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Full text of "Archives de zoologie expérimentale et générale"

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ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


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ARCHIVES 


DE 


LOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE 
ÉVOLUTION DES ANIMAUX 


PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE 


HENRI ne LACAZE-DUTHIERS 


MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE 
(Académie des sciences) 
PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE 
(Faculté des sciences) 
FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 
DE ‘ROSCOFF (FINISTÈRE) 
ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) 
(Laboratoire Arago) 
PRÉSIDENT DE LA SECTION DES SCIENCES NATURELLES 


(Ecole des hautes études) 


TROISIÈME SÉRIE 


TOME QUATRIÈME 
1896 


PARIS 


LIBRAIRIE C. REIN WALD 
SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 


15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 


Tous droits réservés. 


DU21 21887. 


NOTES ET REVUE 


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L'ÉTYMOLOGIE DU MOT POURPRE EXPLIQUÉE 
PAR LES SCIENCES NATURELLES, 


Par À. DEDEKIND, 
Conservateur adjoint du Musée égyptien au Musée impérial de Vienne. 


L'étude de la dissertation de Elias J. Bask, De purpura!, qui parut il va 
deux cent dix ans, m’a donné l’occasion d'examiner à fond la question qui y 
fut posée sur l’étymologie du mot mcpyioe. Cette dissertation est très rare ? 
et ne se trouve que dans quelques bibliothèques suédoises. Celle de l'Univer- 
sité d'Upsala à eu la bonté de me confier, à Vienne, ce livre intéressant. 
J'exposerai le résultat de mes recherches, en y ajoutant de plus quelques 
remarques générales et intéressantes relatives à une considération sur l’en- 
semble de la dissertation du savant gothenbourgeoïs. 

Le livre très remarquable de l’auteur suédois a le mérite d’avoir traité 
l’étymologie du mot scewboa avec une profonde érudition qui n’était pas habi- 
tuelle à cette époque, trois ans avant la mort de la reine Christine de Suède. 
Ce mérite étymologique place la dissertation bien au-dessus de beaucoup 
d'œuvres des deux siècles passés, dans lesquels on s’occupa également de 
la pourpre, fait bien digne d’être loué tout spécialement. Le livre de Bask 
s'efforce surtout d’embrasser, autant que possible, toutes les opinions cou- 
rantes au sujet de la pourpre, quoique l’ensemble des idées sur les branches 
diverses qui forment la science de la pourprologie fût, dans ces temps-là, 
encore très imparfait. Néanmoins, les recherches du savant Suédois se pré- 
sentent comme une preuve des efforts les plus sérieux faits pour concentrer 
les diverses parties de la pourprologie. Et c’est aussi à cause de cela que cet 
ancien traité est d’une valeur très considérable. 

Quoique l’examen de l’auteur, riche en connaissances, ne se rapporte qu’à 
la plus faible partie des recherches nombreuses qui forment la science im- 
mense de la pourprologie, les efforts du savant montrent qu’il désirait évi- 
demment pénétrer de toutes manières tout ce qui était connu en ce temps-là. 


1 Voici le titre entier : « Dissertatio philosophica de purpura quam in nomine Dei 
ter opt. maximi, ex permissu amplissimi ordinis philosophiei Upsalensis, præside 
Laurentio Norrmanno log. et metaph. prof. ord. publico eruditorum examini sub 
jicit auctor Elias J. Bask Gothoburgensis ad diem si Deo videbitur 24 Martii an. 1686 
in Aud. Gust. Majori. Upsalæ,. » Cette dissertation nous montre une prédilection 
toute spéciale pour les sciences naturelles; elle contient 51 pages. 

? Le grand pourprologue M. le docteur W. Adolphe Schmidt n’a connu que le 
litre de cette dissertation. Cf. W. Ad. Schmidt, Die griechischen Papyrusurkunden 
der Kœnigl. Bibliothek zu Berlin, Berlin, 1842, dans le troisième traité, Die Purpur- 
faerberei u. der Purpurhandel im Alterthum, $S 4, Literatur, p. 99, note 4. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3 SÉRIE. —æ T. IV, 1896. À 


NOTES ET REVUE. 


Il 


Comment le cercle de nos connaissances sur la pourprologie s'est-il élargi 
d’une facon vraiment gigantesque, comparé à ce qu'on savait lorsque l’auteur 
écrivait sa dissertation? Il suffit de citer jes recherches importantes faites 
en France quant au spectrum d'absorption fournie par Ja matière du Purpura 
lapillus, aux analyses chimiques * de ladite matière, aux expériences innom- 
brables faites relativement à la pourpre avec des réactifs de toute espèce, aux 
essais de tous les moyens possibles de l’art de faire des photographies avec 
de la matière à pourpre ? sensible à la lumière, etc., etc. 

L’excellente dissertation d’Elias J. Bask contient beaucoup de parties pour- 
prologiques qui nous invitent de pénétrer plus avant vers le fond de diverses 
questions que l’on n’aurait pas dû laisser si longtemps de côté. 

Un point est, à proprement parler, l'origine de la pourprologie tout entière; 
c’est la question de l’étymologie du mot mopobpu, question qui est restée non 
résolue jusqu’à nos Jours. 

Le mémoire de M. le docteur W. Adolphe Schmidt sur la pourpre de l’anti- 
quité (Die Purpurfaerberei und der Purpurhandel im Alterthum\ aurait dû 
commencer, selon moi, par la fixation de l’étymologie du mot pourpre, car 
on n’a pas fait de telles recherches depuis deux cents ans. 


1 Cf. les recherches importantes faites par M. Augustin Letellier et publiées dans les 
Comptes rendus et dans les Chem. News. — Cf. Jahrbuch für Photographie u. Repro- 
ductionstechnik für das Jahr 1890, herausgegeben von D' Jos. Maria Eder, 4 Jahr- 
gang; Halle a. S. 1890, p. 279. — Photographische Mitiheilungen. Zeitschrift des Ve- 
reins zur Foerderung der Photographie der deutschen und schlesischen Gesell- 
schaîft v. Freunden der Photographie u. der photographischen Gesellschaft in Kiel. 
Herausgegeben von Prof. Dr Hermann W. Vogel. 26. Jahrgang. Berlin. Verlag 
von Robert Oppenheim, 1889-1890; p. 147 sq. (Sur la pourpre des anciens et sur la 
lumière). — Cf. Annales des sciences naturelles, Zool., 4° sér., t. XII ; H. de Lacaze- 
Duthiers, Mémoire sur la pourpre, p. 35 sq.; 1bid., pl. I, fig. 4, animal de la Pourpre 
lapillienne vu par le dos, etc., etc. 

2 Cf. H. de Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la pourpre, loc. cil., Paris, 1859, p. 23 
sq. — P.924: « Une image était reproduite (en 1858) à Pornic (Vendée), à la Ro- 
chelle (Charente-[nférieure), à Agen (Lot-et-Garonne), en quatre ou cinq minutes, 
par un beau soleil, et cela vers la mi-août, fin du même mois et le commencement 
de septembre. Dans cette dernière localité, un portrait n’était fini qu'après trois 
quarts d'heure, par un ciel nuageux, mais laissant encore entrevoir, de temps en 
temps, de très pâles rayons de sojeil. » — Notre maître a eu l’amabilité de m’en- 
voyer à Vienne, en été 1896, et de me donner en présent, ces épreuves pré- 
cieuses de photographie faites avec de la pourpre sur de la soie et faites déjà 
en 1858. Il y avait aussi le portrait du Nestor de notre science lui-même. La nuance 
de toutes ces photographies produites par la matière à pourpre de Purpura hœæma- 
stoma est un rouge violet prononcé. L’envoi, très intéressant, contenait aussi la 
photographie d’une gravure hollandaise avec beaucoup de détails. Outre cela, notre 
malire a eu la grande bonté de m'envoyer aussi des dessins très remarquables faits 
avec de la matière à pourpre sur du linge, sur de la toile fine. M. de Lacaze-Du- 
thiers m’écrivit là-dessus : « Sur la soie, les reflets sont magnifiques; sur le fil, la 
couleur est belle, mais n’a pas cette admirable transparence qu'elle offre sur la soie.» 
— En effet, la soie montrait une teinte ravissante. On connaît, pour ce charme dé- 
licieux, les expressions des anciens : a0Yn, géo, lumen, nitor, splendor, fulgor, color 
in suspeciu refulgens, versicolor, splendens, sublucens, micans, ardens, etc. — Cf. 


NOTES ET REVUE. ll 


J'ai essayé, comme on le verra plus loin, de donner la solution de ladite 
question par la réunion de vues tirées de la linguistique et des sciences natu- 
relles, ce qui me sembla être le seul moyen pour résoudre définitivement 
cette question restée si longtemps non résolue. 

Qu'il me soit permis maintenant de reproduire la citation étymologique de 
Bask, qui le fait entendre dans le paragraphe 2 de sa dissertation de la manière 
suivante : « Cæterum ut ipsa vocis purpuræ incunabula ante omnia lustremus, 
subit mirari, quod in ejus adserenda origine, mirifice varient doctorum sen- 
tentiæ : adeo ut nonnulli sint, qui pro latina purpuræ propugnent origine et 
dictam velint quasi purum putum urens, respicientes per To urere ad he- 
bræum âvar, quod et ignem et lucem notat, unde gratiæ omnes splen- 
doresque rebus conciliantur. Quibusdam græci natales arrident, et purpuram 
derivare satagunt, vel a xüp mûo ideo geminato, ut referat excitatam ignis splen- 
descentiam ; vel a mopoy wéouv ob meatum cruoris purpurei. Alii ab hebræo 
illam deducunt fonte, atque vel a phérar, separavit, vel a pharäh, rupit, prop- 
terea quod testa prius frangenda, quam obtineatur pretiosus ille succus, 
Isidorus, ib.XIX, XX VIIT, puritatem lucis, purpuram denominare adserit. Nos 
mopUpAy VOCEM græcam, genuinam purpuræ matrem facimus, tam ob ratio- 


W. Adolphe Schmidt, loc. cit., p. 157. — Quant à la nuance de ces épreuves pho- 
tographiques et des dessins faits, en 1858, par notre maître avec de la matière à 
Pourpre, on y voit confirmée parfaitement la justesse des mots de Gæthe qui se 
trouvent dans son Mémoire sur les couleurs : « La pourpre flotte sur les bornes du 
rouge et du bleu et gravite tantôt à l’écarlate, tantôt au violet. » Cf. W. Adolphe 
Schmidt, loc. cit., p. 104. — Cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cil., p. 58, note 2 : 
« Das Blaurothe durch die Purpurschnecke. » — Cf. les expressions pour la pourpre 
rouge et la pourpre violette, en hébreu argaman et en assyrien af-ga-man-nu : c’est 
de la pourpre rouge, et thekéleth, correspondant au mot assyrien {a-kil-lu, do la 
pourpre hyacinthe ou améthyste. — Cf. l'inscription prismatique de Sennacherib 
(705-681 avant notre ère), la variante de col. III, ligne 36 sq.; Fr. Delitzsch, Assyr. 
Lesestuecke, 3° édit., p. 116, in fine. 

Ces deux couleurs étaient, en effet, les pôles de variétés vraiment incroyables des 
nuances qui s’offraient surtout sur le fil teint par M. de Lacaze-Duthiers avec de la 
matière de Murex trunculus. Ces couleurs changeaïent entre le plus beau bleu de 
ciel etle brun, tandis que les épreuves faites avec de la matière à pourpre de Pur- 
pura hœæmastoma étaient toutes cramoisies. Les nuances dudit cramoisi changeaient 
entre le rose et entre un cramoïisi foncé qui arrivait presque au noir. Je n'avais ja- 
mais vu des couleurs plus intéressantes que celles qui m'ont été communiquées. 

Quant aux vêtements de soie antiques et pourprés (de veslibus holoberis), cf. 
W. Ad. Schmidt, loc. cit., p. 188, 194; J. G. Schneider, dans son Mémoire sur l’art 
de teindre avec de la pourpre chez les Espagnols de l'Amérique australe; dans Don An- 
tonio de Ulloa, Physikalische u. hislor. Nachrichten vom suedlichen u. nordoestlich. 
America, traduit par J, A. Dieze, II, Leipzig, 1781, p. 395. — Les épreuves pour- 
prologiques faites par M. de Lacaze-Duthiers ont été faites sur lesdits textiles avec 
de la matière crue, qui n’était donc point cuite. Les anciens cuisaient ordinairement 
la pourpre. Ce procédé durait quelquefois même dix jours. Cf. J. G. Schneider, loc. 
cit., p. 400; M. Réaumur, Mémoires de l’Académie de Paris, 1711, p. 184. — Quant à 
la coutume de teindre avec de la matière à pourpre crue, aux bords de Guayaquil 
et dans l’arrondissement du port Nicoya (qui appartient à la province Guatemala) 
et sur le cap Santa Elena, cf. J. G. Schneider, loc. cil., p. 428 sq. 


IV NOTES ET REVUE. 


nem analogicam mutatarum literarum, quam æquivalentem significationem, 
néc non utrinque derivatorum pulcherrimam harmoniam. » 

Pas un seul des sémitistes que j'ai interrogés sur cette opinion qu’il pouvait 
y avoir une racine hébraïque, dont le mot mopoüpa serait né, n’était disposé 
de s’attacher aux raisons données par le savant suédois. 

M. le professeur David Heinrich Muller, de l’Université de Vienne, avait 
parfaitement raison en me communiquant son opinion et sa conviction qu'il 
devait y avoir une racine indo-germanique de laquelle le mot nopoüpa était 
dérivé. 

’est cette remarque qui m'a guidé dans cette recherche et conduit dans la 
juste voie ; et à l’occasion d’une conversation que j'avais sur ce sujet, quelques 
jours après cela, avec M. le professeur Frédéric Muller, notre Nestor autri- 
chien dans les recherches indo-germaniques, celui-ci eut l’amabilité de me 
communiquer sa pensée que la racine indo-germanique bhur et l'intensivum 
bhar-bhur se liaient avec le mot mopybpa. La signification de bhar-bhur est 
«se remuer vivement, s'irriter, se débattre, être houleux, se mouvoir rapi- 
dement, étinceler, papilloter, gigoter ». On dit, par exemple, d’un poisson 
pris et s’agitant : & Bharbhur-üli, il se remue excessivement, il se débat. » 

Ces éclaircissements excellents, que ledit savant m'en donna, s'accordent 
parfaitement avec les explications que F.-C.-August. Fick en donne, puisque 
celui-ci dit !: « Bhur, bhurati, se mouvoir rapidement, palpiter, ondoyer, en- 
rager ; intensivement bharbhur; — sskr. bhur, bhurati, se remuer, palpiter; 
pari-bhur, palpiter tout autour; bhur-anyati, être inquiet, mettre en mouve- 
ment, turbuient, mouvoir de la sorte que toutes les parties soient mêlées en- 
semble ; bhurn-i, remué, furieux; intensivement jarbhur-iti pour barbhur-iti, 
il palpite, il est inquiet; — vüpw, je pétris, je remue, j'entremêle; intensive- 
ment mopobps — sskr. jarbhur, il se meut rapidement; qupiow, je remue; — 
lat. furit = sskr. bhurali, il enrage ; Fur-ia f., formellement — ksl. burja, 
en russe burja f., tempête, révolte, rébellion. » | 

Ce fut M. le professeur Frédéric Muller qui eut la bonté de me conduire 
jusqu’au substantif de la racine du mot pourpre, en partant du point de vue 
spécifiquement linguistique. Il m’a rendu par ses avis un service marqué; je 
ne saurais assez le remercier pour moi et pour la science. 

Ce mot indo-germanique bharbhour a une signification qui s'applique à la 
pourpre, car l’expression cadre parfailement avec la nature de la matière pro- 
duisant la couleur, parce que la matière fraîche, en changeant très rapidement 
et très vivement quand les rayons du soleil la frappent? (comme M. de La- 
caze-Duthiers l’a si bien peint), montre une fluctuation très vive, un change- 
ment perpétuel des couleurs, une manière de développement très inquiète et 
très indécise jusqu'à ce que la couleur soit devenue définitive. 

M. le professeur Frédéric Muller n’était pas fixé sur cette partie physique 


1 F. C. August Fick, Woerterbuch der indogermanischen Grundsprache, Goettin- 
gen, 1868, p. 130. — Dans la plus nouvelle édition (IV), 1899, t. I, p. 97, sub voce 
BHÉRU. 

? Cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cit. p. 7 : «.., quand le soleil l'aura frappé v. 


NOTES ET REVUE. v 


de la pourpre; et après que Je lui eus montré la valeur de la signification du 
mot pourpre, d'après la racine indo-germanique bharbhour, en l’opposant à 
la nature optique de la substance primitive, il reconnut que la signification 
du mot pourpre, expliqué d’après cette racine, était fondée réellement et 
dérivait de la nature des changements de la matière fraiche. 

S'il existe une scienee quelconque où un passage d’un livre de M. le doc- 
teur Oskar Seyffert ! pourrait être bien appliqué, c’est surtout Ja pourprologie, 
science complexe et si étendue qu’on peut se réjouir de ses progrès. 

M. Seyffert, en exposant la méthode des recherches du grand philosophe 
de Stagire, s'exprime ainsi : « Sa méthode est la méthode de la critique empi- 
rique ; il recherche partout des faits, il les rapproche aussi complètement que 
possible, afin de trouver par cela même des points de vue généraux, et 
‘ parvenir à leur aide à l’arrangement systématique de la matière et à la con- 
naissance de l’essence des choses, à la connaissance du] fond de la cause des 
faits. Car c’est le pourquoi des choses qui lui fournit le savoir le plus impor- 
tant ; et c’est pour cela que la philosophie, cherchant les dernières causes pour 
l'amour de la chose elle-même, est la plus parfaite et la plus libre des sciences.» 

Pour montrer évidemment que cette méthode est justement la plus avan- 
tageuse aussi pour la pourprologie, je me permets d'exposer maintenant à 
mes très honorés confrères l’essai d'explication de l’'étymologie du mot pourpre. 
Mes modestes recherches uniront des matériaux purement philologiques à 
d’autres purement d'histoire naturelle pour arriver par là à la preuve la plus 
convaincante de la justesse du fait que c’est la racine indo-germanique bhur, 
respectivement l’intensivum : bharbhur, en prononciation française bhar- 
bhour, d’après laquelle notre mot pourpre est dérivé ou autrement dit que 
l’idée se rattachant au mot bharbhour est la cause qu’on à choisi Justement 
les éléments de ce mot pour arriver à désigner la pourpre. 

Comment expliquer que ce mot bharbhour est le primitif de notre expres- 
sion pourpre ? 

Qu'est-ce donc que le fait du trouble, de l'inquiétude d’un état ondoyant, 
d'une rébellion (et c’est le sens intime de la signification de la racine indo- 
germanique) ayant servi à former le mot mopoipa ?? 

C’est ce mot grec que M. Daniel Sanders® considère comme étant la plus 
ancienne aïeule que l’on peut montrer dans l'arbre généalogique des noms 
indo-germaniques pour la reine des couleurs hautement vantée et née de 
l’'écume des mers. Mais M. Sanders n'explique pas d’un seul mot pourquoi 
cette matière de couleur fut nommée justement par celte expression spéci- 
fique. 

Je me permets donc d'en donner une explication complète, car il me semble 


1 Dr Oskar Seyffert. Leæicon der Klassischen Allerthumskunde, Leipzig, 1882, p. 68. 

? Ilopgea, remontant à la forme primitive indo-germanique bharbhura, devint, en 
grec primitif, ocpoboz, et cela se développa (comme œé-ouxx, yé-Luxa, À méouxz, 
XELUXA) à TopoUpa. | 

3 Dr Daniel Sanders, Woerlerbuch der deutschen Sprache (Dictionnaire de la 
langue allemande), Il, 1, Leipzig, 1863, p. 606: « Purpur, dérivé du grec moon, 
en latin purpura (cf. Eppendorf, 195 sq.), en gothique paurpura », etc. 


vI NOTES ET REVUE. 


être clair (et l’on m'approuvera) qu'il faut joindre à l’origine purement linguis- 
tique, quoiqu’elle soit de la plus excellente qualité, un autre fait pour l’expli- 
quer et la vivifier. Car sauf cela, la racine bharbhour serait comparable, avec 
l'explication du mot pourpre, à la flûte d'Hamlet vis-à-vis de celui qui ne sait 
pas jouer de l'instrument. 

J'ai indiqué déjà plus haut la vraie cause de l’imposition du nom pourpre 
à Ja substance de la couleur fournie par les animaux marins, et j'ai montré que 
c’est la fluctuation des plus brillantes nuances, la révolte optique des cou- 
leurs les plus délicieuses qui a fait appliquer le mot bharbhour à ce spectacle 
merveilleux. C’est donc la signification la plus exacte provenant de ce phéno- 
mène admirable que notre maitre a si bien peint dans son mémoire sur la 
pourpre À. 

Il y décrit la succession des teintes ravissantes qui se développent dans la 
matière fraîche à pourpre pas. encore exposée à la lumière, c’est-à-dire de la 
matière blanchâtre ? originaire et peu apparente ou de la matière grisâtre Ÿ 
ou jaunâtre *, de la manière suivante qui est très intuitive : 

« En suivant le développement de la couleur, soit du Murex trunculus, soit 
des autres espèces (notre maître mentionne dans son mémoire : M. brandaris 
Linn., M. erinaceus, Purpura lapillus et P. hæmastoma ou pourpre à bouche 
de sang ou, comme les pêcheurs des îles Baléares Ÿ l’appellent, Corn de fel), 
surtout par un ciel nuageux, on voit, chose curieuse, le développement suc- 
cessif des couleurs simples qui, par leur mélange, forment les couleurs 
composées. 

« Ainsi de blanche, la matière devient jaune : voilà une première couleur 
simple; puis c’est le bleu qui se développe, et alors, avec le jaune qui existe 
déjà, il apparaît évidemment du vert. Le bleu va toujours augmentant, tandis 
que le jaune semble disparaître, aussi se fonce-t-il; et ceci est très marqué 
pour la matière du Murex trunculus. À ce moment donc, la matière, après 
avoir été Jaune clair, jaune verdàtre, puis verte, vert bleuâtre, devient bleuâtre 
sombre. 

« Le rouge se produit en dernier lieu et forme, avec la couleur bleue, le 


WL0C.1C., p.111, M2; elc. telc. 

3 Loc. cil., p. 38: la matière purpurigène, comme blanc jaunâtre. — Troisième 
alinéa : la matière blanchâtre. 

8 Jbid., p. 22: « Quand on enlève la matière qui doit devenir pourpre du lieu où 
elle se trouve. elle est blanche ou légérementjaune.» Dans le Purpura lapillus, elle 
varie entre le blanc et le jaune. Dans la Pourpre hémastome, de même dansles Murex 
(H. de Lacaze-Duthiers en mentionne, dans son Mémoire, les espèces suivantes : 
Murex brandaris Linn., Murex irunculus, Murex erinaceus), la teinte est parfois un 
peu grisdire. 

* Jbid., p. 40 : teinte olivâtre. — P. 7: « Les traits formés par sa petite baguette 
de bois étaient jaundtres. Il n’y paraîtra guère ? lui disais-je. — Ce deviendra colo- 
rado (rouge), me répondait-il, quand le soleil l'aura frappé. » 

$ Cf. Don Michele Rosa, Des Porpore, etc., Modena, 1786, p. 2992, note 199: 
« E° notabile in questo genere delle materie vestiarie l’uso de’ popoli Balearici. 


Hi primi hominum feruntur gestasse tunicas late prætextas. Strab., Geogr., lib. I, 
p. 168. » 


NOTES ET REVUE. vil 


violet, qui, on le comprend, sera d'autant plus voisin du bleu ou du rouge, 
que celui-ci se sera moins ou plus développé. » 

J'ai cité ce passage très remarquable complètement, parce qu'il dérive du 
pourprologue le plus marquant et le plus célèbre de nos contemporains, qui 
a observé lesdits faits lui-même, et cela beaucoup de fois, d'abord dans le 
port de Mahon appartenant aux îles Baléares, qu'il faut ranger parmi les lieux 
où se trouvaient les manufactures de pourpre les plus connues de l’antiquité !. 

On pourrait présenter une foule de preuves à l’appui de l'étrange phéno- 
mène mentionné plus haut; ainsi la princesse ou l’impératrice Eudocia (ou 
Eudoxia), vers la fin du onzième siècle de notre ère, l’avait connu. 

Voici une liste des naturalistes ou d'auteurs? qui ont mentionné, pendant 
les derniers siècles, le phénomène optique et qui sont le plus connus : 

4) L’Anglais William Cole, de Mineherd, qui découvrit, en 1685, des Mol- 
lusques qui donnaient de la pourpre, aux bords de Somersetshire et de 
Walis méridionale *. Il faisait des recherches à pourpre avec un buccin an- 
glais ayant des sillons traversiers. On voit représenté ce mollusque dans la 
continuation Chemnitzienne de l’œuvre de Martini sur des coquillages (pl.126, 
fig. 1212-1214) et dans les Acta Frudilorum Lips, 1686 [p. 620], tab. 45, 
02 AND. 

Il observait que la matière à pourpre fraiche tirée de ces Mollusques, déposée 
sur de l’étoffe blanche, de la laine, de la toile, de la soie *, la teignait d’abord 
en vert clair, et que cette couleur se changeait en peu de minutes en vert 
foncé, puis en vert de mer, bleuâtre et pourpre clair. Quand le suc de 
Pourpre avait resté quelques heures noyé dans la lumière du soleil, il deve- 
nait rouge foncé de pourpre. Alors c'était la plus belle pourpre que rien ne 
pouvait plus changer *. — Cf. F. H.W. Martini, Conchylien-Cabinet II, p. 300. 

Combien Julius Pollux, contemporain de l’empereur Commode, a eu raison 
de dire 5 ; Xaipe dë mio duboa This mopobous n Bagn au  dnrie aÜrAv dvanvooeber, 


1 Cf. W. Adolphe Schmidt, loc. cil., p. 169. 

2 Car Cav. Don Michele Rosa et W. Adolphe Schmidt, par exemple, ne furent que 
des philologues. 

3 Cf. Philosophical Transactions de 1685, p. 1978. — N. Hamb. Mag. XIV, 488. 

# Cf., sur des vêtements antiques de soie pourprée, W, Adolphe Schmidt, loc. cit, 
p. 188, 194. 

5 CF. J. G. Schneider, Loc. cit., p.405, — Jos. Mar. Eder, Ausfuehrliches Handbuch 
der Photographie, I, 1 ; 2. Aufl. (Halle a. S., 1891), p, 14. — M. le docteur Eder a le 
mérite d’avoir essayé pour la première fois, dans son œuvre, d'écrire une histoire 
des observations faites sur la sensibilité de la matière de la pourpre, sous l'influence 
de la lumière. L'auteur a cru que la princesse (ou l’impératrice) Eudoxia est la per- 
sonne la plus ancienne ayant connu ce fait. Mais combien est plus ancienne la ga- 
rantie que nous offre le langage ! C’est sur cette preuve tirée de la lingtistique qu'est 
basé mon mémoire ci-dessus. Au reste, des passages de Julius Pollux, Ovo267tx5v, 
L, 49 ; de Philostrate, Zcon., lib. 1,28 : d’Aristote, De colorib., 2 (p. 737, ed. Casaub. ; 
t. I, p. 1210, ed. Duval), et beaucoup d’auteurs des derniers siècles auraient dû être 
cités dans ledit chapitre de M. Eder. 

5 Ovouaotixov, I, 49. — Julii Pollucis, Onomasticon cum annotationibus inlerpre- 
tum, Curavit Guil lielmus Dindorfius, Lipsiæ, 4824 (6 part., 5 vol.), I, p. 17. 


Vill NOTES ET REVUE. 


xaù Tel MOLEË a AD POTÉPAY TA adynv, Éxpovrocopévny &x Teù vo mupdç (Amat soli 
exponi purpura, radiisque ejus magis efforescit, etc.) *. 

2) Le père Plumieu ? (1703). 

3) De Jussieu (1709). 

4) M. Réaumur (1711). 

5) Duhamel du Monceau (1736). 

6) Le Danois M. Stroem (1769). 

7) L'Italien J. Bapt. Capello (1775). 

8) L'Espagnol Don Juan Pablo Canals y Marti * (1779). 

9) L'Italien Amati (la troisième édition de sa célèbre œuvre parut en 1784). 

40) L’Italien Cav. Don. Michele Rosa (1786;. 

41) L'Italien Bartolomeo Bizio (1835). 

49) L'Allemand W. Adolphe Schmidt (1842, loc, cit., p. 127 sq., note 1). 

13) Le Français M. Sacc (1854). 

44) M. Félix-Joseph-Henri de Lacaze-Duthiers (1858), Nestor des pour- 
prologues. 


Les observations de M. Duhamel du Monceau sur la sensibilité de la matière 
fraîche de la pourpre sous l'influence de la lumière et sur le changement des 
couleurs, quand le soleil les frappe, se trouvent déjà mentionnées vers le milieu 
du siècle passé dans une dissertation suédoise très rare de M. Benedictus 
Roswall (Lundini, 1750) *. 

Ce petit ouvrage excellent est resté inconnu, quant au contenu, au grand 
pourprologue W. Adolphe Schmidt, qui n’a connu que le titre de cette dis- 
sertation, non plus que la dissertation De purpura écrite par Elias J. Bask, 


{ Cf. Cav. don Michele Rosa, Delle porpore e delle materie vestliarie, Modena, 1786, 
p. 22, n. 22 : « Et lux eam inflammat, splendoremque ejus reddit pleniorem splen- 
didiorem et cœlesti igne coruscantem. » — Cf. Benedictus Roswall, Dissertatio de 
purpura, Lundini, 1750, p. 10: « Tinctura vero purpuræ solem amat, etenim hujus 
illustrata radiis majorem lætioremque splendorem purpureo colore corruscantem 
a supero igne concipit. » — J. G. Schneider, loc. cit., p. 392. — W. Ad. Schmidt, 
loC-rcit-, pe 4197, n°1. 

? Mémoires de Trevoux, 1703, septembre, p. 167. — Plumier, de Jussieu, Stroem 
et les derniers noms cités en haut ne se trouvent pas chez M. le docteur J. M. Eder. 
— Cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cit., p. 13 sq. — Les recherches de Plumier et 
de Stroem se trouvent mentionnées chez J. G. Schneïder, loc. cit., p. 405 sq. ; 
p. 393, 394, 416, 420 sq., 426. — Cf. Martini, loc. cit. (Nürnberg, 1777), p. 302). 

8 Cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cit., p. 15 sq.: « Il y établit que beaucoup d’es- 
pèces peuvent servir à teindre, que dans les Indes, comme dans l'Amérique, beau- 
coup de Caracols (coquillages, Limaçons. — Cf. J. G. Schneider, loc. cit., p. 430, 
in fine: « Caracocillos s'appellent les fils teints avec le suc des pourpres: p. 431: 
« Caracol est le mot en espagnol pour Limaçon ») sont mis à profit par les teintu- 
riers, et que les changements de couleur y sont connus. » 

* Le titre complet de cette œuvre est : « Dissertatio gradualis de Purpura, quam ve- 
nia amplissimi senatus philosoph. in Regia Acad. Carolina sub præsidio Dri Sven 
Bring histor. prof. Reg. et ord. publico examini submittit Benedictus Roswall, 
Ostro-Gothus, in Audit. Maj. die XX VII Julii an. 1750... Lundini... » — Cf. lbid., 
p. 14 sq. 


NOTES ET REVUE. IX 


Les bibliothèques des Universités d’Upsala et de Lund ont eu l’amabilité de 
me prêter ces livres très rares ou introuvables à Vienne. 

Roswall parle des observations faites par M. Duhamel de la manière sui- 
vante : « Renovavit nuper eadem experientiam C. Duhamel cirea littora 
Provinciæ versatus, inventis cochleis, quæ colorem inducunt purpureum, 
quem ipsi ardentissimi solis radii animant alque excilent. Sed audiatur Journal 
des savants, anno 1749, ubi ita de succo in inventis conchis detecto scriptum 
legitur : Ce suc visqueux considéré d’abord dans l'animal est blanc, lorsqu’il 
est sain. Mais à peine l’a-t-on exposé au soleil, qu’il devient d’un vert pâle, 
puis jaundtre,ensuile bleu, et enfin il passe à la couleur rouge, devient en moins 
de cinq minutes d’une couleur pourpre très vive et très foncée. » 

Une relation succincte sur le phénomène, faite par l'Anglais Th. Forges, 
se trouve dans la même dissertation de Bened. Roswall !. Ce passage est très 
intéressant. Le voici : 

«a Hactenus Scheuchzer. At longe clarius et melius nostri ævi conchas 
purpureas descripserunt ali. [n primis purpuram americanam concham ? 
accurate describit Th. Forges in suo Catalogue of many Natural raritys, ubi 
ita p. 25 commentatur : « À true Purplefish ?, that sticks to the Rocks. It is 
«an insect of the sea composed of many hard shels lay’d over one another, 
« like the scales Woodlice. I walking by the seaside to search after the se- 
« crets of nature found one of them in the Westindies, bout woundred atthe 
« variety of colours, wherewith it stamed my hand. For first it was green, 
« then blew, afterwards purple, and lastly a beautiful Read. » 


En terminant l’énumération des ouvrages modernes justificatifs du chan- 
sement des couleurs, c’est-à-dire relatifs à la manière inquiète de la matière 
fraiche de la pourpre exposée à la lumière, je donnerai encore deux citations. 

L'une est de l’Anglais William Smith *, et l’autre est de l’Autrichien 
J.-M. Eder *. 


1 B. Roswall, Dissertatio gradualis de Purpura, Lundini, 1750, p. 12 et 13. 

2 Cf. don Michele Rosa, Delle porpore e delle materie vestiarie presso gli Anlichi, 
Modena, 1786, p. 28, où il parle des Pourpres aux rivages de l'Amérique centrale (a 
Nicoja nella Provinceia di Guatimala): « .. di sommo prezzo per lo splendore e viva- 
cità del colore. Che questa tinta si fa passando il filo o materia per quel liquore senz’ 
alcun’ altra preparazione, e che # color prima biancaslro, poi verde, diventa alfin 
Porpora coll’ asciugarsi. » 

Cf. J. G. Schneider, loc. cil., p. 428 sq., sur les pourpres du port de Nicoja ; 
p. 429 : « D'abord, cette couleur est blanche comme du lait, ensuite elle devient verte 
et enfin rouge de pourpre. » 

3 Cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cit., p. 19 sq.— P. 20, : « Jamais Pline, au para- 
graphe xxxvi, n’a parlé d’un Poisson. » — P. 19 : « Il n’est possible à personne de 
reconnaitre un coquillage sous cette expression : Un Poisson de mer, appelé Pourpre, 
fournit cette riche teinture... Quel embarras pour celui qui n’est pas naturaliste, qui 
connaît seulement, comme tout le monde, que le Poisson n’est pas un coquillage, et 
réciproquement ! » 

* William Smith, Dictionary of Greek and Roman geography, vol. LI, London, 
1857, p. 616 (PhϾnicia, VIII. Manufactures, commerce and navigation). 

5 Joseph Maria Eder, Ausfuehrliches Handbuch der Photographie, I, 1 ; 2. Auflage 


X NOTES ET REVUE. 


M, Smith dit : «The fluid. is of a vellowish, white, or cream colour, and 
smells like garlic. Ifapplied to linen, cotton, or wool, and exposed to a 
strong light, it successively becomes green, blue, red, and deep purple. » 


M. Eder, enfin, donne la description suivante dudit phénomène : « La 
pourpre des anciens ne se développe que sous l'influence de la lumière. La sé- 
crétion colorante des Mollusques est, au commencement, jaune pâle. Exposée 
à la lumière, elle devient teinte en pourpre, même appliquée sur de la toile. 
Une pièce de toile blanche teinte avec cette matière passe par le jaune, le vert, 
le bleu, et devient, enfin, de la pourpre ou de l'écarlate. La clarté du jour est 
absolument nécessaire, afin que le développement des couleurs se produise. 
On peut conserver la sécrétion dans l'obscurité autant d'années qu’on le veut; 
mais, quand la matière vient au jour, le changement des couleurs survient 


tout de suite. » 

M. Eder dit ! : «Il nous semble très remarquable que les anciens auteurs, 
surtout Aristote, Vitruve, Pline, ne mentionnent, en aucun lieu de leurs di- 
vers récits sur la pourpre, par un seul mot, que le soleil doit coopérer quand 
la couleur magnifique prend origine ?. » 

La citation la plus ancienne sur la grande influence des rayons du soleil 
sur la matière fraîche de la pourpre, que M. Eder ait connue, est celle de l’im- 
pératrice Eudocia (ou Eudoxia) Macrembolitissa. Cette savante, née dans la 
pourpre, en a fait mention dans son œuvre love, c’est-à-dire « jardin de vio- 
lettes », dictionnaire historique-mythologique de la fin du onzième siècle de 
notre ère ÿ. 


(Halle a. S., 1891), p. 165 (dans le troisième chapitre : « Chemische Wirkungen des 
Lichtes und dessen Beziehungen zu Waerme und Electricitaet, » 

1 Loc. cit., p. 6. 

2 Cf, J. G. Schneider, loc. cit., p. 411 : « Réaumur est surpris de ce qu'Aristote et 
Pline, en aucun lieu où ils parlent de la teinture avec de la pourpre, ne disent un 
mot sur le changement curieux des couleurs. » — Au contraire de cette opinion 
quant à Pline, cf. H. de Lacaze-Duthiers, loc. cit., p. 63: « Il est important de 
remarquer que ce changement de couleur, comme la fétidité de la matière, était 
connu des anciens ; on en jugera par le passage suivant ; « Mais où est le mérite des 
« couleurs conchyliennes? L’odeur en est infecte à la teinture, et la nuance en est 
« d’un vert attristant et semblable à celui de la mer en courroux. (Pline, loc. cit., 
«1x, 60: Sed unde conchyliis prætia ; queis virus grave in fuco, color austerus in 
« glauco, et irascenti similis mari?) » On doit remarquer que M. H. de Lacaze- 
Duthiers ajoute que Pline fait connaître la première couleur verte et, par consé- 
quent, ainsi qu'on a pu l’observer dans les citations d’Aristote, que la teinte violette 
arrivait plus tard. 

En tout cas, M. Eder n'aurait pas dû oublier, dans l’énumération historique des 
témoignages de l'observation, que la matière fraiche de la pourpre est sensible à la 
lumière, ni Philostrate (/con., lib. I, xxvir, p. 804: Joxcdv qap oxvbpumabev, ÉAxer 
TV TARA TOÙ HALOU boav, xai To Ts ci0ns Mvdet Gaiveran : Ja pourpre tyrienne — car 
Philostrate parle de ootvtxs &Acus\t25 — a un aspect sombre et recoit sa beauté par 
le soleil; par cela, elle obtient la nuance de la fieur de grenade), ni Aristote (De 
color., r.2, p. 737, ed. Casaub.; T. I, p. 1210, ed. Duval), ni le passage cité déjà 
en haut de Jul. Pollux (Ovouaortixov, I, 49.) 

8 Cf. J. G. Schneider, loc. cit,, p. 385 et 392: «... selon l’auteur, d'où Pollux et 


À 


NOTES ET REVUE. XI 


M. Eder aurait pu citer aussi, comme je crois, Isidore. Car, selon l’explica- 
tion de celui-ci, le mot purpura dérive a puritale lucis 1. Quoique cette déri- 
vation soit évidemment un badinage étymologique des anciens, cette expli- 
cation met en évidence ce fait, que le savant espagnol connaissait, que l’éclat 
du soleil détermine le plus efficacement le charme dudit changement des 
couleurs. 


Comme je l’ai déjà dit: ni Philostrate (Zcon., lib. [, 28 ?) ni Julius Pollux 
(Ovouasruwav, I, 49 3), ni Aristote (De color., c. 2 ; p. 737, ed. Casaubon; T. I, 
p. 1210, ed. Duval “), n'auraient dû être omis dans l’énumération historique 
des témoignages des observations que la matière fraiche de la pourpre est sen- 
sible à la lumière. 

Mais combien est plus ancienne que ces témoignages, datant de l’époque 
des empereurs Septimius Severus et Commodus et d'Alexandre le Grand, la 
preuve si convaincante que donne la linguistique indo-germanique, éclairée 
par les sciences naturelles, de l’impressionnabilité de la matière fraiche à la 
lumière, qui avait été observée bien avant l’époque d'Homère. 

Car personne ne sait mieux que le philologue que les mots œurépovecs et 
mopoûpsos, qui se trouvent dans Homère pris avec le sang et des lextiles au sens 
de « teint en pourpre », ne sont pas plus nés du style du chantre de l'Odyssée 
et de l’Iliade que Minerve n’est sortie de la tête deJupiter. 

Qui peut juger combien de temps avant Homère ces expressions grecques 
étaient déjà usitées ! 


Il est donc prouvé par l’étymologie du mot pourpre, confirmée par l'étude 
des sciences naturelles, que la racine indo-germanique de ropw%osx repose sur 
l'observation fort ancienne de la sensibilité de la matière à pourpre fraiche, 
soumise à l’action de la lumière. Ainsi donc, le témoignage de l’observation 


Eudocia ont pris leurs rapports sur l’art de teindre avec de la pourpre. » — Dr Jo- 
hann Georg Theodor Graesse, Handbuch der allgemeinen Literalturgeschichte allerbe- 
kannten Voelker der Welt, etc., 2. Band, 2. Ausgabe, Leipzig, 1850, p. 194 sq. — 
Pauly, Real-Encyclopaedie der class. Allerthumswissenschaft, III, Stuttgart, 1844, 
p. 262 sq.: « Eudocia ou Eudoxia, avec le surnom Macrembolitissa, impératrice by- 
zantinienne très érudite, fille de Constantin VIII et l'épouse de Constantin Ducas 
(Graesse dit : Constantinus Ducas X) et puis de Romanus III jusqu’à 1071, quand 
Michaël VI s’empara du trône et fit enfermer Eudoxia dans un couvent. C'était là 
où elle écrivit une œuvre qui existe encore sous le nom iwvi& (Jardin de violettes). » 
Villoison a fait imprimer ledit ouvrage. 

1 Cf. Elias J. Bask, Disserlatio de purpura, Upsalæ, 1686, p. 2: « Isidorus, 
lib. XIX, xxvit, puritatem lucis purpuram denominare adserit. » 

2 Cf. August Pauly, Real-Encyclopaedie der classischen Alterthumswissenschaft, V, 
Stuttgart, 1848, p. 1530 sq., sub voce Philostrati. Philostrate, qui a écrit deux 
œuvres contenant des descriptions de tableaux (eixoves), fut un contemporain de 
Septimius Severus et est mort au troisième siècle de notre ère. 

3 Cf. A. Pauly, lbid., IV, p. 504 sq. — Julius Pollux fut un contemporain de 
l’empereur Commodus. — Cf. J. G. Schneider, Loc. cit., p. 386. 

à Tû d'dhcugYÈs EdaVOËS pv yiverar Xai AAUTPUV, OTav TO peroio AeunD LA CUEpO ko 
oouw Aobevers ai ToË nico adyat, — Cf. W. Ad. Schmidt, Loc. cit., p. 198,note. 


XI1 NOTES ET REVUE. 


de ce phénomène curieux doit être reporté bien au delà de la savante impé- 
ratrice Eudocia, dans l'antiquité la plus reculée. 

Et, en effet, le spectacle merveilleux de l'instabilité des nuances de la 
matière de la pourpre sous les rayons du soleil, ne pouvait pas être mieux 
exprimé que par l'expression indo-germanique bharbhour. 


—— 


Il 
NOTE. 


La feuille des Notes et Revue était presque complète quand la rédaction des 
Archives a reçu de M. Dedekind quelques nouveaux renseignements sur la 
pourpre accompagnée d’un cliché reproduisant des dessins fort curieux de 
Fabius Columna qu'il a paru “tile de joindre ici. 


NOTE DE M. DEDEKIND. 


QUELQUES MOTS EXPLICATIFS DE LA PLANCHE DE ZABIUS COLUMNA, 


« Voici une reproduction d'une planche tirée d’un ouvrage de Fabius 
Columna : « Aquatilium et terrestrium aliquot animalium aliarumque natura- 
« lium rerum observationes. Fabio Columna auctore » (Rome, 1606). Cette 
œuvre, qui contient 73 pages, est la seconde partie d’un livre qui porte le 
titre: & Minus cognitarum stirpium aliquot, ac etiam rariorum nostro cϾlo 
« orientium éxgaos qua non paucæ ab antiquioribus, Theophrasto, Diosco- 
« ride, Plinio, Galeno, aliisque memoratæ declarantur,officinarum usui per- 
« quam utiles : Fabio Columna auctore. Item de aquatilibus, aliisque anima- 
& libus quibusdam paucis libellus, eodem auctore. Omnia fideliter ad vivum 
« delineata, aereisque typis expressa.. Opus nunc primum in fucem editum. 
«€ Romæ, 1606. » 

«& La reproduction de cette planche qui montre trois espèces de Murex que 
Columna appelle dans le texte: 

€ À) Purpura major pelagia exotica corniculata ; 

« 2) Murex Marmoreus pelagius; 

€ 3) Purpura altera muricala, sive Murex rostratus parvus », 

a pour but de rappeler à la mémoire des auteurs les écrits de Fabius Columna 
sur la pourpre, surtout son « Tractatus de Purpura, aliisque testaceis rariori- 
« bus » dont le « Caput I » porte le titre : &« De Purpura Testaceo, Purpuram 
« fundente, et ejus animali ». 

@J. D. Major a le grand mérite d’avoir publié de nouveau, en 1674, le 
mémoire de Fabius Columna sur la pourpre dans un ouvrage qui porte le 
titre : « Fabii Columnæ, Lyncei, Nobilis Neapolitani, Genere Romani, opuscu- 
Qlum de Purpura Romæ primum, an. 1616, editium, et nunc iterum luci 
« datum opera ac studio lohasen-Danielis Majoris, medicinæ D. cujus novis- 
« sime accesserunt annotationes quædam. Kiliæ, 1674 ». Lesdites annotaliones 
de Joh.-Dan. Major, qui contiennent sur 114 pages 15 annotationes d’un 


= 


NOTES ET REVUE. XIII 


haut intérêt, sont presque iñconnues aujourd hui. Le titre de ce travail extrè- 
mement remarquable est: «Johasen-Danielis Majoris in Fabii Columnæ tracta- 
«tum de Purpura, studio suo editum, ANNOTATIONES : quibus annexa est 
« amplissima, atque ideo ab aliis indigestæ relictæ OSsTRACOLOGIÆ, conveniens 
« distributio, ad conclavia principum aut aliorum, quo ad hanc etiam naturæ 
« partem, accuratius disponenda. Kiliæ, 1675. » 

C'est M. le bibliothécaire et professeur D' Otto von Heinemann, de la 
bibliothèque ducale de Wolfenbuettel (duché de Brunswick) qui a eu la très 
grande amabilité de prêter à M. Dedekind l’œuvre extrêmement rare de 
Joh.-Dan. Major,à Vienne, tandis que l’œuvre très rare aussi de Fabius Columna 
dont on voit ici la reproduction de la planche (sur p. 60 de Columna) lui a 
été confiée par la bibliothèque impériale de Vienne. 

« Chaque ami sérieux de la pourprologie, dit M. Dedekind, doit lire avec 
plus de soin les anciens livres qui ont rapport aux différentes branches de 
l’histoire de la pourpre qui est d’une étendue vraiment immense. 

€ J'ai la grande satisfaction d’avoir recueilli déjà depuis longtemps d’année 
en année de fort curieuses citations (pourprologiques) d'auteurs trop peu con- 
nus. Mes extraits en ce point sont déjà des plus nombreux. C’est ainsi que 
J'ai noté les citations fort intéressantes de William Cole et Beda vencrabilis 
peu connus. (Bulletin scientifique du département du Nord et des pays voi- 
sins ; 1886. p. 165 et 166). 

« En reproduisant la planche qui se trouve page 60 de l’ouvrage très rare 
de Fabius Columna (1606), j'espère prouver à mes confrères les efforts que Je 
fais pour créer une revue historique de ce qui a été déjà fait au sujet de la 
pourprologie, maintenant {ombe en oubli. 

« Je me permets done d’appeler l’attention sur la planche de Fabius 
Columna où l’on voit la première représentation de : 

«1) Purpura corniculata ; c’est notre Murex cornutus vivant sur les côtes 
d'Aïrique et dans la mer Atlantique; 

«2) Murex Marmoreus Pelagius ; c'est notre M. elongatus Lmk, des Indes 
occidentales ; 

« 8) Purpura altera muricata sive Murex rostratus parvus; c’est notre M. tri- 
bulus L. que l’on trouve aux bords de l’île de Mauritius. 

« Ces coquilles produisant la pourpre étaient extrêmement rares à l’époque 
de Fabius Columna. Il dit par exemple de la Purpura corniculata, loc. cit., 
p. 63: « Rariorem hanc exoticam pelagiæ testæ speciem Romæ habuimus 
« adhuc invisam, quæ littorales nostrates quadruplo superat, decem pollices 
« longa. » 

« Cf, Friedrich-Heinrich-Wilh. Martini, Neues systemat. Conchylien, Ca- 
binet IL. Ld. Nuernberg 4777, p. 371 sq., où il parle dudit passage de 
Fabius Columna; et Martini dit (p. 372): « Les Hollandais ont risqué déjà 
«17, 29, jusqu’à 44 florins par licitation pour pouvoir faire voir dans leurs 
« collections des véritables pièces de cette espèce. » Cf. Martini, loc. cit. 
pl. CXIV, n° 1057; p. 308, fig. 980 et 981, où il parle de ladite Purpura sive 
“urex pelagicus marmoreus de Fabius Columna ; p. 366 et pl. CXI, 
n° 1052-1056, où lon trouve tout ce qui a rapport à la P, clavata, sive M. 


XIV NOTES ET REVUE. 


parvus rostratus de Columna. Cf. les monographies sur les Purpuridæ et 
Muricidæ par Lovell-Augustus Reeve : « Conchologia iconica, or illustrations 
of the shells of molluscous animals. Vol. Il, containing, monographs of the 
genera Murex, Cypræa, Haliotis, Mangelia, Purpura, Ricinula, Monoceros, 
« Bullia, Buccinum », London, 1845. » 

« George-W. Tryon,conservator of the conchological section of the Academy 
of natural sciences of Philadelphia, Manual of Conchology, vol. IT, Muricidæ 
Purpuridæ ; Philadelphia, 1880, Ibid. p. 43, note : « See Lacaze-Duthiers 
(Ann. Sc. nat., pl. XII, p. 5, 1859) exhaustive Mémoire sur la pourpre an 
«eæceldingly interesting paper, illustrated by specèmens of the color resulting 
« from various applications of the dyes obtained from Murices, Purpuras, etc. 
« See also Smithsonian Report, 1863; Lovell’s Edible Mollusks, p. 124; Gri- 
«maud de Caux, Rev. et Mag. Zool., p. 34, 1856. » 

« Dr Joh. Leunis, Synopsis der Thierkunde. 3, Aufl par D' Hubert Ludwig, 
4 Bd., Hannover, 1883; S 737 (Purpuridæ), $ 959 (Muricidæ). Sur les Scala- 
riidæ, cf. fbid, p. 961. 

« D' W. Kobelt, Prodromus faunæ Molluscorum Testaceorum maria europæa 
inhabitantium, Nuernberg, 1886, p. 1-7 et 11-13. 


C’est avec beaucoup de raison que M. Dedekind fait remarquer qu’il im- 
porte de recueillir les opinions les plus anciennes sur le sujet auquel il donne 
tant de suite dans ses recherches. 

Mais il importe d’observer que, puisque la pourpre, en tant que couleur 
propre, ne peut être développée que par l’action des rayons solaires, 1l est 
dans l’ordre naturel des choses que, depuis qu’elle est connue, les change- 
ments de sa couleur aient dû être remarqués et notés d’abord par les tein- 
turiers, ensuite par les observateurs curieux de se rendre un compte exact de 
la production d'un produit aussi rare, aussi précieux et devenu le signe de la 
puissance suprême de la royauté. 

Rien d'étonnant donc que les changements de couleur aient été notés dès 
l'origine. La chose est même forcée. 

Néanmoins, les erreurs les plus grossières ont eu longtemps cours dans Ja 
science sur les organes producteurs et les animaux fournissant la matière. 
Cela était en rapport avec le peu de développement des connaissances dans 
les sciences naturelles. 

Plus tard, lorsque les documents seront accumulés, il sera curieux de rap- 
procher les opinions des différents historiens des idées générales des connais- 
sances humaines ayant cours aux époques où ils écrivaient. 

On peut déjà reconnaître qu’on n’a réellement connu où et comment étaient 
formés et sécrétés les produits qui se transforment en matière colorante que 
lorsqu'on a été éclairé sur l'anatomie vraie de l'organe purpurigène. 

Chez tous les Mollusques, le manteau est doublé, en dedans de sa cavité 
branchiale, par une couche épithéliale de cellules, homologues en tous points 
par leurs caractères histologiques et morphologiques, leur situation identique. 

L’épithélium ne fait chez aucun défaut, mais ce qu’ont les uns, ce qui 
manque aux autres, c’est la propriété du contenu des cellules, contenu qui, 


NOTES ET REVUE. XV 


pour les uns, est capable de changer de couleur sous l’action des rayons du 
soleil ; pour les autres, de n’éprouver aucune modification sous cette influence. 
C’est ce changement de couleur qui est le caractère absolu et exclusif de la 
matière à pourpre. 

Il peut de là arriver, et c’est certainement cela qui a dû jeter le trouble dans 
la détermination de l'organe purpurigène, il peut arriver, dis-je, qu’une sé- 
crétion soit dans le corps de l'animal déjà colorée par le fait même de sa pro- 
duction. C’est ce qui se voit chez l’Aplysia fasciata. Lorsqu'on la prend dans 
la main, elle verse un liquide d’un beau violet et fort odorant. Les animaux 
de cette espèce étaient abondants dans le bassin d'Arcachon quand je visitais 
ses huitrières; les pêcheurs les appelaient des pisse-vinaigre' en raison du jet 
de liquide coloré qu'ils lançaient. 

Ce liquide violet est pourpré, mais il n’est pas de la pourpre. C’est un 
liquide sécrété, naturellement coloré, par les parois du manteau et du corps 
de l’Aplysie. Mais il n’a pas les qualités spécifiques de la pourpre, qualités 
caractéristiques s’il en fût, puisque c’est l’animal qui produit la couleur et non 
la lumière solaire directe ou diffuse. 

Aussi est-il difficile d'admettre que, dans la planche de F. Columna, toutes 
les figures représentent des animaux purpurigènes, 

Il n’en était pas moins fort curieux de publier cette planche tirée de l'oubli 
par M. Dedekind. 

Un point sur lequel il n’est pas inutile d'appeler l'attention se rapporte aux 
expressions des poètes qui ont bien souvent pris des sensations subjectives 
pour des sensations objectives. M. Dedekind me rappelle dans l’une de ses 
lettres le passage de la ballade de Schiller où le plongeur dit : &Il s’étendait 
sous moi encore comme des profondeurs de montagnes dans des ténèbres 
pourprées », et il se demande si le poète n’a pas songé à ce que dit Gœthe de 
la couleur de la mer dans son mémoire sur les couleurs : « La partie illuminée 
des flots de la mér paraît verte dans sa propre couleur, et la partie ombragée 
parait d’une couleur opposée pourprée. » 

Il est bien évident qu’il s’agit ici d’une couleur complémentaire et que 
chacun pourra observer, couleur subjective s’il en fût; qu’on regarde du rouge 
et l’on verra du vert en portant les yeux sur le côté de l’objet rouge qu’on 
aura fixé avec attention pendant un moment, et inversement après avoir fixé 
un objet vert, on en verra l’image d’un rouge complémentaire. 

Il est une expérience que J’ai bien des fois répétée dans les pays chauds, où 
la lumière est si vive. Au laboratoire Arago, pendant une crise rhumatismale 
qui m'avait cloué au lit quelques jours, le soleil inondait ma fenêtre, on avait 
placé des papiers très épais pour en diminuer l'éclat; une fissure existait par où 
les rayons se glissaient. Après quelque temps d'observation, je fermais les 
yeux et voyais l’image de la fente d’un vert particulier, mais des plus évidents. 
Ouvrant les yeux et portant mes regards sur les murs très blancs de la cham- 
bre, je voyais alors l’image de la fissure d’un rouge sombre. 


1 On sait que dans le Midi, le vinaigre étant souvent dû à la fermentation acide 
du vin rouge, on y trouve du vinaigre coloré. 


NOTES ET REVUE. 


XVI 


N'est-il pas évident que les deux images étaient subjectives, et ne semble- 
t-il pas que la couleur pourprée attribuée par Gœthe aux parties ombragées 


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de la surface de la mer est une image subjective complémentaire due à l'ob- 
servation des flots verts. 

Encore faudrait-il savoir où la mer a été observée par Gœthe, car de l'avis 
de tous, la Méditerranée, par un beau temps, est d’un bleu magnifique. 


NOTES ET REVUE. XVII 


EXPLICATION DES PLANCHES XIX ET XX. 


On discutait sur la nuance et la couleur de la pourpre des anciens et l’on 
ne s’entendait guère. Pourpre signifie rouge pour les uns, mais quel rouge ? 
On proposa de passer des paroles aux faits. On apporta des couleurs, pas une 
teinte ne fut semblable sous les divers pinceaux. 

On invoqua la série des teintes et nuances qui accompagnaient mon travail 
imprimé dans les Annales des sciences naturelles, t. XII, 1859. 

A ce moment, M. Dedekind m'avait adressé son travail et lui-même, en se 
basant sur les teintes de mes chromolithographies publiées en 4859, m'avait 
fait quelques très justes observations sur la valeur de ces teintes, dont plu- 
sieurs ne lui paraissaient pas en rapport avec celles qu'il avait trouvées dans les 
gaines des momies des antiques de Vienne. 

Je me fis un plaisir de lui adresser quelques photographies datant de 1858 
et 14859. J'ajoutai à mon envoi des dessins faits à Mahon sur des étoffes avec 
la matière tirée de la Purpurea hœæmastoma et du Murex trunculus. 

M. Dedekind fut tellement satisfait d’avoir sous la main des épreuves de la 
couleur naturelle datant déjà de longues années et n’ayant subi aucune alté- 
ration, qu'il me demanda de faire photochromolithographier mes dessins. 

Il fit remarquer toute l'importance qu'il y avait à vulgariser les teintes 
exactes que Je lui communiquais et qui, il faut bien le dire, n’étaient pas heu- 
reusement reproduites dans mon mémoire de 1859. 

Les épreuves qui ont été faites à Vienne sont d’une telle vérité, qu’on 
aurait grand'peine à distinguer les dessins originaux des reproductions, 
n'étaient les tissus qui portent les uns et le papier sur lequel sont les autres. 

Attachant la plus grande importance à deux de mes dessins faits à Mahon 
en 14858, M. Dedekind m'offrit pour les Archives les admirables reproductions 
que représentent les planches XIX et XX. 

Je lui adresse mes remerciements les plus affectueux pour sa généreuse 
initiative. Il rendra un service signalé aux peintres et aux archéologues qui, 
désormais, auront un modèle exact de la vraie couleur naturelle de la pourpre 
telle que la lumière solaire seule la développe. 


PLANCHE XIX. 


Les dessins ont été faits dans une lumière du jour un peu éteinte, mais 
suffisant pour laisser deviner les contours légèrement jaunis et permettre de 
guider le pinceau. Il n’est pas commode de faire un bon dessin dans ces con- 
ditions ; dessiner avec du blanc sur une étoffe blanche est difficile, on juge 
mal des effets produits; de là les défectuosités des dessins. 

Néanmoins, on peut voir quelle différence la hauteur du ton peut acquérir 
avec la quantité de matière étendue sur le tissu. 

Les contours du dessin sont entourés d’une légère teinte due à la solubilité 
de la matière et à l’infiltration de la solution dans les mailles du tissu. 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. -— 9€ SÉRIE. — T. IV. 1896. B 


VX NOTES ET REVUE, 


La figure du haut de la planche fut faite avec de la matière tirée directe- 
ment de l'animal et soumise immédiatement à l’insolation. 

La figure du bas fut dessinée avec de la matière recueillie la veille et con- 
servée à l'obscurité; elle montre que la matière purpurigène conserve ses 
propriétés, ses caractères absolus, pourvu qu'elle soit tenue éloignée de la 
lumière. 


Je rappellerai le résultat d’une expérience faite au moment où je publiais 
le travail de M. Dedekind, en septembre 1896, Un dessin fait à Boulogne- 
sur-Mer, en 1859, sur de la soie et conservé au stade jaune sous une couver- 
ture de papier noir, a été, avec le concours de l'humidité, soumis, en deux 
points fort restreints de la surface, aux rayons solaires. Après trente-huit ans, 
la matière est devenue violette en face des petites fenêtres ouvertes dans la 
couverture noire. 

Elle peut nous conduire à admettre que les teinturiers de Tyr et des Ba- 
léares devaient certainement connaitre cette propriété de la matière purpuri- 
gène de conserver son caractère spécial et qu'ils devaient certainement re- 
cueillir et rassembler la matière en la conservant à l’obscurité pour l’employer 
lorsqu'ils en avaient recueilli une suffisante quantité. 


PLANCHE XX. 


Il est très utile et important de faire connaître ce dessin plus qu'il ne 
l'était. 

Le Murex trunculus qu'il représente donne souvent de là matière pourpre 
dans cette condition spéciale que le rouge ne se développe qu’assez lentement 
après le bleu, que celui-ci est souvent intense, comme le montre le dessin 
de la planche XX remarquablement reproduit. 


On sait qu'une pourpre a été dite bleue !, en voilà un exemple remar- 
quable : 

Dans l’une de ses lettres, M. Dedekind me dit : «On m'a envoyé, il y a 
quelques semaines, le volume IT (Hicrozoicon) de Samuel Bochart, où l'on 
irouve de curieuses remarques sur la pourpre. L'ouvrage est de 1663. Bochart 
y parle beaucoup de deux espèces de la pourpre, l’une cramoisie, l’autre bleue 
ou violette. Probatur (thecheleth et argaman)esse marinæ purpuræ duo genera, 
quorum tllud esæruleum ex conchyliis, hoc proprie purpureum fuerit, ex 
purpuræ proprie dictæ sanie factum (p. 736, Cap. 11). Ces couleurs ne sont 
devenues claires pour moi et pour la première fois que le jour où j'ai pu 
observer vos dessins », ajoute M. Dedekind. 


Ces deux planches auront incontestablement le grand avantage de montrer 
dans quelles limites les couleurs de la pourpre peuvent varier. 


Ce dessin du Murex trunculus à été arrêté au stade où le bleu domine, 


1 Voir mon Mémoire de 1859 dans les Annales des sciences naturelles. 


NOTES ET REVUE. XIX 


mais on y reconnait comme un léger reflet de rouge conduisant à un violet 
sombre, 

Les épreuves chromophotographiques de ces deux planches sont dues à 
M. le docteur Eder, l'habile et savant directeur de l'établissement Æ. K. Lehr- 
und Versuchs-Anstalt fur Photographie und reproductionsverfahren, à Vienne 
(Autriche). 

Le tirage des planches a eu lieu dansle K. #. Kunst-Anstalt de M, LϾwy, 
à Vienne (Autriche). 

On ne peut que donner des éloges à ces messieurs pour l'exactitude et la 


perfection des tons et des tirages. 
H. DE L.-D. 


Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les gérants : SCHLEICHER FRÈRES. 


D'ETA NC 
Le 


ARCHIVES 


DE 


LOOLOGIE EXPERIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


LA REPRODUCTION ET L'ÉVOLUTION 
DES GUÉPES SOCIALES 


PAR 


PAUL MARCHAL 


Chef des travaux de la Station entomologique de Paris. 


La reproduction des Hyménoptères sociaux, malgré le grand 
intérêt qu’elle présente au point de vue de la biologie générale, n’a 
guère été jusqu'à présent l’objet de monographies où l’auteur, ex- 
cluant tous les autres phénomènes de la vie de l’Insecte, ait eu en vue 
de fixer d’une façon précise les différents faits relatifs à la reproduc- 
tion d’un genre ou d’une espèce donnée. Les Polistes ont seuls été, 
à ce point de vue, l’objet de recherches méthodiques dont les résul- 
tats sont consignés dans le beau mémoire de Siebold sur la parthé- 
nogenèse du Polistes gallicus. Les Bourdons, les Abeilles, les Fourmis, 
ont aussi fourni le sujet de magistrales études signées des noms de 
Réaumur, de Huber, de Leuckart, de Hoffer, de Dzierzon, de Pérez, 
d’Auguste Forel, d’Emery et d’autres encore, qui élucidèrent les unes 
un chapitre, les autres un autre, de leur histoire évolutive. Mais il 
n’a encore été entrepris aucun ensemble de recherches qui, repre- 


ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = 3€ SÉRIE, — T. 1V. 1890. 1 


2 PAUL MARCHAL. 

nant d’une façon critique les travaux si riches en documents pré- 
cieux des anciens auteurs, comblant les lacunes et rectifiant les 
erreurs, eût pour but de mettre au point tous les faits relatifs à la 
reproduction d’une espèce pendant l’évolution complète d’une colo- 
nie, et d'interpréter ensuite l’ensemble des phénomènes suivant les 
données et les théories modernes. 

La présence du mystérieux dans un ordre de faits est un présage 
certain de nouvelles découvertes réservées pour l'avenir. Or, c’est 
précisément chez les Hyménoptères sociaux que les phénomènes 
de !a reproduction présentent les faits les plus inattendus et que leur 
caractère merveilleux se trouve porté au plus haut degré. Chez eux, la 
reproduction parles vierges, la parthénogenèse, n’est-elle pas un fait 
normal, et les observations n’ont-elles pas montré chez certaines 
espèces que les individus ainsi engendrés sans le concours d'un père 
étaient invariablement des mâles? De là résulte ce fait si curieux que, 
chez beaucoup d’'Hyménoptères, le sexe se trouve déterminé par la 
fécondation de l’œuf ou par sa non-fécondation. Mais s’il en est ainsi 
pour un groupe d’Insectes, pourquoi les autres animaux ne présen- 
tent-ils à ce point de vue rien de commun avec les Hyménoptères? 
Pour quelle cause cet ordre semble-t-il régi par une loi biologique 
exceptionnelle ? Lorsqu'il s’agit d’un phénomène aussi important que 
la reproduction, la diversité des lois fondamentales est inadmissible, 
et si, dans les différents groupes, les faits observés ne paraissent pas 
répondre à une loi commune, il faut en conclure que nous ne con- 
nalissons pas tous les facteurs. L'existence ou l’absence de féconda- 
tion ne doivent donc certainement pas être les causes efficientes di- 
rectes, l’une du sexe femelle, l’autre du sexe mâle ; mais elles doivent 
seulement faire naître les conditions nécessaires, l’une pour la for- 
mation des mâles, l’autre pour celle des femelles. Ce sont ces con- 


diions (chaleur, apport nutritif apporté par les spermatozoïdes !.….?) 


1 La polyspermie existe chez les Insectes. — Voir, à ce sujet, HENkING, Untersu- 
chungen über die ersten Entwicklungsvorgänge in den Eïern der Insekien (Zeit. Wiss. 
Zool. 54 Bd., 1892). 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 3 


qui doivent constituer la cause primordiale et qui restent encore à 
déterminer. Il résulte de là théoriquement que si l’on pouvait créer 
artificiellement ces conditions, on pourrait sans doute obtenir des 
résultats inverses de ceux qu’on a dans la nature et avoir des œufs 
d'Hyménoptères sociaux non fécondés évoluant néanmoins comme 
femelles et inversement. Peut-être ces expériences pourront-elles 
êlre réalisées, notamment chez les Trigones ou chez les Apiaires 
solitaires, chez lesquels les larves n’ont pas à recevoir de soins spé- 
ciaux après leur éclosion. 

Ce problème de la différenciation des sexes n’est pas le seul digne 
d'intérêt dont l’étude de la reproduction des Hyménoptères nous 
suggère l’idée. La différenciation en femelles fécondes (reines) et en 
femelles stériles (ouvrières) et l'établissement d’un dimorphisme 
ou d’un polymorphisme complet dans la colonie ne constituent-ils 
pas encore un fait des plus curieux, dont on pressent toute l’im- 
portance au point de vue de l’évolution de la société, et pour l'étude 
duquel on ne saurait recueillir trop de documents ? Enfin, le fait le 
plus surprenant peut-être que nous offre la reproduction de ces 
Insectes est la faculté que possède la reine Abeille de pouvoir pondre 
les œufs mâles dans une catégorie de cellules spécialement réservée 
aux mâles, et les œufs femelles dans une autre catégorie distincte, 
comme si elle connaissait d’intuition le sexe de l'œuf qui doit être 
pondu. On sait que ce fait merveilleux a été expliqué très naturelle- 
ment, de la façon suivante, par la théorie de Dzierzon : « La reine, 
dit-on, lorsqu'elle se trouve en présence des cellules destinées aux 
femelles, contracte toujours son réceptacle séminal, dans lequel elle 
tient emmagasinée la liqueur fécondante, et l'œuf pondu, étant 
fécondé, devient femelle ; lorsque, au contraire, elle se trouve en 
présence de cellules destinées aux mâles, elle se dispense de contrac- 
ter son réceptacle ; l'œuf passe alors sans être fécondé, et, conformé- 
ment à la règle énoncée plus haut, 1l devient mâle, » En un mot, la 
théorie suppose une adaptation psycho-physiologique précise de la 


reine, suivant les deux cas qui peuvent se présenter à elle. La théorie 


4 PAUL MARCHAL. 


de Dzierzon est, en apparence, très satisfaisante pour l'esprit, et elle 
contient à coup sûr une très grande part de vérilé. Néanmoins, ainsi 
que le fait remarquer avec raison M. le professeur Pérez’, elle ne 
rend pas compte de tous les faits. C’est ainsi que l'expérience à mon- 
tré à M. Drory que si toutes les cellules de mâles ont été enlevées 
de la ruche, la mère, le moment venu de pondre des œufs de mâles, 
n'hésite nullement à les déposer dans les cellules d’ouvrières ; et, 
inversement, elle pond des œufs d'ouvrières dans les cellules de 
mâles, si l’on n’en a pas laissé d’autres à sa disposition. Ge fait indique 
qu'un autre facteur que la volonté de la reine doit intervenir et que 
de nouvelles recherches sont encore à faire dans cette direction. 
Par les quelques exemples qui précèdent, on voit que l'histoire de 
la reproduction chez les Hyménoptères sociaux est la clef de l'his- 
toire biologique tout entière de leurs sociétés et de leurs instincts; 
on voit aussi que nous ne connaissons qu'un certain nombre de phé- 
nomènes que nous interprétons forcément d’une façon erronée ou 
incomplète, faute de connaître d’autres phénomènes auxquels ils doi- 
vent se trouver intimement associés. Pour reconstituer cette trame, 
dont la connaissance complète donnerait l’histoire admirable de 
l’évolution des sociétés et de leurs instincts, depuis l’Insecte solitaire 
(Eumène) jusqu’à celui qui est le plus hautement différencié, tel que 
l’Abeille ou la Fourmi, la seule méthode qui se présente à nous est 
celle des monographies consacrées à chacune des espèces que nous 
avons le plus fréquemment l’occasion d'observer. Ces monographies 
ne devront pas être des éludes où les faits les plus insignifiants et 
de portée nulle seront traités avec le même luxe de détails que les 
phénomènes les plus importants. Elles devront toutes être faites sur 
un même plan de composition, avec la même préoccupation de dé- 
brouiller ou d’expliquer, sans idée préconcue, les phénomènes dontla 
connaissance est réellement utile, soit pour l’histoire évolutive de 


l'espèce et de la société, soit pour la connaissance en elle-même d’un 


1 J, Pérez, les Abeilles, Paris, 1889. 


NT 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GURPES SOCIALES. 3) 


grand fait biologique. Lorsque l’observation sera insuffisante, on 
devra faire intervenir l'expérience, qui a toujours été négligée jus- 
qu'ici dans ces travaux et qui seule, dans bien des cas, pourra 
résoudre les problèmes. On peut espérer alors que l’ensemble de ces 
études formant un tout complet dont toutes les parties concourront 
au même but, nous fournira les matériaux nécessaires pour recon- 
stituer l’histoire des espèces sociales, tant au point de vue morpho- 
logique qu’au point de vue psychique. 

Dans le présent mémoire, la monographie du genre Vespa sera 
abordée. Loin de moi l’idée d’en donner, même au point de vue où 
je me suis placé, une histoire complète. On n’analyse pas un 
ensemble de phénomènes biologiques comme on fait l'étude anato- 
mique d’un animal, en disséquant successivement tous les organes 
sur autant d'exemplaires qu'on peut en désirer. Il ne suffit pas de 
voir, il faut encore chercher le comment et le pourquoi, et alors 
entreprendre des expériences qui peuvent paraître théoriquement 
possibles, mais pour la réalisation desquelles se dressent souvent 
des difficultés insurmontables, Ou bien encore ce sont les matériaux 
d'observation, difficiles à se procurer, qui manquent à l’époque 
précise où leur possession serait désirable pour combler une lacune. 

Je publie donc tels qu’ils sont les résultats obtenus, souhaitant que 
d’autres, en suivant une méthode analogue, viennent plus tard les 
compléter, heureux si ce travail pouvait être le point de départ d’une 
série d’études dont l’ensemble formerait un monument d’une indis- 


cutable portée. 


Mes observations ont porté, pendant les trois années 1893, 1894, 
4895, sur 31 nids, dont 13 de Vespa germanica, 6 de Vespa vulgaris, 
6 de Vespa media, 1 de Vespa saxonica (var. Norvegica) et 3 de Vespa 
crabro. Les observations détaillées concernant chacun de ces nids se 
trouvent dans l’appendice adjoint à ce mémoire. 

En 1893, mes observations ont été faites à Iteuil, près de Poitiers 


(Vienne), sur des nids capturés aux environs de ma maison d'habi- 


6 PAUL MARCHAL. 


tation. L'année 1893 s’est signalée dans toute la France et une par- 
tie de l’Europe (Grande-Bretagne, Suisse, etc.) par l'abondance des 
Guêpes qui, favorisées par la chaleur et la sécheresse, s'étaient mul- 
tipliées au point de constituer un véritable fléau. A Iteuil, j'ai pu 
compter 30 nids appartenant, à l'exception de 2 ou 3, à l'espèce 
Vespa germanica, dans un rayon de 250 mètres autour de ma demeure, 
et ce chiffre doit être certainement au-dessous de la réalité. 

En 1894, année froide et pluvieuse, les Guêpes ont fait presque 
totalement défaut, et je n’ai pu me procurer qu’un nid, à Beauvais. 

En 1895, mes observations ont été faites à Fontenay-aux-Roses 
(Seine) et ont porté sur un nombre de nids assez considérable, récol- 
tés aux environs de Paris, notamment sur les nids aériens apparte- 


nant à l'espèce Vespa media”. 


MANIEMENT DES GUÉPES ET CAPTURE DES NIDS. 


Pour pouvoir faire face aux différentes observations qu’on peut 
avoir à faire dans une année, il est indispensable d’avoir une quin- 
zaine de cages de différentes grandeurs. Les cages que j'ai adoptées 
sont en toile métallique et assez semblables aux cages dont les lépi- 
doptéristes se servent pour l’élevage des chenilles. La paroi supé- 
rieure formant couvercle peut s’enlever complètement, de façon à 
permettre l'introduction d’un nid; sur les côtés se trouvent une ou 
deux portes pouvant s’enlever à volonté et permettant d'établir une 


communication entre deux cages juxtaposées. A l’aide de cette dis- 


! La localité de Saint-Maur à été particulièrement envahie. Aussi, en raison de, 
la prime de 1 franc par nid offerte par la mairie, s’est-il institué en cet endroit un 
véritable commerce, dans lequel certains spécialistes improvisés ont réalisé de fort 
beaux bénéfices.J’ai connu un commissionnaire en guêpiers, achetant les nids à bon 
compte aux misérables chasseurs de Guêpes qui ne pouvaient attendre les longueurs 
de payement inhérentes aux formalités administratives, et qui les revendait ensuite 
à la mairie ! Ces nids étaient presque tous des nids de Polistes, qui sont pourtant 
réputés assez rares aux environs de Paris, et que l’on a récoltés cette année à Saint- 
Maur par centaines. Inutile de dire que la fraude ne tarda pas à s’insinuer dans le 
commerce, et qu'avec un nid de Frelons ou de Vespa germanica, plus d’une fois 
on tailla un grand nombre de pseudo-nids de Polistes… 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËÊPES SOCIALES. 7 


position, il est assez facile de faire passer une partie d’une colonie 
d’une cage dans l’autre. Supposons par exemple que les Guêpes soient 
dans la cage A. Pour les faire passer en B, on recouvrira À d’une 
étoffe noire opaque, tandis que B sera bien exposé à la lumière; en 
même temps, avec un enfumoir d’apiculteur, on remplira de fumée 
la cage À, et les Guêpes se précipiteront en B. Toutefois, les Guêpes 
passées en B ne tarderont pas à revenir en À, surtout si le nid s’y 
trouve ; pour obvier à cet inconvénient, on élablira comme couloir 
de communication entre les deux cages un tube de verre très large 
(verre employé pour les becs de gaz); du côté À, le verre ne devra 


pas dépasser les parois de 


la cage ; au contraire,en B, 


il devra pénétrer profon- 


dément à son intérieur. 


Grâce à cette disposition, 


les Guêpes qui seront pas- 
sées de À en B par le tube de verre ne pourront plus, à cause de 
la transparence de ce dernier, retrouver leur chemin de retour. 

La capture des-guêpiers aériens ne présentant aucune difficulté, je 
ne parlerai que de celle des guêpiers souterrains. Sauf dans les cas 
où l’on n’a besoin que du nid lui-même et de son couvain, il est préfé- 
rable en général de prendre les guêpiers sans avoir recours à l'emploi 
des anesthésiques (éther, chloroforme, etc.). Il faut alors se rendre 
absolument invulnérable, et autant que possible se faire accompagner 
d’un aide qui sera vêtu d’un costume semblable à celui qu’on aura 
endossé. Le plus simple est de prendre un masque ou camail d’api- 
culteur, et d'y faire coudre une blouse munie de manches et faite en 
toile très serrée. La blouse, une fois passée par-dessus les vêtements, 
sera rentrée à leur intérieur, par sa partie inférieure, jusqu’à la cein- 
ture. Les jambes, protégées par une double épaisseur d’étoffe, seront 
fermées en bas par une ficelle attachée autour de la chaussure. Des 
gants en peau de chamoiïs ou en laine très épaisse, cousus à des 


manches qui pourront elles-mêmes être fixées au moyen d’une cou- 


8 | PAUL MARCHAL. 


lisse par-dessus la blouse, complèteront le costume. Malgré ces pré- 
cautions, on peut être piqué au travers de la blouse, notamment au 
cou et au menton; aussi est-il bon de protéger encore ces parties par 
une épaisseur d’étoffe. 

Ainsi vêtu, on peut procéder à la capture d'un nid sans aucune autre 
crainte que celle d’être accablé par une sensation de chaleur étouf- 
fante comparable à celle que doit éprouver le scaphandrier. Lorsque 
le nid, dont la galerie a été bouchée, est mis à nu par la pioche, 
on se trouve entouré d'un tourbillon de Guêpes qui se ruent sur 
vos vêtements avec une impétuosité inimaginable. Les gants qu’on 
porte sont hérissés de Guêpes en furie qui y enfoncent à la fois 
leur aiguillon et leurs mandibules, et, à chaque piqüre, les mains 
perçoivent distinctement les vibrations du corps de l’Insecte. Lorsque 
le nid a été dégagé, on le place dans une cage qu’on referme aussi- 
tôt, et l’on se trouve en possession du guêpier et d’une grande par- 
tie de sa colonie; si toutefois on tient à avoir un nombre d’ouvrières 
encore plus grand, on peut attendre quelque temps avant d'enlever 
le nid, de façon à laisser le temps à une partie des ouvrières qui 
sont dehors d’y rentrer; ou bien encore, avant de s'emparer du 
guêpier, on peut prendre au piège une grande partie de la colonie 
en la forçant à pénétrer dans une cage dont la porte, munie d’un 
large tube de verre, aura été ajustée à l’entrée de la galerie d’accès. 

Après s'être emparé d’un nid et l'avoir transporté chez soi, la pre- 
mière chose qu’on doit faire est de prélever le nombre de Guêpes 
dont on aura besoin pour les expériences en les faisant passer, par 
le procédé indiqué, dans une grande cage contenant du miel en 
quantité suffisante. Outre ce lot de Guêpes vivantes, on doit prélever 
en outre une cinquantaine ou une centaine d'individus pour les 
mettre dans l'alcool et se rendre compte plus tard de leur fécon- 
dité ou des diverses particularités qu'ils peuvent présenter. 

Ceci fait, il faut procéder à la recherche de la reine fondatrice et 
à l'examen des rayons. On doit, à cet effet, se vêtir de nouveau comme 


pour Ja capture du nid et emmener la cage qui le contient en pleine 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËÈPES SOCIALES. 9 


. campagne ou tout au moins au fond d’un jardin, dans un endroit 
éloigné de toute habitation; sortant alors le nid qui, malgré les efforts 
qu'on a pu faire pour chasser les Guêpes dans d’autres cages, en con- 
tient encore une énorme quantité, on sépare un à un tous les gâteaux 
superposés qui le composent. On examine successivement chacun 
d'eux jusqu’à ce qu'on trouve la reine mère, qu’on reconnaît assez 
facilement à sa taille, à ses allures lentes et rampantes et à l’impos- 
sibilité, où elle se trouve de voler (voir p. 12). A mesure que les 
rayons sont examinés, ils sont débarrassés avec les gants des Guêpes 
qui grouillent à leur surface, et disposés à l’intérieur d’une cage vide 
dans le même ordre qu’ils occupaient dans le nid. On comprend que 
pendant cette opération, faite le plus souvent en plein soleil, la fureur 
des Guêpes est portée à son comble; les vibrations qu'elles produi- 
sent en enfonçant leur dard vous sont transmises de tous côtés, el 
pour se débarrasser de leur horde harcelante, on est forcé de les 
dépister à maintes reprises par des courses à travers champs, en em- 
portant au loin la cage qui contient les rayons déblayés. Pour opérer 
ces manœuvres — qui, on le comprend sans peine, peuvent paraître 
suspectes à ceux qui ne sont pas initiés —il faut avant tout de l’espace; 
aussi ces recherches ne sont-elles praticables qu’en pleine campagne, 
c'est-à-dire dans les conditions où je me trouvais à Iteuil en 1893. 
Aux environs de Paris, que j'ai habités pendant les deux autres an- 
nées, lorsqu'on n’a à sa disposition qu’un jardin restreint, ces 
recherches sont déjà beaucoup moins aisées ; elles sont néanmoins 
possibles en choisissant ses heures pour les opérations les plus com- 
promettantes. On peut aussi emporter le nid dans une cage, au loin, 
dans les bois ; c’est ainsi qu'après avoir rapporté une fois un nid de 
Beauvais à Fontenay-aux-Roses (Seine), je procédai à la recherche 
de la reine dans une clairière du bois de Clamart. Mais ce sont là tou- 
jours des complications très longues et très fastidieuses, qu’on évite 


lorsqu'on a l’heureuse fortune d’habiter en pleins champs. 


10 PAUL MARCHAL. 


REPRODUCTION DES GUËPES SOUTERRAINES. 


J'ai étudié les deux espèces les plus communes, la Vespa germa- 
nica Fab. et la Vespa vulgaris Lin. | 

Je prendrai comme type la Vespa germanica. 

Les reines fécondées à l’automne, qui ont hiverné, commencent à 
fonder leur colonie à la fin d'avril ou dans le courant de mai. Ces 
nids, au début de leur formation, ont été bien étudiés par M. Ch. Ja- 
net (489%b). Les premières ouvrières naissent une trentaine de 
jours après la ponte des premiers œufs ; leur nombre augmente ra- 
pidement et elles travaillent avec activité à la construction de nou- 
velles cellules. En juin, la reine, secondée d’abord dans ses travaux 
par ses ouvrières, puis progressivement suppléée par elles, peut se 
consacrer entièrement à la ponte et elle cesse ses courses au dehors 
du nid, devenant même entièrement incapable de prendre son vol. 
Au commencement d'août, le nid comprend une succession de six 
à dix gâteaux superposés, entourés d’une enveloppe commune ; le 
diamètre du nid est de 20 à 25 centimètres ; le nombre des cel- 
lules s'élève environ à 8 000 et toutes renferment un individu, soit 
à l’état d'œuf, soit à l’état de larve, de nymphe ou d’imago. Dans 
chaque gâteau, en raison de son accroissement progressif et de la 
ponte régulière de la reine, les différents stades se trouvent distri- 
bués par zones concentriques. Le plus ancien de ces gâteaux, celui 
dont la reine a jeté les fondements, est le gâteau supérieur ; le plus 
récent est le plus inférieurement placé. 

Dans la seconde quinzaine d’août, les ouvrières construisent, au- 
dessous des précédents, des gâteaux dont les cellules présentent un 
diamètre plus grand. Il y a, dès lors, dans le guêpier, deux ordres de 
cellules : les petites qui forment tous les gâteaux supérieurs, et les 
grandes qui forment les gâteaux inférieurs (fig. 2). Le nombre de 
ceux-Ci est toujours très inférieur à celui des premiers ; il est le plus 


souvent de deux et ne dépasse guère trois. Réaumur parle cependant 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 11 


d’un nid de quinze gâteaux qui contenait cinq gâteaux à grandes cel- 
lules. Le diamètre des grands alvéoles est de 6,5 et celui des 
petits de 4"",6*. Il arrive souvent qu'entre les gâteaux à petites 
et ceux à grandes cellules il s’en trouve un contenant, dans une de 
ses parties, de petites et, dans l’autre, de grandes cellules. Le pas- 
sage entre les deux ordres de cellules qui composent ce gâteau mixte 
s'effectue alors au moyen d'une 
ou deux rangées de cellules in- 
termédiaires. 

D’après Kristof, le nombre 
des individus habitant un guê- 
pier en pleine prospérité peut 
être évalué à 80 000 ou 100000, 


et Je ne pense pas, pour ma Ne PA À 
: qu LP — PE 
part, que ce chiffre soit exa- es 
géré. Fig. 2. — Schéma du guêpier souterrain. 


Les individus adultes qui habitent un guêpier à la fin d'août ou 
en septembre sont de trois sortes : 1° les ouvrières, femelles le plus 
souvent stériles ; 2 les reines, qui comprennent la reine mère fon- 
datrice du nid et les jeunes reines récemment écloses qui doivent 
hiverner après avoir été fécondées par les mâles; 3° les mâles. 

A9 Ouvrières. — Au début de la saison, les premières générations 
d'ouvrières sont de petite taille ; puis les générations qui se succèdent 
présentent une taille de plus en plus forte. La longueur de ces ou- 
vrières varie de 13 à 16 millimètres. Quelques-unes, à l’époque qui 
précède immédiatement l'apparition des reines, dépassent même ces 
limites et deviennent alors de réels intermédiaires entre les reines et 
les ouvrières ; ces femelles intermédiaires, généralement peu nom- 
- breuses, se trouvent dans la première génération qui occupe les 
grandes cellules, et aussi dans les cellules intermédiaires qui se 


trouvent dans un gâteau mixte entre les petites et les grandes cel- 


Ces chiffres sont obtenus en mesurant dix cellules alignées et en divisant ensuite 
par 10. 


12 PAUL MARCHAL. 


lules. J'ai vu, une fois, une de ces femelles intermédiaires être pour- 
suivie par un mâle; mais il n'y eut pas d’accouplement. 

Les organes de la génération des ouvrières sont conformés comme 
ceux des reines; comme chez elles, le nombre des gaines ovigères 
est de 6 à chaque ovaire. Ces gaines ne contiennent le plus souvent 
que des ovules rudimentaires, mais peuvent contenir des œufs en- 
tièrement développés ; le réceptacle séminal est toujours vide. 

20 Reines. — Les jeunes reines ont une taille qui varie dans des 
limites très restreintes (20 millimètres en moyenne); elles ont des 
allures vives ; leurs ailes se dressent et vibrent à la moindre alerte et 
elles prennent aisément leur vol. Lareine mère se reconnaïtdesjeunes 
reines à divers caractères : ses allures sont lentes, rampantes; elle est 
lourde et incapable de voler ; ses aiïles, repliées, sont déchiquetées 
sur les bords et à l'extrémité ; ses couleurs sont pâles ; sa vestiture, 
pelée ; en outre, elle porte des taches brunes spéciales sur l'abdomen, 
qui sont des taches d'usure. Ces taches, très caractéristiques, se trou- 
vent sur la partie dorsale et médiane du premier et du deuxième 
anneau abdominal ; elles résultent du frottement des téguments 
contre les rayons du nid. 

3° Wäles. — Les mâles, reconnaissables à leurs longues antennes 
et à leur abdomen allongé, qui a sept anneaux au lieu de six comme 
chez les ouvrières, ont une taille qui varie dans des limites très éten- 
dues, du simple au double en longueur, c’est-à-dire de 1 à 8 en vo- 
lume ; les plus petits sont élevés dans les petites cellules et les plus 
grands dans les grandes. 


DISTRIBUTION DES SEXES DANS LE NID AUX DIFFÉRENTES ÉPOQUES DE L'ANNÉE. 


Le sexe peut être reconnu rapidement à presque tous les stades, 
sauf pour les toutes jeunes larves à peine plus grosses que l’œuf, qui 
nécessiteraient un examen microscopique. Leslarves mâles (fig.3)por- 
tent sur le dos, au niveau du huitième anneau, une large tache gémi- 


née médiane correspondant aux deux testicules accolés l’un à l’autre 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 13 


et vus par transparence. Cette tache est facilement visible à tous 
les stades, depuis la taille d’environ 3 millimètres. Elle suffit à faire 
reconnaître en un instant la larve mâle de la larve femelle (ouvrière 
ou reine), qui ne présente aucune tache semblable sur le dos. Par 
la dissection, ou même en tendant d’une façon convenable avec les 
doigts la peau du dos, on arrive cependant à voir chez ces femelles 
deux petits corps arrondis occupant la même place que les testi- 
cules chez le mâle, et qui sont les rudiments des organes femelles ; 
mais, à cause de leur exiguïté, ils ne peuvent donner lieu 
à aucune confusion avec la large tache des testicules qui 


frappe immédiatement la vue, sans qu'aucune recherche 


soit nécessaire. 
Les nymphes mâles se reconnaissent avec une facilité 


non moins grande ; elles ont, en effet, les mêmes carac- 


tères différentiels que les adultes : leurs longues antennes, Fig. 3. 


leur forme allongée, les caractérisent immédiatement. ed 


En outre, les jeunes nymphes encore blanches laissent 9*774nca. 
voir, bien que, d'une façon moins nette que chez la larve, la tache 
géminée dont nous avons parlé. 

Jusqu'au milieu d'août, les cellules qui sont toutes de petite taille 
ne renferment que des individus femelles (ouvrières). 

Vers le 15 août (nids n° 2 et n° 3), on commence à voir apparaître 
les mâles ; les individus mâles, représentés par les stades avancés, 
sont encore très rares; au contraire, la proportion des jeunes larves 
mâles est notablement plus forte. Si nous supposons donc la produc- 
tion des mâles dansle nid représentée par une courbe, nous pouvons 
dire que cette époque correspond à la période d’ascension. C’est 
vers le même temps qu'apparaissent les grandes cellules ; l’activité 
de la colonie est alors portée à son maximum, en raison du nombre 
énorme d’ouvrières qui la constituent. Aussi le travail accompli 
dépasse-t-il l’activité de la reine, et l’on voit un grand nombre 
de grandes cellules nouvellement construites entièrement vides ; 


ces grandes cellules vides forment une zone périphérique autour 


14 PAUL MARCHAL. 


d’une région centrale occupée par des œufs et des jeunes larves. 

Quelques jours après (nid n° 5), la proportion des mâles dans les 
nids devient extrêmement forte. Le nombre des mâles à l’état de 
larves est pourtant notablement plus grand que celui des mâles à 
l'état de nymphes, et les adultes sont encore très rares. En d’autres 
termes, la courbe de production des mâles s'élève très rapidement 
et nous sommes encore dans sa période d’ascension. 

Au commencement de septembre (nid n° 7), la production des 
mâles semble battre son plein. 

Vers le 10 septembre (nid n° 8), la proporlion des mâles est plus 
forte dans les cellules operculées (nymphes) que dans les cellules 
non operculées (larves), ce qui indique que la production des mâles 
est en décroissance et qu'on est, au contraire, à l’apogée de leur 
période d'’éclosion. 

Jusqu'à cette époque, les grandes cellules peuvent contenir indif- 
féremment des femelles ou des mâles. Les femelles qui s’y trouvent 
présentent le fait intéressant d’une transition graduée entre le type 
ouvrière et le type reine, les unes se rattachant franchement au 
premier type (grosses ouvrières), les autres au second type (petites 
reines), et d’autres, plus rares, présentant un caractère intermédiaire 
tel, qu'il n’y a aucune raison pour les rattacher à l’un plutôt qu'à 
l’autre des deux types. Quant aux mâles des grandes cellules, ils sont 
presque toujours de très belle taille, mais ne diffèrent en aucune 
façon de ceux qu'on rencontre dansles petites ; leur nombre demeure, 
du reste, toujours inférieur à celui des femelles, tandis que, dans le 
gâteau à petites cellules qui se trouve immédiatement au-dessus, le 
nombre des mâles à un stade donné peut, au contraire, emporter 
de beaucoup sur celui des individus de l’autre sexe. Pas plus que 
les petites, les grandes cellules qui sont occupées par les mâles 
ne sont construites sur un type spécial; mais, lorsqu'elles sont 
operculées, elles présentent un opercule surbaïissé qui les distingue 
des cellules à opercules bombés occupés par les reines. Les grandes 


cellules à opercules surbaïissés ne sont pas toutes pourtant occupées 


+ 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 15 


par des mâles; elles peuvent aussi renfermer de grosses ouvrières ou 
des femelles intermédiaires. L’opercule étant, du reste, entièrement 
tissé par la larve, il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans la compa- 
raison des différentes cellules entre elles. 

Vers le milieu de septembre, la spécralisation des grandes cellules 
pour les femelles, qui avait déjà commencé à s’établir d’une façon 
progressive, s'accentue très nettement, et, de plus, les femelles 
qui occupent les grands alvéoles sont presque exclusivement des 
reines. C’est ainsi que, dans le nid n° 8, il n'existe plus que quelques 
mâles dans le gâteau supérieur à grandes cellules, et encore sont-ils 
en nombre notablement plus grand à l’état de nymphes qu'à l’état 
de larves. Il peut aussi se présenter encore un certain nombre de 
femelles intermédiaires dans ces grandes cellules; mais elles ne 
tardent pas à disparaître. 

Au début d'octobre (nids n° 10 et n° 11), la spécialisation des 
grandes cellules est devenue complète; toutes les larves qu'on y 
rencontre sont invariablement femelles et destinées à donner des 
reines ; parmi les cellules operculées, on peut en rencontrer excep- 
tionnellement quelques-unes (nid n° 41) renfermant des nymphes 
mâles. Le temps nécessaire pour le développement de la larve étant 
évalué en moyenne à une vingtaine de jours, nous pouvons en con- 
clure que la ponte des œufs femelles dans les grandes cellules tend 
à devenir exclusive dans les premiers jours de septembre et qu’il ne 
doit plus y avoir d'œufs mâles qui y soient pondus après le !0 sep- 
tembre. Au contraire, les mâles continuent à être très nombreux 
dans les petites cellules, bien que leur production soit en décrois- 
sance, et l’on trouve encore, même dans les toutes jeunes larves, de 
nombreux individus mâles. Jusqu’à la fin de la saison, c’est-à-dire 
jusqu aux derniers jours d'octobre, le même état persiste (nids no 13, 
et n° 2, état 6). 

De ce qui précède et de l’examen des tableaux relatifs à Vespa 
germanica (nids n° 1 à n° 14), il résulte les conclusions suivantes : 


1° Les petites cellules, qui existent seules jusqu'au commence- 


16 PAUL MARCHAL. 


ment d'août, ne contiennent, dans cette première période, que des 
ouvrières ; puis, dans une deuxième période, qui commence dans la 
première quinzaine d’août el qui se termine avec la fin de la co- 
lonie, elles contiennent indifféremment des femelles ou des mâles. 
2 Les grandes cellules, qui apparaissent dans la première quin- 
zaine d'août et constituent les gâteaux inférieurs, c'est-à-dire les 
derniers formés, contiennent d’abord indifféremment des ouvrières 
de grosse taille, des reines, des femelles intermédiaires ou des mâles, 
ces derniers élant toutefois en proportion toujours plus faible que 
dans les petites cellules sus-jacentes ; puis ces grands alvéoles se 
FU y spécialisent progressivement pour 

les reines et, dès la fin de la pre- 

N_  mière quinzaine de septembre, ils 


ne reçoivent plus que des œufs des- 


Fig. 4. — Courbe représentant RES AMENER 
la production annuelle des mâles. 3° Dans aucun cas, il n’est con- 
struit de cellules sur un type spécial pour le sexe mâle, contrai- 
rement à ce qui a été avancé par Réaumur. 

4° La courbe de production des mâles s'élève rapidement d'une 
façon presque verticale, tout près de son origine ; elle atteint son 
maximum dans la première quinzaine de septembre, puis décroit 
doucement jusqu’à la fin de la saison, en pouvant présenter des 
oscillations (fig. 4). 

5° Dans les gâteaux à petites cellules, la proportion des mâles di- 
minue normalement de bas en haut, le gâteau qui vient immédiate- 
ment au-dessus des grandes cellules en contenant un nombre très 
grand, souvent même très supérieur à celui des ouvrières, tandis que 
les gâteaux situés en haut du nid en contiennent très peu (fig. 5, A). 
Parfois, cependant, le maximum, au lieu de correspondre à ce pre- 
mier ! gâteau à petites cellules, correspond au second, c’est-à-dire à 
celui qui lui est immédiatement superposé (fig. 5, B). 


! Les numéros d’ordre des gâteaux sont donnés en les comptant de bas en haut, 
c'est-à-dire en sens inverse de leur ordre de formation. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 44 


Enfin, par une exception très remarquable, dans le cas où, entre 
les gâteaux à grandes cellules et les gâteaux à petites cellules, il se 
trouve un gâteau mixte (nids n° 8, 10, 13, 20), les petites cellules de 
ce gâteau mixte semblent influencées par le voisinage des grandes et 
ne contiennent qu'une très faible proportion de mâles (fig. 5, C). 

6° Dans les gâteaux qui contiennent des mâles, les sexes sont, en 
général, disposés par îlots ou par traînées. C'est ainsi, par exemple, 


qu'on trouvera un îlot d’une quinzaine ou d’une trentaine de mâles 


Mist: 


ESS DENT, 80 9016 LR ER 3 4 NS 67. 5, Jo ë; HUIT 3 4 5 6 7 8 9 td 
Ge ie MÉGÉOERE D AE VE AIR CRE FOR NO RUE 


Fe 


A B - c 
Fig. 5. — Nombre proportionnel des mâles dans les gâteaux du guëpier. 


Chiffres romains : gâteaux à grandes cellules, Chiffres arabes : gâteaux à petites cellules, 
I, gâteau inférieur ; 10, gâteau supérieur. 


à côté d'un groupe uniquement formé d’ouvrières, qui, du reste, 


seront au même stade que les mâles adjacents. 


INDIVIDUS PONDEURS. 


Dans ce qui précède, nous avons étudié le couvain, abstraction 
faite des individus reproducteurs, Ce sont maintenant ceux-ci sur 
lesquels il convient de fixer notre attention. Les individus pondeurs 
appartiennent, dans le nid, à deux catégories distinctes : il y a, d'une 
part, la reine mère qui représente à elle seule l’une des deux caté- 
gories, et qui prend, de beaucoup, la part la plus grande à la repro- 
duction; d'autre part, les ouvrières fertiles sans avoir été fécondées. 

Nous commencerons par l'étude de ces dernières. 

Ouvrières pondeuses, — La notion de l'existence des ouvrières pon- 
deuses dans le nid est encore peu répandue, et dans la plupart des 
traités classiques comme ceux d'André, on ne les mentionne pas, con- 
sidérant toutes les ouvrières comme stériles. Siebold (48%1), depuis 


ARCH,. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T. 1V. 1896. ge 


13 PAUL MARCHAL. 


longtemps, a pourtant bien établi leur existence chez les Polistes, 
et montré qu’elles donnaient invariablement naissance par parthé- 
nogenèse à des mâles. 

Chez les Bourdons, les Guêpes et les Fourmis, d'après Leuc- 
kart (4858), on pourrait à peine examiner une douzaine d’ouvrières 
sans en trouver quelques-unes présentant des ovules ou même des 
œufs entièrement développés dans leurs ovaires. Aussi, pense-t-il 
que l'existence d’ouvrières pondeuses, qui constitue l'exception chez 
les Abeilles, devient la règle dans ces différents genres. Le même 
auteur ajoute que les ouvrières pondeuses peuvent parfois être très 
nombreuses dans certaines colonies, car il lui a été donné, à la fin 
de septembre, d'observer une colonie de Vespa germanica, dans 
laquelle presque la moitié des ouvrières présentaient des œufs et des 
ovules. Remarquons toutefois que le nombre des ouvrières présen- 
tant des œufs entièrement développés doit être seul pris en considé- 
ration pour apprécier la fécondité d’une colonie d’ouvrières; or 
Leuckart ne dit pas quelle était leur proportion ; si cette proportion 
était réellement considérable, 1] est probable que le nid observé par 
lui, ainsi que nous le verrons plus loin, se trouvait dans des condi- 
tions exceptionnelles et était privé de reine. Pour compléter ces 
expériences, il fallait prouver que les œufs contenus dans les ovaires 
de ces ouvrières pouvaient effectivement être pondus et poursuivre 
leur'développement ; il fallait en outre reconnaître le sexe de la pro- 
séniture. Au mois d'octobre, Leuckart vit, dans un petit lot de Guêpes 
qu'il conservait dans une cage de verre, une ouvrière pondre un 
œuf; cette ouvrière fut disséquée et son réceptacle séminal fut re- 
connu clair et exempt de spermatozoïdes. Le cinquième jour, l'œuf 
donna naissance à une larve, mais le froid étant survenu, elle ne 
tarda pas à mourir sans que son sexe pût être reconnu. 

Les expériences de Leuckart concernant le genre Vespa peuvent 
donc être considérées comme démonstratives, bien qu'il n'ait vu 
se développer qu'un œuf unique, mais elles sont incomplètes ; 


car le sexe des individus engendrés n’a pu être constaté, et, de 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÉËPES SOCIALES. 19 


plus, la cause de la fécondité des ouvrières n’a pas été abordée. 

D'une observation de Stone (4859), il résulterait que les ouvrières 
des Guêpes peuvent produire à la fois des mâles et des ouvrières par 
parthénogenèse. 

Siebold (4874) a cité le cas d’un nid de Vespa silvestris construit 
par les ouvrières en remplacement d’un autre, et qui contenait une 
progéniture exclusivement mâle. Quatre ouvrières sur dix-neuf for- 
mant la colonie avaient des œufs dans leurs ovaires. « Bien que, dit 
cet auteur, je n’aie encore fait aucune expérience sur les Guëêpes 
proprement dites pour résoudre la question de savoir si la parthé- 
nogenèse se présente comme une règle de la reproduction chez ces 
Hyménoptères, je suis pourtant persuadé que les indications données 
par Leuckart se trouveront corroborées par des expériences faites 
sur ce groupe (p. 102). » 

_ Pour établir les faits sur une base solide et d’une facon indiscu- 
table, je fis l'expérience suivante : 

Le 15 juillet 4893, c’est-à-dire un mois environ avant l’apparilion 
des mâles, je m’empare d’un nid de Vespa germanica dont la popu- 
lation se compose de la reine mère et d’une nombreuse colonie 
d'ouvrières. Le 21, je supprime la reine; je dispose ensuite dans 
une cage un fragment de rayon après avoir eu soin de détruire dans 
ses cellules tous les œufs et jeunes larves, de façon à ne laisser uni- 
quement que les grosses prètes à se transformer et J'introduis dans 
cette cage une centaine de Guêpes de la colonie. En peu de temps, 
elles ont construit une enveloppe de papier autour du fragment de 
nid que je leur ai livré, et le 13 août, c'est-à-dire vingt-trois jours 
après le commencement de l’expérience, lorsque je m'enquiers du 
résultat, je trouve dans les cellules 37 œufs, 35 jeunes larves et une 
cinquantaine de larves, grosses ou moyennes. Vingt-sept des plus 
grosses sont examinées ; elles présentent toutes sur le dos ia grande 
tache géminée grisàtre correspondant aux testicules vus par transpa- 
rence : ce sont des mâles. Je laisse les autres larves en place, et rends 
le fragment de nid aux ouvrières. 


20 PAUL MARCHAL. 


Le 29 août, c'est-à-dire trente-neuf jours après le début de l’ex- 
périence, je procède de nouveau à son examen. Je constate, cette 
fois, que les Guêpes ont détruit un assez grand nombre de leurs 
larves ; il en reste pourtant assez pour corroborer encore les résultats 
précédents; je trouve dans les cellules 13 larves, la plupart d’assez 
grosse taille et qui sont toutes du sexe mâle; il y a en outre 4 cel- 
lules qui se sont operculées depuis le 143 août, et qui contiennent 
3 nymphes mâles et 1 larve mâle prête à se transformer ; enfin, un 
certain nombre de cellules présentant des œufs, ou de très jeunes 
larves sortant de l’œuf. Ainsi, l’examen révèle, sur 44 individus pro- 
duitsparthénogénétiquement parles ouvrières, l'existence de 44 mâles. 
Cette expérience ayant été faite en captivité et un mois avant l’appa- 
rition des mâles adultes, exclut toute espèce de cause d'erreur et 
établit d’une façon indiscutable : 

4° L'existence de la ponte des ouvrières ; 2° la faculté que possè- 
dent leurs œufs de se développer complètement sans avoir été fé- 
condés préalablement par un mâle ; 3° la nature exclusivement mâle 
des individus qu’elles engendrent ainsi par parthénogenèse. 

Il convient toutefois d'observer que les conditions dans lesquelles 
a été réalisée l'expérience précédente sont très différentes de celles 
de la nature, et ces conditions ont précisément, ainsi que nous le 
verrons plus loin, une influence propre très caractéristique sur la 
fécondité des ouvrières. 

Nous devons donc nous demander si la présence des ouvrières pon- 
deuses dans les nids est un fait normal, et, dans ce cas, à quelle 
époque elles sont le plus abondantes. Les mâles ne commençant à 
apparaître que vers le 15 août, et la durée nécessaire pour le déve- 
loppement étant d'environ trente jours, nous pouvons en conclure 
qu'au moins jusqu'au 45 juillet toutes les ouvrières sont normale- 
ment stériles; à partir de cette époque, il y a deux moyens de se 
rendre compte de la fécondité des ouvrières dans un nid. Le premier, 
et le meilleur, est d’en ouvrir une quantité suffisante (30 à 50 ou 


davantage) et de noter pour chacune d’entre elles si elle est stérile, 


E] 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 21 


ou si elle contient des œufs prêts à être pondus; cette dissection, 
bien que très fastidieuse, se fait, avec un peu d'habitude, très rapi- 
dement : il suffit de quelquesinstants pour ouvrir sous l’eau l’abdo- 
men de l’ouvrière et se rendre compte de sa fécondité ou de sa sté- 
rilité. La dissection, du reste, n’a pas besoin d’être faite sur les indi- 
vidus frais : on met les Guêpes vivantes dans l'alcool, et on peut les 
examiner ensuite à loisir et en temps opportun. Cette méthode pré- 
sente le grand avantage de permettre d'établir avec une certaine 
approximation la proportion des ouvrières fertiles dans la colonie. 

Le second moyen consiste à mettre un lot d’ouvrières dans une 
cage avec des fragments de rayons scrupuleusement vidés de tous 
les œufs et de toutes les jeunes larves, et de constater la ponte si elle 
a lieu; toutefois, pour que le résultat ainsi obtenu ait quelque va- 
leur, il faudra que la ponte soit presque immédiate. 

L'emploi de la première méthode pour le nid n° 2 nous montre 
qu’au milieu d’août il y a normalement des ouvrières pondeuses dans 
le nid ; le nombre des pondeuses est toutefois assez faible, car sur 
88 ouvrières disséquées, Je n'en trouve que 6 contenant des œufs 
mûrs ou presque mürs, dont le nombre, sauf pour une d’entreelles 
franchement féconde, ne dépasse guère 2 ou 3. Néanmoins, étant 
donné le nombre énorme des individus d’une colonie, la quantité 
des ouvrières pondeuses existant dans ce nid peut être considérée 
comme importante. Ce fait implique que, au moins dans certains 
cas, les ouvrières pondeuses prennent une part considérable à la 
reproduction des mâles; et nous pourrions même nous demander, 
si nous n'avions que cette seule observation, s’il n’existe pas une 
division du travail physiologique entre la reine et les ouvrières, la 
première étant chargée uniquement de la reproduction des femelles, 
et les secondes de la reproduction des mâles. Cette hypothèse sera 
discutée lorsque nous nous occuperons de la reproduction de la 
reine. 

La seconde méthode pour le nid n° 3 nous démontre également 
l'existence normale des ouvrières pondeuses à cette époque. Mais 


22 PAUL MARCHAL. 


pour le nid n° 4, pris le 19 août, il n’en est plus de même, et sur 
- 40 ouvrières disséquées, il n’y en a pas une féconde. Le nid n° 6 
pris le 26 août, contient par contre une forte proportion de pon- 
deuses, plus d’un septième ; mais pour plusieurs causes", nous ne 
pouvons le regarder comme normal, ni par conséquent le prendre 
en considération. 

D’après les observations qui précèdent, malheureusement trop peu 
nombreuses, mais dont le nombre pourra être augmenté par d’au- 
tres observateurs, nous conclurons : en août, il peut exister norma- 
lement des ouvrières fécondes dansle nid, mais, au moins, dans cer- 
tains cas, leur nombre paraît trop restreint et leur fécondité trop 
faible pour permettre de supposer qu’elles soient la cause unique de 
la grande montée des mâles qui a lieu au commencement de sep- 
tembre. 

Dans le cours de septembre, au contraire, les ouvrières pondeuses 
semblent disparaître complètement et d’une façon définitive dans 
les nids normaux de Vespa germanica. C'est ainsi queles dissections 
portant sur le nid n° 8 (10 septembre), sur le nid n° 9 (17 septembre), 
sur le nid n° 41 (4 octobre), sur le nid n° 2 |(Guêpes prises dans le 
nid artificiel le 2 septembre, le 9 et le 49 octobre), ne me révélèrent 
pas l’existence d'une seule ouvrière pondeuse. Les dissections de 
25 ouvrières prises au piège dans un verre rempli de sucre, du 43 au 
14 septembre, donnèrent le même résultat. En faisant la somme de 
toutes ces dissections, nous constatons que sur 216 ouvrières de 
Vespa germanica disséquées en septembre et en octobre, il n’en fut 
pas trouvé une seule féconde. 

Nous savons donc maintenant que les ouvrières pondeuses peu- 
vent exister normalement dans les nids de Vespa germanica, mais 
qu'on ne les rencontre guère que dans le courant d'août, peut-être 
aussi à la fin de juillet et au commencement de septembre, époques 


pour lesquelles je n’ai pas de données suffisantes. 


! La reine de ce nid n’a pu être trouvée. Ce nid était en outre aérien, ce qui est 
exceptionnel pour Vespa germanica. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 23 


Il reste maintenant à chercher la cause de leur production. L'éle- 
vage des ouvrières tenues en captivité dans une cage, et ainsi iso- 
lées de la reine, fournit à ce point de vue des données de première 
importance, On constate d’abord que si l’on met dans la cage un 
certain nombre de Guêpes en leur donnant quelques rayons dont 
les œufs et les jeunes larves ont été soigneusement détruits, mais 
contenant des cellules operculées, ces Guêpes, au bout d’un temps 
qui ne dépasse guère une quinzaine de jours, à la condition d'être 
copieusement nourries avec du miel et de la viande crue, se mettent 
à pondre abondamment, et cela méme à une époque où «| n'existe 
plus d’ouvrières fertiles dans les nids, c’est-à-dire dans la seconde 
moitié de septembre ou en octobre. Puis, à la fin de l’expérience, 
la dissection révèle une proportion d’ouvrières fécondes considé- 
rable dont n’approche pas celle qu’on rencontre dans les nids nor- 
maux; de plus, la fécondité de certaines d’entre elles est devenue 
telle, que les ovaires gonflés d'œufs à tous les stades de développe- 
ment, et contenant à leur partie inférieure des œufs entièrement 
mûrs, ressemblent aux ovaires d’une reine. 

Ayant, par exemple, conservé en captivité, avec des rayons pour- 
vus seulement de grosses larves et de cellules operculées, des ou- 
vrières provenant d'un nid pris le 17 septembre (nid n° 9), jetrouvai, 
en disséquant, le 18 octobre, les 30 survivantes de l'expérience, une 
proportion d'un tiers d’ouvrières fécondes. Or, sur 50 ouvrières 
prises au moment de la capture du nid, éoutes étaient stériles. 

Dans une autre expérience, faite dans des conditions analogues 
vers la même époque {nid n° 7), j'ai eu un sixième d’ouvrières fer- 
tiles, alors qu'il m'était impossible d’en renconirer au dehors, soit 
parmi celles qu’on prenait au vol, soit dans les nids. 

A quelle cause attribuer le développement exagéré de cette fé- 
condité chez les ouvrières maintenues en captivité ? Il est évident 
qu il doit s'agir d’un phénomène de nutrition se manifestant sur les 
adultes, puisque, dans les expériences précédentes, des imagos et des 


nymphes se trouvaient seules en cause. Il était naturel dès lors de 


24 PAUL MARCHAL. 


penser que la nourriture abondante que je leur donnais en captivité 
était la cause de leur fécondité. Je m'aperçus pourtant que l'in- 
fluence de la quantité de nourriture donnée n’était qu'accessoire, 
et même que, suivant toute vraisemblance, les Guêpes devaient, en 
liberté, se trouver souvent alimentées d'une façon plus riche que les 
miennes, pour lesquelles le miel formait le fond de la nourriture. 
Une autre cause plus importante devait intervenir, et j'eus bientôt 
la preuve que cette cause n’était autre que la suppression de la reine. 

L'expérience suivante (nid n° 9, p.75) contribuera à le démontrer. 
Sur un nid pris le 47 septembre, je prélève deux lots, À et B, d'une 
soixantaine d’ouvrières environ chacun. Chacun d'eux est mis dans 
une cage distincte, avec un certain nombre de fragments de rayons, 
qui ne contiennent que des cellules operculées ou des grosses larves 
et qui sont superposés de façon à constituer une sorte de nid artifi- 
ciel. Le lot A est accompagné de la reine, tandis que le lot B est uni- 
quement formé d’ouvrières. Le 12 octobre, m’informant du résultat, 
je constate que toutes les ouvrières du premier lot qui accompagnent 
la reine et qui sont au nombre d’une vingtaine sont stériles ; au 
contraire, les ouvrières du deuxième lot, isolées de la reine, sont 
reconnues fécondes dans la proportion de 410 sur 30, soit d’un 
tiers. 

Il n’est même pas nécessaire que la reine soit supprimée, il suffit 
que, pour une cause ou pour une autre, sa ponte soit interrompue 
pendant un certain temps dans le nid, pour qu'aussitôt les ouvrières 
pondeuses apparaissent en très grand nombre. L'observation du nid 
n° 19, qui, il est vrai, porte sur Vespa vulgaris — maïs ici peu im- 
porte l'espèce — montre ce fait avec une grande netteté. Il s’agit, 
dans cette observation, d'un nid pris le 17 septembre et qui offre ce 
fait très remarquable, que tous les gâteaux ne présentent, d’une 
part, que des nymphes et de très grosses larves toutes prêtes à 
s'operculer, d'autre part, que des œufs et de toutes jeunes larves 
atteignant tout au plus 4 ou 5 millimètres ; il n’y a dans tout ce cou- 


vain, qui peut compter 10000 individus, aucun stade intermé- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 95 


diaire. Ce fait implique évidemment un arrêt complet de la ponte 
correspondant à tout l’espace de temps nécessaire pour amener une 
toute jeune larve de 4 à 5 millimètres jusqu’à la taille qu'elle pré- 
sente au moment de s’operculer. Toutes les jeunes larves présentes 
dans le nid étant de plus du sexe mâle, on peut déjà conclure avec 
beaucoup de vraisemblance que toute la jeune lignée, succédant à 
l'interruption de ponte, a été produite par des ouvrières pondeuses 
dont la fécondité s’est développée depuis la cessation de la ponte de 
la reine. Mais ce qui vient en donner une démonstration complète, 
c’est la dissection. 2lus de la moitié des ouvrières du nid sont fé- 
condes, et ce n’est pas un œuf ou deux qu’on trouve dans leurs 
ovaires ; mais leur fécondité atteint 
un degré incroyable ; les ovaires 
de la plupart d’entre elles ressem- 


blent à ceux des reines et sont 


bourrés d'œufs à tous les stades 
de développement, les plus infé- Fig. 6. 

rieurement placés étant entièrement mürs. Le résultat de cette fé- 
condité est une ponte d’une abondance extraordinaire. La place 
manquant pour les ouvrières, on trouve jusqu'à 10 œufs dans une 
même cellule ; la plupart des alvéoles renferment 3, 4 ou 5 œufs; les 
œufs sont même pondus en assez grand nombre dans les interlignes 
qui séparent les opercules (fig. 6). 

Ainsi donc, dans le cas dont nous venons de parler, le seul fait de 
l'interruption de la ponte de la reine sous l’influence d’une cause 
inconnue à déterminé, au bout de huit à dix jours, la fécondité des 
ouvrières, qui auparavant étaient stériles, dans une mesure dépas- 
sant tout ce qu'on aurait pu supposer. Cette fécondité, qui s’est dé- 
veloppée chez les ouvrières dans un nid naturel, en plein air, sans 
l'intervention d’aucune expérience, par suite du fait accidentel de 
l’interruption de la ponte chez la reine, dépasse de beaucoup la fé- 
condité, déjà grande pourtant, que nous avons obtenue d'une façon 


artificielle dans nos expériences en cages. Si donc, dans la nature, 


26 PAUL MARCHAL. 


la fonction de la reine se trouve supprimée ou interrompue, le 
même résultat se trouve atteint que lorsqu'on sépare les ouvrières 
de la reine en captivité; dans les deux cas, en effet, les ouvrières 
deviennent fécondes, mais elles le deviennent à un degré bien plus 
fort dans le cas de liberté que dans le cas de captivité. C’est un fait, 
du reste, que nous aurons l’occasion de vérifier pour les guêpiers 
aériens. On est donc en droit de dire que la fécondité des ouvrières 
en captivité n'est pas due à cette captivité même, ni au régime 
auquel elles s’y trouvent soumises, mais bien à l'absence de la reine. 
L'observation rapportée ci-dessus nous autorise encore à préciser 
davantage, et à dire que c’est la suppression de la fonction de la reine 
qui détermine la production des ouvrières pondeuses. 

En d’autres termes, les ouvrières n'ayant plus de jeune couvain à 
nourrir résorbent les liquides nutritifs qu'elles auraient donnés aux 
larves, et peut-être même certaines sécrétions adaptées à l’alimen- 
tation des jeunes et analogues à celles qui constituent la gelée 
royale des Abeilles. Sous l'influence de cette résorption, l'équilibre 
originel qui avait été rompu par la spécialisation des ouvrières pour 
le travail se rétablit, et les ouvrières font retour au type primitif, en 
même temps qu'elles se trouvent sevrées des fonctions sociales qui 
sont leur raison d’être ; en un mot, elles deviennent fécondes, per- 
dant ainsi le caractère négatif, il est vrai, mais, en somme, fonda- 
mental de leur différenciation, la stérilité. Sous l'influence de la sup- 
pression de la fonction de la reine, toutes les ouvrières pourtant ne 
peuvent pas indifféremment faire retour au type fécond originel; ce 
fait tient, sans doute, en partie à des différences constitutionnelles 
entre les différents individus; mais il tient aussi pour une très 
grande part aux différences d'âge qui existent entre les ouvrières 
composant une colonie. Il faut, pour que les ouvrières deviennent 
fertiles, qu'elles ne soient pas écloses depuis un temps trop long. 
L'expérience suivante (nid n° 2) servira à démontrer l'influence de 
l’âge des ouvrières sur leur aptitude à devenir fécondes : 

a. Le 20 août, d’une part, je mets dans une cage des fragments 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 27 


de rayons provenant d’un nid, pris le 14 août, et ne contenant que 
des cellules operculées ; tous les œufs ou iarves de toutes tailles 
ayant été détruits, ces fragments sont disposés les uns au-dessus 
des autres, en les séparant avec des morceaux de bois, de façon à 
constituer une sorte de nid artificiel. En même temps, et dans la 
même cage sont introduites des ouvrières toutes fraîchement écloses, 
ayant encore leurs poils collés, et les ailes à peine déployées. 
Cette cage ne contiendra donc que des ouvrières écloses à parur 
du 20 août. 

b. Le 21 août, d'autre part, dans une cage qui contenait des ou- 
vrières non fraîchement écloses du même nid prisle 14 août, je mets 
un rayon dont les cellules ont été entièrement vidées et dans lequel 
il n’y à aucune cellule operculée. 

Le résultat de l'expérience est le suivant. Le 5 septembre, dans la 
cage du lot a, je constate la présence d’une grande quantité d'œufs, 
et sur 40 individus de ce même lot, qui sont disséqués le 7 sep- 
tembre, je trouve 6 individus féconds, soit le septième; l'expérience 
étant prolongée sur les individus restants, la proportion est portée 
au tiers le 1‘* octobre. Au contraire, dans le lot b, je ne constate 
pas la présence d’un seul œuf. 

Cette expérience montre bien que si l’on isole de la reine un cer- 
tain nombre d’ouvrières, celles qui sont récemment écloses sont les 
seules, au moins en captivité, qui aient des chances pour devenir 
fécondes, ei l’on peut en conclure qu’en tout cas la tendance à 
devenir féconde sous l'influence de l’éloignement de la reine ou de 
l'interruption de la ponte de cette dernière est d'autant plus marquée 
que la Guépe est plus jeune !. 

En appliquant ce qui précède à l’étude des nids normaux, on peut 
conclure que les ouvrières pondeuses doivent exister dans le nid 
au moment où les ouvrières sont le mieux nourries et où /e rapport 
entre le nombre des nourrices et celui des larves est le plus élevé. L’ob- 
servation nous à montré que cet optimum est atteint au mois d'août. 


1 Voir aussi sur ce sujet: Appendice, p. 74. 


28 PAUL MARCHAL. 


Reine. — Après avoir étudié la reproduction des ouvrières, il con- 
vient d'aborder celle de la reine. Il est malheureusement impossible 
de l’étudier d’une façon directe. Car si l’on peut obtenir une ponte 
exclusive d'ouvrières, il n’est pas possible de séparer la reine des ou- 
vrières, de façon à l’étudier séparément, et d’écarter ainsi toute 
cause d'erreur pouvant provenir de l’existence simultanée d’une ou 
de plusieurs ouvrières pondeuses. Les essais que j'ai faits à ce sujet 
ont tous été infructueux. J’ai d’abord essayé simplement d'isoler la 
reine; dans ces conditions, malgré les soins qu’on peut apporter 
pour son alimentation, elle meurt au bout d’un ou deux jours, sans 
même avoir pondu un seul œuf. Je risquai ensuite, à tout hasard, d’as- 
socier une colonie de Vespa germanica (nid n° 7) à une reine de V. vul- 
garis et de leur donner, dans une cage, un nid artificiel où tous les 
œufs et jeunes larves étaient détruits. Si l'expérience avait réussi, 
j'aurais dû avoir, au bout d’un certain temps, des mâles appartenant 
à l'espèce Vespa germanica en admettant qu'il y ait eu des ouvrières 
pondeuses, et tout ce qui n'aurait pas appartenu à l'espèce W. germa- 
nica (mâles, ouvrières ou reines) aurait représenté la ponte exclusive 
de la reine. Mais, comme on pouvait, du reste, s’y attendre, la reine 
fut tuée ét trouvée morte le lendemain. 

Une tentative d’un autre ordre fut faite sans plus de succès sur 
Vespa media (n° 21). 

Je dus donc renoncer à étudier la reproduction de la reine 
prise d'une façon isolée, et me contenter des données fournies 
par le nid. 

Les ouvrières ne pondant que des mâles, la première question qui 
se pose est de savoir si la reine concourt elle aussi à la production 
des mâles, et dans ce cas quelle part elle y prend. 

Remarquons d’abord que, d’après ce que nous savons des autres 
Hyménoptères sociaux et en particulier des Polistes, nous avons des 
raisons pour penser que la reine concourt à la reproduction des 
mâles, et qu'il n'y a pas une division absolue du travail physiolo- 


gique au point de vue de la production des sexes entre elle et les 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 29 


ouvrières. Siebold a observé une série de nids de Polistes dont la 
reine avait été enlevée par lui-même en juin, ou au commencement 
de juillet, c’est-à-dire avant toute éclosion d'ouvrières : or, dans ces 
nids, des mâles sont éclos, bien avant que les œufs pondus par les 
ouvrières aient pu se développer. Siebold en conclut avec raison 
qu'après une première ponte d'œufs d’ouvrières, la reine pond des 
œufs parmi lesquels se trouvent des mâles. Cet exemple est important 
à citer, parce que, dans certains résumés qui ont été donnés du 
travail de Siebold, ses résultats ont élé entièrement faussés et on lui 
a précisément fait dire à tort qu'il existait une division du travail 
physiologique entre la reine et les ouvrières pour la production des 
sexes. 

Revenons à la Vespa germanica; nous allons voir que certains faits 
viennent aussi démontrer que la reine prend une part très active à la 
reproduction des mâles. D'abord, il faut noter que, dans les nids, on 
trouve de nombreuses larves mâles de tout âge jusqu’à la fin de la 
saison, alors que, au moins d’une façon générale, il est impossible 
de trouver des ouvrières pondeuses dans les nids dans la seconde 
moitié de septembre et en octobre. Voici des faits plus précis : dans 
l’observation n° 2, faite sur un nid artificiel communiquant librement 
au dehors et construit avec des gâteaux provenant d’un nid pris le 
14 août 1895, nous avons constaté, le 27 octobre, que les mâles étaient, 
dans les petites cellules operculées, en proportion infiniment plus 
considérable que les femelles ; que parmi les larves se trouvait en- 
core une proportion de mâles importante, et que de plus, parmi ces 
larves mâles, il s’en trouvait des jeunes : celles-ci du reste étaient 
entièrement blanches et grasses, fait qui attestait qu’elles avaient été 
nourries activement et ne pouvaient être regardées comme des indi- 
vidus abandonnés et retardés dans leur développement; car, lors- 
qu'il en est ainsi, les larves sont jaunes, amaigries, ridées et reve- 
nues sur elles-mêmes. Il est impossible, d'autre part, d’assigner à la 
ponte des œufs qui ont pu produire la grande majorité des larves, et 
surtout les jeunes larves, une date plus lointaine que le 2 septembre, 


30 PAUL MARCHAL. 


d'autant plus que le mois de septembre en 1895 fut d'une chaleur 
excessive. Or, le 2 septembre, 30 ouvrières du nid ayant été dissé- 
quées furent reconnues stériles; il en fut de même de 16 dissé- 
quées le 19 octobre et de 25 disséquées le 19. Nous pouvons en 
conclure qu’au moins une bonne partie de l'abondante lignée de 
mâles qui se trouvaient dans le nid le 27 octobre avait été engendrée 
par la reme. 

L'observation n° 41 nous montre encore clairement qu'un nid, 
pris le 4 octobre, contenait une abondante lignée de jeunes larves G'; 
or,dans ce nid, sur 30 ouvrières tuées au moment de la capture, 
toutes étaient stériles. 

Un autre fait qui montre bien que la reine doit prendre une 
grande part à la production des mâles, c'est que, dans certains nids 
(n° 4), les ouvrières fertiles manquent totalement ou tout au moins 
sont extrêmement rares, et cela précisément à l’époque où elles de- 
vraient être abondantes, si leur ponte était la cause unique de la 
grande montée des mâles qui a lieu en septembre. 

Enfin, dans les nids qui offrent un nombre important d’ou- 
vrières pondeuses, la disposition du couvain est irrégulière ; à côté 
de grosses larves, on en trouve de plus petite taille et les diffé- 
rents stades se trouvent assez mélangés; en un mot, il y a manque 
d'unité dans la production du couvain, ce qui se comprend aisé- 
ment étant données les nombreuses pondeuses qui y ont pris part. 
Or, dans les nids normaux, nous trouvons, au contraire, une 
grande régularité dans la disposition du couvain. Les différentes 
zones concentriques et successives correspondant aux différents 
stades sont régulières et homogènes. Il est impossible d'admettre 
que, dans ces zones homogènes, les individus mâles soient produits 
par un plus ou moins grand nombre d’ouvrières pondant d'une 
facon indépendante, tandis que les femelles seraient seules le résul- 
tat de la ponte de la reine. La disposition par groupes et par traînées 
qu'affectent les mâles dans ces zones vient encore s'opposer à cette 


manière de voir. Car les ouvrières fertiles, qui le plus souvent n’ont 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 31 
que quelques œufs dans leurs ovaires, doivent les distribuer au 
hasard dans les cellules du guêpier. 

D’après ce qui précède, la reine concourt largement à la produc- 
tion des mâles. D’autre part, les grandes cellules étant à la fin dela 
saison spécialisées pour les reines, il en résulte ce fait remarquable 
que la reine possède, au moins à partir de la fin de la première 
quinzaine de septembre, le pouvoir de déterminer à coup sûr le sexe 
femelle des œufs qu’elle pond dans les grandes cellules, et qu’au 
contraire, dans les petites cellules, elle pond indifféremment des œufs 
femelles ou des mâles. 

Pour rendre compte de ce fait, on ne peut admettre actuellement 
que le principe de la théorie de Dzierzon. Supposons, par exemple, 
que l’on attribue la production des mâles à une influence saison- 
nière. N’est-il pas évident que, dans ce cas, les œufs pondus à la 
même époque dans les grandes cellules deviendraient aussi bien 
mâles que les autres ? Supposons maintenant que le sexe ne soit pas 
déterminé au moment de la ponte et que, suivant la catégorie de 
cellules dans laquelle il est pondu, il soit soumis à des soins spé- 
ciaux* (incubation, etc.), qui déterminent le sexe. Si, à la rigueur, 
cette supposition est possible, bien que fort invraisemblable, pour 
les Hyménoptères sociaux, il n’en est plus de même pour les 
Osmies, par exemple, où le même phénomène existe, et où les œufs 
ne sont pas l’objet de soins spéciaux, et alors l'explication ne pou- 
vant s'appliquer à tous les cas doit être rejetée. 

On est donc fatalement conduit au pouvoir électif de la reine, et 
alors la détermination du sexe sous l'influence de la fécondation ou 
de la non-fécondation de l’œuf, par la contraction ou la non-contrac- 
tion duréceptacle séminal de la reine, est la seule explication quise 
présente à l'esprit. 

Pour interpréter tous les faits, cette théorie de Dzierzon parait 
toutefois devoir être modifiée en faisant intervenir un autre facteur 


1 Les soins donnés à la larve sont ici hors de cause, puisque le sexe est recon- 
naissable dès les plus jeunes stades larvaires. 


39 PAUL MARCHAL. 


que la volonté de la reine. Telle qu'elle est exprimée, elle est insuf- 
fisante à rendre compte de tous les faits. Drory a, en effet, montré 
que la reine Abeille, au moment de la ponte des mâles, si elle n’a 
pas de cellules de mâles à sa disposition, n’en pond pas moins des 
mâles qui se trouvent alors dans des cellules d’ouvrières, et inverse- 
ment, si l’on ne lui donne que des cellules de mâles au moment où 
elle pond des ouvrières, elle remplira ces cellules de mâles avec des 
œufs d’ouvrières. Il résulte de là qu un autre facteur que la volonté 
de la reine doit être en cause, puisque, le moment venu de pondre 
des mâles, elle ne peut se dispenser d'en pondre, 

D'autre part, dans nos propres observations sur les Guêpes, com- 
ment expliquer ce fait que la spécialisation n'existe que pour les 
grandes cellules et que les petites contiennent indifféremment l’un 
ou l’autre sexe ? Quelle cause détermine la reine Guêpe, lorsqu'elle se 
trouve sur les grandes cellules, à contracter toujours son réceptacle 
séminal, et au contraire, lorsqu'elle se trouve sur les petites, à pondre 
des séries d'œufs en le contractant, et d’autres séries sans le con- 
tracter, de facon à former des massifs ou des trainées de femelles, et 
des massifs ou des traînées de mâles ? Là encore, un autre facteur 
que la volonté de la reine semble devoir intervenir. Nous croyons 
donc indispensable de modifier la théorie de Dzierzon, et, prenant 
pour exemple la reine Guêpe, nous admettrons que, après une pre- 
mière ponte exclusive d’ouvrières, durant d’une façon ininterrom- 
pue jusqu’à la fin de juillet ou au commencement d'août, le réflexe 
qui amène la contraction du réceptacle séminal au moment de la 
ponte de chaque œuf ne se produit plus avec la même régularité, et 
qu'alors les œufs peuvent être pondus sans être fécondés; de là l’ap- 
parition presque subite des mâles tenant à l’état d'inertie relative 
du réceptacle. C'est alors que les ouvrières édifient les grandes cel- 
lules,et donnent ainsi le choix à la reine entre deux ordres d’alvéoles 
distincts. Les grandes cellules, à la fin de la saison, ont le don de 
stimuler la reine qui semble dans certains cas s’y porter avec une 


préférence marquée (obs. n° 8 et 40); on peut admettre que, sur 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 33 


ces grandes cellules, elle concentrera toute son énergie et que, dès 
lors, elle n’y pondra que des œufs fécondés ou femelles ; ou bien 
encore, qu’elle n’y pondra que lorsque son réceptacle sera en état 
de se contracter. Au contraire, lorsqu'elle se trouvera sur les petites 
cellules, elle pondra avec négligence et au hasard, quel que soit 
l’état de son réceptacle séminal, et alors suivant que celui-ci réa- 
gira ou restera inactif, la ponte donnera naissance à des massifs de 
femelles ou à des massifs de mâles. 

La modification ainsi apportée à la théorie a son importance; car 
elle subordonne la volonté de la reine à un phénomène purement 
passif ; la reine ne pond pas les mâles et les femelles à volonté, mais 
il arrive un moment où sa ponte se trouve forcément mélangée de 
mâles, à cause de l’inertie relative de son réceptacle, et son rôle 
actif consiste uniquement à distribuer ces œufs suivant le sexe, d’une 
façon plus ou moins précise. On voit donc que la Guêpe marque un 
stade moins perfectionné que l’Abeille dans l’évolution des phéno- 
mènes relatifs à la reproduction. La reine Abeïlle présente une adap- 
tation psycho-physiologique parfaite, grâce à laquelle elle pond dans 
chaque ordre de cellules un sexe déterminé. Chez la Guêpe, au con- 
traire, la reine pond au hasard lorsqu'elle se trouve sur les petites 
cellules, et son rôle actifse borne à exclure le sexe mâle des grandes 
cellules. Il est très remarquable que, chez la Guêpe, les grandes cel- 
lules (cellules de reines) soient adaptées à l’état d'activité du récep- 
tacle, tandis que, chez l’Abeille, les grandes cellules (cellules de 
mâles) sont adaptées à son état d'inertie‘. 

Peut-être de nouvelles observations feront-elles entrer en ligne de 

1 D’après les recherches de Fabre, certains Hyménoptères solitaires, tels que les 
Osmies, possèdent aussi le pouvoir de distribuer les sexes à volonté dans deux 
ordres de cellules distincts. Ce pouvoir, même chez eux, serait absolu et existerait 
pendant toute la période de la reproduction; s’il en est véritablement ainsi, la 
détermination du sexe se trouve être chez ces Insectes entièrement sous la dépen- 
dance de la pondeuse. L'auteur généralise même, et pense que tous les Hyménop- 
tères dont les sexes présentent des tailles différentes et qui amassent des vivres et 


choisissent une demeure pour leur descendance doivent pouvoir disposer du sexe 
des œufs qu'ils pondent. De nouvelles recherches sur cette question auraient une 


,RCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 30 SÉRIE, — Te IV. 1896, 3 


34 PAUL MARCHAL. 


compte d’autres facteurs non soupçonnés et viendront-elles modi- 
fier la théorie qui vient d’être exposée. Sa seule valeur consiste à 
donner une interprétation acceptable des faits jusqu'ici connus et 
de ceux que j'ai signalés. 

Par l’étude que nous venons de faire de la reproduction des ou= 
vrières et de celle de la reine, nous avons rendu compte d’üne pars 
tie des faits exposés dans le chapitre relatif à la distribution des sexes 
dans le guêpier. Il convient maintenant de passer en revue ce qui 
reste à interpréter, c’est-à-dire les faits suivants : 

1° Dans une première période, les grandes cellules peuvent, bien 
qu’en nombre relativement faible, contenir des mâles; 

2 Forme de la courbe de la production des mâles ; 

3° D'une façon générale, la proportion des mâles à un stade donné 
diminue dans un nid de bas en haut; 

4 Lorsqu'il y a un gâteau mixte, les petites cellules de ce gâteau 
semblent influencées par le voisinage des grandes cellules et ne con- 
tiennent qu’une faible proportion de mâles. 

Disons d’abord que pour résoudre entièrement ces questions, de 
nouvelles recherches faites dans la direction qui est indiquée par ce 
mémoire sont indispensables, Nous pouvons néanmoins les passer 
en revue et tenter pour chacune d’elles une interprétation. 


4° Pour la première, on peut attribuer la présence des mâles dans 


très grande importance. Remarquons toujours qu’il n’y a là rien d’invraisemblable, 
ni de contraire à la théorie énoncée plus haut. Chez ces Insectes solitaires, dont la 
ponte est peu considérable et entrecoupée par les périodes de temps nécessaires 
pour l’approvisionnement et le cloisonnement des cellules, on comprend que l’état 
du réceptacle séminal puisse rester le même pendant toute la vie de l'animal ; il se 
trouve seulement, dès le début, dans un état indifférent, et alors, si aucune cause 
particulière n'intervient, tantôt il se contracte, tantôt il reste inactif, sans qu'il y ait 
apparence d'aucune cause déterminante, et la succession des œufs produits repré- 
sente un mélange irrégulier de mâlés et de femelles : c’est le cas dés Hyménoptères 
solitaires dont les sexes sont d’égale taille ; au contraire, si, comme cause particu- 
lière, intervient une différenciation des cellules (cas des Hyménoptères solitaires à 
sexes de taille inégale), il suffit d’une simple adaptation psychique dé l'animal pour 
que le réceptacle se contracte pour l’un des deux ordres de cellules et reste inactif 
pour l'autre. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËÉPES SOCIALES. 39 
les grandes cellules aux ouvrières pondeuses qui existent à cette 
époque, ou bien à une parésie plus grande du réceptacle de la reine 
résultant de la ponte intensive de femelles qui a lieu en juillet et 
en août, 

% Forme de la courbe. L'ascension brusque de la courbe paraît 
indiquer qu'après la ponte de juillet et août, le réceptacle séminal 
s’est trouvé subitement frappé de torpeur; elle est due aussi en 
partie à l'apparition des ouvrières pondeuses; 

3 D'une facon générale, la proportion des mâles à un stade donné 
diminue dans un nid de bas en haut. On peut penser que ce fait est dû 
à ce que les gâteaux supérieurs sont toujours en retard sur les gâteaux 
inférieurs. En effet, les gâteaux sont graduellement abandonnés de 
haut en bas ; le supérieur est le plus souvent totalement abandonné 
et ne contient plus que des larves jaunies, émaciées, et restant indé- 
finiment au même stade; plus on descend, au contraire, plus les 
gâteaux sont l’objet des soins actifs des ouvrières. On peut dès lors 
penser que la diminution des mâles de bas en haut tient simplement 
à cette circonstance que les gâteaux supérieurs contiennent des larves 
plus vieilles que les gâteaux inférieurs, bien qu’elles se trouvent au 
même stade. Je pense pourtant que cette explication est insuffi- 
sante. 

4 Lorsqu'il y a un gâteau mixte, les petites cellules de ce gäteau sem- 
blent influencées par le voisinage des grandes cellules et ne contiennent 
qu'une faible proportion de mâles (fig. 5, G. ). Ge fait s'explique très 
bien par là théorie que nous avons exposée. On comprend en effet 
que lorsque la reine se trouve sur les grandes cellules, son récep- 
tacle se trouve en état d'activité et que, s’il se trouve par exception 
des petites cellules dans le même gâteau, lorsqu'elle y arrivera, elle 
aura son réceptacle dans l’état propre aux grandes cellules et elle y 
pondra la plupart du temps des œufs fécondés. En d’autres termes, 
son adaptation physiologique propre aux grandes cellules persiste, 
bien qu’atténuée, pour les petites cellules qui se trouvent dans le 
même gateau. 


36 PAUL MARCHAL. 


VESPA VULGARIS. 


L'étude de Vespa vulgaris nous fournit des données irès analogues 
à celles fournies par Vespa germanica. Nous n'avons pas à étudier ici 
les différences de structure du nid, ce sujet ayant du reste été traité 
par d’autres auteurs. Pour ce qui regarde la disposition des petites 
et des grandes cellules, on constate les mêmes faits que chez Vespa 
germantca. 

Dès le début de septembre, les grandes cellules sont presque 
spécialisées pour les femelles ; les mâles ne s’y trouvent qu'assez 
rarement ; cette spécialisation ne tarde pas ensuite à devenir com- 
plète (les exceptions à la règle peuvent être considérées comme très 
rares). Dans un cas (nid n° 49), nous voyons les grandes cellules 
contenir de très nombreux mâles; or, toute cette lignée mâle, ainsi 
que nous l’avons vu, est anormale et due à la production d’ouvrières 
pondeuses résultant de l'interruption de la ponte de la reine. Dans 
les petites cellules, la proportion des mâles à un stade donné 
diminue normalement de bas en haut (nid n° 19); mais s’il y a un 
gâteau mixte, les petites cellules ne contiennent qu’une faible pro- 
portion de mâles. 

Les mâles adultes apparaissent tout à coup et en grand nombre 
vers le 15 septembre. Rouget avait déjà remarqué que chez cette 
espèce les mâles apparaissent un peu plus tardivement que chez 
Vespa germanica. Le maximum de production est atteint très rapide- 
ment, puis, presque aussitôt, la proportion des mâles diminue dans 
le nid et la courbe descend lentement pour se relever un peu, au 
moins dans certains cas, à la fin de la reproduction (nids n° 46, 17, 
19, 20). 

J'ai constaté la ponte abondante des ouvrières maintenues en cap- 
tivité (nid n° 45). Si l’on se reporte à l'observation n° 18, les ouvrières 
fertiles semblent pouvoir exister en grand nombre dans les nids, 


puisque ce nid contient un quart d’ouvrières fécondes, et elles exis- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈËPES SOCIALES. 37 


teraient alors au mois de septembre, c’est-à-dire à une époque plus 
tardive que chez Vespa germanica; mais ayant eu les Guêpes prove- 
nant de ce nid par l’obligeant intermédiaire de M. Ch. Janet, et 
n'ayant pas vu le nid, je ne puis dire si celui-ci présentait une ano- 
malie analogue à celle du nid n° 19 (absence de la reine ou interrup- 
tion de la ponte). 

L'observation 19, dont nous avons déjà parlé à propos de Vespa 
germanica nous montre clairement l'influence déterminante de la 
suppression de la fonction de la reine sur la fécondité des ouvrières, 

En résumé, les conclusions générales que nous avons données au 
sujet de Vespa germanica sont également applicables pour Vespa vul- 
garis ; et les faits que nous avons observés chez la première espèce 


se trouvent pleinement confirmés par l’étude de la seconde. 


REPRODUCTION DES GUËPES A NIDS AÉRIENS. 


Les études que j'ai faites portent surtout sur la Vespa media, dont 
j'ai observé les nids dans le cours de l’année 1895 (n° 21 à 27). Jai 
eu aussi l’occasion d’étudier un nid de Vespa saxonica (var. norve- 
gica), dont on trouvera l’observation détaillée dans l’appendice (nid 
n° 28). Je n’ai aucune note sur Vespa silvestris, espèce pourtant 
commune, mais dont le hasard ne m'a fait rencontrer le nid qu'une 
ou deux fois, dans de mauvaises conditions. 

La Vespa media de Geer sera prise comme type de cette étude. 

Les reines fécondées, qui ont hiverné, fondent leur nid vers le 
commencement de mai’. Il est généralement fixé à une branche 
d’arbuste, à une faible hauteur. Vers le milieu de juin, M. Ch. Janet 
a constaté que la colonie du nid se montait seulement à 3 ou 
4 ouvrières écloses et à la reine encore active et capable d’effectuer 
des courses au dehors; le nid lui-même consiste à cette époque 

1 M. Ch. Janet a observé un nid de cette espèce, pris le 16 juin, qui présentait un 
seul gâteau de soixante-six alvéoles et dans lequel 4 ouvrières étaient déjà écloses:; 


on peut en conclure que vraisemblablement ce nid a dû être fondé dans la première 
quinzaine de mai. 


38 PAUL MARCHAL. 


en un gâteau de 40 à 60 cellules, entouré d’une enveloppe ovoïde 
à couches multiples et à orifice inférieur. D’après le même auteur, 
le 30 juin, la colonie des ouvrières écloses se monte à 13,et il n'ya 
toujours qu'un gâteau dont le nombre des cellules s’est élevé à 74. 
Vers le milieu de juillet, d'après mes propres observations (nids 
non 61222) la colonie, uniquement composée d’ouvrières, se. 
compose d’une centaine d'individus; la reine est devenue sédentaire 
et incapable de voler, et le nid comprend 2 ou 3 gâteaux superposés. 

Dans les premiers jours d’août (nid n° 93), le nid a atteint son 
maximum et aiteint jusqu’à 22 centimètres de longueur. Les gâteaux 
sont au nombre de 4, chiffre qui ne paraît guère être dépassé ; le 
gâteau supérieur, c'est-à-dire le premier construit, offre des alvéoles 
de taille plus petite que les trois autres. La colonie, à cette époque, 
est nombreuse et comprend des reines et des mâles en très grand 
nombre. Elle a donc atteint le terme de son évolution plus d’un mois 
en avance sur les Guêpes souterraines. Aussi, la reine mère, dont le 
rôle est accompli, ne tarde-t-elle pas à mourir, et, à partir des pre- 
miers jours d'août, on ne la trouve plus dans le nid. 

D’après Kristof (4829), les nids aériens sont tout à fait déserts à la 
fin d'août. J’ai constaté toutefois qu'ils peuvent continuer à être 
habités par des ouvrières devenues, pour une parlie d’entre elles, 
fécondes, jusqu'à la fin d'août ou au commencement de septembre. 

Cellules et distribution des sexes. — Le sexe peut être reconnu à tous 
les stades de la même façon que chez les Guêpes souterraines; cepen- 
dant, l'examen est un peu plus délicat, les testicules étant moins faci- 
lement visibles par transparence. Les alvéoles ont une forme bien 
plus évasée que chez les Guêpes souterraines, c’est-à-dire que leur 
diamètre transversal augmente progressivement et d’une façon 
notable du fond à l'ouverture. Il n’existe qu’un seul gâteau, le supé- 
rieur, à cellules légèrement plus petites que les autres. Et encore, 
les deux ordres de cellules ne sont-ils pas nettement distincts l’un 
de l’autre. Dans ce gâteau supérieur, les cellules sont franchement 
plus petites pour la région centrale ; mais en approchant de la péri- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 39 


phérie, les cellules augmentent graduellement de taille jusqu’à 
acquérir à peu près celle des gâteaux suivants. Malgré l'existence de 
ces cellules du gâteau supérieur, qui, dès leur base, ont un diamètre 
un peu plus faible que les autres, on peut dire que, dans les guêpiers 
aériens, l'augmentation de capacité des cellules est obtenue surtout 
par une augmentation de la cellule en hauteur, c'est-à-dire comme 
chez les Polistes. En raison de l’évasement de la cellule, cette sur- 
élévation a en même temps pour conséquence l'accroissement de son 
diamètre transversal, ce qui permet d'élever successivement dans le 
même alvéole des individus de tailles très différentes. La larve aussi, 
du reste, se charge de suppléer elle-même à l'insuffisance que peut 
présenter la cellule en tissant un opercule très bombhé. 

Au milieu de juillet, les deux ou trois gâteaux des nids qui existent 
à cette époque ne contiennent que des ouvrières, à la fin de juillet 
et au commencement d'août apparaissent les mâles et les reines. 

Les mâles peuvent se trouver indifféremment dans toutes les cel- 
lules du guêpier, et, de même que chez les Guêpes souterraines, il 
n’est dans aucun cas créé un type de cellule spécial pour les mâles. 

Le premier gàteau, c’est-à-dire le supérieur (G.4), seul ne contient 
jamais de reines; mais il présente successivement une première 
génération d'ouvrières de petite taille et une deuxième génération 
présentant à la fois des ouvrières et des mâles. Le deuxième gâteau 
(G.3) présente une première génération de grosses ouvrières et une 
deuxième contenant à la fois des mâles et des reines, ces reines tou- 
tefois étant d’une taille légèrement inférieure à la moyenne. Les 
deux autres (G. 2 et G.1) ne présentent que des reines et des mâles. 

Pour les gâteaux à grandes cellules, la proportion dés mâles aug- 
mente graduellement de bas en haut, de sorte que, dans les gâteaux 
supérieurs, on à, par exemple, deux tiers de mâles pour un tiers de 
femelles, et la proportion inverse pour les gâteaux inférieurs. 

Ponte des ouvrières et de la reine. — Je n’ai pas de fait m'autorisant 
à affirmer que les ouvrières pondeuses peuvent exister dans le nid 
normal ayant sa reine. En tout cas, elles ne doivent pas être nom- 


40 PAUL MARCHAL. 


breuses, si elles existent, dans ces conditions ; car, sur 30 ou- 
vrières disséquées dans le nid (23) du 3 août, il n'y en avait pas une 
féconde. 

Par contre, j'ai recueilli plusieurs observations qui prouvent ma- 
nifestement que l’absence de la reine détermine la fécondité des 
ouvrières. Ces observations sont d’un autre ordre que celles que 
nous avons faites pour les Guêpes souterraines. Elles consistent dans 
l'examen des nids de remplacement, déjà signalés par divers auteurs ‘. 
J'ai observé deux de ces nids : l’un (ne 21 bis) formé en remplace- 
ment du nid pris le 17 juillet (n° 21); l’autre (n° 24 bis) en rempla- 
cement d’un nid pris le 41 août (n° 24). Je renvoie, pour l’observa- 
tion complète, à l’appendice, ne donnant ici que les résultats. 

Dans le premier cas, les ouvrières laissées au dehors au moment 
de la capture du nid en construisirent un nouveau; dans celui-ci 
se trouvait un gâteau présentant trois centres de formation, qui pa- 
raissaient indiquer que l'initiative de la construction du nid révenait 
à trois ouvrières. 

Il y avait, en tout, 47 cellules ; les 28 larves qui furent examinées 
furent toutes trouvées mâles. Sur les 29 Guêpes qui formaient la 
colonie de ce nid de remplacement, 7 furent trouvées fécondes, soit . 
près d’un quart, parmi lesquelles 2 l’étaient à un très haut degré 
et présentaient en même temps, sur l'abdomen, des petites taches 
d'usure analogues à celles de la reine. 

Il résulte de ce qui précède que les ouvrières privées de reine le 

1 L'observation la plus complète concernant ces nids de remplacement est, je 
crois, celle de SieBozp (# 8% 4) sur un nid de Vespa holsatica (silvestris). Ce nid 
qu'il prit le 25 août de l’année 1866 était de la grosseur de la tête d’un enfant. On lui 
assura que ce nid était le second qu’une colonie de Guêpes avait construit, et que 
quelques semaines auparavant il y en avait un autre encore beaucoup plus gros situé 
à la même place. La colonie était formée de dix-neuf ouvrières, dont quatre furent 
reconnues fécondes par la dissection ; toutes avaient le réceptacle vide. A l’intérieur 
du nid se trouvait un gâteau d'un peu plus de cent vingt-cinq cellules contenant 
soixante-six nymphes mâles, cinquante-deux larves mâles, des œufs et des jeunes 
larves trop petites pour que le sexe pût en être reconnu. La progéniture était donc 


exclusivement mâle. ORMERoD (4859), Srone (4860), Kaisror (8 879) ont 
aussi cité des exemples de uids de remplacement. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 41 


17 juillet étaient, le 29 juillet, devenues fécondes dans la pro- 
portion d’un quart. Or, à la même époque (3 août), dans un autre 
nid normal, nous trouvions que, sur 30 ouvrières, toutes étaient 
stériles, 

On peut en conclure que, dans le premier cas, la fécondité des 
ouvrières était bien déterminée par l'éloignement de la reine et du 
couvain. 

Pour ce qui regarde la reine, il résulte des faits précédents qu'après 
une première ponte exclusive d'ouvrières elle pond aussi bien des 
mâles que des femelles et sans élection de cellules pour l’un ou 
l’autre sexe. On trouve, au mois d’août, les mâles en grand nombre 
dans tous les gâteaux, leur nombre tendant à augmenter, d’une 
façon générale, de bas en haut; il est possible qu'il y ait là l'indice 
d’une ébauche de spécialisation des cellules inférieures pour les 
reines. D'après l'observation 25, il semble que la reine ne pond, à la 
fin de sa vie, que des mâles ; mais il y a peut-être là un cas excep- 
tionnel. 

La reine mère, ayant accompli son rôle au commencement d’août, 
ne tarde pas à disparaître; je n'ai pu la trouver dans les quatre 
nids 23, 24, 25, 26, que j'ai pris au commencement d'août; elle a pu 
m'échapper pour le premier pris le 3 août; mais, pour les autres, 
l’absence de la ponte ou la présence d’une lignée de mâles exclusive 
indiquent assez que son absence était bien réelle. 

La reine mère étant disparue dans le nid, on comprend que, s’il 
s’y trouve encore un nombre d’ouvrières suffisant et, surtout, si un 
certain nombre d’éclosions doivent encore se produire, des ouvrières 
fécondes ne tarderont pas à apparaître. Ces ouvrières donnent alors 
naissance à toute une lignée de mâles complémentaire de ceux pro- 
duits par la reine et prolongent alors la vie du guêpier assez avant 
dans la saison (nid n° 26). 

Pour les études sur Vespa saxonica et sur V. crabro, forcément 
incomplètes à cause du petit nombre de nids observés, nous ren- 


voyons aux observations 28, 29, 30 et 31. 


42 PAUL MARCHAL. 


NOURRITURE DES LARVES DE REINE, 


On sait que, chez les Abeilles, les larves destinées à devenir des 
reines reçoivent une nourriture qualitativement différente, la gelée 
royale, qui détermine la différenciation. En est-il de même chez les 
Guêpes ? M. Ch. Janet (4895 D) à remarqué qu’au-dessous des nym- 
phes de reines de Vespa vulgaris, extraites de leur cocon avant leur 
éclosion, on trouvait le même sac noir avec les mêmes débris chiti- 
neux que sous les nymphes d’ouvrières ou de mâles, etil en a conclu 
que les larves de reines de Guêpes ne recevaient pas exclusivement, 
comme les larves de reines d’Abeilles, de la nourriture élaborée 
liquide, et que les boulettes nutritives, formées d'Insectes broyés, 
n'étaient pas exclues de leur alimentation. J'ai examiné, au même 
point de vue, le contenu de l'estomac de la larve chez Vespa crabro et 
chez V. vulgaris, et j'ai trouvé que, même chez les larves les plus 
jeunes, le contenu présentait absolument le même aspect que celui 
des larves d’ouvrières ou de mâles. Il est formé d’une masse granu- 
leuse d’un rouge vineux, qui, au microscope, se montre composée 
de granulations, de cristaux variés, et surtout de débris chitineux 
d'insectes, parmi lesquels on voit un grand nombre de groupes 
d'ommatidies provenant des yeux des Insectes qui ont servi à l’ali- 
mentation. On ne peut donc pas dire qu'il y ait une nourriture es- 
sentiellement différente, même pendant les jeunes stades larvaires, 
pour déterminer la production des reines. Leur différenciation doit 
dépendre, avant tout, d'une question de quantité et de fréquence 
dans l'alimentation. Il est remarquable que chez la Guêpe la diffé- 
rencialtion morphologique de la reine est avant tout quantitative, 
tandis que chez l’Abeille où le régime est qualitativement différent 


la différenciation de la reine présente également une valeur quali- 
tative. 
PONTE. 


Pour l'opération de la ponte, voir Ch. Janet (1895 p. 70) et mes 
observations (obs. n°° 2, 40). 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 43 


RÉCEPTACLE SÉMINAL, ACCOUPLEMENT ET FÉCONDATION. 


J'ai fait connaître, dans une note antérieure (4894 à), la structure 
histologique très spéciale du réceptacle séminal.Je me contenterai ici 
de rappeler l’existence d’un épithélium cylindrique dont les cellules, 
principalement du côté de leur extrémité libre, sont striées trans- 
versalement et peuvent, avec autant de raison, être considérées 
comme des éléments musculaires que comme des cellules épithé- 
liales. Ces cellules n’offrent rien de commun, du reste, avec les cel- 
lules épithéliales se prolongeant à l’intérieur du corps en une fibre 
musculaire qu'on rencontre dans différentes classes, notamment 
chez les Cœlentérés et les Crustacés. J'ai donné, à l’épithélium ainsi 
formé et dont, je crois, on ne connaît pas d'exemple dans le règne 
animal, le nom d'épithélium musculaire. Il existe aussi bien sur la 
capsule même que sur le canal séminal qui fait communiquer la 
capsule avec le vagin, et est séparé de la cavité viscérale par une 
forte cuticule. J'ai retrouvé les mêmes cellules épithéllo-muscu- 
laires chez l’Abeille et chez différents Hyménoptères solitaires (Eu- 
mène, Cerceris, etc.), et je me propose d’y revenir dans un travail 
spécial consacré au réceptacle séminal, Je rappellerai aussi que mes 
observations ne confirment pas l’assertion de Cheshire (4885), qui 
décrit un appareil très compliqué pour la différenciation des sexes, et 
notamment une bifurcation du canal séminal en deux conduits, dont 
l'un servirait à l'emmagasinement des spermatozoïdes dans le récep- 
tacle au moment de la copulation, et dont l’autre, au contraire, ser- 
virait de voie de retour aux spermatozoïdes au moment de la fertili- 
sation de l’œuf. D’après Cheshire, le premier de ces conduits devrait 
être surtout manifeste et très ouvert au moment de l’accouplement ; 
aussi serait-il très désirable, d'après cet auteur, de disséquer, à ce 
point de vue, des reines venant d’être fécondées. 

J'ai disséqué plusieurs reines à la fécondation desquelles je 
venais d'assister, et j'ai toujours trouvé le canal entièrement simple 


et débouchant dans le vagin par une partie dilatée en entonnoir. Il 


44 PAUL MARCHAL. 


n'existe, à aucun moment, de bifurcation du canal séminal, et il est 
évident, d’après les dessins de Cheshire, qu’il a considéré comme 
une cloison un plissement accidentel de la membrane chitineuse 
qui revêt à l’intérieur le canal. 

J'ai assisté, dans mes cages d'expérience, un très grand nombre 
de fois à l’accouplement de Guêpes appartenant aux espèces Vespa 
germanica, V. vulgaris et V. saxonica. Cet accouplement se passait 
à terre et durait quelques minutes ; lorsque la femelle jugeait que 
l'acte était terminé, elle se renversait sur le dos du mâle et le mor- 
dait à l'abdomen pour lui faire lâcher prise. Ce fait, déjà signalé par 
Rouget pour les Frelons, est assez constant. 

Pour Vespa germanica et V. vulgaris, j'ai observé, ainsi que 
divers auteurs, les accouplements en octobre; les observations sur 
V. crabro par Rouget ont été faites à la même époque. Au con- 
traire, pour Vespa saxonica, les accouplements se font à une époque 
très précoce. J’en ai observé, dans mes cages, à partir du 95 juin et 
ils se continuent pendaut la fin de juin et le courant du mois de 
juillet. Les femelles de Vespa saxonica, qui sont déjà fécondées, ont 
coutume, lorsque le mâle approche, de se ‘rouler en boule pour 
refuser un nouvel accouplement. 

Les mâles, ainsi que d’autres auteurs l’ont constaté, peuvent s’ac- 
coupler plusieurs fois. 

Ayant pris une femelle de Vespa vulgaris qui venait de s’accou- 
pler, je la mis dans une autre cage où il n’y avait que des mâles. 
Quelques instants après, elle s’accoupla de nouveau avec un mâle, 
sans opposer aucune difficulté. Peut-être, toutefois, ce fait ne se 
produit-il jamais à l’état de nature. Je tentai, du reste, plusieurs 
fois la même expérience sur plusieurs Vespa germanica ; mais, bien 
quelles fussent assaillies par les mâles, elles refusèrent toujours 
l’accouplement. 

Le 14 octobre 1893, je fis une expérience ayant pour but de voir 
si le croisement entre les deux espèces voisines, Vespa germanica et 
V. vulgaris, était possible. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 45 


Je mis dans une grande cage de nombreuses Vespa germanica Q 
avec un grand nombre de W. vulgaris G'; et, d'autre part, dans une 
autre cage, de nombreuses VW. vulgaris Q avec un grand nombre 
de V. germanica S. Pendant plus d’une heure, les deux cages, 
exposées dehors au soleil d'une belle journée d'automne, furent 
observées ; maintes fois, les mâles poursuivirent les femelles et se 
campèrent sur leur dos, essayant en vain d’effectuer la copulation; 
mais, après de vaines tentatives, ils s'éloignaient découragés. Une 
fois, pourtant, entre cent, je vis une Vespa germanica Q et un mâle 
que je croyais être une Vespa vulgaris accouplés ensemble. Je les en- 
levai au moment où la femelle commençait à mordre l'abdomen du 
mâle pour le faire partir, et je reconnus alors que le mâle en question 
était un mâle de Vespa germanica, qui s'était introduit, je ne sais 
comment, dans la cage. Ce fait unique d’un mâle de Vespa germanica 
s’accouplant, tandis qu'une quantité de mâles de V. vulgaris ne: 
pouvaient y arriver, montre bien l'impossibilité complète du croi- 
sement. En même temps, du reste, et comme contre-épreuve, j avais 
disposé à côté une cage remplie de Vespa germanica des deux sexes, 
où, pendant toute la durée de l’expérience, je vis, à chaque instant, 
des accouplements s'effectuer. Les femelles mises avec des mâles de 
l’autre espèce ne se prêtent guère généralement à ces derniers et 
font usage de leurs pattes postérieures pour se protéger ; au con- 
traire, les mâles paraissent fort ardents, allant successivement de 
l’une à l’autre et ne se décourageant qu'après un grand nombre 
d'échecs. Les mâles de Vespa germanica poursuivent les femelles de 
V. vulgaris avec plus d’ardeur que ne le font ceux de V. vulgaris 
pour V. germanica. | 

Il résulte de ce qui précède que les deux espèces précédentes, bien 
qu’assez voisines pour avoir été confondues par divers auteurs, ne se 
croisent certainement jamais à l’état de nature et ne peuvent même 
pas le faire dans les conditions artüficielles les plus favorables. 

Il était intéressant de mettre des mâles en présence d’ouvrières et 


de les observer en les exposant au soleil, pour voir si l’accouplement 


46 PAUL MARCHAL. 


pourrait s'effectuer avec eux d'une façon exceptionnelle. Je fis l’ex- 
périence et ne vis même pas un mâle poursuivre une ouvrière. Une 
fois, pourtant, je vis, sur les carreaux de ma fenêtre, un mâle monter 
sur une ouvrière de très grosse taille (presque une femelle intermé- 
diaire), puis l’abandonner presque aussitôt. 

Si l’on dissèque une femelle immédiatement après l’accouple- 
ment, on trouve déjà le réceptacle séminal rempli d’une masse ver- 
micellée de filaments spermatiques ; dans le vagin, on en trouve 
aussi un assez grand nombre. Une à deux heures après l’accouple- 
ment, le réceptacle se trouve entièrement gorgé et il n’y a plus, 
dans le vagin, qu'un petit nombre de spermatozoïdes. Il résulte de 
là que l’'emmagasinèement se fait avec une grande rapidité et est 
presque immédiat après l’accouplement. Siebold (4874), qui avait, 
pour ainsi dire, deviné la nature musculaire du réceptacle séminal, 
pensait qu au moment de l’accouplement ce dernier devait aspirer 
la semence par la contraction de sa paroi. La structure que j'ai fait 
connaître et la rapidité avec laquelle la semence s'emmagasine s'ac- 
cordent entièrement avec cette opinion. 

Les cylindres épithélio-musculaires de la capsule ne peuvenl, en 
se contractant, qu'augmenter la capacité du réceptacle et produire 
probablement, dans des mouvements péristaltiques, une aspiration 
du liquide séminal. 

Quant aux cylindres épithélio-musculaires radiaux du canal sémi- 
nal, leur fonction ne peut être que d’écarter les parois du conduit 
séminal, normalement fermé, au moins dans une partie de son par- 
cours, et de permettre ainsi, suivant le sens dans lequel leur con- 
traction se propagera, soit la montée du liquide séminal pour son 


emmagasinement, soit sa descente pour la fertilisation de l'œuf. 


CONCLUSIONS PARTICULIÈRES. 


À. Les conclusions les plus importantes concernant la distribution 
des sexes dans le guêpier sont énumérées aux pages 15-17 (1°-6°). 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÉPES SOCIALES. i1 


B. Celles qui concernent les ouvrières pondeuses peuvent êlre 
exprimées de la façon suivante : 

1° Chez Vespa germanica, la ponte parthénogénétique est nor- 
male chez une faible partie des ouvrières, en août, dans les nids 
qui ont leur reine ; elle existe toutefois à un degré relativement faible 
et n’est pas suffisante pour rendre compte de la grande production 
des mâles ; puis elle diminue et cesse complètement dans les nids 
normaux en septembre et en octobre (p. 19-22). 

99 La ponte parthénogénétique des ouvrières s’exagère d’une façon 
extraordinaire par le seul fait de la suppression de la reine ou de 
l'arrêt de sa ponte. On peut alors la provoquer jusqu’à obtenir un 
tiers d'individus féconds, alors que les ouvrières du même nid, en 
compagnie de la reine, restent stériles (p. 21-26 et obs. n°s 2, 7 et 9). 
La fécondité des ouvrières est alors provoquée par l’absence du 
jeune couvain dans le nid et par la rupture d'équilibre de la nutri- 
tion en faveur des adultes qui en résulte. La ponte des ouvrières est 
donc dans une certaine mesure compensatrice de celle de la reine, 
lorsque celle-ci est insuffisante ; mais elle donne toujours exclusive- 
ment naissance à des mâles. 

3° La fécondité des ouvrières est en raison de l’état de nutrition 
de la colonie et du rapport numérique existant entre la colonie 
adulte el la colonie larvaire. 

4° La production des ouvrières fécondes est indépendante de l’éle- 
vage des reines, Contrairement à ce qui, d'après Huber, existe chez 
les Abeïlles. Leur fécondité dépend de la nutrition de l'imago et a 
d’autant plus de chances de se produire que l’ouvrière est éclose 
depuis moins de temps et est nourrie d’une façon plus intense 
(p. 26-27 et obs. n° 2). 

C. Les conclusions concernant la reproduction de la reine sont les 
suivantes : 

1° La reine participe dans une très large mesure à la production 
des mâles. 

2° Chez les Guêpes à nids souterrains, la reine a le pouvoir, pen- 


48 PAUL MARCHAL. 


dant la dernière période de l’année (septembre, octobre), de déter- 
miner le sexe femelle des œufs qu’elle pond dans les grandes cellules 
et d’en exclure, à la fin de la saison, le sexe mâle. Au contraire, 
dans les petites cellules, elle pond toujours indifféremment des œufs 
femelles ou des œufs mâles (p. 27-31). 

3° Pour interpréter les faits connus et ceux que j'ai signalés, il 
m'a paru nécessaire de modifier la théorie de Dzierzon en subor- 
donnant la faculté que possède la reine de commander à son récep- 
tacle séminal à l’état d’activité plus ou moins grande de ce récep- 
tacle (p. 31-34). 

4 Dans les guêpiers aériens (p. 37), la reine pond sans aucune 
élection de cellules spéciales pour l’un eu l’autre sexe; la propor- 
tion des mâles toutefois tend à augmenter de bas en haut. 

D. Nourriture des larves de reines, réceptacle séminal, accouplement 
et fécondation (voir p. 42). Parmi les différents faits signalés, je rap- 
pelle la découverte d'un épithélium strié qui ne présente aucun 
analogue connu dans le règne animal, et auquel j'ai donné le nom 


d'épithélium musculaire. 


CONCLUSION GÉNÉRALE. 


Nous allons maintenant utiliser les faits qui ont été exposés dans 
ce mémoire, pour tenter de retracer le processus évolutif par lequel 
est arrivée à se constituer une société d'Hyménoptères telle que celle 
des Guêpes ou des Abeilles. Considérons d’abord le cycle annuel 
d’une colonie. 

La reine Guêpe, au début, est seule pour nourrir les larves nées 
de sa première ponte ; le mauvais temps vient souvent interrompre 
ou ralentir cette alimentation difficile dont le soin incombe à un 
seul individu déjà chargé de la reproduction; aussi les ouvrières 
de la première lignée sont-elles de très petite taille dans toutes les 
espèces de Guêpes ; elles sont en même temps toujours stériles ; en 
un mot, ce sont celles qui présentent le plus haut degré de différen- 


clation d’avec la reine. La ponte continuant sans interruption, les 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÉPES SOCIALES. 49 


éclosions se succèdent et le nombre des ouvrières composant la colo- 
nie augmente de jour en jour; la colonie adulte, qui au commen- 
cement était inférieure en nombre à la colonie larvaire, lui devien- 
dra donc ensuite supérieure. Le résultat de ce fait sera le retour 
graduel à l’état initial, qui se traduira de deux façons différentes : 

1° Par l'augmentation graduelle de volume des ouvrières, aboutis- 
sant, à la fin de l’année, à la formation des reines; 

2 Par l'apparition des ouvrières pondeuses. 

En effet, en raison de l'équilibre nutritif résultant de l’échange 
constant des vivres entre les individus d'une même colonie, plus 
le nombre des individus récoltants sera considérable par rapport au 
nombre des larves, plus d’une part les premiers garderont pour eux 
une part considérable et mieux d'autre part les secondes seront 
nourries. 

Du premier fait, certainement, et sans doute aussi du second, 
résulte l'apparition des ouvrières pondeuses. 

Du second fait résulte l'augmentation graduelle de taille qui con- 
duit du type ouvrière au type reine. 

Cette augmentation graduelle, qui ramène à l’état initial, se voit 
d’une façon évidente chez les Polistes. Là, aucune différenciation 
n'intervient ; les cellules sont toutes semblables entre elles ; seule- 
ment, à mesure que la saison avance, toutes les larves, sans qu'il y 
ait élection sur les unes plutôt que sur les autres, sont de mieux en 
mieux nourries et la taille des adultes croît en même temps d’une 
facon progressive ; les cellules sont alors haussées, et comme elles 
ont une forme évasée, il en résulte que, d’une façon toute naturelle, 
elles se trouvent en même temps élargies. Les mêmes cellules qui 
ont contenu des ouvrières pourront donc contenir des reines, et il y 
aura tous les intermédiaires entre les deux lypes. 

Dans les guêpiers aériens, auxquels nous annexons les nids de 
Vespa crabro, nous voyons déjà un stade plus avancé correspondant 

1 Voir, à ce sujet, mes observations sur l’alimentation des individus d’une colonie, 
(4894). 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 32 SÉRIE. -— T, 1V. 1896, 


ps, 


50 PAUL MARCHAL. 


à un degré de fécondité plus grand de la reine. Au lieu de répartir le 
surplus de la nourriture sur tous les individus de la colonie, comme 
chez les Polistes, les Guêpes choisissent les larves placées dans Îles 
gâteaux les plus inférieurs, et peut-être sont-elles conduites à ce 
choix-par ce fait que ces gâteaux sont ceux auxquels elles arrivent 
le plus vite. Toutefois, nous voyons que la plupart des individus 
existant dans le nid participent encore à cette augmentation ap- 
portée dans l'apport des vivres; le gâteau supérieur (Vespa media, 
V. saxonica) ou quelques-uns des gâteaux supérieurs (V. crabro) 
sont seuls négligés et continuent à donner des individus d’assez 
petite taille; tout le reste du nid bénéficie d’une nutrition plus 
active, qui a pour résultat l’augmentation de taille des ouvrières se 
produisant dans des limites très étendues. Tantôt, de même que 
chez les Polistes, le passage de ces grosses ouvrières aux reines se 
fait d’une façon graduée et insensible (Vespa saxonica, V. crabro); 
tantôt, au contraire (VW. media), il y a un hiatus entre l’ouvrière la plus 
grosse et la reine la plus petite, et l’on se trouve en présence de deux 
états d'équilibre distincts : l’état de reine et l’état d’ouvrière !. 
Parallèlement à cette différenciation des deux types, s'établit un 
commencement de différenciation des cellules. Les cellules ayant 
encore la forme évasée, le procédé de surélévation des Polistes 
employé pour augmenter la capacité de la cellule à mesure que la 
taille du contenu augmente, est encore employé dans les guêpiers 
aériens. Ce procédé, du reste, n’indique aucune adaptation nouvelle 
de l'instinct, la Guêpe n'ayant qu'à surélever la cellule déjà construite; 
mais à ce procédé s’en annexe un autre, encore faiblement indiqué, 
celui de l'augmentation du diamètre dès le début de la fondation de 
la cellule, qui semble impliquer une prévision de la part de l’Insecte. 
Ce nouveau procédé, marquant un perfectionnement, indique une 


adaptation nouvelle de l'instinct qui se développe parallèlement à 


? En d’autres termes, il y a un dédoublement complet de la courbe de Galton à 
l’accomplissement graduel duquel on peut assister en passant en revue les diffé- 
rentes espèces. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 91 


l'établissement des deux états d'équilibre morphologiques de plus en 
plus distincts : ouvrière et reine. 

Chez les Guêpes souterraines (Vespa germanica, V. vulgaris), nous 
nous trouvons en présence d’une fécondité encore plus grande que 
dans les cas précédents, et leurs sociétés marquent un stade plus 
avancé dans l’évolution des phénomènes. Chez elles, à mesure qu’on 
progresse dans la saison, les ouvrières qui se succèdent présentent 
une taille encore très sensiblement croissante. Puis, lorsque l’état 
de nutrition de la colonie atteint son optimum, les Guêpes font un 
choix parfaitement net, portant sur les gâteaux inférieurs; elles aban- 
donnent le procédé de surélévation des cellules et, en prévision de 
la taille plus grande que vont avoir | 
les larves qui se développeront à or ee AANLTEI/ Hp 
la partie inférieure du nid, elles 
construisent de toutes pièces de Fig. 7. 
nouvelles cellules sur un patron différent dé celui des anciennes et 
d’un diamètre plus large. En même temps, les cellules, au lieu d’être 
fortement évasées comme chez les guêpiers aériens, sont devenues 
à parois presque parallèles, et, grâce à ce perfectionnement, les gà- 
teaux peuventconserver une forme plane et présenter une taille pres- 
que illimitée, avec un très grand nombre de cellules toutes sem- 
blables entre elles. Au contraire, avec la forme évasée primitive, 
_ l’extension du nid conduisait forcément à un gâteau plus ou moins 
sphérique tendant à réaliser la forme des nids phragmocythares 
sphériques de Saussure (Vespa saxonica, fig. 7, À), ou bien à une 
grande déformation des cellules périphériques, celles-ci devenant de 
plus en plus inclinées et divergentes (fig. 7, B). L'adoption du paral- 
lélisme presque complet des parois des cellules fait disparaître tous 
ces inconvénients ; mais la cellule n’étant plus évasée, son diamètre 
transversal ne peut être augmenté par surélévation, d’où la néces- 
sité de l’établissement d'un type nouveau de cellules bien distinct 
et notablement plus grand que le premier, L'augmentation du paral- 


lélisme des parois alvéolaires et l'établissement des deux types 


D2 PAUL MARCHAL 


distincts de cellules peuvent donc être considérés comme deux per- 
fectionnements qui ont dû marcher de pair l’un avec l’autre. 

Enfin, les cellules du second type ayant pour but principal l’éle- 
vage des reines, il y avait intérêt à ce que les mâles en fussent exclus, 
la taille qu'ils pouvaient acquérir dans les petites cellules étant suf- 
fisante pour que leur rôle fût rempli. Aussi, chez les Guëêpes souter- 
raines, voit-on ces cellules se spécialiser pour l'élevage des reines, 
fait qui indique l'apparition d’une nouvelle adaptation de l'instinct 
relevant non plus des ouvrières, mais de la reine. Cette adaptation 
consiste dans le pouvoir que la reine acquiert de distribuer ses œufs 
dans des cellules déterminées, suivant le sexe qu'elle leur donne. 
Chez la Guêpe, dont le sexe mâle présente une taille très variable, 
cette faculté est assez limitée et se borne à exclure les mâles d’un 
ordre de cellules spécialement consacré à l'élevage des reines. Chez 
l’Abeille, au contraire, dont les mâles sont d’une taille constante et 
très différente de celle des ouvrières, la nécessité de cellules spécia- 
lement consacrées aux mâles s'impose, et l'adaptation de la reine 
consiste, non plus seulement à exclure le sexe mâle d’une catégorie 
de cellules, mais à distribuer chaque sexe dans un ordre d’alvéoles 
qui lui est propre. En même temps, chez l'Abeille, la différenciation 
en ouvrières et en reines atteint son maximum, et le processus pour 
obtenir cette différenciation atteint un haut degré de perfection. 
Chez les Guêpes, les larves qui doivent devenir des reines sont dési- 
gnées aux ouvrières à une époque de l'année toujours semblable 
par la place qu’elles occupent dans le nid et reçoivent, au point de 
vue qualitatif, une nourriture identique, ou à peu de chose près, à 
celle que reçoivent les ouvrières. Aussi ne peut-il guère s’agir, pour 
établir la différenciation, que d’une question de quantité de nourri- 
ture. Chez l’Abeille, au contraire, la faculté de réserver pour un 
certain nombre de larves seulement le surplus alimentaire au lieu 
de le faire porter sur l’ensemble de la colonie, comme c'est le cas 
pour les Polistes, atteint son plus haut degré de perfectionnement; 


les ouvrières, par une nouvelle adaptation psychique, ont le pou- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 53 


voir, à une époque variable, mais toujours en temps opportun et 
suivant les besoins de la colonie, de choisir un œuf ou une jeune 
larve femelle pour en faire une reine; puis, pour opérer cette dif- 
férenciation, elles donnent à la larve une nourriture qualitati- 
vement différente, {la gelée royale ‘, et édifient autour d'elle une 
cellule appartenant à un troisième type distinct : la cellule royale. 

Parallèlement au perfectionnement apporté dans le processus pour 
obtenir la différenciation, celle-ci s'établit en même temps de plus 
en plus complète. 

Chez la Guêpe, la différence entre la reine et l’ouvrière consiste 
surtout en une différence de taille, si bien que, dans certaines 
espèces, on ne peut dire où finit l’ouvrière et où commence la reine. 

Chez l’Abeille, au contraire, interviennent les différenciations 
plastiques bien connues, qui sont en rapport avec le haut degré de 
spécialisation qu'atteignent d’une part la reine, d'autre part les ou- 
yrières. L'une est consacrée exclusivement à la reproduction et est 
incapable d'aucun autre travail pendant sa vie entière ; les autres, 
au contraire, sont entierement consacrées au travail et sont devenues 
totalement stériles, sauf dans des conditions anormales particu- 
lières qui ne permettent le retour à l’état initial qu'avec une diffi- 
culté bien plus grande que chez la Guêpe ?. 

Le résultat de l’établissement du régime qualitativement différent 


s’est donc exprimé parune différenciation morphologique qualitative. 


Il nous reste maintenant à examiner comment a pu s'établir la 
différenciation des individus en ouvrières et en reines sur laquelle 
reposent les sociétés d'Hyménoptères. Deux théories pour l'expliquer 
se trouvent actuellement en présence : ce sont celle des lamarckiens, 


avec Herbert Spencer, et celle des néo-darwiniens, avec Weismann. 


1 Le point de départ de l'instinct qui pousse les ouvrières à donner cette gelée 
aux larves royales doit être cherché dans un besoin physiologique résultant d’une 
sécrétion dont l’abondance doit être en raison inverse de la ponte de la reine. 

2 Voir, à ce sujet, les articles que j’ai publiés sur les Ouvrières pondeuses chez les 
Abeilles dans le Bulletin de la Suciété entomologique de France du 11 juillet 1894, 
p. czxx1v, et dans l’Apiculleur, 1894, p. 393. 


4 PAUL MARCHAL. 

D’après Spencer, la différenciation qui détermine le dimorphisme 
et le polymorphisme est due à l'influence directe de l’alimentation. 

D'après Weismann, à l’opinion duquel se rallie Aug. Forel, elle est 
due, au contraire, à la sélection naturelle, qui est arrivée à produire 
dans le plasma germinatif de l'œuf deux catégories de déterminants 
distinctes, l’une répondant au type reine, l’autre au type ouvrière, 
chacune de ces deux calégories pouvant être appelée à évoluer d’une 
façon indépendante sous l'influence d’une nourriture spéciale ou 
d’autres causes externes agissant uniquement à titre de stèmulus. 

La théorie de Spencer, ainsi que l’a montré Weismann, se heurte 
à des difficultés insurmontables; pour expliquer la différenciation de 
l’ouvrière sous l'influence directe d’une nourriture pauvre, il fau- 
drait que les effets obtenus par les différentes générations puissent 
être transmis et cumulés par l'hérédité des caractères acquis; or, 
les ouvrières sont stériles et ne peuvent par conséquent rien trans- 
mettre à l'espèce. Il est vrai que Herbert Spencer répond que l’ou- 
vrière est un type ancestral et que sa caractéristique lui vient de l’état 
présocial. Mais si la caractéristique des ouvrières leur vient des 
temps présociaux, comment se fait. il que les reines et les mâles peu- 
vent transmettre invariablement à chaque génération les caractères 
qu’eux-mêmes ont perdus depuis si longtemps ? — Et Spencer 
réplique à son tour que pour que ces caractères spéciaux apparais- 
sent, il faut qu'il y ait castration produite sous l’influence d'une 
nourriture larvaire insuffisante, que cette castration est la cause 
déterminante de la réversion et que cette castration peut se pro- 
duire parce que, chez les Hyménoptères sociaux, les organes géni- 
taux femelles se développent très tardivement. Mais Weismann à 
montré par ses expériences sur les Diptères qu’une nourriture insuf- 
fisante ne pouvait pas avoir une influence directe semblable ; elle 
peut empêcher la maturation des germes, faute de matériaux de 
réserve, mais elle ne peut enrayer leur développement même chez 
les Hyménoptères, où les germes, bien que non développés, n’en sont 
pas moins représentés de très bonne heure et dès les stades embryon- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 95 


naires; et, même en faisant intervenir la question de qualité au lieu 
de la question de quantité pour la nourriture, la variation dans le 
régime alimentaire ne peut être la cause directe de la disparition 
complète de certains organes, tels que les gaines ovigères, dont un 
certain nombre sont entièrement disparues dans de nombreuses 
espèces, et gui sont toutes absentes chez Teltramorium cespitum (Ad- 
lerz). En outre, si l’on adopte l'opinion de Spencer, dans le cas de 
polymorphisme, quel sera le type qui répondra à l'état présocial? 
Comment une variation d'alimentation provoquera-t-elle des diffé- 
rences aussi considérables que celles qui existent entre les ou- 
vrières d’une fourmilière de Pheidologeton diversus, où la plus petite 
mesure 22,5 et la plus grosse 15 millimètres ? Et comment suppo- 
ser que les soldats à tête monstrueuse, qui sont incapables par leur 
constitution même de tout travail autre que celui de se battre, 
représentent le type présocial dont la race est sortie? 

La théorie de Weismann, malgré les complications qu’elle com- 
porte pour expliquer les cas de polymorphisme et les types intermé: 
diaires entre les différentes formes, serait acceptable si la base sur 
laquelle elle repose était solide ; dès qu’on a admis les prémisses, 
elle semble même s'imposer dans son entier, et il y a peu de chose 
à répondre à l’enchaînement d'arguments si serrés que donne l’auteur 
dans la dernière réponse qu’il adresse à Spencer ‘ au sujet de l’ap= 
plication de sa théorie aux faits observés chez les Insectes sociaux. 
Mais, ainsi que l'ont montré 0. Heriwig, Roux et Delage, la théorié 
pèche par sa base, et les déterminants, les ides, les idantes, ne peu- 
vent exister, ainsi que les cas de dichogénie, de tératogénie expéri- 
mentale, de pseudarthroses consécutives aux fractures, de régéné- 
rations, en fournissent de nombreuses démonstrations. 

Emery a émis une opinion participant à la fois de la théorie de 
H. Spencer et de celle de Weismann. D’après cet auteur l’atrophie 


des ovaires des ouvrières est due simplement à un accroissement de 


! Neue Gedanken sur Vererbungsfrage, Léna, 1895. 


56 PAUL MARCHAL. 


la sensibilité avec laquelle le plasma germinatif réagit sous l'influence 
de l'appauvrissement de la nourriture ; cette sensibilité peut alors être 
considérée comme ayant été acquise graduellement par la sélection 
naturelle. Toutefois cette théorie, si elle explique l’atrophie des ovaires 
des ouvrières, ne rend guère compte de la disparition complète de 
certaines parties, notamment des gaines ovigères et des ailes des 
neutres, et n’explique pas les dispositions organiques si spéciales 
qu’on rencontre, par exemple, chez les soldats. Je pense qu'on doit 
la considérer comme juste, mais insuffisante. 

Aucune des théories précédentes n’étant entièrement satisfaisante, 
je propose d'interpréter les faits de la façon suivante : 

A l’origine de l’état social, l'infertilité de la première lignée pon- 
due par la mère dut graduellement s'établir ; cette infertilité résul- 
tait de la nourriture forcément insuffisante que la reine donnait à 
une progéniture trop nombreuse, et les œufs contenus dans les 
ovaires des jeunes femelles ne pouvaient arriver à maturation : 
4° à cause de l'insuffisance des matériaux de réserve (tissu adipeux) 
emmagasinés par la larve; 2° parce que, aussitôt leur éclosion, les 
jeunes femelles devaient se consacrer aux soins réclamés par une 
nombreuse colonie larvaire, et notamment à la fonction de nourrice 
qui, ainsi que nous l'avons constaté par l’expérience, empêche la 
maturation des œufs. La mère étant déchargée du soin de nourrir les 
larves et ayant sur les ouvrières l'avantage d’avoir des ovaires gon- 
flés d'œufs, alors que les autres femelles à leur éclosion ne présen- 
talent que des germes immaturés, continuait sa ponte à l'exclusion 
des autres femelles, dont les fonctions de nourrice maintenaient la 
stérilité. 

A la fin de l’année, toutefois, en raison de la longueur de la vie 
de l’imago qui l’emportait sur celle de la vie larvaire, en raison 
aussi de la diminution de la ponte de la reine ou même de la dispa- 
rition de cette dernière, la colonie adulte arrivait à l'emporter en 
nombre d’une façon suffisante sur la colonie larvaire, pour permettre 


aux dernières lignées d’être copieusement nourries et d'emmaga- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 57 


siner les matériaux de réserve indispensables à la maturation des 
œufs. Ces dernières lignées seules avaient aussi des chances pour 
hiverner et pour reproduire l'espèce au printemps suivant. Seuls 
donc, les individus qui les composaient doivent, dès maintenant, 
être considérés comme représentant la souche de tous les individus 
ultérieurs, les autres étant naturellement éliminés de l’arbre généa- 
logique. 

Ce fait unique que, seuls, les individus élevés à la fin de l’année 
comptent dans la filiation des différentes générations va suffire pour 
constituer une modification du plasma germinatif de l'espèce; car, 
sans même fare intervenir encore les dispositions instinctives spéciales 
qui seront acquises, plus tard, par la sélection naturelle, les condi- 
tions d'élevage et, en particulier, de nourriture, qui régissent le 
développement de l’animal à la fin de l’année, sont différentes de 
la moyenne des conditions d'élevage variables auxquelles pouvait 
être soumise l’évolution de l’Insecte présocial. Sous l'influence de 
cette modification constante et agissant toujours dans le même sens des 
conditions externes, une constitution physico-chimique nouvelle du 
plasma germinatif doit forcément prendre naissance et une nouvelle 
direction de développement est ouverte : c’est celle qui conduit au 
type reine. 

Étant donnée la théorie qui précède, la réalisation du type ou- 
vrière devient également facile à expliquer. Tant qu'il n’y aura pas 
de variation notable dans la constitution du plasma germinatif, l’ou- 
vrière ne différera de la reine que par des variations morphologiques 
quantitatives et modérées, résultant essentiellement, ainsi que nous 
l'avons montré, des phénomènes de nutrition ; c’est le cas des Po- 
hstes et, d’une façon déjà moins exacte, d’un certain nombre d’es- 
pèces de Guêpes où l’on passe, sans hiatus, du type ouvrière au 
type reine. 

Mais, dès qu'une modification sensible du plasma germinatif est 
intervenue, il n’en est plus de même. L’œuf pondu au printemps par 


la reine contient, en effet, comme tous ceux qu’elle pond, ce plasma 


38 PAUL MARCHAL. 


germinatif modifié par le régime automnal et présente, par consé- 
quent, toutes ses modifications. Or, les conditions dans lesquelles il 
va être appelé à poursuivre son développement ne sont pas les 
mêmes que les conditions d'automne, auxquelles son plasma ger- 
minatif est exclusivement habitué depuis un très grand nombre de 
générations. Ce plasma germinatif, dont la constitution fixe est 
adaptée de façon à évoluer d’une façon précise, dans un milieu 
donné, suivant le type reine, et a été déterminée par les conditions 
mêmes auxquelles il a été soumis depuis un grand nombre de géné- 
rations, se trouve donc subitement, dans cet œuf, échapper à ces 
conditions modificatrices et être soumis à des conditions toutes 
nouvelles. Que doit-il alors se produire ? Si les modifications aux- 
quelles il se trouve soumis sont trop fortes, il devra mourir; si, au 
contraire, elles sonf compatibles avec son évolution, il devra pour- 
suivre son développement tant bien que mal, comme un animal 
qu'on force à se développer dans des conditions autres que celles où 
il se développe normalement. Il est évident que le dernier cas est 
seul à examiner, car le premier suppose la suppression même de 
l'espèce. Or, il est facile de voir que ce deuxième cas n’est autre 
qu’un cas de dichogénie expérimentale. 

Il n’y à donc rien d'étonnant à constater, chez l’ouvrière, la mani- 
festation de caractères nouveaux à côté des caractères ancestraux. 
Le fait de la disparition complète de certains éléments, tels que les 
gaines ovigères et les ailes, que Weismann met en avant pour nier, 
d'une part, l’influence directe des conditions d’alimentation et pour 
prouver, d'autre part, la nécessité d'admettre des déterminants spé- 
ciaux au type reine et des déterminants spéciaux au type ouvrière, 
n’a plus Heu de nous surprendre. Il devient également tout naturel 
de considérer certains caractères d'apparence tout à fait tératolo- 
gique présentés par certaines castes d'Hyménoptères sociaux ou de 
Termites tels, par exemple, que la tête énorme des soldats, comme 
dus à un processus analogue. 


Lorsqu'on aura étudié de plus près la biologie des différentes 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 59 


espèces d’Insectes sociaux, il me semble très probable que tous les 
cas de dimorphisme et de polymorphisme avec individus stériles 
devront être ramenés à des cas semblables de dichogénie. 

La théorie qui précède, sans présenter les difficultés insurmon- 
tables de la théorie de Spencer, qui, pourtant, à notre avis, contient 
une grande part de vérité, nous dispense d’avoir recours aux déter- 
minants, aux ides et aux idantes de Weismann, unités qui, une fois 
admises, permettent d'interpréter les faits, mais qui, ainsi que l'a 
montré si clairement M. le professeur Delage dans son livre sur 
l’Hérédité, ne peuvent avoir une existence réelle. 

Elle présente encore l’avantage de réduire à son minimum le rôle 
de la sélection naturelle, qui, comme l’ont bien fait voir les travaux 
récents de Pfeiffer, de Eimer, de Delage et d’autres auteurs, ne peut 


rien créer, mais ne peut que conserver les formes avantageuses qui 
prennent naissance sous l'influence des conditions extérieures et 
des forces de développement inhérentes à l'organisme. 

Dans le cas qui nous occupe, la sélection a dû intervenir pour ré- 
gler les facultés instinctives nées sous l'influence des besoins physiolo- 
giques individuels résultant eux-mêmes des conditions de vie de la colonie, 
et pour donner l'avantage aux reines présentant les particularités du 
plasma germinatif les plus propres à réaliser, entre les formes dicho- 
géniques possibles, celles qui étaient utiles à l’espèce. Ces formes 
utiles, toutefois, n’ont pu être réalisées par la sélection naturelle ; 
elles existaient avant son intervention ; elles ne se sont pas expri- 
mées comme étant le résultat d'une adaptation spéciale de l'espèce ; 
mais, une fois qu’elles sont apparues, l'espèce s’en est servie comme 
elle a pu pour en tirer le meilleur parti possible dans la lutte pour 
l'existence. Weismann objectera qu’en admettant la possibilité d’une 
fixation, dans le plasma germinatif, d’une disposition à réaliser ou 
à accentuer telle forme dichogénique plutôt que telle autre, nous 
reyenons d'une facon indirecte à sa théorie des déterminants; car 
toute disposition doit avoir une base physique dans la constitution 


même du plasma germinatif. Nous reconnaissons que cette base 


60 PAUL MARCHAT. 


physique doit exister, el l’œuvre de Weismann a puissamment con- 
tribué à en démontrer la nécessité ; mais ce que nous ne croyons 
pas, avec Roux et Delage, c'est que cette base réside dans l’exis- 
tence d'unités représentatives. 

Dans le cas qui nous occupe, les agents extérieurs et, en particu- 
lier, la nourriture sont, d'une façon évidente, la cause du processus 
phylogénétique. Dans le processus ontogénétique, ces mêmes agents 
interviennent aussi comme causes directes ; mais leur action est alors 
rendue plus facile par suite de l’évolution habituelle des parties élé- 
mentaires du plasma germinaüf dans une ou plusieurs directions 
données, et ils prennent alors, d’une façon plus ou moins complète, 
le caractère de stimulus. 

La théorie qui vient d’être proposée diffère de celle de Weismann 
sur deux points essentiels : 

4° Elle n’a pas recours aux unités représentatives et admet un 
plasma germinatif homogène, c'est-à-dire ne contenant pas des éié- 
ments propres aux différentes castes ; 

2° Au lieu de laisser le point de départ des variations inexpliqué, 
elle ramène la différenciation de la reine à une action directe des 
conditions extérieures et, en particulier, de la nourriture, et la diffé- 
renciation des ouvrières à un ordre de phénomènes sinon expliqués 
dans leur essence, du moins connus dans leurs manifestations, la 
tératogenèse et la dichogénie. 

Pour résumer notre pensée au sujet de la formation des castes 
chez les Insectes sociaux, nous dirons que, actuellement, la produc- 
tion d’une reine résulte non seulement de l'influence du régime 
auquel elle est soumise pendant sa période larvaire, mais encore de 
l'influence du régime auquel le plasma germinatif de l'espèce a été 
soumis depuis de nombreuses générations. Le stade phylogénétique 
actuel de l'espèce sociale est représenté par le type sexué. Les formes 
stériles (ouvrières, soldats, etc.) représentent des cas de dichogénie 
ou de téralogénie expérimentale produits par l'Insecte lui-même et 


maintenus par la séleclion naturelle. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 61 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 


4242. De Réaumur, Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes, 1134 à 1742. 

4858. DE SAUSSURE (H.), Études sur la famille des Vespides.— 11. Monographie 
des Guéêpes sociales ou de la tribu des Vespiens, Genève, 1852 à 1858. 

4858. Leucrarr (Rud.), Zur Kenntniss des Generationswechsels und der Parthe- 
nogenesis bei den Insekten, Frankfurt, Meidinger, 1858. — Réimp. Wo- 
leschott untersuchungen z. Naturlehre d. Menschen u. d. Thiere, 1858. 

4859. Ormeron (D'), Contributions to the natural History of the Bruish Ves- 
pidæ (The Zoologist, 1859, t. XVII, p. 6641). 

4860. STONE, F'acts connected with the History of a Wasp’s nest (Transactions 
of the Entomological Society of London, 2e sér., 1860, t. V, Pro- 
ceedings, p. 86). 

4820. Van Anxum (Hendrik Jan), /nlandsche Sociale Wespen Groningen. 

4824. SiEBorp (C.-Th.-E.), Beiträge zur Parthenogenesis der Arthropoden 
(Zeitschrift fur Wiss£Zool.,1871; (L. Ueber die bei Polistes wahrzu- 
nehmende Parthenogenesis ; Il. Parthenogenesis bei Vespa holsatica). 

4843. Roucer (Aug.), Sur les Coléoptères parasites des Vespides (Mémoires de 
PAcadémie des sciences, des arts et belles-lettres de Dijon, 3° série, 
t. [, 1871-1873, p. 161). 

4885. CHESHIRE (F.-R.), The Apparatus for differentiating the Sexes in Bees 
and Wasps (Journal of the Roy. Micr. Soc., février). 

489. Kaisror (L.-J.), Ueber einheimische, gesellig lebende Wespen und thren 
Nestbau (Mittheil, d. Naturw. Ver. f. Steiermark, 1878, p. 38, 
Graz, 1879). 

4893. MarcnaL (Paul), Étude sur la reproduction des Guêpes (Comptes rendus 
de l’Académie des sciences, 30 octobre 1893). 


4894. — La Vie des Guôêpes (Revue scientifique, 24 février 189%). 

4894, — Sur le réceptacle séminal de la Guége (Vespa germanica) [Annales 
de la Société entomologique de France, t. LXIIL, p. 44, 28 février 1894]. 

4894, — Sur la distribution des sexes dans les cellules du quépier (Archives 


de zoologie expérimentale et générale, 3° sér., t. IL, 1894, p. nr. 

4895. JANET (Charles), Sur Vespa crabro, Histoire d’un nid depuis son origine 
(Mémoires de la Société zoologique de France, séance du 12 décem- 
bre 1894, t. VIII, 1895). 

48952. — Sur Vespa media, V. silvestris ef V. saxonica (Mémoires de la 
Société académique de l'Oise, séance du 18 février 1895). 

4895. — Sur Vespa germanica ef V. vulgaris (Études sur les Fourmis, les 
Guépes et les Abeilles, 2° note, Limoges, 1895). 

4895. MarcHaL (Paul), Étude sur la reproduction des Guépes (deuxième note) 
[Comptes rendus de l'Académie des sciences, 18 novembre 1895]. 


62 PAUL MARCHAL. 


APPENDICE 


Les chiffres pour les sexes, à moins d'indication contraire, n'expriment pas le nombre absolu, 
mais la proportion des individus des deux sexes dans un gâteau. 
L'ordre suivi correspond au cycle aanuel, abstraction faite du millésime. 


1° VESPA GERMANICA. 
No 4. — Nid du 45 juillet 1893. Iteuil (Vienne). 


La reine est dansle nid. Il y a 5 gâteaux, tous à petites cellules. La reine 
meurt, sans avoir pondu, après une journée d'isolement. 

Expérience sur les ouvrières pondeuses. — Le 21 juillet, je pris un des 
sàteaux du nid et je détruisis tous les œufs et jeunes larves qu'il contenait, 
ne laissant que les grosses larves et les cellules operculées. Ce gâteau fut 
fixé à l’aide de clous sur une planchette, qui elle-même fat introduite 
dans une cage; celle-ci fut mise en communication avec une autre qui 
contenait 400 à 150 ouvrières. 

Les ouvrières se remirent vite au travail et achevèrent.de fixer le gà- 
teau à la planchette par des piliers de carton, dont elles trouvaient la 
matière première dans la cage. Le 31, après une absence de quelques 
jours, je trouvai le gâteau entièrement entouré de papier; on ne voyait 
plus les cellules. Le 13 août, c’est-à-dire vingt-trois jours après le com- 
mencement de l'expérience, je procédai à l'examen du gâteau; le nombre 
des ouvrières avait alors considérablement diminué et était réduit à 25 
ou 30. Avec des ciseaux, je découpai le couvercle de papier fait par les 
ouvrières et je vis, en l’écartant, qu'un grand nombre de cellules conte- 
naient des œufs ou des larves à différents degrés de développement, et 
parmi elles s’en trouvaient une certaine quantité de toutes jeunes. En tout, 
je comptai 37 œufs, 35 jeunes larves, 50 larves grosses ou moyennes et 
14 cellules operculées ; 27 des grosses larves furent examinées et furent 
trouvées mâles. 

Vingt-deux jours s'étant écoulés depuis le début de l’expérience, 1} est 
certain que les grosses larves que j avais laissées dans le nid avaient eu le 
temps de s’operculer et même d'’éclore en partie. Toutes les larves exis- 
tant dans le nid au 13 août pouvaient donc bien être considérées comme 
engendrées par les ouvrières. Du reste, je prolongeai encore l'expérience : 
rabattant l’enveloppe de papier sur le gâteau, je le remis dans la cage et 
le rendis aux ouvrières restantes, qui étaient au nombre d’une trentaine. 
Le 29 août, c’est-à-dire trente-neuf jours après Le début de l'expérience, 
je procédai de nouveau à son examen. Je constatai cette fois que ces Guêpes, 
dont le nombre était réduit à 11 individus, avaient détruit un assez grand 
nombre de leurs larves; il en restait pourtant assez pour corroborer en- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 6, 


core les résultats précédents; je trouvai dans les cellules 13 larves, la plu- 
part d'assez grosse taille et qui étaient toutes du sexe mâle ; il y avait, en 
outre, quatre cellules qui s'étaient operculées depuis le 13 août et qui 
contenaient 3 nymphes mâles et 1 larve mâle prête à se transformer ; 
enfin, un certain nombre de cellules présentaient des œufs et de très 
jeunes larves sortant de l'œuf. 

Il résulte de ce qui précède que, sur 44 individus produits parthénoge- 
nétiquement par les ouvrières, il y avait #4 mâles. 

Le 4° septembre, 5 ouvrières qui restaient encore furent disséquées. 
Sur ces 5, 2 contenaient des ovaires très développés et chargés d'œufs dont 
un certain nombre prêts à être pondus; deux autres contenaient des œufs 
assez gros, mais en moins grand nombre. 


No 2. — Nid du 44 août 4895. Croissy {Seine). 


La reine est dans le nid. 

Le nid comprend 11 gâteaux superposés, dont les deux inférieurs à 
grandes cellules. 

Ces gâteaux, énumérés de bas en haut, sont : 

G. 1 (D. — 9,5). — Grandes cellules. — OEufs au centre; cellules vides 
au moins sur 3 rangées à la périphérie. 

G. 2. (D. — 16°,5). — Grandes cellules. — OEufs et jeunes larves au 
centre; cellules vides sur 1 ou 2 rangées à la périphérie. 

G. 3. (D. — 14c-15°.) Mixte. — Grandes cellules.— Elles forment un petit 
groupe annexé latéralement et placé d’une facon excentrique. Elles con- 
tiennent des œufs. 

Petites cellules : en allant de la périphérie au centre, on trouve : 

OEufs : 2 rangées ; 

Larves augmentant de taille de la périphérie au centre : 6 à 7 rangées ; 

Cellules operculées : 9 rangées circulaires. 

Quarante-sept larves sont examinées; elles sont reconnues Q (ouvrières). 

G. &. (D. — 20°).— Petites cellules.— De la périphérie au centre : œufs, 
2 rangées; larves, 6 à 7 rangées; opercules, 18 rangées; région centrale 
d’un diamètre de 8 rangées avec grosses larves et œufs. 

Je trouve dans les grosses larves 1 G' pour 100 Q (ouvrières) et, dans les 
larves au-dessous de 1 centimètre, 10 G' pour 100 © (ouvrières). 

G. 5. — Petites cellules. — Pas de détails. 

.G. 6. (D. — 21° à 22°.) — Petites cellules. — De la périphérie au centre : 
œufs, à peine 1 rangée ; larves, 3 à 5 rangs ; opercules, 8 à 9rangs; centre, 
formé d’ilots assez irréguliers de grosses larves au milieu de jeunes larves 
et d'œufs. 


G. 7(D.— 20°). — Petites cellules. — De la périphérie au centre : opercules, 


64 PAUL MARCHAL.. 


2 à 3 rangées ; œufs et très jeunes larves, 2 à 3 rangées {on rencontre fré- 
quemment 2 œufs dans la même cellule); grosses larves, 5 à 6 rangées ; 
opercules, 12 rangs; région centrale ayant un diamètre d’une douzaine de 
cellules, à disposition irrégulière, et dont les cellules sont vides,avec œufs 
ou avec grosses larves. Cette irrégularité pouvait, du reste, s’observer déjà 
dans le gâteau précédent. La ponte, elle aussi, est irrégulière; il y a fré- 
quemment 2 ou 3 œufs dans la même cellule et, de plus, les individus qui 
sont côte à côte dans une même rangée circulaire ne sont pas toujours 
de même âge ; bien qu'il y ait des zones distinctes, il y a souvent mélange de 
différents stades. En un mot, il ne semble pas y avoir unité de production. 

Sexes : grosses larves, 1 G' pour 100 © (ouvrières); petites larves, 1 G' 
pour 5 © (ouvrières). 

G. 8. (D. — 19°).— Petites cellules.— De la périphérie au centre : œufs 
et jeunes larves, 2 à 3 rangées; grosses larves, 3 rangées; opercules, 6 à 
T1 rangées; région centrale irrégulière comprenant œufs et jeunes larves 
sur un diamètre de 18 à 20 cellules, avec îlots de grosses larves. La ponte 
manque aussi d'unité. 

Sexes : grosses larves, moins de 1 mâle pour 100 femelles (ouvrières) 
[sur 100 grosses larves, la 98° seule est mâle]; petites larves, 1 mâle pour 
20 femelles (ouvrières). 

G.9(D.—16°).— Petites cellules.— De la périphérie au centre : quelques 
œufs et jeunes larves et cellules vides, 2 à 3 rangs; quelques grosses larves; 
opercules, 2 à 3 rangs; œufs, jeunes larves et cellules vides nombreuses, 
6 rangs; larves moyennes et grosses, cercle très incomplet sur 1 à 2 rangs; 
région centrale formée de cellules vides et très basses. 

Sexes : 1 mâle pour 42 femelles. 

Sur ces deux gâteaux 8 et 9, on saute brusquement des larves minus- 
cules aux rangées de larves grosses; il y a dû y avoir interruption et re- 
prise de la ponte sur ces gâteaux. 

G. 10 (D. — 14°). — Petites cellules.— Légèrement concave par sa face 
cellulaire ; abandonné pour la ponte ; presque toutes les cellules vides et 
très basses; quelques rares opercules. 

G. 11 (D. = 10°).— Petites cellules.— Entièrement vide ; forme une ca- 
lotte de cellules basses collée contre le précédent à un point tel que les 
Guêpes ne devaient plus circuler entre les deux. 

Nombre des générations : 

G. 11 : 2 générations ; 

G. 10 : centre, 2? générations; périphérie, 1 génération; 

G. 9 et suivants : 1 génération. 

(Les générations sont comptées par les culots de matière excrémenti- 
tielle rejetés par la larve.) 

Fécondité des ouvrières. — Quatre-vingt-huit ouvrières de ce nid, tuées le 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 65 


lendemain de la capture, ayant été disséquées, 6 sont trouvées fécondes, 
dont une assez fortement ; soit donc environ 1 quinzième d’ouvrières fé- 
condes, dans le nid. 

Éxpérience faite en construisant un nid artificiel à l’aide du précédent. — 
Pour recevoir ce nid, une petite caisse qui a été construite en vue d’expé- 
riences faites antérieurement en 1893, est utilisée. Cette caisse (fig. 8) me- 
sure 25 centimètres en tous sens; l’un des côtés, que nous appellerons pos- 
térieur, est fermé par une vitre qui peut se retirer à volonté; en outre, 
une porte pleine, mobile autour d’une charnière, vient s'appliquer contre 
la vitre ; lorsque la porte est fermée, l’intérieur de la caisse est donc obscur ; 
lorsqu'elle est ouverte, la lumière y pénètre au travers de la vitre. Sur la 
paroi opposée, ou antérieure, se PRESS 
trouve une petite porte, d’une = 
taille légèrement supérieure à U | 
celle de l’entrée d’un guëêpier, et 
qui peut s'ouvrir et se fermer à 
volonté à l’aide d’une trappe à 
guillotine. Au devant de cette 
porte peut se fixer, à l’aide de 
crochets, une galerie de bois à 
section carrée et à direction oblique de bas en haut destinée à figurer le 


Fig. 8. 


couloir d'accès du guëêpier. 

Dans cette caisse, sur une étagère formée de montants et de traverses 
en bois, sont disposés de bas en haut les gâteaux 1, 2,3,4, 6; le groupe 
de grandes cellules du gâteau 3 s’étant détaché, est intercalé entre 3 et #. 
Les gâteaux ne sont pas placés d’une facon horizontale comme dans le 
nid, mais sont inclinés de facon à permettre de voir leurs faces cellulaires. 

Les choses étant ainsi disposées et la trappe étant fermée, la caisse est 
adaptée à l’aide de la galerie de bois à une cage qui contient la majeure 
partie de la colonie du nid. Cette cage a été construite de facon à ce que sa 
porte, quipeut se fermer égalementà l'aide d’unetrappeà guillotine,s’adapte 
exactement à la galerie de bois. Les deux trappes étant maintenues fer- 
mées, la reine, qui a été capturée le 17 août au soir et mise, en attendant, : 
dans une cage avec quelques débris de rayons et. quelques ouvrières, 
est introduite le 48 au matin par un petit trou latéral de la caisse, qui est 
aussitôt rebouché. Les deux trappes sont alors ouvertes, tandis que la 
cage est maintenue dans l'obscurité à l’aide de couvertures et que le 
volet de bois de la caisse est ouvert de facon à en éclairer l’intérieur. Les 
Guêpes ne tardent pas à passer de la cage dans la caisse et à s’y instal- 
ler en abondance. Le 19, les choses sont laissées dans cet état; le 20, le 
volet de la caisse est fermé et la communication entre la cage et la caisse 
est encore maintenue pendant toute la journée. Du miel est, du reste, 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T. 1V. 1896. 5 


66 PAUL MARCHAL. 


donné en abondance pendant tout le temps nécessaire pour cette instal- 
latioh. Le 20 au soir, à 10 heures, les trappes sont fermées pour inter- 
rompre la communication ; presque toutes les Guêpes se trouvent alors 
dans le nid artificiel. Le 21, au matin, la caisse, avec sa trappe fermée, 
est séparée de la cage et mise en place devant un carreau percé dans un 
pavillon vitré qui se trouve dans le jardin. L'orifice a, du reste, été pratiqué 
dans le carreau de facon à s'adapter exactement à l'entrée de la galerie 
de bois qui donne accès dans la caisse. 

La trappe est alors ouverte, et les Guêpes prennent leur vol au dehors ; 
toutes celles qui sortent se retournent aussitôt et décrivent des orbes de 
plus en plus larges, en regardant l’orifice d'entrée du nid à mesure qu’elles 
s'éloignent, de façon à en conserver le souvenir. Aussi le courant des en- 
trées et des sorties ne tarde-t-1l pas à s'établir d’une facon fort régulière ; 
bientôt les Guêpes ont fait connaissance avec la nouvelle contrée qu’elles 
habitent et elles reviennent au nid comme si elles avaient toujours occupé 
cet emplacement. 

Je vois la reine pondre coup sur coup dans le gâteau supérieur. Après 
avoir pondu un œuf, elle se promène un peu, allant demander soit aux 
larves, soit plus rarement aux ouvrières quelque nourriture. Les ouvrières 
ne font, du reste, pas plus attention à elle qu’à une compagne ordinaire. La 
reine, après avoir exploré une cellule avec sa tête, pour y pondre ensuite 
un œuf, peut se tromper et, en se retournant, introduire son abdomen 
dans une cellule autre que celle qu’elle avait explorée. De cette erreur 
peut, ainsi que je l’ai constaté, résulter la ponte de deux œufs dans la 
même cellule. La présence de deux œufs dans la même cellule peut donc 
être due à la reine et non seulement aux ouvrières pondeuses. Il convient, 
toutefois, de faire cette réserve que la reine n’est pas dans des conditions 
entièrement normales, le gâteau présentant une assez forte obliquité des- 
tinée à faciliter son examen; quoi qu'il en soit, les rapports de direction 
entre la reine et le gâteau ne se trouvent pas changés. Il est à noter que, 
contrairement à ce qu’on voit à la fin de la saison, la reine ne fréquente 
guère les gâteaux à grandes cellules; ces gâteaux sont presque déserts ; au 
contraire, l’activité est grande sur les autres, notamment sur le supérieur. 
Les ouvrières se sont occupées à relier les différents gâteaux entre eux et 
à les fixer aux morceaux de bois qui les supportent ainsi qu'aux parois de 
la caisse. 

Le 22 août, je vois une grosse Vollucella zonaria se promener à l’inté- 
rieur du nid. Elle parcourt les rayons avec une grande tranquillité, et les 
Guêpes n’y font aucune attention. Il me semble évident que l’adapta- 
tion de la Volucelle doit consister dans la tranquillité de l'allure avec 
laquelle elle se promène dans le guêpier; cette tranquillité contraste avec 
l'agitation où se trouve une Guêpe d’une autre colonie qu'on introduit 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 67 


dans un nid; on comprend que l’une passe inapercue non pas à cause de 
sa vestiture présentant une lointaine analogie avec celle des Guêpes, mais 
à cause de ses allures calmes; tandis que l’autre, à cause de son agitation, 
malgré son facies identique, ne pourra manquer d’être massacrée. 

Le 23 août, le nid est presque entièrement masqué par les lames de pa- 
pier auxquelles les ouvrières travaillent activement. 

Le 8 octobre, l'enveloppe de papier, devenue très épaisse, est enlevée 
de facon à démasquer les rayons; la population des Guêpes est nombreuse, 
je veis au moins une jeune reine. 

Le 19 octobre, la colonie est toujours très nombreuse et très active, mal- 
gré le froid ; le nid est très bien abrité et au sec,ce qui évidemment retarde 
beaucoup sa destruction.L’enveloppe de papier, qui a encoreété reformée, 
est enlevée; les grandes cellules sont en assez grand nombre operculées, 
et il y a des jeunes reines. Je ne vois pas de mâles. 

Le nid est détruit et examiné le 27 octobre. 

La reine mère est encore vivante, mais immobile et engourdie par le 
froid. 

Les différents gâteaux, énumérés de bas en haut, présentent les parti- 
cularités suivantes : 

G. 1. Grandes cellules, — De formation nouvelle {le G. 1 primitif ayant 
une position trop oblique a été entièrement abandonné); toutes femelles 
(larves, 42; nymphes, 4). 

G. 2. Grandes cellules.— Ancien; toutes femelles (larves, 20; nymphes,74). 

G. 3. Petites cellules. — Larves, 21 mâles pour 85 femelles; nymphes, 
17 mâles pour 2 femelles. 

Parmi ces larves mâles, il y en a de jeunes, bien blanches et bien nour- 
ries; la ponte des mâles continue donc alors qu'elle est depuis longtemps 
interrompue dans les grandes cellules. 

G. 3 bis. Mixte. IL est formé d’un groupe intercalé de grandes cellules 
anciennes auquel les ouvrières ont surajouté des petites cellules. 

Les grandes cellules contiennent 23 larves femelles. 

Les petites cellules contiennent 27 femelles pour 2 mâles, quelques 
jeunes larves. | 

G. 4. Petites cellules. — Larves, 18 mâles pour 32 femelles; nymphes, 
50 mâles pour 2 femelles (totalité). 

G. 6. Petites cellules. — Larves, 10 mâles pour 24 femelles ; nymphes, 
14 mâles pour 1 femelle. 

Fécondité des ouvrières dans le nid artificiel. — Le 2 septembre, 30 étant 
examinées, sont reconnues stériles; il en est de même de 16 examinées 
le 8 octobre et de 35 le 19 octobre. Les ouvrières pondeuses paraissent 
donc bien être absentes pendant toute la durée de l'expérience. 

Expérience sur les ouvrières pondeuses (voir p. 26). — A. Le 20 août, des 


68 PAUL MARCHAL. 


cellules operculées sont mises dans une cage qui ne contiendra donc que 
des ouvrières écloses à partir du 20 août. Le 5 septembre, il y a des œufs 
nombreux. Le 7 septembre, je trouve dans ces ouvrières qui pondent 
abondamment, sur 40 individus, 3 féconds, soit 1 septième ; le 1° octobre, 
sur 30, 9 féconds, soit près de 1 tiers. Ponte très abondante. 

B. Le 21 août, je donne à des ouvrières non fraîchement écloses prove- 
nant du même nid un rayon dont les cellules ont été soigneusement vidées. 
Le 5 septembre, j'examine le gâteau : il n’y a pas un œuf. 

Conclusions. — 1° Au milieu d'août, la proportion des mâles, encore très 
faible pour les grosses larves, est beaucoup plus forte pour les larves de 
petite taille. Cette proportion diminue dans les gâteaux à petites cellules 
de bas en haut. 

2° Dans un nid normal, au milieu d'août, il peut y avoir des ouvrières 
fécondes dans la proportion de 1 quinzième, mais elles sont en général 
fécondes à un faible degré. 

3° L'examen du nid artificiel du 27 octobre nous montre la spécialisa- 
tion complète des grandes cellules pour les femelles (reines)à cette époque; 
au contraire, les mâles sont très nombreux à tous les stades, mais surtout 
à l’état de nymphes dans les petites cellules. En supposant que ces mâles 
aient été, dans le cas actuel, retardés dans leur développement, on ne 
peut, en tout cas, pour les larves et surtout pour les jeunes stades, assigner 
à la ponte des œufs qui les ont produits une date plus lointaine que le 
2 septembre. Or, les ouvrières ayant été reconnues stériles à cette époque, 
on doit en conclure que ces mâles, au moins pour une bonne partie 
d’entre eux, ont été produits par la reine, 

4° Lorsqu'on sépare de la reine des ouvrières fraîchement écloses, une 
très forte proportion d’entre elles ne tardent pas à devenir fécondes à un 
haut degré, alors que celles qui restent dans le nid avec la reine restent 
stériles. 


No 3. — Nid du 17 août 1893. Iteuil. 


La reine n'est pas trouvée. Le nid est de très grosse taille (environ 
40 centimètres de diamètre). La colonie est extrêmement nombreuse, Il y 
a quelques rares mâles adultes; mais les mâles sont encore très rares, 
même dans la colonie larvaire. Sur plus de 500 grosses larves ou cellules 
operculées, je ne trouve que # individus mâles, dont 1 près d’éclore. Ces 
individus mâles se trouvent aussi bien dans les gâteaux supérieurs que 
dans les inférieurs, à côté de larves ou nymphes ouvrières du même âge. 

Pas de détails sur les gâteaux. 

Expérience sur les ouvrières pondeuses. — Le 18 août, un fragment de gâà- 
teau, dont toutes les cellules ont été vidées, est mis dans la petite caisse 
vitrée dont nous avons parlé pour le nid n° 2; cette caisse est ensuite mise 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 69 


en communication avec une grande cage où se trouvent un assez grand 
nombre de Guêpes provenant du nid pris le 17 août (fig. 8). Dès le surlende- 
main matin, le 20 août, je constate que la ponte est commencée.Le 26 août, 
toutes les cellules ont recu des œufs et toutes contiennent au moins deux 
œufs, un bon nombre trois ou quatre. Il est à noter que, malgré cette 
ponte, les ouvrières n’ont pas établi de nouvelles cellules et que le travail 
pour la production du papier est très peu actif. Le développement des 
larves est très lent. Les ouvrières détruisent un très grand nombre d'œufs 
et arrachent les larves à mesure qu’elles se développent pour en nourrir 
d’autres. Je surveillais entre autres une larve qui avait pris déjà un beau 
développement et qui remplissait presque sa cellule; elle l’'emportait en 
taille sur toutes les autres et pouvait bien avoir une avance de trois jours 
sur les plus fortes. Je l’avais encore vue le 2 septembre au soir; le 3 sep- 
tembre, elle était disparue. Le lendemain, # septembre, je pris une ou- 
vrière en flagrant délit, achevant de tirer d’une cellule la larve qui, après 
celle dont je viens de parler, était la plus grosse et la mieux venue de 
toutes ; une autre Guêpe qui passait l’aida dans son travail ; puis, campée 
sur le nid, elle la tritura pendant longtemps entre ses mandibules de 
façon à former une boule de hachis destinée à l’alimentation des autres 
larves. Après ces constatations, je n'avais plus à m'étonner de voir ma 
colonie larvaire rester indéfiniment aux mêmes stades, puisque, à mesure 
qu’une larve commencait à se faire remarquer par sa taille, elle était im- 
pitoyablement arrachée pour servir de nourriture à ses jeunes sœurs. 

Il faut attribuer, je crois, les faits précédents à la désorientation des 
Guêpes causée par la captivité. En tout cas, la nourriture mise dans la 
cage, miel et foie de veau, ne leur manquait pas; mais il est à penser 
que la colonie était beaucoup trop nombreuse pour le gâteau qui lui avait 
été délivré; peut-être aussi l'installation était-elle moins favorable que 
dans la première expérience. 

Il est assez vraisemblable que cet instinct que les Guêpes ont d’arracher 
les larves de leurs cellules pour alimenter les plus jeunes doit se mani- 
fester à l’état de liberté dans certaines occasions. Lorsque le mauvais 
temps se continue sans interruption, empêchant le ravitaillement de la 
colonie, il y a évidemment intérêt pour la société à sacrifier quelque gros 
individu dont le corps fournira de quoi assurer l’existence à un grand 
nombre de petits. Au lieu d'utiliser des provisions de vivres comme les 
Abeilles, les Guêpes se trouveraient alors, en temps de disette, utiliser 
les provisions qu'elles auraient accumulées dans le corps des grosses 
larves, celles-ci jouant alors le rôle de sacs à provisions occasionnels. 

Le 4 septembre, pendant la nuit, je séparai la caisse de la cage et, pla- 
cant la caisse devant une fenêtre constamment ouverte, j’ouvris la trappe. 
Les Guêpes furent ainsi rendues à la liberté et un bon nombre revinrent au 


70 PAUL MARCHAL. 


nid; mais, malgré cette disposition, le décimage des larves n’en continua 
pas moins. Le 19 septembre, l'abandon du nid était presque complet. Je 
procédai à son examen; il contenait un grand nombre d'œufs, un certain 
nombre de très jeunes larves et deux larves un peu plus grosses ayant un 
diamètre de 3 à # millimètres. Ces deux larves, ainsi qu’une autre exami- 
née précédemment, étaient du sexe mâle. 

Quelques ouvrières avaient persisté à revenir au nid; une fut disséquée 
et ses ovaires étaient gonflés d'œufs à différents degrés de développement; 
le réceptacle séminal était clair. 

Des œufs que j'avais remarqués le 4 septembre n'étaient pas encore éclos 
le 13,et il est probable qu'ils avaient été pondus quelques jours avant celui 
où je les avais remarqués; ce retard de développement s'explique par les 
nuits fraîches, l’absence de papier entourant le nid et concentrant la cha- 
leur, la rareté des Guêpes ; pour l'expérience de juillet,au contraire, toutes 
les conditions étaient favorables. 

Conclusions. — 1° Au milieu d’août, les mâles sont encore très rares dans 
les nids, non seulement parmi les adultes, mais encore parmi les nymphes 
et les grosses larves. 

20 Etant donné que les ouvrières ont pondu presque immédiatement 
après la capture du nid, cette expérience prouverait bien qu'il existe nor- 
malement des ouvrières pondeuses dans les nids au milieu d'août; mal- 
heureusement, la reine n’a pas été trouvée et, bien qu'il soit infiniment 
probable qu’elle était présente, et qu'elle m'a échappé, il convient de 
faire une réserve pour ce qui concerne ce nid, car il n’est pas impossible 
que les ouvrières pondeuses qui se trouvaient dans le nid dussent leur 
existence à [a disparition de la reine. 


No 4. — Nid du 19 août 1895. Beauvais (Oise). 


Je n’ai pas vu ce nid, qui a été capturé par M. Charles Janet. J'ai, par 
son obligeance, recu un envoi des Guêpes prises dans ce nid et j'ai trouvé : 

1° Sur 20 prises au vol autour du nid, 0 fertile (un tiers à peu près avec 
œufs très incomplètement développés); 

2° Sur 20 capturées dans la terre autour du nid, 0 fertile. 

Donc, sur au moins 40 examinées, 0 fertile, 

Conclusion. — Cette observation montre que les ouvrières pondeuses 
peuvent manquer ou, tout au moins, être très rares dans les nids, même 
vers le 20 août, c'est-à-dire à l’époque où elles devraient être le plus nom- 
breuses, si elles étaient la cause unique de la grande production des 
mâles dans la première moitié de septembre. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈËPES SOCIALES. 71 


No 5, — Nid du 23 août 1893. Iteuil. 


La reine est trouvée. Le nid présente 7 gâteaux superposés qui sont, de 
bas en haut : 

G. 1. — Grandes cellules. — De petite taille, entièrement vide. 

G. 2.— Grandes cellules. — De grande taille, en partie vide; œufs, larves 
et cellules fraîchement operculées ; aucune note sur le sexe. 

G. 3.— Petites cellules.— Proportion des mâles très forte; grosses larves, 
110 mâles pour 50 femelles (ouvrières); nymphes, nombre des ouvrières 
l'emporte sur celui des mâles. 

On observe la répartition des mâles par groupes et par séries d’une 
facon très accentuée. 

G. 4. — Petites cellules. — Proportion des mâles à peu près la même 
que pour le suivant. 

G. 5.— Petites cellules.— Proportion des mâles : 68 mâles pour 250 fe- 
melles (ouvrières); il y en a un bon nombre à l’état de nymphes. 

G. 6.— Petites cellules.— Proportion des mâles : 30 mâles pour 200 fe- 
melles (ouvrières). 

Conclusions. — 1° Les mâles sont plus nombreux à l'état de grosses 
larves qu'à l’état de nymphes; nous sommes encore dans la phase ascen- 
sionnelle de la courbe de la production des mâles. 

2° Le nombre des mâles à l’état de grosses larves ou de nymphes décroît 
dans les gâteaux à petites cellules de bas en haut. 


No 6. — Nid du 29 août 1895. Saint-Maur (Seine). 


La reine n’est pas trouvée. 

Contrairement à l'usage, ce nid de Vespa germanica n'est pas souterrain; 
il est suspendu au plafond d’une cabane dans un jardin. L’enveloppe est 
traversée par une petite solive soutenant le plafond. Ce nid a de 25 à 
28 centimètres de diamètre. L’enveloppe sphérique est très volumineuse 
par rapport au contenu ; je ne vois qu’un orifice. En ouvrant l'enveloppe, 
Je constate que le nid est très en retard pour la saison; il ne contientque 
& gâteaux, qui sont (ous à petites cellules et qui sont, de bas de haut : 

G. 4 (D. = 11°). — Grosses larves, 13 mâles pour 40 femelles. 

Cellules operculées, toutes femelles. 

G. 2 (D. =142). — Grosses larves mâles très peu nombreuses. 

G. 3. — Grosses larves mâles très peu nombreuses. 

G. 4. — Pas de larves mâles parmi les grosses. 

Les quatre gâteaux présentent de nombreux œufs et jeunes larves. 


1 Roucer (1S'2%), ANDRÉ (species des Hyménoptères ; Vespides, p. 862) et 
On. Janer (4 895b) ont aussi signalé des nids de Vespa germanica aériens. 


72 PAUL MARCHAL, 


Partout, la proportion des jeunes larves mâles est très forte, ce qui 
montre que l’apogée pour la production des mâles se produira dans ce nid 
plus tard que dans les autres. 

Fécondité des ouvrières. — Sur 33 disséquées, 5 sont reconnues fécondes, 
soit une proportion d’un peu plus d’un septième; 4 sur ces 5 sont fé- 
condes à un faible degré (1 ou 2 œufs mûrs ou presque mürs), mais une a 
les ovaires pleins et # gros œufs mûrs. 

Conclusions. — 1° Ce nid, qui exceptionnellement était aérien, se trou- 
vait très en retard à tous les points de vue (pas de grandes cellules, retard 
de la production des mâles, petite taille des ouvrières). 

20 L'observation sur la fécondité des ouvrières montrerait bien la fécon- 
dité normale des ouvrières à cette époque; mais la reine n’a pas été trou- 
vée et l’on peut supposer que sa disparition a été la cause de la production 
des ‘ouvrières pondeuses. Il convient toutefois de noter que, parmi les 
jeunes larves, il s’en trouvait une forte proportion de femelles et que, par 
conséquent, si la reine était disparue, elle l'était depuis peu. D'autre part, 
le nid étant très en retard, il se peut que l'apparition des ouvrières pon- 
deuses ait été provoquée par une diminution de la ponte de la reine. 


No 7. — Nid du 4e septembre 1893. Iteuil. 


La reine est trouvée. 

Essais infructueux pour faire pondre la reine isolément. La reine ne 
pond pas dans les cellules qu’on lui donne et elle meurt au bout de deux 
Jours. 

L'examen détaillé du nid n’est pas fait. IL y a un gâteau mixte, conte- 
nant à la fois des petites et des grandes cellules ; celles-ci sont placées 
vers une extrémité et sur les bords. Le passage se fait à l’aide d’une ou 
deux rangées de cellules intermédiaires ; les larves mâles sont très nom- 
breuses partout, ainsi que les nymphes, et il y a aussi un grand nombre 
de mâles éclos. Chose à noter, on rencontre aussi, bien qu’en petit nombre, 
des mâles dans les cellules intermédiaires et dans les grandes cellules. Les 
grandes cellules ne sont donc pas, à cette époque, encore exclusivement 
réservées aux reines. 

Ouvrières pondeuses. — J’essayai d'associer un groupe d’ouvrières à une 
reine de Vespa vulgaris en leur donnant un nid artificiel formé de rayons 
de l’une et de l’autre espèce où les œufs et jeunes larves avaient été dé- 
truits. La reine de Vespa vulgaris fut trouvée morte le lendemain. Les frag- 
ments de nids de Vespa vulgaris furent considérés comme des objets 
étrangers et reliés par des bouts de papier aux autres fragments; ils res- 
tèrent vides. De nombreux œufs et jeunes larves furent trouvés dans le nid 
le 12 octobre. Il y avait de plus une rosette formée de 53 petites cellules 
de nouvelle formation, dont chacune était dotée d’un œuf ou d’une jeune 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 73 


larve. C’est la seule fois que j'obtins une construction nouvelle de cellules 
dans mes élevages en captivité. Les gâteaux à grandes cellules restèrent 
vides. 

La dissection des ouvrières restant le 12 octobre donna, sur 61 ouvrières 
disséquées, 1 sixième d’ouvrières fertiles. 


No 8. — Nid du 10 septembre 1894. Alonne, près de Beauvais. 


La reine est trouvée. Le nid, examiné de bas en haut, présente les dé- 
tails suivants : 

G. 1. — Grandes cellules. — Non operculées; toutes les larves femelles. 

G. 2. — Grandes cellules. — Larves, toutes femelles. 

Cellules operculées, toutes femelles (sauf une, que je vise entre toutes 
parce qu'elle a un opercule plat, blanc et mince et qui contient un mâle.) 
_ G.3. Mixte. — a) Grandes cellules.— Larves, 5 mâles pour 74 femelles. 

Cellules operculées, 10 mâles pour 80 femelles. 

Les cellules mâles operculées sont reconnaissables à leur opercule plat, 
blanc, mince, souple, tandis que celui des femelles est fortement bombé, 
de teinte jaunâtre, épais, opaque et comme parcheminé. 

b) Petites cellules. Jeunes larves et œufs. 

G. 4. — Petites cellules. — Larves, 190 mâles pour 213 femelles. 

Cellules operculées, 716 mâles pour 60 femelles. 

G. 5. — Petites cellules. — Larves, 29 mâles pour 80 femelles. 

Cellules operculées, 210 mâles pour 100 femelles, 


G. 6. — Petites cellules. — Larves, 11 mâles pour 147 femelles. 
Cellules operculées, 45 mâles pour 60 femelles. 
G. 7. — Petites cellules. — Larves, toutes femelles (70 sur 70). 


Cellules operculées, 19 mâles pour 42 femelles. 

G. 8. — Petites cellules. — Vide. 

Fécondité. — Sur 30 Guêpes tuées le 11 septembre aussitôt après La cap- 
ture du nid, toutes sont stériles (9, soit environ 1 tiers, contiennent de 
petits œufs très incomplètement développés). 

Expérience sur la reproduction des Guépes en captivité. — Le 14 septembre. 
je dispose dans une cage, l’un à côté de l’autre, deux fragments, l’un à 
petites, l’autre à grandes cellules, dans lesquels tout a été enlevé, sauf 
quelques larves non operculées. La reine d’abord, puis des ouvrières sont 
introduites ; c'est sur le gâteau à grandes cellules que se porte et se tient 
la reine ; c’est là aussi où se portent la plupart des ouvrières. Le 19 octobre, 
la reine est morte. Elle a pondu assez abondamment; il y a des œufs et 
des larves très jeunes dans les grandes cellules. Le froid assez vif explique, 
sans doute, l’arrêt de développement des larves. 

Le 14 septembre, dans une autre cage, tout est disposé de même que 


74 PAUL MARCHAL. 


précédemment, mais des ouvrières sans reine y sont mises en assez grand 
nombre. Toutes se portent sur le gâteau à grandes cellules. Le 19 octobre, 
il n’y a pas un seul œuf de pondu; tout est vide. 

Au point de vue de la fécondité de ces Guêpes mises en expérience, le 
résultat est le suivant : 

Ouvrières avec la reine : sur 15 Guêpes disséquées, 0 fertile (6 ont seu- 
lement des œufs très incomplètement développés). 

Ouvrières sans la reine : sur 21 Guêpes disséquées, 0 fertile (8 ont seu- 
lement des œufs très incomplètement développés). 

Conclusions. — 1° Dans ce nid, la spécialisation des grandes cellules pour 
les reines est déjà très nettement accentuée; pourtant, certaines d’entre 
elles renferment des femelles intermédiaires — il est vrai, peu nom- 
breuses — et un petit nombre dans le gâteau supérieur (G. 3) contiennent 
des mâles ; ces rares mâles des grandes cellules n’existent guère que dans 
ce gâteau supérieur et ils sont en nombre notablement plus grand à l’état 
de nymphes qu’à l’état de larves, ce qui montre que la spécialisation pour 
les reines tend à devenir de plus en plus forte jusqu'à devenir complète. 

20 Pour les gâteaux à petites cellules, la proportion des mâles dans les 
cellules non operculées décroît de bas en haut: pour les cellules opercu- 
lées, on obtient, d’une facon générale, la même décroissance; pourtant 
la courbe se relève pour le gâteau 5. 

3° Dans tout le nid, la proportion des mâles est notablement plus forte 
dans les cellules operculées que dans les cellules non operculées, ce qui 
indique que la reproduction des mâles est en forte décroissance et qu'on 
est, au contraire, à peu près à l’apogée de la période d’éclosion des mâles. 

4° D'après les dissections, il n’existe plus d’ouvrières pondeuses dans le 
nid au mois de septembre, ou, tout au moins, elles y deviennent très rares, 


et l’on ne saurait expliquer par elles la présence des nombreuses larves 


mâles encore jeunes qu'on y rencontre. 

5° La séparation des ouvrières d’avec la reine n’a pu, dans le cas actuel, 
déterminer leur fécondité; ce fait doit être attribué à ce que les Guêpes 
mises en expérience étaient déjà écloses depuis un certain temps et que 
les fragments de nids qui leur avaient été donnés ne contenaient aucune 
cellule operculée ; or, ainsi que nous l’avons vu {nid n° 2), ce sont les nou- 
vellement écloses qui sont de beaucoup les plus aptes à devenir fécondes 
sous l'influence de l'éloignement de la reine, surtout avec des conditions 
d'alimentation aussi défectueuses que celles de la captivité. Pour obtenir 
des ouvrières pondeuses à coup sûr et dans une forte proportion, il faut, en 
isolant des gâteaux à cellules operculées, obtenir un certain nombre de 
Guêpes fraîchement écloses, les mettre, sans la reine mère, dans une cage 
avec des rayons vides ou ne contenant que des cellules operculées, et les 
nourrir aussi abondamment qu’on pourra. 


… 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊËPES SOCIALES. 7 


6° Un fait intéressant à noter est la préférence marquée que la reine 
et les ouvrières montrent pour les grandes cellules à cette époque. 


No 9. — Nid du 17 septembre 1893. Iteuil. 


La reine est trouvée. L'examen détaillé du nid n’est pas fait; les deux 
gâteaux inférieurs sont à grandes cellules. Les grandes cellules sont, pour 
la plupart, occupées par des reines; pourtant, dans le deuxième gâteau, 
on voit quelques cellules dont l'opercule est plat et qui contiennent une 
larve mâle ne la remplissant pas. 

Expériences sur la reproduction. — A. Les 19 et 20 septembre, je dispose 
dans la caisse vitrée, pouvant être rendue obscure à volonté par la ferme- 
ture d’un volet de bois, un nid artificiel formé d’un gâteau à grandes cel- 
lules et de deux à petites cellules. Ces gâteaux contiennent 210 cellules 
operculées, 113 grosses larves (petites cellules) et 28 larves moyennes 
(grandes cellules). 

Tous les œufs et jeunes larves ont été soigneusement détruits. 

La caisse qui contient ce nid est mise en communication avec une grande 
cage claire destinée à représenter pour les Guêpes le monde extérieur 
(fig. 8). Dans ce nid artificiel est introduite d’abord la reine, puis une 
soixantaine d’ouvrières. 

Résultat Le 12 octobre : il y a dans les cellules des œufs et un bon nombre 
de larves minuscules ; en outre, dans la cage claire, il y a des jeunes larves 
qui ont été récemment arrachées de leurs cellules par les Guêpes ; elles 
sont au nombre de 29, dont 28 femelles et 1 mâle; parmi elles se trouvent 
17 larves jeunes (dont la larve mâle), qui sûrement ne sont pas antérieures 
à la date de la mise en expérience. Etant donné que presque toutes les 
larves ayant atteint une certaine taille avaient été arrachées par les Guêpes, 
il est vraisemblable que beaucoup d’entre elles avaient été détruites. 

B. Le 20 septembre, la contre-épreuve est instituée. Un nid artificiel, 
formé d’un gâteau à petites cellules et d’un gäteau à grandes cellules, est 
disposé dans une cage où est introduit un nombre d’ouvrières à peu près 
égal à celui de l’expérience faite avec la reine ; ces ouvrières, du reste, 
proviennent du même nid et ont été prises dans les mêmes conditions. 
Les gâteaux donnés contiennent 162 cellules operculées et 98 grosses 

larves; tous les œufs et jeunes larves ont été soigneusement détruits. 

Résultat le 12 octobre : le premier gâteau inférieur à petites cellules 
contient de nombreux œufs et petites larves, souvent plusieurs dans la 
même cellule. Le deuxième gâteau à grandes cellules contient des œufs et 
très jeunes larves dans la plupart des cellules, et même quelquefois plu- 

_sieurs dans la même. Malgré la petitesse des larves, je puis en examiner 
quelques-unes et constater qu'elles sont mâles. 


76 PAUL MARCHAL. 


Fécondité des ouvrières. — 1° Ouvrières tuées au moment de la capture 
du nid : sur 50, toutes stériles ; 9 autres, prises parmi celles qui restent 
avec persistance sur le nid, sont en outre disséquées et trouvées stériles ; 

20 Ouvrières conservées avec la reine en captivité et tuées le 14 octobre : 
sur 20, toutes stériles ; 

3° Ouvrières conservées en captivité, séparées de la reine et tuées le 
18 octobre : sur 30, un tiers de fertiles, 

Conclusions. — Les ouvrières étaient stériles au moment de la capture 
du nid; maintenues en captivité sans la reine, elles sont devenues fertiles 
dans la proportion d’un tiers; au contraire, maintenues en captivité avec 
la reine, elles sont restées stériles. La fécondité des ouvrières s’est donc 
développée sous l'influence de l'éloignement de la reine; elle ne peut être 
due qu’à l'absence des jeunes larves dans le nid. 

Cette expérience nous montre en outre que la rep o de la reine 
compte à cette époque en majorité des femelles. 


No 40. — Nid du 3 octobre 1893. Iteuil. 


La reine mère est trouvée. Ce nid contient une quantité extrêmement 
nombreuse de jeunes reines et de mâles. Les gâteaux, énumérés de bas en 
haut, présentent les détails suivants : 

G. 1. — Grandes cellules. — Exclusivement des femelles (reines). 

G. 2. — Mixte. Petites cellules. — 7 mâles pour 70 femelles. 

Intermédiaires, 1 mâle pour 70 femelles (grosses ouvrières). 

Grandes cellules, toutes femelles (reines). 

G. 3. — Petites cellules. — 102 mâles pour 70 femelles. 

G. #. — Petites cellules. — 10 mâles pour 82 femelles, 

G. 5. — Petites cellules. — #7 mâles pour 64 femelles. 

G. 6. — Petites cellules.— A peine habité, 1 mâle pour 15 femelles. 

Les larves qui s’y trouvent sont flasques, jaunes et amaigries. 

G. 17. — Abandonné. 

G. 8. — Abandonné. 

Les cellules operculées de ce nid sont peu nombreuses ; le nombre des 
mâles y est considérable (pas de proportion indiquée). On peut évaluer 
que le rapport des mâles aux femelles pour toutes les petites cellules du 
nid égale 200 mâles sur 280 femelles (ouvrières). 

La proportion des jeuues larves mâles ne dépassant pas 8 millimètres 
est fortement inférieure à celle des jeunes larves d’ouvrières de même 
taille (9 mâles pour 33 femelles); ces petites larves sont, du reste, en très 
petit nombre, comparativement aux grandes. 

Observations sur la reproduction de la reine. — Le 6 octobre, la reine est 
mise dans une cage avec 25 ouvrières environ et deux fragments de 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 77 


gâteau, l’un à petites, l’autre à grandes cellules, placés à côté l’un de 
l’autre. Les œufs et jeunes larves ont été partout détruits (sauf quelques 
œufs dans le gâteau à grandes cellules). La reine et les ouvrières se tien- 
nent avec une constance persistante sur le gâteau à grandes cellules, pour 
lequel elles ont une préférence marquée. Le gâteau à petites cellules est 
entièrement négligé. Lorsque la reine pond dans une grande cellule, le 
thorax et la tête sont penchés en avant; elle a l’abdomen presque en tota- 
lité enfoncé dans la cellule; ses pattes, rejetées en arrière et écartées, 
s’arc-boutent fermement sur les cellules voisines; elle reste dans cette 
position environ trois minutes, puis se retire. Avant d'introduire son 
abdomen dans la cellule, la reine l’explore en y pénétrant tête première. 
Après la ponte de l’œuf, une ouvrière vient, s’introduit dans la cellule et 
y disparaît presque entièrement, tête première, puis en ressort au bout 
de quelques instants. Les ouvrières ne font guère plus attention à la reine 
qu’à une quelconque de leurs compagnes (une fois pourtant, j'en vois une 
montée sur le dos de la reine et lui léchant la tête). La reine ne suit pas 
d'ordre bien fixe dans le dépôt de ses œufs, mais elle se tient dans une 
même région qui représente un foyer de ponte et qu’elle remplit peu à 
peu en le parcourant en tous sens; c’est dans cette région que se tiennent 
de préférence les ouvrières que j’ai adjointes à la reine. Ces ouvrières visi- 
tent les cellules de la région de ponte avec une grande activité; elles y 
restent souvent plongées fort longtemps, et l’on ne voit dépasser que l’ex- 
trémité de l'abdomen animé de légers mouvements respiratoires (fait éga- 
lement signalé par Ch. Janet pour Vespa crabro); les œufs qui se trouvent 
placés dans les grandes cellules se trouvent ainsi soumis à une réelle 
incubation ; il convient toutefois de noter que cette incubation est un 
peu fortuite, car on peut trouver des ouvrières ayant la même position 
dans des cellules où il n’y a pas d'œuf. L’œuf semble néanmoins exercer 
sur les ouvrières une certaine attraction; j'ai vu, en effet, une ouvrière 
pénétrer successivement dans des cellules vides et les abandonner aussitôt; 
puis ensuite pénétrer dans une cellule dotée d’un œuf et y rester d’une 
façon prolongée. Il semble bien qu'il y ait là une réelle incubation. 

Pour forcer la reine à pondre dans les petites cellules, j’enlève presque 
toutes les grandes cellules, ne laissant au-dessous du gâteau à petites cel- 
lules qu'une rosette de 7 grandes cellules (2 avec œufs, 2 avec larves). La 
reine paraît assez désorientée; quant aux ouvrières, elles se groupent aux 
environs de la rosette à grandes cellules ou sur elle-même, entrant dans 
les cellules pour couver les œufs. La reine pond quelques œufs dans les 
petites cellules, sans pourtant que j’assiste à la ponte; elle meurt le 
10 octobre. 

Conclusions. — 1° Il résulte de l'examen du nid qu’au commencement 
d'octobre on ne trouve plus dans les grandes cellules que du couvain des- 


18 PAUL MARCHAL. 


tiné à donner des reines; leur spécialisation est donc devenue complète. 
Le développement d’un individu étant évalué à environ un mois, on peut 
dire que les grandes cellules sont spécialisées pour les reines dès le com- 
mencement de septembre. 

20 Pour les petites cellules, la proportion des mâles diminue de bas en 
haut; exception pourtant doit être faite pour les petites cellules du gâteau 
mixte, qui semblent influencées par leur voisinage avec les grandes cel- 
lules et ne contiennent qu’une très petite quantité de mâles. 

3° La reine et les ouvrières montrent une très grande préférence pour 
les grandes cellules à cette époque. Les œufs semblent y recevoir des soius 
spéciaux (incubation). 


No 41. — Nid du #4 octobre 1895. Saint-Maur. 


La reine mère est trouvée. Les gâteaux, de bas en haut, présentent les 
détails suivants : 

G. 1 (D.— 11° à 126). — Grandes cellules. — Larves, 120 grosses larves 
toutes femelles. 

Cellules operculées, 136, toutes femelles. 

Quelques œufs et jeunes larves. 

G. 2 (D. = 140 à 1T). — Grandes cellules.— Larves, 97, toutes femelles. 

Cellules operculées, 8 mâles, 174 femelles. 

Ces quelques nymphes mâles ont au moins les yeux noirs; les opercules 
de leurs cellules sont surbaissés. 

Une quinzaine de jeunes larves sont en outre examinées et trouvées 
femelles. 

G. 3 (D.= 18° à 16).— Grandes cellules.— Larves grosses ou moyennes, 
150, toutes femelles. 

Cellules operculées. Sur un très grand nombre, il n’y en a que 4 ou 5 
sur le bord, à opercules surbaissés, et contenant des mâles. 

OEufs et jeunes larves assez nombreux. 

G. 4 (D.= 17 à 19°).— Petites cellules. — Larves, 120 mâles pour 130 fe- 
melles (la proportion des femelles s'est trouvée augmentée par ce fait que 
tout un coin du gâteau ne présentait que des femelles). 

Groupement des sexes très marqué; mâles dans certaines places, fe- 
melles dans d’autres. É 

Cellules operculées, 104 mâles pour 4 femelles. 

Jeunes larves, 29 mâles pour 14 femelles. 

G. 5 (D. = 16€ à 17°), — Petites cellules. — Larves, 80 mâles pour 143 fe- 
melles. 

Cellules operculées, 105 mâles pour 5 femelles. 

Petites larves, 19 mâles pour 25 femelles, 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 179 


G.6 (D.—18° à 16°). Petites cellules. — Larves, 47 mâles pour 171 femelles. 

Cellules operculées, 16 mâles pour 15 femelles. 

Petites larves, 22 mâles pour 32 femelles. 

G. 7 (D, = 15°).— Petites cellules.— [arves, 20 mâles pour 185 femelles. 

Cellules operculées (peu nombreuses) : 6 larves mâles pour 3 larves 
femelles; 2 nymphes mâles pour 2 nymphes femelles; total : 8 mâles pour 
5 femelles. 

G. 8. — Petites cellules. — Larves amaigries, mal nourries, jaunes et 
ridés ; larves, 2 mâles pour 91 femelles. 

Pas de cellules operculées. 

G. 9. — Petites cellules. — Entièrement condamné par une couche de 
papier. 

Fécondité des ouvrières. — Sur 30 ouvrières de ce nid tuées le jour même 
de sa capture, toutes sont stériles, et il n’y a pas tendance à la formation 
d'œufs. 

Conclusions. — 1°1] résulte de l'examen du nid que les grandes cellules 
sont entièrement spécialisées pour les reines à cette époque, puisque toutes 
les larves qu’on y rencontre sont femelles. On peut pourtant exceptionnel- 
lement trouver encore quelques nymphes mâles, qui sont tout au moins 
au stade de la pigmentation des yeux. 

20 Pour les petites cellules, c’est dans les cellules operculées que la pro- 
portion des mâles est de beaucoup la plus forte, le nombre des nymphes 
mâles l’emportant de beaucoup sur le nombre des nymphes femelles. 
Dans les grosses larves, la proportion des mâles décroît ensuite considé- 
rablement, puis elle s'accroît ensuite légèrement pour les petites larves. 
Cette légère recrue dans la production des mâles ne peut être due aux 
ouvrières pondeuses, puisqu'elles font défaut à cette époque ; elle ne semble 
pouvoir être attribuée qu'à la fatigue du réceptacle de la reine ou à la raré- 
faction de son contenu. 

3° Dans les gâteaux à petites cellules, la proportion des mâles diminue 
de bas en haut. 

4° Au commencement d'octobre, il n'y a pas dans le nid d’ouvrières 
pondeuses. 


No 42. - Nid du ? octobre 4895. Saint-Maur. 


Ce nid, qui m'a été apporté sans que je puisse connaître son emplace- 
ment, est très petit et très en retard pour la saison. Il a seulement 14 cen- 
timètres de haut sur 13 centimètres de large. Il contient la reine mère, 
des ouvrières et des mâles, pas de jeunes reines. 

G.1 (D. == 3°,5).— Grandes cellules.— Grosses larves, 19, toutes femelles. 

Petites larves et œufs. 

Pas de cellules operculées. 


80 PAUL MARCHAL. 


G. 2(D.— 7,5).— Petites cellules.— Larves, 19 mâles pour 80 femelles. 
. Cellules operculées, 7 mâles pour 21 femelles. 

Petites larves et œufs. 

G. 3(D.— 90,5). — Petites cellules.— Larves, 32 mâles pour 93 femelles. 

Cellules operculées, 92 mâles pour 16 femelles. 

G. 4. — Petites cellules. — Larves, 21 mâles pour 100 femelles. 

Cellules operculées, 33 mâles pour 17 femelles. 

G. 5 (D. — 9°). — Petites cellules. — En grande partie vide. Quelques 


œufs, quelques petites larves femelles. 
G. 6. — Petites cellules. — Vide. 


No 13. — Nid du 11 octobre 1893. Iteuil. 


La reine n’est pas trouvée. 

Ce nid est tout en largeur, ce qui explique la disposition des grandes 
cellules. 

G. 1.— Mixte (très grand). Grandes cellules (à la périphérie, par groupes). 
Larves, 32 femelles pour 0 mâles. 

Pelites cellules. Larves, 81 femelles pour 3 mâles. 

Ni œufs, ni jeunes larves ; seulement 7 cellules maigrement operculées. 

G. 2 (très grand). — Petites cellules. — Grosses larves, 16 mâles pour 
56 femelles. 

Jeunes larves, 5 mâles pour 18 femelles. 

Nombreux œufs et très jeunes larves; cellules operculées très rares ; les 
larves de taille intermédiaire sont rares. 


G. 3. — Petites cellules. — Larves, 19 mâles pour 61 femelles. 
OEufs et très jeunes larves dans la région centrale. 
G. 4. — Petites cellules. — Larves, 84, toutes femelles. 


Ni œufs, ni jeunes larves. 

G. 5. — Petites cellules. — Vide. 

G. 6. — Petites cellules. — Vide. 

Conclusions. — 1° Les grandes cellules sont spécialisées pour les reines. 

2° Dans les petites cellules; la proportion des mâles diminue d’une façon 
générale de bas en haut, avec, toutefois, cette remarque que le maximum 
se trouve au niveau de G. 3, au lieu de se trouver au niveau de G. 2; et, 
de plus, les petites cellules qui se trouvent dans le gâteau mixte sont for- 
tement influencées par le voisinage des grandes cellules et ne contiennent 
qu’une très faible proportion de mâles. 


No 44. — Nid du 44 octobre 1893. Iteuil. 


Nous arrivons au terme de la reproduction ; à cette époque, la majeure 
partie des nids sont déserts et envahis par les larves de Volucelles. Celui-ci, 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 81 


cependant, contient encore une très nombreuse population. Malgré cette 
nombreuse population d'adultes, je le trouve entièrement vide de cou- 
vain; à peine quelques vieilles larves flétries. Il y a des jeunes reines, 
quelques mâles ; la reine mère n’y est pas. Au-dessous du nid, quelques 
grosses larves de Volucelles. 

Conclusions. — S'il n’y a ni œufs ni larves dans ce nid où les ouvrières 
abondent, mais où il n’y a pas de reine mère, c'est qu'il n’y a pas d'ou- 
vrières pondeuses à cette époque. 

Nids envahis par les parasites. — Du 30 septembre au 11 octobre 1893, je 
capture six nids entièrement dévastés par les larves de Volucelles et par 
d’autres larves de Diptères ; ils sont inutilisables pour les observations. 
Après le 11 octobre, il m'est impossible de trouver un nid en état. Les 
parasites, les ondées et les premières gelées blanches ont tout ruiné. Les 
Blaireaux (Meles taxus), qui ne sont pas rares dans la Vienne, contribuent 
aussi à leur destruction ; ils creusent la terre et enlèvent les gâteaux, 
qu'on retrouve épars en morceaux aux alentours de l’excavation creusée 
par l’animal. 


20 VESPA VULGARIS. 


No 45. — Nid du 6 septembre 1893. Iteuil. 


Ce nid est anormal. 

Il est placé profondément, au bord de l’eau, entre les racines d’un peu- 
plier ; il est formé de trois petits gâteaux tassés les uns contre les autres ; 
c'est un nid rudimentaire, presque sans enveloppe. La colonie est très 
faible et les Guêpes sont très petites, bien au-dessous de la moyenne à 
cette époque. Je ne trouve pas de reine ; cependant, les larves et nymphes 
examinées, même les larves toutes jeunes, sont des larves d’ouvrières. La 
reine a-t-elle été détruite depuis peu, m’a-t-elle échappé (peu probable), 
ou une ouvrière, dans certaines conditions encore inconnues, est-elle ca- 
pable de fonder un nid minuscule et de donner elle-même naissance à 
des ouvrières ? Ce sont là des questions insolubles. En tout cas, ce nid 
présente une disposition très anormale. 


No 16. — Nid du 7 septembre 1893. Iteuil. 


La reine mère est trouvée. Ce nid est sur les bords du Clain, entre les 
racines d’un saule, au fond d’un long couloir, situé assez profondément 
en terre. 

L'état du nid n’est pas exposé en détails ; il présente une dizaine de 
gâteaux. 

L'un des gâteaux inférieurs est mixte, et Les grandes cellules ne présen- 
tent que des femelles. | 


ARCH. DE ZOOL. EXPs ET GEN, — 9€ SÉRIE, — T. 1V. 1896. 6 


82 PAUL MARCHAF. 


La proportion des mâles est très forte dans tout le reste du nid ; il ya 
bien 10 larves mâles contre 4 d’ouvrière. 

Les mâles adultes ne sont pas encore apparus, à cette époque ; il n’y 
en a même pas encore à l’état de nymphes, et l’état le plus avancé qu'on 
trouve pour les mâles est le stade pronymphe ; toutes les nymphes sont 
des ouvrières. L'apparition des mâles se fait donc à une période déter- 
minée et tout à coup. 

Expérience sur la ponte des ouvrières. — Le 8 septembre, un fragment de 
nid à petites cellules est disposé dans une cage qui est mise en communi- 
cation avec une autre; beaucoup de grosses larves et de cellules opereu- 
lées sont conservées, mais tous les œufs et jeunes larves sont détruits. 
Une soixantaine d’ouvrières sont introduites dans la cage, et une nourri- 
ture abondante leur est donnée. 

Le 18 septembre, c’est-à-dire dix jours après la mise en expérience, je 
constate qu’il y a dans les cellules un très grand nombre d'œufs. Ces œufs 
étant difficiles à voir, à cause de l'incidence de la lumière, il est probable 
qu'il en existait déjà quelques-uns les jours précédents. La ponte s’est. 
donc produite au bout de moins de dix jours ; peut-être y avait-il des ou- 
vrières fertiles au moment de la mise en cage ; sinon, la fertilité se déve- 
loppe très vite et très facilement, chez Vespa vulgaris. Le développement 
des œufs et jeunes larves est extrêmement lent. Le 2 octobre, il y a 
298 œufs ou jeunes larves, ces dernières peu nombreuses ; le {2 octobre, 
le nombre des œufs a diminué et il n’y a que deux ou trois jeunes larves. 

Conclusions. — 1° On trouve la même spécialisation des grandes cellules 
que chez Vespa germanica. 

20 Les mâles ne sont pas encore apparus à l’état d'adultes, le 7 sep- 
tembre ; leur apparition est donc plus tardive que chez Vespa germanicaæ 
(remarque déjà faite par Rouget) ; de plus, Fapparition des mâles se fait 
tout à coup, à une époque bien déterminée et avec une trés grande 
affluence. 

3° Les ouvrières, maintenues en captivité et séparées de la reine, peu- 
vent pondre abondamment; maïs le développement des larves est arrêté, 
par suite du manque de chaleur et des soins insuffisants donnés par les 
ouvrières ; en outre, les œufs et les larves sont mangés en grande partie 
par les ouvrières. 


No 47. — Nid du 9 septembre 1895. Saint-Maur. 


La reine est trouvée. Le nid comprend 8 gâteaux, qui sont, de bas en 
haut. 

G. 1 (D.— 15°), — Grandes cellules. — Grosses larves aw centre, toutes 
femelles. | 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 83 


Œufs et petites larves sur 6 à 7 rangées périphériques. 

G. 2 (D.=— 18°). — Grandes cellules. — Presque toutes femelles; les excep- 
tions sont très rares; quelques nymphes mâles; je trouve aussi une grosse 
lârve femelle. 

G. 3 (D. — 21°). — Petites cellules. — Larves, 80 mâles pour 35 femelles. 

Cellules operculées, 107 mâles pour 45 femelles, 

La zone où se trouvent ces cellules operculées présente une première 
sous-zone contenant des imagos prêtes à sortir de la cellule et où les mâles 
sont extrêmement rares ; mais, une rangée plus loin (deuxième sous-zone), 
on trouve, au liéu d’imagos, des nymphes, plus ou moins avancées, qui, 
toutes, ou presque toutes, sont mâles ; une rangée encore plus loin (troi- 
sième sous-zone) présente des jeunes nymphes et pronymphes avec üne 
proportion dé mâles très forte, mais pourtant inférieure à celle de la 
rangée précédente ; puis arrivent les zones corréspondant aux larves, où 
la diminution dans la proportion des mâles s’accentue encore davantage. 

G. 4 (D. = 22%). — Petites cellules. — Même disposition que le précédent. 
Enorme proportion de mâles, surtout dans les nymphes blanches à yeux 
noirs. 

G. 5 (D. — 21°). — Petites cellules. — Proportion des mâles énorme, sur- 
tout dans les mêmes nymphes à yeux noirs; elle diminue notablement 
dans les larves, surtout dans les larves d'âge relativement jeune. 

G. 6 et G. 7. — Petites cellules. — Larves,29 mâles pour 51 femelles. 

(Dans certains endroits, la proportion des femelles est même beaucoup 
ptus forte.) 

Cellules operculées. Jeunes nymphes, toutes mâles. 

Imagos et nymphes avancées, toutes femelles. 

Nous voyons que ces gâteaux 6 et 7 sont en retard sur les précédents, 
puisque ici ce sont les jeunes nymphes qui sont mâles, tandis que, dans les 
autres gâteaux, c’étaient, au contraire, les nymphes d’un âge déjà avancé 
qui contenaient la plus forte proportion de mâles. 

Conclusions. — Ce nid nous montre : 1° la spécialisation des grandes cel- 
lules pour les reines : 2° l’apparition des mâles se faisant tout à coup ; la 
courbe de production s'élève presque verticalement et atteint d'emblée son 
maximum, qui est de courte durée, la décroissance ayant lieu presque 
immédiatement. 


N° 148. — Nid du 16 septembre 1894. Beauvais. 


Ce nid à été capturé par M. Ch. Janet ; je me l'ai pas vu. 
_ Sur 45 ouvrières de ce nid, 11 sont reconnues fertiles, soit done un 
. quart; parmi elles, l’une est très fortement féconde. 

Cette observation semble bien impliquer que, chez Vespa vulgaris, il 
existe normalement des ouvrières fécondes en septembre. Il convient, tou- 


84 PAUL MARCHAL. 


tefois, de faire des réserves; car, comme je n’ai aucune donnée sur le nid, 
il pourrait très bien se faire que la reine fût absente ou qu'il y ait eu 
interruption de sa ponte, conformément à un cas fort remarquable que 
j'ai eu l’occasion d'observer, un an plus tard, à la même époque (n° 19). 


No 49. — Nid du 17 septembre 1895. Fontenay-aux-Roses (Seine). 


La reine est trouvée. 

Le nid se trouve au bout d’une très longue galerie souterraine dans les 
racines d’un arbre. Il présente 11 gâteaux superposés, qui sont de bas en 
haut. 

G. 1. — Grandes cellules. — Dix-huit grandes cellules contenant de nom- 
breux œufs ; la ponte dépasse de beaucoup la production des cellules ; on 
trouve très fréquemment 2 œufs et jusqu'à # et 5 œufs dans la même 
cellule. 

G. 2 (D. — 10°). — Grandes cellules. — Cellules operculées (au centre), 
60 femelles (— totalité). 

Grosses larves (rares), 1 mâle pour 8 femelles. 

Pas de larves de taille intermédiaire. 

Petites larves, toutes mâles. 

Ponte d’une extrême abondance : les œufs se trouvent au nombre de 2, 
3, # et davantage dans la même cellule. 

G.3 (D. — 115). — Petites cellules. — Cellules operculées (très nom- 
breuses) : individus prêts à éclore, presque tous femelles ; nymphes jeunes 
ou moyennes, 50 mâles pour 2 femelles. 

Grosses larves (rares), 14 mâles pour 10 femelles. 

Pas de larves de taille intermédiaire. 

Petites larves, toutes mâles. 

Ponte d’une profusion invraisemblable ; presque toutes les cellules étant 
operculées, les ouvrières ont pondu dans les interlignes des opercules ; je 
constate 9 œufs dans une même cellule. 

G. # (D. — 15€). — Petites cellules. — Cellules operculées. Mâles très 
nombreux partout. 

Grosses larves. Mâles très nombreux (13 mâles pour 1 femelle). 

Pas de larves intermédiaires. 

Petites larves, toutes mâles. 

Ponte extrêmement abondante {de 5 à 10 œufs par cellule). 

G. 5 (D. — 18° à 13€). — Petites cellules. — Cellules operculées, 39 mâles 
pour 38 femelles. ; 

Grosses larves, #2 mâles pour 65 femelles. 

Pas de larves intermédiaires. 

Petites larves, toutes mâles. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÉPES SOCIALES, 83 


Ponte extrêmement abondante. 

G. 6 (D. — 19° à 14°). — Petites cellules. — Cellules operculées (très 
nombreuses), 23 mâles pour 61 femelles. 

Grosses larves (rares), # mâles pour 36 femelles. 

Pas de larves intermédiaires. 

Petites larves très nombreuses, mâles. 

Ponte extrêmement abondante. 

G. 1 (D.—17°). — Petites cellules. — Cellules operculées, 1 mâle pour 
65 femelles. 

Grosses larves, 3 mâles pour 10 femelles. 

Pas de larves intermédiaires. 

Petites larves, toutes mâles. 

Ponte extraordinairement abondante. 

G. 8 (D. — 15°), — Petites cellules. — Cellules operculées, immense ma- 
jorité femelle. 

Grosses larves, immense majorité femelle (114 femelles pour 1 mâle). 

Pas de larves intermédiaires. 

Petites larves, toutes femelles. 

Ponte très abondante, surtout à la périphérie où sont des œufs mul- 
tiples. 

G. 9 (D. — 12°). — Petites cellules. — Cellules operculées (rares), 8 fe- 
melles. 

Grosses larves (rares), 12 femelles. 

OŒufs et jeunes larves mâles. 

G. 10. — Petites cellules. — Quelques œufs. 

G. 11. — Petites cellules. — Vide. 

Fécondité des ouvrières. — Sur 31 ouvrières de ce nid, tuées au moment 
de sa capture, 19 sont fécondes, donc plus de la moitié, et la plupart le 
sont à un degré très fort, nullement comparable à cette fécondité se tra- 
duisant par la présence de 2 ou 3 œufs que nous avons fréquemment ren- 
contrée. Les ovaires sont bourrés d’œufs à tous les stades de développe- 
ment. 

Conclusions. — L'étude de ce nid nous montre : 

4° La spécialisation des grandes cellules; 

20 Que la reproduction des mâles a commencé subitement et avec une 
grande intensité à la même époque de l’année que pour le nid précédent; 
puis il y a ensuite une décroissance lente dans la production des mâles. 

3° La diminution de la proportion des mâles dans les petites cellules 
de bas en haut du nid; en bas ce sont les mâles qui dominent, en haut ce 
sont les femelles (ouvrières). 

ko Ce nid présente ce fait très remarquable d’un arrêt complet de la 
ponte de la reine, correspondant à tout l’espace de temps nécessaire pour 


86 PAUL MARCHAL. 


amener une toute jeune larve de # à 5 millimètres jusqu à la taille qu’elle 
présente au moment de s’operculer, Pendant ce temps, il n'existait aucune 
ouvrière pondeuse, car s’il y en avait eu, on aurait au moins trouvé 
quelques larves de taille intermédiaire. Puis, tout à coup, la ponte a re- 
pris avec une intensité incroyable, et toute la lignée qui en est résultée 
est mâle. Cette ponte anormale est due au développement de la fécondité 
des ouvrières. L’interruption de la ponte de la reine a suffi pour détermi- 
ner la fécondité de la plupart d’entre elles à un degré des plus remar- 
quables. 


No 20. — Nid du 41 octobre 1895. Iteuil. 


La reine mère est trouvée. 

G. 1. — Grandes cellules. — Larves, 41, toutes femelles. 

Cellules operculées, 3, toutes femelles. 

OEufs et très jeunes larves. 

G. 2. Mixte. — Grandes cellules. — Quatre mâles dont 2 jeunes larves 
(placés de préférence dans la série intermédiaire), 17 femelles. 

| — Petites cellules, 19 mâles pour 34 femelles. 

OEufs nombreux et jeunes larves ; quelques cellules operculées. 

G. 3. — Petites cellules. — Grosses larves, 30 mâles pour 25 femelles. 

Jeunes larves inférieures à 8 millimètres, 35 mâles pour 15 femelles. 

Nombreux œufs et jeunes larves, 1 cellule operculée. 

G. 4. — Petites cellules. En partie vide. — Grosses larves, 17 mâles pour 
20 femelles. 

Petites larves, 6 mâles pour 14 femelles. 

G.5. — Petites cellules. — Vide. 

G. 6. — Petites cellules. — Vide. 

G. 7. — Petites cellules. — Vide. 

Conclusions. — 1° Les grandes cellules sont spécialisées pour les reines, 
pourtant d'une facon moins nette; les 4 mâles qui y sont signalés se trou- 
vaient-ils tous dans la série intermédiaire ? Mes notes ne sont pas assez 
explicites à cet égard. 

2° Contrairement à ce que nous avons vu dans les nids précédents, les 
plus jeunes stades présentent une proportion de mâles plus forte que pour 
les anciens ; la courbe de production des mâles se relève donc légèrement 
à la fin de la saison. 

3° Le gâteau qui renferme la plus forte proportion de mâles est celui 
qui vient au-dessus du gâteau mixte; au contraire, les petites cellules du 
gâteau mixte n'en renferment qu'une faible quantité. Ces faits rentrent 
bien dans la règle générale. 

4° Les cellules operculées sont rares à la fin de la saison, ainsi que nous 
l'avons, du reste, constaté dans d’autres nids ; les larves n’ont plus la 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 87 


force de tisser leurs opercules; toute cette progéniture est fatalement 
condamnée. 


3° VESPA MEDIA. 
No 21. — Nid du 17 juillet 1895. Saint-Leu-Taverny (Seine-et-Oise). 


La reine est trouvée. Elle est incapable à cette époque de voler; il est 
curieux de la voir se dérober furtivement, se cacher derrière un gâteau 
ou un pilier aussitôt qu’on veut la saisir. Ses allures craintives contrastent 
avec la hardiesse des ouvrières. Le nid, suspendu à un rameau de cou- 
drier, est presque sphérique; il a 14 centimètres de diamètre; l'entrée est 
légèrement excentrique, sans cheminée. Il y a 6 enveloppes concentriques, 
toutes ne remontant pas jusqu’en haut, mais pouvant s’insérer l’une sur 
l’autre. Le massif formé par les trois gâteaux qui se trouvent à l’intérieur 
est très loin de remplir la cavité de l'enveloppe. Les deux gâteaux infé- 
rieurs, G. 1 (35 millimètres) et G. 2 (65 millimètres), sont à grandes cel- 
lules ; le supérieur, G. 3 (8 centimètres), est à petites cellules. Il n’y a pas 
trace de mâles parmi les larves moyennes et grosses, les nymphes et les 
imagos; je ne puis rien dire pour les très jeunes larves. La colonie, entiè- 
rement composée d’ouvrières, se monte à une centaine. 

Expérience sur la reproduction. — Le 23 juillet, G.1 et G. 2 sont envelop- 
pés dans un treillis métallique, en forme de pelite cage conique, après 
destruction de tout ce qu'ils contiennent. La reine est incluse dans cette 
pétite cage. Ensuite tous les œufs et jeunes larves de G. 3 sont détruits et 
la petite cage conique est placée dans le nid au-dessous de G. 3, de sorte 
que les trois gâteaux gardent leurs relations primitives dans l’enveloppe 
commune. Le nid ainsi constitué est rendu aux ouvrières; celles-ci ne 
font aucune attention à la reine captive et ne la nourrissent pas. Le 26, la 
reine est morte. 

Le 8 août, les Guêpes de ce nid sont tuées. Le gâteau supérieur, qui seul 
était à leur disposition, ne présente pas un œuf et, comme les larves et 
nymphes qui s’y trouvaient sont écloses, toutes les cellules sont absolu- 
ment vides. 

Ainsi, les ouvrières, bien que séparées de la reine depuis le 23 juillet, 
ne sont pas devenues fertiles. Elles avaient reçu comme nourriture du 
miel et, contrairement à ce qui a lieu pour les Guêpes souterraines, elles 
refusaient toute espèce de viande ; il aurait sans doute fallu leur donner 
des proies vivantes, et c’est sans doute à ce défaut de nourriture azotée qu'il 
faut attribuer leur stérilité persistante. 


No 24 bis. 


Nid de remplacement. — Le 29, j'apprends qu'un nid s’est formé sur l’em- 
placement du précédent. Il s’est formé aussitôt et, quatre ou cinq jours 


88 PAUL MARCHAL. 


après la capture du premier, il avait, paraît-il, à peu près le même vo- 
lume qu'il devait conserver plus tard jusqu’au moment où je m’en em- 
parai. Je le pris le 5 août au soir, par un temps irès pluvieux; je pus m’em- 
parer ainsi de toute la colonie sans laisser échapper une seule Guêpe; elle 
était formée de 29 ouvrières. Ce nid, traversé obliquement par une branche 
de noisetier, a une forme beaucoup plus conique, plus étroite que les nids 
de Vespa media fondés par des reines que j'ai recueillis jusqu'ici. Le haut 
du nid est formé par un feutrage de lames de papier irrégulièrement 
croisées sur 3 centimètres d'épaisseur. L'’orifice, ovalaire, étroit, limité 
par une enveloppe spiralée, est placé excentriquement, de facon à être 
presque vertical. Si l’on en fait la coupe, on peut compter à l’intérieur et 
en bas 7 enveloppes concentriques. Au dôme feutré se trouve fixé un 
petit gâteau de cellules suspendu par trois piliers, et qui présente d’une 
facon évidente trois centres de formation, comme si trois ouvrières à la 
fois avaient pris l'initiative de construire. Van Ankum a figuré un nid 
analogue (480) et M. Charles Janet m'a dit en avoir aussi récemment 
observé. 

Dans le cas actuel, deux des centres se trouvent fusionnés en dessous ; 
mais l’un d’eux, bien que légèrement soudé, reste encore bien distinct. Ce 
gâteau multiple présente 47 cellules ; le centre est occupé par de grosses 
larves (15), la périphérie par des jeunes larves et des œufs. Un œuf se 
trouve très singulièrement placé dans une fausse cellule à la base du pé- 
dicule du petit centre. Les 28 larves que j’examine (les seules qui puissent 
se prêter à un examen macroscopique) sont mâles. 

Fécondité. — Les Guêpes prises dans le nid de remplacement le 29 juil- 
let donnent le résultat suivant : sur 29, 7 sont fécondes, soit près d'un 
quart; sur ces 3, 2 sont très fécondes et offrent la particularité de pré- 
senter sur l’abdomen des petites taches d'usure analogues à celles des 
reines mères, mais plus petites. 

Nous avons vu, par contre, que les ouvrières conservées en captivité, 
bien que privées de reine à partir du 23 juillet et gardées jusqu’au 8 août, 
n'ont pas pondu. 

Conclusions. — 1° Les ouvrières privées de reine et en liberté ont recon- 
struit un nid qui, par sa disposition, montre que plusieurs ouvrières ont 
dû avoir à la fois l'initiative de sa formation. Parmi ces ouvrières, un 
quart sont devenues fécondes. Reste à savoir si elles le seraient devenues 
dans les conditions normales, sans l'éloignement de la reine. Nous devons 
remarquer que leur fécondité a dû se déclarer rapidement; car la capture 
du premier nid a eu lieu le 17 juillet et le 5 août il y avait déjà des grosses 
larves dans le nid de remplacement. Les ouvrières ont donc dû commen- 
cer à pondre cinq à sept jours après la capture du nid. 

20 En captivité, pour Vespa media, l'éloignement de la reine ne sufiit pas 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËPES SOCIALES. 89 


pour rendre les ouvrières pondeuses, puisque, en même temps que les 
ouvrières laissées libres devenaient fécondes, celles conservées en captivité 
et également privées de reine restaient stériles. Cette expérience montre 
bien que des Guêpes déjà écloses peuvent devenir fécondes ou rester sté- 
riles suivant les conditions favorables ou défavorables qu’elles rencontre- 
ront. 


No 22. — Nid du 17 juillet 1895. Antony (Seine). 


La reine mère est trouvée. 

Ce nid est fixé à un rameau de groseillier qui le traverse obliquement ; 
il est de forme à peu près sphérique et a 13 centimètres de diamètre. L’ori- 
fice est excentrique, sans cheminée. 

Les gâteaux sont au nombre de 2. 

L'inférieur, G. 1, présente des grandes cellules qui contiennent des 
larves et surtout des nymphes, toutes femelles (grosses ouvrières). 

Le supérieur, G. 2, présente des petites cellules qui contiennent des 
larves et nymphes toutes femelles (petites ouvrières). 

Entre les petites ouvrières et les grosses, il y a, du reste, tous les inter- 
médiaires. Beaucoup de cellules vides, œufs et jeunes larves. 

Conclusions. — Dans les nids de Vespa media, au milieu de juillet, il n'y 
a pas de mâles ni dans les adultes, ni dans les nymphes, ni dans les grosses 
larves; il y a des ouvrières de tailles diverses, les petites localisées dans 
le gâteau supérieur, les grosses dans le ou les gâteaux inférieurs. 


Neo 23. — Nid du 3 août 1895. Fontenay-aux-Roses. 


La reine n’est pas trouvée. 

Ce nid est suspendu à un rameau de Viburnum opulus (boules-de-neige), 
à quelques centimètres au-dessus d’une hauteur d'homme. Ce nid est 
d’une très belle taille, il a 22 centimètres de long sur 21 centimètres de 
large; son orifice arrondi, sans cheminée, est placé excentriquement; il 
est traversé en haut par deux rameaux. Il y a des reines et des mâles éclos 
en grand nombre. La colonie est asphyxiée avec le sulfure de carbone;. 
les ouvrières meurent, les reines et les mâles résistent, au contraire, en 
grand nombre ; j'ai eu plus d’une fois déjà l’occasion de remarquer cette 
résistance des individus reproducteurs aux gaz toxiques. 

Les enveloppes du nid sont au nombre d’une douzaine; elles se réunis- 
sent du reste entre elles en se bifurquant. Les gâteaux sont au nombre de #; 
ils sont réunis entre eux, non plus par un simple pilier médian plus ou 
moins aplati, comme c'était le cas pour les deux nids précédents, mais par 
des lames sinueuses et ramifiées rayonnant autour d'un centre et s’insé- 
rant entre les cellules, parfois en obturant quelques-unes. 


00 PAUL MARCHAL. 


Ces gâteaux, de bas en haut, présentent les détails suivants : 

. G. 1. — Grandes cellules. — (200 à 250). Cellules operculées, 30 femelles 
(reines) pour 15 mâles. 

Larves, 40 femelles (reines) pour 15 mâles. 

Première génération partout (les générations sont comptées par les cu- 
lots de matière excrémentitielle rejetés par la larve). 

OEufs en petit nombre et très jeunes larves. 

La ponte s’est concentrée sur ce gâteau inférieur. 

G. 2. — Grandes cellules. — Cellules operculées, 30 femelles orne. ) 
pour 17 mâles. 

Larves, 30 femelles (reines) pour 17 mâles. 

Première génération partout. 

Ni œufs, ni larves. 

G. 3. — Grandes cellules. — Cellules operculées, 13 femelles (reines) 
pour 19 mâles, 

Larves, 6 femelles pour 29 mâles. 

Au centre (cellules operculées et grosses larves), deuxième génération. 

Ni œufs, ni jeunes larves. Ô 

G. 4. — Petites cellules. — Cellules operculées, 11 femelles (ouvrières) 
pour 18 mâles. 

Larves, 3 femelles pour 9 mâles. 

Deuxième génération (sauf pour les 2 ou 3 rangées périphériques). 

Ni œufs, ni jeunes larves; la plupart des cellules vides. 

Fécondité. — Sur 30 ouvrières disséquées, 30 sont stériles. 

Conclusions. — 1° La reine, qui sans doute est disparue depuis peu, pa- 
rait avoir concentré sa dernière ponte sur le gâteau inférieur; ce fait n’est 
pas pour nous surprendre, car nous savons que c'est là que se concentre 
l’activité du nid. 

2° Les grandes cellules ne sont pas spécialisées pour les reines, mais 
peuvent indifféremment contenir des mâles. 

3° Pour les gâteaux à grandes cellules, la proportion des mâles augmente 
sraduellement de bas en haut; pour les deux gâteaux inférieurs, la propor- 
tion des mâles est un peu plus forte dans les cellules operculées que dans 
celles non operculées; le contraire a lieu pour les deux gâteaux supérieurs. 

4° Ce nid n'ayant que des ouvrières stériles (ou, tout au moins, les ou- 
vrières fertiles y étant très rares), alors qu’à la même époque (5 août) la 
colcnie privée de reine du nid de remplacement de Saint-Leu présentait 
un septième d’ouvrières fertiles, on peut en conclure que la fécondité des 
ouvrières, en liberté, est due au moins en grande partie à l'éloignement 
de la reine. 

Les faits suivants sont en outre à noter : 

1° Les femelles des trois gâteaux inférieurs sont des reines, reconnais- 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 91 


sables à leur taille et à leur coloration. Les femelles du gâteau supérieur sont 
de franches ouvrières. Les femelles du gâteau 3 sont des reines, mais d’une 
taille légèrement au-dessous de la moyenne. Je n’ai pas vu de femelles 
sur la nature desquelles on puisse hésiter au sujet de leur différenciation 
en ouvrières ou en reines. 

20 Dans les trois gâteaux inférieurs (grandes cellules), les cellules mâles 
operculées se reconnaissent à leurs opercules surbaissés, Dans le gâteau 
supérieur, elles ne se reconnaissent pas. 

3° Il n’y a aucune spécialisation des cellules ; les mêmes cellules peuvent 
abriter successivement des ouvrières et des mâles ou des reines. En effet, 
les cellules operculées du gâteau 3, contenant des reines et des mâles, 
avaient abrité une première génération de grosses ouvrières. 

La gradation se fait donc de la façon suivante : A, petites ouvrières du 
gâteau supérieur (G. 3); B, grosses ouvrières constituant la première géné- 
ration du gâteau 2 (G. 2); C, reines constituant la deuxième génération du 
gâteau 2, plus petites que les autres reines; D, reines des gâteaux infé- 
rieurs. Toutefois, il y a un hiatus entre les ouvrières les plus grosses et les 
reines les plus petites (dédoublement de la courbe de Galton). 

Chez les mâles, où il n’est pas besoin de différenciation en deux classes, 
les mêmes différences de taille existent, mais il n’y a pas d’hiatus. 

4° La proportion de la partie reproductrice du nid (reines et mâles) par 
rapport à la partie stérile (ouvrières) est beaucoup plus forte que chez les 
Guêpes souterraines. Nous voyons, en effet, qu’à part les deux générations 
du gâteau 4 et la première génération du centre du gâteau 3, tout le reste 
donne des reines et des mâles; aussi trouve-t-on souvent dans les nids, au 
mois d'août, beaucoup plus de reines et de mâles que d’ouvrières. Le gâteau 
supérieur (G. 4), consacré aux ouvrières, est de plus celui qui est le plus 
tôt abandonné. 

5° Les Guêpes qui avaient été laissées dehors au moment de la capture 
du nid, bien qu’elles fussent assez nombreuses, ne firent pas de nid de 
remplacement. Elles se groupèrent en essaim sur la branche où avait été 
fixé le nid, mais ne firent pas la moindre ébauche de construction. L’es- 
saim diminua de jour en jour jusqu'à disparaître. Le 20 août, il n’y avait 
plus une Guêpe. Le temps fut très mauvais pendant toute cette période. 


No 24. — Nid du 8 août 1895. Bourg-la-Reine (Seine). 


La reine n'est pas trouvée. 

Ce nid est fixé à une branche de marronnier; il est de beaucoup le plus 
haut placé que j'aie observé. Il est, en effet, suspendu dans l'arbre à 5m,50 
de haut. À cause de la difficulté de la capture, la très grande majorité des 
ouvrières s'échappent au moment où je détache le nid. Il ne reste dans le 


92 PAUL MARCHAL. 


nid que 9 ouvrières, 25 mâles et 18 femelles. Le nid a une longueur de 
21 centimètres sur 17 centimètres de largeur; il présente un orifice excen- 
trique. Il est traversé par un rameau qui passe dans la calotte immédiate- 
ment au-dessus du gâteau supérieur. Il y à 10 enveloppes concentriques 
et # gâteaux. Pas d'œufs dans le nid. 

Larves nues très rares. 

G. 1. — Grandes cellules. — Rosette de 10 cellules vides. 

G. 2 (D. — 7,5). — Grandes cellules. — Quinze femelles (reines) pour 
43 mâles. 

Immense majorité de cellules operculées; autour, 16 larves, dont 
3 jeunes, et cellules vides. 

Une seule génération. 


G. 3 (D.—110,5). — Grandes cellules. — Sept femelles (reines) pour 
38 mâles. 

Une seule génération. 

G. 4(D.—100,5). — Petites cellules. — Seize femelles (ouvrières) pour 
18 mâles. 


Toute la région centrale a eu deux générations. 

Conclusions. — 1° Il n’y a pas de spécialisation des cellules. 

20 Les mâles dominent de beaucoup dans tout le nid. 

3° Pour les gâteaux à grandes cellules, la proportion des mâles aug- 
mente de bas en haut. | 


No 24 bis. 


Pendant le courant d'août, un nid de remplacement se forma. Il était 
fixé sur le pétiole d’une feuille de marronnier. Le 9 septembre, le pétiole 
de la feuille se désarticula et le nid tomba à terre. Je vins le chercher le 
10 au soir. Ce nid a une forme bien régulière; il a 12 centimètres de long, 
10 de large. L’orifice n’est pas excentrique comme dans les cas précédents, 
mais placé en dessous du nid. Il y a à l’intérieur 5 Guêpes mortes qui 
étaient encore vivantes le 9 septembre. A l’intérieur de l’enveloppe formée 
de 5 feuillets se trouve un gâteau qui a 5 centimètres de diamètre et pré- 
sente : à son centre, 23 cellules operculées avec nymphes ou pronÿmphes 
mâles ; autour, des cellules avec 19 larves mâles et 35 cellules vides, soit, 
en tout, 71 cellules et une lignée de 42 mâles. Ainsi, les Guêpes qui sont 
restées dehors sont devenues en partie fécondes; d'autre part, le fait 
de l’absence d’œufs et de jeunes larves dans ce nid de remplacement 
semble indiquer que leur fécondité a cessé ou que les pondeuses sont dis- 
parues depuis quelque temps; en outre, le fait de l'absence d'œufs et de 
jeunes larves dans le nid primitif indique que les ouvrières ne pondaient 
pas ou peu au moment de sa capture; elles ne devaient donc pas pondre, 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÈPES SOCIALES. 93 


ou du moins dans une très faible mesure, pendant que la reine était dans 
le nid’. Il en résulte que la grande proportion de mâles qui se trouvait 
dans le nid primitif (n° 24) était due à la reine, et la fécondité des ouvrières 
ne se serait déclarée qu’un certain temps après la disparition de la reine. 
Conclusions. — 1° La fécondité des ouvrières ne semble guère se dévelop- 
per qu'après la disparition de la reine. 
2° La reine prend une très large part à la production des mâles. 


No 25. — Nid du 14 août 1895. Fontenay-aux-Roses. 


Ce nid étant placé dans un jardin voisin du mien, je pus l’observer faci- 
lement. 

Il était fixé à une branche de groseillier. Le 16 juillet, il avait à peu près 
13 centimètres de diamètre. 

Le 9 août, je me mets en observation devant le nid; les Guëpes entrent 
et sortent par le même orifice placé excentriquement. Parmi celles qui 
sortent, j'en vois une qui emporte avec elle au vol une larve blanche; 
quelque temps après, une autre emporte une larve noire et décomposée ; 
enfin, en voici une qui prend son vol avec une grosse larve blanche; mais 
le fardeau est trop lourd, et elle tombe à terre avec sa charge, puis, la 
resaisissant, s'efforce en vain de prendre son essor; je m’empare alors de la 
larve, qui est bien vivante et du sexe mâle. 

Ainsi, nous sommes au moment du massacre final, observé par divers 
auteurs, notamment par Réaumur pour les guëpiers souterrains. Il n’y a 
aucune larve tombée au-dessous du nid. Les Guêpes les emportent au loin. 
Au-dessous du nid, je vois seulement deux cadavres de Guêpes adultes. 

Le 10 août, je fais les mêmes observations. Pendant une heure et demie, 
je vois environ 5 ou 6 Guêpes, parmi le grand nombre de celles qui sor- 
tent, entraîner au dehors une larve du nid. 

Parmi celles qui reviennent au nid, il y en a un bon nombre qui rap- 
portent de grosses boulettes noirâtres. Jen prends une et je constate que 
la boulette est formée d’un Insecte broyé, la couleur noire étant due aux 
morceaux de chitine. L’Insecte paraît être en général un gros Diptère. 

Le 11 août, je capture le nid avec toute sa colonie. La reine mère n’y est 
pas. Le nid a 20 centimètres de long sur 17 centimètres de large. Il est 
traversé obliquement, à sa partie supérieure, par un rameau de groseil- 
lier. Il y a environ une dizaine d’enveloppes. L’orifice, excentrique et spi- 
ralé, n’a pas plus de 1°2,5 de diamètre. 

* A l’intérieur, les gâteaux sont de bas en haut : 


1 Il faut tenir compte pourtant de ce fait que les œufs peuvent être mangés à cette 


époque par les ouvrières, 


94 PAUL MARCHAL. 


G. 4 (D.—4c). — Grandes cellules. — Soixante cellules. Périphérie, 
vides ; centré, 16 larves mâles. 

Ni œufs, ni jeunes larves. 

G. 2 (D.=— 10°). — Grandes cellules. — Cellules operculées, 37 femelles 
(reines) pour 39 mâles. 

Larves, 13 mâles (= tout). 

Ni œufs, ni jeunes larves. 

G. 3. — Grandes cellules. — Cellules operculées, 6 femelles (reines) pour 
19 mâles. 

Pas de larves. 

Grande majorité de cellules vides. 

G. # (D. = 10°,5). — Petites cellules. — Cellules operculées, 10 femelles 
(ouvrières) pour 23 mâles. 

Pas de larves. 

Fécondité. — Sur 31 disséquées et formant la colonie, 1 seule féconde. 
Ses ovaires sont bien gonflés et il y a quelques œufs prêts à être pondus. 

Conclusions. — 1° Pour les cellules operculées, la proportion des mâles 
augmente de bas en haut. 

2° La fin de la reproduction a été consacrée uniquement aux mâles, 
puisque toutes Les larves du nid sont mâles. Il est difficile de dire la part 
qui revient à la reine dans cette production. 

3° La présence d’une ouvrière pondeuse coïncidant avec l’absence d'œufs 
et jeunes larves dans le nid indique que les œufs et jeunes larves doivent 
être mangés par les ouvrières à cette époque. 


No 26. — Nid du 29 août 4895. Saint-Maur. 


Ce nid, de très belle taille, a 25 centimètres de long sur 21 centimètres 
de large ; il est longitudinalement et latéralement traversé par une branche 
d’arbuste à laquelle il se trouve fixé. Le volume du nid intérieur n’est pas 
en rapport avec celui de l'enveloppe. La colonie ne contient que des ou- 
vrières en assez grand nombre et de très nombreux mâles ; il n’y a pas de 
reine mère ni de Jeunes reines. 

Les gâteaux, au nombre de 4, contiennent um couvain disposé d’une 
facon assez irrégulière, avec zones interrompues et irrégulièrement 
sinueuses. Il n’y a pas d'œufs, mais il y a des très jeunes larves. 

En allant de bas en haut, le gâteau inférieur contient 40 cellules oper- 
culées avec mâles, 36 larves mâles et des très jeunes larves. 

Le gâteau 2 contient 27 cellules operculées mâles et 16 larves mâles. . 

Le gâteau 3 contient 27 cellules operculées mâles et 20 larves mâles. 

Le gâteau 4 contient 1 cellule operculée avec 4 femelle (ouvrière) prête 
à éclore, 18 cellules operculées avec mâles et 12 larves mâles. 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 93 


Conclusions. — En totalisant, nous avons dans le nid 112 nymphes, pro- 
nymphes ou imagos prêtes à éclore, mäles, et 84 larves mâles, soit un total 
de 196 mâles pour une unique imago ouvrière prête à éclore. Cette ouvrière 
unique est évidemment en retard à cause de sa situation peu favorable 
pour la nutrition (elle est placée tout à fait à la périphérie du gâteau supé- 
rieur). On peut donc estimer que la ponte donnant exclusivement mais- 
sance à des mâles a commencé depuis un temps plus long qu'il n’est néces- 
saire pour le développement d’un individu. Cela nous reporte au moins à 
la fin de juillet, et alors, nous devons admettre de deux choses l’une, ou 
bien que la reine ne produisait que des mâles à cette époque, et que sa 
ponte a été continuée par celle des ouvrières pondeuses ; ou bien que, par 
suite de la disparition précoce de la reine, les ouvrières pondeuses sont 
apparues en grand nombre dans le nid et ont donné naissance à toute la 
lignée mâle qu’on y rencontre. Cette dernière hypothèse nous paraît être 
la seule vraisemblable, car si la lignée mâle de ce nid était due pour une 
première période à la reine, pour une seconde aux ouvrières pondeuses, 
1} y aurait eu une interruption entre les deux pontes, ce qui se traduirait 
dans le nid par un hiatus dans la succession des stades. 

Fécondité. — Sur 36 ouvrières disséquées, 5 sont fécondes, dont 3 très 
fortement, soit un septième ; l’une a des ovaires qui ressemblent à ceux 
d’une reine mère ; l'abdomen présente de petites taches d’usure. 


No 27. — Nid du 4 septembre 1895. Saint-Maur. 


Ce nid est anormal. 

Il est de petite taille. Il ne présente que ? gâteaux et une faible colonie 
de mâles et ouvrières. ; 

En arrachant une vingtaine de larves (à peu près tout ce qu'il y a dans 
le nid), je constate qu'elles sont mâles; il en est de même des nymphes. 
Les larves sont flétries et amaïgries; il y a encore des œufs et des jeunes 
larves. Les œufs sont assez nombreux ; on peut en voir deux dans la même 
cellule. 

Conclusions. — 1° Il me semble probable que ce nid doit être un nid de 
remplacement. 

2° Il peut encore y avoir des ouvrières pondeuses de Vespa media au 
commencement de septembre, c’est-à-dire près d’un mois après que les 
mids normaux ont atteint le terme de leur évolution. 


ko VESPA SAXONICA (VAR. NORVEGICA). 


No 28. — Nid du 23 juin 1893. Iteuil. 


Ce nid, fixé dans un poirier à environ 22,50 de haut, mesurait 22 cen- 
timètres de long sur 18 centimètres de large ; sa forme était analogue, 


96 | PAUL MARCHAL. 


du reste, à celle des nids de Vespa media. Bien qu’un grand nombre 
d’ouvrières fussent restées au dehors au moment de la capture, la colonie 
capturée, pourtant, était encore très nombreuse pour un nid aérien et se 
montait à plusieurs centaines d'individus. 

La reine mère était présente et il y avait déjà un bon nombre de mâles 
et de reines. 

La reine mère ayant été supprimée, ce nid est conservé avec la 
colonie vivante en captivité jusqu'au 43 juillet. Le 25 juin etles jours sui- 
vants, j'observe des accouplements (p. #4). Les éclosions sont abondantes, 
mais le nombre des morts compense à peu près celui des naissances. 
Le 13 juillet, le nid est séparé de la colonie. Les enveloppes de papier 
qui l’entourent sont serrées les unes contre les autres ; on en constate 
une douzaine en bas; en haut, elles sont beaucoup plus nombreuses. 
A l’intérieur se trouvent 4 gâteaux, réunis entre eux par des piliers en 
forme de lames irrégulières; les deux plus inférieurs sont, en outre, 
réunis à l'enveloppe par des brides de papier. Le gâteau supérieur est 
formé de petites cellules ayant 4,8 de diamètre ; les 3 gâteaux infé- 
rieurs sont formés de grandes cellules ayant 5,9 de diamètre. Les 
cellules qui sont à la périphérie du gâteau supérieur sont d’un diamètre 
légèrement plus large. Le gâteau supérieur présente cette particularité 
intéressante d’être très concave à sa face supérieure; il constitue presque 
une demi-sphère creuse et les cellules sont disposées suivant la direction 
des rayons de cette sphère, de sorte que l’axe des cellules marginales est 
horizontal ; ce mode de nidification indique un acheminement vers les 
nids phragmocytares sphériques de de Saussure. Les deux gâteaux sui- 
vants présentent le même caractère, mais à un degré beaucoup plus faible ; 
ils sont incurvés beaucoup plus sur un côté que sur l’autre. 

Au moment où je retire le nid de la cage, le 13 juillet, presque toutes 
les cellules des deux gâteaux supérieurs sont vides, à part quelques-unes 
qui contenaient des grosses larves. Les deux gâteaux inférieurs (surtout le 
plus inférieur) présentent un assez grand nombre d'œufs et quelques larves 
grosses où moyennes; fréquemment on trouve 2 œufs dans la même cel- 
lule. La reine mère ayant été supprimée, on peut en conclure que ces 
œufs sont dus aux ouvrières pondeuses. 

Il n'y a pas d'hialus entre le type ouvrière et le type reine ; mais on 
remarque tous les intermédiaires, et il est impossible de dire où finit l’ou- 
vrière vraie et où commence la réine. 

Tandis que toutes les ouvrières de la colonie meurent tour à tour, les 
reines se blottissent, immobiles, les ailes repliées, groupées ensemble, 
dans les coins de la cage et survivent. Les mâles sont aussi plus résis- 
tants et survivent à la colonie d’ouvrières. 

I fut construit, par les ouvrières qui restèrent dehors au moment de la 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUËÈPES SOCIALES. 97 


capture du nid, un nid de remplacement ; mais il fut détruit avant que 
j'eusse le loisir de l’'observer. Un deuxième nid de remplacement succéda 
au premier et eut encore le même sort. 


5° VESPA CRA BRO. 
No 29. — Nid du 5 août 1895. Iteuil. 


Il n’y a pas un mâle dans la colonie, assez nombreuse. Le nid, placé dans 
un tronc d'arbre, est formé de # gâteaux superposés qui, énumérés de bas 
en haut, ont chacun 15 centimètres, 20 centimètres, 20 centimètres et 
17 centimètres. Les cellules de tous ces gâteaux répondent au type de la 
petite cellule et mesurent en moyenne 8mm,2 de diamètre. On ne remarque 
pas de différences de taille suivant les différents gâteaux. Les 3 gâteaux 
supérieurs voient évoluer, dans leur région centrale, la deuxième généra- 
tion, et, pour le gâteau supérieur, cette deuxième génération est déjà dans 
des cellules operculées et répond: 10 à une région centrale; 20 à une zone 
périphérique beaucoup plus haute que le centre. 


No 30. — Nid du 26 août 1895. Livry, près du Raincy (Seine-et-Dise). 


Ce nid avait été construit dans une petite caisse cubique de 20 centi- 
mètres de côté, placée contre un mur pour y faire nidifier les oiseaux. 
Il était fixé à la paroi supérieure au-dessus d’un nid d'oiseau abandonné. 
Ce nid, de très petite taille (9 centimètres de haut sur 12 centimètres de 
large), et ne comprenant que 2 gâteaux inclus dans une enveloppe simple 
renforcée de tubulures, était très en retard pour la saison. La mère faisait 
défaut. Il n’y avait que 2 ouvrières; tout le reste de la colonie, soit 21 in- 
dividus, était du sexe mâle. En outre, # nymphes mâles et 1 imago mâle 
dans les cellules operculées. Ni œufs ni larves dans les cellules. 

Le gâteau supérieur a 8 centimètres de large ; il contient, dans toute sa 
région centrale, des cellules dont les bords présentent des traces d’oper- 
cules et quelques cellules operculées contenant les mâles dont nous avons 
parlé. Il est à noter que l’une des plus centrales, adjacente au pédicule sus- 
penseur du gâteau suivant, contient une nymphe mâle (presque imago) 
desséchée ; or, cette cellule n’a pas été habitée deux fois, pas plus que les 
autres. Il semble résulter de ce fait que le nid dont il s’agit n’a jamais dû 
avoir de reine et que c'est peut-être un nid de remplacement. Il se peut 
encore que le couvain de la reine ait été, tout à fait au début, détruit par 
des oiseaux, ou bien que la reine ait exceptionnellement pondu un ou 
plusieurs mâles au début de son existence. 

Le gâteau suivant était vide. 

Le nid contenait une quinzaine de larves de Velleius dilatatus. 


-1 


ARCH. DE ZOO. EXP. ET GEN. — 32 SÉRIE, = T, 1V. 1896. 


98 PAUL MARCHAL. 


No 34. — Nid du 29 août 1895. Saint-Maur. 


Il est situé dans un tronc de saule, dans une petite île au milieu de la 
Marne. 

En allant de bas en haut, les gâteaux sont: 

G. 4 (D.—13°) — Grandes cellules. — {D. de la cellule — 10mm,6). 
Jeunes larves au centre ; œufs à la périphérie sur une très large zone. 

G. 2 (D. — 18°). — Grandes cellules.— (D. de la cellule = 10mm,6). Grande 
région centrale avec opercules ; 4 zones de grosses larves; 1 zone de 
jeunes larves. 

Larves, 9 femelles pour 21 mâles. | 

Cellules operculées, 86 femelles (reines) pour 35 mâles (totalité). 

Les cellules operculées occupées par des mâles se reconnaissent à leurs 
opercules surbaissés ; parfois, les cellules des femelles ont été prolongées 
un peu plus haut que les cellules des mâles ; ces mâles sont groupés en 
trainées ou en ilots. 

G. 3 (D. — 20° sur 16°). — Grandes cellules.— (D. de la cellule = 102,6). 
Tout est operculé, formant une masse homogène ; autour seulement, quel- 
ques grosses larves. 

Cellules operculées, 164 femelles (reines) pour 124 mâles (totalité). 

Le stade le plus avancé dans ce gâteau est la nymphe à yeux noirs et 
dont la peau commence à se teinter. 

G. 4. — Petites cellules. — Il y à toute une région centrale comprenant 
18 rangées transversales de cellules non operculées et dont les cellules 
sont de petite taille ayant en moyenne 82,6 de diamètre. Puis une zone 
comprenant 4 ou 5 rangs circulaires de cellules en général ôperculées et 
d'un diamètre un peu plus grand (9%%,8). Le passage d’üne grandeur à 
l’autre est graduel. 

Ces cellules périphériques, à parois légèrement divergentes, forment 
donc une sorte d'intermédiaire entre les gâteaux à petites et les gâteaux à 
grandes cellules. 

Centre. Grosses larves et quelques cellules operculées (deuxième géné- 
ration), 24 femelles pour 14 mâles. 

Uné zone. Petites larves et œufs. 

Une zone. Cellules opérculées : opercules surbaissés, 32 femelles (ou- 
vrières) pour 12 mâles ; opercules bombés (95), tous reines où femelles 
intermédiaires. 

G. 5 (D.— 15°). — Petites cellules. —- Les cellules du centre ont un dia- 
mètre qui est en moyenne de 1%",8; puis, en allant vers la périphérie, 
elles augmentent faiblement de diamètre jusqu’à 822,4, en présentant des 
parois légèrement divergentes. 


1" 


REPRODUCTION ET ÉVOLUTION DES GUÊPES SOCIALES. 99 


Quelques mâles ; mais la plus forte proportion en ouvrières. Ici, les 
cellules operculées des mâles sont bombées comme celles des ouvrières. 

G. 6(D. = 10 à 11°). — Petites cellules (D. = 722,5 en moyenne). Vide. 
En forme de calotte très bombée, sauf 1 cellule operculée et 8 larves. 

Les cellules de la région centrale ont 72%,2. Les cellules de Ia périphérie 
augmentent légèrement de diamètre. Cette augmentation de diamètre est 
due à ce que les parois des cellules divergent plus que pour les centrales. 

Dans ce nid, le gâteau 2 ne contient pas de stade plus avancé que les 
nymphes blanches et jeunes ; le gâteau 3, pas de stade plus avancé que 
la nymphe colorée ; les gâteaux # et 5 donnent seuls des éclosions. 

Les cellules des régions centrales des gâteaux supérieurs 6, 5 et # voient 
évoluer la deuxième génération. 

Conclusions. — 1° Chez Vespa crabro, il n’y à pas, entre les grandes cel- 
lules et les petites cellules, de contraste frappant; les petites cellules 
peuvent présenter, parfois, un diamètre assez inégal, légèrement croissant 
de haut en bas du nid, et les cellules périphériques de chaque gâteau sont 
alors d’une taille intermédiaire entre les cellules du centre de ce gàteau 
et celles du centre du gâteau situé immédiatement au-dessous. Au con- 
traire, les grandes cellules ne paraissent pas présenter ces différences de 
taille ; elles représentent le type définitif qui servira, dès lors, pour ter- 
miner le guêpier. 

20 Il n’y a pas encore de mâles à l’état adulte à cette époque. (Cette con- 
clusion ne saurait, toutefois peut-être,s’appliquer à tous les nids normaux.) 

30 On rencontre des mâles dans tous les gâteaux à grandes et à petites 
cellules ; il n’y a pas de spécialisation (au moins à celte époque). 

4° La proportion des mâles paraît augmenter de bas en haut pour les 
grandes cellules. Si ce fait se confirmait, il indiquerait une ébauche de 
spécialisation des gâteaux inférieurs pour les reines, comme mous l'avons 
déjà constaté chez Vespa media. 7 

50 Il n'existe pas d'hiatus entre la forme femelle reine et la forme 
femelle ouvrière. On passe graduellement de l’une à l’autre par des inter- 
médiaires. Ces intermédiaires se trouvent, au moins en majeure partie, 
dans le gâteau à petites cellules (G. #) qui est immédiatement superposé 
aux gâteaux à grandes cellules. Ce même gâteau à position frontière con- 
tient aussi des reines franches et des ouvrières franches. 

6° Ces conclusions ne peuvent être considérées comme générales, à 
cause du petit nombre de nids de Vespa crabro que nous avons observés. 


INDEX SOMMAIRE. 


Introduction et données techniques......... NE 20 ETAT DR ADO 6 um Alec 
PAR des als... .....,...40....... 0. Mare eite SOIR ES EN ON JOUE A Le 0 ne ù LD 
OS DACDICUIRE SA. ee ue lee s « eleienneseiseue se ne drone NUG-28 


‘ 


400 PAUL MARCHAL. 


Gonclusion générale. "CR" FER OEECARET CREME EREREE TT Ce LALRE 1.00... 48-60 
Index bibliographique ....... oépue PE Gi ANA I AIO of 0 Dana doc 00 61 
Appendice: 25h et Eee AE RCE Ha Somaoc 62-99 


Faits accessoires signalés d’une façon incidente : 


a) Allure d’une Volucelle à l’intérieur du guëêpier .........,......... 66 
b) Larves jouant le rôle de sacs à provisions occasionnels............ 69 
c) Nid de WespalgermanichaÉriEn. ci RACE ECM E CCE ORNE PP eUr 71 
d) Incubation des œufs MRCRAMELMENS LEUR RESTE 77 
e) Gradation des formes dans un nid de Vespa media........,......., 94 


ÉTUDE 


SUR LA 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX 


PAR 


JORGEN THESEN 
Médecin-major dans l’armée norvégienne. 


On n’a jamais beaucoup étudié ni la biologie ni la physiologie du 
cœur du Poisson, bien qu'il semble que ce cœur doive intéresser 
même un observateur superficiel, aussi bien par ses rapports anato- 
miques très simples (ce cœur n'ayant qu'une oreillette et un ven- 
tricule) qu’à cause des conditions particulières du genre de vie des 
Poissons. J'espère que cette étude offrira quelque intérêt; elle a 
été faite en partie au laboratoire pharmacologique de l’Univer- 


sité de Christiania, et en partie à « l'établissement biologique » de 


Drübak, où l’on a eu la complaisance de me permettre de travailler, 


ANATOMIE. 


Je ne veux donner qu’une esquisse succincte de l’anatomie du 
cœur des Poissons osseux et exposer simplement ce qui est néces- 
saire pour en comprendre la physiologie. 

Les anciens anatomistes (Monroe jeune ‘, Kælreuter *, Vicq 
d’Azyr*, etc.) avaient déjà décrit assez exactement l'anatomie ma- 
croscopique du cœur des différents Poissons; Cuvier et Valenciennes * 

1 Anat. and Physiologie of Fishes. 

2 Nov. Comm. petrop., t. XVI. 


3 Mém. des sav. étr.,t. VII. 
* Histoire des Poissons, t. I, Paris, 1898. 


102 JORGEN THESEN. 


en ont fait une description tout à fait classique, et c'est à celle-là 
que je me tiendrai essentiellement. 

Le cœur des Poissons osseux est placé sous l’æsophage, au-dessus 
de l’are scapulaire ; derrière, il est séparé du foie par un diaphragme 
et, en avant, il est limité par le pharynx. La cavité péricardique, 
chez la plupart des Poissons (par exemple, la Morue), est très large 
et tapissée par un péricarde facile à isoler. Chez quelques-uns (par 
exemple, chez l’Anguille), la cavité péricardique est juste assez grande 
pour loger le cœur; le feuillet pariétal du péricarde est placé tout 
près du feuillet viscéral et y est fixé par des adhérences. Du côté 
du sinus artériel et de l’aorte, le péricarde est toujours très soli- 
dement attaché aux organes environnants; de plus, il est fortement 
épaissi. 

L’oreillette, le ventricule et le sinus artériel sont placés dans la 
cavité du péricarde (le sinus veineux est, chez les Poissons, placé 
dans le foie, comme déjà Cuvier ‘ l'avait fait remarquer ; il n’a point 
de muscles et point de pulsations et ne sera plus mentionné ici). 
Cuvier dit encore que le cœur du Poisson est bien petit, comparé à 
la grandeur de l’animal, et qu'il ne grandit pas proportionnellement 
avec lui. Et il a sans nul doute raison. 

L'oreillette est placée de telle facon qu'elle a, derrière elle, le dia- 
phragme et, devant elle, la moitié inférieure du ventricule, dont elle 
occupe tantôt le côté gauche et tantôt le côté droit, suivant les dif- 
férents individus ; c’est un sac, dont la forme et la grandeur varient 
beaucoup. Quand l'oreillette est dilatée, elle est plus grande que le 
ventricule; mais, quand elle est vide, c’est à peine si elle en a la 
demi-grandeur. La forme en est très différente chez les différents 
Poissons ; souvent même (ce qui est « très bizarre » pour Cuvier), 
elle possède des auricules. La base de l'oreillette est tournée vers le 
diaphragme, au milieu duquel se trouve l'ouverture du sinus vei- 
neux. Dans cet orifice il y a deux valvules, très minces, membra- 
neuses, mais tout à fait suffisantes. 


1 Lac. cit. 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 103 


Les parois de l'oreillette sont très minces et formées de fibres 
musculaires, qui s’entre-croisent tellement, qu'il est impossible d'en 
distinguer les différentes couches. Entre les faisceaux musculaires, 
il y à un tissu conjonctif assez abondant. [ntérieurement, la paroi 
est tapissée d'assez nombreuses papilles et trabécules musculaires. 
La communication entre l'oreillette et le ventricule se fait par le 
moyen d'une veine très courte et mince, qui va du centre de la paroi 
latérale de l’oreillette jusqu'à la face latérale du ventricule, un peu 
au-dessous de son milieu ; du côté du ventricule, cette veine est 
fermée par deux valvules. Cette veine n’a point de fibres muscu- 
laires ; elle est seulement formée de tissu conjonctif. Il n'existe pas 
non plus de fibres musculaires unissant l'oreillette et le ventricule. 

Le ventricule est, en général, assez régulièrement prismatique, ou 
bien, chez quelques Poissons (par exemple, l’Anguille), il est tétra- 
gone. Le sinus artériel a, comme il a déjà été dit, généralement sa 
source au milieu de la face antérieure. Le ventricule est très dila- 
table, mais pas autant que l’oreillette ; tout à fait dilaté, il est à peu 
près une fois et demie plus grand que lorsqu'il est vide. La paroi du 
ventricule se compose de deux couches, très distinctes, dont l’ex- 
terne, outre l’endothélium péricardique, est encore composée de 
tissu conjonctif, renfermant des nerfs, des vaisseaux sanguins et 
des fibres musculaires ; la couche interne forme la véritable museu- 
lature. 

I. Dans la couche externe, en dessous de l’endothélium, se trouve 
un feuillet conjonctif très épais, renfermant un grand nombre de 
vaisseaux lymphatiques. Cette couche est (chez les Ganoïdes) repré- 
sentée par un appareil glandulaire Iymphatique, que les anatomistes 
regardent comme le représentant phylogénique du thymus. C’est 
dans ce tissu conjonctif que courent les vaisseaux et nerfs du ven- 
tricule. Au-dessous de ce tissu conjonctif se trouve une couche mus- 
culaire très mince, mais très distincte, que Kazem Beck et Dagiel! 


1 Beiträge zur Kenuntniss der Struklur und der Funklion des Herzens de Knochen- 
fische. Tratz. f. Wissensch. Zoologie, 1882. 


104 | JORGEN THESEN. 


séparent en une couche longitudinale et une couche transversale. 
Dœllinger ‘ indique qu’il existe une cavité entre ces deux couches, 
mais Rattke ? le contredit et prétend que ce que Daællinger a observé 
n’est qu'un phénomène post mortem. Ceci fut l'opinion générale jus- 
qu'au jour où, parmi les savants plus modernes, Kazem Beck et Da- 
giel3 reprirent l’opinion de Dœællinger. La question ne peut être 
considérée comme résolue à la satisfaction générale ; cependant, ce 
qui va suivre peut être regardé comme sûr : il y a un sac endothélial 
complet, qui tapisse la paroi intérieure de la couche externe et la 
paroi extérieure de la couche interne. 

Il n'existe point de fibres musculaires entre ces deux couches, 
mais des vaisseaux et des nerfs. En regardant un Poisson mort depuis 
quelques heures, on peut généralement remarquer qu’il est entré 
de l’air dans la cavité qui vient d'être mentionnée ; on peut même 
facilement, au moyen d’une seringue de Pravaz, la remplir d’air ou 
d’un liquide quelconque, sans que rien ne pénètre dans la véritable 
cavité du ventricule, 

Il. La couche interne forme la véritable paroi du ventricule et se 
compose d'un solide tissu de fibres musculaires entre-croisées, dont 
il est impossible de distinguer les différentes couches. Intérieure- 
ment, elle est tapissée d’une grande quantité de trabécules et de 
papilles. 

Le sinus artériel est placé au-dessous du pharynx; sa forme est 
tétragone avec quatre faces d’égale grandeur ou bien conique. 
Chez la plupart des Poissons, il est tétragone, très développé et 
nettement limité. Sa base aboutit à la face antérieure du ventri- 
cule et ses trois faces latérales peuvent être regardées comme la 
continuation des faces latérales du ventricule prismatique. Quand 
le sinus est cylindrique, ses parois sont moins épaisses et 1l peut 


être regardé comme une continuation de l'aorte. La communication 


1 Ueber den eigentlichen Bau der Fischherzens. Wettrauer Annalen, 1811. 
2 Uaber die Herzkammer der Fishe. Meckels Arch. f. Physiologie, 1826. 
8 Loc. cit. 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX. 105 


avec le ventricule se fait au moyen d’une très courte veine munie 
de trois valvules très fortes et tout à fait suffisantes. A la limite du 
péricarde, le sinus débouche dans l'aorte, qui, à cet endroit, est 
très mince et sans valvules. Les parois du sinus artériel sont for- 
mées d’un tissu conjonctif très fort et très élastique. La paroi exté- 
rieure est tout à fait lisse, sans papilles; seulement, quand le sinus 
est vide, on y observe des plis longitudinaux. 

La nutrition du cœur se fait par une artère coronaire qui vient 
de la seconde veine branchiale, longe l'aorte et se sépare au-dessus 
du sinus artériel en deux branches qui descendent des deux côtés 
du ventricule, auquel elles fournissent de riches ramifications, dont 
quelques-unes vont se perdre dans l’oreillette qui paraît, en grande 
partie, dépourvue de vaisseaux. 

Les nerfs du cœur des Poissons ont été décrits assez exactement 
par Vignal', Kasem Beck? et par Heymans et Demoor*. Deux ra- 
meaux viennent du vague et du plexus brachial. Les rameaux du 
vague viennent embrasser le sinus artériel à la limite du péricarde; 
bientôt après ils se séparent et courent autour du sinus, se rappro- 
chent ensuite à la limite du ventricule et pénètrent dans les parois 
de ce dernier, où ils s’anastomosent tellement avec les rameaux 
provenant du plexus brachial, qu'on ne peut plus les distinguer. 
Les rameaux provenant du plexus brachial traversent le diaphragme 
et forment un ganglion à la limite de l'oreillette, où ils se dis- 
persent pour se rencontrer de nouveau dans un ganglion situé à la 
limite du ventricule, qu'ils enlacent et où ils rencontrent les ra- 
meaux provenant du vague. Tous les savants disent qu'il existe des 
fibres nerveuses partout dans le cœur du poisson, dans l'oreillette 
comme dans le ventricule, et qu’on peut les suivre jusque dans les 


trabécules et dans l’endocarde. J'en ai moi-même obtenu de très 


1 Appareil ganglionnaire du cœur des Vertébrés. Travaux de l’année 1881, publiés 
par L. Ranvier. 

2 Loc. cit. 

3 Étude de l’innervation du cœur des Vertébrés. Mémoires couronnés par l’Académie 
royale de Belgique. 


106 JORGEN THESEN. 


jolies préparations en employant la méthode du docteur Bethe! 
(acide molybdique et bleu de méthylène). Pour ce qui est des cel- 
lules nerveuses, les savants reconnaissent les deux ganglions men- 
tionnés plus haut, mais tandis que Vignal ? prétend en avoir trouvé 
dans tout le ventricule, Kasem Beck ? maintient qu'il n’en existe 
que dans les ganglions déjà mentionnés, à la limite de l'oreillette. 
Dans les préparations faites d'après la méthode de Golgi, appelée 
Schnell methode, on voit facilement que c’est l’opinian de Vignal qui 
est juste. On doit prendre le cœur d’un petit Poisson et injecter les 
liquides {la solution d'acide osmo-chromique ou de nitrate d'argent) 
dans l'oreillette aussi bien que dans le ventricule; ensuite on verra 
toujours dans une préparation réussie des cellules ganglionnaires 
dispersées partout dans l'oreillette et dans le ventricule, La place 
du ganglion ventriculaire varie un peu selon les différents poissons: 
par exemple, chez l’Anguille il est logé plus profondément que chez 


d’autres Poissons. 


PHYSIOLOGIE. 


Aristote déjà avait observé que le cœur du Poisson continue à 
battre longtemps après qu'il est ôté de l’animal, et Descartes ob- 
serva, en 1614, que l'échauffement faisait battre plus vite le cœur 
de l’Anguille. W. Clift* étudia l'influence du système nerveux central 
sur le cœur et fit ses expériences de la manière suivante : après 
avoir mis le cœur à nu et compté les pulsations, il détruisit la 
moelle spinale, voire même le cerveau, après quoi il làâcha le poisson 
dans un aquarium ou le mit dans un linge mouillé. Il observa que 
le cœur continuait à battre encore huit heures et demie chez les 
animaux qui étaient dans le linge, tandis qu'il cessait de battre 


beaucoup plus tôt chez ceux qui étaient dans l'aquarium, et chez 


1 Arch. f, Microscop. Anat., Bd. XLIV, p. 579. 
2 Loc. cil. 

à Loc. cit. 

# Phil. transact., London, 1815. 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 107 


lesquels l’eau entrait dans la cavité péricardique. Pour ce qui est de 
l'influence du système nerveux central, il trouva que l'isolement du 
cerveau restait sans effet, tandis que la destruction de la moelle 
spinale produisait des pulsations plus lentes. Les chiffres sont ce- 
pendant très petits, et l’expérience assez grossièrement faite, de 
sorte qu'il paraît que le ralentissement des pulsalions dépend d'une 
irritation du nerf vague. GC. Hoffmann donne une description du 
mode de contractions du cœur, mais attribue faussement une pul- 
sation indépendante au sinus artériel. Ayant sectionné les rameaux 
pharyngiens aussi bien que les rameaux œsophagiens, il trouva 
une augmentation de fréquence des pulsations, et un arrêt du cœur 
après avoir fait une incision à la limite de l'oreillette et du ventri- 
cule. C.-H. Hildebrandt! a très exactement étudié l'irritabilité des 
fibres musculaires chez les différents animaux à sang froid, entre 
autres aussi chez l’Anguille, et il n’a pas trouvé que ce cœur, sous 
ce dernier rapport, diffère des cœurs déjà étudiés, par exemple 
de celui de la Grenouille. En fait de travaux modernes sur la physio- 
logie du cœur du Poisson, il n’existe que ceux de Vignal et de 
Kasem Beck et Dagiel, dont j'ai parlé plusieurs fois et qui seront 
mentionnés plus loin. Ils ont tous eu le grand défaut de n’avoir pas 
su entretenir la respiration de l’animal sur lequel ils opéraient. 
Toutes les expériences sont faites ou sur un animal mourant ou sur 
un cœur isolé. 

Pour éviter cela, on peut faire son expérience de la manière sui- 
yante : on place l'animal le ventre en haut et on l’attache, à l’aide 
de quelques pointes de fer, à une plaque de liège placée dans un 
bassin de zinc muni d’orifices d'écoulement. D'un vase élevé des- 
cend un tube de caoutchouc, en forme de T, jusqu'aux ouvertures 
des ouiïes ; ainsi quand le vase sera rempli d’eau fraîche et aérée, 
les ouïes pourront être arrosées continuellement. Pour que, par 


suite des mouvements de respiration, l’eau n’entre pas dans la bles- 


1 Nord. Med. Arch., 1877. 


108 JORGEN THESEN. 


sure, on fera bien de boucher les ouvertures des ouïes avec un 
peu d'ouate. Ainsi, grâce à ce courant continuel d’eau fraîche arri- 
vant aux ouies, l'animal pourra respirer normalement beaucoup 
plus longtemps. Il est facile de constater que la pulsation devient 
lente et irrégulière dès que l’eau n’arrose plus les ouïes et qu’elle 
redevient normale dès que l’eau réapparaît. Pour empêcher la 
peau de l’animal de se sécher pendant l'opération, on peut l’en- 
velopper dans de l’ouate mouillée ou dans du papier à filtrer, mais 
cela ne semble pas être très utile; le travail du cœur se fait bien 
sans cela. Cependant, il vaut mieux arroser la peau d’eau salée de 
temps en temps, pendant des expériences de longue durée. 

Les Morues de 30 centimètres de longueur conviennent parfaite- 
ment comme animal d'expérience; elles sont très vivaces et agréables 
à travailler; ici, l’on peut en acheter des vivantes toute l’année. 
D’autres Poissons, tels que : Crenilabrus rupestris (la Merluche), 
Zoacæus viviparus (la Lotte), Cottus scorpius (le Chabot-Cotte), Trigla 
gurnardus (la Trigle), et l’Anguille, peuvent être employés, l’An- 
guille qui à été à ma disposition était un Conger conger (Anguille 
de mer), pris à une assez grande profondeur et qui, par suite, est 
morte très vite, elle ne s’est pas montrée très favorable à mes expé- 
riences. Parmi les poissons d’eau douce, on peut employer le Caras- 
sin commun (Carassius vulgaris). 

Il est très facile de mettre le cœur à nu, quand on à un peu d’ex- 
périence. On fait une incision rectiligne à travers l’arc scapulaire 
et on l’élargit ensuite à l’aide de ciseaux, en avant et en arrière, 
dans la mesure nécessaire. Il faut prendre bien garde à l’hémorra- 
gie et avoir toujours une pointe de fer rougie à sa disposition. Pour 
enlever le péricarde, on fera bien d'employer de fines pinces à cro- 
chets et de le trancher avec de fins ciseaux. Pendant qu'on désire 
observer le cœur,on maintient la plaie ouverte avec de petites pinces 
anatomiques; mais, entre les observations, on fera mieux de la re- 
fermer pour éviter la dessiccation. La première chose qui saute aux 


yeux, quand on observe l’animal ainsi opéré, c’est que la pulsation 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX. 109 


et la respiration sont de même fréquence. Il y a un mouvement de 
respiration dans chaque pause du cœur. Ceci est un phénomène 
qui n’a été mentionné par aucun auteur, mais que j'ai constaté 
chez toutes les espèces que j'ai examinées; et ces rapports conti- 
nuent Jusqu'à ce que l'animal meure. Cependant les Poissons, 
comme tous les autres vertébrés, ont la faculté de changer eux- 
mêmes la fréquence de leur respiration. Quand ils font un mouve- 
ment, ou quand ils sentent une forte douleur, les mouvements de 
leur respiration deviennent irréguliers ; cependant, cette irrégularité 
n'agit pas sur le cœur, qui continue à travailler régulièrement. Dès 
que le Poisson redevient tranquille, les anciens rapports recom- 
mencent : un mouvement de respiration pour chaque battement 
du cœur. J'ai souvent remarqué que les Morues qui avaient été 
quelque temps dans un aquarium ou dans un réservoir n'avaient 
point de pulsation. Avant l’opération', les animaux nageaient en 
bonne santé, et même après l'opération, la respiration était en 
apparence normale, ainsi que les battements du cœur, mais les 
contractions du ventricule étaient si faibles, qu’elles ne pouvaient 
pousser le sang dans le sinus artériel qui, pendant tout ce temps, 
était dans un état de contraction extrême. Il en est ainsi jusqu’à 
ce qu'ils meurent, ce qui peut arriver environ une demi-heure 
après l'opération ; mais, en général, ils meurent au bout d’un quart 
d'heure, dans de fortes convulsions, et le cœur s'arrête ensuite 
assez subitement. Il m’a été impossible de réussir à rétablir, chez 
ces animaux, les conditions normales de vie. Quand on coupe l’aorte, 
le sinus artériel se remplit de sang, la respiration revient et l'animal 
succombe peu de temps après à une hémorragie; de sorte quil 
semble que le manque de pulsations provienne d’un obstacle ou 
d’une entrave dans les organes de la respiration. Un phénomène 
semblable, chez la Raïe, a été décrit par Vignal'. S'il est un peu 


asphyxique, le cœur s'arrête tout à fait, le sang, dit-il, ne pouvant 


1 Loc. cit. 


110 JORGEN THESEN. 


pas se vider à travers l'aorte; mais si l’on coupe l’aorte, le travail 
du cœur recommence. 

Les contractions de l’oreillette sont très fréquentes dans les con- 
ditions normales, et elle se vide promptement et complètement 
dans le ventricule. Dans un cœur mourant ou dont les mouvements 
sont ralentis, on voit que les contractions commencent à la fois 
aux deux bouts de l'oreillette et avancent vers l'ouverture du ven- 
tricule. 

Les systoles du ventricule sont aussi très rapides et viennent im- 
médiatement après que celui-ci a été rempli par l'oreillette ; généra- 
lement, on peut voir que l’ondulation se transporte de l’extrémité 
abdominale vers le sinus artériel, et, quand la pulsation est plus 
lente, on peut même l’observer très distinctement. On voit aussi une 
ondulation commencer à chacun des angles, se rassembler et se 
transporter alors en avant. Le ventricule ne se contracte pas seule- 
ment, il se raccourcit ; ce qui fait que tout le cœur avance un peu, 
le sillon péricardique situé près de l’aorte étant le seul endroit où 
il soit fortement attaché aux organes environnants, Après les sys- 
toles, le ventricule se détend et reste ainsi jusqu’à sa prochaine con- 
traction. 

Par les systoles du ventricule, le sang est poussé dans le sinus 
artériel, ce qui dilate celui-ci considérablement, le sang ne pouvant 
pas entrer directement dans l’aorte ; mais, pendant les diastoles du 
ventricule, une contraction lente et régulière commence dans les 
fibres élastiques du sinus artériel, et c’est ce mouvement qui produit 
des ondulations dans l'aorte. Cette contraction dure plus longtemps 
que celles du ventricule et de l'oreillette réunies, en sorte qu'à la 
prochaine contraction du ventricule, le sinus n’est, en général, pas 
même encore arrivé à son attitude de repos et ne s’est pas complè- 
tement vidé. Gependant, üil se dilate alors de nouveau et se remplit. 
il est naturel que cette contraction d’un organe dépourvu de muscles 
soit tout à fait passive ; elle se fait à la fois dans toutes les fibres de 


l'organe ; mais la condition absolument nécessaire à son existence 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX. j11 
est que le ventricule le remplisse de sang; si cela se produit, les 
contractions du sinus ne tardent jamais à se montrer. Ge mouve- 
ment paraît si remarquable, qu’un savant même comme C. Hoff- 
mann à cru que le sinus était un organe à pulsation active. Dans 
la disposition de l'expérience que je viens de mentionner, le travail 
du cœur à continué à être normal, pendant à peu près une heure. 
Pendant ce temps, lés contractions ont été complètement régu- 
lières, égales et vigoureuses, et la pulsation bonne. Ensuite, les 
contractions ont commencé à devenir plus faibles et la pulsation 
plus petite, tandis que la fréquence est encore restée la même pen- 
dant quelque temps, environ quinze minutes, après lesquelles elle 
a aussi diminué. Il commence alors à se passer tant de temps 
entre chaque contraction du ventricule, que le sinus artériel se 
vide complètement et resie en repos däns les intervalles où il se 
remplit. 

Quelque temps après (dix à vingt minutes), les contractions du 
ventricule deviennent si faibles, qu'elles ne peuvent plus soutenir la 
résistance du sinus et y pousser le sang, en sorte que la pulsation 
cesse complètement. Souvent l'animal peut continuer à vivre et à 
faire des mouvements de respiration longtemps après que la pulsa- 
tion a cessé ; mais, en général, il meurt peu de temps après dans 
des spasmes fibrillaires. Quelque temps après que la pulsation a 
cessé, les contractions du cœur se mulüplient et augmentent jus- 
qu’à la fréquence normale, même quelquefois davantage ; ensuite, 
la fréquence continue à diminuer jusqu’à la cessation. Les contrac- 
tions du ventricule deviennent irrégulières, et l'oreillette commence 
à battre dans un rythme particulier et à faire plusieurs battements 
pour chaque contraction du ventricule. Enfin, le ventricule s'arrête 
tout à fait, tandis que l'oreillette peut travailler encore assez long- 
temps, jusqu'à ce qu’elle s'arrête aussi peu à peu. Si l’on irrite (mé- 
caniquement ou électriquement) le ventricule ou l’oreillette, on 
peut produire, chez tous deux, une courte série de battements, 


longtemps après que les contractions spontanées ont cessé. Cepen- 


412 JORGEN THESEN. 


dant, à la fin, il n’y a que l’oreillette qui réagisse, et seulernent par 
des coups saccadés. 
Qu'il me soit permis de faire part de quelques observations nor- 


males, notées dans mon relevé d'expériences. 


Expérience n° 38. 14 mars 1893. — Carrassin (Carassius), 15 centimètres 
de longueur. Température de l’eau, 16° C. ; température de l'air, 18° C. 

6 h. 35 après-midi. Respiration artificielle. Mise à nu du cœur. 

6 h. 45. — 38 contractions du cœur par minute, vigoureuses, régu- 
lières, égales. Le sinus artériel ne se vide pas au maximum. Respiration 
et pulsation de même fréquence. 


6 h. 46. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 50. — 40 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 54. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
7 h. 00. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
7 h. 05. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
1 h. 10. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
7 h. 18. — 36 contractions du cœur. Invariables. 
1 h. 25. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
1 h, 33. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
1 h. 45. — 36 contractions du cœur. invariables. 
1 h. 50. — 36 contractions du cœur. Invariables. Les conditions tou- 


Jours invariablement les mêmes ; mais j'ai dù interrompre l'expérience. 


Expérience n° 1. 26 janvier 1893. — Morue (Gadus morrhua), 30 centi- 
mètres de longueur. Température de l’eau, 9° C. ; température de l'air, 
180407 


9 h. 20 matin. — Respiration artificielle. Mise à nu du cœur. 
9 h. 350. — 10 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
Respiration et pulsation de même fréquence. 
9 h. 31. — 40 contractions du cœur. Invariables. 
9 Dh. #1. — 30 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 45. — 36 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 50. — 34 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 55. — 30 contractions du cœur. Invariables. 
10 h. 00. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
10 h. 11. — 34 contractions du cœur. Invariables. 
10 h. 12. — 36 contractions ; un peu irrégulières. 
10 h. 30. — 32 contractions ; toujours irrégulières. 
10 h. 40. — 24 contractions ; assez irrégulières et considérablement. 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 113 


plus faibles. Respiration et pulsation de même fréquence. (J'ai dû inter- 
rompre l'observation jusqu'à midi et demi.) 

Midi 30. — Animal mort. Point de pulsation. Sinus artériel vide et 
pâle. Environ 50 contractions irrégulières et inégales dans le ventricule 
et dans l'oreillette. 

1 h. 10. — De temps en temps, de courtes séries de battements spon- 
tanés dans le ventricule. Contractions de l'oreillette irrégulières, souvent 
avec de longs intervalles. 

1 h. 40. — Le ventricule réagit encore quand on l'irrite. Encore des 
battements irréguliers et faibles dans l'oreillette. 

2 h. — L'oreillette réagit encore quand on l'irrite. 


Expérience n° 25. 15 mai 1895. — Morue d'environ 30 centimètres de 
longueur. Température de l’eau, 8° C. ; température de l'air, 18 C. 

9 h. matin. — Respiration artificielle, Mise à nu du cœur. 

9 h. 12. — 32 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
Le sinus artériel ne se vide pas au maximum. Respiration et pulsation de 
même fréquence. 


9 h. 13. — 30 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 44. — 32 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 17. — 32 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 20. — 30 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 22. — 28 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 24. — 26 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 28. — 28 contractions du cœur. Invariables. 
9 h. 33. — 26 contractions du cœur. Invariables. Le sinus artériel se 


vide complètement entre chaque battement du cœur. De temps en temps, 
? respirations pour chaque pulsation. 


9 h. 36. — 24 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 38. — 26 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. #1. — 34 contractions inégales, irrégulières. Respiration toujours 
régulière. 

9 h. 44. — 22 contractions, irrégulières, inégales. 


9 h. 49. — 20 contractions, irrégulières, inégales. 
9 h. 50. — 20 contractions, irrégulières, inégales 
9 h. 52. — 22 contractions, irrégulières, inégales. 
9 h. 56. — 20 contractions, irrégulières, inégales. 
10 h. 02. — 22 contractions, irrégulières, inégales. 
10 h. 04. — Respiration régulière : 32. 
10 h. 08. — 20 contractions, irrégulières, inégales. Ondulation du sang, 
faible. | 
10 h. 1%. — 14 contractions, irrégulières, inégales. 


ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE, — Te 1V. 1896, 5 


Ai JORGEN THESEN. 


10 h. 16. — 10 contractions, irrégulières inégales. Respiration régu- 
lière : 28. 

10 h. 18. — Le ventriculeet l’oreillette font 20 contractions par minute, 
mais elles sont trop faibles pour remplir le sinus artériel ; en consé- 
quence, il n’y a point d’ondulation pulsatile. 


10 h. 21. — [e ventricule et l'oreillette font 20 contractions. 
10 h. 24. — Le ventricule et l'oreillette font 22 contractions. 
10 h. 30. — Le ventricule et l'oreillette font 30 contractions. 


10 h. 34, — Le ventricule et l'oreillette font 22 contractions. Respira- 
tion régulière : 28. 

10 h. 38. — Le ventricule et l'oreillette font 18 contractions. 

Dans la première expérience citée (n° 38), le nombre des batte- 
ments du cœur variait, pendant tout le temps de l'observation 
(4 h. 52), seulement de 40 à 30 par minute, et elles continuaïent à 
être régulières, vigoureuses et égales. La respiration et la pulsation 
étaient, tout le temps, de la même fréquence. Dans la seconde expé- 
rience (n° À), il y eut une petite irritation causée par l'opération, de 
sorte que les premières énumérations ont montré un plus grand 
nombre de contractions du cœur que d'habitude; mais bientôt il est 
descendu jusqu’au nombre normal'et s’y est ensuite tenu invariable 
cinquante minutes après l’opération. Alors les contractions ont com- 
mencé à devenir plus faibles et plus irrégulières, et, au bout de 
quinze minutes, il n’y en avait que 26. À ce moment, je dus m'en 
aller et, à mon retour (1 h. 50 après), j'ai trouvé l’animal mort, sans 
respiration et sans pulsation; le sinus artériel était vide; mais j'ai 
trouvé environ 50 contractions dans l’oreillette et dans le ventricule. 
Au bout de quarante minutes encore, j'ai noté que l'oreillette et le 
ventricule ne travaillaient plus dans le même rythme; dix minutes 
après, le veutricule ne se contractait plus, tandis que l'oreillette con- 
tinuait à travailler ; encore quarante minutes après, j'ai vu de faibles 
contractions dans l'oreillette, Dans la troisième expérience citée 
(n° 23), les rapports étaient tout à fait les mêmes que ceux dont je 
viens de parler, sauf que, dans cette expérience, la respiration 
resta régulière, après que le cœur eut commencé à faiblir et à 
battre irrégulièrement, La respiration resta, en apparence, régu- 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX. 115 
lière, même quand, depuis longtemps, il n’y avait plus de pul- 
sations. 

L'influence de la température sur le cœur du Poisson a déjà été 
démontrée par Descartes (1614), et tous les savants modernes ont 
appelé l’attention sur ce sujet. Ainsi, Vignal! a pu arrêter le cœur 
d’un Poisson cartilagineux au moyen du refroidissement, et il lui 
a fait reprendre ses battements au moyen d’une surélévation de tem- 
pérature. 

Dans l’expérience mentionnée plus haut, on a constaté que la fré- 
quence des pulsations dépend directement de la température de 
l’eau, dont on arrose les ouïes. Si cette température est de 9 degrés 
centigrades, comme dans la seconde expérience notée ci-dessus, la 
fréquence des pulsations, chez la Morue, ne variera pas au-dessus 
de 30 à 36 battements ; à 12 degrés centigrades, on en trouvera 40, 
enfin, à 16 degrés centigrades, 48 à 52 à la minute. 

La température de l’air ne semble pas avoir d'influence ; il ne se 
produit pas non plus de changement évident, quand on arrose Îles 
ouies et la plaie avec de l’eau à une autre température. La grandeur 
de l’animal n’a point d'importance. Ce qui est caractéristique, c’est 
que le cœur du Carassin paraît être bien moins susceptible aux 
changements de température que celui de la Morue. Le Carassin est 
aussi, par suite de sa manière de vivre, exposé à de bien plus grands 
changements de température que les animaux marins. Puisque la 
pulsation et la respiration sont de même fréquence, il sera facile 
de constater si la pulsation trouvée sur la table d'opération est vrai- 
mentjuste, et cela en comptant les respirations d’un Poisson nageant 
librement dans un aquarium. Sur à peu près quarante numérations 
faites chez différentes Morues, dans un grand aquarium de l’établis- 
.Sement biologique de Drôbak, dans de l’eau à 16 degrés centi- 
grades, il n’y en avait point qui variaient au-dessus de 48 à 53. On 
observera toujours que les Poissons qui se trouvent bien dans un 
aquarium respirent conformément à cette moyenne. 


1NLoc. cit. 


116 JORGEN THESEN. 


Section et irritation des nerfs du cœur.— Si l’on irrite, avec un cou- 
rant d'induction, le nerf vague, n'importe à quel endroit, depuis son 
origine jusqu à son entrée dans le sinus artériel, il y aura une pose 
dans les diastoles. Si le courant est très faible, il y aura des pulsa- 
tions lentes. Si l’on sectionne un des nerfs vagues, le cœur tra- 
vaillera tout de suite beaucoup plus rapidement ; par exemple, le 
nombre des pulsations augmentera de 34 à 50 ou 60. Cependant, 
quelques minutes après, leur nombre diminuera jusqu’à 40 à 45. Si 
l’on coupe le second nerf vague, le nombre des pulsations augmente 
de nouveau, et cette fois encore plus (jusqu’à 70) que lorsqu un seul 
nerf a été coupé. En faisant une série d'expériences, on verra que 
l’influence du nerf vague gauche est plus grande que celle du droit. 
En coupant d’abord le nerf vague gauche, l'augmentation sera plus 
grande et elle ne diminuera que peu. En coupant les deux nerfs 
vagues à la fois, il y aura tout de suite un travail du cœur aussi ra- 
pide qu'il peut l'être chez les Poissons, à savoir 75 à 85 battements 
par minute. Mais, comme le cœur n’est évidemment pas organisé 
pour supporter une action aussi rapide, les contractions deviennent 
faibles et les pulsations petites, et, au bout de ‘quelque temps, les 
systoles du ventricule deviennent si faibles, que le sinus artériel, ne 
pouvant plus se remplir, ne peut plus produire de pulsations. Le 
ventricule et l'oreillette continuent à battre dans le même rythme 
accéléré, longtemps après la mort de l'animal, sans que survienne 
une lenteur passagère ou une suspension des battements du cœur 
comme c'est généralement le cas, quand cesse la respiration. Seule- 
ment, quand le cœur se meurt, le rythme devient, en général, plus 
lent et plus irrégulier. Ainsi, on peut supposer que la lenteur passa- 
gère qui se produit quand le mélange du sang est devenu nuisible 
dépend d'une irritation du nerf vague, et que l'accélération qui suit 
dépend d’une paralysie du même nerf. Les rapports sont les mêmes 
chez d’autres animaux. Kasem Beck! a observé une accélération 


1 Loc, cit. 


BIOLOGIE DU CŒUR DES POISSONS OSSEUX. 117 


des pulsations, causée par une irritation du rameau cardiaque, dans 
la partie qui s'étend du diaphragme au sinus veineux. Ceci n’a pas 
été constaté dans mon expérience. Malgré bien des tentatives, je 
n'ai pu observer d'influence sur le rythme du cœur par l'irritation 
ou la paralysie (section) de ce nerf. 

En faisant une ligature sur le sinus veineux, il ne se produit point 
de changement dans le rythme du cœur. C’est aussi ce à quoi l’on 
pouvait s'attendre, puisque les nerfs qu'on rencontre ici sont sans 
influence. Kasem Beck! a obtenu un arrêt dans les battements du 
cœur en employant cette ligature; mais cela ne m'est jamais arrivé 
au cours de mes expériences, cependant fort nombreuses. Par contre, 
on peut obtenir, de temps en temps, une suspension des battements 
du cœur, quand la ligature vient à serrer une partie de l'oreillette, 
car, alors, il y a influence sur les ganglions qui y sont logés. Cepen- 
dant, même dans ce cas, le cœur reprendra ses mouvements au 
bout de quelque temps, et il continuera à battre avec une rapidité 
normale. 

Si la ligature est faite sur l'oreillette de manière à ce que le gan- 
glion tout entier soit dans la partie abdominale, les deux parties 
continueront à battre, mais la partie abdominale battra plus vite, 
tandis que la partie tournée vers le ventricule gardera la fréquence 
de ce dernier. En faisant une seconde ligature encore, à la limite 
de l’oreiilette et du ventricule, sans que le ganglion ventriculaire 
y soit intéressé, la partie de l’oreilleitte qui est tournée vers le ven- 
tricule augmentera de fréquence. L’oreillette isolée se comporte 
comme si l'on avait seulement fait une ligature à sa limite ventri- 
culaire; en faisant une incision en zig-zag, l'oreillette se comporte 
exactement comme l'indique M. Engelmann à propos du cœur de 
la Grenouille. Même en coupant l'oreillette en petits morceaux, 
chaque partie continuera à battre, pourvu qu'aucune des parties ne 


soit plus petite que quelques millimètres carrés ou que la section 


1 Loc. cit. 


118 JORGEN THESEN. 


ne touche pas le ganglion. Dans ce dernier cas, les parties qui con- 
tiennent le ganglion s’arrêteront et ne reprendront leurs mouve- 
ments qu’au bout de quelque temps. Déjà CG. Hoffmann avait obtenu 
une suspension des battements du cœur en passant une ligature à 
la limite de l'oreillette et du ventricule; mais Vignal à prouvé que 
cela n'arrive que si la ligature est faite si près du ventricule que le 
ganglion soit atteint; et même alors, cette suspension n'est que de 
courte durée. Si, au contraire, cette ligature est faite de façon à 
épargner le ganglion, l'oreillette et le ventricule continueront à 
battre, mais chacun dans son rythme, les contractions de l'oreillette 
étant devenues bien plus fréquentes que celles du ventricule, qui 
ont gardé leur fréquence habituelle. 

Le fait que la suspension de l’action du cœur, à la suite d’une 
ligature à la limite de l’orsillette et du ventricule, dépend vraiment 
de l'influence du ganglion ventriculaire, peut être observé très clai- 
rement sur le cœur de l’Anguille, dont le ganglion ventriculaire est 
logé bien plus profondément dans le ventricule que chez les autres 
Poissons. C’est pourquoi il faut que la ligature serre une bonne 
partie du ventricule, si l’on veut qu'elle produise une suspension 
de l’action du cœur. Comme il a déjà été dit, un ventricule où a 
été faite une ligature à la limite de l'oreillette sans toucher le gan- 
glion ventriculaire, travaille avec une rapidité normale. Si, tout de 
suite après que la ligature a été faite et avant que le manque de 
pulsations ait produit un ralentissement, on vient à couper l’un des 
nerfs vagues, ou même tous les deux, il y aura immédiatement une 
plus grande fréquence du cœur. Ceci prouve clairement que le ven- 
tricule des Poissons osseux à un centre de mouvements automa- 
tiques qui lui est propre, tandis que le ventricule, par exemple, de 
la Grenouille ne peut travailler isolé de l'oreillette que lorsqu'il est 
irrité mécaniquement. Kasem Beck et Dagiel indiquent que le ven- 
tricule, après une incision à. la limite de l'oreillette et du ventricule, 
travaille avec une beaucoup plus grande fréquence (jusqu’à 96 bat- 


tements par minute). Cependant, on ne voit ceci se produire que 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 119 


sur un cœur isolé, quand {après ou pendant l'incision) on l’expose à 
une violente irritation mécanique, et, même alors, ce phénomène 
ne dure que très peu de temps, à peine une minute. 

Kasem Beck a coupé le ventricule en deux parties d’égale grandeur 
et il les a vues toutes deux avoir des pulsations, la partie supérieure 
12 à 18 et la partie inférieure 30 battements par minute, mais les 
contractions n’ont duré que peu de temps, dit-il. Si l’une des par- 
ties était plus petite qu’un tiers du ventricule, il ne l’a pas vue avoir 
de pulsations. J’ai pu constater cette observation en ce qui concerne 
le cœur de l’Anguille, tandis que chez les autres cœurs de Poissons 
que j'ai examinés, une incision ou une ligature a produit un arrêt 
complet dans les deux moitiés, et ce n’est qu’à l’aide d’une irrita- 
tion que j'ai pu obtenir des séries de battements. Si la ligature est 
faite sur le ventricule pendant que celui-ci est encore attaché à 
l'oreillette, la partie tournée vers celle-ci continuera à se contracter 
dans le même rythme que l'oreillette, en supposant que le ganglion 
ventriculaire ne soit pas touché par la ligature. Une ligature ou une 
incision à la limite du ventricule et du sinus artériel produit le 
même effet qu'une section du nerf vague. Le cœur continue à tra- 
vailler avec la même rapidité, comme si le nerf vague était sectionné 
des deux côtés. Ceci est un phénomène constant; c’est pourquoi 
cela paraît étrange quand Kasem Beck et Dagiel indiquent que cette 
ligature produit une suspension de l’action du cœur. Fait-on une 
ligature sur les parois épaisses du sinus artériel, le nerfen Leitung 
peut être conservé, même si la circulation du sang est arrêtée, et 
il n’y aura aucun changement dans la fréquence du cœur, avant 
que le manque de pulsations produise une paralysie du vague. Si 
l’on serre la ligature fortement ou si l’on coupe le sinus, il ÿ aura 
tout de suite une paralysie du vague. 

Le sinus artériel se montre dans toutes les expériences de liga- 
ture comme un organe passif. Si le ventricule pousse le sang dans 
le sinus artériel, celui-ci le pousse plus loin si le passage dans 
l'aorte est libre. Si l’aorte est fermée, le sinus se dilate jusqu'à ce 


120 JORGEN THESEN. 


que la pression intérieure soit trop forte pour que le ventricule 
puisse le remplir davantage; alors il reste immobile. Fait-on un 
trou dans le sinus artériel, le sang sera poussé directement à travers 
le ventricule par systoles, et il n’y aura point de dilatation du sinus 
artériel. Il en sera exactement ainsi si l’on fait un trou sur le ven- 
tricule même ; le sang sera poussé dehors à travers l’ouverture et 


non dans le sinus artériel, qui restera tranquille. 


Il est très facile de placer dans l'appareil de William le cœur d’un 
Poisson osseux ; seulement, les valvules de l’aorte sont très fermes 
et un peu difficiles à rompre. Dès que le cœur est placé, il commence 
à travailler très énergiquement, et un vigoureux jet de sang monte 
dans le verre à chaque systole. Mais, dans les diastoles, le ventricule 
se remplit bien au delà de la normale. Il se remplit tellement, qu'il 
devient comme une mince bulle tendue, même si l’on descend les 
verres autant que l'appareil le permet, car la pression est pourtant 
plus grande que dans les conditions normales. Les systoles du ven- 
tricule auront un beaucoup plus grand travail à faire, et par consé- 
quent il se fatigue et puis s'arrête quelques minutes après (environ 
cinq minutes). Cependant, à l’aide d’irritation, on peut encore obte- 
nir de courtes séries de contractions ; mais bientôt les plus fortes 
irritations mêmes resteront sans effet. On voit survenir une mort 
musculaire complète, en diastole. L’oreillette survit quelque temps 
au ventricule, mais elle aussi meurt beaucoup plus vite que si elle 
avait été placée librement dans une soucoupe. Le temps pendant 
lequel on obtient un travail du cœur est trop court pour qu’on 
puisse faire des expériences détaillées. On peut modifier l'expérience 
de la manière suivante, pour se rapprocher davantage des condi- 
tions normales et pour éviter de détruire quelque mécanisme valvu- 
laire de l'appareil de William : on enlève les deux ventilateurs et la 
canule double, de sorte qu’il ne reste que les ballons et le caout- 
chouc. Ensuite, on place deux canules dans le cœur, une à travers 


le sinus veineux jusque dans l'oreillette et une seconde à travers 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 121 


l'aorte jusque dans le sinus artériel ; puis on place les canules dans 
le caoutchouc, de manière à ce que le sang aille à l’oreillette et 
sorte par l’aorte. Aussi de cette manière on obtient, dès que l’expé- 
rience a commencé, de très bonnes pulsations ; et quand on a soin 
que la pression sur l'oreillette soit aussi faible que possible, les pul- 
sations se conservent beaucoup plus longtemps que d'ordinaire : 
mais moi j'ai pourtant toujours eu une trop grande plénitude et, au 
bout de cinq à dix minutes, le cœur s’est arrêté. À l’aide de modifi- 
cations multipliées, on pourrait pourtant certainement obtenir que 
la circulation se conserve un peu plus longtemps. Comme liquide de 
circulation, j'ai employé tantôt une solution de chlorure de sodium, 
tantôt la même solution, mélangée de sang de Poisson défibriné. J’ai 
employé de l’eau salée à différentes doses et jy ai mélangé une plus 
ou moins grande quantité de sang, mais sans observer la moindre 
différence dans le temps pendant lequel le cœur a continué à 
battre. 


EXPÉRIENCES PHARMACOLOGIQUES. 


On ne trouve, faites sur les Poissons osseux, que celles de Kasem 
Beck et Dagiel'. Ils ont constaté que la muscarine produit une sus- 
pension de l’action du cœur et que l’atropine produit des pulsations 
rapides: enfin, que le cœur des Poissons osseux se comporte, vis- 
à-vis de ces poisons contraires, comme tous les autres cœurs qu'on 
a étudiés. Du reste, les rapports d’innervation etles rapports physio- 
logiques ressemblent tant à ceux des autres animaux, qu'il est na- 
turel qu2 l'effet des poisons dans ses traits principaux soit analogue 
à celui qu’on a constaté généralement. Cependant il existe toujours 
des variations, surtout en ce qui concerne l'effet de la digitaline et 
de l’atropine ; c’est pourquoi les effets de ces poisons vont être men- 


tionnés avec un peu plus de détails. 


{ Loc. cit. 


129 JORGEN THESEN. 


ATROPINE. 


Employée à forte dose, elle paralyse tous les organes modérateurs 
du cœur et produit, par suite, des pulsations rapides et faibles, chez 
les poissons osseux comme chez tous les autres animaux. Employée 
à petite dose, elle produit de vigoureuses contractions avec des sys- 
toles prolongées, et souvent un ralentissement des pulsations. Ceci 


résulte clairement des notes suivantes, extraites de mon relevé d’ex- 


périences : 

Expérience n° 49. 12 mai 1893. — Morue d'environ 30 centimètres de 
longueur. Température de l’eau, 18° C ; température de l'air, 9 C. 

Midi 45. — Respiration artificielle. Mise à nu du cœur. 

Midi 45. — 38 contractions du cœur, vigoureuses, régulières, égales. 
Respiration du même rythme que les contractions du cœur. 

Midi 56. — 36 contractions, vigoureuses, régulières, égales. 

Midi 57. — 36 contractions, vigoureuses, régulières, égales. 

Midi 59. — 0,1 milligramme de sulfate d'atropine injecté dans la mus- 
culature du ventre. 

4 h. 03. — 26 contractions du cœur, très vigoureuses, régulières et 
égales. 

4 h. 05. — 28 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 06. — 24 contractions du cœur. Invariables. 

4 h. 08. — 22 contractions du cœur, toujours vigoureuses. Ondulation 


pulsatile plus grande. Le sinus artériel se vide complètement. Respiration 
toujours de même fréquence que la pulsation. 


4 h. 10. — 22 contractions du cœur. Invariables. 

À h. 12. — 18 contractions du cœur. Invariables. 

4 h. 15. — 20 contractions du cœur. Invariables. 

4 h. 19. — 22 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 23. — 28 contractions du cœur, un peu plus faibles. Ondulation 
pulsatile un peu plus petite. 

4 h. 26. — 26 contractions du cœur; elles diminuent de force, mais 


restent régulières et égales. De temps en temps, 2 respirations pour cha- 
que pulsation. 


4 h. 30. — 22 contractions du cœur. Ondulation pulsatile extrêmement 
petite. 
1 h. 33. — 20 contractions du cœur. Ondulation pulsatile extrêmement 


petite. 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 123 


4 h. 36. — 18 contractions du cœur. Ondulation pulsatile extrêmement 
petite. 

4 h. 38. — 12 contractions du cœur. Respiration beaucoup plus fré- 
quente que la pulsation. 

4 h. #4. — Animal mort. Pause du cœur jusqu’à une demi-minute. 
Ensuite de courtes séries de forts battements avec une bonne pulsation. 

4 h. 50. — Seulement quelques battements avec des intervalles de plu- 
sieurs minutes. 

4 h. 53. — Ligature à la limite du ventricule et du sinus artériel, mais 


toujours suspension du cœur. 


Expérience n° 20. 13 mai 1893. — Morue de grandeur moyenne. 

9 h. 05 matin. — Respiration artificielle. Le cœur est mis à nu de la 
manière habituelle. 

9 h. 15. — 32 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
Respiration du même rythme que la pulsation. 

9 h. 17. — 34 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 19. — 32 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 21. — 0,3 milligramme de sulfate d’atropine injecté dans la mus- 
culature du ventre. 

9 h. 22. — 32 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 25. — 34 contractions du cœur. Le sinus artériel se vide plus 
complètement. 

9 h. 27. — 26 contractions du cœur, très vigoureuses. 

9 h. 28. — 28 contractions du cœur, très vigoureuses. 

9 h. 29. — 40 contractions du cœur, beaucoup plus faibles, Ondula- 
tion pulsatile considérablement plus petite. 

9 h. 31. — %0 contractions du cœur. Invariables, 

9 h. 32. — 42 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 35. — 44 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 40. — 46 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 45. — 46 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 50. — 46 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 55. — 44 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 00. — #4 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 04. — %4 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 17. — 46 contractions du cœur. Invariables. 


10 h. 20. — 48 contractions du cœur. L’ondulation pulsatile diminue 
encore davantage en force. 

10 h. 25. — 46 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 27. — 40 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 28. — 38 contractions du cœur. Invariables. 


124 JORGEN THESEN. 


10 h. 33. — 30 contractions du cœur. Invariables. 

40 h. 35. — 30 contractions du cœur. Invariables. 

10 h. 37. — 30 contractions du cœur. Presque point d’ondulation pul- 
satile. 

10 h. 40. — 12 contractions du cœur. 

10 h. 42. — Arrêt complet du cœur. 

10 h. #4. — De temps en temps, il y a de courtes séries de battements 
vigoureux et lents dans l'oreillette et dans le ventricule. 

10 h. 50. — Quelques contractions dans le ventricule avec des inter- 
valles de plusieurs minutes. 

10 h. 53. — De temps en temps des contractions dans l'oreillette. 


Expérience n° 51. 9 octobre 1893. — Morue de grandeur moyenne opérée 
de la manière habituelle. 


4 h. 44. — 30 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
Ondulation pulsatile grande. Respiration et pulsation de même fréquence. 

4 h. 46. — 32 contractions du cœur, invariables. 

1 h. 48. — 1 milligramme de sulfate d’atropine injecté dans la muscu- 
lature du ventre. 

1 h. 50. — 30 contractions du cœur. Invariables. 

4 h. 53. — 42 contractions du cœur. Pulsations bonnes. 

4 D. 55. — 56 contractions du cœur. Pulsations bonnes. 

1 h. 59. — 62 contractions du cœur. Le sinus artériel ne se vide que 
très incomplètement entre chaque contraction du ventricule. 

2 h. 04. — 6% contractions du cœur. Pulsations bonnes. 

2 h. 08. — 6% contractions du cœur. L'animal vit et respire. 

2 h. 143. — 710 contractions du cœur. 

2 h. 17. — 66 contractions du cœur. 

2 h. 20. — 66 contractions du cœur. L'animal a des spasmes fibril- 
laires très étendus, mais ils n’influencent pas du tout la pulsation. 

2 h. 25. — 68 contractions du cœur. L'animal meurt. 

2 h. 30. — 70 contractions du cœur. Les contractions sont très faibles, 


encore quelques pulsations. 


Dans la première expérience (n° 19), on injecte 0,1 milligramme 
de sulfate d'atropine, et l’action du cœur diminue, dans l’espace de 
quarante minutes, assez régulièrement de 36 à 12 battements, l'ani- 
mal vivant d’ailleurs très bien, et la respiration diminue proportion- 
nellement à la pulsation. Cependant, au bout de quelque temps, la 


respiration devient plus fréquente. 


PF 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 12 


(ol 


Dans le second cas (n° 20), on injecte 0,3 milligramme de sulfate 
d’atropine. Ici aussi, l’action du cœur diminue, pendant les pre- 
mières sept minutes, de 32 à 26 contractions ; mais alors survient 
une augmentation subite jusqu’à 44 contractions, et cette fréquence 
continue jusqu’à ce que l'animal meure. 

Dans le troisième cas (n° 51), on injecte 4 milligramme de sulfate 
d'atropine et il survient tout de suite une augmentation jus- 
qu à 60 à 70, et cette fréquence continue après que ia respiration a 


cessé et que le cœur a commencé à mourir. 


DIGITALINE. 


Employée à petite dose, son influence sur le cœur du Poisson est 
exactement la même que sur celui de la Grenouille. « Der elastische 
Widerstand des Herzmuskels den er einer auf ihm lastenden Flüs- 
sigkeilssäule esitgegenzelzt, vermindert sich, d. h. seine Dehnbarkeit 
vermebrt sich. Doch kehrt das Herz sofort zu dem Auzgangsvolum 
zurück, wenn die Belastigung durch die Flüssigkeilssäule aufhôrt, so 
dass also der Muskel zugleich eine grôssere Dehnbarkeit und eine 
sehr vollkommene Elasticität erhällt. In Folge dieser Elasticitäts 
veränderungen tritt regelmässig eme Versitäckung der Diastole und 
Vergrôsserung des Pulsvolums ein... und der Blutdruck steigt. 
(Schmiedeberg. Pharmacologie, 1895.) Seulement, au bout de quelque 
temps, les systoles deviennent plus longues et la respiration plus 
lente ; mais alors les contractions faibiissent et l'animal meurt avec 
des pulsations lentes. Mais, après la mort, on ne voit plus survenir, 
comme dans les conditions normales, des pulsations fréquentes, 
Le ventricule s’arrête dans la « caracteristische Systolestellung » 
(Schmiedeberg, /. c.). Si l’on augmente les doses, l'effet reste le 
même ; seulement on observe tout de suite des pulsations lentes, 
excessivement vigoureuses et souvent irrégulières, et, au bout de 
quelque temps, survient une suspension de l’action du cœur. On 
n'a pas observé de période de pulsations rapides ni de mouvements 


péristaltiques du cœur, 


126 JORGEN THESEN. 


L'effet du poison sur le sinus artériel est étrange ; son élasticité 
est changée de la même manière que celle du cœur. Il ne se con- 
tracte que quand il est dilaté au maximum, et alors les contractions 
deviennent d'autant plus vigoureuses, longues et tout à fait com- 
plètes. Souvent il arrive qu’une systole du ventricule ne suftit pas à 
remplir le sinus au maximum ; alors celui-ci reste en repos jusqu'à 
ce qu'il soit rempli par la seconde ou par plusieurs contractions ; 
ensuite, 1l se vide par une contraction lente et vigoureuse. Get effet 
de la digitaline sur un organe passif n'est pas inconnu. Beaucoup 
d'expériences faites sur d’autres animaux montrent à peu près le 
même effet; mais 1l serait difficile de le démontrer plus clairement 
qu'ici. Les savants modernes attribuent partiellement à l'effet thé- 
rapeutique de la digitaline les changements dans le tonus des vais- 
seaux, et cette supposition est vérifiée par les expériences précé- 
dentes. 

L'effet des petites doses de digitaline est étrange. Ou bien il advient 
un simple effet de la digitaline pour quelque temps et, plus tard, 
des pulsations fréquentes ; ou bien, si la dose est encore plus petite, 
il advient tout de suite des pulsations fréquentes, de sorte que le 
type est le même que dans l’empoisonnement par l’atropine. Si l’on 
coupe les nerfs vagues d’un cœur dont les pulsations ont été ralen- 
lies au moyen d'une assez forte dose de digitaline, la fréquence 
augmente considérablement, mais pas autant que celle d’un cœur 
non intoxiqué. Comme exemples de l'effet de la digitaline, je citerai 


les suivants tirés de mon relevé d'expériences : 


Expérience n° 45. 20 octobre 1893. — Morue de grandeur moyenne. 


6 h. 55 soir. — Opérée de la manière habituelle. | 

Th. 04. — 38 contractions du cœur, régulières, égales, vigoureuses. 
Respiration de la même fréquence que la pulsation. 

1 h. 06. — 38 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 12. — 38 contractions du cœur. Invariables. 

Th. 13. — 50 centigrammes d’eau distillée injectés dans la muscula- 


Lure du ventre. 
1 h. 14. — 40 contractions du cœur. Invariables. 


BIOLOGIE DU COŒUR DES POISSONS OSSEUX. 127 


T h. 16. — 40 contractions du cœur. Invariables, 

7 h. 22. — 40 contractions du cœur. Invariables, 

Th. 23. — 0,5 milligramme d’helléboréine injecté dans la musculature 
du ventre. 

1 h. 25. — 38 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 26. — 40 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 29. — 50 contractions du cœur. Invariables. 

1 h. 31. — 50 contractions du cœur. Invariables. 

T h. 34. — 48 contractions du cœur. Invariables. 

7 h. 36. — 50 contractions du cœur. L'animal vit et respire norma- 
lement. | 

Expérience n° 44. 20 octobre 1893. — Morue de grandeur moyenne. 

4 h. 25, — Opérée de la manière habituelle. 

1 h. 35. — 40 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales, 

1 h. 36. — 38 contractions du cœur, réuulières, vigoureuses, égales. 

1 h. 39. — 40 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales, 

1 h. 41. — 40 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

4 h. 42, — 0,5 milligramme d'helléboréine injecté dans la musculature 
du ventre. 

1 h. #4. — 40 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

4 h. 46. — 42 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

4 h. 49. — 52 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales 

4 h. 52. — 52 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

4 h. 5%. — 5% contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales 

4 h. 56. — 56 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

2 h. 00. — 5% contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

2 h. 04. — 54 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
L'animal vit et respire bien. 

2 h. 06. —- 54 contractions du cœur, un peu plus faibles. 

2 h. 10. — 46 contractions du cœur, un peu plus faibles. 

2 h. 15. — 26 contractions du cœur, beaucoup plus faibles. 

2 h. 20. — 20 contractions du cœur. L'animal vit encore. 

2 h. 30. — Suspension de l’action du cœur. Animal mort. 

Expérience n° 43. 18 octobre 1893. — Morue de grandeur moyenne. 

6 h. 50. — Opérée de la manière habituelle. 

1 h. 00. — #4 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

1 h. 02. — 42 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

1 h. 08. — 38 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

1 h. 09. — 0,2 milligramme d’helléboréine injecté dans la musculature 


du ventre. 


128 JORGEN THESEN. 


1 h. 10. — 38 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
1 h. 14. — 32 contractions du cœur, irrégulières, car de temps en 
temps surviennent des battements très vigoureux et lents. 
7 h. 18. — 46 contractions du cœur, régulières, point de battements 
lents. 
1 h. 21. — 54 contractions du cœur. Ondulation pulsatile petite. 
Th. 25. — 5% contractions du cœur. Ondulation pulsatile petite. 
Th. 30, — 56 contractions du cœur. Ondulation pulsatile petite. 
1 h. 40. — 50 contractions du cœur. L'animal vit toujours. 
8 h. 50. — 20 contractions du cœur. L'animal est mort. 
Expérience n° 5. 4 mai 1893. — Morue de grandeur moyenne. 
5 h. 55. — Opérée de la manière habituelle. 
6 h. 00. — 34 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 03. — 38 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 04. — 36 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 07. — 0,5 milligramme d'helléboréine injecté dans la musculature 
du ventre. 
6 h. 09. — 34 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 12. — 32 contractions du cœur, excessivement vigoureuses. On- 
dulation pulsatile très grande, systoles lentes. 
6 h. 15. — Section du nerf vague. 
6 h. 18. — 40 contractions du cœur, toujours plus vigoureuses qu'a- 
vant l’intoxication. 
6 h. 19, — %0 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 20. — 40 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
6 h. 25. — 32 contractions du cœur, de nouveau excessivement vigou- 


reuses avec des systoles prolongées. Le sinus artériel se contracte très 
vigoureusement et se vide complètement entre chaque systole du ven- 
tricule. 


6 h. 26, — 32 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 29. — 30 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 32. — 26 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 37. — 26 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 40. —— Section du nerf vague droit. 

6 h. #1. — 34 contractions du cœur, moins vigoureuses, mais pulsa- 

tion toujours bonne. 

6 h. 44. — 38 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 47. — 32 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 48. — 20 contractions du cœur. Invariables. 
6 h. 52. — 14 contractions du cœur. Invariables. 


6 h. 54. — 12 contractions du cœur. Invariables. 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 129 


6 h. 56. — 9 contractions du cœur. Invariables. 

6 h. 58. — 13 contractions du cœur. Invariables. 

T h. 00. — 17 contractions du cœur. L'animal vit toujours. 

Expérience n° 3. # mai 1893. — Morue de grandeur moyenne. 

8 h. 45. — Opérée de la manière habituelle. 

8 h. 54. — 32 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 
Le sinus artériel ne se vide pas complètement. 

8 h. 55. — 34 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

8 h. 57. — 32 contractions du cœur, régulières, vigoureuses, égales. 

9 h. 01. — 1 milligramme d'helléboréine injecté dans la musculature 
du ventre. 

9 h. 04. — 32 contractions du cœur, très vigoureuses. 

9 h. 08. — Les contractions du ventricule sont excessivement vigou- 


reuses et poussent, à chaque contraction, beaucoup de sang dans le sinus 
artériel, qui est très dilaté. De temps en temps, il est vidé très vigoureu- 
sement et alors le ventricule s'arrête. Les contractions du cœur sont, par 
conséquent, irrégulières. 


9 h. 10. — 36 contractions du cœur, vigoureuses, irrégulières. 

9 h. 17. — 34 contractions du cœur, vigoureuses, irrégulières. 

9 h. 18. — L'action du cœur est suspendue une demi-minute. Le sinus 
artériel se vide, pendant ce temps, complètement. 

9 h. 20. — 18 contractions du cœur. Le sinus artériel se vide complèe- 


tement entre chaque systole du ventricule. L’ondulation pulsatile est 
très grande. 


9 h. 22. — 22 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 295. — 18 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 26. — 14 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 28. — 9 contractions du cœur. Invariables. 

9 h. 34. — 40 contractions du cœur, tandis que le sinus artériel ne 
se vide qu’une fois. | 

9 h. 40. — Suspension de l’action du cœur. L'animal vit. 

Expérience n° 1. 3 mai 1893. — Morue de grandeur moyenne. 

Midi 15. — Opérée de la manière habituelle. 

Midi 20. — 34 contractions du cœur, normales. 

Midi 22. — 34 contractions du cœur, normales. 

Midi 25. — 34 contractions du cœur, normales. 

Midi 27. — 3 milligrammes d’helléboréine injectés dans la musculature 
du ventre. | 

Midi 30. — 34 contractions du cœur, plus vigoureuses; plus grande 


ondulation pulsatile. Les contractions un peu inégales. 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — 30 SÉRIE. -— T, 1V. 1896. 9 


130 JORGEN THESEN. 


Midi 35. — 34 contractions du cœur. Systoles prolongées ; le ventri- 
cule est, pendant les contractions, plus pâle et plus petit qu'auparavant. Le 
sinus artériel se vide complètement à chaque systole du ventricule. Con- 


tractions quelque peu inégales, parce que, à ce qu'il semble, le sinus 
empêche le ventricule de se vider. 


Midi 42. — 20 contractions du cœur, excessivement vigoureuses. 

Midi #4. — 16 contractions du cœur. Systoles du ventricule très pro- 
longées. 

Midi 47. — 24 contractions du cœur. Les contractions du sinus sont 


tantôt très faibles, tantôt très vigoureuses, et durent plusieurs secondes; 
eu attendant, suspension de l’action du ventricule. 


Midi 52. — 10 contractions du cœur. Le sinus se vide complètement 
à chaque contraction du ventricule. | 
4 h. 05. — L'action du cœur irrégulière pendant les dernières mi- 


nutes; de temps en temps, suspension pendant plus d’une minute; de 
temps en temps, jusqu’à 10 battements par minute. Toutes les contrac- 
tions sont vigoureuses, avec une grande ondulation pulsatile; le sinus se 


vide complètement. 
1 h. 07. Suspension de l’action du cœur; spasmes fibrillaires et mort. 


Dans la première expérience (n° 45}, on injecte d’abord 50 centi- 
grammes d’eau distillée, sans qu'il advienne aucun changement ; 
ensuite, l’on injecte 0,3 milligramme d’helléboréine (Merck). La fré- 
quence augmente immédiatement de 40 à 50, et reste telle jusqu à 
ce que l'expérience soit interrompue, quatorze minutes après. 

Dans la seconde expérience (n° 44), on injecte la même dose et 
l’eflet est tout à fait le même. 

Dans le troisième cas (n° 43), on injecte 0,2 milligramme d’hellé- 
boréine. Au bout de quatre minutes, la fréquence des contractions 
du cœur diminue de 38 à 32, et il advient quelques battements extrê- 
mement vigoureux. Cependant, plus tard, la fréquence augmente 
jusqu’à 4 et se conserve telle jusqu’à la mort de l’animal. 

Dans le quatrième cas (n° 5), on injecte 0,5 milligramme d’hellé- 
boréine et l’on observe immédiatement un effet typique de la digi- 
taline, avec des contractions excessivement vigoureuses, une grande 
ondulation pulsatile et une fréquence presque invariable. Ensuite, 
l’on coupe l’un des nerfs vagues et alors la fréquence augmente 


BIOLOGIE DU COEUR DES POISSONS OSSEUX. 131 
quelque peu, cependant pas autant que.si l’on n'avait point donné 
de digitaline ; les contractions restent toujours excessivement vigou- 
reuses, et comme, au bout de quelque temps, le ralentissement re- 
devient considérable, on coupe aussi le second nerf vague et l’on 
constate immédiatement une accélération, toujours avec des con- 
tractions vigoureuses et de bonnes pulsations. 

Dans la cinquième expérience (n° 3), l’on injecte 4 milligramme, 
et, dans la sixième (n° 1), jusqu'à 3 millgrammes, et l'effet en est ici 
plus toxique. L'irritabilité du sinus artériel diminue tellement qu'il 
ne se vide que quand il est rempli à l’extrème, et les contractions 
qui se produisent alors sont si fortes et si longues qu'elles empêchent 
le ventricule de se vider comme d'ordinaire. En conséquence, l’ac- 
tion du cœur devient irrégulière. Les contractions de l'oreillette et 
du ventricule sont toujours très vigoureuses. 

Pour donner une explication positive de l’irrégularité de ces 
étranges effets de l’atropine et de la digitaline, il est nécessaire 
d’avoir fait des recherches détaillées sur l'effet des autres poisons car- 
diaques chez les Poissons, et surtout des expériences de circulation 
artificielle. Cependant les particularités citées se laissent comprendre, 
en supposant que l'effet des petites doses d’atropine et de digitaline 
soit essentiellement central, et en supposant que le nerf vague ait 
un centre accélérateur aussi bien que modérateur, et que, de ces 
deux centres, le premier soit le plus sensible aux poisons, de sorte 
que c'est surtout sur lui que les petites doses exerceraient leur 
influence. 


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LE LOBE CÉPHALIQUE 


ET 


L'ENCÉPHALE ' DES ANNÉLIDES POLYCHÉÈTES 


(ANATOMIE, MORPHOLOGIE, HISTOLOGIE) 


PAR 


ÉMILE-G. RACOVITZA 


Docteur ès sciences. 


INTRODUCTION. 


L'ordre des Polychètes comprend des Annélides très différents au 
point de vue de la forme, et cette variabilité se manifeste surtout à 
l'extrémité antérieure du corps. On peut dire que chaque genre pré- 
sente une conformation particulière du lobe céphalique, un nombre 
et une disposition spéciale d'organes sensitifs, un aspect et une cons- 


titution du cerveau qui lui est propre. Pour le naturaliste qui s’adonne 


1 On emploie généralement pour désigner la masse nerveuse sus-æsophagienne 
des Polychètes les mots ganglion cérébroïde. Ce terme est impropre, car ganglion 
exprime l’idée d’une unité morphologique et cette masse nerveuse sus-æsophagienne 
est un complexe. Il a paru préférable de réserver le mot ganglion pour les masses 
nerveuses simples dépendant des organes sensilifs spécialisés. Il ne restait donc (à 
moins de créer un mot nouveau ou d'employer des périphrases) que les expressions : 
Cerveau et Encéphale. L'emploi des deux pourra paraitre déplacé, d'autant plus que 
cela n'implique nullement dans l’idée de l’auteur une homologie complète avec les 
organes désignés sous ces mots chez les Vertébrés. Faute de mieux, ces termes ont 
été employés dans ce travail dans le sens suivant : l’encéphale est la masse nerveuse 
complexe située dans le lobe céphalique et formée par trois cerveaux dont certaines 
parties peuvent se spécialiser pour former des ganglions. 


134 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


à l'étude de ces animaux, la morphologie du lobe céphalique se dresse 
comme un gros point d'interrogation qu’il importe surtout de ré- 
soudre. 

On ne peut pas arriver à une solution en parcourant les nombreux 
mémoires qui traitent ce sujet, car les avis les plus contradictoires 
ont été soutenus par les zoologues les plus éminents. Les questions 
primordiales sont résolues de manières complètement différentes, et 
pour n’en citer qu'un exemple, il y a autant d'opinions que d’auteurs 
sur la valeur morphologique du lobe céphalique comparé aux seg- 
ments du corps et aux différentes parties de la larve trochophore. 
Pour arriver à une conception personnelle, il est absolument néces- 
saire de reprendre ces études avec de nouvelles observations. 

Le présent mémoire a précisément pour but d'exposer les recher- 
ches faites en vue d'acquérir une opinion personnelle sur le lobe 
céphalique et l’encéphale des Polychètes ; ce sera donc aussi bien un 
apport de matériaux nouveaux pouvant fournir quelques lumières 
dans la discussion de ce sujet, qu'une revision critique des opinions 
soutenues par les auteurs précédents. Les résultats de cette enquête 
ont servi à établir une nomenclature morphologique des différents 
organes du lobe céphalique, et ont servi de base à quelques essais 
d'explication de leur structure. Cela permettra peut-être de mieux 
comprendre cette partie si compliquée du corps des Polychètes. 

Il est nécessaire d'expliquer quel est le sens donné au mot com- 
prendre en l’employant d’une manière non usitée dans le langage 
courant. 

Comprendre un tissu, un organe, un animal, c’est le ramener à une 
unité d'ordre plus primitif, ce qui permet de comparer ce tissu, cet 
organe, cet animal à d'autres tissus, organes, animaux analogues, 
ramenés à la même unité. Pour comprendre un organe, il ne suffit 
pas de connaître son anatomie et même son développement, il faut le 
ramener à un organe plus primitif qui puisse donner la clef du com- 
ment de son organisation. 


Des exemples feront mieux saisir cette idée. Pour comprendre le 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 135 


parapode si varié dans sa forme chez les différents Polychètes, il ne 
suffit pas de connaître son anatomie et son organisation dans les 
différentes familles ; il faut pouvoir ramener tous les parapodes à la 
forme initiale, le parapode biramé, dont les modifications ont pro- 
duit tous les autres. À son tour, le parapode biramé n’est compris que 
lorsqu'on a pu le ramener à un complexe d'organes sensitifs et d’or- 
ganes sétigères. De même ces deux sortes d'organes ne sont compris, 
que lorsqu'on a pu les réduire à un organe plus simple, plus primi- 
tif, la paroi épidermique, et lorsque, au point de vue histologique, on 
a pu réduire les cellules sétigères et sensitives aux cellules épider- 
miques non spécialisées. 

La même chose peut se dire pour l’encéphale et les organes des 
sens. La connaissance de l’anatomie et du développement de ces 
organes chez les différentes espèces de Polychètes ne suffit pas pour 
arriver à les comprendre, si on ne les ramène pas aux trois régions 
sensitivo-nerveuses décrites dans ce mémoire. Ces régions sensitivo- 
nerveuses ne pourront être comprises que lorsqu'elles auront été 
réduites à l’organe dont elles dérivent, la paroi épidermiqne, ce qui 
permettra de réduire la masse cérébrale et les cellules sensitives aux 
cellules non spécialisées de l’épiderme. 

La même chose doit être faite pour les autres systèmes organiques, 
et le Polychète, en tant que type morphologique, ne pourra être 
compris que lorsque tous les organes auront été ramenés à leur 
ébauche primitive. Par ce fait même, les Polychètes pourront être 
ramenés à leur souche et les espèces, genres, familles différentes, 
pourront être rapprochés et ordonnés suivant leur lien génétique, 

Ce sont ces idées qui m'ont servi de guide dans cette étude du 
lobe céphalique et de l’encéphale. Naturellement les résultats sont 
loin de répondre au programme, mais je serai heureux si les quel- 
ques faits décrits dans ce travail et les quelques interprétations pro- 
posées pouvaient aider, en quoi que ce soit, à faire comprendre les 


Polychètes. 


136 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Les résultats exposés plus loin sont déduits de l'étude de plus de 
familles qu’il n'en est fait mention dans ce travail ; mais voulant évi- 
ter les redites et les descriptions trop longues, je me suis borné à 
quatre familles très différentes, prises comme exemples suffisants 
pour servir de base aux conclusions générales. Les familles des Am- 
phinomiens, des Palmyriens et des Maldaniens ont été choisies parce 
qu'elles étaient complètement inconnues au point de vue anato- 
mique ; par contre, les Lycoridiens avaient déjà été étudiés au point 
de vue de l’encéphale, mais étant donné que les résultats obtenus 
par les auteurs précédents paraissaient contredire l'opinion soutenue 
dans ce mémoire, il a paru nécessaire de montrer que l’encéphale, 
dans cette famille, appartient aussi au type général, manifeste chez 
les autres Polychètes. 

Les matériaux utilisés pour la présente étude ont été récoltés à 
Banyuls (Méditerranée) et à Roscoff (Atlantique), localités si riches 
en Polychètes. J'en ai eu toujours en grande abondance, grâce à 
l’'admirable installation des deux laboratoires fondés par M. de Lacaze- 
Duthiers dans ces deux localités. La large hospitalité qu’on m'a offerte 
dans ces deux stations maritimes et la bienveillance avec laquelle on 
a accueilli et satisfait tous mes désirs m'ont beaucoup facilité ma 
tâche. Je saisis donc avec empressement l’occasion qui m'est offerte 
d'exprimer mes respectueux sentiments de gratitude à mon maitre, 
M. de Lacaze-Duthiers, et je reste encore à lui devoir de vifs remer- 
ciements pour les conseils dont il a toujours été prodigue envers moi, 
et pour la peine qu'il s'est donnée pour me guider dans la difficile 
science zoologique. Je tiens aussi à remercier M. le professeur Delage 
des conversations suggestives qu'il a bien voulu avoir avec moi sur 
les sujets de mes travaux, et mon maître et ami M. le professeur Pru- 
vot qui m'a poussé vers l'étude des Polychètes et qui m'a appris à les 
connaître en me prenant comme collaborateur des Matériaux pour 


la faune des Annélides de Banyuls. 


Il est nécessaire d'exposer en quelques mots le plan suivi dans ce 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 137 


travail. Le résultat des recherches originales et bibliographiques a été 
d'abord une nomenclature morphologique des différentes parties du 
lobe céphalique. Il y avait deux manières de présenter cette étude : 
on pouvait commencer par exposer l'anatomie et l’histologie du lobe 
céphalique des Polychètes choisis comme exemples en se servant des 
termes usuels ou des périphrases, et ne donner la nomenclaire nou- 
velle qu'à la fin. Le lecteur aurait eu ainsi l'impression que cette 
nomenclature est déduite des faits exposés, ce qui indiquerait la vraie 
manière dont elle est née dans l'esprit de l’auteur. Mais cela présente 
aussi l'inconvénient d’allonger forcément la description et de néces- 
siter une seconde lecture pour faire concorder les anciens noms et 
les périphrases, avec les noms nouveaux. 

Il y à une autre méthode qui consiste à exposer d’abord la nomen- 
clature adoptée et à l'appliquer ensuite, du premier coup, à la des- 
cription anatomique et histologique qui à servi à l’établir. Cette 
méthode présente l'inconvénient, tout personnel à l’auteur du reste, 
de faire croire (à tort dans le cas actuel) que cette nomenclature a 
été établie a priori, qu'on a cherché, en d’autres termes, à faire 
entrer les faits dans la théorie, et non d'extraire la théorie des 
faits. C’est cependant cette seconde méthode qui a été adoptée 
dans ce travail, parce qu’elle permet un exposé plus court et plus 
clair. 

Le premier chapitre sera donc consacré à la morphologie du lobe 
céphalique. J'ai essayé de délimiter cette région du corps, de fixer 
sa valeur morphologique, ses rapports avec la Trochophore et d’éta- 
blir la morphologie de son contenu, l’encéphale. Ce chapitre se ter- 
mine par un résumé qui expose l’ensemble de la morphologie du 
Polychète etspécialement de son lobe céphalique, et établit en même 
temps une nomenclature rationnelle de ses différentes parties. 

Le second chapitre est consacré à l’anatomie et à la morphologie 
du lobe céphalique des quatre familles prises comme exemples, et la 
nomenclature nouvelle y est appliquée intégralement. Chaque famille 


est successivement passée en revue et la morphologie spéciale pour 


12 EMILE-G. RACOVITZA. 


chacune d’elles est exposée avec les conséquences systématiques qui 
en découlent. 

Dans un froisième chapitre est traitée une question connexe, celle 
de l’organe nucal. Il y est démontré que cet organe est typique chez 
les Polychètes et qu’il se trouve représenté chez beaucoup plus de 
familles qu’on ne l'avait cru jusqu’à présent. | 

Avec ce chapitre finit la partie anatomique du mémoire et com-. 
mence la partie histologique. Comme on le verra, le lobe céphalique 
présente, au point de vue des organes de relation, lrois régions de 
même valeur morphologique quoique d’aspect très différent ; comme 
il fallait se limiter, une seulement de ces régions a été choisie pour 
l'étude histologique fine, les résultats généraux obtenus pouvant 
s'appliquer aussi aux deux autres. 

Le quatrième chapitre traitera donc de la structure histologique de 
la région nucale, chez trois des familles étudiées dans la partie ana- 
tomique. La région nucale a été choisie de préférence aux autres, 
d’abord parce qu’elle est moins connue, et ensuite parce qu’elle est 
moins compliquée. 

Le cinquième et dernier chapitre sera en quelque sorte la mise en 
valeur des résultats obtenus dans la partie histologique du mémoire 
et contiendra aussi la bibliographie générale de cette partie. Les 
conclusions y sont disposées sous forme de propositions découlant 
l’une de l’autre et précédées chacune d’une sommaire justification, 
avec renvois aux descriptions détaillées contenues dans les autres 
chapitres ou aux notes bibliographiques placées en bas des pages. La 
démonstration commencera par des faits tout à fait généraux et su- 
perficiels pour pénétrer de plus en plus profondément dans la mor- 
phologie et l'histologie de l’encéphale et des organes sensitifs. La 
conclusion finale sera atteinte quand le complexe formé par ces 
organes sera réduit à la paroi épidermique. On partira donc du com- 
posé pour arriver au simple, 


Le système nerveux stomato-gastrique, les éléments nerveux 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 439 


moteurs et les connectifs ont été entièrement laissés de côté dans ce 
travail]. Ces différentes parties du système nerveux méritent une étude 
spéciale, que, pour le moment, il ne m'a pas été loisible d’entre- 


prendre. 


La bibliographie du sujet a été traitée de différentes manières dans 
les divers chapitres. Cette manière de procéder se justifie par des 
raisons pratiques faciles à constater. Le renvoi aux mémoires conte- 
nus dans l’Index est fait suivant les règles adoptées par plusieurs 
congrès scientifiques au moyen des deux derniers chiffres de l’année 
de l’apparition du mémoire. 

Les méthodes histologiques employées étant toutes classiques, il 
n’y à pas lieu deles décrire en détail; elles ont été simplement indi- 
quées à propos de chaque figure dans lexplication des planches. 


CHAPITRE I 


MORPHOLOGIE DU LOBE CÉPHALIQUE DES POLYCHÈTES. 


Le corps des Polychètes est formé de trois régions : Le lobe cépha- 
hque (tête, segment céphalique, prostomium), le soma (corps, série 
de segments), et le pygidium (périprocte, telson, segment anal). 
Tous les auteurs ont admis ces trois divisions, mais ils sont loin 
d’être d’accord sur leur valeur morphologique et sur leur extension. 
Les opinions les plus diverses ont été soutenues et l’on peut dire, 
sans mériter le reproche d’exagération, qu'il n’y a pas deux natura- 
listes qui professent la même manière de voir à ce sujet. 

Il est indispensable cependant, pour l'intelligence de ce mémoire, 
d'arriver à des conclusions positives. Comment, en effet, établir la 
morphologie de l’encéphale si l’on n'est pas fixé sur les limites et la 
valeur du lobe céphalique qui le contient? Et en même temps, com- 
ment ne pas tirer de l'étude du système nerveux de l’extrémité 


antérieure les conclusions qui pourraient jeter quelque lumière sur 


140 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


la morphologie céphalique ? Ces considérations m'ont paru suffi- 
santes pour justifier dans ce travail la présence du premier chapitre 
qui, à l'exception de quelques faits originaux, ne contient que 
l'exposé et la critique des théories de mes devanciers. Tout ce qui 
pouvait être imaginé sur la valeur du lobe céphalique a été dit; on 
ne trouvera donc rien ici de tout à fait nouveau. Je me suis borné 
simplement à faire un choix parmi les différentes opinions, de 
manière à présenter une doctrine complète que j'adopte comme mienne 
et qui servira de base aux développements ultérieurs. 

L’exécution de ce plan présente cependant de grandes difficultés 
bibliographiques. L'opinion de certains auteurs sur la valeur du 
lobe céphalique découle a priori de la théorie des colonies animales; 
d’autres font valoir leur conceplion du lobe céphalique pour ou 
contre cette théorie. Il n’y a donc pas moyen de séparer les deux 
questions, et pourtant il ne m'est pas possible de traiter ici une 
question aussi vaste. Et ce n’est pas tout. Les Oligochètes, Hiru- 
dinés, Articulés en général et même les Vertébrés sont des animaux 
segmentés. Pour tous c’est poser la question de la valeur morpho- 
logique de la tête et la question de l’origine de la segmentation 
(colonies animales, etc.), ce qui a donné lieu à nombre de travaux. 
Il a donc fallu se décider à faire un choix parmi les mémoires à citer 
et voici le critérium qui m'a servi à cet effet : 

1° Presque tous les naturalistes admettent que les Polychètes 
(dansle sens le plus large) sont la souche des Oligochètes, Hirudinés, 
Articulés et même des Vertébrés. Il faut donc chercher la solution à 
nos questions chez les Polychètes et non pas dans les autres groupes, 
très modifiés et spécialisés dans des directions diverses. J'ai élagué 
donc, du premier coup, les travaux ayant trait à ces derniers. 

20 L'objectif principal du travail étant la valeur morphologique 
du lobe céphalique, les conclusions qu’on pourra tirer de cette 
étude pour ou contre les théories de l’origine du métamérisme ne 
sont que secondaires. Parmi les travaux sur les Polychètes ne seront 


donc examinés que ceux qui ont aussi cet objectif et qui exposent 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 141 
le résultat de travaux spéciaux sur ces animaux. Seront par contre 
négligés les travaux purement théoriques qui ne se servent des 
Polychètes que comme exemple. 

Le problème ainsi limité est plus abordable et les conclusions ne 
perdront rien de leur généralité, car toutes les théories de quelque 
valeur qu’on a pu professer sur les animaux segmentés sont, si Je ne 
me trompe, représentées dans les travaux sur les Polychètes qui 
seront examinés plus bas. 

Ces travaux sont encore assez nombreux et les opinions qui y sont 
exprimées sont extrêmement variées. On distingue cependant, chez 
la plupart des auteurs, deux idées dominantes, idées «a priori qui 
ont amené les plus grandes confusions : 1° l’idée que les segments 
sont des individus : le métamérisme est alors l'expression d’une 
colonie; 2 l’idée que la bouche se trouve dans la tête, ce qui n’est 
que la suite logique de la première proposition. Si, en effet, la têle 
est un individu comme les autres segments, elle doit être pourvue 
d’une bouche. Il est curieux de voir que même les auteurs qui n’ad- 
mettent pas la colonie animale comme origine du métamérisme sont 
encore inconsciemment dominés par cette opinion que riennejustifie. 

Les opinions ne seront pas exposées par ordre de date, mais 
seront classées en deux paragraphes correspondant aux deux buts 
que je me suis proposés. Le premier traitera de la valeur du lobe 
céphalique chez l'adulte; le second, des rapports du lobe céphalique 
avec la Trochophore ‘. L'opinion de chaque auteur sera résumée 
d’abord entièrement, puis la critique suivra, placée entre crochets. 
Dans un troisième paragraphe sera établie la morphologie du cer- 
veau, à l’aide des travaux de mes devanciers, et des résultats 
obtenus dans la partie spéciale de ce travail (chap. Il). Enfin, dans 
un dernier paragraphe seront résumés les faits acquis en un exposé 


complet de la morphologie céphalique telle que je l’entends. 


1 Trochosphæra æquatorialis Semper étant une espèce de Rotifère, liatschek à 
cru préférable de créer un nouveau nom, Trochophora pour la forme larvaire des 
Polychètes. Cela paraît rationnel; aussi le terme a-t-il été adopté dans ce mémoire. 


142 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


$ 1. — LE LOBE CÉPHALIQUE ET LES SEGMENTS SOMATIQUES. 


Deux catégories seront établies parmi les auteurs dont Îles 
mémoires seront analysés dans ce paragraphe. 

La première comprendra ceux qui admettent que le lobe cépha- 
lique est l’homologue d’un segment somatique et, par conséquent, 
qui acceptent, explicitement ou implicitement, [a théorie des colo- 
nies animales ; la seconde comprendra les auteurs qui n’admettent 
pas cette homologie, ce qui implique la négation de la théorie en 


question. 
lo Le lobe céphalique est l’homoloque des segments somatiques. 


Pruvor (85, p. 122-193) est amené, dans son travail sur le sys- 
ième nerveux des Polychètes, à considérer le lobe céphalique 
comme formé par trois segments homologues aux segments soma- 
tiques, ayant chacun un centre nerveux correspondant aux gan- 
glions de la chaîne ventrale. Ces segments sont : 

1° Le segment stomato-gastrique ; 

2 Le segment antennaire antérieur ; 

3° Le segment antennaire postérieur. 

Chacun de ces segments est, en outre, pourvu d’appendices sen- 
sitifs spéciaux homologues des cirres parapodiaux des segments 
somatiques. 

[Gette opinion a été combattue par Viguier et Malaquin (v. plus 
bas), qui ont démontré l’unité de la tête. Du reste, comme l’auteur 
est revenu sur son opinion, je n'insisterai pas.| 

ViGutER (86, p. 355-274) considère le lobe céphalique comme 
l’'homologue d'un seul segment somatique qui aurait perdu son 
appareil parapodial et auquel seraient venus s’ajouter postérieure- 
ment le cerveau et les organes des sens spéciaux à la tête. 

La bouche ferait partie de la tête, et ce n’est que postérieure- 
ment qu'elle arriverait en contact avec le bord antérieur du seg- 


ment buccal ; ce dernier ne mérite donc pas ce nom et doit être 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 143 
considéré comme le premier des segments du corps et rien autre. 
Les segments sont le produit de l'accroissement du pygidium qui 
est bourgeonné par la Trochophore se transformant directement en 
tête de l’Annélide adulte. 

La preuve de la validité de la théorie est demandée au dévelop- 
pement de la tête chez les stolons des Syllidiens : 

« Dans ie cas de reproduction scissipare, comme celui qui a été 
représenté par Ehlers pour la Syllis Fiumensis, on voit fort nette- 
ment un des anneaux de l’animal primitif se transformer en tête de 
l’individu secondaire et constituer à lui seul toute cette tête. Le 
processus consiste uniquement dans le développement d’yeux et 
d'antennes sur l'anneau qui se transforme. À ces différents organes 
sensoriels correspondent des masses nerveuses qui se développent 
d’une façon corrélative, et qui plus tard se mettent en relation avec 
la chaîne ventrale. » Plus loin, l’auteur renvoie à des descriptions 
et figures qui montrent la tête des stolons de différents Syllidiens 
formée par un segment pourvu en même temps de parapodes et 
d'yeux ; aussi dit-il, « ainsi donc on ne saurait conserver un doute 
à cet égard, le segment qui porte les yeux et les antennes est bien 
réellement un anneau simple. Je l’appellerai anneau céphalique, car 
il constitue à lui seul toute la tête. » La différence entre le système 
nerveux céphalique et somatique n’a pas d'importance ; du reste, 
le système nerveux ne peut servir beaucoup dans les questions 
morphologiques, puisque partout où il y a des organes des sens, 11 y 
a un développement corrélatif des masses nerveuses. « La tête, le 
fondateur de la colonie (comme dirait E. Perrier), qui reste aussi 
normalement l'individu directeur, n'est pas nécessairement con- 
stituée tout à fait sur le même plan que les individus secondaires ; 
et la même remarque s'applique aussi au pygidium, à qui est dévolu 
le rôle de bourgeonner successivement tous les anneaux de la 
chaîne. L'un comme l’autre, la tête surtout, bien qu'ayant la signifi- 
cation d'anneaux simples doivent à leur position aux deux extrémités 


une certaine indépendance; on peut dire une certaine Imitiative. » 


144 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


[Il n’est pas nécessaire d'insister longuement sur l’inexactitude de 
la théorie de Viguier, car elle repose sur des erreurs d’observation. 
Il n’est pas exact, en effet, que le lobe céphalique des stolons de 
Syllidiens provienne de la transformation directe d’un segment 
séligère. Comme l’ont montré Langerhans (29) et d’autres auteurs, 
cette partie est bourgeonnée par le segment sétigère qui conserve 
dans le stolon son individualité complète. Ce processus appartient à 
la catégorie des phénomènes de régénération, comme l’a montré 
Pruvot (94), et ne peut, en aucune façon, être invoqué à l’appui de 
cette théorie. 

Comme Viguier admet la théorie de la colonie animale, il n'est 
pas étonnant qu'il ait mal interprété la Trochophore. Cette larve 
est pour lui « l'individu directeur » (se transformant entièrement en 
tête) qui bourgeonnera les autres individualités. De là découle 
aussi la nécessité de faire place à la bouche dans «l’anneau cépha- 
lique », quoiqu'il ait constaté souvent que le sillon de séparation 
du lobe céphalique et du premier segment passe par l'orifice buccal. 
Il déclare, pour se ürer d'affaire, que ce n’est pas la disposition pri- 
mitive et que la bouche a été secondairement repoussée en arrière. 
Toutes ces interprétations découlent d'idées a priori, et sont injus- 
fiables, comme on pourra le voir dans un paragraphe suivant.| 

MALAQUIN (93, p. 450-444) admet que le lobe céphalique n'est 
qu'un segment somatique transformé. Les huit appendices qui s’y 
trouvent typiquement (4 antennes paires, À impaire provenant de la 
soudure de deux antennes et 2 palpes) proviennent de Ja transfor- 
mation directe des huit parties qui constituent l’appareïil parapo- 
dial d'un segment (4 rames et 4 cirres). Quant à la différence que 
présente le système nerveux dans le lobe céphalique et les seg- 
ments somatiques, elle n’a pas d'importance, puisque (p. 143) « le 
système nerveux cérébral ne peut fournir d'indications morpholo- 
giques par sa plus ou moins grande complexité. Son développement 
plus ou moins considérable correspond à des fonctions physiolo- 


giques plus ou moins nombreuses et l’on peut plutôt dire avec rai- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 145 


son, que ce qui détermine le développement des centres nerveux, 
c’est l'importance des fonctions à remplir et des organes sensoriels 
à innerver. » 

Les preuves de l'exactitude de cette théorie sont fournies par la 
démonstration des trois propositions préliminaires suivantes : 

1° Le segment céphalique peut porter des appendices ayant la 
forme de rames sétigères; 

9° Une rame sétigère locomotrice peut se transformer en cirre 
sensitif ; 

3° Le segment céphalique n’est pas fondamentalement différent 
d'un segment ordinaire; 

Et les trois catégories de preuves suivantes : 

4° La disparition des appendices pédieux et céphaliques suit un 
ordre constant et le même pour ces deux sortes d’appendices ; 

2° L'ordre d'apparition est le même pour les appendices pédieux. 
et céphaliques; 

3° La disposition sur le segment est la même pour les deux caté- 
gories d’appendices. 

[I va sans dire que les trois dernières preuves sont subordonnées 
à l’éxactitude des trois propositions que l’auteur qualifie lui-même 
de préliminaires. Je me bornerai donc à prouver que les proposi- 
tions en question ne sont pas exactes. 

La première proposition repose sur l'interprétation d’un seul 
exemple : les appendices sétigères des 7omopteris considérés comme 
innervés par le cerveau. Meyer (90a) a montré que ce ne sont pas 
des appendices céphaliques, mais bien des parapodes appartenant 
par leur innervation et leur développement au second segment so- 
matique. Cet unique exemple montre donc juste le contraire de ce 
qu'il doit démontrer dans la pensée de l’auteur. En outre, tout ce 
que l’on connaît de l’anatomie et du développement des Polychètes, 
permet d'établir la règle absolue suivante : Jamais le lobe céphalique, 
à aucun stade ontogénique ni phylogénique, n'a porté d'appareil sétigère. 

La seconde proposition est déduite de l'interprétation des appen- 


ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GEN, — 3€ SÉRIE, — T, IV. 1896, 10 


146 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


dices de l'extrémité antérieure des Psammolyce et Sthenelais et des 
appendices parapodiaux des ƣunice. Pruvot et Racovitza (95, 
p. 452-464) ont montré que chez les premières, les rames parapo- 
diales ne sont nullement transformées en cirres et les mêmes auteurs, 
dans le même travail (p. 362 et 417), ont montré que, chez les Euni- 
ciens,la branchie n’est pasplus un cirre modifié quele cirre n’est une 
rame transformée. Tout ce qu'on sait de l’anatomie et du dévelop- 
pement du parapode permet au contraire d'établir la proposition 
inverse : jamais une rame séligère ne se transforme en cirre,etviceversa. 

Le raisonnement qui a servi à établir la troisième proposition est 
très singulier. Le voici : « Si le lobe céphalique était une partie non 
comparable à un autre segment, il ne pourrait être régénéré lorsque 
par traumatisme il se trouve enlevé à un Annélide. Mais les obser- 
vations faites dans ce cas, et elles sont nombreuses, montrent qu'un 
nouveau lobe céphalique peut être régénéré par un segment ordi- 
naire. » Ainsi pourquoi ne pas dire alors : si les os de l’avant-bras 
et de la main étaient des parties non comparables à FPhumérus, ils 
ne pourraient être régénérés par ce dernier, comme cela se produit 
quand on coupe la patte de certains Urodèles. Pourtant personne 
ne prétend que ces parties sont homologues dans le sens morpholo- 
gique étroit et, en ostéologie comparée, on les compare respective- 
ment les uns aux autres et non indifféremment entre eux. Si Mala- 
quin veut simplement dire que la tête et les segments dérivent de 
la même ébauche ancestrale, nous sommes d'accord, puisque, comme 
l'on verra plus loin, ce sont des différenciations de l'individu trocho- 
phore. Mais cette vérité ne lui sert à rien et il faut, pour sa théorie, 
que la tête ait été segment somatique, que le métacarpe ait été hu- 
mérus ; tandis qu'en réalité la tête a toujours été tête et les vrais 
segments ne sont nés que plus tard, comme l’humérus a toujours 
été humérus, et le métacarpe, métacarpe dès le début de leur diffé- 
renciation. 

Comment se fait-il que le cerveau n’a point besoïn d’être homo- 


logue au ganglion de la chaîne ventrale quoique ces deux centres 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 147 


innervent des organes qui le sont ? Je laisse de côté cette contradic- 
tion de la théorie de Malaquin, d'autant plus que point n'est besoin 
de plus longs développements pour montrer son inexaCtitude.] 
Harscuer (94) admet que l’Annélide est une colonie, un cormus, 
formé par une série linéaire d'individus correspondant au prosoma 
de la Trochophore. On verra plus loin que cette région de la larve 
comprend touté la partie préorale et une partie de là région post- 
orale dont la limite postérieure passe en arrière du rein céphalique. 
Les individus du Cormus sont tous incomplets. Le premier individu 
n’a pas d’opisthion où périprocte (pygidium) ; les aütres, nés par 
divisions du premier, n'ont été qu'incomplètement régénérés, aussi 
leu manque-t-il la région antérieure, nommée prosthion et cônte- 
nant les ganglions cérébroïdes, les organes des Sens et la bouche. 
Enfin, le segment terminal serait dépourvü de prosthion et d’une 
partie de là région postérieure et ñe serait formé que par l’opisthion. 
[Hatschek a plusieurs fois changé d'opinion sur là morphologié des 
animaux segmentés et je n ai nullement besoin de passer toutes ses 
opinions en revue. Je me Suis borné à exposer ici sa dernière théorie, 
qui d’après lui «am ungezwungensten die typischenEtwicklüngs-und 
Wachsthumserscheinungen der Articulaten erklärt ». La théorie à 
donc été imaginée dans üun but explicatif, aussi se ressent-elle de 
son origine préconçue, Car il n'en est pas d'autre plus artificielle et 
surtout moins prouvée. | 
Constatons d’abord que Hatschek voit qu’il n'y à pas moyen d’ad- 
mettre l'homologie des segments Ssomatiques avec le lobe céphalique. 
Il évite cette difficulté en supposant que le lobe céphalique n’est 
représenté qü’üne fois dans sa colonie, car cette dernière est née 
par multiplication scissipare, avec régénération incomplète des indi- 
vidus postérieurs. Pourquoi est-ce ainsi et pas autrement? La seule 
raison qu'il donne est que cela pérmet d'expliquer mieux les faits. 
Gela reste encore à prouver, puisqu'on verra plus loin que cette hy- 
pothèse contredit certaines observations précises. En supposant que 
les choses se passent ainsi, les appendices céphaliques, alors, ne sont 


148 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


forcément pas homologues des appendices segmentaires ; mais l’au- 
teur ne tire pas cette conclusion forcée de sa propre théorie et pré- 
tend au contraire que les cinq antennes possibles des Polychètes 
doivent être interprétées de la manière suivante (p. 493) : « Die vier 
Längsreihen von Cirren, welche an dem segmentirten Kôrper durch 
die dorsalen und ventralen Paare von Parapodialcirren gebildet wer- 
den setzen sich auch auf das Prostomium fort, insoferne als wir auch 
hier ein dorsales und ein ventrales Paar von Cerebralcirren [an- 
tennes (Auct.)] beobachten; ihren Abschluss finden diese vier 
Reïhen in den unpaaren oder apicalen Cerebralcirrus. » 

On conviendra que l'antenne impaire est très embarrassante dans 
l'explication de Hatschek, et qu'il n’est pas suffisant de la qualifier 
d’ « Abschluss » pour justifier sa présence. Voilà donc une première 
contradiction ; il s’en présentera bien d’autres. 

L’individu complet c’est le prosoma, dit-il. Il dit, d’autre part, que 
chez le Polychète, deux régions de l'individu complet, le prosthion 
et l’opisthion, ne sont représentés qu'une fois ; les autres segments 
correspondent donc à une région intermédiaire que je nommerai 
pour plus de commodité mezosthion. Il s'ensuit que le prosoma est 
formé par ces trois régions puisque c'est un individu complet. Es- 
sayons de délimiter ces trois régions sur la larve et sur l’adulte tels 
que les conçoit Hatschek. La larve, d’après lui, est divisée en une 
région préorale, le prostomium, et une région postorale, le metasto- 
mium, qui, ensemble, forment le prosoma. Mais dès que la larve 
commence sa transformation, il apparaît dans la région postérieure 
du metastomium une zone prolifère qui allonge la Trochophore et 
qui fait paraître une nouvelle région du corps, le metasoma. Par le 
fait de la croissance intercalaire, le prosoma ne peut donc être une 
individualité complète, puisqu'il lui manque le pygidium, périprocte 
ou prosthion, enlevé par le metasoma. Mais supposons que le pro- 
soma soit tout de même complet par une volonté supérieure. Le 
prosthion sera formé par le prostomium, plus certaine partie du 


metastomium, puisqu'il contient la bouche; le mezosthion sera formé 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 149 


par la région moyenne du metastomium, et l’opisthion par sa région 
postérieure. Déplaçons délicatement le tout est superposons-le sur 
l'extrémité antérieure d’un Polychète aussi Archiannélide qu’on 
voudra. On obtient le plus bizarre assemblage qui puisse s’imaginer, 
comme on peut s'en convaincre par le tableau ci-joint des homolo- 


gies qu'on doit établir. La dernière colonne indique les véritables 


HE at) ce À cut 


| Cormiwe À 


rapports entre la larve et l’adulte tels qu’ils ressortiront de l’étude 
du second paragraphe. 

S1 l’on veut se donner la peine d'étudier ce tableau, on verra les 
contradictions qui naissent de la comparaison de l'embryon, de l’in- 
dividu théorique colonial et de l'adulte tels que les conçoit Hatschek. 
Il est inutile, je crois, d’insister encore sur le mal fondé de cette con- 
ception qui n’a d'autre mérite que de vouloir, à tout prix, faire revi- 
vre l'agonisante théorie des colonies animales et d'introduire dans la 


150 EMILE-G. RACOVITZA. 


science des mots affreusement barbares ne correspondant pas à des 
définitions morphologiques, mais simplement à des divisions théori- 
ques changeant avec chaque auteur.]| 


2° Le lobe céphalique n'est pas l'homoloque des segments somatiques. 


Les auteurs de cette catégorie admettent tous, implicitement ou 
explicitement, la non-homologie des deux régions. 

KLEINENBERG (86) et SALENsKY (8%) font la distinction entre les 
régions céphalique et somatique, mais ne sont pas tout à fait d’ac- 
cord sur la limitation de ces régions. Leurs opinions seront exposées 
dans le paragraphe suivant. 

WISTINGHAUSEN (92, p. 82) déclare que le corps de l’Annélide se 
forme par deux ébauches larvaires complètement différentes : l’é- 
bauche ventrale du tronc et l’'ébauche du lobe céphalique ; les deux 
se réunissent postérieurement. 

Wizson (92, p. 124) considère dans les Polychètes une partie non 
segmentée (lobe céphalique + segment buccal) et une partie seg- 
mentée. Son interprétation du segment buccal est inexacte, comme 
on le verra plus tard. 

Meyer (90) constate que « l'hétéronomie du prostomium, des seg- 
ments somatiques et du telson, devient compréhensible, même né- 
cessaire, si nous admettons que les métamères sont nés par la frag- 
mentation de la partie du corps située entre l’extrémité céphalique 
et caudale». Il faut admettre cette opinion comme étant l'expression 
de la vérité, car il y a en sa faveur des raisons suffisantes tirées de 
lembryogénie et de la différenciation du mésoderme, Les phéno- 
mènes de scissiparité ne peuvent indiquer le mode de formation du 
corps des Polychètes, car ces phénomènes sont exceptionnels dans 
ce groupe et de plus ne se présentent que chez des formes ayant subi 
une évolution régressive, et chez celles où la scissiparité est la suite 
de l’accumulation des produits génitaux dans les parties postérieu- 
res du corps. La formation de la tête, dans ce oas, se ramène à un 
simple processus de régénération. Si la métamérie était dérivée d’un 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 4151 


phénomène de bourgeonnement, il faudrait que le dernier segment 
fût le plus jeune, ce qui n’est pas le cas, puisque le telson est con- 
temporain du lobe céphalique ; ensuite il faudrait que tous les 
« bourgeons » fussent homodynames, et c'est le contraire qu’on 
constate. Si l’on prétend que la métamérie a pris naissance par une 
espèce de strobilation comme chez les Acalèphes, il faudrait que le 
segment le plus jeune fût situé immédiatement en arrière du pre- 
mier segment du corps, et c’est juste le contraire qui arrive. 

Ïl faut donc admettre que les Polychètes descendent de formes non 
segmentées, et notamment « de Turbellariés vigoureux et rapaces 
menant une vie pélagique ». Ce qui a produit la métamérie dans la 
région médiane du corps de ces animaux, c'est le mouvement ondu- 
latoire qui a occasionné le fractionnement des masses génitales pri- 
mitivementi continues et situées de chaque côté du corps. Il se forma 
ainsi une série de centres métamériques autour desquels se grou- 
pèrent de ia même manière les autres organes. La cavité interne de 
ces masses génitales est homologue des cavités cœæœlomiques des 
Annélides, comme les muscles épithéliaux de ces derniers sont les 
homologues du parenchyme des Turbellariés. 

[Le but de ce chapitre étant la démonstration de la non-homologie 
du lobe céphalique et du soma, toute la partie ayant trait à l’expli- 
cation de l’origine de la métamérie et de la descendance des Poly- 
chètes a été exposée d’une manière moins détaillée qu’elle ne le mé- 
rite. À mon avis, la lumineuse théorie de Meyer est bien ce qu’on a 
écrit de plus raisonnable sur ce sujet, et je l’admets volontiers sauf 
quelques modifications de détail. 

Ainsi, pour ne s en tenir qu au sujet traité dans ce mémoire, Meyer 
croit que tous les appendices des Annélides se sont formés « als 
Aussiülpungen besonderers empfindungsfähiger Integumentpartien. 
mdem in solche hohle Kôürperfortsätze » sont entraînés des vais- 
Seaux, il se forme des branchies. Si les cirres ou parties de cirres se 
transforment sur le soma en branchies vraies seulement sur la face 


dorsale, cela tient à leur position. Sur la face dorsale, les cirres 


152 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


n'étant pas en contactavec le support, peuvent avoir des parois plus 
minces, ce qui facilite l’hématose, et puis ils sont moins exposés 
aux blessures. 

Il y a deux choses à opposer à cette manière de voir : 

4° Les appendices des Annélides (à l'exception des palpes) sont 
formés principalement par des stylodes qui ne sont pas des évagina- 
tions creuses de « l’Intégument », mais des formations entièrement 
comprises entre la cuticule et la basale, donc pleines et simples. Les 
articles basilaires (phores) sont bien des évaginations creuses de la 
couche dermo-musculaire, mais ne représentent que la partie mo- 
trice et non sensitive de l’organe. 

2° Les branchies vraies sont àes néoformations, et non des cirres 
transformés. Les cirrophores seuls peuvent Jouer le rôle de bran- 
chies dans certains cas (Staurocephalus, par ex.), mais alors ils n’ont 
rien de commun avec les branchies vraies. Tout ceci n’influe en rien 
sur la théorie générale du mélamérisme telle que l’a formulée Meyer; 
ce n’est qu'un point de détail, qui a cependant son importance, 
comme on le verra plus loin.| 

Pruvor et Racovirza (95) admettent la division du corps en trois 
régions non homologues et appliquent cette conception à la systé- 
matique des Polychètes. J’ai déjà cité autre partles preuves en faveur 


de cette vue qui ont résulté de cette application même. 


8 2. — RAPPORT DU LOBE CÉPHALIQUE DE L'ADULTE AVEC LA TROCHOPHORE. 


KLEINENBERG (86, p. 181-182) considère la Trochophore, non 
comme un jeune Annélide, mais comme un être médusoïde qui pro- 
duirait l’Annélide exactement comme la Bipinnaria produit l’Astérie. 
La Méduse ne se transforme pas entièrementen Polychète. Tous ses 
organes, à l'exception du tube digestif, sont résorbés ou rejetés pen- 
dant la transformation, et les organes de l’Annélide sont des néofor- 
mations qui n’ont rien de commun avec les organes de la larve. La 


couronne ciliée préorale (Prototroch) divise la larve médusoïde en 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 153 


deux régions dans lesquelles se forment deux portions distinctes du 
corps de l’Annélide. 

1° Région supérieure (ombrelle) qui forme chez l’Annélide unique- 
ment les ganglions nerveux et les organes sensitifs céphaliques, en 
un mot le lobe céphalique, mais jamais de segment. 

2° Région inférieure (subombrelle) qui forme tous les segments ; 
c’est à cette région [le soma de l’Annélide (Auct.)] qu’appartiennent 
la bouche, le rein céphalique et l’otocyste quand il existe. 

[J’admets complètement les homologies établies par Kleinenberg 
entre les deux régions de la Trochophore et de l’Annélide; seule- 
ment jy ajoute une troisième région de même valeur morphologi- 
que, le périprocte ou pygidium, strictement homologue dans les deux 
formes. Par contre, je ne crois pas que la Trochophore soit autre 
chose qu'un embryon d’Annélide. Son organisation spéciale doit être 
considérée comme la résultante de l’adaptation à la vie pélagique. 
Les quelques ressemblances plus ou moins justifiées qu’elle présente 
avec les Méduses n'ont point besoin d'être expliquées par une com- 
mune origine, mais simplement par une transformation convergente 
due à l'influence du même milieu. De cette manière s'expliquent 
facilement les différences réelles très grandes qui existent entre les 
deux formes. 

Chez la plupart des Polychètes, la larve se transforme directement 
et entièrement en adulte. On considère ces cas comme secondaires, 
le développement du Polygordius et de sa larve, si caractérisée étant 
typique, et l’on cherche à ramener à ce type les premières larves 
plus simples (plus annélidiformes, si je puis m’exprimer ainsi) des 
Polychètes rapaces. 

Il me semble qu'on doit faire le contraire, c'est-à-dire ramener les 
larves analogues à celles du Polygordius aux larves annélidiformes. 
Je crois, en effet, que ce sont les Xapacia qui sont les plus primitives 
des Polychètes actuellement connus; les Archiannélides étant des 
formes hétérogènes et en bien des points régressives, comme l’a déjà 
indiqué Eisig (87). 


154 ÉMILE-G, RACOVITZA. 


De ce qui précède, il résulte que la Trochophore typique ne nous 
donne nullement l’image du Polychète ancestral. Tout ce qu'il y a 
de prétendu typique et primitif dans ce supposé ancêtre est rejeté 
ou résorbé, pendant le développement, comme organe purement 
larvaire et secondaire. 

Ce phénomène n’est pas isolé, et il en existe de nombreux exem- 
ples dans divers groupes. Pour ne pas sortir du groupe des Poly- 
chètes, citons seulement les soies larvaires dont sont pourvues beau- 
coup de larves (de Spionidiens surtout) et qui sont complètement 
rejetées pendant le développement; personne ne s’est encore avisé 
d’en orner l'ancêtre supposé. 

Dans l'hypothèse de Kleinenberg, on doit recourir à la strobila- 
tion ou au bourgeonnement pour expliquer le métamérisme. On a vu 
(v. Meyer, p. 150) que cela présente des difficultés insurmontables, 
et, que l'hypothèse de Meyer est bien plus naturelle.] 

SALENSKY (87%, p. 631-639) admet que la Trochophore est divisée 
par la zone ciliée préorale en deux régions distinctes : 

1° Région céphalique ou préorale qui donnera le lobe céphalique de 
l'adulte. Cette région n’est pas métamérique; elle contient les gan- 
lions cérébroïdes et les organes des sens, ne possède pas de rein et 
son cœlome est impair. 

2° Région somatique ou postorale qui donnera le soma ‘de l'adulte. 
Cette région est divisée en métamères; elle contient la plaque 
médullaire [chaîne ganglionnaire (Auct.)|, des reins et des ébauches 
cælomiques paires. « Entre ces deux régions principales de la Tro- 
chophore se trouve une région intermédiaire, formée par l’anneau 
des couronnes orales; la bouche siège à la face ventrale de cette 
région intermédiaire, dont la structure diffère aussi bien de celle 
de la région céphalique que de celle de la région somatique. » 

[Il y a deux choses seulement à reprocher à l'interprétation de 
Salensky : 1° elle ne tient pas compte du pygidium, qui a pourtant 
la même valeur morphologique que la région préorale et le soma ; 


2° elle attribue à l’anneau des couronnes orales (segment buccal de 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 155 


l'adulte) une valeur beaucoup trop considérable, puisque, si l’on ne 
s'en tenait qu'aux conclusions exactement transcrites plus haut, on 
pourrait croire qu'il a la même importance que les deux autres ré- 
gions, Mais, l’auteur avait pris soin de dire auparavant que cet an- 
neau n’était qu'une subdivision de la région somatique. Même, après 
cette restriction, les conclusions de Salensky doivent être modifiées, 
Le (ou les) segment buccal ne diffère fondamentalement en rien des 
segments ordinaires, ainsi qu’il ressort des travaux embryologiques 
de l’auteur même, et, comme on peut facilement s’en convaincre en 
examinant certains Polychètes adultes (Amphinomiens par exemple) 
où le segment buccal porte des parapodes normaux, et certains 
jeunes (v. plus bas, critique de Wilson, p. 156) qui, à cet état, ont un 
segment buccal normal ne se modifiant que plus tard. On peut ainsi 
se convaincre que les cirres tentaculaires sont des cirres parapodiaux 
et que les segments buccaux nus ont été jadis pourvus de tout ce 
qu’il leur fallait pour être des segments complets. Il faut donc con- 
sidérer le segment buccal comme un segment normal légèrement 
modifié dans le cours de l’évolution phylogénétique. La bouche oc- 
cupe typiquement la région ventrale de son extrémité antérieure, 
c’est-à-dire que la moitié inférieure du bord antérieur de ce seg- 
ment, en forme le pourtour ventral et latéral, La couronne préorale, 
étant une acquisition de la larve, est résorbée chez l’adulte, sans 
laisser de trace.| 

HATSCHEK (94) n’est pas d'accord avec les auteurs précédents. Sa 
théorie a déjà été exposée et critiquée (v. p. 147). Il n’y a pas lieu 
d'y insister plus longuement. 

Wizson (92, p. 424) soutient que le segment buccal fait partie de la 
région non segmentée du corps « and arises morphologically as a dif- 
ferentiation of the head», La tête serait donc formée par l'hémisphère 
supérieur, le prototroch et une partie de la région inférieure. En 
effet, chez Nereis, dans le stade représenté par la figure 1, il y a un 
sillon très net, qui passe en arrière dela paire de cirres tentaculaires 


et qui sépare toute la région antérieure de la région suivante indi- 


156 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


quée par des parapodes très nets. Par contre, il n'y a aucune trace 
de séparation passant au-dessus des cirres. 

[Je crois que la raison invoquée par Wilson n’est nullement con- 
vaincante. La figure de cet auteur, reproduite ici, montre d’abord que 
les restes du prototroch séparent ce qu’il appelle la téte, en une ré- 


gion antérieure, correspondant à la région préorale de la larve, que 


Fig. 4. — Nereis limbata Ehlers. — Téête£au stade de quatre jours et demi, vue du 
côté ventral. (Délimitation de la tête, apparition des mächoires, croissance des 
antennes frontales, des cirres tentaculaires, des palpes, etc., fragmentation du 
prototroch.) 


f.a, antennes frontales ; pl, palpes ; ”», bouche ; pr, prototroch; €, taches oculaires; 7, mà- 
choires ; {.c, cirres tentaculaires ; sé, stomodæum ; p.p, premiers parapodes. (D’après 
Wilson (92), pl. XX, f. 29.) 

je considère comme le lobe céphalique, et une région postérieure 

qui contient les cirres et la bouche. Que ces deux régions ne soient 

pas séparées aussi par un sillon intersegmentaire, cela n’est pas une 
raison suffisante pour les considérer comme parties du même tout. 

On sait, en effet, que les cirres tentaculaires des Vereris sont innervés 

par la chaîne ventrale, et l’on sait aussi en outre que le segment 

buccal des MNereis, paraissant unique à l'extérieur, est en réalité 
formé par deux segments réunis. Ces considérations suffiraient à in- 


firmer l'interprétation de Wilson. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 157 


On peut encore lui opposer des exemples montrant que le sillon 
intersegmentaire existe entre le lobe céphalique et le segment buccal 
chez des jeunes Polychètes du même âge que sa ÂVereis. J'extrais 
l'exemple suivant d’une monographie, en préparation, de Micro- 
nerers vartegata Clap. Ce Polychète, voisin des Zycoridiens, et, par 
bien des caractères, plus primitif que ces derniers, possède quatre 
antennes, quatre cirres tentaculaires, deux segments pourvus seule- 


ment d’une rame ventrale et les autres segments nettement biramés. 


Fig. 2. — Micronereis variegata Claparède. Extrémité antérieure d’un embryon 
à six parapodes, vue du côté dorsal. Gr. 108 d. 


Le, lobe céphalique; À, antenne ; ?, cirre tentaculaire ; s, soie; Cr. Prd, cirre parapodial ; 
Prd. d; rame parapodiale dorsale; Prd. v, rame parapodiale ventrale ; Z à V, les cinq premiers 
segments. 


L'embryon, à quatre paires de parapodes, n’a que deux antennes 
encore; en arrière, 1l y a une bande ciliée interrompue, l’homologue 
du prototroch, qui sépare cette région dela suivante (segment buccal) 
munie de deux cirres et d’un faisceau de soies. Puis viennent deux 
paires de parapodes à rame ventrale normale, mais à rame dorsale 
représentée par une touffe de soies, sortant d'un petit mamelon. 
Viennent ensuite des parapodes complets. /{ n’y a pas trace de sillons 
intersegmentaires dans toute la longueur de l'embryon. Au stade à six 
parapodes, représenté dans la figure 2, l’organisation est la même, 
seulement fous les segments sont séparés par des sillons, et le lobe cé- 
phalique est aussi nettement séparé du segment buccal que les seg- 
ments entre eux. 


158 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


La présence du mamelon sétigère dorsal sur les segments IT et III 
montre indubitablement que les parapodes incomplets de deux des 
. premiers segments de l’adulte dérivent de parapodes primitivement 
complets. Est-il trop hasardé de prétendre que les soies qui accom- 
pagnent le cirre tentaculaire assignent à ce dernier une origine pa- 
rapodiale? Il est inutile, je crois, d’insister, et Chäcün pourra se 
convaincre, à l’inspection des deux figüres, que le cas de Wilson doit 
être considéré comme une modification ontogénique secondaire säns 
importance morphologique.] 


8 3. — MORPHOLOGIE DE L'ENCÉPHALE. 


Pruvor (85, p. 122-123) est le premier auteur qui aït essayé d’éta- 
blir des groupes morphologiques, parmi les ganglions de l’encéphale 
des Polychètes et qui, en même temps, ait établi leur homologie 
dans les différentes familles. Il distingue deux centres: 

1° Centre stomato-gastrique qui donne les nerfs aux palpes; 

2 Centre antennatre, innervant les yeux, les antennes et l'organe 
nucal. Ce centre est souvent subdivisé en deux autres centres secon- 
daires : 

a) Le centre antennaire antérieur, donnant des nerfs aux antennes 
latérales antérieures : 

b) Le centre antennaire postérieur, donnant des nerfs aux antennes 
latérales postérieures, à l’antenne médiane et à l'organe nucal. 

Les connectifs prennent leur origine dans les deux centres princi- 
paux et le système nerveux $Stomato-gastrique dans Ie premier. 

Si Pon peut admettre complètement la délimitation du pretiiér 
eentre telle que l’a établie Pruvot, il n’en est pas de fnême pour le se- 
cond. Ce dernier contient en effet deux centres qui ne correspondent 
pas dans leur délimitation aux centres secondairés de cet auteur. 

HarscEx (94, p. 424-495) considère le cerveau comme formé par : 

1° Une paire de « Tentacularganglien» innervant les « Primärten- 
takeln » [palpe (Auct.)]. C’est le centre stomato-gastrique de Pruvot; 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 159 

2° Un « Mittelhirn », masse impaite, pouvant se diviser en plusieurs 

ganglions, correspondant aux organes des sens. Il donne des nerfs aux 

yeux, antennes (Cerebralcirren) et donne des fibres aux connectifs ; 

3° Une paire de « Riechlappen » qui donne des nerfs aux « Riech- 
lappen » [organe nucal (Auct.)]. 

L'auteur croit que ces trois parties étaient primitivement placées 
autrement que chez les types actuels. Le Mittelhirn, avec tout le 
prostomium et ses appendices, aurait émigré du côté dorsäl, les 
Tentakularganglien du côté ventral et les Riechlappen du côté dorsal. 
Ces dernières considérations sont nécessaires, si l’on admet, comme 
Hätschek, que l’ancêtre est la Trochophore typique, car, quoiqu'il ne 
le dise pas, il est certain que c’est la position des organes nérveux 
et sensitifs, chez la larve, qu'il a en vue, lorsqu'il parle des disposi- 
tions primitives. Mais, comme il est plus que probable que la Tro- 
chophore typique n’est que l'embryon des Polychètes, qui à souffert 
le plus de modifications secondaires, il faut plutôt considérer la posi- 
tion de ces organes, chez la larve, comme due à des changements 
secondaires, produits par le gonflement de l'extrémité antérieure, 
et les rapports chez l'adulte, comme étant plus rapprochés des dis- 
positions primitives. Chez les embryons à forme Trochophore peu 
prononcée, les rapports des oïganes sont les mêmes que chez les 
: adultes. Les deux figures schématiques qui accompagnent l'exposé 
de Hätschek ne reposent sur aucün substratum matériel et l’on peut 
lüi reprocher d’avoir complètement méconnu la position de l’antenne 
iMpaire, toujours la plus postérieure, et jamais au milieu du carré 
formé par les quatre autres, 

Si j'adopte les divisions du cerveau établies par cet auteur, je 
crois devoir d’abord modifier légèrement sa terminologie, non pour 
changer des mots, mais pour établir les valeurs des trois régions, et 
ensuite, je tâcherai de donner les preuves de l'exactitude de cette 
division, chose que Hatschek n’a pas faite dans son livre, où il s'est 
borné à exposer son opinion en quelques mots. 


- Le changement terminologique consiste dans l'extension du terme 


160 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


cerveau, employé pour le Mittelhirn, aux deux autres subdivi- 
sions. Cela implique la conviction que les trois régions cérébrales 
sont d’égale valeur morphologique. Du peu de mots que consacre 
Hatschek à cette question et de la terminologie adoptée, on pourrait 
conclure qu’il n’est pas de cet aviset qu'il croit que les Riechganglien 
et les Tentakelganglien sont des formations secondaires, homologues 
aux ganglions optiques et antennaires. 

RacovirzA (94) divise l’encéphale des Polychètes en cerveau moyen, 
antérieur et postérieur. | 

Pruvor et RacovirzA (95) adoptent cette nomenclature, mais aucun 
de ces deux mémoires ne discute avec détail le bien fondé de cette 
subdivision. 


Tous les autres auteurs qui se sont occupés de l’encéphale des 
Polychètes, et ils sont fort nombreux, se sont bornés à sa description 
pure et simple sans arriver à une conception générale de cet organe. 
S1 quelquefois ils ont fait des essais timides d’homologie dans les 
différentes familles, ils ne sont pas arrivés à une généralisation suffi- 
sante, à une compréhension morphologique de lencéphale. Cela tient 
à la grande variabilité du nombre et de la grandeur des ganglions 
secondaires (les ganglions antennaires, optiques, etc.). Ces masses 
nerveuses sont intimement liées aux organes des sens spécialisés 
(yeux, antennes, etc.),et disparaissent lorsque ces derniers manquent. 
Une forme à appendices nombreux aura un encéphale bossué de gan- 
glions variés, tandis qu'un Polychète sans appendice aura un encé- 
phale lisse. On conçoit qu'il est difficile, de cette manière, de trouver 
l'homologue d’un ganglion antennaire ou optique chez un Polychète 
qui n’a ni yeux niantennes. | 

Les ganglions des organes spécialisés ne peuvent donc servir lors- 
qu’on veut faire la morphologie de l’encéphale des Polychètes; il faut 
procéder d’une autre manière et se laisser guider par les considéra- 
tions suivantes : 


Si les ganglions spécialisés disparaissent chez les Polychètes sans 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 161 


yeux ni appendices, il n’en reste pas moins une masse nerveuse à l’in- 
térieur du lobe céphalique. Cette masse se décompose nettement en 
plusieurs autres : 

1° Deux masses symétriques antérieures et ventrales, en continuité 
de substance avec l’épiderme du côté ventral, à l'endroit correspon- 
dant à l’insertion des palpes chez les formes pourvues de ces appen- 
dices ; 

9° Une masse impaire ou faiblement subdivisée ; dorsale, en con- 
tinuité de substance avec l’épiderme du côté dorsal (face dorsale du 
lobe céphalique); 

3° Deux masses symétriques postérieures et dorsales, en continuité 
de substance avec l’épiderme du côté postérieur à l'endroit correspon- 
dant à l’origine des nerfs nucaux. 

Si l’on examine l’encéphale des Polychètes à appendices, on peut 
facilement voir que ces trois parties existent avec les mêmes rapports, 
et que les ganglions des organes des sens leur sont simplement sura- 
joutés et dans un ordre strictement le même. Les ganglions palpaires 
sont toujours surajoutés aux masses antérieures, les ganglions anten- 
naires et optiques toujours à la masse médiane, les ganglions de l’or- 
gane nucal toujours aux masses postérieures. On peut donc tirer de 
ces faits les conclusions suivantes : 

Pour homologuer les différentes régions de l’encéphale dans les 
différentes familles de Polychètes, il faut s'adresser aux trois masses 
fondamentales et non aux ganglions des organes des sens. 

Les trois masses, communes à tous les Polychètes, sont donc plus 
primitives que les ganglions des organes des sens spécialisés qui, 
manifestement, sont des acquisitions secondaires, Il en résulte que 
la souche des Polychètes actuels devait être dépourvue d’appendices 
céphaliques. Cette dernière conclusion pourrait paraître en contra- 
diction avec l'opinion exprimée plus haut que les Polychètes rapaces 
sont les formes les plus rapprochées de la forme souche. Mais, dans 
ce dernier cas, il s’agit des formes actuelles, et la conclusion s’ap- 
plique à la souche primitive de ces animaux, qui certes ne doit plus 


ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GEN, == 9€ SÉRIE, — T. 1Y. 1896. al 


162 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


avoir de représentants actuels, étant donné l’ancienneté géologique 
considérable des Polychètes. 

Cette conclusion paraît aussi contredire la belle théorie de Klei- 
nenberg (86), que j’adopte entièrement, et qui veut que le centre ner- 
veux soit produit par l’organe des sens qu'il innerve. En effet, si les 
organes des sens spécialisés produisent les ganglions et ces deux for- 
mations sont secondaires, par quel procédé se sont formées les trois 
masses nerveuses fondamentales ? Cette question sera longuement 
discutée dans la partie histologique de ce travail (chap. V), mais, 
comme il faut immédiatement y répondre, j'exposerai dès mainte- 
nant les conclusions auxquelles je suis arrivé. 

On a vu que, chez les Polychètes sans appendices, les masses ner- 
veuses sont en continuité de substance avec l’épiderme en certains 
endroits déterminés. Ainsi qu'il sera démontré dans le chapitre IV, 
en ces points l’épiderme contient un nombre énorme de cellules sen- 
sitives. On peut donc considérer ces surfaces, ces aires, comme des 
organes sensitifs diffus, d'autant plus qu'il sera démontré que les 
différents organes des sens ne sont que des spécialisations plus par- 
faites de certains points de l’aire correspondante. En outre, chez les 
formes à appendices, les organes des sens spécialisés ne constituent 
pas toute la surface sensitive du lobe céphalique, car ces organes 
sont placés dans des régions épidermiques à cellules sensitives, et en 
continuité de substance avec les centres nerveux, qui sonbstrictement 
homologues aux aires sensitives des Polychètes sans organes des sens 
spécialisés. Ce sont donc ces aires sensitives qui ont produit les trois 
masses nerveuses fondamentales de l’encéphale, et ce sont elles qui 
permettront d'établir de véritables homologies entre les différentes 
régions du lobe céphalique des Polychètes, et non les organes des 
sens spécialisés, formations secondaires. 

Le fait que les différentes catégories physiologiques d'organes sen- 
sitifs naissent toujours sur la même aire sensitive, montre que, déjà 
avant leur apparition, ces aires s’étaient spécialisées au point de 
vue fonctionnel. On est donc en droit de subdiviser le lobe cépha- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 163 


lique des Polychètes en trois régions, formées par des aires sensitives 
avec leurs organes des sens spécialisés et par les masses nerveuses 
qu'elles ont produites, régions ayant leur caractère anatomique et 
physiologique spécial. 


Aire palpaire.….... a gustatives.….. 
Ralpes ess 
Cerveau antérieur..|Ganglions palpaires... 


| Fonctions tactiles 
et gustatives. 


1 Région palpaire.…. 


Aire sincipitale... 3 Fonctions 
20 Région sincipitale. cie ne re lee 
Cerveau moyen. optiques ... os 


Ganglions antennaires. 


Aire nucalers. 22. ee 


Organe nucal.. 2. Fonctions 


30 Région nucale.. 


K< 
© 
S 
pd 
nn Se PT 


Cerveau postérieur. 


Ganglionu nucal....... olfactives. 


Cela déterminé, il reste maintenant à compléter la démonstration 
par des preuves matérielles de l’individualité des trois centres ner- 
veux et de leur constance chez les Polychètes. La seconde partie du 
travail (chap. Il) apporte cette preuve pour quatre familles ; les travaux 
des auteurs précédents la fournissent pour beaucoup d’autres. Je 
n'ai naturellement pas tenu compte destravaux des auteurs anciens, 
très nombreux, qui n’ont examiné l’encéphale que par dissection : je 
ne Crains pas d'affirmer qu’on ne peut étudier utilement le système 
nerveux des Polychètes que par les coupes, même si l’on se place au 
point de vue topographique. 


I. Anatomie de l’encéphale des Polychètes dans les différentes familles. 


1° AMPHINOMIENS. — Je décris en détail, dans le chapitre Il de ce mé- 
moire, l’'encéphale chez plusieurs types de cette famille, et l’on pourra ; 
se convaincre qu il correspond bien aux divisions adoptées plus haut. 

2° APHRODITIENS. — Plusieurs auteurs se sont occupés de cette 
famille, et de leurs descriptions et figures on peut nettément établir 
là présence du cerveau antérieur et moyen. Kallenbach (83, p. 20) 
décrit sommairement, chez Polynoe cirrata, deux « kleinzellige He- 
Misphären. » qui ne sont autre chose que les ganglions palpaires du 
cerveau antérieur. Rohde (8%, p. 2-4) retrouve ces ganglions chez de 


164 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


nombreuses formes et les nomme « Hutpilz» (!), en les considérant 
comme formés de « Nervenkerne » (!). Il trouve en outre deux gan- 
glions : l’un supérieur, l’autre inférieur, qui, à en juger d’après ses 
figures, correspondent certainement, de par les nerfs qui en partent, 
au cerveau moyen et au cerveau antérieur, d'autant plus que les con- 
nectifs prennent naissance, par une racine de chaque côté, dans cha- 
cun de ces ganglions. Quant à ce qu'il appelle « Hirnhôrner », autres 
ganglions du cerveau, ils n’existent certainement pas en réalité et 
doivent être considérés comme une erreur d'interprétation. Haller 
(89, p. 29), chez ZLepidasthenia, décrit aussi le ganglion palpaire qu'il 
appelle « Tentakelganglion » parce qu'il fournit le nerf du palpe 
(Tentakel), et le déclare, avec raison, homologue des formations sem- 
blables des Archiannélides (Fraipont) du Polyophtalmus (Meyer), des 
Nephthys et Staurocephalus (Pruvot). Il a cependant tort de considé- 
rer les appendices impairs des Opheliens (Kükenthal) comme non 
homologues des palpes. Le ganglion donne des fibres aux connectifs, 
et la même chose se constate pour une grosse masse centrale de 
grandes cellules, qui est certainement le cerveau moyen. Pruvot et 
Racovitza (95, p. 446 et p. 452-462) découvrent l'organe nucal et le 
cerveau postérieur chez les A coetides et Sigalionides. Les Aphroditiens 
ont donc aussi les trois régions parfaitement constituées. 

3° PALMYRIENS. — On trouvera dans le chapitre II la preuve que les 
trois cerveaux existent aussi dans l’encéphale des Palmyriens. 

4° Euniciens. — Cette famille a occupé beaucoup d'auteurs anciens 
et modernes, mais c’est Spengel (84, p. 27-36) qui donne la première 
description exacte de l’encéphale. Il découvre et distingue les trois 
masses cérébrales, sans cependant généraliser les faits constatés et 
sans leur attribuer d'importance. Pruvot (85, p. 80-81), suivant sa 
conception générale déjà exposée, groupe ensemble le cerveau pos- 
térieur et moyen sous le nom de centre antennaire et Jourdan (8%) 
n'apporte rien de nouveau sur la morphologie cérébrale des Euni- 
ciens. Pruvot et Racovitza (95, p. 416-417) établissent nettement la 


présence des trois cerveaux et de leurs connexions. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 465 


50 LycorIDIENS. — Haller (86, p. 29 et s.) commet des erreurs d’in- 
terprétation en ce qui concerne le cerveau des Vereis. Ses idées seront 
discutées dans le second chapitre, où l’on trouvera aussi la preuve 
que, dans cette famille, l’encéphale se comporte exactement d’après 
le schéma général que j'ai donné plus haut. 

6° HésronteNs. — Je n’ai pas voulu allonger inutilement ce mémoire, 
en donnant la description détaillée du cerveau de Psamathe cirrata et 
Fallacia sicula, que j'ai étudié à ce sujet. Je me borne à déclarer que 
leur encéphale est formé des trois cerveaux parfaitement bien déve- 
loppés. 

1° SYLLIDIENS. — Je ne citerai que la belle monographie que Mala- 
quin (93, p. 130-131) a consacrée à cette famille. Il distingue, suivant 
en cela Pruvot, deux centres : un centre stomato-gastrique qui n’est 
que le cerveau antérieur, et un centre antennaire, qu'on voit facile- 
ment sur ses figures, être l’homologue des cerveaux moyen et pos- 
térieur. 

8° PayzLopociens. — Pruvot(Ss, p. 90) décrit chez ces animaux un 
centre stomato-gastrique (cerveau antérieur) etun centre antennaire 
(cerveau moyen et postérieur). L'existence du cerveau postérieur ne 
fait pas de doute, étant donné la présence, constante chez ces ani- 
maux, d’un organe nucal bien caractérisé. 

9° NÉPATHYDIENS. — Pruvot (85, p. 48-49) a retrouvé ainsi dans 
cette famille les deux centres qui sont à interpréter de la même 
manière que pour la famille précédente. 

10° OPHÉLIENS. — Meyer (82, p. 182-785) décrit chez Polyophtal- 
mus, trois groupes de ganglions qu’il désigne par les lettres gn', gr? 
et gn°; ils correspondent respectivement au cerveau antérieur, moyen 
et postérieur. Pruvot (85, p. 107), chez les Ophéliens vrais, décrit net- 
tement le cerveau postérieur comme deux lobes postérieurs en rap- 
port avec les poches occipitales ciliées (organe nucal), et Kükenthal 
(8, p. 558-559), par l’étude d’un très grand nombre de types, arrive 
à la conclusion que la masse principale du cerveau dans cette famille 


est formée par trois paires de ganglions. Seulement l’homologation 


166 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


avec les trois cerveauxest rendue plus difficile à cause des idées parti- 
-culières de l’auteur sur l’origine de la substance cérébrale, Il considère 
en effet que cette origine est triple et que l’encéphale est formé par: 

a) Des grosses cellules supérieures, correspondant à la plaque sin- 
cipitale de la larve. [Idée partiellement juste, mais ayant le tort de 
limiter à ces cellules les transformations de la place sincipitale. Cette 
région appartient au cerveau moyen.] 

b) Des cellules ectodermiques, immigrées dans le cerveau, ayant 
entraîné à leur suite ies yeux. [On verra plus tard que tout l’encé- 
phale est formé uniquement de cellules ectodermiques. Ces cellules 
appartiennent encore au cerveau moyen.l 

c) De la masse principale du cerveau qui a son origine dans les 
connectifs ei leurs masses cellulaires. C'est cette partie qui est divi- 
sée en trois paires de ganglions. [lei l'auteur a pris l'effet pour la 
cause en considérant les connectifs comme l’origine du cerveau. 
Quant à ses trois ganglions, voici comment on doit les interpréter: 
la paire de ganglions qui innerve l’organe vibratile (org. nucal), 
c’est le cerveau postérieur. L'auteur lui-même la compare aux gan- 
glions analogues du Protodrilus et Polygordius (Fraipont). La paire de 
ganglions qui donne les nerfs à la papille antérieure (palpode), et que 
l’auteur compare aux ganglions innervant les tentacules (palpes) du 
Polygordius et Saccocirrus (Fraipont), sont le cerveau antérieur. La 
dernière paire fait partie du cerveau moyen et ayec les parties a et 
complète cette partie de l’encéphale.] 

41° CIRRATULIENS. — Meyer (88, p. 624-626) a décrit cinq paires de 
ganglions chez la Chaetozone et je reproduis ici la figure schématique 
(fig. 3) qu'il donne (8%, pl. XXIIL, fig, 6) de l’encéphale de ce Poly- 
chète. Les ganglions qu'il désigne avec les letires g',g* et g°, forment 
ensemble le cerveau moyen, et d’après mon expérience personnelle 
sont loin d’être aussi distincts que l'indique la figure de Meyer. Les 
ganglions g? sont le cerveau antérieur, l’auteur lui-même leur donne 
la signification de « Neuraltentakelcentren ». Les ganglions 9° repré- 


sentent manifestement le cerveau postérieur. Il est inutile d'insister 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 


167 


davantage, la figure suffira à convaincre tout le monde de la justesse 


de l'interprétation. 


12° CaPiTELLIENS. — Eisig (8%, p. 450 ets.) décrit dans cette famille 


plusieurs centres, plus ou moins soudés suivant les genres, qui s’in- 


terprètent avec la plus grande facilité de la manière suivante : 


a) Les « hintere und seitliche Lap- 
pen » sont le cerveau postérieur. 

b) La partie inférieure du « vordere 
Lappen » est le cerveau moyen. 

c) La partie supérieure du même, 
surtout ce que l’auteur appelle « See- 
lappen », est le cerveau moyen. 

13° MALDANIENS. — On pourra trou- 
ver dans le chapitre Il du présent mé- 
moire la description de l’encéphale de 
cette famille, et quoique cet organe ait 
subi une réduction considérable et 
une spécialisation très grande, on peut 
néanmoins le réduire au schéma gé- 
néral. 

14° SERPULIENS. — Meyer (88) à re- 
trouvé chez ces formes les mêmes gan- 
glions que chez les Cirratuliens, à 


l'exception cependant des ganglions 


Fig. 3. — Chæœtozone selosa. 


Tête avec le cerveau et les organes 
des sens, vue de profil, 


Les lettres et leur explication sont 
les mêmes que sur l'original. — 
La nomenclature employée dans 
le travail est entre parenthèses. 


G?, ganglion antérieur inférieur (cerveau 
antérieur) ; 

G!, ganglion antérieur supérieur (cerveau 
moyen) ; 

GA, ganglion optique latèral (cerveau 
moyen); 

GS, ganglion inférieur postérieur (cerveau 
moyen) ; 3 

G, ganglion postérieur supérieur (cer- 
veau postérieur) ; à 

No, nerf tentaculaire (nerf palpaire); WO, 
organe vibratile (organe nucal) ; S.O, 
Hamalerkopftentakel ? (antenne) ; S.C, 
connectifs ; Au, yeux|{d’après Meyer(S®, 
pl. XXIII, p. 6]. 


optiques. Les homologies s’établissent de la manière suivante : 


a) Les « seitlichen Nervenmassen », marquées 4°, et fournissant les 


nerfs branchiaux, sont le cerveau antérieur. 


b) Les « oberen hinteren Nervenmassen »,marquées g°,'sont le cer- 


veau postérieur, puisque l’auteur a démontré l’opinion émise par 


Pruvot (85) que les orifices des néphridies thoraciques, qu'ils inner- 


vaient, sont les homologues des organes nucaux. 


c) Les autres masses ganglionnaires marquées g', g* et g°, représen- 


tent le cerveau moyen, 


168 EMILE-G. RACOVITZA. 


15° HERMELLIENS. — Meyer (88) ayant retrouvé dans cette famille 
les mêmes ganglions que dans la précédente, ces masses nerveuses 
s’interprètent de la même manière. 

L'auteur déclare (p. 628) qu’on trouve chez les Serpuliens et les 
Hermelles, comme chez les Euniciens, les mêmes centres principaux 
reliés avec leurs appareils terminaux correspondants. On voit qu'on 
peut dire cela pour tous les Polychètes. 

46° ARCHIANNÉLIDES.— Fraipont (84, p. 282-287) à montré que, chez 
ces formes, l’encéphale est plus ou moins distinctement divisé en 
trois groupes de ganglions, qu'il décrit aussi à l’occasion d’un autre 
travail (83, p. 29-33). Ce sont : deux ganglions antérieurs (cerveau 
antérieur), un ganglion moyen {cerveau moyen) et deux postérieurs 
(cerveau postérieur). 

L’encéphale, dans 46 familles de Polychètes sur 30 environ, s'est | 
laissé ramener au schéma général donné plus haut. Est-ce trop de 
hardiesse d'étendre ce schéma aux familles restantes ? Je ne le crois 
pas, d'autant plus que la raison qui m'a fait négliger ces familles est 
l’absence ou l'insuffisance des travaux anatomiques à leur sujet et 


nullement des données contraires aux idées défendues dans ce travail. 


L'enquête qui vient d’être faite a été rapide et sommaire ; on com- 
prendra que c'est seulement la crainte d'étendre trop ce mémoire 
qui m'a fait agir ainsi. J’ai eu soin cependant de donner des indica- 
tions bibliographiques assez complètes pour permettre le contrôle 
facile de mes interprétations. 


IT. Développement de l’encéphale. 


Il paraît établi actuellement que le système nerveux central des 
Polychètes prend naissance par deux ébauches entièrement séparées. 
Des épaississements ectodermiques, situés dans la région préorale de 
la larve, donnent naissance à l’encéphale et d’autres formations ecto- 
dermiques, constituant une bande longitudinale sur la ligne médiane 
ventrale de la région postorale, donnent naissance à la chaîne gan- 


glionnaire. Ces deux ébauches ne se mettent en rapport que secon- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES,. 169 


dairement, en poussant des prolongements qui, en se réunissant 
autour de la bouche, forment le collier œsophagien. 

Ce fait a une grande importance puisqu'il apporte une preuve de 
plus de la non-bomologie du lobe céphalique et du soma. li est claiï- 
rement établi par les travaux de KLEINENBERG (86), SALENSKY (S2, 83 
et 83), GOoErTE (82), v. DRASCHE (84), FRaïPonT (8%), WISTING- 
HAUSEN (92) et WILSON (92). 

Le seul auteur qui ait étudié les Polychèles à ce point de vue et 
qui soit d’un avis contraire est HATScHEK. Je vais me borner à expo- 
ser ses idées d’après son manuel de zoologie (94), la dernière publi- 
cation où il ait traité ce sujet. 

Pour lui, tout le système nerveux des Polychètes dérive d’une 
ébauche embryonnaire unique. La « Scheitelplaite », plaque sinci- 
pitale de la larve, est l’origine de l’encéphale. Cette ébauche nerveuse 
possède plusieurs nerfs, dont les deux nerfs longitudinaux ventraux 
(p. 402). « La moelle ventrale qui dérive de l'ectoderme est à consi- 
dérer aussi comme organe secondaire ‘, mais se ramène à un prolon- 
sement des nerfs ventraux longitudinaux ?. Ces derniers en effectuent 
leur parcours séparément, forment dans la région du prosoma les 
connectifs œsophagiens ; mais dans le metasoma se rapprochent en 
général l’un de l’autre, sont reliés par des commissures transversales, 
et donnent naissance ainsi à la moelle ventrale. » Cette opinion de 
Hatschek est en contradiction trop manifeste avec les observations de 
de tous les autres auteurs, etelle paraît trop n'être que la conséquence 
théorique de l’idée qu'il se fait de la Trochophore et du lobe cépha- 
lique des Polychètes pour pouvoir être acceptée. Par contre, l’autre 
opinion concorde avec tout ce que nous avons pu établir sur la mor- 
phologie des Polychètes. 


L’encéphale est donc un organe qui naît isolément de l’ectoderme 


1 On sait que pour cet auteur la Trochophore est l’ancêtre des Polychètes. Il veut 
dire par le mot secondaire que la chaîne ganglionnaire est un organe acquis par 
l'ancêtre trochophore pendant son évolution phylogénétique. 

2 De la larve. 


170 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


de la région préorale de la Trochophore. Comme ona vu que c'est un 
organe complexe au point de vue anatomique, il s’agit de détermi- 
ner maintenant si sa complexité est primitive, c’est-à-dire si elle a 
son origine dans la manière dont il se développe. Onune trouve beau- 
coup de détails à ce sujet que dans le travail célèbre de KLEïNEN- 
BERG (86) sur Lopadorhynchus et Phyllodoce Get auteur constate 
que l’apparition des organes des sens précède celle des masses ner- 
veuses. Les cellules qui forment les premiers se multiplient en pro- 
fondeur et donnent naissance à plusieurs centres nerveux qui ne se 
mettent que secondairement en rapport les uns avec les autres. Vers 
le sommet de l’ombrelle (région préorale) apparaît un groupe de 
cellules ciliées, le « Scheitelorgan », organe larvaire qui disparaît 
dans la suite, mais dont les cellules nerveuses formeront un noyau 
autour duquel viendrontse placer les autres centres. À côté du « Schei- 
telorgan » naissent les « Scheitelantennen », appendices qui vont dis- 
paraître aussi, tandis que leurs cellules nerveuses,nées en profondeur, 
vont former les « vordere Lappen ». Viennent ensuite les « vordere 
und hintere Antenne », quatre appendices qui vont persister chez 
l’adulte. Ils forment en profondeur les « hintere Lappen (Kopfgan- 
glion ou Antennengehirn) » et ne se mettent que postérieurement en 
communication avec les« vordere Lappen ». Les « hintere Antennen » 
se forment au bord d’une région que l’auteur appelle «Sinnesplate ». 
Au bord opposé de cette dernière se forment les « Wimpergruben » 
quidonneront chacune naissance en profondeur à une masse nerveuse, 
se divisant plus tard en deux ganglions : l’un s’accolera au « hintere 
Lappen », l’autre formera le ganglion de l’organe vibratile de l'adulte. 

Rien n'est plus facile que d'appliquer la nomenclature que j’ai pro- 
posée à cet exposé fait avec les termes de Kleinenberg. On pourra de 
cette manière du premier coup d'œil constater les homologies, qui 
du reste sont tellement évidentes qu'il est inutile d'entrer dans de 
longues explications. 

1° Le cerveau antérieur (vordere Lappen) naît de deux ébauches 
nerveuses produites par les deux palpes (Scheitelantennen). Ces der- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 171 


niers sont des organes ancestraux qui ont disparu chez l'adulte. 

2° Le cerveau moyen (hintere Lappen) naît de plusieurs ébauches 
produites par les quatre antennes (et les yeux chezles Phyllodociens), 
auxquelles viennent s'ajouter les cellules nerveuses du bouquet api- 
cal de cils (Scheitelorgan). 

3° Le cerveau postérieur naît de deux ébauches produites par les 
deux organes nucaux (Wimpergruben). 

Les ébauches des cerveaux moyen, antérieur et postérieur ne se 
mettent que postérieurement en communication les unes avec les 
autres. L'auteur affirme que les différents centres nerveux naissent 
avant les commissures qui les réunissent. 

La division de l’encéphale en trois régions distinctes est donc jus- 
tifiée non seulement par l'anatomie, mais par l'embryogénie. 

Les autres auteurs n’ont malheureusement pas suivi avec autant 
de détail la formation de l’encéphale. Tous cependant présentent la 
plaque sincipitale comme l’origine de cet organe, mais sans avoir 
suivi de très près son développement. Voici cependant quelques faits 
confirmatifs de l'opinion de Kleinenberg. 

SALENSKY (82, p. 358-359) constate que, chez Psygmobranchus, les 
yeux apparaissent avant le ganglion céphalique. 

Meyer (SS, p. 566-568) chez Psygmobranchus aussi, constate chez 
la larve segmentée l'apparition indépendante : 

a) D'une paire de ganglions supérieurs, en arrière des yeux et sous 
une paire d’amas de cellules arrondies qu'il considère comme des 
rudiments de « Wimperorgane ». C'est le cerveau postérieur. 

b) De deux ganglions unis aux deux ébauches des branchies. C’est . 
le cerveau antérieur. 

c) D'une masse ganglionnaire antérieure, en communication étroite 
avec le front, donnant plus tard les nerfs frontaux et les nerfs opti- 
ques. C’est le cerveau moyen. 

HAKER (94, p. 258-259), dans son étude du développement de 
Polynoe, n’est pas entré dans de grands développements à propos du 


cerveau. Il a pu constater cependant un fait, qu’il exprime de la 


172 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


manière suivante : « Es würde sich also hier um eine Entstehung 


der Gehirnmasse aus drei gesonderten Partien handeln. » 


Comme on l’a vu, les ébauches des trois cerveaux sont d’abord 
isolées et ne se relient entre elles que secondairement. Il paraît ne 
pas en être de même pour les ébauches des ganglions d’un même 
cerveau. Cela s’explique très bien si l’on admet que les cerveaux ont 
été produits par les surfaces épidermiques nommées aÿres sensitives. 
Il n'y a rien d'étonnant à ce que le développement du Zopadorhyn- 
chus, des Phyllodociens et du Psygmobranchus n’aït pas pu donner des 
résultats concluants à ce sujet, ces formes étant très évoluées; leurs 
larves ont en même temps subi une adaptation très complète à la vie 
pélagique. Chez les formes évoluées, la naissance des appendices et 
de leur ganglion a dû se faire à des stades de plus en plus jeunes du 
développement, suivant une loi générale en embryogénie. Ce fait a 
pu masquer, jusqu’à un certain point, la disposition primitive. Aussi 
voit-on les cerveaux antérieur et postérieur se former de deux ébau- 
ches chacun, ou du moins de deux groupes très visibles de cellules 
nerveuses, attirant facilement l’attention des observateurs, mais il 
n’est pas dit que des cellules nerveuses isolées ne se trouvent pas 
aussi entre et autour des deux groupements cellulaires. Il en est de 
même pourle cerveau moyen, qui paraît formé par un grand nombre 
d'ébauches, produites par les organes tactiles et visuels. Rien n’em- 
pêche que ces ébauches ne fassent partie du même blastème sensi- 
tivo-nerveux et qu'elles ne soient que des points où les cellules ner- 
veuses soient plus nombreuses que dans le reste de l’ébauche. 

Ce qui précède, il ne faut pas se le dissimuler, n’est que l’applica- 
tion des idées générales tirées de l’anatomie comparée (chap. Il) et de 
l’histologie (chap. IV) du lobe céphalique. Les faits embryogéniques 
connus n'infirment pas cette manière de voir ; ils ne lui apportent 
pas uon plus des preuves bien décisives. On conviendra cependant 
que les études embryogéniques sont encore trop insuffisantes pour 


permettre de juger définitivement la question. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 173 


S 4. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 


Le corps des Polychètes est formé de trois régions non homologues 
mais d’égale valeur morphologique : 

1° LE LOBE CÉPHALIQUE, situé à l’extrémité antérieure et caractérisé 
par : 

a) La présence : 

De trois régions sensilivo-nerveuses dorsales et antérieures, formées 
d’une part par des aires sensitives et par des organes sensitifs spé- 
cialisés, et d’autre part par des centres nerveux. [Le tableau ‘ ci-joint 
montre la disposition et la composition de ces régions.| — D'appen- 
dices pouvant être en nombre impair. — D'une cavité générale secon- 
daire ne dérivant pas de somites mésodermiques propres, mais formée 
par l'extension de la cavité des somites mésodermiques qui appar- 
tiennent au premier segment somatique ?. — D'un système muscu- 
laire disposé autrement que dans le soma. 

b) L'absence : 

De segmentation vraie. — De parapodes et de soies, — De tube 
digestif. — De néphridies. — D’organes génitaux. 

2° LE somA, région intermédiaire caractérisée par : 

a) La présence : 

De segments montrant une tendance, jamais complètement réali- 
sée, à l'homodynamie aussi bien externe qu’interne, Tous les seg- 
ments sans exception sont pourvus à l’état adulte ou l’ont été pendant 
un stade de leur développement phylogénétique ou ontogénique de 
bulbes sétigères et de soies. — De parapodes et de soies. — D'appen- 
dices segmentaires toujours en nombre pair. — De muscles longitu- 
dinaux, et de dissépiments métamériques. — D'une chaîne nerveuse 
ganglionnaire située du côté ventral. — D'otocystes. — D'un tube 

1 Ce tableau n’a pas la prétention de donner toutes les modalités des appendices. 
Il en montre quelques-unes seulement à titre d'exemple. — Pour la justification des 


termes employés, consulter l'introduction du travail de PruvorT et RacoviTza (95). 
2 Voir Meyer (80), p. 299, note 1. | 


ÉMILE-G. RACOVITZA. 


174 


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LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 475 


digestif et de la bouche, orifice situé à l’extrémité antérieure du pre- 
mier segment. —- D'une cavité générale formée par des somites méso- 
dermiques pairs pour chaque segment.-—De néphridies. —D’organes 
génitaux. 

bd) L'absence : 

De centres nerveux dorsaux. 

3° Le PyGibium, région située à l'extrémité postérieure et caracté- 
risée par : 

a) La présence: 

De l'anus, orifice situé typiquement du côté dorsal. — D’appen- 
dices cirriformes (urites) dont le nombre peut être impair. — D'un 
système musculaire disposé autrement que dans le soma. | 

b; Par l'absence : 

De segmentation vraie. — De parapodes et de soies. — De néphri- 
dies. — D'organes génitaux. ù 

Le lobe céphalique, le soma et le pygidium des Polychètes ont été 
hérités comme tels de la forme souche (animal turbellariforme [?}), 
mais la division du soma en segments doit être considérée comme 
secondaire ; autrement dit : le soma ne s’est pas formé par la dispo- 
sition d’une série de segments bout à bout (bourgeonnement, stro- 
bilation, scissiparité), mais par la subdivision, due à des causes méca- 
niques, d’une région non segmentée. 

La Trochophore ne reproduit pas la forme des animaux qui ont été 
la souche des Polychètes. Sa forme et sa structure doivent être con- 
sidérées comme le résultat de l'adaptation de l'embryon à la vie péla- 
gique, par conséquent, plus une forme larvaire de Polychètes se rap- 
proche de la Trochophore type, plus elle est modifiée et plus elle est 
éloignée de la souche probable de ces animaux. Quoi qu'il en soit à 
cet égard, toutesleslarves des Polychètes se partagent en trois régions. 

1° RÉGION PRÉORALE (prostomtum), contenant la plaque sincipitale 
et les autres ébauches de l’encéphale. Cette région forme le lobe cé- 


phalique de l'adulte. 


176 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


2 RÉGION POSTORALE (metastomium), contenant l’ébauche ventrale 
de la chaîne ganglionuaire, le pronephros!, l’otocyste et la bouche. 
Cette région forme le soma de l’adulte. 

3° RÉGION PÉRIPROCTALE (périprocte) contenant l’anus. Cette région 
formera le pygidium de l’adulie. 


Du fait que la Trochophore est une forme larvaire secondaire, on 
peut conclure que les Archiannélides ne sont pas des formes archaï- 
ques, mais des formes rétrogradées, comme le montrent aussi cer- 
tains points de leur organisation. Il faut chercher les formes primi- 
tives parmi les Polychètes rapaces, parce qu’en dehors d’autres 
considérations, nous y sommes forcés parla présence, chez ces formes, 
de parapodes se rapprochant le plus du parapode biramé pourvu de 
deux cirres, auquel se ramènent les parapodes de tous les Poly- 
chètes. On doit cependant avoir toujours en vue la considération 
suivante : les Polychètes sont des formes géologiquement très an- 
ciennes, 1l est donc plus que probable que tous les représentants 
actuels de cette classe sont très différents de la forme souche, par 


suite d’adaptations variées. 


De la non-homologie des trois régions qui constituent les Poly- 
chètes résulte que la théorie de la Colonie animale ou du Cormus est 


inaplicable à ces animaux ? et doit être complètement abandonnée *. 


1 Je préfère ce terme, car rein céphalique est un terme inexact dérivant de la 
fausse interprétation du métasoma. 

2 Il est très probable que les Polychètes ont des liens génétiques avec les animaux 
segmentés (vertébrés y compris). Tout ce qui vient d’être dit plus haut pour les pre- 
miers s’appliquerait donc aux seconds. Je me hâte cependant d'ajouter que le lobe 
céphalique des Polychètes ne correspond pas entièrement à la «tête » des Arthro- 
podes et des Vertébrés. Leur tête, en effet, est formée d’une partie homologue du 
lobe céphalique des Polychètes, plus un certain nombre de segments somatiques. 
La bouche est, par suite, située dans la téle des Arthropodes, mais non dans le lobe 
céphalique des Poiychètes. 

3 Elle est tout aussi iuapplicable aux Cestodes, comme l’a montré CLaus (89), et 
elle est rendue tout à fait inutile pour expliquer le passage des Protozoaires aux 
Métazoaires par la lumineuse et bien plus satisfaisante hypothèse de Sepewicx (86, 
p. 205-206). Je ne vois vraiment pas ce qui lui reste, si ce n’est une certaine force 
acquise qui ne la fera pas disparaître aussi vite qu’elle le mérite. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 177 


CHAPITRE II 


ANATOMIE ET MORPHOLOGIE | 
DU LOBE CÉPHALIQUE ET DE L ENCÉPHALE DES AMPHINOMIENS, 
PALMYRIENS, LYCORIDIENS ET MALDANIENS. 


I. Famille des Amphinomiens. 


A. Lobe cépnalique. 


$ 1. HISTORIQUE *. 


BRUGUIÈRE (4 492, p. 45) est le créateur du genre Amphinome. Il y placa 
quatre Polychètes décrits par Palas et qui les avait groupés dans ses 
Aphrodites. Dans la description, Bruguière mentionne bien les antennes 
et la caroncule, seulement il n’est pas possible de comprendre quelle idée 
se faisaient du lobe céphalique cet auteur et les auteurs précédents. 

SaviGNY (20, p. 51) caractérise la famille des Amphinomiens par : yeux 
au nombre de deux ou quatre, des « antennes médiocres, généralement 
en nombre complet : les mitoyennes et les extérieures manquent quel- 
quefois; l’antenne impaire, qui existe toujours, est insérée sur le devant 
d’une caroncule supérieure ou coronule, dont la base s'étend assez cons- 
tamment par derrière jusqu’au troisième ou quatrième anneau du corps ». 

Aupouix et Mizxe-Evwarps (34, p. 114) constatent que « la tête présente 
une disposition analogue à ce que nous avons vu dans notre genre Siga- 
lion, c'est-à-dire qu’elle est refoulée en arrière, et en général dépassée 
par les pieds de la première paire qui se rapprochent de la ligne médiane 
et se portent directement en avant ». On trouve, en outre, quatre yeux, 
en général cinq antennes, dont la médiane existe quelquefois seule. Immé- 
diatèment en arrière se trouve la caroncule. 

GRUBE (50, p. 39) croit que la caroncule est un organe appartenant en 
commun à cinq segments buccaux. : 

KiNBERG (%'3, p. 11) considère le lobe céphalique comme pourvu d’un 
tentacule, deux antennes, deux palpes antenniformes et une caroncule. Il 
est le premier qui ait établi une distinction entre les appendices. 

SCHMARDA (64, p. 134) attribue aux Amphinomiens un, quatre, cinq ou 
sept « tentacula », et place la caroncule dans le dos des « segmentarum 
oralium ». 


i Je n'ai malheureusement pas pu me procurer STANNIUS (Ueber den innern Bau 
der Amphinome rostrala, 1831), et GRuBE (De Pleione carunculata, 1837). 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = 3€ SÉRIE. == T. 1Vs 1896. 12 


178 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


QUATREFAGES (6%, t. [, p. 383-384) s'exprime de la manière suivante : 
« La tête est toujours proportionnellement fort petite et plus ou moins 
dissimulée au milieu des premiers anneaux qui croissent rapidement en 
largeur comme chez les Aphroditiens. Comme chez ces derniers aussi, ces : 
anneaux se portent obliquement en avant jusqu’au delà de la bouche, si 
bien que celle-ci se trouve placée, dans certaines espèces, au niveau de la 
quatrième ou cinquième paire de pieds. 

« La tête peut être pourvue ou dépourvue d’appendices. En général, 
ceux-ci sont au nombre de cinq. Tous ont été considérés comme étant des 
antennes. Mais à cause de la petitesse des parties, même sur les grands 
individus, et de la fusion presque complète de l'anneau buccal avec les 
parties voisines, il est difficile, à ne juger que par l'extérieur, de savoir si 
cette détermination est juste. Il est nécessaire, ici, d’avoir recours à 
l’anatomie et de s'assurer de l’origine des nerfs aboutissant à ces appen- 
dices. 

« Or, les recherches de Stannius ne peuvent laisser de doute à ce sujet. 
Les appendices céphaliques externes recoivent les nerfs du connectif. Les 
antennes externes des auteurs sont donc, en réalité, des tentacules, les 
internes seules méritent le nom qu’on leur a donné. 

« Indépendamment des appendices ordinaires, la tête des Amphino- 
miens porte assez souvent un repli cutané en forme de crête plus où 
moins compliquée, qui s'étend sür un certain nombre d'anneaux suivants. 
On à donné le nom de cœroncule (caruncula) à cet appendice qui manque 
chez toutes les espèces à pieds uniramés. En outre, la tête est parfois 
reliée à la bouche par un double bourrelet charnu en forme de V renversé 
qui doit jouer le rôle de lèvre. » 

BaRp (Ÿ®, 216) soutient que les animaux de cette famille possèdent une 
caroncule sur le dos du segment buccal où céphalique, quatre yeux et 
cinq antennes comme les Aphroditiens, c’est-à-dire une antenne médiane, 
deux internes et deux externes. Plüs bas, cependant, il admet la térmi- 
nologie de Kinberg, déjà exposée. 

GRUBE (78, p. 1-2), après avoir exposé les divergences qui existent entre 
les auteurs sur la valeur des appendices et sur la définition du lobe cépha- 
lique dans cette famille, émet le premier l'opinion que, dans les genres 
Chloeia et Amphinome, par exemple, le Ichbe céphalique est composé des 
parties suivantes : la caroncule, une petite plaque dorsale de forme carrée 
portant les deux paires d’yeux et l'antenne impaire, enfin un mamelon 
ovale s'étendant, du côté ventral, jusqu'à la bouche et divisé en deux 
moitiés par un sillon. Cette dernière partie supporte les antennes paires 
et les « subtentacula ». L'auteur est donc arrivé, d’une manière pour ainsi 
dire empirique, à une interprétation exacte. 

Racovrrza (94) constate que le lobe céphalique des Amphinomiens dans 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 179 


sa plus grande complication est pourvu d’une antenne impaire, deux 
paires d’yeux, deux antennes paires, une caroncule et deux palpes. Les 
antennes externes des auteurs sont considérées comme des cirres tenta- 
culaires, sur la foi de Quatrefages qui affirme qu'ils sont innervés par le 
connectif, L'auteur rapporte ces organes au système nerveux, et par ana- 
logie avec ce qu’il a trouvé chez Euphrosyne, il conclut à l’'homologie des 
appendices des Amphinomiens avec les organes correspondants des autres 
Polychètes rapaces. 


11 est visible, d’après le résumé qu'on vient de lire, que la plus 
grande confusion règne actuellement sur l’interprétation du lobe 
céphalique des Amphinomiens. 

Pour élucider la question, je fais, dans les paragraphes suivants, 
l'anatomie d’un type normal, Zurythoe, et j'ai cherché à y ratta- 
cher les types anormaux Æuphrosyne et Spinther. Cette étude aurait 
beaucoup gagné à ce que plus de.types normaux ou anormaux 
puissent être étudiés, mais les matériaux en bon état sont très 
rares, Ce groupe comprenant surtout des formes exotiques. Du 
reste, £uwrythoe est un bon type moyen et les résultats obtenus par 


son étude peuvent être légitimement étendus aux autres formes 
normales de la famille. 


$ 2. TYPE NORMAL. 
Eurythoe cf. borealis Sars *. 


(Pl 1 “fig 1:6:) 


Historique. — KiNBERG (5%, p. 13) attribue à son nouveau genre Eury- 
thoe un grand lobe céphalique arrondi, une caroncule de petite taille fine- 
ment lobée, des antennes et des palpes naissant du premier segment. Il 
faut faire observer que Kinberg appelle le lobe céphalique premier 
segment. 

Sars M. (62, p. 58-59) attribue à Eurythoe borealis un lobe céphalique 
arrondi, quatre yeux et une antenne impaire. Il dit que les antennes 
paires et les palpes sont placés sur le segment buccal, montrant ainsi qu'il 


1 Cette espèce sera étudiée au point de vue spécifique dans les Matériaux pour la 
faune des Annélides de Banyuls, de PRuvoT et moi, en cours de publication dans les 
Archives de zovlogie expérimentale. 


ti 


180 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


considère la région inférieure du lobe céphalique comme un segment 
différent du lobe céphalique. 

HorsT (86, p. 162-163) nomme tous les appendices d'Eurythoe alcyonia 
des tentacules, et parle « d’un segment buccal qui ne participerait pas à la 
limitation de l’ouverture buccale, car sa partie basale ne s'étend qu’au 
milieu de la face latérale du lobe céphalique »; ce passage est absolument 
incompréhensible. 

EHLERS (83, p. 29-30) considère tous les appendices d’'Eurythoe compla- 
nata comme des « Fühler » et nomme les palpes situés en avant de la 
bouche « Mundpolster ». 


Extérieur (fig. 1 à 3).— Le lobe céphalique chez les deux échan- 
tillons jeunes que j'ai eus à ma disposition, était bien visible à 
l'extrémité antérieure du corps. Son contour, dans la vue dorsale, 
était pentagonal, sa région antérieure tronquée formant la base du 
pentagone. On y distinguait, à première vue, deux régions qu'on 
désignera d’après leur position, la région supérieure et la région 
inférieure du lobe céphalique. 

La région inférieure du lobe céphalique (Le. i), vue d’en haut ou du 
côté ventral, présente un contour pentagonal. Elle est limitée en 
avant par une ligne droite et forme une pointe aiguë en arrière; de 
profil (fig. 3), cette région présente un contour plus ou moins ova- 
laire et une crête médiane qui dans les vues d’en haut ou du côté 
ventral lui donne la forme de pentagone. Sur la face dorsale (fig. 4) 
se trouve un sillon longitudinal, peu profond, situé exactement sur 
la ligne médiane, mais disparaissant sur le bord antérieur. Sur la 
face ventrale (fig. 2) il y a aussi un sillon médian, plus marqué en 
arrière et terminé non loin du bord antérieur; il est plus profond 
que celui de la face dorsale. Ce sillon divise la région inférieure en 
deux moitiés, se présentant comme des coussinets renflés, très 
bien limités, surtout à leur bord postérieur où ils forment la limite 
antérieure de la bouche. Ces appendices sont les palpes (P). 

La région supérieure du lobe céphalique (Lc.s) se présente sous la 
forme d'un coussinet épais, de forme carrée, reposant sur la face 


dorsale et la moitié postérieure de la région inférieure du lobe 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 181 


céphalique. Cette région s’élève nettement au-dessus de l’autre 
région et en est délimitée par un sillon qui est bien marqué sur 
toutes les quatre faces. À chaque angle se trouve un œil. De ces 
quatre organes, deux antérieurs (0e.p) sont très gros, trois ou 
quatre fois plus grands que les yeux postérieurs (0e.p) ; tous les 


quatre sont pourvus de Ae 


Ni lens 


cristallin. 

Entre les deux yeux pos- 
térieurs, sur la ligne mé- 
diane, s'élève un petit ap- 
pendice de forme conique 
et dépourvu de cérato- 
phore ; c'est l'antenne im- 


paire (Ai). Deux autres ap- 


pendices, de moitié plus 
] Le Fig. 4. — Eurythoe cf. borealis Sars. 
OnS$, SONL SILUES, UN PEU Costour de l'extrémité antérieure avec la disposition 


en avant des yeux anté- des bandes ciliées. Gr. 54 d. 


: Go : , 4e, antenne externe ; Ai, antenne impaire; Oe.a, œil anté- 
rieurs, SUr la region infé- rieur ; Üe.p, œil postérieur ; P.sf, stylode du palpe ; 
V.Le.i, sillon vibratile de la région iuférieure du lobe 


rieure du lobe céphalique : céphalique ; V.Le.s, sillon vibratile de la région supé- 
rieure du lobe céphalique ; Vé Org N.lm, sillon vibra- 


d 7 4_  tile transversal du lobe moyen de l'organe mucal ; 
ils sont dépourvus de cé VI. Org N.lm, sillon vibratile longitudinal du lobe moyen 
de l'organe nucal; V{.Org N.U, sillon vibratile longitu- 
ratophores, et sont plus dinal du lobe latéral de l'organe nucal; 7 et ZI, les deux 
ï À premiers segments somatiques, 
renflés à la base qu'au 
sommet où ils présentent une légère trace d’articulation. Ge sont les 
antennes paires (Ae). Deux autres appendices sont situés sur la même 
région, mais un peu plus en arrière et plus du côté ventral. Ils ont 
la même forme que les antennes paires et possèdent la même arti- 
culation indistincte au sommet; ils sont aussi dépourvus de cérato- 
phores, seulement leur longueur dépasse de moitié celle des antennes 
paires. Ce sont les séylodes des palpes (P.st.) *. 
En arrière de l’antenne impaire, et s'étendant jusqu’au troisième 


segment se trouve la caroncule ou organe nucal (OrgN), dont la 


1 PruvoT et Racovirza (95) désignent sous le nom de stylode toute production 
purement épidermique, pleine, et à nerf central. 


182 ÉMILE-G, RACOVITZA, 


longueur égale celle du lobe céphalique tout entier. C’est une crête 
arrondie, très surélevée au-dessus de ja face dorsale des segments. 
Ses extrémités, antérieures et postérieures, plongent en avant et en 
arrière. Sa surface paraît lisse ; il existe cependant, de chaque côté, 
un sillon longitudinal et latéral qui la divise en trois portions : une 
supérieure, impaire et médiane (0rgN. Im), reposant sur les por- 
tions paires, latérales et inférieures (OrgN. IL), dont les côtés dé- 
bordent sous la portion impaire. Cet organe est parcouru par des 
petits sillons ciliés (fig. 4, texte), dont la disposition est tout à fait 
régulière. Le lobe médian de la caroncule est parcouru dans toute 
sa longueur par une gouttière de chaque côté ( V{,OrgN. lm). Chacun 
des lobes inférieurs est parcouru aussi par une gouttière longitudi- 
nale (W/. OrgN. (1) parallèle à celle du lobe médian. Outre ces quatre 
goutiières ciliées, la face dorsale du lobe médian présente dix à 
qualiorze petites gouttières ciliées (VE. OrgN. Im.), en forme d’are de 
cercle, plus profondes et mieux fournies en cils sur le milieu de 
l’arc que sur les bords. Ces petites gouttières sont disposées en deux 
rangées longitudinales, alternes et imbriquées. 

Cet appareil cilié ne se borne pas seulement à la caroncule; la 
région supérieure du lobe céphalique est pourvue de quatre gout- 
tières postérieures, deux de chaque côté de la ligne médiane, de 
deux gouttières antennaires, une de chaque côté de l’antenne im- 
paire, et de six gouttières interoculaires, parallèles, situées, de chaque 
côté de la ligne médiane, entre les grands et les petits veux. La ré- 
gion inférieure du lobe céphalique ne possède que six de ces appa- 
reils, trois de chaque côté de la ligne médiane, entre le bord anté- 
rieur de la région supérieure du lobe céphalique et les antennes 


paires. 


Anatomie (fig. 4-6). — Les régions inférieures et supérieures du 
lobe céphalique sont limitées par l’épiderme, qui a une épaisseur 
plus ou moins grande suivant la présence ou l’absence des organes 


des sens. Il limite un espace occupé par des muscles, par la cavité 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 183 


générale céphalique et par les différentes masses de l’encéphale. 
Le cerveau moyen (Cm) occupe en entier la région supérieure du 

lobe céphalique (Ze. s) et la portion supérieure et postérieure de la 
région inférieure (Le. 1). Sa forme, d’après ce qu'on peut en juger 
sur les coupes, est assez irrégulière, et son aspect est mamelonné. 
Il supporte un certain nombre de ganglions sur les côtés et sur sa 
portion médiane; mais c'est en ce dernier endroit que son épais- 
seur est la plus grande. Il forme d’abord quatre ganglions optiques, 
dont les-deux correspondant aux gros yeux antérieurs {Gæ. a) sont 
naturellement plus grands. Un petit lobe médian et postérieur, plu- 
tôt un simple renflement, est en rapport avec le nerf de l'antenne 
impaire (Az). Cet appendice, comme les autres du reste, est entière- 
ment dépourvu de cératophore. En dessous des lobes optiques anté- 
rieurs aboutissent les nerfs des antennes paires; les connectifs 
prennent naissance dans la parte inférieure et postérieure du cer- 
veau, Comme toujours, ce dernier est formé par une couche corti- 
cale, surtout dorsale, de cellules nerveuses, ici de petite taille, 
et par la substance ponctuée occupant le centre de la région 
ventrale. 

Le cerveau untérieur (Ca) forme deux masses latérales situées en 
dessous et en avant du cerveau moyen. La substance ponctuée cen- 
trale et les petites cellules corticales s unissent, sur la ligne médiane, 
à la substance ponctuée el à la couche corticale du cerveau moyen. 
Chacune des masses du cerveau antérieur reçoit, en dehors, le nerf 
des stylodes des palpes. En dedans et un peu en arrière, ces masses 
envoient quelques fibres dans les connectifs. Beaucoup plus vers la 
ligne médiane et tout à fait en avant, la substance centrale de chaque 
lobe se prolonge en un très gros nerf (Vp) qui, arrivé à la base de 
l'épiderme très épaissi des palpes, s'irradie en une nappe de fibres 
nerveuses en relation avec les nombreuses cellules sensitives qui 
existent dans ces appendices. 

Le cerveau postérieur (Cp) s'étend en arrière des deux cerveaux 


décrits précédemment ; il est formé par deux masses mamelonnées 


184 ÉMILE-G, RACOVITZA. 


de très grosses cellules, s'étendant, de chaque côté de la ligne mé- 
diane,en dessous et sur toute la longueur de la caroncule. Chacune 
des masses est parcourue par un nerf ({Vn) très gros, représentant la 
masse ponctuée du cerveau postérieur, en communication avec la 


substance ponctuée du cerveau moyen. 


Rapport du lobe céphalique avec les premiers segments soma- 
tiques.— Le lobe céphalique paraît à son bord postérieur (formé du 
côté dorsal par la caroncule et du côté ventral par les sommets 
aigus des palpes) enfoncé comme un coin entre les moitiés des 
premiers segments (fig. 2, I-III). Du côté dorsal, en effet, le troi- 
sième segment sétigère (III) est normal, mais le second et le pre- 
mier (Il et I) sont repliés en deux, au lieu d’être situés dans un plan 
transversal, et leurs parapodes sont fortement reportés en avant. 
Les deux moitiés du premier segment sont réduites à de simples 
bandes qui flanquent @e chaque côté la caroncule. Elles paraissent 
interrompues sur la ligne médiane par cet organe, qui semble em- 
piéter aussi sur la portion médiane très amincie du second segment. 

Du côté ventral, le même fait se produit pour les deux premiers 
segments paraissant ici tout à fait interrompus sur la ligne mé- 
diane, la solution de continuité étant produite par l’orifice buccal (2). 
La bouche paraît limitée en avant par le bord postérieur des palpes, 
en arrière par le bord antérieur du troisième segment (III), et sur 
les côtés par les moitiés gauches et droites du premier et du se- 
cond segment (I et Il). Dans les descriptions spécifiques, il est fait 
mention de ces faits et l’on trouve continuellement les phrases sui- 
vantes : 

« Caroncule s'étendant jusqu’à tel segment. Bouche limitée par le 
troisième, quatrième, cinquième segment.» Ces rapports variables 
du lobe céphalique avec les premiers segments du corps sont très 
curieux et très rares parmi les Polychètes. Malgré cela, aucun auteur 
ue met en doute leur réalité, mais aucun non plus ne cherche à 
l'expliquer. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 183 


Cette manière de concevoir le rapport du lobe céphalique et des 
premiers segments chez les Amphinomiens est radicalement fausse 
et ne repose que sur une simple apparence. Chez ces animaux, 
comme chez tous les autres Polychètes, l’organe nucal est situé sur 
la face postérieure du lobe céphalique et ne dépasse pas la limite du 
premier segment. La bouche est située sous le lobe céphalique et 
son bord postérieur est comme toujours formé par le bord antérieur 
du premier segment. Il est seulement difficile, à première vue, de 
retrouver les rapports normaux chez £'urythoe, car les moitiés des 
deux premiers segments ont subi une torsion en avant. Leurs régions 
médianes étant restées sur place, aussi bien du côté dorsal que du 
côté ventral, ont dû s’étirer considérablement et contourner aussi 
bien l’orifice buccal que la partie postérieure de l'organe nucal. 
Cette partie médiane amincie et étirée se voit très bien sur la face 
dorsale du second segment. Elle est moins prononcée pour le pre- 
mier. Sur la face ventrale, les deux parties médianes des deux 
premiers segments se sont enfoncées à l'intérieur du plancher pos- 
térieur du vestibule buccal. 

Sur des coupes longitudinales, on retrouve parfaitement les pré- 
tendues solutions de continuité qui séparent les deux moitiés des 


deux premiers segments. 


Résumé. — Le lobe céphalique des Z'urythoe est formé de trois 
régions sensitivo-nerveuses pourvues d'organes spéCiaux : 

La région sincipitale, pourvue d’un centre nerveux spécial, le cer- 
veau moyen, qui innerve quatre yeux, une antenne impaire et deux 
antennes paires ; 

La région palpaire, pourvue d’une masse nerveuse, le cerveau anté- 
rieur, qui fournit deux nerfs pour les palpes et de petites branches 
pour les stylodes des palpes ; 

La région nucale, pourvue d'une masse cérébrale, le cerveau pos- 
_ térieur, qui fournit des nerfs à l’organe nucal ou caroncule. 


Les rapports du lobe céphalique avec les autres segments du corps 


186 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


sont normaux, car il est limité en arrière par le bord antérieur du 
premier segment et, sur la face ventrale, il forme la limite supé- 
rieure de la bouche. Cet orifice est limité en arrière, comme tou- 


jours, par le bord antérieur du premier segment. 


$ 3. — TYPES ABERRANTS. 


4° Æ'uphrosyne Audouini (Costa). 


(PI. I et II, fig. 7-13.) 


a) Lobe céphalique. 


Historique. — Savieny (20, p. 63), dans la caractéristique de son nou- 
veau genre Euphrosyne, dit : « Yeux distincts au nombre de deux, séparés 
par le devant de la caroncule. Antennes incomplètes, les mitoyennes 
nulles, l’impaire tubulée, les extérieures nulles. Tête très droite et très 
rejetée en arrière, fendue par-dessous en deux lobes saillants sous les 
pieds antérieurs et garnie par-dessus d’une caroncule déprimée qui se 
prolonge jusqu'à quatre ou cinq segments, » 

Sars M. (50, p. 211) est le premier qui ait attribué le nombre réel d’ap- 
pendices et d’yeux à une espèce de ce genre. Il caractérise, en effet, 
Euphrosyne armadillo par deux yeux supérieurs et une antenne supé- 
rieure, deux yeux inférieurs et deux autres antennes terminales. 

Les auteurs postérieurs partagent pour la plupart l'erreur de Savigny. Il 
est inutile de les citer tous, en voici quelques exemples : 

GRUBE (63, p. 39-40), en décrivant Euphrosyne mediterranea, mentionne 
les antennes paires et émet l'avis que toutes les autres Euphrosyne doivent 
être pourvues de ces antennes. Ces appendices ont dù échapper aux 
observateurs à cause de leur petitesse et de la difficulté qu’on a à les voir. 
Grube trouve aussi les yeux inférieurs, seulement il n’ose pas donner son 
opinion sur leur valeur. 

Eaers (64, p. 67 et suiv.) donne une étude détaillée d’Euphrosyne vace- 
mosa. Il ne paraît pas s'être fait une idée claire du lobe céphalique. 
D’après ce qu’on peut comprendre, il considère la caroncule comme la 
partie principale de ce dernier. Il décrit un prolongement massif et anté- 
rieur de la caroncule qui divise en deux le premier segment ; ce qui le 
prouve, dit-il, c'est que les yeux supérieurs sont aussi visibles du côté 
ventral, montrant ainsi qu’il croit que les yeux inférieurs ne sont que 
des prolongements des yeux supérieurs. Ce qui démontre, dit-il aussi, 
que la caroncule est l’analogue d'un lobe céphalique, c'est, outre la pré- 


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LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 187 


sence des yeux, la présence des deux antennes rudimentaires, Les palpes, 
qu'il appelle « Oberlippen », ne sont pas considérés comme appartenant 
à la caroncule, c'est-à-dire au lobe céphalique. 

Eazers (8%, p. 31-32) donne la description d'une Euphrosyne très inté- 
ressante qu'il nomme E. friloba. Cet animal, pourvu comme d'ordinaire 
de deux yeux dorsaux et de deux yeux ventraux, possède une antenne 
impaire, pas d'antennes paires, et en avant de la bouche des « Platten »; 
ce qui est remarquable dans cette espèce, c'est la caroncule, qui est 
divisée en trois lobes complètement séparés et cylindriques. 

MAc Inrosx (94, p. 55-57) constate que les Euphrosyne n’ont pas été étu- 
diées par les procédés techniques modernes et se propose de compléter 
cette lacune. D’après ce que j'ai pu comprendre d’une description très 
peu claire, accompagnée de figures représentant des coupes non orientées 
et aussi peu histologiques que possible, l’auteur considère la caroncule 
comme représentant le lobe céphalique. Pourtant, un peu plus loin, il 
constate que les yeux sont placés à côté de la caroncule et même très 
loin, ce qui ferait penser que le lobe céphalique est formé par quelque 
chose de plus que la caroncule. 11 dit à propos des yeux que, s’il y a une 
paire dorsale et une paire ventrale, c'est que les premiers servent comme 
organe de vision du côté dorsal, les autres sont placés de manière à ce 
que l’animal s’en serve du côté ventral. Il parle de l’homologie de la 
caroncule des Euphrosyne avec le tentacule impair et unique de Spinther, 
faisant ainsi d’un appendice l’homologue du lobe céphalique tout entier. 

RacovirzA(94) étudie l’innervation des différents organes qui se trouvent 
à l'extrémité antérieure des Euphrosyne et arrive à démontrer l’homologie 
parfaite de ces organes avec ceux des Amphinomiens en particulier et des 
Polychètes rapaces en général. 


Extérieur (fig. 7-8).— L'extrémité antérieure du corps, chez cette 
espèce, est terminée en biseau, la face supérieure et la face infé- 
rieure s’inclinant l’une vers l’autre. Sur les côtés sont des groupes 
de branchies et des soies, de sorte qu’il ne reste aux extrémités ter- | 
minales que la partie médiane qui soit dépourvue d’appendices. 
Cette partie est occupée, du côté antérieur et jusqu'au niveau du 
cinquième segment, par la région céphalique de l'animal. 

Du côté dorsal (fig. 7), on apercoit une grosse masse (Org!) s’éten- 
dant du second jusqu’au cinquième segment. En avant de celle-ci, 
un appendice cirriforme, impair (4i), flanqué de chaque côté d’un 


gros œil (0e. p); en avant, une crête aplatie qui contourne l’extré- 


188 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


mité antérieure pour passer sur la face ventrale. Pas très loin de 
l'extrémité, sur cette face, se voient encore deux taches pigmentées 
(fig. 8, 0e.a), en arrière de celles-ci deux appendices (4e), de chaque 
côté de la ligne médiane et plus en arrière, s'étendant jusqu’à l’ori- 
fice buccal, deux gros coussinets arrondis (P). 

Je vais reprendre en détail chacune de ces parties. 

Les deux taches pigmentées dorsales, comme les deux ventrales, 
ce sont les quatre yeux de l'animal. Les deux yeux dorsaux sont plus 
gros que les yeux ventraux, mais tous les quatre sont pourvus de 
cristallin. Entre les yeux dorsaux se trouve un appendice qui n’est 
autre que l'antenne impaire. De forme cylindrique, cet appendice 
très épais, sans cératophore, est surmonté d'un petit article ter- 
minal en forme de bouton. Les deux appendices ventraux sont les 
antennes paires ; beaucoup plus minces que l'antenne impaire, elles 
atteignent à peine la moitié de sa longueur. Entre l’antenne impaire 
et les coussinets prébuccaux se trouve une crêle aplatie, en forme 
de bandelette, contournant l’extrémité antérieure et pourvue d’un 
très léger renflement médian et longitudinal. Cette bandelette est 
une partie de la région sincipitale très déformée. 

Sur la face ventrale etlimitant la bouche (P) en avant, sont les deux 
coussinets arrondis, charnus, qui ne sont autres que les palpes(P). 
En arrière de l’antenne impaire et sur la ligne médiane, s'étendant 
jusqu’au cinquième segment, se trouve une crête très élevée et char- 
nue, l'organe nucal ou la caroncule (Org N). Le profil (fig. 8) de l'organe 
laisse apercevoir un contour supérieur formé par une ligne courbe, 
les extrémités de la ligne s’inclinant fortement en avant et en arrière. 
Un sillon très profond, situé de chaque côté et près de la base, divise 
l'organe en trois lobes, dont l’un supérieur et médian (0gN.lm) est 
plus gros que les deux lobes latéraux (OrgN.{il) aplatis, et le dépas- 
sant latéralement. En coupe transversale l'organe aurait la forme 
d'un trèfle à trois branches. A la surface de l’organe se trouvent les 
gouttières ciliées (Vb), dont la disposition est constante chez tous les 


échantillons de cette espèce. Le lobe médian est pourvu de deux 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 189 
gouttières de chaque côté; ces appareils parcourent toute sa longueur 
et les deux qui se trouvent d’un mème côté sont d’abord parallèles, 
puis tendent à converger du côté antérieur. Chacun des lobes latéraux 
antérieurs possède deux gouttières longitudinales, l’une en dedans 
du sillon de séparation, l’autre sur la face externe du lobe. Cette der- 
nière contourne l'œil et passe ininterrompue sur la région sincipi- 
tale, qu'elle parcourt dans toute sa longueur en passant sur sa face 


ventrale, et elle ne s'arrête qu’en avant des yeux inférieurs. 


Anatomie (fig. 9-13). — Dans cette partie de l'extrémité antérieure 
du corps, que j'ai décrite comme lobe céphalique, on retrouve les 
mêmes éléments constituants que chez la forme normale. L’épi- 
derme est plus ou moins épaissi suivant que ses cellules se sont 
transformées en organes des sens ou en organes glandulaires, ou 
bien qu’elles remplissent un rôle simplement protecteur comme 
sur les autres parties du corps. À l’intérieur se trouve une cavité très 
divisée, le cælome du lobe céphalique. On y trouve aussi des muscles, 
l'encéphale et des glandes. 

Le cerveau moyen (Cm) forme une grosse masse antérieure, de forme 
irrégulière et pourvue de ganglions nombreux. Il y a deux ganglions 
dorsaux, les ganglions optiques supérieurs, entre lesquels et un peu 
avant, se trouve un petit renflement où aboutit le nerf de l’antenne 
impaire (/Vai) ; du côté ventral prennent naissance les ganglions op- 
tiques des yeux inférieurs. Un peu en arrière de ces lobes se déta- 
chent les deux nerfs des antennes impaires ({Vae) ; en avant dans 
cette partie qui correspond à l’extrémilé terminale du lobe cépha- 
lique, le cerveau moyen est en communication avec toul l’'épiderme 
de la région sincipitale. En arrière, à l'opposé de ce point, sont deux 
lobes très gros mais peu proéminents. C'est sur les flancs du cerveau 
| moyen que prennent naissance les connectifs ([Cntf;. Ges fortes 
branches nerveuses ont un parcours presque horizontal jusqu à leur 
réunion avec la chaîne ventrale (Ch. g). La région centrale du cer- 


veau moyen est formée par la substance ponctuée; la région corticale 


190 ÊMILE-G. RACOVITZA. 


est occupée par des cellules nerveuses ganglionnaires de petite taille, 
à l'exception de l'endroit où prennent naissance les connectifs, où 
l’on trouve des cellules géantes. La région postérieure du cerveau, 
celle qui forme les deux lobes peu proéminents, contient un pigment 
jaunâtre (pg). 

Le cerveau antérieur (Ca) est tout à fait ventral ; il ne peut être 
extérieurement séparé du cerveau moÿen, avec lequel il paraît ne 
former qu'une seule masse. Le gros nerf ventral (Vp) qui se rend aux 
palpes de chaque côté de la ligne médiane indique cependant son 
existence. La communication de la substance ponctuée qui en occupe 
le centre avec la substance ponctüée correspondante du cerveau 
moyen se fait sur un large espace ; il en est de même pour la couche 
corticale des cellules ganglionnairés, qui sont aussi de petite taille. 
Quelques faisceaux de fibres s’en vont dans le connectif (Cntf).'Les 
palpes (2) ont une paroi très épaisse et les cellules sensitives de forme 
très allongée y sont nombreuses. Les cellules glandulaires ont pris 
un développement tellement considérable qu'elles ont donné lieu à 
la formation d'un véritable organe (G/. P) ; leur base renflée s’est 
en effet énormément allongée et a pénétré dans la cavité générale en 
refoulant le péritoine. Les cellules de chaque palpe se sont ainsi réu- 
nies en une masse plurilobée, située de chaque côté de la ligne 
médiane et en arrière du cerveau. Le péritoine refoulé leur constitue 
une membrane commune, mais chaque cellule a gardé son orifice 
externe primitif débouchant à la surface des palpes. 

Le cerveau postérieur (Cp) Se présente comme deux masses arron- 
dies, très bien délimitées, situées au-dessus du cerveau moyen. Elles 
communiquent en avant avec ce dernier, mais sont libres en arrière 
et du côté dorsal. C’est de ce côté aussi que chacune des masses est 
en rapport avec un très gros nerf (/Vn) qui, très vite, se divise en 
deux branches dont l’inférieure (Vn. à) innerve le lobe latéral de la 
caroncuie, et la supérieure (/Vn. s) se rend à la moitié correspondante 
du lobe moyen de la caroncule. Ces deux nerfs, an moment où ils se 


séparent l’un de l’autre, se recourbent brusquement en angle droit. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES FOLYCHÈTES. 191 


Le pigment {pg) jaune, dont j'ai signalé la présence dans le cer- 
veau moyen, est ici extrêmement abondant et forme une calotte 


hémisphériqye à l'extrémité postérieure de chacun des lobes. 


Rapport du lobe céphalique avec les premiers segments soma- 
tiques. — Si chez Æ'urythoe cette question présentait quelque diffi- 
culté, la difficulté est bien plus grande dans le cas d'£'uphrosyne. Le 
lobe céphalique paraît, suivant l'expression d'Ehlers, comme un 
coin enfoncé entre les segments, les séparant complètement en 
deux parties égales. Du côté dorsal (fig. 7), le premier segment (1) est 
réduit à une petite bande tout à fait antérieure, l’axe de ses para- 
 podes étant parallèle au plan sagittal du corps ; la même disposi- 
tion est réalisée, avec moins de netleté pourtant, dans le second 
segment (Il). Les troisième et quatrième (IL et IV) chez les jeunes, 
et même le cinquième chez l'adulte, ont leurs deux moitiés plus ou 
moins obliques, mais cependant se rapprochent plus de la forme 
normale. Le cinquième chez les jeunes et lé sikième chez les 
adultes sont tout à fait normaux et n'e présentent pas de solution de 
continuité. 

Sur la face ventrale, le même phénomène se présente ; les deux 
_moitiés du second segment, mais surtout celles du premier, ont leur 
plan presque parallèle au plan sagittal du corps. Ces deux segments 
paraissent séparés au milieu par les palpes ; les troisième et qua- 
trième segments sont interrompus dans leur milieu par la bouche qui 
_ arrive jusqu'au cinquième segment, en empiétant même légèrement 
sur Ce dernier. | 

Les rapports du lobe céphalique avec les premiers segments, tels 
qu'ils viennent d’être exposés, ne sont que les rapports apparents. En 
réalité, les premiers segments anormaux contournent simplement 
sur la face dorsale le bord postérieur de l'organe nucal, el sur la face 
ventrale l'orifice buccal. Sur des coupes longitudinales on voit net- 
tement la paroi postérieure de l'organe nucal en continuation direele 


avec la paroi dorsale des segments. Cette dernière partie a été simple- 


192 ÉMILE-G. RACOVITZA. 

ment étirée et très amincie, mais, morphologiquement, l’organe 
nucal se trouve, ici comme partout ailleurs, à la limite antérieure du 
premier segment et sur la face postérieure du lobe céphalique. 

Il en est de même sur la face ventrale. Il est facile de voir que le 
milieu du quatrième segment et la partie antérieure de la région 
moyenne du cinquième se sont plissés longitudinalement, ont perdu 
leur sillon intersegmentaire et se sont enfoncés dans le vestibule 
buccal. Les trois premiers segments ont subi la même modification, 
mais d'une manière plus complète. 

Ce qui prouve encore l'exactitude de cette interprétation, c’est que 
tous ces segments reçoivent leurs nerfs de la grosse masse nerveuse 
sous-æsophagienne (résultant de la coalescence de plusieurs gan- 
glions), chose qui ne pourrait arriver si réellement les segments 
étaient interrompus sur leur ligne médiane. Il est donc certain que la 
bouche a conservé ses rapports ordinaires et qu’elle est, comme tou- 
jours, limitée en avant par la région palpaire et en arrière parle bord 


antérieur du premier segment. 


Comparaison du lobe céphalique des Euphrosyne avec celui des 
Eurythoe.— Il est facile de voir, d’après ce qui vient d’être dit, que les 
différences présentées par les deux genres se font sentir dans la situa- 
tion et la forme respective des organes, et non dans leur valeur mor- 
phologique. Dans les deux cas on a une région sincipitale pourvue de 
quatre yeux et de trois antennes ; seulement cette région est divisée 
en deux chez £'urythoe, tandis que, chez £'uphrosyne, elle à la forme 
d’une bandelette contournant l'extrémité antérieure du corps. Chez 
cette*dernière aussi, une partie de la région antérieure, au lieu de 
rester dorsale est devenue ventrale, mais les organes ont gardé entre 
eux les mêmes rapports que chez Æ£uwrythoe. L'antenne impaire est 
située aussi entre les yeux postérieurs. Les antennes paires sont aussi 
placées en avant des yeux antérieurs, dans le cas d'£'uphrosyne, des 
yeux ventraux.lIls’est produit chez cette dernière forme, un très fort 


allongement de la partie de la région sincipitale, qui correspond chez 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 193 


Eurythoe à l'espace compris entre les quatre yeux. Ces changements, 
mais aussi cette constance dans les rapports de différentes parties, se 
manifestent également dans le cerveau moyen d'£uphrosyne. La 
partie moyenne a subi un étirement en rapport avec l’étirement de 
l'aire sincipitale qu’elle doit innerver ; maisles ganglions etles nerfs 
ont gardé les mêmes connexions que chez Æ'urythoe. 

La région palpaire d’£uphrosyne a subi une notable réduction si on 
la compare à celle d’£urythoe, mais en revanche les palpes, qui la 
représentent en son entier chez la première, sont mieux individua- 
lisés et mieux séparés de la région sincipitale. Les stylodes des palpes 
manquent chez Æ£’uphrosyne. Le cerveau antérieur, par contre, est 
intimement soudé au cerveau moyen chez £uphrosyne ; il est plus 
réduit que chez £'urythoe et au lieu d’être inférieur et antérieur, il 
est devenu tout à fait ventral et postérieur. 

La région nucale est presque identique dans les deux genres ; la 
caroncule est divisée par deux sillons dans un cas comme dans l’autre, 
seulement la division est plus prononcée chez Æuphrosyne. Si cette 
dernière a en plus deux gouttières ciliées sur le lobe médian et une 
gouttière sur chaque lobe latéral, il lui manque les petits sillons en 
forme d’arc qui se trouvent sur la face supérieure du lobe moyen de 
la caroncule d’£'urythoe. Les différentes petites gouttières ciliées qui, 
chez cette dernière, sillonnaïent les deux régions du lobe céphalique, 
sont remplacées, chez £uphrosyne, par deux gouttières parallèles qui 
sillonnent toute la région sincipitale. Le cerveau postérieur présente 
des différences plus considérables qui cependant n'empêchent pas la 
stricte homologation de cet organe dans les deux genres. Il forme 
une masse compacte, bilobée, donnant deux troncs nerveux très nets 
chez £'uphrosyne ; il est à l’état diffus, pour ainsi dire, chez £'urythoe. 
Cette dissemblance doit être attribuée à une différence de degré d'’or- 
ganisation, le ganglion diffus représentant un stade plus primitif que 
le ganglion concentré et nettement individualisé. Il reste à signaler 
la différence de position. Il est en effet nettement postérieur chez 
Eurythoe et nettement supérieur et dorsal chez Æuphrosyne, mais en 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3° SÉRIE. — D. 1V. 1896. 13 


194  ÉMILE-G. RACOVITZA. 


cela cet organe n’a fait que suivre la torsion générale subie par tout 


le lobe céphalique. 


Causes de la déformation du lobe céphalique d’£’uphrosyne. — 
J'ai mentionné, dans la description d'£urythoe, que les parapodes 
antérieurs tendent à placer leur axe parallèlement au plan sagittal 
du corps, et l’on a pu voir aussi que chez cette espèce, le milieu de 
la face ventrale et dorsale des premiers segments a subi une notable 
réduction. Cette position des parapodes est très favorable aux Poly- 
chètes qui ont à fouir dans la vase, qui doivent creuser des galeries, 
comme c’est le cas pour £'urythoe. La tendance bien manifeste dans 
ce genre n'a fait que s’accentuer chez £uphrosyne, mais pour une 
cause probablement différente à celle qui lui a donné naissance. Le 
genre £'uphrosyne, dérivé de formes fouisseuses, est devenu un ani- 
mal habitant les excavations des roches et incapable de fouir ; mais 
la tendance acquise héréditairement de sa souche originelle a été 
augmentée par la vie sédentaire que mène l'animal. Lang (88) a 
montré que tous les animaux fixés tendent à prendre une symétrie 
radiaire, et dans le cas présent, le redressement des parapodes en 
avant ne peut être que favorable à l'animal qui peut présenter ainsi 
aux ennemis une surface entièrement hérissée de piquants. A l’ex- 
trémité postérieure, le même phénomène s'est produit, mais en sens 
inverse ; aussi sur toute la surface de l'animal se trouvent disposés 
les piquants aigus et calcaires. Il va sans dire qu il faut prendre cette 
explication pour ce qu'elle peut être, c'est-à-dire pour très incertaine, 
étant donné le peu d'observations qu'on a encore à ce sujet sur les 


Amphinomiens, 


Résumé. — Le lobe céphalique d'£’uphrosyne est formé par trois 
régions sensitives nerveuses : une région sincipitale en forme de 
bandelette allongée faisant le tour de l'extrémité antérieure du 
corps ; à cause de cette situation, ses organes sont placés sur le dos 


et sur la face ventrale. H y à, en effet, une antenne impaire située 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHETES. 195 


entre et un peu en avant d’une paire d'yeux, ceux-ci du côté dorsal, 
et du côté ventral une autre paire d’yeux, et plus en arrière deux 
antennes paires. Le cerveau moyen est allongé et antérieur, il 
donne du côté dorsal deux nerfs optiques et le nerf de l'antenne 
impaire, et du côté ventral deux nerfs optiques aussi et deux nerfs 
antennaires. 

La région palpaire est limitée aux palpes qui reçoivent chacun 
un nerf très gros du cerveau antérieur, ici ventral et postérieur. 

La région nucale supporte un organe nucal, ou caroncule, trilobé, 
dont le lobe médian est pourvu de quatre gouttières ciliées longi- 
tudinales et chacun des lobes latéraux de deux gouttières, dont 
l’externe se continue sur la région sincipitale jusqu'aux yeux ven- 
traux. Le cerveau postérieur est ici supérieur et formé par deux 
lobes bien délimités qui fournissent chacun un nerf pour l'organe 
nucal, nerf qui se divise en deux troncs parallèles. 

Les rapports du lobe céphalique ainsi constitué, avec les segments 
somatiques, sont les rapports normaux que cette région du corps 
possède chez tous les Polychètes. L'apparence contraire est due au 
redressement en avant des parapodes des quatre ou cinq premiers 
segments. Comparé avec le lobe céphalique d'£urythoe, le lobe 
céphalique d’£’uphrosyne montre la plus stricte homologie. Les diffé- 
rences sont peu considérables, les plus fortes étant la situation un 
peu autre des différentes parties et l’absence de stylodes palpaires 
chez cette dernière. 

Les modifications présentées par le lobe céphalique des Euphro- 
synes ont été attribuées, avec quelque doute il est vrai, d'abord à 
la tendance héréditaire acquise, tendance qu’on a pu constater aussi 
chez £'urythoe et qui se manifeste par le redressement des para- 
podes antérieurs. Cette disposition héréditaire a pu être augmentée 
par la vie sédentaire que mène ÆZuphrosyne. Quoi quil en soit, le 
genre £'uphrosyne doit être considéré comme l’aboutissant de l'évo- 


lution d'un rameau de la famille des Amphinomiens. 


196 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


b). Position systématique du genre Euphrosyne. 


Savieny (20, p. 15), le créateur du genre Euphrosyne, le classe dans la 
famille des Amphinomiens, qui rentre dans l’ordre des Annélides néréidés. 

Cette manière de voir est partagée par presque tous les auteurs jusqu’à 
l’époque actuelle,"à l'exception de quelques-uns énumérés ci-après. 

Wizziams (34, p. 174) cite dans son rapport, à propos du liquide san- 
guin, entre autres familles, la famille des Euphrosynidés. C’est pour la pre- 
mière fois qu'on rencontre ce nom de famille, mais cet auteur n’en a pas 
donné de caractéristique. C’est avec juste titre qu’on donne la paternité 
de la famille à 

KiNBERG (58, p. 14). Cet auteur, qui ne paraît pas avoir eu connaïssance 
de Ja mention de Williams, caractérise la famille de la manière suivante : 
« Lobus cephalicus compressus ; antennæ et palpi nulli, branchiæ in seg- 
mento quoque plures ; pedes cristæformes, transversa. » Cette caractéris- 
tique, comme on peut le voir, est tout à fait inexacte. 

SARs M. (62, p. 58) n'accepte pas la nouvelle famille. Il soutient avec rai- 
son que les différences présentées par les parapodes et les branchies sont 
insuffisantes pour séparer Euphrosyne des Amphinomiens, et les autres 
caractères que donne Kinberg, c’est-à-dire l’absence de palpes et d’an- 
tennes, reposent sur une inexacte observation et non sur les dispositions 
réelles. Ces considérations sont tellement probantes que 

KinBEerG (6%, p. 83-91) revient sur son opinion et fait des Euphrosyne un 
simple genre d'Amphinomiens. 

MALMGREN (6, p. 127) place aussi Spinther dans la famille des Euphro- 
synidés. 

Malgré la rétractation de Kinberg, certains auteurs ont continué à classer : 
Euphrosyne à part; cependant, la majorité n’a pas admis cette famille. 
Parmi les derniers auteurs qui se sont occupés de la question, 

LEVINSEN (84, p. 123) admet la famille des Euphrosynidés, mais en 
ajoutant que c’est dans un but plutôt pratique, et y place, comme Malm- 
gren, le genre Spinther. : 

Mac Inrosu (85, p. 1) maintient la famille des Euphrosynidés et donne 
comme diagnostic « leur forme courte, ovoide, rendue épineuse par des 
soies caractéristiques, les rangées de branchies dorsales et la tête caron- 
culée ». 


On a vu, dans la partie consacrée à l’anatomie du lobe cépha- 
lhique, qu'il fallait considérer £'uphrosyne comme un rameau du 


tronc des Amphinomiens, évolué dans une direction très définie. 


LOBE CÉPHALIQUE ÉT ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 197 


E‘uphrosyne nous présente une forme adaptative très spécialisée qui 
ne peut être considérée, étant complètement isolée, comme le 
commencement d’un groupe, ce qui justifierait plus ou moins sa 
séparation des Amphinomiens. C’est une forme complètement isolée, 
puisque, comme on le verra plus tard, Spinther n'a aucune relation 
directe avec elle. 

Il me semble donc inutile et même fâcheux de séparer £'uphro- 
syne des Amphinomiens et de détruire ainsi la limitation très natu- 
relle de cette famille. 

Ces résultats systématiques, qu'on peut tirer de l'étude du lobe 
céphalique, sont confirmés par l’étude des autres organes; il ny a 
_ pas lieu ici d’insister sur ce sujet, mon étude se bornant autant 


que possible au lobe céphalique. 


2° Spinther miniaceus Grube. 


(PI, IL, fig. 22-26.) 


a) Lobe céphalique. 


Historique. — V. GRAFF (88) a fait une monographie systématique et 
anatomique de tous les Spinther connus; on y trouvera aussi l'historique 
très complet de la question, ce qui me dispense de le refaire ici. 

V. Graff décrit à l'extrémité antérieure du corps une raie médiane nue, 
sur laquelle, du côté dorsal, se trouve le tentacule, et juste en dessous, 
sur la face ventrale, la bouche. Les sesments ayant la forme de coins, cet 
orifice est situé en réalité en arrière du premier segment terminal et à 
contour triangulaire, et non pas dans le troisième segment, comme cela 
paraît à première vue. 

Le cerveau, qui est situé en dessous du tentacule, est formé par trois 
lobes antérieurs et trois lobes postérieurs. Le lobe impair antérieur fournit 
les deux nerfs optiques, les lobes latéraux servent d'origine aux connec- 
tifs. Les deux nerfs pharyngiens prennent naissance chacun dans le lobe 
médian postérieur. 

La coupe du tentacule montre une ressemblance assez grande avec la 
coupe des lamelles dorsales, seulement l’épiderme est moins bien déli- 
mité du côté interne, et la cavité interne du tentacule est remplie de tissu 
conjonctif. Des muscles, provenant des septa dorso-ventraux du segment 


198 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


céphalique, pénètrent à l’intérieur du tentacule et en font un organe très 
contractile. 


La forme elliptique des Spinther, comme celle d’Euphrosyne et comme 
celle des Myzostoma, qu’il considère comme voisines des premiers, est due 
au genre de vie sédentaire de ces animaux. 


Mac Inrosx (94, p. 57) prétend que la caroncule des Euphrosyne est 
l’homologue du tentacule des Spinther, seulement la structure de ce der- 
nier est moins complexe. 


RacoviTzA (94) soutient que, chez Spinther, les palpes, les antennes 
paires et la caroncule des Amphinomiens ont disparu, et que seule l’an- 
tenne impaire persiste. Le genre Spinther n’a de commun avec Euphrosyne 
que la dérivation d'Amphinomiens à corps allongé, mais leur filiation 
n'est pas directe. Il admet l'opinion de v. Graff, que la forme elliptique 
de ces animaux est dérivée d’une forme allongée, et il admet aussi que 
c'est la vie sédentaire qui a amené ces changements. 


Extérieur (fig. 22-23). — Spinther miniaceus a une forme presque 
régulièrement elliptique, et suivant l'expression de v. Graff, les 
lames dorsales forment du côté antérieur et postérieur deux points 
de convergence, les foyers de l’ellipse. Le grand axe est cependant 
dépourvu de lames; il forme une bande unie sur la ligne médiane 
dorsale, sur laquelle se trouve située l'antenne (fig. 29, Ai) avec les 
yeux de l’animal.Cet appendice, qui décèle à l'extérieur la présence 
d’un lobe céphalique, est situé un peu en arrière de l'extrémité 
antérieure, entre le prolongement de la seconde et de la troisième 
lame dorsale. Il présente un sommet conique, un milieu légère- 
ment renflé, et une base un peu rétrécie; très mobile, cet appen- 
dice, rabattu.en avant, arrive jusqu'à la base de la première lame. 
Quatre yeux sont situés à l'endroit où il s’insère sur la paroi dor- 
sale; deux situés en avant (0e. a) et deux autres situés en arrière 
de sa base. En avant de l’appendice, l’espace sans lamelles con- 
tourne l’extrémité antérieure et va jusqu’à la bouche. A sa surface, 
à partir d’une certaine distance de l'extrémité antérieure sur la face 
dorsale, et sur toute son étendue à la face ventrale, se trouvent 
disposés des bouquets de cils (fig. 24, Vf.) que ni v. Graf, ni les 


auteurs antérieurs ne mentionnent. Ces petits appareils ont une 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 499 


disposition très régulière; ils forment des rangées transversales 
successives qui sont plus importantes du côté ventral que du côté 
dorsal. La bouche (fig. 23, 2) est située en face du troisième para- 
pode. Elle est pourvue, en avant et en arrière, d’une lèvre formée 
par un épaississement de l’épiderme. 

C'est tout ce qu’on peut constater à l'extérieur ; je vais passer 


maintenant à l’étude anatomique de cette région. 


Anatomie (fig. 24-26). — L’encéphale (C) est situé en avant eten 
dessous de l’appendice impair. Il est pourvu de lobes nombreux qui 
lui donnent une apparence bosselée. On peut y distinguer une partie 
centrale formant sa masse principale. Cette partie, située en avant 
de l’appendice impair, forme du côté antérieur une proéminence, à 
bord antérieur obtus, qui du côté postérieur et inférieur se prolonge 
en deux gros lobes se continuant à leur tour par les connectifs (Cntf). 
En haut et en arrière, cette masse centrale forme quatre lobes bien 
développés, les quatre ganglions optiques. Entre les ganglions 
optiques antérieurs et les ganglions optiques postérieurs, un nerf 
bien développé se rend de chaque côté à l’appendice impair (Ai). Du 
côlé tout à fait postérieur et en dedans des ganglions optiques, deux 
petits lobes se continuent en deux nerfs pharyngiens. 

Les cellules ganglionnaires forment, dans l’encéphale ainsi consti- 

tué, une enveloppe antérieure, supérieure et latérale ; la substance 
ponctuée est surtout développée en arrière et en bas. 
_ Les yeux sont tous les quatre pourvus de cristallin. A leur limite 
postérieure s'effectue le contact avec le lobe optique, ce qui fait 
qu’à cet endroit le cerveau est en relation directe avec l’épiderme. 
Le nerf optique qui occupe le centre du ganglion est extrêmement 
court. 

L'antenne (Ai) est creuse, sa paroi est formée de cellules de sou- 
tien et de cellules glandulaires, avec, à la partie inférieure, une 
accumulation de cellules nerveuses. C’est, au fond, une structure 


identique à celle d’une paroi d’organe sensitif quelconque. L’extré- 


200 ÉMILE-G, RACOVITZA, 


mité possède une paroi beaucoup plus épaisse, et les cellules qui la 
composent sont très allongées et prennent tout à fait le caractère 
des cellules qui forment les cirrostyles des antennes chez les autres 
Polychètes. Les cellules de la paroi forment comme toujours une 
membrane basale, qui ici n'a pas acquis encore une individualité 
bien marquée, car les fibres qui la composent forment un tissu lâche. 

La cavité interne de l’appendice communique avec la cavilé gé- 
nérale céphalique, et donc aussi avec la cavité générale du corps. 
Cette cavité cependant est presque virtuelle, car elle est remplie par 
un tissu (#m. Mo) ayant l'apparence parenchymaleuse, que v. Graff 
a appelé ‘issu conjonctif. C’est un tissu formé de fibres ramifiées, 
accolées les unes aux autres, et formant des mailles irrégulières. 
Tous ces filaments prennent leur origine, par trois ou quatre, autour 
d’une partie allongée contenant un noyau. Regardé de plus près, on 
voit que cet enchevêtrement n’est produit que par l’état de contrac- 
tion dans lequel se trouve l’appendice impair, et que la disposition 
des fibres est en réalité régulière. On voit, en effet, chaque élément 
cellulaire filamenteux, qui forme le prétendu tissu conjonctif, s'unir 
d’un côté à la membrane basale au moyen de filaments qui s’intri- 
quent avec les filaments des cellules épidermiques, et d'un autre 
côté, ces éléments se réunissent en pelits groupes, de plus en plus 
nets vers la base de l’appendice. À cet endroit, ils forment deux 
faisceaux (#s. Mo), assez larges, situés en dedans des ganglions op- 
tiques postérieurs, et passant entre eux. Ils embrassent la partie posté- 
rieure de l’encéphale et vont s’insérer, de chaque côté de la trompe, 
sur des plis du vestibule buccal. Dans le trajet, à partir de l’encé- 
phale jusqu’à leur insertion externe, ces fibres de grêles et incolores 
qu’elles étaient dans l’appendice impair, deviennent plus épaisses et 
sont fortement colorées par l’éosine. Les noyaux plus petits et légè- 
rement ovalaires à l’intérieur de la cavité de l’appendice sont très 
allongés et très grands à l'extérieur. 

La description qu'on vient de bire et les figures qui accompagnent 


ce mémoire feront immédiatement comprendre que ce tissu n'est 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 201 


pas du tissu conjonctif, comme le veut v. Graff, mais que c’est un 
amas de véritables fibres musculaires. 

La structure des petites cupules ciliées, qui forment des rangées à 
l'extrémité antérieure du sillon céphalique, est extrêmement simple. 
On remarque sur des coupes (fig. 26), passant à travers la cupule, que 
la cuticule s’amincit beaucoup pour laisser passer les cils vibratiles 
que fournit une grosse cellule (C{. v), pourvue d’un noyau très grand 
et complètement rond. La chromatine est distribuée en toutes petites 
sphérules, les nucléoles manquent, le plasma est finement granulé. 
Ces cellules, qui forment les cupules ciliées, sont bordées tout au- 
tour par les cellules de soutien ordinaires (Cl. s) de l’épiderme. Les 
cellules desoutien sont beaucoup plus minces et possèdent un noyau 
ovale, à chromatine distribuée en grains grossiers. 

En dedans de la crête céphalique, lorsqu'on a dépassé l’épiderme 
avec ses cellules ciliées, on ne trouve sur la basale que des fibres 
musculaires formant, surtout du côté antérieur, un treillis serré. Les 
éléments musculaires ressemblent assez aux fins éléments qu'on à 
appris à connaître à l’intérieur de la cavilé antennaire. 

Je tiens à signaler encore de petits amas de pigment qui se trou- 
vent dans l’épiderme en avant de la bouche. Chaque amas est formé 
par des sphérules jaunes, intimement accolées ensemble, sphérules 
qui, à l’exception de la couleur, n’ont rien de commun comme as- 
pect avec le pigment oculaire. La signification de ces amas de pig- 
ment m'est complètement inconnue. 


Rapport du lobe céphalique avec les premiers segments soma- 
tiques. — V. Graff considère les segments comme ayant la forme de 
coins. Il compte un segment antérieur dépourvu de lames dorsales 
qui serait le premier segment du corps ; c'est en arrière de ce seg- 
ment que se trouverait la bouche. 

Gette conception n'est pas tout à fait exacte. Le « premier seg- 
ment » n’a pas en réalité la forme de coin, et puis, c’est une partie 


du lobe céphalique comme on le verra plus tard. Le premier seg- 


202 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


ment du corps est pourvu, comme tous les autres, de deux lames 
dorsales, et ses moitiés droite et gauche sont dirigées en avant de 
manière à être presque parallèles à l’axe longitudinal du corps ; ces 
deux moitiés de segment ont bien la forme de coins. Les deux moi- 
tiés du second ont la même forme, mais sont placées un peu plus 
obliquement. La situation des deux moitiés du troisième segment 
est presque transversale et celle du quatrième l’est tout à fait. Plus 
les moitiés de segment se placent dans le plan transversal du corps 
et plus l'expression de segments en forme de eoin devient inexacte. 
En effet, dans le quatrième segment par exemple, les deux moitiés 
s’unissent sur la ligne médiane suivant un espace assez considérable. 
Cet espace diminue dans les segments antérieurs, mais on ne doit pas 
moins considérer les deux moitiés de ces segments, non comme 
présentant une solution de continuité, mais comme réunis par un 
pont de substance aussi peu important qu’on voudra l’imaginer. 

Revenons maintenant à ce que v. Graff appelle le premier seg- 
ment. 

Sur les coupes transversales on voit que ce « premier segment » 
est limité sur les côtés, jusqu'aux environs de la bouche et de l’an- 
tenne, par des tractus musculaires dorso-ventraux et par les bulbes 
sétigères du premier segment. Ces organes constituent deux parois 
paæallèles limitant entre elles un espace en communication ouverte 
avec la cavité générale du corps; souvent même les produits géni- 
taux mâle et femelle y sont accumulés. Cette cavité contient plu- 
sieurs organes : d’abord tout à fait en avant des muscles qui suivent 
le contour de la paroi et d’autres muscles qui croisent les premiers 
en formant des tractus obliques ; on trouve ensuite la poche pharyn- 
gienne (fig. 20, 7>) qui occupe strictement l’espace décrit et qui 
s'étend d’une certaine distance en arrière de l’extrémité antérieure, 
jusqu'en arrière de l'antenne; au-dessous de cet organe se trouve 
l’encéphale, qui,comme on sait,est placé en avant de l’antenne.Rien 
de ce que j'ai décrit ne rentre dans la catégorie des organes pairs ; 


même les muscles forment une masse dont la disposition présente 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 203 


un centre unique. Il n’est donc pas possible de considérer cette 
région comme faisant partie de la région métamérique du corps. Il 
résulte de là que le premier segment vrai doit se trouver en dehors 
de cette région, il faut le considérer comme ayant contourné 
cette partie, sa moitié postérieure s'étant étirée et très fortement 
amincie. Il en est de même des deuxième et troisième segments, 
mais dans une proportion beaucoup moindre ; comme je l’ai déjà 
dit, le quatrième est normal. La vérification de ces interprétations 
peut être donnée aussi par l'étude des dissépiments musculaires, 


Car elle mène exactement au même résultat. 


Comparaison du lobe céphalique des Spinther avec celui des 
ÆE'uphrosyne et des Eurythoe. — Comme on l’a vu dans les paragra- 
phes précédents, le lobe céphalique du type normal, ainsi que celui 
du premier type anormal, était délimité de la façon suivante : laté- 
ralement par les sillons intersegmentaires ou les dissépiments du 
premier segment et par les bulbes sétigères parapodiaux ; en arrière 
par le bord postérieur de l’organe nucal, considéré à son insertion, 
et par la bouche. Si l’on délimite de la même manière la région anté- 
rieure, le « premier segment » de v. Graff, chez Spinther, on obtient 
une région comparable à celle mentionnée plus haut, mais qui pré- 
sente cependant des différences importantes. On doit constater 
d’abord la disparition complète de toute la région sensitive anté- 
rieure ou région palpaire; cette région sensitive a été remplacée 
par une région indifférente, La région nucale a disparu de même et 
il n’en reste plus de trace, mais la région sincipitale existe, la pré- 
sence des yeux suffit à le démontrer. Ces organes sont facilement 
homologables avec les organes correspondants des Amphinomiens. 

La question de l’appendice impair demande à être examinée de 
plus près. Comme on l’a déjà dit, c’est un appendice creux, possé- 
dant à son intérieur un appareil musculaire très bien développé ; il 
est donc plus qu’une simple antenne et ne peut être homologué, du 
moins en son entier, avec l’organe correspondant d’£urythoe. Il doit 


204 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


être considéré comme le produit de l’étirement de la partie sinci- 
pitale qui se trouve située entre les quatre yeux. L'’antenne impaire 
d'£Eurythoe serait seulement l'homologue de la partie tout à fait su- 
périeure, le faible cératostyle de cet organe ; la base représenterait 
toute la surface de la région supérieure du lobe céphalique d’£ury- 
thoe. L’organe impair du Spinther serait homologue aussi avec tout 
le grand espace compris entre les yeux supérieurs et les yeux infé- 
rieurs d'£'uphrosyne. Les muscles qui se trouvent dans l’organe se- 
raient naturellement homologues des muscles dorso-ventraux de la 
région sincipitale, et la continuation de la même bande musculaire 
que j'ai décrite chez £'uphrosyne à l’intérieur de la caroncule. La 
présence des gouttières ciliées sur le reste du lobe céphalique, 
maintenant on peut l'appeler ainsi, montre que des restes de 
propriété sensitive se sont conservés dans cette région. Ces gout- 
tières peuvent aisément être comparées aux gouttières qui se trou- 
vent sur la région sincipitale aussi bien chez £'uphrosyne que chez 
Eurythoe. 

L'étude du cerveau conduit au même résultat ; il n’est plus pos- 
sible de retrouver ni le cerveau antérieur, ni le cerveau postérieur; 
seul le cerveau moyen est représenté et ses lobes ont gardé la même 
disposition que chez £'urythoe et que chez £'uphrosyne. Les deux 
nerfs, qui innervent l’appeudice impair, se rendent entre les gan- 
glions optiques antérieurs et postérieurs, ce qui justifie pleinement 


l'interprétation donnée de cet appendice. 


Cause de la déformation du lobe céphalique des Spinther. — 
Les causes de cette transformation doivent être attribuées, comme 
pour £uphrosyne, à la vie sédentaire que mène ce Polychète. Vivant 
dans les oscules des Z'sperella et autres Éponges, l'animal se fixe avec 
ses crochets pointus et recourbés, à la paroi du corps de son hôte 
et ne bouge plus de l'endroit qu’il a choisi. Sa nourriture est formée 
exclusivement de la chair de l'Éponge, comme le montre la grande 


quantité de spicules qui remplissent son tube digestif. Cet animal 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 205 
est un vrai parasite et il a subi le sort commun des parasites, c’est- 
à-dire une réduction très forte du système nerveux. 

J'ai assez insisté à propos d'£uphrosyne sur lies conséquences de 
la vie sédentaire au point de vue de la symétrie radiaire pour ne 


plus avoir à y revenir. 


Résumé. — Le lobe céphalique des Spinther a la forme d'une 
bande étroite limitée par les parapodes du premier segment qui se 
sont placés dans un plan parallèle au plan sagittal du corps. La ré- 
gion sincipitale est la seule région qui soit nettement représentée. 
Elle porte quatre yeux situés à la base d’une antenne impaire, pour- 
vue d’un cératostyle très peu développé et d’un cératophore consti- 
tuant presque toute sa longueur. Sur le reste de la surface du lobe 
Céphalique se trouvent des petites fossettes ciliées, probablement 
homologues des fossettes ciliées de la région sincipitale des autres 
Amphinomiens. 

Le cerveau est réduit au cerveau moyen et il est pourvu de quatre 
ganglions optiques et de deux nerfs antennaires. Les rapports du 
lobe céphalique avec les premiers segments du corps sont normaux, 
c'est-à-dire que la bouche est située toujours en arrière du lobe 
céphalique qui est limité en arrière, et du côté dorsal, par le bord 
extérieur du premier segment. 

La comparaison avec £'urythoe et Euphrosyne a montré d’un côté 
une ressemblance par l'homologie des régions sincipitales et une 
différence constituée par l'absence de région palpaire et nucale. 
Ces modifications sont dues à la vie sédentaire et parasitaire que 


mène cet animal. 


b) Position systématique du genre Spinther. 


JOHNSTON (45, p. 10) place Spinther dans la famille des Aphroditiens, ce : 
qui, dit-il, ne fait aucun doute. Il constate qu'ils sont dépourvus d’élytres, 
ce qui les rapproche du genre Palmyra. 

SARS M. (50, p. 120) rapproche Spinther des Euphrosyne. 


206 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


. GRUBE (50, p. 39) rapproche ce genre des Amphinomiens ou Chlo- 
ræmiens (!). 

Sars M. (62, p. 54) fait remarquer qu'il a été le premier à placer le 
genre Spinther parmi les Amphinomiens; il considère Euphrosyne comme 
la forme la plus rapprochée. | 

QuarTrerAGEs (65a, p. 594) place le genre Spinther dans la famille des 
Chloræmiens, parmi les Incerte sedis et le genre Cryptonota de Stimpson 
(Cryptonata citrina = Spinther Oniscoiïdes Johnston), comme Incerte sedis 
parmi les Amphinomiens (!). 

Le même auteur (65, t. I, p. 486-487) répète la même chose pour le 
genre Spinther, et place au même endroit (p. #12) le genre Cryptonola. 
Dans le tome II (p. 661), il maintient que les deux genres mentionnés plus 
haut sont différents. 

CLAPARÈDE (6%, p. 60) considère les trois genres Cryptonota, Oniscosoma, 
Spinther, comme devant fornrer un seul genre dont la place est à côté des 
Euplurosyne, dans la famille des Amphinomiens. 

QUuATREFAGES (65b, p. 211-279) maintient ses affirmations contre Clapa- 
rède. 

MAazuGren (6%, p. 1-2) place Spinther dans la famille des Euphrosynidés. 

Mac Ixross (27, p. 373) accepte la famille des Euphrosynidés compre- 
nant aussi le genre Spinther. 

V.GRAFF (88, p. 60-61) constate que le bord supérieur très irrégulier des 
lames dorsales du Spinther est un premier indice de leur division en 
branchies chez d’autres types, comme Euphrosyne par exemple. Cela 
donne à penser qu'il considère cette dernière comme dérivée du Spinther 
Les différences extérieures qu'il constate entre les deux genres se pré-. 
sentent, d’après lui, dans les branchies et les épines dorsales, isolées 
chez l’une et réunies chez l’autre, et dans l'absence des parapodes 
charnus chez Euphrosyne. Il constate pourtant que les connaïssances 
qu'on à sur Euphrosyne sont trop insuffisantes pour établir une filiation 
certaine. 

AACOVITZA (94, p. 1227) affirme que le genre Spinther n’a de commun 
avec le genre Euphrosyne que l’origine commune amphinomienne, mais 
qu'il n’y à aucune relation de descendance directe entre ces deux formes. 


De tout ce qui a été dit plus haut sur le lobe céphalique et de 
. tout ce qui ressort de l'étude des autres organes, étude sur laquelle 
nous n'avons pas à insister ici, il résulte clairement que Spinther 
est un Amphinomien, aussi est-il inutile de discuter l'opinion de 


Quatrefages. Cet auteur s'est trompé en le rapprochant des Chlo- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 207 


ræmiens.Il s'agit de résoudre une autre question, celle de sa parenté 
avec Æuphrosyne. 

On pourrait supposer que les tendances présentées par Æ£uphro- 
syne, c’est-à-dire le redressement des pieds antérieurs, se sont beau-: 
coup plus accentuées chez Spinther, et conclure de là que ce dernier 
dérive de la première forme. La position des yeux avec leurs gan- 
glions optiques et l’étirement de la région sincipitale d'£wphrosyne, 
qu’on ne retrouve pas chez Spinther, ne permettent pas cette hypo- 
thèse. SiSpinther dérivait d’£'uphrosyne,ilne pourrait pas avoir quatre 
yeux dorsaux, et son encéphale ne pourrait pas former une masse 
compacte et arrondie ; il faut donc que Spinther descende d’un Am- 
phinomien normal, pourvu de quatre yeux dorsaux et d’un encé- 
phale compact. 

Quelle peut être cette forme ? Pas plus que pour £uphrosyne, je 
ne prends la responsabilité d'avoir une opinion sur ce sujet. D'abord 
parce que les matériaux suffisants me manquent et ensuite parce 
que les travaux de mes devanciers sont absolument inutilisables à 
ce point de vue. Quoi qu'il en soit, et pour me résumer, on peut 
dire que les Spinther sont des Amphinomiens qui n’ont pas de pa- 
renté directe avec Z'uphrosyne ; les deux formes, cependant, doivent 
descendre d’Amphinomiens normaux. Leur ressemblance extérieure 
n’est due qu’à une convergence produite par un genre de vie ana- 
logue. 

Il n’est pas possible de créer pour l’une ou l’autre de ces formes 
une famille distincte. Il faut les laisser comme formes aberrantes 


parmi les Amphinomiens. 


B. — Position systématique de la famille des Amphinomiens. 


SAVIGNY (20), le créateur de la famille des Amphinomiens, la classe dans 
l’ordre des Annélides Néréidés (Polychètes rapaces ou errants 
… forme, à elle seule, la seconde section de cet ordre. 

AupouiN et Mizxe Enwarps (34) placent les Amphinomiens à côté des 
Aphroditiens et sont souvent tentés, dans leur description, d'établir des 
analogies entre les deux familles. 


), où elle 


/ 


208 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


L'immense majorité des annélidologues a suivi, sur ce point, les deux 
auteurs précédents, sans discuter sérieusement, il est vrai, la parenté de 
cette famille. 

LEvinsen (83, p. 180) est cependant d’un avis différent. Il groupe les fa- 
- milles de Polychètes en sections correspondantes à onze types différents. 
L'une des sections est constituée par les Amphinomiformia qu'il divise en : 
1° Amph. vera (Famille des Amphinomidæ et des Euphrosynidæ), et 20 Amph. 
arenicolina (Famille des Telethusæ et des Scalibregmidæ). La section est néan. 
moins placée à côté des Aphroditeformia. Ce rapprochement curieux et nul- 
lement justifié des Amphinomiens et des Arénicoles et Scalibregmidés pa- 
raît séduire : 

EnLers (8%, p. 18), qui déclare qu'il ne peut se résoudre à mettre les Am- 
phinomiens parmi les Rapacia, « Zu prüfen ist wohl noch näher die von 
Levinsen vorgeschlagene Verbindung der Amphinomeen mit Telethusen 
und Scalibregmiden ». 

Racovirza (94) montre que le lobe céphalique des Amphinomiens est un 
lobe céphalique de Rapacia typique. 

Eucers (95%), tout en admettant cette conclusion, dit que : « Wenn sie 
{les Téléthusiens) überhaupt nähäre Beziechungen zu den Amphinomiden 
« haben », ils (les Téléthusiens) pourraient être de formes rapaces ayant 
perdu leurs appendices. 


Le lobe céphalique des Amphinomiens, tel qu’il vient d’être décrit 
dans la partie anatomique de ce travail, est un lobe céphalique de 
Polychète rapace typique. Cela ne peut faire l’ombre d’un doute. 
Quant à déterminer les liens génétiques qui unissent cette famille 
aux autres, cela n’est pas facile pour le moment. On est tenté de 
la rapprocher des Aphroditiens à cause de la constitution du lobe 
céphalique, des parapodes, de l’aspect général du corps. mais il 
faut bien se garder d'étendre trop ces rapprochements. Tout ce 
qu'on peut dire, c'est que la famille des Aphroditiens est celle gui 
en diffère le moins. Malgré cela, il ne me paraît pas nécessaire de. 
faire pour les Amphinomiens un sous-ordre distinct comme l'a 
fait Harscaecr (93), car les Euniciens, par exemple, sont aussi diffé- 
rents des Aphroditiens que les Amphinomiens. 

Quant au rapprochement avec les Arénicoles, rien ne le justifie. 
Les Arénicoles doivent être rapprochées des Maldaniens et non des 
Polychètes rapaces. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 209 


Il. Famille des Palmyriens. 


Cette famille comprend cinq genres (Dysponetus, C'hrysopetalum, 
Palmyra, Bhawania, Paleanotus) qui sont très différents les uns des 
autres. Il ne m'a été possible de me procurer que des échantillons 
de l’unique genre représenté dans la Méditerranée, le genre CAryso- 
petalum. La différence que présente ce dernier, au point de vue du 
lobe céphalique, avec le genre Palmyra est si grande, à en juger 
du moins d'après les descriptions contradictoires et hésitantes des 
auteurs, que je me suis abstenu de parler, dans ce paragraphe, de 
toute la famille et je me suis borné, en considérant Chrysopetalum 
comme une forme isolée, à étudier son lobe céphalique et à déduire 
les conséquences systématiques de cette étude. On verra plus tard 
si les conclusions peuvent s'appliquer aux autres genres ou si une 
organisation complètement différente fera distinguer les formes et 
disloquer cette famille qui, à part la présence de palées, ne peut 


être définie par aucun caractère général. 


Chrysopetalum debile (Grube) ‘. 


(PI. III, fig. 27 ; pl. IV, fig. 28-33.) 


a) Lobe céphalique. 


Historique. — GRUBE (55, p. 90-91) décrit sous le nom de Palmyra de- 
bilis n. s. une espèce de Polychète pourvu de palées. C’est le premier Pal- 
myrien trouvé dans les mers d'Europe. Sa description du lobe céphalique 
est la suivante : « Lobus cephalicus transverse ovalis, oculis 2 minimis, 
tentaculis 5 inferioribus 2 multo crassioribus articulo basilari insidentibus, 
superioribus 3 filiformis bassim versus tumidis. » Cette espèce trouvée à 
Nice est certainement la même que celle décrite par : 

EgLers (64, p. 81-82) sous le nom de Chrysopetalum fragile, n.g. n. s. Get 
auteur décrit très exactement le lobe céphalique et interprète correcte- 
ment les appendices. Il n’a pas vu cependant l’organe nucal. 

CLAPARÈDE (64, p. 123-127) décrit deux formes qu'il a trouvées à Port- 
Vendres et il donne comme caractéristique de la première, Palmyra (Pal- 


1 Est synonyme du Chrysopelalum fragile Ehlers. 


ARCH. LE ZOOL. EXP, ET GEN. — 30 SÉRIE, — T. 1V,. 1896. 14 


210 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


myrides) Portus-Veneris n.s., cinq antennes, et deux coussinets qui ne sont 
‘que les palpes d’Ehlers, et caractérise la seconde, Palmyra (Palmyropsis) 
Evelinæ n. s., par deux antennes paires et deux lobes frontaux tentaculi- 
formes qui représentent aussi les palpes. Ces descriptions des appendices 
du lobe céphalique reposent manifestement sur des erreurs. Il ne peut y 
avoir doute pour moi qui ai examiné la faune des Annélides de Port-Ven- 
dres et de Nice (Villefranche), que ces deux espèces de Claparède ne se con- 
fondent avec celles d'Ehlers provenant de l’Adriatique et celle de Grube 
qui vient de Nice. Quoi qu'il en soit, Claparède n’a pas vu l'organe nucal. 

QUATREFAGES (65, t. [, p. 296) ne veut absolument pas que les appendices 
inférieurs, très bien décrits et figurés par Ehlers, puissent être des palpes. 
Il fait des comparaisons tout à fait illégitimes en disant qu'ils sont plutôt 
homologues « du gros cirre inférieur des premiers pieds des Palmyres », 
à moins que ce ne soit des tentacules, c’est-à-dire, d’après la nomenelature 
de l’auteur, des cirres tentaculaires, homologie qui, étant donné la posi- 
tion de ces appendices, est aussi inexacte que la première. 

LaNGERHANS (80, p. 278-279) fait observer que chez Chrysopetalum fra- 
gile les yeux antérieurs sont plus grands que les postérieurs, et voit pour 
la première fois l'organe nucal qu’il nomme « occipital Prominenz », mais 
sans en apercevoir les cils et sans se douter de sa valeur. Il décrit en 
même temps sous le nom de Chrysopeltalum cæcum n. s. une forme à lobe 
céphalique dépourvu d’yeux et à palpes pourvus d'un article basilaire. I} 
est fort douteux que cette forme soit une bonne espèce. 

LANGERHANS (84, p. 254) trouve dans les palpes de Chrysopetalum fragile, 
près de leur extrémité, un organe pigmenté auquel se rend un nerf; l’au- 
teur n'hésite pas à dire que cet organe est un œil (!) sans que sa position 
inusitée le fasse hésiter le moins du monde. Inutile d'ajouter que cet œil 
n'existe pas. 


Extérieur. (fig. 27-28). — Ni le lobe céphalique ni ses appendices 
ne sont visibles à l'extrémité antérieure du corps, car les palées 
forment une couverture complète à cette région du corps de l’ami- 
mal; mais si l’on enlève ces productions, on aperçoit immédiate- 


ment le lobe céphalique de forme ovoïde, d’un quart plus long que 


large. Sa surface est bomhée, et ce qui frappe au premier abord, 


ce sont quatre gros yeux disposés en une paire antérieure et une 


paire postérieure. La paire antérieure est plus rapprochée du bord 
antérieur que ne l’est la postérieure du bord correspondant. Les 
yeux de chaque paire sont très près les uns des autres et situés de 


\ 


à 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 2411 


chaque côté de la ligne médiane. Les antérieurs sont plus grands 
que les postérieurs, et leur axe optique est dirigé en avant et en 
dehors, tandis que l'axe optique des yeux postérieurs est dirigé en 


haut. Un peu en arrière et entre les yeux antérieurs se trouve un 


court appendice conique, l’antenne impatre (At). En avant des yeux 
antérieurs, et tout à fait sur le bord antérieur, sont implantés deux 
appendices ayant plus de deux fois la longueur de l'antenne im- 
paire, ce sont les antennes paires (Ae) qui ont une base renflée et un 
sommet effilé à la surface duquel on remarque de légères traces 


d’articulation dues à la présence de poils sensitifs. 


Voilà ce que l’on voit sur la face dorsale de l'extrémité antérieure. 
Sur la face ventrale on remarque une sorte de gouttière peu pro- 
fonde qui aboutit entre les antennes paires. En arrière de ces ap- 
pendices et un peu en dehors, sur les flancs de la gouttière, sont deux 
gros appendices (?} cylindriques, à bords lisses et à sommet arrondi. 
L'extrémité en est très rétractile, et alors on observe au sommet 
des appendices une légère dépression, ces gros cylindres sont les 
palpes. La gouttière, que j'ai signalée plus haut, se continue jusqu’à 
la boucle (2), limitée en arrière par un rebord triangulaire (Q) du 
cinquième segment, rebord qui forme comme une sorte de lèvre 
ou de clapet recouvrant lorifice buccal. 

Le lobe céphalique est encore complété par un appendice sphé- 
rique (Org N) situé du côté dorsal, à sa limite postérieure, juste en 
face de l'antenne impaire. Le diamètre de cet organe est compris 
deux fois dans la longueur du lobe céphalique. Une bande ciliée 
(W6) très épaisse fait le tour de l'équateur de cet appendice sphé- 
rique qui n’est autre que l'organe nucal. La bande ciliée, pourvue 
de très grands cils, véritables flagella, est placée dans un plan trans- 
versal par rapport au corps. Une autre bande ciliée d’épaisseur 
beaucoup moindre s'étend transversalement sur toute la surface 
dorsale du lobe céphalique. Elle le divise en une moitié antérieure 
et une moitié postérieure. 


2192 ÉMILE-G. RACOVITZA. 

Anatomie (fig. 29-33). — Le lobe céphalique contient l’encé- 
phale, des muscles et un prolongement de la cavité générale. Cette 
dernière est excessivement réduite, et du côté dorsal et antérieur 
presque virtuelle. L’encéphale de cette espèce est très compact, 
les différents lobes sont serrés les uns sur les autres, mais néan- 
moins les trois cerveaux sont d’une netteté parfaite. 

Le cerveau moyen (Cm) occupe toute la partie supérieure du lobe 
céphalique. On peut y distinguer, vers sa partie moyenne, deux 
lobes formés de petites cellules (GA)! qui sont en rapport avec les 
nerfs des antennes paires. Sur la ligne médiane entre les deux lobes 
se trouve le nerf de l'antenne impaire (Vai) et en avant, aussi bien 
qu’à l'arrière, deux ganglions optiques qui servent d'appareil ner- 
veux aux quatre yeux de cette espèce. En avant des ganglions 
optiques antérieurs aboutissent les nerfs des antennes paires. 

Les trois appendices situés sur la région sincipitale sont de pure . 
production épidermique. Les antennes n'ont donc pas de cérato- 
phore chez cette espèce. 

La substance ponctuée se trouve située comme toujours dans la 
région ventrale. Elle envoie un prolongement dans les ganglions 
antennaires. Quant aux cellules qui forment la masse corticale des 
différents lobes de ce cerveau, elles sont de grande taille dans les 
lobes optiques et dans la couche corticale proprement dite du cer- 
veau; les cellules de petite taille ne se rencontrant que dans les 
ganglions antennaires. 

Le cerveau antérieur (Ca) est caractérisé par la présence d’un gan- 
glion palpaire (GP) de chaque côté. Il se trouve situé du côté tout 

1 Les ganglions spécialisés sont formés de très petites cellules, ou pour mieux 
dire de cellules pourvues de très peu de protoplasme, formées, pour ainsi dire, que 
par le noyau. Cela explique pourquoi, sur les coupes, ces ganglions franchent comme 
des parties vivement colorées sur le reste de l’encéphale. Roupe (#2) les appelle 
« Nervenkerne » (!), mais HaLLER (89) a montré que ce sont de vraies cellules pré- 
sentant tous les passages aux grandes cellules ganglionnaires à cytoplasme abondant. 
Je les désignerai sous le nom de petiles cellules des ganglions spécialisés, car elles 


v’existent, avec leur caractère typique de forte coloration et d'absence à peu près 
complète de cytoplasme, que dans ces ganglions. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 213 


à fait ventral du lobe céphalique. Seul le ganglion palpaire est bien 
individualisé, le reste du cerveau est en continuité d’une part avec 
le cerveau moyen et de l’autre avec l’épiderme, par l'intermédiaire 
d’une masse nerveuse formée de grandes cellules. Le ganglion pal- 
paire présente un aspect pyriforme. Comme il est formé de petites 
cellules se colorant fortement, il tranche vivement sur le reste du cer- 
veau, dont les éléments sont beaucoup plus pâles sur les coupes. Il 
est en coramunication, au moyen d'une sorte de pédoncule formé 
_par la substance ponctuée, avec la partie centrale du cerveau moyen. 

Le cerveau antérieur fournit un nerf puissant (Vp) à l’appendice 
que j'ai nommé palpe. Le nerf arrive d’une part dans la substance 
ponctuée du cerveau antérieur et de l’autre dans la masse fibreuse 
du ganglion palpaire. 

Le palpe est formé par l'évagination de toute la paroi du corps, 
seulement le prolongement de la cavité générale qu’il contient est 
extrêmement réduit parce que toute la paroi dorsale de l’appendice 
est très fortement épaissie et la remplit presque entièrement. La 
paroi ventrale, par contre, a gardé son épaisseur ordinaire. Le nerf 
. du palpe est situé dans la paroi dorsale renflée de cet organe. Il est 
renforcé sur tout son parcours par les prolongements des cellules 
nerveuses épidermiques dont la naissance et l'accumulation ont été 
la cause de l’épaississement de cette paroi. L’extrémité du palpe 
est légèrement renflée et en même temps formée de cellules épider- 
miques qui se sont très fortement allongées et dont le noyau est 
situé presque à la base. Cette région est probablement invaginable ; 
en tout cas, de minces fibres musculaires ont été aperçues dans 
l'étroite cavité du palpe. 

La substance ponctuée médiane et ventrale du cerveau anté- 
rieur communique largement avec la substance ponctuée du cer- 
veau moyen. 

Le cerveau postérieur n'est pas très distinct chez cette espèce, 
mais il occupe sa position normale en arrière du cerveau moyen 


dont il paraît ne former qu’une annexe. On le reconnaît surtout 


214 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


facilement aux grosses cellules qui constituent sa couche corticale. 
Ilest en rapport, de chaque côté de la ligne médiane, avec un nerf 
nucal (Vn) qui se continue en haut dans l'organe nucal. Le nerf 
arrive dans la substance ponctuée centrale qui communique libre- 
ment avec celle du cerveau moyen. Les cellules formant la couche 
corticale sont des cellules de grande taille, et celles qui forment 
l'extrémité postérieure de ce cerveau sont d’une taille tout à fait 
exceptionnelle. 

L’organe nucal (OrgN) est, comme toujours, une simple évagina- 
tion de la paroi du corps, et comme on le sait déjà, il a une forme 
sphérique et se rattache à la région nucale par un mince pédoncule. 
La paroi épidermique a subi cependant des modifications très im 
portantes qui masquent au premier abord les conditions réelles de 
la formation de l’organe. Ainsi, dans la région antérieure, la paroi 
épidermique à très fortement augmenté en épaisseur, à cause de 
l’accroissement en nombre et en grandeur des éléments glandu- 
laires (C7.gl), n'ayant persisté que dans cet endroit, Ces éléments 
forment ainsi une plaque qui, sur des coupes longitudinales, paraît 
une hernie de la paroi. Il en est de même pour la bande équatoriale 
formée par les cellules vibratiles (Cl.v). Ces éléments sont très allon- 
gés. L'extrémité qui arrive à la cuticule, et qui est ciliée, est très 
étroite, mais du côté opposé les cellules sont renflées en massues 
et serrées les unes contre les autres. Elles remplissent toute la ca- 
vité de l'organe ; aussi, sur les coupes, l’organe nucal paraît une 
masse cellulaire compacte, et il est très difficile de retrouver à son 
intérieur le feuillet péritonéal tapissant la cavité d’évagination pro- 
duite au moment de sa formation. Les nerfs, comme toujours, sont 
situés à l’intérieur de la paroi et leurs fibres se placent entre les 


cellules vibratiles. 


Rapports du lobe céphalique avec les premiers segments soma- 
tiques, — L'extrémité antérieure de l'animal, même lorsqu'on a 


éloigné les palées, est très difficile à comprendre à cause du grand 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 215 


nombre d’appendices qui s’y trouvent réunis et aussi à cause de la 
modification subie par les deux premiers segments. Chez ce Poly- 
chète, en effet, on trouve quatre cirres tentaculaires de chaque côté. 
Ces quatre appendices (fig. 27 et 28, T!, T°, T‘et T‘) représentent, 
sans aucun doute, les cirres parapodiaux de deux segments rudi- 
mentaires, seulement ces segments sont tellement modifiés et fu- 
sionnés l’un avec l’autre, qu'il est assez difficile de rapporter chaque 
appendice à son segment respectif. Le troisième segment estnormal, 
seulement son milieu est fortement aminci et ses deux extrémités 
sont fortement reportées en avant. Ce phénomène est indiqué aussi 
sur le quatrième segment. Le cinquième est normal et nettement 
transversal. 

Cette conformation rappelle celle que nous avons appris à con- 
naître chez les Amphinomiens. Comme dans ce groupe, le lobe cé- 
phalique ne paraît pas former l’extrémité antérieure du corps. Il 
semble plutôt enfoncé comme un coin entre les premiers segments 
du corps et l’organe nucal paraît logé sur le quatrième segment. 

Il ést inutile d’insister trop longuement pour démontrer que le 
lobe céphalique a gardé, dans ce cas aussi, ses connexions primi- 
tives. C’est bien le bord antérieur du premier segment qui arrive à la 
limite postérieure de l’organe nucal, seulement la région médiane 
de ce segment et des deux suivants s’est considérablement amincie 
et les parties latérales ont contourné la tête, se mettant plus ou 
moins dans le plan sagittal du corps. 

La face ventrale montre aussi des modifications considérables ; il 
n’est presque pas possible de trouver une limite entre les trois pre-. 
miers segments qui paraissent former ensemble un petit espace 
triangulaire sans segmentation apparente. Un coup d'œil jeté sur 
les figures permet au moins d'y reconnaître d'une manière très nette 
le troisième segment, à cause des deux parapodes bien développés. 
Le quatrième segment est nettement séparé du précédent et du sui- 
vant ; il en est de même du cinquième. à 


Ce dernier segment présente une particularité très curieuse dans 


216 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


sa région médiane; son bord antérieur a formé une saillie ovale re- 
couvrant complètement l’orifice buccal. Cette espèce declapet (fig. 28 
et 30, Q) est plus épais à son bord antérieur, et sur une coupe il pa- 
raît formé par l’évagination de toute la paroi dermo-musculaire. Les 
muscles qu'il contient à son intérieur laissent supposer que cet or- 
gane est mobile. 

L’orifice buccal paraît donc situé dans le quatrième segment, mais 
ici aussi les relations normales sont simplement masquées par des 
soudures postérieures. 


Résumé, — Le lobe céphalique des Chrysopetalum est donc formé, 
comme celui des autres Polychètes étudiés jusqu'ici, par trois ré- 
gions sensilivo-nerveuses : 

1° La région sincipitale, dont l'aire sincipitale supporte trois an- 
tennes et quatre yeux et dont le cerveau (moyen) est pourvu d’une 
paire de ganglions antennaires, de quatre ganglions optiques et, en 
plus, d'un nerf pour l’antenne impaire; 

2° La région palpatre, dont l’aire palpaire supporte deux palpes et 
dont le cerveau (antérieur) possède une paire de ganglions palpaires ; 

3° Une région nucale, dont l’aire nucale s’est transformée en un 
organe nucal sphérique et dont le cerveau (postérieur) est en rapport 
avec deux nerfs nucaux. 

Les rapports du lobe céphalique avec les premiers segments sont 
normaux, mais masqués par le redressement des moitiés droites et 


gauches des trois premiers segments. 


b) Position systématique du genre Chrysopetalum. 


Il est difficile d'étendre lesnotions anatomiques qui ontété acquises 
par l'étude du Chrysopetalum aux autres genres de la famille des Pal- 
myriens. Même en laissant de côté les genres Bhawanra, Disponetus 
et Paleanotus, incomplètement connus et très insuffisamment dé- 
crits, et en ne prenant que le genre Palmyra, on n'échappe point à 


ces difficultés. D’après la description que donnent Savigny, Audouin 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 217 


et Milne-Edwards, Quatrefages et Mac-Intosh, il semblerait même 
impossible de réunir Palmyra et Chrysopetalum dans une même fa- 
mille. Les Palmyra sont peut-être de véritables Aphroditiens voisins 
des Aphrogenia et Pontogenia. 

Pour Chrysopetalum je partage l’opinion unanime de mes devan- 
ciers. Les appendices, en effet, sont strictement homologues des 
appendices similaires des Aphroditiens, avec une différence pour 
l’organe nucal qui me paraît ne pas exister chez tous les types de 
cette dernière famille. Au point de vue de l'anatomie des centres 
nerveux, la ressemblance est extrêmement considérable, car dans 
* les deux groupes se trouve représenté, et sous la même forme, le 
ganglion palpaire. 

La séparation de ces formes en deux familles n’en est pas moins 
justifiée par les différences assez considérables qui existent entre les 
Aphroditiens et Chrysopetalum. Si ces deux groupes peuvent avoir 
une même souche, la séparation a dû, en tout cas, s'être faite depuis 
très longtemps, avant la transformation des cirres parapodiaux en 
élytres, car on ne trouve pas trace de cette disposition chez les 


Chrysopetalum, même pendant le développement larvaire. 


I. Famille des Lycoridiens. 


Nereis Dumerili Aud. et Edw. 
(PI. LV, fig. 35-39.) 


Historique. — Il n’y a pas de désaccord entre les auteurs un peu plus 
récents au sujet de l'interprétation des appendices des Nereis, mais c’est 

CLAPARÈDE (68) qui le premier a découvert les organes nucaux. Il les 
nomme « éminences un peu protractiles », et il les considère, avec quelque 
doute, comme des organes des sens. Les auteurs postérieurs, même ceux 
qui se sont occupés de l’anatomie du lobe céphalique, ont pour la plupart 
ignoré cet organe. 

Le système nerveux des Nereis a été souvent l’objet de recherches anato- 
miques. Les anciens auteurs, qui procédaient par dissection ou par examen 
par transparence, ne peuvent forcément avoir compris la structure de 
l’encéphale. Pour l’aspect extérieur, il nous suffira de citer : 

QuATREFAGES (65), qui a donné plusieurs figures, relativement exactes, 


218 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


des masses nerveuses. Le premier qui ait étudié l’encéphale sur des 
coupes c’est : 

EnLers (6S, p. 490 et s.) Malgré la défectuosité des procédés tech- 
niques, employés de son lemps, il arrive souvent à des constatations fort 
exactes. Il constate la symétrie bilatérale de l’encéphale : il décrit correc- 
tement la disposition de la substance ponctuée et des cellules ganglion- 
naires formant la couche corticale. Il entrevoit les ganglions antennaires 
el palpaires, qu'il considère comme une masse compacte de « Nerven- 
kôrner ». Les nerfs antennaires et palpairés sont notés, mais leur origine 
exacte n’est pas indiquée. Par contre, ce qu'il décrit comme Hirnkern », 
masse en forme de coin enfoncé entre les deux moitiés de l’'encéphale, me 
paraît correspondre au groupe de muscles qui sépare les lobes du cerveau 
antérieur. 

Les palpes sont bien interprétés et il assimile correctement le palpo- 
phore au cirrhophore, et le palpostyle au cirrhostyle des cirres tentacu- 
laires, mais l’anatomie de l’appendice est moins exactement interprétée. 
Il décrit aussi les ganglions optiques, mais n'est pas très clair lorsqu'il 
parle de leur union avec le cerveau moyen. 

Hazzer (89, p. 31 et s.), vingt ans après Ehlers, n'est pas plus avancé 
en ce qui concerne la topographie de l’encéphale. Il considère encore les 
ganglions constitués par de petites cellules comme formant une paire 
unique, quoique dans sa figure 23 on puisse distinguer leur dualité. Il 
considère ces masses nerveuses comme l’origine du nerf palpaire et leur 
donne le nom de « Tentakelganglion » en les assimilant aux formations 
correspondantes des Aphroditiens et au ganglion antérieur des Archian- 
nélides (Fraipont). Le ganglion manquerait chez les Ophéliens et les types 
qui n’ont pas de « Tentakel ». 

L'auteur n'a vu dans le cerveau moyen qu'une grosse masse de grandes 
cellules entourant la substance ponctuée. Il ignore complètement l’organe 
nucal et ses connexions avec le cerveau et décrit un amas postérieur, isolé, 
de cellules nerveuses ayant une situation bizarre et donnant un nerf qui 
se rend à l'épithélium de la base du tentacule (!). Il n’admet pas que l’en- 
céphale soit en certains points en continuité de substance avec l’épiderme 
et dessine partout autour des masses cérébrales une épaissé membrane 
limitante. Des coupes en séries lui auraient certes montré que ce n'est 
pas le cas partout, et qu'il existe des endroits où là membrane limitante 
fait complètement défaut. 

ReTzius (93) à étudié l'encéphale des Nereis au moyen du bleu de méthy- 
lène. J'aurais à revenir dans le chapitre III du mémoire sur ce travail très 
important au point de vue des terminaisons nerveuses. La partie morpho- 
logique qui intéresse pour le moment est moins bien traitée, et l’on peut 
voir que l’auteur n'a pas dés idées bien claires à ce sujet. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 219 


Il n’est pas arrivé à comprendre la véritable signification des ganglions 
palpaires et antennaires, qu’il croit ne constituer qu’une seule masse de 
chaque côté et qu’il nomme « vordere Haufen grober Kôürner ». De même 
pour ce qu'il nomme «eigenthümliches Organ » et qui n’est autre que l’or- 
gane nucal. Il le décrit cependant d’une manière tout à fait correcte. Il 
n'y a pas de doute à avoir au sujet des masses cellulaires qu’il désigne avec 
les lettres gn° et sn. Elles forment ensemble le cerveau postérieur. Les ori- 
gines des connectifs et les origines (il vaut mieux dire aboutissants comme 
on le verra dans le chapitre V) des nerfs antennaires et palpaires sont 
parfaitement indiqués, avec cette restriction qu'il n’a pas vu les fibres des 
- ganglions antennaires et palpaires, qui prennent aussi part à la forma- 
tion de ces nerfs. 


Extérieur. — Le lobe céphalique (fig. 5, texte) de cette espèce, 
vu par sa face dorsale, est vaguement triangulaire, avec les angles 
très arrondis. C’est un pe- 
tit coussinet assez épais, 
plus étroit que les seg- 
ménts du Corps et qui pa- 
rait reposer sur deux gros 
appendices ventraux. À 
son extrémité antérieure 
sont situés deux appen- 


dices, les antennes (Ae), 
dont la longueur est géné- Fig. 5, — Nereis Dumerili Aud, et Edw. 

' | ie er Extrémité antérieure, vue du côté dorsal. Gr. 37 d. 
ralement inférieure à celle Ae, antennes ; Ps, palpostylé; Pp, palpophore; 7, cirre 

; ; tentaculaire : Oe. a, œil antérieur ; Oe.p, œil posté- 
du lobe céphalique. Ra rieur ; Org, organe nucal; / et ZJ, les deux premiers 
segments du corps. 

surface des deux antennes 
est hérissée de petits poils sensitifs. Vers le milieu de la longueur 
du lobe céphalique se trouve une paire d’yeux (Oe.a), dirigés en 
avant et en dehors, et en arrière de ceux-ci et un peu en dedans, 
deux autres yeux (0e.p), dirigés en haut. Les angles postérieurs du 
lobe céphalique sont occupés par deux aires (OrgN) ciliées, de forme 
ovoïde, qui représentent l'organe nucal de ces animaux. Sur l'animal 
vivant il est assez difficile de les apercevoir, car ils sont cachés sous 
un repli du bord antérieur du premier segment. 


290 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Sur la face ventrale, en avant et de chaque côté de la bouche, se 
trouvent deux appendices très volumineux, les palpes. Ils sont formés 
par un très gros palpophore (Pp) contractile, surmonté d’un palpo- 
style (Ps) en forme de massue qui peut être en partie retiré dans 
l'extrémité antérieure du palpophore. 

La bouche est située en dessous et en arrière du lobe céphalique. 
Elle est limitée en arrière par le bord antérieur du segment qui porte 
les cirres tentaculaires. On sait que ce segment est formé par la 
réunion de deux segments et que les quatre cirres tentaculaires 
correspondent aux quatre cirres parapodiaux de ces segments; du 


reste, l’innervation justifie complètement cette manière de voir. 


Anatomie (fig. 35-39). — Le lobe céphalique présente comme 
toujours une cavité interne qui est le prolongement de la cavité gé- 
nérale du corps. Elle est remplie par des productions de natures di- 
verses, comme les masses nerveuses, les muscles et les glandes épi- 
dermiques auxquels s'ajoutent quelques vaisseaux. Les muscles et 
les vaisseaux sont situés entre le péritoine et la membrane basale, 
l’encéphale et les glandes sont situés entre la basale et la cuticule et 
doivent être considérés comme des hernies de la paroï ectodermique 
avec laquelle ils ont conservé des attaches directes qui seront dé- 
crites ultérieurement. 

L’encéphale remplit presque entièrement la cavité du lobe cépha- 
lique et se présente chez cet animal comme une masse plus ou moins 
arrondie, surmontée d'un nombre considérable de lobes bien dis- 
tincts. 

Le cerveau moyen (Cm) présente à lui seul six lobes dontles quatre 
postérieurs sont les ganglions optiques. Ces ganglions sont silués sur 
le côté et communiquent avec la masse centrale du cerveau moyen 
par quatre nerfs, très courts il est vrai. Ils établissent ainsi quatre 
points par où le cerveau moyen communique directement avec l’épi- 
derme. Entre les deux ganglions optiques antérieurs, et du côté 


dorsal, s’établit, sur une surface assez restreinte, une cinquième 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHETES. 221 
communication directe. Un peu en avant des ganglions optiques 
antérieurs se trouve une paire de ganglions (G.A.), ayant un aspect 
pyriforme, avec la pointe dirigée en avant, et formés par de petites 
cellules. Ces deux ganglions communiquent avec la masse centrale 
ponctuée du cerveau par un pédoncule de fibrilles nerveuses qui pa- 
raissent entrer en relation avec le nerf antennaire (ae). Je désigne- 
rais ces ganglions sous le nom de ganglions antennaires; mais je 
veux faire observer que, n'ayant pas étudié particulièrement les 
connexions de ces ganglions, Je ne puis affirmer avec une certitude 
absolue qu'ils méritent réellement le nom que je leur donne. 

Toute la face dorsale du cerveau moyen est occupée par les dif- 
férentes productions que je viens de décrire, mais la région sinci- 
pitale s'étend plus loin encore. Elle se trouve en effet étendue sur 
toute la face antérieure du lobe céphalique, endroit où sont insérées 
les antennes. Les nerfs de ces appendices, à cause de la situation de 
ces derniers, ont subi une extension très grande. Leur origine (ou 
mieux leur aboutissant) est, comme chez tous les types étudiés, 
placée en face, ou au même niveau (fig. 37) à peu près que les lobes 
optiques antérieurs, mais les nerfs, au lieu de se diriger verticale- 
ment ou plus ou moins obliquement en dessus, se courbent en avant 
et en dessous, ils contournent le cerveau moyen et se rendent en 
dedans des ganglions antennaires dans les antennes. 

Les appendices dont nous venons de décrire l’innervation sont dé- 
pourvus de cératophore. Ge sont de simples productions épider- 
miques suivant le type général des stylodes des Polychètes et leur 
description plus détaillée est inutile. | 

Les connectfs, ou du moins la branche la plus importante prend 
son origine du côté ventral un peu en arrière du lobe optique anté- 
rieur. Au point de vue histologique, la partie centrale inférieure du 
corps du cerveau moyen est formée par la substance ponctuée, la 
région supérieure, antérieure etles régions lalérales par des grandes 
cellules ganglionnaires. Les lobes optiques sont formés, outre les 


cellules spéciales de l'appareil de la vision, aussi de grandes cellules. 


299 EMILE-G,. RACOVITZA. 

Les ganglions antennaires seuls sont formés de cellules de petite 
aille, extrèmement serrées et nombreuses, ce qui fait que ces gan- 
glions tranchent vivement, par leur coloration, sur le reste de la 
préparation. Enfin des cellules géantes se trouvent disposées à 
l’origine des connectifs. 

Il faut rattacher à la région sincipitale une autre production épi- 
dermique. Entre les deux antennes se trouve une masse cellulaire 
volumineuse (Gl.ep) faisant hernie dans la cavité générale cépha- 
lique. Cette masse est formée de cellules glandulaires qui ont leur 
corps cellulaire dans la cavité générale, mais dont le conduit sé- 
créteur aboutit à la cuticule. 

Le cerveau antérieur (Ca) est constitué en grande partie par le 
ganglion palpaire (G.P.); ce dernier est pyriforme, mais plus déve- 
loppé du côté ventral et interne que du côté dorsal et extérieur. Il 
repose sous le ganglion antennaire et communique directement avec 
l’épiderme par un petit pont cellulaire (fig. 36) situé un peu au-des- 
sus de linsertion supérieure du palpe. Il communique en outre avec 
la substance ponctuée du cerveau antérieur par un pédoncule formé 
de fibres qui paraissent se ramifier à son intérieur. Les relations du 
ganglion avec le reste de l'appareil nerveux s’établissent donc à laide 
du pédoncule qui vient d’être décrit et ces relations sont de plusieurs 
sortes. D'abord une grande partie des fibres se rendent en arrière et 
en dedans. Elles forment une masse en croissant (fig. 38) située 
dans la région inférieure du cerveau moyen et dont l'ouverture re- 
garde vers l’extrémité antérieure du lobe céphalique. Les fibres qui 
forment cette disposition sont celles qui se trouvent situées du côté 
interne du pédoncule. Les fibres qui sont situées du côté externe se 
dirigent par contre en avant et en dehors et forment, en dépassant 
les limites du cerveau antérieur, la plus grande partie du nerf du 
palpe (V5). La région médiane du pédoncule donne des fibres qui se 
rendent directement dans la région médiane du cerveau antérieur. 
Les cellules qui forment la masse corticale de ce ganglion sont du 


même type que celles qui formaient le ganglion antennaire, Ce gan- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DÉS POLYCHÈTES. 223 
glion est accolé à celui-ci et est tout aussi apparent sur les coupes à 
cause de sa forte coloration ; néanmoins, il se distingue facilement 
du ganglion antennaire. 

Le reste du cerveau antérieur est formé par un certain nombre de 
grandes cellules qui entourent le ganglion du palpe et par une masse 
ponctuée qui occupe la région inférieure du cerveau. La communi- 
cation avec la substance ponctuée du cerveau moyen s'établit en 
arrière sur un vaste espace. 

Le palpe est formé par une région proximale volumineuse, le pal- 
pophore, et par une région distale, globuleuse ou en forme de mas- 
sue, suivant l'état d'extension, le palpostyle. La première région est 
une évagination de toute la paroi du corps, contenant donc à son 
intérieur un prolongement de la cavité générale et un appareil mus- 
culaire. Chez notre type, cet appareil musculaire est très développé, 
et comme il vient s’y ajouter une grande quantité de glandes épider- 
miques faisant hernie dans la cavité générale, cette dernière est 
presque entièrement comblée. Le nerf du palpe est, sur une partie de 
son trajet, libre, mais très vite il se replace dans la paroi épidermique 
du palpophore et suit cette paroi, le long de sa face dorsale, jus- 
qu'au palpostyle. À partir de la base de ce dernier il se place, 
comme toujours, au milieu de cette région purement épidermique. 

Le cerveau postérieur (Cp) n’est pas très nettement délimité chez 
notre type. Il est situé du côté tout à fait postérieur du cerveau 
moyen. Il est formé, comme toujours, par une couche corticale de 
… grandes cellules, surtout du côté postérieur et supérieur. Au con- 
traire, du côté antérieur, se trouve ia substance ponctuée formant 
une sorte de pédoncule qui va se fondre dans la masse ponctuée du 
cerveau moyen. Le nerf nueal (Vn) aboutit sur les côtés, un peu en 
arrière des ganglions optiques postérieurs ; après un court trajet, il 
aborde l'organe nucal par la base. En somme, quoique distinct, le 
cerveau postérieur n est pas aussi bien délimité que chez les Amphi- 
nomiens. 


L'organe nucal (OrgN) chez Nereis est réduit à la plus grande 


224 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


simplicité. Il forme une petite hernie ovalaire à la face inférieure de 
l’épiderme qui recouvre les angles du lobe céphalique et n’est décelé 
à l'extérieur que par une légère dépression recouverte de cils vibra- 
iles. Cette hernie est formée par des cellules ciliées très allongées, 
fortement serrées les unes contre les autres, ayant toutes leur noyau 
vers la base et un plasma granuleux. Ge sont donc des cellules qui 
se rapprochent beaucoup des cellules de soutien. Dans l’organe nucal 
des ÂVereis, on ne trouve que des cellules ciliées, entre lesquelles sont 
situés les prolongements des cellules nerveuses dont le corps cel- 
Julaire est placé tout contre le cerveau. 


Comparaison du lobe céphalique des Lycoridiens avec celui 
des Amphinomiens et Palmyriens. — La comparaison du lobe 
céphalique des Nereis avec celui des Æ'urythoe et Chrysopetalum 
montre la présence des différences suivantes : 

La région sincipitale, dans toute sa région antérieure, a été repor- 
tée en avant, ce qui fait que les antennes, homologues aux antennes 
externes des autres types, sont terminales au lieu d’être dorsales. 
L'antenne médiane est représentée chez Nereis par cette région épi- 
dermique dorsale, que j'ai mentionnée comme communiquant di- 
rectement avec le cerveau moyen. Ici, le stylode, qui doit former 
l'antenne, ou bien ne s’est pas développé ou à été ramené à l’état 
primitif de région épidermique non saillante, simplement pourvue 
de cellules sensitives distribuées entre les cellules de soutien. La 
progression de la région sincipitale en avant, chez ÂMereis, fait que 
les nerfs antennaires au lieu d'être courts et dirigés verticalement 
en haut, comme chez les deux autres types, se trouvent être tres 
longs et disposés dans un plan horizontal. Les ganglions antennaires 
se trouvent chez Chrysopetalum comme chez Wereis, mais ils man- 
quent chez £urythoe. Ceci montre qu'ilne faut pas attribuer une trop 
grande importance morphologique à ces formations et qu’on doit les 
considérer comme de simples groupements cellulaires, dépendant 


des organes des sens spécialisés qui ont occasionné leur formalion. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 225 


La région palpaire est arrivée à son complet développement chez 
Nereis d'une part et chez Chrysopetalum de l’autre, car chez ces 
deux types le palpe est bien développé. Chez Æ'urythoe, par contre, 
cette région cst restée à l’état primitif ou a subi une régression se- 
condaire, car la fonction sensitive est uniformément distribuée sur 
toute la surface de la région, avec une seule exception, le stylode du 
palpe. Ce dernier est une différenciation de l'aire palpaire excep- 
tionnelle chez les Polychètes, mais qui n’a rien d’anormal, puisqu'il 
est naturel de penser que les trois aires sensitives sont également 
capables de former des stylodes, munis ou non de stylophores, 
sur toute l'étendue de leur surface, 

Le ganglion palpaire existe chez Chrysopetalum et Nereis, mais 
manque chez £'urythoe. Par contre, le cerveau antérieur, mieux in- 
dividualisé chez £'urythoe et Nerers, se confond avec le cerveau moyen 
chez l’autre type. 

Des différences aussi se présentent lorsqu'on considère la région 
nucale. Il y a, en effet, une grande différence d'aspect entre les éva- 
ginations volumineuses des Chrysopetalum et £rythoe ei les fossettes 
ciliées des Nereis, et pourtant ces dissemblances ne sont dues, en 
réalité, qu’à une différence de degrés d'évolution. Chez Verers, on se 
rapproche le plus de l’état primitif. A cet état, l’organe est diffus, 
représenté par un certain nombre de cellules ciliées et nerveuses, 
situées dans la région postérieure du lobe céphalique. Chez MWereis, 
le perfectionnement a été introduit par le groupement de ces cel- 
lules en deux organes bien délimités, et chez les autres types le per- 
fectionnement a été poussé bien plus loin encore. Une évagination 
de la paroi postérieure du lobe céphalique à fourni à l’organe une 
plus grande surface de développement des cellules ciliées et ner- 
» veuses, et en même temps des cellules glandulaires, indispensables à 
. tout organe olfactif très perfectionné, sont venues s’adjoindre aux 
précédentes. 

Pour le cerveau postérieur, C'hrysopetalum ressemble plus à Nereis, 
car dans les deux types, il forme une masse intimement fusionnée 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE, — T,. 1V. 1896, 15 


226 ÉMILE-G. RACOVITZA. 

avec le lobe médian du cerveau moyen. Chez £'urythoe, comme on 
le sait, il est à l’état dissocié, formé par des amas de grandes cellules 
ganglionnaires distribuées le long d’un gros nerf nucal. 

Ces trois exemples, pris un peu au hasard dans le groupe des Po- 
lychètes, montrent là grande variation que peuvent subir les diffé- 
rentes parties qui entrent dans la composition du lobe céphalique ; 
mais ils montrent aussi qu'il est très facile de ramener ces formes 
différentes à un type schématique qui, par cela même, nous permet 
d’entrevoir jusqu à un certain point la forme primitive qui fut la 


souche de tous les Polychètes. 


Résumé. — On trouve dans le lobe céphalique des Vereis trois ré- 
sions sensitivo-nerveuses pourvues de leurs appareils sensiüifs et de 
leurs appareils nerveux. 

Une région sincrpitale, occupant la face dorsale et antérieure du 
lobe céphalique, qui supporte quatre yeux et deux antennes, accom- 
pagnés d’une région sensilive dorsale, Le cerveau moyen qui lui 
appartient est formé par une masse centrale en communication di- 
recte avec la région sensitive dorsale, et flanqué sur les côtés et en 
avant par six ganglions reliés par des nerfs très courts. Les deux 
paires de ganglions postérieurs sont les ganglions optiques ; les deux 
ganglions antérieurs sont les ganglions antennaires, destinés à four- 
nir des fibres nerveuses aux deux nerfs anlennaires placés en dedans 
de leur bord interne. Ils sont seuls formés par les cellules de petite 
taille. À cette région serattache aussi un groupe de cellules glandu- 
laires situées entre et au-dessus de l'insertion des antennes. 

La région palpaire, présentant comme appendice le palpe qui est 
formé par un gros palpophore et un palpostyle en forme de massue. 
L'appareil nerveux de cette région est pourvu d’un ganglion pyri- 
forme formé de petites cellules ganglionnaires, et supporté par un 
pédoncule de fibres nerveuses qui le mettent en communication, 
d'une part avec la substance ponctuée du cerveau antérieur et, 


d'autre part, avec le nerf palpaire, Ce ganglion, situé immédia- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 227 


tement au-dessous du ganglion antennaire, joue le même rôle 
pour le nerf du palpe que ce dernier vis-à-vis du nerf de l’antenne. 

La région nucale, qui est formée par deux surfaces ciliées situées 
aux deux angles du lobe céphalique, et par le cerveau postérieur. La 
région nucale est ici interrompue du côté postérieur, sur la ligne 
médiane, mais les relations avec la région sincipitale n’en sont pas 
moins restées les mêmes, Le cerveau postérieur est intimement réuni 
au cerveau moyen, mais conserve son caractère général, qui est 
d'être formé de grandes cellules ganglionnaires. 

La comparaison de la structure du lobe céphalique dans les trois 
familles étudiées jusqu'ici a montré que, malgré la différence quel- 
quefois très prononcée qui se manifeste en passant d’un groupe à 
l’autre, ses formes diverses ne sont que les modifications d’un même 
type fondamental. 


IV. — Famille des Maldaniens. 


(PI. V, fig. 40-53.) 


Historique. — Le lobe céphalique des Maldaniens est très réduit, aussi 
n'est-il pas possible de comprendre sa constitution si on n’en a pas fait 
l’anatomie.Comme personne jusqu’à présent n’a fait cette étude, les noms 
divers que donnent les auteurs aux différentes parties de l'extrémité anté- 
rieure sont distribués, pour ainsi dire, au hasard. Cela me dispense de 
faire une énumération complète de l'opinion de ceux qui se sont bornés à 
contempler l'extérieur des Maldaniens, et je me contenterais de quelques 
exemples. C’est : 

SAVIGNY (20, p. 93), qui est le créateur de la famille. Il nomme la plaque 
des Clymenes : opercule, et le segment antérieur : premier segment, sans 
se préoccuper de sa valeur morphologique. 

Quaregraces (65, {. Il, p. 229-293) croit que dans les Clyméniens pro- 
prement dits, le lobe céphalique est, ou réduit à un petit mamelon [pal- 
pode (Auct.)] comparable à celui des Arénicoles, ou bien soudé avec l’anneau 
buceal. Dans un cas la bouche est terminale, dans l’autre ventrale. Tout 
cela n’est pas exact, comme on le verra plus bas. Quant au cerveau, il est 
très petit, bilobé, et fournit en arrière deux très petits filets[les nerfs nu- 
caux probablement (Auct.)] qui avec les cinq ou six autres sortis des connec- 
tifs se rendent à la trompe et représentent Île système nerveux stomato- 
gastrique. 


298 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


SEuPER (%6, p. 147) a disséqué une Maldane sp., et la seule chose qu'il 
en dit c'est que les ganglions supra-æsophagiens et les connectifs sont 
tellement unis à l’épiderme qu’on ne peut les en séparer. Ce fait est exact. 


ExLers (8%) croit que le lobe céphalique est formé par la plaque cépha- 


lique chez les formes qui en ont, et qu'il est toujours soudé au premier 
segment. 

L'organe nucal, ou du moins les sillons de cet organe, ont été décrits 
par tous les auteurs (plus ou moins bien, et plutôt moins que plus), mais 
personne n’a pu donner la véritable signification, pas même : 

SaINT-Josepx (94, p. 135-145), qui s'est occupé en dernier lieu des Mal- 
daniens et qui a même proposé une classification nouvelle qui, à mon 
avis, n’est pas heureuse. Le lobe céphalique, pour cet auteur, est formé 
tantôt par la plaque céphalique, tantôt par une « carène brune », tantôt 
par un « petit mamelon », mais paraît toujours soudé au premier seg- 
ment. 


Extérieur, — La famille des Maldaniens est une famille très natu- 
relle; les formes qui la composent ne présentent pas de grandes 
variétés de conformation, et les caractères généraux, nombreux, qui 
séparent cette famille des autres familles de Polychètes sont bien 
représentés chez tous les membres qui la composent. Il n'en existe 
pas moins des différences qui sont faibles, lorsqu'on se place au 
point de vue de la morphologie générale des Polychètes, mais qui 
néanmoins sont assez prononcées, lorsqu'on n a en vue que la mor- 
phologie spéciale de la famille.Certains de ces caractères sont exces- 
sivement constants et permettentdediviser les Maldaniens en groupes 


naturels. Ils présentent encore celte particularité remarquable de 


ne pas présenter d’intermédiaire entre eux, ce qui permet d'obtenir ET 


des classifications aussi commodes que possible. Malheureusement, 
les auteurs antérieurs n’ont pas soupconné leur importance, et le 
manque complet de détails anatomiques sur cette famille a fait que 
tous, sans exception, ont classé ces animaux d’une manière aussi 
peu naturelle que possible. 

Une confusion extraordinaire règne dans les caractéristiques et la 
délimilation des genres qui forment cette famille; il ne m'est pas 


possible d’insister ici sur ce sujet qui sera trailé dans une monogra- 


4 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 229 


phie systématique et anatomique en préparation. Je me bornerai seu- 
lement à décrire la partie qui nous intéresse spécialement, le lobe 
céphalique, qui présente uu des meilleurs caractères pour la classi- 
fication de ces animaux. Tous les Maldaniens sans exception! se 
rangent, au point de vue du lobe céphalique, autour des trois types 
suivants : 

1% Type. — Lobe céphalique pourvu de palpode. Ex. : Leiocepha- 
lus leiopygos (Grube). 
. 2° Type. — Lobe céphalique pourvu de palpode et de plaque cépha- 
lique dorsale. Ex. : C'/ymene lambricoides Milne Edwards. 

3° Type. — Lobe céphalique dépourvu de palpode et de plaque 
céphalique dorsale. Ex : Petaloproctus spatulatus (Grube). 

Contrairement à ce qui a été fait pour les Amphinomiens, l'exté- 
rieur des trois types sera d’abord décrit et ensuite l'anatomie, les 
différences n'étant pas suffisamment grandes pour qu’il vaille la peine 


d'établir des chapitres distincts pour chacun d'eux. 


4% Type. — Leiocephalus leiopygos (Gr.) (fig. 80). — Le Polychète 
que j'ai choisi comme exemple présente une extrémité antérieure 
légèrement effilée, se terminant par une pointe conique. Elle est 
formée par un segment un peu moins long que le segment suivant 
et se distinguant de ce dernier par l'absence complète de soies. 
Vu par la face dorsale, le segment présente du côté antérieur une 
papille conique (2); celle-ci est limitée en arrière et sur les côtés par 
deux petits sillons transversaux, qui se continuent par deux sillons 
(S.OrgN) à contours légèrement sinueux. Les deux sillons sont paral- 
lèles et s'étendent sur un peu plus d’un tiers de la longueur totale du 
segment. À leurs extrémités postérieures, les bords en sont un peu 
écartés, ce qui permet de voir que ces sillons correspondent à de vé- 
ritables fentes, s'étendent très loin en profondeur. [ls sont séparés 
par une crêle médiane (er.OrgN) peu élevée, en continuité parfaite 


1 Sans excepter même Clymenides sulfureus Claparède, forme très curieuse, sur 
laquelle des observations paraîtront incessamment. 


230 ÉMILE-G, RACOVITZA, 


avec la région médiane et supérieure de la petite papille terminale, 
Du côté externe, les sillons sont limités par une petite crête très peu 
indiquée. Donnons immédiatement leurs noms véritables à ces dis- 
positions. La papille terminale est le palpode, et les sillons sont les 
orifices des organes nucaux. On aura ainsi des si/lons nucaux et une 
crête nucale médiane. 

La face dorsale présente, en outre, une pigmentation brune qui 
forme, à l'extrémité postérieure du segment, une bande interrompue 
en son milieu et deux taches symétriques, formées par le même pig- 
ment brun, qui s'étendent de chaque côté et en arrière des sillons de 
l'organe nucal. De chaque côté aussi, en dessous de la portion anté- 
rieure du sillon nucal, se trouve une série de points noirs (0e), ser: 
rés les uns à côlé des autres, et qui sont des groupes d'ocèles. Ces 
organes sont situés plutôt du côté ventral, aussi s’apercoivent-ils à 
peine lorsqu'on regarde par la face dorsale. 

La face ventrale de l’animal ne présente, comme particularités à 
décrire, que la bouche, orifice à contour arrondi. Elle est entourée et 
limitée par un rebord plissé peu proéminent, qui n’est que le com- 
mencement de la partie évaginable de la trompe. Elle est limitée en 
avant par la base du palpode. 

Cette description suffit pour montrer clairement que ce premier 
segment est en réalité le premier segment soudé avec le lobe cépha- 
lique ; mais cette soudure est extrêmement intime, car toute sépara- 
tion externe a disparu. On est donc forcé d’avoir recours aux con- 
nexions nerveuses, pour délimiter le lobe céphalique,ëét alors on peut 
imaginer une ligne idéale, partant, sur la face ventrale, de la hmite 
antérieure de la bouche ou de la base du palpode, passant, en arrière 
de l’agglomération d’ocèles, sur la face dorsale et suivant, sur cette 
face, la limite interne des grandes taches pigmentées antérieures des- 
sinées sur la figure. Cette conception du lobe céphalique, qui sera 
prouvée d’ailleurs dans le paragraphe consacrée à l'anatomie, permet 
d'établir quelques analogies avec la partie du corps correspondante 
d'Æuphrosyne. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 231 
2° TyrE. — C/ymene lombricoides M, Edw. (fig. 40 et 41), — À pre- 


mière vue, l'extrémité antérieure de cet animal ne ressemble en rien 
à celle du ZLeiocephalus, mais, en y regardant de près, on retrouve 
exactement les mêmes parties, seulement avec quelque chose en plus, 
L'extrémité antérieure, en effet, est formée par un segment égale- 
ment achète nettement séparé par un très profond sillon interseg- 
mentaire du segment suivant; les bords de ce dernier sont évasés et 
embrassent comme un cornet la base du premier segment. 

Ce dernier, vu de profil, à une forme vaguement quadrilatère. Il se 
termine en avant par une surface plane, de forme ovale, ayant l’as- 
pect d’une plaque placée obliquement par rapport à l’axe longitudi- 
nal du corps, en ce sens qu’elle est inclinée de la face ventrale vers 
la face dorsale ; c’est la plaque céphalique (Plq), très répandue dans le 
groupe des Maldaniens, mais qui n'a d'analogue dans aucune autre 
famille de Polychètes. La limite en est constituée par un mince re: 
pli vertical (6.P/q), qui borde la plaque partout excepté sur un petit 
espace antérieur où se trouve logée une papille arrondie (P), qui n’est 
autre que le palpode ; le repli portera le nom de bord de la plaque cé- 
phalique. Ghez le type que j'ai choisi, il présente des crénelures dans 
la moitié postérieure de son parcours, et il est très élevé au-dessus 
de la surface de la plaque, avec laquelle il fait un angle presque 
droit, 

Le palpode, dont on connait déjà la position, est peu proéminent 
et beaucoup moins pointu que celui du ZLesocephalus. De ses côtés 
partent deux sillons (S.0rqN.), peu prononcés d’abord, mais qui bien 
vite arrivent à être très marqués. Ils s'étendent du palpode vers 
la face dorsale, sur plus d’un tiers de la surface de la plaque cépha- 
lique; assez éloignés l’un de l’autre, près du palpode, à une distance 
égale à la largeur de ce dernier, les deux sillons vont en se rap- 
prochant et au moment où ils se terminent, l’espace qui les sépare 
est très petit. Ges deux sillons sont les si//ons de l’organe nucal, Is sont. 
séparés par l'espace décrit plus haut et qui est occupé par la créte de 


l'organe nucal {cr.OrgN). Gette crête diffère sur un seul point de celle 


232 EMILE-G. RACOVITZA. 


du Lerocephalus : c’est qu’elle est bifurquée du côté antérieur, dans 
le voisinage du palpode. Entre les deux branches de la bifurcation se 
trouve un sillon qui du reste n’a aucune signification morphologique, 
ni physiologique. Les sillons sont bordés en dehors et en arrière par 
un rebord peu prononcé. 

La bouche située du côté ventral (fig. 6, texte) a la forme d’un ori- 
fice circulaire, se trouvant situé vers la moitié antérieuré du segment; 
elle est limitée en avant par un bord épidermique, en continuité di- 
recte avec l’épiderme du palpode, et sur les côtés, et en arrière, par 
un bourrelet (/j à gros plis transversaux dont la largeur maxima se 
trouve sur la ligne médiane. De l’intérieur de l’orifice proéminent 
des replis qui ne sont autre chose que les replis de la trompe (7r). 

La surface du premier segment, comme celle de la plaque cépha- 
lique, est couverte de plis variés produits simplement par la contrac- 
tion musculaire, comme les plis de la paume de la main. La couleur 
du segment est jaunâtre clair, à peu près de la même teinte que les 
ceintures glandulaires des segments antérieurs, et contraste avec la 
couleur rouge grenat du reste de ces segments. Le premier segment 
est aussi formé par la soudure du lobe céphalique avec le premier 
segment du corps, et, entre les deux, on peut établir la même déli- 
mitation théorique que pour Lerocephalus. 

3° TYPE. — Petaloproctus spatulatus (Gr.) (fig. 52 et 53). — L’extré- 
milé antérieure de ce grand Polychète est formée par un segment 
dépourvu de soies et de contour ovalaire ; le bord antérieur en est 
uni, mais sur la face dorsale s'élève, sur la ligne médiane longiludi- 
nale, une très forte crête (/), peu indiquée à quelque distance du 
bord antérieur, où elle commence, pour devenir de plus en plus 
large vers l’extrémilé postérieure du segment. La hauteur de la crête 
augmente de l’extrémilé antérieure. vers le milieu du segment, où 
elle atteint son maximum, pour décroître vers l'extrémité postérieure. 
Des sillons transversaux parcourent en travers cette crêle et s'eten- 
dent sur les faces latérales du segment; ce sont de simples produits 


des contractions de ce segment. Mais dans le tiers antérieur du lobe 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 233 


céphalique, de chaque côté de la crête médiane, et un peu en arrière 
du bord antérieur, sont deux sillons profonds (S.0rg9N), longitudi- 
naux, qui ont une tout autre importance; ce sont, en effet, les si/{ons 
de l'organe nucal. I1s ont la forme d’un S très éliré. Assez éloignés 
‘’un de l’autre, en avant, ils se rapprochent beaucoup du côté posté- 
rieur. Un véritable palpode manque chez ce type, mais le bord anté- 
rieur du segment, compris dans l'angle formé par la direction des 
sillons de l’organe nucal, doit être considéré comme étant son repré- 
sentant. Sur la face ventrale, dans la moitié antérieure du segment, 
se trouve la bouche sous forme d’orifice arrondi, entourée par une 
lèvre plissée. La bouche n'arrive pas jusqu’à l’extrémité antérieure 
et laisse ainsi un petit espace qui est l’homologue de la face ventrale 
du palpode des types qui en sont pourvus. 

Ce premier segment doit être considéré aussi comme formé par la 
soudure du lobe céphalique avec le premier segment du corps. Il est 
embrassé, du côté postérieur, par le bord antérieur du second seg- 
ment, et sur la ligne médiane ventrale présente un sillon qui indique 
le parcours de la chaîne ganglionnaire ventrale. La couleur du seg- 
ment est jaune citron avec des taches violettes très foncées. Le pig- 
ment violet forme au bord antérieur du second segment une bande 


de forme irrégulière. 


Anatomie. — Le lobe céphalique des trois types que j’ai distingués 
montre, au point de vue de la structure interne, encore moins de 
différence que dans son aspect extérieur. Aussi vais-je décrire en dé- 
tail seulement le type le plus complexe et marquer à la fin les pelites 
particularités qui le distinguent des autres. 

Clymene lombricoides (fig. 42-45). — Lorsqu'on ouvre le segment 
antérieur de C/ymene (fig. 8, texte), on se trouve immédiatement en 
présence d’une sorte de diaphragme transversal (Ds!), occupant l'ex- 
trémité antérieure de la cavité du segment. Ce diaphragme sert de 
rétracteur de la trompe. En effet, ses muscles s’insèrent d’une part 


tout autour de la base de cet organe et d’autre part sur la paroi 


234 ÉMILE-G, RAÇOVITZA. 


du corps. Tout ce qui est en arrière du diaphragme appartient ex- 
clusivement au ségment buccal; je ne m'en occuperai pas pour le 
moment. La région qui est en avant contient, par contre, à côté 
d’une région appartenant au segment somalique, tout ce qui revient 
au lobe céphalique. On y trouve un prolongement de la cavité géné: 
rale, {apissé par le péritoine, des muscles et ensuite l’encéphale et 
ses.annexes, 

L'encéphale (C) (fig. 6 et 7, texte) apparait comme une bandelette 
transversale, plus épaisse aux extrémités qu’au milieu, mais ne lais- 
sant reconnaître ni sillons, ni ganglions individualisés à sa surface. 
Il est situé exactement en arrière du palpode, et l'animal étant sup- 
posé dans la position naturelie, presque sur le prolongement de la 
chaîne ventrale et des connectifs. Cette situation est due à la présence 
de la plaque céphalique qui a forcé l’orifice buccal, qui d'ordinaire 
regarde en avant, à regarder en bas. L'encéphale est en rapport avec | 
trois sortes de nerfs : en avant, deux nerfs très courts (4V.) qui se 
rendent dans le palpode; en arrière et en bas, les connectifs (Cntf.) 
œæsophagiens dont l’origine apparente se trouve aux deux extrémités 
de la bandeletie cérébrale, tandis que les nerfs du palpode aboutis- 
sent beaucoup plus en dedans. Entre l’origine apparente des connec- 
üfs et celle des nerfs du palpode, mais cette fois en arrière et en 
haut, aboulit une paire de nerfs volumineux (Vn), qui se rendent à 
l'organe nucal et longent le bord interne du sillon de cet organe. 
Les connectifs, après avoir fait le tour de l’orifice buccal, se réunissent 
en arrière pour former la chaîne ganglionnaire ventrale (CA.g). 

Voilà tout ce qu'on peut voir par la simple dissection, et l'étude 
des coupes (fig. 42-45), au point de vue simplement topographique, 
ne fournit pas de détails beaucoup plus circonstanciés. On peut ce- 
pendant se rendre mieux compte des rapports de l’encéphale avec les 
organes qu'il innerve. Un fait important frappe à première vue : c'est 
que l'encéphale, commeles nerfs qui y aboutissent, est en continuité 
directe avec l’épiderme, sur une très grande partie de sa surface. 


Üne section transversale de l’encéphale (fig. 43), donc une coupe 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 238 


$ Pd 0 


Fig. 6. — Clymene lombricoides. M. Edw. — Coûtour de la face ventrale de 
extrémité antérieure avec la situation du système nerveux central. Gr. 8,8 d. 


Pd, palpode ; 6.P1q, bord de la plaque céphalique : 7#, trompe: /, lèvre inférieure ; Z et ZZ, les 


deux premiers segments ; C, encéphale ; Vp, nerf du palpode ; Cntf, connectif; CA g, chaine 
ganglionnäire ; G!, prémiér ganglion de la chaine ganglionnaire (ganglion souscœsophagien). 


Fig. 7. — Clymene lombricoides. M. Edw. — Contour de la face ventrale de la 
plaque céphälique àvec la situation de l’encéphale, Gr. 8,8 d. 


Pd, palpode; S.0r9N, sillon de l'organe nuca] ; b.Plq,bord de la plaque céphalique; C, encéphale ; 
Np, nerf du palpode: Cntf, connectif ; /Vn, nérf nucal, 


236 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


longitudinale de l’animal, montre que l'organe présente une coupe 
arrondie et que, comme toujours, la substance ponctuée se trouve du 
côté ventral, c'est-à dire du côté de la cavité générale, tandis que du 
côté extérieur se trouvent les cellules ganglionnaires formant une 
couche corticale. La substance ponctuée forme donc un cordon cy- 
lindrique qui s'étend dans le plan transversal et qui est en pleine 
communication, par ses deux bouts, avec la substance ponctuée des 
connectifs. Il n’y à pas à proprement parler de ganglion, et pas plus 
la masse ponctuée que les cellules ganglionnaires ne laissent obser- 
ver des différencialions dans leurs masses. Cependant, à l'endroit 
d’où partent les nerfs nucaux, l’amas formé par les cellules ganglion- 
naires, plus nombreuses ici qu'ailleurs, pourrait représenter le rudi- 
ment du cerveau postérieur. De même, à la base des nerfs du palpode, 
l’agglomération de cellules qui s’y trouvent pourrait être considérée 
comme un vestige de cerveau antérieur. Le cerveau moyen serait si- 
tué au milieu et c’est lui qui donnerait surtout naissance aux con- 
nectifs. 

L'organe qui à été appelé palpode (2) est une évagination de toute 
la paroi dermo-musculaire du corps (fig. 44). Sa paroi épidermique 
contient des cellules sensitives en relation avec le nerf diffus, peu in- 
dividualisé, qui effectue tout son parcours en dedans de la membrane 
basale. C’est sur cette dernière que s’insèrent les muscles qui font 
mouvoir l’organe. Un prolongement de la cavité générale céphalique, 
tapissé par du péritoine, occupe l’intérieur du palpode. 

L'organe nucal est formé, comme on l’a vu, par deux fentes lon- 
gitudinales et divergentes. Sur une coupe transversale, passant un 
peu en arrière du palpode (fig. 42), les deux fentes apparaissent 
comme des plis très profonds de l’épiderme, dirigés de la ligne mé- 
diane vers les côlés. Entre les deux fentes se trouve une crête épider- 
mique (cr.OrgN) séparée dans son milieu par une troisième fente 
qui n’est qu’un simple pli épidermique destiné à disparaître un peu 
plus en arrière. En effet, sur une autre coupe passant vers la moitié 


de la longueur du sillon nucal (fig. 45), on constate que les fentes se 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 231 


sont éloignées les unes des autres, qu’elles sont moins profondes et 
que la crête médiane (cr.OrgN), très peu élevée, n'est plus divisée en 
son milieu, 

La gouttière, qui forme le fond de la fente, est ciliée sur tout son 
parcours, tandis que tout le reste de l'organe est recouvert par une 
cuticule lisse. La crête contient à l'intérieur de sa paroi de nom- 
breuses cellules glandulaires (C{. gl), tandis que les fentes en sont 
absolument dépourvues; par contre, en dessous de la gouttière et 
un peu vers la ligne médiane, c’est-à-dire dans le flanc interne de 
la fente, se trouve le nerf nucal (Vn). Le nerf n’est pas formé par 
un seul faisceau de fibres ; c’est un nerf diffus, car il est formé par 
plusieurs paquets de fibres courant parallèlement, dans l’épiderme 
même. À sa soriie du cerveau, il y a cinq ou six de ces faisceaux, 
qui au fur et à mesure qu’on s'éloigne, se fusionnent ; sur la plus 
grande partie du trajet il n’y en a que deux et finalement qu'un 
seul. Tout le long du nerf court une bande de cellules nerveuses 
épidermiques. 

Toutes les parties que j'ai décrites sont de simples modifications 
de l’épiderme. En dehors de cette couche cellulaire, des muscles 
s’insèrent sur les différents plis qui forment l’organe, et le périloine 
enveloppe ces muscles et tapisse la basale là où il n’y a pas d’inser- 
tion musculaire. 

Lerocephalus leiopygos (fig. 51). — Leiocephalus présente une dis- 
position anatomique tout à fait analogue ; l’encéphale est seulement 
un peu plus ramassé et plus arrondi. La structure du palpode est 
identique et l'organe nucal ne présente que des différences peu con- 
sidérables. La gouttière est un peu plus profonde sur tout son par- 
cours, et les cils sont confinés à la partie inférieure de son flanc in- 
terne ; la crête (cr. Org N) est très élevée et entièrement dépourvue 
de sillon médian, même à son début. Le flanc interne de la gout- 
tière, étant seul doué de fonctions sensitives, est beaucoup plus vo- 
lumineux, plus épais, que le flanc externe, réduit à une mince lame 


cellulaire, et il contient le nerf (Vn) qui, ici aussi, est formé de plu- 


238 ÉMILE-G. RACOVITZA. 
sieurs faisceaux de fibres, Le sommet de la crête est pourvu de nom- 
breuses cellules glandulaires (CZ. gb). 

Petaloproctus spatulatus. — Cette forme diffère des types précé- 
dents par l’absence du palpode ; on peut néanmoins reconnaître 
deux petits nerfs qui vont se perdre dans là région épidermique qui 
le représentent. L’encéphale a la forme de bandelette, comme chez 
le premier type ; quant à l'organe nucal, il présente la même struc- 
ture et les mêmes cellules ciliées. 


Rapports du lobe céphalique avee les premiers segments soma- 
tiques. — De la précédente description il ressort que, dans le seg- 
ment antérieur des Maldaniens, il y a deux éléments distinets, fu- 
sionnés : la présence de l’encéphale et la présence d’une portion de 
la chaine ganglionnaire indiquent incontestablement la présence du 
lobe céphalique et d’un segment, au moins. Il s’agit maintenant de 
délerminer la limite virtuelle qui sépare ces deux régions, car ni à 
l'extérieur ni à l’intérieur il n'y a rien qui puisse établir une sem- 
blable démarcation. 

En se rapportant à ce qui a été vu chez les autres types décrits 
dans ce mémoire, le bord antérieur de l'orifice buccal forme la limite 
postérieure et ventrale du lobe céphalique, et sa limite postérieure 
dorsale est formée par le bord postérieur de l'organe nuceal. Si l’on 
applique cette délimitation au lobe céphalique des Maldaniens, on 
arrive à tracer une ligne qui suit sur la face dorsale le contour exté- 
rieur des sillons nucaux et qui passe de chaque côté du palpode 
sur la face ventrale en délimitant une étroite bande de téguments, 
se terminant à la bouche. Le lobe céphalique aurait ainsi la forme 
d'un coin enfoncé dans le bord antérieur du premier segment; les 
parlies latérales du segment terminal appartiendraient au premier 
segment, et seule une bande plus ou moins large, médiane et dor- 
sale, appartiendrait au lobe céphalique. 

Cette disposition n’a rien d'extraordinaire et de nombreux exem- 


ples, chez les Polychètes, montrent que le bord antérieur du pre- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 239 
mier segment présente la tendance constante de déborder dechaque 
côté du lobe céphalique. Je rappelle seulement que, chez les Amphi- 
nomiens, l'organe nucal a refoulé en arrière le bord antérieur des 
trois ou quatre premiers segments et qu'il se trouve ainsi limité de 
chaque côté par ces segments. On a vu chez £'uphrosyne et chez 
Spinther que le lobe céphalique a aussi la forme d'un véritable coin 
enfoncé dans la région antérieure du corps. Même chez les Hésion- 
niens, les Lycoridiens, les Sigalionides, etc., la tendance du bord 
antérieur du premier segment, de déborder de chaque côté le lobe 
céphalique, se fait plus ou moins sentir. Les Maldaniens ne sont 
donc pas isolés, sous ce rapport, parmi les Polychètes, seulement la 
soudure ou l'union des deux parties est bien plus complète que par- 
tout ailleurs. 

Deux questions restent à examiner pour éclaireir complètement la 
morphologie du lobe céphalique des Maldaniens : la valeur mor- 
phologique de la plaque céphalique et celle des yeux unicellulaires 
latéraux. 

La plaque céphalique. — Une coupe transversale (fig. 47) ou lon- 
aitudinale permet de voir que cette plaque est formée par deux 
sorles de tissus : deux feuillets épidermiques unicellulaires et une 
couche de fibres intermédiaire. La couche épidermique a subi de 
irès légères modificalions, mais es en continuité parfaite avec | épi- 
derme du reste du corps ; elle fait un pli circulaire dont le feuillet 
interne est mince, et l’externe plus épais. Ce pli n’est que le bord 
de la plaque céphalique, dont le feuillet interne se continue avec 
l’'épiderme qui forme la surface de la plaque céphalique et dont le 
feuillet externe se continue avec la paroi latérale du corps. 

L'épiderme de toute celte région possède une cuticule (Cu) très 
épaisse, formée par plusieurs couches superposées, et deux sortes 
d'éléments cellulaires le composent; d’abord des celluies de soutien 
(C'/. s), très minces et allongées, se coloraut fortement par les colo- 
rants d'aniline et montrant du côté basal une structure fibreuse. 


Leur noyau est très allongé, effilé et fortement coloré par tous les 


# 


240 EMILE-G. RACOVITZA. 


colorants ; la connexion cuticulaire se fait suivant une grande sur- 
face, ce qui veut dire que les cellules sont élargies du côté cuticu- 
laire ; elles vont s’amincissant du côté basal, aussi leur extrémité 
basale est mince et cette extrémité se résout en nombreux filaments 
qui s'intriquent avec ceux des cellules voisines pour former l’épaisse 
et très résistante basale. Entre ces cellules sont enchâssées des cel- 
lules glandulaires (Cl gl), allongées aussi, et pourvues d’un orifice 
très distinct qui perce la cuticule. Ces deux sortes d'éléments sont 
naturellement plus longs dans la paroï externe que dans la paroi in- 
terne. Les cellules glandulaires sont moins nombreuses dans cette 
dernière que dans la première. 

Les deux feuiilets du pli qui forme le bord de la plaque sont réu- 
nis par un tissu fibreux qui n’est autre chose qu’une transformation 
des muscles pariétaux, présents dans tous les segments des Poly- 
chètes; on voit, en effet, à l’entrée de la fente du pli, ce tissu fibreux 
en continuité directe avec des bandes musculaires ayant l'aspect 
ordinaire des muscles de Polychètes. Du reste l'étude attentive de 
ce tissu (#) montre qu’il est formé par des éléments effilés, pourvus 
de noyaux très allongés, dont les extrémités se résolvent en fila- 
ments, el vont se perdre sur et dans la basale des deux feuillets épi- 
dermiques qui constituent le bord de la plaque ; souvent une de ces 
fibres musculaires, qui se colorent très fortement par les couleurs 
d’aniline et pas du tout par les couleurs de carmin, paraît être en 
communicalion directe avec une cellule de soutien de la paroi du 
pli; ce n'est qu'une erreur cependant. Sur des préparations fixées à 
l'acide osmique pendant vingt-quatre heures et colorées à la safra- 
nine par la méthode de Flemming, on peut se convaincre facilement 
que, toujours, l'insertion de la fibrille musculaire se fait sur la ba- 
sale et que jamais une cellule épidermique de soutien ne dépasse mi 
ne traverse cette basale. Comme les cellules épidermiques se termi- 
nent par de minces filaments et comme les éléments musculaires 
ont le même aspect à leur insertion sur la basale, on comprend que, 


sur des préparations insuffisantes, on ait pu croire à la continuité 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 241 


de ces deux éléments. On a décrit en effet, et maintes fois, de pa- 


reilles dispositions qui, si j'en crois ma propre expérience sur un 


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Fig. 8. — Clymene lombricoides. M. Edw. — Extrémité antérieure vue de profil. 
Une partie de la paroi dermo-musculaire a été enlevée pour permettre de voir 
l’organisation interne des segments. Gr. 8,8 d. 


Pd, palpode; S.OrgN, sillon de l’organe nucal; P{q, plaque céphalique ; 6. Plg, bord de la plaque 
céphalique ; 77, trompe ; /, lèvre inférieure ; Z à ZIT, les trois premiers segments. 

St, région interue de la trompe (stomodæum); Z, tube digestif; Dsi, dissépiment du premier seg- 
ment; Dsÿ, dissépiment du deuxième segment ; Mo, muscles du lobe céphalique ; Am, muscles 
mésentériques ; //, muscles longitudinaux; Æ£yp, coupe de l’épiderme : X, espace cavitaire 
limité par les muscles longitudinaux n’épousant pas les contours de l’épiderme. 


grand nombre de Polychètes, ne reposent que sur des erreurs d’ob- 
servation. Je n'ai jamais pu voir de cellules musculaires pénétrer 
réellement dans l’épiderme, 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, == 9€ SÉRIE, — T. IV. 1896. 16 


249 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


En dehors du bord de là plaque céphalique, les muscles prennent 
leur aspect ordinaire et forment des tractus nombreux s’insérant 
d’une part sur toute la surface de la plaque et de l’autre sur la paroi 
intestinale. 

On voit donc que la plaque céphalique n’est qu’une modification 
légère de la paroi du corps, et il nous reste à nous demander à 
quelle région elle appartient. La disposition des muscles rétracteurs 
de la trompe va nous l'indiquer. Ces muscles, en effet, s’insèrent sur 
la plaque, immédiatement en arrière des sillons de l’organe nucal 
(fig. 8 texte), et sur les côtés, sur une ligne qui longe à quelque 
distance ces fentes. 

Qu'est-ce que ces muscles ? Leur position et leur insertion sur le 
tube digestif correspond exactement à celle des muscles qui existent 
chez d’autres familles et qui appartiennent au premier segment. Ils 
s’insèrent dans ce segment sur le flanc interne du pli qui le sépare 
du lobe céphalique. Partout ces muscles sont employés à former une 
partie des rétracteurs de la trompe, et ils s’insèrent sur le tube di- 
gestif exactement à l'endroit où finit la partie ectodermique, c'est- 
à-dire le stomodeum; ils sont donc l’homologue des diaphragmes 
segmentaires qui, chez beaucoup de Polychètes, relient l'intestin à 
la paroi du corps. Gela nous force à considérer comme n’appartenant 
pas au lobe céphalique tout ce qui est en arrière du diaphragme, Il 
faut donc voir dans la plaque céphalique des Maldaniens une modi- 
fication spéciale de la paroi dorsale du premier segment. 

Cette étude est encore une preuve apportée à l’appui de l’exacti- 
tude de l'interprétation du lobe céphalique dans cette famille. 

Les yeux unicellulaires. — Reste à expliquer la présence des taches 
oculaires, dans un endroit qui, au moins en parte, appartient au 
premier segment. On sait que chez beaucoup de Polychètes (Po/yo- 
phtalmiens, Sabelliens, etc.) des ocèles peuvent se trouver sur d’au- 
tres segments que le lobe céphalique. Il n’est donc pas étonnant 
qu’on en trouve chez les Maldaniens. En outre, il faut faire une dis- 


tünction entre les yeux pluri-cellulaires qui se trouvent toujours sur 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 243 


le lobe céphalique en connexion intime avec le cerveau, et entre les 
yeux uni-cellulaires disposés par groupes ou isolés ; si les premiers 
montrent chez les Polychètes une grande constance dans leur posi- 
tion, étant toujours pairs et toujours innervés par le cerveau moyen, 
les seconds naissent n'importe où, n’ont pas de valeur morpholo- 
gique et ne se forment jamais au même endroit que les premiers, 
c’est-à-dire sur l'aire sincipitale. On peut donc complètement les né- 
gliger dans les interprétations morphologiques. 

Au point de vue de leur structure (fig. 58, Ge), ce sont des cel- 
lules dont la partie cuticulaire s’est transformée en cristallin, et 
dont la partie basale, recouverte d’un pigment opaque, se termine 
par un filament qui n’est autre que la connexion basale. Ce sont du 


reste de simples cellules épidermiques transformées. 


Comparaison avec d’autres types de Polychètes. — Les Mai- 
daniens ne sont pas, au point de vue de leur lobe céphalique, aussi 
isolés qu’on pourrait le croire à première vue. Les Cirratuliens 
francs ont aussi leur extrémité antérieure terminée par une pointe 
conique, que MEYER (88) considère, avec raison, comme l’homo- 
logue des deux palpes des Cirratuliens du groupe des Âeterocirrus. 
Chez ces deux formes, en effet, c’est le cerveau antérieur qui innerve 
au moyen de deux nerfs ces deux sortes de régions. Il n’est donc 
pas douteux que cette homologie ne puisse s'étendre aux palpodes 
des Maldaniens. KuKkENTBAL (8%) assimile la « papille antérieure » 
des Ophéliens, innervée par deux nerfs partant d’une paire de gan- 
glions antérieurs, aux palpes du Polygordius. Il n’est pas douteux 
non plus que cette papille antérieure ne soit homologue du palpode 
des Maldaniens. La même chose peut se dire pour l’extrémité anté- 
rieure de ce que EisiG (8%) nomme « Kopflappen » chez les Gapi- 
telliens et qui est innervée aussi par un faisceau de nerfs, naissant 
dans une masse cérébrale antérieure. Ces appendices antérieurs ont 
exactement la même structure et presque la même forme que le 


palpode des Maldaniens, et la seule différence que présente le lobe 


244 EMILE-G. RACOVITZA. 


céphalique de ces derniers avec celui des premiers, c’est une sou- 
aure moins prononcée du lobe céphalique avec le premier segment 
et une différence de forme de l’organe nucal. 

Le groupe qui se rapproche le plus des Maldaniens, à ce point de 
vue, est le groupe des Téléthusiens, comme on peut s’en convaincre 
dans le travail de Egcers (92). Chez Arenicola marina et A. Clapa- 
redi, il y a un « Kopflappen » à la base duquel se trouve l’encéphale, 
qui donne du côté postérieur deux nerfs se rendant aux deux 
fentes ciliées représentant l’organe nucal. Le prétendu « Kop- 
flappen » n’est que le palpode des Maldaniens, dont il a la struc- 
ture. Ces deux Arénicoles forment une série parallèle au type I des 
Maldaniens. 

Chez Arenicola Grubei, il n’y a pas de «lobe céphalique distinct », 
c'est-à-dire de palpode, et l’encéphale a la forme d’une bandelette 
transversale peu épaisse. Cette structure ressemble à notre type II. 
Il y a donc chez les Maldaniens et chez les Téléthusiens deux séries 
parallèles. 

Toutes les quatre familles passées en revue, et d’autres encore 
que nous négligeons, présentent des affinités réelles dont il doit être 


tenu compte dans une classification rationnelle. 


Résumé. — L’extrémité antérieure du corps des Maldaniens est 
formée par une portion achète qui doit être considérée comme le 
résultat de la fusion du lobe céphalique avec le premier segment 
somatique. 

Le lobe céphalique a subi des réductions notables, tant au point 
de vue de la grandeur qu'au point de vue des organes sensoriels 
qu'il supporte d'ordinaire. Il présente deux types à l’intérieur de 
cette famille ; un type plus primitif pourvu d’un appendice impair 
antérieur, le palpode, et un type dérivé du premier, chez lequel 
même le palpode à disparu. Dans les deux types, il y a un autre 
organe des sens, l’organe nucal, qui, chez tous les Maldaniens, a la 


forme de deux poches étroites et longitudinales, prenant naissance 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 245 


un peu en arrière du palpode et s'étendant, plus ou moins loin, 
sur la face dorsale, des deux côtés de la ligne médiane. 

Ces deux sortes d'organes des sens sont innervés par un encéphale 
en forme de bandelette plus ou moins épaisse et plus ou moins 
arrondie, dans lequel on ne peut distinguer de séparation en lobe 
ou ganglion. Cet encéphale, en communication avec l’épiderme sur 
une grande région de sa face supérieure et antérieure, a donc subi 
une réduction parallèle à celle du lobe céphalique. Le premier seg- 
ment embrasse de chaque côté le lobe céphalique qui a la forme 
d'un coin et est tellement soudé avec ce dernier, qu'une limite réelle 
entre les deux ne peut être tracée; néanmoins, l'étude anatomique 
peut permettre de constater que les deux régions ont conservé leur 
connexion normale. 

Les yeux, qui forment une série de taches sur les côtés de la 
région antérieure, sont des veux unicellulaires, n'ayant pas la va- 
leur morphologique des yeux qui se trouvent sur le cerveau moyen 
des Polychètes rapaces, et paraissent formés, du moins en partie, 
sur la paroi du premier segment. 

La plaque céphalique qui existe dans une série de Maldaniens 
est formée par un pli circulaire de l’épiderme et une transformation 
des éléments musculaires ordinaires à l’intérieur de ce pli et en 
dessous de la surface qu'il encadre. Cette formation appartient, à 
l’exception de la région occupée par l'organe nucal, au premier 
segment. En effet, plus de la moitié et le bord circulaire sont situés 
en arrière d'un dissépiment servant de rétracteur de la trompe. Ce 
dissépiment est l’'homologue des dissépiments transversaux qui se 
trouvent dans le tiers postérieur des premiers segments du corps. 
Son insertion ventrale se fait à la place ordinaire, mais son inser= 
tion dorsale se fait un peu en arrière du bord postérieur des fentes 
de l'organe nucal. Il est probable que pourtant le dissépiment à 
conservé sa connexion primitive, mais que la portion du segment 
qui s'étend entre son insertion et le bord antérieur du second seg- 


ment a subi un notable accroissement, et cela expliquerait pour- 


246 _ ÉMILE-G. RACOVITZA. 


quoi la bouche est ventrale et très en arrière de l'extrémité anté- 
rieure au lieu d’être antérieure et subterminale. 

Le lobe céphalique tel qu'il vient d’être décrit peut être homo- 
logué, région par région, avec ceux moins déformés des Capitel- 
liens, Cirratuliens et Ophéliens. L'homologie est surtout frappante 
avecles Téléthusiens où se trouvent aussi les deux séries de formes: 
avec palpode et sans palpode; du reste, ces deux familles ont les 
plus étroites relations ensemble, comme le montrent aussi d’autres 
détails d'organisation. 


CHAPITRE II 


L'ORGANE NUCAL DES POLYCHÈTES. 


Dans le chapitre précédent, il a été fait mention d'un organe sen- 
sitif situé dans la région supérieure et postérieure du lobe cépha- 
lique. Cet organe, si différent de forme, a pu néanmoins être consi- 
déré comme homologue dans les quatre familles étudiées, grâce à 
ses connexions constantes avec la même masse cérébrale, le cerveau 
postérieur. 

Il s’agit maintenant de rechercher si cet organe nucal doit être 
considéré comme un organe typique des Polychètes, ou si c’est 
une acquisition cæœnogénétique d'un certain nombre de familles. 
L'enquête sommaire qui suit est suffisante pour éclairer cette 
question. 

SPENGEL (84, p. 32 ets.) est le premier qui ait essayé d'établir que 
l’organe nucal se trouvait très répandu chez les Polychètes. Il ras- 
semble les renseignements bibliographiques existant de son temps 
et parvient ainsi à trouver, dans onze familles [£uniciens, Lycori- 
diens, Syllidiens, Typhloscolécides, Phyllodociens, Tomoptériens, Poly- 
gordius, Saccocirrus, Ophéliens, Capitelliens, Ariciens, Sabelliens|, 
auxquelles il ajoute Clenodrilus pardalis, des organes qu'il est tenté 


L] 
d'homologuer, non sans certains doutes il est vrai, étant donné 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 247 


le peu de notions qu’on avait de son temps sur leur innervation. 

Il croit, à tort, que les otocystes des T'éléthusiens sont des organes 
nucaux transformés. 

ErsiG (87, p. 498-500) ajoute encore les Cirratuliens et Aelosoma 
à la liste de Spengel et conclut à la « sehr weite Verbreitung » des 
organes nucaux dans la classe des Annelés. La grande différence 
qu'il y a entre ces organes dans les diverses familles ne doit pas 
être considérée comme ayant grande importance, car les mêmes 
grandes variations se produisent au sein de la même famille. Il 
combat l'opinion de Spengel sur les otocystes des Téléthusiens, 
objectant que les deux organes peuvent coexister chez le même 
animal. 

Harscaer (94, p. 495) considère l'organe nucal comme typique 
chez les Polychètes, et cette opinion est partagée par RAcovirTzA (94), 
qui ajoute les Amphinomiens à la liste des familles ayant un organe 
nucal, et par PruvoT et RacovitTza (95), qui démontrent que les 
Hésioniens et les Aphroditiens sont aussi pourvus de cet organe. 

Il est impossible d'exposer ici la bibliographie complète de l'or- 
gane nucal chez les Polychètes depuis le travail de Spengel, car 
elle se confond avec la bibliographie de la systématique de ces ani- 
maux, et cela n'aurait pas grand intérêt. Il faut se borner à citer 
les familles non marquées sur les listes antérieures chez lesquelles 
l'organe à été trouvé, et un seul auteur ou deux suffront. 

KEFERSTEIN (62%, p. 106), chez Glycera capitata, et SAINr-Joserx 
(94, p. 23), chez Glycera gigantea, et (p.34) chez Goniada emerita, 
décrivent un appendice vibratile et rétractile de chaque côté de la 
base du lobe céphalique, qui est certainement un organe nucal. 

Pruvor (85) a trouvé, chez Nephithys Hombergi, et SANT-Josepx 
(94, p. 17), chez Nephthys cœca, des fossettes dans la région pos- 
térieure du lobe céphalique, qui doivent être homologues à l'organe 
nucal. | 

SAINT-JOSEPH (94, p. 106) décrit, chez Sclerocheilus minutus, deux 


organes exertiles du même genre. 


248 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


_ Pruvor (85) a soutenu que le canal excréteur des néphridies 
thoraciques des Serpuliens est formé par l’organe nucal transformé, 
et MEYER (88) a positivement démontré que l'interprétation de son 
devancier est Juste, et il a constaté la même chose pour les Æer- 
melliens. 

Euxers (92) a donné une description détaillée de l’organe nucal, 
soupconné déjà par Jourpan (8%, p. 282), des T'éléthusiens. 

Dans le présent mémoire ont été étudiés (chap. II et IV) les or- 
ganes nucaux des Amphinomiens el Lycoridiens déjà signalés, et 
ceux des Chrysopétaliens et Maldaniens décrits ici pour la première 
fois. À ces quatre familles, je puis ajouter les Æésioniens, en me bor- 
nant à déclarer que l’organe nucal se trouve parfaitement bien repré- 
senté chez Psamathe cirrata et Fallacia sicula, et qu’il forme deux 
bandelettes ciliées sur la région postérieure du lobe céphalique. 

L'organe nucal se trouve donc représenté chez les familles sui- 
vantes : 

Aphroditiens, Chrysopétaliens, Amphinomiens, Euniciens, Lycori- 
diens, Néphtydiens, Glycériens, Syllidiens, Hésioniens, Phyllodociens, 
Tomoptériens, Cirratuliens, Capitelliens, Ophéhiens, Scalibregmidés, 
Téléthusiens, Maldantens, Ariciens, Hermelliens, Serpuliens, Archian- 
nélides, Typhloscolécides, donc chez la grande majorité des Poly- 
chètes. Les familles où l’on ne connaît pas sa présence, le plus sou- 
vent pour ne pas l'avoir cherché, contiennent les formes très 
dégradées et sûrement pas primitives. On peut donc dire que l'or- 
gane nucal est un organe typique du lobe céphalique des Polychètes, ce 
qui veut dire qu’il est hérité de la souche et non une nouvelle acqui- 
sition, ou encore que tous les Polychètes l’ont ou ont dû l’avoir à un 


certain stade de leur àéveloppement embryonnaire ou phylogéné- 
tique. 


MorPuoLoGie. — Les formes que peut revêtir cet organe chez les 
différents Polychètes sont extrêmement variées et pourraient faire 


naître des doutes sur la réalité de l’homologie qu’on s’est efforcé 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 249 


d'établir. Il ne faut pas oublier, cependant, que l'organe nucal n’est 
que la spécialisation d’un point de la surface sensitive qu’on a appris 
à connaître sous le nom d’arre nucale. Cette spécialisation a pu se 
faire de différentes manières et séparément dans les différents groupes 
de Polychètes. La même chose se passe, du reste, pour les autres 
aires sensitives. Les palpes et les antennes n'ont pas la même forme 
dans les différents genres ou familles. Leur aspect peut même varier 
considérablement, comme on peut s’en convaincre sur les descrip- 
tions publiées plus haut (chap. Il); cela n’empêche pas qu'ils ne 
soient homologues.Je ne veux pas dire que, par exemple, l'antenne 
impaire des Amphinomiens et l’antenne impaire des Euniciens sont 
strictement équivalentes, c’est-à-dire que toutes les deux dérivent 
également de l’antenne impaire de la souche commune aux deux 
familles. Cela peut être le cas, mais il se peut aussi que chacune ait 
acquis cet appendice sous l'influence des mêmes nécessités, mais 
d’une manière indépendante, après leur séparation de la souche, qui 
en était dépourvue. Ce que tous les Polychètes ont hérité de leur 
souche commune, ce sont les trois aires sensitives pourvues de leur 
cerveau respectif. Les organes des sens spécialisés n’ont été acquis 
qu’à des stades divers de leur évolution phylogénétique, et l'organe 
nucal comme les autres. L’énorme variation d’aspect de ce dernier 
montre, jusqu’à un certain point, qu'il en a été ainsi, car il est im- 
possible de ramener la forme de tous les organes nucaux à une forme 
unique d’organe spécialisé. On peut, par contre, parfaitement s’ima- 
giner comment une surface sensitive a pu donner naissance, par des 
modifications en plusieurs sens, à toutes les formes d'organes nus 
Caux connus. | 

IL est impossible, dans l’état actuel des connaissances, de donner 
les différents sens de la variation de l'aire nucale primitive. Il n’est 
pas possible de démêler les familles qui ont acquis leur organe spé- 
Cialisé d'une manière indépendante, ni de connaître celles qui l'ont 
hérité l’une de l’autre, pas plus que de séparer les ressemblances 


x 


dues à l’hérédité de celles dues à la convergence. Ce qu'on peut 


250 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


faire, c'est grouper grossièrement les différents organes nucaux dans 
les catégories suivantes : 

1° La première catégorie renfermerait les formes dont l’organe 
nucal se rapproche le plus de l’état primitif d’aire sensitive. Dans ce 
cas, on a des surfaces ciliées en contact direct avec l’extérieur. Les 
Lycoridiens, Hésioniens et le Séaurocephalus peuvent servir d'exemple. 

99 Une autre catégorie présente l’organe nucal sous l’état très pri- 
mitif d’aire ciliée ou bien sous forme de fossette peu indiquée; mais 
dans les deux cas se montre un perfectionnement produit par le bord 
antérieur du premier segment qui recouvre l'organe et lui forme 
ainsi un appareil protecteur. Exemple : Z'unice. 

3° La troisième catégorie contiendra des formes chez lesquelles 
l'organe est plus développé, ce qui a nécessité la formation d’un pli 
en relief de l'aire sensitive. La surface qui reçoit les sensations est 
devenue de cette manière plus considérable. Exemple : Amphino- 
miens. 

4° Cette catégorie comprend les formes chez lesquelles le pli, au 
lieu d’être en relief, prend la forme de fossette ou de poche. Exemple: 
Maldaniens. 

5° Enfin, la dernière catégorie comprendra les formes dont l'or- 
gané nucal est aussi sous forme de poche ou fossette, mais dévagi- 
nable à volonté, ce qui constitue un grand perfectionnement. 


Exemples: Polyophthalmus, Capitelliens. 


ANATOMIE ET HISTOLOGIE. — Tous les auteurs qui se sont occupés de 
cet organe constatent qu'il est formé par une modification, souvent 
très légère, de la paroi épidermique du lobe céphalique. Cela est très 
facile à voir, mais ce qui l’est moins, c'est la disposition des cellules 
et leur rôle; aussi, sur ce sujet, les différents auteurs ne sont pas ar- 
rivés à une conception suffisante. Pour : 

Meyer (82, p. 195-796), chez Polyophthalmus, l'organe est constitué 
par des cellules ciliées très allongées qui s'étendent de la cuticule 


jusque dans une couche ganglionnaire, où leur extrémité opposée 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 251 


plonge. Le nerf nucal se ramifie dans cette couche ganglionnaire. 

SPENGEL (814, p. 28-29) décrit, chez Oligognathus, des cellules ciliées 
très allongées et pénétrant avec leur extrémité basale dans une 
couche de cellules ganglionnaires, au milieu desquelles se ramifie 
la masse centrale fibreuse des appendices postérieurs [lisez : cerveau 
postérieur] du cerveau. 

Pruvor (85) décrit l'organe nucal des Æ/yalinæciu, Lumbriconereës 
et Amotrypane, comme formé de longues cellules ciiées. 

JourDAN (8%, p. 278 et s.) trouve chez £'unice de hautes cellules 
ciliées, en forme de fibres, « allant de la cuticule à cette sorte de 
basale qui constitue la limite inférieure de la substance ponctuée du 
cerveau ». Les cellules se terminent par des filaments qui s'enchevé- 
trent parmi les cellules de la couche nucléaire sous-jacente. 

Eisi@ (87, p. 79 ets.) décrit chez Notomastus deux sortes de cellules. 
Des cellules ciliées en forme de massue et, entre elles, comme élé- 
ments de remplacement, des cellules en forme de fuseau. Les pre- 
mières sont en communication par un ou plusieurs filaments avec 
une couche sous-jacente de fibres anastomosées, qui est formée par 
les branches du nerf nucal entré dans l’épiderme. Du reste, tous ces 
éléments sont tellement anastomosés les uns avec les autres, qu’ils 
forment une masse indissoluble, mais qui, néanmoins, est une mo- 
dification de la paroi épidermique. 

Exzsrs (92, p. 264-265), chez Arenicola, n’a vu que des cellules ci- 
liées très hautes. 

MALAQUIN (93, p. 184-185), chez les Syllidiens, trouve « qu’il existe 
toujours deux lobes occipitaux de la substance médullaire (substance 
ponctuée de l’encéphale) se rendant dans ces organes (organes nu- 
eaux) et se mettant en rapport très intime avec les pieds des cellules 
columnaires épithéiiales ». 

Rerzius (95) a découvert, chez Nereis, un organe sensitif particu- 
lier, dont il déclare ignorer la signification et qui n’est autre que“l'or- 
gane nucal décrit dans le chapitre II de ce mémoire. [l constate qu’en 


arrière des yeux se trouvent deux aires semilunaires de cellules épi- 


252 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


dermiques fusiformes. Au-dessous, presque conire le cerveau, se 
trouvent des cellules « opositipol-bipolaires », manifestement sensi- 
tives, dont l’un des prolongements pénètre entre les cellules fusi- 
formes et l’autre se termine librement dans la masse ponctuée du 
cerveau. 

Toutes les descriptions des auteurs précédents sont exactes, mais 
toutes aussi sont incomplètes, soit parce qu’elles ne donnent que 
l’aspect superficiel des coupes de l'organe nucal, soit parce qu’un des 
éléments est seul décrit, soit enfin parce que les rapports des élé- 
ments entre eux n’ont pas été élucidés. C’est Retzius, cependant, qui 
a décrit le mieux cette structure. 

On trouvera dans le chapitre IV l'étude détaillée de l'organe nucal 
dans diverses familles. Je vais exposer sommairement ici les résul- 


tats de cette étude. 
L'organe nucal dans son ensemble est une partie de la paroi épi- 


dermique dans laquelle on trouve les éléments cellulaires suivants : 

1° Cellules de soutien, de forme variable, en général très allongées, 
pourvues d’une extrémité cuticulaire large et d’une extrémité basale 
effilée se résolvant en filaments intriqués dans la basale. Le cyto- 
plasma a une structure fibrillaire et se colore fortement par l'acide 
osmique et la safranine. Ces cellules bordent les cellules glandulaires 
et vibratiles. 

2° Cellules glandulaires, en forme de bouteille à col allongé, comme 
dans le reste de l’épiderme. Elles sont placées entre les cellules de 
soutien et ont la structure habituelle. 

3° Cellules ciliées [en forme de massue (Eisig), columnaires (Pruvot, 
Jourdan, Meyer, Spengel, Ehlers, Malaquin), fusiformes (Retzius)| 
ayant une extrémité cuticulaire renflée et ciliée, et une extrémité ba- 
sale effilée, terminée par des filaments intriqués dans la basale. Le 
cytoplasme est très granuleux et le noyau possède des chromosomes 
très petits et irréguliers. 

4° Cellules nerveuses épidermiques [couche ganglionnaire (Meyer, 
Spengel), couche nucléaire (Jourdan), cellules de remplacement 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 253 


(Eisig), cellules opositipol-bipolaires (Retzius)] formées par un corps 
protoplasmique de dimension variable, généralement faible, conte- 
nant un noyau arrondi ou légèrement ovoïde, à chromosomes petits, 
égaux et régulièrement disposés. L’extrémité cuticulaire est toujours 
constituée par un filament qui arrive jusqu'à la cuticule et qui passe 
entre deux cellules ciliées. L’extrémité basale forme aussi un ou plu- 
sieurs filaments ou fibres. Le filament unique, ou l’un des filaments 
quand il y en a plusieurs, se rend soit directement dans la substance 
ponctuée, pour s’y terminer, quand l'organe nucal est accolé au 
cerveau postérieur, ou bien forme un nerf nucal, quand l'organe est 
éloigné du cerveau. 

… 5° Cellules migratrices, remplies d’un pigment jaune que Æaller (89) 
a déjà signalé, avec doute il est vrai, dans la chaîne ganglionnaire de 
Lumbricus agricola, et dont la véritable nature et provenance a été 
démontrée expérimentalement par Æacovitza (93). La disposition de 
ces éléments à l’intérieur de la paroi de l'organe nucal est irrégu- 
lière. Ils sont surtout cantonnés entre les extrémités basales des cel- 
lules. 

Ces cinq catégories d'éléments sont les seules qui entrent dans la 
constitution de l’organe nucal. Leur connexion est toujours celle in- 
diquée ; seulement leur position varie avec les diverses modalités 
que peut présenter l'organe nucal. 

Au point de vue de l'importance, on peut diviser les cinq sortes 
d'éléments en trois catégories : 

a) Éléments essentiels. — Ce sont les cellules ciliées et les cellules 
nerveuses épidermiques, car ce sont elles qui donnent à l’organe 
nucal son caractère. 

Les premières ont une disposition constante ; elles s'étendent tou- 
jours de la cuticule à la basale de la paroi épidermique qui forme 
l'organe nucal, mais leur groupement sur l'aire nucale peut varier 
de diverses manières. Elles peuvent, par exemple, former une sur- 
face plus ou moins étendue (Wereis), des bandes longitudinales (£'u- 


phrosyne) ou équatoriales (Chrysopetalum), eic. 


954 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Les cellules nerveuses épidermiques ont toujours l'extrémité cuti- 
culaire fibrillaire située entre les cellules ciliées et aboutissant à la 
cuticule, et leur extrémité basale, fibrillaire aussi, terminée dans la 
substance ponctuée, mais le corps cellulaire avec le noyau peut avoir 
des positions variées. Le corps cellulaire peut être situé dans la paroi 
épidermique même, et alors le filament basal est très long et consti- 
tue un nerf, tandis que le filament cuticulaire est très court (Malda- 
niens); ou bien le corps cellulaire a quitté la paroi épidermique pour 
se placer près de la masse du cerveau postérieur, et alors le filament 
cuticulaire est très long, et forme un nerf bien net (Chrysopetalum), 
si l'organe nucal est très éloigné du cerveau postérieur, ou un nerf 
très court (Vereis), quand l’organe nucal est tout contre le cerveau. 
Quoi qu'il en soit, les rapports sonf touours les mêmes dans tous les 
cas. Pour bien comprendre cela, il faut imaginer une fibre passant 
entre les cellules ciliées et aboutissant d’un côté à la cuticule et de 
l’autre à la substance ponctuée, et un corps cellulaire pouvant glis- 
ser le long de cette fibre. Quelle que soit la position du corps cellu- 
laire, les connexions de la fibre seront toujours les mêmes, cela se 
comprend facilement. 

Les éléments essentiels peuvent constituer à eux seuls tout l’organe 
nucal (Wereis) ou bien s'accompagner des : 

b) Eléments accessoires, les cellules glandulaires et de soutien. Les 
premières sont généralement groupées, et forment des bandes lon- 
gitudinales (£'uphrosyne) ou bien des régions bien délimitées (Chry- 
sopetalum), mais elles peuvent aussi être placées isolément parmi les 
cellules de soutien en des endroits déterminés, comme par exemple 
autour des orifices des organes nucaux en forme de fossettes ou 
poches (crête de l’organe nucal des Maldaniens). Les cellules de sou- 
tien bordent les éléments essentiels ou bien les cellules glandulaires. 

c) Eléments accidentels. — Ce sont les cellules migratrices, qui gé- 
nétiquement n’ont rien de commun avec les autres éléments, et dont 
la présence dans la paroi nucale est due à un phénomène de diapé- 
dèse excrétoire. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 259 


DÉVELOPPEMENT ET HISTOGENÈSE. — On ne possède malheureusement 
que des données fort sommaires sur ce sujet. Le seul auteur qui en 
ait fait une étude sérieuse est 

KLEINENBERG (86, p. 31-73); aussi faut-il se borner à résumer ce 
que cet auteur a décritchez Lopadorynchus et Phyllodoce. Dans la ré- 
gion préorale de la larve se trouvent deux plaques sensitives dési- 
gnées sous le nom de « Sinnesplaten ». Aux bords en regard de ces 
deux plaques se forment les antennes postérieures, et aux bords 
opposés, l’épiderme se déprime pour former deux fossettes, les or- 
ganes nucaux. Les cellules qui forment le fond de l'invagination 
prennent la forme de hautes pyramides et leurs noyaux reculent vers 
la base, pendant que le cytoplasme devient finement granuleux et 
clair. Des cils vibratiles naissent à la face libre de ces cellules. 

Ensuite les cils s’allongent; deux cellules nerveuses de grande 
taille (Reflexzellen) apparaissent à la base de l'organe et envoient leur 
prolongement principal entre les cellules ciliées. À cet état l'organe n’est 
pas encore évaginable; mais bientôt les muscles apparaissent à sa 
face interne, et une partie de la paroi s’épaissit beaucoup par la mul- 
tiplication des cellules {certainement nerveuses (Auct.)]. Quand les 
derniers caractères larvaires ont disparu, l'organe nucal devient de 
plus en plus ovoïde et il peut être dévaginé. 

La paroi interne de la fossette nucale est en continuité avec la 
« Simesplaite », et à cet endroit a lieu une prolifération active des 
cellules en profondeur. Il se forme ainsi un ganglion nerveux qui 
se divise en deux : une portion interne qui se soude à l’encéphale 
en formant un lobe postérieur de chaque côté, et une portion externe 
qui reste unie à l'organe nucal et forme chez l'adulte le ganglion 
olfactif. 


PuysioLoGie. — Tous les auteurs sont d'accord pour considérer 
l'organe nucal comme un organe sensitif, sauf 
QUATREFAGES (50, p. 14), qui fait de cet organe, chez Polyophthal- 


mus, un appareil analogue à celui des Rotifères, destiné à amener à 


256 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


la bouche les particules alimentaires. Mais l’accord est loin d’être 
établi en ce qui concerne la qualité de la sensation. Il est du reste 
difficile d'arriver à quelque chose de précis, étant donné que les 
expériences manquent complètement et qu'on est réduit aux conjec- 
tures. 

KEFERSTEIN (62, p. 124) et Fiscuer (83, p. 271) attribuent à l’or- 
gane nucal des Capitelliens une fonction tactile. Cette opinion doit 
être rejetée avec certitude, car les organes tactiles ont une toute 
autre structure. 

MEYER (82, p. 796), KLEINENBERG (86) et ErerG (8%, p. 703-705) attri- 
buent à l’organe nucal une fonction olfactive. Le dernier constate 
que les fonctions visuelles, tactiles, gustatives et auditives sont re- 
présentées, chez les Polychètes, par des organes dont la fonction a 
pu être déterminée avec assurance. Il ne resterait donc que la fonc- 
tion olfactive pour l’organe nucal. 

JOURDAN (8%, p. 283) pense que tout ce qu’on peut dire c’est que 
ce n’est pas un organe visuel, tactile ou auditif. Il est téméraire de 
lui attribuer la fonction du goût [l’auteur ignore que ces organes 
existent chez les Euniciens (Auct.)] ou d’odorat. Il est difficile de dé- 
terminer les fonctions sensorielles des animaux aquatiques, et il est 
possible que ces organes aient des fonctions mixtes (olfactives et 
tactiles, par exemple). En tout cas, les organes nucaux ne sont pas 
des organes bien actifs. Pourquoi? (Auct.) 

MaLaouiIN (98, p. 185-186) soutient que ce n’est pas un organe 
olfactif. Ne serait-il pas plutôt «chargé de percevoir les ondes 
liquides produites par un mouvement étranger? La disposition en 
fossette de l’organe [Malaquin oublie que ce n’est pas le cas général 
(Auct.)] et surtout celle qui existe chez Odontosyllis et Eusyllis, où, 
grâce à la lame protectrice qui peut à volonté, en se relevant, aug- 
menter la perception sensorielle, sont favorables à cette hypothèse ».. 
[Pourquoi ? (Auct.)] 

L'opinion de Malaquin ne paraît pas justifiée. Comment un or- 


gane, dont les cils produisent un courant d’eau continuel à sa sur- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 257 


face, peut-il enregistrer les ondes liquides produites par les mouve- 
ments étrangers? Très souvent il est en forme de fossette très 
profonde, non dévaginable, où les mouvements de l’eau ont peine 
à se faire sentir. Les Polychètes munis de longs appendices se ren- 
dent compte, par les mouvements imprimés à ces derniers, des 
variations dans l’état statique de leur milieu. 

La fonction olfactive, quoique non démontrée, me paraît plus 
probable et cela pour les raisons suivantes : 

En procédant par élimination, il ne reste que cette fonction à 
attribuer à l’organe nucal, qui a une structure différente de tous les 
autres organes des sens. 

Cet organe possède des cellules vibratiles, des cellules glandulaires 
et des cellules nerveuses ressemblant tout à fait aux éléments analo- 
gues des épithéliums olfactifs des animaux supérieurs. Ces trois ordres 
d'éléments sont caractéristiques des organes olfactifs en général. 

Si l’on observe les Polychètes à organes nucaux dévaginables, on 
voit qu'ils ne les évaginent que lorsqu'ils sont tout à fait tranquilles, 
après que les mouvements de l’eau ont cessé. Dès qu’on remue 
l’eau du récipient qui les contient, ils les rétractent avec rapidité. 
Il résulte de là qu’ils n’évaginent pas l’organe pour avoir une sen- 
sation plus nette des ondes liquides. Au contraire, dès qu'ils ont la 
sensalion d’un mouvement étranger au moyen d’autres organes, ils 
s’'empressent de mettre leur organe nucal à l’abri du danger qui 
s'annonce. L’organe nucal sert aux Polychètes justement quand il 
n'y a pas de mouvement dans le milieu liquide où ils sont plongés. 
Les cils qui sont à sa surface forcent les couches liquides à passer 
sur l’organe pour être examinées successivement. C’est, il semble, 
la meilleure manière d'interpréter la siructure de cet organe et 
l'usage qu’en font les animaux. 


TRANSFORMATIONS MORPHOLOGIQUES ET FONCTIONNELLES. —— Chez les 
Serpuliens et Hermelliens, organe nucal subit une transformation 
bien curieuse. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËNe — 3% SÉRIE -— T. IV. 1896. 17 


258 EMILE-G. RACOVITZA, 


Pruvor (85, p.116) a émis l’idée que l’extrémité supérieure des 
glandes thoraciques de Serpula est l’homologue de cet organe, et 

Meyer (SS, p. 629-634) a démontré l’exactitude de cette inter- 
prétation aussi bien pour les Serpuliens que pour les Hermelliens. 
Meyer a démontré, en effet, que l’orifice des néphridies thoraciques 
est situé sur le lobe céphalique. Au point de vue du développement, 
toute la partie ectodermique du canal néphridial appartient à la 
région préorale et ne se réunit que secondairement au reste de la 
néphridie, qui appartient au second segment. Même pendant un 
certain temps, les deux tubes néphridiaux s'ouvrent séparément 
en arrière de l’orifice définitif, qui se développe comme une fente 
ciliée, accolée à la portion de l’encéphale qui correspond au cer- 
veau postérieur. Les nerfs correspondant aux nerfs nucaux des 
autres Polychètes innervent aussi cette région des néphridies tho- 
raciques. 

Si cette interprétation est exacte, il n'en est pas de même de celle 
de 

SPENGEL (84, p. 32), qui considère les otocystes des Arenicola 
comme des transformations de l’organe nucal. Cela n’est pas pos- 
sible; d’abord parce que les deux catégories d'organes coexistent 
chez les mêmes formes, et ensuite parce que l’organe nucal appar- 


tient à la région céphalique et l’otocysie à la région somatique. 


COMPARAISON AVEC LES AUTRES GROUPES. — (Citons seulement les 
Oligochètes, animaux dérivés des Polychètes, qui sont pourvus 
quelquefois de cet organe (Ctenodrilus, Aelosoma). Les fossettes 
vibratiles de Vemertes sont probablement les homologues de ces 
organes, et aussi les organes ciliés des Planaires. N'ayant pas d’ob- 
servations nouvelles à présenter à ce sujet, je me borne à ces indi- 


cations. 


Résumé. — Les Polychètes possèdent à la face postérieure du 


lobe céphalique une aire sensitive, l’aire nucale, sur laquelle se déve- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 259 


loppe, dans la grande majorité des cas, un organe des sens spécia- 
lisé, l'organe nucal. 

L’aire nucale, par sa présence constante el ses connexions tou- 
jours les mêmes, doit être considérée comme typique pour les Poly- 
chètes, c’est-à-dire héritée de leur souche. Par contre, les organes 
nucaux, qui n'existent pas toujours et qui sont d’une variabilité très 
grande, peuvent être considérés comme des acquisitions indépen- 
dantes de chaque famille ou groupe de familles. 

Il n'est pas encore possible de grouper ces organes d’après les 
relations phylogénétiques qui unissent les Polychètes qui les por- 
tent; aussi doit-on se borner à les grouper au moyen de leur forme 
extérieure. On obtient alors les cinq catégories suivantes : 

1° Surfaces plus ou moins planes en contact direct avec le milieu 
ambiant; 

2° Surfaces planes ou fossettes peu profondes pourvues d'un 
appareil protecteur formé en général par le bord antérieur du pre- 
mier segment ; 

3° Crêtes et plis faisant plus ou moins saillie à la surface épi- 
dermique ; 

4° Fosseties ou poches profondes non dévaginables; 

5° Fossettes dévaginables. Il va sans dire qu'on trouve tous les 
intermédiaires entre quelques-unes de ces catégories. 

L'organe nucal est une modification de l’épiderme, et toutes les 
parties qui entrent dans sa constitution ne sont que des transfor- 
mations des parties constituantes de cette couche cellulaire. Les 
éléments qui peuvent entrer dans sa constitution n’ont pas la même 
importance. Il y a les éléments essentiels qui donnent leur caractère 
à l'organe et qui peuvent exister seuls. Ce sont les cellules ciliées 
ou vibratiles qui ne dépassent pas l'épaisseur de l’épiderme, et les 
cellules nerveuses fusiformes, dont le prolongement cuticulaire 
passe en deux cellules de la première catégorie et dont le prolonge- 
ment basal se rend dans le cerveau postérieur. Les prolongements 


cuticulaires et basaux peuvent l’un ou l’autre former un nerf, sui- 


200 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


vant que le corps cellulaire de la cellule nerveuse est placé près du 
cerveau ou dans l'épaisseur de l’épiderme. Les éléments accessoires 
sont les cellules de soutien et les cellules glandulaires ; ces dernières 
forment en général des agglomérations bien délimitées. Enfin il y 
a un élément accidentel, la cellule migratrice, comme dans le reste 
de l’épiderme. 

Le développement de l’organe nucal montre aussi que son originé 
est purement épidermique, et montre que les relations entre les 
cellules nerveuses et vibratiles sont primitives. 

La fonetion de l’organe est probablement une fonction semblable 
à la fonction olfactive des animaux supérieurs. La structure de l’or- 
gane et l’usage que paraissent en faire les Polychètes le démontre 
jusqu’à un certain point. 

Chez les Serpuliens et Hermelliens, cet organe forme la parue 
ectodermique du canal des néphridies thoraciques. 

On trouve des organes analogues à l’organe nucal chez les Oligo- 


chètes, Nemertiens et Planaires. 


CHAPITRE IV 


STRUCTURE HISTOLOGIQUE DE LA RÉGION NUCALE. 


[. — Euphrosyne Audouini (Costa). 


(PI. II, fig. 11-17, et pl. III, fig. 18-21.) 


$& 1. — HISTORIQUE. 


Mac Intosh (94, p. 55-57) est le seul auteur qui se soit occupé de la 
structure intime de la caroncule. Il constate que cet organe, en forme de 
langue, a une cuticule mince, et que la plus grande partie de la masse in- 
terne est formée par des cellules hypodermiques et des granules. Il décrit 
ensuite une quantité de fibres, qu'il considère comme musculaires, et qui 
sillonnent l'organe dans tous les sens. La description est tellement obscure, 
et les figures sont si peu claires que, malgré l'application que j'y ai mise 
et malgré Ia connaissance personnelle que j'ai de l’organe, je n’ai rien pu 
comprendre. Ainsi, il décrit une espèce de voûte formée de fibres muscu- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 264 


laires dont les éléments pénètrent (!), en s'irradiant, dans l’hypoderme, 
fait qui serait unique, s’il était exact, car personne à ma connaissance n’a 
trouvé des muscles entre les cellules épidermiques des Polychètes. En des- 
sous de la voûte sont des muscles qui s’insèrent sur le raphé buccal; cette 
origine des muscles longitudinaux est exactement observée comme on le 
verra plus tard. Il dit aussi que le cerveau donne un nerf en arrière pour 
la caroncule, ce qui est inexact, et différentes fibres tout autour pour le 
même but, ce qui n’existe pas. L'auteur a certainement confondu les fibres 
musculaires avec les cellules de soutien très allongées de la paroi de la ca- 
roncule. Il prend aussi le cerveau postérieur pour un organe glandulaire 
à cause du pigment qui s’y trouve. Les dessins qui accompagnent le travail 
sont tout à fait rudimentaires, et représentent des coupes mal orientées 
sur lesquelles aucune cellule n’a été figurée. 

RacoviTzaA (94) décrit sommairement le cerveau postérieur et l’innerva- 
tion de l’organe nucal en leur donnant leur véritable signification. Il dé- 
clare que la structure histologique de ce dernier ressemble à la structure 
histologique des organes similaires des autres Polychètes. C’est ce qui reste 
maintenant à démontrer. 


$ 2. — LA CARONCULE. 


DISPOSITION GÉNÉRALE DES ÉLÉMENTS (fig. 11-14). — Pour la forme 
extérieure et pour la situation, je renvoie à ce qui à été dit à propos 
du lobe céphalique (chap. 1). 

Un coup d'œil jeté sur les figures représentant les coupes longitu- 
dinales (fig. 11, 12), ou les coupes transversales (fig. 13), montre que 
la caroncule n’est qu'une simple évagination de la paroi postérieure 
du lobe céphalique. C’est une espèce d’ampoule dont l’orifice est 
plus étroit que le diamètre, qui a été forcée de prendre une forme 
allongée, parce que la partie postérieure du lobe céphalique a été 
resserrée entre les moiliés des premiers segments, rabattues en 
avant. En même temps, trois plis longitudinaux se sont formés. Un 
pli médian, à paroi épaisse sur toute son étendue, pourvu d’une 
cavité centrale bien marquée. C'est ce que j'ai appelé le lobe médian 
(OrgN. Im). Il est flanqué, de chaque côté, d’un pli (le lobe latéral, 
OrgN. ll.) beaucoup plus bas, ayant le flanc interne très épais, tandis 


que le flanc externe est très mince, La cavité centrale de ces deux 


262 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


plis n’est que virtuelle, les deux flancs étant appliqués Fun sur 
l’autre. 

La cuticule de la face dorsale du premier segment et du reste du 
lobe céphalique se poursuit d'une manière ininterrompue sur la 
caroncule et les cellules de l’épiderme font de même. Cela ne pré- 
sente pas la moindre difficulté d'interprétation, quoique les cellules 
de la paroi caronculaire aient subi des modifications particulières 
qui seront étudiées plus tard. 

Il paraît en être autrement pour les muscles; en effet, on distingue 
dans la caroncule deux sortes de groupements de ces éléments. 

On trouve d’abord les muscles transversaux (We, fig. 13), situés 
seulement en dessous de la fente longitudinale qui donne accès 
dans l’ampoule formée par l'organe nucal. Ils forment, sur toute la 
longueur de la fente, une espèce de grillage transversal, à barreaux 
assez larges. 

Viennent ensuite les muscles longitudinaux (Mn et Mo, fig. 12), per- 
pendiculaires sur les premiers ; ils passent entre les fibres des muscles 
transversaux et vont s’insérer, d’une part, sur Loute la basale qui 
tapisse la face interne du lobe médian de la caroncule, et, d'autre 
part, une partie s’insère sur un pli de l'æœsophage (7), qui se trouve 
en dessous de la caroncule, tandis que d’autres fibres, moins nom- 
breuses il est vrai, s’insèrent aussi sur l’œsophage, mais légèrement 
en arrière. Comme l'insertion supérieure de ces muscles suit toute 
la paroi interne du lobe médian, il se forme ainsi, à l'intérieur de la 
caroncule, un dissépiment musculaire (Mn) situé exactement dans 
le plan sagittal du corps. Get appareil musculaire, si bien développé 
et si particulier, est une simple modification, au fond très légère, 
de la disposition habituelle des muscles de la paroï céphalique. En 
effet, les muscles transversaux (Mc) sont en continuation directe 
avec les muscles qui suivent la paroï céphalique, et les muscles lon- 
gitudinaux ou nucaux (Mo et Mn) font partie des muscles qui tra- 
versent en tous sens la cavité céphalique. Lors de la formation 


des trois plis qui ont donné naissance à la caroncule, les muscles 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 263 


circulaires ou pariétaux sont restés en place, n'ayant pas été inté- 
ressés par la formation de l’ampoule; au contraire, les muscles 
obliques, insérés sur la basale de la région épidermique qui a été 
distendue et plissée, ont dû suivre cette région dans les mouvements 
qu’elle a subis. Ils ont gardé leur connexion habituelle ; leur lon- 
gueur seule est devenue plus considérable. 

Le péritoine revêt, comme d'habitude, les fibres musculaires et 
la basale de l’épiderme caronculaire, non occupée par ces der- 
nières, et se continue naturellement avec le reste du péritoine du 
cœlome céphalique. 

On voit donc que l'organe nucal, ou la caroncule, est formé 
exactement des mêmes parties qu'une portion quelconque de Ia 
paroi du lobe céphalique. Il nous resterait à expliquer la formation 
et la signification du nerf nucal et du cerveau postérieur. Cela fera 
l’objet d’un autre paragraphe. Passons maintenant à l'étude histolo- 
gique de chacun des éléments caronculaires dont la disposition 


générale a été étudiée plus haut, 


Curicuce (fig. 14 et 19, Cu), — Cette membrane présente une 
structure tout à fait particulière qui, je crois, n’a pas été signalée 
encore chez les Polychètes ; on y distingue deux niveaux. 

Le niveau inférieur (Cu), celui qui se trouve immédiatement au- 
dessus des ceilules de l’épiderme, présente l’aspect et la structure 
d'une cuticule ordinaire. C’est une membrane hyaline, montrant 
sur les coupes une succession de couches qui sont bien distinctes, 
surtout aux plis; l'épaisseur de ce niveau est, en général, assez 
grande, mais c’est dans les plis que l'épaisseur devient considérable. 
À sa partie supérieure se trouve un autre niveau (Cu. b), dont l’épais- 
seur dépasse légèrement celle du niveau inférieur ; les éléments qui 
le constituent sont de pelits cylindres hyalins, paraissant formés 
de la même substance que la cuticule. Ces bâtonnets sont placés 
côte à côte, et ce sont eux qui donnent à la caroncule l'aspect du- 


veté qui la caractérise. La plus grande hauteur des bâtonnets est 


264 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


réalisée au sommet des trois plis de la caroncule. Ils disparaissent, 
par contre, complètement dans les gouttières ciliées ; à cet endroit 


aussi le niveau inférieur s’amincit beaucoup. 


ÉPipeRME. — Dans la caroncule, comme dans toutes les régions du 
corps, cette couche cellulaire se compose des éléments suivants, qui 
seront successivement étudiés : Les cellules de soutien, les cellules 
glandulaires, les cellules nerveuses et les cellules migratrices, aux- 
quelles viennent s'ajouter, dans la paroi caronculaire, les cellules 
ciliées. La plus grande épaisseur de la paroi épidermique se trouve 
réalisée dans la région moyenne de la caroncule et, pour préciser 
davantage, dans le lobe médian et les flancs internes des lobes laté- 
raux. En avant et en arrière, l’épaisseur diminue beaucoup, et dans 
le flanc externe des lobes latéraux l’épiderme ne forme qu’une mince 
membrane de cellules aplaties. 

1. CELLULES DE SOUTIEN (fig. 14, 15 et 20, CT. s). — Dans les flancs 
externes des plis latéraux de la caroncule, ces éléments ont exacte- 
ment la même apparence que dans l’'épiderme ordinaire du corps. 
Ce sont des cellules allongées, pourvues de noyaux ovales qui touchent 
d'un côté à la cuticule (connexion cuticulaire !) qu'elles sécrètent, 
et qui, de l'autre côté, intriquent leurs filaments postérieurs (con- 
nexion basale) avec ceux des cellules voisines pour former une mem- 


brane basale. Au fur et à mesure que la paroi épidermique augmente 


1 Un des résultats de l’étude exposée dans ce chapitre sera de démontrer que 
toute la région nucale provient de la transformation d’une partie de l’épiderme 
céphalique. Dans l’épiderme, les cellules sont placées à côté l’une de l’autre sur une 
seule rangée. Tous ces éléments arrivent d’un côté à la cuticule et de l’autre à la 
basale. J’ai donné à l'extrémité qui touche la cuticule le nom d’extrémilé culicu- 
laire (kc), et à l’autre : extrémité basale (kb). Ces extrémités conservent toujours les 
mêmes rapports avec la cuticule et la basale, quelles que soient les modifications 
subies par le corps cellulaire. De là il résulte que toute cellule épidermique est 
typiquement bipolaire, et possède, à l’intérieur de la paroï épidermique, deux con- 
nexions constantes que j'ai nommées connexion culiculaire et connexion basale. 
Il sera tenu compte dans la description de chaque catégorie de cellules de ces deux 
connexions et extrémités. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 265 


en épaisseur, ces cellules subissent une modification considérable 
par le fait de l'allongement qu’elles doivent supporter. 

A cet état de transformation (fig. 14 et 15), ces éléments sont for- 
més par une partie distale plus ou moins conique qui contient le 
noyau, et par une partie, extrêmement allongée el très mince, qui 
va se terminer à la basale. Le noyau suit la forme générale de la cel- 
lule ; plus la cellule est étirée et plus le noyau devient long. Ceci 
arrive surtout dans les plis qui séparent le lobe médian de la caron- 
cule des lobes latéraux. La chromatine est distribuée en petits gra- 
nules, de forme irrégulière, et le réseau achromatique est très diffi- 
cilement visible. Le cytoplasma se colore très fortement par la safra- 
nine et par l’acide osmique. Du côté cuticulaire, dans la partie plus 
épaissie de la cellule, on observe des granulations sphériques, de 
grosseur variable, distribuées surtout autour du noyau. La connexion 
cuticulaire (£c) se fait sur un large espace, d’autant plus large que 
la paroi épidermique est plus épaisse. Cela s’explique par le fait qu'à 
cet endroit les cellules sont éloignées l’une de l’autre, beaucoup plus 
que dans les plis, par exemple. La connexion basale (kb) s’établit 
naturellement à l’aide des filaments, dans lesquels se résout la base 
de la cellule, mais très souvent cette disposition primitive ne peut 
plus être discernée, car la basale forme une membrane compacte, 

Les cellules de soutien ont dû être accolées primitivement les 
unes aux autres sur toute leur longueur, mais elles ont été séparées, 
plus tard, à cause du développement des cellules inférieures, sur 
une grande partie de leur étendue et notamment dans la partie 
effilée de leur corps cellulaire. L'union des cellules entre elles ne peut 
donc se faire que du côté cuticulaire et du côlé basal. Dans le pre- 
mier cas, dans les endroits où la paroi est très épaisse, ces cellules 
ont sur les coupes transversales la forme de T, aussi l’union ne se 
fait-elle que suivant les petites branches verticales du T ; dans d’au- 
tres endroits, l'union se fait sur une plus ou moins grande partie 
de leur paroi latérale. Du côté basal, l’union se fait naturellement 
au moyen des filaments terminaux. 


266 ÉMILE-G. RACOVITZA, 


2. CELLULES GLANDULAIRES (fig. 14, C. gl). — Ces cellules forment 
une bande étroite et longitudinale sur le sommet des trois lobes de 
la caroncule. Elles ont la forme pyramidale, elles sont épaisses et 
volumineuses ; leur noyau est plus ou moins ovale et situé dans le 
tiers inférieur de la cellule. La substance chromatique est distribuée 
en très fines granules, et il n’y a pas de nucléole. Le cytoplasma, 
dans les préparations fixées à la liqueur de Flemming, paraît formé 
d'une masse de très fines granules, mais le sublimé montre qu'il est 
divisé en vésicules sphériques de dimension égale. La connexion cu- 
ticulaire se fait sur un très large espace et la connexion basale se 
fait comme toujours par les filaments terminaux qui se confondent 
dans la basale. L'union des cellules entre elles se fait sur toute la 
paroi latérale et par l’intrication des filaments terminaux. Sur une 
coupe transversale, on trouve, en général, deux ou trois de ces cel- 
lules, flanquées à droite et à gauche par un groupe de cellules de 
soutien unies entre elles sur toute leur longueur, et unies de la même 
manière aux Cellules glandulaires. 

3. CELLULES ciLiées (lig. 14 et 20, Cl.v.). — Ges éléments sont fusi- 
formes ; ils commencent, à la cuticule, par une extrémité renflée qui 
diminue jusque vers la moitié de la longueur totale ; puis arrive un 
renflement assez important qui contient le noyau, et ensuite la cel- 
lule s’effile encore une fois. Du reste, la forme de ces cellules dépend 
de la place que lui laissent les autres éléments, et souvent on peut 
voir que ces cellules ont plus ou moins la forme pyramidale. Leur 
noyau est plus gros que celui des autres cellules; il est ovalaire et sa 
chromatine est distribuée en granules de forme irrégulièrement 
arrondie, Le cytoplasma, quel que soit le mode de fixation, est très 
finement granuleux et faiblement coloré. 

La connexion basale (kb) se fait à l’aide des filaments terminaux, 
mais la connexion cuticulaire (kc) présente une particularité impor- 
tante, Dans les nombreuses coupes que j'ai examinées, le cytoplasma 
n’arrivait jamais jusqu’à la cuticule très mince qui limite cette ré- 
gion vers l'extérieur. Le bord des cellules (p/, fig. 14) à cet endroit 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTÉS. 267 


forme une ligne très irrégulière. En regardant de plus près et avec 
de très forts grossissements, on aperçoit que le bord de la cellule 
donne de petits prolongements, et chaque prolongement se poursuit 
dans un cil qui traverse la cuticule par un orifice. Il y a donc au- 
dessus du plasma cellulaire un espace qui n’est occupé que par les 
racines des cils. C’est ce que les différents auteurs ont appelé le pla- 
teau (pl), s’imaginant avoir affaire à une région striée du proto- 
plasma. Les cils ne sont donc que des filaments protoplasmiques 
ayant formé à leur sufface une substance plus compacte et plus 
claire que le plasma cellulaire, une sorte de cuticule extrêmement 
mince. On sait que ce phénomène se passe souvent à la surface de 
masses protoplasmiques placées en contact direct avec l’extérieur. 
La minceur de la cuticule s'explique aussi par le fait que la cellule de 
soutien type, pourvue d’un puissant pouvoir « cuticuligène », en se 
transformant en cellule vibratile a perdu une partie de ce pouvoir 
au profit d'autres propriétés qui caractérisent cette dernière. 

L'union des cellules ciliées entre elles se fait sur toute leur surface 
latérale et aussi, dans la basale, par l’intrication des filaments basaux. 
Avec les cellules de soutien qui limitent la bande ciliée des deux 
côtés, l'union se fait exactement de la même manière. 

Il n’est pas douteux que ces cellules, ayant les mêmes connexions 
que les cellules de soutien et que les cellules glandulaires, ne soient 
des formations absolument homologues de ces dernières. Si, chez les 
cellules de soutien, c’est la structure membraneuse, filamenteuse, 
qui à pris un développement considérable aux dépens des autres 
propriétés protoplasmiques, chez les cellules glandulaires c’est la 
propriété sécrétrice, et chez les cellules ciliées c’est la propriété de 
former des cils; mais, au fond, tous ces éléments divers se rédui- 
sent à une même forme de cellules primitives qui possèdent, au 
même degré et également développées, toutes les propriétés proto- 
plasmiques. 

On a vu que la distribution des cellules sensitives se fait d’une ma- 


nière parfaitement régulière. Elles forment des sillons longitudi- 


268 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


naux sur les trois lobes de la caroncule. Ce qui démontre qu’il n’en 
a pas été primitivement ainsi, c’est la présence de ces éléments aussi 
sur d’autres régions de la caroncule. On trouve, en effet, une (fig. 14), 
rarement deux, de ces cellules irrégulièrement distribuées à la sur- 
face de l’organe. Dans ce cas, leur structure est identique à ce que 
nous avons vu plus haut et elles sont enchâssées aussi entre les cel- 
Jules de soutien. Il est possible que, primitivement, la caroncule ait 
été formée par une évagination épidermique contenant un grand 
nombre de cellules ciliées. irrégulièrement distribuées. Ce n’est que 
plus tard que ces éléments se seraient rangés en lignes parallèles, 
probablement en même temps que se produisait l’aplatissement la- 
téral de la caroncule. 

4. CELLULES NERVEUSES ÉPIDERMIQUES (fig. 14-15 et 18-19, Cl.n.ep). — 
On trouve ces éléments en grand nombre entre la basale et la par- 
tie renflée des cellules de soutien, parmi les régions allongées de ces 
dernières. On les observe sous deux formes principales, suivant 
qu'on a affaire à un endroit passant près d’une bande ciliée ou à un 
endroit éloigné de cette dernière et, de même, leur forme varie sui- 
vant que la coupe passe du côté antérieur ou postérieur, ou dans le 
milieu de la caroncule. 

La figure 15 montre une coupe à 1/300 de millimètre, passant 
dans le tiers antérieur de la caroncule, à l’endroit où se forme le pli 
qui sépare le lobe supérieur d’un des lobes latéraux de la caroncule. 
Les cellules nerveuses (C{.n.ep.*) sur le milieu de la coupe ont une 
forme à peu près triangulaire; le noyau est rond, clair et pourvu de 
chromaline distribuée en granules sphériques, régulièrement distri- 
buées à l’intérieur du caryoplasma. Il n’y a pas de nucléoles et le ré- 
seau achromatique n’est pas visible. Le cytoplasma est fortement 
coloré par l'acide osmique et se présente comme une masse très fine- 
ment granuleuse etnon homogène. La partie, en effet, qui environne 
le noyau est plus fortement colorée que le reste, et il y a même sur 
les bords une mince bande qui ne paraît pas être colorée du tout. 
De chacun des angles de la cellule part un filament qui très rapi- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 269 


dement devient d’une très grande finesse. En général deux de ces 
filaments sont dirigés dans un plan perpendiculaire et sont situés, à 
peu près, l’un sur le prolongement de l’autre ; l’une des fibres (N.kc) 
se dirige vers la partie supérieure, c'est-à-dire vers la bande ciliée; 
l’autre (N.£b) se dirige du côté inférieur, c’est-à-dire vers une 
branche du nerf nucal. Un troisième filament est situé dans le même 
plan que les deux précédents, seulement sa direction est perpendi- 
culaire à la direction des premiers et il se dirige vers la basale (A5). 
En certain endroit de la coupe, on voit que le filament supérieur se 
dirige vers la cuticule (fig. 19, kc) et paraît arriver jusqu’à cette der- 
nière. Cela ne se voit pas chez toutes les cellules, car les filaments 
ne sont que rarement assez courts pour avoir leur origine et leur 
terminaison près l’une de l’autre. Mais quoi qu'il en soit, les exem- 
ples que j'ai pu voir me permettent de dire avec beaucoup de certi- 
tude que le filament supérieur forme la connexion cuticulaire de la 
cellule. 
Ces cellules à filaments supérieurs courts sont celles qui sont le 
plus rapprochées des cellules ciliées. Plus on s'éloigne de ces der- 
_nières, plus on voit le filament augmenter de longueur. Il est donc 
permis de supposer que même les cellules de la base du lobe mé- 
dian dirigent leurs filaments supérieurs vers les bandes ciliées, et 
que ces mêmes filaments arrivent à la cuticule qui recouvre les cel- 
lules vibratiles. J'ai fréquemment vu le filament inférieur se termi- 
ner dans la basale et s’enchevêtrer avec les filaments des autres cel- 
lules. On est donc en droit de conclure que tous les filaments ayant 
cette direction sont au moins l’une des extrémités basales des cellules 
nerveuses, et qu'ils sont homologues des extrémités basales des 
autres catégories de cellules. Enfin le troisième filament se rend 
dans le nerf nucal, mais il n’a pas pu être suivi au delà. Comme le 
nerf se rend dans le cerveau postérieur et comme ce dernier est re- 
couvert par une basale, on peut considérer ce filament comme une 
seconde extrémité basale de la cellule nerveuse. 
On ne trouve jamais de cellules ayant plus de trois filaments, mais 


270 ÉMILE-G, RACOVITZA. 


on en trouve qui paraissent en avoir moins; ainsi, dans la figure 48, 
on voit des cellules fusiformes (C/,n.ep°), extrêmement allongées, 
pourvues de deux filaments seulement. On reconnaît dans l’un le 
filament formant la connexion cuticulaire, dans l’autre celui qui 
coustitue la connexion basale. On n'aurait donc, dans ce cas, qu’une 
seule connexion basale, | 

D'autres éléments (fig, 13, CL.n.ep?) sont aussi fusiformes, maisils 
présentent un filament ou extrémité basale (kb), et un filament situé 
dans le prolongement du premier (kc), qui n’a pas pu être suivi, mais 
qui probablement établit la connexion cuticulaire, D’autres cellules 
encore, paraissent unipolaires (fig, 15, C'{.n.ep') avec, soit seulement 
des connexions basales, soit une connexion cuticulaire, soit avec 
seulement un filament se rendant dans le nerf. D’autres éléments 
sont parfaitement arrondis (C/.n.ep°) et ne paraissent avoir aucun 
prolongement. Toutes ces formes de cellules sont sûrement de même 
nature, comme le montre l'identité de structure de leur protoplasme 
et de leur noyau. Seules les cellules bipolaires et les cellules tripo- 
laires existent en réalité ; il est probable, en effet, que les autres sont 
des produits arlificiels, c’est-à-dire des coupes de cellules bipolaires 
ou tripolaires. Il faut les considérer comme des portions de cellules 
et non pas des cellules entières. 

Ces éléments cellulaires ne sont nullement unis entre eux et nulle 
part je n’ai pu voir des anastomoses de filament. J'ai remarqué pour- 
tant deux cellules très rapprochées l’une de l’autre et réunies parun 
gros tractus protoplasmique très court. Ce sont certainement deux 
cellules provenant de la division d’une cellule mère et non encore 
séparées l’une de l’autre. Ces deux cellules étaient dépourvues de 
tout autre filament, ressemblaient donc absolument aux cellules 
sphériques etsans prolongement (C{.n.ep°) que j'ai décrites plus haut, 
On peut se demander si ces dernières ne sont pas des cellules qui 
vont subir une division. 

L'union des cellules nerveuses avec les cellules de soutien ne se fait 
pas comme pour les autres éléments, Les cellules nerveuses et leurs 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 274 


filaments sont intriqués dans l'espèce de grillage formé par les par- 
ties effilées des cellules de soutien. Les filaments des extrémités ba- 
sales s’intriquent avec les filaments terminaux des autres cellules, et 
les filaments qui forment la connexion cuticulaire s'appliquent pro- 
bablement, sur une certaine étendue, contre la paroi des cellules ci- 
liées ou de soutien, 

La distribution des cellules nerveuses épidermiques, à l’intérieur de 
la paroi de la caroncule, est la suivante: dans la région médiane du 
lobe impair et dans la région médiane du flanc interne des lobes laté- 
raux, ces cellules sont très abondantes et la distance qui sépare la 
basale de la cuticule est très considérable. Dans le lobe médian, il 
faut distinguer encore la région qui est au-dessous des bandes ciliées 
de la région qui est entre ces bandes ; dans la première, les cellules 
sont très abondantes, elles atteignent leur plus grand développement 
et c’est ici surtout qu'on trouve les formes tripolaires; elles sont, au 
contraire, moins abondantes entre les bandes ciliées, En général, si 
l’on prend leur distribution en partant de la basale vers la cuticule, 
on trouve d’abord des cellules bipolaires et des cellules arrondies, 
ensuite une bande médiane de cellules tripolaires et bipolaires ayec 
de irès forts prolongements, etensuite des cellules bipolaires précé- 
dées de cellules arrondies, Le flanc externe des lobes latéraux est ré- 
duit à une mince couche épidermique et ne possède pas de cellules 
nerveuses. Dans la région postérieure de la caroncule (fig, 11, X), les 
cellules nerveuses sont extrêmement serrées les unes contre les autres 
et sont très nombreuses, mais leur corps cellulaire est extrêmement 
réduit. Cette région prend l'aspect de certains ganglions spécialisés 
composés de petites cellules. L’épaisseur de l’épiderme est plus faible 
qu’au milieu de l'organe. Du côté antérieur, la paroi de la caroncule 
est pourvue de cellules nerveuses assez grandes, mais peu considé- 
rables en nombre. | 

5. CELLULES MIGRATRICES (fig. 15 et 19, C/.m). — La paroi de l’épi- 
derme contient beaucoup de granules de pigment distribuées irrégu- 
_lièrement dans toute son épaisseur et toute son étendue, Ce sont des 


272 EMILE-G. RACOVITZA. 


amas de sphérules réfringentes, de couleur jaune foncé, qui sont dis- 
tribuées avec peu de régularité, par petits amas arrondis. On ne tarde 
pas à constater, à un endroit plus ou moins central de cet amas, un 
noyau de forme très variable, avec la chromatine faiblement colorée 
et distribuée en petits paquets irréguliers, présentant l'aspect d’un 
noyau en voie de dégénérescence. Ces amas pigmentés doivené être 
considérés comme des cellules migratrices. Les granules sont plus 
nombreux autour du noyau qu'à la périphérie, comme c’est le cas 
chez les amibocites en général. La membrane cellulaire n’existe plus 
ou, du moins, il ne m'a pas été possible dela voir ; du reste, il n’y 
aurait rien d’étrange à ce qu’elle fût absente, puisque ses éléments, 
comme le montre leur noyau, sont des cellules mortes en train d’être 
résorbées. 

Un autre type de cellules migratrices se présente sous la forme de 
corps arrondis limités par une membrane, avec un noyau en voie de 
dégénérescence, souvent formé de chromatine compacte peu colorée 
et avec un cytoplasma bourré de granulations fines ou grossières. 
Quoi qu'il en soit, le grand nombre de ces éléments dans la caron- 
cule s’explique par la facilité que présentent, à la diapédèse, les tis- 
sus làches de cet organe. Une fois à l’intérieur de la paroi caroncu- 
laire, ces cellules meurent, le cytoplasma et le noyau sont résorbés, 
et leur contenu, les granules, persiste seul entre les cellules épider- 
miques. On rencontre souvent, en effet, des amas de granules non 
pourvus de noyau. 

Les relations que ces cellules contractent avec les autres sont pu- 
rement accidentelles et dépendent de la place offerte à la cellule mi- 
gratrice. Elles sont plus nombreuses dans les endroits où la diapé- 
dèse est plus facile; c’est, je crois, l'unique raison de leur répartition. 

6. MEMBRANE BASALE fig. 14-15 et fig. 20, Bs). —- D’après tout ce 
qui vient d'être dit plus haut, cette couche est uniquement formée 
par l’enchevêtrement des fibres basales des différentes catégories de: 
cellules qui composent l’épiderme. Ce n’est donc ni une sécrétion ni 


une formation indépendante des cellules, mais bien un complexe de 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 273 


prolongement cellulaire. Ces fibres ou filaments ne sont pas toujours 
visibles, car, assez souvent, il se produit un tassement, un accolement 
des fibres entre elles, qui fait paraître la basale comme une lame com- 
pacte et plus ou moins homogène ; toutes les fois, cependant, que les 
circonstances sont favorables, on reconnaît que la basale n’est qu'un 
feutrage de filaments. 

Outre les prolongements cellulaires que nous avons mentionnés, 
d’autres prolongements prennent part à la confection de cette pseu- 
do-membrane: ce sont les filaments terminaux des fibres musculaires, 
comme on le verra dans le paragraphe suivant. On voit donc que la 
basale n’est pas seulement un feutrage de filaments cellulaires de 
l’épiderme, mais encore un complexe hétérogène qui ne mérite certes 
pas le nom de membrane ; si je lui ai conservé ce nom, c’est unique- 


ment pour la commodité de la description. 


Muscies (fig. 16 et 21). — Les fibres musculaires, qui se trouvent 
à l’intérieur de la cavité de la caroncule, ont subi une déformation 
considérable par étirement; mais les fibres normales de l’intérieur 
de la cavité céphalique sont fusiformes, terminées par deux extré- 
milés extrêmement allongées et filamenteuses. Le corps de la fibre 
est formé par une masse fibrillaire, fortement colorée par la safra- 
nine, et constitue la partie contractile de la cellule. Sur un des flancs 
se trouve un noyau ovalaire très allongé, clair, pourvu de chromo- 
somes irréguliers et montrant très nettement le réseau achromatique. 
. Le noyau est entouré par une faible quantité de cytoplasma non 
contractile. 

Les fibres musculaires de la caroncule (Mn), je veux parler des 
fibres longitudinales qui s’insèrent au sommet du lobe moyen, ont 
subi un étirement très considérable. Elles sont filiformes ou présen- 
tent de place en place des renflements. Leur noyau est constitué 
comme celui des fibres normales, seulement la masse protoplasmique 
qui enveloppe ce dernier est devenue tellement mince qu'elle est dif- 
ficilement discernable. L'une des extrémités de la fibre est extrême- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. —= 32 SÉRIE. — T, 1V. 1896. 15 


274 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


ment effilée, et le filament va se terminer dans la basale (fig. 21) de 
la paroi caronculaire en s’intriquant avec les filaments terminaux 
des cellules épidermiques (C/.s). On voit très nettement le filament 
arriver perpendiculairement sur la basale et, à cet endroit, se couder 
en angle droit et s'étendre très loin dans cette membrane. L'autre 
extrémité est aussi effilée, et le filament se termine, comme celui de 
l'extrémité opposée, dans la basale d’un pli de l’œsophage, A l’inté- 
rieur de la cavité céphalique (fig. 12, Mo), ces fibres sont accolées 
l’une à l’autre et forment des petits faisceaux ; mais à l’intérieur de 
la cavité de la caroncule (fig. 12, Mn), les faisceaux se disjoignent, 
deviennent plus petits, et même souvent on voit des fibres isolées sur 
toute la longueur, Les muscles transversaux, ceux qui ferment l’ori- 
fice d’évagination de la caroncule, sont constitués comme des fibres 
musculaires riormales; n’ayant pas subi d’étirement, ils n’ont pas 
eu à se modifier. 

J'ai dit que les fibres verticales et les fibres transversales se croi- 
saient à l'entrée de l’orifice de la caroncule ; l'endroit où ce phéno- 
mène se produit (fig. 16) présente à l'étude un intérêt tout particu- 
lier. Les fibres verticales (Fm. Mo et Fm, Mn) enveloppent les faisceaux 
de fibres transversales (Fm. Me), en formant des espèces de gaines 
ou d’anneaux, à travers lesquels passent les fibres transversales. Il 
se produit nécessairement à cet endroit un frottement qui est pro- 
bablement la cause des modifications qu'on observe dans cette région. 
En effet, toute cette partie des fibres longitudinales (7a) se présente 
comme un tissu formé par une substance homogène, qui ne montre 
plus aussi nettement la structure fibrillaire, comme dans les autres 
régions des muscles. En outre, la safranine ne colore pas du tout 
cette partie, qui prend une couleur jaune contrastant très vivement 
avec la coloration rouge, très foncée, des muscles. Il s’est formé un 
tissu comparable au tissu tendineux, cas unique, je crois, dans les 
muscles des invertébrés, muscles lisses s’il en fut. {l est bien pro: 
bable que cette transformation est due au frottement et à la trac- 


lion mécanique, comme cela a été constaté pour les tendons des 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES.  27à 
Vertébrés, qui naissent aussi par la (ransformation consécutive de 
traction des fibres musculaires. 

Il est peu probable que les muscles décrits servent à faire mouvoir 
la caroncule, du moins les muscles verticaux, et je crois volontiers 
que l'insertion caronculaire de ces muscles sert plutôt de point fixe, 
et que ce sont les plis œsophagiens qui sont mis en mouvement par 
l'appareil contractile. Ces muscles sont homologues aux muscles 
obliques de la partie postérieure du lobe céphalique des autres Poly- 
chètes et re servent pas au mouvement du lobe céphalique, mais au 
mouvement de l’æœsophage ou à ceux du vestibule buccal, Je n’ai, du 
reste, jamais observé des mouvements de la caroncule chez l'animal 
vivant. 


Pérrronvs. — Cette couche extrêmement mince est formée, comme 
toujours, par de larges cellules aplaties, pourvues de noyaux très 
allongés, à petits chromosomes. Cette membrane tapisse la basale, 
recouvre les faisceaux musculaires et tous les organes qui se trouvent 
à l’intérieur, aussi bien de la cavité céphalique que de la cavité de 
la caroncule. 


$ 3. — CERVEAU POSTÉRIEUR. 


DiSPOSITION GÉNÉRALE DES ÉLÉMENTS (£g. 11 et 17).— On sait, d'après 
ce qui a été dit dans la partie anatomique, que cet organe se trouve 
situé au-dessous de l'extrémité antérieure de la caroncule et au-des- 
sus et en arrière du cerveau moyen. Deux masses arrondies, parfai- 
tement symétriques, le composent, et chacune donne en avant un 
gros nerf qui se dirige d’abord verticalement dans la caroncule et se 
divise, à l'extrémité antérieure de cette dernière, en deux branches. 

La branche inférieure se recourbe en angle droit immédiatement 
après sa naissance et parcourt dans toute sa longueur la base du flanc 
interne du lobe latéral de la caroncule; la branche supérieure conti- 


nue pendant un certain temps son trajet vertical, mais, arrivée à la 


276 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


base du lobe médian de la caroncule, elle se recourbe aussi en angle 
droit et le parcourt dans toute la longueur. 

Chaque masse nerveuse est formée par une région centrale de sub- 
stance ponctuée, allongée dans la direction de l’axe de cet organe. 
Le nerf de la caroncule s’y rend et, plus en dedans, la substance 
ponctuée du cerveau postérieur se continue avec la substance ponc- 
tuée du cerveau moyen par l'intermédiaire d'une courte et étroite 
bande commissurale. 

La substance ponctuée est entourée, ainsi que le nerf, par une 
couche corticale de cellules ganglionnaires, qui lui font un revête- 
ment épais et ininterrompu, s’amincissant seulement à l'endroit où 
le nerf pénètre dans la caroncule. Autour de la bande commissurale 
qui unit le cerveau moyen au cerveau postérieur, les cellules de ce 
dernier passent insensiblement aux cellules du premier. Du côté 
tout à fait postérieur, un amas de pigment jaune (p9) forme une 
sorte de calotte hémisphérique à cette région du cerveau postérieur. 
Le tout est recouvert par une membrane lacuneuse qui, à son tour, 
est doublée par le péritoine. 

Il faut étudier maintenant en détail chacune des parties qu’on vient 


d'’énumérer. 


a) Ganglion. 


Les deux ganglions qui forment le cerveau postérieur étant par- 
faitement symétriques, la description ne portera que sur l’un d'eux. 

4° CELLULES NERVEUSES GANGLIONNAIRES (fig. 17, C!.n.g). — La forme 
de ces éléments est arrondie et, sans présenter une régularité géo- 
métrique, elle n’en est pas moins à peu près constante chez toutes 
les cellules de la couche corticale du ganglion. Le noyau, situé au 
milieu de la cellule, est sphérique ; son contenu est très clair et la 
chromatine, très fortement colorée par tous les colorants, se pré- 
sente sous forme de granules sphériques, régulièrement distribués 
à l’intérieur du noyau. Le cytoplasma laisse voir très nettement, lors- 


qu'on à affaire à des préparations fixées à la liqueur de Flemming, 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 277 


une différenciation très visible. Autour du noyau, le plasma forme une 
masse très finement granulée et uniforme, se colorant fortement par 
l’acide osmique. Cette masse forme à la périphérie des prolongements 
nombreux, comme des pseudopodes, qui arrivent jusqu’à la limite 
externe de la cellule. Sur le pourtour de la cellule, et dans l’espace 
libre laissé par l2s prolongements de la partie centrale, se trouve un 
plasma incolore, sans structure apparente, 

La cellule ainsi formée est dépourvue de membrane visible. Elle 
donne, du côté où se trouve le nerf, un prolongement volumineux 
(kc) ou fibre nerveuse. Ce prolongement se rend dans le nerf; cela 
se voit très facilement chez les cellules situées tout contre ce dernier. 
Du côté opposé de la cellule, il m’a semblé voir plusieurs fois un ou 
deux très minces filaments se rendant vers la périphérie du ganglion, 
mais ces filaments sont très difficilement discernables, donc extrê- 
mement délicats. 

Les cellules ganglionnaires se trouvent toujours à une certaine 
distance les unes des autres, et je n’ai jamais pu voir quoi que ce 
soit qui puisse faire croire à une union directe de ces éléments 
entre eux. Autant que j'ai pu en juger, d’après la direction des gros 
prolongements de ces cellules à l’intérieur du nerf, les cellules gan- 
glionnaires doivent entrer en connexion avec la partie épidermique 
de la caroncule et probablement avec la région des bandes ciliées. 
Le gros prolongement établirait donc la connexion cuticulaire de 
ces éléments: les autres filaments, très fins, représenteraient 
l'extrémité basale. 

2° NÉvRoGuiIE (fig. 17, U). — Les cellules ganglionnnaires, sur les: 
coupes, paraissent situées dans les mailles d’un réseau très large ; 
ce réseau est plus visible sur les coupes un peu épaisses (1/150 de 
millimètre) que sur les coupes très minces (1/300 de millimètre), où 
les mailles deviennent très irrégulières, incomplètes et même en 
certains endroits semblent manquer complètement. Dans ce cas, 
les cellules nerveuses paraissent placées au milieu d’un feutrage 


irrégulier. Quoi qu’il en soit, les filaments qui composent le feu- 


278 FLE ÉMILE-G RACOVITZA, 
tirage ou le réseau sont formés par une substance hyaline paraïs- : 
sant quelquefois homogène, quelquefois striée en long, mais tou- 
jours faiblement ou point colorée du tout. Les mailles du réseau 
sont beaucoup plus serrées du côté postérieur du cerveau que du 
côté antérieur, où elles ont une tendance à s’allonger et à prendre 
l'aspect d’un grillage ou d’un complexe de fibres allongées suivant 
la même direction. On voit nettement ces fibres se continuer dans 
la substance ponctuée et entrer avec le nerf à l’intérieur de la paroi 
de la caroncule. 

Ces fibres et mailles constituent la névroglie. Il est facile de rap- 
procher cette structure du ganglion de celle que nous avons appris 
à connaître dans la paroi caronculaire. Il est donc très légitime, 
je crois, d'assimiler les filaments de Ja névroglie aux filaments des 
longues cellules de soutien, qu'on a vus entourer les cellules ner- 
veuses de l’organe nucal. 

3° Picmenr (fig. 17, pg). — Dans la région postérieure du ganglion 
nucal, tout à fait à la périphérie, les mailles du réseau de la névro- 
glie ne contiennent pas de cellules nerveuses, mais contiennent du 
pigment. Ce dernier est formé de granules sphériques, réfringentes, 
de couleur jaune, ayant le même aspect que le pigment, déjà décrit, 
de l’intérieur de la paroi caronculaire. Il m'a été même possible de 
voir, en quelques endroits ‘et au milieu du pigment, des noyaux 
qui ne ressemblaient en rien aux noyaux des cellules ganglion- 
naires, mais qui étaient identiques, comme aspect, aux noyaux en 
voie de dégénérescence, trouvés dans la paroi de la caroncule, à 
l'intérieur des cellules migratrices. Il est donc certain que ce pig- 
ment doit son origine à la diapédèse des globules blanes à l'inté- 
rieur du ganglion. Ce pigment se trouve aussi dans la région pos- 
térieure du cerveau moyen el il y est disposé de ia même manière. 

49 MEMBRANE PROPRE. — Tout à fait à la périphérie, là où il n'ya 
plus de cellules ganglionnaires, on trouve cependant encore quel- 
ques rangées de mailles névrogliques vides. Ces mailles s’aplatissent 


de plus en plus et leurs parois arrivent à s’accoler ; il se forme 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 279 


ainsi une sorte de membrane qui n’est pas une formation indépen- 
dante, mais une simple dépendance de la névroglie. Cette paroi se 
continue sur la partie amincie antérieure du ganglion ; elle se con- 
tinue sur le nerf, et à l’entrée de ce dernier dans la paroi caroncu- 
laire, elle se confond avec la basale des premières assises de cellules 
épidermiques. Cette couche représente donc la membrane basale 


épidermique et n’en est que la continuation. 


PÉRITOINE (fig. 17, C{. pr.). — Cette membrane recouvre aussi bien 
le ganglion que le nerf; elle passe ininterrompue de ce dernier sur 
la paroi interne de l'épiderme de la caroncule. Le nerf avec le gan- 
glion est donc une région extrapéritonéale, et le nerf ne perce pas 
le péritoine, comme on l’a dit souvent. Au point de vue histologique, 
il ny a rien à ajouter à ce que j'ai dit à propos du péritoine ca- 


ronculaire. 
b) Nerf. 


Le nerf est en continuation directe avec la substance ponctuée 
du ganglion. Le nerf et la substance ponctuée ganglionnaire ne 
sont qu'une seule et même formation, puisqu'ils sont formés uni- 
quement des prolongements de cellules nerveuses d’une part, et de 
filaments névrogliques de l’autre. 

La paroi caronculaire (fig. 45) est un très bon objet d'étude pour 
élucider cette question. On voit, en effet, que, dès que quelques 
filaments de cellules nerveuses se réunissent pour former un mince 
faisceau (N.kb et N.kc), elles prennent immédiatement un aspect 
identique à celui des nerfs, en ce sens que la substance ponctuée 
apparaît. Cela provient de ce que beaucoup de fibres sont coupées 
transversalement. | pe 

Le nerf caronculaire a une origine complexe. Il naît d’abord, 
dans le ganglion, par les prolongements des cellules ganglionnaires 
de cette région, cela ne fait pas l'ombre d’un doute. Toutes les 


cellules disposées sur son parcours lui envoient aussi leurs filaments, 


280 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Il est tout aussi net et tout aussi incontestable que, dans la paroi 
 caronculaire, les cellules nerveuses épidermiques lui envoient des 
fibres. Le nerf est donc formé par les extrémités cuticulaires des 
cellules ganglionnaires du cerveau postérieur et par les extrémités 
basales des cellules nerveuses épidermiques de la paroi caronculaire. 

Quoi qu'il en soit, le nerf nucal est formé d’une manière iden- 
tique dans le lobe moyen et dans les lobes latéraux de la caroncule. 


$ 4. — COMPARAISON DU GANGLION AVEC LA PAROI CARONCULAIRE. 


Maintenant qu’on connaît, au point de vue histologique, ces deux 
composants de la région nucale, on peut jeter un coup d'œil d’en- 
semble et comparer entre eux leurs éléments constitutifs. 

Les cellules nerveuses, épidermiques et ganglionnaires, se laissent 
facilement homologuer entre elles. La différence de forme est de- 
mandée par la direction des prolongements d’une part et par le 
groupement des cellules d’autre part. Il est nécessaire que des 
cellules placées l’une à côté de l’autre et donnant un prolongement 
se dirigeant d’un seul et même côté, il est nécessaire, dis-je, que 
ces cellules deviennent plus ou moins allongées. C’est le cas des 
cellules du ganglion, mais aussi le cas de quelques cellules bipo- 
laires de la paroi épidermique. C’est à cette dernière eatégorie que 
je voudrais comparer les cellules ganglionnaires en homologuant 
le filament qui se rend dans le nerf au filament qui forme la con- 
nexion Cuticulaire, et les filaments très minces se dirigeant vers la 
périphérie au filament qui forme la connexion basale des cellules 
bipolaires et qui, dans certains cas, est aussi très court. 

Il est naturel de penser aussi que des cellules à trois prolonge- 
ments prennent forcément une forme triangulaire et deviennent 
plus ou moins lamellaires, comme cela se présente pour certaines 
cellules de la paroi épidermique. 

Comme structure, le rapprochement s'impose encore plus; les 


noyaux sont identiques. Le plasma des cellules nerveuses du gan- 


LOBE CÉPHALIQUE ÆT ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 281 


glion présente une différenciation en partie centrale colorée et en 
partie périphérique hyaline, qui est bien plus nette, il est vrai, 
que celles qu'on observe dans les cellules caronculaires. Mais cette 
différence n'est pas une différence fondamentale, c’est une diffé- 
rence de plus ou de moins. Les deux sortes de cellules n’ont pas de 
membrane. 

Ces différences sont légères, et il est légitime d’homologuer ces 
deux catégories d'éléments, d'autant plus que, dans les endroits où 
les ganglions des différents cerveaux sont en communication avec 
l’épiderme, ces éléments passent insensiblement les uns aux autres. 
Un fait est aussi très important : c'est que tous ces éléments ont 
gardé leur connexion aussi bien avec la basale qu'avec la cuti- 
cule. 

Les cellules nerveuses de la caroncule sont situées entre les 
mailles formées par les cellules de soutien; les cellules nerveuses 
du ganglion sont situées entre les mailles de la névroglie. Prolon- 
sement des cellules de soutien et névroglie, ne serait-ce pas des 
tissus homologues? Il nous semble difficile de ne pas l’admettre. 
Ne peut-on pas dire la même chose de la substance ponctuée, qui 
occupe le centre du ganglion, et des nombreux faisceaux de fibres 
nerveuses qui parcourent l’épiderme caronculaire? Au fond, la 
seule différence apparaît dans l’absence complète de tout ce qui, 
de près ou de loin, ressemble, à l’intérieur du ganglion, à une con- 
nexion Guticulaire. De même il y a absence de cellules ciliées, de 
cellules glandulaires, et de la région des cellules de soutien qui 
contient le noyau. Cette différence disparaît complètement si l’on 
compare le ganglion à la portion inférieure de l’épiderme caroncu- 
laire, dans la région où les glandes et les cellules sensitives man- 
quent. Dans ce cas, et si l’on admet les homologies discutées plus 
haut, il y a identité complète. 

Comment se définirait alors le ganglion nucal du cerveau posté- 
rieur et naturellement un ganglion cérébroïde quelconque? Je crois 
que la définition serait à peu près celle-ci : Un ganglion cérébroïde 


282 2 ÉMILE-G. RACOVITZA. 
n'est qu'une hernte intracælomique de la partie inférieure d'une région 


épidermique transformée en organe des sens. 


ik = Chrysopetalum debile (Grube). 


MONTE SEEN) ons 
ORGANE NUCAL. 


DISPOSITION GÉNÉRALE DES ÉLÉMENTS (fig. 33). — Dans le chapitre II 
ont été décrites avec détail la forme générale de l'organe nucal et sa 
situation. Je rappelle seulement que cet organe à une forme sphé- 
rique et qu'il est parcouru, suivant le plan équatorial, par un sillon 
fortement cilié et assez large. 

L'organe, au point de vue morphologique, peut être considéré 
comme une simple évagination de la paroi dermo-musculaire. 
Aussi y trouve-t-on tous les éléments qui entrent dans la constitu- 
tion de cette paroi, avec pourtant des modifications en rapport avec 
le rôle spécial qu'ils ont à Jouer. Toutes les cellules glandulaires se 
sont groupées du côté antérieur, où elles forment une masse qui 
fait hernie à l’intérieur de la cavité de l'organe. Les cellules ciliées 
sont situées au-dessous et tout le long du sillon équatorial men- 
tionné plus haut. Comme elles ont pris un grand développement, 
elles remplissent presque entièrement, avec leur base, la cavité de 
l’organe. Les ceilules nerveuses épidermiques ne sont représentées 
dans l’organe que par leur extrémité cuticulaire formant de chaque 
côté un nerf ; le corps de la cellule se trouve dans la cavité du lobe 
céphalique parmi les cellules qui forment le cerveau postérieur. 

Les cellules de soutien sont distribuées entre les autres catégories 
de cellules et elles forment des épithéliums plats ou cylindriques 
suivant que la paroi est plus ou moins épaisse. 

Le péritoine tapisse la cavité de l'organe dans laquelle se trouvent 
aussi des fibres musculaires. 


Je vais décrire maintenant, en détail, chaque élément. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 283 


Curicuce (Cu). — Cette couche, au point de vue de sa structure, 
ne présente rien de particulier. La seule chose qu'on peut mention- 
ner, c'est que, très épaisse sur la paroi du corps, elle s’amincit beau- 
eoup à la surface de l'organe nucal, Elle possède aussi des orifices 
au-dessus des cellules glandulaires, pour permettre la sortie du 
muecus, et elle est pourvue, à l’intérieur du sillon équatorial, de 
pores très fins destinés au passage des cils. 


ÉPineRME. — Cette couche cellulaire est formée par des cellules 
de soutien, glandulaires et ciliées, et contient, en outre, les fibres 
des deux branches du nerf nucal. 

1° CELLULES DE SOUTIEN (C{. s). — Ces éléments sont la continua- 
tion des cellules épidermiques de la paroi du corps. Leur forme est 
très variable et dépend de l'épaisseur qu'a dû prendre la paroi pour 
permettre la multiplication des autres catégories de cellules. Ainsi, 
elles sont très aplaties dans le pédoncule de l'organe et dans la paroi 
postérieure. Elles sont, par contre, filiformes, du moins dans leur 
partie postérieure, entre les cellules glandulaires. Leur forme est, 
comme toujours, fonction de la place que leur laissent les autres 
éléments. Les noyaux, dépourvus de nucléoles et contenant des 
chromosomes irréguliers, subissent des variations parallèles à celles 
des cellules. Ils sont, en effet, ronds dans les cellules plaies, et 
ovales dans les cellules allongées. Les connexions basales et cuticu- 
laires possèdent les rapports ordinaires. 

29 CELLULES GLANDULAIRES (C7. gl). — La forme de ces éléments est, 
comme d'habitude, celle d'une bouteille à très long goulot, débou- 
chant par un petit orifice à l'extérieur. Leur contenu présente des 
particularités plus curieuses, car l'aspect varie suivant la méthode 
histologique employée. Sur des coupes fixées au sublimé acétique 
et colorées au carmin aluné et à l'éosine (fig. 33), le contenu se 
présente comme une agglomération de petites masses irrégulières, 
noyées dans une substance homogène. Chaque petite masse est 


formée par une grande quantité de sphérules très petites, parais- 


284 EMILE-G. RACOVITZA. 


sant contenir un liquide. Les masses paraissent limitées par une 
membrane excessivement mince. 

Sur des préparations fixées à la liqueur de Flemming et colorées 
à la safranine (fig. 34, 2), l'aspect du contenu des cellules glandu- 
laires change complètement. On voit, en effet, à l’intérieur de la 
membrane cellulaire, une masse homogène, transparente, non 
colorée, entourant une grande quantité de petits corps ovalaires (4'), 
fortement colorés en rouge très foncé par la safranine. Ces corps 
paraissent homogènes, mais ne sont pas moins constitués par les 
petites sphérules que nous avons vu se colorer en jaune par l’autre 
méthode. 

Cette structure n’est, du reste, pas exceptionnelle chezles Polychè- 
tes, ni dans le règne animal. Les cellules, dont il est question ici, 
correspondent au « Kugelzellen » des auteurs allemands. La partie 
très fortement colorée par la safranine est formée par du mucus en 
voie de formation ; la partie homogène, par contre, est le mucus déjà 
préparé, qui provient de la transformation et de la fusion des 
petites vésicules mentionnées. J’ai décrit ailleurs, chez les Géphalo- 
podes, un mode de sécrétion analogue *. 

Le noyau de ces cellules a une forme irrégulière et ses chromo- 
somes sont fusionnés et indistincts, ce qui démontre qu’ils sont en 
voie de dégénérescence, comme dans toutes les cellules sécrétrices 
arrivées au complet développement. 

Les connexions basales et cuticulaires ont les rapports habituels. 

3° CELLULES CILIÉES (Cl. v). — Ges éléments forment une couche 
ininterrompue au-dessous du sillon vibratile. Leur forme est celle 
d’un cylindre très allongé et irrégulier, puisque la région qui avoi- 
sine la cuticule est beaucoup plus mince que l'extrémité opposée. 
Cette dernière région est même légèrement renflée pour permettre 
aux noyaux d'y trouver place. Sur des préparations à la liqueur de 


Flemming (fig. 34, À), leur forme est la suivante : immédiatement 


1 RacoviTza (E.-G.), Notes de biologie.— 111. Mœurs et fécondation de la Rossia 
macrosoma. [ Arch. zool. exp. et gén,, 3° sér., t. IT, 1894, p. 491-539, pl. XIX-XX]J]. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 285 


au-dessous de la cuticule, la cellule paraît évasée, élargie; puis, 
vient une partie amincie et ensuite, généralement, deux renflements 
séparés par un léger sillon. C’est dans le renflement le plus éloigné 
de la cuticule que se trouve situé le noyau. 

Le cytoplasma se colore légèrement par l’acide osmique et for- 
tement par l’éosine. Mais, quelle que soit la méthode employée, il se 
présente toujours comme une masse sombre et excessivement gra- 
nuleuse. Cet aspect est conservé dans toute l'étendue de la cellule. 
Une mince bande antérieure subcuticulaire présente un aspect dif- 
férent ; on y remarque, en effet, une striation verticale qui est due 
aux bases des cils qui forment le sillon vibratile. Le même fait a été 
signalé à propos de l’organe nucal des £'uphrosyne. 

Le cytoplasme contient aussi des inclusions qui prennent un 
aspect différent suivant la méthode histologique employée. Sur des 
préparations fixées au sublimé, et colorées au carmin aluné et à 
l'éosine (fig. 33), on peut voir, dans les environs du noyau, des 
masses irrégulières ayant absorbé avec force les deux substances 
colorantes. L'aspect des préparations faites à la liqueur de Flem- 
ming et colorées à la safranine (fig. 34) est complètement différent. 
On observe, en effet, au-dessus du noyau, une vacuole ovale, bordée 
de granulations protoplasmiques beaucoup plus denses que celles 
du reste de la cellule. A l’intérieur se trouve un liquide hyalin en- 
tourant un corps ovalaire (k) de même forme que la vacuole et 
très vivement coloré par la safranine. La substance qui le forme 
paraît tout à fait homogène; j'ai vu, sur plusieurs séries de coupe 
provenant de divers échantillons, que Ces corps existaient dans 
presque toutes les cellules, toujours au-dessus du noyau et toujours 
un seul par cellule. 

La première idée qui vient est que ces corps sont des parasites. 
Leur structure cependant fait voir qu'il n’en est rien, et de plus, si 
on les compare aux vésicules qu’on a appris à connaître par l'étude 
des cellules glandulaires (fig. 34, 4.h"),on peut facilement se rendre 
compte de leur nature, Il faut, je crois, les considérer comme des 


286 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


balles de mucus, qui présenteraient la propriété curieuse d’être dis- 
posées avec une très grande régularité. | à 

Le noyau, comme dans les cellules homologues de l’autre type étu- 
dié, est parfaitement sphérique et possède une grande quantité de 
chromosomes d’égale grandeur, très petits et régulièrement distri- 
bués. Comme on l’a déjà dit, le noyau se trouve relégué dans la ré- 
gion tout à fait postérieure de la cellule. 

Point n’est besoin d'insister sur les connexions basales et cuticu- 
laires qui ont gardé leur rapport habituel. L'union des cellules ciliées 
entre elles s'établit suivant leurs faces latérales, sans l’intermédiaire 
d’autres types de cellules, Sur la limite de la zone ciliée, elles sont 
en contact avec les cellules de soutien ordinaires. 

4° CELLULES NERVEUSES ÉPIDERMIQUES. — L'examen approfondi de la 
paroi épidermique de l’organe nucal montre l’absence complète des 
cellules nerveuses que nous avons appris à connaître, dans la paroi 
caronculaire des Æuphrosyne. Cependant, on voit très nettement 
deux nerfs (fig. 32, Nn) établir une relation entre le cerveau posté- 
rieur et la bande ciliée de l’organe nucal. Il est facile de voir que le 
nerf se rend dans la masse ponctuée du cerveau postérieur. On peut 
de même voir des prolongements des cellules de ce cerveau se rendre 
dans le nerf, comme on peut suivre aussi irès nettement les deux 
branches du nerf à travers le pédoncule et jusque, de chaque côté 
de la ligne médiane, dans la paroi de l’organe nucal, et plus parti- 
culièrement dans la région du sillon cilié. A cet endroit, le nerf se 
divise en fibrilles qui pénètrent entre les cellules ciliées. 

D’après ce qu’on a vu chez £'uphrosyne, le prolongement des cel- 
lules nerveuses ganglionnaires, situées dans le cerveau postérieur et 
sur le trajet du nerf nucal, se dirige vers la surface externe et établit 
par conséquent la connexion cuticulaire de ces cellules. Il est donc 
légitime de considérer le nerf de l’organe nucal chez Chrysopetalum 
comme formé uniquement par les connexions cuticulaires des cel- 
lules nerveuses. La seule différence entre le type précédemment élu- 


dié et celui-ci consiste dans la position du corps cellulaire. En effet, 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 287 


tandis que chez £uphrosyne les cellules nerveuses épidermiques res- 
tent à l’intérieur de la paroi épidermique, chez C'hrysopetalum, elles 
ont complètement abandonné cette paroi pour se placer dans le cer- 
veau postérieur. Les cellules ont cependant conservé les mêmes rap- 
ports entre elles et les connexions cuticulaires et basales sont restées 
les mêmes. | 

0° MEMBRANE BASALE, — Le petit nombre de cellules qui entrent dans 
la composition de la paroi caronculaire fait que la basale est extré- 
mement peu marquée. Comme, en effet, cette membrane est formée 
par l’enchevêtrement des extrémités basales et qu’il n’y a que peu 
de cellules, par rapport à la surface de la basale, elle doit être for- 
cément très réduite. 


Musczes (Mn). — Quelques fibrilles musculaires pénètrent à l’inté- 
rieur de la cavité générale de l’organe et s’insèrent comme d’ordinaire 
sur la basale. Le pédoncule en contient plus que le reste de la cavité. 
Leur faible développement fait supposer que l’organe ne doit pas être 
très mobile. Tout au plus peut-on lui accorder un mouvement d’os- 
cillation autour .du pédoncule. | 


PÉéRIToINE. — Cette couche cellulaire tapisse comme toujours la 
membrane basale et enveloppe des muscles. Il n’y a rien de particu- 
lier à en dire. 


Résumé. — L’organe nucal du Chrysopetalum est une évagination 
de la paroi dermo-musculaire du corps. Il contient donc tous les élé- 
ments de cette paroi. Il faut le concevoir comme une sphère creuse 
dont la cavité a été comblée, presque en totalité, par une hernie 
antérieure occasionnée par le grand développement des cellules 
glandulaires et par une hernie circulaire disposée suivant un plan 
équatorial, et produite par les cellules ciliées, HUE 

On trouve, dans la paroi, des cellules glandulaires en ai for- 
mant un pelit organe muqueux, et une bande de cellules cilées, à 


Cytoplasma granuleux, et à noyau situé dans la région postérieure. 


288 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Le reste de la paroi est formé de cellules de soutien. Ces trois sortes 
de cellules présentent leurs connexions habituelles. Les cellules ner- 
veuses épidermiques n’existant pas dans cette paroi, leur extrémité 
cuticulaire persiste seule sous forme de nerf nucal, tandis que le corps 
cellulaire s’est retiré dans le cerveau postérieur. La basale est très 
mince, parce que peu de connexions basales prennent part à sa for- 
mation. Un très petit nombre de muscles peuvent donner une mo- 
bilité relative à l’organe. 


IIT. — Ciymene lombricoides M. Epw. 


(PI. V, fig. 45 et 46.) 


S 1. — ORGANE NUCAL. 


L’organe nucal, chez les Maldaniens, se présente, comme on l’a vu 
dans la partie anatomique, sous forme de deux poches étroites plus 
ou moins parallèles. La structure histologique est partout la même, 
aussi la description faite sur Clymene lombricoides peut-elle s’appli- 
quer intégralement aux deux autres types décrits dans la partie ana- 


tomique. 


DISPOSITION GÉNÉRALE DES ÉLÉMENTS. — Comme une simple coupe 
transversale le montre (fig. 45), les deux poches nucales sont de 
simples plis épidermiques, légèrement modifiés pour le but physio- 
logique qu’ils ont à remplir. Le fond du pli est occupé par des cel- 
lules ciliées et des cellules nerveuses épidermiques, comme aussi par 
une, deux ou plusieurs branches du nerf nucal. Les flancs du pli sont 
formés par des cellules de soutien, auxquelles viennent s’ajouter des 
cellules glandulaires, mais seulement sur le bord de la fente nucale. 
Des cellules nerveuses épidermiques sont disposées à la base des cel- 
lules de soutien. Tous ces plis épidermiques sont nettement limités 
du côté de la cavité générale par une basale épaisse et très nette, sur 


laquelle viennent s’insérer des fibres musculaires qui, à leur tour, 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 289 


sont recouvertes par le péritoine. Maintenant que la disposition gé- 
nérale des éléments est fixée, il faut étudier chacun en détail. 


Curicuze. — Rien de particulier à dire à son sujet. Elle est en gé- 
néral très épaisse et formée par plusieurs couches très nettes; à l’en- 
droit où se trouvent les cellules ciliées, elle est moins épaisse et per- 
cée de fins canaux par où sortent les cils. | 


ÉPinerme. — Cette membrane contient des cellules de soutien, 
ciliées, nerveuses, glandulaires et migratrices. 

1° CELLULES DE SOUTIEN (C'/.s). — Ces éléments ont subi un allonge- 
ment considérable dans la région où se trouve la partie sensitive de 
l'organe (fig. 46) ; elles sont moins longues dans les autres régions. 
Très minces, elles ont une apparence fibreuse, surtout du côté pos- 
térieur où elles se terminent par de nombreux filaments qui s’intri- 
quent dans la basale. Leur connexion cuticulaire se fait suivant un 
espace assez considérable ; aussi présentent-elles la forme de trian- 
gles isocèles très allongés. Leurs noyaux ont subi un allongement 
correspondant ; ce sont des corps fusiformes, très minces et se colo- 
rant fortement par tous les colorants nucléaires. Les chromosomes 
sont peu distincts, à cause de la grande ténuité du noyau ; surtout 
la région inférieure de la cellule est très fortement colorée par la sa- 
franine. L'union des cellules entre elles se fait, du côté cuticulaire, 
suivant les bords latéraux, mais du côté basal, ces éléments laissent 
entre eux des espaces occupés par d’autres espèces de cellules ; les 
connexions basales sont enchevêtrées dans la membrane basale. 

2° CELLULES GLANDULAIRES (C7. gl). — Ges éléments n'existent pas 
à l’intérieur des poches nucales, mais on les trouve très abondants 
sur la crête nucale (fig. 45, cr. OrgN) et elles existent aussi à partir 
du bord des fentes nucales. Ce sont des éléments volumineux, ayant 
pourtant subi aussi l'allongement nécessité par l’épaississement de 
l’'épiderme. Plus renflés à la base qu’au sommet, ils sont étroitement 
enchâssés entre les cellules de soutien. Ils ne diffèrent du reste en rien 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. = 3€ SÉRIE, = T, 1V, 1896. 19 


290 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


des éléments glandulaires décrits déjà chez les autres types et com- 
 muns à tous les Polychètes. 

3° CELLULES CILIÉES (C/. v.). — Ces éléments sont situés seulement 
au fond de la poche nucale et forment une bande continue sur toute 
la longueur de cette poche; leur forme (fig. 46) est sensiblement la 
même que celle des cellules de soutien, seulement le corps cellu- 
laire est plus épais et leur plasma est granuleux. Leur connexion 
cuticulaire se fait suivant un espace assez considérable et sur toute 
cette surface naissent des cils qui traversent la cuticule. Le corps de 
la cellule a le même calibre jusque vers la fin du premier tiers de sa 
longueur, puis il s’amincit et prend l’aspect des cellules de soutien 
pour se terminer par des filaments établissant la connexion basale; 
cette disposition est identique à celle des cellules de soutien, aussi 
il ne peut y avoir de doute que les premières ne soient des différen- 
ciations des secondes. Le noyau, situé à la base de la région renflée 
de la cellule, est plus arrondi que celui des cellules de soutien. Il 
contient plus de suc nucléaire et ses chromosomes sont plus dis- 
üncts, quoique plus fins, L'union de ces cellules entre elles se fait 
sur leurs bords latéraux, dans la région cuticulaire et au moyen de 
leur connexion basale à l’intérieur de la membrane basale. En des- 
sous des noyaux, elles ne se touchent plus et laissent entre elles des 
espaces occupés par des cellules nerveuses épidermiques. Les cellules 
ciliées sont aussi en communication latérale et basale avec les cel- 
lules de soutien, sur les bords de la bande ciliée. 

4° CELLULES NERVEUSES ÉPIDERMIQUES (C/. n, ep). — Il faut distinguer 
deux formes bien différentes au premier aspect (fig. 46) : 

a) Cellules nerveuses épidermiques de la région des cellules de soutien 
(Cl. n. ep'.). — Entre les portions basales des cellules de soutien, il 
y a des espaces qui ont élé mentionnés plus haut; c’est dans ces es- 
paces qu'on observe des cellules arrondies pourvues de noyaux ronds 
et d’un plasma excessivement réduit, Les chromosomes sont régu- 
lièrement disposés et très distincts. Je n’ai pas pu exactement déter- 


miner où allaient les prolongements excessivement ténus que jai 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 291 


vu quelquefois partir de ces cellules; il ne reste pourtant pas de 
doute que ces cellules ne soient les cellules nerveuses épidermiques 
si souvent décrites en différents points de ce mémoire. 

b) Cellules nerveuses épidermiques de la région des bandes ciliées 
(Cl.n.ep.). — Entre les bases des cellules ciliées se trouvent des élé- 
ments à gros noyaux ovales, à corps protoplasmiques réduits et qui 
sontnettement bipolaires. De l'un des pôles part un prolongement qui 
se dirige vers la cuticule (k£c) entre deux cellules ciliées; ce prolonge- 
ment filforme est l'extrémité cuticulaire de ces éléments. L'extré- 
mité basale (kb) est filamenteuse aussi. Elle part de l’autre pôle et se 
dirige vers les faisceaux du nerf nucal (Vn) situé au-dessus de la 
basale. Il est difficile de suivre plus loin les extrémités basales de 
ces cellules ; cependant il ne peut y avoir doute qu’elles ne ren- 
trent à l’intérieur des faisceaux nerveux, comme cela a été observé 
au moins pour quelques-uns des filaments. Le noyau est ovoïde ; 
il a un suc nucléaire abondant et des chromosomes réguliers et 
arrondis. 

Il n’y a pas de doute à avoir sur les relations des cellules a et 4. Les 
dernières sont des différenciations des premières, et les unes comme 
les autres sont homologues aux cellules nerveuses épidermiques dé- 
crites chez les autres types étudiés. 

5° CELLULES MIGRATRICES (C1. m.). — On rencontre aussi dans la pa- 
roi épidermique (fig. 46), dans l’espace situé entre la base des cellules 
de soutien, un pigment brunâtre aggloméré en petits tas. Dans quel- 
ques-uns de ces amas se trouvent souvent des noyaux en voie de dé- 
générescence; il faut les rapporter aux cellules migratrices qui, 
comme on l’a déjà vu, pénètrent dans l’épiderme et viennent mourir 
en cet endroit. Le protoplasme se résorbe et les granules restent sur 
place, 

6° MEMBRANE BASALE (Ps). — Les filaments terminaux des cellules 
de soutien et des cellules vibratiles forment un feutrage qui constitue 
la basale. En certains endroits, on peut reconnaître encore la nature 
fibrillaire de cette membrane ; en général pourtant, à cause proba- 


292 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


blement de la traction exercée par les muscles, la disposition primi- 
tive a disparu et la membrane se présente comme homogène. 
Musczes (/). — Sur toute la surface interne des plis de l'organe 
nucal (fig. 45 et 46) s’insèrent des muscles; ces éléments se termi- 
nent par un filament en relation avec la basale et se comportent de 
la même façon que ceux décrits avec détails chez Z'uphrosyne. 
PÉRITOINE. — Inutile d’insister sur cette membrane qui se com- 


porte comme d'ordinaire. 


$ 2. — CERVEAU POSTÉRIEUR. 


Comme on l’a vu dans la description anatomique, le cerveau pos- 
térieur est soudé aux autres régions cérébrales, et il n’y a pas moyen 
de le délimiter avec précision ; Je considère pourtant comme tel la 
région postérieure de l’encéphale d’où partent les deux faisceaux de 
nerfs nucaux. J’étudierai aussi, en m'adressant à l’encéphale tout 
entier, deux points importants : l'union de l’encéphale avec l’épi- 
derme et le parcours du nerf nucal; mais auparavant il faut passer 
en revue les différents éléments qui entrent dans la composition de 
ces deux organes. 

Les figures 48 et 49 qui serviront à la description représentent des 
coupes de l’encéphale de Clymene Oerstedi Grube et non de Clymene 


lombricoides. Du reste ces formes sont très voisines. 


a) Ganglion. 


4° CELLULES NERVEUSES GANGLIONNAIRES (C/.n.g). — La forme et la 
structure des cellules nerveuses rappellent exactement celles que 
j'ai décrites chez les Amphinomiens. Ici aussi (fig. 49) on trouve un 
plasma très finement granuleux, fortement coloré par l'acide 
osmique, entourant un noyau en général arrondi, qui possède un 
suc nucléaire abondant et des chromosomes sphériques régulière- 
ment disposés. Ces cellules ont paru limitées non pas par une vraie 


membrane, puisqu'il a été impossible de déterminer un double con- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 293 


tour, mais par une surface plissée, irrégulière. Cette surface froissée 
pourrait peut-être en définitive être considérée comme une différen- 
ciation du plasma périphérique, mais tellement faible qu'avec les 
objectifs très puissants de Zeiss, elle ne puisse être résolue comme 
membrane. Ces cellules paraissent être en général allongées dans 
deux sens différents, être bipolaires ; d’autres sont multipolaires. Il 
n’a pas été observé de communication directe entre deux cellules ; 
les filaments paraissent d’un côté dirigés vers la substance ponctuée 
et de l’autre vers les régions où l’encéphale communique avec l’épi- 
derme. 

29 NÉVROGLIE (U/). — Les cellules décrites plus haut sont situées 
dans des sortes d’alvéoles formés de fibrilles irrégulières (fig. 49). 
Ces alvéoles sont irréguliers aussi, de dimensions variables et de 
formes très diverses. L'aspect des fibrilles est le même que l’aspect 
des régions basales filamenteuses des cellules de soutien. Elles paraïs- 
sent à première vue former un réseau, c'est-à-dire être anastomosées. 
Cependant une observation attentive montre qu’il ne faut pas être 
trop affirmatif sur ce point; sans vouloir prétendre que l’anastomose 
n'existe en aucun Cas, il m'a semblé plutôt que les alvéoles étaient 
formés par l’intrication des fibres, ou par un feutrage d'éléments 
isolés, distendu de place en place par les cellules nerveuses conte- 
nues à son intérieur. 

Ce tissu névroglique est en communication avec la région fila- 
menteuse des cellules de soutien, à l’endroit où le cerveau est en 
communication directe avec l’épiderme; d’un autre côté, il est cer- 
tain que ce tissu se continue par des filaments dans la substance 
ponctuée. 

3° SUBSTANCE PONCTUÉE (Sb.p). — L'aspect de la masse ponctuée est 
celle d’un très fin réseau irrégulier. Elle est traversée par des fibres 
qui la parcourent en entier ou qui s'arrêtent à une certaine distance 
desa périphérie. Surtoute son étendue on voit des points très fins, quel 
que soit le sens de la coupe. J'ai très nettement pu voir des filaments 
de cellules nerveuses et des filaments névrogliques pénétrer dans la 


294 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


masse ponctuée.Y a-t-il anastomose entre les filaments de chaque ca- 
tégorie ? Je n’oserai pas l’affirmer, quoique ayant longuement étudié 
les préparations à ce sujet. Il me parait plutôt que cet aspect de la 
substance ponctuée pourrait être donné par un feutrage irrégulier 
de fines fibrilles à parcours onduleux. Les points sont certainement 
des fibres coupées en travers, et je ne crois pas que la substance 
ponctuée soit autre chose qu'un amas de fibrilles anastomosées ou 
non anastomosées. Je crois plutôt à la seconde alternative. 

4° MEMBRANE PROPRE (Ps). — L’enveloppe externe est formée par un 
feutrage de fibrilles, en certains points transformées en membrane 
homogène. Cette membrane est en continuation directe, dans les 
endroits où le cerveau est en communication avec l’épiderme (fig. 48 
et 49), avec la membrane basale de cette couche cellulaire. Les fila- 
ments névrogliques communiquent aussi directement avec cette 
membrane. Elle n’est en somme que la paroi externe des alvéoles 
névrogliques périphériques. Il ne peut y avoir doute qu'elle ne re- 
présente la basale de l’épiderme normal. 


MUSCLES ET PÉRITOINE. — Quelques muscles (fig. 49 42.) s’insèrent 
sur la paroi du cerveau, c’est-à-dire sur la basale, comme c’est le 


cas pour l’épiderme ordinaire. Le péritoine tapisse aussi le tout, 


b) Vers. 


Le nerf se présente à sa jonction avec la substance ponctuée de la 
région postérieure du cerveau, comme une nappe de fibrilles. Cet 
endroit (fig. 40) est décelé par ce fait que les fibrilles qui constituent 
la substance ponctuée (S6.p) ont une tendance de plus en plus accen- 
tuée, au fur et à mesure qu’on s'approche du nerf (Vn) proprement 
dit, de se ranger dans le sens du parcours du nerf, de sorte qu'au 
lieu d’un aspect plus ou moins alvéolaire, on a l’apparence de fibres 
parallèles à parcours sinueux. Le parcours du nerf s'effectue tout 
entier en dedans, et tout contre l’enveloppe externe du cerveau, puis 


il passe dans l’épiderme toujours en dedans de la basale. Sur tout son 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 295 


parcours il reçoit les fibres nerveuses des cellules nerveuses épider- 
miques et les extrémités basales des cellules de soutien de son voisi- 
nage. Comme on l’a vu dans la partie anatomique, le nerf se divise 
en plusieurs faisceaux de fibrilles qui disparaissent, à l’exception 
d'un seul, vers l’extrémité postérieure de l’organe nucal. Le nerf est 
donc formé comme là substance ponctuée du cerveau par les fibres 
des cellules nerveuses et par les filaments basaux des cellules de 
soutien. 


S 3. — COMMUNICATION DIRECTE DE L'ENCÉPHALE AVEC L ÉPIDERME. 


L'étude de cette question peut être faite très facilement chez les 
Maldaniens, car l’encéphale est très réduit et se trouve en commu- 
nication avec l’épiderme sur toute la face antérieure. Les figures 48 
et 49, dessinées à la chambre claire, montrent d’une manière très 
nette ces relations. Dans la première, qui passe en dehors des nerfs 
nucaux, l’encéphale se présente comme une grosse masse ovoïde 
nettement limitée de trois côtés, mais dépourvue de limite du côté 
antérieur, où elle est en continuité de substance avec l’épiderme. 
Cette paroi est constituée par des cellules de soutien (C{.s.) et de 
rares cellules glandulaires (C/.ql.), avec, à la base, de rares cellules 
nerveuses épidermiques (C{.n.ep.). Les cellules de soutien forment 
une couche continue, ininterrompue, passant au-dessus de l’endroit 
où le cerveau communique avec l’épiderme. En dessous de ces cel- 
lules et entre elles, les cellules nerveuses épidermiques, rares d’a- 
bord, deviennent de plus en plus nombreuseslorsqu’on se rapproche 
de l'endroit où il y a contact avec l’encéphale. Ces cellules sont les 
mêmes que celles qui forment la couche corticale (C{.n.q.) du cer- 
veau ; il n’y a pas moyen de les distinguer. Les extrémités basales 
des cellules de soutien passent entre ces cellules; elles ont été sui- 
vies assez loin pour les voir se confondre avec la névroglie. 

L'autre coupe (fig. 49) passe un peu en dehors de l’origine du, 


nerf nucal. Elle intéresse une partie de la paroi nucale et une partie 


296 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


de l’encéphale ; d’un côté, on voit le nerf nucal (Mn.) et, de l’autre: 

: la substance ponctuée (S6. p.), les deux étant séparés par une portion 
de la couche cellulaire corticale de l’encéphale. La couche corticale 
est en communication avec l’épiderme sur une partie de sa surface 
seulement. En effet, dans le haut de la figure, on voit un prolonge- 
ment de la cavité générale céphalique (2. Le.) délimitant d’un côté 
l’épiderme (£p.) et, de l’autre côté, le cerveau. 

Cette coupe permet de voir facilement comment s'établit la com- 
munication entre l’épiderme et la région nerveuse centrale. Dans la 
partie supérieure de la figure, l'épiderme a gardé sa structure ordi- 
naire ; les cellules sont peu allongées et il n’y a pas de cellules épi- 
dermiques nerveuses. Vers le bas de la coupe, là où la communica- 
tion s'établit, les cellules s’allongent de plus en plus. Les cellules 
nerveuses épidermiques (C/. n. ep.) font leur apparition et se con- 
fondent avec les cellules nerveuses ganglionnaires (C7. n. q.). L’extré- 
mité basale des cellules de soutien (C{. s.) se continue avec la né- 
vroglie (U), et l’on peut facilement se convaincre que la différence 
entre la région inférieure, qui représente une paroi épidermique 
traversée par un nerf, et la partie supérieure, qui représente une 
portion du système nerveux central, n’est qu’une différence quan- 
titative et non pas qualitative. 

La communication avec l’épiderme est donc un fait établi ; cette 
communication est directe, car, nulle part, dans les endroits en 
question, il n’a été possible de déceler la moindre membrane ou sé- 
paration. 


8 4. — COMPARAISON DU GANGLION AVEC LA PAROI DE L'ORGANE NUCAL. 


Il suffit de rapprocher la figure 46 de la figure 48 pour constater 
une homologie parfaite des deux formations. Dans un cas, comme 
dans l’autre, on trouve du côté externe une limite formée par la 
cuticule (Cu.), du côté interne une limite formée par la basale (25.); 


dans les deux cas, tous les éléments de ces deux organes sont exclu; 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 297 


sivement compris entre ces limites. Voyons si les éléments sont les 
mêmes. Dans la paroi caronculaire, on a des cellules de soutien 
(CL. s.) et des cellules ciliées (C/. v.) qui en dérivent ; ces deux sortes 
d'éléments arrivent, d’un côté à la cuticule, et de l’autre, forment, 
avec leurs filaments basaux, la basale. Dans le second cas, on a 
aussi des cellules de soutien (C{. s.) terminées à la cuticule; mais 
ici, les filaments basaux se présentent sous la forme d'un feutrage 
qui ne se continue pas moins jusqu'au bord cavitaire où il forme 
aussi la basale. Dans le premier cas, on a des cellules nerveuses 
(CI. n. ep.), situées entre les cellules de soutien, qui envoient un 
filament du côté de la cuticule (kc.) et un filament du côté du 
nerf (kb.) qui est situé au-dessus de la basale. Dans le second cas, on 
a aussi des cellules nerveuses (C/. n. g.), situées entre les cellules de 
soutien ou leur prolongement, qui envoient un filament vers le nerf 
nucal qui se dirige vers la périphérie, et un autre filament dans la 
substance ponctuée. Est-il besoin d’insister sur la parfaite homolo- 
gie du nerf et de cette dernière substance? 

On voit donc que l’encéphale est comparable, au point de vue 
morphologique, à l’'épiderme normal d’une part, et à l’épiderme 
sensitif d'autre part, et que, dans les deux cas, il n’y a qu’une diffé- 


rence quantitative entre les éléments de ces deux systèmes. 


CHAPITRE V 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 
SUR LA MORPHOLOGIE ET LA STRUCTURE HISTOLOGIQUE 
DES RÉGIONS SENSITIVO-NERVEUSES CÉPHALIQUES 
DES POLYCHÈTES 


Les fonctions de relation sont exercées chez les animaux supé- 
rieurs par le système nerveux central et les organes des sens. Ces 
derniers sont chargés de recevoir les impressions du milieu extérieur 
et de les transmettre au premier par l'intermédiaire des nerfs. Cette 


998 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


disposition atteint son plus haut degré de développement dans la 
tête, région située à l'extrémité antérieure du corps ; c’est dans cette 
région, en effet, que sont concentrés les organes des sens les plus 
perféctionnés, et c'est là aussi que se trouvent les masses nerveuses 
les plus considérables et les plus complexes. On est amené à consi- 
dérer cet appareil, qui met en relation les animaux supérieurs avec 
le monde extérieur, comme un complexe indissoluble ; c’est-à-dire 

qu’on ne conçoit pas, chez ces animaux, un organe des sens sans 
centre nerveux, ét un centre nerveux sans communication périphé- 
rique. 

Une question se pose immédiatement : celle de savoir si, dans Île 
cours de l’évolution phylogénétique, les deux catégories d'organes 
sont apparues simultanément ou à des stades différents. 

L'anatomie des animaux inférieurs, des Hydres par exemple, 
montre que les organes sensitifs existent déjà sous forme de cellules 
sensitives quand les centres nerveux manquent complètement. Si 
l'on remonte dans la série animale, on voit que l’apparition de 
masses nerveuses centrales suit le perfectionnement des organes 
des sens. Il n’est pas besoin d'explications plus détaillées pour 
admettre la proposition suivante : 

Phylogénétiquement, l'organe des sens apparaît avant le centre ner- 
veux; en d’autres termes : dans le complexe sensitivo-nerveux, c'est la 
partie sensitive qui est la plus primitive. 

On peut ensuite se demander si les relations, entre le centre ner- 
veux et l'organe des sens, sont de simples relations de dépendance, 
ou si le centre nerveux n’est pas le produit de cet organe. 

C'est à KLEINENBERG (86) que revient le mérite d’avoir répondu à 
cette question, par la lumineuse conception suivante : il soutient, 
en effet, que les organes des sens, pendant le développement em- 
bryonnaire, sont les véritables ébauches des masses nerveuses qui 
apparaissent, en profondeur, dans les stades ultérieurs. Ge sont ces 
organes des sens aussi qui, en se plaçant les uns à côté des autres, 


ont donné naissance aux grosses masses nerveuses centrales. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 299 


On a déjà vu que la phylogénie lui donnait raison, car !es ani- 
maux pourvus de cellules sensitives peu différenciées et dispersées 
sur toute la surface du corps, sont dépourvus de centres nerveux, et 
que les parties nerveuses apparaissent, deviennent de plus en plus 
complexes et forment chez les animaux supérieurs le sÿstème ner- 
veux central, au fur et à mesure que, dans la série animale, ces cel- 
lules se groupent en organe. 

La manière dont se développe le système nerveux est aussi un 
- bon argument en faveur de cette opinion; tous les organes des sens 
sont formés par des cellules ectodermiques, et tous les centres ner- 
veux sont des épaississements de l’ectoderme et se forment à l’en- 
droit même où ont apparu les premières dilférenciations sensitives. 

On peut donc poser en principe : 

Le centre nerveux est produit par l'organe sensitif qu'il innerve. 

Les choses étant ainsi, il s’ensuivrait naturellement que chaque 
organe des sens en particulier devrait être l'endroit ou la cause de 
la formation d’un centre nerveux. Pour voir si celte déduction est 
exacie, il faut la vérifier sur un exemple : les Polychètes, et je me 
limiterai à l'examen de leur lobe céphalique. 

Le plus grand nombre d'appareils sensitifs qui peuvent se trouver 
sur la tête d'un Polychète est atteint chez certaines familles de 
Rapacia. Le type idéal et complet, se trouvant du reste fréquemment 
réalisé, serait pourvu de deux palpes, cinq antennes, quatre yeux et 
deux organes nucaux. Lorsqu'on fait l'anatomie de l’encéphale qui, 
d’après la théorie de Kleinenberg, doit être formé par ce complexe 
d'organes sensitifs, on constate que cette masse nerveuse se décom- 
pose en trois masses qui innervent toujours la même catégorie d’or- 
ganes des sens. Ainsi, on voit qu une masse nerveuse antérieure 
innerve toujours les palpes, une autre masse médiane innerve tou- 
jours les antennes et les yeux, et enfin une troisième masse posté- 
rieure innerve les organes nucaux. Quelles que soient les variations 
qui se présentent dans le nombre et la forme des organes des sens, 


les rapports de ces trois régions cérébrales restent toujours les 


D . 


300 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


mêmes. Qu'il n’y ait qu’une, deux, trois ou cinq antennes, deux ou 
quatre yeux, c'est toujours la masse moyenne du cerveau qui fournit 
les nerfs de ces organes. Qu'il y ait.un organe nucal, allongé, ou 
globuleux, ou réduit à de simples fossettes ciliées, c’est toujours la 
masse postérieure du cerveau qui fournit les nerfs nécessaires à 
la transmission de l'impression. Toujours donc une de ces trois 
masses cérébrales innerve un groupe d'organes sensitifs, et toujours 
le même. 

On voit donc que la proposition de plus haut ne parait pas exacte. 
Il n’y a pas autant de centres nerveux qu'il y a d'organes des sens ; 
mais nous constatons un autre fait qu'on peut formuler de la manière 
suivante : 

Dans le lobe céphalique d'un Polychète, les organes des sens sont dis- 
posés par groupes; à chaque groupe correspond un centre nerveux 
(v. p. 163 et s.). 

Un autre fait très remarquable, et qui paraît à première vue con- 
tredire aussi la proposition qui a été formulée sur l’origine des cen- 
tres nerveux, est le suivant : 

On devrait supposer que, chez un Polychète dépourvu d'organes 
des sens, ou du moins d’un des groupes d'organes des sens, les 
masses cérébrales correspondantes à ces organes doivent manquer. 
Eh bien, pas du tout. Lorsque, par exemple, les palpes manquent, 
la masse cérébrale antérieure existe néanmoins. 

On pourrait expliquer ce fait, comme cela a été déjà fait en d’au- 
ires circonstances, en disant que le palpe a disparu secondairement 
et que la masse nerveuse dont il avait occasionné la formation a per- 
sisté comme organe rudimentaire ; mais cette explication, qui n’ex- 
plique pas grand’chose est inutile. 

Les organes des sens, productions épidermiques, sont en commu- 
nication avec l’encéphale par leurs nerfs. Ces derniers sont donc les 
connexions directes du cerveau avec l’épiderme, mais ce ne sont pas 
les seules. En effet, la masse moyenne de l’encéphale, outre les 


communications établies par l'intermédiaire des nerfs antennaires, 


- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 301 


possède une communication directe sur une grande partie de sa 
surface dorsale. La surface dorsale du lobe céphalique est pourvue 
de nombreuses cellules sensitives, d'autant plus nombreuses que 
les antennes sont plus réduites en nombre et en volume. Il en est 
de même pour les environs de l’organe nucal, et pour la face anté- 
rieure et ventrale du lobe céphalique occupé par les palpes. Toutes 
ces cellules sont en communication directe avec l’encéphale. 

Les masses cérébrales qui forment l’encéphale des Polychètes commu- 
niquent avec l'épiderme, soit d'une facon médiate, par l'intermédiaire 
des nerfs des organes sensitifs, soit d’une maniere immédiate, par une 
plus ou moins grande étendue de leur surface dorsale *. 

Examinons maintenant ce qui se passe dans le lobe céphalique 
d'un Polychète dépourvu d’un ou de plusieurs groupes d’organes 
sensitifs. Supposons que les palpes aient disparu, la masse céré- 
brale antérieure ne fournira pas de nerfs palpaires, mais elle ne 
recevra pas moins, sur l’espace où elle est en communication avec 
l’épiderme, les excitations fournies par les cellules sensitives qui 
se trouvent à cet endroit. De même lorsque les antennes disparais- 
sent, cela ne veut pas dire que la sensation tactile ait disparu de la 
surface dorsale du lobe céphalique. Elle est diffuse seulement dans 
tout l’épiderme constituant cette paroi, et l’absence d’antennes 
n'empêche pas que la présence de la masse cérébrale moyenne ne 
soit justifiée, puisque cette dernière peut encore enregistrer des 
sensations soit tactiles, soit dermatoptiques. Ces surfaces cépha- 


1 Les anciens auteurs avaient déjà constaté l'union de l’épiderme avec le système 
nerveux. SEMPER (6, p. 144-148) est le premier qui l’ait démontrée par la méthode 
des coupes. JourDan (84) le constate pour le genre Eunice, et PruvoT (85, p.119) 
l’établit définitivement pour tous les Polychètes. Roxpe (8') en découvre les détails, 
en démontrant que la névroglie n’est qu’une transformation de la « Subcuticula », 
et en montrant que cette névroglie est en continuité de substance avec les cellules 
de soutien. Tous les autres auteurs qui se sont occupés du système nerveux des 
Polychètes ont constaté aussi l’union de l’épiderme avec les centres nerveux. 
HazLer (89) est le seul qui prétende que la névroglie est un tissu qui n’a rien de 
commun avec l’épiderme et en est toujours séparé par une membrane basale. Inutile 
de dire que l'opinion de cet auteur n’est pas soutenable, 


302 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


liques pourvues de cellules sensiiives et sur lesquelles se dévelop- 
pent les organes des sens spécialisés seront appelées aires sensi- 
tives. | 

Pour la fonction sensorielle du lobe céphalique, la notion de l’organe 
des sens très spécialisé, comme l'antenne, les yeux, le palpe, etc., est se- 
condare, ce qu'ily a d’important, c’est la notion d’aire sensitive. La for- 
mation des centres nerveux est reliée aux aires sensitives et non pas aux 
organes des sens (v. p. 161 et s.). 

Les aires sensitives avec leurs masses cérébrales respectives for- 
ment des régions sensitivo-nerveuses, dont le nombre et la position 
sont constants et dont les rapports sont toujours les mêmes. On 
peut donc émettre la proposition suivante : 

Le lobe céphalique d'un Polychète est formé par un certain nombre de 
régions sensitivo-nerveuses ; chaque région se décompose en une aire sen- 
sitive constante, quelle que soit la variation des organes des sens qui 
peuvent s’y former, et en un centre nerveux produit par cette aire sen- 
sitive, 

Il reste maintenant à déterminer quel est le nombre des régions 
sensitivo-nerveuses du lobe céphalique des Polychètes.Tout ce qu’on 
vient de dire auparavant du groupement des organes sensitifs, 
permet de constater facilement que les palpes avec l'épiderme qui 
les entoure immédiatement et qui occupe par conséquent la face 
antérieure et une partie de la face ventrale du lobe céphalique, 
constituent une première aire sensitive, l'aire palpaire à laquelle se 
rattache le centre cérébral antérieur formé par deux masses symé- 
triques, le cerveau antérieur. Ce complexe forme la région palpaire. 

Une autre région, la région sincipitale, est formée par l’atre sincipi- 
tale qui supporte les yeux et les antennes et qui s'étend sur presque 
toute la face dorsale du lobe céphalique. A celle-ci se rattache le 
cerveau moyen. 

Enfin, en troisième lieu, la région nucale, formée par l'aire nucale, 
s'étendant sur le bord postérieur du lobe céphalique et par le cerveau 


postérieur, est constituée en général par deux parties symétriques. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 303 
Le lobe céphalique des Polychètes, quel que soit le nombre des appen- 


dices qu’il supporte, est formé par trois régions sensitivo-nerveuses dis- 
tinctes et conservant toujours entre elles les mêmes rapports et connexions 
(v. p. 174). 

Le développementembryonnaire du lobe céphalique confirme cette 
manière de voir. En effet, la région sincipitale se forme par la trans- 
formation d’une partie de la plaque sincipitale de la larve; on sait 
que cette dernière supporte les yeux et les antennes larvaires. 

L'organe nucal et sa masse nerveuse se forment comme un épais- 
sissement ectodermique isolé, et la même chose peut se dire pour 
les palpes ; on peut donc dire : 

Les trois régions sensitivo-nerveuses, qui composent le lobe céphalique 
des Polychètes, sont formées, dans le développement embryonnaire, par 
trois ébauches isolées (v. p. 168 et s.). 

Lorsqu'on examine chacun des trois cerveaux, on constate qu’ils 
ne forment pas des masses unies, mais bien multilobées, pourvues de 
prolongements arrondis. Lorsqu'on considère les rapports de ces 
prolongements, on voit qu ils correspondent aux organes des sens, 
Ainsi les yeux sont pourvus chacun d’un renflement formé de cel- 
lules nerveuses, et de même, souvent les nerfs des antennes traver- 
sent ou sont flanqués sur les côtés par des accumulations de cellules 
ganglionnaires. Il en est de même du nerf du palpe qui, chez beau- 
coup de Polychètes, est pourvu d’un gros ganglion, le ganglion pal- 
paire. L’explication de ces productions est très facile, maintenant 
qu'on à la notion de la région sensitivo-nerveuse, mais elle à induit 
beaucoup d'auteurs en erreur, parce que Ces derniers ont pris Ces 
formations pour des unités indépendantes, tandis qu’en réalité ce ne 
sont que des dispositions secondaires. 

Chez les Polychètes dépourvus d’appendices, les différents cer- 
veaux sont lisses, et la seule raison de leur existence sont les trois 
aires sensitives. Dès qu’un appareil sensitif se forme, il vase produire 
en petit à l'intérieur de la région sensitivo-nerveuse correspon- 
dante ce qui s’est produit en grand dans le lobe céphalique, lors de 


304 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


l'apparition des aires sensitives, c’est-à-dire que chaque organe des 
sens sera la cause de la formation d’une petite protubérance formée 
par des cellules ganglionnaires. Sur le cerveau moyen se formeront 
des ganglions antennaires et optiques, sur la région palpaire des 
ganglions palpaires, sur la région nucale des ganglions nucaux ; 
mais toutes ces productions, qui disparaissent avec l'organe qui a 
occasionné leur formation, sont loin d’avoir l'importance des trois 
cerveaux précédemment décrits. Ces derniers, en effet, sont pro- 
duits par une disposition tout à fait primitive de la souche des Po- 
lychètes et par cela même ils sont constants chez tous ces animaux. 

La morphologie de l’encéphale des Polychètes a donc été traitée 
jusqu'à présent d’après les principes erronés qui, par cela même, ne 
pouvaient donner aucun résultat appréciable. Comparer l’encéphale 
d’une forme pourvue de beaucoup d’appendices avec celui d’un Po- 
lychète qui en est dépourvu était chose absolument impossible et 
ne pouvait amener qu'à faire constater une différence énorme entre 
les deux animaux. En effet, l’'encéphale de la première est bossué de 
ganglions aussi variés que nombreux, tandis que celui de l’autre est 
presque entièrement lisse. Ces énormes différences rendaient, dans 
l’ancienne manière de faire, toute comparaison impossible, ce qui 
aurait été d'autant plus remarquable que le système nerveux central 
est ce qu'il y a de plus constant dans les autres groupes d'animaux. 

On sait maintenant que, dans les deux exemples que nous avons 
pris, les différences ne sont que secondaires. Tous les ganglions, quel 
que soit leur nombre, n’ont pas grande importance morphologique, 
puisqu'ils naissent et disparaissent avec les organes des sens. Ce qui 
est constant, ce sont les trois régions sensitivo-nerveuses, et celles-là 
existent avec les mêmes rapports et des connexions identiques, aussi 
bien chez le Polychète pourvu d'organes des sens nombreux comme 
chez celui qui en est complètement dépourvu; nous pouvons donc 
dire : 

Dans l'encéphale des Polychetes, si les trois cerveaux sont produits par 


les aires sensitives, les ganglions sont produits par les organes des sens 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 305 


spécialisés et disparaissent avec eux. Dans la morphologie de l'extrémité 
antérieure des Polychètes, 1l convient donc d'établir des comparaisons 
entre les régions sensitivo-nerveuses toujours fixes et non entre les gan- 
glions très variables (v. chap. I, 8 3). 

Examinons maintenant le cas d’un Polychète dépourvu d’yeux et 
d'appendices. Les excitations extérieures ne seront pas moins per- 
çues par cet animal. En effet, lorsque les appendices ont disparu, il 
reste des régions plus ou moins étendues, les aires sensitives, en com- 
munication directe avec la substance cérébrale. Même à supposer 
que les cellules sensitives soient absentes dans ces régions, les cel- 
lules ordinaires pourraient néanmoins remplir, jusqu’à un certain 
point, le rôle d’organe des sens. Toute cellule jeune est pourvue des 
rudiments des différentes sensibilités qui se spécialisent dans les cel- 
lules des divers organes des sens. 

Mais dans les aires sensitives, les cellules sensitives existent; ce 
sont elles qui, en se groupant de diverses manières, ont donné nais- 
sance aux organes sensitifs très perfectionnés et spécialisés. Des 
groupes de cellules sensitives pourvues de poils tactiles ont formé 
les antennes; d'autres groupes formés de cellules qui eurent pri- 
mitivement la sensation dermatoptique donnèrent naissance aux 
yeux, etc. On peut donc établir la proposition suivante : 

L'organe des sens est formé par la spécialisation d’un point de l'aire 
sensitive. 

Si les choses sont ainsi, il s'ensuit qu'avant l’existence des an- 
tennes existait la sensation du tact dans l’aire sincipitale, et qu’en 
même temps la sensation lumineuse se faisait déjà enregistrer dans 
la même aire. Il faut, en effet, arriver à la conclusion que ce n'est 
pas la création de l’antenne ou de l’œil qui a fait que l’animal a eu 
des sensations tactiles ou visuelles; ce sont les sensations tactiles et 
visuelles, très imparfaites il est vrai, qui ont occasionné le groupe- 
ment des cellules peu spécialisées qui les ressentaient, en organes 
fortement différenciés et parfaitement adaptés à leurs fonctions. La 
même chose se constate pour les organes des sens des autres régions, 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEÉN. — 3€ SÉRIE. — T, 1V. 1896. 20) 


306 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


et, pour résumer, on peut dire qu’il faut que ces régions aient eu les 
mêmes spécialités de sensations que les organes des sens qui sont nés 
postérieurement à leur surface. 

Si l’on veut s’imaginer l’évolution phylogénique de ces régions, on 
comprend facilement qu'il en soit ainsi. Lorsque le lobe céphalique 
était à l’état de simple calotte, située à l'extrémité avec laquelle pro- 
gressait la souche des Polychètes, il était recouvert d'un épithélium 
indifférent. Peu à peu, certaines cellules, poussées par l'excitation 
fonctionnelle, acquirent une spécialité sensorielle encore faible. Ces 
cellules se forraèrent surtout sur trois aires distinctes : l’une, anté- 
rieure, qui deviendra la région palpaire ; l’autre, dorsale, la région 
sincipitale, et une autre, postérieure, la région nucale. L'excitation 
fonctionnelle continuant, une différenciation s'établit entre les diffé- 
rentes cellules, et cette différenciation n’est pas la même, non seu- 
lement pour les différentes cellules d’une même région, mais pour 
les différentes régions elles-mêmes. En effet, les sensations tactiles 
et gustatives se localisent dans la région palpaire; les sensations tac- 
üles et, en outre, les sensations dermatoptiques se localisent dans 
la région sincipitale ; enfin, la sensation olfactive se localise dans la 
région nucale. Une spécialisation ultérieure a perfectionné ces diffé- 
rentes sensibilités et les cellules qui en sont l'expression se sont grou- 
pées en organes variés, nous pouvons donc dire : 

Les trois régions sensitivo-nerveuses, qui forment le lobe céphalique 
des Polychètes, sont distinctes, non seulement au point de vue anatomique, 
mais aussi au point de vue physiologique. La région palpaire est qusta- 
tive et tactile; la région sincipitale est tactile et visuelle, la région nu- 
cale est olfactive. Ces différentes régions, très primitives, ont donné leur 
caractère fonctionnel aux organes des sens spécialisés qui sont nés à leur 


surface (v. p. 174). 


Les résultats auxquels je suis arrivé sont plutôt des résultats mor- 
phologiques qu’il s’agit maintenant d'approfondir par l'interprétation 
de la structure intime des régions sensitivo-nerveuses, Dans ce but, 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 307 


je vais prendre comme objet d'étude l’une des régions d’abord, pour 
mieux limiter les diverses questions qui naîtront de cette étude. 

La région nucale est formée par une aire nucale, dont certaines 
parties ou même la surface entière se spécialisent et donnent nais- 
sance aux Organes nuCaux, et par une masse nerveuse le Cerveau pos- 
térieur. L'étude de l’organe nucal montre qu’il n’est qu'une partie 
de l’épiderme qui limite au dehors le lobe céphalique : sa paroi est 
en continuation directe avec la paroi épidermique, sa cuticule, le pro- 
longement de la cuticule générale et ses cellules, la suite ininterrom- 
pue des cellules épidermiques, comme sa basale, n’est que la conti- 
nuation de la basale du reste de l’épiderme. La paroi épidermique 
est limitée, comme la paroi de l’organe nucal, par la cuticule et par 
la basale, ce qui démontre que, dans cette dernière paroi, il n'entre 
aucun élément étranger à la première. On peut donc dire : 

L'organe nucal est une modification de la paroi épidermique du lobe 
céphalique, et se trouve compris entre les mêmes limites : la cuticule et la 
basale (v. p. 950 et s.). 

Quelle est alors la différence entre la paroi nucale et la paroi 
céphalique? Pour examiner cette question, il faut étudier les élé- 
ments qui entrent dans la constitution de ces deux couches uni- 
cellulaires. 

L’épiderme est formé par des cellules en général allongées, placées 
les unes à côté des autres et qui toutes aboutissent du côté externe 
à la cuticule, du côté interne à la basale ; on peut y distinguer plu- 
sieurs Catégories : 

1° Les cellules de soutien qui ont leur extrémité cuticulaire renflée, 
leur extrémité basale filamenteuse. Lorsque l’épiderme est constitué 
uniquement par ces cellules, il forme en général une membrane 
mince, et alors les cellules sont presque cubiques; leurs filaments 
postérieurs sont intriqués pour former une mince basale. Lorsque 
l’épiderme contient des cellules d’autres catégories, les cellules de 
soutien sont forcées de s’allonger. A mesure que l’épiderme s’épais- 


sit, leurs filaments basaux deviennent plus nombreux, et comme il 


308 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


y a beaucoup de cellules dans un petit espace, ces filaments peuvent 
former une basale plus épaisse. 

2° Les cellules glandulaires qui arrivent aussi à la cuticule et qui se 
terminent aussi par des filaments s’intriquant dans la basale. Ces cel- 
lules sont bordées par les cellules de soutien et communiquent avec 
l’extérieur par un mince orifice cuticulaire. 

3° Les cellules vibratiles. Disposées comme les cellules de soutien et 
ayant la même forme, elles envoient à l'extrémité cuticulaire des pro- 
longements protoplasmiques à travers de fins pores qui percent la 
cuticule (v. p. 266 et s.). Ces prolongements protoplasmiques sont 
les cils vibratiles. 

4° Les cellules nerveuses qui n'arrivent en contact avec la cuticule 
qu'avec un fin prolongement passant entre les autres cellules et dont 
le corps cellulaire est situé entre les pieds de ces dernières. 

Voilà les éléments, et les seuls, qui entrent dans la constitution 
de la paroi épidermique. 

La basale est formée par le feutrage des filaments terminaux de 
ces diverses sortes d'éléments. 

L'épiderme est une couche unicellulaire dont les seuls éléments sont les 
cellules de soutien, glandulaires, ciliées et nerveuses *. 

Tous ces éléments arrivent d’un côté à la cuticule et de l’autre 
côté à la basale, et quelle que soit l'épaisseur de l’épiderme, le che- 
vauchement des éléments les uns sur les autres, les points de con- 
tact avec la cuticule et la basale persistent toujours. Il faut donc 
tenir compte, dans la description des cellules épidermiques, de ces 
deux points decontact constants qui constituent, pour insi dire, deux 
pôles opposés dans leur morphologie. On nommera la partie avoi- 
sinant l’un des pôles : extrémité et connexion cuticulaire, et l’autre : 
extrémité et connexion basale (v. p. 264, note 1). 

Toute cellule épidermique possède deux rapports constants à l’intérieur 
de la paroi épidermique : l’un formé par la connexion cutliculatre et 
l'autre par la connexion basale. 


{ Voir pour l'historique de toute cette question, Ersic (8'2) et Soucier (94). 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 309 


Les cellules de l’épiderme, quelle que soit leur nature, sont en rap- 
port par leur face latérale et ce rapport n’est pas un rapport de con- 
tinuité, mais un simple rapport de contact. Même le prolongement 
des cellules nerveuses n’est que simplement appliqué contre les cel- 
lules avoisinantes, 

Le rapport des cellules dans la paroi épidermique se fait par simple 
contact ‘. 

Lorsqu'on examine la paroi de l’organe nucal, on constate la pré- 
sence des quatre éléments qui vienneñt d’être décrits dans la paroi 
épidermique, et rien autre chose; seulement ces éléments ont subi 
ici quelques légères modifications. Les cellules nerveuses ont aug- 
menté en nombre d’une façon tout à fait considérable, ce qui a oc- 
casionné un épaississement de la paroi et un allongement des cel- 
lules de soutien. Les cellules glandulaires ont été reléguées sur le 
pourtour de l’organe ou bien groupées en organes mucigènes. Les 
cellules vibratiles ont augmenté en nombre et se sont groupées aussi. 
Toutes ces modifications ne sont que des variations quantitatives et 
non qualitatives ; aussi peut-on dire : 

Les éléments qui constituent la paroi de l'organe nucal sont les mêmes 
que ceux qui constituent la paroi épidermique ordinaire. Les différences 
entre ces deux parois sont plutôt quantitatives que qualitatives (v. p. 250 
et s.). 

Il y a un point cependant qu'il s'agit d'éclaircir. Les organes nu- 
caux sont en communication avec le cerveau postérieur, tantôt sur 
une grande partie de leur masse, lorsque ce cerveau est près de l’épi- 


1 Sepewicx (86) soutient que les cellules communiquent les unes avec les autres 
par de fins prolongements. Il admet que l’état de Syncitium est primitif et la divi- 
sion en cellules bien limitées n’est qu’un état secondaire. Cette conception, qui expli- 
que parfaitement comment des Protozoaires multinucléés ont pu donner naissance 
aux Métazoaires, n’est certes pas à appliquer à tous les tissus. Si, chez les plantes et 
certains animaux (?), les communications existent, comme restes d'un état primitif, 
il se peut fort bien, dans d’autres cas, que l’individualisation des cellules ait été 
poussée assez loin pour que toute communication primitive ait disparu. En tout 
cas, jamais on n’a constaté de communication protoplasmique entre les cellules épi- 
dermiques des Polychètes, 


310 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


derme, tantôt par un petit pédoncule constitué par un nerf, lorsque 
le cerveau postérieur a émigré dans la cavité céphalique. On voit dans 
la paroi caronculaire les cellules nerveuses qui ont leur extrémité 
cuticulaire entre les cellules vibratiles envoyer leur prolongement 
opposé à travers ie pédoncule dans le cerveau postérieur; ce prolon- 
gement, il ne peut y avoir de doute à ce sujet, est l'extrémité basale 
de la cellule, car on trouve tous les intermédiaires entre la cellule 
nerveuse, qui dans l’épiderme a son corps cellulaire vers le milieu 
de la hauteur de la paroi et possède des extrémités basales et cuticu- 
laires très courtes, et la cellule nerveuse de la paroi de l'organe 
nucal qui a une extrémité cuticulaire courte, un corps cellulaire 
situé dans la paroi et une extrémité opposée qui traverse le pédon- 
cule ou le uerf et se termine dans le cerveau postérieur. Du reste, 
lorsque cette masse nerveuse est accolée à la paroi de l'organe nucal, 
l'extrémité basale des cellules nerveuses est naturellement très courte 
aussi. Les extrémités basales des cellules de soutien ordinaires, 
situées en face de l'endroit où est la zone de contact du cerveau 
postérieur avec la paroi, passent aussi avec l'extrémité basale des 
cellules nerveuses à l’intérieur de la substance cérébrale. 

Ce parcours des extrémités basales montre qu'il faut chercher la 
membrane basale là où elles doivent forcément aboutir, dans le cas 
présent en dessous de son niveau habituel. Lorsqu'on suit la mem- 
brane basale de l’épiderme, on voit qu’elle passe ininterrompue sur 
le nerf, lorsqu'il y en a un, ou directement sur le cerveau postérieur 
quand ce dernier est accolé à la paroi de l’organe nucal. Tous ces 
faits démontrent indubitablement que : 

Le cerveau postérieur est situéen dedans de la basale. Il fait partie in- 
tégrante de la paroi épidermique qui constitue l'organe nucal *. 

1 C’est Jourpan (S'7, p. 252) qui, le premier, a clairement exprimé cette idée. 
« Il résulte de cette disposition une donnée ayant une certaine importance : c’est 
que le cerveau est situé tout entier dans l'épaisseur de la couche épithéliale des 
téguments. » 


Je reproduis ici (fig. 9, texte) une figure extrêmement intéressante donnée par 
SALENSKY (88) à propos du développement d’Aricia. Cet auteur décrit la région 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 311 


Cette constatation n’est pas suffisante ; il faut déterminer si le cer- 
veau correspond à tout l’épiderme ou à l’une des parties de cette 
couche, et, dans ce cas, à quelle partie, 

Comme on le sait déjà, le cerveau postérieur est limité par une 
membrane propre, qui n’est que la continuation de la basale épider- 
mique. En dedans se trouve une couche corticale de cellules gan- 
glionnaires et au milieu un Cn 
noyau de substance ponctuée | 
en continuation de substance 
avec le nerf nucal. | 

Les cellules ganglionnaires | Dep 
ressemblent comme structure 
aux cellules nerveuses épider- 
miques. Elles ont un prolon- ais 


gement bien marqué qui tra- 
verse la substance ponctuée et 


se continue dans le nerf nucal. p À 
onu Fig. 9. — Aricia fœtida. — Coupe longi- 


Du côté opposé, il y a aussi tudinale de l’embryon au sixième jour 
du développement, — Les lettres et leur 
probablement des filaments explication sont les mêmes que sur l’ori- 


mais extrèmement minces, di- ginal. 


Le : A ; Cn, cellules nerveuses de la plaque sincipitale 
riges vers la basale, c'est-à-dire qui se prolongent jusqu’au mésoderme eépha- 
lique ; Go, ganglion céphalique ; Sp, substance 


vers la membrane propre du ponctuée ; Mcp, mésoderme., céphalique ; Os, 
bouche ; Oe, partie œsophagienne de l’ento- 


AS : 1 derme et l’æœsophage ; Tr, trompe ; Znm, intes- 
cerveau postérieur. Le nerf nu tin; *, (2). [D'après Salensky (8%, pl. VII, 


PLIS ° fig. 8, Ar.), 
cal pénètre dans la paroi de ‘5 *#") 


x 


l'organe nucal et ses filaments arrivent à la cuticule. Les pro- 
longements des cellules ganglionnaires qui s’y rendent représen- 
tent donc l'extrémité cuticulaire de ces cellules. Il n’y a donc de dif- 


supérieure de la coupe qu’il représente de la manière suivante (p. 203) : « Au som- 
met de la plaque sincipitale on peut toujours reconnaître un groupe de cellules (Cn) 
qui affectent la forme d’un entonnoir allongé dont le sommet touche à la substance 
ponctuée (Sp). Chaque cellule forme un prolongement qui traverse la substance 
ponctuée et se dirige presque verticalement vers le mésoderme céphalique (Wep.) où 
il se réunit avec une cellule de ce feuillet. » L’inspection de cette figure montre son 
identité absolue avec celles que j'ai données des coupes de la paroi des organes 


312 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


férence entre les cellules ganglionnaires et les cellules nerveuses 
épidermiques qu’au point de la longueur respective de deux extré- 
mités, mais les rapports sont les mêmes. Cette constatation est 
fortifiée par le fait que les corps cellulaires des cellules nerveuses 
ganglionnaires et épidermiques sont disposés à partir de la paroi 
épidermique, jusqu'au fond du cerveau postérieur et le long du 
nerf nucal, en une série ininterrompue de niveaux successifs très 
rapprochés. 

Les cellules nerveuses situées dans l’épiderme auront naturelle- 
ment une courte extrémité cuticulaire et une longue extrémité 
basale ; celles situées le long du nerf verront s’allonger la première 
extrémité et la seconde se raccourcir; enfin celles qui seront dans le 
cerveau postérieur auront une très longue extrémité cuticulaire et 
une très courte extrémité basale. Il est même possible que cette der- 
nière extrémité disparaisse complètement; on a, dans ce cas, des 
cellules unipolaires. 

Les cellules nerveuses ganglionnaires ne sont que des cellules nerveuses 
épidermiques, chez lesquelles les longueurs des deux extrémités sont en 
rapport inverse ; en effet, les cellules nerveuses épidermiques ont l’extré- 
maté basale plus courte que l'extrémité cuticulaire, tandis que les cellules 
nerveuses ganglionnaires ont l'extrémité basale plus longue que l'extrémité 


cuticulaire ?. 


Les cellules nerveuses ganglionnaires sont entourées par des fibres 


nucaux (fig. 46, p. ex.). Les cellules Cn ne sont pas nerveuses comme le veut 
Salensky, ni musculaires comme le veut Kleinenberg (86, p. 84). Ce sont ou des 
cellules de soutien ou des cellules ciliées dont elles ont les connexions habituelles. 
Les éléments nerveux sont les cellules arrondies situées entre les cellules de soutien 
et la substance ponctuée (Sp). Cette figure montre qu'à certain stade de dévelop- 
pement l’encéphale a le méme aspect et la méme structure que la paroi de l'organe 
nucal. 

1 Cette identité des cellules nerveuses épidermiques et ganglionnaires a été cons- . 
tatée par de nombreux auteurs. Citons seulement KLEINENBERG (86), qui déclare 
que, lorsque pendant le développement embryonnaire le centre nerveux commence 


à se séparer de l’antenne, on ne peut dire quelle cellule appartient à l’une, et quelle 
cellule à l’autre, 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 313 


intriquées qui constituent la névroglie. Les fibres névrogliques pénè- 
trent dans la substance ponctuée, la traversent, parcourent le nerf 
quand il y en a un, ou bien arrivent directement dans l’épiderme 
quand il n’y en a pas. Elles sont en continuation directe avec les ex- 
trémités basales des cellules de soutien qui forment la paroi de l’or- 
gane nucal, en contact direct avec le cerveau postérieur. La névroglie 
n’est donc que l’exagération de cette structure fibrillaire de l’extré- 
mité basale, que possèdent toutes les cellules épidermiques et en 
particulier les cellules de soutien. Sur les limites du cerveau ces 
fibrilles forment, en se tassant,la membrane propre du cerveau ; on 
comprend maintenant que cette membrane ne soit que la continua- 
tion de la membrane basale épidermique. 

Les cellules de soutien de la paroi de l’organe nucal, malgré le 
grand étirement qu'elles ont dû subir, ont donc gardé leur connexion 
ordinaire puisqu'elles arrivent d’un côté à la cuticule et de l’autre à 
la basale. 

La névroglie est formée par l'extrémité basale des cellules de soutien, 
qui forment la paroi de l'organe nucal à l'endroit où s'établit la communi- 
cation, médiate [nerf] ou immédiate, avec le cerveau postérieur. La struc- 
ture fibrillaire de la névroglie n’est que l'exagération de la structure 
ordinaire de l'extrémité basale des cellules épidermiques *. 

La substance ponctuée contient donc des fibres nerveuses et des 
fibres névrogliques. Comme ces fibres partent de divers côtés, l’as- 
pect de cette substance est celui d’une masse fibrillaire enchevêtrée, 
dont les éléments se coupent sous divers angles et forment par con- 
séquent des sortes de réseaux par superposition. Le nerf, qui n’est 
que la continuation de la substance ponctuée, est formé des mêmes 
éléments, maïs suivant à son intérieur un parcours plus ou moins 
parallèle. Cet aspect différent des deux est dû à la présence ou à l’ab- 


sence de cellules dans les environs; cela se conçoit facilement. Lors- 


1 Ronpe (8%) a démontré que, chez les Aphroditiens, les cellules de soutien sont 
unies aux fibres névrogliques, et Wawezik (92) a continué la démonstration pour 
un très grand nombre de familles de Polychètes, 


314 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


qu'il y a des cellules nerveuses sur les côtés du nerf, la direction 
de leurs prolongements vient déranger la régularité de disposition 
des fibres émanantdes cellules situées dans le ganglion ou l’épiderme. 

Le nerf et la substance ponctuée sont les parties d'une méme masse, 
formée par les fibres nerveuses et les fibres névrogliques. La seule diffé- 
rence qu'ils présentent est la disposition de ces fibres, parallèles dans le 
premier cas et se croisant dans divers sens dans le second *. 


! Ronpe (87, p. 51) est arrivé à la même conclusion : « Hirn, Bauchmark und 
Nerven im Wesentlichen denselben Bau haben, da sie sämmtlich aus feinen nicht 
mit einander anastomosirenden Fibrillen bestehen, welche im Hirn wirr durchei- 
nander ziehen, in Bauchmark dagegen and noch mehr in den Nerven grôsstentheils 
längs verlaufen, » 

La question de la structure de la substance ponctuée se rattache à une question 
très discutée encore, celle des rapports réciproques des cellules nerveuses et de leurs 
prolongements. À ce sujet, il y a beaucoup de théories qui peuvent se grouper de 
la manière suivante : 

19 Théorie du contact. Le corps cellulaire et son prolongement forment une unité 
morphologique nommée par WaLDbEYER (94), Neuron. Les neurones représentent 
une seule cellule et se mettent en rapport, les uns avec les autres, au moyen de 
prolongements, mais par simple contact. On trouvera un exposé très complet de 
cette théorie, soutenue par Ramon y Cajal, van Gechuchten, Retzius, etc., et la 
majorité des histologistes, dans le traité de v. LeNHOSSÈk (95). 

20 Théorie de la continuilé. On peut y distinguer : 

a) Les théories se groupant autour de celle de Gerlach, soutenue surtout par 
HaLLer (89 et 95). Cet auteur croit que la substance ponctuée est formée par un 
réseau névroglique, sans communication avec l’épiderme, superposé à un réseau 
nerveux. Ce dernier est formé par les prolongements des cellules nerveuses et donne 
naissance aux nerfs sensitifs. 

b) La théorie soutenue par Goz&i (®4), d’après laquelle les dendrites ne seraient 
pas de nature nerveuse. Il admet une communication directe des éléments nerveux 
au moyen des cylindres-axes d’une catégorie de cellules et de collatérales d’une 
seconde catégorie. Le réseau que forment ces différents prolongements sert d’origine 
aux nerfs sensitifs. 

c) La théorie de Schultze reprise par Dociez (93). D’après cette théorie, les 
fibrilles constituant le cylindre-axe forment un réseau continu et traversent un 
grand nombre de cellules. Ces dernières sont disposées au point de croisement de 
ces fibrilles nerveuses. 

d) Mentionnons seulement l’idée bizarre que Roupe (95) se fait de l’union (?) des 
cellules nerveuses avec la névroglie. Il croit que le réseau névroglique se continue à 
l’intérieur de la cellule par des fibrilles constituant le spongioplasma. 

Il est, je crois, inutile d'exposer les différentes opinions sur la structure de la 
substance ponctuée des Polychètes, toutes trouvant leur place dans l’une des caté- 
gories de plus haut. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 315 


Est-il besoin maintenant d'insister beaucoup pour déterminer la 
valeur morphologique du cerveau postérieur ? Il est constitué en 
entier par des cellules nerveuses et par l'extrémité basale des cellules 
de soutien. Il correspond donc à la partie inférieure de la paroi de 
l’organe nucal, qui contient aussi des cellules nerveuses, des extré- 
mités basales des cellules de soutien et même une substance ponc- 
tuée, le nerf nucal. On peut donc dire : | 

Le cerveau postérieur correspond à la région inférieure de la parot de 
l'organe nucal. Ce n’est donc que l’exagération des dispositions structu- 
rales de cette partie qui, à son tour, n'est que l'exagération de ce qui se 
montre dans la région inférieure de toute paroi épidermique. 

Les cératostyles des antennes et les palpostyles des palpes ont une 
structure qui est analogue à celle des organes nucaux. Des cellules 
nerveuses épidermiques, de même forme que les cellules correspon- 
dantes de l’organe nucal, ont leur extrémité cuticulaire située entre 
des cellules épidermiques qui, dans ce cas, ne sont pas des cellules 
ciliées mais de simples cellules de soutien. Le corps cellulaire est 
situé dans l'épaisseur de l’épiderme et l'extrémité basale très longue 
constitue le nerf antennaire ou palpaire et pénètre dans les cerveaux 
moyens ou antérieurs. Le nerf est toujours en dedans de la basale 
et représente, comme pour l’organe nucal, l'endroit où s'établit la 
continuité de substance entre la paroi épidermique et les masses 
cérébroïdes. 

Les yeux possèdent aussi une structure analogue ; seulement les 
cellules nerveuses*se sont transformées en cellules optiques. Leur 
connexion cuticulaire se fait par une large surface qui sécrète le cris- 
tallin ; le reste du corps cellulaire forme la rétine avec son revête- 
ment de pigment, et l’extrémité basale très longue constitue un nerf 
optique qui va se terminer dans le cerveau moyen *. 

La structure du cerveau moyen et antérieur est aussi semblable à 
celle du cerveau postérieur. 


1 On trouvera des détails sur ce point dans le travail de RerTzius (95). 
2 Voyez ANDREWS (92). 


316 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


On sait déjà que les organes des sens ne sont que la spécialisation 
de certaines parties d’aires sensitives primitives. Ces aires, qu’on 
peut étudier chez les formes dépourvues d’appendices, possèdent des 
cellules nerveuses sensitives ‘ dont l’extrémité cuticulaire filamen- 
teuse passe entre deux cellules de soutien et dont l’extrémité basale 
forme un prolongement qui se termine dans la masse nerveuse sous- 
jacente. L’extrémité cuticulaire filamenteuse est généralement très 
courte ; souvent la connexion avec la cuticule se fait sur une grande 
surface, ce qui veut dire quil n’y a pas de fibre cuticulaire. Le corps 
cellulaire est en général bien développé et le cytoplasme plus abon- 
dant que dans les cellules nerveuses des organes spécialisés. 

Les éléments nerveux palpaires, antennaires, optiques, nucaux, 
sont dérivés de ces cellules nerveuses primitives. Les ganglions spé- 

_cialisés sont aussi dérivés des trois cerveaux primitifs. On est donc 
en droit de dire : 

Les trois cerveaux (antérieur, moyen, postérieur) qui constituent 


l'encéphale, représentent la portion interne ou basale, les trois aires sen- 


1 Ces cellules, avec leur long filament basal qui se termine dans la substance 
ponctuée, ont été décrites et exactement interprétées, surtout par LENHOSSÈk (92) 
chez le Lombric. Seulement cet auteur n’a pas vu que ces cellules sont groupées en 
véritables organes, comme LanGDon (93) l’a démontré plus tard, et non distribuées 
sur toute la surface du corps de l'animal. Lenhossèk a commis aussi l'erreur de 
croire que les prolongements des cellules sensitives pouvaient traverser la basale et 
passer à travers [es muscles. | 

JourDAN (92%), dans une étude sur les épithéliums sensitifs des Polychètes, est 
arrivé à des résultats poursuivis sur un nombre d'espèces assez grand pour l’auto- 
riser à dire « que des observations nouvelles et plus étendues nous apporteront des 
résultats analogues confirmatifs et incapables sans doute de modifier nos idées sur 
ce sujet, mais je crois aussi qu’elles ne nous feront connaître aucun fait important 
nouveau ». Ces résultats destinés à affronter victorieusement la suite des siècles, 
sont les suivants : le nerf sensitif se termine dans l’épiderme; les terminaisons ner- 
veuses peuvent se mettre en relation avec des cellules en bätonnet, avec des cellules 
vibratiles (!) et avec des cellules cylindriques (!). Dans l’année même de l'apparition 
du travail de Jourdan, Lenhossèk a montré que ces résultats immuables sont de 
pures illusions... techniques. Le nerf sensitif prend son origine dans l’épiderme et 
n'est que le prolongemert des cellules en bâtonnet; je puis ajouter que les cellules 
vibratiles et cylindriques n’ont rien de sensitif. Il est très curieux de constater qu’il 
n’est rien de plus éphémère qu’un résultat immuable. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 317 
sitives (palpaire, sincipitale, nucale) la portion externe,ou cuticulaire, 
de la paroi épidermique unicellulaire qui forme les trois régions sensi- 
tivo-nerveuses (palpaire, sincipitale, nucale) du lobe céphalique des 
Polychètes. 

L'embryogénie confirme cette proposition. Les cerveaux naissent 
comme un épaississement de la paroi épidermique du lobe cépha- 
lique et cet épaississement s’effectue par l'apparition de cellules ner- 
veuses dans la portion basale de l’épiderme. La masse qui deviendra 
un des cerveaux a l'apparence d’une hernie dela paroi épidermique, 
hernie qui refoule la basale et les tissus sous-jacents devant elle, 
tout en étanten continuité sur les côtés avec l’épiderme non modifié. 
Cet état se rencontre fréquemment, même chez les adultes, parmi 
les formes dépourvues d'organes des sens spécialisés. 

Pendant la période embryonnaire chez tous les Polychètes et pen- 
dant toute la vie de certaines formes, il y a communication directe, 
sur une grande surface, entre la portion basale et la portion cuticu- 
laire de la paroi épidermique qui constitue une région sensitivo- 
nerveuse. Les cellules nerveuses sont également distribuées dans 
toute l'épaisseur de la hernie nerveuse. Mais dans la suite du déve- 
loppement embryonnaire, la hernie s’étrangle de plus en plus, la 
surface de contact des deux portions de l’épiderme diminue, la région 
basale refoulant les tissus devant elle avance de plus en plus dans 
la cavité du lobe céphalique et n’est plus reliée à la région cuticulaire 
que par un pédoncule. Les cellules nerveuses restent cantonnées, les 
unes dans la portion cuticulaire, les autres dans le cerveau ainsi 
formé, et il ne reste dans le pédoncule que les prolongements des 
cellules nerveuses (soit des extrémités basales, soit des extrémités 
cuticulaires ou bien les deux) et les extrémités basales des cellules 
de soutien. Le pédoncule ainsi formé n’est autre chose que le nerf. 

La surface de contact des deux portions de l’épiderme qui cons- 
titue l’ébauche nerveuse peut s’étrangler en plusieurs points; le péri- 
toine peut pénétrer de plusieurs côtés et entourer plusieurs portions 


de la zone de contact. Cela n’a pas d'importance; il se forme plu- 


318 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


sieurs nerfs au lieu d’un, mais toujours ces nerfs seront limités par la 
basale de tout côté. On peut donc formuler la proposition suivante : 

Les nerfs des organes des sens spécialisés sont, dans leur portion libre, 
les restes de la communication primitive entre la portion basale (gan- 
glion) et a portion cuticulaire (organe des sens) de la paroi épider- 
mique qui constituait l'ébauche de la région sensitivo-nerveuse corres- 
pondante. 

Si cette proposition est vraie, on s'explique pourquoi la loi des 
connexions nerveuses de Geoffroy Saint-Hilaire à partout été vérifiée 
et se trouve être l’une des bases de l'anatomie comparée.lIl n’est pas 
besoin de longs développements pour comprendre que : 

Les connexions nerveuses entre les organes des sens et les centres ner- 
veux sont primitives, et sont la conséquence forcée du développement 
phylogénétique et embryonnatre des deux catégories d'organes ‘. 

Il est très facile d'appliquer à tous les invertébrés la proposition 
précédente. Il n’en est pas de même à première vue pour les verté- 
brés, car leur système nerveux central se forme par une invagination: 
le tube médullaire, qui s’isole complètement du reste de l’épiderme. 
Les connexions avec les organes périphériques sont donc forcément 


secondaires. 


1 L’embryogénie fournit aussi des preuves à l’appui de cette proposition, et à ce 
sujet une observation de KLEINENBERG (86, p. 65-66) est surtout importante. Décri- 
vant le développement du centre antennaire aux dépens de l'antenne, il dit que : 
« Die Leitungsbahnen zwieschen den empfindlichen Antennen und dem Central- 
. organ sind schon durch die Entstehungsweise des letzteren vorgezeichnet... Die 
Zellen, welche sich ablôsen um zum Centralorgan geschlagen zu werden, bleiben 
aber mit einem Faden in Sinnesorgan stecken. » 

Il ne faut pas confondre les propositions de plus haut avec les idées de HENSEN (64). 
Il y a bien un point commun : c’est que les connexions du centre nerveux et de l’or- 
gane terminal sont primitives; mais la manière dont les connexions s’effectuent est 
différente. Hensen croit aux relations de continuité primitive des différents élé- 
ments, tandis qu'ici on soutient que si la continuité existe (ce qui est très impro- 
bable; elle ne peut être que secondaire. Pour Hensen, l’ébauche sensitivo-nerveuse 
est un sincytium à éléments situés à des niveaux différents ; pour moi, l’ébauche 
nerveuse est une couche épidermique unicellulaire, dont les éléments sont unis à la 
culicule et à la basale et non entre eux, et qui conservent leurs rapports, quelles 
que soient les modificalions subies. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 319 


L'explication de cette anomalie apparente est extrêmement facile 
lorsqu'on a établi les homologies entre le complexe sensitivo-ner- 
veux des invertébrés et celui des vertébrés, On a vu que toute la 
région sensitivo-nerveuse des Polychètes n’est qu’une simple paroi 
épidermique unicellulaire modifiée. Le tube nerveux des vertébrés 
n’est aussi qu'une simple paroi épidermique unicellulaire modi- 
fiée, comme le montre l’embryogénie de ces animaux, seulement 
ici, de par le mode de développement, c’est la basale qui est à l’ex- 
térieure et la cuticule à l’intérieur [le canal de l’épendyme repré- 
sente, en effet, une portion de l’espace externe]. La structure des 
deux est identique ; les cellules épendymaires correspondent aux 
cellules de soutien ou vibratiles, les neuroblastes aux cellules ner- 
veuses épidermiques ou ganglionnaires. Cela n’a pas besoin de grand 
développement ; la simple inspection des figures de coupes de l’or- 
gane nucal et de coupes de la moelle des embryons de vertébrés 
suffit amplement pour le démontrer. Le nerf est dans les deux cas 
tout contre la basale, du côté externe de la paroi du tube nerveux, 
parce que la basale est externe dans la moelle des vertébrés, du 
côté interne dans la paroi sensitive des invertébrés, parce que la 
basale est interne. L’accroissement en épaisseur dans les deux cas, 
se fait par la multiplication des cellules nerveuses épidermiques 
ou neuroblastes dans la région basale de la paroi. La structure de la 
paroi cérébrale n’est aussi que l’exagération de la structure médul- 
laire; on peut donc dire : 

Le tube nerveux qui forme le système nerveux central des vertébrés, 
est l'homologue de toute la région sensitivo-nerveuse [aire sensitive 
+ cenire nerveux] des Polychètes, La structure fondamentale de ces 
deux organes est identique, les deux n’étant que la transformation d'une 
couche épidermique unicellulaire primitive, comprise entre la cuticule 
et la basale. La seule différence que présente le tube nerveux des verté- 
brés avec la région sensitivo-nerveuse des Polychètes est que, dans le pre- 
mier, la basale est à l'extérieur, dans la seconde à l'intérieur. Cette diffé- 


rence n'est que la conséquence du mode de développement du tube nerveux. 


20 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Les vertébrés sont recouverts par une couche ectodermique qui, 
dans les stades initiaux du développement, est unicellulaire. Personne 
n’a mis en doute l’homologie de cette paroi avec l’épiderme des Po- 
lychètes. On peut donc dire : 

L'épiderme des vertébrés est l'homoloque de l’épiderme des Polychètes. 
Les deux sont compris entre une cuticule et une basale, ayant dans les 
deux cas la même situation respective, la cuticule à l'extérieur et la ba- 
sale à l'intérieur. 

Si l’on compare maintenant l’invertébré au vertébré, et si ion 
fait abstraction de tous les autres organes, en ne considérant que 
les rapports des parois épidermiques, on peut établir le schéma 
suivant : 

L'invertébré est formé par une seule enveloppe épidermique, le verté- 
bré par deux enveloppes emboitées ; l'une externe, dont les éléments pré- 
sentent vers l'extérieur la même connexion que chez l'invertébré ; l’autre 
interne dont les éléments présentent vers l'extérieur la connexion opposée. 
En d’autres termes : Le vertébré est formé par deux enveloppes épider- 
miques emboîtées, se regardant par la basale. 

Cette constatation donne la clef des différences qu'il y a entre le 
système nerveux des vertébrés et des invertébrés, et permet d’éta- 
blir les homologies réelles entre ces deux groupes. En effet, prenons 
un exemple concret : l’œil. Chez les Polychètes, cet organe avec son 
nerf et son centre n’est que la transformation de l'enveloppe épider- 
mique et tout se trouve logé dans l'épaisseur de cette dernière. La 
connexion entre la cellule oculaire, le nerf et l'organe central est la 
conséquence nécessaire du développement du complexe ou région 
optique, et cette connexion est forcément primitive. 

Chez le vertébré, l'œil est formé par deux parties différentes : 

a) Une évagination de l’enveloppe interne (la paroi cérébrale) qui 
formera la rétine et le nerf optique. Cette évagination est stricte- 
ment homologue à toute la région optique de l’invertébré, et dans 
son intérieur les connexions seront tout aussi primitives, tout aussi 


conséquences nécessaires du mode de développement que dans la ré- 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 321 


gion optique de l’invertébré. Seulement, comme chez le vertébré la 
basale est à l'extérieur, les cellules sensitives (bâtonnets et cônes) et 
les fibres nerveuses seront dans un rapport qui est l'inverse de celui 
des éléments de larégion optique de l'invertébré. 

b) Une invagination de la paroi externe (épiderme) qui formera le 
cristallin. [Je laisse de côté les produits mésodermiques.]| Cette in- 
vagination est aussi l’homologue de toute la région optique, et les 
connexions à son intérieur seront aussi primitives. 

L’œil de l’invertébré n’est donc pas comparable à l’œil tout entier 
du vertébré, puisque ce dernier est formé par deux parties qui sont, 
toutes deux, homologues à toute la région optique du premier. 

Ces faits peuvent s'étendre à tous les organes des sens ! ; cela se 
conçoit aisément. Les deux enveloppes du vertébré peuvent pro- 
duire en se modifiant des formations analogues aux transformations 
que subit l'enveloppe simple des invertébrés. 

Il est inutile, Je crois, d’insister plus longuement et apporter des 
preuves plus nombreuses. Le lecteur au courant de la structure et 
du développement du système nerveux des vertébrés pourra trouver 
de nombreux exemples et applications. Il suffit d’énoncer les pro- 
positions suivantes : 

Les régions sensitivo-nerveuses des invertébrés ne sont pas homologues 
des régions sensitivo-nerveuses des vertébrés. Chez les invertébrés, ces 
régions sont produites par les transformations d'une région de l'unique 
enveloppe ectodermique qui limite leur corps à l'extérieur. Chez les ver- 
tébrés, ces régions sont formées par deux ébauches [au moins|, prove- 
nant de la transformation des deux enveloppes ectodermiques emboïtées. 

Morphologiquement, la région sensitivo-nerveuse des vertébrés est 


formée par [au moins] deux régions sensitivo-nerveuses d’invertébrés, 


1 HormANN (94) a démontré, en effet, que chez Acanthias les nerfs crâniens seg- 
mentaires et les nerfs spinaux dorsaux ne naissent pas comme des excroissances 
segmentaires dorsales d’une crête dorsale médiane, mais sont des évaginalions paires 
et segmentaires du tube médullaire même. Ils ont donc un développement identique 
à celui de la vésicule optique. 


ARCH. DE ZO00L. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. 1V. 1896, 21 


322 ÉMILE-G, RACOVITZA. 


une externe, à éléments disposés comme chez l'invertébré, et l’autre in- 
terne, à éléments disposés en ordre inverse, 

L'union des ébauches des deux enveloppes ectodermiques du vertébré 
est secondaire, mais la connexion des éléments à l’intérieur de Chaque 
ébauche est printitive, conime dans la région sensitivo-nerveuse de l'in- 
vertébré et n’est que la conséquence nécessaire du développèment de ces 
ébauches. 


Les quatré sortes de cellules (de soutien, vibratiles, elandüulaires 
et nerveuses) qui entrent dans la constitution de l’épideérme ét de 
ses modifications ne sont pas fondamentalement différentes. L'épi- 
derme de l’embryÿon est formé par une seule catégorie de céllules, 
dont l’aspect et la forme sont les mêmes que ceux des cellules de 
soutien qui forment l’épiderme indifférent des Polÿchètes adultés: 
Ce sont des cellules présque cubiques où légèrement allongées, 
dont la connexion eulticulaire se fait sur une large surface et dont 
la connexion basale est aussi très étendue, et ne possède que quel: 
ques filaments basaux courts et assez épais, Toutes les autres caté- 
gories de cellules se forment pendant le développement aux dépens 
de ces cellules épidermiques embryonnaires, par des modifications 
qui s'introduisent dans leur structure protoplasmique à la suite de 
différenciations fonctionnelles, Les cellules de soutien, dans lés en: 
droits où l'épiderme ädulte n’a pas subi d'adaptation fonctionnelle 
spéciale, conservent l'aspect et la structure de ces cellules embryon 
naires. On peut donc émettre la proposition suivante : 

Les diverses catégories de cellules qui entrent dans la constitution de 
la paroi épidermique et de ses dérivés ne sont que des modifications d'une 
seule et même catégorie d'éléments : la cellule épidermique embryonnaire, 
dont les cellules de soutien non spécialisées de l’adulte sont les représen- 
tants, presque pas modifiés. 

La cellule épidérmique émbryonnairé où, cé qui revient au Même, 
la cellule de soutien de l’adulte, sécrète du côté externe la cuticule, 


du côté interne, par l’intrication des filaments postérieurs, forme la 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 323 


basale. Ces cellules, placées à côté les unes des autres, sont unies 
par leur face latérale par simple contact, Elles peuvent donc s’écarter 
les unes des autres, mais elles ne peuvent pas quitter leurs con- 
nexions basales et cuticulaires. Quelles que soient les modifications 
que subit leur corps cellulaire, les extrémités externes et internes 
restent toujours attachées à la cuticule et à la basale. Lorsqu'une 
cellule épidermique se divise, la ligne de séparation est toujours di- 
rigée dans le sens de l’épaisseur de la paroi épidermique, de sorte 
que, dès leur naissance, les deux cellules filles possèdent déjà les 
mêmes connexions que la cellule mère, Ces deux points fixes, la 
connexion cuticulaire et la connexion basale, sont l’un des princi- 
paux facteurs de la morphologie des cellules épidermiques et sont 
les causes tangibles de la polarité (il ne faut pas prendre ce terme 
dans son sens physiologique) cellulaire. 

Toute cellule épidermique, sans excepter les cellules nerveuses, sont 
primitivement bipolaires. L'un des pôles est formé par la connexion cuti- 
cularre, l'autre par la connexion basale*. 

Les embryons, dont la paroi épidermique n'est formée que par 
des cellules embryonnaires, ressentent cependant les sensations tac- 
tiles, visuelles, etc., sont enveloppés par une mince cuticule, et peu- 
vent se couvrir d'une mince couche de mucus. Les différentes sen- 
sations, la propriété de sécréter la cuticule et la propriété de sécréter 
une substance muqueuse, sont dans les attributs de la cellule épi- 
dermique embryonnaire. Il va sans dire que la sensation tactile ou 
dermatoptique est très faible, mais elle existe néanmoins ; la cuti- 
cule est bien mince et la sécrétion bien peu abondante, mais on 
n'en constate pas moins leur présence. La cellule épidermique em- 
bryonnaire a déjà un peu perfectionné certaines propriétés inhé- 
rentes à tout protoplasme vivant non différencié : la sensibilité et la 


sécrétion. 


1 Je rappelle seulement que Hiss (86) a démontré que les neuroblastes des gan= 
glions spinaux des vertébrés sont toujours bipolaires. 


324 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


La cellule épidermique embryonnaire ou la cellule universelle ! pos- 
sède à l'état diffus les différentes propriétés qui caractérisent les diverses 
catégories de cellules spécialisées qui en dérivent. 

Les cellules nerveuses, ciliées, de soutien et glandulaires, n’ac- 
quièrent une spécialité qu'aux dépens des autres propriétés proto- 
plasmiques. La cellule de soutien, très allongée, peut sécréter la cuti- 
cule, mais elle perd son excitabilité. Son plasma devient fibreux et | 
offre par cette structure une résistance spéciale à la traction. La 
cellule glandulaire n’est ni excitable, ni capable de sécréter la cuti- 
cule, ce qui explique la formation de l’orifice excréteur dans la cuti- 
cule. Les cellules ciliées ont subi une transformation moins grande, 
ce qui explique pourquoi elles peuvent encore sécréter la cuticule, 
mais en bien moins grande quantité que les cellules de soutien. Les 
cellules nerveuses ne peuvent ni sécréter, ni offrir de résistance à la 
traction, mais elles ont une sensibilité bien plus forte que les cellules 
embryonnaires. 

_ l'est certain que : 

Lorsqu'une cellule embryonnaire ou universelle se spécialise, elle n'ac- 
quiert la propriété qui lui donne son caractère qu'aux dépens des autres 
propriétés dont elle était primitivement pourvue. 

Le cytoplasme des cellules embryonnaires ou universelles pré- 
sente un aspect homogène. Il en est tout autrement pour les cellules 
spécialisées. En effet, dans la masse homogène, qui paraît consti- 
tuer le fond primitif, apparaissent, au fur et à mesure de la spécia- 
lisation des cellules, des formations qui varient avec la fonction 
cellulaire. Le cytoplasme des longues cellules de soutien a une struc- 
ture fibrillaire, celui des cellules glandulaires une structure alvéo- 
laire, celui des cellules ciliées une structure granulée et, enfin, 
le cytoplasme des cellules nerveuses contient des granulations 


1 J’appelle universelles les cellules épidermiques qui ne se sont pas spécialisées 
dans un sens donné, qui possèdent donc toutes les propriétés protoplasmiques à peu 
près au même degré. Ce terme est meilleur que cellule indifférente, car cette sorte de 
cellule n’est nullement insensible aux excitations externes ou internes. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 325 


chromophiles et des fibrilles particulières ‘. On peut donc dire: 
La structure du cytoplasma est fonction du rôle physiologique de la 
cellule. 


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LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 331 


1895. Lennossèk (M.-v.). Der feinere Bau des Nervensystems im Lichte neues 
ter Forschungen. Zweite Auflage. | Berlin, Fischer’s Medicin Buch- 
handlung H. Kornfeld, 409 p., 6 pl.] 

—95. Prcücre (M.). Zur Kenntniss des Feineren Baues der Nervenzellen bei 
Wirbellosen, [Zeitschr, f. Wiss. Zoologie, Bd. LX, p.500-542,pl. XXVIT.] 

—95. Pauvor (G.) et Racovirza (E.-G.). Matériaux pour la faune des Annélides 
de Banyuls. Première partie. [ Arch. de z00l. exp, et gén.(sér. 3), €. I, 
p. 339-492, pl. XV-XX.]| 

—95. Racovitza (E.-G.). Sur le rôle des Amibocvtes chez les Annélides polv- 
chètes. |C. R, Ac, Sc, Paris, 1, CXX, p, 464-467. 

—95, Rerzius (G.). 2. Zur Kenntniss der Gehirnganglions und des sensiblen 
Nervensystems der Polychaeten. [Piologische Untersuchungen, Neue 
Folge, VIT (1895), p. 6-11, pl. IL et LIT. | 

—95, Ronne (E). Ganglienzelle, Axencylinder, Punktsubstanz und Neuroglia. 
[Arch. für mikrosk. Anat., t. LIV. p. 387-412, pl. XXIV.] 


ÉMILE-G. RACOVITZA. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


(Toutes les figures ont été établies au moyen de la chambre claire 
Abbe. Les grossissements ont été obtenus au moyen des objectifs apo- 
chromatiques 16,8 et 4 mm., de l'immersion homogène : 2 mm. Apert. 
1,40 de Zeiss, et de l'immersion pantachromatique : 2 mm. de Leitz, 
avec les oculaires compensateurs n° 2 et 4 de Zeiss.) 


Lettres communes à toutes les figures : 


À i, antenne impaire. 

Ae, antenne externe. 

Aiv, alvéole épidermique. 

B, bouche. 

Bs, basale. 

b.Plq, bord de la plaque céphalique des 
Maldaniens. 

C, encéphale. 

Ca, cerveau antérieur. 

Cm, cerveau moyen. 

Cp, cerveau postérieur. 

Ch. g, chaine ganglionnaire ventrale. 

Cntf, connectif. 

Cl. gl, cellule glandulaire. 

Cl.m, cellule migratrice. 

Cl.n.ep, cellule nerveuse épidermique. 

Cl.n.ep°, cellule nerveuse épidermique 
sans prolongements. 

Cl.n.ep', cellule nerveuse épidermique 
unipolaire. 

Cl.n.ep?, cellule nerveuse épidermique 
bipolaire. 

Cl.n.ep*, cellule nerveuse épidermique 
tripolaire. 

Cl.n.g, cellule nerveuse ganglionnaire. 

Cl.pr, cellule péritonéale. 

CLS, cellule de soutien. 

Cl.v, cellule ciliée ou vibratile. 

Cu, cuticule, 

Cu.b, couche de bâtonnets de la cuticule 
d'Euphrosyne. 

Cr.Prd, cirre parapodial. 

cr. OrgN, crête de l’organe nucal des 
Maldaniens, 


D, cavité générale. 

D. Le, cavité générale du lobe cépha- 
lique. 

D.OrgN, cavité générale de l'organe 
nucal. 

Dp, cavité générale du palpe. 

Ep, épiderme. 

Fm.Mc, fibre musculaire des muscles cir- 
culaires. 
Fm.Mn, fibre musculaire des muscles 
nucaux. \ 
Fm.Mo, fibre musculaire des muscles 
obliques. 

G 4, ganglion antennaire. 

GP, ganglion palpaire. 

Goe.a, ganglion optique antérieur. 

Goe.p, ganglion optique postérieur. 

Gl.ep, glandes épidermiques. 

Gl.n, glandes de l'organe nucal. 

G!.P, glandes du palpe. 

I, tube digestif. 

kb, extrémité basale des cellules épider- 
miques. 

kc, extrémité culiculaire des cellules 
épidermiques. 

Lc, lobe céphalique. 

Lc.i, région inférieure du lobe cépha- 
lique d’Eurythoe. 

Lc.s, région supérieure du lobe cépha- 
lique d’Eurythoe. 

M, muscles. 

Mc, muscles circulaires. 

MI, muscles longitudinaux. 

Mn, muscles nucaux. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 


Mo, muscles obliques. 

Mtr, muscles de la trompe. 

Nae, nerf des antennes externes. 

Nai. nerf de l’antenne impaire. 

Nn, nerf nucal. 

Nn.i, nerf nucal inférieur. 

Nn.s, nerf nucal supérieur. 

Noe. a, nerf des yeux antérieurs. 

Noe.p, nerf des yeux postérieurs. 

Np, nerf du palpe. 

N.kb, nerf formé par les extrémités ba— 
sales des cellules nerveuses épidermi- 
ques. 

N.kc, nerf formé par les extrémités cuti- 
culaires des cellules nerveuses épider- 
miques. 

nu, noyau. 

nu.gl, noyau des cellules glandulaires. 

Oe, œil. 

Oe.a, œil antérieur. 

Oe.p, œil postérieur. 

OrgN, organe nucal. 

OrgN.li, lobe latéral de l’organe nucal. 


333 


OrgN.lm, lobe moyen de l’organe nucal. 
P, palpe. 

Per, péritoine. 
Plq, plaque céphalique des Maldaniens. 


_Prd, parapode. 


P.st, stylode du palpe. 

pl, plateau des cellules ciliées. 

?9, pigment. 

Sb.p, substance ponctuée. 

S.OrgN, sillon de l'organe nucal des Mal- 
daniens. 

T, cirre tentaculaire. 

1a, région tendineuse des muscles nu- 
caux. 

Tr, trompe. 

U, névroglie. 

V, cils vibratiles. 

Vb, bandes ou gouttières ciliées. 

Vs, vaisseau. 

Ÿ, limite approximative entre la région 
palpaire et la région sincipitale. 

Z, limite approximative entre la région 
sincipitale et la région nucale. 


PLANCHE I. 


EURYTHOE Cf. BOREALIS Sars. 


F1c. 1. Extrémité antérieure d’un jeune ayant vingt-quatre segments, vue du côté 
dorsal. Dessinée sur le vivant. Gr. 54 d. 
Lc.s, portion supérieure du lobe céphalique. Lc.i, portion inférieure du 


lobe céphalique. OrgN.ll., 


lobe latéral de l’organe nucal. OrgN.im., lobe 


moyen de l'organe nucal. 1 à IV, les quatre premiers segments de l’animal. 
2. La même, vue du côté ventral. Dessinée sur le vivant. Gr. 54 d. 
Mêmes lettres que pour la figure 1. 
3. Extrémité antérieure d’un autre échantillon plus âgé (30 segments), vue de 
profil. Dessinée sur le vivant. Gr. 54 d,. 

Mèêmes lettres que pour la figure 1. 

Tr.l, région lisse de la trompe. Tr.p, région plissée de la trompe. 
L'animal avait violemment projeté sa trompe au moment où il a été 
plongé dans l’anesthésique, aussi le dessin de cet organe ne doit pas re- 
présenter l’état normal d’exirovasion. 1 à V, les cinq premiers segments 


de l’animal. 


& à 6. Trois coupes sagittales à travers le lobe céphalique de l'échantillon des- 
siné dans la figure 1. Ces coupes sont choisies dans la même série, mais 


ne sont pas consécutives. 
Gr. 108 d. 


Épaisseur dé la coupe : 1/75 millimètre. 


334 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


Méthode, æ Fixätion au sublimé acétique, double coloration au carmin 
aluné et à l’éosine. 
Mêmes lettres que pour la figure 1. 

Fig. #, Coupe passant à travers l'antenne externe (4e), l'œil antérieur (Oe.a.) et 
postérieur (Oe.p.), et intéressant le bord du lobe latéral de l'organe nucal 
(OrgN.). Elle pérmet dé voir l'indépendance du cerveau antérieur (Ca.), 
du cerveau postérieur (Cp.), et des deux ganglions optiques (Gue. a, ét 
Goe. p.). On voit aussi le nerf palpaire (Np.) se fusionner avec la substance 
ponctüée du cervéau antérieur. 

5, Coupe passant entre l’antenne externe et l’antenne impaire; la moitié 
gauche du cerveau äntérieur (Ca) est fusionnée avec le cerveau moÿell 
(Cm) qui communique aussi avec la moitié gauche du cerveau posté- 
rieur (Cp). Le nerf nucal (Nn) pénètre dans la substance ponctuée du 
cerveau moyen et effectüe son parcours sous l’organe nucal (0rgN), dont 
une plus grande région à été intéresséé par la coupe, 

6. Coupe passant par le plañ Sagittal médian de l’antenne impaire (45) et du 
lobe médian dé l’orgâñe nucal (OrgN). Elle montre la région médiane du 
cerveau moyen (Cm) avec le ñerf de l’anteñne impaire (Nai), et, en même 
temps, les muscles de l’orgañé nucal formant un dissépiment dans le plañ 
sagittal (Mo) et un autre dans le plan horizontal (MI). 


EUPHROSYNE AUDOUINI M. Edw. 


Fig. 7. Extrémité antérieure d’un jeune individu, vue du côté dorsal. Dessin fait 
d’après le vivant. Gr. 54 d. 
‘ Les soies n’ont pas été représentées pour ne pas compliquer la figure 
et le flanc gauche a été supposé enlevé. OrgN.lm, lobe moyen de l’organe 
nucal (caroncule), OrgN.il, lobe latéral de l'organe nucal. Z à IV, les 
quatre premiers segments de animal. 

8. Lobe céphalique d’un âutre exemplaire, vu de profil. Dessin fait sur le 

Vivant, Gr, 54 d. 

Les flancs ont été supposés enlevés, par des coupes longitudinales, 
pour permettre la vue complète du lobe céphalique caché par les para- 
podes des premiers segments 

Les gouttières ciliées (V6.) ont été figurées comme des trainées blanches 
pour la commodité du dessin. 

Mêmes lettres que pour là figure 7, 

9. Encéphale et extrémité antérieure de la chaîne ventrale, obteñus par la dis- 
section. Gr. 22 d, 

La trompe (Tr) est supposée coupée au ras du collier @sophagien ; la 
chaïîné gongliontiaire (Ch, g) est vue dans sa position normale, mais l’en- 
céphale a été rabattu en avant; aussi est-il vu par sa face postérieure. 
Les nerfs des antennes fie sont pas visibles à la suite de cette disposition, 
pas plus que les nerfs des yeux antérieurs. Cette figure esb surtout des- 
tinée à montrer la grande indépendance des différents cerveaux, et les 
différences de volume de l’encéphale et de la chaîne ganglionnaire. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 339 


PLANCHE I}: 


EUPHROSYNE AUDOUINI (Ssuile). 


Fic. 10. Encéphale vu de profil, placé, avec les nèrfs qui y aboutissent, dans Île 
contour de l’extrémité antérieure, Gr; 54 d, 

Cette figure a été obtenue au moyen de la dissection, puis corrigée et 
complétée par l’étude des coupes en séries, Elle est destinée à montrer 
les relations des nerfs avec les organes et les rapports réels de l’encéphale 
à l’intérieur du lobe céphalique: 

Mèêmes lettres que pour la figure 7: 

Gl.P, masse glandulaire du palpe. Vs, vaisseau qui court à la surface 
de celle-ci. pg, pigment formant une calotte postérieure, aux cerveaux 
postérieurs (Cp) et moyen (Cm). 

11 eb12. Deux coupes longitudinales du lobe céphalique, choisies dans la même 
série, mais non consécutives. Épaisseur de la coupe : 1/73 millimètre. 
Gr, 108 d, 

Méthode (v. fig. 4 et 6). 

Fig, 11. Coupe passant par le palpe (P), les yeux antérieurs (Oe.a), les yeux posté 
rieurs (0e.p.), et la moitié gauche de l’organe nucal (0rgN). Elle montre 
l’origine et le parcours des deux branches du nerf nucal (Nn.s et Nn.i), 
du nerf du palpe (Np) et enfin la structure et la disposition de la glande 
palpaire (G/;P), Elle montre aussi l’indépendance du cerveau postérieur 
(C:p},et la distribution du pigment (pg) à l’intérieur des différents organes 
céphaliques. 1, paroi supérieure du vestibule buccal. X, masse de cellules 
nerveuses épidermiques de petite taille, ressemblant exactement aux cel- 
lules qui forment les ganglions antennaires de certains Polychètes. 

42, Coupe passant par le plan sagittal médian du lobe céphalique, de l’antenne 
impaire (Ai), et du lobe médian de l’organe nucal (0rgN.im). Elle montre 
le parcours du nerf de l’antenne impaire (Nai), et la disposition des mus- 
cles nucaux (Mn) qui forment un dissépiment longitudinal dans l'organe 
nucal et se continuent avec les muscles obliques (Mo) qui vont s’insérer 
sur la paroi supérieure du vestibule buccal. Z, plafond du vestibule buccal 
et plis divers de la trompe. Gl. n, région glandulaire de l’organe nucal, 
formée par des cellules glandulaires enchâssées dans un réseau de cellules 
de soutien. La direction des cellules glandulaires étant oblique par rap- 
port au plan de la coupe, ces éléments ont élé coupés en travers, ce qui 
donne à la coupe de cette région l’aspect qui a été reproduit sur la figure. 
Gl.s, masse formée par des cellules glandulaires de la paroi des plis de la 
trompe. 

Fig. 13 et 14. Deux coupes transversales de l’organe nucal passant par le milieu de 
l'organe. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Fig. 13. Figure d'ensemble de la coupe transversale de la caroncule. Épaisseur de 
la coupe : 1/75 millimètre. Gr. 108 d. 

Cette figure est destinée à montrer que les trois lobes de l'organe nucal 


336 EMILE-G. RACOVITZA. 


ne sont que des plis épidermiques. On voit aussi la disposition des bandes 
ciliées (Vb), des quatre branches du nerf nucal (Nn.s et Nn.i), et la dis- 
position des muscles nucaux (Mn) et circulaires (Mc). 

Fig.14. Région supérieure de la moitié droite du lobe médian de la caroncule, 
fortement grossie. Épaisseur de la coupe : 4/100 millimètre. Gr. 620 d. 

Cette coupe est destinée à montrer la disposition des différents éléments 
cellulaires à l’intérieur de la paroi caronculaire ; elle permet de voir la 
membrane basale (Bs) et ses relations avec les extrémités basales des cel- 
lules de soutien (C{.s). 

Fic. 45. Fragment d’une coupe transversale de l’organe nucal, représentant la paroi 
épidermique à l’endroit où se manifeste le pli qui sépare le lobe moyen 
du lobe latéral gauche. Épaisseur de la coupe : 1/300 millimètre. Gr. 
880 d. 

Méthode. — Fixation à la liqueur de Flemming (solution faible) pendant 
quarante-huit heures. Coloration à la safranine à l’alcool pendant vingt- 
quatre heures. 

Cette figure est destinée à montrer la disposition réelle des cellules 
nerveuses épidermiques et des cellules de soutien, et les rapports des 
connexions basales (46) et cuticulaires (kc) de ces éléments. Cl.n.eps, cel- 
lule nerveuse épidermique sans prolongement apparent. Cl.n.ep!, cellule 
nerveuse épidermique unipolaire. Cl.n.ep?, cellule nerveuse épidermique 
bipolaire. Cl.n.ep*, cellule nerveuse épidermique tripolaire. N.kc, nerf 
formé par les prolongements constituant la connexion cuticulaire des 
cellules nerveuses épidermiques ; N.kb, nerf formé par les prolongements 
constituant la connexion basale de ces éléments. 

16. Fragment d’une coupe longitudinale passant par le plan sagittal médian 
de la caroncule et représentant des fibres musculaires obliques (Fm. Mo, 
et leur continuation, les fibres des muscles nucaux (Fm. Mn), traversés 
par les fibres des muscles circulaires (Fm. Mc). Épaisseur de la coupe : 
1/150 millimètre. Gr. 880 d. 

Méthode (v. fig. 15). 

Cette figure est destinée à montrer les formations tendineuses (7a), 
produites par le frottement du dissépiment formé par les muscles circu- 
laires (Fm. Mc), sur le dissépiment formé par les muscles obliques (Fm. Mo 
et Fm. Mn). nu, noyaux des fibres musculaires. 

17. Fragment d’une coupe longitudinale du cerveau postérieur. Épaisseur de 
la coupe : 1/150 millimètre. Gross. 880 d. 

Méthode (v. fig. 15). 

Cette figure, représentant une coupe relativement épaisse, est destinée 
à montrer que, sur ces sortes de coupes, le réseau névroglique (U) paraît 
très régulier et à mailles complètes. On voit aussi la disposition du pig- 
ment (pg) et la membrane péritonéale (CL. pr.) formant l'enveloppe la plus 
externe du cerveau. Cl. n. g', cellule nerveuse ganglionnaire commençant 
à être envahie par le pigment. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 337 


PLANCHE Ill. 


EUPHROSYNE AUDOUINI (Suile). 


F1G. 18 à 20. Fragments de coupes transversales de la paroi de l’organe nucal. 

Épaisseur des coupes : 1/300 millimètre. Gr. 880 d. 
Méthode (v. fig. 15). 

Fig. 18. Région médiane de la paroi épidermique, prise dans la moitié supérieure 
du lobe médian, intéressante par la forme et le nombre des cellules ner- 
veuses épidermiques. Elle montre aussi le corps cellulaire, très étiré, des 

cellules de soutien (CL.s). Les deux flèches (Cu et Bs) indiquent la direction 
de ces parties filamenteuses par rapport à la cuticule et à la basale. Cette 
coupe montre aussi les différentes formes des cellules épidermiques et 
la direction de leurs prolongements dont le sens est indiqué par deux 
flèches : l’une ( Vb) indiquant la direction des bandes ciliées, l’'autre(Nns), 
la direction de la branche supérieure du nerf nucal. 
Mèmes lettres que pour la figure 15. 
Cl.n.epx, grandes cellules nerveuses épidermiques à plasma très gra- 
nuleux. 
19. Ce fragment de coupe provient aussi du lobe médian, mais est pris dans la 
région externe de la paroi épidermique, dans celle qui touche à la cuticule. 
Il montre que l'extrémité cuticulaire (kc) des cellules nerveuses épider- 
miques pénètre entre les cellules de soutien (CL.s),et arrive probablement 
jusqu’à la cuticule (Cu). 
20. Paroi de l’organe nucal à l’endroit des bandes vibratiles. Cette figure est 
destinée à montrer les rapports et la forme des cellules ciliées (CL.v). 

F16. 21. Fragment de coupe longitudinale, passant par le plan sagittal médian du 
lobe moyen de la caroncule et montrant la disposition du tissu musculaire 
nucal. Épaisseur de la coupe : 1/150 millimètre. Gr. 440 d. 

Méthode (v. fig. 15). 

Cette figure montre la forme et la disposition des fibres musculaires 
(Fm. Mn) du dissépiment formé par les muscles nucaux. Elle montré 
aussi Ja manière dont les filaments terminaux s’insèrent sur la basale (Bs). 
La paroi épidermique, qui vient au-dessus de la basale, n’a été que par- 
tiellement représentée par les régions hbasales des cellules. Comme la 
coupe est sagittale médiane, elle a intéressé la région des glandes nu- 
cales ; aussi peut-on voir les régions basales des cellules glandulaires(Gl.n) 
entre les bases des cellules de soutien (CL. s). nu. gl, noyaux des cellules 
glandulaires. Fm. Mn', grande cellule musculaire pourvue de plusieurs 
filaments terminaux. 


SPINTHER MINIACEUS Grube, 


Fic. 22, Extrémité antérieure d’un adulte, vue par sa face dorsale et dessinée sur 
le vivant. Gr. 15 d. 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, — 3€ SÉRIE, — T, 1V, 1896. 


19 
19 


338 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


1 à 1V, les quatre premiers segments somatiques. La.d, lame parapo- 
diale dorsale. Ai, appendice impair dorsal. 

F1c. 23. Extrémité antérieure du même, vue par sa face ventrale et dessinée sur le 
vivant. Gr. 15 d. 

I à III, les trois premiers segments somatiques. La.d, lame parapodiale 
dorsale. 

24. Coupe longitudinale passant par le plan sagittal médian de l'extrémité 
antérieure d’un adulte. Épaisseur de la coupe : 1/75 millimètre. Gr. 74 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette coupe est destinée à montrer les rapports de l’encéphale (C), du 
vestibule buccal et de la trompe (Tr). Elle montre aussi la disposition 
des mouchets vibratiles (Vf) sur la face dorsale de l’extrémité | 
Mir, muscles de la trompe. 1, intestin. 

25, Coupe transversale de l'extrémité antérieure, passant au niveau des yeux 
postérieurs. Épaisseur de la coupe : 1/55 millimètre. Gr. 74 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette coupe est destinée à montrer la structure de l’appendice (Ai), qui 
correspond dans sa partie distale à l’antenne impaire des Eurythoe et 
dans sa partie proximale à la région de l’aire sincipitale comprise entre 
les quatre yeux de cette dernière. Fs. Mo, faisceau de muscles obliques 
qui pénètrent dans la cavité de cette pseudo-antenne pour se diviser en 
fibrilles (Fm. Mo) constituant le soi-disant tissu conjonctif des auteurs. 
Cntf, origine des connectifs. 1, paroi supérieure du vestibule buccal. 
Tr, trompe. 

26. Fragment d’une coupe longitudinale de l'extrémité antérieure, passant par 
un mouchet vibratile. Épaisseur de la coupe : 1/150 millimètre. Gr. 580 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette figure est destinée à montrer la forme et la disposition des cellules 
vibratiles (Cl.v) et des cellules de soutien (Cl.s). 


CHRYSOPETALUM DEBILE (Grube). 


l'ic. 27. Extrémité antérieure d’un adulte, vue par sa face dorsale. Les palées ont 
été enlevées pour rendre plus claire cette figure, dessinée d’après le vivant. 
Gr. 108 d. 
là V, les cinq premiers segments somatiques. T! et T3, les cirres ten- 
taculaires dorsaux, T?et T*, les cirres tentacuiaires ventraux, des deux 
premiers segments somatiques. Vb, bande vibratile équatoriale de l’organe 
nucal. Vb’, bande vibratile s'étendant transversalement sur le lobe cépha- 
lique. 


PLANCHE IV. 


CHRYSOPETALUM DEBILE (suite). 


4? CD Li _. r 
Fic. 28. Extrémité antérieure d’un adulte, vue par sa face ventrale et dessinée sur 
le vivant, Gr. 108 d. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 339 


Mèêmes lettres que pour la figure 27. Q, sorte de lèvre appartenant au 
cinquième segment somatique et recouvrant la bouche. 

Fic. 29 et 30. Deux coupes longitudinales du lobe céphalique d’un adulte, non 
consécutives, mais provenant de la même série. Épaisseur des coupes : 
1/100 millimètre. Gr. 1450 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Fig. 29. Coupe passant par le palpe (P), l’antenne externe (4e), les yeux antérieurs 
(Oe.a) et postérieurs (Oe.p), intéressant aussi un des hémisphères de l’or- 
gane nucal (OrgN). Cette coupe montre nettement la position du ganglion 
palpaire (G P) et du ganglion antennaire (G 4). 

30, Canne passant par le plan sagittal médian de la lèvre (Q), de l'antenne im- 
paire (Ai), et de l’organe nucal (OrgN). On voit bien, sur cette figure, 
que l’organe nucal n’est qu'une évagination de l’épiderme et que la Re 
générale céphalique communique avec la cavité de l’organe par l’inter- 
médiaire de son pédoncule. 

F1G. 31. Coupe horizontale de l’extrémité antérieure d’un adulte. Epaisseur de la 
coupe : 1/150 millimètre. Gr, 150 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette coupe passe au niveau du ganglion palpaire (G P), entre les palpes 
et les antennes externes. Elle intéresse les deux parapodes du troisième 
segment (Prd). s, soie. 

32, Coupe transversale du lobe céphalique d’un adulte. Epaisseur de la coupe : 
1/100 millimètre. Gr. 150 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette coupe passe dans le plan de la bande ciliée équatoriale (V) de 
l’organe nucal. Elle montre le parcours du nerf nucal (Nan), et sa péné- 
tration dans le cerveau par le pédoncule de l’organe nucal. 

33. Coupe sagittale médiane de l'organe nucal, vue à un fort grossissement. 
Epaisseur de [a coupe : 1/150 millimètre. Gr. 580 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Cette figure est destinée à montrer la disposition des éléments glandu- 
laires (Cl.gl) et des éléments vibratiles (CL.v) dans la paroi de l'organe 
nucal. Cl.v', coupes à différents niveaux, transversales, et obliques de cel- 
lules vibratiles. Ces cellules, qui sont rangées suivant le plan équatorial 
à leur extrémité cuticulaire, remplissent au moyen de leur extrémité 
basale toute la cavité cæœlomique. On conçoit donc comment une coupe 
perpendiculaire au plan équatorial a l’aspect représenté dans la figure. 

34. Fragments de coupes transversales de l'organe nucal. Epaisseur de la 
coupe : 1/300 millimètre. Gr. 580 d. 

Méthode (v. fig. 15). 

À. Fragment d’une coupe passant par la bande équatoriale vibratile. 
Cette figure montre l’aspect des cellules ciliées (CL.v) et la position des 
corps fortement colorés (h), dont sont pourvues toutes ces cellules. 

B. Coupe transversale de trois cellules glandulaires de l’organe nucal 
montrant des balles de mucus (h'’), très ressemblantes aux corpuscules 
fortement colorés (h) de la figure 4. 


340 ÉMILE-G. RACOVITZA. 


C. Coupe transversale d’une cellule ciliée dans la région du corpuscule 
coloré (h). 


NEREIS DUMERILLI Aud. et Edw. 


Fi. 35 et 36. Deux coupes longitudinales du lobe céphalique d’un jeune, non con- 
sécutives, mais appartenant à la même série. Epaisseur de la coupe : 
1/100 millimètre. Gr. 150 d. 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Fig, 35. Cette coupe passe obliquement à travers la base du paipe (P), normalement 
à travers les ganglions et vésicules optiques antérieurs (0e.a.) et posté- 
rieurs (0e.p), et obliquement par l'organe nucal (OrgN). Cl.gl, cellule 
glandulaire formant des amas dans la base du palpe. r, pli formé par le 
bord antérieur dorsal du premier segment, protégeant l'organe nucal 
lorsque le lobe céphalique est rétracté. 

36. Cette coupe intéresse la base du palpe (P), l’antenne externe (4e), l’œil 
postérieur (Oe.p), et passe à peu près au milieu de l’organe nucal (OrgN). 
Elle montre la disposition du ganglion palpaire (GP) et antennaire (GA), 
et les connexions de l’organe nucal (OrgN) avec le cerveau postérieur (Cp). 
Goe. a, cellules: du ganglion optique antérieur se fusionnant avec les cel- 
lules du cerveau moyen (Cm). 


Fic. 37 et 38. Deux moitiés de coupes horizontales du lobe céphalique d’un jeune, 
non consécutives, mais appartenant à la même série. Epaisseur de la 
coupe : 1/100 millimètre, Gr. 150 d. | 

Méthode (v. fig. 4 à 6). 

Fig. 37, Cette coupe passe par l’œil antérieur (Oe.a), et par la région inférieure de 
l’organe nucal (OrgN). Elle intéresse la région médiane de l’encéphale, et 
montre l'origine et le parcours du nerf antennaire (Nae). Mo, muscles 
obliques, coupés en travers. 

38. Cette coupe passe plus bas, à travers la base des antennes (4e). Elle montre 
la disposition du ganglion palpaire (GP) et des fibres qui en partent pour 
former le nerf palpaire (Np) du côté antérieur. On peut voir aussi le par- 
cours extracérébral du nerf antennaire (Nae) et l’amas des cellules glan- 
dulaires (Gl.ep), situé entre les bases des antennes. 


Fic. 39. Moitié d’une coupe transversale du lobe céphalique d’un adulte. Épaisseur 
de la coupe : 1/100 millimètre. Gr. 150 d. 
Méthode (v. fig. 4 à°6). 
Cette coupe passe en avant des yeux. Elle montre les rapports du gan- 
glion palpaire (GP), du ganglion antennaire (GA) et du nerf antennaire 
(Nae). On voit aussi la séparation, profonde à ce niveau, des deux moitiés 
de l’encéphale, et le parcours du tractus musculaire (M). 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES. 341 


PLANCHE V. 


CLYMENE LOMBRICOIDES Milne Edwards. 


F1G. 40, Extrémité antérieure d’un adulte, vue de profil, et dessinée sur le vivant, 
Gr. 8,8 d. ‘ 

b.Plq, bord de la plaque céphalique. Z à 111, les trois premiers segments 
somatiques. 

41. Plaque céphalique du même, vue d’en haut, et dessinée sur le vivant. 
Enr.:3,8 d. 

S.OrgN, sillon de l’organe nucal. cr.OrgN, crète médiane séparant 
les deux sillons de l'organe nucal. 

Fig. 42 à 44. Trois coupes du lobe céphalique, vues à un faible grossissement. 
Épaisseur de la coupe : 1/30 millimètre, Gr. 15 d. 

Mélhode (v. fig. 4 à 6). 

Fig. 42. Coupe transversale passant par l’extrémité antérieure des sillons nucaux 
(s.OrgN). A cet endroit,:la crête de l’organe nucal (er.OrgN) est séparée 
en deux par un sillon profond. On remarque la position de l’encéphale (C) 
et du nerf nucal (Nn) qui en part. 

43. Coupe longitudinale passant dans le plan d’un des sillons de l’organe nucal. 
Cette coupe montre l’aspect de l’encéphale (C), le très gros nerf nucal qui 
en part (Nn), et qui suit le sillon nucal dans toute sa longueur. 1, plis 
formés par les parois de la trompe invaginée. 

44. Cette coupe horizontale passe en dessous de l’origine des nerfs nucaux, et 
en dessous de l'organe nucal, à travers le palpode (P). Elle montre l’ori- 
gine des counectifs (Cntf), la position de l’encéphale (C), et celle des 
nerfs palpaires (Np). D, cavité générale du palpode. 1, prolongement 
dorsal du vestibule buccal. Vs, vaisseau. 

Fi. 45, Coupe transversale de la plaque céphalique, passant dans la moitié posté- 
rieure des sillons nucaux. Épaisseur de la coupe : 1/100 millimètre. Gr., 
74 d. 

Méthode (v. fig. 15). 

Cette coupe est destinée à montrer les dispositions des sillons et de la 
crête (cr.OrgN) de l'organe nucal, ainsi que la disposition respective des 
éléments glandulaires (CL. gl}, sensitifs (CL.v), nerveux (Cl. n.ep), et de 
soutien, dans la paroi épidermique (Ep) qui forme l'organe nucal. pg, pig- 
ment apporté par les cellules -migratrices. M et M’, muscles coupés dans 
divers sens. 

46. Coupe transversale du fond du sillon de l’organe nucal. Épaisseur de la 
coupe : 1/300 millimètre. Gr., 290 d, 

Méthode. Fixation à l'acide osmique à 1/100 pendant vingt-quatre 
heures. Coloration à la safranine à l’alcoo!l pendant quarante-huit heures. 

Cette coupe est destinée à montrer les relations des divers éléments 
qui entrent dans la composition de la paroi épidermique formant le fond 
du sillon nucal. Cl. n.ep, cellules nerveuses épidermiques, situées entre 


342 j ÉMILE-G. RACOVITZA, 


les cellules vibratiles (CL.v), pourvues de leur extrémité cuticulaire (ke) 
et basale (kb). Cl. n. ep', cellules nerveuses épidermiques, très peu déve- 
loppées, situées entre les cellules de soutien (C{. s). Nn, l’une des bran- 
ches du nerf nucal. 

Fic, 47. Fragment de coupe transversale du bord de la plaque céphalique. Épais- 
seur de la coupe : 1/300 millimètre. Gr. 290 d. 

Méthode (v. fig. 46). 

Cette coupe montre la disposition des éléments cellulaires dans les 
deux feuillets de la paroi épidermique qui forment le bord de la plaque 
céphalique, et fait voir en même temps la structure du tissu intermédiaire 
(M), dont la nature musculaire est bien nette, qui sépare les deux feuillets. 
Alv, alvéole vide, produite par l'évacuation du contenu des cellules glan- 
dulaires. 


CLYMENE OERSTEDI Grube. 


Fic. 48. Coupe longitudinale médiane du lobe céphalique. Épaisseur de la coupe : 
1/300 millimètre. Gr. 290 d. 

Méthode (v. fig. 15), 

Cette coupe montre la communication intime deséléments del’encéphale 
avec les éléments épidermiques, et fait bien voir le passage des cellules 
nerveuses épidermiques (C{. n. ep) aux cellules nerveuses ganglionnaires 
(Cl. n.g). Le péritoine (Per) et la membrane basale (Bs) limitent, du 
côté de la cavité générale, aussi bien l’épiderme que l’encéphale (C). 
Oe, ocelle. 

49, Fragment d’une coupe longitudinale, passant un peu en dehors de l’en- 
droit où le nerf nucal se fusionne avec la substance ponctuée de l’encé- 
phale. Épaisseur de la coupe : 1/300 millimètre. Gr. 580 d. 

Méthode (v. fig. 15j. 

Cette coupe montre aussi l’union intime des éléments de l’encéphale 
avec les éléments de l’épiderme et fait voir la disposition des cellules 
nerveuses ganglionnaires (Cl. n.g). On voit que l’encéphale, comme le 
nerf (Nn), est en dedans de la basale (Bs), et l’on peut observer la diffé- 
rence d'aspect de la substance ponctuée (Sb.p) dans l’encéphale et dans 
le nerf nucal (Nn). D.Lc, cavité générale du lobe céphalique. U, névroglie. 

2 


LEIOCEPHALUS LEIOPYGOS (Grube). 


Fic. 50. Extrémité antérieure d’un adulte, vue par la face dorsale, avec la distri- 
bution du pigment qui donne sa couleur à l'animal. Dessin fait sur le 
vivant. Gr. 45 d. 
I et II, les deux premiers segments du corps. 
51, Coupe transversale de l'extrémité antérieure passant dans la moitié posté- 
rieure des sillons nucaux. Épaisseur de la coupe : 1/150 millimètre. 
Gr. 74 d. 


LOBE CÉPHALIQUE ET ENCÉPHALE DES POLYCHÈTES, 343 


Méthode. Fixation à la liqueur de Flemming (solution faible), vingt=. 
quatre heures ; coloration au hemalaun de P. Meyer. 

Cette coupe montre la forme du sillon (S. OrgN) et de la crête (cr. OrgN) 
de l'organe nucal, la distribution des éléments dans la paroi qui le con- 
stitue, et la situation des différents faisceaux du nerf nucal (Nn). 
Oe, ocelle, pg, pigment qui se trouve dans la région des cellules vibratiles, 


PETALOPROCTUS SPATULATUS (Grube). 


Fig. 82. Extrémité antérieure d’un individu adulte, vue de profil, avec la distribu- 
tion du pigment qui colore l’animal, Dessin fait sur le vivant, Gr. 10,6 d. 
I et Il, les deux premiers segments du corps. J, sorte de crête élevée 
qui parcourt la ligne médiane dorsale du premier segment. 
53. Extrémité antérieure du même, vue par sa face dorsale. Dessin fait sur le 
vivant. Gr. 10,6 d. 
I à LIT, les trois premiers segments du corps. J, v. fig. précédente, 


ati 


1 4 HiY A Ÿ 


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RECHERCHES 


SUR LE 


DÉVELOPPEMENT DES NAGEOIRES PAIRES 


CYCLOPTERUS LUMPUS, L. 


PAR 


FRÉDÉRIC GUITEL 


Maître de conférences à la Faculté des sciences de Rennes. 


AVANT-PROPOS. 


Les recherches que je publie aujourd’hui ont été faites, de 1890 
à 4892, sur des embryons récoltés à Roscoff ; mais, obligé alors par 
mes fonctions d'être à Banyuls-sur-Mer au moment même de la 
ponte des Cycloptères, j'ai dû me faire expédier au laboratoire Arago 
les œufs de ces animaux. 

Ce long voyage fut toujours supporté d'autant mieux que les œufs 
étaient pris plus jeunes, et j'ai pu obtenir à Banyuls de nombreux 
embryons éclos dans d'excellentes conditions de viabilité. Malheu- 
reusement, la difficulté de fournir à ces alevins une nourriture 
appropriée en assez grande abondance, a loujours entraîné parmi 
eux une très grande mortalité. 

Les Cycloptères ne sont pas abondants à Roscoff. Il est rare qu’on 
réussisse à en capturer plus de sept ou huit pendant les quelques 
mois qu'ils viennent passer à la côte à l'époque de la reproduction. 


Leurs pontes sont également très rares, ce qui fait qu’on ne peut 


346 FRÉDÉRIC GUITEL. 


que difficilement s’en procurer de très jeunes. Chaque ponte consiste 
en une masse d'œufs considérable, logée entre deux pierres ou fixée 
autour d’une tige d’algue qui la traverse complètement. Toutes 
celles qui ont été trouvées étaient gardées par‘un mâle, probable- 
ment celui qui en avait fécondé les œufs. Les mâles se distinguent 
des femelles par leur taille plus petite et par la teinte rose de leur 
face ventrale. 

Grâce à l'intelligent et dévoué gardien du laboratoire de Roscoff, 
Charles Marty, j'ai pu avoir à Banyuls une première série d'œufs de 
Cycloptère, pendant les mois d'avril et mai 1890; malheureuse- 
ment, ces œufs ayant été fixés d’une manière défectueuse, n’ont pu 
me donner que des résultats très insuffisants. En mars, avril et 
mai 1892, plusieurs pontes ayant été récoltées de nouveau, j'ai pu 
obtenir de meilleures fixations qui m'ont permis de découvrir l’exis- 
tence des bourgeons musculaires des nageoires paires. 

Cependant, bien des points très importants n’ont pu encore être 
élucidés ; aussi, ne me suis-je décidé à publier les quelques résultats 
obtenus, qu’en raison du peu de faits actuellement connus sur le 
développement des membres des Téléostéens et surtout à cause de 
la difficulté qu’il y a à se procurer les œufs du Cycloptère à des 
stades convenables. 

Mes recherches ont été poursuivies tour à tour dans les deux 
stations de Banyuls-sur-Mer et de Roscoff, et je remercie vivement 
mon illustre maître, M. de Lacaze-Duthiers, de la libéralité avec 
laquelle il a mis à ma disposition toutes les ressources que trouvent 


les zoologistes dans ses deux laboratoires. 


I 
TECHNIQUE. 
La coque ou membrane vitelline de l'œuf est sphérique ; elle a 222,5 


de diamètre et 0,05 d'épaisseur, tandis que le diamètre de la masse 


vitelline qu’elle contient n’est que de 2 millimètres. Les œufs adhè- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 347 


rent tous les uns aux autres par leur coque et celle-ci se déprime en 
facettes circulaires à ses points de contact avec les autres œufs. 

Le mode de fixation qui m'a donné les meilleurs résultats est le 
suivant : | 

Acide picro-sulfurique mélangé de 10 pour 400 d’acide acétique 
cristallisable : 45 minutes. 

Acide picro-sulfurique pur : 45 minutes. 

Aux stades encore jeunes, les œufs étaient fixés avec leur coque ; 
mais à partir du moment où la partie postérieure des embryons se 
détachait du vitellus, il était indispensable d'extraire ceux-ci de leur 
coque avant de les fixer, car, en mourant dans l’œuf, ils recourbent 
fortement leur queue sur le côté, ce qui amène une déformation 
considérable de leur corps souvent accompagnée de ruptures dans 
l'épaisseur des tissus. 

L’épaisseur de la coque et sa rigidité la rendent fort difficile à 
séparer de l’œuf sans léser l'embryon, aussi bien quand on s’adresse 
à des œufs déjà fixés et durcis, que lorsqu'on a affaire à des embryons 
vivants chez lesquels l'enveloppe du vitellus est encore très mince. 
Heureusement, cette circonstance est largement compensée par le 
grand diamètre de l’œuf qui facilite beaucoup les manipulations. 

Les embryons une fois fixés et débarrassés de l'excès de liquide 
fixateur par un lavage prolongé dans l'alcool à 60 degrés, étaient 
séparés de leur vitellus. 

Le procédé de fixation décrit plus haut a l'avantage de solidifier 
le vitellus en une seule masse dont la consistance rappelle ceile du 
cartilage et de le contracter, de telle sorte que dans l'œuf fixé il 
n’adhère plus que très faiblement à l’embryon. Cette circonstance 
permet de l’extirper assez facilement sans trop maltraiter ce dernier 

Les colorations ont toujours été faites en masse par le carmi 
aluné. 

Deux procédés différents ont été employés pour l'étude des en- 
bryons : 

10) Le montage en totalité dans le baume du Canada. 


348 FRÉDÉRIC GUITEL. 


2) Les coupes transversales et longitudinales en série. 

Le montage en tolalité m'a été d'un très grand secours et m'a 
permis d'obtenir des vues d'ensemble que n'auraient jamais pu me 
donner les reconstitutions tirées des séries de coupes. Les embryons, 
après un cour! séjour dans le carmin à l’alun (30 minutes ou 4 heure 
suivant les cas), étaient soigneusement lavés à l’eau distillée, déshy- 
dratés par le passage dans les alcools de plus en plus forts, puis, au 
sortir de l'alcool absolu, éclaircis dans l'essence de girofles et montés 
dans le baume du Canada. Tous les dessins des planches VI et VIT 


ont été faits d’après des embryons préparés par ce procédé. 


IT 


DÉVELOPPEMENT DE LA PECTORALE ET DE LA VENTRALE. 


Dans ce chapitre, après avoir défini chaque stade par une des- 
cription de quelques lignes, je décris successivement : la forme 
extérieure des nageoires paires de l'embryon, leurs rapports de posi- 


lion, la manière dont se comportent leurs bourgeons musculaires et, 


|enfin, leur structure anatomique. 


Cette méthode ayant quelquefois le désavantage de disperser des 


| faits qui demanderaient à être rapprochés, pour obvier à cet incon- 
| 

vénient j'ai fait suivre l'exposé analytique, dont je viens de parler, 
de quelques considérations synthétiques sur les questions les plus 


importantes du développement des membres. 


Le premier stade décrit ici précède l’apparition des nageoires 


| 


paires. 

| Stade I. — L'embryon (fig. 1) ne compte que 14 segments pri- 
nordiaux. L’organe olfactif n’est encore qu'un faible épaississe- 
nent non invaginé de l’ectoderme. La rétine (r) commence à s inva- 
gher, et le cristallin (c) se présente comme un épaississement ecto- 
demique à à peine concave. La vésicule auditive 6) est complètement 


déachée de l’ectoderme. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 349 


Avant d’aller plus loin, je dois faire une remarque ayant trait à la 
numération des segments. 

Dans les jeunes stades, il est souvent très difficile de fixer avec 
cerhtude le point précis où finit la tête et où commence le thorax ; 
en d'autres termes, la limite antérieure du premier segment pri- 
mordial est, dans bien des cas, extrêmement indistincte, même chez 
des embryons comptant déjà 30 segments. Ce n’est que lorsque 
ceux-ci en possèdent environ 35, que le premier d’entre eux de- 
vient moins difficile à délimiter en avant. 

Lorsque la limite antérieure du premier segment était invisible 
sur les embryons, je ne l'ai pas indiquée dans mes figures ; malgré 
cela, dans ces cas, les segments ont été comptés comme si le premier 
eût été nettement circonscrit. La nature et les rapports de la région 
située en avant du premier segment bien limité ne permettent pas 
d'adopter une autre manière de voir, surtout lorsque l’on compare 
entre eux, à ce point de vue, les embryons des différents stades. 

Je reviens à la description de l'embryon du stade I. 

En arrière de la vésicule auditive et de chaque côté de la partie 
axiale de l'embryon, on aperçoit une zone opaque, atténuée en 
pointe en avant et d'autant plus large qu’on la considère plus pos- 
térieurement (a). Cette zone, plus opaque sur son bord interne que 
sur son bord externe, est très nettement limitée en dehors dans sa 
partie antérieure ; mais cette limite devient de moins en moins dis- 
tincte à mesure qu’on la considère de plus en plus postérieurement. 

Les coupes donnent la signification de ces apparences. 

La figure 27 représente une coupe transversale passant par le 
milieu du quatrième segment primordial d’un embryon du stade I. 
De chaque côté de l’axe nerveux (m) et de la corde dorsale (c) se 
trouve une masse cellulaire qui représente le segment primordial (sp). 
En dehors de ce segment, se voit une aire à contour grossièrement 
losangique, fendue vers sa partie médiane. On reconnait là la soma- 
topleure (st) et la splanchnopleure {sn), séparées par le cœælome {cm). 


La partie inférieure de la coupe est formée par l’endoderme (e), 


300 FRÉDÉRIC GUITEL. 

qui n’a pas encore donné naissance à l'intestin. Enfin, entre la 
corde, les segments primordiaux, l’endodèrme et l'ensemble des deux 
feuillets mésodermiques, se trouve la masse cellulaire intermé- 


2 


diaire (m1). x ff # 

Les deux feuillets du mésoderme qui font fortement saillie sur 
les côtés, en dehors des segments primordiaux, donnent naissance 
aux appendices en forme d’ailes qu’on aperçoit sur l'embryon repré- 
senté figure {. Quand on examine la série des coupes transversales 
pratiquées dans cet embryon, on constate que les deux feuillets 
mésodermiques diminuent graduellement d'épaisseur d'avant en 
arrière et, en même temps, qu'ils s'étendent de plus en plus dans 
le sens latéral. Ces faits donnent l'explication de l’apparence que 
présentent les deux ailes de l'embryon vu dans son ensemble. 

À une hauteur correspondant au neuvième ou au dixième seg- 
ment, le cæœlome n'existe pas encore et l’aile opaque de l'embryon 
n’est constituée que par une seule masse de tissu mésodermique 
non encore divisée en somatopleure et en splanchnopleure. 

Il n'existe pas encore d’épaississement limité de la somatopleure 
correspondant au rudiment de la pectorale ; mais nous venons de 
voir que ce feuillet a sa plus grande épaisseur au niveau des pre- 
miers segments primordiaux ; c'est dans cette région qu'apparaitra 
bientôt le rudiment en question. 

La figure 1 représente l'embryon vu au travers de l’ectoderme, 
qui a été coupé tout autour de ce dernier pour l’isoler du Vitellus. 

Ce feuillet ne présente aucune différence d'épaisseur au niveau 
de la partie de la somatopleure destinée à devenir le rudiment de la 


pectorale. 


Stade 11. — L’embryon (fig. 2) à maintenant 22 segments pri- 
mordiaux. Les capsules olfactives (ol) sont déjà fortement inva- 
ginées. La rétine (e) est profondément excavée, et le cristallin (c), 
qui à acquis la forme sphérique, est encore relié à l’ectoderme par 


un épais tractus. La région céphalique de l'embryon s’est considé- 


F NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 301 
LD 


rablement agrandie, surtout dans sa partie antérieure ; sa région 
caudale n’est pas encore détachée du vitellus. 

Comme l'indique la figure 92, les ailes formées par la splanchno- 
pleure et la somatopleure se sont notablement élargies (a). De plus, 
un changement important s’est opéré dans leur épaisseur, car leur 
partie située à la hauteur des cinq premiers segments primordiaux 
est devenue notablement plus opaque. 

Cette région plus opaque est la première indication d’un rudiment 
de nageoiïire pectorale (ep). Elle affecte la forme d’un angle aigu à 
sommet antérieur nettement limité en dehors par une ligne un peu 
sinueuse et appliquée en dedans contre les cinq premiers segments 
primordiaux. Postérieurement, son épaisseur va en diminuant, mais 
d’une manière progressive, de sorte qu'il est impossible de lui tracer 
une limite précise. Au delà du cinquième segment, les ailes méso- 
dermiques se poursuivent sans rien présenter de remarquable. 

A ce stade reculé du développement on peut déjà voir la partie 
inférieure des segments primordiaux émettre du côté externe une 
saillie arrondie qui se traduit sur les embryons vus en totalité par 
un croissant surajouté en dehors à celui que forme le contour 
externe du segment. Cette saillie constitue la partie ventrale du 
segment primordial dont l’extrémité distale se détachera plus tard 
pour former un bourgeon musculaire. 

La partie ventrale des segments primordiaux n’a pas été repré- 
sentée sur l'embryon dessiné figure 2, parce qu’à ce stade elle est en 
partie masquée par l'ébauche de la ligne latérale ({). 

Les coupes confirment les indications fournies par l'étude des 
embryons entiers. La figure 29 représente une coupe transversale 
passant par la fin du troisième ou le commencement du quatrième 
segment primordial d’un embryon du même âge que celui auquel 
se rapporte la figure 2. 

Les feuillets mésodermiques sont notablement plus développés 
qu'au stade précédent. 

Le rudiment de la nageoire pectorale se présente comme une lame 


352 FRÉDÉRIC GUITEL. " 
épaisse de 30 p (ep) en continuité par son bord externe avec la 
splanchnopleure (sn) qui, dans cette région, s’est considérablement 
amincie et n’a plus que 4m. Le tube intestinal endodermique est 
fermé (2) et la splanchnopleure commence à revêtir sa face latérale. 
La fente cœlomique (cm) n’est largement ouverte qu’au niveau de 
l'intestin. La coupe ne passe pas par le néphrostome ; celui-ci se 
trouve à quelque distance en arrière dans le cinquième segment 
primordial. 

Le segment primordial laisse déjà distinguer nettement le myotome 
(my) et le sclérotome (se). Vers sa partie inférieure et externe, il 
présente une protubérance uniquement composée de tissu cellulaire 
embryonnaire, dont le bord libre est arrondi et qui est étroitement 
appliquée en dehors contre le rudiment somatopleurique de la pec- 
torale ; c’est la parte ventrale du segment primordial (pv). 

La figure 30 représente une coupe transversale passant par le 
milieu du sixième segment primordial, c’est-à-dire à 0,6 en 
arrière de la précédente. 

Cette coupe n'’intéresse que la partie tout à fait postérieure du 
rudiment somatopleurique de la pectorale ; aussi celui-ci n'est-il 
épais que de 8 p. 

La partie ventrale du sixième segment est séparée du rudiment 
de la pectorale par un espace angulaire assez considérable. 

L’ectoderme qui recouvre le rudiment de la pectorale est légère- 
ment épaissi, comme le montre la figure 29 (ec) ; mais, au niveau 
où passe la coupe de la figure 30, il n’y a plus trace de cet épaissis- 
sement. 

L'embryon à 22 segments primordiaux a été pris corame type du 
stade IT parce que ses caractères sont bien définis; mais on retrouve 
les mêmes caractères presque aussi nettement accusés chez l’em- 
bryon n'ayant encore que 19 segments. 

À celte étape du développement, l’épaississement correspondant 
au rudiment de la pectorale est déjà visible sur les embryons obser- 


vés en totalité. Il en est de même des parties ventrales des segments 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 353 


qui viennent seulement de faire leur apparition et qu’on arrive assez 
facilement à distinguer sur l’embryon entier lorsqu'il se présente un 
peu de côté. 

La figure 98 représente une coupe transversale passant par le 
milieu du cinquième segment d’un embryon à 19 segments. 

Le rudiment somatopleurique de la pectorale est dès maintenant 
bien caractérisé (ep), son épaisseur est environ le double de celle 
que présente la partie de la splanchnopleure qui lui est accolée. 

L’ectoderme (ec) ne présente encore aucune trace d’épaississe- 
ment dans les points où il recouvre l’ébauche de la pectorale; 
l’épaississement de la somatopleure précède donc celui de l’ecto- 
derme, mais seulement de quelques heures, puisque ce dernier 
existe déjà chez l'embryon pourvu de 22 segments primordiaux". 

La coupe passe par le néphrostome (né). 

Le segment primordial est déjà divisé en sclérotome (sc) et en 
myotome (my) et sa partie ventrale ne consiste encore qu'en un gros 
mamelon situé à sa base et s'appuyant en dehors contre le rudiment 
de la pectorale (pv). | 


En résumé *, les embryons pourvus de 22 segments primordiaux 
nous montrent le rudiment de la pectorale constitué par un épais- 
sissement somatopleurique peu considérable, affectant la forme d'un 
triangle dont la limite postérieure est indistincte. Ce rudiment est 
situé sur le côté externe des cinq premiers segments ; la partie de 
l’ectoderme qui le recouvre est légèrement épaissie. 

Les parties ventrales des segments primordiaux sont déjà indi- 


quées comme de très courts mamelons arrondis. 


Stade III. — L'embryon possède 26 segments primordiaux, son 
extrémité caudale est détachée du vitellus sur une longueur d'envi- 


1 Il n’y a que vingt-quatre heures de différence entre l’embryon à 14 segments 
(stade I) et l'embryon à 22 segments (stade Il), par conséquent bien peu d'intervalle 
entre ce dernier et l'embryon à 19 segments. 

2 Figures 2, 28, 29 et 30. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. —- 32 SÉRIE. — T. 1V. 1896. 23 


354 FRÉDÉRIC GUITEL. 


ron 02,55 et la partie détachée contient 9 à 10 segments. Le cris- 
tallin est complètement détaché de l’ectoderme (fig. 3). 

Dans l'embryon du stade Il, les ailes situées de chaque côté de 
sa parlie axiale mesuraient 0,19 au niveau du cinquième segment: 
maintenant, dans la même région, elles ont 0®#,96 : leur largeur a 
donc beaucoup augmenté. De plus, au lieu d’être, comme aux stades 
précédents, constituées par la somatopleure et la splanchnopleure, 
elles ne sont plus formées, sauf peut-être dans leur partie tout à 
fait proximale, que par la somatopleure. | 

Nous avons vu qu'au stade II la pectorale est représentée par un 
rudiment angulaire à peu près d'égale épaisseur partout, dont le bord 
externe est bien tranché et dont la limite postérieure très mal défi- 
nie se trouve à peu près à la hauteur du cinquième segment. 

Au stade que nous décrivons, le rudiment somatopleurique de la 
pectorale a toujours un contour général de même forme et de mêmes 
dimensions que précédemment, mais sa limite externe, au lieu d’être. 
restée constituée par une ligne franchement marquée, est mainte- 
nant aussi vague que sa limite postérieure ; les coupes nous donne- 
ront l’explication de cette particularité. Un autre caractère très 
important est l’augmentation considérable d'épaisseur qu'a subi le 
rudiment de la pectorale (ep); cette augmentation se traduit par une 
opacité plus grande de ce rudiment qui, malgré le peu de précision 
de ses limites, est maintenant beaucoup mieux circonserit qu’au 
stade précédent. 

En arrière de l’ébauche de la pectorale, les ailes que forme la 
somatopleure ne présentent rien de particulier, car on ne peut en- 
core apercevoir aucune trace de ce qui sera l’ébauche de la 
nageoire ventrale ; il en est de même pour l’ectoderme qui ne laisse 
encore distinguer aucun épaississement au-dessus de la région où 
apparaîtra bientôt cette dernière. 

Les parties ventrales des segments sont maintenant plus faciles à 
voir que dans les embryons à 19 et 22 segments, car leur saillie dans 
le sens latéral a un peu augmenté ; cependant, les premières sont 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 355 


toujours fort difficiles à découvrir, car elles sont étroitement appli- 
quées contre le rudiment somatopleurique de la pectorale, ce qui 
rend leur contour extrêmement indistinct. 

Dans l'embryon qui a été dessiné figure 9, on ne distinguait 
pas les parties ventrales des deux premiers segments ; mais ce fait 
n’est général que pour le premier. Par contre, celles des segments 
3, 4 et 5 ont pu être dessinées sans trop de difficultés, malgré la 
présence du rudiment somatopleural (ep) de la pectorale; cependant 
la netteté de leur contour a été, à dessein, notablement augmentée. 

Au delà du cinquième segment (sp,), les parties ventrales sont 
beaucoup plus faciles à étudier. A parüir du septième, au lieu d’avoir 
leur plan de symétrie perpendiculaire à celui du corps de l’em- 
bryon, elles sont dirigées en arrière; mais nous verrons bientôt que 
lorsqu'elles s’allongent leur partie distale prend une direction per- 
pendiculaire à la ligne médiane dorsale de l'embryon. 

Sur une coupe transversale passant par le cinquième segment 
(fig. 31), on constate que l’ébauche de la pectorale (ep) s’est consi- 
dérablement épaissie. C’est maintenant une grosse masse de tissu 
embryonnaire, à face inférieure aplatie et à face supérieure convexe 
dont la plus grande épaisseur est de 65 x, c’est-à-dire plus du double 
de ce qu’elle était dans l'embryon à 22 segments. Cette masse, à 
partir de la région où elle atteint son maximum d'épaisseur, va en 
s'amincissant dans toutes les directions, mais beaucoup moins vite 
en avant qu'en arrière et sur les côtés. 

L'épaississement constituant le rudiment n'intéresse pas la soma- 
topleure dans toute sa largeur, et la coupe transversale, dont nous | 
parlons, monire que celle-ci se continue du côté distal sous la 
forme d’une lame cellulaire très mince ayant jusqu'à 4 millimètre 
de largeur (a, fig. 31). C’est cette lame mince qui, sur les em- 
bryons entiers, forme l’étroite bande transparente limitant en dehors 
le rudiment de la pectorale (fig. 9, a). 

Sur la coupe transversale, dont il est question en ce moment, on 


voit le rudiment somatopleurique se continuer avec le néphrostome 


356 FRÉDÉRIC GUITEL. 


(nt), qui n’est intéressé ici que dans sa partie tout à fait antérieure 
et qui se trouve lui-même en continuité avec la partie de la 
splanchnopleure tapissant la face latérale de l'intestin endoder- 
mique. 

_ Sous l’action des réactifs, la partie latérale de l'embryon a subi 
une flexion assez considérable vers le haut. Il en est résulté que les 
parties ventrales des segments primordiaux (pv) se sont trouvées for- 
tement comprimées par le rudiment somatopleural de la pectorale, 
et, comme il y a la plus grande analogie entre les éléments cellu- 
laires de ces deux organes, il m’a été souvent fort difficile de tracer 
leur véritable limite séparative. 

À la hauteur du sixième segment, le renflement de la somato- 
pleure représentant l’ébauche de la pectorale a disparu. Il en résulte 
que la partie ventrale de ce segment est beaucoup plus facile à 
observer que celles des segments qui le précèdent dans la série. 
C’est un volumineux mamelon de tissu embryonnaire, situé au- 
dessus du canal segmentaire et compris entre le segment primor- 
dial, d’une part, et la somatopleure, de l’autre ‘. 

Dans les segments suivants, les parties ventrales sont encore très 
peu saillantes à ce stade ; mais, dans les stades ultérieurs, nous les 
verrons s’allonger énormément pour aller atteindre le rudiment de 
la ventrale. 

La partie de l’ectoderme qui recouvre le rudiment somatopleu- 
rique de la pectorale s’est considérablement épaissie et mesure 
maintenant de 43 à 17 p ; c’est, à peu près, le double de l'épaisseur 
qu'elle avait au stade précédent (ec, fig. 31). 


En résumé ?, dans l'embryon à 26 segments, le rudiment somato- 
pleural de la pectorale est beaucoup plus épais et, par suite, beau- 


1 La coupe transversale passant par le sixième segment de l'embryon du stade III 
n’a pas été figurée, mais on se représentera assez exactement la disposition de la 
partie ventrale de ce segment en considérant la figure 29 qui reproduit une coupe 
transversale passant par le quatrième segment de l'embryon du stade II. 

? Figures 8, 9 et 31. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS, 357 


coup plus net qu’au stade précédent, tout en manquant de limites 
précises. 

Les parties ventrales des segments se présentent comme des ma- 
melons peu saillants, visibles sur la face externe de ces derniers. 
Celles des segments 2 à 5 sont peu saillantes et en rapport avec 
l’'ébauche de la pectorale ; les suivantes font une saillie plus consi- 
dérable et sont légèrement obliques d'avant en arrière et de dedans 
en dehors. 


Stade IV. — Les segments primordiaux de l’embryon sont main- 
tenant au nombre de 31 à 33 ; 17 à 18 de ces segments constituent 
l'extrémité caudale, libre de toute adhérence avec le vitellus. 

D’importants changements caractérisent le stade qui va nous 
occuper. Le rudiment somatopleurique de la pectorale a subi un 
accroissement très notable dans le sens dorso-ventral, Cet accrois- 
sement, marqué surtout vers le centre du rudiment, a donné nais- 
sance en ce point à une zone beaucoup plus opaque que le reste de 
l'organe qui, sur les embryons examinés en totalité, prend la forme 
d’un noyau oval, situé au niveau des troisièmé, quatrième et cin- 
quième segments primordiaux (fig. 4, p). Le grand axe de ce 
noyau est parallèle au plan de symétrie de l'embryon, et sa ligne 
de faite est occupée par un bourrelet ectodermique peu saillant 
qu'on ne peut étudier d’une manière satisfaisante que sur les coupes 
transversales, mais qui se voit déjà sur les embryons entiers, comme 
on peut en juger par la figure 4 (be). 

Du côté externe, le rudiment de la pectorale est aussi mal limité 
et ne s'étend pas beaucoup plus loin qu’au stade précédent. Pos- 
térieurement, une formation nouvelle est âpparue. En effet, l’ébauche 
de la pectorale, au lieu de se terminer vers le niveau du cinquième 
segment primordial comme c'était le cas chez l'embryon à 26 seg- 
ments primordiaux, se prolonge maintenant, sous la forme d’un 
épaississement encore très peu marqué, jusque vers le huitième ou 


même le neuvième segment. 


398 FRÉDÉRIC GUITEL, 


La figure 1 (ci-dessous) montre les particularités que présente 
ce nouvel épaississement somatopleural. Il consiste en une bande (v) 
large d'environ 0®%,14 dont l’axe longitudinal, parallèle au plan de 
symétrie de l'embryon, se trouve à très peu près sur le prolonge- 
ment postérieur de celui du rudiment de la pectorale (p), que nous 
avons vu être également parallèle au 
plan de symétrie du Poisson. Dans sa 
région postérieure, cette bande est con- 
tiguë au bord distal des parties ventrales 
des septième, huitième et neuvième seg- 
ments primordiaux (7 à 9); mais sa ré- 
gion antérieure ne rejoint le rudiment 
de la pectorale qu'après s'être légère- 
ment incurvée en dehors. Il résulte de 
ce fait l'existence d’un espace relative- 


ment transparent, situé au niveau du 


sixième segment primordial et dû à 


Fig. 1. — Moitié gauche de la l'extrême minceur de la somatopleure 
région thoracique d’un em- 
bryon de Cyclopterus lumpus 


L., pourvu de 32 segments pri-  [’épaississement dont je viens de don 
mordiaux (stade IV) (X 80). 


en ce point. 


ner la description succincte n'est autre 
4 à 11, les onze premiers segment 


rimordiaux ; le premier n’émet pas : ce 
He partie ventrale et la partie ven. CHOSE que le rudiment de la nageoire 
trale du second n’était pas visible ; 

mais celles des segments suivants ventrale. 

sont bien nettes ; p,v, rudiments A 

somatopleuraux de la pectorale et Il est extrêmement remarquable de 
de la ventrale. 


voir la ventrale du Cycloptère naïtre à 
un stade aussi reculé du développement, car le cas paraît être tout 
à fait exceptionnel‘. J'aurai l’occasion de revenir sur cette particu- 
larité en comparant le Cycloptère à quelques autres Téléostéens et 
en particulier à un représentant de la même famille, le Zrparis. 


Voyons maintenant, sur l'embryon entier, comment se comportent 


1 Il n’y a qu'environ quarante-huit heures d’intervalle entre le stade II (fig. 2) et 
le stade IV (fig. 4), c’est-à-dire entre le moment de l’apparition des pectorales et 
celui de l'apparition des ventrales. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 399 


les parties ventrales des segments qui, bientôt, donneront naissance 
à des bourgeons musculaires. 

La figure 4 (p. 358) nous les montre nettement, sauf cepen- 
dant celles des deux premiers segments !. Celles des troisième, qua- 
irième, cinquième et sixième segments sont d'autant plus longues 
qu’elles sont plus postérieures. Cette inégalité n'existait pas encore 
dans l'embryon à 26 segments, représenté figure 9. 

La partie ventrale du sixième segment, actuellement plus longue 
que toutes les précédentes, se trouve en rapport par son bord distal 
avec une aire transparente correspondant à une partie plus mince 
de la somatopleure dont il a déjà été parlé. Nous verrons bientôt 
que le bourgeon musculaire issu de ce segment reste constamment 
moins développé que ceux des segments suivants. 

Les parties ventrales des segments qui viennent ensuite sont un 
peu plus saillantes qu’au stade précédent. Elles présentent une par- 
ticularité qu'on soupçonne déjà chez l'embryon à 26 segments ; leur 
direction est oblique d’avant en arrière et de dedans en dehors. 

Un embryon, seulement un peu plus âgé que le précédent, permet 
de constater l’apparition de quelques changements très importants. 

Les parties ventrales de tous les segments ont augmenté de lon- 
gueur; celles du deuxième, du troisième, du quatrième et du cin- 
quième pénètrent dans l’ébauche de la pectorale et, comme cette 
dernière est déjà très épaisse, le contour des prolongements appar- 
tenant aux myotomes y devient extrêmement difficile à suivre. Cette 
circonstance m'a empêché de dessiner ces prolongements sur les 
embryons entiers. ; 

Heureusement, les coupes horizontales permettent de résoudre 
la question. Celle qui est représentée figure 41, montre à droite 
la corde dorsale (c), séparée des myotomes (my, à my,) par les 


sclérotomes (sc). À gauche se trouve l’ébauche somatopleurale de 


1 La partie ventrale du deuxième segment est souvent trop peu saillante pour être 
vue à ce stade sur les embryons entiers. Quant'au premier segment, son myotome 
est dépourvu de partie ventrale et par suite de bourgeon musculaire, 


360 FRÉDÉRIC GUITEL. 


la pectorale (ep), coiffée par son revêtement ectodermique (ec). La 
coupe intéresse les parties ventrales des deuxième, troisième, qua- 
trième et cinquième segments (pv, à pv.) ; elle montre que chacune 
d’elles a donné naissance à un bourgeon musculaire (br, à bm,), par 
séparation de son extrémité distale ; le premier segment est dé- 
pourvu de bourgeon musculaire et même de partie ventrale ; il n’a, 
d’ailleurs, pas été représenté sur la figure 41. 

Les quatre bourgeons musculaires ont encore une forme très ra- 
massée, et si l'on considère l’ensemble formé dans chaque segment 
par le myotome et son bourgeon, on constate qu'il est dirigé d’ar- 
rière en avant et de dedans en dehors. Le second myotome et son 
bourgeon sont entièrement situés en avant du rudiment de la pec- 
torale. 

Les embryons entiers, malgré la grande opacité qu'ils présentent 
dans la région de la pectorale, permettent de contrôler la direction 
postéro-antérieure des myotomes, mais ils manquent de la transpa- 
rence nécessaire pour laisser apercevoir la limite séparative de 
ceux-ci et de leurs bourgeons. 

L'obliquité d'arrière en avant, dont je viens de parler, ne peut pas 
encore être soupconnée sur l’embryon dessiné figure 1 (p. 358), où 
les parties ventrales des segments 3, 4, 5 et 6 sont plutôt légèrement 
obliques d’avant en arrière. 

Le myotome du sixième segment (my,) est aussi représenté dans 
la figure 41, mais la coupe n'’intéresse pas sa partie ventrale. 

Au delà du cinquième segment, les parties ventrales des myotomes 
peuvent être étudiées sur les embryons entiers; il n’y à à signaler 
au stade qui nous occupe que leur allongement. 

Passons maintenant à l’étude des coupes transversales. 

Le rudiment somatopleural (ep, fig. 32) de la pectorale s’est beau- 
coup accru, surtout dans le sens dorso-ventral ; il mesure mainte- 
nant jusqu’à 195 y d'épaisseur et n’a plus la forme surbaissée que 
nous lui avions trouvée au stade précédent. Dans le sens transversal, 


l'accroissement a été beaucoup moindre. 


NAGEOIÏIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 361 


L'ectoderme n’est pas plus épais que dans l'embryon à 26 seg- 
ments, sauf cependant suivant la ligne de faîte du rudiment de la 
nageoire, où ses cellules se sont allongées de manière à donner nais- 
sance à un cordon épidermique (be) représentant la première ébauche 
d'un pli qui ne tardera pas à apparaître et qui, plus tard, constituera 
le bord libre de la pectorale. 

La figure 32, dessinée d'après une coupe transversale passant 
par le quatrième segment d’un embryon au stade IV, montre le 
bourgeon musculaire (bm) de ce segment pénétrant dans la masse 
de tissu embryonnaire, qui constitue l’ébauche de la pectorale (ep). 
Il est légèrement renflé en massue à son extrémité libre et, quand 
on l’observe attentivement, on voit qu'un léger sillon transversal 
sépare son extrémité claviforme de la partie ventrale (pv) du myo- 
tome. C’est cette partie terminale, dès maintenant isolée du seg- 
ment primordial, qui constitue le véritable bourgeon museulaire 
destiné à la pectorale. Sous la pression qu’exerce latéralement ce 
bourgeon, le rudiment de la pectorale se déprime et se creuse d’une 
légère concavité regardant l’axe de l'embryon. 

Le rudiment somatopleural de la nageoire ventrale (fig. 33) a 
déjà 20 à 25  d’épaisseur maximum ; c'est une lame à grand axe 
longitudinal, tranchante sur ses bords interne, externe et postérieur, 
en continuité de substance, par son bord antérieur, avec l’ébauche 
de la pectorale. 

x L’ectoderme (ec), qui recouvre l’épaississement mésodermique 
dont je viens de parler, présente déjà une très légère augmentation 
d'épaisseur qui n'existait pas au stade précédent. 

N'ayant pas pu fixer d'embryon possédant l’épaississement de la 
somaiopleure sans avoir encore celui de l’ectoderme, je ne puis dire 
lequel des deux apparaît le premier ; mais l'épaisseur du rudiment 
somatopleural, relativement beaucoup plus grande que celle de l’ec- 
toderme, autorise à penser qu'ici, comme pour la pectorale, l’appa- 
rition du rudiment mésodermique de la ventrale précède quelque 
peu celle de l’épaississement ectodermique qui lui correspond. 


362 FRÉDÉRIC GUITEL. 


Les parties ventrales des segments destinées à fournir les bour- 
geons musculaires de la ventrale commencent à s’allonger notable- 
ment et sont maintenant en rapport, paf leur face inférieure, avec 
la face supérieure de l'ébauche somatopleurale. 

La figure 33, qui représente une coupe passant par le septième 
segment, permet de saisir les rapports de ces deux organes. Le 
futur bourgeon (pv) se présente comme le prolongement de Jl’angle 
inféro-externe du myotome (my), c'est-à-dire comme une proliféra- 
tion de la couche épithéliale externe de ce dernier. Il passe exacte- 
ment au-dessus du canal segmentaire (cs), puis il atteint la face 
supérieure de l’épaississement de la somatopleure (ev), qui, à ce 
stade, ne s’est pas encore éloigné de la face latérale de l’em- 


bryon. 


En résumé", dans l'embryon pourvu de 32 segments primordiaux, 
l’ébauche somatopleurale de la pectorale est de forme elliptique et 
son épaisseur est à peu près égale à la moitié de sa largeur transver- 
sale. 

L’ectoderme qui recouvre cette masse mésodermique présente un 
bourrelet plus épais occupant sa ligne de faîte. Ce bourrelet formera 
plus tard le bord libre de la nageoire. 

Les extrémités distales des parties ventrales appartenant aux seg- 
ments 2 à 5 sont devenues libres et ont donné naissance à quatre 
bourgeons musculaires arrondis. Le premier de ces bourgeons sé 
trouve entièrement en avant du rudiment de la pectorale, les trois 
autres pénètrent dans sa substance. 

L'’ébauche de la ventrale a fait son apparition sous la forme d'un 
faible épaississement somatopleural en continuité de substance avec 
celui de la pectorale. 

L’ectoderme qui recouvre cette ébauche présente déjà une petite 


augmentation d'épaisseur. 


1 Figures 4, 32, 33 et dans le texte figure 1 (p. 358). 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 363 


Les parties ventrales des sixième, septième, huitième et neuvième 
myotomes se sont notablement allongées, leur bord distal est con- 
tigu à l’ébauche de la ventrale. 

Les axes de symétrie longitudinaux des deux rudiments de na- 
geoires paires sont sensiblement parallèles au plan de symétrie de 


l'embryon et situés à peu près à la même distance de ce plan. 


Stade V. — L’embryon compte maintenant 35 segments primor- 
diaux. Dans ce nombre, 23 constituent la partie caudale libre de 
toute adhérence avec le sac vitellin. Le pigment choroïdien est 
apparu. La couche qu'il forme, lout en étant encore d’une exces- 
sive minceur, donne déjà aux yeux une faible teinte grise visible 
sur les embryons entiers. 

Je considère comme appartenant au même stade deux embryons 
d’âges un peu différents, que je décrirai successivement, car la 
forme la plus jeune constitue un intéressant intermédiaire entre la 
plus âgée et le stade précédent. 

Dans le plus jeune des deux embryons auxquels je viens de 
faire allision (fig. 10 et 12), l’ébauche de la pectorale (p) a déjà 
subi de notables changements. Le plus important consiste en ce 
que le bourrelet ectodermique qui, au stade précédent, lui formait 
une crête rectiligne, s’est beaucoup allongé et en même temps s’est 
courbé en un arc à convexité interne. La corde qui joint les deux 
extrémités de cet arc fait, dès à présent, avec la ligne médiane dor- 
sale de l’embryon, un angle aigu à ouverture postérieure. Ges deux 
caractères, courbure de la crête ectodermique et inclinaison de sa 
corde sur l’axe de l'embryon, se manifestent très peu de temps après 
l'apparition de cette crête. On peut déjà constater leur existence 
lorsqu'elle ne mesure que ("",14 de longueur. 

Les bourgeons musculaires de la pectorale sont invisibles sur les 
embryons entiers ; les parties ventrales des quatrième et cinquième 
segments sont très saillantes et renferment maintenant de nom- 
breuses fibres musculaires. Le néphrostome est situé dans le cin- 


364 | FRÉDÉRIC GUITEL. 


quième segment et se voit par transparence sous la partie ventrale 
de ce dernier (fig. 40 né). 

L’ébauche de la ventrale (v) s’est notablement accrue. C’est à pré- 
sent un épaississement somatopleural présentant deux plans de 
symétrie, un longitudinal et l’autre transversal. Son contour est 
oval, mais absolument dépourvu de limite précise. Son petit axe 
est transversal et son grand axe longitudinal ; ce dernier n’est plus 
parallèle à la ligne médiane dorsale de l’embryon comme au stade 
, précédent, il fait maintenant avec celte ligne un angle aigu à ouver- 
ture antérieure. 

L’ébauche de la ventrale, telle que je viens de la décrire, est reliée 
à celle de la pectorale par un épaississement de la somatopleure 
affectant la forme d'un accent circonflexe à ouverture interne plus 
ou moins grande (fig. 10). Sa branche postérieure forme le prolon- 
sement antérieur de la ventrale et sa branche antérieure le prolon- 
gement postérieur de la pectorale. 

Depuis le dernier stade, les parties ventrales des quatre seg- 
ments, venant immédiatement après le cinquième, se sont consi- 
dérablement allongées ; elles méritent une description détaillée. 

Le myotome du sixième segment, comme d'ailleurs ceux des 
segments suivants, comporte deux parties : une interne, transver- 
sale, et l’autre externe, oblique d'avant en arrière et de dedans en 
dehors (fig. 10 et 12). 

Cette dernière se continue par une traînée cellulaire qui repré- 
sente la partie ventrale du myotome (fig. 12, pv,). Au lieu de 
se porter transversalement en dehors, elle décrit une courbe à 
concavité postérieure et son extrémité distale, légèrement alténuée, 
arrive jusqu’à l'extrémité antérieure de l’ébauche de la ventrale. 
Elle est d’ailleurs fortement rétrécie à sa naissance sur le myotome 
et semble prête à devenir libre de toute adhérence avec ce dernier 
pour constituer le premier bourgeon musculaire de la ventrale dé- 
pendant du sixième segment primordial. 


La partie ventrale du septième segment (fig. 42, pv,), au lieu 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 365 


de se courber comme celle du précédent, se porte transversalement 
en dehors et atteint le rudiment de la ventrale un peu en arrière 
du point où aboutit le premier bourgeon. Son contour distal est 
très net; c'est aussi le cas pour Ja précédente. 

Les parties ventrales des deux segments suivants (huitième ei 
neuvième) se comportent de même que la précédente. 

Nous avons vu que l’axe de la ventrale fait avec la ligne médiane 
dorsale de l'embryon un angle aigu à ouverture antérieure. Il ré- 
sulte de ce fait que pour atteindre le rudiment de cette nageoire, 
les parties ventrales des sixième, septième, huitième et neuvième 
segments doivent s allonger d’autant moins qu’elles sont plus pos- 
térieures (fig. 12, pu, à pv,). 

Les intervalles compris entre les quatre bandes épaissies que je 
viens de décrire apparaissent sur les embryons entiers comme des 
aires transparentes. Le premier, en raison de la courbure concave 
du premier bourgeon, est très grand, le second plus petit et le troi- 
sième encore plus réduit. 

J'arrive maintenant à la description de l’embryon au second âge 
du stade V qui est représenté figure 5 (pl. VI) et fig. 2 (p. 366 du 
texte). 

La pectorale (») s’est encore épaissie, le bourrelet ectodermique 
qui forme sa crête s’est allongée et constitue maintenant un grand 
arc dont la partie tout à fait antérieure est presque parallèle à la 
ligne médiane dorsale de l’embryon, tandis que sa partie posté- 
rieure lui est perpendiculaire, 

A l'heure actuelle, l’idée la plus simple qu'on puisse se faire de 
l’'ébauche de la nageoire antérieure est celle qui consiste à la regar- 
der comme une colline dont la ligne de faîte décrit une longue courbe 
à concavité externe. 

Si l’on considère la figure 5, on voit que l'extrémité antérieure 
de la crête ectodermique des pectorales semble se recourber 
longuement en dehors et en arrière. Cette apparence n'est qu'une 
illusion due à la forme particulière qu’affecte la face externe du 


366 FRÉDÉRIC GUITEL. 


rudiment somatopleurique de la nageoire. Cette face, en effet, pré- 
sénte deux pentes de valeurs différentes : une supérieure, très rapide 
surtout inférieurement, et une inférieure, beaucoup plus douce, se 
raccordant insensiblement avec la surface du vitellus. L 

Il résulte de cette disposition que l’ectoderme revêtant anche 
mésodermique de la pectorale se trouve vu par sa tranche suivant 
toute la longueur de l'inter- 
section des deux pentes dont 
il vient d’être question. 

On comprend, dès lors, que 
le bourrelet occupant la crête 
de la pectorale semble se re- 
courber sur la face externe 
de celle-ci, car, antérieure- 
ment, ce bourrelet plonge 


verticalement, suivant une 


pente encore plus rapide que 


celle de la face externe de la, 


nageoire. 


Gig. 2. — Région thoracique d'un embryon Dans la partie postérieure 


de Cyclopterus lumpus pourvu de 35 seg- de la pectorale, le double con- 
ments primordiaux (stade V) [X 60]. : 
tour ectodermique externe 


6, partie ventrale du sixième segment rejoignant la 


région qui réunit entre elles les ébauches des deux n'existe pas Cela tient à ce 
nageoires paires ; 7, 8, parties ventrales des sep- Î 


l'ébanohe de ln vésale je 0, anti venbals due .qUe, dans ceite EP UPRE 
neuvième segment n'ayant pas encore atteint la us 7. 
a ; v, nageoire ventrale ; p, nageoïire pecto- pente superieure de l’ébauche 
mésodermique est beaucoup 
moins rapide qu'antérieurement ; la face externe de la nageoire s’é- 
tend alors, suivant une pente presque uniforme et peu considérable, 
depuis sa crête jusqu’à la surface vitelline, ce qui ne permet pas 
d’apercevoir l’ectoderme par sa tranche. 
Si l’on prenait le contour ectodermique, dont nous venons de don- 
ner la véritable interprétation, pour la continuation du bourrelet 


ectodermique de la pectorale, on commettrait une erreur grossière 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 367 


en traçant la corde de l’arc que forme ce bourrelet, corde qui, nous 
le savons, correspond à la future base d'insertion du membre sur le 
COrps. 

L'inspection de la même figure montre aussi une notable diffé- 
rence entre les deux, pectorales. Elle tient à ce que le bourrelet : 
ectodermique de la nageoire gauche est fortement incliné du côté 
ventral dans sa partie antérieure et moyenne. 

Les coupes transversales pratiquées dans la pectorale nous la 
montrent peu différente de ce qu’elle était au stade précédent. Les 
dimensions de sa partie somatopleurale ont augmenté. Quant aux 
bourgeons musculaires, ils sont un peu plus volumineux et leur 
coupe transversale affecte toujours, à peu de chose près, la même 
forme que dans l’embryon à 33 segments. 

Le bourrelet ectodermique qui suit la crête de l’ébauche somato- 
pleurale s’est accentué. Pour comprendre la disposition des élé- 
ments qui le constituent, un mot sur la structure de l’épiderme de 
la nageoiïre est nécessaire. 

Il se compose de trois couches : la couche profonde, de beaucoup 
la plus puissante, est constituée par une seule assise de très petites 
cellules dont les noyaux, suivant les régions considérées, sont tantôt 
sensiblement arrondis, tantôt allongés dans le sens proximo-distal. 
Au-dessus de cette couche se trouve quelques rares noyaux couchés 
à plat et le tout est recouvert d’une très mince cuticule (fig. 34 bis). 

Dans le voisinage du bourrelet, les noyaux de la couche profonde, 
au lieu d’être dirigés normalement à la surface de l’ectoderme, s’in- 
clinent en dehors, de telle sorte que leur grand axe est presque per- 
pendiculaire au plan de symétrie de la pectorale. Les cellules qui 
forment le reste de l'organe se disposent de manière à constituer un 
demi-cylindre, dans lequel elles sont orientées radialement, c'est- 
à-dire perpendiculairement à l’axe de ce demi-cylindre. 

À part quelques points de détail, le bourrelet que je viens de 
décrire est analogue à celui que Boyer a décrit et figuré dans le 
Fundulus heteroclitus. 


368 FRÉDÉRIC GUITEL. 

Passons à la description de la ventrale. id 
_ Les embryons entiers montrent que la plaque somatopleurale qui 
constitue l’ébauche de cette nageoiïre a un peu augmenté d’épais- 
seur ; il en résulte qu’elle est beaucoup mieux circonscrite que pré- 
‘cédemment. " 

En ce qui concerne les parties ventrales destinées sans doute à 
donner les bourgeons musculaires de la ventrale, on voit, en com- 
parant la figure 10 à la figure 5, qu’elles ont beaucoup augmenté de 
longueur. | 

Comme précédemment, leur longueur décroît depuis la première 
jusqu à la dernière. Quoique très lisible, la vue d'ensemble que 
représente la figure 5 ne permet plus de distinguer la limite distale 
des bourgeons, pas plus qu’elle ne permet de dire si ces bourgeons 
sont dès maintenant détachés des parties ventrales auxquelles ils 
appartiennent. Les coupes nous renseigneront à ces différents points 
de vue. 

La figure 2 (p. 366), prise sur le même embryon que celui de la 
figure 5, pl. VI, montre que la partie ventrale du sixième segment 
a encore conservé la courbure à concavité postérieure que nous 
lui avions trouvée antérieurement dans la forme plus jeune repré- 
sentée figure 12; maintenant, elle est plus grêle que celles de tous 
les segments suivants. Au lieu de venir s'appuyer sur l’ébauche 
de la ventrale comme les deux suivantes, elle aboutit au prolon- 
gement antérieur de cette ébauche, qui établit la continuité entre 
les deux nageoires. Nous verrons que la partie antérieure de cette 
région donne naissance à certains muscles de l’adulte s’insérant en 
avant sur la ceinture scapulaire et en arrière sur l'os de la ventrale. 
Peut-être ces muscles se forment-ils aux dépens du bourgeon ap- 
partenant au sixième segment primordial? Il Rod pour décider 
cette question, réussir à suivre dans tous ses détails Le sort des parties 
ventrales des segments. je n'ai malheureusement pas réussi à mener 
à bien ce travail. 


Les parties ventrales des septième et huitième segments, je l'ai 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 369 


dit, rejoignent l’ébauche de la ventrale sans qu'on puisse distin- 
guer leur limite distale. Dans l'embryon qui nous occupe, comme 
dans celui qui a été représenté figure 10, la partie ventrale du 
neuvième segment n’a pas encore atteint l'ébauche de la nageoire 
et se termine librement d’une manière-plus ou moins nette. Ce fait 
est d’une grande importance ; il montre que l’évolution des parties 
ventrales et sans doute aussi celle de leurs bourgeons musculaires 
s'effectuent d'avant en arrière, c’est-à-dire que ces organes se déve- 
loppent d'autant plus tardivement qu'ils appartiennent à un seg- 
ment plus postérieur. 

Dans l'embryon représenté figure 19, l’ébauche de la ventrale 
est déjà en rapport avec le neuvième segment, mais cela n'in- 
firme en rien la conclusion précédente. Il peut, en effet, arriver que 
l’évolution des parties ventrales des segments s’accomplisse plus 
rapidement chez certains embryons que chez d’autres, 

Les difficultés particulières que présente l'étude des bourgeons 
de la pectorale m’ont empêché de déterminer l’ordre de leur for- 
mation; mais il semble bien difficile que la règle qui les concerne 
diffère de celle que suivent ceux de la ventrale. 

Quelles sont maintenant les données que peuvent nous fournir 
les coupes ? 

En ce qui concerne l’ébauche de la ventrale, il n’y a à noter que 
l'augmentation d'épaisseur de ses deux parties, mésodermique et 
eciodermique (ev, ec, fig. 34). 

Quant aux parties ventrales des segments (pv), voici comment 
elles sont constituées : chacune d'elles consiste en une mince lame 
de tissu embryonnaire due à l'allongement excessif de l’angle inféro- 
externe du myotome (my) dont elle dépend. L’extrémité distale de 
cette lame est plus ou moins amincie et pénètre comme un coin 
dans le bord interne de la masse somatopleurale constituant l’ébau- 
che de la ventrale. 

Aucun embryon à 36 segments ne m'a montré les bourgeons 
musculaires séparés de leurs myotomes. La figure 34 représente 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == 3€ SÉRIE: — T. IV. 1896. 24 


370 FRÉDÉRIC GUITEL. 


une coupe transversale passant par le bourgeon musculaire du sep- 
tième segment. 

Pour terminer l'histoire du stade V, je dois dire un mot des rap- 
ports de position des deux nageoires. 

On se souvient qu'au stade IV les axes des deux rudiments des 
membres étaient parallèles à la ligne médiane dorsale de l'embryon 
et dans le prolongement l’un de l’autre. Au stade V, la corde de 
l'arc formé par la crête de la pectorale, corde qui représente la fu- 
ture ligne d'insertion de cette nageoire, s’est écartée de la ligne 
médiane dorsale, de manière à faire avec elle un angle aigu à ou- 
verture postérieure. En même temps, le grand axe de la ventrale 
s'est déplacé de manière à faire avec cette même ligne un angle 
plus petit que le précédent et à ouverture antérieure. 

Il résulte de ces faits qu’à ce stade les axes des deux nageoires 
paires font entre eux un angle obtus à ouverture interne d’environ 
140 degrés. 

Nous verrons, en étudiant les stades ultérieurs, quels change- 
ments subissent les trois angles dont il vient d’être question et com- 
ment s’acquièrent les rapports de position qu'on observe dans les 


nageoires paires de l’adulte. 


En résumé *, dans l'embryon à 35 segments primordiaux, la partie 
mésodermique de la pectorale consiste en une colline dont la ligne 
de faîte décrit une longue courbe à concavité externe. 

L’ectoderme qui recouvre cette colline somatopleurale est épaissi ; 
il se renfle en un bourrelet demi-cylindrique suivant la ligne de 
faîte dont je viens de parler. 

Les quatre bourgeons musculaires de la pectorale sont toujours 
visibles sur les coupes transversales de cette nageoire. Ils ne diffè- 
rent pas sensiblement de ce qu'ils étaient au stade précédent. 

La ventrale est un peu plus épaisse et, par suite, beaucoup mieux 
circonscrite que précédemment. 


1 Figures 5, 10, 12, 34, 34 bis, ct dans le texte, fig. 2, p. 366. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 371 


L’angle inféro-externe des myotomes appartenant aux sixième, 
septième, huitième et neuvième segments primordiaux se prolonge 
en quatre longues bandelettes mésodermiques (parties ventrales des 
segments) probablement destinées à fournir chacune un bourgeon 
. musculaire à la ventrale. Les parties ventrales les plus antérieures 
apparaissent les premières. 

Dans la plupart des embryons, le quatrième bourgeon n’a pas 
encore atteint l’ébauche de la ventrale, mais les trois premiers l’ont 
déjà rejoint, et leur extrémité distale s'enfonce comme un coin dans 
la masse somatopleurale de cette dernière. Aucun bourgeon ne 
s’est séparé des parties ventrales issues des segments postérieurs 
au cinquième. 

La future base d'insertion de la pectorale sur le corps et l’axe 
longitudinal de la ventrale se sont déplacés de manière à faire entre 


eux un angle obtus d’environ 140 degrés à ouverture interne. 


Stade VI. — Les segments primordiaux sont au nombre de 37 
à 38. Le pigment noir est apparu sur le dos de l'embryon sous la 
forme de petits chromatophores encore peu nombreux, distribués, 
sur la région somatique de l'animal, depuis la partie postérieure de 
ses vésicules auditives jusqu’à la hauteur de ses ventrales. 

Le pigment choroïdien est très développé et donne à l'œil une 
teinte noire très prononcée ; cependant, la partie centrale du globe 
oculaire conserve encore une certaine transparence. 

La pectorale de l'embryon qui nous occupe (fig. 6) a subi un 
changement considérable, qui attire immédiatement l'attention dès 
qu’on la compare à celle de l’animal précédemment décrit. Sur les 
individus entiers vus du côté dorsal, la face externe de la nageoire 
est seule visible : c'est une aire opaque, affectant à peu près la forme 
d’un demi-cercle et beaucoup plus étendue en surface que la partie 
correspondante de l'embryon du stade V (fig. 5). 

Le diamètre limitant ce demi-cercle n’est autre chose que la fu- 


ture base d'insertion de la nageoire. Nous avons vu, au stade précé- 


372 FRÉDÉRIC GUITEL. 


dent, la ligne idéale représentant cette base, faire avec la ligne mé- 
diane dorsale de l'embryon, un angle aigu à ouverture postérieure. 
Cet angle, qui était alors d'environ %5 degrés, atteint maintenant 
39 à 40 degrés. 

L'aire opaque que forme la face externe de la pectorale, est limitée, 
sur son Contour courbe, par une marge transparente qui semble plus 
large en arrière qu'en avant et qui est formée par le bourrelet ecto- 
dermique du stade précédent, devenu ici un véritable pli. Nous 
étudierons la structure de ce pli un peu plus loin. La différence de 
largeur que l’on constate dans les deux régions de la marge ecto- 
dermique tient à ce quele pli qui lui donne naissance est vu à plat 
dans sa partie postérieure, tandis qu'il se présente presque par la 
tranche antérieurement. 

En dedans de la marge ectodermique, on aperçoit, surtout dans 
la région postérieure de la nageoïre qui, en raison de son orienta- 
tion, se prête mieux que l’antérieure à cette observation, une bande 
étroite, réfringente, limitée par un double contour : c’est le bord 
distal du cartilage de la nageoire qui vient de faire son apparition. 
Il est représenté par un simple trait (c) sur la figure 6; nous le re- 
trouverons sur les coupes transversales. 

La figure 6 pourrait donner à penser que la marge transparente 
constituée par le pli ectodermique ne s’arrête pas à l'extrémité anté- 
rieure de la nageoïire, mais se recourbe en arrière sur une longueur 
considérable, prolongeant ainsi le futur limbe de la pectorale en 
arrière et diminuant d'autant la base d'insertion de cette nageoire 
sur le corps. Cette apparence n’est qu'une illusiou de même nature 
que celle que nous avons rencontrée en faisant l’histoire du stade V 
(voir p. 366). 

Antérieurement, la face externe du rudiment somatopleural de 
la pectorale résulte de l'intersection de trois talus inclinés de haut 
en bas et de dedans en dehors. Le talus supérieur (fig. 42, és) est 
très rapide, le moyen ({m) encore plus rapide et, en certains points 


même, presque vertical, l’inférieur {#) très faible surtout dans sa 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 313 


partie inférieure, qui se raccorde insensiblement avec la surface du 
vitellus, 

Plus on s’avance vers l'extrémité postérieure de la nageoïire, plus 
on voit diminuer la pente du talus moyen. Tout à fait en arrière, ce 
talus a à peu près disparu et le supérieur se prolonge jusqu’à l'infé- 
rieur par une pente à peu près uniforme. 

La pente extrêmement rapide du talus moyen fait que, partout où 
il existe, l’ectoderme qui le recouvre se trouve vu par la tranche 
quand on regarde l'embryon par la face dorsale; c’est ainsi que 
s'explique le double contour ectodermique qu'on remarque à la 
partie antérieure et externe de la pectorale et qui semble dû à la 
réflexion en arrière du futur bord libre de la nageoire. 

Si l’on compare la pectorale de l'embryon à 36 segments primor- 
diaux (stade V) à celle de l'embryon qui nous occupe, on voit que 
la longueur relative de son talus moyen a beaucoup diminué et 
s'étend maintenant beaucoup moins loin en arrière que précédem- 
ment. Nous verrons ce caractère s’accentuer encore dans les stades 
ultérieurs. 

Les coupes transversales permettent seules d'étudier, comme nous 
venons de le faire, la forme de la face externe de la pectorale ; elles 
révèlent, en outre, l'existence de certaines particularités qui doivent 
maintenant attirer notre attention. 

Nous avons vu qu'aux stades IV et V la face interne du rudiment 
somatopleural de la pectorale était régulièrement convexe (fig. 32). 
Il n’en est plus de même actuellement et sa forme rappelle celle 
d’une selle à concavité peu marquée, parfois presque nulle (fig. 42); 
les coupes transversales de la pectorale sont donc maintenant com- 
plètement asymétriques. 

Le bourrelet ectodermique, qui suit la crête de la pectorale, a 
franchement pris la forme d’un pli très saillant aplati latéralement. 
Il a conservé la même épaisseur et la même structure qu’aupara- 
vant (fig. 42). 

… Le cartilage de la pectorale a fait son apparition. Pour l’étudier, 


374 FRÉDÉRIC GUITEL. 


l’'ébauche de la nageoire a été débitée en coupes perpendiculaires à 
la trace de son insertion sur le corps. Ces coupes montrent que le 
rudiment cartilagineux apparaît sous la forme d’une plaque épaisse 
indivise, occupant à peu près la région moyenne de la nageoire 
(re, fig. 42). 


La limite précise entre l’ébauche cartilagineuse et le tissu em- 


\ bryonnaire au milieu duquel elle s’est dif- 

\ 

\\ férenciée, est encore impossible à tracer ; 
\\ti cependant, les deux tissus se comportent 


| déjà de manières différentes sous l’action 
des réactifs fixateurs, car, par suite de con- 

tn tractions survenues dans la masse méso- 
dermique, il s’est formé de chaque côté du 


CHE rudiment cartilagineux une fente qui l’isole 


ÎS du tissu embryonnaire environnant (fig. 42). 
Ps Un peu plus tard, le bord proximal de 
ere | la plaque cartilagineuse commence à se 
renfler en une tige cylindrique qui repré- 


Fig. 3. — Coupe (perpendi- sente la première ébauche de la ceinture 
culaire à sa future base 


d'insertion) dela pectorale SCapulaire cartilagineuse. La partie distale, 
d’un Cyclopterus lumpus 
au stade VI (x 205). 


Gr. rudiment de la ceïnture sa L ébauche ducartilase/deer 7eme ReEerE 
pulaire cartilagineuse ; pb,ru- . : 5 
diment de la plaque basale à-dire de la nageoiïire pectorale proprement 
cartilagineuse ; {i, tm, ts, talus 9 . 
inférieur, moyeu et supérieur ] ®. n texte : St 
de la face externe de la pecto- dite (Hg 5 CORPS D e HQE 
rale. 


encore peu développée, représente alors 


cette partie qui donnera naissance aux 
pièces basales ; je la désignerai toujours maintenant sous le nom 
de plaque basale. 

Le bord distal convexe du cartilage, quoique très mal défini, est 
déjà visible sur les préparations entières (fig. 6, c). 

Il m'a été impossible de retrouver les bourgeons musculaires dont 
nous avions encore constaté la présence au stade précédent. 

L'ébauche de la ventrale a très peu progressé depuis le dernier 


Stade ; sa longueur et son épaisseur sont seulement un peu plus 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 375 


considérables qu'auparavant. Dans certains individus on soupçonne 
déjà le bourrelet ectodermique qui ne tardera pas à occuper l’axe 
longitudinal du rudiment de la nageoire. Cet axe a d’ailleurs légè- 
rement changé d'orientation. Les angles qu'il fait d’une part avec la 
base d'insertion de la pectorale et, d'autre part, avec la ligne mé- 
diane dorsale de l’embryon ont légèrement diminué ; nous revien- 
drons plus loin sur ces changements de position. 

La plaque mésodermique qui réunit l’ébauche de la ventrale à 
celle de la pectorale n’a subi aucune modification depuis le stade 
précédent. 

Les parties ventrales des segments primordiaux 6 à 10 présentent 
maintenant les particularités suivantes : 

La première (6° segment) est encore plus étroite qu'elle ne l'était 
précédemment, surtout dans sa partie moyenne ; elle aboutit tou- 
jours à l’épaississement mésodermique réunissant les deux na- 
geoires (fig. 6, pv,). 

Les trois suivantes (7°, 8° et 9° segment) se sont élargies et celle 
du neuvième segment (pv,) atteint maintenant l’'ébauche de la ven- 
trale. Il résulte de là que les deux intervalles compris entre ces trois 
bandelettes segmentaires, d’ovales qu'ils étaient sont devenus longs 
et étroits. L’intervalle compris entre les parties ventrales des sixième 
et septième segments a diminué, mais il reste encore plus large que 
les deux suivants. 

Dans l'embryon au stade V, les parties ventrales 6, 7, 8 et 9 
(Hg. 5, pu, à po.) étaient dirigées de dedans en dehors et d'avant 
en arrière; maintenant, les deux premières sont orientées presque 
perpendiculairement à l’axe de l'embryon et les deux autres dirigées 
d’arrière en avant (fig. 6). Ces changements d'orientation reconnais- 
sent pour cause l’ouverture progressive de l’angle que fait la base 
de la pectorale avec l'axe de l'embryon, car la ventrale est intime- 
ment liée à la pectorale et la suit constamment dans son mouvement. 

Indépendamment de ce changement dans l’orientation générale 


des parties ventrales appartenant aux segments 7,8 et 9, on constate 


376 FRÉDERIC GUITEL, 


une convergence manifeste de ces parties vers l’ébauche de la nageoire 
ventrale. 

La partie ventrale du dixième segment primordial (pv,,) s’est 
allongée ; elle est actuellement dans l’état où était celle du neuvième 
segment pendant le stade V, et son extrémité distale est encore 
très éloignée de l'extrémité postérieure de l’ébauche de la ventrale. 

Les vues d'ensemble ne peuvent en aucune manière nous éclairer 
sur la façon dont se comportent les parties ventrales dans le sens 
vertical", aux points où elles abordent l’ébauche de la nageoire 
postérieure ; mais les coupes transversales donnent à cet égard des 
renseignements précis. Voici ce qu'elles nous apprennent (fig. 43). 

L'ectoderme (ec) ne présente rien de particulier. Le rudiment 
somatopleural (ev) consiste en une lame d'épaisseur maximum en 
son milieu, tranchante sur ses bords et limitée en dessus et en 
dessous par une surface convexe à très faible courbure. 

Au stade précédent, nous avions vu les parties ventrales pénétrer 
dans la substance du rudiment somatopleural, en commençant à le 
séparer en deux feuillets d'épaisseur très inégale, l’inférieur étant 
de beaucoup le plus mince (fig. 34). 

Actuellement, ce dernier a complètement disparu et l'extrémité 
distale de la partie ventrale (pv) est passée sous le rudiment somato- 
pleural (ev), dont elle a fortement soulevé le bord interne. En outre, 
la partie ventrale s’est fortement renflée à son extrémité libre, de 
manière à prendre la forme qui a été représentée figure 43. La pente 
externe de sa face supérieure, dirigée de dedans en dehors et de haut 
en bas, est accolée à la face inférieure du rudiment de la ventrale. 

Nulle part, je n'ai pu observer un bourgeon musculaire franche- 
ment séparé de sa partie ventrale. 

Pour terminer cette description, j'ajouterai quelques lignes ayant 
trait aux changements survenus dans l'orientation des nageoires et 
dans leurs positions respectives. 


1 L'embryon est toujours supposé placé la tête en avant et la face ventrale en bas. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 377 


Sinous mesurons l’angle que forme la future base d'insertion de 
la pectorale avec la ligne médiane dorsale de l'embryon, nous con- 
statons qu'il a augmenté d'environ 10 à 15 degrés. 

D'autre part, il est facile de se rendre compte que l’angle compris 
entre le grand axe de la ventrale et la future base d'insertion de la 
pectorale a diminué d'environ 5 degrés. 

Le premier de ces angles, parti de zéro, est desliné à devenir obtus; 
le second, au début très voisin de 180 degrés, deviendra aigu. 

Quant à l’angle compris entre le grand axe de la ventrale et la 
ligne médiane dorsale de l'embryon, sa valeur est entièrement su- 
bordonnée à celle des deux précédents, car la somme de ces trois 
angles doit rester constamment égale à 180 degrés. Parti de zéro, 
cet angle passe bientôt par un maximum peu différent de 20 degrés ; 
puis il tend vers sa valeur primitive 0, qu’il n’atteint généralement 
que lorsque le premier devient lui-même égal à 90 degrés. 

Les variations des deux premiers angles s’accomplissent de telle 


sorte que l'ouverture du troisième ne peut jamais être qu'antérieure, 


En résumé', dans l'embryon ayant 37 à 38 segments primor- 
diaux, la colline formant l’ébauche de la pectorale présente une face 
externe dont la pente générale, abstraction faite de tout accident, 
est beaucoup moins rapide que celle de la face interne, qui est 
presque taillée à pic. Toutes les dimensions de la pectorale ont aug- 
menté dans des proportions considérables. 

Le bourrelet ectodermique du stade précédent est devenu un pli 
saillant, aplati latéralement. 

Le squelette du membre antérieur est apparu sous la forme d’une 
épaisse lame cartilagineuse, dont le bord proximal, renflé en forme 
de baguette, représente l’ébauche de la ceinture scapulaire cartila- 
gineuse ; tandis que sa partie distale correspond au futur squelette 
de la nageoïre pectorale proprement dite. 


La partie ventrale du neuvième segment a atteint l’'ébauche de la 


1 Figures 6, 42, 43, et dans le texte, fig. 3, p. 374. 


3178 FRÉDÉRIC GUITEL. 


ventrale ; celle du dixième segment commence à s’allonger, mais 
elle en est encore très distante. 

Les parties ventrales des segments 7, 8 et 9 convergent vers 
l’'ébauche de la ventrale. 

Les extrémités distales des parties ventrales se sont renflées et 
passent maintenant sous le bord interne du rudiment de la ventrale, 
qu'elles soulèvent fortement. 

L’angle que fait la future base d'insertion de la pectorale avec la 
ligne médiane dorsale de l'embryon à augmenté ; celui qu’elle fait 
avec le grand axe de la ventrale a diminué. L’angle Compris entre 
l’axe longitudinal de la ventrale et la ligne médiane dorsale est en 
voie de décroissance. 


Stade VII. — Les segments primordiaux n’ont pu être comptés ; 
mais les caractères que présentent les membres sont suffisants pour 
fixer l’âge de l'embryon dont nous allons nous occuper et que repro- 
duit la figure 7. La figure 13, destinée à représenter des détails qui 
n'auraient pu trouver place sur la précédente, se rapporte à un em- 
bryon un peu moins avancé que celui de la figure 7. | 

La pectorale a subi les modifications suivantes : 

La marge que forme le pli ectodermique s’est élargie ; son extré- 
mité antérieure paraît toujours recourbée en arrière, mais sur une 
longueur beaucoup moindre qu'auparavant (fig. 7). D’après ce que 
nous avons vu au cours de la description des deux stades précédents 
(p. 366 et 372), la cause de ce changement réside dans ce fait que 
le talus moyen (fig. 44, ém) de la face externe de la nageoire nest 
plus taillé rapidement que dans sa partie tout à fait antérieure. 

Le changement de pente du talus moyen a encore eu d'autres con- 
séquences. Ainsi, la face externe de la nageoïre est maintenant beau- 
coup plus plane qu'auparavant; en outre, sa pente générale s'est 
adoucie à tel point, qu’elle est devenue presque tangente au vitellus. 
Enfin, l'épaisseur de la nageoire a beaucoup diminué et, en même 


temps, ses deux autres dimensions ont augmenté. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 379 


L'examen des coupes transversales fait très bien comprendre 
toutes ces modifications. 

Un autre changement, qui persistera jusque chez l’adulte, s’est 
opéré dans la forme du bord libre de la nageoïire. Il consiste en ce 
que sa partie externe (inférieure chez l'adulte) s’est allongée de telle 
manière que, dans cette région, la base d’in- 
sertion du membre faitimaintenant avec son 
bord libre un angle aigu à sommet externe. 
Sa partie interne (supérieure chez ladulte) 
est au contraire restée large et arrondie 
(fig. 13). 

Le cartilage pectoral (ce, fig. 7 et 13) a aug- 
menté dans les mêmes proportions que la 
nageoire. Il est limité, du côté distal, par 
une étroite marge plus opaque qui, dans la 
partie arrondie du membre, se maintient à 


peu près à égale distance de son bord libre, 


mais qui, dans sa partie angulaire, se rap- 


proche progressivement de ce bord pour  Fig.4. — Coupelperpen- 
diculaire à sa future 


arriver à son contact, au point où ce dernier rene) do de 


cesse d'exister. Les coupes nous montrent pectorale d'un Cyclop- 
: PL EU AOL terus lumpus au stade 
que ce cartilage à un peu diminué d'épaisseur VII (X 203). 


depuis le dernier stade (fig. 44). En même ec, ébauche de la clavicule ; 


er, rudiment de la ceinture 


; A scapulaire cartilagineuse ; 
temps, le contour de ses faces latérales est É 0 ÉMA 


basale cartilagineuse. 


devenu plus net, au moins dans sa région 
centrale. Le cordon (er, fig. 13, pl. VIL fig. 4, p. 379) représentant 
la future ceinture scapulaire cartilagineuse est mieux limité qu’au- 
paravant. Quant à la partie distale du cartilage (plaque basale) des- 
tinée à former le squelette de la nageoire pectorale proprement 
dite, elle est d'autant plus mince qu’on la considère plus loin de la 
ceinture scapulaire (pb, fig. 4, p. 379). 

En avant de ce cordon, on distingue une étroite bandelette opaque 


(ec) qui en est séparée par un espace angulaire de 40 à 50 degrés à 


380 FRÉDÉRIC GUITEL, 


ouverture externe; c’est la première ébauche de la pièce la plus im- 
portante de la ceinture scapulaire fibreuse : la clavicule, 

Cette ébauche se détache de l’extrémité interne du bord antérieur 
de la pectorale avec laquelle elle est en continuité de substance et de 
là se dirige en dehors et en avant, en s’éloignant de plus en plus de 
la future ceinture scapulaire cartilagineuse. Les coupes perpendicu- 
laires à cette dernière montrent que la clavicule existe déjà à ce stade 
à l’état fibreux, sous la forme d’une baguette aplatie, transparente, 
réfringente, extrêmement ténue, engainée dans un épais fourreau 
de cellules d’origine mésodermique, immédiatement sous-jacent à 
l’épiderme (ec, fig. 4, p. 379). Il me paraît certain que la baguette 
claviculaire est secrétée par la gaine cellulaire mésodermique qui 
l’entoure. 

J'aurais beaucoup désiré étudier minutieusement l'histogénèse de 
l’ébauche des parties fibreuses de la ceinture scapulaire ; malheureu- 
sement, le mode de fixation que j'avais employé ne m'a pas permis 
d'obtenir les préparations irréprochables indispensables pour mener 
à bien une pareille recherche. 

Divers changements sont survenus dans l’ébauche de la ventrale. 
Elle s’est courbée dans le plan tangent au vitellus, de manière à 
prendre une légère concavité externe (fig. 13) et, de plus, sa posi- 
tion par rapport à la pectorale est devenue telle, que la partie qui 
la relie à cette dernière est maintenant dirigée d’arrière en avant et 
de dehors en dedans. En outre, son revêtement ectodermique s’est 
renflé en un court bourrelet (ée) qui occupe sa ligne de faîte et qui 
participe déjà à la courbure à laquelle je viens de faire allusion. 

Les parties ventrales des segments 6 à 40 doivent nous arrêter un 
instant. 

La figure 7 permet de considérer ces cinq parties dans leur 
ensemble. Ce qui frappe maintenant, c’est la longueur considé- 
. rable de ces sortes de rubans mésodermiques, qui présentent tous 
une courbure prononcée à concavité antérieure. 


La première partie ventrale (6° segment), la plus étroite de toutes, 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 381 


se rend, ainsi que la seconde, à la bande de tissu embryonnaire 
réunissant l'ébauche de la ventrale à celle de la pectorale (pv, et 
pv,). Les deux suivantes abordent franchement le rudiment de la ven- 
trale par son côté interne. Quant à la dernière (10° segment), elle 
s'arrêlait à une distance assez considérable de la ventrale (pv.,); 
mais ce fait ne paraît pas constant et, chez d’autres individus, je l’ai 
trouvée atleignant le futur membre; jamais, cependant, d’une ma- 
nière aussi franche que les précédentes. La convergence des parties 
ventrales des segments 7, 8 et 9 vers l’ébauche de la ventrale est 
aussi nette qu'au stade précédent (fig. 7). 

Dans l'embryon qui a servi à dessiner la figure 13, la partie ven- 
trale du sixième segment était en majeure partie invisible et celle 
du dixième {pv,,) n’atteignait pas la ventrale. Cette figure permet de 
constater facilement que les parties ventrales des sixième et sep- 
tième segments se rendent au prolongement mésodermique de la 
ventrale qui la réunit à la pectorale. Ce caractère est d’ailleurs 
beaucoup plus net dans les embryons un peu âgés que dans les plus 
jeunes. On peut comparer, à ce point de vue, les figures 5 et 7 de la 
planche VI. 

Les parties dorsales et intermédiaires des segments primordiaux 
sont complètement transformées en muscles; en outre, les parties 
ventrales commencent a subir la même transformation. Ce dernier point 
ne peut être constaté que sous un fort grossissement el passerait 
tout à fait inaperçu sans un examen très attentif des préparations ; 
il est cependant hors de doute. La présence des fibres musculaires 
n’a d’ailleurs pu être constatée que dans les parties ventrales des 
septième et huitième segments, ainsi que dans la région distale de 
celle du sixième (fig. 13). Les parties ventrales du neuvième et du 
dixième segment ne présentaient aucune trace d'une pareille trans- 
formation, circonstance qui trouve son explication dans ce fait que 
les parties ventrales elles-mêmes ne se développent que l’une après 
l’autre et d'avant en arrière. 

Le fail bien démontré de la transformation des parties ventrales 


382 FRÉDÉRIC GUITEL. 


des segments en muscles présente une grande importance. Rappro- 
ché de la constitution de la paroi abdominale de l’adulte, il dé- 
montre que les muscles de cette paroi ne sont autre chose que les 
parties ventrales des segments de l'embryon passées à l’état de ban- 
delettes musculaires reliées entre elles par d’étroits tendons. 

Pour mettre en évidence cette origine des muscles de la paroi 
ventrale de l’adulte, il est nécessaire de donner quelques détails sur 
leur disposition anatomique. 

Quand on a enlevé avec précaution la peau ou, pour mieux dire, 
le cuir épais qui revêt la paroi abdominale d'un Cycloptère adulte, 
on voit qu'elle est constituée par un grand nombre de larges rubans 
musculaires réunis par d’étroits rubans tendineux. 

Le premier de ces rubans (fig. 8, p. 424), oblique d'’arrière en 
avant et de haut en bas, est divisé en deux portions par la post-cla- 
vicule : la première (pv,) s’insère par son bord antérieur sur la cla- 
vicule (k) et sur la post-clavicule (cd), la seconde (pv',) s'attache sur 
la post-clavicule par son extrémité postérieure et sur la clavicule 
par son extrémité antérieure. 

Le deuxième ruban musculaire est également interrompu par la 
post-clavicule ; sa partie supérieure (pv,) se fixe à cet os par son 
extrémité inférieure et sa partie inférieure (pv',) s’y attache par son 
extrémité supérieure. 

Le troisième ruban (pv,) ne s’insère sur aucun os; il est simple- 
ment relié à celui qui le précède et à celui qui le suit par d'étroits 
rubans tendineux. Son extrémité distale arrive au niveau du milieu 
de la longueur de la ventrale. 

Enfin, le quatrième ruban (pv,) se recourbe fortement en crochet 
à son extrémité libre et le sommet de la convexité de ce crochet se 
fixe à l’extrémité postérieure de l'os de la ventrale. 

Les autres rubans ne contractent aucun rapport avec le squelette 
des membres. 

On trouvera au chapitre VI l’exposé des comparaisons qui permet- 
tent d'établir que la musculature de la paroi abdominale résulte de 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS, 383 


la transformation des parties ventrales des segments de l'embryon 
en minces rubans musculaires. 

On se souvient qu'au stade précédent, les extrémités distales des 
parties ventrales soulevaient fortement le rudiment somatopleural 
de la ventrale, de manière à s'introduire au-dessous de lui (fig. 43). 
A ce moment, les deux masses mésodermiques d'origines différentes 
étaient encore distinctes et leur limite commune bien visible. Actuel- 
lement, il n’en est plus de même etil m'a été impossible de retrouver 
trace de la ligne séparative si nette au stade précédent (fig. 45, ev). 

En outre, à aucune époque du développement des parties ven- 
trales, je n’ai pu voir leurs extrémités distales se détacher pour 
constituer les bourgeons musculaires de la ventrale. 

En coupe transversale, l’ébauche de la nageoire abdominale 
affecte la forme d’un triangle isocèle très surbaissé (fig. 45), relié à 
la partie somatique de l'embryon par une mince lame de tissu 
lorsque la coupe passe par l’une des parties ventrales en rapport 
avec le rudiment du membre. 

L’ectoderme forme un bourrelet (be) occupant la crête de la na- 
geoire. Il est constitué comme celui de la pectorale, maïs encore 
très peu saillant. 

Les angles de position des ébauches des deux nageoires ont con- 
tinué à varier dans le même sens que précédemment. 

On aperçoit sur la figure 143 un canal longitudinal à parois très 
épaisses, à lumière étroite, sous-jacent aux segments du corps et 
situé exactement sur la limite commune des parties intermédiaires 
et des parties ventrales des segments(es). C’est le canal segmen- 
taire. Son extrémité antérieure, située dans le cinquième segment, 
est contournée en S et se termine par le néphrostome (n); quant à 
son extrémité postérieure, elle débouche dans le cloaque (c/) en 
même temps que le rectum (7). 


En résumé *, dans l'embryon parvenu au stade VII, la pectorale à 


1 Figures 7, 13, 44, 45, et dans le texte, fig. 4, D. 379. 


384 FRÉDÉRIC GUITEL. 


diminué d'épaisseur mais elle s’est élargie; son contour général a 
pris la forme d'un ovale dont une moitié, l’interne, est très large, 
tandis que l’externe est très étroite. La pente du talus moyen a 
beaucoup diminué et la nageoïire tout entière tend à devenir tan- 
gente au vitellus. Le cartilage est devenu à la fois plus large et plus 
mince; ses parois commencent à acquérir des contours bien limités 
et la plaque basale (squelette de l’extrémité) s’amincit dans le sens 
proximo-distal. 

L'ébauche de la clavicule est apparue, sous la forme d’une ba- 
guette réfringente extrêmement ténue, entourée d'une gaine cellu- 
laire et faisant un angle aigu à ouverture externe avec l’ébauche de 
la ceinture scapulaire cartilagineuse. 

La ventrale possède maintenant un léger bourrelet ectodermique, 
déjà concave du côté externe. 

Les parties ventrales des segments se sont considérablement allon- 
gées ; les deux premières (6° et 7° segment) aboutissent au prolon- 
gement antérieur de l’ébauche de la ventrale, les deux suivantes à 
cette ébauche elle-même. Des fibres musculaires longitudinales 
sont apparues dans les trois premières. 

Ce fait, rapproché de la constitution de la musculature abdomi- 
hale de l'adulte, montre que les parties ventrales des segments sont 
destinées à donner naissance à cetie musculature. 

La coupe transversale de l’ébauche de la ventrale est un triangle 
isocèle très surbaissé, dans lequel il a été impossible d'établir une 
distinction entre le tissu somatopleural et celui des parties ven- 
irales. Même résultat négatif en ce qui concerne l'existence de 
bourgeons musculaires libres d’adhérence avec les parties ventrales. 

L'extrémité antérieure du canal segmentaire, terminée par le 
néphrostome, est contournée en $ et située dans le cinquième seg- 
ment primordial. 


Stade VIII. — La figure 8 représente un embryon arrivé au 
stade VIII. Comme pour le précédent, ses segments n'ont pu être 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 385 


comptés et il en sera de même dorénavant pour tous les suivants. 
Les figures 14 et 15 sont destinées à montrer l’ensemble de la pec- 
torale et de la ventrale isolées de l’embryon, mais ayant conservé 
leurs rapports de position réciproques. La première de ces figures, 
qui représente un état de développement un peu moins avancé 
que la seconde, servira de base à la description qui va suivre. 

Le contour de la pectorale (p) n’a, pour ainsi dire, pas changé de 
forme ; mais ses dimensions se sont notablement accrues. 

Le cartilage a suivi l’accroissement de la pectorale. Ses faces sont 
maintenant très nettement délimitées, sauf dans la région de son 
bord distal où il passe insensiblement au tissu embryonnaire envi- 
ronnant. 

Il y a continuité parfaite entre la partie destinée à former la cein- 
ture scapulaire et celle qui doit constituer le squelette de l’extré- 
mité (plaque basale). Cette disposition n’a d’ailleurs pas varié depuis 
le moment où est apparu le renflement scapulaire du cartilage. 

La clavicule (ec) est beaucoup plus longue et plus opaque qu’au 
stade précédent; l’angle qu'elle fait avec la baguette cartilagineuse de 
la ceinture scapulaire {cr) a beaucoup diminué, car il n’est plus que 
de 15 à 20 degrés. Sur les coupes, on constate facilement que la 
baguette réfringente a une section plus grande qu'auparavant; ilen 
est de même pour la gaine qui l'entoure. Malgré l'augmentation de 
diamètre de la tige réfringente, elle n’est pas encore visible sur les 
préparations à plat. 

La nageoiïire ventrale (v) a subi un important changement. Le 
bourrelet ectodermique (4e), qui forme sa crête, s’est allongé tout 
en conservant la courbure à convexité interne qu'il avait déjà lors 
de son apparition. En outre, la saillie de ce bourrelet a augmenté 
et, au lieu de rester dressé à la surface de l’ébauche de la nageoire, 
il commence à se pencher légèrement en dedans. En même temps 
qu'avait lieu ce changement, la face interne de l’ébauche de la ven- 
trale s’est légèrement creusée de manière à formerune gouttière qui 
n’est autre chose que la première indication de l’aisselle delaventrale. 

ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. = T. 1V. 1896, 


25 


386 FRÉDÉRIC GUITEL. 


_L'angle, que forment entre elles les deux nageoires, est occupé par 
le muscle de la paroi abdominale dont les fibres sont beaucoup mieux 
visibles qu’au stade précédent (ma). Ces fibres, qui ont été trop for- 
tement indiquées sur la figure 14, forment maintenant un faisceau 
courbe à convexité postéro-externe, dans lequel il m'a été impos- 
sible de retrouver les limites des bandelettes mésodermiques (par- 
ties ventrales des segments) qui lui ont donné naissance. 

L’extrémité antérieure de la ventrale estreliée à l'extrémité externe 
de la pectorale par une lamelle mésodermique dirigée obliquement 
d’arrière en avant et de dehors en dedans (6). Une grande partie de 
celle-ci est transformée en un faisceau de fibres musculaires qui 
forme l’extrémité antérieure du muscle de la paroi abdominale. 

L'orientation des nageoires paires a continué à varier dans le 
même sens que précédemment. 

L’angle que fait la future base d'insertion de la pectorale avec le 
grand axe de la ventrale a atteint 90 degrés. En même temps, l'angle 
que fait la ligne médiane dorsale de l’embryon avec la future base 
d'insertion de la pectorale a augmenté, tandis que celui qu’elle fait 
avec le grand axe de la ventrale a diminué. Il résulte de là que le 
premier de ces angles est très rapproché de 90 degrés, tandis que le 
second se trouve maintenant peu différent de zéro. 

Pendant la première partie du développement de la pectorale, 
celle de ses extrémités qui est destinée à devenir inférieure s'éloigne 
constamment de la ligne médiane dorsale de l’embryon. La ven- 
 trale se comporte comme si elle était invariablement liée à l'extré- 
mité de la pectorale et par suite s’écarte constamment du corps de 
l'embryon en suivant cette nageoire, malgré les changements de 
dimensions et d'orientation dont elle est continuellement affectée. 

Il résulte de ces faits que la ventrale, née à une très petite distance 
du plan de symétrie de l'embryon, s’en éloigne progressivement jus- 
qu’à ce qu'elle ait atteint le grand cercle de la sphère vitelline, qui 
se trouve être horizontal lorsque l'embryon est supposé placé la 


face ventrale en bas. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 387 


Dans cette position des ventrales, qui est à peu près réalisée au 
stade que nous décrivons !, ces nageoires sont à leur maximum d’éloi- 
gnement du plan de symétrie de l'embryon. Par la suite, au lieu de 
continuer à s’écarter l’une de l’autre en s’éloignant du plan de 
symétrie de l’animal, comme elles l’ont fait jusqu'ici, elles conver- 
gent l’une vers l’autre en se rapprochant de ce plan, jusqu’à ce 
qu'elles se rejoignent 4 
sur la ligne médiane 
ventrale de l'embryon, 
en même temps que les 
extrémités inférieures 
des deux clavicules. 

Pour terminer la des- 
cription du stade VIII, 
il ne me reste qu'un 
mot à dire de l’état des 


nageoires paires que re- Fig. 5. — Coupe transversale d’un embryon 
de Cyclopierus lumpus au stade IX (X 60). 


présente la figure 15. 
m, moelle épinière ; e, corde dorsale; c’, canal segmentaire ; 

Les dimensions de la i, intestin ; v, ventrale coupée transversalement suivant sa 
section la plus grande. Elle est arrivée à son maximum d’éloi- 


pectorale (p) se sont gnement du plan de symétrie de l'embryon. 


encore accrues, et l'angle que faisait son bord antérieur avec le 
rudiment claviculaire (ec) a diminué. Le bourrelet ectodermique 
de la venirale (4e) s’est allongé. Enfin, le muscle de la paroi abdo- 
minale (ma) est beaucoup plus net que précédemment et la peau 
qui le recouvre présente maintenant quelques chromatophores noirs. 


En résumé?, à la fin du stade VIII, les parois latérales du carti- 
lage de la pectorale sont nettement limitées et distinctes du tissu 
environnant. | 

L'ébauche de la clavicule a augmenté de volume et l’angle qu’elle 

1 Ce n’est qu’au stade IX, comme le montre la figure 5, p. 387, que les ventrales 


atteignent le grand cercle horizontal de la sphère vitelline. 
? Figures 8, 14 et 45. 


388 FRÉDÉRIC GUITEL. 


fait avec celle de la ceinture cartilagineuse a beaucoup diminué. 
L’aisselle de la ventrale a pris naissance par suite de la déforma- 
tion de l’ébauche de cette nageoïire, dont la crête se trouve rejetée 
sur le côté interne. 
Les fibres du muscle de la paroi abdominale règnent maintenant 
sans interruption dans l'intervalle compris entre les deux nageoires 
paires, et l’angle que font celles-ci entre elles a atteint sa valeur 


maximum. 


Stade IX. — Toutes les dimensions des nageoires se sont considé- 
rablement accrues, comme on peut le voir en comparant la figure 15 
à la figure 16. 

Le lobule que formait la partie interne arrondie de la pectorale et 
qu’on voit dans les figures 13, 14 et 15 a complètement disparu. 

L’ébauche de la clavicule (ec, fig. 16), dont l’épaisseur a encore 
augmenté, s’est considérablement rapprochée du rudiment de la 
ceinture scapulaire cartilagineuse (cr), de sorte qu’elle ne fait plus, 
maintenant, qu'un très petit angle avec cette dernière. Son extré- 
mité externe ou symphysaire est fortement recourbée en avant. Cette 
particularité était déjà indiquée dans l'embryon le plus âgé du pré- 
cédent stade, comme on peut le voir sur la figure 15 (ec). 

Dans la concavité de l'extrémité de la clavicule vient s’insérer un 
muscle encore peu développé (sk), qui va, d'autre part, se fixer à 
l’'hyoïde : c’est le sterno-hyoïdien (de Guvier). Sur les préparations 
à plat, fixées et colorées, on ne peut encore distinguer la tige réfrin- 
gente de la clavicule. 

Les muscles moteurs des futurs rayons de la pectorale, appliqués 
contre le cartilage de cette nageoire, ont fait leur apparition. 

Les coupes perpendiculaires à la ceinture scapulaire cartlagi- 
neuse permettent de constater que le cartilage s’est accru sans chan- 
ger de forme (fig. 6, p. 389). 

Le rudiment réfringent de la clavicule (ec), toujours enveloppé 


d'une gaine cellulaire assez considérable pour le masquer complè- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 389 


tement sur les préparations à plat, présente maintenant une section 
ovale égale au tiers ou même à la moitié de celle de la baguette car- 
tilagineuse scapulaire (cr). À mesure qu’avance le développement, 
ces deux organes se rapprochent constamment. Ce fait est la consé- 
quence de la constante diminution de l’angle 
aigu qui les sépare. 

La nageoïre ventrale (fig. 46) a continué à 
subir la déformation commencée pendant 
les deux stades précédents. Actuellement, 
sa crête a été tellement rejetée sur le côté in- 
terne, que sa face externe est beaucoup plus 
étendue que l’interne. En outre, la première 
est légèrement convexe, tandis que la se- 
conde est conformée en une gouttière aussi 
profonde que large. 

Le pli ectodermique, devenu très saillant, 
a basculé de 90 degrés en dedans, en suivant 
la déformation de la nageoire (6e). De nor- Fig. 6. — Coupe (perpen- 

diculaire à sa future base 
mal qu'il était à la surface vitelline, il lui d'insertion) de la pecto- 
est devenu parallèle (fig. 46). Comme on peut HR FAP ARIRE 
le voir sur le dessin d’ensemble représenté  (* 139). 


: : : ec, ébauche de la clavicule ; 
figure 16, le pli ectodermique a son maximum er, rudiment de la ceinture 


scapulaire  cartilagineuse ; 


de puissance vers le milieu de la largeur de 6, rudiment de la plaque 


basale cartilagineuse. 


la nageoire. À partir de là, il décroît aussi 
bien en avant qu’en arrière, ce qui lui donne la forme d’un croissant 
à cornes très écartées. | 
Le cartilage (fig. 16, cv) a fait son apparition ; il est encore très 
difficile à apercevoir sur les nageoires entières soumises à l’action 
des réactifs; mais, sur le frais, il est facile de voir qu'il ne s’étend 
encore que dans la moitié antérieure de la nageoïre et que son extré- 
mité antérieure, très légèrement claviforme, la dépasse même un 
peu antérieurement. Sur les coupes transversales de la nageoire, on 


constate que le cartilage se trouve situé à la partie tout à fait pro- 


300 FRÉDÉRIC GUITEL. 


fonde de celle-ci, presque au contact du vitellus, dont il n’est séparé 
que par quelques assises de cellules ; sa section transversale est par- 
tout circulaire, sans limite précise le séparant du tissu embryon- 
naire au milieu duquel il commence à se différentier (fig. 46). 

L'orientation des nageoires paires n’a éprouvé aucun changement 
depuis le dernier stade. Par suite du grand accroissement qu'elles 
ont subi, leurs bords libres se sont considérablement rapprochés, 
comme permettent de le constater les figures 415 et 16. 

Le muscle de la paroï abdominale (ma) est de plus en plus déve- 
loppé ; il s’est allongé et l'extrémité antérieure de ses fibres atteint 


maintenant le bout symphysaire de la clavicule. 


En résumé”, pendant le stade IX, l’ébauche claviculaire à beau- 
coup augmenté de volume et s’est considérablement rapprochée de 
l’ébauche de la ceinture scapulaire. 

Les muscles moteurs des futurs rayons de la pectorale sont diffé- 
rentiés. 

Le cartilage de la nageoire ventrale est apparu; la gouttière desti- 
née à devenir l’aisselle de cette nageoire s’est considérablement 
accentuée el le pli ectodermique qui surmonte l’ébauche du futur 


membre est beaucoup plus saillant qu'il n’était. 


Stade À. — La description qui va suivre a été faite sur des pièces 
appartenant à des embryons d’âge un peu différent. Pour l'embryon 
le moins avancé, les nageoires ont été préalablement fixées et colo- 
rées par la méthode décrite précédemment (fig. 17 et 18), tandis que, 
pour le plus âgé, elles ont été examinées sur le frais (£g. 35). 

Pour plus de clarté, je commencerai par décrire les nageoires les 
plus jeunes et je complèterai par l'étude des plus âgées. 

La tige réfringente de la clavicule (fig. 17, ec) se distingue très 
bien maintenant sur les pièces fixées et colorées, au travers de 


la gaine cellulaire qui l’entoure, et son extrémité symphysaire est 


1 Figures 16, 46, et dans le texte, fig. 5, p. 387, et fig. 6, p. 389. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 391 


déjà élargie par la mince frange qui régnera bientôt dans toute sa 
longueur. 

Le cartilage du membre antérieur est à peu près invisible sur les 
préparations fixées et colorées par la méthode que j'ai adoptée (cr, 
fig. 17); mais sur le frais, nous pourrons étudier facilement les deux 
parties qui le constituent (p. 393). 

Dans l’épaisseur du limbe de la pectorale, on aperçoit des lan- 
guettes triangulaires d’origine mésodermique appuyées par leur base 
sur le contour libre du cartilage basal et formant une série ininter- 
rompue qui suit ce contour (fig. 17, r). Ces languettes, consti- 
tuées par des cellules dont les noyaux se colorent très bien par le 
carmin aluné, loin d’être terminées par des contours nets, diminuent 
peu à peu de densité de la base au sommet etse confondent insensi- 
blement avec un semis de noyaux répandu tout autour d’elles jusqu’à 
une petite distance du bord libre de la nageoire. En outre, sous un 
grossissement suffisamment fort, on distingue, dans toute l'étendue 
de la zone occupée par les languettes dont je viens de. parler (zone 
comprise entre le bord libre de la plaque basale et le pli ectoder- 
mique de la nageoire), un très grand nombre de filaments extrème- 
ment ténus, tous orientés dans le sens radial et encore à peine dis- 
tincts ; ce sont les formations auxquelles on a donné le nom de fibres 
cornées. 

Je n’ai pas élucidé la question de savoir quel rôle est dévolu, dans 
le développement du membre antérieur, aux languettes mésoder- 
miques triangulaires décrites plus haut; mais je crois pouvoir les 
considérer comme des amas de tissu embryonnaire destinés à don- 
ner naissance aux rayons de la nageoiïire. Les éléments qui les con- 
stituent seraient alors les cellules mères des fibres cornées. 

Ii est indiscutable qu’à chaque languette mésodermique corres- 
pond un faisceau de fibres cornées, et la suite du développement 
montre que ces faisceaux se condensent peu à peu pour donner nais- 
sance aux rayons compacts qu'on connait. 


Pour être exact, il faut dire que chaque languette mésodermique 


392 FRÉDÉRIC GUITEL. 


est double, c’est-à-dire composée de deux moitiés semblables dispo- 
sées symétriquement sur chacune des faces du limbe de la nageoire. 
Ces deux moitiés correspondent respectivement aux deux moitiés 
intimement accolées qui constituent chaque rayon de nageoire ar- 
rivé à son complet développement. 

La figure 18 représente, à un plus fort grossissement que la 
figure 17, une partie du limbe d’une pectorale arrivée au stade X. 
Deux languettes mésodermiques ont été dessinées avec les fibres 
cornées qui leur correspondent; mais le graveur a indiqué ces der- 
nières d'une manière beaucoup trop dure. 

La nageoïre ventrale (v) s'est beaucoup agrandie et l'extrémité an- 
térieure de son cartilage (cv), notablement dilatée, s’est recourbée 
vers la pectorale. 

Le muscle de la paroi ventrale (ma) a beaucoup augmenté d’épais- 
seur depuis le dernier stade et le sterno-hyoïdien (sk) est beaucoup 
plus net que précédemment. 

Un nouveau muscle (m) s’est développé, probablement aux dépens 
de la partie la plus antérieure du muscle abdominal ; il s’insère 
d’une part à l’extrémilé antérieure du cartilage de la ventrale et 
d’autre part au bord postérieur de l’extrémité symphysaire de la cla- 
vicule. 

La diminution de l'intervalle qui sépare les deux nageoires paires 
s’est encore accentuée. Ce fait est dû à ce que leur accroissement 
propre est plus considérable que celui des parties qui les réu- 
nissent. 

La position des pectorales, par rapport aux parties qui les envi- 
ronnent, a subi un changement qui s’accentuera encore par la suite. 
Leur base d'insertion qui, après avoir longtemps fait un angle aigu 
avec la ligne médiane dorsale de l'embryon, était arrivée à lui être 
perpendiculaire, en est séparée maintenant par un angle obtus. En 
ouire, à mesure que le vitellus se résorbe, l'angle que fait la clavi- 
cule avec le plan de symétrie de l'embryon diminue graduellement, 


et cette diminution continuera jusqu'à ce que les extrémités symphy- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 393 


saires de ces deux pièces arrivent au contact dans la région Jugulaire 
de l'embryon. 

L'examen des nageoires paires à l’état frais va nous permettre de 
compléter leur étude par la description de leur squelette cartila- 
gineux. 

La ceinture scapulaire cartilagineuse consiste en une tige presque 
droite longeant, dans la majeure partie de son étendue, le bord dis- 
tal de la clavicule (fig. 35, cr). Son extrémité interne ou coracoi- 
dienne (cd) est fortement dilatée et les coupes montrent que cette 
dilatation n’est pas claviforme, mais aplatie en un disque de même 
épaisseur que la tige scapulaire (er) et situé dans le plan de la plaque 
basale (pb). La majeure partie du disque coracoïdien dépasse cette 
plaque et ne se trouve pas en rapport avec elle, comme c'esi le cas 
pour le reste de la ceinture cartilagineuse. 

L’extrémité scapulaire de la ceinture cartilagineuse (sl) se conti- 
nue insensiblement avec la plaque basale (pb) sans rien présenter 
encore de particulier. Cette dernière est en parfaite continuité de 
substance avec la tige constituant la ceinture cartilagineuse ; elle 
n’est encore percée d'aucun trou. 

Telle est la constitution du cartilage du membre antérieur au 
stade X. Il est probable que la dilatation discoïdale de l'extrémité 
coracoïdienne de la ceinture cartilagineuse apparaît un peu avant 
le stade X, mais je ne puis affirmer ce fait, car je n'ai pu retrou- 
ver dans mes notes aucun croquis donnant la solution de cette 
question. | 

Le cartilage de la ventrale affecte à peu près la même forme 
qu'au stade précédent, mais il est plus développé. En effet, son 
extrémité antérieure renflée en massue et courbée en dedans dé- 
passe un peu le prolongement de la ceinture cartilagineuse et son 
extrémité postérieure s'étend bien au delà de la première moitié de 
la nageoire. 

En outre, le bord libre de la ventrale s’est allongé et tend à pren- 


dre la forme qu'il aura au stade suivant (fig. 19). Enfin, avec beau- 


394 FRÉDÉRIC GUITEL. 


coup d'attention, on arrive à distinguer les ébauches à peine visibles 
d’un ou de deux rayons. 


En résumé", au stade X, la ceinture scapulaire cartilagineuse est 
parallèle, dans presque toute son étendue, à la ceinture scapulaire 
fibreuse. 

La ceinture cartilagineuse consiste en une tige cylindrique pres- 
que droite dont l'extrémité coracoïdienne est dilatée et aplatie en 
forme de raquette. La plaque basale n’est pas encore percée de trous 
et se trouve en parfaite continuité de substance avec la tige de la cein- 
ture cartilagineuse. 

Une série de doubles languettes mésodermiques triangulaires 
occupe la place des futurs rayons ; les éléments qui constituent ces 
languettes sont probablement les cellules mères des fibres cornées 
qui viennent de faire leur apparition dans toute l’étendue du limbe 
de la nageoire. 

L'extrémité antérieure du cartilage de la ventrale est fortement 
dilatée et courbée du côté de la pectorale; elle est reliée à l’extré- 
mité symphysaire- de la clavicule par un muscle qui semble bien 
n'être qu'un faisceau de fibres détaché du muscle de la paroi abdo- 
minale. 

Dans l’embryon le plus âgé, le bord libre de la ventrale est beau- 
coup plus éloigné du cartilage en arrière qu’en avant, et l’on aper- 
coit les ébauches d’un ou de deux rayons. 

La clavicule fait maintenant, avec la ligne médiane dorsale de 


l'embryon, un angle obtus à ouverture postérieure. 


Stade XI. — Les changements que nous allons avoir à décrire 
concernent surtout les nageoires ventrales. 

En ce qui touche les pectorales, il faut noter l’apparition d’un 
trou dans la plaque basale (fig. 36, tr,). Ce trou, qui ne se forme 
quelquefois que plus tard, est oblong et situé à peu près à la 


‘1 Figures 17, 18 et 35. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 395 


hauteur du milieu de la ceinture scapulaire cartilagineuse (er) ; 
son grand axe est orienté obliquement par rapport à cette dernière. 
En outre, l'extrémité coracoïdienne discoïdale de la ceinture carli- 
lagineuse (cd) s’est agrandie par une prolifération intéressant la 
partie de son bord tournée vers l’extrémité de la clavicule. Cette 
dernière modification est un acheminement vers la forme particu- 
lière que revêtira la région coracoïdienne au stade suivant. 

La ventrale a éprouvé divers changements que fera très bien com- 
prendre la comparaison des figures 17 et 19. Au stade précédent, 
son bord libre affectait sensiblement la forme d’un segment de 
cercle notablement dépassé en avant par la tête du cartilage ; 
actuellement, le bord libre de la nageoire s’est avancé jusqu'à 
la partie la plus antérieure du cartilage qu'elle dépasse même 
un peu. 

En outre, la future face inférieure de la nageoiïire est beaucoup 
plus étroite antérieurement que postérieurement. 

Ce n'est pas seulement la limite de la ventrale qui s’est allongée 
dans sa partie antérieure, mais encore son cartilage, et l’accroisse- 
ment a été tel pour ce dernier, que sa partie antérieure est arrivée 
au contact de l'extrémité symphysaire de la clavicule. 

. Nous avons vu, dans la description du stade précédent, que la 
clavicule faisait un angle obtus avec la ligne médiane dorsale de 
l'embryon. 

L'ouverture de cet angle s’accentuant, l’angle droit que faisait 
le cartilage de la ventrale avec la partie distale de la clavicule est 
devenu aigu. La figure 19 permet de se rendre compte de cette 
particularité. 

Le cartilage de la ventrale à maintenant une forme très caracté- 
ristique : c’est une lame (fig. 19, c) beaucoup plus longue que 
large et tordue sur elle-même d'environ 180 degrés, de sorie que 
la face inférieure de son extrémité antérieure correspond à la face 
supérieure de son extrémité postérieure. Ces deux extrémités sont 
d’ailleurs de formes très différentes : l’antérieure (a), qui devien- 


396 FRÉDÉRIC GUITEL. 


dra l’apophyse aliforme ‘ de l'adulte, est arrondie et déjà en contact 
avec l'extrémité symphysaire de la clavicule (cl), tandis que la pos- 
térieure est atténuée et libre. 

Le bord inférieur du cartilage (br) est déjà plus épais que le 
supérieur. Nous verrons par la suite que c’est lui qui portera les 
facettes articulaires destinées aux cinq rayons articulés de la na- 
geolire. 

Le cartilage de la ventrale forme la limite interne de cette nageoire 
et, indépendamment de la torsion dont j'ai parlé, on remarque que 
son extrémité antérieure est légèrement courbée du côté externe ? 
(par rapport à la ligne médiane ventrale), tandis que son extrémité 
postérieure présente une courbure analogue du côté interne. Cette 
particularité donne à l'axe de figure du cartilage la forme d’un ç 
très allongé. 

La torsion du cartilage de la ventrale est quelquefois visible avant 
que cette dernière n'ait atteint le stade XI. Je l’ai observée sur des 
ventrales chez lesquelles le cartilage était encore à peine dilaté à 
son extrémité antérieure et les coupes transversales de la ventrale 
m'autorisent à affirmer qu'elle existe déjà au stade X ; mais elle 
n’est pas toujours facile à découvrir, et lorsqu'elle est encore peu 
considérable elle doit se trouver facilement masquée par la posi- 
tion que prend le cartilage sous le compresseur. 

Dans l’embryon le plus âgé des deux qui ont été étudiés au stade 
précédent, on distinguait déjà l’ébauche du premier et même des 
deux premiers rayons les plus antérieurs de la ventrale. Actuelle- 
ment, les quatre premiers sont ébauchés (r, à r,). Chacun d'eux 
consiste en une petite baguette simple, affectée d’une légère cour- 
bure à concavité postérieure dont l'extrémité distale est indistincte- 
ment limitée, tandis que la proximale, nettement arrondie, se 
trouve en contact avec le bord épaissi du cartilage dont 1l a été ques- 
tion quelques lignes plus haut. 


1 Voir, au chapitre IIT, B, la description du squelette de l’adulte. 
? Ce caractère existait déjà au stade précédent. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 397 


L'ordre d'apparition des rayons de la nageoire ventrale est très 
simple ; le plus antérieur se forme le premier, puis le second, le 
troisième et ainsi de suite jusqu’au sixième, qui se montre le der- 
nier. Le premier rayon est déjà très avancé quand le sixième n'est 
encore qu’à l’état d’ébauche très simple. 

La position réciproque des deux ventrales est intéressante à con- 
sidérer. Leurs cartilages, qui les limitent du côté interne, font entre 
eux un angle aigu à ouverture postérieure ; mais comme les extré- 
mités antérieures (fig. 19, a) de ces cartilages (contiguës aux extré- 
mités symphysaires (c/) des clavicules) sont encore séparées par un 
intervalle très considérable, l’espace compris entre les deux ven- 
trales affecte pour le moment la forme d'un trapèze, dont la plus 
petite base est antérieure (fig. 19). À mesure que diminuera la masse 
vitelline, cet espace trapézoïdal deviendra plus étroit et disparaîtra 
finalement par la soudure des deux nageoires sur la ligne médiane 
ventrale. 

‘Un autre changement de position important à noter est celui qu'a 
subi la ventrale par rapport à la pectorale. Jusqu'ici, abstraction 
faite de la faible courbure de la région occupée sur le vitellus par 
les deux nageoires paires d'un même côté, on pouvait considérer 
sans grande erreur ces deux nageoires comme situées dans un même 
plan. Actuellement, il n’en est plus de même et les plans corres- 
pondant à chacune des deux nageoires paires font entre eux un 
angle dièdre obtus à ouverture supérieure et interne. Par contre, 
les deux ventrales sont maintenant situées à peu près dans le même 
plan et, ce plan, par suite du grand volume de la masse vitelline, 


est encore oblique d’avant en arrière et de haut en bas. 


En résumé !, au stade XI, la région coracoïdienne de la ceinture 
cartilagineuse s’est agrandie et un trou oblong est apparu dans la 
plaque basale. À 

Les ventrales se sont beaucoup allongées et sont devenues beau- 


1 Figures 19 et 36. 


398 FRÉDÉRIC GUITEL, 


coup plus larges postérieurement qu'antérieurement. Leurs carti- 
lages sont tordus sur eux-mêmes d'environ 180 degrés et présentent 
déjà le bord inférieur épaissi qui portera plus tard les facettes articu- 
laires destinées aux rayons articulés. L’extrémité antérieure arrondie 
de chaque cartilage est articulée avec la clavicule correspondante. 

Les quatre rayons ies plus antérieurs de la ventrale sont apparus 
sous la forme de petites baguettes courbes en contact avec le carti- 
lage par leur extrémité interne arrondie. 

Les deux ventrales sont encore séparées par un intervalle trapé- 
zoïdal ; leur face inférieure fait un angle dièdre obtus avec le plan 


de la pectorale correspondante. 


Stade XII. — La nageoire pectorale a subi d'importantes modifi- 
cations depuis le dernier stade. 

La clavicule s’est beaucoup allongée (fig. 37, ec) et possède main- 
tenant une très mince frange qui n'a pu être représentée sur la 
figure 37, parce que dans les embryons vivants elle a le même 
indice de réfraction que les parties molles qui l'entourent. 

La post-clavicule (pe) a fait son apparition sous la forme d’une 
très petite baguette réfringente située au-dessus de la région scapu- 
laire de la ceinture cartilagineuse. 

La ceinture cartilagineuse affecte à présent une forme qui mérite 
une description détaillée. Sa partie somatique (cr) est toujours une 
tige cylindrique à peu près rectiligne, mais ses extrémités se sont 
modifiées d’une manière intéressante. 

L’extrémité coracoïdienne (ou interne) est fortement dilatée et 
recourbée de manière à épouser la direction générale de la partie 
correspondante de la clavicule (p1); elle se prolonge en un appen- 
dice grêle en forme d’ergot qui termine en dedans la ceinture carti- 
lagineuse (pm). On peut retrouver dans cette région coracoïdienne 
de la ceinture cartilagineuse les parties qui la constituent d'ordi- 
naire chez les embryons des Téléostéens. 


L'appendice en forme d’ergot (pm) RE T à la partie que 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 399 


G. Emery (3) a décrite sous le nom de processus médian (procora- 
coïde de Gegenbaur). Cette partie est bien développée ici; mais la 
compression qu'on à dû faire subir à la pièce qui a servi à dessiner 
la figure 37, a légèrement altéré ses rapports de position avec 
l'extrémité symphysaire de la clavicule, car elle devrait être étroi- 
tement appliquée contre cette dernière. 

Contrairement au processus médian, le processus inférieur, si 
développé chez un grand nombre de Téléostéens, est à peine repré- 
senté ici par une éminence arrondie, large et très peu saillante (pi). 

L’extrémité scapulaire ou externe de la ceinture cartilagineuse, 
recourbée d’abord vers la clavicule, se plie ensuite à angle droit du 
côté de la plaque basale. Il résulte de là que cette extrémité affecte 
la forme d’un accent circonflexe dont l’ouverture est tournée vers la 
plaque basale et le sommet contigu à la clavicule (s/). 

Il est intéressant de comparer la ceinture cartilagineuse telle que 
je viens de la décrire, à celle des poissons que C. Emery a étudiés 
dans sa belle monographie du fierasfer. 

La ceinture cartilagineuse des Fierasfer acus et dentatus, aussi 
bien chez l’adulte que chez l’embryon, diffère beaucoup de celle du 
Cycloptère. Ce qui frappe tout d’abord chez ce dernier, c’est l’atro- 
phie considérable de la ceinture par rapport à la plaque basale et, 
en second lieu, l’absence à peu près totale du processus inférieur 
(comparer notre figure 37 avec les figures 35 à 38 de C. Emery). 

Ces deux caractères se retrouvent avec une remarquable identité 

dans la pectorale d’un jeune Gobius figurée par Emery. La ceinture 
(Emery, fig. 43) est frappée d’une atrophie considérable ; le proces- 
sus médian (m) ou procoracoïde est allongé, styliforme, appliqué 
contre la clavicule comme dans le Cyclopterus, tandis que le pro- 
_cessus inférieur (+), presque nul, est cependant indiqué par une 
petite dent insignifiante qui, chez le Cycloptère, n'existe plus que 
comme une saillie arrondie peu considérable (p1, fig. 37). 

Il n’est pas inutile de rappeler, à propos de cette identité de struc- 


ture entre les ceintures cartilagineuses embryonnaires du Gobius et 


400 FRÉDÉRIC GUITEL. 


du Cyclopterus, que, dans sa classification, Günther place à côté l’une 
de l’autre la famille des Gobiidæ et celle des Discoboli. 

Dans la pectorale qui nous occupe (fig. 37), la plaque basale (pb) 
n'a subi aucun changement important depuis le dernier stade. 
L'unique trou ({7,) qu’elle comporte s’est agrandi dans le sens proxi- 
mo-distal. 

Les rayons (r) sont maintenant bien près d'atteindre leur consti- 
tution définitive. Leur extrémité proximale est double ; elle com- 
porte deux tiges réfringentes, séparées l’une de l’autre sur une lon- 
gueur plus ou moins grande, quelquefois légèrement renflées et 
libres sur une très courte longueur. Du côté distal, chaque rayon 
se présente comme un faisceau de fibres cornées parfaitement isolé 
de ceux qui l’avoisinent, sans aucune trace d’articulations transver- 
sales. 

Cet état des rayons est précédé par un état intermédiaire dans 
lequel les languettes mésodermiques, beaucoup plus développées 
qu'elles ne l’étaient au stade X, sont visibles sur le frais, et où les 
fibres cornées, au lieu d’être également réparties dans toute l'étendue 
du limbe de la nageoire comme au stade X, commencent à se réunir 
en faisceaux correspondant aux languettes mésodermiques et, par 
suite, aux futurs rayons. La condensation allant encore plus loin, 
les faisceaux s’isolent complètement les uns des autres. 

Le stade de la pectorale que je viens de décrire correspond à deux 
états de la ventrale que je vais examiner successivement. 

«. — La figure 20 permettra de suivre la description du premier 
état, 

Les ventrales ont augmenté de dimensions, aussi bien dans le 
sens de la largeur que dans celui de la longueur; leurs bords in- 
ternes se sont beaucoup rapprochés et ne sont plus séparés que par 
un espace de forme à peu près rectangulaire beaucoup plus long 
que large. La forme des nageoires a peu changé; cependant, il faut 
noter le contour arrondi de leur angle postéro-interne qui n'existait 
pas précédemment. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 401 


Les cartilages ont notablement progressé. Le contour de l’apo- 
physe aliforme (a), d’arrondi qu'il était, est devenu trapézoïdal; 
le bourrelet (br) sur lequel s’articulent les rayons s’est beaucoup 
allongé ; antérieurement, il se prolonge jusque sur l’apophyse ali- 
forme (a). Le corps du cartilage s’est développé, mais il est encore 
mince et étroit et son bord interne n’est pas encore taillé en biseau. 

Les six rayons (r, à r,) sont formés, mais ils sont encore loin 
d’avoir atteint leur taille relative et leur forme définitive. Chacun 
d'eux est. double, c’est-à-dire composé de deux baguettes accolées, 
de forme et de dimensions très différentes. 

6. — Le second état des ventrales est représenté par la figure 21 
qui permet de constater que les dimensions de ces nageoires se sont 
encore accrues. En outre, l'intervalle qui les séparait a disparu et 
elles se sont accolées sur la ligne médiane ventrale. Le disque adhé- 
sif, caractéristique du Cyclopterus, se trouve dès maintenant con- 
stitué. 

En avant, les bords libres des deux ventrales se sont soudés sans 
donner lieu à aucun accident dans la forme du contour antérieur 
du disque ; mais, postérieurement, cette soudure a donné naissance 
à une échancrure (e) résultant de la forme arrondie de l’angle pos- 
téro-interne des nageoires ventrales. D'ailleurs, le processus de l’ac- 
colement n’en est encore qu’à son début, car les cartilages n’ont 
encore aucun point de contact et il en est de même pour les clavi- 
cules (cl) avec lesquelles ils s’articulent. 

D'importants changements de forme se sont opérés dans les car- 
tilages en même temps que leurs dimensions se sont accrues dans 
tous les sens. L’apophyse aliforme (a) s'est considérablement élargie 
antérieurement et s’achemine vers sa forme définitive. Le bourrelet 
(br) avec lequel s’articulent les rayons s’est prolongé en avantet fait 
saillie sur le bord interne du cartilage sous la forme d'une pointe 
aiguë (b), qui deviendra bientôt l’apophyse en forme de bâton (Stab- 
fortsatz) de Rathke (4). Le corps du cartilage s’est épaissi et son bord 
interne est taillé en un biseau incliné de dehors en dedans et de bas 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — 3€ SÉRIE, — T. 1V, 1896. 26 


402 FRÉDERIC GUITEL. 


en haut (c). Les rayons se sont accrus dans tous les sens ; ils n’ont 
pas tous la même forme ni la même orientation, mais la description 
de ces différences trouvera mieux sa place au stade suivant. 
L'embryon, possesseur de la ventouse que je viens de décrire, n’est 
pas encore éclos; mais si on l'extrait de sa coque, il peut déjà se fixer 
sur des corps très lisses. Il faut dire cependant que dans ces condi- 
lions, la fixation s'opère difficilement, et le jeune poisson est souvent 
obligé de faire plusieurs tentatives infructueuses avant de voir ses 


efforts couronnés de succès. 


E'n résumé!, au stade XII, la ceinture scapulaire cartilagineuse se 
compose d’une partie somatique cylindrique presque droite, termi- 
née en dedans par une extrémité coracoïdienne dilatée qui présente 
deux apophyses : l’une, affectant la forme d’un ergot grêle, repré- 
sente le processus médian de CG. Emery et le procoracoïde de Gegen- 
baur ; l’autre, arrondie et très peu saillante, correspond au proces- 
sus inférieur de CG. Emery. L’extrémité scapulaire de la ceinture est 
pliée en accent circonflexe à ouverture externe. 

La post-clavicule a fait son apparition. 

Les rayons de la pectorale ne sont pas encore articulés, mais leur 
extrémité proximale est déjà fendue et composée de deux baguettes 
réfringentes plus ou moins inégales. Du côté distal, ces baguettes 
se résolvent en deux faisceaux de fibres cornées confondus en un 
seul dans leur partie terminale. 

Dans leur état le plus avancé (6), les ventrales sont accolées sur la 
ligne médiane abdominale et forment un disque adhésif encore légè- 
rement échancré postérieurement. 

Les cartilages n'ont encore qeun point de contact et leurs apo- 
physes aliformes s’acheminent rapidement vers leur état définitif 
(fig. 21). Le bourrelet qui porte les rayons se prolonge en avant sous 


la forme d’une pointe qui deviendra bientôt l'apophyse en forme de 


1 Figures 20, 21 et 37. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 403 


bâton. Le corps du cartilage est développé; son bord interne est 
taillé en biseau. 


Stade X111.— Les progrès correspondant au stade XIII, qui coïn- 
cide avec l’éclosion de l'embryon, sontparticulièrementintéressants. 

La ceinture fibreuse s’est compliquée par l'apparition de trois 
pièces elaviculaires : deux supra-clavicules et une post-clavicule. En 
même temps, la clavicule a subi des modifications qui rapprochent 
beaucoup sa forme de celle qu’elle a chez l'adulte. Il nous faut donc 
reprendre sa description avant de passer à celle des clavicules 
accessoires. 

La clavicule (ec, ec’, fig. 38) consiste en une tige épaisse, très 
réfringente, présentant une forte courbure à concavité antérieure 
et portant en certains points une frange mince plus ou moins 
large. 

Du côté de son extrémité supérieure (ec), la frange consiste en une 
lamelle grossièrement triangulaire complètement rejetée sur le côté 
convexe de la tige réfringente ; vers l'extrémité inférieure, au con- 
traire, la frange règne sur les deux bords de la tige et forme une pa- 
lette dont le plan est orienté perpendiculairement à celui que forme 
la frange de l'extrémité supérieure (ee'). L'extrémité inférieure de la 
clavicule se trouve ainsi arrondie, tandis que son extrémité supé- 
rieure se termine en pointe aiguë. 

Je passe maintenant à la description des supra-clavicules. Quand 
on a réussi à isoler la ceinture scapulaire fibreuse et à la dépouiller 
de toutes les parties opaques qui masquent sa structure (ce qui n’est 
pas chose facile), on aperçoit dans sa région dorsale une tige réfrin- 
gente très ténue, formant avec celle de la clavicule un angle obtus 
à ouverture antérieure. Cette tige, articulée vers le milieu de sa lon- 
gueur, représente l’ensemble des deux supra-clavicules. 

La supra-clavicule inférieure (scapulaire, Cuvier) est, à ce stade, une 
pelite baguette dont l'extrémité supérieure est très légèrement ren- 


flée en massue, tandis que l’inférieure, aplatie et faiblement dilatée, 


404 


FRÉDÉRIC GUITEL. : 


est appliquée sur la face externe de l’extrémité supérieure de la cla- 


vicule (scl,). 


La supra-clavicule supérieure (surscapulaire, Cuvier) est à peu près 


Fig. 7.— Embryon de Cy- 
clüpterus lumpus, long 
de ;6mm,5, quelques 
jours après l’éclosion, 
(Stade XIII) [X 16]. 


de même longueur que l’inférieure, mais elle 
diminue graduellement de diamètre de bas en 
haut. En outre, son pied se prolonge en un 
long ergot courbe, grêle, dirigé en bas parallè- 
lement à la tige réfringente de la clavicule (sc/,). 

Il est probable que les supra-clavicules pré- 
sentent de petites franges extrêmement minces; 
mais si ces franges existent, leur grande trans- 
parence m'a empêché de les distinguer du fond 
relativement opaque (cartilages crâniens, pig- 
ment, etc. sur lequel elles se projettent tou- 
jours dans les préparations. 

Les supra-clavicules n’apparaissent que long- 
temps après la clavicule et lorsque cette der- 
nière est déjà très complexe. Cette remarque a 
son importance, car elle montre que l’absence 
de supra-clavicules, qui s’observe chez certains 
Téléostéens, tels que les Muræna, s'explique 
par un arrêt de développement. 

En outre, l'articulation de la supra-clavicule 
inférieure avec la clavicule a lieu par simple 
juxtaposition et ne présente aucune solidité 
au moment de l'apparition des supra-cla- 


vicules, ce qui rend même très délicate la 


préparation de la ceinture scapulaire fibreuse dans son intégrité. 


La conséquence qui se dégage de ces deux faits et qui me semble 


indiscutable, c’est que les supra-clavicules se forment aux dépens 


d'une ébauche complètement indépendante de la clavicule. 


Il y a plus, dans les pièces les plus jeunes, les rudiments des deux 


supra-clavicules s’articulent bout à bout, et quoique leur limite sépa- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 405 


rative soit assez distincte, il est cependant impossible de les séparer 
l’un de l’autre sans les briser. Pour parvenir à les dissocier, il est 
nécessaire de les laisser séjourner pendant plusieurs heures dans 
une forte solution de potasse caustique. 

Il est donc très probable que les deux supra-clavicules non seule- 
ment prennent naissance indépendamment de la clavicule, mais en 
outre qu'elles se forment aux dépens d’une ébauche unique se dé- 
doublant secondairement au moment de l’apparition des parties 
dures. 

S'il en est réellement ainsi, la supra-clavicule unique, qu’on ren- 
contre chez certains Téléostéens (Lophrus, Siluridés, etc.), doit être 
considérée comme étant l’homologue, non pas de l’une des deux 
supra-clavicules, mais de leur ensemble. 

La post-clavicule déjà apparue au stade précédent, par conséquent 
un peu avant les supra-clavicules, est une petite baguette presque 
droite, un peu atténuée à ses deux extrémités, très lâchement arti- 
culée par simple juxtaposition avec la face interne de la clavicule, 
un peu au-dessus du point où la supra-clavicule inférieure se fixe 
sur sa face externe {pcl). 

Les raisons qui m'ont fait considérer les supra-clavicules comme 
tirant leur origine d’une ébauche complètement indépendante de la 
clavicule, s'appliquent rigoureusement à la post-clavicule, de telle 
sorte que si mes conclusions sont justes, la ceinture scapulaire 
fibreuse du Cycloptère se formerait aux dépens de trois ébauches 
indépendantes apparaissant successivement dans l’ordre suivant : la 
clavicule (déjà visible au stade VII), puis la post-clavicule (apparue 
au stade XII), et enfin l’ensemble des deux supra-clavicules (datant 
du stade XIII). 

La description qui précède se rapporte à des embryons de 6°",25 
à 622,5). Avant d'achever la description de la pectorale et de la 
yentrale correspondant à ce stade, il est utile de voir ce que de- 
viennent les clavicules accessoires chez des embryons un peu plus 


âgés ayant atteint une longueur d'environ 7 millimètres. 


406 FRÉDÉRIC GUITEL. 


* Chez ces derniers, toutes les dimensions de ces pièces fibreuses 
se sont accrues. La post-clavicule consiste toujours en une baguette 
atténuée à ses deux extrémités. Quant aux supra-clavicules, elles 
sont beaucoup plus épaisses qu'auparavant ; en outre, le bord 
antérieur de la supérieure et le bord postérieur de l'inférieure 
portent chacun un large prolongement lamelleux très mince ; celui 
de la supra-clavicule supérieure est dirigé obliquement de haut en 
bas et d’arrière en avant ; il correspond d’ailleurs à l’appendice en 
forme d’ergot grêle que nous avons décrit chez l’embryon de 
6 millimètres. Il résulte de ces faits que déjà, à cet âge, la supra- 
clavicule supérieure se trouve située en avant et au-dessous de l’in- 
férieure. 

Revenons maintenant aux embryons les plus jeunes pour achever 
la description des particularités que présentent leurs nageoires 
paires et tout d’abord leur pectorale. 

La forme de la ceinture cartilagineuse (cr) est restée sensiblement 
la même; mais dans sa partie scapulaire ou proptérygienne (sl) s'est 
creusé un large trou séparé seulement de la clavicule par une éiroite 
marge cartilagineuse ({s), c'est le trou scapulaire.. 

La plague basale (pb), qui jusqu'ici n’était percée que d’un seul 
trou, en porte maintenant trois. Les deux trous formés en dermier 
lieu (47, tr:) sont situés entre le premier ({r,) et la partie scapulaire 
de la ceinture cartilagineuse ; ils affectent la même forme que le 
premier et leur grand axe est orienté de la même manière. Le plus 
petit des trois ({r.), probablement formé le dernier, est celui qui se 
trouve le plus près de la région scapulaire (s) de la ceinture, tandis 
que le plus grand (#',) (apparu le premier) est le plus rapproché de 
la région coracoidienne. 

La plupart des rayons de la pectorale (r) sont divisés en segments 
par des articulations transversales. Le nombre de ces segments 
peut aller jusqu à trois chez les embryons Les plus jeunes, et jusqu'à 
cinq chez les plus âgés. 


Les rayons les plus inférieurs de la pectorale dépassent, vers le 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 407 


bas, le plan de la face inférieure du disque adhésif ; aussi, pour per- 
mettre à ce dernier de se coller, ont-ils été obligés de se relever 
horizontalement en dehors. Il résulte de là que la pectorale, au lieu 
d’être sensiblement plane et verticale, se trouve composée de deux 
parties : l’une supérieure, très considérable, verticale (pv, fig. 22), 


et l’autre, beaucoup plus restreinte, horizontale (ph). 


Nous allons, maintenant, aborder la description des nageoires 
ventrales, c'est-à-dire du disque de l'embryon du stade XHII (6 mil- 
limètres à 677,5). 

Actuellement, le cartilage de la ventrale diffère très peu de ce qu’il 
sera chez l’adulte (fig. 22 à 25). Il est constitué par une lame épaisse, 
que nous appellerons le corps (c) et qui présente deux bords, deux 
faces et trois apophyses principales. | 

La face inférieure est concave, limitée en dedans par un bord 
droit taillé en un biseau dirigé de bas en haut et de dehors en 
dedans et terminé en pointe aiguë aussi bien antérieurement que 
postérieurement. 

En dehors, la face inférieure du corps du cartilage est limitée par 
un rébord convexe, renflé en un épais bourrelet portant cinq facettes 
articulaires, ovales, aplaties (fa), occupant le sommet de cinq pro- 
tubérances tronconiques, dirigées obliquement d’avant en arrière, 
dé häut en bas et de dedans en dehors. La première facette (la plus 
antérieure) est plus petite que la seconde, qui elle-même est moins 
développée que les suivantes. 

Le bourrelet porteur des facettes articulaires se prolongé en avant, 
au delà du corps du cartilage et, non loin de ce derniér, il se bi- 
furque. Sa partie supérieure (a) s’'épanouit en une lame exitrème- 
ment large, trapézoïdale, diminuant graduellement d’épaisseur 
d’arrière en avant et constituant l'apophyse aliforine de Rathke (Flü- 
gelfortsatz) ; sa partie inférieure (0), au contraire, prend la formé 
d'une tige grêle, atténuée en pointe antérieurement, dirigée obli- 


quement en avant et en dedans, allant s’articuler avec sa symé- 


408 FRÉDÉRIC GUITEL, 


trique. C’est l’apophyse en forme de bâton de Rathke (Stabfortsatz). 

Le plan de la face inférieure du corps du cartilage est sensible- 
ment horizontal, tandis que celui de l’apophyse aliforme est oblique 
de bas en haut, de dedans en dehors et d’arrière en avant. Cette dis- 
position particulière résulte de la torsion que nous avons vu se 
produire dans le cartilage très peu de temps après son apparition 
au milieu de l'ébauche de la nageoiïire ventrale. Cette torsion est 
d'environ 140 degrés et elle a eu pour résultat de rendre externe 
la face de l’apophyse aliforme qui, sans cela, aurait été supérieure. 

La face supérieure du corps du cartilage porte une apophyse en 
forme de pyramide (p, fig. 23, 24 et 25), extrèmement saillante, un 
peu aplatie latéralement et dont l'axe est un peu oblique de bas en 
haut, de dedans en dehors et d’arrière en avant : c’est l’apophyse 
pyramidale (Pyramidenfortsatz) de Rathke. 

Les rayons de la ventrale sont maintenant très développés el mé- 
ritent une description détaillée (7, à r,, fig. 22). 

Tous ces rayons sont doubles, c'est-à-dire composés de deux ba- 
guettes accolées et même soudées sur une certaine partie de leur 
longueur. Ordinairement, chez les Poissons, ces deux baguettes sont 
de même forme ; mais, ici, c’est le contraire et, en outre, la ba- 
guette supérieure est constamment plus courte et plus grêle que 
l'inférieure. 

Les deux baguettes, constituant ainsi chacun des rayons de la na- 
geoire ventrale, ne sont d’ailleurs en contact que du côté distal ; du 
côté proximal, elles sont séparées par un espace angulaire plus ou 
moins considérable. | 

Généralement, le bord de l'os de la nageoire pénètre dans l'angle 
que font entre elles les deux parties constituantes du rayon, et ce 
dernier se trouve alors placé à cheval sur le bord osseux en question. 
Ici, la disposition est toute différente : les rayons ne sont plus à 
cheval sur le bord du cartilage et leurs parties inférieures seules 
sont en rapport avec ce dernier, leurs parties supérieures étant tout 
au plus assez longues pour atteindre le bord externe du cartilage. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 409 


Dans chaque rayon, la partie inférieure, beaucoup plus volumi- 
neuse que l’autre, consiste en une tige courbe, à concavité posté- 
rieure, dont l'extrémité proximale est conformée en une sorte de 
tête triangulaire, épaisse, plus ou moins longue, séparée du corps 
du rayon par un étranglement insignifiant ou même nul sur les 
deux premiers rayons, mais très considérable sur les rayons les plus 
postérieurs. 

Chaque rayon ayant la forme d'un arc à concavité postérieure, si 
l’on considère la position qu'occupent les cordes de ces arcs par 
rapport à la ligne médiane ventrale du disque, on remarque que 
la corde du premier rayon (r,) forme, avec cette ligne, un angle 
aigu presque droit, à ouverture postérieure. L'angle formé par la 
corde du second rayon est un peu plus petit, celui de la corde du 
troisième rayon encore plus aigu, et ainsi de suite jusqu au der- 
nier (r,), dont la corde est presque parallèle à la ligne médiane ven- 
trale du disque. 

Il y a d'assez grandes différences de forme et de dimension entre 
les divers rayons de la ventrale ; mais l'inspection de la figure 22 
les fera mieux comprendre qu'une longue description, quelque claire 
qu’elle soit. Je ferai cependant remarquer que les deux premiers 
rayons sont simples, tandis que les quatre derniers présentent déjà 
chacun une articulation (ar). 

À la fin du dernier stade, le bord du disque, abstraction faite de 
son échancrure postérieure, ne portait aucun sinus (fig. 21) ; actuel- 
lement, sa moitié postérieure présente, de chaque côté, quatre sail- 
lies arrondies, correspondant chacune à l’un des quatre rayons pos- 
térieurs articulés et séparées par des sinus peu profonds (bd, fig. 22). 

La semelle du disque adhésif n’est plus complètement lisse. 
Depuis peu sont apparues de petites plaques épidermiques poly- 
gonales, réunies par groupes (pe). Ceux-ci, au début, étaient plus 
ou moins arrondis et situés au-dessous de l'extrémité de chacun 
des rayons ; maintenant, ils s’élargissent, se déforment et se fusion- 


nent, comme il est indiqué sur le côté droit de la figure 29, En 


410 FRÉDÉRIC GUITEL, 


outre des deux séries de six groupes de plaques situées l’une à droite, 
l’autre à gauche, on trouve encore deux groupes médians : un anté- 
rieur, de forme compliquée, placé au-dessous de la région occupée 
par les apophyses en forme de bâton, et un postérieur, plus ou 
moins ovale, situé entre les deux rayons les plus postérieurs. 

Ges deux groupes complètent, avec les douze précédemment dé- 
crits, une courbe ovalaire, assez distante du bord postérieur du 


disque et presque tangente à son bord antérieur. 


En résumé": la post-clavicule apparaît longtemps après la clavi- 
cule et lorsque cette dernière est déjà très rapprochée de la forme 
qu'elle possède chez l’adulte ; son ébauche est complètement in- 
dépendante de celle de la clavicule. 

Les supra-clavicules apparaissent en dernier lieu après la post-cla- 
vicule. Elles se forment aux dépens d’une ébauche unique indépen- 
dante de celle de la clavicule. 

La forme de la ceinture cartilagineuse n’a subi que très peu de 
changements ; un large trou est apparu dans la région scapulaire. 

La plaque basale porte maintenant trois trous au lieu d’un; les 
deux derniers se sont formés entre le premier et la région scapulaire. 

La plupart des rayons de la pectorale sont, dès maintenant, arti- 
culés. 

Le 'cartilage de la ventrale présente actuellement, bien dévelop- 
pées, les trois apophyses qu’il possédera chez l’adulte. Son bord ex- 
terne, renflé en bourrelet, porte cinq facettes articulaires destinées 
aux cinq rayons les plus postérieurs. 

Les quatre rayons postérieurs, seuls, sont articulés, Dans tous les 
rayons, la baguette inférieure est de beaucoup la plus épaisse et la 
plus longue ; elle est seule en rapport avec le cartilage de la nageoire. 

La semelle du disque adhésif porte une couronne formée de qua- 
torze petits groupes de plaques épidermiques déjà plus ou moins 
fusionnés; deux de ces groupes occupent la ligne médiane, les 


1 Figures 99, 28, 24, 25, 26 et 38. 


L 
| 
L 


Fr OPEN AT 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 411 


douze autres correspondent chacun à l’un des rayons des deux 


nageoires formant le disque. 


Stade XIV. — Ce stade correspond à l’état des nageoires paires 
chez l'adulte. Je ne me suis arrêté qu’à la description de leur sque- 
lette et je l’ai reportée à la fin du chapitre suivant, immédiatement 


après le résumé relatif au développement des nageoires. 


III 


SQUELETTE DES NAGEOIRES PAIRES CHEZ L'EMBRYON ET CHEZ L'ADULTE !. 


Tous les faits relatifs au développement du squelette des nageoires 
paires du Cyclopterus ont été exposés dans le chapitre consacré à 
la description des divers stades par lesquels passe l'embryon pour 
arriver à l’état adulte ; mais, pour faciliter la compréhension de cette 
importante question, j'ai cru devoir réunir ici, en une description 
ininterrompue, tout ce qui a trait au développement du squelette 
des membres, en donnant pour suite naturelle à ceite description 


celle du squelette des nageoires de l'adulte. 


À. Embryon. 


De toutes les parties qui constituent le squelette des membres pairs 
du Cyclopierus lumpus, c'est le cartilage du membre antérieur qui 
apparait le premier. 

Dans l'embryon arrivé au stade VI, ce carulage se présente comme 
une lame épaisse occupant la partie profonde de la nageoire et située 
à peu près à égale distance de ses deux parois. Quoique cette plaque 
cartilagineuse soit très facile à distmguer sur les coupes transver- 
sales de la nageoire, il est impossible de tracer la limite précise qui 
la sépare du tissu embryonnaire dans lequel elle est plongée, surtout 


sur ses bords proximal et distal (fig. 42, rc). 


1 La première partie (A) de ce chapitre n’est que le résumé des faits relatifs au 
développement du squelette exposes au cours de la description des stades VI à XIII. 


412 FRÉDÉRIC GUITEL. 


Chez un embryon seulement un peu plus âgé, un important chan- 
gement commence à se produire. Il consiste en ce que le bord proxi- 
mal de la plaque cartilagineuse se renfle de manière à devenir un 
cordon cylindrique un peu plus épais que le reste de l'organe (fig. 3, 
p. 374). Le rudiment squelettique unique du membre antérieur com- 
porte donc dès à présent deux parties distinctes. La première, con- 
stituée par le bourrelet proximal, représente la première ébauche 
de la ceinture scapulaire cartilagineuse (cr), tandis que la seconde, 
formée du reste de la lame cartilagineuse, n’est autre chose que 
l'ébauche du cartilage de l'extrémité ou nageoïre pectorale proprement 
dite. Cette ébauche donnera naissance aux pièces basales de l’adulte; 
aussi la désignerai-je sous le nom de plaque basale (pb). 

Au stade suivant (VII) se développe un nouvel organe appartenant 
encore au membre antérieur; c’est le rudiment de la clavicule, la 
pièce la plus importante de la ceinture scapularre fibreuse (fig. 4, ec, 
p379): 

Ce rudiment claviculaire consiste en un cordon de cellules sensi- 
blement rectiligne dont l’axe est occupé par une tige réfringente ex- 
trêèmement mince, qui est peut-être le produit de la sécrétion des 
cellules formant sa gaine. 

La tige réfringente est encore invisible sur les préparations à plat; 
mais le cordon de cellules qui l'entoure est très facile à distinguer. 
Il forme une bandelette dont l’extrémité interne seule est en conti- 
nuité de substance avec la partie arrondie (supérieure chez l'adulte) 
de la pectorale. En ce point, elle est en contact avec l'extrémité sca- 
pulaire de l’ébauche de la ceinture cartilagineuse; mais, à partir de 
là, elle s'éloigne progressivement de cette dernière en faisant avec 
elle un angle de 40 à 50 degrés à ouverture externe. Il en résulte que 
son extrémité symphysaire est très éloignée de l’extrémité coracoi- 
dienne de la ceinture cartilagineuse (fig. 13, ec). 

A mesure que progresse la pectorale, l’ébauche de la clavicule 
augmente de volume et l’angle qui la sépare de la future ceinture 


cartilagineuse devient de plus en plus petit. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. M3 


En même temps, le cartilage du membre antérieur s’élargit et se 
différencie de plus en plus du tissu embryonnaire environnant. Nous 
arrivons ainsi au stade IX qui mérite une courte description. 

Comme le montre la figure 16, l’ébauche de la clavicule (ec), dont 
l'extrémité externe s’est légèrement recourbée en avant, s’est beau- 
coup rapprochée de celle de la ceinture cartilagineuse. La tige ré- 
fringente, qui forme sa partie axiale, n’est pas encore visible sur 
les préparations à plat ; mais, sur les coupes transversales, elle pré- 
sente maintenant une section ovale égale au tiers ou même à la 
moitié de celle de la baguette cartilagineuse scapulaire. 

Le cartilage du membre antérieur, considérablement accru, pré- 
sente des contours très bien arrêtés. L’ébauche de la ceinture sca- 
pulaire a une section transversale ovale; elle est en continuité de 
substance avec la plaque basale qui s’amincit progressivement dans 
le sens proximo-distal (fig. 6, p. 389). 

Pendant que s’opèrent ces transformations, le cartilage de la 
ventrale fait son apparition. C’est une tige à section transversale 
circulaire un peu renflée antérieurement, s'étendant dans la moitié 
antérieure de la nageoire qu’elle dépasse un peu antérieurement, 
et sans limite précise la séparant du tissu embryonnaire envi- 
ronnant. 

Plus tard, la clavicule, augmentant beaucoup de volume, devient 
visible même sur les pièces fixées et colorées (stade X, fig. 17). 
En même temps, l'angle qui la sépare de la ceinture cartilagineuse 
s’annule et cette dernière, examinée sur le frais (fig. 45), se 
montre constituée par une tige presque droite, dont l'extrémité 
interne ou coracoïdienne est dilatée en forme de raquette ; l’extré- 
mité externe ou scapulaire se continuant insensiblement avec la 
plaque basale sans rien présenter de particulier. 

La partie coracoïdienne de la ceinture cartilagineuse ne reste pas 
longtemps dans l’état que je viens de décrire; elle s'agrandit bien- 
tôt par une active prolifération intéressant la partie de son bord, 


tournée vers l'extrémité de la clavicule (fig. 36), pendant que 


414 FRÉDÉRIC GUITEL. 


la plaque basale se perce d'un trou oblong à grand axe oblique 
(stade XI). 

Les modifications dont il vient d’être question coïncident avec 
d'importants changements survenus dans le cartilage de la nageoire 
ventrale. Ce dernier consiste’ maintenant en une lame, beaucoup 
plus longue que large (fig. 19, c), tordue sur elle-même, d'environ 
140 degrés. Son extrémité antérieure arrondie (a), destinée à devenir 
l’apophyse aliforme de l'adulte, est déjà en contact avec l'extrémité 
symphysaire de la clavicule et son bord inférieur commence à 
s'épaissir dans sa région moyenne (br). 

Encore un pas et nous parvenons au stade XII qui marque une 
étape intéressante dans l’histoire du squelette des nageoires (fig. 37). 

La partie somatique de la ceinture cartilagineuse consiste toujours 
en une tige cylindrique à peu près rectiligne (cr), mais son extré- 
mité coracoïdienne, dilatée et recourbée de manière à épouser la di- 
rection générale de la partie correspondante de la clavicule, se pro- 
longe en un appendice grêle en forme d’ergot (pm) qui correspond 
à la partie à laquelle Gegenbaur a donné le nom de procoracoide et 
que G. Emery a appelée processus médian. 

La partie externe arrondie de la région coracoïdienne (pt), à peine 
saillante ici, représente le processus inférieur de C. Emery, si dé- 
veloppé dans la pectorale d’un grand nombre de Poissons osseux. 

Quant à l’extrémité scapulaire de la ceinture cartilagineuse (s/}, 
elle est repliée en accent circonflexe à ouverture externe. 

Le cartilage de la ventrale, pendant le stade XII, passe successive- 
ment par les formes représentées figures 20 et 21. 

Dans la première forme, l’apophyse aliforme (a) a acquis un con- 
tour trapézoïdal et le corps du cartilage (c) s'est développé, mais il 
est encore très mince. Dans la seconde, l’apophyse aliforme s'est 
accrue dans des proportions considérables ; en outre, le bourrelet 
sur lequel s’articulent les rayons (br) se prolonge en avant, au delà du 
bord interne du cartilage, en formant le rudiment de l’apophyse en 


forme de bâton (b); enfin, le corps du cartilage s’est épaissi et son 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 415 


bord interne est taillé en un biseau dirigé de dedans en dehors et 
de bas en haut. 

Le dernier stade (XIII) correspond à des modifications fort impor- 
tantes qui préparent les changements définitifs conduisant au sque- 
lette de l'adulte (fig. 38). 

De larges franges minces se sont développées en diverses régions 
de la tige réfringente constituant la clavicule, de sorte que cette 
dernière diffère fort peu dès maintenant de ce qu'elle sera chez 
l'adulte (ec, ec’). 

La post-clavicule (pcel), déjà visible au stade XII, consiste actuel- 
lement en une mince baguette très lâchement articulée par simple 
juxtaposition avec la face interne de l’extrémité dorsale de la clavi- 
cule. 

Les deux supra-clavicules (sc/,, sel) viennent de faire leur appari- 
üon et sont bien en retard relativement à la clavicule. Ce sont de 
simples baguettes réfringentes, prolongées par une très mince frange 
disposée antérieurement dans la supra-clavicule supérieure et pos- 
térieurement dans l’inférieure. Cette dernière est lâchement arti- 
culée, par simple juxtaposition, avec la face externe de l'extrémité 
dorsale de la clavicule, un peu au-dessous du point où se fixe la 
post-clavicule. 

La ceinture cartilagineuse (cr) n’a pas beaucoup changé; elle 
semble cependant moins épaisse qu'auparavant par rapport à la 
plaque basale. Un large trou s’est creusé dans sa partie scapu- 
laire (és). 

La plaque basale (pb) est maintenant percée de trois trous (#r,, 
tr, tr,), dont les dimensions augmentent de la région seapulaire 
vers la région coracoïdienne. 

Le cartilage de la nageoire ventrale diffère fort peu de ce qu'il 
deviendra chez l’adulte; c’est une épaisse lame demi-circulaire, à 
face inférieure concave, à face supérieure prolongée en une longue 
apophyse pyramidale, dont le bord externe porte cinq facettes arti- 
culaires destinées aux cinq rayons les plus postérieurs et qui se 


416 FRÉDÉRIC GUITEL. 


prolonge en avant par deux apophyses volumineuses : l’une triangu- 
laire, aplatie, l’autre pointue, en forme de bâtonnet, articulée sur la 
ligne médiane avec celle du cartilage opposé. Je renvoie d’ailleurs 
au chapitre consacré à l'étude du stade XIIT pour la description 
détaillée du cartilage dont il s’agit. 


B. Adulte. 


La clavicule (huméral de Cuvier) de l’adulte est un os volumineux 
qu'on peut décrire comme une lame atténuée en pointe supérieure- 
ment et se dilatant progressivement jusque vers son extrémité infé- 
rieure, qui se termine par un bord arrondi (fig. 39, cl). 

Cette lame est légèrement tordue sur elle-même et, en outre, 
courbée en forme d’arc à concavité antérieure. L'une de ses faces est 
antérieure (/a) et forme le bord postérieur de l’orifice de l’oute; l’autre, 
qui est postérieure, porte deux appendices lamellaires qui lui sont 
perpendiculaires. Le premier de ces appendices (as) s'étend le long 
du bord externe de l'extrémité supérieure de la lame principale; 
c’est sur lui que s’articulent la post-clavicule et la supra-clavicule 
inférieure; le second, beaucoup plus épais que le premier, prend 
naissance sur le bord interne de la partie inférieure de la lame et s’in- 
curve en dehors, de manière à atteindre le milieu de la face posté- 
rieure de cette dernière (a). 

La post-clavicule (bel) (coracoidien de Cuvier) est unique; c’est une 
tige fusiforme articulée avec la face interne de la lamelle accessoire 
supérieure de la clavicule; elle est dirigée de haut en bas etconcave 
en dedans. 

La supra-clavicule inférieure (scl,) (scapulaire de Guvier) est arti- 
culée avec la lamelle accessoire supérieure de la clavicule un peu 
au-dessous du point où se fixe la post-clavicule, mais sur la face 
externe de la lamelle. 

Elle porte à son extrémité libre la supra-clavicule supérieure (scl,) 
(surscapulaire de Cuvier) qui s’articule, d'autre part, avec le crâne. 


Les parties qu'il nous reste à décrire : scapulaire, coracoïidien et 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 417 


basales, toutes primitivement cartilagineuses, sont généralement 
remplacées par des os chez les Téléostéens adultes. Dans le Cyclop- 
tère, au contraire, ces pièces restent à l’état cartilagineux jusque 
chez l'adulte, et c’est à peine si quelques-unes de leurs parties ont 
subi un commencement d’ossification. 

La ceinture scapulaire cartilagineuse (scapulaire et coracoïdien) 
diffère notablement de ce qu’elle était chez l'embryon du stade XII 
(fig. 40). 

Le scapulaire (sl) se compose d’une partie très épaisse triangulaire, 
percée d’un large trou (ts) et présentant un centre d’ossification étoilé 
peu étendu. L'un des côtés du triangle, le côté supérieur, se trouve 
en continuité avec le bord qui porte les rayons; le dernier rayon est 
même articulé sur l’extrémité distale de ce bord. Le côté inférieur 
du même triangle s'articule sur toute sa longueur avec la plus grande 
des pièces basales (b,) ; il présente une échancrure correspondant à 
une échancrure semblable de la basale et c’est ainsi que se trouve 
formé le plus supérieur des trous de la plaque basale (+r.). 

Le troisième côté du triangle cartilagineux scapulaire se prolonge 
vers le bas en une longue tige cartilagineuse (cr) qui s'articule suc- 
cessivement avec chacune des quatre pièces basales. La partie de 
cette tige qui s'articule avec les deux basales supérieures est large, 
tandis que celle qui lui fait suite vers le bas et qui s'articule avec les 
deux basales inférieures est beaucoup plus étroite. 

Le cartilage scapulaire s'articule en outre avec la clavicule. La face 
externe de sa partie triangulaire est en partie accolée à la lame ac- 
cessoire supérieure de cet os (fig. 39), tandis que son bord antérieur 
est articulé avec la face postérieure de ce dernier. Quant à la tige qui 
prolonge vers le bas la tête triangulaire du scapulaire, elle s'articule 
sur presque toute sa longueur avec la face externe de la lame acces- 
soire inférieure de la clavicule. En outre, son extrémité inférieure, 
très mince, s'articule avec l'extrémité supérieure du coracoïdien, qui 
doit maintenant nous occuper. 

Chez l'embryon, l'extrémité coracoïdienne de la ceinture scapu- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe —— 3° SÉRIE. -— T, IV. 1896. 97 


A18 FRÉDÉRIC GUITEL. 


laire était renflée en massue et prolongée en un ergot courbe. Dans 
l’adulte, cette partie (cd) s’est beaucoup modifiée et le coracoïdien 
qui la représente est une mince lame triangulaire à demi ossifiée 
(fig. 39 et 40). | 

La partie de cette lame (supérieure) qui s'articule avec la basale la 
plus inférieure est restée cartilagineuse ; il en est de même de l’ergot 
terminal (pm) qui se présente maintenant comme une sorte de coin 
cartilagineux à grosse extrémité inférieure. Quant à la partie ren- 
flée (pt), elle n’est plus représentée que par une très mince lame os- 
seuse dont le bord libre est convexe et situé dans le prolongement du 
bord auquel sont fixés les rayons. 

Le bord opposé à cette lame osseuse est constitué par une autre 
lamelle osseuse de dimensions plus restreintes, terminée par un bord 
concave et ne s’articulant plus avec la clavicule. En résumé, le cora- 
coïdien s'articule par son bord supérieur avec la basale inférieure et 
avec le scapulaire ; son bord postérieur est libre et son bord antérieur 
ne s'articule avec la clavicule que par ses deux extrémités, toutes 
deux de nature cartilagineuse. 

Les quatre pièces basales (0, à b,) affectent chacune la forme d’un 
quadrilatère à angles arrondis. Leurs dimensions diminuent progres- 
sivement depuis la supérieure jusqu'à l'inférieure et leur centre est 
occupé par une ossification en forme d'étoile, dont l'étendue relative 
est d’autant moindre qu’on la considère chez une basale plus petite 
ou plus inférieure dans la série. 

Trois trous existent dans la plaque que forment les quatre pièces 
basales ; le premier ({r,) se trouve situé entre le scapulaire et la 
basale la plus supérieure, le second ({,) entre cette dernière et 
la suivante, le troisième (tr,) entre la deuxième et la troisième 
basale. | 

La basale supérieure (b,), qui est aussi la plus grande, s'articule 
par son bord supérieur et par son bord antérieur avec le scapulaire, 
tandis que son bord inférieur se trouve en rapport avec la basale sui- 
vante. Quant à la basale inférieure (4,), elle s'articule avec le cora- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 419 


coïdien par son bord inférieur, avec le scapulaire par son bord anté- 
rieur et avec la basale voisine par son bord supérieur. 

La description détaillée du cartilage de la ventrale que j'ai donnée 
en faisant l’histoire du stade XIII me permettra d’écourter beaucoup 
celle de la même pièce chez l'adulte. 

Partout la substance cartilagineuse de la pièce formant le sque- 
lette de la ventrale est pénétrée de parties osseuses affectant la forme 
de très minces lamelles diversement orientées, de sorte que cette 
pièce est partout mi-partie cartilagineuse et mi-partie osseuse. 

Dans le cartilage de l'embryon du stade XIIT, nous avons décrit un 
corps présentant deux bords, deux faces el trois apophyses. Voyons 
quelles modifications ont subies ces différentes parties chez l'adulte. 

La face inférieure du corps est très concave ; le bourrelet qui la 
limite en dehors et sur lequel s’articulent les rayons a subi quelques 
changements. Au lieu des cinq facettes articulaires qu'il portait, on 
ne remarque plus sur lui que quatre échancrures plus ou moins 
indistinctes, dont la plus antérieure manque quelquefois et qui 
représentent les facettes articulaires correspondant aux rayons les 
plus postérieurs de la ventrale. 

Comme chez l'embryon, le bourrelet qui porte le rayon se renfle 
beaucoup en avant, s’isole du corps de l'os, s’élargit considérable- 
ment et se bifurque. 

La branche inférieure de la bifurcation, beaucoup moins volumi- 
neuse que la supérieure, constitue l'apophyse en forme de bâton 
(Stabfortsatz de Rathke), qui est beaucoup plus courte et plus large 
que chez l'embryon. 

Quant à la branche supérieure, très large, tranchante sur ses 
bords, elle constitue l’apophyse aliforme (Flügelfortsatz de Rathke). 

La face supérieure du corps de l’os porte une apophyse pyra- 
midale (Pyramidenfortsatz de Rathke) énorme, notablement plus 
élevée que chez l'embryon. 

Nous avons vu que, chez l'embryon du stade XIII, les rayons de la 


ventrale sont composés de deux baguettes accolées, dont la supé- 


420 FRÉDÉRIC GUITEL. 


rieure est plus courte et surtout beaucoup plus grêle que l’infé- 
rieure. 

Nous retrouvons ces deux baguettes chez l'adulte; mais, là, les 
différences se sont encore accentuées, et les baguettes supérieures 
présentent un développement relatif encore moindre que chez l’em- 
bryon. Elles consistent en de petites tiges adhérant fortement, sur 
toute leur longueur, à la face supérieure des baguettes inférieures 
et qu’on ne peut retrouver qu’à l’aide d’une dissection minutieuse. 

Les quatre rayons les plus postérieurs de la ventrale de l'adulte 
sont seuls articulés. Nous avons vu qu'il en est de même chez l’em- 
bryon du stade XIII, où ces quatre rayons présentent seuls une arti- 


culation transversale. 


IV 


CHANGEMENTS DE POSITION DES NAGEOIRES PAIRES 


PENDANT LE COURS DU DÉVELOPPEMENT !. 


Les nageoires paires du Cycloptère prennent naissance à la parte 
dorsale de la sphère vitelline et très près du corps de l'embryon; 
aussi est-1l intéressant d'étudier comment elles arrivent à occuper 
la position qu’on leur connaît chez l'adulte : les pectorales sur les 
faces latérales du corps et les ventrales sur sa face inférieure. 

En outre, chez le Cycloptère, qui, à ma connaissance, constitue une 
exception unique à ce point de vue, les nageoires ventrales appa- 
raissent de très bonne heure et très peu de temps après les nageoires 
pectorales. Il en résulte que ces deux organes évoluent côte à côte 
pendant la durée presque totale de leur développement, ce qui 
permet de suivre pas à pas leurs changements de position récipro- 
ques, jusqu’au moment où leurs rapports deviennent définitifs. 

La ventrale du Cyclopterus lumpus apparaît chez l'embryon qui 


compte environ 30 segments primordiaux (stade IV) ; c’est alors 


1 Ce chapitre n’est que le résumé des faits relatifs aux changements de position 
des nageoires paires exposés au cours de la description des stades IV à XIII. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 421 


une mince plaque somatopleurale ovale, allongée, dont l’axe de 
symétrie le plus grand est parallèle à la ligne médiane dorsale de 
l'embryon (fig. 1, v, p.358). À ce moment, la pectorale consiste en un 
épaississement de la somatopleure plus étendu et plus puissant que 
celui de la ventrale, affectant la forme d’une ellipse dont le grand 
axe est aussi parallèle à la ligne médiane dorsale de l'embryon 
(fig. 1, p. 358). 

Les axes longitudinaux des ébauches des deux nageoires paires se 
trouvent, d’ailleurs, situés à peu près à la même distance du plan de 
symétrie de l’animal. 

Au bout de peu de temps (stade V), les nageoires paires commen- 
cent à se déplacer. La pectorale, qui a complètement perdu sa symé- 
trie (fig. 5, p), tourne de telle sorte que la ligne correspondant à sa 
future base d'insertion sur le corps fait, avec la ligne médiane dorsale 
* de l'embryon, un angle aigu à ouverture postérieure. 

La ventrale (v) subit un changement de position analogue, mais 
l’angle aigu qu'elle fait avec la ligne médiane dorsale de l'embryon 
est ouvert antérieurement et moins grand que celui de la pectorale. 

Il résulte de ces faits que les axes des deux rudiments de nageoires 
font entre eux un angle obtus à ouverture interne. 

Nous allons examiner comment varient ces trois angles dans le 
cours du développement ; mais, pour éviter des périphrases, nous 
les désignerons par les lettres «, $ et y ; les deux premières se rap- 
portant respectivement aux angles que font la pectorale et la ven- 
trale avec la ligne médiane dorsale de l'embryon et la dernière à 
celui que font entre elles ces deux nageoires. 

Pendant toute la durée du développement, l’angle 4 augmente et 
l'angle y diminue ; mais, pendant un certain temps, la diminution 
du second est plus rapide que l'augmentation du premier. Or, le 
second part de 180 degrés et le premier de O degré; l'arc qu'ils 
doivent parcourir pour atteindre 90 degrés (le premier en augmen- 
tant, le second en diminuant) étant le même, il en résulte que 


le second (y) sera droit avant le premier (x). Une autre consé- 


122 FRÉDÉRIC GUITEL. 


quence intéressante de cette différence de vitesse dans les variations 
des angles & et y, c'est que l’angle 6, parti de O0 degré augmente 
tant que la variation de l'angle + est plus rapide que celle de l’an- 
gle a; en outre, son ouverture reste constamment antérieure, ce qui 
n'aurait pas lieu si l'angle « s’ouvrait plus vite que ne se ferme 
l'angle +. 

C'est entre le stade VII et le stade VIII que l’angle y atteint 90 de- 
grés. Il conserve longtemps cette valeur pendant que & continue à 
augmenter. 

La conséquence immédiate de ces deux faits est la diminution 
de $ qui devient nul lorsque « atteint 90 degrés. Ê parti de 0 degré 
revient ainsi à 0 degré en passant par un maximum. Il n'en est pas 
de même pour a et y; en effet, plus tard, lorsque les venirales sont 
accolées sur la ligne médiane ventrale, « est obtus et y aigu. 

Un autre changement de position très important est celui auquel 
donne naissance la diminution constante du volume de la sphère 
vitelline. 

Au début du développement, l’aire occupée à la surface du vitellus 
par l’ébauche de la pectorale est sensiblement horizontale, quand 
l'embryon est lui-même posé horizontalement le ventre en bas; 
mais, à mesure que le vitellus se résorbe et que s'agrandit l’aire 
occupée par la pectorale, le plan de celle-ci s'incline de haut en bas 
et de dedans en dehors. Par suite de ce phénomène, les extrémités 
symphysaires des clavicules s’éloignent constamment l’une de l’autre 
et du plan de symétrie de l'embryon; mais, en même temps, elles 
se rapprochent de sa face ventrale. Bientôt, cependant, ces extré- 
mités atteignent ce qu’on pourrait appeler le méridien horizontal 
du vitellus ; à partir de là, leur accroissement et la diminution du 
volume de ce dernier les rapprochent constamment à la fois l’une 
de l’autre et du plan de symétrie de l’animal. L'effet final de ces 
deux causes agissant dans le même sens est l’articulation des deux 
clavicules dans la région jugulaire du Poisson qui les porte. 


Pendant les changements de position de la pectorale que je viens 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 493 


de décrire, les ventrales se comportent absolument comme si elles 
faisaient corps avec les pectorales et tout ce qui a été dit de ces der- 
nières peut leur être appliqué. 

Un dernier point concerne le changement d'orientation réciproque 
des deux nageoires paires. 

Pendant les premiers temps du développement, abstraction faite 
de la faible courbure de la région occupée sur le vitellus par les 
deux nageoires d'un même côté, on peut les considérer comme 
situées dans un même plan ; mais, plus tard, chacune d’elles prend 
une orientation qui lui est propre et leurs plans font entre eux un 
angle dièdre à ouverture supérieure et interne. Par contre, les deux 
ventrales tendent constamment à se placer dans le même plan et 
cette tendance se réalise au moment où elles s’accolent sur la ligne 


médiane ventrale pour former le disque de l’adulte. 


das 
MUSCULATURE DE LA PAROI ABDOMINALE CHEZ L ADULTE 


ET CHEZ L'EMBRYON. 


* 


Quand on a enlevé avec soin le cuir épais qui constitue la peau de 
la paroi abdominale d'un Cycloptère adulte, on constate que cette 
dernière est formée d’un grand nombre de larges rubans muscu- 
laires réunis par d’étroits rubans tendineux. 

Voici, d’après l'individu qui a servi à dessiner la figure 8, p. 424, 
la description de ces rubans qui sont au nombre de onze. 

Le premier suit la clavicule depuis son extrémité supérieure jus- 
qu’à l’appendice lamellaire que porte (sur sa face postérieure) l’ex- 
trémité inférieure de cet os ; il est divisé en deux parties par la posi- 
clavicule. 

Sa partie supérieure (pv,) s’insère par son bord antérieur sur la 
clavicule (2) et sur la post-clavicule (cd); l’inférieure (pv',) se fixe au 
bord antérieur de la post-clavicule par son extrémité supérieure qui 


est aplatie et va s'attacher à l'appendice lamellaire inférieur de la 


424 FRÉDÉRIC GUITEL. 


clavicule par son extrémité inférieure, qui est épaisse et conique. 


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Fig. 8. — Face lalérale droite de la région thoracique d’une femelle gravide de 
Cyclopterus lumpus longue de 48 centimètres. La peau a été enlevée pour laisser 
voir les myomères. 1/3 de grandeur naturelle. 


ab, muscles abducteurs des rayons de la ventrale droite ; bo, bord libre du battant operculaire ; 

_c, cartilages carpiens ou pièces basales de la pectorale ; cb, coracoïdien ; cd, post-clavicule 
(coracoïdien de Cuvier); cms, espace qui était occupé par la couche musculaire superficielle 
de la région dorsale ; cette couche a été enlevée pour rendre plus facile la numération des 
myomères; d, coupe du derme recouvrant la région céphalique; fo, fente uperculaire ; gim, grand 
interstice musculaire ; À, extrémité supérieure de la clavicule (huméral de Cuvier); h', extré- 
mité inférieure du même 08; M,, My, Mys, premier, septième et treizième myomère ; PU;, par- 
tie ventrale du cinquième myomère (portion située au-dessus de la post-clavicule s’insérant sur 
l'huméral et sur la post-clavicule); pv/,, partie ventrale du cinquième myomère (portion située 
au-dessous de la post-clavicule s’insérant sur cet os par son extrémité proximale et sur l’huméral 
par son extrémité distale ; pus, partie ventrale du sixième myomère (portion située au-dessus 
de la post-clavicule et s’insérant sur cet os par son extrémité distale; pv'ç, partie ventrale 
du sixième myomère (portion située au-dessous de la post-clavicule et s’insérant sur cet os par 
son extrémité proximale ; PV, PU5s PV:3, Parties ventrales des septième, huitième et treizième 
myomères ; rd, scapulaire ; ro, région occipitale du crâne; vd, ventrale droite constituant la 
moitié droite du disque adhésif. 


Le second ruban musculaire, comme d’ailleurs tous ceux qui le 
suivent, épouse la courbure de celui qui le précède ; il est égale- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. . 425 


ment divisé en deux parties par la post-clavicule. La partie supé- 
rieure (pv,) s’insère sur la partie correspondante du premier ruban 
par tout son bord antérieur et son extrémité inférieure se fixe au 
bord postérieur de la post-clavicule. Quant à la partie inférieure 
(pv'.) du même ruban, elle s'attache à la partie correspondante du 
premier par son bord antérieur et au bord antérieur de la post-cla- 
vicule par son extrémité inférieure. 

Les parties inférieures (pv',, pv',) accolées l’une à l’autre des deux 
premiers rubans musculaires forment un muscle triangulaire, aplati 
supérieurement, allongé et conique inférieurement, qui est contenu 
dans un espace triangulaire équilatéral limité : 1° sur ses côtés, en 
bas par la ventrale, en haut par la clavicule, en arrière par la post- 
clavicule ; 2° sur ses faces, en dehors par la partie cartilagineuse du 
squelette de la pectorale, en dedans par les apophyses pyramidale et 
aliforme de l’os de la ventrale et par le péritoine pariétal de la 
région. 

Le troisième ruban (pv,) côtoie le second dans toute sa largeur et 
se fixe sur son bord postérieur par son propre bord antérieur ; son 
extrémité inférieure passe en dedans et en dessous de la pointe de 
la post-clavicule et pénètre sur une faible longueur dans le triangle 
dont il vient d’être question, de telle sorte que cette extrémité se 
fixe par son bord antérieur sur le bord du muscle que forme les 
parties inférieures des deux premiers rubans. 

Le quatrième ruban (pv,) suit le troisième et s’insère sur lui; 
arrivé au niveau de la post-clavicule, il se recourbe en arrière en 
forme de crochet à concavité postérieure, et le sommet de la con- 
vexité de ce crochet s'attache à l'extrémité postérieure de l'os de 
la ventrale du côté correspondant. 

Les rubans suivants s’attachent tous les uns aux autres en for- 
mant une série ininterrompue ; tous, sauf les deux derniers (dixième 
et onzième), sont recourbés en crochet plus ou moins long à leur 
extrémité ventrale. 


Les rubans musculaires dont la description précède résultent de 


426 . FRÉDÉRIC GUITEL, 


la transformation des parties ventrales des segments primordiaux 
embryonnaires. Le plus antérieur d’entre eux dépend du cinquième 
myomère, le dernier est donc la partie ventrale du quinzième myo- 
mère. Au delà, on compte encore 15 myomères, ce qui porte leur 
nombre total à 30. Le nombre des vertèbres n’est cependant que 
de 28 au maximum". 

D'autre part, nous avons vu qu’au stade VI le nombre des seg- 
ments primordiaux atteint 38. Comment concilier ces trois chiffres ? 

Il est certain que, lors du passage de l'embryon à l’état adulte, il 
se produit une forte concrescence à la partie postérieure de l’axe 
squelettique, car l’urostyle doit être considéré comme résultant de 
la coalescence de plusieurs corps vertébraux. 

A cette coalescence des sclérotomes postérieurs a dû évidemment 
correspondre la coalescence des myotomes de même ordre. Ainsi 
s’expliquerait.le petit nombre relatif des segments somatiques tant 
osseux que musculaires du Cycloptère adulte. Maïs, indépendam- 
ment de cette réduction du nombre des segments de la région cau- 
dale, il est probable que le premier segment primordial, en général 
très rudimentaire et très difficile à distinguer, disparaît aussi chez 
l'adulte. Nous aurons à revenir sur ce point un peu plus loin. 

Rapprochons maintenant de la description qui précède les faits 
relatifs à la transformation en muscles de quelques-unes des parties 
ventrales des segments primordiaux de l’embryon. 

On se souvient qu’au stade VII (fig. 43), les extrémités distales 
des parties ventrales dépendant des sixième, septième et huitième 
segments primordiaux, se transforment en plaques musculaires 
dont les fibres sont orientées d'arrière en avant et de dedans en 
dehors. 

Aux stades VIII et IX (fig. 14, 15 et 16), l’espace précédemment 
occupé par les parties ventrales des segments 6 à 10 est complètement 


1 Gunther assigne au Cycloptère 13 vertèbres abdominales et 15 caudales, soit en 
tout 28. Sur les cinq individus que j’ai examinés à ce point de vue, trois avaient 
27 vertèbres ; les deux autres en avaient 28, sans compter l’urostyle. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 427 


couvert par un grand muscle triangulaire (#”a) situé dans l'angle 
compris entre la pectorale et la ventrale, angle qui représente 
l'espace en forme de triangle équilatéral de l’adulte décrit plus 
haut. 

Il est incontestable que ce muscle résulte de la complète trans- 
formation des parties ventrales des segments et non moins incon- 
testable qu'il correspond à l'extrémité antérieure du grand muscle 
de la paroi abdominale que forme l’ensemble des rubans muscu- 
laires précédemment décrits. 

Cependant, une difficulté surgit quand on se propose de déter- 
miner les numéros d’ordre des segments de l'embryon auxquels les 
rubans musculaires de l’adulte doivent leur origine. 

En effet, la plus antérieure des parties ventrales contribuant à 
la formation du muscle (ma) compris entre la ventrale et la pec- 
torale appartient au sixième segment primordial, tandis que le 
plus antérieur des rubans musculaires de l’adulte est la partie ven- 
trale du cinquième myomère. Ce manque de concordance trouve 
très vraisemblablement son explication dans le fait incontestable de 
l’état rudimentaire du premier segment primordial de l’embryon, 
et il est permis de supposer que ce segment ou bien s’atrophie ou 
bien se confond, soit avec le second, soit avec la région céphalique, 
pendant le cours du développement. 


VI 


INNERVATION DES MEMBRES. 


Il est intéressant de rapprocher de l'étude des bourgeons muscu- 
laires des membres celle de l’innervation de ces membres. 

Le nerf qui, chez les Téléostéens, se détache de la moelle allongée 
immédiatement en arrière du pneumo-gastrique, envoie un rameau 
volumineux au muscle sterno-hyoïdien, Ce fait et la situation qu'il 
occupe par rapport au vague l’ont fait regarder comme l’homologue 
du grand hypoglosse ; mais, comme la plupart de ses fibres se ren- 


428 FRÉDÉRIC GUITEL, 


dent à la nageoire pectorale, on peut, avec tout autant de raison, 
le considérer comme un nerf spinal. 

Il est probable cependant que ce nerf ou bien résulte de la fusion 
du grand hypoglosse avec le premier spinal, ou bien représente une 
paire mixte faisant le passage entre les nerfs crâniens proprement 
dits et les véritables spinaux. 

Quoi qu’il en soit, chez le Cycloptère, cette paire, qui correspond 
exactement au grand hypoglosse des auteurs, et que nous appelle- 
rons premiere paire spinale, a de très étroits rapports avec la suivante. 

Elles naissent chacune par deux racines, une inférieure et une 
supérieure. Quelquefois, l'inférieure est double. 

Elles traversent le squelette entre l’occipital basilaire et la pre- 
mière vertèbre. Pendant ce trajet, elles sont intimement accolées et 
j'ai souvent vu la première fournir à la seconde une ou plusieurs 
anastomoses importantes. 

Les branches ventrales de ces deux paires spinales les plus anté- 
rieures, apparaissent dans la cavité générale sur le côté du corps de 
la première vertèbre. De là, elles se portent en dehors presque per- 
pendiculairement au plan de symétrie de l’animal et, un peu avant 
d'atteindre le bord antérieur de la ceinture scapulaire (formée dans 
cette région par la clavicule), la première se bifurque. Son rameau 
antérieur, plus petit que le postérieur, est Le nerf du sterno-hyoïdien; 
le postérieur, après un très court trajet, s’anastomose avec la branche 
ventrale de la deuxième paire. En général, cette dernière reçoit 
encore un gros rameau anastomotique provenant de la troisième 
paire et le nerf résultant de cette triple origine, parvenu sur la face 
interne de l’huméral, se bifurque. L'un de ses rameaux se distribue 
à l’abducteur des rayons de la pectorale, l’autre à leur adducteur. 

La troisième paire spinale traverse la première vertèbre. La branche 
ventrale entre dans la cavité générale au niveau du corps de la 
seconde verlèbre ; elle court parallèlement aux deux précédentes 
et, avant d'atteindre le bord antérieur de l’huméral, elle fournit 


généralement une volumineuse anastomose à la branche de la 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 429 


deuxième paire. Ensuite, elle se bifurque ; sa moitié antérieure 
se rend à la couche superficielle de l’abducteur des rayons de 
la pectorale et à la portion du muscle grand latéral du tronc qui 
vient s’'insérer dans l'angle de la pectorale et de la ventrale; sa 
moitié postérieure se distribue en partie à la face interne de la pec- 
torale et en partie à la peau qui recouvre le coracoïdien. 

En un mot, la branche ventrale de la troisième paire est exclusive- 
ment destinée à la pectorale. 

La quatrième paire spinale traverse la deuxième vertèbre. Sa 
branche ventrale entre dans la cavité générale au niveau de la par- 
tie postérieure du corps de cette vertèbre. Au lieu de demeurer pa- 
rallèle aux trois branches précédentes, celle-ci se dirige immédiate- 
ment en avant et les croise à angle aigu, de manière à passer en avant 
d'elles. La plus grande partie de son trajet s'effectue à la face posté- 
rieure du muscle auquel on a donné le nom de diaphragme. 

Arrivée au niveau de l’apophyse pyramidale de l'os de la ventrale, 
elle s’insinue entre l’adducteur de la pectorale et le faisceau du grand 
latéral du tronc destiné à l’huméral, pour se distribuer à la partie 
antérieure de la face interne de la nageoire pectorale. 

La cinquième paire spinale traverse la troisième vertèbre et entre 
dans la cavité générale au niveau du corps de cette vertèbre. Sa 
branche ventrale marche presque parallèlement à celle de la précé- 
dente, c'est-à-dire qu'elle croise obliquement les trois premières, 
chemine à la face profonde du diaphragme d’abord, de l’adducteur 
de la pectorale ensuite, pour arriver à l'extrémité de l’apophyse sty- 
liforme de l’os de la ventrale. A partir de là, elle se sépare de la qua- 
trième branche et, au lieu de passer en dehors du faisceau muscu- 
laire du grand latéral du tronc destiné à l’huméral, elle passe en 
dedans, c’est-à-dire entre ce faisceau et la face externe de la masse 
de la ventrale. | 

Elle innerve la moitié antérieure de la nageoire ventrale. 

La sixième paire spinale traverse la quatrième vertèbre. Sa branche 


ventrale, au lieu de se rapprocher des branches des huit premières 


430 FRÉDÉRIC GUITEL. 

paires, toutes réunies dans une région assez étroite, s'en éloigne au 
contraire beaucoup en décrivant sur la paroi interne de la cavité gé- 
nérale une longue courbe à convexité postérieure. Vers la fin de son 
trajet, elle croise obliquement l'extrémité distale du coracoïdien, 
puis se recourbe en avant et atteint bientôt l’aisselle de la nageoire 
ventrale. Elle est destinée à la partie de cette nageoire située en ar- 
rière des ramifications de la branche ventrale appartenant à la cin- 
quième paire. ; 

La septième paire spinale traverse la cinquième vertèbre et entre 
dans la cavité générale au niveau du corps de celle-ci. Elle se dirige 
d’abord en arrière, puis décrit sur la face interne de la cavité géné- 
rale une longue courbe à convexité encore plus prononcée que celle 
de la branche précédente, ce qui l’éloigne beaucoup de cette der- 
nière dans sa partie médiane. Sa partie distale, au contraire, se rap- 
proche de celle de la sixième branche et elle atteint la ventrale dans 
l’angle dièdre que fait le bord postérieur de cette nageoire avec la 
paroi inférieure du corps. Elle se rend à la partie postérieure de la 
ventrale. 

La huitième paire spinale traverse la sixième vertèbre et entre dans 
la cavité générale au niveau du corps de cette vertèbre. Elle décrit à 
la face interne de la paroi du corps une grande courbe convexe pos- 
térieurement, en restant presque constamment à égale distance de 
la branche ventrale de la paire précédente. Elle n’atteint pas la ven- 
trale et se termine dans la partie de la paroi inférieure du corps 
située en arrière de cette nageoire. 


En résumé : 

1° Si l’on considère le grand hypoglosse des auteurs comme un 
nerf spinal, la nageoire pectorale du Cyclopterus lumpus est innervée 
par les quatre premières paires spinales ; 

2° La nageoire ventrale du Cyclopterus est innervée par les cin- 


quième, sixième et septième paires spinales. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS, 431 


La nécessité de faire cadrer les faits fournis par l'embryogénie 
avec ceux que révèle l’étude de la musculature de l’adulte nous a 
obligé d'admettre la disparition du premier segment primordial de 
l'embryon pendant le passage de la forme embryonnaire à la forme 
adulte (p. 427). 

Gette hypothèse a en outre l'avantage de nous fournir l'explication 
du fait que la pectorale recoit ses nerfs des quatre premières paires 
spinales. 

Sans la disparition du premier segment primordial, il semble, en 
effet, bien difficile de comprendre pourquoi les nerfs que reçoit la 
pectorale n’appartiennent qu'à quatre paires spinales et non pas à 
cinq, ou tout au moins, pourquoi ces nerfs portent les numéros 
d'ordre 1 à 4 et non pas 2 à 5, comme c'est le cas pour les segments 
qui fournissent à la pectorale ses bourgeons musculaires. 

.La ventrale, qui se trouve en rapport avec au moins quatre seg- 
ments primordiaux, ne reçoit ses nerfs que de trois paires spinales, 
mais il faut remarquer que les nerfs de la huitième paire marchent 
parallèlement à ceux qui dépendent des trois paires précédentes et 
ne s'arrêtent qu'à une peiite distance de la ventrale, Il y a donc là 
incontestablement un arrêt de développement de ces nerfs qui nous 
donne l'explication de la manière différente dont se comportent les 
segments primordiaux de l'embryon et les paires nerveuses spinales 
de l’adulte. 


VII 


QUELQUES MOTS AU SUJET DU MOMENT DE L' APPARITION DES VENTRALES 


CHEZ CERTAINS TÉLÉOSTÉENS. 


On sait depuis longtemps que chez beaucoup de Poissons abdomi- 
naux, tels que la Truite, le Saumon, etc., les ventrales ne prennent 
naissance que lorsque les pectorales sont très avancées dans leur dé- 
veloppement et même lorsqu'elles possèdent déjà une grande activité 


fonctionnelle, 


432 FRÉDÉRIC GUITEL. 


Le même fait se présente chez certains Téléostéens jugulaires, 
tels que le Zepadogaster”. | 

Les ventrales de ce petit Poisson ne sont encore constituées que par 
un amas non différencié de tissu embryonnaire mésodermique (44, 
pl. XXXV, fig. 4, v) que déjà ses pectorales se présentent comme des 
appendices considérables possédant leurs muscles, l’ébauche de leur 
squelette cartilagineux et celle de leur clavicule. Il s'écoule d’ailleurs 
un intervalle de sept jours entre l'apparition des pectorales et celle 
des ventrales, et, lors de l’éclosion, ces dernières ne consistent en- 
core qu’en deux petits appendices peu saillants occupant à peu près la 
place qu’elles auront chez l’adulte (fig. 6, v) et ne montrant l’ébauche 
d'aucune des parties qu'elles acquièrent dans la suite de leur déve- 
loppement. 

Le cas est tout différent pour le Cyclopterus. Là, en effet, les ven- 
trales font leur apparition (stade IV) lorsque la pectorale ne consiste 
encore qu’en un épaississement mésodermique à contour elliptique 
et à section transversale triangulaire, recouvert d'un ectoderme 
épaissi formant un bourrelet qui occupe la crête du rudiment méso- 
dermique et qui est encore parallèle à la ligne médiane dorsale de 
l'embryon. 

Il n’y a qu’un intervalle de quarante-huit heures entre l'apparition 
des ventrales et celle des pectorales et, lors de l’éclosion, les pre- 
mières ne sont pas moins différenciées que les dernières, de telle 
sorte que le disque qu’elles forment par leur réunion est apte à fonc- 
tionner dès le moment où l'embryon abandonne la coque de l'œuf. 

Le ZLiparis est extrèmement voisin du Cyclopterus; il en diffère 
surtout par sa dorsale unique, sa peau mince à peine adhérente, 
dépourvue de cônes dermiques, et son squelette beaucoup plus ossi- 
fié que celui du Cycloptère. Linné l'avait appelé Cyclopterus liparis, 
et il est encore désigné sous ce nom par Cuvier dans son Æègne anti- 
mal (édit. de 1829). 


1 C’est aussi ce que j’ai observé chez des embryons de Blennius appartenant pro- 
bablement à l'espèce B. Montagui. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 433 


Cette étroite parenté pouvait donner à penser que le développe- 
ment des nageoires paires s'effectue de la même manière dans les 
deux genres; il n’en est rien et, à ce point de vue, le Liparis res- 
semble beaucoup plus au Lepadogaster et aux Poissons abdominaux 
cités plus haut qu’au 
Cyclopterus. 

, Lorsqu'un embryon 
de Ziparis éclôt, ses 
pectorales, très déve- 
loppées, possèdent 
déjà leurs muscles et 
leur clavicule ; leurs 
rayons n'existent pas 
encore, mais elles 
jouent déjà un rôle 
des plus actifs dans la 
locomotion de la larve 
. qui les porte; les ven- 
trales, au contraire, ne 


sont encore qu'à l’état 


tout à fait rudimen- Fig. 9. — Coupe transversale d’un embryon de Liparis 


taire et représentées a 
?, nageoiïre pectorale ; c, cartilage de la pectorale ; m, muscles 


seulement par deux de la pectorale; vé, vitellus ; vg, espace oceupé chez l’embryon 
vivant par une volumineuse vésicule graisseuse ; v, rudiment 


amas de tissu em- de la nageoire ventrale. 


bryonnaire mésodermique situés aux angles de la face inférieure de 
la vésicule ombilicale, très peu saillants et recouverts d’une couche 
ectodermique riche en cellules muqueuses. Il est donc certain que 
le jeune Ziparis, comme le Zepadogaster, n’acquiert son disque 
adhésif qu'après avoir, pendant un certain temps, mené la vie péla- 
gique et lorsque ses pectorales ont déjà atteint un haut degré de 
différenciation, ce qui n’est pas le cas pour le Cyclopterus. 


ARCH,. DE ZOOL. EXP. ET GÉNe — 3€ SÉRIE, — T. 1V. 1896. 28 


434 FRÉDÉRIC GUITEL. 


VII 


HISTORIQUE. 


Dans le but de rendre moins pénible la lecture de mon travail, j'ai 
retranché de l'exposé de mes recherches l'analyse des travaux de 
mes devanciers, aussi bien que la comparaison de mes résultats 
avec les leurs. Ces deux parties ont été reportées ici et réunies dans 
un même chapitre !. 

Oellacher (2), le premier, a montré l’origine mésodermique des 
nageoires paires ; mais il n’a pas compris la relation secondaire qui 
existe entre la plaque pectorale et les protovertèbres (Boyer, 44, 
p. 96). 

Swirski (4) a étudié le développement du membre antérieur chez 
le Brochet. Son travail est divisé en deux parties. Dans la première, 
il est question de la ceinture scapulaire et, dans la seconde, du sque- 
lette de la nageoire pectorale. 

Chez l'embryon correspondant au stade I de l’auteur, l’ébauche 
du membre antérieur est une petite protubérance, de forme à peu ; 
près elliptique, dont la coupe transversale est triangulaire. La masse 
de cette protubérance, constituée par du tissu mésodermique et re- 
couverte par l’ectoderme, forme une colline dont la crête décrit un 
demi-cercle. Sur toute la largeur de cette crête, l’ectoderme forme 
un pli saillant ; mais ce pli est strictement borné à la pectorale et 
ne s'étend nullement jusqu'à la région où doit se former la ven- 
trale. 

À ce stade, le rudiment du membre antérieur renferme déjà une 
épaisse plaque à peu près semi-circulaire, qui représente l’ébauche 
commune de la ceinture scapulaire cartilagineuse et du squelette de 
la pectorale. | 

1 Je me suis borné à résumer les travaux concernant les Téléostéens. Pour les 
Sélaciens, je ne puis mieux faire que de renvoyer à l'excellent mémoire de Carl 


Rabl (Theorie des Mesoderms 11, Morphologisches Jahrbuch, 19 Band, 1 Heft, 1892), 
où la question des bourgeons musculaires est traitée de main de maitre. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 435 
Ce stade I du Brochet est intermédiaire entre les stades VI et VIIT 


du Cyclopterus précédemment décrits. 

Au stade Il, le rudiment cartilagineux est double ; il comporte 
une partie distale allongée en forme de tige et une proximale arron- 
die, située près de l'extrémité ventrale de la première. Bientôt les 
deux parties se réunissent ; mais l’espace qui les séparait ne se 
comble pas entièrement, et la plaque unique résultant de leur fu- 
sion est percée d’un trou, qui n’est autre que le trou coracoïdien. En 
_ même temps, la clavicule apparaît sur Le bord proximal de la plaque 
et le stade III se trouve atteint, Le rudiment de la ceinture cartila- 
gineuse consiste alors en une lame cartilagineuse, inseriptible dans 
un triangle et présentant trois apophyses correspondant aux trois 
sommets de ce triangle. L'’apophyse supérieure correspond à la 
région scapulaire, l’inférieure interne à la région procoracoïdienne 
et l’inférieure externe à la région coracoïdienne. 

L’apophyse inférieure interne constitue le processus médian de 
CG. Emery et l’apophyse inférieure externe le processus inférieur du 
même auteur. 

Le développement du membre antérieur du Cyclopterus ne m'a 
rien présenté de comparable à ce que décrit Swirski dans ses stades IT 
et III du Brochet. 

Plus tard, on voit (stade VIII) que les proportions relatives de 
l’apophyse coracoïdienne (processus inférieur de GC. Emery) sont 
beaucoup moins considérables que précédemment. En outre, la 
plaque cartilagineuse présente deux nouveaux trous voisins de son 
bord proximal : un inférieur (trou procoracoïdien) et un supérieur 
(trou scapulaire). 

Déjà au stade III, dans le tissu conjonctif situé entre la clavicule 
et la ceinture cartilagineuse, passent un vaisseau (partie supérieure) 
et un nerf (partie inférieure), destinés à l'extrémité. 

Se basant sur ce fait, Swirski considère comme très vraisemblable 
l'hypothèse qu’une masse cartilagineuse s’avance de la clavicule vers 
la teinture et se relie à cette dernière en saisissant les vaisseaux et 


436 FRÉDÉRIC GUITEL. 


les nerfs de manière à donner naissance aux trous procoracoïdien et 
scapulaire. 

Au stade XI, la plaque cartilagineuse scapulaire est arrivée à 
terme. Sa forme se rapproche de celle d’un triangle rectangle dont 
l'angle droit est formé par la région coracoïdienne et l'hypoténuse 
par le bord proximal. Une échancrure, recouverte par la clavicule, 
s’est formée dans la région procoracoïdienne et la partie scapulaire 
s’est fortement recourbée en dehors. En outre, l’apophyse coracoi- 
dienne ne consiste plus qu’en une courte protubérance conique. 

Chez l’adulte, les trous coracoïdien et procoracoïdien sont extrè- 
mement petits et ne peuvent être aperçus que si l’on a suivi leur 
développement. 

Dans le Cyclopterus, le processus inférieur (apophyse coracoïde de 
Swirski) est extrêmement court et simplement représenté par une 
protubérance arrondie, à peine saillante. 

Je n’ai pu découvrir qu'un seul trou dans la ceinture scapulaire, 
aussi bien chez l'embryon que chez l'adulte : c’est le trou scapu- 
laire. 

Voici, maintenant, quels sont les résultats de Swirski en ce qui 
concerne le développement du squelette de la pectorale proprement 
dite. 

Au stade II, le squelette de l’extrémité antérieure est une plaque 
cartilagineuse à peu près demi-circulaire, ne portant aucune trace 
de segmentation et en continuité de substance avec la ceinture sca- 
pulaire cartilagineuse. Cette disposition correspond à peu près au 
stade VII du Cyclopterus (fig. 4, p. 379). 

Bientôt, une petite aire de la plaque s’amincit considérablement, 
puis, au stade VIIT, une seconde, de sorte que les basales 1, 2 et 3 se 
trouvent dès à présent délimitées. En outre, ce stade a cela d'inté- 
ressant que neuf fragments cartilagineux ont pris naissance dans la 
partie distale de la plaque et forment une rangée en demi-cercle, à 
l'extrémité de laquelle se trouve la première basale. 

Au stade IX, l'apparition de deux autres aires d'amincissement 


NAGEOIÏIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS, 437 


achève la division de la plaque cartilagineuse de l'extrémité qui 
comporte alors cinq basales. 

Pendant ce temps, le nombre des fragments cartilagineux de la 
rangée distale s’est accru, et au stade XII on en compte douze, dont 
la grandeur décroit à peu près régulièrement du proptérygium vers 
le métaptérygium. La première basale se trouve exactement sur 
le prolongement de cette longue rangée de pièces distales, 

Au stade XIII, trois petites pièces secondaires proximales appa- 
raissent dans le voisinage des pièces primaires 4, 5 et 6. 

Enfin, au stade XIV, les deux derniers fragments primaires et les 
deux derniers secondaires ont complètement disparu. En revanche, 
il s’est formé une rangée secondaire distale constituée par cinq 
fragments qui se trouvent situés dans la région de la cinquième 
basale. 

Les matériaux m'ont manqué pour suivre, chez le Cycloptère, 
comme l’a fait Swirski chez le Brochet, le passage de la pectorale 
de l'embryon à celle de l'adulte; je puis dire seulement que ni chez 
l’un ni chez l’autre je n'ai pu observer les pièces cartilagineuses qui, 
chez le Brochet, sont surajoutées aux basales. 

Agassiz (5) a décrit l'extérieur de cinq embryons de Cyclopterus 
lumpus longs de 4, 5, 10, 20 et 34 millimètres, qu'il a figurés sous 
différents aspects. 

Le plus petit des embryons étudiés par Agassiz (long de 4 milli- 
mètres) était au même stade que le plus âgé de ceux que j’ai eu l’oc- 
casion d'observer et dont la longueur était de 6%%,5 (stade XII, 
fig. 7, p. 404). | 

Dans son mémoire sur le développement du Gadus morrhua, 
Ryder (2) s'exprime de la manière suivante (p. 519) : « The date of 
appearance of the first sign of the pectoral fin-fold varies somewhat 
in different genera, but in Gadus it appears as a slight longitudinal 
elevation of the skin on either side of the body of the embryo a 
Uttle way behind the auditory vesicles..… At the very first it appears 
to be merely a dermal fold, and, in some forms, a layer of cells 


438 FRÉDÉRIC GUITEL. 


extends out underneath it from the sides of the body, but does not 
ascend into it. » 

Si je comprends bien ce qu’a voulu dire l’auteur, la première 
ébauche de la pectorale du Gadus serait un pli ectodermique longi- 
tudinal, reposant sur un feuillet de cellules de nature indéterminée. 

Cependant, il ajoute quelques lignes plus loin : « In some 
species [| am quite well assured that there is at an early period a 
mesodermal tract or plate of cells developed just behind the audi- 
tory vesicles, just outside the muscle plates of this region, on either 
sde, which may be regarded as the source of thé mesodermal cells 
which are carried up into the pectoral fin -fold. This is developed at 
about the time of the closure of the blastoderm, and these lateral 
_mesodermal tracts of tissue may be called the pectoral plates. » 

Dans les espèces auxquelles Ryder fait allusion dans ce passage, la 
première ébauche de la nageoire pectorale ne serait plus le pli de 
l’ectoderme, mais bien une plaque mésodermique sur la nature de 
laquelle l’auteur né se prononce pas. 

Après avoir donné quelques détails sur le développement externe 
de la pectorale et sur les divers changements de position qu'elle 
subit, Ryder se livre à quelques comparaisons intéressantes (p. 521). 

Dans le Cybium et le Parephippus, les plis pectoraux primiüfs 
apparaissent très loin en arrière de la verticale du milieu du sac 
vitellin, tandis que dans toutes les autres formes étudiées par l’au- 
teur elles apparaissent plus en avant, Chez le Cybium, douze somites 
peuvent exister entre l’origine de la pectorale et la vésicule auditive; 
ailleurs, ce nombre est habituellement moindre, il est même quel: 
quefois réduit à deux ou trois, par éxemple chez l’Aosa et le Pomo- 
lobus. 

Prince (S) (cité par Boyer, p. 97) regarde les pectorales des Pois- 
sons osseux Comme étant d’origine ectodermique à leur début, II 
expose que : « They are differentiations of a Continuous lateral 
expansion of épiblast, passing along each side of the trunk, and are 
formed by the folding of this epiblastic layer upon itself at the point 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 439 


where the fins appear. Each fin consists, therefore, of two epiblastic 
lamellæ (separated by a fissure), lying flat upon the vitellus, and 
continuous with the extra-embryonic blastodermic membrane. » 
La participation du mésoderme est probablement un processus 
secondaire. En ce qui concerne l’origine des cellules mésodermi- 
ques qui sont introduites dans le pli de la nageoire, Prince dit: 
« They seem to be derived from the intermediate cell-mass in close 
proximity to the Wolffian ducts. » 

Ziegler (9) n’a fait qu’effleurer la question du développement des 
nageoires pectorales. Il considère comme représentant l’ébauche de 
ces organes une assise de cellules qu’il a trouvée située sur la soma- 
topleure, derrière les fentes branchiales. En avant, cette assise se 
trouve en continuité avec le mésoderme céphalique; en arrière, elle 
se fusionne avec la somatopleure. 

Un pli ectodermique parallèle à l’axe longitudinal du corps de 
l'embryon prépare la formation de la nageoire pectorale. 

Mac-Intosh et Prince (40) considèrent les expansions alaires que 
forment l’ectoderme et l’endoderme chez l'embryon dont le blasto- 
pore n’est pas encore fermé, comme la première ébauche des na- 
geoires pectorales. Ces ailes, qui ne comptent encore aucun élément 
mésodermique, s'étendent le long du tronc, depuis la région pecto- 
rale jusqu’à la région post-mésentérique. Un pli ectodermique se 
forme chez elles et, bientôt, se trouve constituée une paire de bour- 
relets qui s’accroissent et deviennent les membres pectoraux. 

Les deux auteurs attachent une portée théorique considérable à 
ce mode de développement qui montre que : « … the fin develops 
as a horizontal ridge, in accordance with Balfour’s theory of a pri- 
mitive horizontal lateral fin... » 

L'interprétation qu’on vient de lire me semble tout à fait inaccep- 
table, et je me range entièrement à l'opinion des auteurs qui ne 
voient le premier rudiment de la pectorale que dans l’épaississe- 
ment de la somatopleure, localisé au niveau des premiers segments 


primordiaux, En ce qui concerne l'existence d’une nageoire primi- 


440 FRÉDÉRIC GUITEL, 


tive latérale continue, je suis en mesure d’affirmer qu'il n’en existe 
aucune trace chez le Cyclopterus. 

Suivant les auteurs cités, la densité croissante des bourrelets de 
nageoires est due à l'entrée du mésoderme dans l’interstice sépa- 
rant les deux lames des plis ectodermiques (p. 801). En outre, ce 
mésoderme est considéré comme étant « a mass of cells in which 
the Wolffian ducts lie, and out of which they are developed », ce qui 
conduit aux déductions suivantes : « If these ducts, as appears to be 
the case, arise as lateral ridges or diverticula of the somatopleure, 
then the mesoblastic cells of the fins must be pronounced soma- 
topleuric. But no ridge of somatopleuric cells, comparable to the 
Wolffian ridge of higher forms, has been recognised in fishes, and 
we must regard this mesoblast as indifferent, and forming an 
« intermediate cell-mass » adjacent to the excretory system. The 
proximity of the Wolffian duct and the base of the pectoral fin is 
very noticeable (p. 802). » 

Reproduisant l’assertion de Kingsley et Conn (6), relative au 
Tautogolabrus adspersus Gill, que : « No trace of a continuous late- 
ral fold could be seen, the fins protruding as simple outgrowths », 
Mac-Intosh et Prince (note de la page 801) ajoutent : « The exten- 
sion of the thickened epiblast and hypoblast laterally is, however, 
a feature common to all Teleostean embryos, and a portion of 
this becomes defined in all the forms studied at Saint-Andrews, and 
out of this defined epiblastic fold the pectoral fins arise. » 

Parmi les Poissons étudiés par Mac-Intosh et Prince, au point de 
vue du développement des pectorales, on peut citer les Gadus ægle- 
finus, Pleuronectes fiesus, Molva vulgaris, Gadus morrhua, Pleuro- 
nectes platessa, Trigla gurnardus. 

Les mêmes auteurs ont donné quatre figures, dont plusieurs très 
défectueuses, d’embryons de Cyclopterus lumpus (fig. 5, pl. XII; 
6 et 9, pl. XV; 3, pl. XVII). 

Dans une première note parue en février 1891 (42), je décrivais 


le développement extérieur des nageoires paires du Cyclopterus 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 441 


lumpus. Cette note contient quelques inexactitudes que je dois rec- 
tifier. Le moment de l’apparition des ventrales est fixé (p. 354) à un 
âge correspondant au stade V du présent mémoire; nous savons 
qu'en réalité ce moment appartient au stade IV. En outre, il est 
dit que l’extrémité antérieure de la crête du rudiment de la pecto- 
rale se recourbe en dehors et en arrière; nous avons vu que cette 
apparence n’est qu’une illusion due à la rapidité du talus externe 
de l’ébauche mésodermique de la nageoire. 

L’ébauche fibreuse considérée comme devant donner naissance 
à la clavicule et aux supra-clavicules (scapulaire et surscapulaire) 
n’est, en réalité, que le rudiment de la clavicule; l’ébauche com- 
mune des supra-clavicules n'apparaît que longtemps après ce der- 
nier. En outre, l’ébauche claviculaire, au lieu de se former, comme 
il est dit, lorsque le ventricule est depuis longtemps asymétrique, 
devient visible au moment même où le bourrelet ectodermique de 
la ventrale commence à se pencher en dedans. 

Une seconde note parue en avril 1894 (43) demande aussi quel- 
ques rectifications. L’une des plus importantes consiste en ce que 
le nombre des segments primordiaux des différents stades décrits 
doit être augmenté d’une unité. En effet, le premier segment, très 
difficile à distinguer, m'avait d’abord complètement échappé; il en 
résulte naturellement que le numéro d'ordre de tous les segments 
doit être aussi augmenté d'une unité. (Comparer les figures 1, 2, 3, 
p. 878, 879 et 880 aux figures 1, p. 358, 10, pl. VIL et 5, pl. VI du 
présent mémoire, qui ont été rectifiées.) 

Le rudiment somatopleural de la pectorale, qui est dit n’appa- 
raître que dans l’embryon à 25 segments, existe déjà lorsque ces 
derniers sont seulement au nombre de 19. 

Contrairement à ce qui a été écrit pages 880 et 881, le bourgeon 
du dixième (en réalité onzième) myotome ne reste pas rudimen- 
taire, mais s’allonge comme ceux qui le précèdent et donne nais- 
sance à l’un des rubans musculaires de la paroi abdominale. 


Les quatre basales (os carpiens de Cuvier) ne s’articulent pas direc- 


442 FRÉDÉRIC GUITEL. 


tement avec la clavicule (huméral de Cuvier), mais avec une très 
longue et très étroite apophyse du scapulaire (radial de Cuvier). 

Boyer (44) a étudié le développement des nageoires pectorales dans 
un Cyprinodonte de la côte orientale des États-Unis, le Fundulus he- 
teroclitus. | 

La première indication d'une modification du mésoderme dans la 
région où doit apparaître la pectorale est un épaississement de la so- 
matopleure situé au niveau du néphrostome, lequel se trouve dans 
la troisième protovertèbre. | | 

Bientôt, cet épaississement, qui se trouve en continuité avec le 
mésoderme céphalique, s'étend depuis ce dernier jusqu’à la troisième 
protovertèbre et conduit ainsi au développement de ce que Boyer 
a appelé la « plaque pectorale » et que j'ai désigné, chez le Cyclop- 
terus, Sous le nom d'’ébauche ou de rudiment somatopleural de la 
pectorale. 

Plus tard, la plaque pectorale s'étend depuis la première jusqu’à 
la quatrième protovertèbre. En outre, des connexions s’établissent 
_entre les trois premières protovertèbres et la plaque pectorale. Ainsi, 
les deux premières protovertèbres sont en parfaite continuité de 
substance avec la plaque pectorale; la troisième lui est moins in- 
timement jointe ; la quatrième et les suivantes en sont tout à fait 
indépendantes, 

Voici comment Boyer explique le processus suivant lequel s’éta- 
blissent ces connexions : 

Sur le bord ventral externe des myotomes, leur «cutis-plate » (épi- 
thélium externe de 0. Hertwig) prolifère et donne naissance à une 
masse de cellules qui se projette latéralement dans la direction de la 
plaque pectorale et s'étend au-dessus du bord proximal de cette der- 
nière. 

Cette projection est surtout prononcée au milieu des trois preiiers 
myotomes. 

Un peu plus tard, les cellules de ces « myotomic proliferations », 


qui sont déjà en contact avec la plaque pectorale, se fusionnent avec 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 443 


cette dernière, et c'est ainsi que s’établissent les connexions dont il 
a été parlé plus haut. 

Suivant l’auteur, le processus précédemment décrit ne s’applique- 
rait qu'aux trois premiers myotomes, et les cellules du quatrième 
passeraient isolément dans la plaque pectorale. 

Malgré la clarté des faits relatifs aux trois premières protover- 
tèbres, Boyer se refuse à admettre la présence de véritables bour- 
geons musculaires chez le Fundulus heteroclitus. 

Il dit en effet (p. 124): « [t can hardly be said that the elements in 
this contribution take the form of well defined cell-masses or buds, 
nor are they strictly isolated individual cells, and yÿet to a certain 
extent both conditions exist, » 

Gette hésitation tient vraisemblablement à ce que Boyer s’est servi 
trop exclusivement de la méthode des coupes, et il est extrêmement 
probable que les préparations ?n foto auraient levé tous ses doutes re- 
lativement à la véritable nature des « myotomic proliferations » qu'il 
décrit. 

Un résultat important du travail de Boyer consiste en ce que ni le 
mésoderme céphalique ni la masse cellulaire intermédiaire ne con- 
tribuent à la formation de la nageoire pectorale. 

La première trace d'une modification de l’ectoderme qui puisse 
être regardée comme conduisant à la formation d’un pli dans la 
région de la pectorale s’observe dans les embryons âgés d’en- 
viron quatre Jours et consiste simplement en un arrangement des 
noyaux de la couche profonde plus compact que dans les stades 
précédents, | 

A ce stade, la plaque pectorale est déjà très avancée. 

Un véritable pli ectodermique ne peut être aperçu avant le cin- 
quième jour, Comme, d'autre part, la première trace d'épaississe- 
ment somatopleural apparaît dans l'embryon de quatre-vingt-quaire 
heures (3 jours et demi), on peut dire que chez le Fundulus hetero- 
clitus, la première trace d’épaississement de l’ectoderme apparaît 


un demi-jour et la première trace de pli un jour et demi après la 


444 FRÉDÉRIC GUITEL. 


première trace d’épaississement du mésoderme dans la région de la 
nageoire pectorale. 

Ce point important du développement de la pectorale a été vérifié 
par Boyer chez le Requin (Shark), le Clupea sapidissima et le Gadus 
morrhua. 

En outre, le pli ectodermique est absolument borné à la région 
qu’occupe la plaque pectorale et ne s'étend nullement en arrière jus- 
qu'aux ventrales. 

Tous ces faits viennent à l’encontre de la théorie bien connue de 
Balfour et de Dohrn. 

La comparaison des résultats obtenus par Boyer avec ceux aux- 
quels je suis parvenu moi-même est facile à établir en se reportant 
à ce que j'ai dit du Cyclopterus dans les quelques lignes consacrées 
à l'analyse des travaux de Corning (p. 444) et de Harrison (p. 447). 

Dans un court travail, très soigné, Corning (45) a décrit la pecto- 
rale et les bourgeons musculaires de la Truite et du Brochet. 

Chez la Truite, la première ébauche de la pectorale se compose 
d’un épaississement somatopleural et d'un pli ectodermique. Sui- 
vant l’auteur, il s'écoule un laps de temps très considérable entre 
l'apparition de l’épaississement de la somatopleure et celui de l’ecto- 
derme, ce dernier naissant seulement lorsque les bourgeons mus- 
culaires sont déjà ébauchés. 

Chez le Cycloptère, 1l n’en est pas de même; cependant, il y a 
lieu de faire une distinction. Si l’on donne au mot pli son sens 
littéral, il est vrai que, chez le Cycloptère, celui de l’ectoderme de 
la pectorale ne commence à s’ébaucher que chez l'embryon à 32 seg- 
ments, tandis que l’épaississement correspondant de la somatopleure 
existe déjà lorsque l’embryon n’a encore que 22 segments ; c’est 
un intervalle d'environ deux jours. Si, au contraire, on donne déjà 
le nom de ph à l’épaississement pur et simple de l’ectoderme, alors 
l'intervalle se réduit à quelques heures, car si l'embryon à 19 seg- 
ments n’a que l’épaississement somatopleural, l'embryon à 22 seg- 


ments possède déjà les deux. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 445 


Dans son travail, Corning, parlant des figures qui Paccompagnent, 
dit que le pli ectodermique n'existe ni dans la figure 1 ni dans la 
figure 2; cependant, on perçoit déjà un commencement d’épaissis- 
sement dans la coupe de la figure 2, surtout du côté droit. 

Il est vrai que le point important, dans cette question, n'est pas 
la durée de l'intervalle séparant l’apparition des deux épaississe- 
ments, mais bien le fait que celui de la somatopleure se forme avant 
celui de l’ectoderme. 

Revenons à la Truite. La région du rudiment somatopleural de la 
pectorale où l’épaisseur est la plus grande se trouve située au niveau 
des deuxième, troisième et quatrième protovertèbres ; mais les coupes 
montrent que la plaque pectorale ! se prolonge jusqu’à la hauteur 
des cinquième et sixième protovertèbres. 

Corning a donné les figures de trois coupes transversales d’em- 
bryon de Truite à différents âges. La description de ces coupes ne 
peut trouver place ici ; je me bornerai à dire qu’elles montrent avec 
la plus grande netteté comment les bourgeons musculaires prennent 
naissance par l’allongement de l’angle latéral des protovertèbres, 
qui se trouve constitué par une accumulation de plus en plus 
considérable de cellules de la Cutislamelle (épithélium externe du 
segment primordial de O. Hertwig). Dans celle des trois coupes 
empruntée à l'embryon le plus âgé, l'angle latéral de la protover- 
tèbre s’est considérablement allongé, et son extrémité distale renflée 
(bourgeon musculaire) pénètre dans le tissu de la plaque pectorale. 
A ce stade, la coloration des noyaux des bourgeons musculaires est 
plus sombre que celle des noyaux de la plaque pectorale ; malheu- 
reusement, cette différence ne tarde pas à s’effacer et bientôt il de- 
vient impossible de suivre les bourgeons musculaires dans leur trajet 
au travers de la plaque pectorale. 

La disposition relative des bourgeons musculaires appartenant 


aux différents segments ne peut être étudiée avec fruit que sur des 


1 C’est le terme dont s’est servi Boyer pour désigner l’ébauche somatopleurale 
de la pectorale, 


4146 FRÉDÉRIC GUITEL. 
préparations à plat ; aussi Corning a-t-il publié quaire figures d’en- 
semble dessinées d’après des embryons de Brochet. 

Voici les faits qui lui ont été révélés par ce procédé d'investi- 
gation. 

Les protovertèbres qui doivent donner naissance à des bourgeons 
sont plus larges que les autres, même avant la formation de ces 
bourgeons ; la première, qui n’en donne pas, reste étroite, celles 
qui la suivent, jusqu’à la sixième inclusivement, sont plus ou moins 
élargies. 

Les masses principales des plaques pectorales sont situées au ni- 
veau des protovertèbres 2 à 5. 

L'ordre d'apparition des bourgeons musculaires est antéro-posté- 
rieur ; ils se forment par l'allongement de l’angle antérieur des 
parties ventrales des protovertèbres et ils se dirigent obliquement, 
d’arrière en avant et de dedans en dehors, vers la plaque pectorale, 
les postérieurs étant plus obliques que les antérieurs. 

On ne peut rien dire de général sur la forme du hbourgeon muscu- 
laire, au moment où il se sépare de la protovertèbre ; il est tantôt 
arrondi, tantôt allongé ; il peut même acquérir une très grande lon- 
gueur avant de devenir libre. 

Les protovertèbres postérieures à la sixième n’offrent pas de hour- 
geons rudimentaires. 

La principale différence qu'on remarque entre le Brochet et la 
Truite, d’une part, et le Cycloptère, d'autre part, consisie en ce que, 
chez ce dernier, l’ébauche de la pectorale n'est en rapport qu’avee 
quatre bourgeons musculaires (du 2° au 5° segment), au lieu de 
cinq (du 2° au 6°). 

Chez les Sélaciens, Rabl a démontré que le nombre des rayons est 
égal au double de celui des protovertèbres qui participent à la for- 
mation des nageoires. Corning a cherché à trouver un rapport de 
même nature pour les Téléostéens, et 1l est arrivé à la proposition 
suivante : 


« Chez les Téléostéens, le nombre des basalia (ou carpalia) corres- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 447 


pond au nombre de protovertèbres participant à la formation de 
l'extrémité. » 

Dans sa note préliminaire sur le développement des nageoires du 
Salmo salar, Harrison (46) a publié un certain nombre de faits très 
intéressants. 

Environ six bourgeons musculaires pénètrent dans le rudiment de 
la nageoire ventrale du Saumon en convergeant vers cette dernière. 

Chez le Cycloptère, quatre et même peut-être cinq bourgeons sont 
en rapport avec la ventrale. 

Dans le Saumon, l’ectoderme se soulève en un pli qui fait saillie 
sur la face latéro-ventrale du corps, parallèlement à son axe longi- 
tudinal. | 

Ce pli existe dans la ventrale du Gycloptère ; mais, chez ce der- 
nier, la nageoire apparaît sur la face dorsale de l’embryon et, lors- 
qu'elle arrive sur sa face ventrale, elle est déjà très avancée dans son 
développement et son pli ectodermique est considérable. 

D'après l’auteur, les bourgeons musculaires pénètrent loin dans 
la nageoire, mais ils se désagrègenti de très bonne heure. Je n’ai pas 
pu éclaircir ce point dans le Cycloptère ; il en est de même pour 
l’origine des muscles de la ventrale, que concerne le passage sui- 
vant. 

_ La région dans laquelle apparaît la première indication de la dif- 
férenciation d’un muscle est l’espace antérieurement occupé par les 
bourgeons musculaires. Il n’y a aucune trace de métamérisme dans 
ce muscle, quoiqu'on puisse, en toute certitude, admettre que les” 
cellules des bourgeons prennent part à sa formation. À peu près en 
même temps, dans la région correspondant au côté opposé ou in- 
terne de la nageoire, a lieu une semblable différenciation; mais 1l 


n'est pas probable que les cellules des bourgeons prennent part à 


1 D’après Gegenbaur (cité par Corning, 45%, p. 81), le nombre des basalia des 
Téléostéens est normalement égal à cinq; mais, par suite de réduction, il peut 
tomber à quatre ou même encore moins. Le cas particulier du Cycloptère rentre 
dans la règle énoncée par Corning, car le nombre de ses basales est égal à quatre, 
comme celui des bourgeons musculaires qui se mettent en rapport avec sa pectorale. 


448 FRÉDÉRIC GUITEL. 

sa formation. En un mot, le muscle adducteur ou rétracteur profond 
paraît seul résulter de la différenciation des bourgeons musculaires ; 
les trois autres seraient nés de cellules issues de la somatopleure et 
peut-être aussi du sclérotome. k 

La nageoire pectorale du Saumon se développe beaucoup plus 
tôt que les autres et le manque de différenciation histologique de 
ses tissus à ce moment rend son étude plus difficile. 

Nous avons vu que le Cycloptère fait exception à la règle et que, 
chez lui, la pectorale n'apparaît que très peu de temps (environ 
48 heures) avant la ventrale. 

Suivant Harrison, d'accord en cela avec Boyer (44), la première 
trace de la pectorale est l’épaississement de la somatopleure ; 
l’épaississement de l’ectoderme et son pli naissent plus tard ; c’est 
aussi Ce qui arrive chez le Cycloptère. 

Les myotomes émettent sur leur angle ventral des processus qui, 
au lieu d’entrer dans le rudiment de la nageoire, comme l’indiquent 
Kaestner pour le Salmo et Boyer pour le #Fundulus, s’allongent 
beaucoup et s'élèvent jusqu’au muscle coraco-hyoïdien comme l'ont 
décrit Van Wijhe chez le Pristiurus et Van Bemmelen chez le Lacerta. 

Le premier myotome est, à ce stade, complètement rudimentaire; 
le second et le troisième sont entièrement situés en avant de la 
nageoire qui se trouve au niveau du quatrième, du cinquième et du 
sixième. L’extrémité antérieure du canal de Wolff est opposée à la 
portion médiane ou postérieure du cinquième segment. Le premier 
myotome n’a pas de processus ventral. Le second, le troisième et 
le quatrième émettent de longs cordons constitués uniquement par 
des cellules de leur couche cuticulaire. Ceux-ci croissent ventrale- 
ment dans la paroi somatopleurale de la cavité péricardique. Après 
un certain temps, le premier seul s’atrophie ; le second et le troi- 
sième se courbent en avant et sont suivis par le quatrième (du cin- 
quième myotormne) qui s'accroît en avant et ventralement. Le plus 
antérieur seul s’attache à La base de l’arc hyoïdien au moyen d'un 


tendon ; les cordons réunissant les bourgeons aux myotomes s’atro- 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 449 


phient et les trois bourgeons s’unissent pour former un muscle qui 
prend son origine sur la ceinture scapulaire membraneuse et s’at- 
tache à l’urohyal.Ce muscle est néanmoins divisé en trois segments, 
au moins dans les jeunes Poissons dont le sac vitellin est entière- 
ment résorbé. 

Le sixième myotome a un processus ventral qui ne se porte pas 
en avant comme les autres. Il devient un cordon indépendant de 
fibres musculaires qui est probablement incorporé plus tard dans la 
masse musculaire latérale. 

Le septième myotome et ceux qui le suivent s’accroissent ventra- 
lement et sont intéressés dans la formation des muscles ventraux 
du Poisson. 

La conclusion générale de Harrison, en ce qui concerne la pecto- 
rale, est la suivante : 

« The pectoral fin is derived entirely from somatopleuric cells. 
The muscle-buds of this region are greatly modified and take part 
in the formation of the coraco-hyoïde muscle. » 

Mes observations sur les bourgeons musculaires de la pectorale 
du Cycloptère n'ont pu être poussées, à beaucoup près, aussi loin 
que celles de Harrison sur le Saumon. 

Chez le Cycloptère, comme chez le Saumon, le premier myotome 
est dépourvu de partie ventrale (ventral process de Harrison) et, de 
plus, le second (fig. 41) est entièrement situé en avant de la nageoire, 
qui se trouve au niveau du troisième, du quatrième et du cinquième, 
le cinquième étant en rapport avec le prolongement antérieur de la 
ventrale. 

Dans chacun des segments 2 à 5, l’ensemble formé par le myotome 
et son bourgeon est dirigé d’arrière en avant et de dedans en de- 
hors. Ce fait tient peut-être à ce que les bourgeons antérieurs du 
Cycloptère, comme ceux du Saumon, vont rejoindre en avant l’arc 
hyoïdien. 

La question de savoir le sort que subissent les bourgeons muscu- 
laires de la pectorale des Téléostéens est certainement hérissée de 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN.— 3€ SÉRIE, — T. 1V. 1896. 29 


450 FRÉDÉRIC GUITEL. 


difficultés et il me semble difficile d'admettre qu'aucun des musclés 
de la pectorale ne tire son origine de ces bourgeons s’il en existe 
dans la ventrale qui se trouvent dans le cas contraire. 

Ducret (1%) a étudié le développement des membres chez la 
Trutta lacustris. 

Dans l’embryon de 4 millimètres de longueur, « la somatopleure 
a une épaisseur de deux à trois cellules, plus ou moins compri- 
mées latéralement, tandis qu'en avant et en arrière de cette même 
région pectorale elle n’existe plus que comme simple couche uni- 
cellulaire ». 

Chez l'embryon de 5"%,9, qui compte 45 à 50 segments, « les pre- 
miers rudiments des nageoires pectorales sont visibles à un faible 
grossissement et forment deux petits îlots de cellules, un de chaque 
côté du corps et de chaque côté des vésicules auditives». La figure 
qui représente ces rudiments de nageoires ne ressemble que de loin 
à celle que j'ai donnée au stade correspondant du Cyclopterus, et je 
suis tenté de croire que l’auteur l’a faite d’après une préparation 
colorée d’une manière défectueuse. 

Dans le même embryon, « on peut parfaitement compter plusieurs 
protosegments entrant dans l’ébauche de la nageoire pectorale, les 
plus antérieurs bourgeonnant latéralement, tandis que les deux ou 
trois autres qui suivent ont dû, pour entrer dans l’aire de la même 
nageoire, se couder en avant ». 

Malgré l’épaississement somatopleurique dont la présence a été 
rappelée dans un passage cité plus haut, l’auteur s'exprime de la 
manière suivante : « Vu le faible rôle joué par la somatopleure dans 
ces premières phases du développement, on est en droit d'affirmer 
que la nageoire pectorale est essentiellement constituée par une 
zone condensée des bourgeons de plusieurs protosegments. » 

Il ajoute en outre : « Le nombre des protosegments qui entrent 
dans la constitution de la nageoïire pectorale est difficile à déter- 
miner. Boyer, dans son travail sur le Fundulus, en indique trois, les 


trois premiers. Chez la Truite, j’en ai compté davantage, au moins 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 451 
six ou sept, dont les trois postérieurs coudés de la façon indiquée 
plus haut. » 

L'auteur ne donne pas les numéros d'ordre des segments qui, 
suivant lui, entrent dans la constitution de la pectorale; la figure 
qu’il donne d’une coupe horizontale d’un embryon de 6 millimètres 
est, d'ailleurs, extrêmement difficile à lire. 

La description du pli ectodermique de la nageoïre pectorale ne 
diffère pas sensiblement de celle qui a été donnée par Boyer pour 
le Fundulus, ni de celle que je donne pour le Cyclopterus. 

L'exposé du développement du squelette de la pectorale n’est pas 
très clair dans le travail de Ducret, En outre, il est impossible de le 
résumer sans figures ; je me bornerai donc aux quelques indications 
suivantes : 

D’après l’auteur, «le procoracoïde ne naît pas indépendant comme 
le veut Swirski, mais bien comme bourgeonnement dorso-ventral de 
la portion antérieure et supérieure de la plaque basilaire. » En 
outre, ce que Swirski considère comme un coracoïde est quelque 
chose de nouveau que l’on ne rencontre que chez les Poissons 
osseux, et que Ducret désigne sous le nom de processus posticus ou 
ensiformis (processus inférieur de CG. Emery). 

La ceinture scapulaire cartilagineuse de la Truite, comme celle du 
Brochet, est percée de trois trous : scapulaire, coracoïdien el proco- 
racoïdien. 

« La lame distale qui occupe l’intérieur de la nageoire pectorale 
se transforme en cinq rayons cartilagineux par apparition de quatre 
rayons de résorption (p. 29). Parmi ces cinq rayons, les quatre infé- 
rieurs sont les basales ou rayons primaires. 

« Le bord périphérique de la plaque cartilagineuse, encore com- 
posée de tissu primordial homogène, se divise en rayons secon- 
daires plus courts, plus nombreux, en nombre égal à celui des 
rayons fibreux qui, encore plus extérieurs, soutiennent la palette 
natatoire (p. 22 et 23). » Ces derniers sont articulés sur les rayons 
secondaires qu'ils entourent de deux côtés. 


452 FRÉDÉRIC GUITEL. 


En ce qui concerne la nageoiïire abdominale, Ducret ne dit rien du 
rôle que joue la somatopleure dans sa formation ; il considère, au 
contraire, que la première ébauche de cette nageoire est formée par 
une évagination de l’ectoderme causée elle-même par le bourgeon- 
nement rapide des myomères (p. 26). 

De la lame cartilagineuse qui se forme dans l’intérieur de la na- 
geoire abdominale se détachent des rayons cartilagineux sur lesquels 
viennent s’articuler la base des rayons fibreux. C’est pourquoi, 
comme Wiedersheim et Dorhn, l’auteur considère la ceinture pel- 
vienne des Téléostéens comme une pseudo-ceinture pelvienne prove- 


nant de la fusion complète ou de la non-différenciation des basales. 


IX 


RÉSUMÉ. 


La description de chacun des stades du développement est suivie 
d'un court résumé partiel. On trouvera ces résumés aux pages 353 
(stade IT), 356 (st. IT), 362 (st. IV), 370 (st. V), 377 (st. VI), 383 
(st. VIT), 387 (st. VIII), 390 (st. IX), 394 (st. X), 397 (st. XI), 402 
(st. XIT), 410 (st. XIII). 

En outre, les chapitres III (p. 411) et IV (p. 420) synthétisent les 
faits relatifs au squelette des nageoires paires et à leurs changements 


de position pendant le cours du développement. 


Il m'a semblé utile d'ajouter ici, aux deux résumés des chapitres 
III et IV, un aperçu rapide des quelques faits, malheureusement peu 
nombreux, que j'ai pu découvrir sur les bourgeons musculaires du 
Cycloptère. 

Tous ces différents résumés me permettront d'écourter beaucoup 


le résumé général qui termine le présent chapitre. 


Bourgeons musculaires. — Déjà chez les embryons comptant seu- 


lement 149 segments primordiaux, l’angle inférieur externe des 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 453 


myotomes antérieurs se prolonge en dehors sous la forme d'un 
mamelon constituant la première ébauche des parties ventrales des 
segments (ventraler Theil des Urwirbels de Corning, 45). 

Le premier segment primordial ne présente pas de partie ventrale. 

Chez l'embryon possédant 26 segments (fig. 9), les parties ven- 
trales de ces derniers sont déjà beaucoup plus facilement visibles ; 
celles des segments postérieurs au cinquième sont plus saillantes 
que les autres et sont légèrement obliques d'avant en arrière et de 
dedans en dehors. 

Lorsque le nombre des segments atteint 32 à 33, les extrémités 
distales des parties ventrales appartenant aux segments 2 à 5 sont 
séparées de celles-ci et forment de chaque côté quatre bourgeons 
musculaires libres dirigés obliquement d’arrière en avant et de 
dedans en dehors et pénétrant profondément dans le rudiment 
somatopleural de la pectorale (fig. 41). 

Je n’ai pas pu suivre plus loin les bourgeons de la pectorale. 

Dans le même embryon, les parties ventrales des segments posté- 
rieurs au cinquième se sont considérablement allongés vers l’ébauche 
de la nageoïre ventrale. | 

Plus tard (stade VI), les parties ventrales des sixième, septième, 
huitième, neuvième (peut-être même du dixième) segments, atiei- 
gnent l’ébauche de la ventrale en convergeant vers cette ébauche 
(fig. 6), et leur extrémité, taillée en biseau, pénètre même sous le 
rudiment somatopleural de cette dernière (fig. 43) ; mais il m'a été 
impossible de voir aucune partie se détacher de cette extrémité pour 
entrer dans le tissu de la future nageoire. 

Au stade VII (fig. 7 et 13), il est facile de voir que les parties ven- 
trales des cinquième et septième segments se rendent au prolonge- 
ment antérieur de l’ébauche de la ventrale et les deux suivants à 
cette ébauche elle-même. En outre, on reconnaît sans peine que les 
parties ventrales des segments postérieurs au cinquième, se trans- 
forment en rubans musculaires qu’on retrouve chez l'adulte formant 


la musculature de la paroi abdominale. 


AS4 FRÉDÉRIC GUITEL. 


Résumé général. 


Pectorale, — 1° Le premier rudiment de la pectorale apparaît chez : 


l'embryon vers le moment où ce dernier compte 19 segments pri- 
mordiaux. Chez ceux qui en ont 22, c’est un épaississement de la 
somatopleure ayant la forme d’un triangle, situé au niveau des 
5 premiers segments. L'ecitoderme recouvrant ce rudiment est déjà 
légèrement épaissi, mais l’épaississement de la somatopleure précède 
de quelques heures celui de l'ectoderme. L'épaississement ectodermique 
est strictement localisé à la région pectorale. 

99 Le rudiment triangulaire s’élargit, puis change de forme et, 
dans l'embryon à 32 segments, 1l consiste en une plaque de forme 
elliptique à grand axe longitudinal, dont la section transversale, 
triangulaire, est à peu près isocèle. La crête de ce rudiment est 
occupée par un bourrelet ectodermiqué parallèle à la ligné médiane 
dorsale de l'embryon. 

À ce stade existent 4 bourgeons musculaires séparés des myoto- 
mes 2 à 5. Ils sont encore arrondis et l’antérieur est situé en avant 
du rudiment de la pectorale. 

32 Dans l'embryon à 35 segments primordiaux (stade V), la crête 
de la colline qui constitue le rudiment de la pectorale décrit une 
courbe à concavité externe ; la ligne qui joint les deux éxtrémités de 
cette courbe représente la future base d'insertion de la nageoire. 

4 Lorsque le nombre des segments atteint 35 à 38 (stade VI), la 
face interne de la colline qui constitue la pectorale est presque 
taillée à pic, tandis que sa face externe comporte 3 talus successifs, 
dont le moyen est beaucoup plus raide que les deux autres ; le 
bourrelet ectodermique est devenu un pli aplati latéralement. Le 
squelette cartilagineux est apparu, il consiste en lame épaisse étroite 
(plaque basale), renflée en forme de baguette (ceinture scapulaire) 
sur son bord proximal. 

5° Au stade suivant (VII), la pectorale a diminué d'épaisseur et son 


talus moyen s’est beaucoup adouci, elle tend à devenir tangente au 


 NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 455 


vitellus ; en outre, son contour a pris la forme générale d’un ovale 
dont la partie interne est très large, tandis que l'externe est très 
étroite. L’ébauche de la clavicule est apparue ; c’est une baguette 
réfringente très mince faisant un angle aigu à ouverture externe 
avec le rudiment de la ceinture cartilagineuse. 

6° Quelque temps après la différenciation des muscles de la pec- 
torale, la ceinture cartilagineuse consiste en une lige cylindrique 
presque droite dont l'extrémité coracoïdienne est dilatée etaplatie en 
forme de raquette. Les fibres cornées sont apparues et les régions 
dans lesquelles les rayons prendront naissance sont marquées par 
_des languettes mésodermiques triangulaires (stade X). 

7° Au stade XII, l'extrémité coracoïdienne de la ceinture cartila- 
gineuse est dilatée et présente deux apophyses: l’une grêle, affectant 
la forme d’un ergot (processus médian de C. Emery, procoracoïde 
de Gegenbaur); l’autre arrondie et peu saillante (processus inférieur 
de C. Emery). L'extrémité scapulaire de la ceinture est pliée en 
accent circonflexe à ouverture externe. 

La plaque basale est percée d’un trou oblong. 

La post-clavicule est apparue; elle se forme aux dépens d’une 
ébauche indépendante de celle de la clavicule. 

Les rayons de la pectorale sont différenciés, leur extrémité proxi- 
male est bifurquée, mais ils n’ont encore aucune articulation trans- 
versale. | 

8° Les supra-clavicules apparaissent après la post-clavicule et, par 
suite, après la clavicule; elles se forment aux dépens d'une même 
ébauche indépendante de celles de ces deux dernières (stade XIII). 

Au stade XIII, le trou scapulaire de la ceinture scapulaire existe 
ainsi que les trois trous de la plaque basale. La plupart des rayons 
sont articulés. 


Ventrale. — 9° La nageoire ventrale apparaît environ quarante- 
huit heures après la pectorale lorsque l'embryon compte 31 à 33 seg- 


ments ét que cette dernière n’est encore qu'une plaque à contour 


456 FRÉDÉRIC GUITEL. 


elliptique et à crête parallèle à la ligne médiane dorsale de l’em- 
bryon. Le premier rudiment de la ventrale est un faible épaississe- 
ment somatopleural en continuité avec celui qui constitue l’ébauche 
de la pectorale et situé sur le côté externe des sixième, septième, 
huitième et neuvième myotomes (stade IV). 

40° Bientôt après son apparition, l’ébauche de la ventrale est at- 
teinte par les parties ventrales des sixième, septième et huitième 
segments. L'état de ces parties est d'autant moins avancé qu'elles 
sont plus postérieures (stade V). 

44° Dans l'embryon possédant 31 à 38 segments, la partie ventrale 
du neuvième segment atteint le rudiment de la ventrale. Les coupes 
transversales montrent que les parties ventrales qui atteignent la 
ventrale sont taillées en biseau (à leur extrémité distale) et soulèvent 
le bord interne du rudiment somatopleural de cette dernière en s’in- 
troduisant au-dessous de lui (stade VI). 

12° Au stade suivant (VII), l’ectoderme épaissi qui recouvre : 
l’ébauche somatopleurale de la ventrale se renfle en un bourrelet qui 
ne tarde pas à prendre une courbure à concavité externe. Les parties 
ventrales des sixième et septième segments se rendent maintenant 
au prolongement antérieur de l’ébauche de la ventrale ; celles des 
huitième et neuvième segments seules (peut-être aussi celle du 
dixième) atteignent la partie principale de cette ébauche. Les trois 
plus antérieures de ces parties ventrales commencent à se trans- 
former en bandelettes musculaires destinées à constituer la muscu- 
lature de la paroi abdominale. 

13° La ventrale perd sa symétrie en inclinant sa crête en dedans; 
il en résulte la formation d’une gouttière qui constitue la première 
ébauche de l’aisselle de la future nageoire (stade VIII). Peu de temps 
après la formation de cette aisselle apparaît le cartilage de la ven- 
trale (stade IX). 

14° Très peu de temps après son apparition, le cartilage de la ventrale 
se tord sur lui-même et prend bientôt la forme représentée figure 19. 


En même iemps prennent naissance les rayons qui se forment 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 457 


d'avant en arrière, Le contour des ventrales est alors beaucoup plus 
large en arrière qu’en avant; leur cartilage est sur le point de s’arti- 
culer avec la clavicule correspondante et les nageoires ne sont plus 
séparées que par un espace trapézoïdal peu considérable (stade XI). 

15° Au stade XII (fig. 20 et 21), l'apophyse aliforme du cartilage, 
d’abord rectangulaire, devient bientôt élargie en éventail; le corps 
s'agrandit, acquiert le biseau de son bord interne; l’apophyse en 
forme de bâton apparaît. En même temps, les nageoires ventrales 
se rapprochent, puis s’accolent par leur bord interne en donnant naïs- 
sance à un disque adhésif encore échancré postérieurement. Pendant 
ce temps, les derniers rayons sont apparus et tous sont composés de 
deux baguettes accolées dont l'inférieure, beaucoup plus longue, a 
son extrémité conformée en tête triangulaire et articulée avec le 
bourrelet du cartilage. 

16° Dans l'embryon éclos depuis quelques jours et long de 622,5 
(fig. 7, p. 404, stade XIII), le cartilage de la ventrale est une lame 
en forme de segment de cercle (corps) à face inférieure concave et 
à face supérieure surmontée d’une longue apophyse pyramidale. 
Le bord droit (interne) de ce segment est taillé en biseau, tandis 
que son bord convexe, renflé en un gros bourrelet, porte cinq fa- 
cettes articulaires destinées aux cinq rayons les plus postérieurs. 
En outre, ce même bord se prolonge antérieurement en un appen- 
dice bifurqué. La branche interne de bifurcation est grêle, c’est 
l’apophyse en forme de bâton; l’externe est large et très aplatie, 
c'est l’apophyse aliforme. Les quatre rayons postérieurs présentent 
seuls une articulation transversale. Enfin la semelle du disque adhé- 
sif porte une couronne de quatorze petits groupes de plaques épi- 
_ dermiques déjà plus ou moins fusionnées (fig. 22). 

Squelette des membres pairs de l'adulte : Pectorale. — 17° Le sque- 
lette d'origine fibreuse ou dermique comporte une clavicule très 
développée, deux supra-clavicules et une post-clavicule composée 
d’une seule pièce. 


458 FRÉDÉRIC GUITEL. 


48° Le squelette d'origine cartilagineuse n’est ossifié que dans 
quelques-uns de ses points. Le scapulaire présente un corps volu- 
mineux contenant un centre ossifié; ce corps est supérieur et arti- 
culé avec la basale du même côté. Il se prolonge vers le bas en une 
longue tige se rétrécissant progressivement, articulée par son èx- 
trémité libre avec le coracoïdien, et par son bord postérieur avec 
la rangée des quatre pièces basales. 

19° Le coracoïdien n'est ossifié que sur ses deux bords antérieur 
et postérieur. L’ergot (processus médian) qu’on trouve chez l’em- 
bryon reste à l’état cartilagineux, tandis que l’apophyse représen- 
tant le processus postérieur s’ossifie. 

20° Chacune des pièces basales présente un centre d'ossification 
dont l'étendue relative est d'autant moindre que la basale occupe 


une situation plus inférieure. 


Ventrale. — 21° Le cartilage de la ventralé est pénétré dé minces 
lamelles osseuses orientées en divers sens ; les cinq facettes de son 
bord externe n'existent plus, on ne trouve sur ce bord que quatre 
échancrures correspondant aux quatre rayons les plus postérieurs. 
L'apophyse en forme de bâton est beaucoup plus courte et plus 
trapue que chez l'embryon; l’apophÿse pyramidale, au contraire, 
est plus longue. 

Les quatre rayons postérieurs de la ventrale ont leur partie distale 
composée d’un grand nombre d'articles; les deux antérieurs sont 


inarticulés. 


Musculature de la paroi abdominale. — 92% Chez l’adulte, la mus- 
culature de la paroi abdominale se compose de onze rubans mus- 
culaires représentant les parties ventrales des myomères 5 à 15. 
Le ruban le plus äntérieur, séparé en deux parties par la post-elavi- 
cule, s'attache à la clavicule et à la post-clavicule ; le second, éga- 
lement séparé en deux parties, s'attache au premier et à là post- 


clavicule. Le quatrième et les suivants, jusqu’au neuvième, sont 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 459 


recourbés en crochet à leur extrémité distale. Le sommet de la con- 
vexité du crochet du quatrième se fixe à l'extrémité postérieure de 
l'os de la ventrale. 

Les onze rubans constituant la musculature de la paroi abdomi- 
nale de l’adulte résultent de la transformation des parties ventrales 


des myotomes appartenant aux segments 6 à 16 de l'embryon. 


Innervation des nageotres paires. — 23° Si l’on considère le grand 
hypoglosse des auteurs comme un nerf spinal, la nageoire pectorale 
est innervée par les quatre premières paires spinales, 

24° La nageoire ventrale du Cyclopterus est innervée par les cin- 
quième, sixième et septième paires spinales. 


Disparition de quelques-uns des segments primordiaux pendant le 
passage à la forme adulte. — 28° Trente-huit segments primordiaux 
ont été trouvés chez l'embryon le plus âgé de ceux chez lesquels ils 
ont pu être comptés ; cependant, l'adulte n’a que 30 myomères et 
28 vertèbres, 

L'urostyle représentant un Certain nombre de corps vertébraux 
soudés, il est naturel que les myotomes correspondants aient été 
frappés d’atrophie. | 

Il est probable, en outre, que le premier segment primordial se 
soude à la région céphalique ou au second segment. Les raisons qui 
militent en faveur de cette hypothèse sont : 

1° Chez l'embryon, l’état rudimentaire de ce premier segment ; 

20 Chez l'adulte, l’innervation de la pectorale par les paires spi- 
nules 1 à 4 et l'absence de parties ventrales dans les myomères 4 à 4. 
(Voir la fin des chapitres V et VI). 


Ventrales du Liparis. — 26° Chez le Zrparis, les ventrales n'appa- 
raissent que longtemps après les pectorales et lorsque celles-ci ayant 
déjà leur clavicule, leur cartilage et leurs muscles bien développés, 


jouent un rôle très actif dans la locomotion de l'embryon. En outre, 


460 


FRÉDÉRIC GUITEL. 


les ventrales du Liparis se développent sur les angles inférieurs de 


la vésicule ombilicale, ce qui est la conséquence de leur apparition 


tardive. 


Ü 


10. 


44. 


42. 


453. 


_ INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. 


. RATEKF, Bemerkungen über den Bau des Cyclopterus lumpus (Lumpfisches, 


Seehasen) Deutsches Archiv fur die Physiologie von J.-F. Meckel, 1822. 


. OEzLACHER (J.), Beitrüge zur Entwickelungsgeschichte der Bachforelle. Vor- 


laufige Mittheilung (Bericht. naturw.-med. Verein, Innsbruck, 1879). 


. Euery (CarLo), Fierasfer. Studi intorno alla systematica, l'anatomia e la 


biologia delle specie mediterranee di questo genere (Reale Accademia 
dei Lincei anno CCLXX VII, 1879-1880). 


. Swirski (GEORG’), Untersuchungen über die Entwickelung des Schulter- 


gürtels und des Skelets des Brustflosse des Hechts (Inaugural-Disser- 
talion Dorpat, 1880). ; 


. AGASSIZ (ALEXANDER), On fhe young stages of some osseous Fishes. Part 111 


(Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, vol. XVII, 
July, 1882). 


. KinGsLey (J.-S.) et Conx (H.-W), Some observations on the Embryology of 


the Teleosts (Memoirs of the Boston Society of natural history, vol. III, 
number VI, Boston, april 1883). 


. Ryper (Joan), À contribution to the Embryography of osseous fishes with 


special reference to the Development of the Cod (Gadus morrhua). 
United States Commission of Fish and Fisheries. Part X, Report of the 
Commissioner for 1882, Washington, 1884. 


. Prince (E.-E.), Point on the Development of the pectoral fin and Girdle in 


Teleosteans (Report of the British Association for the Advancement of 
Science, 1886). 


. LiEGzer (H.-E.), Die Entstehung des Blutes bei Knochenfischembryonen 


(Archiv für mikroskopische Anatomie, Bd. XXX, 1887). 

Mac-Inrosx (W.-C.) et Prince (E.-E.), On the Development and life His- 
tories of the Teleosteans Food and other Fishes (Transactions of the 
Royal Society of Edinburgh, vol. XXXV, part. III, n° 19, 1887-1888). 

Guirez (FRéDÉric), Recherches sur les Lépadogasters (Archives de zoologie 
expérimentale et générale, 2° sér., t. VI, 1888). 

— Sur le développement des nageoires paires du Cyclopterus lumpus 
(Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. CXII, 9 fé6- 
vrier 1891). 

— Sur les bourgeons musculaires des nageoires paires du Cyclopterus lumpus 
(Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. CXVIII, 
16 avril 1894). 


44. 


45. 


16. 


4%. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 461 


Boxer (E. R.), The Mesoderm in Teleosts : especially its share in the for- 
mation of the pectoral fin (Bulletin of the Museum of Comparative 
Zoology at Harvard College, vol. XXII, n° 2, april 1892). 

CorniNc (H.-K.), Uber die ventralen Urwirbelknospen in der Brustflosse 
der Teleostier (Morphologisches Jahrbuch, t. XXII, 1894). 

HarRisoN (Ross GRANvILLE), The Development of the Fins of Teleosts 
(Johns Hopkins University Circulars, vol. XIII, n° 3, Baltimore, 
april 1894). 

DucrerT (EUGÈNE), Contributions à l'étude du développement des membres 
pairs et impairs des poissons Téléostéens, type Trutta lacustris, 2 pl., 
Dissertation, Lausanne, octobre 1894. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE VI. 


CYCLOPTERUS LUMPUS. 


Fic. 1 (X 32). Embryon à 14 segments primordiaux (stade I) rectifié, c’est-à-dire 


aplati dorso-ventralement, de manière à faire disparaître sa courbure, et 
vu par la face dorsale, 

a, appendices en forme d’ailes formés par la somatopleure et la 
splanchnopleure ; €, épaississement ectodermique destiné à former 
bientôt le cristallin; r, rétine ; sp, segments primordiaux ; va, vésicule 
auditive. 


19 
pes 
X 


32}. Embryon à 22 segments primordiaux (stade Il) rectifié de la même 
manière que le précédent et vu par la face dorsale. 

a, appendices en forme d'ailes formés par la somatopleure et la 
splanchnopleure ; €, cristallin adhérant encore à l’ectoderme ; ep, pre- 
mière ébauche de la nageoire pectorale ; {}, ébauche de la ligne latérale ; 
ol, ébauche de l’organe olfactif ; r, rétine ; sp, segments primordiaux ; 
va, vésicule auditive. 

3 (X 32). Embryon à 26 segments primordiaux (stade III) vu par la face dor- 
sale. 

a, appendices en forme d’ailes formés par la somatopleure et la 
splanchnopleure très élargies à ce stade ; ep, ébauche de la nageoiïre pec- 
torale ; ol, organe olfactif ; r, rétine ; va, vésicule auditive ; 4, premier 
segment primordial. 

4 {x 32). Embryon à 32 segments primordiaux (stade IV) vu par la face dor- 
sale. 

be, bourrelet ectodermique de la pectorale ; ev, première ébauche de 
la nageoire ventrale ; #, intestin ; p, ébauche de la pectorale ; r, rétine ; 
va, vésicule auditive ; 4, premier segment primordial. à 


= 


5 (x 32). Embryon à 35 segments primordiaux (stade V) vu par la face dor- 


462 


F1G. 6 (x 


FRÉDÉRIC GUITEL. 


sale. Sa tête a été légèrement écrasée par suite d’un accident survenu 
pendant le montage. 

o, œil ; p, ébauche de la pectorale ; l’extrémité du trait touche l’extré- 
mité antérieure du bourrelet ectodermique qui suit la crête de la na- 
géoire ; v, ébaüche de la ventrale ; va, vésicule auditive ; pre, partie 
ventrale du sixième segment rejoignant la région par laquelle se prolonge 
en avant l’ébauche de la ventrale ; les parties ventrales des deux segments 
suivants (7e et 8e) se mettent en rapport avec l’ébauche de la ventrale (v); 
Pvo, partie ventrale du neuvième segment qui n’a pas encore atteint la 
ventrale ; 1, premier segment primordial, 

32). Embryon à 38 segments primordiaux (stade VI) vu par la face dor- 
sale. 

c, bord distal convexe du cartilage de la pectorale représenté par un 
trait simple, mais qui se présente en réalité avec un double contour ; 
0, œil ; p, pectorale ; l'extrémité du trait aboutit à la partie antérieure de 
la nageoïire dont la face externe est en pente très rapide, ce qui fait qu'on 
voit par la tranche l’ectoderme qui la recouvre ; pe, pli ectodermique à 
bord mince formant une marge au :limbe de la pectorale ; il se relève 
dans sa partie antérieure de manière à se présenter presque par la tran- 
che ; pug, partie ventrale du sixième segment beaucoup plus étroite que 
celles des segments suivants ; Pva, partie ventrale du neuvième segment, 
maintenant très franchement en rapport avec l’ébauche de la ventrale ; 
DU10, partie ventrale du dixième segment n’atteignant pas encore l’ébauche 
de la ventrale, v ; va, vésicule auditive. 


7 (X 32). Embryon au stade VII, vu par la face dorsale, 


be, bourrelet ectodermique de la ventrale ; ç, bord distal du cartilage 
de la pectorale ; o, œil ; y, pectorale ; pus, partie ventrale du sixième 
segment primordial ; p@o, partie ventrale du dixième segment primor- 
dial ; v, ventrale ; va, vésicule auditive. 


8 (X 32). Embryon au stade VIII, vu par la face dorsale. 


be, bourrelet ectodermique de la ventrale devenu saillant et rejeté du 
côté interne de manière à donner naissance à une gouttière qui repré- 
sente la première ébauche de l’aisselle de la nageoïire ; à, intestin; 0, œil; 
p, nageoire pectorale ; v, nageoire ventrale ; va, vésicule auditive. 


PLANCHE VII, 


GYGCLOPTERUS LUMPUS. 


Fi. 9 (X 90). Moitié droite de la région thoracique d’un embryon à 26 segments 


primordiaux (stade II1). 

a, appendice en forme d’aile formé par la somatopleure et la splanchno- 
pleure très élargies à ce stade ; ep, ébauche de la nageoire pectorale ; 
Pve, partie ventrale du sixième segment primordial ; sp4, premier segment 
primordial ; spg, cinquième segment primordial. 

Le contour externe des parties ventrales des segments a été mal rendu 


Fi. 10 (X 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 463 


par le graveur. La division en deux zones par une ligne oblique de l’ébau- 
che de la pectorale est due aussi à un manque de soin du graveur. 
59,5). Moitié droite de la région thoracique d’un embryon à 36 segments 
primordiaux (stade V). Le corps de l'embryon est rabattu sur la gauche 
et par suite se présente par sa face latérale droite. 

p, ébauche de la pectorale ; cs, canal segmentaire ; nf, néphrostome 
vu par transparence au travers du cinquième segment ; pv, partie ven- 
trale du septième segment, la seconde de celles qui se mettent en rapport 
avec l’ébauche de la ventrale ; pv, partie ventrale du neuvième segment 
primordial ; son extrémité est bilobée comme celle de la suivante ; elle 
n’a pas encore atteint l’ébauche de la ventrale ; 5p4, premier segment pri- 
mordial ; v, ventrale. 


11 (x 173). Partie plus grossie de la figure précédente. 


12 (X 


Far Ex 


pds, partie dorsale du myotome du huitième segment primordial ; 
Pvs, partie ventrale du même ; ces deux parties orientées transversa- 
lement sont reliées entre elles par une troisième (pi) dirigée obliquement 
d’avant en arrière et de dedans en dehors; l’analogie de ces trois parties 
avec celles que présente le muscle grand latéral du tronc de l’adulte est 
des plus frappantes ; po, partie ventrale du myotome du septième seg- 
ment supposée coupée transversalement comme celle du huitième seg- 
ment ; PU0, partie ventrale du myotome du dixième segment à extrémité 
distale bilobée comme celle du segment précédent et du segment suivant. 
65). Moitié droite de la région thoracique d’un embryon à 36 segments 
primordiaux (stade V). 

?, ébauche de la pectorale ; sps, troisième segment primordial ; pus, 
partie ventrale du sixième segment primordial fortement étranglée vers 
son extrémité proximale et présentant une forte courbure à concavité pos- 
térieure ; pds, partie dorsale du septième segment ; pur, partie ventrale 
du septième segment; le contour de son extrémité distale est resté visible 
comme dans les parties appartenant au segment précédent et au segment 
suivant ; Pv9, partie ventrale du neuvième segment dont l’extrémité dis- 
tale sans contour visible a déjà atteint l’ébauche de la ventrale v. 
59,5). Moitié droite de la région thoracique d’un embryon au stade VII. 

be, bourrelet ectodermique formant la crête de la ventrale ; c, bord 
distal du cartilage de la pectorale proprement dite ; c?, cloaque ; cr, bord 
proximal du cartilage du membre antérieur renflé en une tige cylindrique 
qui donnera naissance à la ceinture scapulaire cartilagineuse ; cette tige 
est invisible ici (voir la figure 35, pl. X) à cause du manque de transpa- 
rence des parties qui l’entourent ; l'extrémité du trait désigne la région 
coracoïdienne de la future ceiniure scapulaire ; cs, canal segmentaire ; 
ec, première ébauche de la clavicule ; nt, extrémité libre du canal seg- 
mentaire coniournée en S et terminée par le néphrostome au niveau du 
cinquième segment primordial ; puy, partie ventrale du septième segment, 
dont l’extrémité distale se transforme en tissu musculaire comme celles 
des parties ventrales suivante (6e) et précédente (8e) ; pv, partie ventrale 
du dixième segment ; r, rectum. 


464 FRÉDÉRIC GUITEL. 


F1. 14 (X 59,5). Pectorale et ventrale droites d’un embryon au stade VIII. 

b, bandelette mésodermique formant le prolongement antérieur de l’é- 
bauche de la ventrale ; be, bourrelet ectodermique de la ventrale infléchi 
du côté interne ; c, bord distal du cartilage de la pectorale proprement 
dite ; cr, voir l'explication de la figure 13, même lettre ; ec, ébauche 
fibreuse de la clavicule ; ma, muscle de la paroi abdominale; p, nageoire 
pectorale ; v, nageoiïre ventrale. 

15 (X 59,5). Pectorale et ventirale droites d’un embryon au stade VIII, mais un 
peu plus avancé que celui qui a servi à dessiner la figure 14. 

Le graveur a par erreur prolongé beaucoup trop loin en avant le pli 
ectodermique de la ventrale ; dans la figure, ce pli ne dépasse guère 
l'extrémité du trait be que d'environ 2 millimètres. 

Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. 

16 (X 59,5). Pectorale et ventrale droites d’un embryon au stade IX. 

be, pli ectodermique de la ventrale complètement rejeté sur le bord 
axillaire de la nageoire et devenu parallèle à l’aire vitelline sur laquelle 
repose cette dernière ; ce, cartilage de l'extrémité antérieure ou de la 
nageoire pectorale proprement dite ; cr, voir l’explication de la figure 13, 
même lettre ; cv, cartilage de la nageoïre ventrale ; ec, ébauche de la cla- 
vicule ; ma, muscle de la paroi abdominale ; p, nageoïire pectorale ; sh, 
muscle sterno-hyoïdien ; v, nageoire ventrale. 

17 (X 59,5). Pectorale et ventrale droites d’un embryon au stade X. 

be, pli ectodermique de la ventrale complètement rejeté sur le bord 
axillaire de la nageoïire et devenu parallèle à l’aire vitelline sur laquelle 
repose cette dernière ; ce, bord distal du cartilage de l’extrémité anté- 
rieure ou de la nageoiïire pectorale proprement dite ; cr, point occupé par 
l’extrémité .coracoïdienne de la ceinture scapulaire cartilagineuse ; cette 
extrémité, renflée en massue, est invisible sur les pièces fixées ; elle n’a 
pas été figurée ici, mais elle est représentée figure 35, pl. X ; cv, carti- 
lage de la nageoire ventrale dont l’extrémité proximale est renflée en 
massue et légèrement recourbée vers la pectorale; ec, tige réfringente de 
la clavicule ; m, muscle fixé par son extrémité antérieure au bout sym- 
physaire de la elavicule et par son extrémité postérieure au cartilage de 
la venitrale ; ma, muscle de la paroi abdominale ; r, languettes de tissu 
mésodermique de forme triangulaire appuyées par leur base sur le bord 
distal du cartilage de l’extrémité et occupant la place des futurs rayons 
de la nageoire ; sh, muscle sterno-hyoïdien ; v, nageoire ventrale. 

18 (X 173). Fragment du bord de la pectorale représentée figure 17, pour 
montrer à un grossissement plus fort les languettes de tissu mésoder- 
mique ({r), précédant l'apparition des rayous ; f, fibres cornées ; elles ont 
été trop fortement indiquées par le graveur ; ce, bord distal du carti- 
lage de la nageoire pectorale. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 465 


PLANCHE VIII. 
CYCLOPTERUS LUMPUS. 
Les figures 23, 24 et 25 ont été dessinées d’après des pièces fraîches, 


les autres sur des embryons vivants immobilisés au moyen d'un com- 
presseur. 


Fic. 19 (X 53). Les deux nageoires ventrales d’un embryon au stade XI, Elles sont 


20 (X 


21 (X 


a 


encore séparées par un intervalle en forme de trapèze destiné à dispa- 
raître lorsqu’elles s’accoleront sur la ligne médiane ventrale pour consti- 
tuer le disque adhésif. 

a, extrémité antérieure des cartilages, contiguë aux extrémités sym- 

physaires des clavicules et destinées à devenir les apophyses aliformes 
de l'os de la ventrale chez l'adulte ; leur contour est encore arrondi en 
forme de raquette ; br, bord épaissi du cartilage sur lequel se formeront 
plus tard les facettes articulaires destinées aux rayons ; €, cartilages des 
ventrales ; cl, extrémité interne ou symphysaire de la clavicule destinée 
à s'articuler avec la clavicule du côté opposé lorsque les deux ventrales 
se seront accolées pour former le disque adhésif; 4, le plus antérieur 
des rayons de la ventrale ; r,, quatrième rayon de la ventrale, dernier 
apparu au stade XI. 
53). Les deux nageoires ventrales d’un embryon au stade XII &. Leurs 
bords internes sont devenus sensiblement parallèles ; mais elles sont 
encore séparées par un intervalle rectangulaire destiné à disparaître lors- 
qu’elles s’accoleront sur la ligne médiane ventrale pour constituer le 
disque adhésif, 

a, extrémités antérieures des cartilages destinées à former les apo- 
physes aliformes de l’os de la ventrale chez l’adulte ; la forme de leur 
contour commence à s’acheminer vers celle qu’auront plus tard ces apo- 
physes ; br, bord épaissi du cartilage sur lequel se formeront plus tard 
les facettes articulaires destinées aux rayons ; ©, corps du cartilage ; son 
bord interne n’est pas encore taillé en biseau ; r4, le plus antérieur des 
rayons de la ventrale, apparu le premier ; re, le plus postérieur des rayons 
de la ventrale, apparu le dernier entre les stades XI et XII. 

53). Les deux nageoires ventrales d’un embryon du stade XII 8 au mo- 
ment où elles se soudent sur la ligne médiane ventrale pour constituer le 
disque adhésif. 

a, apophyses aliformes du cartilage de la ventrale ; b, premier rudiment 
de l’apophyse en forme de bâton du cartilage de la ventrale ; bd, bord 
libre du disque adhésif ; br, bord épaissi du cartilage sur lequel se for- 
meront plus tard les facettes articulaires destinées aux rayons ; c, corps 
du cartilage de la ventrale ; l’extrémité du trait désigne le bord interne 
taillé en biseau de ce corps; cl, extrémités symphysaires des deux clavi- 
cules ; e, échancrure médiane du bord postérieur du disque résultant de 
l’accolement des bords convexes des deux ventrales ; 1, le plus antérieur 
des rayons de la ventrale ; ré, le plus postérieur des rayons de la ventrale. 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 3% SÉRIE. — T. 1V, 1896. 30 


466 FRÉDÉRIC GUITEL. 


Fi. 22 (X 59,8). Disque adhésif et pectorales d’un embryon éclos depuis quelques 
jours et long de 6mm,5 (stade XIII). 

Les rapports des rayons de la ventrale avec le bord du cartilage sur 
lequel ils sont appliqués ont été très mal rendus par le graveur; les 
facettes correspondant aux rayons articulés sont partiellement vues par 
transparence au travers des rayons qui leur correspondent. 

a, apophyse aliforme du cartilage de la ventrale gauche ; ar, articu- 
lation du cinquième rayon de la ventrale droite ; b, apophyses en forme 
de bâton articulées entre elles dans le plan de symétrie du disque; 
bd, bord libre du disque portant de chaque côté quatre saillies corres- 
pondant aux quatre rayons les plus postérieurs de chaque ventrale ; 
c, corps du cartilage de la ventrale droite taillé en biseau sur son bord 
interne ; fa, facette articulaire destinée au quatrième rayon de la ventrale 
droite ; pe, îlot de plaques épidermiques correspondant au quatrième 
rayon de la ventrale droite; ph, partie horizontale de la pectorale gauche ; 
pv, partie verticale de la pectorale gauche ; r4, premier rayon (non arti- 
culé) de la ventrale droite ; r, sixième rayon (articulé) de la ventrale 
gauche. 

23 (X 50). Cartilage de la ventrale gauche d’un embryon au stade XIII vu par 
la tranche externe. 

a, apophyse aliforme ; b, apophyse en forme de bâton ; €, corps taillé 
en biseau sur son bord interne ; f&, facette articulaire du quatrième 
rayon ; p, apophyse pyramidale. 

24 (X 50). Cartilage de la ventrale gauche d'un embryon au stade XIII. 

Mèêmes lettres que dans la figure précedente. 

25 (x 50). Cartilage de la ventrale gauche d’un embryon au stade XIII vu par 
sa face supérieure. 

Mèmes lettres que dans la figure 93. 

26 (X 240). Groupes de plaques épidermiques polygonales en rapport avec la 
face inférieure de l’un des rayons de la ventrale au stade XIII. 
ar, articulation du rayon ; r, rayon de la nageoïire. 


PLANCHE IX. 


CYCLOPTERUS LUMPUS. 


Lettres communes à plusieurs figures. 


c, corde dorsale. my, myotome. 

cm, cœlome. sc, sclérotome. 

i, intestin. sn, splanchnopleure. 
m, moelle épinière. st, somatopleure. 


Fig. 27 (X 205). Coupe transversale passant par le quatrième segment primordial 
d’un embryon au stade I. 
e, endoderme ; mi, masse cellulaire intermédiaire ; sp, quatrième seg- 
ment primordial. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 467 


Fig. 28 (x 205). Coupe transversale passant par le cinquième segment primordial 
d’un embryon pourvu d'environ 19 segments (stade intermédiaire entre 
le premier et le second). 

ec, ectoderme non encore épaissi; eh, évagination hépatique ; ep, ébau- 
che somatopleurale de la nageoire pectorale ; nt, néphrostome ; pv, partie 
ventrale du cinquième segment primordial, 
29 (X 205). Coupe transversale passant par la fin du troisième ou le commen- 
cement du quatrième segment primordial d’un embryon du stade I]. 
ec, ectoderme légèrement épaissi ; eh, évagination hépatique ; ep, ébau- 
che de la pectorale ; pv, partie ventrale du troisième ou du quatrième 
segment primordial, 
30 (X 205). Coupe transversale passant par lé sixième segment primordial 
d'un embryon au stade II. 


ep, partie tout à fait postérieure de l’ébauche de la pectorale ; pv, partie 
ventrale du sixième segment, 


31 (X 205). Coupe transversale passant par le cinquième segment primordial 
d’un embryon au stade III. 
ec, ectoderme fortement épaissi; ep, ébauche somatopleuralé de la 
nageoire pectorale ; son bord externe s’est trouvé relevé par suite d’une 
compression latéralé subie par l’embryon dans la coque de l’œuf au mo- 
ment de la fixation ; a, aile formée autour de l’embryon par la marge 
amincie de la somatopleure ; pv, partie ventrale du cinquième segment 
primordial commençant à s’allonger pour entrer dans l’ébauche (ep) de la 
pectorale ; nt, néphrostome. 


32 (X 205). Coupe transversale passant par le quatrième segment primordial 
d’un embryon au stade IV. 
be, bourtelet épidermique occupant la ligne de faîte de l'ébauche de la 
pectorale ; bm, bourgeon musculaire du quatrième segment primordial 
complètement détaché de la partie ventrale de ce dernier ; eh, évagination 
hépatique ; ep, ébauche somatopleurale de la pectorale ; pv, partie ven- 
trale du quatrième segment primordial, 
33 (x 205). Coupe transversale passant par le septième segment primordial 
d'un embryon au stade IV, 
ec, ectoderme légèrement épaissi:; cs, canal segmentaire ; eu, ébauche 
somatopleurale de la nageoire ventrale ; mi, masse cellulaire intermé- 
diaire ; pv, partie ventrale du septième segment primordial s’allongeant 
vers l’ébauche de la ventrale ev. 


34 (X 205). Coupe transversale passant par le septième segment primordial 
d’un embryon au stade V. 


ec, ectoderme fortement épaissi; €s, canal segmentaire ; ev, ébauche 


k somatopleurale de la nageoire ventrale ; mi, masse cellulaire intermé- 

diaire ; pv, partie ventrale du seplième segment considérablement 
J allongée et pénétrant dans l’ébauche de la ventrale par son extrémité 
| distale,. 


34 bis (x 570). Coupe transversale du bourrelet ectodermique occupant la 
ligne de faîte de la pectorale d’un embryon du stade V. 


468 FRÉDÉRIC GUITEL. 


On distingue de chaque côté du bourrelet la couche profonde dont les 
noyaux sont orientés obliquement, les noyaux superficiels et la cuticule. 
Dans le bourrelet, la couche ectodermique profonde s’évagine et com- 
mence à former le pli qu’on trouve très développé dans les stades suivants. 


PLANCHE X. 


CYCLOPTERUS LUMPUS. 


F1G. 35 (X 112). Nagcoire pectorale d’un embryon du stade X dessinée d’après une 
pièce fraîche. 
cd, extrémité coracoïdienue de la ceinture cartilagineuse élargie en un 
disque de même épaisseur que cette dernière ; cr, ceinture cartilagineuse ; 
ec, ébauche de la ceinture scapulaire fibreuse représentée seulem nt à ce 
stade par le rudiment de la clavicule ; fc, fibres cornées destinées à 
donner naissance aux rayons de la pectorale en se réunissant en faisceaux 
compacts ; pb, plaque cartilagineuse basale ; s/, extrémité scapulaire de 
la ceinture cartilagineuse. 
36 (X 112). Squelette de la nageoiïire pectorale d'un embryon du stade XI des- 
siné d’après une pièce fraiche. | 
tr, trou percé dans la plaque basale ; c’est le trou qui, plus tard, sera 
situé entre la deuxième et la troisième basale, c’est-à-dire celui qui se 
trouve le plus rapproché de ï’extrémité coracoïdienne de la ceinture sca- 
pulaire ; les autres lettres ont la même signification que dans la figure 
précédente. 
37 (X 86). Nageoire pectorale d’un embryon au stade XII, dessinée d’après 
une pièce fraiche. 
cr, ceinture cartilagineuse ; ec, ébauche de la ceinture fibreuse repré- 
sentée seulement à ce stade par le rudiment de la clavicule ; pb, plaque 
basale ; pcl, post-clavicule ; pi, processus inférieur du coracoïdien ; 
pm, processus médian du coracoïdien ; r, rayons ; sl, région scapulaire 
de la ceinture cartilagineuse ; tr, trou percé dans la plaque basale dans 
la région où se formera plus tard la limite commune aux basales 2 et 3. 
38 (X 59,5). Nageoire pectorale d’un embryon du stade XIII. 
cr, ceinture cartilagineuse ; ec, extrémité supérieure de la clavicule; 
ec’, extrémité inférieure de la clavicule ; pb, plaque basale encore en 
continuité de substance avec la ceinture cartilagineuse, percée de trois 
trous, mais non encore divisée en pièces basales ; pcl, post-clavicule ; 
pi, {processus inférieur de la région coracoïdienne de la ceinture cartila- 
gineuse ; pm, processus médian de la région coracoïdienne de la ceinture 
cartilagineuse ; r, rayons ; scl,, sl, supra-clavicules supérieure et infé- 
rieure ; sl, région scapulaire de la ceinture cartilagineuse ; {r,, trou percé 
dans la plaque basale dans la région où se formera la limite commune 
aux basales 2 et 3 ; tr, trou percé dans la plaque basale dans la région 
où se formera la limite commune aux basales 3 et 4; tr, trou percé dans 
la plaque basale dans la région où se formera la limite commune à la 
basale 4 el au scapulaire ; ts, trou scapulaire. 


NAGEOIRES PAIRES DU CYCLOPTERUS LUMPUS. 469 


F16. 39 (Gr. nat.). Squelette de la nageoire pectorale gauche de l’adulte, vu par sa 
face externe. 

ai, extrémité inférieure de l'appendice inférieur que porte la face pos- 
térieure de la clavicule ; as, appendice supérieur que porte la face pos- 
térieure de la clavicule ; 64 à b,, basales ; cd, coracoïdien ; cl, clavicule; 
fa, face antérieure de la clavicule formant le bord postérieur de la fente 
respiratoire (ouïe) ; pm, processus médian du coracoïdien ; sch, scl, su- 
pra-clavicules supérieure et inférieure ; sl, scapulaire ; tr4, trou situé 
entre la basale 2 et la basale 3 ; {r,, trou situé entre la basale 3 et la ba- 
sale 4; fr, trou situé entre la basale 4 et le scapulaire ; {s, trou scapulaire. 

50 (Gr. nat.). Scapulaire coracoïdien et basales gauches d’un adulte, vus par 
leur face externe. 

b, à b,, basales portant chacune un centre d’ossification d'autant moins 
étendu que la basale qui le possède est plus rapprochée du coracoïdien ; 
cd, coracoïdien ossifié sur ses bords antérieur et postérieur; cr, tige car- 
tilagineuse appartenant au scapulaire, auquel elle forme un long prolon- 
gement inférieur et qu’elle met en rapport avec le coracoïdien ; pé, pro- 
cessus inférieur ossifié du coracoïdien ; gm, processus médian du cora- 
coïdien resté à l’état cartilagineux ; s}, corps du scapulaire présentant un 
volumineux noyau ossifié ; {r1, trou situé entre la basale 2 et la basale 3; 
tre, trou situé entre la basale 3 et la basale 4 ; fr3, trou situé entre la 
basale 4 et le scapulaire ; {s, trou scapulaire. 

&L (X 205). Porlion d’une coupe longitudinale perpendiculaire au plan de 
symétrie d’un embryon au stade IV. 

bm, à bm;, bourgeons musculaires des segments 2 à 5; c, corde dorsale; 
ec, ectoderme coupé très obliquement ; ep, ébauche somatopleurale de la 
pectorale ; my, à mys, myotomes des segments 2 à 6; pue à pus, parties 
ventrales des segments 2 à 5 ; sc, sclérotome. 

42 (X 205). Coupe transversale passant par la nageoire pectorale gauche d’un 
embryon au stade VI. 

ao, aorte; be, pli ectodermique occupant la ligne de faite de l’ébauche 
de la pectorale.; c, corde dorsale ; cs, trois sections transversales de l’S 
formé par l’extrémité antérieure du canal segmentaire ; la section la plus 
rapprochée du plan de symétrie confine au néphrostome ; ep, ébauche de 
la pectorale ; à, intestin ; m, moelle épinière; my, myotome ; rc, rudi- 
ment du cartilage de la pectorale ; se, sclérotome ; fs, £m, ti, talus supé- 
rieur moyen et inférieur de la face externe de la pectorale. 

43 (x 205). Coupe transversale passant par le huitième segment primordial 
d’un embryon au stade VI. 

ao, aorte ; c, corde dorsale ; cs, canal segmentaire ; ec, ectoderme ; 
ev, ébauche somatopleurale de la ventrale gauche fortement soulevée sur 
son bord proximal par la partie ventrale du huitième segment primordial ; 
i, intestin ; m, moelle épinière ; my, myotome; pv, partie ventrale du 
huitième segment primordial ; se, sclérotome. 

& (X 205). Coupe transversale passant par la nageoire pectorale gauche d’un 
embryon au stade VII. 


470 


FRÉDÉRIC GUITEL. 


ao, aorte ; be, pli ectodermique occupant le bord libre de la pectorale ; 
c, corde dorsale ; es, extrémité antérieure de l'S formé par le canal seg- 
mentaire ; cp, cartilage de la pectorale ; ep, ébauche de la pectorale ; 
i, intestin ; m, moelle épinière ; my, myotome ; sc, sclérotome ; ts, 1m, 
li, talus supérieur moyen et inférieur de la face externe de la pectorale. 


F1G. 45 (X 205). Coupe transversale passant par la nageoïire ventrale gauche d’un 


embryon au stade VII. 
ao, aorte ; be, bourrelet ectodermique occupant la ligne de faite de 
l’'ébauche de la ventrale ; c, corde dorsale; cs, canal segmentaire ; 
ev, ébauche mésodermique de la ventrale ; t, intestin ; m, moelle ; 
my, myotome ; se, sclérotome. 
46 (x 205). Coupe transversale de la ventrale droite d’un embryon du stade IX. 
be, pli ectodermique occupant le bord libre de la nageoire ; cv, ébauche 
du cartilage de la ventrale ; ev, ébauche mésodermique de la ventrale ; 
fe. face externe très étendue de la nageoïre ; f, face interne de la ven- 
trale fortement repliée en gouttière. 


TABLE SOMMAIRE. 


AVANT-PROPOS «ere Mérber ee te FA ter de ren dci an idea TOR ARR EEE 345 

11 Techniques eee ee: So aan es stand SOU 

II. Développement de la pectorale et de la ventrale.......,,.... ser 348 

SENTE ANR Re ont PR OO Eript à OR AC A Lai 4e 348 

— Alesis see mnsetie cts ts JON ONE 350 

— IL se doive users ere es MON CONS 353 

EN se nee 0e ae e tee rs duree nee ON IS NE EEE EEES 507 

NAS TS 8e fera aie ae scan eat ele ae ie 0 Ve Ne SERRE 363 

SE NE RS NN RSR OL OP TE Re RE APE REEEE 371 

Æ ONIEE Se UNE EUR EURE RESUME SEE 378 

NE aan, des sas MGR NITS MMEMAORRRS SECRRR EEE 384 

D OC SR AE LE ne oct oc oc 388 

D CE OO le ie CC oi ccobooaon 390 

=, Xi doe s eds abat seu an EN a OR CPP EETE 394 

= ALL near a La ne ent nie le Re Sue de EI EN REP 398 

TD: € 0 SRE RS RE EE 5 o à à o 403 

= 'NEM at a e sen deal ess ses non aie ETES 411 

III. Squelette des nageoires paires chez l'embryon et chez l AEren ADD n on CL 
IV. Changements de position des nageoires paires pendant le cours du déve- 

loppementes en Ne NE see .. 420 

V.  Musculature de la paroi abdominale chez l’adulte et chez l'embryon ... 423 

NI Innervation desmembres Pre etre -tcr esters LR LENS TE dre A 
VII. Quelques mots au sujet du moment de l’apparition des ventrales chez 

certains Téléostéens,.-.s. 24... ACER Nr ARR E o0 “hooco 431 

VITI  Histonque.:: ARR GER RE A one red 4e one PA DT eo ne 434 

TX MRESUME, ES 207 CPR ANRE SRE RO AE PERL 0.0 EI 0 de on io 0 0 . 10302 

Index Me rene scene Re 0e LOU) 


Explication des planches .........,..., ..1.....nr...e UC 4 GA 


LA COULEUR DE LA POURPRE 


TIRÉE DES MOLLUSQUES 


Le savant collaborateur des Archives, M. Dedekind, qui a bien voulu 
m'adresser le résumé de ses études sur la pourpre des anciens, qu’on 
trouvera plus loin, avait parfaitement raison de dire, dans l’aimable 
lettre qu’il m'adressait, que « des recherches libres et indépen- 
dantes peuvent s’allier au respect le plus profond des personnes ». 

Il n’y a que les esprits chagrins, toujours prêts à critiquer par 
jalousie, par amour de la critique et de la controverse, et non de la 
vérité, qui peuvent prendre mal des études sérieusement faites, con- 
duisant à des résultats nouveaux et opposés à ceux qu'on a trouvés 
soi-même. La cordialité la plus parfaite peut s’allier certainement 
avec les opinions les plus diverses déterminées par des travaux cons- 
ciencieux donnant naissance à des interprétations variées et parfois 
totalement différentes, parce que les auteurs sont partis de points de 
vue peu semblables, mais toujours inspirés par l’ardent amour de 
la vérité. ) 

Je remercie M. Dedekind de la parfaite courtoisie de ses observa- 
tions, et de l’empressement qu’il a mis à me communiquer, en 
français, le résumé de ses importantes observations. 

Il avait bien raison encore de me dire que tes recherches des anti- 
quaires et des archéologues relatives aux caractères cunéiformes 
et aux hiéroglyphes m'étaient inconnues à l’époque où, en 1858, je 


publiais mon mémoire. Je dois avouer que, aujourd’hui encore, ces 


472 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


études ne me sont guère familières, et c’est parce que j'ai senti 
combien il importait aux naturalistes de les connaître, que j’ai 
tenu à insérer dans mes Archives le travail du savant égyptologue 
viennois. 

Certainement ce travail intéressera les zoologistes. 

Il est un point sur lequel je désire appeler l'attention. Il est très 
limité. Je veux parler de la couleur, de la nuance, du ton de la 
pourpre naturelle. 

On connaît les opinions des nombreux auteurs, des poètes qui 
ont parlé de la pourpre. D'après un passage de mon mémoire, on 
doit croire que j'ai pensé que c élait primitivement la pourpre violette 
qui fut employée par l’art industriel des peuples de l'antiquité. Il 
m'est difficile, sur ce point, de modifier mon opinion, et j'ose espérer 
qu'il sera possible de convaincre le lecteur. Je crois que pour cela 
il suffira de bien poser la question. 

La couleur pourpre n'existe pas toute faite chez les animaux. La 
lumière solaire doit la développer. C'est là un fait certain connu de 
tous et de tout temps et répété par tous les auteurs. Si la lumière 
fait passer du blanc au pourpre une matière, c’est que la matière est 
photogénique, et si les anciens n’ont pas usé de cette propriété pour 
faire des photographies, c’est que l’art de la photographie ne leur 
était pas connu. Les faits démontrant cette vérité ne sont douteux 
pour personne, et je crois qu'après Réaumur, Duhamel, avant eux 
bien d’autres qui avaient marqué ou taché des étoffes, leur linge, 
leurs manchettes, par exemple, ou autres parties de leur vêtement, 
le matelot qui me montra comment il marquait ses hardes avec des 
signes peints à l’aide du Corn de feld, avaient appris cela par tradi- 
tion. La tradition elle-même est née de la plus vulgaire observation. 

J'ai de très nombreux essais de dessins faits avec de la pourpre, 
à Mahon, à Marseille, à la Rochelle en 1858 et 1859. J'ai des portraits 
qui ont conservé leur admirable coloris, et c’est sur le ton de ce 
coloris que je voudrais me trouver d’accord avec l’opinion générale 
des historiens et des poètes anciens. 


LA COULEUR DE LA POURPRE TIRÉE DES MOLLUSQUES. 473 


Quand, dans les collections, on conserve dans les liquides les ani- 
maux, des Murex et des Pourpres, dont la coquille a été brisée, afin 
de mettre en contact avec le liquide le corps de l’animal plongé dans 
l'alcool, on voit sur le manteau la bandelette de la glande à pourpre 
qui, exposée à la lumière, s’est colorée d’une teinte violette magni- 
fique dont l'éclat est superbe et la fraîcheur du ton souvent remar- 
quable. 

Mais c’est du violet et rien que du violet que l’on y voit. Lerouge de 
carmin, par son mélange avec un bleu de Prusse léger et transparent, 
donne le ton. C'est un violet plutôt rosé que bleuâtre, quelquefois 
très foncé et très sombre. 

Et jamais on ne trouve du rouge vif proprement dit. 

Quand je faisais de très nombreuses photographies, en prenant 
la matière visqueuse de la bandelette, j'avais pour habitude, tenant 
l'animal entre l'index et le pouce, de fendre son manteau et d’en 
rabattre les lambeaux sur l'ongle du pouce afin de prendre un point 
d’appui et de brosser la glande à pourpre avec un pinceau dur qui 
se chargeait de la matière destinée à être étendue sur ia soie ou 
une étoffe quelconque. 

Dans ces conditions, mon ongle s’empourprait peu à peu et len- 
tement, mais sûrement et profondément, et sa couleur acquise ne 
disparaissait qu'avec son accroissement. 

Combien de fois m'est-il arrivé que des personnes me disaient, 
en voyant l’ongle de mon pouce : « Vous vous êtes blessé. Vous 
saignez. » 

Dans ce cas, et l’on peut répéter l’expérience qui ne manquera 
jamais de réussir très exactement, on le voit, la couleur pourpre 
d’un beau violet rosé aurait conduit à cette idée que la couleur de 
la pourpre était le rouge du sang. 

Oui, sans doute, mais il faut définir le rouge, et quand on prend 
les cercles chromatiques de Chevreul, on ivoit quelle variété infinie 
existe dans cette couleur. On voit surtout combien une définition 


du rouge est difficile. Les vins sont rouges, mais quel en est le ton? 


474 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Il est infiniment varié. Le sang de même est rouge, le sang artériel, 
le sang veineux, le sang figé, le sang desséché, sont rouges, mais 
chacun à sa manière. Le carmin et le vermillon sont aussi rouges, 
la litharge, le minium, l’ocre rouge de même. On voit tout de 
suite quelle variété infinie présente cette couleur. 

J'ai des dessins faits en 1858, aux îles Baléares, à Mahon, avec la 
matière fournie par la Puwrpura hœæmastoma, la Pourpre à bouche de 
sang, qui rappellent absolument la couleur rouge sombre du sang 
desséché, d’où le nom de la coquille. Cela ne fait pas le moindre 
doute, mais en y regardant bien, on voit que cette couleur ren- 
ferme du bleu, et que, bien que rappelant la teinte sombre du sang 
desséché, elle n’en est pas moins d’un violet sombre, plus voisin du 
rouge que du bleu. 

Quant aux échantillons de couleurs accompagnant mon mémoire 
de 1859, l’on sait combien il est difficile d'obtenir de ia chromoli- 
thographie les teintes exactes qu'on lui demande et dont on fournit 
les modèles, ces figures ne donnent pas une idée très exacte de la 
vraie teinte obtenue avec le suc des animaux divers qui y sont 
désignés. 

Je ne veux donc pas nier que la pourpre des anciens ait imité la 
couleur du sang, et l'exemple que je rappelle de mon ongle empour- 
pré semble bien démontrer que, dans le langage ordinaire comme 
dans celui figuré des poètes, les pourgrés signifiaient les hommes 
souillés de sang ou les cruels qui le répandaient. 

Il me semble donc qu’à ce point de vue il n’est pas difficile de 
s'entendre. | 

Mais ce qui ressort de mon travail et de celui de M. Letellier qui 
a analysé plus minutieusement que moi la matière à pourpre prise 
en elle-même, puisqu'il en a obtenu des cristaux, c’est que par la 
voie naturelle déterminante de la couleur, par l’action de la lumière 
solaire, c'est du violet qui apparaît et rien que du violet, et cela 
par le développement successif du jaune, du bleu, qui, mélangés, 


donnent du verdâtre, lequel fait place au violet quand le rouge a 


LA COULEUR DE LA POURPRE TIRÉE DES MOLLUSQUES. 475 


paru ets’est mêlé au bleu. Mais celui-ci n'arrive jamais par l’insolation 
seule à être un rouge absolu. 

Il me paraît donc hors de doute que la couleur naturelle, déve- 
loppée spontanément par l’action du soleil, celle qu’on obtient con- 
stamment sans le secours de réactifs quels qu'ils soient, a été pri- 
mitivement le violet variable que nous obtenons encore aujour- 
d'hui par le procédé naturel et que nous ne dépassons pas. 

Ne connaissant pas, en 1859, tous les faits archéologiques qu'a pu 
recueillir M. Dedekind par ses études poursuivies avec une persé- 
vérance et une habileté très grandes, ne pouvant surtout lire les 
caractères d'écriture d’un autre temps, il m'était difficile de faire 
plus que je n'ai fait, et cependant, l’avouerai-je, je crois devoir 
maintenir encore mon affirmation : à savoir, que, primitivement, 
la couleur de la pourpre primitive naturellement obtenue a dù être un 
violet, peut-être un peu différent avec les espèces de coquillages, 
mais un violet. | 

Ce qui ne veut point dire que cette couleur n'avait point été mo- 
difiée et poussée vers le rouge sombre par les procédés techniques 
de la teinture des anciens, qui nous sont encore inconnus. 

A-t-on bien trouvé l'indication des procédés vrais par lesquels 
les teinturiers obtenaient les plus beaux tons? Il y aurait là un 
sujet historique fort intéressant à éclaircir. Je crains bien que ce 
_ qu'on en dit ne soit pas suffisamment précis pour pouvoir deviner 
quels étaient les mélanges de matière produisant le rouge pur, si 
on le produisait. 

On s’est aussi occupé de l’odeur de la pourpre, que j'ai comparée | 
à celle de l’ail brûlé ou un peu à celle de la poudre de chasse de 
l'époque (1859), après avoir déchargé une arme à feu. Cette odeur 
persiste plus longtemps qu’on ne le croit. Mon ongle empourpré 
dont J'ai parlé plus haut, tant que sa couleur continuait, donnait 
l'odeur caractéristique dès que j’envoyais sur elle un peu de vapeur 
chaude de ma respiration. Cette observation, je l’ai répétée maintes 


| fois ; je faisais renaître l'odeur très appréciable, quoique plus faible. 


476 H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


_ En résumé, je suis loin d'opposer une négation aux affirmations 
des savantes recherches d'archéologie. J'admets même que la cou- 
leur rouge sombre du sang a pu être reconnue sur les bandelettes 
et les étuis des momies égyptiennes; mais, ce que je suis bien 
obligé de répéter et de maintenir, c’est que le développement régu- 
lier naturel de la couleur, sous l'influence seule de la lumière et de 
l’eau, est le violet plus ou moins rosé ou rougeâtre sombre, mais 
rien qu'un violet variant d'éclat, de ton et d’intensité, et je main- 
tiendrai mon opinion que la plus simple expérience démontre, tant 
qu’on n'aura pas prouvé le contraire, à savoir, que la pourpre que 
j'ai obtenue n'était pas suffisamment développée. 

Mais aussi Je concède que, si les textes conduisent à admettre le 
rouge comme nuance de cette belle et antique teinture, c’est que les 
industriels sachant, par un procédé qui nous est inconnu, abaisser 
le ton ou la quantité du bleu, étaient arrivés à développer artificiel- 
lement la quantité du rouge; ils éteignaient le bleu en grande 
partie, et atténuaient le violet en le poussant ainsi au rouge. 

Mais ce qu'il me paraît impossible d'admettre, d’après les expé- 
riences faciles à répéter, d'après les produits que je conserve et que 
je communique à mon savant collaborateur, c’est que ce qu’on 
appelle aujourd’hui la pourpre romaine, la pourpre des cardinaux, la 
robe rouge de notre magistrature française, ne présentent abso- 
lument pas le caractère, à un degré quelconque, de la vraie pourpre 
naturelle, matière animale tirée du manteau des genres Purpura et 
Murex. 

Le rouge de la matière à pourpre est un rouge de la série des car- 
mins : le rouge de la pourpre des cardinaux et de la magistrature 
française est un rouge tiré de la série des rouges vermillons. 

Dans le premier cas, la couleur est transparente; on y démêle, 
plus ou moins facilement, une pointe de bleu. Dans le second, il y 
a du jaune et la couleur couvrante n’est pas du groupe des iranspa- 
rentes. Cette différence est fondamentale et explique pourquoi et 


comment les soies, les lainages teints avec la vraie pourpre offrent 


LA COULEUR DE LA POURPRE TIRÉE DES MOLLUSQUES. 477 


cette demi-transparence, cette chaleur de ton, qui rendaient les 
étoffes pourprées si précieuses aux yeux des anciens ; elles étaient, 
pour eux, admirablement belles. 

On comprend, comme je l’ai fait remarquer il y a déjà longtemps, 
que, développée par le soleil, la pourpre, non seulement résistait à 
la grande lumière des pays chauds, mais, même inondée par les 
rayons éblouissants du soleil d'Orient, pouvait acquérir encore plus 
d'éclat. 

Combien sont loin de jouir de pareilles propriétés les belles et 
admirables, mais bien fragiles couleurs, aux tons infiniment variés 
et charmants, des couleurs tirées de la houille, des Anilines! 

La valeur marchande de la pourpre a dû, à toutes les époques, être 
fort élevée. Quand on cherche dans un mollusque à avoir la matière 
précieuse, on est frappé sans doute de sa puissance colorante, mais 
aussi combien d’animaux il fallait pour arriver à teindre un ample 
manteau ! 

Les dessins que j'ai faits avec la matière sont toujours d’une exé- 
cution défectueuse ; en effet, je devais faire des traits avec une sub- 
stance presque blanche sur une surface incolore. Cependant, on 
comprend que les anciens Égyptiens, habiles à manier la couleur 
dont il s’agit, aient pu s’en servir comme couleur décorative, sur- 
tout quand 1l s'agissait d’une couche uniforme comme celle qu’a 
recueillie M. Dedekind, qu’il rapporte à la pourpre, sur des objets 
détachés des momies ou sur le bois de leurs gaines funéraires ou 
cercueils. 

J'ai un dessin fait avec de la matière desséchée depuis vingt-quatre 
et quarante-huit heures ; la teinte s'était produite identique à celle 
déterminée par la matière fraîche. 

Au moment où j'écris ces lignes, je fais une expérience qui m'est 
suggérée par les circonstances, et que d’ailleurs je me proposais 
d'exécuter depuis longtemps. 

En 1859, j'avais fait, à Boulogne-sur-Mer, un dessin sur soie avec de 


la matière à pourpre tirée de la Purpura lapillus. Je l'avais fait dans 


478 H, DE LACAZE-DUTHIERS. 


une demi-obscurité, et après l'avoir bien desséché, je le conservais 
depuis lors entre deux papiers noirs. Il avait la teinte jaunâtre sale 
de la première période du virement, et pour cela je l'ai fréquemment 
montré dans mes cours en le comparant aux épreuves colorées. 

Voilà donc trente-neuf ans que la matière est déposée sur un tissu 
sans s'être aucunement développée. 

En ce moment, j'ai humecté le tissu, et faisant une fenêtre au 
papier noir qui le recouvrait, je l’ai exposé ainsi partiellement à l’in- 
solation. Il a fallu près de trois heures pour faire naître le violet 
caractéristique. La couleur n’est pas venue aussi belle, et le temps, 
pour la développer, a été très long, 

Mais l'expérience est concluante : la matière à pourpre desséchée, 
et non influencée par le soleil, conserve ses propriétés caractéris- 
tiques, si elle est privée d’eau et mise à l’abri de la grande lumière. 

Une observation qui m'avait frappé et que je rapporterai de nou- 
veau, c’est que les tissus imprégnés du suc de la matière à pourpre 
conservent bien plus énergiquement la couleur lorsqu'elle s’est dé- 
veloppée dans leurs éléments mêmes, que lorsqu'ils sont teints avec 
la matière devenue déjà violette. J’en ai fait souvent l'expérience 
en lavant au savon les tissus barbouillés de couleur pourpre, la 
teinte s’effaçait ou pâlissait beaucoup ; tandis qu'après avoir im- 
prégné le même tissu avec une brosse un peu dure en écrasant les 
cellules et mettant immédiatement le liquide obtenu non encore 
coloré avec les filaments du tissage, alors, après une dessiccation 
complète, le lavage ne faisait que très peu perdre de son éclat à la 
soie, à la gaze ou à la toile fine de fil, devenues pourpres après 
imprégnation. Il semble, dans ce dernier cas, qu’il s’est fait, dans 
les éléments de l’étoffe, une sorte d’incorporation du liquide qui, 
en virant dans les tissus même ainsi imprégnés, s'y est fixé défini- 
tivement. 

Je crois que le caractère propre de la vraie matière à pourpre est 
le virage sous l'influence des rayons solaires ; on trouve bien des 
liquides colorés en violet chez d’autres Mollusques, mais ils sortent 


LA COULEUR DE LA POURPRE TIRÉE DES MOLLUSQUES. 479 


tout colorés des organes qui les produisent. Ils ne sont donc pas 
caractérisés par Ce virage comme les produits du manteau des Murex. 

On comprendra qu'après avoir pris Communication du travail 
qu’on va lire, j'aie examiné au Louvre, avec beaucoup d'intérêt, 
les gaines des momies qui s'y trouvent exposées et les dessins que 
‘ leurs fonds présentent. On y voit de très nombreux spécimens de 
figures ou de parties du fond des gaines colorées en rouge. Gette 
teinte y domine le plus souvent, mais il est important de remarquer 
que beaucoup de figures à fond rouge n'ont certainement pas la 
pourpre pour base de leur couleur. Les ocres jouent un grand rôle 
dans ces peintures. 

Dieu me garde de vouloir émettre l’ombre d’un doute sur les faits 
rapportés par M. Dedekind. Je ne fais ici qu'une simple remarque 
relative aux gaines peu nombreuses que j'ai pu observer. Maïs où la 
teinte rappelle celle de la pourpre, c’est sur les figures sculptées 
sur le couvercle et peintes en rouge, ayant souvent aussi de l'or. 

Je m'’arrête après ces quelques remarques, en faisant observer en- 
core une fois qu'il serait très intéressant de trouver dans l’histoire 
des teinturiers des temps hiéroglyphiques quels étaient les procédés 
ou les ingrédients qu’ils employaient pour développer la couleur 
rouge. Si nous connaissions les procédés pratiques très particuliers 
qu'ils devaient avoir, les recherches deviendraient plus faciles et 
leurs résultats plus positifs. 

En résumé, je répète que la couleur pourpre, dérivant de la ma- 
tière animale détachée des Mollusques, se produit spontanément 
sous l'influence des rayons lumineux, et qu’ilne m’a pas été possible 
de dépasser dans les conditions normales, c’est-à-dire sans réactif 
autre que la lumière blanche, un violet très variable pour le ton, 
approchant plus ou moins d’un rouge dérivé du carmin ou mieux 
du rose violacé; mais jamais, sans autre réactif, je n'ai pu arriver à 
un rouge sans bleu, d’où j'ai, je crois, très logiquement conclu que 
la couleur primitive naturelle a dû être un violet plus ou moins varié. 

Cette opinion n’infirme en rien les résultats des études très ca 


480 H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


vantes des nombreux auteurs, et j'ajoute très instructives, car il est 
bien vrai, comme on nous l’a montré, que ceux qui ont écrit sur la 
pourpre sont sans nombre et qu'il sera fort utile pour les naturalistes 
s’occupant de ce sujet spécial de lire ces recherches historiques. 
Tout peut se résumer dans cette question : La couleur violette que 
nous donnent les expériences sans réactifs est-elle la même que 
celle obtenue par les teinturiers tyriens qui, dit-on, fournissaient 
une pourpre rouge ? 

En cherchant bien dans les restes et les ruines des anciens temps, 
peut-être trouvera-t-on un récit de quelque homme du métier qui, 
ne voulant point cacher son art, aura libéralement fait connaître ses 
secrets etses méthodes de teinture. 

H. »E L.-D. 


RECHERCHES 


SUR 


LA POURPRE OXYBLATTA 


CHEZ LES ASSYRIENS ET LES ÉGYPTIENS 


PAR 


ALEXANDER DEDEKIND 


Conservateur adjoint du Musée égyptien au Musée Impérial de Vienne. 


C’est avec quelque hésitation que je réponds à l’aimable invitation 
de M. H. de Lacaze-Duthiers, notre maître, de publier dans ses 
célèbres Archives de Zoologie expérimentale quelques-unes de mes 
modestes recherches sur l’histoire et la science étendue de la pourpre. 

Il y a quelque temps que j’ai publié des observations égyptologiques 
sur ce sujet dans le Journal Viennois pour servir à la connaissance 
de l’Orient". 

Je me permets de donner ci-dessous des extraits de cet article et 
d'y ajouter quelques-unes de mes nouvelles observations faites tout 
récemment. 

Il ne serait pas difficile de fournir une quantité considérable de 
faits nouveaux et spéciaux, en recueillant des remarques entièrement 
éparses dans les bibliothèques du monde entier, car beaucoup de re- 
cherches très remarquables ont échappé à l'attention même des 
savants qui se sont le plus occupés de la pourpre. 


1. Wiener Zeitschrift f. d. Kunde d. Morgenl., VIII, p. 74 sq. 


ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T. 1V, 1896. OR 


432 A. DEDEKIND 


Je veux dire qu’une coordination toute spéciale des travaux sur la 
pourpre n’existe pas, qu'il y a là une grande lacune regrettable pour 
tous ceux qui s'occupent de cette matière. Il faudrait réunir dans un 
ensemble organique toute la science collective sur la matière. [1 nous 
manque même, jusqu’à ce moment, un mot répondant à cette nouvelle 
branche de la science. 

Qu'il me soit permis d'ajouter encore quelques mots sur ce point : 
je crois qu’il est temps de remédier à ce” manque de coordination 
vraiment fâcheux pour tous ceux qui s'occupent des différentes ques- 
tions relatives au sujet. Il importerait de publier enfin un ouvrage 
qui püt servir de guide général pour toutes les recherches diverses 
sur notre sujet. 

La multiplicité des recherches sur la pourpre dans les questions 
photographiques, juridiques, chimiques, spectroscopiques, anatomi- 
ques, philologiques, historiques, industrielles, etc., est très grande; 
elle est aussi la cause regrettable de l’éparpillement des documents 
sur ce sujet; ils sont tellement dispersés en ce moment, qu'il y a des 
difficultés presque insurmontables pour se procurer même un aperçu 
sur l'étendue immense des investigations innombrables communes à 
la science de la pourpre. 

Croirait-on, — je ne veux en donner qu’un seul exemple ici, — 
qu'on trouve les remarques les plus intéressantes sur la pourpre aussi 
bien dans le livre de M. le professeur J. Karabacek, à Vienne, sur 
des tapis perses appelés « Susand-schird? » que dans l’œuvre de 
M. le directeur J.-M, Eder, à Vienne, « Manuel complet de la pho- 
tographie * ? 

M. Karabacek y donne le résultat des recherches sur les expres- 
sions de la pourpre en arabe, en persan, en hébreu (il mentionne 


1. Cf. sur les travaux de M. Augustin LeTreLter : Photographische Mitthei- 
lungen. Zeitschrift des Vercins sur Foerderung der Photographie der deut- 
schen und schlesischen Gesellschaft von Freunden der Photographie und der 
photograph. Gesellschaft in Kiel. Herausgegeben von Prof. Dr. Hermann 
W. Vogel, 26. Jahrgang. Berlin, 1889-90; p. 147 sq. — Cf. D'J.-M. Eoer, Jahr- 
buch fuer Photogr. u. Reproductionstechnike f. d. Jahr 1890.4 Jahrgang. Halle 
a. S. 1890, p. 279. Cf. H. pe Lacaze-DurHiers, Mém. sur la pourpre, p. 24 sq. 

2. D' J. KaraBacer, Die persische Nadelmalerei Susandschird, Leipzig, 
1881, p. 47, 48, 52, note 9, etc. 

3 D' J.-M. Ener, Aus/fuehrliches Handbuch der Photographie. Halle a. $., 
1591. 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 483 


aussi la pourpre améthyste, appelée : « thekéleth » correspondant au 
 takiltu » en assyrien) sur la pourpre appelée dsy:voy chez les Grecs, 
etc., et M. Eder nous avertit de la sensibilité de la matière de la 
pourpre sous l'influence de la lumière, 

Le docteur W. Adolphe Schmidt p. e., un des plus grands con- 
naisseurs de la pourpre, n a jamais eu entre les mains les dissertations 
très remarquables de purpura des Suédois Elias J. Bask (Upsalae 
1686) et Benedictus Æoswall (Lundini 1750). (Voy. pl. XI.) Mais 
ia connu les titres de ces œuvres. — MM. D' Elof Tegnér et 
D' Annerstedt, bibliothécaires des bibliothèques des Universités de 
Lund et d’Upsala, ont eu la bonté de m'envoyer ces livres très rares 
à Vienne. 

En effet, 11 y a partout des savants de notre science (je proposerai 
plus loin un terme commun pour désigner cette nouvelle branche 
scientifique) qui ont travaillé sur la pourpre avec les plus grands 
soins et qui cependant n’ont pas connu leurs résultats respectifs très 
remarquables concernant le même objet, bien que des recherches 
savantes eussent été faites précédemment. 

D’après tout cela et d’après beaucoup d’autres observations sur ce 
point regrettable j'ai êté conduit à cette conviction qu'il serait néces- 
saire d'avoir un organe central pour réunir les recherches ayant trait 
à la pourpre. 

Mais comment désigner cette fille de la science nouvellement née ? 

Peut-elle rester sans nom”? Il faut donc créer pour cette matière 
prise dans son ensemble un nouveau terme qui embrasse le tout. 

Je propose donc une expression qui semble être la plus convenable, 
un terme universel : la Pourprologie. 

Ce serait une science homogène qui contiendrait aussi beaucoup 
d'idées auxquelles personne n’a pensé jusqu’à présent, par exemple 
l’idée de la « halographie de la pourpre », qui ferait pendant à 
la «géographie des plantes », science créée par feu le professeur 
Grisebach à Goettingue et continuée par feu le D' Heinrich Moriz 
WILLKOMM. 

La Pourprologie ! voilà un terme peut-être peu euphonique et qui 
pourra paraître un peu barbare, parce qu’il est entièrement nouveau 
dans le monde immense des sciences. Mais à le bien considérer, il est 


454 A. DEDEKIND 


utile, et j'invite nos très honorés confrères à user dorénavant de ce 


mot international. 


On excusera cette petite digression parce que je désirais montrer 
que la science dont nous parlons est beaucoup plus étendue qu’on ne 
l'avait pensé jusqu'à nos jours, science immense qui manquait 
jusqu’à présent d’un cadre dans lequel la pourprologie se présente 
comme un ensemble organique très compliqué. 


Voici maintenant quelques extraits de mes recherches sur la pour- 
prologie quant à l’art industriel et à la langue des Assyÿriens et des 
Égyptiens; et je serais heureux si nos très vénérés confrères com- 
mençaient aussi à s’occuper pour leur part de la pourprologie assy- 
riologique et égyptologique afin que la science ne soit plus condamnée 
à marcher aussi lentement, ce qui est toujours le cas tant quil n’y a 
qu’une seule personne qui s’occupe des questions d’une catégorie 
spéciale. 

Le papyrus hiératique n°3933 parmi les antiquités de la Cour 
Impériale d'Autriche contient une liste de vêtements et d’autres ob- 
jets, ainsi que la valeur de ces choses en argent. 

M. E. de Bergmann, qui a fait une publication de ce papyrus !, a 
essayé l'explication du texte, mais il dit en même temps : & J’ai évité 
de traduire les noms de ces vêtements parce que nous ne connaissons 
pas leur signification. » Cette phrase décourageante ne m'a point em- 
pêché d'essayer de déchiffrer les énigmes de ces mots dont le sens 
paraissait voilé. 

Voyons maintenant ce que dit la troisième ligne de notre papyrus! 
En voici la transcription : ( qema nofr zay en tan son ar en hat....» 

Qu'est-ce que c'est que cette étoffe « say » ou comme M. de Berg- 
mann le transcrit par ( dat »? 

Il y a beaucoup de variantes sur ce mot qui est resté très obscur 
jusqu’à présent. 

La science décidera si je suis parvenu à connaître ce que ce pas- 

1. E. von BERGMANN, Hieratische und hieratisch-demotische Texte der 


Sammlung aegypticher Alterthuemer des oesterreichischen Kaiserhauses 
(Wien, 1886) ; pl. I. 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 485 


sage ( qema nofr zay », signifie. Je crois que c’est ( belle étoffe de 
pourpre )». 

Il est incontestable que l'expression (zay » peut signifier, selon 
M. le vicomte E. de Rougé', («une partie du vêtement funéraire » 
après que j'ai réussi à prouver à l’aide des expériences faites à Naples 
par M. Ernest Berger, sur des mollusques à pourpre, qu’un fragment 
d’une étoffe qui a appartenu à une momie et qui est dans le Musée 
Impérial à Vienne est de la pourpre ?. 

Ce brillant vêtement a une largeur de 31 centimètres et une lon- 
gueur de 90 centimètres. Il est décoré d’un dessin noir qui a la forme 
d’un filet. A quelques endroits, la couleur noire change avec bleu 
(dptov. Cf. J. G. SCHNEIDER, — cité ici p. 488, note 3, — p. 391.) En 
outre, cette étofte porte le dessin de deux bandelettes jaunes, sur les- 
quelles sont peints des textes en hiéroglyphes noirs. C’est un vêtement 
qui était destiné selon le texte à un certain Zaher ou Zehir, prêtre 
d’Amon à Thèbes. Cet objet setrouve dans la salle IV du Musée Impérial 
(k. k. kunsthistor. Hofmuseum), dans la vitrine n° IV, sous le no 100. 

Pour prouver incontestablement que cette étoffe fut un fragment 
précieux venant des milliers d'étoffes de pourpre de l'antiquité, je priai 
M. Ernest Berger, de Munich, bien connu dans la science par ses 
recherches ingénieuses sur les couleurs des anciens et qui s'était 
occupé, avec le meilleur succès, surtout de la peinture encaustique de 
l’antiquité, d’avoir la bonté de faire en Italie, au bord de la mer, des 
expériences avec la couleur des mollusques qui ont des organes de 
pourpre. J’espérais par cela avancer mes preuves. 

M. Ernest Berger eut, en eftet, la grande amabilité de faire des 
épreuves pratiques à Naples, dans la station zoologique, avec M. le 
Dr Linden et M. le D' Schoenfeld. Le succès de ces expériences fut. 
tel qu’il ne resta plus de doute que l’étoffe que j'avais reconnue comme 
étant de la pourpre fut véritablement teinte avec ce suc si précieux 
chez les anciens. La couleur de pourpre de l’étoffe susdite montre, selon 
M. Berger, la même nuance que des restes de couleur conservés dans 
le musée de Naples, identiques avec la couleur tirée du mollusque 


maritime « Âlurex trunculus (Linn.) ». 


1. Rec. de tracaux, etc., IV, 16, 94, etc. 
2. Cf. Wiener Zeitschriftf. d. Kunde d. Morgent., VIII, 74 sq. 


486 A. DEDEKIND 


M. Berger fit quelque temps après cela une exposition pourprolo- 
gique hautement intéressante dans le Musée de l’Art et de l’Industrie 
à Vienne, dont le journal Neue Freie Presse donna un compte rendu 
très remarquable‘. 

M. Berger a donné des relations très précises sur ses expérienees 
intéressantes jointes'à mes découvertes de pourpre antique dans le 
Musée Impérial de Vienne. 

Les résultats de toutes ces découvertes étaient absolument inatten- 
dus pour la science archéologique et grandement appréciés parmi les 
connaisseurs de l’art antique qui connurent les confirmations, faites 
par M. Berger, auquel j'avais montré après ses expériences exécutées 
au bord de la mer, beaucoup de statuettes grecques peintes avec de la 
pourpre, tant ( argaman » que «thekeleth ». 

Beaucoup d'échantillons de toile pourprée par M. Ernest Berger 
dans le golfe de Naples, prirent le chemin des Musées de l’Allemagne. 
Ce fut surtout M. le directeur Treu, du musée « Albertinum » à 
Dresde, qui s'intéressa extrêmement à toutes ces choses si étonnantes?. 
La pourpre de ladite étoffe à Vienne est rose comme celle que l’on 
voit dans la gamme des couleurs de pourpre dans le A/émotre sur la 
pourpre de notre maître, M. de Lacaze-Duthiers”. 

J’ai traduit les textes hiéroglyphiques peints sur le vêtement dont il 
a été question, et publié la traduction dans le Journal Viennois pour 
seroir à la connaissance de l'Orient, VIII, p. 76. 

On trouvera là tout ce qui concerne ce point de l’égyptologie. 


1. Cf. Neue, Freie Presse, Wien, 10 april 1894, n° 10,642 [Pourpre]. « Ces 
échantillons de couleurs de pourpre exposés par M. Berger, le plus célèbre con- 
naisseur de l’art technique à peindre chez les anciens, ont constaté la justesse 
de la pensée de M. le D' A. Dedekind quant à la pourpre dans le Musée Impé- 
rial, tant du textile égyptien que dans beaucoup d'exemples ravissants où des 
statuettes grecques sont décorées avec de la couleur pourpre, ce qui était échappé 
parfaitement à nos temps. » — M. Berger a constaté aussi dans son discours du 
5 avril 1394, à Vienne, dans ledit Musée, que c'était moi qui avais appelé son 
attention sur beaucoup de statuettes de l’antiquité conservées dans le Musée 
Impérial, lesquelles avaient été décorées avec de la pourpre. ce que l’on n'avait 
pas encore reconnu. M. Berger confirma la justesse de mes observations, mon- 
trant que c'était réellement des restes de pourpre que je lui montrais, — de 
pourpre rouge et de pourpre violette. 

2. Ci. E. BERGER, Beitraege zur Entwickelungsgeschichte der Maltechnik. 
à Folge, Muenchen, 1895, pag. 68. 

3. Annales des Sciences Naturelles, 4 série. Zoologie, tome XII; Paris, 
1859. 


Oo 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » Î 


Ayant trouvé le mot égyptien pour la pourpre, j'ai montré aussi 
comment beaucoup de mots égyptiens hiéroglyphiques et hiératiques 
s'expliquent quant à l’étymologie simplement par ma découverte de la 
signification du mot ( zay ». J'aurais pu ajouter des centaines 
d'exemples. 

Je ne veux citer que deux ou trois exemples de la revue pour- 
prologique qui s'offrent à l’égyptologue à l’appui de notre sujet. 

On a traduit jusqu’à présent le mot ( zazau », déterminé avec la 
maison, toujours par « salle du trône‘ ». Mais il est évident que cela 
signifie selon mon interprétation ( salle de pourpre », comme on parle 
par exemple à Dresde de la « voûte verte » (Gruenes Gewoelbe) ou à 
Vienne de la « salle d’or » dans le Musée Impérial, où se trouve la 
saliera de Benvenuto Cellini. 

Un pendant de l’expression pittoresque d'Homère £oîoarvhos we 
est l'expression hiéroglyphique « zau goreh » ; c'est « le crépuscule de 
pourpre ». Cf. « Hamlet », I, 1 : « Le matin vêtu de pourpre. » 

Un autre exemple extrêmement intéressant qui nous servira de 
passage pour arriver dans un champ de découvertes pratiques entiè- 
rement nouvelles et que je publierai ci-dessous pour la première fois 
est celui-ci : E. A. W. Budge dit dans son livre The Sarcophagus 
of Anchnesräneferab, p. 134, que le mot « zay » déterminé par un 
démon ($ema) avec le signe du pluriel signifie « devils » (masc. et — 
avec le t — « devils » fém). C’est bien dit. On voit le démon par le 
déterminatif. Voilà la traduction bien facilement trouvée. Mais l’ori- 
gine du sens, c’est-à-dire l’étymologie dudit mot & zay » n'avait pas 
été reconnue par l'égyptologue. C’est seulement à l’aide de mon indi- 
cation du mot égyptien signifiant « pourpre » que l’on peut arriver au 
sens vrai de cette expression. Car comme on appelle souvent le diable: 
le prince des ténèbres, le noir, etc. (Jésus-Christ dit au contraire : «Je 
suis la lumière » }, les Égyptiens ont appelé les démons des « pour- 
prés » à cause du sang qu'ils versaient et que répandent aussi nos bou- 
chers sur eux-mêmes. Le sang de leurs malheureuses victimes a donné 
le nom à ces démons. On peut aussi voir de tels meurtriers armés 


1. Cf. Ed. Navizre, Transact. of the Soc. of Bibl. Arch. VII, 124 et 134, 
« quand tu parais dans la « zati uerti » grande salle du double trône ». 


488 A. DEDEKIND 


de couteaux formidables dans des sculptures assyriennes ‘ ; et il est 
démontré déjà depuis longtemps que la démonologie égyptienne et 
assyrienne se ressemblent en beaucoup de points. J’en pourrais donner 
de nombreuses preuves; mais je crois que cela ne peut guère figurer 
dans les sujets d’un journal de zoologie expérimentale. 

Notre maître, M. de Lacaze-Duthiers, nous a avertis dans son Mé- 
moire immortel sur la pourpre que la substance de pourpre a une 
odeur repoussante quand les couleurs se développent?, fait que l’an- 
glais Cole avait observé déjà en 1684 et qu’il a publié en 1685*. 

Il est intéressant d'observer qu’un passage dans le papyrus Sallier 
n° 2 mentionne aussi cette odeur au moment où les couleurs brillantes 
du suc des mollusques maritimes se développent sous l’influence de la 
lumière, soit du soleil, soit du feu dans les fabriques antiques de pourpre. 
Il est dit là du teinturier : & Ses mains sentent mauvais; elles ont 
l’odeur de poissons putréfiés.. les teinturiers abhorrent tout vêtement. » 

On n’a pu s'expliquer suffisamment ce passage; et j'en ai vu des 
traductions imprimées qui étaient accompagnées d’un point d’interro- 
gation ‘. Mais l’explication est bien claire maintenant quand on se sou- 
vient du fait mentionné par notre maitre, qui prit connaissance de ces 
mystères de la nature 1l y a plus de trente ans, dans le port de Mahon. 

Voilà donc prouvée l'exactitude des inconvénients du métier des 
teinturiers chez les anciens, qui avaient à tendre avec la pourpre, on 
trouve ces inconvénients caractérisés très justement dans le vieux pa- 
pyrus égyptien qui se trouve à Londres maintenant. 

Le sens de la troisième ligne de notre papyrus qui nous a occupé au 
commencement est donc parfaitement clair. C’est « de la belle pourpre » 

1. Cf. PErRoT et Cai>1e7z, Histoire de l’art dans l’antiquité, IT, 62. 

2. Cf. M. J. ScuLelpeN, Das Meer (Berlin 1867) ; dans le chapitre « La pourpre 
des anciens » (p. 451-455), où Schleiden donne une traduction du récit de notre 
maitre. 

3. Cf. J. G. ScunNEIDER, Abhandlung ueber die Purpurfaerberei der Spanier 
in Sued-Amerika; in Don Antonio de Uzrro4, Physikalische u. histor. 
Nachrichten vom suedlichen u. nordoestl. America. Aus dem Spanischen 
ueberse?zt von Johann Andreas D1ieze. II Theil:; Leipzig 1781, p. 409. (Ladite 
monographie de M. Schneider est sur les pages 377-431). — La lettre de 
M. Coe « Observations on the purple fish », publiée en 1685, se trouve dans les 
« Philosophical Transactions », tome 15, p. 1278. On la trouve traduite dans le 
«Journal des Sçavans » 1656, p. 356. 

4. Cf. SpaMER’s Illustrierte Weltgeschichte; 3 Auflage (Leipzig 1893), I 


Band {Histoire de l'antiquité), p. 169 : « Die Kleider sind sein Entsetzen (?) » 
(Les vêtements sont son horreur). 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 489 


dont il est question. La fin de la phrase veut dire : « bien conservée : 
la valeur de cette étoffe est en argent » tant et tant. Le reste de la 
ligne est mutilé. 

Au reste, cela n’a point d'intérêt pour les Archives de zoologie expé- 
rimentale. 


Qu'il me soit permis maintenant d'arriver à une question plus rela- 
tive à notre sujet. C’est, je crois, une découverte peut-être importante 
pour Messieurs nos très honorés Confrères. 

C’est en France que je publie les observations suivantes qui ont été 
faites à Vienne. 

J’ai parlé plus haut d’un trait d'union à l’aide duquel nous passerions 
à un chapitre nouveau. C’est le parallèle, l’analogie des couleurs du 
sang et de la pourpre & argaman » qui jouent un si grand rôle dans 
la langue des nations les plus antiques de l'Orient. 

Les Égyptiens, les Assyriens et toutes les peuplades grecques de 
l’Asie au bord de la Méditerranée dont les poèmes d'Homère reflètent 
les idées artistiques, — toutes ces nations avaient dans leurs récits 
poétiques ou historiques pompeux une prédilection particulière pour 
faire des comparaisons entre la pourpre et la couleur du sang. 

Ces époques-là nous montrent donc déjà le haut degré du dévelop- 
pement de l’art de teindre avec la pourpre. Car cette espèce de pourpre 
appelée ( argaman » en Assyrie et 1000 ou 1500 ans plus tard («oxy- 
blatta » à Constantinople fut le résultat de modifications ARTIFICIELLES 
du violet et des manipulations très intéressantes que M. Schmidt a 
si bien décrites. 

Le Nestor de notre science, M. de Lacazse-Duthiers, nous a averti 
(p. 62 sq. et 65) « que la couleur primitive non modifiée, la couleur 
réelle de la Pourpre, qui dut se présenter la première fois à celui qui 
en fit la découverte, absolument comme cela est arrivé à tous ceux 
qui, sans artifice, ont essayé la matière sur les grèves des bords de la 
mer, que cette couleur, dis-je, a dü être pour les anciens, comme elle 
est pour nous, violette ». Et tout prouve la justesse des mots de notre 
Mentor : « 11 paraît donc probable que les modifications du violet qui 
le rapprochaïient plus ou moins du rouge étaient toutes ARTIFICIELLES 
et dues à des manipulations, à des changements ayant pour but d’a- 


490 A. DEDEKIND 


juster au goût de l’époque la COULEUR PRIMITIVE D et ( la teinte primi- 
tive, la couleur naturelle de la pourpre, celle produite par l'exposition 
de la matière à l'influence de la lumière du soleil, ÉTAIT ET NE POUVAIT 
ÊTRE AUTRE QUE LE VIOLET. ) Il est étonnant, et j’en présenterai des 
preuves, qu’il y eût dans l'Orient, déjà dans lesdits temps reculés, 
de telles modifications du violet artificielles que l’on appelait oxyblatta 
plus tard dans l'Occident; et je prie donc notre maître de me permettre 
de présenter maintenant les preuves que j’ai recueillies à cet égard. 
Qu'il me soit permis enfin d'achever mon raisonnement, en présentant 
des découvertes pratiques, faites par moi dans le Musée Impérial de 
Vienne directement sur la base de mes observations purement théori- 
ques. Je me tiendrais pour très heureux si Messieurs nos Confrères 
donnaient créance aux résultats de mes recherches. 

Il y a beaucoup de passages dans des inscriptions et autres œuvres 
de la plus haute antiquité qui se rapportent précisément à une pourpre 
qui avait la couleur du sang, et particulièrement du « sang figé ». 

J'ai montré relativement au mot (zay », par un grand nombre de 
passages dans l’égyptologie qu’ils suggèrent indubitablement l’idée de 
perdre son sang et de verser le sang à profusion ; etj’ai découvert pour 
la première fois l’étymologie du motzay-u (mase.) et zayt-u (fém.), ce 
qui signifie : des diables, comme E. A. Wallis Budge l’a traduit. Ce 
mot signifie précisément les («pourprés », parce que ces démons étaient 
des égorgeurs, des tueurs ensanglantés, couverts de sang de leurs vic- 
times. 

On voit là très clairement le rapport avec le mot hiéroglyphique : 
pourpre. Au surplus, j'invoque Homère à mon aide pour accumuler 
des preuves sur ce que l'antiquité établissait la comparaison de la 
pourpre et du sang quand elle voulait représenter l’idée du sang figé. 

C'est Pline’ qui dit: «...unde et Jomero purpureus dicitur sanguis. » 
Le Suédois B. Roswall appelle l’attention sur un passage de Gellius* 
qui associe les nuances du sang et de la pourpre. Et W. Adolphe 


1. Cf. le mot persan Dre hun kar, c’est le « bourreau », en turc dans 
le sens : « dominus vitæ et necis (le souverain) », littéralement : celui qui fait 


(ST de ossi faire) le sang (Os le 


2. Cf. Benedictus RoswaLL, Dissertatio de purpura (Lundini, 1780), p. 4. 
3. Noctes Atticæ, IT, c. 26, 5 : « Aliter sanguis, aliter ostrum. » 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 491 


Schmidt! dit que « blatta » signifie en général du sang figé et que 
« l'oxyblatta » veut dire le rouge intense du sang figé. C’est ce que le 
Suédois Elias J. Bask (Dissertatio de purpura. Upsalæ, 1686, p. 14 
et 15) ne savait pas encore. M. Schmidt accentue encore le fait que le 
mot hébreu (argaman » est synonyme de purpura oxyblatta ou Tyria?. 

Je donnerai bientôt une foule de citations et de passages tirés des 
inscriptions cunéiformes assyriennes, — dont M. W. Adolphe Schmidt 
n’a pas eu Connaissance. 

Aristote’ et Pline‘ rapprochent les couleurs principales de la pour- 
pre, c'est-à-dire le noir et le rouge; et c’est parfaitement la marque 
essentielle du sang profusément versé et figé. 

Le type de la couleur du sang c’est la pourpre rouge foncé; il est 
mentionné aussi, selon M. Schmidt, par Cassion. Æpp., I, ? : obscu- 
ritas rubens, nigredo sanguinea. Corrip., Zn laud. Justini minor., 
lib. I, v. 271 : Effigies auro, sanguis depingitur ostro. 

Et À. H. L. Heeren’ dit que les mollusques à pourpre dans les 
mers du Midi, surtout au bord de la Phénicie, auraient un suc spécia- 
lement rouge foncé. (Cf. le Mémoire de notre maitre, p. 65: (au 
moins, » etc.) 

On trouve des preuves innombrables d’allusions à la pourpre cou- 
leur de sang dans les inscriptions cunéiformes assyriennes. 

Ces passages se rattachent de la manière la plus éloquente à la pré- 
dilection d’'Homère pour les comparaisons entre la couleur de la 
pourpre et celle du sang (roowÿpcoy aiux) qui sont des couleurs ju- 
melles. 

Je citerai quelques-uns de ces passages. Il est dit dans l'inscription 
des annales d’ASurnâsir-abal (885-860 avant notre ère) col. I, ligne 
53%: « dami-Su-nu kima na-pa(-a)-si Sadu-u lu asruup, » Je éeignis 
avec leur sang (des ennemis) la montagne comme de la laine. Ibid., 


ligne 97, « argamannu ». C’est de la pourpre rouge foncé qui était 


1. W. Adolph Scauipr, Die griechischen Papyrus-Urkunden der Kgl. Biblio- 
thek zu Berlin (1842), III Abhandlung, p. 130, 132, 178. 

A LocoNctiato p.134. 

SES tor  Aïnimal.; Ni'13: 

4. Hist. nat.,1X, 38, 62: rubens color nigrante deterior. 

5. A. H. L. HEEREN. Ideen ueber d. Politik, d. Verkehr u. den Handel der 
vorn. Voelker der alten Welt (Goettingen, 1796), II, p. 600. 

6. Cf. Keil-inschriftliche Bibliothek ; herausgegeben von Eberhard SCHRADER, 
I (Berlin, 1889), p. 60 sq. 


492 A. DEDEKIND 


parmi l'impôt du Hindanien Häiân. [bid., col. IT, 1. 15 sq. : « Nirbu 
s'était rebellé... Je tuai dans les montagnes immenses leurs com- 
battants, je teignis avec leur sang la montagne comme de la laine. » 

Salmanassar IT (Inscription du monolithe, col. I, 1. 47) emploie le 
même terme. Ibid., 1. 50 : la montagne Adduri fut teinte par le sang 
des ennemis comme de la laine. 

Ibid., 1. 78 : Je teignis la mer avec leur sang comme de la laine. 

Aussi Samsi-Rammäân (825-812 avant notre ère) dit sur sa stèle qui 
se trouve à Londres maintenant (col. III, 1. 11 et 12) : qu’il teignit, 
comme de la laine, les places devant les villes avec le sang des com- 
battants ennemis. 

Ces exemples confirment ledit haut degré de l’art pourprologique 
vis-à-vis des résultats des recherches de M. de Lacaze-Duthiers, notre 
maître, qui dit que la première nuance de la pourpre, aussi chez les 
anciens, aurait été violette ou bleue. On voit que Ja couleur de la 
pourpre rouge à prévalu sur la pourpre violette dans ces temps-là. 

Je pourrais citer encore de nombreux exemples pour approcher. 
comme je Le crois, ledit art admirable chez les Assyriens. Mais je pense 
que ces quelques citations sufliront à notre but. [l faut remarquer que 
ces inscriptions cunéiformes n'étaient pas encore connues dans la 
science en 1859 quand M. de Lacaze-Duthiers écrivit son Mémoire 
immortel sur la pourpre. Peut-être même ces textes assyriens lui sont- 
ils restés inconnus jusqu'à présent. La division des travaux nous force . 
à nous borner à une certaine science, ou comme l’on disait à Rome : 
« Quam quisque norit artem in hac se exerceat. » 

Il faut demander maintenant : n'est-il donc pas possible de voir 
même une trace de pourpre rouge foncée (oxyblatta) et originale des 
anciens ? Toute cette beauté de la pourpre couleur de sang est-elle 
donc détériorée par l’action dévastatrice des siècles ? 

Cette pompe louée directement et indirectement par des papyrus, 
des parchemins, par des inscriptious cunéiformes, etc., est-ce le reste 
des splendeurs de cette couleur tant célébrée qui a charmé l'œil aux 
temps des Pharaons? (Cf. Tertull., de Zdolatr., c. 18.) Est-il vrai 
qu’il n'existe plus de reste de la reine des couleurs dans sa grâce ori- 
ginale avec son éloquente beauté optique ? 

Il y a encore des échantillons de pourpre rouge antique, appelée 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 493 


oxyblatta. J’ai découvert de tels restes dans des cercueils égyptiens de 
la XXIe dynastie et j’ai exposé une planche de bois peinte avec ( ar- 
gaman » dans la collection des antiquités égyptiennes de la Cour Im- 
périale à Vienne. 

Mais le Musée égyptien a encore beaucoup d’autres échantillons de 
peintures égyptiennes en pourpre rouge foncée dans les cercueils de 
la salle VI, qui sont fermés, parce que la place étroite réservée aux 
antiquités égyptiennes ne permet pas un déploiement dans les salles 
comme 1l serait à souhaiter. 

Je crois d’une façon générale que les échantillons les plus vieux de 
ces décorations avec la pourpre, à couleur de sang figé, ne se trou- 
vent plus que dans les cercueils des hauts fonctionnaires et aussi 
des dames les plus distinguées de l'Égypte ancienne. Les parois 
intérieures de tels coffres sacrés ont été parées quelquefois avec un 
fond de pourpre de ladite nuance, et sur ce fond des compositions 
mythologiques ont été peintes souvent avec beaucoup d’autres cou- 
leurs. 

Les anciens occupants de ces cercueils portent quelquefois des mas- 
ques dorés. Souvent les parties près du visage ou le visage même du 
défunt sur le couvercle du cercueil sont dorés ainsi que les poignées 
du couvercle. Nous avons à Vienne un cercueil de la XXIe dynastie 
où les parties dorées ont été grattées. On ne voit que très peu de 
traces de l’or qui y était autrefois; et c’est spécialement du cercueil ex- 
térieur de celui-ci que j’ai exposé une planche pourprée dans les col- 
lections de la salle IV. Le cercueil intérieur se trouve au milieu de la 
salle VI parmi d’autres de la XXIe dynastie, qui sont fermés et qui 
proviennent d’un cadeau du gouvernement égyotien au Musée Impé- 
rial, il y a quelques années. | 

On avait trouvé ces cercueils immenses et empourprés sur les parois 
intérieures, en 1891, à Thèbes, près Deiïr el-Bahari, et M. Lieblein, 
professeur de l’égyptologie à Christiania, à publié dans son diction- 
naire célèbre de noms hiéroglyphiques (supplément, p. 993 sq.) les 
noms des anciens défunts occupants de ces cercueils d’après la com- 
munication de M. Daressy. Cette trouvaille embrassait 153 cercueils 
et momies, selon M. Lieblein; mais les sept cercueils destinés pour 
Vienne furent envoyés chez nous vides. 


494 A. DEDEKIND 


Peut-être me dira-t-on qu’il serait à désirer d’avoir aussi l'opinion 
d'un auteur ancien sur le fait soutenu par moi que dans l’art antique 
on peignait avec de la pourpre. Il pourrait bien se faire qu’on répon- 
dit à ma découverte faite à Vienne: Vousn’auriez pas dû avancer une 
proposition aussi difficile à établir. 

Même sans des témoignages graphiques antiques, — et il y a de tels 
faits faisant pencher la balance en faveur de la justesse et de la défense 
de mon opinion que c’est de la véritable pourpre avec laquelle on y a 
peint, — il serait difficile d’ébranler ma conviction que c’est dans le cas 
présent un échantillon de la pourpre antique rouge du genre blatta, ou 
oæyblatta, ou argaman. 

Combien de découvertes n’ont-elles pas été faites dans l’art et dans 
la politique des peuples les plus anciens, combien de choses ont été 
déchiffrées de nos jours dans les hiéroglyphes, dans les inscriptions 
cunéiformes, himyariques, etc., dont la littérature des Grecs ne men- 
tionne pas un seul mot!°? 

N'’aurait-1l pas été très possible que les auteurs grecs et romains ne 
nous eusssent pas conservé une seule ligne sur les couleurs des an- 
ciens *? C’est seulement par hasard que Vitruve et Pline nous ont 
raconté des détails très intéressants sur l’art de peindre avec la 
pourpre. 

Or, est-il jamais arrivé qu’une Minerve soit sortie de la tête de 
Jupiter dans quelque partie de l’art ou de la science ? Plus qu’on le 
croit, tout ce que le luxe créait dans la splendeur de Rome au temps 
des empereurs magnifiques avait pris racine dans l’art de la plus haute 
antiquité. Et tout prouve que l'art des Romains de peindre avec la 
pourpre plaisait aussi au raffinement des Égyptiens. 

Feu le professeur M. Heinrich de Brunn, qui n’a pas connu mon 
opinion que les Égyptiens au temps des Pharaons peignaient avec de 


1. Cf. À H. L. H&EerEN, loco citato, p. 606. « Le manque d'avis. » 

2. Cf. Dr Joseph Maria Ener, Ausfuehrliches Handbuch der Photographie. 
1. Theil. — 1. Haelfte. 2. Aufl. (Halle a. S. 1891) p. 3 : « Fuer uns hier istdie 
Schrift « Ueber die Farben » die wichtigste, welche zwar mitunter nicht dem 
Aristoteles selbst, sondern seinem Schueler T'heophrast oder der peripatetischen 
Schule zugeschrieben wird, aber nach dem Urtheile Anderer, welche sich auf 
das Urtheil Plutarch's stuetzen, — cf. Die Kritiken ueb. d. Echtheit dieser 
Schrift in WiLpe, Geschichte der Optik, 1838 I, 9,-— ganz bestimmt von Aristo- 
teles selbst stammt. » 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 495 


la pourpre, dit dans son œuvre sur l’histoire des artistes grecs : «Pline 
compare la simplicité des peintres excellents d’autrefois avec l’art dé- 
généré de son temps, quoique la pourpre, cette couleur si précieuse, 
fût employée pour peindre les parois! ». 

Le témoin le plus important pour cet art de luxe est Vitruve et à 
côté de lui nous voyons Pline. M. Heinrich de Brunn n’avait pas su 
que l’origine de cette coutume des Romains les plus riches remonte 
jusqu’à l’antiquité des Pharaons! 

Jusqu'à présent personne n’a eu même un pressentiment de cette 
continuité, et c’est 1c1 que j'appelle l’attention de la science sur cette 
relation continue et surprenante entre l’art de l'Égypte ancienne qui 
nous à conservé des cercueils dont les parois intérieures furent peintes 
avec la pourpre, la Grèce antique dont nous avons des statuettes dé- 
corées de même, enfin avec les Romains dont nous avons directement 
des récits sur la manière de faire des couleurs tirées des mollusques 
à pourpre et destinées pour l’usage des peintres. 

Le cercueil dont j'ai exposé une planche peinte avec de la pourpre 
appartenait à un prêtre nommé Nesi-per-noub [attaché à la maison 
d’or|. 

Cet objet a dans notre inventaire le numéro 6270. La couleur de cette 
pourpre est exactement ce que l’on appelait (b/afta » ou plutôt & oxy- 
blalta » et elle a parfaitement le « color sanguinis concreti » indiqué 
dans la description de Pline. Voici encore une citation de Cassiodore : 


«obscuritas rubens, nigredo sanguine. » 


nue 5 
Depingitur ostro*! 


C’est, on le voit, toute la splendeur des pompes d'autrefois que l’on 
retrouve dans un cercueil d’un dignitaire, un des plus hauts de la hié- 
rarchie de l'Égypte ancienne. Homère aurait pu voir cette pourpre, 
comme Moïse a pu voir des papyrus égyptiens exposés dans nos 
musées maintenant, et on a peint avec cette couleur précieuse d’une 
manière vraiment prodigue sur la dite planche et sur les parois inté- 
rieures des autres cercueils fermés. 


1. Heinrich v. Brunn, Geschichte der griechischen Kuenstler. 2 vol. 
(Stuttgart 1859), p. 225 sq. 
2. Corrip. in laud. Justini minor., lib. I, v. 871. 


496 A. DEDEKIND 


W. Adolphe Schmidt, ce grand savant, dans lesquestions relatives à 
la pourpre est obscur sur ce chapitre et ne mentionne là-dessus que 
quelques mots : « On se servait de la pourpre aussi pour peindre, pour 
la peinture encaustique et comme encre pour écrire'.» Il cite encore 
M. Schneider* qui en parle très exactement. Je donnerai les détails 
sur ce point, comme on le verra plus loin. 

Une des remarques les plus célèbres de Pline est celle où 1l parle du 
pendant de la pourpre violette, c’est-à-dire la pourpre tyrienne. Il dit: 
«At Tyrius pelagio primum satiatur, immatura viridique cortina; mox 
permutatur in buccino. Laus ei summa, in colore sanguinis concreti, 
nigricans adspectu, idemque suspectu refulgens. Unde et Homero 
purpureus dicitur sanguis ?. » 

M. de Lacaze-Duthiers cite aussi ce passage et le pose en regard de 
ses recherches sur la teinture des étoffes avec le suc violet des mol- 
lusques, et notre maître raconte que quand il montra à différentes per- 
sonnes des échantillons de pourpre faite par lui-même, elles s’écrièrent: 
Mais c’est violet, et la pourpre des anciens était rouge, suivant notre 
opinion. On aurait même ajouté: Et la plus belle pourpre, c’est-à-dire 
celle de Tyr, était rouge de sang (p. 54). Cetteopinion de ceux qui par- 
laient ainsi repose sur la remarque citée de Pline. M. de Lacaze- 
Duthiers en parle (p. 62) et dit que Pline aurait dit et que chacun 
après lui aurait répété : que «la plus belle pourpre tyrienne est celle 
qui a la couleur du sang figé », etc. 

C’est cette couleur qui paraît noirâtre quand on la voit de face, 
celle que nous voyons sur les parois intérieures de divers cercueils 
de la collection Impériale des antiquités égyptiennes à Vienne. 

Le seul savant de nos temps qui parle en détail de la coutume des 
riches Romains de peindre avec la pourpre, c'est M. Schneider‘. 

Les pages les plus intéressantes de cette monographie extrêmement 
remarquable sont celles où M. Schneider parle des couleurs tirées de 
la pourpre pour peindre soit les murailles des riches, soit des sta- 
tuettes, soit des détails dans des tableaux, soit le visage des dames 
qui corrigeaient de cette façon leur manque de teint rose. 


. W. Adolph ScamipT, loco citato, p. 158. 
. SCHNEIDER, loc. cit.,p. 397 sq. 

. PuineE, IX, 38, 62. 

. SCHNEIDER, loc. cil., p. 397 sq. 


= © 20 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 497 


Il cite d’abord le passage fort célèbre de Vitruve ! qui commence 
par là remarque d’Aristote, à laquelle il donne un commentaire : 
« Non habet in omnibus locis, quibus nascitur, unius generis 
colorem, sed solis cursu naturaliter temperatur. » Puis il fait une 
description comment on préparait la couleur à peindre tirée des 
coquilles de pourpre : ( Ea conchylia, quum sunt lecta, ferramentis 
circascinduntur e quibus plagis purpurea sanies uti lacryma pro- 
fluéns excussa in mortariis terendo comparatur, et, quod ex concha- 
rum marinarum lestis eximitur, ideo ostrum est vocatum. Id autem 
propter salsuginem cito fit siticulosum ris mel? habeat circum- 
fusum. ) 

M. Schneider continue : «( Presque tous les savants, qui ont cité 
ce passage ont cru que cela avait rapport à la teinture des vête- 
ments de pourpre. Mais Vitruve ne s'occupe pas de cette industrie. 

» Dans son œuvre il ne décrit qu’une couleur pour l’usage des 
peintres et la préparation de cette matière complètement différente de 
celle employée pour teindre la laine ou la toile. Pour préparer les 
couleurs pourpres à peindre on cassait le coquillage et on pratiquait 
des incisions sur le dos du mollusque avec un instrument de fer. Le 
suc qui sortait en petite quantité, comme la comparaison avec des 
larmes nous le montre, était broyé dans des mortiers jusqu’à ce qu’il 
eût atteint le degré nécessaire quant à l’épaisseur et à la couleur. 
Cette matière était conservée jusqu’à ce qu’on en voulüt faire usage, 
dans du miel afin que la couleur ne devint pas trop sèche et dure et 
afin qu’elle n’attirât pas d'humidité. Le mot siticulosum donne ce 
double sens. » 

M. Schneider dit : « Mais je ne puis décider lequel est le véritable 
sens de l’auteur; » puis 1l continue: « Cette couleur destinée à 
peindre était nommée ostrum, même expression que pour la couleur 
employée pour tendre la laine ou la toile. Il est bien possible que 
l'erreur soit née de là. En outre de cette couleur à peindre on en pré- 

1. Vitruvius VII, c. 13. 

2. Cf. Plutarque ; Alexander, 36, où il raconte qu'Alexandre le Grand a 
trouvé à Suze 500 talents d’étoffes roowiozc Eoutovwxc, laquelle pourpre 
avait un âge de 190 ans. La couleur rouge y était si fraiche et si belle parce que 
la pourpre avait été mêlée avec du miel. — C'était donc de la pourpre ve- 


nue en Perse de la Grèce à peu près en 520 a. C. sous Darius, fils 
d'Hystaspes (521-487). — Cf. Ezekiel, 27, 7. 


ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T. 1V. 1896. 2 


498 A. DEDEKIND 


parait encore d’autres, mais pas aussi précieuses. Pline les appelle : 
 purpurissum (XXXV, sect. 26). E reliquis coloribus, quos a dominis 
dari diximus, propter magnitudinem pretil, ante omnes est purpu- 
rissum e creta argentarla : cum purpuris pariter tingitur, bibitque 
eum colorem celerius lanis. Praecipuum est primum fervente aheno 
rudibus medicamentis inebriatum. Proximum, egesto eo, addita creta 
in jus idem. Et quoties id factum est, levatur bonitas pro numero, 
dilutiore sanie. 

Ces morceaux de terre colorée en pourpre étaient vendus aux 
peintres et aux dames sous la forme de petites pièces carrées. Les 
dames se peignaient le visage avec cette couleur. Puisque Pline dit 
«cum purpuris tingitur », il semble qu’il veuille parler de la prépara- 
tion de la pâte pourprée avec de la craie (dont M. Schneïder a parlé 
plus haut selon Rabbi Moses, p. 387 sq. Schneider). 

Il est bien possible qu’on obtint par cette mixture une couleur de 
pourpre plus pâle, et que cette pâte de pourpre fût d’une utilité secon- 
daire dans l’art de la teinture. 

Pline décrit une troisième espèce de couleur de pourpre sèche pour 
les peintres (XXXV, sect. 27) selon Dioscorides, V, cap. 107; on 
l’obtenait de l’écume qui flottait sur la surface des chaudrons dans 
lesquels on faisait bouillir la pourpre. « Indici alterum genus est in 
purpuratis oficimis innatans cortinis, et est purpurae spuma. » Incon- 
testablement les anciens savaient faire servir à des usages divers le 
suc des mollusques à pourpre. 

On voit par ce passage très intéressant de M. Schneider que la 
coutume de peindre avec de la pourpre était très usitée chez les 
Romains. Pourquoi n’en aurait-il pas été de même chez les Egyp- 
tiens qui aimaient tant le luxe? La belle couleur rouge foncé des 
peintures du fond des cercueils égyptiens conservés au Musée Im- 
périal à Vienne nous montre exactement cette teinture de la couleur 
du sang figé. 

S1 l’on décorait les momies des plus hauts prêtres avec des masques 
dorés, pourquoi n’aurait-on pas décoré aussi soit les parois de leur der- 
nière demeure, soit le corps des défunts même avec de la pourpre qui 
était une couleur si estimée? Cf. TerrTuLL., de Idolatr., ce. 18; Pap: 


ÆTarris, ne 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 499 


D'après mes observations, on peut dire qu’il est de règle que sur les 
momies égyptiennes recouvertes d’un masque doré on trouve des dé- 
cors de pourpre ; soit que le corps de la momie porte des bandelettes 
de byssos pourpré, soit que les parois intérieures des cercueils soient 
peintes avec la pourpre. Mais il n’est pourtant pas de règle que les 
deux choses s’y trouvent réunies. Nous avons par exemple une momie 
dans le Musée de Vienne avec un masque doré, quoique le cercueil soit 
un simple coffre de bois avec quatre coins. Mais le vêtement de la 
momie est, suivant mon opinion, de la pourpre que les Éthiopiens 
appelaient azmar ou kabed, c’est la couleur du foie, rouge brun 
(« Leberfarbe» en allemand). Cependant beaucoup d’autres cercueils 
et des plus hauts fonstionnaires de la XXI° dynastie montrent, à l’in- 
térieur, des peintures sur un fond de pourpre que les Hébreux ap- 
pelaient (argaman » et les Assyriens (argamanu ». 

Voilà donc qu’on voit vérifiée maintenant dans des cercueils égyp- 
tiens du XIe siècle avant notre ère l’affirmation précise et théorique de 
M. Schmidt : « On se servait aussi de la pourpre comme de couleur 
pour peindre’. » Il ajoute : C'était de même pour l’encaustique?, et 
enfin on se servait aussi de la pourpre comme encre à écrire. 

Je ne sais trop d’où il a tiré cette dernière remarque ; mais on ne peut 
douter qu’il n’ait eu les meilleures preuves pour avancer cette affirma- 
tion. En tous cas, cette remarque qu'on se servait de la pourpre aussi 
pour écrire chez les anciens explique au surplus le groupe LIN 
| KI 5 (sacha ta zait) où l’idéogramme de l’encrier est suivi du mot. 
pourpre? Le mot gothique « gameljan », qui signifie aussi bien éerire 
que peindre, est un pendant à la coutume des Égyptiens de se servir de 
l’idéogramme de l’encrier pour les expressions Cécrire » et (peindre ». 


DONC Adolph Scamipr, loc. cité, p. 198. 

2. Cf. les portraits égyptiens encaustiques de M. Théod. Graf à Vienne. — 
Georg EBers, Die hellenistischen Portraits aus dem Faijüm. Ces portraits ont êté 
trouvés en hiver 1837-88 par des Arabes dans la nécropole du vieux Kerke près 
El-Rubaijat en Égypte. Ces portraits très remarquables ont été exposés à 
Vienne (1 Kolowratring n° 7) dès le 5 mars 1896. 

PPapycusiEelarris n9 1: /14)b. 13; 63 b. 17. 

4. Cf. Codex argenteus à Upsala, page de St. Marc, VIT, 3-7, lin. 17. — On y 
voit le mot « gamelif » (écrit ou peint) en écriture gothique d'argent sur du 
parchemin teint avec de la pourpre améthyste. (CÏ. H. DE Lacaze-DUTrHIERS, 
Mémoire sur la pourpre, p. 81, etc., surtout p. 63, n° 5, parmi les couleurs et 
nuances naturelles de la pourpre.) — Orro v. Leiæner, Deutsche Literatur- 
geschichte. 


500 A. DEDEKIND 


Les bandelettes de la momie d’un prophète de Ptah, nommé 
«Onemher» (fils de la dame Tahebes) dans le Musée Impérial de 
Vienne (au milieu de la salle No. XX) sont un exemple très remar- 
quable pour ma déclaration faite plus haut que des prêtres égyptiens 
d’un haut rang, surtout ceux quiétaient couverts dans leurs cercueils 
d’un masque doré, portent aussi quelquefois des vêtements de pourpre. 
Cette momie se trouve dans un coffre presque rectangulaire et appar- 
tient aux temps ptolémaïques. 

La couleur de cette étoffe est rouge brun. L’expression pour cette 
nuance spécifique s’est conservée, comme j'ai dit plus haut, en éthio- 
pique dans les termes azmar ou kabed, qui signifient rouge brun, la 
couleur du muse, du foie et aussi la pourpre*. 

Le choix pour les différentes nuances de la pourpre était une vraie 
question de mode à Rome. Nous le savons surtout par Cornélius 
Népos*. Il n’est pas rare qu’une couleur qui plaisait à une certaine 
époque et qui indiquait une marque de distinction disparût quelques 
siècles plus tard. Cornélius Népos montre ce fait très clairement. Il 
semble qu'il en fût de même pour ladite couleur; car cette couleur du 
foie que les vêtements de pourpre avaient quelquefois ne jouissait pas 
de la faveur des Romains au temps de Cicéron, puisqu'il dit que des 
hommes privés portaient aussi des bandes de pourpre, mais seulement 
de pourpre plébéienne et presque brune. 

La pourpre des bandelettes du prêtre égyptien Onemher montre pré- 
cisément cette nuance. 

Qu'on me permette d’ajouter à cette occasion qu'on a trouvé en 1884 
à Akmim (Lycopolis des anciens) une nécropole chrétienne dont les 
tombeaux les plus anciens sont du [1° ou IIIe siècle de notre ère. Les 
cadavres y portent leurs vêtements de fêteet M. Gerspach‘ dit des étoi- 
fes : (« En général ces morceaux sont d’une seule couleur pourpre ou 


1. Cf. A. DizLManN, Leæicon linguæ æthiopicæ. - 

2. Cf. PuineE, bib. IX, 39. — Ci. Elias J. Bask, Dissertatio de purpura; Upsalae, “ll 
1656; p. 42:... quod Plinius innuit lib. 9. 89. Cornelium Nepotem citans, dicen- hi 
tem : «Me juvene violacea purpura vigebat ; cujus libra denariis centum veni- 
bat ; nec multo post rubra Tarentina, huic successit dibapha Tyria, quae in li- 
bras denariis mille non poterat emi. » 

3. M.J. SCHLEIDEN, Das Meer (Berlin, 1867), p. 452. 

4. M. GErsPACH, Les Tapisseries coptes; Paris, 1890. 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 901 


brune, » E. A. Wallis Bupce cite ces mots dans son ouvrage « The 
Mummy' ». 

Je crois que c’est aussi de la vraie pourpre puisqu'il est très vrai- 
semblable qu’on ensevelissait en Égypte, dès cette époque-là, les morts 
avec leurs plus beaux vêtements, comme on le fait aussi de nos jours 
en Autriche et ailleurs, et l'emploi de la pourpre était énorme en 
Égypte dans ces temps-là. (Cf. W. A. Scnmipr, L. c., p. 211.) 

Cette couleur qualifiée par M. Gerspach de « pourpre ou de 
brune » est exactement la nuance de la couleur des vétements qui 
entourent à ce moment encore la momie dudit prophète nommé 
Onembher. 

Nous savons par le grand Papyrus Harris n° 1 que les temples 
principaux de l’Égypte avaient reçu des présents vraiment énormes 
par le Pharaon Ramsès IIT pendant les trente-un ans de son règne 
(cf. H. Brucscu, Die Æqyptologte, p. 251 sq.), et j'ai appelé l’atten- 
tion de la science sur le fait très remarquable qu'il y avait aussi de la 
pourpre parmi ces trésors infinis provenant dudit Pharaon, ce que 
l’on n’avait pas encore reconnu. Les autres Pharaons n’auront pas été 
moins généreux (/acio ut facias) vis-à-vis des temples. On peut s’ex- 
pliquer suffisamment maintenant la multiplicité des décorations pour- 
prées dans les cercueils des hauts fonctionnaires (surtout des prêtres) 
et aussi des dames les plus distinguées de l’Égypte ancienne. Voilà 
donc prouvée l'exactitude de la remarque de Tertullien (de Zdolatr., 
SP OUpp. p. 201B.0C.., éd. Rigalt, Par., 1675). que les rois de 
PEÉgypte antique (et de la Babylonie) avaient employé tant de pour- 
pre: L’explication de tous ces faits, surtout la continuité desdits récits 
de l'antiquité joints aux restes les plus éloquents de la pourpre elle- 
même, est donc bien claire dès à présent. ; 

C'est à la chimie maintenant de nous aider dans nos recherches 
archéologiques et d'histoire naturelle, deux sœurs jumelles. 

Or, la France qui a été jusqu’à ce jour la patrie des recherches rela- 
tives aux questions chimiques de la pourpre (on sait ce qu'a fait 
M. Augustin Lettelier dans cette branche de la pourprologie !) rendrait 


1. E. A. Wallis BuDce, The Mummy (Cambridge, 1893), p. 193 i. f. 


502 A. DEDEKIND 


. un nouveau et grand service à la science, si ses études nous aidaient 
dans nos efforts empiriques. 

Les vérifications à l’aide du spectroscope aideraient peut-être les 
vrais progrès de nos efforts relatifs à l’histoire de l’art et de l'industrie 
chez les peuples antiques. 

Je termine. Ces quelques remarques n'ont eu d’autre but que de 
vouloir accentuer le desideratum scientifique de recherches approfon- 
dies sur ce qui concerne la reine des couleurs dans l’égyptologie et 
dans l’assyriologie, sciences qui cachent encore de riches trésors 


intéressant tous les amis sérieux de la pourpre. 


Première note. 


La troisième ligne dudit papyrus n° 3933 contient les mots suivants : 
MAMMA OT O < 
hi RE = 0... Je traduis cela par : € Deux, 
Ÿ NA L AAA AAMM ; O à 
pièces de belle étoffe pourprée, bien conservée, valeur en argent.., Det 
je m'en rapporte à Messieurs nos très honorés Confrères pour décider 
si cela est juste. M. de Bergmann n’a pas même essayé de trouver le 
sens d'espèce d’étoffe et se borne à citer des passages où le mot en 


(=, 
question se trouve, c’est-à-dire : Papyrus Harris n°1: Ir K IN 5 


(OS ND UTENCE LAS PLEYTE et Rossi, Papyrus de Turin, 


pl. 72), ut. Rx 4019) ND Rx 4 D oh 


fn ds (14 6, 13; 63 b, 17), après qu’il à remarqué que 


. Henri Si Pacha a traduit le mot « t’ai » qui se trouve dans 


la phrase =] | Ki l js HH11, avec « large vêtement, manteau » 


MAMAN 


(Dictionn., Suppl. p. 1390). Après que j’eus essayé de trouver le sens 


des variantes dudit mot, comme [KA Ü, IN INlx 
[KT ee ., J'ai traduit les trois mots il KO (littéra- 


lement) par : ( étoffe belle, pourprée. » 
Après que j'eus constaté que les momies des Égyptiens furent par- 
fois enveloppées avec des étoffes de pourpre, il est clair que M. le 


+ NE pe 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 903 


vicomte Emmanuel de Rougé, grand égyptologue français, a eu raison 

de traduire le mot [Ki (Rec., IV, 16, 94, etc.) par « une 
° A ba n ° 

partie du vêtement funéraire ». 


Deuxième note. 


Quant à l'inscription hiéroglyphique de ladite toile, le prêtre auquel 
| « Zaher » ou « Zehir ». C’est 


ce vêtement appartenait s'appelait 
le nom grec Tewc | Zeos ou Tachôs). Cf. H. Brucscx, Die Ægypto- 
logie, p. 488 (Dehô), et Rec. de Trav. (Paris), 1889, p. 153. 

Le texte vertical peint sur la toile est celui-ci : 


XML EP CG: PO © 1 ES 
D on ie. Ma As ot 
008 RSS ES OR EE SC 


« Paroles du feu prophète d’Amon sur les trônes de Thèbes Zaher 
(Zehir), fils du prophète d’Amon sur les trônes de Thèbes Nas-Min (ou 
Nas-Ut'at. — Cf. E. À. Wazus Buoce, The Sarcophagus of Anch- 
nesräneferàäb (London, 1885), p. 99, note : Mr. Renouf has shown me 
a papyrus where the proper name RUE —= D ee vi Pa-se- 
utat. Hence my reading), né de la dame de la maison et prêtresse 
d’Amon-Ra Onck-nes-atefes (sa vie est son père) : Je viens chez toi, 
Anoup, qui sortit de sa montagne sur laquelle est son domicile. » 


Troisième note. 


Ayant trouvé que le IR des expressions ii | & 0 où & 
NA 
NID IR Jp IR n say hobes est { vêtement pour- 


pré )», jai pu montrer l'étymologie de beaucoup de mots donton n’avait 
fait, jusqu’à ce moment-là, qu ‘en deviner le sens. J'ai montré, par 
exemple, que les expressions L Net EN FI sau goreh, « cré- 
puscule pourpré », sont un en optique de la Pododxruhos àwe 
d’Homère. | Ge, traduit dans la Zeitschrift f. Æg. 
Sprache (Berlin, 1882, p. 176) par « in der Fruehe », est précisément 


504 A. DEDEKIND 


«au moment de l'aurore, à l’aube pourprée du jour, dès le point du 
jour pourpré (bei Purpur-Tagesanbruch) ». 


Quatrième note. 


E. A. W. Bupce termine le vocabulaire de son livre Anchnesräne- 
Jeräb avec les mots [RO D: t’ai devis, LS tit devils 
(fém.). J’ai montré que cela signifie littéralement : « les pourprées » à 
cause du sang qu'ils versent et dont leurs vêtements sont couverts. 

La phrase M) (salu) HN —IS (Brucscx, Würterbuch,VII, 
1091) n’a été non plus bien reconnue quant à l’étymologie. Elle veut 
dire : (habile à pourprer, » c’est-à-dire avec du sang des ennemis. C’est 
le même avec les mots (Stèle d’Amada, ligne 6; Lepsrus, Denkmäler, 


l'O AN LS ce qui veut dire littéralement : 


«ses mains (ou ses Noa sont dans Pétat d’abattre en pourprant, » ou 
traduisant plus Hbrement: (1l verse les torrents de sang des ennemis. » 
Très intéressante est la phrase (Moral. Papyrus de Boulaq 8,16; 


publié par A. Mariette) NE ARR ÉERIN 
OR QE ESS ta « Ne cours pas après les 


femmes afin qu’elles n’abattent pas ton cœur en pourprant. » Aristippe 
a donné le même conseil à ses contemporains. 

M. Gaston Muspero à traduit (Pap. du Louvre 21) 8 NU @ 
avec « cilice ». Je crois que l’auteur de l’antiquité a voulu dire une 
« corde pourprée », comme M. Flinders PerTrie en a trouvé en Égypte, 
par exemple, une à Hawära pour suspendre un portrait encaustique. 

Le mot TN à sali (Stèle d’Abusimbel, 1.17; REINISCH, 

EAN Ro 


. @ » 4 » 
Chrestomathie, I, 13), ou AN AN sasau, a êté traduit par 
NA NA ET 


le grand égyptologue genevois par «trône, salle du trône ». Cf. Na- 
VILLE, Jransact. of the Soc. of Biol Arch INIMEMRÆNeRMEEER 
(em) 


re NUS et EN 
« Quand tu parais dans la EAN ei grande 
salle du double trône. » Mais il est clair, d’après l'étymologie du mot 


en question, que cette localité est ( une salle de pourpre ou une salle 
pourprée », comme on parle à Vienne de « la salle d'Or » dans le Musée 
Impérial historique des arts, ou du « Gruenes Gewœlbe » (voûte 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 505 


verte) à Dresde, ou de la «salle Blanche » historique à Berlin, etc. 

Je crois aussi que le mot 8g NU FD ( mâle, masculin » 
rappelle l’étymologie égyptienne de la pourpre rouge brun, ou vice 
versa. Aussi les portraits des hommes égyptiens nous montrent tou- 
jours un coloris rouge brun de la peau, puisque les femmes et les filles 
égyptiennes sont presque toujours jaunes. Je me suis entretenu sur 
cette question il y à quelques années avec le professeur Valdemar 
Schmidt, de Copenhague, et il me dit qu'il pourrait être bien possible 
que le nom pour la pourpre en Égvpte soit venu à peu près également 
en vogue dans l’antiquité égyptienne, comme c'était le cas dans nos 
temps avec le nom du célèbre SHeixH EL-BELED. — Cf. Gaston Mas- 
PERO, Guide du Visiteur au Musée de Boulaq (Boulaq, 1883), p. 76 : 
( Par un hasard singulier, la statue de ce vieil Égyptien (IVe dynastie) 
est le portrait exact d’un des Sheikh el-Beled ou maires du village de 
Saqqarah : nos ouvriers arabes, toujours prompts à saisir les ressem- 
blances, l'ont appelée aussitôt le Sheïkh el-Beled, et le nom lui en est 
resté. » 

Quant à l’étymologie de notre mot pourpre ou du mot grec mopovoz 
[C£. le mot éthiopien T'Eé& (papiràä) et le mot copte nophrpa qui se 
trouve exceptionnellement çà et là, p. e. Evangelilum secundum 
Lucam, 16, 19. — Novum Testamentum copticum ex MSS. Bodleja- 
nis descripsit, etc., Dauid Wilkins; Oxonii, 1716, p. 2041, ces mots 
sont dérivés de la racine indogermanique ( BHARBHOUR », Ce qui veut 
dire « irriter, remuer, étinceler ». Cette racine signifie en indien 
« gigotter, étinceler, se débattre. »y On dit p. e. d’un poisson après 
qu'il a été pris : « bharbhour-îti » — il gigotte, il se débat. Cf. F.-C.- 
August Ficx, Würierbuch der indogerman. Grundsprache (Gôttingen, 
1868), p. 130. 

Ce mot indogermanique « bharbhour » a été transporté à la signifi- 
cation de la pourpre et cette expression cadre parfaitement avec la na- 
ture de la pourpre, parce que la matière fraiche de la pourpre en se 
changeant très vivement quand les rayons du soleil la frappent (comme 
M. de Lacaze-Duthiers l’a si bien peint) montre une fluctuation très 
vive, un changement perpétuel des couleurs, une manière du dévelop- 
pement très indécise jusqu'à ce que la couleur soit devenue définitive. 

C£. 1) « Dictionary of Greek and Roman geography » ; edited by 


906 A. DEDEKIND 


William Smith, vol. IT. London, 1857, — deux ans avant le Mémoire 
sur la pourpre de notre maître, — p. 616, sub voce « Phœnicia » dans 
le chapitre vis (Manufactures, Commerce and Navigation): « The 
fluid is of a yellowish white, or cream colour, and smells like garlic. 
If applied to linen, cotton, or wool, and exposed to a strong light, it 
successively becomes green, blue, red, and deep purple. » 

2) Benedictus Roswall, Dissertatio gradualis de purpura; Lundini, 
1750, p.12 et13: (Imprimis Purpuram Americanam concham accu- 
rate describit 7%. Forges in suo Cataloque of many Natural rari- 
lys, ubi ita p. 25 commentatur : À true Purple- (p. 13 chez Roswall) : 
fisch, that sticks to the Rocks... I Walking by the seaside to search 
after the secrets of nature found one of theme in the Westindies, bout 
woundred at the variety of colours, wherewith it stamed my hand. 
For first it was green, then blew, afterwards purple, and lastly a 
beautiful Read, and taking my handkerchief to my hands, id died 
the same likwise, and the colour remained in the linnen not to be 
washed out. » 

3) Elias J. Bask, Dissertatio de purpura (Upsalæ, 1686), $ 17, 
p.16... miraberis naturæ lusus... etc. 

4) La lettre de l'Anglais Cole, « Observations on the purple fish », 
publiée en 1685 dans les Philosophical Transactions, tome XV, p. 
1278, et traduite dans le « Journ. des Sçavans », 1686, p. 356. 

Cf. aussi les observations de M. Réaumur et de M. Duhamel du 
Monceau sur ledit changement des couleurs de la pourpre. — 
Cf. D' J.-M. Ener, Ausfuehrl. Handbuch d. Photographie. 1 Theil. 
1 Haælfte. 2 Auflage. Halle à. S., 1891, p. 6, 7, 14, 15, 18, 1691et 
166. 

M. le professeur Frédéric Mueller, le plus grand linguiste de l’Au- 
triche, auquel je dois la communication très intéressante de la racine 
bharbhour et auquel je suis infiniment obligé pour son amabilité de 
m'avoir éclairé sur ce point, n’était pas fixé sur cette partie physique de 
la pourpre ; et après que je lui eus montré la précision de la significa- 
tion du mot pourpre par ladite racine indogermanique « bharbhour » 
vis-à-vis de la nature optique de la substance primitive de la matière 
exposée à la lumière, il reconnut que la signification de la pourpre par 
cette racine-là était fondée réellement sur la nature de la matière. Cet 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 507 


exemple nous montre que les sciences des linguistes et des natura- 
listes sont quelquefois comme la flûte à la Hamlet. Gueldenstern ne 
savait pas jouer de la flûte, comme c’est le cas souvent chez nous, quoi- 
que la science mît dans nos mains la flûte la mieux construite et en 
bon état. Cette comparaison n’est qu’un exemple sérieux du fait qu’il 
nous faut toujours marcher ensemble cordialement et avec courtoisie 
dans les différentes branches des sciences pour examiner les matières 
à fond. Un Aristote ou un Bacon de Verulam comme représentants de 
la totalité des sciences ne vivent pas de nos jours. La maxime de la 


science ne peut jamais être une autre que : Viribus unitis ! 


Cinquième note. 


M. Schleiden (Das Meer, p. 451 sq.) mentionne six espèces de 
mollusques qui ont des organes de pourpre: 

1) Purpura hæmastoma Lam. 

2) Purpura lapillus Lam., 

3) Purpura patula L. 

4) Murex trunculus Linn. 

5) Murex erinaceus Linn. 

6) Murex brandaris Linn. 

Janthina communis Lam. n’a pas d'organes de pourpre, selon 
M. Schleiden. 

Une collection fort intéressante de pourpre se trouve à Vienne dans 
le X. k. naturhistor. Hofmuseum, salle X XIII. Cf. le catalogue de ce 
Musée, Allgemeiner Fuehrer durch das X, k. naturh. Hofm., Wien, 
1889, p. 246 et 247 : « Die Purpurschnecken M. trunculus, 1292, und 
M. brandaris, 1329, aus dem Mittelmeere, aus denen die alten Rœmer 
in grossen Fabriken 1hre Purpurfarbe erzeugten. » 

Cf. «Abbildungen zu Oken’s Naturgeschichte » (Stuttgart, Hoff- 
mannsche Verlags-Buchhandlung), Tafel X (Loch-Schnecken, Spalt- 
Schnecken, Rinnen-Schnecken), n° 6 Buccinum, n° 7 Murex, n°9 
Janthina, etc. 


Sixième note. 


Les büchers pourprés des Romains sont un très intéressant pen- 
dant aux cercueils pourprés des Egyptiens. Cf. Puixius, XX XV, 7: 


908 A. DEDEKIND 


« Ne quis miretur, et rogos ping. » Status appelle un bücher coloré 
de cette manière: (Ctristem rogum purpureo aggere » (un triste bûcher 
amoncelé de pourpre). Quoiqu'il fût défendu par une loi des Douze 
Tables de raboter les planches des bûchers ou même de dégauchir les 
morceaux de bois de charpente des büchers (ROGVM ASCIA NE 
POLITO, Cic., Legg., II, 24), on le faisait pourtant plus tard. Or, on 
peignait avec de la pourpre les morceaux de bois, destinés à être 
brülés sous le cadavre. Cf. Alexander Adam, Handbuch der roemisch. 
Alterthuemer, IIe édit., trad. et annoté par M. Johann Leonhardt 
Meyer, tome IT, 4 édition (Erlangen, 1832), p. 240, note. 

J’ai donc donné des exemples prouvant que les Égyptiens et les Ro- 
mains ont peint avec de la pourpre sur bois. Homère aussi mentionne 
qu’on décorait quelquefois les planches extérieures des vaisseaux avec 
de la pourpre, puisqu'il parle de La goivrxomapnos (rapeti) ynds (un vais- 
seau avec des joues pourprées). Cf. les mots d’'Homère : putoraonoc 
vnès un vaisseau coloré avec du minium, un vaisseau avec des joues 
rouges, briquetées. Quant à la nuance de worvixoets, cf. gotv. suwôryyes. 

Voilà donc qu’aussi les Ioniens ont connu la décoration de pourpre 
sur du bois. 

La continuité de l’art de peindre avec de la pourpre sur du bois des 
temps des Pharaons de la XXIe dynastie jusqu'aux temps des Empe- 
reurs romains est ainsi constatée par ces exemples. La première époque 
de ce luxe introduisait le bois pourpré avec le plus grand soin dans 
les tombeaux, de sorte que notre époque peut posséder encore de tels 
restes précieux de pourpre dans les vitrines de nos musées. 

La dernière époque de l’art mentionnée brülait les planches et les 
tiges pourprées. C’est le vrai paroxisme du luxe déplacé et exagéré. 
Est-ce que l’histoire du luxe n’est pas en même temps le tribunal où 


se juge le luxe ? 
Septième note. 


On voit dans la table montrant les nuances de la pourpre (An- 
nales des sciences naturelles, IV®° série, Zoologie, tome XII; Paris, 
1859. Æ. Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la pourpre, p. 83) aussi la 
pourpre noire. Voilà peut-être une explication du passage dans le 
Cantique des Cantiques, vu, 6: « Les cheveux de ta tête sont comme 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 209 


la pourpre du roi.» Le poëte a-t-il pensé à la pourpre noire ou not- 
râtre? Gesenius le croit. Cf. W. Gesenius, Hebraeisches u. aram. 
Handwoerterbuch, 11° édit., Leipzig, 1890, p. 70, sub voce ja. 
Cf. p£lac oivos (du vin noir) chez Homère, et l'expression analogue 
chez les Italiens de nos jours : à vino nero = du vin rouge. — Pour- 
tant je crois que le poète hébreu y parle d'une chevelure rouge brun, 
comme on voit une telle nuance de la pourpre à peu près dans ladite 
gamme de notre maître, sub n° 2. Peut-être faut-il penser même à une 
chevelure encore un peu plus rouge que ne nous le montre la nuance 
du n° 2. La couleur des cheveux dudit passage de la Bible serait alors 
rouge brun, on peut la voir sur beaucoup de statuettes de Tanagra 
et aussi sur la célèbre statuette de l’Artemis de Larnaka (dans l’île 
de Chypre), conservée au Musée Impérial à Vienne. C’est cette nuance 
de la pourpre qui s'appelait en éthiopien #’HaæG: azmar (rougeûtre, 
brun, pourpre). 

Cependant cette allusion, peut-être, à la pourpre noire dans le Canti- 
que des Cantiques concordait parfaitement avec l’expression d’Aristote 
quantaux pourpres noires. Le grand Stagirite parle tout exprès d’une 
foule de limaçons avec du suc de pourpre d’une couleur noire. Il les 
oppose à ceux qui donnent de la pourpre rouge. Le terme hébreu ;a3x 
« argaman » signifie ces deux espèces de couleur. La pourpre vio- 
lette (purpura Hyacinthina) est appelée en hébreu n55n «thekéleth ». 
(Cf, Dr W, Adolph Schmidt, Die griech. Papyrusurkunden der kgl. 
Bibliothek zu Berlin, 1842, p. 134. — Dr Oskar Seuffert, Lexicon der 
Klassischen Alterthumskunde; Leipzig, 1882, p. 563, sub voce « Pur- 
pur». — Fran: Hoffmann's Neuer Deutscher Jugendfreund, 45 Bd. 
Stuttgart, p. 431, le très instructif mémoire : « Die Purpurschnecke 
u. ihr Product. » — Bercez (Siudien ueber die naturwiss. Kennt- 
nisse der Talmudisten, 1880, p. 49-51) se trompe quant à la nuance 
du thekéleth, et 1l méconnaît complètement la justesse des récits 
extrèmement intéressants des talmudistes quant à la couleur du 
« thekéleth ». — Sur l’industrie de la pourpre chez les Étrusces, 
Cf. Die Etrusker. Vier Buecher, von Karl Otfried MëLrer; Neu 
bearbeitet, von Wilhelm Dercxe Dr, I Bd. (Stuttgart, 1877), 
p. 246. 

Est-ce que les nuances de la pourpre argaman et de la couleur 


510 A. DEDEKIND 


ù (Gen., 38 : 28, 30; Jér., 4: 30; Ex., 25 : 4; Lév., 14: 4; plur. pv 
Jes 1 18; 1Prov. 1021) Sontridentiques 4 

Voici un passage tiré d’une lettre d’une amie, Mile E. V., de Cla- 
rens, au bord du lac Léman. Elle m'écrivit le 3 mars 1896 : « Sans 
chercher bien loin, il me vient à l'esprit une citation biblique dans 
Esaïe, 1, 18, 2° ligne: « Si vos péchés sont rouges comme la pourpre, 
ils deviendront comme la laine. » C’est ainsi qu’a traduit dans la 
nouvelle version M. Segond un des meilleurs professeurs d'hébreu 
de Genève. » 

Elias J. Bask (Dissertatio philosophica de purpura; Upsalae, 1686, 
p. 41) a cité ce passage d’Esaïe au point de vue de la qualité de ce qui 
est ineffaçable. Voilà ces mots : ( ... hujus coloris notas probitatis 
Bartbius animadvertit; scilicet si perennaret et nequaquam elueretur, 
quorsum et Esaias collineat, dum id impossibile quasi substituit 
Cap eue, xa EXY Ootv ai duaotiar buy ws HoLVIXOÙV, We 4 tova }evxxv0 : 
aliam Nierembergius prodit nempe si affusum oleum maculam non re- 
lHinqueret. » —.Le texte Lébreu contient deux contrastes : d’abord de 
pvw (d’écarlate ou plutôt du beau cramoust tiré des œufs du kermes, 
COCCUS ILICIS) avec la neige, et puis de bin (du vers, COCCUS 1LICIS, 
produisant le cramoisi, en anglais : crimson) avec la laine. La traduc- 
tion du passage par D' LÉANDER van Ess (( Scharlach..…. Karmesin ») 
est donc, en général, tout aussi juste comme ladite nouvelle traduc- 
tion de M. Segond. 

Quant à l’expression élastique du mot hébreu « argaman » qui peut 
signifier aussi bien la pourpre rouge que la pourpre nozre, M. le pro- 
fesseur Frédérie Mueller à Vienne, le plus célèbre linguiste de nos 
contemporains, me dit ces jours qu'on trouvait souvent de telles ex- 
pressions parfaitement indéterminées au sujet des couleurs chez les 
Orientaux. Les Maoris par exemple (habitants de New-Seeland) em- 
ployaient un seul mot pour bleu et nour, et c'était le même cas chez 
les Indiens qui avaient des expressions qui signifient en même temps 
le jaunâtre et le verdâtre. Mais est-ce que nous ne faisons pas de même 
en certaine manière en employant le mot ( pourpre » tant en face du 
violet clair, du rougeûtre, du violet foncé, que du noir dans la table de 
notre maître (Mémoire sur la pourpre)? On voit donc une certaine 
ressemblance entre quelques expressions optiques des Maoris et de 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 511 


nous autres Européens. Quant à de telles expressions élastiques au 
sujet des couleurs dans les langues des pays aryens, de la Malaisie et 
de la Polynésie, M. le professeur Frédéric Müller a eu la grande 
amabilité de m’en trouver les exemples suivants : 

La langue de Samoa emploie l'expression « uli » pour (noir » et 
« bleu foncé » (la couleur de la mer); 

La langue de Hawäi a le mot (uli » pour marquer les idées (noir », 
« bleu » et « vert foncé )); 

Les Maoris usent du mot (uri-uri » pour exprimer par cela les 
couleurs ( noir » et « bleu foncé » {la couleur de la mer); 

En sanskrit, les mots ( hari, harit, harità » désignent le « jaunâ- 
tre » et le ( verdâtre ». 

C’est le même avec les mots grecs & yAwo5is, yhosoie D; cf. yon. 

Quant aux expressions pour les couleurs «(jaune » et « vert » dans 
les langues des Slaves, il y a là de l’affinité entre ces mots au point de 
la racine. 

En sanskrit, le mot « nila » signifie le ( bleu foncé » qui approche 
du « noir (krsna) ». 

Comme je l’ai dit, M. le professeur Frédéric Müller me parla aussi 
des mots ( hari, harit et haritä » employés par les Indiens pour dési- 
gner le jJaunaätre et le verdätre. Lesdites expressions en sanskrit em- 
brassent en même temps l’idée du jaune et l’idée du vert, de sorte qu’il 
fallait demander involontairement : Est-ce que ces gens n’ont pas la 
capacité optique pour distinguer les couleurs physiques si diverses 
ainsi que les couleurs bleu et noir, jaune et vert? Cela n’est pas du 
tout le cas, puisque le même savant a vu tisser directement des Indiens 
avec à peu près 70 couleurs dont les nuances étaient si légèrement 
différentes que, seuls, les marchands les plus experts sur la distinc- 
tion des nuances auraient pu les reconnaître. Nous tous qui ne nous 
occupions pas exclusivement de telles distinctions de couleurs sommes 
fort au-dessous des Indiens; nous, Européens, en particulier ne les 
égalons point. Et pourtant leurs expressions pour toutes ces variétés 
de couleurs sont extrêmement vagues. 

Cette petite digression sera permise parce que je voulais montrer 
en mettant en parallèle mon raisonnement avec les aperçus très heu- 
reux de M. le professeur Frédéric Mueller de Vienne que l’idée du mot 


51? A. DEDEKIND 


«argaman » et la foule des autres expressions antiques pour désigner 
les diverses nuances de la pourpre sont beaucoup plus étendues qu’on 
ne l’avait pensé jusqu’à nos jours, soit en latin soit en éthiopien 9844: 
mêlât (vêtement précieux, pourpre), nf£: : kabed (foie, couleur de 
foie, couleur de la pourpre), k'Haæ£:azmar (rougeâtre, brun, pourpre) 
Ph? : yâkënt (é%x1wv00c, purpura cærulea), R£NF : darakanû (purpura 
cærulea), T'Eé : papirà (pourpre). { 

Je dois cette énumération à l’amabilité de M. le professeur David 
Heinrich Mueller de Vienne, grand connaisseur des langues sémiti- 
ques, qui a eu la bonté d'extraire pour moi ces mots du Dictionnaire 
éthiopien de M. le professeur feu August Dil!mann. 

L’échelle ou la gamme des nuances de la pourpre antique est im- 
mense. Essayer la reconstruire dans sa totalité serait de même que 
de vouloir recueillir vers le midi sur les prés la rosée du matin. Or, 
— ultra vires nemo tenetur. — Cf. le rapprochement ingénieux des 
couleurs de la pourpre chez M. Adolphe Schnudt, loc. cit., IT. « Les 
diversités des couleurs de la pourpre, » surtout S 12 où il groupe les 
13 catégories des nuances sur la table page 106. — M. le professeur 
D' Wilhelm Neumann, à Vienne, m a raconté qu’il a vu en 1869 au 
couvent des Franciscains (Franciscaner) à Saida (Sidon d'autrefois) 
une collection de diverses nuances de pourpre faite par un moine de 
ce couvent. Cela avait été une échelle de couleurs magnifiques. — 
Cf. W. Adolphe Scamir, Loco cilo, p. 150 ($ 44) : « Des variétés de 
couleurs de la pourpre, etc. ; » HEEREN, loco cito, p. 599, note 5. 

Cf. H. Brugsch, Dictionnaire hiérogl. - démotique, V, p. 363 et 


D) 
364 : ue na uter ( le .. »... Dérivé de ce mot est le mot sui- 


Sn © 
vant : se Çie. utur on Oo uter la couleur rouge foncée 
ar O 


ou rouge comme le sang que l’on n employait pour porta et écrire ; 


par exemple : tu-n-tu uteru n ha < an a Ça, mm f Tue AR 
> en 


« il à été donné de la couleur rouge ge foncée à son corps » ( (sabMe de 
Kouban, 1. 3). — Ce corps est celui de Ramsès IT. — Cf. la statuette 
d’un homme (peut-être du dieu Baal), n° 79, et la statuette de la déesse 
Astarte (Istar en assyrien), n° 81 de la salle XI du Musée Impérial. 
Ces deux statuettes ont été trouvées dans l’île de Chypre et elles sont 
décorées avec oxyblatta ou argaman (avec de la pourpre rouge). De 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 513 


même, le chiton et quelques parties de l’himation de la statuette de la 
déesse Artemis (n° 152), trouvée à Larnaka dans l’île de Chypre, sont 
peints avec de la pourpre kyacinthe. Les autres parties de l’himation 
montrent un vert foncé; mais seulement les vêtements de cette sta- 
tueite magnifique montrent de la pourpre, non les parties nues, 
tandis que les vêtements et aussi les lèvres des deux autres statuettes 
mentionnées (n° 79 et 81) et les souliers d’IStar sont peintes avec 
« argaman ». J’ai montré ces statuettes et aussi quelques statuettes 
de Tanagra décorées avec de la pourpre il y a déjà longtemps à 
M. Ernest Berger, célèbre connaisseur des couleurs antiques, et il 
m'a donné parfaitement raison sur mon opinion que c'était de la 
pourpre. Quant au vert foncé, au vert noir de ladite statue n° 152, 
cf. Ad. ScHMinT, loc. cit., p.121, 127, 138, 150 ; Mémoire de M. Sacc, 
Bulletin de la Société industr. de Mulhouse, n° 130, 1854, p. 306 : 
« Il est positif qu’à Tyr on préparait la laine en l’imprégnant d’abord 
du suc verdâtre d'un coquillage. — Cf. H. Lacaze-Duruiers, loc. 
cit., p. 6 et 63; Prinius, L. c., IX, 38,62 : « Immatura viridique 
cortina ; » [X, 36, 60 : « Color austerus in glauco » (d’un vert attris- 
tant). 

M. le professeur Dr Robert de Schneider, mon cher collègue, a écrit 
dans le Catalogue dudit musée en mentionnant la statuette d’Artemis 
(n° 152) : « On voit encore clairement les traces des couleurs avec les- 
quelles les cheveux et les vêtements furent peints. » — Je crois qu’il 
aurait pu ajouter aussi, s’il l'avait su, que c’est de la purpura hyacin- 
thina ou thekeletk, comme on dit en sémitique, que l’on voit dans ces 
traces violettes des vêtements. Les cheveux rouges de la déesse (comme 
aussi la chevelure rouge brun, chez beaucoup de statuettes de Tana- 
gra) sont un pendant, une illustration du passage dans le Cantique 
des Cantiques, VII, 6 : « Les cheveux de ta tête sont comme la pourpre 
du roi. » [1 me semble que mon savant collègue, M. de Schneider, se 
trompe, puisqu'il dit dans sa monographie (« Statuette der Artemis », 
p. 10) que ce rouge brun des cheveux nous montre les traces du FOND 
d'autrefois, sur lequel « les cheveux brillaient sans doute d’une splen- 
deur d’or ». Selon mon opinion, les cheveux de cette statuette ne fu- 
rent jamais dorés. Ils étaient pourprés et nous montrent encore dans 
ce moment une nuance de la pourpre que l’on appelait argaman en 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉRIE. — T. 1V. 1896. 33 


514 A. DEDEKIND 


hébreu. Quant à l’argaman des deux statuettes sémitiques, mon savant 
collègue ne le mentionne pas non plus. 

Voilà donc des parallèles pratiques de l’exemple hiéroglyphique 
mentionné par Brugsch! Cependant je crois que les mots « uturu » 
ou «uter » sont identiques avec $  ( teruu »), et cette ex- 
pression signifie rowx'hoy (cf. F. CHaBas, Mél. égypt., 3° série, t. IF, 
p. 189; A. Denekinp, Ueber einen Passus, etc. ; Wiener Zeitschrift f. 
d. Kunde des Morgenlandes, X, 83), de sorte que les mots « uteru » 
ou (uteï » ne marquent pas précisément ni l’idée tops5oa ni l’idée 
Bhärrioy, mais en général rox'lov ou « de plusieurs couleurs », — 
toute autre couleur que le noir, le gris et le blanc. — Quant aux sta- 
tuettes du ressort de mon savant confrère, elles nous montrent incon- 
testablement de la pourpre antique. L’ipittov (manteau) de l’Artemis 
de Larnaka est coloré divisément vIOLET et VERT FONCÉ. C'est une re- 
présentation drastique du changeant de la pourpre antique, dont 
A.-H.-L. Heeren parle (loc. cit., p. 603) : « Au surplus, les anciens 
savaient aussi l’art de donner aux vêtements pourprés une certaine 
splendeur qui les faisait briller de différentes couleurs (changeant). » 
M. Robert de Schneider, mon savant confrère, semble avoir méconnu 
les couleurs changeantes dudit himation de la déesse, puisqu'il sup- 
pose que les parties vertes marquent la doublure du manteau. Cf. 
Jahrbuch der kunsthistor. Sammlungen des Allerhæchsten Kaiser- 
hauser, V Bd., Wien, 1887 : Statuette der Artemis, von D' Robert 
RITTER von SCHNEIDER, P. 10. 


Huitième note. 


J’ai cité, p. 497, note 2, le passage de la Bible : C Ezekiel, 27, 7 
— Révérend William H. Hecacer, Chaplain to Her Britannic Ma- 
jesty’s Embassy in Vienna, a eu la grande amabilité de me procurer 
des données très intéressantes qui se réfèrent à ce passage «1isles de 
Elishah », que j'ai cité par moi ci-dessus. Le très savant théologue 
n'a écrit à ce propos la lettre suivante : 

Vienna, Feb. 16. 1894. 
My dear Doctor DEDEKIND, 


You are writing about purple; have yon perhaps noticed that Ezekiel 


RECHERCHES SUR LA POURPRE « OXYBLATTA » 515 


(27 : 7) mentions the isles of Elishah as those whence the Tyrians obtained 
their purple and scaxlet? The same isles are also referred to in Genesis, 
LO0A; ©. 

Some of the Targums identify Javan, the father of Elishah (G. 10 : 4) 
with Hellas, in which they are followed by Michælis, Rosenmüller and 
others. Josephus (ant. 1 : 6) identifies them with the Æolians, which is the 
view adopted by Knobel. Bochart preferred the Peloponnessus, which was 
also said to be famous fors its purple dye, and of which the most important 
district was called Ælis. 

The isles of the Gentiles (G. 10 : 5) probably means those countries of 
Europe and Asia Minor to which the inhabitants of Egypt and Palestine 
had access only by sea, hence these places were called « isles » although 
parts of the European Continent etc. of course including some of those 
islands. 

Whichever view be adopted, there is little doubt that the descendants of 
Elishah in the time of the prophet Ezekiel were a maritime people of the 
Grecian stock. Purple is mentioned in the Bible in the following passages : 

Bo Poe; 20:01, 31; 35:06, 23, 25, 35; 36: 8, 39, 37, 99 : 1-3; Numb., 
APM EIUdPES, 0:20, 2 Chr., 2: 1, 14; 3 : 14; Esther, 1 : 6; 8 : 15; Prov., 
He oonvi oi Sol, 0: 10:17:06: Jerem., 10 29; Ezek. 27: 7, 16: 
bee ol RD St Euke, 10 :49;/St John, 19% 2,5; "Acts, 16: 14: 
Hé 00 maroin: Rev., 17: 4: 18 : 12, 16. 

Wishing you every success in your researches 

Yours very faithfully 
WiLLiAM H. HECHLER, 
Chaplain to H. B. Ms Embhassy in Vienna. 


Neuviéme note. 


M. le professeur D' Adolphe WarrMunp, directeur de l’Æcole 
spéciale des langues orientales vivantes à Vienne, a eu la grande 
amabilité de m'informer à fond quant au parallèle du mot égyptien 


[KA es (démon) avec le mot persan JKEÉE (dominus vitæ et 
RAA 


necis). Voyez p. 490, note 1. — M. le professeur Wahrmund a eu 
la bonté de m'écrire ci-dessous : (& Si vous voulez maintenir le pa- 
rallèle, 1l faut dire à peu près de la manière suivante : ..…. analogue 


avec la forme persane ,! M ohrn kär qui est correctement 
D) — LE 


l’abréviation de Xe chudawènd — kàr (maître, dominus) et 
que l’on emploie en turc pour «( souverain ». Mais ledit mot est ex- 


916 : A. DEDEKIND 

pliqué par la vue moderne par : (qui fait du sang (Ds chün, du 
«C sang » et 5° kdr, de L2 Si kerden, «faire »), dominus vitæ et ne- 
cis ». En effet, l'expression © sk Os chün kerden est employée 
dans le sens «faire un meurtre, massacrer » (Vuzers, Lex. pers. 


lat., sub voce G4> : occidere); pourtant l’avis de M. Mininski : « oc- 


CiSOr —= LES) > », est à rebuter. » 


RECHERCHES 
ZOOLOGIQUES, CYTOLOGIQUES ET BIOLOGIQUES 


SUR LES 


COCCIDIES 


PAR 


ALPHONSE LABBÉ 


Docteur ès sciences, conservateur des collections zoologiques, 
Préparateur adjoint de zoologie à la Sorbonne. 


INTRODUCTION. 


Nos recherches sur les parasites endoglobulaires du sang (94) 
nous ont amené à entreprendre la revision systématique des Coc- 
cidies, parasites intracellulaires qui ont avec les Hémosporidies et 
les Gymnosporidies des rapports très étroits. 

Découverts par Vogel vers 1845; considérés tout d’abord par Hake 
(89), par Nasse (43), comme des globules de pus; dénommés corps 
oviformes par Vulpian ; déterminés par Rayer (46), Dujardin (46), 
Brown-Séquard, comme des œufs de Distomes ; par Küchenmeister 
(52), par Davaine (60), par Gübler (62), comme des œufs de Néma- 
todes, ces Sporozoaires ont été l’objet des interprétations les plus 
bizarres. Remak (45), Kauffmann (4%), Lieberkühn (54), montrèrent 
leur véritable nature en les rapprochant des «Pseudonavicelles », 
des Grégarines et des « Psorospermies » que J. Müller venait de 


découvrir chez les Poissons, 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — 30 SÉRIE. — T. 1V. 1896, 34 


518 ALPHONSE LABBÉ. 


La belle monographie de Kloss (55) sur les Coccidies du rein de 
 Helix fixa, d’une facon beaucoup plus nette que beaucoup de tra- 
vaux ultérieurs, l’évolulion et les caractères de ces organismes. 

Les observations de Eimer (30) n’avancèrent guère la question, 
mais montrèrent un cas de Coccidie monogénique. Puis R. Leuc- 
kart (29), poussant plus loin les recherches faites jusque-là sur les 
Coccidies du Lapin, expliqua le cycle évolutif, montra le stade intra- 
cellulaire, l’encapsulation, ia formation des spores, celle des sporo- 
zoïtes dans les spores, et consacra le nom de Psorospermies oviformes 
ou de Coccides. 

Enfin, les remarquables travaux de A. Schneider, les recherches de 
Rivolta, Bütschli, Balbiani, R. Pfeiffer et L. Pfeiffer, Thélohan, Labbé, 
Schuberg, Mingazzini, ont fait connaître la structure, l’évolution et 
de nombreuses espèces de ces parasites. 

Les études, dans ces dernières années, ont été surtout nombreuses, 
grâce à l'impulsion que Metschnikofÿ, Borrel, Malassez, Korotneff, 
Sawichenko, Foa, Fabre-Domergue, Ruffer et Plimmer, Soudake- 
Witch, etc., ont donnée à l'étude des maladies cancéreuses. Malheu- 
reusement, les travaux dans cet ordre d'idées contiennent beaucoup 
d’initerprétations erronées et de théories peu soutenables, fondées 
sur des faits mal observés. Les Sporozoaires, en effet, sont des êtres 
beaucoup plus élevés en organisation que les Bactéries. Une GCoc- 
cidie à une structure, une évolution, qui lui sont propres et qui 
permettent de la déterminer spécifiquement. Les auteurs qui, en 
vue d'élucider la question du cancer, veulent étudier les Coccidies 
ou, plutôt, le Coccidium oviforme du Lapin, le seul qu'ils paraissent 
connaître, ne semblent pas se douter des caractères fixes, de l'évo- 
lution invariable d’une Coccidie. Trouvent-ils, dans une cellule, un 
corps étranger se colorant d’une façon spéciale vis-à-vis des cou- 
leurs d’aniline et qui n’est pas le noyau de la cellule, ils s’'empres- 
sent de le dénommer Coccidie. Bien heureux quand l'auteur ne 
prend pas, pour le noyau de la cellule, ce qui est le parasite, ou 
réciproquement. Quant aux Coccidies karyophages, leur nombre 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 919 


paraît illimité, et la moindre karyolyse, la moindre dégénérescence 
nucléaire, devient une formation parasitaire. 

S1 les pathologistes ou les bactériologistes connaissaient mieux 
les Coccidies, peut-être seraient-ils moins affirmatifs sur l’origine 
parasitaire de ces formations pathologiques. 

L'étendue de l'index bibliographique annexé à ce mémoire semble 
indiquer que de nombreuses recherches ont été faites sur le groupe 
qui nous occupe ; mais les travaux d'ensemble manquent. D'ailleurs, 
ce ne sont pas seulement les étrangers à la zoologie qui, faute de 
connaissances bibliographiques suffisantes, commettent et répètent 
des erreurs de fait rectifiées depuis trente ans. 

Nous trouvons, en effet, dans les traités de zoologie les plus ré- 
cents, les données les plus fausses sur l’évolution ou la structure 
des Coccidies et, en général, des Sporozoaires. Il est un malheureux 
genre, Orthospora, qui n’existe pas et qu’on retrouve invariablement, 
dans tous les manuels, à côté des genres Coccidium et £'imeria, ses 
inséparables. M. A. Schneider, qui créa ce genre, l’a détruit peu de 
temps après, et personne ne se soucie de cette rectification du sa- 
vant professeur de Poitiers. 

Il en est de même des Pseudofilaires de Van Beneden pour les 
Grégarines. 

Dans un traité très récent, le genre C'occidium nous est donné 
comme n'ayant jamais qu’un seul corpuscule dans chaque spcre, 
alors que Balbiani, dans ses lecons classiques datant de 1883, 
montra, en relevant l'erreur de Leuckart, qu'il y en a constamment 
deux. 

Dans un autre traité également très récent, les Coccidies sont 
définies : « parasites monocellulaires à corps non divisé en plusieurs 
segments, s'enkystant dans les éléments anatomiques de leur hôte 
et tombant alors dans les cavités ouvertes », définition qui exclut 
des Coccidies toutes les espèces endogènes, pourtant nombreuses. 

Ces quelques exemples, que nous pourrions facilement multiplier, 


nous permettent de croire qu’une revision systématique des Cocci- 


320 ALPHONSE LABBÉ. 


dies ne serait pas inutile. Cette revision fait l'objet de la première 
partie de ce mémoire. 

Mais les recherches sur les Coccidies présentent un autre intérêt, 
si l’on se place à un point de vue plus général. Si l’on considère que 
les Coccidies nous offrent des cellules dépassant souvent 1 millimètre 
de diamètre, on concevra que l’étude de la structure cytoplasmique 
et du noyau peut offrir un certain intérêt; de même l'étude de la 
division mitotique, que nous avons pu observer partout, alors que, 
sauf quelques observations isolées de Thélohan, on croyait que le 
noyau des Coccidies se divisait d'une façon amitotique. 

Nous avons consacré une troisième partie à l’étude de la physio- 
logie et de la biologie de ces êtres, considérés en eux-mêmes et 
considérés au point de vue parasitaire. Les phénomènes de repro- 
duction, la nutrition, les rapports physiologiques entre l'hôte et le 
parasite, puis la biologie elle-même, l'infection et l’auto-infection, 
l'étude, en un mot, du parasitisme intracellulaire ou, plus exacte- 
ment, de la cytosymbiose, nous ont permis de noter quelques faits 
intéressants, malheureusement incomplets. 

Nous n’avons pas la prétention d'apporter ici un mémoire complet 
sur Ce groupe si intéressant des Coccidies. Nous avons seulement 
réuni quelques faits et quelques observations qui pourront servir, 
en quelque sorte, d'introduction à des travaux ultérieurs. Rappro- 
chées de nos études antérieures sur les Hémosporidies et les Gym- 
nosporidies, ces études pourront s’intituler : /ntroduction à l'étude du 
parasitisme intracellulaire. 

Je prie mon cher maître M. de Lacaze-Duthiers, l’éminent direc- 
teur des laboratoires de Roscoff et de la Sorbonne, où nous avons 
fait ces recherches, de vouloir bien agréer l'expression de ma pro- 
fonde gratitude pour la bienveillance avec laquelle il a mis à ma dis- 


position les ressources de ses laboratoires. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 521 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE; 


1839. 
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1842. 


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p. 193, pl. VIIT-IX). 
1843. 


Nasse (H.), Uber die ei formigen Zellen der tuberkelahnlichen A blagerungen in 
den gallengängen der Kaninchen (Arch. f, Anat. u. Phys., p. 209). 
1845. 
Vocez, Œsterlein’s Jahr. für prakt. Heilkunde, 1. 


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1846. 


HanprieLp (J.), Examen microscopique d’un foie de Lapin altéré (Archives d’ana- 
tomie et de physiologie, p. 18). 

Ravyer, Œufs de Distomes en quantité innombrable dans les voies biliaires du 
Lapin domestique, sans Distomes dans les mêmes parties (Archives 
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1847. 


KAUFFMANN, À nulecta ad tuberculorum et entozoorum cognitionem. Diss. inaug., 
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1852. 


KUCHENMEISTER, Peiträge zur Helminthologie, etc. (Arch. f. Path. Anat.IV,p. 83). 
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1853. 
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1854. 

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LieBERKUEN (N.), Uber die Psorospermien (Arch. f.Anat. u. Phys., I-I,p. 1-24). 

1855. 


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522 ALPHONSE LABBÉ, 
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1859. 
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1860. 
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1862. 
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WALDENBURG, Uber Structur und Ursprung der wurmhaltigen Cysten. (Arch, f. 
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1865. 
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1867. 
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1868. 


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1869. 


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veterinar. giorn. theorelic. della R. Sc. d. medic. veterin. di Torino, 
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RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 523 


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1872. 


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1875. 


Scaneiper (Aimé), Nofe sur la psorospermie oviforme du Poulpe (Archives de 
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— Note sur les rapports des psorospermies oviformes aux véritables Grégarines 
(Même recueil, IV, p. xLv-xLvint). 


1876. 


Perroncito (E.), Nuovo caso di psorospermosi intestinale in una Gallina (Annati 
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Prana (G.), Ricerche sopra una epizootia dei Gallinacei nella provincia di Bo- 
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1871. 


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4 


D24 ALPHONSE LABBÉ. 


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— Psorospermosi enterica e corpuscoli cellulari nel fegato di piccoli uccelli (Giorn. 
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1878. 


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1882. 


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1883. 


ScanEIDER (Aimé), Nouvelles Observations sur la sporulation de Klossia octopiana 
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RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 154 


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1887. 


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Preirrer (L.), Beitrag zur Kenntniss der pathogenen Gregarinen (Zeitschr. f. 
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1888. 


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Rivozra (S.)E DezpraTo (P.), L'Ornitojatria, p. 85. 


1889. 


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Wierzeisky, Xleiner Beitrag zur Kenntniss der Psorospermium Hæckelit (Zool. 
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1890. 


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? 


526 ALPHONSE LABBÉ. 


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Popwissozky, Centralb. f. Allgem. Pathol., X, n°5. 

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1891. 


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24 septembre). 

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PREMIÈRE PARTIE. 


REVISION SYSTÉMATIQUE DES COCCIDIES. 


La seule classification jusqu'ici connue des Coccidies est celle, 
déjà ancienne, d’Aimé Schneider (86), à qui nous devons les meil- 


leurs travaux sur ces organismes. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 929 


Il divisait les Coccidies en trois tribus: 

1° Les Monosporées, caractérisées par une spore unique, la Coccidie 
entière formant une spore. Type : £'imeria. 

2° Les Oligosporées, caractérisées par un nombre limité et défini 
de spores ; elle se divisent en deux sections : 

Les Disporées ; type : Cyclospora. 

Les Tétrasporées ; type C'occidium. 

3° Les Polysporées, chez lesquelles les spores sont en nombre illi- 
mité et indéfini. Type: Âlossia. 

Cette classification est excellente comme groupement d'espèces, 
mais ne répond pas entièrement à l’évolution morphologique des 
formes. 

Il me paraît tout d’abord indispensable de donner un schéma de 
l’évolution d’une Coccidie, tant pour servir de plan à la première 
partie de ce travail que pour définir les termes que nous emploie- 
rons. 

Le stade initial, l'élément reproducteur de toute Coccidie, est un 
petit organisme, très mobile, allongé, pourvu d’un noyau, que les 
anciens auteurs, à cause de sa forme dans quelques espèces, dénom- 
mèrent corpuscule falciforme, et que, dans tous les cas, nous appelle- 
rons le sporozoite. Le sporozoïte pénètre dans une cellule, se place 
entre le noyau et le plateau épithélial, s’arrondit, grandit, en se 
chargeant de granules d’assimilation, devient une Coccidie; lorsque 
la Coccidie a atteint une certaine taille, elle s’enkyste, en s’entourant 
d’une capsule plus ou moins épaisse. Dans un kyste de Coccidie, il 
faut distinguer la capsule et le plasma. 

Il existe deux modes de reproduction : 

L'un se produit surtout dans des cas d’infection aiguë. C'est la divi- 
sion, pure et simple, des stades intracellulaires, avant la formation 
de la capsule ; 

L'autre est le mode normal : c’est la sporulation. 

Le noyau de la Coccidie se divise, donne un grand nombre de 
noyaux qui se portent à la périphérie. Chaque noyau s’entoure d’une 


530 ALPHONSE LABBÉ. 


petite quantité de plasma, et constitue ce que j'ai appelé l’arché- 
spore *. | 

L’archéspore peut être définie : une petite masse du plasma de la 
Coccidie, renfermant un noyau dérivé par mitose du noyau de la 
Coccidie. 

L'archéspore, dans des espèces à développement simplifié, peut se 
transformer directement en sporozotte. Il peut y avoir des macrospo- 
rozoëtes et des microsporozoiles dans une même espèce. 

Dans le cas normal, l’archéspore se transforme en spore, par la 
sécrétion de deux membranes protectrices : l’épispore (externe), 
l’endospore (interne). Après la formation des spores, il ÿy a souvent un 
reste de plasma non employé ; nous l'appellerons le reliquat cystal 
(Theïlungskürper, Cystenrest, reliquat de segmentation). 

Dans la spore, le noyau se divise à son tour, et peut donner 
4,2, 4, ...n sporozoïtes : la spore est dite alors monozoïque, dizoique, 
tétrazoique où polyzoïique ; lorsqu'il y a dans la spore un reste de 
plasma non employé à la formation des sporozoïtes, nous le nom- 
merons reliquat sporal (Sporenrest, reliquat de différenciation, Rest- 
kôürperchen). 

Les sporozoïtes mis en liberté par la rupture des enveloppes kys- 
tiques ou sporales, pénètrent dans une nouvelle cellule ; et le cycle 
se trouve ainsi fermé. 

Lorsque la formation des spores se fait en dehors de l’hôte, on dit 
que la sporulation est exogène ; si la formation des spores se fait 
dans le corps de l’hôte, la sporulation est endogène; dans ce cas, la 


sporulation peut être intra ou extra-cellulaire. 


‘ Il ne faut pas confondre l’archéspore avec le sporoblaste. Ce dernier terme, très 
employé, devra être réservé pour les Myxosporidies et les Sarcosporidies. L’arché- 
Spore ne donne jamais qu’une spore ou qu’un sporozoïte ; le sporoblaste peut donner 
plusieurs spores. Chez les Myxosporidies normales, si on conserve le nom d’arché- 
spore, on devra désigner sous le nom de sporoblastes les produits de la division de 
l’archéspore. Lorsqu'un des noyaux de l’endoplasme s’isole, il forme une archéspore ; 
puis ce noyau se divise, et devient le ou les noyaux des deux sporoblastes, qui, à 


leur tour, s'organisent en spores : archéspore et sporoblaste ne sont donc pas syno- 
nymes,. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 531 


Ces préliminaires montrent un certain nombre de faits qui seront 
exposés plus en détails dans les autres parties de ce mémoire. 

Nous pouvons voir tout de suite que l'élément qui ne varie pas chez 
les Coccidies, c’est l’archéspore. Celle-ci se retrouve au même titre 
dans tous les groupes. Mais la différenciation se produit à partir de 
ce stade initial : ou bien il se forme un nombre illimité d'archéspores, 
ou bien le nombre des archéspores est défini dans une même espèce. 
Ce seul fait nous donne une division toute naturelle des Coccidies en 
Polyplastidées et Oligoplastidées. 

Le deuxième de ces groupes répond aux Oligosporées de Schneider. 

Le premier comprend à la fois les Polysporées et les Oligos- 
porées. 

Dans les Polysporées de Schneider, l’archéspore donne directement 
la spore, puis dans la spore se forment les sporozoïtes; nous pouvons 
donc, en raison de ce développement à deux degrés, les dénommer 
Polyplastidées digéniques. 

Dans les Monosporées de Schneider, l’archéspore se transforme 
directement en sporozoiïte. Ce sont donc des Polyplastidées monogé- 
niques. Chez celles-ci 2 n'y a donc pas de spore, et le terme Monos- 
porée doit disparaitre. 

Schneider comparait « le kyste primitif des £'imeria à une spore 
énorme ». Chez les Z'imeria, en effet, le kyste possède deux enve- 
loppes, mais ces deux enveloppes n’ont qu’une importance secon- 
daire ; elles existent chez Æ’. falciformis et Æ. Schneideri, et non 
chez les autres, non plus que chez les Pfeifjeria. Cette double 
enveloppe kystique apparaît également chez plusieurs Æossia ; le 
fait n’a donc pas d'importance morphologique. Du reste, Schneider 
semble ne pas pousser très loin l'assimilation du kyste des Z'imeria 
à une spore unique, car dans son mémoire surla parenté des Cocci- 
dies et des Grégarines il écrit ceci : « Il est clair que chacune de ces 
spores (£'imeria) équivaut à un corpuscule falciforme (82, p. 1144), » 
Puis, quelques lignes plus bas, il trouve que le mot sporozoaire 


(Leuckart) « est mauvais parce que Zimeria, à proprement parler, 


532 : ALPHONSE LABBÉ. 

n'a pas la spore {p. 112) ». La contradiction est suffisante pour 
légitimer la disparition du terme monosporée, Bütschli (82) adopte la 
classification de Schneider. 


Nous pouvons diviser les Coccidies de la façon suivante : 


à Digéniques. 
POLYPLASTIDÉES .,.... Nade À l 
| Monogéniques. 


Tétrasporées. 
OLIGOPLASTIDÉES..... 4 Trisporées. 
| Disporées. 


PREMIER SOUS-ORDRE. 


POLYPLASTIDÉES. 


J'ai désigné sous le nom de Polyplastidées les Coccidies qui ont un 
nombre illimitée d'archéspores (94, c). 

Les Polyplastidées sont généralement de grande taille; certaines 
dépassent 4 millimètre ou 1 millimètre et demi. Leurs grandes 
dimensions les obligent souvent à pénétrer dans le tissu conjonctüf 
sous-muqueux. Les dimensions varient extrêmement. Les sporula- 
tions sont tardives ou précoces. Il y a généralement peu d'intervalle 
entre le plasma et la capsule. Le reliquat cystal est presque toujours 
abondant et de forme irrégulière ; mais sa présence n'est nullement 


constante, pas plus que ses dimensions, dans une même espèce. 


PREMIÈRE TRIBU. 


POLYPLASTIDÉES DIGÉNIQUES. 


Les Polyplastidées digéniques, toujours de grande taille, habitent 
surtout l'intestin, le foie, le rein des Invertébrés. Une seule, Zyalo- 
klossia Lieberkühni, habite le rein de la Grenouille. 

Elles sont caractérisées parle stade à deux degrés normal des Coc- 
cidies. 

Elles renferment les genres : Minchinia Labbé, Klossia Schneider, 
Hyaloklossia Labbé, À delea Schneider, Barroussia Schneider. 


RECHERCÇCHES SUR LES COCCIDIES. 933 


GENRE MINCHINIA, NOV. GEN. 
Ce genre ne renferme qu’une seule espèce : 


Minchinia C'hitonis, n.sp. 
Syn. ÆXlossia chitonis Lankester. 


Ray Lankester (85). 


Cette espèce est signalée par Lankester, qui se borne à donner une 
figure de la spore. L’auteur montre cette spore pourvue de deux 
prolongements terminaux et d’une sorte de clapet ou de micropyle 
supérieur. 

J’ai pu retrouver de jeunes stades, à Roscoff, chez des Chitons, 
dont cette Coccidie habite le foie. Grâce à l’obligeance de mon ami 
le docteur Minchin, d'Oxford, qui m’a aimablement procuré quelques 
échantillons de foies de Chitons, j'ai pu étudier ce parasite, dont 
J'ai Éguré, pl. XVII, fig. 3, un kyste en voie de segmentation. 

Les kystes se rencontrent dans le tissu conjonctif et les jeunes 
stades dans l’épithélium du foie du Chiton. 

La spore est absolument caractéristique. 

Elle est ovoïde, très transparente et présente, à chacune de ses 
extrémités, deux longs filaments dépendant de l’épispore. Au-dessous 
du filament supérieur se trouve une sorte de clapet. A l’intérieur se 
trouvent deux sporozoïtes, dont la coloration du noyau est fort diffi- 
cile. Lankester n’avait pas figuré de sporozoïtes dans la figure qu'il 
donne de la spore. : 

La présence de ces filaments, absolument anormale chez une Coc- 
cidie, est, au contraire, assez fréquente chez les Grégarines. Elle 
nous autorise à créer, pour ces Coccidies du Chiton, un genre spécial 
que nous dédions à M. le docteur Minchin. 

Nous avons trouvé des Coccidies voisines dans des Patelles (Patella 
vulgata) et des Trochus. Ces Coccidies habitent le foie de même que 
celles du Chiton. 


ARCH, DE ZOOL, EXP. LT GÉN. — 3° SÉRIE: — T, 1V, 1896, 35 


534 ALPHONSE LABBÉ. 


GENRE ÆXLOSSIA SCHNEIDER. 


Schneider (25). 


Spores rondes, renfermant 3-10 ou un nombre variable de sporo- 
zoiles. 


Les kystes sont toujours de très grande taille. 


Klossia hehicina Schneider. 


Kloss (55), Schneider (5), Bütschli (82), Balbiani (83), L. Pfeiffer (90), 
Wolters (94), Clarke (95, b). 


La spore, ronde, renferme 5-6 sporozoïtes. 

Cette espèce, très anciennement connue, a été très bien étudiée 
par Kloss, dont la monographie est classique. 

Elle habite le rein d’Æelix hortensis. 

Des variétés peu différentes ont été rencontrées chez les Mollus- 
ques suivants : | 

Helix hispida, Succinea Pfeifferi, S. putris, S. gigantea. 

Commune chez ces Mollusques, cette Coccidie est plutôt rare, du 
moins en Allemagne, chez /elix nemoralis, 1. arbustorum, H. fruti- 


cum, H. ambrosa. 
. Klossia soror Schneider. 


Schneider (#9), Bütschli (82), L. Pfeiffer (94). 


Cette Coccidie habite le rein de ÂVeretina fluviatilrs. 

Elle ne diffère guère de la précédente, à laquelle il conviendrait 
peut-être de la rattacher. 

Sphérique ou ovalaire, le kyste, qui a 40 à 60 k, possède deux en- 
veloppes kysiiques et de nombreuses spores sphériques renfermant 


d'ordinaire 4 sporozoïtes. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 939 


Klossia E'berthi Labbé. 
Syn. Benedenia (Schneider). 


Klossia octopiana (Schneider). 
Benedenia octopiana (Mingazzini). 
Benedenia Eberthi (Labbé). 
Eberth (62), Van Beneden (6%), Schneider (25, 84), Mingazzini (94), 
Labbé (95). 

Cette Ælossia est caractérisée par ses kystes de très grandes di- 
mensions, dépassant souvent 1 millimètre et demi; les kystes se 
rencontrent dans le tissu conjonctif sous-muqueux de l'intestin de 
Sepia officinalis, surtout dans l’estomac. 

Les jeunes stades se rencontrent dans les cellules épithéliales. 

La spore renferme 3-4 sporozoïtes, plus souvent 38. Il y a des ma- 
crospores et des microspores. 

L'ancien genre Benedenia de Schneider ne peut persister. Il existe 
déjà un Benedenia parmi les Ciliés. D'autre part, on ne peut faire un 
senre de cette Coccidie, qui ne diffère pas très sensiblement des 


Ælossia que nous avons déjà décrites. 


Klossia octopiana Schneider. 
Schneider (45). 

Cette espèce, qui habite l’intestin de l’Octopus vulgaris, ne diffère 
guère de la Xlossia sepiana que par le très grand nombre de sporo- 
zoïtes (10 à 12). 

La spore est figurée par Schneider (25). 

GENRE ÆZYALOKLOSSIA, NOV. GEN. 
Lieberkühn (54), Solger (cité par Bütschli, 82), Labbé (94, a). 

Spores ovalaires, renfermant 2-4 sporozoïtes. 


Une seule espèce connue actuellement. 


Hyaloklossia Lieberkühni, n. sp. 
Syn. ÆXlossia Lieberkühni, Labbé. 


Cette espèce a été décrite par Lieberkühn, qui l’a trouvée quatre 


D36 ALPHONSE LABBÉ. 
fois sur cent dans les reins de ÆRana esculenta. Je l'ai rencontrée une 
seule fois. 

Les kystes, très grands, pouvant atteindre jusqu’à 200 ou 300, 
sont localisés dans le tissu conjonctif de l’enveloppe des reins de la 
Grenouille, à côté des capsules surrénales. 

Les spores ont le caractère du genre. Très réfringentes, de forme 
ovalaire, elles renferment tantôt 2, tantôt 4 sporozoïtes (et non 3-5, 
comme le décrit Lieberkühn). Il y a toujours un reliquat sporal. Les 
sporozoïtes ont de 15 à 20 u et sont disposés têle-bêche, comme 


dans les spores des Coccidium. 


GENRE ADELEA SCHNEIDER. 


Schneider (29, 86), Gabriel (84), Pfeiffer (94). 
Spores rondes dizoïques. Spores peu nombreuses (8-16). 


Adelea ovata Schneider. 


Cette espèce habite l'intestin de Zithobius forcipatus. 

Le kyste, sphérique ou ovalaire, irrégulier souvent, peut atteindre 
70 p sur 37 pi. 

Les spores rondes renferment 2 sporozoîtes et un reliquat sporal. 

(Cette espèce avait été décrite par Schneider, dans sa thèse, comme 


une Grégarine.) 


Adelea dimidiata, sp. 
Syn. Xlossia dimidiata (Schneider, 86). 
Schneider (86), Balbiani (80). 

Gelte Adelea habite la Scolopendra morsitans (Banyuls). Elle a été 
décrite par Schneider. 

La présence de 2 sporozoïtes doit rapporter au genre Adelea cette 
espèce que Schneider a dénommée Xlossia. 

C'est une Coccidie géminée. Le « petit corps ovalaire, réfringent, 
placé sous le tégument superficiel et que Schneider pensait être le 
noyau de la cellule-hôte, n’est certainement que la deuxième Cocci- 
die atrophiée » (Balbiani). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 337 


Une espèce voisine est signalée par Schneider dans le corps grais- 
seux des Akis. 
Adelea simplez, sp. 
SyN. Xlossia simplex Schneider. 
Schneider (86, 92). 

Habitat : les larves des Gyrins. 

La capsule, ronde, a de 95 y à 40 1. Les spores sont peu nom- 
breuses. Elles sont rondes, ont 13 x, renferment deux isporozoïtes 
(et non un seul, comme croyait Schneider) avec un reliquat sporal 
abondant. 


GENRE BARROUSSIA SCHNEIDER. 


Schneider (86). 


Spores ellipsoïdales, monozoïques, bivalves. 
Une seule espèce connue : 


Barroussia ornata Schneider. 


Découverte par Schneider dans la Vepa cinerea ; se trouve à l’état 
de kystes dans les fèces. 

Le kyste rond, ayant 34 à 37 m, a double enveloppe, dont l’externe 
résistante el épaisse. 

Les spores ont le caractère du genre et ont 47 à 20 & sur 7 à 410 pi. 

Un seul sporozoïte ayant environ 20 p. 

Un reliquat sporal. 


DEUXIÈME lRIBU. 
POLYPLASTIDÉES MONOGÉNIQUES. 


Les Polyplastidées monogéniques, souvent de grande taille, se 
rencontrent aussi bien chez les Vertébrés que chez les Invertébrés. 

Elles sont caractérisées essentiellement par la suppression du 
stade spore ; les archéspores se transforment directement en sporo- 
zoïles. 

Ce groupe renferme les genres: Pfeifferia Labbé; £imeria Schnei- 


der; Gonobia Mingazzini ; Rhabdospora Henneguy. 


538 ALPHONSE LABBÉ. 


GENRE £Z/MERIA SCHNEIDER. 
Schneider (5%). 

Les kystes, ordinairement mais pas toujours résistants, ont sou- 
vent une double enveloppe. Ils sont de petite taille, ne dépassant 
guère 50 a. La sporulation se fait autour d’un seul centre de forma- 
tion. 

Il n’y a pas de dimorphisme entre les sporozoïtes, qui sont peu 
nombreux. Ces caractères ne permettent pas toujours de distinguer 
les £'imeria des Pfeifferia. 

Les espèces sont nombreuses et peu différenciées. Il y aurait lieu 
de les reviser. 


E'imeria falciformis Schneider. 
Eimer ({"@), Schneider (33), Schuberg (92), 

Cette espèce, la plus anciennement connue, habite l'intestin des 
Souris. 

Le kyste, ordinairement arrondi, rarement ovalaire, varie entre 
18 et 26 |. Il y a deux enveloppes kystiques emboîtées ; les sporo- 
zoïtes ne dépassent guère une douzaine, ayant environ 9 à 104. I y 
a un reliquat cystal globuleux, autour duquel les sporozoïtes sont 
rangés comme les méridiens d'une sphère. 

E'imeria hirsuta Schneider. 
Schneider (92). 
Cette espèce habite les larves des Gyrinides. 


Kystes ronds ou ovalaires. Grand reliquat cystal (23 pu). 


E'imeria nova Schneider. 
Schneider (86). 


Schneider l’a décrite dans les vaisseaux de Malpighi des Glomeris. 
Double membrane au kyste, qui a 32-37 1. 
E'imeria nepæ Schneider. 
Schneider (92). 


La capsule est mince ; le kyste a 33 & sur 24 nu. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 539 


Il y a, dans le plasma, de nombreux granules carminophiles. 
Les sporozoïtes sont groupés en méridiens autour d’un reliquat 
cystal. Ils ont environ 50 à 55 p et présentent, à un des pôles, une 


sorte de « cicatrice curviligne » (Schneider). 


Eimeria Schneider: Bütschli. 


Bütschli (82), Schneider (92). 


Cette £'imeria habite l’intestin de Zithobius forcipatus. 1 y a une 
double enveloppe kystique ; les sporozoïtes sont groupés en méri- 
diens. Il n’y a pas de reliquat cystal. 


L'imeria Pfeifferi, nov. sp. 
Pfeiffer (94). 


Nous avons trouvé cette Coccidie, déjà décrite par Pfeiffer, dans 
l'intestin de Geophilus ferruginosus. 


E'imeria bigemina, noy. sp. 
Balbiani (90). 


La description faite par Balbiani et les dessins qui l’accompagnent 
nous semblent bien montrer que cette Goccidie, qui habite l'intestin 
moyen de Cryptops punctatus, est une E'imeria. 

C’est une Coccidie géminée. 


E'imeria (?) 


Pachinger (8%), chez le Cheval et la Grenouille, Smith (89), chez la 
Souris (canalicules rénaux), ont décrit des Coccidies qu’on peut attri- 
buer à des Eimeria. Pachinger a donné à l'Eimeria de la grenouille 
le nom de Molybdis Entzi et l’identifie avec les Drepanidium du 
sang. 

Celle de Smith doit peut-être être rattachée aux Pfeifferia de Schu- 
berg. Cependant, pour ses faibles dimensions (13u,5 à 161,5) et le 
petit nombre des sporozoïtes (15 à 20, longs de 7 x) rangés en méri- 
diens, ce serait plutôt une £'imerta. | 


940 ALPHONSE LABBÉ. 


GENRE PFEIFFERIA LABBÉ. 
Labbé (94, b). 

Il n'y a qu’une seule enveloppe kystique, enveloppe très mince. 
Les kystes sont toujours de grande taille. Les sporozoïles, extrême- 
ment nombreux, ne sont pas rangés parallèlement en méridiens, 
mais sont groupés généralement autour de plusieurs centres de for- 
mation. 

Il y a le plus souvent, probablement même toujours, des kystes 


à macrosporozoîtes et des kystes à microsporozoites. 


Pfeifferia tritonis Labhé. 
Labbé (94). 


Nous avons décrit cette Pfeifferia dans l'intestin de jeunes Zri- 
ton cristatus. Elle diffère des Acystis parasitica (Karyophagus et Cy- 
tophagqus Steinhaus) par la présence d’une capsule bien nette el 
une taille considérable. Elle mesure jusqu’à 60 à 70 p et même plus. 


Il y a des kystes à macrosporozoïtes et à microsporozoïtes. 


Pfeifferia gigantea Labbé. 


Labbé (94). 


Celte espèce habite l'intestin spiral d’un Sélacien, Zamna cornu- 
bica, où elle se trouve surtout dans le tissu conjonctif sous-mu- 
queux. 


Elle dépasse souvent 1 millimètre de diamètre. 


Pfeifferia princeps Labbé. 
L. Pfeiffer (90), R. Pfeiffer (92), Labbé (94). 


Syn. Coccidium perforans, pr. part., Pfeiffer. 


Nous avons créé cette espèce pour la Coccidie découverte par 
R. Pfeiffer et ensuite par L. Pfeiffer dans de jeunes Lapins, à côté 
de Coccidium perforans, Goccidie dont ces auteurs faisaient un des 


stades de Coccidium perforans (Schwärmersporencysten). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 541 


Pfeifferia avium Labbé. 
Labbé (94). 
Sy. Cytospermium (?) Rivolta. 
Nous avons trouvé cette espèce chez les Oiseaux, en particulier 
chez le Poulet, le Chardonneret, le Pinson. Il y a des kystes à ma- 
crosporozoïtes et à microsporozoites. 


Les kystes ne dépassent guère 30 p.. 


Pfeifferia Schubergi, nov. sp. 
Schuberg (92). 
Cette espèce a été trouvée par Schuberg dans l'intestin de la Sou- 
ris. Elle paraît différer de l’£'imeria falciformis (?) Il y a des kystes à 


macrosporozoiïtes et à microsporozoïtes. 


Pfeifferia, sp. 

Plusieurs Pfeifferia ont été encore trouvées : 

4° Chez les bestiaux, Smith (94) a décrit, dans la muqueuse de 
l'intestin et du cæcum, une Coccidie qui paraît se rapporter aux 
Pfeifferia. Les kystes ont de 300 à 400 |. Ils sont bourrés de sporo- 
zoïtes longs de 10 à 12 4, qui sont en forme d'U (?) : 

20 Clarke a décrit (95), chez Æelix hortensis, une Pferfferia qu'il 
donne, à l'exemple de L. Pfeiffer, comme un stade de développe- 


ment de Ælossia helicina. 


GENRE GONOBIA MINGAZZINI. 
Mingazzini (94). 

Ce genre, créé par Mingazzini, ne se distingue pas beaucoup des 
E'imeria. Les sporozoïtes sont peu nombreux, groupés suivant les 
méridiens d’une sphère. Il y a un reliquat cystal. La capsule kys- 
tique est mince et le développement intracellulaire. 


Gonobia colubri Mingaz. 


L'auteur a trouvé cette Coccidie, au printemps, dans les conduits 


542 ALPHONSE LABBÉ. 


déférents de Zamenis viridiflavus. Elle paraît être commune, ayant 
été rencontrée dans les deux tiers des animaux examinés. 

La phase de prolifération correspond à la période d'activité 
maxima du testicule. Les premières phases du développement se 
font dans les spermatoblastes. Il y a 20 à 30 sporozoïtes. 


(ronobia lacertæ Mingaz. 


Cette Coccidie se rencontre dans l'ovaire de ZLaceria muralis. Elle 
ne diffère de la précédente que par ses sporozoïtes plus petits et plus 
nombreux. 

GENRE RHABDOSPORA HENNEGUY. 


Thélohan (92). 


Très petits kystes, à enveloppe épaisse, qu'on trouve dans les tissus 
épithéliaux de nombreux Poissons, accidentellement dans le tissu 
conjonctif. Les kystes renferment un gros corps colorable (reli- 
quat ?) et de nombreux sporozoïtes en forme d’épingles, qui sont 
groupés en bouquets. La tête de l’épingle représenterait le noyau, 
qui se colore fortement par les réactifs. 

Signalés par Laguesse dans le foie et la rate des Crénilabres, ils 
ont été étudiés par Thélohan. 

Dans les tubes urinifères du rein de l’Épinochette, ils ont de 140 à 
12 p sur 5 à 8; dans l'intestin de la Perche, 6 à 9 wsur4à6k; 
dans l'intestin de la Carpe, 12 à 45 u sur 10 à 12 L; dans l’épithé- 
lium des branchies de la Tanche, 45 y sur 6 à 9 L ; l’Ablette et le 
Vairon (tissu conjonctif de l’ovaire), 15 p sur 42 pu. 

Je les ai moi-même souvent trouvés dans les cas précités et 
d’autres; dans l'intestin de l’'Ammodytes, ils ont 16 à 18 x sur 8 à 10p. 

Laguesse les décrit de nouveau chez le Crénilabre, dans les canaux 
cholédoques et hépatiques, le tissu pancréatique et l’épithélium in- 
teslinal. Henneguy à proposé le nom de Xhabdospora’ que nous 
acceptons volontiers. 


 LaGuesse, Sur le pancréas des Crénilabres (Revue biologique du Nord, 1895, n° 9, 
p. 360). 


RECHÉRCHES SUR LES COCCIDIES. 543 


DEUXIÈME SOUS-ORDRE. 
OLIGOPLASTIDÉES. 


Les Oligoplastidées, au contraire des précédentes, sont toujours 
de petite taille, et cette taille est tout à fait limitée et ne varie guère 
qu'entre quelques x. La taille maximum ne dépasse guère 40 à 50 p.. 
La sporulation ayant lieu à une date invariable, les kystes sporifères 
sont tous sensiblement de même taille chez une même espèce, et il 
n’y a point de sporulations tardives ou précoces. De plus, le plasma 
est, d'ordinaire, très condensé à l'intérieur de la capsule; il y a un 
liquide intercalaire. 

Le caractère important des Oligoplastidées est d’avoir un nombre 
limité d’archéspores. Il y à 2, 3 ou 4 archéspores, d’où des Disporées, 
Trisporées, Tétrasporées ; le nombre des sporozoïtes est, d'ordinaire, 
2 ou un multiple de 2. Il y a des espèces endogènes et exogènes ; 
mais la spécialisation de l'habitat intracellulaire se fait beaucoup 
plus chez les Oligoplastidées que chez les Polyplastidées, et presque 
toutes sont exclusivement intracellulaires. 

_ Le reliquat cystal est presque toujours de forme bien définie, peu 
abondant et manque souvent. 

Nous les divisons en trois tribus: 

Coccidium, Leuckart. 


Goussia, Labbé. 
Crystallospora, Labbé. 


I. TÉTRASPOR“ES, Schn., comprenant les genres 


MÉRMRGISPOREES, abbé... 1... ..,.. Bananella, Labbé. 
( Diplospora, Labbé. 
LR DIMPORÉES: SCRNE EN à 40, Eve save ue sos ... 4 Isospora, Schneider. 
Cyclospora, Schneider. 


PREMIÈRE TRIBU. 


TÉTRASPORÉES. 


Les Tétrasporées ont toujours 4 spores et 2 sporozoïtes dans chaque 
spore. Elles sont répandues exclusivement chez les Vertébrés, où 
elles répondent à des types bien tranchés dans chaque genre. 


544 ALPHONSE LABBEÉ. 


.Nous avons subdivisé l’ancien genre Coccidium en trois sous- 
genres : le genre Coccidium avec ses anciens caractères ; le genre 
Goussia, caractérisé par des spores bivalves ; le genre Crystallospora, 


caractérisé par des spores à forme cristalloïde. 


GENRE COCCIDIUM LEUCKART. 


Ce genre, le plus anciennement connu, est caractérisé par les 
spores dizoïques renfermées dans une spore ronde, ovalaire ou pyri- 


forme. Le développement est ordinairement exogène. 
Coccidium perforans Leuckart. 


Nous n'insisterons pas sur cette Coccidie, parasite de l'intestin du 
Lapin, qui a été étudié par presque tous les auteurs. Il n’y a pas 
de reliquat cystal. Quant aux dimensions, elles semblent très va- 
riables. 

L. Pfeiffer (94) donne 22 à 42 & de longueur sur 18 à 26 u de 
largeur. 

Raillet et Lucet (94) donnent 26 à 35 u sur 14 à 20 p. 

Reincke (66) et Neumann (64) donnent seulement 24 4 sur 12 p. 

J'ai trouvé moi-même, comme chiffres moyens, 24 à 36 & sur 411 à 
23 LL 

Le développement des spores se fait en trois ou quatre jours. 
C'est une Coccidie exogène. 


Coccidium oviforme Leuckart. 


De même que la précédente, avec laquelle beaucoup d’auteurs 
l'ont confondue, cette espèce a été beaucoup étudiée. Elle se trouve 
dans les canaux biliaires du Lapin; on la rencontre souvent dans 
des sortes de poches formées par la prolifération du tissu conjonctif 
du foie ; ces poches sont bourrées de Coccidies enkystées et de cel- 
lules hépatiques dissociées. Ces poches, caséeuses, ont été fausse- 
ment assimilées à des tumeurs. 

Les kystes atteignent 36 L sur 18 4, peuvent même atteindre 40 à 
49 +. sur 22 à 28 1. Ils sont donc plus grands que ceux de Coccidium 


perforans. Les spores ont 12 à 45 & sur 7 pu. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 249 


Il n’y a pas de reliquat cystal. 
Le développement se fait en quinze jours. C’est une Coccidie 
exogène. 


Coccidium bigeminum Süles. 


Finck (54), Virchow (60), Perroncito (36), Rivolta (#3, 3), Grassi (82), 
Pachinger (8%), Raillet et Lucet (94, b), Stiles (94). 
Syn. Cytospermium canis familiaris, Perroncito. 
Cytospermium villosum intestinalis canis et felis, Rivolta. 
Coccidium Rivolta, Grassi. 
Eïimeria ? Pachinger. 
Coccidium bigeminum, Stiles, 1871. 


Cette Coccidie habite l'intestin du Chat, où elle fut découverte par 
Finck. 
_ C'est une Coccidie géminée, déjà trouvée par Finck. Raillet et 
Stiles, qui l'ont surtout étudiée, distinguent trois variétés, habitant 
le Chien, le Chat et le Putois : 

Var. Canis, 19 à 15 u sur 7 à9 pu; 

Var. Cati, 8à10usur 7à 94; 

Var. Puiorii, 8 à 12 pu sur 6 à 8 p. 

Peut-être même y aurait-il une variété homints (Raïllet) se rap- 
portant à un cas observé par Kjellberg. 


Coccidium hominis Rivolta. 


Plusieurs cas ont été observés, chez l'Homme, de Coccidies intes- 
tinales fort semblables à Coccidium perforans et à C. bigeminum. 
Les données manquent pour établir une espèce à caractères bien 
tranchés. Quelques cas de coccidiose intestinale ont été pourtant 
indiqués, ainsi que des cas de tumeurs (?) occasionnés dans le foie 
par des organismes ressemblant à des Coccidies. Eimer (20), Ri- 
volta (7%), Leuckart (29), en ont cité plusieurs. Gübler (38) et Vir- 
chow (60) ont vu, dans le foie, des kystes ovalaires de 56 {1 avec des 
spores (?) ou des sporozoïtes (?) occasionner des tumeurs spéciales. 


Kjellberg et Raiïllet (92) ont aussi trouvé des Coccidies intestinales, 


946 ALPHONSE LABBÉ. 


Raillet a décrit, chez un enfant atteint de diarrhée chronique, un 
Coccidium ayant 15 k de long sur 11 y de large‘. 

Il faut mettre à part la description de Lindemann, qui n’a cer- 
tainement pas vu de Coccidie dans le cas qu'il a observé, et de 
Künstler et Pitre (84). Ces derniers ont trouvé, dans le pus extrait 
de la cavité pleurale d’un malade atteint de pleurésie chronique la- 
tente, des spores (?) ou des kystes (?) renfermant 10 à 20 corpuscules 
falciformes ayant de 18 à 20 & de longueur. Il est difficile de classer 
cette Coccidie (car il est probable que c’est une Coccidie) sans avoir 


une description et des figures plus complètes. 


Coccidium falciforme Schuberg. 
Schuberg (92), L. Pfeiffer (93%), J. Jakson Clarke (95). 


Cette Coccidie a été trouvée par Schuberg chez des Souris blan- 
ches, dans l'intestin. 

La capsule est sphérique, subsphérique ou cylindroïde. Elle a 32 
à 22 p. (Clarke). Il n’y a pas de micropyle. Le développement a lieu 
en deux à quatre jours ; la quadripartition n’est pas précédée d’une 
bipartition. | 

Dans chaque spore se trouve, à un pôle, un corpuscule brillant 


(qui est, nous le verrons, un simple épaississement capsulaire). 


Coccidium viride, Labbé. 


Labbé (93, a). 


J'ai trouvé cette espèce dans l'intestin de Ahinolophus fer-equinum, 
provenant des grottes de Puades, près de Banyuls. Je l’ai rencontrée 
dans deux cas, sur vingt-deux exemplaires examinés, 

C’est une très petite Coccidie, remarquable par la teinte verdâtre 
ou jaune verdâtre de son plasma. 

Il y a trois formes capsulaires : 

Une forme ovalaire ou piriforme, ayant environ 20 & sur 143 m5; 


1 Je n’ai pu consulter : Severt, Gregarinosi pulmonale in infante nalo morio, 
Genova, 1892. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES, 947 


Une forme sphérique de 15 & environ ; 

Une forme piriforme à micropyle tronqué ; la troncature est d’en- 
viron 6 à 7 p. 

Le Coccidium viride ne se distingue nullement, par ses autres ca- 
ractères, de C. perforans, dont il n'est peut-être qu'une variété. 

Une autre Coccidie (est-ce le Coccidium viride ?) a été décrite par 
Virchow (60, p. 342, pl. X) dans le rein des Chauves-souris. Les 
figures ne laissent pas voir s’il s’agit d’un Coccidium ou d’une Dis- 


porée. 
Coccidium tenellum Raïlliet et Lucet. 


SyYN. Psorospermium avium, Rivolta et Silvestrini (68). 
Gregarina avium intestinalis, Rivolta (85). 
Psorospermium cuniculi, Rivolta (3). 

Coccidium Rivolta, Harz (86). 
Coccidium perforans, Raïllet (83). 
Coccidium tenellum, Raiïllet et Lucet (94). 


Rivolta et Silvestrini (#3), Rivolta (28), Perroncito (#6), Rivolta (23-48), 
Leuckart (#9), Rivolta et Delprato (80), Heller (8@), Zürn (82), Harz (86), 
Raillet (85), Riek (88), Raillet et Lucet (94-92), Pfeiffer (92), Labbé (93). 


Cette Coccidie habite l’intestin du Poulet. 

Les jeunes stades sont bourrés de granules chromatoïdes et de 
granules plastiques jaunes, verdâtres ou noir verdâtre ‘. 

La capsule mince, anhiste, claire, présente trois formes : 

L'une, ovoïde, ayant 24 à 36 1 sur 12 à 22 pu (Raillet donne, comme 
dimensions, 21 à 25 & sur 47 à 19 x. C’est la plus fréquente ; 

L'autre, piriforme, à micropyle tronqué; 

La troisième, sphérique (environ 24 y). 

Il y à un très petit reliquat cystal et un reliquat sporal. L’évolu- 
tion des spores est rapide et se fait en deux, trois jours. 


J'ai observé, chez des Alouettes (Alauda arvensis), une Coccidie 


1 PraNaA aurait trouvé dans le mésentère du Poulet des corps ovoïdes mesurant 
de 10, 20 pm à 70 & remplis de granulations variant du « verde sbiadito e il verde 
scuro ed il nero ». Sont-ce des jeunes stades de Coccidium tenellum ? 


D48 ALPHONSE LABBÉ. 
qui ne peut être rapportée qu'aux variétés sphériques ou tronquées 


de Coccidium tenellum ‘. 


Coccidium truncatum Raiïllet. 


Raillet et Lucet (94), Pfeiffer (92). 


D'après Raiïllet, cette Coccidie se distinguerait de Coccidium tenel- 
lum par « l'aspect tronqué de l’un des pôles, aspect qui tient à l’exis- 
ience d’un micropyle très apparent et relativement large, s’ouvrant 
au sommet d’une partie rétrécie et saillante. » (Raïillet et Lucet.) 

La capsule a 20 à 22 & sur 13 à 16 p. 

‘Habitat : les tubes urinifères du rein de l’Oie domestique. 


Coccidium Pfeifferi, nov. sp. 
Pfeiffer (92). 
Habitat : intestin du Pigeon domestique. 
Kyste sphérique ou subsphérique de 16 à 48 y. 
Développement des spores en trois jours. 
J'ai retrouvé cette Coccidie chez quelques Passereaux et chez la 
Tourterelle (Zurtur). Elle ne semble pas différer des formes rondes 


de Coccidium tenellum, dont elle ne serait alors qu'une variété. 


Coccidium roscoviense Labbé. 
Labbé (93%, b). 


Cette Coccidie a peut-être été vue par Zürn (p. 438), qui a décrit (?) 
chez les Oiseaux aquatiques « des Grégarines rondes, très petites ». 
Je l’ai trouvée, à Roscoff, dans l'intestin d’Échassiers et de Pal- 


mipèdes. 
Je l’ai rencontrée chez les Échassiers suivants : Charadrius cantia- 


1 L'historique de cette Coccidie est intéressante. Elle fut découverte par Rivolta 
et Silvestrini, réétudiée par Perroncito, puis par Rivolta qui décrivit deux formes 
sous les noms de Gregarina avium inlestinalis et de Psorospermium avium. (L’une 
de ces formes est sûrement la Pfeifferia avium, Labbé). Haller et John signalèrent 
une Coccidie dans des cas d’inflammation intestinale diphtéritique du Poule!. 
Il faut aller jusqu’à Raillet et Lucet pour avoir une bonne description de cette 
Coccidie. Ces auteurs ont pu reproduire artificiellement l'infection en faisant avaler 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 049 
nus Lath.; Ch. philippinus, Scop.; Strepsilas interpres Ulig. ; Nume- 
nius phæopus Lath. ; Pluvialis apricarius Bp.; Totanus cahdris Bechst ; 
Calidris arenaria Leach. ; Pelidna torquata Degl. ; Tringa alpina L. ; 
A ctitis hypoleucos Bore. Je ne l'ai trouvée que chez un seul Palmipède 
marin: Phalacrocorax cristatus Degl. (2 cas sur 4). Cette Coccidie se 
trouve certainement chez d’autres Oiseaux riverains, car je l’ai éga- 
lement trouvée chez Motacilla alba L., à Roscoff. 

Une Coccidie, certainement très voisine, sinon identique, se trouve 
dans l'intestin du Canard. | 

Elle diffère peu de Coccidium tenellum. La capsule mince, piri- 
forme, a 16 à 18 y. sur 14 à 16 nu; elle est généralement tronquée à 
l'extrémité antérieure, formant un pseudo-micropyle. Il y a très 
souvent aux pôles, soit l’un près de l’autre, soit aux deux extré- 
mités, deux globules brillants, réfringents. Les jeunes stades sont 
souvent verdâtres ou jaune verdâtre. Accidentellement.(Charadrius, 
Motacilla), les jeunes Coccidies peuvent pénétrer dans le tissu con- 
jonctif des villosités, J’ai pu même voir, dans ce cas, des divisions 
cellulaires. 

Coccidium Delagei Labbé. 
Labbé (93, c). 

Habitat. — Intestin de Cistudo europæa. 

Capsule ovoïde, parfois sphérique, ayant en moyenne 22 4 sur 16 
à 47 p. Plasma très condensé. 

Orientation particulière des spores à l'un des pôles ; le reliquat 
cystal, toujours volumineux, globuleux et vacuolisé, se trouve à 
l’autre pôle. Segmentation comme dans un œuf téloïiécithe. 

Développement exogène en trois à quatre jours. 

à de jeunes poussins infestés des kystes recueillis dans le cæœcum de Poulets malades 
et avec des spores développées par la culture. Rivolta prétend avoir fait développer 
Coccidium perforans dans l'intestin de la Poule. Mais le fait ne paraît pas exact. 

Les auteurs ont attribué à cette Coccidie beaucoup de désordres organiques : 
« Laringite ad angina laringea crupale psorospermica; rinite o corriza psorosper- 
mica ; stomatite cruposa psorospermica ; conjonctivite crupale psorospermica ; pso- 


rospermica della crista ; enterito psorospermica. » (Rivolta et Silvestrini). 


à 


ARCH. DE ZOOÏI. EXP. ET GÉN. — 32 SÉRIE, — T, 1V, 1896. 36 


990 ALPHONSE LABBE. 


C'occidium proprium Schneider. 
SyN. Orthospora propria, Schneider (84). 
Coccidium proprium et spläæricum, Schneider (92). 
Coccidium proprium, Labbé (93, c). 
Habitat. — Intestin des 7rilon cristatus, tæniatus, palmalus, punc- 
talus. 
Capsule ovoïde ou sphérique, 29 à 30 x sur 20 k.. Le plasma, con- 
densé avec de gros granules plastiques, à 19 u de diamètre. 
Pas d'orientation des spores dans le kyste. Reliquat cystal comme 
chez Coccidium Delager. 
Développement exogène en deux ou trois Jours. 
J'ai trouvé une Coccidie, qui doit être voisine, sur des coupes de 
très jeunes 7riton Gemmaæi, Cette Coccidie, que je n’ai pu étudier à 


l'état frais, mesure 21 x sur 12 p. 


Coccidiumn gasteroster Thélohan. 
Thélohan (39). 
Habitat. — Le foie de l'Épinoche (Gasterosteus aculeatus). 
La capsule a 16 à 18 &.; les spores, 10 x sur 6 p. 
Il n’y à pas de reliquat cystal, mais un reliquat sporal. 
(Cette espèce est peut-être une Goussia, bien que Thélohan n'ait 


pas vu de ligne de déhiscence aux spores.) 


Coccidium sardinæ Thélohan. 
Thélohan (90). 


Habitat. — Teslicule de la Sardine (Concarneau). 

Se trouve dans 95 pour 400 des cas. 

Capsule -— 40 à 50 y; sphérique. 

Pas de reliquat sporal. 

I y a un très abondant reliquat Cystal; mais les spores ne sont 
pas toujours orientées, comme le croyait Thélohan, d'un même côté 
de ce reliquat, qui n’a pas de forme déterminée, comme chez les 
autres Coccidium. Pas de reliquat sporal. 

Comme la précédente, c’est peut-être une Goussia. 


# 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 991 


Coccidium (?) giganteum, Labbé. 


Labbé (93). 


Habitat. — Lamna cornubica, intestin spiral. Trouvé dans un cas 
sur deux. 

Jeunes stades avec granules des Thélohan. La capsule, transpa- 
rente, cylindroïde, très grande, peut atteindre 10 y sur 40 pet est 
très allongée par rapport à la largeur. Le plasma, très petit, relative- 
ment, très concentré, est relégué à une des extrémités. Il ne dépasse 
guère 33 U de diamètre. Il se formé quatre spores. Quant au déve- 
loppement, peut-être exogène, il n’a pu être suivi complètement. 
(Voir fig. 4, pl. XVII.) 


GENRE GOUSSIA, NOV. GEN. 


Diffère du genre Coccidium parses spores bivalves, s'ouvrant comme 
une gousse de légumineuse ; la déhiscence est indiquée par un léger 
bourrelet. 


Développement endogène et intracellulaire. 


Goussia variabilis Thel. 
Syn. Coccidium variabile, Thélohan (93). 


Habitat. — Extrémement commune dans les cellules épithéliales 
de l'intestin, du rectum et des appendices pyloriques de presque 
tous les petits Téléostéens des herbiers. (Co/tus bubalis, Crenilabrus- 
melops, Lepadogaster Gouanii, Gobius bicolor, etc., Anguilla vulguris 
[Roscoff].) 

Capsule sphérique, mince, 15 à 20 p. 

Plasma avec granules de Thélohan. 

Spores ovoïdes, 9 à 11 & sur 4 à 5 u. À la petite extrémité, deux 
petits tubercules réfringents (répondant aux corpuscules de Stieda), 
simples épaississements de la capsule limitant un pseudo-micropyle. 


Cette espèce présente de nombreuses variétés de forme et de 
taille. 


552 ALPHONSE LABBÉ. 


Goussia lucida Labbé. 


Syn. Coccidium lucidum Labbé (93). 


_ Habitat. — Intestin et surtout intestin spiral de Wustelus vulgaris 
et Scyllium catulus (Roscoff. 

Capsule sphérique ou légèrement ovoïde, très mince, ayant 
10 à 11 , rarement davantage. 

Plasma avec granules de Thélohan. 

Spores rondes ou ovalaires ayant à peine 5 p., 8 à 6 p, extrémement 
s'éfringentes. Pas dereliquat cystal, Reliquat sporal. Deux sporozoïtes 


courts. 


Goussia cruciata Thélohan. 


Syn. Coccidium cruciatum, Thélohan (92;. 


Habitat. — Xe foie du Caranx trachurus. 

À été trouvée à Concarneau dans trois cas sur six, à Saint-Valéry-en- 
Caux, cinq fois sur huit. 

Capsule sphérique très mince, ayant environ 95 y. 

Les spores en croix, elliptiques ou ovalaires, ayant 7 à 9 y sur G. 
Reliquat sporal considérable. Pas de reliquat cystal. 

Cette Coccidie déterminerait dans les diverticules de la tunique 


conjonctive des vaisseaux des sortes de pseudo-anévrismes (Thélo- 


han). 


Goussia clupearum Thélohan. 


Syn. Coccidium clupearum, Thélohan (92-94). 


Habitat.— Foie dela sardine (A/osa sardina) où Thélohan l’a trouvé 
huit fois sur soixante, du hareng (Clupea harengus), de l’anchois (£n- 
graulis encrasicholus). Je l'ai trouvé également dans l'intestin du ma- 
quereau (Scomber scomber). 

Le kyste sphérique a 48 à 21 p ; parfoisil est ovalaire (Maqguereau). 
Quatre spores ovoides de 9 à sur 6 y, sans reliquat cystal. Les 2 spo- 


rozoites sont associés dans la spore à un reliquat sporal volumineux. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 033 
Müller et Retzius (Müller’s archiv, 1849, pl, VII) ont figuré une 


Coccidie analogue dans Gadus callarias. 


Goussia motellæ Labbé. 


Syn. Coccidium motellæ, Labbé (93). 


N'est peut-être qu'une variété de la précédente. 

Habitat. — Intestin et cœcums pyloriques de Motella tricirrata, 
où elle se trouve en compagnie de Crystallospore (Roscoff). 

Capsule ronde ou ovalaire ayant 13 à 14 p. 

Plasma avec granules de Thélohan. 


Reliquat sporal considérable. 


Goussia minuta Thélohan. 


SyN. Coccidium minutum, Thélohan (92). 


Habitat.— La rate, le foie et le rein de la Tanche(7inca fluviahilis). 

Capsule très mince ayant 9 à 40 v. 

Spores fusiformes sans reliquat sporal ni cystal. 

Déterminent chez les Tanches des tumeurs cellulaires du foie (Thé- 
lohan). 


Goussia Thelohani, nov. sp. 
Sy. Coccidium (?) du Labre, Thélohan (84). 


Habitat. — Le foie des Labres. 

Kyste ayant 25 à 30 pu. 

Spores presque sphériques de 40 à 12 y sur 8 à 10 p. 

Cette Coccidie se trouve dans des productions histologiques parti- 
culières du foie. Dans ces néoplasmes se développeraient secondaire- 
ment les Coccidies (Thélohan) ? 


(roussia(?) bigemina, nov. sp. 
Est-ce bien une Goussia ? C’est une Coccidie géminée, parasite de 
l'intestin d'Ammodytes tobianus. Le kyste normal a 27-98 4, el arrondi. 
Je n’ai pu avoir tous les stades. Il se forme quatre spores ovalaires. 


Je n’ai pu voir les sporozoïtes, 


04 ALPHONSE LABBÉ, 


GENRE CRYSTALLOSPORA, NOV. GEN. 


Spores affectant une forme géométrique remarquable, rappelant 
certains cristaux. « L’enveloppe est formée de deux pyramides à base 
hexagonale accolées par leurs bases. Le sommet, un peu tronqué, 
est surmonté d’une petite pyramide à angle plus ouvert» (Thélohan). 
La spore est donc un dodécaèdre régulier d’hexaèdre à sommets 
affectés d’un pointement direct à six facettes. Toutes les arêtes sont 
marquées d'un bourrelet saillant. 


Une seule espèce. 


Crystallospora Thelohant Labbé. 


Syn. Coccidium crystalloides, Thélohan (94). 


Habitat. — Commune à Roscoff dans l'intestin et surtout les cœ- 
cums pyloriques de Motella tricirrata, où elle se trouve dans le tissu 
conjonctif sous-muqueux au niveau de l’axe des villosités. 

À cette question, posée et non résolue par Thélohan : « Le para- 
site occupe-t-il d’abord une cellule conjonctive ou se développe-t-il 
simplement entre les faisceaux ? » je puis répondre que les jeunes 
stades sont toujours intra-épithéliaux, et s'enfoncent ensuite dans le 
tissu conjonctif sous-jacent. 

Plasma avec granules de Thélohan. 

Capsule sphérique ayant 20 à 22 p. 

Spores : caractères du genre. On peut ajouter à ce que dit Thé- 
lohan, que la déhiscence se fait par la base des pyramides qui se 
séparent comme les valves des Goussia. Il y à de plus un reliquat spo- 
ral et toujours une endospore ovalaire à l’intérieur de lépispore, 


seule décrite par Thélohan. 
DEUXIÈME TRIBU. 
TRISPORÉES. 


Les Trisporées renferment le seul genre Pananella, qui a le plus 


généralement trois spores. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. hhh) 


GENRE BANANELLA LABBÉ. 


Trois spores, peut-être parfois quatre. 


Spore dizoïque. 


Bananella Lacazei Labbé. 
Labbé (93%, b). 

Caractères du genre. 

Habitat. — Intestin de Zithobrus forcipatus. 

Plasma renfermant, outre des granules plastiques, des granules 
chromatoïdes et des granules éosinophiles très gros, entièrement ou 
partiellement acidophiles. | 

Capsule mince, ovalaire ou sphérique, ayant 35 à 40 LL. 

Trois spores le plus souvent, peut-être parfois quatre, ayant 27 & 
à 35 p sur 13 à 15 p., arquées avec deux tubercules terminaux, pas 
constants; la paroi est épaissie latéralement. 

Au centre de l’épispore, l’endospore circonscrit deux sporozoîïtes 
nuciéés longs de 23 à 25 p et repliés l’un sur l’autre. Il y a un reliquat 


sporal. 
TROISIÈME TRIBU. 


DISPORÉES. 


Les Disporées n’ont plus que deux spores. La sporulation est une 
simple division. Il y a trois genres, suivant que chaque spore ren- 
ferme 2 (/sospora), 4 (Diplospora) ou n sporozoïtes (Cyclospora). 

GENRE CYCLOSPORA SCHNEIDER. 
Schneider (84). 

Deux spores dizoïques. 

Une seule espèce. 

Cyclospora glomericola Schneider. 


Schneider décrit cette Coccidie dans le tube digestif des Glomeris. 
Les kystes cylindriques, allongés, ont de 25 à 35 & sur 9 à 10 p. 
Leur cavité est cloisonnée par deux planchers parallèles aux bases. 


(Probablement une deuxième enveloppe kystique ?) 


000 ALPHONSE LABBÉ. 


Les spores renferment un reliquat sporal et 2, rarement 3 sporo- 

zoïles. | 
Cyclospora (?). 

L. Léger ! signale chez les Géophiles, dans l'intestin, une Coccidie 
sphérique, ayant 48 p. de diamètre, qu'il rapproche du genre Orthos- 
pora (?) qui n'existe pas. Il y aurait quatre corpuscules falciformes, 
« deux dans chaque hémisphère ». On peut penser, d'après la figure 
de l’auteur, que cette Coccidie est une Cyclospora disporée et dizoï- 
que; mais l’auteur ne figure pas l'enveloppe des spores, ce qui ne 


permet pas de classer cette Coccidie avec certitude. 


GENRE ZSOSPORA SCHNEIDER. 
Schneider (84). 


Deux spores polyzoïques. 


Une seule espèce. 
Isospora rara Schneider, 


Cette Coccidie est décrite succinctement par A. Schneider chez 
une limace noire (?). 

Les kystes sphériques renfermeraient deux spores piriformes, ren- 
fermant des sporozoïtes nombreux. Ceux-ci seraient formés.de trois 
segments, les deux segments terminaux étant très réfringents. (Ce 


sont sans doute des vacuoles ou des granules.) 


GENRE DIPLOSPORA LABBÉ, 
Labbé (93, a). 


Deux spores tétrazoïques. 


Diplospora Lacazei Labbé. 
Cette espèce vit dans l'intestin des passereaux, où elle varie de 


taille. Les kystes sont toujours sphériques ou subsphériques. Nous 


1 L. Lécer, Nouvelles Recherches sur les Polycystidées parasites des Arthropodes 


terrestres (Annales de la Faculté des sciences de Marseille, t. VI, fase. 3, p. 51, pl. IT, 
fig. 22-93), 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 597 


avions autrefois (93, a) décrit deux espèces : Diplospora Lacazet serait 
remarquable par ses dimensions plus grandes, dépassant 22 p, la 
minceur de sa capsule et le développement de ses spores en trois ou 
quatre jours. Diplospora Lacazei existe avec ces caractères chez 
Alauda arvensis ; D. Rivoltæ s'en distinguerait par ses dimensions 
plus faibles (de 16 à 22 4), l'épaisseur de sa capsule et son lent déve- 
loppement(de douze à quinze jours). En réalité, il y a tous les pas- 
sages entre ces divers caractères chez les différents oiseaux où le 
Diplospora Lacazei est parasite. 

Chez Anthus pratensis, la capsule mesure 21 p ; chez Liqurinus chlo- 
res !,16 p. ; chez Saxicola ænanthe, 21 p. 6 ; chez À lauda arvensis, 95 pr ; 
chez Chetidon URDICA 220 etc. 

Il y a de même beaucoup de variations dans l'épaisseur de la cap- 
sule, et la rapidité du développement des spores. Nous croyons donc 
que cette Coccidie que nous nommons Diplospora Lacazei présente 
beaucoup de variations individuelles, mais ne doit pas être scindée 
en plusieurs espèces. Voici la liste des Passereaux dans l'intestin des- 


quels nous avons rencontré cette Caccidie : 


Coracias garrula ; Alcedo ispida ; Upupa epops; Corvus corone ; Sturnus vul- 
garis ; Passer domesticus ; Pyrrhula vulgaris ; Coccothraustes vulgaris? ; Ligu- 
rinus chloris ; Fringilla cælebs ; Fringilla monti fringilla ; Cannabina linota ; 
Carduelis elegans ; Emberiza citrinella; Alauda arvensis; Galerida cristata ; 
Budytes flava ; Motacilla alba; Oriolus galbula ; Turdus merula ; Rubecula 
familiaris ; Saxicola œnanthe; Sylvia atricapilla; Sylvia hortensis ; Parus cyanus; 
Hirundo rustica ; Chelidon urbica ; Cotyle riparia ; Cypselus apus. 


J'ai trouvé cette Coccidie à Roscoff et à l’île de Batz. Chez Passer 
domesticus, Liqurinus chloris, sept ou huit fois sur dix; chez Saxicola 
ænanthe et Rubecula, cinq fois sur dix. L’abondance du parasite varie 
avec les localités. 

1 Il y a des formes légèrement ovalaires ayant 16 à 18 à sur 15 p 8. 


? Conporezr1 et Fiore (93) ont décrit une Coccidie chez Coccothraustes vulgoris. 
Nous n'avons pu nous procurer l’opuscule de ces auteurs. 


008 ALPHONSE LABBE, 


APPENDICE, 


Sous ce titre, nous rassemblons un certain nombre de Coccidies 
sur lesquelles nous n'avons que des données trop insuffisantes pour 
permettre de les classer sous des noms de genre. Cependant, une 
première catégorie de Coccidies peuvent être rattachées au genre 
Coccidium. Ge sont les suivantes : 

1° Une Coccidie décrite par Z. Schokke ‘ et Hess? chez le Cheval, 
où elle causerait une dyssenterie hémorragique endémique, sou- 
vent mortelle. Les kystes ont 26 & sur 18 & et montrent quatre 
spores après huit jours de culture; 

2° Une Coccidie décrite par Curtice® chez le Mouton. Les kystes 
ont 18 à 21 L sur 45 u (Cf. Stiles); 

3° Une Coccidie décrite par Zürn et Preger chez le Veau (proba- 
blement le C'ytospermium Zürni de Rivolta) ; 

4 Une Coccidie décrite par Z. Schokke et Hess chez la Chèvre 
(CF. 1°); 

5° Chez le Porc, Johne “ décrit un Coccidium de 33 à 37 y sur 45 p. 

[Il est probable que ces cinq Coccidium appartiennent à une même 
espèce, peu différente de C’. perforans, et qui serait répandue chez 
tous les animaux domestiques.] 

Nous n'avons pas communication de la note de Liénaux (Annales 
de médecine vétérinaire, Bruxelles, 4891, p. 16), qui a décrit une Coc- 
cidie (?) dans les poumons du Chien. Est-ce C'occidium bigeminum ? 

Chez les petits Mammifères, Eimer et Grassi ont signalé des Coc- 
cidies, non encore étudiées, chez la Taupe, le Rat, le Hamster, la 
Belette, etc. 

Notons aussi une Coccidie trouvée par Grassi chez Coronella aus- 
triaca, Tétrasporée {spores de 7 & sur 4 u 5) dizoïque. 

1 Sweizer Arch. f. Tierheilkunde, vol. XXXIV, 1892, 

2 Même recueil. 


5 Journ. Comp. rend. and Veter. Arch., avril 1892. 
* Jahresbericht für das Veterinar wess. im Kôn. Sächsen für 1882. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. D59 


Chez le Crapaud, le même auteur a trouvé une Disporée tétra- 
zoïque (Drplospora [?]). 

. Nous ne pouvons guère placer parmi les Polyplastidées le Diplo- 
cystis Schneideri Künstler, qui est probablement une Grégarine cœlo- 
mique, non plus que la Gymnospora de Moniez, qui est bien peu 
connue encore, mais qui, s'il était prouvé que le kyste possède des 
sporoductes, serait une Coccidie bien proche des Grégarines. Mal- 
heureusement, il est plus probable que Gymnospora est une Gréga- 
rine cœlomique. C’est aussi une Grégarine que Beddart(88S) a trouvée 
chez les Perichæta. 

Nous ne pouvons qu'être très réservé au sujet des Coccidies dé- 
crites, dans l'œuf de Poule, par Podwissozky. 

Dès 1878, Grassi et Parona* avaient trouvé des kystes remplis 
d'éléments comme des spores, qui évoluèrent en Leptomitus. À. Fu- 
magalli?, avant eux {en 1870), avait trouvé ces ZLeptomitus dans 
l'œuf de Poule. Burdach y a trouvé le Sporothricum albumimis ; 
Schenk, le même (var. brunneum) ; Rayer, le Dactylium ovogenum ; 
Hoffmann, une espèce d’Aætophora ; Panceri, des Mucédinées, des 
Aspergillus, etc. 

Il paraît peu certain, d’après les descriptions de Podwissozky, que 
l’auteur ait eu affaire à des Coccidies, mais plus probablement à des 
Cryptogames. Dans l’œuf du Lapin (93), le même auteur a trouvé 
des inclusions qui ne sont certainement pas des Coccidies (peut-être 
est-ce simplement le noyau vitellin de Balbiani ?)*. 

Viennent ensuite quelques Coccidies, simplement signalées, mais 
non connues. 

Cretya neapolitana de Mingazzini, trouvée par cet auteur dans l'in- 
testin des Sphiræna, n’a été rencontrée qu'à l’état de kyste indivis ; 


il semble probable que cette Cretya doit se rapporter aux Pfeifferia 


1 Rendi conti del R. Inst. Lombard., XI, p. 237-245. 

2 Rendi conti del R. fnst. Lombard., 1870, p. 176. 

3 Dans l’œuf des Poissons et des Batraciens, on à souvent trouvé des inclusions 
bizarres qui ne peuvent absolument pas être considérées comme des Coccidies. 


860 ALPHONSE LABBÉ. 


et être voisine de Py. gigantea, auquel cas le nom de Cretya devra 
disparaître. 

Eimer a signalé, dans l'intestin des Lézards et des Grenouilles, 
une Coccidie dont il donne quelques figures dans son travail; mais 
on ne peut savoir si l’on est en présence d’une Polvplastidée ou 
d'une Oligoplastidée. Pachinger désigne sous le nom de Molybdis 
Entzit (86) une Coccidie ronde ou ovalaire, ayant 30 & sur 43 p, 
qu’il aurait trouvée dans l'estomac (?) de la Grenouille *. Ce serait 
l’£'imeria dont Eimer a décrit les premiers stades. 

Pachinger a, de même, rencontré chez le Cheval, dans les reins, 
trois cas d'£imeria (?). 

La « Coccidie » découverte par Pollard (93) chez l'Amphioxus 
semble une Grégarine voisine de celle des Ascidies. Le Psorosper- 
mium Haæckeli de Wierzejski (89) et Zacharias (89), les Sporozoaires 
parasites des Cyclopides (Cheviakof, 93) sont sans aucun doute des 
Myxosporidies voisines des Glugea. 

Nous ne pouvons parler de toutes les formations, parasitaires ou 
non, qu'on a rapprochées des Coccidies. Il nous faut cependant 
noter le cas de parasite trouvé par Max Flesch (84) dans les villo- 
sités du Cheval. Ce parasite, ayant 60 à 80 y, se trouve à la base des 
villosités. L’auteur lui donne le nom de Globidium Leuckarti. Mais 
il est bien douteux que ce soit un Sporozoaire. 

Le Sporozoaire trouvé par Schneider dans le tissu conjonctif du 
manteau de Solen vagina est, sans doute, une larve de Nématode?. 

J'ai retrouvé des kystes semblables (certainement de jeunes néma- 
toïdes) dans la cavité générale d’Amphiglene mediterranea, où ils 
m'avaient été signalés par M. Racovitza. Ces kystes avaient une 
moyenne de 27 à 28 à et possédaient une membrane épaisse, chiti- 
neuse, de plus de 3 11. A l’intérieur était un corps enroulé, ressem- 
blant à une larve de nématoïde. 


1 Jamais les Coccidies n’habitent l'estomac des Vertébrés, ce qui infirmerait 
cette observation. 


* SCHNEIDER, Signalement d’un nouveau Sporozoaire (Tablettes zoulogiqués, 1892). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 961 


La table dichotomique suivante pourra permettre d'arriver facile- 
ment à la détermination du genre d’une des Coccidies contenues 


dans ce mémoire. 


1 ( Stade libre mobile à l’état adulte .........,.,....,.... Re Ole 2 
* | Pas de stade libre mobile à l’état adulte. ............ PR Le 3 

> Stade de sporulation jamais intracellulaire.......,....,... Grégarines. 
‘ { Stade de sporulation toujours intraglobulaire.......... Hémosporidies. 

: j Pas HO EVStIQUer Rene TETE Mo ce Gymnosporidies. 
One envelopperkystique. ................4.444 00... DER E NEE nn 

( Sporozoïtes dérivant directement de l’archéspore............,....,.,. 5 

” { Sporozoïtes se formant dans une spore dérivée de l’archéspore........ 7 
Spurozoies-falciformes ou de, forme arquée.. ............s...en 6 

MS porozonesentiornme dépingle.. 4.5.1... 0... Rhabdospora. 

| Sporozoïtes peu nombreux, orientés en méridiens autour d’un seul reliquat 

6 | ENS RM see ce oee e RARIERE PME EE Eïimeria, Gonobia. 
| Sporozoïtes nombreux, dimorphes, orientés autour de plusieurs reliquats 
Se ce cie ects lei e evo e)cictellehalel eme e eos ciale Pfeifferia. 

SHOE CHR OIDRe INACLELEMINÉ. » (0. .12 + cle ee soc aise ee sloelcisreiele scie 8 
PÉSpores en nombre défini...,.................................. 12 
Spores avec prolongements caudaux......,................ Minchinia. 
HiPSporesisans prolongements eaudaux.….........................4... 9 
SHOTESLOMAES EU. IN. eee scile cena oies o oo mercis aise aies sjetele RC AU LU 
Spores ellipsoïdes ou ovalares ........ diet rs lee 11 
Sporozoïtes en nombre supérieur à deux.................... Klossia. 

Le ; Deux sporozoïtes dans la spore..................:....... A delea. 
Un seul sporozoïte dans la spore..................... ... Darroussid. 

2 | Deux-quatre sporozoïtes.............................. Hyaloklossia. 
MMA S DONS eee ee ee eee co meneses eee eee RE PAR EE 13 

LE.2 Trois CODES RES ER REEnER RE Bananella. 
DÉHPASDORES... --.0..12e.. Re DEEE ES Go ED oc Ce 15 

12 \ DHore Divalve.. 5.4... ne le te ele Retour 14 
Spore non bivalvé............... OR Here Coccidium. 

n Spore ronde ou ovalaire............,.... Sbocvbe Sd dde Goussia. 
; | Spore bipyramidale............................ ....  Crystallospora. 
15 \ Nombre non défini de sporozoïtes.............,..... es -CUIS0SDOTRUR 
® | Nombre défini de sporozoïtes.....................,...... HACRR 16 
Deux sporozoïtes dans la spore .............,............ Cyclospora. 

6: Quatre sporozoïtes dans la spore,..... Do mood ee die Diplospora. 


902 ALPHONSE LABBÉ. 


HOTES DES PARASITES. 


Nous donnons ici une table indiquant, en regard d'un animal, le 


nom des Coccidies qui l’habitent. 


MAMMIFÈRES. 
Homo AE a TA ....….,  Coccidium hominis Rivolta. Intestin. 
(Sunge [ee Re eee ..  Coccidium (?) Piana. 


Rhinolophus fer-equinum...  Coccidium viride Labbé. Int. 
Coccidium (?) Virchow. Rein. 

LepUSCCURICUIUS MERE ER CRRE Coccidium oviforme Leuckart. Foie. 
Coccidium perforans Leuckart. Int. 
Pfeifferia princeps Labbé. Int. 

LS CIRONNE SNS NE EEE ER Eïimeria falciformis Schneider. Int. 
Æimeria Smith. Rein. 
Pfeifferia Schuberg. Int. 
Coccidium falciforme Schuberg. Int. 


Papa rte PRET .... Coccidium Leuckart. Int. 

CUIR RTS PRE .. Coccidium Leuckart. Int. 

Can MAMUIANS TEE RRENENE Coccidium bigeminum Stiles, var. cams. Int. 
MES AITOMESTEUS EN NENE Coccidiuin bigeminum Stüles, var. fehs. Int. 
MO PUS NE ARR SRE Coccidium bigeminum Stiles, var. putoru. Int. 
BUSINESS EE Coccidium (?). Int. 

Caprarretces TU de Coccidium (?) Hess et Schokke, Int. 

OISE Pa ANR RCE Coccidium Leuckart. Int. 

ÉQUUS EL AR ARE NUEe Coccidium. Int. 


Eimeria (?) Pachinger. Int. 

Globidium Klesch. Int. 
Dos Re NC cote. euenait)iSraith Mine 

Coccidium Rivolta. Int. 


OISEAUX. 

GAS CP RNRR PR RAA Coccidium tenellum Raillet. fnt. 
Pfeifferia avium Labbé. Int. 

ANUS ce te AE CR te Coccidium Labbé. Int. 

ASTRA SNERR RER RER Coccidium truncatum Raillet. Rein. 

COMAOAINNPE RTE ERPEPRRE Coccidium Pfeifferi Labbé. Int. 

TOTAL ER RER ER EE Coccidium Pfeifferi Labbé. Int. 

Melissa Rene Coccidium bigeminum Stiles. Int. 

P'OSSOREQUE La RENE Diplosphora Lacazei Labbé. Int, 


Pfeifferia avium Labbé. Int. 
Palmipèdes, Echassiers. ....  Coccidium Roscoviense Labbé. Int. 
REPTILES. 


LacentanUnals EME .  Gonobia lacertæ Mingazzini. Ovaire. 
£ SOU IADUS EEE ronobia colubri Mingazzini. Testicule, 
Zamenis viridiflavus G 8 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 


Coronella austriaca….. ...,., 
Cstudo europæu. 4. debat 
Crocudilus vulgaris... ou 


BATRACIENS. 


AUS CUleENRLAN LS NN ms 


RNA TEMPONATIAN +. es 
MÉTOMAGRISTQUUS Se. ae 
\ 


OM IMAIUS 8... 
MOMIDUNCIAUS ee de. 
MOMAEEMAIUS ee ee. 


POISSONS. 


Mustelus vulgaris. ......... 
DÉMDUMNEANICUIUS.... 4... 
Acanthias vulgaris. ........ 
Lamratconnubicas, 2%... 


MOSS ORING en ee à 
Merlucius vulgaris ......... 
ISCOMDDERSCOMUET-. ee. ne à 
Clipeaharenqus......2.) 
Engraulis encrasicholus..... 
ÉLUS DOUACRIUSS. Le... 
ROUEN IQAT SEE 
ReRCONUDITIUS RE AU 
TCLCIOUNUT ONENNERPPF AN 


Grasterosteus pungilius ...... 
Gasterosteus aculeatus ...... 
Ammodytes tobianus ..... + 
CARINRTNTACRURUSe + Xe. à. 
Motellanmcirrata.. 2. 
Crentlabrus melops......... 
DODRUSNTESCIUUS. 2h 0... à «à 
ÉPIERRIUSPRoNS.... 1... De 


Lepadogaster Gouanit...... 
ÉD MANUTUS Se. se se oo vo à 


Diplospora(?) Grassi. Int. 
Coccidium Delagei Labbé. Int. 
Coccidium Solger. Int. 


Hyaloklossia Lieberkühni Labbé. Rein. 
Molybdis Entzii Pachinger. Int. 
IHyaloklossia Lieberkühni Labbé. Rein. 
Coccidium proprium Schneider. Int. 
Pfeifferia tritonis Labbé. Int. 
Coccidium proprium Schneider. Int. 
Coccidium proprium Schneider. Int. 
Coccidium proprium Schneider, Int. 


Coccidium lucidum Labbé. Int. 
Coccidium lucidum Labbé. Int. 
Coccidium lucidum Labbé. Int. 
Pfeifferia gigantea Labbé. Int. 
Coccidium (?) Labbé. Int. 
Coccidium sardinæ Thélohan. Testicule. 
Goussia clupearum Thélohan. Int. 
Goussia clupearum Thélohan. Int. 
Goussia clupearum Thélohan. Foie. 
Goussia clupearum Thélohan. Foie. 
Goussia clupearum Thélohan. Int. 
Rhabdospora Henneguy. 
Rhabdospora Henneguy. 
Rhabdospora Henneguy. 


Goussia minuta Thélohan. Foie, rate, rein. 


Coccidium gasterostei Thélohan. Int. 
Rhabdospora Henneguy. 

Coccidium gasterostei Thélohan. Int. 
Rhabdospora Henneguy. 

Goussia (?) bigemina Labbé. Int. : 
Rhabdospora Henneguy. 

Goussia cruciata Labbé. 

Coccidium Motellæ Labbé. Int. 
Crystallospora Thelohani Labbé. Int. 
Rhabdospora Henneguy. 

Goussia Thelohani Labbé. Int. 
Rhabdospora Henneguvy. 

Goussia Thelohani Labbé. Foie. 
Goussia variabilis Labbé. Int. 
Goussia variabilis Labbé. Int. 
Goussia variabilis Labbé. Int. 


D64 ALPHONSE LABBÉ. 


(OLIS ICONE CEE AREEEE Goussia variabilis Labbé. Int. 

Cottus Wubi COPA .. Goussia variabilis Labbé. Int. 

SDIATENANUUITOTIS REC CEE Cretya (?) Mingazzini. Int. 

AMPOULES E Coccidie (?) Pollard. Int. 

MOLLUSQUES. 

Eledone moschata.......,..  Klossia octopiana Schneider. Int. 

Octopus vulgaris... .….., ...  Xlossia octopiana Schneider. Int. 

SDL OIRANAUSE EE RCE Klossia Eberthi Labbé. Int. 

ONDES CEA PAR Minchinia (?) Labbé. Foie. 

TROCRUSE ER ENNE CR RNRanUEE Minchinia (?) Labbé. Foie. 

CRAN see Minchinia chitonis Labbé. Foie. 

FLONLMROTIENSIS eee et oee Klossia helicina Schneider. Rein. 

TOME FAP 0 — 

Helix nemoralix...... els — 

HO TIAROUS ORNE EEE — 

HE ATINUT OS DO DE — 

HER LINULUM EEE — 

DUCCIN CU PETER eee — 

SUECINET DUINIS = ec Le — 

DUCCINET IIIe ee eee — 

INerelina UTILISER EE Klossia soror Schneider. Rein. 

Limazx? Isospora rara. Schneider. Rein. 

ARTHROPODES. 
INSECTES, 

Gyrinus natator (larves)...  Adelea simplex Schneider. Int. 
Eimeria hirsuta Schneider. Int. 

INePA CINE RER ROIS Barroussia ornata Schneider. Int. 
Eimeria nepæ Schneider. Int. 

AIS REC EE ........ Klossia, sp. Schneider. Corps graisseux. 

MYRIAPODES, 
Lithobius forcipatus......,. A delea ovala Schneider. Int. 


Eimeria Schneideri Butschli. Int. 
Bananella Lacazei Labbé. Int. 


Glomens er Re Arr Cyclospora glomericola Schneider. Int. 
Eimeria nova Schneider. Tubes de Halpiglu. 

Cryptops punctatus ........ Eimeria bigemina Balbiani. Int. 

Geophilus ferruginosus.. .... Eimeria Pfeiffer: Labbé. Int. 


Scolopendra morsitans, ...., Adelea dimidiata Labbé. Int. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 000 


DEUXIÈME PARTIE. 


STRUCTURE DES COCCIDIES. 


Mingazzini (92, p. 152) a, le premier, bien indiqué la structure 
d'une Coccidie : « Il protoplasma del Coccidio... esto è composta 
come il protoplasma di un ovo di un metazoo, cioè di elemento for- 
mativo e di elemento nutritivo, il primo a forma di reticolo plasma- 
tico nelle cui maglie sono compresi 1 globuli rifrangenti del secondo. » 

Un cytoplasme aréolaire (métaplasma, de Mingazzini) contenant 
dans ses mailles des granules de réserve (endoplasme ‘, de Mingaz- 
zini) ; telle est, en résumé, la structure d’une Coccidie intracellu- 
laire; si l’on ajoute à ces parties un noyau, toujours visible au 
centre de la Coccidie, et un centrosome, nous aurons l’ensemble des 
organes formant la cellule coccidiale. 


Etudions ces diverses parties : 


CYTOPLASME. 


A l'intérieur d’une fine membrane, le cytoplasme est aréolaire; il 
n y a ni ectoplasme, n1 endoplasme, au sens ordinaire que ces mots 
prennent chez les Protozoaires. Le cytoplasme dessine des mailles 
finement granuleuses, un peu plus renflées aux points d'intersection, 
avec de très petits cylomicrosomes qui se colorent plus fortement 
par les réactifs. 

Nous verrons que chez les sporozoïtes et les très jeunes formes, le 
cytoplasma n'offrait pas cette structure ; mais elle se dessine très 
vite chez les jeunes Goccidies. On peut surtout la voir chez les grands 
individus de Ælossia ou de P/feifferia gigantea, chez lesquels les gra- 
nules d’assimilation sont plus pàles et moins visibles. Cependant, 


même chez les Oligoplastidées, lorsqu'on emploie comme fixatif le 


1 MHÉLOHAN (94) a déjà condamné les termes de Mingazzini qui sont, en effet, 
mal choisis. La distinction n’en est pas moins exacte, 


ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GEN, — 30 SÉRIE, — T, 1V, 1896. 37 


906 ALPHONSE LABBÉ. 


sublimé, qui fait pälir les granules, on peut voir nettement le reti- 
culum cytoplasmatique. 

Le cytoplasme des Coccidies a une grande prédilection pour les 
couleurs basiques, en particulier pour l’hématoxyline, l’induline, la 
myrtlline, le bleu de méthylène; les microsomes sont alors très 
fortement colorés. Si l’on se sert d’une double coloration (héma- 
toxyline-aurantia ou hématoxyline-éosine), l’hématoxyline seule se 
fixe sur le plasma. La safranine colore le plasma, mais pas très forte- 
ment. Par la méthode de Romanovsky, le plasma se présente en 
bleu ou bleu violet. 

Si l’on examine à l’état frais une Coccidie, on voit qu’elle est 
bourrée littéralement de ces granules d’assimilation que nous allons 
étudier tout à l'heure ; mais dans certaines espèces, au lieu de pré- 
senter un aspect réfringent ou clair comme les Goussia ou les 
Coccidium des Poissons, les jeunes stades ont une coloration spé- 
ciale. Chez quelques Coccidium (C. viride, C. roscoviense, C. tenellum), 
parfois aussi chez les Diplospora, la jeune Coccidie présente une 
coloration verte, jaune verdâtre ou noir verdâtre. Cette couleur varie 
sans doute avec la nutrition de l’hôte, car elle ne se présente avec 
les mêmes caractères que chez un même hôte : cette coloration n’est 
pas due à un pigment figuré; les granulations comme le plasma 
sont colorés de la même facon. 

I ne faut pas confondre les aréoles du plasma avec les vacuoles 
qui se présentent dans quelques cas. Chez les Oligoplastidées, elles 
sont très rares. Au contraire, chez les Pfeifferia(P. Tritonis, P. gigan- 
lea), les vacuoles se rencontrent dès les plus jeunes stades. Parfois 
elles entourent le noyau, de telle sorte qu'il ne reste au centre de la 
Coccidie, avec le noyau, qu’un peu de cytoplasme. Dans quelques 
cas, ces vacuoles se remplissent de graisse (Pfeifferia Tritonis). 

Pour résumer : 

Le cytoplasme des Coccidies est aréolaire, renferme parfois des 
vacuoles ; est ordinairement incolore, mais possède parfois une 


coloration propre ; possède une affinité particulière pour les colo- 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 907 


rants basiques ; enfin ne possède aucun mouvement moléculaire 
propre, comme celui des Grégarines. 

Notons encore qu'accidentellement on trouve des globules de 
graisse (vacuoles de Pfeifferia Tritonis, jeunes stades de Coccidium 
roscoviense, de (roussia Labrorum, de Minchinia Chitonis,de Diplospora 
Lacazei; et du pigment (kystes de Æyaloklossia et jeunes stades de 
Pfeifferia Tritonis). 


GRANULES D'ASSIMILATION. 


Tout le corps de la Coccidie est bourré de granules qui se trouvent 
logés dans les aréoles du cytoplasme. 

Nous les diviserons en deux classes : 

1° Granules plastiques. — Ceux-ci, étudiés par nous (93-94) et par 
Thélohan (94), furent dénommés par cet auteur granules plastiques. 
On peut dire que ces granules sont caractéristiques de toute Coccidie ; 
régulièrement arrondis, ne variant guère de taille et d'aspect chez 
une même espèce, ils sont très petits chez les Pfeifferia, très gros et 
réfringents chez Coccidium proprium, C. Delagei, les Coccidium des 
mêmes Poissons, les Diplospora. Ils sont ordinairement de même 
taille, de même réfringence chez le même individu. Généralement, 
chaque granule plastique est logé dans une aréole distincte du cyto- 
plasme. Chez les Ælossia des Céphalopodes, pourtant, il y a plusieurs 
granules plastiques, pâles, peu apparents, dans une même aréole 
cyloplasmique. 

Ils apparaissent dès les premiers stades et persistent jusqu à la : 
formation des sporozoïtes chez les Monogéniques, jusqu’après la 
formation des spores chez les Digéniques. Ils sont sans action sur la 
lumière polarisée. Ils ne sont solubles ni dans la potasse, l’ammo- 
niaque, l’éther et le chloroforme, l’alcool, ni dans les acides dilués. 
Les liqueurs de Flemming, de Hermann, Perenyi, de Rabl, les fixent 
bien, mais le sublimé, surtout le sublimé acétique, les fait pàbr et 
atténue leurs contours. 


Thélohan avait déjà remarqué leurs réactions vis-à-vis des malières 


D68 ALPHONSE LABBÉ. 


. colorantes : si on les colore par l’hématoxyline et qu’on décolore 
ensuite, ils gardent au centre un point coloré fortement. J’ai pu ob- 
server que ce séigma coloré répond à une petite tache sombre que 
l’on peut voir à de forts grossissements, sur les granules plastiques 
observés à l’état frais. 

Ils se colorent, après cette décoloration, par les colorants acides, 
éosine, aurantia, acide picrique, d’une façon uniforme comme le 
cytoplasme. 

Les granules plastiques se colorent simplement en jaune par 
l’iode. Ils sont réfractaires au carmin. 

Bien que nous réservions pour plus tard la question de la nature 
microchimique de ces granules plastiques, nous pouvons dire tout 
de suite qu'ils s’éloignent des granules analogues de l’endoplasme 
des Grégarines, granules formés de paraglycogène (Bütschli) ou 
zooamylum (Maupas), ou pyxinine (Frenzel). Les granules plastiques 
sont simplement des granules de réserve de nature albuminoïde. 
Sont-ils comparables aux leucites des plantes ? Sont-ils de simples 
réserves alimentaires ? Ce sont là des questions que nous discute- 
rons plus tard. 

L'ensemble de leurs propriétés nous autorise à créer pour eux le 
mot coccidine, qui, sans préjuger de leur nature microchimique, 
indiquera cependant que les réactions de ces granules sont propres 
aux Coccidies. 

2° (Granules chromatoides. — Sous ce nom, nous rangeons des 
inclusions diverses offrant des réactions spéciales vis-à-vis des réac- 
tifs, et qui se présentent avec des caractères divers chez diverses Coc- 
cidies. 

a. Granules chromatoïdes proprement dits. — Nous avons désigné 
ainsi (88, a, c) des granules qui se trouvent surtout chez les 
Coccidies des Vertébrés supérieurs qu'on retrouve avec les mêmes 
caractères chez les Hémosporidies et les Gymnosporidies, et qui sont 
caractérisés par leur forme arrondie ; leur insolubilité dans l'alcool, 


l’éther, le chloroforme, le sublimé, les acides dilués, etc.; leur neu- 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 369 


tralité vis-à-vis de la lumière polarisée ; leur affinité extrême pour 
les colorants nucléaires basiques : hématoxyline, violet de gentiane, 
induline, bleu de méthylène, kernschwarz et même safranine. 

Ordinairement ils sont placés superficiellement côte à côte; par- 
fois très gros, mais ordinairement moins considérables que les glo- 
bules plastiques, ils sont d’autres fois très petits. Ils ne semblent pas 
exister chez les Coccidies des Poissons ; par contre, ils sont très 
répandus chez les Coccidies des Mammifères et des Oiseaux. Leur 
affinité pour les colorants basiques les avait fait confondre par le 
docteur L. Pfeiffer (94) avec une prolifération superficielle de noyaux. 
À. Schneider montra (92) qu'il s'agissait en réalité de granules d’as- 
similation. 

Ordinairement les granules plastiques sont ronds, rangés superf- 
ciellement et très régulièrement. Cependant, dans des stades jeunes 
de Coccidium roscoviense (chez Charadrius cantianus), nous avons pu 
voir des granules chromatoïdes non plus ronds, mais piriformes ou 
en forme de virgule ; chez les jeunes Pfeifferia Tritonis, les granules 
chromatoïdes sont également de forme irrégulière et disposés en 
amas. 

Nous avons vu que les granules plastiques, quand ils existaient, 
étaient répandus uniformément, bourrant tout le corps de la Coeci- 
die ; les granules chromatoïdes, parfois disséminés et rares, sont, 
dans d’autres cas, extrêmement abondants et pressés les uns contre 
les autres. 

Nous avons dit que le docteur L. Pfeiffer avait pris ces granules. 
pour des noyaux. Un auteur plus récent, J. Clarke (95), retombe 
dans la même erreur, sans avoir les mêmes circonstances atténuantes 
que le savant allemand. Il figure (pl. XXXI, fig. 14, 17, 18) des « péri- 
pheral particles of chromatin » reliés au centre par des tractus de 
linine, et au centre se trouverait la masse nucléaire. Les figures de 
l’auteur sont à peu près exactes, mais l’interprétation est erronée. 
Ses Coccidies sont des organismes subissant une dégénérescence 


spéciale. J'ai pu étudier chez Diplospora ces dégénérescences à l’état 


570 ALPHONSE LABBÉ, 


_ frais et colorées. Les tractus de « linine » de Clarke sont des tractus 
cytoplasmiques ; la chromatine périphérique est formée par des 
granules chromatoïdes, et au centre persiste le noyau normal. 

b. Granules de Thélohan. — Au contraire des précédents, les gra- 
nules que Thélohan a décrits chez les Coccidies des Poissons ne sont 
pas colorables par l’hématoxyline etles colorants basiques. De plus ils 
sont irréguliers de forme et de taille très diverse. Tandis que les gra- 
nules chromatoïdes sont tous de même taille chez une même Cocci- 
die, chez Crystallospora, par exemple, on voit trois ou quatre gra- 
nules, les uns très grands ayant 5 à 6 px, les autres n’atteignant 
pas 1 [a 

J’ai pu étudier ces granules chez Goussia lucida, G. varrabilis, 
Crystallospora. Si on fixe par l’alcool-éther, les granules se colorent 
par l’éosine très fortement ; ils se colorent en rouge par le picro- 
carmin, en jaune par l’aurantia. Ils sont incolores par l’acide osmi- 
que et se colorent en jaune brun par l’iode, maïs sans présenter, 
avec l’acide sulfurique, la réaction glycogénique. Ils sont solubles 
dans les alcalis (ammoniaque, potasse). 

c. Granules de Schneider. — Les granules de Thélohan se rappro- 
chent beaucoup des granules que Schneider a décrits dans l’Æimeria 
nepæ, et qu'il rapproche des granules des jeunes œufs ovariens des 
Phalangides : taille 3 p à 3 5. Intacts par l’alcool absolu, l’éther, 
le chloroforme; colorables par le picro-carmin comme des noyaux, 
mais devenant incolores par une action prolongée. Sans action sur 
la lüumière polarisée. 

d. Granules métachromatoïdes. — Nous devons signaler des granu- 
lations qui, chez Pfeifferia Tritonis, se colorent en rouge violet par le 
bleu de méthylène, se rapprochant des granules métachromatoïdes 
que nous avons déjà décrits chez les Hémosporidies (94). 

e, Granules des Bananella. — Chez Bananella Lacazei, se trouventdes 
granules volumineux, ronds ou ovalaires, ayant 3 à 4 « en nombre 
variable, mais assez considérable; ces granules, chez certains exem- 


plaires, sont purement hématoxylinophiles et ne se colorent pas par 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 571 


les colorants acides, tandis que, chez d’autres individus {c’est le cas 
le plus fréquent), ils se colorent par l’éosine. Si l’on examine avec 
soin ces derniers, on remarque que chez beaucoup persiste, autour 
du granule, un cercle ou un anneau violet, parfois simple contour, 
parfois avec des épaississements formant un croissant ou des crois- 
sants à la périphérie du granule: le reste du granule se colorant en 
rose par l’éosine. Ces modifications se voient bien sur les coupes d’in- 
testin de Zithohrius colorées à l'hématoxyline-éosine, 

Il ne serait pas impossible que tous ces granules chromatoïdes 
fussent des modifications de granules de coccidine, bien que l’en- 


semble de leurs réactions soit très différente. 


NOYAU. 


Bien que Kloss (55) eût déjà montré la présence du noyau chez 
les Coccidies, Leuckart (#9) semble encore en douter ; Schneider (45) 
a eu le mérite d'observer d’une facon indiscutable l'existence d’un 
noyau véritable ! chez les Coccidies et décrit (8 4), chez Ælossia F'ber- 
thi, un nucleus sphérique, rempli de suc nucléaire et renfermant un 
gros nucléole ; ce nucléole est formé d’une couche corticale dense, 
striée, et d’une aire centrale; il possède un canal micropylaire ; il 
y a souvent des nucléoles secondaires provenant d’un bourgeonne- 
ment du nucléole primaire, phénomène que l’auteur assure avoir 
suivi de visu. Il n’y a jamais de reticulum nucléaire. 

Les nucléoles provenant du bourgeonnement {nucléolites) gros- 
sissent, acquièrent une couche corticale et deviennent des produc- 
teurs nouveaux. Schneider admet que, quand tous ces nucléolites 
sont de taille sensiblement égale, l’enveloppe du noyau se rompt et 
les nucléolites, mis en liberté, gagnent la superficie où ils se divi- 
sent activement, formant des «noyaux en bretelle» ou en «os de 
grenouille », qui deviennent les noyaux des spores. Jamais, « ni chez 


les Coccidies, ni chez les Grégarines, je n'ai pu apercevoir rien qui 


1 Dans son Traité de Zoologie, Périer parle encore de « l’absence du noyau chez 
les petites (?) Coccidies et les jeunes Porospora gigantea ». (p. 471), 


572 ALPHONSE LABBÉ. 


ressemble à ce schéma de la constitution du nucleus des cellules ani- 
males ou végétales habituelles ». (Schneider, loc. cit.) 

Mingazzini (94) a rectifié un certain nombre des erreurs de 
Schneider. Il constate que, chez les Ælossia Æberthi (Benedenia) 
jeunes, le nucleus renferme, outre un liquide plus ou moins dense, 
un reticulum très fin, avec granules et points nodaux ; puis un nu- 
cléole très grand, bien colorable. « Il nucleo degli sporozoi none 
affatto differente da quello dei Metazoi e che consta di membrana, 
liquido nucleare, reticolo e nucleolo (p. 152). » Il a bien vu que le 
nucléole subissait « una specie di decomposizione », une partie de 
la substance chromatique se dissolvant dans le suc nucléaire, l’autre 
partie constituant un très grand nombre de petits granules qui pren- 
nent naissance en partie du reticulum, en partie de la liquéfaction 
du grand nucléole ; la membrane nucléaire se rompt, la substance 
chromatique se résout en très petits granules : il n'y a pas de karyÿo- 
kynèse, mais une division directe « per strozzamento », Le nucléole 
doit être considéré comme «un serbatoïo di sostanza cromatica, 
che si distribuisce durante i fenomeni di sporulazione (loc. cit., 
p. 38) ». 

Wolters (94, p. 128) décrit le noyau de Ælossia helicis comme un 
gros corps rond ou ovale, dont la substance chromatique s’est ré- 
fugiée dans le nueléole, très grand, à côté duquel sont de petites 
granulations, fortement colorables ; le noyau a toujours un contour 
irrégulier. 

Schneider, dans ses derniers travaux, insiste sur ce que la chro- 
matine est concentrée dans le nucléole (£'imeria nepæ). Le nucléole 
renfermerait (?) un cordon de chromatine déroulé ou condensé, par- 
fois formé de « chromatosphérites écartés» sortant du nucléole. Le 
nucléole serait le vrai nucleus. 

Dans un travail antérieur (93, p. 271), nous avions été conduit à 
adopter cette manière de voir chez Coccidium Delagei, et à penser 
que le nucléole serait le vrai noyau. Mais nos travaux sur les ÂXlos- 


si 


sia, en particulier, nous ont amené à modifier cette opinion. Le 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 573 


nucléole, bien qu’étant une réserve chromatique à l’origine, n’est 
pas la seule partie chromatique du noyau, et le noyau des Coccidies 
est bien un noyau. 

Une note récente (95, a) a indiqué la structure et les phénomènes 
nucléaires que nous allons étudier maintenant. 

NOYAU ET ÉVOLUTION NUCLÉAIRE CHEZ XLOSSIA HBERTHI. — Nous étu- 
dierons tout d’abord le noyau des ÆVossia et son évolution, et nous 
étudierons ensuite le noyau des autres Coccidies. 

Chez les jeunes Ælossia E'berthr, le noyau, très grand, ovalaire ou 
arrondi, Se compose des parties suivantes : 

Une membrane nucléaire, affectant une forme réqulièrement ronde ou 
ovalaire, mince ; 

Un reticulum tres fin, formé de granules achromatiques, de granules 
d'oxychromatine et de granules de chromatine, continuant le reticulum 
cytoplasmatique ; 

Un gros karyosome. 

La membrane nucléaire est assez mince, mais résistante et bien 
colorable. Sur des coupes fines, elle paraît percée de pores qui éta- 
blissent la continuité entre la trame cellulaire et la trame nucléaire; 
la continuité est telle que, dans les coupes minces, il est difficile de 
voir la limitation exacte du noyau autrement que par la coloration 
des petits granules de chromatine et par l’aspect de la trame nu- 
cléaire, qui est plus lâche que celle du cytoplasme et ne contient 
pas de granules de réserve. 

Le reticulum est très fin, formé de granules achromatiques et de 
granules d'oxychromatine. Les mailles du reticulum délimitent des 
espaces occupés souvent par des granules achromatiques et, d’autres 
fois, par du suc nucléaire. La chromatine se présente dans ce reti- 
culum sous l’aspect de granules très fins, dispersés de distance en 
distance ou formant des chaînes. 

Enfin, en un point quelconque du noyau, au centre ou à la péri- 
phérie, se trouve un gros karyosome, compact, homogène, pouvant 


atteindre un tiers de la grandeur totale du noyau. 


574 ALPHONSE LABBÉ. 


Telle est la structure ‘du noyau d’une X/ossia jeune. 

Le karyoplasma se colore de la même façon que le cytoplasma ; 
mais, souvent, il renferme une grande proportion d’oxychromatine ; 
aussi présente-t-il une grande affinité pour la fuchsine, l’éosine, 
l’aurantia. Si l’on colore les coupes avec une solution de bleu de mé- 
thylène-éosine *, on obtient, au centre d’un cytoplasma violet ou 
bleu, un karyoplasma rouge renfermant un karyosome bleu ou 
violet ; l'hématoxyline-fuchsine acide conduit au même résultat ; la 
solution Biondi-Heidenhain ne colore en bleu que le karyosome et 
colore le karyosome en rouge ou rouge orangé, ou même orange, 
suivant les proportions d’oxychromatine. 

Au début donc, dans le noyau des Xlossia, la chromatine est con- 
centrée dans le karyosome, et ne se trouve dans le karyoplasme 
qu'à un état de division extrême, ce karyoplasme renfermant sur- 
tout de l’oxychromatine. 

Le noyau des Ælossia ne reste pas longtemps conforme à ce type 
primilif, A mesure que la Coccidie grandit, son noyau subit des mo- 
difications, qui ont été jusqu'ici confondues par tous les auteurs 
avec des phénomènes de division, 

A. La première de ces modifications est la dégénérescence, la frag- 
mentation du karyosome en même temps que sa transformation en oxy- 
chromatine ; et le bourgeonnement de karyosomes primaires aux dépens 
du karyosome primitif. 

Le karyosome, formé d’abord d’une masse compacte sphérique 
de chromatine, s'accroît ; en même temps, il subit une transforma- 
tion totale de sa substance, qui se montre formée d’aréoles très pe- 
tites juxtaposées. Il ne cesse pas d’être fortement colorable par l’hé- 
matoxyline, le violet de gentiane et les colorants basiques; puis la 


chromatine est refoulée à la périphérie. Il se délimite, au centre,une 


1 On fait une solution dans les proportions suivantes : 


Bleu deméthylèna sal aqicong, areas 2 parties. 
Éosine. Sol. aq. à 1 pour 100........... Dies lesielels US 


On y place les coupes et on laisse environ douze heures à l’étuve (430 à 450). Puis 
on passe aux alcools. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 575 


cavité centrale, qui est remplie par une substance aréolaire peu colo- 
rable, quoique pas absolument achromatique ; la paroi elle-même 
peut présenter plusieurs types de structure : ou bien elle se montre 
formée de siries radiantes, que Schneider avait déjà décrites ; ou 
bien, elle est formée de chromatine amorphe; ou bien encore, il se 
délimite deux couches : une, interne, de chromatine amorphe ; 
l’autre, externe, plus épaisse, de chromatine à structure aréolaire. 

À ce moment peut apparaître dans la masse aréolaire centrale 
une vacuole ronde ou ovalaire, qui augmente progressivement et 
refoule toute la substance aréolaire centrale ; dans 
l’intérieur de cette vacuole se montrent des pro- 
duits de désassimilation, granules, bâtonnets sem- 
blables à des cristaux, etc. 

A ce stade se présente souvent un « micropyle », 
déjà indiqué par Schneider, 

En même temps se produit une transformation 


de la chromatine, qui ne se colore plus par l’hé- 


matoxyline, mais par la safranine, la fuchsine acide, 
l’éosine, et semble être, par conséquent, devenue Karyosomes en voie 

: de régression. 
de l’oxychromatine. 

En résumé, le nucléole est devenu une sphère creuse d’oxychro- 
matine, remplie de produits de désassimilation et pourvue d’un mi- 
cropyle. Plus tard, la paroi du karyosome devient irrégulière, se 
déchiquette, puis la masse entière se fragmente ; les produits restent 
dans le noyau pendant un certain temps, et finissent par perdre la 
propriété de se colorer. 

D'une façon concomitante avec cette dégénérescence du karyo- 
some se produit, aux dépens de ce karyosome, un bourgeonnement 
qui conduit à la formation d’autres karyosomes, qui s’accroissent 
également et subissent les mêmes transformations que le karyosome 
initial. Ce bourgeonnement du karyosome primaire, vu par Schnei- 
der et Mingazzini, avait été pris par ces auteurs pour le prélude de 
la formation des spores. En réalité, il n’en est rien, et tous les phé- 


576 ALPHONSE LABBÉ. 


nomènes que nous décrivons ici n’ont rien à voir avec la sporula- 
tion; ils se produisent pendant l'accroissement, chez toutes les 
Ælossia, et sont des phénomènes normaux. 

La plupart du temps, le bourgeonnement des karyosomes pri- 
maires se produit à l'intérieur de la sphère creuse, qui est le karyo- 
some initial; on voit de petites sphères, la plupart du temps pour- 
vues déjà d’une vacuole interne, qui prennent naissance sur les 
parois internes et finissent par sorür par le micropyle. Dans le 
karyoplasme, ils grandissent, acquièrent la même taille que le ka- 
ryosome initial, se fragmentent après avoir eux-mêmes bourgeonné 
d’autres karyosomes et dégénèrent. On peut voir souvent sept, huit, 
ou même un plus grand nombre de ces karyosomes dans le noyau 
des Ælossia. Parfois le bourgeonnement commence de bonne heure, 
alors que le karyosome inilial n’est encore qu’une masse compacte 
de chromatine. Du reste, les phénomènes que nous venons de re- 
later ne suivent pas toujours la même marche ; il y a de nombreuses 
différences de détail et les seules transformations à peu près con- 
stantes sont : 

La transformation du karyosome compact en une sphère creuse 
pourvue d’une paroi de chromatine et d’une vacuole interne rem- 
plie de granules ou de produits de destruction ; 

La transformation de la chromatine en oxychromatine ;- 

Le bourgeonnement d’autres karyosomes primaires aux dépens 
du karyosome initial ; 

La dégénérescence fragmentaire et finalement la dissolution des 
karyosomes primaires dans l’enchyléma. 

Tous ces phénomènes se produisent dans le noyau pendant l’ac- 
croissement de la Coccidie. 

B. Quelles sont les transformations du noyau pendant cette chro- 
matolyse du karyosome ? 

Il en est deux tout à fait générales : 

Disparition du réseau de chromatine des jeunes stades ; 


Irréqularité de la membrane nucléaire. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 577 


Le réseau de chromatine des jeunes stades d’abord très net, dis- 
paraît, le corps nucléaire prend une coloration plus ou moins homo- 
gène et il semble y avoir prédominance du suc nucléaire au détri- 
ment des éléments figurés. 

En même temps, et concurremment avec les phénomènes sui- 
vants, dont nous allons parler maintenant, le noyau devient irrégu- 
lier, prend une forme étoilée ou irrégulière, qu’on pourrait assimiler 
aux noyaux irréguliers des Grégarines!. 

C. Mais la série de phénomènes intranucléaires n’est pas bornée 
à Ceux qui viennent d'être décrits. 

Tandis que dégénèrent les karyosomes primaires, apparaissent 
sur les bords de la membrane nucléaire, qui est irrégulière et sou- 
vent comme déchiquetée, d’autres karyosomes, que nous nomme- 
rons karyosomes secondaires; ceux-ci sont petits, régulièrement ar- 
rondis, mesurent de 4 à 6 p et sont absolument basophiles. Leur 
substance compacte se colore violemment par l’hématoxyline, et 1ls 
sont appliqués étroitement contre la membrane nucléaire. 

En même temps, dans le corps même du noyau, apparaissent de 
très fines fibrilles de chromatine, pelotonnées, formant des files de 
granulations d’une délicatesse extrême, et, par suite, difficilement 
colorables. Ces fibrilles sont surtout nombreuses au centre du 
noyau, mais arrivent cependant jusqu aux karyosomes secondaires, 
qui semblent être intrafibrillaires. 

D. C’est lorsque le noyau est ainsi conslitué qu'apparaissent les 
phénomènes que je nommerai prémilotiques. 

A ce stade, le noyau est trèsirrégulier de forme, sa membrane est 
irrrégulière et déchiquetée ; appliqués contre cette membrane sontles 
karyosomes secondaires, fortement basophiles ; à l'intérieur du noyau 
sont de fins pelotons chromatiques, et, épars dans le noyau, se trou- 


vent des débris de karyosomes primaires plus ou moins dégénérés. 


1 On ne saurait trop remarquer l’analogie de ces processus avec ceux observés 
par Minchin dans les Grégarines des Holothuries; Bosanquet, dans les Monocysti- 
dées du Lombric, 


318 ALPHONSE LABBÉ. 


Les phénomènes prémitotiques consistent dans ce fait que la 
membrane nucléaire se rompt, une partie des éléments nucléaires 
(enchyléma et karyosomes secondaires) émigrent à la périphérie de 
la Coccidie, où ils forment une masse colorable plus ou moins irré- 
gulière, s'infiltrant dans les mailles du cytoplasme; tandis qu’au 
centre persiste une masse ronde ou ovoïde, à peine colorable, ren- 
fermant de nombreuses granulations, chromatine et hyalosome, en- 
tourée d’une zone étoilée d’enchyléma amorphe. 

Nous reviendrons sur ces phénomènes à propos de la sporula- 
tion (p. 598). 

E. Mais il nous faut voir quel sens il faut attribuer à cette struc- 
ture de noyau et à ces phénomènes intranucléaires du noyau de 
Klossia E’berthr. 

Tout d’abord, on peut considérer quelle ressemblance étrange 
existe entre les phénomènes nucléaires et les diverses structures nu- 
cléaires que nous venons d'étudier, avec celles qui se présentent 
dans l’œuf ovarien de nombreux animaux. 

Voici Born’, qui, dans la tache germinative de l’œuf ovarien du 
Triton, constate de même la position et la nature de «petits nu- 
cléoles » basophiles, étroitement appliqués contre la membrane, le 
mélange de la chromatine au suc nucléaire pendant la période d’ac- 
croissement de l'œuf; puis, plus tard, la formation de très délicats 
pelotons fibrillaires de chromatine au centre de l'œuf. 

Brauer!', chez l’Hydre, constate de même l'irrégularité de la vési- 
cule germinative, précédant la rupture et la dissolution de la mem- 
brane dans le plasma ; la fragmentation du grand nucléole ; l’appa- 
rition de nombreux petits nucléoles au voisinage de la membrane ; 
le peu de netteté du réseau chromatique fibnillaire. 


On pourrait citer, comme offrant les mêmes caractères, les vési- 


1 Born (G.), Die Siruklur des Keimbläschens im Ovarialei von Trilon læniatus 
(Arch. f. mikr. Anat., vol. LXIII, p. 1-79, pl. I-IV). 

? BRAUER (A.), Ueber die Entwicklung von Hydra (Zeilschr. f. Wiss. Zool., t. LIT, 
1891, p. 169-217, pl. IX-XII). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 919 
cules germinatives des œufs de Poissons et de Reptiles (Rauber); 
celles des œufs d’Insectes et de Phalangides {Henking}), et bien 
d’autres. 

Il suffit, du reste, de comparer les figures de Born, Brauer, Hen- 
king, etc., avec les nôtres, pour se convaincre de la similitude des 
transformations nucléaires. 

Nous verrons plus loin que cette similitude s’élend jusqu'aux 
phénomènes prémitotiques et mitotiques; nous pourrons même 
prononcer le mot d’homologie cytologique; et nous pouvons com- 
prendre les anciens auteurs (Leuckart, Schneider), qui, frappés de 
la ressemblance des Coccidies avec les œufs des Métazoaires, avaient 
dénommé ces parasites Psorospermies oviformes*. 

Que faut-il penser de toutes ces transformations, de ces bour- 
geonnements, de ces régressions nucléolaires, de tous ces phéno- 
mènes si complexes, qui s’élaborent dans les noyaux du Æossia et 
ont pour siège principal le nucléole, c’est-à-dire le karyosome pri- 
maire ? 

Pour Hæcker*, le nucléole est l’appareil excréteur de la cellule; 
ou plutôt les nucléoles sont les excreta de la cellule; ce sont des 
malières de rebut, d’où leur élimination au moment de la mitose. 
De l'étude des œufs de Vertébrés, de Copépodes, d'Échinodermes, 
Hæcker déduit la présence, dans le nucléole principal, de petites va- 
cuoles et d’une grosse vacuole, qui, chez les Échinides en particu- 
lier, joue le rôle d’un organe pulsatile et contient peut-être une 
sorte d'enzyme,; il assimile même cette vacuole avec la vésicule 
pulsatile des Protozoaires. Les nucléoles secondaires sont des corps 
inorganiques, des excreta du nucléole central. 


Tout autre est la théorie de Rhumbler *, Le nucléole des proto- 


1 Voir, sur ce sujet, SCHNEIDER (8 1 ), article Cyclospora. 

2 Harcxer, Das Keimbläschen, seine Elemente, und Lageveränderungen. II. Uber 
die Funktion der Haupinukleolus und über das aufsteigendes Keimbläschen (Arch. f. 
Mikr. Anat., t. XLII, 1893, p. 279-318, pl. XIX-XX). 

5 RauMBLer (L.), Uber Entstehung und Bedentung der in den Kernen vieler Prolo- 
zoen und im Keimbläschen von Metasoen vorkommenden Binnenkôürper (nukleolen) ; 


580 ALPHONSE LABBÉ. 


zoaires et des vésicules germinatives est une réserve nutritive (Æeser- 
vestoff). C'est un simple matériel de réserve, qu’il nomme Pinnen- 
kôürper, qu’il faut différencier des vrais nucléoles. L’auteur donne, 
du reste, les figures de Schneider sur le bourgeonnement nucléo- 
laire chez Ælossia E'berthi. 

Je crois qu'en considérant l'exposé des phénomènes nucléaires 
des Âlossia, il est possible de les interpréter, sans adopter les idées 
vraies, mais trop absolues de Hæcker ou de Rhumbler. 

Il faut noter que le karyosome unique, initial, est évidemment, au 
début, une réserve de chromatine, et, en grandissant, il absorbe cer- 
tainement toute la chromatine du noyau, puisque le réseau chro- 
matique disparait pendant sa croissance. Mais cette réserve chro- 
matique accumulée ne doit pas servir intégralement à la division ou 
à la sporulation, et la régression microchimique qui se produit, le 
bourgeonnement, la fragmentation en petits karyosomes qui se dis- 
solvent dans l’enchylema, l’indiquent bien. 

La chromatine vraie, celle qui doit fournir les chromosomes de Ia 
division, réapparaît sous la forme de karyosomes secondaires et 
de pelotons fibrillaires; mais tous les karyosomes primaires, à ce 
stade, ne sont plus que des excreta, des substances de rebut, que 
nous verrons plus tard éliminer avant la mitose. 

En résumé, il faut peut-être considérer le karyosome des Æossia 
comme une sorte d’organoïde, qui, au début, n’est qu’une réserve 
de chromatine, mais qui s’accroit peu à peu de tous les éléments 
excrétoires du noyau. En s’accroissant, il bourgeonne continuelle- 
ment d’autres karyosomes, qui jouent le même rôle et se dissolvent 
ensuite, pour la plupart, dans le suc nucléaire. La réapparition de la 
chromatine figurée (karyosomes secondaires, pelotons fibrillaires) 
précède la rupture de la membrane nucléaire, cette rupture, ainsi que 


la réduction chromatique, ayant pour but l’épuration du noyau ‘. 


Eine Theorie zur Erklärung der verschiedenartigen Gestalt dieser Gebilde (Zeitschr. f. 
Wiss. Zool., t. LVI, 1893, p. 328-364. pl. XVIII). 
* MiNGazzint (4) considère tout autrement le nucléole : « Il nucleolo, si pud 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 981 


NOYAU ET ÉVOLUTION NUCLÉAIRE CHEZ LES POLYPLASTIDÉES. — Cette 
structure et ces modifications nucléaires, que j'ai étudiées surtout 
chez Ælossia Eberthi, se retrouvent chez les autres Polyplastidées 
digéniques. 

Chez Klossia helicis, j'ai pu vérifier, après Wolters (94), la struc- 
ture du noyau jeune ‘, analogue à celle de Xlossia Eberthi. La dégé- 
nérescence nucléolaire, l’apparition des karyosomes secondaires, 
l’irrégularité de la membrane nucléaire, ont de même été con- 
statées. 

Chez les Minchinia, j'ai pu constater les mêmes,phénomènes ; 
chez ceux-ci, par la méthode de Benda, le karyosome primaire se 
colore violemment en rouge par la safranine, tandis que le licht- 
grün colore le reste du noyau en bleu ; à un stade plus avancé, on 
voit le noyau devenir déchiqueté, le karyosome se fragmenter et 
apparaître les karyosomes secondaires. 

L'évolution nucléaire et la structure du noyau sont donc les 
mêmes chez toutes les Coccidies polyplastidées digéniques et parais- 
sent se rapprocher des proliférations nucléolaires que Marshall * a 
décrites, chez les Grégarines, comme une division du noyau par 
morcellement de la chromatine. 

Chez les Polyplastidées monogéniques, en particulier chez les 
Pfeifferia, le noyau est très petit relativement à la masse totale de 
la Coccidie ; cependant, chez Pfeifferia gigantea et Pfeifferia Tritonis, 
on peut voir que le schéma nucléaire est encore le même : il y a 


un réseau nucléaire avec un gros karyosome. Plus tard, la chroma- 


considerare un serbatoio di sostanza cromalica, che si distribuisce durante i feno- 
meni di sporulazione (p. 38). » Cet auteur a bien constaté la vacuolisation et la 
fragmentation du nucléole, mais n'ayant pas trouvé de mitoses, il a interprété les 
phénomènes intranucléaires prémitotiques comme étant le prodrome de la sporula- 
tion même, 

1 Voir Wozrters, pl. VII, fig. 8, 13, 14, 16, 18. 

? MarsxaLL (W.-S.), Beilräge zur Kenniniss der Gregarinen (Arch. . Naturg., 
LIX, p. 25-45, pl.11, 1893).— Voir aussi les travaux de Mixcuin (Quart. Journ. Micr. 


sc., vol. XXXIV, p. 279-310) et de BosanquEeT (Même recueil, XXXIX, p. 421-133, 
1894). | 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — 3€ SÉRIE, = T, 1V. 1896. 38 


d8? ALPHONSE LABBÉ. 

üne se dissout dans le suc nucléaire et le karyosome dégénère en 
bourgeonnant des nucléoles secondaires, tandis que la membrane 
devient irrégulière. 

La figure 16 de la planche XIV montre un noyau de Pfeifferia gi- 
gantea dans lequel se trouvent les parties suivantes : une membrane 
régulièrement arrondie ; à l’intérieur, un gros corps arrondi qui 
semble être le noyau vrai, mais qui est plutôt le karyosome initial, 
dont presque toute la chromatine s’est réfugiée en une masse de 
chromatine amorphe; le reste du karyosome montre une sorte de 
reticulum chromatique. Entre le karyosome et la membrane, il n’y 
a que de l’enchylema : je pense qu’il s’agit encore là d’un karyo- 
some dont la régression serait un peu anormale. 

NOYAU DES COCCIDIES OLIGOPLASTIDÉES. — Chez celles-ci, le noÿau 
est très petit et ne prête guère à des études cytologiques. Cepen- 
dant, chez divers Coccidium, chez Diplospora et chez Bananella, on 
peut encore reconnaître un karyosome bourgeonnant des karyo- 
somes secondaires, l’irrégularité de la membrane, et même, dans 
quelques cas (Coccidium roscoviense), j'ai pu suivre la vacuolisation 
du karyosome, en tout comparable à celle du nucléole des Polyplas- 
idées, et même l’apparition contre la membrane, des karyosomes 
secondaires. 

En résumé, chez toutes les Coccidies, le noyau originairement 
normal *, c’est-à-dire constitué par un reticulum chromatique et 
un gros karyosome (nucléole chromatique), subit les mêmes trans- 
formations au cours du développement : ces transformations sont 
le bourgeonnement des karyosomes primaires aux dépens du karyo- 
some initial, qui s'accroît beaucoup; la régression microchimique 
de ces karyosomes, qui se dissolvent dans l’enchylema ; l'apparition 
de karyosomes secondaires formés de chromatine pure, tandis que 
la membrane nucléaire devient irrégulière et que reparaissent les 
tibrilles chromatiques qui avaient disparu pendant l’accroissement 
des karyosomes primaires. 

Mais tandis que chez les Polyplastidées, qui doivent fournir une 


ESP TT 


TS TE 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 283 


très grande quantité d'archéspores, le noyau est très grand (dépasse 
souvent 60 |) par rapport au plasma, chez les Oligoplastidées, qui 
fournissent très peu d'archéspores, le noyau reste petit. 

Nous étudierons plus loin comment un tel noyau peut dériver du 


noyau simple du sporozoîïte. 


CENTROSOME. 


Le centrosome n avait été vu jusqu'ici chez aucune Coccidie; j'ai 
pu reconnaitre sa présence à l’état de repos chez quelques espèces 
de grande taille : AXlossia Æberthi, Bananella Lacazei et Pfeifjeria 
gigantea. Il se présente sous l'aspect d’un ou deux corpuscules se 
colorant fortement par les réactifs nucléaires, placés dans une aire 
claire à côté du noyau : l’ensemble constitue un microcentre, mais 
je n’ai pu observer de radiations cytoplasmiques autour de ce mi- 


crocentre, en dehors des figures mitotiques. 


CAPSULE. 


La capsule, c’est-à-dire l'enveloppe qui protège toute Coccidie 
adulte, commence à apparaître lorsque celle-ci a atteint une taille 
suffisante. Chez les Polyplastidées, la capsule apparaît avant que la 
Cocecidie ait atteint son maximum de développement; chez les Oli- 
goplastidées, il n'en est pas de même, et la Coccidie ne s’accroit 
plus lorsque sa capsule s’est développée : la capsule commence à 
apparaître à la périphérie de la jeune Coccidie comme un très fin 
liséré, qui s’épaissit par places et finit par avoir un accroissement 
uniforme. La croissance de la capsule est concomitante avec le re- 
irait de la masse plasmique, qui se concentre plus ou moins au 
centre de cette capsule. 

La substance de la capsule ne présente pas les réactions de la 
cellulose. Elle ne donne pas de coloration bleue par l’action de la 
solution classique (iode, iodure de potassium et acide sulfurique), non 


plus que par l’action de l’iode et du chlorure de zinc. 


984 ALPHONSE LABBÉ. 


L'iode colore seulement la capsule en Jaune ou en jaune brun. 

La caractéristique de la capsule est sa grande résistance aux 
acides : acides chlorhydrique, sulfurique, nitrique ; eau de Javel, 
potasse, etc. Ces derniers réactifs, agissant à la longue, ramollissent 
cependant la capsule et la déforment, mais sans la dissoudre. 

Les réactifs colorants basiques la colorent fortement, surtout 
l’hématoxyline, le bleu de méthylène, même lorsqu'ils sont com- 
binés à d’autres substances colorantes. La safranine la colore en 
jaune orangé. 

Les réactions de la capsule des Coccidies la rapprochent plus de 
la chitine que de la cellulose ; il faut cependant noter que, chez les 
Chytridinées et les Champignons inférieurs, la « Pilzcellulose » ne 
présente plus les réactions de la cellulose vraie { et se comporte 
comme la capsule des Coccidies. 

Les anciens auteurs ont décrit des micropyles : il n’y a pas, dans 
les kystes de Coccidies, de micropyles au sens propre du mot, c'est- 
à-dire d'ouvertures faisant communiquer l'intérieur du kyste avec 
le milieu extérieur. 11 y a seulement dans beaucoup de cas, et cela 
sans aucune règle, des points de moindre résistance par où peut se 
faire la déhiscence et par où peut s'opérer la sortie des spores : ce 
sont de simples amincissements de la membrane capsulaire : ces 
pseudo-micropyles, sans doute destinés plus tard à devenir de vrais 
micropyles, apparaissent parfois chez les Piplospora. Chez les Cocci- 
dium à développement exogène, la capsule prend souvent une forme 
piriforme, et le micropyle se trouve à l’extrémité (pl. XVII, fig. 18, 
C. roscoviense). Il n’y a pas de micropyles chez les Polyplastidées et 
les Coccidies qui sont toute leur vie intracellulaires. 

Dans quelques cas, le kyste peut avoir une double capsule. Outre 
la capsule interne, résistante, il y a une deuxième enveloppe, mince, 


qui enveloppe le corps protoplasmique. 


1 D’après Gizson (la Ceilule, vol. XI, 1895, p. 7-15), il n’y aurait même plus de 
cellulose dans les Champignons, mais la membrane cellulaire serait formée d’une 
substance spéciale, la mycosine. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 589 


Gette deuxième enveloppe, décrite par Eimer dans l’Æimeria fal- 
cformis, existe chez beaucoup de Polyplastidées digéniques et mo- 
nogéniques. On n’en trouve jamais chez les Oligoplastidées. 

La forme et l'épaisseur de la capsule sont très variables. La cap- 
sule, très mince chez les espèces toute leur vie intracellulaires, 


devient très épaisse chez les Coccidies à développement exogène. 


RELATIONS DU PLASMA ET DE LA CAPSULE. 


Nous avons dit que, dès le premier moment de la formation de la 
capsule, le plasma se rétractait au centre de cette capsule. 

Chez les Polyplastidées, cette rétraction est souvent peu considé- 
rable, et il y a peu de distance entre le plasma et la capsule. 

Il n’en est pas de même chez les Oligoplastidées. Ici le plasma se 
rétracte au centre de la capsule, si bien qu’il y a souvent un inter- 
valle considérable ; il est des Coccidies (Diplospora, Coccidium) chez 
lesquelles la capsule mesurant 95 & de diamètre longitudinal, le 
plasma n’occupe que 14 ou 45 u. Dans ce cas, le plasma prend d’or- 
dinaire une forme régulièrement arrondie, sans se soucier de la 
forme de la capsule. [l est des cas dans lesquels le plasma prend une 
place déterminée dans la capsule : telle cette Coccidie du Zamna 
cornubica (pl. XVIL, fig. 4), qui occupe toujours l’un des pôles dans 
sa capsule cylindroïde, et ne mesure guère qu'une trentaine de p de 
diamètre dans une capsule longue de 70 1. 

Entre le plasma et la capsule se trouve interposé un liquide, dont 
la couleur blanchâtre particulière tranche parfaitement; mais je ne 
puis apporter aucun fait sur la nature de ce liquide. J’ai pu seule- 
ment le constater chez Coccidium Delagei, C. proprium, C. tenellum 
et quelques Coccidies piscicoles. Il est possible qu'il existe chez 
d’autres Coccidies. Ce liquide doit avoir une certaine importance 


dans la mécanique de la sporulation. 


986 ALPHONSE LABBÉ. 


TROISIÈME PARTIE. 


PHYSIOLOGIE ET REPRODUCTION DES COCCIDIES. 


Le sporozoite, mis en liberté, pénètre dansune cellule. Il s’arrondit, 
forme une Coccidie sphérique, qui se nourrit aux dépens de la cellule 
hôte, puis s’encapsule et se reproduit par sporulation donnant indi- 
rectement ou directement d'autres sporozoïles. Nous aurons donc à 
étudier successivement la pénétration du sporozoïte ; sa transforma- 
tion en Coccidie ; la physiologie de cette Coccidie (accroissement et 
nutrition) ; l’encapsulation et enfin la reproduction, soit par division 


intracellulaire, soit par sporulation. 


PÉNÉTRATION DU SPOROZOITE. 


Le sporozoïte, libre dans l'intestin de l’hôte par la déhiscence de la 
spore qui le contient, pénètre dans un épithélium ; il y pénètre en 
percant le plateau cuticulaire, soit au niveau d’une cellule, soit dans 
l'intervalle de deux cellules, à l’aide de son extrémité antérieure très 
effilée. 

Un premier fait doit être établi : le sporozoïte ne pénétre nullement 
l'épithélium à l'état amæboide, comme le croyaient les anciens auteurs, 
mais il y pénètre sans changer aucunement sa forme et ce n’est que 
consécutivement à la pénétration qu’il s’arrondit et devient « une 
psorospermie oviforme »,ronde ou ovoïde. De nombreuses prépara- 
tions nous ont rendu compte de ce fait, que le sporozoïte pénètre 
dans la cellule à l'état de sporozoïte. La figure 38 de la planche XVIII 
représente des sporozoîïtes de Pfeifferia Tritonis ayant pénétré dans 
l’épithélium de 7riton cristatus. Nous en voyons aussi planche XII, 
fig. 4, et planche XII, fig. 12. Les faits observés par les anciens 
auteurs, notamment Eimer, ne sont pourlant pas inexacts. Les spo- 
rozoïtes observés vivants sous le microscope, au bout d’un certain 
temps, peuvent présenter des mouvements amæboïdes, mais ce sont 


là des déformations agoniques qui n’ont rien à voir avec les phéno- 


RS CRE 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 987 


mènes normaux. /e n'ai jamais observé, à aucun stade, de phase amc- 
boide normale, dans le cycle d'une Coccidie. 

On peut se demander maintenant en vertu de quelle attraction un 
sporozoïte pénètre dans une cellule déterminée. Les infections expé- 
rimentales nous prouvent que des sporozoites d’une Coccidie ne 
pénètrent jamais que dans une même sorte de cellule du même ani- 
mal, Si ces sporozoïtes se trouvent dans un autre organe du même 
animal, ou dans le même organe d'un autre animal, ils meurent ou 
sont évacués. Il y a donc (nous insisterons plus loin sur ce fait) une 
immunité spéciale de l'hôte, déterminée par la spécificité du parasite. 

Nous avions déjà établi cette proposition pourles Hémosporidies et 
les Gymnosporidies (84). Nous avions de plus déterminé quelques 
substances exerçant une attraction chimio-tactique sur les Dreponi- 
dium : l'hémogiobine était une de ces substances. Nous avions vu 
également que le tigmotropisme, pour les Drepanidium, existait 
assez fortement, que ces hémosporidies pouvaient traverser les glo- 
bules ou les éviter. 

Nous sommes certains que la pénétration des sporozoïtes dans les 
épithéliums est due à une attraction chimio-tactique énergique. 

Voici un fait intéressant : 

Dans une préparation fraîche du contenu intestinal d’un Triton, se 
trouvaient des cellules épithéliales dissociées, des globules sanguins, 
des leucocytes et de très nombreux sporozoïtes de Pfeifferia Tritonis. 
Ceux-ci erraient dans la préparation avec ces mouvements hélicoï- 
daux si particuliers à ces organismes. Je pus en observer qui, rencon- 
trant des cellules épithéliales flottant dans le liquide intestinal, péné- 
trèrent dans l'intérieur de ces cellules, entre le noyau et la cuticule 
et y devinrent soudain immobiles ; d'autres se bornaient à traverser 
ces cellules. Leur manège était exactement celui des Drepanidium ou 
des Xaryolysus pénétrant dans une hématie de Grenouille ou de 
Lézard. Maïs voici un fait plus intéressant : certains, rencontrant des 
globules sanguins, les perçaient, les iraversaient à la façon des 


Drepanidium, sans toutefois s'y arrêter. 


588 ALPHONSE LABBE. 


Je fis alors la contre-partie de cette observation et fis parvenir des 
sporozoîtes de Pfeifjeria Tritonis dans une dissociation de cellules et 
d'hématies de Rana esculenta. Je ne pus observer aucun des phéno- 
mènes précédents et les sporozoïtes, au contraire, vécurent peu de 
temps. 

Je me borne à citer ces observations. Il y a évidemment dans le 
fait de la pénétration un complexe de forces cytotropiques et chimio- 
tropiques en même temps qu'une nécessité vitale. Cette nécessité vitale 
n'est pas seulement la nécessité de l’évolution qui dot avoir lieu 
dans la cellule ; c’est aussi la nécessité d'échapper à l’action toxique 
des sucs digestifs ou des humeurs organiques, où les hasards de lin- 
fection l’ont amené. Le sporozoïte qui n’a pu rencontrer la cellule- 
hôte qu'il doit habiter n’éprouve pas d’attraction parasitaire pour 
d’autres cellules, et par suite meurt fatalement. Il y a donc, pour que 
l'infection ait lieu, trois conditions : 

1° Que le sporozoïte soit mis en présence d’une cellule déterminée 
par les conditions de l'infection; 

2° Qu'il pénètre dans cette cellule; 

39 Qu'il s’y développe. 

Dans la partie biologique, nous étudierons plus spécialement ces 
questions. 


ACCROISSEMENT ET NUTRITION. 


Le parasite se place entre le noyau cellulaire et le plateau de la 
cellule ; son protoplasme, d’abord finement granuleux, se charge de 
matières de réserve, et il grandit rapidement. 

Comment se fait cet accroissement etcomment se fait la nutrition 
du parasite ? C’est là une question des plus complexes, et qui est 
d'autant plus difficile à résoudre que, dans l’état actuel de la science, 
les idées sur la nutrition de la cellule offrent encore une large part 
aux hypothèses et aux théories. 

Il paraît évident que le parasite extrait de la cellule-hôte toutes 


les substances nécessaires, les trie, les assimile, les transforme soit 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 589 


en cytoplasme différencié, soit en matériaux de réserve (granules 
plastiques, etc.). Mais ces substances mêmes sont-elles simplement 
des substances d’assimilation de la cellule-hôte ou bien est-ce le pro- 
toplasme même de la cellule-hôte qui sert à la nutrition du parasite ? 

La seconde opinion est celle qui est universellement adoptée: le 
parasite mangerait véritablement la cellule, d'où les noms de cyfo- 
phages, karyophages, monophages, polyphages, etc., qui encombrent 
la littérature. Mais cette opinion ne paraît pas soutenable, car le 
cytoplasme de la cellule-hôte n’est aucunement modifié par la pré- 
sence du parasite, et l’on voit très bien que le parasite s'accroît sans 
lui porter préjudice, le refoulant mécaniquement. 

J'ai souvent pensé que, peut-être, il y avait communication directe 
secondaire entre le cytoplasme cel- 
lulaire et celui du parasite ; chez ; 
les très jeunes stades, le parasite 
n’est séparé du protoplasme-hôte 
que pariune mince couche plus 
pâle"de protoplasme, dans laquelle 


il semble que l’on voit des traînées 


ou des radiations cytoplasmiques 
à l’entour de la membrane ; mais Fig. 2. 
je n’ai pu établir avec certitude que Stades jeunes de Pfeifferia Tritonis. 

les radiations cytoplasmiques de la cellule fussent en continuité 
avec le plasma du parasite, à travers la membrane, et très rapi- 
dement du reste, le parasite s’entoure d’une vacuole qui ne permet 
plus de communication entre les deux cellules. 

Il semble donc bien que le parasite puise par osmose dans la cellule- 
hôte les substances nécessaires à son accroissement. 

Ces substances ne seraient pas le cytoplasme même de la cellule- 
hôte ; il faut donc les chercher dans les substances nutritives qui 
servent à la cellule. Maislà encore, nous nous heurtons à de grosses 
difficultés. 


Supposons une cellule absorbant par dialyse ou de toute autre 


590 ALPHONSE LABBÉ. 


façon une substance nutritive liquide N. Comment se comporte-t-elle 
dans la cellule ? Si l’on suit les idées de Delage, «la nutrition cellu- 
laire doit se comprendre comme une succession graduée de triage 
par osmose, et de modifications chimiques par double réaction qui 
approchent progressivement la constitution du suc nutritif de celle 
des diverses parties qu'il doit nourrir, jusqu'à l’amener à l’iden- 
tité (p. 63) ». L’assimilation cellulaire se fait donc par « un proces- 
sus d’approximations progressives (p. 756) » et la substance N doit 
être très voisine des substances cytoplasmiques internes. 

Cette substance N donnera une certaine quantité de cytoplasme C 
et une certaine substance N,, qui ne sera pas employée. 

Puisque le parasite ne se nourrit pas du cytoplasme C, il devra 
absorber par osmose une certaine partie de la substance N. Mais 
comme sa constitution cytoplasmique est différente de celle de la 
cellule, il ne pourra absorber qu'une substance N,, empruntée à la 
fois à N et à N, ?, qui sera aussi proche que possible de sa constitu- 
tion cytoplasmique. 

Cette substance N, se divisera alors en trois parts : l’une, À, qui ser- 
vira à l'accroissement du parasite; l’autre, R, qui formera les matières 
de réserve ; une troisième, E, qui sera les excreta du parasite. 

Il résulte de cette explication que l'élément appelé à péricliter est 
le noyau de la cellule-hôte et non la cellule elle-même, puisque les 
éléments qui auraient servi à nourrir le noyau sont en partie acca- 
parés par le parasite ; l’expérience vérifie la réalité de ce fait. 

Je n’ai pas la prétention de donner cette explication de la nutri- 
tion du parasite comme réelle ; les réactions qui se passent sont 
certainement beaucoup plus compliquées, et je n’ai voulu donner 
qu'une tentative d'explication, qui m’a paru se rapprocher autant 


que possible des faits observés. 


1 DeLaGe (Yves), la Structure du protoplasma et les théories sur l'hérédité eë les 
grands problèmes de biologie générale, Paris, 1895. 

2 Si l’on suit les idées de GAULE, et en particulier son Principe d'économie cellu- 
laire, on peut penser que la substance N4, non utilisée par la cellule, doit l'être par 
le parasite (GauLE, Der Oekus der Zellen [Beiträge f. Physiol., 1887, p. 132]). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES, 591 


Nous pouvons maintenant étudier les trois éléments A, R et E. 

La substance A est l'élément d’accroissement cytoplasmique. 

La substance R est représentée par les matériaux de réserve et de 
sécrétion, produit du travail de la cellule parasitaire. 

Nous avons déjà étudié ces matériaux sous le nom de granules de 
réserve. Les granules plastiques sont les plus importants. Nous avons 
vu que leurs réactions les rapprochaient des substances albumi- 
noïdes. Mais on peut modifier leur nature. 

Voici une expérience qui le prouve : 

Expérience A1. — Une quinzaine de Cottus (C. bubalis et C. scor- 
pio) sont soumis au jeûne pendant environ quinze jours. Ces Pois- 
sons étaient infestés de Coccidium variabile Thélohan. D'autres 
Cottus, également infestés, sont placés dans un autre bac et nourris 
abondamment. Une dizaine des premiers Cottus furent ouverts au 
bout de quinze jours. Soumis à divers réactifs, les jeunes Goccidies 
initracellulaires montrèrent une réaction particulière. Sous l’action 
de l’iode, les granules plastiques prirent une coloration rouge brun 
ou plutôt brun-acajou caractéristique ; en ajoutant de l’acide sulfu- 
rique dilué, on obtient une coloration violacée. On sait que cette 
réaction est caractéristique du glycogène ; les granules n'avaient 
subi aucune modification de forme ni de taille. 

Les Cottes placés comme témoins ayant été ouverts, les Coccidies 
ne présentaient que les réactions ordinaires, c’est-à-dire la colora- 
tion en jaune des granules plastiques par l’iode. 

Expérience BP. — Plusieurs Triton cristatus, infestés de Coccidium 
proprium et de Pfeifferia Tritonis, sont soumis au jeûne pendant en- 
viron quinze jours. À l’autopsie, les Coccidies présentent les mêmes 
réactions de leurs granules plastiques. Les individus témoins pré- 
sentent les réactions normales. 

Voici donc un fait intéressant : les granules d’assimilation, sous 


l'influence directe ou indirecte du jeûne subi par l’hôte, ont subi 


1 Ces expériences ont été faites au laboratoire de Roscoff. 


592 ALPHONSE LABBÉ. 


une transformation; ces granules albuminoïdes se sont transformés 
en une substance, qui est peut-être du paraglycogène, voisin de la 
substance décrite par Bütschli chez les Grégarines (Zooamylum, de 
Maupas). Deux hypothèses se présentent : 

Ou bien les granules plastiques se transforment directement sans 
changer de forme ni de taille en granules de paraglycogène; 

Ou bien les granules plastiques se chargent de glycogène, comme 
les leucites des plantes de chlorophylle. 

Les granules de coccidine, ces substances de réserve, dont les ca- 
ractères nous paraissaient d’une fixité si grande, peuvent en tout 
cas se transformer en une substance paraglycogénique, peut-être 
par simple dédoublement. 

Un tel fait n'est pas pour nous surprendre après les travaux de 
Danilewsky et de Gautier sur les albumines. Par suite d’hydrata- 
tions successives et régulières, la molécule albuminoïde peut se 
désagréger ; les albuminoïdes absorbés par la cellule ont une très 
grande aptitude à se dédoubler en peptones ou hydrates de carbone. 
«IT est très probable, dit Gautier, que sous certaines influences, 
certaines aibumines subissent des changements isomériques ou 
moléculaires dans des cas pathologiques. » 

Je ne parle que pour mémoire des graisses, matières huileuses‘, 
granules de toutes sortes, pigments ?, qu'on trouve chez les Coc- 
cidies, en ayant déjà parlé dans la première partie de ce mé- 
moire. 1 

Reste à parler de la substance E: 

Chez les Chytridinées, nous avons des excreta matériellement vi- 
sibles; mais, chez les Sporozoaires, il n’en est pas de même. Il 
semble possible, cependant, que les pigments qu’on rencontre par- 
fois chez certaines Coccidies soient des produits de cette nature, 


puisqu'ils restent dans le reliquat. Mais nous pouvons insister ici 


Î J'ai déjà signalé la présence de gouttelettes huileuses et de glycogène chez 
d’autres Sporozoaires (Dactylosoma, Drepanidium, Karyolysus). 
* La mélanine des Gymnosporidies du sang rentre dans ce cadre. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 093 


sur le rôle que joue le noyau chez les Coccidies. Nous ne pouvons 
adopter complètement les idées de Hæcker, dont nous avons parlé à 
propos du noyau; mais, cependant, l'étude de l’évolution nucléaire 
et des phénomènes karyolytiques qui se passent dans le noyau 


semble indiquer la grande part prise par le noyau dans l’excrétion. 


ENCAPSULATION. 


Nous ne parlons que pour mémoire de la sécrétion de la capsule, 
bien qu'elle rentre dans la physiologie cellulaire en tant que phé- 
nomène de sécrétion. 

Arrivé à un certain stade, le parasite s’entoure d’une capsule dont 
nous avons étudié plus haut la formation et les réactions. 

L'encapsulation, qui se produit toujours au même moment chez 
les Oligoplastidées, qui peut se produire plus ou moins tôt dans la 
vie de la Coccidie chez les Polyplastidées, est une simple mesure de 
protection précédant la sporulation. Dès que la Coccidie est abritée 
par une capsule, elle perd toute relation avec les tissus de l'hôte, 
elle se nourrit et s'accroît parfois encore aux dépens de ses matières 
de réserve; mais, en général, la division du noyau et la sporulation 
ne lardent pas à se produire, et peut-être la théorie de Orr, qui 
veut voir dans des phénomènes asphyxiques la cause première de la 
division du noyau est-elle, en effet, une explication ou plutôt une 


des explications. 


MORT. 


Lorsque l’hôte meurt, le parasite meurt. C'est [à un fait très ca- 
ractéristique. Lorsqu'on observe les Coccidies, même enkystées, 
dans un animal mort depuis quelques heures, on observe que leur 
plasma est en dégénérescence ; j'ai pu facilement employer, à cet 
égard, la coloration de Rhumbler {vert de méthyle et éosine dans 
l'alcool à 90 degrés). Les Coccidies se colorent bien dans ce cas par 


le vert de méthyle. 


994 ALPHONSE LABBÉ. 


Si l’on place, d'autre part, des kystes de Coccidies vivantes dans 
des sucs digestifs où sont d’autres Coccidies mortes, les premières 
ne sont nullement attaquées, les secondes sont entièrement dis- 
soutes, sauf la cuticule. Il est intéressant de constater que Frenzel ‘ 
est arrivé au même résultat avec des parasites bien différents, des 
Nématodes, qui sont pourvus, eux aussi, d'une enveloppe chitineuse 
très forte. Ce résultat a porté Frenzel à admettre la présence d'un 
anlienzyme, qui serait sécrété par les parasites intestinaux, aussi bien 
que par les cellules intestinales. 

Les Coccidies mortes sont évidemment digérées par les sucs di- 
gestifs. Mais la mort, qui survient après la mort de l'hôte, est-elle 
produite par les substances toxiques ou nécrotiques, ou bien une 
simple conséquence de la cessation des relations physiologiques 
avec la cellule-hôte ? La première opinion semble admissible, puis- 
que, dans ce cas, les Coccidies meurent, qu'elles soient encore in- 
tracellulaires ou bien qu’elles soient déjà enveloppées d’une capsule 
protectrice et libres dans la cavité intestinale. 

La mort du parasite s’annonce par la dégénérescence graisseuse 
du plasma, dégénérescence qui, dans bien des cas, a été prise pour 
un phénomène d'évolution normale. 


REPRODUCTION. 


Une Coccidie se reproduit de deux façons : 

1° Par division intracellulaire, dans les tissus de l'hôte et avant 
que la capsule se soit formée; 

2° Par sporulation, lorsque la capsule s’est formée autour de la 
Coccidie adulte. 

DIVISIONS INTRACELLULAIRES. — Dans plusieurs notes préliminaires 
(93, 94), nous avons déjà indiqué‘ que les infections aiguës par les 


Coccidies étaient causées par une multiplication intracellulaire des 


‘ FrenzeL (J.), Die Verdauung lebenden Geweben und die Darmparasiten (Arch. f. 
Physiol., 1891, p. 293). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 595 


Coccidies, non encore enkystées, multiplication pouvant avoir des 
suites morbides graves pour l’hôte. Nous pouvons maintenant affir- 
mer que toute Coccidie peut se reproduire, dans tous les cas, à 
l’intérieur de l'hôte, par division, causant ainsi une autoinfection 
dans les cas où l'infection ne peut se produire que chez un autre 
hôte par les spores. 

Kloss (55), Klebs (59), Rivolta (32), avaient déjà vu des divisions 
intracellulaires des jeunes stades. Mais d’autres auteurs soutenaient 
que si l’on trouvait plusieurs Coccidies dans une même cellule, cela 
tenait à la pénétration de plusieurs sporozoïtes. 

Il n’en est pas ainsi. Un seul sporozoïte pénétrant dans une cel- 
lule peut donner naissance, après sa transformation en Goccidie, à 
un très grand nombre de Coccidies, la division se fait par mitose, et 
nous avons pu observer beaucoup d'exemples. Chez les Polyplasti- 
dées, Kloss (55), chez K lossia helicis, avait déjà constaté la divi- 
sion des stades intracellulaires. Les figures qu’il donne planche XVI, 
fig. 50, 52, 53, 54, sont 
très convaincantes. Ont 
décritdesdivisions, Klebs, 
chez Coccidium perforans ; 
Rivolta, chez C, tenellum 
et Pferfferia avium. Plus 
récemment, Raillet et 
Lucet! (9@), chez Cocc- 
dium truncatum, R. Pfeif- 
fer (92) et L. Pfeiffer (94), 
chez les Pfeifferia äu La- 
pin et C. perforans, ont 


Fig. 3. 
Coupe de foie de Patelle montrant deux Minchinia 
dont l’une s’est divisée en deux. 


pensé que le développement innombrable des Coccidies dans cer- 


tains organes tenait à des divisions intracellulaires. 


1 «Il semble qu’une multiplication de la Coccidie se soit produite sur place, 
les Coccidies (Coccidium truncatum) devenant polyédriques par compression réci- 
proque » (Raillet). 


996 ALPHONSE LABBÉ. 


Nous avons pu observer, dans de très nombreux cas, des divisions 
‘intracellulaires de Coccidies. 

Chez les Polyplastidées, Ælossia E'berthi (rarement), Alossia helicis 
et Minchinia nous ont montré des divisions intracellulaires. 

Notre planche XII montre des divisions intracellulaires chez Pfeif- 
feria Tritonis, Coccidium tenellum, Diplospora Lacazei, P feifferia prin- 
ceps, C. roscoviense. 

On peut donner ce procédé de reproduction comme absolument 
normal chez les Coccidies, et je n’ai Jamais trouvé de Coccidies sans 
trouver des stades de divisions. Parfois (Poulet, Chardonneret, Pin- 
son) l’animal infesié renferme quatre ou cinq Coccidies dans une 
même cellule. Parfois (P/feifferia princeps), la cellule infestée se dé- 
tend beaucoup (peut-être même se forme-t-il une membrane), et, 
dans une sorte de kyste, on trouve dix, douze, quinze Coccidies et 
plus, de tout âge. 

On conçoit, de cette façon, comment peut se faire l’autoinfection. 
Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. | 

Lorsque le sporozoïte a pénétré dans l’épithélium et qu'il s’est 
arrondi, la division peut se produire. On peut, en effet, trouver des 
divisions à tous les âges. 

Cette division est simple et se fait généralement suivant l’axe de la 
cellule. Mais il n’en est pas toujours ainsi (pl. XII, fig. 4), et la Coc- 
cidie, ne respectant guère les cloisons intercellulaires, peut parfois 
se diviser perpendiculairement au grand axe de la cellule. 

Le noyau se divise, et j'ai trouvé, dans tous les cas, que la divi- 
sion avait lieu par mitose. Les figures de la planche XII montrent 
quelques stades. En général, les chromosomes sont peu nom- 
breux, mais lefuseau est bien net. Je n’ai pu voir nettement les cen- 
trosomes. 

La division des stades intracellulaires est, comme nous le disions, 
un fait normal chez les Coccidies. 

Chez les autres Sporozoaires, nous avons pu observer que c'était 


également un fait ordinaire chez les Gymnosporidies (94), Chez les 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 997 


Grégarines, L. Pfeiffer a montré (94, 94) que les stades intra- 
cellulaires pouvaient se multiplier par division (C/epsidrina et Acti- 
nocephalus), et certaines figures de A. Schneider montrent, sans 
aucun doute, le même phénomène chez Séylorhynchus, encore que 
l’auteur croie plutôt à la pénétration dans une seule cellule de plu- 
sieurs sporozoïtes. Chez. les Myxosporidies, Thélohan a été amené à 
penser aussi à la division des jeunes masses plasmiques. 

Nous pouvons donc considérer la division pure et simple des 
.jeunes®stades comme un phénomène normal chez les Sporozoaires. 

Nous verrons plus loin que ce mode de reproduction peut expli- 
quer l’autoinfection ou plutôt la reproduction du parasite chez 
l’hôte. 

Coccidies géminées. — Chez quelques Coccidies, on a observé des 
formes géminées, c'est-à-dire qu’à côté de la Coccidie se trouve une 
deuxième Coccidie atrophiée, dans la même cellule. 

Balbiani (£'imeria bigemina), Süles et Raïillet (Coccidium bigemi- 
num), Schneider (Ælossia dimidiata), ont observé ce cas. 

Des observations de S$Stiles et Raïllet semble résulter que Coccr- 
dium bigeminum peut parfois être solitaire ; d'autre part, des recher- 
ches de Balbiani résulte que la Æ{/ossia dimidiata de Schneider est 
une Coccidie géminée, et que la Coccidie géminée ne résulte pas 
de l’entrée, dans une cellule, de deux sporozoïtes, mais bien de la 
division, dans une cellule, d’une seule Coccidie, l’une des Coccidies 
s'atrophiant, l’autre subissant l’évolution normale. 

Nous avons pu nous-même nous rendre compte de ce fait chez 
Coccidium bigeminum et chez une Coccidie parasite de l’Ammo- 
dytes tobianus (pl. XII, fig. 16). 

Un sporozoïte pénètre dans une cellule épithéliale, donne une 
Coccidie qui se divise : l’une des Coccidies, tournée vers le plateau 
de la cellule, subit l’évolution ordinaire ; l’autre, placée plus près 
du noyau de la cellule, s’atrophie, mais persiste longtemps à côté de 
l’autre : ordinairement les deux Coccidies sont situées dans la même 


enveloppe commune; mais la Coccidie normale se fait un kyste pour 


ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GEN, == 3€ SÉRIE. == T, IV, 1896, 39 


298 ALPHONSE LABBÉ. 


elle, ce qui donne deux capsules emboîtées l’une dans l’autre, l'exté- 
_rieure étant d'ordinaire la plus mince. 

Chez Coccidium bigeminum, du reste, il arrive de trouver des cas 
non géminés, Ce qui prouve que nous sommes en présence d'un fait, 


en somme, secondaire. 
SPORULATION. 


Le mode de reproduction normai des Coccidies est la sporulation. 


Cette sporulation diffère peu de celle des Grégarines, des Hémo- : 


Le noyau primitif du parasite se divise et donne un certain nombre 


sporidies et des Gymnosporidies. 


de noyaux secondaires, qui se portent à la surface; chaque noyau 
s’entoure d’une certaine quantité de protoplasme, et chacune de ces 
parties constitue ce que j'ai appelé une archéspore. Gette archéspore 
peut se transformer directement en un sporozoïte, ou bien devenir, 
par sécrétion d’enveloppes protectrices, une spore de forme déter- 
minée pour chaque espèce. La spore forme un certain nombre de 
sporozoiïtes : nous allons étudier séparément ces diverses phases de 
la sporulation. 

PnÉNOMÈNES PRÉMITOTIQUES. —— À, Rupture de la membrane nucléaire. 
— Lorsque le noyau va se diviser, la membrane nucléaire se rompt 
et disparaît. Le suc nucléaire s’infiltre alors dans les mailles cyto- 
plasmiques avoisinantes et l’aire nucléaire devient très irrégulière. 

J'ai constaté souvent que cette rupture semblait se faire par une 
sorte d’éclatement de la membrane. Celle-ci (pl. XV, fig. 14) se rompt 
souvent d'un seul côté, de telle sorte que la membrane persiste de 
l’autre. Quelles que soient les causes de cet éclatement, la mem- 
brane se dissout ensuite tout entière. ( 

Ce fait de. la disparition de la membrane, normal dans les cel- 
lules des Métazoaires, est tout à fait exceptionnel chez les Proto- 
zoaires où, dans tous les cas observés, on a constaté la persistance 
de la membrane pendant la mitose. Il est de quelque intérêt d’ob- 


server que, chez tous les Protozoaires, sauf les Sporozoaires, la mem- 


ER C 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 999 


brane nucléaire se conserve intacte pendant la mitose. Chez les Sporo- 
zoaires, la membrane disparaît avant la mitose, et les phénomènes 
karyokinétiques se passent dans un nucléocæle, au sens de Drüner 
et de Reincke. 

B. Réduction chromatique. — Après la rupture de la membrane se 
produit un fait, que j'ai pu observer chez Klossia Eberthi, et qui pré- 
sente un intérêt considérable. . 

Le noyau ayant perdu sa membrane se divise en deux parties : 
une grande partie des éléments chroma- 
tiques, en particulier les karyosomes pri- 
maires, une partie de l’enchylema et, sans 
doute, une partie des éléments chromati- 
ques, se séparent du reste des éléments 
nucléaires et, par infiltration à travers le 
reticulum plasmatique, se portent à la 
périphérie de la Coccidie, où ils persis- 
tent plus ou moins longtemps sous l'aspect 


d’une masse irrégulière fortement colo- 


rable et qui disparaît par la suite. 


Les éléments nucléaires restés au centre 


Fig. 4. 
forment une masse ronde ou ovalaire, Réduction chromatique chez 
Klossia Eberthi. 


dans laquelle on ne voit guère que de 
fins granules chromatiques et hyalosomes, le tout entouré d'une 
zone plus ou moins irrégulière d’enchylema. La figure 10, pl. XV, 
monire cette migration. Dans les figures 44, 15, 16, 17, on voit 
en g la masse chromatique émigrée (voir aussi la figure ci-dessus). 
Il arrive parfois que, pour cette séparation, le noyau initial s'est 
rapproché de la surface et, dans ce cas, les deux noyaux, ou plutôt 
les deux masses chromaliques sont très rapprochées l’une de l’autre. 
Dans beaucoup de cas, on peut suivre cette migration de la chro- 
maline,. 
Le karyosome initial, quand il a persisté, reste dans le cytlo- 


plasme, où il ne tarde pas à disparaitre. Quant à la masse chro- 


600 ALPHONSE LABBÉ. 


matique émigrée, elle forme souvent une saillie à la surface de ia 
Coccidie, et disparait rapidement pendant la mitose. 

Je n’ai pu observer ce phénomène que chez Ælossia E'berthi ; mais 
on peut penser, d'après certaines figures de Clarke (95, 4, pl. XXXI, 
fig. 43), qu'il en est ainsi chez d’autres Coccidies. 

Un fait analogue a été décrit par Wolters (94) chez les Grégarines 
(Monocystis magna); cet auteur a observé que le noyau se divise (?) 
en deux parties, dont l’une se porte à la périphérie et doit être assi- 
milée à un globule polaire, tandis que l’autre reste le noyau de la 
Grégarine. Ce phénomène précéderait la conjugaison des noyaux. 
Mingazzini (94, p. 66) a vu, chez les ZLankesteria, le fait suivant : le 
noyau « si porta alla periferia sulla parete e là si vede ancora ben 
distinto e modificante anche il protoplasma della Gregarina ». L’au- 
teur ajoute : « La causa di questo fenomeno non l'ho potuto tro- 
vare. » 

Les figures 104 et 105 de la planche IIT de cet auteur mon- 
irent, au centre du kyste, un noyau qui a rompu sa membrane, le 
karyosome se trouvant dans le cytoplasme ; à l’un des pôles, on voit 
un espace clair avec granules colorés. 

Nous pensons que tous ces faits répondent à une même série de 
phénomènes, et doivent trouver même explication. 

Mais doit-on penser tout de suite à l'expulsion d’un globule po- 
laire ? En réalité, je n’ai pu voir si réellement il y a scission plus ou 
moins égale du noyau primiüf. 

On a constaté, dès longtemps, que dans les œufs ovariens se pro- 
duit une diffusion de la chromatine à travers la paroi nucléaire. 
Cette réduction, observée par Blochmann et Lameere dans l'œuf 
ovarien de Camponotus ligniperda, par Balbiani chez les Géophiles, 
par Fol chez les Ascidies, par Weissmann et Ishikawa dans les œufs 


d'hiver des Daphnides; plus récemment, par Van Bambeke ! chez 


1 Van BAMBEKE, Contribution à l’histoire de la constitution de l'œuf. IL. Élimination 
d'éléments nucléaires dans l'œuf ovarien de Scorpæna scrofa (Archives de biologie, 
XIII, p. 89-129, pl. V-VI). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 601 


les Poissons, et Crety ! chez les Distomes, a été assimilée par Van 
Bambeke à une réduction karyogamique qui se ferait dans les œufs 
ovariens, et précéderait la phase de multiplication des produits 
sexuels. Pour Créty, ce ne serait qu'une métamorphose régressive 
de la chromatine qui, éliminée, se résorberait dans le vitellus. 

Mais, dans ces cas d'élimination chromatique, il ne se fait pas de 
rupture de membrane, et la chromatine d’ffuse à travers la mem- 
brane. 

Chez les Coccidies, il faut considérer cette division des éléments 
nucléaires non comme une division quantitative, puisqu'il n’y a pas 
mitose et partage égal de la chromatine, mais comme une sépara- 
tion qualitative, aboutissant à une épuration du noyau : ce noyau, 
pendant son accroissement, a absorbé, comme la vésicule germina- 
tive de l’œuf, beaucoup de substances inutiles, qui persistent comme 
excreta, des substances de réserve non utilisées, etc. Le phénomène 
que nous avons observé est donc une épuration du noyau, précédant 
la mitose, et ce qui le prouve, c'est la reconstitution du noyau qui 
entre alors en mitose. 

Mais alors, peut-être, au point de vue biologique, ne doit-on pas 
faire de difficultés à considérer cette chromatine éliminée comme 
un globule polaire, et cette épuration nucléaire comme une réduc- 
tion chromatique ? 

Il y aurait donc, chez les Coccidies (et aussi chez les Grégarines), 
une réduction chromatique précédant la sporulation, de même que, 
dans les œufs parthénogénétiques, l’expulsion du globule polaire 
unique précède la segmentation. 

Et il est intéressant de constater que la longue série de phéno- 
mènes nucléaires que nous avons comparés dans le noyau de la Coc- 
cidie et dans la vésicule germinative de l’œuf ovarien aboutit à une 


réduction chromatique, provenant d’une sporulation que nous pour- 


1 Créty (C.), Contribuzione alla conoscenza del!’ ovo ovarico (Ricerche f. n. Labor. 
d. Anat. norm. d. Univ. Roma, IV, 1895, p. 261-279, pl. I}. — Voir aussi MERTENS 
{ 4rchives de biologie, XIII, 1895, p. 389-422). 


602 ALPHONSE LABBÉ. 


rons comparer à la segmentation, en tant que processus Cyto- 
logique. | 

CG. Globules polaires de Schneider. — Chez Cyclospora glomericola, 
Schneider (84) avait signalé, au moment de la « disparition du 
noyau », l'apparition, à Chaque extrémité de la capsule, d’un corpus- 
cule brillant, arrondi, animé d’un léger mouvement de trépidation, 
qui n'existait pas avant ce moment. Ces corpuscules apparaîtraient 
au même moment que les globules polaires de l'œuf. Bütschli (82) 
assimile, de même que Schneider, ces corpuscules à des globules 


polaires. 


Fons: 
Kystes de Diplospora Lacazei montrant les globules polaires. 


Il nous a été donné d'observer ces corpuscules dans l’évolution 
de deux espèces : Miplospora Lacazei et C'occidium roscoviense. 

Chez Coccidium roscoviense, ces globules polaires se trouvent ordi- 
nairement placés près du pseudo-micropyle (pl. XVIL fig. 18), géné- 
ralement côte à côte; quelquefois cependant, il n’y en a qu’un à cette 
place et l’autre se trouve à l’autre extrémité du kyste. 

Chez Diplospora Lacazei, nous avons déjà relaté (93) la présence 
fréquente de globules polaires. 

Avant même la division du noyau, il se forme un petit soulèvement 
de la surface du plasma ; un petit granule brillant apparaît, restant 
accolé quelque temps à cette surface ; un deuxième granule se forme 
de la même façon. Lorsque la Coccidie s’est divisée et a formé ses 
deux spores, les granules sont orientés de façon à se trouver sur 


l'axe qui sépare les deux spores. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 603 


Rarement il n’y a qu’un granule; tantôt les deux granules sont 
accolés, tantôt ils sont aux pôles d’un même diamètre de la sphère 
capsulaire. 

Il serait très séduisant d'admettre une comparaison entre ces glo- 
bules et les globules polaires de l’œuf des Métazoaires. 

Malheureusement plusieurs raisons plaident contre une telle asst- 
milation. 

Tout d'abord, je n'ai pu découvrir aucune relation entre leur for- 
mation et un phénomène nucléaire. 

En second lieu, nous ne les avons observés que chez deux espèces 
de Coccidies (trois, en comptant Cyclospora glomericola). 

Enfin leur présence n’est pas constante. Nous avons eu des cultu- 
res des Drplospora provenant de plusieurs Passereaux (Liqurinuschloris, 
Anthus pratensis; Saxicola ænanthe, Galerida cristata) ; dans certaines 
cultures, fous les kystes présentaient des globules polaires, dans 
d’autres, pas un kyste n’en possédait. Nous avons fait la même re- 
marque pour Coccidium roscoviense. Il semble donc que l'apparition 
de ces globules dépende du milieu de culture et des conditions exté- 
rieures de la sporulation. 

De nouvelles recherches seraient nécessaires sur ce sujet, mais il 
ne me semble pas qu’on puisse homologuer l’apparition de ces glo- 
bules à celle des globules polaires, au moins dans l’état actuel de 
nos connaissances. 

Cela me paraît d'autant moins probable que les spores (et non. 
plus les kystes) de quelques espèces, en particulier d’Adelea ovata, 
présentent quelquefois des globules analogues” (pl. XVIIT, fig. 14). 

DIVISION MITOTIQUE DU NOYAU ET FORMATION DES ARCHÉSPORES. — Les 


travaux d'Henneguy et de Wolters ont établi la division mitotique 


? [l ne faut pas confondre ces globules avec les granules ou les plaques de Stieda. 
Les globules polaires de Schneider sont des granulations rondes, réfringentes, 
libres dans la cavité du kyste, souvent animées d’un mouvement brownien, tandis 
que les granules de Stieda sont de simples épaississements de l'extrémité antérieure 


de la spore. 


604 ALPHONSE LABBÉ. 


du noyau des Grégarines ; mais, chez les Coccidies, il n’en était pas 
ainsi ; et, sauf quelques indications de Thélohan, on ne connaissait 
pas, jusqu’en 1894, la division du noyau. | 

Schneider (84) avait constaté que, chez Cyclosporx glomeri- 
cola, « le trajet effectué par le champ nucléaire du centre à la péri- 
phérie fait involontairement penser à la migration ‘analogue de la 
tache germinative de l'œuf à maturité ». Dans un travail ulté- 
rieur (88), il avait décrit le bourgeonnement des « nucléolites » aux 
dépens du nucléole, chez Ælossia Eberthi, comme l'origine de la for- 
mation directe des noyaux des spores ! : ces nucléolites, mis en li- 
berté par la rupture de la membrane, gagneraient la superficie, où, 
en se divisant activement, ils formeraient des «noyaux en bretelle » 
ou en «os de grenouille », futurs noyaux des spores. 

Enfin, dans des travaux ultérieurs, il revient sur cette opinion (86) 
et admet, sans démonstration, que le noyau des Coccidies doit, sans 
doute, se diviser suivant le mode ordinaire. 

Pour Mingazzini (94), la membrane nucléaire de Klossia E'berthi 
se rompt, puis la substance chromatique se distribue en très 
petits granules qui seront les noyaux des spores ; il n’y aurait pas 
karyokynèse, mais division directe « per strozzamento ». Le nu- 
cléole est «un serbatoïo di sostanza cromatica, che si distribuisce 
durante i fenomeni di sporulazione (p. 38) ». Les nucléolites de 
Schneider ne peuvent, étant donné leur faible dimension, consti- 
tuer les noyaux des spores. La substance du nucleus forme, à la pé- 
riphérie, une zone hyaline, réfringente, irrégulière, avec des protu- 
bérances. On pourrait, du reste, attribuer à cette opinion celle que 
Mingazzini attribue à la deuxième opinion de Schneider : « Ancora 
pegziore dell’ affirmazione primitiva. » 

Aucun de ces auteurs n’a vu de véritable mitose. Thélohan en a 


figuré quelques phases (92) chez (oussia minuta et Coccidium gaste- 


roslei. 


1 MarsHaLr, chez les Grégarines, est tombé dans la même erreur. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 605 


Dans plusieurs notes, nous avons signalé l'existence de mitoses 
vraies chez les Coccidies et nous en avons figuré (93, pl. XVII). 

Plus récemment, Clarke (95) a donné des figures bien schémati- 
ques de mitoses chez des Coccidies. 

1° Polyplastidées digéniques. — Nous en sommes arrivé à un stade 
où le noyau se trouve réduit à une masse ovalaire renfermant de 
fines granulations, chromosomes et hyalosomes, entourée d’une 
zone irrégulière de suc nucléaire, diffusant plus ou moins dans le 
plasma (pl. XV, fig. 17). | 

Les chromosomes commencent à s’ordonner au centre de cet 
espace (pl. XVI, fig. 2), tandis que le reste de la substance nucléaire 
se retire autour d'eux; c’est alors qu’on voit se former un fuseau, 
soit de forme biconique (fig. 6-7), soit en tonnelet (fig. 8-9). Les 
chromosomes sont d'ordinaire très fins et très nombreux, et unis 
par de fines travées de linine. Les figures de la planche XVI repré- 
sentent diverses phases chez Ælossia FEberthi. 

On aboutit à un stade à deux noyaux (fig. 12-13). La division de 
même que le stade 2 se font sans doute très rapidement, car on 
trouve rarement ces stades; tandis que le stade à un noyau et le 
stade polynucléé sont les plus fréquents. 

On ne saurait trop remarquer l’homologie extrême existant entre 
les figures que nous donnons et celles d'Henking sur la segmenta- 
tion de l’œuf des Insectes et des Phalangides. La même homologie 
se retrouve dans les stades ultérieurs. 

Ces stades sont les suivants : 

Migration des noyaux à la périphérie au fur et à mesure de leur 
formation (fig. 44); 

Disposition et division de ces noyaux à la périphérie (fig. 45) ; 

Soulèvement du protoplasme autour de ces noyaux (fig. 16, 47); 

Enfin, isolement de la petite sphérule de protoplasme formée, qui 
n’est autre chose qu’une archéspore (fig. 18). 
| Les figures de la planche XVI sont suffisamment démonstratives 


pour qu'il nous soit inutile de les expliquer. 


606 ALPHONSE -LABBÉ. 


Nous avons réussi à retrouver des mitoses semblables dans la for- 
mation des archéspores chez Winchinia (pl. XVII fig. 3) et Ælossia 
helicis. 

2 Oligoplastidées. — Nous avons retrouvé des mitoses dans la spo- 
rulation de plusieurs Oligoplastidées. 

Nous avions antérieurement (93) suivi cette sporulation chez Coc- 
cidium Delagei. 

Chez Coccidium perforans (pl. XVII, fig. 12-15), le noyau donne un 
fuseau typique. Il se forme quaire noyaux, puis quatre soulèvements 
du protoplasme donnent quatre archéspores et un reliquat cystal. 

Chez Bananella Lacazei (fig. 23, 24) et la Goussia (?) du Lamna 
(fig. 4), nous avons des mitoses typiques avec centrosome très net 
et radiations. 

Nous avons, chez Diplospora Lacazei (pl. XVI, fig. 5-11), reproduit 
un certain nombre de phases de la division chez les Disporées. 

3° Polyplastidées monogéniques. — Chez les £'imeria, la division du 
noyau se produit simplement ; les noyaux émigrent à la périphérie, 
se placent d'ordinaire suivant l’équateur de la Coccidie, et le proto- 
plasma se segmente suivant les méridiens. 

Chez les Pfeifferia, la division du noyau donne de même de nom- 
breux noyaux périphériques ; mais nous trouvons là un dimorphisme 
dans la sporulation, que nous avons le premier signalé (94, b) et qui 
se rapproche du dimorphisme de sporulation des Hémosporidies 
(Karyolysus, Drepanidium). 

Lorsqu'il s’agit d’un Æyste & microsporozoites, les noyaux très pe- 
tits, massifs, groupés à la surface, ou suivant des dispositions irré- 
gulières (comme chez les Xlossia), s’entourent de protoplasme et 
donnent des prolongements filiformes, qui sont des sporozoïtes 
longs de 7 à 8 p. Naturellement, il persiste dans ce cas, au centre, 
une grande masse de protoplasma résiduel. Il peut y avoir une cen- 
taine de sporozoîïtes. 

S'il s’agit d'un kyste à macrosporozoïtes, les noyaux sont plus 


grands, moins compacts, et le protoplasme se divisant en profon- 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 607 


deur, donnent seulement une vingtaine de sporozoïtes, ayant 14 ou 
45 p., plus massifs, avec des granulations chromophiles ; il n’y a plus 
de reliquat. 

Ce dimorphisme, dont on peut suivre l’évolution, se fait aux dé- 
pens de Coccidies identiques au début, mais dans lesquelles se fait 
de bonne heure (peut-être par une différence de nutrition) une diffé- 
renciation des plasmas. 

Ce dimorphisme des sporozoïtes correspond-il à une question de 
sexe ? C'est ce que nous discuterons plus loin !, 

TRANSFORMATION DE L'ARCHÉSPORE EN SPORE. — L’archéspore, for- 
mée d’une simple sphérule de cytoplasme et d’un noyau de chroma- 
tine amorphe, se transforme directement en spore par la sécrétion 
successive de fdeux membranes : l’une, interne, “délicate, mince, 
accolée au cytoplasme, c’est l’endospore ; l’autre, externe, plus résis- 
tante, qui donne à laispore sa forme extérieure, c’est l'épispore. 

Forme des spores. — C’est l’épispore qui donne à la spore son 
aspect extérieur, et cette forme ne varie pas beaucoup. Générale- 
ment, la spore est ronde, ovalaire ou piriforme, et la forme est sou- 
vent caractéristique de l'espèce. Cependant chez beaucoup de Coc: 
cidium, chez une même espèce, la forme peut être indifféremment 
ovalaire ou pyriforme. Chez les; Pananella, la spore est arquée, avec 
deux extrémités plus étroites. 

Généralement, les spores des Coccidies sont dépourvues de ces 
appendices qui sont si nombreux et si variés chez les Grégarines. 
Cependant, dans le genre Minchinia, l'épispore (voir les figures ei- 
après) se prolonge par deux appendices'qui ne sont pas absolument 
rigides et qui,sont beaucoup plus longs que la spore elle-même. 

Les Crystallospora présentent une spore plus extraordinaire for- 
mée de deux pyramides'compliquées /(voirila description, p. 554), 
accolées par la base. Il serait très intéressant de suivre le dévelop- 
pement deïcette spore. 


1 ScHuBERG (9%) a retrouvé chez les Souris une Pfeifferia avec ce dimorphisme 
des sporozoïtes. Il pense à un dimorphisme sexuel. 


608 | ALPHONSE LABBÉ. 


Malheureusement, je n'ai trouvé que des stades adultes (pl. XVII, 
fig, 30-31). Un seul stade plus jeune a été rencontré (pl. XVIII, 
fig. 29). On y voit (assez mal du reste) qu'à ce stade l’épispore semble 
formé par deux troncs de cône ac- 
colés par la base. 

En résumé, chez les Coccidies, la 
forme des spores est peu variée et 
ne peut servir à des distinctions 
spécifiques, comme chez les Gréga- 
rines. 

Corpuscules de Stieda. — Ges cor- 
puscules ont été décrits pour la 
6] | première fois par Stieda (65, p. 134, 
| pl. I, fig. 8), dans les spores de 
Coccidium oviforme. Schuberg (95) 
les décrit comme une plaque réfrin- 
gente au pôle antérieur de la cap- 
sule. Thélohan (94, pl. XI!) les a dé- 
crits chez Coccidium variabilecomme 


de simples épaississements de l’é- 


pispore au pôle antérieur, tandis que 
Schuberg semble y voir des pro- 
ductions spéciales. 

Fig. 6. Je pense, comme Thélohan, que 
FE an ces prétendus corpuscules sont des 
épaississements de la capsule. Je.les ai observés dans de nom- 
breuses spores. Dans les spores des Bananella, ils sont très caracté- 
ristiques (pl. XVII, fig. 22). Ordinairement, ils se présentent plutôt 
comme une sorte de bourrelet circulaire, qui, en coupe optique, 
semble deux corpuscules réfringents. Il me paraît probable qu'ils 
correspondent à un point de moindre résistance pour la déhiscence 
de la spore, comme le montrent bien les spores des Goussra !. 


4 Il y aurait peut-être intérêt à étudier spécialement cette question en vue de 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 609 


FORMATION DES SPOROZOITES DANS LA SPORE. — 4° Polyplastidées digé- 
niques. — Nous avons étudié la formation des sporozoïtes chez Âlossia 
Eberthi. Voici les résultats que nous avons obtenus (pl. XVII, 
fig. 14-19). 

L’archéspore estformée d’une masse sphérique de cytoplasma gra- 
nuleux et d’une masse de chromatine amorphe représentant le noyau. 
Parfois cependant le noyau paraît formé de petites particules chro- 
matiques dissociées (fig. 2), mais il est plus probable que c’est là un 
stade précédant la division. Près du noyau apparaît très nettement, 
dans une aréole claire, un corps arrondi se colorant fortement par 
la safranine, et qui est certainement le centrosome ; ce centrosome 
est entouré d’un cercle de fines granulations. 

Puis, pendant que se forment l’épispore et l'endospore (l’épispore 
d’abord, ensuite l’endospore), le noyau se divise en trois, et donne 
les noyaux de trois sporozoïtes (parfois il y a quatre sporozoïtes dans 
les spores). 

Cette division du noyau que nous avons pu suivre est fort curieuse 
et ressemble fort à celle qu’on a observée dans les noyaux des Leu- 
cocytes. Le noyau semble d’abord se diviser en deux par étirement 
des extrémités : il semble donc y avoir division directe. Mais cette 
division est inégale et aboutit à l'apparition de deux noyaux inégaux 
(fig. 8, 9). La figure 10 montre deux noyaux égaux, mais il est pro- 
bable que c’est le cas où se formeront quatre sporozoïtes. 

Ensuite, le segment le plus grand se divise à son tour, et l'on a 
dans le noyau trois noyaux égaux. Pendant cette division qui semble 
une division directe inégale, une sorte de fragmentation, le rôle du 
centrosome est fort curieux. En effet, tandis que le noyau s’étire, 
formant une sorte de boyau aux deux extrémités renflées, le centro- 
some, primitivement unique, se divise à son tour et l’on voit dans 


l’aréole primitive deux centrosomes très nets (fig. 6, 7, 8, 9). Ce sys- 


bassimilation physiologique des corpuscules de Stieda avec les capsules polaires des 
spores des Myxosporidies. Mais ce n’est là qu’une idée très hypothétique sur 
laquelle je ne veux pas insister, 


610 ALPHONSE LABBÉ. 


tème centré se place tantôt au centre du demi-anneau formé par le 
noyau, tantôt à une des extrémités. Pendant cette évolution, on voit 
que le volume total du noyau, considéré par rapport à celui.du noyau 
de l’archéspore, est beaucoup plus considérable, et que sa trame est 
beaucoup plus conforme à celle d’un noyau ordinaire. Mais je n'ai 
pu voir aucune radiation autour du système centré. Il est vrai que 
l'extrême petitesse des spores (8 à 9 um) ne permet pas de voir d’aussi 
fins détails cytologiques. En tout cas, les modifications du noyau et 
le rôle du centrosome nous portent à croire que nous n'avons pas 
affaire à une simple fragmentation directe du noyau, et qu’une tech- 
nique plus habile pourrait mettre en relief des phénomènes mito- 
tiques se rapprochant des mitoses vraies. 

Quoi qu’il en soit, lorsque les trois noyaux sont formés (fig. 11), Le 
protoplasma se divise et donne trois sporozoïtes. II ÿ a souvent, mais 
non touiours un reliquat sporal. 

Chez les autres Polyplastidées, je n’ai pu suivre d'aussi près la for- 
mation des sporozoites. 

Chez Hyaloklossia, cependant, j’ai pu voir (pl. XVIIL, fig. 16-20) la 
segmentation de l’archéspore en deux à quatre parties qui s'orga- 
nisent en autant de sporozoîtes. 

2 Oligoplastidées. — J'ai pu suivre le développement des sporo- 
zoïtes dans la spore chez plusieurs Polyplastidées, entre autres chez 
Diplospora Lacazei, Coccidium perforans, Coccidium tenellum, Cocci: 
dium Delagei, Bananella Lacazei, etc. | 

Chez Coccidium Delagei, nous avons observé (93) ce qui suit. 
L'archéspore, de forme ovalaire, renferme un noyau qui se divise 
bientôt en deux. Mais ces deux noyaux sont orientés d’un seul côté 
de l’archéspore (oc. cit., pl. XVII, fig. 20), et l’archéspore, d’abord uni- 
formément granuleuse, montre des plasma inégalement réfringents 
de chaque côté de la ligne médiane. D'un côté bourgeonnent les 
sporozoïites, de l’autre persiste une plus ou moins grande quantité de 
plasma qui constituera le reliquat sporal. Les sporozoïtes se trou- 
vent disposés tête-bêche, ou tête à tête, suivant la maniere dont 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 611 
s'est produit le bourgeonnement : généralement, ce sont les têtes 
qui bourgeonnent les premières et qui, en s’accroissant en sens 
opposé, constituent deux sporozoïtes tête-bêche. 

Chez les autres Coccidium, le développement des sporozoïtes est 
identique. 

Chez Diplospora Lacazei, l’archéspore forme d’abord une épispore, 
piriforme, avec une partie polaire, réfringente, épaissie, qui repré- 
sente les corpuscules de Stieda ; l’endospore se forme plus tard. 

Le noyau de l’archéspore est arrondi, contient un karyosome for- 
tement colorable entouré d’une membrane nucléaire distincte 
(pl. XVIIE, fig. 32). Je n'ai pu voir là encore la division du noyau, 
mais on peut observer la formation de deux noyaux, puis de quatre. 
Autour de chacun se dessine une zone claire qui est l'indice de 
l'apparition du sporozoïle, et cette zone claire s'étend peu à peu 
(fig. 34-35). Le sporozoïte bourgeonne peu à peu en s’accroissant, 
tandis que diminue la zone granuleuse qui persistera comme reli- 
quat sporal. Ces sporozoïtes bourgeonnent deux à deux en sens 
inverse, de telle sorte que deux à deux sont opposées les extrémités 
antérieures qui constitueront les tétes des sporozoïtes. Il s'ensuit que 
_ lorsque le développement sera effectué, les sporozoïtes seront dis- 
posés deux à deux tête-bêche. Le reliquat sporal persiste au centre. 

Je n’ai figuré (pl. XVII) que quelques-uns de ces stades, mais j'ai 
pu constater tous les stades intermédiaires. 

Chez toutes les Oligoplastidées, le développement des sporozoiles 
consiste de même dans une sorte de bourgeonnement du sporozoïte 
à la surface du plasma sporal. 

D'une façon générale, il y a analogie entre la formation des arché- 
spores dans le kyste et la formation des sporozoïtes dans la spore. 

RELIQUAT sPORAL.— Il persiste souvent un reliquat sporal. Ce reli- 
quat est constant pour chaque espèce ; il est formé de protoplasme 
granuleux, qui se désagrège rapidement. 

Les mêmes questions se reproduisent pour ce reliquat que pour le 
reliquat cystal. Il semble de même que ce soit, non une matière de 


612 ALPHONSE LABBÉ. 


réserve, mais un vrai reliquat non utilisé, et sans aucun rôle phy- 
siologique. 

Parfois, dans les spores (pl. XVIIE, fig. 14), on trouve des granules 
homologues de ceux de Schneider dans les kystes. Nous en avons 
déjà parlé plus haut (p. 603). 

DÉHISCENCE Des spoREs. — Il n’est pas toujours facile de voir com- 
ment se fait la déhiscence des spores. Parfois la déhiscence a lieu 
par simple brisement des enveloppes. 

Chez les Goussia, l’épispore est divisée par une suture en deux 
parties, et la spore s'ouvre à deux valves pour laisser échapper les 
sporozoïtes (pl. XVIII, fig. 25-28). 1] en est de même chez les Barrous- 
sia (Schneider), et probablement aussi chez A delea ovata (fig. 15). 
Chez Crystallospora, les spores s’ouvrent à deux valves, et la ligne 
de déhiscence est indiquée par la surface de contact des deux pyra- 
mides (fig. 30). 

Chez les Minchinia (fig. 6, p. 608), on voit à l'extrémité supérieure 
de la spore, un peu latéralement un clapet 
véritable, qui peut s'ouvrir pour laisser pas- 
sage aux sporozoïtes. 

Chez beaucoup de Coccidies, entre autres 


chez les Coccidium, la spore s'ouvre simple- 


ment par éclatement de l’épispore et dans ce 


HOT jen | 2 
Spores d’Hyaloklossia CAS» il est très possible que les corpuscules 
en voie d’éclatement. 


de Slieda jouent un rôle physiologique, de 
même que les capsules polaires, dans l'éclatement de la spore des 
Myxosporidies. 

DIMORPHISME DES SPORES. — Chez ÂAlossia E'bherthi, seulement, on 
trouve un dimorphisme dans les spores, il y a des macrospores qui 
mesurent 15-20 L et des microspores qui mesurent seulement 8-9 p. 

Le dimorphisme des spores est plus fréquent chez les Grégarines 
(Monocystis du Lombric). 

IL est possible, mais non certain que ces différences de taille des 


spores, qui peuvent parfois s’observer dans un même kyste. (mais 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 613 


avec une localisation des deux sortes de spores) correspondent à un 
arrêt de développement. 

RELIQUAT CYsTAL. — Il y a souvent dans les Coccidies un reliquat 
Cystal. Chez les Oligoplastidées, il est ordinairement de forme régu- 
lière, arrondie, se creuse bientôt d’une vacuole et dégénère. Les 
grands reliquats de Coccidium Delagei et de C. proprium montrent 
bien cette dégénérescence. 

Chez les Polyplastidées, le reliquat est souvent très irrégulier, et 
sa forme n'est nullement caractéristique d’une même espèce. 

On doit considérer le reliquat cystal comme un reste de la sporu- 
lation et non comme une réserve nutritive servant à alimenter les 
spores pendant la formation des sporozoïtes. 


Fig. 7. Fig. 8. 
Kyste de Klossia Eberthi montrant Kyste avorté de Klossia. 
la forme irrégulière du reliquat. Au centre le reliquat. 


Les noyaux des archéspores sont 
seuls formés. 


SPORULATION TÉRATOLOGIQUE DES ÆZLOSSIA.— Chez Ælossia E'berthi, on 
ee certains kystes qui ont une apparence différente des autres. 

Eberth, le premier, les avait signalés : « Aus einem Kern, grô- 
beren und feineren Kôürnchen bestehende, an ihrer Oberfläche von 
feinen Haaren dicht bekleidete Zellen in einer strukturlosen feinen 
Hülle » (62, p. 397 et pl. XXXIIT, fig. 7). 

Schneider retrouva les mêmes kystes, qu’il figure (83, pl. IX, 
fig. 17). On voit, dans ces kystes, des amas granuleux, plus ou 


ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN.— 3€ SÉRIE, — T, IV. 1896, 40 


614 ALPHONSE LABBÉ. 


moins variés de forme, qui sont des reliquats, et « dont chacun est 


le point d'attache d'une infinité de prolongements minces et fili- 
formes, qui, les uns droits, les autres re- 


courbés, se terminent tous par une sorte 
de bouton renflé, qui n'est autre chose 
qu'un noyau. Chaque amas offre l’image 
de l’androcée d’une fleur à étamines in- 


définies ». Schneider les donne comme 


des formations cadavériques. 
Fig. 9. 


Mingazzini (84) voit dans ces kystes 
Pseudosporozoïtes d’un kyste ©) Jates 


avorté de Xlossia, attachés Je stade de Schwärmersporencysten des 


au reliquat. 


ÆKlossia, décrit ces fins prolongements 


comme des sporozoïtes se formant directement des archéspores. 

Dans une note récente (95), nous avons décrit ces kystes 
comme des états tératologi- 
ques. 

Si l’on considère ces-kystes, 
on voit que, outre la masse ou 
les masses granuleuses centra- 
les, se trouvent de nombreux 
filaments hyalins, renflés aux 
extrémités, qui, parfois libres 
dans le kyste,semblentun amas 
de spermatozoïdes (fig. 8), ou, 
d’autres fois, ressemblent aux 
figures de Schneïder, et sont 


fixés, immobiles, sur le reli- 


Big) 10, 7 2 000 Quai (889) 


Pseudosporozoïtes des kystes avortés Si l’on étudie leur structure, 


de Klossia Eberihi. ; : 
on voit que leur extrémité 


renflée est, en effet, un noyau. Si on étudie leur développement, 
on voit que ces noyaux se trouvent à la surface du plasma, comme 


les noyaux des archéspores, et que peu à peu le plasma se soulève 


53 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 615 


au-dessous d’eux, les refoulant, de telle sorte qu'ils sont portés par 
une tige plus ou moins longue (fig. 10). Lorsqu'ils sont libres, ces 
pseudosporozoïtes sont absolument immobiles. 

D’ordinaire, les kystes qui les renferment ne renferment que ces 
formations, et les noyaux des pseudosporozoïtes ne diffèrent des 
noyaux des archéspores que par 
leur très faible dimension. La 
figure montre un cas plus inté- 
ressant. Une partie du kyste 
s'est transformée en spores, eb 
chaque spore renferme déjà les 
irois noyaux des sporozoites. 
À l'extrémité du kyste se voitune ! | 
masse granuleuse ayec une cou- \ 
ronne superficielle de noyaux, 
et ces noyaux sont juste égaux 


à ceux des sporozoïtes des spo- 


res. Ces noyaux formeront au- 
tant de pseudo-sporozoïtes, qui, Fig. 11. 
morphologiquement et cytolo- Kyste de Klossia Eberthi. 
giquement, auront la valeur des sporozoïtes des spores, mais qui, 
fonctionnellement, ne seront pas des sporozoiïtes, 

Il n’y à aucun doute pour que ces pseudo-sporozoïtes, ces pré- 
tendus kystes à Schwärmersporen, soient des formations tératolo- 
giques ; mais il n’en reste pas moins acquis un fait intéressant, c'est 
qu un seul noyau de l'archéspore de Klossia K'berthi équivaut à 
trois sporozoïtes ou à trois noyaux de ces pseudo-sporozoïtes, ce 
qui nous donne l’explication du cycle des Monogéniques, 

STRUCTURE DES SPOROZOÏrES. — Le sporozoïte formé a toujours la 
même forme. C’est un petit organisme allongé, vermiforme, très 
mobile, et pour la motilité duquel nous pouvons renvoyer à nos 
travaux antérieurs sur les Hémosporidies (94). 

Si l’on met à part les sporozoïtes en épingle des Æ#habdospora 


616 ALPHONSE LABBÉ. 


(pl. XIV, fig. 21) ; les sporozoïtes des Goussra (pl. XVII, fig. 25, 26,27), 

qui sont très petits, filiformes, pourvus d’un noyau central, et de 
deux extrémités vivement colorables; les microsporozoïtes des 
Pfeifferia, très petits aussi, filiformes, ayant souvent un noyau ter- 
minal et extrêmement mobile, les sporozoïtes de la plupart des 
Coccidies peuvent se ramener à un petit organisme vermiforme, 
pourvu d’un noyau vésiculaire, souvent muni de vacuoles ou de gra- 
nulations qui se colorent vivement par les couleurs d’aniline et long 
de 14 à 20 p. À 

Le noyau est souvent une masse simple de chromatine, parfois 
formé de grains chromatiques dissociés, Il est mobile dans le plasma, 
ou plutôt il se trouve entraîné par les mouvements de l’endoplasme 
en divers points du corps. 

Nous n'avons pu déceler dans le plasma là présence de fibrilles 
myophaniques qui doivent exister (aussi bien que chez les Gréga- 
rines et les Hémosporidies) et disparaissent dans la suite du déve- 
loppement. 

Quant au dimorphisme des sporozoïtes chez les Pferfferia, nous 
en avons déjà parlé plus haut à propos de la sporulation dans ce 
genre. 

NOMBRE DES sPOROZOÏTES. — Le nombre des sporozoïtes varie beau- 
coup, il n’est jamais un chiffre normal comme chez les Grégarines. 
On peut remarquer que ce chiffre est assez variable chez les Poly- 
plastidées ; mais chez les Oligoplastidées et chez beaucoup de Poly- 
plastidées, le nombre des sporozoïtes est souvent deux ou un mul- 
tiple de deux. On sait que, chez les Grégarines, le nombre normal 
des sporozoïtes est de huit dans chaque spore. Chez les Coccidium, 
Goussia, Crystallospora, il y a deux sporozoïtes dans chacune des 
quatre spores, ce qui fait un total de huit sporozoïtes. Chez les 
Diplospora, il n’y à plus que deux spores, mais quatre sporozoïtes 
dans chacune ; le total est donc encore de huit sporozoïtes; donc, 
chez les Oligoplastidées, le chiffre total des sporozoïtes dans un kyste 
est le même que celui des sporozoïtes dans une spore de Gréga- 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 617 


rine. Il y à peut-être, dans ces chiffres, un enseignement inté- 
ressant. 


GÉNÉRALITÉS SUR LA SPORULATION. 


La sporulation peut être considérée comme le fractionnement : 
d'un individu adulte en un certain nombre de parties, qui repro- 
duiront directement ou indirectement un individu semblable au 
parent. 

Nous avons dit : un individu adulte. En effet, dans l'immense ma- 
jorité des cas, il en est ainsi, et, à la période d’accroissement suc- 
cède la période de reproduction. C'est le cas des Coccidies. Chez les 
Myxosporidies, nous trouvons l’exemple très différent d’un phéno- 
mène de reproduction (la genèse des spores) marchant de pair avec 
l'accroissement de l'organisme, et, dans un article récent!, nous 
avons homologué cette genèse des spores aux phénomènes de bour- 
geonnement endogène qui se produisent chez d'autres Protozoaires, 
en particulier chez les Acinétiens. 

On peut comparer la sporulation, en tant que phénomène physio- 
logique et cytologique, avec la segmentation de l’œuf, 

Nous trouvons, en effet, deux cas bien distincts : 

1° La simple division du noyau et du plasma. C'est le cas des Coc- 
cidies Oligoplastidées, dont le plasma se divise simplement en deux 
(Disporées), trois (Trisporées), ou quatre parties égales (Tétraspo- 
rées).iCe cas se reproduit chez nombre d’autres Protozoaires, chezles 
Péridiniens, chez les Phytoflagellés, chez les Colpodes, 

Cette simple segmentation est toujours précédée d’une concentra- 
tion du plasma; mais parfois (c’est le cas de Coccidium Delagei), il y 
a une orientation du plasma formatif des spores qui trouve sa con- 
clusion dans l'orientation des spores elles-mêmes. 

Le reliquat cystal, lorsqu'il existe, trouve son explication dans 
une orientation périphérique du plasma formatif, la partie centrale, 
véritable deutoplasme, ne prenant pas part à la division. 


1 Laspé, la Différencialion des organismes (Revue scientifique, 19 décembre 1896). 


618 ALPHONSE LABBÉ. 


2 Mais une segmentation tout à fait comparable à celle des œufs 
centrolécithes des Arthropodes se rencontre chez les Polyplastidées, 
où les noyaux, après divisions nombreuses, se portent à la péri- 
phérie, la segmentation ne survenant que plus tard. 

La sporulation se fait de cette façon chez les Grégarines, les Hé- 
mosporidies, les Gymnosporidies. Mais la généralité du phénomène 
apparaît mieux lorsqu'on considère la sporulation chez les Proto- 
phytes et Rhizopodes. 

Chez de nombreuses algues (Hydrodyction, Acetabularia, Bryop- 
sis, etc.), les noyaux se portent à la périphérie, puis le protoplasme 
se divise donnant des cellules qui se séparent et forment les z00- 
spores : il y a un reliquat central. Il en est de même chez les Vau- 
cheria, les Saprolégniacés, les Mucorinées, les Myxomycètes, qu'il y 
ait ou non de reliquat. 

Les Chytridinées et les Monadines présentent un intérêt spécial 
par leur parenté probable avec les Sporozoaires. Chez Pseudospora, 
par exemple, la couche plasmique superficielle s’éclaircit, se sépare 
du plasma central qui contient les ingesta, le noyau prolifère ; les 
noyaux résultants se portent à la surface, et il se forme autant de 
petits mamelons protoplasmiques qu'il se formera de zoospores. 
(Zop}, Dangeard). Chez les Protomonas,les Colpodella, ete,,c’est tou- 
jours le même processus. Nous pourrions multiplier les exemples. 

Le type de sporulation, que nous avons bien étudié chez les Æos- 
sia,est donc un phénomène très général chez les Protozoaires et les 
Protophytes ; et si l’on compare, d’autre part, l’ensemble de ces 
phénomènes avec ceux qui se passent dans la formation du blas- 
toderme des Arthropodes (Bobretzky, Henking, Blochmann, etc.), 
on ne peut s'empêcher de penser qu’à cette homologie de phéno- 
mènes cytologiques correspond sûrement une homologie de causes 


physiologiques ou plutôt biomécaniques*. 


1 Aimé SCHNEIDER, dans son beau travail surla Sporulation des Klossia (S%, p. 89) 
qui, à côté d’erreurs nombreuses, contient des faits bien observés, a émis dès 1883 
cette idée remarquable que les nécessités d'ordre physico-chimiques et mécaniques 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES, 619 


Gette division successive du noyau, non suivie de segmentation 
cellulaire ; cette migration des noyaux à la périphérie, correspondant 
à une séparation, non pas hypothétique mais réelle, des plasmas ; 
enfin, la formation tardive de cloisons cellulaires qui se forment 
perpendiculairement à la surface, les cloisons transversales ne se 
formant que beaucoup plus tard : tous ces phénomènes, quelle que 
soit leur résultante, ne peuvent trouver leur explication que dans 
une même cause biomécanique. 

Cette cause, il nous est difficile, dans l’état actuel de la science, 
de la trouver. Tout au plus pouvons-nous chercher des causes se- 
condes. 

J'ai déjà dit que la migration des noyaux correspondait à une 
différenciation des plasmas : les lois de O0. Hertwig‘ sont toujours 
applicables et nous en avons déjà fait antérieurement la remarque 
(93, p. 275). Mais ce ne sont pas des explications. 

Le protoplasma formatif se différencie bien par sa texture fine- 
ment granuleuse, parfois presque hyaline, et l'absence des matières 
de réserve qu’on trouve dans le proto- 
plasma nutritif. 

La place de ce protoplasma nutritif 
guide {esens de la segmentation. Lorsqu'il 
est polaire,comme chez Coccidium Delagei, 


les noyaux se portent tous à l’autre extré- 


mité. Lorsqu'il est central, comme chez D te 
, te . 
Coccidium proprium, les noyaux sont péri- Sporulation telolécithe acci- 
; | dentelle chez Pfeifferia Trilonis. 
phériques. Chez les Gymnosporidies (voir 


Labbé, 94), les noyaux peuvent être groupés en rosette, ou en éven- 
tail, ou se placer aux deux extrémités, suivant la position du plasma 


nutrilif. Lorsque ce deutoplasma est répandu également dans toute 


pouvaient imprimer à l’évolution de l’œuf, comme à l’évolution des Klossia, un tracé 
analogue, et qu’il fallait chercher dans les lois de la mécanique et non dans de vagues 
tendances héréditaires, une explication aux phénomènes de la sporulation. 

1 O0. HerTwiG, Welchen Einfluss ubt die Schwerkraft auf die Theilung der Zellen 
Jenaische Zeitschrift f. Nat., t. XVIII, 1885, p. 175 et suivantes). 


620 ALPHONSE LABBÉ. 


la cellule, la segmentation est totale et il n’y a pas de reliquat (œufs 
alécithes, certaines Goccidies). 

Le sporoblastème rubané ou irrégulier des Aossia et des Pfeifferia 
s'explique par une disposition irrégulière du deutoplasme, ce qui 
complique la migration centrifuge des noyaux et les groupe autour 
de plusieurs centres. 

Enfin, nous avons constaté dans la sporulation des Pfeifferia, et 
dans la formation des macro- et des microsporozoïtes, un dimor- 
phisme dans la segmentation qui correspond bien à la différence des 
plasmas ?. 

Après la migration et l'orientation des noyaux, le soulèvement du 
protoplasme autour d’eux, et la segmentation qui s'ensuit, est un 
phénomène aussi général chez les Protophytes que chez les Sporo- 
zoaires, et comparable à la segmentation des œufs des Arthropodes. 

Les spores avortées de Ælossia F'berthi ne sont qu’une exagéra- 
tion tératologique du même processus, et qui est proche parent de 
la formation des spores chez nombre de champignons. 

Quant à la formation tardive des cloisons entre les noyaux, nous 
ne pouvons encore en donner d'explication. Malgré les travaux de | 
Hertwig, Lœb, Demoor, Norman, sur les causes qui empêchent la 
segmentation cellulaire sans pour cela nuire à la division cellulaire, la 
cause première est encore à trouver, et nous ne pouvons que signaler 
ce manque d'explication qui laisse dans l’ombre non seulement 
beaucoup de faits embryogéniques, mais la formation des organes 
syncyliaux et, peut-être même, le passage du Protozoaire au Mé- 
tazoaire *. 


‘ Nous trouvons dans un travail de Dangeard une sporulation très comparable à 
celle des Klossia ou Pfeifferia chez Sphœrila endogena, parasite des Euglènes 
(DanGEarp, Mémoire sur les parasiles du noyau et du proloplasma (le Botaniste, 
10 janvier 1876, p. 199-249, 10 figures). 

2 On peut comparer avec les figures que FAMINTzZIN et VORONIN donnent de Cera- 
tium hydnoides (Mémoires de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, 7e série, 
vol. XX, n° 3, 3 planches). 

3 Voir LABBÉ, loc. cit. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 621 

D’après ce qui précède, la sporulation, considérée en tant que phé- 
nomène biomécanique etcytogénique, ne diffère pas de la segmenta- 
tion de l’œuf. 

Peut-être pourrait-on rapprocher de la même façon le processus 
entier de la sporogenèse et celui de l’évolution d’un Métazoaire 
quelconque. 

Voici un noyau ordinaire de Métazoaire, noyau biodyname qui 
devient gamodyname et est l’origine d’une cellule sexuelle 9. Que 
cette cellule soit fécondée ou que ce soit un œuf parthénogénétique, 
il se produit une réduction chromatique, puis une division du noyau, 
enfin prolifération de noyaux, et constitution d’un Métazoaire, dans 
lequel, de nouveau, un noyau biodyname deviendra gamodyÿname. 

Nous pouvons résumer de la même façon l’évolution d’une Volvo- 
cinée, par exemple. 

Prenons maintenant une Grégarine ou une Coccidie, Ælossia ou 
Monocystis. C'est d’abord un sporozoïte qui grandit, puis, après avoir 
subi ou non une conjugaison, s’enkyste. Il y a réduction chromati- 
que, division du noyau, prolifération de noyaux, peut-être même 
formation de nombreuses petites cellules à l’origine, indifférentes, 
les archéspores. 

A cet instant, on peut dire que le Sporozoaire passe par le stade 
Métazoaire. On peut voir dans nos planches (pl. XII, fig. 3, 5; 
pl. XVI, fig. 15-16 ; pl. XVII, fig. 3, 14, 16, 17) des figures qu'on 
pourrait absolument homologuer avec les jeunes stades embryon- 
naires de tel ou tel Métazoaire. | 

Mais tandis que le Métazoaire continue son évolution, que se pro- 
duisent les différenciations histologiques et organogéniques et que 
quelques-uns de ses noyaux seulement se transforment en noyaux 
gamodynames ; chez la Coccidie, tous les noyaux des archéspores 
deviennent gamodynames, et la phase polynucléée est extrêmement 
rapide. 

Tandis que, chez la Coccidie, nous voyons les processus sporo- 
gènes coudoyer l'ovogenèse, chez les Myxosporidies, où les noyaux 


622 ALPHONSE LABBÉ. 


ne deviennent que progressivement gamodynames, et où les phases 
de reproduction et d’accroissement coexistent, nous voyons la spo- 


rulation coudoyer le bourgeonnement. 


QUESTION DE LA SEXUALITÉ DES COCCIDIES. 


Nous avons vu que chez les Coccidies, la sporulation était précédée 
d’une réduction chromatique. Mais il ne semble pas qu'il y aït une 
conjugaison analogue à celle des Grégarines ou des Hémosporidies. 

Cependant cette question d'un phénomène sexuel au cours de 
l’évolution des Coccidies n’est pas absolument éclaircie. 

Nous avons vu, en effet, que chez les Pfeifferia il y avait des kystes 
à macrosporozoïtes et des kystes à microsporozoïtes. Nous avions 
émis l’idée, et Schuberg (95) avait eu la même opinion, que ce di- 
morphisme répondait peut-être à une différence sexuelle. Mais 
nous n’avons jamais pu observer, même par des procédés artificiels, 
de rapprochements sexuels entre les macro- et les microsporo- 
zoïtes. 

Les sporozoïtes des deux sortes errent dans le contenu intestinal, 
sans que j'aie Jamais pu observer de conjugaison, Cependant j'ai sou- 
vent remarqué que certains macrosporozoiïtes possédaient, outre le 
noyau normal qui se colore fortement par la safranine, une masse 
vivement colorable par l’hématoxyline, et qui se trouve tout près 
de l’extrémité antérieure du sporozoïte. Cette masse qui se colore 
de la même facon queles noyaux des microsporozoïtes épars dansles 
mêmes préparations, et qui est absolument de même grandeur, se 
trouve ordinairement assez rapprochée du noyau du sporozoite et, 
dans quelques cas, j'ai même observé qu'elle venait au contact du 
noyau. 

Les preuves malheureusement me manquent pour pouvoir affir- 
mer que cette deuxième masse, qui semble formée de chromatine, 
n'est autre que le noyau d’un microsporozoïte. 

Un autre fait est le suivant : on peut facilement observer la péné- 


tration dans l’épithélium, des macrosporozoïtes etleurtransformation 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 023 


en Coccidie; mais jamais je n’ai pu voir ce que devenaient les mi- 
crosporozoïtes. 

En résumé, de ce que nous savons de la conjugaison chez d’autres 
animaux, nous pouvons penser que le dimorphisme des sporozoîtes 
de Pfeifferia est peut-être d'origine sexuelle, que les macrosporo- 
zoïtes représentent l'élément femelle et les microsporozoïtes l’élé- 
ment mâle. Mais nous n'avons pu observer de conjugaison, et cette 
opinion, quelque plausible qu’elle soit, n’est pas prouvée t. 

Nous savons qu'il existe généralement une conjugaison, non plus 
des sporozoïtes, mais des stades adultes, chez les Grégarines. 

Un cas intermédiaire se trouve chez les Hémosporidies. En effet, 
chez Drepanridium et Karyolysus, on observe une conjugaison ; mais 
d'autre part, il y a des macrosporozoïtes et des microsporozoïtes, qui 
se développent isolément dans les globules sanguins, et il ne serait 
pas étonnant que les deux conjugués ne provinssent d’un macro- 


et d'un microsporozoite. 


QUATRIÈME PARTIE. 


BIOLOGIE DES COCCIDIES. 


Sous ce titre, nous réunissons un certain nombre de questions se 
rapportant à la biologie des Coccidies. Nous traitons les conditions 


d'habitat, les conditions de l’autoinfection, la question du dimor- 


1 Il est une observation de Podwissozky (95%) qui ne manque pas d'intérêt, bien 
qu’il m'ait été impossible dela contrôler, D’après cet auteur, les plus jeunes stades 
intracellulaires de Coccidium oviforme seraient, la plupart du temps, accompagnés 
d’un corps rond ou falciforme, d’autant plus net et d'autant plus grand que la Coc- 
cidie est plus jeune; ce corps se trouve dans la cavité qui entoure la Coccidie: il ne 
se colore ni par la safranine, ni par les autres colorants d’aniline, mais seulement en 
bleu vert par le picro-indigocarmin. IL disparaît par dégénérescence hyaline et n’est 
plus visible à côté des Coccidies plus âgées, remplies de granulations. Pour l’au- 
teur, ce serait un decidua de la Coccidie. e 

Est-ce là vraiment un decidua, ou ne serait-ce pas le reste d’une conjugaison entre 
deux sporozoïtes 

Jamais je n’ai pu retrouver ce corps énigmatique, et je ne puis, en conséquence, 
éclaircir le problème, ; 


624 ALPHONSE LABRÉ. 


phisme, les relations cytosymbhiotiques de l'hôte et du parasite, les 
variations ontogénétiques et phylogénétiques des Coccidies. 

Nous n'avons pas la prétention d'approfondir ces très graves ques- 
tions, et des recherches sont encore nécessaires dans cet ordre 
d'idées. Nous avons, du reste, laissé de côté plusieurs chapitres inté- 
ressants, notamment les conditions de l'infection et de l’immunité, 
puis l'étude anatomo-pathologique des coccidioses, sur lesquelles je 
n’ai pas encore de résultats assez complets et que je développerai 


dans un autre mémoire. 


HABITAT. 


Le tableau des hôtes, que nous avons ajouté à la première partie 
de ces recherches (p. 562-564), montre d’une façon très explicite 
que les Coccidies sont surtout des parasites de Vertébrés et qu’elles 
y représentent les Grégarines, qui sont, au contraire, des parasites 
d’'Invertébrés. 

Chez les Mammifères, on trouve surtout des Coccidium qui, par 
leurs caractères, se rapprochent de C. perforans. À ce type se rat- 
tache un Coccidium parfois observé dans l'intestin de l'Homme. Les 
animaux domestiques, le Cheval, les bestiaux, le Porc, le Mouton, la 
Chèvre, ont des Coccidium voisins du C. bigeminum, qu’on trouve 
surtout chez le Chat et le Chien. 

Les Chauves-souris offrent le Coccidium viride, qui, par ses carac- 
tères, se rapproche de C. tenellum, parasite des Oiseaux. Les petits 
Mammifères (Putois, Belette, Souris, Taupe, Hérisson, etc.) offrent 
des Goccidies très voisines du Coccidium perforans du Lapin. 

A côté de ces formes se trouvent des Pfeifferia, et c'est surtout la 
présence simultanée d’une P/eifferia et d’un Coccidium chez le Lapin 
qui a déterminé cette théorie du dimorphisme que nous étudierons 
plus loin. 

Chez les Oiseaux, nous trouvons aussi des Pfeifferia, maïs le plus 
souvent des Coccidium, qui, chez les Gallinacés de nos basses-cours, 
se rattachent à C. tenellum et, chez les Palmipèdes et Échassiers 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 625 


marins, se rapportent à une forme voisine, C. roscoviense. Les Pas- 
sereaux sont infestés par des Diplospora de variétés très nombreuses. 
De même que chez les Mammifères, les Coccidies sont très abon- 
dantes chez les Oiseaux. 

Les Æeptiles etles Amphibiens aquatiques présentent des Coccidium 
du type de C. Delagei (Cistudo) ou de C. proprium (Triton). Les Gre- 
nouilles possèdent deux formes, toutes deux très rares : Æyaloklossia 
Lieberkuhni et Molybdis (?\ Entzü. Les Tritons abritent même trois 
formes dans leur intestin : Coccidium proprium.(commun), Pfeif- 
feria Trilonis (assez rare) et Cytophaqus Tritonis [Acystis, Labbé), qui 
est une Gymnosporidie, mais qui se présente comme une petite 
Coccidie sans capsule à forme d’£'imeria. 

Les Lézards et les Couleuvres nous offrent deux Coccidies, para- 
sites des organes génitaux (Mingazzini): Gonobia Lacertæ et G. Co- 
lubri. 

Les Coccidies sont beaucoup plus rares dans ces groupes que chez 
les Vertébrés à sang chaud. 

En revanche, les Poissons nous offrent une très grande quantité 
d'espèces, se rapportant presque toutes au genre Goussia. Ici, de 
même que tous les Oiseaux d’une même volière sont infestés d’une 
même variété de Ziplospora Lacazei, de même tous les Poissons d’un 
même herbier sont infestés d’une même variété de Goussia variabilis. 
Parfois, chez une même espèce, comme la Motelle, on trouve trois 
Coccidies : Crystallospora Theloham, Goussia Motellæ et Rhabdospora 
Thelohant. ; 

Malgré la réserve que nous faisions au début, les Coccidies se 
trouvent aussi chez les Invertébrés. Chez les Mollusques, où l’on ne 
trouve pas de Grégarines, se rencontrent plusieurs formes de Klos- 
siées, surtout dans le rein et le foie. 

Les Arthropodes, les Myriapodes en particulier et, quelques rares 
Insectes nous montrent quelques Coccidies. Le ZLithobius héberge 
Adelea ovata, Bananella Lacazer et E'imeria Schneiderr. 

Mais, chez tous les autres Invertébrés, les Grégarines remplacent 


626 : ALPHONSE LABBÉ. 


les Coccidies, bien que chez la Nèpe, par exemple, nous trouvions 
plusieurs Grégarines accompagnant Barroussia ornata et Eimeria 


nepæ. 
SIÈGE DANS LES TISSUS. 


Nous savons déjà comment le parasite pénètre dans une cellule et 
comment il se place, dans cette cellule, entre le plateau cuticulaire 
et le noyau. Puis la Coccidie grandit, refoule le noyau et les cellules 
voisines. S'il s’agit de grandes cellules, telles que celles de l’épithé- 
lium intestinal des Vertébrés, on peut concevoir qu’une Coccidie 

| puisse rester toute sa vie dans 


cette cellule et y subir toute 
son évolution ; mais, s’il s’agit 
de Coccidies de grande taille 
comme les Xlossia ou Pfeifferia 
gigantea, et, d'autre part, d’un 
épithélium à cellules très petites 
comme celles de l'intestin des 
Seiches ou des Zamna, on peut 


comprendre facilement que ces 
Fig. 14, 


Coupe d’intestin de Motelle montrant 
- la place des kystes de Crystallospora. 


Coccidies soient forcées, pour 
accomplir leur évolution com- 
plète, de s’enfoncer dans la 
sous-muqueuse (voir pl. XII, fig. 20) en refoulant la basale. Dans 
ce cas, la Coccidie est entourée d’un second kyste de fibrilles et de 
cellules conjonctives, produit par le refoulement mécanique de ce 
tissu ; à ce stade, la Coccidie n’est plus intracellulaire, mais inter- 
cellulaire. Cela arrive aussi pour de petites Coccidies comme Cocci- 
dium roscoviense où Crystallospora Thelohani. La première, qui jusqu’à 
l'enkystement est tout à fait intracellulaire, peut, chez certains hôtes 
(C'haradrius cantianus, Tringa alpina), s'enfoncer dans la sous-mu- 
queuse des villosités (pl. XII, fig. 17). Accidentellement, le même 


fait se produit pour Coccidium tenellum. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 627 


Cette migration dans le tissu conjonctif sous-muqueux se produit 
surtout dans les cas où ont lieu des divisions intracellulaires nom- 
breuses. 

D'une facon générale, les Coccidies sont des parasites des épithé- 
Hums; ce sont des parasites monophages, qui ne passent jamais 
dans le tissu conjonctif que pour des causes mécaniques, au con- 
traire des Myxosporidies, qui sont polyphages. 

Ce sont toujours, au moins au début, des parasites du cytoplasme : 
des cytophages. Mais il est intéressant de constater que, dans cer- 
tains cas, une Coccidie peut devenir karyophage. C’est ce que mon- 
trent ces figures, où l’on voit, dans un cas | 
d'infection aiguë, des noyaux de cellules 
épithéliales de Triton infestés par Pfeifferia 


Tritonis. C'est là, du reste, un cas parti- 


culier. Il nous semble, en effet, à peu près 


Pis ts. 
certain qu'il n'existe pas jusqu'ici de pa- Pfeifferia Tritonis, stades intra’ 
et paranucléaires,. 


rasites exclusivement karyophages. Dans 
les noyaux de la Salamandre, on rencontre quelquefois le Karyo- 
phagqus Salamandræ de Steinhaus, qui se retrouve aussi dans le cyto- 
plasme. Sans parler de parasites énigmatiques, peu vraisemblables 
comme le Karyophagqus hominis, de Podwissozky, et le Micrococci- 
dium Salamandræ que Drüner! aurait trouvé dans les noyaux des 
cellules séminales de la Salamandre, nous avons constaté maintes 
fois que les Drepanidium du sang de la Grenouille peuvent fort bien 
pénétrer dans les noyaux des organes hématopoiétiques (Labbé, 94, 
pl. LE fig. 11). 

Dangeard ? a décrit récemment sous le nom de Te une 
Chytridinée, parasite du noyau des Amibes; mais cette Chytridinée 
existe vraisemblablement aussi dans le cytoplasme. Du reste, a priori, 


1 DRüNER (L.), Beiträge zur Kenniniss der Kern und Zellendegeneration und ihrer 
Ursache (Jenaische Zeitschr., vol. XX VIII, 1894, p. 295-325, pl. XX-XXI). 

2 DanGEeARD, Mémoire sur les parasites du noyau et du protoplasma (le Botamiste, 
40 janvier 1896, p. 199-249, 10 figures). 


628 ALPHONSE LABBÉ. 


on ne voit pas pourquoi le karyoplasme ne partagerait pas l'infection 

du cytoplasme. Seulement, la pénétration du noyau par le parasite 
est plus rare, parce qu'elle est plus difficile. De même que les Dre- 
panidium ne se logent jamais dans les noyaux des Hématies, mais 
dans ceux des leucocytes ou des phagocytes, de même les Nucleo- 
phaga pénètrent dans le noyau de l’Amibe, parce que ce noyau offre 
un abri plus sûr au parasite dans une cellule soumise à toutes les 
déformations de la marche pseudopodique. 

La Coccidie doit se développer dans un épithélium. En raison des 
conditions de l'infection, c’est l’épithélium intestinal qui est presque 
toujours attaqué. Jamais l'estomac des Vertébrés n’est attaqué, et, si 
l'on trouve parfois des kystes de Coccidies dans la cavité stomacale du 
Lapin, c'est, comme l’a très bien observé Raïillet, par suite d’une inges- 
tion et non d’un développement sur place. C’est surtout l'intestin qui 
est attaqué, l'intestin grêle chez les Vertébrés supérieurs, surtout la 
région duodénale, plus rarement le rectum. Chez les Sélaciens, c’est 
l'intestin et surtout l’intestin spiral ; chez les Seiches, toute la région 
du tube digestif depuis l’œsophage, mais particulièrement l'estomac 
et l'estomac spiral (ou plutôt le réservoir biliaire), 

Les glandes salivaires sont parfois infestées chez les Céphalo- 
podes ; de même les cæcums pyloriques chez les Téléostéens ; les 
glandes intestinales (plaques de Peyer, glandes de Lieberkühn) chez 
les Vertébrés supérieurs. 

Le foie est souvent infesté: chez le Lapin (Cocrihe oviforme) ; 
chez les Labres (Goussia Thelohani) ; chez la Sardine, l’Anchoïs, le 
Hareng (G. clupearum) ; chez l’Épinoche (Coccidium gasterostei) ; chez 
le Caranx (Goussia cruciata), la Tanche (G. minuta); enfin, chez quel- 
ques Mollusques (Ghiton, Trochus, Patelle) se trouvent, dans le foie, 
des Minchinia. 

Par ses rapports avec le cloaque, le rein est quelquefois infesté. 
Smith a décrit une £'imeria dans les canalicules rénaux de la Souris; 
Raillet a décrit Coccidium truncatum dans le rein de l’Oie. Chez la 


Grenouille, Ayaloklossia se développe aussi dans le rein, mais les 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 629 


kystes, très grands, se trouvent plutôt dans le tissu conjonctif qui 
entoure cet organe. Le rein des Mollusques abrite aussi de nom- 
breuses Xlossia. Enfin, dans les tubes de Malpighi des Glomeris, 
Schneider a trouvé l’£imeria nova. 

[ne semble pas, malgré deux observations, l’une de Liénaux (pou- 
mons du Chien), l’autre de Künstler et Pitres (plèvre de l'Homme), 
que les Coccidies puissent réellement pénétrer dans les poumons. 
Les observations qui montrent des Coccidies dans le mésentère 
soit du Poulet (Coccidium tenellum), soit des Céphalopodes (Xlossia 
Lberthi), ne semblent pas non plus exactes. Schneider a trouvé une 
Klossia dans le corps graisseux des Akis. 

En somme, les Coccidies se rencontrent dans le tube digestif et 
dans tous les organes qui en dépendent ; elles peuvent, de même, se 
trouver dans les reins. Enfin, dans trois cas, on a trouvé des Cocci- 
dies dans les organes génitaux: chez la Sardine, dans le testicule, 
Thélohan a trouvé Coccidium Sardinæ ; dans le testicule du Lézard et 
dans l’ovaire de la Couleuvre, Mingazzini a rencontré Gonobia Lacertæ 
et G. Colubri. Il serait très intéressant de voir si, dans quelques cas, 
la castration parasitaire ne serait pas produite. 

En général, le siège des Coccidies est électif pour tel ou tel organe, 
Mais cependant, on trouve, chez la Tanche, Goussia minuta aussi bien 
dans la rate que dans le foie et dans le rein. Les Rhabdospora, trouvés 
d’abord par Laguesse dans le pancréas, ont été rencontrés dans l'in- 
testin, le foie, la rate, le rein, même l'ovaire (Ablette, Vairon) et 
l’épithélium des branchies de divers Poissons. L’intestin du Maque-. 
reau héberge Goussia clupearum, qui habite également le foie de la 
Sardine et du Hareng. Une même Coccidie peut donc, parfois, mais 
non généralement, habiter des organes différents, soit chez un même 
hôte, soit dans des hôtes différents. 

Jamais on n’a rencontré de Coccidies dans la peau. L'examen de 
l'habitat des Coccidies nous montre bien, en outre, que, si, acciden- 
tellement, les Coccidies peuvent pénétrer dans le tissu conjonctf, 
c'est toujours en écartant les fibrilles et les cellules de ce tissu, et 


ARCH,. DE ZOOL. EXP, ET GÉNe — 9€ SÉRIE, — T. 1V, 1896. 41 


630 ALPHONSE LABBÉ. 


_ seulement après une phase d’accroissement dans un épithélium et 
par suite d’un trop grand développement. 

Jamais une Coccidie n'est parasite dans d’autres cellules que les 
cellules épithéliales. 

Nous avons étudié le siège des Coccidies dans les cellules et les 
tissus ; il nous reste à étudier l’action que ces parasites exercent sur 
ces cellules ou ces tissus. 

Nous verrons plus loin (cytosymbiose, p. 636) l’action du parasite 
sur la cellule-hôte. 

Il nous resterait à étudier l’action de ces parasites sur les organes 
eux-mêmes et sur l'organisme. Malheureusement, l'anatomie patho- 
logique des lésions causées dans les infections coccidiennes aiguës 
présente encore bien peu de matériaux. 

Thélohan a constaté la présence de tumeurs (?) chez la Tanche, 
peut-être causées par (Goussia minula ; le même auteur a étudié des 
néoplasmes (?) chez les Labres, peut-être causés par G. Thelohani. 

Les productions tumoriformes du foie du Lapin (Coccidium ovt- 
forme) ont été mieux étudiées; mais les auteurs ne s'entendent guère 
sur les néoplasies qui s’y trouvent et qui sont probablement dues à 
une cause toute mécanique, l’accroissement numérique des para- 
sites. Dans l'intestin du Lapin, le Coccidium perforans cause l'hyper- 
trophie des villosités et l'infiltration de la muqueuse, souvent une 
ectasie des tubes glandulaires (Pfeiffer, Baginsky) ; là encore, il n'y 
a probablement qu’une cause purement mécanique. 

Les coccidioses intestinales aiguës du Poulet et du Lapin, souvent 
mortelles, montrent l'intestin couvert de tachés blanchâtres, opaques, 
saillantes sur les muqueuses, et ces plaques, examinées au micro- 
scope, montrent une prolifération si formidable de Coccidies, que 
l’épithélium semble avoir disparu. 

Mais ces coccidioses aiguës sont rares et, en général, les cocci- 
dioses chroniques sont absolument dénuées d’action pathogène. 

Du reste, nous étudierons plus spécialement cette pathogénie des 


Coccidies dans un mémoire ultérieur. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 631 


L'AUTOINFECTION ET LE DIMORPHISME DES COCCIDIES. 


Dans un autre mémoire, nous traiterons spécialement des condi- 
tions de l'infection coccidienne, mais nous devons consacrer quel- 
ques pages à la question de l’autoinfection. 

La propagation de l'infection se fait par les spores et les kystes, 
qui sont évacués avec les fèces. Dans les espèces à développement 
exogène, comme la plupart des Coccidium, les Diplospora, etc., la 
sporulation se fait à l'extérieur de l'hôte, dans la terre humide ou 
dans l’eau; ceci explique qu'en mettant des kystes de Coccidies 
dans des verres de montre avec addition d'un peu de thymol ou 
d'acide chromique, ces kystes puissent entrer en sporulation. 

La propagation d'hôte à hôte se fait donc très simplement par l’air, 
les poussières de l’atmosphère ou l’eau. La contagion se fait toujours 
par l'intestin. Quant aux infections artificielles, elles se font très faci- 
lement par la simple ingestion des kystes. 

Les spores résistent très longtemps aux agents extérieurs, et j'ai 
retrouvé vivants, après plus d'un an, des kystes de Diplospora des- 
séchés. 

La propagation dépend, du reste, des conditions individuelles 
physiologiques de l'hôte, en même temps que des conditions spéci- 
fiques. Il y à une spécificité parasitaire très nette qui empêche, par 
exemple, que des Salamandres puissent être infestées avec des Coc- 
cidies du Triton, tandis que tous les Passereaux sont infestés par ; 
un même Diplospora. Le parasite ne peut vivre et évoluer, dans le 
cas normal, en dehors d’une cellule déterminée d’un hôte déter- 
miné. 

L’immunité de l’hôte crée la spécificité du parasite. 

Nous reviendrons, dans un autre mémoire, sur ces questions et 
des expériences qui leur sont relatives. La question est de savoir 
comment peut se faire la propagation de l'infection dans un même 
hôte, autrement dit l’autoinfection, 


632 ALPHONSE LABBÉ. 


En effet, l'infection par une Coccidie exogène ne peut se faire, chez 
un hôte déterminé, que si cet hôte avale de nouveau les kystes que 
lui ou ses congénères ont évacués et qui ont pu subir au dehors la 
sporulation. 

Ce cas se présente souvent. Raiïllet a bien observé des cas de copro- 
phagie, ou plutôt d’autocoprophagie chez le Lapin ; l'estomac de ces 
animaux est, en outre, toujours rempli de kystes provenant d’une 
ingestion récente. J'ai observé les mêmes procédés d’autoinfection 
chez les Passereaux. 

Mais ce procédé, s’il suffit à expliquer l’autoinfection dans les cas 
de coccèdiose chronique, ne peut expliquer l'énorme développement 
des Goccidies qui se produisent, notamment dans les cas de cocci- 
diose aiguë. 

C’est en vue d'expliquer l’autoinfection dans ces coccidioses que 
certains auteurs ont pensé à un dimorphisme, en vue duquel ils ont 
invoqué les cas où une Coccidie monogénique cohabite avec une 
Coccidie digénique. 

En 1891, R. Pfeiffer trouva, dans l'intestin de jeunes Lapins, une 
Coccidie à développement simple d’£'imerra (P/ferfferia princeps,nobis), 
causant une affection diarrhéique grave de ces animaux. Il émit l’idée 
ingénieuse que cette Coccidie était une forme évolutive de Coccidium 
perforans ; une même Coccidie pouvait avoir deux formes de déve- 
loppement : 

1° Un développement endogène simple (monogénique, nobis), pro- 
duisant l’autoinfection chez l'individu infesté par Schwærmersporen- 
Cysten ; 

% Un développement exogène à deux degrés (digénique, nobis), 
reproduisant l'infection chez d’autres individus par Dauersporen- 
cysten. 

La même année, Ludwig Pfeiffer, de Weimar, étendit cette théorie 
à toutes les Coccidies d’abord, à tous les Sporozoaires, sauf les Gré- 
garines, ensuite, bouleversant ainsi toute la classification. Karyo- 


phagus Salamandræ, Steinhaus, ne serait qu’une forme évolutive 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES, 633 

de Coccidium proprium >; E'imeria Schneïderi, d'Adelea ovata, etc. 

Tandis que, d'une part, Mingazzini, Schuberg, Podwissozky, 

J. Clarke et d’autres interprètent les faits suivant cette théorie, 

Aimé Schneider et nous-même à plusieurs reprises avons formulé 
des réserves. 

Tout d’abord, il faut convenir que cette théorie du dimorphisme 
est extrêmement séduisante et expliquerait bien des choses ; mais 
il est nécessaire de l’étudier de près, car, si elle était vraie, il fau- 
drait bouleverser toute la classi- 
fication des Coccidies et proba- i 
blement des Sporozoaires. Tout 
d’abord, voici deux formes dans 


[Se 


l'intestin : une £'meria ou une 
Pfeifferia et un Coccidium. Est-il 
possible de distinguer les jeunes 
stades ? Presque toujours. 

Dans tous les cas où j’ai rencon- 


tré ensemble une monogénique et 


une digénique, J'ai toujours pu Fig. 16. 
Cellules de l’épithélium intestinal de 


les distinguer l’une de l’autre. Il Triton parasitées. 

ya toujours, dès les plus jeunes 41. Coccidium proprium. 2. Pfeifferia Tritonis, 
stades, des différences sensibles, et la figure ci-contre, qui montre 
deux cellules de Triton infestées l’une d’une P/eifferia, l'autre d’un 
Coccidium, est typique. Naturellement, à partir des jeunes stades 
intracellulaires, l’évolution diffère de plus en plus, et l’on ne peut 
plus confondre les deux formes. Ces deux formes, en sporulant, 
donnent des sporozoïtes différents, et l’on peut se rendre facilement 
compte que le sporozoïte de la forme monogénique est différent 


cytologiquement de celui de la forme digénique. 
Donc, voici deux formes qui diffèrent depuis le premier stade 


jusqu’au dernier. Si l'on veut que ces deux formes dérivent d’une 
même espèce, il faut admettre que c’est le seul fait de leur cohabi- 


tation qui semble donner raison au dimorphisme. 


634 ALPHONSE LABBÉ. 


Or, cette cohabitation n'existe pas toujours. Autant Coccidium 
‘ perforans est commun chez le lapin, autant Pfeifferia princeps est 
rare chez ce même animal (je ne l’ai trouvé qu’une seule fois). 
Tandis qu'on rencontre fréquemment Coccidium proprium chez le 
Triton, je n’ai trouvé Pfeifferia Tritonis que chez les Tritons d’une 
seule mare des environs de Laval. Il est vrai que, dans cette mare, 
tous les Tritons étaient infestés, et un seul l'était aussi par Cocci- 
dium proprium ; chez les Passereaux, où DMeplospora Lacazei est 
extrêmement commun, Pfeifferia avium est très rare. 

On trouve parfaitement des animaux infestés avec une espèce 
monogénique sans qu'il y ait d'espèce digénique, et l’on ne com- 
prendrait guère cependant que l’une des formes vint sans l’autre. 

Certains auteurs ont argué d’une influence saisonnière. Mais, là 
encore, les faits sont opposés au dimorphisme. Chez le Z2thobrus, les 
Adelea ne se montrent pas seulement à l’automne, mais dès le 
printemps et toute l’année. L’£imeria ne se montre pas seulement 
au printemps. Chez le Triton, j'ai trouvé Pfeifferia Tritonis aussi bien 
au printemps qu'en automne, et, chez cet animal, Coccridium pro- 
prium est chronique. De ce que nous trouvons deux organismes 
d’un même groupe dans le même milieu, il ne s'ensuit pas que ce 
soit deux formes d’une même espèce. À ce compte, chez la Motelle, 
on en trouverait trois, toutes endogènes : Rhabdospora Thelohan:, 
Goussia Motellæ et Crystallospora Thelohani. Chez le Lithobius, on en 
trouverait aussi trois : Adelea ovata, E'imeria Schneider, Bananella 
Lacazei, c'est-à-dire une monogénique et deux digéniques, l’une 
polysporée, l’autre trisporée. 

Enfin, une dernière objection, beaucoup plus grave : 

J'ai tenté un certain nombre d’expériences pour essayer des in- 
fections expérimentales et voir si, chez un animal indemne, l'intro- 
duction d’une des formes ne produirait pas l'apparition de l’autre 
ou des deux formes ensemble. 

Je me suis placé autant que possible dans les conditions les meil- 
leures. J’ai expérimenté avec des Chardonnerets, des Pinsons, des 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 635 


Tritons, dont les fèces avaient été soigneusement examinées, qui 
étaient restés en observation pendant plusieurs jours, et qui avaient 
été mis, autant que possible, à l’abri de contagions accidentelles pos- 
sibles. Les infections expérimentales faites avec Diplospora Lacazer, 
Pfeifferia Tritonis et Coccidium proprium n'ont jamais donné que 
l'espèce inoculée, quel que fût le temps écoulé entre le moment 
de l’incubation et l’autopsie de l'animal. 

De tout ceci, il faudrait conclure que le dimorphisme n'existe pas 
chez les Coccidies. Mais ce serait peut-être trop s’avancer, et je crois 
qu'il est difficile de l’affirmer. Ce qu'on peut dire, c’est que les faits 
avancés par les partisans du dimorphisme ne sont pas exacts et que 
la démonstration du dimorphisme reste à faire. L'hypothèse d’un 
dimorphisme est assez séduisante pour qu’on ne la repousse pas 
d’une facon trop absolue; mais, tant que la preuve n’en sera pas 
faite, il faut se contenter des äonnées actuelles, qui cadrent mieux 
avec la réalité des faits. Je crois donc que, dans l’état actuel de nos 
connaissances, il vaut mieux séparer en genres et espèces les mono- 
géniques des digéniques, et si, plus tard, il se confirme que les uns 
sont des stades évolutifs des autres, il ne sera pas difficile de rema- 
nier la classification. 

Avec cette théorie du dimorphisme ne disparaît pas pour cela 
l'explication de l’autoinfection. 

Si l’on se reporte à ce que nous disions (p. 594) des divisions intra- 
cellulaires, on pourra se rendre compte que c’est dans ces divisions 
intracellulaires qu'est la clef de l’autoinfection. La Coccidie intra- 
cellulaire continuellement se divise, en donne d’autres qui pour- 
ront former des kystes, mais dont quelques-unes pourront de 
nouveau se diviser, sans que l’épithéllum de l'hôte cesse d’être 
infesté. C’est de cette façon que se transmet l'infection coccidienne 
chronique. A certains moments et sous certaines influences, une 
prolifération énorme des Coccidies intracellulaires peut donner lieu 
aux poussées de Coccidioses aiguës et occasionner des maladies 


diarrhéiques souvent très graves, surtout chez les animaux jeunes. 


636 ALPHONSE LABBÉ. 


LA CYTOSYMBIOSE. 


La biologie de la Coccidie, considérée en tant que parasite intra- 
cellulaire, dérive tout entière des propositions suivantes : 

Le parasite ne peut vivre que s'il est adapté au milieu dans 
lequel il vit. 

Le parasite est soumis aux mêmes lois d'adaptation que s’il vivait 
dans le milieu extérieur. Ce milieu extérieur est remplacé, pour lui, 
par le cytoplasme de l'hôte. 

Nous avons vu qu'une Coccidie intracellulaire avait son existence 
liée physiologiquement à celle de la cellule-hôte‘. L’assimilation du 
parasite est une dépendance absolue de celle de la cellule, et quelle 
que soit la part du chimisme cellulaire dans cette assimilation, on 
peut dire que la cellule et le parasite ont associé leurs processus 
vitaux. La cellule n’est guère, pour le parasite, qu'un vestibule nu- 
tritif. Jusqu’à la formation de la capsule, la Coccidie assimile, s’ac- 
croît, fabrique des matières de réserve, désassimile aux dépens des 
ingesta de la cellule-hôte; et, dans ces conditions, le parasitisme 
de la Goccidie est une symbiose nutritive ; l'association de la cellule 
et de la Coccidie, une cytosymbiose. 

Il y a réellement équilibre économique. La présence du parasite, 
tant que ses dimensions ne sont pas trop considérables, n’annihile 
nullement les fonctions nutritives et même reproductrices de la cel- 
lule, et ne gène en aucune façon les fonctions que cette cellule doit 
remplir dans l'organisme. 

Cela s’observe déjà bien dans les ceilules intestinales indifférentes, 
dont le cytoplasme est absolument de même structure dans les cel- 


lules parasitées que dans les cellules non infestées. 


1 Nous employons couramment les mots cellule-hôte et intracellulaire, au lieu de 
dire, ce qui serait préférable : cytoplasme-hôte et intracyloplasmique. La notion de 
cylosymbiose ou de parasilisme intracellulaire est, en effet, indépendante de la notion 
de cellule ; les Coccidies sont plutôt des parasites épithéliaux que des parasites de 
cellules épithéliales, et se préoccupent souvent fort peu des cloisons cellulaires. 
Il ne faut donc pas prendre le mot cellule-hôte dans le sens d’une individualité mor- 
phologique primitive, mais d’une individualité physiologique secondaire. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 637 


Dans les cellules rénales ou hépatiques, la sécrétion continue 
comme si le parasite n'existait pas. La figure ci-contre montre une 
coupe de foie de Chiton où se trouvent de jeunes Minchinia. On peut 
voir que les cellules parasites ne diffèrent en rien des cellules non 
parasitées. 

Dans le rein des Æelix, on peut observer de même des cellules 
ciliées remplies par des ÆVossia volumineux, et dans lesquelles les 
cils vibrent exactement comme 
dans une cellule normale. 

Ces faits justifient notre hy- 
pothèse d’une harmonie sym- 
biotique permettant au parasite 
de suivre le cours de son évo- 
lution, et à la cellule-hôte de 
continuer ses fonctions orga- 


niques. 


Lorsque le parasite grandit 
et que sa présence distend Îles Fig. 17. 
parois cellulaires, ces rapports Épithélium. de foie de Chiton renfermant 

de jeunes Minchinia. 

symbiotiques ne sont pas chan- 
gés, mais la cellule s’hypertrophie. L'accroissement mécanique du 
parasite n’est pas, du reste, la seule cause de cette hypertrophie. 
La cellule-hôte, en effet, doit puiser dans les milieux organiques une 
quantité nutritive N de plus en plus grande; elle travaille plus 
qu'une cellule ordinaire non parasitée, d’où surexcitation de l’ac- 
tivité vitale, et ce surcroît de travail se traduit par l’hypertrophie 
cellulaire et nucléaire. Mais l'hypertrophie nucléaire est bientôt 
suivie de l’atrophie relative, progressive, du noyau de la cellule. 
En effet, outre le refoulement vers la basale qu’occasionne l’accrois- 
sement considérable de la Coccidie, le noyau voit sa nutrition réduite 
par l'augmentation en volume du parasite. Au point de vue de l’éco- 
nomie cellulaire, la Coccidie a pris la place du noyau et profite, par 


sa situation entre le plateau cuticulaire et le noyau de la plus 


638 ALPHONSE LABBÉ. 


grande partie des substances nutritives qui devaient servir à la 
nutrition de ce noyau. Ce noyau, refoulé et anémié, se déforme, 
devient irrégulier, et, sans cesser d’avoir sa structure normale, 
marque une tendance à l'anémie. Vienne la Coccidie à disparaitre, 
le noyau reprend sa forme normale. Mais cette anémie nucléaire ne 
se produit que lorsque la Coccidie est déjà de grande taille, et j'ai 
vu des noyaux parfaitement normaux dans des cellules qui héber- 
geaient deux ou trois Coccidies, tandis que d’autres étaient hyper- 
trophiés. De l’ensemble de ces faits, nous pouvons conclure à un 
équilibre symbiotique. | 

Cet équilibre n’est pas établi du premier coup. Nous avons consi- 
déré, en effet, que la Coccidie était adaptée au milieu organique 
dans lequel elle vit, avec de simples relations de nutrition, Mais il 
y à, dans cette cytosymbiose, des relations plus complexes. 

En effet, si l’on met en présence deux cellules, on constate tou- 
jours entre elles des forces attractives ou répulsives qui varient 
suivant la nature de ces cellules l’une par rapport à l’autre : cyto- 
tropismes, attractions sexuelles, phénomènes phagocytaires. A pro- 
pos de la pénétration du sporozoïte, nous avions constaté que 
l'attraction du sporozoïte pour la cellule-hôte était due à un com- 
plexe de forces cytotropiques et chimiotropiques encore obscur, 
mais néanmoins réel, en même temps qu’à une nécessité vitale. La 
pénétration du sporozoïte est suivie immédiatement de la perte de 
la motilité, et, partant, ces forces cytotropiques ou chimiotropiques 
doivent être beaucoup diminuées; mais elles ne peuvent être en- 
tièrement annihilées. 

En second lieu, la cellule-hôte, comme toute cellule, doit avoir 
un pouvoir phagocytaire, c’est-à-dire chercher à digérer les parti- 
cules solides, vivantes ou non, qui ont pénétré dans son cytoplasme; 
c'est là une propriété générale des cellules. 

Les premières phases de la pénétration des sporozoïtes rendent 
compte de ces actions complexes. Dès que le sporozoïte est entré 


dans la cellule, il s’arrondit, et autour de lui se différencie une zone 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 639 


plus claire (p. 589, fig. 2), qui bientôt devient une vacuole. C’est 
une vraie vacuole alimentaire créée par la cellule autour du para- 
site. Il y a donc, dans cette vacuole, sécrétion d’un liquide alimen- 
taire, un enzyme quelconque, auquel le parasite, qui ne paraît 
aucunement gêné par cette action, réagit par la sécrétion d’un an- 
tienzyme. On peut voir que la neutralisation de cet enzyme par cet 
antienzyme nous reporte encore à un équilibre cytosymbiotiquet. 

Quoi qu’il en soit de ces diverses actions, on peut dire qu’elles se 
neutralisent par suite d’adaptations et d'accommodations qui varient 
dans chaque parasite et dans chaque hôte. 

Le parasitisme intracellulaire des Coccidies est une cytosymbiose?, 
une association harmonique résultant de la neutralisation des forces 
cytotropiques, chimiotropiques et phagocytaires, et permettant la 
régularité des échanges nutritifs entre une cellule et le parasite qui 
habite. 

Ces idées expliquent quelle est la nécessité, pour une même Coc- 
cidie, d’abriter les premiers stades ou même la totalité de son évolu- 
tion dans une même cellule-hôte. Cette cytosymbiose est une asso- 
ciation nécessaire pour le parasite. De là résulte une spécificité 
parasitaire qui résulte de l'adaptation du parasite à la cellule-hôte. 
De là résulte aussi la difficulté de constituer à une Coccidie un 
milieu vital qui réalise les conditions de la cytosymbiose ei, par 
suite, la difficulté des cultures *. 

Mais la spécificité parasitaire résulte aussi de l'adaptation de la 
cellule-hôte au parasite. Cette double adaptation ne s’est pas faite 


1 La capsule des Coccidies n’est pas une mesure de protection contre le pouvoir 
phagocytaire des cellules, puisqu'elle ne se forme que très tard dans la vie de la 
Coccidie, et seulement avant la sporulation. C’est une mesure de protection contre 
les liquides des cavités organiques ou les agents extérieurs ; et cette capsule n’in- 
tervient que lorsque la Coccidie va quitter l’épithélium. Chez les Coccidies qui sont 
toute leur vie intracellulaires, la capsule est toujours très mince. 

2 Nous disons cytosymbiose par abréviation de cyfozoosymbiose, de même que 
Hémosporidies par abréviation de Hémocytosporidies. 

3 On peut naturellement cultiver des kystes déjà formés et les faire évoluer en 
spores et sporozoïtes. Mais ces sporozoïtes ne peuvent recommencer le cycle qu’à 
la condition d’être introduits chez l'hôte où ils peuvent se développer. 


640 | ALPHONSE LABBÉ. 


brusquement, et nous verrons, dans le chapitre suivant, comment 
elle a pu se faire phylogénétiquement. 

Au début, il y a eu lutte, et cette lutte a persisté jusqu’à ce que la 
symbiose se soit établie et qu'il se soit produit une adaptation réci- 
proque de l'hôte et du parasite. Si le parasite est adapté à un hôte, 
la pénétration du sporozoïte se fait, et, d'autre part, si l'hôte est 
adapté à ce parasite, la résistance de l’hôte est moins grande. De là 
résultent la possibilité de l'infection ou l’immunité. 

Comme l’a très bien dit Mingazzini!, la lutte entre deux orga- 
nismes ne peut exister que si l’un cherche à devenir parasite de 
l'autre, et il y a lutte tant qu'ils ne se sont pas modifiés tous les 
deux, l’un pour donner l'hospitalité, l’autre pour la recevoir. 

Mais, lorsque l'infection est possible, c’est que l’adaptation est 
faite et que la cytosymbiose est créée. 

Dans ce cas, détruire l’équilibre physiologique de la cellule n'est 
pas fortifier celui de la Coccidie, mais, au contraire, le détruire. 

Toutes les altérations fonctionnelles de l'hôte ont pour résultat 
l’affaiblissement du parasite. 

Et, à ce point de vue, le parasite fait réellement partie de la cel- 
lule-hôte, non comme un corps étranger, non plus comme un organe, 
mais comme un organoide, et sa vie physiologique est liée à celle de 


la cellule, comme celle d’un Vebenkern. 


LA VARIATION PHYLOGÉNÉTIQUE CHEZ LES COCCIDIES, 


L'étude des relations de la Coccidie avec la cellule-hôte nous a 
amené à cette conclusion que les deux organismes étaient adaptés 
à la vie commune et que, sans cette adaptation, l'infection et, par 
suite, la cytosymbiose ne pouvaient exister. 

Mais nous ajoutions que la spéciticité parasitaire, conséquence de 


1 Nous ne saurions trop approuver les vues intéressantes que P. Mingazzini a 
publiées sur le parasitisme, bien que cet auteur n’ait pas toujours raison en ce qui 
concerne la non-importance de la phagocytose (Rec. Fatt. Univ. Roma, IT, fasc. 8, 
1893). 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 641 


l'adaptation, n'existait que dans l’ontogénie et que, phylogénéti- 
quement, elle n’existait pas. 

La variation spécifique étant fonction d’une adaptation à d’autres 
conditions de vie, et cette variation ne pouvant avoir lieu que d'une 
façon lente et continue, il nous faut voir quelles peuvent être les 
conditions des variations individuelles et ces variations elles-mêmes 
et voir si l'étude de ces variations ne pourrait pas nous donner des 
indications sur la phylogenèse des Coccidies. 

I. — L'étude spécifique des Coccidies montre que les variations 
individuelles sont assez nombreuses chez une même espèce pour 
que la classification soit assez difficile. Etudions tout d’abord ces 
variations et cherchons à quelles causes on peut les attribuer. 

Les variations cytoplasmiques et nucléaires sont bien difficiles à 
apprécier. De ce que certains stades intracellulaires de Coccidium 
tenellum, par exemple, sont colorés en vert, ou jaune verdâtre, ou 
vert noirâtre, tandis que, chez d’autres, le protoplasme est clair ou 
grisâtre; de ce que les granules plastiques d'une Coccidie peuvent 
varier de taille, de grandeur et surtout de composition chimique 
sous l'influence de la nutrition de l’hôte, nous pouvons conclure que 
les variations plasmatiques d’une Coccidie sont fonction de l’état physto- 
logique de l'hôte. 

Plus appréciables sont les variations capsulaires et il est facile de 
voir que ces variations se produisent pendant le stade intracellulaire. 
À l’origine, la capsule se moule sur le cytoplasme de la cellule-hôte. 
Chez les Coccidies piscicoles, dont toute l’évolution est intracellu- 
laire, la capsule est toujours mince et subit, de même que celle des 
Pfeifferia, de nombreuses modifications de forme. Nous avons déjà 
vu qu’un bon nombre de Coccidium (C. perforans, C. oviforme, C. te- 
nellum, C. viride, etc.) avaient au moins trois formes capsulaires 
différentes; chez C. Delagei et C. proprium, nous trouvons deux 


formes capsulaires fondamentales". 


1 J'ai pensé qu'il serait intéressant d'étudier les variations capsulaires d’une même 
espèce de Coccidium chez un très grand nombre d'hôtes, de façon à établir une 


642 ALPHONSE LABBÉ. 


Une bonne part des conditions ultérieures de la sporulation est 
déterminée par l'influence de la nutrition de l'hôte sur les stades 
intracellulaires. Nous avons déjà vu que, chez les Pfeifferia, la dis- 
tinction des kystes à macrosporozoïtes et à microsporozoïtes se des- 
sine de bonne heure, que les premiers sont riches en granules 
plastiques et ont un abondant cytoplasme, que les seconds n'ont 
qu'un cytoplasme pauvre, vacuolaire, avec de très petits granules 
plastiques ; qu'avant même la division du 
noyau, chacun d'eux était en quelque sorte 
prédestiné à fournir soit l’une, soit l’autre 
sorte de sporozoîtes. 

Il en est de même chez Ælossia E'berthi, qui 
peuvent fournir des macrospores et des mi- 
crospores. 

Chez les Coccidies à développement exogène, 


il peut se produire de nombreuses anomales 


dans la forme et le nombre des spores. Cela 


Fig. 49. dépend du milieu extérieur où la sporulaton 


Spore disporée de Cocci- 


s'effectue ; artificiellement, on peut obtenir des 
dium tenellum. 


spores anormales ou avortées avec des milieux 
de culture spéciaux. J'ai ainsi obtenu des Coccidium perforans à 
deux et trois spores, des C. tenellum à deux spores, des C. proprium 
à deux spores! et trois spores. 


courbe de variations comme celle de Galton: maïs ici les conditions particulières 
de l’hôte jouent un rôle trop important pour qu’on puisse les négliger, et ces condi- 
tions spéciales enlèvent aux résultats une partie de leur valeur. Les chiffres que j’ai 
ainsi obtenus chez quelques espèces (Coccidium perforans, Diplospora Lacazei, Coc- 
cidium roscoviense) n’offrent donc pas un réel intérêt. 

1 Les Coccidium proprium dont il s’agit se trouvaient dans l'intestin d’un jeune 
Triton cristatus encore pourvus de branchies externes que j'avais voulu adapter à 
l’eau de mer ; le Triton y vécut fort bien environ trois semaines ; lorsque je le tuai, 
il vivait depuis quelques jours dans l’eau de mer pure ; il avait grandi et avait perdu 
ses branchies externes. A l’autopsie, je trouvai de nombreux Coccidium proprium 
contenant spores et sporozoïtes, dont pas un n’était normal. Cela est d'autant plus 
curieux que Coccidium proprium est une Coccidie exogène. Mais je ne voudrais pas 
affirmer que ce füt là un effet direct du changement de milieu de l’hôte. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 643 


Il faut rapprocher de ces cas tératologiques les spores avortées de 
Ælossia E’berthi. Dans ce cas aussi, l'avortement provient peut-être 
d’un défaut de nutrition. 

Chez les Polyplastidées, les sporulations tardives ou précoces 
proviennent certainement encore d'influences de nutrition. 

En résumé, les variations individuelles, quelque petites qu'elles 
soient, doivent se traduire de bonne heure chez les stades intracel- 
lulaires et, en particulier, les variations 
dans la répartition des plasmas et, par suite, 
dans l'orientation des spores. 

Lorsque là sporulation a lieu dans les 
cavités organiques, l'influence de la physio- 
logie de l’hôte se fait encore sentir. Et ce 
n’est que dans quelques cas, lorsque la spo- 
rulation est exogène, que les agents exté- 
rieurs peuvent avoir quelque action sur le 
développement de la Coccidie; encore cette 
action ne peut-elle prévaloir entièrement 


sur l’orientation déjà déterminée de la spo- 


Fig. 18. 
rulation. Spore disporée de Coccidium 
proprium. 


En résumé, le facteur important de la 
variation individuelle est l'influence directe de la physiologie de 
l'hôte ; ce qu'on peut formuler ainsi : 

La variation individuelle du parasite est fonction de la variation phy 
siologique de l'hôte‘. | 

Il. — Généralement, chez un même animal, c’est un même organe 
qui est infesté par la Coccidie. Cependant, on peut prévoir que, chez 
un même animal, un sporozoïte puisse pénétrer accidentellement 


dans un autre organe et s’y développer. 


1 On sait que chez les Insectes, pendant le passage de l’état larvaire à l’état adulte, 
les Grégarines subissent une modification considérable de leur évolution et passent 
dans la cavité générale à l’état de kystes cœlomiques. Les belles recherches d’Aimé 
Schneider et de Léger ont donc montré que chez les Grégarines, la variation onto- 
génétique du parasite est fonction des transformations larvaires de l’hôte. 


644 = ALPHONSE LABBÉ. 


Chez le Lapin, nous trouvons dans l'intestin Coccidium per/forans 
et, dans le foie, nous rencontrons un autre Coccidium, C. oviforme, 
qui en est si voisin que, n'était son habitat différent, on pourrait 
dire que c'est un C’. perforans. Coccidium oviforme est certainement 
dérivé de C. perforans ; cette Coccidie ne se distingue de la Coccidie 
intestinale que par une plus grande taille, l'absence de reliquat 
cystal et la moins grande rapidité de développement des spores. Ces 
différences s'expliquent par la différence de l'habitat, qui est la cel- 
lule hépatique dans un cas, la cellule intestinale dans l’autre. 

De même, Coccidium truncatum, du rein de l'Oie, n’est peut-être 
qu’une forme de C. tenellum ! adaptée à la cellule rénale. 

En résumé, l'adaptation du parasite à des cellules-hôtes diffé- 
rentes peut être une cause de variation et cette variation n'est 
déjà plus une variation individuelle, mais déjà une variation spé- 
cifique. 

Nous trouvons donc là un passage entre la variation individuelle 
et la varialion spécifique. 

IT, — Nous avions formulé, dans un chapitre précédent, qu’uné 
Coccidie déterminée ne pouvait vivre et évoluer en dehors d’une 
cellule déterminée d’un hôte déterminé. Nous avions trouvé la 
preuve de cette proposition dans les infections expérimentales. 

Mais ce n’est point là une loi absolue ; il est évident qu’une infec- 
tion artificielle brutale ne peut donner de résultats. C’est, en réalité, 
l’immunité de l'hôte qui crée la spécificité du parasite ; une accou- 
tumance lente, une analogie de conditions de milieu et de vie 
peuvent amener la réussite de l'infection, le parasite s'étant adapté 
à un nouvel hôte, de même que cet hôte au parasite. Lorsque nous 
essayons une infection expérimentale, nous opérons sans aucun des 
ménagements biologiques si nombreux que la nature a pu apporter. 

Ce qui prouve bien que cette loi de la spécificité parasitaire, vraie 
expérimentalement, est fausse phylogénétiquement, c’est la compa- 


On trouve, en effet, dans l'intestin de l’oie une Coccidie qui se rapporte à Coc- 
cidium lenellum. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 645 


raison des formes d’un même genre de parasites et l'étude des varia- 
tions morphologiques. 

Il est, en effet, des types de Coccidies qui correspondent à une 
adaptation zoologique, et cette adaptation zoologique ne provient 
certainement que d’une adaptation d'une même Coccidie à des hôtes 
différents d'espèces, mais voisins par leur genre de vie, leur mode de 
nutrition ou leur place dans l'échelle zoologique. 

Considérons, par exemple, les espèces du genre Coccidium. 

Voici un premier type, Coccidium perforans, qui vit dans l'intestin 
du Lapin, et qui ne diffère de C. oviforme (du foie du même animal) 
que par des caractères secondaires; à ce C. perforans, se rapportent 
le C. bigeminum du Chien, du Chat, du Putois; C, falciforme de la 
Souris ; C. viride des Chauves-souris; C. hominrs, etc. 

Y a-t-1l réellement des différences si importantes entre ces Cocci- 
dium ? Les Coccidium des Oiseaux (C. tenellum, C. roscoviense, 
C. Pfeifferi, C. truncatum) oscillent autour de C. tenellum, et cette 
Coccidie elle-même diffère fort peu de €’. perforans. Tous ces Cocci- 
dium présentent à peine quelques modifications : absence ou pré- 
sence d’un reliquat cystal (du reste, toujours très petit), capsules 
variant entre 18 et 40 .; habitat chez les Mammifères et les Oiseaux, 
et presque toujours dans l'intestin. 

Chez les Vertébrés d’eau douce, Coccidium Delagei, des Tortues 
d’eau douce, et C. proprium du Triton, nous montrent un deuxième 
type caractérisé par une forte réfringence et un grand reliquat 
cystal. Chez les Poissons, un troisième type nous est présenté par. 
Coccidium gasterostei et C. sardinæ, qui font passage aux Goussia à 

| spores bivalves et très réfringentes. 

Voici donc, chez les Vertébrés seulement, un genre, le genre Coc- 
cidium, dont on suit les transformations dans les diverses classes, 
par des transitions graduées qui s'expliquent, d'une part, par la place 
zoologique de l’hôte; d'autre part, par le mode de vie et la nature de 
l'alimentation. 

Chez tous les petits Poissons qui vivent à la côte dans les herbiers 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEÉN. -—— 9€ SÉRIE. = T, 1V, 1896. 49 


646 ALPHONSE LABBÉ. 


(Blennies, Cottes. Lépadogasters, Crénilabres, etc.), se retrouve la 

même Coccidie, Goussia variabilis, mais avec des caractères en 
quelque sorte propres à chaque espèce d'hôte, et ces caractères sont 
si peu importants (grandeur de capsule, etc.), qu'on ne peut même 
pas en créer des variétés. 

De même, chez tous les Passereaux, se retrouve le Diplospora La- 
cazei! avec des caractères de capsule où de longueur d'évolution 
extrêmement variables. On pourrait multiplier ces exemples. Ils 
nous suffisent pour pouvoir émettre cette proposition : 

La variation phylogénétique du parasite est fonction d'une adaptation 
à un nouvel hôte. | 

IV. — Il nous paraît évident, et nous le verrons plus loin, que les 
Coccidies doivent être considérées comme des Grégarines qui sont 
privées de stade libre, et dont l’enkystement a lieu dans les tissus 
mêmes de l'organe où elles sont parasites. À ce point de vue, il n’y a 
pas de différence entre les Polyplastidées digéniques et certaines 
Grégarines cœlomiques des Invertébrés marins ; la forme des kystes, 
le grand nombre des spores, le nombre des sporozoïtes, concordent 
absolument, et nous trouvons même, chez les Winchinid, dés spores 
pourvues de prolongements cuticulaires, fait fréquent chez lés Gré- 
garines, Ces Minchinia sont intéressants comme formes de passage, 
car il faut noter que les spores des Coccidies sont absolument dé- 
pourvues, en général, d’appendices d'aucune sorte?. 

Les Klossiées nous conduisent aux Parroussia monozoïques et aux 
Adelea dizoïques ; mais il ne serait pas impossible que les Grégarinés 
des Arthropodes d’eau douce ou terrestres aient donné directement 
naissance aux Coccidies parasites des mêmes animaux, tandis que 
les Coccidies des Mollusques marins dériveraient directement d’une 
transformation de Grégarines marines. 


& On peut retrouver la même variété de Diplospora chez tous les Passereaux d’une 
même volière ou habitant chez un même marchand d’oiseaux. 

? Les sporoductes n'ont été signalés que chez Gymnospora, Coccidie douteuse 
(ps 559) 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 647 


Il nous faut noter que les Coccidies polyplastidées des Arthropodes 
marquent uñe progression notable sur celles des Mollusques, par la 
réduction du nombre des spores et la réduction du nombre des 
sporozoïtes, qui, dans quelques cas, devient fixe. 

Cette réduction s’accentue chez les Cyclospora, parasites des Myria- 
podes, qui sont des disporées di- et tétrazoïques. Dans le groupe des 
Mollusques, nous trouvons également une Isospora dispôrée. 

En résumé, chez les Invertébrés, nous trouvons des Coccidiés de 
divers types, paraissant provenir de Grégarines de type cœlomique, 
dont la migration vers le cæœlome ne s’est pas effectuée. 

Mais, d’une facon générale, lés Coccidies sont surtout dés paras 
sites de Vertébrés, qui, eux, ne présentent pas de Grégarines. 

Chez les Poissons, les Coccidies, très abondantes, sont surtout des 
Goussia ou des Coccidium tétrasporés et dizoïques. Nous trouvons un 
passage dans lés Grégarinés des Ascidies et dé l’'Amphiotzus (Coc- 
cidie ? Grégarine ? p. 560). 

Il ya un Coccidium chez les Vertébrés d’eau douce (C. proprium 
et C, Delagei), tandis que toutes les Coccidies des Vertébrés terrestres 
oscillent autour d’un type qui peut être représenté par C’.per/forans. 
Le genre Diplospora disporée, mais tétrazoïque, n’est sûrement 
qu’une modification de C. tenellum, tétrasporé et dizoïque. 

Enfin, que la théorie du dimorphisme soit vraie où no, il ést cer- 
tain que toutes les Monogéniques par régression, ou plutôt par 
simplification du stade évolutif, dérivent des Digéniques. Les Rhab- 
dospora dérivent certainement des Goussia, les Pfeifferia et les Eimeria 
des autres Coccidies digéniques. Les kystes tératologiques des XVossia 
sont expressifs sur ce sujet, et sila théorie du dimorphisme ne parait 
pas exacte ontogénétiquement, elle est sûrement vraie phylogéné- 
tiquement. 

D'une facon générale, les formes oligosporées ont dû provenir de 
formes polysporées, les formes dizoïques où monozoïqués de formes 
polyzoïques. La réduction de taille des Oligoplastidées provient sans 
doute de l’häbitat devenu plus exclusivement intracellulaire ; les 


648 ALPHONSE LABBÉ. 


_ formes monogéniques dérivent des digéniques, et, enfin, les sporu- 
lations exogènes sont apparues chez les animaux amphibies ou ter- 
restres, comme une nécessité secondaire de l'infection. 

Partout, nous voyons persister le mode de reproduction par divi- 
sion intracellulaire, comme un retour à une forme simple de repro- 
duction et une nécessité de l’autoinfection. 

D'une façon générale, les transformations phylogénétiques des 
Coccidies paraissent liées aussi bien au mode de vie, aux mœurs, 
à la biologie des hôtes qu’à leur place dans l'échelle zoologique. 

V. — La phylogénie des Sporozoaires est intéressante à étudier, 
parce qu'on suit pas à pas le développement du parasitisme intra- 
cellulaire. 

Supposons un sporozoiïte idéal pénétrant dans l’épithélium intes- 
tinal d’un Invertébré marin; il traverse la muqueuse, la sous-mu- 
queuse, l'épithélium péritonéal, tombe dans la cavité générale. Là, 
il grandit, devient une Grégarine monocystidée ; dans ce cas, il peut 
même pénétrer dans un organe cœlomique. Il s’enkyste, sporule, et 
les spores sortent par un orifice naturel. C'est le cas des Grégarines 
monocystidées des Annélides. | 

Supposons que ce même sporozoîïte ne puisse pas pénétrer la sous- 
muqueuse, quil soit forcé de s'arrêter dans l’épithélium intestinal. 
Là, il s’arrondit, s'accroît, et par simple accroissement mécanique, 
se trouve dans la sous-muqueuse; son kyste fait hernie dans la ca- 
vilé générale, où il tombe à l’état de kyste cæœlomique.Il a perdu ses 
caractères de Grégarine libre et sa motilité (Urospora, Cystobia). 

Supposons, enfin, que ce sporozoïte, après avoir grandi dans la 
muqueuse, ne puisse pas traverser la sous-muqueuse, fasse hernie 
dans la cavité intestinale. Là il continue à grandir, et comme il se 
trouve dans un milieu convenable, il se transforme en une Gréga- 
rine mobile avec fibrilles myophaniques. C’est le cas des Grégarines 
des Arthropodes. Un retour à la forme antérieure a lieu, lors de la 
métamorphose, par les kystes cœlomiques. Que ce sporozoïte per- 


siste dans l’épithélium où il a pénétré, s'adapte à la vie intracellu- 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 649 


laire, nous avons une Coccidie. (Chez les Grégarines jeunes, intra- 
cellulaires, de même que chez les Coccidies, les fibrilles myopha- 
niques ne se développent pas.) 

Enfin, les Hémosporidies nous présentent le très intéressant inter- 
médiaire d’un sporozoïte qui, ayant pénétré dans un vaisseau san- 
guin de Vertébré, se trouve dans le cas d’une Grégarine cælomique; 
il utilise les éléments figurés du sang pour achever son dévelop- 
pement en une petite Grégarine monocystidée, puis sort dans le 
sérum, peut même s'y conjuguer. Seulement, le cours rapide du 
sang étant un obstacle à sa sporulation directe dans le sérum, cette 
petite Grégarine pénètre de nouveau dans quelque cellule d’un 
organe hématopoiétique, où le sang est forcé de ralentir son cou- 
rant, s’y enkyste et se reproduit comme une petite Coccidie mono- 
génique. 

Quant aux Gymnosporidies, peut-être dérivent-elles des Coccidies 
par l'intermédiaire de formes dégradées comme les Acystidées 
(Aaryophagus). Ces dernières ne sont, en effet, que des Coccidies 
monogéniques non capsulées. 

Cette vue d'ensemble montre l’homogénéité parfaite de ce groupe 
des C'ytosporidies que nous avions créé (1894). 

Les Myxosporidies et les Sarcosporidies, par leur tendance à pren- 
dre la forme de tubes ou de fuseaux, caractère qui, s’il n’était pro- 
bablement dérivé de la forme des tissus musculaires ou conjonctifs 
parasités, serait plutôt un caractère végétal, par leur sporulation 
spéciale, par les nématocystes de leurs spores, ont probablement (?) 
une autre origine que les Cytosporidies et semblent être apparentées 
aux Myxomycètes, ou à des organismes comme l’Amæœbidium. 

VI. — Dans ce qui précède, nous n'avons pas la prétention d'élu- 
cider l'origine phylogénétique des Coccidies, mais nous donnons 
seulement un aperçu sur cette origine possible. 

En effet, les grandes vues phylogénétiques ne peuvent guère s’ap- 
puyer sur des faits précis. Autant il est intéressant et utile de suivre 


les variations phylogénétiques dans un petit groupe, dans quelques 


650 ALPHONSE LABBÉ. 


_genres et quelques espèces groupées, autant il est difficile de faire la 
phylogénie d’un grand groupe, où les phénomènes de convergence et 
d’adaptations secondaires viennent se confondre avec les variations 
d'un même type. Il est possible de suivre la filiation de la plupart 
des Cytosporidies, mais, quelle que soit l’origine de l’ensemble des 
Sporozoaires, il est peut-être difficile de les rattacher tous au même 
point d’origine. 

Probablement, les Sporozoaires descendent de formes libres deve- 
nues parasites cavitaires, puis parasites cellulaires. 

Hæckel, qui donne aux Sporozoaires une origine commune avec 
les Chytridinées (Ffungillaria), les regarde comme « des amibes ani- 
males, qui, en s’accoutumant à la vie parasitaire, se sont revêtues 
d’une membrane sécrétée par leurs propres cellules ! », 

Peut-être les Grégarines, par leur tendance au cloisonnement cel- 
lulaire, leur division mitotique sans membrane (à l'encontre de tous 
les autres Protozoaires), par leur motilité très grande en dépit du 
parasitisme, par leur cuticule et leurs couches myophaniques très 
développées, enfin par leur sporulation si voisine d’une segmentation 
et précédée d'une réduction karyogamique; peut-être, dis-je, les 
Grégarines ne présentent-elles, avec les Protozoaires voisins, que de 
simples rapprochements de convergence. Peut-être, alors, faudrait- 
il attribuer aux Grégarines, et par suite aux Coccidies el aux formes 
affines, une origine plus haute. Mais la distance est encore assez 
grande avec les Dicyémides et les Métazoaires les plus inférieurs, 


pour qu’on puisse être très réservé sur une hypothèse semblable. 


1 Hæckel, Histoire de la création des êtres organisés, 1874, édit. franç., p. 448. — 
Phylogénie des Protisten, Téna, 1895. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. -. 651 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE XII. 


STADE INTRACELLULAIRE., DIVISIONS INTRACELLULAIRES. 


F16. 1. Coupe d'intestin de Triton cristatus jeune, infesté de Pfeifferia Tritonis. 


+ 


N, noyaux de l'épithélium ; cu, cuticule des cellules épithéliales. Les 
cinq cellules représentées renferment une douzaine de parasites ; sp, re- 
présentent des macrosporozoïtes pénétrés dans l’épithélium et entourés 
déjà d'une vacuole, mais non encore arrondis. Un des parasites s’est 
divisé en trois autres. De plus grands stades se trouvent entourés d’une 
capsule. n, noyau du parasite ; pg, granulations pigmentaires ; gg, gra- 
nulations graisseuses ; Æ, capsule. Fixation au liquide de Flemming; 
coloration à l’hématoxyline-aurantia. 

Jeunes stades de Diplospora Lacazei en voie de division intracellulaire ; 
a, B, Y, à, €, 6, représentent divers stades de la division du noyau. Liqueur 
de Hermann ; hématoxyline. 


. Cellule isolée de l'intestin de Poulet renfermant quatre Coccidium tenellum. 


N, noyau de la cellule. Un des parasites a divisé son noyau. 

Coupes d'intestin de Fringilla cælebs renfermant des Diplospora Lacazei. 
En K, un parasite encapsulé. Quelques parasites sont en voie de divi- 
sion, l’un d'eux commence à former sa capsule. N, noyau de la cellule, 
Liqueur de Flemming, hématoxyline, aurantia. 


. Pfeifferia princeps. Divisions intracellulaires dans un cas d'infection aiguë 


d’un jeune Lapin. Sublimé acétique, safranine. 
Pfeifferia princeps. Divisions intracellulaires. En N, le noyau de la cellule. 


. Kyste isolé de Pfeifferia Tritonis montrant de très petits granules plas- 


tiques et des vacuoles. 
Kyste de Diplospora Lacazei du Moïineau montrant des granules plastiques 
et un cercle de granules chromatoïdes. 


. Le même, isolé et présentant en gc des granules chromatoïdes, en gp des 


granules plastiques dissociés. 

Granulations isolées ; gp, granules plastiques de Diplospora à l’état frais 
et colorés ; gb, granules de Bananella Lacazei (hématoxyline-éosine). 
Kyste de Coccidium roscoviense (Charadrius cantianus) avec nombreux 

granules chromatoïdes. N, noyau de la cellule-hôte. : 
Kyste de Coccidium roscoviense (Actitis hypoleucos) avec granules chroma- 
toïdes. 
Kyste de Coccidium roscoviense (Tringa alpina). 


. Kyste de Crystallospora Thelohani avec granules de Thélohan et granules 


plastiques. 
Stade intracellulaire de Goussia Motellæ avec granules de Thélohan. 


. Coupe d’intestin d’Ammodytes tobianus montrant une Goussia géminée. 


N, noyaux de l’épithélium ; gg, granulations graisseuses. 

Coupe d’intestin de Charadrius cantianus montrant un stade intra-épithé- 
lial et de nombreux Coccidium roscoviense dans le tissu conjonctif sous- 
muqueux. : 


48-19. Kystes de Bananella Lacazei avec granules carminophiles et granulations 


spéciales. 


652 


ALPHONSE LABBÉ, 


Fig. 20. Coupe d’intestin de Sepia officinalis montrant une Klossia Eberthi intra- 


cellulaire; c, cytoplasme aréolaire; n, noyau; N, noyaux de l’épithélium. 


PLANCHE XIII. 


PFEIFFERIA TRITONIS. 


Fig. 1, Cellule épithéliale de Triton montrant une Pfeifferia jeune. n, noyaux en 


voie de prolifération ; gg, granulations graisseuses ; p, pigment; N, 
noyau de la cellule-hôte un peu déformé par la pression du parasite. 

2. «&, B, noyaux de Pfeifferia en voie de division. 

3. Kyste montrant de nombreux noyaux périphériques d’archéspores. 

4. Autre kyste montrant le soulèvement du protoplasme autour des noyaux 
des archéspores. 

5. Mème kyste que figure 3, en coupe. K, capsule ; n, noyaux des arché- 
spores ; rc, reliquat cystal. 

6 et 7. Formation des sporozoïtes à la surface de la Coccidie. n, noyaux. 

9, 40,11. Kystes à macrosporozoïtes. cu, cuticule de la cellule ; N, noyaux. 

8,13. Kystes à microsporozoïtes ; la figure 13 représente une coupe. rc, re- 
liquat. 

12. Coupe de l'épithélium intestinal d’un Triton montrant de nombreuses 
Pfeifferia. cu, cuticule ; N, noyaux de l’épithélium; c, sporozoïtes encore 
peu déformés ; ©, Coccidie en voie de division. La figure montre trois 
kystes à microsporozoïtes ; #, capsule ; re, reliquat ; s, sporozoïtes dont 
beaucoup sont vus en coupe. 

44. Macrosporozoïtes, «, 6, 7. 

15. Microsporozoïtes. «, encore attachés au reliquat rc; 6, isolés et libres dans 
la cavité intestinale. 


PLANCHE XIV. 


PFEIFFERIA, EIMERIA, RHABDOSPORA. > 


Fia. 4. Kyste de Pfeifferia gigantea avec granules plastiques en 1,, noyau isolé; 


gp, granules plastiques ; ge, granules chromatoïdes ; #, noyau. 
2. Grand kyste isolé avec vacuoles. 
3. Noyaux des archéspores en voie de prolifération. 
4. Kyste avec nombreux sporozoïites. 
5. Portion latérale du même. 
6-7. Sporozoïtes isolés, vus à des grossissements différents. 
8. Pfeifferia princeps. Stades jeunes. 
9. Pfeifferia princeps. Stade à deux noyaux. 
10-11. Stades plus avancés de la même montrant les archéspores et les spora- 
zoïtes. 
12 et 16. Pfeifferia avium. Kystes à microsporozoïtes. 
13. Microsporozoïtes de Pfeifferia avium. 
44. Macrosporozoïtes de la même. 
15. Macrosporozoïtes de Pfeifferia princeps. 
17-18. Eimeria Schneideri. Deux stades et sporogoïte isolé. k, et ka, les deux 
capsules. 
19 et 21. Sporozoïtes isolés de Rhabdospora Thelohani. 


20. Cellule isolée de l'intestin de Motella tricirrata montrant un kyste de Rhab- 
dospora. 


RECHERCHES SUR LES COCCIDIES. 653 


Fig. 22. Coupe d'intestin de Motella montrant deux kystes de Rhabdospora. 
23. Deux kystes coupés transversalement. 
24. Coupe d'’intestin d’Ammodytes tobianus montrant des Rhabdospora. 


PLANCHE XV. 


SPORULATION CHEZ & KLOSSIA EBERTHI ». 


F1G. 1. Stade très jeune montrant la structure du noyau N, le karyosome k et le 
cytoplasme p. Hématoxyline-safranine. 
2. Stade plus âgé ; en €, centrosomes (?). 
3. Stade à noyau irrégulier; le suc nucléaire s’est répandu dans tout le noyau ; 
en k, karyosomes en voie de dégénérescence. 
4. Structure d’un karyosome en voie de régression. 
5. Un karyosome à l’état frais montrant les radiations déjà décrites par 
Schneider. 
6. Noyau montrant le bourgeonnement des karyosomes primaires et leur 
régression dans le suc nucléaire. 
7. Karyosome dégénéré. 
8. Noyau avec karyosome. Apparition de quelques karyosomes secondaires 
sur la paroi nucléaire. 
9. Noyau irrégulier avec karyosome primaire. k, karyosomes secondaires ; 
k\, et réapparition de la chromatine, 
10, 14, 15, 16. Réduction chromatique ; k, karyosome ; N, noyau ; g, chro- 
matine émigrée. 
11, 12, 13. Divers noyaux montrant le karyosome sorti du noyau par rupture 
de la membrane et de nombreux karyosomes secondaires. 
17. Réorganisation du noyau en N; en v, suc nucléaire ; en p, chromatine 
émigrée. 
PLANCHE XVI. 


SPORULATION DE ( KLOSSIA EBERTHI » (Suile). 


1. Stade de réorganisation du noyau. cr, chromosomes ; w, suc nucléaire. 
2. Noyau en voie de division. cr, chromosomes, 
3, 4, 5. Stades de la division du noyau. 
6. Fuseau biconique. 
7. Le même plus grossi. c, centrosomes,. 
8-11. Diverses formes de mitoses. 
12-13. Stade à deux noyaux. 
14. Migration des noyaux vers la périphérie. n, noyaux. 
15. Kyste avec noyaux des archéspores formés à la périphérie. 
16. Kyste avec archéspores. 
17-18. Archéspores. 
Coupes d’intestin de la Seiche fixées au Flemming, colorées à l’héma- 
toxyline-safranine. 


PLANCHE XVII. 


SPORULATION. 


Fic, 1. Kyste de Klossia helicis avec archéspores formées. 
2. Kyste d’Adelea ovala avec sporozoïtes formés dans les spores. 
3. Kyste de Minchinia. Les noyaux sont en voie de division. 


654 


ALPHONSE LABBEÉ. 


Fic. 4. Kyste de Coccidium (Lamna cornubica\ montrant le noyau en mitose. c, cen- 


trosomes. 
5-11. Formation des archéspores chez Diplospora Lacazei (Chardonneret). 
De 5 à 9, division du noyau ; 10-11, segmentation. 
19-15. Formation des archéspores chez Coccidium perforans. 
16. Formation des archéspores chez Coccidium Delagei. re, reliquat cystal. 
17. Formation des archéspores chez Coccidium proprium. 
18. Kyste de Coccidium roscoviense montrant en g les globules polaires (?). 
19. Goussia Motellæ. Stade jeune. 
20. Goussia lucida. Stade tétrasporé. 
91. Goussia variabilis montrant quatre spores et deux globules polaires(?)en g. 
29. Goussia Molellæ. Stade tétrasporé. 
23. Division du noyau chez Bananella Lacasei. 
24-25, Stade des archéspores eb des spores. 
26. Kyste à l’état frais. 


PLANCHE XVII, 


SPORES. 


FiG. 1-12, Formation des sporozoïtes dans la spore de Klossia Eberihi. n, noyau; 


ep, épispore ; en, endospore ; ec, centrosome : sp, sporozoïtes. 

13. Spore de Klossia helicis renfermant cinq sporozoïtes sp et un reliquat 
sporal. 

14. Spore d’Adelea ovata avec deux sporozoïtes, uu reliquat sporal sp et deux 
globules polaires. 

15. Spore d’Adelea ovata en voie de déhiscence. 

16-20. Spores d’'Hyaloklossia Lieberkuhni montrant la formation de deux ou 
quatre sporozoïtes. rs, reliquat sporal. 

91-22, Spores de Bananelia Lacaïzei. sp, sporozoïtes ; ep, épispore ; en, endo- 
spore. 

23, Coupe transversale d’une spore de Bananella Lacazei montrant en # la 
coupe des noyaux des deux sporozoïtes. 

24-25. Spores de Goussia clupearum (Maquereau) à l’état frais et colorées. 

26. Spore de Goussia variabilis dizoïque. 

27. Spore de Goussia Motellæ dizoïque. 

28. La même à l’état frais. 

29-31. Spore de Crystallospora Thelohani. ep, épispores ; en, endospore. 

32-36. Formation des sporozoïtes dans la spore de Diplospora Lacazei. 

37. Sporozoïtes divers isolés. 

38. Coupe d’épithélium de l'intestin de Triton montrant la pénétration des 
sporozoïtes dans l’épithélium. 


SUR 


LA SAIGNÉE RÉFLEXE ET LES MOYEN DE DÉFEME 


DE QUELQUES INSECTES 


PAR 


L. CUÉNOT 


Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy. 
(Travail couronné par l’Institut de France : prix Thore.) 


La saignée réflexe est un phénomène aussi curieux que l’autoto- 
mie réflexe, si bien connue depuis les beaux travaux de Fredericq. 
Qu'un animal rejette au dehors une portion notable de son propre 
sang, ou qu'il sectionne spontanément un membre attaqué, ce sont 
certes des processus aussi inattendus et, en apparence, aussi illo- 
giques l'un que l’autre. La saignée réflexe est du reste assez rare : 
on ne la connaît que chez un certain nombre d’Insectes (Coléoptères, 
Orthoptères), chez la plupart des Oligochètes terricoles (rejet de 
liquide cœæœlomique par les pores dorsaux), et enfin chez quelques 
Lézards américains (rejet de sang par les yeux chez les Phrynosoma). 
J'ai cherché ici à en élucider le mécanisme et le rôle chez les 
Insectes, et j'ai été naturellement amené à étudier les autres moyens 
de défense, qui ne peuvent guère en être séparés, Pour les Oligo- 
chètes, je renvoie à un travail sur la physiologie de ces êtres, où j'ai 
examiné en détail ce phénomène, Quant aux Lézards, n’ayant pas 
d'observations nouvelles, je me borne à rappeler le fait et à renvoyer 
aux mémoires de Hernandez, Dugès, Wallace et Hay. 


Tous les noms génériques et spécifiques que j’emploierai dans 


656 | L. CUÉNOT. 


cette étude sont conformes, pour les Insectes d'Europe, à ceux du 
Catalogqus Coleopterorum Europæ de Heyden, Reitter et Weise (1891), 
le meilleur catalogue synonymique actuel. Get avertissement n'est 
pas inutile, car les entomologistes se sont livrés à de telles fantaisies 
qu'il est impossible de s’y retrouver, à moins d’être spécialiste : les 
Plines sont maintenant des Pruchus E. Geoffroy, pendant que la 
Bruche du pois est devenue un Wylabris E. Geoffroy ; les Téléphores 
sont appelés Cantharis L., tandis que les Cantharides deviennent des 
Lytta F.; qui reconnaîtra les vulgaires Lina sous leur nom actuel de 
Melasoma Steph. ? Il n’est que temps de sortir d’un pareil gâchis, par 
une application inflexible de la loi de priorité *, 


Ï. COLÉOPTÈRES. 


Les Coléoptères dont je m'occuperai dans ce travail, Chrysomé- 
lides, Coccinellides et Vésicants, possèdent de multiples moyens de 
défense, que je classerai sous quatre chefs : cuirasse chitineuse, 
sécrétions de glandes tégumentaires, mort apparente et enfin saignée 
réflexe. 

Sécrétions de glandes téqumentaires. — Les Vésicants et les Cocci- 
nelles présentent dans leurs téguments, surtout dans les élyires et 
les pattes, des glandes qui sécrètent des produits défensifs d’odeur 
ou de goût repoussants. L’odeur des Meloe est très faible et plutôt 
agréable pour l'Homme, mais elle a une action répulsive très efficace 
sur les Carabes, comme nous le verrons plus loin ; les Cantharides 
(Lytta) ont une odeur prononcée rappelant tout à fait l’odeur de 
Souris, et suffisamment pénétrante pour qu’on puisse reconnaître à 
quelques mètres de distance la présence d’un grand nombre de Can- 
tharides ; enfin, lorsqu'on goûte les élytres de Coccinella, on perçoit 

1 Je suis très heureux de remercier les entomologistes qui m'ont aidé, par leurs 
conseils et leurs envois, à mener ce travail à bonne fin : M. le docteur Sériziat, de 
Nancy, M. de Peyerimhoff, qni a revu mes déterminations, M. Finot, qui m'a fait 
part de documents inédits sur Eugaster, et le R. P. Pantel, qui a bien voulu m’en- 


voyer à plusieurs reprises des Insectes d'Espagne, et m'a communiqué ses excellentes 
observations sur la saignée réflexe des Ephippiger. 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 657 


une saveur âcre et désagréable, et l’on sait que les Coccinelles ré- 
pandent à l’état normal une odeur forte et repoussante (on perçoit 
facilement cette odeur lorsque de grandes masses de Coccinelles sont 
rassemblées, comme cela arrive quelquefois); il est probable que 
c'est un même produit qui cumule ces deux propriétés. Les glandes 
sécrétrices sont évidemment celles que Leydig a décrites dans les 
téguments des Coléoptères (Coccinella, Timarcha, Meloe, etc.), et qui 
sont répandues sur les membres, les élytres, la tête, elc. ; ce sont 


Fig. 1. — I, élytre gauche de Melasoma iremulz : a, point d'attache au mésothorax; 
b, rebord épaissi renfermant les glandes défensives. 

Il, coupe transversale d’une élytre de Melosoma tremulæ, fixée à l'alcool : a, cuticule ; 
b, piliers réunissant les deux faces de l’élytre ; c, rainure où s’écoule le liquide 
sécrété par les glandes défensives ; d, lacune sanguine du rebord de l’élytre, dans 
laquelle on trouve les glandes, un tronc trachéen et du tissu adipeux. X 80. 

des cellules arrondies, isolées ou groupées, émettant chacune un 

fin canal chitineux qui traverse la cuticule et débouche au dehors. 
Les Melasoma populi L. et tremulæ F. présentent une sécrétion té- 

gumentaire plus abondante, qui joue un rôle capital dans leurs 
moyens de défense : au moment où on les inquiète, on voit, dans 
0] 

une rainure qui court sur le bord externe des élytires, sourdre un 

jiquide opalin, odorant, qui a un goût désagréable et vireux comme 

celui de la pomme de terre crue. Ge liquide est sécrété par des glandes 
unicellulaires, groupées en rosette autour de gros canaux excréteurs 
communs ; les glandes sontlogées dans le bourrelet latéral de l’élytre, 

surtout vers son extrémité antérieure (fig. 1). 


Mort apparente. — Lorsqu'on inquiète des 7?marcha, Galeruca, Me- 


658 L. CUÉNOT. 


lasoma, Coécinelliens eb Vésicants, en faisant du bruit dans léur voisi- 
nage ou encore mieux en les touchant, on sait depuis longtemps 
que ces animaux font le moñt : ils replient sous le ventre les antennes 
et les pattés, rouleñt sur le dos ou sur le flanc, ou se laissent tomber 
à terre lorsqu'ils sont sur des plantés ; ils gardent plus où moins 
longtemps (jusqu'à six et sept minutés) une immobilité parfaite. 
Lorsqu'ils croient le danger disparu, ils remuent graduellement 
leurs appendices, se replacent dans leur position normale et se 
remettent en marche. 

Cette ruse, extrêmement commune chez les Insectes, a un double 
avantage : 1° elle déroute les ennemis qui ne se nourrissent que de 
proies mobiles (Batraciens, Lézards, etc.) ; en effet, comme ceux-ci 
attendent toujours, pour happer leur proie, qu’elle se soit remise en 
mouvement, il arrive souvent qu'ils perdent patience ou que leur 
attention est détournée par un autre objet ; 2° les Coccinella et Me- 
lasoma, qu’on trouve presque constamment sur des plantes plus ou 
moins élevées ‘, s’en détachent au moindre attouchement et roulent 
à terre, où ils se perdent parmi les mille détritus du sol naturel ; ces 
Insectes ont ainsi bien des chances d'échapper à la vue des carnas- 
siers (Oiseaux) qui ont causé leur chute ; il n’est pas d’entomologiste 
qui n'ait été bien souvent déçu par cette ruse, quelque soin qu'on 


apporte à chercher les Insectes tombés, devenus introuvables. 


Saignée réflexe. 

Au moment exact où l'animal fait le mort, on voit sortir par la 
bouche (Timarcha, Galeruca), ou par les articulations fémoro-tibiales 
des pattes (Coccinelliens, Vésicants), de grosses gouttes d’un liquide 
un peu visqueux, coloré en rouge groseille, jaune d’or ou jaune 
pâle ; ce fait a été remarqué par tous les entomologistes ? ; mais ce 


? Un petit Helix (Helix hispida L.), qui se trouve aussi sur les hautes herbes, pré- 
sente exactement la même ruse, et au moindre contact, il se détache de son support 
pour tomber sur le sol. | 

2 En Allemagne, les Cantharides et les Méloés sont appelés vulgairement Olkäfer, 
Ülmutler ; en Angleterre, Oil-Beelle. Le Timarcha tenebricosa est le Bloud-Beetle des 
Anglais, 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 659 


qui est beaucoup moins connu, c’est la nature et le rôle de ce liquide, 

Léydig (1859), qui l’a étudié chez Coccinella T-punctata, Timarcha 
violacéonigra et Meloe proscarabeus, pensé que ce suc coloré n'est pas 
un produit de sécrétion, mais bien du sang, venu directement de lin- 
térieur du corps ; cette assertion n’a pas rencontré grande créance, 
et tous les auteurs qui l’ont suivi, notamment Magretti (1881) et 
Beauregard (1890) pour Meloe, de Bono (1889) pour Fimarcha, ont 
admis, au contraire, que ce liquide était sécrété par de petites 
glandes hypodermiques situées soit dans les pattes, soit dans le 
corps. 

L'opinion de Leydig était cependant exacte, et ce liquide est bien 
du sang, absolument identique au sang contenu dans le reste du 
corps; on n'a qu'à recueillir une goutte rejetée spontanément, à 
l’examiner à un fort grossissement, pour y voir de nombreux ami- 
bocytes, très normaux, émeltant de courts pseudopodes. Enfin, le 
sang extrait par section d’une élytre ou d'une antenne, ou par pi- 
qûre de l'abdomen, est parfaitement identique, comme composition 
et couleur, au liquide exsudé naturellement par les pattes ou la 
bouche. Depuis que j’ai annoncé le fait dans mes notes de 1890 et 
de 1894, il a d’ailleurs été confirmé par les observateurs qui se sont 
occupés de la question, notamment par Lutz pour les Coccinelles. 
Il ne peut donc y avoir aucun doute à cet égard : les Coléoptères en 
question ont la faculté de rejeter au dehors leur propre sang. 

Processus et conditions de la saignée. — Pour qu'il y ait saignée, 
deux conditions doivent être réalisées : 1° il faut que le liquide cæ- 
lomique soit fortement comprimé; je pense que cette compression 
est due à la contraction des muscles abdominaux (muscles expira- 
teurs), les seuls qui s’attachent à une surface peu chitinisée et, par 
suite, susceptible d’être déprimée ; il est probable que les stigmates 
doivent être fermés au moment de la saignée, afin que toute la pres- 
sion abdominale puisse s'exercer sur le sang ; 2° il faut que la région 
où se produit la saignée soit dans une position convenable, position 


qui est justement réalisée par l’état de mort apparente. Ainsi, si l’on 


660 L. CUÉNUT. 


prend un Meloe ou un Coccinella, pour faire écouler le sang, il suffit 
d'appuyer sur l'abdomen et de rabattre une patte sous le ventre, le 
tibia contre le fémur, pour voir sortir par l'articulation une grosse 
goutte, dont le volume s’augmente avec le degré de pression; l’écou- 
lement s'arrête aussitôt qu’on cesse d'appuyer ou que la patte se 
redresse pour revenir à sa position normale. Il en est exactement de 
même pour ceux qui rejettent le sang par la bouche, Timarcha ou 
Galeruca ; si la tête n’est pas dans la position convenable (le cou 
rentré dans le thorax), on a beau comprimer l’abdomen, le sang ne 
sort pas par la bouche; mais, dès que la tête reprend sa place, de 
force ou naturellement, une grosse goutte s'échappe par cet orifice. 
Le processus du rejet est-il un acte volontaire, comme le prétend 
Luiz pour les Coccinelles, ou un réflexe ? Il semble à peine utile de 
poser la question. Ce ne peut être qu'un réflexe, comme tous les 
moyens de défense: l’excitation amène la contraction de l'abdomen, 
le rabattement des pattes ou de la tête, et le sang comprimé sort 
naturellement par la bouche ou les articulations, placées ainsi dans 
une position favorable ; il est impossible de voir là quelque chose de 
volontaire. L’excitant peut être quelconque : ordinairement, un léger 
attouchement du corps suffit à amener la saignée; d’autres fois, 
il faut un choc ou une chute assez brutale; de Bono provoque la 
saignée de Z'imarcha pimelioides par les moyens les plus variés, mé- 
caniques, chimiques, thermiques et électriques. Chez la plupart des 
Coléoptères que j'ai examinés, l’odeur du chloroforme a très géné- 
ralement le même effet, sans doute dans la période d’excitation. 
Aux points où se produit la saignée, y a-t-il un orifice préformé, 
comme le disent Girard et Lutz pour les Coccinelles, ou au con- 
traire, la peau se déchire-t-elle sous la pression du sang en des 
points de moindre résistance, à peu près constants pour chaque 
espèce ? Quand on examine sous une forte loupe une articulation 
fémoro-tibiale de Meloe au moment de la saignée (fig. 2), on voit que 
le sang sort entre la tête du tibia et l'extrémité du fémur, mais seu- 


lement du côté interne de l'articulation (c’est-à-dire du côté qui 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 661 


se trouve appliqué contre l'abdomen lorsque l'animal rétracte ses 
pattes); de même, chez les Coccinella, on voit nettement le sang 
s'échapper par un intervalle relativement large qui existe entre la 
tête du tibia et l’extrémité du fémur. Dans les deux cas, il est tout à 
fait impossible d’apercevoir à la loupe la solution de continuité qui 
doit se trouver dans l'articulation ; quant aux coupes, il est difficile, 


à la vérité, d’en avoir de très bonnes, en raison de 


la dureté de la chitine, mais elles ne montrent c<-#) 
// 


jamais d'orifice fémoro-tibial indiscutable ; aussi 
. Ê z ; $ A 
suis-je forcé de mettre en doute l'assertion de Lutz, « ÿ VE 


qui représente une fente de sortie dans le genou 


: Fig. 2. — Patte mé- 
des Coccinelles. sothoracique 


droite de Meloe 
proscarabeus ©, 

; -ôté inter- 
que dans les membranes molles el flexibles qui MA 
b, tibia; c, point 
par où s'échappe 
le sang. X 10. 


Je pense, sans pouvoir le prouver directement, 


relient le tibia au fémur, aussi bien que dans celles 
qui attachent les pièces buccales au pourtour de 
la bouche, il y a des points extrèmement minces qui peuvent céder 
très facilement sous la pression du sang, se perforer temporaire- 
ment pour se refermer ensuite par simple accolement. 

Comme on peut s’y attendre, la saignée réflexe ne se produit que 
si l'animal est bien portant et bien nourri; la moindre diminution 
dans la quantité du liquide cœlomique empêche complètement le 
rejet. Ainsi, chez les animaux en captivité, toujours assez malnour- 
ris, il faut user d’excitations plus fortes que chez ceux en liberté et 
encore, au bout de quelque temps, la faculté de saigner est tout à 
fait abolie. De même, lorsqu'un Insecte à déjà saigné plusieurs fois, 
il faut attendre quelque temps pour qu'il soit possible de provoquer 
à nouveau le rejet de sang. 

Réabsorption du sang rejelé au dehors. — Lorsque les Z’marcha et 
(raleruca continuent à simuler la mort après une saignée réflexe, le 
sang resté adhérent à la bouche ne tarde pas à être réabsorbé et dis- 
paraît complètement, au bout de quelques minutes, sans qu’on voie 


aucun mouvement des pièces buccales, Rentre-t-1l dans le cæœlome 


ARCII. LE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3€ SÉRIE. — T. 1V. 1896. 43 


662 L. CUENOT. 


par l'orifice qui lui avait donné passage, ou file-t-il dans l’œsophage, 
à la manière de l’eau que boivent les Insectes? Il ne m'a pas été pos- 
sible de trancher la question. 

Rôle de la saignée réflexe, substances toxiques du sang. —1 est admis 
par tout le monde, et je le démontrerai plus loin expérimentale- 
ment, que la saignée réflexe est un moyen de défense très efficace. 
En effet, chez tous les Insectes qui la présentent, le sang lient en 
dissolution des substances de goût ou d'odeur très désagréables, 
parfois toxiques, capables d’écarter les animaux insectivores; la sai- 
gnée a tout simplement pour but de faire parvenir ces substances au 
dehors ; elle remplit exactement le même office que les innom- 
brables glandes défensives qui fabriquent des produits répulsifs. La 
présence de pareilles substances dans le sang normal n’a d’ailleurs 
rien d’exceptionnel; Mosso et Cayazzani ont reconnu la présence 
d'un poison violent, l’ichthyotoxique, dans le sérum des Murénides 
et du Petromyzon marinus; le sang du Hérisson a aussi une grande 
toxicité, et l’on sait maintenant qu'il en est de même pour le sang 
des animaux munis de glandes à venin (Scorpions, Salamandre, Cra- 
paud, Couleuvre, Serpents venimeux). Ce qu'il y a d’intéressant 
chez les Insectes et les Lézards à saignée réflexe, c’est l’utilisation 
comme moyen de défense des substances répulsives dissoutes dans 
le plasma sanguin. 

Le sang des Timarches est d’une belle couleur rouge ; lorsqu'il est 
déposé sur la langue, il a un goût extraordinairement désagréable, 
très persistant, qui prend à la gorge un peu comme du sublimé 
étendu (dans mes notes, je le désigne comme âcre, astringent, con- 
strictant) ; d'après de Bono, le sang de Zmarcha pimelioides a une 
odeur nauseante et une saveur stittico molto disqustoso ; il renferme- 
rait une loxine capable d’empoisonner les Mouches en quelques 
minutes et de tuer rapidement par arrêt du cœur les Cobayes, 
Chiens et Grenouilles. 

Le sang de Galeruca tanaceti, coloré en jaune vif, a aussi un goût 


àcre et prononcé. Celui des Coccinelles, coloré en jaune par une 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 663 


monocarotine (Zopf), a une odeur forte et désagréable, qui est 
d’ailleurs celle de l'animal entier, et une saveur âcre non moins 
désagréable. Lutz a montré par de nombreuses expériences que les 
Araignées (Épeires) refusent de manger des Mouches recouvertes 
préalablement de sang de Coccinelle. 

Enfin, il est bien connu (Leidy, Bretonneau, Beauregard) que le 
sang des Vésicants renferme une grande quantité de cantharidine 
(il suffit de déposer une grosse goutte sur la peau de l’avant-bras 
pour déterminer une vésication intense); cette cantharidine est un 
toxique puissant pour beaucoup d’animaux.Un Agama Bibroni Dum. 
d'Algérie, très affamé, qui avait mangé deux £Lytta vesicatoria, a été 
paralysé du train postérieur dès le lendemain et est mort au bout de 
peu de temps ; il paraît que lorsque les hbestiaux avalent des Meloe 
en pâturant, cela leur donne de la météorisation; aussi les anciens 
appelaient-ils ces Insectes Buprestes ou Ænfle-Bœufs, nom qui fut 
plus tard appliqué par erreur à d’autres genres. Le sang des Meloe, 
déposé sur la langue, a une saveur excessivement amère, tandis que 
celui des Zytta n’a presque pas de goût; mais les expériences dont 
je parlerai plus loin montrent qu'il a une odeur et une saveur qui 
font reculer même les Carabes, animaux cependant peu délicats sur 
le choix de leurs proies; les Chats paraissent très désagréablement 
affectés lorsqu'ils flairent un eloe et encore plus lorsque celui-ci 
rejette du sang sur leur museau. 

Variations de la saignée réflexe. — Le phénomène de la saignée 
réflexe est sujet à variation dans une même espèce, comme l’on pou- 
vait s'y attendre, en raison de la complexité du processus. 

Tout d’abord, le point où se produit la saignée peut varier, au 
moins chez les Timarches ; chez les très nombreux 7marcha tene- 
bricosa et violaceonigra que j'ai examinés, surtout dans l’est de la 
France, c'est toujours par la bouche que s'échappe le sang, comme 
je l'ai décrit plus haut, une seule fois, cependant, j'ai rencontré un 
individu de Z'imarcha tenebricosa qui, à mon approche, a fait le 


mort, tandis que de grosses gouttes de sang sortaient par les articu- 


664 L. CUÉNOT. 


lations fémoro-tibiales des trois paires de pattes; un peu plus tard, 
je l’excite, et il rejette à nouveau par les articulations et en même 
temps par la bouche; plusieurs jours après, la saignée s’est encore 
produite exclusivement aux articulations. C’est l'unique cas que j'ai 
observé, mais cette variation ne doit pas être rare dans d’autres lo- 
calités : Latreille dit que les Timarches jettent une liqueur rougeâtre 
ou jaunâtre par les articulations des pattes ; d’après Leydig, qui à si 
bien décrit la saignée réflexe de 7#marcha violaceonigra, le sang coule 
seulement par les articulations des membres; Schenkling parle de 
la sortie d'un suc rouge par la bouche et les articulations; de Bono, 
à la suite d’excitations variées sur 7. pimeloides, voit sortir un 
liquide rouge soit de la bouche et des articulations fémoro-tibiales, 
soit de ces dernières seulement; enfin, le père Pantel, qui a observé 
sur place 7, hispanica (Espagne), m'a écrit qu’il rejette un liquide 
rouge par la bouche, par les articulations fémoro-tibiales et même 
par l'articulation du crochet terminal des tarses. 

A côté de ces observations, de nombreux auteurs et moi-même 
ne voient que le rejet par la bouche (7imarcha de France, et 7°. bra- 
chydera, generosa et turbida d'Algérie). Il est donc évident que, sui- 
vant les localités, les points de saignée peuvent varier pour une même 
espèce ; elle peut se produire soit par la bouche, soit par les articu- 
lations, soit par les deux à la fois. 

Il peut y avoir également varialion pour le fait même de la 
saiguée. 

Parmi les 7imarcha, les Galeruca, les Coccinelles, trouvés en même 
temps dans une même localité, la plupart des individus saignent 
avec la plus grande facilité, tandis que quelques-uns ne rejet- 
tent absolument rien, quelle que soit l’excitation à laquelle on les 
soumelte ; il est possible qu'il y ait là une question physiologique en 
Jeu, fatigue ou manque de turgescence, mais il est très probable que 
la variation individuelle y entre aussi pour beaucoup; la saignée 
réflexe semble manquer chez ces individus, à Lissus sans doute plus 


résistants; c’est d’ailleurs à leur grand dommage, car ils ne peu- 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 665 


vent manquer de succomber à des attaques auxquels les autres 
échapperaient. 

Les Linaires (Melasoma populi L. et tremulæ K.) présentent une va- 
riation bien plus accentuée ; Zopf rapporte que si on les excite en 
les prenant dans la main ou par une faible chloroformisation, elles 
émettent par la bouche des gouttes de liquide rouge clair, coloré 
par de la carotine comme les élytres. Zopf croit que ce liquide pro- 
vient des glandes salivaires, mais il se trompe certainement, ce ne 
peut être que du sang. Les Melasoma de Halle (Saxe) répondent donc 
à certaines excitalions par une saignée réflexe, comme les Timarcha 
et les Galeruca. | 

Or, j'ai vu, maniéetirrité un nombre considérable de Melasoma 
populi, tremulæ et 20-punctata Scop. des environs de Nancy, et jamais 
je ne leur ai vu rejeter le moindre liquide par la bouche; tous les 
entomologistes que j'ai interrogés n'ont pas été plus heureux que 
moi. Cependant, si l’on chloroformise faiblement des WMelasoma tre- 
mulæ, un quart environ des individus rejettent une goutte rouge 
clair par l’orifice buccal, et il est facile de s'assurer que c’est bien 
du sang; les trois autres quarts ne rejettent absolument rien. Il est 
donc permis de penser que les Welasoma ont une tendance à pré- 
senter la saignée réflexe, mais que cette tendance, sauf dans le cas 
de Zopf, n’arrive pas à devenir un phénomène régulier. D’ailleurs, 
les Melasoma sont amplement pourvus de moyens de défense qui 
suffisent à écarter les Lézards, Batraciens et Carabes, et l’on ne voit 
pas trop à quoi leur servirait leur saignée réflexe, d'autant plus que 
le sang n’a certainement pas de goût désagréable ni pour l'Homme, 
ni pour leurs ennemis possibles. 

Même tendance chez une magnifique Chrysomèle mordorée des 
Vosges (Ürina cacaliæ Schrank) ; à l’état normal, quand on l’inquiète, 
elle ne rejette jamais rien; or, un individu que j'ai légèrement 
chloroformé, a laissé échapper par la bouche une grosse goutte de 
sang rouge. J'ai constaté aussi cette saignée anormale chez tous les 


Chrysomela que j'ai examinés (C'. cerealis L., gættingensis L., men- 


666 L. CUÉNOT. 


thastri Suffr., cœrulans Scriba). Il est probable, d’ailleurs, qu'on 
retrouverait chez un grand nombre de Coléoptères cette tendance, 
à la saignée réflexe sous l’influence du chloroforme, qui doit déter- 
miner une violente excitation musculaire et, par suite, une forte 
compression du liquide cœlomique. 

Liste des espèces de Coléoptères qui présentent la saignée réflexe. — 
La saignée réflexe ne se rencontre que dans quelques genres de 
Coléoptères, plus ou moins alliés entre eux, et il n’est pas sûr qu’elle 
soit constante pour toutes les espèces d’un même genre. Voici la 
liste des espèces où on la connaît Sûrement, d’après les observations 
antérieures et les miennes: 

CHRYSOMÉLIDES, — 7'imarcha (saignée par la bouche, plus rarement 
par les articulations fémoro-tibiales). 

Timarcha tenebricosa Fabricius 

—  violaceonigra Degeer 
— metallica Laicharting France, SES 
—  monticola Dufour 
—  pimelioides H.-Schäffer | Italie. 
—  hispanica H.-Schäffer | Espagne. 
—  brachydera Fairmaire 
—  generosa Erichson Algérie, 
—  turbida Erichson 

(raleruca tanaceli L. (France). Saignée par la bouche. 

Megalopus Fabricius (Amérique équatoriale). Bien que je ne con- 
naisse pas ce genre, il n’est pas douteux, d’après ce qu'en dit Lacor- 
daire, qu'il présente la saignée réflexe ; « quand on les saisit, ils 
fléchissent un instant leurs antennes et répandent par les articula- 
tions des pattes une liqueur jaune, d'une odeur analogue à celle 
des Coccinelles » (Girard, t. I, p. 762). 

CoccINELLIDES. = Saignée par les articulations fémoro-tibiales. 

Coccinella 7-punctata L. 

—  A-punctata Pont. 
—  d-punclala L. 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 667 

Coccinella reflexa Ph. (Chili, d’après Izquierdo). 

Halyzia 1i-punctata L. 

Anatis ocellata L. 

Chalocorus bipustulatus L,. 

Adalia bipunctata L. (type et var. 4-maculata Scopoli). 

Eriopis convexa Germ. et autres espèces du même genre (Chili, 
d’après Porter). | 

VésicantTs. — Saignée par les articulations fémoro-tibiales. 

Meloe (M. proscarabeus L., var'egatus Donovan, Baudueri Grenier, 
majalis L., brevicollis Panzer, scabriusculus Brandt, et probablement 
toutes les espèces du genre). 

Lytta vesicatoria L. 

E picauta vittata Fabricius (Amérique). 

Nematognatha lutea Leconte (Chili, d’après Izquierdo). 

Diverses espèces des genres Cerocoma Geoffroy, Zonabris Ha- 


rold, etc !. 
EXPÉRIENCES AVEC LES ANIMAUX INSECTIVORES. 


On sait que la faune et la flore d’une région donnée se trouvent 
dans un état d'équilibre instable, d'harmonie, aurait-on dit autre- 
fois, de telle sorte que, bon an mal an, le nombre des individus 
d’une même espèce reste toujours à peu près le même; les espèces 
qui disparaissent ou qui prennent une grande extension sont en 
somme des raretés. Cet équilibre est la résultante d'une quantité 
de conditions et de rapports complexes, parmi lesquels les moyens 
de défense jouent un rôle important. 

Grâce à ceux-ci, dans une espèce quelconque, il échappe toujours 
un nombre suffisant d'individus qui perpétuent l'espèce ; ceux qui 
succombent, soit par suite de variations défavorables, soit parce 
qu’ils sont attaqués à un moment où leurs moyens défensifs sont 
épuisés ou sans action, suffisent pour entretenir la vie d’un certain 


1 Izquierdo signale aussi la saignée chez un Cantharis femoralis du Chili, qui est 
probablement Epicaula femoralis Erichson. 


668 L. CUÉNOT. 


nombre de carnassiers. On comprend dès lors que les moyens de 
défense ont tous un but précis ; ils sont destinés à écarter tel ou tel 
groupe d’ennemis que lanimal peut avoir à craindre dans le pays 
qu'il habite; en général, à chaque groupe de carnassiers correspond 
un moyen de défense spécial, plus ou moins adéquat aux moyens 
d'attaque dudit groupe. 

Guidé par ces considérations, j'ai étudié expérimentalement les 
moyens de défense des Coléoptères à saignée réflexe et de quelques 
formes voisines, en choisissant comme carnassiers les espèces sui- 
vantes, qui sont celles que les Coléoptères en question ont le plus 
souvent à craindre dans notre pays. J’ai opéré constamment avec 
des carnassiers bien portants, vigoureux, et suffisamment habitués à 
la captivité pour être observés en toute certitude : 

Ixsecres : C'arabus auratus L. 

BarRACIENS : Ayla véridis L., Bombinator igneus Laur., Bufo vul- 
garis Laur. 

SAURIENS : Lacerta agilis L. 

Je regrette de n'avoir pu expérimenter avec des Oiseaux et Mam- 
mifères insectivores ; mais je n'ai pu me procurer d'espèces conve- 


nables. 


I. Defense contre les Carabes. 


Les Timarcha, Melasoma, Coccinella, Silpha et bien d’autres sont 
très efficacement protégés contre les Carabes par leur carapace chi- 
tineuse ; les fortes mandibules de ceux-ci glissent sur cette enve- 
loppe dure, bombée et polie, et ils ne parviennent pas à l’entamer 
dans leurs attaques réitérées. Pour bien montrer que cette cuirasse 
constitue le seul obstacle, il suffit d'enlever un fragment d’élyire, 
ce qui met à découvert une région plus molle; les Garabes ne tar- 
dent pas à trouver le point faible et dévorent complètement l’ani- 
mal. Si on leur offre des animaux mous, venant de sortr de la 
pupe, ils sont immédiatement déchirés et mangés. 


Les Carabes ne touchent qu’assez rarement aux Galeruca et ja- 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 669 


mais aux Vésicants (Meloe, Lytta), et cependant, ceux-ci ont des 
téguments flexibles, peu épais, qui se laisseraient entamer très 
facilement. Les Carabes s’en approchent, tâtent l’abdomen avec les 
mapdibules et les palpes, et s’en écartent aussitôt, quelque affa- 
més qu'ils soient, sans jamais chercher à pousser l'attaque ; ils per- 
çoivent donc une odeur très répulsive pour eux, qui provient pro- 
bablement de la cantharidine dissoute imbibant tout l'organisme ; 
en effet, si l’on offre aux Carabes des viscères de Vésicants, ils s’en 
écartent comme de l'animal vivant; on peut même rendre invulné- 
rables pour quelques jours les Insectes qu'ils dévorent le plus 
volontiers, Courtilières (Gryllotalpa vulgaris Latr.), Hannetons (Welo- 
lontha vulgaris F.), Cetonia aurata L. privé d'élytres, etc. ; il suffit 
d’enduire la région atlaquable (abdomen) avec du sang ou des œufs 
de Vésicants ; on peut être sûr qu’elle ne sera pas touchée tant que 


l’enduit restera. 
IT. Défense contre les Batraciens. 


Les Vésicants ne sont pas défendus contre les Batraciens avec 
lesquels j'ai expérimenté ; à mon grand étonnement, les Cantharides 
ont été toujours acceptées, sauf quand leur taille était trop grande, 
par les Rainettes et les Bombinator, et bien que ces Batraciens en 
mangeassent de grandes quantités, ils n’en ont jamais été incom- 
modés ; il est vrai que dans la nature, les Vésicants, Insectes tout 
à fait terrestres, doivent bien rarement être rencontrés par les Ba- 
traciens. Les Galeruca sont tantôt acceptés, tantôt refusés, sans que 
j'aie pu en trouver une bonne raison; il est possible que dans le 
premier cas la saignée réflexe était insuffisante ou nulle. 

Presque toujours, lorsqu'on offre aux Batraciens des Coccinelles 
bien fraiches, celles-ci sont happées, puis rejetées aussitôt avec les 
marques d’un vif dégoût ; elles ont donc un goût très désagréable, 
dont la source principale paraît être dans les élytres, car il suffit de 
goûter aux élytres seules pour percevoir immédiatement la saveur 


caractéristique des Coccinelles. La saignée réflexe, amenant au 


670 L. CUËNOT: 


dehors un produit odorant analogue à celui des élytres, n’agit guère 
que comme un adjuvant. 

_ Les Melasoma populi et tremulæ sont également bien défendus 
contre les Batraciens, qui sont leurs ennemis les plus redoutables, 
puisque les Melasoma vivent en grand nombre sur de jeunes arbres 
poussant au voisinage de l’eau. C’est la sécrétion opaline et vireuse 
des élytres qui repousse efficacement les Batraciens; en effet, ceux- 
ci happent très volontiers les Melasoma fraîchement pris qu’on leur 
offre, mais ils les rejettent immédiatement en manifestant un vif 
dégoût; par contre, si on supprime la sécrétion défensive en enle- 
vant les élytres à ces mêmes Welasoma, ils sont happés, et cette fois 
avalés complètement. Les mêmes Batraciens mangent avidement le 
Melasoma 20-punctata, beaucoup plus petit que les deux autres et 
qui ne possède pas leur goût désagréable. 

Les Timarcha sont des proies un peu volumineuses pour les Ba- 
traciens avec lesquels j’ai expérimenté; mais j'ai pu cependant dé- 
montrer qu'ils sont protégés contre ces derniers par leur saignée 
réflexe. J'enlève les deux élytres à une Timarche, ce qui diminue 
beaucoup son volume, et j’enduis la face dorsale de son propre 
sang ; les Ayla et Bombinator l’attaquent, l’avalent; mais, aussitôt 
après, ils rejettent l'Insecte en tirant la langue, qu'ils essuient 
contre l'herbe environnante comme s'ils étaient brûlés; le goût si 
désagréable du sang écarte donc très efficacement les Batraciens. 
Au contraire, lorsqu'on offre à des Rainettes de petites Timarches 
ne présentant pas de saignée réflexe, elles les attaquent à plusieurs 
reprises sans manifester de dégoût, et si elles ne parviennent géné- 
ralement pas à les avaler, c’est sûrement à cause du volume du corps 


et de la dureté de la carapace. 


II. Défense contre les Lézards. 


Les Lézards pourraient être des ennemis redoutables pour les 
Vésicants et les Galeruca, qui vivent dans les stations où abondent 


les Lézards, notamment Lacerta agilis ; ces Insectes ont des tégu- 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 671 


ments mous, des mouvements assez lents et seraient certainement 
une proie facile; mais leur saignée réflexe les défend d'une façon 
parfaite. 

Un Galeruca tanaceti est placé dans un vivarium où habitent des 
Lacerta agilis ; l'un d'eux l’aperçoit et le pousse d'un coup de tête; 
l'Insecte fait le mort pendant quelque temps, puis se remet à mar- 
cher. Le Lézard l’atiaque alors franchément et le mord ; aussitôt le 
Galeruca rejette par la bouche une grosse goutte de sang jaune, qui 
mouillé lé museau du Lézard; celui-ci lâche immédiatement prise 
et se frotte la bouche contre terre, afin de se débarrasser du liquide 
dont elle est énduite. Depuis, le Galeruca n'a plus été attaqué. 

L'expérience faite avec des Cantharides donne exactement les 
mêmes résultats, et on peut lire dans Beauregard une observation 
identique sur Meloe proscarabeus attaqué par un Lézard vert : «... Le 
Lézard revint au Weloe et l’attaqua brusquement d’un coup de mâ- 
choire par le côté du thorax, Mais à peine sa gueule se refermait- 
elle sur l’Insécte, que celui-ci laissa sourdre une forte goutte de 
liquide jaune par l'articulation fémoro-tibiale de ses pattes, et aus- 
sitôt je vis le Lézard lâcher prise et faire un bond en arrière en 
tournant la tête de côté et d’autre, puis frotter ses mâchoires contre 
l’herbe pour se débarrasser du liquide brûlant dont elles étaient 
enduites. Dès lors, je pus laisser Lézard et Meloe ensemble, jamais 
plus le Reptile ne s’attaqua à l’Insecte. J’ajouterai à ce petit tableau 
que le Meloe avait fait le mort dès qu'il s'était senti attaqué » (p. 224). 

L'observation suivante montre bien l’importance de la saignée 
réflexe chez ces Insectes à téguments mous ; un Galeruca tanaceli, 
depuis quelque temps en captivité, c’est-à-dire ne rejetant plus rien, 
est attaqué par un gros Lézard, qui le mâche et entame la paroi 
abdominale ; par la blessure sort un lobe de corps adipeux et un peu 
de sang ; aussitôt le Lézard lâche sa proie et se frotte la bouche contre 
terre. Il est certain que s’il y avait eu tout de suite saignée réflexe, 
le Lézard se serait écarté plus tôt, et le Galeruca serait sorti sans 


blessure de la lutte. J'ai refait la même expérience avec une Can- 


672 L. CUÉNOT. 


tharide ne rejetant rien et obtenu exactement le même résultat : le 
Lézard s’écarte avec dégoût dès qu'il a entamé la carapace et perçu 
le goût désagréable du sang. 

Les Timarcha ne sont jamais dévorés par les Lézards, qui auraient 
peine d’ailleurs à entamer leur forte carapace; ils sont écartés sur- 
tout par le goût désagréable du sang, comme plus haut, car ils n’at- 
taquent pas non plus les Timarches sans élytres. 

Les Coccinelles n’ont absolument rien à craindre des Lézards, car 
la simple odeur des élytres suffit à les écarter, avant même qu'ils 
n'y aient touché; à plus forte raison si la saignée réflexe agit dans 
le même sens‘. Par contre, les Coccinelles molles, sortant de la pupe, 
et ne possédant encore aucun produit défensif, sont avalées quelque- 
fois par les Lézards et les Batraciens. 

Les Melasoma populi et tremulæ fraichement pris sont presque tou- 
jours rejetés par les Lézards, évidemment à cause de la sécrétion 
vireuse des élytres; par contre, les Lézards mangent les WMelasoma 
auxquels on a enlevé les élytres, aussi bien que ceux qui sont en 
captivité depuis quelques jours et chez lesquels le manque de nour- 
riture a arrêté la production du liquide défensif; enfin ils dévorent 
constamment le Welasoma 20-punctata, qui ne paraît pas posséder 


la sécrétion défensive des deux autres espèces. 


Il. ORTHOPTÈRES. 


Les Orthoptères nous offrent quelques beaux exemples de saignée 
réflexe chez deux genres alliés de Sauterelles à élytres rudimen- 
taires, c’est-à-dire incapables de voler, et assez mal douées au point 
de vue du saut. 

Le premier cas est celui de l’£ugaster Guyoni Servais, étudié 


1 Dans des expériences nouvelles, j'ai constaté qu'il y a des Lacerla agilis, peut- 
être plus affamés ou moins dégoûlés que ceux dont je m'étais d’abord servi, qui 
attaquent et dévorent souvent les Coccinelles. En examinant le contenu de l’estomac 
d’un Lacerta viridis Laur., pris en septembre (Alsace), j’y ai trouvé un Bombus ter- 
restris L., une grande chenille de Deilephila elpenor L., et neuf Coccinella T-punctata: 
linvulnérabilité des Coccinelles par rapport aux Lézards n’est donc pas si générale 
que je le croyais. 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 673 


d’abord par Bonnet et Finot, et ensuite par Vosseler. L’£ugaster est 
commun dans la région montagneuse de l'Algérie, de la Tunisie et 
de la frontière marocaine ; pendant le jour, craignant les rayons du 
soleil, il se tient caché dans les touffes d’alfa et surtout dans les 
fentes de rochers. Lorsqu'on cherche à le saisir, s’il ne peut s'enfuir, 
il se place en position comme un tireur exercé, suivant l'expression 
de Vosseler, et projette dans toutes les directions et à une très 
grande distance (jusqu’à 40 et 50 centimètres), deux ou quatre jets 
d’un liquide orangé. Ce liquide s'échappe de pores (?) allongés et 
étroits qui se trouvent sur les trois paires de pattes, entre le coxa et 
le trochanter, à la partie supérieure de la peau mince qui relie entre 
elles ces deux pièces. Souvent l’£ugaster ne rejette de liquide que 
par les pores de la première paire de pattes, et alors il peut se pro- 
duire ensuite un deuxième jet plus faible, et même un troisième 
et un quatrième, séparés par de courts intervalles; il peut aussi 
rejeter le liquide jaune par quatre pores à la fois et réitérer peu 
après ; enfin 1l peut y avoir aussi rejet par les pores de la troisième 
paire, mais il semble que ce soit plus rare. D’après Vosseler, l’ÆZu- 
gaster pourrait viser son ennemi avec une certaine adresse (ce serait 
bien étonnant, puisque les Insectes distinguent mal les formes); les 
pattes se disposeraient de telle facon que les jets de liquide soient 
dirigés sur les côtés, en avant ou en arrière, de façon à diverger ou 
à converger sur un même point. 

Vosseler a constaté d’une façon certaine que c’est bien lesangmême 
de l’animal qui est ainsi projeté au dehors. Si l’on pousse une injec- 
tion par une patte métathoracique, on voit bientôt le liquide injecté 
sortir par les pores en jets plus ou moins forts. Il paraît (Bonnet et 
Finot) que le sang est caustique et peut déterminer une vive inflam- 
mation de la conjonctive lorsqu'il est porté accidentellement sur 
l'œil ; si l’on manie dans sa Journée un certain nombre d’Æ£ugaster et 
qu on néglige de se laver les mains couvertes de gouttes de sang, 
celles-ci s'enflamment et les jointures des doigts se couvrent de 


petites ampoules. 


674 L. 


CUÉNOT. 


Les Æphippiger nous offrent un second cas de saignée réflexe 


signalé en passant par Vosseler : « Sans doute les gouttelettes 


émises par le thorax de 
beaucoup d'Éphippigè- 
res, les proches alliés 
d'£ugaster, sont à rap- 
procher du rejet de 


sang d’Æugaster el de 


Q 
NS 


En Meloe. » J'ai pu l’étu- 


Fig. 3. 


Ephippiger Brunneri & en posture défensive, X 1,4. 


= dier en détail chez 
Ephippiger  Brunnere 
Bolivar (Espagne). 


Quand on agace l'£phippiger Brunneri, l'animal se cramponne for- 


tement au sol et abaisse la tête et l’abdomen en faisant crier ses 


Fig. 4. — Pro- et mésothorax d'un 
Ephippiger Brunneri en posture de 
défense, vus du côté gauche: a, pro- 
notum fortement relevé ; b, lame 
latérale du prothorax ; c, lames 
latérales du mésothorax ; dete, 
première et deuxième paire de 
pattes; f, élytre ; g, vésicule mince 
gonflée par le sang (point où se 
produit la saignée). X 6. 


élytres (fig. 3). Le liquide cælomique 
est évidemment comprimé par cette 
manœuvre,et l’on voit très bien, sous 
le pronotum relevé, apparaître à la 
base de chaque élytre une petite 
vésicule luisante, gonflée par le sang 
jaune (fig. 4); cette vésicule, sur 
laquelle on aperçoit quelques fines 
trachées, est tout simplement for- 
mée par la peau, extraordinairement 
mince à cet endroit, et constitue 
évidemment un point de moindre 
résistance. Lorsque la pression san- 
guine cesse, la boule se ratatine et 
devient invisible ; lorsque la pression 
augmente, la boule crève et il s’'é- 


chappe une grosse goutte de sang 


jaune clair, bien facile à reconnaître au microscope. Si l’on insuffle un 


liquide par l’abdomen, même sur un animal mort, on fait apparaître 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 675 


facilement les deux vésicules, et on n’a qu'à pousser un peu fort 
pour les faire éclater. Le processus de la saignée réflexe est done ici 
extrêmement simple. 

Si l’on goûte le sang d'£phippiger Brunneri, il paraît d’abord fade, 
puis il se développe une amertume qui devient finalement très pro- 
noncée, presque insupportable. Il y a certainement là un produit 
particulier probablement toxique, capable d’écarter les Lézards, 
comme nous allons le voir,et sans doute aussi leurs autres ennemis. 

Je mets un Z£phippiger Brunnerri, très vigoureux, à vésicules in- 
tactes, dans un vivarium où se trouve un ZLacerta agilis ; dès que le 
Lézard l’aperçoit, il se précipite sur lui et le mord brusquement par 
le travers du thorax : l'£’phippiger se cramponne au sol en baïssant 
la tête et l'abdomen, et je vois une grosse goutte de sang qui sort 
par l’une des vésicules crevées ; le sang mouille la bouche du Lézard, 
qui s'écarte immédiatement, se frotte contre terre et se lèche long- 
lemps comme pour faire disparaitre l'effet produit par ce liquide. 
Quelques minutes après, l’£phippiger s'étant remis en marche, le 
Lézard l'attaque encore deux fois, mais avec le même insuccès; il 
y a encore rejet de sang au même point et dégoût visible du Lézard, 
qui se frotte la bouche contre terre. Après ces trois attaques, sépa- 
rées par des intervalles assez longs, il n’a plus touché à l'£phippiger ; 
certainement, sans sa saignée réflexe, celui-ci aurait été dévoré ou 
déchiré. 

La saignée réflexe semble être particulière aux deux types cités 
plus haut ; du moins je ne l’ai pas retrouvé chez d’autres Orthop- 
tères appartenant, soit au même genre £'phippiger (Æ. Miegi Bol., 
carinata Bol., Perezi Bol., areolaria Bol., Zapateri Bol., tous d'Espa- 
gne), soit à des genres à élytres rudimentaires alliés aux £'phippiger 
et £'ugaster (Platystolus surcularius Bol. et Pycnogaster Graëllsi Bol., 
d'Espagne ; Zhamnotrison cinereus L. et Leptophyes punctatissima Bosc 
de France). Les vésicules cutanées dont il a été question plus haut 
n'apparaissent pas, même si l’on comprime fortement l'animal. 


Le Thamnotrizon et le Leptophyes, les seuls que j'ai offerts à des 


676 L. CUÉNOF. 


Lacerta agilis, ont été immédiatement dévorés, comme on pouvait 
s'y attendre. 


ORIGINE PREMIÈRE DE LA SAIGNÉE RÉFLEXE. 


Comment peut-on comprendre l'apparition première de la saignée 
réflexe? Ce phénomène est-il né d'un seul coup, par variation subite, 
ou est-il le résultat d'une série de variations étagées, qu’on puisse 
retrouver ailleurs que chez les animaux étudiés plus haut? 

Il est évident que pour qu'il y ait saignée réflexe défensive, trois 
conditions doivent être remplies : 4° présence dans le liquide cœlo- 
mique d’un produit vénéneux ou caustique ; 2° compression du 
liquide cœælomique par certains muscles; 3° existence, en quelques 
endroits des téguments, de points de moindre résistance qui puis- 
sent céder à celte compression. | 

La première condition n’est pas exceptionnelle : on connait des 
sangs toxiques (Murénides, Petromyzon, Hérisson, animaux veni- 
meux), et il est bien probable que chez beaucoup d’Insectes pourvus 
de glandes répulsives, il y a dans le sang une sécrétion interne ana- 
logue à celle qui existe chez les Vésicants, les Scorpions, les Batra- 
ciens et les Serpents venimeux. 

La deuxième condition est réalisée par la mort apparente, si répan- 
due chez les Insectes (Goléoptères, Hémiptères, Tenthrédiens, etc.); 
elle est due en effet à une contraction tétanique des muscles, 
poussée parfois tellement loin qu’on peut torturer un Byrrhus per- 
linax L. en étal de mort apparente sans qu'il donne signe de vie, il 
est donc bien probable qu'il y a toujours compression plus ou moins 
forte du liquide cælomique lorsqu'un Insecte fait le mort. 

Quant à la troisième condition, il y a des animaux qui sont bien 
près de la réaliser : un Mollusque de nos ruisseaux, le Planorbis cor- 
neus L., a un tégument si délicat, qu'à la moindre blessure ou à un 
changement de milieu (action de l’alcool, du chloral, etc.), son liquide 
cœlomique, coloré en rouge par l’hémoglobine, sort au dehors en 


quantité (Cuvier, Moquin-Tandon, William). J'ai signalé plus haut 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 677 


la tendance des Melasoma populé et tremulæ, des Chrysomela, de 
l’Orina cacaliæ, à rejeter du sang sous l'influence du chloroforme ; 
or, il est très intéressant de remarquer que ces Insectes sont des 
Chrysoméliens, tout comme les 7imarcha, Galeruca et Megalopus. 

Pour que la saignée défensive apparaisse, il suffit donc que de 
telles tendances deviennent effectives chez un animal présentant 
auparavant la mort apparente et un produit répulsif dans le sang ; 
en d’autres termes, je pense qu'elle est le résultat de trois acquisi- 
tions superposées, dont la dernière a dû être l’apparition des points 
de moindre résistance. 

Il en résulte que la saignée réflexe a dû être acquise séparément 
par les ancêtres des diverses familles ou genres qui la présentent ; 
si la saignée se produit exactement de la même façon chez les Coc- 
cinelliens et les Vésicants, par exemple, c’est non pas l'indice d’une 
parenté lointaine, mais un simple cas de convergence, comme on en 


rencontre à chaque instant. 


EXAMEN DE QUELQUES SÉCRÉTIONS DÉFENSIVES CHEZ D AUTRES INSECTES. 


Il est possible qu’on trouve encore quelques cas de saignée réflexe 
chez les Insectes, en étudiant de plus près certains liquides défensifs 
considérés jusqu'ici comme des sécrétions glandulaires ; pour ma 
part, j'ai examiné beaucoup d'espèces, mais j'ai constaté que les 
produits qu’elles rejettent, quand on les inquiète, sont bien effecti- 
vement sécrétés par des glandes ; je me borneraï à citer ici quelques 
formes dont les auteurs parlent souvent à côté des Coccinelles, des 
Meloe, etc. Les Pimelia, Silpha et Necrophorus crachent par la bouche 
un liquide noirâtre, nauséabond, qui provient du tube digestif et 
des glandes salivaires ; le suc jaune et trouble que le C/ytra quadri- 
punctala L. rejette également par la bouche sort aussi de l’æœsophage, 
de même que la salive brune des Acridiens et des Sauterelles, On 
sait qu’au moindre contact les larves de Welasoma émettent par des 
mamelons latéraux du corps des gouttes d’un liquide laiteux, à 
odeur excessivement forte, qui rentrent bientôt à l’intérieur des ma- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3€ SÉRIE. — T,. 1V. 1896. 44 


678 L. CUÉNOT. 


melons ; ce liquide caustique, qui constitue une défense tout à fait 
efficace contre les Carabes, les Lézards, etc., est sécrété par des 
glandes unicellulaires que Claus a bien décrites. 

Carlos E. Porter a examiné le liquide jaune que rejettent par 
l'anus (?) un certain nombre de Coléoptères chiliens et dit avoir 
reconnu que ce liquide n’est pas du tout un produit de sécrétion, 
mais bien du sang, avec amibocytes, absolument identique à celui 
renfermé dans le cælome ; ses recherches portent sur des Coccinel- 
lides (£riopis convexa Germ. et autres espèces du même genre), un 
Chrysomélide (Chelymorpha varians) et des Carabiques (Læmosthenes 
complanatus et trois autres espèces du même genre). Ce qui m'étonne, 
c’est que la saignée ait lieu par l'anus ; aussi, malgré les affirmations 
de Porter, je ne cite son travail qu'à titre documentaire. 

Le cas de l’Asilus crabroniformis L., ce grand Diptère carnassier 
qui rappelle les Hyménoptères par ses couleurs et la force de son 
vol, est plus douteux encore: Taschenberg rapporte qu'il a saisi un 
jour un Asilus au repos, parfaitement immobile : « Un liquide dé- 
goûtant s’échappa aussitôt de l'extrémité abdominale, des flancs et 
des jointures des tarses, sous forme de gouttelettes fines. Involon- 
tairement je jetai dans le gazon cet Insecte devenu trop déplaisant, 
qui du reste ne s’agitait guère, et les herbes se refermèrent au- 
dessus de lui, indifférentes. Ainsi, sans se débattre et sans mordre, ce 
brigand, qui dormait évidemment, se débarrassa de l’importun qui 
osait troubler son repos. » (Brehm, Merveilles de la nature, Insectes, 
traduction française, t. II, p. 578). À première vue, cela ressemble 
un peu à une saignée réflexe, mais je crois qu'il n’en est rien ; j'ai 
pris un Asilus bien vivant, dans d'excellentes conditions, etilna 
rejeté absolument aucun liquide; il est assez probable que Taschen- 
berg, en saisissant l’animal, l’a fortement comprimé et que le sang 
est sorti par des points de moindre résistance ; cela arrive souvent 


lorsqu'on manie un peu rudement les Insectes à téguments mous. 


SUR LES MOYENS DE DÉFENSE DE QUELQUES INSECTES. 679 


CONCLUSIONS. 


Un certain nombre d’Insectes, Z'imarcha, Galeruca, Megalopus, 
Coccinellides et Vésicants parmi les Coléoptères, £'ugaster et Ephip- 
piger parmi les Orthoptères, présentent le phénomène de la saignée 
réflexe : lorsqu'ils sont inquiétés, ils font le mort et rejettent des 
gouttes de sang soit par la bouche, soit par les articulations fémoro- 
tibiales des pattes, soit parle point d’altache des élytres. Chez toutes 
ces espèces, le sang renferme en dissolution des produits toxiques, 
caustiques ou répulsifs, dont le plus connu est la cantharidine des 
Vésicants. 

Ce rejet de sang est un moyen de défense très efficace contre les 
Lézards et les Batraciens ; il est d’ailleurs accompagné d’autres 
moyens de défense, cuirasse chitineuse dure et polie des Timarches 
et Coccinelles, odeur désagréable des Coccinelles et Vésicants, mort 
apparente, elc. 

On peut provoquer la saignée réflexe soit en touchant ou irritant 
l’animal, soit par une faible chloroformisation ou d’autres excitants. 
Son processus paraît être toujours le même : le sang, fortement com- 
primé par la contraction de l'abdomen, fait céder les points de 
moindre résistance de la cuticule et s'échappe ainsi au dehors. 

La saignée réflexe est sujette à variation : elle peut se produire à 
une place différente dans une même espèce (Zimarcha) ou peut 
manquer totalement chez certains individus ; enfin, elle semble exis- 
ter chez les Melasoma de Halle (Saxe), d’après Zopf, tandis qu’elle fait 


sûrement défaut chez ceux de France. 


OUVRAGES CITÉS. 


A. BeaureGarn. Les Insectes vésicants, Paris, 1890. 

2. Bonnet et Finot. Les Orthoptères de la régence de Tunis (Revue des sciences 
naturelles |31, t. IV, 1885, p. 193). 

3. Boxo (pe). Sul/ umore segregato dalla Timarcha pimelioides Schäffer, Ri- 
cerche sperimentali (Il Natural. siciliano, Anno 8, 1888-1889, p. 24). 

4, Breum. Les Merveilles de la nature. Les Insectes, édition française, par 
Künckel d'Herculais, Paris. 


680 L. CUÉNOT. 


5. Cavazzani. L'ichtyotoxique chez le Petromyzon marinus (Archives italiennes 
de biologie, t. XVIII, 1893, p. 182). 

6. CLaus. Ueber die Seitendrüsen der Larve von Chrysomela populi (Zeit. fur 

wiss.Z001 441 Bd; 1862;1p. 309) 

#. Cuénor. Le sang des Meloe ef le rôle de la cantharidine dans la biologie des 
Coléoptères vésicants (Bulletin de la Société zoologique de France, t. XN, 
1890, p. 126). 


8. — Le rejet de sang comme moyen de défense chez quelques Coléoptères 
(Comptes rendus de l’Académie des sciences, Paris, t. CXVIIE, 1894, 
815) 

9. — Le rejet de sang comme moyen de défense chez quelques Sauterelles 


(Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. CXXII, 1896, p. 328). 

40. — Études physiologiques sur les Oligochètes (Archives de biologie, t. XY, 
1897, p. 91). 

44. Ducès. Reptiles y Batracios del valle de Mexico (La Naturaleza [2], t. 1, 
p. 393). 

42. Girarp. Traité élémentaire d'entomologie, Paris, 1873. 

43. GraBer. Die Insekten, München, 1877-1879. 

44. Hay. On the ejection of blood from the eyes of horned Toads (Proc. U.S. 
Nat. Museum, t. XV, 1892, p. 375). 

45. Izquierno, Sobre los liquidos arrogados por los Insectos para defenderse de 
sus enemigos (Actes Soc. scient. Chili, t. V, 1896, p. 257). 

46. LarTReiLze. Le Règne animal, Insectes, t. XE, p. 518. 

47. Levnic. Zur Anatomie der Insecten (Archiv für Anat., Phys. und wiss. 
Medicin, 1859, p. 33). 

48. Lurz. Das Bluten der Coccinelliden (Zool. Anz., 18 Jahrg. 1895, p. 244). 

49. Macrerri. Del prodotio di secrezione particolare in alcuni Meloidi (Bolt. 
scientifico, n° 1, 1881). 

20. Mosso. Un venin dans le sang des Murénides (Archives itahennes de biolo- 
gte, t. X, 1888, p. 1#1). 

24. Ponrer. Pequena contribucion a la fisiologia de los Insectos. — Sobre la na- 
turaleza del liquido que como medio de defensa emiten algunos Coleo- 
pteros (Actes Soc. scient. Clih, t. IV, 1895, p. 217). 

22. SCHENKLING. Die deutsche Käferwelt, Leipzig, 1885. 

23. Vossecer. PBiologische Mitteilungen über einige Orthopteren aus Oran 
(Jahreshefte des Ver. für vaterl. Naturk. in Wäürtt., 1893, p. 87). 

24. Wazrace (Extract from letters concerning certain calfornian Reptiles). : 
[Proc. Zool. Soc. London, 1871, p. 1.] 

25. Wiziam. The red fluid emitted by Planorbis corneus {Journal of Concho- 
logy, vol. V, 1888). 

26. Zopr. Zur Kenntniss der Färbungursachen niederer Organismen : IV, Ca- 
rotin-Bildung und Carotin-Ausscheidung bei gewissen Kafern (Chryso- 
meliden und Coccinellen) (Beitr. zur Phys. und Morph. niederer Orga- 
nismen, Heft 2, Leipzig, 1892, p. 12). 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


38 SÉRIE TOME [V 


Annélides (voir Racovitza). 

Cœur(Biologie du),(voir Thesen[Jorgen]). 

Cyclopterus lumpus (voir Guitel). 

Coccidies (voir Labbé). | 

Columna (Fabius) (voir Dedekind). 

Cuëénot. Sur la saignée réflexe et les 
moyens de défense de quelques in- 
sectes, p. 655. 

Dedekind (Alexandre). Recherches sur 
la Purpura oxyblatta, p. 481. 

— Origine du mot Pourpre, N. et R., 
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— Sur quelques auteurs anciens s'étant 
occupés de la Pourpre. N.etR., p. vit. 

— Quelques mots explicatifs de la 
planche de Fabius Columna. N.etR., 
p. xII. 

Encéphale des Annélides (voir Raco- 
vitza). 

Guêpes sociales (voir Marchal). 

Guitel. Recherches sur le développe- 
ment des nageoires paires du Cyclop- 
Lerus lumpus, p. 345. 

Insectes (voir Cuénot). 


Labbé (Alphonse). Recherches zoologi- 
ques, cytologiques et biologiques sur 
les Coccidies, p. 517. 

Lacaze-Duthiers (H. de). Note sur la 
couleur de la Pourpre tirée des Mol- 
lusques, p. 471. 

Lobe céphalique des Annélides (voir 
Racovitza). 

Marchal (Paul).Lareproduction etlévo- 
lution des Guêpes sociales, p. 1. 

Murex (voir Dedekind),note II. 

Nageoires (voir Cyclopterus lumpus). 

Poissons osseux, (voir Thesen [Jorgen|). 

Polychètes (voir Racovitza). 

Pourpre (Couleur de la) (voir Dedekind 
et Lacaze-Duthiers). 

— Ozxyblatta (voir Dedekind). 

Racovitza (Émile G.). Le lobe céphalique 
et l’encéphale des Annélides Poly- 
chètes (anatomie, morphologie, histo- 
logie), p.133: 

Saiguée réflexe (voir Cuénot). 

Thesen (Jorgen). Études sur la biologie 
du cœur des poissons osseux, p. 101. 


TABLE DES PLANCHES 


32 SÉRIE. TOME IV 


I. — Eurythoe —- Euphrosyue. 

II. — Euphrosyne. 

III. — Euphrosyne — Spinther — Chrysopetalum. 

IV.— Chrysopetalum — Nereis. 

V. — Maldaniens. 

VI et VII. — Cyclopterus lumpus. 

VIH, IX et X. — Nageoires du Cyclopterus. 

XI. — Reproduction d’une planche tirée de l'ouvrage de Bask (1686). 
XII. -- Coccidies (Stade intracellulaire; Divisions intracellulaires). 
XIII. — Coccidies — (Pfeifferia Trilonis). 

XIV.— Coccidies (Pfeifferia — Eimeria — Rhabdospora). 

XV et XVI. — Coccidies (Klossia — Sporulation). 

XVII. — Coccidies (Sporulation). 

XVIII. — Coccidies (Spores). 


XIX. — Dessins de la Purpura hæmastoma faits avec la matière à pourpre de cet 
animal. 
XX. — Dessin du Murex trunculus fait avec la matière à pourpre de cet animal. 


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