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x'
Division :SCo
Section
I
APOLOGIE
PO VR
CEVX DE LA
RELIGION.
SFR LES S FI ET S D'AFER:.
fion queplufeurspenjènt auoir contre
leurs fer formes O'kii'i'' créance.
Par MOYSE 'ÂMYRAVT.
Se vendent à Charenton,
ParSAMVELPETiT, Marchand Librai--'
. re , demeurant à Paris dans la court
du Palais, à la Bible d'Or.
M. DC XLVIIL
MONSIEVR
MONSIEVR
SARRAV^
CONSEILLER
DV ROY EN SON
PARLEMENT.
ONSIEFR,
Je crains aucunement
que ceux entre les mains de qui cette
apologie tombera , n'y trouuent d'à-
*<^.
È P I s T R È.
tord aeu)é choies njn peu efirangti.
L'vne 3 quejlant exl?re0ment drejîéé
four diminuer l'auerjton que tant de
gens ont contre nous ^ elle fort d'^vn
lieu oU nous en expérimentons beaucoup
hîoins que plufeurs de nos frères ne
font ailleurs y ç^ou nom ioiitjjonsd'njne
grande paix^ par la prudence & par la
generojîtê de ceux qui nous gouuerndnt.
L'autre :, qu'ejiant particulièrement de-
Jlinee a nous rendre les J\/] agijlrats équi-
tables dans les Prouinces^, te la "vous dé-
die^ M Ô N s I E V R ;, qui faites partie
de cet augufle Parlement:, dans V équité
auquel nous au6ns accouflumé de troU-
uer du fupport ^ lors quon nous fait de-
fa delà quelques traittemens peu fauo^
râbles. Car il Çemble que cette forte
d 'Efcrtts contienne quelque tacite plainte
de ce quon a befoin de les publier. Or
les plaintes ne font pas jeantes en U
bouche de ceux qui en ont peu defujets
E P 1 s T R E.
&f quelque raison nous induit 4 nous
interejfcren ce qui touche nos frères ^ an
pejit dire que nous deurions plufioji nous
addrejpr aux autheurs de leurs mefcon-
tentemens ^ pour leur ojîer les mauuai^
fes imprefjions quils ont contre nows ^
ÇjT leur en donner de meilleures. Mais
ïefjere pourtant , M ON s l E v R ^ ^^e
quiconque prendra la peine de lire ce
petit ouurage y fe delmrera aisément de.
cet eflonnement par ces confiderations.
Tous ceux de la Religion qui font en ce
Royaume ne conflituent qu^n mefme
corps , en qui le def^laifir de chacun
de fes membres efi jenfihle 4 tous les
autres. Comme donc il arriue au corps
humain , que quelques-fois la partie ou,
efi le fege de la douleur ^ efi fort ejloi^
gnée de celle d'où fortent les gemijjè^
me^s t0 les fou^irs , & neantmoins
tant s'en faut quon blafme en cela
Vmfiitution de la Nature , quon
a iii
E P I s T R E.
admire la fdgejje de Jbn autheurj qui lu\
a donne ces ient'imens : fi quelques-vns
de nos frères ont occajion de Je plaint^e
en des lieux Jèpare:(^ de notis j on ne
doit nullement trouuer mauuais que la
communion d'njne meCme foj nous en
infpire la Jympathie. Quant a nous^
bien que par la grâce de T>ieu nous
ayons tout Jujet de nous loiier de /V-
quité du gouuernement fous lequel nous
"viuons y nous fçauons pourtant quelle
efl quajtpar tout V inclination des peu^
pies y & que Jt Vauthorité Jupeneure ne
ta retenoit ^ icy comme ailleurs nous
ej^rouuerions te dejaduantage qu'il y
a d^ habiter parmy des gens mal affe-
élionne:^ , quand la balance nefl pas
^fgale, C'efl pourquoj fi outre la con^
duite de noflre vie^ dont ceux auec qui
nous conuerjons ont leurs jeux mepnes,
pour tejmoins _, nous tafchons de les in-
former de la pureté de noflre créance ^
E P I s T R E.
4e l'innocence de nos pntimens j nous
le faijons & par deuoir & par intc^
refl. Car nous fommes oblige:^^ de leur
donner ^ Pil ejl pojjible ^ quelque tein-'
ture de la ^vérité ^ & nous a^er mirons
far ce moyen dauantage nojlre repos y
quand ils n auront plus cette mauuaiji
opinion de nojlre Religion , qui leur
donne quelque haine couuerte contre
nos personnes. Pour ce qui ejl de 'vous 3,
Mo}!isîEYKyfoit que l'on vous con^
Jidere en la dignité que "vous pojjede"^^
ou bien en la profejfton de Religion que
vous faites^ cet Ecrit ne pouuoit ejlre
mieux adreJSé qua vous, en ce premier
ejgard ceji non tant vne plainte des
dèportemens d'autrujj ny vne iujlifica^
tion des nojlres^ <^ de la Foy que nous:
fuiuons j quvne aBion de grâces quet
nous rendons en vojlre personne a cette
iUuJlre Cour dont vous ejles membre y
de ce que par Vauthorité de Ces Arrefis^
a iiij
E P I s T R E.
eUe a diuerjes fois corrigé ce qu'il or
peut: auoir eu d'excejjîf dans le :^ele
des autres luges. En ce fécond j s il y,
d quelquojn des Sénateurs qui la com^
fojent j qui dejïre d'eflre efclaircy de U
fincerité de noi pensées y pour en ejlre
d'autant plus enclin a nous rendre iu.^
fiice aux occajions ^ le crédit que ^vofire,
rare njertu nj-ous. donne entre eux ^ ad-^
jouficra beaucoup d'cjjicace aux chojes
que ie repre fente . j4 la ucrité njojlre
Jïnguliere (uffifance :, & la parfaite co-
gnoifjknce que ^ous aue^ de ce qui ejl
de nofire profejjion ^ nauoient point
bejoin d'eflre aidées de ma méditation ^
pour donner de bonnes opinions de nous
dans les occurrences. Auffl ne me fuis -^^
je nullement proposé de njous wflruire-
tn rien de ce qui j peut contribuer ;po^r-^
ce que njos cognoijTanccs paffent bien,
loin au delà de ces réflexions toutes
firnples & populaires . Je njcux di^t^.
Epistre.
fenlement c^ue ^ojlre nom peut donner
beaucoup d'accès a cet Ouurage ^ 'vers
ceux mil efl expédient que nous in-
formions plus exactement de nos crean^
ces & de nos inclinations ^ & que la
réputation de voflre rare probité efl ca-
pable de nous mettre bien en Vefj^rit de
ceux qui pounoient auoir eflé preuenus
de quelques mauuais preiuge:^^ par nos
aduer [aires. Ouoy cm il en foit^ il im-
porte que l'on jçâche^ que comme "vous
efles absolument de mefme créance auec
les Miniflres de la Religion que vous
projvjjè^ ^ dans la doÛrine de la Foy y
les Afinijlres font entièrement de mej^
me opinion auec "vous en ce qui efl dpù
Politic j, & àe Voheifpince que les Ju^
jets doiuent à leurs Princes, En Vnjn
il efl manifefle que ce nefl pas tant le
jerment -^ l obligation de njos charges ^
qui vous attachent , vous ^ ces autres
aji'. ejfieurs qui font dç noflre Religion^ *
E P I s T R E.
ilans les Parlemens ^ au feruice de pt
Jidajejlé^ que le lien de U conjcience ç^
le génie de U Foy que nous njous fre ju-
chons y puis que vos jentimens ^ les
noflre s y p)nt conformes. En b autre il
faroifi que ceji U cognoijfance de la
vérité y ^ non aucun interefl de no--
ftre condition , comme quelques-'yns Je
Vimaginent j qui nous ajjeaionne aux
4ogmes que nous 'vous annonçons dans
la matière dujalut j puis que 'vous en
çftes perfuade-^comme nous^& que vous
y perjeuere-^jt conjiammcnt.quoy qu'au-
cune des raijons du monde ne vous y
arrejle. Mais quand ie mettray tou-
tes ces conjtderations à part ^ il me
Jèmhle que l'ay grande occajion d'ail-
leurs de conceuoir vne confiance bien
certaine ^ que vous prendre-;^ en bonne
fart ce mien dejjèin de mettre vofire
nom fur le jront de ce petit labeur^ cJr
^quc tout le monde l'approuuera , bie%
Epistre,
que les autres caufes que len ay luy,
furent entièrement incognuès. C'^fi
que neujfe-je point tant de tefmoignages
de r honneur de njoflre bonne volonté y
njojlre exemplaire pieté , 'vojlre fçauoir
eminent , cognu dedans O* dehors le
Koyaume ^ & le rejle de "vos excellen-
tes vertus y me conuieroient a donner
quelque tejmoignage au public que l'en
fais vne ejiime tout à fait extraordi-
naire. Et quand les belles & grandes
qualité'^ que Dieu a miÇes en vous^
nattireroiént point fi puijjamment
mes rejj>eâis , cette tendrejjè d '^ffc-
clion dont il vous plaijl me fauorijèrj
m'oblige ^ fi ie ne veux eflre ingrat ^ a
vous en faire vne folennelle reco^
gnoijjance Receue:(^là donc ^ s'il vous
plaifi ^ M o N s I E Y R , du mejme
ail duquel vous aue'^ accoujlumé de
voir [on autheur, -^ continue';(^de croire^
comme vous aue:^ fait depuis que i'ay
E P I s T R E.
le bien d'ejire cognu de vous ^ au il nj
^ perfenne qui fajjè des vaux plus ar--
dens que t'en Jais à Dieu pour vojlre
entière proj^erité , ny qui foit plm m-
uioUhlement ^
MONSIEYK.
io^r' ^T7' '' Voftre trcs-humble &
lour de Palcjuc^ ▼ '^ -^
^^47» très - obeiflant 1er-
uiteur,
AMYRAVX :
, Sfe îfë» (???) Vf? --ÏV fte -ate -r^?' .-^fei '-^ -•'♦ r^-ys /^ -5^
g». *|^ ^ ^ ^ y^ ^ «a «^ «r^ «^ 4^ ^ é>^ VJgk- ^
^DVEKTI SSEMENT.
^^Ommç rappelle ordinairc-
\^mcnc en cette Apologie ceux
de noftre communion, les Refor-
mez , auflî Remployé fouuent ces
mots de Catholiques Romains , &c
quelquesfois celuy de Catholiques
tout feul , pour fignifier ces Mef-
iîeurs de la communion de Rome.
Si Ton prenoit ces termes autremét
que comme des noms, par lefquels
on defîgnc ces deux communions
différentes, & fi l'on y auoit égard à
la qualité pour laquelle ils ont efté
premièrement attribuez chacun à
fonfujet, ily auroit de la contradi-
dion en IViage de ces deux appella^
tions. Gar celle de Reformez figni-;
Aduertijjement.
îîëlaprofefïîondeceux qui ont rc-
purgé la Religion de ce dont la cor-
ruption du temps Tauoit alterne.
Et quant à celle de Catholique 5 elle
fut premièrement appliquée àTE-
glile Chrefticnne , pour la diftin-
guer d'auec la ludaïque , pource
que le Chriftianifme n eft affecté à
aucune particulière nation^ & doit
courir par tout 1* Vniuers. Mais de-
puis on s'en eft feruy pour diftin-
guer les Orthodoxes d'auec les Se-
ctaires, qui s'eft oient feparexde la
communion de cette Eglife à qui
le Symbole audit , comme il y a
apparence , le premier donné ce
nom. Ainfi ce feroit mal à pro-
pos que i'appcUcrois les vns Or-
thodoxes, éc les autres Reformez :
pource que la Reformation pre-
fuppofe qu'on a dégénéré de l'Or-
thodoxie, & fi elle ïuft demeurée
Jlâuertijjemeni.
en fon entier en l'Eglife^ il n'euft
pas efté neccflaire de la reformer.
Mais déformais ce nom de Catho-
lique a paflfé en vn tout autre vfa-
ge, & ne fîgnifie rien autre chofc
nnonceux qui font profelïion du
Chriftianifme ^ tel qu il eftoit en
r Europe auant la prédication de
Luther: comme on employé celuy
de Proteftans & de Reformez, pour
dénoter ceux qui le profefl'ent tel
qu'il eft en la communion laquel-
le s'eft feparée d'auec Rome. Et
n'y a rien de fî ordinaire que de
voir ainfî pafler les noms d Vne li-
gnification à lautre 5 ny rien de fi
indiffèrent que leur vfage quand
Vne fois le temps&lacouftumeen
ont authorifé le changement- l'ap-
pelle donc Meflîeurs de l*Egli(e
Romaine Catholiques,comme plu-
fieurs honncftes gens d*cntre-cux
AâHertijJcment.
nous nomment ceux de la Reli-
gion ; & ne feroit pas raifonnable
que nyeuxny moytiraflionsauan-
tagedece refpeâ: ou de cette ciui-
lité , pour le fonds de la Contro-
uerfe. Pleuft à Dieu que nous ne
fufïîons en difpute que des noms:
ceux qui font de bon fcns ont tou-
jours remarqué qu'ils ne font du
tout rien aux chofes.
APOLOGIE
POVR CEVX DE
LA RELIGION.
Sur les Jkjets ctauer/ton que plufieurs
penpnt' auoir contre leurs perfon-'
nés & leur créance.
DESSEÏN DE L' OVVRAGE,
lEN que par là grâce de
Dieu , &: par la bonté de
nos Rois 5 tioftre condition
foit mcrueilleufement dif-
férente de 1 eftat auquel
eftoyent les Chreftiens autrefois , lots
que luftin Martyr ôc TertuUian écriui-
renc leurs Apologies, finelaiflbhs nour
A
z ^polûpd
pas d^ertfe hcccflitez par 1 auerfiori que
beaucoup de gens ont contre nous , d en-
trer en quelque iuftification de nos de-
portemens &c de noftre créance. Car il eft
bien vray quenousviuonsen paixfoubs
la proteâiondesEdiûsde noiîreSouue-
rain > 8c que la Reine fa mère, depuis qu-
elle a le gouuernement de TEftat entre
les mains > a toufiours de fa grâce déclaré
qu elle vouloir qu'ils fulFent ponftuelle-
ment entretenus. Nofleigïieurs de fon
Confeil fécondent ordinaireract fes bon-
nes intentions > Se nous aurions tort fi
nous ne recognoiflioils qu'en diuers lieux
la douceur &c Tequité des Gouuerneurs, Se
la iuftice des Magiftrats nous donnent
plus de fu jet de nous loiier d eux , que de
nous plaindre de la feuerité de leur con-
duite. Gomme la Noblefle a d'ordinaire
lesfentimens éleuez Se généreux , il y en
a grand nombre de cette condition , qui
fans s'arrefter à la difFerêce des religions^
eftiment Thonneur &c la vertu par tout
où elle fe rencontre. Èc généralement
ea toutes fortes de profefTions il fe trouue
far tout d'honneftes gens, que non feu-
lement la diuerfitc de la créance n'empef-
pour ccHx de h Kelip |
chc pas de viure aUec nous ciuilcment,
mais de la bonne volonté de qui nous
pourrions bien nous affeurer dans les oc-
currences les plus importantes. Mais
neantmoins il ne fe peut pas nier qu'il ne
fe rencontre quantité d'occalions^où le
traittement que nous recelions de la part
de quelqucs-vns de ceux à qui ladmini-
ftration des chofes publiques a efté com-
inife, porte des marques indubitables de
ia mauuaife d/fpofition de leurs efprits en
nofire endroit. De forte que les bonnes
Volontez de fa Majefté , qui font comme
autant de douces 3c fauorables influences,
qui deuroient fe refpandre en toutes les
parties du Royaume oii nous en auons
befoin , font interceptées auant qu'elles
viennent iùfques à nous, ou ^u moins teL
lemcnt altérées &: débilitées parla mau-
uaife conftitutlon des efprits par Icfquels
elles ont à paffer, qu'elles ne produlfent
pas à beaucoup prés tous les effets aul-
quels elles font deftinées. En effet , foie
qu'il s agiffe des chqCes qui r^ous ont efté
odroyées par les Edids^nous trouuon^
affez fouuent des difficultez très cqnfide-
ra,blesà les obtenir,?c.n^efmesquelques-
fois des oppofitions &: des embarras qui
nous font entièrement infurmontabjes^
Soie qu'il s'agifle de celles qui peuuenc
eftre communes àtouslesfujctsduRoy,
la différence notable qu'on y met à no-
ftte defaUantage entre les Catholrques
Romains &:nous, en vne infinité de ren-
contres 5 eft vne prcuuc trop authentique
de la haine que nous portent quelques-
vns de czs Meffieurs? à qui la putfTance
fouueraine a remis, l'a difpenfation de
quelque partie de fon authorité. Q3nt à
ce qui regarde les peuples en general>
comme ils ont accouftumé d'eitre plus
extrêmes en toutes chofes , ôc de felaiffer
emporter à leurs mouuemens auec moins
de drconfpeftion , ils defcouurent pour
la plufpart, où les occalîons s'enprefen-
tent 5 vne fi mauuaifé inclination contre
nous, que fans la proteûion de fa Maj efté,
&: fauthorité des Gouuerneurs , &: la re-
tenue des Magiftrats, nous aurions fans
doute beaucoup à fouifrir de ce cofte là.
Or fçauons nous fort bien qu après la bon-
ne Prouidcnce de Dieu,qui tient les cœurs
des Grands 8c des petits en la main, le plus
efficace remède que nous puiflions appor-
pour ceux de ldl\elig. y
teràcemahdefpend de noitrepcatience,
& de la tranquilké de nos efprits. Néant-
moins , nxffant aucunement à prefumcr
qu'en des hommes en qui l'on void d'ail-
leurs tant de belles propenlions à l'cqui-
té , il fe rencontraft de fi mauuaifes dii-
polîtions en ce qui nous concerne y s'ils
n'eftoient imbus de fort iinifties préju-
gez contre nos perfonnes , &: contre 1^
Religion que nous profeffons, il efctoii-
jours iufte^r^ifonnable,^ mefmesau-
çunefois abfolument nccelTaire 5 que
nous tafchions de les informer' autre-
ment. Ec quoy que depuis yn peu plus de
cent ans qu'il y a qu'on commence à par-
ler de nous en ce Royaume 3 nous ayons
effayé de le faire par vne infinité deicrits.
de différentes façons , fi eft-ce que le
mal ne fe gueriffant point entièrement,
&: mefmes fe renouuellant de temps en
temps en diuers fymptomes ? i'ay creu
qu'il ne feroit pas inutile que ie con-
tribuaffé aufli quelque chofe de ma parc
à le diminuer. Ce n efl: pas que ie doi-
ue auoir cette opinion de moy que ie
puiffe produire quelque choie 5 ou qui
n'^it point eljé dite pat ceux qui nous;
Ç apologie
ont deuancez , ou qui fortant dz ma
plum^ puifîe auoirpU^s d efficace que U
leur ne luy en a peu donner. Il eft forty
parle pafle tant de beaux tràuaux en lu-
mière, qui pouuoient feruir àcedcflein,
foit qu'on y regarde la profondeur du
fçauoir , ou rexcellence de Téloquence,
que ce feroit trop de prefomption à moy
fi ieme propofois feulement de les éga-
ler. Mais comme c'efl: vn précepte de mé-
decine y quand on s'eft pris à traitter vn
mal 3 de n'abandonner pas fa méthode,
encore qu'elle ne produife pas tout Teffct
que Ton defire , pourueu qu'elle foit fon-
dée en bonne raifon ; auffi eft-ce vne
pratique de la prudence, de ne defifter
pas d'inculquer les mefmes chofes à des
tfprits preoccupezjcncore qu'on n'y reiif-
fiife pas entièrement , pourueu qu'elles
foient conformes à la vérité , &c propres
4 les defabufer de leurs opinions antici-
pées. Joignez à cela que Itsl^iurts ont
leur temps, 8c que pluficurs qui ont efté
bien rçceus au fiecle pafle, font en ceftuy-
cy (îpafi jperis de la connoifsâce des hom-
mes; foit que le changement qui arriue
gàafi iolirnellemeut au langage, nous.
pour ceux de la Re!ig, y
dégouftedes Efcrks en qui nous voyons
trop de marques du ftile de nos ayeuls,
ou qu'il y ait à cette heure quelque air en
la façon non feulement de s'exprimer,
inais de conceuoir les chofes mefmes, qui
leur donne plus d agréement &: de lumiè-
re qu elles n en auoient auparauant. Pour
inoy, bien que ie ne fois pas de ceux qui
fe plaifent extrememer\t aux chofes nou-
uelles 5 &que quand ie ne le dirois pas,
i'ay peur que moneloeutionnefaffe que
trop paroiftre que ie ne m'applique pas
beaucoup à la lefture des Autheurs qui
ont donné à noftre langue la delicateife
Se les ornemens dont les efprits poli$
font maintenant tant de cas j i'efpere
pourtant dreffer cette Apologie de telle
forte , qu'on ne pourra pas dire que ce
ne foit qu Vne fimple répétition de ce
que les autres ont déjà mis en auant. Car
ce n'eft nullement mon intention d'en-^
trer dans l'examen de ces Controuerfes
de religion qui exercent les Chreftiens
depuis vn fi long-temps , & qui bien fou-^
uent ont efté traittées de telle manière^
quelles ont fait vn^fFèttout contraire à
eeluy que ie me profQfe icy : pour ç^
A uij
s Apologie
que iedefirc reconcilier tant que îe pour-
ray les volontez des hommes à ceux de
noftre profefiion, au lieu que le plus or-
dinairement cQ,s çonteftations les irritent.
fit puis , ç'ell vne mer dont vn deflein de
fi petite efteuduè qu'eft le mien , ne fçau-
roit trouuer ny la riue ny le fonds. La fub-
tilité des raifonneme^s y furpafle bien
fouuent la portée des efprits du peuple :
la multitude des allégations dont chacun
des deux partis a accouftumé d'appuyer
fon fentiment , requiert plus de temps à ,
les examiner que les occupations des Ma-
giftr^ts ne leur permettent d'y en don-
ner :&: enfin , la paffion quife melle par
tout fous l'apparence d^ zèle ,6c ledefir
de vaincre qui l'emporte aifez fouuent
pardeffus l'amour dé la vérité , met en
ces difputes tant de ténèbres 6^ deconfu-
fionjquauant queçeuxde l'authorité de
qui nous dépendons a,yent peu venir à
bout de les demefler , les fafcheufes opi-
nions dont ils ont l'efprit faifi>produifent
vne infinité d'effets à noftre dommage. Il
y pourroit auoir vn moyen de refoudre
ces difficukez , qui requerroit beaucoup
xnqinsde temps ,&: dont le fucce^ ferpit;
pour ceux de la Rekg, ^
incomparablement plus certam &c plus fa-
uorable. C'eft que les principales &: plus
fondamentales créances du Chriftianif-
me nous eftant communes à l'Eglife Ro-
maine &: à nous^il ne faudroit que voir
dans les choies dont nous difputons , ce
qui s'accorde auec ces principes , 3c ce qui
ne s'y accorde pas , comme on fait lors
qu'il eft queftion de décider ce qui pour-
roit eftre douteux dedans les autres fcien-
ccs. Car puis que iamais vne vérité ne
choque l'autre 5 au lieu que le menfonse
fouuent fe ruine foy-mefme^S^ ne s'a jufte
iamais auec la vérité j ce quife trouueroit
contreuenir aux dix Commandemens de
pieu 5 à la prière de noftre Seigneur , 3c
au Symbole de fes Apoftres , deuroit eftre
tenu fans difficulté pour rejettable , puis
que nous receuons pour diuines 3c vérita-
bles ces formules de la créance de tous les
Çhreftiens. Mais ons'eftengagéfiauant
dans cette autre manière de dilputer par
authoritez 6^ par tefmoignages , tant des
anciens que des modernes ? qu il n eft pas
aifé de s'en reûrer. I ay donc intention
demonftrer par vne voye beaucoup plus
courte , que foit qu on nous regarde
comme des hommes >&: dans les deupir^
aufquels nous fommes obligez les vns
(cnuers les autres entant que tels ; car ç eft
la première chofe qui doit venir en con-
fideration ; nous ne méritons nullement
lauerfion que tant de gens ont contre
nous. Soit qu'on nous confidere comme
François , Se fujets dVn mefme Prince
f uec tous les autres habitans de cet Em-
pire, il y a quantité deraifons pourquoy
nos plus grands ennemis deuroient yfer
de toute forte d'équité &:deiuftice enno-
ftre endroit. Soit enfin qu'on ait efgardà
la qualité de Chreftiens que nous por-
tons 5 on ne nous fçauroit haïr pour le
Chriftianifme tel que nous le croyons,
fans pécher contre là loy de Chï^ift , Se la
charité de fon Euangile"I'^r comme mon
deflein , Se mon deupir , Se mon inclinar
tion encore me portent à déduire tout ce-
la fans aucune paffion , i'efpere que ceux
entre les mains de qui cette Apologie
tombera,n'en apporteront point non plus
que moy à lire ce que i'efcriray pour la^
iuftification de n^os Eglifeî^.
pour ceux de la R^lig^ u
SECTION I.
^f Jîon conpdere ceux de U Religion
dans les deuoirs aujauels ilsjontobli^
ge':^ enuers les autres entant qu'hom--
mes y ils ne font dignes de ïauerfion
de qui que cejoit.
Ppur commencer par la première de
ces chofes, Thomme a ces deux qua-
lîtez qui le diftinguent d'auec tous les
^nimaux, qu'il eft premièrement raifon-
^able5&: puis après politique ; ce qui vient
en confequencè de la railbn : c'eft à dire,
qu il vfe d'intelligence en ce qu il entre-
prend de faire 5 &c s y porte par la con-
noiflance qu'il a de la nature de fes ob-
jets j&: qu il eft propre à la focieté^ô^de-
ftiné par la nature à viiire en la compa-
gnie des autres hommes comme luy. Otx
ne fçauroit donc raifonnablement rien
defirer denous en cet efgard , pour nous
rendre dignes de l'humanité ôc de la
bonne volonté de tout le mQnde,fin0a
|X uifologie
qu'ci¥ ce qui regarde les fentimens &: la
créance, nous ne tenions &: n'enfeignions
rien qui deflruife les loix de la vertu mo-
rale, de laquelle tous les hommes font
capables par IVfage de laraifon ,ny qui
corrompe cette inclination que nous de-
uonstous auoir à entretenir vneiuftefo-
cieté auec ceux auec qui nous auons à vi-
ure. Et pour ce qui concerne ta pratique
de ces loix de la vertu , ^ notamment
l'exercice de l'équité &;dela iufticcqui
eft la bafe &: le lien de cette focieté: On ne
doit non plus requérir de nous, pour eftre
dignes de Tamitié des autres hommes,
finon que nous conduifions noftre con-
uerfation de fovte qu'on ne puiffe nous
acculer de faire le contraire de ce que
nous enfeignons. Or pour ce qui eft de
noftre créance , quel que foit le refte de la
dodrine que nous embraflbns en matière
de Religion, tant y a que les enfeigne-
mens moraux que nous donnons à ceux
de noftre profeiîion pour modèle de leur
vie , n ont iamais efté blafmez par nos
plus grands 6c plus enuenimez aduerfai-
res, de heurter le moins du monde contre
les principes de U vertu^ J^Ios gen^ om
pour ceux de la Religion, I3
fait des recueils des opiniôs des Cafuiftes,
oùilsoncrâmafTé quantité de chofes qui
fembient contrarier aux fentiméns d'vne
bonne confcience , &: corrompre les fe-
mences de l'honnefteté , 6c de la pudeur,
&: des autres bonnes qualitez que la natu-
re met en nous. Ces Meflîeurs de la com-
munion de Rome, qui tiennent le party
de rVniuerfité de Paris contre les lefui-
tes , ont publié leur Théologie morale, &:
diuers autres lieux communs de leurs opi-
nionsjoii ils les flcftriflent du blafme d'en-
feigner vne infinité de chofes contre les
loix diuines & humaines,&: qui ouurent la
porte toute large a la fraude, à la perfidie,
à la vengeance, à Fauarice , &: à la diflblu-
tion. Mais quant ànousjquoy que nous ne
manquons pas de mauuais amis , qui ne
nous efpargneroient pas s'ils trouuoient
quelque cho£e à reprendre en nous en cet-
te matiere,fi eft-ce que iufquesàcette heu-
re il ne s'en eft trouué aucun qui ait eu af-
fez de hardiefle pour nous imputer rien
de tel. Et véritablement on ne le fçau-
roit faire fans vne extrême impuden-
ce , &: contre toute apparence de rai-
fon. La Parole de Dieu eftant de tous
14 apologie
les Liures du monde celuy qui fan$
comparaifon eft le plus propre à former
les hommes à toutes chofes dignes de
louange^nous lauons expreffement tour-
née en langue vulgaire , &c la mettons
entre les mains mefmes des petits enfans,
afin que toutes fortes de perfonnes y ap-
prennent de bonne heure en quoy la
vraye vertu cc)nfifte,&: quels font les vrai^
motifs qui nous y doiuent porter. Les
Prédicateurs d'entre nous fement tous;
leurs propos particuliers , 8c toutes leurs
aftions publiques d'enfeignemens de
mefme nature , &c bonne partie des le-
çons qu'ils font dans les Académies y ont
cette matière pour fujet. Sur tout ils ne
concluent iamais leurs prédications que
par des exhortations à mener vnevieoù
toutes bonnes qualitez reluifent , de ne
traittent aucune dodrine , pour fublimc
qu elle puifTe eftre, ou pour debatuè qu el-
le foit entre les Catholiques & les Refor-
mez , qu ils ne ramènent aux inftruâions
qui feruent à mener vne vie honnefte, &:
d'où ils ne tirent quelques aiguillons ca-
pables d'y exciter les ^ffeftions de leurs
auditear^. Outre U leûure de la parole
pour ceux de la Helig. ij
deDieu^&rvfage de la Prédication, lé
monde , par manière de dire , eft remply
de liures que nous auoiis faits pour expli-
quer en quoy la vraye vertu eft recom-
manda ble , quels font les commande-
mens que Dieu nous en a donnez : quel-
les les efperaiïces qu'il propofc à ceux qui
s y adonnent : quelles les menaces quil
fait à ceux qui la mcfprifent,& com.bien
la doûrine de 1 Euangile a adjoufté de
poids àcequelaLoy nous en enfeignoit
auparauant. Et ce que i'aydit delà vertu
morale en gênerai ^fe peut dire en parti-
culier de l'exercice de la luftlce, de la-
quelle defpend la conferuation de lafo-
cieté : Car il n y a deuoirs de maris en-
uers leurs femmes, ny de femmes enuers
leurs mafis , ny de pères enuers leurs en-
fans, ny de bons enfans enuers leurs pè-
res , que nous ne prdpofions , Se que nous
ne repreféntions fans celTe à tous ceux
qui les doiuent pratiquer. Un y a ny hu-
manité Se équité des maiftres enuers leurs
feruiteurs , ny refpeft &: obeiifance des
feruiteurs à Tendroit des mairtres^à quoy
on n'induife perpetuellem?.nt parmy
ftousceux en qui il fc rencontre dételles
i6 jij^îogtê
relations. Il n'y a aucun entre nous j de
quelque condition que ce puifle eftre , qui
(oit fujet aux Mag?ftrats > aux Gouuer=
neurs3&: généralement à tous ceux en qui
il y a quelque degré de fuperiorité ,à qui
on n'enjoigne &: tres-éxpr elle ment 6t
contmuellement de ne rien oublier de la
reuerence &: de rhonneur qu'on doit à
ceux qui font en ces charges , & à qui on
ne donne à entendre qu'elles font de 1 in-
ftitution de Dieu. Il n'y a qui que ce foit à
qui on ne faffe cognoiftre qu'à caufe de
cette inftitution, ce ne doit pas feulement
eftre la crainte de la vengeance , qu ils
ont toute prefte en la main contre ceu^
qui mefpriîent leur authorité5mais princi-
palement le mouuement delà confcience,
pource que Dieu le veut ainfi> qui nous
porte à obeïr à leurs ordonnances ^ quand
rhonneur de Dieu àc le falut éternel de
1 homme n'y eft point interefle. Il n'y a
perfonne entre nous qui porte la qualité
de Magiftratjou en qui la Puifiance fouue-
raine ait imprimé quelque charadcre dé
fa grandeur , à qui on ne reprefente par la
parole de Dieu , quelle eft la façon dont
les Supérieurs fe doiuent comporter en-
uers
pour ceux de la E^elig. 17
cnuers leurs inférieurs , &c particulière-
ment comment ils doiuent rendre la iu-
ftice vniuerfellemët à tous, fans acception
de perfonnes , 6>c fans autre confideration
que celle de la vérité ,? de requitc. Se du
droit.Enfin il n'y a ny petit ny grand dans
noftre profefRon, qui ait ou commerce ou
liaifon auec vn autre , ou parenté , ou al-
liance ) ou voifmage, ou communication:,
quinefoit iournellement incité à rendre
à chacun ce qui luy appartient, &: à mettre
en vfage en toutes chofes cette règle de
charité 5 de ne point faireàautruy finon
ce qu'il voudroit qu'onfifl; à luy-mefme.
Et pource que c'eft par rvnion de par la
bonne intelligence que les focietez fe
maintiennent , &: qu'au contraire c'eft la
difçordje ôcladiuifion qui les perd , il n y a
aduertilîement qulrefonne iifouuent en
noftre bouche , ny qui rempliffc fi vniuer-
fellement toutes les aûions publiques Se
les entretiens particuliers de ceux qui ont
la charge de nous enfçigner,queceluy de
conferuer inuioUblernent la paix auec fes
prochains, &: de relafchei&: beaucoup de
fes partions > Se beaucoup de fes interefts,
afin de l'entretenir auec tout le monde. le
B
i8 jipùlogit
diray encore quelque chofe dauantàge^
Tant s'en faut qu'on ak aucune occafion
de haine à l'encontre dé nous , comme fi
îioftre créance efloitpoûrrenuerfer ou la
iullice 3 qui fouftient laibcicté , ouïes au-
tres vertus. morales 5 qui conuiennent à
} homme entant qu'il cft doué deraifonj
que no^ Bglife's ont fait certains ï:égle-
mens , &: eftablycénaihes-forte^'de cenfu-
res :, qui nâùs oblîg'ént -^v ne 'plu s grande
intégrité - de vie" 5 c^é/ fâs autres ri y font
obligez par les loiîé communes fous lef-
quelles nous vluom. Car les loix publi-
ques n'ont autre efga'rd fmonàceque la
focieténe foit point manifeftement vio-
lée >ny par l'adultère 5 ny par le meurtre,
ny par le larcin , ny par les autres crimes
cfclattans , dont on a toufiours creu que
l'impunité tire neceffairement après foy
la ruine de la Republique. Q^Sht aux au-
tres cHofes ou ny le particulier , ny le pu-
blic ne femble pas eftre fi notoirement en-
dommagé , les Magiftrats n'ont point âc-
couftume d'en prendre cognoifTance , &:
quelques-vns mefmes d'entreux ne font
point de difficulté de s'ylaiffer quelque-
fois aller : au lieu que nous auons parmy
pour ceux 'de la Relig, ijp
hous yne Difcipline qui defFend les ieux
qui ibnt purement de hazard, comme de-
rogeansaureipeÊt qu'on doit à la diuine
Prouidencejôc à l'excellence de Thomme,
à qui la prudence èç l'induftrie a efté don-
née pour conduite bc pour modératrice de
toutes fes aftions. Elle ne fouffre ny le;^
comédies , ny les mommeries:,ny les dan-
fes,pource qu'elleacreu que ce font cho-
fes indignes delà grauité des gensfages;,
qui peuuent raefme. effleurer ou corrom-
pre tout à fait la pudicité de Tvn &: de 1 au-
trefexe, &: qui au préjudice deç^equeclia-
cun doit aux chofes de fa vocation ^ tirent
à,uec elles vne manifefte perte de- temps.
Elle a mefme regle.i.ufques à la fuperfluité
deshabillemens, comme fic'eftoit chofe
contraire à la modeflie , &: qui nourrift Se
fomentaft l'inclination à la vanité. Et afin
que les reglemens de cette difcipline nç
demeurent pas inutiles par l'inexécution*
nous auons eftably des Goniîftpires;,com-
pofez des Miniftres &: dçs plu$ fages de
ceux dé noftre Communion.fous laquaj
lité d Anciens., pour ordojriner des repre-
henfions,des fatisfadions^Sc des peines
EccUfiàftiques qu il faut agpUquer à ceux
qui font tombez en quelqu Vne de ces fau-
tes, dont les Magiltrats ne cognoiffenc
point. Ce qui cft pour réduire la vie des
Reformez à vne vertu plus cxade &: plus
circonfpefte que ne porte l'éducation 6^
Tinftitution des autres 5 qui n'ont autre rè-
gle de leur conduite que la crainte des
fupplices qui font infligez par les Loix.
Or eft-ce fans doute vn tort bel ordre^que
Bodîn. les Politiques louent >&: quils açcompa-
^UK^p ^^^^ ^"^^ plus vtiles Conftitutions des Re-
i^h. I. publiques les mieux policées > telle -que-
ftoitàpeupres la Cenfure entre les Ro-
mains.
Pour ce qui regarde la pratique de la
vertu, quelque créance que l'on tienne au
fait de la Religion , il n'y a perfonne qui
ne fçache qu elle eft toufiours bien loin au
deflbus des loix qu'on fait pour nous y for-
mer, ôc des inftruftions qu'on nous y don-
ne. Ceux qui en eftabliflent les reglemens
eftans vuides de paflions &: d'interefl pen-
dant quils y vacquent , n'ont rien qui les
empefche de voir en leur naturel l'hon-
nefteté des chofes louables. Et quâd ils en
^rit formé en leur entendemét la plus bel-
le idée qu'il fepeut,ils la reprefentct toute
pour ceux de la Relig, ii
telle qu'ils l'ont côceuëjde iorte que d or-
dinaire il n y a rien de fi beau que les le-
çons que les Philofophes en font ^ny que
les conftitutions que les Legiflateurs en
ordonnent, ou qui en font dreffées par
ceux à qui les Republiques donnent Tin-
tendance des bonnes mœurs. Mais lors
qu il eft queftion de les réduire à IVfage,
tant s'en faut que le commun des hom-
mes , qui n'a pas accouftumé d'efleuer fes
penfèes fi haut , Se qui ne fe reprefente pas
la forme des belles chofes fi excellence,
refponde parfaitement en fa conuerfa-
tion à toute l'intégrité des bonnes loix,
que mefmes ces grandes d>c genereufes
âmes, que Dieu a faites pour donner des
exemples au genre humain, n'égalent pas
de leurs aftiôs tout ce qu'ils en ont conçeu
en la penfée. Car quand il faut venir aux
chofes particulières où nos intereftsfont
méfiez, nos partions ne manquent iamais
à s'émouuoir , Se c eft: merueille fi elles ne
corrompent la fincerité du iugement que
nousfaifonsde ces belles idées de l'hon-
neft:eté&: delà iufl:ice, lors que nous les
confiderons fans efmotion. Il eft bien
vray que cette inclination que nous auons
B iij
Z2, Jtj^ologlC
naturellement à la focieté,aideroit beau-
coup à nous duire à la vertu^fi nous auions.
touliours à conuerfer auec des gens qui
laimaiTent. Car leurs exhortations nous
y porteroient 5 &: comme l'homme fe for-
me volontiers à Timitation de ce qu'il
void faire continuellemcnt^ainfi que ceux
qui fe pourmenent au Soleil fe colorent
fans y penfer , nous tirerions fans doute
infenliblement , mefmes fans exhorta-
tion 5 vne belle teinture de l'honneur , de.
la continuelle fréquentation des gens de
hicn 5 & de la veuè des bons exemples.
Mais pource qu'il arriue qu'il y a toufigurs
au monde plus grand nombre de vicieux
que de vertueux 3 8c qu'outre l'imitation,
à laquelle nous fommes enclins , nous,
auons naturellement vne fort violente
pente vers le vice ; fous quelque belle dif-
cipUne que les hommes foient eileuez,
quelques belles inftitutions que l'on faife,
pour leur faire prendre le ply de l'honne-
fteté & de la vertu>ils fe trouuent toujours
fort elioigxiez des préceptes qu'on leur
en donne. Neantmoinsiln'ya. gueresde
gens fi peu verfez en la cognoiffancede^
chofes payées, ny fi peu attentifs à la cpn-
pour ceux de la Relig. x^
iîderation des prefentes^qui ne recognoif-
fent qu'autre sf ois ceux de noftre profef-
fion auoient en cet efgard vn merueilieu-
l'ement grand aduantagepardefïus leurs
concitoyens, &: que maintenant encore
nousnauon3 point fi fort dégénéré que
pour çeta nous en méritions la haine pu-
blique. Enlanaiffancede nosEglifes en
ceRoyaumc&iplufieurs années depuis,
il ne s'entendoit entre nous ny bhfphemc
contre Dieu , ny mefdifance ou inlure
contre les hommes. Les propos falcs ^ les
chanfons lafciuesen eftoient bannies ab-
folument î c'eftoit chofe rare que de voir
ceux de noftre Religion fréquenter les ca-
barets, &: les autres lieux, ou de berlan>
ou de diflblutiô j &c s'il eftoit arriué à quel-
qu'un de mettre le pied en ceux que la
paillardife auoit diffamez, on le tenoit cô-
me vn monftre. La rondeur ,rintegiité,la,
bonne foy,la fîncerité eftoiet chofes fi or-
dinaires &: h populaires parmy nous , qu il
n y auoit pas à beaucoup prés tat de louan-
ge & de recommandation à les pratiquer*
que d horreur &: d'exécration à encou-
rir 5 fi on ne les faifoit pas aflez claire-
ment reluire en tpute.-fa vie. La charité
$-4 j^pologî-e
y eftok fi exemplaire , notamment ou
il eftoit befoin de foulagcr les pauures
&: ks fouffreteux , qu'il fembloit qualî
qu'on ne poiTeda-ft rien en particulier,
i>c qu'à rimitaticn des premiers Chre-
ftiens 5 chacun peniaft que fi Dieu luy
^uoit donné du bienjil l'eu auoit pluftoft
eftably difpenfateur pour la commodité
d'autruy , que feigneur &: poffefTeur pour
Tes propres au^ntages. La fimplicité des
habillemens eftoit la marque extérieure
de la modeftie intérieure du cœur , &: gé-
néralement toute la conuerfation de nos
ayeuls eftoit pkine d'inftrudlon &: d'é-
ducation , mefmes à leurs propres adr
uerfaires. Au commencement à la vé-
rité 5 lors que la rigueur des maiiuais trai-
temens obligeoit nos pères à faire leurs
exercices de pieté la nuict, ou en des lieux
cachez &: reculez de la cognoilTance des
autres hommes , quelques-vns leur ont
imputé d'y commettre des aftions qui
à peine fe feroient entre les barbares.
Mais quand on en a voulu prendre co-
gnoiftance > ou bien qu on leur a don-
né la liberté de paroiftre à la veuè du
fnoîidp ) la calomnrè meftne a eu quel-
^QUr ceux de la Relig- ly
que honte de les en auoir accufez . Et
pour eux, outre le tefmoignage de leur
bonne confcience , qui leur eftoit vn
inuincible rempart contre ces horribles
accufations, ils le font confolez en la con-
formité qu'ils y ont eue auec les premiers
Chreiliens, que les Payens ont autresfois
voulu diffamer des mefmes crimes.Main-
tenant comme perfonne ne nous met fus
de fi atroces Se de fi épouucntables aûios,
aufli aduoiions nous franchement que
nous ne méritons pas toute la loiiange
qui cft deuè à la vie de nos predcceffeurs.
Car encore que nous ne le puiflions faire
fans qu'il nous en reuîenne de la honte, fi
faut-il pourtant recognoiftre que nous
fommes beaucoup décheus de noftre an-
cienne pureté , &: qu il ne fe void que ttop
ordinairement parmy nous des exemples
de tous les vices qui ont la vogue dans le
ficelé. le ne fçay fi l'en dois accufer la
commune condition de toiites les chofes
du monde, qui ne fe maintiennent iamaîs
Gonllamment en vn eftaf, ou fi noftre fré-
quentation s'eftant rendue plus ordinaire
&:plus familière auec ceux qui fontpro-
feiîion de viure plus licentieufement , nQ\
^^ jipologie
ftre conueifation s eft altérée pat leurs
exemples. Tant y a que noftre lumière a,
foulFert vn grand oblcurcifTement, & que
il on compare noftre eftat prefent aueç
celuy des temps paffez, peu s'e^ faut que
ie ne die qu en beaucoup de chofes , &c en
beaucoup de lieux à peine fommes nous
recognoiffables. Neantmoins fi on ne
nous compare point auecnos pères, en
quoy fans doute nous auons du defauan-
tagetant &: plus , mais qu'on nous confi-
dere feulement du mefme œil dont on re-
garde la plus-part de ceux qui font en la
communion de RomCjil n'y a perfonne fi
peu équitable qui eftime que noftre vie
nous rende indignes de TaifFedidn des
honneftes gen5. Car au moins on n'en-
tend point entre nous ces exécrables blaf-
phemes contre la Diuinité , que nous
voyons auec beaucoup de douleur de-
meurer impunis en diuers lieux jpourueu
que ceux qui les commettent au veu 8c au
fçeu de tout le monde, ie ne diray pas ail-
lent à la Meffevne fois l'an, car on ne
s'enquiert pas s'ils y affiftent , mais feule-
ment qu'ils ne viennent point auPrefche
auec nous. Et ne pouuon^ affez noua qf-
pour ceux de laRelig. 17
^erueiller que s'il eft arriué à qaelqu va
de noftreProfeiïionde laiffer eichapper
quelque parole inconliderée, qui fe puiffe
mal interpréter contre fon intention ^
comme fi elleauoit elle diteaudes hon-
neur de la Bien-h-ureiife Vierge , ou des
autres Sainds de Paradis , les Magiftrats
inférieurs prononcent incontinent allen-
contre deux des iugemens fi rigoureux,
qu'il faut, que les Parlemens les corrigent;.
&: que cependant en la prefence mefoie
de ceux qui font en authprité, on vomiffe
impunément contre Dieu &c contre noftre
Seigneur lefus des horreurs qui font fré-
mir iufques à ceux qui ne font pas fort feu-
fibksàcequi eft de leur gloire. S'il^y a
des débauchez en noftre profeffion, côme
il n y en a fans doute que trop 5 au moins
faut-il qu'ils effayent de l'eftre en cachet-
te , Se que leurs diffolutions ne puiflent
eftre conuaincuës ; au lieu que nous en
voyons ailleurs qui font trophée de leurs
vices , Se qui prennent à grande gloire
qu'on les tienne pour bons compa gnons-
S il y a quelqu'vn de noftre nombre que
le Magiftratfoit obligé dechaftier par la
feuerité des loix publiques , cela arriue
t8 ' Apologie
pourtantaflezraremcncquoy qu'il y en
a beaucoup qui ne nous font pas li fauora-
bles,que de vouloir conniiier à nos flûtes,
silnousarriuoit d'en faire qui fulTent di-
gnes de leur chaftiinent. Il refte encore
entre ceux de la Religion quelque chofe
de cette ancienne charité , que nos pères
auoient pour les panures, au moins pour
ne permettre pas, sll eft pofliblcque ceux
qui font neceffiteux foient obligez de
mandier. Simefmesles panures de pro^
feflion contraire ne trouuoient en nous de
l'humanité , nous ne les verrions pas en
foule aux portes de nos maifons &:dans
les entrées de nos Temples ; au lieu que fi
les nofl res auoient efté réduits à cette ne-
celTité de queftcr par les maifons, &:aux
veftibules des Eglifes , il y a des lieux où
tant s en faut qu'ils trouuaffent les entrail-
les des homme.s ouuertes , que ce feroic
beaucoup s'ils fe pouuoient retirer fans
autre mécontentement que deftre tout
fimplement efconduits. Enfin, lorsque
quelque difette extraordinaire prefTe ceux
qui ont le foin de l'adminiftration des
Hofpitaux , ils trouucnt félon nos facul-
té?, 6ç au de là de nos facultez,nas bourfes
pour ceux de la Relig, zp
Diiuertes pour leur foulagemenr; au lieu
qu'en diuers endroits, s'il y a quelque mi-
lerable de noftre profefllon qui n ait point
de retraitte ailleurs, il y a toutes les peines
du monde à obtenir qu il foit recueilly en
CCS lieux publics, &c quand il y eft , il n'y a
moyen de le garentir de la perfecution
qu'on y fait à la confciençe, le fçay bien
que cela ne fe fait pas vniuerfellement par
tout, de qu'en quelques-vns nous rencon-
trons plus de debonnaireté,8c ne mets pas
cela en auant , ny par forme de plainte
contre ceux qui fe monftrent plus rigou-
reux, ny pour olFenfer l efprit deperfon-
ne.Ieferois marry que ces proposjquifont
deftinez à diminuer la haine que beau-
coup de gens ont contre nous, en irritaf-
fent aucun par quelque parole inconlîdé-
rée 5 ie veux feulement dire que la condi-
tion des chofes humaines eftant telle,qu'il
n'y a pas moyen de preferuerny l'vneny
l'autre profeflîon de quelque corruption
dans les bonnes mœurs,nous ne méritons
pas en cet égard d'eftre haïs de ceux donc
les deportcmens n'ont point d'auantage
pardefTuslesnoftres. Car quand le diray
que dans l'ordre de la Nobkffcôc de ceux
jo ji^ologie
qui fréquentent les Cours des Roys, nous
auons dans ce peu qui nous en refte des
exemples dVne très- haute Se tres-emi-
nente vertu : que d'ans ce petit norribre de
Magiftrats que nous auons dans les Cours
Souueraines &c inférieures, il y a des pe-r-
fonnagesdVne droiture rare & fingulie-
re, auiugement mefrne de leurs ehnemis;
ique dans la condition des Miniftres il y a
de 1 hdnnefteté, de la circonfpedion & de
la retenue , à laquelle quelques- vns d'en-
tre les Ecclefiaftiques ne voudroient p^s
eux mefmes fe comparer ;& qae parmy ce
qu'ôfi appelle le peuplcqucy que celiiy de
noftr€ profefliô ait beaucoup dégénéré de
la pujeté defes ancîeftres, fine sômes nous
pas encore abfolunlént réduits à l'égali-
té ) ie m'afleure qu'aucun ne m' accufera
d'auoir auancé vue propofition témérai-
re. On oit fencore fouuent de la bouche de
nos aduerfaire-s des tefmoignages fem-
blables à ceux dont les Chreftiens fe van-
tent dans TertuUien > Caius Seiuseji homme
de hïen,(^ nr^ arien a redire en luy -, finon
(^uilfaitfrofefion du chrijiiamfme : C eft
dommage, dit-on > dequoy vn tel eft Hu-
guenot 5 caf d'ailleurs' c'eft vn parfaite-
pouf teux de la Relig, 31
ment honnefte homme. Partant puis que
nous ne diflipons poiat la Republique par
nos crimes, que nous ne gaftons point nos
prochains par les mauuais exemples de
nos aftions , &: que mefme noftre difcipli-
ne & nos inftitutions peuuent contribuer
quelque chofe à la correûion des vices
qui deshonorent la vie des hommes , Se
qui incommodent leur focieté , foit pour
enarrefter le courant, ou pour empefcher
au nîdins qu elle n'en foit entièrement
irtondée, ie conclus que nous deurions r e-
ceuoir de toutes fortes de perfonnes plus
depreuuesde leur bonne volonté > &: par-
ticulièrement de nos Supérieurs vn traite-
mentfanspaflîoniencequieft de IVfage
de leur puiffance.Tellement que s'ils nous
y tiennent quelques rigueurs que les au-
tres n efprouuent pas , il y a en cela vn af-
fez notable manquement contré les droits
communs que la nature & la raifon ont
eftablis entre les hommes. Car quant à ce
quieftdenosfentimensen la matière de
la Religion, c'eft vne chofe qui doit eftre
mifetout à fait à part. Nous verronscy-
defTous , Dieu aydant , que ny pour ce
que nous en croyons , ny pour ce que
$t .. Afologie
nous n'en croyons pas , nous ne méritons
nullement qu a cette occafion 1 on nous
traite moins fauorablement que les au-
treSi Maisquelsqu'ilsfoientjiedis qu ils
nedoiuent nullement venir en confiderar
tion, foit pour nous priuer des bons offices
de la commune humanité , ou pour per-
ucrtir noftre droift enl'adminiftration de
la luftice. Le premier droid de tous eft
celuy de la Nature: c'eft le fondement fur
lequel les autres font édifiez, «5c comn^ela
fourcedont ils découlent. Le fecon4 eft
celuy de la Police, qui ne doit , s^il eft ppf^
fible^ en aucime façon pteiudicier au pre-
mier : pour ceque c'eft vn droiâ: , ç'eft à
dire vne règle de la iuftice &: de la vertu,
qui ne peut eftre violé fans péché ;&: pour-
ce encore qu'en le renuerfant, le droid dç
Li Police fe renuerfe aufli luy-mefme , &:
deftruit la bafe de fon eftabliflement. Le
troifiélîie finalement eft celuy de laReli-
gion.qui ne fçauroit fi^fifter fi celuy de la
Nature &: de la Police ne demeurent ; car
pource que nous fommes hommes auant
que d'eftre Chreftiensjes fentimens de la
Nature précèdent en nous les créances de
la Foy. Et pource que nous fommes focia-
ble^
pour ceux de la Jieliv. m
blés dVne focieté politique , auant. que
nous en formions aucune pour les deuoir^
de la pieté , c'efl: Vn peruertiflement de
1 ordre que Dieu a mis entre les chofesi
que de penfer faire œuure de pieté.quani
en fa coniîderation on ruine les droits
fur lefquels la focieté politique eft efta-
Uie. Au contraire, qui obéît aux loix de
la Nature oc de la Police bien &:.legitime-
ment confti tuée, fe conforme à celles de
laReligloni d autant qu'en ^Religion
Dieu commande que ces . deux l^remier^
droids nous foient abfolumént imiiola-
bles.La Religionveut que le^ peresà leurs
cnfans,&:lesenfansàieUrs pères >Jes fu-
perieursi leurs inferieursiScks inférieure
à leurs fuperieurs de incfme, k que les ef-
gaux finalement à leurs efgaux , de voifin
à voifin , de citoyen à citoyen ^d'amy a
amy,&; de frère à frercj. chacun à caufe de
ces relations > Se fans eh eftre deftourné
par aucune autre cohfideration , rende
tous les deuoirs aufquels les làixàt ïhu-
matiité, Scelles delafodetéLhous obli-
gent. Dans lesoffices &la charité Se de la
beneficcnce, qui ne font pas fi eXademenu
obligatoires que ceux delà iuftice& du
droia, r Apoftre faina Paul ordonné- aux
€
J4 Afologie
ChreftknUie faire du bien à toUSf> .iT3ai$
principale ment aux domeftiques de la
toy. Pource qu'eftant la queflion-de don-
ner à aiitruy ce qui nous appartient ôi nort
àiuyvcduy auec qui nous n'auons autre
communion que celle de la Nature 3^ de
la Police ,ncie doit pas plaindre fi nous
faifons' plus de cCnfideration d vn autre
anse quii> outre la Nature & la Poli-
cCî nous auons encore cette eftroite liai-
fon qui nous conjoint en vne mefme Re-
ligion. Car puis que ce font ces relations
qui nous obligent à les gratifier de nos
biensrfaits, quand il les. faudra mettre en
comparaifon 5 celuy en qui nous les ver-
rons toutes conjointementjfera lans dou-
tc.preferable à vaautreen qui nous n'en
verrons finon quelques-vnes. Mais en
radminiftration de la lufticcilen va tout
autremenocar pour ce qu'il s'agift de ren-
dre à autry ce <|ui luy appartient , &: non à
nous 5 nulles autres relations n'y doiuent
eJEtreconfiderées. En la diftribution des
ofiîces de la charité^quiconque préfère le^
domefl:iques de la foy à ceux qui ne le font
pas, fuît la difpofition de la volonté de
Dieu , qui a plus mis en cettuy-cy qu'en
cettuy-làde ces raifonsôc de ces motifs
pour ceux de U Relig, j^
qui la doiuenc exciter en nous. En la dif-
penfationdesdeuoirs de la iuftice bc du
droi<a,quiconque met déliant fes. y e.ux au-^
tre cohiideration qiie celle de. Jtândre à
chacun ce qui luy appartient , faiç diteûer
ment contre la difpôficion de la. yolonté
deDieu,qui auoit ordonné qu vaxeUquLcl ^
que profeffion qu'il fift en matière de, Re-
ligion,ou quelqu autre defFaut qui fuft en
fa,perfonne;d ailleurs, Jouiftpu àc telle
chofe, ou de telle liberté^, par lesteixdela
Naturel de la Police, Et puis queDîeuj
quieft plus zélateur de fa glôire^y &:quî
Içait mieux ce qui la peut auancér.que
nousja tellement conduit les chofes par ia
Prouidence^qu'en fuiuam l'ordre des loix
de la Nature & de la Police , defquelks il
eft autheur ,11 a lailTé la jouilïane4 dç, di-
uerfes chofes, & IVfagCLde diu^rCâLS; libeji^
tezaux ennemis defa yetltéjC eftpà/Tion»
&: précipitation,^: témérité à qQu$i que de
les leur vouloir ofter , iufques a ce que par
la mefme Prouidence il. ait changé l'or-
dre de CCS loix , ou de la Police i ou de la
Nature. En efFet T Apoftre ne reut pas que
ladifFerence de Religion dontedelegi-
timeoccafiOii à la diflblutidn des maria-
gesiny à ceu^ que ce liénàcoti joints fujet
C ij
$6 V ' '' Âfologw
de fC'priUer mutuellement des deuôifs
aufqiiei^Sîihfont obligez. Et û le mefme
Apoft tCi'o'blige les Cnreftiés de fon temps
iprier Dieu pour les' Roy s, pour les Gou-
uemeur^irpour le^MagiftratS:, & gênera-*
kmeht po^ur tousle^hotones^pource que
rauantage qails auoient dcftre Chre-
ftiensi au lieu^que les autres neleftoienc
pas, &:quc d'emreuxil y en^auoit plu-
iielîts horriblement perdus 6c mfarncs> ne
les e^cemptoit pasde robligaî;on du droit
politiquer^ qui, faifoit qu'ils compofoierit
vnmefmeEftac i il^eft certes à prefumer
que files Roys,>&: les'Gouuerneurs > & les
Magiftrats,&: la plus grade partie des peu*
pies euffent efté Chreftiens de fon temps,
il ri'ebft pas permis nô plus que leChhftia-
nifme kur eufteftévn prétexte d'abufer
d^ leur àuthôrké 6i de leur nombre à l'op-
^reifTiondeceux qui n'auoient encore pu
cognoiftrelà vferîté de lefus-Chrift. Com-
me encore quekleux nations foient de Re-
ligion differentcfieft-ce que le zélé delà
Chreftiéne ne la doit pas portera Violer à
l'égard de lautre le droiâ: des gens^pour^
ce que c*eft vne loy commune que le con-
fentement des peuples a eftablie entr'euxj
encore que deux perfonnes foient dans Ip
pour ceux de la Relig. j y
Chriftianifine d Vne profeflion toute 6p-
fée 5 le zèle de la Catholique ne la doit
point porter à l'efgard de la Reformée à
enfraindre les droiûs de leur foçietc , que
la Nature, &: lauthorité du Souuerain, ou
leur commun confemement a eftablis
cnt;r'ellcs de mefme. Et véritablement ie
ne puis que ie ne loue icy le iugement de
Monfieur de Silhon , l'vn desbons politi-'
qucs de noftre temps, qui dit que ce tut iu-
Itement que Ladillas Roy de Hongrie,
perdit labatailleÇ^ la vie àVarnes.pourcq
•qu'à la fuggeftion du Légat du Pape il
auoit rompu la foy qu'il auoit donnée à,
Amurat Empereur des Turcs j,&: que cet
infidèle auoit raifon , en la chaleur du
combat , dappeller lefus Chrift à venger
Ja perfidie de ceux qui faifoient profeflion
4e fon Nom , dont ils auoient inter poCç
lauthorité en la paix qu'ils auoient iurée-,
Or quelque différence qa'û y a en matière
de creâce entrç les Catholiques Romains
8c les Reformez , fi ne peut-elle efl:re fi
grande qu'elle eft entre lesChreftiens de
lesTurcs,oule$ autres infidèles. Et fi le
Pape n'a point la puiflance de difpenfer du
ferment par lequel on a ratifié la paix aueç
IçsMccreans^rilnyapQint; derailfen que
C iij
$% -, Apologie
lat^aiîion particulière de qiielqucs-vns les
diiperife de nous rendre le droid qui nous
€Û acquis par des Edids & par des ioix fî
fôlemnellemenrpubliéej.
SECTION IL
Que fi on confidtre ceux de la Religwn
dans les deuoirsaufauelsîlsjontohli^
ge'^ enuers le Roy & l'Ejlat entant
que François ^ils nç font point dignes
de l'auerfion de qui que ce foit.
QVant à la féconde façon en laquel-
le nous pouuons eftre confiderez,
c elt à fçauoir entant que nous foinraes
François , nous ne fommes certes non
plus dignes de la mauuaiie volonté de nos
concitoyens, foit à l'efgard de ce que nous
fommes à TEftat en general/oit à l'efgard
de ce que nous deuons eftre entiers npftre
Princejcar pour ce qui eft de TEftat/i nous
cftiôs ou Mores , ou Gots,ou Vandalesjou
quelqu autre nation eftrangere de cett;ç
fortcqui fuft venue en France pour occu-
per le pays à force d armes , & en réduire
cnferuitude les naturels habitans? &:.que
la cQrfftitution des chofd ayant changé ^
pour ceux de la Rclig. ^^
nous fuflions deuenus plus tbibles en
nombre , &c incapables de nous deôen-
dre contre la nation originaire , on pour-
roit aucunement excufer fes-'reifcmi-
mens. Le mauuais traitement que nous
en receurions pourroit melme eftre colo-
ré de cette raiiond'Eftat, que pour nous
ofter rhumcur de Conquerajns , il nous
faudroit tenir bas , afin qu auec le pou-
uoir Se Tefperance de reiiflîr, nôusper-
diflions auiîi Tenuie de rien entrepren-
dre. Si nous eftions originaires du pays,
8>c que les Catholiques Romains fuffenc
eftrangers , qui nous euffent fubiuguez
èc afferuis de bonne guerre , on pour-
roit dire s'ils nous traitoient vn peu ri-
goureufement , qu'ils vferoient en quel-
que façon du droiddes gens, qui donne
cet auantage aux viaorieux,&: que la pru-
dence ne permet pas qu'on laiiTe tant
foit peu leuer la tefte aux vaincus , de
peur que le courage ne leur reuienne.
Quoy que Ja plus fage Politique du mon-
de, qui eft celle des anciens Romains,
en vfoit ordinairement autrement j car
ou bien ils incorporoient auec eux en vne
mefme nation celles qu'ils auoient vain-
eues, en leur donnait les mefmes priai-
C iiij
^ .;, , ^fologit
legQS. iciSC le mefme rang au gGUucrnc-
meaç id^. leur JEftac j ou bien au moins
ils leSiU-^ittoientaucc toute forte d'é-
quité 3^ de douceur , &: les empefchoient
ainli de regretter leur fortune précé-
dente. Pour ce qu'ils fçauoient que
ceux qui font contents de leur condi-
tion, n'en défirent point yne meilleure]^
hc qu'au contraire les mécontçntemens
que ron donne à des gens vaincus , les
rendent indubitablement defireux de
nouueautez , bc enclins a toutes fortes
de partis qui leur prefentent de meil-
XQ,s efperances. Ç eft pourquoy quand
ils demandèrent à ceux de Priuerne ,
qui s'cftoiçnt rebellez çontr'eux ^ 6^ qu'ils
auoienc ramenez; à la raifon par la voye
4es armes» quelle ils, fe deuoicnt atten-
dre que pourroit eftre la paix s'ils la leur
donnqient ; 6<: que ceux de Priuerne eu-
rent refpondu ? pdcUe dr perpétuelle ^ fi
*vous mt^s U donnez, bonne ; mais de peu de
dwcç y fi vous nous U donnez wauuaife >
^infî qu'ils eftoient magnanimes 5 ils ap-
ptquuevent cettje generofité. jpt leur rai-
fon fut qu'il n'y auoic nulle apparence
qu'il ferenco.ntraft ny peuple, ny hom-
îï^e, gulii'.eftam.pas cpment de fa con-
pour ceux de URelig. 41
fiitiqn , la fupportaft finon autant de
lemps qu'il y leroit contraint , &: quil
ne stn pourroit pas; procurer vne plus
douce àc plus raifonnable. Mais quel-
les quefoient toutes ces con{iderations,el-
jes n'ont point de lieu en ce qui nous con-
cerne. Car nous fommes > comme cha-
cun fçait 5 originaires du Paysjainii que
les autres : &C s'il y en a quelques-vns d'en-
cre nous qui foient venus des payseftran-
gers, ou bien ils font en extrêmement pe-
tit, nombre, ou ils font fortisde Nations
auec lefquelles la noftre a toufiours eu de
fi eftroittes alliances , que quand ils ont
mis le pied en France > ils ont efté tenus
pour Françoisjou bien il y a fi long-temps
que leurs anceftres font habituez parmy
nous 5 8c ils font entez dans le corps de la
Nation de fi longue-main, qu'il ne refte
plus de mémoire de leur extradion, ny
plus de marque de la diftindion de leur
origine. Or tout le monde fçait qu'il eft
naturel aux hommes de tirer occafion de-
là de s'entr'aimer &: des'entrefauoriferjSc
que fi l'amour de la Patrie s'cftend iufques
auxcoftaux, &aux riuicres ,&: aux cam-
pagnes de noftre habitation, les affcdions
qu'elle engendre doiuent fe porter plu^
41 apologie
direabmcritfur les hommes mcfmes,puis
que ce fonc eux ? qui à proprement parler,
tont la Patrie ôc l'Êftat, beaucoup plus que
leschofes iiifenlibles Se inanimées. Ad-
jouftezàcelaquenos parencez &:nos al-
liances font telles en tout le Royai^me>
qu'il n y a aucune famille de noltre prô^
feiTion qui ne foit meflée auecd'autres qui
n'en font pas. Car quand nos anceftres
l'ont premièrement embraffée , la fepara-
tion s'eft faite de telle forte , que non feu^
lement il n'y a eu parenté qui n'aie eu d-es
familles de fonfang 8c de fes alliances en
Fvn 8c l'autre party , mais mefmes qu'il y
a eu quantité de maifons particulières
partagées 5 le perefetrouuantd'vne reli-
gion 3 &: la mère d'vne autre, 6c les enfans
pareillement. Depuis , ou bien les Catho-
liques ont tellement continué de fe ran-^
ger du cofté des Reformez , ou les Refor-
mez en changeant d'aduis font tellement
retournez en la communion des Catholi-
ques, ou enfin les mariages fefont telle-^
ment bigarrez entr'eux , que leurs famil-
les s'entretiennent par vne infinité d'atta-
chemens 6c d'alliances. Ce qui deuroit
non feulement beaucoup diminuer de
cette auerfion , que la diuerfité des opi-
four ceux de U Relig, 43
nions au tait de la Religion engendre de-
dans nos efprits, mais mefmes y produire
des alFedions dignes des plus beaux &:
plus louables fencimens de la Nature. De
plus, encore que le nombre que nous fai-
fons n'eft pas à comparer àceluy depro»
feflîon contraire, fi neft-il pas li petit ny
fi contemptible pourtant , qu'on n'en doi-
ue faire confideration en l'Eilat : Car la
grandeur &; la force des Empires confifte
principalement en la multitude des hom-
4nes ; c'eft là que font leurs relTources quad
il leur arriue quelques notables accidens>
c'eft ce qui les rend confiderables à leurs
voifins 5 &: redoutables à leurs ennemisv
c'eft en vn mot ce qui les rend capables ,&:
de fouftenir les grades guerres , lors qu'on
les attaque chez eux , &: d'entreprendre
au dehors des conqueftes Se vtiles &: glo-
rieufes.Or eft-il vray qu'en quelques Pro-
uinces de ce Royaume, comme eft la Pro-
uence , la Bretagne , le Berry , la Bour-
gongne , la Picardie, &: la Champagne,il
y a fort peu de Reformez en comparaifon
des autres. Mais aufli n'ignore-t'on pas
que le Poiûou ,&: la Xainftonge, &: la
haute 8c la baffe Guyenne, le Bearn, le
Languedoc , les Seuenes , le Dauphiné, ô<:
44 apologie
quelques autres Prouinccs en font tellc^
lîient femées , fans compter ce qu'il y en ^
en rifle de France 5 en Normandie , 8c eu
tous les autres lieux où ils font efpars,
(ju'ilsfont vne partie fxjrt confiderable de
• ce grand corps. Tellement qu encore
qu'ils n y tiennent pas le lieu que la tefte
tient au corps humain , fi eft-ce que com-
me la tefte a foin des parties inférieures,
la bonté de. la fageffe de nos Rois a çreu
qu elle deupit pouruoir à noftre confer-
uationparlauthorité des loix publiques^
Or les parties qui font au deflbus de late-
fte.s entr'aflîftent refpeftiuement ; de for-
te que celles qui en font les plus prochai-
nes 5 8c qui feruent à Tefgard des autres,
ainfi que de canaux pour y porter les ef-
prits , ne les arreftent pas en paiTant^pour-
• ce que de laperclufiori,oude la foibleilc
de quelques-vns de fes membres , le corps
demeuréroit incommodé- Ceux donc qui
tiennent en ce Royaume le gouucrne-
ment&lapuiflancefousrauthorité de fa
Majefté 5 &c généralement tous ceux auee
qui nous viuons, font obligez par TafFé-
âion qu'ils portent à TEftat , de ne nous
empefcher point l'effet des bonnes volon-
tez de noftre Pvijnçea Sç 4^ nous afFéftion-
pour ceux de la Relîg. 4I
net cQmme compofans auee eux vn mef-
me corps, dont la eonferuation &: la feli^
cité deijpend de la bonne vniondeies par-
ties. Ec véritablement nos plus grands ad-
uerfaires mefmes ne peuuem pas reuo-
quer en doute , que félon le nombre que
nous y faifonsj&i les emplois que noltrd
propre inclination où la puiffance publi-
que nous y donne , nous ne contribuyons
au bien de ce grand Empire, tout ce que
nous y pouuons apporter d'ornement Se
dVtilité. Les payfaris , qui font en grand
nombre de noftre profeflion dans les Pro-
uinces^dont i'ay fait mention cy-deflus,
y cultiuentla terre, &:fourniiTent parce
moyen à la nourriture de ceux qui les
gouuernent,&: aux neceffitez de lEIrac.
L'::s artifans n'y font point inférieurs aux
autres en toutes fortes d'ouurages , bt n'y
a guère de profefTions de cette nature, où
nous n en ayons toufiours eu quelques-
Vns fort excellens. Les Marchands qui
font par tout,&: notamment dans les Ports
de mer, fourniflent les villes des commo-
ditez des Pays eftranges , tranfportent
chez nos voifins les chofes dont nous
abondons , 8c par le moyen de ce com-
merce defchargent le Royaume de ce qui
46 Jîfologie
luy pcfe , l'accommodent de cèdent il à
beioin^S^ mefmes y attirent l'argentjdont
nous manquerions autrement par faute
démines. Les gens de lettres n'y reuffif-
Tent point fi mal , qu'on ne voye fortir
d'entre nous des hommes eloquens pour
le Barreau , de bons Médecins pour les
villes, &: de rares lumières en toutes fcien
ces, &:femble mefme qu'en la belle litté-
rature , 6^ en lacognoiffance de l'antiqui-
té, les Cafaubons,les Scaligers. &: les Sau-
maifes layent emporté pardefliis tous
ceux qui s'en font meflez depuis long-
temps. La Nobleffe , &:tous ceux que la
generofité de leurs inclinations attire à
iuiure les armes, ne font pas en fi petit
nombre dans les armées, qu ils ne s'y ren-^
dent confiderables , &c ils s'y acquittent de
leur deuoir de telle forte, qu'ils s'y font
fignalez en de tres-erandes &: très-impor-
tantes occafions. Et c'eft chofe aucune-
ment eftrange , que quelquefois à 1 heure
que les pauures artifans ont bien de la pei-
neà furmonter la haine que J'on porte à
la Religion quils profeffent , pour auoir
habitation dans les villes,&: s eftablir dans
les Maiftrifes de leurs meftiers : le Roy
metvne bonne partie des forces &: de U
pour ceux de la^elig. 47
feureté de fon Eftat entre les mains de
Généraux d'armée qui font de mefme
profeflion. Ainfi au Confeil de la Ma jeft.é,
l'auerfion qu'on peut auoir contre noftrc
creancejn'empefche pas que le bon-heur,
&: la conduitte, bc le courage > ne puiflent
elleuer les homti^s aux grandes charges
de la Couronne^? &: à de ii glorieux em-
plois : &: dedans les Prpuinces en diuers
cndroitsj elle empefche que Tindullrie, &:
ladreffe , 8c l'intelligence dans les plus
petits arts. , n'y puiffent promouuoir les
liijetsdefaMajeité , pour rvcilitédu pu-
blic 3 ôc pour le fauftien de leurs familles.
Enfin généralement en toutes fes necefli-
tez du Royaume 3 s il y a quelque choie à
faire, nous la faifons félon noftre puif-
fanceauiït alaigrement que ceux qui font
beaucoup plus fauorifez que nous, &: s'il
y en a quelque autre à foufFrir , nous la
portons pour le moins aulTi patiemment
que les autres > bien qu'on ne nous efpar-
gne nullement en la diftribution du faix,
Zc que la plufpart du temps les propor-
tions ny font nullement gardées. Il y a
donc certes quelque fujet d'eftonnement
que toutes ces confideratiôs ne font point
capables de contrebalancer vn peu cette '■
48 Hiipok^it
violente paffion que quelques-vns biiG.
contre nous. Si celloient les Moines ,&:
les gens particulièrement deftinez à la
deuotion, de qui dependift l'exécution
des volontez de fa Ma) efté en ce qui nous
concerne î cela ne deuroit paseftre trou-
ué fi eftrange comme il eft. Ceis Meflieurs
font d ordinaire fi préoccupez 5&:felaif-
fent tellement tranfporter au zèle qiùls
ont pour rauàncement de leurs dogmes^*
&: pour reftablilfe ment deTauthorité de
leurs charges , que noftre doûrme atta-
que particulièrement 5 qu'il nVarien de
merueilleux s'ils s'emportent en cette oc-
currence, loint que leur condition ne les
appellant pas au gouu^rnement , ils ne
pcuuent pas fi bien fçauoir quel tempéra-
ment la bonne &c fage Politique, 6c les
raifons de la luftice &: du Public , doiuent
apporter àTardeUf decezeledontil faut
que des gens de leur robbe fafient profef-
fion de bruller. Mais quant à ceuk qui font
nourris dans le monde, ôi efleuez dans
les charges, donc noftre religion n'^inta-*
me aucunement Tauthorité , &: à qui TeX-
periencedes chofes a deu faire comprêrt-^
dre qu'il y a bien de la différence entré^
les règles du gouuernement d'vn Cloî-'
trei
pour ceux de la Relig, 45)
tre, & celles de radminiftration delà lu-
ftice , félon les loix dVn grand Eftat, c eft
véritablement vnechofe digne de quel-
que admiration, quil sentrouue que la
paffion de la Religion deftourne fi loin
du droit chemin de Tequité, qullsfuiucnc
affez cDnfeientieufement en autres ren-
contres.
Si on nous confiderc à l'etgard de ce
que nous deuons eftre enuers noftre Prin-
ce , nos confciences nous rendent tefmoi-
gnage que nos âmes font li remplies du
refped , de la reuerence , &: de lafFediori
que nous auons à fa perfonnc^: du zèle &:
de la ialoufie que nous auons pour fa gloi-
re 8^ pour fa grandeur , que nous ne pou-
uons nous perfuader qu'il y ait aucun qui
nous furpaffe en cette louange. Et i'eftimé
que nos plus grands ennemis ne la con-
teftent pas. Car encore que depuis que
nous auons commencé de paroiftre en cet
Eftat 5 il y ait eu des confufions eftranges,
& que quelques-vns de nos Rois , à la fol-
licitation de nos ennemis^ayent employé
tout 'ce qu'ils auoient de puifTance pour
nous en exterminer , iufques là que fous
leur nom il s'y eft fait contre nous des
exécutions capables dematreles moins
D
yo jApologte
impatiens au deiclpoirj li eft-ce que parla:-
grâce de Dieu aucun de nous ne s'ell en-
core iamais trouué meflé dans les confeils
des exécrables attentats qu on a commis
contre leurs peribnnes.Et ii noftre Nation
a receu quelque deshonneur de laprodu-
ftion de ces monitres qui ont li traitreufe-
ment violé leur facr^e Majefté , noftre
communion au moins eft exempte de la
honte &: de Tinfamie de leur éducation.!!
eft vray que quelques-vns nous ont foup-.
f onnez , &c mefmes ouuertement accufez
d'eftre ennemis de la royauté , ^ d*auoir
eu quelque deffein > ou de changer la for-
me du gouuernement de TEftat , ou au
moins de nous y vouloir cantonner en
qrielque lieu , pour nous tbrmer en Repu-
tlique. Et ceux qui veulent croire que
nous auons eu cette malheureufe inten-
tion , penfent en auoir quelque preuue
dans les guerres qui le font faites en ce
Royaume du temps de nos Pères &: du
noftre. Quelques-vns mefmes nous obie--
dent que les affaires qui fe palTent main-
tenant en Angleterre , defcouurent aflez^
quel eft en celade génie de noftre Religiô.
Mais certainement quelque malheur qui
fbitarriué à ceux de noftre communion.
ffôur ceux de là Relig. fi
d'eftre ou forcez^ou obligez^ou portez par
quelque confideraciô que ç ait eftc^à pren-
dre les armes pour la liberté de leurs con-
fciencesjC eft à grand tort qu'on nous im-i
puted'auoir eu de fi pernicieufes penfées>
ôc c*eft auec beaucoup de douleur que
nous en voyons laccuiation imprimée en
tant d'endroits.Mai^ i'eftime neantmoins
qu'ils n'y a point de luges équitables de-
uant qui nous plaidions cette caufe, qui ne
nous en enuoy ent pleinement iuftifiez. le
ne veux nullement entreprendre la de-
fenfe de la prife des armes cotre fori Prin-
ce, pour quelque caule que ce puiffe eftre.
lefçay quil y a des lurifconfakes & des
Politiquesjdes Théologiens &c des Cafiii-
ftes 5 qui ont débattu cette queftion de tel-
le forte, qu'où bien ils l'ont laifFée indeci-
fe , ou bien ils ont trop fauorilé ceux qui
veulent limiter lauthorité de la Royau-
té. Mais bien queplufieurs gens de toutes
profefTions eftiment la defenfe de la reli-
gion que l'on' croit vraye , Se la liberté de
la confcience à là profefler , la moifis illé-
gitime de toutes les caufes qu'on peut al-
léguer pour la iuftificatiô de cette adiom
i'ay toufiours creu pour tant qu'il conuient
beaucoup mieux à la nature &I'Euangile5
D ij
ft Apologie
&: à là'pratique de TEglifc ancienne , dc^
n'auoir recours à autres armes qu'à la pa-
tience, aux larmes , &: aux pricres^en at-
tendant qu'il pLiife à Dieu changer le
cœurdesR.ois5&: donner par quelque au-
tre voye repos & liberté à fes feruiteurs.
Et à toutes les foisqucierepafle les yeux:
de Kefprit deffus Thiftoire de nos Peres,ie
ne puis que ie ne regrette tres-fenfiblc-
men t qu'ils n'ay en t couronné tant d'au-
tres belles vertus dont ils nous ont laiffé
les exemples, de l'imitation des premiers
Chreftiens , en cette inuincible patience
qu'ils monftrerent fous lesperfecutions
dés Empereurs. Car ils eull'ent ai nfi re-
tranché toute occafion à ceux qui cher^
choient dequoy diffamer leur profeffion;
&: euffent, comme i'eftime,plus glorieu-
fementauancélacognoiffancc de la vé-
rité par radmiratiori de leur vertu &: de
leur conftance, qu'ils ne l'ont défendue
auantageufement par la force de leurs ar-
mes. Toutesfois > encore qu a mon aduis
leur adion ne foit pas de la nature de cel-
les qu'on doit louer ; car on ne loue finon-
celles en qui la vertu paroift eminente:
encore quelle ne foit pas abfolument à
iuftifier j pourcc qu'on ne iuftifie finoa
poHr ceux de l'a Religo yî
celles qui s'accordent tout àraitaux loixj
au iieu que celle-cy ue fe rapporte pas par-
faitement aux commandemens de 1 Euâ-
gileûe m'affeure qu'on me fupportera ii ie
dis , que s'il y en a aucune de cette nature
quipuifle eftreexcufée ,ou fupportée,ou
pardonnée benignement, c eft celle que
nos ançeftres ont faite en cette occurren-
ce. Chacun fçait la violence des Edift^,^
des perfecutions qui ont efté faites contre
eux au commencement. Les prifons , les
gibets, les feux , les plus infupportables.
(uplices qui fe puifsêt imaginer , y ont efté
employez affez long-temps fans aucune
mifericorde. Les bourreaux ont eu quel-
quesfois horreur de leurs t;ourmésj6i quoy
pue les peuples fuffent extrêmement ani-
mez à ['encontre d'eux , fi ont-ils eu affez
fouuent de la compaflîon de leurs fouf-
frances. Quand donc nonobftant la dure-
té de CCS traittcmens , ils ne laifferent pas
démultiplier dételle façon , qu'en beau-
coup de lieux ils enflent bien peu fe défen-
dre fi la patience leur euft efchappé , pour
chercher quelques moyens de fe garentir
desextremi,tez aufquelles on les mettoit,.
3^ non certes attenter auxloix de l'Eftat,
$C à la forme defon gouuernem entier
D iij
Î4 udpolûgir
ceftchofe à laquelle ils n'ont iamaisdeu
peofer, mais empefcher feulement que les
confeillers de ces inhumanitezn'abufaf-
ient de 1 authorité des Rois à leur entière
deftruftion , euffent-ils rien fait en cela
qu'on n'ait accouftumédexcufer charita-
blement en toutes rencontres? Y a-t'il for-
te de refped dont la violation nefoitfa-
uorablcment interprétée, quand elle ne
procède que du delirdela conferuatiô de
fa vie en vne extrême ôcineuitable necef-
lité ? Et de ceux qui font les plusfeucres à
condamner cette impatiéce de nos ay euls,
y en a-t il aucun qui fe peufl vanter de
monftrer autant de modération qu'ils ont
faites 'il auoit efté mis à des efpreuues aufli
rigoureufes ? Neâtmoins pendant que du-
ra le règne de François I. &c de Henry
fécond^ lors qu'on ne pouuoit accufer ny
la foiblefTe , ny le bas aage de ces deux
grâds Rois^^: que grands 8c petits demeu-
roiët en leur obeïfTance, 8c en l'obteruatio
de l'ordre publicil ne s eft iamais veu que
nos Pères ayent rien oppofé à la feuerité
. de leurs Edifts , finon vne infurmontable
patience. Depuis, le nom de rauchoiité
ïoLiucraine eftant deuoiu à des Princes à
qui rage n'auok pas encore permis d'ap-
peur ceux de la Relig. ^
pendre l an de régner, 6c toute leur puîi-
lance eftant efFcdiuemêt tombée entre les
mains de gens > dont laggrandiilement
extraordinaire eiloit en chanr-eauxGrâds
de lEftatjÔ^ (iitfK d aux Princes du iang^ûc
àlaMaifon Royale meime^ees ialoulies
iS^ces foupçôs partagèrent manifeftement
èc leRoyaume d>c la Cour.Tellement qu'y
en ayant pluiieurs qui pour des interefts
beaucoup moindres que ceux de lacon-
fcience ou de la vicjfe difpenferent de ce
refped quonaccufe ceux de la Religion
de n'auoir pas rendu alors^ce ne feroit pas
chofebien citrange quand ilsfe feroient
trouuez enueloppez dans vne faute , dont
eftoient coupables tant de gens quin a-
uoient pas à beaucoup près telle occafion
de la faire qu 'eux-Mais encore peut- on di-
re icy diuerfes cliofes fort confiderables
pour leur defcharge.La première eft,qu ils
n'en font iamais venus à prendre les ar-
mes dVn commun confentement; defoiv
te qu'on puiiTe attribuer cette adion au gê-
nerai de ceux de la Religion, ny mefme à
vne partie fort confiderable de leur corps,
iniques à ce qu'ils ont penfé eftre tout ap-
paremmêt fondez en droit de le faire,pour
eonferuerauec leur vie 6^ leiu* religion la
P iiij
J^ apologie
niajefté des loix publiques , &: Tauthorité
du Soiiuerain. Car ils ne les prirent qu a-
près le fait de Vaffi , qui eftoit vne infra-
aion toute ouuertede l'Ediade lanuier,
lequelauoiteftéfaitenleurfaueur par le
Roy jde l'aduis de la Reyne fa mereRegê-
tederEftat5^deceux qui ont accouftumé
d auoir quelque voix &: quelque crédit dâs
le gouuernement pendant la minorité du
Prince. Quand donc ils virent que rautho-
rité duSouuerain ne leurpouuoit eftrevnc
affezfeure fauuegarde contre la violence
des particuliers, 6^ qu à ce deiir naturel de
la conferuation de leur vie, qu'ils voy ciét
autrement expofce à la fureur de leurs en-
nemisjfeioignit encore cette confidera-
tion^que ce feroit faire feruice &:au Roy
S^àrÊftatque d entreprendre la defenfé
de fes loix 5 ils ne firent plus de fcrupule
dVne chofe contre laquelle leur confcien-
çeauoitrefifté iufques alors. Car quant à
ce qui eil: de l'entreprife d'Amboife , &:de
cette petite guerre fi fage 6^ fi bien réglée
que le Sieur de Mouuâs entreprit en Dau-
phiné 5 outre qu il y auoit autant ou plus
de raifons politiques qui agiffoient en ces
rencontres , que de caufes de religion , ce
font faits de particuliers y dont il ne faut
pour ceux de la Relig. fj
point acculer nos Eglifes en gênerai , 6c
qu'on ne doit nullement imputer aux in-
clinations que leur créance leur auoic
données. Mouuans effaya bien d'attirer
les Prouinces voifines à fon exemples
mais aucune ne le voulut fuiure,&: luy-
mefme de fon inftinft mit incontinent les
armes bas , laiflant pluftoft dedans lesef-
prits des lionimes vne finguliere admira-
tion de fa modération &: de fa continence
cnvnechofe qui d'ordinaire en garde fi
peu 5 qu vne mauuaife impreflion de fon
attentat ; car à peine void-on rien de fi re-
tenu ny de fi régulier maintenant en plei-
ne paix, que furent ces petits mouuemens
comme les hiftoires les nous rapportent.
Quant à laffaire d'Amboifcon fçait aflez
que c'eftoient des Princes qui fe feruoient
de la Renaudie , &c qui luy f aifoient jolier
le jeu, beaucoup plufloft pour Tinterefl: de
leur grandeur , que pour la confideration
de la confcience. Mais quoy qu'il en foit,
&: de quelques motifs qu'on y ait efté por-
té 5 il fetrouue encore des lettres dcCal-
uin mefme qui improuuent tant & plus
cette confpiration. Ce qui rnonftre qu'il
s'en a beaucoup fallu que tous ceux de la
Religion y ayent trempé > eftant àprefu*
J8 Apologie
mer qu'il n'y auoit perionne alors dont la
plus-part fuiuift pluftoftlesconfeilsS^ les
xnouuemens , que de ce grand perlonna-
ge. Et de fait, il eft imaginable qu'elle euft
peu eftre fi feorette fi elle euft efté corn-
muniquée à tant de gens qu'il y en auoit
^lors de noftre profeffion:&: celuy mefme
qui la defcouurit en eftoitjSd il a ce tefmoi-
gnage dans l'hiftoire de Monfieur de
Thou , qu'il le fit par pur &: fimple mou-
uement de fa confcience. La féconde cho~
fe qu'on peut dire eft,que quand tous ceuj^
de la Religion prirent les armes en ce
Royaume en l'an mil cinq foixante-deux,
les affaires politiques Scelles de la con-
fcience fe trouuerent alors fi mefléesi &: la
querelle entre laMaifon de Bourbon d>c
celle de Guife éclatta de telle façousqu'en-
core que la Religion fuft le prétexte de la
guerre, fi eft-cequ'à l'efgard des Grands
&: de quelques- vns de laNobleife>la vray e
caufe en eftoit en grande partie dans vne
ialoufie d'Eftat. Or en ce qu'il y auoit de
Religion , ceux de noftre profefsion
auoient au moins cétauantage, qu'outre
la couleur apparente de iuftice qui fe
yoyoit en la deffenfe d'vn Edid enfraint fi
violemment , ils auoient pour chefs des
pour ceux de la Relig. y?
Pdnces dulang, dont la confideration a
toujours efté tres-fmguUere en ce Royau-
me. Quanta ce qu'il y auoit de politique,
ils fouitenolent la caufe des enfans de la
M^ifon, contre ceux qu'on diibit vouloir
fe rendre poffeflTeur de la Couronne , 6c
dont quelque temps après les deporte-
mens ne iuitifierent que trop lesfoupçons
qu'on en auoit eus j car cette querelle, de-
puis la première guerre , iufques à l'entie-
tiere extindion de la Ligue , qui ne fut
qu'enuiron trente cinq anç après ? a efté
comme vne fièvre continuè^qui a eu quel-
quesfois fes remifes à la vérité, mais dont
le Corps de TEftatne fut iamais bien net
pourtant , &c qui ayant tpufiours fon fiege
en mefmes parties &:cn mefmes humeurs,
s'eft renouuellée de temps en temps par
4e fort furieux fymptomes. La troifief-
me chofe finalement cft, que dés aufsi toft
qu'on a donné aux Princes de la Reli-
gion, vne partie du contentement qu'il^
defiroient , &: à ceux qui les fuiuoient à U
guerre, la feureté de leurs vies, &: la liber-
té de leurs confciences,auec quelque exer-
cice de leur pieté, ils ont incontinent quit-
té les armes,&: mefme aflez forment aban-
donné des occafions auantageufes,ou d'a^
$Q apologie
uancei* leurs dcffeins^s ils en euflent eu
d'autres que modérées & dignes de bons
François^ou d affeurer leur condition5&: la
rendre moins iujecte aux effets de la mau^
uaife volonté de leurs aduerfaircsjcar ils
ont rendu de bonne foy les places qu'ils
âuoiêt occupées? Se font eux-mefmes allez
les premiers afsieger celles qu'ils auoient
efté contraints de mettre entre Jes mains
des eftrangers, corne ils firent le Haure de
Grâce j aimant mieux qu'on les acçufaft
de peu de précaution en leurs affaires , &c
de peu de gratitude enuers ceux qui les
auoient affiftez, que de faute d'affcftion a
leur pays, ou de fidélité à leur Prince. Et
véritablement c'eft chofe tout à fait hors
d apparence que nos Pères ayent eu aucu-
ne penfée de Républicains, puis qu'ils ne
faifoient la guerre que fous les enfeignes
des Princes du fan g 5 qui auoient vn trop
notable intereft en la conferuation de la
Monarchie, pour fauorifer de leur autho-
rite & de leur conduite le deffein de la
renuerfer. En effet, par vne extraordinai-
re grâce de Dieu leurs enfans font main-
tenant deffus le Throfne Se tout à l'en-
tour, &: ny à aucun de la naiffance de ceux
4e qui fe font nos Roy s, dont les pères ou
pour ceux de laRelig. 6i
les ayeuls n ayent dans les cempeftes de
rEftat> efté heureufement coiiferuez au
milieu de nos Eglifes. Certainement on a
enfeuely la mémoire des Ligues qui fe
font faites pour exclure de la fuccelTion au
Royaume ceux queMa Loy de TEftat y ap-
pelloit, fous prétexte quils n'eftoient pas
Catholiques. On ne le fouuient plus des
Barricades Se des conspirations qui ont
efté faites contre lesPrinces defia regnans»
fous ombre qu ils né nous perfecutoient
pas aflez cruellement au gré de nos enne -
mis. On a perdu la fouuenance des me-
nées &c des monopoles qui fe font faits
pour tranfporter la couronne aux eftran-
gers, pource que le légitime heritier^quoy
qu'il euft laifle noftrc communion, eitoit
foupçonné ne l auoir pas fait de bon cœur,
êc n eftoit pas encore bien auec Rome. Et
nous ne trouuons nullement eftrange que
ceux qui ont efté coupables de ces aaions5
quand ils s'en font repentis , ny que leurs
enfans , quand ils ont efté bons François,
ayent efté traitez aufli fauorablementquê
fiiamais ces chofes n'eftoient arriuéesi car
il n eft pas raifonnable que la mémoire
des fautes demeure à perpétuité, ny qu el-
les impriment pour touûours des fleftrif-
6l j^pologie
fures irlefFaçables. Il y a quelquesfôis quel-
que mauuaiie conftellation qui règne def-
fus vne nation , ou pour mieux dire quel^
que clprit de tumulte &c de l'édition , quel-
que démon enriemy de la iocieté du gen-
re humain , qui charme les entendemens
des hommes de fes illufions,&: qui fe mcile
dans leurs paflions , &: les porte à des fu-
reurs dont ils ont les premiers horreur
quand ils font reuenus à eux - mefmes.
Alors ce n'eft ny indice ny humanité que
de leur reprocher leurs trafports, non plus
qu'à des phrenetiques les leurs, quand ils
retournent en conualefcerice. Pourquoy
donc nous accuferoit-on encore mainte-
nant d'eftre ilTus de pères ennemis de la
Pv.oyauté , pource que Timpatience des
tcurmens , Se notamment Thorreur des
maffacres , les a fait recourir aux armes,
non pour auoir des Roy s de Leur Reli-
gion, non pour refufer l obeïflance à ceux
qui en profeffoient vne contraire , niais
amplement pour tafcher à fe garentir de
lopprcffion , de laquelle tout aufTi-toft
qu'ils ontpenfé eftre a côuuert fous les
Edits de paix, il fe font déportez des voyes
defait,&:fe font d'eux-mefmes rasiez' aux
termes d vne entière obeïffa.nce ?• En va
pour ceux de la Relig. c^
mot, cette parole qu*on attribue à la Rcy-
nc Catherine de Medicis,leur eft vne en-=
ciere iuftification; quil ne fe falloir pas
doner beaucoup de peine des guerres des
Huguenots , ny craindre qu'elles riraf-
fent d*elles-mefmes à quelque mauuaife
confequencepour la France. D'autant
que pour opiniâftrement & furieufcment
qu ils y femblaffent acharnez, on leur fe-
roit quand on vou droit tomber les armes
des mains , pourueu qu'on letir donnait
leur faoul de prefches.
Pour ce qui regarde les guerres de nos
rcmps,où nosEglifes onteu quelque part,
il y faut bien diftinguer les mouuemens
de quelques Grands, & peut eftre encore
les inclinations de quelque ville en par-
ticulier, d'auec le gcneral de ceux de no-
ftre profeflîon en ce Royaume. Si quel-
ques Seigneurs y ont efté menez d'ambi-
tion &de dcfirdeparoiftrcàlatefte d'vn
parti confiderabkjC'eftvn péché de leurs
perfonnes , qui ne doit point eftre autre-
ment attribué aux peuples de nôtre com-
munion îfinon qu'ils n'ont pas efté affcz
circonfpeds pour fe donner garde de l'ar-
tifice de ceux qui fe feruét affe:i fouuêt du
prétexte de la religion &: du bien public.
iS^ Apologie
pourfàtisfaireà leurs p a (fions particuliè-
res. S'il y a eu quelque ville capable de
cette mutine &: criminelle penféc, de fe-
coûer Tauthorité de la Monarchie , &: de
(donner la naiffance à vn nouucl Eftat
dans rEfl:at,c'cft vn crime qui eft dcmeu-
to. dedans Tenccintc de fcs murailles, SC
tant s'en faut que le refte de ceux de la re-
ligion qui fpntcfpandus dans le Royau-
me, cnaycntefté ou complices ou cor-
rompus, qu'ils peuueutproteftcr en bon-
ne confciencc qu'il n'eft iamais venu à
leur cognoiflTance 5 &: que s'ils en euffenc
fçeu quelque chofeailsî'euffent eu en hor-
reur. Et fi on ne veut croire à là fincere
proteftation qu'ils font de leur entière
innocence, au moins certes peut-on bien
adjoufter quelque foy à la voix de leur
intereft. En quelle ame tant foit peu (cn^
fée peut tomber cette imagination , que
tant de NcblefTe de la Rehgion, qui tient
toute fa grandeur de la M onarchie, àc qui
ne refplendit fino des rayons de la royau-
té? eufl; voulu abandonner les efperances
de la Cour,&: fes terres &: fes maifons , en
tant de Prouinces où elle eft difperfée,
pour s'en aller dépendre du caprice d'vn
peuple feditieux &: turbulent , comme
dedans
pour ceux de In E^elig. ëf
dedans les republiques ils le font ordinai-
rement ? Carquinefçaitque les peuples
qui fe penfent cftre les maiftres de leurs
loix&: de leur conduite , paflent inconti-^
nent de la liberté à la licence 3^ de la li-
cenceàroppreflionde tout ce quiparoift
auoir quelque qualité eminente , èc quel-
que charattere de grandeur ? Quelle ap^
parence que ceux d'encre nous qui font eu
quelque degré dans les Parlemens &c dans
les places de ludicature^côme il y en auoit
affez bon nombre alors , prifTent plaifir à
laifler leurs offices Sèleursidignitez , &: à
abandonner leurs biens à la confifcation 5
pour s'en aller eftre fimples bourgeois
dVne Republique populaire ? Car qui ne
fçaic encor que non feulemet tout y eft ré-
duit à l'egalité^mais que lès anciens de ori-
ginaires nabitans y prétendent toufiours
àuoir quelque droit d'eftre priuilegiez^dâs
le gouuernemêt Se dans les charges?Ènfin
généralement parlant nous tient-on capa-
bles de cette fureur, que poui^ le contente-
met que nous aurions de voir vne ville de
nôftre profelTion formée en Republique à
cent lieues de nous, nous nous priuaffions
de la proteftion des Edifts du Roi , fous la
quelle feule nous viuonsr^nous expofaf-
•:^-- E
è6 Apologie
fions à foh indignation, à la haine de fe§
officiers, &: à la rage des peuples l Carde
nous propofer de nous y retirer quant à
nous 5 pour jouïr de cette imaginaire li-
berté^les héritages que plufieurs de nous
polFedenten diuers endroits, nos affaires
qui nous tiennent attachez en vne infini-
té de contrées, &: les inclinations que cha-
ctin a pour Thabitation de fon pays , ne
nous en empefchaffent-elles point, quelle
ville de celles qu'on peut auoir foupçon-
nées de vouloir fe fouftraire à la Royauté^
feroit capable de contenir la centiefme
partie de ce que nous fommcs , pardelTus
fes naturels habitans , qu'on ne s'y eftouf-
faft les vns les autres : Oùeft-ce que cinq*
ou fix cens Miniftres y trouueroicint leurs
émplois,6c tant de milliers de marchands,
d'artifans,&: depayfans, leur trafic , ôc l'e-
xerciGêde leurs arts, & leur labourage >
Où logeroit-on tant de vieillards, tant de
femmes j &: tant d enfans, S^ dequoy pour-
roit-on fournir à leur nourriture? Quant à
ce que quelques-vns ont mis en auant l'e-
xemple des Prouinces du Pays-bas > ce
n'eft pas bien prendre les chofes. Nous ne
prétendons nullement enuers noftre Sou-
verain les droifts qiie ces peuples ont
pour ceux de la Bj^lig. ^y
penfé auoir à l'endroit des Ducs de Bra-
bant , des Comtes de Hollande , que la
France , &: tout le relie des Puiflances de
l'Europe, qui ne dépendent point de TEf-
pagne , a afiez ouuertement ratifiez /par
rafliflance qu'ona donnée à leur foûleue-
menton à leurs armes. La proximité des
Villes ne nous pouuoit pas donner la com-
modité de nous joindre , comme elle a
fait aux Hollandois. La nature du pays?
n euft pas permis que nous euflions pu fou-
tenir la puiiïance dVn Roy de France ,
comme ils ont fait celle d'Efpagrie , efloi-
gnez qu'ils eftoient du fiege de ibri empi-
re, &:, retranchez fi auantageufement en-
tre leurs mers 8c leurs canaux. Enfin , ny
la terre^ny la mer ne nous euft pu permet-
tre d'entretenir pour noftre conferuation
les correfpondances qu'ils ont eues. Si
donc il y en a eu quelques-vns d'entre
nous qui ayent pris les armes pour la def-
fenfe des villes que le feu Roy de glorieu-
fe mémoire a voulu tirer d'entre nos
mains , &c fi ceux qui font demeurez en
leurs maifons ont eu quelques tacites in-
clinations à defirer des fuccez contraires à
ceux que nous auons veus Jl ne le faut im-
puter qu'à la crainte que la plus-part de
s ij
es Jfologie
nous ont cLië , que li les euenernés eiloîetiC
contraires à leurs fouhaits •> on ne leur
oftafl: ce qu'ils eftiment plus que la vie , &:
qu'ils ne fuflent contraints d aller cher-
cher la liberté de prier Dieu félon leur
Religion chez les eilrangers. le fçay qu'il
s'en eil troimé qui ont eu quelque peur de
ces époLiuantabks executionsjqui ont fait
defirer à nos pères des villes de feureté.
Mais bien que la crainte foitvne paflion
fort innocente , ^ que l'impreiTion que
faitvne Saint-Barihelemy foit fi profon-
dcqu'il faut plus dVn fiecle pour 1 effacer^
fi deuoient-ils auoir beaucoup i-neilleure
opinion de nos temps, &: ne ctoirc pas que
noftre nation pûft commettre deux fois
d-*s barbaries fi contrcuenantes à fon gé-
nie. Qjant à cette autre apprehenfion,
d'eftre contraints de vuider le Royaume
lionvouloitauoir la liberté de l'exercice
de fa Religion , ie laiffe à iuger à ceux qui
font plus prudens bc plus entendus aux
chofes du monde , s'il y auoit de l'appa-
rence que nous nous en deuflions laifler
preuenir. Certes ce que nous en crai-
gnions, nos ennemis l'efperoient, S^c'e-
ftoit la voix commune du peuple. Ce qui
cftvnepreuue bienmanifefte que'noftre
pour ceux de la Relig. C^
crainte n eftoit pas tout à fait i'ans fonde-
ment, &: qu'encore que ce ne fuft nulle-
ment le deflein du Roy , les chofes pour-
tantjà les coniiderei: en elles mefmes^ en
preientoient les apparences. Or ii vne tel-
le crainte, bien ou mal fondée , peut four-
nir quelque excufe à defemblablesmou-
uemens , le m'en rapporte à l'équité de
ceux qui fçauent combien la conicience>
la Religion , la liberté, le bien , la vie , la
douceur de la patrie, &: les autres chofes
femblables , font capables de caufcr de vi-
ues Se de violentes émotions en l'efprit
humain. Car pour fi profondement qu'on
âitimbulesfentimcnsde la pieté, ficfi: ce
qu en telles occafions il eft extrêmement
mal aifé de ne fe laifler point emporter
aux inclinations de la Nature. Mais en
tout cas,&: quelque iugemêt qu on faile de
cette adian,car encore n'eft- ce nullement
mion deffein que delà deffen'dre, aucun de
ceux de la Religion n'a eu de plus mau-
uaifes intentions que celle-là, fi vous en
exceptez, comme i'aydit, ou l'ambition
de quelques Grands, ou,comme quelques-
vnsonteftimé ,1a folie d'vne feule ville.
Encore croy-je certes qu'il n'en faut exce-
pter ny ville , ny Grand 3 ô^ que tous vni^
E iij
^o ^j^ologte
ùerfelkment ont efté préoccupez de \z,
mefme crainte. Afleurément aucun ne fe
fuftiamais laiffé aller à ce qu'on a tant de
fois depuis appelle de ce nom de rébel-
lion 5 fi on eult pii auoir affez de fpy pour
croire , comme nous; le voyons , que la
Prouidence de DieUj& la clémence de nos
Roys, euffentdeu eftre des digues affez
puiffantes pour arrefter les tprrens de
iîiaux qui fembipient menacer toutes nos
Eglifes ; car n'ayant point ny de preuue
certaine:,ni de raifon feulement apparem--
ment concluante 5 que qui que ce fpit ait
eu de fi mauuais &: de fi pernicieux def-
feins, ce n'eft ny iuftice ny charité de dé-
férer, aux mauuais foupçôs, ou aux ouuer-
tzs accufations de perfonnes notoirenient
animées. levoy, comme i'ay défia dit^
que quelques-vns prennent pccafion de ce
qui fe paffe en Angleterre , pour décrier
généralement noftre profcffion, comme,
fi d'elle mefme elle nousdonnolt quelque
inauuaife volonté contre les Monarques»
Et bien que la Nature ait feparé l'Angle-
terre d auec la France dVne mer, &: que la
langue &: les inclinations nous efloignent
encore plus des Anglois &de leur com-
^unication^ que ne fait l'Océan mefme, fi.
pour ceux de laRelig. ji
eft-ce que pource que nous lomme^ de'
jTiefme Religion, il y a des gens fi peu
équitables, qu ils ne laiffent pas desima-
giner que nousauons quelque fecrettc in-
telligence de defir &:de ientimcnt auec 1 es
Parlementaires. Il feroit peut-eftre àde-
firer que les hommes de condition priuéc
s'attachafTent tellement aux chofes de leur
vocation , qu'ils n'euflent pas le loifir de
s'enquérir du gpuuernement des Eftats>m
des nouuelles des affaires eftrangeres,
Maispuis qu'on ne fçauroitrempefcher,&:;
que mefmcs du confentement de l'ordre
public on informe vniuerfellement tout le
monde des plus importantes afF^ires de
l'Europe , au moins en ce qui eft des plus,
notables euenemés , il n'y a pas moyen de
faire que lesfpeculattfsne raifonnent fur
les occurréces du temps, ny mefrae s qu'ils
ne s'y intereffent en quelque façon, cha-
cun félon la paflion qui legouuerne. Car
il eft naturel aux hommes en toutes fortes
de contentions de fe déterminer de quel-
que cofté , &: mefmes dedans le jeu> où les
fpeûateurs n'ont point de part,la moindre
chofe du monde eft capable d'encli.ner
leurs afFeaions , &: de leur faire fouhaiter
fans inter eft l'auantage àryne des pa.rtiès
E iiij
72. Apologie
plûtofl; qu'à l'autre. Oii doncfoit que laRc^
Ugion ou l'Eftat çngage leur$ inclinatiôs,
il n'eft pas de merueille s'ils y portent aufli
leurs vœux,Sc fi dans la conueriation ils en
donnent quelque tefmoignage. En cette
guerre d'entre les Vénitiens 8c le Turc,
Catholiques Romains de Reformez ont
tous vn mefme fentimefitjpource que leur
inçereft eft commun contre l'ennemy du
Chriftianifme;mais fi laprofperité desMe-
creâs apportoit quelque notable afFoiblif-
fement au party Reformé,ie ne doute nul -
lement que les Catholiques zelez n'en re-r
ceufTent du contêment: cômé il s'en pour--
roit trpuuer quelques-vns entre les Prote-
ftans qui ne ferpiét pas fort marris de leurs
progrés^s^il$ eftoiem caufe de quelque no^
table déchet à lapuiffancedeRome. Ce
n'eft pas que ni les vns ni les autres aiment
le Turcjmais c'eft que quelquefois la pafTiô
maiftrife les hommes tell emêtjqu'ilspen-r
fent gagner ce que leurs aduerf^ires per-r
dent. A n'en point mentir c'eft vne puiflan -
te inclination que le zèle dcReligiÔ5& qui
porte fouuent les homes à des chofes bien
eftranges. Vniuerfellement tous ceux dç
poftreprofeffionen ce Royaume fouhai-
tent ardempiçnt toute forte de profpçrité
jpQur ceux de la Relig* 73
aux armes de fa Majefté , &:auancent tant
qu'ils peuuent de leurs vœux. Ces vidoires
6c [es conqueftes. La nature les y oblige^Sc
lefentiment de bons François; 6C pource
que fi fes progrez n'auancent point leur
religion^au moins n'en reçoit elle aucune
dimmution^il ne faut nullement craindre
que cet intereft diuertifle leurs affeftions,
ny qu'il leur donne d'autres penfées. Mais
entre Jes Catholiques Romains la confti-
tutiondes efprits neft pas fi abfolument
vniforme. Il y en a plulieurs qui fçachant
bien que nos Rois ne font pas moins afïe-
Êtiônezàla Religion Romaine que leurs
ennemis , ont dans les affaires du temps
mefme paiGTion que nous? &: qui pour cette
raifon fe portent aux occafions auec mef-
me courage. Quelques autres foupçon-
nent &: craignent aucunement qu'enfin
de cette ligue que la France a faite aueç
dluers Potentats Proteftans^Sc de l'abbaif-
fement de la puilT^nce d'Efpagne, la Reli-
gion Romaine ne reçoiuei quelque détri-
ment. Neantmoins pource que TafFeOiion
auferuice de leur Prince preuaut en eux,
^ que la crainte d Vn mal incertain &: à
venir , ne le doit pas emporter fur la eon-
fideration d vn deuoir certaine: prefent.
74 u^pologie
îlsnelaiiTent pas de feruir le Roy çourar^^
geufement Se fidèlement, en remettant
les euenemens futurs à la diuine Proui-
dence. Demefme que d'entre les noftres
il s'en tft trouué quelques -vns qui ont
feruy le feu Roy contre la Rochelle 3c
Montauban , pource que leur vocation les
y appelloit, 3c qu'ils çroyoient que c'eftoit
à ÏDieu, 3c non à eux à prendre le foin de la
conferuation de fes Eglifes. Mais il y en a
quelques autres 5 6<: nous envoyons tous
lesioursquinefe peuuent empefcher de
tefmoigncr qu'ils ont du regret 3c de la
douleur de la profperité des armes du
Roy 5pource qu'ils s'imaginent que la Re-
ligion Romaine, &:les interefts de lEf-
pagne ont yne ii eftroite connexion,qu'ils.
font entièrement infeparàbles. Ils dimi-
nuent autant qu'ils peuuent nos bons fuc-.
cez, Renflent au contraire ceux del'Ef-
pagne. Ils recueillent auec auidité les
niauuais bruits qui fefement contre I'Et
ftat y 3c refpandent auec contentement les
nouuelles des difgraces qui nous arriuent.
Ils cenfurent à toute rencontre le Gouuer-
nement prefent, 3c fi quelquvn de nos
deffeinsnereiifHtpas^ils en triomphent.
Si le Cardinal d'OlTat liu. 3. lett. 87. a bieni
pour ceux de la Kelig. 7;
dit du Pape Clément huiaiefme , quenco'^
re au il neuji aucune mAUuai[e affection en-
uers le Roy , ny aucun amour vers le Roy
d'Effagne, & que d'ailleurs ïleufttame bon-
ne , néanmoins la haine qu il portait k la Rey-
ne Elifaheth , & aux autres hérétiques d' An-
gleterre , le tranfpgrtoit fi auant , qtiil Ce laif--
foit efchapper de la hos^çhe des maximes fer ni-
çieufes, & indignes de tout homme de hien^,
ceux-là ne doiuent pas trouuer mauuais
que ie die qu'ils font indignes qu'on les
tienne pour bons François , puis que leurs
imaginations,&: ce zèle fans fcience qu'ils
ont pour leur Religion,eftcignent en eux
celuy qu'ils doiuent auoir pour la gloire
de leur Pays , 8c pour la grandeur de leur
Prince. Et toutesfois non feulement on ne
les chaftie pas , non feulement cette paf-
fion ne leur nuit point dans leurs affaires
particulières, s ils ont quelque çhofe ou à
faire ou à obtenir qui dépende dcTautho-
rité des Magiftrats : mais il y en a qui les
en aiment d'autant mieux y Se qui les en
efcoutent d'autant plus volontiers , qu'à
leur aduis eftre bon François eft yne
moindre qualité qued'ellrezclé Catholi-
que. Puis donc que iufques icy noftre Roy
n'a point déclaré qu'il prift aucune part
7^ Apologie
aux affaires d'Angleterre , &: qu'il laiffe
cette querelle de les voilîns à demeller
entre ceux qui y ont intereft ;, quel grand
crime y auroit-il quand quelques-vns
d'entre nous fauoriferoient de leurs fenti-
mens intérieurs 1 vndeces partis pluftoft
que l'autre ? Car qui peut ignorer que s il
y en a quelques-vns qui le tont^c'eft le zè-
le de leur Religion, &: non les confidera-
tions de lEftat, ou la forme du gouuerne-
xnentqui les y inuite ? Si le bruit qui seft
efpandu par tout, que le Roy de la Grand'
Bretagne a eu deffein d'y changer la Re-
ligion, eil faux , il n'y en a pas vn d" entre
nous qui fe fbuçie des priuileges du Parle-
ment 5 ny qui ne vift fort volontiers ce
Prince en toute fplendeur Se en toute au-
thorité à^Sus. fon throfne. S'il eft vray
qu'il ait eu cette intention; comme nous
auons autrefois blafmé la Ligue de ce
qu'elle s'eft fouleuéc contre leRoyHenry
troifiefme, ôcla Sorbonncde ce quelle
déclara que fes fujets efloient quittes du
ferment de fid elité , il eft de la iuftice &: de
la raifon que nous blafmions pareille-
ment les Anglois, qui fe font fouleuçz
contre leur Souuerain , fi le droit de la
Royauté eft en Angleterre tel qu'il eft en
pour ceux de UKelig, yj
France. Mais c eft ce que ks Anglois ne
diftnc pas:,^: dequoy quant à nous nous
iie iugeôns pas >8i nous contentons d a-
uoir en toutes ces chofesles mouuemens
^ les inclinations que noftre Religion
nous ordonne.Car voicy la règle généra-
le qu'elle nous preicrit en ces matières*
C eft que d vn coilé la Religion Chre-
{tienne n'eftant pas deftmeeà donner la
forme aux gouuernemens des Empires,
mais eftant obligée de les laiffer chacun
en la conftitution en laquelle elle lc<s ren-
contre quand elle fe plante au milieu
d'eux 5 il eft du deuoir des Chreftiens de
rendre en toutes les chofes qui regardent
la vie ciuile , vne pleine &: entière obeïf-
fance auxloix &:àla forme de 1 Eftat où
la prouidence de Dieu les fait habiter. Et fi
le Souuerain Magiftrat , qui a la puiffance
abfoluë entre les mains, entreprend quel-
que chofe au fait de la Religion , qui cho-
que l'honneur de lefus-Chrift, &: l'efpe-
rance du fâlut, i ay defia dit qu'il conuient
incomparablemét mieux aux Chreftiens,
d'imiter les Apoftres de noftre Seigneur,
&: ceux qui les ont fuiuis inlmediatement,
qui à la vérité nous ont appris qu'il n'eft
pas iufte 6c raifonjnable d obeïr aux hom-
mes pluftoft qu'à Dieu jinais qui ne nôu;^
ont pourtant point laiffé d'exemple d'au-
tre refiftahce aux violences qu'on leur fai-
foit i finon celuy d'vne infurmôntable pa-
tience. D autre cofté cette meime Reli-
gion h'oftant point aux peuples libres l'v-
lage de leur liberté , ny à ceux dont la fu-
jettion eft tempérée de quelques droits êi
de quelques priuilegesjla iuftice de leur
defenfe ii on les veut afferuir abfolumenti
il eft encore du deuoir de$ mefmes Chre-
ftiens de ne iuger point témérairement
des entreprifes 8c des aûions de leurg voi-
fîns 5 principalement quand on ne fçait pas
bien les loix fur lefquelles leur Eftat ou
leur Republique eft fondée. Car il n'y a
pas feulement au monde des Monarchies,
des Ariftoci'aties ? Se des Démocraties tou-
tes pures, mais auffi des gouuernemens
mêliez. Il y eri a qui font compofez en
partie de Monarchie 8c en partie des deux
autres, comme celle de Sparte autrefois.
Il y en a d'autres qui font meflez en partie
d'Ariftocratie , 8c en partie de Démocra-
tie , comme Rome Ta efté long-temps. Il
y en a d'autres où la Monarchie 8c l' Ari-
ftocratie font iointes enfemble , comme
en Polongne maintenant. Les Monar-
pour ceux de U Reli^. y^
eîlies toutes pures ne le font pas dVne
mefnlè façon pourtant. Car autre eft celle
de ce Royaume, 6c autre celle du Turc,
&:peuteftre encore autre celle de l'Efpa-
^ne. Et enfin il y a vne fi grande variété
en la conftitution des Eftats , qu'à peine
s'en trouuera-t'il deux qui foient entière-
ment femblable5. Il n'y a donc rien qui
empefche que chacun en obeïlfant en
confcience à la puiffaneefouueraine , telle
qu'il latrouue eftablie dedans fon Pays^
n'ait quelque liberté de iugement &:am-
clinations fur les occurrences des Pays
eftrangers , félon la cognoiifance qu'il en
peut auoir. Se feldn qu'il s'imagine y auoir
quelque efpeced'intereft parla confcien-
ce. Partant fi telle eft de tout temps la for-
me du gouuernement de l'Angleterre ^
que l'authorité royale y foit aucunement
limitée 6£ modérée par celledVn Parle-
ment , vn bon François qui demeurera re-
ligieufement &c inuiolablement en cette
penfée, de refpeder la Monarchie, telle
qu'elle eft en ce Royaume , c'eft à dire ab-
foluë Se fans limitation , nelaiffera pas de
iuger qu'il eft iufte 8c raifonnable qu'en
Angleterre elle foit bornée par les an-
ciennes loix de rEftat,6i que le Parlement
lozte
fait bien d'y vouloir ramener le Roy , s'il
a véritablement trop entrepris fur les
droits 8c libertez de fon peuple: Car les;
plus grands 6t les plus abfolus Monarques
mefmes ont fait gloire de maintenir la li-
berté des Republiques populaires 5 &c de
chaftier kiS tyrans qui les ont voulu àffer-
uir iniuftement 5 Se comme il leur con-
iiient très-bien d'eftre extrêmement ia-
loux de leur authorité , pource qu'elle
vient de Dieu, aiifli eft-il fouueraineinent
digne de leur iuftice&deleur grandeur,
de ne permettre pa^ qu'aucun eftende la
fienneplus loin queDieu ne luy a donnée.
Et c'eft ce qui a fait que nos Roisjqui pour-
ce qu'ils font absolument Souuerains en
leur Royaume , n'ont pas voulu fouffrir
qu'il y euft aucune puiffance qui arreftaft
tant foit peu la leur , ont neantmoins fou-
ftenul'vnion des Prouinces des Pays bas
contre l'Efpagnol, pource qu'ils ont créa
qu'il y auoit rendu fa domination plus in-
dependâte &c plus rigoureufe que ne fouf-
froient les Loix^-du Pays , Se le.s droits que
les anciens Seigneurs des lieux y auoient
laiffez à leurs peuples. C'eft pour la mef-
me raifon qu'ils ont diuerfes fois entrepris
ladefenfedespriuileges des villes Impé-
riales
^our ceux de la Reîig. ^i
Utiles contre l'ambition des Empereurs :
c eft pour cela qu'ils ont pris Geneue en
leurproteftion contre les pretenfions du
Duc de Sauoye:c'eft pour cela que de fraif-
che datte ils ont tendu la main aux Cata-
lans, dont le Roy d'Efpagne opprimoit
les couftumes Se les libertez : 6c pource
qu ils ne font rien en ces occafions , fmon
félon la iuftice 8>c le droit , ils ne craignent
pas que leurs fu jets tirent quelque humeur
de rébellion de la contagion de ces exem-
ples. Partant tandis que lès affaires de là
France n'ont rien de commun atiec celles
d' AngleterrCjil demeure en la liberté des
fujetsdu Roy de fauorifer de leurs incli-
nations Tvn ou l'autre des deux partis,
chacun félon que la Religion dont il fait
profeiïionjOulacognoifTance quilade la
nature.du gouuernemént de cette Ifle, dé-
termine fes afFedions. Si le Roy s'eftoit
déclaré pour l'vn ou pour l'autre des con-
tendans 5 d'autant qu'il neft pas de la vo-
cation des fujets de s'enquérir des volon-
tez de leurs Soùuerains , Se qu'ils doiuent
tenir pour bien Se légitimement fait, ce
qu'ils font dans leurs Confeils aucccon-
noiffance de caufe, en remettant à Dieu le
foin de la conferuation de la Religion j il
8i Apologie
feroit du deuoir de tous les bons Françoi<î
de porter leurs affedions ou leur Prince
porteroit fes armes. Car comme nous ne
pouuons foufFrir que le zèle de la Reli-
gion Catholique Romaine en aueugle
tellement quelques-vns , qu'ils ne voyent
les profperitez de la France qu'à contre-
cœur, pource qu'ils s'imagment quelles
font enfin pour cauler du dommage à Ro-
me : aiîifine pouuons nous approuuer que
le zèle de la Religion Reformée foit fi
puiffant en Tefprit de ceux qui en font
profefllon , que de les rendre mefcontens
des bons fuccez des armes de faMajefté,
quand il les employé où le bien de fon
Eftatjla indice de la caufedefes voifin&>
Bcrintereft de fes alliez l'appelle.
sTctTo îsT^in.
Que jt on conjîdere ceux de la Religion
en qualité de Chrefliens ^ils ne méri-
tent l'auerfon de qui que cejoit. Et
. premièrement a teÇgard des créances
qu'on leur impute contre-vérité,
REfte le troifiefme efgard au^el on
nous peut cçnfiderejt , c'eft à fjauoir.
&0Hir ceux de la Relig. 8 j
Cjtîtant que nous fommes Chreftiens. Et
cette matière nous doit tenir vn peu plus
long-temps que les précédentes > pource
que les acculations qu'on y fait contre
nous font en plus grand nombre , 3c qu'ail
fonds c'eft tout le fondement de l'auerfion
qu'on a pour nous. Car le refteque l'ay
cy-d^ffus examiné , quelque apparence
dont on tafche de le reueftir i n'a du tout
point de realité , non pas mefme au iuge-
ment de nos plus grands ennemis j s'ils
vouloient dire franchement ce qu'ils en
penfent en confcience. Il nous faut donc
voir ce qu'on nous accufe de croire, Se que
nous ne croyons pas pourtant : ce qu'on
voudroit que nous creuflions , mais que
nous ne pouuons nous perfuader, &c à cau-
fedequoy on nous veut du mal : 5c enfin?
ce que nouscroyons efFeaiuement , ôc fur
quoyla pratique de noftre pieté eft fon-
dée ; pour fçauoir fi,comme on le prétend,
nousmeritons à cette occafion la haine de
Dieu &: des hommes.
Pour ce qui eft de ce qu'on nous accufe
de croire, 6c que rious^ne croyons nulle-
ment , ien'en prodiiiray que peu d'exem^
pies feulement , dont le premier fera cette
vieille accufâtiou, que nous fommes en-
F i;
84 apologie
nemts<les bonnes œuures , fous ombtê
que nous ne ci oyons pas qu*elles méritent
deuantDieu ^ny que ce (oit par elles que
nous obtenons noltreiuftification en fon
iugemcnt. Certainement ce queiay dit
ey-defllisdelafaçon de laquelle nous vi-
lions, &: particulièrement de celle de la*
quelle on nous exhorte continuellement
à bien viurcrious abfout affez de cett^ im-
putation. Car comment fommes nous en-
nemis des bonnes œuures, fi nous exhor-
tons fans cefTe le monde à s'y eftudier , Se
fî nous elfayons d'en faire refplendir toute
noftrevie? Il eft vrayquece neft pas en
vertu de leur mérite que nous efperons
obtenir la iouiflance du falut j 8c eft vray
encore que quand nous nous difpofons à
comparoiftre deuant le tribunal de Dieu,
cen^eft nullement fur nos bonnes adions
que nous fondons Tefperance d'eftrc iuftj-
fiez en fa prefence. Mais de cela il ne s'en-
fuit pas pourtant que nous ne fafïions au-
cune eftime des bonnes aftions. Nous
auons accouftumé d'enfeigner que la pie-»
té enuers Dieu y 8>c la charité que nous de-
uonsauoir pour les hommes, font chofes
iî excellentes en elles mefmes5&: fi con-
uenables à la dignité de nollre nature;,
pour ceux de la Kelig. 8;
que quand Dieu ne les nous aurolt point
plus expreflement commandées que par-
ce que la Nature nous en apprend , &:
quand il ny auroic attaché ny aucune
promeffe de recompenfe , ny aucune me^
nace de punition, fi eft-ce que naus dé-
lirions nous y adonner auec vne afpjftion
tres-iincere&tres-ardente. Qoand donc
nous aurions cette opinion que la pieté Sc-
ia vertu n'auroient point de certaine re-
lation au Royaume des Cieux , 6c qu elles
ne porteroient auec elles aucune confidc-
rable vtilité pour nous y faire paruenir,
nous en ferions pourtant plus de cas, ainfi
que ne font ceux qui ne les confiderent
finon entant qu'ils efpercnt qu'elles leur
produiront quelque fruit de remuneratio*
Pource que chacun peut fçauoir par fa
propre experience^que les chofes aufquel-
les nous ne nous portons finon entant
qu'elles font propres pour nous obtenir
vne certaine fin , font en noftre opinion
moins à prifer que la fin mefme. Ceu3^
donc qui n eftiment les bannes œuures. fi-
non pource que Dieu les recompçnfera de
la félicité , eftimem fans doute la félicité
plus qulls. ne font les bonnes, ceuures : au
lieu que quant à nous nQu$ les aimons à
$6 jépologw
j:aufç de leur propre dignité , &: les treu-
uons plus dignes de nos afFeftions que
p'eft cette félicité qu'on s'y propofe pour
jfalaire. Car la félicité eft ce qui nous fait
heureux , ^ la pieté §c la charité eft ce qui
nous fait gens de bien. Or aimer mieux
eftre heureux qu'homme de bien , eft vfte
marque indubitable qu on ne recognoift
pasaffez que c'eftque d'eftre homme de
bien, ny combien fepropofer de le deue-
nir eft vn objet qui mérite vne confiante
6c véhémente application de toutes les
puifTances de nos âmes. De plus, c'eftà
grand tort qu'ô nous accufe de croire que
les bonnes œuures n'ont point de relation
âufalut. Outre leur excellence naturelle,
à caufedeiaquelleon les doit fouueraine-
ment p^ifer^ l'amour que nous auons pour
elles naift en grade partie en nous de celle
que nous portons à hoftre propre félicité.
Parce que nous regardons noftrefalut, ou
bien côme vnechofede^ laquelle le droit
nous eft défia acquis par 1^ mort de noftre
Seigneurjou comme vne chofe de laquel-
le, bien que le droit nous en foit acquis,
mous ne fommes pourtant point encore
venus en ioulffànce. Carautre chofe fan$
doute eft Ip droit de poffçder yij ipur que^-
pour ceux de UKelig. 87
que bien ,&: autre l'atluelle pcfTcfiion du
bien mefme. Quand donc nous le confia
derons en cette première façon,nous fem-
mes rauis en admiration de la bonté de
Dieu, &: de la charité inénarrable de Ion
pils^en ce que le Père le nous a voulu don-
ner ,&: en ce que le Fils s'eft volontaire-
ment domié à nous ,&: s'eft abandonné à
la mort pour nous rachepter , 6<: nous ac-
quérir la vie éternelle. Ôrilneftpaspof-^
fible que nous foyons rauis en admiration
de ce bien-fait, ny que nous Teftimions
comme il faut^que le reflentimêt que nous
en auons ne rempliffe nos âmes de dile^
ftion enuers Dieu 5 Se d'vne amour arden^
te &: inuiolable enuers fon Vnique. Com-
ment donc pourrions nous les aimer à cet-
te occafion auec tant d'ardeur , fans difpo-
fer toutes les facilitez de nos efprits à ren-
dre obeïffance à leur^ commandemens l
Y a-t'il aucun plus puiiTant attrait 5 ny au^
cun plus ferme lien pour nous attirer &
pour nous attacher aux volontez de ceux
à qui nous deuons obeïr , quceeluy d Vne
affeftion violente 5 Certes c'eft là le mou-
uemet qui porte les Saints qui fontauGieU
&: qui nous portera lors que nous y ferons
çeçueillis 3 à mener vne vie éternellement
?8 jÉ^olo^e
fainde 6ç imrnacixiée.Car nous n y ferons
pas gens de bien afin d'obtenir le Royau-
me des Cieux, pour ce que nous l'aurons
défia •> ny mcfnies pour le nous çonfçruer
à perpétuité , pource qu'il n'y aura plus de
péril de le perdre. Mais nous ferons gen^
de bien 3 par vn merueilleufement vif 5^
permanent fentiment d'obligation>pour-
ce que nous aurons obtenu cette mcom-
parable félicité ^ par vn don qui ne f©
pourra jamais reuoquer,^^ par vne tout
à faitinçomprehenfible mifericorde. Or
ie ne penfe pas qu'il y ait perfonne qui
doiue trouuer mauuais que nous foyons
excitez à airner Dieu par la gratitude que
nous auons de fon amour en noftre en-
droit 5 &: par les mefmes motifs qui y in-
duifent fi puiffamment les bien-heureux
Sainfts de Paradis , à proportion de la
cognoijQTance qu'eux 8^ nous auons de la
charité qu'il nous a portée.
Qoand nous regardoi^s, Vetcrnelle féli-
cité comme vne c-hofe do nt nous ne fom-
mes pas encore en poffeffion , le defir que
nous auons d'y paruenir nous fait faire fur
les bonnes œuures deux reflexions princi-
pales. L'vne efi: qu'encore que Dieu nous
<^it déclaré par fa Parole que c'eft en U
pour ceux de U Reîig. 85?
feiilc coniideration de lamorc dç fonFils
qu'il nou5 promet le falut,^ que noftre
çonfcience nous, tefmQÎgne qu'il a liuré
fon Fils à la mort pour nous auant quQ
liQUs fiflions de bonnes ccuures, 6^ quil
|ipus euft pu conlîderei' comme en ayant:
faitjfi eft ce que cette mefme Parole5&: ces
mefmes mouuemens de noftre çonfcien-
ce nous apprennent, qu il n*eft pas raifon-
nabi (^qu il exécute cetteprornefleenuers
ceux qui par leur mefcognoiflancefe ren-
dront indignes, de fon falut. Puis que Ci
nous en jouiiîions defia, ôç que nous vinfn
fions à le mécQgnoiilre,.il feroii iufte qull
le nous oftaftjil eft iufte pareillement qiul
ne le nous donne pas , fi nous nous mon-
ftrons ingrats à la faueur qu'il npus a faite
de nous en donner le droift par la -grâce
de fes promefles, Cependant toute noftre
recognoiffance gift en amour d^c en ref-
peft^&^les preuues indvibitablesde lamour
hc du refpeft confiftent en robeïfTance
auxcommandemens de Dieu, &: en Te-,
xercice des bonnes œuures. Ainfi nous
nous y appliq ions, non pas comme à des
moyens par lefquels nous puiffions obte-.
nir le droict.de paruenir au falut ; car nous
l'huons defia en la iTiort de Noftre Sei-.
90 j^pologie
gneur lefus, à laquelle Dieu nous a donné
decroire : mais cpmme à des chofesdont
lemefpiisnous enferoit déchoir ,& em~
pefcheroit Texecution des promeffes que
Dieu nous en a données. Telles font donc
ïios inclinations en cet égard que doiuent
eftire celle des bons enfans , Se qui ne doi-
uent pas eftre blafmées en nousjpuis qu'en
eux on les eftime louables. Ils ne font pas
enfans> pource qu'ils font honneftes'gens,
&: dans l'obeiffance qu ils rendent à leurs
perfesilsne fe proposent nullement pour
but Tacquifition du droift de leur hérédi-
té. Ils font enfans pource que leurs pères
les ont engendrez , Se ont le droift de ve-
nir quelque iour à leur hérédité > d'autant
qu'ils font leurs enfans , Se que telle eft la
difpofition des loix y Se l'inflitution de la
Nature. Si donc quand ils deuiennent hô-
neftes gen,s puis après , ils y font quelque
Gonfideration de l'efperance de Fheredi-
té , c'efl: afin feulemeut que leurs débau-
ches 5 Se leurs mauuaiscomportemens ne
portent pas l'indignation de leurs pères à
les priuer du droiÊt de fucceder à leurs
biens, lequel leur auoit efté acquis par la
naiflance. Il eft bien vray que nous ne
^omme^pas enfant de Dieu de noftrena-
pour ceux de la Relig, ^l
mre , &: ne le deuenons finon par la grâce
de ladoption. Mais comme les entans ont
à leurs peres-toute l'obligation de ce qu'ils
les ont engendrez 5 nous auons pareille^
ment à Dieu toute Tobligation de ce qu'il
nous a adoptez. Et comme l'honneur qu il
luy â pieu de nous faire de nous adopter
en fon vnique^nous donne le mefme droit
à l'héritage celefte , que la naiflance don-
ne aux enfans pour Theredité de leurs pa-
rens \ la grâce de rEfpiit qui accompagne
cette adoption engendre en nous les mef-
mes affeÛions que la nature produit dans
les bons enfans > lors qu il s'agift de l'ô-
beïflance Se du refpea qu il faut qu'ils por-
tent à leurs pères. L'autre reflexion eit,
que de toutes les chofes que Dieu aime , il
n'en aime aucune à l'efgaldelafaintete;
èc toutes les autres qu'il aime , il ne les ai-
me fmon autant qu'elles en font partici-
pantes, ou qu'elles y peuuent feruir. Et la
raifonen eft que de toutes les chofes auf-
qu^les il a mis quelque emprainte de fa
diuinité , il n'y en a aucune autre qu elle
qui lareprefente àl'efgardde ce qu'elle
poffedede plus vénérable &:de plus glo-
rieux. Toutes chofes , en ce qu elles font,
portent quelque refliemblance de fon exi»?
ph Jlpolûgie
jftence. tes vents &: Icsçrei'nblcmens de
terre ,&: la puifllmce des flots de Iamer>
ont quelque ombre de fa vertu- La ferme-
té des rochers >la durée des elemens , ôc
l'incorruptibilité des cieux^femblent eftre
va crayon obfcur de l'immutabilitç de
foneflence. Dans la gloire 6^ dans l'au-
thorité des Monarques il a rendu vifible
en laterre quelque rayon de fa Majefté.
Mais quant à fa puretéjà fa iuftice, à fa mi-,
fericorde, &: à la bonté inénarrable de fes
inclinatios &:defes penfées , en quoy cQn-
fiftefans contredit la plus belle merueille
de fon eftrcëdle couronnement de (es au-
tres propriete.z y il n'y a que la fainfteté de
la créature intelligente Se raifonnable en
qui on en voye la refplendeur. A raisô de-
quoy aufli il n'y a qu'elle proprement qui
foit dite âuoir efté faite à fon image. Qûat
à nous , il nous a aimez à la vérité dés
auant que nous fuflîons fain£ts5 mais c'a
cfté pour nous rendre fainfts , qu'il a àé-
ployé défias nous fes admirables miferi-
cordes ;car il nous a racheptez pour nous.
51 mener à la fanftification, &:pour reparer
çn nous la refféniblance de fes vertus,dont
le péché auoit gaftétous les traits 8c tous
les^lineame^s, en nos âmes,. Mais depuis
mur ceux de la Relig. p^
àa il nous afandiiiez, il nous aime à cette
occafion ) &: ne peut contempler en nous
cette belle idée de fa diumité^qu'il ne nous
affectionne merueilleufement à cauie
d*elle. Comme les bons pères aiment fans
doute leurs enfansauant qu'ils voycntpa-
roiftreen eux aucune lumière de vertu :
mais leurs afFeftions fe redoublent à me-
fure qu'ils apperçoiuent qu'en croiflant ils
fe forment peu à peu par leur éducation^
ôc s'auancent de iour en iour en l'amour
des chofes louables. Or eft-ce rinclina-
tion naturelle de l'amour que de bien tai-
re à ce que l'on aime ; Se comme dans les
chofes pefantes à peine fçauroit-ôn diftm-
guer entre la pefantéur &c la propenfion
au mouuement contre-basj'amaur ^^l'iii-
clination à vouloir Se à faire du bien, quad
on en a le moyen, ou ne font qu'vne mef-
me choie abfolument , ou fi elles en font
deux , elles font infeparables. De forte
qu'il ne fe peut faire que Dieu nous em-
braflant de fes afFeûion^ à caufe de l'ima-
ge de fa fainfteté qui reluit en nousi il ne
nous vueille 'faire du bien:&: puis eftant
puiffant comrtie il eft, il ne le veut point
de la façon, qu'indubitablement il ne le
fafle . Noftre fainaeté donc, Se les bonnet
^4 Apologie
ceuurés qui en dépendent ne nous acquiè-
rent pas le droiû de la jouifTance de la fé-
licité, puis que Dieu le nous adonné gra-
tuitement lors qu'ils nous a adoptez pour
eftre du nombre de fes enfans : mais elles
attirent fes affeûions , comme celles d vn
bon père , pour exécuter par inclination
d amour enuers noftre fandification , les
promelîes qu'il nous auoit défia faites de
fure gratification > & à l'accompli ffement
defquelles il eftoit defia porté comme fi-
dèle &: véritable. Ainfi plus nous fommes
gens de bien , plus deuons nous eftre per-
fuadez que Dieu nous aime cordialement:
& plus nous fommes affeurez que nous
fommes aimez de luy, plus auons nous de
certitude de fes fauorables inclinations à
nous donner la joiiiflance de fon Royau-
me. Comme au réciproque plus nousde-
firons ardemment cette immortelle féli-
cité, plus foigneufement cherchons nous
les moyens de nousperfuader fermement
que nous l'obtiendrons. Puis donc que
l'affeurancede la dileftion deDieu enuers
nous en eft vn indubitable afrgument , bc
que noftre fandificàtion produit cette di-'
leftion à proportion de ce qu'elle eft gran-
de bc lumineufe > &: qu'elle reprefente ex-
pour ceux de U Relig. ^^
cellemment la faindeté laquelle eft en
Dieu, il n'y a peribnhe qui ne comprenDC
aiiement qu'autant que nous auonsdefoin
de noftre ialut , autant faut-il neceflaire-
ment que nous ibyons embrafcz de la-
mour des bonnes œuures. Et neantmoins
pour tout eela nous ne croyons nullement
ny que nous foyohs iuftifiez à caufe d'elles
deuant Dieu, ny qu'elles foient aucune-
ment méritoires de fon Royaume ; Se cela
ne doit fembl er eftrange à qui que ce foit-,
puis que noitre confcience ne nous permet
pas ae nous perfuader l'vn ^ Se que noftre
modeftie nous oblige à efloigner de nous
toute opinion de l'autre. le dis première-
ment que noftre confcience ne nous per-
met pas de nous figurer que Hjous piûf-
fions eftre iuftifiez deuant Dieu par le
moyen de nos bonnes allions > car eftre
iuftifié deuant Dieu 5 c'eft eftre abfous en
fon iugenîent.Ûr nous fçauons que fiDieu
nous examine tant foit peu rigoureufe-
ment par nos œuures, ils ne trouuera nul-
lement le fujet de prononcer pour nous
fentence d'abfolution. Pource qu'auant
que nous fuflions venus à fa cognoiffan-
ce, nous péchions continuellement con-
.tre luy: ce qui aggrauoit iournellement la
5^ jij^oiogîe
maledidion dans laquelle nous fommc^
naturellement par la corruption origi-
nelle. Tellement qu'à l'efgard de tout ce
temps-là nous ne pouuons prétendre au-
tre iuftification qu'en la remiffion de nos
péchez. Depuis que nous lecognoifTonsi
quelques bonnes oeuures que nous ayons
faites, nous en auons tant fait de mauuai-
fes,&: il y a tant de deffautsmefmes dans
les bonnes dont nous nous vantons, que fi
nousprefumions d'eftre iuftifiez de cette
façon, nous nous txouuerions trop efloi-
*gnezdenosefperances. S'il yen a queI-=
ques-vns entre les Catholiques Romams
qui ayent cette bonne opinion d'eux-mef-
mes, qu'ils n'ayeht iamais commis de pé-
ché, &: qu'ils ne pèchent du tout point en-
cor, c'eft à eux à aduifer comment ils fou-
ftiendront quelque iour vne propofition fi
hardie deuant le throfne de Dieu, &: com-
ment ils la pourront accorder àuec leur
propre Patenoftre. Pour nous , nous ai-
mons mieux nous confefler pécheurs de-
uant noftre Seigneur , &: auoir à fa miferi-
corde toute l'obligation de noftre faîut,
que de nous mettre en vn inéuitable péril
de remporter vne éternelle confufion de
fa prefence. Et véritablement ie ne puis
que
f>our ceux de la Bjlig. 5? 7
que ie ne me plaigne icydu peu d'equité
de ceux qui nous haïflent àcaufede cette
créance. Noftre confcience nous rend té-
moignage de noftre fidélité enuers nos
Roys> &: l'Eicriture & l'expérience con~
uainquent vniuerfellement tout le monde
d'vne infinité de péchez commis contre
Dieu. S'ileftarriué à nos pères &: à nous
de faire quelque chofe qui ait dépieu à nos
Souuerains , ce n'a point efté par faute
d afFedion à leurs perfonnes5ny de refpeft
àleur authorité, mais par desmouuemens
qu'ils ont eux-mefmes excufez ; au lieu
que les péchez que tous les hommes com-^
mettent en fi grand nombre , procèdent
deTafFedion de la chair, qm efi ijnmitié
contre Vteu, Hors ces actions aufqu elles
ou la foufFrance, ou la crainte de la perfe-
cutionnous a portez trois ou quatre fois
feulement 5 on ne fçauroitnous ofter cette
louange que nous n'ayons rendu quel-
ques bons feruices à FEftat, &: que nous
n'ayons vefcu conformément aies loix:
au lieu que tous les iours tous les hommes
pèchent contre Dieu , &c tranfgrelîent (ç.s
commandemens en mille &: mille ren-
contres. Et neantmoins par tout où on
parle d.e nous dans lesEfcrits politiques ac
58 jfologié
dans les produftions da temps, on n'en-'
tend rkn autre choie que ces mots de/4-
cfht^.àç, rehelhony de Uiiolie--, au lieu que
danslesliuresdeTheologicouil eftque-
ftion de Dieu 5 en ne parle que de bonnes
œuures &: de fatistadions. Si nous nous
eftions vantez de pouuoir fouftenir nos
aftions deuant le Confeil de nos Roys
contre ceux qui les fleftriiTent de ces titres
fi odieux, &: de n'auoir bel oin d'autre cho-
feque de leur iuftice pour en eftre iufti-
fiez, on nous accuferoit de prcfomption 6^:
de quelque efpece d'impudence, pour ne
recognoiftre pas afïez com.bicn nous
auons eu befoin de leur fupport: au lieu
qu'en la controuerfe de la iuftificatioïi.
des hommes deuant Dieu , ils ne parlent
que de leurs propres iuftices,&: s'appuy ent
deffus elles pour comparoiftre en ton iu-
geinent. Bien que,commeie l'ay dit,nou5
foyons originaires du pays, &:nez fujets
de nofîre Prince , nos ennemis difent
pourtant que nous ne fubfiftons en ce
Royaume que de fa grâce feulement >
pourcequepar nos fautes, qu'ils veulent
eftre fi criminelles , nous aurions mérité
d'en eftre expulfez: &: cependant,bien que
les hommes foient naturellement eftran-
pour ceux de la îielig. c}p
gers du Royaume des Cieux , Se que tous
les iours ils commettent quelque chore
qui les en deuroit rendre indignes^on veut
pourtant qu il leur foit donné envertude
leurs iuftices, &c comme vne recompenfé
deuë à leurs bônes aftiolis. Certes ou bien
qu'ils ne nous faffent pas fi criminels de-
uantnosRoys, ou bien qu'ils confelferit
qu ils ne le font pas moins enuers Dieu -, 8c
s'ils veulent qae nous recognoiffions que
c'eft de la pure bonté de nos Souuerains
ijue nous fubfiftons en cet Eftat auec la li-
berté dont nous y jouiflbns , qu'ils ne
faflent point auffi de leur cofté difficulté
de confeffer que s'ils Jouiflent quelque
iour de la félicité du Ciel , ce fera de pure
mifericorde. l'ay dit que noftre modeftie
nous defFend de croire que nos œuures
puiflent mériter le falut. En efFeft , nous
voyons que les pères ne peuuent foufFrir
que leurs enfans fe glorifient en leur pre-
fence qu'ils leur foient redeuables de quoy
que ce foit. Or nous fommes enfans de
Dieu , Se nous luy auons faiis doute plus
d'obligation que nous n en pouuons auoir
à ceux qui nous ont engendrez. Et nous
voyons que les Princes ne peuuent non
plus endurer que leurs fujets appellent ce
G ij
IGO apologie
quils font pour eux autrement que au
nom de feruice auquel la naillance les
oblige. Or nousfommes beaucoup moins
à refgard de Dieu, que les ilijets ne font à
l'efgard des Princes Et enfin,nous voyons
que les Cardinaux mefmesadont la digni-
té eft fi e minent e , fe recognoilfent telle^
ment inférieurs à ceux de qui ils font nez
fujets, qu'ils ne croy cnt pas que leurs fer-
uices puiflent iamais égaler leurs obliga-
tions, ny les en acquitter enuers eux , no-
tamment quand à leur faueur&: par leur
recommandation ils ont efté efleuez à ce
degré fi prochain de la Ma j efté Pontifi-
cale. Car de cette modefte recognoiJQTan-
ce de l'infuffifancc de leurs aftions à re-
cognoiftre ce bien-fait , nous auons des
preuues très belles &:tres-exprcfles dans
les lettres des Cardinaux d'Oflat &c du
Perron au Roy Henry le Grand de glo-
rieufe mémoire. Or s'ils ledifenten iin-
cerité, nous auons beaucoup plus de fujet
d'eftre humbles en comparoifTant deuant
Dieu, qu ils n'ont d'eftre modeftes enuers
les hommes. S'ils le difent feulement par
compliment , quant à nous nous efti-
mons qu'on nous peut bien fouffrir parler
ainfi à Dieu en vérité , 3c nous fentir efFe-
poHr ceux de la Relig, lo
ftiuemcnt autant ôcplus tenus à fa bon-
té^qu'ils ont fait femblant de Teftie à celle
de leur Prince. Si, dis- je, ils ont penfé
qu'ilspouuoientbien teimoigner la gra-
titude de leurs efprlts aux grands Roy s
par des paroles excefliues , &c qui furpal-
fent la mefure de leurs grarifications,nous
croyons qu'on ne nous doit point vouloir
de mal fi nous eftimons que la Maiefté
du Roy des Roys^ de qui tous les Roys
mefmes&: les Papes font nez fuiets? Se la
grandeur de fes biens-faits en noftre en-
droit., excédent beaucoup tout ce que les
hommes peuucnt ou faire ou dire pour en
reprefenter le rcflentiment , Se qu'elles
font bien loin au delà de toutes leurs ciui-
litez &: de toutes leurs hyperboles. En vn
mot y on ne peut trouuer eft range que
nous fuiuions cette belle maxime du Car-
dinal Bellarmin , qui après auoir long-
temps difputé de Teftime des bonnes
afbions >&:du moyen d'obtenir la iuftifi-
cation , pofe pour chofe decifiue , liu. j.
de luftif. chap,7^ quà caufe de l'incertitude
de nojire propre iuflice , ^ du péril de vâine
gloire , dans lequel on pourroit tomber >
c'ejf le plus feur en toute manière de mettre
tonte [a jimce en U [euh mifericorde dr be*
E iij
IÇL apologie
wgnité de Dieu. Car qui nous pourroit blaf-
mer de nous tenir au plus ccrtain,^^ de ne
vouloir rien bazarder en chpfe dç telle
importance >
Ce que ie viens de dire des bonnes
ceuures, 6c de l'eftime que nous en faifons,
pourroit fatisfaire à cette autre imputa-
tion, que nous croyons la predeftination
de telle forte ^ que quelque chofe que Ton
faffcfpitque Ion croye enlefus-Chrift^
ou qu'on n'y croye pas , foit qu'on faiTe de
bonnes œuures , ou bien qu'on n'en faffe
pas 5 on ne laiflera pas d'eftrefauué , fi on
çft predeftiné pour cela, ou de tomber en
damnation , fi par la réprobation on eft
deftiné à mort éternelle. Car il y en a qui
ne font point de difficulté de nous accufer
d'enfeigner ce dogme hautement, Se c'eft
vn des moyens qu'on employé dans
les prédications pour rendre noftre pro-
feffion odieufe. Certainement puis que
nous croyons les bonnes œuures abfolu-
OTnent neceflaiçes à falut , de quelque fa-
çon que nous eftimion«i que nous fouî-
mes predcftinez , noftre créance eft que
iioftre predeftination ne nous amènera
pasà falut fans les bonnes œuures. Neant-
inoins afin d'ofter tout fcrupnle de Wùz
pour ceux de la I^elig, 103
prit 4^ ceux qii voudront s en éclaircir^
voyons s'il y peutauoir rien de plus rai-
fonnable que noftre dodrine 3c noftrc
prajciqu^ en cette matière. Qjand on nous
prefche l'Euangile pour nous offrir le fa-
îut en lefus-Chrift , pn ne manque iamais
de nous dire qu'il n'y a pas moyen d'en
eftre effeftiuemem participant .finon en
croyant en ce Rédempteur, Alors nous
ne nous enquerons ■ nullement .11 noiu
fommes pre;deftjnez ou non 5'^ ne. nous
mettons nullement en peine des fecrets
de Dieu 5 ny des Arrefts qu vl a donnez, de
pouce éternité poiyrie'ialut Si pour la con-
damnation des hommes. Nous nous diC->
pofons feulement à croire en çeluy quï
nous efl; offert pour Sai^iueur o pms que
quelle qae foit la Predeftination de Dieui
il eft impoj[ribled'Qftr.e parttnpant dufa-
lut dont il eft autheur , finon en l'em-
hraffant par vne foy viue &: profonde.
On ne peut donc pas dire que bous ayonsi
cette crçance , que-foit qu on croye , foit
qu'on ne croye pas, on fera fauuè pourueu
qu'on y foit predeftiné , puis que nous te-
nons qu'abfolument il n'y a point^de fa-
lut en lefus-Chrift fihon pour ceux qui
a-pyent. Apres celaiJiors qu'on nous.prd"^
G iiij
I04 jé^OlQgîC
elle qu'il faut croire , on ne manque ia-
mais de nous expliquer nettemenr quelle
doit eilre cette toy, & de nous dire qu'il
eft necefiaire qu'elle foit accompagnée
dVne ferieufe repentance. Car faire feu-
lement profeflion extérieure du Chriftia-
nifmejU eft pascroire>felon nous : non pas
mefmes auoir en Tentendement quelque
légère teinture delà vérité de fes dogmes.
Croire en noftre Théologie, eft eftre fi
viuement &: fi profondement perfuadé
des veritez de l'Euangile de lefus- Glarift ,
que cette perfuafion malftrife toutes les
autres > 8c qu'elle fafle telle impreflion
dedans les volontez &: 1esafte£tions,qu el-
le les détourne de leurs mauuaifes incli-
nations, &: qu'elle les régénère. ' Alors
nous ne penfons point encore à laprede-
ftination , & -ne nous enquêtons nulle-
ment de ce que Dieu- peut auoir ordoh-
nédetoute éternité pour rious,ny pour
le rçfte des autres hommes. Nous exa-
mmons feulement nos confciences pour
/çauoir fi nous croyons de la façon , &:
nous difpofons à ne nous y abufer pa^>
de peur qu'au lieu de la vérité B^'àt
la foUdité de la foy^'iiôus n'en ayom
embrafle que Tombr^: Partant- quetle
four ceux de la Relig. 105
quefoitou la predeftination ou la répro-
bation 5 nous croyons que la foy non feu-
lement eft necetfaire à ialut, mais vne foy
qui fe charaderife nettement, de qui fe di-
ftingue de la vaine imagination de la foy
par vne fmcere:&: ardente afFedion aux
bonnes œuures. De plus , lors qu'on nous
prefche qu'il faut croire de la façon , on ne
manque iamais d'y adjoufter qu'il faut
perfeuerer en cette foy, Se dans les bonnes
œuures qui la marquent Se qui laccompa-
gnent.Pourcequelefalut n eft pas promis
à ceux qui croiront fmiplemenc 5 mais qui
perfeuereront en la foy Se en la fandifica-
tion 5 Se qui demeureront vidoricux iuf-
ques à la fin de toutes les tentations qui
les attaquent. Et alors encore nousnefti-
mons pas qu'il foitneceffaire de penfer à
la predeftination -, feulement refueillons
nous nos entendemens à cet aducrtiffe-
ment , &: autant que nous pouuons nous
nous excitons nous mefmes à receuoir
rimprelTion de TEuangile bien auant,
pour eftre capables de refifter , en cas que
.quelque tentation nous affaille.. Ainfi nous
croyons, encore que Ta perfeuerance eft
necefiaire , quelle que foit la predeftina-
tion, 8c quels que puiffent eftre fur cette
I0(î jifolûgie
madère les fencimens des Doûeurs de ncf-
ftre communion, tant y a.que rien n'eft
capable d'arracher cette perfualion de nos
confcîençes. Enfin , on ne nous éxtortç
pointa la perfeuerance qu on ne nous en-
feigne quant^^ quant quels font les moyés
de l'obtenir. Car quant à la foy , poiarce
qu elle conliile en la cognoiflance ^en la
perfuafiondes veritez Euangeliques, on
nous dirque le moyen de la conferuer eflt
de lire &: d'efcouter , &: de medker fcfti-
gneufement la parole de Dieu, qui Ta pre-
m^^ierementengendrée. Q23nt à la raiidi--,
fication,d' autant qu'elle conlifte en la har~
ne du vice&cenr'amour de la vertu,6^que
ces aaeriipns &: ces aÉFcftions fe donfer-
uent par ) attentiue conûderatiôn de la
nature de leurs objets, par raccouftumàn-
ce de faire! es chofes ban-nes ,&: de s abfte-
nir des mauuaifes,par Timitation des bons
exemples , par efuiter les vicieufes con-
uerfations , par la crainte de la peine qui
fuit le péché , par l'efperance de la t^^mu-
neration que Dieu a mifericordieufement
promife aux bonnes œuures, ècÇwx tout;
par la contemplatiô de la Croixde Chrift
&: de fa Refurredion , dont l'vne- nous
fournit le modèle de làmartifica-fioa de
pour ceux de UBjlig. 107
nos afFedions , &: l'autre le patron &: le
motif de reflufciter en nouuelle vie, on
laous met continuellement toutes ces dio^
fes deuant les yeux , pour fomenter en
nous la faindeté que noftre conuerfion à
(^hrift y a commencée. A quoy on ne
manque iamais d'adjoufter que lafoy &:
la fandification venant de Dieu, c eft à
luy qu'il fe faut addrefler pour obtenir la
grâce par la vertu de laquelle elles foient
çonferuées en nous , ^ de nous exhorter
à cette occafion de veiller auec aflfiduité à
la prière. Et afin de nous y exciter d'au-
tant plus viuement > on nous aduertit que
nousauons à faire à vne infinité d'enne-
mis, qui nous obligent à vne fouuerainc
vigilance de noftre part , &: qui nous ren-
dent vne particulière aflîftance de la grâ-
ce de Dieu necelTaire. Le péché que nous
portons naturellement en nos afFedions;
le monde qui nous amorce par fes volu-»
ptez , ou qui nous eftonne parfesperfecu-
tions j le malin qui nousdreffe mille piè-
ges, &: qui nous attaque de mille tenta-
tions , nous font perpetuellemçnt ramen-
teus, afin que nous nous tenions fur nos;
gardes. Lànousnepenfons point encore
à la Predeftination a &: quelle qu e^lle fait.
To8 apologie
nous tafchons d'elueilicr routes les puif-
fances de nos efprits , &c pour embraffer
toutes les occalions denousauancer en la
pieté &c en la venu. Se pour fuir toutes cel-
les qui font capables de nous en deftoûr-
ner 5 8^ pour demander à noftie Seigneur
qu il nous donne le pouuoir de le faire»
Pourquoy donc nous accufe-t'on de croi-
re que la Predeftination eft fi puiflante en
ce qui eft du falut Se delà condamnation,
que fans auoir efgard ny à bien nyà mal
elle y fait tout toute feule ? Il eft bien vray
certes premièrement , que nous fommes
affeurez qu'en vertu de cette predeftina-
tion nous obtiendrons indubitablement
lavie éternelle. Mais pour ce qui eft de la
créance de la Predeftination,puis que c'eft
vn poinft de la Foy , que S. Paul enfeigne
tres-ouuertement, oùil faut renoncer au
nom de Chreftien,où il fautaduouer qu'il
yenavne. A la vérité la manière de l'in^
terpreter eft différente entre les Catholi^
ques Romains Se les Reformez. Mais cela
nedoit pas cftre trouué fort merueilleux>
puis que les Catholiques ne s'en accordent
pas abfolument entr'cux mefmes. Tant y
a qu'il y a vne predeftination de quelques-
vnsàfalut^ 8c que pour eftre bon Chre-
tour ceux de laRelig. 105)
ftien il le tautainii croire. Or puis qu'il y
ena vne,on ne doit point trouuermau-
iiais que nous nous eftimions eftre du
nombre de ceux qui font predeftinezjpuis
que nous crouuons en nous les marques
6d les effets par lefquels la Predeftination
fereuele. Car puis que nous croyons trC
lefus-Chriit , &: que nous nous adonnons
tant que nous pouuons aux œaurcs de
fandification , & que l'expcrience nous
.fait voir que beaucoup d'autres n'y croy et
pas, &: qu'ils fe laiflcnt emporter au pé-
ché à 1 abandon , il faut neceffairement
ou que cette différence vienne de nous,
ou que Dieu nous ait fait en cela quel-
que grâce , laquelle il n'a pas faite aux
autres. Or cfl-ce là où on commence à
nous parkr de la Predeftination , lors
qu'il eft queftion de fçauoir d'où vient
cette différence. Car on nous enfeigne que
dénature nous nefommes pas meilleurs
que les autres , &: par confequent,puis que
nous croy os, &: que tant d'autres ne croy et
pasjil faut que Dieu nous ait traittez iné-
galement. Et cette inégalité confifte en
ce que Dieu nous ayant prefenté exté-
rieurement à tous vn commun Rédem-
pteur par la predication^S^ nous ayant fait
iio Apologie
exhorter les vns & ks autres à le receubir
auectoy &: repentance, il s'eft contenté
de cette grâce commune &: extérieure en-
uerseeux-là , au lieu qu'enuers nous il en
adeiployé vne intérieure oc particulière.
D où elt venu qu'au lieu que les autres ont
par leur malice reietté le Rédempteur qui
leur a efté offert * nous 1 auons quant à
nous receu par la grâce que Dieu nous a
faite. Pour ce donc que Dieu ne prend pas
lesconfeils de ce qu il doit faire deiour à
iour 5 &: que comme dit l'Efcriture , de tout
temp toutes [es œutires luy font cognuc s ^ il faut
tieceffairement que de toute éternité il ait
ordonné de mette cette diftinÉtion entre
les autres &: nous, 6c c eft en cette éternel-
le ordonnance que la Predeftination con-
fifte. lufques là il n'eft pas poflîble que no-
ftre créance choque l'efprit de perfonne
qui foit tant foit peu raifonn^ble. Car
quoy ? Trouuera-t'on mauuais que nous
donnions à Dieu toute la louange de ce
que nous croyons, & de ce que nous nous
repentons de nos péchez , au lieu que les
autres s'endurciffent en leul* incrédulité
8c en leur impenitence ? Certes ce feroit
eftre trop prefomptueux que de vouloir
rauir cette gloire à Dieu pour fe lattri-
pour ceux de U Relig. rii
buer àfoy-meimc. Ceux ae i'Eglife Ro-
maine mefmes , fur cette prefuppoiition
quiis font dans la voye de faluc, bc que
nous n'y femmes pas , rendent lans doute
grâces a Dieu de ce qu'il les y a mis plûtoft
que nous 5 ^ ainfi rendent tefmoignage à
cette maxime de noftre profcffion > que
c'efl: la mifericordedeDieu qui met cette
diftindion entre les hommes. Ou bien fe
fcandaiifera-t'on de ce que nous difons
que ce que Dieu exécute maintenant cit
nous 5 il la ordonné de toute éternité ? Ce
feroit aller contre la parole de Dieu Se
contrelaraifon3<S£ rauiràDieu la louan-
ge de fa prefcience. Ou finalement elH-
mera-t'on que cette doftrine nous rende
plus nonchalans en ce qui eft de noftre fa-
lut '". NuUement.Car pui^ que tandis qu'on
nous exhorte à la foy 5 à la repentance, à
la fan^tification^ny nous ne penfons point
à la predeftination , ny on ne nous donné
point d'occafion d*y penfer , elle ne peut
trauerfer l'efficace des exhortations qu'on
nous addreffe* Q^nd nous venons à y
penier, puis que nous ne cognoiffons no-
ftre predeftination que par fes effets, 5c
que fes effets confiftent en foy de en fan-
Étification , à mefure que nous délirons
lit Apologie
d eftre du nombre des predeftinez, à mef^
me mefure faut-il que nous tafchions d a-
uoir la foy & la fandification , qui en font
les feules marques. Enfin , quand nous les
auons trouuées en nous , &: que par ce
moyen nous auons cognu que nousfom-
mes predeftinez, tant s'en faut que nous
en prenions occafion de relafcher quelque
cliofe de lardeur que nous deuons auoir à
la pieté ? qu'au contraire , plus la grâce de
Dieu a efté fpeciale en noftre endroit,plus
nous en fentons nous obligez de luy en
rendre nos recognoiflances. Pour ce qui
eft de cette perfuafion que nous auons
d'obtenir afleurément le fa lut en vertu de
cette predeftination , voicy comment on
nous en inftruit. On nous dit que puis que
les hommes font naturellemêt aufll mau-
uais les vns que les autres, ce que Dieu
nous a fait vne grâce fi particulière, ne
vient pas de quelque mérite qui fuft en
nous. Il faut que ce foit de fa pure & libre
volonté , &: dVne faueur fpeciale qu'il
nous a portée , fans que nous l'y ayons in-
uité, qu'il nous ait ainfi gratifiez. Et le
Cardinal Bellarmin eft entièrement de
ce fentiment , &: ne veut pas que Teledion
bc la predeftination de quelques-vnsfoit
fondée
^our ceux de la Relig. lij
fondée fur aucune preuifion ou prefcience
de leurs œuures. Ce qui nous donne occa-
fion de raifonner de cette façon. Puis que
Dieu n'a point eu d'autre motif que fa pu-
re volonté qui lait induit à nous auanta-
ger plus que les autres en cet efgard, il
n'y peut auoir de raifon pourquoy il ne
nous conferue pas la foy Jaquelle il nous a
donnée. Pourquoy changeroit-il d aduis
en vne chofe dont la refolutîon n'a point
dépendu d'ailleurs que de fon bon plai-
fir feulement ? De plus, la foy &: la re-
pentarice font des qualitez fouueraine-
ment belles en elles mefmes , &: capables
à merueille d'attirer fes afFeftions. Si
donc il nous a tant aimez que de les nous
vouloir communiquer du temps que nous
ne les auions pas, comment ne nous ai-
meroit-il point après qu'il nous les a com-
muniquées ? Et {i l'amour qu'il nous a
porté auant qu'il y euft rien en nous qui
l'y inuitaft , l'a peu exciter à nous orner de
fi excellentes qualitez , fon amour, qui
s'eft redoublé depuis qu'il les a veuës en
nous , ne le porteroit-il point à les confer-
uer après les y auoir mifes ? Enfin il ne
nous les a données qu'afin de nous con-
duire à falut : Car le falut eft la fin , la foy
H
114 Aj^'ologie
eft le itioyén par lequel il nous y amener
Puis donc qu il s'eft propote cette fin B
premièrement, &: quil a eu fi fort à cœur
de nous y faire paruenirque de nous en
donner de tels &: de fi certains moyens ?
qui eft-ce qui peut interuenir qui lempef-
che de fe propofer toufiours le mcfme but,
&: par confequent d'employer auffi toû-
jours les moyens qui nous yconduifent?
Sur ces raifonnemens qui font tirez de la
parole de Dieu, 8^ que diuers beaux pafla-
ges authorifent , nous fondons cette efpe-
rance, qu alTeurément Dieu nous fauuera,
&:quilnefe prefentera aucun obftacle à
i'accompliffement de ce beau deffein^qu il
ne furmonte.Or comme chacun peut voir
que ces raifonnemens tournent à la gloire
de la fageffe &: de la bonté de Dieu, Se
qu'ils conuiennent merueilleufemêt bien
à la fermeté tnuariable de fa nature &: de
fes confeils, aufli ne peut- on pas dire qu ils
nous rendent negligens en ce qui eft des
chofes qui font neceflaires pournôftre fa-
lut. Et ie m'émerueille> ou qu on fe lepuif-
fe imaginer , ou qu'on nous le puiffe re-
procher 5 veu qu'en TEglife Romaine on
a des créances à qui on pourroit imputer
4efemblables cozifequences.LePape croit
pour ceux de la Relig, jif
\\fi\ ne peut errer dans les matières de la
foy. Ceux qui font des fentimens de là
Sorbonne attribuent cette prerogatiue au
Concile. Soit au Concile, foit au Pape
qu'appartiennent lepriuilege de rinfalii-
bilité, tant y a que tous ceux de cette com-
munion tiennent conftammenc qu il a
cfté donné à l'Eglife. Si cela eit , c'eft vne
certaine predeftination de Dieu;, par la-
quelle il a ordonné depreferuer fon Egli-
ie de toute erreur en la foy > &c de Tillumi-
ner éternellement de la cognoiflance de
fa vérité. Quand donc il eft queflion de
vuider quelque controuerfc en la Reli-
gion,cette créance rend-elle les Papes ou
les Conciles,moins diligens à bien exami-
ner la Parole deDieu,&: la tradition des
anciens , 6^ à fe bien garder de la fineffe de
Satan,&:delafophifteric des hérétiques?
On y croit que TÉglife eft imperiflable , 8c
que Dieu la garantira de fes eniiemisiuf*-
ques à la fin. Cela vient encore fans doute
de quelque predeftination de Dieu, qui a
refolu de mener la Naftelle qu'ils appel-
lent de S. Pierre, à bon port, &: de la fau-
uer de tous naufrages.Cette créance donc
empefche-t'elk que ceux qui font au gou-
uernail nemployent toutes fortes de
H ij
Il 6 apologie
moyens propres pour la conferuatiorii
ou imprimc-c'elle en leur ei'prit vne û
profonde fecurité , qu'ils ne le mettent
point en peine du falut de leur vailTeau , Se
qu'ils le laiffent aller à l'abandon entre
les bancs 3c contre les roches ? Comme
donc ils ne conliderent pas cette prede-
ftinationdeDieuàrefgard de l'inrallibi-i
lité de TEglife , ô^ <ie Ton indefeûibilité,
comme on parle , aijifi qu'vnc occafion de
fecurité &: de négligence en ce qui regar-
de Femploy des moyens , mais feulement
comme vn accouragement à les employer
Se foigneufement Se ioyeufement , auec-
vne eiperance indubitable d Vn auanta-
geux fuccez ; airnfi ne confiderons noua
nullement cette predeftination en ce qui
eft de noftre falut , comme vn fujet de
nous y comporter nonchalamment,mai5
pluftoft comme vn motif d'y trauailler
auec grand foin Se grande confolatiori
auflî 5 fçachant qu'il en reuffira vn euene-
mentfauorable. Autre donc eft la prede-
ftination par laquelle Dieu a refolu de
produire luy-mefme quelque euenement
fans l'entremife d'aucuns moyens , ou au
moins par l'enttemife de certains moyens
fur lefquels il ne nous donne point de
pour ceux de la Relig. 1 1 7
eommandemens : &C autre la prcdcftina-
rion qu'il n'exécute que par le moyen de
nos aftions y dont il nous a luy-mefme
donné les commandemens &: les règles.
Lànous pouuons bien demeurer les tras
croifez , Se attendre pouï exemple que Te-
çlipfedu SoleiljOU arrlue , ou fepafle, fans
y rien contribuer denoftre part. Car ny
noftre mouuement , ny noftre repos ne la,^
hafterqnt , ny la retarderont pas dVne
minute. Icy c'eft vne pure frenefie que de
négliger de faire ce qui nous y eft com-
mandé 5 6^ neantmoins en efpcrer Fac-
cornpUlTement , puis que cette forte de
predeftination ne s'accomplit point finon
par l'exécution des commandemens que
Dieu nous y donne, fartant comme le
mefprisdes moyens qui empefche Teue-
nement 3 eft vne preuue indubitable qu'il
n'auoit point efté preordonné jainfile lé-
gitime employ des moyens eft vn certain
argument de la predeftinatiofi de l'eue-
nement mefme. Et comme celuy qui fc
croit predeftiné à viure, &: neantmoins ne
veut pas manger , eft à demy furieux j ce-
iuy qui mange &: qui boit , &: qui fait les
fondions dVn homme viua^nt, s'il ne croit
^uoir efl:é predeftiné à viure par ce moyer^
ii8 j4pologie
là :, n a pas la cerueile en bonne afliette, -
Le troiiiefme exemple fera pris de cç
qu on nous impute de ne croire pas le
tranc arbitre. Se parce moyen de dépoûiU
1er l'homme de fa nature, d'ofter à fes
âûions la qualité de bonnes 6c de mau^
uailes , de de donner ainfi n;iatiere d'accu-
fer Dieu d'inipertinence q^and il les ré-
munère, &: dmjuftice quand il les punit-
Pource que ce qui n'eft ny bon ny mau^
iiais,ne peut eftre vn fujet capable de
loiiange,ny deblafme,defupplice ny de
rémunération. Certainement :,fi nous en-
feignions tout cela difertement , ce feroic
non feulement vn grand erreur en la Re-
ligion, mais vne dodrine pernicieufe à la
vie ciuile. Car ce feroit autant que fi nous
oftions la différence qui eft naturellement
entre le vice 8c la vertu ; ce qui fans doute
apporteroit vne horrible confufion aux
chofes du monde. Mais iufqucs icy aucun
n a efté fi peu fpigneux de la réputation de
fa pudeur, que d'ofer nous en accufer; feu-
lement on dit que ce que nous enfeignons
en la matière du franc-arbitre , tire necef-
fairement ces mauuaifesdo£i:rines en con-
fequence. Or quand ainfi feroit,Il ne feroit'
pourtant pas raifonnable de nous impute?
tour ceux de la Fjlig. lis^
les confcquences de nos dogmes, fi nous
ne les recognoiffons &: ne Tes aduoUons
pas i car il y a peu d'erreurs dont on nç
puifTe cirer de fort dangereufes conclu-
lions:,fi on veut vn peu fubtilement raifon-
ner j &: il y a fort peu de gens qui ne tien-
nent quelques-vnesde ces erreurs dont vn
fubtil raifonnement peut déduire des con-
cluions pernicieufes. De forte qu'il n'y
auroit quafi homme au monde qui ne
deuft &: haïr fon prochain, &: eftre hay ré-
ciproquement de luy/i nous voulions fui-
ure trop loin les confequêces des opinions
les vnsdes autres. Il fuffit donc que nous
re/ettions celles qu'on veut tirer de nos
fentimens > &: que ce que nous croyons en
cette matière, ne produife aucun mauuais
effet au préjudice de la Religion , ny au
dommage delavie ciuile. Orque noftrç
créance ne produife rien de tel, c'eft chofe
claire par l'experienceicar elle ne peut ga-
fter la pieté ny les mœurs de ceux qui ont
des"opinions contraires aux noflres , puis
qu'ils^ ont 6i les confequences &: les princi-^
pes dont ils eitiment quelles nailTent en
abomination: en horreur.Et quant à nous,
tant s'en faut qu elles foient pour corrom-
pre nos inclinations > 6c pour efleindcQ
H xxi\
uo Âj^ologtt
en nos efprits l'amour &: Teftimc de U
vertu , que nous les auons encore en plus
grande horreur que nos aduerfaires , que
nous fouftenons qu'elles ne découlent
nullement de noftre do£trine,&: que de
ces mefmes principes dont quelques-vns
çffayent de déduire ces damnables con-
çlufions 9 nous faifons fortir des enfei-
gnemens tres-efîicacieux ^ &:des exhorta-
tions tres-viues pour induire les hommes
Ma pieté» En effet , quoy que Ton die de
nos fentimens en cette matière 3 tant y a
qu'en nos adions nous ne prétendons pas
êftre comme des troncs de bois, ou com-
me des pierres, dont le mpuuement natu-r
rel de haut en basane peut nullement eftre
compté entre les chofes moralement
bonnes ou mauuaifes. Nous auons des
fens exterieurs^par lefquels nous cognoif-
fons les objets qui fe prefentent deuant
nous>&: des appétits intérieurs qui nou^
portent vers ces objets, ou bien qui nous
en retirent , ^pres que nous les aÛons
cognus dignes de noftre auerfion ou de
noftre agréement» Nous ne préten-
dons pas mefmes agir à la façon de;$
animaux dçftituez de la raifon , dont
fous les mouuemens & les appétits foçt
tour ceux de la Kelig. i^I
brutes , quoy qu'ils procèdent de quelque
cognoiffance des objets extérieurs , àur
;antque les fens 8c la faculté de Timagi-
nation leur en donne. Pource que cette
cognoiffance qui naift des fens extérieurs
&:de rimagination feulement , ne peut
pas atteindre iufques audifcernement des
qualitez ôc des citconftances qui font que
ks adions font morales , c'eft à dire , bon-
nes ou mauuaifes,8c dignes de peine ou
de rémunération. Nous auons tous par la
grâce de Dieu la raifqn &: l'intelligence^
faculté naturellement capable de iuger
des relations qui donnent aux avions hu-
maines la qualité de vice ou de vertu. Et
comme ainfi foit que c eft le propre de
l'intelligence, de ne tirer pas fes aftions
à coup perdu, mais de s'y propofer vne
certaine fin, comme vn blanc où elle vife,
^ que toutes les fins que nous pouuons
nous propofer font ou dans Thonnefteté
des chofes louables , ou dans le contente-
ment qui naift des chofes deledables , ou
dans l'vtilité de celles qui peuuent profi-
ter , nous ne faifons aucune adion auec
intelligence, que nous ne nous mettions
. deuant les yeux quelqu vne de ces trois
fins. De plus , toute intelligence qui fe
itz Apologie
f ropofe vne certaine fin, ayant encore ce
propre de la Nature de iuger des moyens
qui font bons pour y paruenir, &: quand il
s'en prefente plufieurs, de faire le choix de
ceux qu elle eftimeles meilleurs, &:de les
préférer aux autres , nous ne nous propo-
sons iamais de telles fins en nos adions,
que nous ne confultions pareillement fur
les moyens 5 6^ que de cette confultation
nous ne formions la refolution d'agir ou
den agir pas 3 conformément à la nature
tant de la fin & des moyens, que de l'in-
telligence qui fe la propofe & qui les gou-
uerne. Enfin toutes les aftions de cette
nature procédant de la volonté , &: ce que
Ton fait du mouue ment de fa volonté ne
pouuant eftre imputé à contrainte ny à
violence 5 foit bien ou mal que nous faf-
fîons , nous nous y portons volontaire-
Biet, àc n au:rit>uons aucune de nos adions
à chofe quelconque qui foit tellement au
dehors de nous j qu elle nous y force. luf-
ques-lànousrecognoiflbns vn franc arbi^
tre,&:onne peut raifonnablement nous
accufer de rien croire, nyde rien enfei-
gner autrement. Cela donc fans aucune
difficulté fuffifant pour rendre nos adions
dignes de blafme ê£ de punition, ou de
pour ceux de U Kelig, li j
rémunération ôcde louange, peut-on iu-
ftemenc demander de nous dauantage^
Certainement quand il eft queftion d al*
1er plus auant , &c de fçauoir quelle firt
nous fommes capables de nous mettre
deuant les yeux , nous difons que nous
fommes de noftre nature fi mauuais 3c fi
corrompus en nos paffions ? que nous ne
nous propofons iamais^fors rVtile Se le
Deleftable, iinon que Dieu nous faffe la
grâce d'apperceuoir Texcellêce de l'Hon-
nefte 5 & qu'il nous donne de nous y por-
tet.Encore nous trompons nous toufiours
au iugement que nous faifons du deleda-
ble&delVtile, &:neleconftituons finon
dans les choies qui plaifent a nos mauuai-
{es paffions 5 iufques à ce que Dieu nous il-
lumine, pour fçauoir bien difcerner la fo-
lidité de la vérité d'auec la vanité des ap-
parences. Puis donc qu'il ne nous arriue
lamaisd'en bien iuger de nous mcfmes,
fans lapreuention &c laffiftance de la grâ-
ce de noftre Seigneur, il faut qu'il y ait na-
turellement en rous quelque chofe qui
nous en rende incapables,6^ qui nous ofte,
non le franc arbitre mefme, car nous ne le
pouuons perdre fmon en perdant la raifon
Bc la volonté > mais lebon vfage du frana
U4 apologie
arbitre en ce qui eft du bien &: du mal> c^v
ce quieftainiivniuedel &: en toutes per-î
fonncsôc en tous temps y doit auoir vnç
caufe neceffaire Se déterminée , &c c'eft ce
qu'on appelle le péché originel , dont tou-
tes les puiflances de nos ameç Tont infé-
rées. Si cette do£trine-là nous priue de
Ja bonne grâce de nos fuperieurs Se de nos
concitoyens, il y a certes matière de s'en
eftonner,pour ces trois raifons principales.
La première eft , qu'elle donne à Dieu la
louange toute entière de tout le bien qui
eft en nous &: que nous faifo ns. Or y a-t'il
fans doute moins de péril à donner à Dieii
yn peu plus de loiiange qu'il ne faut , qu'à
en donner beaucoup moins qu'il ne faut à
1 homme. Quant nous attribuerions 4
Dieu quelque partie de la louange qui
inous appartiendroit ( ce que nous ne fai-
fons nullement pourtant ) nous ne croi-
rions pas en deuoir encourir la reprehen-
fio^ideperfonne. AlTeurémentfi ce qu'il
y a de Dieu , Se ce qu'il y a de l'homme en
:î|os avions, eft fi mal-aifé àdiuifer, qifil
foit comme impo/Tible de le partager que
l'vn ou l'autre n'y perde 5 il eft fans doute
plus raifonnable de tout rapporter à la
gloire de Dieu 5 de qui nous tenons, tftuta^
poUr ceux de U J{elig, nj
^u a noiis 5 qui n auons rien de nous-mef-
mes . La féconde eft, qu'en cela nous fui-
uons precifémenc les decifions que l'Egli-
fe a taites contre les Pelagiens &: Semi-
pelagiens, qui ont voulu donner plus qu il
ne faut au franc arbitre de l'honime. Et
qui confiderera bien ladoârine de faincfe
Auguftin en cette matierctrouuera qu'el-
le eft entièrement conforme à la ncftre, 6r
qu'il a combattu Pelagius&ifesfedateur s
des mefmes arnies dont lious nous fer-
lions maintenant. Or feroit-ce choie bien
eftrange qu'on nous haïft à caufe dVn fen-
timent en faueur de qui l'Eglife a notoi-
rement prononcé ,&: qui a efté conft ani-
ment tenu par ce grand Saind, dont le
nom &: la mémoire eft en beaedidion en
l'Eglife. La troifiefme eft finalement^qu'il
y a vne infinité d'honneftes gens en la
communion de Rome, qui font en cela de
mefme opinion auec nous , qu'on noni-
iiioit cy-deuant dans les Efcoles Predeter-
minans , &: qu'e depuis quelques temps on
appelle lanfeniftes. Et on ne peut pas dire
que nous en vueillions faire accroire au
monde lors que nous parlons ainfi ; car les
efcrits qu'on fait contr'eux les accufent li
hautemet d'eftre Caluixiiftcs en ce poinft»
jtt6 ' Apologie
qu il jie fe peut reuoqaer en doute. Le feui
liureque le Icfuite Petau a compôfé tou-
chant le franc arbitre depuis peu , en fait
foy à tout k monde. Or iufques à cette
heure on les a f upportez doucement , 8^
Rome mefme ne ^eftoit point meflée de
ce différend jouau moins n'auoit ouuer-
tementfauorifé aucun des partis contçn-
dans > iufques à il y a fort peu, que le Pape
de maintenant 5 s'eft 3 à ce qu'on dit , dé-
claré pour les Anti -lanfenifles. Ce fe-
loit donc certes paflîon fi on auoit de l'a*
iierfion contre nous à l'occafion d'vne
chofe que la communion de Rome n'a
point encor décidée formellement , 8>c qui
n'empefche pas qu'on ne tienne pour fort
honneftes gens ôc pour bons Chreftiens
ceux qui y ont des fentimens tout à fait
conformes aux noftres.
Le quatriefme exemple fera pris de cet-
te accufation fi atroce , que nous faifons
Dieu autheur de péché. Ce qui véritable-
ment feroit digne de beaucoup d'horreur,
s'il eftoit auffi véritable , que beaucoup de
fens le nous imputent hardiment. Or d'à-
ord il y a de la peine à conceuoir com-
ment cette accufation s'accorde auec la
précédente j cai: ie ne diray pas que fi nous
pour CCHX de la Relig. itj
minons abiblument le franc arbitre, dont
IVlage ell neceifaire pour faire que nos
aftions portent iullemen: la qualité de
vertuou depechc^nous oftonsaufli tout
péché de la conuerfation des hommes , &:
que Dieu ne peut eftre autheur dVne cho-
fe qui n^eft point. le diray feulement que
fi, comme nous le faifons, nous attribuons
à Dieu toute la gloire des bonnes a£tions
que nous produifonsjôc fi,comme on nous
en accufejnous le faifons encor autheur de
toutes les mauuaifes, il faut qu'il y ait vne
merueilleufe bizarrerie en nos opmions,
& que nous ayons bien peu d entende-
ment de ne recognoiftre pas quelle extra-
uagance il y auroit d'attribuer également
à Dieu tout le bien &: tout le mal qui fe
-trouueroit dans les actions des hommes.
Outre qu'ainii nous ne laifferions à la
créature ny louange ny blafme de bien Se
de mal , le zèle que nous auons d'vn cofté
à la glpire du Créateur , feroit de l'autre
choqué bien rudement &:bien manifefte-
ment par la mauuaife opinion que nous
aurions de la fainfteté de fa prouidence:
Mais véritablement on a grand tort de
nous attribuer des fentimens que non feu-
lement npus re jettons comme faux j m^i^
ii8 jdpologie
que nous auons en exécration cotiiiné
abominables. Tant s'en faut que nous
foyons coupables de ce crime , qu'au con-
traire, nous mettons conftamment Se vni-
uerfellement cette diftinâion entre le
bien d>c le mal de nos aûions, que nous at-
tribuons abfolument le bien à Dieu , com-
me àlaleulecaufedont il peut eftre pro-
duit 3 &c quant au maLnous le donnons en-
tièrement à l'homme &: au malin, qui en
font la (eule origine. Or encore que cette
queftion^que ceft que la Prouidence de
Dieu fait ou ne fait pas en la produdiô des
mauuaifes aûionsj foit ardue d*elle-mef-
me, 6c de longue difcufrion5&: qu'en accu-
fations fi calomnieufes, qu'on ne fouftient
d'aucunes preuues^il fuffit de nier le crime
pour en eftre iuftifié, ie ne laifTera^ pas dé
dire icy deux ou trois chofes pour noftrc
defFenfe. Premierementjil ne nous eft ia-
inais tombé dans la penfée , que Dieu par
quelque opération intérieure de fa Pro-
uidence, mette au cœur des hommes de
mal faire , ny qu'il y incite le moins du
monde leurs aft'edions. Ceft dans la con-
uoitife 5 Se dans la corruption de noftre na-
ture qu'eft le germe du péché , qui s'excite
&: qui bourgeonne deluy-mefme, Se qui
refpand
pour ceux de la B^elig. n^
refpanden nos penfées, en nos avions, <S^
en nos paroles tout le viee qui y eft.Ce que
la Prouidence de Dieu fait en cela^ eft de
gouuerner tellement quant à l'extérieur,
radminiftration des objets qui font capa-
bles d'exciter les affeftions ^ les conuoi-
tifesjquilsfeprefentent à propos deuant
les facultez &: les efmeuuent, lors qu il eft
queftion de l'exécution de quelque arreft
de fa ProuidencC> où les péchez des hom-
mes doiuentinteruenir. Comme ça efté
cette diuine conduite & du Père &: du Fils>
qui a fait que le Seigneur s'eft trouué à
point nommé deuant les yeux de ludas,
des Pharifien^ , &: de Pilate , pour efmou-
uoir en chacun d'eux les pafTions aufquel-
les ils eftoient enclins , &: de l'émotion
defquelles dependoit la crucifixion du
Sauueur du monde. Car il n'eft point be-
foin d'inftiller ny l'auarice , ny Tenule, ny
la cruauté dans Tefprit de^ hommes , à ce
qu'ils foient induits à faire des adions
conuenables à la nature de ces vices 5 lors
que les occafions s'en prefenteront; la cor-
ruption qui eft en eux tous dés le ven-
tre , les rend d'eux -mefmes affez en-
uieux,&: aflez cruels. Il ne faut que leur
faire voir , ou quelque notable fomme
I
ijo apologie
d'argent > ou quelque eminente vertu qtiî
ofFulque leur réputation , de qui abbaiffe
leur puillanceyou quelque auire tel objet .
fur lequel ils puiffenc contenter la barba-
rie de leurs pafiions. Et comme ii vous ap-
prochez vne matière fouuerainement
combultible de la flamme , incontinent
le feu s'y prend , la feule prefence des cho-
fes capables d'exciter ces paflions, les allu-
me incontinent. Pour ce qui eft de l'inté-
rieur, l'efficace de la Prouidence confifte
principalement en ce que les penfées des
hommes eftans fort errantes 8c vagabon-
des, &: la variété de s objets qui feprefen-
tentà eux les faifans alfez foiiueiit flotter
irrefolus entre diuers miauuaifes aftiotiSi
elle fait par des moyens fecrets & tout à
fait imperceptibles à noftrcintelligenceii
qu'ils fe déterminent pluftoft à vnechofe
qu'à l'autre, pour feruir fans y penfer au
deffeiri lequel Dieu s'eftoit formé. Ce qui
fait qu'encore qu'il ne contribue du tout
rien à lanaiffancc de ces mauuaifes pen-
fées,&: que toute fon opération fe déployé
à les gouuerher feulement , l'euenement
qui s'en enfuit luy eft attribué comme s'il
en eftoit la caufe. A quoy contribue beau-
Coup ce que Sàtàn nepouuant rien entre-
pofir ceux de la Relig. 15 ï
|)rendredefrusleshommes> iinon autatit
que Dieu luy permet , aufli-coft que Dieu
luy a lafché la bride , il court &: vole de-
dans leurs efpi:itS5&: y embrafe les paffions
qui n'y eftoient déjà que trop enflammées
d'elles-mefmes. Apres cela^de quelque fa-
çon qu'on explique cette matière, car fa
difficulté fait prendre diuerfes routes à
ceux qui fe méfient de l'mterpreter tant
en l'vne qu en l'autre communion^ tant y
a que nous n'auons iamais parlé de ce que
Dieu y fait en termes fi précis, &: qui fem-
•blent tant faire dépendre les manuaifes
aftions des hommes de loperation de la
main de Dieu, que l'Efcriture n'en em-
ployé de beaucoup plus emphatiques , ôc
qui d enrôlent donner beaucoup plus de
fujet de fcaiidalcs'il y auoit quelque chofe
en l'Efcriture dont on fe deuft fcandalifen
car elle ne fe contente pas de dire en ce
qui eft de la crucifixiô de noflre Seigneur,
que les luifs qui Tont mis à mort n'ont rien
fait finon ce que la wain é* le confeil de
T>ieHduoïent déterminé fe deuoir fme-t Aft.44
8. mais elle enfeigne difertement que c'eft
Dieu qui a endurci lecœurdeFharao contre
Ces propres commandemens,Exod.7.3.que
x'eft luy qui nfm qu'Abfalon a commis
îjt jipologie
incefte aiiec les concubines de Dauid, afin
de le punir de fes péchez, 2. Sam. ii. 11. 12.
que c'eft luy qui enuoye efficace d'erreur en
ceux oui ri ont f oint receu UdtUciion deveri»
te i afin an ils croyent à mcnfonge. 2*Thein
II. IG. II. ^ chofcs femblables. Comme
donc la bonne opinion qu'on a de la fain-
6teté de lEfcriture &: de la diuinité de fon
infpiration , fait qu'on ie porte à expli-
quer ces endroits dételle forte j> qu'on y
trouue enfin que la conduite de noftre Sei-
gneur y demeure exempte de blafme î la
charité Chreftienne deuroit porter ceux
qui lifentlesefcritsde nos gens liir cette
matière, à les expofer fauorablemcnt, s'ils
y trouuoient quelque chofe quide prime
abord ne fuft pas à leur contentement-Car
ceftbienvn effet de noftre pieté que de
tafcher d'applanir dans les Efcritures les
pafTagesquis'y rencontrent vn peu diffi-
ciles ou fcabreux ; mais c'eft vn grand def-
faut de charité, ôivne procédure qui tef-
moigne de la paflion beaucoup , que de
condamner comme criminel dans les li-
ures de nos gens , ce qu on trouue moyen
de iuftifier pleinement dans ceux des Pro-
phètes &: des Apoftr es. Finalement, il n'y
a dans ces diuins authewiL's &: dans les no-?
pour ceux de la Kelig, 13 ^
ftresexprefsion fi dure en cette matière,
ny fi capable de donner de l'alarme à Tef-
prit humain5qu'il ne s en trouue de pareil-
les &: de plus fortes encore dans les çfcrits
des autheurs les plus illuftres de la com-
munion de Rome. Car , ie vous prie ^ que
peut-on rencontrer en nos gens qiii foit
au delà de ces paroles dii Cardinal B :llar-
min au fécond de fes liures de la Perte de
la Grâce, chap. 13. Pour ce qui efi de Vin-^
ce fie (V Ahfalon , Bieu ejl dit auoir fait cç
mal-la , non entant que cefloit vne peine four
I>auid. Car encore que cefujl vn mal quAb^
falon fechaji , ce que Bieu ne voulait point ,
mais le dejfendoit j ceHoit pourtant vn bien
que Bauid fufl puny ; ce que Dieu a voulu dr
r a fait. Item au chap. i^. Non feulement
Dieu delaijfe les pécheurs quand il les aban-^
donne aux defirs de leurs cœurs , mais aufit
quand il tourne^ gouuçr ne ^ f^ ordonne fi ad^
mirablement les mauuaijes volonté z^-^ lefquel^
les il na pas faites , maurin pas ignoré quelles
fer oient telles , que malgré quelles en ayent»
elles luy feruent: c'eû à dire, à l'exécution
defesdefleins. Ailleurs il dit que Dieu les
régit, & les gouuerne, &C qu'il les tordy ou fis-
chit,&c mefmes auec quelque efpece de vio-
lence, (car le mot fçrquet ugnifie tout cela)
I iij
134 jifologie
opérant en elles inuifibiement, tellemenç
qu elles s'addreffenc pluftoft à vn mal qu'^
l'autre p^r la prouidence de Dieu. Il cft
vray qu'il dit que ce n'eft pas pofmuementi
qu'il le fait 5 mzis fermtjl^tuement itul^-
ment, & qu'il explique cela parla compa-
raifondvnchafleur duquel oh ditquil a
ponffé fon chien fur le Heure , quoy qu'il
n'ait fait que lafcher lalefledont il lete-
noit arrefté. Mais outre que Temphafe de
ces mots monflre qu'en ctttc permiJsionM y
a quelque cfftczccpojïtmeyil dit que mef-
mcspo/âiuemef2f Dieu, encline les volontez
des mefchans pluftoft à vn m^l qu a l'au-
tre,quoy que ce foit QccaftonmUement&mo^
ralementyC^Çi à dire, en leur mettant ei>
l'efprit quelques penfées bonnes en elles
mefmes, mais dont ils abufent à mal. Puis
donc que nous faifons également profef-
fion d*auoir en deteftation que Dieu foit
lautheurdes péchez dçs hommes, & que
nous nous exprimons en termes qui font
cfgalement capables , en les prenant trop
à la rigueur , de faire foupçonner quelque
chofe de tel pourtant, quelle apparence de
raifon y peut -il auoir que les Dofteurs
Romains foient neantmoins receus à nous
fccufer continuellement, ôcque quant à
pour ceux de la Kelig, 13^
nous on ne vueille pas donner vne oreille
à nos defFenfes : Ou de quelle iuftice peut-
on colorer ce procédé , que Ton recoin-
penfedes dignitez les plus eminentes de
l'Eglife de Rome ceux de fa communion
qui parlent ainli,&:qua ces pauures Re-
formez 5 qui ne difent du tout rien de pis,
on fafle fentir tant d'eiSFets dVne animof^-
té comme implacable ?
SECTION IV.
Que ft on confdere ceux de U Keligioff d
l'ejgard des chofes qu'ils ne crojent
pas ^ ils ne mentent point d'auerfion.
Et premièrement touchant Vinuoca-'
tion des SainHsy l'adoration des Ima^
ges^ ^ le Purgatoire.
Viennent maintenant à eftre confide-.
rez les principaux chefs des chofes
que nous ne croyons pas , ou que nous ne
pratiquons pa^ en matière de Religion,
Car ie ne veux parcourir que les plus no-
tables , ne doutant pas que fi i'y puis don^
ner quelque fatisfîi^ion à ceux qui wm
13^ apologie
veulent du mal , ils ne fe portent d'eux
mefmes à iuger équkablemenL &: fauo-
rablement du refte. Le premier que ie
propoleray eft l'inuocation des Sainfts,
que nous ne croyons pas eftre permife à
TEglife 3 Se qu'à cette occafion nous ne
pratiquons point entre nous. Surquoy cer-
tes il y afujetde s'eftonner comment on
le trouue fi mauuais. A la vérité fi nous
le faifions poiirce que nous fuflions enne-
mis des Sainûs &c de la Vierge Bien-heu-
reufe , quoy que la chofe ne fuft pas blaf-
mable en elle-mefme , nous n'en pour-
rions pourtant nullement nyiuftifier, ny
mefmes excufer le motif. Mais Dieu 3c
hs hommes nous font tefmoins, quelques
calomnies qui fe fement parmy le vul-
gaire i Se à quelques excez qu'on s'em-
porte quelquesfois dans le zèle des pré-
dications > que nous eftimons les Sainds
Bien-heui^eux, que nous admirons leurs
vertus y que nous imitons leurs exem-
ples 5 Se fur tout 5 que nous auons de la
glorieufe Mère de Noftre Seigneur, tou-
tes les plus hautes &: les plus auantageu-
(ts opinions que Ton peut auoir d Vne per-
fonne purement humaine. Nos efcrits pu-
blics en font foy , nos propos en atteftenç
pour ceux de la Relig. 137
en toutes occafions , &: nos prédications,
au moindre fu jet qui nous en eft prefenté,
refonnêt magnifiquemêt de leurs louages.
De forte que fi nous ne lesinuoquonspas,
il le faut fimplement attribuer à vn pieux
5i religieux mouuement de nos conlcien-
ces. Or y a-t'il certes diuerfes confidera-
tions pour lefqucUes ceux auec qui nous
viuons nous y doiuent eftreplus équita-
bles; car pour ne dire point icy que tout
tel mouuement de confcience procède de
quelque reuerence enuersla Diuinité^tout
le monde aduouë que nous n'auons point
de commandement en l'Ecriture d'inuo-
quer autre que Dieu. Et de fait le Concile
de Trente neditpa.s.quecefoitvne chofe
neceffaire, mdih bonne é"vtile feulement,
que d muoquer les Sain£i:s qui régnent
auec noftre Seigneur. De forte qu'on ne
nous peut accufer de rébellion contre
Dieu , ny de defobeyffance à fes comman-
demens en cet efgard. Or fi l'Apoftre S.
Paul dit qu il faut fupporter charitable-
ment ceux qui n ofent manger de quel-
que efpece de viande , pource qu'ils fe fi-
gurent qu'elle eft défendue , encore qu'el-
le ne le foit pas , il nousfupporteroit fans
doute beaucoup plus doucement encore""
138 jâ^ologiç
ç'il viuoit 3 eftant icy queftion dVne chofe
qui quand elieneferoit pas défendue de
Dieu 5 nous eft fort fufpcfte pourtant , ôc
quieft d'incomparablement plus grande
importance. Apres cela , ce qui augmente
noftre foupçon , c'eft que ny dedans le
Vieil ny dedans le Nouueau Teftament
nous n'en voyons aucun exemple. Car
tout ce qu'on en veut tirer pour iuftifier le
contraire , eft fifriuolejque peu s'en faut
que ceux mefmes qui lallçguent n'en
ayent honte. En effet , pour ce qui eft du
Vieux Teftament, puis qu'en l'Eglife BLo-
•ma'ine on croit que ny les Patriarches , ny
les Prophètes , ny les autres Sainfts de ces
temps-ià^n'ont point cfté recueillis en Pa-
radis finon àl'aduenemctdu MelTie^c euft
efté lors chofe bien impertinente que de
les vouloir inuoquer. Pour ce qui eft du
Nouueau 5 les plus paOionnez difputeurs
n'y en trouuentpas la moindre trace. Or
ce qu'il n'y a point de commandement
d'inuoquer les Saints, eft vn argument in-
dubitable de l'inutilité de la chofe en foy.
Si elle pouuoit feruir a la gloire de Dieu
&: à noftre falut ^tres-afleurément Dieu la
nouseuft commandée. Mai$ ce qu'il n'y
en a point d'exemple, eft vne tres-violen-.
pour ceux de la Relig. i j^
te prefomption qu'il y a quelque chofe de
vicieux en cette deuotion , n eftant nulle-
ment àprefuppofer que nous foypns plus
aduifez\)u plus deuotieux que ces Sainûs
à qui Ion défère cet honneur , pour inuen-
ter en matière de pieté quelque nouueau-
té qui ne leur ait point eftécognuè. Il eft
vray que le Concile de Trente couche icy
magnifiquement de la couftume de TE-
glife Catholique &: Apoftolique , 6c qu'il
en rappelle lorigine de la plus lointaine
antiquité. Mais après quinze cens ans qu'il
ly a que les Apoftres font morts , les traces
de ces traditions nousparoiflentûconfu-
(csyàc la iadance de ceux qui fe vantent
de les nous monftrer dans les efcrits des
anciens Hiftoriens &: des Pères , eft ou fi
peu fondée en bons tefmoignages, ou
inefmes contredite fi fortement par ceux
que nous alléguons, que nous ne voyons
aucune apparence Je raifon de nous ra-
foudre làdeffus à vne chofe de telle im-
portance. En effet, i'eftime que cecy nous
doit iuftifier deuant tout le monde. Il faut
neceflairement que Tinuocation qu'on
addrefTe à ces beniftes créatures qui foqt
au Ciel , foit vn feruice religieux qu'on
leur rende comme à des médiateurs 6c in-
140 jéj^ologie
terceffeurs entre Dieu &: nous , Se vn hon-
neur qui leur foit deu à caufe de cette
charge 3 ou que ce foit feulement vn effet
de la communion des Saindls , qui nous
fait implorer l'affiftance des prières de nos
amis dans Ic^necefTitez qurnous preffent.
Si c'eft le pr emi er , il me femble qu'il n'y a
perfonne qui entende que c'eft de raifon,
qui n'aduouë que nous en auons beaucoup
de nourrir de fi fartes auerfions pour ce
culte : Car quant à hpnorer le Créateur
d Vn feruice religieux , c'eft chofe que
nous deurions faire quand il ne le nous
auroit pas commandé, pource que l'excel-
lence &: Timmenfité de fa nature, l'eftre
qu'il nous a donné, la prouidence par la-
quelle il nous gouuerne,&: les autres bien-
faits que nous auons receus deluy, l'exi-
gent de nous clairement. Mais honorer
vne fimple créature dVn feruice reli-
gieux , eft chofe que*nos confciences ne
peuuert gaigner fur elles mefmes , fans
vn commandement tres-exprés &: très-
euident -, & quand elles verroient quelque
chofe de tel , il feroit bien malaifé que la
qualité de leur objet ne les fift beaucoup
hefiterauant qu'elles y condefcendifTent;
car le feruice religieux eft comme l'amour
pour ceux de la Relig. 141
cônlugal, ainfi que l'Ecriture enfeigne.Or
'tant s'enfaucqu vne femme challe com-
munique cet amour à autre qu'à ton ma-
ry, fans fon confentemcnt bien exprés,
que mefmes quand il le luy ordonneroit,
la nature delachofe la porteroit à sciki-
mer difpenfée de lobeifTance. Joignez à
cela que la charge de médiateur Se d'in-
tercelfeureftenrEcriture attribuée à le-
fus-Chrifl: exclufiuement à tout autre. // y
a, dit l'ApSftre l. Tim.z. 5. vnfeul Dieu &
njnfeul Médiateur entre Dieudr les homme s y
à fçauoir lefus-Chrift.Or le veux qu'on al-
lègue icy de fubtiles diftinftions de Mé-
diateur d'interceffion 6^: de médiateur de
redemption.&autres telles qu'il vous plai-
ra 5 tant y a que cela ne djous ofte pas les
fcrupulesde la confcience. Les termes de
r Apoftre, comme il eft manifeftcfont di-
fertsjces difl:in£tions font de l'inuention
de Tefprit humain jôcfondées fur certaines
fuppofitions dont nous ne voyons aucune
trace en l'Ecriture. le vous prie, en vne
chofe dont nous n'auons point de com-
mandement, dont nous ne voyons aucun
exemple, où il y a tant d'apparence que la
chafteté de la confcience, &: la pureté de
l'amour que nous deuons à Pieu çft
tj^L Apologie
Violée 5 &: où la gloire de la charge de no-
ftre Médiateur eft communiquée à au-
truy, où trouueray-ie dequoy fuflifammet
authorifer ces diftindions, pour medeli-
urerde rapprehenfion que i'aydebleffer
le feruice de mon Dieu , &: le falut de mon
ame ? Dans les chofes humaines , c'eft vn
précepte de prudence que nul ne tranf-
greffe à moins que d'eftre quafi tenu pour
infenfé , de ne fe porter iamais à faire cho-
fe quelconque fans necefllté, otffans quel-
que vtilité louuerainement confiderable,
quand il y a dans Tadion quelque notable
péril. Ou donc ie ne voy nulle neceflité
d'inuoquer les SainÛs^jCar il n'y en a point
de commandement, ou iene voy point
d'euidente vtilité ; car puis que le Fils vni-
quede Dieu eft mon incerceffeur , le me
puis fort bien pafTer de rinterceflion de
' tous les Sain<^s bc de tous les Anges 5 ou le
danger eft fimanifefte de choquer l'hon-
neur de monCreateur5&: la gloire de mon
Rédempteur , ou finalement ie cours rif-
que de la perte de mon falut ; de quel cha-
ftiment ne feroit point digne matemm--
té, ou quel fupplice ne meriteroit poiilc
mon irreligion , fi ie palToispardeffus tou-
tes CCS eonfiderations par inaduertance.
pour ceux de la Kelig. i^^
ôupar complaifance? Si Ion prend cette
inuocationieuleinent comme vn effet de
la communion des Saints, les fcrupul es
que nous en auons ne font pas moins con-
iiderables : Car premièrement nous la
voyons pratiquer en lEglife Romaine
comme vn ieruice religieux. On y prie les
SainCts tout de mefme que la Trmité : &:
comme l'air d>c la façon extérieure de le
faire eft toute femblable au feruice reli-
gieux que Ion prefente à lefus-Chrift ,
aufli voyons nous que la deuotion &: les
mouuemens du cœur ne différent aucu-
nement de ceux qu'on efpand en lapre-
fcnce du Redempteur,quand on s'addref-
fe à la perfonne : pource que l'inuocation
eft vne dépendance de l'adoration, on n y
nie pas qu'on ne puilfe &: qu'on ne doiue
adorer les Sainâs àc la Mère de lefus-
Chrift , feulement on cherche quelques
degrez d'adoration fubalternes &: quel-
que peu moins efleuez, pour ne les cfgaler
pas tout à fait au Sauueurdu monde. On
diftingue entre l'adoration de Utrie , Se
celle qui n'en eft pas î on fubdiuife encore
cette-cy , pour ne mettre pas les Sainfts 6i
la Vierge bien-heureufe en mefme rang>
en affignaut à ceux-là la d»l$€ tout limple-^
144 jipologie
ment, au lieu qu'on eftime celle-cy digne
de l'hyferdulïe. Mais quoy qu'il en Ibit , la-
trie, dulie 5 hyperdulie, ce lont cultes reli-
gieux 5 qui différent feulement de quel-
ques degrez entr'eux i ce qui fcandalilc
tout à fait nosconfciencesjcar il nousfem-
ble que comme la différence des degrez
au culte^induit bien neceffairement la dif-
férence des degrés en Texcellence de l'ob-
jet, de forte que les perfeftions desSainÊts
n'égalent pas celles de la Vierge, &: que
celles de la Vierge ne vont pas au pair de
lefus- Clirift , ainfi la conformité en la na-
ture du culte, induit pareillement la con-
formité delà nature de l'objet j de fortç
que ce font des Dieux &: des Rédempteurs
à qui on addreffe cette inuocation , mais
d'vne dignité inférieure à noftre Sei-
fneur , &: à la Diuinité éternelle de fon
ère. On ne craint pas mefmes de dire
qu'ils font Dieux & Redemfteurs, quoy que
cène foit qu'en quelque façon c^ far par-
ticipation :> comme Bellarmin les appelle.
Comment donc pourrions nous confide-
rer cette inuocation comme vnfimple ef-
fet de la communion des Sainfts, &: com-
ment y pourrions nous participer fans
crainte de polluer nos confciences ? Puis
après
four ceux de U Relig. i^ j
après en cette communion que les Sainûs
ôc fidèles ont entr'eux , nous implorons
bien lafliftance des prières de ceux à qui
nous pouuons parler , fi nous nous ren-
controns en mefme lieu auec eux. Sil'in-
terualle des lieux qui nous leparenc,
n empefche pas le commerce &c la com-
munication 5 nous le pouuons faire par
lettres. Mais quant à prier ceux qui font
fi efloignez de nous , qu'ils ne peuuent ny
entendre noftre voix , ny receuoir de nos
lettres , ny eftre informez par aucun au-
tre moyen de nos inclinations &:de nos
neceffitez , c'efl: ce que nous ne penfons
pas qu aucun des Catholiques pratique.
Ceux donc qui inuoquent les Sainfts, s'i-
maginent qu'ils font entendus d'eux , Se
quilscognoiffent leurs necefiirez Se les
mouuemens de leurs confciences. Or
comment cela fe peut-il fans leur attri-
buer ce qui ne conuientquala feule diui-
nité 5 c'eft à fçauoir vne cognoiflance infi-
nie ? le fçay bien encore qu'on allègue icy
beaucoup de diftindiôs ingenieufes. Mais
comme quand il eflqueftion d'vfer dVne
drogue bien dâgereufcapres diuerfes pré-
cautions, &: diuerfes preparations^le meil-
kur,ôc le plus falutaire cft de n en prendre
K
ij^6 apologie
du tout point^pource que la moindre pe-
tite omiffion en tant de circonipcillons,
elt capable de faire que vous vous empoi-
fonnerez , au lieu de prendre a Vn bon re-
mède :ainii envne adion de cette idrte>
après toutes ces fabtilitez,leplus.ieur de
le plus expédient cft de ne la faire du tout
point 5 pource que ii vous vous y trompez,
l'erreur y eil pernicieufe. En eft'et/urquoy
pouuons nous fonder aucune certitude de
cette perfuafion , que les Sainâis qui font
en Paradis nous entendent ? Quel enfei-
snement en auons nous en la Parole de
Dieu, quel exemple dans les expériences
des chofes huntiaines ? C:uel raifonnement
tire ou de la nature eu de l'eftenduë de
leur félicité efl: capable de nous en rendre
GertainsîQ^ls Anges enuoyez des Cieux
riôùs en ont iamais rendu tefm^oignage?
Et û ie ne fuis point affcuré d'eilre efcoute
de celuy que i'appelle à mort fecours , à
quoy faire rempliray-je la terre & les
Cieux des clameurs de mes litanies?Enfin,
foit qu'oit confidere Tinuocation des
Sainfts comme vn culte religieuxjn'ayant
point de commandement de la pratiquer,
nous nefçauons fl ceft chofe agréable à
Dieu. Or Salnd Paul dit que faire vne
^ pour ceux de la Rclig. i^-^
ààion fans fpuoir fi elle eit agréable à
JDieuounon^&cpecheisc'eft vne mefme
chofe. Soit qu'on la coniidere feulement
comme vn effet de la communion des
Sainfts , n'ayant aucune certitude qu'ils
entendent nos oraifons, la fagefle ny k
pieté ne nous permet pas de faire des
actions de cette nature à la volée. Si ie
m'eftois propofé de difputer de la Reli-
gionj ie m'arrefterois dauantage à refou-
dre tout ce que Ton met en auant fur cette
matière , 3c monftrerois que tout ce qu'on
a accouftumé d'alléguer pour donner
couleur à cette partie du feruice de l'Egli-
fe Romaine , eft fans folide fondement.
Et ficét efcriteftoit entrepris proprement
Se principalement à dcflein de conuertir
à noftre prdfeffion ceux qui en font efloi-
gnez, ieme mettrois en deuoir de prou-
uerbien fortement que c'eft vne pratique
qui ne s'accorde nullement auec le génie
de la Religion Chreftienne. Mais pource
que ic n'ay defiein finon de diminuer Ta-
uerfîonquetantde gens ont contre nousi
Umefuffit de dire que là où deux chofes
qui nous doiuent eftre en fi fouueraine re-
commandation, la gloire de noftre grand
Diau , ôc noftre falut éternel , nous empef-
K ij ■
148 Afologie
chent feules fans autre confideration d'ap-^^
prouuei'iSide pratiquer ce culce ennoftre
Communion , nous mcritons pluftoft
louange d'eftre circonfpeûs , 6c fi l'on le
veut ainfi, fcrupukuxjpar des motifs fi im-
portans ? que non pas l'indignation de
ceux à qui noftre créance eft odieufe.
Le fécond point eil: celuy de l'adoration
des images ^ fur. lequel y a encore beau-
coup plus de fujet de s'eftonner que no-
ftre créance &: noftre pratique nous puif-
fe attirer la haine de nos concitoyens 5
car non feulement nous n auons dans la
Parole de Dieu , ny aucun précepte , ny
aucun exemple de les vénérer , mais nous
auons &: des commandemens tres-pre-
cisj &:des exemples très- autentiques qui
le nous défendent. La defenfe en eft
tres-expreffe en ces paroles du fécond
commandement de la Loy. Tu ne te feras
aucune image t Aillée , ny reffemhUnce des
chojes quïfont Ik haut au Ciel, ny icy bas en
la terre , tu ne te froflerneras point deuant el-
les-^CT ne les feruiras point. Et en celle-cy
du quatriefme Chapitre du Deuterono-
mç..i Vom prendrez bien garde 'fur vos
âmes , ( car vous nauez veu reffemh lance au-
cune au iour que nofre Dieu a. parlé à vous
pour ceux de UB^elig. l^s>
en Oreh du milieu du feu : ) De fenr que vous
ne vous corrompiez , (^ ne vous fafiiez. quel-
que image taillée , eu refJemhUnce qm vous
ref refente chcfe quelconque , qui fott effigie
de ma fie ou de femelle y ou effigie d aucune hefie
qui f oit en la terre y ou effigie d aucun oifeau
ayant aife qui vole par les deux. Et cela eft
répété &: dans le mefme Chapitre àc en
mille autres endroits. Les exemples en
font en ce que c'a efté la, confiante ^ in-
uariable pratique des luifs > den auoir au-
cune reprefentation de chofe viuante qui
peuft le moins du monde attirer leur de-
uotion^&c en ce que les premiers Chreftics
y ont encore eu plus d'auerfion qu eux , &:
s en font gardez auec vne fouueraine dili-
gence. Il eft bien certain que ceux qui ont
introduit la couftume de mettre des ima-
ges en l'Eglife^S^ de les y honorer^ont ap-
porté touç ce qu'ils ont peu de fubtilité,
pour nous faire croire que Dieu ne nous
la pas dçfendu.Tantoft on y diftingue en-
tre idole Se mage,Sc repr^fentatiô de chofe$
C[mfcnt,8cdc cdlcs qui ne font point Tâtoft
on va chercher la forme des Chérubins
dedans le Sanctuaire deffus rArche5.&: dâs
les courtines dont le Tabernacle eftoît
çouuert. Tantoft on dit que ce comandQ-
ijQ apologie
pient eftait cercmcniai &c légal ^ ^ que
nous n'y fpmmes plus aftreints fous l'E-
uangile de lefus Chrift. Tantoft on em-
ployé quelque autre artifice pour nous
rendre la tranfgreflion de ce commande-
ment moins fcandaleufe &: moins eftran-
ge> Mais on ne fçauroit tant faire pour-
tant 5 que cela nous deliure des peniécs
que cette forte de deuoùon lette dedans;
nos efprits ; car quelle apparence que les
Çhreftiens de maintenant entendent
mieux cescommandemens que lesluifs,
à qui ils ont efté donnez par Moyfe mef-
me>poiireftrela règle de leur pieté, ny
que les premiers Çhreftiens qui auoicnt
receu le Chriftianifmc de la bouche des
Sainfts Apoftres ?Ou qui a donné le pou-
uoir aux Çhreftiens de ces derniers temps,
d'interpréter les ioix de Dieu, que les luifs
&lespremiers Çhreftiens» ont rcceuës &:
exécutées tout fimplement , fans entre-
prendre de les glofer d'aucune e:^pofition
telle qu*eft celle dpnt à cette heure on les
enerue^Et s'il fetrouuequeces interpré-
tations ne foient pas félon le fens du Le-
giflateur^quinou^ g^réntira delà maie-
diâionqueces Ioix dénoncent à ceux qui
les violent ^ ï'ay defîa dit que ie ne veux
pour ceux de la Rclig, iji
nullement encrer icy dans la Controuer--
le: mais celan'empefchera pas que ie ne
mecce icy en auant les precaucions fous
lefqaeil'wS le Cardinal B^ilarmin veut que
les imaiTes foient vénérées j afin de voir
s'il y a raifon de nous vouloir du mal,'
po Siïct que nous n y pouuons confentir. Il
apporte donc premièrement au fécond li-,
ure qu'il a efcrit de cette matière, trois di^
ilinftions qu ileftime préalables à la deci-
fion de la queftion > &: à la reconciliation:
des diuerfes opinions des Dodeurs Ca-
tholiques Romains; puis après il met en
auant quatre ou cinq propofitions? dans
lefquelles il comprend toutes les règles de
ladeuotiondes Chreftiens en cetefgard.
H diftingue entré les chofesqui fe peuuent
honorer de pare lies mefmcs.cçyxnvat le Roy 3
excelles qui ne s'honorent fmon far acci-
dent feulement-, comme la pourpre dont
il eft veftu. Item , entre les chafe$ qui fe
peuuent honorer a. caufe â^ elles mefmes ^
comme font celles qui font fainftes 8c fa-
crées de leur nature ; 6^: celles qui fe peu-
uent honorer k caufe de certaines autres yCO m-
me les fignes des chofes fàcrées^à caufe de
la rerfemblance qu ils ont auec elles. En-
fin^ encre les chofesqui fe peuuent hono-
iji ^^ologîç
rer prcprement , comme quand on fait de
l'honneur à vn mon , que I on porte effe-
ftiuement dans la pompe de fes funérail-
les : & celles qui fe peuuent honorer im-
froprement comme quand on fait de l'hon-
neur à vne image de cire qui reprefente le
mort.dont le corps eft en quelque lieu ail-
leurs. Ces propofîtions font: ^lutles ïmxg^s.
' ds Chrifi dr des Saincis dcïuent eflre venc-
rées y non p^ feulement pù.r accident , ny im -
proprement , mais de par elles me [mes , d^ pro-
prement^ tellement que U vénération au on leur
vendfe termim, en elles , entant quelles font
confderêes en elles mefmes , dr non f as fuie '
ment entant quelles fupplecnt à lahfence de
t' original quelle^reprf entent. En après : ^ue
pour ce qui regarde, la façon de parler de cette
matière i notamment dans les prédications qui
fe font au peuple , Une fatst pas dire qu aucunes
images do tuent efire adorées de t adorât wn de U^
m>, qui eft celle qu'on doit à ladiuinité>
mais au contraire y il faut dire qutl ne les faut
p4.sainfi adorer, Neantmoins il adjoufte en
troifiefmelieu;^^/?^/^^^/? qui e/fde Ucho-
fe mefme , on peut accorder que le s images peu-
uent efire honorées ou fermes improprement oh
par accident y du mefme genre de culte dont [o-
rigmal mefme doit efire honoré ouferuy. Cç
ffour ceux de la Relig. i j3
qui efl vne merueilleufe manière de pref-
cher 5 que non feulement on ccle au peu-
pie la vérité , mais qu'on luy prefche le
contraire ; car proprement ou impropre-
ment, par elles-mefmes ou par accident,
tant y a qu'elles peuuent eftre honorées
ducultedeubàladiLiinité^ri ce font ima-
ges delaDiuinité mefme. Ce donc qui
fe peut &: qui fe doit faire en leur efgard,
pourquoy ne fe doit-il pas dire ? Ou pour-
quoy enieignera-t'on au peuple le con-
traire de ce qu'il faut qu'il pratique ? Il dit
de plus, afin que perfonne ne s y trompe ;
^^e l ^ image ne doit Va6 élire adorée par elle
mefme c^ proprement :> du mefme culte duquel
on honore l' original, é^- partant qu il ne faut
adorer aucune image par elle mefme ^ propre-
ment-, du culte que Von nomme de latrie. Fi-
nalement il conclud, ^ele culte qui par
foy-mefme ^ proprement e fi deuh aux images
ejl vn certain culte imparfait , qui fe rapporte
analogiquement dr rednciiucment k la mefme
ef^ece du culte qui efl deu a fon original. QA)n
me die vn peu icy au nom de Dieu , com-
ment nous pourrions faire entendre au
peuple toutes ao^s diftinftionsj de par foy S>c
par accident ^c^d^ à caufede foy^ ^ d'à caufe
d'vne autre chofe ^ de proprement &c d 'impro-
IJ4 j4t)ologtc
ment i d ' ândofni^ue'riem 3c yedticîhtement , SC
ce que liiy eft oppoféj de ^Wf;7 & de /'r<:'/>r6'5
de r)s^//'(? pârfatt ^ &: de culte impArfait , dont
l'vn eft deub à / original , &: / '^«/r^ à la co-
fie^. Qf£on mediecncorcaunoindcNo-
ftre Seigneur > quand nous aurons def-
ployé toute laddrefle de nos efprits à Tm-
terpreter au peuple , &: que Dieu luy aura
donné plus de capacité que d'ordinaire^ll
n'en a pour le comprendre ^ lors qu'il fau-
dra efFcdiuement le profterner deuant les
images, comment ôc luy &: nous pourrons
nous garder en nos efprits toutes ces di~
ftinûions 5 S^ coniment pourrons-nous fi
bien partager les mouuemens de noftre
deuoiion, que nous ne foyons point fujets
à nous y mefprendre? Car ii par vn mefme
aftc de mon entendement i'honore l'ima-
ge &: fon original, comment pourra eftre
mon adoration direûe &: reflexiue,propre
&: analogique par fo.y 6^ par accident, pro-
pre &: impropre, terminée en l'image ^
relatiue à l'original, de latrie èc non de J a-
trie tout enfemble? Et s'il faut que cela fe
fafFe par diuers aftes de mon efprit , qui fe
fuGcedent les vns aux autres , comment
pourray-je fi biçn en déterminer les mou-
uemens , que quand l'adoreray l'image de.
pour ceux de la Relig. iy|
Tcfus-Chrift proprement &: àcaufe d'elie-
inefme, 4^ cette forte de culte qui luy con-
uient, ie ne fafle aucune reflexion fur fon
original > de peur de Thonorer dVn culte
inférieur à fa dignité ? Puis quand le la-
doreray par accident , improprement Se
reflexiuement à fpn origmal feulement,
comment pourray je fi bien faire que mon
ame ne s'attache nullement à elle pour-
tant 5 de peur de luy rendre l'honneur qui
ne conuient qu'à la Diuinité mefme ? Ou
eft l'homme viuant qui ait fçeu fibien me-
furer les opérations de fon efprit>&: no-
tamment en vne chofe fi ardente Se fi vé-
hémente que doit eftre la deuotion,que de
ne confondre point ces idéc$ l Cependant
le moindre péché en cela eft mortel , la
moindre inconfîderation qui s y commet^
eft vn adultère de l'âme : m.ais pour n'en-
trer pas plus auantdans cette difpute, ie
mecontenteray icy d'vne confideration,
qui, ie m'afleure , nous exemptera de blaf-
me enuers toutes perfonnes raifonnables»
Ceux de la bonne volonté de qui nous
auons le plus de befoin en diuerfes occa-
fions, font les luges Se les Magiftrats>à qui
eft commife l'adminiftration de la luftice
en ce qui nous regarde. Et laLoy ? félon
}S6 apologie
laquelle ils nous doiuentiugei , font les
Edifts de nos Roys, &: généralement tou-
tes les conftitutions qui ont efté faites en
faueurde nos Eglifes. levoudrois donc
qu'ils me fupporcaflcnt en la hardieffe que
ie prendrois de leur demander , en cas-
qu'ils y euft quelque article dedans les
Edifts par lequel quelque chofe nous fuft
anffi clairement défendue, que T vfage des
Images en matière de pieté eft defFendu à
tous les hommes par la Loy de Dieu , s'ils
nousreceuroient à excepter contre la def-
fenfe par des diftinftions&ides interpré-
tations femblables à celles qu'on apporte
à ce commandement. Certes tout ce que
nous pourrions attendre d'eux de plus mo-
déré feroit^quecen'eftpas à nous à inter-
préter les Loix,maisàceluyquilcs a fai-
tes , & que fi on nous donne la liberté d'é-
luder par nos diftinûions la volonté du
Souuerain 5nous auons affez d'inuention
ôc de fubtilité pour le faire : envn mot^
qu'il fe faut tenir aux termes précis de la
Loy, &: la pratiquer exactement fans tou-
tes ces chicaneries. Etlàdeflusonnousfe-
roitincontment desdeffenfes qui coupe-
roient dans la racine toutes nos fpecula»
pour ceux de Ul{e/ig. j^y
tions 5 6c qui tireroiem après elles des cha-
ftimensbien rigoureux, fi nous auionsla
hardieflede rien entreprendre allencon-
tre. Nous fupplions donc ces Meffieurspar
la charité de Noftre Seigneur , qu'ils ne
nous vueillent point de mal de ce que
nous ne faifons point enuers Dieu , ce
qu'ils ne pourroient foufFrir que nous fif-
iions enuers eux, & fi nous redoutons en-
core plus la feueritédefesiugemens, que
nous ne faifons la leur en de telles occur-
rences. Comme tant s'en faut qu ils nous
blafmafTent d'eftre religieux obferuateurs
de laLoyde ncftre Prince, d>c timides a
l'interpréter , qu'au contraire ils nous en
loiieroient * &:iugeroient noftre modeftie
digne de recommandation j ils ne nous
doiuent point fçauoir mauuaisgré de ce
que nous fommes fcrupuleux en ce qui eft
de lobferuation des loix du Souuerain iu-
gecM monde ; car la Majefté des Roys qui
eft imprimée dans leurs loix, eft à refpe-
âer tant 3c plus ; mais la Majefté du grand
Dieu^dont il a mis Temprainte enfes corn-
mandemens,reft fans contredit beaucoup
dauantage.
On pourroit icy douter fi ie deurois met-
tre la doctrine du Purgatoire au nombre
i;8. Apologie
despoinftsfur leiqutls noiisauonsà faire
nofti'e Apologie , pource que nous ne les
croyons pas ; car il ell: bien vray qu'elle eft
extrêmement éloigncede noilre croyan-
ce, &: eft vray encore qu'elle eft peut eftre
vne de celles pour la reje6tion dcfquelles
nous auons le plus encouru de haine à l'ef-
gard de quelques-vns. Mais ce ne font
pourtant pas ny les peuples ^ny lesMagi-
ftrats, ny les Grands , qui nous veulent du
mal à cette occafion ;ce font lesEcclefia-
ftiques, Se les Moines , &: l'Euefque de Ro-
menotammentj àqui le renuerfement de
ce dogme peut autant preiudicicr, que fon
eftabliflement leur a apporté d'accommo-
dement &: dVtilité. Car c eft làdefllis que
font bafties tant de bonnes friches fon-
dations 5 c'eft de là que germe la neceflité
de tant de Mefles , c'eft ce qui a donné cré-
dit aux Indulgences &: aux Pardons , 6c
fans cette opinion , le threfor des Satisfa-
ftions 5 dont le Pape garde la clef, feroit
entièrement inutile. Quant aux autres de
cette communion , il y en a vne infinité
qui ne croyent du tout point de Purgatoi-
re : 8c de ceux qui le croyent , la plus-part
le craignent plus qu'ils ne l'aiment ; de
forte qu'ils ne doiuent point trouuer mau-
pour ceux de U ï{elig, i0
liais j, que nous ayons cherché dans la Pa-
i'ole de Dieu le moyen de nous en affran-
chir. N-antmoins pource que ks Ecclc-
iiaftiques ôc les Religieux ont vne grande
puijflfance fur les efprits des ancres ordres
de cette communion,&; que la haine qu'ils
ont conceue contre nous à caufe de l'abo-
lition du Purgatoire , les rend plus ardens
&: plus animez à allumer celle que les au-
tres nous portent pour d'autres occalîons>
il vaut mieux en dire quelque chofe en
paflanc, à ce que noflre iuitificacion en (bit
plus compiette. Certainement s'il y auoit
en l'Efcriture feulement quelque ombre
apparente d'enfeignement qu il nous faut
attendre quelque telle forte de tourment
après cette vie^it faudroit tafcherde refou-
dre nos efprits à erl receuoir la perfuafion,
bîenquelledoiue eftre accompagnée dé
beaucoup de douleur Se de chagrin. Car-
bon Dieu qu'eft-ce que cela > qu'après tant
de miferes qu'on a foufFertes en ce mondé
icy, 3c au milieu des angoifles de la mort
qui a accouftumé d'eftre li efpouuantable,
on nous vienne troubler l'imagination ds
l'apprehenfion d'vn feu horriblement cuî-
fantjdans les flammes duquel nos âmes
doiuent eftre tourmentées durant ie ne
fçay combien de liecles î Nous admirons
la fermeté du courage des Martyrs, qui
ont pu le refoudre à la foufFrance du feu
pour deux ou trois heures tout au plus, &c
quand nous les nous reprefentons roftir
fans le defeiperer, l'idée feule de ce fuppli-
ced'vncofté 5 &: de leur conftance de l'au-
tre 5 comble tout enfemble nos efprits de
tremeur Se de merueille.Q;^ doit-ce donc
eftre de ceux à qui on fait voir en mourant
cétefFroyableabifmeouuertjOÙ le feu eft
incomparablement plus ardent que celuy
que les Martyrs ont efprouué delfus leurs
bufchers 5 & auquel il n'y en a pasvn qui
ne fe doiue prefumer eftre condamné
pour tant d années ? Mais puis que la Pa~
rôle de Dieu n'en parle point, &c qu'il n'y a
DoÊteur en la terre qui en ofaft entrepren-
dre la preuue par elle fans la Tradition,
quel mal nous peut-on raifonnablement
vouloir fi nous nous fonimes par la grâce
de Dieu deliurez de cette gefne? Car pour
ce qui eft de la Tradition, i*ay defiâ dit ail-
leurs que c'eft chofe qui ne nous touche
pas beaucoup , à caufe de Téloignement
Se de l'obfcurité de fes fources,&: de la con-
teftation que nous voyons eftre entre les
fçauans touchant la pureté ou impureté
de
pour ceux de URelig, itfl
de fes milTeaux , chacun des partis preten-»
dantque la Tradition eft pour luy. loinc
qu'il y a beaucoup plus de raifon de croire
que le Purgatoire eft vne inuention de
refprit humain , Se vne imitation des
Payens 5 dans les efcrits defquels les Do-
âeurs de l'Eglife Romaine ne nient pas
qu'il ne foit tout du long , comme dans
Virgile de dans Platon , que non pas vne
doftrine du Chriftianifme. La Religion
C/hreftienne eftât en toutes fes autres par-*
tiesdeftinée à la joye&: à la confolatioiî
de nos efprits ,& propre pour les affeurer
contre la crainte de la mort , 6c de tout ce
qui peut venir en fuite y il n'y a du tout
point d'apparence qu'en celle- cy elle fe
loit eftudiée à remplir nos cccurs d'alar-
me 8c d'efpouuantement. le diray quel-
que chofe de plus. Q^y que la Parole do
Dieu n'en enfeignaft rien difertement > Se
que la Tradition y fuft encore plus dou-
teufe, quoy que le reftede la Religion ne
s'y accordaft pas oumertement , fi nous
voyions que raboliffement du Purgatoi-
re apportaft quelque diminution à la gloi-
re de Dieu , 8c de Noftre Sauueur , nous
effayerions de faire en forte que le zèle
^ue nous aidons pour eux 3 l'emportaft
L
Ut apologie
pardeffus ledèfir que nous auons de nous
procurer contentement &: latisfadion à
nous-mefmes. Gar fi Ton prend à gloire
d'endurer quelque chofe pour l'honneur
des Princes Souuerains, il ieroit beaucoup
flusraifonnabie que nous feruilTions à ce-
îuydcNoftre Sauueur, & que pour cela
ilDus nous difpoiaffiDns aux foufFrances
les plus redoutables. Mais quoy ? Nous
prateftohs eh la fincerité de nos cœurs,
qu'outre l'intereft de noftre confolation
&: de noftre paix> c'eft celuy principale-
ment de la gloire de Noftre Seigneur5qui
flous a fait entreprendre la deftruftion de
cet édifice. Nous voyons que 1 Efcriturc
le nomme nofire Sauueur^ &c ce doux Se pré-
cieux Nom refottiie perpétuellement en
la bouche de fonEglife. Elle dit qu'il à
fait la purgaûon de tous nos fech^'z^^SL n'ex-
cepte de cette expiation aucune de nos of-
fenfes^ Elle protefte qu'il nous a deliurez
de la malediàion , & que déformais il ri y a,
fins de condammtio^^ournoiis Elle nous
reprefente Noftre Seigneur introduifant
le Larron e//P4;'^^/dfdésle iourmefme de
fa mort , &c nous promet qu'au déloger de
ce corps , nous ferons Irecueillis dans le do^
imiâle celejie. En vn ùiot elle efleue nos
pour ceux de la I{elig. j^j
efprits vers la bien-heureufe immortalité,
& nous réjouit à la mort de l'efperanee
iqu elle nous en donne. De forte que nous
croirions trop preiudicier à l'honneur de
ce Rédempteur, Se à l'efficace de fa Croixi
finous croyions que nous çiiflîôs encore à
fouffrir quelques tourniens5&: à faire quel-
que fatisfaftion pour nos crimes. En effet
en l'Eglife Romaine on exempte les Mar«
tyrs du Purgatoire par vn priuilege fpe-
cial. Si donc Ton prétend qu'ils en doi-
uent eftre difpenfcz à caufe de ce qu'ils ont
enduré , pourquoy ne le ferons nous pas
en vertu de la mort de Chrift , laquelle
nous eft imputée ? Eft-elle moins digne
de nous obtenir vne entière exemption de
toute la peine de nos péchez , que les
foufFrances des Martyrs ? Ou riir.putation
que Dieu nous en a fait afin de nous ra-
chepter par là , eft-elle moins efficace à
nous en deliurer , que fi nous Tauions
âduellement endurée ? Mais pour n'aller
pas plus auant en la difpute , il me femble
que Meffieurs les Magiftrats fe doiugnt in-
terefler auec nous en la defFenfede cette
vérité 5 car ils condamneroient d miuftice
vn créancier qui fe voudroit faire payer
deux fois dvne mefmedebte: Si fp con-
1^4 Afologie
damneroient eux-melmes d'inhumanité^
s'ils puniiroient deux fois vn mefme crime
félon la feuerité des Loix. Or nos péchez
font comme debtes,Dieu comme le créan-
cier i lefus-Chrift comme noftre caution.
Nos péchez font véritablement des cri-
mes > Dieu le luge de l'vniuers , lefus*
Chrift le pleige de tous les fidèles. De
forte que leur pratique inuiolable en Tad-
miniftration de la luftice , &: la créance
qu'ils doiuerit auoir que Dieu n'eft pas
moins iufte ny moins équitable qu'eux Jes
conuie à prendre noftre party dans la con-
trôuerfe que nous auons auec les Moines
Se les autres Ecclefiaftiques pour cette
créances car quant à la nouuelle inuen-
tion de quelques-vns , que les peines du
Purgatoire ne font pas tant fatisfadoires
enellesmefmes,quapplicatiuesde la fa-
dsfa£bion de lefus-Chrift, c'eft vne diftin-
£kion que Meilleurs les Magiftrats ne doi-
uent iamais goufter.La raifon en eft^qulls
ne foufïriroient nuUemct que ny le paye-
ment, ny la peine quVn autre a fait, ou
foufFcrte en qualité de pleige &: de cau-
tion , fuft appliquée au premier Se vray
debteur par vn autre fécond pay ement.ou
par va vxiic nouueau fupplice. AlTcuréf
pour ceux de URelig. iV|
ment fi la luftice humaine receuoit les
cautions en matière de crimejclle ne fouf-
friroitpasque fi Meuius auoit efté pendu
au bois pour le forfait de Titius j de forte
que par ce moyen il euft efté pleinement
fatisfait auxLoix, la fatisfaftion rendue
par Meuius fuft appliquée à Titius parla
foufFrancedu fouet , ou par quelques an-
nées de galères.
SECTION V.
Que pour ne croire pas ny la TranJJuh^
ftanttationy ny le Sacrifice delà Mejfe^
ceux de la Reli^on ne méritent point
l \auerfion de perfonne.
DE cette grande multitude d'articles
pour lefquels il y a tant de difputes
entre les Chreftiens depuis fix ou fopt-
vingts ans , ie n'en produiray plus que
trois, pour n'eftrc pas long : la doÊtrine de
de la Tranffubftantiation : celle du Sacri-
fice de la Méfie , Se celle de l'authoritc de
rEuefque dé Rome: à quoy i'adioufteray
quelques confiderations fur nôftre fepara-
lion de fa commwnion. Car fi ie puis mon--
L iij
16& ' apologie
ftrer, comme ierefpere 5 qu'il n'y a niillô
raifon de nous haïr à roccafion de ces
trois ou quatre chefs jie me fais fort de la
reconciliation de nos plus grands aduer-
faires en tout le refte. Pour ce qui eft de la
Tranffubllantiation , le plus grand , &c
peut-eftre IVnique fujet de la haine que
îioftjre créance nous attire fur ce poinft^eft
que nous ne voulons pas rendre au Sacre-
ment l'honneur que Ton penfe luy eftre
deub comme au Seigneur lefus-Chrift
^Dieu&: Homme tout enfemble. Nous ne
l'accompagnons pas en proceflion , nous
ne nous profternons pas deuant luy quand
nous le rencontrons 5 nous ne Talions pas
adorer deflu$ les Autels dans les Eglifes,
ipn vn mot nous ne le tenons nullement
pour Dieu 5 ce qui offenfe merueilleufe-
ment ceux qui l'adorent. Véritablement
fi ç eftoit faute :d'afïe6tion enuers Noftrc
Seigneur qui nous portaft à refufer au Sa-
crement rhonneur qu'on defi^rc de nous a
nous ne nions pas que nous ne meritaf-
fions dcftre en horreur a tous les Chre-
ftiens. Car quel honneur ne doit-on point
ècçluy quieft Dieu bénit éternellement?
Et de quel amour ne doit-on point reco-
gaoiftre la charité qui l'a induit a vouloir
pour ceux de U Relig. iëf
lîîQurir pour nous entant qu'il eft Hom^
me ? Mais puis qu'on ne nous peut accufei?
de cela, &:qu au contraire c'eft rextreme'
refpeâ: 3c la deuotion ardente que nous
auons pour lefus-Chrift, qui ne nous peut;
permettre de rendre ces honneurs à autre
qu'à luy,il me femble qu il eft euident que
ccft à tort qu'on nous haït pour ce fujct,
îufques à ce qu on nous . ait monftré que
çcit opiniaftreté de obftination d'efpriç
qui noi4s empefche de croire que Noftre'
Seigneur foit par Tranflubftantiation en*
l'Euchariftie. Ce que les Athées font êïi
exécration à tout le monde , c'cft trea^
iuftement 5 pource que Dieu ayant ef{)an-"
du par tout au Ciel Se en la Terre tant dé
preuues iadubit^blesdefaDiuinité > U'I^
façon mef me de laquçUe les hommes fon^
CQmpofez^auecles facuUez dont ils fonc
doîiez , leur en fournifTant des argumens
irréfragables , ils ne peuuent reuoquer e»
doute vnc vérité fi confiante , Se dom: 1^
nature mefme a mistant defemencesen
nos efprits , finon par vne obftination vo-.
lontaire , Se qui decouure manifeftemenG
la haine qu'ils ont contre Dieu. Car il$
ne croyent pas qu'il y ait vn Dieu , pour-
ce qu'ils ne le veulent pas croire , ôc i^q
L fil'}
16& ^P^l^_
le veulent pas croire, pource qu'ils vou-
droient qu il n y en euft point. Ce que
les Hérétiques qui nient qucNoftre Sei-
gneur lefus-Chrift foit Dieu , font en
deteftation à tous les Chreftiens , ceft
tres-iuftement encore. Pource qu'il y a
dans la Parole de Dieu tant 8>c de fi éui-
dens tefmoignages de la Deïté delefuç-
Chrift 5 que ceux qui font profeflion de
receuoir cette parole , ne peuuent rejetter
cette vérité. fînon par vne incrédulité afFe-
4lée , qui monflre ou vne tacite haine,
QU vn mefpris tout ouuert de la Maiefté
dje, ce grand Sauueur. Ce que les luifs
ne le receurent pas autresfois pour le
Meffie que les Prophètes auoient pro-
mis , &c que maintenant encore ils ne le
recognoifTent point pour leur Redépteur,
c'eft vn crime qui mérite la vengeance
qu'ils ont foufferte de la main de Dieu,
$c rindignation qu'ils efprouuent de la
part;- des hommes. Ce bon Se glorieux
Çeigneur a to.ufiours monftré dans fa
perfonne , Bc dans fa dodrine , Se dans
fes adicns , 6^ monftre tous les iours
en h vérité de fon Euangile,en la con-
duite de fon Eglife , &c au gouuerne-
ment de Tvniuersjtant &:de fi exp/'cffes
pouf- ceux de la Relig. 1^5
marques qu'il eft celuy dont les SainÉts
oracles auoient parlé, qu'il ne peut auoit
eftc mecognu , &c ne peut encore eftre re-
jette, finon par ceux qui font aueuglez de
quelque paffiondefefperée. Mais quant a
nous, i'attefte icy la confcience de tous les
hommes , fi on nous peut accufer de quel-
que chofe de tel fans vnetrop grande în-
iuftice.Pour faire que noftre Seigneur foit
en TEuchariftiedelafaçon qu'on le pré-
tend , il eft neceffaire que Dieu y produife
ienefçay combien de miracles fi grands ,
8c fi extraordinaires , qu'il n'en a iamais
fait de femblables , ny par les Prophètes,
ny par les Apoftres,ny par la main mef-
medefonFils:Car défia deconuertir du
pain , qui eft vne fubftancc inanimée , en
vn corps humain Se viuant , Se doiié d' vne
ame a giflante ôc raifonnable , c eft à quoy
tous les fiecles precedens n'auoicnt rien
veu de pareil. A la vérité Dieu a formé le
premier homme de la terre, &: a donné à
cette matière des difpofitions 8t des orga-
nes qu'elle ne pouuoit auoir que par vfi
miracle fignalé. Mais il créa de rien l'ame
qu'il y vouloir infpirer , 6i ne la tira pas
de cette matière terreftre.Icy il faut que le
corps 6c l'ame de noftre Seigneur vien-
Î7Q j^pologie
nent de la fubftance du pain , fi, coir me le
Concile de Trente l'a deôny, toute la fub-
ftance du pain eft conuertie en toute la
Tubilance du corps du Sauueur du monde,
^pres ccla> il faut que Dieu conuertiile
jcette fubftance en vne autre , laquelle exi-
ftoit défia auant que cette conuerfion fe
fift 5 à quoy il n'y a encore iamais rien eu
de femblable : Car s'il a conuerty la ycvgç,
d Aaron en ferpent > ce ferpent n'eftoit
point auparauaht : Se s'il a changé l'eau
des nopces de Cana en vin > ce vin n'eftoit
point non plus auant cette tranfmutatioii.
Au lieu que le corps de noftre Seigneur
exifteilyadefia plusdefeizefiecles,. De
plus , il faut qu'il fafle qu'yn corps humain
qui garde toutes fes dimenfions , de long>
de large , Se de profond , ne tienne point
de place pourtàntice dont il n'y eut iama;i5
aucun exemple: Car iufques à la Tranfub-
ftantiation on auoit toufiours. mis cette
différence entre les efprits êc les corps^
qu'aux yns on ne donnoit point de certain
efpace pour occuper , pource que les fub^
ftancf s fpiritueiles n'ont ny quantité ny
parties : mais quant aux autres on leur
auoit toufiours affigné va certain lieu^^
dont ils rempiiffoientjes effaces par Te?-.
pour ceux de h Kelig. 171
ftenduèdes parties defquels ils eftoient
çompofez.Oucrecela^il eft neceffaire qu'il
jfaire qu'vn feul &: mefme corps ) qui ne
fouffre point de diuilîon > foit en plufieurs
6c comme infinis lieux diftans l'vn de l'au-
tre tout à la fois- Ce qui n eftoit iamais
tombé en l'imagination des hommes : car
on auoit toufiours çreu que comme les
lieux diftans de quelque interualle, font
auffi difFerens en nombre , &: fe comptent
par yn, &: deux , 5^ trois, félon la multitu-
de qu'on s'en imagine , ainfi les corps qui
font en ces lieux difFerens 5 différent en
nombre aulTi, 6c fe compte de mefme que
les lieux où ils fe trouuent. Au lieu que fi
ce qu'on dit de cette TranfTubftantiation
eft vray 5 on peut bien compter les lieux
pu eft le corps de lefus-Chrift^mais non
iuy , pource qu'il demeure toufiours vn>
en quelque multitude de lieux qu'il fe
trouue en mefme moment . Il faut encore
que Dieu faiTe que les accidens d'vne fub-
ftance telle qu'eft le pain 6c le vin, co mme
font la figure , 6c la couleur , 6c la faueur,
fubfiftent après que la fubftance eft abolie,
fans aupir aucun fondement de leur cxi^
itence,ny au corps de Ghrift, ny en au-
cun autrefujet. Ce qui ne s.'eft iamais veu
i-jL Apologie
en aucune autre occafion : car on auoit
toufiours creu que la couleur > & la figure,
^clegouft, dependoient tellement de la
fubftance en ce qui eft de leur exiftencc,
qu'ils nepouuoient demeurer linon dans
vn certain fu jet. Et ce qui n eft pas moins
merueilleux , il faut pardelTus tout cela
qucDieufaffequeles accidensdVne fub-
ftance telle qu eft le corps de lefus-Chrift,
exiftent &:refident véritablement en leur
fujet , fans neantmoins lafFeder en au-
cune forte, de la façon de laquelle les ac-
cidens affedent naturellement la fubftan-
ce dans laquelle ils fontj car le corps de
Chrift y doit auoir vne couleurjqui néant-
moins ne le rend ny coloré ny vifible;
il y doit auoir vne folidité , qui neant-
moins ne le rend nullement palpable:
il y doit auoir vne figure , qui neant-
moins ne donne à fes membres aucune
configuration : &:ainfi de tous les autres
accidens qui l'accompagnent. Or depuis
le commencement du monde on n'auoit
rien cognudetehôc n'y auoit eu iufques
à la Tranffubftantiatlon fubftance aucu-
ne en IVniuers, que Ton ne qualifiaft fé-
lon les accidens &: les qualitez dont elle
eft enuironnée. Enfin, il faut que Dieu
\
pour ceux de la Relig. 173
faffe quVn leul de mefme corpà de no-
ftre Seigneur, ait vne exiftence naturel-
le dans le Ciel , 8>c vne autre Sacramen-
telle en la terre , vn eftat glorieux là
, haut 5 &c vn autre conremptible icy bas;
6c qu'il fe voye > 6c qu'il fe fente 5 Se qu il
fe croye affis en magnificence à la dex-
tre de Dieu, &c que neantmoins il fe voye,
8c fe fente , de fe créyc entre les mains
dVn Preftre en mefme temps : ce donc
aucun des fiecles precedens na iamais
fait l'expérience; car iufques à la Trani-
fubftantiation on auoit toufiours creu
que chaque chofe , qui n'eft qu vne , n'.a
qu'vne eflence , ny qu vne exiftence par
confequent ; Se que fi elle a quelque con-
noiffance Se quelque fcntiment de foy ,
elle ne peut pas iuger autrement d'elle
mefme fans commettre des extrauagan-
ces. Iufques là que les Comiques en ont
fait des rifées autrefois , qu'on a encore
depuis peu portées delTus le théâtre en
noftre langue. Dr n'auons nous que trois
voyes de nous perfuader la vérité des
chofes , foit naturelles ou miraculeu -
fes : c'eft à fçauoir les Sens > la Raifon>
Se la Foy. Les Sens font pour difcer-
ner les çhofes fçjnfibles , comme les
174 jifologie
couleurs , 6c les figures , &: les fons , & le^
odeurs, &: les faueurs , &c toutes les quali-
tez qui tombent fous lattouchement. La
Raiion eft pour cognoiflre les chofes in-
telleauelles defquelles nous fonimes na-
turellement capables , pour les comparer
les vnesaux autres félon les rapports^: les
proportions qu elles ont entr'elles, &: voir
comment elles s'ajuftent :, &: comment el-
les fe contrarient , pour les affirmer ou les
nier, prononcer celaeft vray ou cela eft
faux^ielon que nous eh àpperceuons ou
l'accord ou la repugnance.La Foy eft pour
âcquiefcer à l'authorité diuinc dans les
chofes qui furpaflent ou la comprehen-
fion, ou au m.oins certes l'inuention de
noftre intelligence, &: quà cette occafion
Dieu nous avoulureueler. Voyons donc
fi l'on nous peut accufer au fiijet dont il
s'agit de n vfer pas comme il faut de quel-
qu'vn de cos principes de nos cognoiflan-
ces.Pour ce qui eft des fens,tous les noftres
nous perfuadent le contraire de ce qu'on
nous dit de la Tranffubftantiation. Nous
ny voyons , riy entendons, ny flairons,ny
gouftons, ny touchons rien qui ne nous
attefte que c'eft du pain 6c du vin , & non
le corps 6c le fangduSauueur du monde.
pour ceux de la Relig. ijj
JLcsfensdeceux quicroyentla Tranffub-
ftaiitiaaon en iugeat de melmes que les
noilres , 2^ depuis l'inflitution de la pre-
mière Cène du Seigneur iufqua mainte^
nanc > il en a touliours efté ainli ,&: en fera
toufiours ainfi lufques à la confommation
desfieclcs. leneiçaylion appel! eopinia-
ftres ou infenfez ceux qui ne fe lailTcnt pas
perfuader à l'expérience qu'ils font de la
naturedes chofes par le moyen de leurs
fens. Ariftote dilbit qu'à ceux qui ne
croy ent pas quele feu foit chaud, il ne faut
que le leur faire toucher ; fi après cela ils
perfiftent encore en leur opinion , il n'im-
porte pas beaucoup comment on les nom-
me. Mais tant y a que quant à nous on ne
nous peut pas accufer ny de cette folie j ny
de cette obftination^de refifter détermi-
né ment à la depofition de nos fens , puis
que nous iugeons des chofes conformé-
ment à la realité des qualitez qu'ils nous
enreprefententicarnul ne nie que ce ne
foient là véritablement les accidens du
pain Se du vin , comme nos yeux Se noftrc
gouft. Se nos autres fens nous en atteftent.
Pour ce qui eft de la raifon^c'efl: vne facul-
té fuperieure aux fens à la vérité. Se qui eft
deftinée à nous raddreffer de leurs erreurs
Ij^ jipolagic
quand il leur arriue d'en commettre. Ain-
Il , encore que nos yeux iugent qu'il y a de
véritables couleurs en larc-en-Ciel , ou
qu'vn bafton quç nous auons mis droit en
l'eau, y deuient vn peu courbé , ou qu vnc
longue allée fe fait plus eftroite à mefure
qu'elle s'efloigne de nous 3 noftre raifon
nous fait croire le contraire pourtant , 6c
nous perfuade que cela vient des diuerfes
reflexions bc pofitions de la lumière , de la
diuerfité des deux moyens qui nous rap-
portent la reprefentation de l'obiet , Se de
ce que les rayons que l'on appelle vifuels
font en nos yeux les angles de leur ren-
contre plus ou moins aigus , à proportion
delà diftance de l'objet où ils fe portent.
Et on appelle opiniaftres &: obftinez ceux
qui s'attachent tellement à ce fauxiuge-
ment des fens , qu'Us ne veulent pas défé-
rer à vne raifon claire &: euidente. Il eft
vray que pourceque de fon codé la rai-
fon n'eft pas infaillible5&: qu'affez fouuent
il luy arriue de fe tromper > on rcdrefle
auflifes manquemens par le tefmoignage
des fens. Comme quand vn Philofophc
s'eftant autrefois imaginé par ie ne fçay
quelle bizarre fpeculation de fa raifon,
i]u'il n y auoit point de mouuement, quel-
qu'va
pour ceuk de la Kelig. 1 7 "^
iju'vn fe leua deuant luy 5 &: le mit à fe pro-
mener en fa prefence. Et c eft encore ainfi
que les Peripateciciens difputent en beau-
coup de chofes contre les Sceptiques , en
leur faifant voir à l'œil 6i toucher à la
main la certitude des choies dont ils pen-
fent pouuoir douter par le difcours de la
raifon. Ainfî ces deux facultez s'entr'ai-'
dent IVne à l'autre, &: s'inftruifent mu-
tuellement. Tellement que comme ceux
là font tenus pour des acarîaftres , qui fans
vouloir efcouter aucune raifon , défèrent
abfolument tout à leurs fens ; ainfi tient-
on pour des aheurtez ceux qui fur quel-
que vaine imagination de raifon reiettent
latteftation des fens dans les chofes les
plus euidentes. Mais quoy qu'il en foit, on
ne nous peut icy imputer ny l'vn ny l'au-
tre; car puis que nos fens ne fe trompent
point en ce qui eftdela Tranffubftantia-
tion, &: que véritablement ils nous rap-
portent les qualitez des chofes telles qu'el-
les font 5 nous n'auons pas befoiri que là
raifon vienne à leur fecours pour corriget
leurs manquemens , &: nous ne déferons à
leur tefmoignage fmon comme il^aut, en
croyant que ce font les qualitez du pain &:
d^ vin > Si non les accidens d'vne autre
M
1^8 jij^ologte
fubftânce. Et quand il y auroit quelque
chofe à corri ger au iu gement que no^iens
en font , nous ne pouuons eitre acculez
d'opiniaftreté> comme fi nous n'vfionspas
affez de noftre raifon pour le faire , car
iious n vfons de noftre raifon finon fur les
fujets qui luy font -proportionnez , &: ne
foufmettons point à fon examen les cho-
fes qui font au defius d'elle. Or n'y a-t'il
comme ie croy perfonne en la commu-
tiion de Rome> qui vouluft dire que les
myftcres &: les miracles delaTranflub-
ftantiation fuffent proportionnez à noftre
raifon , ny qui confentift qu'il nous fuft
permisde croire ce qu'elle nous endifte.
Au contraire > on nous blafme de ce qu'en
ces myfteres nous voulons trop efcouter
la voix de la raifon 5 &: de ce que nous ne
déferons pas affez à vne authorité fupe-
rieute. Pour ce qui eft de rauthorité:,nous
en parlerons tântoft: mais tant y a que ce
feroit vne chofe bien eftrange que ceux
qui ne donnent icy du^out rien ny au fens
hy à la raifon 5 nous accufaffent d'eftre
opiniaftres &: arreftez à nos imaginations»
en ce que nous tafchons d'examiner les
chofes par la voye des fens & de la raifon,
puis que d'ordinaire on nomme de ce
pour ceux ck U Relig* ly^
nom ceux qui ne les veulent pas ehten^
dre. Au fonds, nous faifons tout ce que
nouspouuons pour comprédre comment
vne chofe qui eft , peut eftre conucrtie en
Vne autre qui eft aufli , fans que celle-cy
foit premièrement abolie, ny quelle ac-
quière vnnouuel eftre, &: nous n'y pou-
uons rcuffir. Nous faifons tout l'effort
dont nos entendemens font capables^pour
entendre comment vn corps humain peut
cftre dVne iufte &: naturelle grandeur,
&que néant moins il ne foit point befoin
d efpace pour le contenir , Se nous n'en
pouuons trouuer le moyen. Nous parta-
geons tant qu'il nous eftpoflible les pen-
fées de nos efprits pour conceuoir quVn
corps foit en diuers lieux fepàrez , &: que
neantmoins ce ne foit qu vn melme corps>
&: nous n'en pouuons venir à bout. Nous
faifons en noftre penfée toutes les ab-
ftraftions imaginables pour feparer les
accidens d auec leur fubftance , &: pour
leur donner quelque fubfiftance à part , Se
nous ne pouuons fî bien faire qu'ils ne fe
diffipent. En vn mot , nous tafchons d a-
jufter noftre intelligence à toutes ces mer-^
ueilleslàj&toufiours noftre raifon y fait
vne inuincibk refiftance. Nous faifoni
M i;
î8o . jdpoiogiê
encore dauantagejafind'efloigner d'âii-
tant plus de nous tout foupçon d'obftina-
tion. Nous cherchons dedans les efcrits
des Dodeurs de TEglife Romaine quel-
ques aides à noftre conception , 8>c nous y
trouuons à la vérité force lubtilitez, force
diftinftions , force fpeculations Scholafti-
ques^par lesquelles ilseflayent de dimi-
nuer Tétrangeté que noftre raifontrouue
là dedans : Mais plus nous nous y alambi-
quons refprit , 3>c moins nous y trouuons
de fatisfciftiofi :.plus nous nous efforçons
de lesfaifîr , Se plus efchappent-elles à no-
ftre comprehenfion , Se s'éuanoiiiffent en
fumée. Nous accuferions volontiers la
tardiueté de nos efprits 3 dont le mouue-
nientneferoit pas affez agile pour attra-
per des chofes fi minces > Se qui ont fi peu
de folidité s finon que nous trouuons que
nousfommes faits comme les autres , &c
qu en toutes autres matières nous ne
voyons pas que ces Meiflieurs aillent plus
auant que nous 5 Se que depuis plus de cent
ans qu'il y a eu de toutes fortes de gens
parmy nous , Se plufieurs dotiez dVn très-
excellent entendement , Se tres-exercité
en toutes chofes, quelqu vn fans doute les
cuft entendues fi elles eufient cfté intelli-
pour ceux de la Kelig. j8i
gibles. Ce qui nous fait croire que ceux
mefmes qui les propofent, le fontjcomme
diibin l'Archcuelque de Cologne au Con-
cile de Trente, no/i intendendo la materia.mk
pr confuetudtne ^ habito di S cola. Affeu-
rément, s'ils en vouloient dire laveritéi
ils aduouèroienç que ce n eft qu'vne rou-
tine d'Efcole, en laquelle leur mémoire
agit 3 &: leur imagination cQurt après cer-
tams petits fantolmes, où quand la rail ou
fait véritablement fon office, elle ne trou-
ue pas meime la moindre ombre dVn
vray corps. N'y euft-il que cette propor-
tion là 5 qu'vn feul &: mefme homme peut
s acheminer à l'Orient ô£ à l'Occident en
mefme moment, &: venir enfin en tour-
nant par diuers chemins au deuant de luy-
mefme 5^ fetrouuer luy-mefme front à
front 4 &: s'il cpntinuë d'aller , fepenetrei;'
par toutes les parties de fon corps,S^ auoir>
comme Ianus,des.vifagçs a double ren-
contre 5 puis en continuant fon chemin fe
feparer de foy-mefmc encore , &: s'il luy
prend enuie d'aller au Septentrion &: au
Midy en mefme temps > ne fentir au Mi-^
dy la chaleur du Soleil fmon à propor-^
tionde ce que la froideur du Septentrion
luy fera de la rcfiftance , il y en auroii
M iij
l82r apologie
affés pour nous faire croire qu ils s'egayêtjN
de qu'ils nous débitent ces gentilleffes
comme on fait la Metamorphofe d'Ouide
aux petits enfans. A cçla donc que ferions
nous? Carpuis que noftreconfciçnce nous
rend tefmoignage que ce n'eft pas opi-
niaftreté qui nous empefche d'acconimo-
dernoftre raifon à tout cela pour en re-
ceuoir la perfuafion, quel fujet de niau-
uaife volonté peut-on auoir contre nous
fi nous ne nous y pouuons refoudre? Refte
donc maintenant la Foy, qui a pour ob-
jet la reuelation de la Parole de Dieu,
dans laquelle fi nous fçauions certaine-
ment quecemyftere euft efté reuelé com-»
me on le prétend? alors certes nous trou-,
uerions nous bien enferrez entre nos fens
Se noftre raifon dVn cofté. Se la reuela-
tion 4^ Dieu de Tautre > car il eft bien
vray que fon authorité eft abfolument
fouueraine , Se que c'eft crime que d'y re-
fîfter. Mais neantmoins pource qu'en tou*
tes les autres parties de la Religion, il fe
fert du minlftere de nos fens pour nous
inftruire , Se que mefmes il n'y reîettè
nullement Tentremife de noftre raifon*
il yauroit beaucoup de fujet de s'efton-
ner qu'il çn ruinaft entièrement les; fon-
pour ceax de la Relig, 183
ftlons&: les opérations en cette matiercc
Enfin pourtant nous recognoiflbns qu'il
faudroit que l'vn 3c lautre cedaft à la Foy,
û le tefmoignage de la reuelation eftoit
entièrement irréfragable. Or eft il vray
que noftre Seigneur a dit , Cecy ej9 mon
corps . &: nul des Chreftiens ne le contefte.
Mais auflînulne fçauroit-il nier que cet-
te parole ne puiffe auoir deux fens \ Tvn
propre 5 corne l'Eglife Romaine la prend \
l'autre métaphorique 3c figuré i comme
les RefiDrmez l'entendent j car qui peut
douter que comme ces mots, U Pierre elioit
Chri i, I. Cor ,10. ont cette intelligence en
Sainâ; Paul , U Pierre efiott U figure de le-
fus-Chrifi , ceux cy 5 le pain eft le corps de
Chri/9,nc puiflent auoir celle-cy pareille-
ment,/e pain e1 Ureprefentation, ou comme
dit S. Auguftin > U figure du corps de Chrifi^
^c qu'ils ne prefentent ainfi à l'intelleft
vne idée fort raifonnahle ? De fait Bellar-
min difputant contre toutes les autres in-
terprétations qu'on apporte à ces paroles
de noftre Seigneur , dit nettement qu'il
n'y a que celle de l'Eglife Romaine ou la
noftre qui leur puifTent conuenir , 8c ne
contefte nullement que fi on n'a efgard fî~
non à la forme de s'énoncer , cette propa-
M iiii
184 apologie
fition,le pain eft le corps de Chrift^ ne
puifle receuoir vne expolicion métaphori-
que. On ne peut donc nous accufer d'ob-
itination contre cette reuelation > iufques
à ce qu'on nous ait clairement iuftifié le-
quel des deux il faut embrafler àTexclu-
lion de Tautie : Car nous voyons que de
tous les miracles que Dieu a faits, aucun
n'aiamais dernenty le tefmoignage des
fens. Au contraire ^ il a necelfairement fa-
lu qu'ils ayent tres-yiuement ^ très-cer-
tainement conuaincu les fens pour fe faire
croire miracles.Ii y a plus.Iamais Dieu n'a
fait aucun miracle qui ait choqué la rai-
fon: Car il eft bien vray que tous les mira-
cles ont quelque chofe au deffus de larai-
fon 5 en ce que la raifon eftant la faculté
qui eft deftinée à comprendre les propor-
tions naturelles qui font entre les chofes>
3c particulieremçt entre les caufes^ leurs
effets > comme entre la chaleur du feu &c
l'aftiondebrufler^nous voyons que cer-
tains tels effets fe produifent fans telles
caufes f8c ne voyons point de telles natu-
relles proportions entr'eux, Se la caufe qui
les produit , qui eft l'opération de la Diui-
nitéjcar cette puifflince de Dieu n'eft point
4eterminée a certaine fortç d'effets par
pour ceux de U Kelig- 185
aucune qualité , corne le feu 1 eft à brufler
par fa chaleur , 8^ le Soleil à efclairer par
fa lumière. Elle eft au deffusde cette dé-
termination 5 6c contient tellement en foy
pareminence toutes fortes de facultez &:
de vertus 5 que neantmoins quand elle fe
defploye en quelque opération , nous n'en
conceuons en façon du monde la manie-*
re. Mais tant y a que lî vous mettez à
part la confideration de la caufe qui pro-
duit les miracles , Se que vous les confia
deriez en eux - mefmes quand vne fois
ils ont efté faits 5 il ne s'en eft iamaisfait
aucun dont la cojiftitution ne fe fort par-
faitement bien accordée auec la raifon.
L'eau qui fut conuertie en vin, auoit après
fa tranfmutation vne certaine quantité
qui rempliflbit certains vailleaux j elle
eftoit en vn certain lieu déterminé , Se
n eftoit nullement en lautre ; elle auoit le
gouft &: la force du vin^^: verifioit fa traf-
mutation par là , elle auoit perdu les acci-
dens de l'eau, &: ils n'y fubfiftoient plus
fans fubftance : bref, la raifon admiroit
bien la caufe de ce miraculeux euenemet,
mais en l'euenement mefme il n'y auoit
rien d'extrauagant, ny hors des termes de
la conftitutiôdu vin,telle qu'elle doit eftre
i8(î Apologie
par les loix de la nature. Au lieu qu'en
la Tranlïubftantiation ce n cft pas tant
la vertu à laquelle on attribue TefFea ,
qui donne de l'admiration > que Tellre
meftne de la chofe produite > qui cho-
que toutes les reigles de la raifon &: de
Tintelligence. Joignez à cela que Noftre
Seigneur fembleauoir pris plaifir à ces fa-
çons de parler, tant il s'en fert ordinaire-
ment. Il dit qu // eji la porte, qufl e^ lèche*
min^^cjdileft le fef, que fon père efl le vigne-
ron ; & le Vieil & le Nouueau Teftament
n'ont rien de plus fréquent que cette locu-
tion^par tout où il s'agit de chofes qui font
deftinées à la reprefentation des autres,
Lrfssfept YTidiQs font fept années , &: les fept
cfpics pareillement : les fept chandeliers
d'or font fept Eglifes > ôc les fept eftoiles
font fept Anges Se ces façons de s'exprimer
font vfitées en toutes langues. La Carte de
la France ejl la France, au langage de tout
lemondejôil'imageduRoy eflleRoyi le
Crucifix eJi lefus-Chrifli &: quand il nous
arriue de parler ainfi , nul ne fe figure des
miracles. Peut-on donc accufer d'opinia-
ftreté ceux qui aiment mieux embraffer
vne interprétation facile , vfitée en toutes
nations > familière ^ commune dans les
pour ceux de URelig, 187
propos de Noftre Seigneur, &: qui n a rien
de contraire aux fens, ny de répugnant à
la raifon , qu vne qui ne peut fubfifter fi
Dieu ne renuerfe la nature des chofes tout
à fait , s'il ne démonte tout ce qu'il y a de
certitude au iugement de la raifon, &:s'il
ne met en trouble &: en erreur tout ce qu'il
y a de plus afleuré dans les fondions de
nos fenspour la cognoiffancedes chofes ?
Mais quoy? Il ne faut que rapporter icy les
paroles du Cardinal Ca jetan , perfonnage
de grande réputation en fa communion,
pour nous abfoudre pleinemét d'eftre ob-
ftinez en cette matière. Cejïvne chofequil
fmt ffauo^r,d^t-û en efcriuâtfur la Somme
de Thomas, que de l 'authoritéde l ^Efcriture
Sainte touchant l 'exifience du Corp de Chrifi
au Sacrement, on ri a autre chofe d'ex^rcsfinon
h farole du Sauueur difant , Cecy eft mon
Corps î car il faut que ces farole s j oient vray es.
Bt d 'autant que les paroles de lEjcriture Sain-
te sexpofent en deux façons î cefl a fçauoir^ou
f rof rement ou métaphoriquement , le premier
erreur fur ce fujeta eflé de ceux qui interprètent
ces paroles de Noiîre Seigneur métaphorique'^
ment y lequel erreur le Maiftre des Sentences
traite en la diflin^ion r o. liu. 4 . qui au fit efi r<?-
jette en cet article de Thomas : & U force de
î89 apologie
la raijan pourquoy on le re jette conjijie e tue qm
les paroles de N ojîre Seigneur fom fcir V Eglt-
fe entendues proprement , ^ partant il faut
qu* elles f oient vérifiée s proprement. Or te dy par
tEgliJe i four ce q^ii Une paroi fi rien en l Euan-
gile qui force à entendre ces paroles proprement-,
car par ces mots que le Seigneur a adiou/lez, Qiu
eft donné pour vous en remiflion des pé-
chez, on ne peut pas conclure euidemment que
les paroles précédentes doiuent ejlre entendues
proprement ; car cette parole ^ qui, nefi pas em-^
ployé e peur monjlrer la conion6tionde l'attri-
but âuec lefuieti mais pourmonftrer l 'attribut »
çefl a dire , mon corps ^ce qui nempefche pas
que la propojition précédente ne fe trouue vrayey
efiant prijeen vnfens métaphorique feulement.
Comme là où fApofire dit^Oi: la pierre eftoit
Chrijfl, quand ileuftadioujlèi Qm a. efté cru-f
cifié pour nous^qui eft reffufçité pour nous,
qui eft monté au CieL endijant:, Or la pier-
re eftoit Chrift , qui a efté crucifié pour
Î10US5 &c. cette propefition précédente , Or la
pierre eftoit Chrift, ne laifferoit pas de s en-
tendre métaphoriquement ^ non proprement:
éi^ femblahlement en cequi fe prcpofe ^dont
ilsagifii en ces paroles de Nofire Seigneur^ Ge-
cy eft mon Corps,qui fera liuré pour vous,
ds cette addition , qui fera liuré pour vous, /^
pour Ceux de la J{elig. î8p
première frofofition nefi fas rejtreïnte a, vn
fensprofre , mais ne laijjeroit ffts cVeprevraye
quand mefme elle jtrêit frïfé tn vnfens metA-^
fhorique feulement. Et c'eftoitropinion de
quelques Théologies au Concile de Tren-
te, qu il n€ falloir pas fonder la doftrine
de la Tranflubftantiation deifus cepalTa-
ge, comme s'il eftoic inéuitablement ne-
ceffaire de l'interpréter ainfi , mais fur la
tradition de l'Eglife en vertu &:par Tau-
thorité de laquelle elle l'a ainfi entendu.
Pourquoy donc nous accuferoit-on d'opi-
niaftreté , en ce que nous ne pouuons ga-
gner fur nous d'entendre cq.s paroles en ce
fensjveuqueparradueumefme de quel-
ques Théologiens célèbres enla commu-
nion de Rome 6<: de quelques Cardinaux,
elles fe peuuent prendre en vn qui n'efl:
pas moins clair ny moins certain , 6c qui
s'accorde mieux auec la raifon en toutes
manières ? Car quant à ce qui eft de Tau-
thorité de la Tradition , nous auons Vne
infinité de preuues en l' Antlquité^que plu-
fieurs fiecles depuis la naiflance du Chri-
ftianifme J'Eglife n'a rien crû de tel. Quad
les preuues en feroient moins euidentes
qu elles ne font, il y en a aflez pourtant
pour rendras, notamment en ce poinû , la
15^0 jipologu
Tradition douteufe. Qiiand elle fetoit
moins douteufe, nous voyons vne fi gran-
de différence entre la probabilité qu'il y a
que les hommes fe foient trompez > &: que
Dieu fafle tant &: de fi prodigieux mira-
cles tous les iours 5 que nous ne pouuons
comprendre comment on nous pourroit
condamner, fi nous ne croyons pas fi toft
des choies de cette nature,dont il n'y a au-
cun exemple dans tous les fiecles prece-
dens, que nous croyons que les hommes
fefont abufez , veu que nous auons tant
d'expériences de leur inclination à l'er-
reur en tous temps ^ en toutes chofes.
Neantmoins s'il n^eftoi t queftion que de la
vie ciuile , ou d'vne loy politique feule-
ment, peut efl:reque le defir Se l'intereft
que nous auons de nous reconcilier la
bien-veillance de nos fuperieurs Se de nos
compatriotes , nous porteroit à quelque
condefcendance. Non que nous peuflions
obtenir de nous-mefmes de croire la
TranflTubftantiation ; car nous ne fommes
ny les maiftresde nos fens , qui nous rap-
portent les chofes telles qu'elles font , &
non telles que peut - eftre les voudrions
nous bien eftre: ny lesdominateurs de no-
ftre raifon,pour luy commander de croire
pour ceux de U Relig. ic>i
ce qu'elle void contredit par des preuues
aufli éuidentes que des demonitracions >
ny les Autheurs de noftre foy , pour iuy
faire embrafler d'autres où jets que ceux
quelle void &: quelle cognoift certaine-
ment eftre de reuelation diuine. Mais au
moins ferions-nous peut-eftre quelque ef-
pece de femblant que nous n y auons point
d'auerfion^ôidifTimulerions tant que nous
pourrions le melcontentement de noftre
xaifon , pour nous accommoder en vnc
mefme communion aucc ceux qui font
profeflion de croire toutes ces mcrueilles.
Il y a quelquesfois certames opinions po-
pulaires aulquelles Icsfagesne s'oppofenc
pasouuertement, quoy qu'ils les reprou-
uent en l'intérieur, pource qu'il eft ou inu-
tile, ou mefme affez fouuent dangereux
de nager contre lestorrens > Se que c'ell:
malvferde la raifon, que de l'expofer à
eftre foulée aux pied^ par ceux qui font
aueuglez de leurs preiugez, ou à qui la na-
ture n'a pas donné afTez de capacité pour
l'entendre. Simefmesil n'eftoit queftion
que d'vn erreur qui ne fuftpas de grande
confequence en la Religion, &: particuliè-
rement qui n apportaft aucune altération
au culte delaDiuinitc, peut-eftre y con-
niuerions i;ous encore , &: qufe Tamoui: de
la Paix l'emporteroit pardefTus celuy de
la Vérité 5au moins pour ne pas rompre la
çommunionj^: pour laifler dans leurs fcn-
timens ceux qui nous laiflcroiem dans les
noftresîcaril faut fupporter beaucoup dé
chofes en autruy , quand de fa part il ne
vous aftreint à rien qui choque l'honneur
de DieU:, &: la paix de la confcience. Mais
il y va du feruice de Noftre Seigneur^qu il
nous eft abfolumentimpoflible de déférer
au Sacrement ^ tel qu on le defire de nous>
tandis que nous ne fommes pas pcrfuadcz
delà TranfTubftantiation, fans que noftre
confcience nous conuainque d vne idola^
trie inexcufable. Et il y va du falut éternel
ti de nos corps &: de nos efprits, dont nous
croirions quVne telle adion commife con-
tre noftre confcience nous priueroit iufte-
ment ^ pour eftre précipitez dans vne per-
dition entièrement irrémédiable. Partant
nous fupplions tout le monde de confide-
rer auec quelle équité on peut defirer de
nous vne fi pernicieufe &: fi criminelle
complaifance. Nous eftimons qu'en la
communion de Rome il y a vn péril ma-
nifefte pour le falut, à caufe qu'on y adore
du culte de la Diuinité ce qui n'eft pas
Dieu.
pour ceux de lal{elig. ic^^
Dku. On s'excufe fur ce qu'on croid qu ou
■n y adore rien de cette efpece de culte, qui
ne foit Dieu véritablement. Etfion ne le
croyoit ainfi, onprotefte qu'on n'y adore-
roit pas le Sacrement. Cette excufe ne
peut eftre bonne, finon que les preuues fur
iefquelles on fonde cette créance, foient
fi certaines &: fi cuidentes , qu'il n y ait
pas moyen d'y refifter. Ceft donc à ceux
qui ont receu cette perfuarion,que THoftie
eft vrayement Dieu , à les bien examiner,
afin de ne fe pas tromper en vnechofe de
telle importance. Ceux de la communion
de Rome nous croyent perdus fans refour-
ce , pource que nous n'adorons pas le Sei-
gneur lefus au Sacrement. Nous nous ex-
cufons fur ce que nous ne croyons pas
qu'il y foit , &: proteftons que (i nous en
auions vne autre' opinion^nous ne maur
qucrions nullement de luy rendre toute
forte de vénération, félon fa dignité in-
comprehenfible. Ceft à nousànousbien
examiner , à ce que ne foit ny paflion ny
opiniaftreté qui nous empefche de voir
la vérité des preuues qu on nous allè-
gue. Et ie m affeure que ce que ie viens
de reprefenter nous garantit affez de
cette imputation. Comme donc ceferoic
N
iniiiftlce à nous fi nous voulions obliget
les Catholiques à n'adorer pas le Sacre-
ment 5 que premièrement nous ne leur
euflions monftré par des preuues indubi-
tables qu il n'eft pas Dieu, puis que nous
fommes ainli diipoiez que fi nous croyions
qu^il fuft Dieu , nous l'adorerions fans
doutexe ne peut eft r e iuftice à eux de nous
Vouloir obliger a adorer le Sacrement,iuf-
que5 à ce qu'ils nous ayent perfuadé qu'il
êft Dieu, puis que telle eft la difpofition dé
leurs efpritSi qu'ils ne Tadoreroient iamais
s'ils n'auoient de luy cette créance.
• 'Le Sacrifice deiaMcffe eft vne doûri-
hequenousnepouuons receuoir, princi-
palement pour deux raifons. L'vnejqu'elle
|)reftippofe la Tranffubftantiation, laquel-
le nous ne croyons pas. L'autre , que nous
tenons ce facrifice non feulement pour
inutile > car ce feroit peu de' chofe s'il n'y
auoitirien de plus ; mais encore pour ihiu-
rieux à rhônîieur du facrifice de la Croix
du Sauueur dû mode Et quant à la premiè-
re de ces raifons, puis que nous ne pouuotis
croire la Tranflubftantiation , 8c qu'il rif
3L -nulle pertinente raifon de nous blafmer
à cette caufe , il vient neceffairement eiï
confequence que la rejefition du facrifice
pour ceux de là lielip îj>^
•foit à noftre cfgard exempte de blafme ;
car puis que de l'adueu de nos adueriaires
il ne peut eftre de facrifice de la Méfie fans
Tranflubftantiation 5 &:puis que ^ comme
ie viens de monftrer , il n'y a point d opi-
niaftreté à ne croire point laTranfliibftan-
tiation , ny de fujet de mauuaife volonté
de la part des gens railbnnables > il n'y en
peut auoir non plus à ne croire point le Sa-
crifice qui a ce dogme, pour fondement.
Quant à la féconde, afin qu'on nait pas
cette opinion de nous que nous foyons
mal-aifez à contenter , 6^ que nous cher-
chions de gayeté de cœur matière de diui-
fion &c rupture , après qu'ion nous aura
jnonftré qu il faut neceiraiî:ement reccuoir
ladoftrinedelaTranfl'ubftantiation : cal'
c'eft vne préalable ineuitable, nous nous
fatisferons volontiers fi on nous refpond
fuffifamment à cette difficulté fur le Sacrir
fice : car bien qu'il y aitvne infinité d'au-
tres preuues de noltre doctrine en cette
matière , Se que l'Epiftre aux Hcbrieux y
fourmille de pafQiges euidens , la folution
.de cette ratiocination fuffira pour mettre à
touuert l'intereft de la Croix du Sauueur
du monde. Ou bien le Sacrifice fait en la
Croix nous a pleinement racheptez de
N ij
i^6 Jlpologié
nos peclièz , ou non. S il nous en à racîie-
ptez, c eft choie inutile de tafcher de faire
vne chofe dcfia faite , Se iniurieufe à celuy
qui Ta entreprife , comme fi elle né l'eftoit
pas. S'il ne nous en a pas racheptez , c'eft
ou pourcequ il ne l'a pas pu , ou pource
que Chrift ne la pas voulu. SHl ne Ta pas
pu 5 comment l'expiation qui n'a pu fe
faire en la Croix , fe pourra-t'elle para-
cheuer en l'Euchariftie : Et quelle affeu-
rance auons nous denoftre rédemption i
il la mort de Noftre Seigneur n a pu fatis-
faire pleinement à la iuflice de Dieu fon
Père ? S'il l'a pu de qu'il ne l'ait pas voulu,
qui alTeurera que ce qu'il n'a pas voulu fai-
re en ia Croix, il le vueille faire en la fain-
fte Cène ? La célébration de ce Sacrement
porte-t'elle plus de marques de la bonne
volonté qu il a pour noftre rédemption ,
que la foufFrance d'vne Croix maudite 3t
ignominieufe ? Il eft vray qu'on diftingue
encore icy entre facrifice de rqdemption
Se facrifice d'application 8c de reprefen-
ration. Mais cela ne fa&isfaitpas à noftre
demande ; car ou bien ceà reprefentations
Se ces applications font vne efFe£liue &c
aftuelle propitiation de nos péchez, en fa-
tisfaifant à la luftice de Dieu , ou non. Si
pour ceux de U Relig. 197
on prétend qu'elles en font , il faut retour-
ner à refpondre à la raifon précédente > &:
foudre cette difficulté, fiChrift nous a va-
çheptez^ounenous a pasracheptezenla
Croix. Si on ne le prétend pas jpourquoy
ceux qui diftinguent auffi nous veulent-ils
perfuader ce qu'ils ne fc perfuadent pas
çux-mefmes ? Et puis qu'ils necroyentpas
qu'en la MeflTc il fe faffe aucune réelle ex-
piation, quel fujet d'indignation pçuuent-
ils aupir contre nous fi nous n'y pouuons;
non plus confentir? Q^ilsnoys fouftrent
doncs'il leur plaift mettre toute noftrc ef-
pcrance en la Croix de Noftre Sauueur,
&: ne recognoiftre autre oblation propitia-
toire de nos péchez 5 finon celle qu'il y a,
offerte. QjVjls ne nous vueil lent point de
mal fi nous ne pouuons digérer qu'on ad-
joufte à la plénitude de fa fatisfaâ:ion,com-
me fi la rédemption qu e nous auons en el-
le eftoit imparfaite. QiA)n ne nous impu-
te point comme vn deft'aut de pieté > que
nous ne donnons point de compagnons à
Noftre Seigneur lefus en fa charge deSa-
crificateur. Q^on ne nous tourne point
à crime cette refpeftueufe timidité qui
nous qnipefche de nous ingérer à fairQ
dçs ohlati^nç aiifquelle? nous ne voyo.j;i:|
ïpS jfpologie
point que la vocation de Dieu nous appel-
le. Bref:, qu'on ne trouue ny eftrange, ny
mauuais fi ayant deuant nos yeux de li
mémorables exemples de la vengeance
de Dieu fur ceux qui ont ofé entreprendre
fur la facrificature d'Aaron , que les flam»
mes de Dieu les ont confumez5&: que pour
les engloutir la terre seft entrebaillées
nous craignons de rien attenter à la facrifi-
cature de Clirift , dont la faindeté eft plus
grande fans comparaifon , 3c la majefté
plusinuiolable.
SECTION VI.
Q^e ceux de la J{eligion ne font point di-
gnes d'auerjion , ny pour ne déférer,
pas à l'authoritê de i Eue (que de Ro-
me comme il le "veut^ ny pour s'eflre.
'ifepare^i de la communion de l'EgliJè
Romaine,
LA caufe de cette auerfion quVne
"grande f^artie des peuples , Se quel-
^ues-'vnsd^ ceux qui font en authorité,&
quafi généralement tous lesEcclefiaftiqucs
^nccontre nous 5 peut bien eftreen ce que
pour ceux de la K^lig. l^^
Hous ne croyons pas toutes les chofes qui
font rcceuès en la Religion de Rome;
maisie fuis tres-afleuré que quant au Siè-
ge Romain^la haine implacable qu il nous
porte, 8c les perfecutions qu'il fufcite cotre
nouspartQutpù il le peut, ont pour prin-
cipal, &c peut-eftre pour vnique motif, que
nous ne voulons pas recognoiftre fa puif-i
fance ; car il voudroit qu'il luy en euft cou-
fté le Purgatoire , &c laTranffubftantia-
tion , dç le Sacrifice de la Melfe encore ,8^
tout ce que le commun tient de plus facré
&c de plus inuioiable çn fa Religion,^: que
toute l'Europe fuft bien reiinie dcffous fon
authorité , tellement que le party Catho-
lique Se le P^eformé luy preftaflent leurs,
forces conjointement pour s'affujettij: l'A-
frique de r Afie. Apres cela il voudroit dif-
pofer des parties les plus éloignées de l'O-
rient &c de rOccident , Se de fait il a entre-
pris en ces derniers temps de donner le
droiftdeconquefterlesvnes Se les. autres
Indes. Etieneparlerois pas fi hardiment
de ce génie de dominationjqui depuis Ro-
mulusiufqu à maintenant a toufioursefté
infeparablement attaché au Capitole , fi
les Cours Souueraines de cet Eftat ne l'a-
uoient expreflement remarqué ,&: fi elles
loo j4ùologie
nes'eftoient oppoi'ees àicsentrcprifespar
la generofité de leurs Arrefts encore de-
puis peu d'années. Or fi lambition de ce
Siège le porte à nous haïr à cette occa-
fion, tant s'en faut que ceux qui ne font
pas menez de mefmes interells , doiuent
imiter fa paflîon, que toutes fortes de gens
nous deuroient aimer de ce que nous com-
battons fa puiflance. En effet, il en affe-
ftcde deux fortes. LVne temporelle , def-
fus les Eftats politiques : 8c l'autre Spiri-
tuelle , fur les confciences des Chreftieni.
Quant à ce qui eft de celle - cy , il faut
que ie répète icyce que i'ay délia dit ail-
leurs 5 que mon intention n eft pas d'en-
trer dedans la Controuerfe. le diray feu-
lement qu'on ne doit pas trouuer eftran-
ge fi nous ne luy voulons pas déférer tou-
te l'authorité qu'il s'attribue en cet efgard,
puis que plufieurs de fa communiô la trou-
uent exorbitante. Pour exemple, fi on Ycih
croyoit,il auroit pareil pouuoir de pardon-
ner les pecRez que Noftre Seigneur lefus,
non pas comme miniftre de fa grâce &: de
fa paix,. qui diU Sï vous croyez, ô' fi va tu vous
reprntez.vos pschz vous font pardonnez.cc qui
eft la voix de l'Euagilcj mais comme Prin-
ce Souuerain en l'Églife de Dieu, à qui il
pour ceux de la Relig. z.oi
appartient de retenir ôc de remettre les pé-
chez auec plénitude de puifsace.Or qu elle
apparence y a-t'il de fouffrir cette prefom-
ption en vn homme mortel , que chacun
i'çait eflre pécheur comme nous , 3c qui
quelqucsfois furpaffe les autres pécheurs ^
en atrocité de crimes ? S'il ne met pas en
auant cette plénitude de puiflance ordi-
nairement fi cruëment , que de ne faire
defpendre la remiflion des péchez d'aucu-
ne condition , quoy que chacun fçait que,
Sîcvolo , Çc iuhen^ eft la plus ordinaire loy
de fon Empirejes conditions fous lefquel-
les il la promet ne monftrent pas moins fa
prefomption 5 que s'il lefaifoit d'vne au-
thorité abfolument fouueraine 5 car il ne
dit pas i fi vous croyez. , dr fi vous vous re fen-
te^ y vos pcchez vous feront -pardonnerai en
quoyilfemonftreroit Seruiteurde lefus-
Chrift j mais :> fi vous d^tes tant de fois vne
telle oraifon i fi vous vénérez les reliques d'vn
tel Sainôî , fi vcusvïfiteT^ telle ou telle Eglije.
A ce qu'il paroiffe que c'eft luy qui a le
droit &: l'authorité de faire des loix, ï l'ob-
feruation defquelles il attache &: la pro-
meffedc la rémunération, &; la menace
de la punition , comme bon luy femble. Il
eft vray qu'il ne dit pas ouuertement qu'il
20I Apologie
abroge la loy de Chrift. Mais tant y a que
puis qu'il en ordonne de nouuelles auU
quellesnoflre Seigneur n'a iamaispenfé,,
& qu'il promet à ceux qui les obferueront
la mefme rémunération que celle que le-
fus-Chrift fait efperer à ceux qui garde-
ront les liennes , il s'attrihuè en TEglife
vne puiffance aufli abfoluë que celle de
lefus-Chrift. Or de qui eft-ce que cela ne
choque point Fentendement, qu'vn lim-
ple homme, &: mortel, &: pécheur, s'en
vucille tant faire accroire ? Il pafie mef-
mes en quelque façon au delà de noftre
Seigneur en la diftribution de fes recom-
penfes ; car ou bien noftre Seigneur a pro-
mis vne mefme rémunération vniuerfel-
lement à tous les croyans , ou s'il y a mis
quelque iaegalité^tant y a qu'il en a remi$
lareuelation au dernier iour , ôc qu'il n'a
point defigné les perfonnes particulières,
à qui vne plus grande mefure de gloire eft
affignée. Au lieu que rEuefquedeRomc
prétend auoir le droid de diftribuer les
couronnes de là haut, en faifant les vns
^AÏncis , & fe contentant de faire les autres
bienheureux , Scieur afligne leur culte re-
ligieux proportionné à l'eminence de ce$
degrez , ainfi qu'il pUift à fa SAtnÛeté &: \
four ceux de la Relig. 205
fa Béatitude Pontificale. Qlù nous accufe*
ra d'incrédulité ou d'opiniaftreté fi nous
ne pouuons croire que ceux-là difpenfent
la gloire Se la félicité de là haut 5 de qui
leurs propres hiftoriens difcnt qu'ils n'y
ont point de part ; &r que Baronius Se Ge^
nebrard ne traittcnt point autrement que
comme des Apoltats Se des monftres ? \\
nefe contente pas de faire plus que noftre
Seigneur n'a fait en cela , il deffait ce que
noftre Seigneur a fait Se conftitué en au-
tres chofes. le vous prie à quoy faire les
Pifpenfes qu'il diftribuë amfi qu'il luy
plaift, finon à monftrer qu'il a le droit , ou
de permettre ce que lefus-Chrift a defen-
du 5 ou de défendre ce que lefus-Chrift
auoit lailTé libre ? Car fi ce dont il difptn-
feaefté défendu de Dieu, il entreprend
fur lauthorité de fes loix. Si ce dont il dif-
penfe auoit efté laifie en noftre liberté , la
defenfe qu'il en auoit faite luy-mefme > Se
dont il nous veutdifpenfer, eft vn atten-
tat à la liberté que Dieu auoit laiffée à nos
confciences. Or quelle ombre de verifîmi-
litude y peut-il auoir en cela , que le Sau-
ueur nous ait laifféfes loix pour règle de
noftre conduite quand il eft monté au
Ciel, Se qu'il ait donné aux hommes moç-
t04 Apologie
tels la puiffancede les enfraindrcr Mais
infraaiondesloixdeDieUjquil y ait en
cts ÎDifpenfes, ou non, tant y a que nous
ne pouuons digérer, &: nul ne le doit trou-
uer mauiïais,que TEuefque de Rome don-
ne des loix à nos confciences. Si quand il
en eftablit quelques-vnes , il difoit ; le n'a-
uance rien de mon chef. Se ne veux point
dominer fur les héritages ju Seigneur , ainfi
que Sainft Pierre l'ordonne ; le mets feu-
lement en auant ce que noftre Seigneur
nous a laiffé en fa Parole : Nous aurions
en cela la voix dVn feruiteur qui fait pr o-
feflîon de ne vouloir rien faire valoir fî-
non la volonté de fon Maiftre. Ainfi ce fe-
roit à nous à chercher en cette parole Çi ce
qu'il diroit y feroit fondé , pour difpofer
nosconfciencesàrefpeder comme il faut
Tauthorité de ce grand Dieu,à quiXeul,en
ce qui eft de la Religion, elles doiuent
obeïflance. Mais ou bien il ne nous parle
du tout point delà Parole de Dieu en fes
loix , ou il veut que s*il y en fait mention,
nous nous en rapportions entièrement à
fon interprétation : de forte qu'il vaudroit
autant qu'il lesnous donnaft abfolument
de fon chef, que de nous y alléguer la Pa-
role de Dieu, 8^ neantmoins ne voulais
pour ceux de la Rclig. 1 0 j*
f>as que nous les examinions, pour voir fi
elles y font conformes. Or quoy ? Que
peut auoirl'EuefquedeRomç qui donne
telle authorité à fes conftitutions,que nous
yfoûmettionsnosames ?Eft'ilt)ieu pour
régner dedans nos efprits > cotçime les
Rois de U terre régnent deflus nos corps?
Ou de quelles preuues peut-il fouftenir
vne fi haute prétention , que Dieu luy ait
religné fon authorité , pour auoir vn env
pire abfolu deffus les âmes des hommes?
Enfin , i'attefte nos plus palTionnez aduer-
faires , s'il eft raifonnable de nous con-
damner pour ne ibuârir pas qu'il empiète
la dominatiô abfolue deflus nos confcicn-
ces. Si nous demandons à l'Euefque de
Rom€ les titres fur lefquels il fonde fa vo-
cation 5 &: cette puifCance illimitée qu'il
prétend fur l'Eglifede Dieu/d nous pro-
duit quelques textes de TEfcriture : Com-
me, 1 ues pierre, &c Paxj mes brebis. Se fem-
blables. Si nous voulons dire quelque
chofe fur l'intelligence de ces mots , il
nous dit qu'il les faut entendre , non félon
noftre fens,mais félon fon interprétation.
Si nous voulons reuoquer en doute l'au^
thorité de fon interprétation , il nous dit
quêtant s'en faut <jue nous deuions endej
%o^ apologie
iîiander qudque autre preuuc que letei^
moignage qu il luy rend^ que la Parole de
Dieu mefme ny ne peut , ny ne dt)it auoir
aucune authoritè enuersnous, linon celle
qu il luy donne par Ion tehnoignage.Qj©
fans cela on n en feroit pas plus de cas que
des fables d'EfopejOU de f Alcoran de Ma.
homet 3 8c qu'enfin après toutes queftiôns,
toutes interrogations , toutes ratiocina-'
tions y il faut croire ce qu'il a dit , pourcc
qu'il l'a dit , Se ne croire pas à Dieu mcfme
qui parle dans le Vieil 3c dans le Nouueau
Teftament 5 finon autant qu il plaira au
fouuerain Pontife de Rome. Qni^fe per-
fuadera qu'vn homme foit plus croyable
que Dieu^ou que les Conftitutions du fiege
Romain portent plus de marques de di-
uinité que les efcrits des Prophètes 8>c des?
Apoftre.s ? On tient en la communion Ro-
maine que l'Eglife ne peut errer : mais
quand il faut expliquer enquirefide cette
grâce de l'infallibilité, les opinions fe par-
tagent. Les vnsdifent qu'elle refide au
Concile , qu'ils efleuent au deffus du Pape
à cette occafion : les autres fouftiennent
qu'elle refide au Pape > qu'à cette raifon ils
mettent audeflusdu Concile.La Sorbon-
tie a efte au]t;i:efoi^ de ce premier fcnti-
pour ceux de la Relig, 207
ment 58c a efté iliiaie parce qu il yauoit
de plus fain de de plus liauanc en cette
communion. Les leiuites qui font venus
depuis ont pris determinément l'autre
party , &c ont tiré beaucoup de gens après
eux 5 &c, peut-eftre quelques-vns de la Sor-
bonne mefme. Ceux-cy accufent les au-
tres de rébellion contre le chef de lEglife
de lefus-Ghrift .-ceux-là accufent le Pape
de prefomption 5 &: d'entreprendre delTus
les droits de l'Eglife.Et pource que le Pape
n oze hafarder la dcciiîon de cette que-
ftion 5 &c qu'à fon aduis il eft beaucoup plus
expédient de gaigner pied à pied dans les
efpritspar les eferits de fcs Dodeurs, de
par Tentremife de fes emiflaires ? que de
s'expoferauiugement d'vn Concile, qui
félon lapparence fe porteroit à la defenfe
de fes propres droits vil fouffre en fa com-
munion ceux qui ne luy accordent pas cct^
re puiflarice fouuei'aine. Pourquoy donc
nous haïroit-on pource que nous la luy
refufons , &c que nous rious oppofons en-
core plus vigoureufement qu'aucun à [^
^tyrannie ? Quant à ce qui eft de la puiffan-
te temporelle qu'il prétend auoir deflus
les Rois>les efpritsn y fontpas moins par>i
tagez , Se la qualité de ceux qui y ont inte-*
2o8 Afologie
reû rend la difpute plus efclacance ; car il
eft queftion de la fouueraineté des Poten-
tats, que le Pape &:fes adherans préten-
dent eitre foumife à fa domination^au lieu
que les Princes bc leurs bons fujets la
maintiennent eftre abfolument indépen-
dante. Et icy encore véritablement nous
méritons la bien-veillance des gens de
bien , &: qui font affeûionnez comme il
faut à leurs Princes &: à leur Patrie ; car
bi^n que ceux qui fauorifent les dcffeins
du Pape en cet efgard^difent de cette puif-
fance temporelle qu'il affefte fur lesEftatSj
quelle ne luy conuient qu'mdireftement
feulement , pource qu elle ne luy a efté
donnée finon pour feruir à la manuten-
tion de rautre,&: pour la faire valoir, li
eft-cequedireûement ou indireftemenr,
il aflujettit tant qu'il peut les Couronnes à
fa Tiare. Les Parlemens à la vérité s'op-
pofent ouuertement à cet attentat ; la Sor-
bonne par fes Décrets , les a fécondez où
l'occafionl'a requis î^:, ce qui vaut mieux
que ny les Arrefts , ny les Décrets , nos
Rois 3 où la neceflîté l'a voulu , n'ont ia-9>
mais manqué d'y dégainer leur efpée.
Mais on nous permettra pourtant de dire,
qu€ la faf on dont nous nous fommes pri^
à en
pour ceux de la lielig. zop
à en arrefter lesprogrez , eit de toutes la
plus efficace , fî on nous vouloit entendre.
Tandis qu'on permet à 1 Euefque de Ro-
me de fe preualoir de cette puilTance {pi-
rituelle Se direde qu il vibrpe efFcftiue-
mentjquoy que le droit ne luy en ait point
encore efté oûroyé par les. Conciles, 3c
tandis qu on fouffre qu'il en efpande k
créance par tout, Se melmes dans les Con-
feils des Rois , il raifonne toufiours affez
probablement qu'elle luy auroit efté don-
née inutilement, li lautre pour la fouftc-
nirne venoit en confequence. Et s'il eft
vray qu'il ibit le Vicaux de noftre Sei-
gneur enuers les Chrcftiens , pour leur
donner des loix félon lefquellesilsfc rè-
glent en ce qui eft de la pieté &c de la ver-
tu , il femble qu'il ait quelque apparence
de raifon de vouloir eftre fon Lieutenant,
en ce qui eft de l'vfage de la puiflance
temporelle; car fi nous confîderons noftre
Seigneur comme Médiateur feulement,
l'authorité que fon Pcre luy a donnée def-
fus toutes chofesa ces deuxrelati6s,qu'en-
tant qu'elle s'eftend deffus les confciences
des hommes , pour les former aux vertus
qui font neeeflaires au faluticlle luy ap-
partient direâiement , pource que fa ch^r*
O
ge de Médiateur regarue dire£temenc le
lalut&: la rédemption de lame. Mais en-
tant qu'elle s*eftend fur les chofes de la vie
prefente , 8>c deflus 1 authorité des Rois,
elle ne luy a efté donné e linon, pour le di-
re a inii , aucunement indiredement , afin
de gouuerner tellement toutes chofes icy
bas, que rien ne puiffe empefcher le falut
de fon Eglife, pour laquelle feule il eft
Mcdiateiu' aftuellement. Comme donc
elle luy a eft é donnée à cet cScZy&c comme
fa charge de Médiateur n'a peu s'en pal-
fer 5 celuy qui s'attribue l'honneur d'eftre
fon Lieutenant en vne partie de fon au-
thorité , n'eft pas fans quelque couleur de
raifon enuers ceux qui la luy veulent ac-
corder, de prétendre encore la communi-
cation de l'autre. Etilfçaitfîbien mefna-
ger cette probabilité de fon raifonnemét,
datant de gens à fa deuotion pour gou-
uerner les efprits de la plufpart de laChre-
ftienté , qu'elle pafle pour demonftration
enuers vne infinité de perfonnes, Ainfi les
Parlemens 5par l'afFeûion qu'ils portent à
lauthorité des Rois ,6^ par le iufte inte-
feft de la leur propre , conferuent les bons
fentimens, 8c les authorifent tant qu'ils
. pcuuent. La Sorbonne , ou par zèle à la
ùQur ceux de la Hflig. lit
Jloyauté , ou par l'amour de la propre li-
berté , ou par quelque autre telle confide-
ration , ne s'eft point iufques icy abfolu-*
ment laiflee corrompre. Enfin , la puifTan-
ce &: la generofité de nos Rois a toufiours
vaillamment Ibuftenu les droits de leur
Eftat , &: la fplendeur de leur Couronne.
Mais cela n'empefche pas qu'il n'y ait de-
dans tous les Ordres , quantité d'efprits
infeûez de cette pernicieufe opinion, que
les Papes font au delTus des Rois :, & que
leur authoritc eft dépendante de la fienne.
De façon que s'il arriuoit quelques faf- ■
cheux temps , comme nos pères en ont
vcujoùlesbonsfentimens ne fuffent pas
armez de toute la puiflance qu'ils ont
maintenant , il ne faut pas douter que les
mauuais n'en priflent l'occafion pour ef-
clorre. Quanta nous, nous auons porté la
hache à la racine de cette a^nbition , en
oftant à l'Euefque de Rome la puiflance
fpirituelle qu'il prétend , 6c auons par ce
moyen rendu nos am,es impénétrables à
toutes fortes d'opinions , qui feroient p.our
y choquer tant foit peu la fidélité que nous
deuons à nos Princesîcar ne recognoiflans
au monde, hors noftre Seigneur lefus,
homme quelconque au deflus d'eux, on fs
%t% Afolûgie
peut bien aireurer que noftre obeïiTaneé
&: noftre fidélité demeure abfoluèment
inuiolâble. Tellement qu'en cette partie
en laquelle on nous accufe de n eftr^ pas
aflez bons Chreftiens , noftre doCtrme
nous oblige à eftre parfaitement bons
Françoisjau lieu qu autant qu'on s'éloigne
de noftre fentiment en cela, autant donne
t'on fansy penfer , d'ouuerture &;d'auan-
tage à Tambition eftrangere. Mais certes
c'eft à grand tort qu on nous accufe de n e-
fire pas bons Chreftiens en cet efgard.
-C'eft le zèle que nous auons à la gloire de
lefus-Chrift , qui nous rend irreconcilist-
bles auec l'Euefque de Rome , ôc cela pour
trois raifons principales. La première eft,
•que de ce fîege là , comme dVne fource fé-
conde à merueille, font venues en l'Eglife
toutes ces doftrines que nous ne pouuons
croire , & que nous eftimons ne s'accorder
nullement auec la Religion de lefus-
Chrift. Ou fi ce ne font les Euefquesde
Rome qui les aycnt inuentées , ils les ont
reçeuës auec tant d'auidité, ils les ont pro-
uignées auec tant de foin , ils les ont dé-
fendues auec tant de chaleur , ils les ont
tellement appuyéesde leur authorité, &:
ont excité tant de perfecutioni^ contre
pour ceux de la Relig. iij
ceux qui ont voulu y refiftcr, que fans leur
faire ton on leur en peut bien attribuer
loriginc. Ayansdonc enl'anie vne per-
fuafîon fi profonde, que ces dogmes ont
gafté la pureté de TEuangile de Chrift,
comment pourroit-on trouuer mauuais
que nous ayons cette implacable animofi-
té contre çeluy que nous en croyons eftrc
la caufe ? La féconde eft, que comme nous
l'auonsveu cy-deffus, il s'attribue quan-
tité de chofes, qui n'appartiennent fmon à
noftrefeul Rédempteur , Se dont la com-
munication à qui que ce foit , ou ruine, ou
au moins eibranchetrop notablement la
Souueralne authorité que fon Père luy a
donnée; car il veut régner dedans les con-
fciences des Chreftiens , quoy que ce foiç
rempire de la feuk^DiuinitéjOÙ l'hom-
me mortelle doit rien attenter, 3c où il
nefçauroit atteindre. Il ordonne comme
i'ay dit , de toutes chofes à fa fantaifie , Se
dénonce éternelle damnation à ceux qui
n'obe 'iront pas ; il pardonne comme il luy
plaift , Se veut qu'on foit aufli affeuré de
fon pardon , que fi on Tauoit receu de la.
bouche de Dieu mefme. Il détermine de
ce qu'il faut croire , Se commande qu'on y
adjoufte foy comme ^ux oracles diuins
O iij
y
zl4 apologie
Il difpenfe d e ce qu il veuc > Se mefmes des
commandemens de Dieu , 8c prétend que
fa difpenfe met à couuert des menaces du
Souuerain luge du monde. En vn mot > fi
lefus Chrift eftoit defcendu du Ciel , il ne
requerroit pas de nous vne plus entière ny
plus abfoluë obeïfTance à fes ordonnan-
ces. Or nous nç croirions pas eftre bons
Chreftiens fi nous confentions à cet atten-
tat >&: penferions trahir indignement la
gloire de noftre bon Maifl:re.La troifiéme
finalement efl:,que par quelque rencontre
que cefoit , il eft arriué qiiVne infinité de
chofes que nous voyons auoir efté prédi-
tes dVn certain ennemy iuré de Chrift:, fe
rapportent merueilleufement à ce qui pa--
roift en l'Euefque Se en la Cour de Rome,
Et pQurce qu'il eft: dit que cet ennemy doit
cfl:re manifeft;é aux derniers temps, 6^ que
déformais après feize ou dix-fept cens ans
tous ces temps doiuent eftre eftimez faire
partie de ces derniers, toutes chofes de
cette nature nous font fufpeftes ; car nous
ne nions pas qu'il n'y ait quelquesfois.dç
la fallace dans les apparences, &: qu'il y a
beaucoup de chofes qui ont quelque ref-
femblance de ce qu'elles ne font pas, Se
d'autres qui font ce dont elles ne porterît
pour ceux delà Helig. iiy
pas les marques bien euidences. Nous fça-
uons mefmes que lors qu il elt queflion
de l'interprétation des Prophéties ^ oneft
fujet à s'y tromper auant qu elles ioient
efclaircies par les euenemens , Se qu'eaco-
re après les euenemens, on ne rencontre
pas touliours à les parfaitement adjufter
enfemble. Mais tant y a que la deffiance
eftant la mère de feureté3&: les Chreftiens
s'eftansbien paffez de Pape au commen-
cement , nous aimons mieux nous en pal-
fer, 3c nous abftenir de toute communion
auec qui que ce foit , qui ait quelque air de
cetadueriaire. Enquoy Ton peut penfer
que nous ne fommes menez d autre con-
lideration finon du zèle de noftre Seir
gneur , &: du defir de noftreialut, qui nous
deuroientfans doute excufer , quand il y
auroit , ce que nous ne croyons pas , quel-
que chofe d'vn peu fcrupuleux en noftre
conduite.
Icpenferois auoir fatisfait aux plaintes
les plus importantes qu'on faffe ordinaire-
ment contre nous à legard de ce que nous
ne croyons pas,fmon qu'on nous accufe
encorede n auoir pas affcz déféré àl'au-
thorité de l'Eglife, 8^ de ne recognoiftre
pas affez les bien-faits que nous en avions
O iiij
u
%l^ A'^yologie
rcceus î car quoy qu ii en foit jon dit que
c'eft elle qui nous a enfantez à Dieu par
le Baptefme, ^ qui nous a donné la ton-
noiffance de lefusChrift. Ceft à elle à
qui Dieu auoit donné lauthorité de nous
gouuerner comme à noftre mère , &: à
qui il auoit remis le foin de noftre édu-
cation- Et neantmpins nous nous fom-
mes feparez d'elle comme d'auec vne
eftrangere, &: luy faifons tout ouuerte-
ment la guerre > comme fic'eftoit vn en-
nemy. Au lieu de fupporter doucement
fes défauts, en cas quelle en euft5.6<L de
refpeâer pluftoft fes rides , que de luy in-
fukcr 5 pource que Taage de tant deiie-
clés a gafté quelque chofe de fa premiè-
re beauté 3 nous Tauons diffamée de tous
coftdz 5 &: luy âuons fait les reproches les
plus fcandaleux , &: donné les titres les
iplusiniurieux du monde. Eftans fortis de
fes entrailles , ne deuions nous pas gar-
der quelque reuerence à fon nom , Se con-
feriier autant que nous pourrions fa bon-
ne rcpuration dcuant les hommes ? Ce
font les accufations qu'on nous fait , &
Pvn des principaux fujets pour lef^
quels ceux qui font demeurez dans la
communion dont nous fommes fortis.
four ceux de UEjelig. 2.I7
ont de Tauerfion contre nos perfonnes.
Certainement s'il eftoit permis de diftin-
gucr entre nous &: nos pères , en ce qui eft
de la Religion que par la grâce de Dieu
nous tenons , la plus-part de ces accufa-
rions ne nous roucheroientaucunementi
car pour ce que par l'Eglife on entend feu^
lement la Romaine, nous pourrions in-
comment refpondrc^que quant ànous elle
ne nous a point engendrez à lefus-Chrift,
&: que ce n'efl point d'elle que nous auons
receu le figne du fainft Baptefme , ny no-
ftre éducation en l'efperance du lalut.
Nous tenons toutes ces chofes de la com-
munion Reformée , dans laquelle nous
fommes nez, & n en auons l'obligation à
aucune autre. Nosayeuls font bien fortis
de la communion de Rome à la veritc,
pource qu'ils y eftoientauparauanf.mais
pour nous,qui n'y auons iamaisefté^on ne
nous peut accufer de l'auoir abandonnée.
Quand donc l'aftionde nos pères auroiç
efté tachée de quelque manqucde refpeft,
& de quelque defFaut de gratitude enuers
cette Eglife-là, il ne feroit pas raifonnable
d'en faire tomber le blafme fur nous , ny
que s'ils ont mangé Taigret , nous en
ayons les dents agacées. Q^iant à nou3>
\ /
il8 Apologie
pour ce que c eft 1 Egliie Reformée qui
nous a engendrez à Dieu , Se qu elle nous
nourrie en la cognoiffance delefus-Chrift
beaucoup plus purement que ne fçauroit
faire la Romaine , fi nous nous feparions
d'elle pour entrer en la communion de
l'autre, veu que nous n en auons point de
fujet^&que nous ne voyons rien en elle
qui nous ofFenfe, ne meriterions-nous pas
qu'elle fift contre nous en beaucoup plus
forts termes , les plaintes que la Romaine
fait contre ladlion de nos ayculs ? Ce
qu'on dit qu'ils ont eu tort de fe feparer de
l'Eglife en laquelle ils eftoient nez , &: à
laquelle ils auoient tant d'obligations, ne
iuftine-tll pas clairement la refolutlon
que nous gardons de demeurer en celle
où nous fommes ? Car autrement nous fe-
rions tout de mefme que fi eftant arriué de
la difpute entre noftre mere&: noftre bi-
fayeule, nous abandonnions la maifon de
celle qui nous a prochainemét donné no-
ftre eftre, quoy qu elle ait vn merueilleux
foin de nous , &: qu'elle nous efleue à toute
forte de vertu &: de pudeur , pour nous at-
tacher à celle que nous ne recognoiflbns
pour origine de noftre eftre finon de
loin, ôc à qui la foibleffe de l'aage ne per-»
\,
pour ceux de la Relig. 1 1>
met pas de remédier aux defordres que la
plus-parc des fiens commettent chez elle.
Mais, bien : foufFrons qu'on nous impute
la faute de nos peresjs'il y en a , & voyons
fi leur aftion eft telle qu'elle mérite ce
nom, èc qu'elle ait deu attirer la mauuaife
volonté du refte des Chreftiens deflus eux
&:deffus nous. Il eft certain que c'eft de
l'Eglife Romaine qu'ils ont receu le Ba-
pcefme, &: qu'ils ont fuccé lepremlerlaidl:
delacognoiffanceduSauueur. Et tandis
qu'ils ont cfté comme des enfans en intel-
ligence, 6c qu'ils ne fe font point apper-
ceus delà façon de laquelle on lesnour-
riflbit 5 ils ont vefcu dansvn merueilleux
refped à toutes fes ordonnances j à peu
prés comme les petits enfans aiment leurs
nourrices , pource qu'elles les portent au
col , qu'elles les jouent ôcles ébatent. Se,
qu'elles leur donnent la mammelle , fan«
difcerner quand ils tetcent fi c eft de bon
ou dexnauuais laid. Depuis qu ils font de-
uenus grands. Se que Dieu a illuminé leur
raifonjils ont recognu que ce qu'ils auoiéc
fuccé de la mammelle de leur mère. Se de
leurs nourrices , eftoit corrompu , Se que
les alimens qu'on leur prefentoit conti-
nuellement, eft oient quafi tou5 fi gaftez.
ziô \Jpologie
qu'auec fort peu de nourriture qu'ils y
trouuoientrils en tiroient quantité de fuc
qui auoit des qualitez extrêmement vene-
heufes. On leur enfeignoit bien qu'il y
auoit vn Dieu &c vn Médiateur entre Dieu
^ les hommes : mais on enuirpnnoit cela
dVne telle foule de Sainds 6c de Sainftes,
qu'on leurpropofoit pour objet de leurs
adorations j que leur deuotion s'arreftoit
d'ordinaire toute fur eux. Se ne paruenoit
pasiufques au vrayDieu &c auvray Mé-
diateur, fur lef quels feul elle doit tendre.
On leur difoitbien que le Seigneur lefus
a foufFert la mort en la Croix pour eux \
mais on ne faifoit autre infiftancefur cet-
te do£lrine finon de leur monftrer vn
Crucifix ; du refte , le5 fatisfaftions des
Sainfts , les fouffrances des Martyrs, le
rhrefor des Indulgences , les peines du
Purgatoire, la propitiation de laMeffe,
les mérites des œuures , &: les autres aydes
de cette nature, que les hommes auoient
trouuez contre le fentiment du peché,leur
eftoient tellement inculquez, que la fatis-
f aftion de Qhrift demeuroit eftouffée là
deffous, &z ne defployoit quafi aucune effi-
cace en la confcience. On leur difoit bien
que lefus-Chrift eft là haut au Ciel : mais
V^
polir ceux de URelig. m
on leur repetoic fi fouuent qu'il eftoit auflî
dans l'Hoftie , on le mettoic en cet eftac ii
afliduellement deuant leurs yeux, on y aE-
tachoic leurs cfprits de telle façon, on leur
en recommandoit fi diligemment &: la
vénération &: l'vfage , qu'au lieu d'efleuer
leurs âmes en haut pour chercher le Sau-
ueur à la dextre du Perc en vn eftat glo-
rieux, tous les mouuemens de leur pieté
s'efpandoientddTus lesaceidensd'vn pe-
tit morceau de pain , fous lefquels on leur
,difoit qu'il eftoit enueloppé icy bas en ter-»-
re. On les aduertiffoit quelquesfois qu'il
y a vncertainliure qu'on nomme la Pa-
role de Dieu : mais ils n'en tiroient non
plusd'inftrudion ny de confolation que
s'il euft efté aux Indes. Les exemplaires en
eftoient rares à merueille, comme main-
tenant encore en Italie & en Efpagne c'eft.
vn liure quafi entièrement incognu.Ceux:
qui leur en pouuoient tomber entre les
m.ains eftoient en langue où ils n'enten-
doient du tout rien ; ou s'ils y entendoienc
quelque chofe, il ne leur eftoit pas permis
d'y lire. Au lieu de cela tout eftoit rem-
ply de Légendes deSainds,de conftitu-
tions Papales , de récits de faux miracles
&c de vaiaes vifions , ôc de liures de deuo-
Zit apologie
tionefgalemcnt remplis d'attraits à lafii-
perftition, &c d'inutiles impertinences. On
leur faiibft bien à la vérité quelquesfois
quelques Sermons i mais on n y entendoit
refonner autre chofe fmon, ou la coitime-
moration de la vie des SainCts , ou des ex-
iler cations au feruicede la Vierge, ou la
recommandation des pardons émanez du
Siège Romain, ou le débit des mérites de
furerogation > ou des contes extrauagans
8c fabuleux^fans aucune folide inftruftion
en la doftrine de TEuangile. On les ex-
hortoit à eftre pieux &c deuorieux:mais
cette deuotion conliftoit à fréquenter fou-
uent les Eglifes, pour y marmonner quel-
ques prières aufquelles ils n'entendoient
quafirien ,à aflifteraux procefTions Tans^
Içauoir àquel deffcin , à chanter quelques
Litanies aux Sainfts de Paradis^à faire des
offrandes aux Autels , Se à faire force fon-
dations de Méfies pour eux 8c pour les
âmes de leurs pères. Enfin , les chapelets,
les Agnus Dei, les grains benits,les afper-
gés d'eau confacrée , les petits morceaux
de bois de la Croix enchafiez precieufe-
ment, quelques efclats de vieux ofl'em.ens
de morts, quelques lambeaux de leurs ha-
billemens , quelque petit ais demy pourry
pour ceux de la Kelig. 1 13
refté de leurs bières , quelques chandelles
offertes à vne image , quelques agcnoùil*
4emens deuant vn Crucifix^S^ quelque pè-
lerinage au fepulchre d'vn Martyr , eftoit
cela en quoy confiftoit alors le principal
de la pieté en laquelle on exerçoit nos an-
ceftres. Ceftoient là les alimens dont on
les nourriflbit , au lieu de la bonne dodri-
ne de la Parole de Dieu , qui feule peut
donner Se vne falutaire infl:xu£l:ion,&: vne
folide confolation , Se de bons motifs à la
vrayefandification, &:debons&r fermes
fondemens àl'efperance. Et ie ne crains
pas qu'on m'accufe d'en vouloir faire ac-
croire quand ie parle ainfîi car ceux de TE-
glife Romaine mefmè , qui ont quelque
cognoiffance de ce qui fe faifoit il y a deux
cens ans en la Chrefl:i,enté , Se qui veulent
parler auec ingénuité, aduoiient franche-
ment que fans la prédication de Luther 8c
de fe s compagnes, le nom delefus-Chrift
s en alloit quaiî entièrement efteint dans
la mémoire des hommes. Quand donc
Dieu a fait cette grâce à nos pères de reco-
gnoiftre la mauuaife difpoîition que ces
alimens auoient donnée à leurs efprits, Se
lesmauuaifes habitudes qu'ils en auoient
contraûéesjilsontcrû eftre obligez par
2.2.4 apologie
toutes fortes de deuoirs &c entiers autriiy^
&: çnuers eux-mefiT^eSjd aduertir leur mè-
re de ce mal. Se de la prier d'y donner or-
drc. Ce qu'ils ont fait tant afin de corriger
leur propre tempérament, en fe feruant
déformais de viandes plus iaiubres , que
pour empefcher que leurs frères, qu'elle
enfantoit iourncllement, nefuflentàlad-
uenirauffi mal nourris &:ai]fli mal efle-
uez qu'eux. Et nul ne peut douter que k
charité fraternelle 5 que les Clirelticns le
doiuent porter les vns aux autres, ne les y
obligeaft eflroitement, comme les affe-
ftions naturelles obligent ceux qui font
les plus auancez en aage entre les enfans
d'vnemaifon^de pouruoir entant qu'en
eux eft que les plus petits foient nourris
comme ils doiuent eiîre. Or le moyen d'y
donner ordre eftoit que la mère mefme
changeaft la première le régime de fa vie,
afin de faire de bon fuc pour le donner à
fes enfans : qu'elle euft foin de la condui-
te des nourrices aufquelles elle les com-
niettoit,afinqu elles ne gaftaffent pas leur
propre fang par leurs débauches; ce qu'el-
les ne pQuuoient faire fans vitier les par-
ties nobles de ceux qu'elles allaitto ient: ôc
cnfin> qu elle changeaft tout le gouuerne-
menc
pour ceux de la J^eïig, 2.1 c
ment de fa maifon , afin que ceux qui
auoient le foin de faire les prouifions , ou
n'y apportaffent que de bons ôcfalutaires
alimens:,ou ne les gaftaffent point eux-
jnefmes de leurs empoifonnemens. Pour
cela il falloir que Rome fe reformaft la
première , puis qu elle fe vante d'eftre la
mère de tous les Chfeftiens. Il falioit
qu'ellepourueuft en toutes les parties de
la Chreftienté, à ce quelesEuefques&les
Preftres , aufquels elle prétend auoir le
droia dé donner fes enfançànourrii:, ne
leur enfeignaffent que les doftrines de
TEiiangile, ^ qu'ils les deftournaffent de
tout ce qui peut endommager la pureté
de la pieté. Bref il falioit quelle s'em-
ployaft à cequeles Vniuerfitez , les Aca-
démies , & les Collèges , qui font comme
des lieux publics , dont on apporte lesdo-
ftrines en rEglifeAfrent repurgez de tou-
tes erreurs , afin que ceux qui en vien-
droient n mftillafrent rien dans TeTprit du
peuple, qui ne fuft conforme à la ver ité,&;
propre pour engendrer la pieté , la confo-
îation, Se Tefperance. Cet aduis donc que
nos ayeuls ont donné à TEglife Romai-
ne> meritoit-il blafme, ou loiiange, 6^ de-
quoy deuoit-il eftrereçognu, de haine.ou
P
tiij Apologie
d'amour ? Et maintenant encore que nous
periîftons à luy départir ces bons aduertif-
i'emens, qui ne procèdent iinon du zèle de
ia gloire de Dieu , &: de la charité que
nous auoris pour le falui de nos pro-
chains, y a t'il fujetde crier contre nous
comme contre des enhns defobcïflans &:
rebelles à leurmeire ? Pour ce quieftde
l'authorité que noftre père celeile luy
auoit donnée j nous recognoiffons certes
que nos ayeuls ont efté obligez d'en taire
confideration^ Mais aufli prions nous tout
le monde de recognoiftre que cette au-
thoritè-là n eft ny infinie , ny illimitée,
ny 11 abfolument fouueraine, qu elle les
aitdeu empefcher de pouruoirà ce qu'ils
ontcrûeftre de leur deuoir entiers Dieu,
&de Tefperance de leur falut j car il ny
a authorité de mère lî refpedable en la
terre, qui oblige les enfans à le laifTer em-
poitonner , quoy qu il n y aille finon de
la vie prefente feulement. Qje peut-ce
donc eftre lors qu'il y va d'vne félicité
cternelle ? Et fi on dit que les enfans doi-
uent auoir affez bonne opinion de leur
mère, pour ne croire pas qu'elle foit ny
fi mefchante qu^elle vouluft , ny fi impru-
dente que fans y penfer elle permift qu'on
pour ceux de la Relig. %iy
leur donnaft du poifon , à la vérité tels
foupçons ne doiuent pas venir légère-
ment en la penfée. Mais quand on fe fent
défia le corps afFedé, ô£ que toutes les fon-
dions en font altérées ; quand après auoir
attentiuement confideré les qualitez des
alimens que l'on prend > on les a recognqs
pernicieux , &: qu'on a toutes fortes de
prennes certaines &: indubitables que le
mal eft venu de là , alors il n'y a perfonne
qui ne doiue pouruoir à fa feureté , &: n'y a
refpeft de mère qui tienne. Nos pères
donc ayant recognu à toutes les opéra*
tions de leurs âmes , que la doftrine qu'on
leur enfeignoit eftoit toute imbue de v^*
nim 5 que leur pieté enuersDieu en eftoit
gaftée d'idolâtrie &: dé fuperftition , que
leur charité enuers le prochain en eftoit
toute languiffante 3 que la paix de leurs
efprits eftoit continuellement troublée, &:
leurs confciences pleines d'inquiétude &:
d'ardeur, que l'efperance delabien-heu-
reufe immortalité eftoit eftoufFée par
des doutes &: des craintes irrémédia-
bles , & que généralement toute l'éco-
nomie de leurs efprits eftoit en defor-
dre , que pouuoient - ils faire finon re-
chercher la caufe de leur mal , &: après
p ij
liS jépologk
Taucir coghu courir promptemcht ait
temede ? Et puis qu^ la reuerence que
leur Père eelefte leur auoit enjoint de
porter à l'Eglife , n auoit pour but finon
leur falut , eftoit-il raifonnable qu'ils la
gardaflent encore quand elle y deuencic
pernicieufe ? Adjouftez à cela qu'en vne
telle occurrence 5 après qu'vn bon enfant
auroit fait fa plainte à fa mère, il fe trou-
ueroitmerueilleufementfurpris fiau lieii
de luy donner quelque fatisfaftlon, il n'en
remportoît que ces refponfes. le nefçau-
rois vous tromper , &: ne fçaurois eftre
trompée moy-mefme. le ne puis faillir en
voftrc conduite , 3c fuis impeccable en la
ihienne, &: vous deuez vous laifler mener
àmonauthorité aueuglément. Cen'eft
pas à vous à iuger de la qualité des alimens
dont on vous nourrit ; c'eft à moy que vo-
ftrepere a laifTéeen fon abfence difpen-
fatrice des biens de fa maifonjadmitiiftra-
trice de fes affaires, tutrice ôi curatrice de
fes enfans , auec vne authorité indépen-
dante &:fouueraine.Ie vous prie cette pro-
cédure ne feroit-elle pas indigne d vne
bonne merc,6c n'augmenteroit-elle pas
îesfoupçonsque fes enfans auroient délia
de fon gouuernement ? le diray encore
pour ceux de la Kelig. iip
quelque chofe dauantage. Si pour faire
femblant de donner quelque fatifadion à
fes enfans , & de leur ofter ces fafcheux
fcrupules de refpritjelle fai{'oit vne aflem-
blée de Médecins pour examiner ces ali-
mens , bc qu'elle n y appellaft finon ceux
qui leur font fuCpefts, &: de l'ignorance ou
de la perfidie de qui ils fe plaignent y 5ç
qu'en cette congrégation on nevift rieri
finon des menées Se des artifices pour pro-
noncer à quelque prix que ce fuft en fa-
neur de fon authorité > Se pour affermir fa
domination, cela fans doute augmente-,
roit encore leur mécontentement. Se leur
mettroit de plus mauuaifes penféesen Ta^
me. Or c'eft ce que l'Eglife Romaine a fait
à nos pères 5 car au lieu d'efcouter leurs
plaintes,8^ de leur y donner quelque iufte
fatisfadion, elle a refpondu, quelle ne pou-i
mit errer iC^UQ Dieu rauoitejlabliela dtjpen-
fatrice de /es fecrets ^qn elle auoit dans l'ecram
de fa foîBrine tous les myfieres du Royaume
des Çkux , qu elle eftoit la depofitaire de la
Tradition , qu'i elle appartenait la decifion des
Controuerfes pour y prononcer infailliblement
qu'elle feule pouuoit interpréter la parole de
Dieu fans perd de s'y tromper, o^Q l'Efcritu-^
ta neft que la lettre dfi cr%anse , & l'^Eglif^
E iij
230 jtfolo^
l ' AwbaJJadeur a cuites dogmes dtuins Auoient
tflé commis four les reueler-^c^ic cette lettre de
créance mejmen auoit de credttdr d'authorité
finoïh autant que l'Eglife luyen donnait > &
qu elle l 'authortfoit enuers nous far [on témoi-
fnage- Puis quand à la foUicitation des
^ois &: des Empereurs elle s eft difpofée à
conuoquex' vn Concile pour vuider les dif-
férent luruenus entre elle &: nous, elle n'a
pas vQuIu permettre qu'aucun s'y trouuaft,
fînoh ceux qu'elle fçauoit eftre nos ennc-
rais,&: a fi bien fçeu mefnager toutes leurs
intrigues , que de Rome on enuoyoit à
Trente la decifî^n tpute nette de ce qui s'y
difputoit i iufques là que mefmesles Am-
bafladeurs de nos Roy s n'ont pu s'empef-
cher d'en tefmoigner ou leur mefpris, ou
leur, indignation par des farcafmes : car.
c*eft à cette occafipn que Monfieur de Lan-
fac difoit^au rapport de Mofieur de Thou,
te du Père Paul, ^ony apportoit de R orne le
S. Ef prit dam vnevalife. Et la belle hiftoire
que ce dernier", l'vn des plus grands hom-
mes de ces derniers temps , &: de commu-
nion Romainf pourtant, a mife en lumie-
rç touchant ce Cp.ncile, eft vne preuue
tres-euidente &: tres-authentique,que Ro-
me n'y aviféà autre chofe qu'à l'eftablii-
pour ceux de la Relig. 131
fement de fa grandeuï. Au nom de Dieu,
qu elle opinion nos pères pouuoient-ils
auoir de cette conduite ? Et que peuuent,
desenfans, qui font en cette extrémité,
penfer ou foupçonner de leur mère l Sur.
tout il eft fouuerainement à confiderer ,
que quand auee de ii violentes prefom-
ptions d'cmpoifonnement ? il y a encore
des indices tres-preignans que la mère
fauffe la foy àfon mary , de qu elle fe laiffe
cageoler ècpoffeder à des gens qui la cor-
rompent, il eft certes naturel auxenfans
depouruoir par toutes voyes raifonnables
à la conferuation de leur vie, mais il eft de
leur deuoi?:inuiolabled'empefcher autant
qu'il leur cftpofTible, le des-honneur de
leur père , &c le diffame de fa maifon. Par-
tant puis que ceux qui nous ont^ deuancez
en noftre profefTionont eu cette créance,
&: fi profondement emprainte, Se fi parfai-
tement bien fondée, qu'en l'Eglife Ro-
maine non feulement ils çouroient rifque
ineuitable de leur falut, mais qu'elle fe
laiffoit aller à des feruices reli gieux enuers
les créatures, qui font dans la Religion la
mefmechofe que l'adultère eft au maria-,
ge 5 il n'y a perfonne fi déraifonnable qui
HQ les exempte deblafme s'ils ont tafçhé
P iiij
%$Z A^ologiç
de remédierai Tvn &: 1 autre de ces maux.
Pour ce qui regarde la feparation d'auec
elle, c eft bien certes vne chofe qui femble
aucunement fcandaleufe ^ de voir des en-
fans abandonner la demeure de leur me-
xty pource quHlsblafmentfafaçondevi-
ure^&: qu ils difent hautement qu'ils ne s'y
trouuent pas en feureté. Mais quoy ? Pou;-
demeurer dans les mefmes comparaifons
dont nous nous fommes feruis y ie fa is tou-
te perfonne raifonnable iuge de cette
adion. Nos ayculs eftoient dans la mai-
fonde leur mère à table auec elle & auec
fes autres enfans ; ils fe font apperceus
qu'on ne leur feruoit fmon des viandes,
dàngereufes , ^ ont aduerty & leur mère
èc leurs frères de s'en abftenir, de peur de
quelque funefté accident. Au lieu de faire
projfit de cet aduertiffement , on les a pre-
mieremêt eftimezdesinfejnfez. Puisquad
cux-mefmes les premiers:,afin d'en donner
fèxemple^ontvoulu s'en abftenir, &: la
Éfiere , &: les autres , après diuerfes paroles
<î)utrageufos &: iniuricufes , leur ont jette
ks Sambeaux &: les afRettes à la tefte auec
qûelqiie efpece de fureur. Ils fe font retirez
doucement , Zc pour ne mourir pas de
fàirn,ilsont dreffé vne tàtle à part dafis
pour ceux de URelig. 13}
la mefme chambre de leur mère , ou au
moins dans la court de fa maifon : Car au
commencement nos pères prefcherent en
diuers lieux dans les nefs des mefmes
Eglifesjoùleferuicede la Religion Ro-
maine fe faifoit. Aux lieux où on ne leur
permettoit pas de fe feruir des mefmes
Temples à des heures différentes 3 ils pref-
choient dans les carrefours, ou deflbus le^
Halles des villes ,&: par tout ailleurs où
on leur en donnoit la commodité» Là or\
ne les a pas encore voulu foufFrir , &: leur
mcre a premièrement fait des proclama-
tions violentes, qu ell e ne les ticndroit pas.
pourfes enfans,^ qu'elle leur defendoit
rentrée de fa maifon, s'ils ne fe laiflbient
noqrrir3&:s'ilsneluypermettoient de fe
gouuerner entièrement à fa fantaifie. Puis
elle a armé fes autres enfans &: fes fer-
uiteurs à rencontre d'eux , &: les a efloi-
gnez d'elle tant qu elle a peu à belles har-
quebufades : Car comment pouuonsnous
•autrement appeller les Anathemes qu elle
a fulminez contre nous , les Canonsqu'eU
le a dreflez dedans fes Conciles , &: les
horribles perfecutions dont elle a tafché
de nous ruiner ? l'appelle donc icy Dieu Se
les hommes a iuger , à qui d'elle ou de i^os
2J4 apologie
ayeuls doit eftre donné ce blafme du
fchifme qiû nous fepare. Enfin, poui ce
quieft des termes qu'on appelleïcanda-
leux Se iniurieux dont on le plaint que
nouslauons diffamée;, à la vérité ii nous
n'euflionsdeu auoir aucuns autres efgards
finon ceux de la retenue des enfans , &c de
leur foin à couurir les défauts de ceux qui
les ont engendrez, le filence nous euft elté
plus conuenable , que les bruits Se les va-
carmes quinailTent de ces conteftations.
Mais nous auons deu auoir enfinguliere
recommandation le falut de tous lesChre-
ftiensj&n'auons peu le leur procurer û-
non en difant ouuertemêt la vérité. Com-
ment pouuions nous les retirer de legare-
ment de fes erreur^ , de la tyrannie de fon
gouuernement ,, Se du feruice ou qu elle
fouffre> ou qu'elle veut que l'on rende aux
créatures 5 linon en nommant^leschofes
par leur nom? Et veu qu encore auec toute
la véhémence des paroles qu'on peut em-
ployer en telles occafions > les horames
font naturellement fi attachez aux créan-
ces dont ils font imbus de longue main>
qu'on a toutes les peines du monde aies
en déprendre, n'eu fl:-ce pas efl:é trahir la
caufede Dieu Se leur falut , fi par complai-
pour ceux de la Relig. 235
fânce&:par diflimulation ,nous lenreuf-
fions caché le péril où ils eftoient5&: le vi-
ce de leurs créances ? Nous auons deu taf-
cher à reformer l'EglifeRomaine mefme,
Se à la ramener à meilleur fens, &:n'auons
peu le faire autrement fmon en parlant à
elle franchement , Se en luy découuranc
les manquemens dans lefquels elle eftoic
tombée- Et comme quand le Prophète le-
remie dit que luy Se fes compagnons ont
effayé de medeciner cette grande Métro-
politaine des Chaldeens , il a voulu don-
ner à entendre qu'ils luy ont monftré fes
playes^afin de l'induire , s'il eftoit poffi-
ble , à receuoir les remèdes dont elle auoit
befoin ; nous n'auons peu nous mettre en
deuoir de guérir celle qui fe prétend eftre
la fouueraine de tous les Chreftiens , que
nous ne luy miffipns tout à nud deuant les
yeux les vlceres dont elle cil gaftée. Mais
nous prions ces Chreftiens de confiderei^
que s'il y a quelque vehemer>ce ennoftre
procédé , Se quelque chofe de tranchant
en nos exprerfions , c'eft à l'Eglife de Ro-
me , qui refifte à fa guerifon , Se non à eux
que nous en voulons , Se que nous n'auons
autre paflioucontr'eux, fmon vne incom-
parable ardeur d'affedion de les détacher
^Î6 apologie
d'auec elle : Car ce n'elt pas fans vne dou^
leur incroyabJe, &:quenous ne pouuons
^flez exprimer , que les voyant commu-
niquer à fés péchez, nous les voyons aufli
dans le péril de participer à Tes player.
Comme ce n'eft pas non plus fa ns quelque
admiration de fes appas, &: delà force de
les charmes 3 qu'eftant de toutes les focie-
tez Chreftiennes celle parmy laquelle le
Chrifrianifme s'eft le plus corrompu en
toutes façons, èc qui par confequent méri-
te le moins qu'onrefpefte fa communion,
les autres Eglifes pourtant, 8>c la Gallicane
notamment, qui scfttoufiours le plus vi-
goureufement oppofée à fon ambitionjeft
iifcrupuleufe encét efgard, qu elle penfe-
roits'eftrefeparéede Chrift, fielle auoi^
rompu auec Rome. Q^auons nous à faire
d'eflre Romains pour eftreChreftiens?Le
Chriftianifme n'a-t'ilpaseftéfalutaire Se
enlerufalem. Se en Antioche, &:endiuers
endroits de TO rient , auant que Rome en
euftouy parler? Et depuis que Rome en à
ouy parler , où font dans les Epiilres de S:
Paul, ou dans les autres efcrits du Nou-
ueau Teftament, les traces qu'il falluft ne-
C eflairemenr entretenir communion auec |
çlle pour iouïr de l'efperancc de la gloirel
bour ceux de la Relig, z^f
Saind Pierre mefmenous parle-t'il daiïr
tre chofe que de la foy en k Croix dé
Chrift , 8c de la vraye fan£tification , pour
mériter le nom de Chrefliens ? Paroift-il
en fes,efcrits feulement vne ombre d'en-
feignement , ie ne diray pas qu'il ait efta-
blyrEuefquedeRome fon fuccefleur en
fon authorité 5 mais qu'il ait defiré qu'on
tint fa communion plus necelTaireàfaluti
que celle des autres Apoflres ? Enfin , en
cette Eglife de Rome s le vray objet de
noftre indignation eft celuyde qui nous
auons cette opinion , comme ie difois cy-
deffus 5 qu'il l'a corrompue , 3c qui fous le
nom de Dieu en t;erre j femble fe vouloir
mettre en la place de noftre Père qui cit
aux Gieux. Si donc elle auoit refolu de fai-
re diuorce auec luy , &: de fe remettre en
cet eftat de pureté auquel elle eftoie aupa-
rauant , nous oublierions Volontiers tout
lepaffé 5 d>c ne ferions point de difficulté
de nous reiinir auec elle. Si mefmes elle
iiefe contentoit pas que noftre Eglife la
recognuft: pour fa fceur, comme elle a fait
celle d'Angleterre , &c d'Alemagne , ôc
des Pays-bas , d'autant qu'elle s'imagine
quec'eftdeRome que FEuangilc eftpar-
Uenu iufques à nous , nous luy donnerionj'
XjS jipologie
tels titres qu elle voiidroitjpourauoir paix
auec elkicar quelque droit d'aine flc qu el-
le pretendift entre fes fœurs y ou de quel-
que autre qualité qu'elle vouluft qu'on
l'honoraft , nous lupporterions douce-
ment ce petit reftc de vanité, pourueu que
celan'allaft point iufques à preiudicier à
la gloire de noftre commun. Seigneur &c
Maiftre. Mais tandis que nous l'y voyons
fi fort intereffé qu'il eft , le refpeft que
nousluy portons ,&: le foin que nous de-
uons auoir de noftre propre falut, nous eft
vne pleine Se entière iuftification deuant
les yeux de l'Vniuers, fi nous ne portons
pas plus auant les effets de noftre condef-
cendance.
SECTION VIL
Qt^en ce que ceux de U'Rfligion croyent
effeéîiuementj ils ne font dignes de ta^
urrjîon de perjonne ; au contraire ^
(juils doiuent ejlre tenus pour bons
Chrejliens.
E n ay donc plus finon à reprefenter
fimplement ce que nous croyons ^ ôc
I
tour ceux de URelig, i^c^
ce que nous faiions en la communion Re-
formée; à cequeceuxquinen ont pas la
cognoiffance , enpuiflent cftre informez,
èc qu'ils iugent par là ce qu'on doit efti-
iner de nous. Peut-eftre qu'il n e feroit pas
absolument neceffaire que ie m'arreftaffe
icy bien particulièrement: pource que no-
ftre Confeffion de Foy ,&: la Liturgie de
nosEglifes peut en inftruire tout le mon-
de. Neantmoms^pourne renuoyer point
mon Lefteur ailleurs, &; ppurce qu en no-
ftre Confeffion de Foy nous ne nous fom-
mes pas contentez de mettre les articles
poiitifs de noflre créance , nous y auons
auffi méfié ceux que nous ne receuons pas;
afin qu'on voye noftre Religion tout à
nud 5 &: que fans préoccupation l'on puifle
d autant mieux luger de fon excellen-
ce y i'extrairay de cette commune dé-
claration de noftre doctrine, ce qu'efFefti-
uement nous croyons , fans y rien adjou-
fter de ce que nous auons rejette.
Dés auffi-toft donc que nous commen-
çafmes àparoiftre en ce Royaume , nous
declarafmes publiquemêt que nous croy os
qu'il y a vn feul Dieu, qui dans rimmenii-
té &: {implicite inénarrable de fon effence
fpirituelle y &: éternelle, ôc incomprehen;^
i40 apologie
fible en toutes manières^ comprend toutes
fortes de vertus ? de Bonté , de luftice , de
SagelTe, de Mifericordejauec vne PuifTan-
ce infinie , en vne li eminente perieftion^
qu'il furpaffe infiniment iaportéedel ei-
pritdeshommes, &:de l'intelligence des
Anges mefmes. Cela pofé pour fonde-
ment de noftre créance., nous adjouftaf-
mes que Dieu nous a manifefté cette co-
gnoiffance de fon eftre par deux voyes : à
fçauoirparTouurage du Monde dcdc fes
parties, conjointement auec la Prouiden-
ce qui les conferue Se qui les gouuerne : Se
par les reuclations de fa Parole, qu'il nous
a laiffée par efcrit. Et chacun feait^fans que
l'en fafle le catalogue, que nous auons re-
cognu pour parties de cette diuine Parole,
dans le NouueauTeftament tout ce qui a
toufiours efté recognu pour tel par les
Chreftiens, Se dans le Vieil, tout ce qui eft
dans le Canon des Hebrieux, Se que TE-
glifeludaïque a crû eftre d'origine celé-
fte. Or bien que nous parlions ainfi, fi eft-
ce que nous ne croyons pas que ces liurcs
foient diuins pource feulement que ça
toufiours efté le confentement vnanime
de l'Eglife , Se que tous ks Chreftiens en
font d'accord j car fi nous n'auions autre
fonde-
pour ceux de la Relig. 241
fandemcncdenoftre foy , elle feroit ap-
puyée fur le tefmoignage des hommes,
qui s accordent bien auffi quelquesfois à
receuoir ce qui eft faux. Mais comme ainfi
foit que ces liures ne peuuent eftre diuins,
8c procédez de l'Efprit de Dieu , qu'ils ne
portent vne infinité de marques de leur
origine, chaque efFeft ayant toujours des
marques indubitables de fa caufe , Dieu
par vne fecrette Se intérieure opération
de' fon Efprit , ouure tellement les yeux
denosentendemens , qu'il les rend capa-
bles de recognoiftre ces charaderes de la
Diuinité,&: nous fait difcerner ces liures
d auec tous les autres efcrits purement hu-
mains, de quelque nature qu'ils foient : de
forte que nous les receuons auec vneper-
fuafion pleine 3c entière pour la règle trcs-
certaineôctres-parfaite de noftrefoy, &c
pour l'inftrument efficacieux par lequel il
a pieu à Dieu nousreueler fa cognoiffan-
ce. Car quant à ce qui eft du monde &: de
fes parties, &: de toutes les œuuresdela
diuine Prouidence , lacognoiflance qu'on
en peut recueillir a cela de particulier,
qu'elle eft expofée aux yeux &c aux efprits
de toutes les Nations, &: de tous les hom-
mes de la terre , en quelque lieu qu'il§
foient cfpai's» De façon qu'il n'y eh a aii^
cun , s'il y vouloit vfer de ion entendemét
coiHmc il faut , qui n'y pcuft r ecogi:oiftr0
que Dieu eft vne nature telle queiel'ay
defcrite au commencement , &: qui par
tonfequent ne peuft eftre induit par là à
luy rendre l'honneur , le feruice , bc ley
aâions de grâces , auxquelles la cognoif-
failce de ces vertus5&: les bien-faits que les
hommes en ont receus , inuitent naturel-
lement. Mais pour ce qui eft de la reue*
lation de la Parole, qui eft contenue eh
ces liures , elle a cet aduancage qu'elle eft
incomparablement plus claire &:plusdi-
ftinae,&: qu'elle nous apprend pour no-
ftre falut vne infinité de chofes qui ne
nouspeuuent eftre eiifeignéespar la con-
templation de rVniuers. Car elle nous
defcouure premièrement qu'en cette fou-
ueraine Diuinité, quefâ nature3&: la créa-
tion du monde nous monftre clairement
he pouuoir eftre qu'vne, il y a heantmoihs
trois perfonnes > qui y fubfiftent diftinde-
ment : c'eft à fçauoir le Père , que nous re-
eognoifTons eftre la première caufe ? le
principe, &:rorigihe de toutes chofes: le
Fils , qui eft fa Parole , & fa Sapience eter-
helle : & le S. Efprit , qui eft fa vertu , foit
pour ceux delà Rdig. 245
efficace, &:lapuifiance, qui exécute tous
les confcils que le Père a formez pa r fa Sa-
pieiice^qui eil fon Fils. Que le Fils eft éter-
nellement engendré du Pcre ; que le S.
Efprit procède éternellement du Pa:e Se
du Fils > &: qu encore qu ils n'ayent qu'vne
mefme elTence , fi eft-ce que leurs Perfon^
ries ne font point confuies entr'elles > &:
jgardent vnc éternelle &: inuiolable di-
ftindion. En vn mot , tout ce que les an-
ciens Pères, comme S.Hilairc,S. Atha-
nafe,S. Ambroife> &: S. Cynlk en ont dit,
tout ce que les anciens Conciles en ont
décidé , pource que nous le voyons très-
conforme à cette parole de Dieu , nous le
tenons pour tres-veritable 6c trcs-ortho-
doxe. En après, le Monde, finôusyeuf-
fions efté bien attei^itifs, nous euft bien
peu apprendre que c'eft ce grand Dieu qui
l'a créé : Car les cieux 6c la terre rendent
aflezde tefmoignages à leur autheur , fî
les hommes apportoient à les contempler
vneaflezpure8c aflez lumineufe intelli-
gence. Mai^ pource que le péché nous a
aueuglezjles vnsont abfolument ignoré
cette vérité, les autres ne Font cognue que
tres-imparfaitemcnt, &: de ce qu'ils en ont
cognu , ils n en ont point eu de perfuafioa
9^
2-44 j4polôgk
finondcitteule8<:chanceiiante5 iufques à
ce que cette diiiine Parole nous en a tres-
plemement ôc trcs-certamement infor-
mez. Car G eft en elle qu il nous eft reci-
té 5 comment ce Dieu, lequel s eft manife-
ftc à nous en trois pcrlonncs, a au com-
mencement forme les cicux 6c la terre,
&: toutes les chofes qui y font i tant celles
qui n ont que l'efti e , ou la vie , ou le fen-
timent feulement , que celles qui font
douées de raifon , de mefmes celles qui
eftansfpirituelles &: inuiiibles de leur na-
ture, ont vn eftre qui confiile quafi tout en
intelligence : Car c'eft de (es enfeigne-
mcnsque nous recueillons certainement
qu'il y a des Ariges èc des Démons, qui
font tous efgalement créez de la main de
Dieu, mais dont lesvns ont abandonne
leur origine par la reuolte , &: font deue-
nus ennemis de -leur autheur Se de tout
bien ; les autres, qulont perfifté en leur in-
tegrité,font employez à l'exécution des
volontez de leur Créateur , notamment
en ce qui concerne les hommes, &plus
particulièrement ceux d'entr'eux pour lef-
quelsila de plus tendres &: de plus véhé-
mentes affedions. Et quoy que la raifon
nous deuft affez aduertir que Dieu n a
f^our ceux de Ul{_elig. 14 f
point crcé ce grand ouuragc du monde
pour Tabandonner , ii aiions nous eu bc-
loin que cette parole nous efclaircift cette
vérité, &: nous affcrmiil: en cette créance,
que toutes chofcs font maintenues, con-
leruées, régies , &: gouuernées par la Pre-
uidence de leur Créateur. Tellement que
dans les caufes naturelles, &: dans les cho-
fcs qu'on appelle commun' ment contin-
gentes, il n arriue aucun euenement qu'il
n'ait éternellement preueu èc preordonné
eafa Sapience,&: fur lequel » 1 n'a itpreiidé
par la conduite &: par l'efficace de fa main;
Et bien qu'il fcmble que les hommes 5^ les
Anges ayent plus de liberté en laprodu-
âion de l^'s actions, que n^ont toutes les .
autres créatures, &: que de fait ils s'y por-
tent par les mouuemens de rintelligence,
6^ les exécutent volontairement , néant-
moins cette liberté s'accorde tellement
auec la Prouidence diuincquetout ce qui
dépend des caufes intelligentes, eft fouf-
misàfongouuernement. Il efl vray que
les mefchans hommes &: les démons fem-r
blent auoir voulu fe fouftralrcde fon Em-
pire j mais fi font-ils pourtant fujets à fa
volonté. De forte qu'ils n entreprennent-
rien que comme il le permet, &:nexecu-
Z^ë A^ologut
tenc rien finon comme il leur en donne
lapuiflance; &: fur tout il a vn foin fpe-
cial de veiller fur leurs actions, en ce qui
foncerne ceux d'entre les homrties qu'il
aime particulicremenc. Car pource que
ces mefchances créatures les ha.ifient à
merueille, &: machinent toutes fortes de
maux à Fenccntre d'eux, il cftneceffaire
qu'il poumoye à leur protedion dVnefa-
^on fpcciale, autrement ilsauroient trop
ifouàrir de la part de leurs aduerfaires,
yeu qu'ils font fi enuenimez , en fi grand
îiombre ,, Se fi puifTans. Cette mefme
Parole nous inftruit encor , &: de la con--
dition de noftre première origine , &:de
la façon de la. quelle nous en fermes def-
cheus , &: de Teftat auquel i:ious nou$
trouuons maintenant naturellement par
cette cheute. Car ceft elle qui nous ra-
conte comment Dieu auoit créé Thom-
jTne en vn eftat d'intégrité , Se de félicité
excellente, Scàç, tout poinft accomplie,
autant que la condition de la Nature le
pouuoit porter. Ceft elle qui nous réci-
te comment rhomme en tranfgreflant
volontairement la loy que fon Créateur,
luy auoit donnée, s'efl: rendu indigne de,
U fcli^itc en laquelle il auoit eftc mis >
pour ceux de la Relig, Z47
Se s*efl: luy mefme corrompu. De ma-f
niere qu au lieu que Dieu luy auoit don-f
né vne intelligence lumineufe 5 &c rem*
plie de la cognoiiraiice de fon autheurj
ôcvnc volonté toute encline à fuiure les .
^ouuemens de cette belle intelligence en
toutepietéenuersDieu,&:en toute force
de vertu i Se finalement des appétits bien
réglez 5 &: parfaitement afliijettits à l'em-
pire de la raifon : fes appétits ont par le
peclié fecoué le ioug de la raifon y de fe
font émancipez dyne façon merueilleu-
fcment licentieufe; fa volonté eft deue-
nue deprauée d>c portée à toute forte de
m ah Se les ténèbres ont tellement faifi fon
intelligence quelle n'a plus efté capable
ny de gouucrner les appétits comme il
faut , ny de tourner la volonté vers les ob-
jets bons Se loiii^bles, ny de iuger des cho-
fes conuenablement. Vray eft qu'il fem-
ble que pour ce qui regarde les chofes po-
litiques Se morales , il foit refté dans Tcn-
tendement de l'homme quelque faculté
dedifcerner entre le bien Se le mal. D'où
vient qu'il n'y a iamais eu de nation deffus
îa terre , pour fi barbare qu elle fuft , par-
my laquelle il ne foit demeuré quelque
trace 4e Teftime de la iuftice , de l'honne.-?
24S Afolo^e
fteté , 8^ de la vertu. Mais outre quec'eft
encore vnefed de la diulne Prouidenee
quia voulu conkruer ce petit relie de co-
gnoiflancc parmy les hommes , afin de
feruirdelienà leur Ibciecé; lors qu'il eft
queftion de Dieu , Se de le cognoiftre
comme il faut , ^. de luy rendre le ferui-
ce qui conuient à l'excellence de fa natu-
.çe 5 ils y font entièrement aueugles , fi
Dieu ne les y adreffe & ne les illumine
pour cet cffcd extraordinairement. Ain-
fi, encore que l'homme foit libre, en ce
qu'il eft porté à fes aftions par le mouue-
ment de fa volonté, &: que la volonté y
eft portée pource que fon entendemet dif-
court &:raifonne fur les choies qui fe pre-
fentent pour iuger de leurs qualitez , il eft
neantmoins efclaue , en ce que fa malice
naturelle eft fi grande , &: qu'elle a telle-
ment faifi toutes les puifTances de fon ef-
prit , que fi Dieu par la vertu du fien ne le
deliure de cette feruitude volontaire , il
ne iuge point, &: ne peut iuger des choies
autrement que mal , ^ par conlequent
il ne fait que mal , èc ne peut rien fi-
non mal -faire. Or pource que tous les
hommes font defcendus de ce premier ,
qui s'eft ainfi mal -heureufcmènc cor-
pour ceux de U Relig. 24^
rompu 5 il nous euffions retenu la co-
gnoiflance de noftre origine , elle nous
cuftpù apprendre 5 outre les autres preu-
ues que nous en auions en nous melnaes,
que noftre premier père a prouigné cette
fienne corruption en nous tous. Mais pout
ce que cet aueuglement naturel , qui nous
empefchedeiuger de toutes autres cho-
fes , nous a auffi ofté la cognoifTance de
noftre principe &: de nous-mefmes 5 il a
fallu que cette mefme Parole nous apprift
que tous les hommes du monde en font
naturellement gaftez. Tellement qu'il
n y a aucun dcsdefcendans d'Adam, en
qui par la génération des pères aux en-
fans, cette corrupuô ne fe foit écoulée j car
ce que lesPelagiens ont voulu dire, que
nousnefommes mauuais que par imita-
tion ^eftvn pernicieux erreur, que nous
deteftons : nous fommes auffx outre cela
mauuais de nature , de quelque façon que
cette tache originelle fe prouigné en
nous. Cognoiflans comme nous faifons
fi certainement le mal , nous ne nous don-
nons pas beaucoup de pemede içauoir la
façon comment il fe perpétue au monde.
Et ce mal eft fi grand , que quand nous
n'en commettrions point d'autre, il nous
îjo Apologie
rend coupables deuant le iugement de
Pleuy & nous affujettlt à la more. Bien eft
vray quel^icLi le nous pardonne , Scquill
nous donne le feau de cette remiffion par
le Baptefme \ mais ncantmoins il garde
touliours fa nature; cav ppur n'eftre pas pu-
ny,vn péché ne laiffe pas d'eO.re péché
pourtant. Et qu'il garde toufiours fa natu-
te^l en appert par expérience j car c'eft de
là, comme dVnefource inefpuifable , que
viennent toutes les mauuaifes pa/Rons >
toutes les mauuaifes penfées > toutes les,
mauuaifes aillions > 6^ toutes les mauuai-r
fes paroles , par lefquelles les hommes
attirent deffus eux ire &: makdidlion.
Mais bien que la Parole de Dieu foit ad-
mirable en la reuelation qu elle nous don-
ne de toutes ces belles co gnoiffances, fine
1 eft-elie point tant qu en la déclaration
qu'elle nous a faite du moyen par lequel
Dieu nous retire de cette malediftion, ^
des motifs qui l'ont porté à nous en ga,-
rcntir icar pour ce qui eft des motifs , elîo
nousenfeigne qu'outre cette charité, iné-
narrable qu'il a tefmoigné enuers le mon-
de, en ce que fans yeftre incité d aucune
^utre caufe, que de fa feule bonne volon-
^, il a. voulu donner fon Fils vnique pou.ç-
pour cçHX de la Relig. iji
labandoriner àlamprc^afin que quicon-
que croiroit en luy ^tuft fauué par luyjnou*
auons encore en elle la reuelation dVn
jnyltere que nous ne pouuions iamais ap-
prendre d'ailleurs. Ceft que Dieu, meu
de fa pure volonté , &c fans y eftre inuité
par aucune bonne qualité qui fuft en Ivn
pluftoft qu en laucre d'entre les hommes,
ti de toute éternité , Se dans le confeil
qu'il en a formé deuant la fondation du
monde , mis de la diftinftion entre eux;
car il a eu le falut des vns tellement à cœur,
qu'il les a mis à part des autres , afin de
leurdonner de croire en ce Rédempteur,
$cdeles amener parce moyen indubita-
blement à la jouiffance de fa félicité éter-
nelle. Au lieu qu'il a laifféles autres ei^
arrière pour les abandonner à eux mef-
mes> Se à l'aueuglement de leurs cœurs.
Leur aueuglement donc eftant tel que
nousTauonscy-deffus reprefenté,il eft ab-
folument ineuîtable qu'ils ne croiront
point en l'Eiianglle, 8>c ainfi qu'ils demeu-
reront en kur naturelle perdition. De
forte que comme fa mifericorde paroift
merueilkufement riche en la difpcnfa-
lion de laquelle II a vfé enuers les vnS;,cet-
îefeueritédonc il a vfé enuers les antres^
2.fi jifologie
bien qu'elle ne foie nuilcment iniiiftc ,
pour ce: qu'ils ont bien mérité d'eftre ainii
abandonnez , donne de reftonnement
pourtant , &: ell enfin fuiuie de Texecution
d'vne ire &: d'vne vengeance elpoiiuanta-
ble. Et l'expérience nous ratifie ce que la
Parole d e Dieu nous en apprends car com-
xne le l'ay dit ailleurs , puis que les vns
croyent en lefiis - Chrift , d>c les autres n'y
croy ent pas, &: que nul n'y croid finon par
la grâce que Dieu luy en donne, il faut ne-
ceflairement qu'il ait mis diftinftion en-
tre les hommes en cet efgard, 8i que ce
que nous en voyons arriuer m-alntenant,
foit l'effet de la refolution qu'il en auoit
prife auant la fondation du monde. Do-
ûrineà laquelle le Cardinal Bellarmin,8^
les autres prmcipaux Docteurs de l'Eglife
Romaine confentent. Quant à ce qui eft
du moyen que Dieu a fuiuypour nous ti-
rer de cette condamnation , qui eft-ce qui
peut porter le nom de Chreftien, s'il ne
c|:oid ce que nos Eglifes en enfeignent?
Elles difent premièrement qu'en lefus-
Chrift Dieu nous a offert ^communiqué
tout ce qui nous eft neceffaire pour noftre
falut ; en ce qu'il a efté fait fapience , pour
nousreuelertojLites les lumières &: toutes
pour cmx de la Relig. i)^
ks cognoiffances qui concernoient la
gloire de Dieu 6c noftre Ibuueraine fé-
licité : &:iuftice,pour nous faire abioudre
deuant le iugenienc de Dieu par le^inoyen
de fa fatisfadViOn : bc fandification,pour
nous communiquer de fonEfprit, e>c repa-
rer en nous l'image de la fainfteté du Pè-
re celefte: Se rédemption , pour ce qu'il
nous retirera enfin de la main de tous nos
ennemis, &: de celle de la mort mefme.
Teiiemêt que qui s'addrefle à lui,il y trou-
ue tout ce qui luy eft nèceffaire pour cftre
fauué ; Se qui fe deftourne de luy, renonce
à la mifericorde de Dieu, laquelle il luy a
plu de reueler en fon Vnique. Elles ad jou-
ilent qu'encore que ce lefusChrift foit la
fageffe de Dieu, Se fon Fils éternel , Se
Dieu beny ésfiecles des fiecles , fi eft-ce
qu'il a vertu noftre chair, &: joint en vne
mefme perfonne en luy la nature humai-
ne auec la diuine. Par ce moyen non feu-
lement quant au corps il a jefté fait fembla-
blcs à nous en toutes infir mitez, mais aufTi
quant à Tanie il n a point différé de nous
en toutes fortes de partions, finon entant
quenrvn&: en l'autre il a efté parfaite-
ment exempt Se des péchez que nous y
commettons , Se du vice qui y eft inhérent
iy4 Apologie
denoftre nature. Mais quoy que c'en foie,
il a cfté homme veritabiement, & comme
il eftoit dcfccndu de la race de Dauid &:
d'Abraham , ainfi que les fainûs Oracles^
rauoicnt promis , il a eu vne nature toute
Semblable a la leur 5 mife à part la corru-
ption laquelle y eft furuenue . Et s'il y a eu,-
ou entre les anciens , ou entre les moder-
nes, quelques gens qui en ayent crû autre-
ment, nos Eglifes ont toufiours eu leurs
erreurs en vne abomination extrême. Et
afin que perfonnene fe trampaft en Tin-
telligence de leur fentiment , elles en ont
donné par tout Vne interprétation & vne
declaratiô tres-exprefféj car elles ont tou-
jours crû & toujours dit , que ces deux na-
tures, diuine & humaine , font tellement
conjointes en vne mefme perfo nhe en le-
fus-Chrift, qu encore qu'elles foient inf e-
parablement vnies, chacune d'elles y gar-
de diftin£kementfes propiietez. Comme
donc la nature diuine y demeure increée,
infinie >&: immenfe tout a faitî la nature
humaine y demeure limitée des bornes
qyi luy font propres comme aux autres
hommes , ôc reueftuc de fa figure , & con-r
formée en fa ftature ainfi que les autresf
cof ps humitins. Vray eft qu'en la refurre-?
ponr ceux de la Kelig. t j^
èiôh le corps de Noftre Seigneur lefus d
acquis des qiialicez fore différentes de cel-
les qu'il auoic en Tinfirmicé de la chair:
car il eft deuenu incorruptible , 5c immor-
tel : maisneantiTioins il a toujours côferué
la nature d' vn vray corps , 3c la poiTede là
haut en la gloire des lieux celcftes.Or bien
quilnousreuienne vne infinité d'auanta-
ges 8c d'incomparables vtilitez , de« l'en-
iioy de Noftre Seigneur icy bas y de qu'on
y puifîe remarquer vne infinité de chara-
cleres admirables des Vertu s que Dieu y a
vouludécouurir^le principal iujet pour-
tant de tout ce merueilleux myfterca efté
que Dieu nous a Voulu monltrer fon in^
cftimable charité, de fon amour inénarra-
ble enuers nous, en ce qu'il la liiiré volon-
tairement à la mortjafin d'y Tatisfa Ire pour
hds pechez,&: qu'il la reffulcité d'entre les
morts y afin de nous attefter que la fatisfa-
£iIon eftoit parfaite , Se qu'elle auoit efté
acceptée de luy , puis qu'il liberôit noftre
caution. De forte que par ce moyen nous
à efté acquife , & la iuftice en vertu de la-
quelle nous comparoiffons hardiment dé-
liant luy en iugement , Se la vie éternelle,
qui eft le but de nos fouhaits&: l'objet de
nos efperances. Pour nous obtenir cela.
2^6 Aj^ologie
nous croyons que Noftre Seigneur lefus a
offert à Dieu ion père vn feul facrifice en
la Croix, par le moyen duquel nous fom-
mes reconciliez à Dieu , &: tenus pour iu-
fies en fa pretence. Et cela eftoit abfolu-
ment neceffaire pour nous taire obtenir
la vie à laquelle nous afpironsi car nous ne
l'obtenons fmon comme vn héritage, &:
en qualité d'enfans : &: ne lommes enfans
de Dieu fmon par fon adoption^ Or ne
pouuions nous eftre participons de fon
adoption, que premièrement il ne nous
pardonnai! &: n enfeueliil toutes nos ot-
fenfes. . Pour ce donc que nos iautes font
des debtes Se des crimes,comme ie Tay dit
cy-deuant, &: que pour des debtes &r des
crimes il faut vne iatisfadion &: vn paye-
ment, qui fdit proportionné à l'obligation
&:à la peine que la loy dénonce , comme
il n'y auoit aucun qui peuft faire cela par-
faitement fmon le Seigneur, auflila t il ii
parfaitement accomply , qu'il n eft deior-
maisplus de befoin d'autre fatisf : dion ny
d'autres fouffrances. Or comme qui a-
payé,eil quitte de fon obligation,&: qui pa-
reillement àibufFert,eft quitte de l'obliga-
tion à la vengeance , foit qu'il l'ait fait
pour foy- mefme, ou par l'entremife de- fa
caution
pour ceux de la I{elig. 2/7
Caution, Noftre Seigneur ayant ainii 6^
payé 8c fatisfait pleinement pour nous ,
nous fondons là deiTus la prétention que
nous auons d'eilre abfous Se iullifiez de
Dieu, qui à cette occafion ne nous punit
pas, mais nous remet gratuitement toutes
nos debtes &c tous nos crïmesjcar puis qu'il
eft entièrement fatisfait en Noftre Sei-
gneur, il n'a plus rien à demander à nos
perfonnes. Pour cela nous eftimonsnous
fouuerainement heureux , ainfi qu'a fait
Dauid autrefois , de ce que n ayans rien en
nous mefmcs dequoy contenter la iuftice
de Dieu,ny en mérites ny en fatisfadions,
nous auons tout en Iefus-Chrift,qui paù
cette fienne fatisfadion nous a acquis la
remiflîon de nos péchez, &c nous a efieuez
à Tefperance certaine de la félicité éter-
nelle. Amfinous jouïflbns par la grâce de
Dieu de paix d>c de repos en nos cœursj.aU
lieu qu'autrement nous ferions toufiours
agitez d'apprehenfiions , fi nous auionsà
refpondre de nous-mefmes , &:fur l'afTcu-
rance de noftre propre iuftice , à fon iuge-
ment. C'eft aulTi en cette niefme confian-
ce, que nous inuoquons Dieu comme no-
ftre Pcre , &c que nous fommes affeurcz
d'eftre exaucez en tout ce que nous de-*
R
ij8 j^pologie
manderons au Nom de ce grand Média-
teur j car puis qu'il eft noftre Moy enneur,
il rendra nos prières agréables à ion Perei
puis qu'il eft celuy auquel nous auons eftc
adoptez , il fera que nos lupplications fe-
ront receuès de Dieu , comme venant de
fes chers enfans , Se puis qu'il eft noftre
chefaôc nous (es membres, il ne fe peut que
li faueur que le Père cclefte luy porte, ne
fc tefpande defTusnous , & deflus les priè-
res que nous luy prefentons par luy. Au
refte, comme ainfi foitque lespromeffes
de toutes ces grâces, qui nous font faites
enTEuangile , foient vniuerfelles fous la
condition de la ÎFoy , félon ce qu'il eft dit,
qu il a fouffert pour nous acquérir falut,
afin que quiconque croira en luy ne perifie
point, mais qu'il ait la vie éternelle , nous
nous rendons ces promeffes particulières,
6c les iîous approprions par la Foy. De
forte qu'au lieu que les autres n'en fentent
aucun efFet,pourcequilsn'y croyentpasi
nous en feiltons quant à nous , pource que
nous les acceptons. Et comme en les acce-
ptant de noftre cofté nous demeurons per^
fuadez que Dieii lie manquera pasd'exe^
cutercequede fa bouche facréeil a pro-
fnis 3 Dieu de fà part les exécute cfFeftiue-
froUr ceux de la I{elig. i^p
ïriént en noftre efgard , &: nous rend par-
îicipans de cette iuftice de fon Fils en la re-
million de nos péchez , iufques à ce qu'il
nous introduire en la joiiiffancedelavie.
Cependant ce que nous croyons , nous ne
le nous attribuons pas à nous-mefmes 9
mais nous recognoiflbns le tenir tout de
la grâce de Dieu j car les prbmeffes , com-
me i ay dit cy-deflu^, font ofFertcs généra-
lement à tous , mais la grâce de les rece-
uoir eft vn don gratuit & particulier que
Dieu donne à qui bon luy femble. Telle-
ment du au lieu que les vns ont feulement
cette obligation à Dieu en ce qui regarde
leur ialut, qu'il leur a efté offert de fa parc
darislespromeflesderEuangiledeClirifl:,
les autres luy font obligez au double , eri
ce qu'en la diftribution de la grâce par la-
quelle on les embraffe^ilsont efté préfé-
rez. Et l'obligation qu'ils en ont à Dieu eft
d'autant plus grande , que cette illumina-
tion intérieure ôc fecrette de Tefpric de
Dieu, par laquelle ils font rendus capable^
de rccognoiftre la vérité de TEuangile du
Sauueur,ne fe defploye pas en eux pour
Vne fois feulement , comme fi Dieu les
vouloit feulement mettre dans le chemin
du faluc, pour les laiflei: là puis après à leur
2.6^0 j^pologie
propre conduite. Gequil commence erî
eux 5 il le concmuè &c le paracheue auffi.
Et de fait comme luy leul en a pu donner
les commencemens, auffi peut-il leul don -
ner la perfeftion à ion ouurage. Et pour-
ce que la promt lîe de rE:iangile né regar-
de pas feulement la rcmifTiondes péchez,
mais auffi lavraye iandiiication dont le
fainft Efprit eft autlieur , quand nous di-
fons que nous receuons cette promefle par
foy 5 nous donnons affez à entendre que
la foy ne nous mer pas feulement en la
pofTeffion de cette remiffion, mais auffi
nous obtient l'Efprit de fanftification qui
nous régénère. Tellement qu'outre ce que
la foy d'elle-mefme exxite ralFeftion de
bien Se faintement viure^en ce que nos en-
tendemens ne peuuent eftre illuminez
dVne fi belle vérité, que nos afFcdions ne
s'enflamment de fon amour, &:nefe con-
forment à fa fainfiteté ; elle produit encore
la vraye régénération en nous > en ce qu'-
ayant par fa grâce crû à la pronieffe de
Dieu, il nous donne plus libéralement fon
S.Efprit, pour nous refor met à fon image.
Et pour ce que c eft en cela que confifte le
fuc Se la moiielle de la doilrine de TËuan-
gile. Se quant Se quant le corps Se h vérité
^our ceux de la Relig. iCi
4e çc qui eftoit autresfois repreicnté dans
les lig lires de la Loy , nous ne conlîderonE
plus les cérémonies que comme des cho-'
fes paifées , &: ne nous feruons de la
Loy morale mefme , linon pour eftre la
fegle de noftre conduite &: de nos depor-,
temcns.
Pour ce que ce grand faluc que nous
auons en lefus-Chrift nous eft communi-
qué pari Euangile, &: ratifié par les Sacre-^
mens, &: qu'au refte ny l'Euangile ne nous:
eft prefché, ny les Sacremensne nous font
adminiftrez, linon par Tordre delEgliie,;
tel qu'il a pieu à Dieu de Teftablir ,il eft-
raifonnable que l'on fçache aulTi ce que
r;pus croyons de toutes ces chofcs 5 & que
To a voy e combien la créance que nous en
auonsîeft non feulement innocente , mais
conforme à la vérité diuine, &: digne de
l'approbation de tous les Ghreftiens. Afin
donc decommencerpar là, nous croyons
que Dieu a eftably vn certain ordre en
fonE^life, félon lequel les vns font or-
donnez pour eftre Pafteurs &: Dofteurs, 8c
les autres pour receuoir leurs inftru£bions,
&: que cet ordre doit eftre facré bc imùola-.
ble.En telle manière queles vns^que Dieu
a» doUez des dons neceffaires pour.cela>
R îij:
9^^t ji^oîùgîe
foicnt appeliez à ce miniftere par des
voyesconuenables, &: qu'ils Texercent en
toute fidélité , &que les autres efcoutent
auec refpeû & reuerence , &c faffent profijc
de leurs enfeignemens. Ce n eft pas que
s'il euft pieu à Pieu choifir quelqu autre
Voyedenous enfeignercequi eft de no-
ftrefalut , il ne Teuft peu faire. Ny fa Sa -
pienccny fa PuiiTance n'eftoient pas tel-
lement aftreintes &: déterminées à ce
tnoyen-là 5 qu il fuft abfolument ineuita-
ble. Mais l'ayant iugé le plus propre , ^ le
plus accommodé à la nature de Tliomme,
ainfi qu'il a fait, ç eft luy refifter que de ne
s'y afllijettir pas , &: ruiner l'édification de
fes cnfansjque de Vouloir abolir vne fi bel-
le difcipline Et de là s'enfuit neceffaire-
ment qu'encore que chacun doiue auoi?
îe foin de s'inftruire en particulier en la
cognoiflance de la vérité, 6cque chaque
père de famille foit particulièrement obli-
gé à linftruftion de ceux qui font def-
lousfon gouuernement ,neantmoins il y
4pit auoir des affemblées publiques , oii
|out le monde foit endoctriné en com-
mun par ceux à qui Dieu en a commis la,
charge , tellement que ceux qui fe fepa-
JTcnt de cts affcmbîées i contrarient \
pQUr çeu^ de la Relig. z d
J ordonnance de Dieu, fefouftrayent du
iougdenoftre Seigneur Icfus-Chrift, ôc
irompent rvnité de fon Eglife. Et cela a
cfté iugé fi neceflaire par les Apoftres de
&: par les anciens Chreiliens, qu'ils lont,
tpufiours pratiqué nonobftant les Edifts
des Empereurs, & toutes les perfeçutions
qui leur ont eftç faites pour les en cmpef-
cher ; car pource qu'ils ont cru que cela
eftoitdeTinftitutiondeDieujils ont efti-
mé quileftoitplusiufte6c plus raifonna-
ble d obéira Dieu qu'aux hommes. Or
eft-il bien aifé de recueillir de ce que iay
dit cy-deflus , que ç eft que nous croyons
delà nature de TEglife; car fi vous confî-
derez les fideUes entant qu'ils fe trouuent;
aftuellement enfemble pour oUir la pre-i
dication de la Parole de Dieu , Se vaquer
aux exercices de pieté , TEglife eft Taf-
{emblée de ceux qui conuiennent en mef-
me lieu à cette intention de tefmoigner
la foy qu'ils ont en noftre Seigneur lefus-
Chrift ,&de sauancer en fa cognoifTan--
ce falutaire par Fouie de la prédication
de fa Parole J&: par la célébration de fes;
Sacremens , comme aufR pour prier Dleu>
luy rendre aftions de grâces dVn com-
mua confemenxent vôc fe fortifier de plus
26'4 apologie
en plusenrefperance de la bien-Iieureu-
ie immortalité : félon que nous auons
tous bcfoin de faire progrés en toutes ces
chofes 5 iufques à ce que nous foyonspar-
uenusàlaperfedion à laquelle nous afpi-
rons. Et li vous les conlîderez feparez,
comme il n'efl: pas polTible qu'ils vacquenE
touliours enfembie à ces fainfts exercices,
l'Egliie eft la focieté de ceux qui entre-
tiennent communion enfembie par vne
mefme foy en lefus-Chrift , &c par la par-
ticipation à mefme efperance. Se qui don-
nent des tefmoignages de cette commu-
nion où les occasions s'en prefentent , pai'
toutes les chofes que ie viens de rappor-
ter. Or quand nous compofons ainfi TE-
glife de fidèles, nous ne prétendons pas
dire qu'il ne fe mcfle point parmy eux des
gens qui ne méritent pas ce nom. Car il
n'y a que trop d'hypocrites > qui pour
quelques confiderations demeurent exté-
rieurement en cette focieté. Mais cela
n'empefche pas que la fôcieté ne fubfifte,
3<:qucllenedoiue eftre nommée du nom
d'Eglife,àcaufeque le nombre des vrais
jfidelles y eft plus confiderable Se plus
grandît que la R.eligion qui les rend tels,
eft pratiquée comme il faut en toutes fes
pour ceux de ta Helig, 1 6$
parties. A la vérité , où la Parole de Dieu
neft point prelchée,où lesSacremensne
font point adminiftrez , où il n'y a point
d'ordre eftably pour le feruice de Dieu
S>c pour la conduite de fon peuple , on ne
peut pas dire qu'il y ait aucune Eglife,
quelle qu'elle Ibit. Où la parole de Dieu
eft prefchée en quelque façon , mais méf-
iée des erreurs &: des fuperftitions des
hommes; où les Sacremens font admini-
ftrez , mais gaftez Se corrompus en diuer-
(ts manières : où il y a quelque ordre
pour la conduite de ceux qui fontprofef-
fion du nom Chrefticn , mais altéré 6^ dé-
généré de rinftitution du Sauueur du
monde, il fcpeut faire qu'on donnera le
nom d'Eglife à vne telle focieté , mais
elle ne fera telle pourtant finon à propor-
tion de ce que toutes ces chofes y feront
ou pures ou contaminées. Car puisque
ce font ces chofes -là qui à proprement
parler, ôçconftitucnt Remarquent TEgli-
fe de Dieu , nulle focieté ne peut porter
ce glorieux nom , finon autant qu'elles s'y
rencontrent. Et ce n'eft pas fans raifon que
i'ay fait mention d'vn ordre fous la con-
duite duquel l'Eglifefoit gouuernée; car
nous tenons cela pour certain , que ç'cft
^66 apologie
yne chofe ncceffaire a la fubfiftance de
la vraye Eglife , qu il y ait vne certain^
police eftablie pour fon adminiftration»
qui Toit entièrement conforme à Tinititu-
tion delefus-Chrift , ou au moins qui ap-
proche le plus que faire fe peut de la pra-
tique des iainfts Apofti^es. Ç'eft pour-
quoy outre les Paftcurs qui font ordon-
nez pour inftruire le peuple ,&pourluy
iidminiftrer lc$ Saçremens 5 nous eftimons
qu il faut qu'il y ait des Anciens Se Sur-
ueillans > Se des Diacres 3 dont la charge
çonfifte principalement à remédier aux
fcandales qui peuuent arriuer par les mau-
uais deportemens des vicieux 5a foulager
les neceflîtez des panures , & feruir à ^
confolation des affligez 5 a donner ordre
que les affemblées fe tiennent auec la dé-
cence conuenaUe, Se fans tumulte ny con-
fufion. Se en vn mot, à feruir à Tedificatior^
de tous 5 & à contribuer auec les Paft:eur$
à lauancement de la doârrine du fàind
Euangile.Entre cesAnciens Se ces Diacres,
Se les Pafteurs qui prefchent la Parole &
qui adminiftrent les Sacrcmens^nous met-
tons vne notable differécequantà Tordre
de leurs charges , Se ne croyons pas qu ils:
(oiét d egak authoi:ité en TEglife de Dieu«
pour çcHx de la Rehg. %6y
Mais quant auxPafteurs, nous eftimoi^
que leur charge le.s efgale , 8c ne reco-
gnoiflbns point d'autre différence entre
eux , finon celle qu il plaift à noftre Sei-
gneur lefus d'y mettre par la diftinftion
de leurs dons. Car comme ç'eft luy qui eft
le Chef de Ion Egliie, Se (on fouuerain
Pafleur , auffi eft-ce luy qui orne de fcs
dons comme il luy plaift ceux qu'il em-
ployé en ce miniftere. Mais tant y a que
hy l'ordre de leurs charges , ny le lieu au-
quel ils font eftablis, ne leur donne au-
cune prerogatiue > ny aucune domination
ks vns fur les autres entre nous. En quoy
nousfçauons bien que tout le monde n eft
pas de mefme fentiment auec nous. Mais
puis que nous ne fuiuons cette efgalité fi-?
non pour fuir l'ambition Se la tyrannie,
qui font les peftes de l'Eglife de Dieu , il
n y a nulle apparence qu'on nous doiiie
fçauoir mauuais gré d'vne inftitution fi
conuenable à l'humilité y qui fied fi bien à
tous les Chreftiens , Se notamment aux
Miniftres de rEuangile. Q^y qu'il en
foit , efgaux ou inefgaux , que Ion confti-
tue les Pafteurs, nous eftimons que nul ne
fe doit ingérer de fon propre mpuucment
en Texercicc de cette charge 3 mais que
tes apologie
ceux qui y ferueuty doiuct eftre légitime^
ment appeliez félon l'ordre de r£gUiede
Dieu. A la vérité ii quelque Chreitien de
condition priuée seiloit rencontré feul
parmi des barbares, qu'il peuft conuertir à
la cognoiffance de leibs-Chrift? nous efti-
mons qu'il feroit aiTez authorifé par la
necefficé de la chofe, par la charité enuer$
le procham , par le zèle de la gloire du
Sauueur , dç par la conduite de la proui-
dence de fon Pere^d'entreprendre d'y for-
iner vneEglile, &: d'y faire les fpnftions
de Pafteur. Et le confentement de ceux
qu'il auroit conuertis y furuenant , nous
tiendrions fa vocation pour parfaite &:
pour authentique. Si puis après il pouuoic
auoir quelque communion auecvne au-
tre Eglife> ^ eftre confirme en l'exercico
de fa charge par ceux qui y auroient efté
eftablis plus régulièrement 5 afleurémenc
cela feruiroit à 1 édification commune , 8c
il a efté ainii pratiqué entre les anciens
Chreftiens.Mais fi cela ne fe pouuoit,com-
me tout le monde eft légitimement appel-
lé par la règle de la charité , à fauuer fon
prochain dvn embrafement 6cd'vn nau-
frage 3 nous eftimons qu vn tel en beau-
coup plus forts termes aurpic yne iufte va-
ffour ceUx de U E^elig. i Cs>
cation à recirer les hommes de la malédi-
ction. Et n'y a rien au monde de fi raifon*
nable. De mefmes, s'il eûoic arriué à quel-
que Chreftiende condition priuée , de le
trouuer en vne Eglife en laquelle le fer-
uicedeDieu , la prédication de la Paro-
le ) radminiftration des Sacremens , &: la
conduite de Tordre , fuflent tellement
corrompus d'idolâtrie, d'iiereficdefuper-
ftition, &: de ty rannie^qu'il fuft abfoluméL
impofTible de faire fon lalut en cette com-
munion, nous eftimons que fon deuoir fe-
roit d aduertir premièrement ceux qui y
porteroient la qualité de Pafteurs , d'y ap-
pointer la reformatiô nece{raire5&: de pour-
uoir à leur falur &: à celui de leur troupeau»
Si après les en auoir auertis ils n'y vouloiêc
pas côieiitinnous tenons pour indubitable
que plûtoft que d'endurer la ruïne de la rer
llgiô, la profanatiô de la gloire &: de la vé-
rité de fon Sauueur^&i la perte du falut des
homes^il deuroit en entreprendre la refor-
mation defoy mefme , principalement fî
Dieu luy auoit donné les dons de cognoif-
fance,d'éloquence, de prudence>&: de zèle-
pour cela. Car en vne neceffité extraordi-
naire,&: d' vne telle importâcejl'ardeur du
2ele de Tentreprêdre > & les dons neccflai-
res pour rexecuter/onc vne iiiarique alFez
authentique de la vocation de Dieu. Bien
eftvrayque fi les Miniftres ordinaires y
Vouloienc mettre la main , il ne s'y de-
uroit ingérer que conjointement auec
eux Se par leur aflbciation j pource qu'en^
tant qu'il fe peut 5 il faut toufîours déférer
à l'ordre des chofes qui font dcfia légiti-
mement eftablies. Mais fi les Miniilrcs
ordinaires ou ncgligeoient de le faire , ou
s'y oppofoient , aufli bien icy qu en toute
autre police , le falut du peuple eft la fou-
ueraine loy. Où donc l'ordre public vient
à manquer, la voix de la neceflîté cft la
voix de Dieu, qui appelle à la reftauration
de fa vérité ceux à qui il a donné la faculté
debpouuoirdeliurerde l'imufticeoù les
hommes la détiennent. Hors ces deux
occafions, nous croyons qu'il faut: tres-re-
ligieufement obferuer cette règle en cfe
qui eft de reftabliffement des rafteurs i
qu'on y fuiue quelque ordre public , &: que
la miflion de chacun foit ratifiée par de
bons &: authentiques témoignages-Q^ant
à ce qui eft de la Difcipline par laquelle
l'Eglife doit eftre gouuernée, nous efti-
mons que c eft aux Miniftres de TEuangi-
îe^conioinftement auec ceux que Ton à
ftour ceux de la Relig. 1 7 1
choiiispoLii: Siirueillans , à en drefler les
reglemens , en telle forte qu'ils fe confor-
ment emierement à la Parole de Dieu , Se
<ju'ilsnevifent à autre chofe qu'à Tedifi-
cation commune. Il eft vray qu'en telle
nature de ehofes qui regardent la police
extérieure de lEglife^ la parôie deDica
s^eftaht quelqucsfois contentée de donner
des règles générales > lefquelles il faut
appliquer aux circonftances particulières
des cbofes , des perfonnes 5 & des tempsj
iéc CCS circonftances là n eftant pas fem-
blables en tous lieux , &: mefmes ne per-
feuerant pas toujours en mefmes lieux en
Vn eftat vniforme , il eft aucunement in-
euicable, Se qu'entre diuerfes Eglifes il y
ait quelque diuerfité en cet ^gard , Se
qu'en vne mefme Eglife quelquesfois oit
en varie la conftitution félon les occur-
rences. Mais cela n arriue finon en ehofes
légères ? &:qui ne font pas d importance
^our le falut: en celles qui font de quel-
que confequence , on doit eftre beaucoup
plusexad àfuiurepon£tuellemeritce que
la Parole de Dieu en ordonne. Et d'autant
qu'entre autres ehofes elle s'explique di-
fertementen ce qui eft de Texcom muni-
cation de cpux qui font incorrigibles cil
^72^ Apologie
leurs vices, &: opiniaitrement refra£lai-
resà l'ordre de l'Eglife de Dieu, nous ne
faifons nulle difficulté qu'il n'en faille
vier où loccafion le requiert, en y obfer-
uant toutes les précautions de prudence
& de charité qu'il eft poffible. Car noftre
Seigneur lefus le nous a enjoint ^ quand il
a donné à fes feruiteurs l'authorité d'ap-
pliquer la rigueur de fes chaftimens félon
les occurrences. Quant à ce qui eft des Sa-
cremens , nous croyons que Dieu les a ad-
jouftez à la prédication de fa Parole pour
nous confirmer &: ratifier de plus en plus
la vérité des promefTes qu'il nou5 y fait.
Car pource que noftre félicité defpend de
laperfuafionquenous auons de la vérité
des promues diuines ^ & que l'infirniitc
de noftre chair a befoin de beaucoup
d'aydes pour les nous perfuader. Dieu ne
s'eft pas contenté de les nous faire annon-
cer de viue voix , il nous en a encore vou-
lu donner des gages & des affeurances vi-
fibles. Etcommeilfefcrt tellement de la
prédication de fa Parole, qu'il ne veut pas
feulement que ce foit vn fon extérieur qui
batte les oreilles de nos corps, il l'accom-
pagne de l'efficace de fon Efprit , par le
moyen de laquelle elle s'infinuë en nos
âmes :
pour ceux deU Relig. 273
â-mes : aufli quand il nous fait adminiftrer
les Sacremeiis ^ il ne fe contente pas de
faire que ce foient feulement des fignes
extérieurs qui fe prefentent à nos yeux , il
y déployé la mefme vertu de fon Efpriti
pour les rendre efficacieux en nos con-
fciences. Mais comme c eft de Tcfficace de
TEfprit qui accompagne iVn &c l'autre que
toute leur vertu dépend, auffi n'ont-ils au-
tre vertu ny Ivn ny Tautre non plus, finon
de nous amener à lefus-Chrift , feul au-
theur de noftre falut, &c le feul objet delà
vénération &c de la deuotionde nos amcs.
Nous fçauons qu'en l'Eglife Romaine on
croid qui] y a fept Sacremens > &: noftre
intention n eft pas de difputer contre cette
opinion maintenant. En quelque nombre
que les Catholiques les reçoiuent, tant y a
qu'ils ne nous conteftentpas que ceux <^iic
nous croyons eftre tels , ne le foient véri-
tablement, à fçauoir le Baptefme la fainte
Cène 5 qu'on nomme autrement TEucha-
riftie. Et bien qu'à l'efgard de ces faintes
cérémonies ils tiennent beaucoup de cho-
fes que nous ne tenons pas quant à nous , fi
cft-cc que pour ce que nous en croyons^ils
nefçauroient y rientrouu^rà reprendre.
Car qua nt à ce qui eft du Bajptefme , nous
274 Apologie
croyons auee eux qu'il nous eft donné
pour gage que Dieu nous adopte en ion
Fils^ pour eftre du nombre deies enfans:
& que comme Teau eft propre pour net-
toyer les fouilkures de nos corps 5 le fang
de Chrift, qu il a refpandu en la Croix , àc
le Sainft Elprit qu'il nous donne lauent les
foiiiileures de nos efprits, l'vn parla rc-
miflion qu'il nous a obtenue, &: l'autre par
la fandification qu'il nous communique-
Nous croyons encore comme eux, que le
Baptefmene doit eftre adminiftréquVne
fois à chaque perfonne , &: ne fe doit point
réitérer : mais que quant à Ion ïmidi&c à
Ton efficace , il s'eftend à toute la vie, pour
nous afleurer que nous trouuerons tou-
jours enlefus-Chrift &: la remiffion de nos
ofFenfes > ôc la grâce de la fanûification*
En fin nous fommes encore d'accord auec
eux^que quoy que cefoit vn Sacrement de
foy &: de pénitence , &: que ceux qui vien-
nent grands à la cognoiffance du Chri-
^ianifme , doiuent tefmoigner qu'ils
croyent &: qu'ils fe repentent, auant que
de le receuoir,neantmoins il doit eftre ad-
miniftré aux petits enfans de ceux qui font
défia en rEglife,&: que noftre Seigneur
Içfus'Chrift Ta ainfi voulu. Pour ce qui eft
pour veux de la Relig, xyf
de la Sainde Cène , on ne nous conccile
non plus que tout ce que nous en croyons
ne ibit ablolument véritable. Car premiè-
rement nous tenons que c eft le tefmoi--
gnagede la communion que nous auons
auecnoftre Seigneur lerusChrift, laquel-
le conlifte en ce qu'il n eil pas feulement
vne fois mort pour nos offjntes, ôc refluf-
cité pour noftre iuilification : mais aufîî
qu*il fe communique tellement à nous,
quil n'eft pas plusvray que le pain Scie
vin nourriflent nos corps, qu'il eft certain
& indubitable que fa chair & fon fan g font
la nourriture 3c le breuuage de nos amesî.
Il eft bien vray que nous croyons qu'il eft
au Ciel, comme auffi ceux de ! Eglife Ro-
maine le croyent j &c eft bien vray encore
que nous fommes en la terre. Se qu ainfi il
y a vh merueilleux interualle entre luy ëc
nous. Mais cela n'empcfche pas que par la
force de la foy, par laquelle nous l'cm-
brafTons , &c par la vertu fecrette Se incom-
frehenfible de fon Efprit, lequel il nous
communique, nous ne nous iolgnionstel-
lement à luy , &c qu'il ne fe ioigns telle-
ment à nous , que nous fommes nourris Sc
fouftenus de fa fubftance. Et confeiTons
que cette communion dcChnft auec nous^
s ij
ijC Apologie
U de nous auec luy , elt vn myftere àohi
nos efprits ne font pas capables de com-
prendre toute la grandeur 8>c lexcellencCi
Néant moins quoy que nous ne le compre-
nions pas entièrement , ii lommes nous
pleinement 6c profondément perfuadez,
commeieTay défia dit cy-deflus, quenj^
le Baptefme , ny la Cène , ne font pas des
fignes creux ^ qui ne contiennent ^ qui ne
communiquent pas efFcdiuemét ce qu'ils
reprcfenrent. Car nous croyons ferme-
ment qu au fainft Baptefme noftre Sei-
gneur lefus-Ciirift, par l'efficace de fon
fangôcpar la vertu de fon Efprit , nous la^
ue de nos péchez , aufTi certamement qu'il
efl: vray que Teau nettoyé les foùillures de
nos corps. Et qu'en la Cène il nourrit fpi-
rituelleiiient nos arries de fa chair & de
fon fang^auflî certainement que le pain &:
le vin feruent à la nourriture de nos corpso
Ainfi difon? nous qu'il faut bien foi gneu-
fement diftinguer entre les chofes exté-
rieures qui nous font communiquées aux
Sacremens , à les confiderer precifémenc
en elles mefmes5& la vertu que noftre Sei-
gneur leur a don ce par fon inftitution*
de nous en reprcfenter d'autres, & de nous
^n mettre en pofTeflîon ; car quant à ce
tour ceux de U Rclig, lyj
qu'il a d extérieur , l'eau de loy-mefnie elt
vn élément caduque 3c concempcible , qui
n a en elle aucune vertu en ce qui eft de
noftrefalut. Mais rinftitutionde noftre
Seigneur lefus-Chiift fait qu'elle nous re-
prelente noftre lauement ipirituel , 3c
qu'aduellement 5 autant qu'vne telle cho-
fe extérieure le peut , elle nous en met en
joûilTance. Le pain Se le vin aufli.à les con-
liderer precifément en eux'mcfmes^n'onc
aucune vertu de nourrir nos efprlts en vn®
vie éternelle, ny de les eileuer à l'efperari-
eedelabien-heureufe immortalité. Mais
l'inftitution de noftre Seigneur lefus -
Chrift les a non feulement rendus capa-
bles de nous reprefenter fa chair. Se fon
fangjcomme il nous les voyions à Toeil,
mais de nous en mettre en aàuelle poffef-
fion, autant quedeschofes de cette nature
en font capables. Car cen'eft pas certes
pour néant que noftre Seigneur lefus a
prononcé ces paroles , Cecy eft mon Corpy
fon intention a efté de donner au pain
qu'il nom moit ai nfi,^: vne particulière di-
gnité 5 Se vne finguliere efficace. C'eft
pourquoy nous célébrons ce Sacrement
auec toute forte de refpefl, 8^ en y partiel-
p^nt comme U faut, nous prétendons en-
S iij
2^78 apologie
trer en la communion de noftre Seigneur,
Se en la participation de toutes fcs grâces.
Il ne çie refte plus qu'vn mot à dire de no-
jftre créance ; non pour ce qu'il foit abfolur
ment neceflaire de m'en énoncer icy,pour
ce que ie m'en fuis aflez expliqué lorsque
iay parlé delà relation que nous auonsSc
au Roy 3c à TEftat: mais feulement afin
qull ne manque rien à labregéque i'ay
voulu faire icy de la Fcy de nos !pglifes.
Nous croyons donc finalement, que com-
me Dieu eftlautheur de la Religion, en
quoy il a voulu auoir foin du falut des
hommes , il efl auffi Tautheurdu gouucr-
ment politique , en quoy il a voulu pour-
uoir à la conf ^ru âtion de leur focicté ; 8c il
eftoitainfi abfolument necefia ire, autre-
ment les paflions des hommes, qui font
naturellement effrénées, eufîent tout ren-
uerfé c en defllis deffous. Pour obuier à ce
defordre,, Dieu a eftably les Royaumes,&:
les Republiques, &: toutes fortes dePrin-
GÎpautez: ô^ bien qu'il y aitvne merueil-
leufe diuerfité tant en leurs formes , qu'en
la manière de leur eftabliffement , 8c en
l'ordre de leur fucce/fion , les vnes eftant
de^tiues,^: les autres héréditaires ,.&: la
jfajonmefmeou d'en hériter, ou d'y eftre
pour ceux de la B^elig. z 7^
efleu ;, n'eftant pas efgale par tout, fi eft-ce
que c'eft Dieu qui y prefide,^: qu'elles doi-
uent toutes eftre rapportées à foninftitu-
tion. Et afin que le charaftere de fon au-
thorité qu'il y imprime,ne foit pas mefpri-
fié par l'audace des mefchans> il a mis le
glaiue en la main des Puiffances fijperieu-
res, pour punir les péchez qui tendent à la
ruine de cette focieté, foit qu'ils violent les
commandemens de la féconde Table , ou
font contenus les deuoirs de la chanté en-
uers le prochain, foit qu'ils foient commis
contre la première 5 où font contenus les
commandemens qui concernent les de-
uoirs de la pieté enuers Dieu j car la Reli-
gion eftam vn desprincipaux liens de cet-
te focieté, le Magiflrat doit auoir foin de
fa conferuation , au moins certes autanc
que le mefpris qu'on enfaicen ébranle les
fondemens&: la fubfiftance. Non feule-
ment donc Dieu ne veut pas qu aucun en-
treprenne de renuerfer cet ordre politi-
que qu'il a ainfi authorifé, mais il veut que
chacun s'y foufmette auec refpeft, en ren-
dant obeïflance tant auSouuerainMagi-
ftrat , qu'à ux qu'il a ordonnez pour fup-
pléer àfonabfence,&:fairefes fondions
comme lieutenans>chacun félon le degré
S iiij
xSo Apologie
qu'il tient, &: félon reitcnduë defalurif-
cUftionôcdcfa puiffance. Et pour ce que
cet ordre public ne fe maintient que par
les Loix , àc qu'il n'y a pas moyen de faire
valoir les Loix, fi le Magiftrat qui les efta- ^
blit &: qui les conferue , h'eft en cftat de les
defFendre , ô<- que pour le maintenir en cet
cftat , il faut faire des defpenfes aufquelles
il ny a moyen de fournir fans fubfides ôc
fans impofts : nous croyons que chacun
non feulement eft obligé d obeïr à ces
Loix, maisaufll de contribuer à ces dépen-
fcs. Tellement qu'en toutes les neccflitez
publiques, chacun eft oblige de porter vo-
lontairement ce joug,felon que la Puiflan-
ce fuperieure en diftribuè le faix par fa
prudence. Comme donc les fainfts Apo-
ftres nous ont donné ces inftrudions en
vn temps auquel les fouuerains Magiftrats
eftoient infidèles , &: comme les premiers
Chreftiênsles ont fidelkmcnt pratiquées
enuers les Empereurs &" Payens & perfe-
cuteurs,ainfi croyons nous qu'en ce temps,
ladiuerfité de Religion n'empefche nul-
lement ny l'authorité des Magiftrats , ny
la fujettion des inférieurs, & que k co-
gnoijffance &: la profeffion de la vérité ne
dilpenfe aucunement de ce refpeS:, enuer*
pour ceux de la Relig. 281
ceux à qui Dieu n'en a pas encore donné
i illumination par fa grâce. Voiladoncce
que nous croyons efteftiuement 3 que i'ofe
bien prononcer eftre tel, qu'il n'y a per-
fonne qui fçache que c'eft du Chriftianif-
jncqui y trouue rien à reprendre.Car touc
cela efl: conforme aux commandemens de
Dieu : à Toraifon que noftre Seigneur a
enfeignéeà fesDifciplesî au Symbole que
nous appelions communément des Apo-
ftresj à celuy du Concile de Nicée; à celuy
qui a efté compofé par S. Athanafe, Se ap-
prouué par tous lesOrthodoxesîauxdeci-
fions des premiers.Conciles del'Eglife, 8c
généralement à tout ce que l'Eglife Ro-
maine mefme croid^en cela en quoy il n'y
a point de différent entre nous. Partant
nous fommes perfuadez que tant s'en faut
que cette créance nous doiue produire l'a-
uerfion de ceux auec qui nous viuons ,
qu'au contraire 5 elle nous deuroit confi-^
lier la bien-vueillance de tout le monde^
%2x j^pologie
SECTION VIII.
Qu'en ce que ceux de U I{eligion font en
leurs exercices de pieté en conleauence
de leurs dogmes^ il ny 4 rien qui me^
rite quon dit aucune auerfion pour
eux.
A Près auoir expofé ce que nous
croyons, il eft raifonnable d'infor-
mer ceux qui ne le fçauent pas , de ce que
nous faifons en confequence > en ce qui eft
(le nos exercices de pieté. Si nos plus
grands aduerfairesauoient lacuriofité de
venir feulement en nos Temples , à l'heu-r
ne que nous y fommes affemblcz pour le
fcruice de Dieu^pourueu qu'ils peufleht vn
peu mettre à part leur paflîon , ils en rem-
porteroient fans doute vne grande édifi-
cation, 5^ nous n'aurions point à faire de
nous eftendre en cette partie de noftre de-
fenfe. Mais pourcc qu'où bien les Dire-
fteursde leurs confciences les endeftour-
nent , ou bien ils y ont de la répugnance
d'eux-mef mes, ou ils crai gnent de fcanda-
lifçrcéuxde leur profeiTion > 6^ d'engen-
pour ceux de U Relig. 283
4rer en leurs efprits de mauaaisfoupçons,
pubien finalemsnc les occupations de la
vie prefente 3 &: quelque nonchalance les
retient, ie reprefenteray icy briefuemsnt
ce que ç eft, afin qu'au moins quelques- vns
s'inftruifent en particulier , de ce contre
quoy tant de gens crient ordinairement,
lans en auoir aucune certaine cognoif-
fance.
Outre les prières particulières de cha^
queperfonnc&dechaqae famille , qui fc
font foir Se matin dans les maifons 5 8c la
lefture de la Parole de Dieu , qui fe fait rè-
glement en diuers lieux après les repassj
nous auonSj où la commodité le peut per-
mettre, diuers ioursen la femaine defti-
nez à la prédication , Se aux autres parties
du culte diuin. Sur tout y auôs nous fi par-
ticulièrement confacré le fainâ: Diman-f
che, à l'imitation des Apcftres&de toute
TEglife ancienne, en mémoire de la refur-
rcfltion duSauueur, qu'il n'y a lieu où il
nous foit permis de le faire par lesEdifts,
auquel ceux de noftreprofcffion ne saf-
femblentce iour-là folemnellement vne
ou deux fois, pour rendre à Dieu les de-
voirs de leur pieté , 8>c en s'auançant en la
fandification, fe confirmer de plus en plus
i84 jipologie
enrefgcrance de la vie. Là donc la prc-
inierechdfe qu'on fait; ell: qu'après Tinuo-
canon du nom de Dieu , quclqùVn qui eft
deftiné pour cela lit hautement 1 Efcriture
en langage populaire > afin de donner au
peuple la cognoiflance de rhiftoire fain-
£te, quelque teinture des prédirions des
chofes futures lefquelles y font contenues,
5c fur tout rintelligcnce des myfteres de
jpoftre rédemption. Ce qui ne fe peut fai-
re fans luy inculquer les enfeignejnsns à
la pieté & à U vertu, 6i les confolations, &:
les exhortations qui nous y ont efté laif-
féespar les Prophètes & par les Apoftres.
Et on nefçaurdit fuffifamment reprefen-
ter combien cette lefture a d'efficace pour
cfmouuoir les confciences , &: pour impri-
mer de bonnes penféesdans lésâmes des
Chreftlens. AufTia-t'ellcefté fi foigneu-
fement pratiquée en fEglife Primitiue,
qu'il y a eu des Lecteurs en charge parti-
culière pour cela,qui depuis ont tenu rang
entre jesordresde l'Eglife. Acettelefture
on entremcfle le chant de quelques Pfeau-
mesdeDauidjComme ils ont efté mis en
rime par Clément Marotôcpar deBeze.
Or d'autant que de tout le Vieux Tefta-
ment le liviredeçesfain£ts Cantiques ell;
pour ceux de U Relig. 28;
faiis aucune difficulté le plus beau. Se le
plus capable de former les hommes à la
pietéj ce n ell pas chofe conceuable à ceux
4ui ne 1 ont point expérimenté , com-
bien ce chant adjoufte à la deuotion ^ny
quelle Vcilitc ceux qui y ont de lattention
en recueillent* Car il n'y a perfonne en
affliftion,qui n y trouu€ de la confolation,
ilny a qui que ce foitenprofperité, qui
n y trouuedequoy s'exciter à louanges 6c
à aûionS de grâces. Les prières y font ar-
dentes tout ce qui fe peut, les louan ges des
vertus de Dieu y font illuflres ^ magnifi-
ques. LesacGour^gemensà la patience y
font fouuerainement puiflans , les pro-
meflesSc l^s aflcuranccs de la bonne vo-
lonté de Dieu y ^ohtexprefles à merueil-
les. Les exemples de (zs iugcmens &: de
ks benédiftlons y font en grand nombre
dans les hiftoires du temps paffé,lcs predi-
ûions de ce qui deuoit arriuer à noftre Sei-
gneur y font fi exaftes&fi precifes,que
vous diriez que fes aûions, & notamment
fes paflîons, y ont efté peintes. Les exhor-
tations à la pi été , à la fainfteté, & à la ver-
tu y efleucnt Tame iufques dans les Cieux,
ies imprécations prophétiques que Dauid
y fait contre les mefchaus , ôc les dçnon-
2Sà jéifologie
ciatiôns des iugemens ut^Dieti deffus tu%i
font capables de mettre la terreur ôcrcf-
pouuantemcnt dans lésâmes les plus in-
lenfibles. Au refte tout cela y eft femé dé
fi beaux ornemens, enrichy defi glorieux
emblémeSiôcrehauffcdepcnfces fi fubli-
mes &: fi celeftes^qu'il faut eftre plus brutal
que les brutes mefmes, &: plus endurci que
les rochers , pour n'en eftre point rauy eii
admiration, &: pour n'en fentir point d'in-
comparables eflancemens de pieté, &: d'i-
nénarrables efmotions de deuorion en la
confcience. Nous fçauons bien qu'il y à
quelques efprits mal formel , U mefmes
entre les Prédicateurs, qui tafchent autant
comme ils peuuent de rendre ce fainft
exercice ridicule. Car ils^rouuent eftran-
ge premièrement qu'vniuerfellemét tout
le monde y chante, tant les petits que les
grands, fans en excepter les femmes mef-
mes. Puis après ils cherchent par cy par là
quelques vieux mots &: quelques locu^^
tions furannées,qui fe rencontrent notam-
ment dans la rime de Marot, qu ils tour-
nent en derifion ; iufques-là qu'il y en â
quelques-vnsqui les veulent faire feruir à
engendrer dans les efprits , des penfées fa-
les ôc profanes. Or pour ce qui eft de ces
pour ceux de la Relig, z^y
derniers 5 le ne leur refponds point. lisne
font pas dignes que les gens d honneur
s amulenc à eux j &c beaucoup moins de-
ftre receus à monter dans les chaires defln
nées à la prédication, leîquelles doiuenc
eftre fi fainftes Se iî vénérables. le diray
feulement que pour ce qui eft de la vieil-
lefle de l'elocution , fi nous voulions nous
entrechicanerjô^: nous rendre ridicules les
Vns les autres, il fetrouueroit d'auHî mau-
uais mots , èc aufll peu congrus pour le
moins, dedans le Latin de la Meffe , c]u on
en rencontre dans le François de la rime
de Marot. Chacun fçait combien noftrg
langue eft expofée au changement , Se
comment au bout de neuf ou dix ans pour
le plus, vne façon de parler qui a eu de i'e-
Icgance en fon temps , dénient quafi bar-
bare &c eftrangere à nos oreilles. Tant y
a quecesPfeaumes,dontonferit à cette
heure, eftoient ily acent ans radmiracion
des Cours des Rois , Se qu auant que l'vfa-
ge auquel nous les auons employez les
euft rendus odieux , ils eftoient Vniuerfel-
lement eftimez par tout le Royaume. Et
ceux qui ont quelque fens > 8c tout enfem-
ble quelque candeur , aduouent que fi Ion
en ofte quelques-vns des plus vieux ter-
2.88 Apologie
mes, qui font en alTez petit nombre pour-
tant, ils ont en leur fimplicité vne grâce
tout à fait incomparable. Tellement que
les efforts qu'y ont fait les Des-Portes èc
les Marillacs5&: généralement tous ceux
qui fe font eftudiez à eftendre ces fainfts
Cantiques en Paraphrafes , les ont bien
furmontez en pompe & en élégance quel-
quesfois 5 mais n'ont iamàis fçeu appro-
cher de cette claire naifueté qui refpond fi
parfaitement au texte originel du fainft
Prophète. Mais nous viuons envn temps
auquel on ne fait plus de cas ny de la beau-
té des penfées, nyde la grâce naturelle
d'vne diftion fimple &: fans fard, ny de cet
air généreux Se quelquesfois vn peu non-
chalant dvn génie qui enfante {es produ-
ûions fans peine, ce qui a rendu firecom-
mandablesles ouurages des plus anciens
Autheurs, fi le moindre petit mot qui n eft
pas à la mode les des- honore. La pieté mê-
me n'eft pas agréable fi elle n'eft aiuftée
félon le temps, 6c jpour plaire, il faut qu el-
le eftudie tous fes pas , & qu'elle pefe tous
(es mots , & que toutes fes périodes tom-
bent en cadence. Certainement cette cu-
riofité aux choix des mots, ce nombre &
cette mefure qu'on affeâ:e maintenant
auec
pour ceux de Ulielig. 2^^
aucc tant de foin dans les périodes , Se. cet-
te iuftefle fi parfaite qu'on obferue dans H
ftruÊture des termesj 6c dans la mefure dci
vers , a quelque chofe de iingulierement
élégant. Mais outre qu'il a efté ingénieur
fement 8iiudicieufemét dit par quelqu Vn^
queceftvne faute en matière de bien di-
re, que de ne faillir du tout point , de qu vn
foin fi fcrupuleux femble auoir quelque
chofe de feruile , c'eft bien fouuent vne
gefne des efprits,qui leur fait perdre quan^
tité de beaux eflans &c de genereufes pen-
fées. Ql^ipy qu'il en foit , car ie m'auancc
peut -eflre vn peu trop , la Religion n'a ia-
mais efté fuperftitieufe en matière de pa-
roles5&: comme elle n'emprunte point fon
efficace de l'éloquence du fiecle , aufTi ne
fe donne-t'elle pas beaucoup de peine d'e-
lire parée de ces ornemens. Il luyfuffît
qu'on l'entende feulement , Se femble
qu'elle feplaife a triompher en fa fimplici-
té,delapompe&:de la magnilîcencc dit
monde. Pour ce qui efl de permettre que
toutes perfonnes chantent en nos afTem-
blées, ceux qui nous en blafment ne fça-
uent pas que l'Eglife Primitiue le prati-
quoit ainfi , comme il y en a de beaux en*
feignemés dans Pline Seco^d^dans Chry-
T
l^ô apologie
Toftome, dans faind Augullin, &c quantité
d'autres. Vericablement li cela engendroit
quelque confuiîon 5 il i>'en faudroit abfte-
nir 5 afin qu'en rEglile de Dieu tout fe fift^
ielon le précepte de laind Paul> honnefle-
mêt Se par ordre. Mais bien que ces Picau-
mes ayent efté mis fur vne mufique vn peu
difficile enquelques endroits, nous lom-
aîies tellement accouftumez à les chanter
dés noftre bas aage,que les plus fimples
du populaire s'y rencontrent en vn parfai-
tement bon accord auec les meilleurs Mu-
ficiens , &c que du meflange de tant de
voix fe forme le ne fçay quelle harmonie^
dont le fcul fon a quejquesfois rauy les
paflans , tant Tair de ce chant eft mélo-
dieux, 8c tant il eft propre à donner à Tef-
pritdes efmotions extraordinaires. Pour
nous certes nous pouuons bien parler de
ce que nous en expérimentons. Se dire en
toute vérité qu'il y a telleoccafion où ces
diuines paroles animées de la façon , met-
tent quafi nos âmes hors d'elles-mefmes.
De forte que ie ne croypas qu'il fepuiffe
voir en la terre vne plus belle image de
ce que nous efpcrons quelque iour en Pa-
radis , qu'vne telle congregatiô de perfon-
nes affemblées pour les adions de pietés
pour ceux de laRelig, 15)1
lors qu'elle pouffe vers le ciel les loiian-^
ges de Dieu fur tant de voix , où reluifenc
de tous coftez les eftincelles de fa deuo-
tion &: de fon zèle. Le Miniftre eftant ve-^
nu après cette lefture &:ce chant , il fait
affez ordinairement lire les Comm^nde-
xnensdeDieu, que l'on efcoute aucc re-
uerence , les hommes ayans la tefte def-
couuerte par reiped, ^ tout le refte de
l'affemblée en profond lilence . Ce qui
donne de la reuerence pour la Loy de
Dieu, &; la ramentoit à chacun de nous,
pour enfairela règle de noftre conduite.
Cela fait, le Miniftre monte en chaire , &C
commence fon adion par vne générale
confefTion des péchez de toute l'affem-
blée, par vne proteftation folennelle de
repentance , Se par vne prière bien ex-
preffe Se bien emphatique pour demander
pardon à Dieu, Se implorer lafTiftancede
la grâce de fonEfpritau nom de Noftre
Seigneur lefus-Chrift. Apres cela il fait
chanter vne paufe dVn Pfeaume ou clxoi-
lî expreffement pour fon aftion , ou fuiuy
félon Tordre eftably dedans TEglife , &C
le Cantique acheué , il recommence vne
autre prière , dans laquelle recognoiffant
la fublimitc incomprehenfible des myfte-
T i)
25^1 Apologtè
resdelaFoy ,&rimbecilité naturelle iû
Ventendement de 1 homme, il demande à
Dieu nilumination de ù grace,pour bien
comprendre fes diuins fecrets , &: la facul-
té de les énoncer en pureté &: en vérité, à
Tedification de ceux qui l'entendent. Sur
tout il le prie qu'il rende fa parole effica-
ce par fa benedidion , à ce qu elle entre
bien auant dedans les efprits de fes audi-
teurs, & qu'elle y foit comme vne femen-
ce féconde de fanftification, qui produife
abondamment desfruifts de iuftice&de
pieté , à la gloire de Dieu, à l'édification
du prochain , ôc au falut de chacun parti-
culier ; puis iJ conclud par loraifon Do-
minicale. En fuite, après auoir aduerty
d'efcouter auec reuerence & obeïflance
de foy , il lit quelque partie de l'Efcriture,
qu^il fe propofe d expofer , & puis s'efîant
composé à parler, tout le ijnonde fe difpo-
fe à Tefcouter eh filence. Alors ^pres vnc
préface accommodée à fon tejcte , ou a
quelque occafion qui fe prefente , il ex-
plique fon fujet le plus exa£fcement qu'il
fe peut, fe tenant ferré aux paroles &: à
Imtention de fon autheurjfansfelaiffer
emporter ny à des digreflîons inutiles, ny
A des narrations d'hiftoire hors de pro-
tour ceux de la Relig, apj
fos, ny à des amplifications pedantef-
ques, ny à beaucoup de citations d'an-
ciens autheurs y de quelque nature qu'ils
foient , $c fe contente d'expliquer , d illu-
ftrer , Se de confirmer ce qu il fe propofe, '
parpaffagesdeU Parole de Dieu , &:par
les raifons qui s'en defduifent. S'il fe pre-
fente en fuite quelque comrouerfe, à la
decifionde laquelle la matière dont il fç
traittepuiffeferuir, il la y applique mo-
deftement, fans autre chaleur ôc fans au-
tre paffion que celles qui font permifes par
les hoix de difputer , & que la véhémence
ordinaire de la prédication donne. En
quoy il luy eft fouuerainement recom-?
mandé de ne tefmoigner point qu'il ai^
me la controuerfe auec qui que cefoit,&:
de n'infulter point aux perfonnes auec qui
eft le demcflé , ny mefmes au dogme qu'il
entreprend de réfuter, fmon autant que la
gloire de la vérité le requiert, &:que Ta-
mourdelapaixjô^lerefpeft des perfon-
nes le peut permettre. En fin il vient aux
enfeignemens que le paffage qu'il a traitté
luy fournit , pour les appliquer en remon-
trances , en exhortations , en confola*
tlons , Se en accoura^emens félon la ne-
çciUcé des occurrences. Particulier enîiem
T iij
%^^ apologie
ii infifte fur les exhortations à la pieté, à
la faindeté , à la vertu , à la charité , au
meiprîs des choies du monde , à la patien-^
ce en aiïliftion , à la confiance en la bonté
de noftre Seigneur , à lobeilTance aux
Magiftrats , tant Souuerains quefubalter^
nés , &c à dreffer toutes fes peniees vers le
prix de rimmortalité > dont il ramentoit
toufiours 1 efperance à la fin de £on pro-^
pos, félon les promcffes de lEuangile.
Tout cela fe fait auec vne fiinplicité 8c
vne granité digne de la fain&eté de la^
âion, &:dufuj t qui s'y traitte; fans ge«
ftes de bafteleur ou de charlatan , lans
contenances de bouffon ny d hypocrite,
fans affe dation d'éloquence ny de vaine
érudition, fans marques de vanité , fans
oftentation &c fans parade. De forte que
s'il y paroift quelque véhémence &: quel-
que grâce dans la prononciation , c'eft
Texcellence du fujet de la nature du prédi-
cateur qui la donne.S'il y a quelques fleurs
en fon langage. Se quelques ornemens en
fon propos, on les y void naiftre d'eux-
mefmes , Se non y eftre amenez de loinj^:
quoy qii on n'y vienne point fans preme-^
ditation, l'adion eft toufiours pleine d'au-»
tantdefimplicité ,&: autant elloignée do
pour ceux de la Rclig. X9S
la magnificence de l'art , que li elle eftoit
linpixmeditée. De forte quà rimitation
de TApoftre S.Paiil,toute l'efficace de tel-
les prédications defpend, non des diicôurs
attrayans de lafapiencc du fiecle, mais dç
la Parole de Dieu, &: de la vertu defon
Efprir qui raccompagne. Mais elle sy dé-
ployé de telle façon, que iouuent il y en a
peu dans lafiemblée qui n'en foient cf-
meus; &: quelques foi s on y expérimente
detels tranfports, que s'il plaifoit à Dieu
retirer du monde à l'heure qu'on eft ainfi
rauy,on en fortiroit non feulement fans
l'cgret, mais auecvne allegrefTe incom-
parable. Le PrefcheacheuéleMiniftre fe
met à prier , ou bien en termes qu'il con-
çoit luymefme, ou bien félon les formu-
laires que nous en auons en nos Eglifes.
Quoy qu'il en foit , tous les Dimanches il
recite en la prefençe du peuple, qui le fuit
des mouuemens de fa deuotion, vne afle?
longue prière, dans laquelle nous auons
recueilly tout ce qui eft neceffàire de de-
mandera Dieu, tant pour le public que
pour les particuliers, tant pour ce qui re-
garde la vie prefente, que principalemenc
pour ce qui concerne celle qui eft à venir.
Là donc après auoir déclaré que c eft en la
T iiij
i')i$ JÎfologie
feule confiance des promeffes que Dieu
nous à faites en lefus -Chiift , que nous,
pous preicnco^is deuant luy , pour luy ad-
drefler nos oraifons, nous commençons à
le prier pour les Puifrances du monde, 8ç
notamment pour le Roy qu'il nous a don-
né, luy dem^îîdans ardemment toute for-
te defaueur , de protedion bc de benedi-
âion pour fa perfonne , &: pour fon Eilat.
£n fuite nous ne manquôs lam^isde prier
pour la Reyne, pour Monfeigneur le Fre-
rc du Roy^Mpnfeigneur le duc dOrleanSi^
l^lefTeigneurs les Princes du Sang, &: tous
ceuxdelaMaifpn Royale, &:duConfeil
de fa Ma jeftéj auec tous ceux qui font en
authorité en l'adminiflration des affaires
du Royaume. Nommément nous refpan-
dpns nos vaeyx en laprçfencedu Seigneur
pour les Gpuuerneurs des Prouinces &: des
Places dans lefqnellcs nous habitons, ôç
?)pur lesMagiftrats à qui la luftice &: la Po-
ice en eft commife;à ce qu'il luy plaife les
bénir &: les conduire par fon bon Efprit en
l'exercice de leurs cliïirges5&: qu'il encline
leurs cœuvs ver$ ceux qui le feruent en pu-
rç,té. pe 1^ nous palpons ^ prier pour les
Pafteurs que Dieu a eftablis defTus fon E-
gUfe,à ce qu'il leq^ do|iii|e de s'acquiter fi-
pour ceux de la Relig. 25)7
delementde leur deuoir; pour toushom^
mes généralement, à ce qu'il les appelle à
facognoifTancejpour tous ceux qui font
affligez 3 à ce qu il les. confole Se qu'il le$
deliure 5 pour tous ceux qui fouffrent per-
fecution pour la vérité , à ce qu'il les fou-
ftienne 8c qu'il les rende inuincibles; Se en
fin pour nous mefmes , à ce qu il nous ren-
de capables de la ioùiflance de fon Royau-
mej puis nous finiflbns par l'oraifon de no-
ftre Seigneur , Se par le récit du Symbolç
des Apoftres. Quelquesfois dans les affli-
i9:ions publiques 5 dans la célébration de
nos ieufnes, ou quand quelque autre occa-
fion le requicrt,nou« fuiuons vn autre for-r
mulaire de prière , que nous auons encore
en la Liturgie de nos Eglifes^dont toute U
matière eft à peu près femblable à la pré-
cédente 5 finon que la côfelTion des péchez
y eft encore plus expreffe Jes fentimens de
repentance aucunement plus vifs ôcplus
profondsjes vœux encore ie ne fçay com-
ment plus feruens,&: les marques deThu-
miliation de l'efprit , telles qu elles doiuet
eftre en vn dueil public Se en vne affliftion
' extraordinaire. Or ie ne veux point autre-
ment recommander ces prières que par le
iugement que nos ennemis mefpie« ea
3Lp8 Afologie
ont fait. Car ils lesonttrouuéesfi dignes
du ChriftianifiTie , ii propies à enflammer
la pieté , fi pleines d'eiprits Se d aftion , fi
belles &: fi eiîicaces,quc quclquesCurez de
Paris les ont inférées dans le volume des
prières qu'ils ont recueillies pour mettre
entre les mains de leurs parroifliensi de
forte qu'il y a tel qui fans nous cognoiftre
nous maudit, qui prie Dieu comme nous
pourtâtj&àquinousfourniffonslemoyei^
de nourrira de fomenter ce qu'il y peut
auoir de bon dans fa pieté^fans qu il y pen-
fe. Apres ces prières, s'il y a queiquVn des
Sâcremens à célébrer, on le fait autant que
Ion pc* t auec la reuerence conuenable:
Car s'il faut baptifer vn enfant,on l'appor-
te en la prefence de toute l'Eglile, afin d'e-
ftre confacré à Dieu le plus folennellemêt
qu'il fepcut, &:làeftant prefenté auMi-
mfl:repârlepere, &:en fon nom par ceux
qu'il achoifis pour cet efFeâ:,9n lit publi-
quement le formulaire dans lequel nous
auons compris rinfl:itutiQn du S. Baptef-
me,fQnbut,fes fruits, fon efficace, è^Ies
principales chofes pour lefquelles nous
croyons qu'il doit eftre adminifl:ré aux pe-
tits enfans. Puis par vne prière foîennclli^
on offre cet enfant à Dieu , en demandante
tfour ceux de la Kelig. 15)^
au nom de nofti;e Seigneur lefus-Chrift
quilfoir fait participant de fon falut, àc
que le Baptefme produife en luy fa vertu,
en remiiTion du péché originel, ôc en fan-
ftification, lors qu il en fera venu en aage.
Et après auoir tiré promeffe de ceux qui le
prefentent, qu ils l'inftruiront en la foy de
î'Euarigilcôc en l'arriour de la picté^on lui
verfede Teau fur latefte, en le baptifant
au nom du Père, Se du Fils , ôc du S. Efprit.
Si c'eft le temps ^ l'occafion de participer
à la Ccne , on adjoufte premièrement
quelque chofe à la prière publique , pour
demander à Dieu qu'il nous difpofe à com-
muniquer deuotieufement à ce Sacremêt,
&: qu'il le rende efficacieux au falut &: à la
confolation de nos confciences. Puis on
lit le formulaire dans lequel nous auons
compris fon inftitution, comme elte eft
rapportée par S. Paul, 8^ briefuement ex--
pliqué IVfage de cette cérémonie, fa na-
ture &: fon efficace , conjointement auec
les exhortations par lefquelles leMiniftre
reueille les confciences des afTiftans.Par là
il les incite à s'examiner eux mefmes^S^ à
fedifpofer à la communion par foy &: par
repentance , &: par de fainftes difpofitions
à la charité , en dénonçant à ceux qui
JOQ apologie
ne font pas bien préparez, de s'abftenir do
cesfaim^ myfteres. Ce qui ayant efté fait
^ueç toute la grauitç conuenablç, le Mi-
mftre prononce quelques paroles tarées
de l'Ecriture fur le pain &: le vin du Sa-
crement, communie auec fes collègues»
Se en fuite donne à communier a tous ceux
de ralTemblée qui s'y veulent prefentcr,
6i qui portent auec eux certaine marque
qu'ils font reconnus pour eftrç de noftrç
profeflion. Là viennent premièrement
les hommesjfelon la prerogatiue de leur
fexe,la teftc defcouuerte, 6c en eftat de
refpeâ:&: d humilité : puis les femmes en
vne modefte contenâce> fans pompe d'ha-
billemens:,&;fans marques de vanité iôc
ainfi chacun eftant aduerty par la bouche
du Miniftre que c'eft la communion au
corps Se au fang de Chrift , qu'on luy don-
ne pour feau de la remlflion de fes péchez»
prend le pain èc la coupe de fa main, com^?
munie debout en tefmoignage de reue-^
rence, ôcpuisfe retire en fît place fans tu-
multe ny confufion. La communion para-
cheuée, le Miniftre remonte en chaire,
rend grâces à Dieu folennellement de ce
qu'il a fait la faucur à rafTemblce de i'at^.
rirer g la communion de fon Filsjôç le prlQ
pour ceux de ta tielig, 3 d î
d'en imprimer bien profondement !a fou-
uenancedans la confcience de fes fidèles*
& de leur rendre cette fainte cérémonie
fingulierement efficace en fanftification.
QK)y fait, on chante le Cantique d aûlon
de grâces, à l'imitation de noftre Sei-
gneur &: de fesApoftres. Si ce n'eft point
iour de célébrer les Sacremens , après la
prière dont i'ay cy-defTus parle, on chante
VnepaufedePfeaume, après laquelle on
donne la benedidion au peuple par les
paroles que Dieu auoit autrefois ordon-
nées en fa Loy, Se le renuoye ton en paix
auec exhortation de n oublier iamais la
charité enuers les panures. Outre tout
celas dans les Eglifesvn peu populeufes,
&: où ny Tefloignement du lieu,ny les
autres incommoditez qui trauerfent les
exercices de plufieurs, nempefchent pas
robferuatiodVn ordre vn peu plus exad,
on explique le Catechifme le Dimanche
à Taprefdifnée. Car nous auons fait foubs
ce nom vn recueil de toutes les dodrines
fondamentales à la religion Chreftienne,
difpofépar interrogations &:par refpon-
fes , accommodé le plus qu'on a peu à là
capacité des enfanS) &: où on a bricfuemét
couche les principales controuerfes de nos
joi Apologie
temps . On en prend donc vne fe£tion.i
qu'on fait réciter à quelques enfans , puis
on l'expoie deuant le peuple le plus intel-
ligiblement quil fe peut, afin de donner à
la ieuneffe de bonnes impreflions > tann
pour ce qui eft de la dodrine , que pour ce
qui regarde la pietés les bonnes mœurs:
ce qui renouuelle en l'efprit de tous les
afiîftans les ideées des connoiffances qu'ils
auoient défia acquifes. Tellement que
tous les ans \ car le nombre des feftions eft
à peu près comme ccluy des Dimanches
de l'année; on donneau peuple Chreftien
vne expofition populaire de tous les my-
fteres de la Foy , &: on le prémunit des
principales raifons par lefque)les il en faut
défendre la vérité contre )es erreurs les
plus importantes. Ce qui eft accompagné
de prières , de chant de Pfeaumes , &: de
toutes les parties du Culte que l'ay cy-
delTus defcrit.
Orne veux-je point icy faire de com-
paraifon entre ceferuice que nous rendos
à Dieu par noftre Seigneur lefus Chrift,&:
celuyqui eft receu en la communion Ro-
maine. Les Cérémonies y font fi diuerfes,
le langage fi différent, &: généralement
toutes chofes y font fi diamétralement
pour ceux de la Relig. jô}
oppofees , quil faudroic trop allonger
cette Apologie pour bien expliquer 6i
bien demonftrer les raifons de ii différen-
tes inftitutions , les auantages de IVne
pardefTus Tautre , 8c Tedification &: la fan-
(ftification que le peuple en peut rempor-
ter. Chacun peut affez faire cette compa-
raifon defoy-mcfme , &: qui qu'il foit , s'il
ne fe laifTe point trop maiftrifçr par les
partions &: les preiugez, nous necraignôs
pas que le iugement qu'il en fera , nous
foit autre que fauorable. Et quant à
ceux qui ont quelque connoiflance de la
première antiquité de l'Eglite , comme
nous en auons les enfeignemens dans les
Èfcrirs des Apoftres , de luftin Martyr , de
Tertullian, &: de quelques autres, ils ne
nieront pas que noftre Culte ne luy foit
fans contredit plus conforme , que celuy
que FEglife de Rome pratique maintenât.
le diray feulement que toute comparai-
fon mife à part , 6c à nous confiderer pu-
rement Se fimplement en nous-mefmes, il
n'y a rien en tout ce feruice de nos Eglifes
qui meiite la haine publiqucque plufieurs
cffayêt de nous faire porter depuis fi long
temps. Car tout ce que nous y faifons
cftant conforme à noftre créance > ^ np*
^04 jipologie
ftre créance eftant, comme nous Tauons
veu cy-deffus , de l'adueu mei'me de nos
aduerfairesje Clmftianifme en tous Tes
principes, &: dans fes plus belles &: plus
importantes conclufions , le feruice qui
eft édifié delTus ne peut fmon eftre propre
à engendrer la pieté enuers Dieu, 8c la
charité enuers les hommes . Or fi nous
fommes dignes de haine pour eftre pieux
enuers Dieu , &: charitables enuers nos
prochains , par quel moyen nous conci-
lierons nous la bonne volôté de noscon^
citoyens, 6c qu'eft-ce qui nous pourra ren-
dre recommandables enuers nos Supé-
rieurs, pout obtenir leur protedion,&: les
effets de leur équité, ficesqualitez nous
les aliènent > Il eft vray qu'il y en a quel-
ques-vns qui font équitables iufcjues à de
point , que de confeffer que nous ne fom-
mes point dignes de Tauerfion qu'on a
pour nous , à caufe de ce que nous croyos 5
mais ils pretendêt que pour ce que nous
n*en croyons pas afTez , nous n en failbns
pasafTez auffi , &: qu'encore que nous em-
braflTions vne partie du feruice de Dieu , fi
ne peut-on pasfupporter que nous en rc-
iettions Tautre. Car comme ceux-là font
odieux qui eommettenc quelque chofe
contre
pour ceux de la Relig. joj
contre les règles que Dieu nous a don-
nées pour conduire noftre pieté , aufli
ceux-là tombent-ils dans vn notable dé-
faut, qui ne rempliffent pas toute la me-
fure de ces règles , Se qui retrancher quel-
que partie de la pieté que iious luy deuôs.
Pour donc fatisfaire à cette plainte , qui
feule refte à faire contre nous y outre les
reflexions que nous auons faites cy-delTus»
ces Meflîeurs fahs doute trouueront bon
^ue noqs leur reprefentions deux chofes.
LVne eft , que quand on s'abftiet de quel-
que partie du feruice de Dieu par mefprisj
il n'y a point d'excufè pour celuy qui le
fait, ny dcuant Dieu^ ny deuant les hom-
Jtnes. Mais quand on le fait par moùuemet
de la confcieiice > & pource que n eftant
pas bien informé de la volonté de noftre
Seigneur 5 on a peur d'en faire trop, il à
fans co mpataifori plus agireable cette mo-
defte timidité , que la témérité de ceux
qui fc portent indifféremment &C fans au-
cune circonfpeftion, à ce dorit ils n'ont
aucune certitude qu'il foit légitime. Car
quoy que c'en foit , la timidité en telles
chofes eft vne marque de refpeiSt, au lieu
que la précipitation . qui induit à faire X
t0xs &c à crauers couc ce qiue la fantaifiia».
Y
jôè Apologie
nousfuggerejou à receuoir fans exami-
ner tout ce qui nous eft fourny par autruy,
nionftre qu on ne fe donne pas beaucoup
de follicitude fi le feruice qu on rend à
Dieu luy peut eftre agréable ou non. Ceft
pourquoy S. Paul enleigne conftamment
&:difertemenc, qu'encore que rvfagede
toutes fortes de viandes foit indifFerent de
fa nature, &: permis par la doftrine de fa-
lut j fi eft-ce que celuy qui s'en abftient
pource qu'il a peur d'offenfer Dieu , &: de
Violer quelquVne de fes inftitutions s'il en
vfoitjuy eft fans comparaifonplus agréa-
ble que celuy qui nonobftant le fcrupule
qu il en fait, s y la iffe emporter parfexê-^
ple> ou par quelque autre tel motif. Puis
donc que non feulement nous foupçon-
rions que ce qu'on eftimc eftre de manque
dans noftre créance , bc dans le feruice qui
s'en enfuit, eft pluftoft vn excès que non
pas vn défaut , mais mefmes que nous
fommes viucment bc profondément per*
fuadez que ce font chofes ennemies de la
gloire de noftre Sauueur^ &: pernicieufes à
noftre efperance , nous ferions dignes de
beaucoup plus d'auerfiô qu'on n'en a pour
nous, finous nous laiflions emporter par-
deffus cette perfuafion bccC mouuement
pour ceux de la Relig. ^éj
de nos confci^nces. L'autre elt, que fi ceux
qui eftimenc que noftre créance eft defe-
àueufe, y veulêt adioufter quelque chofe>
&: nous perfuader ce que nous ne croyons
pas, il faut qu'Us prennent tout le contre-
pied de la violence &: de la haine. Car ou-
tre que les créances ne s'impriment que
par la raifon , outre que la religion Chre-
ftienne a cela de particulier pardelfus tou^
te autre difcipline qui foit fur la terre , qu-
elle forme les efprits des hommes à la
douceur &: à la debonnaireté : diuerfes co-
fideratios font que la haine Se lanimofité,
& les traittemês défauorables, produifent
en nous vn effet tout contraire à Tintentiô
de ceux qui les employent en noftre en-
droit. DVn codé nous fommes hommes,
qui auons les refTentimens naturels tous
femblables à ceux des autres , finoii autant
que nous tafchons de corriger par la pa-
role de Dieu ce qu'il y a de vicieux. Or
c'eft le naturel de tous les hommes de fe
roidir contre la contrainte , &: de tafcher
de maintenir leur liberté. Et bien que
pour ce qui regarde les adions corporellet
que nous pouuons faire en bonne confcic-
ce, nous ployons volpntairemêt fous l'au-
torité de nos Supérieurs, &: qu'on ne nous
y ij
5o8 j^polàgiè
petit pas acciifer d'y eltre plus refraftâifes
que celle de Tautre communion , ii eft-ce
que pour ce qui regarde les opinions de
refprit en matière de religion^ nous fom-^
^ ^nes efleucz dés noftre enfance à déférer
fïeu à toute autre authorité qu à celle
de Dieu. Car on nous perfuade par la con-
noiflance de la vérité ^ on force nos enten-
demerispar fon euidéce i on nous fait voir
à Toeili ôc toucher à la main les raifonsde
ce qu'on veut que nous croyïons , &:nous
fommes fî habituez à cela 5 quVn feul paf-
fage de l'Ecriture que nous entendons bié,
à plus de poids enuers nous que l'authori^
té de tout vn Concile. Tellement qu'en
des âmes ainiî difpofees dés leur enfance^
& qui ne font menées en telles chofes
d'autre paflion que du zèle de la gloire de
Dieu, &c du defir de leur falutjil ne faut pas
efpeter de faire iamais entrer aucun dog-
me de la Foy , finon à force de raifons ac-
- compagnées de demonftration de dou-
^ceur Se de bienveillace. D autre cofté cette
façon dt nous vouloir conuertir par des
traittemens peu équitables , nous rend fu-
fpefte la créance de ceux qui en vfent en-
uers nous.Pource que de toutes les veritez
^ui/x)nt au monde Ja plus claire ôc la plus
tour ceux de la Relig. 305^
euidéte eit celle de la Religion de Chrift,
Ceft elle fans doute qui a le plus d'attraits
pour fe perfuader aux hommes aucune^
ment raifonnablesrôi le plus de force en-
cor pour jconuaincré les contredifans. Et
afin de faire d autant plus paroiftre cette
clarté &: cette force de la Foy Chreftiêne,
Dieu a exprcffémet voulu que quand elle
s'eft eftablie en la terre , elle n'euft aucun
fupport dans les puiflances du monde , 6c
qu elle tiraft tous fes auantage s d'elle mef-
me&: de fa naturelle beauté. Auflî a-t'il
cfté fans doute beaucoup plus glorieux
pour elle 5 que douze pauures pefcheurs,
qui auoient pour ennemis tous lesPoten-»
tats de la terre , l'ayent neâtmoins rendue
vidorieufe de tout rVmuers, &: ayçt ame^
né les plus grands Empires fous lobeïf-
fance de lefus-Chrift , que fi Dieu reuft
armée deschofesquiont de l'éclat, &; qui
impriment de la terreur dans les entende--
mensdes hommes. Si donc c'eft la vérité
qu'an nous veut faire receuoir , on luy
fait tort d'y employer, non certes les vio-
lences ouuertes &: les perfecutions , car
la bonté de nos Roys , & la iuftice de
nos Gouuerneurs nous en garentit , mais
les iniquitez moins defcouuertes , 82 le^
V iij
310 Aj^ologie
traittemens peu fauorables que quelques-
vns des officiers de ludicature;, &: la plus-
parc des peuples pratiquent aflez ordinai-
rement enuers nous. Enfin, pour ce que les
anciens Chreftiens ont dit alors qu'on les
mal-trait toit , que la vérité eft eftrangere
en ce monde , &: partant que ce n'eft pas
chofe eftrange fi elle y trouue peudefa-
ueur. Gomme les efprits des hommes font
enclins à tirer toutes chofes à leur auanta-
ge 5 nous nefentôs aucun efFeft de la mau-
uaife volonté de nos concitoyens, qu'il ne
nous vienne incontinent en la penfée, que
c eft la vérité de Dieu que nous mainte-
nons,&: que Ton combat en nos perfonnes
fans la connoiftre. A quoy nous adiouftôs
cette confideration , que le Seigneur lefus
&: fes Apoftres ont prédit , que la religion
qu'ils annonçoient fouiFriroit beaucoup,
de contradiftion en la terre. Vous ferez, dit
le Sauueur, hays a cauje démon Nom. Nous
fçauons bien qu'il faut vfer de quelque re-
tenue à raifonner de cette forte , &: qu'il
faut eftre peduadé par d'autres preuues
que par. les chofes que l'on fouffre , que
ceft la vérité qu'on defFend. Car lesluifs
endurent auflîde la part des Chreftiens,
^ quelques-vns d'entre les peuplesPayens
pour ceux de la Relig. 3 n
ont efté expofez à beaucoup de calamiiez
de la part des gens qui font profelTion du
Chriftianifme. Les Indes Orieatales , 3c
particulièrement les OccidentalesjCn font
tefmoins j &:bien que les Efpagnols y ayêt
exercé des rigueurs 3c des cruautez fanç
exemplcon ne fçauroit pas pourtât exem-
pter abfolument de blafme en cet égard
les autres nations qui les conqueftent. Il
fe peut faire qu'en Angleterre Se en Efcofle
les Catholiques Romains n*y ont pas tous
leurs contentemens , comme au contraire
on dit qu'en Irlande les Prcteftans ont
foufFert depuis peu de temps des inhuma-
nitez épouuentables. Tantum religio fotult
fmdere mdornm ! Mais véritablement 8ê
les vns 3c les autres ont tort,fi fous pré-
texte de religion, 3c fi par le zèle qu'ils ont
pour celle dont ils fontprofeflion^ils com-
mettent quelque chofe contre ce qui eft de
l'humanité, 3c contre la iuftice des loix
fous lefquelles ils viuent. Et fi les Catholi-
ques d'Angleterre auoient eu par le pafféjt
6i auoient encore maintenant desEdifts,
fous la proteaiôdefquelsilsfufTent àcou-
uert , comme nosRoys nous en ont don-
né, ie tiendrois les Reformez pour indi^.
giies 4e la qualité qu'ils portent, sHls a.biH
V iiij
312. Jpologie
foientde leur aiuhorite ponr en enerucr
la vigueur y èc s'ils ne les obferuoient pon-
ftuellemenc en toutes occurrences- Car
qui n'çft pas iufle çn fa conduitte, n eft pas
véritablement deuotieux, &: qui n'obferuc
pas les loix qu'il doit maintenir , foit en
qualité de perfonne priué e ou de perfonne
publique, n'eft pasiufte. Ce zèle deftitué
de iuftice&: d'équité , eft pafllon: &c bien
qu'elle nous aueugle quant à nous 5 Se que
îious penfions faire facrifice à Dieu quand
nous nous y laiflbns emporter , Dieu
ne nous en aduouèra pas pourtant , Se ne
receura point en iugement noflrepaflion
pour fon zèle. Car le vray zèle n'eft rien
fînon vne certaine ferueur d'amour pouç
la gloire de Dieu 8<:de fa vérité j au lieu
que la paflîon eft vn excès de l'amour que
nous nous portons à nous-mefmes. Or il
n'eft pas raifonnable que l'amour déme-
furé que nous nous portons. Se aux chofes
que HQus confiderons pour noftre intereft,
npu^ foit aUoiié en compte :, comme fi
nous n'y confiderions rien fmon Dieu > 8c
les chofes qui le regardent. En fin , quand
cette haine qu'on porte à noftre doftrine
ne ferqit point marque certaine Se indu^
hmhlç de ft vérité , fi fçmble-t'il qu'il eft
pour enHX de U Relig. 313
êcic la bpiité 3^ de la prudence de ceux
qui nous veulent attirer à eux > de s em-
pefcher de nous donner les ocçafions que
nous la prenions pour telle.Car tandis que
nous le croirons ainfi , ce fera yri pbftacle
infurmontable àcette conuerfion 3 laquel-
le ils font profeflion de vouloir procu^'er
de toute leur puiflance.
CONCLVSION.
IC Y ie prie le Ledeur de prendre en
bonne part que ie donne la conclufiorx
à cette Apologie , par quelques briefues;
reflexions fur les avions &: les interefts
des Souuerains j dont les fujets profeffent
diuerfes religions : fur ledeuoir desMa-
glflrats inférieurs 3 à qui ils ont commis
radminiftration de la luftice &: de la Po-
lice en leurs Eftats : Se en fin fur la dif-
pofition des efprits des peuples , &: fur
leurs deportemens en ces profeflions dif-
férentes. Et pour ce qui eft des Souue-
rams, comme ils font quant à leurs per-
fonnes, Chreftiens'j &: quant à leur char-
ge &: à leur dignité 3 Potentats 3 auffi ont-
ils fans doute & des confiderations 3 Se
|i4 Afologie
des interefts vn peu diuers> félon ladiffc-!
rence de ces relations: miis que 1 a prudece
Politique & Chreftiêne neantmoins, fçait
fort bien accorder enfemble. En ce qu'ils
font profe/Tion du Chriftianifme^non feu-
lement ce n eft pas merueille s'ils s'aftc-?
âionnent à Tauancement de la créance
qu'ils ont embraflee, mais il fembleque
chacun fedoit eftimer obligé en façon-
fcience de le faire .. Se que c'eft vn inftind
de la pieté. Car puis qu'il y va du feruice
de Diçu , ce n eft pas en eftre zélateur que
de ne le prouigner pas autant qu'on peut:^
félon la pcrfuafion qu'on en a; &: puis qu'il
y va du falut de Thomme^ce neft pas eftre
émeu de charité comme il faut, que de ne
tafcher pas de ramener au bon chemiri
ceux que l'on penfe qui s'en égaret.Neant-
xnoins ny ce zèle ny cette charité ne le$
doit point porter entant que Chreftiens^
au delà des termes de la douceur &: de la
raifon , feules voyes côuenables pour faire
entrer la religion dcIefus-Ghrift dans la
çonfcicnce des hommes. Ny luy ny fes
Apoftres n y ont point employé le fer &:
le feu ,&: s'il eft arriué que î'Euâgile qu'ils
ont annoncé, ait efté caufe dans le monde
de quelques çombuftion5îCela eft arriué
pour ceux de la Relig. 3 if
par le vice de l'efprk humain ? contre la
nature de la dodrine de falut , de contre le
defleindefon autheur &: de fes Miniftres.
Entant qu ils font Princes de Potentats , ce
neftpasmerueillenon plus s'ils fouhait-
tentque leurs iujets ne fe bigarrent point
en religions , 3ç femble mefmes que leurs
interefts les y portent. Car leur gloire de
leur grandeur confifte en l'entière obeïf-
fancede leurs fujets, en la tranquilité de
leurs Efl:ats,&:en l'vnion des parties qui
les coinpofent. Or eft-il trop ordinaire
que la diuifion des fentimcns de des créan-
ces partage les afFeftions , &: n'y a point de
|î violente paffion que celle qui s'allume
danslaconfcience.Qoand donc ladiuer-
fité des fentimens pafle en différence de
faftions > il eft comme impoflible que le
Prince, tant par le mouuement de fa con^
fcience , que par la profeflion qu'il fait ex-
térieurement 5 ne fe déclare pour l'vn des;
partis contêdans, de qu amfi il n afFoiblifle
beaucoup, s'il ne perd mefme tout à fait le
refpeft de robeïfTance qu'il deuroit atten-
dre de l'autre.Ceft pourquoy tous Poten-
tats s'oppofent au commencement à tou-
tes innouations , de nos Rois entre les au-
tres, ou de leur propre mouuement , ou
$iS [apologie
par la fuggcftion de leurs Confeils , ont
çmpipyé tout ce qui fe peut imaginer de
rigueur, pour eftoufferdans leurEftat la
Reformation enf^naiffance. Enfin pour-
tant l'expérience deschofes leur a donné
d'autres inclinations. Car pource que les
prifonSi &: les gibbets, 8c les feux , dont on
s eftoit ferui pour en arrefter le cours pen-
dant le règne de François premier de 4e
Henry fécond, nepeurent empefcher que
noftre doctrine ne gaignaftdas toutes les
parties du Royaume , tellemêt que l'Eftat
eftoit alors parcage quafi également, dç
que fous le règne de François fécond ny le
inal heureux fuccés deTentreprifed^Am-
boife,ny laprifon du Prince de Condéj,
îiy la continuation de la perfecution con-
tre les autres, n'empefcherent pas qu'ils
A'allaffent merueillcufemem multipliant^
la Reyne Çatl^erine de Medicis , 8>c ceux
qui gouueynoient l'Jftat fpus la minorité
de Charles , creurent qu'il valoit mieux
confentir^ynechofcqueron ne poxiuoit
cippefcher, 8c donner quelque liberté à la
ferueur d Vn zèle ablplument inuincible.
Ainfifut fait rEdiftquonappelladelan-
uier , par lequel ceux de la Religion eurét
h liberté de leuçs exei:cices dans les faux-
pour ceux de U Relig, ji^
bourgs de toutes les ville s, &c générale*
ment par tout où ils eftoient en quelque
nôbre confiderable : de forte qu'il s'en for-
ma deux milleEglifes corne en Vn momét»
En quoy la Reyne Catherine , &c les Prin .
ces de Miniflres de TEftat firent fans doute
céder le zèle de religion à la prudence po-^
litiqite, comme il eft fouuent àbfolument
neceflaire en telles occafions : Se c cft cho-
fe qui n eft nullement defagreable à Dieu^
quand on y eft obligé parlaneceffité des
occurrences. Car la Religion ne pouuant
fubfifter fmon par la fubfiftence dcsEm^
pires politiques, lors que les chofes en font
Venues à tel point, que pour empefcher le
progrez de quelque innouation, on met
toute la République en péril, il eft &: de la
pietéS^cdelafageiTedeceux qui en ont le
gouuernement en la main , de pouruoir à
ce que IVne ne s'eftoufFe pas enfin fous les
ruines de lautre. Et fi on euft perfeueré en
cette bonne penfee , on euft efpargné à
l'Eftat les efpouuenta^bles confiifions des
guerres cîuiles,qui l'ont mis à deux doigts
de Ton tombeau. Mais Tambition de quel-
ques-vns , Se Teffroy Se l'impatiéce des au-
tres,&: la fuggeftion des confeils de Rome
notamment, ayant incontinent troublé k
§i8 Afologie
repos de la France par rinfradion de céi
Edia,6£ par les choies qui vinrêc après, on
ne fçauroit dire quelles iiorrcursont efté
exercées de IVn à lautre parti par l'efpace
de plus de trente ans.Ec nous nous fuilions
affeurément entr'extenninez, linon qu'en
fin Henry le Grand , de glorieufe Se im-
mortelle mémoire, ayant reconquis Ion
Royaume de la main de fes ennemis , ter-
mina ces calamitez par l'Edift de Nantes,
&: reiiniffant tous fes fujets fous fon obeïf-
fance,fans violenter la corifcience d'au-
cun, eileignit autant que la prudence le
permettoit j la femence de ces defordres.
Ce qui luyreù/Tit fi bien, que neuf ou dix
ans de paix après ces longues &: conti-
nuelles defolations,remirenc le Royaume
en vn eftat fi puiflant Se fi fieuriflant , que
quand cet mcomparablc Prince nous fut fi
mal-heureufemêt rauy,ilcftoit noncon-
fiderable feulement , mais redoutable à
toute [Europe. Sous le règne du feu Roy
il eft arriué quelques chofes , qui ont deux
ou trois fois interrompu le cours de cette
félicité. Mais neantmoins diuerfes confi-
derations luy ont toufiours fait folennel-
lement déclarer , qu'il nevouloit aucune-
ment entamer la liberté que le Roy Ion
pour ceux de U Relig. 3 î^
peie auoit donnée à fes fu jets en ce qui eft
de leur religion^ny rien changer en Tefta-
bliflement qu'il auoit fait par fon Edid.
Car premièrement le Roy ibn père layât
fait ferfetuçl & irreuocable » & lUy-mefme
à fon aduenemet , Se depuis à diuerfes fois^
l'ayant confirmé comme tel , ainfi qu'il
eftoit Prince généreux , il a creu que la
fouucraineté indépendante de fa Cou-
ronne >&: la puiffance illimitée de fa Ma-
jcfté ne le difpenfoit pas de l'obligation
de fa parole , &: de fes promefles , en l'ob-
feruation defquelles Dieu mefme met vne:
notable partie de fa gloire & de fa gran-
deur. Car bien qu'il foit infiniment plus
efleué au delTus des Rois , que les Rois ne
le font au defliis de leurs fujets. Se que
quand il manqueroit aux conuentions de
fes alliances/es créatures pourtât ne pour-
r oient l'en tirer en iugement, fi eft ce que
plus il eft grand , plus eftime-t'il qu'il luy
Gonuient d'eftre iufte , &: par confequent
exaâ: à l'exécution de ce qu'il a promis,
quâd vne fois il a engagé fa parole. Apres
cela Henry le Grand ayant eftimé qu'en
l'obferuation de cette fienne ordonnance^
confifloitle principal fondement de V'umonde
fes fffjets , de la tranquillité & dn repos de fon
jiè jipologic
Bfidtyë'dejon reJtabUllement cnfapremien
fplendeur ycommt le Roy fon fils eftoit pru-
dent 5 il a bien apperceu qu'il en eftoit vé-
ritablement ainfn &:quele danger eftoit
euident 5 fi Ion renuerfoitce fondement,
de rejetter le Royaume dans les anciêne^
diuifions , & de Texpofer en proy e à Tam-
bition eftrangere. Enfin il auoit reconnu
que le zèle de religion, qui auoit porté fes
predeceffeurs 5 ou à n'accorder rien , ou à
rompre les Edids qu'ils auoient accordez
aux Reformez, auoit apporté fans compa-
raifonplus dédommage à la pieté en gê-
nerai, &: mefmes en la religion qu'ils pro»
fcffoient , que d'affoibliflement & de di-
minution à celle qu'ils vouloiêt efteindrc-
Car outre que chacun fçait que les guerres
ciuiles produifent la licence &: le débor-
dement en la vie, & la profaneté ôc Tirre-
uerenceauxchofes diuines, &: qu'en s*ef-
forçant d'étouffer la religion d'autruy, on
s'accouftume à mefprifer la fienne propre:
la Romaine n'eftoit aucunemct pratiquée
où les Reformez eftoienÉ les plus forts, &C
où ils ne Teftoient pas,fi n'eftoit-elle exer-
cée finon auec ttouble pc incommodités
par tout où ils pouuoiêt porter le tumulte
de leurs armes. Commç donc ce Prince
; cftoic
^Ur ceux de la lielig. 3 it
ieftoit fingulieremenc deuotieux en fa cré-
ance , il a creu que pour le bien &c l'auan-
tagc de l'Egliie Romaine , il falloit laifler
cette liberté à la Reformée en fon Royau-
me.Et nous voyons que depuis la Régence
de la Reyne 5 le gouuernement de TEftat
roule toujours deffus les mefmes maximes
dVn train égal : ce qui a maintenu les fu-
jets du Roy en vne parfaite vnion , con-
lerué robeiffance qu'ils doiuêt à leur fou-
uerain 5 &: donné le moyen de continuel:
les grandes ^ glorieufes coriqueftes que
le feu Roy aiioit commencées. Quant à ce
qui eft des Magiftrats inférieurs , il me
femble qu'ils doiueht régler toute leur
conduite en cet égard ;, par ces deux ou
trois penfces. LVne eft? qu'ils doiuent pre-
fumer que fi Dieu les auoit appeliez prei
de la perfonne des Rois , pour auoir part
enleursconfeils, ilsauroient les mefmes
confiderations que ceux qui ont les pre-
miers confeillé ces Edifts y 8c qui mainte-
nant encor les entretiennent. Ny les Po-
tentats , ny leurs Miniftres ne font pas
moins deuotieux qu'eux , 8c leur zèle ne
feroit pas moins véhément , fi d'autres
égards n'en temperoient l'ardeur 8c la
violence. Puis donc qu'ils ont foufFert que
X
|ti jifiûlogie
ces ï2Li{om d'Ëftat y apportaflent de la
modération , &: que depuis que leschofcs
ontefté ainfi eftablies par lauthorité des
loix publiques , ils ont eftimé que leur foy
y eftoit engagée , &: qu'ils ne la pouuoient
violer fans fleftrir leur propre gloire, &:
tetnir eh quelque façon le luftre de leur
grandeur , Us autres doiuent volontiers
reueftir les mefmcs fentinlensjôc he pren-
dre point àdes-honneurde fe conformer
aux grands exemples. La féconde eft, que
comme ils ont deux relationsJVne de Ca »
tholiques Romains j ce qui regarde le fer-
ûiee qu'ils penfent deuoir àDicufelôleur
pfofeflîon; l'autre d'Officiers du Roy > ce
qui concerne le feruicc qu'il faut qu'ils luy
rendent en l'adminiftration de leurs char-
ges: comme ces deux relations font fort
diftinftes j aufli en doiuent-t'ils tres-foi-
gneufement diftinguer les foiiaions &: les
opérations. Car quant à la premierejqu'ils
ày ent à la bonne heure toute la ferueur de
!2ele qui fe puiffe imaginer, & qu'ils efcou-
tentles exhortations de ceux qui lesy en-
flamment. Peut-eftre quel'EfpritdeDieU
les illuminera quelque iour autrement, 6^
quand ils feront autrement efclairez> ils
porteront cette yehemcncé de leur pieté
V
pour ceux de U Kel'tg, J i j
fur d'autres meilleurs objets cjue ceux cju q
lcurprefenteordinairement5&: dont ils ti*
reront plus de cpnfolation pour leurs con-
fciences. Mais tant y a entant qu'ils fonç
Catholiques Romains , ils font perfonnes
particulières, hc par confequent cette de-
uotionnedoit pas aller plus auant, finon
d ouir quant à leurs pçrfonnes les Méfies
bien diligemment: 5 de vacquer aux Ser-^
mons affiduellementjdaflifter aux Pro«-
ceflions aueçfoin >de communier le plus
fréquemment qu'ils pourront 5 &: de pour-
uoir à ce qu'en leurs maifons la mcfme de-
uotio règne entre leurs dompftiques. Mai$
quant à la féconde , ils ne doiuent dans les
fondions qui en dépendent , regarder à
autre chofç qu a la volonté du Souuerain^
comme elle eft déclarée en fes Edifts, afin
de s'y conformer exadement en toutes
occurrences. Car quand il ne feroit point
àprefupofer que s'ils auoient efté appeliez
au Miniftere de l'Eftatjilsfe laifferoient
conduire aux mefmès raifons qui ont in-
duit ces grands Rois à les nous donner , ce
n'eftpas à leursOiRciers à iuger des mo-
tifs qui les y ont portez, ny à prétendre de
corriger par les mouuemens de leur pieté*
|çs. fautes que \^ prudçcç Politique auroi^
.;
8^4 apologie
fait commettre contre la Religion R©!^
maine.S'il y en a quelqu'vne en cette con^
duite,c eft aux Rois à en refpondre deuant
Pieu . Qu^nt aux Magiftrats inférieurs,,
lors qu il taudra comparaiflre en iugemét
deuant noftre Seigneur :, pour vendre rai-
fon de leurs adions en cette qualité, on ne
leur demandera pas s'ils ont çfté grands
zélateurs de la Foy de Chrift \ car cela re-
garde la relation qu'ils ont en qualité dç
perfonnes particulières: mais s'ils auront;
efté fidèles diTpêfeteurs de ce que le Prince
leur a commis, pour redre la iuftice a tous
fes fujets, felp les règles qu'il leur en auoit
données. En quoy s'ils ont pluftoll fuiuy U
fuggeftion de quel ques-vns, dont le zelç
eft inconfideré,feditieux &: turbulent, que
la volonté du Souuerain , comme elle eft
expliquée en fes loix, affeuréme^t ils n'en
remporteront point de contentement de
deuant le grand & vniuerfel luge du mo-
de. La troifiefme finalement eft,que les
Officiers de ludicature ne font point inr
ftallezen leurs charges qu'ils ne preftent
ferment folennel de iuger félon les. Or-
donnances des Rois, &:de fuiure leurs vo-
lontez en l'adminiflration de k iuftice en
toutes chofes. Or chacuri fçait quelle eft
pour ceux de U Relig. 3^5
l'obligation du ferment, &: comment elle
doit eftre abiolument inuiolable. Certes
çeluy qui fous prétexte de pieté enucrs
Dieu en ce qui regarde la Religion, viole
le ferment qu'il a tait au Roy en ce qui eft
de fon feruice ôc de la côduite de fon Eftat,
cettuy-là ne fert ny Dieu ny le Roy , &;
commet vn crime digne de punition, tant
de la part de fon Souuerain en ce fiecle
icy, que de celle^ du Souuerain des Souue-
rains en l'autre. Enfin , pour ce qui eft des
peuples , ils ont aufîi deux qualitez ; l'vne
de Chreftiens,6c l'autre de fu jets du Prin-
ce. Quant à l'vne, ils font obligez de viurç
conformément aux loix de Dieu, félon la,
connoifTance qu ils enonti quant à l'autre,
ilsfont tenus de fe comporter conformé-
ment aux loix de l'Eftat , côme elles y ont
efté publiées. Fuis doc que les loix de Dieu
font qu'ils deftrampent tout leur zcle en
debonnaireté &: en charité , &: que les loi^ç
du Prince font qu'ils repriment leurs paf-
fions par la çonfideration de la paix com-
mune, &: par lerefpedquils doiuent à fa
volonté , tant s'en faut que les paroles in-
iurieufes,&:les traittemens violents leur
puifTent eftre permis, s'ils veulent auoir U
louange de bqs fujets ^ de bons FrançoiSj^
X iij
^i6 Jlpologie
que mefmes ils ne fçauroicnt çflrc bons
Çhreftiens , s'ils ne banniffent de leurs
cœurs toute auerfion contre nous :, &: s'ils
ne nous portent vne afFcftion véritable-
mçnt cordiale. Nous les en fupplions donc
tres-affe£tueufement3&:les en conjurons
par la bonté de lefus-Chrift , par les en-,
trailles de fa charité, par la gloire de fa vé-
rité, par le précieux depoft de fa paix>qu'il
^ laifTé à fes Difciples autrefois. Se par l'in-
Gomparable douceur dont il leur a donné
le patron en fa conuerf^tion en la terre»
Neantmoins fi nous ne pouuons obtenir
qu'ils fe monftrent véritablement Çhre-
ftiens enuers nous par les effets de leur hu-
manité , c'eft à nous à nous efforcer de
nous monftr^r tels enuers eux par tous,
offices de charité , Se par vne inuincible
patience. Car noftre bon maiftre nous a
commandé que np.us aimions nos enne-.
mis 5 que nous beniffions ceux qui nous
rnaudiflent , que nous faffions du bien à
ceux qui nous haïffcnt. Se que nous prions
pour ceux qui nous perfecutent Se nous
courent fus. C'eft ainfi qu'il dit que nous
ferons voir que nous fommes enfans de
noftre Père qui eft aux Cieux , Se que nous
reprefenterons. l'image de cette diuino
pour ceux de la Kclig^ Ji^
iperfedion de charité, dont il nous four-
hic l'exemple.
F I N.
iAP PR OBAT 10 N.
Cette Ap9Î0gi€ a efié veuë & approuttée par
^ejjîeursde la C antinuye & ^ acher ^ Pafienrs
des Eglifa de Bauge (^ ds Vlfie Bouchard ^ Coin-
miffaires ordônezfoar les linres de \eligi@n en
Sftte Prouinee.
TABLE.
DEjJein de VOuuragey f^^'^«
SeBJ.^uefi on confidereceux de la Re^
ligiôn dans les deuoirs auf quels ils font obli-
gez enuer s les autres entÂnt qu hommes y ils
nej-ont dignes de l 'auerjion de qui que ce [oit i
pjig. II.
SeÛ JI, ^efi on conjidere ceux de U Reli^
gion dans les deuoirs auf quels ils font obli-^
gez énuers le Roy ^ l'E^ati entant que
François , ils ne font point dignes detauer-"
fion de qui que ce fit y pag. 3 8 ♦
Seii- III, ^ue fion conftdere ceux de laRe^
ligion en qualité de Chreftiens , ils ne méri-
tent l'aucrj^on de qm que ce fit. Etpr^mk-^
Table.
Ytment a l'ejgard des créances quon leur
impute contre vérité i pag,%%.
Secf, I V^ £lueji on confidereceux deU Reli^
gion k Cefgârd des chofes quils ne croyent
fas^ ils ne méritent point d auerfion. Etpre-
mierement touchant l 'inuocation des SaintSi
r adoration des Images, dr le Purgatoire ^
pAgAi^,
Se5f, V, ^epour ne croire pas nylaTrans-
fubflanttation , ny le facrijice de la Meffhi
ceux de la Religion ne méritent point l 'auer-
fion de perfonne, p.\6^,
Se5t. Vl.^hte ceux de la Religion ne font point
dignes d^auerjion, ny pour ne déférer posa
V authoritède VEuefc^ue de Rome comme tl
le veut , ny pour s eftrefeparez de la commu-
nion de l 'Rglife R omaine, p.i^t,
SeCi, Vil, ^u^en ce que ceux de la Religion
, croyent effcRiuement , ils ne font dignes de
l^auerfion de perfonne ^ au contraire 3 quils
doiueteftre tenus pour bos Chrefiiens,p.ii%.
Se^. VI îl> ^tticeque ceux delà Religion
font en leurs exercices de pieté, en confequen -
ce de leurs dogmes^ il n y arien qui mérite
qu 'on ait aucune Auerfion pour eux y p.1%1,
Conclufioni P'}^3'
FIN.
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