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ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ET GÉNÉRALE
ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ET GÉNÉRALE
HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE
ÉVOLUTION DES ANIMAUX
FONDEES PAR
HENRI de LACAZE-DUTHIERS
PUBLIEES SOUS I.A DIRECTION DE
G. PRUVOT et E.-G. RACOVITZA
PROFESSEUR A LA SORBONNE DOCTEUR ES SCIENCES
DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAOO
TOME 52
PARIS
LIBRAIRIE ALBERT SGHULZ
3, PLACE DE LA SORBONNE, 3
Tous droits réservés
1913
IocjxS
TABLE DES MATIÈRES
du tome cinquante-deuxième
(650 pages, XX planches, 173 figures)
Notes et Revue
(2 numéros, 42 pages, 25 figures )
Numéro 1
(Paru le 30 Mai 1913. — Prix 2 ir.)
I. — D. Keilix. — Sur diverses glandes des larves de Diptères. Glandes mandibulnires, hypoder-
miques, et péristigmatiques (Note préliminaire) (avec 4 fig.) p. 1
II. — O. Duboscq etc. Lebailiy. — Sur les Spirochètes des Poissons (Deuxiènii' cote) (avec 7 fuj.). p. 9
Numéro 2
(Paru le 20 Août 1913. — Prix : 2 fr. 50.)
III. — TbÉGOUBOFF. — Sur un Chytridiopside nouveau, Chytridioides sehizophylli a. g., u. sp.,
parasite de l'intestin de Schizophyllum méditer raneum Latzel (avec 2 fig.) p. -■>
IV. — A. PoPOVICI-BAZNOSiN'tJ. — Etude biologique sur FAcarieu Trichotursw osmiite Dut", (avec
12 fig-) P 32
Tablc spéciale des Xotes et Kevue du Tome 52 P- *2
Liste des Mémoires parus daus les Tomes 31 à 50 des Archives, avec leur prix de vente.
Fascicule 1
(Paru le 15 Mai 1913. — Prix : 2 fr.)
F. Guitel. — L'appareil fixateur de l'œuf du Kurtus gulliveri (avec 3 fig.
dans le texte et pi. I) P- '
Fascicule 2
(Paru le 30 Juin 1912. — Prix : 46 t'r.)
C. Champy. — Recherches sur la spermatogénèse des Batraciens et le^
éléments accessoires du testicule (aeec 114 fig. dans le texte
et pi. II à XIII) P- I3
Fascicule 3
(Paru le 5 Juillet 1913/— 'Prix : 4 fr.)
L. Fage. — Recherches sur la biologie de la Sardine (Clupeapilchardus
Walb. ). I. — Premières remarques sur la croissance et l'âge des
individus, principalement dans la Méditerranée (avec 22 jig. dans
le texte) P- 305
Fascicule 4
(Paru le 15 Août 1913. — Prix : 3 fr. 50.)
Ch. Pérez. — Derinocystidium pusula. parasite de la peau des Tritons
(avec 7 fig. dans le texte et pi. XIV.) P- 343
Fascicule 5
(Para le 20 Septembre 1913. -Pris : 2 fr.)
E. Simon. — Araneae et Opiliones (4' série) Biospeologica XXX (avec 5 Jig.
dans le texte) • • • P- 359
Fascicule 6
(Paru le 25 Septembre 1913. — Prix : 12 fr. 50)
H. W. Brôlemann. — Glomérides (Myriapodes) (Ie série) Biospeologica
XXXI (avec 1 Jig. dans le texte et pi. XV à XIX.), p. 387
Fascicule 7
(Paru le 1er Octobre 1913. — Prix ; 3 fr. 50)
F. Guitel. — Recherches sur l'anatomie des reins du Cottus qobio {avec
2 Jig. dans le texte et pi. XX.) p. 447
Fascicule 8
(Paru le 10 novembre 1913. — Prix : 7 fr.)
R. Chevrels. — Essai sur la morphologie et la physiologie du muscle
latéral chez les Poissons osseux {avec 19 Jig. dans le texte.) p. 473
Fouteuay-aux-Roses. — Jrnp. L. Eeli.ena.vd.
ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
FONDÉES PAR
H. de LACAZE-DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT et E. G. RACOVITZA
Professeur à la Sorbonne Docteur es sciences
Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago
Tome 52. X0TE8 ET REVUE Numéro 1.
SUR DIVERSES GLANDES DES LARVES DE DIPTÈRES
GLANDES MANDIBULAIRES,
HYPODERMIQUES et PÉRISTIGMATIQUES
(NOTE PRÉLIMINAIRE)
PAR
D. KEILLN.
Reçu le S Avril 1913.
On a encore très peu de renseignements sur les glandes des larves de
Diptères, car si l'on trouve quelques vagues indications dans les travaux
consacrés à l'étude d'une larve déterminée, — presque toujours ces indica-
tions se rapportent uniquement à la glande salivaire. D'ailleurs, même
à ce point de vue, il n'a été étudié qu'un très petit nombre de larves, —
tout travail d'ensemble fait complètement défaut (1). Dans la présente
(1) On peut évidemment citer le travail de M. Yallé sur les glandes de Diptères. (Recherches sur les si indes
des Diptères. Thèse 1900.) dont la première partie est réservée à l'étude des glandes chez les larves ; mais ce travail
révèle une parfaite ignorance des Diptères en général et des larves en particulier ; il ne renferme
aucun fait intéressant, de sorte que la question, après cette publication, est exactement où elle était avant ; peut-
être même a-t-elle reculé, car le travail fourmille d'observations inexactes et d'idées phylogéniques bizarres.
Dans l'intérêt même de l'étude de cette question, U importe de laisser ce travail dans l'oubli.
Notes et Revue. — Tome 52. — Nifméro 1. A
2 NOTES ET REVUE
note je signalerai d'une part quelques faits nouveaux relatifs aux glandes
anciennement connues, d'autre part des glandes non encore décrites chez
les larves de Diptères.
Glandes mandibulaires chez la larve d'un Mycétophilide
() rn
En triant des larves de Diptères dans du bois pourri provenant de la
forêt de Sénart, j'ai trouvé plusieurs larves d'un Diptère qui, après
élevage, m'ont donné un Mycétophi-
lide du genre Sciara. En regardant
ces larves (semblables à toutes les
autres larves de Mycétophilides) par
leur face dorsale, j'ai remarqué une paire
de longues glandes occupant presque la
moitié de la largeur de la larve. Ces
glandes rappellent un peu la glande
salivaire, mais, au lieu de se réunir en
un canal commun et de déboucher à la
base de la lèvre inférieure, elles courent
séparément le long de la face dorsale
de la larve, entrent dans la tête, puis
chacune d'elles débouche dans la paroi
dorsale de la bouche, à la base de
chaque mandibule. L'examen in vivo de
la larve par sa face ventrale m'a montré
qu'elle présentait une glande salivaire
normale, en tous points comparable à
celles de toutes les autres larves de
Mycétophilides. L'étude des coupes
m'a conduit aux mêmes résultats que
l'observation in vivo (fig. 1 : Gm et cg).
Outre sa position, ses dimensions et
l'absence du canal excréteur commun,
la glande mandibulaire diffère encore
de la glande salivaire par beaucoup
d'autres caractères. C'est ainsi qu'elle ne présente pas les deux parties
nettement différenciées de la glande salivaire ; les cellules sont plus
petites et les noyaux moins chromatiques.
Fig. 1. Coupe longitudinale médiane de la larve
de Sciara sp. x 65 ; cg. canal excréteur de
la glande mandibulaire ; es. canal excré-
teur de la glande salivaire ; Gm. glande
mandibulaire ; oet œsophage.
D. KEILIN 3
Cette glande n'a jamais été observée chez les larves de Diptères qu'on
a étudiées jusqu'à présent. La présence chez une larve de Mycétophilide
est donc un fait nouveau, et d'autant plus intéressant que cette glande
existe chez les larves d'autres insectes, tels que Coléoptères ou Lépidop-
tères. Or, les Mycétophilides sont considérés comme des Diptères
inférieurs, ayant la larve la moins spécialisée.
Glandes hypodermiques des larves de Tipulides
Examinant les larves vivantes de Gnophomyia tripudians Bergt. (1),
j'ai remarqué qu'elles présentent dans chaque segment thoracique ou
abdominal de leur
corps deux glandes
dépendant de l'hy-
poderme, dont une
se trouve sur la li-
gne médio-dorsale,
l'autre sur la ligne
médio- ventrale.
La larve pré-
sente donc 22 glan-
des hypodermiques :
11 ventrales et 11
dorsales (A. fig. 2).
Chacune de ces glan-
des est en forme de
sac un peu allongé
suivant l'axe du
corps ; elle est com-
posée d'une seule
couche de cellules
et débouche à l'extérieur par un petit canal à paroi fortement
chitinisée qui traverse l'hypoderme et la cuticule de la peau. (B. fig. 2 et
A. fig. 3.) Toutes ces glandes ne sont pas de même dimension ; la première
glande ventrale (qui se trouve sur le prothorax), beaucoup plus longue
que les autres, présente un canal plus large et plus chitinisé (Gv. B.
(1) Je dois ces larves à mon ami W. Gamkrelidze qui a signalé dans le n° 507 de F. de J. Nat. 1913, p. 55-56
leur présence et celles d'autres larves qui les accompagnent sous l'écorce des troncs de peupliers abattus à
Cnaville.
Fia. 2. A. schéma d'une larve de Gnophomyia tripudians vue de profil ;
montre la disposition des glandes hypodermiques x 10.
B. coupe longitudinale médiane de la tête et du premier segment thoraci-
que de la même larve : gv. glande ventrale du 1er segment thoracique.
gd. glande dorsale du même segment ; es. canal excréteur de la glande
salivaire, ph, pharynx, x 86.
4 NOTES ET REVUE
fig. 2) ; les glandes successives sont de plus en plus sphériques à mesure
qu'on s'approche de l'extrémité postérieure de la larve.
Les produits de sécrétion enduisent la peau de la larve qui, étant très
pubescente, prend un aspect chatoyant très particulier. Cette irisation
devient très frappante quand on regarde la larve à sec.
Le cas de Gnophomyia n'est pas isolé sous ce rapport ; en effet les
larves d!Epiphragma ocdlaris L., que j'ai trouvées dans des vieux troncs
d'arbres abattus, généralement un peu desséchés, présentent, elles aussi,
des glandes métamériques et pluricellulaires de la peau, en même nombre
sfâ
M
{■■-■■■•,. -
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B,
Fig. 3. A. Coupe transversale de la glande hypodermique pluricellulaire en sac de la larve de Qnophùm/yia tri-
pudians Bergoth. x 867.
B. coupe transversale de la glande hypodermique pluricellulaire à canaux intraprotoplasmique de la larve
de Mongoma bromeliadicola. x 294
et ayant la même disposition que celles de larves de Gnophomyia. La
sécrétion de ces glandes donne aussi à la larve d'Epiphragma l'aspect
chatoyant qui permet de distinguer cette larve des autres larves de
Tipulides s. str. vivant dans les mêmes conditions. Mais la constitution
de ces glandes diffère beaucoup de celles de Gnophomyia. En effet, les
cellules de la glande, au heu de former un sac, sont ramassées, agglomérées
de manière à ne pi as délimiter une cavité ; leurs sommets respectifs
convergent vers un même point. Ces cellules sont allongées et présentent
un canal intraprotoplasmique qui se ramifie vers la base delà cellule. Tous
les canaux intracellulaires se réunissent au point de convergence de cehules,
à la base d'un canal chitineux commun qui, comme chez les Gnophomyia,
traverse l'hypoderme et la cuticule de la peau et s'ouvre à l'extérieur.
Chez les larves d'autres Limnobiides, comme Limnophila ferruginea
Mg., nemoralis Mg., Molophilus bifilatus Verrall et enfin Mongoma
D. KEILIN
bromeliadicola Alexander, j'ai trouvé des glandes en tous points
analogues à celles [d'Epiphragma.
De ces glandes métamériques et pluricellulaires, il faut rapprocher les
glandes hypodermiques monocellulaires décrites par Mtall chez la larve
de Dicranota modestaMg. Miall a trouvé en effet, dans l'hypoderme de cette
larve, des cellules disséminées sur toute la surface du corps de la larve,
cellules beaucoup plus grandes que celles de l'hypoderme ordinaires,
ayant dans leur protoplasme quelques canaux qui se réunissent vers le
sommet de la cellule en un canal commun qui traverse la peau de la larve
et s'ouvre à l'extérieur. J'ai pu revoir cette glande monocellulaire chez les
larves d'Ula macroptera Mg. (A. fig. 4) et chez plusieurs autres larves de
Fig. 4. A. coupe transversale d'une glande hypodermique monocelluaire de la larve d' Via macroptera Meig.x867
li. Coupe transversale d'une elande hypodermique pluricellulaire à canaux i'.traprotoplasmiques de la
larve i'Epiphragma ocellaris. x 213.
Tipulides dont je n'ai pu obtenir l'éclosion. Les larves qui possèdent ces
glandes présentent aussi ces effets optiques que j'ai signalés plus haut.
Nous avons donc chez les larves de Tipulides trois formes de glandes
hypodermiques :
1° Glandes monocellulaires disséminées, à canal intracellulaire ;
2° Glandes métamériques pluricellulaires :
a) Sans cavité glandulaire commune, mais avec les canaux
intracellulaires ;
b) Avec cavité commune en forme de sac, mais sans canaux
intracellulaires.
Toutes ces glandes se résorbent pendant la nymphose et chez l'imago
elles font complètement défaut.
Il me semble que les glandes hypodermiques des larves de Phalacrocera
replicata Lin. décrites par Bengtsson (1) (1899) doivent être rangées
(1) Les larves de Phalacrocera replicata présentent, d'après Benstsson, des glandes hypodermiques dans chaque
segment de leur corps, sauf le segment prothoracique et le dernier segment abdominal. Le segment mésothoracique
présente une paire dorsale de ces glandes, de même que le segment métathoracique. Chaque segment abdominal,
sauf le dernier, présente deux paires de ces glandes, une paire dorsale et une paire latérale. Chaque glande est
fermée d'une grande cellule avec un gros noyau sphérique et central et deux petits noyaux périphériques qui
prennent part, d'après Bengtsson-, à la formation d'un canal excréteur très court. Ces glandes ont été confondues
par Miall et Shelford (1897) avec des œnocytes.
6 NOTES ET REVUE
dans la même catégorie. Il est fort possible que les deux tubes glandulaires
intracardiaques décrits par Miall et Sheleord (1897) et par Bengtsson
(1899) chez la même larve de Phalacrocera doivent eux aussi être rappro-
chés des glandes précédentes ; par contre, il est tout à fait inutile de
chercher leur homologue chez les animaux différents appartenant aux
autres classes.
Glandes péristigmatiques
Ces glandes ont été observées pour la première fois par Batelli
(1879). Cet auteur a vu, en effet, au voisinage des tubercules stigmatiques
postérieurs de la larve d Eristale, des cellales très grandes, allongées,
présentant un canal contourné dans leur protoplasme, et il les a considérées
comme analogue des cellules glandulaires. Pour Viallanes (1885) ces
cellules seraient plutôt des organes élastiques particuliers. Mais leur fonc-
tion glandulaire a été démontrée par Gazagnaire (1886) et surtout par
Bruno Wahl (1900). D'après ce dernier auteur, ces cellules glandulaires,
enduisant d'une substance graisseuse les tubercules stigmatiques et les
poils qui les entourent, empêchent l'eau de mouiller les stigmates et per-
mettent en même temps à l'animal de se tenir suspendu par l'extrémité
postérieure en formant un ménisque concave. Pantel (1901), d'une
manière indépendante, a trouvé les mêmes organes glandulaires chez les
larves de muscides entomophages et il leur a attribué la même signifi-
cation que Bruno Walh. De mon côté, j'ai trouvé ces glandes chez les
larves des Mycétophilides, Psychodides, Ptychoptérides, Rhyphides,
Trichocera (1912) et toutes les larves de Diptères cyclorhaphes que* j'ai
eu l'occasion d'observer : ces glandes ne sont pas seulement localisées
au voisinage de stigmates postérieurs, mais existent à côté de chaque
paire de stigmate de la larve. Il est donc à penser que ces glandes
(que j'appelle péristigmatiques) existent chez toutes les larves de
Diptères au voisinage de chaque tubercule stigmatique. Sans entrer dans
les détails de la structure de ces glandes (que je réserve pour un travail
spécial), je veux ajouter seulement que la forme de ces glandes et le nom-
bre de cellules qui les composent varient d'une espèce à une autre, de
même que la forme du canal intraprotoplasmique ; ce dernier peut être
continu et alors droit ou enroulé, ou discontinu, marqué seulement par
les chapelets de boules de sécrétion.
D. KEILIN 7
Nous avons donc chez les larves de Diptères quatre organes glandu-
laires à sécrétion externe : 1° glandes salivaires ; 2° glandes mandibulaires;
3° glandes hypodermiques ; 4° glandes péristigmatiques. La présence des
glandes salivaires est générale chez toutes les larves de Diptères. Leur
forme et leur constitution varie d'une espèce à une autre, mais partout
ce sont des glandes paires constituées par une seule couche épithélialet;
seules les Syrphines, comme j'ai pu le montrer tout récemment (1913),
font exception, leurs tubes glandulaires étant doublés d'une tunique
fibrillaire spéciale.
Les glandes mandibulaires n'avaient jamais été décrites chez les
larves de Diptères, leur présence chez Sciara est encore un fait unique.
Peu de larves de Diptères possèdent des glandes hypodermiques ; je signale
seulement leur présence chez les larves de quelques Tipulides, encore
n'ont-elles été vues par Bengtsson que chez la larve de Phalacrocera repli-
cata et par Holmgren (1907) que chez les larves d'un Mycétophihde aber-
rant, Mycetophila ancyliformis. A mon sens, ces glandes jouent deux rôles
importants : 1° elles préservent la larve du dessèchement grâce, à l'enduit
graisseux qu'elles sécrètent et qui s'oppose à l'évaporation, c'est le cas
(ÏEpiphragma ocellaris et d'autres Tipulides qu'on trouve dans le bois
mort très sec ; 2° elles préservent la larve contre l'asphyxie par submer-
sion ; c'est le cas pour Limmophila et d'autres Limmobiides qu'on trou-
ve dans la vase. Les glandes péristigmatiques ont une répartition aussi
générale que les stigmates; elles rappellent par leur constitution les glandes
hypodermiques à canal intracellulaire, leur rôle est d'empêcher les stig-
mates d'être mouillés et de permettre à la larve de surnager dans l'eau,
étant soutenue par les stigmates postérieurs.
Travail du Laboratoire a" Évolution des Êtres organisés
BIBLIOGRAPHIE
1878.
Batelli. On the Anatomy of the larva of Eristalis tenax. (Soc. Tosc. di
Scienze Natur. Proc. verb. nov. 10. 1878.)
1897. Bengtsson. Studier ôfver Insektlarva I Till. Kônnedomen om larven oi Pha-
lacroceru replicata L. (Lunds Universitets Arsskrift Bd. XXXIII.)
1899. — Ueber sogen. Herzkôrper bei Insectenlarven. Zugleich ein Beitrag zur
Kenntniss der Blutgevvebe. (Bihang Till. K. Swenska vet. Akad. Hand-
lingar Band 25 Afd. IVN«3.)
1913. Gamkrelidze (W.). Sur la faune des peupliers. Gnophomyia tripudians Berg.
S NOTES ET REVUE
et Miastor melraolas nouveaux pour la France. (F. des Jeun. Nat. N° 507.)
1886. Gazagnaire. Des glandes chez les Insectes. — Sur le prétendu «nouveau type
de tissu élastique ». (C. R. Acad. Se., p. 1501.)
1907. Holmgren Nils. Monographische Bearbeitung einer schalentragenden Myceto-
philidlarven. (Mycetophila ancylijormis n. sp.) (Zeitschr. fur wiss. Zool.
Bd. 88. Hf. I. p. 1-77.)
1911. Keilin (D.). Recherches sur la morphologie larvaire des Diptères du genre
Phora. (Bull, scient, de la France et Belgique. T. XLV, 7e série. Vol. III,
p. 27-88. 1911.)
1912. — Recherches sur les Diptères du genre Trichocera. (Bull. Se. de la France et
Belgique, 7e série, T. XLVI, fasc. 2, p. 172-190. 1912.)
1913. — Sur une formation fibrillaire intracellulaire dans la tunique de la glande
salivaire chez les larves de Syrphinse. (Compt. Rend. Acad. Se. Paris.
T. CVI. N° 11, p. 908-910. 1913.)
1893. Miall (S. C). Dicranota; a carnivorans Tipulid larva with 4 pis. (Trans.
Entom. Soc. London, p. 235-283.)
1897. Miall (L. G.) and Shelfobd. The structure and Life history of Phalacrocera
replicata. (Trans. Entom. Soc. London. 1897. Part. 14, p. 351.)
1901. Pantel (J.). Sur quelques détails de l'appareil respiratoire et de ses annexes
dans les larves de Muscidées. (Bull. Soc. Entom. Fr. N° 4, p. 576.)
1884. Viallanes (H.). Note sur un nouveau type de tissu élastique. (C. R. Ac. de
Se. 1884.)
1885. — Sur un nouveau type de tissu élastique observé chez la larve de VEristalis
(Ann. Se. Nat. T. XVII.)
1899. Wahl Bruno. Ueber das TVacheensystem unddie Imaginalscheibender Larven
von Eristalis tenax. L. mit 5 Taf. (Arb. Zool. Instit. Wien. T. XII.
1. Heft. p. 45.
0. UUBOSCQ ET C. LEBAILLY 9
II
SUR LES SPIROCHÈTES DES POISSONS
(DEUXIÈME NOTE )
PAR
0. DUBOSCQ et C. LEBAILLY
Reçu le 19 Mars 1913.
Dans une première note (1912 a) et dans un travail sur les Spiro-
chètes des Poissons de mer (1912 b), nous avons montré que les Trépo-
nèmes du rectum pénètrent dans les cellules épithéliales, dans les espaces
lymphatiques et parfois dans les vaisseaux sanguins. Une question
intéressante se pose donc qui est celle-ci : existe-t-il chez les Poissons
des Spirochètes sanguicoles vraiment distinctes des Spirochètes intes-
tinales ? Pour y répondre définitivement de nombreuses recherches
seront nécessaires. Nous ne pouvons apporter ici que quelques faits
nouveaux qui n'ont rien de décisif.
Spirochètes du tube digestif des Poissons
Nous avions trouvé des Spirochètes dans le tube digestif des Poissons
suivants :
Gadus luscus L. Luc. Roscofï.
Gadus capelanus Risso. Cette.
Gadus morhua L. Luc.
Merlangus pollachius L. Luc. Cette. Banyuls.
Merlucius merlucius L. Luc.
Scomber scombrus L. Luc.
Tracliurus trachurus L. Luc.
Zeus faber L. Luc.
Cottus bubalis Euphras. Luc. Roscofï.
Boops boops L. Cette. Cavalière.
Hippocampus antiquorum Leach. Cette. Luc.
Hippocampus guttulatus Cuv. Cette.
Blennius pavo Risso. Cette.
XOTES F.T REVUE. — TOME 52. — NT.UÉIiO 1 B
10 NOTES ET BEVUE
Blennius pholis L. Luc. Roscoff.
Nous devons maintenant ajouter à cette première liste :
Onos mustela L. Luc.
Onos tricirratus Brunn. Roscoff.
Lepadogaster 7nicrocephalus Brook. Roscoff.
Lepadogaster bimaculalus Donov. Luc.
Lepadogaster gouani Lacép. Roscoff.
Syngnathus acus L. Roscoff. Luc.
Siphonostoma typhle L. Roscoff.
Blennius gattorugine Lacép. Luc. Roscoff.
Gobius paganellus L. Roscoff.
Trigla lucerna L. Luc.
Gasterosteus spinachia L. Roscoff.
On remarquera que cette deuxième liste, contrairement à la pre-
mière, ne contient guère que des Poissons de fond. Mais cela ne modifie
pas l'essentiel de nos premières conclusions, puisqu'il s'agit de Poissons
indemnes pour la plupart de Trypanosomes et d'Hémogrégarines. Les
Pleuronectides et les Callionymus, qui en sont si souvent infestés, se
montrent toujours dépourvus de Spirochètes. On en pourrait conclure,
ce qui n'est pas notre avis, que la vie sur le fond ne favorise en rien la
propagation des Spirochètes. N'est-il pas remarquable, en effet, de
constater dans le groupe des Zeorhombi, l'absence de Spirochètes chez
les Rhombiformes benthiques et leur présence chez les Zéidés nectiques ?
De nos examens, portant déjà sur beaucoup d'espèces de Poissons,
il se dégage que les Spirochètes du tube digestif sont des parasites propres
à certains groupes. On les trouve particulièrement chez les Scomb ri-
formes (Scoynber, Trachurus) sur lesquels nous n'apportons pas d'obser-
vations nouvelles, chez les Gadiformes (Gadus, Merlangus, Onos, Mer-
lucius), chez les Blenniif ormes (Blennius, Lepadogaster) et chez les Lopho-
branches (Syngnathus, Siphonostoma, Hippocampus).
Tréponèmes des gadiformes
Les Gadiformes sont avec les Blenniiformes le matériel de choix
pour l'étude des Spirochètes des Poissons. Les deux espèces de Motelles
communes sur nos côtes, Onos mustela L., Onos tricirratus Br., contiennent
des Tréponèmes abondants dans le rectum et rares dans le pharynx et
l'estomac.
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY
11
Chez Onos mustela L., les Tréponèmes se montrent sous deux formes :
une forme à larges tours de spire, et une forme à spires serrées. La forme
à larges tours de spire correspond au type Treponema gadi. Le plus sou-
i
^$!s&?—
V
%s> ~<*.
FiG. i. Muqueuse rectale de Onos tricirratus Brcxn. envahie par Treponema gadi Neumaxx. n,nématode intraépi-
thélial ; /, espace lymphatique ; », vaisseau sanguin. — Méthode de Cajal-Levaditi. x 700.
vent une des extrémités s'effile progressivement et apparaît moins
colorable, tandis que l'autre s'atténue brusquement.
Cependant les sinuosités sont un peu plus courtes et l'épaisseur moindre
(0[j. 15). On ne rencontre jamais de Tréponèmes dépassant 15 a, et les
12 NOTES ET REVUE
plus grands individus de cette forme n'ont que quatre tours de spire.
Il existe des sortes de Tréponèmes à deux tours de spire, avec deux
grosses inclusions colorables et qui paraissent spéciales (stade particu-
lier ou autre organisme ?) et en outre des formes vibrioniennes.
La forme à spires serrées est assez fréquente. Ses tours de spire
sont deux fois plus nombreux. Elle paraît plus rigide et pourrait corres-
pondre à une autre espèce.
('liez Onos tricirratus Brunn, nous retrouvons les mêmes Trépo-
nèmes et les deux formes, l'une à tours lâches, l'autre à tours serrés,
celle-ci montrant alors six à huit tours de spire.
Chez les deux Motelles, les Tréponèmes sont absolument répartis
comme chez la Gode et le Capelan, et l'on peut distinguer des Trépo-
nèmes libres dans la lumière intestinale, d'autres fixés sur le plateau
des cellules épithéliales, d'autres enfin intracellulaires. Le rectum des
Onos, a dV Heurs la même structure que celui des vrais Gadus et une
étude comparative montrerait sans doute que ces Poissons à barbillons
sont plus voisins des Godes et des Capelans que ne le sont les Merlans
rangés dans les Gadus par la plupart des auteurs actuels. Comme les
Tréponèmes des Gades, ceux des Motelles pénètrent surtout au niveau
des vieilles cellules ou des cellules altérées. Or, les altérations sont nom-
breuses dans le rectum des Onos et en particulier d'Onos tricirratus
toujours farci de parasites. On y rencontre des Coccidies (Goussia et
Cristallospora) et plusieurs Vers dont l'un, qui semble être un Nématode,
(nous ne l'avons vu que sur des coupes imprégnées à l'argent), détermine
des remaniements de l'épithélium. Autour du Ver les cellules allongées
et devenues fibreuses s'orientent pour l'enkyster. Les cellules du voisi-
nage se disloquent, et leurs dislocations amènent la formation de lacunes
intraépithéliales qui se prolongent en fentes jusqu'à la lumière intesti-
nale. Par ces fentes, ainsi que par les cellules dégénérées, les Spirochètes
pénètrent en masse, et s'enfoncent en rangs serrés dans la profondeur
du tissu, longeant les bords des lacunes pour arriver enfin dans les
espaces lymphatiques où on les trouve nombreux contre les parois
(/. fig. i). D'une façon générale, on ne rencontre aucun Tréponème
dans les vaisseaux sanguins (v. fig. i), alors même que les lacunes lym-
phatiques voisines en sont remplies. Les Spirochètes peuvent aussi péné-
trer dans la profondeur par la cavité intraépithéliale occupée par le
parasite.
On voit, çà et là, des Tréponèmes contigus à la cuticule du Ver et
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY 13
semblant ramper sur son tégument; mais c'est un fait rare. Les Trépo-
nèmes traversent surtout les cellules épithéliales désorientées au niveau
du kyste. A l'appui de cette remarque, notons que les Coccidies, qui
déterminent l'hypertrophie de la cellule, hôte sans léser les cellules
voisines, ne favorisent en rien la pénétration des Spirochètes.
Chez Gadus minutus, où l'on rencontre parfois un Trémadode enkysté
dans l'épithélium rectal, nous avons observé les mêmes faits que chez
la Motelle. Peut-être, cependant les Spirochètes se rencontrent-elles
plus souvent dans la cavité occupée par le Ver, qui favoriserait ainsi
très directement leur pénétration (1).
Tréponèmes des blenniiformes
C'est toujours un Tréponème du type T. gadi qu'on trouve d'une
façon constante chez Blennius pholis, et d'une façon accidentelle chez
Blennius gattorugine. Antérieurement, nous avions signalé ceux de
Blennius pavo dont une forme est intéressante. Par contre, nous n'en
avons jamais vu chez Blennius ocellaris.
Nous insisterons seulement sur les Tréponèmes des Lepadogaster.
Nous avons observé à Luc-sur-Mer 11 Lepadogaster bimaculatus Penn.,
à Roscoff 12 Lepadogaster gouani Lacép., et un Lepadogaster microce-
plialus Brook.
Dans le rectum de ces trois espèces, nous trouvons des Tréponèmes.
Ils sont absolument constants chez Lepadogaster gouani, ils étaient abon-
dants chez l'unique Lepadogaster microcephalus étudié, mais ils n'ont
été trouvés que dans la moitié des cas (6 fois sur 11) chez Lepadogaster
bimaculatus.
Cher Lepadogaster gouani, l'infestation est toujours intense comme
chez les Gades. L'étude sur le vivant à l'éclairage à fond noir, com-
plétée par l'étude des frottis, nous montre d'a.bord que le Tréponème
abondant est bien du type Treponema gadi tel qu'on le rencontre chez
les Motelles. L'épaisseur varie de 0 y. 15 à 0 y. 20 et les plus grandes
(1) A première vue la question de la transmission des spirochétoses se pose tout autrement que celle de l'appen-
dicite ou de la fièvre typhoïde. On sait que les Spirochètes pathogènes traversent normalement les muqueuses,
qu'en particulier GOZONÏ (1911) semble avoir démontré le passage du Spirochœta Duttoni à travers la muqueuse
intestinale des rats et des souris, et que les Pjissons nous ont fourni la preuve cytologique de la pénétration des
Spirochètes dans un épithélium intestinal intact. Par là même, le rôle des Vers parasites peut paraître négligeable.
Nous ferons remarquer cependant que, au moins chez les Poissons, les Spirochètes qui pénètrent dans une muqueuse
en parfait état sont peu nombreux et s'arrêtent pour la plupart dans les cellules épithéliales. Il faut des altérations
graves de l'épithélium pour déterminer leur passage en masse et leur arrivée en grand nombre dans les espaces
lymphatiques.
H
NOTES ET REVUE
formes dépassent bien rarement 12 y. et ont de 3 à 4 tours de spire.
A côté de cette forme commune, on trouve parfois une Spirochète à
spires serrées et nombreuses, tournant rigide autour d'un axe rectiligne,
comme les Tréponèmes du sang dont nous parlerons plus loin.
Nous ne l'avons malheureusement vue que sur le vivant. Comme elle
nous a paru plus grande que l'espèce sanguicole, nous ne pouvons savoir
si cette forme intestinale, à spires serrées et nombreuses, représente une
espèce autonome, ou si elle n'est qu'un stade soit du Treponema gadi, soit
A.
\
JS
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Fia. il. Epithélium rectal de Lepadogaster Gouani Lacép. A. Région des pseudo-cils (Bactéries et Spirochètes).
B. Plateau cellulaire avec Bactéries et Spirochètes éparses ; 2 Spirochètes intracellulaires. — Cajal-
Levaditi. x 1350.
du Treponema perexile. Chez les Lepadogaster, le Tréponème du type
gadi se rencontre soit libre dans la lumière du rectum, soit fixé sur la
surface de l'épithélium, soit intracellulaire. Si les formes libres dans
la lumière ne se montrent pas en amas aussi nombreux que chez les
Godes, les formes fixées sur l'épithélium sont comme chez ces Poissons,
çà et là en touffes serrées qui simulent des cils vibratiles. Ces pseudo-cils,
mêlés ici à des Bactéries, forment un revêtement indéchiffrable, plus
dense et moins haut que le revêtement semblable du rectum des Cape-
lans et des Godes (A. fig. 2). Cette hauteur moindre ne dépend pas seule-
ment de la moindre longueur des Tréponèmes, mais avant tout de leur
direction qui est oblique ou même presque tangentielle à la surface. On
0. DUBOSCQ ET C- LEBAILLY
15
en a la preuve en regardant les points de l'épithélium où les Spirochètes
sont rares (B. fig. 2), ou en comparant la hauteur de la touffe de pseu-
do-cils à la longueur des Spirochètes intracellulaires (A. fig. 2). .
I/épithélium rectal des Lepadogaster rappelle celui du Merlan par
l'alignement régulier des cellules épithéliales et par l'absence de cryptes.
La rénovation de l'épithélium étant moins active que chez les Gadus,
on ne sera pas surpris de rencontrer peu de Spirochètes intracellulaires
dans cet épit hélium moins remanié. Cependant, ces Spirochètes pénètrent
facilement dans les cellules en parfait état, suivant d'ordinaire leur grand
axe (B. fig. 2), ou bien les traversant
obliquement. On n'en voit jamais dans
les cellules muqueuses, à moins que
celles-ci ne soient au terme de leur
évolution. L'expulsion des 'cellules
dégénérées détermine pour un moment
une perforation épithéliale par laquelle
s'insinuent dans la profondeur de
nombreuses Spirochètes. Elles attei-
gnent la base de l'épithélium et pénè-
trent parfois dans le tissu conjonctif
des villosités, mais on ne les suit pas
plus loin. Quelques-unes s'enroulent
en anneaux.
Chez Lepadogaster microcephalus et chez Lepadogaster bimaculatus,
les Tréponèmes du rectum paraissent les mêmes que ceux de Lepado-
gaster gouani. Chez Lepadogaster bimaculatus où ils n'existent que dans
la moitié des cas, nous trouvons aussi à côté de la forme type à larges
sinuosités la forme énigmatique à spires serrées, laquelle n'est jamais
seule.
e-
FIG. in. Treponema trigla} n. sp. ; a, forme
courte à grandes spires se transformant
en forme longue à spires serrées ; 6, divi-
sion de la forme longue ; c, forme courte à
grandes spires ; d, forme longue à spires
serrées ; e, stades de repos, x 2000.
Ainsi que l'indique notre liste, on peut observer des Tréponèmes
chez Gobius paganellus L. où ils paraissent constants, chez Syngnathus
acus L. et chez Gasterosteus spinachia L. où l'infestation est accidentelle.
Ce sont toujours des Spirochètes du type Treponema gadi. Celles de
Trigla lucerna L. et de Siphonostoma typhle L. sont, par contre, plus
intéressantes.
Chez les trois Trigla lucerna que nous avons examinés, il existait
dans le rectum un Tréponème abondant que nous appellerons Trepo-
16 NOTES ET REVUE
nerna triglœ n. sp. Il se présente sous deux formes : une forme courte à
grandes spires, une forme longue à spires serrées.
La forme courte (c. fig. ni) à grandes spires a généralement 11 y. de
long et 6 tours de spire réguliers avec une épaiseur de 0 [j. 15 sauf aux
extrémités progressivement effilées. Cette forme courte s'allonge à un
moment donné et devient une forme longue de 15 y, pourvue de 12 tours
de spire au moins (d fig. ni). L'épaisseur reste la même et ne dépasse pas
0 [x 15. Le changement de la forme courte en forme longue commence
toujours par une des extrémités. Ensuite, tantôt le serrement des spires
s'étend de proche en proche à tout le Tréponème, tantôt, et c'est le cas
ordinaire, à la transformation d'une extrémité succède celle de l'autre
extrémité, la partie moyenne gardant encore ses grandes spires (a fig. m).
Sur les préparations colorées, on retrouve les deux formes que l'on
prendrait volontiers pour deux espèces si on ne les avait observées sur
le vivant. Fait remarquable, la forme à petites spires a souvent une
zone moyenne très amincie, comme prête à se rompre (b fig. m), et l'on
peut se demander si le serrement des spires n'est pas en rapport avec
l'effort mécanique nécessaire à la division. Treponema triglœ n. sp. est
encore caractérisé par son état de repos. Au lieu de conserver sa forme
de spirale lâche ou serrée, il se contracte d'un seul coup en un peloton
où il est méconnaissable (e fig. m). Reprend-il son activité, tout à coup
il se détend et brusquement redevient une spire régulière en rotation.
Nous avons observé chez un Siphonostoma iyphle L. un Tréponème
voisin du Treponema triglœ. Il faudra comparer minutieusement les
deux formes pour savoir s'il convient de les distinguer spécifiquement.
Spirochètes du sang des Poissons
Actuellement on connaît des Spirochètes dans le sang des Poissons
suivants :
Clarias angolensis Stde.
Pelamys sarda Bloch.
Gadus minutus L.
Gadus luscus L.
Merlangus pollachius L.
Lepadogaster bimaculatus Donov.
Nous ajouterons à cette liste :
0)ws mustela L.
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY
17
Blennius pholis L.
Lepadogaster gouani Lacéi\
Si l'on met à part le Silure, Clarias angolensis Stdr., dont les para-
sites du rectum n'ont pas été recherchés, on constate que tous ces Pois-
sons se rangent dans les Scombriformes, les Gadiformes et les Blennii-
f ormes, groupes particulièrement infestés de Spirochètes intestinales.
Et nous avons démontré que. chez les Lepadogaster comme chez les
Gadiformes, les Trépomènes de l'intestin traversent l'épithélium rectal
et pénètrent dans les espaces lymphatiques.
Tréponèmes du sang des gadiformes
• •
Neumann (1909), le premier, observa une Spirochète dans le sang
de Gadus minutus (= Gadus capelanus pr. p.) Nous (1912 b) avons mon-
tré que la Spirochète observée dans le sang du Capelan correspondait
tout à fait à
la forme qui
abonde dans
le rectum et
qui normale-
ment pénètre
dans la pro-
fondeur des
tissus. Nous
avons retrou-
vé cette forme
intestinale
dans les ca-
pillaires et
dans la gran-
de veine du
rectum, et Fig. iv. Coupe partielle de la veine spLhiique de Gadus luseux L. avec nombreux
Treponema gadi Neumash. Cajal-Levaditi. x 700.
nous croyons
l'avoir vue, mais très rare, dans la grande circulation. Nous som-
mes donc fondés à croire que le Treponema gadi ( Neumann) est
un parasite du rectum, ne passant dans le sang qu'accidentellement.
Chez Gadus luscus, le même Treponema gadi qui abonde dans le
rectum, passe couramment dans la profondeur de l'épithélium, se retrouve
S fF) 2>
18
NOTES ET REVUE
: .. __■■.- - ., ■-
i
*<
!*
(
te'
er
Fig. v. Rate de Gadus /«sc«s L. avec Spirochètea en fragmentation.
Cajal-Levaditi. x 1.350.
souvent dans les espaces lymphatiques, et nous l'avons observé une
fois dans les vaisseaux des divers organes et dans le parenchyme de la
rate. Nous représentons ici une portion de coupe de la rate de cette
Gode (fig. iv). Elle montre ce que montrait à peu près toutes les coupes
du même organe : de
nombreux Tréponè-
mes dans la veine
splénique et un cer-
tain nombre de Tré-
ponèmes dans le
parenchyme, dont
plusieurs en désagréga-
tion. On observe sur-
tout soit l'enroulement
en anneaux, soit la fragmentation en tronçons arqués et leur dissolu-
tion progressive (fig. v). Les Tréponèmes entiers sont rares.
Beaucoup d'auteurs ont déjà observé des figures atypiques de
Spirochètes dans la rate, et les interprètent comme des états agoniques
ou des stades de
dissolution. Breinl /
(1908) par contre, f
tout en se ratta-
chant pour la plu- j •
part des formes a \
cette interprétation ,
a décrit un enkys-
tement particulier \^
de Spirochœta dut-
toni avec fragmen-
tation en granules
qui pourraient être
des stades de repos.
Pour nOUS, tOUS les ym. VI. 3 tubes du rein de Gadus luscusL. dont deux semblent contenir des
i i r Spirochètes. Cajal-Levaditi x 1.000.
stades observes
dans la rate de Gadus luscus sont très probablement des stades de
dégénérescence. Nous n'y avons jamais vu les anneaux condensés
rencontrés dans l'épithélium rectal, et que nous croyons pouvoir
être des formes de résistance.
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY 19
Chez la Gode atteinte de spirochétose, le Treponema gadi était
presque aussi abondant dans les vaisseaux du rein que dans ceux de la
rate. Sur les coupes imprégnées à l'argent, en même temps que nous
retrouvons les Tréponèmes dans le sang, nous observons des figures
qui semblent représenter l'élimination des Spirochètes par les tubes
rénaux (fig. vi). On voit en brun ou en noir des filaments sinueux, ou
bien des anses, parfois des anneaux réguliers ou tordus en 8, en même
temps que des bâtonnets ressemblant à des bacilles. Mais ces images
s'observent à peu près uniquement dans des tubes dont l'épithélium
est altéré. La plupart des bâtonnets prennent naissance dans les noyaux
et ne sont sans doute que des cristalloïdes. Quant aux filaments sinueux,
s'ils en imposent pour des Spirochètes, on ne doit pas considérer cette
interprétation comme certaine. L'imprégnation à l'argent est trompeuse.
Elle a montré à Le Play, Sésary et Vallery-Radot (1912) des filaments
spirales, rappelant le Treponema pallidum, dans des coupes de reins
humains indemnes de syphilis.
Comme nous l'avons dit, le3 Motelles ont leur épithélium riche-
ment infesté de Tréponèmes qui pénètrent dans la profondeur des tissus,
parfois en grande quantité, à la suite des lésions de l'épithélium dues
aux Vers parasites. Nous avons observé une fois chez Onos tricirratus
un envahissement du péritoine par les Spirochètes du rectum. Une autre
fois, chez Onos mustela dont nous avons examiné vingt individus, le sang
était infesté d'un Tréponème du type Treponema gadi. Les Spirochètes
du sang de cette Motelle étaient tous à larges sinuosités, les plus longs
mesurant 7 u avec 3 tours et demi de Spire. Les formes à deux tours
et à un seul tour (formes vibrioniennes) étaient communes. Parmi les
Spirochètes à deux tours, nous avons rencontré ces formes énigma-
tiques à deux grosses inclusions colorables qu'on observe couramment
dans le rectum. Il s'impose donc de conclure au passage accidentel des
Spirochètes du rectum dans le sang. Notons toutefois que nous n'avons
observé dans le sang ni les formes longues à larges tours de spire (forme
de 12 y. ), ni la forme à spires serrées.
Le cas de Merlangus poîlachius est différent de celui des autres
Gadidés. Herbert Henry (1910) signala le premier l'existence dans
le sang du Lieu d'un Spirochète dont il ne donna aucune description.
Il l'appela Spirochœta gadi pollachii. Cette désignation était critiquable.
Neumann (1909) ayant déjà décrit une Spirochœta gadi, on pouvait
croire que Spirochœta gadi pollachii ne représentait qu'une simple variété
20 NOTES ET REVUE
du Tréponème de Neumann, qui justement existe dans le rectum de
Gadus pollachius. A vrai dire, rien ne prouvait que le Tréponème observé
par Henry ne fût pas le Tréponème du rectum.
Pour ces raisons, nous avons proposé d'appeler Treponema fattax,
la Spirochète que nous (1912) avons nous-même trouvée, après Henry,
dans le sang des Gadus pollachius.
Peu de temps après l'apparition de notre mémoire, H. Henry (1912) (1)
a donné une description du Tréponème du Lieu en l'appelant simple-
ment Spirochœta pollachii et de sa description il semble résulter que
Spirochœta pollachii et Treponema fallax, doivent tomber en synonymie.
Il serait juste d'accepter le dermer nom proposé par Henry, mais nous
croyons que les règles de la nomenclature s'y opposent.
Sur les frottis fixés à l'alcool absolu, Treponema fallax apparaît
comme un Tréponème plus mince et à spires plus serrées que Treponema
pelamidis auquel il ressemble. Son épaisseur ne dépasse pas 0 y. 10. Les
petites formes de 4 y 5 ont trois tours de spire, les moyennes ont 6 tours
de spire et à peine 9 y. Les formes les plus longues ont 8 tours de spire
et mesurent 11 y. Les deux extrémités très pointues sont progressive-
ment effilées (B fig. vu). Les coupes des organes imprégnés à l'argent ne
nous ont montré aucun Treponema fallax dans le sang artériel alors qu'il est
commun dans le cœur, dans les veines et en particulier dans la veine
rectale. Est-il arrêté par les branchies ou ne peut-il vivre que dans le
sang veineux ? Nous ne pouvons le dire. A noter que sur les coupes
imprégnées à l'argent, les Tréponèmes apparaissent plus épais et à spires
plus serrées. Ainsi nous trouvons communément des spires mesurant au
plus 1 y. et des Tréponèmes de 5 y. ayant jusqu'à 6 tours de spire. Sans nul
doute, le formol les fixe dans l'état de spasme qui précède la mort.
Tréponèmes du sang des blenniiformes
Chez Blennius pholis L., nous avons observé deux fois des Trépo-
nèmes peu nombreux dans le sang circulant. Ils ne différaient en rien
du Tréponème du rectum, c'est-à-dire qu'ils étaient du type Treponema
gadi sans présenter de formes longues. Le cas de la Blennie s'ajoute donc
aux cas tout pareils de Gadus minutus, Gadus luscus et Onos mustela.
Nous (1912) avons déjà signalé la présence constante d'un Trépo-
(1) Nous avons eu connaissance du dernier travail de M. Henry grâce à M, Mesnil qui a eu l'obligeance de
nous le eorumuniquer dès son apparition.
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY 21
nème dans le sang de Lepadogaster bimaculatus Doxov. Il est très voisin
du Treponema fallax, à tours très serrés comme lui et d'une rigidité
spirillaire. Mais on ne voit pas de formes supérieures à 8 \j. et son épais-
seur difficile à préciser (elle est inférieure à 0 u 10), est encore moindre
que celle du Treponema fallax, d'où le nom de Treponema per exile,
que nous avons proposé. Ses mouvements sont très rapides; il se déplace
très vite en avant, en arrière, indifféremment, et toujours par une rota-
tion autour d'un axe rectiligne. Le mouvement ne change que si, comme
il arrive quelquefois, le Tréponème se trouve fixé à la lame par une de
ses extrémités. Alors, pour se dégager, il se tend en demi-cercle tout en
conservant sa structure spiralée et brusquement se redresse. Sur les
frottis colorés au violet de gentiane, Treponema perexile paraît beaucoup
plus gros et mesure un peu plus de 0 \>. 20,
c'est-à-dire .plus de trois fois son épais-
seur réelle, qui est d'ailleurs variable du
simple au double selon les individus. Cet
épaisissement ne s'étend pas aux extré-
mités, qui paraissent claires et effilées
comme si elles étaient uniquement com-
, , , . , Fig. vu. A. Treponema perexile Dcb. et
pOSeeS QO periplaSte. LEB. du sang fie Lepadogaster bimacn-
-r j • latus Doxov. ; B. Treponema fallax
Les tours de spires apparaissent DrB et LEB x 200o
plus lâches sur les préparations fixées
que sur le vivant. Les formes longues de 8 y. ont 6 tours de spire,
Les formes moyennes qui mesurent 6 u ont 3 à 4 tours de spire, et les
formes courtes, de 3 \j. n'ont qu'un tour et demi (.4 fig. vu).
Ainsi, par sa morphologie, Treponema perexile se rapproche beau-
coup de Treponema fallax et se montre seulement plus mince et moins
long. Il s'en distingue encore par sa survie dans le sang. Chez les
deux Gadus poUachius dont le sang était infesté, les Treponema fallax
n'avaient pas survécu longtemps à la mort de leurs hôtes, et nous n'avions
pu les observer vivants. Treponema perexile se retrouve actif dans le
sang 24 heures après la mort du Lepadogaster et on peut le garder en
vie 48 heures entre lame et lamelle. Nous avons essayé sans succès de
l'inoculer à divers Poissons (Gobius, Onos, Cottus, Blennius, Solea, Callio-
nymiis, Gadus).
Tandis que chez Lepadogaster bimaculatus nous rencontrons un
Tréponème sanguicole absolument constant et un Tréponème du rectum
seulement dans la moitié des individus, chez Lepadogaster gouani le
22 NOTES ET REVUE
rapport est inverse : le Tréponème du rectum est constant, alors que
le Tréponème du sang existe à peine chez la moitié de ces Poissons
(5 fois sur 11). Ce simple fait de statistique semble prouver que la Spiro-
chète du sang est spécifiquement distincte de la Spirochète du rectum.
Le Tréponème du Lepadogaster gouani paraît si voisin de celui du Lepa-
dogaster bimaculatus que nous le rapporterons à la même espèce. Sur le
vivant, sa forme et ses mouvements sont pareils, et les observations
faites sur l'un valent pour l'autre. Cependant il existe chez Lepado-
gaster gouani des formes plus grandes (10/jl), et, parmi celles-ci, certaines
sont détendues après fixation et coloration. Nous avons ainsi trouvé un
Tréponème de 10 p n'ayant que quatre tours et demi de Spire et rappe-
lant le type T. gadi. Mais sa minceur ne permettait pas de le confondre
avec un Tréponème du rectum.
En résumé, le sang des Téléostéens peut être infesté par deux types
différents de Tréponèmes. Chez Gadus minutus, Gadus luscus, Onos
mustela, Blennius pholis, nous trouvons un premier type à larges spires
si semblable au Tréponème du rectum que morphologiquement nous
ne pouvons l'en distinguer. La pénétration du Tréponème du rectum
dans les espaces lymphatiques et les capillaires étant démontrée, il s'impose
de rapporter les Tréponèmes de ces Poissons, qu'ils soient dans le sang
ou dans le rectum, au Treponema gadi Neumann.
Chez Merlangus pollachius et chez les Lepadogaster, les Tréponèmes
du sang sont d'un type tout différent. Par leurs extrémités effilées, par
le serrement des spires et leur rigidité, ces Spirochètes se distinguent
très facilement des Treponema gadi qu'on rencontre en même temps
dans le rectum de leurs hôtes.
Peut-on penser qu'elles ne sont que des stades de Spirochètes
intestinales adaptées au milieu sanguin ?
Le parasite qui passe dans un milieu visqueux et circulant comme
le sang, doit accroître sa puissance motrice s'il garde sa mobilité. De
même qu'un Trypanosome a son appareil moteur plus puissant que les
Flagellés intestinaux dont il est dérivé, de même les Spirochètes san-
guicoles dans leurs mouvements doivent dépenser plus de force que les
Spirochètes intestinales. Gross (1911) a déjà fait valoir cette influence
morphogène du parasitisme pour justifier la réunion dans un même
groupe des Spirochètes parasites d'allure si vive et des Saprospira dont
le mouvement est très lent. Que les Tréponèmes intestinaux des Pois-
sons changent de forme et multiplient leurs spires pour progresser avec
0. DUBOSCQ ET C. LEBAILLY 23
rapidité le fait n'est pas douteux, et Treponema triglœ n. sp. le démontre
nettement. D'autre part, Marchoux et Couvy (1912) ont observé la
transformation en formes très grêles des Spirochœta gallinarum qui pas-
sent dans le sang des Tiques. La même observation a été faite par
Ch. Nicolle, L. Blaizon et E. Conseil pour les Spirochètes de la
récurrente évoluant dans le sang des Poux. Il en résulte que ni la
minceur ni le serrement des Spires de Treponema jallax et de Trepo-
nema perexile ne suffisent à prouver leur indépendance spécifique vis-
à-vis des Spirochètes intestinales plus grosses à tours plus lâches. Nous
admettrons cependant cette indépendance pour les raisons données
plus haut (statistique, présence des Tréponèmes du type T. gadi dans
le sang de certains Poissons). La preuve complète n'en sera faite que
par les cultures et les inoculations quand on pourra les réussir.
AUTEURS CITES
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G. Prttvot et E.-G Racovitza.
ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE HPÏRIMMTALi ET GÉNÉRALE
FONDÉES PAR
H. de LACAZE-DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT et E. G. RACOVITZA
Professeur à la Sorbonne Docteur es sciences
Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago
Tome 52. NOTES ET REVUE Numéro 2.
III
SUR UN CHYTRIDIOPSIDE NOUVEAU,
CHYTRIDIOIDES SCHIZOPHYLLI N. G., N. SP,
PARASITE DE L'INTESTIN
DE SCHIZOPHYLLUM MEDITERRANEUM LATZEL.
PAR
G. TRÉGOUBOFF
Reçu le 20 mai 1913.
Pendant le séjour fait en automne dernier au Laboratoire Arago de
Banyuls-sur-mer j'ai eu l'occasion d'examiner un grand nombre de
Schizophyllum méditer raneum Latzel, si communs aux environs immé-
diats de la Station. Ce Diplopode a pour parasite habituel une Grégarine
Stenophora juli Schneider (Frantzius). Dans 7 seulement sur 400 envi-
ron des Schizophyllum examinés j'ai trouvé un parasite nouveau dont,
étant donnée la rareté, je ne connais pas encore l'évolution complète.
Mais les stades nombreux trouvés dans les coupes et surtout dans les
frottis, qui donnent des résultats meilleurs pour l'étude de cet organisme
très petit, m'ont permis de le ranger dans le groupe des Chytridiopsides.
Notes et Revue. — Tome 52. — X° 2. C
26 NOTES ET REVUE
Ce groupe aux affinités encore imprécises ne comprenait jusqu'à
maintenant qu'un seul genre Chytridiopsis ; il a été découvert par Aimé
Schneider (1884) -dans les Blaps et a reçu de cet auteur le nom spéci-
fique de Chytridiopsis socius. Son évolution, à part le kyste durable qui
seul a été vu par Schneider, est restée complètement inconnue pendant
longtemps jusqu'au jour ou Léger et Duboscq (1909 a) nous l'ont fait
connaître dans ses caractères généraux, ainsi qu'un certain nombre
d'autres formes voisines que provisoirement ils ont laissé dans le même
genre1.
Le parasite de Schizophyllum, dont je vais décrire rapidement dans
cette note les principaux stades d'évolution, montre une grande analogie
avec le Chytridiopsis socius des Blaps dans son évolution végétative, mais
présente certaines particularités pendant son cycle sexuel, ce qui m'auto-
rise à créer pour lui un nouveau genre et une nouvelle espèce — Chytri-
dioides schizophyïli n. g., n. sp., tout en le plaçant en voisinage immédiat
du genre Chytridiopsis de Schneider.
Comme chez ce dernier la partie végétative de l'évolution comporte
une schizogonie et se passe entièrement à l'intérieur des cellules épithé-
liales de l'intestin moyen de l'hôte. Dans les animaux infestés artificielle-
ment le parasite devient extrêmement abondant, et toutes les cellules
épithéliales de l'intestin moyen en sont littéralement bourrées (fig. i A),
ce qui provoque la disparition complète de Stenophora juli. Cette dispari-
tion de laGrégarine, parasite habituel et constant chez les Schizophyllum,
rappelle le fait analogue, décrit par Léger et Duboscq (1909 6), qui se
passe dans l'intestin de la larve de Ptychoptera contmninata, ou les deux
parasites — une Microsporidie Gurleya Francottei et une Grégarine Pileo-
cephalus striatus ne se rencontrent jamais ensemble, «la zone habitée par
1, A propos de Chytridiopsis socius il est nécessaire de relever l'interprétation erronée donnée par Schneider
relativement à l'habitat de ce parasite, qui a été reproduite ensuite d'après cet auteur dans les livres classiques de
Labbé (1899, p. 126) et de Minchin (1903, p. 317). Schneider (1884) a représenté sur la planche I, fig. 22 un
Chytridiopsis socius à l'intérieur d'un «jeune stade coccidien» de Stylorhynchus longicollis, convaincu qu'il était de
l'existence des stades intracellulaires dans le cycle évolutif de cette Grégarine ; il en a tiré comme conclusion la
possibilité d'infection des Stylorhynchus par Chytridiopsis. Or, l'évolution de Stylorhynchus longicollis bien connue
maintenant par les travaux de Léger et Duboscq (1902) et ne comportant nullement de stades intracellulaires,
il s'agit en réalité dans le cas figuré par Schneider d'un jeune Chytridiopsis socius se trouvant à l'intérieur d'une
vieille cellule épithéliale en dégénérescence, fait assez fréquent, comme je l'ai constaté moi-même, surtout dans
les cas d'infections intenses. J'ajoute que le Chytridiopsis socius peut se trouver exceptionnellement dans le corps
de la Grégarine, fait constaté par Léger et Duboscq pendant leurs recherches sur le développement des Stylorhyn-
chides et qui m'a été communiqué avec sa bienveillance coutumière par mon Maître, M. le Professeur O. Duboscq ;
mais il ne s'agit dans ces cas que de stades en mauvais état englobés par l'épimérite amœboïde de Stylorhynchus
et se trouvant là tout à fait accidentellement comme éléments absorbés et non comme parasites ; Chytridiopsis
socius ainsi que toutes les autres espèces connues sont les parasites exclusifs de l'épithélium intestinal des Arthro-
podes.
G. TBÉGOUBOFF
27
Microsporidie étant complètement dépourvue de Grégarines et inverse-
ment, comme si ces deux parasites s'excluaient mutuellement1 ».
Le stade le plus jeune du cycle végétatif de Chytridioides schizophylli
(fig. il a) se présente sous forme d'un tout petit corpuscule sphérique ayant
à peine 1 [x 5 de diamètre, à cytoplasme homogène, entouré d'une mem-
brane très fine et à peine visible, et montrant un noyau sous forme d'un
grain chromatique entouré d'une zone claire sans limite nette ; dans la
cellule épithéliale il est placé tantôt tout près de la basale, tantôt près du
plateau et n'a pas par conséquent de position fixe. Ce jeune schizonte
grandit en multipliant en même temps activement ses noyaux (fig. n b),
m 0 * • *• * # « «.* * * %
A
3
FIG. I. Chytridioides schizophylli, n. g., n. sp., dans l'épithélium intestinal de Schizophyllum mediterraneum
Latzel. A. Les stades de la schizogonie et le tapis des sehizozoïtes amœboïdes dans la lumière intestinale B. Quelques
stades successifs de la sporulation.
qui deviennent de plus en plus petits se réduisant uniquement à l'élé-
ment chromatique en forme de grain sans aucune membrane nucléaire
définie ; mais quand le schizonte touche à la fin de son évolution, ses
noyaux deviennent plus grands et se présentent sous la forme d'un grain
ou le plus souvent de 2 grains en diplocoque, entourés d'une zone claire
plus ou moins bien délimitée (fig. n c). D'après l'interprétation donnée
par Léger et Duboscq (1909 a) pour une structure similaire chez Chytri-
diopsis socius, l'un de ces grains pourrait être un karyosome, l'autre
n'étant qu'un amas tassé de grains de chromatine. L'apparition de la
zone claire autour des noyaux est l'indice de la maturité du schizonte.
Arrivé ainsi au terme de sa croissance le sclùzonte adulte, qui peut atteindre
1. Il est à remarquer que pour les parasites des Blaps les faits sont différents ; les 2 parasites habituels.
Chytridiopsis socius et Stylorhynchus longicollis sont en bon voisinage et souvent parasitent la même cellule épithé-
liale (Léger et Dcboscq, 1902, pi. III, fig. 26.)
28 NOTES ET BEVUE
15-20 y. de diamètre, remplit la cellule hôte qu'il distend en refoulant et
déprimant son noyau ; il divise alors son cytoplasme en autant de petits
éléments qu'il y a de noyaux et se présente à ce stade sous forme d'une
véritable petite morula ; les schizozoïtes ainsi formés ne dépassent pas
1 ju. 5, souvent moins, et se montrent d'abord sphériques puis de forme
irrégulière presque amœboïdes (fig. n cl). Ce sont franchement de petits
amibes après leur mise en liberté dans la lumière intestinale, dans laquelle
le schizonte est expulsé soit avec la cellule hôte flétrie, soit par la rupture
du plateau de cette dernière. Là, dans les cas de l'infection intense,
provoquée par exemple artificiellement, on trouve dans les coupes un
véritable tapis de ces schizozoïtes amœboïdes libres, chacun avec son
noyau en diplocoque (fig. i A). Ces schizozoïtes, comme l'ont constaté
Léger et Duboscq pour le Chytridiopsis socius, peuvent pénétrer de
nouveau dans l'épithélium et donner lieu à de nouvelles schizogonies,
dont les éléments deviennent de plus en plus petits.
La seconde partie de l'évolution qui correspond au cycle sexuel se passe
aussi à l'intérieur des cellules épithéliales et ce n'est que son produit
final, un petit kyste rempli de spores et entouré d'une membrane épaisse,
qui est rejeté par le même procédé que le schizonte dans la lumière intes-
tinale (fig. i B).
Sur cette partie du cycle évolutif je ne possède encore que de données
incomplètes et particulièrement je n'ai pas pu suivre en détail les stades
de la formation des gamètes et les phénomènes de la fécondation, ce qui
n'est pas d'ailleurs facile vu la petitesse extrême des éléments. En tous
cas quelques rares stades s'y rapportant, que j'ai observés, m'ont paru
correspondre à ceux de Chytridiopsis socius interprétés par Léger et
Duboscq comme aboutissant à la formation des microgamètes fu'siformes
et exiguës et des macrogamètes sphériques comparables aux schizozoïtes
encore non amœboïdes. Tous les autres stades du cycle sexuel donnant à
la fin de l'évolution le kyste à paroi épaisse sont très reconnaissables
par leur cytoplasme plus granuleux et plus colorable que celui des schi-
zontes et surtout par la présence d'une membrane très nette qui permet
de les distinguer facilement.
En outre, au cours de cette évolution se produit un phénomène très
particulier dont j'ai cherché vainement l'explication. Je me suis contenté
d'en relever soigneusement les péripéties successives que j'ai pu suivre
en détail.
En effet, les kystes durables mûrs qui sont rejetés d'abord dans la
G. TRÉGOUBOFF
29
lumière intestinale, puis au dehors avec les excréments de l'hôte, sont
sphériques et ont 15-20 p de diamètre ; ils sont entourés d'une membrane
épaisse, dans laquelle on ne trouve aucune trace des noyaux, contraire-
ment à ce qui se voit dans la membrane kystique de Chytridiopsis socius ;
les spores qui remplissent les kystes sont sphériques de 1 y. 5 de diamètre
et montrent leurs noyaux formés de 2 grains en diplocoque et en plus une
CL
S
s
j
i
rn.
Fig. II. Chytridioides schizophulli n. g., n. sp. a-d. Les stades successifs de la schizogonie. e-m. les stades suc-
cessifs de la sporulation montrant : e-q, la formation des baguettes chromatiques; h, la division par étranglement
en 2 sphères du contenu kystique ; i-l, le cloisonnement fugace dans l'intérieur du kyste ; m, le kyste durable rempli
de spores.
baguette chromatique très colorable, plus fortement même que le noyau,
située le plus souvent à la périphérie de la spore (fig. n m). Cette baguette
qu'on trouve dans toutes les spores du kyste mûr ne paraît pas être
de nature albuminoïde à en juger par les résultats négatifs des réactions
usuelles (réactifs de Millon, de Guignard, etc.) On ne peut pas l'homolo-
guer d'autre part avec les capsules polaires des microsporidies, parce
qu'elle est compacte et ne contient aucun filament spiral ; son origine
d'ailleurs, ainsi que le mode de formation, que j'ai pu suivre en détail,
est toute spéciale.
Déjà dans les plus jeunes stades appartenant à cette série, qui ne
30 NOTES ET REVUE
mesurent encore que 4-5 p., on peut voir à côté du noyau en forme de grain
une petite sphérule chromatique très colorable. A mesure que le parasite
grandit en multipliant ses noyaux, peu activement d'ailleurs en com-
paraison avec les schizontes de même taille, on constate que le nombre
de ces sphérules ainsi que leur taille augmente progressivement (fig. n e) ;
leur forme se modifie aussi et des sphériques elles deviennent allongées en
se présentant comme de grosses baguettes plus ou moins longues qui se
fragmentent tantôt transversalement, tantôt même longitudinalement
(fig. il/), de sorte que finalement dans le corps du parasite à côté de nom-
breux noyaux on trouve une quantité de ces baguettes de dimensions
variables, disséminées sans aucun ordre (ûg.ug). Quand arrive le moment
de la formation des spores le parasite, contrairement à ce qui a lieu chez
les Chytridiopsis, ne se découpe pas d'emblée en autant de spores qu'il
y a de noyaux, mais donne naissance à l'intérieur de l'enveloppe kystique
par l'étranglement de son contenu d'abord à deux sphères (fig. n h et *),
puis à plusieurs sphères cytoplasmiques assez grosses contenant les
noyaux et les baguettes chromatiques en nombre quelconque pour
chaque sphère (fig. n j). A ce stade du début de la fragmentation du
contenu kystique il est facile de constater que chaque grosse sphère
s'isole par la formation d'une fine membrane qui divise ainsi l'intérieur
du kyste d'abord en deux puis en quatre, ou même davantage, com-
partiments distincts ; on a ainsi l'aspect d'une sorte de sporange à plusieurs
loges, qui rappelle singulièrement la formation du sporange chez cer-
taines Chytridinêes inférieures. Les grosses sphères secondaires vont à
leur tour se fragmenter en sphères plus petites, isolées ou groupées à plu-
sieurs dans chaque compartiment (fig. n h). Cette fragmentation n'est
pas synchrone pour toutes les sphères puisque à côté de grosses sphères
on en trouve aussi de très petites ayant déjà la taille et la conformation
des spores (fig. n k et l). Finalement à l'intérieur du kyste on ne trouve
que les spores avec leur structure caractéristique, c'est-à-dire le noyau
en diplocoque et une seule baguette chromatique (fig. n m). Tout le
cytoplasme du kyste est utilisé pour la formation des spores, et aucun
reliquat n'existe dans le kyste mûr. En même temps les cloisons qui sépa-
raient le kyste en compartiments se résorbent au fur et à mesure de la
formation des spores.
Par cet aperçu rapide de l'évolution de Chytridioides schizophylli on
constate que le parasite de Schizophyllum présente des affinités indéniables
avec le Chytridiopsis socius. Mais par son mode particulier de sporulation
G. TRÉGOUBOFF 31
avec cloisonnement fugace du contenu kystique et par ses germes
amœboïdes il se rapproche encore plus des Chytridinées et par la même
Justine la situation des Chytridiopsides au voisinage de ce groupe. Par
contre, l'absence de noyaux à la paroi des spores comme à la paroi du
kyste, caractère essentiel des Acnidosporidies de Cepède (1913), m'em-
pêche de le placer dans ce dernier groupe.
Laboratoire de Protistologie, Montpellier.
AUTEURS CITES
1913. Cepède (C). Les « Cytopleurosporés » (Cytopleurosporea) embranchement nou-
veau du règne des Protistes. {C. R. Ac. Se. Paris, T. CLVI, p. 574-576.)
1899. Labbé (A.). Sporozoa. (Das Tierreich. 5 Lief. Berlin.)
1902. Léger (Louis) et O. Duboscq. Les Grégarines et l'épithélium intestinal chez
les Trachéates. (Arch. de Parasitologie T. VI, p. 377-473.)
1909 a. Léger (Loris) et O. Duboscq. Sur les Chytridiopsis et leur évolution. {Arch.
Zool. expêr. (5), T. I, N. et R., p. IX-XIII.)
1909 b. Léger (Louis) et O. Duboscq. Protistes parasites de l'intestin d'une larve
de « Ptychoptera » et leur action sur l'hôte. {Bull. Acad. roy. Belgique {Cl.
Sciences), n° 8, p. 885-902.)
1903. Minchin (E. A.). Article : The Sporozoa. {A Treatise on Zoology by E. Ray
Lankester. Protozoa. Second Fascicule).
1884. Schneider (Aimé.) Sur le développement de Stylorhxjnchus longicollis. {Arch.
Zool. expêr. (2), T. II, p. 1-36.)
32 NOTES ET REVUE
IV
ETUDE BIOLOGIQUE
SUR L'ACARIEN TRICHOTARSUS OSMIAE Due.
PAR
A. POPOVICI-BAZNOSANU
Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Bucarest.
Reçu le 19 Juin 1913.
Au cours de recherches faites par moi sur les Apides solitaires, j'ai
eu souvent l'occasion de trouver les cellules cVOsmia bicornis et Osmia
cor nuta remplies d'Acariens appartenant au genre Trichotarsus. On trouve
une description de ce genre d'Acariens dans Dufour (1839), dans Ger-
vais (1844) et dans Donnadieu (1868). Mais tous ces auteurs ne décrivent
qu'une seule phase de l'évolution de l'animal, celle de Fhypopus. C'est
en 1885 seulement, que Canestrini et Berlese en ont découvert la phase
adulte chez l'espèce Trichotarsus xylocopae. En 1903, Albert Michael dans
sa monographie sur les Tyroghj'phidae donne une description du Tricho-
tarsus osmiae et parle pour la première fois de la nymphe et de l'adulte
qu'il a obtenus dans son laboratoire en cultivant quelques hypopes.
Néanmoins, la description de Michael est imcomplète et de plus il n'a
pu trouver les nids d'Osmia pour pouvoir faire les observations d'après
nature ; voilà pourquoi je me suis décidé à étudier de plus près cette
espèce d'Acarien.
Dans le nord de la Roumanie, Y Osmia bicornis et VOsmia cornuta cons-
truisent leurs nids dans les roseaux qui couvrent les maisons de paysans.
En examinant ces nids, on voit alternant avec les cellules normales où se
développent les Osmies, d'autres cellules pleines de provisions de pollen sur
lequel grouillent les Acariens. Il arrive souvent de trouver dans la même
cellule à acariens plusieurs des phases évolutives du Trichotarsus osmiae.
Au début de l'été, nous avons trouvé des adultes mâles et femelles, des
nymphes, des larves, des œufs, à côté d'innombrables exuvies des mues
successives. Plus tard, on peut trouver des hypopes et des nymphes kys-
tiques. Je vais décrire toutes ces phases et je montrerai ensuite quels rap-
ports il y a entre elles.
A. POPOVIGI-BAZNOSANU
33
FlG. 1. — L'œuf de Tr. osmiae, cham-
bre claire oc. 3 obj. 3 Leitz.
L'œuf (fig. 1) a une forme ovale un peu aplatie sur le côté,
d'une couleur blanche, translucide ; ses dimensions varient beaucoup :
0mm-16, 0mm 17, 0mm-18, (le numérateur
0 mm. 11 0 mm. 10 0 mm. 11
marque la longueur et le dénominateur mar-
que la largeur de l'œuf). Sur les provisions
de pollen, nous trouvons les œufs ou réunis
plusieurs en groupes, ou disséminés.
La Larve (fig. 2) a la forme rhomboïdale,
les angles des épaules arrondis, l'extrémité antérieure du corps
plus étroite et la partie postérieure plus élargie. A
la tête on distingue l'épistome au-dessous duquel on
trouve l'appareil buccal. Le tégument est légèrement
rayé et couvert de ci de là de poils ; il faut signaler
spécialement deux poils courts sur l'épistome et qua-
tre poils postérieurs.
Sur la face ventrale (fig. 3) s'insèrent 3 paires de pat-
tes velues, formées chacune de cinq articles, dont le
dernier est pourvu d'un crochet. A la base des pattes,
il y a les épimères — épaissisements tégumentaires
— les premiers se réunissent en forme de fourche, les
seconds épimères sont libres mais pourvus de rami-
fications, les épimères de la troisième paire de
pattes sont libres et simples.
Sur la face ventrale également apparaît l'anus
comme une fente longitudinale et entre la base
des pattes 1 et 2 il y a un stigmate de la trachée.
La longueur des larves est variable, habituelle-
ment de 0 mm. 25. Elles remuent continuellement
à travers les grains de pollen grâce aux poils
du corps et à ceux des pattes.
La nymphe (fig. 4), de forme ovale, possède
certaines des particularités qui caractérisent la
larve, mais elle est beaucoup plus grande :
Fig. 2. — Larve de
Tr. osmiae, vue dor-
sale de l'animal vi-
vant oc. 3 obj. 3
Leitz.
- e,
CL.
0 mm. 308 0 mm. 350 0 mm. 420
(le numérateur
Fig. 3.— Larve de Tr. os-
miae, vue ventrale de l'ani-
mal vivant oc. 3 obj. 3
Leitz, e = épimères, s =
stigmate, a — anus.
Ô mm. 196' 0 mm. 224' 0 mm. 266
marque la longueur du corps et le dénominateur marque la largeur
du corps dans la région des épaules) et de plus elle porte quatre
34
NOTES ET REVUE
Fig. 4. — Nymphe de Tr. osmiae, vue
ventrale de l'animal vivant oc. 3 obj.
3 Leitz, a = anus, e = épimères, o =
orifice génital, s = stigmate.
paires de pattes ayant la même structure que celles de la larve ; par
conséquent, il y aura 8 épimères. Sur la face ventrale, on voit aussi
l'anus, le stigmate de la trachée et de
plus entre les épimères de la quatrième
paires de pattes on aperçoit l'orifice
génital.
Le dessin de Michael (1903) (planche
XXII, fig. 3) représente une nymphe
ordinaire de Trichotassus osmiae. Il dit
que celle-ci est aplatie dans la direction
dorso-ventrale, et qu'elle est de forme
pentagonale irrégulièrement lobée. Mais
celle-ci est une forme anormale de nym-
phe qu'on peut obtenir d'une façon expé-
rimentale si l'on garde une nymphe
normale comme celle dont nous avons
fait la description plus haut, à une tem-
pérature sèche ; on voit alors appa-
raître sur la surface de son corps
des rides qui lui donnent un aspect
bizarre. Si on ramène l'animal à une
température humide, il reprend la
forme ovale. D'ailleurs la forme du
corps varie chez les nymphes et les
adaltes selon que l'animal est vivant
ou conservé dans des liquides. De
grandes variations de la forme du
corps ont été observées pour le genre
Glyciphagus (Fumouze et Robin,
1867).
L'adulte femelle (fig. 5) de for-
me pentagonale a une longueur qui
va jusqu'à 0 mm. 560 et une largeur
au niveau des épaules qui va jus-
qu'à 0 mm. 350. Il a un épistome bien
développé qui recouvre, comme un
capuchon, le capitulum. Celui-ci est formé de mandibules (chélicères)
sous forme de ciseaux dentés, de maxiles avec leur palpes et de la
Fig. 5 . — Adulte femelle de Tr. osmiae, vue ven-
trale de l'animal vivant oc. 3 obj. 3 Leitz, a =
anus, o = épimèrse de l'organe génital femelle,
p = épimères avec l'article basai des pattes,
t = tube copulateur.
A. POPOVICI-BAZNOSANU
35
Fig. 6. — Femelle de Tr. osmiae au stade ovigère vue de
profil oc. 3 obj. 3 Leitz, o = oviducte.
lèvre inférieure. Sur les huits pattes, quatre appartiennent au céphalo-
thorax et quatre à l'abdomen. Les épimères ont une autre disposition
que celle indiquée par Mi-
chael (op. cit.). En effet, les
premiers épimères se rejoi-
gnent au sternum et forment
un dessin qui rappelle la
lettre Y. Les seconds épimè-
res sont libres et présentent à
leur base une petite ramifica-
tion. Les 3me5 et 4œe3 épimères
sont également libres. Sur la
ligne moyenne ventrale, au
niveau des pattes 4 on voit
les épimères de l'organe géni-
tal qui se dessinent comme une
étoile à trois rayons. Entre
les bases des pattes 1 et 2 il y a
un stigmate ovale aux bords épais d'où part une trachée courte
vers la base du capitulum.
A la partie postérieure, l'abdomen présente une concavité au milieu de
laquelle s'insèr? un tube copulateur court
et cylindrique qui communique avec la
poche spermatiqne. Les œufs fécondés sont
re jetés par l'orifice génital ventral.
Quand la femelle est dans le stade ovigère
(fig. 6) on voit, sur sa face ventrale, l'oviducte
commet un tube cylindrique sortant de
l'orifice génital. C'est par ce tube que tom-
bent les œufs mûrs et, à ce moment, le
tube copulateur est fermé à l'extrémité.
Le tableau dichotomique de Tierreich
fait par Canestrini et Kramer (1899) n'est
pas exact car il en résulterait que le Tricho-
tarsus rentrerait dans la catégorie de ces
genres qui ont : « ç mit genitalnâpfen ohne
solche zapfenartig vorspringende kopulationsrôhre ».
Ensuite d'après ce tableau on trouve : « Am stirnrande ein chitinisiertes
Fig. 7 — Adulte mâle de Tr. osmiae,
vue ventrale de l'animal vivant (mê-
mes explications que dans la fig. 5).
36
NOTES ET REVUE
Band mit je einem Napf an jedem Ende » ce que je n'ai pu constater.
L'animal mâle (fig. 7) est plus petit que l'animal femelle ; il a jusqu'à
0 mm. 460 de longueur et 0 mm. 308 de largeur au niveau des épaules, il
ressemble d'avantage à la nymphe et présente, sur la face ventrale, un long
pénis derrière la ligne qui réunirait entres elles les bases de la quatrième
paire de pattes.
Voici un tableau qui résume les caractères distinctifs entre cf et 9.
corps petit
organe génital vers la partie pos-
térieure de l'abdomen.
corps arrondi à sa partie posté-
rieure.
sans tube copulateur.
la distance entre l'organe génital
et l'anus est petite.
corps grand
organe génital vers la partie anté-
rieure de l'abdomen.
le corps présente à sa partie posté-
rieure une concavité.
avec tube copulateur
la distance entre l'organe génital et
l'anus est grande.
Parmi les exuvies que nous trouvons répandues entre les grains de pollen,
les exuires nymphales (fig. 8) méritent une grande attention. Elles ont
gardé parfaitement la forme de la nymphe et présentent d'une façon
constante une fente située à la partie
postérieure de l'abdomen dans un plan
sagittal. Les exuvies de la larve ont l'as-
pect de membranes irrégulièrement dé-
chirées.
L'hypopus (fig. 9 et 10) est la phase la
plus répandue que nous trouvions soit
dans les nids, soit fixée sur les poils de
l'abeille Osmia. Il a la forme rhomboïdale,
il est aplati dans la direction dorso-ventrale, à une longueur approxima-
tive de 0 mm. 350 et une largeur de 0 mm. 250 et un appareil buccal
rudimentaire.
Sur la face dorsale, il est jaune et la peau est épaissie en deux plaques de
couleur rougeâtre, une plaque thoracique et une plaque abdominale dont
le bord postérieur est plié en trois endroits. Sur la partie ventrale, on voit
quatre paires de pattes, les épimères et la plaque aux ventouses. Les pattes
1, 2 et 3 ont la même structure et sont pourvues de griffes très crochues,
tandis que la 4e paire de pattes est pourvue à l'extrémité d'un poil très
Fig. 8 — Exuvie nymphale de Tr. osmiae,
vue de profil, oc. 3 obj. 3 Leitz.
A. POPOVICI-BAZNOSANU
37
long dont l'animal se sert pour équilibrer ses mouvements. Si on coupe
ce poil quand l'animal est couché sur son dos, il se retourne difficilement
pour continuer son chemin.
Fio. 9. — Hypopus de Tr. osmiae, vue dorsale oc. obj. 3 Leitz (préparation sous lamelle).
Les épimères ont une autre disposition que celle indiquée par Michael.
On voit deux épimères qui partant delà base de la patte 1, et se rejoignent
sur la ligne moyenne en un sternum.
Presque parallèlement à ces épimères
on en voit encore deux de chaque
côté liés entre eux et avec Tépimère 1
par un épimérite.
A la hauteur de la patte 3 on voit
de même deux épimères parallèles liés
par un épimérite.
La phase de Vhypopus a été la phase
qu'on a le plus souvent décrite, et
longtemps elle a été considérée comme
la forme adulte. Dufour (1839) fut
le premier qui l'a trouvée sur le
métathorax de l'Osmia bicornis et
l'Osmia fronticornis, et il l'a décrite sous le nom de Trichodactylus osmiae.
Dans la figure qui accompagne le texte de la description, il dessine à la
Fia. 10. — Hypopus de Tr. osmiae, vue ven-
trale oc. 3 obj. 3 Leitz (préparation sous la-
melle) b= article basai des pattes, e = épimè-
res et épimérites, p = plaque aux ventouses.
3S
NOTES ET REVUE
première, à la seconde et troisième paires de pattes deux griffes. Quoique
Donnadieu (1868) ait corrigé cette erreur, Canestrini (1888) et Kra-
mer (1899) ont persisté dans l'erreur de Dufour. Dans la publication, le
« Tierreich » nous trouvons à la diagnose de l'hypopus de Trichotarsus
osmiae : « An den 3 vorderen Beine je 2 Krallen». Plus tard, Giard
(1900) a attiré l'attention sur cette erreur et il a refait le tableau
d'après lequel on peut déterminer les espèces des hypopes du genre
Trichotarsus.
La nymphe Kystique (fig. n) est formée d'une exuvie nymphale sous
laquelle on voit un kyste qui occupe presque toute la cavité et est libre
de toute adhérence. A la partie postérieure,
l'exuvie est chiffonnée. Le kyste est enveloppé
d'une coque épaisse, son contenu a un aspect
vésiculeux et à une des extrémités il présente
quatre courtes épines ; il a une longueur de
près de 270 ^ et une largeur de près de 235 p.
Fia. 11. — Nymphe kystique de
Tr. osmiae, vu sur le vivant oc.
3 obj. 3 Leitz.
Voyons maintenant quels rapport il y a entre
toutes ces phases que je viens de décrire.
Fumouze et robin (1867) décrivent en gé-
néral les phases du développement des aca-
riens : œuf, larve hexapode, nymphe octo-
pode dépourvue d'organes sexuels et adulte
sexué.
Claparéde (1868) considère le cycle évolutif de Tyroglyphus comme
constitué de la manière suivante : œuf, larve hexapode, larve octopode
(stade nymphal) possédant un orifice sexuel et à côté deux ventouses.
La larve octopode peut, plus tard, se transformer en adulte femelle à
4 ventouses ou en hypopus à plusieurs ventouses. D'après cet auteur,
l'hypopus est l'adulte mâle.
Mégnin )1873) dans son mémoire sur le Tyroglyphus rostro-serratus
dit que la larve hexapode se transforme en nymphe octopode et que, plus
tard, on voit apparaître les organes sexuels par lesquels on a les mâles et
les nymphes pubères. La nymphe pubère après l'accouplement et la fécon-
dation subit encore une mue, acquiert la grandeur normale et l'organe de
ponte. Les mâles ne subissent pas cette dernière mue.
Kramer (1880) trouve chez le Glyciphagus quatre stades : premier
stade larve hexapode sans ouverture sexuelle ; second stade, octopode à
A. POPOVICI-BAZNOSANU 39
ouverture sexuelle accompagnée de deux ventouses ; troisième stade,
ouverture sexuelle accompagnée de quatre ventouses et enfin quatrième
stade : c'est l'adulte. Entre ces stades intervient une mue ; on remarque
que l'ouverture sexuelle apparait dans le second stade après la première
mue. Donc le schéma de développement de Mégnin à trois stades dont le
second ne présente pas d'ouverture sexuelle chez la nymphe n'est pas
général, mais susceptible d'exceptions.
D'après la description que nous venons de faire, il faut admettre, pour
le Tricholarsus osmiae, trois phases : larve hexapode, nymphe octopode
avec commencement d'organe sexuel et adulte.
Mégnin (1873) fut le premier qui cultiva expérimentalement le Tyro-
glyphus rosto-serratus sur des débris de champignons. Il remarqua qu'au
moment où les champignons commençaient, à sécher, les tyroglyphes
étaient remplacés par des hypopes, mais que, s'il renouvelait la provision
de champignons et que, par conséquent, si le milieu redevenait humide,
les hypopes disparaissaient, ils étaient remplacés par les tyroglyphes.
Donc les nymphes de Tyroglyphus peuvent se transformer en hypope s et
vice-versa.
Au point de vue du rôle des hypopes, Mégnin (1874) dit : « Ce n'est
autre chose qu'une nymphe cuirassée, adventive, hétéromorphe. chargée
de la conservation et de la dissémination de l'espèce acarienne à laquelle
elle appartient ».
Mais Michael (1884) a prouvé expérimentalement que ce n'est pas dans
de mauvaises conditions, mais quand les colonies d'Acares prospèrent que
les hypopes se multiplient avec le plus d'intensité et, plus tard, Moniez
(1892), a constaté chez le Tyroglyphus mycophagus que l'apparition des
hypopes avait lieu parallèlement au développement des individus : « Notre
observation corrobore donc absolument celles de Michael et, en somme, il
faut admettre que le stade hypope est un stade normal, qji n'a rien à voir
avec les conditions de milieu et qui, par conséquent, ne se montre pas seu-
lement lors de la dissécation ou de l'épuisement du milieu nutritif ; toute-
fois, — et c'est là la raison d'être et la propriété de cet état larvaire —
quand ces conditions défavorables se produisent, seuls les individus qui,
à ce moment précis, se trouvent au stade hypope, peuvent les subir et y
résister pendant longtemps, alors que tous les autres individus sont
détruits ».
Chez le Trichotarsus osmiae, nous avons eu l'ocaeion de constater que
dans son cycle évolutif, les hypopes paraissent plus tard et qu'ils provien-
40
NOTES ET REVUE
nent de la transformation des nymphes (fig. 12). L'hypopus n'est qu'une
phase de dissémination de l'espèce ; je ne puis admettre cette opinion de
Mégnin que ce soit une phase de conservation: «l'hypope remplit en un
mot, à l'égard du Tyroglyphe, le même rôle que les kystes de conserva-
tion de M. Gerbe remplissent à l'égard des infusoires du genre Kolpode »
(mémoire de 1873). Nous rejetons cette opinion : premièrement, parce que
les hypopes ne peuvent pas résister longtemps, comme les kystes des
infusoires par exemple ; et, secondement, parce que nous avons eu l'occa-
sion de découvrir la véritable phase
de conservation : la nymphe kys-
tique.
Entre les phases de l'évolution
des acariens, il y a une mue ; mais,
en même temps, il s'opère une
transformation de l'individu car
tous les organes se fusionnent sous
l'exuvie en une espèce d'œuf qui,
plus tard, deviendra la prochaine
phase évolutive. Supposons qu'une
telle transformation ait lieu après
le stade nymphe et qu'en ce mo-
ment, se réalisent surtout des condi-
tions de sécheresse, c'est alors
autour, de l'œuf central qu'il se
forme une coque épaisse et nous
obtenons ainsi la nymphe kystique.
La nymphe kystique est capable de résister des années entières à la
sécheresse. Sitôt que nous la mettons dans des conditions favorables
d'humidité, elle continue à se développer.
Au point de vue morphologique, la nymphe kistique est une nymphe
sur le point de se transformer en adulte, mais arrêtée dans son dévelop-
pement, au point de vue biologique, elle est comparable aux kystes des
protozoaires ; c'est une nymphe reviviscente dont le rôle est la conserva-
tion de l'espèce.
Au point de vue du rôle du Trichotarsus osmiae dans l'économie de la
nature, il se nourrit de substances végétales, avec le pollen des cellules des
nids d'Osmia. Quelquefois dans la même cellule l'acarien se développe
à côté de l'abeille, dans ce cas, c'est un commensal, d'autre fois, par sa
Fio. 12. — L'hypopus de Tr. osmiae résultant de
la transformation de la nymphe oc. 3 obj. 3
Leitz (préparation sous lamelle).
A. POPOVWI-BAZNOSANU 41
présence dans une cellule, il empêche le développement de l'abeille ; c'est
alors un parasite.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
1885. Canestrini e Berlese. Nota intorno a due Acari poco Conosciuti (Atti Soc.
Veneto-Trent vol. IX).
1888. Canestrini G. Prospetto dell'Acarofauna Italiana.
1888 a Canestrini G. Tiroglifidi.
1899. Canestrini und Kramer. Demodicidae und Sarcoptidae. (Das Tierreich 1 Lie-
ferung).
1868. Claparède E. Studien an Acariden. (Zeitschr f. wiss. Zoologie Bd 18).
1868. Donnadieu. Recherches Anat et Zool. sur le genre Trichodactyle (Ann. Se.
Nat. ser. V, vol. X).
1839. Dufour L. Description et figure de quelques parasites de l'ordre des Acariens
{Ann. Se. Nat. ser. II, vol XI)..
1867. Fumouze et Robin. Mémoire anat. et Zoologique sur les Acariens des genres
Cheyletus, Glyciphagus et Tyroglyphus. (Journal Anat. et Physiol. Année 4).
1844. Gervais. Walckenaers Ins, Apt. vol III.
1900. Giard A. Sur un nouveau Tyroglyphyde (Trichotarsus manicati nsp) parasite
a" Anthidium manicatum et sur le genre Trichotarsus {Bull. Soc. Ent. France
1900).
1880. Kramer P. Ueber die postembryonale Entwicklung, bei der Milbengattung
Glyciphagus. (Archiv fur Naturgeschichte Jahrg. 46).
1873. Mégnin P. Mémoire anatomique et zoologique sur un nouvel acarien de la fa-
mille des Sarcoptides. Le Tyroglyphus rostro-serratus et sur son hypopus.
{Journal de V Anat et de la Physiologie, Année 9).
1874. Mégnin P. Mémoire sur les hypopus. (Journal de V Anat. et de la Physiologie
Année 10).
1884. Michael A. D. On the Hypopi Question or life-history of certain Acarina.
(Linnaean Society' s Journal, Zoology XVII).
1892. Moniez R. Contribution à l'histoire naturelle du Tyroglyphus mycophagus.
(Mémoires de la Soc. zoologique de France, Tome V).
1903. Michael A. D. British Tyrolyphidae, Vol II.
Notes et Revue. — Tome 52. — N° 2.
TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE
1913. — Tome 52.
Articles originaux
Dubosq (O.) et Lebailly (G.)- — Sur les Spirochètes des Poissons (Deuxième note)
(avec 1 fig.), p. 9.
Keilin (D.). — Sur diverses glandes des larves de Diptères ; glandes mandibulaires,
hypodermiques et péristigmatiques (Note préliminaire) (avec 4 fig.), p. 1.
Popovici-Baznosanu (A.). — Étude biologique sur l'Acarien Trichotarsus osmiae,
Dufour (avec 12 fig.), p. 32.
Trégoubofp' (G.). — Sur un Chytridiopside nouveau, Chytridioides schizophylli n. g.,
n. sp., parasite de l'intestin de Schizophyllum mediterraneum Latzel. (avec 2 fig.),
p. 25.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. là 11, pi. I
15 Mai 1913
L'APPAREIL FIXATEUR DE L'ŒUF
DU
KURTUS GULLIVERI
FRÉDÉRIC GUITEL
Professeur â. la Faculté des Sciences de Rennes.
M. le Professeur Max Weber a fait connaître récemment dans un
très intéressant petit mémoire (1910), le cas curieux du Kurtus Gulliveri,
de Castelnau, de la Nouvelle-Guinée, dont le mâle transporte sa ponte
en forme de besace en la fixant à un anneau osseux que présente son
supra-occipital.
Dans le but d'étudier les organes qui maintiennent les œufs du Kurtus
réunis en masse, j'ai demandé à M. Max Weber de vouloir bien consentir à
me prêter l'une des deux pontes qu'il possède, ce qu'il a fait avec la plus
parfaite amabilité sans se laisser aucunement arrêter par l'excessive rareté
de l'objet dont il lui était demandé de se séparer momentanément. Je
suis heureux d'adresser ici à M. Max Weber mes plus chaleureux remer-
ciements.
Pour rendre la présente Note intelligible, il est indispensable que nous
donnions une citation assez longue, empruntée au travail que nous venons
de citer, ainsi que la reproduction des deux figures (1) qui raccompagnent.
« La connaissance de l'un des cas les plus remarquables de soins
» donnés aux œufs par les parents est due aux deux glorieuses expédi-
« tions faites dans le sud de la Nouvelle-Guinée hollandaise sous la
« direction de M. H. A. Lorentz. Ces deux expéditions avaient leur base
(1) Sur la demande de M. Max Weber l'Académie des Sciences d'Amsterdam a bien voulu consentir .1 doui
prêter les clichés de ces deux figures ce dont nous lui sommes très reconnaissant.
AKCH. Dï IOOL. EXP. ET GÉN. — I. bl. — F. 1. 1
FRÉDÉRIC G UI TEL
« d'opérations dans la rivière Lorentz (Noord) qui a été remontée très
« haut et qui a eu sa faune ichthyologique entièrement étudiée. C'est
« alors que le Kurtus Gulliveri de Castelnau, qui est remarquable aussi
« bien par sa forme que par son organisation interne, a été découvert
<( dans cette rivière ; autrefois, il n'était connu que de la rivière Norman
a et de la rivière Strickland. Cette dernière est un affluent de la rivière
« Fly, en Nouvelle-Guinée anglaise. Une seconde espèce : le Kurtus
« indiens, qui est beaucoup plus petit (des spécimens de 430 millimètres
« de longueur du Kurtus Gulliveri ont été rapportés) vit près des côtes
« de l'Archipel indien et de l'Inde
« anglaise. Ils forment ensemble la
« petite famille des Kurtidœ avec
« l'unique genre Kurtus, dont l'une
« des caractéristiques est que le mâle,
« quand il est adulte, a sur son occi-
« put un crochet osseux qui est re-
« courbé en avant (fig. i h). Il pro-
« vient du supra-occipital et porte
« les restes de rayons épineux dor-
« saux rudimentaires. Les femelles
« n'ont aucune trace de cet appareil ;
« chez le mâle, il se développe gra-
« duellement pendant la période
« d'accroissement et semble n'at-
« teindre sa taille définitive que
« pendant la reproduction, quand la
« peau située autour du crochet se gonfle en manière d'écorce. Quoi
« qu'il en soit, dans le Kurtus Gulliveri, l'extrémité du crochet devient
« de cette manière si large que, comme il se replie en bas et en avant,
« il touche presque la tête et, de cette manière, forme un œil dans lequel
« les œufs sont portés. Cela a heu au moyen d'un cordon arrondi qui est
« fermement soutenu par l'œil mentionné ci-dessus et qui se ramifie de
« chaque côté en grosses branches, puis en plus fines et finalement en très
« fines fibres aux extrémités desquelles sont fixés les œufs, chacun dans sa
« membrane, forte, mais transparente.
« Les œufs, dans leur ensemble, forment une masse plus ou moins
« arrondie qui repose de chaque côté sur la tête du mâle (fig. Il, e). Les
« œufs se développent en ce point jusqu'à ce qu'ils soient éclos. Dans
Fig. i. Tête d'un Kurtus Gulliveri nulle vue de
profil pour montrer l'anneau osseux (fi) du
supra-occipital dans lequel passe le gros cordon
réunissant les deux moitiés de sa ponte. Réduc-
tion : 2,5 diamètres environ. D'après Max
Weber (1910).
Œl'F DE KURTUS 3
« l'une des deux grappes que j'ai eues à ma disposition, les œufs avaient
a déjà atteint un stade dans lequel les jeunes poissons avaient des yeux,
« une queue bien développée et le sac vitellin sur le point de disparaître ».
La ponte du Kurtus Gulliveri rappelle, à certain point de vue, celle d'un
Blenniidé de la Méditerranée, le Clinus argentatus Risso, que j'ai décrite
il y a quelques années (1893). Cette dernière consiste en une masse d'œufs
déposée dans les Cystoseira et rattachée aux rameaux de ces algues par les
filaments d'appareils fixateurs d'origine folliculaire fortement adhérents à
la zona radiata (1) et bifurques aune petite distance de leur insertion sur
cette membrane. Ces filaments, enchevêtrés d'une manière très compliquée,
réunissent les œufs constituant la ponte en une masse globuleuse de
quelques centimètres de diamètre.
Il était intéressant de rechercher si les œufs du Kurtus Gulliveri, réunis
entre eux par de nombreux cordons filamenteux et si singulièrement
transportés par le mâle, ne présenteraient pas une particularité analogue.
On verra que la présente Note confirme absolument cette intuition.
Les œufs que nous avons examinés étaient conservés depuis environ
deux ans dans l'alcool à 70°. Leur forme se rapproche de celle d'un ellip-
soïde à trois axes inégaux. L'axe qui se trouve dans le prolongement du
cordon réunissant l'œuf à la masse de la ponte, est le plus petit des trois :
il mesure à très peu près 200 \x. Les deux autres varient dans des limites
assez étroites et mesurent en moyenne l'un 225 ;j., l'autre 245 a.
Les cordons qui réunissent chacun des œufs à la masse de la ponte,
considérés à une certaine distance de l'œuf auquel ils appartiennent, ont
un diamètre qui mesure ordinairement de 75 à 90 a ; mais qui peut attein-
dre 125 u. et descendre au contraire à 65. Ces cordons sont constitués par
un grand nombre de fins filaments qui viennent se fixer à la coque de l'œuf
sur une calotte dont le bord est sensiblement circulaire et oscille entre
400 et 440 y. de diamètre ou bien elliptique et compris entre 400 sur 385
et 455 sur 390 p..
Le micropyle est situé exactement au centre de cette calotte de
telle sorte qu'on peut dire que l'appareil fixateur des œufs est péri-
micropylaire.
Les filaments constituant les cordons suspenseurs des œufs présentent
la forme de rubans aplatis, plus ou moins tordus sur eux-mêmes, dont la
(1) Il est probable que ces filaments n'adhèrenl pas directement à la zona radiata, mais qu'il lui sonl réuni
par l'intermédiaire d'une membrane dont ils ne sont que des dépendances et qui doit avoir la même origine
qu'eux comme c'est le cas, par exemple, dans le Gobius minutas.
FRÉDÉRIC GUI TEL
Fig. n. Kurtus GuUiveri mâle portant sa ponte (e) retenue sur
sa tête par le crochet osseux de son supra-occipital.
Réduction : 2,5 diamètres environ. D'après Max Webeh
(1910).
largeur oscille généralement
entre 12 et 24 y. et l'épaisseur
entre 2 et 3 \x ou un peu plus
(fig. III fc. fp).
Un peu avant d'aborder la
coque de l'œuf (80 à 125 \x en
général), les filaments changent
de forme, leur largeur
diminue, tandis que
leur épaisseur aug-
mente. Leur section
d'aplatie qu'elle était
(fig. ni a) devient ova-
le (b) et mesure alors
en moyenne de 9 à
11p. sur 7 u..
En abordant la co-
que, le filament s'apla-
tit de nouveau, mais
dans une direction per-
pendiculaire à celle de
l'aplatissement précé-
dent (el), en formant une sorte
de pied très mince, dont la
plante, très étroite et très lon-
gue, s'étend jusqu'au micro-
pyle. Ce pied présente, pen-
dant son long trajet, cinq
régions assez différentes qui
déterminent dans la rosette
fixatrice autant de zones ayant
toutes le micropyle pour cen-
tre (fig. m, 1 à 5 et fig. 1 PLI).
La première région corres-
pondant au talon (t, 1) mesure
de 5 à 5,5 y. de largeur et reste
sensiblement droite, puis vient
une région dans laquelle le
ŒUF DE KURTUS 5
pied décrit trois ou quatre sinuosités assez régulières (2). Après ces
sinuosités, il redevient à peu près droit, sa largeur se trouve déjà réduite
à 2 [x et il se rapproche de plus en plus de l'un de ses voisins avec lequel
il ne tarde pas à s'anastomoser, c'est la troisième région (3). Après cette
anastomose, il ne mesure pas beaucoup plus d'un ij. et décrit deux ou trois
sinuosités qui constituent sa quatrième région (4) (1). Enfin, il se termine
par une nervure d'une extrême finesse qui constitue sa cinquième
région (5). (Voir la fig. in ainsi que les figures 1 et 2 PI. I).
On peut assigner les longueurs suivantes à ces cinq régions : la première
40 a, la seconde 55 p, la troisième 40 p, la quatrième 20 \x et enfin la cin-
quième 40 [j.. Ces longueurs ne peuvent, bien entendu, être qu'approxima-
tives puisque les limites entre les différentes régions sont arbitraires et que
les longueurs de celles-ci varient dans une certaine mesure.
Les deux photographies annexées à cette Note (fig. 1 et 2 PI. I) montrent
très nettement les cinq régions que nous venons de décrire, déterminant
cinq zones autour du micropyle. Ces cinq régions portent les chiffres 1 à 5
sur la figure m.
En résumé, chaque filament fixateur comporte une partie fixe en forme
de pied adhérant à l'œuf et une autre mobile en forme de ruban plus ou
moins tordue sur elle-même. Si l'on fait abstraction de cette torsion, on
voit que chaque filament est symétrique par rapport à un plan qui est un
plan méridien de l'œuf et qui passe par le pôle micropylaire de ce dernier.
La partie mobile du filament est affectée d'un aplatissement perpen-
diculaire au plan de symétrie de ce dernier, tandis que l'aplatissement qui
fait suite au précédent et qui affecte la région en continuité immédiate
avec la plante du pied (2) s'effectue dans le plan de symétrie du filament.
La plante du pied, par laquelle chaque filament adhère à l'œuf, maté-
rialise l'intersection du plan méridien contenant ce filament avec la surface
de l'œuf.
Les pieds ne sont pas tous conjugués comme ceux que nous venons de
décrire. On en rencontre quelques-uns, assez rares d'ailleurs, qui restent
isolés et s'étendent, comme les conjugués, dans toute la longueur du rayon
de la rosette fixatrice.
Mais indépendamment de ces pieds isolés exceptionnels, qui se com-
portent en somme comme les conjugués, il en existe d'autres qui présen-
ti) cette quatrième région ne présente pas toujours des sinuosités très accentuées ; elle peut même en
êcre totalement dépourvue. Cette particularité varie avec les ceafs.
(2) Cette région correspond au cou-de-pied si l'on veut poursuivre la comparaison indiquée au début de cette
description (fig. III cl).
FRÉDÉRIC GUI TEL
tent une manière d'être spéciale et constante et qui appartiennent à des
filaments qu'on pour-
rait appeler intermé-
diaires. Ils sont tous
en effet réduits à leur
première région, c'est-
à-dire au talon et situés
à la même distance du
micropyle que le talon
des conjugués ; mais
ils occupent par rap-
port à ces derniers
une position sujette à
quelque variation. Les
uns, et ce sont les
plus nombreux, vien-
nent s'insérer dans
l'angle que forment
Fig. m. Un secteur de la ro-
sette fixatrice périmicropylaire d'un
œuf de Kurtus Gulliveri. — a, un
fragment de la partie distale d'un
filament plié sur lui-même ce qui
permet de le voir en coupe opti-
que ; b, coupe d'un filament dans
la région située entre la partie
distale très aplatie (fp) et la partie
proximale en forme de cou-de-pied
(el). Cette coupe est. aplatie, elle
aussi, et sa face convexe est tour-
née du côté du micropyle ; 1 à 5, les cinq régions
d'un pied dans lequel elles sont bien reconnais-
sablés. Ces régions se distinguent souvent
beaucoup plus nettement les unes des autres ;
bouchon micropylaire ; cm, fine liane ellip-
tique représentant le contour probable de la
grande base (externe) du bouchon micropy-
laire ; el, région élargie proximale d'un filament
dans le point où il se fixe sur l'œuf. Elle est
en continuité avec le talon du pied du filament
et occupe la position du cou-de-pied. Elle se
trouve dans le plan de symétrie du filament ;
je, plusieurs filaments coupés transversalement
à peu de distance de leur point de fixation ;
tp, partie aplatie distale des filaments ; son
aplatissement est perpendiculaire au plan de
symétrie du filament ; pc, pied conjugué ou dou-
ble ; pib, pied intermédiaire interne bifurqué :
pie, pied intermédiaire externe ; pt, pied triple :
t, l'un des deux talons d'un pied conjugué.
Grossissement 400 diamètres.
ŒUF DE KVRTV8 7
entre eux deux pieds conjugués ; nous les désignerons sous le nom de
intermédiaires internes (pib fig. met fig. 1 PL I). Les autres, beaucoup plus
rares que les premiers, se trouvent insérés entre les deux plantes contiguës
de deux paires de pieds conjugués, ce sont les intermédiaires externes (pie).
Enfin, on observe aussi des pieds anastomosés par trois (pt) ou même
par quatre, ce qui est beaucoup plus rare. Les pieds triples peuvent être dus
à l'anastomose d'un simple et d'un conjugué ou plus fréquemment à celle
d'un conjugué avec son intermédiaire interne qui se prolonge jusqu'à la
rencontre de l'une des deux branches du conjugué.
Les pieds quadruples sont généralement dus à l'anastomose de deux
conjugués dans leur cinquième région.
Le nombre exact des filaments intermédiaires est difficile à évaluer
exactement. Il faut tout d'abord faire observer que, dans les préparations
montées entre lame et lamelle sans précautions spéciales, la compression
exercée par la lamelle applique la région initiale de la partie mobile des
filaments (el) sur la zone des talons de la rosette fixatrice. Les talons
des filaments intermédiaires se trouvent ainsi masqués et ils passent alors
presque tous inaperçus, car, comme nous l'avons fait remarquer, ils ne se
prolongent pas vers le micropyle comme ceux des pieds conjugués. Pour
les étudier, il faut les examiner ou bien sur des pièces non montées ou bien
sur des pièces n'ayant subi qu'une compression ne dépassant pas une
certaine valeur.
Le montage de ces pièces est extrêmement délicat ; elles montrent
nettement que si les intermédiaires externes sont tout à fait excep-
tionnels, les internes sont au contraire presque constants, c'est-à-dire
qu'un de ces organes est en général annexé à chaque couple de pieds
conjugués.
Dans certaines rosettes, les talons intermédiaires internes ne sont pas
simples mais bifurques du côté externe (pib fig. III), et un filament libre se
trouve en continuité avec chacune des branches de bifurcation du
talon.
Par opposition avec les intermédiaires, les conjugués sont toujours très
faciles à compter exactement et leur nombre ne varie que dans des limites
assez rapprochées.
Dans le tableau suivant on a réuni les nombres observés sur 17 ro-
settes fixatrices.
Dans la première colonne sont indiqués les filaments simples. Dans la
seconde, les conjugués et dans la troisième, les triples.
8 FRÉDÉRIC GUITEL
Pour obtenir les nombres contenus dans la quatrième colonne du
tableau, on a multiplié par deux les nombres se rapportant aux filaments
conjugués, par trois ceux des filaments triples et additionné les trois
colonnes.
Mais il faut ajouter aux chiffres ainsi obtenus environ trente filaments
intermédiaires, quand les talons intermédiaires sont simples et 60, quand
ceux-ci sont bifurques.
SIMPLES
DOUBLES
TRIPLES
0
36
1
75
0
32
4
76
0
38
1
79
1
38
0
77
0
36
1
65
2
40
0
82
0
41
0
82
1
40
0
81
2
39
0
80
1
39
0
79
0
35
3
82
0
38
0
76
0
34
4
80
1
34
2
75
0
37
1
77
2
37
1
79
1
37
1
78
En résumé, l'œuf du Kurtus Gulliveri est rattaché à la ponte à laquelle
il appartient par un cordon qui, à sa naissance, comporte de 110 à
140 filaments, chiffres moyens et approximatifs.
Dans toutes les rosettes fixatrices, on constate la présence de très
nombreux granules de dimension variable qui se trouvent intercalés dans
les intervalles des plantes des filaments fixateurs. Nous supposons que ces
granules ne sont autre chose que de fines particules sédimentaires qui
s'accolent à l'appareil fixateur au moment de l'expulsion des œufs (1).
Nous avons dit que l'appareil fixateur de l'œuf du Kurtus Gulliveri
(1) Mon collègue M. Kerforne, de la Faculté des Sciences de Rennes, a bien voulu se charger de l'examen de ces
particules. 11 a reconnu qu'un certain nombre d'entre elles agissent sur la lumière polarisée et doivent être
considérées comme constituées par de flr.es particules minérales.
ŒUF DE KURTUS 0
est périmicropylaire. Voici quelles observations nous avons pu faire sur
la région micropylaire de cet œuf.
Quand on examine un œuf de Kurtus Gulliveri sous le microscope
de manière à apercevoir l'appareil fixateur de profil, on constate que le
point où se trouvait le micropyle est situé au sommet d'une élevure
conique très surbaissée à sommet arrondi. L'examen en surface de la
rosette fixatrice au moyen d'un appareil binoculaire confirme ce fait (1).
Dans le point où devait se trouver le micropyle, on découvre une aire
limitée par un contour très fin (cm fig. in), très régulier, presque toujours
ovale, rarement presque circulaire. Dans le premier cas, ses dimensions
sont généralement 37 sur 33 jx ; mais elles s'élèvent parfois à 41 sur 35 ou
même 37 y.
Dans le centre de cet espace ovale très régulièrement limité, on observe
une partie irrégulièrement étoilée (bm) plus réfringente que les parties
environnantes.
Voici comment nous croyons pouvoir interpréter ces apparences.
Les coupes montrent que le micropyle affecte la forme d'un tronc de
cône à bases très inégales, la plus grande étant externe. Elles nous ensei-
gnent en outre que dans les œufs embryonnés le micropyle est obturé par
un bouchon tronconique.
Le contour ovale dont il a été question plus haut doit représenter
l'orifice externe du micropyle et correspondre par conséquent à la grande
base du tronc de cône micropylaire.
Il est vrai de dire que la grande base du bouchon micropylaire est un
peu plus petite sur les coupes que le contour ovale dont il s'agit ; mais cela
tient probablement à la rétraction subie par la substance de la coque au
cours des manipulations indispensables à la confection des coupes.
Quant à la région irrégulièrement étoilée qui occupe l'axe du bouchon
micropylaire, elle doit être due à l'existence d'une substance spéciale dans
cette région. Le bouchon présente d'ailleurs une légère dépression occu-
pant le milieu de sa face externe et des inclusions qui dénotent un manque
certain d'homogénéité.
Il nous reste maintenant à examiner la manière dont se comportent
les cordons suspenseurs des œufs au delà de la rosette fixatrice.
Nous avons vu que ces cordons ont un diamètre moyen d'environ 90 y..
(1) Cette disposition rend impossible la mise au point rigoureuse de la rosette fixatrice toui entière. Quand le
micropyle est exactement au point, les pieds des filaments fixateurs ne peuvent y être, et réciproquement. Cette
circonstance explique le manque de netteté de certaines parties des photographies annexées à ce travail. On a du
adopter uue mise au point moyenne pour obtenir le plus possible de parties visibles dans une même figure.
10 FRÉDÉRIC GUI TEL
Ils ne restent pas isolés sur une grande longueur, car après un trajet qui
varie entre 0,5 et 2,5 millimètres, ils se réunissent à ceux des œufs voisins
et s'enchevêtrent entre eux de manière à former des faisceaux de plus en
plus volumineux (fig. 3, PI. 1) dans lesquels on les trouve ou bien tordus d'une
manière souvent fort régulière ou bien disposés parallèlement (surtout
dans les très gros faisceaux) ou encore enchevêtrés d'une manière plus
ou moins compliquée.
Les deux moitiés de la ponte sont réunies par un volumineux cordon
passant dans l'anneau du supra-occipital (fig. i, h) et ayant environ
7,5 millimètres de longueur (fig. 3, PI. 1). Sa section transversale affecte
la forme d'une ellipse dont le grand axe parallèle au profil médian de la tête
mesure 4,5 millimètres de longueur, tandis que le petit, normal à ce profil,
n'a que 3 millimètres.
Entre cet énorme cordon médian et les cordons élémentaires de 90 à
100 rj. de diamètre, tous les intermédiaires s'observent. Nous n'avons pas
voulu endommager une pièce jusqu'ici rarissime pour vérifier l'autonomie
des cordons élémentaires contenus dans les cordons les plus volumineux ;
mais nous avons pu constater cependant qu'un cordon ayant une section
d'un millimètre de diamètre ne comptait pas moins de trente cordons
élémentaires faciles à mettre en évidence par dissociation sous la loupe.
Nous avons pu constater en outre que les plus volumineux cordons
et le cordon médian lui-même, sont constitués par des éléments tout à
fait identiques à ceux qui entrent dans la constitution des cordons de
section moins grande (1).
De cette constitution et des dimensions de la ponte, il résulte que
beaucoup de cordons élémentaires doivent mesurer jusqu'à deux et même
trois centimètres de longueur. On pourra se demander comment le folli-
cule d'un œuf mesurant à peine un quart de millimètre de diamètre peut
donner naissance à une pareille masse de filaments. Le cas du Clinus
argentatus déjà cité, nous permet de comprendre cette disproportion et
d'en proposer une explication.
En effet, dans l'œuf ovarien de cet animal « les faisceaux de filaments
« fixateurs sont appliqués sur la surface de la membrane vitelline et font
« plusieurs fois le tour de l'œuf, de telle sorte qu'en certains points on
« trouve trois couches de filaments se croisant sous différents angles.
« Toute la surface de l'œuf est ainsi couverte par ces sortes de bandeaux
(1) Si les éléments constituant le cordon médian sont espacés de la même manière que daus le cordon d'un
millimètre que nous avons pu dissocier, le premier ne doit pas contenir moins de 400 cordons élémentaires.
ŒUF DE KL HT US 11
« ondulés formés aux 'dépens de la chevelure que constituent les filaments
« (F. Guitel 1893, p. 336). »
H semble très probable que la disposition réalisée dans le Clinus ou une
disposition analogue doit aussi se rencontrer dans l'œuf ovarien du
Kurtus Gulliveri.
MEMOIRES CITES
1910. — Weber (Max). A new case of parental care among Fishes Koninklijke
Akademie van Vetenschappen te Amsterdam. Proeeedings of the Section of
Sciences. Vol. XIII, 1910, p. 583 à 587.
1893. — Guitel (Frédéric). Observations sur les mœurs de trois Blenniidés Clinus
argentatus, Blennius Montagui et Blennius sphynx (Arch. de Zool. exp. et gén.
(3) Vol. I, 1893, p. 335).
EXPLICATION DE LA PLANCHE I
Fig. 1. Rosette fixatrice d'un œuf de Kurtus Gullireri (La mise au point a été faite de manière à laisser distinguer
aussi nettement que possible les filaments intermédiaires). En dehors de la rosette, on aperçoit les
filaments constituant le cordon qui rattache l'œuf à la masse de la ponte. Ces filaments ont été
séparés les uns des autres et rejetés dans toutes les directions dans le plan de la rosette et en dehors
d'elle afin de ne rien laisser qui puisse la masquer. Le bord externe un peu flou de la rosette est cons-
titué par les parties initiales des filaments qui se sont appliquées les unes sur les autres quand les
filaments primitivement perpendiculaires au plan de la rosette ont été rabattus dans le plan de cette
dernière. Les pieds conjugués sont très visibles et, dans l'intervalle de leurs deux branches, se voient
en beaucoup de points un talon intermédiaire. Les cinq zones des pieds conjugués sont bien visibles
et sont de la périphérie au centre: 1) talon presque droit quelquefois masqué ici vers l'extérieur par les
filaments rabattus, 2) partie sinueuse double, 3) partie droite conjuguée, 4) partie sinueuse simple. 5)
partie simple terminale très fine. La région traversée par les cinquièmes zones est marquée de stries
dont beaucoup sont indépendantes de celles auxquelles donnent lieu ces cinquièmes zones. Ces stries
sont souvent orientées autrement que dans le sens radial. Enfin, au centre se trouve le contour ovale du
bouchon micropylaire qui, par exception, offre ici un double contour. Dans la partie centrale de ce
dernier on voit l'étoile irrégulière qui, n'étant pas su point, est peu ^distincte. Grossissement
189 diamètres.
Fig. 2. Région centrale de la rosette fixatrice de l'œuf de Kurtus Gulliveri (La mise au point a été faite de manière
à montrer nettement les détails de la région la plus voisine du centre). On distingue er effet le con-
tour micropylaire en dedans duquel se trouve, bien visible, l'étoile irrégulière du bouchon micro-
pylaire. En dehors se trouve la cinquième zone des filaments marquée de nombreuses stries qui s'éten-
dent jusque sur le bouchon micropylaire. Plus eu 'dehors encore la quatrième zone très sinueuse ici
et enfin la troisième dans laquelle les pieds des filaments convergent avant de s'anastomoser. Cette
zone n'est pas exactement au point. Grossissement 195 diamètres.
Fig. 3. Tonte de Kurtus Gullireri. Entre les deux groupes d'eeufs se voit le volumineux cordon qui se trouvait
engagé dans l'œil que forme le supra-occipital sur la face dorsale de la tête du mâle. En plusieurs
points des cordons élémentaires ou des cordons d'un ordre plus élevé sont bien visibles. Grandeur
naturelle.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 13 à 304, pi. II à XIII.
30 Juin 1913
RECHERCHES SDR LA SPEU M VTOGÉXÈSE
DES BATRACIENS
ET LES ÉLÉMENTS ACCESSOIRES DU TESTICULE
le Docteur CHRISTIAN CHAMPY
l'r< fssseur agrégé à \\ Faculté de médecine
TABLE DES MATIÈRES
P.l«CS
Introduction 15
méthodes de recherche 17
PREMIÈRE PARTIE : Développement de la glande génitale mâle.
A . Glande gén itale embryonnaire --
a. Origine des cellules sexuelles : 1° Origine première des gonocytes (p. 22) ; 2° Ebauche génitale
impaire (p. 23) ; 3° Ebauche paire secondaire (p. 24) ; 4° Lignées accessoires de gonocytes (p. 26) ;
h. Origine des éléments accessoires du testicule (p. 28) ; c. Différenciation des sexes (p. 30) ; d. Ori-
grine des voies efférentes (p. 33).
B. Glande génitale depuis In métamorphose jusqu'à l'état adulte 34
a. Différenciation des éléments accessoires. Formation des tubes séminiières (p. 34) ; b. Présperma-
togénèse (p. 36).
DEUXIÈME PARTIE : AXATOMIE MICROSCOPIQrE et évolution saisonnière du testicule.
A. Constitution du testicule et mode de. régénération 40
B. Epoque de la s-permatogénèse *•*
C. Préspermatogénèse annuelle *7
RÉSUMÉ 51
TROISIÈME PARTIE : Les cellules mères indifférentes ou gonies primitives.
A. Evolution et classification des spermatogonies . .' ■'-
Développement des gonies primitives 54
B. Les gonies I chez diverses espèces 5t>
Formes des gonies et plus spécialement de leur noyau ; Salamandres (p. 56) ; Tritons (p. 58) ; Axo-
lotl (p. 58) ; Bombinators (p. 59) ; Rainette (p. 60) ; Grenouilles (p. 61) ; \lytes (p. 61) ; Conclusion
(p. 62).
C. Etude cytologique des g<mies primitives
a. Le noyau : 1° Etats divers chez une ■même espèce (p. 63) ; 2° la chromatine, incertitude des
images chromatiques, variation avec les fixations (p. 68) ; 3° le suc nuclé'tire (p. 69) ; 4° les nucléoles,
structure (p. 69) ; variations spécifiques (p. 72) ; rapports avec le cytoplasme (p. 72) ; déplacements
du nucléole (p. 74) ;
b. Le cytoplasme : 1° les mitochondries : aspect, groupements, variations (p. 76) : 2° les eorp»
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 52. — F. 2. 2
63
14 CHRISTIAN CHAMPY
Pages
pyrénoïdes : structure, évolution, multiplication (p. 81); 3° granulations mises en évidence par
Viodure d'osmium (p. 83) ; 4° granulations colorables par les colorants vitaux (p. 85) ; 5° enclaves
graisseuses (p. 86) ;
c. Le centre cellulaire : aspect, situation (p. 88), déplacements (p. 91) ;
d. Relations du noyau avec le cytoplasme (p. 92).
Résumé 96
D. Dégénérescence des gonies primitives 96
a. Dégénérescence oviforme : fréquence, importance, phénomènes caractéristiques (p. 97) ; b. Autres
modes de dégénérescence (p. 105).
F. Considérations sur la sexualité chez les Batraciens 107
a. Déterminisme cytosexuel (p. 107) ; b. Indifférence sexuelle des cellules mères (p. 110); c. Cas
d'hermaphrodisme accidentel (p. 110) ; d. L'organe de Biider (p. 111).
G. Division des gonies primitives. Mcmsnt où apparaît la mitose 113
a. Prophase (p. 114) ; b. Métaphase (p. 119) ; c. Anaphase (p. 121) ; d. Télophase (p. 122) ; e. Par-
ticularités spécifiques (p. 124) ; f. Mitoses anormales (p. 125) ; Division karyomitotique (p. 129).
QUATRIÈME PARTIE : LES CELLULES SEXUELLES MALES (SPERMATOGONIES DE IIe ORDRE ET SPERMATOCYTES.)
A. Les spermatogonies de IIe ordre 131
a. Caractères et cytologie (p. 131) ; b. Division des gonies II (p. 137) ; c. Dégénérescence des
gonies II (p. 139).
B. Les spermatocytes de premier ordre. Sériation des stades 139
a. Prophase, le synapsis, centrotactisme, formation des chromosomes, forme des chromosomes I à
la mise au fuseau (p. 141) ; le cytoplasme (p. 150) ; b. La première mitose de réduction, formation du
fuseau, disposition métaphasique et anaphasique des chromosomes, fissuration anaphasique (p. 152) ;
corps pyrénoïde (p. 155).
C. Les spermatocytes de IIe ordre et la IIe mitose 156
a. Intercinèse (p. 156) ; b. Prophase II (p. 157) ; c. Mitose II (p. 158).
D. Variétés et anomalies de l'évolution des spermatocytes 160
Variation de taille, mitoses multipolaires (p. 160) ; Dégénérescence (p. 164).
E. Considérations théoriques diverses 166
a. La réduction chromatique : 1° Réduction qualitative et numérique (p. 166) ; 2° le mécanisme de
la réduction qualitative (p. 167); 3° le moment de li réduction numérique (p. 169); 4° le mécanisme
de la réduction numérique (p. 170) ; 5° la réduction quantitative (p. 174) ; 6° signification des phéno-
mènes de la période de maturation (p. 175).
b. Considérations sur la mitose : 1° formation des chromosomes ; 2° interprétations des mouve-
ments de la mitose (p. 178) ;
c. L'individualité des chromosomes (p. 185) ;
d. Chromosomes spéciaux ou accessoires (p. 186).
Résumé 191
CINQUIÈME PARTIE ; La SPERMIOGÉNÈSE.
A. Formes diverses des spermatozoïdes 193
B. Etude particulière de la spermiogénèse chez diverses espèces 196
a. Salamandres (p. 196) ; b. Tritons (p. 204) ; c. Axolotl (p. 209) ; d. Bombinators (p. 210) ; e. Alytes (for-
mation du bâtonnet axial) (p. 215) ; f. Bufo, Hyla (p. 218) ; g. Rana esculenta (p. 221) ; h. Rana
temporaria (p. 221).
C. Etude générale de la spermiogénèse 224
a. Les corpuscules centraux (p. 224) ; b. Le bâtonnet intranucléaire (spirostyle) et la torsion
nucléaire (p. 226) ; c. Rôle du corps pyrénoïde et du cytoplasme (p. 228) ; d. La signification des
diverses parties du spermatozoïde : comparaison des spermatozoïdes des Batraciens avec ceux
d'autres animaux (p. 229) ; e. Quel est le support des caractères héréditaires (p. 234) f. Anomalies
et dégénérescence des spermatides et des spermatozoïdes (p. 235).
D. Biologie des spermatozoïdes 238
SIXIÈME PARTIE : Les éléments accessoires du testicule.
A. Cellules du cyste chez les Urodèles et les Anoures 243
a. Origine et évolution autour des spermatogonies et des spermatocytes (p. 243) ; b. Transforma-
tion en cellules nutritives (cellule de Sertoli) (p. 244) ; c. Transformations lors de l'expulsion des
spermatozoïdes (phagocytose des spermatozoïdes résiduels) (p. 248).
B. Tissu glandulaire du testicule des Urodèles 251
Origine conjonctive) existence éphémère (p. 251).
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIEN* 15
Pages
C. Cellules du cyste et cellules de Sertcli chez les Anoures 255
D. Le tissu interstitiel chez les Anoures - "
Variations spécifiques (p. 258) ; Evolution chez Rana esculenta (p. 258) ; Evolution chez Rana tem-
poraria (p. 262).
E. Considérations sur les éléments glandulaires du testicule 264
a. Cellules du cyste (p. 264) ; b. Rôle du tissu glandulaire interstitiel (phénomènes d'élaboration dans
une glande endocrine) (p. 266) ; c. Rôle de la sécrétion interne du testicule (p. 269).
Résumé -'-
Appendice : Les voies excrétrices du testicule : Structure, ciliation, transformations 273
Résume général : principaux faits nouveaux, généralisations possibles 278
Index bibliographique • 281
Explication des planches 298
INTRODUCTION
Lorsque, en 1903, au laboratoire de la Faculté de Médecine de
Nancy, MM. Prenant et Bouin me proposèrent comme sujet de recher-
ches l'étude du tissu interstitiel du testicule chez les Batraciens, je ne
pensais pas que ce travail m'occuperait aussi longtemps. Frappé tout
d'abord des rapports entre le tissu interstitiel et l'évolution des tubes
séminifères, je me mis bientôt à étudier la spermatogénèse elle-même,
puis la glande génitale tout entière. Je m'aperçus que des espèces voisines
différaient souvent assez notablement, tant au point de vue de la sperma-
togénèse que des éléments accessoires du testicule, et l'étude qui primiti-
vement ne portait que sur les tritons et les grenouilles s'est étendue à
toutes les espèces que j'ai pu me procurer. Après avoir suivi, mois par
mois, l'évolution du testicule de la grenouille et du triton, j'ai sérié encore
les stades d'une façon plus serrée aux périodes où cela m'a paru intéres-
sant et j'ai recueilli les glandes génitales de diverses espèces à toutes
les périodes où je pouvais prévoir qu'il y avait quelque intérêt à les
connaître. Tout ce matériel a été fort long à réunir. Je trouve, en par-
courant mes notes, que j'ai examiné les testicules de plus de cent gre-
nouilles, et d'autant d'animaux d'autres espèces.
Depuis que j'ai commencé ce travail, diverses publications impor-
tantes ont paru sur la spermatogénèse des Batraciens (Jannsens, King,
etc.), déjà pourtant si étudiée, si bien qu'il restait vraiment peu de
chose à trouver. Il m'a paru cependant que quelques faits essentiels
n'avaient pas été suffisamment mis en lumière, et que des idées théoriques
avaient le plus souvent détourné l'attention sur des phénomènes d'intérêt
secondaire ; aussi, je me suis décidé à écrire un travail d'ensemble sur
16 CHRISTIAN CHAMP Y
une question qui semble pourtant si bien faite. J'ai seulement traité
très sommairement les parties les mieux connues : spermatogonies
secondaires et spermatocytes.
Il y a plus de dix ans déjà, en 1901, Jannsens croyait devoir s'excu-
ser de reprendre cette vieille question de la spermatogénèse des Batraciens;
je m'en excuse comme lui et plus que lui, en songeant que mon cas
s'aggrave de tout le poids des travaux accumulés depuis 1901. Cependant,
je pense que cet objet, qui a déjà donné tant de notions précieuses et
véritablement fondamentales à la cytologie entre les mains de von La
Valette Saint-George, de Flemming, d'HERMANN et de Meves, peut
encore aujourd'hui fournir des résultats nouveaux, et qu'après ces
grands moissonneurs, il reste encore un peu à glaner. La cytologie n'est
pas encore une science faite, et on peut la faire presque tout entière
sur les Batraciens. Un grand intérêt s'attache à ces animaux, car ils
représentent le matériel très favorable pour une étude cytologique, le
plus proche des Mammifères et de l'homme, et on ne les connaîtra
jamais trop bien.
Il résulte du mode de rédaction de ce travail que les quelques faits
nouveaux que j'ai pu apporter sont perdus dans une masse de faits
connus, aussi j'ai cru bon de résumer brièvement les plus importants à
la fin de l'ouvrage. Il y a des chapitres : spermatogonies secondaires,
spermatocytes, où je n'ai ajouté aucune observation ess3ntielle aux faits
déjà classiques ; j'ai cru utile de les écrire cependant pour faire un choix
parmi les interprétations diverses, et pour maintenir autant que possible
une proportion harmonieuse entre les différentes parties du travail.
J'espère qu'il se dégagera de cet ouvrage une impression d'ensemble
suffisamment nette. Je me suis attaché à étudier tout dans le testicule.
J'ai fait constamment place, notamment, aux anomalies et dégénéres-
cences qui ne sont pas les choses les moins intéressantes de l'évolution des
cellules sexuelles. On ne peut, en effet, interpréter l'évolution normale
avec sécurité, si l'on ignore les anomalies. Je crois, enfin, qu'en comparant
un certain nombre d'espèces au lieu de me limiter à une seule, j'ai eu plus
de chances de dégager les phénomènes généraux et de me rendre compte
de ce qui est particulier et, par conséquent peu intéressant. Il y a, en effet,
dans les glandes génitales beaucoup de dispositions spécifiques et même
individuelles, j'ai pu généralement les laisser dans l'ombre.
Malgré les dix années de travail que j'y ai consacrées, ce mémoire
reste encore incomplet sur bien des points. J'aurais voulu étendre mon
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIEN* 17
enquête à un certain nombre d'espèces intéressantes que je n'ai pu me
procurer en temps voulu, dans de bonnes conditions. J'aurais voulu y
joindre le résultat d'expériences qui sont encore inachevées. Je le com-
pléterai à l'occasion par quelques notes additionnelles.
Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance à M. le professeur Pre-
nant pour les conseils qu'il m'a prodigués, et pour les préparations
d'embryons qu'il a bien voulu me communiquer.
Je remercie mon ami, le docteur Aimé, des nombreuses préparations
d'organe de Bidder et d'embryons de crapauds qu'il m'a prêtées.
J'ai aussi maintes fois discuté lés diverses interprétations de la
spermatogénèse avec M. le docteur Soyer, et j'ai mis largement à profit
sa connaissance de la spermatogénèse et de l'ovogénèse des Arthropodes.
Je dois enfin exprimer ma gratitude à MM. Pruvot et Racovitza
pour la place qu'ils ont accordée dans les Archives de Zoologie expérimen-
tale à ce mémoire un peu encombrant, ainsi que pour les nombreuses
planches dont ils m'ont permis d'illustrer cet ouvrage et qui en seront
le plus bel ornement.
MÉTHODE DE RECHERCHES
Les animaux que j'ai étudiés ont été pour la plupart recueillis au
cours de promenades et sacrifiés aussitôt après leur capture. Quelques-uns
ont été conservés en captivité de telle sorte qu'ils soient dans des condi-
tions aussi normales que possible et qu'ils aient notamment l'espace, la
nourriture, le degré d'humidité désirables. J'ai observé d'ailleurs qu'il
faut une captivité très étroite et des conditions très mauvaises pour
modifier l'évolution des glandes génitales des Batraciens. J'ai noté, à
l'occasion, l'état des caractères sexuels secondaires et les conditions
génitales (accouplement), dans lesquelles se trouvaient les animaux
étudiés.
Je puis dire qu'il n'est pas de méthode histologique que je n'aie
essayée sur les testicules des Batraciens. J'ai employé notamment
tous les fixateurs possibles, même ceux qui ne sont pas d'un usage cou-
rant, ce qui peut donner quelque autorité aux critiques des fixations
auxquelles je me livre parfois. J'ai examiné toutes les préparations,
même celles qui n'étaient pas d'un aspect agréable et celles qu'on pouvait
considérer comme assez mal fixées. Elles sont souvent utiles en ce qu'elles
18 CHRISTIAN CHAMP Y
vous montrent pour ainsi dire la caricature de pseudo-structures qu'on
rencontre même dans les meilleures préparations. Ces altérations méritent
d'être connues sous leurs aspects les moins avantageux. Comme dit fort
justement Prenant, toute observation histologique est une expérience.
Or, une expérimentation doit être le plus possible variée. Il faut ensuite
critiquer et essayer de tirer la vérité des résultats en apparence contra-
dictoires. C'est donc dans la variété des méthodes que j'ai cherché la
sécurité.
On peut dire qu'aucun fixateur ne donne une image absolument fidèle
de la réalité. J'ai figuré, bien entendu, les images qui se rapprochent le
plus de la vérité ou quelquefois les plus élégantes, mais je ne retiendrai
dans ma description que ce que je crois pouvoir retenir après examen
critique de préparations diverses.
Les fixateurs qui donnent les images les plus proches de la réalité
sont ceux de Benda ou d'Ai/TMANN, mais on ne peut cependant avoir une
entière sécurité dans les images qu'ils fournissent. De plus, comme ils ne
permettent pas la plupart des colorations, ils donnent lieu à beaucoup
d'erreurs par défaut.
Le liquide de Bouin et aussi celui de Heemann, et même celui de
Flemming ont l'inconvénient de précipiter en un réseau les solutions
albuminoïdes du noyau ou du cytoplasme ; mais qu'on voie ces albumi-
noïdes sous forme de réseau plutôt que de précipité homogène, cela n'est
pas bien gênant.
Le liquide de Bouin est extrêmement commode et d'un usage tout
à fait courant, parce qu'il permet toutes sortes de colorations.
J'emploie maintenant, avec succès, le liquide suivant :
Solution aqueuse saturée de phénol cristallisé 15 p.
Formol à 40 % 4 p.
Solution d'acide trichloracéti que à 20 % 1,5
Le mélange ne se conserve pas plus d'une huitaine de jours ; il ne
faut donc pas en préparer de trop grandes quantités à l'avance.
La fixation est souvent un peu brutale à la surface, ce qu'on évite
en mettant d'abord le fragment à fixer pendant quelques secondes dans le
liquide étendu d'eau. Ce fixateur est très pénétrant et donne une fixation
généralement meilleure que le liquide de Bouin. Le cytoplasme est notam-
ment très bien conservé. Pour les ensembles, le liquide de Bouin est pré-
férable dans certains cas, parce qu'avec la fixation que j'indique, les noyaux
prennent souvent un aspect semblable à celui qu'ils prennent après
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 19
emploi du liquide de Benda, ce qui n'est pas favorable pour une vue
d'ensemble, bien que plus conforme à la réalité.
Dans certains cas, les mitochondries sont parfaitement conservées
et colorables par exemple avec le rouge de Magdala ; les canaux de Holm-
grenn sont bien conservés (1).
Toutes les colorations réussissent bien après cette fixation. Je ne
l'emploie malheureusement que depuis peu de temps, et la plupart de
mes pièces ont été recueillies à une époque où je ne m'en servais pas.
Comme méthodes de coloration, je donne la préférence à l'héma-
toxyline au fer avec coloration de Prenant ou une de ses variantes. Il
est bon d'employer aussi comparativement l'hématoxyline au fer peu
différenciée, avec une couleur de fond claire comme l'orange ou le rouge
Congo.
J'emploie plusieurs modifications de la méthode de Prenant, qui
donnent toutes des résultats très élégants, mais un peu différents.
La méthode de Prenant type : éosine-hématoxyline au fer, vert
lumière, est celle qui colore le plus électivement et le plus sûrement le
tissu conjonctif. Le vert pâlit et disparaît souvent en peu de temps.
On peut remplacer le vert lumière par le bleu de méthyle, la colora-
tion en est à peine plus stable.
J'ai employé, après avoir fait une coloration à l'hématoxyline au fer
(fortement décolorée), les combinaisons suivantes :
Rouge Bordeaux (2) -vert lumière et vice versa.
Rouge Congo-vert lumière.
Rose de Magdala-rouge Congo.
J'emploie tous ces colorants en solution aqueuse saturée. On colore
à fond avec le premier (vingt minutes à une demi-heure) ; on lave à l'eau,
et on colore avec le second un temps variable en surveillant de temps en
temps au microscope pour arrêter la différenciation au point où on désire.
Il n'y a pas, à proprement parler, d'élection ; le colorant employé
le second déplace le premier dans l'ordre suivant : conjonctif, mucus,
cuticules et brosses, puis en poussant un peu plus : corps chromatoïdes,
nucléoles (pyrénine), puis cytoplasme. Le suc nucléaire reste alors seul
coloré par le premier colorant.
On obtient en employant le vert le premier et le Rouge Bordeaux
(1) Holmgrenn indique d'ailleurs l'acide trichloracétique pour leur étude.
(2) Il est important d'avoir un échantillon de rouge Bordeaux qui colore bien. Ceux qu'on trouve dans le
commerce sont très inégaux.
20 CHRISTIAN CHAMP Y
le deuxième, les colorations inverses. Le vert lumière paraît avoir une
affinité spéciale pour les nucléoles et les colore presque dans tous les cas.
La combinaison Bordeaux- vert lumière donne des colorations plus claires
et une élection souvent plus fine à l'intérieur des cellules que la méthode
primitive : éosine, ou mieux érythrosine-vert lumière. La coloration
est aussi peu solide.
Avec la combinaison Congo- vert lumière, on a une belle élection
qui se conserve mieux, quoique le vert pâlisse à la longue.
Je suis arrivé, après tâtonnements, à la combinaison Magdala-Congo,
qui n'est pas très jolie, mais la coloration est fort instructive et se conserve
parfaitement. On distingue très bien les deux tons de rouge et, comme le
conjonctif est coloré d'une teinte assez claire, on peut colorer en outre les
fibres élastiques par exemple.
En colorant vingt-quatre heures par le Magdala, après fixation au
formol phéniqué, on obtient souvent de bonnes images des mitochondries.
J'ai enfin obtenu de très belles images avec la Brésiline. Ce colorant,
employé comme l'hématoxyline au fer ainsi qu'on l'indique, n'a pas
d'avantages sur l'hématoxyline. On peut l'employer pour un examen
rapide de la manière suivante :
Une solution alcoolique de Brésiline à 1 % et le mélange de Weigert
(perchlorure de fer à 45° : 4 p., acide chlorhydrique : 1 p. et eau : 100 p.)
sont mélangés à parties égales. Le mélange se conserve. On y ajoute son
volume d'une solution saturée de vert lumière (quelquefois un peu plus
ou un peu moins selon la qualité du vert, on opère par tâtonnements).
Cette mixture donne de belles colorations nucléaires et nucléolaires,
différenciant parfaitement la chromatine de la pyrénine.
La méthode lente suivante est préférable : On fait une solution
saturée à chaud d'alun d'ammoniaque. On y ajoute 5 % d'une solution
alcoolique saturée de Brésiline. On laisse refroidir et mûrir (1), puis on
décante.
On peut colorer vingt à vingt-cinq minutes par ce colorant, puis par
le vert lumière, on obtient des colorations roses et vertes analogues à
celles de Benda (safranine-vert lumière), mais seulement après fixations
non osmiquées.
Il vaut mieux employer la même combinaison après l'hématoxyline
au fer. On peut encore, après hématoxyline ferrique très décolorée,
colorer vingt-quatre heures dans la Brésiline à l'alun, puis régresser un
(1) Il faut souvent laisser mûrir assez longtemps, cela dépend des échantillons de Brésiline.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 21
peu par lavage à l'alcool et colorer enfin au vert lumière ou rouge-Congo.
On obtient de bonnes colorations des lames de ciment intercellulaire et des
fibres élastiques. Il arrive que le tissu conjonctif reste partiellement
coloré par la Brésiline, tandis que le mucus prend le vert lumière dans
tous les cas.
Je donnerai dans un travail spécial la technique de ma coloration
à l'iodure d'osmium et les résultats qu'on en obtient.
Les méthodes que j'ai employées pour les mitochondries sont les
mêmes que celles dont je me suis servi dans mon travail sur la cellule
intestinale.
Je ne suis pas arrivé à conserver convenablement les graisses très
labiles du tissu interstitiel. Je me suis contenté de dessiner les prépara-
tions aussitôt après leur montage. Je n'ai d'ailleurs pas figuré dans
ce travail les préparations montrant les graisses ; ces images sont peu
instructives et la description suffit.
22 CHRISTIAN CHAMP Y
PREMIÈRE PARTIE
Développement de la glande génitale mâle
GLANDE GÉNITALE EMBRYONNAIRE
Origine des cellules sexuelles
ORIGINE PREMIÈRE DES ELEMENTS SEXUELS.
L'origine des éléments sexuels chez les Batraciens a fait l'objet de
nombreuses recherches. La plupart des auteurs qui se sont occupés de
cette question ont étudié surtout les ébauches déjà âgées (Gôtte 1869,
Hoffmann 1886, Knappe 1886, Bataillon 1893, Eismond 1898).
Les recherches de Nussbaum (1880), de M. Bouin (1900) et surtout
celles, plus récentes, de Dustin (1907), de Kuschakewitsch (1910),
de Spehl et Polus (1911), de Schapitz (1912) ont reculé de plus en plus
l'origine des cellules sexuelles.
La glande génitale est, selon ces derniers auteurs, d'origine mésoblas-
tique et elle représente une portion du cœlome primitif. Cette ébauche
première est en somme très analogue au gonotome de Boveri (1892)-
Elle correspond non seulement au gonotome de Yamphioxus (Hatschek
1884, Zarnik, 1904), mais aussi à l'ébauche génitale des cyclostomes
(Gœtte, Wheler, 1899), des Sélaciens (Van Wijhe 1889, Ruckert1889,
Rabl 1896), et des poissons osseux (Fedorow 1908).
Chez les très jeunes embryons d'urodèles {Triton alpestris), on dis-
tingue au-dessous du myotome, au voisinage du néphrotome, une lame
mésodermique qui se continue avec la lame latérale du mésoderme. Cette
portion est limitée extérieurement par le canal de Wolf . Bientôt elle est
pincée entre ce canal et l'hypoblaste vitellin, elle se sépare ainsi de la
lame latérale et peu à peu, se trouve repoussée vers la racine du mésen-
tère. Les deux ébauches latérales se soudent alors en une ébauche impaire
unique : l'ébauche impaire de Nussbaum et de M. Bouin. Chez les Anoures,
l'ébauche génitale apparaît de la même façon de chaque côté, entre le
myotome, le canal de Wolf et l'hypoblaste vitellin, elle reste unie à la
lame latérale et se trouve située au point d'union de la somatopleure et
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS 23
de la splanchnopleure. Les deux ébauches vont se souder sur la ligne
médiane en une ébauche unique.
Ces faits ont été établis par Dustin (1907), par l'étude d'embryons
de Triton alpestris et de Rana temporaria. Ils ont été vérifiés par
Spehl et Polus (1911), Schapitz (1912), chez l'Axolotl. J'ai eu
l'occasion d'en vérifier l'exactitude sur Rana temporaria et Triton
pahnatus:
Il semble que ce soit surtout le feuillet splanchnique du mésoblaste
qui fournisse les éléments qui constituent l'ébauche génitale. Dustin
a établi que l'ébauche génitale est moniliforme chez lesUrodèles, tandis
qu'elle a perdu toute trace de disposition métamérique chez les Anoures.
Ces observations sont en parfaite harmonie avec celles des auteurs
que nous avons cités, chez Y Amphioxus et Petromyzon, chez les Sélaciens
et les Téléostéens, ainsi que le fait remarquer Dustin.
Les cellules des ébauches primitives ne sont pas encore caractérisées
par leur morphologie ainsi que nous l'indiquerons tout à l'heure, mais
leur évolution ultérieure montre qu'elles sont l'origine des cellules qui
un peu plus tard, prendront incontestablement le caractère de gonocytes ;
enfin, la comparaison des phénomènes du développement des Batraciens
avec ceux du développement des autres Vertébrés inférieurs, éclaire les
faits de telle sorte que nous croyons que les conclusions de Dustin
quant à l'origine première des cellules sexuelles doivent être entièrement
adoptées.
ÉBAUCHE IMPAIRE.
Chez les Urodèles, les gonocytes prennent, dès le stade de l'ébauche
impaire et peut-être un peu avant (fig. 4 de Dustin), des caractères très
semblables à ceux qu'ils garderont pendant un long laps de temps,
les caractères des spermatogonies primitives : noyau lobé, cytoplasme
abondant (généralement bourré de grains de pigment comme toutes les
cellules de l'embryon à ce moment). Les cellules que ces caractères dési-
gnent comme gonocytes, sont alors mêlées de petites cellules d'aspect
mésenchy mateux .
Chez les Anoures, ce n'est que plus tard que les cellules de l'ébauche
génitale prennent l'aspect caractéristique des spermatogonies. Ce
retard est dû sans doute à l'abondance du vitellus dans ces éléments
(fig. i). La présence de plaquettes vitellines déformant le noyau
24
CHRISTIAN CHAMP Y
et rendant difficilement perceptibles les limites des cellules ne permet pas
de saisir l'aspect de la cellule aussi bien que chez les Urodèles.
Il est certain que les cellules de l'ébauche impaire médiane provien-
nent des ébauches paires primitives. Je n'ai pas vu, non plus que Nuss-
baum (1880) et Dustin (1907), les cellules péritonéales ni les cellules
mésenchymateuses se transformer en gonocytes à ce stade. On voit assez
tardivement les gonocytes être séparés par de petites cellules d'aspect
mésenchymateux. Comme ces cellules ne m'ont pas paru, d'après mes
observations et d'après l'examen des figures de Dustin, exister aux plus
jeunes stades, il faut croire qu'elles sont d'origine mésenchymateuse •
Il doit en être de même pour les petites
cellules que nous avons signalées chez
le triton.
Il est intéressant de remarquer
que dès les premiers stades de l'évo-
lution des éléments sexuels, des cel-
lules mésenchymateuses viennent s'in-
tercaler entre eux.
A ce stade de l'ébauche médiane,
les gonocytes ne paraissent pas se
mitoser ainsi que l'a observé Dustin,
et après lui Spehl et Polus, Schapitz,
ou du moins, s'ils se divisent par
karyokinèse, on ne les distingue pas,
pendant la division, des cellules mésenchymateuses en mitose.
Bientôt, les cellules sexuelles se partagent en deux groupes qui vont
faire saillie dans la cavité péritonéale de chaque côté du mésentère, don-
nant lieu aux ébauches paires secondaires qui vont se transformer direc-
tement en glandes génitales.
-^
FlG. I. Gouocyte d'une ébauche impaire de
Bana temporaria ; », vitellus ; /?, pigment.
EBAUCHE PAIRE SECONDAIRE
Chez les Urodèles, l'ébauche paire tout au début comprend un petit
nombre de gonocytes identiques à ceux de l'ébauche impaire, c'est-à-dire
ressemblant assez aux spermatogonies de l'adulte, sauf qu'elles sont de
plus petite taille et qu'elles renferment encore beaucoup de pigment
(fig. v et vi). Cette ébauche est complètement recouverte par la séreuse
péritonéale ainsi que l'indique Dustin.
SPERMATOOEXESE DES BATRACIENS
25
///
FlG.
il Ebauche génitale paire secondaire d'une larve de Bufo mdgaris. g, gono-
cyte ; o, gonocyte eu voie de dégénérescence ; m, cellule mésenchymateuse.
Cet auteur écrit, qu'à ce stade (début de l'ébauche paire définitive),
un grand nombre de gonocytes dégénèrent ainsi qu'en témoignent le pig-
ment, la frag-
mentation du
noyau. Je n'ai
pas vu de
noyau frag-
menté, les
noyaux sont
déjà très poly-
morphes chez
Triton pahna-
tus, comme ils
le sont dans
les gonies de
l'adulte, mais
ce phénomène
n'est pas de
nature dégé-
nérative. J'en dirai autant pour la présence de pigment. On trouve
du pigment dans tous les gonocytes et dans bien d'autres cellules de l'em-
bryon qui ne dégénèrent pas pour cela. Dustin a d'ailleurs établi que le
nombre des gonocytes diminuait à ce
stade, ce qui me semble exact. Il y a
donc bien dégénérescence, mais on ne
saurait dire que tous les éléments char-
gés de pigment sont appelés à dégé-
nérer. Je pense que c'est à la suite
d'une sorte d'évolution oviforme que les
gonocytes disparaissent (fig. n, vi). Il
faut remarquer qu'à ce stade les gono-
cytes ne paraissent pas se multiplier,
tandis qu'ils se multiplieront active-
ment un peu plus tard.
Chez les Anoures, l'ébauche paire
bilatérale se forme de la même ma-
nière. Les gonocytes sont souvent encore bourrés de plaquettes
vitellines (Bouix 1900, Dustin 1907) ; ils renferment presque cons-
.
FlG. m. Gonocyte de Rana esculenta (dé-
but de l'ébauche paire), c, corps pyré-
noïde. Cf. Planche III.
26
CHRISTIAN CHAMP Y
Fig. IV. Gonocyte en prophase chez Rana tempora-
ria (ébauche paire secondaire). Cf. Planche III.
tamment du pigment. Il semble que l'époque de la disparition du
vitellus soit extrêmement variable, non seulement suivant les espèces,
mais aussi suivant les individus.
Les gonocytes sont recouverts par l'épithélium péritonéal. On trouve
entre eux des cellules d'aspect mé-
jgj^jl gi|§|P ' H§|fej«. senchymateux qui semblent pouvoir
manquer en certains cas, ainsi que
je l'ai observé chez Rana esculenta
(1909 C).
Il est exact qu'à ce stade les go-
nocytes ne se divisent pas par
mitoses (Cf. M. Bouin, Dustin). Il
semble qu'ils restent à l'état latent
pendant une assez longue période.
Plus tard, au contraire, les gono-
cytes se diviseront activement.
Dans l'ébauche génitale un peu plus âgée, les gonocytes sont mêlés
à de nombreuses cellules d'origine mésenchymateuse ou péritonéale
qu'on distingue bien des gonocytes. Ce sont ces cellules que M. Bouin
nomme « petites cellules germinati-
ves » (fig. il). Nous n'adopterons pas
ce terme qui nous paraît malencon-
treux en ce qu'il semble établir une
homologie entre ces éléments et les
petites cellules germinatives des mam-
mifères. Or, cette homologie paraît
bien ne pas exister (1). Ces cellules
sont des cellules mésenchymateuses,
c'est pourquoi M. Bouin les croit ana-
logues aux cellules sexuelles, puisqu'il
fait dériver celles-ci pour une part des
éléments mésenchymateux. Les faits
établis par Dustin accentuent la différence entre ces deux sortes
d'éléments.
LIGNÉES ACCESSOIRES DE GONOCYTES
Cependant, ce dernier auteur admet que dans l'ébauche déjà âgée
(1) Le développement des glandes génitales des Batraciens ne paraît pas permettre d'établir aisément des
homologies avec ce qu'on sait de l'histogenèse de ces glandes chez les Mammifères.
J7V-
■r;
s.
Fig. v. Gonocyte de l'ébauche paire secondaire
de Triton alpestris. s, sphère; r, résidu fuso-
rial ; m, mitochondries.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 27
les petites cellules mésenchymateuses ou péritonéales se transforment
en gonocytes. Il existerait donc une seconde lignée de gonocytes d'une
origine entièrement différente de la première. Cette lignée accessoire
n'a pas été étudiée par Spehl et Poltts, n'a pas été retrouvée par Scha-
pitz. Elle a été retrouvée par Dustin chez Chrysemys (reptile).
Je n'ai rien observé de semblable et les figures de Dustin ne m'ont
pas convaincu de cette transformation, au moins chez les Batraciens. Il
est vrai que sur sa figure 13 (chez Triton alpestris), on distingue mal les
gonocytes des petites cellules auxquelles ils sont mêlés, mais cela ne suffit
pas à démontrer qu'il y a transformation des unes dans les autres. Quant à
sa figure 23 qu'il invoque à l'appui de cette transformation, j'y vois cinq
gonocytes parfaitement distincts des petites cellules mésenchymateuses
ou péritonéales.
Ce qui paraît surtout frappant à M. Bouin et à Dustin, c'est qu'à
un certain moment les cellules sexuelles primordiales semblent n'être plus
recouvertes d'un épithélium péritonéal continu, mais cela n'implique pas
que les cellules de ce dernier se transforment en gonocytes. Il faut remar-
quer que, précisément à ce moment, les gonocytes se multiplient active-
ment et que la jeune glande génitale augmente considérablement de
volume ; il est probable que les cellules de l'épithélium péritonéal sont
séparées un moment par distension. Ces solutions de continuité sont d'ail-
leurs rapidement réparées, car un peu plus tard, on retrouve un épithélium
continu.
Pourquoi Dustin a-t-il admis cette transformation qui, non seule-
.ment ne s'impose pas, mais vient un peu à l 'encontre de ses très intéres-
santes conclusions quant à l'origine lointaine des cellules sexuelles aux
dépens d'éléments encore indifférents, conclusions qui s'harmonisent
bien avec ce qu'on sait de l'origine des éléments sexuels chez les inver-
tébrés ? Il semble que ce soit avec l'arrière-pensée d'établir une homologie
avec ce qu'on sait de l'histogenèse du testicule et de l'ovaire chez les
Mammifères : la deuxième lignée de gonocytes des Amphibiens étant
analogue aux cellules sexuelles primordiales des Vertébrés supérieurs
qui sont d'origine cœlomique. Je crois qu'il ne faut pas s'occuper pour
l'instant d'établir des homologies entre l'histogenèse de la glande génitale
chez les Vertébrés inférieurs et chez les Mammifères. Il me semble qu'il
faut, en la matière, procéder du simple au complexe, et l'intérêt du travail
de Dustin réside surtout dans ce fait qu'il rapproche les Batraciens, chez
qui les phénomènes sont complexes et déjà peu nets, des autres Ver-
28 CHRISTIAN CHAMP Y
tébrés inférieurs et surtout des Invertébrés où les choses se passent sui-
vant un mode simple et pour ainsi dire schématique. C'est le rôle des au-
teurs qui étudieront les Mammifères d'essayer de rapprocher les phéno-
mènes qui se produisent chez ces derniers, de ceux qu'on observe chez
les inférieurs.
Jusqu'à nouvelle démonstration, je n'admettrai donc chez les Batra-
ciens qu'une seule lignée de gonocytes aux dépens de l'ébauche mésoder-
mique, analogue au gonotome des Sélaciens et de l'Amphioxus (Dustin).
Origine des éléments accessoires du testicule
Au moment où l'ébauche génitale est déjà bien développée et où les
cellules s'y multiplient activement par mitose, on trouve généralement,
entre les gonocytes, des cellules mésenchymateuses ; mais j'ai observé
que ces cellules peuvent manquer chez Rana esculenta (1908) (1). Il n'y
avait, chez un embryon de cette espèce, que des cellules péritonéales
au contact des cellules sexuelles. Le plus souvent, cependant {Rana tem-
poraria, Triton), il existe de petites cellules plus ou moins mêlées aux
gonocytes; elles ne se distinguent pas des cellules péritonéales (Cf. Dustin),
et on ne saurait en faire une espèce différente. Schapitz (loc. cit.) admet
que ces cellules (futures cellules folliculeuses) sont d'origine péritonéale
Je suis d'accord avec lui, mais il me semble plus juste de dire qu'elles sont
d'origine mésenchymateuse, car il n'existe à ce moment aucune différence
fondamentale entre les cellules péritonéales et les éléments mésenchy-
mateux sous-jacents. C'est à ce stade que l'on place généralement la
pénétration dans l'ébauche génitale des cordons médullaires (M. Bouin).
On désigne sous ce nom des cordons cellulaires pleins qui seraient
l'origine du tissu conjonctif de la glande génitale et des voies excrétrices
du sperme.
Les opinions les plus diverses ont été émises quant à l'origine des
cellules des cordons médullaires. Pour Hoffmann (1886), ces cordons
proviennent du corps de Wolf et plus particulièrement de Fendothélium
des glomérules. C'est l'opinion soutenue par le plus grand nombre d'au-
teurs : Waldeyer(1870), Kôlliker(1888), Romiti, attribuent aux cordons
médullaires des Mammifères la même origine : Semon (1901), pour les
oiseaux, Semper (1875) pour les Plagiostomes, Braun (1876) pour les
Reptiles, sont d'un avis analogue.
(1) J'avais admis alors, suivant Dustix, la transformation des petites cellules en grandes.
SPERMATÔGÉNÈSE DES BATRACIENS 29
Pour M. Bouin, les cordons médullaires sont d'origine mésenchy-
mateuse et les canalicules génitaux se différencient sur place comme cela
a été observé chez les Mammifères par Schmiegelow (1882), Prenant
(1889), Coert (1898).
En fait, les gonocytes de l'ébauche paire sont, le plus souvent, déjà
mêlés de petites cellules mésenchymateuses dont le nombre paraît variable
selon les espèces. Dans une ébauche un peu plus âgée, on assiste à la
pénétration d'éléments mésenchymateux, tantôt groupés en cordons plus
ou moins nets, tantôt plus ou moins diffus au centre de l'ébauche génitale.
A ce moment, les gonocytes sont quelquefois groupés périphériquement
en une seule rangée qu'on a pu comparer à un épithélium germinatif . Ces
gonocytes peuvent être ou ne pas être mêlés de petites cellules. Dans le
premier cas, on pourrait admettre que les petites cellules situées entre les
gonocytes (petites cellules germinatives de Bouin) seront l'origine des petites
cellules folliculeuses, tandis que les éléments delà rég'on médullaire seraient
l'origine des cellules interstitielles et du stroma conjonctif. Mais dans les
cas que j'ai signalés déjà, où les petites cellules n'existent pas entre les
gonocytes lors de la pénétration des nouvelles cellules mésenchymateuses,
il faut bien admettre que celles-ci donneront aussi bien les cellules folli-
culeuses que les cellules interstitielles et conjonctives.
D'ailleurs, s'il est des cas où l'on observe une poussée de cellules
mésenchymateuses en une sorte de cordon dense au centre de l'ébauche
génitale, ces cas paraissent être l'exception, ainsi qu'il résulte non seule-
ment de l'examen de mes préparations, mais aussi de l'examen des figures
des auteurs. Le plus souvent, les cellules mésenchymateuses qui séparaient
les gonocytes deviennent plus nombreuses, surtout au centre de l'ébauche,
et on ne peut, à aucun moment, distinguer les petites cellules germina-
tives de Bouin des autres éléments mésenchymateux. D'ailleurs M. Bouin
reconnaît qu'un peu plus tard, il est « extrêmement difficile » de distinguer
les petites cellules germinatives (cellules folliculeuses) des éléments
conjonctifs, qu'il y a « pénétration réciproque des éléments ».
Je pense qu'on ne peut, à aucun moment, établir de différence fou<Ui-
mentale entre les petites cellules qui se trouvent dans l'ébauche génitale. On
doit considérer que celle-ci renferme jusqu'à présent deux sortes d'élé-
ments : des gonocytes dont l'origine a été établie par Dustin, et de petites
cellules non sexuelles d'origine mésenchymateuse.
L'idée de distinguer des petites cellules germinatives semble être
venue à M. Bouin par raison de symétrie avec ce qu'on connaît chez les
AIU'H. DE ZOOL. EXP. ET GÉN". — T. 52. — F. -. 3
30 CHRISTIAN CHAMP Y
Mammifères. Il faut reconnaître qu'ici encore l'homologie n'apparaît
pas. D'ailleurs, si l'on compare les petites cellules germinatives de Bouin
et celles des Mammifères, l'homologie se changera en un contraste éton-
nant lorsqu'on songera que ce seraient les grandes cellules germinatives
qui, chez les Batraciens, seraient l'origine des éléments spermatiques,
comme aussi chez tous les Vertébrés inférieurs.
Les gonocytes des Amphibiens sont, je pense, homologues des petites
cellules germinatives des Mammifères. Il n'y a rien jusqu'à présent qui
rappelle les grandes cellules germinatives. Nous verrons que, plus tard,
on trouve peut-être leur homologue.
Différenciation des sexes
C'est un peu après l'époque de la pénétration des cordons médullaires
(1) que se fait l'orientation de l'ébauche génitale jusqu'alors indifférente
dans le sens mâle ou femelle, ainsi que l'a observé M. Bouin (têtard de
25-30 millimètres chez Rana temporaria) . On peut, selon cet auteur,
observer deux types extrêmes : le premier correspondant à une orientation
dans le sens mâle, le second à une orientation dans le sens femelle : « Nous
avons successivement constaté, dans le premier cas... un épithélium
germinatif moins développé, de nombreux ovules primordiaux présentant
des phénomènes de clivage et de bourgeonnement, dans le second cas... un
épithélium germinatif bien développé, des ovules primordiaux en activité
cinétique et des nids d'ovules primordiaux. »
Entre ces deux types, M. Bouin observe d'ailleurs des intermédiaires
ce qui indique que le sexe n'est pas toujours nettement différencié, à
cette époque.
Les observations de M. Bouin me paraissent fort exactes. On peut
dire que la glande génitale sera probablement un testicule lorsqu'elle reste
petite, que les gonocytes restent isolés par de petites cellules et que leur
noyau garde la forme caractéristique des gonies de l'espèce (noyau réni-
forme ou lobé chez Rana temporaria, que M. Bouin a pris sans doute pour
un noyau en voie de clivage, mais arrondi chez Rana esculenta, très
polymorphe chez Bufo, Hyla). Lorsque, dans une même enveloppe de
cellules folliculeuses, on trouve plusieurs cellules sexuelles et que le noyau
de celles-ci a perdu la forme caractéristique des noyaux des spermato-
(1) J'emploie cette expression à la suite de M. Bouin, niais en remarquant que ces cellures médullaires ne
sont pas comparables aux cordons médullaires des Mammifères.
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS
31
gonies de l'espèce, pour devenir rond et clair, c'est l'indice qu'on a affaire
à un ovaire. La distinction est assez facile chez les animaux dont les sper-
matogonies ont un noyau très polymor-
phe (Bufo, Hyla, Rana temporaria), elle
est plus difficile chez ceux (Rana escu-
lenta) dont les spermatogonies ont un
noyau à peu près sphérique. Cepen-
dant, la présence de plusieurs cellules
dans un même cyste, la formation de
ce que M. Bouin appelle les nids d'ovo-
gonies, sont assez caractéristiques de
la femelle. Chez le mâle, ainsi que nous
allons le voir, les spermatogonies res-
tent encore longtemps isolées l'une de
l'autre, chacune étant flanquée d'une
ou deux cellules folliculeuses. Chez la
femelle, on voit bientôt après appa-
raître les premiers phénomènes de la
prophase ovocytaire. Je pense que c'est alors seulement qu'on peut être
certain d'avoir affaire à un ovaire. En général, en pratique, pourrions-
nous dire, on distingue à peu près à ce stade les mâles des femelles, et
encore avec quelle incertitude ! Peut-on dire que dès ce moment les go-
nocytes soient
FlG. vi. Gonocyte en évolution ovifornie (?) de
Triton (ébauche paire secondaire), p. pig-
ment.
déterminés com-
me spermatogo-
nies ou ovogo-
nies ?
Il est pro-
bable que les cel-
lules sexuelles des
nids, celles qui
sont groupées
dans un même
cyste sont nette-
ment différen-
ciées dans le sens
femelle, puisque aussitôt après commencent les phénomènes d'accroisse-
ment caractéristiques des ovocytes, qu'aussitôt après, ce sont des ovocytes.
.' ï I
I.
II
FlG. VII. Gonocytes d'uue ébauche paire secondaire de Bufo vulgaris. Remarquer
la similitude d'aspect avec les spermatogonies de l'adulte (fig. :>A à 39)_
Les grains arrondis du cytoplasme sont des grains de pigment.
32 CHRISTIAN CHAMP Y
Mais on ne saurait dire que les cellules qui gardent un noyau à carac-
tère spermatogonial sont irrévocablement déterminées comme spermato-
gonies, qu'elles ne fourniront jamais que des spermatozoïdes. Nous verrons
maintes fois, au cours de ce travail, que ces cellules peuvent se transformer
toute la vie en des éléments tellement semblables aux ovocytes, qu'on ne
saurait les en différencier.
Il nous faut d'ailleurs insister sur un point capital : c'est que les
gonocytes de l'ébauche génitale encore sexuellement indifférente sont
morphologiquement identiques aux spermatogonies primitives de la
même espèce, ce qui est d'autant plus frappant que ces spermatogonies
de premier ordre sont très différen-
tes dans les diverses espèces. Ainsi,
JhisL " les gonocytes de l'ébauche paire
r^T*v *'* secondaire de Rana tem<poraria
(fig. iv), ont un noyau réniforme
^V^T" comme les gonies de premier ordre
s**
.„;^; ■:'"'-■' .'■>' de la même espèce, tandis que chez
;,. Ranci esculenta (fig. m, vin), le noyau
est arrondi comme celui des sperma-
togonies de cette espèce. Chez les
diverses espèces du genre Bujo (fig.
vu), chez Hyla, le noyau des gono-
Fig. vill. Gonocyte en prophase. Rana esculenta. CyteS est très polymorphe COmme
Mêmes caractères que les gonies I de l'adulte.
aussi celui des spermatogonies. On
ne peut pas ne pas être frappé de cette similitude, en étudiant com-
parativement les gonocytes des diverses espèces.
Cette observation me paraît capitale. En effet, si une cellule de l'em-
bryon caractérisée par une morphologie si particulière peut évoluer ulté-
rieurement en ovocyte ou en spermatocyte, si elle est à coup sûr sexuelle-
ment indifférente, on ne saurait refuser la même indifférence aux cellules
identiques qu'on trouve dans le testicule de l'adulte. En général, il est
vrai, les gonies du testicule se transforment en spermatocytes et en sper-
matozoïdes ; nous verrons qu'il y a des cas où elles peuvent cependant
évoluer en ovocytes, ou en cellules morphologiquement semblables aux
ovocytes.
Cela me paraît avoir un grand intérêt quant à la question du déter-
minisme du sexe, du déterminisme cytosexuel. Si, en effet, nous voyons
que les gonies primitivement indifférentes au point de vue sexuel, devien-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS XI
nent presque toujours des spermatocytes chez le mâle adulte, mais peu-
vent, exceptionnellement, devenir des ovocytes, c'est donc que ces cellules
sont indifférentes en elles-mêmes tant qu'elles gardent leurs caractères
morphologiques (puisqu'elles peuvent se transformer exceptionnellement
en ovocytes), mais qu'elles trouvent dans le testicule des conditions telles
qu'elles se transforment presque toujours en spermatocytes. Il s'ensuit
que ces cellules ne portent pas en elles-mêmes les causes qui les font évoluer
dans un sens ou dans l'autre, mais que ces causes résident dans les condi-
tions de milieu. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point.
Crigine des voies efîérentes
Nous ne nous occuperons plus désormais que de la glande génitale
mâle. Un point de l'histogenèse doit nous retenir encore un instant :
c'est l'origine des canaux efférents. Il ne m'a pas paru qu'ils se différen-
cient sur place ainsi que l'indique M. Bor/iN pour les cordons médullaires
de l'ovaire, et ainsi que cela est peut-être en effet pour les canalicules que
l'on rencontre dans l'ovaire, et qui paraissent différer des canalicules
efférents du mâle. Ceux-ci paraissent être d'emblée limités par une basale
et leur apparition est relativement tardive. Ils restent constamment
différents des éléments mésenchymateux du testicule au cours des trans-
formations nombreuses • que ceux-ci subissent. Je serais donc tenté de
croire à leur origine wolfienne admise par Hoffmann (1886), chez les
Batraciens, et par nombre d'autres auteurs (Waldeyer 1870, Romiti
1876, Kôlliker 1888, Beaux 1876, Semper 1875, Semon 1901, chez
d'autres Vertébrés). Je pense, en tout cas, qu'il faut établir une diffé-
rence fondamentale entre les cordons qui peuvent donner naissance aux
voies efîérentes du testicule et les cellules mésenchymateuses qui donnent
lieu au reste du stroma de la glande génitale. Je n'ai jamais vu ces der-
nières produire des canalicules efférents, et les canalicules efférents se
montrent constamment sans relation avec les éléments d'origine mésen-
chymateuse.
Au début de l'apparition des voies spermatiques, on trouve un canal
unique au centre du testicule (fig. ix). ainsi que l'ont vu Hoffmann (1886)
et Gemmil (1898) et qui, selon ces auteurs, provient du corps de Wolff.
Bien que je n'aie pas eu l'occasion de constater la continuité de ce canal
avec le corps de Wolff, j'admettrai qu'il est bien d'origine wolfienne. Si
l'on admet l'autodifférenciation sur place des canalicules (M. Bouin),
34
CHRISTIAN CHAMP Y
il faut admettre aussi qu'ils contractent ultérieurement des rapports
avec le corps de Wolf , ce qui est singulier. Chez l'adulte, en effet, les voies
efférentes du testicule sont en relation intime avec l'appareil urinaire-
Il paraît plus vraisemblable que les canalicules sont d'origine wolfienne.
Ils ont aussi, nous le verrons, une structure qui les rapproche des tubes
wolfiens.
GLANDES GÉNITALES CHEZ LE JEUNE ANIMAL
Différenciation des éléments accessoires. Formation des tubes
L'ébauche génitale mâle reste longtemps sans se modifier. Elle
augmente seulement de volume par multiplication des gonies. Aussitôt
-zprrWZàjg? — s^qrw après la di-
vision, les
gonies filles
sont sépa-
rées par des
cellules mé-
senchyma-
teuses, ce
qui est un
caractère
constant
des gonies
de premier
ordre (1).
Ces cellules
ne restent
W^Wim^^^^K pas enve
lo p p é e s
dans un
même cys-
te de cellu-
les follicu-
leuses. Les éléments mésenchymateux du centre de la glande géni-
tale deviennent peu à peu sensiblement différents de ceux qui avoisinent
(1) Cette séparation s'opère cependant bien moins vite que dans le testicule adulte.
Fig. IX. Testicule d'un jeune Rana temporaria (2 cm. y,). Canal excréteur unique au cen-
tre. Il n'y a pas de distinction entre les cellules intra et extra-tubulaires. On
distingue seulement les gonocytes et les cellules mésenchymateuses.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 35
immédiatement les gonies (fig. IX). Ces derniers s'appliquent par
deux ou trois contre les cellules sexuelles et leur constituent une sorte
d'enveloppe : ce sont les cellules folliculeuses de Von La Valette Saint-
George (1875). Chez de jeunes grenouilles de 2 à 3 centimètres, recueil-
lies en automne, ces éléments ne se différencient pas encore des autres
cellules mésenchymateuses. C'est chez des animaux de cet âge que com-
mencent à s'ébaucher les tubes ou ampoules séminifères chez les Anoures.
Chez les Urodèles, il n'existe pas de tubes séminifères ainsi qu'on le sait
depuis longtemps (Flemming 1887, Meves 1896, Mac Gregor 1899).
Le testicule comprend un certain nombre de lobes (un seul en général
chez la Salamandre, plusieurs chez l'Axolotl, le Triton), dans lesquels les
éléments séminaux sont groupés en nodules ou cystes entre lesquels les
éléments conjonctifs sont irrégulièrement disposés. On sait que chez les
Anoures au contraire, il existe, au moins à certains moments, des am-
poules ou tubes séminifères avec une paroi conjonctive et séparés par un
tissu interstitiel plus ou moins abondant (V. La Valette Saint-George
1875, M. Duval 1880, Bertacchini 1889, Friedmann 1896a, Jann-
sens et Willems 1909). Chez les jeunes Urodèles, le testicule reste jus-
qu'à la spermatogénèse au stade où nous sommes : gonies séparées par
des cellules mésenchymateuses dont les plus proches des cellules sexuelles
prennent des caractères spéciaux : ce sont les cellules folliculeuses de V. La
Valette Saint-George que nous appellerons cellules du cyste (1). Au
début de la spermatogénèse, quelques gonies seulement se transforment
en spermatocytes. Les canaux efférents sont à peu près extérieurs au
testicule tant qu'il n'y a pas de spermatogénèse.
Chez les jeunes Anoures (grenouilles ou crapauds de 3 centimètres
environ), on observe dans le testicule un commencement d'organisation
en tubes séminifères (fig. ix). Les éléments mésenchymateux forment
çà et là des travées épaisses qui cloisonnent l'organe en cinq ou six loges.
Dans chacune de ces loges sont emprisonnées un certain nombre de sper-
matogonies avec des cellules mésenchymateuses. C'est à ce moment seule-
ment que l'on commence à pouvoir différencier les cellules mésenchy-
mateuses intra-tubulaires de celles qui constituent les cloisons, c'est-à-dire
(1) Cette dénomination a pour but de ne point préjuger des homologies entre ces éléments et les cellules
folliculeuses des œufs.
Il faut noter ici que chez l'adulte, surtout chez les Urodèles, l'épithélium péritonéal devient souvent
cylindrique au-dessus de la zone du testicule où se trouvent les spermatogonies primitives, prenant un aspect
qui rappelle tout à fait l'épithélium germinatif de l'ovaire des mammifères, il n'y a jamais que des relations de
voisinage entre cet épithélium et les gouocytes.
36 CHRISTIAN CHAMP Y
ce qui sera les cellules du cyste, les cellules nourricières (analogues par
leur rôle aux cellules de Sertoli), de ce qui sera les cellules de paroi et les
cellules interstitielles. Encore la différence est-elle vague pendant long-
temps ! Il est à noter d'ailleurs que toutes les cellules mésenchymateuses
intra-tubulaires ne paraissent pas se transformer en cellules du cyste.
Il reste, au centre du futur tube séminifère un groupe de cellules dont
on ne saisit pas bien les transformations ultérieures. Elles sont probable-
ment destinées à disparaître.
Les cellules extra-tubulaires se différencieront alors en cellules de
paroi des tubes et cellules interstitielles. Les cellules interstitielles ne
semblent prendre que très tard les caractères que nous leur trouverons
chez l 'adulte. Ainsi, chez une jeune Rana esculenta en préspermatogénèse
(fig. x), il y a à peine de tissu interstitiel, alors qu'il est abondant chez
l'adulte de la même espèce.
A une époque avancée du développement, la glande génitale est
toujours recouverte par l'épithélium péritonéal.
Préspermatogénèse
Je n'ai jamais trouvé que des gonies indifférentes dans les testicules
des jeunes grenouilles et des jeunes crapauds de 2-3 centimètres recueillis
en été ou en automne, ou même aux mois de février, mars, avril (1).
En avril, mai, on trouve les premiers efforts de spermatogenèse chez les
petites grenouilles {Rana esculenta de 3 centimètres environ), qu'on
rencontre dans les prés, tandis qu'à la même époque il n'y a encore
que des gonies chez les grenouilles trouvées dans des sources froides.
Tous ces animaux sont âgés d'un an environ puisque la ponte de Rana
esculenta a lieu en mai-juin. King (1907), indique que chez Bufo lentigi-
nosus de 2 centimètres, il n'y a que des gonies et des cellules folliculeuses.
A 3 centimètres, il y a des spermatocytes, à 5 centimètres des sperma-
tozoïdes, montrant ainsi une corrélation entre la taille de l'animal et
l'évolution des cellules sexuelles. Cela est vrai, sans doute, si les animaux
sont dans les mêmes conditions, cela n'est pas vrai si les animaux sont dans
des conditions différentes. Ainsi, de deux petites grenouilles, dont la
(1) On trouve assez facilement de jeunes grenouilles, en hiver et au premier printemps, dans les sources à
température constante. Il semble que les jeunes animaux trouvés au printemps soient âgés d'environ un an.
Cependant il est certain que les différences de nourriture et surtout de température influent considérablement
sur le développement des Batraciens. Il se peut que ces petites grenouilles soient âgées de plusieurs années et
soient demeurées petites par suite de l'insuffisance de nourriture ou de la froideur de l'eau. J'ai trouvé dans les
mêmes sources des têtards de grenouille et de triton avant l'époque où ces animaux pondent. Ces têtards, non
évolués, avaient par conséquent un an au moins.
SPERMA TOGÊN ES E DES /;. | 77,'. I ( IE.XS
:;:
plus grosse (3 cm. y2) vient d'une source froide, la plus petite (2 cm. i/2)
d'un fossé chauffé par le soleil, il arrive que cette dernière seule présente
de la spermatogenèse. Il semble donc que ce soit plutôt les conditions de
température que les conditions de taille qui déterminent la première
poussée spermatogénétique. Je n'ai d'ailleurs, à ce sujet, que quelques
observations
de hasard,
n'ayant pu me
procurer le
matériel né-
cessaire pour
étudier com-
plètement cet-
te intéressan-
te question. Je
n'ai d'ailleurs
assisté aux
premiers ef-
forts sperma-
togénétique s
que chez Rana
esculenta, chez
qui la prés-
permatogénè-
se paraît se
produire vers
la saison chau-
de, dans la
première année, sans avoir lieu à la même époque que la poussée
annuelle de spermatogenèse.
Il faut remarquer que chez l'adulte de cette espèce, on trouve à tous
les moments de l'année des efforts abortifs de spermatogenèse. Il serait
très intéressant d'étudier la préspermatogénèse chez Rana U mporaria par
exemple, pour voir si elle se produit au moment de la première saison
chaude, ou bien si elle a lieu à l'époque de l'année relativement précise
où commence la spermatogenèse chez cette espèce (1).
(1) Il y a li une lacune regrettable dans ce travail. Je m'efforcerai de la combler dès que je pourrai recueillir
le matériel nécessaire. Cette étude apporterait peut-être des document? précieux pour déterminer La cause de la
poussée spermatogénétique annuelle.
Fi ;. x. Testicule de Rana esculenta Ci cm.) en préspermatogénèse ; », gonie primi-
tive: h, gonie secondaire ; s, spermatocyte ; o, gonie en voie d'évolution
oviforme.
38 CHRISTIAN CHAMP Y
Chez Rana esculenta, la préspermatogénèse est caractérisée au début
par la multiplication active des gonies (fig. x). Les produits de cette
division restent groupés dans une même enveloppe de cellules folli-
culeuses, ce qui caractérise les spermatogonies secondaires. Ces cellules
ont, pour la plupart, les caractères morphologiques des gonies secondaires,
que nous étudierons ailleurs. Elles dégénèrent en grand nombre, le plus
souvent par pycnose. Chez un certain nombre de ces cellules, on assiste
au début des phénomènes caractéristiques de la prophase hétérotypique
et il semble que ce soit à ce moment surtout qu'intervienne la dégénéres-
cence par pycnose. Nous verrons, d'ailleurs, au cours de ce travail, que la
dégénérescence par pycnose est fréquente chez les spermatocytes pendant
la prophase hétérotypique. Il y a aussi des noyaux qui semblent devenir
pycnotiques sans que les phénomènes d'accroissement aient commencé.
Dans les préparations que j'ai eues sous les yeux, la dégénérescence
atteignait toutes les cellules au stade spermatogonie de deuxième ordre
et au début de la période dite d'accroissement. L'évolution des éléments
sexuels n'atteignait jamais le stade que la division spermatocy taire. Il est
probable cependant que chez les animaux plus âgés ou dans d'autres
conditions, l'évolution peut aller plus loin, tout en étant abortive comme
cela s'observe chez les Vertébrés supérieurs (Prenant, 1887).
Pendant la préspermatogénèse et même longtemps avant, on trouve
parmi les gonies primitives, aussi bien que parmi les gonies groupées
dans le même cyste ou gonies secondaires, des cellules qui s'accroissent
considérablement pendant que leur noyau s'arrondit et prend les carac-
tères si particuliers du noyau de l'ovocyte au début de la période d'accrois-
sement : pulvérisation de la chromatine, multiplication des nucléoles,
en un mot tous les caractères des spermatogonies en dégénérescence
oviforme. Cette évolution semble être en effet de nature dégénérât ive
et les cellules ainsi hypertrophiées dégénèrent en grand nombre.
Je n'insisterai pas ici sur cette dégénérescence oviforme que j'ai
signalée déjà dans le testicule adulte et que j'étudierai en détail à propos
des gonies de premier ordre. J'insisterai seulement sur ce fait que les
gonies prennent en grand nombre les caractères ovocytaires avant de
dégénérer lors de la préspermatogénèse. Dans une préparation, plus de
la moitié des gonies subissaient cette transformation.
Lors de la première poussée spermatogénétique chez Rana esculenta,
les tubes ou ampoules -séminifères ne sont pas parfaitement limités et
on trouve en certains points une continuité parfaite entre le tissu inter-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 3<)
tubulaire et les cellules des cystes (fig. x). Il n'y a pas de cellules intersti-
tielles différenciées alors que ces cellules sont tout particulièrement
abondantes chez l'adulte de la même espèce.
Schmidt Marcel (1909) a indiqué qu'il existait chez les jeunes gre-
nouilles non seulement des mâles et des femelles, mais aussi des formes
intermédiaires, et que celles-ci se transformaient ensuite en mâles par
dégénérescence d'ovocytes. Je pense que ces formes intermédiaires
sont pour la plupart des mâles chez qui l'évolution oviforme est par-
ticulièrement marquée comme cela se voit à la préspermatogénèse.
Je ne nie d'ailleurs pas que ces animaux soient à ce moment des « formes
intermédiaires », mais ce n'est qu'un cas particulier d'un phénomène
général : l'indifférence sexuelle des cellules mères et la possibilité de leur
évolution en deux sens opposés.
40 CHRISTIAN CHAMP Y
DEUXIÈME PARTIE
Anatomie microscopique et évolution saisonnière
du testicule.
CONSTITUTION GENERALE ET MODE DE RÉGÉNÉRATION
Le testicule des Urodèles est généralement constitué par un, quatre,
et même jusqu'à six lobes : habituellement un seul chez la salamandre,
deux, trois ou quatre chez les tritons, jusqu'à six chez les axolotls de
grande taille. Le nombre de ces lobes n'a rien de fixe, il paraît dépendre
davantage de la taille de l'animal que de l'espèce.
Nussbaum (1880), Ploetz (1890), puis Nussbaum (1906), ont étudié
l'influence de diverses conditions biologiques sur le nombre de lobes
testiculaires : l'influence de l'âge, mesuré par la taille de l'animal (en
réalité c'est l'influence de la taille et non de l'âge, car j'ai des observations
certaines qui prouvent que la taille des Batraciens dépend bien plus des
conditions de nutrition que de l'âge). Le nombre des lobes est propor-
tionnel à la taille (1). Nussbaum a étudié aussi l'influence du jeûne : le
jeûne ne diminue pas la taille des lobes et ne ralentit pas la multiplication
des cellules sexuelles, ainsi que l'a montré Morpurgo (1888) pour la
grenouille. Nussbaum a fait jeûner ses animaux assez peu de temps.
De mon côté, j'ai observé cependant que les glandes génitales avaient
un développement encore relativement considérable, quoique bien
au-dessous de la normale, chez un triton qui avait jeûné un an et demi
et qui était presque réduit à l'état de squelette. Il est certain que l'in-
fluence du jeûne ne se fait sentir que tardivement sur les glandes géni-
tales, mais un Urodèle qui a toujours été soumis à des conditions de
nutrition défectueuses et qui est resté petit, a généralement peu de
lobes testiculaires, tandis qu'un animal d'un an, bien nourri, grandit
vite et possède un testicule à lobes nombreux ; cela prouve que le
nombre de lobes ne dépend pas de l'âge.
Les variations spécifiques du nombre des lobes semblent être en
(1) Au moins chez une même espèce, il y a toujours moins de lobes chez Salamandre que chez Triton à
égalité de taille.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 41
grande partie en rapport avec la taille de l'espèce : très nombreux chez
l'axolotl, plus nombreux chez triton cristatus que chez triton pal-
matus et pundaius. Cependant, les salamandres qui sont d'assez grande
taille, ont rarement plus d'un ou deux lobes.
Pendant l'hiver, chaque lobe est constitué par deux parties bien
distinctes : une zone comprenant des gonies de premier ordre et quel-
quefois aussi des gonies de deuxième ordre, et une zone constituée par
des cystes renfermant des spermatozoïdes mûrs (fig. 1). Les rapports
de ces deux zones n'ont rien de fixe ; tantôt, on trouve la zone à gonies
à une extrémité du testicule où elle constitue une sorte de prolongement,
ainsi que l'a décrit Meves (1896) chez Salamandra maculosa, et ainsi
que je l'ai vérifié le plus souvent chez cette espèce, quoique cette dis.
position n'y soit pas rigoureusement constante ; tantôt, la zone des
gonies occupe le milieu du testicule et se trouve flanquée de deux zones
à spermatozoïdes; tantôt (Triton vulgaris, fig. 1, mais pas toujours)
les gonies sont appliquées contre les cystes à spermatozoïdes ou plus
ou moins mêlées à eux (Triton, Axolotl).
Autant qu'on peut en juger par les descriptions de Mac Gregor,
Amphiuma mexicana, Necturus maculatus, Diemyctylus viridescens,
Desmognatus fusca, ont des testicules bâtis sur le même type. On ne
peut pas parler de tubes séminifères chez les Urodèles ainsi que l'ont
fait remarquer Meves (1896). Mac Gregor (1899). Il n'y a que des
spermatogonies et des cystes de spermatozoïdes séparés par un tissu
conjonctif irrégulier. Généralement on distingue plus ou moins nettement
une plage à gonies du côté opposé aux voies efïérentes et une plage à
spermatozoïdes du côté des voies efïérentes (fig. 1). Au moment de l'accou-
plement, les cystes à spermatozoïdes se vident et la plage à gonies qui
a déjà commencé à évoluer dès la fin de l'hiver produit de nombreux
cystes de gonies secondaires qui repoussent les cystes vidés de sper-
matozoïdes. Ces derniers subissent alors une transformation en un tissu
glandulaire analogue au tissu interstitiel '(fig. 2), puis ce tissu dégénère
et disparaît.
Il y a donc dans les testicules des Urodèles un renouvellement
annuel d'une extrémité à l'autre de la glande, une évolution linéaire
comme chez beaucoup d'Invertébrés, un peu plus irrégulière seulement.
Il s'y forme pendant un court moment un tissu glandulaire que nous
étudierons plus tard en détail.
Ntjssbatjm (1906) admet que chez les Urodèles la régénération se
42 CHRISTIAN CHAMP Y
fait en partie par la plage à gonies, en partie par les gonies restées dans
les cystes. Je n'ai jamais rien vu de semblable; il ne reste pas de gonies
dans les cystes, mais il y en a quelquefois qui sont entraînées entre les
cystes; elles sont destinées à régénérer. La régénération se fait chez les
Urodèles aux dépens de la zone régénératrice comme chez les
Sélaciens.
Il m'a semblé quelquefois que le Bombinator présentait la particula-
rité que Nussbaum prête aux Urodèles, c'est-à-dire que la régénération
se fait en partie par la plage à gonies, en partie par les gonies restées
dans les cystes. En tous cas, on trouve souvent chez cet animal, à un
pôle du testicule, quelques tubes dont les gonies n'évoluent pas au
moment de la spermatogénèse, comme cela s'observe chez les Urodèles ;
et cependant il est bien certain que les gonies des tubes séminifères
évolutifs ne se transforment pas toutes au moment de la spermatogénèse,
et recommencent à fonctionner l'année suivante. Il y aurait donc chez
cet animal un mode de régénération mixte ou double, établissant le
passage entre celui des Urodèles et celui des Anoures. Cet Anoure a
d'ailleurs bien d'autres caractères qui le rapprochent des Urodèles et
en font un type de transition.
Au contraire, chez les Anoures, et pendant l'hiver, le testicule est
constitué par un certain nombre de loges ou de tubes courts limités
par une paroi conjonctive bien nette (fig. 6,8). Ces tubes sont séparés
par un tissu interstitiel plus ou moins abondant selon les espèces et
dans lequel circulent les vaisseaux (fig. 6). J'ai constaté cette disposition
chez Rana esculenta, Bufo vulgaris, calamita et pantherina, Hyla arborea,
Alytes obstetricans où le tissu interstitiel est assez abondant ; chez Bom-
binator, où le tissu interstitiel est très réduit (fig. 4), chez Rana tempo-
raria où il est à peu près nul pendant l'hiver (fig. 8).
Les tubes séminifères renferment des spermatogonies et des sper-
matozoïdes. Ainsi que l'ont vu V. La Valette Saint-George, M. Duval,
Bertacchini, chez Rana temporaria les spermatogonies primitives sont
groupées en une sorte de couche pariétale d'aspect presque épithélial
et les spermatozoïdes sont réunis en faisceaux réguliers (fig. 8-13). Chez
d'autres espèces : Rana esculenta, Bufo, on trouve en hiver des sper-
matogonies II et même des spermatocytes (fig. 6 et 11), ce qui a été vu
et mal interprété d'ailleurs par Friedmann (1896).
SPEBMA TOGÉNÈSE DES B. 177,'. 1 ' 7 K Y S
43
ÉPOQUE DE LA SPERMATOGÉNÈSE
La genèse des spermatozoïdes n'a lieu chez les Batraciens qu'en un
seul moment de l'année, presque toujours à la fin de l'été et à l'automne ;
c'est du moins la règle. Cette époque de spermatogénèse est, à peu de
chose près, la même chez des espèces dont l'accouplement a lieu à des
époques différentes de l'année ; ainsi, elle est la même pour Rana tempo-
raria qui s'accouple en mars que pour Rana esculenta qui s'accouple
en juin.
L'époque de la genèse des spermatozoïdes ne dépend donc pas de
l'époque de l'accouplement.
La spermatogénèse a généralement lieu assez peu de temps après
l'accouplement ainsi que l'indique le tableau suivant établi par mes
observations jointes à celles que j'ai trouvées dans la littérature.
Espèces
Époque de
Époque de la
l'accouplement
SPERMATOGÉNÈSE (2)
Bana esculenta ....
Juin
Fin juillet à fin septembre.
Rana temporaria . . .
Mars-avril . . .
Fin juillet, août et septembre.
Bufo calamita ....
Juin
Fin juillet à septembre.
Bufo vulgaris ....
Mars-avril . . .
Fin juillet à septembre.
Alytes obstetricans . .
Mai
Juillet-août.
Bombinator pachy pus '
Mai-juin. . . .
Juillet-août.
Bombinator igneus . .
Avril-mai . . .
Juillet-août.
Triton alpestris. . . .
Mai
Fin juillet-septembre.
Triton palmatus . . .
Mai
id
— vulgaris. . . .
Avril
id
— cristatus. . . .
Mai-juin. . . .
id
Salamandra maculosa .
Avril
Juillet-septembre .
Amblystoma (axolotl) .
Mars
Juin- août.
Hylaarborea
Avril
Juillet-août.
Diemyctylusviridescens
(M.Grégor) . . . .
Avril
Eté.
(1) Les Bombiivxtors soat donnés comme s' accouplant deux fois par an. Je n'ai jamais vérint- cela pi mr les échan -
tillons que j'ai trouvés dans les Vosges.
(2) Ce terme est évileimient va^ie, je puis le préciser en disant que la première des dates in li iu Ses es< celle
où l'on trouvera de3 spermitocytes au moment de la première division de réduction; la deuxième, celle où l'on
trouvera la spermiogêaèse. Bien entendu, si l'on veut trouver des spermatogonies de deuxième ordre, il fau-
dra chercher un peu plus tôt. D'ailleurs, on a des chances de rencontrer à la fois tous les stades chez les espèces
où la spermatogénèse annuelle ne se fait pas en une seule poussée, mais en plusieurs poussées successives : Rana
esculenta (fin juillet», Bombinator (juillet), Hyli (juillet), Bufo (fin juillet), Alytes (commencement d'août).
44 CHRISTIAN CHAMP Y
D'après Mac Gregor (1899), Cryptobranchus alleghaniensis fait
exception à cette règle, la spermatogénèse ayant lieu en juillet et l'accou-
plement en août, c'est-à-dire que la spermatogénèse précède l'accouple-
ment. Il en est de même de Necturus maculatus, chez qui la spermato-
génèse aurait lieu probablement en été et qui s'accouple à l'automne,
bien que la femelle ne ponde qu'au printemps. Chez leProtée, on indique
que la reproduction a lieu à tous les moments de l'année. Il semble donc
que chez les Pérennibranches, les glandes génitales évoluent autrement
que chez les autres Batraciens. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier cela
par moi-même.
Il résulte de ce tableau que, si l'on excepte les Pérennibranches que
nous venons de citer, la production des spermatozoïdes a lieu très long-
temps avant leur utilisation. Les spermatozoïdes restent près d'un an
dans les tubes séminifères dans lesquels ils semblent subir une sorte de
maturation chimique ainsi que nous le verrons plus loin.
Si la spermatogénèse a toujours lieu à un moment seulement de
l'année, elle peut avoir l'eu en une seule poussée, en un petit nombre de
poussée successives, ou en un grand nombre de poussées. Je m'expliquerai
mieux par des exemples : Chez Rana temporaria {Cf. Du val 1886, Berta-
tacchini 1892), toutes les spermatogonies II se forment à peu près en
même temps, ou en plusieurs poussées qui se suivent de très près. Elles se
transforment en même temps en spermatocytes et en spermatides.
Au contraire, chez Rana esculenta, et surtout Bufo, Hyla, les cellules
indifférentes se transforment en spermatogonies II successivement, par
petites poussées, il en résulte qu'on trouvera en même temps, dans un
même tube séminifère, par exemple des spermatides provenant d'une
d'une première poussée, des spermatocytes provenant d'une deuxième,
et des spermatogonies II provenant d'une troisième (fig. 7). Au contraire,
chez Rana temporaria, il arrive qu'on ne trouvera dans les tubes sémini-
fères que des spermatocytes, avec, bien entendu, des spermatogonies
résiduelles. Chez les Urodèles, l'évolution se fait généralement sur le
type Rana temporaria, ou sur un type voisin, les diverses poussées se
suivant de près; on ne trouve guère tous les stades au complet dans un
seul testicule (1).
Il est évident que ce mode d'évolution se rapproche de
celui des Vertébrés inférieurs et des Invertébrés. Au contraire, le type
Rana esculenta, et surtout Bufo, Hyla, où les poussées se suivent de très
(1) C'est surtout chez ces espèces qu'on observe une préspermatogénèse annuelle.
SPERMATOGÉNÈS E DES IL ! TU. « ( 7EXS
45
loin, et où il se produit de nouvelles poussées depuis juin jusqu'à fin
septembre, rapproche ces animaux des Vertébrés à spermatogénèse
constante.
Parmi les diverses poussées de spermatogénèse cm 'on observe chez
eux, il en est une qui est plus importante que les autres et qui rappelle ce
qu'on observe chez le type Rana temporaria. En somme, si l'on établit
une courbe de l'activité de la spermatogénèse chez les diverses espèces,
cette courbe part toujours de 0 pour passer par un maximum et revenir
à 0, mais la forme de
la courbe diffère, s'éle-
vant rapidement chez
certaines espèces, len-
tement au contraire
chez d'autres (graphi-
ques I et II).
Chez les Urodèles
que j'ai examinés, Sa-
lamandra atra et ma-
culosa, Tritons, Axo-
lotl, il n'existe rien
qui soit analogue au
tissu interstitiel avant
l'époque de l'accouple-
ment. Aussitôt que les
spermatozoïdes sont
expulsés des cystes, les
cellules de la paroi des cystes et les cellules voisines subissent une
augmentation de volume considérable, se chargent d'enclaves, et
prennent un aspect très semblable à celui des cellules interstitielles
des Anoures (fig. 2-3). Ces cellules dégénèrent à mesure que la
spermatogénèse se développe, mais pendant un à deux mois (vers mai-
juin), elles occupent une très large place dans le testicule (1). Chez les
Anoures, le tissu interstitiel subit des variations considérables suivant les
saisons : Chez Rana esculenta, il n'est pas sensiblement plus développé au
moment de l'accouplement (cf. fig. 6), et il diminue de plus en plus lorsque
Fig
XI. Aspect d'une coupe de testicule de Bnfo rulgaris en hiver. ( Êvi lu-
tion préspermatogénétique annuelle.)
(1) Je me demande comment un phénomène tel que la formation d'un tissu aussi important par son volume
a pu échapper aux auteurs, surtout à ceux qui comme Ncssbacm se sont occupés de la question de la régénération
Péeez (1904), seul a noté l'apparition d'un tissu graisseux.
AP.CH. T>E ZOOT.. T.XV. TT Cf.V. — T. 52. — F. 2. *
4(3
CHRISTIAN CHAMP ï
la spermatogénèse bat son plein (fig. 7). De même chez Bufo, Hyla,
Alytes. Chez Rana temporaria, le tissu interstitiel, qui est extrêmement
réduit tout l'hiver (fig. 8), subit une augmentation considérable après
l'accouplement lorsque les tubes séminifères sont vides de spermato-
zoïdes (fig. 10), pour disparaître complètement lors delà spermatogénèse.
Nous étudierons d'ailleurs l'évolution de ce tissu en détail, mais ce
rapide coup d'œil sur ses modifications est nécessaire pour bien saisir
_v- -+- -+--+--+--+--»--+--*..
a
kwit/evr. warsaVK Mot 'juin mil août x ôpijL cet. jwv. dèc.
I. Graphique de la spermatogénèse chez Rana esculenta. Le trait plein — ■ représente l'intensité de la sperma-
togénèse évaluée par le nombre de spermatoeytes I en prophase; le trait représente l'intensité
de la fepermategénèse évaluée par le nombre de jeunes spermatides. Le trait + + + + l'abondance
du tissu interstitiel (évaluée par la surface qu'il occupe dans une ccupe) le trait les poussées
préspermatogénétiques, évaluées par le nombre de spermatoeytes I dégénérescents.
ce qui suit. Au moment de la spermatogénèse, lorsque celle-ci bat son
plein, le tissu interstitiel a perdu ses caractères pour retourner à une sorte
d'état indifférent ; il est tel qu'il se présentait lors de la formation de
tubes séminifères. C'est un tissu mésenchymateux, quelquefois même
nettement collagène (fig. 5-7-12). En même temps, les parois des tubes
séminifères cessent d'être évidentes, il y a quelquefois confusion com-
plète entre les cellules mésenchymateuses extra-tubulaires et celles qui
se trouvent à l'intérieur des tubes ; on ne peut plus distinguer les unes
des autres. Il y a en quelque sorte retour à l'état embryonnaire qui pré-
cède la formation des tubes séminifères. A ce moment, le testicule des
Anoures ne diffère pas fondamentalement de celui des Urodèles à la
même époque. Chez les uns comme chez les autres, on distingue seulement
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 47
des cystes séparés par des travées conjonctives dans lesquelles il est sou-
vent impossible de distinguer même la direction générale des cloisons qui
séparaient les tubes (fig. 5-7). J'ai observé cette modification chez Rana
esculenta et temporaria, et Bombinator igneus, Alytes obstetricans.
Je pense qu'elle est générale (1). Les tubes séminifères des Batraciens
ne sont donc pas des formations permanentes, au moins chez les espèces
que nous venons de citer et surtout chez Bombinator. A la fin de la sper-
matogcnèse, le tube se reforme peu à peu.
Le testicule des Anoures diffère donc de celui des Urodèles parce qu'il
n'y a pas évolution d'une extrémité à l'autre de la glande, mais que la
multiplication des cellules sexuelles rayonne autour de nombreux foyers.
Le testicule des Anoures est d'ailleurs cloisonné en un certain nombre
d'ampoides, de tubes ou de loges, qui sont homologues aux tubes séminifères
des Vertébrés supérieurs, mais qui n'ont pas encore un caractère absolu-
ment permanent. Chez le Bombinator, la régénération se fait de l'une et
l'autre manière, c'est un type de transition.
Un grand intérêt s'attache à cause de cela à tout ce qui a trait aux
éléments annexes du testicule chez les Batraciens, parce qu'on peut, en
comparant les Anoures et les Urodèles, établir des homologies entre les
éléments du tube séminifère des Vertébrés supérieurs et ceux des testi-
cules non tubulaires des Vertébrés inférieurs et des Invertébrés.
PRÉSPERMATOGÉNÈSE ANNUELLE
Entre les périodes de spermatogénèse, on observe, chez lès Batraciens,
surtout chez les Anoures, une spermatogénèse abortive qui dure plus ou
moins longtemps ; une sorte de préspermatogénèse annuelle analogue à
celle que Loisel (1900) a décrite chez le moineau. Sa durée et ses carac-
tères sont très variables suivant les espèces : chez Rana esculenta. elle
dure toute l'année, même en plein hiver (fig. 6, 11). Cette spermatogénèse
incomplète aboutit à des produits qui avortent vers le stade spermatocyti-
de deuxième ordre. C'est elle qui a pu faire dire à divers auteurs : Von La
Valette Saint-George (1875), Friedmann (1896 a), que la spermato-
génèse durait toute l'année chez cette espèce. Les différentes espèces
du genre Bufo, Hyla arborea (fig. xi), semblent être toutes dans le même
cas que Rana esculenta. Chez Bombinator igneus et pachypus, la présper-
(1) Elle est cependant plus marquée diez Bom'j'uwtor, Alytes, Rana esculenta (jue chez Bufo, Hyla,
48
CHRISTIAN CHAMP Y
matogénèse ne semble guère se manifester qu'à l'automne et au prin-
temps (fig. 4); elle n'est pas toujours abortive, c'est simplement une pous-
/anv. /éw: imrsoi//: n/at luîii juif août sept, ûcl ?w& dec.
U. Graphique de la spermatogénèse chez Rana temporaria (mêmes signes que plus haut).
sée spermatogénétique plus réduite, peu importante quantitativement,
mais aboutissant à des produits normaux. Chez Rana temporaria, elle
ne se manifeste que pendant un ou deux mois avant la spermatogénèse
-+- -*- -4- -+ -4- -(- -t- -+- -,c
dêc iouirJerr. mttftavri/wat juin lui/. a/?u/ Jtp£ oc/. /wiï
( /Util IL
ni. Graphique de la spermatogénèse chez Bujo vulgaris.
vraie et semble même pouvoir manquer dans un certain nombre de cas.
On observe presque toujours chez les Urodèles, des poussées de sper-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
40
matogénèse aussitôt après l'accouplement. Il est fréquent de voir les
cystes de spermatocytes dégénérer en masse au moment du début de la
spermatogénèse (fig. 3). Hermann (1891) avait déjà noté l'existence de
ces dégénérescences. Il est certain qu'elles ont la signification dune
évolution abortive et imparfaite des éléments séminaux, on ne les ren-
contre presque jamais pendant la période où la spermatogénèse bat son
plein. Souvent, l'évolution des éléments de ces petites poussées sperma-
togénétiques va jusqu'à la formation de spermatides et de spermatozoïdes,
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IV. Graphique de la spermatogénèse chez Triton alpestris.
elles sont cependant abortives, car ces spermatozoïdes sont alors phago-
cytés et dégénèrent en tous cas au moment de la grande poussée de
spermatocytes. Il semble donc que, chez les Batraciens, il y ait constam-
ment, avant l'époque de la spermatogénèse, une période d'efforts ineffi-
caces analogue à la préspermatogénèse signalée par Prenant (1887)
chez les Mammifères, analogue à la préspermatogénèse que nous avons
étudiée chez le jeune animal.
Il faut poser ici une question de physiologie cytologique importante
et se demander : quelle cause détermine l'évolution spermatogène des
gonies ? Quelle cause provoque à un moment de l'année relativement
précis, la multiplication intense des spermatogonies suivant un mode
nouveau, leur évolution dans le sens spermatogène, alors, qu'en
d'autres temps, les gonies se multiplient comme des cellules ordinr.iiv \
50 CHRISTIAN CHAMP Y
Je n'ai pas la prétention de résoudre définitivement cette question.
Je crois cependant avoir recueilli quelques indications qui permettent
d'entrevoir la solution de ce problème qui n'est qu'un cas particulier
de celui, plus général, du mécanisme de la croissance des tissus et de la
régulation du volume des organes.
La cause inconnue qui provoque la multiplication spermatogène
paraît agir toute l'année à un faible degré et imparfaitement chez les
animaux tels que Rana esculenta où il y a continuellement préspermato-
génèse ; elle se développe, au contraire, rapidement chez ceux où il y a
une préspermatogénèse courte suivie immédiatement de la spermato-
génèse vraie, comme Rana temporaria. Or, il faut remarquer que les
espèces qui ont de la préspermatogénèse toute l'année, comme Rana
esculenta, Bufo vulgaris, ont toute l'année du tissu interstitiel abondant,
à caractère glandulaire, tel qu'on peut l'appeler avec Boura et Ancel
(1904) : glande interstitielle. Au contraire, chez les Urodèles et les espèces à
spermatogénèse nettement temporaire, un tissu analogue ne se développe
qu'après l'accouplement, un peu avant le moment où se produit la
poussée spermatogénétique.
Chez toutes les espèces, la poussée spermatogénétique s'achève
lorsque le tissu interstitiel est à peu près complètement régressé ; par
conséquent, le tissu n'est pas utile à la fin de l'évolution des éléments
sexuels. Les spermatocytes déjà formés achèvent leur évolution sans lui,
mais il ne s'en produit plus de nouveaux.
Il semble donc que la spermatogénèse commence lorsque le tissu glan-
dulaire est développé et qu'elle cesse dès que ce tissu n'existe plus dans
le testicule.
L'examen même sommaire de préparations de testicules chez divers
Batraciens aboutit en tous cas à ce résultat : la grande poussée de sper-
matogénèse se produit au moment où le tissu interstitiel se résorbe (1).
Il semble qu'il y ait une relation entre l'évolution du tissu interstitiel
et celle des éléments spermatiques. Nous étudierons plus loin ces rela-
tions avec plus de détail.
Il est à remarquer que chez les Urodèles et chez Rana temporaria^
la présence de tissu glandulaire suit l'accouplement et précède la sper-
matogénèse, ce qui peut expliquer l'intervalle de temps notable qui
(1) Chez les espèces où la spermatogénèse a lieu en plusieurs poussées espacées (Rana esculenta, Bvfo vulgaris.
Ht/la) la régression du tissu interstitiel se fait lentement et n'est complète qu'à la fin de la spermatogénèse ou est
incomplète, ce fait cadre bien avec l'hypothèse d'u" rapport eptre le tissu interstitiel et la spermatogénèse.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS ôl
s'écoule entre 1 époque de chacun de ces phénomènes. Il y a cependant
l'exception signalée par Mac Gregor de Cry ptobranchus alleghaniensis ,
chez qui la spermatogénèse suit immédiatement l'accouplement. Il serait
intéressant de connaître l'évolution du tissu glandulaire chez cet animal.
RÉSUMÉ
1° Il n'y a pas chez les Urodèles de tubes séminifères ;
2° Il se développe dans leur testicule un tissu glandulaire dans les
cystes vides de spermatozoïdes. Ce tissu dure de l'époque de l'accouple-
ment à 1 "époque de la grande poussée de spermatogénèse (fig. 2-3) ;
3° Il y a, en hiver, chez les Anoures, des ampoules ou tubes sémi-
nifères bien nets, entre lesquels on trouve un tissu interstitiel variable
suivant les espèces (fig. 4-6-8) ;
4° xA.u moment de la spermatogénèse, la division en tubes séminifères
peut s'effacer et disparaître, quelquefois complètement : cellules intersti-
tielles et petites cellules dites folliculeuses se trouvent alors plus ou moins
confondues (fig. 5-7) ;
5° Il y a chez tous les Batraciens, une époque de spermatogénèse
et une époque de repos. La spermatogénèse peut avoir lieu en une seule
grande poussée (Rana temporaria, Urodèles), ou en plusieurs petites pous-
sées qui se succèdent plus ou moins rapidement (graphiqu3 III) ;
6° Les périodes de spermatogénèse sont séparées par une période de
repos qui est partiellement ou complètement occupée à des efforts de
préspermatogénèse (fig. 6) ;
7° L'époque d'apparition de la spermatogénèse chez les Batraciens
coïncide avec l'époque de disparition du tissu interstitiel.
52 CHRISTIAN CHAMP Y
TROISIÈME PARTIE
Les cellules mères indifférentes ou gonies primitives
ÉVOLUTION ET CLASSIFICATION DES GONIES
Parmi les spermatogonies des Batraciens, c'est-à-dire parmi les
cellules sexuelles qui se divisent comme les autres cellules somatiques, il
convient d'en distinguer deux sortes : les cellules indifférentes ou gonies
de premier ordre et les gonies en voie d'évolution spermatogène ou
spermatogonies de deuxième ordre. Cette division a été établie par divers
auteurs, mais pas de façon suffisamment nette. Nous verrons que la diffé-
rence entre les deux sortes d'éléments est des plus profondes.
Les spermatogonies primitives des Batraciens sont connues des plus
anciens auteurs. C. R. Hoffmann (1886) et Gritenhagen (1885) les nom-
maient « Primordial Eier». Swaen et Masquelin (1883) « ovules mâles »,
et ces dénominations n'étaient pas sans justesse ainsi que nous le verrons.
Von La Valette Saint-George (1875) les a bien étudiées chez diverses
espèces. L'attention de Bellonci (1886) a été surtout attirée par leur
noyau polymorphe, et 0. Schultze (1888) a cru remarquer qu'une nutri-
tion insuffisante augmente leur polymorphisme. C'est Hermann (1889)
qui a montré que ce sont des spermatogonies, des cellules mères.
Mac Gregor, (1899) chez Amphiuma, distingue déjà des spermato-
gonies à noyaux profondément polymorphes et des spermatogonies à
noyaux moins polymorphes. Eisen (1899 et 1900), chez Bairacoseps,
accentue davantage la différence entre les deux sortes d'éléments, il
distingue nettement les « spermatogonies très polymorphes » des « sper-
matogonies polymorphes ». C'est seulement Jannsens (1901) qui insiste
sur la différence entre les deux sortes d'éléments et en donne cette défini-
tion : « Les spermatogonies polymorphes de premier ordre ou cellules
mères primitives sont très souvent entourées complètement d'une enve-
loppe de cellules conjonctives ou cellules folliculeuses de La Valette
Saint-George ; ces cellules sont toujours bien sphériques et parfaite-
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 53
ment indépendantes. Jamais nous n'avons vu deux de ces cellules accolées
par une large partie de leur membrane. »
La définition de Jannsens est excellente et valable pour les Urodèles
comme pour les Anoures. Chez ces derniers, les cellules pariéta'es ran-
gées le long de la paroi des tubes pendant l'hiver et décrites par La Va-
lette Saint-Geoege (1875), M. Duval (1880), Bertacchini (1889),
sont des spermatogonies de premier ordre.
Le terme de spermatogonies polymorphes est d'ailleurs mauvais,
car, chez certaines espèces, le noyau n'est pas polymorphe. L'expression
de cellule mère ou de gonie (1) primitive, ou mieux encore, de cellule
indifférente, est de beaucoup préférable.
A la définition de Jannsens, il faut ajouter quelques caractères
importants : la gonie primitive succède immédiatement aux gonocytes
indifférents et leur est morphologiquement très semblable ou même
identique pour une espèce donnée ; ou plus simplement : les gonocytes de
l'ébauche génitale sont des gonies primitives, des celhdes indifférentes qui
restent telles toute la vie chez le mâle.
La gonie I est susceptible de deux évolutions principales, très diffé-
rentes : 1° une évolution simplement multiplicative dans laquelle elle se
divise en donnant des cellules semblables à elle-même, qui se séparent
l'une de l'autre et s'entourent chacune d'un cyste de cellules folliculeuses ;
cette évolution commence dès l'ébauche génitale et se continue constam-
ment, en toutes saisons ;
2° Une évolution que j'appellerai spermaiogène. A certains moments,
sous l'influence d'une excitation de nature inconnue, un certain nombre
de gonies primitives se divisent en cellules qui ne se séparent pas, restent
groupées dans le même cyste et ont des caractères morphologiques diffé-
rents de ceux des gonies primitives : ce sont les gonies secondaires. Nous
verrons qu'accessoirement ou anormalement, les gonies primitives peuvent
évoluer dans un autre sens encore et donner des éléments identiques aux
ovocytes.
Ces caractères que nous posons dès maintenant seront justifiés par
l'étude que nous allons faire des gonies primitives, mais il importait de
les signaler tout d'abord pour la clarté de l'exposition.
Les spermatogonies de deuxième ordre sont donc caractérisées
morphologiquement, parce qu'elles sont réunies par groupes plus ou
(1) Je dis intentionnellement gonie et non spermatogonic parce que, ainsi que je l'ai fait pressentir déjà, ces
csllules ne sjnt pas encore sexuellement déterminées (voir évolution ovjîoroe page 97),
54 • CHRISTIAN CHAMP Y
moins considérables dans une même enveloppe de cellules folliculeuses.
Mais leur caractère le plus important doit être tiré de leur évolution. Elles
vont en peu de temps se transformer en spermatocytes et en sperma-
tozoïdes. Tandis que les gonies I sont encore en quelque sorte sexuellement
indifférentes, ainsi que l'a fort bien senti Hermann (1889), qui les nomme
« indifférente Keimzellen », les gonies II sont vouées irrémédiablement
et dans un délai très court à l'évolution spermatogène.
On peut ajouter qu'en général, le noyau des spermatogonies de
deuxième ordre est plus régulier que celui des gonies primitives de la
même espèce.
Développement des gonies. — J'ai étudié déjà l'origine des cellules
sexuelles, mais en laissant de côté l'histoire cytologique des gonies, à
travers les transformations de l'ébauche génitale.
Les cellules de l'ébauche impaire sont déjà très différentes des
autres cellules, chez les Anoures, elles en diffèrent par leur cytoplasme
abondant plus riche en vitellus (M. Bouin 1900), et chez les Urodèles
par leur noyau qui commence à devenir polymorphe.
Le noyau des gonies est déjà alors assez volumineux, mais extrême-
ment chiffonné et replié. M. Bouin compare cette forme irrégulière à celle
du noyau de certaines cellules glandulaires et pense qu'elle est en rapport
avec l'absorption du vitellus. Je crois plutôt comme Dustin (1907), que
cette forme est due à ce que le noyau se moule sur les plaquettes vitellines
voisines (fig. i). On distingue dans le noyau un ou deux nucléoles petits,
mais bien caractérisés, figurés déjà par M. Bouin, et de la chromatine
dont l'aspect, comme toujours, varie avec les fixations.
Le cytoplasme renferme du pigment disposé en petites traînées entre
les plaquettes vitellines. M. Bouin (1900), Dustin (1907), G. Levi (1912)
attribuent à ce pigment la valeur d'un résidu de la digestion du vitellus,
ce qui est possible mais non certain. D'ailleurs, chez Alytes, il n'y a pas
toujours de pigment à ce stade. Le pigment peut d'ailleurs apparaître
et augmenter de quantité lorsqu'il n'y a plus de plaquettes vitellines.
Il occupe exactement la situation qu'occuperaient les mitochondries et
qu'elles occuperont lorsque le pigment aura disparu (fig. vu) et les grains
de pigment ont la même taille que les mitochondries ainsi que l'a déjà
observé Prenant pour le pigment de diverses cellules. Les grains de
pigment se groupent comme les mitochondries autour de la sphère.
Lorsque les plaquettes vitellines sont résorbées, les gonocytes ou
gonies primitives apparaissent chez les Anoures avec la forme et l'aspect
SPERMA TOGÉNÈSE DES HA TRA ( 7 EN 8
55
qu'elles conserveront toute la vie ; on leur voit notamment un noyau
plus ou moins polymorphe, un cytoplasme avec une sphère attractive
autour de laquelle les grains de pigment peuvent se grouper en paquets
denses, en anneaux, en halos, exactement comme feront les mitochondries
lorsque le pigment aura disparu.
Chez les Urodèles, l'évolution des gonies se fait de la même manière,
mais comme la disparition du vitellus est plus précoce, les gonocytes
apparaissent avec des caractères de gonies I dès le stade de l'ébauche
impaire {Cf. Dustin, Spehl et Polus). Elles restent bourrées de pigment
jusqu'au stade de l'ébauche paire secondaire. Les cellules ont bien quel-
ques caractères de gonies primitives : noyau polymorphe, cytoplasme
abondant, mais elle sont sensiblement plus petites qu'elles. Leur noyan
Fig. XII. Synchronisme, de l'évolution des gonies II et asynchronisme de l'évolution des gonies I. /, gonies II
chez Rana esculenta ; II, gonies I chez Rana temporaria.
est d'ailleurs généralement un peu moins polymorphe que celui des gonies
primitives. Ce n'est que plus tard, dans une ébauche paire secondaire
déjà âgée, que les caractères des gonies primitives s'établissent complète-
ment. Toutes ces différences tiennent à ce que les phénomènes secrétaires
sont plus marqués dans les gonies I des Urodèles adultes.
Il n'est donc pas étonnant que G. Levi (1912) ait constaté que
les mitochondries des gonocytes sont semblables à celles des gonies
primitives du mâle, puisque ce sont les mêmes éléments. Cet auteur
décrit les mitochondries des gonocytes chez Bujo commedes chon-
driocontes courts, bactéroïdes. Il décrit dans ces éléments une sphère
attractive qui ne ressemble guère à la sphère attractive des gonies de
Bujo, et que je n'ai pas retrouvée, ni dans les gonies I de l'adulte, ni
dans les gonocytes de l'embryon. Je me demande si ce n'est pas un lobe
du noyau qui, chez Bujo, est bien plus polymorphe que ne le figure Lévi,
et qu'on distingue souvent très mal du cytoplasme avec la méthode de
Benda. Il est exact que le chondriome est constitué surtout par des
56 CHRISTIAN CHAMP Y
chondriocontes dans les gonocytes jusqu'à l'époque de préspermatogénèse
semble-t-il ; ces chondriocontes paraissent toujours courts et sont mêlés
de grains arrondis. La seule différence qu'on puisse établir entre les
gonocytes d'une ébauche âgée et les gonies primitives est peut-être dans
l'aspect des mitochondries. Les chondriocontes sont de règle dans les
gonocytes et les grains isolés dans les gonies primitives de l'adulte. Mais
il faut remarquer dès maintenant que les gonies de l'adulte qui viennent
de se diviser renferment aussi des chondriocontes et sont semblables aux
gonocytes. La différence d'aspect entre le chondriome des gonocytes et
celui des gonies de l'adulte s'explique aisément parce que les premiers ne
sont pas comme les deuxièmes, le siège de phénomènes sécrétoires actifs,
et se multiplient au contraire activement. En tous cas, il n'est pas exact
de dire avec Rubaschkin (1909-10) que le chondriome des cellules sexuelles
diffère de celui des autres cellules et G. Levi s'élève avec raison contre
cette assertion.
LES GONIES I CHEZ DIVERSES ESPÈCES
(Formes du noyau des gonies.)
J'ai signalé déjà les variations spécifiques dans la forme des gonies
primitives. A cause de ces variations mêmes, il va falloir étudier successi-
vement la forme des gonies primitives chez les diverses espèces.
Je ne m'occuperai ici que de la forme globale, notamment de la
forme et de l'aspect du noyau, car si l'aspect d'ensemble diffère, les détails
cytologiques se retrouvent dans toutes les espèces.
Salamandra. — Les deux espèces : Salamandra maculosa et atra sont
identiques de tous points, une seule description suffira.
Les gonies primitives de Salamandra ne paraissent pas avoir été
spécialement étudiées par la plupart des auteurs. Flemming (1887)
Meves (1896) et autres ne les distinguent pas des spermatogonies
de deuxième ordre et leurs descriptions paraissent se rapporter à ces
derniers éléments. La description de Nicolas (1892) paraît s'adresser à
des spermatogonies primitives. De même, la plupart des travaux qui
traitent des noyaux polymorphes intéressent pro parte les gonies primitives
Nussbaum (1903) s'est occupé spécialement dans un travail récent, de
la question des noyaux polymorphes ; il établit une différence entre les
noyaux mu iformes de Von La Valette Saint-George (1885) et les
SPERMATÔGÉNÈSE DES BATRACIENS 57
noyaux polymorphes (muriformes de Flemming et Meves) . Cette distinc-
tion paraît justifiée au fond, et semble correspondre à celle que j'établis
entre les noyaux incisés au maximum de polymorphisme et les noyaux
plus colorables au minimum de polymorphisme. En outre de cela, Nuss-
baum a étudié les variations saisonnières du polymorphisme, l'influence
du jeûne, l'influence de l'âge. Il y a dans l'étude de Nussbaum plusieurs
lacunes fondamentales qui font qu'on n'en peut pas beaucoup utiliser les
résultats : 1° il n'établit pas de différence entre les spermatogonies pri-
mitives et les spermatogonies secondaires et paraît d'ailleurs ignorer les
travaux de Jannsens, Eisen, etc. D'autre part, il étudie et compare les
spermatogonies d'espèces diverses et ne paraît nullement se douter qu'il
y a des variations spécifiques extrêmement importantes.
Chez la Salamandre, les gonies I peuvent se présenter sous des aspects
divers établissant des intermédiaires entre les deux types extrêmes sui-
vants : 1° cellules à noyau généralement foncé, riche en chromatine,
à deux ou trois lobes réunis par des ponts de substance épais. Les lobes
sont souvent plus nombreux, rarement moins ; quelquefois cependant,
le noyau est arrondi (fig. 202). Le cytoplasme est homogène, finement
granuleux, pauvre en enclaves graisseuses : c'est la gonie du type gono-
cyte. Il est très rare de trouver des gonies primitives à noyau rond, alors
que c'est fréquent chez Axolotl par exemple ; 2° Cellules à noyau peu
colorable, très lobé et incisé, souvent difficile à distinguer du cytoplasme
en certains points. En général, il a l'aspect d'un noyau chiffonné et
incisé et très replié sur lui-même en E, en S et en M (fig. 201). L'aspect
varie beaucoup à cause de la diversité de taille des lobes. En général,
le cytoplasme de ces éléments est grossièrement granuleux et riche en
enclaves graisseuses (fig. 201).
Ces deux types extrêmes sont réunis par une série continue d'inter-
médiaires. Dans une même espèce, nous voyons donc que la forme des
spermatogonies oscille entre deux types principaux (laissons de côté pour
le moment les formes accessoires qu'on peut considérer comme anormales),
le type à noyau très polymorphe et enclaves nombreuses et le type à noyau
peu polymorphe et à enclaves rares.
Le polymorphisme du noyau a donc un maximum et un minimum.
Il en est de même chez toutes les espèces, aussi nous y étudierons surtout
les types extrêmes à polymorphisme maximum et minimum, ce qui nous
permettra de saisir les variations spécifiques mieux qu'en comparant les
formes moyennes. Le degré moyen de polymorphisme peut être (assez
58 CHRISTIAN CHAMP Y
approximativement) estimé par le stade où s'observe la formation du
spirème. Chez la Salamandre, le spirème débute généralement dans des
noyaux en M ou en S et relativement compliqués, analogues à ceux des
leucocytes neutrophiles.
Triton cristatus. — Les gonies I sont assez analogues à celles de la
Salamandre, les noyaux étant peut-être un peu moins polymorphes, mais
la différence est peu sensible. Comme chez la Salamandre, les noyaux sont
clairs au maximum de polymorphisme en même temps que le cytoplasme
est chargé d'enclaves graisseuses, tandis qu'au minimum de polymor-
phisme correspond un état colorable du noyau et un cytoplasme relative-
ment homogène.
Triton alpestris. — Les gonies primitives sont un peu moins polymor-
phes que dans l'espèce précédente : au minimum de polymorphisme, le
noyau est seulement bilobé, profondément incisé, quelquefois trilobé,
mais plus rarement. Au maximum, il est bilobé ou en forme de croissant
irrégulier, chacun des lobes étant limité par une membrane chiffonnée.
Triton punctatus (ou vulgaris). — Il diffère peu du précédent. Il semble
que les figures de gonies primitives que donne Jannsens se rapportent
à cette espèce. Jannsens semble avoir recherché les noyaux les plus
polymorphes qu'il ait pu trouver. Il ne figure que le maximum de poly-
morphisme.
Triton palmatus. — Il semble que les gonies soient encore moins lobées
que dans les espèces précédentes. Au degré de polymorphisme minimum,
les noyaux sont quelquefois simplement réniformes ou incisés, mais c'est
assez rare. Au degré maximum, ils atteignent la même complication que
chez les autres tritons.
Amblystoma mexicana {Axolotl). — Les gonies primitives sont de
très grande taille. Elles ont très fréquemment des noyaux arrondis ou
réniformes (fig. xiii). Les plus polymorphes ont la forme d'un U, d'un S
ou d'un Z, avec incisures multiples, et ne diffèrent guère des éléments
correspondants de la Salamandre. Ils sont extrêmement pâles et le cyto-
plasme est bourré d'enclaves fig. xv). On trouve des cellules à noyau
réniforme et incisé. Ce noyau est clair et le protoplasma est bourré
d'enclaves. Les gonies à noyaux arrondis représentent le minimum de
polymorphisme. Elles ne sont pas rares. Il est certain que chez cette
espèce, le polymorphisme nucléaire est moindre que chez les autres Uro-
dèles. Le spirème se développe généralement dans des noyaux ronds ou
réniformes (fig. xxxvn).
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS
59
On comprend qu'il m'est impossible de parler avec quelque sens de
la forme des noyaux chez les espèces que je n'ai pas étudiées moi-même.
En effet, la plupart des auteurs ne distinguent pas les gonies I et II, et
on ne peut savoir s'ils ont dessiné des noyaux moyennement polymorphes
ou des types extrêmes. Je pense qu'en général, ils ont dessiné surtout les
types extrêmes dont la bizarrerie les a impressionnés. En tous cas, on
peut dire que les spermatogonies des Urodèles ont sans doute des noyaux
généralement très polymorphes comme chez les Tritons et la Salamandre.
{Amphiuma, Mac Gregor, 1899; Batrachoseps, Eisen, 1899). Les varia-
4
RM
^j?<-
FlG. xill. Oonies I chez Y Axolotl.
tions spécifiques s'observent surtout dans le minimum de polymorphisme.
On n'a pas signalé à ma connaissance chez les Urodèles de spermatogonies
à noyaux normalement arrondis. Il n'y aurait d'ailleurs rien d'étonnant
à ce qu'il en existe chez certaines espèces comme cela a lieu chez les
Anoures. L'Axolotl se rapproche sensiblement de ce type.
Bombinator igneus et pachypus. — Les deux espèces sont très sem-
blables, on peut les réunir en une description commune. Les gonies pri-
mitives ont un noyau de taille plus grande que chez la plupart des autres
Anoures, presque aussi grande que chez les Tritons. D'ailleurs, par nom-
bre de caractères, cet Anoure se rapproche des Urodèles.
Au minimum de polymorphisme nucléaire, le noyau est irrégulière-
ment arrondi, bilobé, incisé, jamais complètement rond (fig. 19). Comme
chez les Urodèles, cette forme correspond avec une richesse remarquable
en chromatine et un cytoplasme généralement assez homogène,
60 CHRISTIAN CHAMP Y
Au maximum de polymorphisme, le noyau est clair, en forme de
croissant irrégulier et incisé, rejeté à la périphérie de la cellule (fig. 20-21),
laissant généralement bien visible le centre cellulaire qui, pour cette
raison, est particulièrement facile à étudier chez cette espèce. (Cette
disposition périphérique du noyau s'observe aussi chez l'Axolotl, dans
les noyaux les plus irréguliers, plus rarement chez Triton, Salamandre.)
Le cytoplasme est moins riche en enclaves que celui des gonies I des Uro-
dèles. Entre les deux formes extrêmes, on rencontre fréquemment des
intermédiaires : noyau en trèfle, généralement périphérique (fig. 17,
176, 179).
Le Bombinator est un objet particulièrement favorable pour l'étude
des gonies. Comme chez tous les Anoures, on est certain de rencontrer des
gonies I en grand nombre sur une coupe (puisqu'elles sont disposées le
long de la paroi des tubes). Le cytoplasme aussi est facile à étudier à cause
de la situation périphérique du noyau.
Bufo vulgaris, calamita, pantherina. — Chez ces trois espèces comme
aussi chez Bufo lentiginosus où les gonies ont été étudiées par King(1907),
les spermatogonies ont toujours un noyau extrêmement compliqué. Le
noyau est constitué par un grand nombre de lobes présentant souvent
l'aspect d'une mûre (fig. 36). Lorsque les coupes passent par le centre
de ce paquet muriforme, les lobes apparaissent comme rangés en rosette
autour d'un espace cytoplasmique central où se trouve la sphère attrac-
tive (fig. 36). Au minimum de polymorphisme, le noyau a une forme
voisine de celle que nous avons signalée dans les noyaux les plus poly-
morphes du Bombinator et des Tritons. Le noyau est alors foncé, riche
en chromatine (fig. 35). Il peut présenter le même caractère dans les
noyaux murif ormes. C'est dans ces noyaux relativement compliqués que
le spirème débute (fig. 37). Les noyaux clairs correspondant aux noyaux
les plus polymorphes des espèces précédentes diffèrent des noyaux muri-
formes en ce qu'au lieu d'être constitués de lobes à peu près arrondis,
ils sont constitués de lobes chiffonnés (fig. 34). En même temps, le cyto-
plasme est plus clair et plus grossièrement granuleux.
Hyla arborea. — Chez cette espèce, le polymorphisme nucléaire
atteint un degré qui dépasse tout ce que j'ai observé ailleurs. Au degré
le moins compliqué, le noyau a à peu près la même forme que chez Bufo
à l'état correspondant (fig. 26, 27), et le spirème se forme dans des noyaux
à peine plus compliqués que chez les diverses espèces du genre Bufo
(fig. 29). Mais le degré maximum est caractérisé par des formes lobées et
SPERMATOQÉNËSE DES BATRACIENS
61
incisées à l'infini (fig. 24, 25) de telle sorte que le dessin est impuissant
à en rendre l'aspect. La patience la plus exercée ne peut suffire pour suivre
les innombrables incisures, les multiples replis de la membrane nucléaire
qui sont contournés dans tous les sens, s'anastomosent de diverses ma-
nières, de telle sorte qu'il est souvent difficile de distinguer ce qui appar-
tient au cytoplasme et ce qui appartient au noyau.
Rana temporara. — Avec cette espèce, nous revenons à des formes
plus simples (fig. xiv). Le noyau des gonies I est, en moyenne, réniforme
ou bilobé ou arrondi, avec un peu de cytoplasme qui s'invagine en doigt
■ *'■ ...>'*< ' ,.
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Fig. xiv. Gonies I chez Runa temporaria, 3-6-7- maximum de polymorphisme et aspect clair du noyau, 8 pro-
phase.
de gant jusqu'au milieu du noyau (fig. 68 à 72). Je ne crois pas qu'il existe
régulièrement chez cette espèce de noyaux parfaitement sphériques.
Les noyaux les plus compliqués ont une forme de croissant ou de trèfle
assez régulier avec des incisures dans divers sens (fig. 65 à 67).
Rana esculenta. — La forme ronde du noyau est la règle chez cette
espèce (fig. 51 à 54). Les noyaux rénif ormes sont rares, les plus irréguliers
ont la forme d'un croissant épais et un peu incisé (fig. 57-64). Le noyau
rond n'occupe jamais le centre exact de la cellule (fig. 51), il est rejeté sur
le côté et la sphère se trouve du côté de la plus grande masse de cytoplasme,
en général accolée contre le noyau (fig. 51-57), conformément au schéma
établi par M. Heidenhain (1900). Le spirème se développe dans des noyaux
sphériques ou presque sphériques (fig. 58, 59).
Alytes obstetricans. — Les gonies I ont le même aspect que chez
Rana esculenta (fig. 40), elles sont peut-être un peu plus irrégulières. Les
ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GÉN. — T. 52. — F. 2. »
62 CHRISTIAN CHAMP Y
éléments sont de taille plus grande que ceux des genres Bana, Bujo et
surtout Hyla, moins grande que chez Bombinator . Les noyaux en turban
décrits par Jannsens correspondent au degré maximum de polymorphisme
(fig. 41). Le spirème se développe dans des noyaux ronds (fig. 42).
Conclusion. — Cet examen de chaque espèce en particulier est
extrêmement instructif et il s'en dégage un certain nombre de faits
intéressants.
Ainsi que je l'ai dit déjà, la forme des noyaux dans le testicule des
Batraciens sur laquelle on a tant épilogue est avant tout un caractère
d'espèce, ce dont on semble avoir négligé le plus souvent de s'apercevoir.
Il y a des espèces à noyau lobé et des espèces à noyau arrondi, et la pre-
mière condition pour étudier convenablement le polymorphisme nucléaire
et la signification cytophysiologique de ses variations, c'est de ne com-
parer les noyaux que chez un même animal. Les variations spécifiques
dominent d'ailleurs considérabement les variations physiologiques. Cn
ne peut expliquer les premières par les conditions diverses dans lesquelles
se trouvent les cellules ; on ne peut pas admettre que le polymorphisme
plus grand chez la rainette que chez la grenouille est dû aux différences
de conditions biologiques de ces deux espèces, surtout si l'on songe que,
par ce caractère, la rainette se trouve rapprochée de divers crapauds
vivant dans des conditions très différentes. Il faut bien admettre que
cette variété des formes est fixée depuis longtemps et fait partie des
caractères spécifiques.
D'autre part, il y a une variation constante entre certaines limites,
pour une espèce donnée, variation déterminée par des conditions qu'il
sera intéressant de rechercher et que nous examinerons longuement
tout à l'heure, lorsque nous aurons étudié en détail la cytologie des gonies.
Les gonies primitives se ressemblent en général beaucoup dans les
diverses espèces d'un même genre : Bujo, Salamandra. On peut cependant
observer des différences considérables entre deux espèces en apparence
voisines : Bana esculenta et temporaria. Il est à remarquer que les espèces
dont les gonies se ressemblent, se ressemblent également par tous les
caractères des éléments séminaux, notamment par la forme des sperma-
tozoïdes, tandis que celles qui ont des gonies dissemblables ont aussi
des spermatozoïdes très différents {Bana esculenta et Bana temporaria).
SPERMAT0C1ÉXEKE DES BATEAC'IEXS 03
ÉTUDE CYTOLOGIQUE DES GONIES PRIMITIVES
Le noyau
Nous avons passé en revue les variations spécifiques de la forme
du noyau, il nous faut étudier maintenant ses variations chez une
même espèce. Le Bombinator nous offre, pour cette étude, un type
bien plus favorable que les Urodèles généralement étudiés. Le noyau,
au minimum de polymorphisme est constitué par une masse irré-
gulière (fig. 19), renfermant de nombreux grains chromatiques. Le suc
nucléaire est généralement très colorable. Il existe plusieurs nucléoles
de petite taille. Le noyau est souvent pourvu d'une encoche ; ou plus
exactement, il est percé d'un canal borgne, dans lequel s'introduit le
cytoplasme (fig. 19). Ces noyaux massifs sont peu abondants. Au début
de la spermatogénèse, les plus abondants sont des formes moyennes,
bilobées ou trilobées (fig. 17). Chaque lobe renferme un assez gros nucléole.
Le noyau occupe une situation généralement périphérique ainsi que
nous l'avons dit. Les noyaux d'aspect tout à fait clair et très polymorphes
sont plus rares; ils renferment peu dechromatine (fig. 20) ; le suc nucléaire
ne s'y colore pas; les nucléoles sont nombreux. Ces noyaux sont en outre
caractérisés par des incisures assez nombreuses, perpendiculaires à la
membrane nucléaire, pénétrant jusqu'au milieu des lobes et qui leur
donnent un aspect tout particulier. Il y a donc un ensemble de caractères
structuraux qui accompagnent le maximum de polymorphisme, et diffèrent
de ceux qui accompagnent le degré minimum. Ceci s'observe chez toutes
jes espèces que j'ai étudiées; toujours le maximum de polymorphisme
nucléaire est marqué par la pauvreté en chromatine (fig. 24, 34, 57, 00, 201),
l'abondance des nucléoles, la fréquence des incisures profondes dans le
noyau ou dans ses divers lobes. Cet état s'observe dans des noyaux peu
compliqués, chez les espèces à noyaux voisins de la forme sphérique :
Rana esculenta, Alytes (fig. 41,57), ou au contraire dans des noyaux
extrêmement compliqués, chez Hyla, Bufo.
Chez les Urodèles, même observation : l'aspect caractéristique
du maximum de polymorphisme se rencontre dans des noyaux rela-
tivement peu compliqués, chez Axolotl (fig. xv), très compliqués chez
Salamandra (fig. 201).
Nous pouvons dire dès maintenant que chez une même espèce, il
64
CHRISTIAN CHAMP Y
existe en général deux aspects principaux du noyau : 1° l'aspect clair et
incisé (fig. xv) ; 2° l'aspect foncé, avec lobes arrondis ou noyau complè-
tement arrondi (fig. xvi).
Structure du noyau. — La littérature nous offre des descriptions
très variées de la structure du noyau des éléments séminaux et du noyau
en général. Eisen (1899), Jannsens (1901), et autres, y décrivent des
filaments compliqués
de linine, sur lesquels
sont agglutinés des
grains anguleux de
chromât ine. Les nu-
cléoles sont générale-
ment situés dans les
mailles de ce réseau,
quelquefois sur les
mailles.
Jannsens (1909)
note que, chez YAlytes,
les nucléoles adhèrent
aux filaments chroma-
tiques tandis que chez
les Tritons (1901), ils
en sont indépendants.
Il distingue pour cette
raison les premiers
sous le nom de chro-
moplastes, les seconds
étant des nucléoles
vrais. Je puis dire, après l'examen de préparations fixées et colorées
par les méthodes les plus diverses qu'on ne peut faire aucune diffé-
rence entre les nucléoles de YAlytes et ceux des Tritons. La diversité
des fixations, la différence de taille des noyaux sont les seules causes
de la situation du nucléole par rapport à ce coagulum qu'est le réseau
nucléaire. Il est vrai d'ailleurs que la colorabilité des nucléoles varie
beaucoup.
Au contraire de Jannsens (1901), Tellyesnicki (1905), comme
Meves (1891), décrit le noyau comme une masse homogène dans laquelle
on rencontre des masses chromatiques et des nucléoles. Les autres descrip-
Fig. xv. Gonie I d'Axolotl, m, corps mitochondrial ; s, sphère ; c, canali-
cules nucléaires. Le noyau est à son degré maximum de polymor-
phisme (cf. fig. XIII et XVI).
SPEBMATOGÉNÈSE DES BATRACIESS
65
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tions : Vom Rath (1893), Hermann (1889), Mac Gregor (1889), Flem-
ming (1887), etc., oscillent entre ces deux extrêmes.
En fait, on observe les deux structures, si du moins on varie les
liquides fixateurs. Il faut donc faire un choix et tâcher de rechercher
quel est l'aspect qui correspond le mieux à la réalité.
Meves (1894), après avoir décrit le noyau des gonies conformément
au deuxième aspect (1891), renonce à la structure homogène du noyau.
Il rappelle la discussion
ancienne entre Flem-
ming et Rawitz (1895),
et pense que le réseau
est quelquefois invisible,
mais qu'il n'en existe
pas moins. Dans ses plan-
ches, il figure le plus sou-
vent dans le noyau des
grains de chromatine non
reliés par un réseau.
Il n'y a pour moi
aucun doute que le réseau
du noyau dit réseau de
linine soit complètement
artificiel dans les éléments
qui nous occupent. Voici
les raisons sur lesquelles
je base cette opinion.
1° Je n'ai jamais vu de réseau dans les noyaux des gonies au
repos examinées à frais. Cet argument à lui seul est sans valeur
puisqu'on doit admettre qu'on ne voit pas les choses qui ont une
même réfringence. Cependant, on voit très bien ce réseau sur les
préparations fixées et non colorées. Il faut admettre alors que la
fixation a dans ce cas fait varier la réfringence des divers constituants
du noyau, c'est dire qu'elle en a mod'fié la structure.
2° Le réseau se présente avec des aspects variables suivant les
réactifs employés, suivant le point d'une préparation qu'on examine,
ainsi que l'ont déjà noté Flemming et Meves (1897), et bien d'autres
après eux. Les structures réticulées s'observent toujours au centre des
morceaux fixés, quel que soit le volume de ce morceau. Or, le centre des
Fie. xvi. Gonie I d'Axolotl à noyau arrondi, canalicule nucléaire long
et fin. c, sphère ; p, corps pyrénoïde.
66 CHRISTIAN CHAMP Y
très grosses pièces est incontestablement mal fixé. On peut admettre que
certains liquides fixateurs, l'acide osmique par exemple, homogénéise les
structures dans les premières couches de cellules et fait disparaître des
structures existant réellement. C'est exact. Mais ce n'est pas seulement
dans les premières couches que le réseau n'apparaît pas, c'est aussi dans
les cinq ou six couches de cellules superficielles. Or, ces cellules présentent
d'autre part les caractères d'une bonne fixation, car les éléments du cyto-
plasme, notamment les mitochondries s'y présentent avec l'aspect qu'on
leur trouve à frais avec les méthodes de coloration vitales. Dans le centre
des pièces, les mitochondries sont agglutinées en un réseau irrégulier,
ce qui, évidemment, est artificiel. C'est dans ces cellules, dont le cyto-
plasme est incontestablement mal fixé que l'on observe la structure réti-
culée du noyau.
3° Enfin, lorsqu'il existe un réseau nucléaire bien net, on ne peut
jamais rien colorer dans ses mailles, on ne peut pas colorer le suc nucléaire
tandis qu'on le colore fort bien dans les cellules où le réseau n'apparaît
pas. La seule explication que je voie de ce phénomène c'est que, dans le
premier cas, les albuminoïdes du suc nucléaire se sont précipités en un
réseau irrégulier qui s'appuie sur toutes les parties résistantes qui sont
îlans le noyau. La diversité d'aspect du réseau avec les divers réactifs
fixateurs s'explique aisément par ce fait que les précipités d'albuminoïdes
ont une structure variable selon le réactif précipitant, ainsi qu'il résulte
des expériences bien connues de Fischer (1900).
Il est évident que la diversité des aspects du réticulum nucléaire,
lorsqu'on emploie le même réactif sur le même objet, correspond à quelque
chose, mais on ne saurait dire exactement à quoi. Il est intéressant de
signaler ces aspects divers, mais combien dangereux d'entrer dans une
description de détail et surtout de baser des théories sur ces pseudo-
structures !
On peut, je crois, considérer comme correspondant à peu près à la
réalité, les aspects des noyaux dans lesquels on peut encore colorer le
suc nucléaire. On y voit généralement, en outre des nucléoles, de fines
granulations assez régulières et généralement arrondies (1). Ce sont ces
noyaux que je choisirai généralement pour mes descriptions et que j'ai
(1) J'ai pu vérifier l'existence de ces grains sur des cellules examinées à frais avec éclairage oblique ouàl'ultra-
microscope. Il est évident qu'ils disparaissent par traitement avec un alcali faible (cf. Fauke-Feemiet) mais
alors la cellule est bien altérée. D'ailleurs beaucoup d'autres choses disparaissent en même temps.
• SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 67
le plus souvent dessinés (1). Encore, je ne puis certifier que les granulations
que j'y décris ne sont pas, pour une part au moins, dues à une précipi-
tation par le réactif. Peut-être Tellyesnicki (1905) a-t-il raison de dire
qu'il n'existe dans le noyau que des nucléoles et quelques masses de chro-
matine plongées dans un suc nucléaire amorphe. Il est vrai qu'une fixa-
tion brutale à l'acide osmique ou au formol produisent cet aspect, et que
ce sont d'ailleurs les seuls réactifs qui ne produisent pas de structure
irréelle dans une gouttelette d'une solution d'albumine. Je ne suis pas
certain toutefois que cet aspect soit bien le vrai, car la même fixation fait
disparaître du cytoplasme des structures qui existent réellement et
qu'on peut constater à frais. Je pense que lorsque le cytoplasme présente
les caractères d'une fixation fidèle (ce qu'il est facile de contrôler par
l'examen à frais), le noyau peut être considéré comme bien fixé.
J'éviterai d'ailleurs d'attribuer une importance excessive aux petits
granules de chromatine qui semblent le plus souvent n'être dûs qu'à une
sorte de précipitation ou plutôt de cristallisation des substances conte-
nues dans le suc nucléaire. Que cette précipitation soit spontanée ou
due au réactif, elle ne paraît pas avoir un intérêt capital.
Je suis donc d'un avis très analogue à celui de Fischer (1900),
Tellesnicky (1902-1905), confirmé par les recherches ultra-microsco-
piques de Gaidukow (1906), Faure-Frémiet (1909), Agazzotti (1910).
Je suis d'ailleurs arrivé aux mêmes résultats en ce qui concerne les noyaux
des cellules glandulaires et des éléments de l'intestin (1910).
On peut donc dire avec Della Valle (1912), que le noyau est consti-
tué typiquement par une masse homogène, mais il ne faut pas oublier
que cette masse renferme constamment des nucléoles, ce que Della
Valle néglige un peu, et il est intéressant de considérer les cas où elle
montre, après précipitation par les réactifs ou par une sorte de cristalli-
sation spontanée, de petits grains colorables d'une certaine manière et
une masse fondamentale colorable autrement. Cela montre que cette
masse homogène n'est pas simple, que c'est une solution complexe dont
une substance au moins a une facilité particulière à se séparer (2). On
ne peut guère aller au-delà.
Au contraire, il est sans intérêt aucun de considérer le réseau nucléaire
(1) J'ai figuré aussi dans plusieurs dessins des images 'l'1 réseau surtout dans 1rs spermatocytes i I les sj.er-
matides, mais c'est toujours avec la pensée que ce réseau est un artefact et que son aspect dépend avant tout
du réactif employé.
(2) On ne peut pas toujours invoquer une précipitation par les réactifs, il y a certainement des cas où les
grains préexistent réellement.
68 CHRISTIAN CHAMP Y
dans les cas où Ton ne peut rien colorer dans les mailles ; on observe alors
sous forme de réseau de coagulation l'ensemble des substances qu'on
observait auparavant sous forme homogène, c'est-à-dire qu'on est dans
de bien plus mauvaises conditions et qu'on n'apprend rien de nouveau.
Chromatine. — La chromatine des noyaux des gonies I paraît
subir d'importantes variations. Dans les images où elle se présente sous
forme de granules, ceux-ci sont arrondis ou un peu irréguliers, tantôt
égaux les uns aux autres, tantôt de taille assez variable. Le nombre de ces
grains chromatiques que l'on peut appeler chromioles (Eisen 1899), est,
semble- t-il, très variable. Leur colorabilité est non moins sujette
à variations. Elle est généralement grande dans les noyaux au minimum
d3 polymorphisme (fig. 19), très faible dans les noyaux les plus poly-
moiphes (fig. 20, 25, 41, 57), ce à quoi ils doivent leur aspect clair. Dans
le premier cas, les grains de chromatine sont généralement distribués assez
régulièrement dans le noyau, tandis que dans le deuxième, ils sont fré-
quemment appliqués contre la membrane ou groupés en chaînettes
courtes qui semblent être en rapport avec les nucléoles. Ces deux types
s'observent chez les diverses espèces que j'ai étudiées : toujours, dans
les noyaux très polymorphes, les grains de chromatine sont moins abon-
dants et moins colorables que dans les noyaux moins compliqués de la
même espèce (fig. 20, 24, 27, 34, 57, 66). On ne peut pas dire véritable-
ment que leur coloration est différente, qu'ils sont acidophiles, et on ne
peut pas opposer une oxychromatine à une basichromatine. Il semble n'y
avoir là qu'une question de degré. Si l'on a coloré à l'hématoxyline au
fer, il est évident que les grains de chromatine qui sont décolorés dans la
différenciation se coloreront avec le colorant acide qu'on emploie ensuite,
mais ils se colorent aussi bien avec un colorant basique, si l'on en emploie
un à ce moment. D'ailleurs, l'examen de préparations plus ou moins déco-
lorées montre que les mêmes grains ont pris, tantôt le colorant basique,
tantôt le colorant acide (1).
La chromatine des gonies primitives est toujours moins colorable
par les colorants habituels que celle des autres cellules de la lignée sexuelle.
Cela est net surtout pour les noyaux les plus polymorphes, mais c'est
vrai aussi pour les plus réguliers. Si l'on colore avec la combinaison neutre
Azur-Magdala ou bleu de méthylène-éosine, la chromatine des gonies I
prend le rouge tandis que celle des gonies II prend le bleu. Dans ces condi-
(1) Même observation avec l'hématoxyline au Vanadium de M. Heidenhain, qui m'a donné des images variables
selon le temps de coloration, la quantité de vanadate, etc. Cela n'a rien du tout d'une réaction précise.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 69
tions même, on observe, suivant le temps de coloration, la concentra-
tion des variations telles, qu'il est certain qu'on ne peut pas parler
d'affinités basiques ou acides.
Suc nucléaire. — Cet élément qu'on néglige généralement est
extrêmement intéressant. Sur les préparations, il se présente sous des
aspects divers selon la fixation, homogène aveo l'acide osmique et le
formol (pi. VII), le liquide de Bouix le précipite sous forme d'un très
fin réseau (pi. V) ou de très petits grains (pi. IV). Ces grains se distinguent
des grains de chromatine par leur colorabilité, ils sont souvent assez nette-
ment acidophiles, ils sont d'ailleurs, en général, bien plus petits que les
grains de chromatine, on les distingue à peine aux plus forts grossisse-
ments. En général, grains et filaments ont la même colorabilité que le
suc nucléaire lui-même.
Cette colorabilité est d'ailleurs variable. Dans certains cas, le suc
nucléaire garde longtemps les colorants de la chromatine, on dirait qu'il
renferme de la chromatine dissoute (fig. 19, 35), dans d'autres cas, il est
plutôt acidophile. Il n'est pas rare qu'avec la coloration de Prenant, il
se colore en vert tandis que le cytoplasme est encore rose ou vice versa
(fig. 40,41). La chromaticité du suc nucléaire semble varier parallèlement
à celle des grains de chromatine, elle est plus grande dans les noyaux les
moins polymorphes (fig. 19, 35, 51), que dans les noyaux très compliqués
à chromatine peu abondante (fig. 20, 34, 57). Cependant, aux approches
de la division karyokinétique, le suc nucléaire devient peu colorable,
tandis que la chromatine l'est beaucoup.
Nucléoles. — Les nucléoles sont les seuls éléments du noyau dont
l'aspect soit assez constant avec les réactifs les plus divers, pour qu'on
puisse être à peu près sûr de la réalité de l'aspect qu'on leur voit. On les
distingue d'ailleurs fort bien à frais.
Leur nombre est variable. Il dépend, au premier chef, du degré
de polymorphisme nucléaire, mais non pas uniquement de ce facteur. On
peut dire qu'en règle générale, il y a un gros nucléole par lobe du noyau.
Ainsi dans les noyaux bilobés de Rana temporaria, il y en a généralement
deux (fig. 68, 70, 71), tandis qu'il n'y en a, le plus souvent, qu'un (fig. 51
à 55), dans les noyaux arrondis des gonies de Rana esculenta, et un grand
nombre dans les noyaux murif ormes des crapauds (fig. 35, 36). Chez une
espèce donnée, il y a généralement d'autant plus de nucléoles que le
noyau est plus polymorphe. Les noyaux très polymorphes de Salamandre,
Bufo, Hyla, sont remarquables par le grand nombre et la petite taille
70 CHRISTIAN CHAMP Y
des nucléoles (fig. 24, 25, 201). Mais cette règle souffre de nombreuses
exceptions.
Les nucléoles sont situés au milieu des lobes du noyau, ou vers le
milieu du noyau si celui-ci est rond, au moins à l'état qu'on peut consi-
dérer comme l'état de repos. Le nucléole est sujet, en effet, à des déplace-
ments très fréquents et très intéressants.
Le fait que le nucléole unique des noyaux ronds de certaines espèces
est, toutes proportions gardées, toujours plus gros que les nucléoles nom-
breux des noyaux lobés, amène naturellement l'idée que les nucléoles
multiples des noyaux polymorphes équivalent à un nucléole fragmenté.
Cependant on observe fréquemment que les divers nucléoles des noyaux
polymorphes sont diversement colorables.
Dans une même espèce, il est à remarquer que les nucléoles sont
souvent plus gros dans les noyaux au maximum de polymorphisme
que dans les noyaux d'un type moyen. Ils sont alors situés le long de
la membrane nucléaire, par exemple Rana esculenta (fig. 57), Borribi-
nator (fig. 20), Rana temporaria (fig. 65).
Mais en général, il résulte de l'étude comparée du nucléole dans les
gonies des diverses espèces ayant des noyaux très différents, qu'à un état
qu'on doit considérer comme indifférent, à un état où on pourrait dire que
la cellule ne fait rien, le nucléole est disposé de telle sorte que l'influence
de la substance nucléolaire soit également répartie dans le noyau.
Structure du nucléole. — Le nucléole des gonies primitives est
généralement arrondi; il est quelquefois, mais rarement, irrégulièrement
bosselé. Il ne paraît presque jamais homogène : fréquemment, on lui
trouve une structure vacuolaire. Ainsi que l'indique Jannsens (1901),
il paraît s'agir de bulles moins denses que la masse du nucléole et incluses
dans sa substance, ces bulles peuvent s'observer dans tous les nucléoles,
elles sont particulièrement nombreuses dans les gros nucléoles excentri-
ques que nous étudierons tout à l'heure (1) (fig. xxiv et xxx).
Souvent le nucléole est constitué de deux parties différemment
colorables dont l'une, la plus abondante, a des réactions spéciales :
les réactions du nucléole vrai ; l'autre, les réact;ons de la chromatine.
1 1 est peut-être exact de dire que la substance qui constitue les nucléo-
les est plutôt plus acidophile que la chromatine, elle est aussi plus aci-
dophile que le suc nucléaire. On peut la colorer en vert dans la triple
(1) II ne s'agit pas toujours de bulles dues à une déshydratation insuffisante comme l'indique Jan'nskxs
(1909).
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS
71
Fia. xvii. Division du nucléole dans le
noyau d'une gonie I de Rana escu-
lenta.
coloration de Prenant, en rouge brique par la modification rouge de
Magdala-rouge Congo. Elle se colore en rouge rubis dans la triple colora-
tion de Flemming. Ce qu'on peut dire de certain, c'est que cette substance
paraît constamment différente de la chromatine. Chez les Urodèles,
on observe des nucléoles de colorabilité très variable, mais on trouve
tous les intermédiaires entre les colorations extrêmes.
Les deux substances que l'on peut appeler pyrénine et chromatine
sont disposées l'une par rapport à l'autre de
diverses manières : fréquemment, le nucléole
a la forme d'une sphère de pyrénine dont
deux secteurs sont constitués de chromatine
(fig. xviii). Fréquemment aussi, le nucléole
est constitué tout entier de pyrénine et
porte une ou deux sphérules plus petites
constituées de chromatine qui semblent lui
être intimement adhérentes (fig. xviii), cons-
tituant comme deux verrues situées de
part et d'autre de la sphère principale.
Cet aspect et cette structure du nu-
cléole sont visibles dans toutes les espèces, mais principalement chez
Ranci esculenta où le noyau étant sphérique, le nucléole est plus gros
que partout ailleurs. Le nucléole ne paraît pas affecter de rapports
particuliers avec les grains chromatiques ou les chaînettes de grains
chromatiques dans les gonies normales.
Quand la fixation est telle qu'on obtient un réseau intranucléaire,
ce réseau s'appuie quelquefois sur le nucléole,
quelquefois, au contraire, le nucléole est situé dans
les mailles de ce réseau, cela dépend des condi-
tions dans lesquelles on a précipité le suc
nucléaire.
Division du nucléole. — On voit fréquem-
ment les nucléoles se diviser par bipartition, surtout lorsque le noyau
est moyennement polymorphe. Cette division du nucléole est plus aisée à
suivre chez Rana esculenta à cause de la grande taille des nucléoles chez
cette espèce. On voit le nucléole s'étirer en biscuit, puis en haltère ; les
deux portions, quelquefois inégales, restent souvent unies par un filament
épais, d'apparence visqueuse, moins colorable que le nucléole (fig. 69, 71
et xvii). Ce filament finit par se rompre et disparaître. Cependant, lorsque
Fig. xviii. Nucléoles structu-
rés chez Rana esculenta.
72 CHRISTIAN CHAMP Y
le nucléole se divise rapidement plusieurs fois de suite, il arrive qu'on
voie trois ou quatre nucléoles, et davantage, réunis par de semblables
filaments disposés en triangle, en quadrilatère imparfait. La substance
qui s'étire ainsi entre les nucléoles, forme alors une sorte de réseau,
réseau véritable à mailles très grosses, qu'on distingue bien du réseau
de précipitation dans la plupart des cas. Il paraît d'ailleurs n'avoir
qu'une existence temporaire.
Variations spécifiques du nucléole. — Il semble, ainsi que nous
l'avons vu, qu'il y ait un rapport entre la forme du noyau et l'aspect des
nucléoles, parce que les noyaux polymorphes ont plusieurs petits nucléoles,
tandis que les noyaux relativement arrondis n'en ont généralement qu'un
grand. Il y a certainement aussi des variations spécifiques, mais elles
sont difficiles à saisir pour les nucléoles ordinaires. On les saisit mieux
dans les nucléoles de grande taille qu'on observe dans certains cas et
qui paraissent être aussi peu nombreux chez les espèces à noyaux très
polymorphes que chez celles à noyaux très arrondis.
Ces nucléoles marquent quelquefois le début d'une dégénérescence
o vif orme ; le plus souvent, ils apparaissent dans les éléments au maxi-
mum de polymorphisme où les échanges entre le noyau et le cytoplasme
sont intenses, ils sont alors destinés à passer dans le cytoplasme par un
phénomène que nous étudierons tout à l'heure en détail.
Ces gros nucléoles ont fréquemment un aspect très caractéristique
de l'espèce, gros et vacuolaires chez Rana temporaria (fig. 65), ils sont,
chez Hyla, très caractéristiques avec une partie ovoïde enchatonnée dans
une cupule ou un anneau, souvent colorable d'une autre façon (fig. 45,
26, 27). Il semble que les petits nucléoles aient aussi cette forme chez Hyla,
mais ils sont tellement petits qu'il est difficile d'en être certain.
Chez les Urodèles, je n'ai rien retrouvé qui correspondît exactement
à ces gros nucléoles des Anoures.
Rapports du nucléole avec le cytoplasme. — Les relations du
nucléole avec le cytoplasme semblent avoir une importance considérable
dans la biologie des gonies primitives. Ils sont particulièrement com-
modes à suivre chez les espèces à noyau arrondi ou peu lobé : Rana
esculenta, Rana temporaria, Alytes, Bu fo, Axolotl. Chez Rana esculenta, on
voit fréquemment le noyau se creuser d'une encoche ou d'une incisure diri-
gée vers le nucléole (fig. 52), où se loge quelquefois la sphère attractive. Le
nucléole vient fréquemment s'appuyer contre cette encoche (fig. 52).
Chez Rana temporaria, les phénomènes sont encore plus nets (fig. 70,
SPERMATÙÙÉNÈSE DES BATRACIENS 73
71). Le noyau est presque constamment creusé d'une invagination en
doigt de gant où se loge quelquefois, mais pas toujours, la sphère attrac-
tive. Cette invagination, ce prolongement poussé par le cytoplasme à
l'intérieur du noyau constitue dans celui-ci un petit canalicule qui peut
être borgne, mais qui peut aussi perforer le noyau de part en part (fig. 68,72).
Lorsque le canalicule est borgne, le nucléole se trouve souvent
appliqué contre son extrémité borgne (fig. 70, 71), surtout dans les
noyaux clairs; lorsque le canalicule est perforant, il forme souvent un
coude au milieu du noyau (fig. 72). Au niveau de ce coude, le nucléole se
trouve encore étroitement appliqué contre lui. Ce canalicule semble donc
avoir pour résultat d'établir une relation entre le cytoplasme et le nucléole.
Le nucléole est alors appliqué comme une masse visqueuse sur la mem-
brane nucléaire qui forme le fond du canalicule, et comme cette membrane
est là plus mince encore qu'ailleurs, si toutefois elle a une existence réelle,
il est certain qu'il peut y avoir en ce point échange de substances entre
le nucléole et le cytoplasme.
La sphère occupe quelquefois le fond du canalicule nucléaire (fig. 68),
mais cette situation n'est pas constante : d'autres fois, on voit la sphère
attractive bien loin du noyau (fig. 70). Il n'y a là, semble-t-il, qu'un cas
particulier de la tendance qu'a la sphère à se placer au centre géométrique
de la cellule.
Meves (1897) a figuré abondamment des encoches et des perfora-
tions dans les noyaux des spermatogonies, très certainement des sper-
matogonies secondaires. Il est peut-être quelques-unes de ces formations
que l'on peut homologuer à celles qui nous occupent, mais la plupart
sont différentes. (Voir spermatogonies de deuxième ordre.)
Chez Y Al y tes, on observe fréquemment un canalicule intranucléaire,
comme chez Rana esculenta (fig. xx), ainsi que chez l'Axolotl (fig. xv), et
en général, dans les espèces dont le noyau est peu polymorphe. Chez Rana
esculenta, on observe surtout de tels canalicules dans les noyaux en crois-
sant, c'est-à-dire dans les noyaux les plus irréguliers (fig. 57). Il semble
que pour une espèce donnée, la présence de semblables canalicules ne
corresponde guère avec le degré minimum de polymorphisme nucléaire.
On trouve ces canalicules dans les noyaux de forme moyennement
compliquée ou très compliquée. Cependant, chez le Bombinator, on peut
les trouver dans des noyaux très peu lobés (fig. 19) pour l'espèce, de même
chez Axolotl (fig. xvi).
Chez les espèces à noyaux très polymorphes, le canalicule intra-
74 CHRISTIAN CHAMP Y
nucléaire se retrouve aussi, mais il est bien moins commode à étudier.
Tandis qu'il n'y en a qu'un en général chez les espèces à noyau simple,
il est multiple dans celles à noyau compliqué; il y en a, semble-t-il,
autant que de nucléoles, autant que de lobes du noyau (fig. 25, 28, 34, 36).
Il est aussi bien plus petit et bien moins facilement perceptible. Si on le
voit encore très bien chez les espèces à grand noyau comme les Urodèles
(fig. xv), il est souvent difficile de reconnaître chez Bufo ou chez Hyla
que l'on a bien affaire à un canal, tellement il est étroit. Cependant, sur
les préparations convenablement colorées, on se rend compte qu'il y a
bien là un fin canalicule dont l'intérieur communique avec le cytoplasme.
C'est à la présence de nombreux canalicules que les noyaux au maxi-
mum de polymorphisme doivent leur aspect incisé. Il ne s'agit pas, le
plus souvent, de véritables incisures comme on peut s'en assurer en exa-
minant la succession des coupes optiques, mais de canalicules. Les inci-
sures ou fentes sont assez rares.
Ces canalicules intranucléaires sont rarement d'un calibre égal sur
toute leur longueur. Ils présentent souvent un renflement ampullaire à
leur extrémité borgne ou dans le milieu de leur longueur. C'est le plus
souvent au niveau de cette ampoule que le nucléole s'applique contre
la membrane nucléaire (fig. 36, 48, 50). Quelquefois, surtout chez les
espèces à noyau très polymorphe, on observe, en outre des canaux des
incisures profondes, étroites dans un sens et larges dans l'autre, de véri-
tables fentes, mais cet aspect n'est pas le plus fréquent. Ces incisures ne
sont aussi que rarement en relation avec un nucléole.
Ces rapports remarquables entre le noyau et le cytoplasme ne s'obser-
vent pas à toutes les périodes de la vie des gonies de premier ordre, on
ne les voit qu'assez rarement, nous l'avons dit déjà, dans les noyaux au
minimum de polymorphisme pour une espèce donnée. Ils caractérisent
mieux encore que la forme un état particulier du noyau : l'état incisé
(cf. Nussbaum 1906).
Il est certain que la présence ou l'absence de canalicules et d'inci-
sures contribuent à faire varier le degré de polymorphisme nucléaire dans
une même espèce, mais ce n'est pas la seule cause de variation de la forme
du noyau, comme en témoignent les variations d'une espèce à l'autre, et
aussi celles qu'on observe chez une même espèce entre des noyaux non
incisés. L'état incisé du noyau ne correspond pas obligatoirement au
maximum de polymorphisme.
Déplacements du nucléole. — Le nucléole occupe le plus souvent
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS 75
le centre du noyau ou le centre d'un des lobes nucléaires, mais il n'en est
pas toujours ainsi. On voit fréquemment le nucléole s'approcher de la
membrane nucléaire et s'appliquer presque contre elle (fig. 54, 56, 57, 26).
Ce n'est plus ici comme dans les cas que nous venons de citer, le
cytoplasme qui semble venir au-devant du nucléole resté central, c'est
le nucléole qui devient périphérique et s'approche de la membrane sur le
bord de la masse nucléaire. Cela est très visible dans les noyaux ronds.
C'est bien net aussi dans les noyaux polymorphes où le nucléole vient
parfois se loger dans un lobe très étroit à une des extrémités du noyau
(fig. 26). Le nucléole excentrique est quelquefois de petite taille et paraît
n'être qu'une portion du nucléole qui s'est préalablement divisé. Dans
les espèces à noyau arrondi, on observe souvent un gros nucléole central
en même temps qu'un nucléole plus petit logé dans une sorte de bourgeon-
nement du noyau (fig. 56). D'autres fois, le plus fréquemment, semble-t-il,
le nucléole excentrique est un nucléole de grande taille, un de ces nucléoles
énormes dont nous avons signalé les structures particulières (fig. 26) ;
il paraît renfermer presque toute la substance nucléolaire du noyau. Ces
nucléoles sont particulièrement faciles à observer chez Rana esculenta
et Rana temporaria, pendant la période de repos interspermatogénétique
(fig. 54). Ils atteignent une taille considérable, surtout par rapport à celle
des cellules chez Hyla arborea, où ils ont l'aspect de grosses masses
vacuolaires (fig. 26).
On les retrouve chez tous les Anoures, mais ils sont rares et relati-
vement moins gros chez les Urodèles.
Même chez les espèces à noyau rond, le nucléole périphérique se loge
souvent dans un petit bourgeonnement de la membrane nucléaire que sa
présence semble déterminer (fig. 56, 57), ou bien, il s'accole à cette mem-
brane. Nous verrons plus loin quelle est l'importance de ces nucléoles
dans l'étude des relations entre le cytoplasme et le noyau.
Le cytoplasme
Le cytoplasme des gonies primitives est constitué, lorsqu'on l'examine
à frais, avec ou sans emploi de colorants vitaux, par une masse hyaline
dans laquelle sont plongés un certain nombre de grains ou de boules de
taille variable. Parmi ces granulations, il est difficile de distinguer à coup
sûr les unes des autres par l'examen à frais, même avec des colorants
vitaux (d'autant plus que ceux-ci altèrent plus ou moins le cytoplasme).
76 CHRISTIAN CHAMP Y
On peut cependant reconnaître sur les préparations fraîches les structures
du cytoplasme lorsqu'on les a déjà vues sur des préparations colorées.
Etant donnée l'importance qu'on leur attribue, et la constance avec
laquelle on les trouve, nous étudierons tout d'abord les mitochondries.
Mitochondries. — Les mitochondries ont été découvertes par
Benda (1897) dans les spermatogonies de Bombinator et de la Salamandre.
Il y décrit des chondriomites ou files de grains, des chondriocontes ou
filaments lisses et des chondriochondres ou granulations isolées. Il a
observé le groupement des mitochondries en corps mitochondriaux. Les
images données par Benda sont très imparfaites et je ne fais que confirmer
partiellement sa description. J'ai donné (1909) une nouvelle description
des mitochondries des spermatogonies. J'avais alors été frappé surtout
de leurs rapports fréquents avec les plasmopyrènes ou corps pyrénoïdes.
J'ai eu depuis des préparations plus parfaites que celles qui m'ont servi
alors et je suis revenu sur plusieurs idées émises dans cette note.
On sait aujourd'hui que Benda, en découvrant les mitochondries,
n'a fait que colorer d'une manière particulière les cytomicrosomes vus
par von La Valette Saint-George, et tous les anciens auteurs. Il
a eu le grand mérite d'imaginer une technique qui permet une bonne
étude des mitochondries.
Les observations de Benda, chez la Salamandre, de Duesberg (1910)
chez Triton cristatus paraissent se rapporter à des gonies de deuxième
ordre.
Les mitochondries des gonies primitives se présentent, ainsi que l'a
vu Benda (1897), sous des aspects très divers : tantôt sous forme de chon-
driocontes, tantôt, et plus fréquemment, sous forme de chondriomites
ou de granulations isolées. La forme chondrioconte s'observe dans les
gonocytes {Cf. G. Levi 1912) et les gonies de la période embryonnaire ;
on l'observe aussi dans les gonies de l'adulte au degré minimum de poly-
morphisme nucléaire et dans les cellules qui viennent de se diviser.
D'ailleurs, on trouve presque toujours des chondriocontes mêlés aux
chondriomites et aux grains isolés (fig. 176, 182, 185, et fig. xx).
L'aspect le plus fréquent du chondriome, notamment dans les cellules
qui ont un noyau clair au maximum de polymorphisme, est celui de grains
assez gros, souvent plus gros que ne sont généralement les mitochondries
dans les autres cellules du même animal (fig. 176 à 182). Ces grains sont
quelquefois groupés en chaînettes bien évidentes ; d'autres fois, ils sont
isolés et répartis également dans le cytoplasme de la cellule. Chez Bom-
SPERMATOGÊNÈSE - DES BATRACIEXs
77
■
binator, qui est évidemment l'objet de choix pour cette étude, j'ai vu toutes
les mitochondries granuleuses d'une même cellule bigéminées ou allon-
gées en biscuit comme si elles subis-
saient toutes ensemble une bipartition.
Cet aspect est d'ailleurs rare.
Ce qui est le plus caractéristique
dans les mitochondries des gonies, c'est
leur groupement autour de la sphère
attractive; tantôt, elles constituent au-
tour de la sphère une masse homogène,
un corps mitochondrial (fig. 177) (corps
chondriogène de Benda), tantôt un
anneau régulier (fig. 179), ou im halo
(fig. 180), ou un croissant (fig. 178),
plus ou moins éloigné du centre cellu-
laire.
Les groupements en halo, en crois-
sant en anneau, sont toujours concen-
triques au centrosome. Il est probable que les sphères à structure
complexe décrites par Drûner (1895), sont des aspects complexes du
centrosome avec ses
.«• ■■-
FlG. xix. Gonie I de Bombinator igneus : corps
mit ichondrial indépendant du centras
irradiations et des ha-
los ou anneaux niito-
chondriaux qui l'en-
tourent.
La sphère attrac-
tive décrite par Mbv ES
(1891 et 1898), est
sans doute un corps
mitochondrial com-
pact et les transforma-
tions de la sphère que
décrit cet auteur cor-
respondent à des de-
grés divers de résolu-
tion du corps mito-
chondrial ainsi que Meves lui-même l'a dit un peu plus tard (1901).
Le corps mitochondrial est constitué par une condensation des
<**?
Fie. xx. spermatogonie I de Triton cristatui (méthode de Benda, colo-
ration Hématoxyline au fer). On voit de nombreux chondrio-
contes indépendants du corps mitochondrial.
AECH DE ZOOL EXP ET GÉX. — T. 52. — F. 2.
78 CHRISTIAN CHAMP Y
mitochondries granuleuses ou filamenteuses autour du centrosome ou en
un autre point du cytoplasme, car il est fréquent que cette condensation
soit indépendante de la sphère (fig. xix). Toutes les mitochondries
ne prennent pas part à la formation du corps mitochondrial, il en
reste toujours un certain nombre qui se trouvent éparses dans le
reste du cytoplasme (fig. xx) ; les mitochondries du corps mitochondrial
sont presque toutes granuleuses. Ce sont même des grains assez gros,
il semble que ce soient les plus grosses mitochondries de la cellule.
Mais le plus souvent, les méthodes mitochondriales ne colorent que
le corps compact, laissant les autres incolores, ou teintées seulement
par Falizarine.
Leurs caractères de colorabilité
:--• -'/f^^^.- i-5?" ' . o ne paraissent cependant pas diffé-
-V rP .iâ';^W ' ■"%, ,::/V- ■£■ ■■'■'■:-i rente? de ceux des mitochondries or-
|;E*> Jm o$§^H<i ■' Â dmaires, autant du moins qu on en
^•-:- -v *L"? ^.' -•" ^^ '': \ .'H peut juger. Il est certain que, dans
[■ js '* ^C ° r ? *?j*% la coloration des mitochondries par
i-\f #;'~ *J des méthodes régressives comme
^^Ml' v ^:i* ;>'r celles de BENDAet l'hématoxyline
au fer, il intervient une influence de
Fig. xxi. Gonie I de Rana escient; : croissant masse. On ne doit donc pas Conclure
mitoch^ndriil autour de li sphère. , •, i j ■ 1 j
que le corps mitochondrial a des
caractères chimiques spéciaux parce qu'il reste coloré, alors que les
mitochondries isolées sont décolorées.
Les groupements divers des mitochondries sont particulièrement
faciles à suivre chez Bombinator, c'est un objet de choix (fig. 176 à 185).
La situation périphérique du noyau permet de saisir dans toute leur
pureté les aspects en halos, en anneaux, etc. On voit que le
corps mitochondrial a le plus souvent l'aspect d'une sphère creuse,
ou d'un anneau, ou d'un turban. Les dispositions en halos, en croissants,
anneaux concentriques, etc., sont certainement des images de
désorganisation du corps mitochondrial. Lorsqu'il se forme au contraire,
les mitochondries se groupent peu à peu autour du centrosome sans
former d'anneaux (fig. 176, 185, 202). On observe que la sphère n'est pas
entourée d'irradiations lors de la formation du corps mitochondrial
(fig. 176, 185), mais qu'elle en est généralement entourée lors de sa disper-
sion, alors qu'elle repousse les mitochondries (fig. 178, 180, 181).
L-s mêmes formations existent chez toutes les espèces. Le corps
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 79
mitochondrial est généralement bien visible partout, surtout où le noyau
est au maximum de polymorphisme (fig. 74, 76). Les aspects en anneau
et en halo sont généralement imparfaits chez les espèces dont le noyau
occupe le centre de la cellule (fig. 75, 77, 78), parce que le noyau interfère
pour ainsi dire avec l'image mitochondriale, mais on se rend compte de
l'existence de ces anneaux dans les figures 75. 78.
Chez les Urodèles, on observe nettement que la concentration des
mitochondries autour de la sphère s'opère dans les éléments à noyaux
au minimum de polymorphisme, tandis que la dispersion a lieu dans les
cellules à noyaux très polymorphes. Le même fait s'observe généralement,
quoique avec moins de netteté, chez toutes les espèces d'Anoures, où il
y a un écart notable entre le maximum et le minimum de poly-
morphisme.
Les mitochondries sont constamment plus petites lors de la formation
du corps mitochondrial que lors de sa désagrégation (fig. 201. 202). On
trouve aussi bien plus de chondriocontes dans le premier cas que dans le
deuxième (fig. 150). Les mitochondries granuleuses les plus petites ont
un volume comparable à la section d'un chondrioconte. Les autres sont
beaucoup plus grosses.
Les mitochondries de grande taille du corps mitochondrial sont
fréquemment chargées de graisse ou de lécithine. Elles se teintent en noir
ou plus souvent en grisâtre par les fixateurs osmiqués. Quelquefois,
rarement, tout le corps mitochondrial est chargé de graisse. Il semble que
ce soit là un début de dégénérescence. Dans tous les cas, il n'y a pas là
une transformation totale des mitochondries en graisse, elles sont seule-
ment recouvertes d'une légère couche de graisse ou plus probablement
d'une lécithine qui se dissout rapidement dans le baume de Canada,
même après fixation osmique.
Lorsque la graisse est dissoute, les mitochondries du corps mitochon-
drial apparaissent normales et se colorent comme d'habitude ; elles sont
peut-être un peu moins nombreuses. Il ne s'agit pas d'une transformation
complète des grains mitochondriaux en grains graisseux comme cela a
lieu dans d'autres cellules, notamment dans les cellules interstitielles du
testicule. Ici, un petit nombre de grains seulement se transforment en
graisse et la plupart ne se transforment que partiellement.
La grande taille des grains mitochondriaux des gonies primitives et
quelques-uns de leurs caractères de colorabilité (colorabilité facile i
la safranine, l'hématoxyline au fer) les rapprochent de ces grains d'origine
80 CHRISTIAN G H AMP Y
mitochondiïale qu'on trouve dans certaines conditions dans la cellule
de l'épithélium intestinal. Ils s y forment, ainsi que je l'ai montré,
à l'extrémité de chondriocontes longs, ou bien par fragmentation des
chondriocontes en grains qui grossissent bientôt.
J'avais proposé pour ces grains le nom de chondrioplastes, indiquant
à la fois leur nature mitochondriale et leur tendance à se transformer en
enclaves de diverse nature. Je pense qu'on doit faire place aux grosses
mitochondries des gonies primitives à côté des chondrioplastes de l'in-
testin, car elles diffèrent d'une part des mitochondries des gonocytes,
ou des gonies du testicule embryonnaire, d'autre part, des mitochondries
qu'on rencontrera dans les autres éléments de la lignée spermatique et
dans les cellules de l'organisme autres que les cellules à caractère secrétoire.
Il faut remarquer qu'à côté des mitochondries arrondies de grande
taille, on trouve toujours des mitochondries plus petites ou des chondrio-
contes (fig. 176, 182, 202). Il semble que ces derniers représentent des
mitochondries végétatives, suivant l'expression si juste d'ALTMANN (1894),
tandis que les deuxièmes témoignent d'une élaboration de deutoplasme
relativement intense dans les gonies primitives et qui ne se retrouvera
plus dans les autres éléments sexuels. C'est un argument de plus en faveur
de la formation des produits de sécrétion aux dépens des mitochondries.
On observe d'ailleurs chez le Bombinator et surtout chez les Urodèles
des grains colorables en rouge par le Benda, de même taille que les gros
grains mitochondriaux. La même chose s'observe dans l'intestin pendant
la transformation des mitochondries en produits de sécrétion : les chon-
drioplastes se colorent souvent autrement que les mitochondries. J'ai
pu dans une note précédente (1909) confondre ces chondrioplastes avec
les plasmopyrènes.
Pendant la mitose, les mitochondries de grande taille deviennent
de moins en moins nombreuses (fig. 182 à 184) ; les mitochondries
de petite taille sont en quantité beaucoup supérieure. A la télophase,
on trouve des chondriocontes courts (fig. 184, 185). Il est évident que
les processus de transformation des mitochondries s'arrêtent pendant
la mitose et que les processus végétatifs reprennent le dessus : les petits
grains végètent en reproduisant les filaments. C'est le même phénomène
qu'on observe dans la cellule intestinale (1).
(1) J'ai écrit (1911), que les chondriocontes semblaient se reformer par soudure des grains. J'ai observé depuis
que c'est non par soudure, mais par végétation des grains qu'ils se reconstituent le plus souvent, bien que les deux
processus soient possibles
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 81
Corps pyrénoides. — Hermann (1879) a décrit dans le cytoplasme
des éléments séminaux un corps arrondi, colorable. auquel il a donné
le nom de corps chromatoïde. King (1907) décrit un corps analogue dans
le cytoplasme des gonies primitives, chez Bufo lentiginosus et le nomme
« acroblast », parce qu'elle en fait dériver l'acrosome des spermatozoïdes.
Jannsens (1901) décrit dans le cytoplasme des gonies primitives
des grains chromatiques. Il s'en sert pour essayer de montrer que les
corpuscules centraux n'ont rien de spécifique.
Les corps chromatoïdes existent dans le cytoplasme des gonies de
toutes les espèces que j'ai étudiées. Mais le nom de chromatoïde, indiquant
une nature voisine de celle de la chromatine, est complètement inexai I
C'est pyrénoïde qu'il faut dire. Ces corps ont, en effet, le plus souvent les
réactions de coloration du nucléole et non celles de la chromatine. On en
trouve aussi qui se teintent comme les nucléoles mais plus faiblement, et
d'autres qui se colorent à peine. Avec la coloration de Flemmtng par
exemple, ils se colorent le plus souvent en rouge vif, mais on en trouve
de toutes teintes, variant du rouge à l'orange (fig. 51 à 67). Par la méthode
de Benda, ils prennent l'alizarine (fig. 74 à 78). Par la méthode de
Prenant, ils se colorent en gris-vert, comme le nucléole, mais plus
faiblement (pi. III). Par la Brésiline- vert lumière, ils se colorent en vert.
Mais ce qui est plus caractéristique encore que leur colorabilité,
c'est leur structure. Ils sont réfringents et facilement visibles à frais sans
coloration comme les nucléoles. Comme eux, ils renferment fréquemment
des vacuoles ou des bulles plus claires. Ils sont souvent constitués de
deux parties différemment colorables ; enfin et surtout, lorsque le nucléole
a une forme un peu particulière chez une certaine espèce, le corps pyré-
noïde du cytoplasme a le même aspect, la même forme. Cela est très
visible chez Hyla (fig. 27), chez Rana esculenta.
Il est incontestable que les corps dits chromatoïdes sont, par leur
morphologie, très analogues à des nucléoles. Je les nommerai donc corps
pyrénoides, et il m'a semblé (1909) exact de dire que ce sont de véritables
nucléoles extranucléaires : des plasmopy rênes.
Les rapports des plasmopy rênes avec les autres éléments du cyto-
plasme ne semblent rien avoir de caractéristique ; fréquemment, ils sont
en rapport avec les chondriomites qui s'accolent à eux, et j'avais vu là une
symétrie remarquable avec les rapports qu'affectent les nucléoles et les
grains de chromatine (quelquefois dans les éléments de la lignée sperma-
tique, très souvent dans les ovocytes). Je m'étais servi de cette image
82 CHRISTIAN CHAMP Y
pour établir un parallélisme entre la structure du noyau et celle du cyto-
plasme. Ce parallélisme m 'apparaît aujourd'hui moins évident, d'une
part à cause de ce qu'on a appris et de ce que j'ai vu depuis de l'évolution
des mitochondries dans les cellules glandulaires, d'autre part, à cause de
l'incertitude où nous sommes de la réalité des structures nucléaires.
Les états divers de la colorabilité des corps pyrénoïdes semblent
indiquer que certains d'entre eux au moins subissent dans le cytoplasme
une dégradation progressive (fig. 53, 56, 71). Il semble que la dernière
étape de cette dégradation s'achève aux environs ou au contact de la
sphère attractive, surtout lorsque les mitochondries sont massées autour
d'elle en un corps mitochondrial compact. On trouve, en général, dans
ce corps mitochondrial, deux ou trois plasmopyrènes petits, et souvent
peu colorables. Nous assisterons dans un des chapitres suivants à une
curieuse évolution de ces corps (1).
Il est cependant des plasmopyrènes qui ne dégénèrent pas, puisqu'on
les retrouve intacts au cours de toutes les divisions ultérieures des élé-
ments séminaux : ce sont, en général, des corps pyrénoïdes de grande
taille, plus gros que les autres chez la même espèce. Ce corps pyrénoïde,
persistant, visible dans les spermatogonies secondaires, est souvent
unique, tandis qu'il y a plusieurs corps pyrénoïdes dans les gonies
primitives. Cependant, on peut aussi en trouver plusieurs dans les
spermatogonies secondaires et même dans les spermatocytes, surtout
chez les Urodèles. Dans les gonies primitives, il y a plusieurs
plasmopyrènes de taille petite ou moyenne et quelquefois un
très gros. Ce dernier ne paraît pas exister à toutes les périodes
de l'existence de ces cellules. On ne le rencontre pas dans les gonies
de l'ébauche sexuelle impaire, mais on le trouve dans les gono-
cytes des ébauches paires secondaires longtemps avant l'époque de la
préspermatogénèse. Il semble qu'il apparaisse dans les gonies de bonne
heure, longtemps avant leur évolution spermatogène, mais il se trouve
fréquemment en voie d'involution, il doit donc être assez fréquemment
régénéré. Il semble que ce soit ce gros corps pyrénoïde qui persiste dans
les spermatogonies II et les spermatocytes. Il semble aussi que ce soit lui
qui joue un rôle dans l'évolution oviforme.
Les plasmopyrènes sont susceptibles de se diviser par bipartition
comme les nucléoles et j'ai observé fréquemment ce mode de multipli-
cation chez toutes les espèces. Je m'empresse de dire que je ne pense pas
( 1 ) Voir dégénérescence oviforme nage 97.
-ff
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 83
qu'on puisse conclure de cette multiplication par bipartition que les corps
pyrénoïdes proviennent les uns des autres. Ces divisions sont relativement
rares tandis que les corps pyi»3noïdes paraissent souvent dégénérer
rapidement. Il y a des gonies, notamment dans 1 ébauche génitale, avant
la préspermatogénèse, où le corps pyrénoïde paraît absent ; enfin, nous
verrons tout à l'heure que ce dernier paraît avoir, dans certains cas, une
origine nucléaire et plus particulièrement nucléolaire. C'est même là, je
crois, un fort bel exemple pour montrer que l'observation d'une division par
bipartition d'un organite ne permet pas d'affirmer que cet organite se
reproduit toujours de cette ma-
nière. Cela ne suffit pas pour W*v-
dire qu'il n'a pas d'autre ori- - £ *%^"
gine que cette division, et que * *— ? - ... . . •
c'est un organe essentiel de la ? _.. ¥
cellule. \'' "•■ I *" r-
Grains colorables a v. ^ .'
l'osmium. — Je n'ai pas essayé
ma méthode d'imprégnation à
l'iodure d osmium sur toutes
les espèces, mais seulement Fig. xxn. Gonie I de Salamandre imprégnée à l'iodure d'os-
mium. (Noyau au maximum de polym »rphisme).
sur Salamandra air a, Salaman-
dra maculosa et sur Rana esculenta. Les images qu'elle m'a fournies
méritent d'être mentionnées.
On obtient quelquefois dans la cellule une coloration de divers
organites connus : le nucléole se teinte en jaunâtre, les corps pyrénoïdes
(parfaitement reconnaissables à leur structure) prennent des teintes
variant du jaune brun au noir. On trouve colorées en noir intense un
certain nombre de granulations différentes des granulations graisseuses,
comme on peut s'en assurer en comparant avec une coupe de la même
pièce fixée au liquide de Flemming. D'ailleurs, les granulations lécithiques
des gonies se teintent en gris par l'acide osmique et les grains qui nous
occupent maintenant se colorent en noir de charbon.
Ces granulations se groupent de diverses manières, mais le plus sou-
vent de la même manière que les mitochondries ; elles font partie du
corps mitochondrial compact et elles y sont assez nombreuses, mais elles
ne le constituent pas entièrement ainsi qu'on peut s'en assurer par com-
paraison avec des préparations colorées par la méthode de Benda. On
arrive d'ailleurs à colorer les mitochondries par la méthode d'ALTMANN
84 CHRISTIAN CHAMP Y
sur «1rs coupes fixées à l'iodure d'osmium et on les distingue aisément des
grains plus gros qui ont réduit l'osmium.
On se rend compte aussi que ces grains peuvent être groupés autour
de la sphère, alors que les mitochondries s'en écartent déjà, et il est
certain que ces corps entrent pour une part dans la constitution des
.m.
«
■m
.
a
FlG. xxm. Gonie I de Rana esculenta (iodure d'osmium) a, grains groupés en un corps compact; b, grains dis-
persés ; c, grains groupés en deux masses ; m, corps mitochondrial. s. sphère.
figures en anneaux concentriques qu'on observe souvent chez le Bombi-
nator. Ces grains sont, en outre, pour une part, superposables aux plasmo-
pyrènes ainsi que le prouve la coloration grise ou noire de plasmopyrènes
indiscutables par cette méthode; mais il est incontestable que l'iodure
d'osmium colore autre chose que des plasmopyrènes, comme en témoigne
le grand nombre des grains
- qu'il met en évidence, com-
paré au petit nombre des
corps pyrénoïdes. D'ailleurs,
■*■* , la plupart des grains osmio-
philes sont de taille plus
J/l ■ petite que celle des plas-
mopyrènes.
Quelle est la relation de
FiG.^xxiv.\Gonie I [de Rana esculenta imprégnée à l'iodure d'os- ces corps OSiniophileS avec
mium. m, corps mitochondrial ; p, corps pyrénoïde.
les autres éléments du cyto-
plasme ? Je l'ignore encore ou du moins je ne puis fournir à ce
sujet que des présomptions. Il m'a semblé au cours de recherches sur
l'épithélium intestinal que les corps osmiophiles provenaient des mito-
chondries, qu'ils représentaient des mitochondries déjà évoluées. Je
n'abandonne pas cette hypothèse qui me paraît aussi très vraisemblable
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 85
dans le cas des spermatogonies, bien que je n'aie observé aucun fait qui
soit directement à son appui. Il semblerait, à l'examen de certaines
images, (pic les grains osmiophiles tirent leur origine des plasmopyrènes.
Cela peut être vrai pour une partie d'entre eux, mais ce n'est certainement
pas le cas pour le plus grand nombre, car la plupart sont de taille plus
petite que les plasmopyrènes et sont égaux les uns aux autres, tandis que
les plasmopyrènes sont de taille variable. Il est évident que l'iodure
d'osmium colore des choses différentes dans la cellule, et il me semble
prématuré d'affirmer comme certaine une filiation des éléments mis en
évidence par cette méthode avec les autres constituants du cytoplasme.
Les cellules sexuelles ne sont d'ailleurs pas l'élément de choix pour cette
étude.
La nature chimique de ces grains ne saurait être précisée. J'ai entre-
pris à ce sujet de nombreuses expériences que je publierai lorsque je serai
à même de dire là-dessus quelque chose de précis, si du moins une telle
prétention est réalisable.
Grains mis en évidence par les colorants vitaux. — J'ai recher-
ché les granulations colorables par le rouge neutre et le bleu de méthylène
dans les gonies de Rana temporaria, esculenta, de Bombinator et de Sala-
mandra. Avec le rouge neutre, j'ai trouvé chez toutes ces espèces des
boules de taille variable, colorées de teintes variant du rouge brique
au jaune (fig. 203, 207). Les plus petites sont un peu plus grosses que les
mitochondries, les plus grosses atteignent une taille sept à huit fois supé-
rieure à celle des plus gros nucléoles. Il m'avait semblé que, dans la cellule
intestinale, l'image obtenue avec le rouge neutre se superposait assez
exactement à celle qu'on obtient avec l'iodure d'osmium. Ici, il n'en est
rien, ainsi qu'il apparaît sur les figures 207 et xxn, xxm, xxiv.
Le bleu de méthylène colore des grains assez semblables, mais bien
moins nombreux et plus petits. Il colore aussi, mais bien plus faiblement,
les mitochondries reconnaissables chez le Bombinator à leur groupement
caractéristique. Il colore quelquefois fortement les plasmopyrènes.
L'image ressemble davantage à celle qu'on obtient par l'osmium.
Il m'a semblé que les grains et boules qu'on colore au rouge neutre
ne préexistent pas, mais se produisent pendant l'examen microscopique,
par dégénérescence de la cellule. En effet, si l'on fixe les cellules colorées
par le rouge neutre, elles apparaissent avec un aspect vacuolaire qu'elles
n'ont pas normalement. Il semble que les vacuoles correspondent aux
boules de rouge neutre qui, sur les préparations fraîches, donnent d'ailleurs
86 CHRISTIAN CHAMP Y
l'impression d'être constituées par une solution plus fluide que le cyto-
plasme, par une vacuole.
Canalicules de Holmgren. — J'ai obtenu, par la méthode de
fixation au formol trichloracétique de bonnes images de canalicules de
Holmgren j notamment chez V Axolotl, la Salamandre, la Grenouille. Je les
ai vus chez le Bombinator par la méthode de Benda. Ces canalicules sem-
blent disposés le plus souvent en un réseau irrégulier autour du noyau,
il y en a souvent un grand nombre dans le corps mitochondrial ou dans
ses environs, que ce corps soit formé ou non contre la sphère attractive.
On obtient le plus souvent ces canalicules en clair, on en a rarement une
coloration positive (méthode de Benda et fer).
Enclaves graisseuses. — Les enclaves graisseuses des gonies sont
très inégalement abondantes. Extrêmement nombreuses dans les gonies
à noyau clair et polymorphe des Urodèles, elles sont plus rares chez les
Anoures et s'y rencontrent aussi au degré maximum de polymorphisme
nucléaire ou dans les éléments en voie de dégénérescence. Cependant,
des gouttelettes graisseuses s'observent dans le corps mitochondrial et
parmi les mitochondries groupées en anneaux autour de la sphère, mais
elles sont petites et peu nombreuses. Il paraît s'agir le plus souvent de
lécithines et non de graisses neutres, les gouttelettes colorées par l'acide
osmique étant pour la plupart solubles plus ou moins rapidement dans
le xylol. Sur les préparations fraîchement laites, on trouve de nombreuses
gouttelettes grises dont la plupart se dissolvent dans le baume en
vingt-quatre heures. Il ne reste plus que de rares grains de graisses
neutres colorés en noir intense, tandis que les grains dissous apparaissaient
en gris ou jaune brun. A leur place, on trouve quelquefois un substratum
colorable par le violet de gentiane en violet pâle. Parla méthode de Benda,
ce résidu prend tantôt l'alizarine, tantôt le krystalviolet, ce qui indique
que les enclaves lipoïdes ne se colorent pas toujours comme les mito-
chondries.
Jannsens (1901) a étudié les enclaves graisseuses dans les spermato-
gonies du Triton en les colorant par la teinture d'Alcanna. Il a mis en
évidence des substances grasses, non seulement dans le cytoplasme, mais
aussi dans le noyau, sur les nucléoles. J'ai employé la coloration par le
Sudan III ou le Scarlach, après fixation formolée et j 'ai observé en effet
qu'on voit souvent des substances colorées par ces méthodes dans le
noyau, mais presque exclusivement dans les noyaux très polymorphes.
Il semble qu'ici comme ailleurs, les enclaves lipoïdes se forment au
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 87
contact de plastes et principalement de plastes mitochondriaux. En faveur
de cette manière de voir, j'invoquerai en premier lieu la comparaison
avec les cellules de l'épithélium intestinal où le phénomène est évident.
Ici, le gonflement des mitochondries, leur transformation en chondrio-
plastes semblent comme dans l'intestin précéder l'apparition d'enclaves
graisseuses.
La disparition des gros grains mitochondriaux à certaines époques
de la vie cellulaire (mitose) indique qu'ils se transforment en quelque
chose, en grains de sécrétion, sans doute. Cette transformation s'achève
probablement dès le début de la mitose. C'est une vérification de la loi
formulée par Prenant, de l'antagonisme entre les phénomènes de
sécrétion et. les phénomènes de division.
D'ailleurs, les grains de graisse peuvent avoir une autre origine :
on trouve quelquefois des plasmopyrènes indiscutables avec des crois-
sants de substances grasses accolées à eux, conformément aussi aux
images qu'a observées Nicolas (1892), et que j'ai revues dans les cellules
intestinales. Certains granules de graisse phosphorée laissent après eux
un corps plus gros que les grains d'origine mitochondriale et qui se
colore comme les corps pyrénoïdes. Rappelons que Jannsens (1901) a
vu dans le spermatogonies des Tritons des graisses dans le no}rau et nous
retrouverons fréquemment ces graisses nucléaires dans les spermato-
gonies dégénérescentes. Il semble donc, qu'ici comme ailleurs, les graisses
puissent apparaître dans la cellule au contact de divers organites, mais
j'insiste sur ce point qu'elles apparaissent toujours au contact de corps
figurés ou se superposent à des corps figurés ainsi que cela a été vu depuis
longtemps par Altmann (1894), vérifié maintes fois, et ainsi que j'ai pu
m'en assurer en étudiant les cellules intestinales. Je répète ici que je
ne comprends pas l'apparition d'une enclave figurée dans une substance
amorphe, lorsqu'il s'agit d'une enclave graisseuse, formée d'une substance
nouvelle qui paraît peu ou pas miscible au cytoplasme et pour laquelle
on ne peut invoquer, semble-t-il, un phénomène physique de séparation.
On comprend bien, au contraire, qu'une substance nouvelle apparaisse
au contact de deux substances différentes par suite des réactions qui
peuvent se produire entre l'une et l'autre.
CHRISTIAN CHAMP Y
Le centre cellulaire
Tl existe constamment, dans les gonies primitives, un centre cellu-
laire bien net. Il s'observe depuis leur plus jeune âge et dans toutes les
conditions, seulement il est plus ou moins facile à voir à cause des dispo-
sitions variées du noyau.
Ce centre a été vu par Hermann (1889), Drùner (1895), Nicolas
(1892), Meves (1891), Vom Rath (1893), G. Levi (1911). La plupart de
ces auteurs ont donné delà sphère une d^s.ription qui correspond à celle
du corps mitochondrial. La description de Nicolas seule paraît s'adresser
uniquement à des spermatogonies primitives.
Meves (1891, 1895 et 1897) décrit la sphère comme une masse de
volume considérable munie d'une membrane. D'après ses figures d'ailleurs,
le fuseau central se forme dans la sphère et non à ses dépens. Sa descrip-
tion est confirmée par Benda (1893), Meves a d'ailleurs reconnu que sa
description se rapportait à un corps mitochondrial.
Au contraire, Henneguy (1896), Nicolas (1892), Vom Rath (1893)
ont observé. une sphère analogue à celle que je décris ici.
Drùner (1891) donne de la sphère attractive des images un peu sché-
matisées qui, certainement, correspondent à des images mitochondriales
en halo autour du centrosome, les mitochondries étant plus ou moins
agglutinées aux irradiations. J'ai observé fréquemment des images ana-
logues à celles de Drùner, surtout chez le Bombinator (fig. 150).
Van der Stricht (1895), Mac Grégor (1899), n'ont pas vu la sphère
dans les gonies primitives, et Jannsens (1901) en nie fermement l'exis-
tence ; il a bien vu des points colorables et géminés, mais il nie qu'ils
aient une spécificité quelconque.
Si Jannsens avait eu l'occasion d'étudier les spermatogonies du
Bombinator, il aurait été convaincu de l'existence d'un centre cellulaire
constant et bien différencié (fig. 17 à 21), malgré le peu de sympathie qu'il
semble éprouver pour cet organite de la cellule. Chez cette espèce, en
effet, le centre cellulaire est particulièrement net et facile à voir, à cause
de la situation généralement périphérique du noyau (fig. 176, 178, 180,
181). Il se présente sous l'aspect d'une petite masse irrégulièrement arron-
die, d'une taille un peu supérieure à celle du nucléole et renfermant deux
ou plusieurs corpuscules centraux. Cette masse se voit immédiatement
à cause du centrage des anneaux et des halos mitochondriaux autour d'elle.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 89
Sur les préparations fixées par la méthode de Benda ou le formol
trichloracétique, en général avec toutes les fixations qui donnent au cyto-
plasme un aspect homogène, le centrosome paraît irrégulièrement arrondi,
limité par une ligne nette; il est habituellement dépourvu d'irradiations
dans les cellules à noyau peu polymorphe où les mitochondries com-
mencent à se grouper autour de la sphère. Dans les cellules avec anneaux,
halos mitochondriaux, on lui voit des irradiations (fig. 178, 181, 184),
mais toujours fines et courtes. Autour du centrosome, on distingue
souvent une ligne en arc de cercle qui paraît être constituée par des
débris du fuseau de la mitose précédente comme en témoigne le fait qu'à
la télophase, elle est bien plus visible et se trouve souvent en continuité
avec le ligament intercellulaire. Quelquefois, on trouve accolés à la
sphère quelques grains ou bâtonnets mitochondriaux. Il ne s'agit pas ici
de « centralkapseln », ni de bâtonnets ou d? réseau analogues à ceux qui
ont été décrits dans les spermatocytes (M. Heidenhain, 1900). Je n'ai
pas, jusqu'à présent, trouvé de formations homologues dans les sper-
matogonies primitives.
Au contraire, dans les préparations fixées aux liquides de Flemming
ou de Bouix, le centrosome paraît entouré d'irradiations plus ou moins
développées (fig. 51, 57, 66, 18, 41), tantôt très petites, tantôt allant
jusqu'à la périphérie de la cellule comme dans les images de Drùner.
Les irradiations sont plus ou moins accolées aux mitochondries, qui, par
ces méthodes, sont généralement mal conservées, et on se rend compte que
les aspects de la sphère décrits par Drùner sont bien des aspects d'an-
neaux ou de halos mitochondriaux agglutinés et accolés par la précipita-
tion contre les irradiations du centrosome. Le fait que ces irradiations
ne sont pas visibles ou sont très réduites sur les préparations qui présen-
tent d'ailleurs les caractères d'une bonne fixation, et qu'au contraire le
centrosome'paraît y être souvent bien limité, entouré d'une fine membrane
(ce qui cadre mal avec l'idée de rayons émis par lui), permet de douter de
la réalité de cette image raj^onnante, au moins dans la plupart des cas.
D'autre part, si on le compare avec l'image du centre cellulaire au début
de la caryocinèse, on est frappé de l'irrégularité des irradiations de la
sphère au repos et de leur variabilité avec les réactifs, tandis que l'aster
du début de la mitose se présente avec des caractères relativement iden-
tiques à eux-mêmes. L'image d'un aster au repos n'est due, comme on l'a
dit, qu'à une orientation des travées du réseau cytoplasmique, et ce réseau,
comme le réseau nucléaire, est très probablement, dans le cas qui nous
90 CHRISTIAN CHAMP Y
occupe, un réseau de précipitation. Il semble donc que cette image n'ait
rien de réel et que l'aspect véritable de la sphère soit celui des figures 176
à 185, 202). Cela paraît certain et j'en suis, pour ma part, persuadé, mais
il reste intéressant de noter que, pendant la coagulation, le réseau produit
par précipitation du plasma hyalin tend à s'orienter autour de la sphère.
Cette orientation, que je crois secondaire et artificielle, me paraît bien plus
intéressante que ne le seraient des irradiations préexistantes'; elle témoigne
de ce fait que la substance hyaline, comme les autres constituants du cyto-
plasme (mitochondries, enclaves, etc.) subit l'influence orientante de la
sphère attractive. Cette orientation n'apparaît pas dans le cytoplasme,
mais elle est révélée par la précipitation de l'albumine et l'orientation du
précipité.
Si le centrosome est bien visible chez le Bombinator, il est visible
aussi chez toutes les autres espèces lorsqu'il n'est pas masqué par le
noyau. Chez les espèces à noyau très polymorphe, il est le plus souvent
caché, mais on le voit chaque fois que les lobes nombreux du noyau lais-
sent libre l'endroit où il doit se trouver : le centre du cytoplasme (fig. .26,
27, 36). Chez Buio, on le trouve au centre de la masse mûriforme des
lobes du noyau qui sont souvent disposés en rosette autour de lui (fig. 36).
Chez Hyla, il a la même disposition, mais l'orientation des lobes nucléaires
est rarement nette (fig. 26, 27, 28). Il renferme souvent plusieurs corpus-
cules centraux. Chez la Salamandre, le Triton, il est difficile à voir, perdu
qu'il est entre les plis du noyau. On le trouve cependant assez aisément
dans les spermatogonies qui renferment un halo ou des anneaux mitochon-
driaux ; il n'y a, en effet, qu'à chercher au centre de l'anneau. Chez
l'Axolotl et la grenouille rousse, il est généralement situé dans la conca-
vité du noyau réniforme (fig. 65, 67, 69, 71). Dans les gonies à noyau rond
de l'Axolotl, de l'Alytes et de la grenouille verte, le centrosome est souvent
un peu excentrique (fig. 51, 53, 58, 40, 42); le noyau est alors aussi excen-
trique dans la direction opposée comme si l'un et l'autre tendaient à
occuper le centre de la cellule. Mais souvent, lorsque le noyau est parfaite-
ment arrondi {Axolotl, Rana temporaria, Alytes), le centre est étroitement
appliqué contre le noyau et occupe une petite cupule de la membrane
nucléaire qui présente en ce point une dépression exactement suffisante
pour le loger (fig. 40, 74, 75). C'est la position que je considère comme
normale pour le centre cellulaire : la situation la plus centrale dans une
cellule dont le noyau est arrondi et tend à être central. On comprend
combien le centrosome est difficile à apercevoir lorsqu'il est ainsi
SPEBMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS
91
.,
disposé, et combien les constatations négatives sont de peu de valeur.
Ainsi qu'on le voit, le centrosorne occupe généralement le centre du
cytoplasme ; lorsque la situation centrale du noyau l'en empêche, il occupe
le centre de la plus grande masse de cytoplasme, conformément aux
schémas établis par M. Heidenhain (1900).
L'expression de sphère attractive doit être ou bien supprimée, ou
rendue exactement synonyme de celle de centrosorne. Si, en effet, on
nomme sphère l'ensemble de ce qui, dans le cytoplasme, est centré autour
du centrosorne, il faudra appeler sphère tout le cytoplasme, car tout le
cytoplasme est susceptible d'être soumis à l'action orientante de la sphère ;
e noyau lui-même, si on le prend
dans son ensemble, peut s'orienter
autour de la sphère ainsi que le mon-
trent des images telles que les figures
36, xxxni (1). Je crois plus correct de
n'appeler sphère ou centrosorne que la
petite masse différenciée qui entoure
les corpuscules centraux et qui ne pa-
raît pas indépendamment d'eux.
DÉPLACEMENTS DU CENTRE CEL-
LULAIRE. — Le centre cellulaire n'oc-
cupe pas toujours le centre géomé-
trique des spermatogonies, bien qu'on
puisse considérer cette situation cen-
trale comme étant de règle. Si l'on met à part le cas des cellules à
noyau arrondi dans lesquelles le centrosorne est rejeté un peu sur le
côté par le noyau, il reste un certain nombre de cas où, sans qu'on
puisse recourir à la même explication, le centre cellulaire est nettement
excentrique (fig. 66). J'ai longuement étudié ces déplacements, ces décen-
trements des spermatogonies, pourrait-on dire, en cherchant à détermi-
ner à quels phénomènes de la vie cellulaire ils sont liés.
Ils semblent liés d'une part à des phénomènes de dégénérescence,
surtout chez les gonies de la période interspermatogénétique. Le centro-
sorne semble donner le signal d'une évolution anormale de la cellule en
devenant excentrique. Fréquemment dans ce cas, il se divise rapidement
Fig. xxv. (.unie I de Rnnu escvienta. Centroso-
rne excentrique.
(1) Cependant, jamais les éléments contenus dans le noyau ne s'orientent autour du centre cellulaire
La membrane nucléaire est infranchissable pour l'influence de la sphère au in tins dans tes cellules au \
92
CHRISTIAN CHAMP Y
X
\
en deux ou trois centres qui s'entourent d'irradiations (fig. 56). Nous
étudierons plus loin ce mode de dégénérescence.
D'autre part, il semble que dans la plupart des cas, le déplacement
du centre (en dehors de la prophase bien entendu), soit lié au début de
l'élaboration de matériaux de réserve. C'est souvent en situation excen-
trique qu'il s'entoure du corps mitochondrial compact, et il semble que
l'apparition de ce corps mitochondrial soit un stade important dans la
formation des enclaves. Le centrosome est fréquemment excentrique dans
les gonies en dégénérescence oviforme, mais ce n'est là qu'un cas parti-
culier de son rôle, dans la
production des enclaves, des
matériaux de réserve, car cette
dégénérescence est caractérisée
surtout par un accroissement
de la cellule qui se charge
d'enclaves diverses. Cette si-
tuation excentrique de la
sphère dans les gonies primi-
tives, alors surtout qu'elle est
entourée du corps mitochon-
drial, doit être rapprochée de
la situation qu'occupe dans les
ovocytes le corps de Balbiani.
Il semble que le centre cellulaire
se déplace vers le point du cy-
toplasme où se produit une élaboration active. Il faut rapprocher aussi
de cela la situation excentrique des Nebenherne des cellules glandu-
laires.
Relations du noyau avec le cytoplasme
Le polymorphisme nucléaire dans les gonies primitives des Batra-
ciens et surtout les variations de ce polymorphisme ont fait penser de
tout temps aux cytologistes qui se sont occupés de cette question que les
échanges entre le noyau et le cytoplasme y étaient particulièrement in-
tenses. De quelle nature sont ces échanges et comment s'opèrent-ils ?
C'est là un point d'un intérêt capital et pour l'étude duquel ces éléments
sont un objet de tout premier choix.
Le noyau joue un rôle dans la production des enclaves, c'est une
Fig. xxvi. Gonie I de Bufo calamita. Centrosome excen-
trique. (C'est probablement le début d'une évolution
oviforme.)
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 93
notion qui ressort de ce fait constant que les phénomènes cytoplasmiques
qui préparent la production des enclaves : groupement des mitochondries,
apparition de granules graisseux, sont liés à l'état moyen ou maximum
de polymorphisme pour une espèce donnée.
L'activité des échanges entre le cytoplasme et le noyau est encore
prouvée par l'existence de canalicules intranucléaires, de replis profonds
de la membrane qui ont pour résultat de mettre en contact plus intime et
par une large surface, les éléments du cytoplasme et ceux du noyau. Les
canalicules intranucléaires semblent devoir permettre surtout des
échanges dans le sens cytoplasme-noyau; en effet, le cytoplasme intra-
canaliculaire semble condensé et le canalicule intranucléaire apparaît
comme plus large au début de sa formation qu'au stade terminal, autant
qu'on peut sérier les images. Jamais je n'ai vu à l'intérieur de substances
qu'on* puisse interpréter comme étant d'origine nucléaire.
Les échanges dans le sens noyau-cytoplasme se font surtout suivant
un mode qui mérite d'être étudié avec quelque détail.
La présence dans le cytoplasme de corps pyrénoïdes, de véritables
nucléoles, évoque l'idée que ces corps ne sont que des nucléoles sortis du
noyau. Meves (1893) a constaté l'issue de chromatine hors du noyau des
gonies primitives de Salamandre vers la sphère attractive. Il compare ce
phénomène avec ceux observés par Henneguy (1893) qui a constaté
l'élimination de substances nucléaires vers le corps vitellin. Jannsens
(1901) a observé dans le cytoplasme des granules chromatiques (sans doute
des corps pyrénoïdes), qui sont pour lui d'origine nucléaire. Il a constaté
l'issue de nucléoles à travers la membrane nucléaire.
On voit fréquemment, ainsi que je l'ai signalé déjà, le nucléole occu-
per un lobe étroit du noyau, surtout lorsque ce nucléole est gros et struc-
turé; il s'y encastre pour ainsi dire, la membrane nucléaire s'étrangle
derrière lui et il se trouve mis en liberté dans le cytoplasme. On observe
toutes les étapes de ce phénomène chez toutes les espèces, il est parti-
culièrement net chez les Anoures et chez Hyla, à cause de l'aspect carac-
téristique et de la taille relativement grande du nucléole. Il est très net
et très frappant chez les espèces à noyaux arrondis comme Rana esculenta
ou Alytes.
Ce phénomène n'est pas une singularité et nombre d'auteurs ont
décrit l'issue de corps figurés au dehors du noyau. Cependant, on n'aime
pas à voir se rompre la membrane nucléaire qui n'oppose cependant
qu'une bien faible barrière et on ne saisit pas la signification de ce phéno-
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 52. — F. 2. 7
94 CHRISTIAN CHAMP Y
mène parce qu'on ne le rattache pas à des phénomènes mieux connus. Or,
ce n'est là qu'un cas particulier d'un processus très général qu'on rencon-
tre, semble-t-il, dans tous les éléments où il se fait une élaboration active
de deutoplasme.
Chez les espèces à noyau très polymorphe (tritons, salamandres, cra-
pauds), on observe souvent, dans le cytoplasme, un lobe du noyau séparé
complètement de la masse nucléaire (ainsi qu'on peut s'en assurer par
l'examen de la série des coupes), et dont la chromaticité est plus ou moins
dégradée. Quelquefois, la chromatine a complètement disparu ou plutôt
a perdu sa colorabilité par l'hématoxyline au fer, et le stroma nucléaire
est plus ou moins nettement acidophile (fig. xxvii).
Le phénomène est plus net encore chez les espèces à noyau rond où
l'on observe fréquemment, à côté du noyau principal, un noyau plus
petit, muni d'un nucléole et dont la colorabilité et la forme sont plus ou
moins altérées. Souvent, le nucléole du petit noyau est plus volumineux
que celui du noyau principal (fig. 55), quelquefois, le petit noyau est
constitué presque uniquement par ce nucléole avec un peu de chromatine,
le tout entouré d'une membrane nucléaire (fig. 55). On observe donc toutes
les transitions entre une amitose inégale et l'expulsion d'un nucléole, et
on doit attribuer à ce dernier phénomène la même signification. Il est
probable que le nucléole expulsé est coiffé d'un peu de membrane
nucléaire (1) constituant une sorte de petit noyau sans chromatine.
J'ai constaté après Platner (1889), Laguesse (1906) et bien d'autres,
l'issue de nucléoles dans les cellules glandulaires suivant un processus
analogue à celui que je viens de décrire. Il faut, je crois, rapprocher ce
fait de l'existence si fréquemment signalée par Langerhans (1869),
Ch. Garnier (1899) dans les celulies glandulaires de deux noyaux,
dont l'un apparaît comme chiffonné et plus ou moins dégénéré, et
les phénomènes se relient sans doute dans les cellules glandulaires
par divers intermédiaires (Laguesse 1907) comme ils se relient si
nettement dans les gonies des Batraciens. Ce parallélisme peut être
invoqué encore comme témoignage de l'élaboration active de deuto-
plasme dans les spermatogonies et de la similitude des phénomènes qui
accompagnent l'élaboration du deutoplasme dans tous les éléments,
quelle que doive être l'utilisation ultérieure des produits élaborés.
En tous cas, le cytoplasme et le noyau peuvent échanger non seule-
(1) Toutes réserves faites sur l'autheacicité de cette membrane.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 95
ment des substances dissoutes, mais aussi des corps figurés, et les plas-
mopyrènes ne paraissent représenter que des nucléoles passés du noyau
au cytoplasme par le processus que nous venons d'indiquer.
Il est à remarquer que dans le cas où il y a une amitose incomplète,
le cytoplasme reçoit du noyau non seulement la substance nucléolaire,
mais aussi des grains de chromatine. Or, dans le cas des gonies l'aniitose
avec séparation d'un lobe du noyau est l'exception, tandis que la petite
amitose avec séparation du seul nucléole est la règle. L'utilité de la subs-
tance nucléolaire pour le travail d'élaboration du cytoplasme paraît
donc prépondérante, tandis que l'utilité de la chromatine paraît acces-
soire ou nulle.
Hertwig (1903) et ses élèves
ont décrit dans les éléments les
plus divers l'issue de substances
chromatiques dans le cytoplasme. - , "V
Dans les éléments séminaux plus ;" ' ..:
particulièrement, il y aurait expul- " . ^-. ' -
sion d'une partie de la chromatine
(trophochromatine), les noyaux
ne gardant que la chromatine qui -îiS^
a une signification héréditaire F";- xxvn. Gkmie I de Ram temporaria. avec un lobe
,. ,. , ,. . ,,. T1 1t . du noyau séparé et en voie de dégénérescence.
(îdiochromatme) (1). Il semblerait
ici que c'est la substance nucléolaire qui a la valeur trophique. Quant à la
chromatine, je remarquerai seulement qu'elle n'est pas aussi précieuse
pour l'espèce, pour l'hérédité, qu'on veut bien l'admettre généralement,
puisque une partie plus ou moins grande peut aller dégénérer dans le
cytoplasme ou rester dans le noyau, sans que pour cela l'évolution ulté-
rieure des éléments soit modifiée. Quant à distinguer la chromatine qui
est expulsée de celle qui reste, à appeler l'une idiochromatine et l'autre
trophochromatine, cela paraît vraiment difficile. Il faudrait admettre
que toute la trophochromatine se localise dans le lobe nucléaire destiné
à se séparer du reste et que l'idiochromatine s'en retire. Ce serait vraiment
par trop invraisemblable, et d'ailleurs toutes les images montrent que
c'est un lobe ou une partie quelconque du noyau qui dégénère, et non pas
un lobe qui paraît prédestiné à ce sort, et qui se distingue du reste de la
masse nucléaire avant de s'en séparer.
(1) Ainsi que l'indique par exemple Wassilieff.
96 CHRISTIAN CHAMP Y
RESUME
En somme, la cytologie des gonies primitives est dominée par un fait
principal : ces cellules sont le siège de transformations relativement
actives de matériaux, elles ont une fonction sécrétoire relativement
importante.
A cette fonction sécrétoire, on doit rattacher : l'aspect granulaire
des mitochondries et les figures nombreuses et diverses qui témoignent
d'échanges actifs entre le cytoplasme et le noyau. L'élaboration aboutit
à la formation d'une petite quantité de grains graisseux.
Il n'y a pas, semble-t-il, une juste proportion entre l'activité des
phénomènes préparatoires de la sécrétion qui sont très marqués (échanges
nucléo-cytoplasmiques, transformation presque complète des mito-
chondries ou chondrioplastes), et la quantité de matériaux élaborés.
Cette observation me paraît importante et digne de remarque : On peut
dire que dans les gonies primitives, il apparaît au moins à un moment
donné, des phénomènes préparatoires d'une sécrétion qui n'a pas lieu ou
qui n'a lieu que partiellement.
Ces phénomènes préparatoires de la sécrétion apparaissent, à un
moment seulement de l'existence des gonies primitives ou du moins,
sont surtout marqués à ce moment. C'est alors que le noyau est à son
maximum de polymorphisme, qu'il prend un aspect clair, que des lobes
du noyau ainsi que des nucléoles sont expulsés dans le cytoplasme par une
sorte d'amitose dégénérative. C'est alors que les mitochondries deve-
nues granuleuses et gonflées se groupent en corps mitochondriaux.
En général, l'évolution sécrétoire s'arrête là, les corps mitochondriaux
se résolvent, les mitochondries granuleuses et gonflées se résorbent sans
doute (comme elles font pendant la mitose ; voir page 76) et le noyau
revient à son état de polymorphisme moyen ou minimum. Nous allons voir
qu'anormalement, ces phénomènes sécrétoires peuvent continuer.
DÉGÉNÉRENCE DES CELLULES MÈRES INDIFFÉRENTES
A toutes les époques de leur vie, les gonies primitives sont suscep-
tibles de dégénérer. L'étude de leur dégénérescence est d'un intérêt tout
particulier, car elle nous montrera qu'il y a d'autres voies ouvertes pour
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 97
l'évolution de ces éléments sexuels que la transformation en spermato-
cytes et en spermatozoïdes, et que c'est à bon droit que je les nomme
indifférents. D'autre part, un certain nombre des modes de dégénéres-
cence présentent un grand intérêt cytologique : les anomalies de l'évolu-
tion de la cellule étant souvent capables d'éclairer son évolution normale.
Bellonci (1886) pensait que toutes les cellules à noyaux polymorphes
étaient destinées à dégénérer. Vom Rath (1893) a vu des apparences de
dégénérescence dans les gonies de la Salamandre à la fin de l'été et en
hiver, il a constaté corrélativement une diminution de la zone régéné-
ratrice. Meves (1895) lui objecte que cette zone a une taille variable
suivant les individus. Meves (1895) étudie les rapports des noyaux poly-
morphes avec la mitose et la dégénération, il pense avec Benda (1893)
que les noyaux polymorphes ne sont liés ni à l'un ni à l'autre de ces phé-
nomènes. Meves croit cependant qu'il y a des dégénérescences et il
indique comme dégénérescenJ es les cellules dont les noyaux sont peu
polymorphes, il note que leur cytoplasme présente deux zones différem-
ment colorables dont l'interne paraît être de nature mitochondriale.
Parmi les divers modes de dégénérescence des spermatogonies, je
ferai une place à part à l'un d'eux, à cause de sa fréquence et de l'intérêt
théorique qui s'y rattache.
Dégénérescence o vif orme
On a de tout temps signalé des cas d'hermaphroditisme chez les
Batraciens. Il serait fastidieux de passer en revue tous les travaux qui
ont été écrits sur ce sujet. Un certain nombre d'entre eux ont trait à
des cas d'hermaphroditisme authentiques, à des phénomènes d'ordre
véritablement tératologique. Un autre groupe de faits se rapporte à la
présence d'œufs plus ou moins rudimentaires dans le testicule. Fried-
mann (1896) a signalé la présence de ces œufs chez Rana viridis (esculenta).
Cette espèce est, en effet, un objet de choix pour leur étude. La présence
de cellules ovif ormes dans le testicule des crapauds aux abords de l'organe
de Bidder, est relativement fréquente. Elle a été signalée par Knappe,
1886, King 1907. On peut trouver des cellules en tout identiques aux
ovocytes non seulement dans les tubes séminifères chez tous les Anoures,
mais chez les Urodèles, entre les cystes. On peut les rencontrer aussi
chez les Anoures, entre les tubes séminifères (1).
(1) Voir le travail d'ensemble de Davexport-Hookee (1911
98 CHRISTIAN .CHAMPY
L'examen comparatif des espèces chez qui la présence de ces cellules
o vif ormes est fréquente, et où on peut aisément étudier tous les stades
de leur formation {Rana esculenta, Bufo calamita) et des espèces où ces
éléments sont rares, montre que ces ovocytes rudimentaires ont toujours
la même origine, qu'ils sont le résultat d'une transformation oviforme
des gonies primitives. Cette transformation oviforme ne devient une
dégénérescence que secondairement, sans doute parce que ces ovocytes
ne trouvent pas dans un testicule les conditions de milieu nécessaires à
l'achèvement de leur évolution normale.
La transformation oviforme des gonies I s'observe à tous les stades
de leur évolution. Je l'ai trouvée dans le testicule adulte, dans le testicule
au moment de la préspermatogénèse. La transformation de l'ébauche
sexuelle en un ovaire paraît n'être qu'un cas particulier et particulière-
ment précoce de la transformation ovocy taire des gonocytes, et dans le
cas où cette transformation n'a pas lieu, on ne doit pas considérer que
l'ébauche devient mâle mais qu'elle reste indifférente ainsi que je l'ai
dit déjà.
Dans le testicule adulte, la transformation ovocy taire des gonies
primitives n'a pas lieu à tous les moments de l'année, on l'observe seule-
ment pendant la période de repos interspermatogénétique. Jamais je
n'ai observé cette transformation pendant la grande poussée de sper-
matogénèse. Elle semble, au contraire, avoir lieu au moment le plus éloigné
de cette poussée, c'est à la fin de l'hiver qu'elle semble le plus fréquente
chez toutes les espèces. Elle accompagne cependant chez Rana esculenta
et Bufo les poussées préspermatogénétiques ; mais chez la première
espèce où, comme je l'ai indiqué, ces poussées se produisent à peu près
toute l'année, il semble qu'elles sont moins marquées et avortent plus
tôt quand l'évolution oviforme est plus intense. En un mot, il y a dans une
certaine mesure, antagonisme entre les deux transformations, oviforme
et spermatogène.
J'étudierai d'abord la dégénérescence oviforme chez Rana esculenta,
où elle est fréquente aussi bien à la préspermatogénèse que pendant
l'époque de repos hivernal chez l'adulte. Elle paraît variable suivant
les individus. Ordinairement discrète, il n'est pas rare de la trouver
tellement abondante que la préparation prend un aspect tout particulier
et qui frappe au premier examen : une gonie primitive sur deux ou trois
est souvent transformée ou en voie de transiormation. C'est sur ces pré-
parations qu'on peut bien suivre toutes les étapes de cette évolution.
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS
99
*$
6
yjff ^
Les cellules qui vont subir la transformation oviforme sont souvent
au maximum de polymorphisme nucléaire (fig. 79, xxx). La sphère attrac-
tive est le plus souvent excentrique et le noyau est généralement clair et
incisé. Il se gonfle peu à peu et les replis de la membrane nucléaire dis-
paraissent; en même temps le nucléole devient souvent véritablement
énorme tandis que les grains de chromatine se rangent en files plus ou
moins continues (fig. 79 à 82, 93), en prenant un aspect anguleux. A ce
stade de début, le suc nucléaire semble être très fluide, presque privé de
substances albuminoïdes. Des nucléoles et des fragments de noyau conti-
nuent à se séparer de la masse principale et à aller dégénérer dans le
cytoplasme (fig. 97).
Le phénomène d'ami-
tose inégale est même
particulièrement actif.
Dans le cytoplas-
me, des modifications
remarquables com-
mencent à apparaître.
Tandis que les mito-
chondries, groupées en
corps mitochondrial,
grossissent et se char-
gent de graisse, les
chondriocontes et les
mitochondries qui restent dans le cytoplasme deviennent incolorables ;
il est probable aussi qu'elles se multiplient car on trouve fréquemment
des grains groupés par deux, par trois ou par quatre (fig. 90, 92, 96).
On n'observe plus à ce moment de chondriocontes, mais des grains très
fins entre lesquels on voit un piquetis de petits grains qui ne se colorent
plus par la méthode de Benda (fig. 88, 89, 90, 96). Ils sont probablement
d'origine mitochondriale comme peuvent le faire penser les figures de
multiplication des mitochondries qu'on observe auparavant, et leur mode
de groupement analogue à celui des mitochondries (fig. 89, 91) ; il s'y joint
peut-être des granulations nouvellement apparues dans le cytoplasme ;
en tout cas, le cytoplasme prend l'aspect finement granuleux si caracté-
ristique-qu'on trouve constamment '-dans les ovocytes- -pendant la
période d'accroissement (fig. 84, 85, 89, 90). Les corps pyrénoïdes -du cyto-
plasme, au lieu de rester arrondis comme ils sont dans les gonies normales,
Fig. xxviii. Evolution des corps pyrénoïdes dans les gonies en voie de
transformation oviforme. Les figures 3 et 5 représentent la coupe
optique des figures 2 et 4, en direction perpendiculaire à celles de
ces dernières. 1. corps pyrénoïie normal ; 7. filaments pointus
séparés (ces images ont été prises dans diverses cellules).
100
CHRISTIAN CHAMP Y
subissent une sorte de scission longitudinale qui les décompose en fila-
ments à extrémités pointues disposés parallèlement (fig. 80, 81, 83, 84,
88, 89, 94, 92 et xxvm).
Je me suis demandé longtemps d'où provenaient ces filaments sériés.
J'ai pu, sur une série de préparations très favorables de Rana esculenta,
m'assurer qu'ils provenaient de corps pyrénoïdes clivés parallèlement.
Ce qui est très
4?&z$&*àËm remarquable,
c'est que dans
les mêmes élé-
ments, il n'est
pas rare d'obser-
ver le même cli-
vage dans le nu-
cléole (fig. 86).
La sphère
s'entoure sou-
vent d'irradia-
tions au début
(fig. 79), plus
tard elle se mon-
tre fréquemment
avec un aspect
tout à fait sin-
gulier. Elle est
munie d'une di-
zaine de prolon-
gements épais et
courts, pointus
et bien limités du cytoplasme ambiant comme si cette sphère en était
séparée par une fine membrane ou plutôt était constituée d'une substance
non miscible au cytoplasme (fig. 82, 83, 87). Dans les stades plus avancés
encore, la sphère se divise quelquefois en deux ou trois sphères filles, il y a
un véritable affolement dans l'orientation de la cellule (fig. 94, 88 et
xxxiv).
Ce phénomène n'est pas constant et paraît être rapidement suivi
de dégénérescence.
Jusqu'ici, nous n'assistons qu'à une hypertrophie de la cellule et les
<-";/
Fig. xxix. Cellules ovlforme
normale.
P
dans un testicule de Triton vulgaris. </, gonie
SPKRMATOGÊNÈSE DES BATRACIESS
101
%
seuls caractères communs avec l'œuf sont la grande taille de tout lelé-
ment, l'aspect du cytoplasme, la structure du noyau. La similitude avec
un ovocyte est déjà grande. Il suffit pour s'en rendre compte de comparer
les cellules qui sont à ce point de leur évolution avec les ovocytes jeunes
d'une ébauche femelle. C'est surtout une similitude de structure
et de taille. On observe souvent chez Bufo et surtout chez Bombinator
des cellules énormes qui, avec tous les caractères de structure des ovo-
cytes (nucléaire aussi
bien que cytoplasmi-
que) ont encore un
noyau bilobé (fig. 85).
Cette différence
de forme entre le noyau
de certaines gonies à
ce stade et le noyau
des ovocytes (1) est
secondaire si l'on son-
ge que les caractères
de structure du noyau,
du cytoplasme, l'aug-
mentation de volume
de la cellule, du nu-
cléole, l'élaboration in-
tense d'enclaves sont
tout à fait identiques
à ce qu'on voit dans
les ovocytes au stade
correspondant .
Beaucoup d'éléments hypertrophiés dégénèrent vers ce stade. Il
semble que cela tienne simplement à ce que leur grande taille fait qu'ils
s'énucléent pour ainsi dire eux-mêmes d'entre les gonies de la couche
pariétale, et tombent dans la lumière de l'ampoule séminifère. C'est cette
chute dans la lumière du tube qui détermine leur dégénérescence immé-
diate, sans doute parce qu'ils ne peuvent plus recevoir les substances
nutritives venues des vaisseaux. Les cellules folliculeuses pénètrent alors
dans leur cytoplasme (fig. 83, 87).
FlG. xxx. Gtonie I eu dégénérescence (début d'évolution oviforme ?) chez
Axolotl. Remarquer les figures d'expulsion de nucléoles et le cana-
licule nucléaire.
(1) D'ailleurs, je n'ai pas vu d'ovocytes de Bomhinntor au stade correspondant, il est possible que le noyau
soit aussi bilobé.
102 CHRISTIAN CHAMP Y
Le plus souvent, l'évolution avorte à ce stade, ou même avant, sans
avoir présenté rien de certainement caractéristique qui puisse permettre
d'affirmer qu'il s'agit bien de cellules en dégénérescence oviforme. La
sériation serrée des stades seule montre qu'on doit bien les interpréter
ainsi, et que cet aspect de la cellule se retrouve au début de toute trans-
formation ovocy taire véritable. Mais quelquefois cette évolution va plus
loin, et aboutit à la formation d'ovocytes incontestables qu'on ne peut
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Fig. xxxi. Cellules oviformes dans un testicule de Bufo calamita.
distinguer de ceux d'un jeune ovaire (fig. 83, 84). Ces cellules oviformes
évoluées sont bien moins fréquentes que les précédentes, elles sont cepen-
dant assez abondantes chez Ranci esculenta et un grand nombre des cas
d'hermaphrodisme signalés chez cette espèce se rapporte à leur présence.
Le noyau y est arrondi, le nucléole s'est divisé en trois ou quatre parties,
la chromatine s'est disposée plus nettement en séries de grains dont
l'ensemble constitue les filaments plumeux si caractéristiques des ovo-
cy tes. Le cytoplasme est devenu finement granuleux avec cet aspect tout-
particulier qu'on lui trouve dans les ovocytes et qu'on voit des -le début
de la transformation. On y voit un corps granuleux souvent disposé en
forme de croissant, souvent irrégulier, creusé de canalicules de Holmgrejsf
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS 103
nombreux, et qui rappelle tout à fait le corps de Balbiani des ovocytes;
les granulations constitutives sont de grande taille et recouvertes de
grains graisseux. On a enfin l'aspect typique d'un ovocyte en voie d'ac-
croissement, c'est bien à un véritable ovocyte qu'on a affaire.
L'évolution oviforme des gonies primitives ne s'observe pas seule-
ment chez Rana esculenta, elle est fréquente chez Bomhinator, mais elle
avorte généralement assez tôt. Les cellules n'ont pas non plus un aspect
d'ovocyte aussi frappant à cause de leur noyau fréquemment bilobé ainsi
que nous l'avons dit. L'aspect du cytoplasme et la structure du noyau
permettent cependant de rapprocher ces éléments des cellules en voie
d'évolution oviforme (fig. 90, 92, 96). On la trouve encore chez Rana tem-
poraria; elle est fréquente chez Bufo calamita dans tout le testicule
(fig. xxxi), mais surtout au voisinage de l'organe de Bidder et ce fait
mérite d'être noté. Les cellules ovif ormes poursuivent alors leur déve-
loppement jusqu'à un stade plus avancé encore que chez Rana esculenta.
On trouve des nucléoles nombreux et périphériques, les groupements
divers caractéristiques de la chromatine des ovocytes, les structures
cytoplasmiques de l'œuf.
Il n'est pas rare de rencontrer des cellules oviformes entre les tubes
séminifères chez les Anoures, ce qui s'explique par la fréquence relative
de spermatogonies situées hors des tubes, ou exclues des tubes au moment
de la poussée spermatogénétique (1). Ces cellules évoluent mieux et
dégénèrent moins vite que dans les tubes et atteignent souvent un
développement considérable. Des œufs ainsi situés ont été signalés chez
Rana te?nporaria par Marshall (1884), Hoffman (1886), Latter (1890).
Je les ai vus assez souvent chez Rana esculenta et Bufo calamita.
Il est intéressant de remarquer que ces œufs sont très fréquents rela-
tivement à la rareté des gonies intertubulaires. Je pense qu'on doit
expliquer cette fréquence parce que ces gonies étant, de par leur situation,
entourées de toutes parts de tissu mésenchymateux nourricier, ne dégé-
nèrent presque jamais comme font les cellules oviformes intratubulaires.
Ces dernières paraissent dégénérer surtout parce qu'elles sont dans de
mauvaises conditions de nutrition. Les premières sont assez exactement
dans les conditions des œufs ou des cellules de l'organe de Bidder.
En résumé, chez les Anoures, l'évolution oviforme d'une partie des
gonies est constante, pendant la période interspermatogénétique ; elle
(1). Voir tissu interstitiel page 257).
104 CHRISTIAN CHAMP Y
avorte généralement de bonne heure, mais aboutit assez souvent à des
ovocytes en apparence normaux.
J'ai trouvé aussi des cellules o vif ormes à tous les stades de leur déve-
loppement chez les diverses espèces du genre Triton (fig. xxix). Elles sont
plus rares que chez les Anoures, mais évoluent assez souvent jusqu'à un
développement très avancé, sans doute parce que chez ces animaux, les ovo-
a
I
W I
d
FlG. xxxii. Quatre stades successifs de l'évolution des cellules de l'organe de Bidder de Bujo panlherinâ. a, cellule
mère (gonie) ; c, gonie à noyau incisé ; 6 et d, stades de début de la formation des cellules oviformes.
Comparer avec les dégénérescences oviformes chez Rana esculenta (planche IV.)
cytes ne perdent pas aussi vite contact avec le conjonctif et les vaisseaux
par suite des rapports particuliers des gonies avec le conjonctif chez les Uro-
dèles. C'est pour les mêmes raisons sans doute que, dans l'organe de Bid-
der, les ovocytes (issus de cellules en tout identiques aux spermatogonies)
évoluent jusqu'à un stade relativement avancé. Les cellules de l'organe
de Bidder ne sont certainement que des cellules oviformes analogues à
celles qu'on trouve chez tous les Batraciens et les stades jeunes de leur
évolution sont parfaitement superposables à ceux des cellules oviformes
de Rana esculenta, Triton, etc. (fig. xxxii).
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRAC'-IEXS
]05
Autres modes de dégénérescence des gonies
mBÊk
Fig. xxxiii. Gonie I de Rana esculenta (juin) à noyau fragmenté.
La dégénérescence oviforme est de beaucoup le mode le plus fréquent
et les autres dégénérescences des gonies primitives peuvent être pour la
plupart, rattachées à une
évolution oviforme avor-
tant dès son début. On
observe cependant d'au-
tres dégénérescences, mais
bien plus rarement. La
dégénérescence par pyc-
nose est rare. Plus fré-
quemment, on voit le
noyau se fragmenter (fig.
xxxiii et xxxi v), et tous
ses fragments dégénérer
dans le cytoplasme qui
se charge de graisse, puis se liquéfie à son tour. Ce mode de dégénéres-
cence est dû, je pense, aune exagération des phénomènes que j'ai
décrits : bourgeonnement du noyau, amitose inégale, expulsion de
^^j^^gfe^ nucléoles, et produc-
tion d'enclaves. Il se
passe dans ces élé-
ments des phénomènes
d'élaboration exces-
sifs, ou plutôt il y
a exagération des
phénomènes prépara-
toires de la sécré-
tion.
Enfin, on observe
des dégénérescences
assez nombreuses au
moment de l'excrétion
des spermatozoïdes : des gonies primitives entraînées sans doute dans
la masse des substances visqueuses dégénèrent en grand nombre
dès qu'elles sont séparées de la paroi conjonctive du tube sémi-
--.*$
&
Fig. xxxiv. Gonie I Rana esculenta [(décembre) à noyau fragmenté et à
deux sphères.
106
CHRISTIAN CHAMP Y
Fig. xxxv. Gonie I (géante ?) de Bombinator. Centrosome avec plusieurs
groupes de centriules, noyau très incisé.
nifère, séparées par conséquent du tissu nourricier. Le cytoplasme prend
un aspect homogène, le noyau devient clair, se fragmente et le tout se
dissout. Cette dégénérescence est pour ainsi dire accidentelle, elle ne
s'accompagne
pas de phéno-
mènes cytologi-
ques dignes d'at-
tention, c'est la
mort brutale de
la cellule. Mais il
■ } y est intéressant de
constater que les
gonies dégénè-
rent dès qu'elles
ont quitté la
paroi des tubes
séminifères, cela
est une confirmation de l'explication que j'ai donnée de la dégé-
nérescence souvent précoce des cellules ovif ormes.
Chez les Uro-
dèles, je pense qu'on
doit rattacher la
dégénérescence des
gonies I aux phé-
nomènes d'évolu-
tion ovif orme (fig.
xxx). Bellonci
1886, Meves 1893,
Nussbaum 1900,
etc., ont signalé la
dégénérescence de
spermatogonies
dont une grande
partie paraissent
être des gonies pri-
mitives. En général, les gonies I des Urodèles, qui sont entraînées
entre les cystes de spermatogonies II, de spermatocytes et de
spermatozoïdes finissent par dégénérer. Celles qui restent dans la
V
*Sè
Fig. xxxvi. Gonie I (géante) chez Bombinator. Il se forme une sorte de fuseau
pluripolaire à l'intérieur du centrosome qui est énorme et pourvu d'ir-
radiations.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 107
petite plage où les gonies I sont serrées Tune contre l'autre ne
dégénèrent guère. Dans le premier cas, les gonies dégénèrent par un
processus qui rappelle souvent les premiers stades de l'évolution o vif orme.
Il semble que ce soit une évolution oviforme arrêtée dès son début ainsi
que cela s'observe souvent chez toutes les espèces, (fîg . xxx).
Enfin, un certain nombre de dégénérescences se rattachent à un
gigantisme sans caractère nettement oviforme ou du moins présentant des
particularités remarquables. Les spermatogonies géantes s'observent
surtout chez Bombinator. J'en ai donné ici deux figures : xxxv et xxxvi.
L'une présente une sphère géante dans laquelle les corpuscules centraux
forment une sorte de petit fuseau pluripolaire à l'intérieur du centro-
some. Il s'agit bien d'un centrosome véritable et non d'un corps mito-
chondrial comme en témoignent, d'une part, les irradiations qui en
partent et, d'autre part, la comparaison avec les éléments voisins de la
même préparation. L'autre à une sphère de volume à peine augmenté
et à corpuscules centraux nombreux. Cette structure se rattache sans
doute plus ou moins directement à l'évolution oviforme. Il convient de
rapprocher cet aspect de la sphère à centrioles nombreux, des divisions si
fréquentes du centrosome dans les cellules o vif ormes.
LA SEXUALITE CHEZ LES BATRACIENS
La fréquence et la généralité de l'évolution oviforme des cellules
sexuelles mâles des Batraciens me paraît mériter de retenir l'attention.
Ces phénomènes éclairent bien des discussions anciennes et indiquent
l'interprétation qu'on doit donner de plusieurs faits intéressants.
Le déterminisme du sexe chez les Batraciens
Il faut remarquer que tous les faits de dégénérescence oviforme plai-
dent contre l'idée que le sexe est prédéterminé. On sait qu'un grand
nombre de biologistes admettent que le sexe est déterminé dans l'œuf.
Ces auteurs basent leur manière de voir sur le fait que le nombre pour
cent de mâles et de femelles est en général constant dans une espèce don-
née et qu'on n'arrive pas, par des changements dans les conditions de vie,
des larves à faire varier cette proportion. Remarquons, cependant, que ces
constatations purement négatives perdent de leur valeur en face des
108 CHRISTIAN CHAMPY
constatations inverses qui, pour être peu nombreuses, ont l'avan-
tage d'être d'ordre positif. Les résultats concordants de Cuénot, King,
R. Hertwig montrent cependant d'une manière à peu près certaine que
les conditions de nutrition n'influent pas sur le sexe des larves de Batra-
ciens (1). Ces expériences ne prouvent nullement que le sexe ne soit pas
déterminé par des conditions locales.
La théorie de la prédétermination du sexe a reçu récemment un appui
commode mais peu solide, en ce qui concerne les Vertébrés au moins, dans
les observations de chromosomes accessoires, à qui on attribue générale-
ment le rôle de déterminer le sexe. J'examinerai plus loin cette question,
mais je puis dire déjà qu'il est loin de se dégager des travaux écrits sur
ce sujet l'impression de certitude ou même de sécurité qu'on souhaiterait.
Chez les Batraciens, non seulement rien ne justifie l'opinion que le
sexe des cellules soit déterminé avant qu'on observe en fait la différen-
ciation de la glande sexuelle dans le sens masculin ou dans le sens féminin,
mais le fait des dégénérescences oviformes vient nous montrer que le
sexe des cellules primitives n'est pas irrévocablement fixé, même chez
le mâle adulte.
D'autre part, il faut insister sur le fait que les dégénérescences ovi-
formes sont nombreuses surtout dans les périodes de repos intersperma-
togénétique, aux moments les plus éloignés de la grande poussée de sper-
matogénèse; je n'en ai jamais observé pendant cette poussée. Il y a donc
antagonisme entre l'évolution oviforme et l'évolution spermatogène.
Cet antagonisme ne peut s'expliquer que d'une façon : p:,r l'existence de
deux causes différentes produisant, l'une, l'évolution spermatogène,
l'autre, l'évolution oviforme des cellules mères indifférentes.
Peut-on avoir quelque indication sur la nature de ces causes ? On
risque fort, en voulant préciser, de tomber dans des erreurs grossières
ou d'émettre des hypothèses gratuites. Les expériences signalées plus
haut montrent que si ces causes sont extrinsèques par rapport aux cel-
lules sexuelles, elles ne résident sans doute pas dans les variations de
nourriture ou de milieu (2).
J'avais d'abord pensé, et c'est l'idée qui inspire aussi certaines consi-
dérations de M. Bouin (1900) que la disposition des cellules satellites
(1) Il faut remarquer que la plupart des expériences de cet ordre portent à faux. Pour arriver à agir sur le
sexe des larves, il faudrait opérer au moment ou on peut supposer que le sexe imprécis se détermine et à ce moment
là seulement. Encore, le problème se pose-t-il avec une complexité vraiment effrayante.
(2) Cependant R. Hertwig (1905) a mis en évidence l'influence de la température.
SPERMATOGÊNÊSE DES BATRACIENS 109
jouait un rôle important. J'ai renoncé à cette idée. On observe en fait
que les cellules oviformes évoluent plus longtemps chez les Urodèles
(où elles sont entourées de toutes parts par les éléments nourriciers), que
chez les Anoures. Mais il faut distinguer entre les causes qui déterminent
l'évolution oviforme et les conditions qui permettent à cette évolution
de continuer. Il est évident que, parmi les dernières seulement, on doit
faire intervenir une disposition assurant un contact large entre la cellule
oviforme et les éléments nourriciers. Le fait que chez les Anoures, les
cellules oviformes dégénèrent dès qu'elles sont séparées de la paroi du
tube séminifère le prouve bien. Mais les rapports des éléments sexuels
avec les éléments satellites ne sont pas différents au début de l'évolution
oviforme de ce qu'ils sont pendant l'évolution spermatogène.
Le fait que chez la Grenouille par exemple, on voit à certaines
périodes de l'année une véritable explosion de dégénérescences oviformes,
comme à un autre moment on voit une véritable explosion de spermato-
génèse suggère l'idée que les excitants qui déterminent ces évolutions
viennent de la circulation ou du système nerveux, et ne sont pas d'ordre
local. Cette hypothèse a contre elle l'observation qu'on voit souvent
les deux évolutions en même temps (poussées préspermatogénétiques
accompagnant l'évolution oviforme chez le crapaud). Je pense qu'elle
renferme cependant quelque part de vérité que je ne me charge pas de
démêler maintenant (1).
L'évolution oviforme paraît être la résultante de causes diverses,
dont les unes sont d'ordre général, les autres d'ordre local, et qui, proba-
blement, agissent mieux sur les cellules à certains moments de leur évolu-
tion (avant la prophase, semble- t-il). Leur résultat est de déterminer
l'établissement d'un équilibre nouveau entre les divers organites de la
cellule, équilibre tel qu'il n'y a pas seulement continuation des processus
d'élaboration normale ou de processus d'élaboration seulement ébauchés
dans les cellules mères, mais établissement de processus nouveaux (for-
mation des filaments pointus, des petits grains cytoplasmiques).
Les causes qui déterminent chez l'embryon l'évolution oviforme des
gonies sont, sans aucun doute, de même nature, mais peut-être plus com-
plexes encore; il y a quelque chose de plus. Il n'y a pas seulement évolu-
tion des cellules dans le sens femelle, il s'établit en même temps une dis-
position du mésenchyme telle que l'évolution oviforme puisse se pour-
ut On peut admettre, par exempb, que les cellules sont plus sensibles à l'un ou à l'autre excitant, sel m l'état
où elles se trouvent lorsqu'il agit.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN". — T. 52. — P. 2. 8
110 CHRISTIAN CHAMPY
suivre. Les causes qui déterminent cette disposition sont d'ordre local
comme le prouve l'existence chez le crapaud d'un organe de Bidder à
côté du testicule.
Le fait que, chez le crapaud, les cellules oviformes du testicule sont
bien plus fréquentes au voisinage de l'organe de Bidder, donne aussi
quelques indications sur la cause déterminant leur apparition. Il y a,
à la partie antérieure du testicule, un territoire d'évolution oviforme,
tandis qu'à la partie postérieure est le territoire spermatogène. Divers cas
d'hermaphrodisme anatomique sont justiciables de la même interpré-
tation.
Indifférence sexuelle des cellules mères
Toutes ces déductions n'aboutissent pas à une explication nette,
mais elles montrent cependant que le sexe des cellules mères n'est certaine-
ment pas prédéterminé, et qu'il est déterminé à un moment donné par des
causes extérieures aux cellules sexuelles.
Dans le même ordre d'idées, nous signalerons les observations
d'ANCEL (1903), chez Hélix.
Il est à remarquer aussi que dans le cas où l'embryon se différencie en
femelle, presque toutes les cellules indifférentes (autant qu'on sait du moins,
car je n'ai pas étudié cette question par moi-même) subissent la transfor-
mation en ovocytes. L'évolution dans le sens mâle est marquée au con-
traire par ce fait que les cellules mères restent indifférentes et demeurent
toute la vie susceptibles d'évoluer dans les deux sens. On peut donc dire
que les mâles de Batraciens sont femelles en puissance, tandis que l'in-
verse ne paraît pas être vrai. Pflùger avait admis déjà que les
grenouilles sont très souvent mâles dans leur jeunesse et deviennent femel-
les plus tard. Cette idée de Pflùger, défendue récemment sous une forme
un peu différente, par Schmidt Marcel (1909), ne se heurte à aucun fait ;
et rien ne s'oppose à la possibilité d'une telle évolution. Il est bien entendu
qu'elle ne sera jamais qu'une exception, puisque la plupart des femelles
ont leur sexe déterminé depuis l'âge de têtard, mais c'est une exception
possible.
Cas d'hermaphrodisme accidentel
Les cas d'hermaphrodisme de la Grenouille ne sont pas rares et on
en trouve un grand nombre rapportés dans la littérature.
Parmi ces cas, un certain nombre semble avoir trait à des testicules
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 111
où les dégénérescences ovif ormes étaient particulièrement nombreuses.
Le cas de Friedmann (1896) est tout à fait typique à cet égard. Mais il en est
d'autres qui sont des cas incontestables d'hermaphrodisme. Il y a eu alors
transformation en testicule d'une partie de la glande et transformation
en ovaire du reste. Le cas de Yung (1907) est très démonstratif. Je ne
passerai pas en revue les autres, renvoyant, comme je l'ai fait déjà, au
travail de Davenfort-Hooker (1911). Ces cas me paraissent extrêmement
intéressants, en ce qu'ils viennent confirmer les raisons qu'on a de croire
que le sexe des cellules est déterminé par des causes purement locales.
Ils ne sont pas en contradiction, cependant, avec les observations qui
montrent que les conditions générales peuvent avoir une influence, car
il est possible que les conditions locales n'aient d'autre action que d'aug-
menter la sensibilité des cellules indifférentes à l'un ou l'autre des exci-
tants venus de l'extérieur. Les cas d'hermaphroditisme comme celui de
Yung sont extrêmement rares, ils méritent cependant d'être rapprochés
du cas de l'organe de Bidder ; chez le crapaud mâle, la transformation
oviforme est localisée à une portion de l'ébauche génitale comme chez
la grenouille de Yung.
En somme, l'hermaphrodisme véritable des Batraciens est une rareté
tandis que l'existence d'ovocytes dans le testicule est la règle, au moins
à un moment de l'année.
L'organe de Bidder
Je ne veux pas traiter ici la question de l'organe de Bidder, je me
demanderai seulement s'il doit être considéré comme un fait d'herma-
phrodisme normal. Je n'ai pas étudié avec assez de soin le développement
de l'ébauche génitale chez le crapaud pour pouvoir contredire les données
de Knappe (1886) qui affirme que les ébauches de l'organe de Bidder et
du testicule sont indépendantes. Elles le sont, en effet, chez Bujo vulgaris,
au stade indiqué par Knappe, cela ne prouve pas. qu'elles le sont plus tôt.
Il est probable que l'ébauche sexuelle se divise d'une façon précoce. Aux
stades jeunes, elle est assez longue pour pouvoir donner, par la suite,
les deux ébauches de Knappe.
Chez Bujo calamita, l'organe de Bidder fait habituellement corps avec
le testicule, même chez l'adulte, et se continue insensiblement par des
ampoules séminifères qui contiennent des cellules oviformes.
Les cellules de l'organe de Bidder ne sont pas des ovocytes, au point
112 CHRISTIAN CHAMP Y
de vue physiologique puisqu'ils ne sont pas pondus, ce qui serait difficile,
vu l'absence de canal excréteur. Mais au point de vue anatomique, on ne
peut les considérer autrement, elles sont donc tout à fait analogues aux
cellules oviformes du testicule. Comme elles, elles sont vouées à la dégé-
nérescence (Aimé et Champy 1908). Elles se régénèrent constamment, ainsi
que l'a vu King (1907), aux dépens de cellules parfaitement identiques
aux spermatogonies. Chez Bujo pantherina, où j'ai pu suivre leur évolu-
tion, la transformation des gonies en cellules de Bidder passe exactement
par les mêmes stades que les transformations oviformes de la Grenouille
verte (fig. xxxn et planche V).
L'organe de Bidder peut donc être considéré comme une région, ou un
lobe de l'organe génital où l'évolution oviforme est devenue la règle, ou,
si l'on veut, les cellules oviformes du testicule de la Grenouille correspon-
dent à un organe de Bidder diffus.
En résumé, si le crapaud ne peut être considéré comme physiologi-
quement hermaphrodite comme l'est, par exemple, l'escargot, il l'est
anatomiquement et cela lui est à peine particulier, puisque les autres
Batraciens le sont à un moment donné de l'année, à un moindre degré,
comme la Grenouille, ou le sont en puissance.
Le cas de l'organe de Bidder n'est qu'un cas particulièrement
régulier de ce phénomène général : l'évolution ovifo me dos gonies chez
Batraciens mâles. (1)
DIVISION DES GONIES PRIMITIVES
La forme souvent lobée des gonies primitives a fait penser à Von La
Valette Saint-George (1875), Nussbaum (1890), Vom Rath (1893),
que ces éléments se divisent par amitose. Pour Ma.c Grégor (1899), la
division amitotique est le mode de division normal. Flemming
(1887-1897), Hermann (1889), Jannsens (1901) ont montré que le mode
de division habituelle est la karyokinèse. Meves (1897), Jannsens (1901)
pensent qu'on ne peut dire à coup sûr si ces éléments ne se divisent pas
quelquefois amitotiquement.
Je n'ai jamais observé d'amitose dans les gonies primitives chez
aucune espèce. On voit fréquemment une division amitotique du noyau,
(1) Il est possible que l'organe de Bidder ait une utilisation physiologique autre que celle d'un ovaire, cela n'est
nullement contraire à la signification anatomique que je lui attribue. Ce rôle physiologique hypothétique n'est en
tous cas pas très important, car les crapauds privés d'organe de Bidder ne paraissent pas en souffrir.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 113
mais cette division est généralement inégale et n'est pas suivie de plas-
modiérèse, mais de dégénérescence du plus petit des fragments nucléaires.
Ces phénomènes s'observent d'ailleurs surtout à une époque où la
multiplication des gonies primitives est peu active.
Si quelque doute peut rester lorsqu'on étudie les espèces à noyau
très polymorphes, il n'existe plus si l'on s'adresse à des espèces dont le
noyau est relativement arrondi. Nous dirons donc simplement que les
gonies primitives se divisent par mitose.
Moment où apparait la mitose
Ces divisions ont lieu à toutes les périodes de l'année, cependant,
elles sont plus actives au moment de la poussée spermatogène, au moins
chez les Anoures. Chez les Urodèles, il n'est pas commode de trouver
à ce moment les gonies primitives réunies en une très petite plage et de se
rendre compte de l'activité avec laquelle elles se divisent. Chaque fois que
j'ai trouvé un grand nombre de ces gonies à cette époque, il y avait
de nombreuses mitoses.
La mitose des spermatogonies des Batraciens a fait l'objet de tra-
vaux très importants, on peut dire des travaux qui ont établi le schéma
de la karyokinèse chez les Vertébrés : Flemming, Meves, etc (1). Mais un
petit nombre seulement d'auteurs se sont occupés des gonies primitives,
toutes les recherches de Meves et de Flemming portent sur les spermato-
gonies secondaires.
La première manifestation de la karyokinèse est l'apparition du
filament chromatique. Avant d'étudier le mode de formation de ce
filament, il est bon de rechercher à quelle époque de la vie cellulaire se
produit la mitose et à quel degré de polymorphisme nucléaire, à quel état
du cytoplasme correspondent les premiers phénomènes prophasiques.
C'est une loi générale chez toutes les espèces que les cellules entrent
en mitose lorsqu'elles sont vers le minimum ou à l'état moyen de poly-
morphisme nucléaire (fig. 22, 29, 37, 42, 58, 73). Ainsi, le filament nucléaire
se produit dans des noyaux ronds chez Rana esculenta (fig. 58), A lytes
(fig. 42), Axolotl (fig. xxxvn) dans des noyaux relativement peu compliqués
mais encore très lobés chez Bujo (fig. 37), Hijla (fig. 29), dans des noyaux
(1) La bibliographie de cette question étant des mieux connues, je crois inutile de reproduire ici un
historique qu'on trouve partout.
114 CHRISTIAN CHAMP Y
rénif ormes ou bilobés chez Rana temporaria (fig. 73), bilobés ou trilobés
chez les Tritons et les Salamandres (1).
Les noyaux des cellules qui vont se mitoser montrent habituellement
de nombreux nucléoles ou des nucléoles qui se divisent activement. Il
semble que cette division du nucléole précède constamment la formation
du filament chromatique.
On voit quelquefois, chez Alytes, Rana esculenta notamment (sans
doute parce que le phénomène y est plus clair) , des noyaux qui ne sont pas
au minimum de polymorphisme et dans lesquels la chromatine s'ordonne
en séries de grains comme pour préparer le peloton chromatique. Le nu-
cléole ne se divise pas, mais il est, en général, énorme et structuré. On
remarque souvent dans ces cellules une bipartition de la sphère attractive.
S'il s'agissait d'une mitose prochaine, cette bipartition de la sphère
serait anormalement précoce. Je pense qu'il s'agit simplement d'un phé-
nomène de dégénérescence oviforme au début. Ces images se rattachent
d'ailleurs aux dégénérescences oviformes par toute une série d'inter-
médiaires.
On pourrait d'ailleurs comparer l'évolution oviforme au début à une
mitose plus ou moins déviée, mais cette comparaison est un peu lointaine.
Pro phase
Le peloton chromatique apparaît d'abord sous forme d'un filament
bien plus granuleux, plus chiffonné et plus fin que dans les autres sperma-
togonies ainsi que le remarque Jannsens (1901). Dès le début, ce filament
est homogène. Cependant, çà et là, on trouve sur le filament des nodosités
très colorables comme les nucléoles. La plupart des nucléoles ont disparu
à ce moment, il reste le plus souvent un ou deux gros nucléoles très peu
colorables prenant le vert lumière dans les méthodes de triple coloration.
Il semble que les autres, qui se sont activement divisés au début en
restant unis par des ponts de substance, aient contribué à la formation du
filament. Il est d'ailleurs difficile de dire de quelle manière ils y contri-
buent, mais il est un fait certain : c'est qu'au début, le filament présente
des nodosités colorables comme les nucléoles et qu'à la fin, ses réactions
de colorabilité ne sont plus exactement les mêmes que celles de la chro-
matine de l'état de repos, mais sont intermédiaires entre celles de la chro-
matine et celles des nucléoles.
(1) Je fais bien entendu la part du gonflement propliasique.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
115
Je n'ai pas observé de torsion du filament à ces stades précoces.
Cette torsion signalée par Bonnevie (1905), Della Valle (1912), sur
d'autres objets ne s'observe que plus tard. Le filament m'a paru vari-
queux, mais pas tordu.
Le filament chromatique se raccourcit peu à peu, en même temps
qu'il vient occuper dans le noyau une situation très périphérique, il
s'enroule pour ainsi dire contre la surface interne du noyau (fig. xxxvn).
En même temps, le noyau se gonfle, comme cela s'observe d'habitude,
et se régularise de plus en plus, ce qui est sensible surtout chez les espèces
à noyaux très polymorphes.
Le suc nucléaire devient de
moins en moins colorable et
semble à la fin être constitué
par une solution albuminoïde
extrêmement étendue. Le fila-
ment devient aussi de plus en
plus colorable et se teinte d'une
façon homogène. Cela semble
dû, d'une part à ce que les
nodosités un peu différentes du
reste au début, se fondent dans
l'ensemble, et surtout à ce que
tous les albuminoïdes qui cons-
tituent le suc nucléaire sem-
blent se déposer sur ce fila-
ment, se condenser en lui. Il est de toute évidence que le filament
chromatique de la prophase ne représente pas seulement la chroma -
tine du noyau, mais toutes les substances contenues dans le noyau.
On a affaire à une sorte de condensation des albumines nucléaires.
On ne peut dire que ce soit là une coagulation, ni une sorte de
cristallisation (Della Valle), parce que le phénomène est bien plus
complexe. Il se forme un filament sur lequel se déposeront toutes les
substances contenues dans le noyau. Elles ne se condensent pas par un
phénomène de séparation, elles se déposent sur le filament préexistant
à la formation duquel des nucléoles contribuent certainement.
On observe, lorsque la coloration est favorable, une torsion du fila-
ment signalée par Heidenhain 1907, Bonnevie, Della Valle surd'autres
objets. Cette torsion s'observe dans le filament non segmenté et dans les
FIG. xxxvil. Prophase dans une gonie I d'Axolotl. Remar-
quer la torsion des chromosomes. Le suc nucléaire
est coagulé sous forme d'un Au réticulum.
116 CHRISTIAN CHAMP Y
chromosomes après la segmentation, mais on ne l'observe pas au
tout premier début de l'apparition du filament, il semble qu'elle soit liée
au phénomène de raccourcissement.
Le filament chromatique se segmente alors qu'il est déjà épais,
on voit la substance chromatique se séparer avant la substance plastique
qui en constitue le substratum, celle-ci se sépare ensuite, mais des fila-
ments de cette substance plastique réunissent encore les unes aux autres
les extrémités des chromosomes.
Lorsqu'il est devenu épais, le filament a l'aspect d'un boyau arrondi,
vermiforme, un peu aplati, de consistance visqueuse, appliqué le plus
souvent à la face interne de la membrane nucléaire, à laquelle il semble
adhérer par sa viscosité.
Vers le moment où le filament se segmente en chromosomes, le
centrosome s'entoure d'irradiations de plus en plus nettes (fig. 22, 37,
42, 58, 59, 73). Ce sont des rayons fins et longs très serrés, ils ne paraissent
pas artificiels ou du moins, la coagulation n'y ajoute que peu de chose ;
ils varient peu avec la fixation. Le seraient-ils, ils témoignent cependant
qu'à ce moment l'action orientante de la sphère attractive s'exagéra.
Puis les deux corpuscules centraux s'écartent en restant réunis par un
fuseau central qui représente la substance du centrosome étirée en fuseau
(fig. 22, 59) et décomposée en filaments. Les filaments fins irradiés autour
des pôles semblent être de même nature et de même origine que le fuseau
central. Il faut donc admettre qu'ils sont d'origine centrosomienne. Ce
qui me fortifie dans cette opinion, c'est que la sphère peut sans aucun
doute émettre des irradiations dans d'autres cas, ainsi qu'en témoignent
les images telles que les figures 66, 82, etc. Ces irradiations sont seulement
à ce moment plus longues et plus fines, si fines qu'on ne peut les suivre
complètement.
Pendant qu'il se divise, le centrosome reste central ; cela est très net
chez les espèces à noyau très polymorphe comme la rainette, les crapauds.
Le noyau a l'aspect d'un croissant ou d'un anneau incomplet et il est
périphérique (fig. 29, 37). Chez les espèces à noyau rond ou peu lobé, le
centrosome et le noyau gardent les rapports qu'ils avaient à l'état de
repos, c'est-à-dire que l'appareil fusorial et le noyau tendent tous deux à
occuper le centre de la cellule. Ils sont étroitement appliqués l'un contre
l'autre (fig. 59). En général, les irradiations polaires sont bien visibles dans
les gonies I. Elles occupent quelquefois tout le cytoplasme (fig. xxxviii) et
se croisent à l'équateur.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 117
Mise au fuseau des chromosomes. — A ce moment, le noyau occupe
donc une position relativement excentrique lorsqu'il est rond, et d'autant
plus excentrique que le fuseau central grandit ; lorsqu'il est au repos très
polymorphe, il s'est beaucoup régularisé et occupe aussi la périphérie
cellulaire (fig. 22, 29). Il reste excentrique tant que la membrane nucléaire
est intacte, et tant qu'elle est intacte, l'action des cenlrosomes ne se
manifeste pas plus sur les éléments du noyau qu'elle ne se manifestait
à l'état de repos. Aussitôt que la membrane nucléaire a disparu, les chro-
mosomes quittent leur situation périphérique et reviennent vers le centre
de la cellule. Ils y reviennent sans doute par l'action de la même force
inconnue qui pousse le noyau à occuper le centre du cytoplasme. Cela
paraît se faire très vite, car il est à peu près impossible de suivre les stades
de ce retour au centre.
Il reste à expliquer pourquoi les chromosomes se disposent en U ou
en V, la partie recourbée tournée vers l'axe du fuseau, comme cela a été
observé maintes fois pour les gonies secondaires.
Il faut noter tout d'abord que la forme en V des chromosomes n'est
pas régulière, elle est moins régulière encore dans les gonies primitives
que dans les gonies secondaires, il y a souvent une branche beaucoup plus
grande que l'autre, quelquefois même le chromosome a l'aspect d'un bâton
non-recourbé, et il s'appuie contre le fuseau central par une de ses extré-
mités (fig. 32). C'est un fait notoire que la forme des chromosomes diffère
dans une même cellule au moment de l'aster. Quelques auteurs attribuent
aux chromosomes une individualité propre (Montgommery (1901), Jann-
sens 1909), pensent que les chromosomes diffèrent de forme parce qu'ils
sont en réalité différents dans leur constitution intime, qu'ils ont chacun
une valeur différente, ainsi que le veut Weismann. On pourrait, dans une
espèce à quatre chromosomes, numéroter ces chromosomes, les appeler
A, B, C, D, et les distinguer les uns des autres.
Chez YAlytes notamment, Jannsens et Willems (1909) observent
que les chromosomes sont semblables deux à deux. A la métaphase, les
chromosomes semblables sont rapprochés l'un de l'autre. Il y a un chro-
mosome seulement qui n'a pas de jumeau. Ce sont ces chromosomes ju-
meaux qui se conjugueront dans les spermatocytes et les chromosomes
d'un groupe sont, l'un d'origine paternelle, l'autre d'origine maternelle.
Cette théorie est évidemment séduisante, mais malgré tous mes efforts,
je n'ai pu retrouver constamment chez YAlytes les chromosomes jumeaux
de Jannsens. Chez cet animal comme chez les autres Batraciens, la forme
118 CHRISTIAN CHAMP Y
des chromosomes est très variable, elle varie non seulement dans une
même cellule, mais aussi d'une cellule à l'autre. Je n'ai pas retrouvé non
plus les groupes jumeaux avec la constance qu'on souhaiterait.
Chez toutes les espèces, on observe des différences de taille entre
les chromosomes d'une même cellule, mais ces différences sont variables,
dues à de simples hasards. Il est probable que le raccourcissement des
chromosomes s'effectue plus ou moins vite et plus ou moins facilement
selon des circonstances toutes fortuites : selon la forme du lobe du noyau
où se trouve le chromosome, selon que la membrane nucléaire disparaît
plus ou moins tôt. Chez YAlytes, les choses se passent comme partout
ailleurs et je pense que la figure sur laquelle Jannsens fonde sa manière
de voir est due à un hasard particulièrement rare. Il faut remarquer encore
que s'il y a des différences de taille importantes dans les chromosomes
des spermatogonies primitives, ces différences sont généralement moin-
dres dans les spermatogonies secondaires. Suivant la théorie de Jann-
sens, Montgommery (1901), les formes diverses des chromosomes à
l'aster devraient être constantes dans leur diversité. Or, une telle
constance ne s'observe pas.
Au moment où disparaît la membrane nucléaire, les chromosomes sont
repoussés vers le centre de la cellule, et ils s'en rapprochent, semble-t-il, en
roulant les uns sur les autres et en se serrant, autant que possible contre le
fuseau central qui s'oppose à leur passage. L'action des centrosomes sur eux
paraît être à ce moment nettement répulsive, comme le montre le fait
qu'ils se rangent de manière à être le plus éloignés possible des deux pôles
du fuseau. Il n'y a qu'une situation possible déterminée par ces deux
forces, l'une les poussant vers le centre de la cellule, l'autre les repoussant
loin des pôles du fuseau, c'est la situation qu'ils occupent en réalité en
une couronne équatoriale. Le peu de hasard que laisse ce double déter-
: minisme explique bien les légères différences dans leur situation, comme
les hasards du raccourcissement expliquent les différences de forme.
La torsion des chromosomes s'observe jusque vers la mise au fuseau;
à partir de ce moment, il est rare de l'observer, ou bien elle est très peu
marquée. Il faut noter que c'est à partir du même moment que les
chromosomes cessent de se raccourcir.
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS
119
Métaphase
Le fait que chez les Batraciens, les chromosomes sont disposés en
couronne équatoriale, tandis que dans d'autres cas : cinèses des blasto-
mères chez les Poissons par exemple, (Henneguy (1888), Bouin (1900),
Fig. xxxvm. Métaphase de la mitcse d'une gonie I A.' Axolotl. Remarquer la longueur des irradiations polaires,
qui se prolongent jusqu'à la membrane cellulaire et s'entrecroisent à l'équateur.
ils se disposent en plaque équatoriale, est sans doute explicable parce que,
dans ce dernier cas, les chromosomes sont assez petits, ou les fibres du
fuseau assez espacées pour que les chromosomes puissent s'introduire entre
les fibres fusoriales et aller librement vers le centre de la cellule, où les
pousse une force qui semble permanente (1). Le mode de formation du
fuseau a certainement aussi une influence sur la situation des chromo-
somes à la métaphase.
(1) L'action répulsive des pôles du fuseau ne paraît, au contraire, nullement permanente, puisque, peu de
temps après, dès le début de l'anaphase, elle va se transformer en une force attractive.
120 CHRISTIAN CHAMP Y
Je n'ai aucune observation à ajouter à celles des nombreux auteurs
qui ont étudié la fissuration longitudinale des chromosomes. Avant que
cette fissuration n'apparaisse, les chromosomes sont disposés de telle
sorte qu'ils soient le plus près possible du centre de la cellule, et le plus
loin possible des pôles du fuseau, c'est-à-dire aplatis dans le plan équa-
torial. Il faut tenir compte aussi de la viscosité considérable des chro-
mosomes qui sont des masses demi-solides, susceptibles de l'infléchir
dans tous les sens.
Dans cette situation équatoriale, ils subissent la division longitu-
dinale généralement suivant le plan équatorial, rarement dans un
autre plan, cette division peut être déjà effectuée alors que l'action
des pôles du fuseau est encore répulsive. On peut observer dès la pro-
phase une duplicité des chromosomes, mais cette duplicité n'est qu'excep-
tionnelle (Contra Dehorne), et il ne s'agit pas d'une véritable division.
C'est plutôt une vacuolisation des chromosomes ainsi que le dit Gré-
goire. Je n'ai jamais vu cette duplicité du filament chromatique dès les
premiers stades.
Il faut admettre que la répulsion des chromosomes se change
en attraction, dès la fin de la métaphase, pour des raisons encore profon-
dément mystérieuses. Cette attraction est démontrée par les images
d'HENNEGUY dans les blastomères de la Truite, et par les images ana-
logues qu'on observe dans les gonies secondaires, lorsque la mitose
n'est pas suivie de cloisonnement.
L'attraction vers les pôles agit d'abord sur les extrémités des chro-
mosomes (fig. 23, 39, 60) {Cf. Flemming, Meves, etc.) sur la partie
la plus périphérique : ceci est paradoxal puisque c'est la partie qui
est le plus éloignée des pôles. On peut cependant expliquer ces
images de la manière suivante : la force qui pousse les chromosomes
vers le centre de la cellule (appelons-la force centripète) tend constam-
ment à appliquer les chromosomes sur le fuseau, elle agit d'ailleurs
probablement plus intensément sur les parties les plus périphériques
des chromosomes. Lorsque la répulsion des pôles va faire place à l'attrac-
tion, il faut admettre que l'action des centres, en changeant de sens,
devient nulle à un certain moment. L'action de la force centripète
peut alors repousser les extrémités des chromosomes vers le centre, ce qui
ne peut se faire que suivant le schéma fourni par les figures réelles,
en tendant à rebrousser les chromosomes contre le fuseau.
Le fait que cette action ne peut se faire sentir que pendant le laps
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS 121
de temps très court où l'action des pôles du fuseau passe par zéro en
changeant de sens, explique le peu de durée des images telles que celles
des figures 23, 60, où les extrémités distales des chromosomes s'écartent.
Anaphase
Lorsque le changement de sens de l'action polaire s'est opéré et
que cette action est devenue nettement attractive, elle agit bien comme
on le peut prévoir, c'est-à-dire plus fortement sur la partie du chromo-
some la plus proche du pôle, sur la partie recourbée ; ainsi s'expliquent
les figures bien connues d'ascension des chromosomes (fig. 61). Pendant
cette ascension, la situation des chromosomes est déterminée
d'une part par l'attraction des pôles qui agit sur les parties des chro-
mosomes les plus proches d'eux, d'autre part, par la force centri-
pète qui tend constamment à appliquer le chromosome le long du
fuseau.
La résultante de ces deux forces pousse les chromosomes jusqu'aux
pôles de l'aster, ils s'arrêtent alors en se rencontrant et se touchant les
uns les autres. Pendant l'anaphase et la télophase, les pôles du fuseau
ne cessent de s'éloigner l'un de l'autre comme cela a été constamment
observé dans les objets les plus divers. Il est à remarquer que les irra-
diations des asters diminuent rapidement et cessent d'être apparentes
dès que l'action du centrosome cesse d'être répulsive. Elles ne sont d'ail-
leurs jamais aussi marquées à la métaphase qu'elles l'étaient à la pro-
phase. Elles sont toutefois constamment plus visibles dans les gonies I
que dans les mitoses des spermatogonies II. Lorsqu'on peut colorer
le fuseau d'une manière spéciale, les irradiations des asters ne se colorent
pas toujours (fig. 60, 61). A la télophase, on observe constamment, comme
cela est bien connu, que les extrémités des chromosomes se reploient vers
l'axe du fuseau (fig. 33). Ce reploiement n'est qu'un résultat particulier
de l'action de cette force qui pousse constamment la chromatine vers
le centre de la cellule. Pendant l'anaphase, le reploiement des extrémités
libres des chromosomes est rendue impossible par la présence des fibres
du fuseau. Les images telles que celle de la figure 61 indiquent que, dès
l'anaphase, les extrémités des chromosomes exercent une pression sur
les fibres du fuseau. A la télophase, les fibres du fuseau semblent être
en régression, et, en tous cas, elles n'opposent plus de résistance à la
tendance centripète des chromosomes.
122 CHRISTIAN CHAMP Y
Télo phase
La membrane intercellulaire se forme entre les deux cellules-filles
de la périphérie vers le centre, étranglant le fuseau en son milieu. Lors-
qu'on emploie les colorations à la Brésiline (fig. XLefcxLi), on voit nettement
que cette membrane qui s'avance vers l'équateur du fuseau est constituée
par une lame se colorant comme le tissu collagène, dans le milieu de
laquelle on distingue une lame moyenne, très fine, colorée par la Bré-
siline. On distingue le plus souvent, dans l'axe du fuseau étranglé, un
_„ faisceau de fibres
.. '-* "'"*'* ' ~ Y* ' ' ' .' - - "v; plus grosses que les
♦^pw^ss, ,-•****'"> fibres périphéri-
4' '■ - ques, et qui, quel-
0-. '% U ; quefois, se colorent
" i de manière différen-
' te, elles semblent
,-. . ■■ç>~t •0-.'l' formées par fusion
.é$0^j$F des fibres du fuseau
:i;u::^' ; central ; ce sont elles
■~**>!-™mBa*8îî, ■■■,- qUj constitueront
Fia. xxxix. Gonie I de Ranu esculenta avant la rotation télophasique. Cen- le ligament mter-
trosomes dans une cupule du noyau.) ni •
cellulaire.
Lorsque le cloisonnement est achevé, on observe sur la lame élastique
moyenne un épaississement constituant le corps intermédiaire de
Flemming, autour duquel on note aussi un épaississement des lames
latérales en une sorte de lentille (fig. xl et xli). L'épaississement de la
lame moyenne est quelquefois granuleux, d'autres fois annulaire, le
plus souvent lenticulaire et compact. Les filaments du fuseau présentent
quelquefois au début des varicosités qui s'accolent l'une à l'autre
comme dans les spermatocytes ; mais cela s'observe rarement.
Les chromosomes groupés en paquet dans chaque cellule fille,
s'accolent les uns aux autres et s'entourent d'une membrane. La
chromatine se fragmente peu à peu en petits grains, et une substance
albuminoïde et colorable se dissout certainement dans le suc nucléaire,
qui devient de plus en plus dense.
La substance fondamentale, le substratum visqueux des chromo-
somes paraît se réunir en une masse qui reconstitue vers le sommet du
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS
123
fuseau le nucléole, ou plus souvent un certain nombre de nucléoles qui
semblent devoir ensuite confluer en un seul, ou dont un seulement per-
sistera et grossira (fig. 33).
Jannsens (1909) n'a pas vu le nucléole se reconstituer à la télo-
phase, il pense que le nucléole est une inclusion de cytoplasme qui se
produit à la fin de la télophase. Je ne pense pas que cela soit, et je crois
que le nucléole se reforme ici comme dans les spermatocytes où le phéno-
mène est bien net. D'ailleurs, dans le cas des noyaux en couronnes
étudiés par Meves, on ne voit pas comment cette inclusion pourrait se
faire.
Il arrive qu'on observe un nucléole persistant dans les noyaux en
Fia. XL et xr,i. Cloisonnement télophasiçme chez Axolotl, e, lame élastique moyenne ; /, fuseau ; c, lame latérale
collagène. Le cytoplasme n'a pas été représenté (coloration à la Brésiline-vert lumière.)
prophase avancée; ce nucléole persiste rarement pendant la mitose.
Habituellement, le nucléole prophasique disparaît ; il devient de moins
en moins colorable par l'hématoxyline, puis ses contours deviennent
irréguliers; il se soude aux chromosomes et s'en sépare en formant des
filaments d'étirement. Il paraît finalement se confondre avec la substance
plastique qui sert de substratum aux chromosomes.
Les nucléoles persistant pendant la mitose ne paraissent pas rentrer
dans les noyaux fils, ils restent dans le cytoplasme et ont le sort ultérieur
d'un corps pyrénoïde. On ne peut d'ailleurs les distinguer de ces corps
avec sécurité une fois que la membrane nucléaire a disparu.
Pendant la mitose, chez toutes les espèces, les granules et filaments
mitochondriaux sont répartis également dans le cytoplasme périphé-
rique. De la prophase à l'aster, ils occupent une situation plutôt périphé-
rique que centrale, tandis qu'à la télophase, ils se groupent plutôt vers
le noyau (fig. xlix). L'action attractive ou répulsive de la sphère sur
ces corps est bien plus faible que dans les gonies au repos ; il paraît
124 CHRISTIAN CHAMP Y
cependant y avoir une action sensible qui est de même sens que sur les
chromosomes : répulsion à la prophase et à la métaphase, attraction à
l'anaphase et à la télophase.
De même qu'à l'état de repos, les corps chromatoïdes ne paraissent
pas sensibles à l'influence de la sphère. Au moment de la mitose, il en
existe au moins un gros, souvent constitué de deux sphérules inégales
réunies. Pendant la métaphase, il est situé dans le cytoplasme, dans la
zone équatoriale. A la fin de l'anaphase, il est fréquent, mais non constant,
de le voir se diviser (fig. 32) et de voir les deux parties rester chacune dans
une des cellules filles. Cette division du corps chromatoïde n'a ni la régula-
rité, ni la constance de la division du même corps dans les spermatocytes.
A la fin de la télophase, on observe constamment le mouvement des
centrosomes connu sous le nom de rotation télophasique. Quelquefois,
ce mouvement est très précoce, et s'observe dès la métaphase (rainette,
fig. 31, 32), donnant au fuseau un aspect tout particulier. Dans les sper-
matocytes et dans les spermatogonies II, il y a seulement rotation de 90°
comme cela a été décrit maintes fois. Au contraire, dans les gonies primi-
tives, il y a le plus souvent rotation de 180° (fig. 38).
Le résidu fusorial et le corps intermédiaire disparaissent rapidement
après la division multiplicatrice des gonies I, et de petites cellules folli-
culeuses s'introduisent rapidement entre les cellules filles et les séparent.
Particularités spécifiques de la mitose des gonies
La mitose des gonies primitives se présente avec les mêmes caractères
chez toutes les espèces. Le fuseau a toujours un aspect particulièrement
large et ventru pendant la métaphase par comparaison avec les autres
cinèses somatiques chez la même espèce (fig. 23, 39, 60, 61).
Le nombre des chromosomes varie certes avec les espèces. Il est de 16
chez la Salamandre (Cf. Flemming, Meves), de 18 à 24 chez les Tritons
(Cf. Jannsens), de 16 chez la Grenouille verte, etc. Je n'ai pu compter
les chromosomes chez Bombinator, ni chez Hyla.
Je ne puis assurer d'ailleurs que ce nombre soit rigoureusement cons-
tant chez une même espèce, notamment chez Bombinator, en tous cas,
les variations du nombre des chromosomes d'une espèce à l'autre sont
bien moins caractéristiques et moins frappantes que quantité d'autres
caractères cytologiques : la forme et la disposition du noyau, par exemple.
Chez toutes les espèces, les chromosomes sont longs, généralement plus
SPERMATÔGÉNÈSE DES BATRACIENS 1l\->
longs que dans les mitoses des gonies II et les autres mitoses somatiques ;
il y a cependant à cet égard quelques variations spécifiques qu'il est
intéressant de signaler : ils sont plus longs chez les Tritons, les Crapauds,
le Bombinator que chez les Grenouilles et l'Alytes. Ainsi que je l'ai dit,
je n'ai jamais pu arriver, malgré de patients efforts, à identifier chaque
chromosome dans une même espèce et je pense que les variations de leur
forme sont de pur hasard.
Une particularité qui mérite d'être signalée est l'aspect très fré-
quent sinon constant du fuseau, chez Hyla, au moment de la métaphase,
les deux pôles étant inclinés en sens inverse. Je pense que cet aspect est
dû à ce que la rotation télophasique s'indique ici bien plus tôt que chez
les autres espèces. Chez Rana esculenta, Bufo vulgaris, elle commence
d'ailleurs bien avant la télophase : dès le début de l'anaphase, on voit
souvent les pôles du fuseau s'incliner en sens inverse. Il n'y a aucune
régularité dans ce phénomène.
Les plus grandes différences entre les espèces s'observent à la
prophase à cause de la forme plus ou moins polymorphe du 1103'au, et à la
télophase 011 le noyau reprend aussi une forme plus ou moins polymorphe.
RÉSUMÉ
En somme, la mitose des gonies I se fait suivant des processus assez
identiques chez les diverses espèces. Les phénomènes diffèrent peu de
ceux qui ont été maintes fois décrits dans les spermatogonies secondaires.
Les différences spécifiques qu'on peut observer dépendent de la forme
spécifique du noyau prophasique, des variations spécifiques du nombre
et de la longueur des chromosomes, de la précocité plus ou moins grande
de la rotation télophasique. Il faut admettre qu'il y a, jusqu'à la méta-
phase, répulsion des chromosomes par les centres, et que cette action
change de sens à l'anaphase : ceci dit sans préjuger de la nature des forces
qui interviennent,
Divisions anormales
La division pluripolaire signalée par Nicolas (1892) chez la Sala-
mandre n'est rare chez aucune espèce. Elle s'observe surtout chez Bom-
binator où ce mode de division est presque aussi fréquent que la mitose
normale, mais on la trouve encore avec une grande fréquence chez tous
les Anoures pendant l'époque du repos interspermatogénétique. On l'ob-
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN". — T. 32. — F. 2. '.)
126 CHRISTIAN CHAMP Y
serve aussi chez les Urodèles et chez les Anoures en spermatogénèse. Chez
Rana esculenta, où j'ai bien suivi l'évolution saisonnière, elle est très
fréquente en dehors des périodes de spermatogénèse vraie et surtout
pendant les poussées de préspermatogénèse annuelle, mais elle est fré-
quente encore au début de la spermatogénèse vraie, lors de la production
de nombreux cystes de gonies secondaires (1).
Il importe tout d'abord de faire une différence entre la mitose simple-
ment multipolaire qui reste à peu près régulière et la mitose multipolaire
et hétérogène où il n'y a plus aucune régularité. Le premier mode de divi-
sion intervient surtout au début de la formation des cystes de spermato-
gonies secondaires ; il est assez peu fréquent. Le deuxième intervient
surtout pendant les poussées préspermatogénétiques. On l'observe
cependant en tout temps chez le Bombinator . Ce phénomène doit être
dû souvent à une sorte d'interférence entre les phénomènes d'ordre pure-
ment nutritif : élaboration d'enclaves, etc., et les phénomènes ciné-
tiques. Très souvent, en effet, le fuseau pluripolaire et irrégulier se forme
en situation excentrique, dans la situation qu'occupe la sphère lorsqu'elle
paraît jouer un rôle dans les processus d'accumulation du deutoplasme.
Nous avons vu que, dans ces cas, la sphère se divise souvent sans qu'il
y ait ensuite division du cytoplasme. On pourra' t donner de la mitose plu-
ripolaire et irrégulière cette explication : C'est une mitose qui survient
dans des cellules en voie d'évolution o vif orme.
On voit, au contraire, chez Bombinalor, Hyla, le fuseau pluripolaire
régulier se former au centre de la cellule aux dépens d'une sphère bien
centrale (fig. 109), pourvue de plusieurs corpuscules centraux, ce qui est
fréquent chez ces animaux.
La division pluripolaire irrégulière (fig. 100) se produit souvent dans
les cellules de grande taille, mais on l'observe aussi dans des éléments de
taille normale. Elle ne paraît pas être déterminée alors par la trop grande
taille de l'élément, mais par des conditions anormales de son cytoplasme
ou de son noyau. Ces conditions sont purement intrinsèques et les
influences extérieures paraissent avoir fort peu d'action. En effet, on
observe des divisions pluripolaires irrégulières dans des éléments mêlés
à d'autres qui se divisent normalement.
La division pluripolaire régulière s'observe dans des conditions
tout autres, et, semble-t-il, chaque fois qu'une multiplication
(l) C'est d'une division pluripolaire régulière qu'il s'agit.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 127
active est nécessaire. On peut invoquer, pour parler un langage
moins finaliste : une action particulièrement intense de la cause incon-
nue qui provoque les phénomènes de division cellulaire. C'est ainsi
qu'on observe très fréquemment chez Hyla, Bujo, Rana, Bombinator, des
divisions multipolaires régulières, au début de la formation des cystes
de gonies secondaires. Dans ce cas, on ne peut vraiment considérer ces
divisions comme anormales dans leur essence, elles représentent plusieurs
divisions condensées en une seule.
Quelle que soit la cause inconnue qui a produit une excitation si
intense du centre cellulaire dans le cas du mitose pluripolaire, on ne peut
considérer ce phénomène comme dégénératif , au moins dans le cas de
mitose régulière. C'est une anomalie par asynchronisme des phénomènes
normaux de la vie cellulaire. La possibilité de cet asynchronisme montre
que les phénomènes de division du centre cellulaire d'une part, et d'évolu-
tion des chromosomes d'autre part, sont indépendants. Ils sont habituelle-
ment simultanés, mais de nombreux exemples, celui-ci entre autres, témoi-
gnent que cette simultanéité n'est pas nécessaire.
Les phénomènes cinétiques de la division pluripolaire sont d'ailleurs
les mêmes que ceux de la division bipolaire et éclairent ces derniers. Au
début, les chromosomes sont repoussés vers le centre de la cellule en même
temps qu'ils sont repoussés par tous les pôles existants. Ils prennent à la
métaphase la position que commandent toutes ces répulsions (fig. 32, 43).
Il est à remarquer que, dans une mitose régulière, l'action des pôles est
sensiblement égale comme cela s'observe dans la mitose normale. Dans
la mitose irrégulière, l'action des pôles est inégale. C'est même de cela
surtout que provient l'irrégularité. On voit, à la métaphase, des pôles dont
l'influence répulsive est plus faible, ce sont sans doute ceux-là, qui,
à l'anaphase, auront aussi une influence attractive plus faible auss'.
Les chromosomes se divisent dans cette zone centrale où ils sont
refoulés à la métaphase et bientôt sont attirés par les pôles, d'autant plus
activement qu'ils étaient plus activement repoussés l'instant d'avant :
ainsi les pôles de faible influence ne reçoivent souvent qu'un ou deux
chromosomes. Les mitoses pluripolaires irrégulières partagent donc les
chromosomes très inégalement
Le nombre des chromosomes prophasiques ne m'a pas paru différer
dans certains cas du nombre normal de l'espèce, même pour des pro-
phases correspondant selon toute probablité à des mitoses pluripolaires
régulières. Dans d'autres cas, il m'a paru plus grand. En tous cas, il y
128 CHRISTIAN CHAMP Y
a des mitoses quadripolaires où il n'y a pas le double du nombre normal
de chromosomes.
On observe souvent de légères variations dans la forme des chro-
mosomes, mais ces variations se retrouvent dans les cinèses normales,
elles sont cependant x^lus marquées dans les mitoses multipolaires.
A la télophase d'une mitose pluripolaire, régulière ou non, on
observe donc plusieurs groupes de chromosomes dont la plupart,
sinon tous, sont constitués par un nombre de chromosomes inférieur
au nombre normal de l'espèce. J'ai pu m'en assurer chez les espèces à
chromosomes peu nombreux {Ranci esculenta). Les produits de ces
divisions anormales ne dégénèrent pas toujours. Pendant les poussées
de préspermatogénèse annuelle, ils donnent certainement lieu à des
produits destinés à dégénérer, mais au moment du début de la sper-
matogénèse, les mitoses multipolaires égales (chez Rana, Hyla Bufo)
ou inégales (chez Bombinator), donnent lieu certainement à des produits
évolutifs, puisque, dès ce moment, on n'observe plus de dégénérescence.
Les cellules issues de ces mitoses pluripolaires ne se distinguent plus
des autres par la suite.
Le cloisonnement donne le plus souvent trois ou quatre cellules
séparées, rarement plus (1). Quand la mitose se fait avec 6 ou 8 pôles
et qu'elle est très inégale, il se trouve que deux masses nucléaires sont
enfermées dans la même cellule. La plus petite des deux dégénère fré-
quemment comme dégénèrent les petits noyaux émis par amitose, et
la plus grosse se développe normalement. Il est possible aussi que les
deux masses se fusionnent quelquefois. En peu de temps, les noyaux
inégaux et anormaux issus des mitoses multipolaires reprennent une
taille et un aspect normaux, et bientôt on ne distingue plus les cellules
issues de ces cinèses anormales et inégales de celles qui proviennent
des mitoses normales. Les phénomènes de croissance cellulaire à l'état
de repos suffisent à compenser l'inégalité des cellules, surtout lorsque
celles-ci sont de petite taille. Les cellules anormalement grandes semblent
subir l'évolution oviforme avec une prédilection marquée. Chez le
Bombinator, ces cellules restent souvent anormalement grandes et
continuent à évoluer avec leur taille énorme, donnant lieu aux sperma-
tocytes géants étudiés par Beoman (1902). Le même phénomène s'observe
aussi, mais plus rarement, chez les autres espèces.
(1) Ceci montre aussi qu'il y a indépendance relative entre les phénomènes de cloisonnement et ceux de mitose.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
L29
i
H
Division karyomitotique
J'ai observé dans des spermatogonies géantes de Bombinator, de
curieuses figures de division par étirement du noyau avec formation
de filaments dans
la région du
noyau qui s'étire
(fig. XLiietxLin).
Ces divisions
s'observent dans
des spermatogo-
nies géantes dont
la structure nu-
cléaire rappelle
celle des cellules
o vif ormes. A la
suite de ces éti-
rements, il se
forme un véri-
table zellkoppel
avec corps intermédiaire, lorsque cet étirement est suivi de plasmodiérèse.
, J'emploierais le mot de résidu fu-
sorial si l'origine de ce zellkoppel
n'était pas certainement nucléaire.
Je n'ai pas encore pu sérier
avec certitude les stades de cette
curieuse division dont je me pro-
pose de faire une étude spéciale.
On ne peut l'appeler amitose,
puisque cette expression impli-
que l'absence de formations fila-
menteuses et qu'il y a ici un
véritable fuseau filamenteux télo-
phasique. On ne peut non plus
la rattacher à la karyokinèse,
car je suis certain que, dans beau -
Fig. xnn.-îk Division karyomitotique d'une gonie 1 COUp de Cas, il ne S6 forme rien qui
£T2£ £££' l'"",""t d''"re'""t ressemble à des chromosomes.
Fia. xlii. Gonie I géante de Bombinator. Etirement du noyau centrcsome avec
plusieurs groupes de eentrioles.
*f;
M-
130 CHRISTIAN CHAMPY
Je propose le terme de division karyomitotique pour indiquer que
les filaments sont d'origine nucléaire.
Il y a quelquefois formation de chromosomes très imparfaits et
dont l'existence est très éphémère au début de cette division, mais il
n'y a pas rupture du noyau.
Je pense qu'un certain nombre des images de Broman dans les
spermatocytes, se rapportent à des divisions de ce genre qu'on observe
aussi dans les spermatocytes. La sériation qu'indique Broman me
paraît un peu artificielle, mais je ne suis pas en mesure de lui en substi-
tuer une autre avec quelque sécurité. Je me contenterai de donner
quelques images.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 131
QUATRIÈME PARTIE
Les cellules sexuelles mâles : spermatogonies
de second ordre et spermatocytes
LES SPERMATOGONIES SECONDAIRES
Caractères et Cytologie
Les mitoses des gonies primitives donnent habituellement lieu à
deux gonies primitives, semblables aux cellules mères, et les cellules
folliculeuses les séparent aussitôt après la télophase. C'est la division
qu'on peut appeler simplement multiplicative (fig. xliv).
Dans d'autres conditions, au début de la spermatogénèse, certaines
gonies primitives subissent une division qui ne diffère de la précédente
par aucun caractère essentiel, mais après laquelle les gonies filles ne
sont pas séparées et restent enveloppées dans un même cyste de cellules
folliculeuses, ce sont des spermatogonies de deuxième ordre.
Cette division, suivie de cette disposition, prépare l'évolution sper-
matogène des gonies. Dès que les cellules restent groupées en un même
cyste, formant des cumuli, ainsi que dit Bertacchini (1896), il ne leur
est plus permis qu'une seule évolution : l'évolution spermatogène.
Elles doivent se transformer en spermatozoïdes ou dégénérer, et nous
verrons que cette dégénérescence est toujours brutale et n'indique
pas, comme celle des gonies I, la possibilité d'autres évolutions.
On ne distingue généralement en rien la mitose spermatogène de
la mitose de simple multiplication. Cependant, la rotation télophasique
ne paraît guère dépasser 90° dans le premier cas, alors qu'elle est
d'environ 180° dans le second. Cette différence n'est d'ailleurs pas
constante. Il n'y a qu'un phénomène différentiel certain, c'est que les
cellules folliculeuses ne séparent pas les cellules filles comme d'habi-
tude après la télophase (fig. xlv).
Ce phénomène est fondamental et les conséquences qu'il comporte
132
CHRISTIA N Cil A MP Y
- Os
sont des plus importantes. Les gonies secondaires sont en contact bien
moins étroit avec les cellules du cyste, avec les cellules nutritives que
les gonies primitives. La conséquence de cette disposition est que les
phénomènes de nutrition, d'élaboration d'enclaves paraissent devoir y
être bien moins marqués ; ils le sont, en
effet, constamment.
Il n'est pas rare, au moment du début
de la grande poussée spermatogénétique, de
voir les gonies primitives se diviser par
des mitoses multipolaires régulières qui
donnent lieu à quatre spermatogonies
secondaires par exemple. On voit quelque-
fois, chez les Anoures surtout, la multiplica-
tion des gonies se faire ave 3 une telle
rapidité que les mitoses se suivent sans
cloisonnement du cytoplasme et sans inter-
valle de repos, conformément au phénomène bien connu chez les végé-
taux (fig. XLVI).
Les spermatogonies secondaires diffèrent d'aspect suivant qu'on
Fig. xliv. Comparaison entre la divi-
sion multiplicatrice a et spermato-
gène 6, des gonies I (schématique).
Fig. xlv. Gonies I et spermatogonies II. A, chez Bomhinator ; B, chez Bu;o au début de la spermatogénèse.
(Les autres éléments n'ont pas été représentés). C, cellules des cystes.
les considère au moment où il y a seulement deux cellules dans un même
cyste (fig. xlviii a),, ou bien au moment où il y en a plusieurs (fig. xlviii b).
Ces différences sont de même ordre chez toutes les espèces, on peut les
SPERMATOOÊNÈSE DES BATRACIENS 133
résumer en ceci : Le noyau devient de moins en moins polymorphe. Il
est constamment arrondi chez les espèces à noyau très peu lobé : Rama
esculenta, Alytes (fig. xlvii), Rana temporaria. Chez les autres espèces,
il s'arrondit peu à peu : ainsi chez le Triton, au stade 4 ou 6 cellules,
il est encore bilobé ou réniforme. Au stade 10, 12 cellules, il est complè-
tement arrondi. Chez Bombinator (fig. xlviii), Bufo, Hyla, il est encore
remarquablement compliqué au début et s'arrondit d'autant plus vite
que la forme du noyau des gonies primitives est moins compliquée
dans l'espèce considérée (fig. lxv).
La structure du noyau ne présente pas de caractères essentielle-
Fig. XLvr. Mitoses successives sans cloisonnement pour la formation des cystes de spermatogonies II chez
Hyla.
ment différents de celle du noyau des gonies primitives. Généralement
la chromatine s'y présente sous forme de blocs assez gros. C'est que les
noyaux de ces gonies n'ont pour ainsi dire jamais le temps de revenir
à l'état de repos, à cause de la succession rapide des mitoses. On y trouve
très souvent des chromosomes incomplètement résolus. Il faut remar-
quer aussi qu'on trouve le plus souvent trois ou quatre nucléoles ou
davantage, que ces nucléoles sont en voie de division constante. Cela
est sans doute dû aussi à la rapidité de la division de ces cellules et je
pense que ce fait doit être rapproché du phénomène de division mul-
tiple du nucléole avant la mitose.
On n'observe pas non plus de phénomènes d'expulsion de nucléoles
si fréquents dans les gonies I, ni de canalicules nucléaires. Cependant
on trouve souvent des encoches plus ou moins profondes dans les noyaux
134
CHRISTIAN CHAMP Y
en couronne,, dans les espèces dont les gonies I sont très polymorphes
et seulement dans les spermatogonies II du début (6-8 cellules par cyste).
Ces images ont été abondamment figurées par Meves (1897), je n'y
insiste pas.
Chez les Urodèles, on peut cependant trouver quelquefois dans
les premières spermatogonies II, des caractères de gonies I. On rencontre
assez souvent le phénomène d'expulsion du nucléole et il n'est pas rare
de trouver des groupements mitochondriaux qui rappellent ce qu'on
peut observer dans les gonies I. C'est dû, je pense, à ce que les gonies
étant en général en rapport plus intime avec le tissu conjonctif que
y-
f°' ?
py
n
Fig. xlvii. Spermatogonies II chez Alytes. py, corps pyrénoïde double ; c, chromosome accessoire ; n, nucléole.
chez les Anoures, les phénomènes d'ordre nutritif se manifestent encore
alors qu'il y a 6-8 cellules dans le cyste, tandis que chez ces derniers,
le cyste est déjà très peu nourri à ce moment. Les phénomènes de mitose
sont de même souvent moins actifs chez les Urodèles que chez les
Anoures.
Le cytoplasme des gonies secondaires diffère notablement de celui
des gonies primitives. On n'y trouve plus de grosses mitochondries
granuleuses, de chondrioplastes, sauf dans les premières spermato-
gonies secondaires des Urodèles qui se rapprochent ainsi des sperma-
togonies primitives, comme nous l'avons dit déjà. Les mitochondries
granuleuses deviennent de moins en moins nombreuses à mesure que
le nombre des gonies du cyste augmente et les chondriocontes deviennent
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 135
de plus en plus longs, si bien qu'en peu de temps, le chondriome a com-
plètement changé d'aspect (fig. 150).
Le cytoplasme se réduit de volume à mesure que se produisent ces
phénomènes, et son importance relative diminue plus rapidement chez
les Anoures que chez les Urodèles, toujours à cause de ce fait que les
phénomènes de nature sécrétoire persistent un temps assez long dans
les spermatogonies des Urodèles et qu'ils disparaissent plus vite chez
les Anoures.
Les corps pyrénoïdes qui sont nombreux dans le cytoplasme des
gonies I, nombreux aussi dans les gonies II des Urodèles au début,
deviennent de plus en plus rares. Dans les cystes à nombreuses cellules,
■ ■
a
6
U Tri * — * 1
Fig. xlyiii {bis.) Spermatagonies II de Bombinator. a, i cellules par cyste ; 6, 13-20 cellules par cyste. Arrondis-
sement progressif du noyau.
il n'y en a généralement qu'un seul formé souvent de deux sphérules
inégales réunies par un pont de substance.
La sphère est facilement visible, elle est moins fréquemment
entourée d'irradiations que dans les gonies primitives, et seulement
vers la prophase. Elle occupe toujours le centre de la plus grande masse
de cytoplasme. Comme Meves (1897), Flemmng (1888), Mac Grégor
(1899), l'ont abondamment figuré, on observe couramment un ligament
intercellulaire et divers résidus fusoriaux. Souvent, la sphère est consti-
tuée de deux parties séparées par un système de canalicules comme
cela se voit dans les spermatocytes, et comme cela a été figuré par
Rawitz (1895).
Meves (1897), indique que l'été la sphère est petite, que l'hiver,
la sphère est grosse dans les « Kleine Spermatogonien ». Je n'ai pas
observé cela. Il est vrai que l'hiver on note une condensation des mito-
chondries autour de la sphère, plus nette qu'en été.
136 CHRISTIAN CHAMP Y
L'action de la sphère sur les organites du cytoplasme est moindre
que dans les gonies primitives. On ne trouve plus de corps mitochon-
driaux compacts, ni les figures en halos, anneaux concentriques, on voit
seulement que les organites du cytoplasme sont un peu plus condensés
autour de la sphère attractive. Ainsi que Duesberg l'a vu chez Triton
cristatus, on observe souvent un certain nombre de filaments mito-
chondriaux accolés au centrosome, puis autour d'eux une zone claire
où se trouvent des canalicules, puis une zone plus externe où les mito-
chondries sont plus condensées (fig. 150).
Les mitochondries appliquées contre la sphère sont-elles super-
posables aux « Centralkapseln » décrits par Heidenhain ? ou bien
ces Centralkapseln sont-elles dues à une imprégnation des canaux de la
deuxième zone ? Enfin, sont-ce des formations différentes ? C'est une
question que je ne puis résoudre. La méthode deGoLGi colore quelque
chose qui ressemble beaucoup aux Centralkapseln, mais je n'ai pas eu
aVec cette méthode des images suffisantes pour pouvoir affirmer si le
réseau de Golgi se superpose aux mitochondries, ou aux canalicules,
ou s'il représente une formation spéciale.
Les grains colorables à l'osmium existent constamment. Ils sont
de taille plus petite et plus égale que dans les gonies I. Les spermato-
gonies de IIe ordre sont presque toujours reliées par un ligament
intercellulaire comme cela a été vu par tous les auteurs qui s'en sont
occupés. Chez les Urodèles, les spermatogonies secondaires se groupent
en une sphère creuse le long des parois du cyste et laissent vide le centre
du cyste. Elles constituent a^rs une sorte d'épithélium cubique et les
ligaments intercellulaires se continuent fréquemment d'une cellule à
l'autre avec une grande régularité ainsi que l'ont figuré nombre d'auteurs.
Lorsqu'on colore par la Brésiline, on voit que, vers le centre vide, la
lame élastique présente un épaisissement analogue aux Kittleisten.
Lorsque les cystes grossissent, des cellules du cyste s'introduisent à
l'intérieur, le cloisonnant en poches secondaires. A ce moment, les
spermatogonies II ont en général un noyau rond et ne présentent plus de
phénomènes glandulaires, (fig. xvi)
Chez les Anoures, les spermatogonies II constituent des groupes ou
masses plus denses et sont disposées irrégulièrement, en un nodule com-
pact. Un fait remarquable dans l'évolution des spermatogonies secon-
daires, c'est qu'à partir du moment où deux de ces cellules sont réunies
dans un même cyste, leur évolution est exactement synchrone jusqu'à
SPERMA TOGÊNÈSE DES l>. ! TRACIENS
137
la transformation en spermatozoïdes ; elles sont toujours toutes au même
stade et se divisent en même temps. Ce synchronisme m'a paru encore
plus net chez les Anoures que chez les Urodèles. Chez ces derniers, on
observe souvent un certain retard d'un cyste secondaire ou deux sur les
autres groupes du même cyste principal. Mais l'évolution de chaque cyste
secondaire est exactement s'multanée. Chez certains Anoures, le synchro-
nisme est tout à fait rigoureux.
/
Division des spermatogonies de deuxième ordre
Cette division a fait l'objet de nombreuses études et je n'ai rien à
ajouter à ce qui a été dit sur ce sujet. Je nie contenterai de renvoyer au
travail de Meves (1897), à ceux de
Jannsens (1901-1909). Je me conten-
terai de comparer la mitose des go-
nies II à celle des gonies I.
La division des spermatogonies II
ne diffère par aucun caractère essen-
tiel de celle des gonies I. Cependant,-
quelques phénomènes y sont mieux
perceptibles : la contribution des nu-
cléoles à la formation du filament
nucléaire est ici très facile à obser-
ver, surtout lorsque le noyau est
arrondi ; le nucléole se divise un grand
nombre de fois, un peu avant la pro-
phase. Il faut, bien entendu, s'adresser
à des préparations colorées de telle
sorte qu'on puisse différencier la chro-
matine des nucléoles.
Les chromosomes sont fréquem-
ment plus courts que dans la division
des gonies primitives de la même espèce, et d'autant plus courts que les
gonies sont plus nombreuses dans un même cyste, l'aspect des figures
de mitose est aussi plus identique à lui-même. Le fuseau est généralement
moins large et moins lâche (fig. xlviii). Les spermatogonies II des Anou-
res se divisent fréquemment avec une très grande rapidité, bien plus vite
que chez les Urodèles. C'est dans ces cas qu'on voit des mitoses se succéder
Nb
/'
S
Fig. xlviii. Comparaison entre la mitose des
gonies I et celle des spermatogonies II de
R'uui esculenta (mét&phase).
138 CHRISTIAN CHAMP Y
sans cloisonnement ou les cellules se diviser par mitoses pluripolaires.
Ces mitoses ne diffèrent guère de celles des gonies primitives, ni, en général,
de toutes les mitoses somatiques.
Étant donnée la simultanéité des mitoses dans un même cyste de
spermatogonies II, et l'absence fréquente de cloisonnement, il est souvent
possible d'observer l'in-
fluence d'une mitose sur
les mitoses voisines. Cette
• :' t ] influence varie : pendant
^- . i-ï -,.-.v , la métaphase, les centres
S % exercent une influence
répulsive sur les chromo-
■''■
• somes des cellules voisi-
'..:, ' -
'■ "•:. ,\~ ! - ' nés, pendant l'anaphase,
ils exercent, au contraire,
une influence attractive
ainsi que l'a observé
• ■ -fa..
Henneguy (1888), ce qui
' ' r » « est en parfaite harmonie
°Ji&ÊfêtèttL. " ' avec la manière dont
j ai expliqué ou plutôt
f ■ "l exposé les phénomènes
de la mitose.
A la fin de l'ana-
phase ou à la télophase,
t f ■' ' le corps pyrénoïde se di-
vise sur le côté du fu-
seau et les deux moitiés
Pis. xlix. Télophase d'une mitose des spermatogonies II chez , r j
Axolotl. Fissuration télophasique des chromosomes. passent CUaCUlie uailS
les deux cellules filles,
cela explique la persistance de ce corps dans des éléments où il n'y
a plus de figures d'expulsion de nucléoles, ni d'amitoses inégales
comme dans les gonies primitives. Cette division du corps pyrénoïde ne
s'observe pas constamment dans les gonies I, ainsi que je l'ai signalé,
elle est de règle dans les spermatogonies de deuxième ordre.
La torsion du filament chromatique et des chromosomes s'observe
comme dans les gonies I. Je n'ai pas observé comme Dehorne une
duplicité constante du filament chromatique, mais j'ai remarqué fréquem-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 139
ment la fissuration télophasique des chromosomes. La fissuration s'observe
souvent dès la fin de l'anaphase, toujours plus tard que dans les
spermatocytes, mais plus tôt que dans les spermatogonies ï où on
l'observe aussi assez souvent (fig. xlix).
résumé
En somme, les spermatogonies de deuxième ordre diffèrent des gonies
primitives par deux poin's essentiels : les phénomènes d'élaboration y
sont peu ou pas marqués et finissent par disparaître. Leur division est en
même temps bien plus active. Il est intéressant de rapprocher ces deux
caractères. Le fait que leur noyau s'arrondit de plus en plus est dû en
partie, mais en partie seulement, à la disparition des processus d'élabo-
ration. Il est dû aussi, pour une part, à ce que les noyaux ne revenant
jamais au repos, il y a toujours une certaine tension intranucléaire com-
parable à la tension prophasique.
D'autre part, on note dans les spermatogonies secondaires l'appa-
rition de dispositions caractéristiques des spermatocytes : noyau arrondi
(pro parte), aspect du chondriome, corps chromatoïde unique qui se
divise et ne se transforme plus, raccourcissement des chromosomes,
division télophasique des chromosomes. On peut dire que les gonies pri-
mitives sont des cellules indijjêrentes (Cf. Hermann), tandis que les sper-
matogonies II sont des préspermatocytes.
Dégénérescence des gonies II
L'évolution o vif orme ne semble pas se produire dans les spermato-
gonies de deuxième ordre. Il est possible cependant qu'elle se produise
pour les gonies secondaires du début chez les Urodèles. Ces cellules ont
d'ailleurs, nous l'avons dit, bien des caractères de gonies primitives. En
général, la dégénérescence des gonies secondaires est brutale: pycnose ou
cytolyse. Elle rappelle tout à fait la dégénérescence des spermatocytes.
Cette dégénérescence ne s'observe guère qu'au cours de la présperma-
togénèse et au début des poussées préspermatogenétiques annuelles.
LES SPERMATOCYTES DE Ier ORDRE
Je nommerai spermatocytes (1) avec la plupart des auteurs, les
cellules dans lesquelles ont commencé les phénomènes nucléaires de si
(1) Le terme d'autocyte (Bolles Lee) ne me paraît pas heureux, car L'accroissement de ces éléments <•-' in-
variable et le plus souvent nul.
140 CHRISTIAN CHAMP Y
longue durée qui aboutissent à la première mitose de maturation.
Sériation des stades. — Les auteurs qui ont étudié jusqu'ici les
spermatocytes des Batraciens ont sérié les stades en se basant sur ce que,
chez les Urodèles, et surtout chez certains Urodèles {Batracoseps), les
stades divers se succèdent assez régulièrement d'une extrémité du testi-
cule à l'autre (Jannsens 1903). Cette régularité quelquefois frappante,
même chez les Tritons, n'est pas rigoureusement constante. D'ailleurs,
cette manière de classer les stades n'est pas applicable aux Anoures où
tous les cystes sont mêlés. Chez les Anoures, on a donc sérié les stades
par comparaison avec les Urodèles (Jannsens 1909).
Chez certains Anoures (Rana temporaria), on peut obtenir une
sériation dans le temps : les stades divers se succèdent parce que tous les
éléments de la spermatogénèse évoluent en même temps. Cette sériation
ne peut être très serrée.
J'ai utilisé alors la méthode suivante : on observe que chez la plupart
des Batraciens, l'évolution d'un même cyste est synchrone. Ce synchro-
nisme est assez exact par exemple, pour que toutes les cellules entrent
en mitose en même temps, mais on trouve parfois une très légère avance
de quelques cellules sur les autres; ainsi quelquefois on observera que
quelques cellules sont au stade d'aster, alors que les autres en sont à
l'anaphase. Ce retard ou cette avance sont toujours de très minime
importance et représentent un laps de temps très court. En un mot, on
ne trouve dans le même cyste que des stades qui se succèdent immédia-
tement. On peut, en se basant sur ce fait, obtenir une sériation certaine,
même pour les Anoures, sans se baser sur la comparaison avec les Uro-
dèles. D'ailleurs, les deux méthodes de sériation concordent, comme nous
allons voir.
A un certain moment de leur évolution, les spermatogonies de
deuxième ordre cessent de se multiplier et deviennent des spermatocytes.
Les cystes dont les spermatogonies se transforment en spermatocytes,
tantôt sont énormes, comprenant de nombreuses cellules, tantôt très
petits ne comprenant pas plus de quatre à six cellules. On observe que,
pendant les poussées préspermatogénétiques, les cystes de gonies se
transforment en spermatocytes sans que les spermatogonies se multi-
plient beaucoup. Au contraire, au début de la spermatogénèse vraie, les
cystes de gonies secondaires deviennent très gros et comprennent un
grand nombre de cellules.
Pendant la spermatogénèse, les nouvelles poussées de gonies II
SPERMàTOGÊNÈSE DES BATRACIENS 141
sont moins importantes et ces cellules se transforment très vite en sper-
matocytes. Ces différences sont bien sensibles chez les Anoures, mais
sont appréciables aussi chez les Urodèles. A quoi sont-elles dues ? C'est
une question fort intéressante que je n'ai pu parfaitement résoudre.
Il est certain, en tous cas, que les spermatogonies de deuxième ordre ne
sont pas destinées à devenir des spermatocytes à un moment déterminé
de leur évolution. La transformation spermatocy taire paraît être due à
des causes extrinsèques qui agissent à un moment variable de l'évolution
du cyste. Il m'a semblé que la transformation en spermatocytes était
moins précoce dans les cystes qui gardent des relations étendues avec les
éléments nourriciers. C'est sans doute pour cette raison que cette transfor-
mation n'apparaît chez les Urodèles que dans des cystes à cellules très
nombreuses, tandis que chez les Anoures, elle est bien moins tardive. Il
semble donc que l'une de ses causes doive être recherchée dans la
diminution de l'apport des substances nutritives. Ce n'est d'ailleurs
pas la cause unique, car il ne faut pas oublier que des modifications
analogues s'observent dans les ovocytes et que ces derniers sont dans des
conditions de nutrition tout opposées.
Repos et Peophase. — Le phénomène essentiel de l'évolution des
spermatocytes : la réduction de moitié du nombre des chromosomes a été
l'objet de tant de travaux qu'il ne reste presque plus rien à dire sur cette
question. Les Batraciens, en particulier, surtout les Urodèles, ont servi
aux études de Flemming (1887), Meves (1896), Eisen (1899), Mac
Grégor (1899) Jaxnsens (1901), etc., Montgommery (1902), A. et K.
Schreiner (1905), et il semble que tout ait été dit sur les spermatocytes
de ces animaux.
Cependant, les opinions les plus divergentes ont été émises au sujet
de phénomènes nucléaires essentiels. C'est pourquoi, bien que je n'aie
guère de faits nouveaux à signaler, je ne puis résister à la tentation de
donner mon opinion dans une discussion que j'ai suivie avec intérêt.
Il faut noter tout d'abord que les phénomènes nucléaires observés
dans les spermatocytes sont d'une remarquable similitude chez les diver-
ses espèces. On sait, du reste, que cette similitude s'étend non seulement
à tout le règne animal, mais aussi aux végétaux. Chez les Batraciens,
elle est très étroite en ce qui concerne les phénomènes nucléaires, et on
peut dire qu'ils sont exactement les mêmes partout ; au contraire, le
cytoplasme diffère un peu d'une espèce a l'autre.
Un grand nombre d'auteurs, à la suite de von Winiwarter (1900
AKCH. DE ZOOL. JEXP. El OÉN. — I. 52. — F. 2. 10
142 CHRISTIAN CHAMPY
ont insisté sur les phénomènes nucléaires de la prophase hétérotypique ;
chez les Batraciens (Jannsens (1901), A. et K. Schreiner (1905) les
ont étudiés avec beaucoup de détail.
Le premier fait certain, c'est que cette prophase est particulièrement
longue. Elle est surtout longue quand on y comprend, comme Jannsens,
les stades que Meves appelle stades de repos. Jannsens n'exagère pas
lorsqu'il dit qu'elle peut durer des semaines et même des mois. Bien que
toujours lente, l'évolution des spermatocytes dure un temps très variable,
non seulement suivant les individus, mais aussi suivant qu'on envisage
les poussées préspermatogénétiques (où elle est plus rapide) et la sperma-
togénèse vraie (où elle est plus lente).
Les différences de durée portent surtout sur les stades de repos
(ou leptotène) et amphitène.
Jannsens (1903), chez Batracoseps, a obtenu une sériation des stades
que je considère comme très exacte et que j'ai pu vérifier maintes fois
par la méthode que j'ai indiquée. Voici, résumés très brièvement,
les phénomènes essentiels de cette évolution.
Il apparaît dans le noyau un filament très fin (stade leptotène).
Ce filament s'oriente en un bouquet (stade du bouquet leptotène). Puis,
à un stade dit amphitène, on observe vers un pôle du noyau un filament
épais (tandis que dans le reste du noyau, le filament est encore mince).
Bientôt, on a un bouquet constitué d'un filament entièrement épais (stade
pachytène). Le bouquet pachytène se dédouble alors, chaque filament
devenant double par fissuration longitudinale : c'est le stade diplotène.
Les filaments se tordent ensuite de diverses manières en se raccourcissant
(stade strepsinéma), et on observe bientôt des anneaux, des croix et diver-
ses figures constituées par des chromosomes groupés deux par deux.
Von Winiwarter et à sa suite King (1907) décrivent un stade synap-
sis (vers le stade leptotène). Je n'ai pas compris ce stade dans la classi-
fication, parce qu'avec Meves (1908), Jannsens (1901), etc., je le crois
artificiel. Je reviendrai plus tard sur ce sujet.
La sériation de ces stades est exacte, et je puis la confirmer entière-
ment. Mais les images qu'on observe à chaque stade méritent d'être
examinées et critiquées attentivement comme toutes les images nucléaires.
A un stade qui n'est encore, pour ainsi dire, que la fin de la télophase
des dernières divisions spermatogoniales, on observe que la chromatine
se résout en blocs irréguliers, estompés sur les bords (fig. 111, 142, 210,
250). Les granulations chromatiques se séparent et peut-être se dissolvent
SPERMA TOGÉNÈSE] DES BA TRACIENS
143
entièrement. En tous cas, on arrive bientôt à un stade où le noyau est
d'une remarquable homogénéité. On n'y voit que quelques nucléoles,
généralement petits et nombreux et une masse fondamentale qui paraît
homogène ou qui se précipite en petits grains, régulièrement disposés
(fig. 251, 112), ou en un fin réseau (fig. 150), selon la fixation.
Le synapsis. — C'est à partir de ce moment que le noyau devient
particulièrement fragile et que, pour peu que
la fixation ne soit pas excellente, on observe
les images de synapsis. Il faut remarquer que
c'est au stade de synapsis où on ne voit rien
que beaucoup d'auteurs ont admis que se
passaient les phénomènes essentiels.
On admet généralement qu'il se forme dès
ce moment un filament fin et continu, et de
fait, on observe souvent des images de fila-
ment plus ou moins régulier, lorsqu'on a obtenu
des synapsis, ce qu'il est très difficile d'éviter.
Je pense avec Benda (1898), Jannsens
(1901), Meves (1908), Duesberg (1908), Bol-
les-lee (1908), etc., que l'image de synapsis
est un pur artifice de préparation. Aucun des
auteurs anciens n'en parle: Flemming (1887),
Hermann (1889-1891), Vom Rath (1893),
Meves (1896), Drûner (1894), Eisen (1899).
Jannsens (1901) a bien montré qu'il était ar-
tificiel. Cependant, un certain nombre d'au-
teurs récents admettent la réalité de cette
image : Arnold (1909), King (1907), Max
Morse (1909). Miss Sargant (1897), Berghs (1904), Vedjkovsky
(1911), l'ont observé à frais.
J'ai cherché à répéter les observations de ces derniers auteurs, et
j'ai observé aussi des synapsis à frais, ce qui ne m'a nullement convaincu
de la réalité de leur existence. On ne voit pas, en effet, de synapsis si l'on
fait rapidement, à basse température, une préparation de glande génitale
par simple écrasement, mais on le voit assez régulièrement lorsqu'on
dissocie les éléments dans l'eau salée ou lorsqu'on laisse quelques minutes
la préparation à une température de 10-15°. Or, il est bien certain que
les conditions qu'on a réalisées dans une telle manipulation, ne sont
Fig. l. Centrotaxis et synapsis
chez Riimi esculenta. (Comparer
avec la fijc. 253).
144 CHRISTIAN CHAMP Y
pas des meilleures pour la conservation des éléments. On observe, en
effet, que le synapsis se produit dans les pièces un peu grosses, à moins
d'un millimètre de la surface (fig. l). Or, un liquide fixateur un peu péné-
trant met peu de temps pour atteindre cette profondeur. Si on voit les
éléments s'altérer dans ce court laps de temps, alors qu'ils gardent leurs
rapports, il n'est pas étonnant d'observer la même altération lorsqu'on
les a dilacérés, triturés, agités à l'air et plongés dans un liquide qu'on
qualifie fort aventureusement de physiologique ( 1 ) .
D'ailleurs, si le synapsis était naturel, il faudrait expliquer pourquoi
il n'existe pas toujours et comment, par certaines fixations, ou sur le
bord des pièces, il se refuse à apparaître. Il est bien certain que c'est un
pur artifice de préparation. La fragilité du noyau au stade leptotène
(synapsis), la facilité avec laquelle on y produit des structures irréelles,
jettent un doute grave sur la réalité des images qu'on y observe. Sou-
vent, on voit le noyau homogène (fig. liv), d'autres fois, on y voit un
réseau (fig. 112), dans lequel on ne peut, sans arbitraire, découper un
filament. D'autres fois encore, on voit de petits grains qui ne paraissent
nullement sériés dans la majeure partie du noyau (fig. 251. 252). D'autres
fois enfin, on voit un filament du côté de la sphère, mais toujours, ce fila-
ment est plus ou moins soudé en un réseau du côté opposé et présente
des anastomoses latérales.
Parmi toutes ces images, je pense que la plus réelle est celle où l'on
trouve un aspect homogène. Les plus intéressantes, quoique sans doute
artificielles, sont celles de grains et de réseau, et ce sont elles surtout
que j'ai figurées (fig. 112, 210, 252). Je n'ai d'ailleurs pas l'intention de
me servir de ces images pour établir que les chromosomes se fusionnent
ou se conjuguent dans un sens quelconque. Je remarquerai seulement
qu'on observe alors un phénomène remarquable : l'influence de la sphère
se fait sentir fortement à l'intérieur du noyau.
On voit, en effet, que les grains du noyau ou le réseau s'orientent
radiairement vers le centrosome, au moins dans la partie du noyau qui
est tournée vers le centre cellulaire (fig. 112, 211, 252). Ces images ont été
comparées à un bouquet : c'est le stade du bouquet leptotène. L'orienta-
(1) Eu général, je ferai aux observations à l'état frais, dont j'ai d'ailleurs beaucoup usé moi-même, cette
critique qu'on ne s'adresse pas à des éléments vivants, mais à des éléments moribonds qu'on a souvent pris
soin d'empoisonner en outre avec des colorants qu'on nomme avantageusement vitaux parce qu'ils sont un peu
moins toxiques que les autres. Je suis loin de nier l'intérêt des recherches par ces méthodes qui sont extrême-
ment instructives, mais il ne faut pas avoir une foi aveugle en la réalité de toutes les images qu'on observe.
Elles méritent d'être critiquées avec soin, au moins autant que les images des coupes.
SPEBMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 145
tion des filaments ou grains vers la sphère est d'autant plus nette que
la fixation est moins bonne. Avec les fixations homogènes, et sur le bord
extrême des pièces, elle n'est pas sensible ou n'est sensible qu'aux environs
immédiats de la sphère. Je ne pense donc pas que cette orientation pré-
existe complètement elle est de même ordre 'que les irradiations de
certaines sphères à l'état de repos. Le seul intérêt de ces images est qu'elles
témoignent que cette action se fait sentir dans le noyau au repos. C'est
bien vers la sphère que se dirigent les filaments ainsi que le montre la
comparaison de spermatocytes où le centre cellulaire est plus ou moins
éloigné du noyau (fig. l et 100).
Ce centrotaxis a été signalé par plusieurs auteurs (1). Winiwarter
et Saivtmont (1909), Jannsens (1905), Van Molle (1900), Schœnfeld
(1901), Max Morse (1909). Il mérite qu'on s'y attarde. C'est peut-être
le seul phénomène certain qu'on puisse signaler dans ces noyaux, et il
est assez singulier, au moins par l'intensité de l'action du centrosome,
car on voit ailleurs une orientation des chromosomes vers le centre
cellulaire, mais toujours moins nette (champ polaire de Rabl).
Y a-t-il alors réellement un filament fin, continu, analogue au filament
de la prophase et plus mince ? Y a-t-il, en réalité, un stade leptotène ?
Je n'en suis pas sûr du tout. Au début, on observe que la chromatine se
dissout et le suc nucléaire devient très colorable, ou bien se coagule en un
réseau à mailles plus serrées que d'habitude (fig. 250, 210, 112, lui, lv).
Ce phénomène est de toute netteté et a frappé la plupart des auteurs.
Jannsens qui, cependant, défend l'individualité des chromosomes,
trouve qu'on a l'impression d'une dissolution de la chromatine.
Dans les images de synapsis, on voit des filaments nets vers la
sphère attractive. Ces filaments, ainsi que l'indique Jaxnsens, sont
souvent soudés à la membrane nucléaire. Ils font partie d'un ensemble
si tourmenté qu'on peut douter de leur authenticité. Sur les prépara-
tions où il n'y a pas contraction nucléaire, on observe nettement un
réseau au pôle distal du noyau (par rapport à la sphère) (fig. 112, 210),
et ce réseau persiste au stade que Jannsens appelle amphitène (fig. lui),
c'est-à-dire au début de la formation du filament prophasique épais
(fig. 113, 212, 253). On observe souvent, dès le stade leptotène, la dupli-
cité du filament signalé par Jannsens (1905), par Dehorne (1911). On
(1) Reqaud (1909), Dcesberg nient l'influence de la sphère. Je l'ai cependant observée :hez le rat et le chat.
Sohreiner l'a observée aussi, Jannsbns (1901) niait aussi cette influence, il parait être revenu sur cette opinion
(1909).
146 CHRISTIAN CHAMP Y
voit même des filaments triples, mais toutes ces images ne m'inspirent
pas grande confiance.
Il y a des espèces : (Bana esculenta, Bujo,) ou Ton voit quelque-
fois, au stade synaptisable un filament plus gros et plus net que chez les
autres (Urodèles, par exemple) (fig. 131), mais ces images de filaments
varient avec les réactifs. Les espèces où l'on voit les filaments leptotènes les
mieux individualisés sont celles où il est le plus facile de produire le synap-
sis. On peut dire que la netteté des filaments leptotènes est en proportion
de la netteté du synapsis. Cela n'est pas pour engager à les considérer
comme quelque chose de réel.
L'influence de la sphère attractive ne paraît pas se faire sentir dès
le début de l'évolution des spermatocytes, mais elle va persister presque
jusqu'à la fin.
Formation du filament. — On observe bientôt qu'un filament
je ■
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î <¥
1
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K
CL
Fig. li. Spermatocyte I de \' Axolotl. Stade dit amphitène et détail de la structure du noyau d.
épais apparaît d'abord du côté du centre cellulaire (fig. 113, 212, 253).
A ce moment, on le voit se continuer vers le pôle distal par des séries de
grains ou par un réseau fin. On le voit souvent se bifurquer en deux ou
trois séries de grains ou en deux ou trois filaments fins (fig. Lni). Ces
images sont d'ailleurs très rares. A ce stade, je n'ai jamais vu de filament
fin parfaitement individualisé au pôle distal. On y voit, selon la fixation,
un réseau (fig. liii«), ou des grains, ou une substance homogène. On a,
d'ailleurs, la sensation que ces grains, ce réseau, cette substance, s'ar-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 147
rangent en série pour former les chromosomes épais. C'est, en somme, le
stade amphitène de Jannsens, le fameux stade de la conjugaison des
chromosomes. On observe souvent, en effet, que le filament du pôle
proximal se continue avec deux travées du réseau (fig. 114, 212), mais
il arrive aussi qu'il se continue avec trois travées.
Les nucléoles semblent aussi participer à la formation du filament.
Ils ont été signalés par Eisen (1899), Jannsens (1901, 1905) qui les nom-
ment chromoplastes. Ils sont remarquables par leur irrégularité. Ils
sont généralement plus nombreux au début des transformations nucléai-
res qu'à la fin. Ils ne sont pas constitués de chromatine; ;ls se colorent
d'une manière spéciale. Ce sont des nucléoles
comme tous les autres; on peut même souvent
y constater les deux parties différemment colo-
rables. Il est à remarquer qu'ils deviennent
de moins en moins colorables à mesure que
l'évolution avance.
Le filament prophasique qui s'est formé
dans un noyau subissant l'action de la sphère
est d'emblée orienté vers elle, et donne la
figure qu'on a comparée à un bouquet. Dès le
début, le filament ne paraît pas être segmenté ^m^2TZLZ-
(fier. 143 144). A la fin, les Chromosomes Se niogène chez Alytes. Spermato-
v & cyte /.
sont le plus souvent individualisés. La plupart
du temps, il se dispose de telle sorte que les chromosomes aient leurs
extrémités libres tournées vers la sphère, mais cette disposition n'est
pas rigoureusement constante (fig. 146). Le filament en question (fila-
ment prophasique vrai ou pachytène des auteurs) est plus mince au
début de sa formation qu'à la fin (fig. 143 et 144, 131 et 132). Il s'y ajoute
constamment quelque chose. Il est, ainsi qu'on l'a figuré maintes fois,
bordé d'épines dont l'aspect et la disposition varient avec les réactifs
fixateurs (fig. lvi) et qui ne paraissent représenter que des travées plus
épaisses du réseau de coagulation. Au début de la formation du filament
épais, le suc nucléaire est, en effet, encore assez riche en substances dis-
soutes, contrairement à ce qu'on observe dans les mitoses normales.
De bonne heure, le filament se dédouble par fissuration longitudi-
nale (1). Ce dédoublement s'observe quelquefois, mais un temps très court,
(1) On observe quelquefois une duplicité du filament épais dès sa formation, mais il ne B'agit pas d'une Bssu-
ration véritable qui apparaît seulement lorsque le filament est complètement formé.
148
CHRISTIAN CHAMP Y
Fig. LUI. Détail du réseau
leptotèue chez Triton cris-
tatUS.
dans le filament encore oriente vers la sphère (fig. 145). Il semble que dès
l'apparition de la fissuration longitudinale, l'action de la sphère cesse
de se faire sentir et le filament double prend vite une disposition irrégu-
lière (fig. 214, 255). Les deux moitiés du filament dédoublé restent le plus
souvent au voisinage l'une de l'autre et commencent à se raccourcir en
même temps qu'elles se tordent l'une autour de l'autre. L'enroulement
d'un filament autour de l'autre paraît dû surtout
à ce que les chromosomes se tordent sur eux-
mêmes comme l'ont vu Hacker (1907), Heiden-
hain (1907), Bonnevie (1908).
Ainsi que l'a montré Della Valle (1912),
cette torsion n'a rien de régulier; le sens de la
torsion, le nombre de tours de spire varie. Je
pense que cette torsion est due simplement à ce
que le raccourcissement des chromosomes ne se
fait pas également sur les divers points. On com-
prend aisément qu'un allongement ou raccour-
cissement inégal (cas bien connu des tiges de végétaux) détermine
une forme hélicoïde. La torsion des chromosomes disparaît dès que
le raccourcissement est terminé.
Les images de chromosomes enroulés l'un autour de l'autre, accou-
plés, qui paraissent avoir suggéré aux auteurs l'idée de conjugaison,
parce qu'ils sont comme dit pittoresquement Della Valle (1912)
« attorcigliati corne serpenti
in amore », s'expliquent bien
simplement parce que les deux
moitiés longitudinales se tor-
dant souvent en des sens divers,
s'entortillent, l'une autour de
l'autre de toutes les ma-
nières (fig. 116, 117, 214, 215,
256, 257).
Le raccourcissement des chromosomes peut aller plus ou moins loin,
suivant les espèces. Il aboutit, chez la Salamandre, à donner les formes
bien connues en anneaux, en X, etc. (fig. 119, 141). Chez les Tritons, les
chromosomes sont plus longs encore au moment de la mise au fuseau
(fig. 129, 130, 138, 139), ainsi que l'a vu Jannsens (1901). Chez le Bom-
binator, ils sont, toutes proportions gardées, au moins aussi longs que chez
Fig. Liv et lv. Divers aspects des chromosomes pachytè-
nes selon la fixation.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS L49
le Triton (fig. 147), tandis que chez les autres Anoures, le raeeourcissement
va la plupart du temps beaucoup plus loin (fig. 217 à 210, 135, 137). C'est
chez les Grenouilles qu'il paraît être à son maximum: les chromosomes
ont souvent atteint une forme parfaitemenl sphérique lors de 1m mise au
fuseau (fig. 250, 2(50). Si l'on suit toutes les étapes du raccourcissement
chez ces espèces, on voit que les chromosomes se disposent en dyades qui
constituent des anneaux ou des X (fig. 257), puis des anneaux épais
(fig. 258), puis des grains allongés et concaves dont la concavité se regarde
(fig. 250), puis enfin des grains jumeaux parfaitement arrondis. C'est sous
cette forme que les dyades se mettent au fuseau (fig. 261). Cependant
il peut arriver que la mise au fuseau soit un peu plus précoce et que les
chromosomes au fuseau aient encore en partie la forme de double
haricot.
En somme, c'est dans le phénomène de raccourcissement des chro-
mosomes qu'on observe les différences spécifiques les plus importantes.
Au stade où les chromosomes sont encore orientés, on voit au pôle
distal du noyau un gros nucléole peu colorable (fig. 114, 211. 212, 254), qui
persiste dans les noyaux à chromosomes entortillés (strepsinéma) (fig. 256,
215, 116) et ne semble disparaître que dans ceux où Ton trouve des
anneaux ou des dyades de chromosomes courts. Du moins, il perd dans
ces noyaux sa forme arrondie et ne se présente que comme une masse
très irrégulière. La colorabilité de ce nucléole diminue constamment
au cours de cette évolution ; en même temps, il paraît devenir visqueux,
glutineux et se colle à tout ce qu'il touche. Dans les dyades de chromo-
somes courts, les chromosomes d'une même dyade sont réunis par une
substance glutineuse analogue à celle de ce nucléole, elle semble d'abord
réunir ensemble, par de minces ponts de substance, tous les chromosomes
du noyau (fig. 100), puis les ponts de substance qui réunissent les deux
chromosomes d'une même dyade deviennent prépondérants et semblent
seuls persister.
Forme des chromosomes a la mise au fuseau. — Chez les Cra-
pauds, la Rainette, l'Alytes, la mise au fuseau a lieu à un stade de raccour-
cissement un peu plus précoce que chez la grenouille, à un stade qui cor-
respondrait à la figure 100 comme le montrent les figures 134, 135, 137,
Les phénomènes sont d'ailleurs essentiellement les mêmes, et les chro-
mosomes sont collés partout où ils se touchent par la même substance
glutineuse.
On comprend aisément la cause de ces variations spécifiques du
fi
150 CHBISTIAN CHAMP Y
raccourcissement des chromosomes. Ce n'est pas le phénomène chroma-
tique qui varie : les chromosomes très visqueux tendent lentement vers
la forme d'équilibre qui est la forme
/ a V» «T.'X-n^ sphérique, et comme le fuseau de la
i ; « ./. ;& * » * mitose se forme plus ou moins tôt, les
/ » « .e* >. ., ....^
Àk "' '■ chromosomes se mettent au fuseau a
; ' > /' un stade plus ou moins avancé de
l-'7« '.ç^-i- <§ cette évolution, très tôt chez les Tri-
|- . v \ tons, très tard chez les Grenouilles.
<*: t On observe d'ailleurs chez une
même espèce des variations indivi-
duelles importantes que Jannsens
(1909) a signalées chez l'Alytes, et
^;- -^ . que j'ai vérifiées maintes fois chez tou-
fig. lvi. Grains colorés à l'iodure d'osmium tes les espèces. On observe même que
chez Scrfamandra maculosa. Spermatocyte. , . , -, • , -,
le raccourcissement va plus vite chez
certains chromosomes alors qu'il va moins vite dans d'autres chromo-
somes du même noyau (fig. 259, 260, 216). Ceci a une certaine impor-
tance et peut expliquer bien des cas de chromosomes dits spéciaux.
Le cytoplasme. — Les phéno-
mènes qui se passent dans le cy toplas- -/y ' -\ - -,
me des spermatocytes ne sont pas } :■:■-., h -~f^ ?% .
d'un intérêt particulier. La sphère y ^Cw^^^(|i
est bien visible, sans irradiations, é&^&2mtife*^iQÈ
" ' ' ■'■ " -^ v>
avec un aspect conforme aux des- M^'ij^ \\h
criptions de Rawitz (1895) : centro- / ^BBjl v
some entouré d'une zone claire et ^ " /
de résidus fusoriaux d'aspect varia- ,J '
ble (fig. 144, 145, 211, 212). Cette
sphère est particulièrement visible ••, . ,
chez Bombinator. Je ne lui ai jamais ' \ - ~; -C*
vu d'irradiations, sauf, bien entendu, VfVf^ l-2.\ f-'' ffî
à la prophase. Avec certaines fixa-
tions, elle est particulièrement grosse Fig. lvii. Mitochondries dans un spermatocyte de
, -, y ,r> » Salamandre.
et homogène (fig. liv).
Le corps chromatoïde est généralement unique (fig. 212, 113, 115,
253, 142 à 147) constitué presque constamment de deux parties de taille
et de colorabilité inégales, réunies par un pont de substance. Il est situé
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 151
n'importe où, le plus souvent aux environs de la sphère. On voit quelque-
fois dans le cytoplasme quelques grains colorables dont je n'ai pu déter-
miner la nature. Les grains colorés par l'iodure d'osmium sont abondants,
surtout autour du centrosome (fig. lvi).
Les mitochondries sont représentées par des chondriocontes plus
longs encore que ceux des spermatogonies de deuxième ordre. Ces chon-
driocontes se groupent assez vaguement autour de la sphère, souvent en
une double enveloppe (fig. 188 et lvii). Je pense que les plus internes
appliquées directement contre la sphère correspondent aux centralkap-
sehi que Ton a décrits.
Les canaux de Holmgren occupent une situation telle qu'ils corres-
pondent à peu près exactement à la zone où les mitochondries sont
relativement rares autour de la sphère. Peut-être une partie des central-
kapseln décrits se superpose-t-elle aussi à ces canalicules ?
RÉSUMÉ
Si maintenant nous nous efforçons de résumer l'évolution des sper-
matocytes de manière à en fixer les traits essentiels, nous pourrons dire :
La chromatine paraît au début être dissoute dans les noyaux des sperma-
tocytes. L'influence de la sphère attractive se fait bientôt sentir dans le
noyau et le filament de chromatine semble se former sous l'action de la
sphère et apparaît en tous cas plus tôt du côté de la sphère
qu'au pôle distal. Puis la fissuration longitudinale apparaît en même
temps que les chromosomes se désorientent. Enfin, les chromosomes
se raccourcissent en se tordant plus ou moins l'un autour de l'autre.
Ce raccourcissement varie suivant les espèces.
Si Ton compare cette prophase aux prophases des mitoses somatiques,
elle en diffère par sa grande durée, parce que l'action de la sphère se fait
sentir nettement dans le noyau avant la disparition de la membrane
nucléaire, parce que la substance nucléaire se condense plus lentement et
peut-être autrement pour former les chromosomes, et parce qu'il ne
s'y forme que moitié du nombre normal de chromosomes (si, du moins,
on considère chaque dyade comme constituée des deux moitiés d'un
même chromosome).
Le raccourcissement des chromosomes paraît être plus considérable
que dans une mitose normale, simplement parce que cette prophase dure
plus longtemps ; les variations de sa durée expliquent les variations de
longueur des chromosomes.
152 CHRISTIAN CHAMP Y
La première mitose de réduction
Le fuseau. — Le fuseau de la première mitose des spermatocytes
diffère habituellement beaucoup par son aspect du fuseau des gonies
primitives. Cette différence est nette, surtout chez les Anoures, et il suffira
de comparer les figures 261, 148, 135 aux figures 60, 23, 39, pour s'en
rendre exactement compte.
Chez les Urodèles et aussi chez le Bombinator, le fuseau se forme
comme celui des spermatogonies et
. comme cela a été décrit maintes fois
depuis Hermann (1890) : La subs-
tance du centrosome s'étire entre les
deux corpuscules centraux en un fu-
seau central qui grandit et devient
le fuseau de la mitose ; le noyau est
rejeté sur le côté et dès que la mem-
brane nucléaire a disparu, les chromo-
somes viennent se mettre au fuseau
par un mécanisme analogue à celui
qui intervient dans une mitose nor-
\%»-/v' S maie (fig. lviii).
ïv> Au contraire, chez la plupart des
Fia. lviii. Prophase de la première mitose Anoures, notamment chez les Gre-
réductriçe chez Triton eristatus.
nouilles, il semble que le fuseau central
primitif se rompe totalement, ou au moins, ne demeure représenté que
par quelques fibres d'union (fig. 260). Les centres viennent se placer de
part et d'autre du noyau, et, en somme, le phénomène se passe à peu
près comme cela a été décrit par Prenant (1892), par Bouin (1900),
chez les Myriapodes, c'est-à-dire que la charpente du noyau semble
participer à la formation du fuseau définitif. On peut dire plutôt que la
membrane nucléaire ayant disparu, tout ce qui se trouve entre les
centres, aussi bien cytoplasme que noyau, s'oriente entre eux pour
former un fuseau. Ces différences dans le mode de formation du fuseau
entre des espèces d'ailleurs voisines, montrent tout d'abord que ces
phénomènes n'ont pas une bien grande importance.
Les deux modes de formation du fuseau sont reliés (chez les Cra-
pauds, Alytes) par toutes sortes d'intermédiaires et on ne peut les consi-
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS 153
dérer comme des mécanismes divers, mais seulement comme des variétés
d'un même mécanisme.
Il est à remarquer que le deuxième mécanisme (avec rupture plus
ou moins complète du fuseau central) s'observe chez les espèces à chro-
mosomes courts et semble être dû, comme la forme des chromosomes, à
ce que les phénomènes prophasiques durent plus longtemps qu'ailleurs.
Comme le noyau est alors très gonflé et occupe beaucoup de place dans
le cytoplasme, le fuseau central est réduit bientôt à quelques fibres
d'union qui semblent pouvoir manquer souvent (fig. 150).
Disposition métaphasique et an aphasique des chromosomes. —
Un des phénomènes les plus remarquables de cette mitose est la manière
dont les chromosomes se mettent au fuseau. Tandis que dans une mitose
normale, les chromosomes se placent dans le plan équatorial du fuseau
comme s'ils étaient repoussés par les deux centrosomes avons-nous
dit, dans la mitose spermatocy taire, ils prennent une position qui n'est
pas justiciable de la même explication (fig. 150).
Le fait le plus intéressant est que les deux chromosomes d'une
dyade se disposent de telle sorte qu'ils regardent chacun un -des
pôles du fuseau. On comprend bien que si les chromosomes se disposaient
dans le plan équatorial, comme ceux d'une mitose somatique, une dyade
en anneau devrait se placer de telle sorte que le plan de l'anneau coïncide
avec le plan équatorial. Or, elle se dispose perpendiculairement à ce plan.
Il y aurait aussi toutes les chances pour que cet anneau ne se place pas
de sorte que les chromosomes soient tournés chacun vers un pôle du fuseau.
Or, ils sont presque toujours disposés de cette manière. Les dyades
portent donc en elles-mêmes les raisons de leur orientation, par rapport
aux pôles du fuseau, il y a une attraction qui oriente chaque moitié de la
dyade vers chacun des pôles du fuseau.
Cette disposition des chromosomes peu nette dans le cas des chro-
mosomes longs est très nette dans le cas des chromosomes arrondis
(fig. 135, 261). le grand axe de la dyade a une direction exactement per-
pendiculaire à celle du grand axe des chromosomes dans une mitose
somatique.
Les chromosomes longs, par exemple ceux du Bombinator. se com-
portent, comme on sait, d'une autre manière que dans une mitose soma-
tique. Ce qui m'a le plus frappé parmi les faits, connus d'ailleurs, de leurs
transformations pendant cette mitose, c'est qu'à la fin de la métaphase,
ils ne commencent pas à se séparer par l'extrémité la plus éloignée du
154 CHRISTIAN CHAMP Y
fuseau, par les extrémités libres du V par exemple, mais par l'extrémité
la plus proche du fuseau, par le sommet du V (fig. 120, 148, 150).
Les images d'anaphase présentent cette particularité que les chro-
mosomes paraissent constamment plus visqueux ou plus adhérents l'un
à l'autre que dans les mitoses normales. Je pense que cette adhérence
est due à la substance visqueuse dont ils semblent abondamment englués
depuis le stade strepsinéma. Lorsque la coloration est favorable, on voit
cette substance s'étirer entre les extrémités libres des chromosomes d'une
même dyade. Chez la Grenouille, on voit bien la substance visqueuse qui
réunissait les chromosomes d'une dyade s'étirer en un filament épais,
quelquefois un peu moniliforme (fig. 262).
L'un des phénomènes les plus intéressants de la première division
de maturation est la division longitudinale des chromsoomes à l'ana-
phase (division anaphasique) qui se retrouve chez toutes les espèces.
Chez les espèces à chromosomes longs, le phénomène se passe ainsi
qu'il a été figuré par de nombreux auteurs: Flemming, Meves (1895),
Jannsens (1901, etc.), Mac Grégo-r (1899, etc.) (fig. 129, 130, 138,
139, 119, 122).
Montgommery (1900), puis Jannsens (1909) ont observé que les
chromosomes étaient reliés au pôle du fuseau par deux filaments (au lieu
d'un seul dans les divisions somatiques). Je n'ai pas retrouvé ce phénomène
régulièrement. On l'observe cependant dans certaines préparations ; il
me paraît témoigner simplement de ce fait que les fibres du manteau ne
sont, en grande partie, qu'un coagulum orienté sous l'influence des
centres et qui s'appuie sur les corps plus solides qu'il rencontre. Lorsqu'il
y a commencement de division des chromosomes, il y a bien des chances
pour qu'il y ait deux de ces filaments.
Les chromosomes se fissurent longitudinalement souvent dès le
début de Fanaphase, quelquefois, à la fin seulement. Le moment
exact de cette division n'est pas nettement déterminé. Chez la Sala-
mandre et les Tritons, on l'observe vers la fin de l'anaphase. Il semble
que chez Bombinator, elle puisse avoir lieu dès la métaphase. Il est
assez difficile de s'en rendre compte à cause du nombre considérable
de chromosomes qui complique les images ; mais à suivre certaines
mitoses, il semble que le nombre des chromosomes double dès la
métaphase (fig. 150).
Chez les espèces à chromosomes courts : Rana, Bufo, la division se
fait tantôt parallèlement à Taxe du fuseau (fig. 263), tantôt dans le plan
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS 155
perpendiculaire (fig. 265). Est-ce parce que le chromosome exécute une
rotation de 90° sur lui-même ? ou bien le sens de la division est-il contin-
gent parce que le chromosome est à peu près rond ? Je penche pour cette
dernière manière de voir, et dans un chromosome sphérique, je ne m'effor-
cerai pas de chercher la longueur et la largeur, parce que je ne me
reconnais pas le droit de supposer hétérogène une substance que je vois
homogène.
La télophase ne présente aucun phénomène particulier, cependant
chez les espèces à chromosomes courts et peu nombreux (Grenouille
verte), on assiste quelquefois à une reconstitution du nucléole aux dépens
d'une'portion visqueuse, colorable d'une façon particulière, qui constitue
le sommet des chromosomes (fig. 244). En général, les chromosomes
courts sont coiffés d'une petite masse analogue : Crapaud, Rainette,
Alytes (fig. 137, 140, 201).
Pendant la division, les mitochondries ne présentent pas de modi-
fications particulièrement intéressantes, il faut noter cependant que,
dispersées à la métaphase, elles se groupent assez nettement autour de i
pôles du fuseau vers l'anaphase et s'appliquent souvent contre le fuseau
à la télophase.
On observe quelquefois, dès l'anaphase et même dès la métaphase,
un dédoublement du corpuscule central avec dédoublement concomitant
du pôle du fuseau (fig. 120, 219, 152) cf Hermann. Ce phénomène est
cependant bien plus rare qu'à la deuxième mitose de maturation. Il
paraît être dû à une division particulièrement précoce du corpuscule
central en vue de la deuxième mitose ; il m'a paru, en effet, moins
fréquent dans les préparations où l'on observe une période de repos
intercinétique. Il n'est pas rare non plus de voir le centrosome relié à la
périphérie de la cellule par un filament qui se termine sur un grain
colorable ainsi que l'a figuré Meves (1896) (fig. 119). Il semble que ce
filament représente un résidu fusorial.
Corps pyrénoide. — Il est difficile de suivre les transformations
du corps pyrénoïde, pendant la mitose, chez les espèces où il est petit. Il
semble d'ailleurs se comporter toujours de la même manière. Chez Bom-
binator, au contraire, la chose est facile, de même que chez Alytes. On le
voit se diviser, soit à la prophase (fig. 148), soit à la métaphase (fig. 149)
soit le plus souvent à l'anaphase, soit à la télophase (fig. 154). Il n'y a pas
constance absolue dans le moment de sa division, mais le fait même
de la division est constant chez toutes les espèces. Il semble se divi-
156 CHRISTIAN CHAMP Y
ser le plus souvent à l'anaphase, après les chromosomes, ou au début
de la télophase. En tous cas, il se partage entre les deux spermatocytes II,
car on le trouve constamment dans ces cellules.
Nous avons vu que le corps pyrénoïde est souvent constitué de deux
sphères inégales réunies par un pont de substance (fig. 154). Il semble
que l'appareil se divise quelquefois longitudinalement, mais d'habitude,
les deux sphérules deviennent peu à peu égales, se séparent et reconsti-
tuent chacune une sphère plus petite.
LES SPERMATOCYTES DE IIe ORDRE
Intercinèse
La première division de maturation peut être ou ne pas être suivie
d'un intervalle de repos intercinétique plus ou moins marqué. L'existence
et la longueur de ce repos sont contingentes. Non seulement, on observe
d'espèce à espèce des variations à cet égard, mais on voit aussi des varia-
tions individuelles. Il est probable que chez le même individu, la durée
du repos intercinétique peut aussi varier suivant que c'est la première
où à la dernière poussée spermatogénétique qu'on envisage. Ainsi, chez
la Grenouille verte où le repos spermatogénétique est généralement assez
long, il peut chez certains sujets être aussi court qu'il l'est habituellement
chez la Salamandre. En général, le temps de repos est plus court dans les
poussées préspermatogénétiques, ce qui explique que les deux mitoses
se succèdent plus vite au printemps qu'en été ainsi que l'a signalé Jann_
sens. Je ne pense pas que les constatations d'absence de repos inter-
cinétique aient une très grande valeur. Ce stade, souvent très court, peut
échapper.
De l'examen des diverses espèces, je tirerai une description com-
mune. Les chromosomes se ressoudent à la télophase par leurs deux
extrémités distale et proximale, et une nouvelle membrane nucléaire
se reforme. Les chromosomes se dissolvent peu à peu dans le suc nucléaire
comme à une télophase ordinaire, en même temps que le suc nucléaire
devient plus colorable. Souvent (Salamandre, Triton), c'est avant la
disparition complète des chromosomes qu'intervient la deuxième mitose
qui utilise ainsi les chromosomes de la mitose précédente, déjà fissurés
longitudinalement .
SPERMATUVËXÈSE DES BA TRACIENS
157
Fig. lix. Spermatocyte II de Bombinalor.
Orientation de la structure chromati-
que comme à la prophase I.
Pro phase II
Mais dans d'autres cas, la désagrégation des chromosomes va jusqu'à
la pulvérisation de la chromatine, en même temps que réapparaissent
des nucléoles (fig. 155, 221, 207). (1) Cet
état dure peu de temps, et bientôt on voit
les nucléoles se diviser activement com-
me au début de la prophase I, puis
apparaissent des filaments d'abord assez
fins qui s'orientent quelquefois vers la
sphère attractive (fig. 156, lix), mais
toujours moins nettement qu'à la pro-
phase I. Ce filament n'est pas toujours
fissuré longitudinalement dès son appari-
tion ; il se fissure peu de temps après ;
il est alors quelquefois assez long, et le
plus souvent on y distingue une segmen-
tation en chromosomes, mais cette
segmentation n'est pas toujours appa-
rente dans les stades de début.
Les chromosomes subissent un raccourcissement comme au stade
^ diplotène de la prophase I et se raccour-
rjEi, cissent quelquefois jusqu'à la forme
de doubles grains (fig. 267, 268, 269,
270). En général, le raccourcissement
est [moindre (fig. 127, 270, 222) on
peut dire qu'il est en proportion de
celui des chromosomes I chez la même
espèce ; ainsi : raccourcissement faible
chez Triton (fig. lx), Bombinator (fig.
158), considérable chez les Grenouilles,
Crapauds (fig. 270, 271). Donc, le noyau
passe par les mêmes stades essentiels
que dans la prophase I précédente ;
mais tandis que dans la prophase I
les stades se succèdent avec une remarquable lenteur et durent
souvent plusieurs semaines, dans la prophase II, ils sont extrême-
(1) Cf. V*n- Hoof (1911), Eegacd (1910), Agak (1910).
ARCH. DE ZOOt. EXP. El QÊS\ — T. 52. — F. 2. 11
Fig. lx. Prophase de la deuxième mitose de
maturation chez Triton cristatus (torsion
des chromosomes.)
158 CHRISTIAN Cil AMP Y
ment rapides et se succèdent en un espace de temps qui ne doit pas dépas-
ser le temps nécessaire à l'accomplissement d'une mitose ordinaire. La
conséquence de cette rapidité, c'est que les images correspondant à ces
stades sont très rares sur les préparations et qu'il faut les chercher avec
soin pour les rencontrer. Cette rareté contraste avec l'abondance des
figures de la prophase I.
Les phénomènes prophasiques de la deuxième mitose ne sont donc
pas essentiellement différents de ceux de la première, ils sont surtout plus
rapides. Ils sont peut-être aussi contingents, car il ne faut pas oublier que
la plupart des stades sont supprimés dans les cas où il n'y a pas repos
intercinétique.
Mais il ne faut pas oublier non plus que l'observation de l'absence
du repos intercinétique est une constatation négative, qui n'a peut-être
pas une très grande valeur en présence de constatations positives
inverses. En tous cas, le repos intercinétique et la prophase de la
deuxième mitose ont une durée variable, mais toujours courte.
La deuxième mitose de maturation
Le fuseau de la deuxième mitose de maturation se forme comme
celui de la première : les deux corpuscules centraux s'écartent laissant
entre eux un fuseau central qui est très net chez la Salamandre, le Cra-
paud, le Bombinator, qui est moins net chez la Grenouille et paraît se
rompre souvent comme le fuseau de la première mitose. Il se produira,
dans ce cas, lors de la rupture du noyau une sorte de fuseau secondaire
constitué en partie aux dépens des résidus de la substance intranucléaire.
Les chromosomes se mettent au fuseau comme dans le cas de la
première mitose. Ils se comportent d'une manière un peu différente. Ce
qui est le plus frappant, c'est le désordre habituel dans lequel on les trouve
à la métaphase (fig. 128, 158). On peut dire que la métaphase n'existe
pour ainsi dire pas, le plus souvent, en ce sens qu'on ne trouve guère
un stade où les chromosomes sont disposés régulièrement à l'équateur
du fuseau. Je pense que cela est dû à la grande rapidité de la deuxième
mitose qui ne laisse pas, aux chromosomes, le temps de s'arranger.
Les figures anaphasiques diffèrent sensiblement de celles de la
première mitose et se rapprochent de celles qu'on observe dans les mitoses
somatiques. Ce qui est surtout remarquable, c'est que les chromosomes ne
paraissent pas adhérer aussi intimement les uns aux autres que lors de
SPËRMÀTOGÉNÈSE DES BATRACIENS 159
la première prophase. La substance visqueuse qui les englue semble
être en bien moins grande quantité. L'adhérence moindre de ces
chromosomes entre eux est connue depuis Flemming (1888), Meves
(1896), Mac Grégor, etc.
A l'anaphase, les chromosomes restent habituellement entiers ainsi
que l'ont figuré les auteurs, mais il n'est pas rare qu'ils se fissurent. Du
moins observe-t-on souvent des figures où l'on voit des chromosomes
groupés par deux comme à l'anaphase de la première division (fig. 159,
291). Ce phénomène se produit, semble-t-il, plus tardivement qu'à la
première mitose, il est quelquefois plutôt télophasique qu'anaphasique,
et il n'est pas rigoureusement constant. Il n'est, en tous cas, pas très
rare.
On observe très souvent à la télophase de la deuxième mitose et
même dès l'anaphase ou la métaphase, une division du corpuscule central
au pôle du fuseau avec division du fuseau. Cette division est non plus
l'exception, comme à la première mitose, mais la règle (fig. 160, 291,
308, 272) : chez la Grenouille, elle ne manque presque jamais. L'un des
coqmscules provenant de cette division tend à devenir périphérique,
l'autre tend à s'approcher du noyau, c'est du moins la seule explication
des figures telles que la figure 275. Hermann (1891), chez la Salamandre,
Jannsens (1909), chez Alytes, ont figuré des fuseaux à deuxcentrioles,
mais on n'a pas suffisamment attiré l'attention sur des phénomènes tels
que ceux qu'on observe dans les figures 272, 275. Je pense que cette
division, et surtout la manière dont les pôles se séparent, est la prépara-
tion dès la deuxième mitose des phénomènes essentiels de l'évolution de
la spermatide. J'insisterai plus loin sur la signification de ces phéno-
mènes.
Le corps pyrénoïde se divise, le plus souvent, dès la prophase de la
deuxième division et ses deux moitiés passent chacune dans une cellule
fille. D'autres fois, il ne se divise qu'à l'anaphase, mais cela paraît plus
rare que lors de la première division.
La division précoce ou tardive de ce corps mérite d'être rapprochée
de la fissuration prophasique qui se produit plus ou moins dans les
chromosomes. Il apparaît nettement que les phénomènes diérétiques qui
sont habituellement concomitants, ne le sont pas obligatoirement.
Cette division du corps pyrénoïde est constante ainsi qu'il est aisé
de le constater chez le Bombinator, et on trouve des corps pyrénoïdes dans
toutes les spermatides.
160 CHRISTIAN CHAMP Y
Les mitochondries ne paraissent pas subir de modifications impor-
tantes au cours de la deuxième division de maturation. Elles restent
filamenteuses.
VARIÉTÉS ET ANOMALIES DANS L'ÉVOLUTION DES SPERMATOCYTES
Variations de taille
Les spermatocytes ne sont pas toujours de même taille chez une
même espèce. Dans un même testicule de Bombinator, la taille des sper-
matocytes de premier ordre varie du simple au double. Chez Rana escu-
lenta, les variations sont encore plus considérables (fig. lxi) surtout si
Ton compare les spermatocytes du début de la période de spermatogénèse
et ceux de la fin. Ces différences de taille paraissent avoir peu d'impor-
tance pour l'évolution ultérieure de la cellule ; les cellules de taille
différente peuvent aboutir à des spermatozoïdes normaux et peu ou pas
différents. Remarquons aussi combien est identique l'aspect du noyau
des spermatocytes de grande ou de petite taille. Il est certain que la
condensation de la chromatine n'est pas plus grande dans les petits que
dans les gros. Donc, la quantité de chromatine est essentiellement variable
dans les spermatocytes d'une même espèce. Il suffit de ne pas avoir
l'esprit prévenu pour s'en apercevoir aisément.
D'ailleurs, les spermatocytes de tailles diverses gardent leurs pro-
portions, c'est-à-dire que tous les organites de la cellule ont toujours
le même volume relatif chez une même espèce.
Ces variétés dans la taille des spermatocytes ne peuvent être consi-
dérées comme des anomalies, elles sont de règle chez les Batraciens, sur-
tout chez les Anoures. On les observe également chez les Urodèles entre
diverses poussées spermatogénétiques.
Les variétés dans la durée du repos intercinétique paraissent avoir
aussi peu d'importance.
A côté de ces variations sans importance, il en est d'autres qu'on
peut qualifier d'anomalies.
Dans ce cas sont les spermatocytes géants qu'on observe quelquefois
chez les Tritons et surtout le Bombinator. On peut les rencontrer chez
tous les Batraciens, mais chez le Bombinator, ils ne manquent pour ainsi
dire jamais. Ils ont été signalés et bien étudiés par Broman (1900).
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
161
Ces spermatocytes n'ont pas une évolution différente de celle des
spermatocytes normaux jusqu'à la première mitose. Ils proviennent, je
crois, de spermatogonies qui ne se sont pas divisées autant que les autres.
Pendant les divisions successives des spermatogonies de deuxième ordre,
il arrive que les cellules situées au centre du cyste ne continuent pas à se
mitoser comme les autres et restent ou deviennent remarquablement
plus grosses que les autres. C'est ce qui explique que, le plus souvent, les
spermatocytes géants occupent le centre d'un cyste de spermatocytes
normaux. D'autres fois, ils semblent provenir de la multiplication
d'une gonie primitive géante, ces spermatogonies se multiplient souvent
par mitose pluripolaire irré- _.- ; •-..,..
gulière, et il arrive qu'un ou
deux pôles étant voisins, atti-
rent la plus grande partie de la
masse chromatique, les autres
en ayant une quantité à peu
près normale. Ce mode précoce
de formation intervient, je
crois, rarement, car il est le plus
souvent compensé par un ac-
croissement moins rapide de
la cellule plus grande.
Enfin, chez les Grenouilles, on observe des spermatocytes géants
provenant de l'évolution de spermatogonies de deuxième ordre d'appa-
rence normale qui évoluent en spermatocytes alors qu'il n'y en a que
deux ou quatre dans le même cyste, c'est-à-dire d'une façon particulière-
ment précoce. Ce mode de formation se rapproche du premier processus
que j'ai signalé chez le Bombinator.
Fig. LXI. Différence de taille des spermatocytes chez
Rana esculenla. (Ces deux spermatocytes ont été des-
sinés au même grossissement dans une même coupe.)
Mitoses multipolaires
Les spermatocytes géants se divisent par mitoses pluripolaires
(Broman 1909). Le nombre de chromosomes qui se forment à la pro-
phase est certainement variable. Les mitoses qui partagent ces chromo-
somes sont non seulement pluripolaires, mais très inégales. On observe
cependant quelquefois des mitoses bipolaires normales.
Les chromosomes des mitoses irrégulières se partagent en plusieurs
groupes. Souvent lorsque deux ou trois pôles sont très voisins l'un de
162
CHRISTIAN CHAMP Y
a m
l'autre, ils attirent à l'anaphase la presque totalité des chromosomes
(fig. 98, 99 et lxii).
Il intervient, à la télophase, un cloisonnement souvent incomplet
qui groupe quelquefois deux noyaux dans une même cellule et qui
sépare des cellules très
inégales. Ce cloisonne-
ment attribue habituelle-
ment aux cellules séparées
une portion de cytoplas-
me correspondant à la
grosseur de leur noyau.
Les spermatocytes
de deuxième ordre géants
qui peuvent ainsi pro-
venir des mitoses multi-
polaires se divisent aussi
par mitoses multipolai-
res, donnant lieu, entre
autres produits, à des
spermatides géantes.
Les divisions multipolaires donnent non seulement des cellules géantes,
mais aussi des cellules de taille normale ou de taille anormalement
petite. L'évolution ultérieure des cellules normales ne paraît pas différer
de celle des spermatocytes normaux. Celle des cellules naines n'en diffère
que parce que ces cellules subissent bientôt un accroissement compensa-
teur qui les rapproche des cellules normales. Quelquefois, mais très rare-
ment, elles dégénèrent.
Il est à remarquer que des spermatocytes
II, provenant de spermatocytes I géants divi-
sés par mitoses multipolaires et qui avaient à
la télophase I une taille anormalement petite,
se divisent à la deuxième cinèse selon le pro-
cessus normal, bien qu'elles aient reçu à la
télophase précédente un nombre anormalement
petit de chromosomes, autant du moins qu'on peut suivre ces éléments.
En tous cas, les éléments de taille normale qui proviennent des mitoses
multipolaires évoluent comme les éléments normaux et ne s'en distin-
guent plus. D'ailleurs, les spermatocytes géants ne sont pas les seuls
I
Fio. lxii. Mitose I multipolaire chez BombinaUrr. Division anapha
sique des chromosomes.
Fig. lxiii. Mitose II anormale
chez Bombinator.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 163
à se diviser par mitose multipolaire ; le même fait s'observe quelquefois
dans les spermatocytes d'apparence normale et dans le noyau desquels
il s'est formé le nombre habituel de chromosomes. Cela est facile à
constater chez la Grenouille verte où l'on peut facilement compter les
chromosomes.
Il est fréquent, chez cette espèce, que les chromosomes des mitoses
multipolaires n'aient pas une forme aussi nettement granulaire que dans
les mitoses spermatocytaires normales, comme si le fuseau multipolaire
se formait plus tôt que celui d'une mitose normale, avant que les chromo-
somes aient pu achever leur raccourcissement. Ces mitoses multipo-
laires des spermatocytes sont rares ou absentes pendant la spermato-
génèse vraie, fréquentes pen-
dant la préspermatogénèse. à "" ^ ||||
Les mitoses multipolaires ,4':y}" JÊmikëSr : :^S\
dos spermatocytes s accom- âj0'\--f iKlfiflifPr - ''-tll
plissent dans un parfait désor- '% j>:.<^SL ^ V V ~aÉ y
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chromosomes jumeaux de la ' v*|p«?
prophase ne soient pas séparés " stm
l'un de l'autre; c'est du moins
Ce qui Semble être dans des Fig. lxiv. Anaphase I chez Bombinator. Division anapha-
, . sique, mitose multipolaire.
images telles que celle de la
figure 98, où l'on voit deux chromosomes jumelés à l'anaphase. Il ne
s'agit pas ici d'une scission anaphasique, car chacun des chromosomes
commence à se diviser longitudinalement.
La division longitudinale anaphasique s'observe aussi bien dans les
mitoses multipolaires que dans les mitoses normales (fig. lxi, Lxni).
La deuxième mitose de maturation est aussi quelquefois multipolaire,
notamment chez Bombinator (fig. lxii), Triton. Elle a le même aspect que
la première. On ne l'en distingue qu'à cause de la taille plus petite des
cellules et parce que les éléments où on l'observe se trouvent situés dans
des cystes de spermatocytes II en division. Les produits de cette division
sont les uns normaux, et leur évolution ne paraît pas différer ultérieure-
ment de celle des spermatides normales, les autres anormalement grands
donnent lieu aux spermatozoïdes géants étudiés par Broman (1900).
Les spermatides anormalement petites semblent évoluer en spermato-
zoïdes de taille normale : il se produit rapidement un accroissement
compensateur.
164 CHRISTIAN CHAMP Y
Dégénérescence des spermatocytes
Les spermatocytes dégénèrent tous au moment des poussées pré-
spermatogénétiques .
La même communauté de sort qui lie les spermatocytes d'un même
cyste dans leur évolution les lie aussi dans la dégénérescence et le plus
souvent, ils dégénèrent tous simultanément.
La dégénérescence des spermatocytes a été signalée, par Flemming
(1885) et étudiée par Hermann (1887). Cet auteur a vu qu'il s'agit surtout
d'une sorte de chromatolyse, la chromatine devenant périphérique pen-
dant qu'on trouve un gros nucléole central. Drùner (1894) croit que le
corps central d'HERMANN est un parasite, Meves (1896) ne le croit pas.
Cette dégénérescence qui frappe des cystes entiers s'observe même au
cours de la spermatogénèse chez des animaux normaux tués aussitôt
après leur capture. Elle s'observe peut-être avec plus de fréquence chez
les animaux tenus dans une captivité étroite, mais ce n'est là qu'une ques-
tion de degré, encore les différences sont-elles peu sensibles (1).
Enfin, la dégénérescence des spermatocytes est la règle dans les
poussées préspermatogénétiques.
En outre de cette dégénérescence en masse, on observe chez certaines
espèces une dégénérescence de détail qui frappe les spermatocytes situés
au centre des cystes et qui probablement, sont mal nourris. Ce phéno-
mène s'observe chez Rana esculenta, Bufo, Alyies, et contribue à la for-
mation de la cavité centrale du cyste qu'on observe à partir du stade
spermatocyte. Cette dégénérescence ne s'observe pas chez toutes les
espèces ; chez Bombinator, au contraire, les cellules du centre du cyste
deviennent souvent géantes ainsi que je l'ai signalé. Ainsi, des conditions
à peu près analogues aboutissent à des résultats en apparence opposés.
La dégénérescence en masse des cystes peut se produire à divers
stades de l'évolution des spermatocytes et de différentes façons ; le plus
souvent, c'est aux environs du stade leptotène que la chromatine se
condense en un grumeau épais qui, souvent, présente de fines vacuoles
comme les nucléoles et se colore comme eux. En même temps, le cyto-
plasme se charge d'enclaves dont un petit nombre sont constituées de
(1) J'appelle captivité étroite celle d'une grenouille maintenue dans une boite où elle a peine à remuer, et pas
nourrie. Une grenouille placée dans un petit cristallisoir où elle peut remuer à l'aise, et où on la nourrit, a une
glande génitale semblable à celle de la grenouille normale.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 165
graisse ; la plupart sont des vacuoles à contenu liquide : c'est en somme
un phénomène comparable à celui du synapsis.
Dès ce moment, et aussi plus tard, vers le stade pachytène, on observe
les images décrites par Hermann (1891), elles sont fréquentes, surtout
chez les Urodèles.
Le cyste frappé de cette dégénérescence se résorbe assez vite chez
les Urodèles ; chez les Anoures, il tombe dans la lumière des tubes sémi-
nifères et s'y fond peu à peu dans le magma qui occupe le centre des
tubes.
D'autres fois, ce sont les mitochondries qui deviennent très colo-
rables (fig. 101), et se fondent en une masse commune. Le noyau se frag-
mente et le tout dégénère.
Un autre mode de dégénérescence frappe les spermatocytes au mo-
ment de la première mitose de réduction. Les chromosomes s'accolent
en un grumeau, soit à la prophase, soit à la télophase. Cependant, le
cytoplasme se dissout et disparaît en perdant ses contours et en deve-
nant de plus en plus flou. Cette dégénérescence s'observe surtout chez
les Anoures au moment de la préspermatogénèse annuelle, ou dans le
repos interspermatogénétique (fig. 110).
Il est bien plus fréquent, nous l'avons dit, de trouver des mitoses plu-
ripolaires en dehors de la spermatogénèse vraie. Ces mitoses ont alors
un caractère dégénératif. Ce caractère ne leur est pas particulier, car, à
la même époque, les mitoses normales dégénèrent également. Au contraire,
au moment de la spermatogénèse, les mitoses pluripolaires aboutissent
à des produits viables et qui évoluent jusqu'au spermatozoïde.
Les spermatocytes de deuxième ordre peuvent aussi dégénérer,
mais cela est plus rare. En général, c'est lors des poussées préspermato-
génétiques, pendant la prophase de la première cinèse ou à la première
mitose que la dégénérescence se produit. Il semble que ce soit là une
période critique de la vie des spermatocytes.
En somme, les anomalies des spermatocytes montrent que la quan-
tité de chromatine peut y varier.
De l'étude des mitoses multipolaires (1) et des cellules qui en pro-
viennent, il résulte qu'une cellule qui a reçu un nombre anormalement
petit de chromosomes peut ensuite évoluer normalement, et se diviser
avec le nombre de chromosomes habituel.
(1) J'ai dû l'abréger beaucoup pour qu'il n'y ait pas disproportion avec les autres chapitres. Cette étude a
été faite surtout par Bromas (1900). Je ne puis confirmer que partiellement ses résultats.
166 CHRISTIAN CHAMP Y
De la comparaison entre la dégénérescence des spermatocytes et
celle des gonies, je tirerai cette notion que, tandis que la dégénérescence
des gonies I est une véritable évolution anormale, celle des sperma-
tocytes est caractérisée par une mort rapide et pour ainsi dire brutale de
la cellule, et qu'on ne voit indiquée, dans ces éléments aucune autre
possibilité d'évolution que l'évolution spermatogène.
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES DIVERSES
La réduction chromatique
LA RÉDUCTION QUALITATIVE ET NUMÉRIQUE
Depuis que Weismann (1887) a montré la nécessité théorique d'une
division réductrice au cours de la formation des cellules sexuelles, presque
tous les auteurs qui ont étudié la spermatogénèse et l'ovogénèse ont eu
pour but principal de déterminer comment se faisait cette réduction.
Weismann admet une double réduction : numérique et qualitative,
Il ne suffit pas que le nombre des chromosomes soit réduit de moitié,
il faut qu'à un certain moment les chromosomes soient partagés autre-
ment que ne le fait une mitose normale, de sorte que deux cellules
reçoivent des particules chromatiques inéquivalentes au point de vue
héréditaire.
Weismann pensait que la deuxième mitose de maturation était
réductrice parce que les chromosomes, au lieu de se fissurer longitudinale-
ment à la métaphase, se partageaient en deux groupes dont chacun pas-
sait dans une des cellules filles. Les chromosomes étant supposés inéqui-
valents l'un à l'autre, au point de vue héréditaire, le double problème
de la réduction qualitative et numérique était ainsi résolu de la façon la
plus simple. Malheureusement, les faits refusent de se conformer à cette
explication, il a fallu en chercher une autre et des hypothèses diverses
ont été émises sur la question de la réduction.
Si ces hypothèses ne sont pas toujours d'accord avec tous les faits
observés, elles ont l'incontestable avantage du nombre et de la variété,
(c'est, dit M. Bergeret, l'avantage que l'erreur a sur la vérité). Ces qualités
ne sont pas pour en rendre l'exposé facile.
Dans son travail de 1907, Meves a résumé la plupart des théories
de la réduction chromatique dans l'ordre chronologique, et en a pour
SPEBMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 167
ainsi dire montré la genèse. Pour ne pas reprendre l'exposé de Meves,
je résumerai très brièvement les opinions principales d'une autre manière.
LE MÉCANISME DE LA REDUCTION QUALITATIVE.
Pour Weismann (1887) et par un procédé un peu différent, pour
Jannsens (1901-1905), Grégoire (1905), A. et K. Schreiner (1906),
et un grand nombre d'auteurs récents, elle se fait par le mécanisme que
nous avons signalé : une des mitoses de réduction sépare des chromo-
somes différents et restés indépendants. C'est généralement à la première
mitose qu'on attribue cette fonction (Voir Grégoire, 1905, où on trou-
vera un exposé complet de la théorie qui est d'ailleurs très habilement
défendue).
PourVOMFvATH, PvÙCKERT, HACKER, BOLLES-LEE, ANCEL et BOUIN,
etc., la réduction qualitative s 'opère par ce fait qu'une des mitoses de matu-
ration coupe les chromosomes transversalement au lieu de les couper lon-
gitudinalement ou sépare des chromosomes différents soudés bout à bout.
Comme Weismann admet que les chromosomes sont constitués de parti-
cules de diverses valeurs d'une extrémité à l'autre, on comprend que ces
mécanismes puissent être invoqués. La section transversale, ou la sépa-
ration des chromosomes différents, peut d'ailleurs s'opérer à la première
mitose (Jannsens, Grégoire, Korschelt, Montgommery), ou à la
deuxième (Weismann, Vom Rath, Hacker, etc.).
Enfin, Wilcox (1901) montre qu'il n'est pas nécessaire de trouver
une division transversale pour que les ides soient séparées comme le veut
Weismann. Il suffit de supposer que les ides sont très petits. Rien ne
justifie l'opinion qu'il n'y en a qu'une seule série dans un chromosome.
Meves (1907) qui n'admet pas l'individualité des chromosomes,
montre dans un même esprit, qu'on peut partager les granules chroma-
tiques inéquivalents, comme le réclame la théorie, sans qu'il soit nécessaire
d'invoquer une section transversale des chromosomes, ni une séparation
de chromosomes différents ; on n'observe, en fait, ni l'un ni l'autre de
ces phénomènes. Pour donner une base matérielle à ses considérations,
il invoque une image de chromosomes d'ALTMANN ; cette image,
d'ailleurs, n'inspire nulle confiance.
En fait, Flemming (1887), Mac Grégor (1899), Meves (1896).
Jannsens (1901, etc.), A. et K.. Schreiner (1906), et la plupart des auteurs
récents qui ont bien suivi l'évolution des chromosomes ont montré que
168 CHRISTIAN CHAMP Y
les deux divisions sont bien longitudinales. J'ai vérifié constamment
l'existence de deux divisions longitudinales, lorsqu'il y a dans les chro-
mosomes une longueur et une largeur, ce qui doit faire penser que la
division a la même signification dans les chromosomes granulaires, si,
toutefois, le sens de la division des chromosomes a une signification
quelconque.
Ce qui me paraît à retenir dans l'explication de Meves, c'est que le
postulat de Weismann n'a pas besoin d'être expliqué par des mitoses
particulières. On se demande même s'il est besoin de l'expliquer par des
images histologiques quelconques, ainsi que Meves s'est efforcé de le
faire. Les ides de Weismann sont des entités métaphysiques qu'on a
peut-être voulu à tort, superposer à des granules visibles et tangibles.
Rien ne prouve que les 'déterminants soient d'ordre cytologique. Sans
contester le moins du monde le fond de la théorie de Weismann, et
l'intérêt de ses spéculations, on peut, sans d'ailleurs dépasser beaucoup
l'explication de Meves, la reléguer dans le domaine métahistologique.
En ce qui concerne les Batraciens, on n'observe aucun fait de divi-
sion transversale des chromosomes, le seul mode de réduction qualitative
qu'on puisse invoquer à bon droit (Jannsens 1903, A. et K. Schreiner,
1905 a) serait la séparation de deux chromosomes différents. Il faut
supposer alors avec les auteurs cités, que les anneaux chromatiques de
la première prophase représentent deux chromosomes différents : toutes
mes observations montrent au contraire que, comme le veulent Flem-
ming (1887), Meves (1896), ils représentent seulement un chromosome
fissuré.
Je crois qu'il ne faut pas s'acharner à tirer des faits autre chose que ce
qu'ils renferment. On n'observe rien qui soit en faveur d'une réduction
qualitative et cela n'empêche pas les considérations théoriques de Weis-
mann de garder leur valeur. Il ne peut y avoir contradiction entre les
notions biologiques spéculatives et les observations cytologiques, parce
que rien ne prouve que ces deux ordres de faits doivent nécessairement
se rencontrer ou se superposer. C'est le côté cytologique seulement de
la théorie de Weismann qui doit être écarté en ce qui concerne la
réduction qualitative. Cette théorie a eu l'incontestable mérite de pro-
voquer un grand nombre de travaux ; elle a eu, par contre, l'inconvénient
de détourner l'attention des cytologistes de phénomènes plus intéressants
sans doute que ceux qui président à la formation des chromosomes.
Si les nombreux auteurs qui ont étudié la spermatogénèse pour savoir
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 169
comment se fait la réduction , avaient commencé par rechercher, sans idée
préconçue, quels sont les faits dominants et constants de la spermato-
génèse, nous serions peut-être un peu plus avancés dans l'explication de
phénomènes encore très obscurs. Cette étude impartiale des faits a été
faite par un petit nombre de cytologistes seulement, notamment par
quelques-uns de ceux qui se sont occupés des Batraciens ; aussi reste-t-il
peu de faits positifs à ajouter à ceux qu'ils ont mis en évidence. Mais,
par contre, on peut, en s'appuyant ! sur cette base solide, se rendre
compte de ce qui est intéressant dans l'évolution des spermatocytes, de
ce qu'il faudrait d'abord expliquer et ce n'est pas sans doute la forma-
tion des chromosomes.
LE MOMENT DE LA REDUCTION NUMÉRIQUE
Un fait demeure : il y a réduction du nombre des chromosomes. A la
métaphase I, il n'y a constamment que moitié du nombre normal de
chromosomes, ainsi qu'on peut s'en assurer chaque fois que la numération
est possible.
Quand se fait cette réduction ? On a pu penser qu'elle s'opérait dès
la dernière télophase goniale. Montgommery (1900), Sutton (1902).
Ce processus n'est généralement pas admis, il ne concorde pas avec les
faits. Chez tous les Batraciens, la dernière télophase goniale ne diffère
nullement des autres.
Il était bien plus tentant de placer la réduction numérique au
stade de synapsis, de grumeau. En fait, c'est après le stade où le noyau
est synaptisable, que le nombre des chromosomes apparaît réduit de
moitié. D'ailleurs, à ce stade, l'image de synapsis, où l'on ne distingue
pas grand'chose, permet d'imaginer et même de décrire les processus les
plus divers. Indépendamment de la réalité de ces processus, on doit
admettre que la réduction a lieu entre la télophase spermatogoniale et la
fin de la prophase spermatocytaire, au moins si l'on considère les dyades
comme représentant un seul chromosome (Meves 1893, et moi-même).
Si, au contraire, on considère les dyades comme représentant deux
chromosomes, la réduction a lieu à la métaphase de la première mitose
qui sépare les deux moitiés de la dyade. Le problème dépend donc d'abord
de l'interprétation des dyades que je discuterai plus loin.
Si l'on accepte le principe de la dyade = un chromosome, il se peut
encore que la réduction ait lieu au stade synapsis (Moori; 1906), ou
170 C H Hl HT t AN CHAMP Y
leptotène (Jannsens 1901-1905), ou au contraire, qu'elle ait lieu seule-
ment comme le veulent Meves, Brauer (1893), au moment de la seg-
mentation du filament en chromosomes. Les faits me font incliner vers
la première manière de voir : Cette période que Meves appelle période
de repos est très particulière aux spermatocytes. Ses traits caractéristi-
ques : chromatine dissoute, nucléoles épars, fragilité du noyau, ne se
retrouvent guère ailleurs. Du moment qu'il y a un phénomène particu-
lier aux spermatocytes : la réduction du nombre des chromosomes, il
semble qu'on doive le situer au moment où l'on observe dans les sper-
matocytes des phénomènes cytologiques particuliers. Sans préjuger de
la façon dont se fait la réduction numérique, et en prenant les choses d'un
point de vue aussi large que possible, on a l'impression nette qu'il se passe
pendant les stades, dessinés fig. 111, 143, 211, un remaniement de la
chromatine.
LA MANIÈRE DONT SE FAIT LA RÉDUCTION NUMÉRIQUE.
C'est peut-être la question la plus discutée. On a admis d'abord qu'il
y avait expulsion ou dissolution d'une partie de la chromatine (Boveri,
Hertwig). Une telle expulsion ne s'observe généralement pas. L'observa-
tion de la réduction de moitié du nombre des chromosomes devait amener
l'idée que les chromosomes des spermatocytes sont formés par la soudure
de deux chromosomes spermatogoniaux. Cette idée a été défendue par
de très nombreux auteurs, elle est à la base de plusieurs théories inté-
ressantes que je ne puis exposer ici in-extenso.
Conjugaison bout a bout. — Elle a été défendue par Montgom-
mery (1900), qui pense que les chromosomes du Péripatus s'accolent
bout à bout à la télophase de la dernière mitose spermatogoniale. Mont-
gommery appelle ce phénomène synapsis, prenant ce mot en un sens
différent de celui qu'on lui donne habituellement. Sutton (1902) admet
aussi une conjugaison bout à bout (1). Montgommery (1903) admet
chez les Batraciens une conjugaison bout à bout des chromosomes à la
prophase de la première mitose de maturation. C'est, en somme, une
explication théorique du fait observé par Brauer (1892), que le filament
prophasique ne se segmente qu'en — chromosomes.
La théorie de Montgommery n'est pas conforme aux faits observée
(l; Toir les critiques de Meves (1907 et 1908).
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 171
ainsi que l'ont montré Meves (1907)"et Jannsens et Dumez (1908). Rien ne
peut faire penser que les chromosomes de la première prophase représen-
tent des chromosomes somatiques soudés bout à bout. La même idée a
cependant été soutenue par de nombreux auteurs (Farmer et Moore
1903 et 1905, Moore et Embleton 1906). Ces derniers auteurs donnent
une description d'après laquelle les chromosomes du Triton persistent
après les divisions spermatogoniales et se réunissent bout à bout pendant
le début de la prophase spermatocytaire. Les chromosomes de cette pro-
phase ont donc la valeur de deux chromosomes soudés. Je n'ai rien observé
de semblable, ni chez Triton, ni ailleurs.
La même idée est défendue par Stevens (1903), chez Sagitta ; Gross
(1904 et 1906), chez Syromastes et Pyrrhocoris ; Dublin (1905), chez
Pedicellina ; Foot et Strobel (1905), chez Allobophora ; Montgommery
(1905), chez Lycosa, etc..
Conjugaison parallèle. — L'idée de la conjugaison parallèle des
chromosomes avait déjà été émise par Rûckert (1892), Fick (1893),
Born (1893). Elle a été reprise par Winiwarter (1900). Winiwarter
pense que les chromosomes se conjuguent longitudinalement pendant
le stade synapsis. Cette idée a été développée par A. et K. Schreiner
(1904-1905), Jannsens (1905). Cet auteur admet que le filament fin du
stade leptotène est un filament prophasique formé de chromosomes
réunis bout à bout. Au stade amphitène, ces chromosomes se soudent
l'un à l'autre latéralement si bien que dans le filament prophasique
pachytène, il y a une double série de chromosomes soudés longitudinale-
ment. La fissuration prophasique, la séparation des moitiés provenant
de cette fissuration au stade strepsinéma, n'est que la réapparition des
deux chromosomes soudés au stade amphitène ; les deux moitiés de la
dyade représentent donc deux chromosomes différents.
Jannsens (1909) ayant observé chez l'Alytss que les chromosomes
sont tous semblables deux à deux et différents les uns des autres, pense
que de deux chromosomes semblables, l'un représente le chromosome
paternel, l'autre le chromosome maternel. Ce sont ces chromosomes
paternel et maternel qui se conjuguent aux stades amphitène et pachy-
tène avant de se séparer définitivement au stade strepsinéma. La pre-
mière mitose sépare donc des chromosomes différents, elle est réductrice
au sens de Weismann. L'idée de Jannsens a été aussi habilement défendue
par Grégoire (1905), par Schreiner (1906). Elle inspire les travaux
de Schoenfeld (1901), Maréchal (1904), Tretjakoff (1904), Bonne-
172 CHRISTIAN CHAMP Y
vie (1905), Lerat (1905), Stevens (1906), Schreiner (1906), Van
Molle (1907), Berghs (1909), Van Hoof (1911).
Elle a été critiquée par Meves (1907) et a fait l'objet d'une longue
discussion entre Meves et A. et K. Schreiner (1908). Je ne veux pas
revenir sur cette discussion. Je partage à peu près exactement la manière
de voir de Meves.
Il y a dans les spermatocytes un stade long où il n'y a pas de chro-
mosomes, où les images que l'on observe dans le noyau sont d'une réalité
douteuse sur laquelle on ne saurait baser quelque chose de précis. Il y a
probablement un stade où toute la chromatine est dissoute. Toute l'argu-
mentation de Jannsens, de Schreiner est basée sur l'hypothèse de
l'individualité des chromosomes, et je ne vois pas que cette hypothèse
puisse s'arranger avec les faits, notamment avec ceux que j'ai signalés
dans les spermatogonies primitives. Les cas invoqués par Jannsens (1909)
d'après Th. Martins Mano (1905), où les chromosomes persistent entre
deux cinèses somatiques, comme aussi leur persistance habituelle entro
les mitoses de maturation, ne sont nullement démonstratifs de la persis-
tance générale et continue des chromosomes pendant le stade de repos.
Les images de réseau dans lequel on découpe arbitrairement un filament
chromatique ne peuvent servir de base solide à une discussion, il faudrait
d'abord prouver qu'elles ne sont pas artificielles. Les faits observés par
Jannsens (1909), chez Alytes, de différences entre les chromosome:-
seraient plus probants ; malheureusement, on ne retrouve pas ces diffé-
rences et tout porte à croire que la forme et la longueur des chromosomes
sont dues aux hasards du raccourcissement prophasique.
La base la plus solide de la théorie est l'existence indiscutable du
stade amphitène de Jannsens (fig. 114, 212). Il est loin d'être certain,
pourtant, qu'il existe au stade amphitène un filament prophasique parfai-
tement individualisé. J'ai figuré intentionnellement des images où l'on
voit dans le reste du noyau un réseau ou des granulations éparses. On voit
bien aussi le filament épais du pôle proximal se continuer par deux ou
trois séries de granulations ou de filaments. Je pense que le stade amphi-
tène doit être interprété autrement que ne le font Jannsens et Schreiner.
Je ne pense pas qu'au stade leptotène ou synapsis de Winiwarter, il y ait
dans le noyau un filament bien différencié.
On voit, à vrai dire, des morceaux de filament aux extrémités du
grumeau synaptique lorsqu'on a produit les images de synapsis sur
la nature artificielle desquelles je ne reviendrai pas. Mais comme tout
SPERMATOGÉNÈSE DES BAT RACLES s 173
prouve que l'image de synapsis ne correspond pas à la réalité, ou
correspond à des phénomènes complexes, qu'il serait tout à fait témé-
raire de vouloir préciser, je ne pense pas qu'on ait le droit d'ex-
traire de cette image fallacieuse les détails utiles à la théorie. Lorsque
les cellules au même stade sont fixées de telle sorte qu'il n'y ait pas de
synapsis, même léger, on n'y voit pas de filament individualisé. Je pense
que des divers aspects du noyau à ce stade, il se dégage l'impression que
la chromatine y est très probablement dissoute et complètement
dissoute.
L'image amphitène est due sans doute à ce que le filament propha-
sique se forme d'abord au pôle proximal du noyau ou se raccourcit
plus vite à ce pôle. Cette particularité est due peut-être à l'action de la
sphère sur laquelle nous avons insisté.
Autres modes de réduction numérique. — Boveri (1902) et
R. Hertwig pensent qu'il y a résorption d'une moitié des chromosomes.
Cette résorption ne s'observe pas en fait bien que rien ne s'oppose à ce
qu'on l'admette. Brauer (1892) et Meves (1907) admettent que le fila-
ment prophasique se segmente seulement en -^ chromosomes. C'est la
constatation d'un fait; mais que ces chromosomes doivent être considérés
comme constitués avec des fragments de chromosomes spermatogoniaux
on n'a aucune raison de le penser, si ce n'est l'idée de la permanence des
chromosomes. Je pense qu'il faut se contenter de ce fait de la réduction
de moitié du nombre des chromosomes, sans chercher à l'expliquer par
des images cytologiques ; ces images ne présentent pas, d'ailleurs, les
garanties de réalité nécessaires à l'établissement d'une théorie un peu
solide.
On a l'impression qu'il se passe pendant le début de la période dite
d'accroissement un remaniement profond de la chromatine qui subit
sans doute des modifications d'ordre chimique plutôt que d'ordre mor-
phologique. Regaud (1901) signale chez le rat des modifications histo-
chimiques de la chromatine qui n'aurait plus exactement les mêmes
affinités colorantes. Bien qu'on puisse faire quelques réserves sur l'impor-
tance des réactions de colorabilité, l'observation de Regaud me paraît
très intéressante, parce qu'elle vient s'ajouter à d'autres qui montrent
que la chromatine des spermatocytes, pendant le stade dit leptotène, se
conduit autrement que la chromatine des noyaux ordinaires, elle ne se
coagule pas de la même façon, elle est facilement altérable, et quel que
AXiCB. DE ZOOl. EXP. ET C.É\~ . — I. 52. — F. 2. 12
174 CHRISTIAN CHAMP Y
soit le réactif, elle se présente avec un aspect autre que la chromatine
d'un noyau ordinaire.
Je pense donc que le phénomène de la réduction numérique est dû
à une modification de l'état physique ou chimique de la chromatine.
Della Valle (1912) compare la formation des chromosomes à une cris-
tallisation. Il est possible que la chromatine modifiée pendant le stade
de repos (Meves), ou leptotène (Jannsens), ne cristallise plus de la même
façon. Ce n'est là sans doute qu'une comparaison un peu grossière, mais
elle est meilleure peut-être qu'une explication trop précise et morpho-
logique à l'excès.
La conclusion que j'adopterai sera donc celle d'HENNEGUY : c'est
qu'on a attribué beaucoup trop d'importance à la façon dont se fait
la réduction du nombre des chromosomes. On se rend très bien compte
que le désir d'expliquer cette réduction par des images cytologiques a
entraîné la plupart des auteurs à attribuer de l'importance à des détails
sans intérêt. Il est plus sage de se contenter simplement, du fait de la
réduction, comme l'ont fait en somme Brauer (1892), Meves (1896 et
1907), Regaud (1910), en constatant seulement que le filament se segmente
en — chromosomes. On peut ajouter que le nombre des chromosomes
apparaît réduit à la suite d'une période où la chromatine du noyau paraît
se transformer beaucoup à tous points de vue.
LA RÉDUCTION QUANTITATIVE.
L'idée de la réduction de la quantité de chromatine au cours de l'évo-
lution spermatocy taire a été soulevée par R. Hertwig. Elle est aussi la
conséquence du procédé de réduction invoqué par Boveri.
Les deux cinèses se succédant rapidement sans accroissement inter-
cinétique du noyau, la quantité de la chromatine serait réduite de moitié.
L'idée séduit au premier abord par sa simplicité et parce qu'elle semble
vérifiée par cette observation facile que la taille des noyaux des sperma-
tides est plus petite que celle des spermatocy tes I.
Cependant, l'importance de la réduction quantitative est contredite
par de nombreux faits : chez une même espèce, la taille des noyaux sper-
matocytaires varie couramment du simple au double (fig. lxiv); par
conséquent, il est peu probable que la quantité de chromatine signifie
quelque chose. D'autre part, la succession des deux cinèses de maturation
qui doivent assurer cette réduction est plus ou moins rapide. Le stade de
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 175
repos intercinétique est contingent, comme l'a vu Jannsens (1901), et
comme je l'ai vérifié maintes fois. La relation nucléo-cytoplasmique qui
paraît avoir une grande importance, puisque le rapport du cytoplasme
au noyau reste le même pour des noyaux de taille différente, autant du
moins qu'on en peut juger, semble bien être la même dans les sperma-
tides et dans les spermatocytes. La quantité de chromatine contenue
dans la spermatide a certes de l'importance, mais cette substance est
bien moins exactement dosée qu'on ne pourrait se figurer. Il se produit
au cours des transformations de la spermatide une compensation
d'accroissement telle que des spermatocytes de volume très différent
aboutissent à des spermatozoïdes semblables.
SIGNIFICATION DES PHÉNOMÈNES DE LA PERIODE DE MATURATION.
Si, à l'inverse de ce qu'on a fait habituellement, on fait table rase
des théories, et qu'on se demande, après examen des faits, ce que ces faits
suggèrent, on est amené à y voir autre chose que ce qu'on a voulu y faire
entrer de force.
A la nécessité d'une division réductrice invoquée par Weismann,
l'observation répond par la constatation de deux divisions qui, pour
présenter quelques différences sur lesquelles on a trop insisté, n'en sont
pas moins très semblables l'une à l'autre, et très différentes des autres
mitoses de l'organisme. Si, comme le veut, par exemple Grégoire (1905),
la première mitose était essentiellement différente de la deuxième, l'une
étant hétérotypique et l'autre homéotypique, on ne comprend plus ce
que vient faire la deuxième. Le premier devoir d'une théorie de la réduc-
tion est de tenir compte de l'existence de deux mitoses de réduction. C'est ce
qu'ont bien senti les auteurs qui ont admis que les deux mitoses sont
réductionnelles.
Cette idée, défendue par Wilcox (1895), Toyama, a été reprise, sous
une autre forme par Jannsens (1909). dans sa théorie de chiasmatypie.
Cette théorie, un peu compliquée, mais extrêmement ingénieuse, a surtout
l'avantage d'utiliser les deux mitoses de maturation et d'expliquer
l'existence de la tétraspore, ainsi que le fait justement remarquer son
auteur. Cela suffit pou^r lui assurer toute ma sympathie. Elle a l'incon-
vénient de reposer sur un nombre assez respectable d'hypothèses :
hypothèse de l'individualité des chromosomes, de l'inhomogénéité des
chromosomes, de Ja conjugaison des chromosomes, qui ne lui donnent
pas une base bien solide. Cela ne lui est d'ailleurs pas particulier.
176 CHRISTIAN CHAMP Y
Parmi les avantages que Jannsens lui attribue, il en est d'un peu
singuliers. « Elle donne une interprétation très simple du stade strepsi-
néma, qui reste une énigme et une superfétation sans elle. » Pourquoi
est-il nécessaire d'admettre que le stade strepsinéma a une prédestination
mystérieuse, alors qu'il s'explique si bien par des phénomènes simples à
torsion et raccourcissement? Si l'on cherche constamment à quoi les
phénomènes sont destinés au lieu de chercher à les expliquer par des
phénomènes connus plus simples, on trouvera toujours une explication,
on en trouvera même plusieurs.
Je pense que, malgré les incontestables avantages de la théorie de la
chiasmatypie, elle ne s'impose pas encore, et il ne faut pas se presser trop
de l'adopter, et surtout d'appuyer sur elle des considérations nouvelles (1).
J'avais édifié autrefois entre autres hypothèses (2) une théorie qui res-
semblait assez à celle-ci, et je ne l'ai pas trouvée assez conforme aux faits
pour la conserver même dans mon esprit. J'encourrai donc gaiement le
reproche d'avoir fait œuvre purement négative, c'est peut-être ce qu'on
peut faire de mieux dans cette question en ce moment.
Sans prétendre fonder une théorie expliquant complètement les phé-
nomènes de maturation, on peut dégager cependant les traits caractéris-
tiques ou frappants de cette période de l'évolution des gamètes.
Il y a, au début, une phase de remaniement de la chromatine. Les
modifications que subit alors la chromatine semblent être surtout
d'ordre physico-chimique. Les modifications morphologiques ne sont que
secondaires.
Puis interviennent deux mitoses qui ne paraissent différer, ni l'une
ni l'autre, des mitoses normales par aucun phénomène essentiel (section
transversale des chromosomes, ou séparation de chromosomes différents),
mais qui en diffèrent l'une et l'autre par nombre de phénomènes secon-
daires (forme du fuseau, raccourcissement considérable des chromosomes
à la prophase, apparition particulièrement précoce de la fissuration de^
chromosomes ; lenteur de l'une, rapidité de l'autre.)
La division longitudinale anaphasique n'est pas un phénomène telle-
(1) Ce que l'on peut aussi reprocher à la théorie de la chiasmatypie, c'est de l'aire jouer un rôle important aux
images de chromosomes tordus l'un autour de l'autre à la métaphase. Or, ces images ne s'observent que chez les
espèces où la mitose intervient pendant le raccourcissement des chromosomes et non dans celles où le raccourcisse-
ment est complet à la prophase (grenouille). On peut opposer à Jannsens cette explication simple que le raccour*
cissement continuant à la métaphase chez la plupart des Urodèles, les chromosomes continuent à se tordre l'un
autour de l'autre par un mécanisme déjà expliqué, très simple, et pas du tout mystérieux.
Il restera à Jannsens le grand mérite d'avoir bien vu ce qu'il fallait expliquer.
2) Je ne les ai jamais publiées et je m'en félicite.
SPEBMATOGËNÈSE DES BATRACIENS 177
ment particulier qu'il puisse servir à différencier la première mitose de la
deuxième. Si l'on admet, avec tous les auteurs que cette division prépare
les demi-chromosomes de la deuxième mitose, on doit rapprocher ce phé-
nomène de la fissuration très précoce de la prophase I. On observe dans
la télophase goniale une fissuration (fig. xlix), qui est certainement de
même ordre que la fissuration des mitoses spermatocytaires, mais qui
est seulement moins précoce.
Ces deux mitoses diffèrent par un caractère essentiel : la yrophase
de l'une est anormalement longue, celle de Vautre anormalement courte.
J'avoue que je ne puis donner une interprétation de ce fait qui me paraît
essentiel (1). A part cette différence, les deux mitoses de maturation sont
très semblables l'une à l'autre. Il suffit de comparer les figures de mitose
de la planche V à celles de la planche II, celles de la planche IX
à celles de la planche III, pour se rendre compte que les mitoses sper-
matocytaires diffèrent des mitoses somatiques et se ressemblent entre
elles.
Les caractères essentiels communs aux cinèses sexuelles sont diffi-
ciles à déterminer ; il n'y en a pas de parfaitement constants chez toutes
les espèces, sauf la fissuration précoce du filament chromatique. On peut
dire cependant que le raccourcissement des chromosomes est, en général,
plus prononcé que dans les mitoses normales, que les pôles du fuseau ont
une tendance à devenir périphériques. Il faut insister aussi sur la remar-
quable adhérence des deux composants des dyades, ce phénomène sen-
sible surtout à la première mitose, est en opposition avec ce qu'on
observe dans les mitoses normales où les demi-chromosomes se séparent
dès la fissuration.
Il faut reconnaître que cette adhérence s'harmonise bien avec l'idée
que les composants de la dyade représentent les chromosomes paternels
et maternels conjugués. On comprend qu'ils aient quelque peine à se sépa-
rer. On pourrait aussi, dans une variante du même ordre d'idées, les
affliger de charges électriques de signe contraire en témoignage de leur
sexe différent. Il suffit d'y réfléchir un peu pour voir à quelles complica-
tions cela aboutit dans la comparaison des mitoses somatiques avec les
mitoses sexuelles.
En résumé, il se dégage de l'étude des spermatocytes quelques
(1) Noter aussi l'adhérence des chromosomes qui est assez particulière a la première mitose,
178 CHRISTIAN CHAMP Y
faits certains : existence de deux divisions analogues l'une à l'autre, où
le nombre des chromosomes est de — ; longueur de la première prophase,
brièveté de la deuxième, fissuration très précoce des chromosomes aux
deux mitoses et adhérence des deux portions du filament fissuré aboutis-
sant à la formation de dyades. Ce sont précisément ces faits certains que
les théories n'expliquent pas ou expliquent mal. Cela montre bien l'inu-
tilité de ces échafaudages compliqués d'hypothèses qui cherchent la raison
des phénomènes de maturation dans leur fin héréditaire. Ce sont les
causes qu'il nous faudrait connaître, mais il faudrait connaître d'abord
celles des mouvements de la cellule somatique.
Considérations sur la mitose
Les termes mêmes dont je me suis servi pour décrire les figures
de karyokinèse, indiquent assez que je n'ai aucune tendance à avoir
recours à des explications telles que la contraction des fibres du man-
teau ou du fuseau, mais que j'aurais une préférence pour des expli-
cations physico-chimiques. Je ne passerai pas en revue les diverses
opinions émises sur le mécanisme de la mitose, je me contenterai de
renvoyer à l'article de Prenant (1912) où ces opinions sont examinées
et critiquées.
Parmi les explications physico-chimiques, on a encore un grand
choix. On peut se demander tout d'abord si l'on doit rechercher les
causes de la mitose dans des phénomènes d'ordre physique ou d'ordre
chimique, ou tout au moins si les phénomènes physiques ou chimiques
sont prépondérants. Il faut remarquer que les transformations chi-
miques sont bien moins actives en général dans les cellules en mitose
qu'aux périodes de repos (exemple des gonies primitives). Ce n'est
d'ailleurs que l'expression en d'autres termes de l'observation de Pre-
nant, qu'une cellule qui se mitose ne sécrète pas. On peut penser que
cela est dû à ce que les transformations chimiques sont en réalité
interrompues ou simplement ralenties, ou bien à ce que l'activité chi"
mique de la cellule est déviée dans un autre sens. La première expli-
cation a le mérite de la simplicité et d'ailleurs on a bien l'impression
que les phénomènes essentiels : attraction, répulsion, fissuration, sont
d'ordre physique et non chimique. On ne voit guère pendant la mitose
les substances de la cellule changer de caractère chimique, autant qu'on
en peut juger avec nos colorations.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 170
Il semble donc que les phénomènes de la mitose soient les moins
mêlés de transformations chimiques parmi les phénomènes de la vie
cellulaire. Mais si Ton essaie de poursuivre une explication physique
déterminée, dans le détail, on se heurte à des difficultés considérables.
Formation des chromosomes. — J'ai admis avec Tellyesnicki
(1905), Della Valle (1912) et nombre d'autres auteurs, que le noyau
a une structure homogène à l'état de repos dans le cas des éléments
sexuels des Batraciens. La réalité des granulations ou du réseau ne
paraît nullement certaine et ces images n'ont d'intérêt que parce que
les différences qu'elles montrent avec un même réactif et dans diffé-
rentes conditions, correspondent à quelque chose qu'il serait intéres-
sant, mais difficile, de déterminer.
Il est de fait qu'à un certain moment, il apparaît des chromo-
somes dans ce noyau. Les partisans des structures diverses du noyau à
l'état de repos, ont été, semble-t-il, impressionnés surtout par la néces-
sité qui leur apparaissait d'y retrouver constamment ces chromo-
somes.
Les auteurs qui admettent l'idée d'un noyau homogène pensent
avec Tellyesnicki que les chromosomes sont néoformés ou plutôt
qu'ils se forment aux dépens d'une solution colloïdale, un peu comme
des cristaux se forment aux dépens d'une solution vraie. Cette idée
est défendue par Della Valle (1912), qui compare plus spécialement
la formation des chromosomes à la formation de cristaux dans les solu-
tions colloïdales. Il m'est impossible d'analyser ici son long mémoire
où il développe des comparaisons très suggestives entre les chromosomes
d'une part, et les cristalloïdes ou les cristaux fluents et les associations
de cristaux, d'autre part.
On trouve dans le travail de Della Valle plutôt des comparai-
sons suggestives que des explications véritables. Il ressort de sa lecture
l'impression que l'explication est du même ordre que celle qu'il donne,
mais avec de nombreuses complications. Il compare justement les
phénomènes de l'apparition des chromosomes avec les phénomènes qui
accompagnent l'apparition d'une phase nouvelle dans un fluide homo-
gène. La situation périphérique du filament prophasique reçoit une
interprétation satisfaisante, de même que l'augmentation de volume
et la diminution de visibilité du noyau. Mais il y a des faits certains
que Della Valle néglige un peu : l'existence de nucléoles dans le noyau,
la persistance fréquente, sinon constante, de l'un au début de la pro-
180 CHRISTIAN CHAMP Y
phase, sa disparition à la fin, la division des nucléoles avant l'apparition
du filament, la disparition de la plupart d'entre eux.
La torsion prophasique des chromosomes est interprétée par
Della Valle par comparaison avec la torsion des associations linéaires
de cristaux fluents. Cette torsion n'est pas évidente au début de l'appa-
rition du filament prophasique. Ce filament, continu avant d'être seg-
menté, s'explique mal par la comparaison avec une association de
cristaux fluents. On devrait plutôt observer l'inverse : association
secondaire de fragments d'abord indépendants. Le filament chroma-
tique apparaît le plus souvent d'emblée dans un noyau où la dissolu-
tion de la chromatine est plus nette qu'à l'état de repos.
Il existe incontestablement dans les chromosomes un substratum
très visqueux ; peu apparent dans les mitoses somatiques, il est très
apparent et j'en ai vérifié la viscosité à frais dans les prophases sper-
matocytaires avancées. Sans pouvoir préciser les rapports de cette
substance avec les nucléoles, on peut affirmer qu'il y a beaucoup de
caractères communs. On a l'impression que c'est la même substance.
C'est cette substance qui paraît êt're le siège des mouvements divers
qu'on observe dans les chromosomes. La chromatine, au contraire,
paraît se déposer passivement sur les filaments par une sorte de cris-
tallisation secondaire.
Diverses affirmations de Della Valle ne sont pas entièrement
justifiées : la torsion spirale s'observe, dit-il, du début à la fin de la
mitose, or, tout au début de la formation du filament on n'observe pas
cette torsion, et si on la suppose, c'est, je crois, gratuitement. Il n'est
d'ailleurs nul besoin de la comparaison aveo des associations de cris-
taux fluents pour expliquer la torsion. Le raccourcissement des chro-
mosomes l'explique suffisamment et explique son irrégularité constatée
déjà par Della Valle, si l'on suppose que ce raccourcissement est
inégalement rapide sur les divers points de la circonférence d'un chro-
mosome. La torsion ne permet pas d'apprécier la cause, la nature de
ce raccourcissement.
Della Valle admet que la chromatine forme une phase distincte
avec le caryoplasme mitotique et une phase homogène avec le caryo-
plasme intercinétique ; il faut remarquer qu'elle peut aussi former avec
ce dernier une phase distincte (cas de chromosomes incontestables dans
le noyau au repos). Mais il y a dans la formation des chromosomes de
la mitose, quelque chose de plus complexe que dans celles des chromo-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 181
somes du noyau au repos : Dans le premier cas, toutes les substances du
noyau (sauf l'eau et les sels, mais en tous cas toutes les substances préci-
pitables et décelables histologiquement), participent à la formation des
chromosomes. Dans le second, les chromosomes apparaissent dans un
suc nucléaire encore très colorable, où Ton rencontre des nucléoles,
c'est alors peut-être qu'on peut parler d'une simple cristallisation de
la chromatine.
Dans la mitose des spermatocytes I, dite hétérotypique, on observe
un mode de formation des chromosomes qui n'est pas sans rappeler
celui des chromosomes du noyau au repos (œufs, cellules glandulaires)
par ceci : que les nucléoles restent longtemps indépendants des chromo-
somes et que les substances dissoutes n'arrivent que difficilement et
incomplètement à se condenser sur le filament chromatique.
La constance du nombre des chromosomes est un fait générale-
ment très net, et il est aisé de comprendre qu'il ait impressionné les
biologistes. Della Valle a recherché les cas de variation du nombre
des chromosomes; il signale surtout des faits de fragmentation des
chromosomes. Cependant, les cas de Stevens (1909), de Fauré-Fré-
miet (1912), sont très démonstratifs. Della Valle (1909-1912) admet
que le nombre des chromosomes est variable avec la quantité de chro-
matine, ce qui est contredit par cette observation que dans deux sperma-
tocytes de grenouille également colorables et dont l'un a un diamètre
double de l'autre (par conséquent un volume beaucoup plus considé-
rable), il se forme un même nombre de chromosomes. Je pense cepen-
dant, comme Della Valle, que le nombre des chromosomes n'est pas
aussi constant qu'on veut bien le dire, et j'ai trouvé des prophases de
spermatogonies de Bana esculenta où ce nombre variait d'une ou deux
unités. Sous l'influence d'excitants venus de l'extérieur, ce nombre
peut varier par fragmentation des chromosomes, ainsi que cela s'observe
dans certaines prophases multipolaires. Les chromosomes anorma-
lement nombreux, qu'on observe alors, sont aussi anormalement petits.
En général, le nombre des chromosomes ne dépend pas de la quantité
de chromatine.
Les explications que Della Valle donne de là fissuration longi-
tudinale du raccourcissement anaphasique sont plus satisfaisantes.
Il est cependant un fait dont on saisit mal la raison, c'est que les deux
composants des dyades des prophases de maturation restent accolés
l'un à l'autre, pendant le raccourcissement, alors qu'il y aurait toutes
182 CHRISTIAN CHAMP Y
les chances pour qu'ils se séparent. On a l'impression que les deux
moitiés de la dyade s'attirent et on se rend mal compte de la cause de
cette attraction. L'adhérence par viscosité ne l'explique pas, car les élé-
ments de la dyade adhéreraient aussi bien à la dyade voisine. On ne
peut admettre non plus une attraction comparable à une attraction électri-
que, car, dans ce cas, le composant d'une dyade affecté du signe positif,
devrait avoir une action attractive sur le composant d'une dyade
voisine, affecté du signe négatif ce qui ne s'observe pas. Il semble que
l'action attractive d'un des composants de la dyade se manifeste exclu-
sivement vis-à-vis de l'autre composant de cette même dyade, et vrai-
ment ce phénomène ne laisse pas d'être encore mystérieux. Sans pour
cela adopter le point de vue des auteurs qui parlent de conjugaison
de chromatines paternelle et maternelle, on comprend qu'une explica-
tion de ce genre leur soit venue à l'esprit.
Interprétation des mouvements de la mitose. — Les mouvements
de la mitose doivent être divisés en deux groupes : les phénomènes de
formation du fuseau et d'écartement des centrosomes et les mouvements
des chromosomes. Les faits de Boveri (1896), Ziegler (1898), Wilson
(1901), les observations fréquentes de formation de fuseaux dans les
cellules dont le noyau reste au repos (fig. 97, xxxvi) montrent que les
phénomènes chromatiques et achromatiques de la mitose sont relative-
ment indépendants.
Je ne passerai pas en revue les diverses théories émises sur la nature
des figures achromatiques de la mitose, ces théories sont exposées et cri-
tiquées dans le travail de Prenant (1910).
En présence des faits, on peut se demander encore si l'on peut choisir
avec certitude entre les théories que Prenant appelle vitalistes et les
théories physiques, à condition, bien entendu, de n'accepter les premières
que comme reculant, dans un ordre de grandeur moindre, l'explication
mécaniste.
De la description de la mitose telle que je l'ai donnée, il résulte qu'au
début de la prophase, les centrosomes se repoussent et qu'ils repoussent
les chromosomes jusqu'à la métaphase. S'agit-il d'une répulsion d'ordre
électrique ou électro-colloïdal, ou même comme a pu le supposer Prenant,
en présence des difficultés de ces explications, d'une répulsion due à une
force encore inconnue ?
Remarquons qu'il semble y avoir autre chose dans la formation d'un
fuseau que le phénomène de l'écartement des centres. On voit sou-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 183
vent les centres s'écarter (fig. xxxvi), sans qu'il se forme de fuseau.
Ne s'agit-il pas plutôt, dans la formation du fuseau, d'un phénomène
d'accroissement ? Les fibres du fuseau semblent s'accroître depuis le
début de la prophase jusqu'à la fin de la mitose, ainsi que l'a admis
Meves (1897-1898). Elles semblent bien se comporter comme quelque
chose de relativement solide : elles résistent aux chromosomes qui tendent
vers le centre du cytoplasme, comme si elles leur opposaient une
barrière rigide. Cette explication qui n'afflige pas les pôles de la mitose
de signes contraires, s'adapte bien aux fuseaux pluripolaires et aux
fuseaux sans chromosomes. L'accroissement de la substance du centro-
some ne porte pas seulement sur la partie fusoriale, mais se manifeste
par les irradiations polaires. La longueur de celles-ci ne peut être appré-
ciée exactement sur des préparations fixées à cause des figures de coagu-
lation qui s'y mêlent. On peut admettre que cet accroissement centrifuge
des fibres astériennes repousse les chromosomes vers l'équateur à la
métaphase (1). Cela expliquerait que la séparation des chromosomes
commence par leur extrémité distale. Le changement de sens dans l'action
des pôles peut s'expliquer aussi parce que la substance des rayons ou du
fuseau qui s'accroissait l'instant d'avant se rétracte ensuite, entraînant
peut-être les chromosomes qui sont plus ou moins accolés à elle. Ainsi
s'expliquent : l'ascension des chromosomes, la diminution de la longueur
de la partie du fuseau située entre le pôle et les chromosomes, la diminu-
tion des irradiations astériennes à l'anaphase et à la télophase. Il semble
que cette rétraction ne porte pas sur la plupart des fibres du fuseau
central qui, abandonnées à elles-mêmes se recourbent, se déforment de
diverses manières et ne paraissent plus subir les phénomènes que passi-
vement.
Meves (1897) admet que le fuseau continue à s'accroître et repousse
les chromosomes jusqu'à la télophase. Cela n'explique pas la diminution
considérable de l'espace compris entre le pôle et les chromosomes. D'autre
part, on voit par les exemples des figures ci, lxxiv et de la spermio-
génèse que les centrosomes peuvent se déplacer et se séparer sans être
reliés par aucune fibre.
Qu'on ne me dise pas que c'est une explication vitaliste : les phéno-
mènes d'accroissement et de rétraction qu'elle invoque sont des plus
explicables par la physique et la chimie, l'explication physico-chimique
est seulement un peu reculée.
(1) Cet accroissement n'est peut-être aussi que l'expression morphologique d'une action répulsive croissante.
184 CHRISTIAN CHAMP Y
Il y a cependant quelques faits qui, bien que n'étant pas nettement
contraires, s'harmonisent mal avec cette idée : les faits d'action orien-
tante de la sphère sur le cytoplasme (halos mitochondriaux) ou sur le
noyau (figures de bouquet) montrent que la sphère peut exercer une action
attractive ou répulsive sans qu'elle soit entourée d'irradiations (1).
D'autre part, les irradiations polaires se voient peu, ou pas du tout
dans les mitoses de réduction, et on ne peut guère invoquer leur action
pour repousser les chromosomes à la métaphase; elles sont assez peu
nettes dans les mitoses somatiques des Batraciens, mais c'est une consta-
tation négative, il est possible qu'elles échappent. Il est vrai aussi que
l'action répulsive des centres ne s'observe guère dans les images comme
celle de la figure 250, et surtout à la deuxième mitose où le désordre
de la métaphase est la règle.
La théorie a pour elle les faits signalés (fig. 150), où la sphère munie
d'irradiations, semble repousser tout ce qu'il y a autour d'elle. Le fait que
la substance du centrosome peut s'accroître sous forme de rayons est
démontré par l'observation de sphères telles que celle de la figure xxxvi,
où l'on voit des rayons courts et bien limités et formés incontestablement
aux dépens de la substance du centrosome. Je n'oserais cependant ferme-
ment conclure, je me permettrai seulement une réflexion : Je crois qu'il
est extrêmement dangereux de vouloir, dans un ensemble de phénomènes
complexes comme le sont ceux de la vie cellulaire, appliquer à des mou-
vements la même explication physique, parce qu'ils sont de même gran-
deur. Il y a des phénomènes cytologiques, par exemple, les fissurations
longitudinales, les bipartitions de granules, peut-être l'apparition des
chromosomes, qui sont justiciables d'une explication physique immédiate;
il en est d'autres très certainement qui ne reconnaîtront une explication
analogue que quand on les aura décomposés et analysés à fond, parce
qu'ils sont déjà très compliqués. Si l'on voyait les choses mille fois moins
grossies, on n'admettrait jamais que la division d'un infusoire est un
phénomène infiniment compliqué parce qu'on verrait cet infusoire comme
un point. Il est probable que pour les choses qui sont près de la limite qui
nous est imposée par nos moyens d'investigation, nous tombons cons-
tamment dans la même erreur. Rien ne prouve que l'explication physique
ou chimique doive intervenir dès que le microscope est impuissant (2),
(1) Nous avons vu cependant que la sphère s'entoure d'irradiations lors de la répulsion des mitochondnes.
Mais dans des cas où elle a une action attractive elle ne présente aucune irradiation.
(2) La démonstration de microbes Invisibles prouve même le contraire. '
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 185
et lorsqu'une telle explication ne s'accorde pas parfaitement avec les
faits. Il faut penser toujours qu'il y a des complications qui nous
échappent.
L'individualité des chromosomes
J'ai déjà formulé, en plusieurs endroits de cet ouvrage, diverses
objections à la théorie de l'individualité des chromosomes. Cette théorie,
défendue d'abord par Rabl (1896) et Boveri, puis par nombre d'auteurs
après eux, avait soulevé nombre d'objections de la part de Fick (1905),
Brauer (1893), etc. Je ne veux point reprendre ici toute cette discussion.
L'hypothèse de l'individualité réapparaît sous une forme nouvelle dans
les travaux de Montgommery et de Jannsens et Willems (1909), qui
reconnaissent les divers chromosomes et les appellent pour ainsi dire
chacun par leur nom. J'ai déjà dit que je ne suis pas arrivé à reconnaître
ces diverses personnalités.
L'existence à peu près constante d'amitoses inégales avec dégé-
nérescence d'un des lobes du noyau dans le cytoplasme (gonies primi-
tives) vient déjà singulièrement gêner l'hypothèse : voici tout un lobe
du noyau (correspondant à un chromosome selon la théorie), qui vient
dégénérer et cela n'empêche pas ce noyau de se diviser toujours avec le
nombre ordinaire de chromosomes. J'ai déjà dit toutes les raisons qui
empêchent qu'on puisse opposer cette chromatine expulsée sous le
nom de trophochromatine à l'idiochromatine qui n'est pas expulsée.
Lors des mitoses multipolaires inégales et évolutives du Bombinator,
il se produit de petits noyaux qui ont reçu un nombre anormalement petit
de chromosomes. Par la suite, ces noyaux grossissent et ne se distinguent
plus des autres ; ils se divisent donc avec le nombre normal de chromoso-
mes. Tous les troubles apportés à la mitose modifient la forme et l'aspect
des chromosomes et les différences entre ces chromosomes anormaux et
les chromosomes normaux sont bien plus considérables que celles qu'on
observe entre les chromosomes d'une même mitose. Il est probable que
ces dernières sont déterminées par des différences légères des conditions
en divers points du noyau, notamment par la facilité plus ou moins grande
que les chromosomes ont à se raccourcir.
Pour toutes ces raisons, je repousse l'idée que les chromosomes sont
des individualités permanentes. Je pense avec Della Y allé qu'ils ne
sont pas plus des individualités que les cristaux qu'on produit aux
dépens d'une solution saline.
180 CHRISTIAN CHAMP Y
Les chromosomes particuliers et le chomosome accessoire
L'existence de chromosomes nettement différents des autres a été
signalée, surtout chez les Arthropodes. Mac Clung (1905) trouve un chro-
mosome accessoire chez Orphania denticauda et Xyphidium. C'est un
corps arrondi, identique au nucléole chromatique signalé par Henking
(1893). Il ne se trouve pas dans l'ovaire, mais seulement dans le testicule.
Mac Clung en déduit que les œufs fécondés avec des spermatozoïdes à
chromosome accessoire donnent des mâles, les autres des femelles. Il y a
donc des spermatozoïdes avec et sans chromosome accessoire. On obser-
verait, en effet, que le chromosome accessoire ne se divise pas à la
deuxième mitose de maturation.
De Sinety (1901) vérifie chez les Phasmes l'existence d'un chro-
mosome accessoire qui ne se partage pas à la deuxième ditose. Ce chro-
mosome est ensuite retrouvé chez les Insectes par Sutton (1902-1903),
Mac Gill (1904), Mac Clung (1905), Gross (1906), Wilson (1906),
Foot et Strobell (1907), Wassilief (1906), Otte (1907), Stevens
(1908), Morill (1909), Buchner (1909), Max Morse (1909).
Il n'a pas été retrouvé chez les Hyménoptères et les Lépidoptères,
Meves (1907), Mark et Coppeland (1906), Doncaster (1907), Meves
et Duesberg (1908), Lams (1908), Il a été retrouvé dans d'autres groupes :
chez Sagitta, Stevens (1903); chez les Myriapodes : Blackmann (1905);
Meves (1905), Ancel et Bouin (1911); chez les Arachnides : Wallace
(1905), Montgommery (1905) ; chez les Oiseaux: Guyer ; chez le Chat:
Winiwarter et Saintmont (1909) ; chez le Cobaye : Stevens ; chez
l'Homme.
L'opinion la plus généralement admise est que le chromosome
accessoire détermine le sexe de l'embryon, mais le processus invoqué
diffère sensiblement suivant les auteurs.
A l'opinion de Mac Clung (1905) que le chromosome accessoire déter-
mine le sexe mâle, Stevens et Wilson (1900) opposent qu'il détermine
le sexe féminin. Le mâle aurait un seul chromosome accessoire, la femelle
en aurait deux. Les cellules du mâle renferment donc n + a, celles de
la femelle n + 2a. Le chromosome accessoire ne se divise pas aux mitoses
de maturation. Les cellules réduites sont, chez le mâle, de deux sortes
n/2 + a et n/2. Celles de la femelle sont toutes n/2 -f a. Il résulte de la
fécondation deux sortes d'œufs, les uns (n/2-j-a) + (n/2 + a) = n + 2a
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 187
sont femelles, les autres n/2 + (n/2 + a) = n + a sont mâles. Montgom-
mery (1900), chez Calocoris, ajoute une complication de plus. Il y a pour
lui deux chromosomes accessoires : l'un (A) se divise à la première mitose
de maturation: l'autre (a) se divise à la deuxième. Les cellules mères
renferment donc n + A + a; après la première mitose réductrice, ou a:
n/2 + A + a et n/2 + A. A la deuxième mitose, ces deux cellules donnent
respectivement n/2 + A + a et n/2 + a pour la première, n/2 + A et n/2
pour la deuxième. Les quatre spermatozoïdes sont donc différents.
Sans entrer dans les détails, on peut dire que les images sur lesquelles
on base toute cette mathématique n'entraînent pas irrévocablement la
conviction. Le nombre des explications en présence accentue les doutes.
Ancel et Bouin (1911), chez Scutigera coleoptrata ont observé un
hétérochromosome très beau qui se divise aux deux mitoses, passant
dans les quatre spermatides; il y a chez cette espèce une double spermato-
génèse. Bouin et Ancel pensent que le chromosome accessoire joue un
rôle dans le déterminisme du sexe (féminin) en augmentant la masse de
chromatine. Cette explication a l'avantage d'être en accord avec les faits
connus où l'abondance de matériaux détermine le sexe dans le sens
féminin. Elle a l'avantage aussi d'être plus simple que les précédentes, ce
qui est appréciable. Il faut remarquer cependant que dans le cas parti-
culier de Scutigera coleoptrata, rien ne prouve que ce chromosome parti-
culier ait un rôle quelconque dans le déterminisme du sexe.
Enfin, pour Goldschmidt (1904), Wassilief (1906), l'idiochromo-
some serait de nature trophochromatique.
Les chromosomes spéciaux sont d'aspect assez variable. Le plus
souvent, au stade de repos spermatocy taire ou de prophase, ils appa-
raissent comme une masse irrégulière, plus ou moins arrondie. Souvent,
ils se colorent comme les nucléoles: Wassilief (1906), Buchner (1909).
etc., etc. D'autres fois (Ancel et Bouin) ils sont constitués par deux
grains inégaux réunis par un pont de substance. Vers le stade de pro-
phase avec anneaux et dyades, le chromosome accessoire est souvent
figuré simplement comme un chromosome un peu différent des autres;
quelquefois cependant, on le représente avec des caractères nucléolaires.
Aux métaphases, le chromosome accessoire est figuré quelquefois
comme un chromosome plus long ou plus court que les autres, d'autres
fois, comme une masse granulaire qui se divise ou reste entière.
En somme, on a décrit dans les spermatocytes comme chromoso-
mes accessoires, des nucléoles incontestables d'une part (surtout au repos
188
CHRISTIAN CHAMPY
et à la prophase) (Cf. Wassilief), et, d'autre part, des chromosomes bien
authentiques qui se comportent comme tels, Ancel et Bouin, Max
Morse, Buchner. Il reste un groupe, le plus grand, hélas ! de chromo-
somes accessoires décrits avec des méthodes telles que l'hématoxyline au
fer, qui ne permettent pas de s'assurer s'il s'agit d'un nucléole ou d'un
chromosome. Leur forme donne le plus souvent l'impression qu'il s'agit
d'un nucléole.
Parmi les chromosomes authentiques, ou qui le paraissent, il
en est qui diffèrent peu des chromo-
somes normaux (Buchner, fig. 53, 54),
'. .^[' : . .':.. chez Pezzotettyx (fig. 45, 49), chez Œdi-
])0(la, etc. Il est à remarquer que ces
chromosomes sont surtout figurés au
stade de dyades courtes, ou à la méta-
phase.
Enfin, il y a des chromosomes
spéciaux qui, d'après les figures des
auteurs ont une taille nettement diffé-
rente de celle des autres chromoso-
mes : Ancel et Bouin (Scuiigera)
(1911), Max Morse et quelques-uns des
auteurs qui ont étudié les Arthropo-
des. Ils sont nettement en mino-
rité.
Revenons maintenant aux Ba-
traciens. Les hétérochromosomes n'y
ont pas été signalés, du moins sous
ce nom. Nombre d'auteurs, surtout
Eisen (1899), Jannsens (1901) ont signalé l'existence de nucléoles se
colorant comme la chromatine, qu'ils ont appelés chromoplastes. Ces corps
qu'ils figurent aux premiers stades de l'évolution des spermatocytes
rappellent beaucoup la plupart des chromosomes accessoires décrits à ces
stades. Les figures 143, 211, 212, 252, 253, etc., de ce travail, montrent
dans les spermatocytes des corps dont les uns sont colorés comme la
chromatine, les autres comme les nucléoles. Ces corps se voient jusqu'aux
stades voisins de la mitose, au moins les plus gros, colorables comme les
nucléoles. J'ai signalé ailleurs leur évolution, chez la Grenouille surtout,
où j'ai pu bien la suivre.
"V,
y
Fig. lxv. Anaphase I chez Alytes. L'un des
chromosomes se divise en retard et peut
être considéré comme chromosome acces-
soire.
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS 189
Si j'avais eu l'esprit prévenu, et si je n'avais été éclairé par des
exemples clairs comme celui de Bombinator, j'aurais eu bien des chances
de croire que c'étaient ces corps qui se divisent au fuseau dans
les figures 149 ou 218. Or, l'étude comparée des diverses espèces montre
que ce sont les corps chromatoïdes qui se divisent quelquefois de cette
manière. Pour peu que je me sois inspiré d'images incomplètes telles
que les figures 150, 122, 124, j'aurais conclu que le chromosome acces-
soire ne se divise pas à l'une des mitoses. Or, j'ai exposé précédemment
comment le corps pyrénoïde se divise, et comment le moment de cette
division coïncide ou non avec la métaphase.
Si l'on étudie des préparations fixées aux liquides chromiques ou
osmiques et colorées à l'hématoxyline au fer, on trouve des hétéro-
chromosomes tant qu'on peut le désirer chez toutes les espèces et à
tous les stades. On en trouve même dans les préparations fixées au liquide
de Bouin. Les figures 210, 212, ne le cèdent en rien à la plupart de celles
qui ont été données. Mais si on varie un peu les méthodes, on se rend
compte que ces corps sont des nucléoles plus ou moins complexes, ou
des amas très quelconques de chromatine, et rien n'autorise à les baptiser
d'un nom spécial et à leur faire jouer un rôle dans le déterminisme du
sexe, tout prouvant d'ailleurs que le sexe des cellules n'est pas déter-
miné dès l'embryon chez les Batraciens. Le nombre, la forme de ces
bâtonnets chromatiques, sont d'ailleurs très variables.
On trouverait aisément aussi chez les Batraciens des hétérochro-
mosomes de mon deuxième groupe, c'est-à-dire des chromosomes
authentiques pour peu qu'on ne tienne compte que des figures favorables.
A la prophase, on trouvera des chromosomes de forme nettement
différente des autres dans les figures 216, 259 et 149, 150, mais par
contre, on ne les trouve plus dans les figures 260, 261, 217, 148 et 151.
J'ai expliqué ailleurs, d'une manière que je crois suffisante, les diffé-
rences de forme entre les chromosomes qui sont avant tout inconstantes.
Elles tiennent à ce que le raccourcissement des chromosomes est plus
ou moins marqué dans un même noyau. Ces différences dans le raccour-
cissement sont très nettes, surtout au stade de dyades courtes et de la
métaphase (lorsque la métaphase intervient à ce moment). Cela explique
d'ailleurs pourquoi les chromosomes accessoires sont particulièrement
abondants à ce stade.
Il faut noter aussi qu'au début de leur raccourcissement, les chro-
mosomes ont des bords irréguliers (dus surtout à l'insertion de filaments
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN'. — T. 52. — F. -. 13
190
CE EISTIA N OH A MPY
de substance visqueuse), tandis qu'à la fin, ils ont un contour net. Les
mêmes caractères s'observent dans les figures de beaucoup d'auteurs
(par exemple, Buchner (1909), entre les chromosomes ordinaires et le
chromosome accessoire.
On a le droit de se demander si le chromosome dit accessoire n'est
pas, dans beaucoup de cas, un chromosome raccourci plus vite ou moins
vite que les autres. Il faut songer que les partisans du chromosome
accessoire doivent, ce qui est naturel, rechercher les images favorables
à leur thèse; il ne m'aurait pas été difficile de trouver et de figurer une
douzaine d'images telles que les figures 210, 149 ou 150, mais il y a des
-
FlG. lxvi. Spermatocytes de Lombric (spec. ?) avec formations comparables à celles qu'on a décrites comme
chromosomes accessoires.
images nombreuses et certainement complètes où on ne retrouve rien
de semblable. Un caractère important qu'on attribue fréquemment
aux hétérochromosomes est de se diviser plus précocement ou plus
tardivement que les autres. Il n'est pas difficile non plus de trouver
des chromosomes en nombre variable qui se divisent avant ou après
les autres (fig. 150, 217, lxv). On croit habituellement que la division
des chromosomes est rigoureusement et nécessairement simultanée
parce qu'on se fait une idée beaucoup trop schématique de la mitose.
En résumé, je dirai qu'il n'y a pas chez les Batraciens de chromo-
somes accessoires. La facilité avec laquelle on pourrait en trouver pour
peu qu'on tienne à vérifier sur ces animaux les observations faites
sur les Arthropodes, et qu'on n'ait pas connaissance de phénomènes
cytologiques tels que la division des corps pyrénoïdes, l'inégal raccour-
cissement des chromosomes jette un doute sérieux sur beaucoup
d'observations de chromosomes spéciaux.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 191
Quant au rôle du chromosome accessoire dans le déterminisme du
sexe, il me paraît être encore à démontrer. Il faut remarquer que dans
les cas de chromosome accessoire bien net, comme chez Scutigera
(Bouin et Ancel), l'idiochromosome se divise aux deux mitoses et passe
dans les quatre spermatides. Les faits de non division de l'hétérochro-
mosome sont basés sur des observations purement négatives et qui
n'apportent pas toute la certitude désirable. On trouve d'ailleurs des
formations très analogues aux chromosomes accessoires chez les animaux
hermaphrodites (fig. lxvi).
En somme, il y a, dans la théorie du chromosome accessoire déter-
minant le sexe, un échafaudage d'hypothèses incertaines et souvent
improbables qui ne le cède en rien à ceux qu'on a édifiés au sujet de la
réduction chromatique et les dépasse même quelquefois. Ses deux bases
principales: individualité des chromosomes et prédé.ermination du
sexe sont encore à démontrer et paraissent tout à fait incertaines.
RÉSUMÉ
De l'étude du développement des cellules sexuelles se dégagent
quelques faits qui mériteraient d'être expliqués. On semble surtout
s'être évertué à chercher des raisons compliquées à des phénomènes
dont les causes sont probablement très simples. Si j'ai critiqué les
diverses théories sans les remplacer par une autre, c'est que je crois
qu'il faut d'abord expliquer ces caractères généraux de l'évolution des
cellules séminales : existence de deux divisions particulières à la fin
de l'évolution des cellules sexuelles, lenteur de la première prophase,
rapidité de la deuxième mitose, action intense du centrosome sur le
noyau, modifications chimiques de la chromatine ? J'ajouterai qu'il ne
serait pas sans intérêt de déterminer le rôle du corps pyrénoïde qui paraît se
diviser si régulièrement pour ne servir à rien plus tard, ce qui est
singulier. Voilà les faits dont on n'arrive pas à saisir la raison.
Les autres phénomènes de l'évolution des spermatocytes, au
contraire, ne me paraissent pas mystérieux.
Je ne puis admettre l'hypothèse de l'individualité des chromo-
somes.
Pour ce qui est de la réduction chromatique, je pense que le nombre
des chromosomes est réduit parce qu'à la suite des phénomènes du début
de l'évolution des spermatocytes la chromatine est profondément renia-
192 CHRISTIAN CHAMP Y
niée à tous points de vue et, que comme conséquence, son « mode de cris-
tallisation (1) », est changé.
Quant aux chromosomes spéciaux ou accessoires, je crains qu'ils
n'aient beaucoup moins d'importance qu'on leur en attribue géné-
ralement.
(1) Ceci n'est, bien entendu, qu'une image grossière.
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS
193
CINQUIÈME PARTIE
La Spermiogénèse
FORMES DIVERSES DES SPERMATOZOÏDES
\
1
Si l'évolution des spermatocytes est remarquablement analogue chez
les différentes espèces, la forme des spermatozoïdes est très différente de
l'une à l'autre.
La forme des spermatozoïdes des Batraciens est bien connue depuis les
recherches de Ballowitz (1890), Broman (1900,
1901, 1902), Retzius (1906), Bertaccrtni (1896),
Eimer (1874), Leydig (1850), Jensen (1886-1888),
Flemming (1888), La Valette Saint -George
(1885-1886), Wiedersperg (1890), etc. Elle apparaît
comme étant extrêmement différente selon les espè-
ces, surtout chez les Anoures, ainsi que Ta montré
Ballowitz (1890) et d'autres.
Les spermatozoïdes des Urodèles sont assez sembla-
bles les uns aux autres. Ils sont caractérisés notam-
ment par la présence d'une membrane ondulante
nettement différenciée. Ils ont une tête allongée,
terminée à son extrémité par un acrosome effilé, à
sa partie postérieure par une zone électivement
colorable. A cette tête fait suite une pièce inter-
médiaire assez longue, puis la queue comprenant un
filament de soutien et un filament marginal mobile
sur le bord de la membrane ondulante. (Bel-
lonci (1886), Meves (1899), Mac Gregor (1899
Les spermatozoïdes des espèces que j'ai étudiées ont été décrits par
Retzius (1906) (Salamandra inaculosa, Axolotl, Triton cristatus, alpestris,
vulgaris). Les différences entre ces diverses espèces sont de simples diffé-
rences de taille ou de proportion.
Retzius a figuré à un grossissement considérable (fig. lxvii), la pointe
Fig. lxvii. Acrosome chez
la Salamandre (d'après
Retzius.)
Retzius (1906.)
194
CHRISTIAN CHAMP Y
il
qu'il trouve formée d'un axe mince entouré d'une gaîne et munie d'un
crochet (Widerhakenstuck). Le filament axile de la pointe se continue
par un filament latéral ou axial dans la tête. Retzius n'a le plus souvent
pu voir qu'une courte portion de ce filament chez les espèces signalées, où
cependant, j'ai pu m'assurer qu'il existe sur toute la longueur du noyau.
D'ailleurs, Retzius (1906) a bien vu ce filament chez Pleurodeles Waltii
(Mich) (fig. lxviii) où il figure les spermatozoïdes avec une forme vague-
ment sp'roïde. D'après la figure citée le filament paraît
extérieur à la tête. Chez l'Axolotl, Retzius décrit un fila-
ment extérieur à la tête, d"ssociable par macération.
Les spermatozoïdes du Bombinator sont d'un type tout
particulier. Wagner et Leuckart (1752) indiquent que
ces spermatozoïdes sont identiques à ceux de la Salaman-
dre ; au contraire Siebold (1860), LeydiCx (1877), Eimer
(1874), La Valette Saint-George (1885) ont été frappés
de la singularité de leur aspect. Broman (1900 b) a étudié
leur histogenèse et a montré qu'ils ne diffèrent pas essen-
tiellement des spermatozoïdes des Urodèles, ainsi que
l'avait déjà dit Pfluger (1882). Ce qu'il y a de remar-
quable dans leur structure serait que la queue s'insère à
la partie antérieure de la tête et non à la partie posté-
rieure. Cette queue est d'ailleurs constituée comme chez
les Urodèles d'un filament de soutien et d'une membrane
ondulante. Broman (1900 b) décrit à l'intérieur de la tête
un bâtonnet qui se continue avec l'acrosome et qui lui
paraît un organe de soutien. Les corpuscules centraux ne
changent pas de volume et ne sortent pas de la sphère. La
description de Broman est confirmée par Retzius.
Les spermatozoïdes des grenouilles diffèrent d'une espèce à l'autre (1).
Il résulte des recherches de Retzius (1906), Ballowitz (1890) et surtout
Broman (1907) que chez Rana esculenta ils ont une tête courte, arrondie
aux extrémités avec un acrosome peu ou pas visible, tandis que chez
Rana temporaria ils ont une tête longue et pointue avec un acrosome
bien net. Les spermatozoïdes de Rana arvalis, de Rana mugiens sont du
type esculenta Broman (1907). Ceux de Rana agilis (de l'Isle 1873), sont
du type de Rana temporaria, Ballowitz (1906) a signalé chez Rana escn-
■)
Fig. lxviii. Sper-
matozoïde de
Pleurodeles
Waltii (d'après
Retzius.)
(1) Pour la littérature voir Broman (1907).
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS
195
lenta la présence fréquente de spermatozoïdes à tête arrondie, ce que j'ai
pu vérifier maintes fois. Broman (1907) contre Retzius (1906) soutient
que la queue des spermatozoïdes des grenouilles est constituée d'un seul
filament. Cela m'ayant paru singulier, j'ai examiné attentivement des
spermatozoïdes de Rana esculenta et de Rana temporaria, et j'ai vu deux
filaments très rapprochés ainsi que l'indique Retzius.
Il est probable qu'il existe une membrane ondu-
lante comme chez les autres Batraciens, mais
qu'elle est très courte et très peu visible à cause
de la petitesse des éléments (1).
Les spermatozoïdes de la rainette sont très sem-
blables à ceux des crapauds. Leydig (1877), La
Valette Saint-George (1886), Broman (1900),
Retzius (1906).
Tous ces spermatozoïdes sont pourvus d'un acro-
some généralement effilé, sauf chez la grenouille verte,
où il n'est représenté que par un bouton terminal
difficile à voir.
Les spermatozoïdes des crapauds ont été étudiés
par Von La Valette Saint-George (1876), Spen-
gel (1876), Leydig (1878), Jensen (1879), Buhler
(1895), Bromann (1900), etc., etc. Ils ont une tête
homogène, assez longue, une pointe courte, une mem-
brane ondulante. En somme, ils sont assez analogues
aux spermatozoïdes des Urodèles, mais en plus petit.
Les spermatozoïdes de l'Alytes ont été décrits
par Spengel (1876), Leydig (1877), Ballowitz
(1890), (Retzius 1906) (fig. lxviii bis). On y voit
aisément à frais un filament qui traverse la tête sui-
vant sa longueur, qui a été vu par Leydig et bien
figuré par Retzius (1906). Ce filament se colore
volontiers. Il sort de la partie antérieure du noyau, coiffé peut-être
d'une membrane très fine. Retzius (1906). Dans l'une des figures de
Retzius il y a une disposition vaguement spiroïde. Dans deux autres
figures, Retzius dessine un autre filament incomplet.
Je n'ai pu étudier de façon suffisante la spermiogénèse des autres
(1) J'ai observé chez un spécimen de Rana esculenta des spermatozoïdes très semblables à ceux de Rana tem-
poraria ; Retzius a fait une observation analogue.
vw
Fia. lxviii {bis). Sper-
matozoïde i'Alytes (d'a-
près Retzius).
196 CHRISTIAN CHAMP Y
espèces, à cause de la difficulté qu'on a de se procurer les animaux au mo-
ment voulu et dans de bonnes conditions. On sait que d'autres espèces
d'Anoures ont des spermatozoïdes de formes assez différentes. Disco-
glossus pictus (Otth) possède des spermatozoïdes d'une longueur consi-
dérable, plus de deux millimètres. (Spengel, 1876, Ballowitz, 1905).
Chez Pelodytes punctatus, les spermatozoïdes sont très petits et ne
possèdent pas de pièce intermédiaire. Chez Pelobates fuscus, ils ont une
tête nettement spiroïde. (Spengel, Leydig, Ballowitz (1890), Retzius
(1906.)
Je n'insisterai pas sur les détails de structure des spermatozoïdes mûrs.
Ces détails ont été décrits avec excès. L'étude de la spermiogénèse
nous montrera que sous des apparence-; diverses, les spermatozoïdes des
Batraciens présentent une similitude profonde et essentielle. Beaucoup
de détails de structure signalés comme caractéristiques d'une espèce se
retrouvent partout, au moins pendant le développement. Il y a surtout
des différences de proportions entre les divers organes des sper-
matozoïdes.
Il est à remarquer que les espèces qui présentent quelques différences
dans l'aspect des spermatogonies (grenouille rousse et grenouille verte,
par exemple) présentent aussi des spermatozoïdes dissemblables d'aspect,
tandis que celles qui ont des spermatogonies relativement semblables
(crapaud et rainette) ont aussi des spermatozoïdes analogues. J'ai observé
cependant un trop petit nombre d'espèces pour pouvoir affirmer la géné-
ralité de ce fait.
A cause de la diversité des formes de spermatozoïdes et des diffé-
rences qu'on observe dans l'évolution des spermatides, je commencerai
par étudier la spermiogénèse chez chaque espèce séparément.
ÉTUDE DE LA SPERMIOGÉNÈSE CHEZ DIVERSES ESPÈCES
Salamandra maculosa
Le développement des spermatozoïdes de cet animal a été bien étudié
par Hermann (1889-1891), Meves (1899), dans des travaux qui sont restés
classiques. J'aurai peu de chose à ajouter aux observations de Meves
confirmées par Mac Gregor (1899), chez YAmphiuma où les spermies
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS 197
paraissent très semblables à celles de la Salamandre, et en général à
celles des autres Urodèles.
Les figures de Meves se retrouvent aisément dans toutes les prépara-
tions, mais on en trouve aussi d'autres qui ne rentrent pas dans la série
établie par le savant de Kiel. Ce sont celles-là surtout que j'ai figurées
dans la planche en abrégeant la série pour ne pas répéter constam-
ment les images de Meves.
Il faudra donc compléter cette série par les figures de l'auteur allemand.
Je me trouve d'ailleurs en général d'accord avec lui sur les phénomènes
essentiels. Ma description ne diffère que sur quelques points de détail.
Hermann avait admis que le flagelle était formé par les deux corpus-
cules dont l'un, celui qui est annulaire, représentait un corps intermédiaire,
l'autre, un corpuscule central, Meves a montré que les deux sont
d'origine centriolaire, ce qui est exact.
Il faut dire tout d'abord que la transformation des spermatides en sper-
matozoïdes ne se fait pas toujours avec la même rapidité, ni peut-être
toujours exactement de la même manière. Elle m'a paru différer nota-
blement chez la salamandre aussi bien que chez les tritons et chez les
autres Batraciens, si l'on considère d'une part la formation des premières
spermies (fin juillet) et le moment où la spermiogénèse est à son maximum
(commencement de septembre). Dans le premier cas, elle est bien plus
rapide; dans le deuxième, elle semble plus lente et on peut trouver plus
d'intermédiaires entre les divers stades.
D'ailleurs, les divers phénomènes : évolution des corpuscules centraux,
du flagelle, de l'acrosome, modification du noyau, ne se passent pas tou-
jours avec le même synchronisme, et semblent indépendants : ainsi, dans
la fig. lxx, le noyau a repris une structure de repos; il peut arriver que le
même état du reste de la cellule corresponde avec un noyau où les chromo-
somes n'ont pas encore complètement disparu, ou encore avec un noyau
qui commence à s'allonger.
On ne peut donc figurer toutes les images qui peuvent se rencontrer.
Il faut se contenter de sérier quelques stades qui montrent l'essentiel
dans l'évolution de chacun des organites de la cellule. Ces images ne for-
ment pas une série schématique des phénomènes de la spermio-
génèse ; on ne peut constituer un schéma complet parce que les modes
d'évolution sont multiples. Il faut donc étudier en particulier l'évolution
de chaque organite de la cellule et on ne peut diviser l'évolution de la sper-
matide en périodes. Ceci dit une fois pour toutes, pour la Salamandre et
198
CHRISTIAN CHA MP Y
y
Fig. lxix. Spermatides au début chez
Salamandre. Division du centre.
pour les autres animaux, il reste un point sur lequel je ne suis pas d'accord
avec Meves.
Meves (1899) dit qu'après la télophase de la deuxième mitose de matu-
ration, les corpuscules centraux devien-
*p nent périphériques et qu'il pousse alors
un cil sur l'un d'eux. Il est exact, comme
le dit Meves, que les corpuscules centraux
deviennent quelquefois périphériques (fig.
293, 294), mais ce fait n'est pas constant
d'une part, et d'autre part les corpuscules
centraux, d'abord périphériques, peuvent
revenir se placer à côté du noyau. Le
stade où la sphère peut occuper cette
position est le plus souvent assez court
et représenté généralement dans un petit
nombre de cystes, ce qui explique qu'il
ait pu échapper. La sériation, facile
chez la Salamandre à cause de la dispo-
sition des cystes, ne permet pas de douter qu'il s'agisse bien de spermati-
des et que ce stade succède quelquefois à celui où les corpuscules
centraux sont périphériques. Il y a
donc un stade où le centrosome est
central, renfermant les corpuscules
centraux, (cf. Bùhler (1895), Moore
(1895), Bonnevie (1904). Il se produit
alors une ou plusieurs multiplications
des corpuscules centraux, les fig. 295,
298, lxix et lxx, montrent une sper-
matide où la sphère s'est divisée en
deux, mais il est des cas où elle semble
se diviser davantage et où il semble se
former plus de deux groupes de cor-
puscules centraux. Ceci n'est pas tou-
jours facile à déterminer à cause de la
difficulté de distinguer les corpuscules
centraux d'une granulation quelconque, lorsqu'ils ne sont pas entou-
rés d'un centrosome bien différencié, ce qui est fréquent. Aussi, j'ai
choisi et dessiné de préférence les images où il y a un centrosome autour
ca
Fig. xxx. Spermatide de Salaimndra maculosa
après la division du centre, cp, groupe
postérieur de centrioles ca, groupe anté-
rieur.
SPERMATOGÉNËSE DES BATRACIENS 199
des corpuscules centraux, bien que chez la Salamandre elles ne soient pas les
plus fréquentes. Jusqu'ici, les corpuscules centraux ne paraissent pas sortir
de la sphère ainsi que le figure Meves à partir de sa figure 3. Il y a, à ce
sujet, de grosses différences d'une cellule à l'autre, à cause de la taille
variable du centrosome, quelquefois si réduit qu'il est à peine visible.
Mais en général les corpuscules centraux ne sortent pas du centrosome;
lorsqu'on voit un centrosome indépendant des corpuscules centraux dé-
crits par Meves, on y trouve aussi un ou deux centrioles ; on y voit tou-
jours au moins un grain (fig. 298).
D'ailleurs, nous verrons chez Alytes que le centrosome peut se reformer
autour des centrioles à tous les stades de leur évolution.
L'un des groupes de centrioles devient périphérique, entraînant quel-
quefois avec lui une portion du centrosome. D'autres fois, cette portion
du centrosome est abandonnée, elle devient diffuse, vacuolaire comme
l'a vu Meves, et semble dégénérer complètement.
L'évolution ultérieure de ces corpuscules centraux a été bien étudiée
par Hermann (1889), puis par Meves (1899), Mac Gregor (1899), et je
n'ai rien à ajouter à la description de ces auteurs. Un cil d'abord unique
pousse sur le groupe des centrioles. Ce cil semble pousser sur le corpuscule
central distal, mais il faut admettre qu'il se continue avec la centrodesmose
avec le corpuscule proximal. En effet, aussitôt que le corpuscule central
distal prend la forme d'un anneau, on voit très nettement le cil passer au
milieu de cet anneau (fig. 300 à 303) comme l'ont figuré déjà Meves,
Mac Gregor.
Le corpuscule proximal est le plus souvent simple, mais il peut être
bilobé ou décomposé en deux grains, ainsi que le figure Mac Gregor chez
Amphimna. Par la méthode deFLEMMiNG, il arrive que le corpuscule proxi-
mat se teinte énergiquement par la safranine, tandis que le distal prend
le violet ainsi que cela a été vu par Hermann (1891) chez la Salamandre,
puis par Branca (1904) chez l'Axolotl.
Le corpuscule proximal se gonfle peu à peu et vient s'accoler contre le
noyau. Le moment de cet accolement n'est pas déterminé nettement, il
peut être plus ou moins précoce ; le plus souvent il semble coïncider avec
la fin du phénomène de rotation du noyau (fig. 299), mais il peut se pro-
duire plus tard alors que le noyau est déjà nettement piriforme (fig. 302).
Aussitôt après l'accolement, le corpuscule central proximal pénètre
dans le noyau. Comme l'a figuré Meves (1899), la membrane nucléaire
devient chromatique aux environs du point de pénétration (fig. 302). Le
200 CHRISTIAN CHAMP Y
corpuscule central se gonfle et s'encroûte superficiellement de chromatine.
La chromatine ne se confond d'ailleurs pas avec lui (fig. 304).
A mesure qu'il se gonfle, le corpuscule central prend de plus en plus
l'aspect d'un nucléole, il devient très réfringent et fréquemment vacuo-
laire. D'ailleurs, il faut remarquer, ainsi qu'il résulte déjà partiellement
des figures de Hermann, que dès que les corpuscules centraux se gonflent,
leur chromaticité apparaît comme bien plus voisine de celle des nucléoles
que de celle de la chromatine. Y a-t-il modification chimique de la subs-
tance du centre cellulaire ? on ne pourrait l'affirmer, car il est bien
difficile de dire quelle était auparavant la chromaticité du corpuscule
central qui avait alors l'aspect d'un point auquel on ne saurait assigner de
dimension.
Il résulte de l'observation de nombreuses préparations colorées par des
méthodes diverses, que les corpuscules centraux gonflés avant comme
après la pénétration de l'un d'eux dans le noyau, se colorent toujours à peu
près comme les nucléoles et souvent exactement comme eux.
C'est lorsque le corpuscule a pénétré dans le noyau que le cil primitif se
dédouble peu à peu, et que se forme la membrane ondulante. Dès le début
de sa formation, le filament qui borde latéralement cette membrane
arrive jusque sur le corpuscule central proximal, c'est-à-dire que le fila-
ment primitif se dédouble jusqu'à son insertion sur le corpuscule proximal,
c'est-à-dire sur le noyau. Il en résulte que le dédoublement porte non
seulement sur le cil qui avait poussé sur le centriole distal mais sur la
partie correspondant à l'ancienne centrodesmose.
L'évolution ultérieure du corpuscule distal qui s'étire en forme de pes-
saire le long du filament axile, a été bien figurée par Meves et je n'ai rien
à ajouter à sa description.
L'évolution du deuxième groupe de centrioles est intéressante, parce
que ce groupe a été jusqu'ici ignoré.
Meves indique que la sphère devenue spumeuse s'applique sur le noyau
qui exécute une rotation ; la sphère se transforme ensuite en acrosome
par l'intermédiaire d'une vacuole (idiozomblaschen) que Meves figure
d'abord comme vide, puis comme constituée d'une substance homogène.
Mac Gregor (1899) admet le même processus quoique ses figures ne soient
nullement favorables à cette manière de voir : Le corps homogène et colo-
rable qui forme l'acrosome, après s'être entouré d'une vacuole, apparaît
comme étant d'emblée individualisé et on ne saisit pas son origine pre-
mière d'après les figures de l'auteur. A première vue, il semble plutôt être
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 201
un corps chromatoïde conformément à ce qu'indique KlNG (1907) chez
Bufo lentiginosus. Je n'ai malheureusement pas pu me procurer à' Am-
phiuma, mais il me semble que chez cette espèce les choses doivent se pas-
ser comme chez les autres Urodèles à quelques différences de détail
près.
La figure 22 de Mac Gregor montre contre le noyau un double
grain entouré d'une aire claire qui ressemble, quoique lointainement, au
deuxième groupe de centrioles, avec la centrosome qui l'entoure au
début. L'origine de cet appareil n'apparaît pas nettement dans les figures
de Mac Gregor.
Le centrosome juxtanucléaire semble entraîner le noyau dans sa rota-
tion de 180 degrés (fig. 299, 300, 301) et au cours de cette rotation il
change d'aspect et devient vacuolaire (fig. 300, 301). Pendant cette
vacuolisation, le groupe des centrioles (1) qu'il renferme s'applique contre
le noyau et devient souvent peu apparent. On le voit le plus souvent chez
la Salamandre comme un simple bouton qui n'est pas sans rappeler en plus
petit les images de Mac Gregor chez Amphiuma (fig. 301). D'autres fois,
le groupe de centrioles apparaît dès le début comme deux petits points
situés de part et d'autre de la vacuole et réunis par une sorte de centro-
desmose (fig. 299, 300). Cet aspect est rare chez la Salamandre avant et
pendant la rotation, mais on l'y trouve quelquefois. Nous verrons qu'il est
de règle chez les tritons. En tout cas, sous cet aspect qui varie un peu,
semble-t-il, le deuxième appareil centrosomien paraît être l'agent de la
rotation nucléaire et bientôt il se conduit comme un corpuscule directeur
déterminant l'allongement du noyau (fig. 302, 303, etc.).
Lorsque le noyau commence à s'allonger, on trouve, à la partie qui sera
le pôle antérieur un corps constitué par deux grains très fins réunis par
un filament très mince (fig. 302 à 304). L'un des grains est juxtanucléaire,
appliqué contre l'extrémité du noyau qui présente à ce niveau une légère
dépression, l'autre, situé de l'autre côté d'une vacuole, vient générale-
ment se mettre en contact avec la membrane cellulaire. La vacuole prend
alors une forme conique (fig. 327, 304), quelquefois très nette, mais cepen-
dant moins évidente que dans d'autres espèces. D'ailleurs, les fixations
fortement osmiquées employées par Meves produisent une contraction de
tout l'élément d'où résulte un arrondissement de la vacuole, son contenu
(1) Souvent il parait n'y avoir alors dans cette sphère qu'un centriole. J'ai aguré les ras où il y en a deux
parce qu'on est plus sûr que c'est bien de centrioles qu'il s'agit. 11 est plus rare d'en trouver deux chez la Sala-
mandre que chez les tritons.
202 CHRISTIAN CHAMP Y
paraît alors souvent homogène, d'autant plus que le filament est rompu
la plupart du temps.
Bientôt, le corpuscule appliqué contre le noyau se gonfle et prend une
forme discoïde ou sphérulaire. Ce gonflement débute dès que le groupe
corpusculaire est en contact avec le noyau, ce qui fait que, dès le début,
on observe une différence de taille souvent considérable entre le corpuscule
juxtanucléaire et celui qui est situé de l'autre côté de la vacuole et qui reste
très petit (fig. 302, 303). Le premier est étroitement appliqué contre l'ex-
trémité du noyau, qui est à ce point terminée par une facette ou par une
petite cupule. Il est difficile de voir chez la Salamandre quels sont les
rapports exacts de ce corpuscule avec le noyau. Ce qu'on peut dire de cer-
tain, c'est qu'il se colore, dès qu'il est gonflé comme les corpuscules cen-
traux gonflés (fig. 302 à 305, 327 à 329).
Le corpuscule terminal, qui est toujours petit, devient peu à peu à peine
visible, l'ensemble prend alors l'aspect d'un disque coiffant le noyau et
d'où sort un filament effilé; quelquefois le filament étire en cône le disque
constitué par le corpuscule juxtanucléaire (fig. 328) et on a alors, plus ou
moins exactement, les images figurées par Meves (fig. 24-25-26). Je n'ai
pas pu vérifier sûrement à ce stade si l'ensemble était toujours extracyto-
plasmique ainsi que le figure Meves.
A en juger par les figures de Mac Gregor (1899) et en supposant, ce qui
est probable, que les choses se passent chez Amphiuma comme chez les
autres Urodèles, le corpuscule antérieur juxtanucléaire se gonfle de façon
particulièrement précoce et il est ainsi particulièrement grand chez cette
espèce.
Plus tard, le corpuscule paranucléaire se confond avec le noyau devenu
compact et le noyau se trouve terminé par une fine pointe effilée en fuseau.
(Cf. Meves, 1899, fig. 27, fig. lxxi). Cette pointe se continue avec le fila-
ment spiral intranucléaire comme cela a lieu chez d'autres espèces où les
phénomènes sont plus nets et plus faciles à suivre.
Je tiens à faire remarquer le parrallélisme entre l'évolution du corpus-
cule central proximal de la partie postérieure du noyau, et celle du cor-
puscule juxtanucléaire antérieur pendant la formation de l'acrosome :
l'un et l'autre entrent en contact intime avec le noyau, puis se gonflent.
En ce moment ils ont les mêmes caractères de colorabilité; peu à peu,
ils deviennent indistincts de la substance nucléaire condensée.
Évolution du noyau. — Le noyau subit des modifications fort inté-
ressantes, mais dont je n'ai malheureusement pas pu suivre exactement
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
203
mm
m ! fe
IIP
le détail chez la Salamandre; la plupart de mes préparations de cet animal
datent d'ailleurs d'une époque où mon attention n'avait pas été attirée
sur ce point, et ne sont pas colorées de façon à bien montrer ce qui se
passe dans le noyau.
Au début de l'évolution de la spermatide, les modifications nucléaires
ne présentent pas un intérêt particulier. Les chromo-
somes se fragmentent et se dissolvent et le noyau
prend sa structure de repos : granuleuse, réticulaire ou
homogène selon la fixation. Il y réapparaît un ou
plusieurs nucléoles.
Lorsque la rotation nucléaire est terminée et que le
noyau commence à s'allonger, il apparaît vers son
extrémité antérieure un filament assez peu net et qui
semble d'abord n'aller que jusque vers le milieu du
noyau (fig. 302, 303) ; plus tard, il le traverse de
part en part. Il semble que ce filament parte de
l'acrosome en formation : je n'oserais cependant
affirmer que cette disposition soit constante.
Ce filament a échappé à Meves qui, à en juger par
ses figures (15 à 20) a eu sous les yeux des prépara-
tions fortement homogénéisées par l'acide osmique.
Il n'est pas figuré par Mac Gregor chez Amphiuma
où il est cependant probable qu'il existe comme
partout ailleurs. De fait, il arrive quelquefois qu'on
ne le voie pas : lorsque la fixation ou la coloration
ne s'y prêtent pas, mais la comparaison avec ce qui
se passe chez les autres espèces montre qu'on doit
tenir grand compte des cas où il est évident, et qu'il
a probablement une grande importance.
Lorsque le noyau est plus allongé, il commence à
subir une torsion sur lui-même, extrêmement nette et
progressive. Le filament qui d'abord traversait le noyau de part en
part se tord aussi (fig. 304, 305). Bref, les choses se passent comme
chez l'Alytes où j'ai pu suivre plus aisément le phénomène. La forme du
noyau est alors celle d'une colonne torse. Cette forme devient peu à
peu indistincte lorsque le noyau s'homogénéise (fig. 306). Cette torsion
a d'ailleurs échappé à tous les auteurs, du moins à ma connaissance.
L'homogénéisation du noyau est due, semble-t-il, à une concentration
Fia. i.xxi. Spermatide de
Salamandre. Méthode
de Benda.
204 CHRISTIAN CHAMP Y
du suc nucléaire dans lequel la chromatine est dissoute, et qui devient de
plus en plus dense, comme en témoigne sa réfringence croissante. C'est
bien, comme le dit Me ves, une déshydratation. Lorsque cette réfringence
est à son maximum, le noyau se confond presque complètement avec la
pointe et avec le corpuscule central qui est situé à sa partie postérieure.
Le corps pyrénoide. — Ce corps est généralement petit chez la Salaman-
dre et les Tritons, aussi il est difficile de suivre son évolution. Elle semble
identique à ce qu'elle est chez les autres espèces.
Les mitochondries. — Les mitochondries sont, comme on le sait
(Benda, Broman), diffuses dans la spermatide ; elles se présentent cons-
tamment au début sous forme de chondriocontes assez longs. Il faut noter
qu'il y a constamment production d'enclaves au cours de la spermiogé-
nèse; ces enclaves sont surtout des vacuoles à contenu très fluide entre
lesquelles les chrondriocontes sont bientôt relégués. Peu à peu les mito-
chondries deviennent en grande majorité granuleuses. C'est alors qu'elles
se groupent autour du filament axile mais en partie seulement (Cf. Regaud
chez le rat contra Duesberg). Il reste constamment un grand nombre de
mitochondries dans l'appendice cytoplasmique et dans la gaine cyto-
plasmique qui entoure la tête (fig. lxx) (Cf. Prenant chez les oiseaux).
La condensation des mitochondries se produit autour des corpuscules
centraux; le paquet mitochondial, d'abord court, s'étire lorsque s'étire le
corpuscule central distal.
Triton cristatus, T. alpestris, T. palmatus
L'évolution des spermatides chez les Tritons ressemble beaucoup à
celle des spermatides de Salamandre. Triton cristatus est plus semblable
aux Salamandres, Triton palmatus est plus différent, du moins dans les
préparations que je possède. Il semble d'ailleurs que les différences indi-
viduelles sont presque de même grandeur que celles qu'on peut observer
entre deux espèces voisines.
Bertacchini a étudié la spermiogénèse du Triton, il pense avec Her-
mann que le corps annulaire est un corps intermédiaire ce que, comme
Meves, je n'ai pas vérifié.
Comme chez la Salamandre, la première période de l'évolution sper-
matocytaire est marquée par une division des centrioles. L'un des groupes,
constitué le plus souvent d'un seul centriole, reste près du noyau avec
une portion du centrosome, l'autre groupe devient périphérique (fig. 311,
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 205
315). Souvent, cette division s'indique dès la télophase de la mitose
(fig. 308, 309) avec la répartition caractéristique des deux groupes. Le
pôle du fuseau se dédouble, l'un des centres devient périphérique, l'autre
reste juxtanucléaire.
Comme chez la Salamandre, il semble aussi qu'il se forme plus de deux
groupes de centrioles, mais je n'ai pu davantage élucider le sort des autres.
Je n'ai pu suivre clairement que l'évolution des deux groupes que j'appel-
lerai antérieur et postérieur à cause de la situation qu'ils occuperont dans
le spermatozoïde à peu près terminé.
L'évolution du groupe postérieur ne diffère presque pas de ce qu'on
trouve chez la Salamandre, le groupe semble rester moins de temps péri-
phérique. Le cil se forme sur le centrosome distal, et souvent, lorsque le
groupe s'éloigne de la périphérie cellulaire, il reste un grain colorable au
niveau de la membrane de la cellule (fig. 318). D'ailleurs, lorsque le cor-
puscule distal prend la forme d'un amieau, on voit le cil s'insérer sur le
corpuscule proximal en passant à travers l'anneau. On observe souvent
alors, que le cil est un peu plus épais dans son trajet entre les deux cor-
puscules que dans le reste de sa longueur (fig. 320). On distingue ainsi
la partie qui correspond à l'ancienne centrodesmose. Souvent aussi, on
observe dans les stades jeunes une sorte de fuseau assez peu colorable qui
a son équateur à la périphérie de l'anneau et ses extrémités sur le corpus-
cule proximal et le cil.
Ces images ressemblent à celles qui ont été données par Hermann
(1888), mais il ne s'agit pas comme Hermann l'indique, de dérivés du
fuseau de la division précédente, le corpuscule annulaire est bien un
dérivé des centrioles.
Toutes ces images qui cessent bientôt d'être apparentes, semblent
indiquer qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre les diverses
parties du cil, qu'elles tirent ou non leur origine de la centrodesmose; dans
tous les cas, les diverses portions du cil apparaissent comme des expan-
sions du centriole. ou du filament d'étirement entre les centrioles.
Le corpuscule proximal s'applique contre le noyau, s'y gonfle et prend
un aspect nucléolaire (fig. 320 à 322), comme chez la Salamandre (fig. 304).
On voit bien nettement que le corpuscule intrus repousse devant lui la
ehromatine. Sur les coupes transversales, il se montre bien évidemment
intérieur à la membrane nucléaire.
Fréquemment il est vacuolaire comme le nucléole. Il se présente avec
un aspect très semblable à celui de beaucoup de nucléoles lorsqu'il est
ÀRCH. DE ZOOt. EXP. El OÉK. — I. 52. — r. 2. 14
206 CHRISTIAN CHAMP Y
encroûté de chromatine (1). Il existe d'ailleurs à ce moment un ou plusieurs
nucléoles dans le noyau, et ils paraissent totalement indépendants du
corpuscule central.
L'évolution ultérieure ne diffère pas de ce qu'elle est chez la Sala-
mandre. Le corpuscule proximal s'allonge de plus en plus, tandis que le
filament se dédouble en deux, l'un rectiligne, l'autre flexueux, réunis
par une membrane ondulante. Le dédoublement intéresse non seulement
la partie supérieure du cil, mais aussi la partie qui correspond à l'ancienne
centrodesmose (fig. 322, 323). Quelquefois, il m'a paru que le filament
principal se continuait un peu à l'intérieur du corpuscule central proximal.
Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier si le corpuscule central distal se
contournait, s'étirait plus tard comme chez la Salamandre, ce qui paraît
probable, étant donnée la similitude de la forme des spermatozoïdes
adultes.
L'évolution du groupe antérieur diffère un peu de ce qu'elle est chez la
Salamandre ; les différences sont même assez notables chez Triton pal-
matus. De très bonne heure, avant la rotation du noyau, le groupe prend
l'aspect d'un diplocentre (avec centrodesmose) disposé perpendiculaire-
ment à la membrane nucléaire qui, en ce point, se creuse d'une fossette
(fig. 311, 317). La substance du centrosome se vacuolise et dégénère sou-
vent de bonne heure, d'autres fois, elle persiste jusqu'après la rotation du
noyau (fig. 318). Le phénomène est certainement contingent. La subs-
tance de la sphère dégénère en produisant une vacuole autour du groupe
corpusculaire. Celui-ci semble s'allonger et déterminer la forme conique
que cette vacuole ne tarde pas à prendre, en même temps que s'effectue
la rotation nucléaire (fig. 314, 316, 318, 319). Comme chez la Salamandre,
le noyau ne s'allonge que lorsqu'il est situé entre les deux groupes de cor-
puscules (fig. 326), ce sont ces groupes qui paraissent être les agents de
sa déformation, et c'est la situation de ces deux groupes à ses deux pôles
qui semble déterminer son allongement.
L'évolution du groupe corpusculaire antérieur ne diffère plus à ce
moment de ce qu'elle est chez la Salamandre. Le corpuscule situé en
contact du noyau se gonfle, prend une forme sphéroïde (plutôt que
discoïde comme chez la Salamandre) (fig. 320, 323). Pendant tout ce
temps, l'autre corpuscule qui est plus gros et plus net que chez la Sala-
(1) Ceci dit, non pour établir son identité avec les nucléoles, mais pour montrer que les aspects de bien des
nucléoles complexes sont dus à de simples phénomènes d'accolement, d'agglutination de la chromatine contre le
nucléole.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
207
mandre, s'applique contre la membrane cellulaire et finit souvent par
faire saillie en dehors du cytoplasme, bien que, dans une série d'autres
cas, il reste au contraire intracellulaire (fig. 326). Plus tard l'acrosome
s'allonge bien plus que chez la Salamandre et ne se distingue plus du
noyau (fig. 325). Il participe à la torsion du noyau (fig. lxxii). Cette
torsion se poursuit jusqu'à l'extrême pointe du spermatozoïde. Le corpus-
cule le plus antérieur (distal par rapport au noyau) qui disparaît de bonne
heure chez la Salamandre, reste plus longtemps visible chez Triton pal-
matus (fig. 323, 324. lxxii). Il faut remarquer que la pointe du sperma-
tozoïde est très longue et très fine à ce stade et diffère de ce qu'on connaît
chez l'adulte.
Pas plus que chez
la Salamandre, je
n'ai pu suivre l'évo-
lution des autres
groupes de corpus-
cules centraux que
j'appellerai groupes
accessoires. Ils pa- "^ j W j * 2.
raissent dériver sur-
tout du groupe an-
térieur ;ilsse produi-
sent vers le moment où ce groupe n'est pas encore antérieur, mais seule-
ment juxtanucléaire (fig. 310, 312, 313), tandis que l'autre est périphérique
comme le montrent des images telles que la fig. 311; mais' ils peuvent
aussi se former en même temps que les groupes primitifs comme l'indique
la fig. 150. Je pense, mais ceci n'est qu'une hypothèse que je donne
sous toutes réserves, que les corpuscules accessoires s'appliquent contre
le noyau comme les corpuscules antérieurs, et qu'ils déterminent en
partie la déformation du noyau à sa partie postérieure, contribuant à
lui donner cette forme de cône irrégulier un peu concave à sa base (fig. 326).
Des images telles que la fig. 150 sont en faveur de cette manière de
voir. Il faut noter aussi que l'on expliquerait la déformation postérieure
du noyau d'une manière satisfaisante et par des causes analogues à celles
qui déterminent non seulement l'allongement du noyau, mais aussi tous
les phénomènes de déformation et d'orientation de la cellule.
Le noyau. — Le noyau subit comme chez les Salamandres des trans-
formations télophasiques banales, puis il s'y forme un filament, une sorte
3.
Fig. lxxii. Formation de l'acrosome chez Triton palmatus. On voit en 2 le
corpuscule proximal gonflé se continuer avec le filament axial.
208 CHRISTIAN CHAMP Y
de bâtonnet, qui bientôt traverse le noyau de part en part (fig. 320, 321,
322). Enfin, le noyau se tord peu à peu (fig. 321, 322) sous l'influence de
ce bâtonnet semble-t-il. Cette torsion est évidemment l'une des causes de
la courbure générale du spermatozoïde à partir de ce moment, et elle
détermine la forme onduleuse qu'il prend souvent; elle est certainement
bien plus marquée chez Triton palmatus que chez les Salamandres.
Je n'ai pu élucider, pas plus que chez la Salamandre, l'origine de ce
filament nucléaire. Au début, il ne semble pas sans rapport avec les
nucléoles, plus tard, il semble se terminer souvent, sinon constamment,
sur les deux corpuscules centraux proximaux des groupes antérieur et
postérieur (fig. 327). Il est très probable qu'il se forme chez Triton comme
chez les autres espèces : je renvoie donc à l'étude de la spermiogénèse
de l'Alytes.
Le cytoplasme. — Le cytoplasme devient vacuolaire à mesure que
les spermatides
fii^^#S^^^^^^«^*"^^^^: ^ "i-^--"::" mitochond ries ,
~%^0^- d'abord dispo-
Fig. lxxiii. Condensation de granules du cytoplasme autour de l'acrosome chez sées Sans Ordre
Triton palmatus. .. ,.
particulier, avec
l'aspect de chondriocontes plus ou moins longs, deviennent granu-
leuses, puis se groupent en partie autour du filament principal
(fig. 32). Mais ce n'est là qu'une faible part des mitochondries
de la spermatide, un grand nombre restent dans la mince couche de cyto-
plasme qui entoure le noyau et dans l'appendice cytoplasmique qui finira
par tomber et dégénérer (fig. 32). On observe aussi une condensation des
mitochondries autour de la pointe (fig. lxxiii).
Les corps pyrénoïdes ne participent pas à la formation du spermato-
zoïde. On les voit rester soit dans l'appendice cytoplasmique (fig. 324),
soit dans le cytoï>lasme pariétal au voisinage de la tête (fig. 325). Ces
corps s'appliquent souvent très étroitement contre la tête ainsi que l'ont
figuré A. et K. Schreiner (1908) chez les Myxinoïdes, mais je ne pense
pas qu'ils y entrent comme le disent ces auteurs. Dans le même appendice,
cytoplasmique, on trouve de nombreuses vacuoles qui se colorent bien à
frais par le rouge neutre et le bleu de méthylène (fig. 322, 324). On y voit
aussi, lorsque la fixation le permet, une série de canalicules qui corres-
pondent un peu comme aspect aux canalicules de Holmgren ou à
l'appareil réticulaire interne. Je n'ai jamais observé à ce stade de bâton-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
209
nets colorables, mais seulement des canalicules ou des bâtonnets clairs,
c'est-à-dire des images analogues à celles de Platner, Prenant, etc., chez,
Hélix. Ces canalicules ou bâtonnets se terminent par des extrémités poin-
tues sur les préparations les mieux fixées, et sont flexueux comme de
petits vermicules. L'image qu'ils forment rappelle tout à fait celles que
j'ai signalées dans l'intestin de la souris (1910).
Amblystoma mexicana. (Axolotl)
Je n'ai pu me procurer que les stades jeunes de la spermiogénèse de
l'Axolotl, c'étaient d'ailleurs ceux qui m'intéressaient le plus. Les élé-
C. v.
P-
FlG. lxxiy. Début de l'évolution des spermatides chez l'Axolotl, 'a, groupe 'antérieur ; p. groupe postérieur
de corpuscules centraux ; py, corps pyrénoïdes ; ci, corps intermédiaire.
ments sont particulièrement beaux, la sphère et le corps chromatoïde sont
bien visibles. Les phénomènes ne paraissent nullement différer de ce
qu'on observe chez la Salamandre. Les corpuscules centraux du groupe
postérieur prennent de moins bonne heure une situation périphérique
(fig. lxxiv). Leur évolution ultérieure, étudiée par Branca (1907) ne
paraît différer en aucun point essentiel de ce qu'on voit chez les
autres Urodèles.
Le groupe antérieur évolue comme chez la Salamandre (fig. lxxiv-
lxxv) : le corpuscule proximal se gonfle de bonne heure et se voit souvent
210
CHRISTIAN CHAMP Y
comme un grain assez gros dès le début, aussitôt qu'il est appliqué contre
le noyau. Je ne l'ai cependant jamais vu aussi gros que le grain figuré
par Mac Gregor chez Amphiuma. Le
corpuscule distal est toujours très petit
comme chez la Salamandre ; la plupart
du temps, il est invisible.
Le corps chromatoïde accompagne
souvent mais non constamment le
groupe antérieur dans ses déplacements
(fig. lxxv).
Le groupe corpusculaire postérieur
reste longtemps entouré d'un centro-
some différencié. Je n'ai pas rencontré
j^Fig. lxxv. Rotation du noyau chez Axolotl. de groupe accessoire.
Bombinator igneus et pachypus
L'étude de la spermiogénèse du Bombinator présente un intérêt parti-
culier, parce qu'elle peut permettre d'établir les homologies entre les
diverses parties de ce spermatozoïde si singulier et les diverses parties
d'un spermatozoïde ordinaire.
La spermiogénèse du Bombinator a été étudiée sommairement par
Wagner et Leuckart (1852), puis par Von La Valette Saint-George
(1885 et 1887), Broman (1900) en a fait une étude détaillée. Il a trouvé
que les spermatozoïdes de Bombinator se forment à peu près comme
Meves indique que se développent ceux de Salamandre : les corpuscules
centraux deviennent périphériques et il y pousse un cil. Ils ne sortent
pas du centrosome et se placent avec lui à la partie antérieure du noyau.
L'idiozome se transforme en une vacuole. Il se développe dans le noyau
un bâtonnet qui est l'origine de la pointe. Broman n'indique pas comment
se forme cet organite. Le cil est d'abord unique, il s'applique contre le
noyau lorsque s'effectue la rotation nucléaire, et se dédouble en un fila-
ment de soutien et une membrane ondulante.
Il est un certain nombre de phénomènes qui ont échappé à Broman ;
il paraît avoir eu pour principal souci d'adapter au Bombinator les
données de Meves sur la Salamandre. Broman insiste très peu sur cette
formation curieuse, sur ce bâtonnet intranucléaire qu'il a cependant bien
vu, et qui est, en effet, particulièrement bien visible chez le Bombinator.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 211
Il n'en donne aucune interprétation. D'ailleurs, il n'a suivi ni son dévelop-
pement, ni ses transformations dernières. Il n'a pas figuré non plus les
corps pyrénoïdes si visibles chez cette espèce.
Les spermatides de Bombinator passent comme celles de la Salamandre
et du Triton par un stade de division des corpuscules centraux. Cette
division est souvent très précoce, elle a lieu dès la télophase, de la
deuxième mitose de réduction ou même dès son anaphase, bien plus fré-
quemment que chez la Salamandre (fig. 160). Quelquefois cependant, elle
est un peu plus tardive (fig. 163).
On a chez le Bombinator une sécurité particulière quant à l'existence
de cette division, car les corpuscules centraux ne peuvent être en aucun
cas confondus avec les corps pyrénoïdes qui sont très gros et très recon-
naissables (fig. 162, 163).
Tandis que chez les Tritons et la Salamandre il paraît y avoir une divi-
sion multiple du centre et notamment du groupe que j'appelle antérieur
de corpuscules centraux, chez Bombinator, je n'ai pu trouver qu'une
seule division aboutissant à la formation des deux groupes antérieur et
postérieur. Il n'existerait donc pas de groupe accessoire.
Il est à remarquer que l'absence de groupe accessoire chez le Bombi-
nator s'accorde avec l'hypothèse que j'ai émise sur la destinée et l'utili-
sation de ce groupe, car chez le Bombinator le noyau ne s'allonge pas en
forme de cône, mais en forme de fuseau, ce qui paraît être la conséquence
de l'action de deux groupes directeurs seulement.
Le groupe postérieur devient périphérique et il pousse sur lui un cil
(fig. 164). La situation périphérique est d'ailleurs de courte durée et le
groupe muni de son cil vient s'appliquer sur le noyau (fig. 165) encore
arrondi, puis le cil se rabat le long du noyau (fig. 166, 167, 168). Ce phéno-
mène n'est pas dû, comme l'indique Broman (1900) à la rotation du noyau
qui s'est souvent déjà effectuée antérieurement (fig. 165). Le mouve-
ment du cil, qui paraît très rigide, est commandé plutôt par la dis-
position que prennent les deux corpuscules centraux, le proximal deve-
nant antérieur, le distal postérieur (fig. 168). Les corpuscules centraux
sont entourés au début d'un centrosome qui devient rapidement de moins
en moins visible et qui a le plus souvent à peu près disparu lorsqu'ils vien-
nent s'appliquer contre le noyau. Broman indique que les corpuscules
centraux ne subissent aucune modification de forme, ce qui est exact
dans la plupart des cas ; cependant, on voit quelquefois nettement que le
corpuscule distal s'aplatit en un petit disque perpendiculairement au cil
212 CHRISTIAN CHAMP Y
(fig. 165), ce qui est une indication de la transformation en anneau qu'on
observe chez les autres Batraciens. D'ailleurs, je n'oserais pas affirmer
que ce corpuscule distal ne subit pas un étirement le long du filament
axile à un stade correspondant à celui où le phénomène s'observe chez la
Salamandre. Les corpuscules sont très petits et on ne peut suivre en toute
sécurité ce qui s'y passe. On peut dire cependant avec Broman que le cor-
puscule proximal ne se gonfle pas ou presque pas comme cela s'observe
chez les Urodèles, mais je crois qu'il faut se méfier en pareille matière des
constatations négatives, surtout lorsqu'on a affaire à une espèce moins
favorable que celle qui a servi aux constatations positives.
Le groupe corpusculaire postérieur émet très fréquemment, sinon cons-
tamment, un petit granule qui va s'attacher à la périphérie de la cellule,
tout en restant relié au groupe principal par une sorte de fine centrodes-
mose (fig. 167, 168, 170); le tout s'entoure d'une vacuole qui devient
grosse, prend le plus souvent une forme conique comme celle de la partie
antérieure de la tête. Cette vacuole fait souvent un peu saillie en dehors
de la cellule (Cf. Meves chez Salamandra, Cf. Broman). Elle a été bien
vue par Leydig, La Valette Saint-George (1875) et Broman, maïs
aucun n'a signalé le fin filament qui la traverse le plus souvent, pour
s'insérer sur le corpuscule situé en avant. En somme, il se forme un acro-
some aux dépens du groupe corpusculaire postérieur. Ce fait est tout à
fait en harmonie avec le mode de formation de l'acrosome chez les autres
espèces et aussi de l'acrosome plus petit qu'on observe à la partie antérieure
du noyau chez Bombinator , c'est une preuve de plus en faveur de l'origine
centriolaire de l'acrosome.
Le groupe antérieur de corpuscules centraux devient très rapidement
juxtanucléaire. Il prend comme ailleurs l'aspect d'un fin filament reliant
deux corpuscules punctiformes qui s'appliquent contre le noyau perpen-
diculairement à sa surface.
Ce petit appareil paraît déterminer l'allongement du noyau et sa rota-
tion: On observe souvent, comme chez les Tritons, que le corpuscule
proximal se gonfle, prend la forme d'une sphérule ou d'un disque, tandis
que le corpuscule distal s'effile. Le tout s'entoure d'une vacuole qui bientôt
s'effile en pointe. Cette vacuole est toujours petite et assez peu visible.
Comme chez les Urodèles elle atteint souvent la périphérie de la cellule.
Il y a donc chez le Bombinator deux acrosomes, l'un antérieur n'a plus
pour ainsi dire qu'une valeur représentative et il avorte, l'autre postérieur
est physiologique (fig. 165, 166, 167, 168).
SPERMATOGÉNÊSE DES BATRACIENS 213
Bientôt aussi apparaît le bâtonnet intranucléaire qui vient s'appuyer
à l'extrémité postérieure du noyau au niveau du groupe de corpuscules.
Ces corpuscules se confondent alors plus ou moins vite avec lui et cessent
peu à peu d'être visibles ; l'extrémité postérieure du noyau est représentée
par la pointe du bâtonnet intranucléaire. Le petit appareil antérieur se
confond aussi avec ce bâtonnet.
Le noyau. — Le noyau des spermatides de Bombinator, après avoir
présenté les phénomènes habituels de la résolution des chromosomes,
présente une structure vacuolaire assez remarquable, déjà figurée par
Broman (1900). Je me suis efforcé, sans un complet succès, de suivre la
formation du bâtonnet décrit par Broman. Il se manifeste d'abord,
semble-t-il, à la partie antérieure du noyau (fig. 165) et paraît être tout
d'abord en contact avec le groupe corpusculaire antérieur; ce n'est que
plus tard qu'il atteindra la partie postérieure du noyau. Pendant que ce
bâtonnet se développe, des grains de chromatine et des nucléoles s'agglu-
tinent autour de lui, marquant nettement son trajet, mais empêchant
aussi de le bien distinguer.
La structure du noyau devient alors très vacuolaire, de telle sorte que
le bâtonnet et les granules appliqués contre lui forment une sorte de
masse centrale, tandis que le reste de la chromatine est rejeté à la péri-
phérie, ainsi que le figure Broman (1900).
Sur les coupes transversales du noyau, le bâtonnet apparaît comme un
axe à section non pas toujours circulaire, mais le plus souvent ovoïde ou
rectangulaire. Il devient vite très réfringent et rappelle un peu la subs-
tance nucléolaire ou celle du corpuscule central gonflé de la Salamandre.
Il a l'apparence d'un corps résistant ainsi que l'indique Broman. A mesure
qu'il se développe, les nucléoles disparaissent peu à peu comme s'ils con-
tribuaient à constituer sa substance.
Ces observations et d'autres que j'ai eu l'occasion de signaler (colora-
bilité nucléolaire des corpuscules centraux gonflés) sont à rapprocher de
celle de R. Collin (1909) qui a vu dans la spermiogénèse de Litkobius le
nucléole participer à la formation ou plutôt au gonflement du corpus-
cule central.
Lorsque la chromatine se condense, à la fin de la spermiogénèse, on
observe une torsion du noyau et du bâtonnet intranucléaire. Cette
torsion est moins marquée que chez les Urodèles ; le noyau ne se tord pas
plus d'une fois et demie sur lui-même. Le bâtonnet intranucléaire parti-
cipe à cette torsion et paraît en être l'agent déterminant.
214 CHRISTIAN CHAMP Y
Il faut remarquer dès maintenant que dans le spermatozoïde de Bom-
binator, c'est la partie postérieure de la tête qui est en avant, lorsque
le spermatozoïde se déplace et la partie antérieure en arrière. Cf.
(fig.166).
Le cytoplasme. — Le cytoplasme de la spermatide renferme des
mitochondries filamenteuses. Elles se disposent entre les vacuoles qui
bientôt encombrent le cytoplasme, elles restent ainsi éparses pendant la
plus grande partie de l'évolution de la spermatide (fig. 192 à 195). Ce
n'est qu'à la fin des transformations qu'on note une condensation des
mitochondries autour du filament axile, en une sorte d'anneau incom-
plet (fig. 196 à 200). Cette condensation s'observe dans la partie posté-
rieure ou moyenne du spermatozoïde (fig. 196 à 199) là où sera plus
tard le petit pont de substance cytoplasmique qui, dans le spermatozoïde
adulte, relie le filament axile au noyau. A ce moment, les mitochondries
n'ont plus l'aspect de chondriocontes longs, mais de granulations arrondies
ou de bâtonnets courts (fig. 199).
Celles qui restent dans l'appendice cytoplasmique se gonflent et pren-
nent un aspect plus ou moins voisin des chondrioplastes, en même temps
qu'apparaissent des vacuoles nombreuses. Ce cytoplasme résiduel est
le siège de phénomènes de sécrétion assez actifs. On y voit de nombreuses
boules colorables par le rouge neutre (fig. 204, 209).
Il est bon de remarquer que les mitochondries ne se groupent pas ici
autour des corpuscules centraux, c'est ce qui me fait penser qu'à ce stade,
le corpuscule central distal subit peut-être un allongement le long du
filament axile comme chez les Urodèles, car partout ailleurs, c'est autour
du corpuscule étiré que se disposent les mitochondries.
Les corps pyrénoïdes ne participent pas à l'élaboration du spermatozoïde,
on les voit parfaitement indépendants du noyau ou appliqués contre lui
en un point quelconque (fig. 168, 169). Plus tard, on les retrouve dans
le résidu cytoplasmique appendu au spermatozoïde. On y trouve aussi
un grand nombre de corps colorables au rouge neutre, et l'appareil cana-
liculaire de Holmgren (1).
En somme, la spermiogénèse diffère assez peu chez le Bombinator de
ce qu'elle est chez les autres Batraciens ; la seule différence réside ne
ceci : que la queue (y compris les corpuscules centraux) tire la tête der-
rière elle au lieu de la pousser devant; le spermatozoïde est coudé. Il se
(1) Je ne les ai pas vus rentrer dans le noyau comme A. et K. Schreiner chez Myxlne.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 215
développe pour la circonstance une pointe aux dépens du groupe corpus-
culaire postérieur qui, par suite de cette disposition, devient antérieur
dans le spermatozoïde en marche.
Alytes obstetricans
La spermiogénèse de l'Alytes m'a présenté un sujet favorable pour
l'étude de certaines formations du spermatozoïde. Je ne sais si cela est
dû à ce que cette espèce est en effet particulièrement favorable, ou à ce
que j'en ai eu des préparations fixées d'une manière particulièrement
heureuse ( 1). C'est en retrouvant chez cet animal ,avec une netteté parfaite,
le bâtonnet intranucléaire que je connaissais chez le Bombinator, et en
suivant son évolution, que je me suis rendu compte de l'intérêt et de la
généralité de cette formation, et que j 'ai découvert le phénomène de la tor-
sion nucléaire qui m'avait échappé jusqu'alors, ainsi qu'il a échappé aux
auteurs que j'ai cités.
Les corpuscules centraux devenus excentriques (ou le plus souvent
avant de le devenir) subissent une série de divisions au moins aussi com-
plexes que chez les Urodèles et peut-être plus complexes encore (fig. 224,
225, 227). Le groupe corpusculaire postérieur devient périphérique pen-
dant que le groupe antérieur continue à se diviser (fig. 249). Les produits
de cette division, constituant le groupe accessoire, ne paraissent pas quit-
ter le voisinage du noyau. La substance constituant le centrosome dis-
paraît le plus souvent assez vite autour de l'un et de l'autre groupe. Quel-
quefois cependant, elle persiste aussi bien autour de l'un que de l'autre,
et ne disparaît que tardivement. Elle peut d'ailleurs se reformer autour
du groupe postérieur à tous les stades de son évolution (fig. 238, 241).
L'évolution du groupe postérieur diffère peu de ce qu'elle est chez les
autres Batraciens. Il y pousse un cil; le corpuscule proximal se divise
en deux, tandis que le distal s'aplatit en un anneau analogue à celui qu'on
observe chez les Urodèles; cet anneau est petit, mais net.
Lorsque le groupe revient sous cette forme se mettre en contact avec
le noyau, il est souvent encore entouré de la substance de la sphère
attractive. Le corpuscule proximal pénètre dans le noyau, s'y gonfle
beaucoup conformément au processus connu chez les Urodèles. Vers ce
moment, le cil se dédouble en deux filaments très rapprochés ; il n'est pas
(1) Je pense que l'espèce est en effet particulièrement favorable comme le montre ce fait que c'est chez Alytes
que Retzius a le mieux vu le filament intranucléaire.
216 CHRISTIAN G H AMP Y
douteux que le dernier formé soit l'homologue du filament bordant la
membrane ondulante des Urodèles, et qu'il s'agisse ici d'une véritable
membrane ondulante.
Le groupe antérieur évolue d'une façon assez semblable à ce qu'on
voit chez la Salamandre, c'est-à-dire que, pendant la rotation nucléaire,
l'aspect habituel est celui d'un grain généralement assez gros appliqué
contre le noyau et entouré d'une vacuole arrondie (fig. 225, 226). Plus
tard, la vacuole devient conique, lorsque le grain appliqué contre le noyau
émet un grain plus petit, réuni à lui par un filament et qui, la traver-
sant, vient s'insérer sur la périphérie cellulaire (fig. 230, 231). Contrai-
rement à ce qu'on observe chez le Bombinator, cette formation ne fait
généralement pas saillie au dehors de la cellule.
Pendant que ce groupe entraîne le noyau dans un mouvement de rota-
tion et détermine son allongement, le noyau prend des formes assez
irrégulières, surtout dans sa portion qui est à la base du cône, comme s'il
était tiré en plusieurs points (fig. 229, 233, 243). On observe souvent, aux
angles correspondant à ces points de traction, un petit appareil qui rappelle
assez le groupe corpusculaire antérieur. Je ne puis affirmer à coup sûr que
cet appareil provienne du groupe accessoire, mais cela me semble cepen-
dant très probable. Ce sont des images de ce genre qui m'ont suggéré
l'hypothèse que j'ai émise sur l'utilisation de ce groupe accessoire, qui
élabore ici une sorte de manchette rudimentaire.
Noyau. — Le noyau avait subi rapidement les phénomènes de désin-
tégration des chromosomes dans les préparations que j'ai étudiées (1).
Il ne renferme plus dès le début que deux ou trois nucléoles et de fines
granulations chromatiques dues peut-être à la précipitation par le réactif.
Tant que le noyau est arrondi, on n'observe jamais le bâtonnet intra-
nucléaire. Dès que le noyau commence à s'allonger, ce bâtonnet apparaît
vers l'extrémité antérieure du noyau (fig. 228, 233, 239). Il apparaît avec
un double contour bien net, partant des environs immédiats du groupe
corpusculaire antérieur, sinon de ce groupe même. Il donne l'impression
d'être un fin canalicule d'origine cytoplasmique ou centrosomique qui
s'enfonce dans le noyau. Il ressemble aux canalicules nucléaires des sper-
matogonies, ou à ceux que j'étudierai plus loin dans les canaux efïérents.
Il est muni à son extrémité fermée d'un grain colorable et légèrement
renflé. On ne saurait dire, étant donnée la finesse des images, si ce grain
(1) Je ne suis pas sûr que ce fait soit général, car les autres espèces montrent à ce sujet de grandes variations
individuelles.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 217
est extérieur au petit bâtonnet ou canalicule ou bien s'il lui est intérieur.
Il est en général d'un diamètre supérieur à celui du canalicule.
Le tout procède rapidement (fig. 239, 240) vers le pôle postérieur du
noyau, non sans s'accoler au passage à la membrane nucléaire à laquelle
le bâtonnet adhère comme s'il était visqueux (fig. 237). L'appareil atteint
le pôle postérieur du noyau au point d'insertion du groupe corpusculaire
postérieur et il semble que le grain qui dirigeait sa croissance se confonde
avec le corpuscule proximal de ce groupe.
Pendant le développement de ce bâtonnet, les nucléoles affectent sou-
vent avec lui des rapports remarquables. On observe un ou deux nucléoles
complexes accolés souvent au bâtonnet. J'ai étudié longuement ces rap-
ports et il m'a paru qu'ils étaient de pur hasard. Les nucléoles s'accolent
sans doute au bâtonnet qui paraît visqueux et se colle à tout ce qu'il
touche, mais ils peuvent en rester indépendants.
Sur les coupes transversales, ce bâtonnet présente une section généra-
lement rectangulaire, il peut être, ou non, accolé à la membrane nucléaire
(fig. 246, 247, 248).
Lorsque le bâtonnet est tendu d'un bout à l'autre du noyau qui, à ce
moment, est de forme approximativement conique, il commence à se
tordre sur lui-même, puis en hélice (1) (fig. 238) et il entraîne le noyau
dans cette torsion. Il résulte manifestement de l'examen de nombreuses
figures que le bâtonnet se tord le premier. Cette torsion peut être plus ou
moins marquée, elle est généralement assez considérable dès le début et
se poursuit jusqu'à la fin de l'évolution du spermatozoïde. Lorsque le
noyau devient homogène, on distingue encore parfaitement le filament
axile. Le noyau prend alors une forme plus ou moins hélicoïde (fig. 241 à
245), c'est-à-dire qu'au lieu de se tordre sur lui-même comme une colonne
mauresque, il se tord comme s'il s'enroulait sur un cône, comme un
ressort.
Les deux torsions se combinent d'ailleurs plus ou moins, Tune étant la
conséquence de l'autre. Dans le cas de la torsion en spirale conique, on voit
nettement que l'acrosome participe à cette torsion, l'acrosome a alors
la forme d'un long et fin filament un peu renflé en son milieu. Le fait qu'il
participe à la torsion du bâtonnet est intéressant, car il montre que l'acro-
some fait corps avec le bâtonnet. Cela semble indiquer qu'ils ont une
commune origine.
(1) La torsion on hélice est la conséquence de la torsion sur l'axe. Pour s'en rendre compte, il suffit, par
exemple, de tordre ud tube en oaoutchouc sur lui-même, il se tordra bientôt en hélice.
218 CHRISTIAN CHAMPY
Lorsque le noyau est déjà très allongé, on voit souvent un des bords
de la base du cône qui semble s'allonger en arrière, à la remorque d'un
grain colorable, de telle sorte que la base du noyau prend une forme
irrégulière qu'on peut comparer à celle de l'ouverture d'une sandale
(fig. 243). Ce phénomène est plus ou moins marqué.
Vers ce moment aussi, le corpuscule proximal du groupe postérieur
commence à se gonfler comme cela s'observe chez la Salamandre. J'ai dit
que fréquemment ce corpuscule était dédoublé en deux grains; c'est alors
le grain antérieur seul qui se gonfle pour occuper une partie de la tête
du spermatozoïde comme chez la Salamandre. Le grain postérieur reste
indépendant de la masse nucléaire (fig. 242, 243, 245).
Cytoplasme. — L'évolution des organites du cytoplasme ne diffère
pas de ce qu'elle est chez les autres espèces; les mitochondries se conden-
sent vers la base du flagelle lorsque le noyau est déjà très allongé. Les
corps pyrénoïdes, bien visibles chez YAlytes, restent dans le cytoplasme
aux environs de la tête ou dans l'appendice cytoplasmique, et dégé-
nèrent, semble-t-il.
Bufo vulgaris et B. calamita.
Les spermatozoïdes des crapauds sont très semblables en plus petit à
ceux des Tritons et des Urodèles et leur mode de formation est assez
analogue.
La spermiogénèse a été étudiée par Bûhler (1895) sur Bufo vul-
garis, par King (1907) sur Bufo lentiginosus, par Cerutti (1905) (1). Le
fait le plus remarquable signalé par King est la formation de l'acrosome
aux dépens d'un acroblaste qui, d'après la description de l'auteur, paraît
être un corps pyrénoïde. Ce corps existe en effet depuis les spermatogo-
nies, se divise aux mitoses réductrices et King a eu le mérite de suivre
très exactement son évolution, à travers les divisions 'spermatocytaires,
mais c'est un peu gratuitement qu'elle en a coiffé ensuite le spermato-
zoïde (2).
La spermiogénèse des crapauds indigènes (Bufo vulgaris, B. cala-
(1) Je n'ai pas pu me procurer le travail de Cerutti.
(2) Je ne suis pas certain cependant qu'il n'y ait pas quelque chose de vrai dans la théorie de King. Certaines
images observées chez la Salamandre, les grenouilles me font penser qu'un corps pyrénoïde contribue peut-être-
non pas à la formation de la pointe entière, mais d'une partie de la pointe, celle que Retzius nomme Widerhakeiw
stlick. Je n'ai pu acquérir la certitude que cela soit vrai, je me réserve de reprendre ce point plus tard ;\ l'aide d'un
objet plus favorable.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
219
mita) (je n'ai pas eu l'occasion d'étudier d'autres espèces) se fait suivant
les mêmes processus que chez les Tritons, sauf que les éléments sont beau-
coup plus petits, ce qui rend cette étude
très pénible.
Les divers éléments de la structure
ne sont pas dans le même rapport de
grandeur que chez le Triton, ce qui
fait qu'il m'a paru intéressant de
figurer les divers stades. D'ailleurs les
mêmes phénomènes essentiels s'obser-
vent : division multiple des centres,
rotation du noyau sous l'influence du
groupe corpusculaire antérieur (repré-
senté par un corpuscule souvent uni-
que), production d'un bâtonnet intra-
nucléaire, torsion du noyau. Il serait
superflu de décrire tout cela une fois
de plus.
Comme chez YA-
lytes, on observe
diverses déforma-
tions de la partie
postérieure du
noyau, mais moins
marquées.
Comme ailleurs
les mitochondries se
groupent autour de
la base du flagelle.
J'ignore s'il y a éti-
rement du corpus-
cule central distal,
à cause de la peti-
tesse des éléments ;
la chose me paraît probable, parce que les mito-
chondries groupées d'abord autour du corpuscule
annulaire s'étirent ensuite en une pièce intermédiaire un peu allongée,
mais jamais autant que chez R, temporaria, Hyla. Les corps chromatoïdes
/
Fig. Lxxvi. Stades de l'évolution des spermati.
des chez Iiufo vulgaris; py, corps pyré-
noïde ; a, groupe antérieur ; p, groupe
postérieur de centrioles ; ap, groupe ac-
cessoire (?)
Fig. ixxvii. Spermatide
de Bujo valgaris avec
axostyle.
220
CHRISTIAN CHAMPY
ou pyrénoïdes ne participent pas à la formation du spermatozoïde. A
vrai dire, on en voit souvent aux environs de la partie antérieure du
noyau, mais je ne les ai jamais vus s'accoler au noyau. Leur présence
en cet endroit est due sans doute à ce qu'il y a très souvent là une zone
cytoplasmique assez vaste. D'ailleurs, on les trouve aussi fréquemment
dans l'appendice cytoplasmique situé à la partie postérieure du sper-
matozoïde.
La comparaison avec les autres espèces, notamment avec Alytes et
Bombinator, où ces corps se distinguent mieux des autres granulations,
suffirait à lever tous les doutes.
Hyla arborea
J'ai pu étudier surtout, chez la rainette, les premiers stades de l'évo-
lution des spermatides. Cette évolution ne diffère guère de ce qu'elle est
chez le crapaud ; les élé-
jÉmm
Fia. Lxxvui. Jeunes spermatides chez Hyla ;a, formation des deux
groupes de csntrioles ; b, rotation du noyau.
ments sont encore plus
petits.
Les divisions des cor-
puscules centraux au dé-
but sont cependant bien
visibles (fig. lxxviii et
lxxix). Ces corpuscules
sont assez
gros, c'est-
à-dire très
gros par rapport à la taille de l'élément. On voit aussi se
former un bâtonnet intranucléaire (fig. lxxx) qui entraîne
le noyau dans sa torsion. Cette tor-
sion est sans doute la cause de la for-
me recourbée des spermatozoïdes.
La condensation de mitochondries
autour du flagelle se fait sur une
assez grande longueur, ce qui fait
que le spermatozoïde possède une
pièce intermédiaire granuleuse assez
longue. Il est probable qu'il y a
corrélativement un étirement consi- fig. lxxix. spermatiie de
i t j i Hyla arborea après la
derable du COrpUSCUle distal. rotation du noyau.
Fig. lxxx. Sperma-
tide assez évoluée
chez Hyla. Axostyle.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 221
Rana esculenta
Les spermatozoïdes de Rana esculenta ont un aspect particulièrement
massif, leur tête a l'aspect d'un bâtonnet court, souvent même elle reste
globuleuse ainsi que l'a indiqué Ballowitz (1890).
On observe très souvent, presque constamment, une division précoce
du corpuscule central, dès Fanaphase de la deuxième division réductrice;
l'un des corpuscules restant central, l'autre devenant périphérique,
chacun entraîne une portion du fuseau, ce qui donne lieu à des images
telles que les figures 273, 275, 276, 277.
Il paraît évident que ces deux corpuscules représentent : l'un, le futur
groupe corpusculaire postérieur, l'autre, le futur groupe antérieur.
Il ne paraît pas exister chez la grenouille verte de groupes accessoires.
La rotation du noyau s'effectue comme d'habitude. Le groupe corpuscu-
laire antérieur et l'appareil qui en dérive paraissent s'atrophier de bonne
heure (fig. 282 à 286).
On observe à la partie antérieure de la tête un granule très petit, figuré
déjà par Broman et qui manque d'ailleurs souvent. C'est le seul repré-
sentant de l'acrosome.
Le groupe postérieur évolue comme chez les autres Batraciens; le cor-
puscule proximal est formé le plus souvent d'un double grain dont le plus
antérieur pénètre dans le noyau et s'y gonfle (fig. 282 à 287), tandis que
le postérieur prend la forme d'un anneau (fig. 280, 287). Cet anneau paraît
rester tel quel par la suite et ne semble jamais s'allonger.
Il se forme aussi un filament intranucléaire qui est peu visible et dis-
paraît vite. Le noyau subit une torsion assez peu apparente et qui peut
manquer (fig. 285, 286).
Les mitochondries se condensent autour du flagelle, au-dessus du cor-
puscule central annulaire, contre lequel elles se tassent en un corps mito-
chondrial court et compact qui devient bientôt homogène (fig. 287). Ce
qui est le plus remarquable dans cette évolution, c'est l'existence d'un
filament intranucléaire pour ainsi dire rudimentaire (fig. 285, 286).
Rana temporaria
La spermiogénèse de Rana temporaria a été étudiée autrefois par
Von La Valette Saint-George (1875), Bertacchini (1889-1895), puis
par Benda (1898), Retzius (1906), Broman (1907) (1).
(1) Pour la littérature, voir Broman.
AKCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉK. — T. 52. — F. 2. 15
222
CHRISTIAN CHAMP Y
Ce dernier auteur a appliqué à la grenouille rousse les données de Meves
chez la Salamandre. Je ne puis confirmer plusieurs des faits avancés par
Broman.
Il dit que le noyau s'allonge au-devant des corpuscules centraux (du
groupe postérieur, le seul dont il est ques-
tion), migrent pas-
sivement, attirés \ ' :: H
par le noyau, ce qui '-f ' . \
me paraît inexact. | , , •
Fig. lxxxi. Télophase de la deuxième mi-
tose chez Rana temporaria. Dédouble-
ment du fuseau et situation des deux
groupes de centrioles. C, corps intermé-
diaire ; a, groupe postérieur ; p, groupe
antérieur.
Fig. lxxxii. Jeune sperma-
tide de Rana temporaria
(deux groupes dccsntrioles).
Fig. lxxxiii. Jeune sperma-
tide chez Rana temporaria
(rotation du noyau).
On observe souvent, au début de la spermiogénèse, une déformation
du noyau due au groupe corpusculaire antérieur que Broman ne figure
pas. Cette déformation se produit souvent, lorsque le groupe antérieur
est encore au pôle postérieur du noyau, celui-ci
n'ayant pas encore exécuté sa rotation. Broman
décrit bien entendu, la formation de l'acrosome aux
dépens de l'Idiozomblaschen, quoique dans aucune
de ses figures on ne voie d'idiozome. Le filament
flagellaire est simple selon lui.
Quoique la grenouille rousse soit un objet parfai-
tement détestable à cause de la petitesse des
éléments, j'ai pu m'assurer que les choses ne s'y
passent pas autrement qu'ailleurs. La division des
corpuscules en deux groupes est souvent très pré-
coce comme chez Rana esculenta, elle peut avoir lieu
à la télophase de la mitose II (fig. lxxxi). On ne
voit pas très bien, à cause de la petitesse des
éléments, ce qui se passe dans le groupe antérieur, cela ne diffère pas
sans doute de ce qui s'observe ailleurs. La rotation du noyau s'effectue
comme d'habitude (fig. lxxxii et lxxxiii). Il est l'agent de la déforma-
Fig. lxxxiv. Spermatide
chez Rana temporaria
(l'acrosome reste laté-
ral).
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
223
tion nucléaire que Broman a observée, et qu'il a cru être due à ce que le
noyau va au-devant des corpuscules centraux.
Il est exact, comme le dit Broman, que l'appareil antérieur reste un
peu latéral (fig. xxxiv), ce qui explique peut-être la situation latérale de
l'acrosome.
Je me demande si le corps latéral que Broman appelle [
acrosome est bien homologuable à la pointe, et s'il n'est pas
formé aux dépens du corps chromatoïde, étant alors com-
parable au Widerhakenstûck de la Salamandre. Il fau-
drait un objet plus favorable que la gre-
nouille pour résoudre avec certitude cette
question.
Le groupe corpusculaire postérieur évo-
lue comme Broman l'a figuré, c'est-à-dire
comme chez la Salamandre (fig. lxxxiv).
Pas plus que chez les crapauds, je ne
pourrais dire si le corpuscule distal s'étire
en anneau ou non à la fin de la spermiogé-
nèse, cela me paraît cependant probable.
Le corpuscule proximal se gonfle proba-
blement comme chez la Salamandre, car
la partie postérieure de la tête des jeunes
spermatozoïdes ne se colore pas comme la
partie antérieure (Cf. Broman).
Il paraît exister un groupe accessoire
de corpuscules centraux dont je n'ai pu
exactement déterminer l'évolution. En
tous cas, on observe des déformations du
noyau à sa partie postérieure comme
chez Alytes. Il existe un bâtonnet intranucléaire petit et peu visible
(fig. lxxxv et lxxxvi) et les spermatides subissent une incontestable
torsion. On observe quelquefois un grain au point où le flagelle sort
du cytoplasme, comme chez Rana esculenta, Triton, etc.
Les mitochondries se voient bien, elles se groupent d'abord autour du
corpuscule central annulaire, puis autour du flagelle, sur une grande lon-
gueur. Ce phénomène qui ne s'observe pas seulement ici, mais aussi chez
les autres espèces, est de nature à faire penser que ce dernier groupement
accompagne un étirement du corpuscule central qu'on ne peut voir. Le
Fig. lxxxv. Spenna-
tide chez Rana
temporaria. Torsion
et spirostyle.
Fig. lxxxvi.
Spermatidechez
Rana tempora-
ria. Torsion.
224 CHRISTIAN CHAMP Y
flagelle est composé de deux filaments très rapprochés réunis par une
gaine. (Cf. Retzius (1906) contra Broman.) Seulement le tout est très
petit et très difficile à voir.
LA SPERMIOGÉNÈSE EN GÉNÉRAL
Si on essaye de réunir en une sorte de schéma les notions énumérées
dans les chapitres précédents, on se rend immédiatement compte que les
différences d'espèce à espèce sont plus apparentes que réelles et n'ont rien
de fondamental.
J'appellerai tout d'abord l'attention sur l'impossibilité où l'on est de
diviser justement l'évolution des spermatozoïdes en périodes, comme le
font la plupart des auteurs, (Meves, Broman, etc).
J'ai insisté déjà sur ce fait que les diverses transformations ne se font
pas toujours avec le même synchronisme. L'évolution des spermatides
ne se fait pas avec la rigoureuse discipline qu'on souhaiterait et qui en
simplifierait beaucoup l'étude; chaque cellule évolue pour son compte
avec une certaine fantaisie individuelle et arrive cependant au résultat
final.
Il faudra donc, au lieu de diviser l'évolution en périodes, étudier sépa-
rément, comme nous l'avons fait pour chaque espèce, le sort des divers
organites de la cellule. Même en procédant de cette façon, il y a des va-
riantes importantes, ce qui nous a obligé, dans les descriptions précéden-
tes, à ne pas préciser d'une façon absolue et à dire par exemple : lès
corpuscules centraux évoluent habituellement de telle façon.
Les corpuscules centraux
Les corpuscules centraux, et en général, le centre cellulaire a le rôle
le plus important dans cette évolution. Ici comme ailleurs, il apparaît
comme le centre directeur des mouvements intérieurs de la cellule. Il se
divise d'abord un certain nombre de fois, donnant deux groupes princi-
paux de corpuscules et un groupe accessoire qui peut manquer chez cer-
taines espèces, ou être plus ou moins bien représenté.
Le groupe postérieur produit un flagelle primitivement unique qui se
dédouble ultérieurement en deux parties : le filament axile et une mem-
brane ondulante limitée par le filament accessoire. (Randfaden, des
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 225
auteurs allemands). Ce filament, bien visible chez les Urodèles, est petit
chez les Anoures, et la membrane ondulante est peu développée. Elle
existe cependant.
Le flagelle apparaît tout d'abord sur le corpuscule distal, puis bientôt,
à mesure que le groupe se rapproche du noyau, le corpuscule distal prend
la forme d'un anneau ; on voit alors le flagelle se continuer jusqu'au cor-
puscule proximal en traversant cet anneau. Souvent, on distingue dans
le cil la partie qui correspond à l'ancienne centrodesmose. Lorsque le cil
se dédouble pour former la membrane ondulante, le dédoublement
intéresse aussi cette partie. Ce phénomène est net chez les Urodèles, il
peut s'observer aussi chez Alytes; il doit exister ailleurs, mais les éléments
sont souvent trop petits pour qu'on puisse bien voir.
Le corpuscule proximal entre en contact avec le noyau, y pénètre et
se gonfle plus ou moins suivant les espèces; il devient la plupart du temps
énorme, légèrement vacuolaire, rappelant par sa colorabilité les nucléoles
ordinaires. Le corpuscule distal peut ou non s'étirer en un pessaire, puis
se dédoubler, l'une des moitiés glissant le long du filament axile. Le fait
de l'étirement paraît assez général pour qu'on en suppose l'existence
lorsque les éléments sont trop petits pour qu'on puisse le voir. Cependant
la grenouille verte fait exception et peut-être aussi Bombinator, Alytes.
L'étirement du corpuscule central distal est donc un phénomène d'impor-
tance secondaire.
Chez le Bombinator, le groupe postérieur fournit une pointe, un acro-
some, à cause de la disposition particulière du flagelle sur le noyau. Cela
n'empêche pas la production, éphémère il est vrai, de la pointe anté-
rieure habituelle.
L'existence d'un groupe corpusculaire antérieur a été généralement
méconnue, ce qui tient à ce que l'on n'a pas l'habitude de chercher deux
groupes de corpuscules centraux dans une même cellule. Il est cependant
des cas (en dehors des cellules géantes) où il existe bien certainement
deux sphères, notamment dans diverses cellules glandulaires. L'idée de
corpuscules centraux antérieurs a cependant été émise. Niessing (1897),
notamment avait admis que les corpuscules centraux formaient la pointe,
mais comme le travail de Niessing contient d'autres assertions qui n'ont
pas été vérifiées, il est généralement peu cité. Platner et Moore admet-
tent la participation de centrioles à la formation de l'acrosome ainsi que
Buchner (1909).
Le groupe corpusculaire antérieur devient d'emblée juxtanucléaire,
226 CHRISTIAN CHAMP Y
souvent dès la télophase de la deuxième mitose de maturation, et paraît
adhérer au noyau qu'il entraîne dans sa rotation. Il est aussi l'agent de
la déformation du noyau, concurremment avec le groupe postérieur.
Toujours, le noyau se déforme vers l'un ou l'autre de ces corpuscules. La
déformation commence généralement par le pôle antérieur, parce que le
groupe corpusculaire postérieur n'est pas encore au contact du noyau ;
elle peut commencer (Rana, Triton, etc.) avant la rotation du noyau.
Le corpuscule de ce groupe qui est appliqué contre le noyau se gonfle
fréquemment comme cela a lieu pour le corpuscule proximal du groupe
postérieur. Il semble, par l'exemple bien net de l'Alytes, que ce soit de lui
que parte le bâtonnet intranucléaire avec lequel il finit d'ailleurs par se
confondre chez la plupart des espèces où l'on peut suivre exactement
les phénomènes. L'autre corpuscule, ainsi que la centrodesmose qui les
réunit tous deux, peut avoir un sort variable : ou bien la centrodesmose
s'allonge en une pointe fort longue (Triton); ou bien au contraire, elle
s'atrophie plus ou moins, donnant lieu à une pointe courte, quelquefois
représentée par un simple grain (Rana esculenta). Lorsque cette pointe est
longue, elle participe à la torsion du noyau et du filament intranucléaire,
ce qui indique bien que ce dernier fait corps avec la pointe, avec l'appareil
centrosomien antérieur (1).
Le groupe corpusculaire accessoire est contingent. Il peut être aussi
composé de coqDuscules plus ou moins nombreux. Son rôle, lorsqu'il existe,
paraît être de diriger les modifications de la partie postérieure du noyau.
On ne voit d'ailleurs pas bien à quoi ces déformations du noyau peuvent
servir. Ce phénomène semble contingent, variable suivant les espèces et
peut-être suivant les individus ; il apparaît comme dû à une activité de
luxe des corpuscules centraux, témoignant seulement de leur grande
faculté de multiplication au cours de la spermiogénèse.
Le bâtonnet intranucléaire (Spirostyle)
La formation d'un bâtonnet dans le noyau est un fait général chez les
Batraciens, de même que la torsion nucléaire déterminée par ce bâtonnet.
Cette torsion peut d'ailleurs être plus ou moins marquée selon les espèces
et même chez un même individu. Doit-on penser qu'elle a partout la même
origine que chez l'Alytes? La chose est probable, sinon certaine. En tous
cas, il est intéressant de noter que, chez toutes les espèces, il existe, à
(1) Je réserve la question de l'origine du crochet (Widerhakenstuck).
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 257
un certain moment, un filament qui unit les deux groupes de centro-
somes à travers le noyau. Ce filament paraît, sans qu'on puisse l'affirmer
d'une façon précise, être un dérivé des corpuscules centraux.
La torsion du noyau est un phénomène général qui paraît très impor-
tant. Il est à remarquer que cette torsion, très marquée chez certaines
espèces où l'on peut penser qu'elle détermine la forme spiroïde du sper-
matozoïde, est à peine marquée chez d'autres (Rana esculenta) où elle n'a
aucune raison connue d'exister; elle est là comme le vestige d'un processus
utile ailleurs.
Cette torsion est déterminée par le filament intranucléaire.
Les déformations et les mouvements du noyau : rotation, allongement,
torsion, changements de la partie postérieure, paraissent toujours
passifs, et ici comme ailleurs, ce sont les corpuscules centraux et leurs
dérivés qui paraissent présider à tous ces mouvements internes de la
cellule et jouer leur rôle habituel de corpuscules d'orientation.
Nature des mouvements de la spermiogénèse
On peut dire avec Broman que c'est par un tactisme que les corpuscules
centraux viennent s'appliquer contre le noyau, que c'est par un tropisme
que le noyau se retourne. Ces expressions ne sont pas bien explicatives ;
lorsqu'on les aura employées, on n'aura pas mieux compris les raisons
qui font que le tactisme des corpuscules centraux pour le noyau, d'abord
négatif, devient positif plus tard. Elles ont le mérite incontestable de
s'efforcer de rapprocher vaguement les phénomènes qu'on observe dans
la spermiogénèse de phénomènes connus dont nous entrevoyons l'ex-
plication physico-chimique, elles ont par contre l'inconvénient de
compliquer le langage sans grande utilité (1).
Il est plus intéressant, à mon avis, de rapprocher ces phénomènes d'at-
traction et de répulsion successifs qui s'observent entre les corpuscules
centraux d'une part, entre les corpuscules centraux et le noyau d'autre
part, de ceux que l'on rencontre pendant la mitose. Nous avons vu qu'il
fallait admettre que l'action des centres sur les chromosomes était tantôt
(1) Je ferai remarquer que dire : les corpuscules centraux ont un tactisme positif pour le " noyau " n'est
que la traduction en langage barbare de cette expression : les corpuscule centraux s'approchent du noyau. Le
mot tactisme ne saurait être employé seul, ni sous les formes de centro tactisme, de nucléotactisme, etc. C'est
alors " une vertu dormitive ". Si l'on peut dire qu'il y a chimiotactisme, par exemple, c'est fort bien, parce
qu'alors on ajoute à la notion du mouvement celle que la cause du mouvement est d'ordre chimique, mais
il faut prouver alors le déterminisme chimique de ce mouvement.
228 CHRISTIAN CHAMP Y
attractive, tantôt répulsive. Le fait que les centrioles des spermatides
s'éloignent du noyau, puis s'en rapprochent est de même ordre. Le phéno-
mène de rotation du noyau, dans lequel le groupe antérieur accolé à lui
l'entraîne en s 'éloignant de l'autre groupe de corpuscules centraux, ne dif-
fère pas essentiellement du phénomène de séparation des corpuscules cen-
traux au moment de la prophase. En somme, le mécanisme de la spermio-
génèse semble être de même essence que le mécanisme de la mitose.
Rôle du cytoplasme
Le cytoplasme contribue peu à l'élaboration du spermatozoïde ou plutôt
n'y contribue que passivement et partiellement : les mitochondries se
condensent autour de la partie inférieure du flagelle par un phénomène
qui n'est, semble-t-il, qu'un cas particulier de leur groupement fréquent
autour des corpuscules centraux. Il n'y a d'ailleurs qu'une faible partie
des mitochondries de la spermatide qui participent à ce groupement
(fig. 197, 199); il en est un certain nombre qui restent autour de la tête,
d'autres qui restent dans l'appendice cytoplasmique qui tombera plus
tard.
Les corps pyrénoïdes ne participent généralement pas à la formation
du spermatozoïde, on les trouve constamment dans l'appendice cyto-
plasmique ou dans le cytoplasme qui entoure la tête. Les cas du Bombi-
nator, de YAlytes où ils sont bien visibles, ne laissent aucun doute à cet
égard.
On peut en dire autant de l'ajDpareil canaliculaire de Holmgren qui
reste dans l'appendice cytoplasmique. Si cet appareil est homologuable
au réseau interne de Golgi, on ne voit pas, comme l'indique Perroncito,
qu'il participe à la formation de la pièce intermédiaire.
Je n'ai pu réussir de bonnes préparations de spermiogénèse de Batra-
ciens avec la méthode de Golgi. Je ne puis donc non plus contredire
ce qu'il a avancé; j'ai pu d'ailleurs le vérifier dans ses préj)arations que j'ai
eu l'occasion de voir et qui sont très démonstratives. J'ai eu, chez diverses
espèces, de bonnes images sous forme de canalicules ou de filaments fins
pointus et clairs, analogues à ceux que Platner (1885), Prenant (1888)
ont décrit chez Hélix et que ce dernier auteur a vus, comme moi, rester dans
l'appendice cytoplasmique. Je dois dire qu'il se peut cependant qu'une
partie des filaments de ce genre qui existaient dans la spermatide se grou-
pent autour de la pièce intermédiaire ; comme je n'ai eu que des images
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 229
en clair de cet appareil, ils auraient pu m'échapper. Il n'en reste pas
moins vrai que la majeure partie reste dans le cytoplasme résiduel.
Il n'est d'ailleurs nullement démontré que l'appareil réticulaire de
Golgi se superpose exactement à l'appareil canaliculaire de Holmgren.
La méthode de Golgi, comme toutes les méthodes de précipitation et
réduction d'un sel métallique, ne peut être considérée comme certainement
spécifique et j'ai éprouvé que ses résultats sont assez variables.
Le cytoplasme est-il appelé à dégénérer dans toutes les parties qui
n'ont pas été directement utilisées pour la formation du spermatozoïde,
dans toutes les parties qui n'ont pas servi à constituer la pièce intermé-
diaire? Je ne bpensepas.il est bien difficile d'affirmer à coup sûr qu'il reste
autour de la tête une très mince gaine de cytoplasme, mais je crois qu'on
doit l'admettre. L'existence de filaments spirales extérieurs à la tête chez
divers animaux, montre qu'une couche cytoplasmique existe quelque-
fois. Chez les animaux à grandes cellules, on voit la couche cytoplasmique
persister très longtemps autour de la tête, puis s'amincir peu à peu, mais
elle ne dégénère pas. J'ai pu m'assurer que cette gaine était entraînée par
la torsion du noyau, ce qui explique la disposition spiralée des appareils
extérieurs au noyau, décrits chez certains animaux. Le spermatozoïde
traîne encore un moment le résidu cytoplasmique derrière lui, mais ce
cytoplasme se liquéfie vite.
Le spermatozoïde débarrassé de ce cytoplasme résiduel apparaît donc
comme constitué : 1° de tout le noyau de la spermatide; 2° d'un certain
nombre de corpuscules centraux et de dérivés corpusculaires : acrosome,
flagelle, bâtonnet axial; 3° d'une partie du cytoplasme qui comprend sur-
tout des mitochondries, mais aussi du cytoplasme hyalin intermitochon-
drial et peut-être une gaine autour de la tête : si peu qu'il y en ait, on est
obligé de supposer qu'il en reste. Il ne s'agit plus que de distinguer dans
cet ensemble la portion motrice et la portion passive, la portion trans-
portée à qui seule doit sans doute être accordée une valeur héréditaire.
La signification des diverses parties du spermatozoïde
Comparaison des spermatozoïdes de Batraciens entre eux, et
avec ceux d'autres animaux. — ■ Les spermatozoïdes des Batraciens
qui paraissent très différents lorsqu'on étudie les formes définitives, parais-
sent très semblables quand on étudie leur histogenèse. Ils comprennent
tous les organes suivants dont les proportions relatives varient seules. Une
230 CHRISTIAN CHAMP Y
tête, comprenant l'acrosome, le noyau, la baguette axiale. On a le droit
de supposer, en outre, qu'il reste autour du noyau une mince enveloppe
de cytoplasme. Les filaments observés par Retzius (1906) autour de la
tête chez Axolotl paraissent devoir être interprétés comme appartenant
à cette enveloppe cytoplasmique. Il ne semble pas que cette gaine renferme
des mitochondries comme cela a été observé chez les Reptiles (Pre-
nant 1899), les Sélaciens, les Crustacés (Koltzoff 1906). Il ne paraît y
avoir qu'une couche très mince de cytoplasme hyalin qu'on ne distingue
généralement pas sur le spermatozoïde adulte. D'après la description que
j'ai donnée de sa genèse, l'acrosome apparaît comme un dérivé des cor-
puscules centraux, comme une expansion de ces corpuscules. Il ne diffère
pas du flagelle d'une façon fondamentale. C'est une sorte de flagelle
immobile et modifié (1). Cette idée est beaucoup moins paradoxale qu'elle
ne paraît à première vue.
Dans l'hypothèse d'HENNEGUY-LENHOSSEK généralement admise et
maintes fois vérifiée, les cils sont homologables au flagelle des sperma-
tozoïdes et les corpuscules basaux peuvent être considérés comme des
dérivés des corpuscules centraux. L'existence de dérivés périphériques
des centrioles qui émettent des expansions diverses, paraît un phénomène
très général, elle a été admirablement illustrée par Meves (1908) dans la
spermatogénèse de l'abeille.
Or, on connaît de nombreux cas d'expansions ciliaires qui se trans-
forment en des appareils divers, très différents par leur aspect et leur
rôle, des cils vibratiles : cônes et bâtonnets de la rétine, cellules senso-
rielles, etc (2).
C'est de ces formations que je rapproche l'acrosome.
L'acrosome prend alors une signification très simple, la signification
d'une sorte de cil immobile.
Cette signification est éclairée par la comparaison avec d'autres sper-
matozoïdes. Prenant (1913) insiste sur l'intérêt des formes de sperma-
tozoïdes comme ceux de divers Turbellariés des Cirripèdes qui rappellent
les spirilles. Je pense que ces spermatozoïdes et que les spirilles eux-
mêmes ne sont pas essentiellement différents des spermies des Batraciens.
Sans s'éloigner autant des Amphibiens, on peut rappeler aussi que
Ballowitz (1905) a décrit une couronne de cils antérieurs chez Pétro-
(1) C'est au moins un flagelle modifié ou un appareil comparable à un flagelle qui constitue la pointe, je réserve
toujours la question du crochet.
(2) L'exemple de Meves (1908) prouve que les expansions des corpuscules centraux peuvent aussi avoir
d'emblée un autre aspect que celui d'un cil ou d'un flagelle, et d'une forme assez compliquée.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 231
myzon. A ces cils doivent être annexés des corpuscules basaux, par con-
séquent des formations dérivées sans doute des corpuscules centraux.
Je pense donc qu'on peut admettre que l'acrosome est un dérivé cen-
triolaire, une sorte de cil immobile. Quelle est la fonction de ce cil? L'expli-
cation qu'on en donne en l'interprétant comme perforateur est simplement
enfantine et grossièrement mécanique. L'acrosome ne paraît pas plus
solide que le reste de la tête et son inégal développement chez la Gre-
nouille et le Triton, par exemple, ne s'explique nullement par des diffé-
rences de résistance des œufs, dont le cytoplasme ne paraît pas telle-
ment impénétrable. J'ai plutôt l'impression que cet appareil, qui est tou-
jours antérieur dans le mouvement du spermatozoïde (1), a pour rôle d'être
impressionné par les substances qui déterminent le chimiotactisme du
spermatozoïde pour l'œuf, ou, d'une façon plus générale, par les causes
qui déterminent la direction du mouvement du spermatozoïde; on peut
le comparer à un cil chémo-récepteur, olfactif ou gustatif, ou plus géné-
ralement à un cil sensoriel (2).
La baguette axiale de la tête est une formation tout à fait générale et
parfaitement constante, bien que souvent on ne la voie plus dans les
spermatozoïdes complètement formés. Il est certain que les images de
Retzius (1906) chez Pleurodeles Waltii, Bufo, Alytes, se rapportent à cette
baguette. Les images de filaments continuant l'acrosome dans la tête,
mais incomplètement chez Salamandra maculosa, Triton cristatus. (Retzius
1906) sont des images incomplètes de cet appareil.
Au début, il semble partir du corpuscule central proximal du groupe
antérieur. Peut-on le considérer comme un annexe des corpuscules cen-
traux rappelant une racine ciliaire ? Ce serait alors une racine qui aurait
poussé d'une façon tout à fait anormale par rapport au flagelle auquel
elle ne se rattache que secondairement. Il faut noter la présence, observée
par Retzius chez Alytes et que j'ai pu vérifier quelquefois (fig. 242) de
deux appareils semblables, dont l'un semble en relation avec le flagelle,
l'autre avec l'acrosome.
Faut-il considérer cette baguette axiale comme une sorte de canali-
cule nucléaire renfermant de la substance protoplasmique et non de la
substance issue du centrosome? Cette manière de voir a pour elle la
ressemblance entre le bâtonnet axial en formation, et de fins canalicules
(1) Le cas du Bombinator dont le spermatozoïde coudé au niveau de la pièce intermédiaire, présente à ce
niveau un acrosome, est assez démonstratif à cet égard.
(2) Je n'ai pas pu réaliser encore quelques expériences que j'ai commencées pour déterminer ce point
avec certitude.
232 CHRISTIAN CHAMP Y
nucléaires tels que celui de la figure xxv. Remarquons que l'une ou l'au-
tre interprétation introduit dans la tête du spermatozoïde, dans la partie
qui joue le rôle essentiel dans la fécondation, une portion importante de
cytoplasme ou plus généralement de substance extranucléaire.
Ma première impression, influencée peut-être par les faits mis en relief
par Prenant (1913), avait été qu'il s'agissait d'une sorte de fuseau central.
J'ai dû l'abandonner lorsque j'ai connu le mode de formation du bâtonnet
axial. Je pense donc qu'il ne faut pas se hâter de donner de cet appa-
reil axial une interprétation morphologique et je me dispenserai de conclure.
Les caractéristiques de ce bâtonnet sont, d'une part, sa situation intra-
nucléaire, d'autre part, sa continuité avec la pointe et surtout la torsion
spirale qu'il subit ou plutôt détermine. Je propose à cause de cela le nom
de spirostyle qui ne préjuge pas de sa nature.
Cet appareil ne paraît nullement particulier aux Batraciens. On rencontre
en parcourant les figures de spermatozoïdes qu'on trouve dans la litté-
rature, beaucoup d'images qui paraissent se rapporter à un spirostyle,
autant qu'on peut en juger sans connaître l'histogenèse des spermies
qui ont fourni ces images.
Je pense qu'on doit rapporter à un spirostyle les images de filament
spiral données par Retzius chez divers mollusques : Conus, Purpura,
Murex (1906), Buccinum (1910). Chez Triticella Korenii (Bryozoaire)
(1906), chez Prostheceraeus (1906-1910). On doit rapporter sans doute aussi
à des spirostyles les filaments peu ou pas spirales figurés par 'Retzius
dans la tête des spermies de mollusques (1906) : Conus, Neritina, Velutina,
Fusus, Buccinum) et chez Chimœra, Vanellus, Psittacus (1) (1909).
Il est très probable que les images de filaments incomplets qu'il donne
chez Vermetus, Cyprœa, Natica (1906), Cyanea (Cœlentéré) (1910), Hybius
(Insecte), Gallus, Anas (Oiseaux) (1909), sont des images imparfaites du
même appareil. On sait, par l'exemple de Salamandre, Triton, etc., que
cet appareil, apparent pendant la spermiogénèse, peut ne l'être plus ou
l'être à peine dans le spermatozoïde adulte. Tout porte à croire que le
spirostyle est une formation constante du spermatozoïde (2).
La torsion du noyau déterminée par le spirostyle me paraît un phéno-
(1) J'ai pu d;puis que ce travail est à l'impression vérifier l'existence d'un spirostyle chez les Oiseaux et
les Reptiles.
(2) Je l'ai retrouvé dans la spermiogénèse de plusieurs Vertébrés, je publierai ces observations à part. Ce qui
n'est pas le moins curieux dans son histoire c'est qu'il existe souvent à l'état rudimentaire comme chez R. esculenta.
La torsion de l'acrosome que j'ai observée avec certitude chez Alytes et qui semble accompagner la torsion du
filament spiral interne se voit aussi très fréquemment chez les Oiseaux : Tringa, Totanus, Scolopax, Corvus, Pica,
etc. (Retzius, 1909).
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 233
mène important et très général, quoique cette torsion puisse être plus ou
moins marquée. Elle a été signalée en dehors des Batraciens chez des
Mollusques : Èulima, Scalaria, Ancylus, Limax (Retzius 1906) et elle
est bien comme chez les Oiseaux. Il est probable que dans les autres
groupes, il arrive comme chez beaucoup de Batraciens, qu'elle ne soit plus
apparente dans les spermatozoïdes mûrs.
On doit penser que cette torsion du noyau détermine l'arrangement
spiral des granules du cytoplasme autour de la tête, et par suite, la for-
mation des gaines spirales extérieures à la tête signalées chez les Oiseaux :
Corvus, Pica (Retzius 1909, etc.), les Sélaciens : Scyllium (Retzius 1910),
Spinax, Raja (Retzius 1909), les Mollusques : Fusus (Retzius 1906).
Il semble donc que ce soit la torsion du spirostyle qui détermine toutes
les torsions et dispositions spiralées de la tête des spermatozoïdes. Je
me réserve d'ailleurs de vérifier ces présomptions par l'étude de la sper-
miogénèse chez quelques-unes de ces espèces.
Il faut remarquer que la condensation dont la tête du spermatozoïde
est le siège à la fin de la spermiogénèse porte non seulement sur le
noyau, mais sur tout ce qui est à son contact. Le fait que le noyau et le
spirostyle se confondent le plus souvent ne permet pas de nier avec cer-
titude la persistance d'une gaine cytoplasmique autour de la tête; cette
gaine peut s'être, comme le spirostyle, confondue secondairement avec
le noyau 1(1).
Les observations que j'ai pu faire sur le flagelle ne renferment pas grand'-
chose de nouveau. Je rappellerai seulement que la présence de deux fila-
ments réunis par une membrane paraît constante chez les Batraciens.
J'appellerai l'attention sur les cas où j'ai vu le filament axile se continuer
à l'intérieur du corpuscule central proximal et par conséquent se continuer
sans doute avec l'axostyle qui arrive jusqu'à ce corpuscule.
Étant donnée l'insertion du flagelle sur le corpuscule central proximal,
on se demande quel peut être le rôle du corpuscule distal dont la forme
est si remarquable. Il semble qu'il joue un rôle attractif sur les mito-
chondries et qu'il détermine en s'étirant plus ou moins, la longueur de la
zane où il y aura des mitochondries, de la pièce intermédiaire : longue
chez la Salamandre où ce corpuscule distal s'étire et se divise, très courte
chez Rana esculenta où il n'y a ni étirement ni division.
(1) On se demande en présence de ces observations de cas où les substances cytoplasiuiques et nucléaires
ne se distinguent plus lorsqu'elles sont également condensées, si nos colorations ont une valeur chimique
quelconque, et si elles ne sont pas dues exclusivement à des différences de condensation, comme le veut Fischer.
234 CHRISTIAN OH AMP Y
Quel peut être le support des caractères héréditaires.
Quand on se demande, connaissant le mode de formation du spermato-
zoïde, ce qui, dans ce petit organisme, peut être considéré comme
supportant des propriétés héréditaires, l'impression première est que
le noyau a la plus grande importance à ce sujet, comme on l'admet
classiquement.
L'idée émise par Meves (1908) que l'on doit attribuer aux mitochondries
la signification qu'on donnait au noyau est peu soutenable, puisque, nous
l'avons vu, une faible partie seulement des mitochondries passe dans le
spermatozoïde en quantité variable selon les espèces. Cependant, les faits
de la spermiogénèse montrent qu'il y a dans la tête du spermatozoïde au
moins trois choses : le noyau, Faxostyle et le corpuscule central proximal.
Il faut tenir compte de ce que ce corpuscule, généralement énorme, doit céder
toutes sortes de substances au cytoplasme de l'œuf lors de la fécondation,
puisqu'à la première mitose, le corpuscule central apparaîtra comme punc-
tiforme. Les observations nombreuses d 'inutilisation des corpuscules
centraux de l'œuf dans les premières mitoses du développement permet-
tent cependant de contester au centrosome une valeur héréditaire, ou tout
au moins une valeur importante.
Que deviendra dans l'œuf le bâtonnet spiral? On ne le sait pas et on
se l'imagine difficilement. Son rôle ne paraît pas être d'une importance
capitale, puisqu'il semble n'être qu'un appareil de soutien, encore
n'est-ce là qu'une probabilité.
Enfin, il ne faut pas oublier la gaine de cytoplasme qui entoure le
noyau. On ne peut conclure, de ce qu'elle est très réduite, à son inutilité au
point de vue héréditaire. L'œuf aussi apporte du cytoplasme, il apporte
peut-être sous une autre forme quelque chose d'homologue au spirostyle.
Il paraît donc imprudent d'attribuer à la chromatine seulement la valeur
héréditaire, et il y a cela de vrai dans l'idée de Meves que l'on n'a aucune
raison pour la refuser aux mitochondries, ni à tout le reste.
Il serait au moins aussi aventureux de faire passer aux mitochondries
les propriétés héréditaires avec le même exclusivisme. Le spermatozoïde
est une cellule réduite, mais encore très complexe, et dans ce complexe
on ne peut choisir une partie déterminée pour en faire le support des pro-
priétés héréditaires.
Quand on songe à l'incertitude où on est encore sur ce point capital.
SPEHM À TÔGÉNÈSE DES • HA TUA ( 'IEXS
tu
on reste stupéfait du nombre et du développement des théories basées sur
la signification héréditaire de la chromatine.
Évolution atypique et dégénérescence des spermatides
Broman (1900) a observé qu'on trouve des spermatozoïdes géants et
anormaux chez divers Batraciens, mais surtout chez le Bombinator. On
peut dire d'ailleurs que, chez cet animal,
l'anomalie en toutes choses est la règle. Les
spermatides géantes ont été bien étudiées par
Broman et je puis confirmer dans l'ensemble
sa description. On en rencontre en plus
ou moins grande quantité chez toutes les
espèces.
J'ai remarqué que les spermatides géantes
anormales ou doubles occupent constam-
ment chez toutes les espèces le centre des
cystes, comme je l'ai signalé pour certains
spermatocytes géants. Or, très souvent, je l'ai
dit, les cellules du centre des cystes dégénèrent pas cytolyse : (grenouille,
salamandre) en laissant une cavité au centre du cyste. Cela s'observe
surtout dans les cystes les plus gros,
dès le stade spermatocyte ou plus
Fig. lxxxvii. Spermatide double chez
Bombinator. Une pointe. Deux
queues.
.
Fie LXXXvm. Spermatide double chez Bombinator.
L'ne queue. Deux pointes.
Fig. ixxxix. Spermatide double chez Bombinator.
Deux pointes et deux queues.
tard. Quand les cystes sont moins gros, on n'observe pas de dégénéres-
cence, mais on rencontre souvent au centre du cyste des éléments géants.
236
CHRISTIAN CHAMP Y
FlG. XC. Spermatide à deux pointes et non
allongée chez Triton palmatus.
Le rapprochement de ces deux phénomènes : dégénérescence et gigan-
tisme, est donc fort net.
Il est possible que les spermatides géantes proviennent par mitose
multipolaire de spermatocytes géants, au
moins dans certains cas, ainsi que le veut
Broman ; mais on ne saurait affirmer
qu'il en est toujours ainsi, car on voit
des spermatocytes géants se diviser par
mitose bipolaire (chaque pôle étant sou-
vent dédoublé, ce qui n'est pas particu-
lier à ces éléments). D'ailleurs, la mitose
multipolaire est suivie le plus souvent de
cloisonnement et ramène les cellules filles
ou la plupart d'entre elles à une taille
normale, tandis que la mitose bipolaire
maintient leur gigantisme.
Quoi qu'il en soit de leur mode de
formation, la situation des spermatides
géantes au centre du cyste, endroit où les cellules dégénèrent habi-
tuellement, fait qu'on doit les considérer comme des cellules affamées,
si paradoxale que paraisse cette proposition. Le terme de spermatides
géantes ne peut d'ailleurs s'appliquer qu'à un petit
nombre des éléments anormaux qu'on trouve au cen-
tre du cyste. On y voit souvent des spermatides à
deux queues, mais de volume normal, surtout chez
Salamandre et Triton (fig. xci et xcm), où les
spermatocytes géants sont très rares et où ces
éléments ne proviennent donc pas toujours de sper-
matocytes géants. Il faut admettre qu'au centre du
cyste, dans des conditions de nutrition assez pré-
caires, l'accroissement du noyau et du cytoplasme
est assez ralenti, tandis que les phénomènes de divi-
sion des corpuscules centraux ne sont pas influencés.
Il est très regrettable qu'on ne puisse obtenir
une sériation sûre des phénomènes de l'évolution
des éléments anormaux, car on pourrait par cette étude trancher
un certain nombre de questions cytologiques importantes. Les sperma-
tides doubles ou géantes restent encore, malgré la très consciencieuse
Fig. xci. Spermatide dou-
ble et non allongée
chez Triton palmatus.
Deux queues.
SPERMATOGÊNËSE DES BA TRACIENS
237
FlG. xai. Spermatozoïde
dégénérescent chez 1' .4-
xol >tl-
étude de Broman, à l'état de curiosité mal expliquée. Comme elles
sont peu fréquentes et rarement homologues l'une à l'autre, il est très
difficile de les sérier, même arbitrairement.
Les plus fréquentes sont les monstres doubles
(fig. lxxxix et lxxxvii). On voit le plus souvent
des spermatides à deux queues ; le noyau est
alors allongé transversalement (fig. xciii), il peut
n'avoir qu'une pointe ou en avoir deux. Dans les
spermatides à deux pointes, chaque pointe est en face
d'une queue. Il faut donc que la rotation du noyau
se soit effectuée dans un plan déterminé, perpendicu-
lairement à son grand axe. Quelquefois, les spermies
doubles évoluent normalement ; mais elles présentent
souvent, en outre, d'autres anomalies : défaut d'allon-
gement de la tête, etc.
Chez Bombinator, il n'est pas rare de trouver |des
spermatides géantes, de structure normale, ainsi que
l'a vu Broman.
Chez les Urodèles, et Bombinator, Rana, on trouve quelquefois des
spermatides à une seule queue et à deux pointes. Le noyau est alors
bilobé et l'ensemble doit aboutir à un spermatozoïde à deux têtes (fig. xc
et lxxxviii).
Toutes ces formes peuvent
reconnaître une explication
analogue : multiplication rela-
tivement trop rapide des cor-
puscules centraux, soit du
groupe distal, soit du groupe
proximal, soit des deux grou-
pes.
Je remarquerai qu'il est ma-
laisé de comprendre les sper-
matozoïdes à une queue et
deux pointes avec l'explication
classique de la formation de
l'acrosome aux dépens de la sphère qui a quitté les corpuscules centraux.
Comment se fait-il qu'à un seul groupe de corpuscules correspondent deux
centrosomes, ou vice versa?
Fig. XCIII. Spermatide double chez -la Salamandre. Deux
pointes. Deux queues. Un seul noyau.
A£CH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 52.
238 CHRISTIAN CHAMP Y
Une autre anomalie très fréquente de l'évolution des spermatides,
c'est que rallongement du noyau ne se produit pas (fig. xc et xci), le
noyau restant sphérique jusqu'à sa condensation. Cette anomalie s'ob-
serve chez toutes les espèces, elle est très fréquente chez Maria esculenta
chez qui elle aboutit aux spermatozoïdes à tête globuleuse signalés par
Ballowitz.
J'interprète ce phénomène comme dû à l'absence ou à l'insuffisance du
groupe corpusculaire antérieur. On n'observe pas, en effet, d'acrosome
bien développé dans ces éléments. On n'y voit généralement pas (Uro-
dèles) de bâtonnet intranucléaire. Chez Rana esculenta j'ai vu cependant
dans ces noyaux ronds une strie oblique (fig. 285, 286).
Il est fréquent que les spermatides dégénèrent aux divers stades de
leur évolution, cela s'observe à peu près exclusivement lors des poussées
de préspermatogénèse. Au début de l'évolution, on observe généralement
la dégénérescence par pycnose qui ne présente pas un intérêt spécial.
Plus tard, lorsque les spermatozoïdes sont presque achevés, on observe
constamment chez toutes les espèces un mode de dégénérescence curieux :
la dégénérescence spiralée ; les spermatides se tordent en spirale souvent
très serrée ; cette spirale se tasse sur elle-même en un paquet dense chez
les spermatozoïdes longs (fig. xcii). Chez les espèces à spermatozoïdes
courts, le spermatozoïde se recourbe seulement une fois sur lui-même.
Ces spermatides dégénérescentes disparaissent : au début de leur évo-
lution, il semble simplement quelles se dissolvent comme les sperma-
tocytes pycnotiques. Les spermatides spiralées sont phagocytées par les
cellules du cyste.
L'existence constante d'une dégénérescence avec forme spiralée est, je
crois, une belle démonstration de l'existence constante d'un bâtonnet
spiral dans le noyau. Je pense que cette dégénérescence est due seulement
au défaut de proportion entre l'activité du mouvement de torsion de ce
bâtonnet et la résistance du reste de la cellule. Ce n'est, en somme, comme
toujours, que l'exagération d'un phénomène normal ou plutôt la dispro-
portion entre deux éléments de ce phénomène : la torsion active du spiros-
tyle d'une part et d'autre part la résistance de l'ensemble du noyau.
BIOLOGIE DES SPERMATOZOÏDES
Les spermatozoïdes tels qu'ils sont immédiatement après la grande
poussée spermatogénétique chez un triton ou une grenouille ont atteint
SPERMATOGÊNÈSE DES B. 1 TU. 1 ( <IEN8 2V.)
leur forme définitive, mais ne paraissent pas aptes à remplir leur fonc-
tion : ils sont peu mobiles, n'ont que des mouvements lents et de peu
d'amplitude ; même si on les met dans l'eau, ils ne deviennent pas très
mobiles. Au contraire, plusieurs mois après, au moment de l'accouplement,
ils sont assez mobiles dans un milieu physiologique et très mobiles dans
l'eau (1).
Ankermaxn (1857), Broman avaient déjà remarqué l'immobilité des
spermatozoïdes dans le testicule de grenouille, et leur mobilité dans l'eau.
Jamais les spermatozoïdes extraits des tubes séminifères ou des canaux
efîérents ne paraissent très mobiles si on les examine dans l'humeur
aqueuse ou même dans l'eau salée isotonique. Au contraire, ils deviennent
extrêmement mobiles si on les met dans l'eau distillée. J'ai vérifié ce
fait aussi bien chez les Urodèles que chez les Anoures. La mobilité plus
grande des spermatozoïdes au moment de l'accouplement est à rappro-
cher du fait signalé par Regaud et Tottrnade (1911) chez le lapin
où les spermatozoïdes deviennent seulement' mobiles à la sortie de l'épi-
dydime. Les choses ne sont cependant pas exactement comparables,
puisque les spermatozoïdes de grenouille ne deviennent mobiles que dans
l'eau, ils deviennent seulement plus sensibles à l'action de l'eau après
maturation. Ils subissent en tous cas une sorte de maturation chimique
pendant leur séjour dans le testicule au contact des éléments nourriciers.
C'est peut-être ime raison de leur si long séjour en contact de ces
éléments, mais ce n'est probablement pas la seule.
Les spermatozoïdes deviennent mobiles dans l'eau parce que ce milieu
est hypotonique. Cela est montré par le fait qu'ils gardent leur immobilité
relative dans l'eau salée isotonique et dans le sulfate de soude isotonique.
Le mouvement des spermatozoïdes est indépendant du noyau. Il
arrive fréquemment chez tous les Batraciens (ainsi que l'ont montré
V. La Valette Saint-George, Broman (1900), chez le Bombinator) , que
les spermatozoïdes se rompent au niveau du collet. La queue est alors
mise en liberté avec le groupe corpusculaire postérieur. Chez le Bombi-
nator, on peut penser qu'il y a là les deux corpuscules centraux, mais
chez la grenouille, le triton, il n'y a certainement qu'une partie au plus
du corpuscule proximal.
On peut ainsi libérer un grand nombre de queues en écrasant les sper-
(1) Je ne donne cette observation qu'avec réserves, car on comprend tbien qu'on ne peut affirmer à o iup -m
de telles différences à plusieurs mois d'intervalle, elles sont cependant assez nettes chez la grenouille et le triton
entre les mois de septembre et d'avril.
940 CHRISTIAN CHAMP Y
matozoïdes entre deux lames porte-objet qu'on frotte l'une contre l'autre.
Ces queues libres se déplacent comme les spermatozoïdes, mais bien plus
activement qu'eux. Elles se meuvent, rapidement et en tous sens dans
toutes les espèces. Cette observation est, je crois, assez intéressante en ce
qu'elle montre que la tête et la plus grande partie du corpuscule proximal
du groupe postérieur sont inutiles au mouvement du flagelle et semblent,
au contraire, ralentir le mouvement du spermatozoïde comme un poids
mort. On peut donc penser que les parties contenues dans la tête
immobile représentent la charge spécifique du spermatozoïde tandis
que les parties contenues dans le reste représentent le moteur. Il faut
noter aussi que si le mouvement du spermatozoïde ne dépend pas de la
tête, la direction générale du mouvement est peut-être* modifiée (1)
Si l'on fait des préparations colorées de spermatozoïdes ainsi brisés on
peut constater (chez la grenouille) que la gaine mitochondriale est restée
en grande partie adhérente au corpuscule central de la queue libérée.
J'ai placé des spermatozoïdes de grenouille extraits du testicule dans
du plasma de grenouille. Ces spermatozoïdes ont gardé leur mobilité plus
d'un mois. Cette mobilité était, bien entendu, très faible comme dans le
testicule, et ne se manifestait que par des mouvements d'oscillation.
Après un mois et demi, le contact de l'eau les a encore rendus très mobiles.
Dans l'eau salée, les spermatozoïdes gardent aussi très longtemps leur
excitabilité (15 jours, je n'ai pas essayé davantage). Il est important
d'opérer en tout ce qui précède avec une asepsie parfaite ; la présence de
bactéries altère les spermatozoïdes en quelques heures.
Si on place les spermatozoïdes dans l'eau stérilisée, ils deviennent très
mobiles et le restent de une à 8 heures ; mais leurs mouvements diminuent
assez vite, puis s'arrêtent bientôt complètement. Au bout de deux ou
trois jours, les spermatozoïdes se désagrègent (2).
Il y a donc, entre la manière de se comporter des spermatozoïdes dans
l'eau et dans un milieu isotonique, une différence essentielle que l'on doit,
à mon sens, interpréter de la façon suivante. L'eau est le milieu naturel
dans lequel doivent se mouvoir les spermatozoïdes de grenouille et de
triton, puisque chez ces espèces, la fécondation est extérieure, et il
n'est pas étonnant que ce milieu agisse (par son hypotonie sans doute)
(1) La question à résoudre est, en somme, la suivante : les queues privées de tête se dirigeront-elles encore
vers l'œuf ? Je n'ai pu encore la résoudre avec certitude.
(2) Hennegtjy a observé de même que les spermatozoïdes des Salmonidés meurent très rapidement dans
l'eau ordinaire.
SPEBMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
241
comme un excitant de la motilité du flagelle. C'est là un phénomène
d'adaptation qui n'a rien de particulier et qui est bien connu, par exemple,
pour les spermatozoïdes des animaux marins. Tant que le spermatozoïde
est dans un milieu tel qu'il reste peu mobile, les matériaux destinés à
entretenir le mouvement ne sont pas utilisés. Ils sont au contraire, vite
utilisés et usés lorsque le mouvement est rapide. Revenant à ma compa-
raison, je dirai que tant que le spermatozoïde n'est pas dans l'eau, il est
comme une torpille dont le mouvement n'est pas
déclanché. Dès que ce mouvement est mis en marche,
les matériaux qui sont utilisés par lui commencent à
s'user et l'appareil va vite, mais ne peut plus aller
qu'un temps relativement court.
Il faut bien admettre, en effet, que le mouvement
flagellaire use des matériaux. Si l'on pouvait calcu-
ler le travail fourni par un spermatozoïde dans sa
course, on trouverait un nombre peu élevé sans
doute, mais auquel correspond une certaine quantité
d'énergie qui ne peut être fournie que par la des-
truction de substances chimiques. Il faut donc
admettre que pendant le travail du spermatozoïde,
il y a des substances détruites. Quelles sont ces subs-
tances ? L'observation des spermatozoïdes brisés au
collet montre qu'on ne doit les chercher que dans
l'appareil flagellaire lui-même.
Tout porte à croire que ces substances sont repré-
sentées par la gaine mitochondriale. La situation de
cette gaine à la base du flagelle est une première pré-
somption. La comparaison avec ce qu'on observe dans
le muscle en est une autre. La cytologie comparée plaide aussi en faveur de
cette manière de voir. La gaine mitochondriale est inégalement dévelop-
pée chez les diverses espèces, et, étant donné le mode d'accouplement.
les spermatozoïdes ont un trajet plus ou moins long à fournir chez les
diverses espèces. Si l'on compare non seulement les divers Batraciens,
mais aussi les divers groupes de Vertébrés, on voit que la gaine mitochon-
driale est généralement très développée chez les Vertébrés supérieurs, où
le spermatozoïde a un long trajet à parcourir pour remonter l'oviducte,
luttant contre un courant, dans un milieu visqueux et par conséquent
résistant. Elle est peu développée au contraire chez les Batraciens chez
_'■■
FlG. cv. Partie postérieure
de la tête d'un sperma-
tozoïde de Bufo rulgaris.
Méthode de Benda. Sou-
dure des mitoehondries
autour de la pièce in-
termédiaire.
242 CHRISTIAN C II AMP Y
qui la fécondation est purement externe, les spermatozoïdes étant déversés
sur les œufs.
Cette explication est contraire à l'hypothèse de Meves (1908) qui
attribue aux mitochondries une valeur héréditaire. Elle est plus con-
forme à celle de Benda (1900) qui fait des mitochondries un organe de
mouvement. Elle précise cependant l'idée de Benda qui paraît être restée
un peu vague. Le terme allemand (Bewegungsorgane) n'est pas très expli-
cite et n'est pas exactement conforme à l'hypothèse que je formule :
ce n'est pas un organe de mouvement, c'est un matériel utilisé pour le
mouvement.
Le parallèle avec les sarcosomes du muscle me semble assez suggestif ;
comme dans le muscle, c'est une partie seulement des mitochondries qui
se mettent en relation avec l'appareil mobile ; comme dans le cas du
muscle, elles prennent un arrangement approprié et sont en contact
intime, mais en contact seulement, avec l'organe moteur.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 243
SIXIÈME PARTIE
Les éléments accessoires du testicule
Nous avons examiné, à propos du développement, comment ces élé-
ments se forment. Nous avons reconnu que les cellules interstitielles
et les cellules du cyste avaient une commune origine mésenchymateuse,
tandis que les voies efférentes sont d'origine wolfienne. Nous allons
étudier maintenant l'évolution de chaque sorte d'élément en particulier.
CELLULES DU CYSTE CHEZ LES URODÈLES ET LES ANOURES
Ce sont ces cellules qui sont en contact le plus immédiat avec les cel-
lules sexuelles. Nous avons vu que chez les Anoures, elles sont indis-
tinctes des cellules interstitielles pendant une assez longue période du
développement; puis la différenciation s'établit, et les cellules du cyste
sont enfermées dans les tubes séminifères. Mais au moment des poussées
actives de spermatogénèse, cette différenciation peut cesser et les élé-
ments mésenchymateux intratubulaires et extratubulaire, peuvent se
mêler à nouveau.
Chez les Urodèles, la distinction entre les deux sortes d'éléments n'est
jamais très nette, et les cellules du cyste ne sont véritablement que les
cellules mésenchymateuses les plus proches des éléments sexuels. A cause
de ces différences d'un groupe à l'autre, il nous faudra étudier successi-
vement ces éléments chez les Urodèles et chez les Anoures. Chez les pre-
miers, nous étudierons en même temps les autres éléments conjonctifs
du testicule.
URODÈLES
Origine et évolution autour des spermatogonies et des spermatocytes
Les spermatogonies primitives sont entourées de petites cellules (cel-
lules folliculeuses de Von La Valette Saint-George (1875). Randzellen
de Hermann (1889). Ce sont des cellules à noyau relativement peti' et
244 CHRISTIAN CHAMPY
allongé le long du contour de la gonie, à cytoplasme très peu abondant,
représenté seulement par un petit cône à chaque extrémité du noyau et
par une lame mince qui entoure l'élément sexuel.
Le centre cellulaire se voit quelquefois à l'extrémité du noyau sous
forme de diplosome très petit déprimant le noyau (fig. 330). Il y a trois
ou quatre de ces cellules autour d'une spermatogonie. Quelquefois, il se
différencie dès ce moment une mince lame collagène, non au contact de
la spermatogonie, mais à l'extérieur de
la lame cytoplasmique. Les cellules qui
séparent les cystes sont des éléments
mésenchymateux très semblables aux
cellules du cyste. Elles sont disposées
Fia. xciv. Mitose d'une cellule du cyste •„_/ v \ , , ,
autour des gonies il chez Bufo vuigaris. irrégulièrement surtout autour des
vaisseaux ; elles sont généralement peu
nombreuses chez les Urodèles. Elles élaborent quelques fibres collagènes,
généralement peu développées autour des spermatogonies.
Lorsqu'il y a multiplication des gonies primitives, les cellules du cyste,
et peut-être aussi les cellules mésenchymateuses, s'introduisent entre
elles et les séparent. Ces éléments semblent se multiplier à ce moment
surtout par mitose (fig. xciv). Les figures de division rappellent celles des
gonies en plus petit.
Lorsqu'il se forme des cystes de gonies secondaires, les cellules du cyste
s'aplatissent, s'allongent pour entourer le cyste devenu plus gros ; puis
il s'en introduit dans le cyste qui est partagé par elles en deux ou trois
nids secondaires (fig. 15 et 16).
Les cellules qui entourent le grand cyste différencient alors des fibrilles
ou plutôt des lamelles collagènes. Celles qui entourent les nids secon-
daires en différencient en moindre quantité, ou n'en différencient pas, ce
qui est de beaucoup le plus fréquent (fig. 331).
Transformation en cellules nutritives, cellules de Sertoli
L'évolution des cellules sexuelles se poursuit dans de tels cystes et
ceux-ci ne se modifient pas jusque vers l'époque de l'allongement des
spermatides. A ce moment, tandis que les cellules qui entourent le cyste
primaire restent peu modifiées, les cellules qui constituent les cystes
secondaires se transforment rapidement.
Leur cytoplasme se gonfle, les mitochondries qu'il renfermait et qui,
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS
245
Fig. xcv. Clivage des noyaux de Sertoli chez
Y Axolotl, a, clivage simple ; b, clivage en
trois parties.
auparavant, étaient très peu nombreuses, s'accroissent (sous forme de
chondriocontes) (fig. 332) et se multiplient. Puis, il apparaît entre elles
des grains colorés en rouge par la méthode de Benda, analogues aux
petits grains de sécrétion des glandes; enfin, apparaissent des enclaves de
nature lécithique et des vacuoles qui renferment des substances que je
n'ai pu déterminer à coup sûr (fig. xcvn).
Le noyau se gonfle également, il y
apparaît un appareil nucléolaire com-
plexe relié à la périphérie par un petit
canalicule nucléaire. On observe à ce
moment une multiplication des cellules
de l'intérieur des cystes, et on n'y
observe jamais de mitose à ce moment;
mais les images de clivage y sont très
fréquentes. Il ne s'agit pas dans les fig. xcv, xcvi, d'un canalicule
comme dans le noyau des gonies, mais d'une fente ; il est très difficile
de rendre par le dessin cette différence. On observe souvent le clivage
du noyau en trois ou quatre parties à la fois. Il faut remarquer qu'in-
dépendamment des phénomènes de clivage, il existe souvent des
canalicules (non des fentes) qui sont en rapport fréquent avec le
nucléole.
Les nucléoles
ne paraissent
jouer aucun rôle
dans ces phéno-
mènes de clivage,
contrairement à
ce qui a été si-
gnalé dans les
cellules de Ser-
toli des Mam-
mifères, où l'on
sait que de sem-
blables divisions par clivage s'observent (P. Bouxsr).
Les cellules gonflées renferment souvent encore quelques fibrilles col-
lagènes, qu'on trouve éparses dans leur cytoplasme et qui disparaissent
peu à peu. Ces éléments constituent à ce moment trois ou quatre crêtes
à l'intérieur du cyste principal ; les limites des cystes secondaires ont disparu ,
Fig. xcvi. Clivage des noyaux de Sertoli chez la Salamandre lors de la transfor-
mation des spermatides chez la Salamandre.
246
CHRISTIAN CHAMP Y
C'est alors que les spermatides se groupent vers ces crêtes, et se dis-
posent de telle sorte que leur acrosome soit dirigé vers le noyau de ces
éléments. Les cellules du cyste sont devenues de véritables spermato-
phores, de véritables cellules de Sertoli.
Les spermatides achèvent leur évolution dans cette situation et les
choses restent en cet état jusqu'au moment de l'accouplement. Pendant
toute cette période, les cellules des cystes restent gonflées avec leurs
caractères de cellules sécrétoires, elles sont individualisées (fig. xcvi)
ou semblent confon-
dues en un syncy-
tium.
Cette modification
n'a porté que sur
les cellules de paroi
des cystes secondaires,
celles qui constituaient
la paroi du cyste pri-
mitif restent aplaties,
on voit contre elles
des lames collagènes
qui font à chaque
cyste primitif une
enveloppe nette.
Dans chacune des vésicules ainsi constituées, on peut trouver un seul
ou deux, ou trois faisceaux de spermatozoïdes. Il y en a toujours plus au
début qu'à la fin, il semble que ces faisceaux se fusionnent donc le plus
souvent. Les spermatozoïdes sont plongés dans le cytoplasme des élé-
ments glandulaires, leur pointe arrive aux environs du noyau, mais sans
entrer en contact avec lui.
Si l'on 'suit avec attention la façon dont s'établissent les rapports entre
les spermatides et les cellules du cyste, on voit que d'une part les sper-
matides se groupent vers les éléments devenus glandulaires, et que d'autre
part, le cytoplasme de ces derniers s'avance progressivement le long du
faisceau, jusqu'à une certaine distance des pointes. A mesure que le cyto-
plasme des éléments nourriciers progresse, celui des spermatides (la mince
couche cytoplasmique qui entourait la tête) disparaît ou devient indis-
tinct, si bien que la partie antérieure des spermatozoïdes paraît bientôt
comme plongée dans le cytoplasme des éléments glandulaires, sans bar-
FiG. xcvii. Elaboration active dans le tissu Sertolien lors de la fin de
l'évolution des spermatides chez Triton vulgaris (août).
SPERMA TOGÉNÈSÈ DES BATRACIENS
247
rière pour les en séparer. Les relations des spermatozoïdes avec ce cyto-
plasme sont aussi intimes que les relations du cytoplasme et du noyau
d'une même cellule et cet état de choses dure six mois au moins ; parfois
même la pointe vient en contact avec le noyau de l'élément nourricier
(fig. xcviii).
Pendant tout ce temps, les cellules des cystes jouent le rôle de cellules
de Sertoli. Elles en ont tous les caractères : rapports avec les sperma-
tozoïdes, polymorphisme remarquable du noyau, signalé par Von Ebner,
Benda (1898), Schoenfeld (1901), Bouin (1900), Regaud (1900), Mont-
GOMMERY (1911), WlNIWARTER (1912), chez
les Vertébrés supérieurs. Ce noyau renferme
généralement un seul ou au plus deux
nucléoles structurés, comprenant générale-
ment : une portion de coloration véritable-
ment nucléolaire, et une portion colorable
comme la chromatine (fait observé chez les
Mammifères par Hermann (1891), San-
felice (1905), Bouin, Regaud Hermann.
indique que ce nucléole est constitué par
fusion de nucléoles plus petits. J'ai pu réas-
surer sur l'objet très favorable que présen-
tent les Urodèles qu'il en est bien ainsi : lors-
que ces cellules sont encore cellules du
cyste, elles ont plusieurs petits nucléoles ; lorsqu'elles se transforment en
cellules de Sertoli, ces nucléoles se fusionnent en un seul en même
temps que le noyau devient plus clair; la chromatine dissoute est plus
rare, elle tend à se réunir en gros grumeaux. On observe des incisures et des
canalicules dans le noyau, même à une époque où il n'y a plus de division.
Il faut remarquer que ces transformations que subit le noyau des
cellules du cyste en devenant noyau de Sertoli, sont exactement com-
parables à celles que subissent les noyaux des gonies primitives en passant
du minimum au maximum de polymorphisme, c'est-à-dire quand l'évo-
lution oviforme se prépare. Ces phénomènes sont certainement en rap-
port avec l'élaboration de deutoplasme qu'on observe dans les uns et
les autres éléments.
Une des questions les plus discutées à propos des cellules de Sertoli
des Mammifères est de savoir si le protoplasme sertolien est cloisonné ou
si les éléments sont réunis en syncytium. Neumann, Sertoli, Von Ebner,
Fig. xcvni. Rapports des spermato-
zoïdes avec un noyau de Sertoli.
Axolotl.
248 CHRISTIAN CHAMPY
Schônfeld (1901), sont partisans de l'individualité cellulaire. Regaud
Montgommery (1911), Winiwarter, défendent le syncytium. Chez les
Urodèles où les éléments sont très favorables à cette étude, on voit sou-
vent des limites cellulaires minces, mais nettes; le clivage du noyau est
suivi du clivage du cytoplasme (fig. en). Cependant, comme les cellules
de Sertoli ont une forme très compliquée, on ne voit pas toujours bien
nettement leurs limites. D'ailleurs, la discussion en question me paraît
complètement dépourvue d'intérêt.
C'est évidemment vers le noyau sertolien que se dirigent les pointes des
spermatozoïdes.
Lors de l'excrétion des spermatozoïdes, il se passe au niveau des
cystes des modifications importantes et extrêmement intéressantes
(fig. 335, 358).
Transformation lors de l'excrétion des spermatozoïdes
Je n'ai pu déterminer avec précision comment les cystes qui sont primi-
tivement clos de toutes parts se mettent en relation avec les voies excré-
trices. Les images que j'ai observées me font penser qu'un peu avant
l'accouplement, il y a bourgeonnement des canaux efférents et que ceux-ci
viennent s'aboucher successivement dans plusieurs cystes. En tous cas,
les cystes ne se vident pas simultanément, mais successivement. Il se
produit alors une véritable débâcle qui entraîne non seulement les sper-
matozoïdes, mais des traînées du cytoplasme qui les entoure et même
des noyaux de cellules glandulaires.
On observe alors une nouvelle multiplication par clivage des
cellules de Sertoli et une augmentation considérable du volume de leur
cytoplasme. Cependant, la plupart des cellules du cyste restent contre
la paroi de la vésicule, ainsi d'ailleurs que quelques spermatozoïdes qui
ne sont pas excrétés.
Aussitôt, ces spermatozoïdes plongés dans le cytoplasme commun
sont phagocytés (fig. 335) ainsi que l'a observé Pérez (1904). Il faut
remarquer que les mêmes éléments, peu de temps avant, non seule-
ment paraissaient indifférents vis-à-vis des spermatozoïdes, mais sem-
blaient leur être utiles, semblaient les nourrir ; ils se mettent à les détruire
un instant après. Il faut remarquer aussi que cette phagocytose se pro-
duit dans certains cystes qui ont déjà excrété leurs spermatozoïdes, alors
que dans d'autres cystes qui en sont encore remplis, il ne se manifeste
SPERMATOGÊNËSE DES BATRACIENS 24!)
rien de semblable. On ne peut donc trouver à ce phénomène une cause
générale, mais une cause purement locale, il semble qu'il soit commandé
seulement par le rapport de la quantité de cellules nourricières à la quan-
tité de spermatozoïdes. Tant que les spermatozoïdes sont nombreux, leur
présence influence les éléments pariétaux de manière à imposer à ces der-
niers une certaine évolution, au contraire, dès qu'ils sont moins nombreux,
leur influence diminue et cesse, les cellules de paroi recouvrent leur indépen-
dance et traitent les spermatozoïdes restants comme des corps étrangers.
J'avais pensé tout d'abord que c'étaient des spermatozoïdes altérés
qui étaient phagocytés comme cela a lieu pour les spermatozoïdes altérés
des poussées préspermatogénéti-
ques, mais j'ai dû renoncer à
cette idée ; en effet les spermato -
zoïdes phagocytés lorsque les
cystes se vident ne présentent
aucun signe d'altération et tous
les spermatozoïdes restés les
derniers sont également détruits.
Enfin, comme les spermatozoïdes
imparfaits sont résorbés aussitôt
après leur formation, ils Ont FIG XCIVIC. phagocytose de spermatozoïdes dans une
,. i-i ' v'„^ cellule de Sertoli lors de l'excrétion des spermato-
disparu depuis longtemps a 1 epo- ^des {AxoloU)
que de l'excrétion.
Cette observation de spermiophagie doit aussi être mise en parrallèle
avec les faits bien connus d'antagonisme entre les éléments dits nobles et les
éléments voisins, par exemple entre la cellule nerveuse et les cellules névro-
logiques ou les cellules de la capsule (neurophagie). On sait que ces der-
nières phagocytent la cellule nerveuse lorsqu'elle est affaiblie ou altérée.
Les choses se présentent sous une forme plus simple et d'interprétation
plus facile dans le cas qui nous occupe, et il peut servir à éclairer les autres
cas plus complexes. Ce n'est pas ici l'activité diminuée des spermatozoïdes
(on ne peut, nous l'avons dit, considérer ces éléments comme des cellules
actives et vivantes), ce n'est pas non plus leur altération qui provoque
la phagocytose, nous venons de le dire. D'ailleurs, s'ils étaient phagocytés
parce qu'ils sont dans un état de moindre résistance, les spermatozoïdes
qui sont dans les mêmes conditions subiraient le même sort, en même
temps, dans tous les cystes; or, tant que les cystes sont pleins, on n'ob-
serve pas de phagocytose.
250 CHRISTIAN CHAMP Y
Le phénomène d'antagonisme entre deux éléments d'espèce différente
se présente ici sous une forme parfaitement schématique et on en entre-
voit bien l'explication. La réaction de phagocytose, c'est-à-dire de disso-
lution du spermatozoïde, peut être comparée aux nombreuses réactions
chimiques où la masse d'une substance par rapport aux autres influe sur
la possibilité de la réaction. C'est une simple affaire de quantité.
Il arrive souvent lors des premières poussées de spermatogénèse, que
la plupart des cystes secondaires d'un cyste principal avortent et qu'un
ou deux seulement aboutissent à la production de spermatozoïdes, ou tout
au moins de spermatides déjà très évoluées, à noyau déjà condensé et
allongé. Il y a alors une disproportion considérable entre le nombre de
spermatozoïdes contenus dans le grand cyste et le nombre des cellules
de paroi. Celles-ci, en effet, n'ont pas avorté avec les spermatides qu'elles
enveloppaient. Dans ce cas, il y a toujours aussi phagocytose des sperma-
tozoïdes ou des spermatides presque complètement transformées. La
phagocytose des spermatozoïdes n'est donc pas un phénomène particu-
lier à la saison de l'accouplement, c'est un phénomène qui se produit
chaque fois qu'il n'y a pas une certaine proportion entre la quantité
de spermatozoïdes et la quantité d'éléments cystiques qui se trouvent
en présence. Peut-être, dans la phagocytose des petites poussées de sper-
matozoïdes, le développement incomplet de ces éléments entre-t-il aussi
en ligne de compte.
Les spermatozoïdes phagocytés sont entourés d'une vacuole, ils se dis-
solvent peu à peu en devenant de moins en moins colorables. La tête ne
se colore plus qu'en gris par l'hématoxyline au fer, et en verdâtre par la
coloration de Prenant. J'ai recherché s'il ne se produit pas de phéno-
mènes de reviviscence nucléaire analogues à ceux que Guieysse Pélis-
sier (1910) a décrits sous le nom de caryoanabiose. Quelquefois, j'ai
observé que la tête du spermatozoïde se gonfle un peu et redevient
granuleuse avant de se dissoudre (fig. 12), mais ce phénomène ne peut
être comparé à ceux décrits par Guieysse. D'ailleurs, les spermatozoïdes
disparaissent très rapidement et le nombre des noyaux n'augmente pas.
Il y a ici simplement phagocytose.
La phagocytose des spermatozoïdes par les cellules nourricières n'est
pas un phénomène particulier aux Batraciens, elle est bien connue chez
les Mammifères ; elle a été observée par Holmgren (1901) chez le
Staphylin. Les spermatozoïdes subissent la dégénérescence graisseuse
et cette graisse servirait à nourrir les éléments sexuels en 'évolution.
SPERMATOGÉXÈSE DES BATRACIENS 251
Cognetti de Martiis (1910) a fait une observation analogue chez Hélix.
J'ai aussi observé chez la taupe, le même phénomène dans des conditions
un peu analogues.
Lorsque les spermatozoïdes ont ainsi disparu par expulsion ou phago-
cytose, les cellules des cystes et les éléments voisins sont le siège de phé-
nomènes remarquables aboutissant à la production d'un tissu glandulaire
qui occupe dans le testicule une place considérable.
TISSU GLANDULAIRE DU TESTICULE DES URODÈLES
Les cellules des cystes secondaires, déjà caractérisées comme cellules
glandulaires depuis longtemps, depuis qu'elles se sont différenciées en
spermatophores, non seulement ne perdent pas leurs caractères glandu-
laires, mais les exagèrent au contraire. Elles se groupent en une assise
d'aspect épithélial le long de la paroi du cyste primitif et se chargent
d'enclaves diverses (fig. 358). Les limites cellulaires deviennent très appa-
rentes. La sphère attractive est bien visible à côté du noyau. Le cyto-
plasme renferme des vacuoles nombreuses dont la plupart correspondent à
des enclaves graisseuses ou lécithiques comme le montre l'examen de pré-
parations fixées et colorées par la méthode de Flemming. Entre ces
vacuoles et ces enclaves se voient des mitochondries filamenteuses ou
bactéroïdes, et des grains plus gros que la méthode de Benda colore en
rouge, qui ne sont déjà plus des mitochondries et pas encore des enclaves
(fig. 358). Ces grains sont analogues à ceux que j'ai signalés dans l'intes-
tin et dans les glandes. Ils témoignent, je pense, de ce qu'ici comme
ailleurs, les produits de sécrétion sont d'origine mitochondriale ou qu'ils se
forment au contact de plastes d'origine mitochondriale (chondrioplastes).
Ce tissu d'origine sertolienne signalé par Perez ne paraît avoir qu'une
existence éphémère et dégénère bientôt. Dans la plupart des cas, on le
voit desquamer en masse peu de temps après l'excrétion des sperma-
tozoïdes (Triton), d'autres fois, il paraît persister un peu plus longtemps
(Salamandre). Il est séparé des éléments sous-jacents rjar une lame peu
épaisse, mais nette, à contours irréguliers qui présente au début les réac-
tions du tissu collagène. Elle n'est sans doute que le résidu de la lame
collagène qui limitait le cyste principal plein de spermatozoïdes. A partir
du moment où les spermatozoïdes sont excrétés, cette lame devient irré-
gulière, puis se gonfle, s'épaissit et ses réactions collagènes deviennent
moins précises (elle se colore souvent à certains stades un peu comme
252
CHRISTIAN^ÇHA MP Y
le tissu élastique), enfin elle forme une sorte de cicatrice épaisse et à con-
tour festonné qui n'est pas sans rappeler un peu les cicatrices du corps
jaune ou des follicules atré tiques de l'ovaire des Mammifère3.
Pendant que ces phénomènes se passent à l'intérieur des cystes, une
transformation un peu analogue, et en tous cas très remarquable, atteint
non seulement les cellules
de paroi du cyste principal
qui avaient gardé jusqu'à
l'expulsion des spermatozoï-
des le caractère de cellules
conjonctives aplaties (fig.
335), mais aussi les cellules
conjonctives situées entre
les cystes (fig. 358). Ces cel-
lules peuvent se confondre,
dans certains cas, avec les
cellules de l'intérieur du
cyste, auxquelles elles de-
viennent d'ailleurs assez
semblables, mais le plus sou-
vent elles en restent sépa-
rées par la lame irrégulière
représentant le résidu des
lames collagènes qui cons-
tituaient la paroi du cyste
primaire (fig. c). On trouve
d'ailleurs des résidus ana-
logues entre les cellules
conjonctives devenues glan-
dulaires, partout où il y
avait des travées ïmportantes de fibres collagènes. Les cellules exté-
rieures ne se différencient guère des cellules de l'intérieur des cystes :
même aspect du noyau, même cytoplasme chargé d'enclaves graisseuses,
même aspect de la sphère attractive ; les cellules de l'intérieur des cystes
sont seulement un peu plus claires et ont une évolution plus limitée.
Leurs mitochondries restent en général filamenteuses et l'élaboration
d'enclaves y est beaucoup moins active.
On trouve fréquemment, surtout dans les éléments situés en dehors des
Fig. c. Tissu glandulaire chez Triton alpestris. A, débul (desqua-
mation des cellules de Sertoli 1) ; B, fin ; 3 lame limitante ;
v, vaisseau ; 1 cellules de Sertoli ; 2, cellule du cyste
et cellules conjonctives ; A, méthode de Benda ; II, mé-
thode de Flemmiing.
SPERMA TOGÉNÈSE DES BA TRA CI EN S
253
cystes et au début de leur formation, des fibrilles collagènes qui sont
manifestement intraeytoplasmiques (fig. 335, 337, 338). Ces fibrilles
se relient aux lames collagènes situées entre les cellules. J'ai pu m'assurer
que ces fibrilles ne sont autre chose que les fibrilles collagènes qui
entouraient les cellules et qui ont été incorporées par le cytoplasme.
Ces fibrilles deviennent intracellulaires parce que le cytoplasme les
dissocie et les englobe lorsqu'il se gonfle en atteignant un volume
souvent dix fois supérieur à son volume primitif. Leur présence témoigne
de la nature conjonctive de ces divers éléments.
Les fibrilles collagènes devenues intraeytoplasmiques constituent au
dehors de la cellule un réseau qui bientôt ne se colore plus exacementt
Fig. ci. Cellules glandulaires du testicule\d' Axolotl. L'une a a deux centrosomes ; l'autre b un centrosome à struc-
ture éeailleuse. ; fibres collagènes incluses dans le cytoplasme, s, sphère.
comme le conjonctif. Ce réseau intracellulaire de fibres collagènes est très
analogue à celui qu'ont décrit dans le corps jaune de l'ovaire Mulon (1910),
Pottet (1910), Branca (1910). J'ai d'ailleurs pu vérifier dans de nom-
breuses préparations de corps jaune la similitude entre les deux forma-
tions. Cet appareil primitivement extracellulaire ne représente donc rien
autre chose que les fibrilles collagènes incorporées par le cytoplasme.
C'est ici le moment de faire remarquer l'analogie frappante de ce tissu
glandulaire, qui se développe dans le testicule des Urodèles au moment de
l'expulsion des spermatozoïdes, et dans un point seulement du testicule,
avec le corps jaune qui se développe dans l'ovaire des mammifères au
moment de l'expulsion de l'œuf. C'est plus qu'une analogie, c'est une simi-
litude tellement frappante qu'il est inutile que j 'y insiste davantage.
Comme le corps jaune dans les cas de Mulon (1909), Van der Stricht
(1912), qui se forme à la fois aux dépens des cellules contenues dans le
follicule et des cellules extérieures, le tissu glandulaire peut se développer
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉS. — T. 52. — F. 2. 17
254
CHRISTIAN CHAMP Y
aussi bien aux dépens des cellules de l'intérieur du cyste que des cellules
extérieures. Seulement chez les Batraciens, les deux sortes d'éléments sont
d'origine mésenchymateuse, tandis qu'on attribue aux cellules follicu-
leuses des Mammifères une origine épithéliale et une signification de
cellules sœurs de l'ovocyte que je ne me permettrais pas de contester.
On peut pousser la comparaison plus loin : il se produit un tissu ana-
logue quoique moins développé autour et à l'intérieur des cystes qui ont
phagocyté leurs spermatozoïdes, lorsque ceux-ci se trouvaient en nombre
insuffisant (dans les cas cités plus haut). Ce tissu peut être comparé à un
corps jaune atrétique.
Le tissu glandulaire se
développe seulement entre
les cystes vides et dans les
cystes eux-mêmes, mais pas
du tout dans la partie du
testicule qui, à cette époque,
renferme des gonies de pre-
mier et de deuxième ordre
et des spermatocytes. Dans
cette partie du testicule, les
éléments des cystes gardent
leurs caractères collagènes.
L'existence du tissu glandulaire est relativement courte, mais il dure
de un à deux mois au moins. Il régresse à mesure que se développe la
grande poussée spermatogénétique annuelle (de fin juin à fin juillet en
moyenne), il occupe une large place dans la glande génitale (fig. 2 et 3).
Le développement des cystes nouveaux qui renferment les spermato-
gonies et les spermatocytes, repousse les cystes vides et le tissu glandu-
laire qui s'y est développé vers une extrémité du testicule (fig. 3). Peu
à peu, ce tissu dégénère, les cellules se vident de leur contenu qui semble
passer dans les espaces lymphatiques et surtout dans les vaisseaux. Et les
unes retournent à l'état conjonctif, à l'état de cellules aplaties, tandis
qu'une grande partie d'entre elles semblent dégénérer complètement, et
finir par cytolyse (1).
Fig. en. Tissu glandulaire chez Triton alpestris (juin) après
dissolution des graisses.
(1) Au moment de la grande poussée de spermatogénèse, les cystes pleins de spermatocytes repoussent et
aplatissent les cystes formés lors de la préspermatogénèse (voir page 41) en même temps que le tissu glandulaire.
La plupart des éléments ainsi laminés disparaissent et dégénèrent, il en est pourtant un certain nombre qui se
transforment, je crois, en cellules aplaties. Un phénomène comparable s'observe d'ailleurs chez les Anoures.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 255
Il est à remarquer aussi que les vaisseaux qui normalement sont peu
développés dans le testicule des Urodèles, sont très nombreux et très
larges entre les cystes glandulaires pendant leur dégénérescence.
CELLULES DU CYSTE ET DE SERTOLI CHEZ LES ANOURES
La présence à peu près constante de tubes ou d'ampoules séminifères
chez les Anoures va nous obliger à traiter séparément les cellules intertu-
bulaires : cellules de paroi des tubes, et cellules interstitielles, et les cel-
lules intratubulaires : cellules folliculeuses ou cellules des cystes; mais il
faut se rappeler que, jusqu'à une époque déjà avancée du développement,
les deux sortes de cellules sont encore confondues (fig. v).
Les cellules du cyste évoluent à peu près comme celles des Urodèles.
Il n'y a pas chez les Anoures (sauf quelquefois chez Bombinator) de
cloisonnement en cystes secondaires. Les cellules du cyste sont aplaties
autour des spermatogonies. Rarement on décèle à côté d'elles une lame
collagène. Elles se multiplient par mitose.
De même que chez les Urodèles, elles s'introduisent entre les spermato-
gonies primitives, mais non entre les spermatogonies secondaires qu'elles
enferment dans un même cyste en s 'aplatissant de plus en plus.
Elles restent sans modification, comme chez les Urodèles, jusqu'à ce
que les cellules du cyste se transforment en spermatozoïdes. Vers ce
moment, le cyste se rompt et les cellules du cyste commencent à prendre
les caractères de cellules glandulaires, toujours comme chez les Urodèles.
Mais en même temps, elles se rapprochent des parois du tube séminifère
autant du moins que le tube séminifère est encore nettement limité à ce
moment.
Comme tous les cystes ne se rompent pas en même temps, surtout chez
Rana esculenta, Bufo, il existe en tout temps des éléments d'aspect glandu-
laire le long des parois des tubes séminifères et il est assez difficile de recon-
naître à première vue que ces éléments sont bien des cellules du cyste
transformées. Cela est même impossible si l'on examine un testicule à un
moment quelconque de l'année. Les choses s'éclairent si on suit les trans-
formations des cystes chez une espèce comme Rana temporaria, où la
poussée spermatogénétique est parfaitement régulière, et où l'évolution de
toutes les gonies est synchrone. On voit alors qu'à un certain moment, il
n'y a à l'intérieur des tubes que des cellules de cystes (août) et pas de cel-
256 CHRISTIAN CHAMPY
Iules glandulaires, parce qu'il n'y a pas encore de spermatozoïdes formés
dans le testicule à ce moment. On voit en suivant le phénomène, que
les cellules glandulaires se reforment aux dépens des cellules des cystes
dès que les cystes se rompent.
Au moment où la spermatogénèse bat son plein, il y a le plus souvent
des fusées de tissu intestitiel qui pénètrent dans les tubes ; le cloisonnement
de la glande paraît même être quelquefois complètement remanié; il est
alors impossible de distinguer les cellules du cyste des éléments intrus qui
prennent le même aspect glandulaire dès qu'ils cessent d'être comprimés
entre les cellules voisines. Les spermatozoïdes se dirigent avec une prédi-
lection marquée vers ces fusées de tissu interstitiel.
D'ailleurs, il est une observation qui montre bien que, pas plus chez les
Anoures que chez les Urodèles, on ne doit établir de différence absolue
entre les cellules du cyste et les autres éléments conjonctifs du testicule,
c'est que constamment, les produits de l'élaboration du cytoplasme,
l'aspect du noyau, tous les caractères cytologiques en un mot, sont à
peu près les mêmes pour les éléments intra et extratubulaires chez une
même espèce, tandis qu'ils diffèrent d'une espèce à l'autre.
Les cellules du cyste, une fois transformées en cellules glandulaires, et
appliquées contre les parois du tube qui s'est reformé après la grande
poussée spermatogénétique, ont tout à fait l'aspect des cellules de Sertoli
des Mammifères : elles semblent constituer un syncytium le long de la
paroi des tubes, les spermatozoïdes viennent se grouper vers le noyau
en pénétrant dans leur cytoplasme. Ce groupement très net chez Rana tem-
poraria est moins net chez Bujo, Hyla, pas du tout chez Rana esculenta.
Chez Bombinator, ainsi que l'a noté Von La Valette Saint-George,
il n'y a aucun ordonnancement des spermies et les éléments nourriciers
constituent, à l'intérieur des tubes, une sorte de réseau lâche dans lequel
les spermatozoïdes sont disposés d'une manière quelconque.
Le noyau des cellules spermatophores est beaucoup plus gros que ne
l'était celui des cellules des cystes, il est pourvu en général d'un gros
nucléole complexe et d'un canalicule nucléaire. Le cytoplasme renferme
des mitochondries et des enclaves à peu près identiques, comme nous
l'avons dit, à celles des cellules interstitielles, mais cependant moins
abondantes. Les variations spécifiques ou saisonnières que je décrirai
dans la nature des enclaves interstitielles sont valables pour les cellules
intratubulaires ou tout au moins les modifications de l'un et l'autre élé-
ment vont de pair.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 257
Au moment de l'excrétion des spermatozoïdes, une partie des cellules
qui les portent est excrétée avec eux, le reste subit une hypertrophie con-
sidérable. Ces phénomènes sont extrêmement nets chez Rana tempo-
raria où les spermatozoïdes sont expulsés du testicule en même temps et
où cette expulsion est suivie de phagocytose des spermatozoïdes restants
tout comme chez les Urodèles. Ils ne sont pas aussi nets chez Rana escu-
lenta, Bufo, et en général chez les autres Anoures, parce qu'il se produit à
ce moment des poussées préspermatogénétiques qui gênent pour une
bonne observation des éléments intratubulaires.
Cependant, même chez Rana esculenta par exemple, où ces poussées
préspermatogénétiques sont considérables, où des dégénérescences ovi-
formes nombreuses viennent encore compliquer l'image, on peut s'assurer
que les phénomènes se passent comme chez les autres espèces ; d'ailleurs,
le tissu glandulaire est immédiatement étouffé par la poussée spermato-
génétique vraie qui, chez cette espèce, commence presque aussitôt après
l'accouplement. (Voir page 46).
Le développement de la spermatogénèse vraie étouffe les cellules glan-
dulaires qui disparaissent complètement à un moment donné chez Rana
temporaria, tandis qu'il en existe toujours plus ou moins chez les espèces
où la spermatogénèse se fait en plusieurs poussées successives : (Rana
esculenta, Bufo), parce qu'il y a des spermatozoïdes formés avant la
poussée principale, et parce que la production des cystes à spermatocytes
qui occupent le plus de volume est répartie sur un temps plus long.
En somme, les choses se passent chez les Anoures à peu près exacte-
ment comme elles se passent chez les Urodèles, m~is l'interprétation des
préparations n'est possible que si on connait ces derniers.
LE TISSU INTERSTITIEL CHEZ LES ANOURES
Le tissu interstitiel des Batraciens a été assez peu étudié. Le seul tra-
vail important est celui de Friedmann (1896), qui porte sur Rana escu-
lenta. Friedmann conclut que le tissu interstitiel sert à nourrir les cel-
lules sexuelles en voie de spermatogénèse. Je me suis élevé (1909) contre
cette idée en me basant sur la disparition du tissu interstitiel au moment
où ces éléments sont le plus nombreux. La corrélation qu'il est permis
d'entrevoir entre le tissu interstitiel et la spermatogénèse ne doit pas être
cherchée dans une utilisation directe des enclaves pour la nutrition des
258 CHRISTIAN CHAMP Y
cellules sexuelles. Ce serait une explication bien grossière, qui est d'ail-
leurs insoutenable devant les faits.
Ganfini (1902), dans son travail sur le tissu interstitiel, donne quelques
indications sur les cellules interstitielles des Batraciens. Il a vu chez
Triton quelque chose qu'il a appelé du tissu interstitiel ; je ne sais pas à
quoi ses figures correspondent ? Il indique que le tissu interstitiel est
absent chez la plupart des Urodèles. Il se prononce pour l'origine épi-
théliale du tissu interstitiel, sans aucune preuve d'ailleurs.
Variations spécifiques. — Le tissu interstitiel du testicule est, nous
l'avons vu, plus ou moins développé, suivant les espèces, mais sa struc-
ture diffère assez peu. J'ai bien suivi son évolution dans deux espèces qui
représentent deux types opposés : Rana esculenta et Rana te?ïvporaria.
Chez Rana esculenta, on trouve du tissu interstitiel bien développé toute
l'année, sauf au moment où la spermatogénèse est à son maximum. Ce
tissu , examiné l'hiver, se montre constitué par cinq à sept couches de cel-
lules polyédriques, à cytoplasme littéralement bourré d'enclaves léci-
thiques, à noyau assez gros qui se moule un peu sur les grains de graisses
les plus voisins de lui. Ces éléments sont groupés en nodules irréguliers
autour des vaisseaux ou en travées le long de la paroi des tubes (fig. cm, 6).
Chaque nodule est généralement limité par des cellules aplaties, d'as-
pect conjonctif, dont le cytoplasme mince est quelquefois doublé d'une
lame colla gène.
Les tubes séminifères sont de même limités par des cellules aplaties
doublées de lamelles conjonctives. Ces lamelles ne constituent d'ailleurs
pas au tube une enveloppe parfaitement indépendante, on en voit qui se
continuent avec les lames conjonctives qui séparent les travées de tissu
interstitiel, ou avec les lames collagènes que différencient quelquefois les
cellules des cystes, dans l'intérieur du tube séminifère. Cette dernière
disposition ne s'observe guère que chez Bombinator.
Le noyau des cellules interstitielles renferme deux ou trois nucléoles
assez gros, souvent complexes. La sphère est visible à côté de lui lorsque
les grains de graisse ne sont pas trop nombreux.
La substance grasse dont est bourré pendant l'hiver le tissu intersti-
tiel est une lécithine très riche en phosphore. J'ai pu en extraire suffisam-
ment pour m 'assurer de sa richesse en phosphore par les procédés chimi-
ques ordinaires. De cette richesse en phosphore témoigne encore ce fait
qu'elle se colore en gris par les liquides osmiques et se dissout dans le
baume du Canada après fixation osmique (Cf. Mulon) (fig. cm),
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
259
Lorsque ces enclaves commencent à se développer (en septembre-
octobre), elles sont précédées par des grains colorables par la méthode
d'ALTMANN. Alors déjà que les graisses se colorent par l'acide osmique
(octobre-novembre), on décèle encore un substratum colorable par le
violet de gentiane ou par la fuchsine, puis ce substratum disparaît (dé-
cembre-] anvier) .
Ces graisses paraissent peu modifiées jusqu'au printemps, vers les mois
de mai-juin. Elles subissent alors des modifications extrêmement impor-
tantes. En même temps que les enclaves deviennent moins volumineuses,
elles se dissolvent de
moins en moins
après fixation osmi-
que et finissent par
ne plus se dissoudre
du tout. Ainsi, tan-
dis qu'en décembre-
janvier (fig. 363),
la graisse de l'inters-
titielle disparaît
complètement en
vingt- quatre heures ,
en mai il reste quel-
ques grains gris et
en juin elle se con-
serve presque complètement et à peu près indéfiniment ; mais à ce mo-
ment les grains de graisse sont moins nombreux et moins volumineux
(fig. 365). Il en est cependant quelques-uns qui deviennent très gros
comme s'ils se formaient par confluence de grains plus petits.
En même temps que les graisses interstitielles deviennent ainsi moins
labiles, on voit apparaître dans les cellules de Sertoli des plages irrégu-
lières de substances qui se teintent légèrement en gris par l'acide osmique
et qui se colorent avec les couleurs d'aniline après fixation chromique
(fig. 367).
Ce sont des flaques assez larges, comme des bulles, qui donnent par leur
disposition l'impression de partir du tissu interstitiel, elles rappellent tout
à fait les enclaves mises en évidence par Regaud dans le tissu sertolien
des Mammifères. On peut d'ailleurs les colorer par la méthode de cet
auteur. Je ne doute pas qu'il s'agisse là d'une substance (lécithine, ou
Fig. cm. Tissu interstitiel chez Rana esculenta après dissolution des graisses.
260 CHRISTIAN CHAMP Y
protagon, ou cérébroside) très riche en phosphore et je tiens à appeler
l'attention sur la corrélation entre l'apparition de cette substance et la
disparition de la labilité de la graisse interstitielle. Je ne doute pas que le
phosphore qu'on trouve alors à l'intérieur des tubes soit d'origine
interstitielle. Ces substances disparaissent d'ailleurs assez rapidement. Il
est à remarquer qu'à ce moment, les cellules intratubulaires présentent
un aspect sensiblement différent de celui des cellules interstitielles, contrai-
rement à ce qu'on observe couramment.
Lorsque se développent dans le testicule de nombreux cystes à sper-
matocytes (aussitôt après l'expulsion des spermatozoïdes chez Rana
esculenta), les cellules interstitielles qui paraissaient avoir subi un nouvel
accroissement, peu net d'ailleurs, au moment de l'évacuation des tubes
séminifères, diminuent peu à peu d'importance à mesure que leurs en-
claves disparaissent progressivement. Bientôt (août), on n'y trouve
plus que peu de graisse (fig. 12, 352).
Je ne puis dire exactement comment disparaît cette graisse (1), ni où
elle va. Est-elle résorbée par les vaisseaux? Est-elle utilisée directement,
ainsi que le veut Friedmann, pour la nutrition des éléments spermatocy-
taires qui évoluent alors? Je ne puis me prononcer nettement contre la
possibilité de ce rôle; on observe des grains de graisse assez abondants
dans les tubes séminifères au moment où les cellules sexuelles commencen t
à se multiplier, et les enclaves sont plus réduites lorsque les cellules sexuel-
les sont les plus nombreuses, ce qui peut faire penser qu'une partie au
moins des enclaves du tissu interstitiel est utilisée pour la nutrition des
éléments séminaux.
Lorsque la spermatogénèse est en jjleine évolution, le tissu interstitiel
est réduit à quelques travées de cellules aplaties, à cytoplasme très réduit
et qui élaborent alors des fibres collagènes peu nombreuses mais évidentes.
C'est un véritable tissu conjonctif (fig. 352).
A ce moment, on ne distingue plus les cellules interstitielles des cellules
de paroi des tubes séminifères, tous les éléments extratubulaires sont
parfaitement semblables. Ils ne diffèrent pas non plus des cellules des
cystes qui, à ce moment, sont aplaties autour des spermatogonies et des
spermatocytes.
Le tissu intertubulaire pousse bientôt des sortes de fusées entre les
cystes, à l'intérieur des tubes séminifères. Ce phénomène est moins mar-
(1) Il ne s'agit ici que de la graisse indélébile qui subsiste après le passage de substances phosphorées dans les
tubes séminifères.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS
261
que chez Rana esculenta que chez Rana temporaria où il peut aller, ainsi
que nous le verrons, jusqu'à un remaniement complet du cloisonnement
primitif du testicule. Cependant, il est nettement visible. Cette différence
est attribuable à ce que chez Rana esculenta, la spermatogénèse se fait en
plusieurs poussées successives, et chez Rana temporaria en une seule
poussée, ce qui fait que chez cette dernière espèce, les phénomènes
de compression sont plus intenses à un certain moment.
Dès qu'il s'est formé des spermatozoïdes, on les voit se diriger aussi
/
'anvJevr. inaaaw toai min luit ' afin je d. al hou o/ec.
v. Caractères sexuels secondaires et tissu interstitiel chez Rana esculenta. Les caractères sexuels secondaires
sont appréciés approximativement par le développement des brosses copulatrices. Le tissu intersti-
tiel comme graphique I.
bien vers les fusées de tissu interstitiel que vers les cellules du cyste (fig.
civ). Les deux sortes d'éléments ont à ce moment une évolution tout à fait
identique : tant qu'ils sont comprimés entre de grosses cellules de la lignée
sexuelle, ils conservent les caractères de cellules aplaties d'aspect conjonctif ,
et on les trouve appliqués sur de fines fibrilles qui se colorent comme le
tissu collagène. Dès qu'ils trouvent un espace libre, qu'ils cessent d'être
comprimés, ils prennent les caractères des cellules de Sertoli et les sper-
matozoïdes se dirigent vers eux.
Les spermatozoïdes ont même à ce stade une préférence marquée pour
les fusées de tissu interstitiel. Cela est explicable parce que ces éléments
sont en masses plus ou moins considérables, tandis que les cellules du
cyste sont relativement isolées. Il est naturel que l'action des cellules les
plus nombreuses soit prépondérante.
262
CHRISTIAN CHAMP Y
Lorsque la spermatogénèse a fini d'évoluer, les parois des tubes se
reforment peu à peu et les cellules situées entre eux recommencent à éla-
ia-nv: fei<r ma/sûf/r mai '/uni /ui( aoutjept oct. hop; o/ec
vi. Caractères sexuels secondaires et tissu interstitiel chez Borna temporaria.
borer des produits de sécrétion. Il n'est pas rare que pendant ce remanie-
ment, des gonies primitives se trouvent isolées au milieu du tissu interstitiel.
J'ai suivi l'évolution du tissu interstitiel avec moins de soin chez Bufo
/toi/, clec
' l i il I 3 1 .J L 1
km /et/ mars at/r mac /um /ai/, août sept oct.
vu. Caractères sexuels secondaires et tissu glandulaire chez" Triton alpestris. Les caractères sexuels secondaires
sont appréciés approximativement par le développement de la crête et des couleurs brillantes.
SPEHMATOGÊNÈHE DES BATRACIENS
263
calamita, Bufo vulgaris, Hyla arborea, Alytes obstetricans, mais elle ne
m'a pas paru différer essentiellement de ce qu'elle est chez Rana escu-
lenta. Je dois dire cependant que chez Bufo vulgaris, je n'ai pas observé
le mélange des cellules interstitielles avec les cellules intratubulaires, mais
je n'ai jamais trouvé de testicules de cette espèce avec une spermatogénèse
aussi intense que chez Rana esculenta en août. La spermatogénèse paraît
se faire chez Bufo en plusieurs petites poussées et je n'y ai jamais retrouvé
la grande poussée de Rana esculenta et surtout de Rana temporaria. Il est
possible d'ailleurs
que, par suite d'une
sériation moins
serrée, ce stade
m'ait échappé chez
cette espèce.
Chez les crapauds
et Y Alytes, les cel-
lules interstitielles
renferment, entre
autres enclaves, du
pigment en abon-
dance.
Rana temporaria.
— Cette espèce a
un tissu interstitiel
tout différent de
celui de Rana escu-
lenta par son évolution. Pendant l'hiver, il n'y a pas de tissu
interstitiel. Les tubes séminifères au heu d'être arrondis comme chez
Rana esculenta, Bufo, ont une section à peu près hexagonale et ces
hexagones ne laissent entre leurs angles que de très petits espaces où l'on
trouve seulement des vaisseaux capillaires avec quelques cellules conjonc-
tives et, çà et là, des cellules pigmentaires. Rien ne ressemble à des cel-
lules glandulaires (fig. 8).
Le tissu interstitiel ne se développe chez cette espèce que lorsque les
tubes séminifères se vident. Il est donc exactement comparable au tissu
inter-cystique des Urodèles. Il atteint alors un grand développement, se
charge d'enclaves lécithiques pendant que les éléments de l'intérieur du
tube subissent la même transformation.
Fia. civ. Pénétration de cellules interstitielles dans les ampoules séminifères
chez Alytes (juillet).
264 CHRISTIAN CHAMP Y
Ce tissu est bien développé dans le testicule pendant les mois de mai-
juin (fig. 10 et 14). Il régresse avec le début de la spermatogénèse. La
compression du tissu interstitiel par les cystes d'éléments en évolution le
ramène à un état analogue à ce qu'on trouve chez Rana esculenta à la
même époque (fig. 7) : travées de cellules aplaties à caractère conjonctif.
Ces travées envoient des fusées importantes à l'intérieur des tubes ;
souvent ces fusées se réunissent en une cloison qui remanie ainsi com-
plètement le cloisonnement de la glande génitale. Lorsque les spermatides
se transforment en spermatozoïdes, il se produit une décompression et,
aux points où cela a lieu, les éléments mésenchymateux prennent tous
le caractère glandulaire qu'ils soient d'origine extratubulaire ou d'origine
intratubulaire. Peu à peu, les cloisons conjonctives se rétablissent d'une
manière définitive, et les cellules aplaties qui d'abord n'étaient séparées
que par des fibres ou lames collagènes peu développées, élaborent des
lames conjonctives épaisses qui constituent au tube séminifère une véri-
table paroi. Toutes les cellules des travées les plus importantes se trouvent
employées à la reconstruction de ces cloisons. Il ne reste pas de cellules
interstitielles, il ne reste d'ailleurs pas d'interstices.
CONSIDÉRATIONS SUR LES ÉLÉMENTS GLANDULAIRES DU TESTICULE
Cellules des cystes et cellules de Sertoli
Les éléments glandulaires du testicule des Batraciens ont tous, à un
moment donné de leur existence, l'aspect de cellules mésenchymateuses.
Je me suis prononcé nettement, à propos du développement, pour l'origine
mésenchymateuse de ces éléments.
La vieille discussion soulevée maintes fois entre Plato (1897) et Fried-
mann, PvEGAUD et Loisel, pour déterminer si les cellules interstitielles
sont d'origine épithéliale ou d'origine mésenchymateuse, n'a pas de raison
d'être chez les Batraciens, les cellules interstitielles sont sans aucun doute
d'origine mésenchymateuse. La discussion n'est d'ailleurs pas d'un inté-
rêt passionnant.
Il me semble plus intéressant de discuter l'origine des cellules follicu-
leuses ou cellules du cyste, qui sont chez les Batraciens l'origine des cel-
lules de Sertoli, parce que l'idée de leur origine mésenchymateuse que
je défends, est contraire à ce qu'on avance généralement chez tous les
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 265
Vertébrés. La question présente en somme l'intérêt suivant : il s'agit de
savoir si les cellules de Sertoli sont des cellules sœurs des cellules sexuel-
les, jouant vis-à-vis d'elles un rôle un peu comparable à celui que jouent
les cellules névrologiques vis-à-vis des cellules nerveuses, ou si ce sont des
éléments tout à fait indépendants.
Le fait que les gonocytes peuvent apparaître différenciés déjà comme cel-
lules sexuelles alors qu'on ne trouve pas toujours entre eux de cellules
folliculeuses, plaide contre l'origine commune. Qui admet les gonocytes
différenciés de très bonne heure aux dépens d'un gonotome par un pro-
cessus qui peut être comparé de loin à la différenciation précoce des cel-
lules sexuelles chez certains Invertébrés (1) : Ascaris, Sagitta, etc.,
admettra difficilement que de ce même gonotome proviennent des élé-
ments dont l'évolution ne rappelle jamais en rien celle des gonocytes, et
qui jamais ne leur ressemblent.
Il faudrait, pour trouver des cellules sœurs des cellules sexuelles,
admettre comme Dustin qu'il y a une deuxième lignée de gonocytes cons-
titués aux dépens des cellules sexuelles. Je n'ai jamais vu cela, et je crois
que Dustin a été impressionné par les données classiques établies
pour les Vertébrés supérieurs.
Enfin, ces cellules soi-disant épithéliales se mêlent assez volontiers aux
cellules mésenchymateuses, et dans certains cas il est impossible de les
en distinguer (cellules du cyste des gonies I, des Urodèles, fusées de tissu
interstitiel, remaniement du cloisonnement en cystes) ; dans certains cas
aussi, les cellules mésenchymateuses viennent jouer le même rôle qu'elles
(cellules interstitielles jouant le rôle des cellules de Sertoli) (fig. civ,
352).
Je considère les cellules du cyste et leurs dérivés comme des cellules
mésenchymateuses un peu différentes des autres à cause de leur voisi-
nage avec les éléments sexuels. Les variations d'une de ces cellules dues
aux variations de l'élément sexuel en contact (changement de la cellule
du cyste en cellule de Sertoli, lorsque les spermatides se transforment en
spermatozoïdes) sont bien plus considérables que les différences qui les
séparent des cellules mésenchymateuses. Je pense donc qu'il y a dans le
testicule deux sortes d'éléments distincts : les cellules sexuelles venues du
gonotome et les cellules accessoires venues du mésenchyme. La dis-
tinction entre les deux sortes d'éléments est d'ailleurs défendue par Watasé
(1) Il faut convenir qu'à mesure que nos méthodes se perfectionnent, nous rapprochons de plus en plus les
Vertébrés de ce schéma (Dustin etc.).
266 CHRISTIAN CHAMP Y
(1892), Waldeyer (1870), Stephan, Walker et Embleton (1906), Von
Bardeleben (1897), Benda (1).
J'avoue que, malgré l'opinion de ces auteurs, j'ai été très impressionné
par les faits contraires mis en évidence par Prenant (1887), Schônfeld
(1901), Montgommery (1911), Winiwarter (1912), chez les Mammifères,
c'est pourquoi j'ai employé les mots de cellules du cyste et non cellules
folliculeuses, cellules de Sertoli, afin de ne pas préjuger d'homologies
qui peut-être n'existent pas entre les anamniotes et les amniotes.
Je me contenterai donc de conclure provisoirement que ce qu'on observe
chez les Batraciens est en opposition avec ce qu'on sait des Vertébrés
supérieurs. Je ne puis discuter ce qui se passe chez ces derniers, ne les
ayant pas suffisamment étudiés par moi-même.
J'ai indiqué que dans certains cas, des cellules interstitielles pouvaient
passer dans les tubes séminifères. Je m'en suis servi pour montrer qu'il
n'y a pas de différence fondamentale entre les deux sortes d'éléments. Un
fait semblable a été signalé par Von Bardeleben (1897) et par Watasé
(1892). Je n'irai pas comme ces auteurs jusqu'à dire que normalement les
cellules de Sertoli se forment aux dépens des cellules interstitielles,
puisque j'ai montré que leur origine normale était autre, qu'elles prove-
naient des cellules du cyste.
J'appelle enfin l'attention sur ce fait que les cellules du cyste se multi-
plient par mitoses tant qu'elles ne sont pas différenciées, et par clivage
dès qu'elles deviennent glandulaires et qu'elles ont une évolution limitée.
Dans l'ancienne discussion de la valeur relative de l'amitose et de la
mitose, c'est un argument de plus en faveur de la signification dégéné-
rative de la division directe.
Rôle du tissu glandulaire interstitiel
Il est bon de revenir un peu sur la signification physiologique du tissu
interstitiel. On en a donné deux interprétations principales : Selon les uns,
c'est un tissu nourricier qui élabore des matériaux destinés aux tubes
séminifères ; selon les autres, c'est une glande à sécrétion interne.
Le tissu glandulaire des Urodèles ne peut être, par sa situation, qu'une
glande à sécrétion interne, ou bien il ne sert à rien, ce qui est difficile à
(1) J'ajouterai même qu'où est en droit de supposer, par comparaison avec les vertébrés, que les cellules
sexuelles sont différanciées comme telles ou plutôt sont destinées à devenir sexuelles avant qu'on ne puisse les
distinguer des autres. Ce qui m'incline à le croire, c'est, je l'ai dit, que plus nos méthodes d'investigation se
perfectionnent, plus nous reculons l'époque de leur différenciation.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 267
admettre. Chez certains Anoures (Rana esculenta), le tissu interstitiel
joue incontestablement le rôle de réservoir pour les matières de réserve
destinées aux tubes séminifères (substances phosphorées), mais rien ne
prouve que ce soit là son seul rôle. Ces substances de réserve cédées par le
tissu interstitiel aux tubes séminifères sont destinées aux spermatozoïdes
formés et non aux éléments de la lignée séminale ainsi qu'il résulte de la
constatation qu'ils apparaissent dans les cellules de Sertoli en mai-juin,
et ont disparu en juillet quand débute la formation des spermatocytes.
Ce rôle du tissu interstitiel n'est pas constant et nécessaire, puisque les
cellules de Sertoli du Bombinator et des Urodèles fabriquent bien ces
substances sans tissu interstitiel, en empruntant directement les matériaux
au sang. C'est en somme un relais facultatif. L'existence de ce relais
s'explique suffisamment parce que, chez Rana esculenta, Bufo et autres, le
tissu interstitiel étant entre les vaisseaux et les tubes séminifères, il faut
que les substances nutritives passent par lui pour arriver à ces tubes.
Si j'insiste sur ce rôle facultatif du tissu interstitiel, c'est qu'il me semble
expliquer assez bien les variations spécifiques considérables de ce tissu.
Mais il est certain que le tissu glandulaire des Urodèles est une glande à
sécrétion interne assez comparable au corps jaune et que le tissu inters-
titiel des Anoures a surtout et avant tout le même rôle.
Phénomènes de l'élaboration dans une glande endocrine
J'ouvre ici une courte parenthèse pour décrire ce que je n'ai pas fait
encore, les processus de sécrétion dans ce tissu glandulaire qui, par la
grandeur des éléments, est un objet de premier choix pour une étude appli-
cable à toutes les glandes à sécrétion interne du type corps jaune, surré-
nale. Il est favorable aussi parce qu'on peut sérier les stades avec une
sécurité qu'on ne trouve pas ailleurs.
L'origine de la cellule glandulaire est une cellule conjonctive à noyau
allongé, à cytoplasme très réduit et entourée de fibrilles collagènes dis-
posées en une sorte de réseau. Le noyau de cet élément présente de nom-
breux nucléoles, le cytoplasme renferme quelques chondriocontes longs.
J'ai pu m'assurer dans quelques cas favorables, qu'il existe un centre
cellulaire représenté par un diplosome situé à une extrémité du noyau,
généralement dans une petite fossette de la membrane nucléaire. Lorsque
cette cellule se transforme en cellule glandulaire, on observe tout d'abord
un gonflement considérable du cytoplasme, qui dissocie et englobe,
•238 CHRISTIAN CHAMPY
comme je l'ai dit, les fibrilles collagènes qui l'entourent. En même temps,
le chondriome change d'aspect : on ne trouve plus que quelques rares
chondriocontes et beaucoup de mitochondries granuleuses (fig. 361). Rapi-
dement, les grains deviennent déplus en plus gros; ils deviennent bientôt
moins colorables par le krystalviolett et se colorent par l'alizarine. Bref,
ils prennent les caractères de chondrioplastes (fig. 362). On les voit, en
effet, se recouvrir de graisse et ils sont bientôt remplacés par des grains
d'une substance grasse très labile. Ces grains continuent à grossir alors que
leur substratum a disparu complètement.
En même temps, le noyau se gonfle, les nucléoles deviennent plus gros
et moins nombreux. La sphère sort de cette espèce de petite niche qu'elle
occupait et vient se placer au milieu du cytoplasme. Les corpuscules cen-
traux ne paraissent pas modifiés, mais la substance qui constitue le cen-
trosome se gonfle considérablement (fig. ci). Souvent, elle se délamine
à la périphérie en écailles qui rappellent tout à fait celles qui entourent
les nebenkerne de certaines cellules glandulaires, et cette observation me
confirme dans l'opinion que ces nebenkerne ne sont autre chose que des
sphères attractives.
J'ai vu fréquemment deux sphères incontestables dans une même cellule
glandulaire, mais je n'ai pu suivre la bipartition du centrosome. Y avait-il
deux centres dans la cellule conjonctive primitive? ou le centre unique
s'est-il divisé lors de la transformation en cellule glandulaire? Je ne sais.
En tous cas, il faut rapprocher cette observation de l'existence fréquente
de deux centres dans les spermatogonies en voie de transformation ovi-
forme. Il faut remarquer que comme dans les cellules oviformes, le centro-
some n'occupe généralement pas la situation qu'on pourrait prévoir con-
formément au schéma de Heidenhain, il est excentrique et se transporte
vers le point du cytoplasme où se fait l'élaboration la plus active de
deutoplasme. Ceci est très net dans les cellules glandulaires des Urodèles.
On voit les grains d'origine mitochondriale se grouper autour du centro-
some et c'est autour du centrosome qu'ils se transforment en graisse avec
prédilection. Il n'est pas rare de trouver dans ces éléments une
sorte de corps mitochondrial qui rappelle celui des spermatogonies
(fig. 362).
Lorsque la graisse a envahi tout le cytoplasme, il ne reste du chondriome
que quelques rares chondriocontes épars dans les travées de cytoplasme
qui séparent les boules graisseuses, un peu plus nombreux aux pôles du
noyau. Les graisses du tissu glandulaire du testicule des Urodèles sont des
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 26Ô
graisses phosphorées très labiles, comme celles du tissu interstitiel des
Anoures.
Cette courte étude (1) et l'étude des cellules sexuelles confirment plei-
nement le résultat auquel je suis arrivé en étudiant la cellule intestinale :
L'élaboration d'enclaves, ou si l'on veut, les processus secrétaires sont liés
à des transformations du chondriome. L'image de chondrio conte long est
une image de repos sécrétoire ; l'image de mitochondries granuleuses est
une image d'activité indiquant une transformation imminente. On doit
distinguer les chondrioplastes des mitochondries. Les mitochondries sont
définies comme je l'ai dit déjà : filaments ou grains susceptibles de refor-
mer des filaments. Les chondrioplastes sont caractérisés par leur taille
plus grande, leur colorabilité souvent différente, mais surtout parce qu'ils
ne sont plus susceptibles de reformer des filaments, ils sont voués à la
transformation en enclaves (2).
J'ajouterai ici que l'exemple des spermatogonies montre que les chon-
driocontes se reforment aux dépens des mitochondries bactéroïdes ou
granuleuses, non par soudure des grains les uns aux autres (ou excep-
tionnellement), mais par végétation, par croissance de ces grains qui se
transforment en bâtonnets courts, puis en filaments de plus en plus longs.
(Voir la série des figures planche VIL)
L'expression de filaments végétatifs employée par Altmann est vérita-
blement géniale, elle renferme toute cette série d'explications et on ne
peut que la paraphraser.
Rôle de la sécrétion interne du tissu interstitiel
Cette question Cytologique résolue, cherchons à déterminer le rôle de
la sécrétion interne du tissu interstitiel. Il est certain que des expériences
physiologiques pourraient seules trancher la question. J'ai fait de telles
expériences, et je n'avais même entrepris ce travail que pour cela ; mal-
heureusement tout ce que j'ai fait avant de connaître exactement l'évo-
lution du tissu glandulaire du testicule des Batraciens a porté à faux
comme il est aisé de le comprendre. Les expériences que j'ai entreprises
à nouveau sont loin d'être terminées.
(1) Je ne m'occupe pas ici du mécanisme de l'excrétion que j'étudierai à part.
(2) Je rappelle ici qu'à propos de la cellule iutestinale je n'ai pas admis que les enclaves étaient formées par
transformation des mitochondries, mais qu'elles se formaient au contact des mitochondries, la substance de ces
dernières participant peut-être à leur formation, concuremment avec le cytoplasme hyalin. C'est donc sous réserve
que j'emploie l'expression de transformation en enclaves.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN\ — î. 52. — F. 2. ^ '
270 CHRISTIAN CHAMPY
On peut cependant, sans expérimentation, répondre à un certain nombre
de questions, parce que les variations saisonnières du tissu interstitiel
réalisent la plus belle des expériences.
J'ai étudié tout d'abord le rapport de la glande endocrine testiculaire
avec les caractères sexuels secondaires. Cette idée devait me venir à
l'esprit tout d'abord, à cause des expériences démonstratives réalisées
par Ancel et Bouin chez les Mammifères.
Je dois dire que je n'ai pu trouver de rapport net entre le développe-
ment des caractères sexuels secondaires et le développement du tissu
glandulaire. Les courbes des graphiques montrent que chez les animaux où
le tissu glandulaire n'a qu'une existence éphémère, les caractères sexuels
secondaires (pouce de la grenouille, crête et belles couleurs du triton)
apparaissent avant lui et atteignent leur maximum avant lui ; ils com-
mencent à régresser alors que le tissu glandulaire est encore bien développé.
L'accouplement a lieu à une époque où le tissu glandulaire est bien
développé, ce qui fait qu'on pourrait invoquer l'action du tissu intersti-
tiel dans les phénomènes du rut. Cependant, il faut remarquer que chez
Rana esculenta le tissu interstitiel est bien développé en dehors du rut,
et que la concordance observée chez Rana temporaria, Triton, s'explique
parce que le tissu interstitiel se développe vers le moment où les tubes ou
ampoules séminifères se vident et que ce moment précède un peu l'époque
de l'accouplement. Sur des grenouilles rousses capturées au moment où
elles s'accouplent, j'ai trouvé du tissu interstitiel en quantité très varia-
ble. En tous cas, chez les Batraciens, l'action du tissu glandulaire sur les
caractères sexuels secondaires ne se fait pas sentir immédiatement.
Cela ne prouve pas, en effet, qu'il n'y a pas une action à longue
échéance. Nussbaum (1905) a montré que la castration des grenouilles
retentissait sur le développement du pouce copulateur par l'intermé-
diaire du système nerveux. Il se peut que ce réflexe complexe soit lent et que
le tissu glandulaire du testicule n'ait d'action que sur les caractères sexuels
qui se développent six mois après. J'ai même des raisons de penser qu'il
en est bien ainsi, car, chez une grenouille castrée immédiatement avant
que la brosse copulatrice se développe, cette brosse s'est développée
cependant, tandis qu'elle ne se développe pas ou très peu chez les gre-
nouilles castrées depuis un an. On comprend combien les expériences
nécessaires à la démonstration de cette action à longue échéance peu-
vent être longues à réaliser, si l'on songe surtout que les Batraciens sont
difficiles à conserver en bon état pendant un an et plus.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 27 1
Mais les courbes (gr. v à vu) font penser avant tout, ainsi que je l'ai dit
déjà, à une action de la sécrétion interne du tissu glandulaire testiculaire
sur la poussée de spermatogénèse. Le fait que la régression du tissu inters-
titiel, c'est-à-dire la résorption de ses produits de sécrétion coïncide avec
l'apparition de la grande poussée de spermatogénèse, semble indiquer que
ces produits déterminent l'évolution spermatogène des gonies primitives,
soit en agissant sur la multiplication des cellules, soit en agissant indirec-
tement par l'intermédiaire du système nerveux par exemple. A l'appui de
cette hypothèse, il faut encore signaler ce fait que les espèces qui ont
presque toute l'année du tissu interstitiel (Rana escidenta, Bufo), ont
toute l'année des poussées préspermatogénétiques et ont des poussées sper-
matogénétiques vraies vers le moment de la régression du tissu interstitiel.
Au contraire, les espèces qui, comme Rana temporaria, Triton alpestris
n'ont de tissu glandulaire qu'à un seul moment, n'ont aussi qu'une grande
poussée spermatogénétique au moment où ce tissu régresse, avec quelques
poussées préspermatogénétiques immédiatement avant la poussée prin-
cipale. (Voir page 46.)
Le rôle du tissu interstitiel m 'apparaît donc comme multiple et je
lui attribue au moins trois fonctions :
1° Sécrétion interne agissant sur les caractères sexuels secondaires,
comme cela a été mis en évidence par Ancel et Bouin chez les Mammi-
fères. Cette action ne paraît pas immédiate chez les Batraciens, mais
semble s'opérer par une voie compliquée et lentement.
2° Sécrétion interne agissant immédiatement pour déterminer la poussée
de spermatogénèse (ceci n'est encore qu'une hypothèse, mais très vrai-
semblable).
3° Rôle de réservoir ou de relais pour les substances destinées à la nutri-
tion des spermatozoïdes (et non des cellules de la lignée séminale). Ce rôle
est pour ainsi dire facultatif et ne s'observe que chez certaines espèces.
Il me semble que cette multiplicité de fonctions explique bien certains
faits, notamment les variations spécifiques considérables du tissu inters-
titiel, qu'on ne comprend guère si l'on accepte l'idée de glande à sécrétion
interne à l'exclusion de tout autre rôle.
Une question intéressante que j'ai intentionnellement réservée est
celle de l'origine du tissu interstitiel qui apparaît chez Rana temporaria,
après l'évacuation des spermatozoïdes. Il m'a paru se former presque
entièrement aux dépens de leucocytes sortis des vaisseaux. On ne voit pas
bien d'ailleurs quelle autre origine on invoquerait : les cellules de paroi sont
272 CHRISTIAN CHAMP Y
très peu nombreuses et ne subissent pas de multiplication au moment de
la formation du tissu interstitiel. Cette observation est d'ailleurs en par-
faite harmonie avec les faits signalés par Bouin et Ancel (1905), qui ont
vu le tissu interstitiel du testicule chez le cheval se reformer aux dépens
de leucocytes extravasés. Chez Rana temporaria, on voit au début de la
formation du tissu interstitiel de nombreux leucotytes sortir des vais-
seaux. Les cellules pigmentaires, si nombreuses partout chez cette espèce,
peuvent aussi se transformer en cellules interstitielles. J'ai observé la
même transformation chez Bufo. Chez Bombinator, je n'ai jamais observé
de tissu glandulaire dans le testicule, ni pendant l'époque du repos inter-
spermatogénétique, ni pendant la spermatogénèse ; mais comme je n'ai pas
observé chez cette espèce le stade d'excrétion des spermatozoïdes, je
pense qu'il peut y avoir un tissu interstitiel éphémère comme chez Rana
temporaria, et peut-être localisé comme chez les Urodèles dont cette
espèce se rapproche à tant de points de vue.
Chez Alytes, je n'ai vu le tissu interstitiel que pendant l'été. Il ne m'a
pas paru différer de celui des crapauds, il est cependant plus réduit.
RÉSUMÉ
Les cellules nourricières ou de Sertoli, proviennent chez les Batraciens
de la transformation des cellules des cystes, folliculeuses de La Valette
Saint-George). Ces éléments sont d'origine mésenchymateuse, ont une
évolution analogue à celle des cellules mésenchymateuses, et n'ont avec
les cellules sexuelles que des relations de voisinage.
Il existe dans le testicule de tous les Batraciens, un tissu glandulaire
comparable au tissu interstitiel des Vertébrés supérieurs.
Chez les Urodèles, il se forme aux dépens de la paroi des cystes et des
cellules conjonctives, lors de l'excrétion des spermatozoïdes. Il n'a qu'une
existence éphémère.
Chez certains Anoures (Rana temporaria), il se forme entre les tubes
séminifères au moment où ces tubes se vident de spermatozoïdes, et n'a
aussi qu'une courte durée.
Chez d'autres (Rana esculenta Bufo), il existe toute l'année et régresse
au moment de la grande poussée de spermatogénèse.
Les rapports de ce tissu ave3 la spermatogénèse d'une part, et d'autre
part avec le développement des caractères sexuels secondaires permet+ent
de lui attribuer les fonctions énoncées ci-dessus.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS ■ 273
Appendice
Notes sur les voies excrétrices du testicule
Les voies excrétrices du testicule ont une structure assez semblable
chez toutes les espèces, Anoures ou Urodèles. Nous avons vu qu'elles sont
très probablement d'origine wolfîenne. Au début, on ne trouve qu'un
seul canal au centre de la glande génitale. Ce canal paraît se continuer
directement avec le canal efférent.
Chez l'adulte, on peut distinguer anatomiquement entre les voies effé-
rentes intratesticulaires et les canaux juxtatesticulaires ; mais il n'y a pas
entre les deux sortes de canaux de différence structurale fondamentale.
D'ailleurs, chez les Urodèles, les voies efférentes deviennent presque toutes
extratesticulaires au moment de la spermatogénèse, parce qu'elles sont
repoussées par les cystes nouveaux et vont, avec les cystes anciens qui
dégénèrent .constituer une plage presque indépendante du reste du
testicule.
Chez les Urodèles, les voies extratesticulaires constituent une petite
masse de canaux efïérents repliés deux ou trois fois, une sorte d'épididyme
très réduit. Chez les Anoures elles sont réduites à plusieurs canaux défé-
rents généralement peu compliqués. Pour la description macroscopique
ou demi-macroscopique de ces voies, je me contenterai de renvoyer aux
travaux de Nussbaum.
Les voies excrétrices subissent un accroissement considérable qui débute
souvent plusieurs mois avant le passage des spermatozoïdes, ceci chez
les Urodèles aussi bien que chez les Anoures.
Nous avons dit déjà que chez les Urodèles, les canaux efïérents n'avaient
avec les cystes que des relations temporaires. Chez les Anoures, sauf peut-
être chez le Bombinator, les relations des canaux efïérents avec les ampoules
séminifères sont à peu près permanentes. Elles peuvent cependant cesser
ou devenir imparfaites au moment de la grande poussée spermatogé-
nétique.
Les voies efférentes intratesticulaires sont tapissées d'un épithélium
cubique. Pendant la période de développement minimum, les tubes effé-
274 CHRISTIAN CHAMP Y
rents ont une lumière presque effacée et les cellules ont une forme conique
(fig. 340). Au moment où les canaux sont bien développés au contraire,
la lumière est large et l'épithélium nettement cubique.
L'épithélium est constitué de cellules à cytoplasme d'aspect homogène
ou strié verticalement. La plupart présentent, vers leur surface libre, deux
corpuscules superficiels qui sont certainement des corpuscules centraux.
Il n'est cependant pas rare de voir des corpuscules analogues au-dessous
du noyau.
Lorsqu'on examine un objet favorable (Urodèles), avec une coloration
suffisante, on peut s'assurer que le groupe de corpuscules centraux est sur-
monté d'un flagelle. Ce flagelle s'observe avec une constance telle qu'on
a le droit de penser, étant donnée d'autre part sa fragilité, que lorsqu'il
n'existe pas, c'est qu'il a été brisé. Il est possible qu'il n'en existe pas
cependant dans les cas assez rares où on ne trouve pas de corpuscules
centraux superficiels.
A ce flagelle fait suite dans le cytoplasme une longue racine qui passe à
côté du noyau et atteint quelquefois le bord opposé de la cellule. Souvent,
on observe deux racines passant de part et d'autre du noyau. La racine est
souvent ainsi ramifiée même lorsque le fouet central est unique (fig. 341).
Lorsqu'il y a un seul flagelle, il est habituellement central ou para-
central. Il n'est pas rare que les cellules émettent une sorte de prolonge-
ment cytoplasmique plus ou moins long à l'extrémité duquel sont situés
le fouet central et les corpuscules basaux.
Il n'est pas rare non plus de trouver sur une cellule, au lieu d'un fouet
central, un bouquet de cils avec une ligne de corpuscules basaux (fig. 343)
et un faisceau radiculaire important qui traverse la cellule d'une extrémité
à l'autre. Ces bouquets de cils sont le plus souvent excentriques, on les
rencontre sur le côté de la cellule, ce qui semble dû à ce que le faisceau radi-
culaire très important a rejeté le noyau sur le côté. On n'observe guère
des cellules complètement recouvertes de cils dans l'intérieur du testi-
cule. Sur la surface libre non ciliée, on voit souvent une fine ligne cuticu-
laire colorable par le vert lumière ou le rouge Congo. On observe entre
les cellules des Kittleisten souvent fort nets. On trouve tous les intermé-
diaires entre la cellule à fouet central unique et les cellules à bouquets de cils.
Le cytoplasme a un aspect fibrillaire dû certainement en grande partie
à des tonifibrilles et aussi à la présence de fibres radiculaires impor-
tantes. On distingue souvent autour du noyau une zone granuleuse,
bien visible surtout au moment de l'excrétion des spermatozoïdes. La
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 275
méthode de Benda met en évidence, non sans difficulté, des mitochon
dries filamenteuses ou bactéroïdes orientées dans le sens des filaments
radiculaires. On voit souvent aussi quelques mitochondries granuleuses
plus grosses (des chondrioplastes) autour du noyau.
Le noyau est finement granuleux avec deux ou trois nucléoles. Il est
toujours plus finement granuleux que celui des spermatogonies dans la
même pièce, ce qui indique que si les granulations sont un précipité, elles
correspondent cependant à quelque chose qui varie d'un noyau à l'autre.
Ces noyaux sont pirif ormes ou irrégulièrement ovoïdes. Au moment où
les spermatozoïdes passent dans les canaux efférents, Fépithélium s'aplatit
et les noyaux prennent souvent un aspect très régulier avec des incisures
dans divers sens.
Souvent aussi, on observe dans tous les noyaux une incisure à l'extré-
mité de laquelle se trouve le nucléole, cette incisure part du pôle libre des
noyaux. J'ai pensé que cette incisure était en rapport avec une division
scissipare des noyaux, mais il faut reconnaître que si on l'observe fré-
quemment au moment de la période de croissance des voies efïérentes,
on l'observe aussi à une époque où il n'y a ni croissance ni multiplica-
tion. J'admets cependant que la division scissipare est le mode normal
de division de ces cellules, car je n'y ai jamais vu de mitoses et le nombre
des éléments augmente manifestement à un moment du cycle sexuel.
Il faut penser que cette division est préparée depuis longtemps et que
la présence d'une fissure dans le noyau précède de beaucoup la séparation
des deux lobes du noyau. Mais il faut remarquer aussi que le fouet cen-
tral est presque toujours situé en face de la fente ou du canalicule nu-
cléaire. On peut se demander si la racine ne se prolongerait pas dans cer-
tains cas, non pas à l'intérieur du noyau, mais en repoussant le noyau
et en invaginant la membrane nucléaire.
Au-dessous de l'épithélium des canaux efférents, le tissu conjonctif
constitue une condensation fibrillaire remarquablement dense, plus
épaisse que n'est la paroi des tubes séminifères.
Les voies efïérentes juxtatesticulaires sont intéressantes à étudier chez
les Urodèles parce qu'on y trouve développées les structures qui ne sont
le plus souvent qu'ébauchées dans l'intérieur du testicule. Elles sont cons-
tituées par des canaux un peu repliés sur eux-mêmes qui présentent un
épithélium de plus en plus élevé à mesure qu'on s'éloigne du testicule.
La plus grande partie de ces canaux ne diffèrent pas de ceux du testi-
cule : ils sont tapissés de cellules à fouet central ou de cellules pourvues
276 CHRISTIAN CHAMP Y
d'un petit bouquet latéral de cils. Souvent, les cils du bouquet sont agglu-
tinés en une sorte de flagelle ou plutôt de pinceau, plus épais à sa base qu'à
sa pointe et dont dépendent de nombreuses racines disposées en faisceau.
Dans les canaux un peu plus gros, ces cellules présentent le plus souvent
un bouquet de cils très longs à la base duquel on trouve un corps basai
compact, épais, colorable par le vert lumière ou le rouge Congo et qui se
termine par un pinceau de racines. Je pense que les images où ce
corps semble compact et bien limité sont dues à des sections obliques
d'images telles que celle de la fig. 349. Lorsque ces corps basaux corres-
pondent à un petit bouquet ciliaire, il est difficile d'y distinguer des cor-
puscules basaux séparés qu'on distingue assez facilement, au contraire,
lorsque les cils sont plus nombreux et occupent une plus grande surface.
Souvent, dans les canaux de gros calibre, les cellules sont ciliées sur toute
leur surface, ou plutôt sur presque toute leur surface (fig. 349). La plu-
part des cellules sont ciliées presque toute l'année. Parmi les cellules
ciliées, on rencontre çà et là quelques cellules dont l'endoplasme granu-
leux est particulièrement abondant, mais elles sont en outre pourvues soit
d'un fouet central, soit d'un bouquet de cils.
Au moment du passage des spermatozoïdes, la plupart des cellules des
tubes de gros calibre subissent la transformation glandulaire et se mettent
à sécréter du mucus. Le mucus apparaît d'abord dans l'endoplasme
granuleux sous forme de grains de mucigène, puis de boules de mucus
clair ; ces boules envahissent peu à peu toute la cellule, en même temps
que celle-ci se sépare de la basale et vient faire saillie à l'extérieur. Ce
mucus repousse la cuticule et la bordure de cils qui font saillie exté-
rieurement (fig. 353).
La cuticule ne se colore d'ailleurs pas constamment comme le mucus.
Par la coloration de Prenant, ou la modification Congo-Magdala, la colo-
ration est bien identique, mais par la méthode au fer-brésiline-vert
lumière, la cuticule se colore en rouge tandis que le mucus se colore en
vert. Lorsque le mucus commence à se déposer au-dessous de la cuticule,
on voit apparaître au-dessus de cette cuticule une bordure en brosse cons-
tituée de poils gros et épais juxtaposés sans intervalle; (fig. 354) cette
bordure semble constituée par une sorte de transsudation de mucus à
travers la cuticule, elle se colore constamment comme le mucus.
A un stade plus avancé, on voit le mucus sourdre en masse hors de la
cellule et la cuticule disparaît. Les cils ne disparaissent pas, ils persistent
pour la plupart au milieu du mucus excrété. Le fouet central persiste
8PERMAT0GÉNÈSE DES BATRACIENS 277
constamment. Les racines deviennent souvent indistinctes parce qu'elles
sont repoussées dans divers sens par les boules de mucus, mais on peut
s'assurer qu'elles persistent cependant (fig. 354).
Ces modifications de l'épithélium s'observent surtout dans les canaux
de gros calibre extratesticulaires, mais on observe au même moment une
transformation moins marquée dans les canaux intratesticulaires de petit
calibre. L'endoplasme granuleux devient prépondérant et il se produit çà
et là quelques grains de mucus.
Cette transformation muqueuse ne s'observe guère que dans les canaux
remplis de spermatozoïdes. La modification paraît se produire rapidement
et semble être commandée dire3tement par la présence des sperma-
tozoïdes et la dilatation du canal. Après la période d'excrétion des sper-
matozoïdes, on observe une régression marquée dans les voies efïérentes :
de nombreuses cellules disparaissent par pycnose, et au moment de la
poussée spermatogénétique, les voies efïérentes sont considérablement
réduites.
Il faut noter aussi qu'on observe, dans des circonstances que je n'ai pu
déterminer, la phagocytose des spermatozoïdes par les cellules qui tapissent
les voies efïérentes ainsi que cela a été décrit par Regaud et Tournade
(1911), chez les Mammifères.
En somme, la structure des voies efïérentes est assez homogène et cette
structure se rattache de très près à celle bien connue de diverses portions
des tubes wolfiens. Cette structure plaide pour l'origine wolfienne des
voies efïérentes.
Les faits que je viens de signaler sont en parfaite harmonie d'une part,
avec les observations de Prenant (1907) sur l'épithélium de l'œsophage
des Batraciens et des voies respiratoires des Vertébrés : il y a dans ces
épithéliums transformation des cellules ciliées en cellules à mucus ; (Pre-
nant admet que la transformation inverse est aussi possible) d'autre part
avec les faits mis en évidence par Bouin et Limon (1900) et More au
(1908) dans la trompe Faloppe des Mammifères : transformation muqueuse
des cellules au moment du passage de l'œuf. Il faut surtout signaler le
parallélisme de ce qui se passe dans les voies génitales des Batraciens avec
les phénomènes successifs de ciliation et de sécrétion observés par Henry
dans l'épididyme des Mammifères et des Reptiles.
Il est facile chez les Batraciens comme chez les Sauriens d'obtenir une
sériation sûre des phénomènes et de confirmer en toute sécurité les
observations précédentes. Il faut remarquer aussi qu'on y observe (comme
278 CHRISTIAN CHAMP Y
dans d'autres objets connus d'ailleurs), tous les intermédiaires entre la
cellule à fouet central et les cellules ciliées véritables.
Résumé général
Je crois utile de rappeler ici brièvement les faits nouveaux les plus
importants que j'ai pu mettre en évidence, et d'autre part les déduction s
théoriques que j'en ai tirées.
1° Les tubes séminifères des Anoures ne sont pas des formations par-
faitement stables. Ils se forment assez tard dans le développement (fig. ix),
leurs limites deviennent incertaines à certaines époques de l'année (fig. 5,
7, 12).
Les cellules folliculeuses ne sont distinctes des cellules interstitielles
que très tard dans le développement, et pas d'une manière constante
chez l'adulte (fig. 12, 352).
2° Il existe chez les Batraciens une préspermato genèse avant l'époque de
maturité sexuelle (fig. 4, 6, 11).
On observe aussi des poussées préspermatogénétiques annuelles entre
les époques de spermatogénèse vraie (fig. 358 à 364).
3° Les cellules appelées spermatogonies primitives sont des cellules
sexuellement indifférentes. Leur transformation fréquente en éléments
oviformes (fig. 79 à 96, fig. xlii, xliv, xlv), témoigne de cette indiffé-
rence. Leur dégénérescence rappelle le plus souvent une évolution ovi-
forme avortée (fig. 97).
Ces cellules sont le siège de phénomènes d'élaboration relativement
actifs, surtout pendant la période interspermatogénétique, ou plutôt il y a
préparation d'une élaboration active qui ne se poursuit pas.
4° Les spermatogonies de IIe ordre sont très différentes des gonies pri-
mitives (fig. lxi, lxiii). Ce sont des cellules définitivement différenciées
dans le sens masculin ; ce sont des préspermatocytes.
5° J'ai vérifié les faits connus de l'évolution des spermatocytes (pi. VI,
VII, IX, X). L'image de synapsis m'a paru toujours artificielle. Les
faits les plus particuliers de l'évolution des spermatocytes sont : le
remaniement de la chromatine après la dernière télophase spermato-
goniale, la longueur de la première prophase, la brièveté de la deuxième,
la similitude des deux mitoses de maturation.
J'ai vérifié l'exactitude de la sériation des stades établie par Jannsens,
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 279
mais je pense qu'aux premiers de ces stades, les images chromatiques
présentent une telle incertitude qu'on est mal fondé à baser sur elles des
théories importantes.
6° On observe dans les spermatides, au début de leur formation, une
division du centre cellulaire (fig. 295, 298, 311, 315, 224, 275, 276, 277).
Cette division donne lieu à deux groupes de centrioles au moins : l'un,
gardant presque toute la substance du centrosome, forme l'acrosome ou au
moins une partie de l'acrosome (fig. 225 à 232 ; 302, 303 ; 313 à 325 ; 327 à
329). L'autre constitue le flagelle par le processus connu.
7° Il existe dans les spermatides un organe particulier (fig. 321, 322,
285, 286, 165 à 172) que j'ai appelé le spirostyle ou bâtonnet axial. C'est
un bâtonnet qui se forme dans l'axe du noyau. Son développement que
j'ai pu suivre chez Alytes (fig. 325 à 341), débute par le pôle antérieur du
noyau. Il paraît être souvent en relation, dès sa formation, avec le groupe
antérieur de corpuscules centraux (fig. 232, 233, 235). Il se met en tout cas
secondairement en relation avec l'acrosome et se continue avec lui (fig. 243,
327 à 329, 166, 168). Ce bâtonnet axial se tord en spirale (fig. 238, 304,
321), d'où le nom de spirostyle, entraînant dans sa torsion le noyau et
même le cytoplasme (fig. 322, 323, 324, 241, 242, 245). Cette torsion varie
d'importance suivant les espèces (fig. 306 et 325, 242 et 286), elle déter-
mine dans certains cas une forme spiroïde fort nette de la tête du sper-
matozoïde (fig. 325).
Le spirostyle ne reste qu'exceptionnellement ou imparfaitement visible
dans le spermatozoïde adulte (fig. 325, 245, 287). Il est rudimentaire chez
plusieurs espèces.
L'acrosome participe à la torsion du spirostyle (fig. 325, 329), il se con-
tinue d'ailleurs directement avec lui et paraît en constituer la portion
extranucléaire (fig. 243, 245).
8° Il existe chez les Urodèles un tissu glandulaire endocrine dans le
testicule (fig. 358 à 364, fig. 2, 3).
Ce tissu se forme autour des cystes vidés de spermatozoïdes. Il n'a
qu'une existence temporaire, et rappelle le corps jaune de l'ovaire des
Mammifères. Je me suis servi de ce tissu très favorable pour étudier le
mécanisme de la sécrétion endocrine (fig. 359 à 364), page 267.
9° Le tissu interstitiel du testicule des Anoures varie suivant les espèces
(voir pages 45 et 258) (fig. 6, 8, 11, 13).
Il régresse constamment au moment de la principale poussée spermato-
génélique (fig. 7, 12, voir aussi les graphiques i à vu).
280 CHRISTIAN CHAMP Y
J'insisterai aussi sur quelques faits cytologiques qui ont un intérêt
général, et me paraissent importants.
1° L'étude des mitochondries dans la spermatogénèse confirme mon
interprétation de leur rôle : Elles jouent un rôle dans la production d'en-
claves (fig. 359, à 364). Le chondrioconte est un aspect de repos relatif du
chondriome (fig. 359, spermatocytes divers pi. VIII); la disposition en
grains isolés indique une transformation active en deutoplasme (fig. 360,
spermatogonies primitives pi. IV, VIII).
La transformation des mitochondries en deutoplasme, notamment en
corps gras, est précédée de la formation de plastes spéciaux : chondrio-
plastes (fig. 360, 361, 358) qu'il faut se garder de confondre avec les
mitochondries, et qui en diffèrent parce que leur évolution n'est plus
réversible.
2° Le centrosome peut se diviser en dehors de la prophase de la
mitose (fig. 94, 88, spermatides au début, citées plus haut). Il n'est
pas rare d'observer une telle division dans les cellules où il y a une
élaboration deutoplasmique active : cellules oviformes (fig. 94, 88),
cellules glandulaires interstitielles (fig. 89). Dans les mêmes éléments
le centrosome occupe souvent aussi une situation excentrique ; il
vient se placer vers le point du cytoplasme ou l'élaboration est la plus
active (fig. 89, 93).
3° Les corps pyrénoïdes (chromatoïdes de Hermann) sont d'origine
nucléaire. Ils sortent du noyau par une sorte d'amitose inégale ou de bour-
geonnement. Ce phénomène se relie (par l'intermédiaire d'amitoses moins
inégales, l'un des noyaux dégénérant) au phénomène de dualisme
nucléaire dans certaines cellules glandulaires ; il s'observe dans les cellules
où l'élaboration est active.
Les corps pyrénoïdes ont dans le cytoplasme un sort variable suivant
les circonstances : ils peuvent donner lieu à des filaments pointus (fig. 80,
81, 84, 88, 89), ils peuvent se conduire comme des plastes, ils peuvent
enfin se diviser à la mitose et persister jusqu'aux spermatides en se
divisant, mais sans se transformer.
Sur diverses questions théoriques, j'ai adopté les conclusions que voici :
1° Il y a bien chez les Batraciens des formations qu'on pourrait décrire
comme chromosomes spéciaux ou accessoires (fig. 210, 212, 149, 150),
mais ces formations n'ont rien à faire avec le déterminisme du sexe, car,
chez les Batraciens, le sexe des gonies n'est pas déterminé irrévocable-
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 281
ment chez le mâle. On retrouve d'ailleurs des productions analogues chez
les animaux hermaphrodites (fig. xx).
2° Je ne puis admettre l'individualité des chromosomes.
3° Je pense avec Henneguy que la manière dont se fait la réduction du
nombre des chromosomes a bien moins d'importance qu'on ne lui en
attribue souvent. Je me contente du fait de cette réduction au risque d'en-
courir le reproche « d'éluder la question et de ne pas la résoudre » (1). Elle
ne me paraît pas soluble par les méthodes cytologiques. J'en dirai autant
de la question de la réduction qualitative.
4° La quantité de chromatine des cellules sexuelles ne paraît avoir
aucune importance (fig. xx). Le rapport nucléo-cytoplasmique et en
général le rapport des divers organes de la cellule, paraît au contraire très
important.
5° On ne saurait déterminer jusqu'à présent ce qui, dans une cellule
sexuelle, représente le « support des caractères héréditaires », mais l'idée
que ce rôle est dévolu aux mitochondries est peu soutenable. Il est tou-
tefois exagéré de l'attribuer exclusivement au noyau.
Le développement temporaire et successif de la spermatogénèse et
du tissu interstitiel permet quelques hypothèses d'ordre physiologique :
1° Le développement de l'évolution spermatogène des cellules mères
paraît répondre à des excitations venues de l'extérieur, parmi lesquelles
il faut compter sans doute l'action d'une hormone versée dans le sang par
le tissu glandulaire du testicule.
2° Ce tissu a probablement aussi une action sur les caractères sexuels
secondaires et un rôle de relais pour les substances nutritives qui vont du
sang aux spermatozoïdes par l'intermédiaire des cellules de Sertoli.
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(1) Je n'ai pu me procurer le mémoire de Terni qu'après que ce travail était complètement rédigé.
298 CHRISTIAN CHAMP Y
1906. Walker et Embleton. On the origin of Sertoli or foot cells of the testis.
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1892. Watasé (S.). The origin of the Sertoli cells. {Amer. Nat. T. XXVI.)
1887. Weissmann (A.). Uber die Zahl der Richtungskôrper und liber ihre Bedeutung
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physiological species. (Proced 7e, zoologie. Congr. Roston.)
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1909. Winiwarter et Saintmont. Nouvelles recherches sur l'ovogénèse et l'organo-
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1904. Zarnik (B.). Uber die Geschlechtsorgane von Amphioxus. (Zool. Jahrbiicher.
T. XXI.)
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE II
Topographie et variations saisonnières du testicule des Batraciens.
Les figures de cette planche ont été dessinées d'après des préparations fixées au liquide de Flemming et colo-
rées à la safranine-vert lumière, à l'exception des figures 4, 5, 12 qui proviennent de préparations fixées au liquide
de Bouin et colorées à la brésiline-vert lumière.
SPEBMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 299
FIS. 1. Coupe totale d'un petit lobe testiculaire de Triton alpestris en mars. On voit en haut la zoDe à spermato-
gonies, en bas la zone renfermant les cystes de spermatozoïdes. Les caractères sexuels secondaires :
crête, couleurs vives, étaient bien développés chez cet animal.)
Fio. 2. Coupe d'un lobe de taille comparable au précédent chez la même espèce, en mai (moment de l'accouple-
ment). La plage à gonies a un peu augmenté, les cystes à spermatozoïdes sont partiellement vidés,
une partie est remplacée par du tissu glandulaire bourré de graisse.
Fia. 3. Coupe d'un lobe testiculaire chez la même espèce, au commencement de juillet. Les spermatogonies ont
augmenté et sont partiellement transformées en spermatocytes (noyaux plus foncés), d, cystes
dégénérescents. Le tissu glandulaire est encore bien développé. Fin juillet, il a complètement disparu.
Fig. 4. Coupe dans un testicule de Bombinator pachypus en novembre. Tubes séminifères bien nets, poussées
préspermatogénétiques.
FIG. 5. Coupe dans un testicule d'un animal de même espèce, en juillet. Tubes séminifères indistincts. Poussée
spermatogénétique véritable. (Le grossissement est un peu plus fort que fig. 4.)
Fia. 6. Coupe dans un testicule de Rana esculenta en janvier. Poussées préspermatogénétiques, tissu interstitiel
bien développé. Les spermatozoïdes ne sont pas disposés en faisceaux.
FIG. 7. Coupe dans un testicule chez la même espèce en juillet. Poussée spermatogénétique véritable. Les tubes
séminifères sont mal distincts. Le tissu interstitiel a régressé.
Fio. 8. Coupe dans un testicule de Rana temporaria en janvier. Spermatozoïdes groupés en faisceaux bien nets.
Spermatogonies rangées le long de la paroi des tubes. Pas trace de poussées préspermatogénétiques.
Fig. 9. Coupe dans un testicule chez la même espèce en mars (Accouplement); évacuation des spermatozoïdes.
FIG. 10. Coupe dans un testicule chez la même espèce fin mars. Le tissu interstitiel est bien développé. Les tubes
séminifères sont vides de spermatozoïdes, on y rencontre des gonies I et des noyaux de Sertoli qui
se clivent activement.
Fig. 11. Portion de la même coupe que fig. 6 (plus grossie) g, gonies ï;ey, spermatocytes ; ce, canal efférent :
z, spermatozoïdes ; s, cellule de Sertoli ; end, cellules aplaties limitant les travées de tissu inters-
titiel.
FIG. 12. Même coupe que fig. 7. Mêmes lettres que fig. 8, si, spermatide. \
Fig. 13. Même coupe que fig. 8 (mêmes lettres.) | même grossissement que fig, 11.
Fig. 14. Même coupe que fig. 10.
FIG. 15 et 16. Trois stades de l'évolution du cyste chez un Urodèle (Axolotl), a, cyste à gonie primitive ; 6, cyste
à spermatogonies II peu nombreuses, début du cloisonnement en cystes secondaires ; c, cyste
à gonies II très nombreuses cloisonné en cystes secondaires.
PLANCHE III
Cellules indifférentes ou gonies primitives.
Fig. 17 à 23. Gonies primitives de Bombinator igneus. Fixation au liquide de Bouin. Coloration : fer-Bordeaux-
Vert lumière.
Fig. 17. Noyau à son état moyen, sphère entourée d'un anneau mitochondrial. Il y a une petite condensation
mitochondriale en dehors de la sphère. Corps pyTénoïdes en vert.
Fig. 18. Le noyau est coupé seulement à ses deux extrémités. Figures mitochondriales en halo. Sphère à longues
irradiations probablement artificielles.
FIG. 19. Noyau au minimum de polymorphisme avec une invagination. Concentration des mitochondries vers la
sphère.
Fig. 20. Noyau à son maximum de polymorphisme avec incisures. Corps mitochondrial compact.
Fig. 21. Noyau très polymorphe avec cytoplasme finement granuleux. Arrangement en série de la chromatine.
Un lobe du noyau séparé est en dégénérescence. Cet état de la cellule peut être rattaché à l'évolution
oviforme.
Fig. 22. Prophase avancée, fuseau central.
Fig. 23. Métaphase.
Fio. 24 à 33. Gonies primitives chez Hyla arborea.
Fig. 24, 25. Noyaux au maximum de polymorphisme avec incisures.
Fig. 26, 27. Noyaux au minimum de polymorphisme. Fig. 26, un nucléole structuré se trouve isolé dans un
lobe étroit du noyau. Fig. 27, anneau mitochondrial et corps pyrénoïde structuré.
FIG. 29. Prophase. On se rend très bien compte de la régularisation progressive du noyau par suite du gonflement
prophasique.
Fig. 30. Mise au fuseau.
Fig. 31, 32. Métaphases avec inclinaison en sens inverse des pôles du fuseau.
Fig. 33. Télophase. Division d'un des pôles du fuseau.
Fig. 34 à 39. Spermatogonies primitives de Bufo vulgaris.
300 CHRISTIAN CHAMPY
FlG. 34, 35. Noyaux au minimum de polymorphisme (vue d'ensemble).
Fia. 36. Noyau au maximum de polymorphisme (coupe). On voit la sphère au centre des lobes du noyau. Canali-
cules nucléaires coupés transversalement.
Fig. 37. Prophase au début. Persistance des nucléoles.
FlG. 38. Gonies I après la division. Rotation des centres de près de 1800.
Fig. 40 à 43. Gonies I chez Alytes obstetricans.
Fia. 40. Noyau presque arrondi. Sphère dans une encoche du noyau.
Fig. 41. Noyau au maximum de polymorphisme avec incisures. Anneau mitochondrial imparfait.
Fia. 42. Prophase.
Fia. 43. Aster. On ne voit pas entre les chromosomes de différences nettes.
Fia. 44 et 47 à 50. Détail de divers lobes du noyau chez Bombinator (44) et Bufo (46 à 50) pour le canalicule nu-
cléaire et ses rapports avec le nucléole.
Fig. 43. Nucléoles de Hyla (Les corps pyrénoïdes ont le même aspect).
PLANCHE IV
Gonies primitives chez les grenouilles.
Fig. 51 à 73. Fixation et coloration de Flemming. FlG. 74 à 78. Fixation et coloration de Benda.
Fig. 51 à 63. Rana esculenta. 65 à 73, Rana temporaria. 74 à 77, Rana esculenta. 78, Bufo vulgaris.
Fia. 51, 52. 54 Gonies du type ordinaire de Rana esculenta.
Fia. 53. Un corps pyrénoïde dégénéré. Fig 52, canalicule intranucléaire.
Fig. 54. Noyau à nucléole très gros et vacuolaire.
Fia. 55. Un petit noyau est isolé avec un gros nucléole.
Fio. 57. Noyau au maximum de polymorphisme avec incisures. Lobe du noyau détaché et dégénéré. Nucléole
excentrique.
FlG. 56. Nucléole excentrique repoussant la membrane nucléaire.
Fia. 58. Prophase. Nucléoles persistants.
Fig. 59. Prophase avancée, nucléoles disparus.
Fig. 60. Métaphase (coupe axiale). Les chromosomes se séparent par leurs extrémités.
Fia. 61. Anaphase.
Fia. 63. Télophase (partage irrégulier des corps pyrénoïdes).
Fia. 68, 69, 70, 71, 72. Formes normales des noyaux chez Rana temporaria. Canalicules nucléaires.
Fia. 65, 66, 67. Noyaux très irréguliers et incisés ; en 67 amitose dégénérative.
Fia. 273. Prophase.
Fio. 74 à 77. Mitochondries chez Rana esculenta.
FlG. 74, 77. Corps mitochondriaux compacts.
Fio. 75. Figure de dispersion des mitochondries.
Fia. 76. Corps mitochondrial irrégulier et juxtanucléaire dans une cellule à noyau très polymorphe.
Fio. 78. Formations mitochondriales en halo chez Bufo.
PLANCHE V
Eléments anormaux.
Fig. 79 à 83 et 86, 87, 93, 94. Evolution et dégénérescence oviforme des gonies primitives chez Rana esculenta.
Méthode de Flemming. (Les figures de cette planche sont très inégalement grossies. On a indiqué
à côté de chacune, en pointillé, le diamètre d'une spermatogonie normale).
Fig. 79. Gonie à noyau très polymorphe et à sphère excentrique. La chromatine est disposée en série de grains,
on ne peut cependant assurer que cette cellule soit certainement vouée à l'évolution oviforme.
Fig. 80, 81. Cellules en voie d'évolution oviforme, mais à peine hypertrophiées, filaments pointus dans le cyto-
plasme.
Fig. 82. Cellule hypertrophiée à sphère hérissée de pointes.
FlG. 83, 84. Cellules très hypertrophiées avec filaments pointus. Fig. 83, la cellule est envahie par des cellules
folliculeuses. En 83, les nucléoles et la chromatine ont la disposition caractéristique des œufs. A
côté de la fig. 83, une gonie I de taille normale pour montrer l'hypertrophie considérable.
Fig. 86, 94, 95. Formation des filaments pointus aux dépens du corps pyrénoïde.
Fig. 86. Le nucléole du noyau et le corps pyrénoïde se débitent tous deux en filaments pointus.
Fig. 93. Cellule de structure oviforme à noyau encore très lobé.
Fig. 94. Cellule avec sphère dédoublée.
Fia. 97. Multiplication des centrioles.
Fio. 88, 89, 91, 92. Gonies oviformes de Rana esculenta par la méthode de Benda. Dans la fig. 88 deux sphères.
Figures de division des mitochondries.
SPERMATOGÉNÈSE DES BATRACIENS 301
Fia. 92. Même aspect des mitochondries.
Fia. 95. Cellule oviforme (par sa structure, mais non par sa forme) chez Bombinator. Méthode de Flemming.
Aspect finement granuleux du cytoplasme.
Fia. 90, 96. Cellules oviformes de Bombinator, méthode de Benda. Aspect de division des mitochondries, appa-
rition de petits grains non colorables par le krystalviolett.
Fia. 98. Division pluripolaire d'un spermatocyte géant chez Bombinator. Chr, dyade dont chaque composant est
fissuré longitudinalement.
Fia. 99. Division irrégulière dans un spermatocyte de taille normale chez Bombinator.
Fia. 100. Division pluripolaire et irrégulière d'un spermatocyte de grenouille (Rana esculenta) pendant la pr-
spermatogénèse.
Fia. 101. Dégénérescence d'un spermatocyte de grenouille verte (préspermatogéuèse).
Fia. 102. Anaphase d'une mitose multipolaire et régulière dans un spermatocyte de Bombinator.
Fia. 103, 104, 105. Torsion dégénérative des spermatozoïdes de Bufo vulgaris (préspermatogéuèse).
Fia. 106. Dégénérescence d'une spermatide jeune de Raua esculenta.
Fia. 107. Dégénérescence spiralée d'une spermatide de Bombinator.
Fia. 108. Même phénomène chez Rana temporaria.
Fia. 109. Mitose pluripolaire (sans doute à 5 pôles) et régulière chez Bombinator (spermatocyte I).
Fia. 110. Dégénérescence d'un spermatocyte de Bombinator.
PLANCHE VI
Spermatocytes divers.
Fia. 111 à 128. Spermatocytes de Salamandra maculosa. Fixation au liquide de Bouin. Coloration : Hématoxyline
ferrique-Brésiline-vert lumière.
s sphère ; l, ligament intercellulaire ; n, nucléoles ; p, corps pyrénoïdes.
Fia. 111 à 122. Spermatocytes de 1er ordre.
Fia. 111. Après la télophase goniale.
Fia. 112. Début de l'orientation du réseau.
Fia. 113. Action de la sphère sur le noyau (bouquet leptotène).
Fio. 114. Début de l'apparition des chromosomes ?
Fia. 115. Spirème orienté (pachytène) et
Fia. 116. Strepsinema (torsion des chromosomes) complète.
Fia. 117. Figures de raccourcissement.
Fia. 118. Mise au fuseau (les chromosomes sont encore tordus, ce qui indique qu'ils continuent sans doute à se
raccourcir).
Fia. 119. Aster vu obliquement. Chromosomes inégaux.
Fia. 120, 121. Asters vus de profil. Dédoublement d'un des pôles (120).
Fia. 122. Anaphase et division anaphasique.
Fia. 123 à 125. Télophases de la première division. Formation de la membrane et division des corp? pyi-énoïdes
(en rouge brun la lame élastique moyenne).
Fia. 126. Prophase avancée d'un spermatocyte de IIe Ordre.
Fia. 127. Formation du fuseau. II,
Fia. 128. Métaphase de la deuxième mitose, disposition irrégulière des chromosomes.
Fia. 129 et 130. Métaphase de la première mitose chez Triton cristatus. Fixation au Bouin. Coloration héma-
toxyline ferrique. Irrégularité et torsion des chromosomes.
Fia 131 à 135 Spermatocytes I chez Bufo vulgaris. Fixation au Bouin, coloration : hématoxyline-ferrique-
Bordeaux- vert-lumière.
Fia. 131. Début de la formation du filament. 132 filament épaissi.
Fia. 134, 135. Métaphase.
Fio. 133. Mise au fuseau. Dédoublement prophasique d'un des pôles.
Fia. 136 et 137. Prophase et métaphase des spermatocytes I chez Hyla arborea.
Fia 138 à 141. Chromosomes métaphasiques 138 et 139 chez Triton, 140 chez Bufo vulg., 141 chez Salamandra
mac.
PLANCHE VII
Spermalogénèse chez le Bombinator.
Fixation au Bouin. Coloration hématoxyline ferrique-Brésiline-vert lumière, n, nucléole ; cp, corps pyrénoïde .
acr, acrosome antérieur ; acrp, acrosome postérieur ; ce, corpuscules centraux (cen, groupe antérieur ; cep, groupe
postérieur).
Fia. 142. Spermatocyte après la télophase de la dernière mitose somatique.
Fia. 143. Formation du filament et orientation vers le centre cellulaire.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. — T. 52. — F. 2. 20
302 CHRISTIAN CHAMP Y
Fig. 144. Filament. épais.
Fig. 145. Dédoublement du filament.
FiG. 146. Filament tordu dédoublé, raccourci et désorienté.
Fig. 147. Mise au fuseau.
Fig. 148, 149, 150, 151. Métaphase de la première mitose de maturation.
Fig. 148. Chromosomes à peu près égaux. Division précoce du corps chromatoïde.
Fig. 149. Division du corps chromatoïde à la métaphase, chromosomes très inégaux.
Fig. 150. Chromosomes égaux. Le corps chromatoïde n'est pas encore divisé; l'un des chromosomes très court
n'est pas à l'équateur.
Fig. 151. Chromosomes égaux. Division précoce du corps chromatoïde. Un des chromosomes n'est pas à
l'équateur.
Fig. 152. Anaphase et division longitudinale anaphasique.
Fig. 153. Télophase.
Fig. 155. Spermatocyte II au repos.
Fig. 156. Spirème fin dans un spermatocyte II.
Fig. 157. Spirème plus épais.
Fig. 158. Début de la métaphase de la mitose II. (Le corps chromatoïde n'est pas divisé.)
Fig. 160. Métaphase de la mitose II. Division du corps pyrénoïde. Division des pôles du fuseau.
Fig. 159. Anaphase II. Figure de division anaphasique ?
Fig. 161. Télophase II.
Fig. 162. 163. Division des corpuscules centraux dans les spermatides.
Fig. 164. Début de la rotation du noyau.
Fig. 165. Rotation terminée. Début du bâtonnet intranucléaire.
Fig. 166, 167. Formation d'un acrosome antérieur. Bâtonnet intranucléaire.
FiG. 168. Dédoublement du filament principal.
Fig. 165, 166, 170. Bâtonnets intranucléaires en formation.
Fig. 171, 172, 173. Torsion du noyau. Formation de l'acrosome postérieur.
Fig. 172, 173. Homogénéisation du noyau.
Fig. 174. Spermatozoïde presque complètement formé avec résidu cytoplasmique vacuolairc.
Fig. 175. Coupe transversales de spermatide.
PLANCHE VIII
Mitochondries dans les cellules sexuelles. (Méthode d'AUmann.)
Fig. 176 à 200. Spermatogénèse du Bombinator.
Fig. 176 à 185. Gonies primitives.
Fig. 176. Formation du corps mitochondrial.
Fig. 177. Corps mitochondrial compact.
Fig. 178. Corps mitochondrial en croissant.
Fig. 179. Corps mitochondrial annulaire.
Fig. 180. Mitochondries en halos.
Fig. 181. Résolution du corps mitochondrial.
Fig. 182. Disposition des mitochondries a la prophase des gonies I.
Fig. 183. Aster; gonie I.
Fig. 184. Anaphase de la mitose des gonies 1.
Fig. 185. Deux gonies primitives après la télophase.
Fig. 186 et 187. Mitochondries dans les spermatogonies de IIe Ordre.
FiG. 186. Coupe d'une spermatogonie de IIe Ordre passant par le centrosome.
Fig. 188. Spermatocyte en prophase.
Fig. 189. Division spermatocytaire.
Fig. 190. Spermatide au début de son évolution.
Fig. 191 à 195. Vacuolisation du cytoplasme des spermatides.
Fig. 196 â 199. Les mitochondries redeviennent en partie granuleuses, une partie se groupent autour du
filament axile, fig. 198, notamment.
Fig. 200. Coupe transversale d'une spermatide.
Fig. 201, 202. Spermatogonies primitives de Salamandre. Méthode d'AUmann.
Fig. 201. Maximum de polymorphisme. L'aspect des mitochondries correspond assez exactement à celui de la
fig. 6 chez Bombinator.
Fig. 202. Minimum de polymorphisme. L'aspect des mitochondries est celui d'un début de formation du corps
mitochondrial.
Fig. 203 à 209. Colorations vitales par le rouge neutre.
SPERMATOGÊNÈSE DES BATRACIENS 303
Fio. 203. Gonie primitive de Bombinator.
Fia. 207. Gonie primitive de Rana esculenta.
Fig. 205. Spermatocyte I de Rana esculenta.
Fig. 204 à 209. Spermatides de Bombinator.
Fia. 206 et 208. Spermatides de Grenouille.
PLANCHE IX
Spermatogênèse de l'Alytes.
(Fixation au Bouin ou au formol phêniquê. Coloration hématoxyline jerrique-Congo-vert lumière).
Fig. 210 à 219. Spermatocytes de I" Ordre. (On notera les différences de coloration de la chromatine qui parais-
sent dépendre surtout de la masse.)
FIG. 210. Spermatocyte après la télophase de la dernière mitose somatique.
Fig. 211. Stade leptotène. (Production chromatique comparable à un chromosome accessoire.)
Fig. 212. Stade amphitène.
Fig. 213. Spirème orienté.
Fig. 214. Strepsinema.
Fig. 215 et 216. Raccourcissement des chromosomes.
Fig. 217, 218. Métaphase de la première mitose (aspects divers des chromosomes).
Fig. 219. Anaphase.
Fig. 220. Télophase de la première mitose.
Fig. 221 à 223. Spermatocytes de deuxième ordre.
Fig. 224 à 249. Spermatides.
Fia. 224 et 227. Début de l'évolution. Division des corpuscules centraux.
Fig. 225, 226. Rotation du noyau.
Fig. 229, 233. Déformations du noyau.
Fig. 234 à 240. Formation du bâtonnet axial.
Fia. 238, 241, 242. Torsion du noyau.
Fig. 244, 245. Spermatozoïdes formés.
Fig. 226, 247, 248. Coupes transversales de spermatides.
Sériation (1) : Evolution des corpuscules centraux ; division en deux groupes, fig. 227 et 224.
Sériation des phénomènes dans le groupe postérieur : 224, 231, 230, 229, 232, 237, 238, 243, 241, 245.
Groupe antérieur de corpuscules centraux : 227, 224, 225, 226, 231, 232, 233, 234, 240, 238, 242
243, 245.
Bâtonnet axial, évolution : 238, 232, 233, 234, 235, 238, 241, 242, 245.
Coupes transversales fig. : 248, 245, 248.
Le groupe accessoire est représenté fig. 249, 229, 233.
[PLANCHE X
Spermatogênèse chez Rana esculenta.
[Fixation au Bouin. Coloration: hématoxyline au fer-vert lumière-Bordeaux).
Les stades sont sériés d'une façon aussi précise que possible dans l'ordre des figures. Je n'ai pas sérié les
cellules qui présentent des phénomènes non synchrones comme cela a été fait dans la planche précédente. La
sériation très exacte pour les spermatocytes n'est donc pas pour les spermatides.
Fig. 250 à 263. Spermatocytes de premier ordre.
Fig. 260 à 263. Première mitose de maturation.
Fig. 264 et 265. Télophase de la première mitose.
Fig. 266 à 274. Spermatocytes de deuxième ordre.
Fig. 270 à 275. Deuxième mitose de maturation.
Fig. 276 à 290. Spermatides.
Noter la séparatian des centrioles dès la télophase, dès la métaphase (fig. 275, 276), quelquefois dès l'ana-
phase (273) et même la prophase (272) ; en 273 on distingue celui qui donnera le groupe postérieur
(périphérique) et celui qui donnera le groupe antérieur (juxtanucléaire).
Fig. 284, 285, 286 etc. Bâtonnet axial peu visible.
Fig. 288, 289, 290. Spermatozoïdes atypiques.
(1) J'indique ici l'ordre dans lequel il faut suivre chaque phénomène sur les figures, parce que les divers
phénomènes ne sont pis synchrones.
304 CHRISTIAN CHAMP Y
PLANCHE XI
Spermiogénèse chez les Vrodèles.
(Triton cristatus, T. palmatus, Salamandra maculosa).
FlG. 291 à 306. Salamandre.
Fig. 307 à 325. Tritons (palmatus et cristatus, les phénomènes sont identiques dans les deux espèces).
FlG. 291, 307, 308. Deuxième mitose de maturation.
Evolution du groupe postérieur. Sériation: FlG. 298, 299, 303, 302, 304, 305, 306, chez Salamandre.
FlG. 311, 312, 313, 317, 318, 319, 320, 322, 325, chez Triton.
Evolution du groupe antérieur : FlG. 311, 312, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325.
FlG. 327 à 329 formation de la pointe.
Le groupe accessoire est visible flg. 110, 312.
Le bâtonnet (spirostyle). FlG. 319, 320, 326, 321, 322, 323.
La torsion nucléaire flg. 321 à 325.
Noter la coloration du corpuscule proximal du groupe antt'rieur fig. 304, C22, 327, 328, etc.
Pour l'évolution après les stades des fig. 306-325 se reporter au travail de Meves. Les phénomènes
sont identiques à ceux qu'il a décrit.
PLANCHE XII
Eléments accessoires du testicule et voies efférentes.
FlG. 330 à 335. Evolution des cellules du cyste. Fixation Bouin. Coloration de Prenant.
Fig. 330. Cellules du cyste autour d'une gonie primitive, x 1500 environ.
Fig. 331. Cellules du cyste autour d'un cyste de spermatocytes, x 1000 environ.
c ,, cellule de paroi du cyste ; c 2, cellule des parois des cystes secondaires, x 1000.
Fig. 332. Modification de la cellule du cyste lors de la transformation des spermatides en spermatozoïdes. Elle
devient une véritable cellule de Sertoli. x 1000.
Fig. 333, 334. Cellules du cyste jouant le rôle de cellules de Sertoli.
Fig. 335. Transformations au moment de l'excrétion des spermatozoïdes. Phagocytose des spermatozoïdes.
x 1000.
Fia. 352. Tissu interstitiel chez Raua esculenta. Fin juillet. Fusées de cellules interstitielles.
Fia. 336 à 339. Evolution d'une cellule glandulaire du testicule d'un Urodèle. (Axolotl.) Coloration de Prenant,
pour suivre la transformation des fibres collagènes.
Canaux excréteurs du testicule de l'Axolotl.
(Fixation au formol phéniqué, coloration de Prenant.)
Fig. 340 à 346. Cellules tapissant les voies efférentes intratesticulaires.
Fig. 348 à 357. Cellules tapissant les voies eflérentes extratesticulaires.
Fig. 347. 353, 354. Transformation glandulaire de ces cellules au moment du passage des spermatozoïdes.
/, fouet central.
r, racines ciliaires.
ce, corpuscules centraux.
gr, granulations de sécrétion.
eu, cuticule.
■'
PLANCHE XIII
Eléments accessoires du testicule et voies efférentes.
Fig. 358. Tissu glandulaire de Salamandre au moment qui suit l'expulsion des spermatozoïdes. Méthode de
Benda. c ,, cellules du cyste ; c a, cellules des cystes secondaires ; ce, cellules conjonctives.
Fig. 359 à 362. Evolution du tissu glandulaire endocrine chez la Salamandre. Stades successifs de l'élaboration des
enclaves graisseuses.
FlG. 367. Passage de substances lipoïdes phosphorées de l'interstitielle dans le tube séminifère Rana tempora-
ria; juin.
Fig. 368. Canaux efférents intratesticulaires de Bombinator (méthode de Benda).
Fig. 369. Canaux efférents intratesticulaires de grenouille verte juin. (Méthode de Flemming).
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, page 305 à 341.
5 Juillet 1913
;s SUR LA BIOLOGIE DE LA
SARDINE
(CLUPEA PILCHAHDUS WALB.J
I.
Premières remarques sur la croissance et l'âge
des individus, principalement en Méditerranée
PAR
LOUIS FAGE
Docteur es sciences, naturaliste du service scientifique des pêches
Laboratoire Arago, Banyuls-sur-Mer.
SOMMAIRE :
Pages
Avant-propos 305
Mode de croissance 309
Première période de croissance active 310
Périodes ultérieures de croissance 316
Quelques anomalies 321
Influence de la température et de la reproduction sur la croissance 323
Rapport entre l'âge et la taille des individus. — Conclusions 327
Index bibliographique 333
Appendice : données numériques 335
AVANT-PROPOS
11 semble impossible aujourd'hui d'aborder l'étude de la biologie des
Poissons, et principalement de leurs variations et de leurs déplacements,
sans posséder au préalable une connaissance précise du mode de crois-
sance et de l'âge des individus soumis à ces recherches.
D'une part, en effet, la définition des races ou des variétés qu'une
espèce peut présenter repose sur la constatation de caractères que seule la
comparaison de nombreux individus peut mettre en évidence. 11 importe
ARCH. DE ZOOL. T.XP. ET GÉN. — T. 52. — F. 3. 21
306 LOUIS FAGE
donc, si l'on veut diminuer les causes d'erreur, de s'assurer qu'on est
en présence d'exemplaires parvenus à un même point de leur évolution
et que les différences constatées ne sont pas directement ou indirecte-
ment le résultat des différences d'âge existant entre les individus comparés.
D'autre part, il est bien évident qu'une même espèce offre des caracté-
ristiques biologiques particulières à chaque période de son évolution.
La manière d'être, les exigences des alevins, des jeunes sont tout autres
que celles des adultes, et ceux-ci se comporteront différemment suivant,
par exemple, qu'ils seront sur le point d'émettre pour la première fois
leurs produits sexuels ou qu'ils se disposeront à accomplir leur deuxième
ou leur troisième ponte. Et l'on comprend que pour des espèces aussi
délicates que le sont les Clupéidés, chez lesquelles, il est impossible de
marquer les individus, il est de toute nécessité, pour suivre les déplace-
ments que ceux-ci entreprennent, de pouvoir reconnaître dans les cap-
tures ceux qui, provenant d'une même période de ponte, ont approxima-
tivement le même âge. Non seulement ce classement permet de mettre
de l'ordre dans la complexité des problèmes à résoudre en sériant les
difficultés que ces derniers soulèvent, mais il permet aussi de surveiller
avec profit le rendement de la pêche en déterminant pour chaque cam-
pagne, dans quelles proportions sont représentés les individus provenant
des pontes de telle ou telle année.
C'est pourquoi il n'y a pas lieu de s'étonner de l'importance prise en
ces derniers temps, surtout dans la biologie marine, par la détermination
de l'âge et de la croissance des Poissons. Les travaux sur ce sujet se suc-
cèdent nombreux et déjà les Pleuronectidœ, les Gadidœ, les Clupeidœ,
les Engraulidœ, les Salmonidœ, les Cyprinidœ, les Anguillidœ ont été
étudiés à ce point de vue. Il est juste de remarquer que le nombre de ces
travaux s'est principalement accru le jour où a été trouvée la méthode
commode et précise qui permet de se servir de la structure des pièces
squelettiques, des otolithes et des écailles pour calculer l'âge des Pois-
sons et suivre leur croissance.
Avant cette époque relativement récente — la première application
de cette méthode n'a été faite qu'en 1899 par Hoffbatjer — il fallait se
contenter, pour apprécier le degré de développement auquel les sujets
examinés étaient arrivés, de leur simple mensuration. Groupant par rang
de tailles tous les individus capturés on peut, en effet, sous certaines
conditions, rechercher la valeur des moyennes correspondant aux diffé-
rentes générations. Ce procédé est parfois susceptible de donner d'excel-
BIOLOGIE DE LA SARDINE 307
lents résultats (cf. C. G. John Petersen 1892), mais il est bon de préciser
dans chaque cas particulier les limites de son emploi. En ce qui concerne
la Sardine, les indications qu'on en peut tirer sont généralement suffisantes
dans les stades jeunes, quand les individus se développent activement, et
Marion (1890) est parvenu avec ce seul guide à tracer un tableau d'allure
très vraisemblable de la croissance de cette Clupe pendant sa première
année. Mais dès que ces stades jeunes sont franchis la croissance devient
beaucoup plus lente et irrégulière au point que des échantillons ayant
sensiblement les mêmes dimensions sont souvent d'âges très différents.
Il est alors nécessaire de recourir à un autre critérium qui nous est heu-
reusement fourni par la structure des pièces squelettiques.
Cette seconde méthode a été utilisée si fréquemment par les auteurs
modernes qu'il semble inutile de revenir sur ses principes et sur son
application. H suffira de rappeler qu'elle repose sur le fait démontré
que la structure concentrique de certaines parties du squelette, des
otolithes, des écailles, traduit la marche de la croissance de l'individu.
Celle-ci se faisant d'une façon discontinue : un arrêt de croissance ou
une période de croissance ralentie succédant à une période de croissance
active, il s'en suit que sur les vertèbres, sur les otolithes, sur les écailles,
on constate la présence de zones concentriques alternativement larges et
étroites, opaques et transparentes, d'autant plus nombreuses qu'on a
affaire à des individus plus âgés.
L'extension de cette méthode à la famille des Clupéidés a déjà donné
des résultats fort intéressants. Jenkïns (1902), en s'appuyant unique-
ment sur l'examen des otolithes a pu déterminer l'âge d'une série de
Clupes se rapportant aux genres Clupea et AI osa. C'est principalement sur
l'examen des écailles que sont basés les beaux travaux de Hj. Broch
(1908), Kn. Dahl (1907), G. Schneider (1910), J. Hjort (1909-1913)
et de E. Lea (1910-1911) relatifs au Hareng. Grâce à eux, non seulement
la croissance de cette espèce nous est connue en détail, mais la technique
employée s'est peu à peu perfectionnée au point que Hjort pouvait écrire
en 1910 : « La croissance des écailles est si étroitement bée à celle de
l'individu qu'il est possible, par de simples mensurations des zones de
croissance, de retracer avec une réelle exactitude l'histoire de la crois-
sance de celui-ci. »
C'est cette méthode — que Ose. Sund (1911) a également em-
ployée avec succès pour l'étudu de Sprat, et qui nous a permis récem-
ment (1911) d'établir le cycle évolutif de l'Anchois — dont il
308 LOUIS FAGE
nous a paru opportun d'essayer l'application à l'étude de la Sardine.
A vrai dire, nous sommes précédés dans cette voie, d'abord par
Jenkins qui, dans le mémoire auquel il est fait allusion plus haut (1902),
a examiné les otolithes d'une vingtaine de Sardines provenant de la côte
S. W. d'Angleterre. Mais tous les échantillons que cet auteur a eus à sa
disposition, et qui mesuraient de 20 à 24 centimètres de longueur, étant
âgés de quatre ans, aucun tableau de croissance n'a pu être dressé faute
du matériel indispensable.
A. Steuer (1908) a bien également observé sur les écailles et les
otolithes de Sardines prises dans l'Adriatique des zones d'accroissement
qu'il croit pouvoir être utilisées pour la détermination de l'âge de cette
espèce, mais là se bornent ses investigations.
Enfin, tout récemment, Hjort (1913) dans sa brochure intitulée
« Den Franske Industris Kamp mot de Norske Sardiner » consacre un
chapitre à l'étude de la croissance de la Sardine océanique. Les faits très
intéressants que nous révèle ce travail seront discutés au cours de cette
note ; il nous suffira d'indiquer ici que la méthode employée par Hjort
est exactement celle que nous avons suivie et qui nous avait déjà fourni
les quelques résultats communiqués au mois d'août 1912 au Congrès de
l'Association Française pour l'avancement des sciences tenu à Nîmes.
Les indications que nous fournit le savant directeur des pêcheries de
Norvège sont d'autant plus précieuses qu'elles viennent heureusement
compléter les faillies données que nous avions recueillies sur la Sardine
océanique, et nous permettent de comparer sa croissance à celle de la
Sardine méditerranéenne .
Nos recherches - — qui seront ultérieurement complétées — n'ont en
effet porté actuellement que sur la Sardine qui fréquente le Golfe du Lion
et la Mer de Nice, c'est-à-dire la partie du littoral méditerranéen exploité
par nos pêcheurs métropolitains. Et encore, devons-nous ajouter qu'étant
donné le nombre encore relativement restreint des observations effectuées,
nos conclusions doivent, peut-être, être considérées seulement comme
provisoires. Tl suffit, pour voir la prudence dont il est utile de ne point
se départir en pareille matière, de jH.i un coup d'œil sur les travaux
du laboratoire de Bergen où les statistiques portant sur des milliers de
Harengs sont sans cesse multipliées avant qu'en soient dégagés les faits
biologiques qu'elles sont destinées à mettre en évidence. De semblables
enquêtes demandent une organisation et des collaborations qui nous font
défaut.
BIOLOGIE DE LA SARDINE 309
Sans doute, notre intention est de poursuivre les recherches dont on
trouvera ici un premier exposé, mais il nous a semblé qu'avec le matériel
dont nous disposions dès à présent, il nous était possible de tracer le
tableau assez exact de la croissance de la Sardine dans les parages qui
viennent d'être indiqués, et, au moins, d'attirer l'attention sur l'impor-
tance des problèmes qui se posent naturellement comme conclusion à
une pareille étude.
MODE DE CROISSANCE
Quand on examine les écailles d'une Sardine adulte on constate
que les stries d'accroissement régulières et concentriques, bien visibles
sur la partie antérieure, sont interrompues par plusieurs zones claires,
étroites et non striées. Cette structure, analogue à celle qu'on trouve
chez les autres Clupéidés, indique que la croissance est discontinue et se
fait en plusieurs périodes, entre lesquelles se place un temps de repos.
Les recherches entreprises sur le Hareng, sur le Sprat, ont montré que la
période de repos coïncide avec la mauvaise saison et se traduit chaque
année par la formation sur les écailles de cette mince zone claire que les
auteurs de langue anglaise nomment pour cette raison ivinter-ring. Il
en est de même pour la Sardine, et le nombre de ces anneaux comptés
sur les écailles donne le nombre d'hivers subis par l'individu examiné.
De semblables indications nous sont fournies par les otolithes dont les
larges zones d'été, vues en lumière réfléchie, apparaissent d'un blanc
opaque, tandis que les zones hivernales leur forment une bordure étroite
et^sombre.
Mais pour évaluer avec ces données l'âge d'un individu, il ne suffit pas
de prouver que l'intervalle compris, sur les écailles ou les otolithes, entre
deux zones hivernales représente bien la croissance active d'une année,
il faut avant tout pouvoir calculer la durée de la période initiale de crois-
sance. Or, celle-ci, s'étendant depuis le moment où les alevins éclosent
jusqu'à celui où ils deviennent pour la première fois sensibles à l'action
de l'hiver, on comprend qu'elle peut être d'une durée quelconque, infé-
rieure, égale ou même supérieure à une année, suivant que l'époque de
ponte est plus ou moins rapprochée de la date d'apparition du premier
arrêt de croissance.
Nous allons donc étudier séparément la durée de la période de croissance
active au cours de la première année et au cours des années suivantes.
310
LOUIS F AGE
Première période de croissance
Les jeunes Sardines, au moment de leur migration vers la côte, se
pèchent abondamment sur le littéral de Provence à l'aide de sennes d'un
genre particulier appelées bourgins et issaugues. Les mailles de ces filets
permettent de retenir même les plus jeunes individus, qui constituent la
majorité de la poutine qu'on vend communément sur les marchés de
Marseille et de Nice. Les renseignements que nous a fournis l'examen du
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I
Fig. 1. Courbes de croissance pendant la première année.
résultat de ces pêches faites à différentes époques, auxquels nous avons
joints ceux, très importants, recueillis par Marion (1889-1894), nous ont
permis de dresser le tableau de la croissance de la Sardine pendant sa
première année. Dans ce tableau (fig. 1) la taille des individus est indi-
quée en ordonnées et l'époque de leur capture en abcisses. En regard du
0 se trouve notée la durée de la ponte déduite de la présence des œufs
dans le plankton ou de l'état de maturité sexuelle des reproducteurs.
On remarquera tout d'abord la longue durée de cette période de
ponte, à laquelle cependant nous assignons peut-être des limites encore
trop étroites. En effet, si nous n'avons pas réussi à prendre les œufs de
Sardine dans le plankton avant le 3 octobre, il convient de rappeler que
Holt (1899) a signalé un œuf qu'il attribue à cette espèce dans une pêche
BIOLOGIE DE LA SARDINE 311
de surface faite à Marseille le 10 septembre. Au surplus, l'existence de
pontes aussi précoces est rendue très vraisemblable par la capture d'ale-
vins ayant déjà 6 cm. en mars. D'autre part, les pontes, pas trop rares
encore au mois de mai, laissent supposer que quelques œufs tardifs peu-
vent aussi se rencontrer le mois suivant.
En définitive, la Sardine pondrait donc dans le Golfe du Lion en
automne, en hiver et au printemps. Dans le tableau figuré ci-dessus, nous
avons donné les courbes de croissance des individus provenant de pontes
émises à ces diverses saisons. Les uns et les autres franchissent très
rapidement les premiers stades de leur développement et conservent
pendant tout l'été cette même vitesse de croissance. Mais, et ceci se lit
parfaitement sur la figure 1,
dès le mois d'octobre cette
croissance se ralentit, les cour-
bes, sans cesser d'être paral-
lèles, tendent à devenir hori-
zontales ; nous entrons dans
la première période de repos.
Les écailles (fig. 2) et les otoli-
FlG. 2. Ecaille d'un individu
theS (fig. 3) des individus Captu- âgé d'un an pris au mois de
, , ,, décembre, et mesurant 10 % FIG. 3. Otolithe du même
res a ce moment sont a une de longueur, x 6. individu, x 17.
seule venue ; la zone hivernale
qui commence à se former ne sera nettement visible que plus tard quand
s'effectuera une pousse nouvelle.
On constate donc que la première période de croissance active,
qui est maintenant achevée, ne coïncide avec la fin de la première année
d'existence que pour les individus issus des pontes d'automne ; elle repré-
sente pour les autres 9 à 10 mois ou 6 à 8 mois selon qu'ils proviennent de
pontes d'hiver ou de printemps. Et, comme la reprise de croissance
ne se manifeste guère, ainsi qu'on le verra, avant le mois de mars, il en
résulte que, pour accomplir en entier son premier cycle de croissance qui
comprend une période active et une période de repos, la Sardine peut
mettre selon les circonstances de la ponte un an à peine ou un an et demi
et atteindre alors une taille variant au moins de 8 à 11 centimètres.
Ce fait est important, non pas seulement parce que la connaissance
précise de la croissance de première année doit nous servir de base pour
évaluer l'âge des individus plus vieux, mais aussi parce qu'il permet
312
LOUIS F AGE
de distinguer parmi ces derniers, et d'après le seul examen de leurs
écailles, ceux qui proviennent des pontes de printemps on d'automne,
E. Lea (1910) a démontré que chez le Hareng la croissance de l'écaillé
est proportionnelle à celle de l'individu, et qu'il est possible de calculer
la taille de celui-ci à un moment donné par la mesuration des zones
d'accroissement. Si nous appelons Fia longueur de l'écaillé mesurée depuis
la ligne basilaire a h (fig. 4) jusqu'au sommet o, et respectivement v1 et v2
les dimensions qu'avait l'écaillé au moment de la formation de la première
et de la deuxième zones hivernales, connaissant la longueur totale L de
l'individu examiné, les tailles approximatives ll,l 2 qu'avait celui-ci au
moment où son écaille mesurait
V1, v1 nous seront données par les
formules : l1 = L —• l2 — —s etc. On
V 4>
L — ' J2— — »
trouvera dans la brochure citée plus
haut le procédé que l'auteur con-
seille pour solutionner rapidement
ces équations.
Ces formules ont été appliquées
à l'étude de la croissance du Sprat
par Ose. Sund (1911) ; elles ont été
également reconnues valables pour
les Salmonidés par Knut Dahl (1911), Ph. Esdatle (1913) ; et Hjort
(1913) s'en est aussi servi pour analyser les lots de Sardines qu'il a eues à
sa disposition. C'est la méthode que nous avons employée pour dresser les
tableaux qui figurent à la fin de cette note. Mais il ne faut pas oublier que
les longueurs obtenues ne peuvent être qu'assez approximatives, étant
donné les. variations observées dans la valeur du rapport ^ qui théo-
riquement ne devraient pas exister. Pour les exemplaires mesurant de
10 à 17 centimètres de longueur ces variations ne sont que de quelques
unités (39-43), mais pour les individus plus jeunes ou beaucoup plus
âgés la valeur du rapport augmente ou diminue respectivement dans de
notables proportions. Ces réserves étant faites, et celles qu'imposent
aussi les récentes recherches de R. M. Lee (1912) sur lesquelles nous
reviendrons, il nous a paru qu'en opérant toujours avec des écailles prises
sur les flancs de l'animal, à l'aplomb de la nageoire dorsale, les chiffres
deviennent comparables et conduisent à des observations très^ instructives.
BIOLOGIE DE LA SARDINE
313
Or un des faits Les plus frappants que l'emploi de cette méthode met
nettement en évidence est précisément la variation de la valeur de /',
c'est-à-dire de la taille de l'individu au moment de la formation de sa
première zone hivernale.
La courbe reproduite dans la figure 5 montre l'étendue de cette
variation dans un loi de 53 Sardines prises dans le même coup de filet
à Nice au mois
de décembre
1912, et dont 1rs
écailles montrent
la trace de un,
deux ou trois
hivers. Etant
donné ce que
nous a appris la
mensuration des
individus au
cours de leur
première période
de croissance
(fig. 1), on peut
admettre que
ceux dont la va-
leur de l1 s'inscrit
ici sur la partie
ascendante de la
courbe provien-
nent de pontes
de printemps,
tandis que ceux
dont cette valeur s'inscrit sur la partie descendante proviennent de
pontes d'automne.
Il est facile de se rendre compte que l'ampleur de cette courbe, bien
que tracée d'après l'examen d'individus d'âges différents, n'est pas due
à ce que R. M. Lee appelle the phénomène of apparent change in growth
rate, c'est-à-dire au fait que plus les individus sont âgés plus faible appa-
raît la valeur de lx. La figure 6, où la courbe est établie à l'aide de plus
nombreux échantillons se trouvant tous dans leur troisième période de
FlG. 5. Variation'de la^valeur âé] V'mmt^m^mmm* = 53 individus d'âges différents
"J [«■!■<■■«■ >■■ — 47 indivdius provenant des pontes de 1910. Le nombre
L. ">» [d'individus est indiqué en ordonnées et la valeur de /' en abcisses.|_ 4 -,
314
LOUIS F AGE
croissance, le montre nettement. Par contre, il est clair que ce phénomène
peut affecter la position du sommet de la courbe qui indiquera un chiffre
d'autant plus faible que les individus sont plus âgés.
Or, si nous comparons (fig. 5) dans le lot précédemment examiné
les individus provenant des pontes du printemps de 1910 et ceux prove-
Fio. 6. Variation de la valeur de Z1 pour 100 individus se trouvant dans leur troisième période de croissance.
nant des pontes de l'automne de la même année, nous trouvons dans
leurs écailles des différences notables. Les premiers (fig. 7) ont déjà subi
l'action de deux hivers : ceux de 1910 et de 1911, et ont terminé leur
troisième période de croissance, les autres au contraire (fig. 8), issus
d'œufs pondus pendant la mauvaise saison de 1910 n'ont été arrêtés dans
leur croissance que par l'hiver suivant, c'est-à-dire en 1911, alors qu'ils
avaient déjà un an. On arrive ainsi à distinguer des individus qui peuvent
n'avoir entre eux que quelques mois de différence, juste l'intervalle qui
BIOLOGIE DE LA SARDINE
315
sépare la fin d'une saison de ponte du commencement de la saison sui-
vante. Et il est intéressant de pouvoir le faire, car ces individus, bien que
Fin. 7. Ecaille d'un individu âgé de 3 ans prove-
nant des pontes tardives de 1909-1910. x 6,5.
Fig. 8. Ecaille d'un individu âgé de 2 ans y2 prove-
nant des pontes précoces de 1910-1911. x 6.5
se rapportant à des périodes de pontes différentes (1909-1910 pour les
premiers, 1910-1911 pour les seconds dans le cas cité), paraissent se com-
porter désormais au point de
vue biologique de la même
façon. Ils ont sensiblement la
même taille, se trouvent cons-
tamment associés dans les
captures, ont leurs produits
sexuels mûrs en même temps.
Fie. 9. Ecaille (x 4) etotolithe ( x 11) d'un individu âgé de
3 ans pris à Concarneau.
Ces considérations ne sem-
blent pas devoir s'appliquer
seulement à la Sardine de la Méditerranée, mais pourraient bien être
également valables pour la Sardine océanique. Nous avons en tout cas
observé dans deux lots de
Sardines, malheureusement peu
nombreux (12 et 15 indivi-
dus), pris à Concarneau, la
même inégalité dans la durée
de la période initiale de crois-
sance ; inégalité qui se lit aussi
facilement sur les écailles que
sur les otolithes (fig. 9 et 10).
Au surplus, nous avions été
conduit aux mêmes conclusions
en étudiant la croissance de l'Anchois. « L'influence du premier hiver, disions-
nous (1911) ne se fait sentir que si l'Anchois a franchi, au cours de l'année
Fig. 10. Ecaille ( x 4) et otolithe (x 11) d'un individu âgé
de 2 ans V2, pris à Concarneau.
316 LOUIS F AGE
qui précède, une partie déjà importante de son développement. Tel est
le cas des individus issus des pontes du printemps et de la plus grande
partie de l'été. Il est essentiel de tenir compte de ce fait si l'on veut déter-
miner l'âge des Anchois d'après l'examen de leurs écailles. Aussi bien il
est facile, la plupart du temps, de reconnaître au moyen des écailles les
individus de même âge, dont les uns portent la trace de deux hivers et
les autres d'un seul. En effet, chez les premiers, la première période de
croissance s'étend seulement pendant la belle saison ; elle est interrom-
pue par un hiver avant la fin de la 'première année. Chez ceux au contraire
qui naissent en septembre par exemple, la première période de croissance
continue s'étendra jusqu'en octobre de l'année suivante ; ils auront donc
un an au moins quand apparaîtra la première zone hivernale. Il s'en suit
que la zone initiale de croissance des premiers individus considérés sera
plus étroite que la même zone chez les autres individus ».
Il en est de même pour tous les Clupéidés dont la période de ponte est
assez étendue. Il ne faut sans doute pas interpréter autrement les inéga-
lités de tailles que Os. Sund (1911) signale chez le Sprat au moment où
celui-ci a terminé son premier cycle de croissance. Et pour le Hareng dont
la ponte est discontinue, il semble bien que l'opinion émise pour la pre-
mière fois par Kn. Dahl (1907) puis par Broch (1908), mais que laissait
prévoir le travail antérieur de Fulton (1906), opinion d'après laquelle
la croissance et les écailles des Harengs d'automne sont différentes de
celles des Harengs de printemps, soit sur le point de prévaloir (cf. E. Lea
1910, p. 23).
Périodes ultérieures de croissance
Après avoir étudié la durée de la période initiale de croissance active
et en avoir montré les variations que la longueur de la saison de ponte
permet d'expliquer, il nous faut établir maintenant la durée des périodes
ultérieures de croissance et fixer l'époque à laquelle celles-ci se manifestent
Pour cela il n'est pas d'autre méthode que celle qui consiste à comparer
à différentes époques de l'année la croissance de sardines provenant de
mêmes pontes.
Examinons d'abord un lot de sept individus âgés de 4 ans, pris au
mois de novembre 1911. Les chiffres moyens de ce lot calculé d'après la
v
formule l = L -~ sont : L
74.6
7.4
P
0.9
3.6
si nous appelons t1, t2, tz, Ê4, la longueur de chaque période de croissance
BIOLOGIE DE LA SARDINE
317
{0 égalant /\ t1
suivants :
lz-ll, t* = l3-l2, t* = Tj-Iz) nous aurons les chiffres
t* fi fi fi
7.4 :?.5 2.7 l.O
qui indiquent en centimètres l'accroissement en longueur pendant les
années 1908, 1909, 1910 et 1911.
Un lot de 12 individus comparables, capturés en février 1912, c'est-
à-dire environ quatre mois après nous donne pour les mêmes périodes les
chiffres suivants :
7.4
ta
4.3
fi
2.4
f
1.1
On voit que de novembre 1911 à février 1912, non seulement aucune
Fia. 11. Ecaille d'un individu âgé de 4 ans pris au
mois de novembre 1911. x 6,5.
Fia. 12. Ecaille d'un individu âgé de 4 ans et
3 mois pris en février 1912. x 6,5.
nouvelle pousse ne s'est manifestée, mais que la valeur de f4 est
elle-même restée à peu près sans changement. La croissance des
individus est donc restée stationnaire pendant ces mois d'hiver. Leurs
écailles (fig. 11 et 12) montrent que la dernière zone hivernale est demeu-
rée à la même distance de la périphérie.
Nous arrivons aux mêmes conclusions en comparant des individus
provenant des pontes précoces ou tardives de la saison suivante (1908-
1909). Leurs écailles (fig. 13 et 14) nous les montrent au mois de novembre
1911 avec les caractéristiques suivantes :
et:
Au mois de février 19; 2, ils ont encore :
et:
1909
t'
1910
t2
1911
fi
9.8
7.3
3.5
4.4
1.4
2.1
pour les premiers,
pour les seconds.
9.9
8.0
3.4
5.1
1.3
2.0
318
LOUIS FAGE
La période qui s'étend du mois de novembre au mois de février a été
pour eux aussi une période de repos.
Au contraire, l'examen des écailles des individus capturés au premier
printemps nous révèle que la période de repos est terminée et qu'un
nouvel accroissement est commencé. Déjà, au mois de mars, celui-ci est
visible chez quelques-uns, à vrai dire peu nombreux. Dans un lot de 98 indi-
FlG. 13. Ecaille d'un individu âgé de 2 ans % pris
au mois de novembre 1911. x 6,5.
FiG. 14. Ecaille d'un individu âgé de 2 ans et 9 mois
pris en février 1912. x 6,5.
vidus pris à cette époque en 1913 onze seulement sont dans ce cas et
montrent une croissance nouvelle de 3 à 5 millimètres. Le tableau I donne
les moyennes obtenues d'après l'analyse de cette capture particulière-
ment instructive, car on y voit la nouvelle croissance se manifester pour
TABLEAU I
Nombre
d'individus
1909
1910
1911
1912
1913
Pontes de
i<
t-
«3
t'<
fi
6
38
2
9.8
7.9
7.9
3.1
3.6
3.9
1.1
2.0
1.5
0.7
1.0
0.8
0.5
1908
Y
1909
f'
ï--
fi
fi
Pontes de
16
4
25
5
10.4
9.5
8.8
7.8
3.1
2.9
4.0
4.1
1.1
1.9
1.4
2.0
0.3
0.3
1909
m
1
1910
(i
t-
/:{
Pontes de
2
30.4
2.8
1910-1911
BIOLOGIE DE LA SARDINE
319
des individus d'âges très différents (dans ce tableau les pousses nouvelles
sont indiquées en caractères gras).
Enfin, on peut retrouver dans les diverses captures de 1912 la trace
des individus qui en novembre 1911 avaient achevé leur troisième période
de croissance, et suivre leur développement pendant la quatrième année
que résume le tableau II.
Au mois d'avril, ils montrent une pousse nouvelle de 3 mm. visible
sur les écailles (fîg. 15), à partir de
cette date la croissance augmente ra-
Fig. 15. Début de la troisième période de crois-
sance au mois d'avril, x 6,5.
FlG. 16. La troisième période de croissance au mois
de juillet, x 6,5.
pidement, dans les limites toutefois compatibles avec l'âge des individus,
et en juillet (fîg. 16) cette pousse a atteint 9 mm. Enfin en septembre
(fig. 17) elle semble bien près d'être terminée à 1 cm. ce qui représente en
effet l'augmentation moyenne de la taille de la sardine pendant sa qua-
trième année.
En résumé, on constate donc que la période de croissance active, qui
peut débuter quelquefois dès le mois de mars, se continue tout au plus
jusqu'au mois de novembre, époque à partir de laquelle la taille des
individus reste pour ainsi dire stationnaire jusqu'au printemps suivant.
TABLEAU II
Nombre d'individus
1909
1910
1911
1912
Date de capture
7
6
4
7.5
7.9
7.5
3.9
4.2
4.0
2.5
2.8
2.0
0.3
0.9
1.0
Avril
Juillet
Septembre
320
LOUIS F AGE
Il nous est actuellement impossible, faute de documents, d'étendre
avec certitude ces conclusions à la Sardine de l'Océan. La seule consta-
tation que nous ayons pu faire à ce sujet est celle-ci : sur 12 individus,
pris en avril à Concarneau, 7 paraissent avoir complètement terminé
leur deuxième période de croissance, 3 paraissent avoir également achevé
leur troisième période de croissance et deux exemplaires montrent déjà
une pousse nouvelle de troisième année atteignant environ 3 mm. Il reste
donc, malgré tout, probable que le premier printemps marque là aussi la
fin de la période de repos.
L'examen des écailles nous renseigne seulement sur l'augmentation
en longueur des individus, il serait
également intéressant de savoir
dans quelle mesure leur teneur en
graisse se modifie suivant les sai-
sons. Faute d'une aide indispen-
sable nous n'avons pu faire
encore, comme l'ont fait Ose. Stjnd
pour le Sprat, E. Lea pour le
Hareng, le calcul du pourcentage
des réserves graisseuses qu'on
trouve dans la sardine aux diffé-
rentes époques de l'année ; mais
le simple examen des individus
nous a révélé les faits suivants.
De même que chez les autres Clupéidés nous n'avons constaté aucun
engraissement notable au cours de la première année ; l'animal pous-
sant activement paraît utiliser toutes ses ressources à une augmenta-
tion rapide de sa taille. Pour le Sprat et aussi, d'après Hjort (1913),
pour la Sardine de l'Océan la première accumulation de réserves
graisseuses se produit pendant l'été de la seconde année. En Méditerranée
nous n'avons pas réussi à capturer la Sardine à ce stade que Hjort
appelle Isterstadium et qui devrait se manifester avant l'apparition de la
première maturité sexuelle. De telles Sardines échappent aux filets déri-
vants ; ce sont elles sans doute que Marion (1890) a capturées en sep-
tembre au moyen des issaugues des pêcheurs provençaux, à une taille
de 12 à 13 cm. et qu'il trouve « plus lourdes et mieux nourries », mais
qu'il considère à tort, croyons-nous, comme âgées seulement d'un an.
FiG. 17. La troisième période de croissance au mois de
septembre, x 6,5.
BIOLOGIE DE LA SARDINE 321
Par contre, dès que les individus ont accompli leur première ponte, c'est-
à-dire, quand ils ont dépassé l'âge de deux ans et demi à trois ans, on
constate qu'ils sont sujets à un engraissement périodique et annuel.
Celui-ci débute à la fin du mois d'avril ou au commencement de mai et
paraît atteindre son maximum en juillet-août, époque à laquelle la cavité
générale est envahie par l'abondance du tissu graisseux. En septembre,
ces réserves diminuent sensiblement et ne sont plus visibles chez les
individus capturés pendant l'hiver. On peut donc conclure que, au
moins pour les adultes, la période de croissance active correspond à une
période d'engraissement et que la période de repos est précisément celle
pendant laquelle les réserves graisseuses sont consommées.
Quelques anomalies
On comprend qu'un tel changement dans la manière d'être des indi-
vidus laisse sa trace sur les écailles. Mais, pouvons-nous admettre que tous
les individus, quels que soient leur âge et leur état, soient astreints à
parcourir chaque année ce même cycle de croissance et dans le même
temps ? Nos recherches sont en ce moment manifestement insuffisantes
pour l'établir, mais elles permettent de considérer le mode de croissance
décrit ci-dessus, comme s'appliquant au moins à la généralité des cas.
Les écailles dont la structure ne semble pas rendre compte de cette succes-
sion régulière et annuelle d'une période de croissance active et d'une
période de repos paraissent seulement révéler des troubles individuels de
croissance, toujours exceptionnels, et qui se retrouverait certainement
en aussi grand nombre dans n'importe quelle espèce si l'on savait les
déceler.
Dans ses études sur le Hareng G. Schneider (1910) a attiré l'attention
sur ces anomalies ; nous les signalons à notre tour chez la Sardine, non
point qu'il faille leur attribuer autrement d'importance, mais unique-
ment pour montrer dans quels cas la détermination de l'âge de certains
individus au moyen des écailles devient difficile et demeure douteuse.
La figure 18 montre que parfois l'anneau hivernal peut se dédoubler ;
simple sur les bords on le voit se diviser au sommet de l'écaillé limitant
entre ses deux branches un espace occupé par quelques stries régulières
de croissance. Quand cette anomalie affecte pour la même zone toutes
les écailles d'un individu, il faut admettre probablement qu'un brusque
et très court accroissement s'est produit pendant une période de repos.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 52. — P. 3. 22
322
LOUIS F AGE
Fig. 18. Dédoublement du deuxième an-
neau hivernal, x 6,5.
Cette explication est rendue très vraisemblable par l'observation que nous
permettent de faire les écailles d'un individu capturé en janvier. Bien
qu'à cette époque cet exemplaire devrait
se trouver normalement en pleine pé-
riode de repos, on note sur ses écailles
(fig. 19), mais seulement à leur sommet,
des stries de croissance toutes nouvelles.
Quand cette croissance anormale sera
terminée et que sera formée une nou-
velle zone intéressant toute la périphérie
de l'écaillé,
le quatriè-
me anneau hivernal apparaîtra dédoublé
en partie, comme est celui du deuxième
hiver dans la figure 18.
Il peut arriver également que la zone
hivernale soit double dans toute son éten-
due, mais alors (fig. 20) on constate que
pour chaque période l'un des anneaux
est un peu plus fortement marqué que
l'autre. Peut-être dans ce cas l'individu
échappant en partie aux influences qui
déterminent habituellement un arrêt de croissance, a continué à
croître pendant la mauvaise façon, d'une façon irrégulière et lente.
Enfin de même que certaines con-
ditions peuvent déterminer un accrois-
sement anormal au cours d'une pé-
riode de repos, de même des condi-
tions défavorables, agissant momen-
tanément, pendant la bonne saison,
peuvent entraver, pour une courte
durée, la croissance d'un individu.
Dans ce cas on trouve sur les écail-
les, entre deux zones hivernales bien
nettes et normalement espacées, une
strie annulaire faiblement visible. Ces
stries, signalées pour la première fois chez le Hareng par Hj. Broch
(1898) sous le nom de falschen Winterringen et revues par tous les auteurs
Fia. 19. Dédoublement du quatrième an-
neau hivernal, x 6,5.
Fig. 20. Croissance anormale au cours des première,
deuxième et troisième périodes hivernales, x 6.5.
BIOLOGIE DE LA SARDINE 323
qui se sont occupés des écailles de ce Poisson, existent égalemenl chez la
Sardine. On peut même remarquer qu'elles sont plus fréquentes dans le
jeune âge, au cours de la première période de croissance et surtout,
semble-t-il, chez les individus à première période de croissance longue,
c'est-à-dire provenant des pontes d'automne et qui devront croître en
partie pendant la mauvaise saison. H est aisé de comprendre qu'à ce
moment où les conditions sont plutôt défavorables et où la croissance est
pourtant très rapide le moindre arrêt de celle-ci se traduira par une
faible strie sur les écailles.
Ces irrégularités de croissance, qui sont en somme exceptionnelles
et, on le voit, le plus souvent faciles à discerner, ne sont pas de nature à
donner de graves erreurs dans l'appréciation de l'âge des individus. Les
indications fausses que seraient susceptibles de fournir celles qui passe-
raient inaperçues ne peuvent en tout cas influencer les moyennes basées
sur un nombre suffisant d'exemplaires.
INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE ET DE LA REPRODUCTION
SUR LA CROISSANCE
S'il paraît ainsi établi que la Sardine met seulement sept mois à
accomplir la presque totalité de sa croissance annuelle, il y a lieu de se
demander quelles sont les conditions qui déterminent tour à tour ce
rapide accroissement et le ralentissement qui lui fait suite. Sur ce point
particulièrement difficile à élucider nous nous bornerons pour le moment
à quelques remarques.
La croissance est sous la dépendance des phénomènes d'alimentation
et d'assimilation. Or parmi les facteurs susceptibles de modifier l'équilibre
de ces deux fonctions, il en est deux surtout qui méritent d'être retenus,
parce qu'on possède sur leur importance des renseignements dus à l'expé-
rience ou à de multiples observations, ce sont les variations thermiques
et les nécessités de la reproduction.
Bien qu'on doive admettre avec certitude que les changements de
température exercent leur action sur l'abondance et la répartition du
plankton, soit en agissant directement sur les organismes, soit par le jeu
des courants qu'ils déterminent, il est difficile de préciser l'influence
qu'ont ces variations thermiques sur la nourriture de la Sardine parce
que nous ignorons la qualité du plankton que celle-ci recherche et les
324
LOUIS FAGE
limites de son éclectisme à cet égard. On trouvera dans le récent mémoire
de Mangin (1912) le résumé de nos connaissances sur le sujet.
Il a, par contre, été démontré, notamment par Fulton (1904) dont
les expériences ont plus particulièrement porté sur les Gadidés et les
Pleuronectidés, que l'élévation de la température stimule non seulement
Fig. 21. Courbes des températures moyennes dans le Golfe du Lion aux différents mois de l'année. Les i
centigrades sont en ordonnées et les mois en abcisses.
-^—i ^— = température de surface.
■■*■■• mm = température à 25 mètres de profondeur.
• ■■biibiiii = température à 50 mètres de profondeur.
l'appétit et l'activité des Poissons, mais qu'elle favorise aussi, dans la
plus large mesure, l'accroissement de taille des individus. Quand, au
contraire, dans les aquariums où les sujets en expérience étaient placés,
la température était abaissée, on voyait alors ceux-ci dédaigner la nourri-
ture qui leur était offerte et rester inactifs sur le fond. Ces faits, d'ailleurs
en accord avec tout ce que l'on sait de la croissance des Poissons en cap-
BIOLOGIE DE LA SARDINE 325
tivité, permettent de souscrire entièrement aux conclusions de l'auteur :
« It appears that the influence of température is active in modifying the
rate of growth by acting directly upon the metabolism of the fish, and
also by afïecting the rapidity of digestion. »
Damas (1909) a apporté une nouvelle confirmation à cette manière
de voir en montrant que chez les Gadidés les écailles sont d'autant plus
nettement marquées au point de vue de l'âge que les individus examinés
habitent des parages où les variations saisonnières sont plus considérables.
Les recherches de Bounhiol1 montreront probablement qu'il en est
de même pour la Sardine puisque notre collègue a dû chercher dans la
méthode des mensurations un correctif aux indications incertaines que
lui donnait le seul examen des écailles de la Sardine Algérienne, alors que
ces indications nous ont toujours paru particulièrement nettes pour les
individus de provenance océanique.
H est donc tout naturel de constater que le maximum de croissance
de la Sardine se fait pendant l'été tandis que l'hiver correspond à la
période de repos. Cependant si nous traçons la courbe (fig. 21) des tempé-
ratures moyennes de surface aux différents mois de l'année d'après les
observations faites à Banyuls-sur-mer, au laboratoire Arago, depuis 1900,
nous constatons bien que la période de croissance active commence en
mars-avril avec le relèvement de la température et continue tant que la
courbe de celle-ci suit une marche ascensionnelle, mais nous constatons
aussi que le ralentissement hivernal débute en novembre alors que le
thermomètre marque encore 15°5, tandis qu'il marquait seulement 12°2
en mars et 14° en avril. La même remarque s'impose si au lieu d'envisager
les variations thermiques de la surface, nous envisageons les variations
observées à 25 ou 50 mètres de profondeurs ; on trouve même à ces
niveaux un écart encore plus considérable (12°3 et 12°2 pour mars-avril,
17° et 16° 4 pour novembre). De telle sorte que pour s'en tenir exactement
aux données que ces courbes fournissent, il faudrait dire que seuls les
changements qui surviennent dans le sens des variations thermiques
influent sur la vitesse de croissance des individus : la période d'élévation
de la température correspondant à la période de croissance active et la
période de repos commençant à peu près au moment où le thermomètre
s'abaisse.
De plus, il ne faut pas oublier qu'en Méditerranée la Sardine a la faci-
1. Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences tenu à Nîmes en 1912 (résumé des
travaux, p. 148).
326 LOUIS F AGE
lité, par des déplacements verticaux d'assez faible amplitude, de se
soustraire aux effets que les changements brusques de température
pourraient produire.
Pour toutes ces raisons on doit admettre que, si les variations ther-
miques jouent un rôle important dans certaines particularités du cycle
annuel de la Sardine et permettent peut-être d'expliquer la reprise de
croissance se manifestant dès le premier printemps, elles ne suffisent pas
à tout expliquer, et qu'il est nécessaire d'invoquer d'autres influences
afin de comprendre notamment pourquoi, malgré la température encore
très élevée de l'automne, la Sardine, dès cette époque, cesse de s'accroître
et vit en quelque sorte sur ses réserves.
On ne s'étonnera donc pas que nous ajoutions une certaine importance
au fait que la ponte de la Sardine débute précisément à l'automne et se
poursuit sans interruption jusqu'au printemps suivant. Ce que nous
avons appelé la période de repos est donc en même temps la période
d'activité génitale. Or, on sait, sans qu'il soit nécessaire d'insister combien
la nutrition est défectueuse à ce moment, et quelles dépenses occassion-
nent à l'organisme l'élaboration, l'expulsion des produits sexuels, puis
la réparation, la régénération des glandes épuisées. Sans doute les réserves
graisseuses accumulées pendant l'été et qui sont alors consommées aident
l'animal à traverser sans dépérir cette période critique, elles ne sauraient '
toutefois lui permettre de s'accroître dans la mesure où il le faisait les
mois précédents.
Mais nous avons pu établir qu'en Méditerranée la Sardine n'arrive
pour la première fois à maturité qu'au bout de deux ans et demi ou de
trois ans, c'est-à-dire au cours de son second ou troisième hiver selon que
les individus proviennent de pontes précoces d'automne ou de pontes
tardives de la période précédente. Ce sont ces individus que nous trou-
vons mûrs en même temps au mois de décembre, à une taille de 13 à 14 cm.
et que nous reprenons vides au mois de mars suivant. Le ralentissement
hivernal que ces individus ont déjà subi dans leur croissance une ou
deux fois ne peut donc avoir été causé par les nécessités de la repro-
duction. L'hypothèse très ingénieuse par laquelle G. Schneider (1910)
a tenté de répondre à cette objection, en ce qui concerne le Hareng, ne
semble pas valable pour la Sardine, au moins pour celle de l'Océan où
tout ce que l'on sait de la manière d'être des reproducteurs (Sardine de
dérive) permet de penser que ceux-ci ont une biologie bien différente de
celle de la Sardine de rogne.
BIOLOGIE DE LA SARDINE 327
D'ailleurs, il faut aussi remarquer que ce ralentissement périodique
de la croissance se fait à peu près à la même époque pour le Hareng,
pour la Sardine, pour le Sprat et même pour l'Anchois, bien que ces
espèces aient des périodes de ponte très différentes : le maximum de la
ponte du Sprat est en juin, l'Anchois pond au printemps et en été, le
Hareng au printemps et à l'automne.
Nous conclurons donc que ni les variations thermiques, ni les nécessités
de la reproduction ne sont capables à elles seules, agissant séparément,
d'expliquer entièrement le changement qui s'opère annuellement dans la
vitesse de croissance de la Sardine ; mais nous ajouterons que ce phé-
nomène est probablement dû à l'action combinée de ces deux facteurs
qui peut s'exercer de manières si diverses et si imparfaitement connues
(sur la quantité et la qualité de la nourriture, sur l'activité et les déplace-
ments des individus, sur leur coefficient d'assimilation, etc.) qu'il serait
prématuré de vouloir préciser à l'heure actuelle la part qui revient à
chacun d'eux.
RAPPORT ENTRE L'AGE ET LA TAILLE DES INDIVIDUS
CONCLUSIONS
La taille à laquelle la Sardine arrive en Méditerranée à la fin de son
premier cycle a été précédemment indiquée (p. 311) et l'on a vu que cette
taille peut varier au moins de 8 à 11 centimètres suivant que le premier
hiver s'est fait ou non sentir sur la croissance ; dans le premier cas les
individus ont un an à peine lorsque débute la deuxième période de
croissance, dans le second cas, ils ont environ un an et demi.
Les renseignements que nous ont fournis sur la croissance ultérieure
de la Sardine les mensurations directes d'individus d'âge déterminé,
sont résumés dans le tableau III. On trouvera en A la marche de la crois-
sance des individus provenant des pontes du début de l'année ou du pre-
mier printemps et en B celle des individus provenant des pontes de
l'automne précédent.
Bien que nous n'ayons employé dans cette statistique que des indi-
vidus capturés pendant la saison hivernale, c'est-à-dire paraissant
avoir achevé leur deuxième, troisième, quatrième ou cinquième période
de croissance, on remarquera que les chiffres obtenus par l'emploi de
v
la formule l = L ■== sont toujours inférieurs à ceux donnés par la men-
328
LOUIS FAGE
suration directe des individus. Ainsi les individus mesurés à 2 ans et demi
ont une longueur moyenne de 13.5 cm., alors que d'après le calcul ils ne
devraient avoir que 12.9 cm. Ceux de 3 ans ont 13.9 cm. au lieu de 13.7 ;
ceux de 3 ans et demi 14.6 au lieu de 14.1 etc. La seule exception nous est
fournie par les individus âgés de 5 ans et elle est facilement explicable par
le petit nombre de ceux-ci.
On remarquera en outre que les variations observées dans la valeur
de l1, l" (et il en serait sans doute de même pour l3 si nous avions un
nombre plus grand d'individus de 5 ans) pour des individus provenant
de mêmes périodes de ponte sont telles que la plus grande valeur se trouve
TABLEAU III
Nombre d'individus
examinés
Age
Longr
51 in in; m
des ind
Moyenne
ividus
Maximum
/'
P
P
V>
64
3
12.9
13.9
!5.2
8.1
12.2
82
4
13.5
14.6
16.5
7.6
11.3
13.6
5
5
15
16.2
Moy
17.4
ennes :
7.2
10.9
13.9
15.7
. A
7.7
11.6
13.7
15.7
11
2 %
Ï3
13.5
14
10.6
)
33
3%
13.5
14.6
15.2
10.0
13.4
|
1
11
4V2
14.3
15
16.5
9.5
9.6
12.6
14.1
(
B
Moy
ennes :
12.9
14.1
)
toujours pour les jeunes individus et la plus petite pour les plus âgés.
R. M. Lee (1912) qui le premier a attiré l'attention sur ce fait et lui
donne le nom de Phenomenon of apparent change in growth rate a reconnu
en même temps sa généralité : il est constant chez le Hareng, l'Eglefin, la
Truite (Salmo jario). Après avoir discuté les différentes explications qu'on
peut en donner, et notamment l'effet de la sélection des individus que les
moyens de capture peuvent entraîner, R. M. Lee incline à penser que ce
phénomène est probablement dû à la contraction que subiraient les
stries d'accroissement de l'écaillé quand se formeraient à leur périphérie
les nouvelles stries de la période de croissance suivante. De telle sorte que,
par exemple, l'épaisseur de la zone de seconde croissance inscrite sur
l'écaillé d'un individu de 3 ans serait moindre qu'elle ne l'était lorsque le
même individu n'avait que deux ans. Cette intéressante hypothèse serait,
croyons-nous, susceptible de vérification et deviendrait très vraisemblable
BIOLOGIE DE LA SARDINE 329
si, pour une même zone, les stries d'accroissement, dont la contraction ne
doit pas changer le nombre, apparaissaient plus denses, plus rapprochées
les unes des autres, à mesure qu'on les observe chez des individus plus
âgés. Il serait également utile d'interroger les otolithes qui ne présentent
pas l'élasticité des écailles.
Quoi qu'il en soit, les chiffres que le calcul et la mensuration directe
des individus nous ont donnés pour la Sardine sont si voisins que leur
comparaison prouve en faveur de la méthode employée et autorise, en
l'absence de mesures directes pour les individus exactement âgés de deux
ans, d'assigner à ceux-ci une taille moyenne de 12 cm. environ.
Ainsi, pour la Sardine du Golfe du Lion, la marche de la croissance
est la suivante : les individus à première période de croissance courte ont
encore en moyenne 8 cm. à un an, 12 cm. à deux ans, 14 cm. à trois ans,
14.5 cm. à quatre ans et 16 cm. à cinq ans (ce dernier chiffre restant dou-
teux pour les raisons indiquées plus haut) ; les individus à première
période de croissance longue ont encore en moyenne 10 cm. à un an
et demi, 13.5 cm. à deux ans et demi, 14.5 cm. à trois ans et demi, 15 cm.
à quatre ans et demi. Cette croissance se fait donc très lentement; variable
pendant la première année, elle est ensuite environ de 4 cm. pendant la
seconde année, de 2 cm. pendant la troisième, de 1 cm. pendant la qua-
trième et d'à peine 1 cm. pendant la cinquième année.
Les données que nous avons recueillies jusqu'à ce jour sur la vitesse
de croissance de la Sardine océanique se résument à cette constatation que
pour les quelques individus examinés, provenant de Concarneau, le
moment où débute la deuxième période de croissance correspond à un
âge d'un an à un an et demi et coïncide avec une taille moyenne de
9 ou 12 cm. ; à deux ans et deux ans et demi ces individus peuvent avoir
13 ou 17 cm. ; enfin les individus ayant achevé leur troisième période de
croissance ont une taille moyenne de 18 cm. Nous ne discuterons pas la
valeur de ces chiffres qui nous sont fournis par un nombre vraiment
trop restreint d'exemplaires ; mais le récent mémoire de Hjort (1913),
remédiant à cette insuffisance de documentation, nous permet d'établir
un parallèle très instructif entre la croissance de la Sardine en Médi-
terranée et dans l'Océan.
La figure 22 représente la courbe moyenne que suit la croissance des
individus pris dans l'Océan d'après les chiffres donnés par Hjort et la
courbe moyenne de la croissance des individus pris en Méditerranée dans
le Golfe du Lion dressée d'après nos propres observations ; la courbe
330
LOUIS F AGE
relative au Sprat est aussi représentée, elle est telle qu'on peut la déduire
des recherches d'Osc. Sund (1911). On voit immédiatement, sans qu'il
soit utile d'insister, qu'en Méditerranée la Sardine reste toujours, à
âge égal, beaucoup plus petite que dans l'Océan, et que l'écart entre
ces deux formes s'accentue au fur et à mesure que l'on compare des
individus plus âgés. On voit aussi que cette Sardine a une courbe analogue
Fig. 22. Courbes de croissance de la Sardine et du Sprat pendant les 6 premières années.
>•>■■••»•■= Sardine de l'Océan.
wm^^^^^mm = Sardine du Golfe du Lion.
— • — » ™ = Sprat de Norvège.
à celle du Sprat, bien que dominant toujours celle-ci, elle s'en écarte peu
et affecte la même allure.
Ces constatations sont intéressantes à plus d'un titre ; elles sont de
nature à expliquer certaines particularités de la biologie de la Sardine
Méditerranéenne et suggèrent quelques remarques que nous exposerons
en manière de conclusions.
La lenteur relative de la croissance des individus dans le Golfe du
Lion pourrait tout d'abord rendre compte du fait singulier qu'aucun
individu n'a été capturé sur notre littoral à une taille correspondant à
celle qu'atteint communément la grosse Sardine de dérive de l'Océan,
BIOLOGIE DE LA SARDIDE 331
c'est-à-dire 23 à 26 cm. Les plus gros individus pris par nous ne dépas-
saient pas 17.5 cm. de longueur et Marion non plus ne signale dans ses
captures aucun individu supérieur à 18 cm. Si l'on admet qu'à cinq ans
la Sardine a dans nos parages une taille moyenne de 16 cm., en lui accor-
dant même la vitesse de croissance annuelle de la Sardine de l'Océan à
partir de cet âge, soit, d'après les calculs de Hjort, cinq millimètres
par an jusqu'à sa dixième année et trois millimètres ensuite, on voit
qu'il faudrait à notre Sardine une vingtaine d'années pour arriver à la
taille de 21, 22 cm! Et il est fort probable que cet âge dépasse de beaucoup
celui que peut atteindre cette Clupe, au moins en Méditerranée.
Une autre conséquence, et non des moins importantes, du même phé-
nomène est celle-ci. Nous avons vu, que la première maturité de la
Sardine se produit en Méditerranée à deux ans et demi et à trois ans : à
deux ans et demi pour les individus précoces ayant accompli sans arrêt
leur première année de croissance et à trois ans pour ceux qui, nés au
printemps, ont subi à sept mois environ l'effet du premier hiver. Les
observations concordantes de Hjort et de Pouchet établissent que dans
l'Océan la maturité sexuelle se manifeste également pour la première fois
à ce même âge, mais les individus ont à ce moment 16 à 19 cm. de lon-
gueur, suivant peut-être qu'ils proviennent d'Arcachon ou de Concarneau.
Or, on sait que la Sardine de vogue, exploitée par les pêcheurs du Golfe de
Gascogne ou de Bretagne, et que les industriels recherchent particulière-
ment est une Sardine mesurant 13 à 14 cm. en moyenne, 15 cm. au
maximum qui se trouve ainsi âgé d'un an et demi à deux ans, immature
et très grasse. Au contraire les individus capturés en Méditerranée par
les filets dérivants, bien que d'une taille correspondante ou à peine
supérieure, sont à une tout autre période de leur évolution : ils ont tous
atteint l'état adulte, se trouvent même généralement dans leur troi-
sième, quatrième ou cinquième année et ont par conséquent, en grande
majorité, déjà accompli au moins leur première ponte.
Comme la Sardine, ainsi d'ailleurs que tous les autres Clupéidés, ne
réalise son maximum de valeur marchande que pour les individus captu-
rés en pleine période d'engraissement, et comme cet Isterstadiitm se mani-
feste seulement dans l'Océan chez les immatures (au cours des deuxième
et troisième étés pour le Sprat et la Sardine, et au cours des troisième et
quatrième pour le Hareng), on en pourrait conclure que la Sardine médi-
terranéenne, toujours prise à l'état adulte, serait d'une qualité inférieure
à celle de l'Océan, et se trouverait en quelque sorte vis-à-vis de celle-ci
332 LOUIS F AGE
dans la même situation que se trouve le Sprat anglais par rapport au
Sprat norvégien. Elle est d'ailleurs capturée sans rogue1 en Méditerra-
née et de la même manière que la Sardine adulte de l'Océan {Sardine
de dérive.)
Mais avant d'accepter une pareille conclusion, dont les conséquences
ne manqueraient pas d'être graves pour nos pêcheurs méridionaux, il
faudrait prouver que l'énorme accumulation de réserves graisseuses que
forme chaque année la Sardine méditerranéenne dans l'intervalle de deux
pontes (mai à septembre) correspond seulement à cet engraissement pério-
dique, toujours peu important et de courte durée, que présentent vers
l'automne les Chipes de l'Océan même après avoir franchi l'âge adulte.
Les analyses précises, le dosage exact de la graisse accumulée montreront
sans doute qu'il en est autrement et que cette période intergénitale en
Méditerranée est vraiment comparable à un isterstadium qui se répéterait
chaque année à tous les âges au moment précis où la pêche atteint son
maximum.
Et l'on comprend que, si cette manière de voir est confirmée, non seu-
lement la Sardine méditerranéenne ne peut rien perdre de sa valeur,
mais de plus le mélange d'individus d'âges différents qui se fait inévitable-
ment dans les captures, doit être considéré comme un précieux avantage
puisqu'il contribue dans une large mesure à assurer la régularité de la
pêche.
On sait, en effet, que le rendement de la pêche quoique variable en
Méditerranée est loin de subir des aléas comparables à ceux qu'on observe
dans l'Océan. Cela tient en partie à ce que la Sardine abandonnant les
eaux littorales tout au plus pendant les mois les plus froids de l'hiver,
la saison de pêche se poursuit, il est vrai avec une inégale intensité,
durant une grande partie de l'année ; mais cela tient aussi à ce que les
individus d'âges différents étant indistinctement capturés, quand les
conditions particulières ont entravé le développement d'une catégorie
d'individus ou les tiennent éloignés de la côte, la perte en résultant est
atténuée par la présence de Sardines plus jeunes ou plus âgés.
Tous ces faits qu'à leur début nos recherches sur la croissance mettent
en évidence, tous ces problèmes qu'elles soulèvent déjà montrent combien
la Sardine se comporte d'une manière différente dans l'Océan et dans la
1. Il faut toutefois signaler l'appât, fait de crabes piles, employé par certains pêcheurs de l'Adriatique et qui
porte suivant les localités les noms de tritura, pacciugo, pastello, pesto di granzctti.
BIOLOGIE DE LA SARDINE 333
Méditerranée. Dans la mesure où nos premiers résultats sont exacts, on
peut affirmer qu'il existe là deux races biologiques bien distinctes dont
il sera intéressant de rechercher les caractéristiques morphologiques.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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334 LOUIS F AGE
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Fish.)
BIOLOGIE DE LA SARDIXE
335
APPENDICE
Données numériques
Les mesures de longueur sont données en centimètres sauf pour les otolithes
dont la longueur et la largeur sont données en millimètres.
L'état des glandes sexuelles est indiqué par les chiffres I à VII, I représentant
la première ébauche des organes génitaux et VII se rapportant aux individus vides
ayant pondu récemment.
Période
de
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Date
de
capture
Lon-
gueur
totale
J« = l<
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1908-1909
Collioure
1908-1909
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1908-1909
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16.0
7.7
11.7
14.4
1. Individus ayant commencé leur rouvelle croissance.
BIOLOGIE DE LA H A Ji DINE
237
Période
de
ponte
Bâte
de
capture
Age
Lon-
gueur
totale
/' = *«
Otolithes
long' largr
Banyuls-sur-Mer
1909-1910
1907-1908
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339
Période
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1. Individus ayant commencé leur nouvelle croissance.
310
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VII
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VII
i
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VII
1. Individus ayant commencé leur nouvelle croissance.
BIOLOGIE DE LA SARDINE
341
Période
de ponte
Date de
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Afe
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J'=l'
Collioure (suite)
1908-1909
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VII
VII
1
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1912
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18.0
12.2
17.7
17.4
11.6
17.1
18.0
7.9
13.1
18.8
8.5
15.3
19.5
9.1
15.5
18.7
8.5
14.6
18.0
9.8
14.3
14.5
11.3
14.5
12.2
15.0
12.3
15.0
11.8
15.0
11.3
15.0
12.3
15.0
11.3
15.3
11.5
15.5
13.6
15.5
12.4
15.5
12.5
15.5
12.8
15.9
12.9
16.2
14.3
15.2
12.3
15.0
9.6
12.8
3.2
3.7
1.9
3.1
3.0
2.7
3.0
2.8
3.8
4.3
5.0
5.1
4.9
4.0
6.0
5.3
5.5
0.3
5.5
0.3
5.5
0.3
5.2
4.9
4.8
3.5
6.4
4.0
6.1
4.1
4.5
2.0
Otolithes
Longur Largeur
2.79
2.67
3.05
3.05
2.86
2.35
2.73
2.91
2.93
2.92
2.85
1.17
1.35
1.32
1.26
1.26
1.32
1.28
1.23
1.32
1.27
1.32
1.32
1.32
1.52
tf-V
?-v
Cf-VI
9-v
cf-v
Cf-VI
ç-V
Ç -vi
9 -vi
9-v
cf-m
9 -il
cMI
9-n
CMH
9 -III
9 -il
9 -ni
9 -m
9 -h
Cf-III
1. Individus ayant commencé leur nouvelle croissance.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 343 à 357, pi. XIV
15 Août 1913
DERMOCYSTIDIUM PUSTJLA
PARASITE DE LA PEAU DES TRITONS
CHARLES PÉREZ
Professeur-adjoint à la Sorbonne
SOMMAIRE
Historique et bibliographie (p. 343). Symptômes extérieurs de l'infection (p. 344). Étude du parasite sur
frottis (p. 346). Rapports avec l'organisme de l'hôte (p. 348). Guérison des Tritons par énucleation spontanée
des pustules. Phagocytose (p. 350). Hypothèses sur la nature du parasite et sur son cycle évolutif (p. 354).
Index bibliographique 356
Explication des planches 357
Historique et Bibliographie
H y a déjà plusieurs années que j'ai signalé, d'une manière sommaire,
l'organisme assez énigmatique qui fait l'objet de ce travail, et que j'avais
rencontré aux environs de Bordeaux. Il s'agit d'un parasite de la peau
du Triton marbré {Triton marmoratus Latreille), se présentant sous la
forme de kystes sphériques, d'environ 1 millimètre de diamètre, d'un
blanc opaque, logés dans le tissu conjonctif sous-cutané, mais apparents
à l'extérieur sous l'épiderme qu'ils soulèvent en pustules, et bourrés
d'une masse compacte, caséeuse, d'éléments globuleux de 6 à 8 p.
Pour rappeler le caractère le plus immédiat de cette affection para-
sitaire, j'avais, dans deux notes préliminaires (1907, a et b), désigné
l'organisme qui en est l'agent sous le nom de Dermocystis pusula.
M. Albert Hassal, Assistant au Bureau of Animal Industry de Wa-
shington, a eu l'obligeance de me faire remarquer que le nom générique de
Dermocystis était préoccupé, ayant été déjà attribué par Stafford (1905)
à un Trématode. J'ai été ainsi conduit à modifier l'appellation primitive
(1908) et à donner au parasite des Tritons le nom de Dermocystidium
pusula.
A l'occasion d'une démonstration que je fis de mes préparations au
ARCH. DE ZOOL. EXP ET GÉN\ — T. 52. — F. 4. 24
344 CHARLES PÊREZ
Congrès de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences,
tenu à Reims en 1907, M. le professeur Henneguy a bien voulu me
signaler une observation inédite, qu'il avait faite autrefois, d'un orga-
nisme peut-être analogue. En se reportant à ses notes, M. Henneguy
a pu retrouver les indications suivantes : il s'agissait d'un Têtard d'Alytes
obstetricans Laur., ayant hiverné, et qui fut trouvé, au mois de mars 1887,
portant tout autour de la queue des taches d'un blanc opaque. A l'examen
microscopique, ces taches se montrèrent formées de granulations réfrin-
gentes, insolubles dans la potasse et dans l'acide acétique.
Il y a deux ou trois ans, mon collègue et ami, M. le professeur L. Léger,
de Grenoble, m'a fait part de l'observation qu'il avait faite d'un parasite
semblable vivant dans certains cours d'eau du Dauphiné sur les branchies
de la Truite, Trutta fario L. ; et la comparaison avec quelques prépara-
tions, que je lui avais adressées, lui a permis de reconnaître dans ce para-
site une autre espèce de Dermocystidium. Ces organismes ne sont donc
pas restreints au parasitisme chez les Tritons, mais peuvent se rencon-
trer encore chez d'autres Vertébrés aquatiques.
Enfin, il y a quelques mois, le Dermocystidium a été retrouvé en
Allemagne, sur un Triton cristatus Laur, et étudié, à l'Institut zoologique
de Berlin, par M. Hans Moral. Celui-ci a eu l'amabilité de me soumettre
ses préparations, et j'ai pu constater l'identité de la forme qu'il a rencon-
trée avec celle que j'avais moi-même antérieurement observée chez le
T. marmoratus. M. Moral vient de publier ses observations (1913),
avec les figures essentielles pour caractériser le parasite.
J'avais, jusqu'ici, tardé à publier mes observations, comptant qu'un
heureux hasard me mettrait peut-être un jour sur la voie d'une reconsti-
tution au moins partielle du cycle évolutif. Mais voilà que, pour H. Moral
aussi, cet organisme décevant s'est encore présenté sous la même forme
invariable, jusqu'à ce jour la seule rencontrée ; et sans doute est-il sus-
ceptible de défier encore longtemps la curiosité des naturalistes. Aussi,
me décidé-je à donner ici, de mes anciennes observations, ce qui peut uti-
lement compléter le mémoire de Moral, d'autant plus que celui-ci est
dépourvu d'indications bibliographiques.
Symptômes extérieurs de l'infection
J'ai rencontré le Dermocystidium, en 1906 et 1907, dans une mare des
environs de Bordeaux, connue dans le pays sous le nom de Lagune de
DERMOCYSTIDIUM PU SU LA
345
Gradignan, et que je surveillais régulièrement, en raison de ses inté-
ressantes faune et flore d'organismes inférieurs. C'est là, en particulier,
que les Daphnies m'ont présenté leurs embryons parasités par une
Chytridinée,le Blastididium pœdo-
phihorum Ch. P.
A la fin de l'hiver, les Tritons
de la forêt de pins voisine se ren-
dent en foule à la mare pour la
reproduction, en particulier les
Tritons marbrés. Deux ans de
suite, toujours dans les mêmes
circonstances (fin février, mars),
j'ai capturé d'assez nombreux
individus atteints par le parasite.
En aucune autre occasion, je n'ai
rencontré de Tritons infestés ;
la maladie, en particulier, ne
semble pas avoir réapparu en
1908.
Le Dermocystidium est essen-
tiellement un parasite cutané, et
les Tritons atteints se reconnais-
sent, dès le premier abord, par
les pustules plus ou moins nom-
breuses qui font saillie sur leurs
téguments. Ce sont de petits bou-
tons, distribués sporadiquement,
d'une façon quelconque, sur toute
la surface du corps (fig. i), éven-
tuellement jusque dans la mu-
queuse buccale (voile du palais),
dépendance morphologique im-
médiate de la peau. Les orga-
nes internes m'ont toujours
paru indemnes. Moral, qui n'a eu entre les mains qu'un seul individu
de Triton atteint par le Dermocystidium, indique la réunion des pustules
par petits groupes, et leur absence presque complète sur la face ventrale
du corps. L'examen d'un grand nombre d'individus ne me permet pas de
Fig. I. Photographie d'un Triton marbré, atteint jiar le
Dermocystidium. Quelques pustules sont intactes;
d'autres ont crevé spontanément et leur place est
marquée par de petites cavités cratériformes.
346 CHARLES PÉREZ
voir dans ces constatations autre chose^ que des particularités fortuites.
La dimension moyenne des pustules est d'environ 1 millimètre ; cer-
taines ne dépassent guère 0 mm. 5 ; quelques-unes atteignent 1 mm. 5.
Ces pustules apparaissent comme dues à la présence d'un petit corps
étranger, logé dans la peau à une distance variable de la surface. Si la
masse parasitaire est à quelque profondeur dans le tissu conjonctif sous-
cutané, elle détermine simplement à l'extérieur un bouton surbaissé,
où se continue la pigmentation des régions voisines ; mais si, comme
il arrive souvent, la masse parasitaire est plus voisine de la surface, logée
immédiatement sous l'épiderme, elle détermine une saillie plus accusée,
et sa couleur propre, d'un blanc mat, transparait à travers les quelques
assises de cellules épithéliales qui la séparent de l'extérieur. Ce sont ces
pustules blanches qui sont le plus immédiatement manifestes (fig. i),
et elles m'avaient fait songer, avant tout examen, à des kystes de quelque
Sporozoaire, tel qu'une Glugea par exemple.
Une ponction ou une pression légère exercée sur la pustule provoque
l'énucléation de son contenu, matière blanche, caséeuse, rappelant un peu
par son aspect et sa consistance un tubercule miliaire. Mais l'examen
microscopique révèle bientôt qu'il ne s'agit ni d'un kyste de Micro-
sporidie, ni d'une collection purulente, mais bien d'éléments parasitaires
particuliers, formant cette pâte blanche consistante par leur accumulation
dense, les uns à côté des autres.
Étude du parasite sur frottis.
Ces éléments s'étudient au mieux sur des frottis ; chacun d'eux cons-
titue une petite sphère (fig. n), dont le diamètre, assez uniforme, peut
cependant, de l'une à l'autre, varier entre 8 et 10 p ; et la majeure partie de
son volume est formée par une grosse inclusion réfringente, également
sphérique, de 6 à 8 ^ de diamètre, et de situation un peu excentrique.
Extérieurement, une mince membrane d'enveloppe donne à l'élément un
contour apparent bien net et une certaine rigidité superficielle. L'espace
annulaire, compris entre cette membrane et la grosse inclusion excentrique,
est occupé par un lâche réseau protoplasmique irrégulier ; et, dans la
région de la plus grande épaisseur protoplasmique, est logé un noyau, à
membrane peu nette, et dont le territoire est presque entièrement occupé
par un caryosome unique d'environ 2 p.
Il était naturel de rechercher quelle peut être la composition chimique
DERMOCYSTIDIUM PUSULA 347
de la volumineuse inclusion ; mais les réactifs simples, susceptibles de
donner quelques indications microchimiques, n'ont fourni aucun résul-
tat ; ce n'est ni de la graisse, ni de l'amidon, ni du glycogène. Les tenta-
tives de Moral pour la caractériser ont été aussi infructueuses que les
miennes. En l'absence de données précises, je me bornerai à indiquer les
résultats de diverses colorations.
Dans les préparations fixées au sublimé acétique ou au picro-formol
de Bouin, puis colorées à l'hémalun-éosine, la grosse inclusion se présente
assez uniformément teintée en rose vif par l'éosine. Cependant, avec un
peu d'attention, on remarque parfois des orbes concentriques, indiquant
comme une structure concrétionnée, le centre étant plus foncé, ou au
contraire réservé en plus clair.
Dans les préparations colorées au
carmin chlorhydrique et différenciées au
picro-indigo-carmin, l'inclusion est d'un
bleu lavé, tirant au gris vers la surface ;
vers l'intérieur au contraire la teinte
bleue peut se prolonger jusqu'au centre,
ou faire place à un ton plus pourpré,
Fig. ii. Elément de Dermocystidium, mon-
allant même jusqu'au rOUge, la dïfïéren- trant la grosse inclusion excentrique
, v r, le noyau n, et les petites inclusions
dation n ayant pas toujours complète- { x 28oo.
ment éliminé le carmin.
Le liquide fixateur chromo-platin-osmique de Borrel ne noircit pas
les inclusions ; et celles-ci restent, dans les préparations au rouge magenta,
picro-indigo-carmin, d'un jaune d'or brillant ou foncé, assez homogène.
C'est surtout la coloration par l'hématoxyline ferrique, après fixation
au sublimé ou au Boum, qui paraît permettre d'analyser plus complète-
ment la structure de l'inclusion. Les orbes concentriques en différents
tons de gris, sont plus nets qu'avec aucune autre technique ; et surtout,
les régions centrales se teignent en noir intense, d'une façon très
polymorphe, formant soit une tache unique régulièrement ronde, ou
irrégulière et lobée, soit un groupe de granules, ou bien encore une tache
auréolée à centre clair (PL XIV, fig. 3, 4 et 5).
De tout cela, il n'y a évidemment rien à tirer de bien concluant. Les
affinités colorantes de l'inclusion qui nous occupe sont assez analogues
à celles des sphérules, dites albuminoïdes, que l'on observe dans les
cellules adipeuses de beaucoup d'Insectes, surtout pendant la métamor-
phose, et qui sont peu à peu digérées, fournissant des matériaux nutritifs
348 CHARLES PÉREZ
utilisés dans l'histogenèse imaginale. Je pense qu'il faut également ici
considérer l'inclusion sphérique comme une matière de réserve de nature
assez complexe. Est-elle d'une composition chimique unique, ou les
couches concentriques sont-elles de nature différente ? Il me paraît
difficile de trancher la question. Peut-être s'agit-il seulement d'une diffé-
rence de degré dans l'état de concentration d'une même substance, se
prêtant plus ou moins à l'action du réactif différenciateur. Il est évident
que, même en l'absence de toute hétérogénéité, le centre de la sphère doit
conserver plus longtemps et retenir plus facilement le colorant nucléaire
préalablement employé. Les aspects des préparations à l'hématoxyline
au fer donnent en particulier tout à fait l'impression d'un polymorphisme
qui est, au moins pour une part, imputable aux multiples degrés d'une
différencia tiori qui ne saurait être rigoureusement égale pour tous les
éléments voisins.
Outre la grosse inclusion de réserve, certains réactifs mettent en évi-
dence, dans le réticulum protoplasmique, et surtout au voisinage de la
membrane externe, à laquelle ils sont parfois accolés, de petits corps figu-
rés variables de nombre et de taille. Le carmin chlorhydrique, en par-
ticulier, les colore en rouge vif, exactement comme le caryosome, l'héma-
toxyline ferrique en noir opaque ; de sorte que l'on pourrait penser qu'il
s'agit là de grains de chromatine. Je ne crois pas cependant devoir
m'arrêter à cette opinion ; car une différenciation un peu poussée les
décolore de la laque de fer notablement plus vite que le caryosome ; et,
dans les préparations à l'hémalun, ces grains ne se colorent pas d'une
façon sensiblement différente du réseau protoplasmique.
Enfin, en ce qui concerne la membrane externe des parasites, elle est
fort mince et ne se distingue pas, dans les préparations colorées, de la
couche la plus externe du réseau cytoplasmique. A l'état frais, j'avais
vainement essayé les réactifs les plus usuels employés par les botanistes
pour caractériser la cellulose ou la callose. Moral n'a pas été plus heu-
reux dans ses tentatives pour déterminer la nature chimique de cette
membrane.
Rapports avec l'organisme de l'hôte.
L'étude sur frottis est utilement complétée par l'examen de coupes
sériées pratiquées à travers des pustules encore intactes, incluses dans les
téguments du Triton. On se rend compte ainsi que le petit tubercule
DE RM OC TSTIDI UM P US ULA
349
caséeux est entièrement logé dans le tissu conjonctif sous-cutané (fig. m)
et exclusivement formé par une dense accumulation des éléments sphé-
9 3/
.£ cp *> 9 ~
* . *' £. A**
££L* A Ni C'A
Fig. nr. Pustule de Denrwcystidium dans le tissu conjonctif sous-cutané (crête dorsale) ; ep, épidémie ; g!,
glandes de la peau ; mk, membrane kystique générale, x 100.
riques qui viennent d'être décrits. La masse parasitaire ne paraît pas
déterminer dans les tissus de l'hôte, d'autres modifications que des défor-
350 CHARLES PÉREZ
mations mécaniques : compression éventuelle des cryptes glandulaires
ou refoulement des chromatophores voisins. Le tissu conjonctif ambiant
montre naturellement, dans l'orientation de ses fibres, une disposition
plus ou moins concentrique, mais sans aucune infiltration leucocytaire
notable, sans aucune apparence de réaction inflammatoire caractérisée.
La pustule tout entière est délimitée, de la façon la plus nette, de son
entourage par une membrane continue (fig. ni. mk). Faut-il voir, dans
cette membrane, tout simplement la couche proximale du tissu conjonctif,
dont les fibres seraient, à ce niveau, feutrées avec une densité particulière?
C'est l'opinion à laquelle s'est arrêté Moral (1913, p. 385). Dans ma
note préliminaire (1907, b), j'avais, tout en envisageant cette hypo-
thèse, pensé qu'il fallait sans doute plutôt attribuer la capsule en propre
au parasite ; et je ne puis que maintenir cette attitude dubitative. En
effet, dans les préparations à l'hématoxyline, cette membrane conserve
assez électivement la laque de fer ; et, d'une manière analogue, le rouge
Magenta dans les préparations fixées au liquide de Borrel, tandis que les
fibres conjonctives prennent le bleu du carmin d'indigo. Moral a constaté
aussi cette colorabilité un peu spéciale. Mais, surtout, la capsule me
paraît aussi bien délimitée du côté externe que du côté interne ; il n'y a
pas de transition ménagée, comme on devrait, semble-t-il, l'attendre
d'un tissu conjonctif réactionnel, devenant progressivement plus dense
au voisinage du parasite. Et l'attribution de la membrane au parasite
lui-même expliquerait sans doute mieux l'absence de réaction phago-
cytaire, alors que celle-ci devient au contraire extrêmement intense,
comme nous allons voir, aussitôt que la membrane kystique est rompue.
Aucun de ces arguments n'est, je le reconnais, décisif. Un feutrage plus
dense de fibres conjonctives peut évidemment entraîner une modification
dans la rétention des colorants ; et il faudrait, pour trancher définitive-
ment la question, avoir entre les mains des stades plus précoces de la for-
mation des pustules.
Guérison des Tritons par énucléation spontanée des pustules. Phagocytose.
Les nombreux Tritons marbrés que j'ai observés, atteints par le
Dermocystidium, ne m'ont point paru spécialement affectés par la mala-
die. Moral signale (1913, p. 381) que l'unique individu qu'il ait eu entre
les mains et qui était d'ailleurs très fortement contaminé, comme on
en peut juger par la photographie donnée dans la planche (Ibid. pi. XXIX,
DERMOG YSTIDI UM P US ULA
351
Fig. iv. Phagocytose par les leucocytes polynucléaires.
x 1200.
fig. 1), présentait des mouvements paresseux et maladroits. Peut-être,
d'autres circonstances accessoires intervenaient-elles pour le débiliter.
En tout cas, il s'agit d'une maladie généralement bénigne, et dont les
Tritons guérissent spontanément par un processus des plus simples.
Successivement, les pustules vien-
nent crever à la surface de la
peau, la foule des éléments para-
sitaires est énucléée en masse
comme une petite goutte de pus,
et il ne reste dans les téguments
qu'une excavation cratériforme
(fig. i), qui ne tarde pas à se cica-
triser.
J'ai trouvé dans mes coupes
tous les stades de cette énucléation. Elle débute par une rupture de la
capsule kystique générale, ce qui va permettre à la masse des éléments
parasitaires de fuser vers la surface de la peau. Aussitôt que la rupture
est produite (PL XIV, fig. 1), on voit se développer autour de la masse
parasitaire, entre elle et
son logement conjonctif,
et spécialement autour
des points de rupture,
un tissu lâchement réti-
culé, d'aspect spécial,
contenant en ses mailles
un certain nombre d'élé-
ments du parasite. L'as-
pect de ce tissu dans les
coupes peut paraître à
première vue assez dé-
concertant (fig. 3) ; mais
des frottis en donnent
tout de suite l'interpré-
tation. C'est moins un véritable tissu qu'une agglomération assez
dense de phagocytes, qui affluent vers les régions de rupture, peu-
vent même s'insinuer un peu plus avant, dans la masse encore
compacte des parasites, et les englobent peu à peu. Les figures iv à vi
montrent quelques aspects de cette phagocytose tout à fait typique et
Fig
v. Formation de grosses vacuoles liquides autour des
parasites englobés, p, granules pigmentaires. x 1200.
352
CHARLES PÉREZ
mettent en évidence cette particularité assez remarquable que l'agent
essentiel de cette résorption est constitué par la catégorie des polynu-
cléaires. Les parasites se manifestent comme des inclusions résistantes,
sur lesquelles se moulent souvent les lobes du noyau ; ils peuvent être, ou
bien entourés de près par le protoplasme du leucocyte (fig. iv, fig. 7),
ou bien baigner au contraire dans une volumineuse vacuole liquide
(fig. v, fig. 8). Des décolorations ou des déformations semblent parfois
indiquer un début de digestion (fig. 9). D'une façon générale, les inclu-
Fig. VI. Cellules géantes résultant de la fusion des phagocytes, x 1200.
sions de réserve des parasites phagocytés paraissent un peu moins
éosinophiles que celles des parasites intacts. Souvent, les phagocytes
se fusionnent en cellules géantes (fig. vi) ; et l'aspect présenté par les
coupes (fig. 3) n'est pas autre chose en somme que celui d'une tranche
pratiquée à travers un vaste plasmode, constitué par les contacts et les
anastomoses plus ou moins durables de ces phagocytes. La capsule kys-
tique reste bien perceptible après sa rupture (fig. 3), mais ne semble pas
provoquer à son contact un afflux particulier de phagocytes.
Cette première étape phagocytaire peut être accompagnée d'une
congestion assez intense des capillaires voisins (fig. 1). Une étape ultérieure
est représentée par la figure vu : la masse parasitaire continue nettement
à émigrer de son logement primitif dans le tissu conjonctif et, chassée
sans doute par l'élasticité de ce tissu, à s'énucléer sous la peau, qu'elle
DERMOC YSTIDl UM P US ULA
351)
commence à distendre . La figure montre même un stade encore plus avancé :
toute la masse parasitaire a émigré sous l'épiderme, qui ne tardera plus
à se rompre, et il reste, au milieu du tissu conjonctif, un territoire qui
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Fig. vu. Stade assez avancé de l'énucléation spontanée d'une pustule. La membrane kystique mk a été
rompue, permettant l'afflux des phagocytes qui sont en grande majorité fusionnés en un plasmode réticulé pli ;
quelques-uns se sont insinués plus profondément dans la masse des parasites ; et celle-ci fuse sous l'épiderme ep,
qu'elle commence à distendre, x 110.
354 CHARLES PÉREZ
marque la place primitive de la pustule et où quelques éléments para-
sitaires persistent encore, dans les vacuoles du plasmode phagocytaire.
Hypothèses sur la nature du parasite et sur son cycle évolutif.
Il me paraît assez naturel de supposer que cette énucléation spontanée
ne doit pas être seulement considérée, au point de vue du Triton, comme
un processus d'élimination du parasite et de guérison, mais qu'on doit
y voir aussi une circonstance adaptative, représentant pour le parasite lui-
même une des étapes nécessaires de son cycle. Tout paraît en effet con-
corder pour faire voir, dans le stade unique du Dermocystidium que nous
connaissons jusqu'ici, le terme ultime de son évolution dans l'hôte
infesté, une sorte de « spore » durable, dont le rejet dans le milieu exté-
rieur assure la dissémination, et prépare l'infection possible ultérieure
d'hôtes nouveaux. En effet, deux années consécutives, la maladie s'est
manifestée, dans la même station, à des époques correspondantes. Tous
les Tritons atteints présentaient exactement la même étape de l'infection ;
toutes les pustules examinées, quel que fût leur diamètre, ont toujours
fourni invariablement les mêmes corpuscules, à membrane résistante,
à grosse inclusion de réserve, à noyau unique en repos ; jamais rien qui
semblât indiquer une prolifération actuelle. C'était la fin d'une épidémie.
Conservés en chambre humide, les éléments parasitaires n'ont présenté
au bout de plusieurs jours aucune modification. Il ne semble donc pas
qu'ils soient appelés, au moins d'une façon immédiate, à une évolution
ultérieure dans l'eau où ils viennent d'être abandonnés. Les essais de
culture tentés par Moral (1913, p. 383) n'ont eu aucun succès, non plus
que des inoculations directes à la peau d'autres animaux, Tritons ou
Axolotls. Et, en effet, nous avons vu combien ces « spores » sont active-
ment phagocytées aussitôt qu'elles sont libres et nues. Les observations
que j'ai pu faire dans la nature, à la Lagune de Gradignan, n'ont jamais
rien fourni qui parût un indice en faveur d'une contagion actuelle directe
de Triton à Triton. Il ne semble donc pas que l'infection de ces animaux
puisse se faire directement de l'extérieur, du moins par la forme jusqu'ici
connue du parasite. La présence des pustules dans la profondeur du
derme, antérieurement à leur rupture, fait au contraire penser à une
infection par la voie interne, sans doute par l'intermédiaire des voies
digestives. Aussi, ai-je été tout naturellement amené à introduire expé-
rimentalement des « spores » dans l'intestin d'un certain nombre de Tri-
DERMOCYSTIDIUM PU SU LA 355
tons, en les projetant dans leur œsophage à l'aide d'une pipette de verre.
Mais les parasites furent retrouvés sans modification dans les excré-
ments et les Tritons demeurèrent indemnes. Moral a renouvelé ces
expériences, en particulier sur des larves de Tritons, mais avec le même
insuccès. On peut donc se demander si, avant de pouvoir contaminer
de nouveaux Tritons, le parasite ne doit pas subir dans le milieu extérieur
les éventualités d'une longue attente, gelées de l'hiver ou dessiccation de
l'été, ou même si la fermeture de son cycle évolutif n'implique pas l'inter-
vention d'un second hôte, Daphnie ou Copépode par exemple, qui man-
gerait les spores et serait ensuite mangé par le Triton. Je n'ai pas eu le
loisir d'instituer des expériences dans cette voie.
Quelques mots enfin sur la place systématique que l'on peut essayer
d'attribuer au Dermocystidium. Malgré l'état unicellulaire des « spores »,
je ne crois pas que l'on puisse songer à un Protiste proprement dit. Un
argument important à invoquer contre cette assimilation me paraît être
fourni par les circonstances signalées plus haut de la phagocytose. On sait,
en effet, que les microbes Protozoaires sont invariablement phagocytés
par les leucocytes mononucléaires ou macrophages. Nous avons vu, au
contraire, que le Dermocystidium est exclusivement englobé par les
polynucléaires. Et ceux-ci, outre leur rôle général bien connu de résorp-
tion des Microbes Bactéries, participent aussi dans certains cas (Sporo-
trichose par exemple) à la résorption des Champignons.
L'aspect du noyau me porterait assez à considérer le Dermocys-
tidium comme un Champignon ; les résultats négatifs fournis par les
réactifs usuels de la cellulose et de la callose ne sauraient suffire à exclure
cette hypothèse ; on sait, en effet, que, dans les groupes inférieurs de cet
embranchement, les membranes sont souvent constituées par des subs-
tances moins nettement caractérisées.
On a souvent rencontré, dans l'intestin de divers animaux, et des
Batraciens en particulier, des formations problématiques, interprétées
par beaucoup d'auteurs comme des kystes de Flagellés. Alexeieff, qui
s'était d'abord rallié à cette manière de voir (1910), est revenu ensuite
sur cette opinion (1911) et les considère aujourd'hui comme des Asco-
mycètes voisins des Levures, auxquels il donne le nom de Blastocystis
enterocola Al. Il suggère en outre leur parenté possible avec le Dermocysti-
dium. Il est indéniable qu'une communauté d'aspect rapproche les
356 CHARLES PÉREZ
« spores » de Dermocystidium des « kystes primaires » de Blastocystis ;
mais l'analogie ne se poursuit pas jusque dans le détail : la structure
nucléaire est différente ; la grosse inclusion des Blastocystis est homo-
gène, sans doute constituée par du glycogène ; il n'y a pas de capsule
gélifiée chez le Dermocystidium. Mais, surtout, les kystes primaires de
Blastocystis présentent des noyaux en nombre variable, et des phénomènes
de multiplication plasmotomique, rappelant le bourgeonnement des
Levures. Rien d'analogue n'a jusqu'ici été observé chez le Dermocystidium.
Le Dermocystidium présente aussi- quelque analogie d'aspect avec
certaines formes de Levures pathogènes que l'on rencontre enkystées dans
les tumeurs provoquées par ces Champignons. Mais dans ces formes, où
les granulations métachromatiques se sont éventuellement condensées
en une grosse inclusion unique, la membrane est devenue très épaisse,
le noyau invisible, tous caractères qui s'opposent à ceux du Dermocysti-
dium.
Et, outre que le Dermocystidium n'a jusqu'ici présenté ni des aspects
de blastogénèse, ni surtout rien de comparable à une formation d'ascos-
pores, qui justifieraient d'une manière concluante son annexion aux
Levures, nous ne savons même pas d'où provient cette multitude de
spores qui remplit chaque pustule. Rien jusqu'ici n'empêche de supposer
que tous ces éléments aient pu prendre naissance simultanément, comme
naissent des spores sœurs, dans un sporange de Myxomycète. Elles
représenteraient alors le résultat du morcellement d'un corps végétatif
volumineux, autour duquel se serait formé la capsule d'enveloppe qui
limite la pustule ; et cette éventualité écarterait tout rapprochement
avec les Levures.
Il me paraît prudent d'attendre de nouvelles constatations de faits,
avant de vouloir étayer des hypothèses plus précises, et même avant de
vouloir fixer les caractéristiques essentielles du genre Dermocystidium.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE :
1910. AlexEieff (A.). Sur les « kystes de Trichomonas intestinalis » dans l'intestin
des Batraciens. Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. 44,
1910 (339-355, 2 fig. pi. 8).
1911. Alexeieff (A.). Sur la nature des formations dites « kystes de Trichomonas
intestinalis ». C. B. Société de Biologie, t. 71, 1911 (296-298, 1 fig.).
1913. Moral (Hans.). Ueber das Auftreten von Dermocystidium pusula (Pérez),
DERMOCYSTIDIUM PUS U LA 357
einem einzelligen Parasiten der Haut des Molches bei Triton cristatus.
Arch. /. mikrosk. Anat. t. 81, 1913 (381-393, pi. 29).
1907 a. Pérez (Charles). Sur un parasite nouveau de la peau des Tritons. Associât.
Franc, pour V Avancement des Se. Congrès de Reims, 1907, t. 1 (p. 257).
1907 h. Pérez Ch. Dermocystis pusula, organisme nouveau parasite de la peau des
Tritons. C. R. Société de Biologie, t. 63, 1907 (445-447).
1908. Pérez Ch.. Rectification de nomenclature à propos de Dermocystis pusula.
Ibid. t. 64, L908 (p. 738).
EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV
Dermocystidium pusula Ch. Pérez
Fio. 1. Pustule encore logée dans !e tissu eonjonctif sous-cutané du Triton, peu après le début de la rupture
de la membrane kystique générale, mk. On constate une certaine congestion des capillaires sanguins
avoisinants ; en outre, un afflux considérable de leucocytes polynucléaires a déterminé la formation
d'un plasmode phagocytaire réticulé, ph., interposé entre la masse compacte des parasites et son
logement eonjonctif. Les régions de rupture de la membrane générale sont nettement les centres de
dispersion à partir desquels les parasites sont entraînés dans les régions plus éloignées du plasmode
Par ces régions de rupture, quelques phagocytes s'insinuent aussi un peu plus profondément dans
la masse parasitaire. Bouin. Hémalun éosine. Les parasites sont représentés, à ce grossissement
faible, d'une manière simplifiée par leur seule inclusion éosinophile. x 110.
Cette figure a été retournée par le lithographe ; elle devrait être rétablie le haut en bas pour
avoir une orientation homologue de celle de la figure 2.
FiG. 2. Petite pustule, à un stade déjà assez avancé d'énucléation. La masse parasitaire a fusé sous l'épidémie,
ep, qu'elle distend, et dont elle va bientôt déterminer la rupture. Dans le tissu eonjonctif sous-jacent,
on retrouve encore le plasmode phagocytaire réticulé, ph, qui marque le logement primitif de la
pustule. Bouin. Hémalun-éosine. x 110.
FiG. 3. Porti m du plasmode phagocytaire, à un stade tel que celui de la figure 1, au voisinage d'un [joint de rupture
de li membrane kystique, mk. D. Dermocystidium inclus dans les vacuoles du plasmode ; ph. noyau
de phagocyte polynucléaire. Bouin. Hématoxyline ferrique. x 1200.
FiG. 4. Eléments de Dermocystidium montrant divers aspects de l'inclusion de réserve, r ; n, noyau ; i, inclusions
colorables dans le cytoplasme. Bouin. Hématoxyline ferrique. x 2000.
FiG. 5. Djux autres aspects de l'inclusion de réserve. Les inclusions du cytoplasme sont moins colorées, x 2000.
FiG. 6. Un élément de Dermocystidium. Bouin. Hémalun éosine. x 2000.
Fia. 7. Un parasite englobé par un polynucléaire. Hémalun éosine. x 1200.
FiG. 8. Daax parasites englobés dans une même volumineuse vacuole d'un polynucléaire, x 1200.
Fiï. 9. Plusieurs parasites inclus dans un même phagocyte : l'un d'eux présente une décoloration, un autre une
défor.nation, qui indiquent sans doute un début de digestion, x . 1200.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 359 à 386.
20 Septembre 1913
BIOSPEOLOGICA
XXX»
ARANEAE ET OPILIONES
QUATRIÈME SÉRIE
E. SIMON
TABLE DES MATIÈRES
Araneae. Dictyxidae. — Amaurobiua jerox (De Geer) (p. 360). — A. feneslralis Strôem (p. 360).
Sicariidae. — Loxcsceles sp. ? (p. 360).
Leptoxetipae. — Leptoneta convexa E. Sim. (p. 360). — L. leucophthalma E. Sim. (p. 361). — L. injuscata E. Sim.
(p. 361). — L. Proserpina manea !.. Fage (p. 362). — L. crypticola E. Sim. (p. 362). —
Telema tenella E. Sim. (p. 362).
DïSDERIDAE. — Rhode biscutata E. Sim. (p. 362). — Harpactes Homberyi (Scopoli) (p. 363). — Harpactes... sp.
(p. 363). — Dysdera crocata C. Koch (p. 363). — Stalitochara nov. gen. (p. 363). — S. kabiliana n. sp.
(p. 363).
PHOLCIDAE. — Pholcus phalangioides (Fuessly) (p. 364).
Argiopidae. — Lixyphiixae. — Diplocephalus lusiscus E. Sim. (p. 365). — Tapinocyba subi/anea (O. P. Cam-
bridge) (p. 365). — Blaniargus nov. gen. (p. 365). — B. Cupidon n. sp. (p. 365). — Lessertiu denti-
chelis (E. Sim.) (p. 366). — Scotargus n. gen. (p. 366). — S. pilosus n. sp. (p. 367). — Centromerus
prudens (O. P. Cambridge) (p. 367). — Cryptocleptes paradoxus E. Sim. (p. 367). — Porrhomma
Proserpina E. Sim. (p. 368). — P. myops E. Sim. (p. 368). — Lephthyphantes leprosus (Ohlert
(p. 369). — L. pallidus (O. P. Cambridge) (p. 369). — L. angustijormis (E. Sim.) (p. 369). — L. alu-
tacius E. Sim. (p. 369). — L. Sancti-Vicenti (E. Sim.) (p. 370). — L. labilis n. sp. (p. 370). — L. miti
n. sp. (p. 371). — L. venereus n. sp. (p. 372). — Taranucnus Orphaeus E. Sim. (p. 372). — T. Marqueti
E. Sim. (p. 372). — T. affirmatus n. sp. (p. 373). — Troglohyphantes pyrenaeus anophthalmus E. Sim.
(p. 374). — T. nyctalops E. Sim. (p. 374). — T. afer n. sp. (p. 374).
Tetragxathisae. — Meta Mentirai (Latreille) (p. 375;. — .1/. Merianae (Scopoli) (p. 375). —
Nesticus celluhtnus (Clerck) (p. 376). — N. Eremita E. Sim. (p. 376). — N. noctivaga a. sp. (p. 377).
Clubioxidae. — Brachyanillus n. gen. (p. 377). — B. liocraninus, n. sp. (p. 378).
AGELEXIDAE. — Tegenaria pagana C. Koch. (p. 379). — T.Racovitzai E.Sim. (p. 380). — Tetrilus arietinus Thorell
(p. 381). — Chorizumma subterraneum E. Sim. (p. 381). — Chorizomma... sp. (p. 381). — Iberinn
Mazarredoi E. Sim. (p. 382).
Opiliones. Phalaxgodidae. — Phalangodes Querilhaci (H. Lucas) (p. 382). — P. Lespesi (H. Lucas) (p. 382). —
P. cl.vigcra E. Sim. (p. 383).
Phalaxgiidae. — Liobunum religiosum E. Sim. (p. 383). — ■ L. biserkitum Raevei (p. 383). — Xelhnus niçripalpis
E. Sim. (p. 383).
ISCHTROPSALIDAE. — Ischyropsalis pyrenaea E. Sim. (p. £83). — /. pctiginosa n. sp. (p. 381).
Xemastomatidae. — Semastoma bacillijerum E. Sim. (p. 384). — X. baeillijerum simplex n. subsp. (p. 385). —
-V. /lyrenaeum E. Sim. (p. 335). — N. sexmueronaium E. Sim. (p. 335). — A*, muarebense n. sp.
(p. 385). — AT. manicatum n. sp. (p. £86).
1. Voir pour Biospeologica I à XXIX, c>s Archives, tome VI, VIT, VIII et IX d' la 4e série et
tome I, II, IV, V, VI, VII, VIII, IX et X de \x 5e séii •.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉX. — T. 52. — F. 5. 25
360 E. SIMON
ordo ARANEAE
Familia DICTYNIDAE
On ne peut citer que pour mémoire un certain nombre d' Amaurobius
trouvés accidentellement dans plusieurs grottes, mais n'ayant rien de
commun avec la faune cavernicole :
Amaurobius ferox (de Geer), des Souterrains de Pont-Saint-Esprit,
départ, du Gard (France) (19. V. 1911) n° 443.
Amaurobius fenestralis Stroëm, de la grotte du Pont-la-Dame,
dép. des Hautes-Alpes (France) (28. III. 1911) n° 419.
Enfin deux jeunes indéterminables, l'un de la grotte de Combarelles,
départ, de la Dordogne (France) (VIII. 1910) n° 400 ; l'autre de la
Baume Mayol, départ, des Alpes-Maritimes (France) (7. III. 1911)
n° 469.
Familia SIGARIIDAE
1. Loxosceles.... sp. ?
Jeune indéterminable.
Maroc : Ifri Bou Rezg, Oued Cefrou, territoire des Béni Snassen
(27. XL 1909), n° 333.
Familia LEPTONETIDAE
En 1913, M. L. Fage a publié dans ces Archives (5e série X, p. 479
à 576, pi. 43 à 53) un travail d'ensemble sur cette famille, dans lequel
sont comprises les espèces faisant partie de la 4e série. Nous nous con-
tenterons de donner ici la liste de ces espèces et de leurs habitats, ren-
voyant pour plus de détails à la Monographie de M. L. Fage.
2. Leptoneta convexa E. Simon.
L. Fage, in Arch. zool. Expér. (5), x , 1913, p. 521, tab. 49 et 50, ff. 22 à 43.
Départ, de VAriège (France). — Seconde petite grotte de Liqué,
comm. de Moulis, cant. de Saint-Girons (3. X. 1909), n° 337.
Cette espèce n'est connue que du département de PAriège ; où elle
n'a jamais été trouvée en dehors des grottes.
ARANAE ET OPILIOXES 3G1
3. Leptoneta leucophthalma E. Simon.
I.. Page, loc. cit., p. 531, tab. 50 et :>l, ff. 58 à 61.
Prov. de Lerida (Espagne). — Forât Nègre, près Serradell, partido de
Tremp (27. VIII. 1910), n° 379.
Forât la Bou, près Serradell, partido de Tremp (27. VIII. 1910),
n° 380 et (16. VI. 1911), n° 446.
Cova de Toralla, près Toralla, partido de Tremp (28. VIII. 1910),
n° 381.
Prov. de Huesca (Espagne). — Forau de la Drolica, près Sarsa de Surta,
partido de Boltana (26. VI. 1911), n° 458.
N'a été rencontré que sur le versant espagnol des Pyrénées dans les
provinces de Huesca et de Lérida.
4. Leptoneta infuscata E. Simon.
L. Fage, loc. cit. 191 3, p. 536, tab. 51 et 53, ff. 72 à 92.
Forma typ/ca
Départ, de VAriège (France). — Grotte de Sainte-Hélène, près de
Foix, cant. de Foix (3. I. 1911), n° 416.
Grotte de Fontanet, près Ornolac, cant. de Tarascon (4. I. 1911),
n° 417.
Prov. de Barcelona (Espagne). — Cova fosca de Gava, partido de San
Feliu de Llobregat (10. X. 1910), n° 401.
Forma L. infuscata Mi nos E. Simon
Départ, des Pyrénées-Orientales (France). — Grotte des Voleurs, près
de Caudiès, cant. de Saint-Paul-de-Fenouillet (5. VII. 1910), n° 354.
Forma L. infuscata iberica L. Fage
I. c. 1913, p. 540.
Prov. de Lerida (Espagne). — Cova de Vinyoles, près Cavà, part, de
Seo de Urgel (23. VIII. 1910), n° 377.
Forât la Bou, près Serradell, part, de Tremp (27. VIII. 1910), n° 380
et (16. VI. 1911), n° 446.
Forât del Or, Llimiana, part, de Tremp (31. VIII. 1910), n° 383.
Cova negra de Trago, près Trago-de-Noguera, part, de Balaguer
(2. IX. 1910), n° 384.
Prov. de Huesca (Espagne). — Forato de los Moros, Jinuavel, part,
de Boltana (23. VI. 1911), n° 455.
362 E. SIMON
Esplluga de Barrau, Jinuavel, part, de Boltana (23. VI. 1911), n° 456.
Cuevas de Buerba, Buerba, part, de Boltana (24. VI. 1911), n° 457.
Cuevas do Chaves, près Bastaras, part, de Huesca (29. VI. 1911),
n° 461.
5. Leptoneta Proserpina manca L. Fage.
loc. cit. 1913, p. 540.
A typo differt oculis haud nigro-limbatis, posticis punctiformibus
vel obsoletis.
Départ, des Alpes- Maritime s (France). — Grotte D du Baou-des-
Blancs, comm. et cant. de Vence (26. II. 1911), n° 470.
Nota. — Nous avons décrit la forme type de la grotte de Laura, près
Castillon (in. Biospeol. ser. 1, p. 540).
6. Leptoneta crypticola E. Simon.
L. Page loc. cit. I9l:i, p. 548, tab. ."i:> et 53, ff. 111 à I2i).
Forma typica
Départ, des Alpes-Maritimes (France). -- Grotte d'Albarea, comm.
et cant. de Sospel (8. IV. 1911), n° 432.
Forma L. crypticola simplex L. Fage
lof. cit. p. 549.
Départ, des Alpes- Maritimes (France). — Baoumo don Cat, comm. de
Daluis, cant, de Guillaumes (27. II. 1911), n° 473.
7. Telema tenella E. Simon.
lu. Auu. Soc eut. Fr. 1882, p. 205.
Départ, des Pyrénées-Orientales (France). — Grotte d'en Brixot, près
La Preste, cant. de Prats-de-Molio (1. VI. 1911), n° 444.
Découvert dans la même grotte en 1881.
Familia DYSDERIDAE
8. Rhode Discuta ta E. Simon.
In Ann. Soc. eut. France 1893, p. 306.
Départ. d'Alger (Algérie). — Rhar Yaanen, comm. du Camp-du-
Maréchol (3. XI. 1908), n° 349.
Nous connaissions déjà l'espèce de Yakourenen Kabylie (DrCh. Martin)
et de la forêt de l'Edough près Bône. Sa capture dans une grotte ne peut
être qu'accidentelle.
ARANAE ET OPILIONES 363
9. Harpactes Hombergi (Scopoli).
Départ, de V Isère {France). — Grotte supérieure de Bournillon, près
Chatelus, cant. de Pont-en-Royans (31. III. 1911), n° 425.
Espèce commune dans toute l'Europe, dans les mousses et sous les
écorces, certainement accidentelle dans la grotte.
10. Harpactes.... sp ?
non déterminable (1).
Maroc. — Ifri Bon Rezg, Oued Cefrou, territoire des Béni Snassen
(27. XI. 1909), n° 333.
il. Dysdera crocata C. Koch.
Iles Baléares (Espagne). -- Caverna de Belver, part, de Palma de
Mallorca (IX. 1910), n° 412.
Départ, du Gard (France). — Souterrains de Pont-Saint-Esprit,
comm. et cant. de Pont-Saint-Esprit (19. V. 1911), n° 443.
Sans doute accidentel dans ces grottes ; espèce commune dans toute
T Europe méridionale surtout occidentale.
STALITOCHARA, nov. gen.
A Dysdera cui affinis est, difïert oculis sex minutissimis, inter se
late distantibus, aream transversam multo latiorem quam longiorem
occupantibus, quatuor posticis, superne visis, in lineam procurvam.
mediis a lateralibus quam inter se multo remotioribus, unguibus tarsorum
binis, saltem posticis, tenuioribus et longioribus.
Les autres caractères sont ceux des Dysdera, de même que le faciès
et la coloration.
12. Stalitochara kabiliana, sp. nov.
— Long. 12-1-1 mm. Céphalothorax fusco-ravidus postic? leviter
et sensim dilutior, omnino subtiliter coriaceo-opacus, longus, antice vix
attenuatiis, fronte late truncata. sat humilis sed parte cephalica leviter
convexa. parte thoracica stria média carente sed in medio levissime
depresso-canaliculata, area oculorum leviter convexa, ovato transversa.
1. Les Harpactes, assez nombreux dans le Nord de l'Afrique, ne sont suère connus que par les mâles, nous ne
savons rien des caractères des femelles.
364 E. SIMON
Oculi minutissimi (praesertim medii) depigmentati et punctiformes,
quatuor postici, superne visi, in lineam vix procurvam, medii inter se
spatio oculo circiter aequanti separati, a lateralibus spatio plus quadruple»
majore remoti, oculi latérales antici a posticis spatio oculo non angus-
tiore separati. Clypeus sat latus, verticalis, planus sed tenuiter margi-
natus. Sternum fulvo-rufulum, subtilissime coriaceo-opacum, granulis
nigris parvis setiferis, praesertim postice, conspersum. Chelae et partes
oris fusco-ravidae, chelae robustae, longae et proclives, ad basin et
extus granulis parvis nigris setiferis munitae, margine inferiore sulci
piloso et mutico, margine superiore dentibus binis, inter se latissime
remotis, apicali majore recto et acuto, instructo. Abdomen anguste
ovatum, cinereo-albido-testaceum. Pedes longi et robusti, flavo-testacei,
pilis tenuibus et longis vestiti, coxis longis,
patellis quatuor anticis longissimis, tarsis brevi-
bus et robustis. Pedes quatuor antici omnino
mutici. Postici femoribus muticis, tibiis aculeis
fig. i. - sMitochara^MHikma parvis apicalibus binis subtus munitis, tibiis 31
Front^t yeux vus en dessus. paris aculeo laterali interiore submedio, tibiis
41 paris u trinque aculeo laterali munitis,
metatarsis aculeîs brevioribus sat numerosis armatis atque subtus,
in parte apicali, scopula nigra vestitis. Ungues tenues, valde curvati
atque acuti, série dentium pàrvorum 12-20 contiguorum, in pedibus
anticis fere usque ad apicem ductis, in posticis tertiam partem apica-
lem haud superantibus, ad marginem interiorem, parvis et contiguis sed
basalibus binis (saltem in pedibus posticis) reliquis majoribus. Pedes-
maxillares feminae flavo-testacei, patella longa et convexa, tibia patella
circiter aequilonga, paulo angustiore et leviter arcuata, tarso tibia vix
longiore, crebrius piloso, apicem versus attenuato.
Départ. d'Alger (Algérie). — Ifri Bon Anou, dans le Douar Iboudra-
rène, connu, de Michelet-Djurdjura (23. VI. 1908), n° 346.
Ifri Bou Arab, Aït-Ali, comm. de Dra-el-Mizan (17. VI. 1909), n° 350.
Familia PHOLGIDAE
13. Pholcus phalangioides (Fuessly).
Départ, de la Drame (France). — Grotte Saint-Nazaire-en-Royans,
cant. de Bourg-de-Péage (30. III. 1911), n° 422.
ARANAE ET OPILIONES 365
Départ, du Gard (France). — Souterrains de Pont-Saint-Esprit,
comm. et cant. de Pont-Saint-Esprit (19. V. 1911), n° 443.
Familia ARGIOPIDAE
Subfamila Linyphiinae
14. Diplocephalus Iusiscus (E. Simon).
(Pour la synonymie cf. lre série p. 541).
Départ, des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte de Gerde, comm. et
cant. de Bagnères-de-Bigorre (15. VII. 1910), n° 367.
Grotte d'Asque, cant. de Labarthe-de-Neste (16. VII. 1910), n° 369.
Nous l'avions précédemment indiqué de plusieurs grottes de l'Ariège,
des Hautes-Pyrénées et des Basses-Pyrénées.
15. Tapinocyba subitanea (O. P. Cambridge).
Walckenaera subitanea Cambr., in Ann. Hat. Hist. (4) XVI, 1875, p. 239, tab. 9, f. 7.
Tapinocybi subitanea E. Simon, Ar. Fr. V, p. 783, ff. 697-699.
Prov. de Huesca (Espagne). — Cueva Fornazos, près Espés, parti do de
Benabarre (20 VI. 1911), n° 454.
Espèce non cavernicole, commune dans les mousses et les détritus,
en France, en Allemagne et en Angleterre.
BLANIARGUS, nov. gen.
Ab Acartauchenio differt oculis sex (mediis anticis omnino obsoletis),
minutissimis, vix perspicuis albis, posticis, superne visis, in lineam
rectam, mediis a lateralibus quam inter se plus duplo remotioribus, late-
ralibus utrinque inter se disjunctis.
Ce nouveau genre se rattache au petit groupe des Acartauchenius,
dont toutes les espèces sont lucifuges et myrmécophiles ; il diffère essen-
tiellement des Thyreosthenius et Adelauchenius par ses yeux postérieurs
en ligne droite, des Acartauchenius par ses yeux médians postérieurs beau-
coup plus rapprochés l'un de l'autre que des latéraux, ses yeux latéraux
de chaque côté disjoints et ses yeux médians antérieurs complètement
oblitérés.
16. Blaniargus Cupidon, sp. nov.
ç. — Long. 1 mm. %. Céphalothorax sternum chelaeque fulvo-rufula,
subtiliter coriacea et opaca sed parte cephalica laeviore et nitida. Cepha-
366 E. SIMON
lothorax ovatus, parte cephalica parum attenuata, lata et convexa.
Oculi sex minutissimi aequi albi, quatuor postici, superne visi, in lineam
latissimam, leviter reeurvam, medii inter se spatio oculo plus duplo
latiore distantes, a lateralibus saltem duplo remotiores. Oculi latérales
utrinque disjuncti, in lineam valde obliquam ordinati. Chelao robustae,
margine superiore sulci dentis 3 vel 4 sat longis instructo, margine infe-
riore mutico vel submutico. Abdomen breviter ovatum, albidum, parce
et breviter pilosum. Pedes pallide lutei, modice longi, sat robusti sed
metatarsis tarsisque gracilibus, tarsis anticis metatarsis haud vel vix
brevioribus, tenuiter et sat longe pilosi sed setis spiniformibus carentes.
Plaga genitalis magna, latitudinem epigastri fere totam occupans,
duriuscula, nigra, in medio in tuberculum semicirculare elevata, hoc
tuberculum antice planum, postice in foveam magnam fulvam transversim
ovatam profunde excavatum.
Départ, des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte de Castel Mouly,
comm. et cant. de Bagnères-de-Bigorre (13. VII. 1910), n° 364.
17. Lessertia dentichelis (E. Simon).
Tmeticus dentichelis E. SIMON", Ar. Fr. V, 188-1, p. 390, ff. 167-169.
Macrargus simple* Fr. Cambridge, in Ann. Xat. Hist. (6) X, 1892, p. 383, tab. 20, f. 5, A. B. C. D.
Lessertia dentichelis E. Simox, Biospeologica, 3e sér. 1911, p. 185.
Prov. de Huesca (Espagne). — Solencio de Morrano, près Morrano,
part, de Huesca (28. VI. 1911), n° 460.
Solencio de Bastaras, près Bastaraspart.de Huesca (29. VI. 1911),n°462.
Nous l'avons cité dans la 3e série p. 1 83 de diverses grottes de l'Ardèche
du Gard et de l'Ariège.
Cette espèce, plutôt lucifuge que cavernicole et assez répandue en
France, n'avait pas encore été signalée d'Espagne.
SCOTARGUS, nov. gen.
A Macrargo cui affinis est, differt imprimis area oculorum mediorum
paulo latiore postice quam longiore, chelarum margine superiore dentibus
trinis acutis et sat longis (ultimo reliquis paulo minore) ad radicem
unguis sat remotis, margine inferiore dentibus minoribus 3 vel 4. ins-
tructis. A Centromero differt femoribus anticis aculeo interiore carentibus
sed subtus, ad marginem interiorem, setis longis tenuissimis trinis unise-
riatis et fere aeqiùdistantibus munitis.
Nous ne connaissons pas le mâle.
ARANAE ET OPILIONES
367
18. Scotargus pilosus, sp. nov.
9. — Long. 3 mm. Céphalothorax, chelae, sternum pedesque pallide
fulvo-rufescentia. Abdomen cinereo-testaceum. nitidum. pilis albidis
tenuibus et longis conspersum. Céphalothorax la-vis et nitidus. linea
marginali carens, parte cephalica sat lata et convexa, oculi tenuiter et
singulariter nigro-cincti, postici aequi, in
lineam plane rectam, medii a lateralibus quam
inter se vix remotiores. Oculi antici in lineam
rectam, medii reliquis oculis multo minores,
area oculorum mediorum paulo latior postice
quam longior et multo latior postice quam
antice. Clypeus area oculorum latior, planus.
paulum obliquus. Chelae fere laeves. Pedes ro-
busti, granulis nigris, minutissimis, subseriatis.
longe piliferis muniti, setis erectis patellarum
et tibiarum articulis longioribus, in pedibus
anticis tenuibus, in posticis validioribus. Tu-
berculum génitale rufum et nitidum, maxi-
mum, superne visum semicirculare, antice
rotundum postice truncatum, convexum, lineis vel costis binis nigris et
granulosis, postice convergentibus notatum, postice visum, foveolis
binis albido-membranaceis, septo rufulo lato divisis, impressum.
Prov. de Huesca (Espagne). — Forau de la Drolica, près Sarsa de
Surta, part, de Boltana (26. VI. 1911), n° 458.
Fig. 2. — Scotargus pilosus E.
Simon.
A, tubercule génital vu en dessus.
B, tubercule génital vu par la
face postérieure.
19. Centromerus prudens (0. P. Cambridge).
Linyphia prudens O. P. Cambridge, in Tr. Linn. Soc. Lond., XXVIII, 1872, p. 538, tab. 46, f. 9.
Tmeticus prudens E. SMON, Ar. Fr. V (2) 1882, p. 409, ff. 188-189.
Prov. de Huesca (Espagne). — Grallera de Estadilla, part, de Tamarite
(2. VII. 1911), n° 463.
Espèce habituellement non cavernicole, commune dans la région
pyrénéenne surtout occidentale.
20. Cryptoeleptes paradoxus E. Simon.
Ar. Fr. Y. 1882, p. 352.
Prov. de Lerida (Espagne). — Cova fosca de Villanova, près Villanova
de Meya, part, de Balaguer (8. IX. 1910), n° 389.
368 E. SIMON
Se trouve aussi en France dans les grottes de l'Ardèche, du Gard et
de la Drôme.
Nota. La réduction des yeux par suite de l'habitat exclusivement
cavernicole, paraît se faire d'une manière irrégulière ; ces yeux sont
normalement au nombre de huit, mais chez certains individus, il est
réduit à six, par l'oblitération, de chaque côté, de l'œil latéro-postérieur.
Ce caractère, auquel je donnais autrefois une valeur générique1 est
individuel, comme j'ai pu m'en convaincre dans la grotte de Vallon
(Ardèche) où les individus sénoculés et octoculés se trouvent ensemble.
21. Porrhomma Proserpina E. Simon.
Départ, des Basses-Pyrénées {France). — Grotte de Bétharram,
près Arthez et Asson, cant. de Nay (10. VII. 1910), n° 360.
Prov. de Tarragona (Espagne). — Cova Gran de la Febrô, près Febrô,
part, de Montblanch (15 X. 1910), n° 405.
Prov. de Huesca {Espagne). — Cueva de San Salvador, près BibiJs,
part, de Benabarre (20. VI. 1911), n° 453.
Cueva Fornazos, près Espés, part, de Benabarre (20. VI. 1911),
n° 454.
Il est à noter que les caractères propres aux araignées exclusivement
cavernicoles, sont surtout accusés pour les individus des grottes espagnoles
de Gran de la Febrô et de Fornazos.
Espèce très répandue dans la région pyrénéenne, aussi bien en France
qu'en Espagne.
Déjà cité dans la première série, p. 341, dans la deuxième série,
p. 57 et dans la troisième série p. 186.
22. Porrhomma myops E. Simon.
Ar. Fr. V. 1832, p. 358.
Prov. de Barcelona (Espagne). — Cova de la Fou de Montaner, près
Vallirana, part, de San Feliu de Llobregat (11. X. 1910), n° 402.
Cette espèce n'était connue jusqu'ici que de la grotte d'Espezel dans
le département de l'Aude.
Assez voisine de P. Rosenhaueri L. Koch (Egeria E. Simon), mais beau-
coup plus petite avec les yeux encore plus réduits, souvent partiellement
oblitérés (les médians antérieurs manquant parfois) et non liserés de
noirs, les fémurs antérieurs pourvus d'une ou de deux épines dorsales
1. Le genre a été décrit d'après un spécimen sénoculé, le seul connu à l'époque.
ARANAE ET OPILIONES 369
plus courtes que leur diamètre. — Chez le mâle le tibia de la patte-
mâchoire, vu en dessus, est au moins aussi long que la patella et aussi
large que long, fortement élargi à l'extrémité avec le bord apical un peu
arqué et longuement cilié, surtout au côté interne ; le paracymbium est
en lanière comprimée lamelleuse, courbée en demi-cercle, sa branche
inférieure atténuée se termine en petite pointe noire aiguë, sa branche
supérieure est plus épaisse, longuement atténuée, obtuse, simple et
droite ; le tarse offre (vu de profil) au bord externe, vers le milieu, une
très petite pointe noire.
23. Lephthyphantes leprosus (Ohlert).
Départ, des Hautes- Alpes (France). — Grotte inférieure dePont-la-
Dame, cant. d'Aspres-sur-Buech (28: III. 1911), n° 419.
Nous l'avons indiqué dans la première série d'une grotte des Hautes-
Pyrénées, dans la deuxième d'une grotte des Pyrénées-Orientales
et dans la troisième d'une grotte de l'Ariège.
24. Lephthyphantes pallidus (O. P. Cambridge).
Départ, de la Drame (France). — Grotte de Ferrières, comm. et cant.
de la Chapelle-en-Vercors (2. IV. 1911), n° 427.
Prov. de Lerida (Espagne). — Lo Grallé, près Castellet, part, de Tremp
(17. VI. 1911), n° 448.
Nous l'avons indiqué dans la première série des Alpes-Maritimes,
dans la deuxième série de la grotte de Padirac (Lot), dans la troisième
d'une grotte de l'Yonne et d'Algérie.
Cette espèce et la précédente sont plutôt lucifuges que cavernicoles.
25. Lephthyphantes angustiformis E. Simon.
Ar. Fr. V (2) 1882, p. 305, fl. 68-69. çf
L. prodigialis ibid. p. 328, ff. 97-98 Ç .
Départ. d'Oran (Algérie). — Grotte de la quatrième source du ravin de
Misserghin, comm. de Misserghin (17. XI. 1909), n° 329.
Cette espèce n'était jusqu'ici connue que de Corse et de Sardaigne,
où elle n'est pas cavernicole.
26. Lephthyphantes alutacius E. Simon.
Ar. Fr. V (2), 1882, p. 309.
Prov. de Tarragona (Espagne). — Cova del Montsant, près Cornu délia,
part, de Falset (16. X. 1910), n° 407.
370
E. SIMON
Comme L. pallidus Cambr., dont elle est voisine, cette espèce n'est
qu'accidentellement cavernicole, mais elle est toujours lucifuge et se
trouve surtout dans les mousses ou sous les souches des forêts épaisses;
elle se réfugie souvent dans les terriers de taupes comme M. Falcoz l'a
observé dans l'Ain et l'Isère.
27. Lephthyphantes Sancti-Vicenti (E. Simon).
Linyphia S. E. S., in. Ann. Soc. ent. Fr., 1873, p. 476, tab. 16, f. 10 (Ç>).
Lephthyphantes Sancti-Vicenti E. S., Ar. Fr., V (2) 1882, p. 325, ff. 93-94 (9).
Lephthyphantes monodon ibid., p. 310 f. (cf).
Départ, de la Drôme {France). — Grotte de Saint-Nazaire-en-Royans,
cant. du Bourg-de-Péage (30. III, 1911), n° 422.
Départ, des Basses-Alpes {France). — Pertuis de Méailles, cant.
d'Annot (28. II. 1911), n° 474.
Départ, de VArdèche {France). — Grotte de Baumefort, près Saint -
Alban, cant, de Joyeuse (1. VIII. 1911), n° 478.
Nous avons découvert cette espèce en 1872 dans la grotte de Saint-
Vincent près Thoar dans les Basses-Alpes; elle a été trouvée depuis en
nombre dans presque toutes les grottes de l'Isère, de la Drôme, des
Hautes- Alpes, des Basses-Alpes, du Var et des Alpes-Maritimes, la grotte
de Baumefort dans l'Ardèche est jusqu'ici sa seule station à l'ouest du
Rhône.
Elle paraît plus exclusivement cavernicole que les précédentes,
nous en. avons cependant reçu un individu de la Côte-d'Or sans indication
de capture.
28. Lephthyphantes labilis, sp. nov.
9. — Long. 25-3 mm. Céphalothorax, chelae pedesque omnino
flavi. céphalothorax linea marginali carens. Sternum fulvo-olivaceum,
laeve et nitidam.
Abdomen nigri-
num, nitidum,
tenuissime albo-
setosum. Oculi
singulariter ni-
gro-cincti, qua-
tuor postici in li-
neam rectam,
medii paulo majores, inter se quam a lateralibus vix remotiores, quatuor
antici in lineam rectam medii minores. Clypeus area oculorum saltem
Fin. 3. — LephUujphantes labilis E. Simon ; a, bulbe vu de profil ; b, tubercule
gMiital vu de profil ; e, tubercule par la face postérieure.
ARANAE ET OPILIONES 371
aequilatus, sub oculis depressus. Chelae angustse et longae, laeves et
nitidae, extus tenuissime et regulariter transversiui strigosae. Tubercu-
lum génitale longum et erectum, superne visum unco rufulo et nitido,
cylindraceo sed apice valde curvato, leviter ampliato ettruncato, divisum,
utrinque visum plagula parietali fusca et pilosa, longiore quam latiore,
apice obtusa vel obtuse truncata, marginatum, postice visum verticale
foveolatum et membranaceum, fovea in dimidio apicali unco paulo
ampliato divisa, in dimidio basali plagulas du as rufulas : superiorem
ovato transversam, inferiorem paulo majorem cordiformem, includente.
rf. — Long. 2 mm. Pedes-maxillares patella nec convexa nec conica
seta tenui sat longa et recta munita, tibia patella circiter aequilonga,
latiore, superne visa, utrinque fere aequaliter convexa, subtus convexa
et subrotunda, paulo altiore quam longiore, supra leviter convexa et
ante médium seta erecta subrecta, seta patellari multo longiore et
paulo validiore, munita, tarso ovato simplici, convexo, nec elevato
nec tuberculato, paracymbio ad angulum basalem rotundo haud aculeato,
apophysi loriformi apicem bulbi vix attingente, acuta, ad marginem
superiorem, in parte apicali, minutissime spinulosa.
Départ. d'Oran (Algérie). — Grotte des Beni-Add, comm. d'Aïn
Fezza (à l'entrée de la grotte sous les débris de Diss en même temps
que L. venereus E. S.) (2. XII. 1909), n° 334 A.
29. Lephthyphantes mitis, sp. nov.
ç. — Long. 2 mm. Céphalothorax pedesque omnino pallide fulvo
rufescentes, chelae rufulae, paulo obscuriores, sternum infuscatum,
abdomen albido-testaceum, subtus confuse olivaceo-tinctum. Oculi
singulariter nigro-cincti, quatuor postici, superne visi,in lineam subrectam,
aequi, medii inter se quam a lateralibus paulo remotiores sed spatio
interoculari oculo non multo latiore.
A L. alutatio E. Simon, cui valde afïinis et subsimilis est, differt unco
genitali rufulo in dimicfio basali valde arcuato, angusto et cylindraceo,
in dimidio apicali subverticali, abrupte ampliato subrotundo sed obtuse
truncato, saepe supra minute costato, scapo utrinque altius quam longius
et oblique truncato.
Départ, des Pyrénées-Orientales (France). — Barranc du Pla de Perillos,
comm. de Rivesaltes (12. IV. 1910), n° 341.
Cette espèce n'est pas exclusivement cavernicole, nous l'avons trou-
vée à la Nouvelle (nov. 1911) dans des détritus végétaux.
372 E. SIMON
30. Lephthyphantes venereus, sp. nov.
9. — Long. 3 Hirn. Céphalothorax pallide fulvo-rufescens, Unea
marginah carens. Oculi postici, superne visi, in hneam rectam, inter se
late et fere aeque distantes (spaths interocularibus oculis paulo majoribus)
medh singulariter nigro-cincti, laterahbus vix majores. Oculi antici in
lineam rectam, medh minores, nigri^ inter se subcontigui, a laterahbus
spatio oculo saltem duplo latiore distantes. Area oculorum mediorum
trapeziformis, superne visa paulo longior quam latior. Clypeus area
oculorum paulo latior, sub oculis depressus, dein
leviter convexus et proclivis. Chelae fulvae, longae,
sublaeves, margine superiore sulci dentibus trinis
acutis, apicalibus binis longis inter se aequis et sub-
geminatis, ultimo minore et remotiore. Pars labialis
sternumque fulvo-ohvacea. Abdomen pallide cinereo-
olivaceum, subtus confuse obscurius. Epigynum valde
Flvenerms ^thypha singulare, antice tuberculo rufo erecto apice ampliato
Tubercule génital vu de et 0]3tug0j ^em processu longo, graciliore, prope
médium ampliato, apice gracih subpellucente et
recto munitum, utrinque plagula fusca attenuata et obtusa, inaequa-
liter fissa, marginatum.
Départ. d'Oran (Algérie). — Grotte des Beni-Add, comm. d'Aïn
Fezza (entrée de la grotte sous les pierres et dans les débris de Diss)
(2. XII. 1909), n° 334 A.
Nota. Quelques jeunes Lephthyphantes qu'il est impossible de déter-
miner avec certitude, ont été recueillis dans la Cova petit a de la Febrô,
part, de Montblanch, prov. de Tarragona (Espagne) (15. X. 1910),
n° 406 et dans la grotte Ifri Bou Arab, près Ait-Ali, comm. de Dra-el-
Mizan, dép. d'Alger (16. IX. 1909), n° 351.
31. Taranucnus Orphaeus E. Simon.
Ar. Fr., V, p. 253'.
Départ, des Pyrénées-Orientales {France). — Caouno Claro, près
Prugnanes, cant, de Saint-Paul-de-Fenouillet (12. VIII. 1910), n° 373.
32. Taranucnus Marque ti E. Simon.
Loc. cit. p. 256.
Départ, des Basses-Pyrénées (France). — Grotte de Betharram,
comm. d'Arthéz et Asson, cant. de Nay (10. VII. 1910), n° 360.
ARANAE ET OPILIONES
373
Nota. De jeunes individus non déterminables du genre Taranucnus
ont été rencontrés dans les Hautes-Pyrénées {France) : grotte du Bédat
à Bagnères-de-Bigorre (13. VII. 1910), n° 363, et grotte des Judeous,
près Banios, cant, de Bagnères-de-Bigorre (14. VII. 1910) n° 366 et
dans la prov. de Lerida {Espagne) : Cova de la Fou de Bor, près
Bellver, part, de Seo de Urgel (21. VIII. 1910), n° 376.
33. Taranucnus affirmatus, sp. nov.
9. — Long. 4 mm. Céphalothorax (linea marginali carens) pedesque
omnino fulvo-testacea. Chelae, partes oris sternumque paulo obscuriora
et olivacea. Abdomen supra albi-
do-testaceum, postice, supra ma-
millas, confuse infuscatum, subtus
fusco-olivaceum. Oculi postici
singulariter nigro-cincti, medii
lateralibus vix majores, spatio
oculo non latiore inter se dis-
juncti. Ocuh antici in lineam
rectam, medii in maculam nigram
siti, a lateralibus spatio oculo
minore distantes. Pedes longi,
aculeis tenuissimis setiformibus
et longis, ut in T. furcifero ordi-
natis, instructi.
Tuberculum génitale, superne
visum, latius quam longius, semicirculare, convexum, olivaceum et
pilosum, utrinque plagula nigra duriuscula subquadrata munitum,
postice visum late depressum subfoveolatum, in parte superiore processu
angusto subacute triquetro divisum, in fundo plagulam fulvam fovea
membranacea alba triquetra impressam, includens.
Prov. de Huesca {Espagne). — Forau de la Drolica, près Sarsa de
Surta, part, de Boltana (26. VI. 1911), n° 458.
Cette espèce, dont nous ne connaissons que la femelle, paraît voisine
du T. furcifer E. Simon, commun dans les provinces basques, aussi bien
dans les mousses humides et sous les souches, que dans les grottes.
Elle en diffère par le tubercule génital vu en dessus beaucoup plus
transverse, vu par la face postérieure creusé en coquille incomplètement
divisée par un septum subaigu et renfermant une plagule triangulaire
Fig. 5. — Taranucnus affirmatus E. Simo.v.
a, tubercule génital en dessus.
b, tubercule par la face postérieure.
Taranucnus furcifer E. Simox.
c, tubercule génital en dessus.
d, tubercule par la face postérieure.
374 E. SIMON
fovéolée, mais dépourvue des deux lobes obliques et convexes qui carac-
térisent celui de T. fur ci fer E. S.
34. Troglohyphantes pyrenaeus anophthalmus E. Simon.
Biospeologica 3» sér. 1911, p. 192.
Départ, des Hautes-Pyrénées {France). — Grotte de la Escala, comm. et
cant. de Saint-Pé (11. VII. 1910), n° 362.
Nous considérions jusqu'ici cette forme comme propre à certaines
grottes de la province de Santander en Espagne, il est curieux de l'avoir
retrouvée en France dans une grotte plus orientale que celles où vit la
forme typique du Troglohyphantes pyrenaeus.
35. Troglohyphantes nyctalops E. Simon.
Biospeologica 3e sér. 1911, p. 194.
Prov. de Santander (Espagne) . — Cueva de la Clotilde, station Santa
Lsabel, part, de Torrelavega (24. VII. 1910), n° 398.
Nous ne connaissions antérieurement cette espèce que de la Cueva de
(Walanas, près Ramales, également dans la province de Santander.
36. Troglohyphantes afer, sp. nov.
cf. — Long. 3 y2 mm. Céphalothorax, sternum pedesque pallide
fulvo-testacea. Chelae et partes oris rufescentes. Pedes-maxillares versus
extremitates infuscati. Abdomen albidum. Oculi postici parvi, aequi,
singulariter et tenuissime nigro-cincti, superne visi in lineam subrectam
(vix procurvam) inter se fere acquidistantes, spatiis interocularibus
oculis saltem triplo latioribus. Oculi antici in lineam rectam, medii
nigricantes, minutissimi et subcontigui, a lateralibus latissime distantes.
Area mediorum vix longior quam postice latior. Oculi latérales utrinque
contigui, anticus postico vix major. Clypeus altus, area oculorum saltem
duplo latior, sub oculis leviter depressus. Chelae longae, subtilissime
coriaceae, margine superiore sulci dentibus trinis, apicalibus binis longis
aequis et acutis, altero angulari remoto parvo, margine inferiore dentibus
minutissimis aequis 3 vel 4 armatis. Abdomen ovatum, sat longe albido-
setosum. Pedes longi et graciles, breviter pilosi, patellis tibiisque setis
spiniformibus longissimis supra armatis. — Pedes-maxillares femore
robusto, ad basin attenuato et leviter fusiformi, patella supra ad apicem
seta spiniformi erecta longissima armata, tibia patella longiore, et lon-
giore quam latiore, apicem versus leviter ampliata, setis numerosis iniquis
ARANAE ET OPILIONES 37-"»
conspersa, tarso magno, convexo, superne mutico, paracymbio semicir-
culari, ramulo inferiore valde compresso, lato, apice truncato cum
angulo interiore in processu angusto longo et recto producto, bulbo
niaximo valde complicato.
Départ. d'Alger (Algérie). — Ifri Bou Anou, au Douar Iboudrarène
et Ifri Maareb, au Djebel Azerou Tidjer, comm. de Michelet-Djurdjura
(11 et 10. VII. 1911), n03 435 et 436.
Cette espèce dont les yeux sont tous bien visibles quoique très petits
diffère du T. pyrenaeus par les antérieurs en ligne tout à fait droite, les
postérieurs, vus en dessus, en ligne très légèrement procurvée, caractères
ayant peut-être une valeur générique.
Subfamilia Tetragnathinae
37. Meta Menardi (Latreille).
Départ, de la Drôme (France). — Grotte Saint-Nazaire-3n-Royans,
cant. du Bourg-de-Péage (30. III. 1911), n° 422.
Grotte de Ferrières, comm. et cant. de la Chapelle-en-Vercors (2. IV.
1911), n° 427.
Départ, des Hautes-Alpes (France). — Grotte du Pont-la-Dame,
comm. et cant. d'Aspres-sur-Buech (28. III. 1911), n° 419.
Prov. de Lerida (Espagne). — Forât Nègre près Serradell, part, de
Tremp (27. VIII. 1910), n° 379.
Cova dels Muricets, près Llimiana, part, de Tremp (31. VIII. 1910),
n° 382.
Cova Fonda de Tragô, part, de Balaguer (2. IX. 1910), n° 385.
Prov. de Huesca (Espagne). — Cuevas de Buerba, part, de Boltana
(24. VI. 1911), n° 457.
Gruta de la Algareta, près Estadilla, part, de Tamarite (2. VII. 1911)
n° 464.
38. Meta Merianae (Scopoli).
Départ, de la Drôme (France). — Grotte de Saint-Nazaire-en-Royans,
cant. du Bourg-de-Péage (30. III. 1911), n° 422.
Départ, du Gard (France). — Souterrains de Pont-Saint-Esprit,
comm. et cant. de Pont-Saint-Esprit (19. V. 1911), n° 443.
Prov. de Barcelona (Espagne). — Cova de San Miquel del Fay, près
Riells, part, de Granollers (5. VII. 1910), n° 391.
AKCH. DE ZOOL. EXP. ET QÉS. — T. 52. — F. 5. 26
376 E. SIMON
Départ, des Pyrénées-Orientales (France). — Grotte Sainte-Marie,
à la Preste, cant. de Prats-de-Mollo (1. VI. 1911), n° 445.
Prov. de Huesca (Espagne). — Cuevas de Buerba, part, de Boltana
(24. VI. 1911), n° 457.
Accidentel ou capturé à l'entrée de ces grottes.
Nota. Parmi les Arachnides de la grotte de Rialp, prov. Gerona
(Espagne), s'est trouvé certainement par accident, un Meta segmentata
Clerck, espèce plus exclusivement lucicole que Meta Merianae Scopoli.
39. Nesticus cellulanus (Clerck).
Départ, de la Drôme (France). — Grotte Saint -Nazaire-en-Royans,
cant. du Bourg-de-Péage (30. III. 1911), n° 422.
Départ, des Hautes- Alpes (France). — Grotte supérieure du Pont-
la-Dame, comm. et cant. d'Aspres-sur-Buech (28. III. 1911), n° 420.
Départ, des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte d'Asque, cant. de
Labarthe-de-Neste (16. VII. 1910), n° 369.
Départ, de VAriège (France). — Seconde petite grotte de Liqué,
cant. de Saint-Girons (3. X. 1909), n° 337.
Départ, des Pyrénées-Orientales (France). — Grotte de Sirach, près
Ria, cant. de Prades (11. I. 1910), n° 340 et de Velmanya, cant. de Vinça
(10. I. 1910), n° 339.
Grotte des Voleurs, près Candies, cant. de Saint-Paul-de-Fenouillet
(5. VII. 1910), n° 354.
Grotte d'en Brixot, à la Preste, cant. de Prats-de-Mollo (I. VI. 1911),
n° 444.
Prov. de Barcelona (Espagne). — Cova de San Miquel del Fay, près
Riells, part, de Granollers (5. VII. 1910), n° 391.
Prov. de Lerida (Espagne). — Forat-la-Bou, près Serradell, part, de
Tremp (27. VIII. 1910), n° 380 et (16. VI. 1911), n° 446.
Forât del Or, près Llimiana, part, de Tremp (31. VIII. 1910), n° 383.
40. Nesticus eremita E. Simon.
(Pour la synonymie cf. Biospeol. sér. 3, 1911, p. 197.)
Départ, des Alpes- Maritimes (France). — Grotte d'Albarea, près Sos-
pel, cant. de Sospel (8. IV. 1911), n° 432.
Grotte des deux Goules, comm. et cant. de Saint-Vallier (24. IV. 1911),
n° 472.
Grotte D du Baou des Blancs, comm. et cant. de Vence (26. II. 1911),
n° 470.
ARANAE ET OPILIONES 377
Départ, de V Isère {France). - Grotte supérieure de Bournillon,
près Chatelus, cant, de Pont-en-Royans (31. III. 1911), n° 425.
Départ, de VArdèche (France). -- Grotte de Baumefort, près Saint -
Alban, cant. de Joyeuse (1. VIII. 1911), n° 478.
Départ, des Bouches-dît-Rhône (France). — Baume-Roland, près
Marseille, cant. de Marseille (14. IV. 1911), n° 477.
Il est à noter que les individus de la Baume-Roland diffèrent un peu
des autres par leurs yeux médians antérieurs très petits et punctiformes,
peut-être forment-ils une transition entre le N. eremita typique et le
iV. speluncarum Pavesi, d'une grotte de laSpezia, dont les yeux médians
sont complètement oblitérés (cf. à ce sujet E. Simon, Biospeol. sér. :î.
p. 197).
41. Nesticus noctivaga, n. sp.
ç. — Long. 3,5 mm. Pallide luteo-testaceus, abdomen cinereo-
albidum parce albido-setosum, pedes longi, setosi. Pars cephalica setis
longis iniquis subcristata. Oculi singulariter et tenuiter nigro-limbati, fere
ut in N. cellulano ordinati, sed quatuor postici minores et inter se (prae-
sertim medii) distantiores. Clypeus area oculorum latior, verticalis, planus.
Plaga genitalis magna, latior quam longior, area média fulva, postice
valde ampliata triquetra et saltem duplo latiore quam longiore et utrinque
plagula convexa semicirculari, munita.
Très voisin de N. cellulanus (Clerck), dont il a presque la plaque
génitale ; il en diffère par le céphalothorax unicolore, sans bande médiane
ni ligne marginale, par l'abdomen également unicolore, blanc grisâtre,
par les yeux postérieurs plus petits surtout les médians, qui sont deux
fois plus séparés l'un de l'autre que des latéraux (par un intervalle double
de leur diamètre).
Prov. de Tarragona (Espagne). — Cova petita de la Febrô, part, de
Montblanch (15. X. 1910), n° 406.
Prov. de Barcelona (Espagne). — Cova de la Fou de Montaner, près
Vallirana, part, de San Feliu de Llobregat (11. X. 1910), n° 402.
Familia CLUBIONIDAE
BRACHYANILLUS, nov. gen.
Céphalothorax anophthalmus, ovatus, antice parum attenuatus, parte
cephalica sat convexa, fronte lata oblique declivi, stria thoracica sat longa.
378 E. SIMON
Chelae robustae et verticales, margine inferiore sulci dentibus parvis
binis sequis, margine superiore seriatim setoso, dentibus trinis, medio
majore, inter se appropinquatis sed ad radicem unguis longissime remotis,
ungue longo, curvato et acuto, ad basin valido et compresse). Laminae
fere ut in Liocrano. Pars labialis evidenter longior quam latior et dimidium
laminarum saltem attingens, vix attenuata, apice truncata, levissime
et obtuse emarginata. Sternum latum, subrotundum, postice, inter coxas
contiguas, minute acutum. Pedes IV, I, II, III, modice longi, sat robusti
aculeis tenuibus, haud elevatis, sat numerosis, armati, tarsis subtus sat
dense simpliciter pilosis, anticis utrinque minute, vix distincte, scopulatis,
unguibus gracilibus et acutis, muticis vel tantum ad basin dentibus
minutissimis paucis armatis, subtus fasciculis parvis setarum acutarum
et (saltem in tarsis posticis) setis binis membranaceis obtusis et curvatis
munitis.
Découverte intéressante, car le Brachyanillus liocraninus E. S. est
jusqu'ici le seul représentant de la famille des Clubionides dans les grottes
de la région palaearctique ; il appartient au groupe des Liocraneae sans
avoir d'affinités très étroites avec les cinq genres européens de ce groupe
(Liocranum, Mesiotélus, Apostenus, Scotina et Agroeca1), mais il est sans
doute plus voisin du genre Liocranoides Keyserling, proposé pour une
espèce de la grotte du Mammouth, en Kentucky, dans l'Amérique du
Nord, L. unicolor Keyserl. ; les deux genres ont en commun d'avoir la
pièce labiale évidemment plus longue que large, contrairement à ce qui
a lieu dans les autres genres du groupe, mais tandis que le Brachyanillus
est complètement anophthalme, le Liocranoides possède huit petits
yeux disposés en deux lignes récurvées. Keyserling ne dit rien des griffes
du Liocranoides, celles du Brachyanillus rappellent surtout celles des
Apostenus surtout par les deux crins spathulés-tronqués qui les accom-
pagnent3 au moins aux pattes postérieures.
42. Brachyanillus liocraninus, sp. nov.
9. (pullus) long. 5 mm. Pallide luteo-testaceus, subpellucens, sed
parte labiali unguibusque chelarum infuscatis, abdomine cinereo-albido
sat longe et tenuiter setuloso. Céphalothorax laevis, nitidus et glaber,
sed in regione frontali setis nigris paucis conspersus. Femora quatuor
1. Cf. Hist. Nat. Ar. II, pp. 130-146.
■2.. Ci Verh. z. b. g. Wien. 1881, p. 290.
3. Hist. Nat. Ar. II, p. 137, f. 14Ô.
ARANAE ET OPILIONES 379
antica aculeis dorsalibus binis uniseriatis et femore l1 paris aculeo
interiore erecto in parte apicali sito, tibia l1 paris aculeis inferioribus 5-5
(apicalibus minoribus), tibia 21 paris aculeis 4 uniseriatis, metatarsis
quatuor anticis aculeis subbasilaribus binis longioribus, tibiis metatar-
sis que posticis aculeis sat numerosis subverticillatis instructis, aculeis
cunctis nigris tenuibus haud elevatis.
Départ. d'Oran (Algérie). — Grotte de la quatrième source du ravin de
Misserghin, comm. de Misserghin (17. XI. 1909), n° 329.
Familia AGELENIDAE
43. Tegenaria pagana C. Koch.
(Pour la synomymie Cf. Biospeol. 1" sér. p. 547.)
Départ, du Gard (France). — Souterrains de Pont-Saint-Esprit,
comm. et cant, de Pont-Saint-Esprit (19. V. 1911), n° 443.
Prov. de Huesca (Espagne). — Gruta de la Algareta, près Estadilla,
part, de Tamarite (2. VII. 1911), n° 464.
Maroc. — Ifri el Kef, Oued Cefrou, territoire de Béni Snassen (28. XI.
1909), n° 332.
Ifri Bou Rezg, Oued Cefrou, territoire des Beni-Snassen (27. XI. 1909),
n° 333.
La femelle provenant de Pont-Saint-Esprit, est tout à fait normale,
celle de la grotte de la province de Huesca est jeune et on en peut rien
dire ; celles des Beni-Snassen sont relativement grosses et leurs téguments
mous et décolorés indiquent une tendance plus prononcée à la vie sou-
terraine.
Nota. Nous ne pouvons comprendre dans la faune cavernicole deux
espèces lucicoles prises accidentellement dans des grottes :
Tegenaria picta E. Simon, dans celle de Forau de la Drolica, près Sarsa
de Surta, Part, de Boltana, prov. rde Huesca (Espagne) (26. VI. 1911),
n° 458.
Tegenaria saeva Blackwall (= T. atrica E. S.) dans celles des Rochers
Martel, comm. et cant. de la Chapelle-en-Vercors (2. IV. 1911), n° 428
et de la Luire, comm. de Saint-Agnan-en-Vercors, cant. de la Chapelle-
en-Vercors, (2. IV. 1911), n° 429, dans le département de la Drôme
(France).
380 E. SIMON
44. Tegenaria Racovitzai E. Simon.
Biospeol. lre sér. 1907, p. 548.
Les matériaux nouveaux que nous avons reçus nous permettent
de compléter la description que nous avons donnée de cette remarquable
espèce.
cf. L'apophyse tibiale, vue par la face externe, est, comme nous
l'avons décrite peu atténuée et tronquée mais elle est très comprimée,
lamelleuse, légèrement excavée et rebordée sur sa face antérieure, vue
en dessus et en dessous, elle paraît très atténuée et subaiguë, elle offre
en dessons à la base un très petit denticnle aigu et à son bord inférieur,
près l'extrémité, souvent une petite granulation; en dessous l'article
offre, dans sa partie apicale seulement, une très fine carène courbe se
terminant à l'angle apical par une petite saillie chitinisée brune, tronquée
carrément, légèrement fovéolée et rebordée.
9. Jeune. Fauve testacé pâle avec les chélicères et pièces buccales
un peu plus colorées rougeâtres, l'abdomen gris-testacé à pubescence
blanche plumeuse longue et peu serrée, sa partie céphalique est plus
longue et plus étroite que celle des espèces voisines. Les yeux postérieurs,
vus en dessus, sont en ligne légèrement récurvée, les médians sont un
peu plus petits que les latéraux, leur intervalle est néanmoins beaucoup
plus large que leur diamètre. Les yeux antérieurs, vus en avant, sont en
ligne presque droite par leurs sommets, presque équidistants et large-
ment séparés (plus que du diamètre des médians), les médians, beaucoup
plus petits que les latéraux et un peu plus petits que les médians posté-
rieurs, sont placés sur une tache noire commune vittiforme un peu
récurvée. Le trapèze des yeux médians est au moins aussi long que large
en arrière. Les chélicères ont la marge inférieure armée de 5 dents équi-
distantes et presque égales (la 4e, un peu plus petite que les autres). Les
filières blanc-testacé sont garnis de poils blancs fins, sauf un groupe de
crins noirs à l'extrémité interne de l'article basai des supérieures, l'article
apical des supérieures est conique, beaucoup plus court que le basai et
plus étroit à la base.
Prov. de Huesca {Espagne). — Forau de la Drolica, près Sarsa de
Surta, part, de Boltana (26. VI. 1911), n° 458.
Cueva del Paco de Naya, près Pedruel, part, de Boltana (28. VI. 1911),
n° 459.
Découvert en 1905 dans la Cueva Abaho de Los Gloces, également
dans la province de Huesca.
ARAXAE ET OPILIONES 381
Nota. Un Tegenaria ç en très mauvais état et non déterminable
a été recueilli, dans la grotte de la quatrième Source du Ravin de Mis-
serghin, départ, d'Oran (Algérie) n° 329 et un jeune, également indéter-
minable, provenant de la Cova del Tabaco, part, de Balaguer (prov. de
Lérida, en Espagne), n° 387.
45. Tetrilus arietinus (Thorell).
HaAnia pratensis (non C. Koch) Westring, Ar. Suec. 1861, p. 318.
friijihœca arietina THORELL, Rem. Syn. etc. 1872, p. 105.
' icurina bmpudica E. Simon, Ar. Fr. II, 1875, p. 24, tab. 5, f. 2.
Tuberta arietina Ctiyzer et Kulczynski, Ar. Hung., II, p. 156.
Départ. d'Oran (Algérie). — Grotte des Beni-Add, comm. d'Aïn-Fezza
(2. XII. 1909), n° 334 A.
A l'entrée de la grotte sous les pierres et dans les débris de Diss.
Espèce répandue dans une grande partie de l'Europe et ordinairement
myrmécophile, car on la trouve sous les grosses pierres recouvrant les
fourmilières.
Nous l'avions trouvée eu 1884 en grand nombre dans cette même
grotte d'Aïn Fezza,
46. Chorizomma subterraneum E. Simon.
Départ, de VAriège (France). — Petite grotte de Liqué, près Moulis,
cant. de Saint-Girons (3. X. 1909), n° 336.
Grotte de Sainte-Hélène, cant. de Foix (3. I. 1911). n° 416.
Départ, des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte de Gerde, cant, dp
Bagnères-de-Bigorre (15. VII. 1910), n° 367.
Grotte de Campan, comm. et cant, de Campan (15. VII. 1910),
n° 368.
Déjà cité dans la deuxième et la troisième séries des grottes de l'Ariège
et des Basses-Pyrénées.
47. Chorizomma... sp. ?
Prov. de Huesca (Espagne). — Forato de los Moros. près Jinuavel,
part, de Boltana (23. VI. 1911). n° 455.
Cueva del Paco de Naya, près Pedruel, part, de Boltana (28. VI. 1911),
n° 459.
Les Chorizomma trouvés dans ces deux grottes de la province de
Huesca, diffèrent de ceux du versant français des Pyrénées par leurs
deux groupes oculaires plus séparés transversalement, et par leurs yeux
382 E. SIMON
plus inégaux, les médians postérieurs étant relativement plus petits.
Malheureusement les quelques individus recueillis sont tous très imma-
tures.
48. Iberina Mazarredoi E. Simon.
Prov. de Santander {Espagne). — Cueva de Castillo, près Puente Viesgo,
part, de Villacarriedo (22. VII. 1910), n° 397.
Cueva de la Castafieda, près Puente Viesgo, part, de Villacarriedo
(9. VII. 1910), n° 396.
Déjà indiqué de la grotte de Castillo et d'une autre grotte de la
même province, celle de Cullalvera près Ramales, in Biospeologica,
3e sér., p. 198.
ordo 0PILI0NES
Sub-Odo OP. MECOSTETHI.
Familia PHALANGODIDAE
50. Phalangodes Querilhaci (H. Lucas.)
(Pour la synonymie cf. Biospeol. 2e sér. p. 65).
Départ, de la Dordogne {France). — Grotte de Combarelles, près
Eyzies-de-Tayac, cant. de Saint-Cyprien (VIII. 1910), n° 400.
Déjà indiqué de la même grotte dans la 3e série, p. 119.
51. Phalangodes Lespesi (H. Lucas.)
Départ, des Pyrénées-Orientales {France). — Caouno Lloubrego, près
Prugnanes, cant. de Saint-Paul-de-Fenouillet (12. VIII. 1910), n° 372.
Grotte d'en Brixot, près La Preste, cant. de Prats-de-Mollo (1. VI.
1911), n° 444 (à l'entrée de la grotte dans des détritus).
Départ, de VAriège {France). — Grotte de Sainte-Hélène, cant. de
Foix (3. I. 1911), n° 416.
Grotte de Fontanet, près Ornalac, cant. de Tarascon (4. I. 1911),
n° 417.
Prov. de Lerida {Espagne). — Cova de Vinyoles, près Cavà, part, de
Seo-de-Urgel (23. VIII. 1910), n° 377.
Espèce très commune dans toute la région orientale et centrale des
Pyrénées.
ARANAE ET OPILIOXES 383
52. Phalangodes clavigera E. Simon.
Départ, des Basses-Pyrénées {France). — Grotte de Betharram,
près Arthez et Asson, cant. de Nay (10. VII. 1910), n° 360.
Découvert dans la même grotte par Ch. de la Brûlerie ; nous l'avons
cité dans la lre série de Biospeologica, de celle d'Arudy, également dans
les Basses-Pyrénées.
Sub-Ordo OP. PLAGIOSTETHI
Familia PHALANGIIDAE
Nota. Il nous paraît difficile de comprendre parmi les Arachnides
cavernicoles ou simplement lucifuges trois Opiliones Plagiostethi, essen-
tiellement lucicoles, trouvés fortuitement dans les grottes :
Liobunum religiosum E. Simon, dans les souterrains de Pont-Saint-
Esprit, départ, du Gard {France). — (19. V. 1911), n° 443.
Liobunum biseriatum Raever, dans la grotte de Rialp, près Ribas,
part, de Puigcerda, prov. de Gerona {Espagne). — (14. VIII. 1910),
n° 390.
Nelimus {Liobunum) nigripalpis E. Simon, dans la grotte du Pont-
la-Dame, comm. et cant. d'Aspres-sur-Buech, Hautes-Alpes {France)
(28. III. 1911), n° 419 et 420 et dans celle des Rochers Martel, comm. et
cant. de la Chapelle-en-Vercors, Drame {France). (2. IV. 1911), n° 428.
Il en est certainement de même pour le Cosmobunus granarius (Lucas)
et le Gyas titanus E. Simon, que j'ai eu le tort de citer parmi les espèces
cavernicoles, dans la 2e série de Biospeologica p. 65 et dans la 3e série
p. 202.
Familia ISCHYROPSALIDAE
53. Ischyropsalis pyrenaea E. Simon.
(Pour la synonymie cf. Biospeol. 2e série, p. 65.)
Départ, des Basses-Pyrénées {France). — Grotte de Betharram, près
Arthez et Asson, cant. de Nay (10. VII. 1910), n° 360.
Nous l'avons indiqué dans la deuxième série, p. 65, de la grotte de
Liqué dans l'Ariège, et dans la troisième série, p. 203 de la grotte des
Eaux-Chaudes dans les Basses-Pyrénées.
Il est assez curieux qu'une autre espèce Î.LucanteiY^. S. se trouve,
384 E. SIMON
conjointement avec/, pyrenaea, dans la grotte de Betharram, mais cet
I. Lucantei E. S. n'est connu que par un jeune individu.
54. Ischyropsalis petiginosa, sp. nov.
crç. — Long. 5 2/2 mm. Corpus et supra et subtus, coxae trochan-
teresque nigra, subtiliter coriacea et opaca, tuberculum oculiferum
chelaeque nigerrima et nitida. Pedes-maxillares pallide luteo-testacei,
tarso apice minute fusco, tibia supra, in dimidio apicali, area minutissime
fusco-punctata notata. Pedes luteo-testacei, patellis nigris, femoribus
tibiisque ad apicem valde infuscatis. Céphalothorax postice tuberculis
parvis acutis, transversim seriatis, 4 vel 6, medianis binis paulo longio-
ribus, scutum abdominale granulis minutis et obtusis paucis, parum
regulariter quadriseriatis, superne instructa.
cr .— Articulus basalis chelarum trunco longior, omnino muticus (den-
tibus carens), gracilis sed apice abrupte ampliatus et superne in tuberculo
crasso obtusissime conico (nec globoso nec piloso) elevato, articulus
apicalis laevis sed ad basin in pediculo leviter inaequalis et nodosus,
digitusfixus dentibus 6 vel 7, basali minutissimo, digitus mobilis, dentibus
5 atque ad basin granulis parvis 2 vel 3, intus instructi. Pedum-maxilla-
rium articuli cuncti setis parvis, articuhs brevioribus, vestiti.
ç . — Chelae breviores, articulo basali apice haud inflato, superne in
dimidio apicali, dentibus binis sat longis acutis et antice curvatis, in
dimidio basali dente simili sed paulo minore, u trinque dentibus 3 vel 4
et subtus dentibus 5 vel 6 minoribus et rectis, armatus.
Prov. de Oviedo (Espagne). — Première grotte de Mazaculos, près
Pimiango, part, de Lianes (18. VII. 1910), n° 394.
Le mâle diffère surtout des I. pyrenaea et dispar par l'article basai
des chélicères coniques en dessus à l'extrémité, ni globuleux, ni fovéolé
pileux.
Les deux sexes sont remarquables par leurs pattes jaunes fortement
annelées de noir.
Familia NEMASTOMATIDAE
55. Nemastoma bacilliferum E. Simon.
Départ, de VAriège (Eranee). — Seconde petite grotte de Liqué près
Moulis, cant, de Saint-Girons (3. X. 1909), n° 337.
Départ, des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte du Bédat, comm. et
cant. de Bagnères-de-Bigorre (13. VII. 1910), n° 363.
ABANAE ET OPILIOXES 385
Grotte de Campan, comm. et eant. de Campan (15. VIT. 1910),
n° 368.
Nous avons indiqué dans la première série (p. 553), dans la deuxième
(p. 66) et dans la troisième (p. 204), cette espèce plutôt lucifuge que
cavernicole.
56, N. bacilliferum simplex subsp. nova.
A typo differt corpore supra omnino fusco-nigrino immaculato.
Prov. de Huesca (Espagne). — Grallera de Estadilla, part, de Tamarite
(2. VII. 1911), n° 463.
57. Nemastoma pyrenaeum E. Simon.
Ar. Fr. VII, p. 287.
Départ, de la Haute-Garonne (France). — Grotte de Bacuran, près
Montmaurin, cant, de Boulogne-sur-Gesse (8. VII. 1910), n° 358.
Cette espèce n'était connue jusqu'ici que de la grotte d'Aubert près
Moulis dans l'Ariège, ou elle a été découverte par C. de la Brûlerie et
retrouvée depuis par MM. Racovitza et Jeannel (3e sér., p. 205).
58. Nemastoma sexmucronatum E. Simon.
Biospeologica 3e série, 1911, p. 205.
Prov. de Santander (Espagne). — Cueva de la Castan?da et Cueva de
Castillo. près Puente Viesgo, part, de Villacarriedo (9 et 22 VII. 1910),
n° 396 et 397.
Cueva de la Clotilde, station Santa Isabel, part, de Torrelavega
(24. VII. 1910), n° 398.
Découvert en 1909 dans les grottes de la province de Santander. Se
rencontre parfois en dehors des grottes.
59. Nemastoma maarebense, sp. nov.
Long. 2,5 mm. Corpus et supra et subtus fusco-piceum, supra antice
obscurius et fere nigrum, scuto dorsali segmentisque liberis sat dense
rugoso-granulosis, scuto tuberculis nigris sat minutis et obtusis biseriatis
3-3 munito. Tuber oculorum humile, transversim ovatum, granulis
validis et inordinatis, in medio remotioribus, indutum, oculis parvis.
Chelae fusco-piceae, fere laeves, setis nigris paucis conspersae, articulo
basali convexo, ad basin attenuato, fere nigro, digitis fusco-testaceis,
apice nigris. Pedes-maxillares pallide fusci, ad basin obscuriores, tibia
tarsoque setis, ad maximan partem minute claviformibus, vestit:s.
386 E. SIMON
Pedum coxae, trochanteres femoraque nigra, valde rugosa, femora ad
basin teniiiter pediculata et dilutiora, postica articulationibus spuriis
binis cinctis, reliqui articuli obscure fusci apicem versus sensirn dilutiores.
Départ. d'Alger {Algérie). — Ifri Maareb, près Djebel Azerou
Tidjer, comra. de Michelet-Djurdjura (10. VII. 1911). n° 436.
60. Nemastoma manicatum, sp. nov.
ç (?) — Long. 2,5 mm. Corpus et supra et subtus omnino fusco-
piceum, haud maculatum, supra antice dense praeterea minus et parcius
granulosum, scuto dorsali tubercalis longis gracilibus apice minutissime
globosis, ut in N. bacillifero ordinatis, munito, segmentis transversim
serrulatis praesertim posticis, liberis laevioribus. Chelae pedesque pallide
fusco-picei. Chelarum articulus basalis apice convexus, ad basin non atte-
nuatus, articulus apicalis lavis et muticus, digitus mobilis superne ad basin
leviter ampliatus dein depressus subfoveolatus. Pedes-maxillares nigri,
trochantere longo et cylindraceo, patella longa ad basin attenuata, tibia
insigniter crassa fusiformi et leviter depressa, tarso gracili, pilis albidis,
breviter claviformibus, crebre vestitis. Pedes ut in N. bacillifero.
Prov. de Lerida (Espagne). — Minas de Canal, près Llastarri, part, de
Tremp (18. VI. 1911), n° 451.
Espèce du groupe de N. bacilliferum E. Simon.
Nota. De jeunes Nemastoma indéterminables ont été recueillis
dans la prov. de Lérida (Espagne) : Lo Grallé, près Castellet, part,
de Tremp, n° 448. Cova del Sanat près Llastarri, part, de Tremp,
n° 450 et en Algérie (départ. d'Alger), grotte Ifri Khaloua, au Djebel
Heidzer. comm. de Dra-el-Mizan, n° 483.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 387 à 445, pi. XV à XIX.
25 Septembre 1913
BIOSPEOLOGICA
XXXI1
GLOMERIDES
(MYRIAPODES)
(PREMIÈRE SÉRIE)
PAR
H. W. BRÔLEMANN
Pau. Basses-Pyrénées
TABLE DES MATIÈRES
Avant-Propos 387
I. — Partie descriptive :
1) Famille des Glomeeidae. Genre Glomeris (p. 383) ; G. sublimbeUa (p. 388) ; G. connexa (p. 389) ;
G. intermedia 3^9
Genre Loboglomeris ; L. rugifera 389
2) Famille des Gervaisiidae ; Clef des genres européens 389
a) Sous-famille des Doderoinae ; Genre Doderoa ; D. genuensis 390
b) Sous-famille des Adenomerinae ; Genre 5 pelaeoglomeris (p. 395) ; Sp. Doderoi (p. 398) ; Sp. Jean-
neli (p. 408) ; Sp. alpina (p. 409) ; Sp. hispanica 411
Genre Stygioglomeris (p. 413) ; St. Duboscqui (p. 415) ; St. provinciaUs (p. 419) ; St. crinita 421
II. — Partie analytique ;
1) Systématique i-~
2) Zoogéographie *39
Explication des Planches 44:{
AVANT-PROPOS
Les récoltes biospéologiques, en ce qui concerne les Glomerides, se
composent de 12 espèces appartenant à 5 genres. Dans ce nombre,
6 espèces et un genre sont encore inédits. Il y a lieu, comme d'ordinaire,
1. Voir pour Biospeoloqica I à XXX, ces Archives, tomes VI, VII, VIII et IX, de la 4e série et tomes I,
II, IV, V, VI, VIII, IX et X, de la 5e série, et tome 52.
ARCH. DE Z00L. EXP. ET QÉN. — T. 52. — F. 6. 27
388 H. W. BRÔLEMANN
de faire la distinction entre les formes qui se rencontrent ordinairement
en surface et qui ne sont cavernicoles qu'à titre accidentel, et celles qui
font des grottes leur habitat ordinaire ou exclusif. Les premières sont :
Glomeris sublimbata, G. connexa, G. intermedia et Loboglomeris rugi-
fera ; elles ne retiennent pas spécialement l'attention. Les autres, plus
nombreuses, sont : Doderoa genuensis, Spelaeoglomeris Doderoi, Sp. Jean-
neli, Sp. hispanica, Sp. alpina, Stygioglomeris Duboscqui, St. provincialis
et St. crinita. C'est sur ces dernières, dont 6 sont nouvelles, que se con-
centre l'intérêt du présent article.
Comme nous l'avons fait précédemment, nous nous proposons de
passer d'abord en revue ces matériaux dans un premier chapitre descrip-
tif, et, une fois les espèces connues, de consigner dans une seconde partie,
analytique, les réflexions auxquelles cet examen aura donné lieu.
I. — PARTIE DESCRIPTIVE
Famille GLOMERÎDAE Leach. 1814
Sous-famille G-lomerinae Verhoefï. 1910
Genre GLOMERIS Latreille. 1802
Section STENOPLEUROMERIS Verhoefï 1909
Glomeris sublimbata Lucas. 1846
(Fig. 1).
(LUCAS, 1846, Revue zool. Soc. C'uvier, IX, p. 284; 1849, Explorât. Algérie, p. 324).
Province d'Alger {Algérie). — If ri Boubker, Aït Haouari, commune
de Dra-el-Mizan (21-IX. 1906), n° 172,
9 : longueur mm. 9 à mm. 11 ; largeur mm. 4.90 à mm. 5.80.
Lucas s'est particulièrement attaché à décrire la coloration de son
espèce. Il y a lieu d'ajouter encore les observations suivantes :
Premier tergite avec 2 sillons trans verses.
Deuxième tergite : 2 sillons recoupent la région dorsale, en arrière
du bord antérieur du tergite, mais aucun des deux n'atteint l'extrémité
antérieure de la rainure ; ils se perdent graduellement à moitié environ
du lobe latéral, le sillon postérieur disparaissant avant le sillon antérieur ;
ils ne sont pas mieux marqués latéralement que sur le dos. Il existe,
en outre, un sillon abrégé très peu arqué qui se détache de la rainure
et disparaît sans sortir du lobe latéral. Les lobes des tergites médians pré-
sentent 2 sillons.
GLOMERIDEB 389
La rainure du 2e tergite est de même forme et de même dimension
que chez G. marginata Vil. Au lobe latéral du 3e tergite (le 4e de Veroeff),
la longueur de la région antérieure est de beaucoup inférieure à la moitié
de celle de la région postérieure (fîg. 1). Indépendamment de la sculpture
du 2e tergite, ce caractère pourra servir à reconnaître G. sublimbata de
G. marginata avec laquelle l'espèce algérienne a une grande analogie de
coloration. Du fait de ce même caractère, G. sublimbata se classe dans
la section Sténo pleuromeris de Verhoeff.
Le mâle fait défaut .
Section EURYPLEUROMERIS Verhoeff, 1909
Glomeris connexa C. Koch, 1847
(C. Kock, 1847, System der Myriap., p. 97).
Département de la Haute-Garonne {France). — Grotte de Gourgue,
Commune d'Arbas, canton d'Aspet (23-VII. 1908), n° 229.
Une femelle immature.
Glomeris intermedia Latzel, 1884
(Glomeris he.ru <t ida , var. intermedia Latzel, 18M4, Myriap. Oester-Ungar. Monarchie, II, p. 113).
Département de VAriège (France). — Grotte de Sabart, commune et
canton de Tarascon-sur-Ariège (21-IX. 1908). n° 242.
Une femelle adulte.
Genre LOBOGLOMERIS Verhoeff, 1906
Loboglomeris rugifera Verhoeff, 1906
(Glomeris rugifera Verhoeff, 1906, Arch. f. Xaturges, LXXII, Bd I, 2, p. 187).
Province de Santander (Espagne). — Cueva del Valle. Rasines, Part, de
Ramales (28- VII. 1908). n° 308.
Un mâle adulte.
Famille GERVAISIIDAE (Char, emend.)1-
CLEF DES GENRES EUROPÉENS DE LA FAMILLE DES GERVAISIIDAE
1 (4). — Région postérieure des tergites bombée transversalement et garnie de
côtes longitudinales ou de carènes transversales. — Une fossette auriculaire
sur chaque lobe latéral du 2e tergite. — Téguments des tergites parsemés
de glandes à cupule.
1. Voir la partie analytique.
390 H. W. BROLEMANN
2 (3). — Région postérieure des tergites avec des carènes transversales portant
des bâtonnets de sécrétion calcaire. — Téguments hypercalcifiés. — Des
piliers duplicaturaux. — 11 tergites Gervaisia.
3 (2). — Région postérieure des tergites avec des côtes longitudinales chitini-
sées. — Téguments normaux. — Pas de piliers duplicaturaux. —
12 tergites Doderoa.
4 [1). — Région postérieure des tergites au même niveau que la région antérieure,
non bombée, sans côtes ni carènes. — Pas de fossette auriculaire au 2e ter-
gite. — Pas de glandes à cupule, mais parfois des groupes de glandes épi-
dermiques à sécrétion spontanément coagulable.
5 (10). — Pas de groupes de glandes à sécrétion spontanément coagulable.
6 (7). — Au 2e segment, le bord du métatergite qui surplombe la rainure
recouvre complètement la partie postérieure du champ prémargi-
nal, qui n'est plus visible que dans la moitié antérieure environ du
lobe (voir Vebhoeff 1910, Nova Acta, XCII, pi. I , fig. 2 ). Geoglomeris.
7 (6). — Au 2e segment, le bord du métatergite, une fois qu'il s'est super-
posé au bord du prétergite, ne recouvre jamais le champ pré-
marginal, qui est toujours visible, au moins en partie, jusqu'à
l'angle postérieure du lobe (fig. 42, 54, 73, etc.).
8 (9). — Cornes du syncoxite des pattes copulatrices réunies, dans leur
moitié proximale, par un feuillet hyalin (fig. 86). — Coxoïde
des pattes ambulatoires trapézoïdal, étroit, sans épanouisse-
ment latéral (fig. 88). — Rainure du 2e tergite très longue
(fig. 73) Stygioglomeris, nov.
9 (8). — Cornes du syncoxite des pattes copulatrices libres sur toute
leur hauteur, sans feuillet hyalin (fig. 18). — Coxoïde des
pattes ambulatoires sub-rectangulaire, large, à épanouisse-
ments latéraux (fig. 35-38). — Rainure du 2e tergite courte
(fig. 42) Spelaeoglomeris.
10 (5). — Des groupes de glandes réparties le long du bord postérieur des
tergites Adenomens.
«
Sous-famille Gervaisiidae, nov.
Tribu D0DER0INA, nov.
Genre DODEROA Silvestri, 1904
Doderoa genuensis Silvestri, 1904
(Fig. 2-17.)
{Dorleria genuensis Silvestri, 1904, Mus. Civ. Stor. Nat. Genova (3), I (XLI), 11 Aprile 1904, p. 60).
Département des Alpes- Maritimes (France). — Baume du Colombier,
commune de Roquefort, canton de Bar-sur-le-Loup (27-IV. 1908),
n° 214. E.
GLOMERIDES 391
A la description donnée par le professeur Silvestri il y a lieu d'ajou-
ter quelques détails.
Tête large par rapport à sa longueur (mm. 0.966 sur mm. 0.576).
La surface présente, en arrière des antennes, deux larges et profondes
dépressions symétriques qui laissent subsister entre elles une crête lon-
gitudinale médiane (fig. 11) ; ces dépressions sont closes postérieurement
et latéralement par la crête transversale du sommet de la tête, crête
qui est très saillante et se poursuit, dans les côtés, par une crête latérale
jusqu'à la cicatrice hypopharyngienne. En avant, les dépressions sont
fermées par le rebord des fosses antennaires. La région occipitale est
bombée aux angles postérieurs, elle se continue latéralement par un large
bandeau limité, en dessus, par la crête latérale et, en dessous, par l'arête
duplicaturale, ou bord externe de la capsule céphalique. A Pencontre
de ce qu'on voit chez les Glomeris, où l'inclinaison du bandeau fait à peu
près suite à celle de la tête, le bandeau est perpendiculaire et même un peu
rentrant par places, de telle sorte que, si on regarde la capsule céphalique
par le dessus, le bandeau est caché par la crête latérale et n'apparaît
qu'un peu au voisinage immédiat de la cicatrice hypopharyngienne ;
c'est la même structure que celle figurée par Verhoeff (Nova Acta,
1910, fig. 11) pour Geogloîneris.
Les dépressions, qui constituent le logement des antennes, abritent
également les organes de Tômôwâry. Ceux-ci sont médiocrement
développés, assez courts. Les ocelles font défaut. Les antennes sont
assez rapprochées (fig. 12), l'écart entre elles étant sensiblement égal
au grand diamètre de la cavité antennaire. Antennes (fig. 14) trapues,
presque aussi longues que la largeur de la tête. Mesures micrométriques des
articles : 1er article mm. 0.12 ; 2e art. mm. 0.08 ; 3e art. mm. 0.18 ; 1* art.
mm. 0.10 ; 5e art, mm. 0.10 ; 6e art, mm. 0.29 ; 7e et 8e art. mm. 0.05 ;
longueur totale mm. 0.92. Diamètre du 3e article mm. 0.135. du 6e, mm.
0.175. Le 6e article est claviforme, non arqué ; le dernier porte 4 bâton-
nets sensoriels.
Gnathochilarium de forme usuelle (fig. 13), le mentum est divisé ; les
pièces apicales externes portent trois bâtonnets sensoriels, tandis que les
internes sont formées d'un grand nombre d'éléments réunis en faisceau.
Epipharynx comme chez S pelaeoglomeris.
Le premier tergite est parcouru par deux sillons transversaux ; ils
déterminent de fines crêtes crénelées, résultant de la fusion d'une chaîne
de nodules microscopiques ; les éléments de la chaîne sont peu distincts
392 H. W. BROLEMANN
ici, mais la nature de la chaîne se reconnaît facilement sur les lobes laté-
raux des tergites suivants (fig. 8). La surface du premier tergite ne
présente que des crins extrêmement courts ; ceux-ci sont assez denses
comme le montre la figure 5, sur une partie de laquelle ils ont été figurés.
Sur les tergites suivants, les crins sont plus rares, mais il existe des
points enfoncés ; vus à un grossissement suffisant (650 diamètres),
on y reconnaît distinctement une fossette subcirculaire auréolée d'une
zone claire, dont le fond est percé d'un pore auquel fait suite une glande
épidermique (fig. 9). Les plus grandes de ces fossettes mesurent environ
10 p. Les glandes sont distribuées sur tout le tergite excepté sur les côtes
et sur l'extrémité des lobes latéraux. Nous les désignons par le terme
de « glandes à cupule ».
Sur les tergites 2 à 11, on peut distinguer trois régions ; une région
antérieure équivalant environ au cinquième de la longueur totale du
tergite (sur les segments médians) et qui est limitée en avant par le bord
du tergite et en arrière par une arête transversale ; une région postérieure
soulevée en bourrelet prémarginal transverse, équivalant environ aux
deux cinquièmes de la longueur du tergite ; et une région moyenne
ensellée, à peu pi es égale à la région postérieure, comprise entre les deux
précédentes.
Sur le deuxième tergite, la région antérieure est courte et décou-
verte ; elle est creusée d'une canelure transversale sur toute la région
dorsale ; à la naissance des lobes, elle est étranglée et elle se poursuit
sur les lobes par un large champ prémarginal et par la rainure usuelle.
Ainsi, lorsque l'animal est complètement enroulé, l'extrémité des lobes
latéraux de tous les tergites du tronc et le bord postérieur du dernier
s'adaptent soit dans la rainure, soit sur le champ prémarginal, soit dans
la canelure du bord antérieur qui lui fait suite. La rainure est très longue,
arquée ; le bord postérieur du métatergite1, après s'être superposé au
bord du prétergite. s'infléchit graduellement formant une courbe régulière
plus fermée que celle du bord antérieur du prétergite et, gagnant vers
l'avant, se continue par l'arête qui limite en arrière la région anté-
rieure du tergite. Cette arête est constituée par une chaîne de nodules,
et offre une interruption au niveau de la côte IV dont il va être question.
(1) Le 2e tergite, ainsi que le Dr Verhoeff l'a démontré, est le résultat de la fusion des tergites 2 et 3, dont
le postérieur s'est superposé à l'autre. Comme nous considérons que ces deux tergites n'en forment plus qu'un
seul, nous emploirons les expressions de Prétergite et de Métatergite pour les tergites 2 et 3 de Verhoeff, et
celles de rainure et de champ prêmarginal pour traduire les termes de Schisma et de Hyposehisnialfeld du même
auteur.
GLOMERIDES 393
L'arête marginale antérieure du prétergite est constituée comme la pré-
cédente, mais ses éléments sont moins distincts.
La région postérieure est soulevée en bourrelet transversal. Ce bourre-
let est recoupé par des côtes longitudinales très saillantes au nombre de
onze généralement. Nous disons « généralement », parce que, sur les
tergites suivants, le nombre des côtes n'est pas toujours fixe ; nous
n'avons toutefcis pas constaté, sur le petit nombre d'individus à notre
disposition, d'oscillations dans le chiffre des côtes du 2e tergite. De ces
1 1 côtes, l'une est dorsale, impaire ; nous lui attribuons le numéro I,
réservant les numéros II à VI aux cinq côtes paires qui se succèdent
vers l'extérieur. La côte I et les côtes II et V se prolongent à travers la
région médiane du tergite jusqu'à la rencontre de l'arête qui limite la
région antérieure ; les côtes III, IV et VI sont écourtées et ne sortent pas
de la région postérieure. Cependant, il peut se présenter des anomalies
dans lesquelles soit les côtes IV, soit les côtes V sont mal formées et sont
continuées par des callosités ayant une forme et une direction quelconques ;
la figure 4 (x), en fournit un exemple.
La surface des lobes latéraux est profondément évidée ; cette dépres-
sion, dite « fossette auriculaire » par Verhoeff (chez les Gervaisia), est
arrondie en arrière, latéralement et en avant, et se prolonge intérieurement
le long et en arrière de la région antérieure pour se perdre bientôt dans la
région moyenne. La collerette de la fossette auriculaire, c'est-à-dire
l'étroit espace qui sépare la fossette du champ prémarginal, n'est pas
érigée comme chez Gervaisia ; elle est déprimée, arrondie, et surplombe
la rainure, même dans les côtés (fig. 3).
On ne voit pas trace des piliers duplicaturaux des Gervaisia.
Sur les tergites du tronc, la région antérieure est plane ; elle est entiè-
rement dissimulée sous le bord postérieur du tergite précédent quand
l'animal est étendu, et n'apparaît en partie que dans l'état d'enroule-
ment. La région moyenne est traversée non seulement par les prolonge-
ments des côtes I, II, III et V, mais encore par des côtes intermédiaires
beaucoup plus faibles et souvent irrégulières, qui n'empiètent pas sur la
région postérieure. Il n'existe de côtes intermédiaires que dans la
région dorsale ; sur le tergite 7 (fig. 6), par exemple, on n'en trouve
pas en dehors des côtes III, mais, vers l'arrière, elles deviennent plus
nombreuses sans cependant jamais empiéter sur les lobes laté-
raux.
Les côtes de la région postérieure ne sont pas aussi régulières qu'on
394 H. W. BROLEMANN
pourrait le déduire de la description du professeur Silvestri. Jusqu'au
7e ou au 8e tergite, et même parfois jusqu'au 10e, les côtes sont générale-
ment au nombre de 11, soit 5 + 1 + 5, disposées comme sur le 2e ter-
gite ; cependant nous avons rencontré chez un mâle 13 côtes sur le 8e ter-
gite, soit 6+1 +6, alors que les tergites 9 et 10 n'en avaient que 11.
Dans d'autres cas, nous avons compté 13 côtes sur le 9e et sur le 10e et 15,
soit 7 + 1 + 7, sur le 11e, ou bien 13 côtes sur le 9e seulement et 15 sur
les deux suivants. Cette particularité n'est pas spéciale aux hôtes de la
Baume du Colombier ; sur un co-type de D. genuensis que M. le professeur
Ribaxjt a bien voulu nous communiquer, nous avons compté, sur le
11e tergite, 16 côtes, c'est-à-dire 8 + 1+7, une côte de plus d'un côté
que de l'autre.
Dernier tergite en capuchon, à bord postérieur rectiligns ou indis-
tinctement échancré au milieu. Une forte dépression transversale étrangle
ce tergite à la hauteur du bord interne de la dupHcature postérieure.
Cette dépression est d'autant plus apparente que la partie de la surface
du tergite située immédiatement au-dessus est soulevée et côtelée,
comme l'est la région postérieure des tergites précédents ; toutefois
cette région se trouve ici refoulée très loin du bord, aux dépens de la
région moyenne qui n'existe plus qu'à l'état de vestige et n'est recon-
naissable qu'à la présence de quelques tronçons de côtes intermédiaires.
Celles-ci, comme aussi d'ailleurs les côtes principales, sont très irrégu-
lières ; cependant on peut facilement identifier les 5 grandes côtes dont
parle Silvestri.
Sur la face interne des lobes latéraux, près du bord antérieur, on
reconnaît, comme chez Adenomeris, les épaississements obliques en
coussinets signalés par Verhoeff.
En ce qui concerne les 17e et 18e paires de pattes et les pattes copula-
trices du mâle, nous ne saurions mieux les comparer qu'aux mêmes
organes de Spelaeoglomeris et Stygioglomeris, à tel point que, pour éviter
des redites, nous nous abstiendrons de les décrire, renvoyant simple-
ment le lecteur aux pages suivantes et aux figures 15, 16 et 17. Nous
signalerons simplement que les pattes copulatrices présentent un feuillet
hyalin entre les cornes de leur syncoxite, comme chez Stygioglomeris ;
que les cornes sont dépourvues des longues soies qu'on observe chez
Spelaeoglomeris ; quant à la protubérance distale interne du 3e article
du télopodite (nt) elle est à peine plus développée que dans les genres
suivants.
GLOMERIDES 395
Sous-famille : Adenomerinae Verhoeff, 1912
Tribu : SPELAEOGLOMERIHA, nov.
Genre SPELAEOGLOMERIS Silvestri, 1908
(Silvestri, 1908, Anli. zool. expér. gén. (4) VIII, notes et revue n° 3, p. LXV).
Le genre Spelaeoglomeris a été créé par le professeur Silvestri en
1908. La description qu'il en a donné est excellente et nous n'y revenons
que pour détailler certains points qui présentent un intérêt particulier.
Pattes copulatrices (fig. 18 à 21, 59, 69 à 71) constituées par un
syncoxite {sco) à silhouette trapézoïdale, dont les angles sont prolongés
par des cornes graduellement amincies, portant, sur la face antérieure, des
soies plus longues que sur le syncoxite lui-même et dirigées vers l'avant ;
l'écart entre les cornes est un peu supérieur à la longueur de l'une d'elles.
Le télopodite est formé de quatre articles, dont le premier et le second
portent chacun, à l'extrémité interne, émergeant de la membrane qui
les relie à l'article suivant, un prolongement digitiforme (di 1, di 2) sur-
monté d'une longue soie. L'article 2, fémur, est muni, à l'angle postéro-
interne de son bord distal, d'une longue pièce cnitinisée (pf), très fai-
blement rétrécie à la base, à bords presque parallèles, brusquement
tronquée-arrondie à l'extrémité ; ce prolongement est surmonté d'un
appendice chitinisé court, qui est beaucoup plus étroit que la pièce qui
le porte ; sur l'arête qui avoisine la base interne de l'appendice, on
remarque un groupe de soies rigides, dont un certain nombre peut s'égre-
ner sur une partie de la face dorsale du prolongement. De la concavité
de la pièce, près de l'extrémité, se détache un sac membraneux allongé
(sf), dont l'extrémité globuleuse est dirigée vers l'avant. C'est à la base
de cette pièce, qui est iin peu enveloppante, que se trouve le second
appendice digitiforme.
Le troisième article, tibia, est évasé à l'extrémité, offrant une large
surface d'insertion ; environ la moitié externe de cette surface est occu-
pée par la base du quatrième article ; de la partie interne émerge un sac
membraneux (st) analogue à celui du. deuxième article et, comme lui,
dirigé vers l'avant. Ce sac s'appuie sur un épaississe ment verruqueux
du bord postérieur de l'article. Cet épaississement {nt) est rudimentaire
chez les formes pyrénéennes et n'est visible que sur la face postérieure
de l'organe ; il porte 3 ou 4 sétules courtes ; chez la seule espèce alpine
connue, il est un peu plus développé, conique.
H. W. BROLEMANN
Le dernier article, tarse, est digitiforme, doucement coudé au delà
de son milieu et spatule vers la pointe, qui est accompagnée d'une soie
forte, longue et rigide. Cet article étant infléchi vers l'arrière par rapport
au plan général de l'organe, les figures que nous en donnons le représen-
tent en raccourci.
La 18e paire de pattes (fig. 22 à 27, 58, 68) se compose d'un syncoxite
muni de deux cornes sétigères, séparées par une échancrure de forme
variable, et de télopodites de 4 articles. L'angle distal interne du pre-
mier article est un peu saillant et surmonté d'une soie. Le 4e porte une
soie apicale en guise de griffe.
La 17e paire de pattes (fig. 28 à 33, 57, 67) est très rudimentaire.
Les coxoïdes ne sont pas soudés entre eux ; ils sont largement épanouis
latéralement ; la forme des épanouissements latéraux est très variable.
Le coxoïde est surmonté d'un télopodite de 2 articles guère plus longs
que larges ; l'angle interne du premier article (fémur) est prolongé en
un cylindre à pointe arrondie porteur d'une forte soie rigide, et qui est
presque aussi long que l'article suivant. Celui-ci (le tibia) est encore
moins développé que l'article précédent ; il est également surmonte
d'une soie rigide.
Les hanches des pattes ambulatoires, tant chez le mâle que chez la
femelle, sont généralement épanouies latéralement ; Sp. Racovitzai Silv.
ferait exception. Elles sont grossièrement rectangulaires à angle distal
externe arrondi. Leur largeur est approximativement égale à 1 fois et
demie la longueur du coxoïde, le long de l'arête interne.
La structure du deuxième tergite est variable ; elle se présente sous
deux aspects différents.
Dans le premier type (fig. 42) le bord du métatergite, à proximité
du point où il se superpose au prétergite, se recourbe rapidement vers
l'avant, formant presque un angle arrondi, et, aussitôt après, se perd
dans la surface du prétergite. Il en résulte que la rainure est courte et
fortement arquée. La partie du bord du métatergite qui surplombe
la rainure est graduellement rétrécie à partir du point où le bord s'inflé-
chit vers l'avant. Enfin l'écart entre l'extrémité postérieure de la rainure
(a) et le bord interne de la duplicature (cl) est très grand, bien supérieur
à la longueur de la partie cachée du bord du prétergite.
Dans le deuxième type (fig. 62-63), le bord du métatergite est moins
brusquement infléchi et atteint un peu plus loin vers l'avant. La rainure
est alors plus longue et sa courbe moins serrée. En outre, la paitie du
GLOMERLDES 397
bord du métatergite qui surplombe la rainure conserve toute sa largeur
jusqu'à un point, voisin de l'extrémité antérieure de la rainure, où il est
tronqué et disparaît brusquement dans la surface du prétergite ; la tron-
cature est même quelque peu concave. L'écart entre l'extrémité posté-
rieure de la rainure (a) et le bord interne de la duplicature (d) est très
faible, beaucoup plus court que la longueur de la partie cachée du bord
du prétergite.
Ces structures sont franchement caractérisées si l'on se borne à
comparer Sp. Doderoi et Sp. hispanica; mais lorsqu'on en arrive à 8p.
alpina (fig. 54), on constate que la différence est moins nette. La structure
de cette dernière se rapproche de celle de Sp. hispanica, quant à la façon
dont le bord du métatergite se fond dans la surface du prétergite ; par
contre l'écartement entre l'extrémité postérieure de la rainure (a) et le
bord interne de la duplicature {d) est aussi grand que chez Sp. Doderoi.
Nous n'avons donc pas cru devoir attacher une importance particulière
aux deux formes de rainures, puisqu'elles semblent avoir des intermé-
diaires.
Il existe également deux types d'antennes.' Dans l'un, le sixième
article est arqué, à courbure externe ; c'est la structure décrite et figurée
par Silvestri pour Sp. Doderoi et Sp. Racovitzai, et qu'on retrouve
chez Sp. Jeanneli et Sp. alpina (fig. 53).
Dans l'autre type, le sixième article est simplement claviforme,
non arqué comme le précédent (fig. 61). C'est la forme qu'on observe
chez Sp. hispanica, et qui est comparable à celle des antennes des Stygio-
glomeris (n. gen.). Toutefois, chez Sp. hispanica, l'antenne est moins grêle
et le 7e et 8e articles sont moins dégagés.
Cette forme d'antenne à'hispanica nous a amené à diviser le genre
Speleaoglomeris en deux sous-genres qui sont caractérisés de la façon
suivante :
Sous-genre Spelaeoglomeris sensu stricto, nov. : 6e article des antennes
arqué, à courbure externe. Généralement le lobe du 2etergite est du type
à rainure courte ; mais lorsqu'il se rapproche du second type, l'écart
entre l'extrémité postérieure de la rainure et le bord interne de la dupli-
cature reste grand. L'organe de Tômôsvâry est ordinairement très étiré,
deux fois aussi long que large. — Type : Sp. Doderoi Silv.
Sous-genre Speluncomeris, nov. : 6e article des antennes claviforme,
non arqué. La rainure est du type court. L'organe de Tômôsvâry est plus
arrondi chez la seule espèce connue, son grand diamètre est égal à une
398 H. W. BRÔLEMANN
fois et demie seulement le petit diamètre. — Type : Sp. (Spelunco-
meris) hispanica, n. sp.
CLEF DES ESPÈCES DU GENRE SPELAEOGLOMERIS
1 (8). — 6e article des antennes arqué, à concavité externe (s-g. Spelaeoglomeris).
2 (3). — Coxoïdes des pattes ambulatoires dépourvus d'épanouissements
Sp. (s. s.) Racovitzai Silvestri.
3 (2). — Coxoïdes des pattes ambulatoires plus ou moins largement épanouis
latéralement.
4 (7). — Rainure du 2e tergite courte et arquée ; le bord du métatergite,
après s'être superposé au bord du prétergite, est brusquement
courbé vers l'avant et se perd rapidement et graduellement dans
la surface du prétergite (fig. 42); l'écart entre l'extrémité de la
rainure et le bord interne de la duplicature est supérieur à la
longueur de la partie cachée du bord du prétergite.
5 (6). — Taille réduite; largeur du <j mm. 1.750 à 2.336, de la
Ç mm. 1.900 à 2.800. — 5 à 6 sillons sur le 2e tergite
Sp. (s. s.) Doderoi Silvestri.
a) Longueur des deux derniers articles de la 18e paire de
pattes dans le rapport de 3 à 5 var. lypica.. n. var.
b) Cette longueur est dans le rapport de 1 à 2
var. intermedia, n. var.
c) Cette longueur est dans le rapport de 2 à 5
var. iluronensis, n. var.
6 (5). — Grande taille ; largeur de la 9 mm. 2.800 à 3.400. Sillons du
2e tergite au nombre de 7 à 8 ou de 13 . Sp. (s. s.) Jeanneli,, n. sp.
7 (4). — Rainure du 2e tergite plus longue et plus régulière ; le bord du mé-
tatergite, après s'être superposé au bord du prétergite, est régu-
lièrement recourbé vers l'avant tout en conservant sa largeur
et se termine brusquement par une troncature (fig. 54) ; l'écart entre
la rainure et le bord de la duplicature reste long
Sp. (s. s. ) alpina, n. sp.
8 (1). — 6e article des antennes claviformes, non arqué, (s. -g. Speluncomeris)
Sp. {Speluncomeris) hispanica, n. sp.
Sous-genre Spelaeoglomeris, n. subgen.
Spelaeoglomeris Doderoi Silvestri, 1908
(Fig. 18 à 47).
(Silvestri, 1908, Arch. zool. expér. gén. (4) VIII, Notes revue n° 3, p. LXVII ; Brôlehann, 1908,
bid., no4,p.CX).
Le genre Spelaeoglomeris a été établi sur deux espèces cavernicoles des
Pyrénées, S. Doderoi et S. Racovitzai. Silvestri avait à cette époque sous
GLOME RIDES 399
les yeux le mâle de l'espèce typique, S. Doderoi, provenant de la grotte
de Gerde (Hautes-Pyrénées), mais il ne connai?sait de la seconde espèce
que la femelle recueillie dans la grotte de Bétharram (Basses-Pyré-
nées).
Il distinguait ses deux espèces d'après les caractères suivants1 :
1° Rapport entre la longueur des antennes et la largeur de la tête ;
2° Dimensions du premier tergite (collum) ;
3° Nombre de sillons du 2e tergite ;
4° Présence chez Racovitzai d'un sillon en arrière du bord antérieur
du dernier tergite, sillon dont il n'est pas fait mention chez Doderoi ;
5° Développement plus ou moins accentué de l'article basilaire
(coxoïde) des pattes ambulatoires, notamment de la 10e paire ;
6° Enfin, développement plus ou moins accentué de l'ongle terminal
des pattes ambulatoires.
La même année, ayant eu la bonne fortune de trouver des mâles
de Spelaeoglomeris dans la grotte de Malarode (Basses-Pyrénées), nous
avons cru pouvoir identifier ces individus avec S. Racovitzai en raison
du développement de l'ongle des pattes, et nous signalions d'autres
différences dans les 17e et 18e paires de pattes et dans les pattes copula-
trices, différences qui ressortaient de la comparaison de nos dessins
avec ceux du professeur Silvestri.
En réalité, il en va autrement.
MM. Racovitza et Jeannel ont bien recueilli des Spelaeoglomeris
dans la grotte de Bétharram, gîte du S. Racovitzai, mais aucun de ces indi-
vidus, qu'ils soient mâles ou femelles, ne présente la particularité figurée
par Silvestri, c'est-à-dire l'absence d'épanouissement externe du
coxoïde des pattes ambulatoires ; chez tous les individus examinés
la structure de cet article ne diffère pas sensiblement de celle des organes
analogues des individus des autres grottes. Nous sommes donc placés en
face de deux hypothèses : ou bien l'animal décrit par le professeur Sil-
vestri sous le nom de S. Racovitzai est anormal, ou bien le S. Racovitzai
existe réellement et n'a pas encore été retrouvé. Cette dernière hypothèse
est rendue admissible par le fait que la grotte de Bétharram est très
étendue et présente notamment trois galeries placées à des niveaux
différents ; il se pourrait donc fort bien que certaines espèces existent
dans une galerie et pas dans les autres. A ce propos, nous citerons le cas
(1) C'est du moins ce qui ressort de la comparaison des deux descriptions, Silvestri n'ayant pas opposé
méthodiquement les caractères de l'une des espèces à ceux de l'autre.
400 //. W. BBOLEMAN1S
du Polydesmus niveus Brôl., recueilli dans la grotte de Bétharram (à
quel niveau, nous l'ignorons) et qui n'a pas été revu depuis. Dans l'impos-
sibilité de trancher cette question aujourd'hui, nous nous rallions provi-
soirement à la seconde hypothèse qui a l'avantage de laisser les choses
en l'état. Nous considérons donc que S. Racovitzai nous est inconnu et
nous rattachons à l'espèce type, c'est-à-dire à S. Doderoi, tous les *S'/^-
laeoglomeris provenant des gîtes suivants :
N° 371 Grotte de Labastide, Hautes-Pyrénées. \
N° 366 Grotte des Judeous, Hautes-Pyrénées. I Collections
N° 367 Grotte de Gerde, Hautes-Pyrénées. ( Biospeologica.
N° 360 Grotte de Bétharram, Basses-Pyrénées. /
Grotte d'Izeste, Basses-Pyrénées. j Nos chasses
Grotte de Malarode, Basses-Pyrénées, j personnelles.
Si nous n'admettons qu'une espèce, c'est parce que la majorité des
caractères, et en particulier les caractères sexuels, sont semblables chez
tous les individus de quelque grotte qu'ils proviennent, ou ne présentent
que des différences insignifiantes.
Les pattes copulatrices sont toujours conformées suivant les dessins
que nous en donnons (fig. 18 à 21). Les différences que présentent ces
figures avec le dessin du professeur Silvestri sont inexistantes. L'article
apical est représenté court, mais cela tient uniquement à ce que cet
article n'est pas placé dans le même plan que le reste de la patte et se trouve
vu en raccourci. Les cornes du syncoxite sont toujours aussi écartées
et portent toujours quelques longues soies dirigées vers l'avant. Il n'existe
pas de soies analogues sur le reste du syncoxite. Le prolongement du
fémur (pf) est à bords subparallèles et seulement un peu échancré inté-
rieurement à la base ; il est surmonté d'un appendice terminal à pointe
plus ou moins aiguë, faiblement arqué en dedans ; à la base interne de
cet appendice existent des soies qui restent groupées à l'extrémité du
prolongement, sans descendre le long de son arête, mais qui peuvent
envahir une partie de sa face postérieure, dont les deux tiers environ
restent glabres. Au bord distal interne de l'article suivant, sur la face
postérieure, on observe une verrue (nt, fig. 21) qui est à considérer comme
l'homologue du prolongement du fémur, puisque c'est contre elle que
s'appuie le sac membraneux de cet article ; toutefois elle est toujours
rudimentaire et ne porte que quelques rares sétules courtes (3 ou 4).
Par contre nous avons observé des différences dans la forme, dans
la direction et même dans le développement des appendices digitiformes
GLOMERIDES 401
du préféniiir et du fémur, mais ces différences ne sont pas constantes ;
il est même rare de trouver deux individus ayant des appendices absolu-
ment semblables. L'appendice fémoral, qui est toujours plus court que
l'autre, peut varier du simple au double chez des individus de la même
grotte (Bedat). Ces différences sont très certainement en rapport avec le
degré de développement des individus, dont la taille est variable, même
chez l'adulte.
Nous verrons d'autre part que, chez les immatures, les organes
copulateurs offrent des différences très notables, qui ne peuvent être con-
fondues avec les variations que nous signalons.
Il existe toutefois d'autres variations dont l'étude nous a permis de
constater que les habitants de certaines grottes ont une tendance à se
spécialiser ; nous avons été ainsi amené à distinguer (jusqu'ici) trois
variétés, que nous désignerons sous les noms de : var. typica, var. inter-
media et var. iluronensis.
Ces variétés sont établies sur le caractère suivant : chez var. typica,
la longueur de Pavant-dernier article du télopodite de la 18e paire de
pattes est à la longueur du dernier article dans le rapport de 3 à 5
(fig. 22-23) ;
Chez la var. intermedia, ce rapport est de 1 à 2 (fig. 24-25) ;
Chez la var. iluronensis, ce rapport est de 2 à 5 (fig. 26-27).
Ces variations sont les seules qui nous aient paru avoir quelque
fixité. Toutes les mensurations faites ont toujours abouti, sinon à des
chiffres mathématiquement identiques, du moins à des proportions qui
ne s'écartent pas de l'un des trois types admis. D'ailleurs cette répar-
tition en trois variétés est en relation avec la répartition géographique
des gîtes, puisque : var. typica est cantonnée à l'est du gave de Pau, dans
les grottes de Gerde, de Judeous et de Labastide ;
Var. iluronensis ne se rencontre qu'à l'ouest du gave d'Oloron, dans
la grotte de Malarode, et
Var. intermedia, peuple les grottes qui se rencontrent entre ces deux
régions, c'est-à-dire Bedat, Bétharram et Izeste.
En ce qui concerne cette dernière variété, les gîtes connus sont si
écartés les uns des autres qu'il semble peu probable, à première vue,
que leurs habitants soient restés à l'abri de variations locales ; il se pour-
rait donc que l'on soit amené à la fractionner encore. Mais, dans l'état
actuel de nos connaissances, il nous a paru prématuré de le faire. On
constate, en effet, d'autres variations que celles des pattes de la 18e paire
402
H. W. BEOLEMANN
mais les tentatives que nous avons faites pour arriver à un résultat pré-
sentant quelque précision ont échoué.
Il est bon cependant de consacrer quelques lignes à ces variations
qui pourront peut-être présenter ultérieurement de l'intérêt. Nous allons
donc passer successivement en revue les différences qui ont été signalées
déjà, pour en fixer, si possible, la valeur.
Le rapport entre la longueur des antennes et la largeur de la tête
ne présente rien de fixe. Voici, à titre de documents, des mesures relevées
au micromètre sur des individus provenant de :
Labastide
Bedat
Malarode
Individu A.
Malarode
Individu B.
Largeur de la tête
mm. 1.376
mm. 1.376
mm. 1.056
mm. 1.408
Antenne?, A: t. 1
mm. 0.128
mm 0.150
mm. 0.100
mm. 0.170
— 2
0.144
— 0.170
— 0.120
— 0.110
— 3
0.256
- 0.300
- 0.220
— 0.280
- 4
- 0.128
— 0.150
0. 110
— 0 . I 40
5
— 0.128
— 0.160
— 0.130
— 0.150
— 6
— 0.416
— 0.480
— 0.320
— 0.410
•7 + 8
0.064
- 0.070
0.070
— 0.080
Totaux
mm. 1.264
mm. 1.480
mm. 1.070
mm. 1.340
On voit que, sur deux individus de Malarode, le rapport est différent.
D'autre part, le type de Silvestri a des antennes « quam capitis latitudo
« aliquantum longiores ; » ce type provient de Gerde et doit logiquement
se placer à côté des individus de Labastide ; cependant l'observation de
Silvestri est en désaccord avec la nôtre. D'ailleurs, il s'agit en réalité de
différences si faibles, qu'il se pourrait qu'une partie de l'écart observé fût
à imputer aux différentes positions des membres mesurés (plus ou moins
repliés sur eux-mêmes).
Les proportions du premier tergite sont sensiblement les mêmes
partout.
Le nombre des sillons du deuxième tergite est généralement de 5, plus
rarement de 6 ; c'est à Bétharram, et plus encore à Malarode, que se
rencontre ce dernier chiffre. De ces sillons, l'un traverse pour se con-
fondre avec son homologue du côté opposé ; c'est le 1er ou le 2e. Un autre
sillon atteint la région dorsale du tergite, mais est souvent interrompu
GLOMERIDEs 403
sur un court espace ; c'est le 3e ou le 4e. Les autres sillons sont beaucoup
plus courts et ne sortent pas des lobes latéraux. Les deux longs sillons se
retrouvent sur tous les somites, y compris le dernier, en arrière du bord
antérieur du tergite. Ils sont généralement dissimulés sous le bord pos-
térieur du tergite précédent. Sur le dernier tergite, le sillon postérieur
s'incurve dans les angles et se poursuit le long du bord postérieur où il
est, toutefois, à peine distinct.
Sur les pattes de 10e paire1, et par comparaison avec le diamètre de
l'article précédent à son extrémité, l'ongle terminal est plutôt plus
court vers l'orient (var. typica) et plus long vers l'occident (var. iluro-
nensis). Cependant, à Malarode, un mâle de la var. iluronensis s'est trouvé
avoir l'ongle court. D'ailleurs, nous n'avons jamais vu l'ongle aussi peu
développé que l'a figuré Silvestri (loc. cit., p. lxviii, fig. 5) pour l'exem-
plaire typique de Gerde.
Nous avons déjà dit que l'épanouissement externe du coxoïde des
pattes ambulatoires existe partout. On constate, ici aussi, des différences
(fig. 35 à 38), mais qui sont certainement individuelles. Deux mâles d'Izeste
d'égale taille (mm. 2.304 et mm. 2.336 de largeur) nous ont fourni les
figures 37 et 38. Il n'est même pas rare de trouver les deux coxoïdes de la
même paire conformés différemment. Tout au plus pourrait-on dire
que ces épanouissements semblent avoir une tendance à décroître de
l'est à l'ouest ; mais le fait est encore loin d'être certain.
Les variations que présentent les pattes modifiées des 1 7e et 1 8e paires
du mâle sont peut-être moins banales et c'est là qu'il faut chercher
pour rencontrer des caractères spéciaux aux localités. Toutefois, ce sont
des variations qui ne semblent pas absolument fixées et qui, d'autre
part, se laissent difficilement traduire par des mots ou par des rapports.
La forme de l'échancrure médiane du syncoxite de la 18e paire, celle
qui sépare les cornes du syncoxite, est de ce nombre. Cette échancrure
est large et à fond arrondi chez var. typica de Labastide (fig. 22) ; par
contre, elle est étroite, à fond arrondi, chez var. typica des Judeous
(fig. 23), comme Silvestri l'a figuré2 aussi pour le type de Gerde, ce qui est
peu surprenant, les grottes de Judeous et de Gerde étant très rapprochées.
Passant à la var. intermedia, nous trouvons, chez les individus du
(1) Nous avons choisi cette paire de pattes, parce que c'est celle sur laquelle ont porté les observations il>'
Silvestri.
(2) Nous ne connaissons les mâles de Gerde que par les dessins de Silvestri ; les récoltes biospéologiques
ne renferment qu'une femelle de cette localité.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. 52. — F. 6.
404 H. IF. B RÔLE MANN
Bedat, une échancrure très large et à fond très arrondi (fig. 24), plus
encore qu'à Labastide. Puis, au contraire, à Bétharram et surtout à
Izeste, l'échancrure est moins large et le fond est rétréci depuis la base
des prolongements coxaux (fig. 25).
C'est cette dernière structure qu'on retrouve d'ordinaire, mais pas
d'une façon constante, chez les individus de var. iluronensis de Malarode,
chez lesquels l'échancrure est plus étroite que partout ailleurs (fig. 26 et 27).
A signaler également que le dernier article du télopodite de la 18e paire
de pattes présente souvent des étranglements, qui sont à envisager comme
le reliquat d'une segmentation disparue. C'est surtout chez les individus
de Malarode que ce phénomène s'observe le plus distinctement.
On sait que le télopodite de la 17e paire est réduit à deux articles, un
fémoroïde court et large, dont l'angle distal interne est surmonté d'un
appendice1, et un tibia rudimentaire, guère plus long que l'appendice
fémoral ; ce dernier est terminé par une soie robuste, le tibia porte une
soie spiniforme. La longueur de l'appendice et du tibia sont en rapport
avec le développement de l'animal; mais si l'on compare entre eux des
mâles d'au moins 2 mm. de largeur (maturus senior), on remarque que la*
longueur du tibia est environ égale à la face externe du tronc du fémur
à Labastide et à Gerde (var. typica fig. 28) et au Bedat (var. intermedia
fig. 31). On constate une faible tendance à la réduction de la longueur aux
Judeous (var. typica fig. 29), mais sans que cette réduction soit bien
caractérisée. Elle l'est d'avantage à Izeste et probablement aussi à
Bétharram (dont le mâle examiné est de petite taille, fig. 32). Elle est
tout à fait appréciable à Malarode où la longueur du tibia n'excède que
de peu la moitié de la longueur de la face externe du tronc du fémur
(fig. 33).
Chez les petits mâles de mm. 1.75 à mm. 1.80 de largeur (maturus
junior), le tibia est conique, au moins égal aux 2/3 de la face externe du
fémur, à Labastide ; il est généralement hémisphérique et guère plus
long que la moitié de la face externe du fémur à Malarode (fig. 34).
Cette variation est donc probablement bien réelle, puisqu'elle semble
se retrouver aux différents stades de développement des Spelaeoglomeris,
mais elle est trop peu précise pour pouvoir être utilisable autrement que
comme indication.
Puisque nous en sommes aux particularités de la 17e paire, signalons
(Il SaVESTRl et nous-mêmes avons Bguré cet appendice comme une pièce distincte du fémur, ce qui est
inexact.
GLOMERIDES 405
une anomalie remarquée sur un individu de grande taille du Bedat, mesu-
rant mm. 2.080 de largeur. Le tibia (fig. 31) est sub-cylindrique dans sa
moitié proximale et conique dans sa moitié distale ; il présente, à moitié
de sa face interne, un petit bourgeon conique à sommet arrondi qui est,
lui aussi, pourvu d'une soie. Il semblerait que, ici, le tibia soit incom-
plètement réduit et répète la forme et la structure du fémur, sans cepen-
dant que l'article qui le surmonte soit séparé.
Pour résumer les points essentiels de nos observations, nous donnons
ci-après la liste des grottes d'après les variétés qu'elles abritent, accom-
pagnée des indications sommaires des particularités que présentent leurs
habitants.
Var. Typica
La longueur du troisième article du télopodite de la 18e paire de
pattes est à celle du quatrième dans le rapport de 3 à 5.
Département des Hautes-Pyrénées {France). — Petite grotte de Labas-
tide, commune de Labastide. canton de Labarthe-sur-Neste (16- VII»
1910), n° 371.
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes large, à fond arrondi.
Longueur du tibia de la 17e paire environ égale à celle de la face externe
du tronc du fémur.
Département des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte des Judeous,
commune de Banios, canton de Bagnères-de-Bigorre (14-VII, 1910),
n° 366.
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes étroite, à fond
arrondi. Longueur du tibia de la 17e paire ne dépassant guère les trois
quarts de celle de la face externe du tronc du fémur.
Département des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte de Gerde,
commune et canton de Bagnères-de-Bigorre (15-VII, 1910), n° 367.
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes comme aux Judeous,
et longueur du tibia de la 17e paire comme à Labastide (ces deux indica-
tions relevées sur les dessins du professeur Silvestri).
Var. Intermedia
La longueur du troisième article du télopodite de la 18e paire de pattes
est à celle du quatrième dans le rapport de 1 à 2.
Département des Hautes-Pyrénées (France). — Grotte du Bedat,
commune et canton de Bagnères-de-Bigorre (13-VII, 1910), n° 363.
406 //. W. B RÔLE MAX N
Echancrure du syiicoxite de la 18e paire de pattes très large, à fond
arrondi. Longueur du tibia de la 17e paire environ égale à celle de la face
externe du tronc du fémur.
Département des Basses-Pyrénées {France). — Grotte de Bétharram,
commune d'Arthez d'Asson, canton de Nay (ouest) (10-VII, 1910), n° 360.
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes large, à fond rétréci.
Longueur du tibia de la 17e paire certainement plus courte que celle de
la face externe du tronc du fémur (égale à la moitié de cette longueur chez
les petits mâles).
Département des Basses-Pyrénées {France). — Grotte d'Izeste, com-
mune d'Izeste, canton d'Arudy (5-V. 1910) (nos chasses particulières).
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes à peu près comme
à Bétharram. Longueur du tibia de la 17e paire de pattes guère supé-
rieure à la moitié de la longueur de la face externe du tronc du fémur.
Var. Iluronensis
La longueur du troisième article du télopodite de la 18e pajre de pattes
est à celle du quatrième dans la proportion de 2 à 5.
Département des Basses-Pyrénées {France). — Grotte de Malarode,
commune et canton d'Arudy (14-IV, 1910) (nos chasses particulières).
Echancrure du syncoxite de la 18e paire de pattes généralement très
étroite et à fond rétréci. Tibia de la 17e paire de pattes généralement
hémisphérique et ne dépassant pas la moitié de la longueur de la face
externe du tronc du fémur.
Il nous reste à parler de la forme des lobes latéraux des tergites, ces
détails n'ayant pas été mentionnés par le professeur Silvestri.
Le lobe latéral du 2e tergite est proportionnellement court, le bord
antérieur étant peu épanoui. Le bord antérieur (fig. 42) est régulièrement
arqué dans les côtés et sa courbure ne se resserre qu'au moment où il va
disparaître sous le métatergite. Le bord postérieur de ce dernier est droit,
il s'infléchit brusquement dès qu'il s'est superposé au bord du prétergite
et se perd graduellement dans sa surface. La soudure du métatergite
avec le prétergite survenant à proximité du point de juxtaposition des
deux bords, il en résulte que la rainure est courte et fortement arquée,
et que le champ prémarginal est à découvert.
Le lobe latéral du 3e tergite est étroit, triangulaire à pointe arrondie
(1L0MERIDES 407
(fig. 44) ; sa région antérieure est toujours très courte, plus que chez les
Stenopleuromeris, et jamais anguleuse. Sur les tergites suivants, le lobe
latéral s'élargit et la troncature, d'oblique qu'elle était, devient peu à peu
plus parallèle à l'axe du corps (fig. 45-46). On distingue, sur leur face
inférieure, un boursouflement des lobes le long du bord antérieur à proxi-
mité du point d'insertion des muscles. A partir du 9e tergite (fig. 46),
le bord postérieur est échancré ; l'angle postérieur du lobe devient saillant
et, sur le 11e, il est étiré en arrière en pointe émoussée (fig. 47). Le dernier
tergite est proportionnellement court ; son bord postérieur est recti-
ligne, ni émarginé, ni cannelé chez le mâle.
Nous mentionnerons enfin que, des deux pièces apicales du gnatho-
chilarium (mala externa et mala interna), l'externe porte trois bâtonnets
distincts, tandis que sur l'interne les éléments sensoriels nombreux sont
groupés en faisceau et leur pointe est à peine saillante à l'extrémité de
l'organe. Cette structure semble d'ailleurs commune à tous les individus
de cette famille.
Les dimensions des différentes variétés sont semblables partout. La
largeur des grands mâles1 oscille entre mm. 2.080 et mm. 2.336, celle des
petits mâles entre mm. 1.750 et mm. 1.800 pour une longueur approxi-
mative de mm. 3.40 à mm. 5. Pour les femelles, les dimensions sont de
mm. 1.90 à mm. 2.80 de largeur pour une longueur de mm. 3.50 à mm. 5.50.
Stades de croissance. — Au cours des lignes qui précèdent nous
avons été amené à faire une distinction entre les mâles de grande taille
et ceux de petite taille. Il est infiniment probable que ces deux états
correspondent respectivement aux stades de Maturus senior et Maturus
junior de Verhoeff. Quant aux différences qui existent entre les deux
stades, indépendamment des dimensions, elles sont bien faibles et difficiles
à saisir. Il semble cependant que l'épanouissement externe du coxoïde
des pattes soit un peu moins développé chez le second que chez le premier.
Nos récoltes de Malarode contenaient un mâle pourvu de 12 tergites et
d'apparence normale, par conséquent, mais dont le pénis n'était pas
encore ouvert. Nous le considérons comme représentant le stade qui
précède immédiatement l'état adulte, le stade de Pseudomaturus de Ver-
hoeff. Ce mâle mesurait mm. 1.504 de large sur environ mm. 3.50 de long.
A ce stade, les coxoïdes des pattes ambulatoires présentent des épa-
nouissements aussi développés que chez les petits mâles. On remarque,
(1) La longueur étant très variable suivant le degré d'extension de l'animal, c'est surtout aux mesures de
largeur, dont la plupart ont été relevées au micromètre, qu'il convient d'attacher de l'importance i
408 H. W. BRÔLEMÀNN
par contre, un développement incomplet des 17e, 18e et 19e paires de
membres.
Dans la 17e paire (fig. 41), le tronc du fémur a déjà sa forme défini-
tive, mais l'appendice est rudimentaire, atteignant à peine la moitié
de la longueur du fémur. Celui-ci est globuleux, hémisphérique, bien
qu'atteignant au moins les deux tiers de la face externe du tronc du
fémur.
Dans le syncoxite de la 18e paire (fig. 40), l'échancrure est à peu près
normale, mais les prolongements qui la limitent, sont peu différenciés
et la ligne qui joint leur extrémité au condyle fémoral ne présente pas de
sinuosités. Les deux premiers articles sont à peu près normaux. Les
deux derniers présentent déjà des proportions qui se rapprochent du
rapport typique des adultes. Le dernier offre à la base un étranglement,
dernier vestige d'une articulation disparue.
Dans l'organe copulateur (fig. 39), les cornes du syncoxite sont courtes
et épaisses et les soies caractéristiques paraissent moins nombreuses.
Les trois premiers articles du télopodite sont dans des proportions sen-
siblement semblables à celles de l'adulte ; mais le dernier article est beau-
coup plus court et plus trapu, il est aussi moins arqué et il est plus insen-
siblement aminci de la base vers la pointe ; on n'y reconnaît plus la partie
apicale spatulée si distincte chez l'adulte. Enfin les sacs membraneux
de l'extrémité des articles 2 et 3 sont rudimentaires comme le montre
la figure.
Spelaeoglomeris Jeanneli, n. sp.
(Fig. 48 à 51.)
Département de la Haute-Garonne {France). — Grotte de Gourgue,
commune d'Arbas, canton d'Aspet (7-VII. 1910), n° 357.
Grotte de PEspugne, commune de Saleich, canton de Salies-de-Salat,
(13- VIII, 1906), n° 153.
9 : longueur mm. 6.50 ; largeur mm. 3. (Gourgue)
9 mm. 6.50 ; — mm. 3.40. (L'Espugne)
9 — mm. 5.50 ; — mm. 2.80.
En tous points semblable à Sp. Doderoi quant à la structure de la
tête (fig. 48), des lobes latéraux des tergites (fig. 50-51) et des pattes
ambulatoires.
L'écart entre les antennes est égal à 2 fois Je diamètre d'une cavité
antennaire (fig. 48) ; celle-ci représente la moitié de la longueur de l'organe
de Tômôsvâry. La longueur de l'antenne est égale à la largeur de la
GLOMERIDES 409
capsule céphalique, ou n'est que d'un dixième plus petite ; nous avons
relevé les proportions suivantes pour une largeur de tête de mm. 1.806 :
1er article mm. 0.19 ; 2e art. mm. 0.15 ; 3e art. mm. 0.37 ; 4e art. mm. 018 ;
5e art. mm. 0.19 ; 6e art. mm. 0.61 ; 7e et 8e art. mm. 0.11 ; longueur totale
de l'antenne mm. 1.80. Diamètre du 3e article mm. 0.19, du 6e mm. 0.22.
La pièce apicale externe du gnathochilarium porte un plus grand
nombre de bâtonnets sensoriels que chez Doderoi ; nous en avons compté
jusqu'à 21 (fig. 49).
Le nombre des sillons du 2e tergite est un peu plus élevé, il est de 7 ou
8 sur lesquels le 2e et le 4e, ou le 3e et le 6e (à PEspugne), ou bien encore
les 2e, 3e, 4e et 5e (à Gourgue) passent ininterrompus d'un côté à l'autre.
En dépit de l'absence de mâles, nous n'hésitons pas à considérer
cette forme comme une espèce distincte de la précédente en raison de
la différence de taille (presque du simple au double) et du nombre des
stries du 2e tergite. Vu le petit nombre d'exemplaires examinés, trois,
il ne peut être question de fixer les variations inhérentes aux différents
habitats, variations que font cependant déjà prévoir les oscillations du
nombre des sillons du 2e tergite.
Spelaeoglomeris alpina, n. sp.
(Fig. 52 à 59.)
Département des Alpes-Maritimes {France). — Grotte d'Albarea,
commune et canton de Sospel (8-IV, 1911), n° 432.
9 : longueur mm. 5.
9 : — mm. 4.80
9 : — mm. 4.50
9 : mm. 3.50
cf : longueur mm. 5.
tf : — mm. 3.70
largeur mm. 2.60.
— mm. 2.40.
— mm. 2.30.
— mm. 1.80.
largeur mm. 2.50.
— mm. 1.80.
Tête proportionnellement longue (mm. 0.800) eu égard à sa largeur
(mm. 1.424). L'écart entre les antennes est un peu moins de 2 fois le
diamètre d'une cavité antennaire. L'organe de Tômôsvâry est étroit,
très allongé, égal à au moins deux fois le diamètre de la cavité anten-
naire (fig. 52). Longueur des antennes égale à la largeur de la tête ; les
articles sont allongés, notamment le 6e, qui est arqué comme chez l'espèce
de Silvestei ; le dernier porte 4 bâtonnets sensoriels. Les proportions
suivantes ont été relevées sur une femelle dont la tête mesure mm. 1.424
410 H. W. BROLEMANN
de large ; 1er article mm. 0.18 ; 2e art. mm. 0.15 ; 3e art. mm. 0.31 ; 4e art.
mm. 0.11 ; 5e art. mm. 0.13 ; 6e art. mm. 0.46 ; 7e et 8e art. mm. 0.09 ;
longueur totale de l'antenne mm. 1.43. Diamètre du 3e article mm. 0.17,
du 6e mm. 0.21.
Pièce apicale externe du gnathochilarium pourvue de 2 à 3 bâton-
nets sensoriels.
Téguments parsemés, comme de coutume, de ponctuations et de
crins ; ces derniers sont très peu perceptibles.
La structure des tergites est sensiblement la même que chez 8. his-
panica ; sur le 2e tergite cependant (fig. 54), le bord interne de la dupli-
cature (d) est beaucoup plus éloigné de l'extrémité postérieure de la
rainure (a) ; la distance qui les sépare est égale à plus de deux fois la
longueur de la partie recouverte du bord du pré tergite. Les sillons du
2e tergite sont au nombre de 5 (cinq fois) ou plus rarement 6 (une fois) ;
de ces sillons le premier passe d'un côté à l'autre, le second est générale-
ment interrompu sur la ligne médiane dorsale, mais peut cependant être
complet (un cas sur six). Sur une femelle présentant 5 sillons, nous avons
vu le 1er et le 3e atteindre la région dorsale sans se fusionner avec l'homo-
logue du côté opposé, les 4 autres sillons restant confinés dans le lobe
latéral.
L'épanouissement latéral des coxoïdes des pattes ambulatoires est
variable ; sur un mâle (fig. 55), il était rudimentaire, sur une femelle
(fig. 56), il était presque aussi développé que chez S. Doderoi. La pilosité
de la face antérieure du dernier article de ces mêmes pattes n'est pas plus
constante, nous avons compté 7 longues soies chez un mâle et 5 chez une
femelle ; la face dorsale était dépourvue de soies fortes dans les deux
cas.
Pattes de la 17e paire (fig. 57). Les épanouissements coxaux sont très
développés. Le fémur est assez long, mais le prolongement de son angle
interne est peu saillant, il est beaucoup plus court que le tibia ; celui-ci
ne présente rien de particulier.
Pattes de la 18e paire (fig. 58). Syncoxite à échancrure en ogive large.
La longueur du 3e article du télopodite est à celle du 4e environ dans le
rapport de 1 à 2 (exactement mm. 0.09 :: mm. 0.19).
Pattes copulatrices (fig. 59) semblables à celles de S. Doderoi. Les
cornes du syncoxite portent des soies longues plus nombreuses (10 ou 12).
Les soies du prolongement fémoral (pf) sont groupées dans le voisinage de
l'extrémité ; il en existe néanmoins sur sa face postérieure. La verrue du
GL0MER1DES 41 1
bord postéro-interne du tibia (ni) est plus développée ici, elle apparaît
comme un cône chitinisé, semblable à celui que nous allons retrouver
chez Siygioglomeris. Le dernier article est allongé, de forme usuelle.
Sous-genre Speluncomeris, nov.
Spelaeoglomeris (Speluncomeris) hispanica, n. sp.
(Fig. 60-71).
Province de Hvesca (Espagne). — Cueva del Molino, Vio, part, de
Boltana (17-VITI, 1905), n° 38 A.
9 : longueur mm. 4.30
9 : — mm. 4.
9 : — mm. 3.80
9 : — mm. 3.70
cf : longueur mm. 3.80
a : — mm. 3.70
cf : — mm. 3.
largeur mm. 1.632.
— mm. 1.472.
mm. 1.376.
— mm. 1.376.
largeur mm. 1.504.
mm. 1.344.
— mm. 1.312.
Pigmentation nulle ; les ocelles font entièrement défaut.
La tête est un peu différente de celle de Doderoi (fig. 60) ; elle est
plus longue (0.816) par rapport à la largeur (1.292), alors que chez
Doderoi la largeur est à peu près le double de la longueur (mm. 1.600 :
mm. 0.864). Les antennes (fig. 61) sont un peu plus courtes, leur lon-
gueur est inférieure à la largeur de la tête ; le 3e article est proportionnelle-
ment plus court et plus épais ; les articles 4 et 5 sont plus étranglés à la
base ; le 6e article n'est pas arqué. Chez une femelle dont la tête mesure
mm. 0.960 de large, les articles présentent les proportions suivantes :
1er article mm. 0.10 ; 2e art. mm. 0.09 ; 3e art. mm. 0.16 ; 4e art. mm. 0.08 ;
5e art. mm. 0.08 ; 6e art. mm. 0.25 ; 7e et 8e art. mm. 0.05 ; longueur totale
de l'antenne mm. 0.81. Diamètre du 3e article mm. 0.13, du 6e mm. 0.15.
Le dernier article porte 4 bâtonnets sensoriels. L'écart entre les antennes
est égal à deux fois le diamètre de la cavité antennaire ; mais celle-ci est
égale au moins aux deux tiers de la longueur de l'organe de Tômôsvâry ;
en d'autres termes cet organe est plus ramassé que dans les espèces
précédentes.
Les téguments sont parsemés de ponctuations et de crins beaucoup
plus visibles que chez les espèces du versant septentrional des Pyrénées.
412 IL W. BRÔLEMANN
Par comparaison avec S. Doderoi, les lobes latéraux du 2e tergite sont
plus longs, le bord antérieur du prétergite étant plus épanoui (fig. 62-63).
Comme chez l'espèce de Silvestri, le bord postérieur du métatergite est
rectiligne jusqu'à sa rencontre avec le prétergite, mais à partir de ce
point il est plus régulièrement et moins brusquement arqué, il atteint
plus avant sur le prétergite et se termine brusquement par une troncature
oblique faiblement concave ; par suite la rainure est plus longue et moins
fortement arquée. Le champ prémarginal est moins largement à découvert.
Enfin la distance qui sépare l'extrémité postérieure de la rainure (a) du
bord interne de la duplicature (d) est très réduite ; elle est inférieure à la
longueur de la partie recouverte du bord du prétergite. Sur les tergites
suivants (fig. 64-65), les lobes sont plus arrondis ; le bord postérieur du
lobe du 1 Ie tergite est moins profondément échancré, il forme, à sa jonc-
tion avec la troncature latérale, un angle droit, comme sur le tergite
précédent.
Les sillons du 2e tergite sont généralement nombreux, on en compte
ordinairement 7 ou 8 ; accidentellement nous en avons trouvé 13 chez une
femelle, par suite du dédoublement de quelques-uns des sillons. De
ces sillons 3 passent d'un côté à l'autre ; ce sont ordinairement les 2e,
3e et 4e, mais ce peuvent être aussi les 2e, 3e et 5e, ou bien encore les 3e
4e et 6e.
Les coxoïdes des pattes ambulatoires sont conformés comme chez
l'espèce typique du genre (fig. 66), leur largeur égale approximative-
ment une fois et demie leur longueur mesurée de long de l'arête interne ;
l'épanouissement externe existe, bien qu'il paraisse un peu moins accusé.
Pilosité des pattes comme chez Doderoi, mais les grandes soies semblent
moins nombreuses. La griffe est longue et acérée.
Les pattes des 17e et 18e paires sont semblables aux organes corres-
pondants de Doderoi. Les coxoïdes de la 17e paire sont moins épanouis
latéralement (fig. 67) et le télopodite fait largement saillie sur le niveau
du bord des épanouissements. Le télopodite est comparable à celui de la
variété intermedia. Une autre analogie avec cette variété réside dans
le rapport entre la longueur du 3e article du télopodite de la 18e paire et
celle du 4e ; ce rapport est de 1 à 2. L'échancrure du syncoxite de la
18e paire est en ogive étroite (fig. 68).
Nous n'avons pas relevé de différence dans les pattes copulatrices
(fig. 69-71), ici, comme chez l'espèce de Silvestri, les cornes du syncoxite
sont libres, non reliées par une membrane, et portent 3 paires de longues
GLOMERWES 413
soies en 2 rangées (fig. 70). Sur le prolongement chitineux du 2e article,
les soies sont concentrées à la base de l'appendice terminal et la face
postérieure du prolongement est complètement glabre (fig. 71). Enfin
la verrue de la face postérieure du tibia (nt) est rudimentaire et porte 3
ou 4 sétulles.
Il résulterait des mesures que nous avons données plus haut que les
dimensions de cette espèce sont inférieures à celles de S. Doderoi : mais
il n'est pas absolument certain que nous ayons eu sous les yeux des
échantillons ayant atteint le jr taille maxima.
Genre STYGIOGLOMERIS, nov. gen.
Téguments entièrement dépigmentés, lisses et parsemés de nom-
breuses ponctuations minuscules du fond desquelles se dressent des crins
très courts.
La tête est conformée comme chez Oeoglomeris Verhoeff. Les yeux
font totalement défaut.
La rainure du lobe latéral du second tergite est très longue (fig. 73, 96) ;
après s'être superposé au bord du prétergite, le bord postérieur du méta-
tergite est régulièrement arqué (non coudé comme chez Spelaeoglomeris)
et très prolongé vers l'avant ; la partie du bord du métatergite qui sur-
plombe la rainure conserve sa largeur sur une longueur approximative-
ment égale aux deux tiers de la longueur de la rainure, puis elle est gra-
duellement rétrécie jusqu'au point où elle disparaît dans la surface du
prétergite.
Pattes copulatrices constituées comme chez Spelaeoglomeris, avec
cette différence que les cornes du syncoxite sont réunies par une lamelle
translucide (m, fig. 86, 89) jusqu'à moitié environ de leur longueur ; par
suite les cornes paraissent beaucoup plus courtes. En outre, la protubé-
rance du bord postéro-interne du tibia (nt, fig. 87) est beaucoup mieux
caractérisée ; elle apparaît comme un fort tubercule à pointe plus ou
moins arrondie ; nous avons vu toutefois que cette structure n'est pas
spéciale au genre Stygioglomeris (voir Spelaeoglomeris alpina).
La 18e paire de pattes (fig. 85, 92) est constituée par un syncoxite
supportant un télopodite de quatre articles. Quant à la 17e paire (du cf)
(fig. 82-84, 90) elle est formée de 3 articles, un coxoïde et un télopodite de
2 articles rudimentaires. Ni l'un ni l'autre de ces organes ne présente de
caractères particuliers, mais on y retrouve des variations qui rappellent
414 //. W. BROLEMANN
celles des espèces du genre précédent. Les rapports de longueur entre les
deux derniers articles du télopodite de la 18e paire sont rarement sem-
blables d'une grotte à l'autre, de même les rapports entre les articles
du télopodite de la 19e.
Le coxoïde des pattes ambulatoires n'est pas épanoui latéralement, il
présente une silhouette trapézoïdale avec une arête externe rectiligne
(fig. 88)-
Dans une espèce (St. Duboscqui), les pièces du gnathochilarium que
Verhoeff nomme mentum sont épanouies intérieurement et leurs bords
sont en contact sur une longueur notable (fig. 80) au lieu de n'être conti-
guës que par leur pointe.
On ne connaît jusqu'ici que des formes cavernicoles. Toutefois la pré-
sence d'une espèce à l'entrée de la grotte d'Aurouze tend à faire supposer
que le domaine de ce genre n'est pas strictement hypogé.
Le type de ce genre est Stygioglomeris Duboscqui, n. sp.
Ce genre est extrêmementvoisin de Geoglomeris Verhoeff et peut-être
même les deux genres sont-ils identiques. La seule différence que nous
puissions relever (d'après les femelles, puisque le mâle de Geoglomeris
est inconnu) réside dans la forme du lobe latéral du 2e tergite ; si cette
différence existe, la validité des deux genres est indiscutable, mais
existe-t-elle réellement ? Chez Geoglomeris, le lobe latéral serait pour
ainsi dire tronqué latéralement et la courbure du bord postérieur du méta-
tergite recouvrirait exactement l'angle postérieur du prétergite ; par suite
le champ prémarginal ne serait à découvert que dans sa partie antérieure,
suivant la figure donnée par Verhoeff (Nova Acta, 1910, pi. I, fig. 2).
Mais si l'on considère que la préparation de Verhoeff comprend plus
du tiers externe du 2e tergite, et devait forcément être très convexe,
on comprendra que le bord latéral du lobe n'a pu être vu qu'en raccourci,
d'où l'apparence subrectiligne de la courbure de ce bord.
Une autre cause d'erreur contre laquelle il y a lieu de se tenir en
garde est celle de la compression de la préparation par le couvre-objet.
Nous donnons, figure 43, le dessin d'une de nos préparations de Spelaeoglo-
meris Doderoi qui montre, par comparaison avec la figure 42, prise in situ,
combien la compression peut fausser l'aspect d'une préparation de
ce genre ; sous l'effet de la compression, le fond de la rainure tend à
prendre une position horizontale (au lieu de rester vertical), et exerce une
traction sur le champ prémarginal, traction qui a pour effet de faire
GLOMERIDES 415
remonter ce champ et de le faire disparaître sous le bord du métatergite.
Verhoeff a certainement été le jouet d'une déformation analogue
en ce qui concerne sa figure du 2etergite de Glomeridella Kervillei (loc. cit.
fig. 4), dont le dessin ne correspond pas à la forme, in situ, des tergites
des échantillons du nord de la France ; et si, par hasard, un phénomène
semblable est intervenu dans la préparation de Geoglomeris, il se pourrait
fort bien que la figure en question ne soit pas fidèle et que Geoglomeris
soit conformé comme Stygioglomeris.
De Spelaeoglomeris, notre nouveau genre se distingue essentielle-
ment par la rainure beaucoup plus longue du 2e segment et par l'absence
d'épanouissements aux hanches des pattes ambulatoires. Les sillons du
2e tergite sont généralement très nombreux, et le nombre de ceux qui
passent d'un côté à l'autre est plus élevé. Enfin Stygioglomeris se recon-
naît encore à la présence d'une lame hyaline entre les cornes du syn-
coxite des pattes copulatrices, au moins dans deux des espèces connues
(la 3e n'est représentée que par une femelle).
Cette lame hyaline manque chez Adenomeris, qui a cependant aussi
une rainure longue au 2e tergite ; mais le genre de Ribaut est suffisamment
caractérisé par la présence le long du bord postérieur de glandes sécré-
tant une matière spontanément coagulable, pour ne pouvoir être confondu
avec aucun autre genre.
CLEF DES ESPÈCES DU GENRE STYGIOGLOMERIS
1 i2). — Espèce de taille très faible et proportionnellement étroite (9 : larg. mm.
0.960; long. mm. 2.592). — Lobes latéraux des tergites arrondis (fig. 96),
le bord postérieur des deux avant-derniers lobes non échancrés. — Ariège :
grotte d'Aurouze Stygioglomeris crinita, n. sp.
2 (i). _ Espèces plus grandes et notamment plus larges (minimum des Ç adultes:
larg. mm. 1.248 ; long. mm. 3.30). — Lobes latéraux plus anguleux (fig. 7 '•-
77) le bord postérieur du 10e et particulièrement du IIe lobe échancré. —
Vallée du Rhône.
3 (4). — Deuxième tergite avec 7 à 9 sillons dont 3 ou 4 sont complets. —
Dernier article des pattes copulatrices de forme usuelle
Stygioglomeris Duboscqui, n. sp.
4 (3L — Deuxième tergite avec 10 à 12 sillons, dont 4 à 7 sont complets. —
Dernier article des pattes copulatrices trapu, plus conique que de
coutume. — Taille plus élevée Stygioglomeris provincialis. n. sp.
Stygioglomeris Duboscqui, n. sp.
Département de VArdèche (France). — Grotte du Château d'Ebbou,
commune et canton de Vallon (29-VIII, 1909), n° 280.
410
H. W. BliOLEMANN
Grotte de Maïagar, commune de Saint-Martin-d'Ardèche, canton
du Bourg-Saint-Andéol (31-VIH, 1909), n° 284.
Département du Gard {France). — Grotte de Tharaux, commune de
Tharaux, canton de Barjac (26-VIII, 1909), n° 275.
largeur mm. 1.600. (Ebbou)
— mm. 1.504. (Tharaux)
mm. 1.500. (Ebbou)
— mm. 1.472. ( — )
mm. 1.344. (Maïagar)
— mm. 1.312. (Tharaux)
— mm. 1.280. (Maïagar)
— mm. 1.280. ( — )
mm. 1.248. (Ebbou)
mm. 1.248. (Tharaux)
— mm. 1.056. (Maïagar)
— mm. 0.832. ( — )
Les mesures sont les suivantes pour chacune des grottes de :
9
longueur mm. 4.
9
—
mm. 3.61
9
—
mm. 3.80
9
: —
mm. 3.80
y
—
mm. 3.75
9
—
mm. 3.75
9
—
mm. 3.70
9
mm. 3.60
9
—
mm. 3.30
9
—
mm. 3.30
juv.
9
—
mm. 2.75
juv.
9 :
—
mm. 2.30
Ebbou : longueur mm. 3.30 à 4.
Tharaux: mm. 3.30 à 3.75
Maïagar : — mm. 3.60 à 3.75
largeur mm. 1.248 à 1.600.
mm. 1.248 à 1.504.
mm. 1.280 à 1.344.
longueur mm. 3.80
mm. 3.50
mm. 3.50
mm. 3.50
mm. 3.40
mm. 3.30
mm. 3.20
mm. 3.
mm. 3.10
mm. 3.
mm. 3.
largeur mm. 1.300. (Ebbou)
— mm. 1.248. (Tharaux)
mm. 1.248. ( — )
mm. 1.216. (Maïagar)
mm. 1.216. (Ebbou)
mm. 1.184. (Tharaux)
mm. 1.184. (Maïaga")
mm. 1.120. ( — )
mm. 1.088. (Ebbou)
— mm. 1.024. (Maïagar)
mm. 0.992. (Ebbou)
Les mesures sont les suivantes pour chacune des grottes de :
Ebbou : longueur mm. 3. à 3.80 ; largeur mm. 0.992 à 1.300
Tharaux : mm. 3.30 à 3.50 ; mm. 1.184 à 1.248
Maïagar : mm. 3. à 3.50 ; largeur mm. 1.024 à 1.216
GLOMERIDES 417
Téguments entièrement dépigmentés, lisses et parsemés de nom-
breuses ponctuations du fond desquelles se dressent des crins très courts
(ces crins ont été représentés sur une partie de la surface et sur le pour-
tour du 1er tergite (fig. 72) pour montrer leur écartement et leur lon-
gueur). Corps très bombé, proportionnellement plus étroit que chez
Spelaeoglomeris. Cette différence de largeur a une répercussion sur bon
nombre d'organes, entre autres sur les sclérites pleuraux et sur les hanches
des pattes ambulatoires, qui présentent une sensible réduction de largeur
par comparaison avec le genre de Silvestbi.
Tête anguleuse ; chez un mâle de mm. 1.216 de large, elle mesure
mm. 0.55 de long sur mm. 0.910 de large. Les faces latérales sont parallèles
Le labre est muni d'une seule dent médiane. L'organe de Tômôsvâry
(fig. 78) est un peu plus large que la cavité antennaire et environ une fois
et demie aussi long qu'elle. Antennes (fig. 81) rapprochées à la base ;
l'écart entre elles est inférieur à une fois et demie la cavité antennaire ;
leur longueur est égale à la largeur de la tête. Mesures relevées au micro-
mètre sur un mâle de mm. 1.216 de large, dont la tête mesurait mm. 0.910
de large : 1er article mm. 0.08 ; 2e art. mm. 0.10 ; 3e art. mm. 0.19; 4e art,
0.09 ; 5e art. mm. 0.09 ; 6e art. mm. 0.28; 7e et 8e art. mm. 0.08 : longueur
totale de l'antenne 0.910. Diamètre du 3e article mm. 0.095, du 6e mm.
0.130. Les antennes sont parsemées de soies courtes, plus denses vers
l'extrémité de l'antenne qu'à sa base ; sur la face externe du 6e article,
non loin de son extrémité, on remarque trois longues et fortes soies tenant
lieu des bâtonnets sensoriels qui paraissent manquer totalement. Le
6e article est claviforme, non arqué. Le dernier porte quatre bâtonnets
sensoriels aigus.
Gnathochilarium (fig. 80) analogue à celui de Spelaeoglomeris ; les
pièces apicales externes sont surmontées chacune de trois bâtonnets,
tandis que, sur les pièces internes, les éléments sensoriels sont agglo-
mérés en faisceau et leur pointe est à peine saillante. La mandibule est
conformée comme chez Spelaeoglomeris, de même l'hypopharynx, qui
est constitué par une paire de pièces en croissant, munies d'un prolonge-
ment dentiforme, et réunies par des parties membraneuses. L'épipharynx
{ep, fig. 79) est formé d'un feuillet de forme sub-ovale, à concavité pos-
térieure, couvert de papilles.
Premier tergite (fig. 72) en segment de cercle ; son bord antérieur
est faiblement proéminent au milieu. Il est un peu moins large que la
tête (mm. 0.820) et sa largeur est à sa longueur (mm. 0.365) dans la pro-
418 II. W. BROLEMANN
portion de 9 à 4. Sa surface est recoupée par deux stries transversales
complètes.
Le lobe latéral du second tergite (fig. 73) est assez brusquement épa-
noui au bord antérieur au-dessous du niveau de l'angle postérieur de la
tête ; la courbe de ce bord est sensiblement régulière jusqu'à son croise-
ment avec le bord du métatergite. La rainure est longue, le bord latéral
du métatergite étant beaucoup plus arrondie que chez Spelaeoglomeris.
Les sillons sont nombreux, généralement 8 plus rarement 7 ou 9. Us ne
sont pas confinés contre le bord antérieur du prétergite ; l'avant-dernier
est à égal distance des deux bords et le dernier est plus rapproché du bord
postérieur. Les 2 premiers sillons sont courts et fins et ne sortent pas du
lobe latéral ; les 4 suivants sont très longs, ils atteignent la région dor-
sale du tergite et 3 d'entre eux, au moins, se confondent avec leur homo-
logue du côté opposé ; les 2 derniers sont courts, le 9e, lorsqu'il existe,
est rudimentaire. Dans les lobes latéraux des tergites 3 à 11, on reconnaît
3 sillons, comme dans le genre précédent, mais le sillon antérieur seul est
prolongé sur la région dorsale et rejoint son homologue du côté opposé ;
les deux autres sont écourtés ou rudiment aires. Lobe du 3e tergite à région
antérieure très courte (fig. 74). A partir du 6e segment (fig. 75), on com-
mence à distinguer une faible troncature oblique du lobe, troncature qui
va en s'accentuant jusqu'au 11e tergite. L'angle antérieur de la tronca-
ture est toujours arrondi, mais l'angle postérieur devient aigu sur les
tergites 10 et 11 (fig. 76-77), sans toutefois être jamais étiré en arrière,
comme chez Spelaeoglomeris ; néanmoins le bord postérieur de ces deux
lobes est un peu émarginé, plus faiblement sur le 10e que sur le suivant.
Le dernier tergite est proportionnellement court ; le sillon submarginal
du bord antérieur épouse la courbure des côtés et se poursuit le long du
bord postérieur où il est à peine distinct.
Le coxoïde des pattes ambulatoires (fig. 88) est très peu développé en
largeur et complètement indépendant de son voisin. Il n'existe pas de lobe
latéral distinct. Le dernier article est très long ; il est parsemé de soies
parmi lesquelles on distingue, particulièrement sur son arête dorsale,
2 soies fortes, mais courtes à peu de distance de l'extrémité, et sur l'arête
ventrale, 3 (accidentellement 2) soies très longues et très fortes, et à côté
de ces dernières, mais sur la face antérieure de l'article, 3 autres soies
moins développées. La griffe est médiocrement allongée et aiguë.
Les pattes des 17e et 18e paires du mâle et les organes copulateurs
sont construits sur le même type que chez Spelaeoglomeris, mais avec les
GLOMERIDES 419
différences suivantes. — 17e paire (flg. 82 à 84): les épanouissements coxaux
sont plus réduits, ils n'atteignent pas l'extrémité du fémur ; celui-ci est
généralement plus long que large, son angle distal interne est conique
et muni d'une soie longue, mais le cône est court, obtus, et n'atteint
jamais plus delà moitié de l'article suivant. Le tibia est conique; dans un
seul individu de la grotte du Château d'Ebbou il était étranglé à la base
(fig. 84) ; il présente parfois une verrue piligère à l'intérieur, près de
la base (Maïagar-Tharaux, fig. 83) ; son extrémité est surmontée d'une
soie ou de deux.
18e paire de pattes sans particularités, les cornes du syncoxite sont
seulement un peu moins développées (fig. 85). On constate ici aussi,
une tendance à l'allongement du dernier article du télopodite dans des
grottes données, mais cette tendance est encore trop peu accentuée pour
qu'on puisse en tirer parti. Les proportions suivantes ont été obtenues au
micromètre sur des individus de :
Château d'Ebbou, longueur du 3e article mm. 0.060, du 4e mm. 0.153 ;
Tharaux mm. 0.060, —mm. 0.135;
Maïagar mm. 0.050, —mm. 0.120;
On voit que les formes des deux derniers gîtes sont plus rapprochées
à cet égard l'une de l'autre que de la forme du Château d'Ebbou.
Le syncoxite des gonopodes présente ceci de particulier que les cornes
sont réunies entre elles jusqu'à la moitié environ de leur longueur par un
feuillet hyalin, transparent (m, fig. 86) ; par cela même les cornes parais-
sent beaucoup plus courtes. En outre, on ne voit pas trace sur les cornes
des longues soies si développées chez S pelaeoglomeris ; par contre les crins
de la face antérieure du syncoxite sont nombreux et plus visibles. Enfin
le bord distal du 3e article du télopodite est muni, sur sa face postéro-
interne, d'un tubercule fortement chitinisé (nt, fig. 87), comparable au
prolongement fémoral, mais infiniment moins développé. Les articles du
télopodite sont aussi parsemés de petites soies plus nombreuses.
Cette espèce est dédiée à notre excellent ami M. O.Duboscq, le savant
professeur de Montpellier.
Stygïoglomeris provincialis, n. sp.
(Fig. 89-95).
Département du Gard {France). — Grotte du Serre de Barry de Ferreol,
commune de Saint-Privat-de-Champolos, canton de Barjac (27-VIII,
1909), n° 277.
ARCU- DE ZOOL. EXP. El OÉN. — T. bl. — F. 6. 29
420 H. W. BROLEMANN
Département des Bouches-du-Rhône {France). — Baume Roland,
commune et canton de Marseille (14-V, 1911), n° 477.
3 999 adultes : longueur de mm. 5. à 5.50 ; largeur mm. 2.25 à 2.50.
1 cf adulte : longueur mm. 4.20 ; largeur mm. 1.600 ;
1 o* pseudomat. — mm. 2.60 ; — mm. 1.088 ;
Très voisin de St. Duboscqui, cette espèce s'en distingue par sa taille
sensiblement plus forte ; le mâle adulte est plus grand d'un demi-milli-
mètre et les femelles d'au moins un millimètre.
Les sillons du 2e tergite sont plus nombreux ; on en compte 10 (cf)
dont 4 passent d'un côté à l'autre, ou 12 (9) dont 6 à 7 traversent ou sont
à peine interrompus sur la ligne dorsale.
Tergites semblables à ceux de l'espèce précédente.
Les pattes copulatrices sont plus trapues, les articles sont un peu
plus larges, le 4e article du télopodite notamment est très court, comme
le montre la figure 89, sur laquelle l'organe est vu dans tout son déve-
loppement (non en raccourci).
L'angle interne du fémur de la 17e paire de pattes (fig. 90 et 91) est
prolongé fortement, comme chez Spelaeoglomeris, et l'extrémité de ce
prolongement dépasse sensiblement la moitié de la longueur de l'article
suivant.
Les coxoïdes des pattes ambulatoires, pas plus que la 18e paire du
mâle, ne présentent de caractères spécifiques ; ils sont conformés comme
chez Duboscqui. La longueur des 2 derniers articles du télopodite de la
18e paire est dans le rapport de 3 à 7, soit à peu de choses près comme
chez les individus de Tharaux (fig. 92).
Le mâle immature semble être au stade de pseudomaturus, possé-
dant ses 12 tergites. Le télopodite de la 17e paire (fig. 94) est formé de
2 articles, dont le dernier est un bourgeon arrondi dépourvu de pilo-
sité ; l'épanouissement latéral du coxoïde n'est pas encore formé. La
18e paire (fig. 95) est loin d'avoir atteint sa forme définitive ; la soudure
des deux parties du syncoxite (sco) n'est pas encore réalisée, les deux
coxoïdes sont écartés et reliés seulement par une bride membraneuse ;
les articles sont trapus et le dernier est difforme, en massue.
Les gonopodes (fig. 93) sont proportionnellement moins développés
que chez le pseudomaturus de Spelaeoglomeris, que nous avons eu l'occa-
sion d'examiner. Le syncoxite, insuffisamment chitinisé, s'est déchiré
au cours de la dissection. La partie chitinisée des articles est asez ferme ;
GLOMERIDES 421
mais le premier appendice digitiforme n'a encore que la moitié de sa
taille, le second est à l'état embryonnaire, le développement du 2e article
est à peine esquissé et les parties membraneuses ne sont pas encore
reconnaissables. Le dernier article n'a pas encore sa forme définitive.
Remarque. — L'aspect du dernier article des gonopodes du mâle
(fig. 89) pourrait amener à supposer que nous n'avons pas eu un adulte
entre les mains ; cependant, étant donné d'une part que le reste des
gonopodes semble être à son complet développement, et que d'autre
part nous connaissons un autre stade qui semble bien être celui qui pré-
cède le stade maturus, nous ne pensons pas qu'on doive s'arrêter à cette
supposition. On serait plus autorisé, semble-t-il, à identifier ce stade
avec celui de maturus junior (ou petit mâle) ; mais, en cet état, les gono-
podes sont conformés exactement comme chez les maturus senior. Reste
enfin la possibilité d'une malformation, peu probable, elle aussi, puisque
les deux côtés de l'organe sont conformés de même.
Stygioglomeris crinita, n. sp.
(Fig. 96).
Département de VAriège {France). — Récoltes faites à l'entrée de la
grotte d'Aurouze, commune de Montferrier, canton de Lavelanet,
(20-VII. 1907), n° 202.
Une 9 mesurant mm. 2.592 de longueur et mm. 0.960 de largeur, pos-
sédant 12 tergites et 17 paires de pattes.
Bien que ne disposant que d'un échantillon unique, nous croyons
pouvoir, sans hésitation, le considérer comme le type d'une espèce
nouvelle.
Il présente en effet ceci de particulier d'être comparativement pins
étroit que son congénère, St. Duboscqui. En outre, la comparaison des
figures 96 et 73-77 montre que la rainure du 2e tergite est plus longue,
que les lobes latéraux des tergites suivants sont plus larges et plus
arrondis et que le bord postérieur des tergites 10 et 11 n'est pas échan-
cré. A ces particularités s'ajoute encore le grand éloigne ment des gîtes.
Il y a donc tout lieu d'admettre que nous sommes en présence d'une
autre espèce ; et même au cas où, cependant, il s'agirait de la même
espèce, il y aurait lieu, en raison de la structure de ses tergites, de dis-
tinguer la forme de l'Ariège de celles de la vallée du Rhône.
Le fait que cet individu a été rencontré à l'entrée d'une grotte prouve
422 H. W. BBÔLEMANN
que ces formes doivent exister en surface dans des conditions probable-
ment analogues à celles dans lesquelles vit Adenomeris hispida, à laquelle
elles sont apparentées.
II. PARTIE ANALYTIQUE
I. SYSTÉMATIQUE
La première question qui se pose à l'esprit est celle de savoir dans
quel groupe du système des Oniscomorpha-Plesiocerata les formes que
nous venons de décrire doivent être introduites.
A la suite d'une étude comparative entre Adenomeris et Gervaisia,
Verhoeff (1912. Zool. Anz., XXXIX, n° 11-12, p. 401 et s. s.) a donné,
sous forme de tableau dichotomique, une classification que nous vou-
drions examiner ici, parce qu'il y a lieu de la modifier pour la réception
des formes étudiées dans les pages qui précèdent.
Verhoeff commence par séparer les Plesiocerata en deux familles,
Oervaisiidae et Glomeridae. Les caractères qui distinguent les Gervaisiidae
sont, d'après lui, les suivants : « Duplicatures des tergites du tronc gar-
ce nies d'une rangée de piliers duplicaturaux. Deuxième tergite avec une
« courte rainure au bord postérieur. Lobe latéral du même tergite pré-
ce sentant une grande fossette auriculaire entourée d'une collerette.
« Lobes des tergites médians creusés de sillons. La région postérieure des
« tergites ou bien est simplement pourvue d'un bourrelet transversal
« arrondi, ou bien constitue une crête transversale plus ou moins déve-
« loppée. Les lobes des tergites médians sont pourvus, en dessous, de
« protubérances suprapleurales (suprapleurallappen). Tergites présen-
ce tant des rangées transversales de verrues surmontées de bâtonnets ».
Par opposition aux caractères précédents, ceux des Glomeridae
sont :
« Pas de piliers duplicaturaux. Rainure du deuxième tergite variable
(t comme position. Jamais de fossette auriculaire ni de collerette. Ter-
ce gites médians sans sillons dans les côtés et sans bourrelets ni crêtes
« dans la région postérieure. Protubérances suprapleurales nulles ou
<( représentées tout au plus par des verrues (Zapfen). Tergites sans
« rangées de verrues, rarement avec des bâtonnets. »
GLOMERIDES 423
Cette classification a pour but d'isoler complètement Gervaisia de
toutes les autres formes. Elle a le désavantage, à notre point de vue, de
ne pas tenir compte des affinités de ce genre avec une série d'autres
formes, telles que Adenomeris, Spelaeoglomeris et Doderoa. On ne peut
toutefois pas faire un reproche à Verhoeff de ne pas avoir pris en consi-
dération ces affinités ; Verhoeff ne connaissait probablement Spelaeoglo-
meris et Doderoa que par les descriptions de Silvestri, descriptions qui,
non accompagnées de figures suffisantes, n'en donnent qu'une idée
incomplète ; quant aux affinités <¥ Adenomeris avec Gervaisia, il était
difficile de les apprécier en l'absence de termes de passage. Il y a par
conséquent à réviser les caractères distinctifs choisis par Verhoeff,
puisque Doderoa ne peut rentrer dans aucun des groupes définis par lui.
Doderoa a, en effet, des fossettes auriculaires, mais pas de piliers dupli-
caturaux ; elle a, comme Gervaisia, la région postérieure des tergites
soulevée en bourrelets transversaux, mais, en lieu et place des rangées
transversales de verrues et de bâtonnets, elle a des côtes longitudinales, etc.
D'autre part une chose frappe, à première vue, dans les premiers
groupes proposés par Verhoeff, c'est que les caractères sont tous
empruntés à la structure des téguments externes. Aucun compte n'est
tenu des différences qui existent dans la composition des pattes copu-
latrices ni des autres caractères sexuels du mâle. Verhoeff n'a recouru
à ces organes que dans les divisions ultérieures de sa famille des Glo-
meridae; et pourtant, déjà en 1910 (41e Aufsatz, Sitz. Ges. naturf. Freunde,
Berlin, 1910, n° 5), il insistait sur la structure des gonopodes de Hyleoglo-
meris, sans mentionner qu'elle est identique à celle des gonopodes de
Gervaisia.
Verhoeff est d'avis que l'on ne peut pas traiter les Oniscomorpha
(et probablement tous les Opisthandria) comme les groupes de Proteran-
dria. Les Oniscomorpha, et, par conséquent les Pïesiocerata qui nous
occupent, sont, à n'en pas douter, des formes parvenues à leur équilibre
morphologique actuel plus tardivement que les autres Diplopodes ; ce
sont des formes d'apparition plus récente et c'est ce qui explique la grande
monotonie de leur structure et l'absence de différenciation tranchée entre
les espèces. Et sur ce point, nous sommes parfaitement d'accord avec
lui.
Ce degré d'évolution implique par cela même que les variations qu'on
observe ont une signification, une valeur autre que n'auraient ces mêmes
variations chez des Proterandria, chez les Ascospermophora, par exemple.
424 H. W. BRÔLEMANN
Mais il ne s'en suit pas qu'on doive donner aux caractères tirés du deuxième
tergite la préséance sur ceux tirés des organes sexuels, sous prétexte que
les premiers sont plus fortement accusés que les seconds. Il faut tenir
compte de ce fait que les parties du corps constituant la carapace externe
de nos animaux (et, par conséquent, du deuxième tergite) sont bien plus
aptes à varier que les organes de la reproduction. Exposés directement à
l'action des agents extérieurs, les téguments réagiront bien plus prompte-
ment que ne le peuvent faire les organes sexuels et leurs annexes qui,
eux, ne sont influencés que par contre coup, pour ainsi dire. Aussi, telle
modification des téguments, si profonde qu'elle puisse paraître, ne pourra
jamais avoir qu'une signification secondaire par comparaison avec une
modification, même faible, qui se sera produite dans les organes sexuels
et leurs annexes. C'est pourquoi, avant de nous adresser aux particularités
de structure des téguments, pour y puiser les caractères différentiels des
grands groupes de Plesiocerata, préférons-nous chercher ces caractères
dans les pattes copulatrices et dans les pattes des 17e et 18e paires du
mâle.
Cette méthode va nous amener à admettre quatre types, sur lesquels
trois types principaux sont plus ou moins largement représentés et
sont, tout au moins, bien connus, et un type moins répandu et que nous
ne connaissons que par les descriptions de Verhoeef. L'un de ces types
principaux est celui qui nous est fourni par Gervaisia (pour emprunter
un exemple bien connu), l'autre est celui présenté par les espèces com-
munes de Glomeris, le troisième est caractéristique du genre Glomeri-
della. Nous examinerons en dernier le quatrième type, celui de Typhlo-
glomeris.
Type Gervaisia. — Les pattes copulatrices sont caractérisées par
la présence simultanée des parties suivantes : deux longs appendices
digitiformes surmontés d'une soie, l'un à l'extrémité du préfémur,
l'autre à l'extrémité du fémur ; un long prolongement chitinisé au fémur,
bien distinct de l'article qui le porte, et deux sacs membraneux proémi-
nents, dont l'un est accolé à l'extrémité du prolongement chitinisé du
fémur, et l'autre émerge de la membrane articulaire qui relie le tibia au
tarse. Les coxoïdes de la 18e paire de pattes sont soudés en un syncoxite
qui supporte des télopodites de 4 articles. Les coxoïdes de la 17e paire
sont indépendants et les télopodites sont rudimentaires, réduits à
2 articles. C'est le type qui a été décrit tout au long dans les pages qui
précèdent, car il existe, non seulement chez Gervaisia, mais aussi chez
GLOMERIDES
425
Doderoa, Stygioglomeris, S pelaeoglomeris et Adenomeris. Dans tous ces
genres les pattes copulatrices et les pattes des 17e et 18e paires sont iden-
tiques ; dans les pattes copulatrices notamment tous les éléments se
retrouvent également développés et ne présentant que de faibles oscilla-
tions dans la forme comme celles que nous avons eu l'occasion de signa-
ler entre S pelaeoglomeris et Slygioglomeris, par exemple.
Type Glomeris. — Ce type est aussi uniforme que le précédent si nous
ne considérons que le genre Glomeris dans son sens étroit, dont les espèces
et les variétés sont si nombreuses en Europe. Dans les pattes copula-
trices il existe un rudiment d'un troisième appendice digitiforme séti-
fère au 3e article du télopodite ; par contre, il n'existe pas trace du long
prolongement chitinisé fémoral ; dans ce cas, le sac membraneux semble
émerger de la membrane qui relie le 2e article au 3e. Les pattes de la
18e paire sont constituées par un syncoxite portant des télopodites de
4 articles ; tandis que celles de la 17e paire se composent de coxoïdes
indépendants et de télopodites de 5 articles.
Puis, à côté de cette structure typique, il existe des variantes qui ne
semblent pas pouvoir en être séparées, et qui constituent des types
secondaires que nous passerons en revue tout à l'heure.
Type Glomeridella. — Ce type est limité au genre Glomeridella.
Il est caractérisé par les
télopodites des pattes
copulatrices de trois
articles seulement, au
lieu de 4. Les appen-
dices digitiformes et
les sacs membraneux
font complètement dé-
faut (fig. I). Par con-
tre, le deuxième arti-
cle est pourvu d'un
fort prolongement au-
quel peut s'opposer le
dernier article, qui est
très court. Les mem-
bres de la 18e paire
sont indépendants, reliés qu'ils sont par des parties membraneuses ;
leurs télopodites sont de 4 articles, dont le deuxième est évasé à l'ex-
Fig. I. — Gonopodes de Glomeridella Kervillei Ltz., face postérieure. —
x, pièces chitinisées, épaississements de la membrane, m ; sco, syn-
coxite des gonopodes, dont la face postérieure est profondément
échancrée, l'échancrure étant comblée par un prolongement de la
membrane ; prf, préfémur ; /, fémur ; t, tibia-tarse. (Le bord proxi-
mal du préfémur et la partie cachée du contour du syncoxite sont
visibles par transparence, mais n'ont été représentés qu'à gauche,
pour ne pas surcharger la figure.)
426 H. W. BROLEMANN
trémité et forme pince avec le concours des 2 articles apicaux, qui sont
courts. La 17e paire de pattes est conformée comme chez Gervaisia, le
téleopodite est rudimentaire et formé de 1 article, ou de 2 articles
plus ou moins distinctement délimités. Enfin toutes les espèces connues
ne présentent que 11 tergites au lieu de 12.
A ce propos, nous relevons dans Verhoeff (Nova Acta, 1910, p. 158)
le passage suivant :
« Die Telopodite des 19 Beinpaares (Telopoden) von GlomerideUa
« hat Brôlemann, 1895, angegeben als « composée de trois articles » und
« stimmt auch hierin wieder mit Latzel uberein, wàhrend er sie bei
« seiner vasconica als viergliedrig beschrieben und abgebildet hat,
« also âhnlich dem von Glomerellina (Abb. 9) dargestellten Fall. Nun
« habe ich aber den beweglichen Zangenfinger von GlomerideUa Kervillei
« keineswegs einfach gefunden, sondern zweigliedrig, das eiste Glied des
<( Fingers innen und aussen gegen das letzte deutlich abgesetzt und
« auch im iïbrigen eine Abgrenzungflinie erkennbar, die wohl etwas
« feiner ist als das bei den meisten anderen Gliedergelenken der Fall
« ist und darauf hindeutet, dass die beiden Glieder des beweglichen
« Zangenfingers nur noch wenig gegeneinander beweglich sind, aber
« eine Zweigliedrigkeit des Zangenfingers nicht in Frage stehen kann.
« Auch nach diesem Merkmal kann ich also die Untergattung Protoglo-
« meris nicht aufrecht halten ».
Nous avouons n'avoir pu, malgré l'examen le pins attentif, découvrir
la moindre trace de division dans le dernier article des gonopodes d'indi-
vidus de G. Kervillei du Nord de la France, pas plus d'ailleurs que chez
ceux des Pyrénées. Verhoeff, d'autre part, a publié deux espèces du
même genre (1912. Stz. Ges. naturf. Freunde, Berlin, n° 8) dotées d'un
telopodite de trois articles ; comment se fait-il qu'il n'y soit plus ques-
tion de la cZweigliedrigkeit » du dernier article de Kervillei ? Le fait vaut
cependant la peine d'être mentionné ! Sans contester toutefois que cet
article puisse être le résultat de la fusion de plusieurs articles, nous con-
tinuons à le compter pour un seul article, et à maintenir ce caractère
différentiel entre GlomerideUa d'une part et Protoglomeris + Glomeris +
Onychoglomeris, d'autre part.
Ce type, qui est déjà bien distinct des précédents, en diffère encore
par l'existence d'une disposition particulière dont on n'a jamais encore
parlé, que nous sachions. Chez G. Kervillei, par exemple, il existe en
arrière des pattes copulatrices un bandeau à peine chitinisé qui isole
(ILOMERLDES 427
complètement ces organes des valves anales1 ; entre ce bandeau et la base
des préfémurs, la membrane qui, d'ordinaire, présente des boursoufle-
ments en coussinets, est cliitinisée de chaque côté ; ces plaques chitini-
sées prennent l'aspect de pièces distinctes (x, ûg. i), à tronc grêle sur-
monté d'un renflement en tête d'oiseau (,r'). Lorsque l'organe copulateur
est rétracté, le bec de chaque pièce est logé dans la concavité latérale cor-
respondante de la base du syncoxite des pattes copulatrices ; lorsque
l'appareil est dévaginé, la pièce en question prend la position représentée
par la figure i. Verhoeff, dans son dessin des pattes copulatrices de
Glomeridella Larii (1912, loc. cit. p. 423), figure l'extrémité d'une pièce
analogue et la désigne (par l'indice w) comme le prolongement du préfé-
mur ; cette indication résulte certainement d'une inadvertance, car cette
pièce est complètement indépendante du préfémur, placée qu'elle est
en arrière de lui et environnée de toutes parts de membranes. Nous
n'avons pu jusqu'ici établir l'homologie de cette pièce autrement que
comme un épaississement de la membrane, et nous n'avons pu y voir
qu'une disposition en rapport avec la faculté de l'animal de rétracter
dans l'intérieur du corps ses 18e et 19e paires de membres. Cette faculté,
qui est peut-être plus développée ici que chez d'autres Glomerides, est
en relation avec la brièveté du corps de l'animal.
Type Typhloglomeris. — De ce type, il n'existe que deux repré-
sentants à pattes copulatrices très simples. Pas d'appendices digitif ormes ;
pas de prolongement chitinisé au 2e article ; un seul sac membraneux
rudimentaire entre le 3e et le 4e article. Les pattes de la 18e paire ont un
syncoxite très réduit, et des télopodites de 4 articles, dont le premier
ou le second peuvent subir une modification profonde. Le télopodite de
la 17e paire est de 3 articles, le dernier pouvant offrir des traces de seg-
mentation.
De ces quatre types, les trois premiers sont certainement bien caracté-
risés et doivent être tenus séparés. Quant au dernier, Typhloglomeris,
qui est évidemment un type aberrant, et que nous ne connaissons que
par les écrits de Verhoeff, il se pourrait que de nouvelles découvertes
mettent en évidence des affinités non apparentes aujourd'hui, et obligent
à le fusionner avec l'un ou l'autre des types précédents. Mais
actuellement, et sans vouloir préjuger de Pavenir, nous adoptons ces
(1) Ce bandeau existe chez d'autres types.
428
//. W. BROLEMANN
quatre types comme caractéristiques d'autant de familles, qui sont :
1° Typhloglomeridae ; 3° Glomeridellidae ;
2° Glomeridae ; 4° Gervaisiidae.
Les familles des Typhloglomeridae et des Glomeridellidae ne se com-
posent chacune que d'un genre et n'offrent pas matière à des subdivi-
sions.
Au contraire, la famille des Glomeridae va comprendre une dizaine de
genres. Dès que nous sortons des limites du genre Glomeris pr. d., le genre
type, nous nous trouvons en présence de variations parfois très sen-
sibles, qui s'enchaînent les unes aux autres de telle sorte qu'elles ne
semblent pas pouvoir être séparées du type principal, mais qui peuvent
servir de base à des groupements secondaires.
Une première variante consiste dans l'addition aux gonopodes de
Glomeris d'un épanouissement fémoral. Cet épanouissement se ren-
contre à l'angle distal postéro-interne de l'article ; il affecte la forme d'un
lobe arrondi qui n'est pas séparé du corps de l'article et qui, étant dirigé
horizontalement, ne fait qu'à peine saillie sur le niveau du bord de
l'article ; le sac membraneux interarticulaire occupe la même place que
chez Glomeris. Cette structure est celle de Loboglomeris ; elle s'accom-
pagne de diverses particularités sur lesquelles Verhoeff a basé son genre.
Cette structure se rapproche évidemment de celle de Gervaisia ;
mais bien qu'il soit possible que l'épanouissement de Loboglomeris soit
l'homologue du prolongement de Gervaisia, il n'en subsiste pas moins des
différences bien nettes qu'on peut opposer de la façon suivante :
Gervaisia
Le prolongement porte, à sa base,
une échancrure indiquant la limite
entre le bord de l'article et le pro-
longement.
Le prolongement fait saillie sur
le bord de l'article de toute sa lon-
gueur qui est égale à celle de l'ar-
ticle lui-même.
Le sac membraneux est déplacé ;
il est porté par le prolongement, de
l'extrémité duquel il semble se
détacher
Loboglomeris
Rien n'indique où cesse le bord
de l'article et où commence l'épa-
nouissement.
L'épanouissement est partie inté-
grante du bord de l'article et ne
forme en avant qu'une saillie insi-
gnifiante.
Le sac membraneux émerge de
la membrane qui relie le 2e au 3e
article, comme chez Glomeris.
GLOMERIDES 429
Comme on ne connaît pas de termes de passage entre les deux struc-
tures, on est en droit de les considérer comme distinctes ; et on est
d'autant plus fondé à réunir Loboglomeris à Glomeris que ces deux genres
présentent des affinités évidentes tant dans les détails de leurs téguments
que dans leur répartition à la surface du sol.
Il est cependant des cas où l'épanouissement fémoral prend un déve-
loppement plus considérable. C'est ainsi que si nous passons de Glomeris
à Schismaglomeris et à Onychoglomeris, puis à Protoglomeris et aux
Glomerellines, nous assistons à son accroissement progressif. Dans les
deux premiers genres, il conserve encore son caractère d'épanouissement ;
mais chez les derniers, il serait plus approprié de parler de prolon-
gement, celui-ci « faisant saillie sur le bord de l'article de toute sa lon-
gueur qui est égale à celle de l'article lui-même ». Mais alors, fait remar-
quable et qui tend à nous éloigner de plus en plus des Gervaisia, à mesure
que nous descendons cette série1, nous assistons d'abord à une réduction
(Schismaglomeris, Onychoglomeris) puis à une disparition complète
(Protoglomeris, Glomerellines) des appendices digitiformes du fémur et
du préfémur et des sacs membraneux. Il semble que, dans cette série,
il y ait incompatibilité de coexistence des deux caractères, prolongement
fémoral d'une part et appendices digitiformes et sacs membraneux de
l'autre, et que le développment de l'un doive être en raison inverse de
celui des autres 2. Cette incompatibilité ajoute à l'intérêt et à la valeur
qui s'attache aux appendices et aux sacs, organes déjà si curieux par
eux-mêmes ; et nous nous sentons de ce fait autorisés à grouper toutes
les formes des Glomeridae qui en sont pourvues, à quelque degré de déve-
loppement que ce soit, dans une sous-famille, celle des Glomerinae.
D'autre part, il ne nous a pas paru possible de réunir dans la même
sous-famille Protoglomeris et les Glomerellines, qui ont cependant en
commun la forme générale des pattes copulatrices. Les Glomerellines
ont en effet ceci de particulier de n'avoir pas de rainure caractérisée au
deuxième tergite ; l'absence de rainure est compensée par la présence
de butoirs suprapleuraux qui n'existent ni chez Protoglomeris, ni chez les
Glomerinae. En outre, les coxoïdes de la 18e paire du mâle ne sont pas
(1) Nous considérons que Glomeris est un terme élevé de la série et que, dans l'ordre où nous présentons ces
genres, nous nous rapprochons des formes archaïques ; c'est par suite des nécessités du texte que nous procédons
d'une façon si peu naturelle, et que nous sommes amenés à parler de disparition des appendices et des sacs mem-
braneux au lieu de parler de leur apparition.
(2) Cette incompatibilité ou bien est limitée aux Glomerinae, ou bien n'est qu'apparente, puisque les deux
natures d'organes se rencontrent simultanément chez les Gervaisiidoe.
430 H. W. BROLEMANN
encore soudés en un syncoxite. Cet ensemble de caractères spéciaux
que nous jugeons être l'indice d'une évolution peu avancée, nous a
décidé à tenir séparé Protoglomeris des Glomerellines et à ériger pour ces
formes les sous-familles des Protoglomerinae et des Glomereïlininae.
Comme on vient de le voir, tous les caractères utilisés pour les subdi-
visions des Glomeridae sont empruntées aux organes copulateurs et à
leurs annexes. C'est tout à fait exceptionnellement que nous avons eu
recours à un caractère des téguments. Cet exclusivisme est en harmonie
avec l'opinion que nous émettions au début que les caractères extérieurs
doivent céder le pas aux caractères sexuels ; mais il est aussi en quelque
sorte imposé par la grande monotonie de structure du revêtement externe.
Ici, la surface des téguments est unie ; pas de côtes, ni de crêtes, pas
d'excavations en fossettes ni de boursouflements, pas même de glandes
épidermiques spéciales. C'est à peine si on constate, de temps à autre,
sur le dernier tergite, des plissements en relation plus ou moins directe
avec le sexe de l'animal, ou des oscillations dans la structure des lobes de
certains tergites. Dans divers travaux Verhoeff s'est attaché à analyser
ces oscillations ; avec son talent habituel, il a signalé les variations qu'on
observe dans la forme et la position de la rainure du 2e segment et dans
le développement du lobe du tergite suivant. Mais, en raison des notions
un peu vagues que fournissent ces structures, nous considérons qu'on ne
peut leur demander que la confirmation éventuelle des coupes adoptées.
Tout autres sont les conditions lorsqn 'on aborde l'étude des Gervaisiidae.
A l'inverse de ce qui se produit pour les Glomeridae, ce sont les organes
sexuels qui offrent une frappante monotonie de structure, et ce sont,
au contraire, les téguments qui présentent des particularités aussi étranges
que variées. C'est ici que les travaux de Verhoeff, joints aux rensei-
gnements que nous avons condensés dans la première partie de ce travail,
vont porter tous leurs fruits ; c'est dans les lignes du savant allemand,
citées plus haut, que nous allons puiser des critériums pour les subdivisions
des Gervaisiidae. Ces critériums ayant été déjà suffisamment décrits,
nous nous bornerons à les énumérer, pour ne pas allonger inutilement ce
texte.
Nous proposons de diviser les Gervaisiidae en deux sous-familles,
savoir :
Gervaisiinae, avec la tribu des Gervaisiina et celle des Doderoina ;
et Adenomerinae, avec les tribus des Adenomerina et des Spelaeoglome-
rina. Les caractères distinctifs de ces coupes sont les suivantes :
GLOMERIDES 431
Gervaisiinae. — Lobes latéraux du 2e tergite creusés d'une fossette auriculaire.
Région postérieure des tergites soulevée en bourrelet transversal. Tégu-
ments semés de glandes à cupule.
Gervaishna. — Duplicatures des tergites du tronc garnies d'une rangée de
piliers duplicaturaux. Rainure du lobe latéral du 2e tergite très
courte, champ prémarginal découvert, le bord du métatergite étant
érigé en collerette. Lobes latéraux des tergites médians pourvus, en
dessous, de butoirs suprapleuraux (Suprapleurallapen)i. Région posté-
rieure, soulevée, des tergites avec des rangées transversales de verrues
surmontées d'excroissances en forme de bâtonnets ou de crêtes.
Téguments hypercalcifiés. Onze tergites. — Genre Gervaisia.
Doderoina. — Pas de piliers duplicaturaux. Rainure du lobe latéral du
2e tergite très longue ; champ prémarginal recouvert par le bord du
métatergite qui n'est pas érigé ; butoirs suprapleuraux des tergites
moyens réduits à des épaississements du bord antérieur des lobes.
Région soulevée des tergites avec des côtes longitudinales. Téguments
normaux. Douze tergites. — Genre Doderoa.
Adenomerinae. — Pas de fossettes auriculaires au 2e tergite. Région postérieure des
tergites non soulevée, au même niveau que la région antérieure, unie, sans
côtes ni verrues. Pas de glandes à cupule. — Pas de piliers duplicaturaux.
Rainure du 2e tergite plus ou moins développée, mais jamais aussi réduite
que chez Gervaisia. Pas de butoirs suprapleuraux, les épaississements qui
les remplacent sont des plus réduits. Douze tergites.
Spelaeoglomerina. — Pas de glandes épidermiques spéciales. Genres Spelaeoglo-
meris, Stygioglomeris, Geoglomeris.
Adexomerixa. — Des amas de glandes disposées transversalement en rangées
parallèles au bord postérieur des tergites et suintant une matière qui
se coagule en bâtonnets érigés. — Genre Adenomeris.
Nous ne pensons pas qu'on puisse soulever d'objections à l'ordre
adopté dans ce système. C'est aux Typhloglomeridae qu'est réservé
l'échelon inférieur en raison de la conformation simple de leurs gonopodes.
Puis vient la série des Glomeridae, avec des gonopodes de plus en
plus complexes, mais toujours composés de 4 articles. Cette série se place
ici dans le sens opposé à celui dans lequel nous l'avons examinée précé-
demment. A la base ce sont les Glomerellininae. De celles-ci, on ne connais-
sait jusqu'ici que le genre Glomerellina de Silvestri. Il en existe un autre;
Eupeyrimhoflia, dont nous devons la connaissance aux actives recherches
en Algérie de notre savant collègue et ami M. P. de Peyerimhoff, et qui
sera décrit prochainement dans d'autres pages. Il nous suffira de dire ici
que le seul représentant de ce genre est une magnifique espèce de surface,
à téguments fortement chitinisés, mesurant jusqu'à 26 mm. de long sur
(1) Pour l'origine de ces butoirs, voir plus loin page 435.
432 H. W. BROLEMANN
mm. 15.50 de large. Elle se rapproche étonnamment de Glomerellina par
la forme de ses organes sexuels et particulièrement par la division des
coxoïdes de la 18e paire de pattes du mâle. Quant à la rainure du 2e ter-
gite elle fait complètement défaut, car le bord postérieur du métatergite
se perd dans la surface du bord du prétergite au point précis où il se super-
pose à lui; par contre, il existe de robustes butoirs suprapleuraux. Enfin,
Glomerellina n'a que 11 tergites, alors que chez Eupeyerimhoffia, on
en distingue 12, le 11e étant soudé au dernier.
Au-dessus des Glomerellininae, prend place le genre Protoglomeris, à
gonopodes simples encore, mais à rainure normalement constituée ; les
butoirs font totalement défaut, et le nombre des tergites est réduit à
11. Avec les genres Onychoglomeris et Schismaglomeris des Glomerinae
apparaissent les appendices digitiformes et les sacs membraneux qui
atteignent tout leur développement chez Glomeris et Loboglomerîs.
Une place à part est certainement à réserver aux Glomeridellidae,
caractérisées par un degré d'évolution sensiblement supérieur à celui de
toutes les autres formes ; cette supériorité se traduit, on s'en souvient,
par une réduction du nombre des articles des gonopodes. Ceci
n'implique toutefois pas que nous considérons les Glomeridellidae
comme les descendants directs de Glomeris ; l'absence des appen-
dices digitiformes et des sacs membraneux paraît s'opposer à cette
conception. H est plus probable qu'elles constituent un rameau
qui s'est séparé du phyllum des Glomerinae avant que ces dernières ne
soient parvenues au degré d'évolution que nous leur reconnaissons
aujourd'hui ; et ceci expliquerait la coexistence simultanée chez les
Glomeridellidae de caractères archaïques et de caractères indiquant une
évolution nettement en progrès.
Il semblerait qu'une évolution aussi avancée dût amener à classer les
Glomeridellidae après la famille des Gervaisiidae dont les gonopodes sont
de 4 articles. Si nous n'adoptons pas cette méthode, c'est que nous
considérons que les Gervaisiidae constituent un phyllum distinct des
familles précédentes. En effet, indépendamment de l'uniformité, déjà
mentionnée, de leurs caractères sexuels qui suffit à elle seule pour grouper
ces formes, il ne manque pas, dans leur revêtement externe et dans leur
mode d'existence, d'analogies qui les rapprochent encore. Ce sont toutes
de petites espèces, ne dépassant pas 5 millimètres de longueur, dépour-
vues de pigmentation ; un bon nombre d'entre elles sont cavernicoles,
ou, ce qui revient au même, terricoles et celles qu'on recueille en surface
GLOMERIDES 433
vivent très dissimulées dans des gîtes obscurs ; leurs habitats respectifs
offrent donc une similitude indiscutable. Elles présentent souvent, notam-
ment sur le 2e tergite, des sillons nombreux, et il arrive fréquemment
que ces sillons sont doublés d'arêtes, qui se décomposent en chaînes de
granules. Toutes ont les lobes du 3e tergite (4e de Verhoeff) construits
suivant le type des Stenopleuromeris de Verhoeff, c'est-à-dire que la
zone antérieure de ce lobe est très réduite, fuyante pour ainsi dire, et
jamais anguleuse. Enfin c'est dans ce groupe que s'observent les seuls
cas connus de glandes épidermiques spéciales telles que les glandes à
cupule des Doderoa et des Gervaisia ou les glandes à sécrétions spontané-
ment coagulables comme chez Gervaisia et Adenomeris. Il est évident
que, prises isolément, ces analogies n'auraient que bien peu de valeur ;
mais si nous les groupons autour de ce critérium fondamental, qui est
l'identité de structure des gonopodes, nous obtenons un faisceau de carac-
tères dont l'homogénéité et l'importance cessent d'être négligeables.
On nous objectera peut-être que, à un groupe aussi homogène, nous
ne trouvons aucun groupement équivalent à opposer dans l'ensemble
des autres espèces de Plesiocerata ; que, même en mettant à part les
T y phloglomeridae et les Glomeridellidae , la famille principale, celle des
Glomeridae, présente des variations remarquables dans les organes sexuels
de ses représentants ; que nous n'appliquons pas une méthode unique
aux différents groupes de notre système. Nous ne croyons pas qu'une
objection de cette nature, si elle se produisait, puisse être valable car,
dans cette question, intervient un facteur important, celui de l'habitat
des espèces de chaque groupe et des conditions biologiques de leur
existence. On ne saurait trop insister, en effet, sur le fait que les Ger-
vaisiidae sont des terricoles. Toutes se trouvent donc soumises à des
conditions d'existence extrêmement uniformes. Elles sont toutes con-
damnées à un régime alimentaire identique. Pour les unes comme pour
les autres, les oscillations de température sont réduites au minimum
possible. Les variations hygrométriques elles-mêmes ne peuvent avoir
sur elles d'influence appréciable puisqu'elles peuvent se soustraire à une
deshydratation trop accentuée en gagnant dans les profondeurs du sol
des strates plus humides. Elles n'offrent donc pas prise à l'action d'un
certain nombre d'agents atmosphériques, précisément les plus impor-
tants, auxquels les formes de surface, comme les Glomeridae, sont iné-
luctablement exposées. Il ne serait donc pas logique de chercher à
faire entre les deux groupes un rapprochement comparatif, puisqu'on
434 H. W. BBÔLEMANN
ne peut comparer que des choses égales entre elles. Au reste, une objec-
tion de ce genre n'infirmerait le groupement des Gervaisiidae (tel que
nous le concevons) que si l'on voulait systématiquement méconnaître
la valeur des données fournies par la structure des organes copulateurs,
données qui, dans la classification de tous les autres groupes d'Opistho-
goneata, ont fourni de si heureux résultats.
En l'absence des indications fournies par les caractères sexuels, il
n'est guère possible de discerner, au premier abord, dans quel ordre
doivent être placées les deux sous-familles des Gervaisiinae et des Ade-
nomerinae. Heureusement les travaux de Verhoeff ont attiré l'attention
sur les dispositions fort curieuses qui ont trait à l'enroulement de ces
animaux. Grâce à lui nous savons que, chez Glomereïlina, la rainure est
très courte ; son dessin du lobe latéral du 2e tergite (Nova Acta, 1910,
fig. 3) nous la montre inférieure au quart de la longueur totale du lobe
latéral. Chez le nouveau genre Eupeyerimhofjia, elle est tellement réduite
qu'elle n'existe pas à proprement parler. Si l'on envisage que, à d'autres
points de vue, les Glomerellines sont les moins évoluées de toutes les
Plesiocerates (Typhloglomeris excepté), on est conduit à admettre que
le développement de la rainure est en rapport direct avec l'évolution de
ces êtres. Par conséquent les Gervaisia étant, de toutes les Gervaisiidae,
celles dont la rainure est la moins développée, il est naturel de les placer
à la base du groupe qui les renferme ; les Gervaisiinae se rangeront donc
au-dessous des Adenomerinae, et, dans la sous-famille des Gervaisiinae,
les Gervaisia occuperont le rang inférieur par rapport aux Doderoina.
Le même principe nous guidera dans la disposition des tribus des Ade-
nomerinae, bien qu'ici la question soit plus complexe et les données
que nous possédons soient moins concluantes.
Ayant été amenés à j)arler de la rainure du deuxième tergite, nous
ne voudrions pas abandonner ce sujet sans dire quelques mots d'une autre
structure qui est en relation étroite avec la première ; c'est celle des
butoirs suprapleuraux.
On a donné de l'apparition de la rainure une explication, tirée du
domaine de la mécanique, et qui nous paraît absolument plausible.
La faculté d'enroulement des Opisthogoneates n'a pu être réalisée sans
une forte contraction musculaire. Dès l'instant où la réduction de la lon-
gueur du corps a permis aux deux extrémités d'entrer en contact, la
contraction a eu pour résultat de faire adhérer fortement les bords des
GLOMERIDES 435
lobes latéraux des tergites moyens les uns sur les autres, et leur extrémité
sur le bord du lobe latéral du deuxième tergite, faisant fonction d'axe
central. On s'explique alors que la pression résultant de la contraction
ait produit une empreinte dans tous les points où portait l'effort mus-
culaire. Tel a été l'origine du champ prémarginal, comme l'a indiqué
Silvestri (1903, Classis Diplopoda, vol. I). Cette explication a ensuite
été mise au point par Verhoeff, qui a démontré que le deuxième tergite
est formé par la juxtaposition partielle du 3e tergite du tronc (notre méta-
tergite) sur le 2e tergite (notre prétergite), la ligne d'adhérence de ces
tergites constituant une ligne de moindre résistance. Les points où cette
ligne a été exposée aux effets de l'effort musculaire, c'est-à-dire dans les
côtés, l'empreinte a été plus accentuée et une rainure a pris naissance
sous la poussée des extrémités réunies des lobes des tergites médians.
Mais, en même temps, la contraction musculaire se faisait sentir
également sur les lobes, dont le bord postérieur chevauche le bord anté-
rieur du lobe suivant. Et, selon l'intensité de la contraction ou selon la
plasticité des téguments de l'animal, la pression réciproque des lobes
les uns sur les autres a engendré des refoulements de matière plus ou
moins importants, qui se sont traduits par les épaississements variables
que nous constatons sous le bord antérieur de chaque lobe. A ce sujet,
nous nous référons aux observations de Verhoeff (Zool. Anz, XXXIX,
n° 11-12, April 1912, p. 398) relatives à Adenomeris.
Mais ce qui n'a pas encore été exprimé, que nous sachions, c'est que
le développement de la rainure semble être en raison inverse de celle
des butoirs suprapleuraux.
Chez les Glomerellines1, en effet, la rainure est nulle ou à peu près.
Par contre, on constate, sur la face inférieure (ventrale) de chacun des
lobes des tergites moyens, une saillie parallèle au bord antérieur du lobe
dont elle est séparée par une encoche ; dans l'état de contraction de
l'animal, chacune des saillies s'accole à la saillie des lobes voisins, l'encoche
de l'une fait suite à l'encoche de l'autre, et l'ensemble constitue une gorge
dans laquelle vient buter le bord externe du deuxième tergite. De là
le nom de butoirs que nous avons donné à ces saillies, dont nous ne
connaissons d'exemple, en dehors des Glomerellines, que chez Oervaisia.
L'origine de cette disposition s'explique de la même façon que l'appa-
rition de la rainure du deuxième tergite, par l'effet de la contraction
(1) Chez Eupeyerimhoffla, la disposition, dont nous allons parler, est particulièrement accusée.
AEOH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. — T. 52. — F. 6. 30
436 H. W. BROLEMANN
musculaire. L'effort développé par l'animal a pour effet d'accoler les
lobes les uns aux autres et de faire pénétrer le bord du deuxième tergite
sous ces lobes, où ce bord détermine une empreinte et un refoulement
de matière. La différence consiste toutefois en ce que ce ne sont plus les
téguments dorsaux du lobe du deuxième tergite qui sont modelés par la
pression des lobes réunis, mais bien que ce sont les téguments de la face
ventrale des lobes qui sont modelés par la résistance que leur oppose
le bord du deuxième tergite ; en d'autres termes les lobes, au lieu de laisser
une empreinte sur le deuxième tergite, la reçoivent de lui.
Le fait que, parmi les Glomerides européens, les formes à rainure sont
dépourvues de butoirs, tend à indiquer que les deux dispositions s'excluent
l'une l'autre. On est d'autant plus volontiers porté à le croire si l'on réflé-
chit que les butoirs peuvent difficilement se former chez les espèces à
rainure. La rainure, opposant un obstacle à l'extrémité des lobes, entrave
la pénétration du bord du deuxième tergite sous ces lobes ; par suite le
refoulement de matière de la face ventrale de ces derniers ne peut se pro-
duire. La logique le veut ainsi, tout au moins ; et actuellement nous ne
connaissons pas en Europe de forme contredisant cette hypothèse, puisque
Gervaisia est dans le même cas que les Glomerellines. Il resterait à
examiner à ce point de vue les Plesiocerates exotiques, dont nous n'avons
pas actuellement de matériaux sous les yeux.
Nous ne sommes pas en mesure d'établir, à la simple inspection de ces
dispositions, quelle est celle, des butoirs ou de la rainure, qui est apparue
la première ; c'est pourquoi nous sommes encore obligés de demander
à la structure des organes sexuels la solution de la question. Comme nous
avons constaté dans les pages qui précèdent que, aux formes à pattes
copulatrices simples (Glomerellines), correspond une rainure rudimen-
taire, nous nous trouvons logiquement amenés à supposer que la dis-
position des butoirs est archaïque, et que sa présence chez Gervaisia, à
organes sexuels très évolués, est le reliquat d'un héritage ancestral.
Il nous reste encore, pour en terminer avec la classification des Ple-
siocerates, à envisager la position des formes que nous ne connaissons
que par les écrits de nos collègues, Onomeris Cook et les Rhopalomerinae
de Verhoeff.
Si nous nous en rapportons au texte de Cook (Brandtia, X, 29 juillet
1896), le deuxième tergite d'Onomeris est dépourvu de rainure et semble
avoir, comme chez Gervaisia, une fossette auriculaire. Il s'agirait donc
GLOMERIDES 437
d'une forme archaïque. La tête, avec ses dépressions séparées par une
crête médiane, rappelle celle de Doderoa, mais, d'autre part, il est dit
des pattes copulatrices qu'elles sont « provided with large flnely corru-
gated processes from the posterior face of the last two joints, in addition
to the processes from the médian face similar to those of Glomeris. »
La présence d'un prolongement au dernier article est un fait totalement
inconnu chez les Glomerides d'Europe; le fait que Cook donne ce pro-
longement comme plissé ou rugueux, implique que ce prolongement est
chitinisé et exclut la possibilité d'une confusion avec le sac membraneux
interarticulaire qui précède le dernier article. C'est pourquoi, et bien que
nous supposions que Onomeris est allié aux Gervaisia, nous pensons pré-
férable, jusqu'à plus ample informé, de conserver pour cette espèce la
famille des Onomeridae instituée par son auteur. Nous la classerons pro-
visoirement au voisinage de Gervaisia, entre les Glomeridellidae et les
Gervaisiidae, en raison de l'absence de rainure.
Vbrhoeff a compris, dans la sous-famille des Rhopalomerinae,
trois genres, Rhopalomeris, Malayomeris et Hyhoglomeris (= Nesoglomeris
Cari.) Au point de vue où nous nous sommes placés dans le présent
travail, ces genres ne paraissent avoir que de très lointaines affinités
les uns avec les autres. Rhopalomeris, avec ses antennes à 6e et 7e articles
considérablement modifiés1, mérite évidemment une place à part ;
mais d'autre part, ses gonopodes pourvus de deux appendices digitif ormes,
de deux sacs membraneux et d'un épanouissement fémoral comparable
à celui d'Onychoglomeris, trahissent une parenté avec les Glomerinae.
Y a-t-il lieu d'ériger en famille la sous-famille créé par Verhoeff pour
son genre ? Nous pensons que cette modification serait prématurée et nous
laissons subsister cette coupe telle qu'elle est, en lui assignant provi-
soirement une place entre les Protoglomerinae et les Glomerinae.
Par contre les autres genres, pourvus d'antennes normales, ne peuvent
pas, d'après nous, rentrer dans les Rhopalomerinae où les a laissés
Verhoeff influencé par leur répartition géographique. Malayomeris est
sans doute un genre aberrant, à en juger par la structure de ses gonopodes,
et nous ne nous hasarderons pas actuellement à lui assigner une place,
même provisoire.
Hyhoglomeris (Nesoglomeris Carl.) nous réserve une surprise. Les
figures que donnent des gonopodes Carl (Rev. Suisse Zool., XX, n° 4,
(1) Voir les figures qu'en a donné Verhoeff (il Aufsatz, Sitzber. Ges. naturf. Freunde, Berlin, Jahrg. 1910,
n° 5, pi. IX, flg. 8 et 9).
438 H. W. BRÔLEMANN
mai 1912, pi. 6, fig. 36) et Verhoeff (loc. cit., 1910, pi. IX, fig. 1 à 3),
ainsi que le texte de Verhoeff (ibid., p. 247) ne laissent subsister aucun
doute sur l'identité de structure de ces organes avec ceux des Gervaisiidae ;
la seule différence que nous puissions relever est l'existence d'un troi-
sième appendice digitiforme au tibia ou, plus exactement, de la soie
apicale qui le représente. Cette particularité, qui n'a pas en elle-même
une importance considérable, justifierait d'autant moins l'éloignement
de Hyleoglomeris des Gervaisiidae, que tous les autres caractères, minu-
tieusement notés par Verhoeff, concordent avec ceux des formes
européennes de ce groupe : pigmentation peu accusée, structure du
lobe du 3e segment, nombreux sillons du 2e tergite. Nous y voyons
les représentants asiatiques des Gervaisiidae, et nous rangerons provi-
soirement ce genre dans la tribu des Spelaeoglomerina, à côté des
genres à téguments unis et dépourvus de glandes épidermiques spéciales.
Pour résumer ce qui précède, nous exprimons par le tableau suivant
la classification des Plesiocerata, telle que nous la concevons aujourd'hui.
Plesiocerata
lre Fam. TYPHLOGLOMERIDAE Typhloglomeris
2e Fam. GLOMERIDAE
lre Sous-fam. Glomerellininae Eupeyerimhofiia
Glomerellina
2e Sous-fam. Protoglomerinae Protoglomeris
3e Sous-fam. Rhopalomerinae Rhopalomeris
4e Sous-fam. Glomerinae Onychoglomeris
Schismaglomeris
Haploglomeris
Glomeris
Loboglomeris
Incertae sedis : Malayomeris
3e Fam. GLOMERIDELLIDAE Glomeridella
4e Fam. ONOMERIDAE Onomeris
GLOMERIDES 439
5^ Fam. GERVAISIIDAE
lre Sous-fam. Gervaisiinae
lre Tribu Gervaisiina Gervaisia
2e Tribu Doderoesta Doderoa
2e Sous-fam. Adenomerinae
lre Tribu Spelaeoglomerina Hyleoglomeris
Spdaeoglo?neris
Geoglomeris
Stygioglomeris
2e Tribu Adenomerina Adenomeris
2. ZOOGÉOGRAPHIE
La répartition géographique des Glomerides des récoltes biospéolo-
giques ne donne lieu qu'à peu d'observations.
Les Plesiocerata sont caractéristiques de la faune paléarctique. En
Amérique on n'en connaît qu'un représentant, Onomeris ; encore n'est-il
pas prouvé qu'il ne s'agisse pas d'une espèce importée1. Elles existent,
au contraire, sur le continent asiatique, et, si le nombre qu'on a signalé
jusqu'ici est restreint, cela tient évidemment à ce que les recherches
n'ont pas été poussées aussi activement là que sur le continent européen,
qui compte le plus grand nombre de formes et de variétés. Il est donc
tout naturel que ce soit à l'est que nous cherchions l'origine de notre
faune occidentale.
La caractéristique de notre faune française, occidentale, peut s'expri-
mer en deux mots : pauvreté en formes de Glomeris pr. d., et abondance
relative de formes spéciales. Cette caractéristique s'accorde parfaitement
avec la théorie, que nous avons déjà exposée d'autres fois, qui veut que,
à mesure que l'on s'éloigne des continents ou des régions constituant le
centre d'élection d'un groupe, et notamment sur les confins de ce centre,
les individus qui représentent ce groupe accusent un degré d'évolution
différent et généralement moins avancé.
La faune de surface de l'Europe centrale est en très grande majorité
(1) Nous mentionnerons, à ce propos, que dans une petite récolte qui nous a été envoyée <Io l'Etat de New-
York, nous avons trouvé, à côté de Pseudopolydesmus canadensis, Paraiulus penmilvanicus, Bothropolys multi-
denttttus, espèces autochtones, plus de 50 % de formes européennes telles que Polydesmus eoriaeeus, Cylindroiulut
londinensis, Lithobius forficatus, Cryptops hortensii paueiporus, Schendyla nemorensis, etc. Il n'y aurait donc rien
de surprenant à ce que Onomeris fut dans le cas de ces dernières espèces.
440 H. W. BROLEMANN
composée d'espèces de Glomeris pr. d. et de leurs innombrables variétés ;
c'est donc évidemment là qu'il faut chercher le centre d'élection des
Glomeris ; Glomeris est la forme fondamentale, représentant un état
d'évolution avancé. Il n'y a par conséquent rien de surprenant à ce que,
sur les confins du centre d'élection, le long du littoral méditerranéen, dans
les Pyrénées et dans la presqu'île ibérique, le type Glomeris pur soit mal
représenté, ou soit représenté par des formes ubiquistes (G. marginata,
G. connexa) ; rien de surprenant non plus à ce que nous constations la
présence de formes spéciales, généralement moins évoluées (Glome-
rellines, Onychoglomeris, S chisma glomeris) ou à évolution irrégulière
(Protoglomeris).
Le peu que nous savons des Glomeridellidae est en harmonie avec ce
qui précède, puisque, à l'heure actuelle, trois formes ont été décrites de
l'Europe centrale tandis qu'une seule est connue de France.
Il est vrai que, dans ce même ordre d'idées, on peut s'attendre à ce
que la faune de l'Espagne et du Portugal nous réserve encore des sur-
prises. Néanmoins, et toujours parlant des formes de surface, on peut
considérer que l'interprétation de l'origine et de la composition de notre
faune occidentale ne présente pas de difficultés.
En ce qui concerne les formes terricoles, les Gervaisiidae, la solution
de la question paraît plus compliquée. U faut en chercher la raison dans
ce fait que nous avons à faire à un groupe vivant dans des conditions
biologiques particulières, et que ce facteur, dont les effets sont encore
peu connus, intervient nécessairement pour dérouter nos apprécia-
tions.
On pourrait, en calquant le raisonnement précédent, imaginer que les
Gervaisia, ayant leur habitat d'élection en Europe centrale, comme
les Glomeris, sont des formes fondamentales, et que les Adenomerinae
ne représentent que les degrés d'évolution caractéristiques des formes
de confins. Malheureusement, nous avons été arnsnés à considérer les
Adenomerinae comme plus évoluées que les G /vaisia, ce qui serait en
contradiction avec ce que nous voyons se produire dans des cas sem-
blables, où les formes de confins ont des caractères généralement plus
archaïques que les formes fondamentales. D'autre part, il est difficile
d'admettre les Gervaisia comme des formes fondamentales, par suite de
leur habitat exclusif sur des terrains déterminés. Il faut aux Gervaisia,
pour prospérer, un terrain très chargé en calcaire ; et cet exclusivisme
s'accorde mal avec l'idée qu'on peut se faire d'une forme qui doit s'accom-
GLOMEMDES 441
moder de toutes les conditions d'un centre d'élection pour y réaliser son
plus complet développement possible.
L'hypothèse que nous venons d'énoncer ne nous fournissant pas
une explication satisfaisante, quant à la répartition géographique des
Gervaisiidae, nous aurions laissé cette question en suspens, sans cher-
cher à la résoudre, si la connaissance des Hyleoglomeris d'Asie ne nous
mettait sur la voie d'une autre hypothèse, qui semble plus conforme à la
réalité. Cette nouvelle hypothèse peut se résumer de la façon sui-
vante :
Il a existé, dans des temps lointains, sur le continent paléarctique
asiatico-européen, deux phyllums de Plesiocerata, l'un à tendance luci-
cole, l'autre à tendance obscuricole. Sur le continent européen, le premier,
plus résistant aux agents extérieurs, a survécu aux événements géolo-
giques et a continué à se perpétuer en surface, constituant le groupe des
Glomeridae que nous retrouvons aujourd'hui. L'autre phyllum, qui
s'accommodait moins des conditions de surface, n'a dû de survivre et de
prospérer qu'à ses habitudes terricoles qui lui ont permis de chercher le
salut dans les couches du sol ; et ce sont les représentants de ce phyllum
que nous retrouvons disséminés dans les grottes ou enfouis dans l'humus,
et que nous groupons dans la famille des Gervaisiidae.
Sur le continent asiatique, ces deux phyllums persistent également ;
l'un a conservé sa tendance obscuricole et présente encore les caractères
sexuels des Gervaisiidae, c'est Hyleoglomeris. L'autre phyllum existe
certainement encore et c'est, sans doute, à lui qu'appartiennent les
formes de surface signalées de-ci de-là par les auteurs, telles que Glomeris
carnifex Poe. et Glomeris smewsis Brôl., et peut-être aussi Malayomeris
Verh. Rhopalomeris pourrait constituer un autre rameau du phyllum
Glomeris, inconnu sur le continent européen.
Nous nous abstiendrons d'insister sur cette question qui est destinée
à rester dans le domaine de l'hypothèse jusqu'à ce que des éléments
d'appréciation nouveaux aient pu être puisés dans la composition de la
faune asiatique.
Il nous reste à mentionner deux observations spéciales au massif
pyrénéen. Les récoltes biospéologiques contiennent deux espèces caver-
nicoles du versant septentrional de nos montagnes, qui toutes deux
appartiennent au genre Spelaeoglomeris pr. d. Il importe de souligner
que la répartition de ces deux formes correspond aux régions géogra-
442 H. W. BROLEMANN
phiques superficielles dont nous avons eu occasion de parler ailleurs1.
Sp. Doderoi est la forme de la faune occidentale ; Sp. Jeanneli la forme
de la faune centrale. Doderoi aurait sensiblement la même limite géogra-
phique que Cylindrohdus sagittarius et Micropodoiidus spathifer, et ne
dépasserait pas, vers l'orient, la vallée de la Neste. Sp. Jeanneli n'est
encore connu que des vallées secondaires situées à l'est de la vallée de
la Garonne. Cette répartition vient donc en confirmation de la division
zoogéographique des Pyrénées suivant une ligne hypothétique passant
aux environs du sommet du Viscos.
Le second point à signaler a trait aux divers degrés d'évolution des
espèces le long de la chaîne pyrénéenne. Dans l'étude que nous avons
publiée en 1910 (Bull. Soc. Hist. nat., Toulouse, XLIII, n° 2, p. 77) des
races et variétés du Polydesmus gallicus, nous avons mentionné le fait
que la race atlantica, qui peuple la région occidentale de la chaîne, présente
par rapport aux autres races de l'Orient, des caractères archaïques sous
forme de vestiges d'articulations dans les gonopodes (crête de la courbure
externe de l'organe), vestiges qui disparaissent à mesure qu'on s'avance
vers l'Orient. Une observation tout à fait analogue peut être faite chez
les individus de Sp. Doderoi. Nous avons signalé plus haut (p. 401) que,
chez la variété iluronensis, l'article apical de la 18e paire de pattes est
long et offre fréquemment des vestiges de division, et à mesure que l'on
gagne les gîtes orientaux la longueur de l'article tend à diminuer et les
traces de divisions disparaissent complètement. La grande longueur
de l'article envisagé et ses vestiges de division sont essentiellement d'ordre
archaïque. La succession de ces variations de l'ouest à l'est sont donc
parfaitement en harmonie avec la succession des variations des gono-
podes de P. gallicus. Une autre structure pourrait fournir des indications
identiques, c'est celle des épanouissements latéraux des coxoïdes des
pattes ambulatoires, qui semblent de plus en plus développés vers
l'Orient (cf. p. 403) ; toutefois les observations que nous avons pu faire
relativement à cette structure sont encore trop vagues pour que nous
puissions en tirer des conclusions positives. Bien que nous disposions de
deux faits précis, nous nous abstiendrons, pour aujourd'hui, d'en cher-
cher l'explication, attendant que de nouveaux documents viennent
confirmer la notion de la règle dont nos deux observations semblent
révéler l'existence.
(1) Biospeologica, XVII ; Arch. Zool. exp., XLV, n° 7, 1910, p. 368 et s.s.
GLOMERIDES 443
EXPLICATION DES PLANCHES
Signes conventionnels.
en = Coxoïde.
di 1 = Appendice digitiforme du préfémur des pattes copulatrices.
di 2= Appendice digitiforme du fémur des pattes copulatrices.
/ = Fémur.
nt = Nodosité postéro-interne du bord du tibia des pattes copulatrices.
pi = Pleurite.
pf = Prolongement fémoral.
prf = Préfémur.
sco = Syncoxite.
sf = Sac membraneux fémoral des pattes copulatrices.
st — Sac membraneux tibial des pattes copulatrices.
ta = Tarse.
ti = Tibia.
/, 77, ... VI = Côtes longitudinales des tergites de Doderoa genuensis.
PLANCHE XV
Glomeris sublimbala LUCAS.
Fig. 1. Lobe latéral du 3e tergite. — d, bord interne de la duplicature ; ra, région antérieure du lobe.
Doderoa genuensis SlLVESTRI.
FIG. 2. L'animal à demi enroulé.
Fig. 3. Partie du 2e tergite vu par sa section antérieure, après ablation de la tête et du 1er tergite. — r, rainure ;
ra, région antérieure.
FlG. 4. Lobe latéral du 2e tergite. — ra, région antérieure du tergite ; rm, région moyenne ; rp, région posté-
rieure ; x, callosité anormale.
Fig. 5. 1" tergite. — d, bord interne de la duplicature. (Les ponctuations indiquent l'emplacement des crins
sur une partie de la figure).
Fig. 6. 7e tergite, face dorsale. — ra, région antérieure ; rm, région moyenne ; rp, région postérieure, avec les
côtes longitudinales : / à VI.
Fig. 7. Lobe latéral du 7e tergite. (Mêmes lettres que dans la figure précédente.)
Fig. 8. Portion très grossie des arêtes du 7e tergite, montrant leur structure noduleuse. — c, crins.
Fig. 9. Trois glandes à cupule du 7e tergite, très grossies.
Fig. 10. Dernier tergite vu par la face dorsale de l'animal.
Fig. 11. Capsule céphalique vue de face (le bord du labre est brisé). — A, cavité antennaire ; T, organe de
Tômôsvâry ; dl, dépression latérale ; cm, crête médiane ; et, crête transversale postérieure ; cl, crête
latérale ; 6, bandeau ; eh, cicatrice hypopharyngienne.
Fig. 12. Capsule céphalique vue par dessous après ablation des pièces buccales. — A, cavité antennaire ; d, bord
interne de la duplicature ; ad, arête duplicaturale ; ep, épipharynx.
Fig. 13. Gnathochilarium.
Fig. 14. Antenne.
Fig. 15. Une patte de la 17e paire du <3 .
Fig. 16. Syncoxite et une patte de la 18e paire du Cf.
Fig. 17. Pattes copulatrices, face antérieure. — m, feuillet hyalin reliant la base des cornes du syncoxite, aux
soies duquel adhèrent quatre spermatophores, deux sur chaque face.
PLANCHE XVI
Spelaeoglomeris Doderoi SlLVESTRI.
Fig. 18. Patte copulatrice, face antérieure, d'un maturus senior de la var. typica.
FlG. 19. Patte copulatrice, face antérieure, d'un maturus junior de la var. iluronensis.
Fig. 20. Extrémité du télopodite, face antérieure, d'une patte copulatrice de var. intermedia.
Fig. 21. Extrémité du télopodite, face postérieure, d'une patte copulatrice de var. iluronensis.
Fig. 22. Syncoxite et patte de la 18e paire d'un Cf de la var. typica de Labastide.
Fig. 23. Le même organe de la var. typica de Judeous.
444 H. W. BROLEMANN
Fig. 24. Le même organe de la var. intermedia du Bedat.
Fio. 25. Le même organe de la var. intermedia d'Izeste.
Fig. 26. Le même organe d'un maturus senior de la var. iluronensis.
Fig. 27. Le même organe d'un maturus junior de la var. iluronensis.
Fig. 28. Une patte de la 17e paire d'un cf de var. typica de Labastide.
FlG. 29. Le même organe de var. typica de Judeous.
Fig. 30. Le même organe de var. intermedia du Bedat.
Fig. 31. Les télopodites de la paire précédente, plus grossis.
Fig. 32. Une patte de la 17e paire d'un cf de var. intermedia de Bétharram.
FlG. 33. Pattes de la 17e paire d'un cf de nmturus senior de var. iluronensis.
Fig. 34. Mêmes organes d'un nmturus junior de var. iluronensis.
Fig. 35. Coxoïde de la 10e paire de pattes d'un cf de var. typica de Judeous.
PLANCHE XVII
Spelaeoglomeris uoueroi Silvestei.
Fig. 36. Une patte de la 10e paire d'un cf de var. intermedia, de Bétharram.
Fig. 37. Coxoïde d'une patte de la 10e paire d'un cf de var. intermedia d'Izeste
Fig. 38. Le même organe d'un autre individu cf de var. intermedia d'Izeste.
Fig. 39. Patte copulatrice d'un pseudomaturus de var. iluronensis.
Fig. 40. Syncoxite et patte de la 18e paire d'un pseudomaturus de var. iluronensis.
Fig. 41. Pattes de la 17e paire d'un cf pseudomaturus de var. iluronensis.
FlG. 42. Lobe latéral du 2e tergite, figure cokrecte. — a, extrémité postérieure de la rainure ; d, bord interne de
la duplicature.
Fig. 43. Lobe latéral du 2e tergite, figure faussée par la compression de la préparation. (Mêmes indices que
ci-dessus.)
Fig. 44. Lobe latéral du 3e tergite.
Fig. 45. Lobe latéral du 6e tergite.
Fig. 46. Lobe latéral du 9e tergite.
Fig. 47. Lobe latéral du 11e tergite.
Spelaeoglomeris Jeanneli, n. sp.
Fig. 48. Portion de la capsule céphalique vue par l'extérieur. — A, cavité antennaire ; T, organe de Tômôsvâry ;
ch, cicatrice hypopharyngienne.
Fig. 49. Les deux pièces apicales de droite du guathochilarium, très grossies.
Fig. 50. Lobe latéral du 2e tergite.
Fig. 51. Lobe latéral du 3e tergite.
Spelaeoglomeris alpina, n. sp.
FlG. 52. Capsule céphalique vue par l'extérieur. — A, cavité antennaire ; T, organe de TômÔ5vâry ; ch, cicatrice
hypopharyngienne.
Fig. 53. Antenne.
Fig. 54. Lobe latéral du 2e tergite. — a, extrémité postérieure de la rainure ; d, bord interne de la duplicature.
Fig. 55. Patte de la 10e paire d'un Cf.
Fig. 56. Coxoïde d'une patte de la 10e paire d'une 9-
PLANCHE XVIII
Spelaeoglomeris alpina, d. sp.
Fig. 57. Une patte de la 17e paire du cf.
Fig. 58. Syncoxite et patte de la 18e paire du Cf.
FlG. 59. Extrémité du télopodite d'une patte copulatrice, face postérieure.
Spelaeoglomeris hispanica, n. sp.
Fig. 60. Capsule céphalique vue par l'extérieure. — A, cavité antennaire ; T, organe de Tômôsvâry ; ch, cicatrice
hypopharyngienne.
Fig. 61. Antenne.
Fig. 62. Lobe latéral du 2e tergite d'une Ç . — a, extrémité postérieure de la rainure ; [d, bord interne de la
duplicature.
FlG. 63. Lobe latéral du 2e tergite d'un cf. (Mêmes indices.)
GLOMERWES 445
Fia. 64. Lobe latéral du 3e tergite, sur une partie duquel ont été figurés les crins.
Fig. 65. Silhouette des trois tergites postérieurs.
Fig. 66. Coxoïde d'une patte de la 10e paire.
Fig. 67. Une pat.te de la 17e paire du cf-
Fig. 68. Syncoxite et patte de la 18e paire du Cf.
Fig. 69. Patte copulatrice, face antérieure.
Fig. 70. L'une des cornes du syncoxite des pattes copulatrices, montrant la pilositt
FIG. 71. Extrémité d'un télopodite des pattes copulatrices, face postérieure.
Stygioglomeris Duboscqui, n. sp.
Fig. 72. 1er tergite, sur une partie duquel ont été figurés les crins.
Fig. 73. Lobe latéral du 2e tergite. — a, extrémité postérieure de la rainure ; d, bord interne de la aupncature_
Fig. 74. Lobe latéral du 3e tergite.
Fig. 75. Lobe latéral du 6e tergite.
Fig. 76. Lobe latéral du 10e tergite.
Fig. 77. Lobe latéral du 11e tergite.
FlG. 78. Portion de la capsule céphalique, vue par dessous, après ablation des pièces buccales. — A, cavité
antennaire ; T, organe de Tomôsvâry.
Fig. 79. Autre portion, plus grossie, de la capsule céphalique, montrant l'épipharynx (ep) et l'écartement des
cavités antennaires (A).
PLANCHE XIX
Stygioglomeris Duboscqui, n. sp.
Fig. 80. Gnathochilarium.
Fig. 81. Antenne.
FlG. 82. Une patte de la 17e paire d'un cf de Maïagar.
Fig. 83. Les télopodites de la même paire, plus grossis.
Fig. 84. Pattes de la 17e paire d'un d* du Château d'Ebbou.
Fig. 85. Coxoïde et patte de la 18e paire d'un cf de Maïagar.
Fig. 86. Patte copulatrice d'un cf du Château d'Ebbou, face antérieure. — ■ m, feuillet hyalin.
Fig. 87. Extrémité du télopodite des pattes copulatrices d'un cf du Château d'Ebbou, face postérieure.
Fig. 88. Coxoïde d'une patte de la 10e Daire.
Stygioglomeris provinciales, n. sp.
Fig. 89. Patte copulatrice, face antérieure. — m, feuillet hyalin.
Fig. 90. Patte de la 17e paire du cf.
Fig. 91. Télopodites des mêmes pattes, plus grossis.
Fig. 92. Syncoxite et patte de la 18e paire.
Fig. 93. Patte copulatrice d'un cf pseudomaturus.
Fig. 94. Pattes de la 17e paire d'un cf pseudomaturus.
Fig. 95. Pattes de la 18e paire d'un cf pseudomaturus.
Stygiojlymeris crinita, n. sp.
FlG. 96. L'animal déroulé, vu de profil.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 447 à 471, pi. XX.
2« Octobre 1913
RECHERCHES
SUR L'ANATOMIE DES REINS DU
COÏTUS GOBIO
FRÉDÉRIC GUITEL
Professeur à la Faculté des Sciences de l'Université de Rennes
AVANT-PROPOS
I. ANATOMIE EXTERNE.
448
A. Conformation générale (p. 448). — B. Rapports avec le squelette (p. 451). — C. Corpuscules de
Stannius (p. 452).
II. Anatomie interne 454
A. Pronéphros (p. 454). — B. Masse lyrnphoïie rénale (p. 459). — C. Régression du pronéphros (p. 460).
— D. Mésonéphros (p. 462). — E. Calculs (p. 463). — F.Gros troncs veineux (p. 464). — G. Rapports
des uretères avec les veines cardinales (p. 465).
III. Particularités concernant ia reproduction 4eô
A. Maturité sexuelle (p.466). — B. Ponte (p. 468). — C. Orifices sexuels (p. 468).
IV. Technique: 4e8
Index bibliographique 47°
Explication de la planche XX 4?1
AVANT-PROPOS
Dans une note parue aux Comptes rendus de 1908,après avoir décrit la
disposition qu'affecte le pronéphros chez certains Callionymus et Gobius,
j'ajoutais :
« Dans un certain nombre d'autres Téléostéens, nous n'avons pu encore
« pratiquer d'injections dans le but de déterminer le domaine exact du
« peloton pronéphrétique ; mais nous avons pu constater la persistance
« du glomérule du pronéphros, ce qui entraîne nécessairement l'intégrité
« du canal qui lui fait suite. Les espèces dans laquelle cette constatation a
« été faite sont les suivantes : Cottus gobio L ; bubalis Euphrasén; Aspi-
« dophorus cataphractus Shonevelde, Trachinus vipera Cuvier, Blennius
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET QÉN. — T. 52. — F. 7. 31
448 FREDERIC GUITEL
« pholis L ; Centro?iotus gunndlus Willughby et Atherina presbyter Duha-
« mel ».
Contrairement à ce que je pensais lors de la rédaction de ces lignes, la
persistance du glomérule du pronéphros n'implique nullement l'intégrité
du canal pro néphrétique.
Le but de ce travail est précisément de mettre ce fait important en
relief chez le Cottus gobio et de décrire les particularités de structure mises
en évidence par les injections colorées poussées dans le système des cani-
cules rénaux.
I. ANATOMIE EXTERNE
A. Conformation générale
Les deux reins sont soudés sur environ les deux tiers postérieurs de
leur longueur (fig. i et fig. 1 et 2). Le point où ils se séparent est situé au
niveau du cinquième corps vertébral ou à la hauteur du cinquième
ligament intervertébral.
La partie libre du rein droit se trouve exactement dans le prolongement
de la masse formée par la soudure des deux reins. La partie libre du rein
gauche, au contraire, se détache de la masse rénale comme si elle n'en
était qu'un appendice et elle est reliée à la masse principale par un
isthme (fig. 2 i) très étroit, affectant la forme d'une mince lamelle située,
soit au niveau du cinquième corps vertébral, soit au niveau du cinquième
ligament intervertébral ainsi qu'il a été dit plus haut.
La masse formée par la soudure des deux reins se dilate progressive-
ment d'avant en arrière, aussi bien dans le sens latéral que dans le sens
dorso-ventral ; mais à une courte distance de son extrémité postérieure
elle se rétrécit très rapidement pour se terminer peu après.
Dans la région où les deux reins sont ainsi intimement soudés, leur face
dorsale ne subit aucune déformation. Il n'est en pas de même dans la
partie de leur trajet où ils restent loin l'un de l'autre.
Chaque rein débute antérieurement par une région dont la forme est
assez variable mais qui, très souvent, affecte celle d'un lobe grossièrement
quadrilatère que nous appellerons « lobe subquadrangulaire » (Isq, lsq\
fig. 1 et fig. 1 et 2) rattaché postérieusement au reste de la glande par
une très mince lame de tissu rénal située ventralement.
La partie qui fait suite à celle que nous décrivons ayant à peu
près la même épaisseur que cette dernière, il en résulte, au niveau de la
J1EINS DU COTTUS
449
mince lame rénale,
l'existence d'un très
profond sillon dor-
sal (si fig. 1 et 2)
disposé transversa- e
lement, dans lequel
se trouvent logés
l'artère sous-claviè-
re1 (asc) et le puis-
sant ligament ver-
tébro - claviculaire 2
(étendu entre le
corps de la première
vertèbre et la face
interne de la supra-clavicule ven-
trale) qui se croisent là sous un
angle aigu.
En arrière du sillon profond, dont
il vient d'être question, se trouve
une région qui va s'accoler à la ré-
gion correspondante du rein opposé.
1. Le sillon en question (sflg. 1) contient en outre un
nerf spinal dont je n'aipas déterminé le numéro d'ordre.
2. Il arrive aussi que le ligament en question se loge
dans un sillon transversal situé immédiatement en
arrière de celui que nous décrivons (s2 fig. 1). Dans cer-
tains individus, on trouve deux ligaments : l'un d'eux
est logé dans le premier sillon (antérieur) ; l'autre dans
le second.
Fig. I. Les deux reins d'un Cottus gobio femelle adulte de
95 mm.de longueur totale vus par la face dorsale.
àb, veines branchiales ; ac, artère cceliaque ;
ad, anse directe du pronéphros ; ao, aorte ; apd,
artère pro néphrétique gauche ; app, appendice
rénal droit ; ar, anse pronéphrétique récurrente ;
asc, artère sous-clavière droite ; at, anse trans-
versale du pronéphros ; cS et cS', corpuscules
de Stannius ; gpd, glomérule pronéphrétique et
capsule de Browmann gauches ; gpg, glomérule
pronéphrétique droit ; 1, V limites antérieures
dans les deux reins de l'extension des canali-
cules du mésonéphros. En avant de ces traits,
le rein ne comporte plus que le canal segmen-
taire traversant une masse considérable de tissu
lymphoide ; Isq, Isq', lobes subquadrangulaires
droit et gauche ; s, sillon destiné à loger l'art tri'
sous-clavière, une paire de nerfs spinaux et le
ligament vertébro-claviculaire ; u, uretères. Gros-
sissement 7 diamètres.
450 FREDERIC GU1TÈL
Du côté gauche, elle est à peu près triangulaire et se termine en arrière
par la mince lame transversale incurvée à droite constituant l'isthme
qui a été décrit précédemment.
Du côté droit, elle est au contraire grossièrement trapézoidale et se
continue par sa base la plus petite avec la masse commune des deux reins.
Ces deux régions sont creusées chacune de deux sillons^transversaux de
profondeur très inégale, l'antérieur (s2) étant beaucoup plus enfoncé que
le postérieur (53 ).
Ils donnent passage à des nerfs spinaux et il arrive quelquefois que le
plus antérieur (qui est aussi le plus profond) se ferme complètement du
côté dorsal de manière à se transformer en un canal grâce auquel le nerf
spinal perfore entièrement le rein de dedans en dehors.
En résumé, la face dorsale des reins est marquée de trois sillons trans-
versaux dont les deux plus antérieurs sont très profonds, le postérieur au
contraire superficiel. Ces trois sillons déterminent sur la face dorsale du rein
deux bourrelets (sans compter bien entendu la région tout à fait antérieure
sub-quadrangulaire précédemment décrite) transversaux.
Or, ces bourrelets peuvent (surtout le plus antérieur) se trouver
subdivisés en deux ou même en trois parties par un ou deux très courts
sillons longitudinaux.
Il peut arriver en outre que le bourrelet postérieur s'étale largement
d'arrière en avant au-dessus du sillon moyen et même au dessus du sillon
antérieur de manière à le recouvrir en tout ou en partie.
Toutes ces dispositions, d'ailleurs très variables d'un individu à l'autre,
peuvent compliquer beaucoup l'état de la face dorsale de la partie anté-
rieure des reins ; mais il est rare qu'elles ne puissent pas se ramener au
schéma dans lequel j'ai essayé de les faire entrer.
Pour compléter cette description des caractères extérieurs des reins
du Cottus gobio il faut encore mentionner la partie appendiculaire que
l'on rencontre toujours chez l'animal non encore adulte et qui persiste
très fréquemment chez l'adulte {app, app\ fig. 1 et fig. 1 et 2).
Le lobe subquadrangulaire par lequel débute le rein antérieurement, émet
en effet sur son bord interne un appendice qui, en se portant transversa-
lement en dedans, se met bientôt en rapport avec le carrefour artériel
dans des conditions que nous préciserons plus loin1. Pour l'instant, il
nous suffira de dire que cet appendice porte à son sommet un glomérule
1. Il peut arriver que cet appendice soit greffé sur le bord interne de la mince lamelle qui réunit le lobe subqua-
drangulaire au bourrelet qui lui fait suite caudalement.
REINS DU COTTUS 451
pronéphrétique relié au carrefour artériel par une fine artériole (fig. i,
gpg. gpd).
L'appendice du rein gauche (app) est presque toujours plus développé
et même souvent beaucoup plus développé que celui du rein droit (app')
Cependant, dans certains individus, les deux appendices sont égaux et
dans quelques cas très rares c'est le droit qui surpasse le gauche.
L'appendice rénal est presque toujours plus large à son insertion sur
le rein qu'à son extrémité interne en rapport avec le carrefour artériel ;
mais il peut présenter de brusques rétrécissements susceptibles d' affecter
une région quelconque de son trajet de telle sorte que sa forme, qui est
typiquement celle d'un cône plus ou moins allongé, peut subir d'assez
grandes variations.
B. Rapports avec le squelette
Les reins sont reliés au squelette sus-jacent par un tissu conjonctif
lâche, peu résistant, ce qui facilite singulièrement l'extraction de ces
organes. Le squelette ne laisse aucune impression sur la face dorsale des
reins. Les sillons que nous avons décrits plus haut sont tous destinés au
logement de ligaments, d'artères et de quelques-uns des nerfs spinaux.
La partie postérieure des reins est sensiblement médiane dans la
majeure partie de sa longueur ; mais à une petite distance du point où
les deux organes cessent d'être accolés, elle commence à se porter du côté
droit, pour se continuer avec le rein droit franchement rejeté du même
côté de l'épine dans une position à peu près symétrique de celle du rein
gauche.
La région du carrefour artériel, et par suite celle des deux glomérules
pronéphrétiques, est toujours située en avant du premier ligament inter-
vertébral sur la face ventrale de la région postérieure du crâne.
La distance qui sépare les deux glomérules pronéphrétiques du premier
ligament intervertébral est assez variable. Elle peut devenir égale à la
longueur du corps de la première vertèbre mais cela arrive rarement,
généralement elle est plus courte que celui-ci et dans bien des cas équi-
vaut seulement à ses trois cinquièmes.
Comme l'appendice qui porte le glomérule pronéphrétique se greffe sur
le bord interne du rein à une certaine distance de son extrémité anté-
rieure, il résulte évidemment de ce qui précède que les reins dépassent
antérieurement et d'une quantité notable le niveau du premier ligament
intervertébral. La quantité dont ces organes dépassent ainsi antérieu-
452 FREDERIC GUITEL
rement le premier ligament intervertébral est sensiblement égale à la
longueur de l'ensemble des corps des deux premières vertèbres. La diffé-
rence se mesure le plus souvent par une fraction de millimètre en plus ou
en moins.
On peut encore présenter les choses d'une autre manière et dire que les
reins dépassent en avant le niveau du premier ligament intervertébral
d'une quantité égale ou un peu supérieure à la longueur de la région que
nous avons appelée « lobe subquadrangulaire » et qui termine le rein tout
à fait antérieurement.
Enfin le carrefour artériel peut se trouver situé dans le plan de symétrie
de l'animal ; mais il peut aussi arriver qu'il soit rejeté du côté droit d'une
quantité assez considérable pour rendre la partie initiale de l'artère cœ-
liaque tangente à la face latérale droite de l'occipital basilaire.
C. Corpuscules de Stannius
Css corpuscules1 sont situés à la partie tout à fait postérieure
des reins, généralement sur le bord postérieur tranchant de la masse
que forment les deux organes intimement accolés (fig. I et fig. 1 et 2
cS, aSP).
Quand ils n'occupaient pas cette position (ce qui est arrivé rarement),
ils se trouvaient situés tout à fait près du bord postérieur des reins ou,
encore plus exceptionnellement, à une certaine distance en avant de ce
bord et alors sur le bord externe de ces organes. La figure donnée par
Vincent (1897) des « corps suprarénaux » du Cottus gobio représente une
disposition qui doit être très rare, car je ne l'ai jamais rencontrée.
Dans quatre individus mâles j'ai trouvé chez trois exemplaires deux
corpuscules et dans le quatrième trois.
Dans vingt-cinq individus femelles, deux possédaient un seul corpus-
cule, dix-huit en avaient deux, trois en avaient trois et enfin deux seu-
lement en comptaient quatre.
On voit donc que environ 68 % des individus examinés possédaient
deux corpuscules de Stannius.
La forme de ces corpuscules est généralement assez régulièrement
ovoide.
1. Je n'ai pas d'observations concernant l'histologie des petits corps décrits ici comme corespondant aux Corpus-
cales de Stannius ; mais les rapports de position, le nombre et les dimensions de ces organes ne peuvent guère
laisser de doute sur leur homologie.
REINS DU COTTUS 453
Quant à leurs dimensions, nous nous bornerons à citer les exemples
suivants :
1° Dans une femelle de 98 millimètres de longueur, il y avait deux
corpuscules mesurant le premier 1.100 \i sur 785, le second 930 p sur 885.
2° Dans une seconde femelle de 87 millimètres, l'un des corpuscules
mesurait 575 p sur 465 et l'autre 465 sur 275.
3° Enfin dans une troisième femelle longue de 87 millimètres, il y avait
trois corpuscules mesurant respectivement 805 y. sur 500 ; 575 sur 555 et
675 sur 565.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour me défendre contre un
reproche injustifié d'AuDiGÉ (1910) :
Dans mon travail sur les « Reins des Gobiesocidés » (1906) j'ai décrit
sous le nom de « Capsules surrénales » imitant en cela Vincent (1897)»
des formations qui ne sont très vraisemblablement que des corpuscules de
Stannius, c'est-à-dire les homologues de la seule substance corticale des
capsules surrénales des autres vertébrés, dissociées comme on sait, chez
les Téléostéens.
Mon travail ne comportant aucune recherche histologique, mon inten-
tion ne pouvait être évidemment que d'indiquer l'existence des capsules
dans une famille où personne ne les avait encore signalées sans prétendre
en aucune manière apporter la solution de la question de la dissociation
de ces capsules.
Mais dans le résumé de mon travail, je commis l'imprudence d'écrire
les deux phrases suivantes :
« Plusieurs auteurs (Weldon, Kirkaldy, Auld, Wiedersheim etc.) ont
« soutenu que les capsules surrénales manquent chez beaucoup de téléos-
« téens et sont alors remplacées par le tissu lymphoide du rein cépha-
« lique ».
« Vincent s'élève énergiquement et avec raison contre cette assertion. »
Je voudrais montrer comment Audigé a interprété cette phrase de
deux lignes de manière à me faire prendre dans ce débat une attitude
qu'il n'a jamais été dans mon intention d'avoir.
Cet auteur écrit (1910) page 416 : « ces organes (les corpuscules de
« Stannius) ont été pris par quelques auteurs pour des capsules surrénales
« complètes, Guitel en particulier, décrit ces organes comme leurs
« équivalents stricts ».
J'avais employé le terme de « Capsules surrénales » sensu stricto,
comme d'autres l'avaient fait avant moi (Vincent par exemple) et sans
454 FREDERIC GUITEL
rien dire qui put donner à penser que je les considérais comme
« l'équivalent strict » des capsules des amniotes.
Plus loin (page 442), Audigé dit encore : « Guitel n'admet pas l'idée
« du rein antérieur considéré comme tout ou partie des capsules surré-
« nales. »
Et enfin (page 474) : « On peut se demander si les capsules surrénales
« décrites par les opposants de cette théorie (théorie de la dissociation des
« capsules) et surtout par Guitel, dans la région dorsale et postérieure des
« reins des Gobiésocidés ne représentent pas seulement les corpuscules
« de Stannius suprarénaux de ces animaux. Cet auteur signale seulement
« leur présence en ce point et n'en donne aucune description histolo-
gique. Dans ces conditions, il est difficile d'émettre une opinion dans un
« sens ou dans l'autre et l'affirmation de Guitel semble quelque peu
« arbitraire. »
Je ne me doutais pas, en écrivant les deux lignes citées plus haut, que
je serais un jour mis en vedette comme opposant de la théorie de la disso-
ciation des capsules surrénales des poissons !
Quant à l'affirmation de Guitel qui semble «quelque peu arbitraire »
voici ce que je répondrai :
« En aucune manière, le tissu lymphoide rénal ne peut être assimilé
« aux capsules surrénales. Il n'en a ni la fonction ni la structure ; il ne
« représente pas plus la substance médullaire qu'il n'est l'homologue de
« la substance corticale. Chacune de ces substances est représentée par
« des organes bien définis et différents du tissu lymphoide. »
Ce n'est pas moi qui formule cette affirmation.; mais Audigé lui-même
(1910 p. 588).
Quand j'ai écrit les deux lignes si compromettantes citées plus haut, je
n'ai jamais voulu dire autre chose que ce que dit Audigé dans le passage
que je viens de citer. Si je l'ai fait (et simplement dans le résumé de mon
travail) avec une aussi grande discrétion c'est qu'il s'agissait simplement
d'une opinion que je ne pouvais étayer par des recherches personnelles.
On voit par ce qui précède que ma discrétion ne fut pas encore assez
grande.
II. ANATOMIE INTERNE
A. Pronephros
Il comprend les parties suivantes que nous décrirons successivement :
1° le Glomérule; 2° la première anse du canal segmentaire ou anse trans-
REINS DU COTTUS 455
versale ; 3° la deuxième anse ou anse longitudinale directe et enfin
4° la troisième anse ou anse longitudinale récurrente.
1° Le Glomérule géant du pronéphros (gpg, gpd, fig. i) reçoit une
artère minuscule, l'artère pronéphrétique, qui prend naissance sur le carre-
four artériel au m veau de la racine de l'artère cœliaque. Cette art ériole est
de longueur variable. La plupart du temps, elle est extrêmement courte
et le glomérule du pronéphros en raison de cette brièveté se projette sur
le carrefour artériel. Il est alors assez difficile à distinguer d'autant mieux
que le pigment noir est souvent très abondant dans cette région. Quelque-
fois cependant, les glomérules dépassent la limite externe du carrefour et
deviennent visibles en dehors de son bord externe. Enfin il peut arriver,
mais cela est assez rare, que le glomérule se trouve franchement reporté
en dehors du carrefour en raison de la longueur plus grande de l'artère
pronéphrétique.
Voici les résultats exprimés en y. de quelques mensurations effectuées
sur les glomérules pronéphrétiques de 7 exemplaires.
Femelles
Longueur en %
Glomérule gauche
Glomérule droit
66
195 X 90
105 X 105
80
180 X 105
195 X 105
86
180 X 145
215 X 160
86
160 X 145
145 X 145
95
195 X 145
265 X 180
107
195 X 160
Mâles
160 X 145
91
195 X 145
195 X 145
2° La première anse du canal segmentaire ou anse transversale (at fig. i)
parcourt dans toute son étendue l'appendice rénal et pendant ce trajet
elle présente soit de simples sinuosités soit de véritables pelotons plus ou
moins compliqués. Son calibre est généralement assez constant, cependant
il lui arrive de présenter des dilatations assez considérables.
3° L'anse transversale pénètre dans la masse du lobe subquadrangulaire
puis, après un trajet variable, elle se porte en arrière en suivant par consé-
quent un trajet direct c'est ce que nous avons appelé Vanse longitudinale
directe (ad).
4° L'anse directe atteint souvent et dépasse même postérieusement
456 FREDERIC GUITEL
la mince lame de tissu qui réunit le lobe subquadrangulaire au reste du
rein ; puis elle rebrousse chemin en avant pour constituer Vanse longitu-
dinale récurrente (ar fig. i et 1) dont la marche est inverse de celle de la
précédente.
L'anse récurrente, parvenue à une petite distance de l'extrémité anté-
rieure du lobe subquadrangulaire, reprend son trajet direct en parcou-
rant le rein d'avant en arrière. L'uretère atteint ainsi le point où les deux
reins s'accolent et ne tarde pas à se porter sur le bord externe de la masse
rénale qu'il longe ensuite jusqu'à sa pénétration dans la vessie urinaire
(fig. 1,2 et i u).
On voit, d'après cette description, que le canal pronéphrétique, après
avoir quitté l'appendice du rein décrit un S dans la région antérieure de
cet organe. C'est là une disposition embryonnaire qui persiste, à peine
modifiée, par les circonvolutions, que décrit chacune des deux anses
directe et récurrente.
Si l'on fait abstraction des régions très dilatées de l'uretère qui se ren-
contrent parfois dans l'appendice, non loin du glomérule, on peut donner
comme limites assez habituelles de la lumière du canal du pronéphros 12 et
24 fz. Sur les pièces injectées le diamètre de ce canal apparait souvent avec
une dimension beaucoup plus grande ; cela tient à ce que la masse colorée
diffuse souvent dans les espaces intercellulaires de l'épithélium du canal
et lui donne fréquemment une teinte aussi foncée que celle de la lumière
elle-même (fig. 2 rein droit u).
Dans ce cas le diamètre du cylindre coloré est non celui du diamètre
interne du canal, mais bien celui de son diamètre externe, L'épithélium
ayant souvent une épaisseur d'environ 30 a il n'est pas rare de trouver des
canaux dont le diamètre externe atteint 55 a.
Les discussions concernant la possibilité de la persistance du proné-
phros chez les téléostéens adultes ne sont pas encore closes, car tout der-
nièrement encore (1910) Audigé, dans un important travail sur le rein des
poissons osseux, laisse entendre à plusieurs reprises que les observations
d'EMERY (1880-1882-1885) et les miennes (1906-1908) ne lui inspirent
qu'une médiocre confiance.
Au cours d'une Note datant de quatre ans environ (1908), je formulais
en ces termes la conclusion de mes recherches : « En résumé, nous avons
« trouvé le pronéphros persistant jusque chez l'adulte dans quatorze
« espèces de téléostéens appartenant à huit genres différents... Si l'on
« ajoute ces quatorze espèces aux deux étudiées par Emery et au neuf
REINS DU COTTUS 457
« Gobiésocidés dont il a été question plus haut, on voit que le pronéphros
« se montre persistant dans un nombre de téléostéens qui actuellement
« n'est pas inférieur à vingt-cinq. »
Audigé cite à peu près textuellement ce passage de ma note (page 287)
et ajoute, en manière de commentaire : <c D'après cette énumération, il
« semble que la disposition glomérulaire du pronéphros, persistant
« chez l'adulte, soit un fait presque constant chez les Téléostéens. Mon
« avis, par contre, est que cette disposition caractérise surtout les formes
« jeunes des Téléostéens ; il ne m'a pas été donné de la trouver une seule
« fois chez les poissons osseux adultes que j'ai examinés. Je ne suis d'ail-
« leurs pas le seul à faire cette constatation. Haller .... n'a jamais pu
« trouver une disposition semblable à celle décrite par Gui tel. »
Je ne croyais pas en écrivant les lignes que je viens de citer, qu'elles
pourraient jamais être interprétées comme elles l'ont été par Audigé !
J'ai dit : « La persistance du pronéphros a été constatée chez vingt-six
téléostéens adultes » mais rien dans ce que j'ai écrit ne peut autoriser à
penser que je considère le fait comme « presque constant ».
Mon opinion est tout autre et je reste convaincu que la persistance du
pronéphros n'est pas la règle. Je n'ai pas ouvert que des poissons pré-
sentant cette persistance et si je n'ai pas publié les faits négatifs qui sont
parvenus à ma connaissance, c'est surbout parce que ces faits, rentrant
dans le cas général, ne présentaient pas du tout le même intérêt que les
positifs ; mais c'est aussi parce que l'affirmation d'un fait négatif exige
généralement plus de prudence que celle d'un fait positif.
Audigé déclare qu'il n'a jamais trouvé une seule fois chez les Téléos-
téens adultes la disposition que j'ai écrite. Cela n'a rien qui puisse étonner,
mais n'infirme nullement ce que j'ai écrit puisque V auteur n'a pas ouvert
une seule des formes dont je me suis occupé.
Audigé dit encore que Haller « n'a jamais pu trouver une disposi-
tion semblable à celle décrite par Guitel ».
On pourrait croire d'après ce membre de phrase, que l'auteur allemand
a cherché à mettre mon affirmation en défaut ou tout au moins à la
vérifier. Or il n'en est rien. J'ai traduit en son entier le mémoire de
Haller. Non seulement je n'ai rien trouvé de semblable, mais j'ai cons-
taté que cet auteur (comme Audigé lui-même) n'a étudié aucune des
bêtes sur lesquelles j'ai publié. En outre, bien loin de mettre en doute mes
résultats, il écrit à la première page de son mémoire : « Depuis, Paffirma-
« tion de Emery a obtenu justice, car Guitel a prouvé que le rein
458 FREDERIC GUITEL
« antérieur se conserve toute la vie chez les Gobiésocidés sous la forme
« d'un gros glomérule de Malpighi et d'un canalicule pelotonné qui se
« continue avec celui de l'autre partie du rein. »
Audigé dit encore (page 438) : « à part les travaux d'EMERY et
« ceux de Guitel, tous les auteurs s'accordent à reconnaître que chez
« les Téléostéens adultes, le rein antérieur est transformé en un tissu lym-
« phoide, dans lequel sont plongés, parfois totalement atrophiés, parfois
« à l'état rudimentaire, l'uretère et des canicules urinifères. »
L'accord existe, cela est parfaitement exact, entre les auteurs (autres
que Emery et Guitel) mais ce qu' Audigé omet de faire remarquer, c'est
qu'aucun de ces auteurs (dont il est) n'a examiné les poissons sur lesquels ont
publié Emery et Guitel.
Cette circonstance diminue à tel point l'importance du désaccord,
qu'en réalité elle le fait complètement disparaître. Lorsque deux auteurs
constatent, l'un, la présence des néphrostomes chez VAcanthias, l'autre
l'absence des mêmes organes chez la Raie, personne ne songe à dire qu'ils
sont en désaccord. Or c'est exactement le cas qui se présente ici.
La polémique que soulève Audigé aujourd'hui est exactement compa-
rable à celle qui s'éleva il y a vingt-sept ans entre Emery et Grosglik.
Grosglik (1885), se basant sur ses propres recherches concernant
Cyprinus carpio, Esox lucius, Rhodeus amarus et Gasterosteus aculeatus,
émit l'opinion que les observations d'EMERY se rapportant au Fierasfer
et au Zoarces viviparus avaient été faites sur des individus non adultes.
Emery répondit (1885) qu'il était certain d'avoir examiné des Fierasfer
adultes ; mais qu'il ne répondait pas de la maturité sexuelle des Zoarces.
Or, j'ai confirmé la découverte d'EMERY concernant le Fierasfer (1906)
et je puis ajouter ici que, depuis cette époque, il m'a été possible de
confirmer également celle relative au Zoarces. Dans une femelle de 25 cen-
timètres de longueur, dont les ovaires renfermaient un certain nombre
d'embryons mesurant quarante millimètres, j'ai constaté la présence
d'un volumineux glomérule pronéphrétique atteignant 300 sur 240 p..
Ce cas est particulièrement intéressant puisqu'il concerne une bête dont
la qualité d'adulte ne peut être mise en doute1.
Tous ceux qui ont étudié les reins des Téléostéens et Audigé lui-même
1. Il est vrai de dire que la découverte, chez certains Cottus, d'un volumineux glomérule pronéphrétique ayant
perdu tout rapport de continuité avec son canal évacuateur (voir plus loin le paragraphe concernant la « Régression
du pronéphros »), remet tout en question pour ces deux téléostéens et pour une partie de ceux qui ont fait l'objet
de ma Note de 1903. Câtte circonstance nécessite de nouvelles recherches ayant pour but de vérifier, outre la
persistance du glomérule, l'intégrité du canal pronéphrétique.
REINS DU COTTUS 459
(p. 338) savent combien ces organes sont variables, je ne dirai pas dans
des familles différentes ni même dans des genres différents, mais dans des
espèces d'un même genre. Ainsi j'ai constaté la présence du glomérule
pronéphrétique dans des Trachinus vipera ayant atteint leur maturité
sexuelle, tandis que je l'ai cherché vainement dans le T. draco examiné
dans les mêmes conditions.
Les Lepadogaster Gouanii et bimûculatus possèdent des canalicules pelo-
tonnés mésonéphrétiques. tandis que les L. CandoUH et microcephalus en
sont totalement dépourvus. On pourrait multiplier beaucoup ces exemples
Je crois donc être parfaitement raisonnable en disant qu'il est tout à
fait impossible de se baser sur les conditions observées dans les reins d'un
poisson pour en tirer des inductions relatives à ce qui peut être réalisé
dans un autre, fut-il extrêmement voisin du premier.
B. Masse lymphoïde rénale
Le lobule subquadrangulaire dans lequel évoluent les anses du proné-
phros est, ainsi que l'appendice rénal, uniquement constitué par du
tissu lymphoide sans autre canalicule que celui du pronéphros. En outre,
toute la partie du rein qui fait suite au lobule subquadrangulaire, sur une
longueur à peu près égale à ce lobule, n'est également constituée que par
du tissu lymphoide.
Les canalicules du mésonéphros n'apparaissent qu'à une faible distance
du point d'accolement des deux reins (l et V fig. i et 1), dans la partie
amincie de ces organes et, comme ils sont tout d'abord très peu dévelop-
pés, le tissu lymphoide, dans la^majorité des cas, est encore prédominant
dans cette région.
On voit donc que la partie libre du rein forme une volumineuse masse
de tissu lymphoide qui, dans sa région la plus épaisse, n'est parcourue
que par l'uretère.
Dans le chapitre consacré au mésonéphros, nous préciserons la manière
d'être des canalicules mésonéphrétiques les plus antérieurs.
Leydig (1866) a depuis longtemps signalé la présence de la masse
énorme de tissu lymphoide située dans la région antérieure du rein du
Cottus gobio. Il s'exprime à ce sujet de la manière suivante (p. 519) : « Chez
le Salmo salvelinus la portion la plus antérieure du rein ne contient plus
de canalicules... elle se compose d'un stroma conjonctif fort délicat, de
vaisseaux sanguins, d'une grande quantité de pigment... à ces éléments
4C0 FREDERIC GUITEL
s'ajoutent encore cbs cellules rondes incolores, semblables à des globules
lymphatiques, dont le noyau est simple ou en train de se segmenter, et
qui constituent la plus grande partie de la masse... Même observation
pour le Coltus gobio et VEsox lucius. »
D'après cette citation, le canal segmentaire qui parcourt dans toute
sa longueur la masse du tissu lymphoide ci-dessus décrite semble avoir
échappé à Leydig.
C. Régression du Pronephros
La disposition du pronephros telle que nous venons de la décrire a été
constatée chez des animaux adultes des deux sexes ; mais chez d'autres
nous avons pu constater une régression de cet organe, qui, pour plusieurs
raisons, mérite de retenir l'attention.
Dans une note intitulée : Sur la persistance du pronephros chez les
Téléostéens, insérée dans les comptes rendus du 17 août 1908, j'écrivais
la phrase suivante déjà citée au commencement de ce mémoire :
« Dans un certain nombre d'autres téléostéens, nous n'avons pas
« enaore pu pratiquer d'injections dans le but de déterminer ]e domaine
« exact du peloton pronéphrétiqae ; mais nous avons pu constater la
« persistance du glomérule du pronephros, ce qui entraîne nécessaire-
« ment l'intégrité du canal qui lui fait suite. Les espèces dans lesquelles
« cette constatation a été faite sont les suivantes : Cottus gobio L., bubalis
« Euphrasen, etc. »
Nous avons vu plus haut combien est réduit le canal segmentaire dans
son parcourt au travers de la grande masse du tissu lymphoide. Cette
réduction est évidemment due à l'absence totale de canalicules urinaircs
dans la plus grande partie de la masse lymphoide. Elle tient sans doute
aussi au peu de développement du glomérule pronéphrétique qui persiste
ici sous une forme embryonnaire.
La faiblesse de la lumière du canal embryonnaire et la grande longueur
de ce canal constitue un obstacle considérable à la pénétration de la
masse injectée. Nous avons cependant pu faire parvenir cette dernière
jusque dans la cavité de la capsule de Bowman du pronephros au moins
chez quelques femelles.
Chez le mâle, je n'ai pu réussir cette injection. Ce résultat négatif ne
doit pas être attribué uniquement à la régression fréquente du pronephros
dont nous allons parler, mais aussi à ce que les mâles étant beaucoup
plus rares que les femelles, leurs reins n'ont pu être injectés qu'en très
REINS DU COTTUS 461
petit nombre. C'est ainsi qu'il ne m'a pas été possible d'injecter plus d'une
dizaine de ces organes tandis que les reins de la femelle ont pu être injectés
en quantité beaucoup plus grande.
Il y a cependant des animaux chez lesquels l'injection ne saurait
pénétrer. Ainsi j'ai rencontré un mâle chez lequel l'appendice rénal droit
était franchement interrompu. Le carrefour artériel se trouvait alors
complètement séparé du rein du même côté et le canal segmentaire divisé
au moins en deux tronçons, l'un proximal, l'autre distal.
Les coupes m'ont cependant permis de constater la présence d'un
volumineux glomérule pronéphrétique presque sphérique dont les plus
grands diamètres étaient compris entre 140 et 155 p (la longueur totale de
l'animal étant de 102 millimètres).
A la capsule de ce glomérule faisait suite un peloton très développé
(tronçon proximal du canal segmentaire) formé par un canalicule d'appa-
rence tout à fait normale constitué par un épithélium ne semblant
différer en rien de ce qu'il est dans les canalicules fonctionnels.
Le tronçon distal du canal segmentaire était inclus dans la tête
du rein et la surface de celle-ci tournée vers le glomérule, ne portait
plus trace de l'insertion de l'appendice rénal existant à un stade
antérieur.
Chez un autre individu mâle de 85 millimètres de longueur, les deux
glomérules étaient encore présents et mesuraient de 80 à 100 a de diamè-
tre. Le gauche n'était relié à la masse du rein que par un tractus conjonc-
tif dans lequel on ne trouvait plus que du pigment. Non seulement le
canal segmentaire avait disparu mais le tissu lymphoide lui-même avait
été résorbé.
Au voisinage du glomérule, on retrouvait un court tronçon représentant
la partie de l'uretère tout à fait voisine de la capsule de Bowmann.
Enfin chez une femelle de 102 millimètres de longueur totale, les deux
appendices qui, macroscopiquement, semblaient être en continuité avec
le carrefour artériel en étaient réellement séparés comme le montraient les
coupes. Chacun d'eux se terminait par une surface arrondie tangente au
carrefour mais l'artère pronéphrétique était absente.
En outre, les deux glomérules qui étaient encore présents et mesuraient
respectivement 120 sur 100 et 140 sur 90 jj. étaient inclus dans le tissu
lymphoide de l'extrémité de l'appendice. Il semble que cette situation du
glomérule ait été acquise secondairement par une sorte d'invagination
qui aurait entraîné dans l'intérieur du tissu lymphoide, non seulement
462 FREDERIC GUITEL
le glomérule ; mais encore une partie du pigment revêtant primitivement
la surface de l'appendice.
Le canal segmentaire était interrompu à une petite distance de la
capsule de Bowmann du glomérule1.
Il est fort possible que la continuité du canal segmentaire disparaisse
chez tous les Oottus gobio lorsque la saison de la reproduction est complè-
tement terminée ; mais je ne puis rien affirmer à cet égard.
En effet, je ne sais si les individus dans lesquels l'injection a été poussée
jusqu'au glomérule traversaient seulement leur première période de
reproduction ou s'étaient déjà reproduit antérieurement.
Les deux seuls points que je sois en mesure d'affirmer c'est que l'inté-
grité du canal segmentaire a été constatée chez des individus en pleine
reproduction, tandis que d'autres individus montraient une régression
certaine du même canal avec la conservation du glomérule ce qui implique
nécessairement la cessation de la fonction excrétrice de ce dernier.
Il est à ce propos un fait sur lequel il me semble utile d'attirer l'atten-
tion.
L'interruption du canal segmentaire dont il a été question plus haut
semble pouvoir s'expliquer mécaniquement par la suppression de la
sécrétion du glomérule.
Dans cette hypothèse, il était intéressant de vérifier si le glomérule
annexé à un canal segmentaire interrompu reçoit encore du sang artériel.
J'ai injecté un certain nombre de Cottus gobio mâles par l'aorte et j'ai
constaté que partout le glomérule recevait la masse à injection même
dans les cas où l'interruption du canal segmentaire était certaine.
La première conséquence à tirer de là c'est que l'injection artérielle ne
peut être employée comme un moyen de contrôler l'état fonctionnel du
glomérule ; la seconde c'est que Fépithélium sécréteur du glomérule doit
évidemment subir une importante transformation au moment où cesse
d'exister la communication entre la capsule de Bowmann et le canal
segmentaire.
D. Mesonéphros
Il est difficile en l'absence de toute donnée embryogénique, de tracer
avec certitude la limite postérieure du pronéphros et nous admettrons
1. Calderwood (dès 1891) avait constaté la persistance du glomérule de pronéphros chez le Cycloptems lumpus
et sa complète séparation du corps rénal. Cette découverte aurait dû me mettre en garde contre l'idée fausse que
la persistance du glomérule entraîne l'intégrité du canal pronéphrétique faisant suite à la capsule de Bowmann.
REINS DU COTTUS 463
que le mésonéphros commence avec les canalicules pelotonnés les plus
antérieurs ce qui n'est probablement pas tout à fait exact.
Dans toute la longueur de son trajet pronéphrétique l'uretère conserve
à très peu près le calibre réduit déjà signalé précédemment ; mais à
partir du point où il commence à recevoir les canalicules du mésonéphros,
son diamètre augmente progressivement d'avant en arrière jusqu'au
point où il quitte la substance du rein pour se jeter dans la vessie urinaire.
Dans la moitié antérieure environ de son trajet, l'uretère est plongé
dans la substance rénale et reçoit les canalicules rénaux un peu dans toutes
les directions ; mais, plus en arrière, lorsqu'il longe le bord externe du
rein il ne reçoit plus que de volumineux canaux qui l'abordent tous sur
sa face interne et se disposent d'une manière souvent très régulière sans
qu'il y ait cependant dans cette disposition rien de métamérique (ce fig. 1).
Les canalicules mésonéphrétiques les plus antérieurs se trouvent situés
dans la partie tout à fait postérieure de la région libre du rein. Ces
canalicules débouchent isolément dans l'uretère ; ils sont notablement
plus courts que ceux qui viennent en arrière d'eux, néanmoins ils com-
portent un glomérule qui, en raison du peu d'épaisseur de la masse
de tissu lymphoide dans cette partie du rein, est souvent visible même
dans les régions non injectées (<7fig. 1).
Bientôt cependant les canalicules deviennent plus longs, plus nombreux
et ne tarde pas à se réunir plusieurs ensemble avant de déboucher dans
l'uretère.
Cette réunion de plusieurs canalicules donne lieu aux volumineux
canaux secondaires (ce), dont il a été question quelques lignes plus haut,
canaux qui se jettent régulièrement en grand nombre dans l'uretère,
qu'ils abordent par sa face interne dans la moitié postérieure la plus volu-
mineuse du rein (fig. 1).
La présence des glomérules est aussi facile à constater dans l'épaisse
masse rénale unique (g') que dans les parties libres et peu épaisses des rein.;
(g). On voit donc que les glomérules existent dans toute l'étendue des reins
sauf bien entendu dans la région de ces organes qui ne comporte que du
tissu lymphoide traversé par le canal segmentaire non ramifié.
E. Calculs
J'ai constaté la présence de calculs dans le canal pronéphrétique d'un
individu mâle de 100 millimètres de longueur.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN\ — T. 02. — F. 7. : o
464 FREDERIC GUITEL
Ces calculs étaient très petits (flg. n).
Dans un cas, trois calculs se trouvaient rapprochés dans la lumière du
canal et présentaient les particularités suivantes :
Le plus volumineux ne dépassait pas 18 p sur 12 y. ; il possédait deux
noyaux et devait indubitablement résulter de la soudure de deux calculs
élémentaires uninucléés.
Un autre mesurait 12^ sur 10 et n'avait qu'un seul noyau très volumi-
neux, l'écorce se trouvant réduite à moins d'un p.. Son noyau semblait
résulter de l'agglomération d'un certain nombre de particules arrondies
représentées un peu trop nettement
dans la figure annexée à cette descrip-
tion.
Enfin le troisième, tout à fait sphé-
rique, mesurait 9 p avec un petit
Fig. II. Trois calculs en place dans la lumière noyau de 4 [A.
coiV'gobJmurS ZTmm'ViZgùZ La partie de l'anse pronéphrétique
totale. Grossissement: 825 diamètres. ^ renfermait ces trois Calculs avait
une lumière (F) d 16 à 20 a de diamètre.
Tous ces calculs avaient leur surface lisse. Le plus gros présentait au
moins trois tubérosités peu saillantes ; mais aucun ne possédait les nom-
breuses aspérités aiguës que j'ai rencontrées dans les calculs du rein du
Lepadogaster CamloUil.
Le petit volume de ces calculs et leur rareté m'empêchent d'en donner
l'analyse chimique.
F. Gros troncs veineux
La veine caudale ne peut être aperçue dans la cavité générale du Cottus
gobio les reins étant en place. Dans le petit nombre d'individus que j'ai
examinés à ce point de vue, cette veine abandonne le canal hémal au ni-
veau de la douzième vertèbre et se jette aussitôt dans la masse des reins
qu'elle aborde par leur face dorsale à une distance variable de leur extré-
mité postérieure, mais généralement très près de cette extrémité.
La veine cardinale droite est de beaucoup la plus volumineuse et la
plus longue (cd). Elle débute dans la région postérieure tout à fait dilatée
des deux reins par une arborisation souvent visible sans aucune injection.
Le tronc veineux constitué par l'anastomose de ces premiers vaisseaux
est situé sur la face ventrale de la masse commune des deux reins qu'il
parcourt en suivant sa ligne médiane (cd fig. 1 et 2).
REINS DU COTTT'S 465
Ce tronc acquiert rapidement un volume considérable (dans un individu
adulte de 63 millimètres de longueur, où ce tronc est particulièrement
volumineux, il mesure 330 y. un peu en arrière du point où s'accolent les
deux reins tandis qu'au même niveau les reins intimement accolés l'un à
l'autre ne mesurent que 550 y) et passe presque sans changer de direction
dans la partie isolée du rein droit qu'il traverse d'arrière en avant (cd')
pour s'aboucher à plein canal dans la substance du lobe subquadrangu-
laire avec la veine cardinale antérieure du même côté.
La veine cardinale gauche (cg fîg. 2) est infiniment plus courte que sa
symétrique. Elle n'existe en effet que dans la partie du rein gauche où cet
organe est séparé de son symétrique ; elle a donc une longueur environ quatre
à sept fois plus courte que la droite. Elle prend naissance dans la partie posté-
rieure de la partie isolée du rein gauche par une arborisation veineuse que
l'on peut souvent distinguer sans injection préalable et se porte d'arrière
en avant pour atteindre bientôt le lobe subquadrangulaire dans la subs-
tance duquel elle s'abouche à plein canal avec la veine cardinale anté-
rieure du même côté.
Chaque veine cardinale antérieure aborde le rein par son extrémité
antérieure et comme nous venons de le dire s'abouche à plein canal dans
le lobe subquadrangulaire avec] la veine cardinale postérieure corres-
pondante.
Au point où les deux veines cardinales d'un même côté se réunissent
vient se greffer le canal de Cavier. Ce canal prend donc naissance sur la
face ventrale du lobe suquadrangulaire, mais le point où il s'insère varie
dans une certaine mesure, se trouvant tantôt au milieu de la face ventrale
du lobe subquadrangulaire, tantôt au contraire reporté à l'extrémité anté-
rieure du même lobe et par suite du rein. Dans ce dernier cas, la veine
cardinale antérieure atteint le canal de Cuvier au point même où elle
aborde le rein et n'entre pour ainsi dire pas dans sa substance.
G. Rapports des Uretères avec les Veines cardinales
Les uretères contractent généralement des rapports étroits avec les
veines cardinales postérieures.
L'uretère droit, à partir de l'S du pronéphros jusqu'au point d'accole-
ment des deux reins et même quelquefois un peu plus loin en arrière;
chemine en restant appliqué contre la paroi de la veine cardinale posté-
rieure. L'uretère n'est fréquemment séparé de la large lumière de la veine
4 36 FREDERIC GUITEL
cardinale que par l'endothélium de celle-ci et on le voit souvent faire
saillie dans la cavité de la veine sur une épaisseur égale à la moitié de sa
section transversale. C'est le plus souvent contre la paroi dorsale de la
veine que s'applique le canal segmentaire, mais il peut aussi s'accoler à sa
paroi externe et le rapport de position des deux organes peut varier dans
le même individu d'un point à l'autre de leur trajet. Au niveau du point
où s'accolent les deux reins, le canal segmentaire, s'il n'est pas déjà accolé
à la face externe de la veine cardinale , l'atteint pour se porter encore plus
en dehors et parvenir sur le bord externe de la masse rénale commune,
qu'il longe ensuite jusqu'à la vessie urinaire.
L'uretère gauche présente avec la veine cardinale postérieure du même
côté, les mêmes rapports que ceux que nous avons notés du côté droit. Ici
cependant, en raison du moindre développement de la veine cardinale, les
rapports sont moins étroits et le canal peut même rester à une certaine
distance de la veine.
L'accolement des uretères aux veines cardinales correspondantes cons-
titue une fréquente cause d'insuccès pour les injections. En effet, la veine
cardinale vide ou ne renfermant qu'un caillot qui ne remplit pas complè-
tement sa lumière, constitue une région de moindre résistance pour l'ure-
tère et il arrive fréquemment que ce dernier, sous la pression du liquide
injecté, se rompe dans la veine et la remplisse d'une masse colorée qui
rend souvent la pièce complètement inutilisable.
Ce rapport intime entre l'uretère et la veine cardinale est un rapport
embryonnaire, comme on peut le constater, par exemple, sur les figures
qu'a données Félix (1897) du développement de la Truite.
La facilité désespérante avec laquelle le canal segmentaire éclate dans
la veine cardinale sous la pression des injections chez les Cottus, les Lepa-
dogasters,les Callionymus, etc., me donne à penser que ce rapport em-
bryonnaire doit persister chez un grand nombre de téléostéens adultes.
III. PARTICULARITÉS CONCERNANT LA REPRODUCTION
A. Maturité sexuelle
Plusieurs auteurs ont contesté la possibilité de la persistance du proné-
phros chez les téléostéens adultes. Il est donc de toute nécessité quand on
a constaté la présence du glomérule pronéphrétique et la continuité du
canal dans lequel il déverse sa sécrétion, de vérifier l'état de maturité
sexuelle de l'animal en cause.
REINS DU COTTUS 467
Pour le mâle, la question ne souffre aucune difficulté, il suffit d'examiner
ses glandes sexuelles qui pendant la période de reproduction fournissent
une grande quantité de sperme.
Quand on a affaire à des formes dans lesquelles le mâle présente des
caractères sexuels secondaires très tranchés comme par exemple les
Callionymus, on dispose d'un moyen encore plus expéditif qui permet
d'affirmer en toute certitude la qualité d'adulte si les caractères sont par-
faitement développés. Ce procédé a le grand avantage de s'appliquer
aux animaux conservés.
En ce qui concerne les femelles, l'état des glandes sexuelles ne peut
plus suffire.
En effet, il est démontré (Guitel 1892,1893) que certains téléostéens
(Gobius, Blennius, Clinus) pondent plusieurs fois pendant la saison de
la reproduction. Le Gobius minutus par exemple (1892) dépose une ponte
toutes les semaines quand il est abondamment nourri en aquarium.
Quand on ouvre une femelle qui vient de déposer ses œufs on trouve
nécessairement des ovaires ne contenant que de très petits œufs 1 dont les
plus volumineux mettront 7 jours pour arriver à maturité parfaite.
Il en est probablement de même pour le Cottus gobio de telle sorte que
l'état des ovaires ne peut sans doute renseigner sur la maturité sexuelle
de cet animal que si l'examen de ces glandes coïncide exactement avec le
moment qui précède immédiatement le dépôt des œufs.
Mais il existe dans ce poisson un caractère permettant d'affirmer en
toute certitude l'état de maturité sexuelle d'un individu femelle donné.
En effet l'orifice génital de la femelle, situé entre l'anus et une courte
papille urinaire, ne s'ouvre qu'au moment de la première ponte, vraisem-
blablement sous la poussée des premiers œufs expulsés au dehors.
Pendant la période d'activité sexuelle, on rencontre beaucoup de femelles
ayant la taille et toutes les apparences de l'adulte ; mais dont l'orifice
génital est encore obturé par une mince membrane.
Cette particularité anatomique que je constate ici pour la première
fois chez un téléostéen et que je n'ai trouvée mentionnée nulle part, ne
doit cependant pas être isolée dans ce groupe.
1. Il reste quelquefois dans la cavité de l'ovaire des œufs entièrement libres, parfaitement mûrs qui n'ont pas
été expulsés lors de la dernière ponte.
La présence de ces œufs permet d'affirmer l'état adulte, car elle démontre l'existence d'au moins une
expulsion d'œufs mûrs. Ce caractère a l'avantage de s'appliquer aux animaux conservés, malheureusement il ne
se présente qu'accidentellement et ne s'applique par suite qu'à un très petit nombre d'individus.
468 FREDERIC GUITEL
B. Ponte
J'ai obtenu en captivité la ponte du Cottus gobio, mais les œufs que j'ai
examinés ont toujours été déposés sans le concours du mâle.
La ponte de ce poisson se présente sous la forme d'une masse d'œufs
jaune clair qui sont tous réunis entre eux par un mucus parfaitement
transparent qui semble comporter des tractus ayant, sous l'eau, l'appa-
rence de filaments.
L'existence de ces filaments ne semble d'ailleurs pas correspondre à
quelque chose de réel ; il doit plutôt s'agir de différence de densité ou de
consistance dans la masse du mucus qui existe d'ailleurs en très faible
quantité.
Au point de vue de la consistance et de la réfringence, on peut comparer
ce mucus à celui qui s'échappe en grande abondance de la peau d'un Cottus
quand on le tue en le soumettant à l'action des vapeurs de chloroforme.
Le mucus réunissant les œufs du Cottus gobio est à rapprocher de celui
que Le Danois (1911) a décrit chez le Cottus bubalis :
« Quand la femelle a trouvé une place pour pondre elle expulse lente-
« ment les œufs qui sortent englués dans un mucus incolore... » (p. 145).
C. Orifices sexuels
Nous avons dit (p. 467) que dans la femelle qui n'a pas encore pondu
l'orifice sexuel est encore obturé par une mince membrane située en arrière
de l'anus, membrane qui cède sous la pression des premiers œufs mûrs
expulsés.
En arrière de l'orifice sexuel de la femelle se trouve une papille urinaire
dont la forme est extrêmement variable.
Chez le mâle en état de reproduction, j'ai constaté la présence d'une
papille urogénitale conique située immédiatement en arrière de l'anus.
Dans un mâle de 91 millimètres de longueur totale, cette papille mesurait
1,65 millimètre de longueur et 1,45 de largeur à sa base.
TECHNIQUE
Depuis la publication de mon travail sur le rein des Gobiésocidés (1906)
j'ai apporté à la technique de mes recherches quelques modifications que
je voudrais indiquer ici.
Les injections ici encore, ont été faites sur des pièces fixées.
REINS DU COTTUS 469
La déchloruration par l'alcool a l'inconvénient de durcir considéra-
blement les tractus conjonctifs qui fixent solidement les reins au squelette
et rendent dans certaines formes son extirpation difficile. En outre, lors-
que les reins sont épais, le bichlorure ne les pénètre jamais entièrement
lors de la fixation en place et ces reins, qui en certaines de leurs parties
ne sont alors fixés que par l'action de l'alcool, ne peuvent supporter l'in-
jection.
Pour remédier à ces deux inconvénients, après avoir fixé les reins en
place pendant 20 ou 30 minutes, ces organes étaient extraits sous Veau
puis fixés de nouveau pendant 15 à 20 minutes. C'est alors seulement qu'ils
étaient plongés dans l'alcool iodé, puis dans l'alcool pur.
Il serait évidemment préférable d'extraire les reins tout d'abord et de
les fixer ensuite; mais dans ces conditions, l'extraction est souvent rendue
très difficile par la grande fragilité de leur tissu qui se déchire avec une
désespérante facilité.
Dans Je Cottus gobio les injections pénètrent très difficilement jusqu'au
glomérule en raison de la faiblesse de la lumière du canal segmentaire.
Pour tirer partie des pièces incomplètement injectées, j'ai employé
le procédé suivant.
Quand une pièce, sans être complètement injectée, présentait néanmoins
une assez grande pénétration de la masse bleue elle était déshydratée
complètement par le passage dans les alcools puis plongée dam l'essence
de girofles qui rapidement l'éclaircissait et permettait de découvrir la
partie injectée. Un croquis rapide fixait les points de repère essentiels et
la pièce était alors repassée par les alcools, colorée et débitée en coupes.
Il était souvent possible alors, sans employer le procédé pénible de la
reconstitution, de suivre sous le microscope la petite partie de canal non
injectée et de déterminer sa manière de se comporter jusqu'au glomé-
rule soit qu'elle se continue intacte jusqu'à ce dernier, soit qu'au
contraire elle se trouve interrompue par suite d'un commencement de
régression du pronéphros.
Il est bien évident que ce procédé altère les éléments anatomiques par
suite de l'immersion dans l'essence éclaircissante ; mais il faut remarquer
que le séjour dans l'éclaircissant ne dure que très peu de temps et en outre
qu'il ne s'agit là que d'un procédé de recherche purement anatomique
ayant simplement pour objet de vérifier la continuité du canal segmentaire
ce qui n'exige nullement une excellente conservation des éléments anato-
miques.
470 FREDERIC GUITEL
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
1910 Audigé (J.)- Contribution à l'étude des reins des poissons téléostéens (Arch.
Zool. exp. (5) Vol. IV).
1891 Calderwood (W. L.) The Head Kidney of Teleostean Fishes (J. Mar. Biol.
Ass. New Séries, Vol. II n° 1).
1882 Emery (Carlo) Fierasfer. Studi intorno alla Sistematica, l'Anatomia e la Biologia
délie specie Méditerranée di questo génère (Ace. Lincei Anno CCLXXVII).
1881-2 Emery (Carlo). Zur Morphologie der Kopfniere der Teleostier (Biol. Central.,
Vol. I).
1882 a Emery (Carlo). Studi intorno allô sviluppo ed alla morfologia del rené dei
Teleostei (Atti Ace. Lincei Anno 279 Série terza, Vol. XIII).
1882 b Emery (Carlo). Etudes sur le développement et la Morphologie des reins des
poissons osseux (Arch. ital. Biol. Tome II). Traduction française par l'au-
teur du mémoire précédent avec une figure sur zinc en moins.
1885 Emery (Carlo). Zur Morphologie der Kopfniere der Teleostier (Zool. Anz.
Vol. VIII).
1897 Félix (W.). Beitrage zur Entwickelungsgeschichte der Salmoniden (Anat.Hefte.
Arb. VIII Band 1897 Wiesbaden).
1885 Grosglik (S.). Zur Morphologie der Kopfniere der Fische (Zool. Anz. Vol. VIII).
1892 Guitel (Frédéric) Observations sur les mœurs du Gobius minulus (Arch.
Zool. exp. (2) Vol. X).
1893 Guitel (Frédéric). Observations sur les mœurs de trois Blenniidés Clinus argen-
tatus, Blennius Montagui et Blennius sphynx (Arch. Zool. exp. (3) Vol. 1).
1906 Guitel (Frédéric). Recherches sur l'anatomie des reins de quelques Gobiéso-
cidés (Arch. ZooVexp. (4) Vol. V).
1908 Guitel (Frédéric). Sur la persistance du pronéphros chez les Téléostéens
(G B. Ac. Sci. Paris).
1910 Guitel (Frédéric). Sur les reins du Crystallogobius Nilssonii Duben et Koren
(Bull. Soc. se. et méd. Ouest Vol. XIX).
1912 Guitel (Frédéric). Sur les reins des Cottus gobio et bubalis (G R. Ass. Ana-
tomistes Vol. 14).
1908 Haller (B.).Zur Phylogenese des Nierenorganes (Holonephros) der Knochen-
fische (Jenaische Zeit. Naturwiss. Vol. 43).
1911 Le Danois (Edouard). Sur la ponte de Cottus bubalis Euphrasen (Bull. Soc.
zool. France Vol. XXXVI).
1866 Leydig. Traité d'Histologie comparée 8° (Paris).
1897 Vincent (Swale). Contributions to the comparative Anatomy and Histology of
the Suprarenal Capsules (Tr. Zool Soc. London Vol. XIV).
REINS DU COTTUS 471
EXPLICATION DE LA PLANCHE XX
Les pièces ont été fixées au sublimé acétique, injectées à la métagélatine de Fol au bleu soluble, puis photogra-
phiées.
Les photographies ont été prises avec des objectifs Microplanar Krauss-Zeiss. La figure 1 avec l'objectif de
100 mm. de foyer ; la figure 2 avec l'objectif de 75 mm. et la figure 3 avec l'objectif de 50 mm.
Les plaques employées étaient les panchromatiques Lumière.
Dms les trois femelles auxquelles ont été empruntés les reins injectés et représentés ici, lesovaires ne renfermaient
pas d'oeufs mûrs. Lorsque ces injections ont été poussées, je ne connaissais pas encore l'existence de la membrane
obturatrice de l'orifice sexuel femelle avant la première ponte. Je ne puis donc affirmer que les bêtes dont il s'agit
ici étaient parfaitement adultes.
Lettres communes aux ligures 1 et 2.
ab, veines branchiales ; ao, aorte ; app, app', appendices gauche et droit du pronéphros ; asc, artère sous-clavière ;
ci, veine cardinale droite dans la région d'accolement des reins ; cd', veine cardinale droite dans la région où le
rein droit est séparé du gauche ; cS, corpuscules de Stannius ; Isq, Isq', lobes subquadrangulaires gauche et droit :
s,, s,, s,, sillons transversaux de la face supérieure des reins, le premier sert de logement à l'artère sous-clavière ;
(asc) et au ligament vertébro-claviculaire, les deux autres à des nerfs spinaux ; u, uretère.
Fn. 1 Reins d'un Cottus gobio femelle de 101 ,5 mm. de longueur totale vus par leur face dorsale ; ac, artère cœliaque :
tir, anse récurrente du canal pronéphrétique injectée par la masse bleue ; l'anse directe n'a pas reçu de
masse. Voir fig. I du texte; ce, canalicules rénaux collecteurs non loin du point où ils se jettent dans
le canal segruentaire ou uretère (u) ; g, glomérules mésonéphrétiques dans la région des reins où ces
organes sont séparés ou viennent de s'accoler ; g', glomérules mésonéphrétiques dans la région des reins
où ces organes sont franchement réunis en une seule glande ; l et i' limites antérieures de l'existence des
canalicules mésonéphrétiques. En avant de cette limite on ne trouve plus qu'une masse de tissu
lymphoide parcourue par le canal segmentaire (u) ; Grossissement 9,1 diamètres.
Fi i. 2 Reins d'un Cottus gobio femelle de 83,5 mm. de longueur totale vus par leur face dorsale, cg, veine car-
dinale gauche. Elle n'existe que dans la région où le rein gauche est séparé du droit ; i, isthme très
mince du rein gauche au point où il se soude au rein du côté opposé. Il y avait des canalicules injectés
dans cette mince lame , mais en raison de leur faible coloration , ils ne sont pas venus sur les clichés ; st, sec-
tion transversale dans le rein gauche. Elle avait été pratiquée pour permettre de pousser l'injection dans
la région la plus antérieure du rein, mais la masse n'a pu passer. Grossissement : 11,2 diamètres.
Fia. 3 Partie médi^ue des reins d'un Cottus gobio femelle de 82 mm. de longueur totale vus par leur face dorsale.
cd, veiue cardinale droite ; g, g' glomérules mésonéphrétiques ; rd, rein droit ; rg, rein gauche . Les
autres lettres comme dans les figures précédentes ; Grossissement : 18,6 diamètres.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
Tome 52, p. 473 à 607.
10 Novembre 1913
ESSAI SUR
LA MORPHOLOGIE ET LA PHYSIOLOGIE
I DU MUSCLE LATÉRAL CHEZ LES
POISSONS OSSEUX
PAR
RENÉ CHEVREL
Chef des Travaux de Zoologie Maître de Conférences adjoint à la Faculté des Sciences
et chargé de Cours d'Histoire naturelle à l'Ecole de Médecine et de Pharmacie de Caen.
TABLE DES MATIERES
Pages
Introduction.
Chapitre I. — Description des Muscles latéraux 475
Conformation des myomères (p. 479).
Chapitre II. — Recherche des causes des particularités des septa et des myomères (p. 482). Nécessité de
la subdivision des muscles latéraux en segments ou myomères (p. 482). Inclinaison dessepta d'avant
en arrière et Inscriptions tendineuses en zigzag (p. 488).
Chapitre III. — Terminologie (p. 496). — Mode de contraction des muscles somatiques 497
Inégal raccourcissement des fibres des myomères (p. 498). Intensité de traction variable avec la
position des fibres (p. 501). Mode d'action d'une fibre sur le septum mobile et consécutivement
sur la vertèbre correspondante (p. 608).
Chapitre IV. — Mode de contraction des muscles somatiques (suite) 512
Limite de contraction des fibres musculaires (p. 512). Calcul de la limite de contraction des fibres
profondes suruumyomère de Tanche (p. 514). Les fibres superficielles se comportent autrement que
les fibres profondes (p. 520). Mode de contraction des fibres superficielles (p. 522). Influence de la
peau sur la contraction des fibres superficielles (p. 526). Position de la lre fibn; à contraction maxi-
mum (p. 527). De l'épaisseur véritable d'un myomère (p. 531).
Chapitre V. — Mode de contraction des muscles somatiques (suite) 533
Disposition du septum en chevron (p. 533). Modifications subies par le chevron quand plusieurs
fibres sollicitent le septum (p. 538). Influence du septum horizontal sur la contraction des fibres
placées dans son voisinage (p. 541).
Chapitre VI. — Mode de contraction des muscles somatiques (suite) 544
De l'action des fibres sur les diverses régions des septa (p. 544). Foraution des cônes de traction
(p. 549). Inscriptions tendineuses (p. 555).
Chapitre VII. — Mode de contraction des muscles somatiques (suite) 558
Partie hypoaxial? des muscles somatiques (p. 558).
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉK. — T. 5^. — F. 8. 33
474 MENÉ CHEVEEL
Pages
Chapitre y HT. — Conséquences qui découlent du jeu des muscles somatiques 568
Chapitre IX. — Muscle rouge ou Muscle de la Ligne latérale 571
Mode probable de contraction des fibres du muscle rouge -p. 572).
Chapitre X. — Répercussion du jeu des muscles latéraux sur la formation de certaines parties du squelette . 576
Arcs vertébraux .Apophyses épineuses et Côtes (p. 576). Côtes supérieures et Arêtes médianes
(p. 578). Arêtes (p. 582).
Chapitre XI. — Cartilages intermusculaires 586
Fonctions des Cartilages intermusculaires (p. 59:3).
Chapitre XII. — Répercussion du mode de contraction des muscles latéraux sur la morphologie du corps. . 595
CONCLUSIONS ' 0)4
Auteurs cités 6 J7
INTRODUCTION
J'ai été amené à m'occuper du Muscle latéral des Poissons osseux
en cherchant à déterminer sa part et son mode d'influence sur la dis-
position de certaines parties du squelette axial, et en particulier sur les
apophyses épineuses dorsales et ventrales. Car les rapports entre ces
deux sortes d'organes ne sont pas purement passifs. Il suffit, comme on
sait, de considérer certains os longs pour se convaincre que là où s'insère
un muscle l'os présente des crêtes, des saillies de forme variée ; qu'en
outre, certaines régions de l'os sont tordues ou déformées par l'action
manifeste des muscles. Il est donc légitime de reconnaître à ceux-ci une
part d'intervention dans la structure morphologique de ceux-là, et l'étude
de leur développement vient encore appuyer cette opinion.
« Les os, dit Sabatier (1880), sont faits pour les muscles plus encore
« que les muscles pour les os. Cette proposition trouve du reste un élé-
« ment de démonstration dans la date relative d'apparition du système
« musculaire et du système osseux... Les muscles apparaissent de très
« bonne heure et sont d'abord en rapport avec un tissu conjonctif
« embryonnaire qui acquiert plus tard la consistance osseuse à mesure
« que le système musculaire dont il doit rendre l'action utile acquiert
« plus d'énergie et plus d'activité. On sait, du reste, aussi que dans
« l'apparition successive des types de la série phylogénique le système
« musculaire a largement précédé les parties solides qui doivent leur
« servir de leviers... Il serait donc rationnel d'établir les homologies
« osseuses sur l'étude des parties musculaires. »
C'est ce que j'ai essayé de faire pour les côtes et les arcs vertébraux.
Mais laissant de côté pour l'instant cette question de l'homologie de cer-
tains os que je reprendrai dans un autre travail, je ne veux m'occuper
ici que de l'étude des muscles somatiques qui recouvrent de chaque côté
MUSCLE LATÉRAL J)KS POISSONS
175
la colonne vertébrale et qui constituent les parois latérales du tronc et
de la queue. On les connaît sous le nom de grands muscles latéraux ou
simplement de muscles latéraux ou encore de muscles somatiques.. Ils
s'étendent de la région occipitale du crâne et de la ceinture scapulaire
d'une part à l'extrémité postérieure de la queue, tout près de l'origine
de la nageoire caudale, de l'autre. Leur rôle principal est de déplacer
la queue alternativement à droite et à gauche pour opérer la propulsion
du corps : ce sont les organes essentiels de la locomotion rapide. Ils
possèdent des caractères particuliers qui s'harmonisent avec leur fonc-
tion et qu'il est intéressant d'examiner avec quelque détail. Leur dis-
position habituelle n'est cependant pas générale ; mais à part quelques
modifications dues à des causes diverses, elle se retrouve chez la presque
totalité des Téléostéens, seuls poissons envisagés dans ce travail.
Chapitre I
DESCRIPTION DES MUSCLES LATÉRAUX
Quand on a dépouillé de sa peau le corps d'un Téléostéen, la surface
de la masse musculaire sous-jacente apparaît de chaque côté comme sub-
divisée en bandes d'épaisseur à peu près égale par des lignes parallèles,
très étroites, qui s'étendent en zigzaguant de la crête dorsale à la carène
ventrale. Ces lignes souvent pigmentées ou légèrement teintées, ne sont
autre chose que la limite externe, mise à nu par l'enlèvement du tégument,
de cloisons fibreuses aponévro tiques ; il serait plus juste de dire leur
section, car après avoir pris naissance dans le tissu conjonctif qui enve-
loppe la colonne vertébrale et ses appendices, elles traversent toute
l'épaisseur du mus-
cle latéral et, à la
périphérie, vont se
mêler intimement
aux fibres du derme
cutané. L'enlève-
ment de celui-ci
amène la rupture
ou le sectionnement des cloisons ; les lignes intermusculaires sont donc
bien des sections transversales des cloisons fibreuses ; on peut encore les
considérer comme les intersections des cloisons avec la peau ; on les
Fia. I. Figure demi-schématique montrant les ligues eu zigzag ou Ins
criptions tendineuses à la surface du corps.
476 RENÉ CHEVREL
nomme aussi Inscriptions tendineuses (fig. i). La subdivision de la masse
musculaire somatique n'est donc pas seulement superficielle, elle est
profonde, et le muscle se trouve ainsi partagé, dans toute sa longueur,
en segments transversaux qu'on nomme Myomères et dont le nombre
égale celui des vertèbres dont se compose la colonne vertébrale. Chaque
Myomère est limité en avant et en arrière par ces cloisons fibreuses sur
lesquelles s'insèrent directement, sans l'intermédiaire de prolongements
tendineux, les portions de fibres musculaires qui le composent. Les cloisons
fibreuses, qu'on nomme encore Septa ou Myocomes étant sensiblement
parallèles, l'épaisseur d'un myomère est à peu près constante1. Je n'en
dirai pas autant de sa largeur qui va en diminuant de la ligne latérale à
la crête dorsale ou à la carène ventrale où elle est presque nulle. Si les
septa étaient perpendiculaires à l'axe squelettique, la forme des myo_
mères pourrait être assez exactement rapportée à celle de prismes trian-
gulaires dont les bases ne seraient autres que ces septa et la hauteur,
l'intervalle qui les sépare. Mais il est loin d'en être ainsi ; la forme des
myomères est subordonnée à la configuration des cloisons fibreuses et
cette configuration est extrêmement compliquée. Essayons de la fixer.
Chaque septum, ai-je dit, traverse le muscle latéral dans toute sa
hauteur et dans toute sa largeur' ; son contour profond s'insère sur le corps
de la vertèbre et ses principaux appendices : arcs vertébraux et apophyses
épineuses. Celles-ci étant toujours, chez les poissons osseux, plus ou
moins inclinées en arrière, l'insertion profonde du septum affecte donc,
du moins dans la région caudale, la forme d'une ligne brisée dont l'angle
appuyé sur le corps de la vertèbre est dirigé en avant. Le reste du con-
tour, fixé à la peau, s'étend de l'extrémité libre de l'apophyse supérieure
à l'extrémité libre de l'apophyse inférieure ; mais, au lieu de former,
entre ces deux points, une courbe régulière, ce contour montre à la surface
du muscle latéral, une fois le tégument enlevé, une ligne en zigzag qui
se comporte de la manière suivante. Elle part de la crête dorsale, à
l'extrémité d'une apophyse épineuse, se porte en arrière et en bas suivant
une direction presque rectiligne, puis brusquement revient en avant
en faisant avec sa première portion un angle aigu ; arrivée vers le milieu
de la paroi latérale du corps, elle recommence sur la moitié ventrale du
1. J'entends ici par Epaisseur l'intervalle compris entre 2 septa consécutifs ; mais ce terme servant à désigner
une mesure dirigée d'avant en arrière dans le sens de la Longueur du muscle latéral, je l'appellerai désormais
Longueur pour ne pas prêter à confusion. De même, je désignerai sous le nom de Largeur l'intervalle transversal
compris entre la colonne vertébrale et les parois latérales du corps, et eniin Hauteur celui qui va de bas en haut
ou de haut en ba&, c'est-à-dire du septum horizontal vers les apophvbe3 épineuses, dorsales ou ventrales.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 477
muscle latéral, mais en sens inverse, la marche que je viens de décrire.
Elle retourne en arrière, puis brusquement se dirige en avant pour aller
se terminer sur la carène ventrale en un point à peu près symétrique de
celui d'où elle est partie. Elle se subdivise donc en 4 portions. L'angle
formé par les 2 médianes a son sommet dirigé en avant ; il est le plus
souvent obtus ; mais comme ses côtés sont curvilignes, il est parfois effacé
et ses 2 côtés forment par leur réunion une courbe régulière ouverte en
arrière. Les 2 autres angles sont aigus et tournés vers la nageoire caudale.
Tel est l'aspect que prend, à la surface du muscle latéral, l'intersection
d'un septum avec la peau. Si l'on envisage l'ensemble de ces intersections,
on constate que les angles qu'elles forment sont d'autant plus ouverts
qu'ils sont plus près de la tête ; et réciproquement ils sont d'autant plus
fermés qu'ils sont plus près de la queue. Nous verrons plus tard pourquoi.
Si l'on s'en tenait à ces apparences, on n'aurait qu'une idée imparfaite
de la véritable conformation du septum. D'après l'aspect qu'il revêt
à la surface du muscle somatique, il semble, en effet, former 3 cônes :
le médian, de beaucoup le plus important, tourne en avant son sommet
qu'il appuie sur la ligne latérale ; les 2 autres rejetés latéralement, du
côté des crêtes dorsale et ventrale, ont leur sommet très aigu dirigé
en arrière. Mais la réalité est tout autre et pour concevoir sa forme
exacte, il est nécessaire de l'examiner dans son entier et non plus seule-
ment dans son contour ; pour cela, il faut le débarrasser des myomères
qui l'encadrent. Quand il en est ainsi, l'attention se trouve tout d'abord
attirée par une première particularité : le septum est subdivisé, vers le
milieu de sa hauteur, en 2 parties par une membrane qui va de l'axe
vertébral, où elle s'insère, à la paroi externe du muscle somatique,
dans le voisinage de la ligne latérale. Cette membrane n'est autre chose
qu'un septum, auquel on peut, en raison de sa manière d'être habituelle,
donner le nom de septum horizontal, réservant au premier le nom de
septum transversal. Tous les septa transversaux, ainsi que les myomères
qu'ils limitent, offrent donc une portion supérieure, dorsale ou épiaxiale,
et une portion inférieure, ventrale ou hypoaxiale. Ces 2 portions se
recourbent en sens contraire à leur limite externe et délimitent ainsi,
de concert avec les myomères, un espace naviculaire longitudinal dans
lequel se loge le nerf latéral et généralement aussi un muscle strié parti-
culier, fréquemment de couleur rouge et de structure plus primitive que
les autres muscles du corps : c'est le muscle rouge des auteurs, ou encore
le muscle de la ligne latérale,
478 RENÉ CHEVREL
Chacune des 2 portions épi-ou hypoaxiale que nous venons de recon-
naître se comporte de la même façon, du moins dans la région caudale.
Il suffit donc de décrire l'une de ces 2 portions pour être à même de juger
de la physionomie de l'ensemble. Je choisis le demi-septum épiaxial que,
par abréviation, j'appellerai septum épiaxial ou septum dorsal. Vu par sa
face antérieure, ce septum présente une saillie conique considérable, ou
plutôt une pyramide que je désignerai sous les noms de pyramide anté-
rieure, interne ou profonde ; son sommet se trouve près de l'axe vertébral,
et sa base, oblique et toarnée en arrière, a pour limite latéro-dorsale une
partie de l'intersection du septum dorsal avec la peau. La face externe
de la pyramide se prolonge en arrière au-dessous et au-delà de la limite
de cette intersection ; elle contribue à former la paroi d'une cavité conique
ou plutôt pyramidale logée entre la pyramide interne et la paroi latérale
du muscle somatique. Si l'on examine le même septum par sa face pos-
térieure, on constate qu'il offre également une saillie pyramidale dirigée
en arrière, dont le sommet situé à une petite distance de la surface du
muscle somatique correspond au fond de la cavité conique observée sur
sa face antérieure. Elle correspond, en outre, assez bien à l'angle aigu
superficiel que forme l'intersection du septum avec la peau dans la région
dorsale du muscle. De même que la pyramide antérieure, cette pyramide,
à sommet dirigé en arrière et que je désignerai, pour la distinguer de la
première, sous les noms de pyramide postérieure, externe ou super-
ficielle, présente une face interne qui se prolonge en avant, au-delà de
sa base, limitée dorsalement par l'intersection du septum et de la peau ;
elle contribue à former la paroi interne d'une cavité plus ou moins régu-
lièrement conique qui correspond à la pyramide antérieure. Les 2 pyra-
mides sont donc creuses, et comme elles ont une face commune, on peut
les comparer à 2 éteignoirs qui seraient placés, en sens contraire, aux
2 extrémités d'une même lame leur servant de support commun. Ainsi
chaque septum épiaxial présente une double saillie ou mieux une double
évagination, l'une dirigée en avant, en bas, près du septum horizontal
et en dedans, près de la colonne vertébrale ; l'autre dirigée en arrière, en
dehors et en haut, près de la paroi latéro-dorsale du muscle somatique.
Si au lieu d'examiner un septum épiaxial, on eût examiné un septum
hypoaxial, on eût constaté exactement les mêmes particularités ; ce
septum présente donc également 2 évaginations, l'une antérieure, l'autre
postérieure, disposées plus ou moins symétriquement par rapport à celles
du septum épiaxial ; de telle sorte que si l'on envisage dans son ensemble
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS m
un septum transversal, il montre, l'une près de l'autre, au niveau do la
colonne vertébrale, 2 pyramides à sommet dirigé en avant et placées
l'une en dessus, l'autre en dessous du septum horizontal ; sa face pos-
térieure porte également 2 pyramides à sommet dirigé en arrière, mais
plus éloignées l'une de l'autre que les précédentes, la première étant plus
ou moins voisine de la crête dorsale ; la deuxième de la carène ventrale
et en correspondance assez étroite avec les 2 angles aigus, tournés vers
la nageoire caudale, que forme la limite du septum à la surface du muscle
latéral1.
Cette disposition se retrouve avec quelques variantes, dans tous
les septa de la région épiaxiale et dans tous ceux de la partie caudale de
la région hypoaxiale. Et comme il y a concordance assez étroite entre
les saillies similaires des divers septa, ces saillies s'emboîtent les unes
dans les autres et forment ainsi, pour chacune des 2 régions ci-dessus
désignées, 2 séries de cônes emboîtés : les sommets de l'une sont tournés
en avant ; ceux de l'autre regardent en arrière. Le muscle latéral présente
donc, dans la queue, non pas trois séries de cônes emboîtés, comme le
laissait supposer la disposition superficielle en zigzag des septa trans-
versaux, mais quatre en réalité : deux sont intermédiaires et placées
de chaque côté de la ligne latérale, l'une en dessus, l'autre en dessous
du septum horizontal ; en étroit rapport avec la colonne vertébrale,
elles sont profondément enfoncées dans le muscle et n'apparaissent pas
au dehors. Deux autres, presque superficielles, correspondent sensible-
ment aux angles aigus de la ligne en zigzag et sont par conséquent situées :
l'une, vers la crête dorsale, l'autre, vers la carène ventrale.
Conformation des Myomères
Et maintenant que nous connaissons la disposition générale des septa,
quelle est la conformation des Myomères ? Un myomère, avons-nous
dit, est la portion du muscle latéral comprise entre 2 septa consécutifs,
sensiblement parallèles. Or, ces septa peuvent être considérés comme
les surfaces limitantes d'un corps solide, qui occuperait l'intervalle qui
les sépare. Ce corps, qui n'est autre chose qu'un myomère, possède évi-
1. On a pu remarquer ci-dessus que je donne aux saillies du septum transversal le nom de pyramides de pré-
férence à celui de cônes, ordinairement employé ; c'est qu'en effet ces saillies présentent des arêtes à leur surface;
mais comme en général, elles sont peu accusées et que les parois des pyramides ont fréquemment l'apparence
de surfaces courbes on peut tout aussi bien considérer ces saillies comme des cônes que comme des pyramides.
J'emploierai donc désormais l'un ou l'autre de ces 2 tenues pour les désigner.
480 RENÉ GHEVREL
demment la même configuration qu'eux : c'est donc un solide d'épaisseur
à peu près constante, ayant la forme d'un quadruple cône creux continu
ou plutôt subdivisé en 2 doubles cônes contigus. Chaque double cône
présente l'un de ses sommets en avant et l'autre en arrière ; les 2 sommets
dirigés en avant occupent la région médiane du muscle somatique ; ils
sont placés de chaque côté du septum horizontal, à droite et à gauche
de la ligne latérale, tandis que les deux, tournés en arrière, sont séparés
l'un de l'autre par un large espace et tendent à se rapprocher l'un, de la
crête dorsale, l'autre, de la carène ventrale. Les 2 cônes qui appartien-
nent à la moitié épiaxiale du muscle somatique possèdent une face com-
mune et sont inséparables ; ceux de la moitié hypoaxiale se comportent
de la même façon, l'un par rapport à l'autre ; mais les 2 doubles cônes,
épi et hypoaxial correspondants, ne sont unis entre eux que par l'inter-
médiaire du septum horizontal, et la cuisson permet de les séparer
complètement l'un de l'autre.
Les particularités que je viens de décrire ne se rencontrent, je le
répète, que dans la portion épiaxiale et dans la région caudale de la por-
tion hypoaxiale du muscle somatique ; la partie abdominale de cette
dernière portion ne comporte en général aucune évagination. Chaque
demi-septum s'étend pour ainsi dire directement de la ligne latérale à
la carène ventrale sous la forme d'un ruban étroit, qui serait arqué de
dedans en dehors, légèrement convexe en avant et incliné en arrière.
Cette disposition tient évidemment à certaines causes que nous aurons
à rechercher plus tard.
Pour compléter ce qui concerne le muscle somatique, il me reste
à décrire brièvement le muscle de la ligne latérale ou muscle rouge.
Ce muscle n'est constant ni dans sa présence, ni dans sa forme, ni dans
sa nuance, ni même dans ses rapports avec le nerf latéral. Il manque, en
effet, chez certains poissons ; chez d'autres sa coloration paraît semblable
à celle du muscle somatique ; enfin chez ceux où il se montre avec ses
caractères propres, il a tantôt une forme très nette, très régulière ; il
emplit alors le sillon formé par l'écartement des 2 portions, dorsale et
ventrale, du muscle somatique et y reste cantonné, et tantôt il n'occupe
qu'une faible partie de ce sillon, le déborde et se répand plus ou moins loin
et plus ou moins irrégulièrement à la surface du muscle somatique, au-
dessus et au-dessous de la ligne latérale. Il est lui aussi subdivisé, par le
prolongement des septa, en segments correspondant à ceux du muscle
somatique,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 481
Tel est le plan fondamental de l'arrangement architectonique du
muscle somatique chez les Téléostéens ; il est essentiellement caractérisé
par un ensemble de particularités dont le tableau ci-dessous présente le
résumé :
1° Le muscle somatique est régulièrement subdivisé par des cloisons
transversales ou septa en segments ou myomères dont le nombre est le
même que celui des vertèbres ;
2° L'insertion profonde de ces cloisons se fait sur le corps de chaque
vertèbre et sur les arcs et les apophyses épineuses qu'il porte, arcs et
apophyses toujours plus ou moins inclinés en arrière ;
3° Un septum horizontal partage le muscle et les septa transversaux
en 2 portions: l'une dorsale ou épiaxiale; l'autre ventrale ou hypoaxiale.
4° Du côté superficiel, chaque septum transversal s'insère sur la
peau ; quand celle-ci est enlevée, le bord libre du septum ou Inscription
tendineuse, décrit à la surface du muscle, du moins dans la région caudale
du corps, une ligne brisée, en zigzag ; l'ensemble de ces zigzags subdivise
en apparence le muscle somatique en 3 séries de cônes : une centrale,
médiane, et 2 latérales. Les sommets de la série centrale, très obtus, sont
dirigés en avant ; ceux des séries latérales, situés dans le voisinage des
crêtes dorsale et ventrale, sont tournés en arrière ; les angles qu'ils
forment sont d'autant plus aigus qu'ils sont plus rapprochés de la nageoire
caudale ;
5° Le muscle est, en réalité, subdivisé en 4 séries de cônes dont 2 ont
leurs sommets tournés en avant. Ces cônes sont profonds et invisibles
sans dissection ; ils sont symétriquement placés de chaque côté du septum
horizontal. Les 2 autres séries sont presque superficielles et leurs som-
mets, dirigés en arrière, sont également invisibles sans dissection ; ils
correspondent assez bien aux angles aigus des lignes en zigzag de la
surface musculaire ;
6° Dans la région abdominale, la portion épiaxiale du septum trans-
versal possède seule une double évagination ; la portion hypoaxiale
affecte simplement l'apparence d'un ruban étroit, arqué de dedans
en dehors, légèrement convexe en avant et penché en arrière ;
7° Enfin, dans la dépression latérale qui existe à la surface du muscle
somatique, entre ses 2 moitiés, épi et hypoaxiale, on constate générale-
ment la présence d'un muscle particulier, le muscle rouge, dont la masse
est subdivisée, par des septa transversaux, en autant de segments trans-
versaux que la colonne vertébrale compte de pièces.
482 RENE CHEVREL
Chapitre II.
RECHERCHE DES CAUSES DES PARTICULARITÉS DES SEPTA
ET DES MYOMÈRES
Quelles sont les causes de ces particularités ? Pourquoi les muscles
latéraux sont-ils subdivisés en myomères ? Pourquoi les septa sont-ils,
d'une manière générale, inclinés d'avant en arrière ? Pourquoi leur
contour externe décrit-il à la surface du muscle des lignes en zigzag et
pourquoi leur surface s'évagine-t-elle suivant 2 sens opposés ? A quoi
peut servir le septum horizontal ? Quel rôle joue le muscle rouge ? etc.
Telles sont les questions que je me propose d'étudier. Elles sont, je crois,
intimement liées au mode de contraction du muscle latéral, d'où découlent
en outre, des conséquences relatives à la formation et à la disposition
des pièces principales du squelette, à la présence des arêtes dans l'épais-
seur des cloisons fibreuses et à la mobilité des côtes. Je vais donc essayer,
en faisant l'analyse des mouvements des fibres musculaires, de donner
une solution à ces diverses questions, ou plutôt, car je n'ai pas la pré-
tention d'élucider complètement le problème dont la complication est
très grande, d'esquisser dans une sorte de schéma, le jeu des contractions
musculaires et d'en' déduire l'influence qu'il exerce sur la forme des
myomères et sur la disposition de certaines pièces du squelette. Je dois
faire observer que mon argumentation est surtout d'ordre hypothétique,
je l'appuierai cependant et le plus souvent possible, sur des mesures
et des déductions géométriques tirées de constructions graphiques.
Nécessité de la subdivision du Muscle latéral en segments ou Myomères
Je n'ai pas l'intention de rechercher, à propos de ceci, les causes pre-
mières de la métamérie du corps ; mais prenant le poisson tel qu'il est, avec
son axe squelettique subdivisé en vertèbres, je vais essayer de montrer
que le simple jeu du muscle latéral a suffi pour lui imposer son faciès
morphologique. Comme la plupart des particularités, la subdivision du
muscle latéral en myomères procède d'une nécessité physiologique. Le
rôle essentiel de ce muscle étant de fléchir le corps dans l'acte de la loco-
motion rapide, il semble à première vue que plusieurs dispositions mus-
culaires auraient pu produire ce résultat; mais à l'examen, on se convainc
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 483
facilement qu'il n'en est rien. Le muscle doit fléchir le corps dans cer-
taines conditions que seule la subdivision en myomères permet de réa-
liser. Toute autre disposition amènerait des perturbations dans l'équi-
libre qui empêcheraient la propulsion ou modifieraient si profondément
la structure architectonique du corps que du même coup disparaîtrait
la forme typique du poisson telle que nous la connaissons. Or, il est una-
niment reconnu, et les lois de la mécanique ainsi que les résultats de
l'expérience confirment cette opinion, que la forme du corps en fuseau
avec extrémité antérieure plus grosse et plus arrondie, la région posté-
rieure effilée et aplatie transversalement, est la plus favorable à la loco-
motion rapide. Le muscle somatique doit donc, par sa structure et par
son jeu, respecter cette forme si elle est acquise, l'imposer ou l'affirmer
si elle est sous sa dépendance plus ou moins immédiate.
Voyons donc les concernions que l'esprit se forme de la structure
possible du muscle latéral. Quatre dispositions peuvent être envisagées :
de chaque côté du corps, il peut exister : 1° un muscle unique dont les
fibres s'étendent sans interruption de la tête à l'origine de la nageoire
caudale ; 2° une série de petits muscles allant chacun d'une vertèbre à
la vertèbre suivante ; 3° un muscle unique, mais dentelé, inséré par sa
partie commune sur le crâne et par ses diverses branches ou digitations
sur les vertèbres successives ; 4° ou enfin un muscle tel qu'il existe chez
les poissons osseux, subdivisé par des cloisons transversales en segments
ou myomères.
1° La première hypothèse n'est pas réalisable. Etendu sans interrup-
tion de la tête à la nageoire caudale, le muscle, en se contractant impri-
merait à l'axe longitudinal une flexion dont la flèche serait d'autant
plus grande que la contraction serait plus forte. Je ne sais s'il a été fait
des observations spéciales sur le degré de contraction des fibres muscu-
laires striées des Poissons ; mes recherches bibliographiques à ce sujet
ont été vaines. Mais je ne crois pas m'écarter trop de la réalité en prenant
comme valeur celle que l'on attribue aux fibres musculaires de l'Homme.
On estime que chez lui le raccourcissement d'un muscle long atteint, dans
une contraction ordinaire, le tiers de sa longueur. S'il en est ainsi pour
les Poissons, un muscle latéral mesurant par exemple 12 centimètres
serait réduit par la contraction à une longueur de 8 cm., dans ce cas
la courbure de l'axe longitudinal serait telle que sa flèche aurait, d'après
la construction graphique, approximativement 4 cm. Si l'on trouve que
mon évaluation est exagérée, on peut admettre que le muscle ne diminue
484 BENÉ CHEVREL
que du quart ou même du cinquième de sa longueur, ce qui me paraît être
manifestement au-dessous de la vérité ; la flèche de la courbure oscille-
rait encore autour de 3 cm. ]/2. Dans ces conditions, le muscle éloigne
de l'axe par un intervalle aussi considérable, ne pourrait avoir, sauf à ses
2 extrémités, aucune connexion avec la colonne vertébrale. Celle-ci serait
par là même privée de saillies osseuses, l'ossification paraissant être chez
les Vertébrés la résultante directe ou indirecte des tractions que les
muscles exercent sur leurs surfaces d'insertion. Donc plus d'apophyses
épineuses, diminution du diamètre dorso-ventral de l'axe longitudinal
et consécutivement de celui du corps.
La subdivision de la colonne en vertèbres n'aurait même plus de
raison d'être et serait plutôt nuisible, car la flexion détermine, comme on
sait, sur toute l'étendue delà courbure une série de forces centrifuges
dont la résultante a son point d'application à l'endroit de la plus grande
courbure. Cet endroit serait un point faible où se produirait fatalement
une rupture si la contraction du muscle latéral était plus forte ou plus
brusque. On peut supposr avec vraisemblance que la colonne articulée
serait remplacée par une simple tige élastique qui aurait au moins autant
de souplesse et de flexibilité, mais offrirait beaucoup plus de résistance à
la rupture.
Que l'axe squelettique reste composé d'articles ou soit remplacé
par une simple tige, la peau, qui de sa nature est très élastique et très
extensible, ne s'opposerait que faiblement à l'effort que fait le muscle
latéral pour conserver, pendant sa contraction, une direction rectiligne.
Entre lui et la colonne vertébrale, il existerait donc toujours un large
espace que les viscères abdominaux pourraient occuper en tout ou en
partie ; de ce fait, il n'y aurait plus à proprement parler de région
caudale.
Ce serait donc un bouleversement total de la structure architectonique
du type poisson qu'entraînerait cette disposition anatomique : c'est dire
qu'elle est irréalisable.
Au point de vue physiologique, les effets en seraient tout aussi déplo-
rables. Le corps déformé par la contraction du muscle latéral aurait son
centre de gravité fortement déplacé ; pour trouver son nouvel équilibre,
il devrait se pencher dans la direction où se porterait le centre de gravité ;
le jeu alternatif des 2 muscles latéraux lui imprimerait donc un mouve-
ment de roulis qui serait préjudiciable à la rapidité de la locomotion.
2° Dans la seconde hypothèse, l'axe du corps, composé de vertèbres,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 485
serait actionné par une série de muscles allant d'une vertèbre à la sui-
vante. Le jeu de ces muscles se rapprocherait assez de celui des segments
du muscle somatique, tel qu'il existe chez les poissons osseux ; mais nous
allons voir qu'avec cette disposition la forme du corps devrait subir des
modifications profondes qui empêcheraient ou gêneraient la locomotion
rapide.
Considérons l'un quelconque de ces muscles et supposons qu'il soit
seul à se contracter. Dès que la vertèbre sur laquelle s'attache son inser-
tion postérieure commence son mouvement de rotation, il a à lutter :
1° contre la résistance que lui oppose l'allongement des fibres du muscle
qui lui est symétriquement opposé, de l'autre côté du corps ; 2° contre
le poids non seulement de la vertèbre sur laquelle il agit directement,
mais encore de toutes celles qui la suivent ; 3° enfin contre la masse d'eau
que le corps, en se courbant, déplace et pousse en avant. Il est évident
que les muscles situés en arrière de celui qui a été considéré auront à
vaincre une résistance moindre puisque le nombre des vertèbres et le
volume d'eau à déplacer seront plus faibles. Et comme la puissance
d'un muscle est en rapport avec la résistance contre laquelle il lutte,
on peut déduire de ces considérations que les muscles situés vers la région
antérieure de la colonne vertébrale seront plus puissants, partant plus
développés, que ceux de la région postérieure. L'inégalité de développe-
ment des muscles entraîne comme conséquence l'inégalité de développe-
ment des surfaces d'insertion ; donc le corps des vertèbres, ou les appen-
dices qu'il porte, doivent être plus développés dans la région antérieure
du corps que dans sa région postérieure. D'après cela, un poisson pourvu
latéralement de muscles intervertébraux, aurait donc une forme générale
assez semblable à celle que nous offrent les poissons tels qu'ils sont
organisés ; mais là s'arrêterait la ressemblance, car, en dehors de la
similitude de contour, le reste différerait sensiblement. En effet, même
dans les conditions les plus favorables, le muscle intervertébral ne pourrait
avoir, comme surface d'insertion que le corps de la vertèbre, les arcs
vertébraux et les apophyses épineuses qu'il porte, et enfin les saillies
qui se développent sur ses parois latérales. Si ces saillies étaient fortement
développées, elles pourraient jouer un rôle important dans la configura-
tion du muscle et par contre coup dans celle du corps ; mais nous verrons
plus loin que si de telles saillies étaient rigides, c'est-à-dire osseuses ou
cartilagineuses, leur présence mettrait obstacle au jeu même des ver-
tèbres ; si, au contraire, elles étaient molles, membraneuses en un mot,
486 RENE CHEVREL
elles ressembleraient aux septa qui divisent le muscle somatique en seg-
ments : il serait alors impossible de faire la différence entre un muscle
intervertébral et un myomère. Mais si les saillies latérales étaient peu
prononcées, elles contribueraient dans une faible mesure il est vrai,
à la diminution de l'étendue des autres surfaces d'insertion. Essayons
d'évaluer ces- surfaces, au moins d'une façon relative.
Supposons un muscle intervertébral ayant à peu près la même
importance que celle d'un myomère donné, c'est-à-dire possédant
un nombre égal de fibres musculaires de même longueur, de même
diamètre et d'égale énergie. Ces fibres, abstraction faite de celles qui
s'inséreraient sur les saillies latérales du corps vertébral, formeraient une
couche mince de 3 ou 4 assises, peut-être plus, peut-être moins, mais
dont l'épaisseur atteindrait à peine 1 ou 2 millimètres ; admettons même
3 millimètres. Les mêmes fibres, dans le myomère, pouvant se grouper
en faisceau, pourraient avoir facilement 12 mm. d'épaisseur. La surface
couverte par les fibres du muscle intervertébral, en négligeant pour
l'instant celles qui pourraient être insérées sur des saillies du corps de la
vertèbre, serait donc par rapport à celle du myomère considéré, comme
12 est à 3, c'est-à-dire qu'elle serait 4 fois plus grande. Si poussant l'hypo-
thèse à l'absurde, nous admettons maintenant que le nombre des fibres
insérées sur les protubérances vertébrales soit égal à la moitié des fibres
du muscle intervertébral, le rapport entre la surface couverte par les
fibres de ce muscle et celle que couvre le myomère considéré serait encore
4
égale à — ou 2. Or le myomère considéré appartient au Téléostéen qui
a principalement servi à mes recherches, la Tanche. L'exemplaire sur
lequel j'ai pris mes mesures, avait environ 30 cm. de long, du bout du
museau à l'extrémité de la nageoire caudale ; sa hauteur au niveau des
pectorales mesurait 8 cm. */*> nageoires impaires non comprises, et le
muscle latéral, au même niveau, avait 12 mm. d'épaisseur. Un poisson
de même longueur que la tanche, mais pourvu de muscles intervertébraux
devrait donc avoir une hauteur au moins 2 fois plus grande que celle de
la tanche, soit 2 fois 8 cm. 1/4, ou 16 cm. 1/z, c'est-à-dire plus de la
moitié de la longueur totale du corps. Cette proportion est égale à celle
que nous offre le corps de l'Orthagoriscus mola et supérieure à celle du
Turbot. J'avais donc raison de dire qu'avec des muscles intervertébraux
le corps subirait de profondes modifications de forme.
Mais en réalité ces modifications seraient beaucoup plus importantes
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS m
que ne l'indique le résultat ci-dessus, car mes hypothèses ont été grande-
ment exagérées en faveur du muscle latéral.
Quoi qu'il en soit, la Môle et le Turbot auraient encore sur ce poisson
hypothétique un avantage énorme : c'est que leur corps, au voisinage
des crêtes dorsale et ventrale, est épais et résistant, tandis que le sien,
très mince sur une grande hauteur serait flexible et vraisemblablement
incapable de résister à la poussée réactionnelle de l'eau ; de plus, sa
faiblesse ne pourrait offrir aux nageoires impaires l'appui solide dont
elles ont besoin pour leur fonctionnement. Dans ces conditions la progres-
sion par contraction alternative des muscles latéraux intervertébraux
serait impossible.
La seconde hypothèse paraît donc, elle aussi, irréalisable.
La troisième se ramène à la première. En effet, sans rechercher les
modifications qu'un muscle dentelé apporterait à la conformation de
la région antérieure du corps, il suffit de faire remarquer que la dernière
digitation, celle qui s'étendrait de la tête à la nageoire caudale, agirait
exactement comme le muscle simple de la première hypothèse.
Reste la 4e et dernière hypothèse dans laquelle le muscle est subdivisé
en myomères par des cloisons aponévrotiques. Il est évident que cette
disposition qui se rencontre chez la plupart des Poissons, convient par-
faitement au rôle assigné au muscle latéral, ou sans cela elle serait rem-
placée par une autre plus avantageuse. Cette considération suffirait à
légitimer cette disposition ; néanmoins il n'est peut-être pas inutile d'en
énumérer les avantages :
1° Quand un des muscles latéraux se contracte, chacun des myo-
mères reste accolé à l'axe vertébral. La peau qui adhère extérieurement
aux myomères n'a plus de raisons de s'écarter de cet axe et conserve pen-
dant la contraction les rapports qu'elle avait lorsque le muscle était
au repos. Il n'y a donc rien de changé dans la forme générale du corps si
ce n'est la courbure que lui imprime le muscle contracté ; mais le centre
de gravité est à peine déplacé et le corps garde toujours son équilibre.
L'adhérence des myomères à la colonne vertébrale empêche la cavité
abdominale de dépasser ses limites naturelles et le corps se trouve ainsi
subdivisé en 2 régions très distinctes : l'antérieure ou abdominale et la
postérieure ou caudale.
2° On peut, au point de vue fonctionnel, considérer les myomères
comme des muscles intervertébraux. Chacun d'eux prend un développe-
ment en rapport avec le travail qu'il fournit. Or plus un myomère est
488 RENÉ CHEVREL
éloigné de l'extrémité caudale, plus la résistance qu'il éprouve est consi-
dérable puisqu'elle est déterminée par la longueur de la région du corps
qu'il doit mettre en mouvement. La puissance et le développement des
myomères augmentent donc quand on va de la nageoire caudale vers
la tête, comme ce serait le cas pour des muscles intervertébraux. Mais
ici, grâce à la présence des septa transversaux qui donnent aux fibres
des myomères la possibilité de s'insérer dans le sens de la largeur du corps
aussi bien que dans le sens de la hauteur, il s'établit une sorte d'har-
monie dans la distribution des fibres du myomère qui imprime au corps,
en arrière de la tête, une forme conique fondamentale plus ou moins
modifiée par une compression latérale. En raison de leur régime, de leur
habitat, de leurs mœurs etc., tous les poissons n'ont pas besoin de se
déplacer avec la même rapidité ; sous l'influence de ces causes secon-
daires, la distribution des fibres musculaires se fait tantôt dans le sens
de la largeur du corps, tantôt dans le sens de la hauteur, donnant nais-
sance à 2 types extrêmes : l'un voisin du cylindre, comme l'Anguille ;
l'autre plat et ovalaire, comme les Pleuronectes.
Ainsi, grâce à la présence de leurs cloisons transversales, les muscles
latéraux peuvent prendre des dispositions très variées, d'où découle, au
moins en partie, la forme même du corps. C'est un point de vue que
j'exposerai plus loin
Inclinaison des septa d'avant en arrière et Inscriptions tendineuses en zigzag
La disposition des Inscriptions tendineuses à la surface de la
ueue d'un poisson donne l'impression que les septa sont inclinés
d'avant en arrière ; la dissection d'un fragment du muscle somatique en
établit l'évidence. Pourquoi cette disposition ? Est-elle le résultat de la
contraction musculaire ? Dans ce cas, la disposition contraire semblerait
plus logique, car le muscle en se contractant, rapproche la queue de la
tête, ramène, par là même, en avant, toutes ses parties superficielles
et par conséquent, les Inscriptions tendineuses. Les septa, au moment de
la contraction, devraient donc être penchés d'arrière en avant, et comme
ils sont soumis à des tractions répétées, on pourrait peut-être trouver
dans ce fait la raison de leur disposition spéciale à l'état de repos du
muscle. Mais puisque leur inclinaison est précisément opposée à celle
qu'ils devraient avoir, c'est qu'il intervient une autre cause que celle
qui vient d'être examinée. Cherchons-la.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 480
On sait que les muscles somatiques se contractent non pas simultané-
ment, mais alternativement. Quand l'un d'eux entre en activité, l'autre
devient inerte ; il est passif. Le premier en se contractant raccourcit ses
fibres ; le second, par un 'phénomène inverse les voit s'allonger. En effet,
supposons que les septa soient rigides et perpendiculaires à l'axe des
vertèbres sur lesquelles ils sont fixés. Quand un myomère se contracte,
il fait décrire latéralement à celle des 2 vertèbres qu'il actionne un cer-
tain angle grâce auquel les 2 vertèbres se placent en chevron, l'ouverture
de celui-ci étant tournée vers ce myomère. Les 2 septa qui limitent ce
dernier deviennent convergents et les fibres qui s'insèrent sur eux sont
par conséquent d'autant plus courtes qu'elles sont plus éloignées de l'axe
vertébral. Du côté opposé du corps, c'est-à-dire du côté de l'angle du
chevron, les 2 septa correspondants deviennent au contraire divergents
et les fibres qui s'insèrent sur eux voient leurs points d'insertion s'écarter
d'autant plus qu'elles s'éloignent elles-mêmes davantage de l'axe verté-
bral. Donc, elles s'allongent. L'allongement est encore augmenté par le
jeu même des vertèbres. En effet, 2 vertèbres consécutives ont, au repos,
leurs surfaces articulaires séparées par un étroit intervalle ; quand, sous
l'action d'un myomère actif, elles se disposent en chevron, les bords
latéraux de ces surfaces se rapprochent du côté concave ; ils s'écartent
du côté convexe du chevron et augmentent d'autant, l'intervalle qui
sépare les 2 insertions des fibres musculaires du myomère passif.
Ainsi, pendant que les fibres d'un myomère actif se contractent, celles
du myomère passif correspondant s'allongent, et comme, dans les 2 cas,
ces fibres s'insèrent sur les septa qui les limitent, leur action s'exerce
directement sur l'un de ces septa. Dans le cas du myomère actif, la
tête du poisson pouvant être considérée comme le point fixe du muscle
latéral et la queue comme le point mobile, c'est le septum postérieur
qui est tiré d'arrière en avant ; dans le cas du myomère passif, situé du
côté angulaire du chevron, c'est le septum antérieur qui est tiré d'avant
en arrière. Quand le muscle passif devient actif à son tour les mêmes faits
se reproduisent, mais naturellement en sens inverse. En résumé, chaque
septum est tiré alternativement en avant et en arrière. Si la traction en
arrière était la plus forte, on pourrait supposer avec quelque vraisem-
blance que c'est à cette circonstance que les septa doivent leur inclinai-
son permanente d'avant en arrière. Nous allons voir que ce n'est pas
encore là la véritable cause.
Une fibre musculaire ne s'allonge que sous l'action d'une force qui
AECH. DE ZOOL. EXP. El GEN. — I. jl. — F. S. 31
490 RENÉ CHEVREL
tire sur elle ; la résistance qu'elle offre à la traction fait naître en elle
une seconde force, antagoniste de la première, c'est la force d'élasticité
de traction. Ici la force qui agit sur les fibres musculaires passives pro-
vient de la contraction des fibres actives, contraction dont le résultat
apparent est la flexion de la queue ; c'est donc la queue qui, en s'inflé-
chissant, paraît tirer les fibres musculaires passives d'avant en arrière
et qui détermine l'apparition de la force d'élasticité de traction. Suppo-
sons celle-ci de valeur égale à c. La force qui résulte de la contraction
des fibres musculaires actives d'un myomère donné doit vaincre : 1° le
poids des myomères suivants, que je suppose égal à a ; 2° le poids de la
masse d'eau que la queue doit déplacer dans son mouvement de flexion ;
soit b sa valeur ; 3° enfin, la force d'élasticité de traction que lui oppose
l'allongement des fibres musculaires du myomère passif correspondant
et qui vaut c. La résistance à vaincre est donc égale à a + b + c, force
qui s'exerce tout entière, d'arrière en avant, sur le septum limitant pos-
térieur du myomère actif. Les fibres du myomère passif correspondant
sont sollicitées d'avant en arrière par une force égale, a + b + c ; mais
comme l'un des éléments de cette force, c, agit d'arrière en avant, le sep-
tum limitant antérieur n'est en réalité tiré en arrière que par une force
égale àa+6 + c — c, c'est-à-dire par une force a + b inférieure à celle qui
sollicite en avant le septum limitant postérieur du myomère actif.
Je ne tiens pas compte de la petite différence qui existe entre les 2 forces
qui tirent d'avant en arrière, l'une sur le septum antérieur, l'autre sur
le septum postérieur du myomère passif ; cette différence ne peut pas
modifier, d'une manière sensible, la valeur a + b reconnue à la force
qui s'exerce sur le premier de ces septa ; on peut donc l'attribuer égale-
ment au second qui correspond directement au septum considéré du
muscle actif.
Ainsi donc, la traction qui s'exerce d'avant en arrière sur les cloisons
aponévrotiques est plus faible que celle qui agit sur elles d'arrière en
avant ; ce n'est pas par conséquent la flexion de la queue qui peut impri-
mer à ces cloisons l'inclinaison antéro-postérieure qu'elles présentent.
Est-il possible de faire intervenir d'autres facteurs ? C'est ce que je
vais examiner.
La plupart des auteurs qui ont eu à traiter des Poissons ou qui
ont étudié leur mode de locomotion ne se sont pas préoccupés de recher-
cher les causes de l'inclinaison des septa ; ils se sont contentés d'indiquer
cette particularité sans plus. Le ~DX P. C. Amans (1888) a cependant effleuré
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 491
la question. Dans l'analyse détaillée qu'il donne de son type Scyllium,
après avoir rappelé la disposition des muscles latéraux d'après la des-
cription de Gegenbaur (1874) et les dessins de J. Mùller, il se demande :
Quelles sont les vraies directions des fibres musculaires, leurs points d'in-
sertion et les raisons mécaniques des inscriptions tendineuses ? (Ces mots
ne sont pas en italiques dans le Mémoire.)
Puis dans le paragraphe suivant, il établit la charpente de la partie
postérieure du Scyllium, qui forme, dit-il, en arrière du maître-couple,
une sorte de cône lenticulaire ; la dernière portion de cette charpente est
représentée par le système de cloisons transversales, sortes de parallèles
du cône.
« Les cloisons transversales, dit-il, forment des surfaces courbes,
« sinueuses, à la façon du contour de front1. Ce sont elles qui, à la péri-
« phérie, figurent les Inscriptions tendineuses en forme de s ; les branches
« médianes du s convergent vers la tête, de même la supérieure avec
« sa symétrique, et l'inférieure avec sa symétrique, pendant que les
« sommets intermédiaires sont tournés en arrière. »
« La forme des ^ varie chez les Poissons ; mais un fait constant, c'est
« la convexité en avant des branches médianes. C'est là une fatalité
« géométrique, un cas particulier du raccordement ou plissement des
« solides ».
« Ainsi un plan se plisse suivant une droite, un cylindre circulaire
« suivant une ellipse, un cône suivant une courbe à convexité tournée
« vers la base (comme les Inscriptions tendineuses) une surface courbe
« suivant une ligne sinueuse (sic sinussoïde de l'aile d'une cigale). Si donc
« on voulait faciliter la flexion ou la courbure d'un de ces corps, il faudrait
« au préalable y placer des centres de flexion, des septa conformes à ces
« lignes de plissements. »
« La région postérieure du corps des Poissons est une sorte de cône
« destiné à glisser de haut en bas et surtout de droite à gauche ; la forme
« des cloisons transversales est en rapport intime avec la forme du cône
« et le sens des plissements. On est nettement frappé de ce rapport en
« observant les lignes de rupture ou de flexion de surfaces planes, cylin-
« diïques, coniques, etc. »
Comme on le voit par ces extraits, l'auteur n'a pas abordé à propre-
1. Il appelle Iront la courbe de contact du cylindre tangent à l'ovoïde parallèlement au grand axe ; et par
ovoide il entend la forme ovoïde, allongée d'avant en arrière, qui est commune à presque tous les animaux aqua-
tiques.
492
RENÉ CHEVREL
I
II
ment parler la question de l'inclinaison des septa ; cela n'entrait pas
dans le cadre de ses recherches ; mais il la côtoie pour ainsi dire par ses
remarques sur la forme des cloisons transversales, la disposition et
l'orientation des Inscriptions tendineuses. Il existe en effet un rapport
intime entre ces faits et l'inclinaison des septa et c'est pour cela que je
m'occupe de ce travail.
Les cloisons transversales sont, dit-il, des surfaces courbes sinueuses,
et les surfaces courbes se plissent suivant une ligne sinueuse qui, chez
les poissons, est représentée par les Inscriptions tendineuses. Ces ins-
criptions n'étant autre chose que les intersections des cloisons trans-
versales avec la surface latérale du
corps, on peut se figurer ces cloisons
sous la forme d'une sorte de para-
vent à 4 feuillets dont la charnière
moyenne est tournée vers la tête et
les 2 autres dirigées vers la queue. Or
si l'on étudie ces cloisons directement,
on constate que vers leur région mé-
diane leur allure n'a pas la régularité
que laissait entrevoir la forme en zig-
zag de leurs Inscriptions tendineuses.
Cette disposition médiane peut cepen-
dant être schématisée et ramenée à
celle d'un paravent à 6 feuillets dont
2 charnières seraient tournées en avant et les 3 autres en arrière.
Pour comprendre cette disposition, il suffit de supposer que dans le
1er paravent A B C D E, fig. n. la charnière médiane C au voisinage du
septum horizontal a été refoulée et ramenée en arrière en même temps
qu'une partie des faces du dièdre, dont elle était l'arête, se repliait par-
tiellement pour constituer les faces des 3 dièdres secondaires, H, C, H',
le médian C ouvert en avant, les 2 autres ouverts en arrière.
Or pourquoi le plissement n'est-il pas, dans la région médiane, sem-
blable à celui de la région périphérique ? On pourrait supposer que c'est
à cause de la présence du septum horizontal qui correspond précisément
à l'angle C du dièdre médian primaire du 1er paravent et à l'angle C du
dièdre médian secondaire du 2e paravent, car les septa transversaux
sont soudés au septum. horizontal et ne peuvent pas par conséquent se
plisser là comme dans le reste de leur étendue. Mais comme le plissement
Fig. II. Paravents schématiques destinés à
montrer la disposition des myomères : I —
disposition apparente ; II — disposition
réelle.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 493
est déterminé par l'aplatissement transversal du corps, le septum hori-
zontal devrait, lui aussi,, subir les effets de cet aplatissement et il ne porte
nulle part trace de plissement.
D'un autre côté, le corps du poisson ayant, d'après le Dr Amans
(1888) la forme d'un cône, et le cône se plissant suivant une courbe à
convexité tournée vers la hase, on doit déduire de là que le septum trans-
versal, en se plissant, doit s'incliner d'arrière en avant, c'est-à-dire à
l'opposé de ce que l'on constate par l'examen direct.
La théorie du raccordement ou plissement des solides de cet auteur
ne donne donc pas l'explication des raisons mécaniques des Inscriptions
tendineuses, et la disposition et l'orientation de celles-ci, sous forme de
2, ne sont pas par conséquent le résultat d'une simple fatalité géomé-
trique.
Dans une courte note, Weyher (1905) constatait que le corps du
brochet, animal de proie, était parfaitement conditionné pour se dépla-
cer avec une grande vitesse. Pour cela, dit-il, la nature lui a donné des
formes bien plus effilées à l'arrière qu'à l'avant, et de plus elle l'a doté
de cette inversion de la tête par rapport à la queue qui contribue large-
ment à sa rapidité de progression.
Cette comparaison du corps du brochet à une veine inversée liquide
a été reprise par Fr. Houssay (1905) qui s'en est servi pour édifier une
théorie sur la genèse des formes aquatiques animales. J'emprunte au
Dr Amans (1906) le résumé de cette théorie : 1° un animal qui est plat
horizontalement en avant doit être plat verticalement en arrière et inver-
sement ; 2° c'est un phénomène comparable à l'inversion d'une veine
liquide ; 3° la résistance du liquide détermine une alternance de position
des nageoires dorsale et anale, de manière à avoir un courant spiral.
Pour confirmer ces vues, l'auteur s'est livré à de nombreuses et
curieuses expériences; il a fait connaître, dans plusieurs publications et en
particulier dans les Notes et Revue (1908) des Archives de Zoologie expé-
rimentale, quelques-uns des résultats qu'il a ainsi obtenus. Il les attri-
bue à la résistance du milieu et à la plasticité du corps de l'animal.
Je n'aurais pas parlé, du moins actuellement, de cette théorie si un
passage de la note préliminaire (1908) n'avait un rapport indirect avec
la question que je traite. L'auteur compare, en effet, la forme d'un pois-
son à celle d'un ovoïde de révolution très allongé dont le maître-couple,
voisin du gros bout de l'ovoïde, est perpendiculaire à l'axe longitudinal de
l'objet. En lui faisant subir la taille biplanaire de manière que l'aplatis-
494 RENÉ CHEVREL
sèment horizontal soit antérieur et le vertical postérieur, il montre que
le maître-couple se transforme en une courbe gauche qui est repoussée
vers Varrière dans Je plan médian et en avant sur les côtés. La nouvelle
tourbe se projette sur l'ovoïde sous la forme d'un chevron dont l'angle
est dirigé en avant. Or, ajoute-t-il, on perçoit tout de suite un rapport
entre la forme type du maître-couple et la disposition chevronnée des
Myotomes.
On peut conclure de là que si la forme type du maître-couple est le
produit de la résistance de l'eau, c'est également à la même cause, bien
que l'auteur ne le dise pas expressément, qu'est due la disposition che-
vronnée des Myotomes, et par suite celles des cloisons transversales.
Or, d'après sa description, la partie du maître-couple qui touche au plan
médian dorso-ventral se trouve repoussée en arrière ; les parties latérales
de ce maître-couple sont donc ramenées ou maintenues en avant et chaque
moitié du plan du maître-couple se trouve, de chaque côté du corps,
couché d'arrière en avant et de dedans en dehors.
Cette théorie impose par conséquent au plan du maître-couple et à
ceux des cloisons transversales une inclinaison opposée à celle qu'ils
présentent réellement.
Dans le travail complet que cet auteur a fait paraître . récemment
(1912) sous le titre : Forme, Puissance et Stabilité des Poissons, et qui
résume la substance des Notes publiées par lui sur le même sujet, il dit
à la page 267 : « Les métamères myotomiques dont nous avons vu le
« déterminisme doivent être conçus comme typiquement transversaux
« en des tranches rigoureusement perpendiculaires à l'axe du corps.
« Us sont tels, en effet, quand ils débutent dans les embryons...
« L'inversion générale du corps retentit d'une façon plus nette
« encore sur la disposition des myotomes. Nous avons montré que la
« forme du maître-couple est la conséquence de cette inversion. Celui-ci
« au surplus représente la place de la pression maxima sur le corps
« et, par le refoulement en arrière de son contour dorsal et de son con-
te tour ventral, il traduit en quelque chose la direction des plus fortes
« pressions. Notons maintenant que les myotomes aussi manifestent
« un semblable refoulement dorsal et ventral. C'est la disposition même
« qu'en anatomie descriptive on connaît comme chevronnement des
« myotomes (A. fig. 99).
« Telle est en effet la forme simple qu'ils affectent chez les êtres
« peu rapides, par suite peu résistants (embryons, têtards de Batra-
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 495
« ciens). Pour les poissons, en raison de la vitesse plus rapide et des
« pressions plus fortes, un changement s'opère. Remarquons d'abord que
« les myotomes sont maintenus par les lames de mésenchyme qui se sont
(c intercalées entre eux. Ce sont : 1° des lames transversales, myocomes,
« refoulées par la pression normalement à leur surface et qui cèdent ;
« 2° deux lignes longitudinales, l'une dorsale, l'autre ventrale, que la
« pression fait travailler par traction dans le sens de leur longueur et qui
« ne cèdent pas ou cèdent peu. Il en résulte que les myotomes refoulés
« vers le dos et vers le ventre, mais maintenus par leurs extrémités
« dorsale et ventrale prennent nécessairement la forme B (fig. 99). C'est
« celle que l'on rencontre avec une très grande généralité et sauf petites
« exceptions de détail. Les petites exceptions sont même du plus haut
« intérêt en précisant bien que c'est la forme du maître-couple, indice
« exact des pressions de rencontre, qui détermine en toutes ses flexions
« la forme du myotome C (fig. 99), par exemple chez les Trigles. »
Il se dégage de ce qui précède que c'est grâce à l'inversion du corps
que les myotomes, qui à l'origine étaient « typiquement transversaux
« suivant des tranches rigoureusement perpendiculaires à l'axe du corps »,
prennent la disposition en chevron par suite de la pression de l'eau plus
forte dans les régions dorsale et ventrale que dans la région médiane.
Si cette pression suffit à la rigueur à expliquer la disposition de l'Ins-
cription tendineuse formant le bord externe des myocomes, elle n'est plus
suffisante pour rendre compte de la disposition véritable des myotomes,
dont la face antérieure, si elle était sectionnée par des plans transversaux
menés parallèlement à ce bord externe, donnerait une série de courbes
toutes différentes entre elles et différentes par conséquent de celle de
l'Inscription tendineuse correspondante. Puisqu'il n'y a pas concordance
entre ces diverses intersections, il est évident que, si c'est la pression
de l'eau qui modèle le myotome, cette pression varie avec les différentes
régions de ce dernier. Et il paraît logique d'admettre que la pression va en
décroissant de dehors en dedans, sa plus grande intensité coïncidant
avec le point du corps où elle exerce directement son action. Ainsi donc
c'est la partie externe du myotome qui subit la plus forte pression ;
c'est elle qui doit être repoussée le plus loin en arrière. Dans son ensemble,
la face antérieure du myotome, ou, ce qui revient au même, le myocome
limitant qui la recouvre doit donc être incliné d'avant en arrière et
de dedans en dehors. C'est bien, en effet, ce que l'on constate ; mais
l'inclinaison n'est pas uniforme et chaque myocome présente dans sa
496 RENÉ CHEVRE L
région interne 2 points, les 2 sommets des cônes antérieurs, qui, quoique
moins profondément situés que son bord interne, font cependant beau-
coup plus saillie en avant que lui. De même, dans sa région externe,
2 autres points du même myocome, les 2 sommets des cônes postérieurs,
sont, quoique moins superficiels, reportés un peu plus loin en arrière que
son bord externe.
Il est impossible d'expliquer cette bizarrerie par le simple effet de
la pression de l'eau sur le myotome.
Aucune des hypothèses envisagées jusqu'ici n'ayant pu me donner
une explication suffisante de la disposition véritable des myocomes ou,
comme je les appellerai désormais, des wpta transversaux, je me suis
demandé si la cause n'en était pas simplement dans le mode de contrac-
tion des muscles somatigues et je me suis trouvé ainsi amené à essayer de
faire l'analyse détaillée de leur physiologie.
Chapitre III
TERMINOLOGIE
Mais pour mieux préciser les rapports qu'ils ont avec les organes
voisins, je commencerai par rappeler brièvement les principales phases
de leur développement et par expliquer la raison pour laquelle j'emploie
certains termes de préférence à d'autres également usités : j'adopte
la terminologie employée par Hans Gadow et miss Abbot (1896).
De chaque côté de la Corde dorsale nouvellement formée, il apparaît
des masses mésodermiques continues, plaques ou masses latérales, qui
se subdivisent bientôt transversalement en une série de pièces segmen-
taires appelées Proto vertèbres. De leur face interne se détachent des
cellules qui entourent ou pénètrent la gaîne de la Corde en formant de
chaque côté 2 amas plus ou moins accusés que Hans Gadow et miss
Abbot nomment Sclérotomes. L'ensemble des Sclérotomes constitue la
couche squelettogène. Celle-ci entoure la gaine de la Corde, la moelle
épinière, et, dans la queue, les principaux vaisseaux sanguins ; de plus,
elle s'étend vers la périphérie du corps sous la forme de Cloisons ou septa
inter musculaires. Ce qui reste de chaque proto vertèbre, après que les
cellules squelettogènes s'en sont séparées pour produire les sclérotomes,
forme ce que les mêmes auteurs appellent un Myotome, Dans le cours
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 497
de l'évolution, un Myotome se différencie en une partie externe, peau,
et une partie interne, Myomère ; les 2 sclérotomes, l'un dorsal, l'autre
ventral, qui, dans la pensée de Balfour (1878) sont, au moins chez les
Elasmobranches, les ébauches des futurs arcs hémaux et neuraux, se
combinent pour constituer un Scléromère, c'est-à-dire un segment du
tronc squelettique, ou autrement dit une Vertèbre1. L'ensemble des
Scléromères forme la colonne vertébrale membraneuse qui par l'appa-
rition dans son épaisseur, de pièces dures, devient ensuite cartilagineuse,
puis osseuse.
En résumé, les produits mésodermiques disposés segmentairement,
sauf les Néphrotomes et les Gonotomes, se subdivisent ainsi :
( la peau en dehors,
Sun Myotome qui produit ) , ininnc.
J i r (un myomere en dedans ;
2 Sclérotomes qui par ( un Scléromère en dedans,
leur combinaison produisent j et, en dehors, une cloison
autour de la Corde ( transversale intermusculaire.
Les Sclérotomes qui s'unissent pour constituer un Scléromère appar-
tiennent à 2 Protovertèbres consécutives, de telle sorte que les limites des
Scléromères ne correspondent pas à celles des Myotomes ; la cloison
fibreuse intermusculaire qui sépare 2 Myotomes s'insère donc sur la
surface du scléromère suivant une ligne, d'ailleurs variable, comprise
entre les 2 extrémités de celui-ci. Cette cloison intermusculaire ou septum
est, à l'origine perpendiculaire à la Corde dorsale. C'est sur cette particu-
larité que je m'appuierai pour commencer l'étude de la contraction du
muscle somatique.
MODE DE CONTRACTION DES MUSCLES SOMATIQUES
Je rappelle que le muscle somatique est subdivisé par un septum
horizontal en 2 moitiés, l'une dorsale ou épiaxiale, l'autre ventrale
ou hypoaxiale. Or en examinant la structure des myomères de ces 2 régions
et surtout en observant avec attention les mouvements d'un poisson dans
l'eau, on constate que les 2 moitiés du muscle somatique peuvent agir
indépendamment l'une de l'autre. Comme mon but n'est pas de recher-
cher les lois de la locomotion ou du mode de progression qui ont été
1) Haxs Gadow et miss Abeot attribuent aux terminaisoas tome et mère les significations suivantes : la
terminaison tome indique la condition primitive plus ancienne, moins différenciée ; la terminaison mèrt signifie
la condition finale ou produit.
498 RENÉ CHEVREL
d'ailleurs spécialement étudiées par plusieurs auteurs, et en particulier
par J. A. Borelli (1685), T. J. Barthez (1798), Pettigrew (1875)
et H. Strasser (1882), mais exclusivement le mécanisme, de la contrac-
tion du muscle somatique, il me paraît préférable de ne m'adresser, pour
mon étude, qu'à l'une des moitiés de ce muscle ; je choisis la moitié
dorsale ou épiaxiale, qui s'étend sur toute la longueur du corps, depuis
la tête jusqu'à la nageoire caudale.
De plus, les poissons actuels, héritiers des particularités avantageuses
acquises par leurs ancêtres au cours du développement phylogénique,
présentent à l'état adulte une complication de structure défavorable
à l'analyse des mouvements de leurs muscles latéraux ; aussi je m'adresse
à un poisson idéal, souche, si l'on veut, de cette classe d'animaux, qui
possède encore les caractères simples et primitifs que le développement
ontogénique laisse entrevoir pendant un laps de temps très court. Ce
poisson a encore ses septa plans et perpendiculaires à l'axe longitudinal
des vertèbres sur lesquelles ils s'insèrent ; j'admets, en outre, comme
hypothèse provisoire, qu'ils sont rigides, inextensibles et restent, dans
leurs déplacements, perpendiculaires à leurs vertèbres respectives.
Inégal raccourcissement des fibres des myomères
Ceci posé, menons à travers la moitié épiaxiale des muscles somatiques
un plan horizontal perpendiculaire au plan médian dorso-ventral du
poisson et considérons, dans ce plan, la section d'un myomère quelconque
placé du côté gauche du corps (fig. m). V1 et V2 représentent les sections
de 2 vertèbres consécutives, la première étant la plus voisine de la tête.
A ces 2 vertèbres correspond un myomère CBIK limité en avant par le
septum CI, antérieur, et en arrière par le septum BK, postérieur. Les
droites CB, EH, IK etc., sont des fibres musculaires du myomère com-
prises dans la section du plan horizontal considéré.
Les 2 septa CI et BK étant, par hypothèse, perpendiculaires à l'axe
vertébral, les fibres musculaires CB, EH, IK, qui sont très sensiblement
parallèles à cet axe et de même diamètre sont d'égale longueur. Il est
permis de supposer que dans ces conditions leur~puissance de contraction
est identique, c'est-à-dire qu'elles doivent se raccourcir d'une égale lon-
gueur lorsqu'elles produisent la même quantité de travail. De plus,
l'action qu'elles exercent sur les 2 septa qui les limitent n'est pas tout
à fait la même et demande à être précisée. Lorsque l'un des muscles soma-
MUSCLE LATERAL DES POISSONS
499
tiques se contracte, le corps décrit de ce côté une courbure plus ou moins
accusée, déterminée par la rotation des vertèbres les unes sur les autres ;
mais le mouvement n'est pas instantané, comme on peut s'en rendre
compte en observant les ondulations d'un poisson au corps allongé, tel
qu'un squale. On peut déduire de là, pour les poissons à corps plus court,
que la contraction des différents myomères de ce muscle n'est pas simul-
tanée et que, par exemple, celle du 1er myomère précède un peu celle
du second; celle de celui-ci, un peu celle du 3e et ainsi de suite. Le septum
antérieur d'un myomère, de <j_
même que la vertèbre sur V "
laquelle il s'insère, est donc K
pour ainsi dire déjà immo-
bilisé par la contraction du
myomère précédent quand
le myomère suivant entre
à son tour en activité. Les
2 septa limitants d'un myo-
mère peuvent donc être
distingués l'un de l'autre
par leur état physiologique
au moment de l'entrée en
action de ce myomère ; l'an-
térieur est fixe et sert de
point d'appui solide aux
fibres qui se contractent ; le
postérieur sollicité par ces
fibres cède à leur traction
et est mobile grâce à la mobilité ae la vertèbre correspondante. Je les
désignerai souvent par les expressions qui indiquent leur état.
Revenons à l'examen des fibres musculaires contenues dans le plan
CBIK de la figure m. Toutes ces fibres étant semblables et semblable-
ment placées doivent agir de la même façon ; il suffit donc d'en exami-
ner une pour savoir comment se comportent toutes les autres. Soit donc
la fibre EH. Quand elle se contracte, elle se raccourcit et tend à amener
son point H, mobile, comme il vient d'être dit, vers son point E qui est
fixe. Mais le point H appartient à la droite BK qui, par hypothèse, demeure
rigide et perpendiculaire à la vertèbre V2, laquelle est mobile en A.
Quand le point H se déplace, il entraîne donc dans son mouvement la
500 RENÉ CHEVREL
droite BK, et, avec celle-ci, la vertèbre V2. Supposons le point A et le
point H unis par la droite AH, nous pourrons considérer le système
rigide ABH comme un levier du 2e genre de longueur égale à AH, dans
lequel le point d'appui serait A ; la puissance, une force /, née de la con-
traction de la fibre EH et dont le point d'application serait en H ; la
résistance, le poids des fibres musculaires contenues dans le plan hori-
zontal du myomère considéré et de tous les myomères suivants, plus
celui de la tranche d'eau mise en mouvement par ce plan. Le point H
sollicité par la force / décrira donc un arc de cercle HH' ayant le point A
comme centre et la longueur du levier AH comme rayon. La vertèbre V2,
invariablement liée au système ABH, le suivra dans son déplacement
et formera avec sa position primitive un angle a dont l'amplitude sera
déterminée par l'importance de la contraction de la fibre EH. Les autres
fibres du plan CB, IK, se comporteront de la même façon, et leurs points
mobiles B et K, solidaires du point H, puisqu'ils appartiennent tous à la
même droite rigide BK, décriront, comme ce dernier, des arcs BB',
KK', de valeur a. Ils seront donc encore situés sur la même droite B'K'.
Mais la droite BK était parallèle à CI ; comme ses différents points B,
H, K, ont été inégalement attirés vers cette dernière droite, elle cesse
de lui être parallèle et prend une position B'K' convergente par rapport
à CL
Cette disposition suggère quelques observations que je veux présenter
avant de poursuivre l'étude de la contraction du muscle latéral.
Tout d'abord, l'examen de la figure ni montre que les diverses fibres
musculaires du plan se raccourcissent inégalement, le raccourcissement
étant d'autant plus grand que la fibre est plus superficielle : ainsi IK'
est beaucoup plus courte que CB'. Cette particularité tient, en grande
partie, à ce que les fibres étant solidaires des 2 droites CI et BK voient
leur longueur subordonnée à la position de ces droites, du moins dans
l'hypothèse de rigidité et de perpendicularité des septa où nous nous
plaçons. En effet, les fibres musculaires ayant sensiblement même lon-
gueur et même diamètre, et de plus recevant même excitation nerveuse,
devraient, si elles étaient libres de se contracter à leur aise, se raccourcir
d'une même quantité ; mais la convergence des 2 droites CI et BK sur
lesquelles sont insérées leurs extrémités limite le raccourcissement chez
les unes et peut l'exagérer chez les autres : ainsi quand la vertèbre V2,
cédant à la traction des fibres du myomère CIBK tourne latéralement,
son point B, ou mieux le point B du septum BK, ne peut se déplacer
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 501
que faiblement ; dans ces conditions le raccourcissement de la fibre CB
est peu accusé ; mais le point K du même septum peut au contraire par-
courir un assez long trajet et se placer en un point I' tel que la distance
IK' soit plus petite que ne le serait la fibre IK si elle se contractait
librement.
Je reviendrai un peu plus loin sur co point qui présente un grand
intérêt pour la question que je traite.
Intensité de traction variable avec m position aes flores
Comme je viens de l'indiquer ci-dessus, bien que les fibres musculaires
situées dans le même plan se raccourcissent inégalement, les forces qui
naissent de leur contraction n'en sont pas moins égales. Et cependant
cette égalité de force n'implique pas nécessairement une égalité d'action :
l'intensité de la force varie en effet, avec la position de la fibre. Reprenons
la fibre EH de la figure m. Le point H appartient à la fois au rayon AH
et à la fibre EH ; quand celle-ci se contracte, elle tend à entraîner le point
H dans la direction HE ; mais le point H lié invariablement au point A
par une droite rigide décrit de ce point un arc de cercle HH'. La position
de la fibre EH pendant sa contraction change donc à chaque instant.
Examinons l'intensité de la force qui tire le point H pour une position
donnée. Soit la position H'. Quand le point H arrive en H', il tend à pour-
suivre sa route suivant une droite qui est tangente à la courbe au point
H'. Si l'on compose la force / née de la contraction de la fibre EH, force
que je suppose représentée en intensité et en direction par la droite H'E',
cette force / pourra être remplacée par les 2 composantes : H'D\ déter-
minée par la perpendiculaire abaissée du point E' sur la tangente H'D' et
H'G également déterminée par la parallèle E'G menée à la tangente.
Cette 2-composante ne peut produire aucun travail, car le point H'
tiré par elle dans le sens H'GA appartient à la droite AH', rigide par hypo-
thèse et, dont le point A n'est pas mobile dans ce sens. La lre composante
seule, H'D' tirera le point H' dans la direction de la tangente pour l'ame-
ner de H' vers D'. Or, cette force H'D\ qui n'est qu'une composante,
possède évidemment une intensité moindre que la force / représentée par
la droite H'E' qui est la résultante.
L'intensité de cette composante, H'D', est d'ailleurs variable avec
les diverses positions occupées par le point H sur l'arc HH'. Elle va en
croissant depuis le point H, origine de l'arc sur le septum mobile, jusqu'à
502
RENÉ GHEVREL
un maximum où elle devient égale à la résultante H'E', c'est-à-dire à la
force / ; puis elle décroît et finit par devenir nulle lorsque sa direction
se confond avec celle du rayon dont le prolongement passerait par le
point E, deuxième extrémité de la fibre EH.
De plus, la valeur de cette composante croît aussi avec le rayon de
l'arc décrit par le point H : les forces qui tirent sur le point H sont d'autant
plus grandes que les fibres d'où elles émanent sont plus éloignées de la
colonne vertébrale.
Soit la figure iv, dans laquelle EH représente la fibre qui se contracte ;
H H' H" H'" l'arc décrit par le point H autour de A, comme centre,
avec AH com-
me rayon.
Quand la fibre
commence à
se contracter,
elle tend, com-
me il vient
d'être dit ci-
dessus, à en-
traîner le
point H sui-
vant la tan-
gente HD.
Supp osons
que la force / née de cette contraction soit représentée en intensité
et en direction par la droite HE' ; en composant cette force, nous
aurons pour composante agissante la droite HD, obtenue en abaissant
du point E' une perpendiculaire E'D sur la tangente HD ; l'autre
composante HG, obtenue en menant du point E' une parallèle
à la tangente jusqu'à la rencontre de AH, ne peut modifier l'état du
point H invariablement lié au point A par la droite rigide AH. Mais
HG — DE' comme parallèles comprises entre parallèles'; nous pouvons
donc, dans nos calculs, substituer DE' à HG. Le triangle HDE' étant
rectangle en D, son hypoténuse HE', qui représente la force /, égale
^HD2+E'D2. Or cette force étant de valeur constante, si l'un des
éléments qui la composent, HD, par exemple, varie dans un sens, l'autre
varie dans le sens opposé ; autrement dit, si HD augmente, E'D diminue
et réciproquement. Ceci établi, considérons une autre position du point B
FlG. IV.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 503
sur l'arc HH'H"H'" : soit H'. A ce moment, la fibre musculaire EH a
pris la position EH'. La force /, née de la contraction de cette fibre, res-
tant constante dans toutes les positions que peut prendre celle-ci, portons
sur la droite EH' une longueur E"H' égale à E'H, mesurant en intensité
et en direction la force /. Si nous composons cette force, nous aurons
pour composante agissante la droite H'D' dont la longueur, comme je
vais le démontrer, est plus grande que celle de la composante HD de la
précédente position de la fibre. Pour cela, il me suffit de montrer que
l'angle E"H'D' est plus petit que l'angle correspondant E'HD du précé-
dent triangle rectangle. En effet, le triangle E'HD étant rectangle peut
être inscrit dans une demi-circonférence. Les angles aigus de ce triangle
ont chacun pour mesure la moitié de l'arc compris entre ses côtés ; si
l'un de ces angles diminue, l'arc qui lui sert de mesure diminue également
ainsi que la corde qui le sous-tend ; mais alors, l'arc qui mesure l'autre
angle aigu augmente nécessairement ainsi que sa corde puisque la somme
des 2 arcs sous-tendant les 2 angles aigus égale toujours 180°. Donc,
si l'un des angles aigus d'un triangle rectangle diminue, le côté opposé
à cet angle diminue également ; mais par compensation, l'autre côté de
l'angle droit s'accroît. Considérons les 2 triangles E'HD et E"H'D'.
La tangente H'D' forme avec la tangente HD un certain angle D'MD ;
cet angle et l'angle H'AH, de valeur a, sont égaux comme ayant leurs
côtés respectivement perpendiculaires. Si nous menons par le point M une
parallèle NM à E'H, nous formons un angle NMD qui est égal à E'HD
comme correspondant ; le déplacement de la tangente de HD en H'D' a
pour effet, comme le montre bien la figure, de diminuer la valeur de
l'angle NMD d'une quantité égale à l'angle a. Mais en même temps que
la tangente se déplace ainsi, la fibre musculaire passe de EH en EH',
c'est-à-dire qu'elle s'incline par rapport à sa direction primitive, d'un
angle HEH'. Si par le point E' on mène la rdoite ET parallèle à EH\
on forme un nouvel angle HE'P qui est égal à l'angle HEH' comme
correspondant. Or cet angle HE'P diminue d'autant l'angle HE'D ;
mais comme ce dernier est complémentaire de l'angle E'HD, celui-ci
se trouve en réalité augmenté de l'angle HEH'. Ainsi d'une part l'angle
E'HD diminue d'une quantité a ; de l'autre, il augmente d'une quantité
HEH' ; cherchons la valeur de ce dernier angle.
Les 2 angles a et HEH' sont limités l'un et l'autre par l'arc HH' ;
cet arc étant décrit du point A, c'est-à-dire du sommet de l'angle a,
mesure la valeur de l'angle y.. L'autre angle HEH' peut être considéré
504 RENÉ CHEVREL
comme formé par 2 sécantes EH et EH' coupant en H et H' la circon-
férence décrite du même point A avec AH comme rayon. Ces 2 sécantes
présentent 3 cas à considérer. Si le sommet de l'angle formé par les
2 sécantes est situé sur la circonférence même, cet angle étant inscrit
a pour mesure la moitié de l'arc compris entre ses côtés ; il vaut donc
— ; si le sommet est extérieur à la circonférence, la valeur de l'angle est
égale à la demi-différence des 2 arcs interceptés ; elle est donc plus petite
que — ; si enfin le sommet est en dedans de la circonférence, la valeur
de l'angle est égale à la demi-somme des 2 arcs interceptés par ses
côtés et leurs prolongements; dans ce cas, elle serait supérieure a —
elle pourrait être égale ou même supérieure à a. Dans les 2 premiers cas,
l'angle E'HD diminue d'une quantité a ; il augmente d'une quantité au
plus égale à — ■ ; donc en résumé, cet angle diminue d'une quantité
au moins égale à a — — = -— . Quant au 3e cas, il ne peut jamais
se présenter. En effet, le centre A de l'arc décrit est toujours plus rap-
proché du septum mobile BH que du septum fixe CE ; par conséquent
l'arc décrit du point A comme centre avec AH comme rayon coupera
toujours la fibre EH en un point R qui sera compris entre les 2 septa ;
le point fixe E de la fibre restera donc en dehors du cercle et l'angle
qui aura ce point comme sommet rentrera dans le second cas envisagé.
Si le centre A du cercle se trouvait placé juste au milieu de l'intervalle
qui sépare les 2 septa, le cercle passerait par le point E et l'angle qui
aurait ce point pour sommet rentrerait dans le second cas envisagé.
Ainsi l'angle E'HD formé par la fibre EH et par la tangente menée
en H au cercle décrit du point A avec AH comme rayon, diminue gra-
duellement à mesure que H se déplace le long de ce cercle ; il en est de
même du côté E'D qui lui est opposé dans le triangle rectangle E'HD,
et comme l'hypoténuse E'H de ce triangle reste de longueur constante,
l'autre côté de l'angle droit HD, en vertu du théorème sur le carré de
l'hypoténuse, doit au contraire augmenter. Mais ce côté qui s'accroît
n'est autre que la composante agissante de la force/ qui sollicite le point B ;
celui-ci se trouve donc tiré de plus en plus fort vers la limite de contrac-
tion de la fibre. Dans «on mouvement, le point H atteint un point H" tel
que la tangente menée en ce point passe par le point fixe E de la fibre ;
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 505
le parallélogramme des forces disparaît et n'est plus représenté que par la
résultante H"D" dont l'intensité est égale à la force / : c'est là que le
point H subit son maximum d'attraction. Au delà du point H", le parallé-
logramme des forces se reforme et la composante agissante diminue de
plus en plus jusqu'à ce que le point H arrive en H'" sur la droite qui
joint le centre A du cercle au point E, point fixe de la fibre. Dans cette
position du point H, le parallélogramme des forces se trouve de nouveau
détruit et la force / agit dans le prolongement du rayon AH'" ; mais,
comme ce point H'" est invariablement tf
lié au point A, la force est neutralisée ; I \
autrement dit elle devient nulle. !
En résumé, quand une fibre muscu-
laire se contracte, son extrémité mobile \ \ 0n
décrit un cercle ayant comme centre le point A ps* ..-' ^
d'articulation des 2 ver- ,1 .-•' ^-., \
tèbres correspondantes -r iV' ;A ^of il
et comme rayon ta
distance de cette arti-
culation à V extrémité p'ï i^s. ~^>»«^| >'_'--"' 'V :
mobile de la fibre. Dans
chacune des positions
successives qu'occupe
cette extrémité, la fibre
si trouve amenée, dans
la figure, d'abord au-dessous de sa position primitive, puis ensuite au-des-
sus, c'est-à-dire qu'au début de sa contraction elle s'écarte de la colonne
vertébrale et s'en rapproche au contraire à la fin. La force née de cette
contraction n'agit pas en général directement sur le point mobile ; elle
est remplacée par une composante dont l'intensité va croissant tant que
la fibre se maintient en dessous ou plutôt en dehors de sa position de repos ;
elle décroît jusqu'à devenir nulle dès que la fibre se place au-dessus ou
mieux en dedans de cette même position.
Pour rendre la 2e proposition plus saisissante, c'est-à-dire pour montrer
que plus les fibres d'un même myomère sont éloignées de la colonne
vertébrale, plus l'intensité de la force qui agit sur leur point mobile
est considérable, je modifierai la disposition des arcs décrits par les
extrémités mobiles d'un certain nombre de fibres. Dans la figure iv nous
avons 3 arcs décrits du même point A comme centre, mais avec des
AECH. DE ZOOL. EXP. El GÉ.W — T. 52. — F. S. °J
FlO. V.
506 RENE CHEVREL
rayons AB, AH et AK correspondant à la position des 3 fibres CB, EH et
IK ; la figure v ne comporte qu'une seule fibre EH et 3 arcs de cercle
passant par le point mobile H mais décrits de 3 centres A, A' A" tels que
leurs rayons AH, A'H et A"H égalent respectivement AB, AH et AK de
la figure précédente. Considérons successivement sur ces 3 arcs 2 positions
correspondantes du même point mobile ; soit d'abord la position H, à
l'origine du mouvement, et ensuite la position H', H", H'" sur la ligne
des centres A, A', A". L'arc H H'" R qui est le plus rapproché de la
fibre EH et qui a par conséquent le plus grand rayon A" H correspond
évidemment à la fibre la plus éloignée de la colonne vertébrale ; au
contraire, l'arc H H'R, qui est le plus éloigné de la même fibre EH, corres-
pond à la fibre la plus rapprochée de la colonne vertébrale. Menons au
point H les tangentes de chacun de ces arcs ; supposons que la droite E'H
mesure en intensité et en direction la force / née de la contraction de la
fibre EH et composons cette force. Il suffit pour cela d'abaisser du point E'
une perpendiculaire sur chacune des tangentes ; cette perpendiculaire
est égale à la composante HG', HG" etc., qui passe par le centre du cercle
et qui de ce fait a son action annihilée ; la portion de tangente comprise
entre le point de tangence et le pied de la perpendiculaire représente la
composante agissante. Or, dans le triangle rectangle dont ces 2 com-
posantes forment les côtés de l'angle droit, leurs longueurs réciproques
sont fonction l'une de l'autre ; quand l'une augmente, l'autre diminue
et réciproquement. Comparons la longueur des perpendiculaires abais-
sées du point E' sur les tangentes. La lre menée sur HD, tangente au cercle
de rayon AH, est égale à E'H, c'est-à-dire à la force elle-même; le parallé-
logramme des forces n'existe pas ou est réduit à une ligne ; cette ligne
passant par le centre A du cercle est annihilée, si on la considère comme
une composante, l'autre composante est réduite à un point H. La 2e per-
pendiculaire menée du point E' sur la tangente HD' au cercle de rayon
A'H, est égale à E'D'. Or cette droite, côté du triangle rectangle E'D'H,
est plus petite que l'hypoténuse E'H, c'est-à-dire plus petite que ne
l'était dans le parallélogramme des forces précédent, la composante
non agissante ; donc la composante agissante HD' est plus grande que
la composante agissante précédente qui était comme nous l'avons vu
réduite à un point. De même la 3e perpendiculaire menée du point E'
sur la tangente HD" au cercle de rayon A" H, est plus petite que la per-
pendiculaire précédente E'D'. En effet, les 2 triangles E'D'H et E'D"H
étant rectangles en D' et D" et ayant même hypoténuse ont leurs soin-
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 507
mets sur la circonférence dont l'hypoténuse E'H est le diamètre ; ils
sont inscrits; chacun de leurs angles a pour mesure la moitié de l'arc
compris entre ses côtés. Or l'angle E'HD" est plus petit que l'angle E'HD'
car la tangente HD" qui appartient à un cercle de plus grand rayon est
plus rapprochée de la fibre EH ; donc son arc qui mesure cet angle, et par
suite la corde E'D" qui le sous-tend, est plus petit que l'arc sous-tendu
par la corde E'D' ; donc l'autre côté de l'angle droit HD" est plus grand
que le côté HD', et comme ces côtés représentent les composantes agis-
santes de deux parallélogrammes des forces, la composante HD" a une
intensité plus grande que la composante agissante HD' du parallélo-
gramme des forces précédent.
La démonstration sera encore plus évidente si nous prenons sur les
arcs les points correspondants H', H", H'", situés sur la ligne des centres
AA'A". Les tangentes menées en chacun de ces points, étant perpendicu-
laires à la ligne des centres, sont parallèles à la fibre EH. Celle-ci con-
tractée prendra les positions respectives EH', EH" et EH'" ; portons
sur chacune de ces lignes à partir des points H', H" et H'" des longueurs
H'E", H'E'", H'E"" égales à E'H ; elles représenteront en grandeur et
en direction la force qui tire sur chacun des points de tangence. Si nous
composons ces forces, en abaissant des points E", E'" et E"" des per-
pendiculaires sur les tangentes, nous aurons respectivement comme
composantes agissantes, en allant de la fibre la plus voisine de la colonne
vertébrale vers la plus éloignée, les droites HT, H"P' et H'"P" dont la
longueur, qui représente l'intensité des forces, va en augmentant de la
première à la dernière.
Donc quand plusieurs fibres sont situées dans le même plan, toutes
choses égales d'ailleurs, chacune d'elles exerce sur son point mobile une
traction d'autant plus forte qu'elle est plus éloignée de la colonne vertébrale.
Il résulte de ce qui précède que les fibres d'un même myomère, dans
l'hypothèse où elles sont parallèles, égales en longueur et en diamètre,
développent en se contractant des forces égales, mais que ces forces,
par un phénomène en apparence paradoxal, agissent de manière inégale
sur les points du septum qu'elles doivent mettre en mouvement. Le tra-
vail qu'elles produisent est donc essentiellement variable puisqu'il
dépend tout à la fois de l'intensité de l'excitation nerveuse, du degré
de raccourcissement de la fibre en contraction et de la place que celle-ci
occupe par rapport à l'axe squelettique. Mais le but que je poursuis
n'exige nullement la connaissance exacte du travail effectué par les
508 RENÉ'LCHEVREL
diverses forces qui sollicitent un septum ; il suffit simplement de savoir
comment une force, quelle qu'elle soit, agit sur son noint d'application et
consécutivement sur la vertèbre correspondante.
Mode d'action d'une fibre sur le septum mobile et consécutivement sur
vertèbre correspondante
J'ai supposé précédemment qu'une fibre pouvait être considérée
comme la puissance d'un levier du 2e genre, dont le point d'appui serait
à l'articulation de 2 vertèbres et le point d'application à l'endroit où la
fibre s'insère sur le septum mobile. Cette hypothèse permet d'expliquer
facilement comment la fibre agit sur le septum supposé rigide et inflexible ;
mais si l'on envisage l'ensemble des fibres contenues dans un même
plan horizontal, l'explication perd de sa simplicité, car ces fibres, en s*
contractant, donnent naissance à des forces dont l'intensité, d'abord la
même pour toutes, varie avec leur inclinaison. Le résultat de la contrac-
tion musculaire serait donc formé d'éléments variables auxquels il serait
difficile d'attribuer la part qui revient à chacun, surtout si au lieu d'un
septum rigide et inflexible, ils sollicitaient un septum membraneux et
flexible. Il est donc nécessaire de rechercher le mode d'action réel d'une
force quelconque sur le septum qu'elle actionne et sur la vertèbre à laquelle
celui-ci est fixé.
Soit la figure vi. Quand les fibres CB, EH et IK, que je suppose
parallèles entre elles et perpendiculaires aux 2 septa CI et BK, et qui de
plus sont contenues dans le plan horizontal coupant transversalement
le myomère CBIK, entrent en contraction, les points B, H et K décrivent,
chacun un arc de cercle ayant le même point A comme centre et respecti-
vement les droites AB, AH et AK comme rayon. Ces arcs de cercle
coupent la direction primitive des fibres au repos en un second point x,
a;' et #" tel que si l'on abaisse du point A une perpendiculaire Aoo' sur
cette direction les points x, x' et x" sont, par rapport à cette perpendicu-
laire, symétriques des points B, H et K. Les cordes qui sous-tendent ces
arcs, étant des parallèles comprises entre parallèles, sont égales ; la
lre, B#, passant par le centre du cercle de rayon AB est un diamètre ;
elle égale 2 fois le rayon, toutes égalent donc 2 fois ce rayon, c'est-à-dire
2 fois l'intervalle qui sépare le point articulaire A de l'insertion B du sep-
tum mobile BK. Quand le rayon AB diminue, c'est-à-dire quand le point
d'insertion du septum mobile se rapproche de l'articulation des 2 ver-
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
509
fcèbres, Tare décrit par chacun des points de ce septum diminue d'ampli-
tude ; il tend à se confondre avec sa corde. Suivant donc la distance à
laquelle le septum BK se trouve du point d'articulation A des 2 vertèbres ;
suivant également la longueur des rayons AB, AH, AK des cercles décrits
par les points mobiles B, H et K, ceux-ci se trouvent placés à une dis-
tance plus ou moins grande, tantôt en dessous, tantôt en dessus, de la
direction primitive des fibres. Le déplacement qu'éprouvent ainsi les
fibres contractées CB', EH', IK' de même que l'inclinaison du septum BK
en B'K', a pour résultat de modifier la forme des rectangles CBEH et
EHIK et de les trans-
former en quadrilatè-
res irréguliers. Tous
les angles se modi-
fient ; mais plus parti-
culièrement les angles
droits BHE et BKI
qui deviennent fran-
chement obtus, et d'au-
tant plus qu'ils sont
plus éloignés de l'axe
vertébral.
Ceci dit, voyons
comment les forces
agissent sur les sep-
ta, et consécutive-
ment sur les vertèbres. Représentons par une droite quelconque
l'intensité de la force qui naît de la contraction des fibres et portons
cette droite, à partir des points mobiles B', H', K', sur chacune des
fibres contractées. Soient les longueurs égales B'y, H'y' JCy" qui repré-
sentent en intensité et en direction la force / pour chacune des fibres CB',
EH' et IK'. Examinons plus particulièrement l'une d'elles : soit EH'.
Nous pouvons considérer cette force comme la résultante de 2 autres
appliquées en H' et agissant l'une suivant B'K' et l'autre suivant une
perpendiculaire H'N abaissée du point H' sur une parallèle Ny, à cette
même droite B'K'. Mais cette dernière composante est pour ainsi dire
annihilée par la résistance que lui oppose le point H' qui appartient à une
droite B'K' supposée rigide et de plus invariablement liée à la vertèbre V2';
cette drpite B'K' à cause de son union avec la vertèbre V2', ne peut en
Fie. VI.
510 RENÉ CHEVREL
effet se déplacer parallèlement à elle-même comme elle le ferait sous
l'action des forces B'M, H'N et K'P, si elle était libre. L'autre composante
H'N' tire le point H' avec une intensité mesurée par la droite H'N' ;
mais on sait qu'on peut sans changer l'effet d'une force transporter son
point d'application en un point quelconque de sa direction pourvu que
le nouveau point soit lié invariablement au premier. Nous pouvons donc
transporter le point d'application de la force H'N' au point B' qui appar-
tient à la vertèbre V2' laquelle est mobile au point A. Sous l'action de cette
force, le point B' tiré dans la direction B'K' entraînera la vertèbre V2'
à laquelle il appartient et l'obligera à tourner autour de son articulation A.
La fibre choisie, EH' étant quelconque, les points d'application de
toutes les forces contenues dans le même plan horizontal CBIK peuvent
être transportés tous en B', c'est-à-dire au point où la section du septum
rencontre celle de la colonne vertébrale.
Comme le même raisonnement est applicable aux fibres musculaires
de tous les plans qu'on peut mener dans la portion épiaxiale du muscle
latéral, parallèlement à celui que nous avons considéré, le point d'appli-
cation de la résultante des forces qui agissent dans chacun de ces plans
se trouve également à l'intersection du septum avec la colonne vertébrale-
Autrement dit, Vinsertion du septum. sur la colonne vertébrale et ses prin-
cipales apophyses est le lieu géométrique des points d'application de toutes
les forces nées de la contraction des fibres musculaires dont F ensemble cons-
titue le myomère. La traction qui s'opère ainsi dans le plan et sur la ligne
d'insertion du septum a pour effet d obliger la vertèbre sur .'aquelle se
trouve l'insertion à tourner autour de son articulation avec la vertèbre
précédente et à faire avec sa direction primitive un angio a pms ou
moins accusé.
Chacun des myomères dont le muscle latéral est composé se compor-
tant comme cehn qiu nous venons d'examiner, les diverses vertèbres de
la colonne vertébrale exécutent le même mouvement de rotation et font
avec leur direction primitive un certain angle. La colonne vertébrale
prend ainsi la forme d'une ligne brisée et le corps se courbe du côté
du muscle qui se contracte.
Quelle que soit l'explication que l'on donne du mode de traction de la
vertèbre, on voit que celle-ci tourne finalement autour de son articulation
et entraîne avec elle le septum qu'elle porte en obligeant celui-ci à con-
verger vers le septum fixe attaché à la vertèbre précédente. Or ce mouve-
ment a pour résultat de donner aux fibres musculaires comprises entre
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 511
les 2 plans convergents des longueurs inégales. Les plus voisines de la
colonne vertébrale, gênées dans leur contraction, se raccourcissent peu ;
les plus éloignées se raccourcissent beaucoup. Si l'on suppose que le
myomère ait une plus grande épaisseur, c'est-à-dire que le corps du pois-
son soit plus large, pour un même déplacement angulaire de la vertèbre
mobile, les 2 extrémités convergentes des septa seront plus rapprochées
et naturellement les fibres comprises entre elles seront plus courtes que
dans le cas précédent ; il en serait d'ailleurs de même si, le myomère
conservant son épaisseur, la vertèbre faisait avec sa direction primitive
un angle plus grand. Dans ces 2 cas les septa rigides pourraient donc, si
la peau qui les relie n'y mettait obstacle, buter les uns contre les autres ;
les fibres superficielles seraient alors fortement raccourcies et réduites
à une faible longueur. Mais, comme nous allons le voir, une fibre muscu-
laire ne peut se contracter au delà d'une certaine limite ; les fibres d'un
même myomère qui, au repos, ont sensiblement même longueur et même
diamètre et qui, par conséquent, devraient, si elles étaient libres ou pla-
cées dans les mêmes conditions, se raccourcir d'une même quantité,
pourraient donc offrir, une fois contractées, les dispositions suivantes : les
unes à peine raccourcies ; d'autres atteignant leur limite de contraction :
les plus superficielles, plus courtes que cette limite même. Il est évident
que ces dernières ne prendraient pas part en cet état à la traction de la
vertèbre. Par suite de leur position respective, ces fibres, bien que déve-
loppant la même force, ne produisent pas toutes le même travail, celui-ci,
comme nous le verrons plus loin, étant d'autant plus grand que les fibres
sont plus superficielles. Or, tandis que ces dernières, arrivées à leur limite
de contraction, cesseraient tout travail, les plus profondes continueraient
à travailler pendant toute la durée de la contraction ; leur effet ne serait
pas parfaitement coordonné puisqu'il serait continu pour les unes,
interrompu pour les autres. Voilà ce qui pourrait se produire si les septa
étaient rigides comme je l'ai supposé.
Mais ils ne sont pas rigides ; ils sont membraneux et par conséquent
flexibles et extensibles. Ces qualités doivent évidemment apporter des
modifications plus ou moins profondes dans les phénomènes de traction
auxquels ils sont soumis ; c'est en étudiant isolément ces qualités que nous
arriverons le mieux à découvrir les modifications produites.
Supposons d'abord que les septa membraneux soient simplement
flexibles. Je suppose qu'ils restent constamment perpendiculaires à la
vertèbre sur laquelle ils s'insèrent et de plus qu'ils soient inextensibles.
512 BENÊ CEEVREL
La force qui tire en avant un point quelconque du septum mobile pro-
voque en ce point la formation d'une autre force opposée à la lre. A un
moment donné, le travail moteur produit par la première et le travail
résistant produit par la seconde se font équilibre : ils sont égaux et le point
du septum où s'appliquent les 2 forces opposées également tiré en avant
et en arrière, demeure immobile. Si tous les points du septum mobile
étaient sollicités, pendant toute la durée de la contraction, par des forces
égales, ces points se comporteraient comme celui que je viens d'examiner.
Le septum, quoique membraneux, serait rendu rigide par le jeu des
forces opposées, et dans ces conditions les forces motrices qui l'action-
nent auraient également leur point d'application situé à l'insertion du
septum sur la vertèbre ; celle-ci céderait à leur traction et tournerait
autour de son articulation avec la vertèbre précédente.
Mais si certaines fibres superficielles se raccourcissaient au delà de leur
limite de contraction, elles cesseraient à partir de ce moment d'agir
sur les points mobiles qu'elles avaient entraînés ; ceux-ci ne seraient
plus soumis qu'à Faction du travail résistant qui tendrait à les ramener
en arrière. Le septum serait ainsi divisé en 2 parties rigides : l'une pro-
fonde tirée d'arrière en avant et soumise à l'action des forces motrices ;
Vautre superficielle, tirée d'avant en arrière par l'action des forces résis-
tantes. Est-ce possible ? C'est ce que je vais examiner dans le chapitre
suivant.
Chapitre IV
MODE DE CONTRACTION DES MUSCLES SOMATIQUES {Suite)
Limite de contraction des fibres musculaires
On sait qu'un muscle, en passant de l'état de repos à l'état de mouve-
ment, se raccourcit d'une certaine quantité qui varie suivant les condi-
tions dans lesquelles s'effectue la contraction, mais qui est ordinairement
1 5
comprise entre les fractions — et — de sa longueur totale. Le plus faible
o b
raccourcissement s'observe dans l'acte physiologique normal; il est en
corrélation avec le degré d'amplitude du mouvement de l'articulation
que le muscle est chargé de faire jouer. Le plus fort raccourcissement
ne s'obtient qu'avec un muscle totalement ou partiellement détaché du
squelette et soumis à une très forte excitation électrique.. Ce dernier résulv
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 513
tat montre le grand pouvoir de contraction que possède le muscle ; mais en
raison des conditions spéciales dans lesquelles il est obtenu, on peut d'ores
et déjà affirmer que pareil raccourcissement ne se rencontre jamais chez
l'être vivant. De plus, les expériences ont porté sur les muscles de la Gre-
nouille et de l'Homme, c'est-à-dire sur des groupements de fibres muscu-
laires dont la disposition et le fonctionnement diffèrent beaucoup de ce qui
existe dans le muscle latéral des Poissons. En effet, les muscles ordinaires
des Vertébrés sont comme on le sait, formés par un faisceau d'éléments
continus, constitués par des fibres d'une seule venue ou par des séries linéai-
res de fibres sou dées les unes aux autres à leurs extrémités. Qu'ils soient au
repos ou à l'état actif, ces éléments sont toujours rectilignes. Le muscle laté-
ral des Poissons est au contraire presque toujours subdivisé par des cloisons
conjonctives en un certain nombre de parties ou myomères. Les élé-
ments dont il se compose sont interrompus et leurs portions s'attachent
à ces cloisons ; elles ne sont donc pas directement unies les unes aux
autres, mais sont simplement placées bout à bout en séries longitudinales
plus ou moins régulières. Quand le muscle latéral passe de l'état de repos
à l'état actif, il imprime aux vertèbres un mouvement de rotation qui a
sa répercussion sur la forme des séries longitudinales d'éléments muscu-
laires ; celles-ci prennent la forme de lignes brisées. On voit de suite la
différence qui existe entre le mode d'action des muscles de l'Homme ou de
la Grenouille et celui du muscle latéral des Poissons. Dans les premiers,
la force née de la contraction est simple et s'exerce directement entre les
2 points d'insertion du muscle ; dans le second, c'est une force complexe
qui résulte de la combinaison de nombreuses forces partielles et concou-
rantes s'exerçant chacune sur des points intermédiaires aux 2 extrémités
du muscle. Si l'on veut établir une comparaison entre le mode d'action
des 2 sortes de muscles, il faut donc s'adresser non au Muscle latéral
tout entier, mais à une de ses parties, c'est-à-dire à un myomère.
Dans un muscle de l'Homme ou de la Grenouille, tel que ceux qui
ont servi aux expériences des auteurs, les surfaces d'insertion sont ordi-
nairement petites ; toutes les fibres du faisceau musculaire sont groupées
et implantées sur un espace relativement restreint ; elles ont de plus à peu
près la même longueur. Dans ces conditions, lorsque le muscle se con-
tracte, toutes ses fibres doivent, à peu de chose près, se comporter de la
même façon et produire les mêmes effets. Il n'en est pas de même pour les
myomères du muscle latéral. Ici, par rapport à la longueur des fibres,
les 2 surfaces d'insertion sont très vastes ; elles s'étendent au moins de
514 RENÉ CHEVRE L
la colonne vertébrale à la peau. Les fibres, qui ont à peu près la même lon-
gueur, grâce au parallélisme des cloisons limitantes, n'exécutent cepen-
dant pas le même travail. En se reportant à la figure m, on voit que les
fibres agissent sur les vertèbres comme sur des leviers du 2e genre ; les
plus profondes, CB, s'insèrent sur le bras de levier le plus court, AB ;
les plus superficielles, IK, au. contraire tirent sur un bras de levier AK
beaucoup plus long. Celles-ci produisent donc plus facilement leur
travail et se contractent plus profondément que les autres. Mais cette
contraction est nécessairement limitée par le degré d'excitation que le
muscle reçoit et qu'il transmet également à toutes les fibres qui le com-
posent. Si un muscle détaché, et par conséquent dans des conditions anor-
males, peut sous l'effet d'une violente excitation électrique se raccourcir
5
des — de sa longueur, un muscle en place, bien vivant, recevant une
excitation nerveuse, même forte, ne pourra jamais atteindre une telle
contraction ; il en est empêché par les limites mêmes de l'amplitude de
l'articulation. Ce qui est vrai pour un muscle de Grenouille ou un muscle
de l'Homme, l'est également pour le muscle latéral des Poissons, mais
d'une manière un peu différente. Comme je l'ai dit ci-dessus, les fibres
les plus superficielles d'un myomère se contractent beaucoup plus que
celles qui sont au voisinage de la colonne vertébrale en raison de la con-
vergence que prennent les septa les uns par rapport aux autres. Mais
d'une manière générale la contraction des fibres d'un myomère est fonc-
tion de celle des fibres profondes de ce même myomère.
Calcul de la limite de contraction des fibres profondes sur un Myomère de Tanche
Pour déterminer les limites de contraction des unes et des autres,
j'ai fait des expériences et j'ai pris des mesures sur une Tanche (Tinca
vulgaris, Cuv.) longue de 29 cm. 5 environ. Déduction faite de la tête et
de la nageoire caudale, il reste pour la longueur du muscle latéral environ
20 cm. Le nombre des vertèbres est de 40. Elles n'ont pas toutes exacte-
ment la même longueur, mais cela importe peu pour la démonstration
que je veux établir. Je prends donc comme longueur moyenne d'une
vertèbre le quotient de 20 cm., longueur totale du muscle latéral, par 40,
nombre de vertèbres de la colonne vertébrale, soit — cm. = 0 m. 005.
40
Il est évident que les fibres musculaires de chaque myomère ont, dans
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 515
ces conditions, également une longueur de 0 m. 005. Je rappelle qu'elles
sont comprises entre 2 septa qui s'insèrent, l'un sur une vertèbre, l'autre,
sur la vertèbre suivante ; chaque myomère chevauche donc sur 2 ver-
tèbres consécutives. Mais la position relative des septa par rapport an
point d'articulation des 2 vertèbres correspondantes est variable. Dans
la région dorsale, l'articulation est à peu près à égale distance des 2 septa ;
dans la région caudale, le second septum est au contraire presque contigu
à l'articulation. 11 y aura lieu de tenir compte de ces différences dans
l'étude de la contraction des fibres musculaires.
Voyons maintenant les observations que j'ai faites, les mesures que
j'ai prises et les calculs auxquels je me suis livré pour mesurer la longueur
des fibres musculaires dans quelques cas de contraction du corps.
La Tanche, sortie de l'eau, se débat violemment. Sa queue fouette
l'air avec vigueur et atteint fréquemment le bout du museau. Si pareil
phénomène ne s'observe pas dans l'eau, cela tient vraisemblablement
à ce que le corps étant porté en avant par la propulsion, le museau
a déjà quitté le point initial qu'il occupait, quand la queue, dans son
mouvement de flexion, y parvient. On peut donc considérer que l'effort
produit par la contraction de la musculature latérale de la Tanche est le
même dans l'eau que dans l'air. Voyons ce qu'il est dans l'air.
Le corps étant droit, le muscle latéral mesurait donc 20 cm. ou
200 mm. ; s'il était courbé au maximum, c'est-à-dire si les 2 points
extrêmes du muscle latéral étaient amenés au contact l'un de l'autre,
la longueur de la courbe interne, au niveau de la ligne latérale, n'était
plus que de 108 mm. * La peau rétractée et plissée mesure donc à ce niveau
108 mm. de la tête à l'origine de la nageoire caudale. Si elle était mince
on pourrait presque en faire abstraction et considérer que ce chiffre
représente assez exactement la longueur de la section du plan horizontal
précité et de la surface externe de la couche musculaire sous-jacente.
Mais chez ce poisson, les téguments sont épais, quand le corps se recourbe,
la peau, quoique élastique, est obligée de se plisser ; son épaisseur s'en
trouve accrue. Sa surface externe et celle du muscle somatique, au niveau
de la ligne latérale, se trouvent donc séparées, pendant la contraction
par un intervalle assez grand ; il en est de même des 2 courbes résultant
de l'intersection de ces 2 surfaces par un plan horizontal. Or la courbe
1. Comme le corps de la Tanche n'a pas, dans le sens dorso-ventral, la mdme épaisseur dans toute son
étendue, j'ai pris comme repère de mes mesures la ligne latérale que je considère comme l'intersection de la
peau et d'un plan horizontal raeué par cet organe.
516 RENÉ CHEVREL
interne étant une courbe enveloppante est plus grande que la courbe
enveloppée ; comme elle mesure la longueur véritable, au niveau de la
ligne latérale, de la surface externe du muscle soma tique, on peut donc
affirmer que cette courbe a plus de 108 mm. et qu'elle dépasse ce chiffre
d'autant plus que la peau est plus épaisse ; cette remarque trouvera plus
loin son application.
Le corps étant recourbé au maximum, j'ai mesuré avec le plus de
précision possible la distance de 2 points de la crête dorsale diamétrale-
ment opposés : j'ai trouvé 0 m. 061 ; 2 points de la ligne latérale, mesurés
dans les mêmes conditions, étaient espacés de 0 m. 032. Si les courbes
auxquelles appartiennent ces points étaient régulières ou plus exacte-
ment si c'étaient des circonférences, leur longueur calculée d'après les
mesures ci-dessus devrait égaler celle que donnent les mesures directes.
En procédant à ces calculs je trouve pour longueur de la crête dorsale :
c = 2n R = 3,1416 x 0,061 ou 0 m. 1916376 ; et pour la longueur de la
ligne latérale : c = 3,1416 x 0,032 ou 0 m. 1005312. On voit qu'il existe
une certaine différence entre les longueurs ainsi obtenues et celles que
donnent les mesures directes : 191 mm. 63 pour la longueur du muscle
latéral au niveau de la crête dorsale au lieu de 200 mm. et 100 mm. 53 pour
la ligne latérale, au lieu de 108 mm. Ces différences s'expliquent par
diverses raisons : d'abord, il est très difficile de prendre sur un poisson
vivant des mesures précises, et une erreur d'un millimètre dans la mesure
du diamètre donne pour la circonférence une erreur de 3,1416 ; ensuite
les différentes régions du corps n'ayant ni la même épaisseur ni la même
flexibilité, la courbe obtenue par flexion ne peut être régulière dans
toute son étendue ; elle est par exemple plus accusée dans la queue,
qui est plus mince, que dans la région abdominale ; enfin les 2 extrémités
du muscle latéral que l'on amène au contact l'une de l'autre s'unissent sui-
vant un angle et non plus suivant une courbe. Il n'est donc pas étonnant
dans ces conditions que les diamètres des courbes obtenus par mesure
directe soient un peu inférieurs à ce qu'ils seraient si ces courbes avaient
été des cercles. Mais la différence constatée est en somme assez faible et
si l'on considère la courbe du corps comme un cercle on ne s'éloigne pas
beaucoup de la vérité : c'est ce que je ferai pour pouvoir poursuivre
l'étude de la contraction.
Lorsqu'un des muscles latéraux se contracte au maximum, les fibres
musculaires de chaque myomère tirent sur le septum postérieur et obligent
la vertèbre correspondante à décrire un mouvement de rotation autour
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
517
de son articulation avec la vertèbre précédente. Quand les 40 vertèbres
ont accompli ce mouvement, elles forment une ligne brisée, fermée dont
l'ensemble occupe les 360° de la circonférence. Chacune d'elles en sup-
360°
posant la courbe régulière, a donc tourné de -— = 9°.
Cherchons quel est, dans ces conditions, le processus de contraction
des diverses fibres d'un même myomère. Considérons d'abord un myomère
de la région abdominale, par exemple au niveau de l'insertion des ven-
trales, mais appartenant
à la partie dorsale du
muscle latéral. A ce ni-
veau l'épaisseur du mus-
cle mesurée directement,
est de 13 mm. environ,
peau enlevée. L'inser-
tion du septum qui li-
mite antérieurement le
myomère considéré se
trouve à peu près à
3 mm. de l'articulation
postérieure de la vertè-
bre sur laquelle il s'atta-
che ; l'insertion du sep-
tum qui limite postérieu-
rement le même myo-
mère est à 2 mm. de
la même articulation.
Quand les fibres du
myomère considéré CBEH (fig. vu) se contractent fortement, la ver-
tèbre V2 tourne autour du point A d'un angle x de valeur égale,
par exemple, à 9°, le myomère prend alors la forme CB'EH', le
septum B'H' convergeant vers le septum CE. Si nous prolongeons les
2 septa jusqu'à leur point de rencontre, D, nous obtenons une figure
CAB'D qui peut être considérée comme composée de 2 triangles, le
1er OAB' ; le second CB'D ; ces 2 triangles ont un côté commun CB' qui
n'est autre chose que la fibre profonde CB à l'état de contraction. Résol-
vons successivement ces 2 triangles.
Dans le triangle CAB\nous connaissons le côté CA = 3 mm ; AB' =
Fig. VII.
518 RENÉ CHEVREL
2 mm. et l'angle CAB' qui égale 180° moins l'angle a dont a tourné la
vertèbre V2, soit 9°, je désigne cet angle par N ; l'angle CAB' vaut donc
180°- 9° = 171°. Les 2 angles AB'C et ACB', que par abréviation je nomme-
rai respectivement R et P, égalent 180°-171, valeur de l'angle N, soit 9°;
leur demi-somme égale 4°30'. Le calcul trigonométrique donne pour
valeur de la demi-différence de ces 2 angles 0°54'6",40, d'où l'on tire pour
valeur de R la moitié de la somme de ces 2 quantités, et pour valeur de P
la moitié de leur différence. L'angle R vaut donc 4°30' + 0°54'6",40 =
5°24'6",40, et l'angle P = 4°30'-0°54'6'\40 = 3°35'53",60.Sidans le même
triangle CAB' on désigne par abréviation le côté CB' opposé à l'angle N
par a, le côté CA opposé à l'angle R par b, et le côté AB' par c, la valeur de
{b + c) sin -
a nous sera donnée par la formule a = ,_. _,v — et en substituant
cos (R.-P)
2
aux lettres leurs valeurs respectives a = 4 mm. 98523.
Dans le second triangle CB'D, les côtés CD et B'D étant par hypo-
thèse perpendiculaires aux vertèbres V1 et V2', les angles CB'D ou (3 et
B'CD ou y égalent respectivement 90° — la valeur de l'angle R du triangle
précédent, soit 90°-5°24'6",40 = 84°35'53",60pour 6, et 90°-3°35'53",60,
valeur de l'angle P, ou 86°24'6",40 pour y ; le 3e angle D de ce triangle
vaut 9°, car il est égal à l'angle x, dont la vertèbre Va a tourné autour de
son articulation A, comme ayant ses côtés perpendiculaires à ceux de
cet angle ; enfin le côté CB' ou a vaut, comme nous l'avons vu, 4 mm. 98523.
La longueur du côté CD se déduit de la formule trigonométrique CD =
a sin § a * i t a t>>t^ a sin y .
— - — =— : de même la longueur de B D = — — =r- et en remplaçant ces
sin D & sin D
symboles par leurs valeurs respectives CD = 31 mm. 7255 et B'D =
31 mm. 8042. Il nous est possible maintenant de déterminer le degré de
contraction de la fibre EH, la plus superficielle du myomère CBEH,
dans l'hypothèse où cette contraction se ferait conformément aux indica-
tions de la figure vn.
D'après les mesures prises avec le plus grand soin le myomère CBEH,
abstraction faite de la peau, a 13 mm. d'épaisseur avant sa contraction ;
par conséquent les points E et H, où s'insère la figre EH, sont à 13 mm.
des points C et B, origines des 2 septa CE et BH sur les vertèbres V1 et
V2. D'après cela, les côtés CE et B'H' du quadrilatère CEB'H' sont
égaux ; si les angles S et y l'étaient aussi, ce quadrilatère serait un trapèze
MCSCLE LATÉRAL DES POISSONS 519
rectangle et la base EH' serait parallèle à CB\ Mais en se reportant aux
mesures données ci-dessus on voit que les angles '<> et y diffèrent entre
eux de 1°48'12",80; EH' n'est donc pas parallèle à CB'. Nous allons
chercher sa longueur en résolvant le triangle EH'D dont on connaît
l'angle D, qui égale 9°, le côté ED qui égale CD-CE, c'est-à-dire
31 mm. 7285-13 mm. = 18 mm. 7255 et le côté H'D qui est égal à
B'D-B'H c'est-à-dire à 31 mm. 8042-13 mm. = 18 mm. 8042. Les 2 angles
DEH' ou i et DH'E ou 6 valent ensemble 180° — D ou 180° — 9° = 171° ;
d'où leur demi-somme égale — = 85°30'. Pour obtenir leur demi-diffé-
rence, la trigonométrie nous donne la formule tg. 1 -^r/ = , ; Cotg. —
d'où en remplaçant les symboles par leurs valeurs respectives on obtient
s = 0°53'28",70. L'angle : a pour valeur la demi-somme, — h la
demi-différence s-=^ de ces angles, soit 85°30'+ 53'28",70 = 86°23'28",70.
Connaissant cet angle on peut déterminer la longueur de EH' à l'aide de la
formule EH' = e sm D Gu EH' = 2 mm. 94746.
sin i
Ainsi lorsque la contraction du corps se fait au maximum, c'est-à-dire
lorsque chaque vertèbre tourne sur la précédente d'un angle de 9°, la
fibre la plus profonde d'un myomère, longue primitivement de 5 mm.
mesure 4 mm. 98523 et la plus superficielle, si la contraction maximum
s'étend jusqu'à elle, mesure 2 mm. 94746.
Le rapport entre la longueur de cette fibre superficielle contractée,
, , _ 2,94746
2 mm. 94746, et sa longueur primitive 5 mm. égale donc ou environ
16 , 27 16 11 , .
— ; elle a diminué en se contractant de — — = s=ou a Peu Pres les
27 zi'itSi
2
- de sa longueur primitive,
o
J'ai montré précédemment que cette contraction musculaire a en
outre pour résultat de transformer le rectangle primitif CBEH en un
quadrilatère irrégulier CB'EH' ; mais si l'on considère que ce quadrilatère
a des dimensions très faibles, on pourra, sans erreur appréciable, admettre
que la fibre contractée EH' est parallèle à la fibre profonde également
contractée CB'. Dans ce cas, sa longueur sera proportionnelle à la distance
qui la sépare de CB', ou ce qui revient au même) à la distance du point E
520 RENÉ CHEVREL
au point C, ou du point H' au point B', ce qu'on peut traduire en disant
que la fibre EH' est proportionnelle à la distance de ses points d'insertion
aux points d'insertion correspondants de la fibre profonde CB'. L'erreur
que l'on commet ainsi est de l'ordre des millièmes de millimètre, en plus
ou en moins, selon qu'on s'adresse aux côtés CE ou B'H' du quadrilatère ;
en prenant la demi-somme des résultats ainsi obtenus, on trouve pour
EH' une valeur sensiblement égale à celle que donne le calcul direct.
Nous pouvons donc admettre que dans sa contraction extrême la fibre
superficielle EH' conserve son parallélisme avec la fibre profonde CB'.
Le même raisonnement étant applicable à toutes les fibres comprises entre
ces fibres extrêmes, on peut énoncer comme très sensiblement vraie cette
proposition : Toutes les fibres contenues dans le myomère CB'EH' se
contractent proportionnellement à la distance de leurs insertions respectives
aux insertions correspondantes de la fibre la plus profonde CB'.
Mais cette proposition suppose que la contraction des fibres est
illimitée, ce qui n'est pas ; elle peut donc n'être vraie que pour une partie
des fibres du myomère, et je suis ainsi amené à rechercher le mode d'action
des fibres superficielles qui sont soustraites à la loi que je viens d'énoncer.
Les fibres superficielles se comportent autrement que les fibres profondes
Supposons que le muscle latéral soit beaucoup plus épais et que la
fibre la plus superficielle soit non pas EH, mais une fibre plus extérieure,
par exemple IK, toutes choses restant égales par ailleurs. Rien, par
hypothèse, n'étant modifié, si ce n'est l'épaisseur du muscle latéral, la
fibre EH se comportera exactement comme si elle était restée superficielle
et prendra la position EH'. H n'y aurait donc pas lieu de s'en occuper
davantage si l'étude attentive de cette fibre dont on connaît la longueur
et les distances aux points C et B' ne nous permettait pas d'élucider le
problème de la contraction générale du muscle latéral.
Tout d'abord, cette fibre, dans les conditions où l'excitation nerveuse
est intervenue, a-t-elle atteint son maximum de contraction ? ou bien,
au contraire, était-elle susceptible d'un plus fort raccourcissement ?
Examinons successivement les 2 cas.
Si la fibre EH' est contractée à son maximum, toutes les autres fibres
contenues dans le quadrilatère CB'EH', dont les côtés CE et B'H'
convergent vers le point D, seront évidemment plus longues que EH'
et par conséquent ne seront pas à leur maximum de contraction. Au con-
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 521
traire, celles qui sont situées dans le quadrilatère EH'IK', situé en dehors
de EH', ayant même orientation et mêmes dimensions que cette fibre,
subiront, sous l'influence de la même excitation nerveuse, la même con-
traction maximum. Elles seront égales entre elles et égales à EH'. Les
septa membraneux limitants du myomère, qui ne deviennent rigides que
sous l'effet des forces motrices et résistantes qui les sollicitent, resteront
parallèles clans cette région ; ou s'ils convergent, ce sera par pression méca-
nique réciproque des myomères ; mais les fibres externes constitutives de
ceux-ci n'y prendront aucune part ; elles n'exerceront plus de traction
efficace sur le septum postérieur et ne contribueront pas par conséquent,
du moins de cette manière, à la flexion du corps.
Si EH' n'est pas à son maximum de contraction, c'est qu'un obstacle
s'y oppose, soit qu'il provienne du jeu limité des vertèbres, soit qu'il
résulte de la résistance qu'offrent diverses parties du corps. Mais grâce à
la convergence des septa CE et B'H' les fibres extérieures à EH' pourront
se contracter d'autant plus qu'elles seront plus éloignées de cette dernière.
Si l'on fait parcourir par exemple à la fibre IK' les diverses positions com-
prises entre EH' et le point de convergence D, cette fibre pourrait prendre,
si la puissance de contraction était illimitée, des longueurs successives
allant de la dimension de la fibre contractée EH', soit 2 mm. 94746 à
celle d'une droite très courte, voisine du point ; exactement de 0 mm. 078.
Or cette hypothèse est inadmissible. Nous avons vu précédemment
en effet, qu'un muscle de Grenouille ou de Mammifère, totalement ou
partiellement détaché du squelette et soumis à une très forte excitation
. ,, . 5 .
électrique, se raccourcissait d'une quantité un peu inférieure aux - de
sa longueur primitive. Ce résultat obtenu par des procédés spéciaux, ne
se retrouve jamais dans les conditions ordinaires de la vie, où, sous
l'influence de la simple excitation nerveuse, les muscles se raccourcissent
1 2
au plus du - ou des - de leur longueur initiale. Leur raccourcissement est
o u
d'ailleurs d'autant moindre que l'excitation transmise est plus faible.
Mais admettons pour un instant que le raccourcissement de la fibre IK
puisse égaler les - de sa longueur ; cette fibre ayant au repos une lon-
gueur de 5 mm. aurait après son raccourcissement, une longueur de
5 mm. '■ L ou en effectuant les opérations, - de millimètre,
6 6
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN*. — T. 52. — F. 8. 36
522
RENÉ CHEVREL
soit en fractions décimales 0 mm. 833. Ainsi donc, même dans l'hypothèse
la plus défavorable, la fibre IK' n'aura jamais, dans sa contraction, une
longueur inférieure à 0 mm. 833, alors que la contraction étant illimitée,
elle pourrait avoir 0 mm. 078. En se déplaçant de EH' vers D la fibre IK'
rencontrera donc une position telle que pour une excitation nerveuse
donnée, sa contraction sera maximum. Cette même contraction se main-
tiendra pour toutes les positions situées en dehors de celle-ci. Les 2 frag-
ments de septa El et H'K' seront donc parallèles. Nous retombons ainsi
dans le 1er cas de notre hypothèse.
Mode de contraction des fibres superficielles
Ainsi le muscle latéral étant très épais, ses fibres superficielles ne se
comporteront pas de la même manière que les profondes. Cherchons donc
le mode de contraction de ces fibres, c'est-à-dire de toutes celles qui se
trouvent en dehors de la lre fibre à contraction maximum.
Soit la figure vin dans laquelle CB' représente la fibre la plus profonde,
EH' la lre fibre à contraction maximum et IK' la fibre la plus superficielle.
Ces fibres étant sensiblement parallèles, de même longueur et de même
diamètre, et de plus recevant la même excitation nerveuse, donneront
chacune, en se con-
tractant, naissance
à une force de mê-
me intensité, que
j'appelle/. Sous leur
effort, la vertèbre
V2 tourne d'un an-
gle de 9° et vient
en V2'; en même
temps les points
mobiles B, H, K dé-
crivent des arcs de
cercle ayant respec-
tivement pour
rayon les droites
AB, AH, AK. Si l'on considère ces droites comme des leviers du 2e genre,
l'examen de la figure montre que le travail des forces / dont les points d'ap-
plication sont en B, H et K, doit être très différent. Malheureusement ce
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 523
travail n'est pas facile à évaluer, car, comme je l'ai fait remarquer précé-
demment, chaque force / en raison de sa direction sans cesse changeante,
varie à chaque instant d'intensité. Nous aurions donc à évaluer, pour cha-
cune d'elles, le travail d'une force variable ; mais si l'on considère que les
variations d'intensité de ces forces, sont en somme très faibles, on peut à la
rigueur la considérer comme une force constante agissant sur un point
mobile à déplacement curviligne. Dans ces conditions le travail effectué est
le produit de V intensité f de la force par la projection de Varc décrit par le
point mobile sur la direction de la force. Ainsi b travail de la fibre CB' est
égal à / multiplié par la projection de l'arc BB' sur le prolongement B'B"
de la force ; de même le travail de EH' égale / multiplié par la projection
de l'arc HH' sur le prolongement H'H" de la force / née de la contraction
de EH' ; enfin le travail de la fibre IK, si elle se contractait jusqu'en K'
serait égal à / x par la projection de l'arc KK' sur le prolongement K'K"
de la fibre contractée IK'. Les diverses quantités de travail produites
par les fibres en contraction d'un myomère se composent donc d'une
constante / et de variables, B'B", H'H" et K'K". Cherchons comment et
dans quel sens se modifient ces variables.
Les triangles curvilignes B'AB, H'AH et K'AK sont isocèles et leur
angle A est égal à 9°, quantité dont la vertèbre V2 a tourné autour du
point A ; ces triangles sont donc semblables et leurs côtés homologues sont
AB' AH' AK'
proportionnels. Nous avons par conséquent = arc HH> - arcKK'.
Si ces triangles ou secteurs étaient superposés, les droites CB', EH' et IK'
sur lesquelles se projettent les arcs BB', HH' et KK', étant à peu de chose
près parallèles, comme je l'ai indiqué précédemment, ces arcs auraient pour
projections des valeurs proportionnelles à leur propre longueur, ou ce qui
revient au même, proportionnelles à leur rayon, c'est-à-dire aux bras de
levier AB, AH et AK. Mais ces secteurs ne sont pas superposés ; comme
le montre la figure vin les arcs qui les limitent ou plutôt les cordes qui
sous-tendent ceux-ci ont des positions variées et telles que leur inclinai-
son sur leur ligne de projection est d'autant plus forte qu'elles sont
elles-mêmes plus grandes. Or, on sait qu'une droite perpendiculaire à un
plan a pour projection sur ce plan un point ; si elle est oblique, sa pro-
jection est une droite qui croît avec l'obliquité et devient égale à la
droite elle-même quand celle-ci est paralèle au plan. L'examen de chacune
des fibres musculaires considérées montre que le travail produit par la
fibre la plus profonde CB, est égal à / x B'B", B'B" étant la projection
524 RENÉ CHEVREL
sur CB' prolongée de l'arc BB' décrit par le point B dans son mouvement
de rotation. Cet arc BB' ayant le plus petit rayon est aussi le plus petit
de tous ceux que décrivent les divers points du septum mobile BK ; de
plus sa corde est presque perpendiculaire sur la direction de la fibre con-
tractée CB' sur laquelle il se projette ; sa projection sera donc très
petite et le travail produit par la force / issue de la contraction de la
droite CB, peu considérable. A mesure que nous nous éloignons du point
B sur le septum BK, les points de ce septum décrivent des arcs de cercle
de plus en plus grands et les cordes de ces arcs s'inclinent de plus en plus
sur les droites où elles se projettent. Le travail effectué par l'une d'elles,
EH, par exemple, et dont la valeur égale / x H'H" est donc plus grand
que celui de la fibre profonde CB. Or quel que soit le travail effectué par
chacune des fibres qui se contractent, ce travail moteur fait naître un tra-
vail résistant de direction opposée et, à un moment donné, de valeur
égale. Chacun des points du septum mobile se trouve donc à un moment
donné sollicité par des forces égales et opposées qui le maintiennent en
équilibre, et comme ce moment est le même pour tous les points compris
entre B' et H', la partie B'H' du septum mobile est fixe et rigide.
Si le point K du septum pouvait parcourir l'arc KK' pendant que le
point H passe de H en H', le travail produit par la force / née de la con-
traction de la fibre IK et qui égalerait / x K'K" serait beaucoup plus
grand que celui effectué par la force égale / née de la contraction de la
fibre EH ; mais par hypothèse cette dernière fibre est la première dont la
contraction soit maximum ; toutes celles qui sont situées en dehors
d'elle auront la même contraction ; par conséquent, dès qu'une de ces
fibres, IK par exemple, atteindra sur l'arc que parcourt son point mobile K
une longueur IK'" = EH', elle cessera de se contracter. Il résulte de là
que le septum mobile prendra pendant la contraction, à partir du moment
où la fibre la plus externe sera contractée au maximum, une disposition
coudée telle que le montre la figure vin. Ainsi quand la fibre IK', qui est
la plus superficielle, atteindra son maximum de contraction, le septum
sera dans la position B*K'" ; une fibre moins superficielle prendra la dis-
position MNK'" etc. ; le septum passera donc par les phases successives
indiquées dans la figure vin, BaK'", MNK'", M'N'K'", M"N"K'" et
enfin B'H'K'". Mais pendant la succession de ces phases, les fibres IK'"
etc., contractées au maximum, cesseront de tirer sur le septum mobile
et leur action se trouvera ainsi interrompue. Il est vrai qu'en vertu de
l'inertie les points K'", N, N', N", subitement soustraits à l'influence de
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
la force / qui tirait sur chacun d'eux, peuvent dépasser la limite de con-
traction des fibres auxquelles ils appartiennent ; mais qu'ils la dépassent
ou non, les fibres, à partir de cette limite, n'auront plus d'action directe
sur ces points ; elles deviendront inutiles pendant une partie plus ou
moins longue de la durée de leur contraction.
N'oublions pas toutefois qu'au moment où la force motrice disparaît
brusquement, la force résistante existe toujours et cette force n'ayant plu
de contre-partie devient motrice à son tour et tend à entraîner le point
K'" d'avant en arrière pour le ramener vers le point K. Donc au moment
où la fibre EH atteint son maximum de contraction en EH', le point K'"
a été ramené plus ou moins loin en arrière, et la section horizontale du
septum BK prend à ce moment une disposition en chevron plus accusée
que ne l'indique la ligne brisée B'H'K'" de la figure vin. On peut objecter
que ce rappel en arrière du point K'" n'est possible que si la force de
réaction qui tend à l'entraîner est capable d'allonger la fibre contractée
IK'" pendant que dure l'excitation nerveuse. Or la chose est possible
car les forces en présence sont inégales. En effet, au moment où la force
motrice a cessé d'agir, le travail qu'elle produisait était égal / x KK'".
La force résistante devenant motrice produit à ce moment un travail
sensiblement de même valeur, tandis que la nouvelle force, opposée à la
précédente, ne produit qu'un travail égal à / multiplié par un arc très petit,
mais qui va, il est vrai, en augmentant à mesure que K'" s'éloigne de sa
position primitive. Le travail résistant est donc pendant un certain
temps, supérieur au travail produit par la force qui résulte de l'allonge-
ment de la fibre contractée IK'". Mais comme cet allongement s'effectue
pendant la durée de l'excitation nerveuse, la fibre tend à conserver la
longueur que lui impose sa contraction maximum. Cela est facile, car son
insertion antérieure I appartient en même temps, comme insertion pos-
térieure, à la fibre qui lui correspond dans le myomère précédent. Dans ce
dernier myomère le point I est donc également attiré en arrière par la
force résistante devenue motrice. Les 2 insertions K'" et I étant attirées
en même temps en arrière, la fibre IK'" conserve sa longueur minimum.
Il en est naturellement de même pour tous les myomères ; mais dans le
1er, les fibres superficielles étant attachées en avant à la tête ou à l'épaule,
celles-ci cèdent à leur traction et s'inclinent en arrière, c'est-à-dire
qu'elles obligent la tête à tourner autour de son articulation avec la
colonne vertébrale.
Les fibres superficielles d/un myomère épais agissent donc comme si elles
526 RENÉ CHEVRE L
se contractaient d'avant en arrière, différant en cela des fibres profondes
dont l'action se manifeste au contraire d'arrière en avant.
On déduit de ce mode de contraction que le segment externe du
ssptum postérieur est fixe, tandis que le même segment du septum
antérieur est mobile. Sur une coupe transversale celui-ci, tiré en arrière par
les fibres du myomère, semble tourner comme un bras de levier autour
du point où aboutit l'extrémité antérieure de la lre fibre à contraction
maximum ; et comme à première vue aucun obstacle ne s'oppose à la con-
traction maximum de toutes les fibres superficielles, que, d'un autre côté,
le mécanisme de la contraction ne permet pas aux 2 septa de converger
vers l'extérieur, il s'ensuit que toutes les fibres superficielles se contractent
au maximum et que, comme conséquence, les segments externes des
2 septa sont parallèles.
Dans ces conditions 2 fibres superficielles quelconques contractées au
maximum et les portions de septa qu'elles interceptent sur la coupe,
peuvent être considérées comme formant un parallélogramme. Si les
angles de ce parallélogramme sont articulés ou, ce qui revient au même,
si les petits côtés peuvent s'incliner plus ou moins sur les grands, ceux-ci
se rapprocheront l'un de l'autre. La distance qui les sépare ira donc en
diminuant. Or, c'est ce qui arrive pour les myomères. Plus la contraction
est forte, plus l'angle du chevron formé par le plissement du septum
est tiré en avant ; mais en même temps plus la fibre superficielle tire en
arrière son insertion antérieure. Les septa se couchent, s'inclinent donc
d'autant plus sur les fibres que celles-ci se contractent davantage. Mais
en même temps les fibres se rapprochent l'une de l'autre et le myomère
diminue d'épaisseur dans sa région superficielle en raison directe do
l'importance de la contraction. Il y aura lieu de revenir plus tard sur
cette remarque.
Influence de la peau sur la contraction des fibres superficielles
J'ai volontairement laissé de côté l'influence de la peau sur la con-
traction des fibres superficielles ; cependant cette influence demande à
être envisagée. Bien que très élastique de sa nature, la peau ne se rétracte
pas autant qu'un muscle se contracte. Il suit de là que les fibres les plus
superficielles ne devraient pas pouvoir se contracter au maximum,
si les septa sur lesquels elles agissent, et qui sont unis à la peau à leur péri-
phérie, restaient, par suite de cette union, plus espacés qu'ils ne le seraient,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
527
s'ils étaient libres de toute adhérence ; mais la puissance de contraction
de ces fibres est telle que la peau ne leur offre pas un obstacle insurmon-
table ; s'il leur est impossible de la rétracter plus que ne le comporte son
élasticité, elles la contraignent à se plisser. Grâce à ces plissements, la
régularité des rapports qui existent entre elle et les septa est sensiblement
maintenue ; le parallélisme des segments externes des septa n'est donc
pas modifié. Les fibres musculaires comprises entre ces segments sont
par conséquent parallèles et comme la plus profonde d'entre elles est
contractée au maximum, toutes sont également contractées au maximum .
Or la plus superficielle va nous permettre de déterminer, avec une cer-
taine approximation, la position de la lre fibre à contraction maximum.
Position de la première fibre à contraction maximum
Soit la figure ix dans laquelle CB'MN' représente la portion profonde,
contractée, du myomère CBIK et MN'I'K' sa portion externe ou super-
ficielle dont toutes les
fibres sont contrac-
tées au maximum et
qui a la forme d'un
parallélogramme.
D'après les mesu-
res prises sur la Tan-
che qui a servi à mon
étude et d'après les
calculs exécutés, la
fibre contractée CB'
mesure 4 mm. 98523 ;
la fibre EH, située
à 13 mm. du point C,
mesure dans sa con-
traction 2 mm. 94746 ;
enfin D, point de ren-
contre des 2 septa CE
et B'H' prolongés est
à 31 mm. 7255 de C D
et à 31 mm. 8042 de B'. Il s'agit de chercher à quelle distance de C se
trouve la lre fibre à contraction maximum MN'. Est-elle à plus ou à
moins de 13 mm. de ce point ?
/
V
Fig. IX.
528 RENÉ CHEVREL
La fibre la plus superficielle IK, contractée au maximum en I'K', a la
même longueur que MN', car la figure MN'I'K'" est un parallélogramme,
les côtés MI' et N'K'" étant égaux et parallèles. Si nous connaissions
la longueur de I'K'", c'est-à-dire de la fibre la plus superficielle, nous
connaîtrions par là même celle de MN', c'est-à-dire de la lre fibre à con-
traction maximum et nous pourrions facilement déterminer sa distance
au point C. Pour cela, il suffirait de connaître la longueur de la partie
superficielle du muscle latéral dans son état d'extrême contraction ; on
y arriverait en enlevant la peau et en mesurant directement la longueur
de la courbe interne formée par le rapprochement des 2 extrémités de
ce muscle. En divisant cette longueur par le nombre de vertèbres, on
obtiendrait la longueur d'une fibre superficielle. Mais en raison des
difficultés qu'on éprouve à prendre des mesures précises, le procédé sui-
vant est peut-être préférable : c'est celui que j'ai employé. La peau de ce
poisson a, comme je l'ai déjà dit, une assez grande épaisseur ; au voisinage
de la ligne latérale, elle mesure au moins 1 mm. y2. Elle s'épaissit en outre
un peu lorsqu'elle se rétracte et se plisse, et enfin, elle s'écarte légèrement
de la couche musculaire sous-jacente. A ce moment l'intervalle qui sépare
la surface externe de la peau de la surface externe du muscle somatique est
de plus de 2 mm. ; mais pour ne rien exagérer, admettons que cet
intervalle soit seulement de 1 mm. 3/4. Un plan horizontal mené par
le corps du poisson au voisinage de la ligne latérale coupe les 2 surfaces
précédentes suivant 2 courbes concentriques distantes l'une de l'autre
de 1 mm. z/i. La courbe interne, ou coupe de la peau, mesurée directement
accuse une longueur de 108 mm. Si pour la simplification des calculs
cette courbe est ramenée à la circonférence, elle donne pour rayon
108 mm. ir, , - , 1 . , ,
= 1/ mm. 188; le rayon de la courbe externe ou coup3 du
muscle somatique, aura donc 17 mm. 188 + 1 mm. 3/i, distance qui la
sépare de la courbe interne, c'est-à-dire 17 mm. 188 + 1 mm. 750 =
18 mm. 938.Sa circonférence égalera 2 x 18,938 x 3,1416= 118 mm. 9912
et si l'on admet que tous les myomères ont même longueur, un seul
118 mm. 9912
mesurera donc, dans sa contraction maximum, — ou
2 mm. 9748 : c'est la longueur d'une fibre superficielle contractée ;
c'est aussi celle de. la lre fibre à contraction maximum. Cherchons
maintenant à quelle distance elle se trouve du point C de la figure ix.
D'après ce que nous avons dit précédemment pour le parallélisme
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 529
de la fibre contractée EH' par rapport à la fibre contractée CB', on
peut, sans erreur appréciable, considérer la lre fibre à contraction maxi-
mum comme parallèle à CB'. Les droites OB', EH', MN' étant sensiblement
parallèles déterminent 3 triangles semblables et semblablement disposés ;
les côtés homologues de ces triangles sont par conséquent proportionnels.
MD MN'
On peut donc poser -=- = =^77 . Mais MD = CD-CM ; en remplaçant
-., ™ « .CD-CM MN'
dans 1 équation précédente MD par sa valeur on obtient — ==- = ,
L ™ ™r MN' x ED _ _ _ _,._ MN' x ED _, _ _ , .
et CD — CM = — == — et enfin CM — CD = r—— — . C M est la
JiiH Hili
distance à laquelle se trouve par rapport au point C la lre fibre à contrac-
tion maximum. Si dans la dernière équation on remplace les lettres
2 9748 x 18 7285
par leurs valeurs respectives, on a CM = 31,7255 — — qa^ar " —
= 12 mm. 8264.
Ainsi donc la lre fibre à contraction maximum MN' est à 12 mm. 8264
du point C. Elle est par conséquent un peu plus rapprochée de la colonne
vertébrale que la fibre la plus superficielle qui en est éloignée de 13 mm.
Mais n'oublions pas que le résultat obtenu n'a rien d'absolu ; il provient
1° de mesures prises, aussi soigneusement que possible, mais qui cepen-
dant peuvent être entachées d'erreur et 2° de calculs exécutés d'après des
figures qui n'étaient pas tout à fait conformes à mes hypothèses. Il suit
de là que ce chiffre n'offre en réalité 'qu'une valeur d'approximation ;
mais malgré tout, il est probable que la lre fibre à contraction maximum
coïncide assez sensiblement avec la fibre la plus superficielle, du moins
dans la région où ont été prises les mesures.
La forme du poisson ne permet pas de supposer que cette coïncidence
se manifeste pour toutes les parties du corps. Celui-ci pouvant être
comparé à un demi-fuseau diminue graduellement d'épaisseur d'avant
en arrière ; le muscle somatique arrive à n'avoir pas, dans la région
caudale, 5 mm. d'épaisseur. Dans ces conditions, il' est à présumer que
la première fibre à contractionn maximum et la fibre superficielle corres-
pondante, s'écartent de plus en plus l'une de l'autre, la première se main-
tenant à une distance à peu près constante de la colonne vertébrale
tandis que la seconde s'en rapproche peu à peu de 13 mm. à 5 mm. envi-
ron. Toutefois, il existe des causes qui viennent influer, dans une certaine
mesure, sur la position relative de ces 2 fibres. J'ai admis plus haut que
tous les myomères ont une longueur de 5 mm., or il n'en est pas toujours
530 RENÉ CHEVREL
ainsi ; quelques-uns sont un peu plus longs, d'autres, dans la région cau-
dale, sont plus courts ; il en est de ces derniers qui mesurent 4 mm. 1/z,
4 mm., 3 mm. 72 et même 3 mm. En se basant sur ces données, et toutes
choses restant égales par ailleurs, il est facile de montrer par le calcul que
si la première fibre à contraction maximum se trouve à 12 mm. 8264 de
la colonne vertébrale pour une longueur de fibre de 5 mm. ; elle n'en est
plus qu'à 11 m. 515 si cette fibre mesure au repos 4 mm. xj% et à
10 mm. 236 si elle ne mesure que 4 mm. On peut conclure de là que plus
un myomère est court, plus la première fibre à contraction maximum
est rapprochée de la colonne vertébrale.
Si le point d'insertion de la fibre profonde d'un myomère était à
y2 millimètre de l'articulation de la vertèbre, au lieu d'en être à 2 mm.
comme dans le cas précédent, le résultat serait peu modifié ; l'intervalle
séparant la colonne vertébrale de la première fibre à contraction maxi-
mum serait seulement légèrement augmenté ; mais cet intervalle irait
en diminuant comme ci-dessus avec la longueur des fibres. Ainsi, si la
fibre profonde avait 5 mm. de long et s'insérait à V2 mm. de l'articulation
de la vertèbre, la lre fibre à contraction maximum serait à 12 mm. 9448
de la colonne vertébrale au lieu de 12 mm. 8264 ; elle n'en serait plus
qu'à 11 mm. 6172 si la fibre profonde n'avait que 4 mm. 1fe et
à 10 mm. 3963 si celle-ci n'avait que 4 mm.
Mais la cause qui a le plus d'influence sur la position relative de la
première fibre à contraction maximum réside dans le degré de flexibilité
des vertèbres les unes sur les autres : plus l'angle décrit par une vertèbre
autour de la vertèbre précédente est grand, plus la convergence des septa
correspondants est considérable et plus la lre fibre à contraction maxi-
mum se rapproche de la colonne vertébrale. Or cette flexibilité que j'ai
supposée uniforme et égale à 9°, est au contraire très variable ; elle est
surtout accusée dans la région caudale où les vertèbres peuvent tourner
l'i ne sur l'autre de plus d'une douzaine de degrés dans les fortes contrac-
tions. Dans ces nouvelles conditions, la lre fibre à contraction maximum
pour un myomère dont la longueur serait de 5 mm., se trouverait à
9 mm. 5844 au lieu de 12 mm. 9448, et si le myomère est plus court,
comme c'est le cas pour la région caudale, la lre fibre à contraction maxi-
mum se trouve encore plus rapprochée de la colonne vertébrale que dans
les exemples précédents.
En résumé, la position de la lcre fibre à contraction maximum n'est
pas fixe ; elle est d'autant plus rapprochée de la colonne vertébrale que V angle
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 531
de rotation de la vertèbre mobile est plus grand et que la longueur du myomère
est plus faible. Mais en général elle se trouve, chez une Tanche de 30 cm. de
long à 13 mm. au plus de la colonne vertébrale.
De l'épaisseur véritable d'un Myomère
Dans ce qui précède j'ai implicitement admis que la largeur d'un
myomère, c'est-à-dire son étendue transversale depuis la colonne ver-
tébrale jusqu'à la peau, était égale à l'épaisseur du muscle au niveau de
ce myomère. Or ce n'est pas exact. On vient de voir que le segment externe
d'un myomère s'incline, au moment de la contraction, d'avant en arrière
et de dehors en dedans. Sa largeur s'en trouve diminuée. Un myomère
a donc, chez le poisson adulte, une forme qu'on peut ramener à celle d'un
livre à demi-ouvert ; non seulement le segment superficiel, mais aussi,
comme nous le verrons bientôt, le segment profond de ce myomère
s'incline sur l'axe squelettique ; les 2 segments se couchent l'un sur
l'autre et leur section transversale ressemble à un chevron un peu com-
pliqué, il est vrai. Or par le jeu même des muscles, ce chevron devient
permanent de temporaire qu'il était à l'origine. Dans ces conditions,
l'épaisseur du muscle latéral n'est autre chose que la mesure de l'écarte-
ment, à leur base, des 2 branches du chevron. Pour avoir la longueur du
chevron ou ce qui est la même chose, la largeur du myomère, il faudrait
le développer et le placer perpendiculairement à l'axe squelettique.
Cette opération n'est pas réalisable chez les Poissons, mais on peut y
suppléer en mesurant les septa sur lesquels s'insèrent les fibres musculaires
des myomères. Puisque chaque myomère est limité en avant et en arrière
par un septum, celui-ci subit passivement les mouvements et la configu-
ration du myomère ; il en épouse les saillies comme les dépressions ; il en
constitue la surface limitante. La mesure de cette surface peut donc
s'appliquer à celle du myomère. Or si l'on examine dans toute leur éten-
due les septa d'un poisson adulte on constate que chacun d'eux décrit
une courbe compliquée, dont la section n'est pas celle d'un simple chevron
mais rappelle plus exactement celle d'un s. De plus les faces de ce sont
inclinées d'avant en arrière et s'étendent sur au moins 4 vertèbres ; si
chaque septum était redressé et ramené à l'état de plan, sa largeur,
c'est-à-dire sa dimension transversale, aurait donc 4 fois la longueur d'une
vertèbre ou 4 fois 5 mm. ou 20 mm. et non pas 13 mm. comme semble
l'indiquer l'épaisseur du muscle latéral dans la région où j'ai pris mes
532 RENÉ CHEVREL
mesures. Dans la région caudale où le muscle n'accuse plus qu'une épais-
seur de 5 mm., chaque septum développé et redressé aurait 4 fois 4 mm.
ou 16 mm. si l'on admet que la moyenne de la longueur des vertèbres
soit de 4 mm. En tout état de cause, la largeur véritable d'un septum,
et par suite celle du myomère correspondant, est donc toujours supé-
rieure à 13 mm., limite extrême de la position qu'occupe la lre fibre à con-
traction maximum ; chaque myomère ayant de 16 à 20 mm. de largeur
possède donc les dimensions nécessaires pour que le jeu de ses fibres
musculaires l'amène à prendre la disposition en s caractéristique de la
présence de fibres à contraction maximum.
En résumé, chez la Tanche qui a servi à mes recherches et, sans doute
aussi, chez la plupart des autres poissons sinon chez tous, chaque myo?nère,
par le jeu même des fibres dont il se compose, se subdivise en 2 segments
principaux fonctionnels, Vun profond, Vautre superficiel. Dans le segment
profond, les fibres se contractent d'arrière en avant et a" autant plus qu'elles
s'éloignent davantage de la colonne vertébrale ; elles tirent indirectement,
par l'intermédiaire des septa, sur les vertèbres qu'elles obligent à tourner
latéralement Vune sur Vautre ; dans le segment superficiel, les fibres sont
toutes contractées au maximum et sont par conséquent de même longueur
pendant la contraction ; elles tirent d'avant en arrière sur le septum antérieur
et en même temps sur la peau qu'elles contribuent à rétracter.
Tels sont les résultats que l'on peut déduire du jeu des fibres du
muscle latéral dans l'hypothèse où les septa restent, pendant la con-
traction, rigides et inextensibles et où leur partie profonde demeure
perpendiculaire à l'axe longitudinal de la vertèbre correspondante. Mais
l'examen des myomères montre avec évidence que ces septa membraneux
sont au contraire très extensibles et que sous l'effet de la traction muscu-
laire, ils s'inclinent plus ou moins sur la colonne vertébrale. Nous devons
donc rechercher l'influence que ces dispositions anatomiques exercent
sur le mode de contraction des myomères et les modifications qu'elles
apportent au schéma précédemment établi.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
533
Chapitre V.
MODE DE CONTRACTION DES MUSCLES SOMATIQUES {Suite)
Disposition du septum en chevron
Commençons par examiner les conséquences de l'inclinaison des
septa.
Bien que l'excitation nerveuse paraisse s'étendre instantanément
à tous les myomères d'un même côté du corps, la logique nous autorise
à admettre que sa transmission s'exerce progressivement d'avant en
arrière sur les myomères successifs, depuis le cerveau où elle prend
naissance jusqu'à l'extrémité de la queue. Dans ces conditions, la con-
traction des myomères se fait dans leur ordre numérique ; le septum
qui limite postérieurement le 1er myomère est donc déjà rigide quand
les fibres du second entrent en jeu ; c'est sur lui qu'elles s'appuient pour
tirer en avant le septum suivant. J'ai fait voir précédemment que dans
l'hypothèse où
les rapports de
ce 2e septum et
de la vertèbre
sur laquelle il
s'insère, suppo-
sés perpendicu-
laires l'un à l'au-
tre, ne seraient
pas modifiés, la
contraction des
fibres du 2e myo-
mère aurait pour
résultat de tirer
indirectement
sur la 2e vertè-
bre et l'obliger à
tourner latéralement autour de la vertèbre précédente. Eh bien, si
au lieu de rester perpendiculaire à la vertèbre, le septum cède à la
traction des fibres qui le sollicitent et se place plus ou moins oblique-
ment par rapport à l'axe longitudinal de cette vertèbre, non seulement
534 RENÉ CHEVREL
les mêmes phénomènes se produiront, mais leur intensité croîtra en
même temps que l'inclinaison du septum sur la vertèbre, du moins jus-
qu'à une certaine limite.
Soit la figure x dans laquelle V1 et V2 représentent les 2 vertèbres
correspondant aux 2 septa considérés CE et BH. EH est une fibre mus-
culaire quelconque du segment profond du myomère CBEH. Je rappelle
que dans l'hypothèse où la contraction des fibres de ce myomère laisserait
les 2 septa CE et BH perpendiculaires à leurs vertèbres correspondantes,
V1 et V2, celle-ci prendrait la position V2' et le septum BH la position B'H'.
La fibre EH se contracterait suivant EH'. Si l'on admet que cette droite
EH' mesure en intensité et en direction la force / qui sollicite le point H'
dans toutes les positions qu'il occupe successivement de H en H', cette
force pourra être remplacée par ses 2 composantes H'N et H'M ; la
lre ne peut déplacer dans sa direction le point H' invariablement lié par
hypothèse, à la droite B'H' et à la vertèbre V2' ; la seconde agira sur le
même point H' avec une intensité représentée en grandeur et en direction
par la droite H'M, et comme le point d'application de cette force peut
être transporté sur la droite B'H' en un point quelconque, on peut le
supposer placé en B', point commun à la droite B'H' et à la vertèbre V2';
celle-ci se trouvera donc tirée par une force égale à H'M et amenée de V2
en V2' après avoir tourné autour du point A d'un certain angle, qui peut
être égal à 9°.
Mais si les 2 septa CE et BH prennent par exemple les positions
CE' et B'H" inclinées plus ou moins sur les vertèbres V1 et V2, comment
la force H'E transportée en H"E' agira-t-elle sur le point H" et consécu-
tivement sur la vertèbre V2 ?
Les 2 points extrêmes de la fibre EH', quand elle se déplace pour
occuper par exemple la position E'H", décrivent 2 arcs de cercle, EE' et
H'H",qui ont pour centres respectifs Cet B' et pour rayons les droites
égales CE et B'H'. Ce déplacement peut être assimilé à celui du côté EH'
d'un quadrilatère articulé CEH'B' dont les grands côtés se rapproche-
raient l'un de l'autre pour se superposer. Or dans le mouvement de trans-
lation de EH', l'angle B'H'E grandit de plus en plus et tend vers 180°,
c'est-à-dire que le petit côté B'H' et le grand côté H'E de ce quadrilatère
tendent à se mettre dans le prolongement l'un de l'autre. La fibre EH',
pour occuper la position E'H" tire sur le point H" du septumB' H" avec
une force / égale en grandeur et en direction à la droite H"E'. Mais
cette force peut être remplacée par ses composantes H"N' etH" M';
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 535
si l'on admet pour un instant que le septum B'H" reste plan et rigide dans
sa nouvelle position, la composante H"N' ne pourra entraîner dans
sa direction le point H" invariablement lié à la droite B'H" et à la ver-
tèbre V2' qui ne peuvent se déplacer dans le sens de cette force ; l'autre
composante H"M' tirera sur le point H" avec une force égale en grandeur
et en direction à la droite H"M'. Or cette composante s'accroît en même
temps que l'angle B'H"E', comme il est facile de s'en rendre compte.
Le mouvement combiné de B'H" et de H"E' qui tend à les placer dans
le prolongement l'une de l'autre, peut être remplacé par le mouvement
unique et rétrograde de H"E' tournant autour de H" comme centre et
faisant décrire au point E' un arc de cercle E'E" ayant pour rayon la
droite H"E' elle-même. Or, il est facile de voir que plus le point E'
s'approche de E", c'est-à-dire que plus l'angle B'H"E' grandit, plus
l'ordonnée E'M' de ce point E' diminue et tend vers zéro, tandis que
l'abscisse H"M' augmente et tend vers l'unité, c'est-à-dire vers la lon-
gueur H"E". Mais cette abscisse n'est autre que la composante de la
force H"E' qui tire sur le point H" dans la direction B'H". Donc la force
qui agit en H" et, indirectement, par l'intermédiaire du septum B'H",
sur la vertèbre V2',est d'autant plus grande que le septum s'incline davan-
tage sur la vertèbre V2'.
On pourrait supposer d'après cela que le maximum de traction
de la vertèbre V2 devrait coïncider avec le maximum d'inclinaison du
septum, c'est-à-dire lorsque ce septum viendrait s'accoler latéralement
à la vertèbre. Or, il n'en est rien, l'inclinaison n'est pas illimitée, mais elle
est, jusqu'à un certain point, sous la dépendance du degré de contraction.
Reprenons l'examen du quadrilatère CEH'B'.La fibre EH' étant plus
éloignée de la colonne vertébrale que la fibre CB' est, d'après ce que j'ai
montré précédemment, plus courte que celle-ci, et comme les petits côtés
B'H' et CE sont égaux, il est évident que la ligne brisée B'H'E est plus
courte que la ligne brisée B'CE. Quand le mouvement articulaire du qua-
drilatère rapproche les grands côtés l'un de l'autre, la ligne brisée formée
par 2 côtés adjacents se rapproche de plus en plus de la ligne droite :
c'est la limite vers laquelle ils tendent. Cette limite sera évidemment
atteinte, en 1er lieu par la ligne brisée B'H'E qui est la plus courte et qui
transformera le quadrilatère considéré en un triangle E'CB'. La grande
ligne brisée E'CB' se trouve par là même dans l'impossibilité de se trans-
former en ligne droite, ou, en d'autres termes, le septum CE' ne peut se
rapprocher davantage de la vertèbre V1.
536
RENÉ GHEVREL
Quant à l'inclinaison du septum B'H", elle pourrait, d'après ce qui
vient d'être dit, avoir pour limite la droite B'E', mais on verra un peu
plus loin qu'il n'en est jamais ainsi lorsque sera examiné dans toute son
étendue, le jeu du septum élastique et extensible. D'un autre côté, la
ligne droite B'E' qui détermine le degré d'inclinaison des 2 septa d'un
même myomère, égale la somme des 2 droites B'H" et H"E'; la lre a une
longueur constante, puisqu'elle mesure la distance à laquelle la fibre EH
se trouve de la vertèbre V2 ; la longueur de la seconde varie au contraire
avec l'inten-
sité de l'exci-
tation ner-
veuse dont le
résultat est de
contracter
plus ou moins la fibre
musculaire et d'obliger
par suite la vertèbre V2
à tourner plus ou moins
autour de son articula-
tion A. Le point B, ori-
gine du septum BH sur
la vertèbre V72 décrit
donc autour du point A
un arc de cercle BB'
d'autant plus grand
que la vertèbre tourne
davantage autour de ce point. Sa position varie en conséquence et
imprime à la droite B'E' une inclinaison également variable : cette
inclinaison se trouve donc, mais pour une faible part, sous la dépendance
de l'excitation nerveuse.
A un autre point de vue, l'inclinaison des 2 septa sur leurs vertèbres
respectives apporte des modifications dans les rapports des diverses parties
du myomère. L'inspection de la figure x montre que le septum B'H", en
s'inclinant sur la vertèbre V2' d'un certain angle 6, fait décrire à son point
H' (en supposant que ce septum ne subisse pas d'allongement du fait de
la traction de la fibre) un arc de cercle H'H" qui a pour résultat d'amener
le point H' en H", c'est-à-dire dans une position plus rapprochée de la
vertèbre V1 que ne le serait le point H'. De même, le point E se trouve
Fia. XI.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 537
également rapproché de cette vertèbre par le déplacement du septum CE
en CE', après avoir tourné autour du point C d'un angle 6. La lre fibre à
contraction maximum est donc plus voisine de la vertèbre V1 dans sa
nouvelle position E'H" qu'elle ne le serait en EH', position qu'elle aurait,
si les septa restaient perpendiculaires à leurs vertèbres respectives.
Or il en est de même de toutes les fibres contenues dans le segment profond
du myomère. Celui-ci étant composé de fibres musculaires molles, sen-
siblement parallèles et séparées par de légers intervalles, est plus ou
moins compressible. L'inclinaison des septa sur leurs vertèbres entraîne
celle des fibres nerveuses sur les septa ; mais l'inclinaison de ces fibres
les rapproche les unes des autres ; les intervalles qui les séparent diminuent
donc et comme cette diminution n'est pas compensée par le léger épais-
sissement que la contraction fait subir aux fibres, l'épaisseur du segment
profond se trouve elle-même amoindrie.
Le segment superficiel du myomère subit de son côté l'influence de
l'inclinaison des septa. En effet, la lre fibre à contraction maximum,
figure xi, est inclinée non seulement sur les parties porfondesCE' et B'H"
des septa, comme nous venons de le voir, mais aussi sur leurs parties
superficielles ET et H"K", car les différents points de celles-ci sont
inégalement tirés en avant par le jeu des fibres profondes ; si le point E
est fortement attiré en avant et amené en E', le point I retenu par la
peau à laquelle il est attaché ne se déplace que faiblement et vient
occuper une position I' par exemple qui reste dans le voisinage de la
direction CI qu'avait le septum au repos. Le segment rectangulaire
superficiel EHIK se transforme donc en un parallélogramme E'H'TK"
dans lequel le côté E'H" n'est autre que la lre fibre à contraction maxi-
mum ; celle-ci, formant l'un des côtés d'un parallélogramme, est inclinée
sur les côtés adjacents ET et H"K". Mais comme les fibres musculaires
du segment superficiel sont toutes parallèles à la lre fibre à contraction
maximum elles sont, comme celles-ci, inclinées sur les portions de septa
E'I'et H"K" ; leur inclinaison les rapproche l'une de l'autre et diminue
par suite l'épaisseur du segment superficiel du myomère.
Si l'on suppose que les septa ne subissent pas d'allongement sous
l'effet des tractions des fibres musculaires, le septum CI prendra une
position CET telle que CE' -f ET = CE + El; la diminution d'épaisseur
du myomère CBIK sera donnée par la droite II'. Mais il est probable que
cette diminution est encore plus accusée que je ne l'indique, car bien
que le point I' soit sous la dépendance de la peau, il jouit, sans doute
AECH. DE ZOOL. EXP. El GÉK. — I. 52. — F. S. 37
,338 RENÉ CHEVREL
d'une certaine liberté de mouvement grâce à l'élasticité du tissu conjonc-
tif qui l'unit au derme cutané. Dans ces conditions, il obéit, dans une
certaine mesure, à l'action de la fibre I'K" qui s'exerce, comme on sait,
d'avant en arrière ; cette fibre lui fait donc décrire un certain arc de
cercle I'I" ayant le point E' comme centre et la droite ET comme
rayon ; de son côté, le point K" décrit un arc semblable et vient se placer
en K.'". La fibre contractée I'K" vient donc, sous l'effet de la contraction
des fibres du segment superficiel, se placer en I"K'" dans une position
plus rapprochée de la colonne vertébrale.
En résumé, le jeu des fibres du segment profond d'un myomère et celui
des fibres du segment superficiel concourent à rapprocher ces fibres les unes
des autres et par suite à diminuer l'épaisseur du myomère, ou, d'une manière
plus générale, celle du muscle latéral.
L'examen de la figure xi nous indique encore que les 2 portions de
septa CE' et B'H" sont inégalement inclinées sur la vertèbre V1. En
effet, supposons que ces 2 septa se soient inclinés d'un angle g ; en
même temps que le septum B'H" exécutait ce mouvement, la vertèbre V2,
sur laquelle il s'insère, décrivait dans le même sens un angle % et venait
se placer en B'H" ; le septum B'H entraîné par ce mouvement prenait la
position B'H" qui fait avec la direction de la vertèbre V1 un angle égal à
90o _ (g + a)5 tandis que le septum CE' fait avec la même vertèbre un
angle égal à 90°-g ; ce dernier angle est donc plus grand que celui formé
par le septum B'H" et comme ces 2 portions de septa sont égales, le
point H" plus incliné sur la vertèbre V1 que le point E' en est plus rap-
proché. La direction de la fibre E'H" est par conséquent inclinée de dehors
en dedans et d'avant en arrière par rapport à la direction de la vertèbre V1.
Dans le segment superficiel E'H'T'K"' toutes les fibres étant parallèles
à la lre fibre à contraction maximum E'H" sont inclinées également de
dehors en dedans et d'avant en arrière. J'aurai l'occasoin de revenir plus
loin sur cette disposition.
Modifications subies par le chevron quand plusieurs fibres sollicitent le septum
Les figures que j'ai données montrent que la coupe horizontale de
chacun des septa à l'apparence d'un chevron dont l'angle est dirigé en
avant ; c'est en effet la figure qu'emprunteraient les septa s'ils n'étaient
sollicités que par les 3 fibres que j'ai envisagées : la plus profonde, la plus
superficielle et la lre à contraction maximum ; Mais le nombre des fibres
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
539
d'un myomère étant beaucoup plus considérable, il en résulte des modi-
fications importantes dans la disposition réelle que prend le septum,
modifications que je vais maintenant examiner.
Je pars de l'hypothèse qu'à un moment donné le septum mobile BK
prend la forme en chevron B'H"K"\ figure xn. Soit un point quelconque
N situé sur la branche profonde et un autre point, M, également quel-
conque situé sur la branche externe du chevron. Les fibres qui sont insé-
rées en ces points tirent, l'une sur le point N d'arrière en avant, l'autre
sur le point (
M, d'avant en
arrière. Com-
me par hypo-
thèse ces fibres
sont égales,
les forces
qu'elles déga-
gent en se
contractant
sont aussi
égales et peu-
vent être re-
présentées par
des droites de
même lon-
gueur. Soit
NN' cette lon-
gueur. La force NN' tirant obliquement sur le septum B'H" auquel
appartient son point d'application N peut être remplacée par ses
2 composantes ND' et ND. La lre agit dans le sens de la droite B'H" et
tend à amener le point intial B en B', c'est-à-dire à faire tourner la ver-
tèbre V2 autour de son articulation A ; la force ND tire sur le point N
perpendiculairement à B'H" et comme B'H" n'est pas rigoureusement
rigide, mais au contraire plus ou moins extensible et élastique, cette force
tend donc à faire décrire au point N un arc de cercle ayant B'N pour
rayon et B' pour centre et à lui faire prendre la position x par exemple.
De son côté, la force MM', qui égale NN', tire sur le point M pour l'amener
dans sa propre direction, car aucune de ses composantes n'est détruite
par la résistance d'un point fixe quelconque. De ces 2 points N est tiré
FlG. XII.
540 RENÉ CHEVBEL
d'arrière en avant et de dehors en dedans ; M est tiré d'avant en arrière
et aussi de dehors en dedans et vient se placer en un certain point y ;
comme ces points appartiennent à la ligne brisée NH"M, section hori-
zontale du septum B'H"K'" qui est membraneuse et par conséquent,
comme je viens de le dire, flexible et un peu extensible, ils finiront par se
trouver sur une droite telle que x y qui sera égale à NH" + H"M.
A ce moment le chevron aura la forme d'une ligne en zigzag Wx y K"\
Et comme les points Net M sont quelconques, ce zigzag existera également
quelle que soit la position de ces points, du moins jusqu'à ce que les forces
qui tirent sur le septum dans 2 sens opposés se fassent équilibre. A ce
moment le septum aura une position BV?/"K'" telle que les points se" et
y' seront les points d'application de toutes les forces qui agissent sur
BV et la partie profonde de x"y"d'une part, et de l'autre sur K'"y" et
sur la partie superficielle de y" x".
La disposition du septum en zigzag n'a rien qui puisse surprendre.
En effet, il est immuablement fixé à la colonne vertébrale par son extré-
mité interne ; son extrémité externe, de son côté, est attachée à la peau.
Elle n'est pas fixe il est vrai, mais elle ne se déplace, en avant ou en arrière
de sa position au repos, que dans d'étroites limites ; en revanche, elle
est attirée vers le point fixe par l'action des forces qui agissent sur les
2 faces du septum. Celui-ci, même en admettant qu'il soit inextensible
et par conséquent qu'il ne subisse aucun allongement, devient en quelque
sorte flottant ; il doit donc dans ces conditions, prendre sous l'effet des
forces opposées qui le sollicitent une disposition en zigzag ; ou bien, si
on le considère non plus sous l'apparence d'une coupe horizontale, mais
dans toute son étendue, celle d'un paravent à 3 feuillets.
En résumé, les forces qui agissent sur le septum mobile BK tendent
à lui faire prendre au moment de la contraction la forme fondamentale
en zigzag BV?/"K'" et non la simple forme en chevron B'H"K"\
Je dis à dessein la forme fondamentale. Si l'on prend séparément
chacune des portions de ce zigzag et qu'on étudie l'action des forces qui
agissent sur elle, on voit que la portion profonde BV tirée d'arrière
en avant et de dehors en dedans ne peut être une ligne droite ; elle doit
affecter la forme d'une ligne brisée à angles saillants en avant, ou mieux
à cause de la petitesse des côtés de cette ligne brisée, la forme d'une courbe
à convexité antérieure. Les mêmes raisons montrent que la portion
superficielle K'"?/" doit être une courbe à convexité tournée en dehors et
en arrière ; enfin la grande portion #"?/" tirée en avant dans sa partie
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 541
interne, et en arrière dans sa partie externe, doit être une ligne à double
courbure de telle sorte que l'ensemble de la section horizontale doit
affecter la forme générale d'un S. C'est bien en effet cette forme que nous
offrent les coupes horizontales des divers septa du muscle latéral.
Les angles de la ligne en zigzag ne sont pas forcément égaux entre
eux, ni même à ceux qui leur correspondent dans la série des coupes
horizontales, leur développement ou plutôt leur saillie est au contraire
en raison directe de l'intensité des forces qui les sollicitent. Suivant donc
que la puissance de ces forces sera, en un point donné, plus ou moins
grande, l'angle, en ce point, sera plus ou moins saillant. Nous allons trouver
l'application de ce fait dans ce qui va suivre.
Si l'on admet pour un instant que toutes les coupes horizontales qu'on
peut mener dans un septum soient semblables, leur superposition recons-
tituera le septum qui se présentera sous l'aspect d'une sorte de paravent
à 3 feuillets bombés. Les arêtes des 2 dièdres formés par ces feuillets
seront parallèles entre elles et de plus perpendiculaires aux divers plans
horizontaux. Mais toutes les coupes ne sont pas semblables et de cette
particularité découlent des modifications dans la direction et la disposi-
tion des arêtes, et par suite dans celle des faces des 2 dièdres.
Influence du septum horizontal sur la contraction des fibres placées
dans son voisinage
Chez les 1er* représentants du type poisson, vraisemblablement, et,
en tout cas, chez les tout jeunes embryons des poissons osseux, les myo-
mères primitifs sont séparés les uns des autres par des cloisons membra-
neuses, planes, perpendiculaires tout à la fois à la colonne vertébrale et
au septum horizontal, étendu, comme on le sait, • entre les 2 moitiés
dorsale et ventrale du muscle latéral.
L'intersection de ce septum horizontal et d'un septum transversal
quelconque est donc une droite perpendiculaire à l'axe vertébral, telle
que BK de la figure xiii. Il est évident que cette intersection n'est solli-
citée par aucune force puisqu'elle est contenue dans le plan fibreux du
septum horizontal ; mais si l'on mène tangentiellement à ce septum un
plan qui lui soit parallèle et qui contienne des fibres musculaires, ce plan
coupera chaque septum transversal suivant une droite qui sera parallèle
à BK et en sera très voisine. On peut, sans grand inconvénient, supposer
que ces 2 intersections se confondent : c'est ce que je ferai dans la suite
de ma démonstration,
542
BENÊ CHEVBEL
Les fibres OB, EH, IK contenues dans le plan tangentiel au septum
horizontal, tirant sur l'intersection BK devraient lui faire prendre, pour
les raisons invoquées précédemment, la disposition en chevron indiquée
par la ligne brisée B'H"K'" de la figure xni. Mais cette disposition
n'est possible que si la droite BK est libre entre ses 2 peints d'attache,
et ce n'est pas le cas ici puisque cette droite est engagée dans le septum
horizontal. Celui-ci, comme toutes les membranes minces, est élastique
et extensible lorsque les forces qiù agissent sur lui ont une direction per-
,i A ^ â/î pendiculaire à
son plan, il
l'est beaucoup
moins lors-
qu'elles agis-
sent parallè-
lement à ce plan, car
elles ont alors à vain-
cre la résistance que
leur opposent les élé-
ments dont il est for-
mé. Il est évident que
cette résistance est
d'autant plus grande
que le plan est plus
rigide. Or le jeu des
myomères a pour
effet de diminuer la rigidité du septum horizontal et de faciliter
par là même la flexibilité de la droite BK. En effet, lorsque les
fibres d'un myomère se contractent, elles rapprochent en se raccourcis-
sant les bases des 2 septa entre lesquels elles sont comprises, et de ce
fait la portion de septum horizontal qui les réunit diminue de tension.
La droite BK sollicitée d'avant en arrière par des forces sensiblement
parallèles et d'égale intensité a donc plus de facilité pour refouler devant
elle ou entraîner à sa suite les éléments du septum horizontal qui s'oppo-
sent à son déplacement. Mais n'oublions pas que cette facilité est toute
relative ; l'élasticité propre à l'intersection BK est faible et cette droite,
fixée à ses 2 extrémités peut être comparée à une tige rigide et flexible
soumise à l'action de forces parallèles et de même sens. Elle prendra la
forme d'une courbe à peu près régulière, à convexité tournée en avant,
FlG. XIII.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 543
pourvu que ses 2 points d'attache ne soient pas absolument fixes. Or
l'extrémité interne B de notre intersection est située sur la vertèbre
correspondante, qui tourne, comme on sait, d'un certain nombre de degrés
autour de la vertèbre précédente. Le point B se trouve ainsi porté de
dedans en dehors et d'arrière en avant, et par suite se rapproche de l'autre
extrémité K. Quant à ce dernier point, il présente encore moins de fixité
que le point B. Situé en effet, au contact de la peau, il en subit les fluctua-
tions ; il s'éloigne ou se rapproche de la colonne vertébrale en même temps
qu'elle. Nous avons vu que la contraction d'un myomère a justement
pour effet de rapprocher la peau de la colonne vertébrale. A ce moment,
le point K se trouve donc attiré de dehors en dedans et vient par exemple
en K' et comme en même temps le point B est porté de dedans en dehors
par le mouvement de rotation de la vertèbre à laquelle il est attaché, les
2 points B et K se rapprochent l'un de l'autre ; la droite BK devient en
quelque sorte flottante et les forces qui l'actionnent lui impriment une
forme arquée, telle que B'H'K'.
77 suffit d'examiner, sur un 'poisson adulte, les intersections du septum
horizontal et des septa transversaux pour constater la réalité de leur courbure,
que les contractions répétées du muscle latéral ont rendues définitives.
Pour les mêmes raisons, l'extrémité externe de cette courbure finit
par se maintenir dans la position où l'amenait au début chaque contrac-
tion du myomère. Elle occupe le fond d'une dépression en gouttière que,
de concert avec les parties voisines des septa transversaux, elle contribue
à former entre la partie dorsale et la partie ventrale du muscle latéral.
On peut déduire de la disposition que prend l'intersection BK de
chaque septum transversal avec le septum horizontal que très vraisem-
blablement aucune des jibres musculaires qui la sollicitent ne se contracte
au maximum et que par conséquent toutes tirent sur elle dans lemême sens,
d'arrière en avant.
Ainsi donc, l'intersection BK ne prend pas, pendant la contraction
des fibres musculaires du myomère, la forme en zigzag qu'offre en général
toute section du septum transversal par un plan horizontal.
On peut en dire autant des sections les plus voisines du septum
horizontal. Quant à celles qui sont plus éloignées, bien qu'elles paraissent
être libres de toutes relations avec le septum horizontal, elles sont en
réalité, sous sa dépendance plus ou moins immédiate.
544
RENÉ CHEVREL
Chapitre VI
MODE DE CONTRACTION DES MUSCLES SOMATIQUES (tiuite)
De l'action des fibres sur les diverses régions des septa
Soit la figure xiv dans laquelle AB et AC représentent les sections du
septum horizontal et d'un septum transversal par un plan parallèle
au plan sagittal ; il est par conséquent perpendiculaire au septum hori-
zontal. D est le point d'application d'une force née de la contraction
£ d'une fibre musculaire DE contenue
dans le plan des 2 sections et qui
tire le point D dans la direction DE.
Ce point appartenant au septum
transversal AC est invariablement lié
au point A ; s'il cède à la traction
de la force DE, au lieu de suivre la
direction rectiligne de cette droite, il
décrira autour du point A comme
centre avec AD pour rayon, un arc
de cercle sur lequel il viendra occu-
per la position D' par exemple. Mais
peut-il céder à la traction ? Le septum AC est fixé par l'une de ses extré-
mités A, au septum horizontal AB ; par l'autre C à la peau. L'effort
que la force DE exerce en D se transmet également à toute la droite AC,
et, par l'intermédiaire des points A et C, au septum horizontal et à la
peau. Ces 2 organes, étant élastiques et flexibles, cèdent à l'effort et tendent
à se porter en avant ; mais la direction de la force qui les sollicite étant
parallèle au plan horizontal et parallèle ou sensiblement parallèle à la
région de la peau où s'insère le point C, leur élasticité dans ce sens est
très réduite et leur déplacement en avant sera par conséquent peu consi-
dérable. Le point D au contraire étant libre de toute adhérence et appar-
tenant à une droite non rigide, mais élastique et extensible, peut se por-
ter dans la direction de la force si la droite AC à laquelle il appartient peut
s'allonger ou si ses 2 extrémités peuvent se rapprocher l'une de l'autre
et lui donner ainsi un peu de flottement. Or la droite AC est d'autant plus
élastique et flexible que la force DE agit dans un plan perpendiculaire
FlG. XIV.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 545
à sa direction ; cette droite prendra la forme d'une ligne brisée et le pointD
maintenu à une distance à peu près constante de A se déplacera suivant
un arc DD' qui a pour centre le point A et pour rayon la distance AD.
Mais dans toutes les positions qu'occupe successivement le point D quand
il passe de D en D', la force qui agit sur les points A et C se modifie. En
effet, examinons une position quelconque de ce point. Soit D'. La force
D'E' qui agit sur ce point peut être décomposée en 2 autres dirigées sui-
vant AD' et CD'. La lre, D'H située sur la droite AH peut avoir son point
d'application transporté en A ; ce dernier, est donc sollicité par la force
D'H de bas en haut et d'arrière en avant et devrait se porter vers le point
D' ; mais en même temps, il subit l'action d'une autre force appartenant
à la partie ventrale du muscle latéral qui tire sur lui de haut en bas et
d'arrière en avant. Le point A est donc sollicité d'une part par deux
forces qui agissent suivant 2 sens opposés et se neutralisent ; il reste
par conséquent dans le plan du septum horizontal ; mais comme d'autre
part, ces mêmes forces le tirent d'arrière en avant, elles concourent
à l'entraîner dans la direction AB, du moins jusqu'à la limite d'élasticité
du septum, élasticité peu accusée ici puisque la force qui agit sur les fibres
conjonctives se manifeste dans leur plan.
La seconde composante D'I peut avoir son point d'application D'
transporté en G. Comme ce point est exclusivement sollicité par la
force D'I et qu'il n'éprouve d'autre résistance que celle de la peau, à
laquelle il est attaché, celle-ci, élastique et extensible, cède à la traction
du point C qui se porte en avant, dans la mesure de l'élasticité de la
peau, en même temps qu'il refoule devant lui les éléments compressibles
du myomère pour se rapprocher du plan du septum horizontal. La
distance entre les 2 points A et C diminue ainsi et permet à l'intersection
AC, même en l'absence de toute extensibilité, de prendre la forme d'une
ligne brisée CD'A.
Ainsi à la fin de la contraction de la fibre DE, le point D viendra
occuper une position D' plus voisine du septum horizontal AB que
celle qu'il occupait au repos, et telle que sa projection sur AB soit en
un point D" situé en avant de A. Le point D étant quelconque, il en sera
de même pour toutes les positions qu'il peut occuper sur l'intersection AC-
La seule particularité qu'il y ait lieu de signaler c'est que le sommet de
la ligne brisée CD'A peut avoir sa projection plus ou moins rapprochée
de A suivant le lieu où se trouve sur AC le point d'application D de la
force DE. Il existe sur cette droite une position et une seule pour laquelle
546 RENÉ CHEVREL
le point D vient occuper une position D' telle que sa projection sur AB
soit plus éloignée de A que pour toute autre position. Les projections
de toutes les autres positions de D sont comprises entre cette position
maximum D" par exemple et le point A et elles sont d'autant plus
voisines de A que le point D est lui-même plus rapproché de A ou de C.
Si l'on considère l'une quelconque de ces positions, on voit que les
fibres qui tirent sur la partie inférieure AD' de la ligne brisée ont toutes
à lutter contre la résistance que leur oppose le point A ; elles sont donc
sous la dépendance du septum horizontal ; de même celles qui agissent
sur la partie supérieure CD' luttent contre la résistance du point C et
sont ainsi sous la dépendance de la peau. Cette dépendance va naturelle-
ment en s'atténuant à mesure que le point d'application de la force
s'éloigne du point de résistance.
Ceci établi, si l'on veut avoir une opinion plus nette de la forme
que prend le septum transversal sous l'action des forces qui le sollicitent,
il faut l'examiner non sur des coupes, mais dans son ensemble.
Nous savons que le jeu de ces forces subdivise le septum en 2 segments,
l'un profond, voisin de la colonne vertébrale ; l'autre superficiel, situé
latéralement ; ces 2 segments ne sont séparés l'un de l'autre que par une
ligne virtuelle formée par les points d'insertion des lres fibres à contraction
maximum. Comment se comporte cette ligne ? Si le septum, auquel on
peut reconnaître une forme fondamentale rectangulaire, était rigide
et libre dans toute son étendue, sauf à son bord interne, fixé à la vertèbre
correspondante, il est évident que la ligne des points d'insertion des
fibres à contraction maximum serait une droite perpendiculaire aux
grandes bases du rectangle ; mais sur tout son pourtour il est fixé soit
à la colonne vertébrale, soit au septum horizontal, soit à la peau ; il est
donc entravé dans ses mouvements par ses connexions avec les organes
que je viens de citer. Je ne m'occuperai pas de son insertion sur la colonne
vertébrale, qui est d'une grande fixité ; son insertion sur le septum
horizontal est en partie tirée en avant par les fibres du segment profond
et en partie en arrière par les fibres du segment superficiel. Je laisserai
de côté pour l'instant l'examen du segment superficiel et je vais recher-
cher l'influence que les rapports qui existent entre le septum transversal
et le septum horizontal peuvent avoir sur la délimitation des 2 segments
du 1er de ces septa.
La base du septum transversal n'est autre chose que l'intersection
de ce septum avec le septum horizontal. Quand les fibres musculaires
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 547
tirent sur cette- base d'arrière en avant, elles tendent à entraîner à
leur suite non seulement la base du septum transversal, mais aussi
les éléments constitutifs du septum horizontal. Ces éléments sont élas-
tiques et extensibles, mais ces propriétés sont surtout développées»
comme je l'ai déjà dit, lorsque la force qui tire sur eux agit perpendiculaire-
ment à leur longueur. Or dans le cas présent, la traction s'opère dans le
plan du septum horizontal et les éléments, qui, dans ce sens, n'offrent que
le minimum d'élasticité, se trouvent plutôt pressés les uns contre les
autres qu'étirés par les contractions des fibres du myomère. Après avoir
cédé, dans une faible mesure, à la traction musculaire, ils finissent par
lui opposer une grande résistance et empêchent ainsi la base du septum
transversal de se porter en avant aussi loin qu'elle le ferait si elle était
libre. Elle prend sous l'action des forces qui tirent sur elle, une forme
arquée dont le maximum de courbure correspond au milieu de sa lon-
gueur (fig. xiii, B'H'K'). On comprend que dans ces conditions, les fibres
musculaires qui tirent sur cette base ne puissent atteindre le maximum
de leur contraction, ou si quelques-unes l'atteignent, ce seront celles
qui sont situées au voisinage de la paroi latérale. Le point d'insertion de
la lre fibre à contraction maximum se trouve donc, à ce niveau, reporté
vers le dehors.
Si l'on considère les diverses sections du septum transversal obtenues
par une série de plans parallèles au septum horizontal, ces sections seront,
comme on peut s'en rendre compte en étudiant la figure xiv, de plus en
plus indépendantes de ce dernier septum. Elles céderont donc de plus
en plus facilement à la traction des fibres musculaires, et par conséquent
la lre fibre à contraction maximum se rapprochera graduellement de la
colonne vertébrale. On peut conclure de là que la ligne d'insertion des
lres fibres à contraction maximum est inclinée de dehors en dedans et de
bas en haut, subdivisant le septum rectangulaire en 2 segments triangu-
laires ou tout au moins trapézoïdes. Le segment profond a donc la forme
d'un triangle ou d'un trapèze dont la grande base est dans le plan du
septum horizontal. Les fibres qui s'insèrent sur lui et le tirent d'arrière en
avant et de dehors en dedans, comme nous l'avons vu, étant toutes sen-
siblement parallèles entre elles, ont une résultante unique dont le point
d'application est situé au centre de gravité du segment. Or comme
ce dernier a la forme d'un trapèze, son centre de gravité est situé sur la
droite qui joint le milieu des 2 bases. Il en est naturellement de même de
tous les petits trapèzes partiels qu'on pourrait obtenir en coupant le
548 RENÉ CHEVREL
trapèze entier par des plans parallèles à ses bases. On peut donc con-
sidérer la droite qui joint le milieu de ces 2 bases comme le lieu géomé-
trique des points d'application des résultantes partielles des forces qui
sollicitent le segment profond du myomère. Ce lieu géométrique est en
même temps le lieu des plus grandes flexions du septum ; le segment pro-
fond du septum doit donc présenter du milieu de sa petite base au milieu
de sa grande base une crête saillante en avant, correspondant aux points
d'insertion des résultantes partielles des forces qui l'actionnent : c'est
l'arête du dièdre interne dont il a été question précédemment.
Cette crête résulte de la flexibilité et de l'extensibilité des éléments
du septum, qui sont tirés dans un sens, à peu près perpendiculaire à leur
longueur. Or, on peut, je crois, considérer comme évident que la flèche
qui mesure le degré de courbure de ces éléments est proportionnelle
à leur longueur : la saillie de la crête doit donc aller en augmentant
de la petite base vers la grande base. Mais nous avons vu, (figure xiv) que
les 2 bases sont en connexion, l'une avec le septum horizontal, l'autre
avec la peau, et que de ce fait, elles n'ont pas la possibilité de se fléchir
et de s'étirer comme les parties intermédiaires du septum. Le maximum
de flexion et d'extensibilité se trouvera, d'après les lois de la mécanique,
au niveau du centre de gravité du trapèze qui constitue le segment
profond du septum. Ainsi, sous l'action des forces qui tirent sur lui,
ce segment doit prendre la forme d'un cône où, plutôt, d'une pyramide
dont le sommet est dirigé en avant, de dehors en dedans et un peu de
haut en bas.
J'ai implicitement supposé, dans ce qui précède, que le 4e côté du
trapèze, celui qui est formé par les points d'insertion des lres fibres à
contraction maximum était fixé ; j'y reviendrai un peu plus loin.
Le segment superficiel qui, lui, est tiré d'avant en arrière et un peu de
dehors en dedans, a également la forme d'un trapèze, mais il est placé en
sens inverse de celui qui forme le segment profond, c'est-à-dire que sa
petite base répond au septum horizontal et sa grande base à la peau dans
la région dorsale. Il est évident que les fibres musculaires qui le solli-
citent produisent des effets analogues à ceux des fibres qui tirent sur le
segment profond ; il se forme donc dans le segment superficiel, mais
cette fois-ci dirigée en arrière, une crête qui répond à la ligne joignant les
milieux des 2 bases du trapèze. Le point le plus saillant de cette crête
correspond au centre de gravité du trapèze. Il forme le sommet d'un cône
ou d'une pyramide dirigé en arrière et de dehors en dedans. La crête dont
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 549
il fait partie constitue l'arête du 2e dièdre, ou dièdre externe dont il a été
parlé ci-dessus.
La face externe du dièdre interne a pour limite le lieu des points
d'insertion des lr's fibres à contraction maximum ; la face interne du
dièdre externe a également pour limite ce même lieu et comme les forces
qui tirent sur chacune de ces faces sont sensiblement parallèles et agissent
dans 2 sens différents, elles amènent ces faces dans le même plan. Les
2 dièdres ont, par conséquent, une face commune, contenant le lieu
d'insertion des lr's fibres à contraction maximum ; ils constituent donc
par leur réunion le paravent à 3 feuillets que j'ai précédemment signalé
Formation des cônes de traction
Mais ce paravent subit dans sa forme d^s modifications profondes
dues aux variations de flexibilité et d'extensibilité que présentent les
éléments du septum par suite des connexions que ce dernier contracte
avec les organes voisins. Ainsi, l'arête de chaque dièdre présente un
maximum de saillie au voisinage du centre de gravité du segment corres-
pondant du septum; de plus les nombreuses forces qui tirent sur les faces
du dièdre les transforment en surfaces courbes et l'ensemble de ces modi-
fications doit imprimer au dièdre théorique la forme d'une pyramide
à faces convexes ; néanmoins comme les arêtes de cette pyramide sont
très peu saillantes, on peut la considérer comme un cône ainsi que je l'ai
déjà fait précédemment.
Donc le paravent à 3 feuillets se trouve remplacé par 2 pyramides
placées côte à côte, mais disposées en sens inverse de chaque côté d'une
face commune. La pyramide inférieure et interne, voisine du septum
horizontal, a son sommet dirigé en avant et en dedans ; sa base est donc
ouverte en arrière. La pyramide supérieure et externe a son sommet
dirigé en arrière ; sa base s'ouvre conséquemment en avant. La lre est
solidement fixée par sa base. En effet, intérieurement, celle-ci est atta-
chée au septum horizontal dont les éléments, comme nous l'avons vu,
ne peuvent se déplacer que faiblement lorsqu'ils sont sollicités par des
forces qui agissent dans le plan de ce septum ou dans un plan voisin et
sensiblement parallèle ; du côté interne, la base s'insère sur la vertèbre
et résiste encore mieux que dans le cas précédent aux tractions des forces
qui tirent sur elle ; enfin du côté latéro-dorsal, la base est formée par la
ligne d'insertion des lres fibres à contraction maximum, et comme cette
550 RENÉ CHEVREL
ligne appartient à la face commune aux 2 pyramides, et qu'elle est
tirée en avant et en arrière par des forces opposées égales, elle demeure
en quelque sorte immobile. Les fibres musculaires qui s'insèrent sur les
faces de cette pyramide profonde ne peuvent guère, dans ces conditions,
en modifier sensiblement la forme fondamentale. Il en va tout autre-
ment de la pyramide superficielle. Sa base est insérée, du côté interne,
sur la face commune aux 2 pyramides : c'est la ligne d'insertion des
lres fibres à contraction maximum ; elle est presque immobile, comme je
viens de l'indiquer ci-dessus. Intérieurement, elle s'appuie sur la partie
externe du septum horizontal ; latéralement et dorsal ement, elle est
fixée à la peau. Or celle-ci est élasti-
Kr--*-,.^ M que, flexible et extensible ; lorsque
1 X „ les fibres musculaires tirent d'avant
en arrière sur les faces de la pyra-
mide externe, la partie de la base de
cette pyramide qui est fixée à la peau,
depuis le septum horizontal jusqu'à
la colonne vertébrale, tire sur cette
peau, l'infléchit, l'étend et prend par
suite une forme incurvée en rapport
avec le mode d'action des forces qui la
sollicitent. Or pour mieux expliquer
cette action, telle que je la conçois,
et les conséquences qu'on en peut
déduire, je prends un myomère pri-
mitif, n'ayant pas encore fonctionné et je lui suppose la forme d'un
parallélipipède rectangle perpendiculaire à l'axe vertébral. C'est d'ail-
leurs ainsi que se présentent chez le jeune embryon les protovertèbres
d'où dérivent les muscles latéraux.
Soit la figure xv qui représente une section transversale du myomère,
ou tout simplement l'un des 2 septa sur lesquels s'insèrent les fibres du
myomère. Je le suppose carré. Le lieu des points d'insertion des lres fibres
à contraction maximum est par exemple la ligne x y ; elle partage le
septum ABCD en 2 segments, l'un profond et interne AB x y ; l'autre
superficiel et externe x y CD. Le 1er a son centre de gravité en O ; ce sera
le point d'application de la résultante des forces qui tirent sur ce segment
d'arrière en avant, et, d'après ce qui a été dit précédemment, à ce point
correspondra le sommet de la pyramide formée par le concours de la trac-
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Fia. XV.
M CSC LE LATÉRAL CES POISSONS .-,.-,1
tion des fibres musculaires et de la flexibilité et de l'extensibilité de la
portion AB a; y du septum. Le point 0, qui forme le sommet de la face
BOy de la pyramide profonde, est sous la dépendance du septum hori-
zontal BC auquel cette face est attachée ; dans son mouvement en
avant, le point O devra, se rapprocher de ce plan ; sa distance à ce
plan sera donc moindre que la longueur 01 (fig. xv) de la perpendi-
culaire abaissée de O dans le plan du septum ABCD sur la
section BC du septum horizontal. Quant à la base de la pyramide,
elle restera à peu près telle que l'indique la figure, car le côté interne AB
de cette base est inséré sur la colonne vertébrale et pour ainsi dire
immuable ; le côté profond J$y appartenant au septum horizontal, ne
subira qu'une légère déformation ; le côté x y, ligne des points d'in-
sertion des lres fibres à contraction maximum, est peu mobile, car il
est situé dans le plan EFHG, qui constitue la face commune aux 2 pyra-
mides et est tiré également en avant et en arrière par les forces qui
agissent sur ce plan ; quant au 4e côté A x, fixé à la peau, il ne modifie
que dans une faible mesure la forme de la base de la pyramide. En effet,
le point E, comme tous les points de la droite EF qui joint les milieux
des 2 bases parallèles A a; et B y du trapèze AD y x, participe à la for-
mation de l'arête saillante à laquelle appartient le point 0 sommet de la
pyramide. Dans son déplacement il se porte en avant, mais de fort peu
car il est relié au point fixe A et c'est autour de ce point comme centre
qu'il se déplace en décrivant un arc de cercle qui a pour rayon la droite
AE ; la partie E# qui appartient à la face commune EFHG se porte au
contraire d'avant en arrière et de dehors en dedans de telle sorte que le
côté A x forme une ligne brisée dont le sommet E est dirigé en avant ;
mais ce côté A x étant le plus petit des côtés de la base de la pyramide
ne modifie que légèrement la forme du contour de cette base.
Dans la pyramide superficielle les modifications sont beaucoup
plus profondes. Tout d'abord quand le point E se porte en avant et en
dedans il entraîne à sa suite les points x, G et D ; le point D, pour ne
parler que de celui-là se trouve donc légèrement rapproché de la colonne
vertébrale et CD cesse d'être perpendiculaire sur BC ; par la même raison,
le centre de gravité 0' du trapèze x y CD se trouve également rapproché
de la colonne vertébrale. Nous allons voir qu'il s'en rapproche davantage.
Si le segment superficiel du septum transversal restait tel que le montre
la figure xv en x y CD, il se formerait suivant HG, droite qui joint les
milieux des côtés parallèles du trapèze, une arête saillante en arrière,
552. RENÉ CHEVREL
sur laquelle se trouverait le centre de gravité 0' de la figure, centre
auquel correspondrait le sommet de la pyramide externe. Or quand les
fibres qui s'insèrent sur la portion de septum xO'D tirent celle-ci en arrière,
la ligne d'insertion xD qui est fixée à la peau, cède à la traction et décrit
une courbe à convexité postérieure ; mais le point x de cette ligne d'inser-
tion est à peu près fixe, tandis que le point D est mobile ; cette ligne x D
incurvée tournera autour de x ou plutôt de E et le point D se trouvera
tiré en arrière et en dedans et se rapprochera de la colonne vertébrale.
En même temps, les fibres qui tirent sur la portion de segment DO'C
amèneront l'insertion CD en dedans vers la colonne vertébrale, le point C
peu mobile, ne se déplaçant que sur une faible distance, comme je vais
le montrer tout à l'heure, et le point D, au contraire, entraîné en arrière
et en dedans par les 2 systèmes de forces appliquées sur les faces x O'D et
DO'C de la pyramide. Or ce point D est le sommet de l'angle CD»; dont
les côtés ne sont pas rigides, les tractions qui s'exercent sur eux et leur
incurvation qui en est la conséquence, détruisent cet angle et trans-
forment la ligne brisée CD# en une ligne courbe. La forme de la base de la
pyramide primitive se trouve complètement modifiée. Elle s'allonge
de bas en haut et se rétrécit de dehors en dedans ; il en résulte que
l'arête HG se déplace, ainsi que le centre de gravité de la figure. Celui-ci
se trouve reporté de bas en haut et de dehors en dedans. De plus, quand
l'insertion CD du septum se porte en arrière et en haut, elle tire sur le
point C et naturellement sur la petite base y C du trapèze x y CD. Or cette
base est soudée sur le septum horizontal. Comme le même fait se passe dans
la moitié inférieure du muscle latéral, le septum horizontal se trouve
tiré dans 2 sens opposés ; ses éléments conjonctifs constitutifs se dédou-
blent : une partie s'attache à la moitié dorsale du myomère et suit le point
C, qui décrit de bas en haut un arc de cercle avec y C ou plutôt avec HC
pour rayon. En effet y H appartient à la face commune EFHG des
2 pyramides, face qui est comprise entre les 2 arêtes FE et HC. Or nous
avons vu que cette face était maintenue rigide par l'action opposée des
forces qui tirent sur elle ; l'autre partie s'attache à la moitié ventrale
du muscle latéral et se comporte comme la lre. Il se forme ainsi entre
les 2 moitiés dorsale et ventrale de chaque muscle latéral un sillon plus
ou moins profond que vient occuper un muscle particulier, le muscle
rouge ou muscle de la ligne latérale.
A la 'longueur de la ligne brisée #DC, qui formait primitivement
le contour extérieur du segment superficiel du septum transversal,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 553
s'ajoute donc la longueur y C du septum horizontal, de telle sorte que le
bord externe du septum transversal, transformé en une ligne courbe, a
au moins une longueur égale à la ligne brisée y GDx. Or cette ligne brisée
est évidemment plus longue que la droite x y qui en joint les 2 extrémité
et comme, par le jeu des forces musculaires, elle est amenée de bas en haut
et de dehors en dedans, elle devra s'élever au-dessus de la pyramide
profonde, la couvrir et la coiffer en prenant par exemple une disposition
telle que HMNK Le centre de gravité de la nouvelle figure du segment
superficiel xyBMNKEx se trouvera plus rapproché de la colonne
vertébrale et reporté plus dorsalement, Et comme le sommet de la pyra-
mide correspond sensiblement au centre de gravité de sa base, le sommet
de la pyramide superficielle sera donc moins éloigné de la colonne verté-
brale et situé beaucoup plus dorsalement que le sommet primitif O'.
Dans ce qui précède, je ne me suis préoccupé que du contour x y CD
du septum transversal, comme si ce contour était indépendant du septum
lui-même. Mais en réalité, c'est celui-ci tout entier qui s'est modifié sous
l'action des fibres musculaires. Ces fibres tirant de bas en haut et de
dehors en dedans ont entraîné avec elles les éléments constitutifs du
septum. Celui-ci s'est par conséquent trouvé étiré et allongé dans le
même sens, tandis que par une sorte de balancement compensateur, il
se rétrécissait dans le sens opposé pour conserver à peu près la même
surface.
Ce changement dans la forme du segment superficiel du septum
transversal amène naturellement des modifications corrélatives dans
les rapports réciproques des fibres musculaires qui s'insèrent sur lui.
Celles-ci sont toutes plus ou moins attirées de bas en haut et de dehors
en dedans ; leurs bases d'insertion décrivent dans leur mouvement des
courbes concentriques et parcourent des distances d'autant plus grandes
qu'elles sont plus éloignées du centre. Elles subissent une sorte de migra-
tion qui les rapproche de la colonne vertébrale et les éloigne du septum
horizontal. Le résultat de ce mouvement est de diminuer l'épaisseur du
segment superficiel du myomère et d'en reporter la masse principale du
côté dorsal de la colonne vertébrale. Là. chaque septum rencontre celui
qui lui est symétriquement opposé, dans l'autre muscle latéral, se soude
à lui il le prend comme point d'appui quand la contraction des fibres
du myomère tire en arrière tout le segment superficiel du septum. E1
comme ce segment est attaché, en dehors, au septum horizontal, les
fibres musculaires, en le tirant, lui font prendre la forme d'un dièdi
AT. .1 DE l))h. EX?. ET OÉN. — I. '->-■ — I -■
554 RENÉ CHEVREL
arête postérieure, dont la face interne est dirigée d'avant en arrière et
de dedans en dehors. Or chacune des forces qui agissent sur cette face
peut être décomposée en 2 autres, l'une perpendiculaire au plan, l'autre
contenue dans le plan même de cette face. Le point d'application de
celle-ci, seule agissante, peut être transporté en un point quelconque
du plan, supposé rigide, pourvu que ce point soit situé dans le prolon-
gement de la force. Si l'on admet que ce point est à l'intersection des
2 septa symétriques, cette intersection sera le lieu des points d'applica-
tion des forces qui tirent sur chacun d'eux. Il sera donc 2 fois plus solli-
cité qu'aucun des autres points de ces septa. C'est en ce lieu que se for-
mera, pour s'opposer aux tractions des fibres musculaires, un organe résis-
tant : l'apophyse qui surmonte et relie les arcs vertébraux. Le segment
superficiel du segment transversal possède donc désormais, dans cette
apophyse, un point d'appui solide, qui lui manquait dans sa position
primitive.
Envisageons maintenant, dans leur ensemble, les forces qui tirent
sur ce segment de septum. Leur action s'exerce plus ou moins normale-
ment à la surface d'une membrane flexible et extensible ; celle-ci doit
donc céder à la traction de ces forces et présenter le maximum de flexion
au point d'application de la résultante de toutes les forces, c'est-à-dire
au centre de gravité du segment de septum. Ce centre de gravité, attiré
en arrière, forme le sommet d'une pyramide dont la base ouverte en
avant s'attache : intérieurement, au lieu des points d'application des
lres fibres à contraction maximum, situé, comme on sait, sur la face com-
mune aux 2 pyramides ; intérieurement, à l'apophyse épineuse ; latéra-
lement et dorsalement, à la peau. La ligne des points d'application des
llis fibres à contraction maximum étant tirée également en avant et en
arrière, la partie de la base de la pyramide qui s'y insère est fixe ; celle qui
s'attache à l'apophyse épineuse est en partie mobile. En effet, cette
apophyse implantée par sa base au point de jonction des 2 arcs neuraux,
est libre dans le reste de son étendue. C'est une simple tige, solide, mais
flexible. Quand le septum, qui s'y soude, est tiré en arrière par la traction
des fibres musculaires du myomère correspondant, il infléchit l'apophyse,
l'entraîne dans son mouvement et lui fait prendre une position d'autant
plus inclinée que l'effort qui s'exerce indirectement sur elle est plus
considérable. Quant au reste de la base de la pyramide, il est représenté
par l'intersection du septum avec la peau. Celle-ci étant flexible et exten-
sible n'offre pas une bien grande résistance aux déplacements du sep-
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 555
tum ; nous pouvons en faire abstraction et ne nous occuper que de
l'intersection même.
Celle-ci est directement sollicitée par les fibres qui s'insèrent sur elle ;
mais elle subit en outre, indirectement, l'influence des fibres voisines et
nous devons en tenir compte. En effet, si les lies fibres agissaient seules
sur l'intersection supposée détachée du reste du septum, et libre par con-
séquent, elle prendrait sous leur action la forme d'un arc dont le sommet
serait au milieu de sa longueur, c'est-à-dire au milieu de la distance
courbe qui sépare ses 2 points d'attache : la ligne latérale, d'une part ;
l'extrémité de l'apophyse épineuse, de l'autre. En réalité cet arc aurait
la forme d'un V ouvert en avant et à branches recourbées dans le même
sens. Mais à l'action de ces fibres s'ajoute celle, presque égale, des fibres
situées dans le plan intérieur contigu ; puis celle, de plus en plus faible.
des fibres des plans consécutifs suivants. Cette intersection est donc
sollicitée par plusieurs groupes d'actions dont je vais essayer d'analyser
les effets.
Inscriptions tendineuses
Je rappelle que le segment superficiel du septum présente, après sa
migration (figure xv) une région étroite du côté latéral et une région large
près de la colonne vertébrale. C'est donc au voisinage de la ligne latérale
que le segment superficiel du septum contient le plus petit nombre de
couches de fibres musculaires ; c'est là que l'effort est le plus faible. Aussi
l'intersection se déplace-t-elle peu en arrière dans cette région. Mais plus
on s'éloigne de la ligne latérale pour se rapprocher de la colonne verté-
brale, plus le segment superficiel du septum s'élargit, plus s'accroît le
nombre des couches de fibres, et comme conséquence plus augmente
l'importance de la traction des fibres musculaires sur l'intersection du
septum. Celle-ci prend donc à partir de la ligne latérale la forme d'une
courbe ouverte en arrière. Mais tandis que les choses se passent ainsi du
côté de la ligne latérale, l'intersection est sollicitée du côté de la colonne
vertébrale par de nombreuses fibres qui tirent fortement sur elle dès son
insertion sur l'apophyse épineuse et tendent à l'appliquer sur la colonne
vertébrale. Mais les forces qui tirent sur son autre extrémité, du côté de
la ligne latérale s'y opposent et l'attirent vers elles, jusqu'à ce que l'équi-
libre s'établisse entre les 2 groupes de forces antagonistes. A ce moment .
l'intersection prend la forme d'un V ouvert en avant ; les fibres muscu-
laires qui forment le groupe interne étant plus abondantes, pour une
556 RENÉ CHEVREL
longueur donnée du septum, que celles du groupe externe, les branches
du V sont inégales, la plus courte correspondant au groupe interne:
L'Inscription tendineuse doit donc se montrer à la surface du muscle
latéral sous l'apparence d'un V dont la branche droite, la plus courte,
est presque droite, ou, plus exactement, légèrement infléchie en avant,
formant ainsi une ligne de faible courbure, ouverte en arrière et en
dedans ; la branche gauche, plus longue, forme au contraire une courbe
accentuée, ouverte en dehors et en arrière et dessine avec la partie de la
ligne latérale située en avant de leur point de rencontre un angle droit
ou obtus. Cette Inscription tendineuse de la région épiaxiale du muscle
latéral jointe à celle qui lui correspond dans la partie hypoaxiale du même
muscle dessine bien le s dont il a été question précédemment.
Pour arriver à ce résultat, j'ai supposé que l'Inscription tendineuse
était libre et séparée du septum, dont elle constitue la limite externe ;
mais qu'elle soit libre ou qu'elle reste adhérente au septum, elle se com-
portera exactement de la même façon ; il en sera de même de toutes les
sections que l'on pourrait mener, parallèlement à cette Inscription ten-
dineuse, à travers ce septum et qui le subdiviseraient en autant de
lanières actionnées chacune par une couche correspondante de fibres
musculaires. Chaque lanière subirait l'action de ces fibres et prendrait
sous leur effort une disposition en rapport avec l'intensité des forces
émanées de chacune d'elles ; n'oublions pas que cette intensité, que l'on
peut théoriquement supposer égale pour toutes les fibres, subit des
modifications dues à diverses causes et en particulier à l'angle d'inci-
dence de la traction par rapport à la direction de la lanière, au plus ou
moins grand nombre de fibres agissant sur une portion donnée du septum
et enfin au degré de dépendance de la région considérée de ce septum
par rapport à ses divers points d'attache. Il y aura donc des parties du
septum qui seront fortement tirées en arrière, d'autres moins, certaines
le seront en dehors, d'autres en dedans etc., de sorte qu'en fin de compte
la portion externe d'un septum offrira la forme fondamentale d'une
pyramide ou d'un cône a sommet dirigé de dehors en dedans et d'avant
en arrière et situé plus ou moins près de la colonne vertébrale sur laquelle
s'appuiera une partie de sa base.
En résumé, chaque septum, primitivement plan et perpendiculaire
a l'axe vertébral, prend, sous l'action des fibres musculaires qui le solli-
citent, une forme très compliquée qui peut être ramenée à la disposition
fondamentale suivante : 2 cônes ou pyramides à angles faiblement
MUSCLE LATERAL DES POISSONS r>r,l
saillants, sont placés tête-bêche de chaque côté (rime face commune,
l'un à sommet tourné en avant, l'autre à sommet dirigé en arriére Le
1er comprend la portion inférieure et interne du septum ; son lxi i !
orienté de dehors en dedans et d'arrière en avant : cette direction résulte
des tractions que les fibres musculaires exercent sur le cône, d'arrière en
avant. Le second comprend la portion externe et supérieure du septum ;
son axe est dirigé d'avant en arrière et de dehors en dedans ; les fibres
musculaires qui impriment cette disposition tirent sur le cône non seule-
ment d'avant en arrière, mais aussi de dehors en dedans, et comme ce
segment n'a pour ainsi dire aucun point d'attache solide, il est attiré
vers la région dorsale et entraîne dans son mouvement de dehors en
dedans et de bas en haut les fibres du myomère qui s'y insèrent. Comme
une étoffe à trame peu serrée qu'on étire dans un sens parallèle à son
plan, le myomère se rétrécit et s'allonge ; il se rétrécit dans le sens trans-
versal et s'allonge dans le sens de la traction, c'est-à-dire de bas en haut ;
sa portion dorsale soulève la peau et pousse devant elles les fibres mus-
culaires que rencontrent sur la ligne médiane celles de la partie corres-
pondante du myomère opposé, animées d'un mouvement analogue,
mais naturellement de sens contraire, lors des contractions de l'autre
muscle somatique. Ces 2 parties de myomères se dressent et s'appliquent
l'une contre l'autre ; elles sont simplement séparées par une membrane
résultant de l'adossement des 2 enveloppes conjonctives qui les entourent,
membrane qui constitue ainsi, au-dessus des arcs vertébraux, une sorte
de septum médian longitudinal dans l'épaisseur duquel se forment, au
niveau des septa transversaux, des baguettes solides, fibreuses d'abord,
puis cartilagineuses ou osseuses, connues sous le nom d'Apophyses épi-
neuses. Ces apophyses servent d'appui solide aux fibres musculaires super-
ficielles lorsque celles-ci tirent d'avant en arrière sur la portion externe
des septa transversaux. Les tractions répétées qu'elles exercent sur ces
apophyses impriment à ces dernières une obliquité antéro-postérieure
d'autant plus prononcée que la traction est plus forte. De plus, la trans-
lation de bas en haut des parties superficielles des myomères détermine
entre les portions épi et hypoaxiale d'un même muscle somatique, la
formation d'une gouttière longitudinale au fond de laquelle on trouve
ordinairement un muscle particulier, le muscle rouge, et un nerf de sen-
sibilité spéciale, le nerf latéral.
558 RENÉ CHEVREL
Chapitre VII.
MODE DE CONTRACTION DES MUSCLES SOMATIQUES (Suite)
Partie hypoaxiale du muscle somatique
La partie hypoaxiale du muscle somatique se subdivise en 2 régions
distinctes : la région caudale en tout semblable à la région épiaxiale
correspondante, et la région abdominale qui diffère de la précédente et,
de la région épiaxiale tout entière par l'étendue de son développement,
la faible largeur ou épaisseur de ses myomères et la modification de ses
rapports ainsi que de ses fonctions. Tandis que dans la région épiaxiale
et dans la partie caudale de leur région hypoaxiale, les 2 muscles soma-
tiques s'appliquent l'un contre l'autre, se soudent par l'intermédiaire
de leur revêtement conjonctif et se prêtent un mutuel appui, ils se sépa-
rent au contraire dans la partie antérieure ou abdominale de leur région
hypoaxiale, s'écartent plus ou moins et deviennent presque indépendants
l'un de l'autre. Cette disposition spéciale résulte d'une différence dans le
mode de développement. Les parties dorsale et caudale de l'embryon se
développent pour ainsi dire en dehors de la vésicule ombilicale et rien ne
vient entraver leur évolution normale, qu'on peut dénommer extra-
ovulaire ; la partie abdominale se développe autour de la vésicule ombi-
licale qu'elle embrasse et recouvre graduellement de haut en basset d'avant
en arrière. Ce mode de développement, qu'on peut distinguer du précé-
dent par le nom de péri-ovulaire, empêche les parois latérales de l'abdo-
men, qui sont constituées par les muscles somatiques, de se rapprocher
l'une de l'autre et de s'accoler. Quand leur évolution est achevée et que
la vésicule ombilicale est entièrement résorbée, elles restent encore
séparées grâce à la présence d'organes intermédiaires qui se sont formés
en même temps qu'elles : ce sont les organes de la nutrition contenus dans
les cavités cœlomiques. Mais ces organes et ces cavités n'ont pas une forme
immuable, les phénomènes de la digestion et de la reproduction leur
impriment des modifications de forme et de volume qui ont leur réper-
cussion sur la forme et le volume de l'abdomen lui-même. Celui-ci peut
donc, en dehors de toute contraction musculaire, se dilater ou se rétracter
d'une manière passive, mais dans des limites assez étroites. De son côté,
la contraction de ses parois peut également modifier sa forme et son
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 559
volume. En effet, la partie abdominale du muscle somatique est subdi-
visée, comme le reste du muscle, en myomères par des cloisons trans-
versales ; celles-ci s'attachent par leur bord interne à des baguettes
osseuses, les côtes, qui diffèrent des arcs vertébraux inférieurs de la
queue en ce qu'elles sont mobiles et libres à leur extrémité distale. Elles
fournissent donc aux myomères abdominaux un appui solide, mais cepen-
dant pas absolument rigide à cause de leur élasticité. Aussi, quand les
muscles somatiques se contractent, ils tirent sur les côtes qui, n'ayant
qu'un seul point d'appui, cèdent en partie à la traction et se déplacent
alternativement d'avant en arrière et d'arrière en avant ; comme d'un
autre côté les alternatives de réplétion et de vacuité du tube digestif
et des glandes génitales éloignent ou rapprochent les côtes du plan de
symétrie du poisson, la matière osseuse ne peut se déposer sur toute
l'étendue de leur surface ; la partie qui les relie au corps vertébral reste
molle et les côtes mobiles.
H y a là un fait spécial à cette région du muscle somatique ; il est donc
intéressant de rechercher comment s'opèrent les contractions de ses
myomères. Malheureusement ma démonstration n'a pas l'appui de faits
précis ; elle roule presque exclusivement sur des hypothèses.
La partie abdominale de la région hypoaxiale du muscle somatique
est limitée en avant par la ceinture scapulaire à laquelle s'attachent
les fibres du lermyomère,et en haut par le septum horizontal qui la sépare
de la partie épiaxiale correspondante ; en bas, elle se réunit sur la ligne
médiane ventrale à celle du muscle somatique opposé, ou bien elle en est
séparée par un intervalle occupé par du tissu conjonctif ; enfin, en arrière,
elle se continue directement avec la moitié inférieure de la région caudale.
Un simple coup d'œil suffit pou^ constater qu'en général son étendue
en surface l'emporte sur celle de la partie épiaxiale qui la surmonte ;
en revanche son épaisseur est plus faible. Cela tient évidemment à ce que
la bande musculaire hypoaxiale ayant à recouvrir une surface plus
grande a dû disposer ses fibres en éventail au lieu de les maintenir en
faisceau comme cela existe pour les fibres de la région épiaxiale ou pour
celles de la partie caudale de la région hypoaxiale. L'épaisseur de la paroi
abdominale n'est d'ailleurs pas constante ; elle va en diminuant de la
ligne latérale vers la carène ventrale. Cette diminution- dépend jusqu'à
un certain point du degré de courbure des côtes. On sait que les côtes
ne se comportent pas toujours de la même façon : tantôt elles se portent
presque directement de la colonne vertébrale vers la carène ventrale, ne
560 UENÊ CHEVREL
dessinant qu'une faible courbure à concavité interne ; tantôt au contraire,
les viscères subvertébraux, reins, vessie natatoire et glandes génitales,
prennent un grand développement et rejettent alors les côtes en dehors
à leur base ; celles-ci pour ramener leur extrémité libre vers la carène
ventrale doivent donc se courber plus fortement ; mais le maximum de
courbure est toujours plus près de leur partie basale que de leur extrémité
distale. La cavité abdominale a donc ordinairement son maximum de
largeur dans sa région dorsale. D'un autre côté, les viscères qui s'y trou-
vent contenus y sont inégalement répartis ; les plus gros et les plus
nombreux occupent toujours la région antérieure ; aussi la cavité abdo-
minale prend-elle la forme générale d'un cône qui serait aplati latérale-
ment et inférieure nient et dont le sommet serait dirigé en arrière.
Si maintenant l'on envisage la peau qui recouvre la queue et le tronc
du poisson, abstraction faite des organes sous-jacents, on peut considérer
tout l'espace qu'elle limite comme formant un autre cône aplati latérale-
ment dans lequel se trouverait logé le 1er .
Les bases de ces 2 cônes s'appuient sur la tête du poisson et ne sont
séparées l'une de l'autre que par l'étroit intervalle formé par l'épaisseur
de la couche musculaire latérale dans cette région. Plus on s'éloigne en
arrière, plus l'intervalle va en augmentant, du moins jusqu'à l'aplomb
de l'extrémité postérieure de la cavité abdominale, formant le sommet
du cône enveloppé. Au-delà, et jusqu'à la naissance de la nageoire cau-
dale, l'intervalle va au contraire en diminuant. Or la première partie
de cet intervalle correspond précisément aux parois latérales de la cavité
abdominale et reproduit la forme du muscle somatique dans cette partie
du corps ; celui-ci s'épaissit donc d'avant en arrière et atteint son maxi-
mum d'épaisseur au niveau de l'extrémité postérieure de la cavité abdo-
minale. Ainsi, cette partie du muscle somatique qui constitue la paroi
de l'abdomen possède 2 régions plus épaisses que le reste : l'une, supé-
rieure, dans le voisinage de la ligne latérale ; l'autre, postérieure, au
niveau de la terminaison de la cavité abdominale ; le jeu des fibres
musculaires varie suivant la région à laquelle elles appartiennent.
Examinons d'abord la région postérieure.
Elle continue en avant, sans aucune démarcation, la partie anté-
rieure de la région caudale. Les myomères de ces 2 régions contiguës ont
sensiblement la même largeur1 ; ils doivent donc se comporter de la même
façon. Or les fibres profondes de la région caudale, de même que celles de
1. Je rappellr que par largeur <l u myomère, j'entends la dimension qui mesure l'épaisseur du muscle somatique.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 561
la partie épiaxiale, se contractent d'arrière en avant tandis que Les fibres
superficielles se contractent d'avant en arrière. Le résultat de ces mouve-
ments en sens opposés est, comme on sait, La formation d'un double
cône ; les myomères abdominaux postérieurs devront donc présenter
également un cône profond à sommet tourné en avant, et un cône supé-
rieur ou superficiel à sommet dirigé en arrière. Mais à mesure qu'on
s'avance vers la tête, la largeur des myomères diminve ; il en est de
même de celle des septa qui les limitent. Dans ces conditions, ceux-ci
n'ont plus la même puissance d'extensibilité, et les cônes de traction,
antérieur et postérieur, qu'ils forment deviennent de moins en moins
saillants ; ils finissent même par disparaître complètement.
L'épaisseur de la région dorsale de la paroi abdominale varie suivant
le plus ou moins de courbure des côtes. Lorsqu'elles sont faiblement
arquées, la couche musculaire qui les recouvre à leur base a sensiblement
la même épaisseur que celle qui forme la région épiaxiale correspon-
dante ; cette couche se trouve par conséquent dans les conditions voulues
pour que le cône antérieur de chaque myomère se produise ; mais le cône
postérieur, qui doit se former près de la carène ventrale, n'apparaîtra
que si la paroi abdominale conserve sensiblement la même épaisseur dans
toute son étendue, comme par exemple, dans le cas d'un poisson dont le
corps serait plus ou moins cylindrique ; si le corps subit une compres-
sion latérale, sa hauteur augmente ; le muscle abdominal s'amincit de
haut en bas et les septa ne sont plus assez larges pour céder suffisamment
à la traction des fibres musculaires et s'étirer en cônes.
Lorsque les côtes sont fortement arquées ou lorsqu'elles sont très écar-
tées de la colonne vertébrale grâce à la longueur de la parapophyse qui
les porte, la partie épiaxiale du muscle somatique, qui correspond à
l'abdomen s'appuie fréquemment par sa base sur la partie initiale des
côtes ou sur leurs parapophyses en s'étendant jusqu'à l'extrémité externe
de ces dernières, ou jusqu'au point de courbure maximum des premières.
Dans ce cas, la partie hypoaxiale correspondante ne possède jamais
qu'une faible épaisseur, même dans sa région supérieure voisine de la
ligne latérale. Les septa qui séparent les divers myomères de la paroi
abdominale n'ont donc qu'une faible largeur et sont incapables de former
des cônes de traction. Leurs Inscriptions tendineuses se montrent alors
sous l'apparence de lignes droites ou de faible courbure qui descendent
de la ligne latérale vers la carène ventrale sans former de zigzags comme
dans le reste du corps
562 RENÉ CHEVREL
L'absence de cônes de traction dans les myomères de la région hypo-
axiale abdominale du muscle somatique ne nous permet pas de voir dans
quel sens s'exerce la contraction des fibres musculaires. A ne considérer
que l'épaisseur du muscle dans cette région, on serait tenté d'admettre
que cette contraction doit s'effectuer comme dans la couche profonde
des myomères épiaxiaux ou des myomères hypoaxiaux caudaux, c'est-
à-dire d'arrière en avant parce que les myomères abdominaux ont, chez
la Tanche qui a servi à mes mesures, moins de 13 mm. de largeur ; mais
il existe des raisons qui permettent de supposer le contraire.
Tout d'abord, on ne peut méconnaître qu'il existe une certaine
solidarité entre le jeu des fibres contenues dans un même plan. Si, dans
un des myomères de ce plan, les fibres se contractent d'arrière en avant,
le septum postérieur se trouve attiré vers la tête. Quand la contraction
est complète, ce septum devient fixe et sert alors d'appui aux fibres du
myomère suivant qui tireront en avant le septum qui les limite en
arrière. Chaque septum est donc tour à tour mobile par rapport à celui
qui le précède et fixe par rapport à celui qui le suit, et cela est vrai quelque
soit le sens de la contraction.
Or parmi les nombreux plans, parallèles au plan de symétrie, qu'on
peut mener dans la queue à travers la masse musculaire hypoaxiale, il
en est un certain nombre qui viennent buter en avant contre le renflement
abdominal : ce sont les plus profonds. Que deviennent ces plans ? S'inter-
rompent-ils à leur intersection avec l'abdomen ? ou bien changent-ils
simplement de direction pour se continuer à la surface des côtes ? Exa-
minons d'abord cette seconde hypothèse. Si les plans profonds de la
queue se redressent en arrivant sur l'abdomen et s'appliquent à la sur-
face des côtes, il n'y a pas de raisons pour que les plans qui leur sont super-
posés se comportent autrement. Tous les plans qu'on peut mener dans la
partie hypoaxiale de la queue devront donc se retrouver dans les parois
de l'abdomen, ce qui entraîne comme conséquence une égalité d'épais-
seur de ces 2 parties du muscle latéral. Mais nous savons qu'il n'en est pas
ainsi et que la paroi abdominale est beaucoup plus mince que la couche
musculaire caudale. D'où nous devons conclure que le nombre des plans
qu'on peut mener dans la paroi de l'abdomen est inférieur à celui des
plans de la queue. Une partie de ceux-ci se sont donc trouvés interrom-
pus au contact de la paroi abdominale. Lesquels ? Il semble à priori que
ce sont les plans profonds ; et, en effet, si l'on examine les superficiels,
on voit que leurs fibres conservent sensiblement la même direction dans
MUSCLE LATÉRAL DES POISSOXS
563
toute l'étendue du muscle, de la nageoire caudale à la tête. Comme les
fibres superficielles de la queue se contractent d'avant en arrière, celles
de la région abdominale doivent, en vertu de la solidarité qui les unit
aux premières, se contracter comme elles d'avant en arrière.
Mais il ne suffit pas ds s'arrêter aux plans les plus superficiels, et nous
devons envisager l'ensemble du muscle abdominal. Ce muscle se subdi-
vise chez la Tanche, et sans doute chez la Carpe, en 3 couches très nettes
(fig. xvr) ; la plus superficielle, d'épaisseur variable, suivant les régions,
mais enjomme trèsjmince ; ses fibres^sont orientées d'avant en arrière.
Fig. Xvr. Partie antérieure de la colonne vertébrale d'une Carpe.
A, fibres superficielles orientées d'avant en arrière, parallèlement au plan de symétrie :
B, fibres de la couche moyenne, inclinées de haut en bas, d'avant en arrière ;
C, fibres de la couche profonde, inclinées de bas en haut, d'avant en arrière ;
1), tête de la côte, élargie et légèrement tordue d'avant en arrière ;
/:. parapophyae portant une des côtes postérieures, H, très inclinée en arrière.
à peu près parallèlement à l'axe squelettique, A ; la moyenne, de beaucoup
la plus épaisse, a ses fibres dirigées de bas en haut, B, si on les considère
d'arrière en avant ; et la profonde, C, assez mince et interrompue dans la
partie postérieure de l'abdomen, a les siennes dirigées de haut en bas. si on
les envisage dans le même sens que celles de la couche moyenne.
Les fibres de la couche superficielle doivent, ainsi que je viens de le
dire, se contracter d'avant en arrière, comme les fibres superficielles de
la région caudale qui leur font suite directement. Mais comment agissent
les fibres de la couche moyenne qui, en somme, forment la majeure partie
de la paroi abdominale ? On ne peut rattacher leur contraction à celle
d'aucune couche de fibres de la région caudale puisque leur direction étant
toute différente, il n'y a pas lieu de leur appliquer le principe de soli-
darité d'action dont j'ai parlé précédemment. Mais l'examen de certaines
504 RENÉ CHEVREL
particularités de cette couche va peut-être nous donner la solution de
cette question.
Considérons seulement, dans un des myo mères de la région abdomi-
nale, la partie qui correspond à cette couche. Cette partie a pour limites,
antérieure et postérieure, 2 septa consécutifs qui s'attachent par leur
bord interne aux côtes correspondantes ; sa base inférieure s'appuie sur
les côtes et sur la couche interne de la paroi abdominale ; sa base externe
est recouverte par la mince couche superficielle A, de la même paroi.
Toutes les fibres de cette partie de myomère sont orientées de haut en bas
et d'avant en arrière ; elles sont par conséquent obliques par rapport
aux 2 septa ou aux côtes qui servent à leurs insertions. Les côtes sont,
comme on le sait, des baguettes courbes, solides, mobiles dans une cer-
taine mesure ; elles sont plus épaisses et plus larges à leur extrémité
proximale, D ou tête, qui s'articule directement ou par l'intermédiaire
d'une parapophyse, E, sur le corps de la vertèbre. De là, elles vont en
s'atténuant de plus en plus vers leur extrémité distale, qui est libre,
c'est-à-dire sans connexion intime avec celle de la côte symétrique, ni sans
liaison aucune avec une production solide quelconque.
En ne considérant que les fibres qui s'attachent directement aux
côtes, la seule logique semblerait indiquer que ces fibres doivent se
contracter d'arrière en avant parce que leur action s'exerce ainsi du
côté de la partie libre et mobile de la côte ; on peut les comparer dans leur
disposition et leur jeu aux fibres des muscles inspirateurs de la cavité
thoracique des Mammifères. Elles prendraient donc leur point d'appui
sur la côte antérieure pour attirer vers cette dernière la côte postérieure.
Ce mode de traction a, en effet, pour lui non seulement la logique, mais
encore le calcul. La côte dont la tête s'appuie sur un point de la colonne
vertébrale autour duquel elle peut tourner, mais non se déplacer, peut
être assimilée à un levier du 2e genre dont le point d'appui serait sur la
colonne vertébrale, la résistance étant représentée par le poids de la côte
et des fibres du myomère suivant qu'elle entraîne avec elle, et la puis-
sance par la fibre oblique considérée. Si c'est la côte postérieure qui forme
la résistance, la fibre-puissance se contractera de bas en haut et d'arrière
en avant ; son point d'application se trouvera, sur la côte postérieure,
-plus bas que son insertion qui lui sert de point d'appui, sur la côte anté-
rieure ; si c'est, au contraire, la côte antérieure qui représente la résistance,
la fibre-puissance se contractera de haut en bas et d'avant en arrière ;
mais dans ce cas le point d'application de la fibre sera situé plus haut
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 565
sur la côte antérieure que son point fixe, qui est placé sur la jôte posté-
rieure. Or si, par hypothèse, la puissance et la résistance restent les mêmes
dans les 2 cas, le travail produit par la contraction de la fibre sera d'autant
plus grand que le point d'application de la force ainsi développée sera
plus éloigné du point d'appui du levier, c'est-à-dire de la tête de la côte ;
autrement dit, le travail est proportionnel à la longueur du bras de
levier. La fibre dont le point d'application est plus bas, c'est-à-dire plus
loin du point d'appui du levier que son autre point d'insertion, produit
donc un travail plus grand que si elle agissait dans le sens contraire :
c'est le cas des fibres dirigées de haut en bas qui se contractent d'arrière
en avant et de bas en haut.
Admettons que les choses soient telles que je viens de l'exposer.
Il paraît évident que toutes les autres fibres du même myomère, aussi
bien celles qui s'insèrent sur les côtes que celles qui s'insèrent sur les
septa, se contracteront comme la précédente, d'arrière en avant et de
bas en haut. Mais ces organes, côtes et septa, sans cesse tirés d'arrière
en avant, devront céder, dans une mesure plus ou moins grande, à la
traction dont ils sont l'objet ; l'extrémité distale d'une côte, qui est rela-
tivement libre, devrait par exemple être plus rapprochée de la tête que
le plan vertical perpendiculaire au plan de symétrie qui serait mené
par la tête de cette même côte. Chaque septum qui est membraneux et
par conséquent moins rigide que la côte, devrait céder encore plus
facilement à cette traction et se montrer incliné d'arrière en avant, de
telle sorte que son Inscription tendineuse serait située en avant du plan
de la côte en supposant que celui-ci fût perpendiculaire au plan de
symétrie.
Or l'examen des septa et des côtes nous les montre orientés tout
différemment. Le plan des côtes est presque toujours incliné d'avant en
arrière et de haut en bas, D ; cette inclinaison est même ordinairement
beaucoup plus accusée dans les côtes postérieures H, que dans les côtes
antérieures ; le même phénomène s'observe dans les parapophyses quand
elles existent. Enfin les côtes ont subi, dans leur partie proximale. une
légère torsion d'avant en arrière comme si la crête externe avait été
attirée d'avant en arrière et de bas en haut, D et côtes suivantes, tandis
que la crête interne était maintenue ou plutôt attirée en avant. I>>' leur
côté, les septa ont chacun leur plan nettement incliné d'avanl en arrièn :
il n'est pas douteux qu'ils n'aient été soumis à la même influence que les
côtes.
566 RENÉ CHEVREL
Ces faits reçoivent une explication facile, si l'on suppose que les
fibres musculaires de la couche abdominale moyenne se contractent comme
celles de la couche superficielle, d'avant en arrière. Dans cette hypothèse,
les côtes sont constamment tirées en arrière ; leur tête, fixée par des
ligaments à la colonne vertébrale, résiste à la traction et conserve sa
position primitive ; mais leur partie distale, qui est libre dans les tissus
et par conséquent dépourvue de toute attache solide, cède peu à peu
aux tractions qui s'exercent sur elle et finit par se maintenir à l'endroit
où chaque contraction musculaire l'amène. La côte se trouve donc, en fin
de compte, inclinée d'avant en arrière et de haut en bas. La contraction
des fibres de la couche superficielle et de la couche moyenne du muscle
abdominal se faisant d'arrière en avant, le mouvement initial doit partir
de la queue et s'avancer graduellement vers la tête.
Le mouvement de torsion de l'extrémité proximale des côtes me paraît
déterminé, au moins en partie par l'action des fibres longitudinales de la
couche superficielle du muscle abdominal A, qui sont plus nombreuses
dans cette région que partout ailleurs. Le concours qu'elles prêtent aux
fibres de la couche moyenne B, qui tirent sur le septum transversal atta-
ché à la côte pour l'amener d'avant en arrière et lui donner la position
inclinée particulière que j'ai fait connaître, ne me paraît pas négli-
geable.
Quant à l'inclinaison en arrière de ce septum, elle résulte évidemment
de la traction que les fibres de la couche superficielle, d'une part, et les
fibres de la couche moyenne, de l'autre, exercent sur lui dans le même
sens.
Ainsi donc, l'hypothèse, d'après laquelle les fibres de la couche
moyenne du muscle abdominal se contracteraient d'avant en arrière,
permet de donner une explication simple et très plausible aux particula-
rités anatomiques que présentent les côtes et les septa musculaires, tandis
qu'elles restent sans explication possible si les mêmes fibres se contractent
d'arrière en avant.
Nous concluons d'après cela que la contraction de ces fibres se fait
comme celle des fibres de la couche superficielle, c'est-à-dire d'avant en
arrière.
Il reste à examiner le jeu des fibres de la couche profonde du muscle
abdominal, C.
Ces fibres sont orientées de haut en bas, si on les envisage d'arrière
en avant • leur direction est par conséquent opposée à celle des fibres de
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS .-,07
la couche moyenne et l'on peut les comparer aux fibres des muscles expi-
rateurs de la cavité thoracique des Mammifères. Or ces muscles se con-
tractent d'avant en arrière. En est-il de même pour les fibres de cette
couche profonde >. Je ne trouve, en faveur de cette vue, que l'analogie
de leur disposition avec celle des muscles expirateurs des Mammi-
fères.
Cette couche profonde est peu épaisse ; elle s'attache en partie au bord
interne d?s côtes qu'elle déborde légèrement du côté de la cavité abdo-
minale ; elle est directement tapissée par le péritoine sur lequel elle
s'appuie. Elle s'atténue d'ailleurs d'avant en arrière et disparaît dans la
région postérieure de l'abdomen, du moins chez la Tanche. En raison de
son faible développement, elle joue un rôle très amoindri par rapport
à celui de la couche moyenne. Si ses fibres se contractent d'avant en
arrière, comme les fibres des muscles expirateurs, leur action s'ajoute sim-
plement à celle des fibres de la couche moyenne et concourt à l'inflexion
des côtes dans le sens antéro-postérieur. Mais il se peut que ces fibres
jouent un tout autre rôle ; au lieu de se contracter d'avant en arrière,
elles peuvent tout aussi bien se contracter d'arrière en avant. Dans ce
cas, elles deviennent les antagonistes des fibres de la couche moyenne. Si
l'on considère 2 fibres appartenant, l'une à la couche profonde, l'autre,
à la couche moyenne, ces 2 fibres tireront de haut en bas, sur la côte de
la même façon que les haubans d'un navire tirent sur le mât qu'ils sont
chargés de maintenir dans la verticale. Les fibres musculaires tendent
aussi à maintenir la côte dans sa position normale ; mais celles de la couche
moyenne étant beaucoup plus nombreuses que celles de la couche pro-
fonde l'emportent sur elles en force et déterminent seules l'inflexion
antéro-postérieure de la côte. Cela n'implique pas l'inutilité de l'action
des fibres de la couche profonde, au contraire ; elles luttent contre l'effort
de la couche moyenne et empêchent ainsi les côtes d'être portées encore
plus en arrière.
Quel que soit donc le sens de la contraction des fibres profondes dans
cette région du corps, le sens général de la traction des fibres de toute
la portion abdominale du muscle somatique, dans sa région hypoaxiale,
a lieu d'avant en arrière.
568 RENÉ CHEVREL
Chapitre VIII.
CONSÉQUENCES QUI DÉCOULENT DU JEU DES MUSCLES SOMATIQUES
J'ai fait connaître dans les chapitres précédents comment, à mon
avis, les fibres musculaires du muscle latéral ont dû se contracter, dans
les diverses régions du corps, chez les ancêtres des Poissons téléostéens,
ou même chez les jeunes embryons dès que leurs muscles somatiques ont
commencé à fonctionner. Il me reste maintenant à examiner les modifica-
tions permanentes qui se produisent dans la suite, chez certains organes
en relation directe avec les muscles latéraux.
A chaque contraction du muscle somatique, les septa transversaux
présentent, dans chaque moitié épi ou hypoaxiale, 2 cônes de traction,
pendant que leur limite externe, en contact avec la peau, prend la
forme d'un :ï. Ces septa, en vertu de leur élasticité propre, devraient, dès
que la contraction du muscle cesse, revenir à leur position primitive ;
mais leur élasticité n'est pas parfaite et de plus ils sont extensibles ;
or ces 2 propriétés s'opposent : quand l'une augmente, l'autre diminue
et réciproquement. La contraction répétée d'un même myomère finit par
étirer les fibres conjonctives du tissu membraneux des septa de manière
à leur enlever tout à la fois et leur extensibilité et leur élasticité. A ce
moment, les cônes de traction de chaque septum ont acquis leur développe-
ment définitif, ce qui doit se faire très rapidement ; je ne parle évidemment
que du développement relatif, c'est-à-dire de celui qui correspond,
à cet instant, au développement concomittant du septum tout entier.
Le septum transversal devient par là même pour les fibres du myomère
une surface fixe d'insertion et de traction ; il conserve la forme acquise
qui devient ainsi permanente.
Lorsque les fibres d'un myomère se contractent, elles s'appuient par
l'une de leurs extrémités sur un des septa devenu fixe et tirent sur le
septum suivant. Celui-ci, dont les fibres conjonctives constituantes ne
peuvent plus s'allonger, transmet intégralement à la vertèbre sur laquelle;
il s'insère, l'effort total des fibres musculaires du myomère, et la vertèbre
est entraînée (Unis un mouvement de rotation exactement comme si le
septum transmetteur était rigide et solide. Lorsque la contraction cesse,
le septum attiré revient à sa position primitive par 1<- retour pur et
simple des fibres musculaires à leur longueur initiale.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 569
En général la contraction de l'un des muscles latéraux du corps est
immédiatement suivie de la contraction de son symétrique. Dans ce cas
le 1er prend une forme courbe qui a pour résultat d'augmenter sa lon-
gueur ; ses septa éprouvent un déplacement en sens opposé à celui que
sa contraction leur avait imprimé ; mais ce déplacement angulaire ne
peut pas mod;fier sensiblement leur forme ; car les organes réellement
modifiés sont les fibres musculaires qui, en vertu de leur élasticité restée
intacte, s'allongent sous l'action de l'étirement produit par la courbure
du corps. Cet allongement détermine, il est vrai, l'apparition de forces
nouvelles ; mais comme elles sont sensiblement égales et qu'elles agissent
2 à 2, en sens opposé sur chacun des points du septum, elles ne provoquent
pas par conséquent de modification appréciable dans la forme de celui-ci.
Que le muscle latéral soit au repos, ou qu'il se trouve en état de con-
traction ou de relâchement, ses septa transversaux présentent donc
toujours la forme fondamentale que les contractions initiales leur ont
imposée et qui se manifeste sous l'apparence d'une cloison membraneuse
offrant 2 cônes profonds à sommet dirigé en avant, 2 cônes superficiels à
sommet tourné en arrière et un bord externe, ou inscription tendineuse,
disposé en zigzag ou en forme de s à la surface même du muscle.
De la disposition compliquée des septa transversaux dérivent des
modifications qui concernent les fibres musculaires des myomères. Le
parallélisme primitif des septa n'est pas maintenu ; dans les régions
voisines des crêtes dorsale et ventrale, les Inscriptions tendineuses se
touchent presque ; les intervalles qui séparent les sommets de 2 cônes
superficiels consécutifs sont plus grands que ne le comporterait la lon-
gueur des fibres du myomère intermédiaire. Il existe donc dans un même
myomère des fibres plus longues les unes que les autres ; elles sont de plus
presque toutes placées obliquement par rapport à leurs surfaces d'inser-
tion.
La force qui se dégage de chacune d'elles quand elle se contracte
varie donc de fibre à fibre, non seulement suivant son plus ou moins
grand développement, mais aussi suivant son degré d'obliquité. A lon-
gueur égale, la fibre qui tire normalement sa surface d'insertion produit
un travail plus grand que si elle la tire obliquement, et de 2 fibres obliques
égales, celle qui a la plus faible obliquité développe le plus grand travail.
En examinant les Inscriptions tendineuses, on voit que les fibres les mieux
placées pour produire le maximum d'effet sont celles qui avoisinent le
sommet des angles formés par ces Inscriptions, et particulièrem nt .
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉS. — I. 52. — F. 8. 39
570 RENÉ CHEVREL
si l'on s'en tenait aux apparences, celles qui concourent à la formation
des 2 angles ayant leur sommet dirigé en arrière.
Ces 2 angles proviennent comme je l'ai dit précédemment, de l'action
des fibres superficielles dont la contraction se fait d'avant en arrière.
C'est peut-être ici le lieu de répondre par avance à une objection qui
pourrait être faite à ce mode de contraction.
Si la contraction des fibres profondes, qui se fait d'arrière en avant,
a pour résultat de propulser le corps du poisson en avant, celle des fibres
superficielles, qui a lieu en sens contraire, devrait, si ces fibres se contrac-
taient indépendamment des lres, le faire progresser en arrière. Et comme
toutes les fibres d'un même myomère se contractent à peu près simultané-
ment, le déplacement du corps serait donc soumis à 2 systèmes de forces
parallèles et opposées qui, au lieu de s'entr'aider, se contrarieraient
mutuellement, ce qui est absurde.
Ce serait vrai si les fibres étaient les agents directs de la propulsion ;
mais leur rôle essentiel consiste à courber le corps et ramener la queue
vers la tête. La queue, dans ce mouvement, laisse derrière elle un vide que
l'eau ambiante vient remplir et elle le remplit avec d'autant plus de
rapidité et d'autant plus de force, que le mouvement a été lui-même plus
prompt et plus étendu : c'est le choc de cette masse d'eau contre la queue
et la nageoire caudale qui pousse le corps en avant et qui est le véritable
propulseur. Or ce phénomène se produit quel que soit le mode de con-
traction des fibres musculaires.
En effet, supposons pour un instant que seules les fibres superficielles
se contractent. Elles tendront à incliner la tête vers la queue. Mais com-
parativement à cette dernière, la tête forme un organe très gros, lourd,
difficile à ébranler ; dans ces conditions, c'est la queue qui sera ramenée
vers la tête. L'action de ces fibres est, en effet, comparable à celle que
produiraient les efforts de matelots qui, montés dans un canot, tireraient
sur un câble amarré à un gros navire pour l'attirer à eux ; le gros navire
immobilisé par son poids resterait en place ; mais le canot plus léger,
cédant à l'élasticité du câble, serait attiré vers le gros navire. La queue de
poisson se trouve donc ramenée en avant aussi bien par l'effet indirect
des fibres superficielles que par l'effet direct des fibres profondes. Dans les
2 cas, le résultat est le même : progression du corps en avant.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 571
Chapitre IX.
MUSCLE ROUGE OU MUSCLE DE LA LIGNE LATÉRALE
J'ai parlé précédemment du Muscle rouge ou Muscle de la ligne latérale
et j'ai fait connaître ce que sa morphologie offrait de plus important.
J'ajouterai qu'au point de vue histologique il n'a pas la même structure
que les muscles blancs des poissons. Leydig (1852) est, je crois, le pre-
mier qui ait fait cette constatation ; de son-côté, Ranvier (1874) a étudié
chez le Lapin le mode de contraction des muscles rouges, dont la structure
diffère également de celle des autres muscles du même animal. Leur
contraction est moins brusque que celle des muscles pâles ; elle tient pour
ainsi dire le milieu entre celle des fibres lisses et celle des fibres striées
ordinaires. Landois (1893) dit également que les muscles pâles sont plus
excitables et se fatiguent plus vite que les muscles rouges ; la période
d'excitation latente est plus courte et leur contraction est plus rapide.
Les muscles rouges exécutent des mouvements étendus et prolongés,
tandis que les muscles pâles exécutent des mouvements plus rapides.
Je ne crois pas qu'il ait été fait des expériences spéciales sur la con-
traction des muscles rouges des poissons, et cela se comprend car il est
bien difficile, pour ne pas dire impossible, de les isoler, sur le vivant, des
muscles pâles voisins. Il est cependant très vraisemblable que ces muscles,
dont la structure histologique est différente de celle de ces derniers, se
contractent autrement qu'eux et l'on peut émettre l'hypothèse que leur
contraction est plus ou moins semblable à celle des muscles rouges des
Mammifères ; leur contraction serait donc plus lente et plus prolongée
que celle des fibres pâles des muscles sous-jacents. Or cette double par-
ticularité, en raison de la position superficielle qu'occupe le muscle rouge
de chaque côté du corps, ne s'explique pas si l'on admet que ce muscle
participe activement à la contraction de celui-ci dans la progression
rapide.
Mais on constate parfois qu'un poisson qui vient de se déplacer
d'un mouvement rapide, ralentit sa marche et se retourne vers son
point de départ en maintenant sa queue plus ou moins recourbée. Cette
disposition de l'extrémité caudale est-elle le simple effet du mouvement
réactionnel de l'eau ou n'est-elle pas plutôt volontaire ? Dans ce dernier
572 RENÉ CHEVREL
cas, le maintien prolongé de la courbure de la queue s'expliquerait très
facilement par l'intervention du muscle rouge dans ce phénomène. Et
s'il en était ainsi, le poisson qui voudrait changer de direction pendant
une filée n'aurait qu'à maintenir quelques secondes son muscle rouge en
contraction pour transformer sa nageoire caudale recourbée en gouver-
nail. Mais c'est là une simple hypothèse, et il peut très bien se faire que
dans là progression rapide le poisson emploie pour modifier sa direction
les mêmes procédés que dans la nage lente, à savoir de porter brusque-
ment la tête du côté où il veut tourner.
Aurait-il pour but d'agir sur la peau ? Je ne le crois pas, car ce n'est
certainement pas un muscle peaucier comme certains auteurs l'ont
prétendu. D'un autre côté, il est fort peu probable que sa fonction
consiste : 1° à maintenir équidistants les bords du sillon de la ligne laté-
rale et à empêcher ainsi un plus grand écartement entre les parties
dorsale et ventrale du muscle somatique ; ou simplement 2° à renforcer
l'action des fibres superficielles de ce dernier ; car dans les deux cas, on ne
s'expliquerait pas que sa structure histologique fût différente de celle
du muscle latéral. Je persiste donc à croire qu'en raison de ses analogies
fonctionnelles probables avec celles des muscles rouges des Mammifères
et de sa structure histologique particulière, le rôle essentiel de ce muscle
consiste à maintenir la queue courbée lorsque le poisson veut changer de
direction, bien que je ne puisse apporter aucun témoignage en faveur de
cette hypothèse.
Mode probable de contraction des fibres du muscle rouge
Comment se fait la contraction des fibres de ce muscle ? Si l'on
examine avec attention les caractères apparents de ce muscle, on constate
qu'il est subdivisé en segments par des cloisons transversales membra-
neuses qui semblent être les prolongements de celles du muscle latéral ;
que, de plus, il est partagé dans le sens de sa longueur en 2 parties, l'une
épiaxiale, l'autre hypoaxiale séparées par le nerf latéral. Cette disposition
anatomique qui rappelle celle du muscle somatique, semble indiquer
que le muscle de la ligne latérale n'est qu'une portion, une fraction du
premier. S'il est permis de supposer avec quelque vraisemblance qu'à
l'origine le muscle de la ligne latérale s'est séparé du muscle- somatique,
son évolution postérieure ne s'est pas faite de la même façon ; il est
resté primitif quant à sa structure, et ses connexions, chez le poisson
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 573
adulte, ne, sont pas tout à fait les mêmes que celles du muscle somatique.
En effet, l'un et l'autre se terminent bien en arrière à la base de la nageoire
caudale ; mais, en avant, le muscle rouge n'atteint pas, du moins chez
un certain nombre de poissons, la ceinture scapulaire et la boîte crâ-
nienne qui servent à l'insertion antérieure du muscle somatique. On
pourrait d'après cela supposer que ce muscle s'est séparé du muscle
somatique d'arrière en avant ; que n'ayant qu'un seul point d'appui
solide, la nageoire caudale, sa contraction doit se faire d'avant en arrière ;
qu'enfin cette contraction doit avoir vis-à-vis de celle du muscle soma-
tique une certaine indépendance. Cette indépendance relative se mani-
feste encore dans les rapports réciproques des 2 muscles. La disposition
et le développement du muscle rouge varient pour ainsi dire d'espèce à
espèce ; parfois ce muscle se trouve entièrement logé et comme encastré
dans le muscle somatique ou plus exactement dans le sillon de la ligne
latérale ; parfois il déborde largement de chaque côté de ce sillon et
recouvre la plus grande partie du muscle somatique. Entre ces 2 dispo-
sitions extrêmes, que seules j'examinerai dans ce qui va suivre, se trouve
toute une série de dispositions intermédiaires.
La lre se rencontre par exemple chez Atherina presbyter Cuv. et
Valenc. Ici le muscle rouge est entièrement logé dans la gouttière de la
ligne latérale ; sa face externe affleure les bords de la gouttière et son plan
se confond avec celui de la face externe du muscle somatique. Il est
attaché en arrière aux 2 plaques osseuses triangulaires qui s'appuient
d'un côté sur l'extrémité terminale de la colonne vertébrale, et de l'autre
supportent la majeure partie des rayons de la nageoire caudale ; en avant
il se termine librement, en ce sens qu'il ne s'attache à aucun corps solide ;
son extrémité antérieure, arrive en effet, à peu près à l'aplomb de l'inser-
tion de la nageoire pectorale sur la ceinture scapulaire, mais n'a aucune
connexion avec cette partie du squelette ; la moitié épiaxiale s'avance
un peu plus que la moitié hypoaxiale ce qui donne à son profil l'apparence
d'un quart de rond droit. Ce muscle qui ressemble à une baguette aplatie
latéralement est entièrement entouré d'une mince enveloppe conjonctive
d'aspect nacré, et c'est la portion externe de cette enveloppe qui brille
au dehors et forme la bandelette argentée dont sont ornés les flancs de ce
poisson. Cette enveloppe qui l'isole complètement du muscle somatique
en fait-elle un muscle indépendant de ce dernier ? Oui^à priori, mais non,
en fait ; la membrane conjonctive qui l'enveloppe intimement est en
même temps assez étroitement appliquée sur le fond et les parois de la
574 RENÉ CHEVREL
gouttière latérale, de sorte que par l'effet de cette union indirecte les
modifications que la contraction du muscle somatique imprime à la
gouttière doivent avoir une certaine influence sur le muscle rouge et
réciproquement. C'est peut-être à cette union que l'on doit rapporter la
concordance que l'on constate entre la disposition des cloisons trans-
versales du muscle rouge et celles du muscle somatique ; mais ce n'est pas
certain. Le muscle est, en effet, soumis aux lois qui régissent la contraction
du muscle latéral ; comme les fibres de ce dernier, les siennes en se con-
tractant se subdivisent en fragments disposés suivant une ligne brisée et
les angles de ces lignes brisées se trouvent nécessairement dans les plans
des plissements du corps, exactement comme les angles des fibres du
muscle somatique. C'est dans ces plans de plissement que naissent les
cloisons membraneuses ; il n'est donc pas étonnant que les cloisons res-
pectives du muscle somatique et du muscle rouge coïncident. Cette
coïncidence ou concordance ne signifie donc pas nécessairement que les
septa transversaux du muscle latéral se prolongent dans le muscle rouge.
C'est ce qu'on peut constater facilement chez Atherina presbyter. La mem-
brane qui entoure le muscle rouge est si nette et si différente de celle
qui constitue les septa du muscle somatique que toute hésitation est
impossible. De la partie profonde de cette membrane part, à chaque
segment, un repli qui s'insinue entre 2 myomères consécutifs et qui
conserve parfois tout à fait l'apparence de la membrane dont il pro-
cède. Il se différencie donc des septa du muscle somatique par un semis
plus ou moins dense de taches pigmentaires brillantes. Le muscle rouge
d'Atherina presbyter possédant des septa et une membrane d'enveloppe
qui lui sont propres, ne semble avoir avec le muscle somatique que des
rapports de contiguïté.
Mais qu'il soit plus ou moins sous la dépendance de ce muscle ou qu'il
en soit complètement indépendant, sa contraction s'effectue exactement
de la même façon. Dans le 1er cas, les fibres superficielles du muscle
somatique tirent, en se contractant d'avant en arrière, sur la membrane
d'enveloppe du muscle rouge et déterminent ainsi le sens de la contraction
des fibres de ce dernier : dans le second, ce muscle, agissant de lui-même,
s'appuiera nécessairement sur le seul plan solide servant à l'insertion
de ses fibres et qui est représenté par les 2 plaques osseuses triangulaires
qui terminent la colonne vertébrale ; sa contraction aura donc encore lieu
d'avant en arrière. Or, les faits confirment la théorie : en examinant
les divers myomères du muscle rougë, on peut constater que leurs
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 575
septa sont tous, à partir de leur base, inclinés d'avant en arrière.
La 2e disposition du muscle rouge se trouve parfaitement réalisée
chez Clupea hareng-us L. Ici ce muscle déborde la gouttière du nerf latéral
et s'étend largement sur les 2 parties épi- et hypoaxiale du muscle soma-
tique ; il embrasse une étendue qui peut atteindre les 2/3 de la hauteur
du corps. Si l'on fait dans ce muscle une coupe transversale, c'est-à-dire
perpendiculaire à son grand axe, on voit que sa partie centrale, logée
dans la gouttière latérale, est épaisse de quelques millimètres, et que ses
parties latérales qui recouvrent le muscle somatique, vont en dimnuant
graduellement d'épaisseur du centre vers leurs extrémités libres. Il est
séparé du muscle sous-jacent par une membrane assez fortement pig-
mentée et il en est de même de ses septa transversaux. Ces particularités
qui rappellent celles que j'ai fait connaître chez Atherina presbyter
Cuv. et Valenc. semblent indiquer également une certaine indépendance
vis-à-vis du muscle somatique. Or, cette indépendance se manifeste ici
d'une manière encore plus évidente que chez le précédent poisson. En
effet, si l'on prépare un des cônes de traction profonds du muscle soma-
tique, on constate que la portion centrale du myomère correspondant
du muscle rouge se comporte vis-à-vis du 1er muscle autrement que ses
portions latérales. Celles-ci s'écartent de la base du cône de traction
profond et se retirent d'autant plus en arrière qu'on s'éloigne davantage
de la ligne latérale, tandis que la partie centrale fait suite à la surface
du cône, qu'elle semble continuer directement tout en ayant une incli-
naison différente. Si les 2 muscles superposés se contractaient de concert,
il n'y aurait aucune raison pour que les fibres de l'un fussent portées
plus en arrière que celles de l'autre ; mais le phénomène s'explique aisé-
ment si ces 2 muscles conservent l'un vis-à-vis de l'autre une certaine
indépendance. Enfin, la direction prise par les portions latérales du muscle
rouge et par ses septa transversaux, montre que chez ce poisson, de même
que chez Atherina presbyter, la contraction de ses fibres se fait d'avant en
arrière.
En résumé, et autant qu'on en peut juger par l'examen de quelques
poissons seulement, le muscle rouge, bien gu 'encastré en tout ou en p<tr1i<'
dans le muscle somatigue conserve vis-à-vis de celui-ci une certaine indé-
pendance fonctionnelle et sa contraction se fait, comme celle des fibre* super-
ficielles de ce dernier, d'avant en arrière.
576 RENÉ CHEVREL
Chapitre X.
RÉPERCUSSION DU JEU DES MUSCLES LATÉRAUX SUR LA FORMATION
DE CERTAINES PARTIES DU SQUELETTE
On sait que dans l'ordre d'apparition des organes les muscles pré-
cèdent les os. Ceux-ci sont remplacés à l'origine par des cordons de nature
fibreuse qui se transforment ensuite en cartilages et en os suivant le degré
de développement des muscles. Il y a donc corrélation entre les divers
états que présentent successivement ces organes, et l'influence des
muscles sur la nature et sur la forme de leurs supports est indéniable.
Je vais essayer de déterminer le mode d'action du muscle latéral sur
les organes qui lui servent de surface d'insertion.
Arcs vertébraux, Apophyses épineuses et Côtes
Dans un muscle ordinaire, dont les fibres n'ont de points d'insertion
qu'à leurs 2 extrémités, la force développée par la contraction s'exerce
en entier sur les 2 supports ; son intensité est proportionnelle à la lon-
gueur de la fibre et à son degré de contraction. Il n'en est plus ainsi dans
m muscle latéral. Celui-ci est coupé dans toute sa longueur par de
nombreuses cloisons transversales ou septa qui interrompent chaque fibre
et la subdivisent en autant de parties + 1 qu'il existe de cloisons. Cha-
cune de ces parties s'insère sur ces cloisons et quand elles se contractent
toutes, leur ensemble prend une disposition en ligne brisée qui est carac-
téristique du muscle latéral. Il est évident que dans ces conditions la
somme des forces partielles émanées d'une même fibre ne s'exerce pas
uniquement à ses 2 extrémités, mais se répartit sur chacun des septa qui
la subdivise : c'est cette répartition qui va d'abord faire l'objet de nos
recherches.
Soit une fibre AB comprise entre 2 septa consécutifs (fig. xvn) ;
supposons que la force qu'elle détermine quand elle se contracte tire
le point A dans la direction AB. Faisons passer par cette fibre un plan
perpendiculaire à l'insertion du septum qui contient le point A ; soit CB
l'intersection de ce plan et du septum. Quand AB se contracte, le point B
situé sur le septum fixe reste immobile ; le point A sollicité de A vers B se
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS ô77
déplace en A' par exemple, en décrivant autour du point C un arc de
cercle A A' qui a CA pour rayon. Le point D tiré par cette même force
se rapproche du point C et s'abaisse en D', par exemple. Le septum mobile
CD prend donc la forme D'A'C, et la fibre AB la position A'B oblique par
rapport à CA'. Supposons que cette droite AB mesure en intensité et en
direction la force née de la contraction de la fibre AB. Cette force qui agit
obliquement sur CA' peut être remplacée par ses 2 composantes Aa et
A'b. Ne nous occupons que de cette dernière. Elle tire le point A' dans
le plan CA'D' du septum avec une intensité égale à A'b. Or le point d'appli-
cation de cette force, l'une des composantes de la force A'B peut être trans-
porté en C, c'est-à-dire sur l'un des points d'insertion du septum CD. Le plan
ABCD contient beaucoup d'autres fibres se ^
comportant comme la fibre AB et dont par
suite les points d'application peuvent être
transportés en C ; ce point se trouve donc
sollicité par un nombre de forces d'autant
plus grand que le myomère est plus déve-
loppé. Or dans un myomère, on peut mener
un très grand nombre de plans parallèles
au plan ABCD. Dans chacun de ces plans
le point d'application d'une grande partie
des forces qui y sont contenues se trouve
également placé sur l'insertion du septum, de telle sorte qu'en résumé,
l 'insertion d'un septum est le lieu géométrique de tous les points d'appli-
cation des forces qui naissent de la contraction d'un grand nombre des
fibres d'un même myomère.
Bien que ce principe soit général, il peut cependant produire des
résultats différents suivant la disposition de l'insertion septale. Chaque
septum, dans la partie épiaxiale du muscle somatique et dans la partie
hypoaxiale de la région caudale, affecte à l'origine la forme générale d'un
quadrant de cercle dont le plan est perpendiculaire au plan de symétrie
du corps. L'un des rayons du quadrant est soudé au tissu de la gaîne
de la corde dorsale, l'autre s'insère sur une membrane conjonctive qui
constitue le septum horizontal. Nous aurons à examiner successivement
l'effet produit sur chacune des parties de l'insertion d'un septum trans-
versal.
Mais d'une manière générale, les tractions qui s'exercent sur l'inser-
tion d'un septum déterminent en ce lieu, par réaction, la formation d'un
Fia. XVII.
578 RENÉ CUEVREL
corps résistant qui, suivant les cas, peut rester fibreux ou devenir carti-
lagineux ou osseux ; quelle que soit sa nature, ce corps fournit au septum
les moyens de résister efficacement aux tractions dont il est l'objet,
moyens qui lui feraient défaut s'il restait membraneux dans toute son
étendue.
Or la majeure partie des forces qui tirent sur un septum transversal
portent leur action sur l'insertion de ce septum avec la colonne verté-
brale. Et comme cette dernière est entourée d'une gaine qui possède la
propriété de modifier sa structure suivant le degré de développement
des masses musculaires qui en font leur point d'appui dans leur contrac-
tion, elle passe successivement de l'état fibreux à l'état cartilagineux,
puis osseux. Ainsi se forment les arcs vertébraux, supérieurs et infé-
rieurs, et les côtes qui correspondent à l'insertion chordale de l'insertion
des septa transversaux.
Mais le reste de l'insertion des septa qui n'est pas en rapport avec
la colonne vertébrale reçoit de son côté une partie de l'effet des tractions
musculaires ; elle en reçoit même de 2 côtés ; dorsalement et ventrale-
ment. Cette double action a pour résultat d'engendrer des formations
osseuses que je vais maintenant examiner.
Côtes supérieures et arêtes médianes
Meckel (1829), qui ne faisait aucune différence entre les côtes et les
arêtes, avait donné à ces formations le nom de côtes supérieures, résumant
par cette désignation les caractères dus à leur aspect et à la situation
relative qu'elles occupent. J. Muller (1836) démontra que les Côtes supé-
rieures de Meckel ne méritaient pas ce nom. Bruch (1862) les appela
arêtes médianes, les rattachant ainsi aux nombreuses productions osseuses
disséminées dans l'épaisseur des masses musculaires somatiques. Or
d'après J. Muller et nombre d'auteurs qui l'ont suivi, il existe une diffé-
rence fondamentale entre les côtes et les arêtes : les lres sont primitives ;
elles se forment au début du développement et passent par les mêmes
phases histologiques que les arcs vertébraux, dont elles ont la même
origine ; leur structure à l'état adulte contient encore fréquemment
la trace d'un état antérieur cartilagineux ; les secondes au contraire sont
des formations secondaires, et elles sont toujours d'origine tendineuse :
ce sont des productions qui dérivent exclusivement de membranes. Or
les arêtes médianes de Bruch ou arêtes latérales, comme on les dénomme
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 579
encore, ont, à 2 exceptions près, chez les Téléostéens, la même structure
que les arêtes proprement dites. Mais elles occupent à peu près exacte-
ment la même situation que d'autres formations de nature ou d'origine
cartilagineuses que l'on trouve chez Polypterus et Calamichthys calaba-
ricus du groupe des Crossoptérygiens et chez 2 espèces de Téléostéens :
Monacanthus penicilligerus et M. jronticinctus. En raison de leur mode de
formation, dans lequel intervient la vertèbre, de leur structure et de leur
situation relative, on leur donne le nom de Côtes supérieures. Or que ces
formations soient des côtes supérieures ou des arêtes latérales, elles
proviennent toujours, pour moi, de l'action des mêmes muscles.
Lesuneset les autres se trouvent entre les 2moitiésépi — ethypoaxiale
du muscle somatique ; elles reposent sur la face dorsale du septum hori-
zontal, à l'endroit où chaque septum transversal coupe le précédent.
Les côtes ne s'étendent pas au-delà de la région abdominale ; les arêtes
latérales se prolongent parfois sur une étendue plus ou moins grande de
la région caudale. La présence ou l'absence de ces arêtes ; les différences
de longueur, d'épaisseur et de résistance qu'elles présentent, sont dues
aux variations d'intensité des forces qui actionnent les différents septa
transversaux et qui sont en relation étroite avec le degré de développe-
ment des myomères. De même, leur disposition est variable et en rapport
avec celle du septum horizontal.
Voici comment opèrent les forces qui déterminent l'apparition des
côtes supérieures et des arêtes latérales.
Chaque septum transversal coupe le septum horizontal suivant
une droite plus ou moins voisine de l'horizontalité, qui s'étend de la
colonne vertébrale vers la paroi latérale du corps, jusqu'au fond du sillon
latéral. Cette intersection, ainsi que je l'ai montré dans une autre partie
de ce travail, est tirée, par les fibres profondes du myomère qui la pré-
cède, d'arrière en avant et de dehors en dedans, et comme elle appar-
tient aux 2 parties épi- et hypoaxiale du septum, l'importance de la
traction qui s'exerce sur elle se trouve pour ainsi dire augmentée du
double. Si rien ne s'opposait à son déplacement en avant, elle devrait
prendre une position oblique d'arrière en avant et de dedans en dehors :
mais j'ai fait voir précédemment que le plan de traction des fibres mus-
culaires ne formant avec celui du septum horizontal qu'un angle très aigu,
ne permet pas aux fibres conjonctives dont est composé ce dernier, de
céder beaucoup à la traction ; de sorte qu'en résumé l'intersection de
chaque septum transversal avec le septum horizontal ne décrit qu'une
580 RENÉ GHEVREL
faible courbe à convexité antérieure. Or cette intersection est le lieu des
points d'application des forces qui naissent de la contraction d'une petite
partie des fibres profondes appartenant aux 2 moitiés épi et hypoaxiale
du myomère. Si l'intensité des forces est suffisante, il se formera en ce
lieu un organe de soutien ; quand cet organe passe directement de l'état
fibreux à l'état osseux, il constitue une arête médiane.
Si l'on examine la série des intersections du septum horizontal avec
les divers septa transversaux, on remarque qu'en général, les arêtes
médianes ne se rencontrent que dans la partie abdominale du corps et
qu'elles manquent le plus souvent dans la région caudale. Pourquoi en
est-il ainsi ? Deux raisons, ce me semble, peuvent être invoquées pour
expliquer cette anomalie.
Si l'on fait abstraction des 2 cônes de traction, chaque moitié du
septum transversal affecte la forme d'un triangle rectangle. L'un des côtés
de l'angle droit, le médial,se confond avec l'insertion du septum sur la
colonne vertébrale et l'arc vertébral correspondant ; l'autre côté ou côté
latéral, est représenté par l'intersection du septum transversal avec le
septum horizontal. Nous avons vu que l'effort principal des fibres mus-
culaires du myomère se porte surtout sur le côté médial, et comme déplus,
ce côté est ordinairement beaucoup plus long que le côté latéral et se
trouve conséquemment sollicité par un plus grand nombre de forces,
on s'explique aisément qu'il doive, avec les parties qui le supportent,
acquérir une grande consistance, et de fibreux qu'il était à l'origine, deve-
nir suivant les circonstances cartilagineux ou osseux.
Le côté latéral du triangle ne se trouve pas dans les mêmes conditions.
Il est sollicité par une partie seulement des fibres du myomère, celles
qui sont le plus voisines du septum horizontal et qui contribuent à former
la paroi du cône de traction tournée vers ce septum ; de plus les forces
qui agissent sur lui sont d'autant moins nombreuses qu'il est lui-même
plus court, et comme sa longueur est en quelque sorte proportionnelle
à l'épaisseur du corps, celui-ci étant en général épais en avant et rétréci
en arrière, on peut dire que ce côté latéral va en diminuant de longueur
d'avant en arrière. Il est donc tiré de moins en moins fort d'avant en
arrière ; si les tractions sont suffisantes pour déterminer la formation
d'organes de soutien, ces organes devront présenter un développement
décroissant en allant de la tête à la nageoire caudale. C'est, en effet, ce
que montre l'examen de cette région du corps.
J'ai fait remarquer ci-dessus que les forces qui se dégagent de la
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 581
portion épi — et de la portion hypoaxiale concouraient à la formation des
organes de soutien, -de la ligne latérale ; mais l'importance du concours
n'est pas la même pour chacune de ces portions. La lre solidement appuyée
sur une base immobile formée par l'adossement des 2 arcs neuraux que
réunit à leur extrémité supérieure une apophyse épineuse et dont les
fibres sont condensées sur un petit espace, permet aux forces qui s'en
dégagent de produire leur maximum d'action sur l'intersection des septa
horizontal et transversal ; au contraire, les forces qui dérivent de la
seconde, en nombre sensiblement égal aux lres, mais dispersées sur toute
la surface abdominale beaucoup plus vaste, appuyées en outre sur les
côtes, qui sont libres à leur extrémité distale et mobiles, ne peuvent pas,
en raison de leur mode de distribution et de la position variable de leur
support, produire sur la même intersection un effort équivalent à celui
des forces de la portion épiaxiale. Le lieu géométrique des points d'appli-
cation de ces 2 séries de forces devra donc se trouver du côté dorsal ou
épiaxial ; c'est là que devra se former l'organe de soutien qui leur servira
de point d'appui secondaire ; c'est, en effet, à la face dorsale du septum
horizontal, c'est-à-dire du côté épiaxial que l'on trouve la baguette
osseuse ou arête médiane.
Dans ce qui précède, je n'ai envisagé que l'action des fibres profondes
sur l'intersection en question, ou si l'on préfère sur l'arête médiane ;
mais d'autres forces interviennent qui modifient dans une certaine mesure,
l'effet produit par les premières. Ces forces proviennent des fibres super-
ficielles qui, elles, tirent obliquement sur l'extrémité libre des arêtes, de
bas en haut pour la partie épiaxiale, et de haut en bas pour la partie hypo-
axiale du muscle somatique ; de plus, la traction se fait, dans les 2 cas,
d'avant en arrière. Les fibres superficielles tendent donc à ramener en
arrière la pointe de l'arête latérale et luttent contre l'action opposée des
fibres profondes.
L'arête est donc sollicitée dans 2 sens différents : de bas en haut par
les fibres épiaxiales, de haut en bas par les fibres hypoaxiales ; si les forces
qu'elles développent étaient d'égale intensité, cette arête, ainsi que le
septum horizontal qui la contient, devrait être horizontale ; elle doit au
contraire s'incliner de bas en haut ou de haut en bas, si les 2 systèmes
de forces sont d'inégale intensité. On remarque qu'elle est ordinairement
arquée de bas en haut, conformément au plus grand développement de
la partie épiaxiale.
La ligne d'insertion du septum horizontal sur l'axe vertébral est assez
582 RENÉ CHEVREL
variable. Si cette insertion se trouve sur le corps même des vertèbres,
les arêtes médianes s'insèrent elles-mêmes sur le corps vertébral, ou tout
au moins lui sont réunies par une attache fibreuse ; si les côtes sont assez
fortement arquées, la partie profonde du septum horizontal peut reposer
sur leur base ; dans ce cas les arêtes ne se forment que dans la partie libre
externe du septum horizontal ; elles s'appuient sur la côte au point où le
septum se détache de celle-ci ; enfin si le contact entre la base des côtes
et le septum horizontal est étendu et que la partie libre de celui-ci soit
très réduite ou nulle, les arêtes médianes n'ont plus de raison de se former ;
elles font défaut et leur fonction est remplie par la base même des côtes.
L'existence ou l'absence des arêtes médianes, leur situation par rap-
port à la colonne vertébrale sont donc déterminées par le régime du
septum horizontal.
Ces arêtes se rencontrent également dans la région caudale, tout au
moins dans sa région antérieure ; mais elles y sont toujours moins déve-
loppées et moins constantes que dans la région abdominale. Cela tient
à ce que les myomères diminuent d'importance en allant de la tête vers
la queue ; leur action devient de plus en plus faible et l'organe de soutien
qui correspond au lieu géométrique des forces des parties épi et hypoaxiale
reste fibreux ou finit par disparaître complètement.
Arêtes
La position spéciale de ces arêtes médianes entre les 2 moitiés du
muscle somatique permet de trouver assez facilement ou, si l'on préfère,
de donner une explication de leur genèse ; mais il n'en est plus de même
des autres arêtes dont je vais maintenant essayer de découvrir la loi de
formation. Je crois qu'on peut leur assigner une origine commune qui
dérive toujours de l'action divergente de forces agissant sur une inter-
section de plans membraneux.
Les arêtes sont, d'après J. Muller (1836) et nombre d'auteurs, des
formations d'origine secondaire. Elles apparaissent par conséquent lorsque
les septa ont acquis leur disposition caractéristique. Cette disposition,
je le rappelle, peut être ramenée schématiquement à celle d'un paravent
à 3 feuillets, mais chaque feuillet n'est pas plan ; il est en général plus ou
moins irrégulièrement ondulé. A quoi peut-on attribuer ces ondulations ?
Si les fibres du muscle latéral étaient toutes parfaitement parallèles entre
elles et à l'axe vertébral, et se contractaient suivant une même direction,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 583
il n'y aurait pas de raisons pour que le paravent ne fût pas régulier.
Mais si l'on examine les myomères, on constate que la direction de leurs
fibres varie fréquemment. Pour ne citer qu'un exemple, je rappellerai
ce que j'ai dit de la partie du muscle somatique qui recouvre les côtes ;
on y voit très nettement 3 couches de fibres à direction différente. Il en
est de même dans les autres parties de ce muscle, et l'on comprend que
dans ces conditions les septa ne puissent présenter des faces planes ou des
faces courbes régulières. Il ne me paraît pas hypothétique d'admettre
que les tractions de fibres à directions variées déterminent dans la mem-
brane des septa la formation de plis, ou de dièdres très obtus dont ces
plis seraient les angles. Si les forces qui agissent dans le plan des faces de
ces dièdres proviennent par exemple des fibres profondes d'une part, et
de l'autre des fibres superficielles, elles tireront en divergeant sur l'angle
du dièdre et provoqueront en ce lieu, par réaction (si naturellement les
forces qui en dérivent sont assez puissantes), la formation d'une tige
de soutien, fibreux d'abord, puis osseux : ce sera l'arête.
Mais une telle modification ne peut pas être un fait isolé, exclusif
à un myomère. En effet, toutes les subdivisions d'un muscle somatique
devant concourir au même but physiologique, la contraction des fibres
de chaque myomère doit s'harmoniser avec celle des myomères voisins ;
si donc il se produit dans l'un d'eux, à un certain moment de son évolu-
tion, une modification quelconque, en vertu de la solidarité qui les unit
cette modification doit se produire également dans les autres, ou du moins
dans la plupart des autres. L'apparition d'un pli dans un myomère sera
donc accompagnée de plis similaires dans les myomères voisins ; les arêtes
ne seront donc pas disséminées arbitrairement dans l'épaisseur du muscle
somatique, mais disposées régulièrement en série, C'est en effet, ce que
l'on constate. Les arêtes sont en général ou peuvent être disposées suivant
3 rangées longitudinales : une supérieure ou dorsale ; une médiane ou
latérale que nous avons étudiée ci-dessus, et une inférieure ou ventrale.
C'est la rangée supérieure qui se montre le plus fréquemment ; elle
s'étend parfois sur toute la longueur du corps, et parfois s'arrête à la nais-
sance de la nageoire caudale. Elle peut manquer totalement, mais quel-
quefois aussi être la seule présente. Les arêtes qui la constituent sont
ordinairement libres, simples ou bifurquées, mais parfois aussi reliées
synostotiquement à la base des arcs neuraux. La rangée inférieure est la
plus rare ; quand elle existe « elle répète en général exactement la rangée
« supérieure, spécialement à la partie caudale de la colonne vertébrale
584 RENÉ CHEVREL
« et contribue par là à la symétrie des moitiés supérieure et inférieure
« du corps ». (Beuch (1862). Il est rare de les rencontrer dans la région
abdominale et je crois que cette absence est due à la faible épaisseur que
le muscle somatique présente ordinairement dans cette partie de la
région hypoaxiale. Enfin les trois rangées se rencontrent simultanément
chez quelques poissons et en particulier chez les dupes ; c'est sur une
espèce de cette dernière famille, le Hareng, que j'ai étudié leur disposition.
Chez ce poisson, la majeure partie du muscle somatique est recou-
verte par le muscle rouge ; aussi est-il avantageux d'enlever celui-ci pour
étudier plus facilement les myomères du premier. Commençons par
ceux de la partie épiaxiale.
Le cône antérieur est long et effilé ; le postérieur est court et bien
moins accusé que le 1er ; la section par un plan horizontal de la face qui
qui leur est commune décrit une couche en / qui va du sommet externe du
1er au sommet interne du second. Cette face est d'autant plus longue
et le myomère d'autant plus couché que celui-ci est plus rapproché
de la nageoire caudale. La forme de la section en / varie donc pour ainsi
dire de myomère à myomère. Or quel que soit le myomère considéré, la
surface de son cône antérieur n'est pas parfaitement régulière ; elle
présente du côté externe une légère saillie longitudinale, faiblement
arquée, qui se dirige d'avant en arrière, de bas en haut et de dehors en
dedans. Cette saillie ou crête peut être considérée comme l'intersection
de 2 surfaces courbes ; l'une, interne est dirigée et repliée vers le plan de
symétrie du corps ; l'autre, externe, inclinée en dehors et en bas est
recouverte par le muscle rouge. De ces 2 surfaces, l'interne s'élargit beau-
coup en se portant en arrière et constitue la face commune aux 2 cônes
de traction du myomère ; l'externe reste étroite ; mais toutes deux
éprouvent des modifications que je dois faire connaître. La face interne,
tout en s'élargissant, subit une sorte de torsion qui déjette en arrière son
bord externe ; elle prend ainsi un peu l'aspect d'une aile d'hélice. A une
très faible distance de ce bord externe, il existe un petit sillon qui semble
être dans le prolongement de la crête du cône antérieur ; or ce sillon se
trouve précisément à l'intersection des 2 faces qui forment en avant la
crête de ce cône. Voici par quel mécanisme ces 2 mêmes faces donnent
par leur intersection une crête en avant, un sillon en arrière. La face
externe, étroite, se porte, ai-je dit, en dehors et en bas ; son bord inférieur
reste pendant un court trajet presque parallèle à la ligne latérale, puis
il se relève graduellement comme si la face tournait, en se tordant,
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS
585
autour de la crête comme axe de rotation. Ce bord d'inférieur qu'il était
par rapport à la crête du cône antérieur, lui devient peu à peu supérieur
et finit même par la surplombei . La face externe ainsi relevée forme alors
avec la face interne un angle dièdre dont l'angle est occupé par le sillon
dont j'ai parlé ci-dessus. Il existe donc de chaque côté de la crête, et de
chaque côté du sillon, 2 plans de fibres à orientation différente ; or, le
long de la crête il existe une arête et cette arête se prolonge dans le sillon
jusqu'au voisinage du sommet du cône postérieur. De plus dans un grand
nombre de myomères la courbure de la face commune aux 2 cônes de
traction est plus ou moins brusque ; il résulte de là une modificationu
dans la direction de certaines fibres et l'on peut constater un léger pli
Fia. XVIII. Face antérieure d'un myonière de la région hypoaxiale abdominale. 6,\côte ; AD, arête médiane ;
DEH, arête ; MR, emplacement du muscle rouge ; EH, extrémité distale de l'arête DEH soumise
d'une part à l'action des fibres du myomère ABEC et de l'autre, à celle des fibres du muscle rouge.
au fond duquel se trouve une autre arête. Elle rejoint la lre à laquelle elle
se soude et forme ainsi la plus fine des 2 branches d'une arête bifurquée.
Si, des myomères épiaxiaux, nous passons aux myomères hypoaxiaux
de la région caudale, les mêmes particularités se retrouvent; aussi existe-
t-il, dans cette région, des arêtes exactement disposées comme celles que
l'on trouve dans toute l'étendue de la portion épiaxiale du muscle.
Si maintenant nous examinons la partie abdominale de la portion
hypoaxiale, voici ce que l'on constate. La face antérieure d'un myomère se
présente sous la forme d'une surface triangulaire courbe ABC (figure xvin)
inclinée d'avant en arrière, appuyée par sa base sur la côte AC ou G et
supportant supérieurement par son côté BC le muscle rouge placé en MR
depuis B jusqu'à H environ. Cette surface courbe ne porte pas de crête
apparente, et cependant le septum transversal qui la limite contient,
outre l'arête médiane AB, une autre arête, courbe, très fine, qui occupe
la position de la ligne DEH de la même figure. La portion distale EH de
cette arête est en relation avec 2 systèmes de fibres, l'un appartenant au
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉS. — T. 52. — F. 8,
10
586 RENÉ GHEVREL
myomère ; l'autre au muscle rouge. Le plan de traction du 1er est dirigé
d'avant en arrière et de dedans en dehors ; celui du second est parallèle
au plan de symétrie du corps. Leur partie commune EH est donc tirée
suivant 2 plans divergents et ceci explique, d'après ma théorie, l'existence
d'une arête dans cette région. Mais cette arête a une extension beaucoup
plus grande que la partie EH soumise, sans contestation possible, à
l'action de 2 systèmes de forces divergentes. J'ai essayé d'en découvrir
la cause ; je n'ai trouvé que ceci. A la base de l'arête, en D, il existe une
dépression plus ou moins nette, que j'ai indiquée sur la figure par un
pointillé plus fourni ; dans l'angle B, il existe, non une dépression à propre-
ment parler, mais une courbure en arrière et en bas. Le plan du septum
transversal n'a donc pas une surface unie et régulière. Enfin les fibres
qui prennent insertion dans l'espace ABED sont plus inclinées d'avant en
arrière et de dedans en dehors que ne le sont celles qui s'insèrent dans
l'espace DEHC. Il est probable, mais je ne puis l'affirmer, que ces dépres-
sions dans le septum et ces différences dans l'inclinaison des fibres d'un
même myomère, sont au nombre des causes qui déterminent la formation
de l'arête DEH.
Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir donner à mes observations et aux
remarques qui les accompagnent le résumé suivant :
Les arêtes se développent en général dans l'épaisseur des septa trans-
versaux partout où la disposition morphologique et surtout V action physio-
logique de certaines fibres musculaires détermine dans ces septa V apparition
de plis plus ou moins anguleux formant le lieu géométrique des points
d'application de 2 systèmes de forces divergentes.
Chapitre XI
CARTILAGES INTERMDSCULAIRES
En dehors des arcs vertébraux et des arêtes, les contractions muscu-
laires provoquent encore l'apparition de formations spéciales découvertes
par Bruch (1862) et désignées par lui sous le nom de Cartilages intermus-
culaires. Ces cartilages n'existent pas chez tous les poissons ; ils sont
même exceptionnels et n'ont été observés jusqu'ici que chez les Salmonidés
et les Clupéides.
Bruch les décrit ainsi chez Alosa communis Yarrel. Avec les arêtes
de la rangée moyenne « sont en relation des appendices cartilagineux
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 587
<( des vertèbres, qui s'étendent de la lre à la 30e vertèbre et atteignent
« chez les Chipes un développement tout à fait spécial. Ils sont situés
« beaucoup plus superficiellement que les arêtes, immédiatement sons
« le tégument externe, deviennent plus forts en arrière et se perdent
« à l'extrémité de la série des vertèbres abdominales. Ils consistent chez
« les Aloses en 2 branches qui se rencontrent en avant sous un angle
« presque droit et s'étendent en haut et en bas de la ligne médiane dans
« le ligament intermusculaire. Ce sont des cartilages considérables et
« pourvus, au côté interne de la branche, d'appendices en forme de
« franges qui rayonnent en arrière dans la paroi de l'étui musculaire
« et passent sans interruption à l'état de tissu fibreux. Sur la face interne,
« ils ont une gouttière longitudinale médiane dans laquelle se loge l'extré-
« mité de l'arête sur laquelle ils paraissent par conséquent embrochés.
« L'examen minutieux montre que cependant ils sont séparés des élé-
« ments secondaires par un périchondre. »
Parmi les questions intéressantes que soulève la présence de ces car-
tilages chez les Clupéides, il en est une que Bruch a effleurée : c'est celle
de leur homologie. « La forme spéciale, en fourchette chez Clupea, dit-il,
« autorise à peine une comparaison avec les côtes des animaux supérieurs,
« à laquelle, d'après leur structure primordiale on aurait pu penser. On
« doit par conséquent les considérer comme des appendices particuliers
« de la vertèbre des poissons. »
Mais Gôppert (1895) s'en est occupé plus à fond et sa conclusion est
que ces Cartilages intermusculaires sont homologues aux côtes supé-
rieures des Sélaciens. Voici en résumé comment il en est venu à cette
opinion. Il part de ce principe, reconnu pour la lre fois par Joh. Muller
(1836), que les côtes sont, comme les arcs vertébraux, des formations
primordiales qui, avant de revêtir l'état osseux, passent par l'état car-
tilagineux ; les arêtes au contraire qui naissent par ossification directe
de cordons fibreux sont des formations secondaires.
D'un autre côté, les côtes chez la plupart des poissons, sont toujours
situées dans les septa membraneux transversaux à leur bord interne, tout
près du péritoine ; mais chez les Sélaciens, ou tout au moins chez les
Squales, elles occupent une tout autre position ; elles se trouvent à la face
inférieure du septum horizontal qui sépare la moitié dorsale de la moitié
ventrale de la musculature latérale. Malgré cette différence de position.
certains auteurs n'ont pas hésité à homologuer les côtes des Sélaciens
avec celles des autres poissons. GoetTE (1879) ne fut pas de cet avis ; il
588 RENÉ CHEVREL
émit l'opinion qu'il existe chez les poissons 2 sortes de côtes : les supé-
rieures, qu'il considère comme les vraies côtes: ce sont celles des Séla-
ciens ; et les inférieures, ou arcs pleuraux. En est-il vraiment ainsi ?
Goppert pense que pour résoudre cette question d'une manière décisive
il suffirait de constater, dans un 'même segment du corps, la présence
simultanée des 2 ordres de côtes. Or il existe un poisson du groupe des
Crossoptérygiens, le Polyptère, qui paraît répondre à ce desideratum.
Pour corroborer ce fait, Goppert a repris l'étude de la question chez un
autre poisson du même groupe, Calamichthys calabaricus et il a constaté,
là encore, dans la partie postérieure abdominale, la présence simultanée
des 2 ordres de côtes. L'existence de côtes supérieures, semblables à
celles des Sélaciens, se trouve donc confirmée, au moins dans quelques
groupes de poissons. Il s'agissait de savoir si on les trouvait également
dans les autres groupes et en particulier chez les Téléostéens. Il existe
communément chez ces derniers, dans la région où se trouvent les côtes
supérieures des Sélaciens, des baguettes osseuses attachées à la face
dorsale du septum horizontal, à l'intersection de celui-ci, avec chacun
des septa transversaux. Elles occupent donc une position très voisine
de celle des côtes de Sélaciens. Mais ces formations osseuses n'ont pas
eu de phase cartilagineuse ; elles proviennent de l'ossification directe
d'ébauches tendineuses : ce sont donc des arêtes. Ainsi là où, chez les
Sélaciens et les Crossoptérygiens, il existe des côtes cartilagineuses, on ne
trouve, chez les poissons osseux, que des arêtes.
Il était intéressant de rechercher si, à la place de ces arêtes latérales,
ou à côté d'elles, il ne se rencontre pas parfois chez certains poissons osseux
des côtes ou des restes de côtes supérieures. C'est ce que fit Goppert.
Déjà Goette (1879) avait signalé que chez un Plectognathe, Monacan-
ihus penicilligerus, les arêtes latérales, qui sont osseuses dans la plus
grande partie de leur étendue, contiennent à leur base des cavités
remplies par du tissu cartilagineux. Goppert (1895) retrouva cette par-
ticularité chez une autre espèce de Plectognathe appartenant au même
genre, M. fronticinctus. Cette participation du tissu cartilagineux à la
formation des arêtes osseuses de Monacanthus fut jugée par ces 2 auteurs
être une raison suffisante pour les autoriser à considérer ces productions
comme les homologues des côtes de Sélaciens. Mais rien d'approchant ne
put être observé chez les véritables Téléostéens, si ce n'est la présence
chez les Salmonidés et les Clupéides des Cartilages particuliers nommés
par Bruch (1862) : Cartilages intermusculaires.
MUSCLE LATERAL DES POISSONS 589
Ces cartilages diffèrent totalement par la forme dans les 2 familles.
Chez les Salmonidés, ils se présentent sous l'apparence de petits bâton-
nets qui occupent la place des arêtes médianes absentes ; ils sont reliés
à la colonne vertébrale par un cordon fibreux. En raison de leur nature,
de leur forme et de leurs rapports, Gôppert les homologue aux côtes
supérieures des Sélaciens. Remarquons en passant que contrairement
aux côtes de ces derniers et à celles des Crossoptérygiens, ainsi qu'aux
arêtes latérales des Monacanthus, la substance cartilagineuse des Car-
tilages intermusculaires des Salmonidés n'est pas en relation avec la
colonne vertébrale. Néanmoins je reconnais que les raisons invoquées
jusqu'ici par Gôppert pour établir l'homologie entre les organes consi-
dérés et les côtes supérieures des Sélaciens et des Crossoptérygiens sont
en somme suffisamment justifiées. Mais sur quels arguments va-t-il
s'appuyer pour essayer de démontrer qu'il existe également une hoino-
logie entre les Cartilages intermusculaires des Clupéides et les côtes
supérieures des Sélaciens ? Ces cartilages présentent en effet des carac-
tères spéciaux qui les éloignent des côtes des Sélaciens ; ils en diffèrent
par la forme, la direction et les connexions. Malgré cela, voici comment
il a essayé de tourner la difficulté.
Les cartilages intermusculaires du Hareng, les seuls que j'aie pu
étudier, ne sont pas placés immédiatement sous la peau, comme Bruch
l'indique pour l'Alose ; ils sont situés plus profondément et leur situation
exacte a été très bien précisée par Gôppert. « On sait, dit-il, que chez
« les Téléostéens, comme aussi chez les Ganoïdes, dans le voisinage de la
« ligne latérale, une couche musculaire s'est séparée de la masse prin-
« cipale de la musculature latérale dorsale et ventrale. Ce muscle de la
« ligne latérale est subdivisé en une série de segments conformes à
« ceux de la musculature fondamentale tout entière. Il est très forte-
ce ment développé chez les Clupéides. Le Cartilage inter musculaire se
« trouve tout à fait sur la limite médiate du muscle de la ligne latérale.
« L'angle qu'il forme est ouvert latéralement et du côté caudal. Sa pointe
« se trouve dans le septum horizontal et envoie dans celui-ci un court
« prolongement du côté médial vers la colonne vertébrale. La branche
« dorsale de l'angle est considérablement plus longue que la ventrale.
« Tout le bord externe de la pièce cartilagineuse est pourvu de saillies
« irrégulières. »
On sait que, suivant l'expression de Bruch, le Cartilage intermuscu-
aire est comme embroché par l'arête médiane, dont l'extrémité posté-
590 RENE CHEVREL
rieure est logée dans une gouttière située à la face de ce cartilage qui est
tournée en dedans et en arrière. La portion médiane du cartilage inter-
musculaire des Clupéides, entourant la pointe de l'arête, se trouve donc,
dit Gôppert « exactement situé comme le reste des côtes supérieures
« chez les Salmonidés. On ne doit donc pas hésiter à homologuer l'un
« avec l'autre les 2 cartilages. »
Je ne rendrais pas un compte exact des raisons qui l'ont amené à
cette conclusion si je ne disais qu'en faisant des coupes transversales
dans une jeune truite longue de 2 mm. 4 il a trouvé que la baguette
cartilagineuse ne restait pas limitée au septum horizontal, qu'un prolon-
gement s'écartait de ce septum et pénétrait dans la partie dorsale du
septum transversal, entre la partie épiaxiale du muscle de la ligne latérale
et la masse principale de la musculature latérale du tronc. Ce prolonge-
ment occupe donc la même position que la branche supérieure du carti-
lage des Clupéides. S'il disparaît chez l'adulte, c'est qu'il appartient
à un organe en état de régression. Il considère que la projection en dehors
des 2 longues branches des Cartilages intermusculaires des Clupéides ne
peut être alléguée contre le raisonnement qui l'a conduit à homologuer
ces 2 organes. « Le développement ultérieur de la branche supérieure
« de ce Cartilage, l'adjonction d'une branche ventrale sont sans aucun
« doute, dit-il, en rapport avec le fort développement du muscle de la
« ligne latérale, au service duquel se tient la pièce cartilagineuse tout
« entière. Le Cartilage intermusculaire des Clupéides doit donc être
« regardé comme l'extrémité bifurquée d'une côte supérieure autrefois
« plus fortement développée. »
Je ne suis pas de l'avis de Gôppert ; j'estime qu'en raison des rap-
ports étroits qui existent entre les Cartilages intermusculaires des Clu-
péides et le Muscle de la ligne latérale, il est impossible de les homologuer
aux côtes supérieures des Sélaciens. Je laisse de côté les Cartilages inter-
musculaires des Salmonidés, car. à mon grand regret, je n'ai pu me procu-
rer le matériel dont j'avais besoin pour cette étude.
D'après Grassi (1883), les côtes inférieures des Poissons osseux
font leur apparition quelques jours ou même quelques semaines après
l'éclosion des jeunes. Elles se développent dans la région abdominale
d'avant en arrière, et à la limite péritonéale de la partie hypoaxiale
des septa transversaux. Leur manière d'être varie avec les espèces :
chez le Brochet et le Saumon elles sont d'abord cartilagineuses ; mais
bientôt elles s'entourent, sauf à leur extrémité distale, d'une enveloppe
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 591
osseuse. Chez les Cyprinidés, elles apparaissent sous la forme d'un
long tractus qui ne contient presque pas de cartilage ; puis celui-ci
se développe ; mais il est fréquemment interrompu par de la substance
osseuse. Des variantes peuvent se produire suivant les espèces ou suivant
la région que l'on considère ; mais la marche générale du phénomène
peut se ramener au schéma suivant : les côtes apparaissent d'abord sous
la forme de tractus de tissu conjonctif embryonnaire, puis elles se chon-
drifient en partant de la colonne vertébrale et, s'entourent ensuite d'un
ou de plusieurs manchons osseux. Elles sont en relations plus ou moins
intimes avec les apophyses transverses ou tronçons basaux sur lesquels
elles s'appuient lorsqu'elles ont acquis leur plein développement.
Chez les Sélaciens, le cartilage de la côte et celui du tronçon basai
sont d'abord en continuité ; leur séparation se fait plus tard. Lorsque
ces 2 organes se sont ossifiés, ils restent unis l'un à l'autre par un court
pédoncule formé d'un tissu de nature cartilagineuse ou d'une substance
conjonctive ayant plus ou moins conservé le caractère embryonnaire.
En ce qui concerne les Arêtes médianes qui occupent comme on sait,
chez les Téléostéens, une situation à peu près analogue à celle des côtes
supérieures des Sélaciens, leur développement se fait un peu plus tard
que celui des côtes et elles ne passent jamais par la phase cartilagineuse.
La matière osseuse se dépose directement dans le tissu fibreux dont elles
étaient primitivement formées ; elles sont reliées au corps de la vertèbre
par un cordon de nature tendineuse.
Si l'on considère le mode d'action des myomères sur ces 2 sortes de
formations osseuses, côtes et arêtes médianes, on voit que la traction des
fibres des myomères s'exerce pour ainsi dire directement sur les côtes des
Téléostéens : les fibres ont, en effet, une orientation à peu près perpen-
diculaire, ou en tout cas légèrement oblique, à la direction générale de la
côte. Leur effort principal est presque exclusivement concentré sur cette
dernière. En tenant compte des connexions qu'elle possède avec la colonne
vertébrale on peut donc dire que la côte est tout à la fois le produit de cette
colonne et du muscle somatique.
L'arête médiane intermédiaire aux 2 parties épi- et hypoaxiale,
ne reçoit d'elles que des tractions obliques, de bas en haut pour la partie
épiaxiale, de haut en bas pour la partie hypoaxiale. Ces actions secon-
daires sont certainement beaucoup plus faibles que l'action principale
qui se fait sentir d'une part sur la colonne vertébrale et les arcs neuraux,
et d'autre part sur les côtes. Y a-t-il une corrélation entre la nature de
592 RENÉ CHEVREL
l'organe de soutien et l'intensité de l'action musculaire ? Je ne sais,
mais les Cartilages intermusculaires qui reçoivent également l'effort
direct et principal du muscle de la ligne latérale ont la même structure
histologique que les côtes. On peut objecter que les côtes des Sélaciens,
qui ont une situation analogue à celle des arêtes médianes, sont cepen-
dant cartilagineuses. C'est vrai, mais chez ces poissons, le tissu osseux
ne se montre nulle part, et, de plus, leur musculature latérale, en l'absence
de côtes inférieures, se comporte vraisemblablement autrement que celle
des Téléostéens. C'est un point que je n'ai pas essayé d'éclaircir, aussi
mon observation reste-t-elle dans le domaine des conjectures.
En se basant sur ce qui précède on peut établir les différences qui
séparent les côtes inférieures des Téléostéens des Cartilages intermuscu-
laires des Clupéides :
1° Ces cartilages ne procèdent pas de la colonne vertébrale ;
2° Ils en sont séparés par un intervalle relativement considérable ;
3° Leur connexion se fait par l'intermédiaire d'une arête médiane,
qui est de nature osseuse ou fibreuse suivant son âge ou la partie qu'on
examine, et non plus, comme dans les côtes, par un tissu qui dérive
soit de la substance conjonctive embryonnaire, soit de la substance
cartilagineuse ;
4° Leurs rapports avec la matière osseuse de l'arête médiane sur
laquelle ils s'appuient sont inverses de ceux qu'on observe dans les
côtes ; dans celles-ci le cartilage est interne, la substance osseuse externe ;
les cartilages intermusculaires entourent extérieurement l'os de l'arête
médiane ;
5° La côte est exclusivement le produit de l'activité des fibres de la
partie abdominale du muscle somatique ; les Cartilages intermusculaires
proviennent exclusivement de l'action des fibres du muscle rouge ou
muscle de la ligne latérale.
Si la comparaison se fait plus spécialement entre ces Cartilages et
les côtes supérieures des Sélaciens, on peut constater que les différences
énoncées ci-dessus sont encore applicables ; cependant ici les rapports
des côtes avec le muscle somatique ne sont plus les mêmes que chez les
poissons osseux. Elles sont en effet en relation avec les 2 moitiés épi- et
hypoaxiale du muscle somatique, et non plus avec cette dernière partie
seulement. Or par là encore, elles diffèrent des Cartilages intermuscu-
laires qui n'ont avec le muscle somatique que des rapports indirects,
grâce à l'arête médiane qui leur sert de point d'appui.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 593
Je dois reconnaître que Gôppert considère les Cartilages intermus-
culaires comme les restes de Côtes supérieures bifurquées, autrefois plus
développées. Je ne m'explique pas qu'un organe qui chez tous les pois-
sons se développe en partant de la colonne vertébrale se manifeste chez les
Clupéides exclusivement par sa partie externe ou périphérique qui n'a,
et n'a jamais eu au cours de son développement, de relation avec la colonne
vertébrale d'où procèdent plus ou moins directement les côtes. Un organe
en état de régression doit, ce me semble, conserver jusqu'à sa disparition
complète ses connexions avec la partie du corps d'où il se détache et il
me paraît tout à fait illogique de supposer que cet organe puisse encore
exister dans ses parties secondaires alors que ses parties principales ont
définitivement disparu. Voilà pourquoi je ne puis admettre les idées de
Gôppert. Je considère que les Cartilages intermusculaires sont des for-
mations spéciales, différentes des côtes dont elles n'ont ni V origine, ni la
forme, ni la position, ni les connexions, ni enfin les mêmes fonctions.
Fonctions des cartilages intermusculaires
Elles sont exclusivement réservées au fonctionnement du muscle
rouge dont les tractions ont déterminé leur formation. C'est le mode de
traction des fibres de ce muscle que je vais maintenant examiner.
Le muscle rouge, comme je l'ai dit précédemment, se contracte
d'avant en arrière ; ses fibres, moins nombreuses que celles du muscle
somatique sous-jacent, inclinent moins fortement en arrière le septum
transversal mobile sur lequel elles tirent. Le septum transversal tout
entier, c'est-à-dire celui du muscle somatique et celui du muscle de la
ligne latérale qui lui fait suite, s'ils ne constituent pas une seule et même
membrane, présentent donc 2 plans d'inclinaison formant à leur lieu de
rencontre un angle dièdre très obtus. Par un raisonnement identique
à celui qui m'a déjà servi précédemment, il serait facile de démontrer
que l'angle de ce dièdre est le Heu géométrique des points d'application
de toutes les forces qui émanent des fibres du muscle rouge. Or ce muscle
est épais dans sa région centrale et mince dans ses 2 parties latérales ;
l'intensité des forces est donc variable suivant la région de l'arête du
dièdre qu'on examine. Faible vers la périphérie, elle est beaucoup plus
grande au centre ; aussi est-ce là que doit se former et se forme l'organe
solide de soutien.
Si le muscle rouge était complètement indépendant du muscle soma-
tique, cet organe de soutien, mobile dans les chairs, serait dans l'impos-
594 RENE CHEVREL
sibilité de remplir le rôle qui lui est dévolu, mais relié par sa membrane
d'enveloppe au muscle somatique, il est jusqu'à un certain point soli-
daire de celui-ci. L'arête médiane, née des actions secondaires latérales
des 2 parties épi- et hypoaxiale de ce dernier, se prolonge un peu, sous
l'influence des actions secondaires des mêmes parties du muscle de la
ligne latérale, à l'intérieur de celui-ci. Elle peut fournir ainsi, au centre
du Cartilage intermusculaire, un point d'appui solide. Le centre étant
ainsi solidement fixé par une simple baguette osseuse, les parties de
l'arête du dièdre, qui sont placées à droite et à gauche de ce point central,
étant tirées d'avant en arrière par l'action des fibres du muscle rouge,
doivent forcément s'incliner en arrière et prendre l'aspect d'un V à ouver-
ture postérieure. Comme l'effort principal du muscle se porte au centre,
c'est là que l'organe de soutien aura sa plus grande puissance ; à droite
et à gauche, ses branches iront s'atténuant jusqu'à ce que l'intensité des
forces ne nécessite plus la présence d'un organe solide. Les extrémités
latérales de cet organe restent fibreuses et entre ce tissu fibreux et le
tissu cartilagineux central il existe un tissu intermédiaire de nature
prochondrique qui termine sur un court espace les branches du V car-
tilagineux.
En général les branches de ce V ont un développement inégal ; la
branche dorsale étant toujours plus développée que la ventrale ; or
ceci concorde parfaitement avec l'importance de la partie épiaxiale du
muscle rouge qui est plus épaisse et beaucoup plus riche en fibres que la
partie hypoaxiale.
Les faits s'accordent donc bien avec la théorie ; aussi n'ai-je aucune
hésitation à reconnaître dans ces formations spéciales les produits exclu-
sifs de V action des fibres du muscle rouge à qui elles fournissent des points
d'appui solides lors de leurs contractions.
Un point que j'aurais voulu éclaircir, mais pour lequel je n'ai pas
trouvé de solution satisfaisante, c'est celui de leur nature cartilagineuse.
Comment se fait-il que le septum horizontal produise dans sa région
externe du tissu cartilagineux tandis que dans sa région interne il ne
donne naissance qu'à des formations osseuses d'origine tendineuse ?
La seule hypothèse plausible que j'ai trouvée, c'est que cette région
externe est une dépendance de l'enveloppe conjonctive propre du muscle
rouge ; que cette enveloppe dérive du tissu squelettogène de la colonne
vertébrale. Mais par quelle voie ? Je ne sais. L'étude du développement
du muscle rouge pourrait seule peut-être donner la solution de la question.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 59ô
Chapitre XII
RÉPERCUSSION DU MODE DE CONTRACTION DÈS MUSCLES LATÉRAUX
SUR LA MORPHOLOGIE DU CORPS
J'ai déjà eu l'occasion de m'occuper des récentes publications de
Fit. Houssay (1912) sur la Forme, la Puissance et la Stabilité des pois-
sons ; j'y suis tout naturellement ramené en cherchant à déterminer la
part d'influence que le jeu des muscles latéraux exerce, d'après moi,
sur la forme générale du corps.
Cet auteur attribue à la résistance de l'eau ou plutôt à son mouve-
ment tourbillonnaire, un rôle considérable non seulement sur la forme
générale du corps, mais aussi sur sa subdivision en segments métamé-
riques, sur l'étirement des nageoires, leur décomposition en rayons et
la décomposition de ceux-ci en articles, la disposition en feuillets bran-
chiaux des tissus fixés sur l'arc branchial, etc.
Je laisserai de côté la plupart de ces différenciations qui ne rentrent
pas dans le cadre de mon sujet et je m'attacherai exclusivement à l'exa-
men des actions du milieu sur le modelage du corps et sur les modifications
qu'il imprime au muscle latéral.
Pour expliquer l'action de l'eau sur la morphologie du corps, Houssay
fait intervenir une hypothèse et un fait : il suppose que le corps possède
une plasticité convenable et il attribue à la pression de l'eau la force qui
sert à le modeler. Sous l'impulsion des mouvements ondulatoires du corps,
le poisson se déplace ; il refoule devant lui l'eau qui lui fait obstacle et
l'eau refoulée à l'avant court le long du corps pour combler le vide produit
à l'arrière. Ce mouvement de l'eau est de nature tourbillonnaire, comme
il a pu le mettre en évidence au moyen de fils différemment nuancés
qu'il avait attachés au corps des poissons en expérience. Et il conclut
« que le poisson est modelé de telle sorte que, par les courbures de son
« corps et par la disposition de ses nageoires, l'eau fuit sur lui dans la
« forme tourbillonnaire. »
« Le poisson qui file raide est comme une vis fixe autour de laquelle
« l'eau s'enroule comme un écrou, ou plutôt comme 2 écrous de pas
« inverses, l'un droit, l'autre gauche, dont les molécules s'entrepénètrent
« pour gagner l'arrière. Ce sont les tourbillons liquides qui ont modelé la
596 RENÉ CHEVREL
« vis solide mais plastique et leurs 2 dissymétries inverses lui ont fait une
« symétrie parfaite. »
Le principe qui sert de base à sa théorie sur la Morphologie dyna-
mique est la Réversibilité entre V action et la réaction. Voyons comment il
l'applique. A la suite de la publication d'une note de C. Weyher (1905)
comparant le corps du Brochet à une Veine inversée liquide, Fr. Houssay
reprit l'étude de ce phénomène qui constitue l'un des points fondamen-
taux de sa théorie.
« Si, dans un réservoir rempli d'eau on pratique un orifice rectangu-
« laire ou elliptique, à grand axe horizontal par exemple, un jet liquide
« s'échappe dont la forme générale est parabolique. Mais ce jet ne se
« présente pas avec l'aspect d'une lame uniforme. Un premier segment
« affectant dans son ensemble l'allure d'une lame horizontale, un second
« segment sera vertical, un troisième redeviendra horizontal. »
La cause de l'inversion est, pour lui, un cas particulier de la trans-
formation des phénomènes tourbillonnaires en phénomènes rythmiques.
Au-dessus de l'orifice par lequel s'écoule le liquide se produit, dans le
réservoir, un tourbillon. L'eau aborde l'orifice animée de cette sorte de
mouvement ; un frottement se produit sur les bords de l'ouverture et
retarde les filets externes du jet ; l'inversion est le résultat de l'obstacle
sur le tourbillon. Puis renversant les conditions de l'expérience, il prend
un obturateur solide de même forme que l'orifice du réservoir, et le
traîne dans le liquide. Il se produit derrière lui un vide que l'eau, refoulée
à l'avant, doit tendre à combler. « L'eau, animée d'un mouvement tour-
billonnaire gagne l'arrière en frottant sur les bords de l'obturateur par
« Vintérieur de la surface qu'elle dessine. Il doit, semble-t-il par analogie,
<( se produire une enveloppe de veine inversée. »
« Or le corps du poisson, placé derrière sa tête qui joue le rôle de
« notre obturateur se trouve dans la région tourbillonnaire postérieure
« à l'obstacle, il est dans une enveloppe de veine inversée ; il doit prendre
« la forme de celle-ci. »
De son côté Clerget (1908) ayant immergé dans un rapide courant
d'eau un morceau de glace ovoïde, la glace fondit en prenant l'aspect
d'une carène présentant son gros bout au courant.
L'action tourbillonnaire de l'eau est donc capable d'exercer 2 effets
sur un corps plastique : à savoir une inversion et un fuselage postérieur.
Une forme de carène très favorable, surtout aux grandes vitesses,
est celle que l'on peut construire en prenant un cône de révolution, en
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 597
surmontant sa base d'une calotte sphérique et en raccordant les deux
surfaces d'une façon continue, ce qui revient à faire une sorte d'ovoïde
très allongé. De tous les plans qu'on peut mener perpendiculairement au
grand axe de cet ovoïde, il en est un plus grand que tous les autres, qui
coïncide avec la surface d'union de la calotte sphérique et de la base du
cône : on le connaît sous le nom de maître-couple. Ce maître-couple ici
est un cercle dont la projection sur le plan vertical médian est une ligne
droite. Mais chez les Poissons dont la région antérieure a été déformée
par le mouvement tourbillonnaire de l'eau, le maître-couple n'est plus
un cercle, mais une surface bien plus compliquée par suite du refoule-
ment en arrière des parties dorsale et ventrale et du refoulement en avant
des parties latérales. L'intersection de cette surface avec la paroi du
corps, au lieu d'être une circonférence, est une courbe gauche qui, sur le
plan médian, se projette suivant un< à sommet dirigé en avant et tou-
jours situé dans le prolongement de la ligne latérale.
La forme du maître-couple est la conséquence de l'inversion géné-
rale du corps. Ce maître-couple représente la place de la pression maxima
sur le corps et par le refoulement en arrière de son contour dorsal et de
son contour ventral, il traduit en quelque chose la direction des plus fortes
pressions. Notons maintenant que les myotomes aussi manifestent un
semblable refoulement dorsal et ventral. C'est la disposition même qu'en
anatomie descriptive on connaît comme chevronnement des myotomes.
J'ai déjà reproduit ailleurs ce paragraphe et quelques autres qui
Paccompagnent( voir page 494) mais que cette fois-ci je passerai sous
silence. J'ai d'ailleurs donné, ce me semble, dans ce qui précède, une
quantité suffisante d'extraits pour permettre au lecteur de connaître les
principaux arguments sur lesquels s'appuie l'auteur pour expliquer
la forme des Poissons.
Ce qui frappe avant tout, à la lecture de son ouvrage, c'est l'impor-
tance considérable qu'il attribue à l'action de l'eau. Non seulement c'est
au mouvement tourbillonnaire par lequel s'exprime la résistance de l'eau,
mouvement qui est lui-même susceptible de se transformer en oscilla-
tions, en inversions rythmiques et en vibrations, que serait due la forme
poisson, mais encore l'inversion générale du corps, le découpage des
nageoires, la métamérie, la formation des rayons sur les nageoires et la
subdivision des rayons en articles, la constitution des feuillets branchiaux,
la formation des fibres musculaires, la structure de chaque fibre.
Sans méconnaître l'influence que la pression de l'eau exerce sur la
598 RENÉ CHEVREL
forme générale du corps, je ne crois pas qu'elle s'étende aussi profondé-
ment ni aussi activement que le suppose Houssay. Sa première mani-
festation produit l'inversion du corps ; celle-ci est nettement accusée
chez certains poissons ; mais chez d'autres, et en particulier chez les
Téléostéens, elle n'apparaît aucunement ; les parties symétriques du
corps sont disposées de chaque côté d'un seul et même plan vertical.
Houssay donne comme explication à cette absence d'inversion que celle-ci
est masquée par des modifications ultérieures, notamment par la com-
pression qui s'y superpose. Mais la compression résulte des mouvements
tourbillonnaires de l'eau au même titre que l'inversion. Pourquoi ces
mouvements auraient-ils secondairement une action plus forte que celle
qu'ils avaient primitivement, ou tout au moins différente ? Et pourquoi
cette action ne s'exercerait-elle que latéralement et jamais dorso-ventra-
lement de manière à augmenter l'aplatissement primitif de la tête ?
Si l'on admet que des forces secondaires aient assez de puissance pour
modifier la forme de la tête et transformer en plan vertical son plan
primitivement horizontal, et par conséquent la forme et la disposition de
l'obturateur qu'elle constitue, il faut aussi admettre que les mouvements
tourbillonnaires principaux, toujours aussi puissants, devraient égale-
ment agir sur le corps, beaucoup plus plastique que la tête, et l'aplatir
dorso-ventralement pour lui faire épouser la forme de la nouvelle enve-
loppe inversée. Cette disposition ne se rencontre chez aucun poisson.
D'un autre côté, l'auteur dit que l'Inversion générale du corps reten-
tit sur la disposition des myotomes, d'une façon encore plus nette que
sur la métamérie. Et voici comment il explique cette action. La forme du
maître-couple est la conséquence de cette inversion et le maître-couple
représente la place de la pression maxima sur le corps. Par le refoulement
en arrière de son contour dorsal et de son contour ventral, il traduit en
quelque chose la direction des plus fortes pressions.
Les pressions sur le contour du maître-couple sont donc inégales :
il en est de plus fortes, il en est de plus faibles. Mais pourquoi en est-il
ainsi ? C'est ce qu'oublie de dire Fr. Houssay et cependant en raison de
ses conséquences, ce fait a une certaine importance.
Donc grâce à ces pressions plus fortes, le contour dorsal et le contour
ventral du maître-couple sont refoulés plus ou moins loin en arrière,
tandis que la partie médiane, latérale, fait saillie en avant comme si un
contre-courant ou plutôt une contre-pression la repoussait dans cette
direction.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 599
Les myomères ou, comme les appelle Houssay, les myotomes qui
lui font ordinairement suite, se comportent comme lui ; leur partie dorsale
et leur partie ventrale sont aussi refoulées en arrière et leur ensemble
affecte la disposition connue comme chevronnement des myotomes. C'est
la forme simple qu'ils affectent chez les êtres peu rapides et par suite peu
résistants tels que les embryons, les têtards de Batraciens. Mais chez
les poissons, en raison de la vitesse plus rapide et des pressions plus fortes,
un changement s'opère.
Ici, l'auteur donne des explications qui manquent de clarté ; je les
reproduis cependant me réservant de leur donner l'interprétation que je
crois convenable.
« Remarquons d'abord que les myotomes sont maintenus par les
«( lames de mésenchyme qui se sont intercalées entre eux. Ce sont :
<( 1° des lames transversales, myocomes, refoulées par la pression nor-
« malement à leur surface et qui cèdent ; 2° deux lignes longitudinales,
« l'une dorsale, l'autre ventrale, que la pression fait travailler par trac-
« tion dans le sens de leur longueur et qui ne cèdent pas ou cèdent peu.
« Il en résulte que les myotomes refoulés vers le dos et vers le ventre,
<( mais maintenus par leurs extrémités dorsale et ventrale, prennent néces-
« sairement la forme B (fig. 99) », c'est-à-dire la forme en ^ ou en zigzag.
Si j'ai bien compris ce qu'a voulu dire l'auteur, les myocomes, de
nature mésenchymateuse, cédant à la pression qui s'exerce normalement
à leur surface sont d'une manière générale, refoulés en arrière ; mais dans
leur région dorsale et dans leur région ventrale, ils subissent, suivant
2 lignes longitudinales, des pressions plus fortes qui, refoulant vers le dos
et vers le ventre les parties correspondantes des myotomes fixés à la
colonne vertébrale par leurs extrémités, obligent ceux-ci à prendre une
disposition en zigzag de la forme ^ .
Remarquons que cette disposition en zigzag est purement superficielle
et représente seulement l'aspect qu'offre le bord terminal d'un myocome,
ou ce qu'on appelle encore son Inscription tendineuse. L'explication
qui précède pourrait avoir un fonds de vérité si le myocome répondait
dans toute son étendue, à la disposition de son Inscription tendineuse.
Mais il n'en est pas ainsi ; et sans vouloir indiquer toutes les particularités
qui sont en opposition avec la simple théorie de la pression de l'eau sur
la conformation des myomères, je me contenterai de faire remarquer que
sur une coupe profonde, faite dans le muscle latéral parallèlement à sa
surface, les sections des myocomes n'ont plus la forme en zigzag simple de
600 RENÉ CHEVREL
leurs Inscriptions tendineuses, mais celle' d'un zigzag plus compliqué
qui peut être ainsi représenté. De plus les angles profonds de ce der-
nier zigzag dépassent, en avant, l'insertion du myocome, comme si une force
opposée à la pression antéro-postérieure de la surface les refoulait d'arrière
en avant.
Il intervient donc dans le modelage des myomères, et par conséquent
du muscle latéral, autre chose que la seule pression extérieure de l'eau :
c'est dans le mode de contraction de ce muscle que je vois l'une des causes
du modelage du corps.
Je laisse naturellement de côté la forme de la tête qui se trouve en
dehors de l'action directe des muscles latéraux et je m'attache exclusive-
ment au reste du corps qui comprend le tronc et la queue.
Le tronc se compose de 2 parties : une dorsale, à peu près exclusive-
ment musculaire et une ventrale, mixte, composée d'une ca^té considé-
rable revêtue extérieurement d'une mince couche musculaire.
Si cette cavité, qui est venue pour ainsi dire s'intercaler entre les
parties hypoaxiales antérieures des 2 muscles latéraux symétriques
avait pu trouver place ailleurs, sous la tête par exemple, la région qu'elle
occupe serait exclusivement formée par les fibres musculaires qui la
recouvrent, et qui n'auraient aucune raison d'être disposées autrement
que ne le sont celles de la partie épiaxiale correspondante. L'amincisse-
ment et l'extension du muscle latéral dans sa région abdominale sont donc
une conséquence de la présence en ce lieu de la cavité générale. Il existe par
conséquent entre cette cavité et la couche musculaire qui la limite plus
que des rapports de contiguïté : c'est ce que je vais commencer par exa-
miner.
La cavité abdominale est, peut-on dire, le principal facteur de la forme
du tronc. Elle contient un certain nombre d'organes dont le développe-
ment, l'état de vacuité ou de réplétion, influent sur sa capacité et consé-
cutivement sur sa forme propre. Celle-ci est donc essentiellement variable.
Elle augmente principalement lorsque les glandes génitales mûres ont
pris un large développement ; elle s'accroît ou diminue dans de moindres
proportions lorsque l'estomac et l'intestin sont pleins ou vides. Ses parois
possèdent donc une certaine élasticité dont l'ampleur est réglée par le
jeu des fibres musculaires hypoaxiales du muscle somatique. C'est en
effet au jeu de ces fibres musculaires que sont dues les côtes qui forment
un cadre rigide aux parois de la cavité abdominale. Mais tout rigide qu'il
est, ce cadre n'est pas immuable : les côtes peuvent se mouvoir d'avant
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 601
en arrière et s'écarter ou se rapprocher du plan de symétrie, et ces mou-
vements sont principalement dus aux actions des fibres musculaires.
Poussées de dedans on dehors par la pression dos viscères abdominaux,
les cotes tendent-elles à s'écarter trop brusquement ou avec exagération
(!<■ leur position normale, les fibres musculaires s'y opposent en augmen-
tant leur tonicité ; c'est au contraire en la diminuant graduellement
qu'elles ramènent progressivement, et non brusquement, les côtes dans
leur lrc position lorsqu'après expulsion d'une partie du contenu des vis-
cères, il y a disproportion entre le volume de ceux-ci et la capacité de la
cavité qui les renferme. Les fibres musculaires de la région hypoaxiale
abdominale contribuent donc à maintenir la forme du tronc dans des
limites assez étroites ; quoique secondaire, leur rôle méritait cependant
d'être mis en évidence.
Tout autre est celui des fibres de la région épiaxiale du tronc et de
celles de la région caudale tout entière. Dans ces régions le muscle soma-
tique agit de 2 façons pour imprimer au corps sa forme propre. En pre-
mier lieu considérons la partie épiaxiale de ce muscle, qui s'étend de la
tête à la nageoire caudale. Comme je l'ai montré précédemment, cette
partie épiaxiale ne peut être comparée à un muscle ordinaire dont les
fibres s'étendent sans interruption entre ses 2 insertions. Ici le muscle
est subdivisé en un nombre plus ou moins grand de segments ou myo-
mères ; chacun de ceux-ci se comporte comme un véritable muscle et
agit pour ainsi dire indépendamment de ceux qui le suivent ; ses fibres,
qui ne sont que des portions des fibres du muscle somatique entier, ont
à vaincre comme résistance le poids des myomères suivants augmenté
du poids de la masse d'eau qu'ils déplacent. Or il est évident que cette
résistance diminue d'autant plus qu'on s'éloigne davantage de la tête,
et comme le développement d'un muscle est en raison directe de l'effort
qu'il doit accomplir, le volume des myomères ira en diminuant de la tête
vers la nageoire caudale. Cette constatation est surtout facile à faire
dans la queue, où, seuls, en dehors des parties squelettiques, les muscles
somatiques interviennent dans la structure du corps. Là, aussi bien du
côté ventral que du côté dorsal, la partie antérieure de la queue, qui fait
suite au tronc, est beaucoup plus épaisse et plus haute que l'extrémité qui
porte la nageoire caudale, de telle sorte que, même en l'absence de la
cavité abdominale, le corps tout entier irait en s'amincissant et en
s'abaissant graduellement de la tête vers la nageoire caudale. Il aurait
toujours la forme d'un demi-fuseau plus ou moins allongé, plus ou
u:; u. de zool. exp. et af,s. — T. 52. — F. 8, 41
602
UENÊ CHEVREL
.£:
moins aplati et plus ou moins haut suivant la répartition des fibres dans
les différents myomères.
Le mode de contraction des myomères contribue également à modeler
le corps. Si les myomères conservaient leur forme primitive, c'est-à-dire
celle d'une tranche parallélipipédique perpendiculaire au plan de symé-
trie de l'animal, celui-ci aurait comme nous allons le voir une hauteur
et mi volume supérieurs à ceux d'un poisson actuel de même longueur et
de même poids. La résistance qu'il aurait à vaincre serait plus considé-
rable. Il serait donc dans de moins
bonnes conditions pour se déplacer
rapidement.
Mais en contractant ses fibres
profondes d'arrière en avant, et ses
superficielles d'avant en arrière, cha-
que myomère prend, comme le montre
la figure xix, une disposition en para-
vent, composée, pour chaque demi-
myomère, de 3 feuillets AB,BC, CD.
La hauteur primitive de ce demi-
myomère qui était égale à AB +
BC + CD, se trouve donc ramenée
à la distance de A à D. De plus en
transformant en cône leur surface
d'insertion primitivement plane, les
fibres se rapprochent les unes des
autres, et comme elles sont à peu
près parallèles au plan de symétrie,
le myomère s'amincit. Ainsi donc le mode de contraction des myomères
a pour résultat de diminuer leur hauteur et leur épaisseur, ou d'une
manière plus générale, la hauteur et l'épaisseur du poisson. Sa surface
tégumentaire plus petite offre donc moins de prise^aux frottements et,
comme son corps déplace en outre une plus faible masse d'eau, la résis-
tance qu'il rencontre est moindre. Il est par conséquent, mieux condi-
tionné que le 1er pour se déplacer rapidement.
En résumé, les diverses parties du muscle somatique contribuent, de
concert avec la cavité abdominale, à donner au corps du poisson la forme
typique qu'il présente : celle d'un ovale plus ou moins allongé et aplati, ou
encore d'un demi-fuseau.
Fui. XIX. Myomère épiaxial vu par sa face an-
térieure.
A, point, où le myomère s'attache à la colonne
vertébrale ;
B, cône antérieur de traction ;
C, partie superficielle du myomère, la seule
visible sans dissection ;
I), limite externe du myomère.
1>E, peau.
H, entrée de la cavité du cône postérieur dont le
sommet non visible est situé sous l'angle externe
postérieur I de l'Inscription tendineuse.
K, lambeau incomplètement indépendant du
myomère.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 603
Là s'arrêterait l'étude de l'action des muscles latéraux sur la forme
du corps si je ne devais répondre par avance à une objection qui pourrait
m 'être faite.
J'ai montré ci-dessus que la puissance des myomères décroît de la
tête vers la queue. L'explication ne soulèverait sans doute pas d'objec-
tion si toutes leurs fibres se contractaient dans le même sens, d'arrière en
avant. Mais un certain nombre d'entre elles se contractent en sens con-
traire, d'avant en arrière ; quelles modifications en résulte-t-il pour le
développement des myomères ? Le jeu de ces fibres va nous rensei-
gner.
Lorsque les fibres superficielles du dernier myomère se contractent
d'avant en arrière, elles tirent sur le septum transversal qui les précède
immédiatement, afin d'amener, dans le même sens, par son intermédiaire,
la tête, le tronc et le reste de la queue. Mais cet ensemble formant une
masse lourde peu mobile, c'est la nageoire caudale qui, par un mouve-
ment réactionnel, sera portée en avant, et cela d'autant plus facilement
qu'elle est déjà sollicitée dans le même sens, par la traction des fibres
profondes du même myomère.
Les mêmes faits se reproduiront quand les fibres superficielles de
Y avant dernier myomère entreront en action ; mais cette fois, ce n'est plus
seulement la nageoire caudale et la masse d'eau déplacée par elle qui leur
opposera une résistance, ce sera aussi le poids du dernier myomère et de
la masse d'eau qu'il déplacera à son tour. L'effort que ces fibres auront
à fournir sera donc un peu plus considérable que celui des fibres super-
ficielles du dernier myomère, d'où découle pour Pavant-dernier myomère
la nécessité d'acquérir un accroissement de puissance. En remontant de
plus en plus vers la tête, chaque myomère considéré doit vaincre une
résistance supérieure à celle du précédent, d'où la conclusion que plus un
myomère est voisin de la tête, plus ses fibres superficielles doivent avoir
de puissance. Et comme cette puissance se traduit par une augmentation
du nombre des fibres, on voit que l'importance des fibres superficielles
va en augmentant de la queue vers la tête, ou, ce qui revient au même,
qu'elle va en diminuant de la tête vers la queue, exactement comme celle
des fibres profondes. J'avais donc raison de dire que, d'une manière géné-
rale, le développement des myomères va en décroissant de la tête vers la
nageoire caudale.
604 RENÉCHEVREL
CONCLUSIONS
La conformation morphologique des muscles latéraux chez les Téléos-
téens et l'examen analytique du mode de contraction de leurs fibres
nous ont montré que ces muscles possèdent un certain nombre de par-
ticularités dont voici le résumé.
1° La courbure alternative du corps, à droite et à gauche de son plan
de symétrie, ne peut se faire, du moins sans modification profonde du type
poisson : a) avec des muscles ordinaires dont les fibres s'étendraient sans
interruption de la tête à la nageoire caudale ; b) avec des muscles inter-
vertébraux indépendants les uns des autres; ni c) avec des muscles
intervertébraux solidaires formant par leur réunion une sorte de muscle
unique digité.
2° Ce mode de flexion du corps ne peut être réalisé que par des
muscles particuliers dont les principaux caractères sont :
a) D'être subdivisés en segments métamériques (Myomères) agissant
chacun sur une vertèbre par l'intermédiaire d'une cloison membraneuse
(Septum transversal ou Myocome) ; % \
b) D'être en outre partagés en 2 moitiés longitudinales, Tune dorsale
ou épiaxiale, l'autre ventrale ou hypoaxiale, séparées Tune de l'autre
par une cloison membraneuse horizontale (Septum horizontal).
3° Chaque myomère présente une disposition irrégulièrement plissée
qui porte 4 saillies comques plus ou moins développées, dont, 2, dirigées en
avant, sont situées profondément de chaque côté du septum horizontal,
et dont les 2 autres, tournées en arrière, sont superficielles et voisines des
carènes dorsale et ventrale ;
4° Cette disposition plissée se manifeste extérieurement, à la surface
du corps dépouillé de son tégument, sous la forme de lignes en zigzag
(Inscriptions tendineuses) qui ne sont que le contour apparent ou plutôt
la section transversale superficielle des septa transversaux, mais qui ne
reproduisent ni leur conformation véritable ni celle des myomères corres-
pondants qu'elles limitent ;
5° Chaque septum transversal est, dans son ensemble, incliné d'avant
en arrière et de dedans en dehors ; cette inclinaison n'est due ni à la trac-
tion de la queue lorsqu'elle se courbe du côté opposé au septum considéré,
ni « au raccordement ou plissement des solides » du Dr Amans, ni à la pres-
sion tourbillonnaire de l'eau en arrière du maître-couple de Houssay.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS 605
6° Elle est le résultat du mode spécial de fonctionnement des myo-
mères. Dans chacun de ceux-ci, les fibres profondes se contractent d'arrière
en avant en donnant naissance aux cônes antérieurs profonds et médians ;
les fibres superficielles, au contraire, se contractent d'avant en arrière, en
donnant naissance aux cônes postérieurs, superficiels et voisins des carènes,
de sorte que chaque myomère se trouve subdivisé en 4 segments fonction-
nels, deux profonds et médians, les deux autres superficiels et caré-
naux.
7° Ce mode de fonctionnement a pour effet de diminuer la hauteur
et l'épaisseur du muscle latéral, et d'une manière plus générale celles
du corps.
8° Les 2 segments fonctionnels profonds de chaque myomère sont
contigus ; ils tirent d'arrière en avant sur le septum transversal mobile en
faisant converger la partie médiane de son bord externe vers la ligne
latérale, déterminant'ainsi la formation de l'angle antérieur de l'Inscrip-
tion tendineuse ; les 2 segments fonctionnels superficiels tirent le même
septum transversal d'avant en arrière près de ses limites dorsale et ven-
trale ; ils déterminent ainsi la formation des 2 angles superficiels posté-
rieurs de l'Inscription tendineuse. La forme en zigzag de cette Inscription
est donc le résultat des tractions opposées dont le septum transversal
est l'objet de la part de fibres insérées sur ses 2 faces ;
9° Les lieux géométriques des points d'application des forces nées
de la contraction des fibres des myomères se trouvent, en général, situées
vers le plan de symétrie du corps ;
10° Les lieux géométriques des points d'application des forces
nées de la contraction des fibres profondes des myomères épiaxiaux
et hypoaxiaux caudaux se trouvent principalement sur les corps et les
arcs vertébraux ; la transformation de ceux-ci en cartilages, puis en os
est le résultat des tractions dont ils sont le siège ;
11° Les lieux géométriques des points d'application des forces nées
de la contraction des fibres superficielles des myomères indiquées ci-des-
sus se trouvent principalement sur les parties supérieures des arcs verté-
braux et sur les apophyses épineuses. Les tractions répétées dont ces
organes sont l'objet les transforment en cartilages et en os, en même
temps qu'elles leur impriment l'inclinaison d'avant en arrière qui cons-
titue un de leurs caractères ;
12° Les côtes résultent de l'action de la plupart des fibres des myo-
mères hypoaxiaux abdominaux sur la base interne des septa transversaux,
(506 RENÉ ÇHEVREL
base qui forme le lieu géométrique des points d'application des forces
nées de la contraction de ces fibres ;
13° Le muscle rouge ou muscle de la ligne latérale pourrait avoir pour
fonction principale de maintenir la queue courbée lorsque le poisson, pen-
dant une filée, veut changer de direction ;
14° Ce muscle, entouré d'une membrane conjonctive propre paraît
conserver une certaine indépendance vis-à-vis du muscle somatique et
se contracter, comme les fibres superficielles de ce dernier, d'avant en
arrière ;
15° Les arêtes médianes se forment à l'intersection d'un septum
transversal avec le septum horizontal, sous l'action concordante des fibres
des 2 moitiés d'un myomère, mais aveu prédominance de l'action des
fibres de la partie épiaxiale ;
16° Les autres arêtes se forment en général dans l'épaisseur des
septa transversaux partout où la disposition morphologique et surtout
l'action physiologique de certaines fibres musculaires détermine, dans ces
septa, l'apparition de plis plus ou moins anguleux formant le lieu géo-
métrique des points d'application de 2 systèmes de forces divergentes ;
17° Les Cartilages intermusculaires des Clupéides sont des forma-
tions spéciales différentes des côtes dont elles n'ont ni l'origine, ni la
forme, ni la position, ni les connexions, ni enfin les mêmes fonctions ;
18° Ces Cartilages sont les produits exclusifs de l'action des fibres du
muscle rouge, auxquelles ils fournissent des points d'appui solides lors de
leurs contractions. Ils ont la forme d'un > à branches plus ou moins
écartées et tournées en arrière. Ces branches servent à l'insertion de
l'extrémité antérieure des fibres profondes du muscle rouge et n'ont guère
avec le muscle latéral sous-jacent, que des rapports de contiguité.
19° La forme typique du poisson résulte évidemment de l'interven-
tion de plusieurs facteurs, parmi lesquels on doit citer en première ligne
la présence de la cavité abdominale. Si la pression tourbillonnaire de
l'eau exerce son influence sur la distribution des nageoires et même sur le
modelage du corps, elle possède, à ce dernier point de vue, une action
moins efficace que les muscles latéraux. Ceux-ci, par leur mode de con-
traction, se subdivisent en myomères dont le développement inégal va
en diminuant de la tête vers la queue, contribuant ainsi à donner au corps
la forme en fuseau qui le caractérise.
MUSCLE LATÉRAL DES POISSONS c.o"
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Tome LU, PI. XV3
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Eug. Morieu, imp.
Fig. 18 à 35 : Spelaeoglomeris Doderoi.
Arch. de Zool. Exple et Génle
Tome LU, PI. XVII
BrOlemann del.
Eug. Morieu. imp.
Fig. 36 à 47 : Spelaeoglomeris Doderoi . — Fig. 48 à 51 : S. Jeanneli . — Fig. 52 à 56 : S. alpina.
Arch. de Zool. Exple et Gén1
Tome LU, PI. XVIII
BrOlemann del.
Eug. Morieu. imp.
Fig. 57 à 69 : Spelaeoglomeris alpina. — Fig. 60 à 71 : S. hispanica. — Fig. 72 à 79 : Stygioglomeris Duboscqui
Arch. de Zool. Exple et Gén'8
Tome LU, PI. y
Broleitunn dcl.
Fig. 80 à
Euff- Morieu, imp.
Stygioglomeris Duboscqui. — Fig. 89 à 95 : S. provincialis . — Fig.
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Arch. de Zool. Expio et Gén'
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