
que  par.  les  chofes  que  l'on  fouffre ,  que 
ceft  la  vérité  qu'on  defFend.  Car  lesluifs 
endurent  auflîde  la  part  des  Chreftiens, 
^  quelques-vns  d'entre  les  peuplesPayens 


pour  ceux  de  la  Relig.  3  n 

ont  efté  expofez  à  beaucoup  de  calamiiez 
de  la  part  des  gens  qui  font  profelTion  du 
Chriftianifme.  Les  Indes  Orieatales ,  3c 
particulièrement  les  OccidentalesjCn  font 
tefmoins  j  &:bien  que  les  Efpagnols  y  ayêt 
exercé  des  rigueurs  3c  des  cruautez  fanç 
exemplcon  ne  fçauroit  pas  pourtât  exem- 
pter abfolument  de  blafme  en  cet  égard 
les  autres  nations  qui  les  conqueftent.  Il 
fe  peut  faire  qu'en  Angleterre  Se  en  Efcofle 
les  Catholiques  Romains  n*y  ont  pas  tous 
leurs  contentemens ,  comme  au  contraire 
on  dit  qu'en  Irlande  les  Prcteftans  ont 
foufFert  depuis  peu  de  temps  des  inhuma- 
nitez  épouuentables.  Tantum  religio  fotult 
fmdere  mdornm  !  Mais  véritablement  8ê 
les  vns  3c  les  autres  ont  tort,fi  fous  pré- 
texte de  religion,  3c  fi  par  le  zèle  qu'ils  ont 
pour  celle  dont  ils  fontprofeflion^ils  com- 
mettent quelque  chofe  contre  ce  qui  eft  de 
l'humanité,  3c  contre  la  iuftice  des  loix 
fous  lefquelles  ils  viuent.  Et  fi  les  Catholi- 
ques d'Angleterre  auoient  eu  par  le  pafféjt 
6i  auoient  encore  maintenant  desEdifts, 
fous  la  proteaiôdefquelsilsfufTent  àcou- 
uert ,  comme  nosRoys  nous  en  ont  don- 
né, ie  tiendrois  les  Reformez  pour  indi^. 
giies  4e  la  qualité  qu'ils  portent,  sHls  a.biH 

V  iiij 


312.  Jpologie 

foientde  leur  aiuhorite  ponr  en  enerucr 
la  vigueur  y  èc  s'ils  ne  les  obferuoient  pon- 
ftuellemenc  en  toutes  occurrences-  Car 
qui  n'çft  pas  iufle  çn  fa  conduitte,  n  eft  pas 
véritablement  deuotieux,  &:  qui  n'obferuc 
pas  les  loix  qu'il  doit  maintenir ,  foit  en 
qualité  de  perfonne  priué e  ou  de  perfonne 
publique,  n'eft  pasiufte.  Ce  zèle  deftitué 
de  iuftice&:  d'équité ,  eft  pafllon:  &c  bien 
qu'elle  nous  aueugle  quant  à  nous  5  Se  que 
îious  penfions  faire  facrifice  à  Dieu  quand 
nous  nous  y  laiflbns  emporter  ,  Dieu 
ne  nous  en  aduouèra  pas  pourtant ,  Se  ne 
receura  point  en  iugement  noflrepaflion 
pour  fon  zèle.  Car  le  vray  zèle  n'eft  rien 
fînon  vne  certaine  ferueur  d'amour  pouç 
la  gloire  de  Dieu  8<:de  fa  vérité  j  au  lieu 
que  la  paflîon  eft  vn  excès  de  l'amour  que 
nous  nous  portons  à  nous-mefmes.  Or  il 
n'eft  pas  raifonnable  que  l'amour  déme- 
furé  que  nous  nous  portons.  Se  aux  chofes 
que  HQus  confiderons  pour  noftre  intereft, 
npu^  foit  aUoiié  en  compte  :,  comme  fi 
nous  n'y  confiderions  rien  fmon  Dieu  >  8c 
les  chofes  qui  le  regardent.  En  fin ,  quand 
cette  haine  qu'on  porte  à  noftre  doftrine 
ne  ferqit  point  marque  certaine  Se  indu^ 
hmhlç  de  ft  vérité ,  fi  fçmble-t'il  qu'il  eft 


pour  enHX  de  U  Relig.  313 

êcic  la  bpiité  3^ de  la  prudence  de  ceux 
qui  nous  veulent  attirer  à  eux  >  de  s  em- 
pefcher  de  nous  donner  les  ocçafions  que 
nous  la  prenions  pour  telle.Car  tandis  que 
nous  le  croirons  ainfi ,  ce  fera  yri  pbftacle 
infurmontable  àcette  conuerfion  3  laquel- 
le ils  font  profeflion  de  vouloir  procu^'er 
de  toute  leur  puiflance. 


CONCLVSION. 

IC  Y  ie  prie  le  Ledeur  de  prendre  en 
bonne  part  que  ie  donne  la  conclufiorx 
à  cette  Apologie  ,  par  quelques  briefues; 
reflexions  fur  les  avions  &:  les  interefts 
des  Souuerains  j  dont  les  fujets  profeffent 
diuerfes  religions  :  fur  ledeuoir  desMa- 
glflrats  inférieurs  3  à  qui  ils  ont  commis 
radminiftration  de  la  luftice  &:  de  la  Po- 
lice en  leurs  Eftats  :  Se  en  fin  fur  la  dif- 
pofition  des  efprits  des  peuples  ,  &:  fur 
leurs  deportemens  en  ces  profeflions  dif- 
férentes. Et  pour  ce  qui  eft  des  Souue- 
rams,  comme  ils  font  quant  à  leurs  per- 
fonnes,  Chreftiens'j  &:  quant  à  leur  char- 
ge &:  à  leur  dignité  3  Potentats  3  auffi  ont- 
ils  fans  doute  &  des  confiderations  3  Se 


|i4  Afologie 

des  interefts  vn  peu  diuers>  félon  ladiffc-! 
rence  de  ces  relations:  miis  que  1  a  prudece 
Politique  &  Chreftiêne  neantmoins,  fçait 
fort  bien  accorder  enfemble.  En  ce  qu'ils 
font  profe/Tion  du  Chriftianifme^non  feu- 
lement ce  n  eft  pas  merueille  s'ils  s'aftc-? 
âionnent  à  Tauancement  de  la  créance 
qu'ils  ont  embraflee,  mais  il  fembleque 
chacun  fedoit  eftimer  obligé  en  façon- 
fcience  de  le  faire ..  Se  que  c'eft  vn  inftind 
de  la  pieté.  Car  puis  qu'il  y  va  du  feruice 
de  Diçu ,  ce  n  eft  pas  en  eftre  zélateur  que 
de  ne  le  prouigner  pas  autant  qu'on  peut:^ 
félon  la  pcrfuafion  qu'on  en  a;  &:  puis  qu'il 
y  va  du  falut  de  Thomme^ce  neft  pas  eftre 
émeu  de  charité  comme  il  faut,  que  de  ne 
tafcher  pas  de  ramener  au  bon  chemiri 
ceux  que  l'on  penfe  qui  s'en  égaret.Neant- 
xnoins  ny  ce  zèle  ny  cette  charité  ne  le$ 
doit  point  porter  entant  que  Chreftiens^ 
au  delà  des  termes  de  la  douceur  &:  de  la 
raifon ,  feules  voyes  côuenables  pour  faire 
entrer  la  religion  dcIefus-Ghrift  dans  la 
çonfcicnce  des  hommes.  Ny  luy  ny  fes 
Apoftres  n  y  ont  point  employé  le  fer  &: 
le  feu  ,&:  s'il  eft  arriué  que  î'Euâgile  qu'ils 
ont  annoncé,  ait  efté  caufe  dans  le  monde 
de  quelques  çombuftion5îCela  eft  arriué 


pour  ceux  de  la  Relig.  3  if 

par  le  vice  de  l'efprk  humain  ?  contre  la 
nature  de  la  dodrine  de  falut ,  de  contre  le 
defleindefon  autheur  &:  de  fes  Miniftres. 
Entant  qu  ils  font  Princes  de  Potentats ,  ce 
neftpasmerueillenon  plus  s'ils  fouhait- 
tentque  leurs  iujets  ne  fe  bigarrent  point 
en  religions ,  3ç  femble  mefmes  que  leurs 
interefts  les  y  portent.  Car  leur  gloire  de 
leur  grandeur  confifte  en  l'entière  obeïf- 
fancede  leurs  fujets,  en  la  tranquilité  de 
leurs  Efl:ats,&:en  l'vnion  des  parties  qui 
les  coinpofent.  Or  eft-il  trop  ordinaire 
que  la  diuifion  des  fentimcns  de  des  créan- 
ces partage  les  afFeftions ,  &:  n'y  a  point  de 
|î  violente  paffion  que  celle  qui  s'allume 
danslaconfcience.Qoand  donc  ladiuer- 
fité  des  fentimens  pafle  en  différence  de 
faftions  >  il  eft  comme  impoflible  que  le 
Prince,  tant  par  le  mouuement  de  fa  con^ 
fcience ,  que  par  la  profeflion  qu'il  fait  ex- 
térieurement 5  ne  fe  déclare  pour  l'vn  des; 
partis  contêdans,  de  qu  amfi  il  n  afFoiblifle 
beaucoup,  s'il  ne  perd  mefme  tout  à  fait  le 
refpeft  de  robeïfTance  qu'il  deuroit  atten- 
dre  de  l'autre.Ceft  pourquoy  tous  Poten- 
tats s'oppofent  au  commencement  à  tou- 
tes innouations ,  de  nos  Rois  entre  les  au- 
tres, ou  de  leur  propre  mouuement ,  ou 


$iS  [apologie 

par  la  fuggcftion  de  leurs  Confeils ,  ont 
çmpipyé  tout  ce  qui  fe  peut  imaginer  de 
rigueur, pour  eftoufferdans  leurEftat  la 
Reformation  enf^naiffance.  Enfin  pour- 
tant  l'expérience  deschofes  leur  a  donné 
d'autres  inclinations.  Car  pource  que  les 
prifonSi  &:  les  gibbets,  8c  les  feux ,  dont  on 
s  eftoit  ferui  pour  en  arrefter  le  cours  pen- 
dant le  règne  de  François  premier  de  4e 
Henry  fécond,  nepeurent  empefcher  que 
noftre  doctrine  ne  gaignaftdas  toutes  les 
parties  du  Royaume ,  tellemêt  que  l'Eftat 
eftoit  alors  parcage  quafi  également,  dç 
que  fous  le  règne  de  François  fécond  ny  le 
inal  heureux  fuccés  deTentreprifed^Am- 
boife,ny  laprifon  du  Prince  de  Condéj, 
îiy  la  continuation  de  la  perfecution  con- 
tre les  autres,  n'empefcherent  pas  qu'ils 
A'allaffent  merueillcufemem  multipliant^ 
la  Reyne  Çatl^erine  de  Medicis ,  8>c  ceux 
qui  gouueynoient  l'Jftat  fpus  la  minorité 
de  Charles ,  creurent  qu'il  valoit  mieux 
confentir^ynechofcqueron  ne  poxiuoit 
cippefcher,  8c  donner  quelque  liberté  à  la 
ferueur  d Vn  zèle  ablplument  inuincible. 
Ainfifut  fait  rEdiftquonappelladelan- 
uier ,  par  lequel  ceux  de  la  Religion  eurét 
h  liberté  de  leuçs  exei:cices  dans  les  faux- 


pour  ceux  de  U  Relig,  ji^ 

bourgs  de  toutes  les  ville  s,  &c  générale* 
ment  par  tout  où  ils  eftoient  en  quelque 
nôbre  confiderable  :  de  forte  qu'il  s'en  for- 
ma deux  milleEglifes  corne  en  Vn  momét» 
En  quoy  la  Reyne  Catherine ,  &c  les  Prin . 
ces  de  Miniflres  de  TEftat  firent  fans  doute 
céder  le  zèle  de  religion  à  la  prudence  po-^ 
litiqite,  comme  il  eft  fouuent  àbfolument 
neceflaire  en  telles  occafions  :  Se  c  cft  cho- 
fe  qui  n  eft  nullement  defagreable  à  Dieu^ 
quand  on  y  eft  obligé  parlaneceffité  des 
occurrences.  Car  la  Religion  ne  pouuant 
fubfifter  fmon  par  la  fubfiftence  dcsEm^ 
pires  politiques,  lors  que  les  chofes  en  font 
Venues  à  tel  point,  que  pour  empefcher  le 
progrez  de  quelque  innouation,  on  met 
toute  la  République  en  péril,  il  eft  &:  de  la 
pietéS^cdelafageiTedeceux  qui  en  ont  le 
gouuernement  en  la  main ,  de  pouruoir  à 
ce  que  IVne  ne  s'eftoufFe  pas  enfin  fous  les 
ruines  de  lautre.  Et  fi  on  euft  perfeueré  en 
cette  bonne  penfee ,  on  euft  efpargné  à 
l'Eftat  les  efpouuenta^bles  confiifions  des 
guerres  cîuiles,qui  l'ont  mis  à  deux  doigts 
de  Ton  tombeau.  Mais  Tambition  de  quel- 
ques-vns ,  Se  Teffroy  Se  l'impatiéce  des  au- 
tres,&:  la  fuggeftion  des  confeils  de  Rome 
notamment,  ayant  incontinent  troublé  k 


§i8  Afologie 

repos  de  la  France  par  rinfradion  de  céi 
Edia,6£  par  les  choies  qui  vinrêc  après,  on 
ne  fçauroit  dire  quelles  iiorrcursont  efté 
exercées  de  IVn  à  lautre  parti  par  l'efpace 
de  plus  de  trente  ans.Ec  nous  nous  fuilions 
affeurément  entr'extenninez, linon  qu'en 
fin  Henry  le  Grand ,  de  glorieufe  Se  im- 
mortelle mémoire,  ayant  reconquis  Ion 
Royaume  de  la  main  de  fes  ennemis ,  ter- 
mina ces  calamitez  par  l'Edift  de  Nantes, 
&:  reiiniffant  tous  fes  fujets  fous  fon  obeïf- 
fance,fans  violenter  la  corifcience  d'au- 
cun, eileignit  autant  que  la  prudence  le 
permettoit  j  la  femence  de  ces  defordres. 
Ce  qui  luyreù/Tit  fi  bien,  que  neuf  ou  dix 
ans  de  paix  après  ces  longues  &:  conti- 
nuelles defolations,remirenc  le  Royaume 
en  vn  eftat  fi  puiflant  Se  fi  fieuriflant ,  que 
quand  cet  mcomparablc  Prince  nous  fut  fi 
mal-heureufemêt  rauy,ilcftoit  noncon- 
fiderable  feulement  ,  mais  redoutable  à 
toute  [Europe.  Sous  le  règne  du  feu  Roy 
il  eft  arriué  quelques  chofes ,  qui  ont  deux 
ou  trois  fois  interrompu  le  cours  de  cette 
félicité.  Mais  neantmoins  diuerfes  confi- 
derations  luy  ont  toufiours  fait  folennel- 
lement  déclarer ,  qu'il  nevouloit  aucune- 
ment entamer  la  liberté  que  le  Roy  Ion 


pour  ceux  de  U  Relig.  3  î^ 

peie  auoit  donnée  à  fes  fu jets  en  ce  qui  eft 
de  leur  religion^ny  rien  changer  en  Tefta- 
bliflement  qu'il  auoit  fait  par  fon  Edid. 
Car  premièrement  le  Roy  ibn  père  layât 
fait  ferfetuçl  &  irreuocable  »  &  lUy-mefme 
à  fon  aduenemet ,  Se  depuis  à  diuerfes  fois^ 
l'ayant  confirmé  comme  tel ,  ainfi  qu'il 
eftoit  Prince  généreux ,  il  a  creu  que  la 
fouucraineté  indépendante  de  fa  Cou- 
ronne >&:  la  puiffance  illimitée  de  fa  Ma- 
jcfté  ne  le  difpenfoit  pas  de  l'obligation 
de  fa  parole ,  &:  de  fes  promefles ,  en  l'ob- 
feruation  defquelles  Dieu  mefme  met  vne: 
notable  partie  de  fa  gloire  &  de  fa  gran- 
deur. Car  bien  qu'il  foit  infiniment  plus 
efleué  au  delTus  des  Rois ,  que  les  Rois  ne 
le  font  au  defliis  de  leurs  fujets.  Se  que 
quand  il  manqueroit  aux  conuentions  de 
fes  alliances/es  créatures  pourtât  ne  pour- 
r oient  l'en  tirer  en  iugement,  fi  eft  ce  que 
plus  il  eft  grand ,  plus  eftime-t'il  qu'il  luy 
Gonuient  d'eftre  iufte ,  &:  par  confequent 
exaâ:  à  l'exécution  de  ce  qu'il  a  promis, 
quâd  vne  fois  il  a  engagé  fa  parole.  Apres 
cela  Henry  le  Grand  ayant  eftimé  qu'en 
l'obferuation  de  cette  fienne  ordonnance^ 
confifloitle  principal  fondement  de  V'umonde 
fes  fffjets ,  de  la  tranquillité  &  dn  repos  de  fon 


jiè  jipologic 

Bfidtyë'dejon  reJtabUllement  cnfapremien 
fplendeur ycommt  le  Roy  fon  fils  eftoit  pru- 
dent 5  il  a  bien  apperceu  qu'il  en  eftoit  vé- 
ritablement ainfn  &:quele  danger  eftoit 
euident 5  fi Ion  renuerfoitce  fondement, 
de  rejetter  le  Royaume  dans  les  anciêne^ 
diuifions ,  &  de  Texpofer  en  proy  e  à  Tam- 
bition  eftrangere.  Enfin  il  auoit  reconnu 
que  le  zèle  de  religion,  qui  auoit  porté  fes 
predeceffeurs  5  ou  à  n'accorder  rien ,  ou  à 
rompre  les  Edids  qu'ils  auoient  accordez 
aux  Reformez,  auoit  apporté  fans  compa- 
raifonplus  dédommage  à  la  pieté  en  gê- 
nerai, &:  mefmes  en  la  religion  qu'ils  pro» 
fcffoient ,  que  d'affoibliflement  &  de  di- 
minution à  celle  qu'ils  vouloiêt  efteindrc- 
Car  outre  que  chacun  fçait  que  les  guerres 
ciuiles  produifent  la  licence  &:  le  débor- 
dement en  la  vie,  &  la  profaneté  ôc  Tirre- 
uerenceauxchofes  diuines,  &:  qu'en  s*ef- 
forçant  d'étouffer  la  religion  d'autruy,  on 
s'accouftume  à  mefprifer  la  fienne  propre: 
la  Romaine  n'eftoit  aucunemct  pratiquée 
où  les  Reformez  eftoienÉ  les  plus  forts,  &C 
où  ils  ne  Teftoient  pas,fi  n'eftoit-elle  exer- 
cée finon  auec  ttouble  pc  incommodités 
par  tout  où  ils  pouuoiêt  porter  le  tumulte 
de  leurs  armes.  Commç  donc  ce  Prince 

;      cftoic 


^Ur  ceux  de  la  lielig.  3 it 

ieftoit  fingulieremenc  deuotieux  en  fa  cré- 
ance ,  il  a  creu  que  pour  le  bien  &c  l'auan- 
tagc  de  l'Egliie  Romaine ,  il  falloit  laifler 
cette  liberté  à  la  Reformée  en  fon  Royau- 
me.Et  nous  voyons  que  depuis  la  Régence 
de  la  Reyne  5  le  gouuernement  de  TEftat 
roule  toujours  deffus  les  mefmes  maximes 
dVn  train  égal  :  ce  qui  a  maintenu  les  fu- 
jets  du  Roy  en  vne  parfaite  vnion ,  con- 
lerué  robeiffance  qu'ils  doiuêt  à  leur  fou- 
uerain  5  &:  donné  le  moyen  de  continuel: 
les  grandes  ^  glorieufes  coriqueftes  que 
le  feu  Roy  aiioit  commencées.  Quant  à  ce 
qui  eft  des  Magiftrats  inférieurs  ,  il  me 
femble  qu'ils  doiueht  régler  toute  leur 
conduite  en  cet  égard  ;,  par  ces  deux  ou 
trois  penfces.  LVne  eft?  qu'ils  doiuent  pre- 
fumer  que  fi  Dieu  les  auoit  appeliez  prei 
de  la  perfonne  des  Rois ,  pour  auoir  part 
enleursconfeils,  ilsauroient  les  mefmes 
confiderations  que  ceux  qui  ont  les  pre- 
miers confeillé  ces  Edifts  y  8c  qui  mainte- 
nant encor  les  entretiennent.  Ny  les  Po- 
tentats ,  ny  leurs  Miniftres  ne  font  pas 
moins  deuotieux  qu'eux ,  8c  leur  zèle  ne 
feroit  pas  moins  véhément  ,  fi  d'autres 
égards  n'en  temperoient  l'ardeur  8c  la 
violence.  Puis  donc  qu'ils  ont  foufFert  que 

X 


|ti  jifiûlogie 

ces  ï2Li{om  d'Ëftat  y  apportaflent  de  la 
modération ,  &:  que  depuis  que  leschofcs 
ontefté  ainfi  eftablies  par lauthorité des 
loix  publiques ,  ils  ont  eftimé  que  leur  foy 
y  eftoit  engagée ,  &:  qu'ils  ne  la  pouuoient 
violer  fans  fleftrir  leur  propre  gloire,  &: 
tetnir  eh  quelque  façon  le  luftre  de  leur 
grandeur  ,  Us  autres  doiuent  volontiers 
reueftir  les  mefmcs  fentinlensjôc  he  pren- 
dre point  àdes-honneurde  fe  conformer 
aux  grands  exemples.  La  féconde  eft,  que 
comme  ils  ont  deux  relationsJVne  de  Ca  » 
tholiques  Romains  j  ce  qui  regarde  le  fer- 
ûiee  qu'ils  penfent  deuoir  àDicufelôleur 
pfofeflîon;  l'autre  d'Officiers  du  Roy  >  ce 
qui  concerne  le  feruicc  qu'il  faut  qu'ils  luy 
rendent  en  l'adminiftration  de  leurs  char- 
ges: comme  ces  deux  relations  font  fort 
diftinftes  j  aufli  en  doiuent-t'ils  tres-foi- 
gneufement  diftinguer  les  foiiaions  &:  les 
opérations.  Car  quant  à  la  premierejqu'ils 
ày ent  à  la  bonne  heure  toute  la  ferueur  de 
!2ele  qui  fe  puiffe  imaginer,  &  qu'ils  efcou- 
tentles  exhortations  de  ceux  qui  lesy  en- 
flamment. Peut-eftre  quel'EfpritdeDieU 
les  illuminera  quelque  iour  autrement,  6^ 
quand  ils  feront  autrement  efclairez>  ils 
porteront  cette  yehemcncé  de  leur  pieté 


V 


pour  ceux  de  U  Kel'tg,  J i  j 

fur  d'autres  meilleurs  objets  cjue  ceux  cju  q 
lcurprefenteordinairement5&:  dont  ils  ti* 
reront  plus  de  cpnfolation  pour  leurs  con- 
fciences.  Mais  tant  y  a  entant  qu'ils  fonç 
Catholiques  Romains ,  ils  font  perfonnes 
particulières,  hc  par  confequent  cette  de- 
uotionnedoit  pas  aller  plus  auant,  finon 
d  ouir  quant  à  leurs  pçrfonnes  les  Méfies 
bien  diligemment:  5  de  vacquer  aux  Ser-^ 
mons  affiduellementjdaflifter  aux  Pro«- 
ceflions  aueçfoin  >de  communier  le  plus 
fréquemment  qu'ils  pourront  5  &:  de  pour- 
uoir  à  ce  qu'en  leurs  maifons  la  mcfme  de- 
uotio  règne  entre  leurs  dompftiques.  Mai$ 
quant  à  la  féconde ,  ils  ne  doiuent  dans  les 
fondions  qui  en  dépendent ,  regarder  à 
autre  chofç  qu  a  la  volonté  du  Souuerain^ 
comme  elle  eft  déclarée  en  fes  Edifts,  afin 
de  s'y  conformer  exadement  en  toutes 
occurrences.  Car  quand  il  ne  feroit  point 
àprefupofer  que  s'ils  auoient  efté  appeliez 
au  Miniftere  de  l'Eftatjilsfe  laifferoient 
conduire  aux  mefmès  raifons  qui  ont  in- 
duit ces  grands  Rois  à  les  nous  donner ,  ce 
n'eftpas  à  leursOiRciers  à  iuger  des  mo- 
tifs qui  les  y  ont  portez,  ny  à  prétendre  de 
corriger  par  les  mouuemens  de  leur  pieté* 
|çs.  fautes  que  \^  prudçcç  Politique  auroi^ 


.; 


8^4  apologie 

fait  commettre  contre  la  Religion  R©!^ 
maine.S'il  y  en  a  quelqu'vne  en  cette  con^ 
duite,c  eft  aux  Rois  à  en  refpondre  deuant 
Pieu  .  Qu^nt  aux  Magiftrats  inférieurs,, 
lors  qu  il  taudra  comparaiflre  en  iugemét 
deuant  noftre  Seigneur  :,  pour  vendre  rai- 
fon  de  leurs  adions en  cette  qualité,  on  ne 
leur  demandera  pas  s'ils  ont  çfté  grands 
zélateurs  de  la  Foy  de  Chrift  \  car  cela  re- 
garde la  relation  qu'ils  ont  en  qualité  dç 
perfonnes  particulières:  mais  s'ils  auront; 
efté  fidèles  diTpêfeteurs  de  ce  que  le  Prince 
leur  a  commis,  pour  redre  la  iuftice  a  tous 
fes  fujets,  felp  les  règles  qu'il  leur  en  auoit 
données.  En  quoy  s'ils  ont  pluftoll  fuiuy  U 
fuggeftion  de  quel  ques-vns,  dont  le  zelç 
eft  inconfideré,feditieux  &:  turbulent,  que 
la  volonté  du  Souuerain ,  comme  elle  eft 
expliquée  en  fes  loix,  affeuréme^t  ils  n'en 
remporteront  point  de  contentement  de 
deuant  le  grand  &  vniuerfel  luge  du  mo- 
de. La  troifiefme  finalement  eft,que  les 
Officiers  de  ludicature  ne  font  point  inr 
ftallezen  leurs  charges  qu'ils  ne  preftent 
ferment  folennel  de  iuger  félon  les.  Or- 
donnances des  Rois,  &:de  fuiure  leurs  vo- 
lontez  en  l'adminiflration  de  k  iuftice  en 
toutes  chofes.  Or  chacuri  fçait  quelle  eft 


pour  ceux  de  U  Relig.  3^5 
l'obligation  du  ferment,  &:  comment  elle 
doit  eftre  abiolument  inuiolable.  Certes 
çeluy  qui  fous  prétexte  de  pieté  enucrs 
Dieu  en  ce  qui  regarde  la  Religion,  viole 
le  ferment  qu'il  a  tait  au  Roy  en  ce  qui  eft 
de  fon  feruice  ôc  de  la  côduite  de  fon  Eftat, 
cettuy-là  ne  fert  ny  Dieu  ny  le  Roy ,  &; 
commet  vn  crime  digne  de  punition,  tant 
de  la  part  de  fon  Souuerain  en  ce  fiecle 
icy,  que  de  celle^  du  Souuerain  des  Souue- 
rains  en  l'autre.  Enfin ,  pour  ce  qui  eft  des 
peuples ,  ils  ont  aufîi  deux  qualitez  ;  l'vne 
de  Chreftiens,6c  l'autre  de  fu jets  du  Prin- 
ce. Quant  à  l'vne,  ils  font  obligez  de  viurç 
conformément  aux  loix  de  Dieu,  félon  la, 
connoifTance  qu  ils  enonti  quant  à  l'autre, 
ilsfont  tenus  de  fe  comporter  conformé- 
ment aux  loix  de  l'Eftat ,  côme  elles  y  ont 
efté  publiées.  Fuis  doc  que  les  loix  de  Dieu 
font  qu'ils  deftrampent  tout  leur  zcle  en 
debonnaireté  &:  en  charité ,  &:  que  les  loi^ç 
du  Prince  font  qu'ils  repriment  leurs  paf- 
fions  par  la  çonfideration  de  la  paix  com- 
mune, &:  par  lerefpedquils  doiuent  à  fa 
volonté ,  tant  s'en  faut  que  les  paroles  in- 
iurieufes,&:les  traittemens  violents  leur 
puifTent  eftre  permis,  s'ils  veulent  auoir  U 
louange  de bqs  fujets  ^  de  bons  FrançoiSj^ 

X    iij 


^i6  Jlpologie 

que  mefmes  ils  ne  fçauroicnt  çflrc  bons 
Çhreftiens  ,  s'ils  ne  banniffent  de  leurs 
cœurs  toute  auerfion  contre  nous  :,  &:  s'ils 
ne  nous  portent  vne  afFcftion  véritable- 
mçnt  cordiale.  Nous  les  en  fupplions  donc 
tres-affe£tueufement3&:les  en  conjurons 
par  la  bonté  de  lefus-Chrift ,  par  les  en-, 
trailles  de  fa  charité,  par  la  gloire  de  fa  vé- 
rité, par  le  précieux  depoft  de  fa  paix>qu'il 
^  laifTé  à  fes  Difciples  autrefois.  Se  par  l'in- 
Gomparable  douceur  dont  il  leur  a  donné 
le  patron  en  fa  conuerf^tion  en  la  terre» 
Neantmoins  fi  nous  ne  pouuons  obtenir 
qu'ils  fe  monftrent  véritablement  Çhre- 
ftiens enuers  nous  par  les  effets  de  leur  hu- 
manité ,  c'eft  à  nous  à  nous  efforcer  de 
nous  monftr^r  tels  enuers  eux  par  tous, 
offices  de  charité ,  Se  par  vne  inuincible 
patience.  Car  noftre  bon  maiftre  nous  a 
commandé  que  np.us  aimions  nos  enne-. 
mis  5  que  nous  beniffions  ceux  qui  nous 
rnaudiflent ,  que  nous  faffions  du  bien  à 
ceux  qui  nous  haïffcnt.  Se  que  nous  prions 
pour  ceux  qui  nous  perfecutent  Se  nous 
courent  fus.  C'eft  ainfi  qu'il  dit  que  nous 
ferons  voir  que  nous  fommes  enfans  de 
noftre  Père  qui  eft  aux  Cieux ,  Se  que  nous 
reprefenterons.  l'image  de  cette  diuino 


pour  ceux  de  la  Kclig^  Ji^ 

iperfedion  de  charité,  dont  il  nous  four- 
hic  l'exemple. 

F  I  N. 


iAP  PR  OBAT  10  N. 

Cette  Ap9Î0gi€  a  efié  veuë  &  approuttée  par 
^ejjîeursde  la  C antinuye  &  ^ acher  ^  Pafienrs 
des  Eglifa  de  Bauge  (^  ds  Vlfie  Bouchard  ^  Coin- 
miffaires  ordônezfoar  les  linres  de  \eligi@n  en 
Sftte  Prouinee. 

TABLE. 

DEjJein  de  VOuuragey  f^^'^« 

SeBJ.^uefi  on  confidereceux  de  la  Re^ 
ligiôn  dans  les  deuoirs  auf quels  ils  font  obli- 
gez enuer  s  les  autres  entÂnt  qu  hommes  y  ils 
nej-ont  dignes  de  l 'auerjion  de  qui  que  ce  [oit  i 
pjig.  II. 
SeÛ  JI,  ^efi  on  conjidere  ceux  de  U  Reli^ 
gion  dans  les  deuoirs  auf quels  ils  font  obli-^ 
gez  énuers  le  Roy  ^  l'E^ati  entant  que 
François ,  ils  ne  font  point  dignes  detauer-" 
fion  de  qui  que  ce  fit  y  pag.  3  8  ♦ 

Seii-  III,  ^ue  fion  conftdere  ceux  de  laRe^ 
ligion  en  qualité  de  Chreftiens ,  ils  ne  méri- 
tent l'aucrj^on  de  qm  que  ce  fit.  Etpr^mk-^ 


Table. 

Ytment  a  l'ejgard  des  créances  quon  leur 
impute  contre  vérité i  pag,%%. 

Secf,  I V^  £lueji  on  confidereceux  deU  Reli^ 
gion  k  Cefgârd  des  chofes  quils  ne  croyent 
fas^  ils  ne  méritent  point  d  auerfion.  Etpre- 
mierement  touchant  l 'inuocation  des  SaintSi 
r adoration  des  Images,  dr  le  Purgatoire ^ 
pAgAi^, 
Se5f,  V,  ^epour  ne  croire  pas  nylaTrans- 
fubflanttation ,  ny  le  facrijice  de  la  Meffhi 
ceux  de  la  Religion  ne  méritent  point  l 'auer- 
fion  de perfonne,  p.\6^, 

Se5t.  Vl.^hte  ceux  de  la  Religion  ne  font  point 
dignes  d^auerjion,  ny  pour  ne  déférer  posa 
V authoritède  VEuefc^ue  de  Rome  comme  tl 
le  veut ,  ny  pour  s  eftrefeparez  de  la  commu- 
nion de  l 'Rglife  R omaine,  p.i^t, 
SeCi,  Vil,  ^u^en  ce  que  ceux  de  la  Religion 
,    croyent  effcRiuement ,  ils  ne  font  dignes  de 
l^auerfion  de  perfonne  ^  au  contraire 3  quils 
doiueteftre  tenus  pour  bos  Chrefiiens,p.ii%. 
Se^.  VI  îl>  ^tticeque  ceux  delà  Religion 
font  en  leurs  exercices  de  pieté,  en  confequen  - 
ce  de  leurs  dogmes^  il  n y  arien  qui  mérite 
qu  'on  ait  aucune  Auerfion  pour  eux  y   p.1%1, 
Conclufioni  P'}^3' 
FIN. 


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