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Full text of "Archives néerlandaises des sciences exactes et naturelles"

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ARCHIVES NÉERLANDAISES 


DES 


SCHUP NICS 


EXACTES ET NATURELLES 


PUBLIÉES PAR 
LA SOCIÉTÉ HOLLANDAISE DES SCIENCES à HARLEM, 


ET RÉDIGÉES PAR 


o BOSSCHA, 


Secrétaire de la Société, 
AVEC LA COLLABORATION DE 


MM. C. A. J. A. Oudemans, W. Koster, C. K. Hoffmann 
et J. M. van Bemmelen. 


MOPMPERAIX 


HARLEM, 
LES HÉRITIERS LOOSJES. 
1896. 


en 


Page 352 


365 


370 
372 


381. 


383 
3006 


394 


399 


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CORRIGER. 
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récipoquement , réciproquement. 
immatériel , impalpable. 

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He de. 
1673 ; LOT: 


Dar. 


TABLE DES MATIÈRES. 


Programme de la Société Hollandaise des Sciences pour l’année 1895. 


M. W. BEYERINOK. Sur la fermentation et le ferment butyliques.. Page 1 


H. W. BaAknuis RoozEB00M. Représentation graphique des systèmes 
hétérogènes formés de un à quatre corps, y compris la décompo- 


BUT GHIDUE NS AC RS ER ES 
W. C. L. van ScHaIK. Sur la limite inférieure des sons perceptibles. 


H. W. Bakauis RooZEBooM et F. À. H. SCHREINEMAKER. Sur les 
équilibres entre phases liquides et solides dans le système eau, 


me cnlornydrique  chlorure-ferrique .. ...:..!,............. 
J. H. MEERBURG. Sur la polarisation électrolytique .............. 


C. vAN WISSELINGH. Sur les bandelettes des Ombellifères (contri- 


batonhétude de/la-paroi cellulaire). :..:.....0......:.. 


M. W. BEyveriNCx. Le Spirillum desulfuricans, agent de la réduction 


LES SUONER à 2 ue NON RE PE RE 


TH. W. ENGELMANN. Observations et expériences sur le cœur sus- 
pendu. Troisième mémoire. Sur la signification, pour le rhythme 


cardiaque, de la phase réfractaire et du repos compensateur.... 


W. EINTHOVEN. Sur les points cardinaux de l’œil pour les lumières 


dERcodienre Ie renEe ss 8 EL A dem AR UT LAN SERGE me 


» 


» 


» 


» 


95 


162 


4199 


233 
278 


295 


346 


IV TABLE DES MATIÈRES. 


J/BosscHA. Christian Huy sens PAR UPPER Re Page 352 


J. M. van BEMMELEN et E. À. KLOBBIE. Sur l’oxyde ferrique humide 
amorphe, l’hydroxyde ferrique cristallin, les ferrites de potassium 
et de sodiunn te. CRE Rte SRE Cr M EE DO Ge 

V. À. Juzius. Sur le quartz fondu et les bandes d’interférence dans 


le spectre des fils de quartz" 2 PR EUR CPR 


PROGRAMME 


DE LA 


Société hollandaise des sciences à Harlem. 


ANNÉE 1895. 


La Société hollandaise des sciences a tenu le 18 mai 1895 
sa cent-quarante-troisième assemblée générale. Le Directeur- 
Président Jhr. J. W. M. Score, dans son discours d’ouver- 
ture, rend hommage à la mémoire de M. le Dr. D. be H4aw, 
Directeur de la Société, de M. W. R. Bozr, membre national, 
et des membres étrangers MM. J. P. KIRKkMAN, J. D. Dax, 
C. FO W. Lupwic, H. L. F. von HezmnortTz, V. Duruy, 
H. Cayrey et À. Kunpr, dont la Société avait eu à déplorer 
la perte dans le cours de l’année écoulée. Il souhaite la bien- 
venue aux Directeurs F. M. Baron van LYNDEN, Jhr. J. A. 
P. REPELAER VAN SPIJKENISSE, Jhr. J. O. A. REPELAER VAN 
DrIez et Mr. J. H. FRANSEN vAN DE PUTTE, ainsi qu'aux 
membres J. C. Kapreyn et À. G. H. vAN GENDEREN STORT, 
qui assistaient pour la première fois à la séance. 

Le Président mentionne que l'impression du tome sixième 
des Œuvres complètes de Christiaan Huygens est terminée, et 
que ce volume pourra probablement être distribué dans le 
courant du mois de juillet. Un exemplaire est à la disposition 
des membres présents à l’assemblée ; il renferme la correspon- 
dance de 1666—1669; il y est joint des fac-simile de lettres 
d'OrxnenBurG et du HAMEL, premiers secrétaires de la Royal 
Society de Londres et de l’Académie des Sciences de Paris. 


II PROGRAMME 1895. 


Ont paru encore: les livraisons 2, 3, 4 et 5 du Tome 
XX VIII des Archives Néerlandaises et la première livraison du 
Tome Exe 

Il n’a pas été envoyé de réponses aux questions de con- 
Cours proposées pour cette année. 

L'assemblée arrête quelques nouveaux sujets de concours. 
Elle nomme membre national de la Société: M. le Dr. A. 
Brepius à La Haye, et membres étrangers: Lord RAYLEIGH 
et M. le Prof W. Ramsay à Londres, et M. H. Le CHATELIER, 
à Paris. | 


QUESTIONS MISES AU CONCOURS. 


Délai: jusqu’au ler Janvier 1896. 


IL 


La Société demande un compte-rendu historique du progrès 
réalisé dans la teneur en sucre des betteraves, et un examen 
des méthodes grâce auxquelles ce progrès a été obtenu. 


UE 


La Société demande une étude expérimentale sur les causes 
probables de l’anisophyllie, et une revue critique des travaux 


hs 


relatifs à ce sujet. 


ET 


La Société demande une étude sur la reproduction et le 
développement des Diatomées, dans le but de décider ce qui 
se rapproche le plus de la vérité, des résultats récemment ob- 
tenus par M. Castracane, ou des idées généralement ad- 
mises de M. Pfitzer. 


LV. 


L'observation apprend que, lors de la formation des cécidies 
sur les plantes, les substances cécidiogènes peuvent être in- 


PROGRAMME 1895. III 


troduites dans une cellule unique et rester ou non confinées 
dans cette cellule. Elles peuvent aussi se trouver dès l’abord 
en contact avec la surface externe d’un groupe cellulaire, 
pénétrer plus ou moins profondément dans ce massif, et 
modifier jusqu'à ce niveau les propriétés morphologiques et 
physiologiques de l'organe. Les distances dont il s’agit ne 
sont certes pas bien grandes, mais elles sont sans doute suf- 
fisantes pour être facilement et exactement mesurées par voie 
microscopique. 

Ceci posé, la Société demande: 

1° des recherches nouvelles sur les groupes cellulaires inté- 
ressés dans la cécidiogénèse, et en particulier des mesures 
exactes de ces groupes; 

2° des données nouvelles propres à élucider la nature des 
substances cécidiogènes. 


V. 


On demande des recherches nouvelles sur la fermentation 
qui, dans les marécages et les tas de fumier, donne lieu à 
du méthane, et sur les organismes actifs dans cette fermen- 
tation. 

VAE 

Dans le Zeitschrift für Instrumentenkunde, 1892, pp. 346 et 
suivantes, M. le Dr. B. Walter cite comme une source 
d'erreurs non négligeable dans la détermination des tempé- 
ratures à l’aide du thermomètre à mercure, l’évaporation du 
mercure et sa condensation sur la paroi interne, à la partie 
supérieure du tube. D’après cet auteur, cette influence se 
manifeste déjà aux températures inférieures à 100°. La Société 
demande des recherches expérimentales propres à déterminer, 
dans diverses conditions, la grandeur des erreurs pouvant 
résulter de cette circonstance. 

Les recherches peuvent être limitées aux températures com- 
prises entre 0° et 100°; elles devront toutefois aussi porter 
spécialement sur les déterminations de points d’ébullition. 


[V | PROGRAMME 1895. 


Délai: jusqu’au ler Janvier 1897. 


[. 


La Société demande une nouvelle étude de l’origine et du 
développement des cellules génitales (œufs primordiaux) chez 
les Vertébrés. 


1iR 


La Sociéte demande une étude sur le développement du 
rein définitif (métanéphros) chez les Vertébrés. 


IL. 


La Société demande une nouvelle étude sur la formation 
des feuillets embryonnaires chez les araignées proprement 
dites (Aranéines). 


IV. 


La Société demande une étude du rapport entre la phyllo- 
taxie et les divisions de la cellule apicale dans le genre 
Selaginella. 


V. 


La Société demande une étude comparée de la structure 
et des divisions des noyaux chez les Cytisus Laburnui, 
C. purpureus et OC. Adami. 


VI. 


La Société demande un examen des divers cas de polyem- 
bryonie observés dans le règne végétal. On comparera les pro- 
priétés individuelles des individus issus des embryons acces- 


DS 


soires à celles de la plante mère. 


VIL 


On déterminera par des expériences concluantes, tenant 
compte de ce qui est connu jusqu'à présent, à des profon- 
deurs de 20 mètres et moins au-dessous du niveau de la mer, 
les relations : 


PROGRAMME 1895. v 


1°. entre l’amplitude du mouvement ondulatoire (des vagues 
non-déferlantes) et du mouvement près du fond; 
2°, entre cette amplitude et son effet sur le fond, 


VIIT. 


La Société demande un travail, reposant sur des recherches 
personnelles, et faisant usage des travaux antérieurs, sur les 
parasites et commensaux des poissons de mer et d’eau douce 
des Pays-Bas. 


Xe 


Plusieurs expérimentateurs ont pu amener des feuilles 
vertes à fabriquer des matériaux de réserve aux dépens de 
solutions de substances organiques. On a pu voir également 
que les jets incolores de la pomme de terre, détachés et pla- 
cés dans des solutions d’aliments organiques, sont capables 
de satisfaire dans ces conditions leurs besoins de matériaux 
plastiques et continuent de croître. Il ne paraît pas qu’on ait 
fait des recherches analogues pour les racines des plantes, 
malgré que ces organes donneront probablement des résultats 
particulièrement intéressants. 

La Société demande des recherches expérimentales nou- 
velles sur ce domaine, portant sut divers organes de plantes 
supérieures, spécialement des racines et des rhizomes, pouvant 
vivre entièrement submergés. On prendra la précaution d’opérer 
dans des solutions stérilisées, les microbes étrangers étant 
complètement exclus; ou bien, si les circonstances y condui- 
sent, des microbes étant ajoutés artificiellement aux solutions 
nutritives. 


xe 


La vitesse d’hydratation ou de déshydratation en présence 
de solution aqueuse est très-différente dans différents groupes 
de substances. 

Une étude de M. KurNaAKkow a récemment appelé l’atten- 
tion sur divers faits d’où il semble résulter que chez cer- 


VI PROGRAMME 1895. 


taines substances caractérisées par une faible vitesse d’hy- 
dratation et de déshydratation, le rapport entre la solubilité 
dans les états anhydre et hydraté s’écarte de celui qui se 
rencontre chez des substances dont les états, en solution 
aqueuse, passent rapidement l’un à l’autre. 

Nos connaissances relatives aux équilibres des corps dissous, 
et les rapports entre ces états et les combinaisons susceptibles 
d'existence à l’état solide demandent à être complétées La 
Société propose donc une étude des substances appartenant 
aux groupes en question au point de vue de leur solubilité. 
Les recherches s’étendront sur une série de températures telle 
qu'il devienne bien évident quels états représentent des équi- 
libres stables et s’il existe entre les états d'équilibre stable et 
instable des températures de transition. 


XI. 


La Société demande une étude des phénomènes d’équilibre 
dans un ou plusieurs alliages de deux ou trois métaux, 
depuis le point de fusion du métal le plus difficilement 


fusible jusqu’à la plus basse température à laquelle un 
mélange liquide de ces métaux puisse exister. 


XIT. 


La Société demande une étude systématique des phéno- 
mènes d'équilibre qui peuvent prendre naissance dans un sys- 
tème de trois corps, où il peut y avoir également décompo- 
sition chimique. 


ABLE 


On demande une étude de la conductibilité électrique d’un 
_ sel quelconque à des températures ou des concentrations aussi 
différentes que possible. 

La Sociéte appelle l'attention — sans prétendre cependant 
y obliger les concurrents — sur l’utilité qu'il y aurait à étendre 
les déterminations jusqu’au sel fondu anhydre, et sur la pos- 
sibilité de dépasser la température critique du dissolvant. 


nait ci dacrépat, 


PROGRAMME 1895. VII 


XIV. 


Comme les résultats obtenus jusqu’à présent ne concordent 
pas encore, la Société demande de nouvelles déterminations 
des points de congélation des solutions diluées. 


La Société recommande aux concurrents d’abréger autant 
que possible leurs mémoires, en omettant tout ce qui n’a pas 
un rapport direct avec la question proposée. Elle désire que 
la clarté soit unie à la concision, et que les propositions bien 
établies soient nettement distinguées de celles qui reposent 
sur des fondements moins solides. 

Elle rappelle, en outre, qu'aucun mémoire écrit de la main 
de l’auteur ne sera admis au concours, et que même, une 
médaille eût-elle été adjugée, la remise n’en pourait avoir 
heu, si la main de l’auteur venait à être reconnue, dans 
l’intervalle, dans le travail couronné. 

Les plis cachetés des mémoires non couronnés seront détruits 
sans avoir été ouverts, à moins que le travail présenté ne soit 
qu’une Copie d'ouvrages imprimés, auquel cas le nom de 
l’auteur sera divulgué. 

Tout Membre de la Société a le droit de prendre part au 
concours, à condition que son mémoire, ainsi que le pli, soient 
marqués de la lettre L. 

Le prix offert pour une réponse satisfaisante à chacune des 
questions proposées, consiste, au choix de l’auteur, en une 
médaille d’or frappée au coin ordinaire de la Société et portant 
le nom de l’auteur et le millésime, ou en une somme de 
cent-cinquante florins; une prime supplémentaire de cent-cin- 
quante florins pourra être accordée si le mémoire en est jugé 
digne. 

Le concurrent qui remportera le prix ne pourra faire im- 
primer le mémoire couronné, soit séparément, soit dans quelque 


VIII PROGRAMME 1895. 


autre ouvrage, sans en avoir obtenu l'autorisation expresse 
de la Société. 

Les mémoires, écrits lisiblement, en hollandais, français, 
latin, anglais, italien ou allemand (mais non en caractères 
allemands), doivent être accompagnés d’un pli cacheté ren- 
fermant le nom de l’auteur, et envoyés franco au Secrétaire 
de la Société, le professeur J. BosscHA, à Harlem. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES 


Sciences exactes et naturelles, 


SUR LA 


FERMENTATION ET LE FERMENT 
BUTYLIQUES 


PAR 


M. W. BEYERINCK. 


Le produit principal de cette fermentation est l’alcool bu- 
tylique normal, qui bout à 117° C et se dissout dans 12 
parties d’eau, d’où l’on peut le séparer au moyen de chlorure 
de calcium. L’oxydation le convertit en acide butyrique nor- 
mal. Cet alcool ne prend pas seulement naissance dans la 
fermentation qui va être traitée dans les pages suivantes et 
_dont je propose d’appeler le ferment Granulobacter butylicum. Il 
s’en rencontre encore de petites quantités dans les produits d’au- 
tres fermentations, surtout dans la fermentation butyrique du 
glucose, du saccharose, de la glycérine et de la mannite, due à ce 
que j'appellerai le Granulobacter saccharobutyricum 1). Le même 
alcool se forme encore dans la fermentation butyrique causée 
par le Bacillus orthobutylicus, décrite par M. Grimbert ?). 


1) À. Fitz. Ueber Bacillus butylicus. Ber. d. D. chem. Gesellsch., Jahrg. 
15, pag. 867, 1882. Le Bacillus butylicus Fitz est identique à mon Gra- 
nulobacter saccharobutyricum. Feu M. Fitz ne connaissait pas mon Gr. 
butylicum, ce que je puis affirmer avec certitude, vu que les nombreux 
tubes contenant le Bacillus butylicus Fitz, et préparés par l’auteur lui- 
même, sont passés dans mes mains à sa mort en 1885. 

2) L. Grimbert. Fermentation anaérobie produite par le Bacillus 
orthobutylicus. Ann. de l'Inst. Pasteur. T. 7, p. 353, 1893. Ce bacille ne 
produit pas de granulose et ne se colore pas en bleu par l’iode. 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. il 


2 M. W. BEYERINCK. 


On trouve répandu dans le terreau des jardins une bactérie 
en forme de streptococque, qui élabore une petite quantité 
d'alcool butylique aux dépens d’extraits concentrés renfermant 
du maltose. J’ai rencontré de plus dans une culture ense- 
mencée au moyen de terre du Sénégal, apportée en même 
temps que des noix d’arachide, outre de nombreuses colonies 
de Bacillus megatherium, un clostridium qui donna passagère- 
ment dans les brassins de malt une grande quantité d’alcool 
butylique. Je crois donc qu’en le recherchant attentivement, 
cet alcool se montrerait être un produit très-répandu de la 
vie bactérienne. Le ferment que je décrirai dans la suite de 
ce travail n’a pas été distingué jusqu'ici du ferment butyrique, 
auquel il est en effet étroitement allié. Je donnerai plus loin 
une diagnose de ce dernier ferment, et je compte encore y 
revenir ultérieurement, à propos d’une étude générale des fer- 
mentations spontanées dans les pâtes de farine préparées à la 
température ordinaire, quand on les abandonne à elles-mêmes 
dans l’étuve d’incubation. 


$ 1. Tntroduction1\0Oréationt d'utaenme 
Granulobacter. 


J'ai découvert en 1886 qu’il y a certaines varif$tés de farine 
de céréales et de malt d’orge, qui trempées au moyen d’eau 
bouillante, entrent au bout d’un séjour de 24 heures à la 
température d’incubation en fermentation butylique pure, 
avec formation abondante d'hydrogène et d'acide carbonique. 
D'autres échantillons de farine, traités de la même manière, 
donnent outre les gaz cités et une très-petite quantité d'alcool 
butylique, surtout de l’acide butyrique !). 


1) Jamais je n’ai pu constater dans ces deux fermentations, en dépit de 
très-nombreuses analyses de gaz, la présence d’une trace de méthane ou 
de quelque autre substance gazeuse sauf l'hydrogène et l’acide carboni- 
que. Une lessive de potasse et le noir de palladium absorbent complète- 
ment les gaz de fermentation. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 3 


L'opération du détrempage à pour but de tuer le ferment 
lactique, de chasser l’air de la masse et de transformer la 
fécule en empois. Le ferment butylique, le ferment butyrique 
et les bactéries du foin, dans le sens le plus étendu de cette 
dernière dénomination, survivent. Les spores du ferment bu- 
tylique et de la bactérie butyrique en effet résistent pendant 
quelques secondes à une ébullition prudente. Comme ces spores 
donnent naissance à des bactéries anaérobies obligatoires, le 
développement à lieu d’abord dans la profondeur de la pâte. 
Les bactéries secrètent en cet endroit une grande quantité 
d’amylase '), ce qui liquéfie la fécule transformée en empois 
et la fait passer à l’état de maltose ?). 

On sait que les bactéries du foin sont très-résistantes à l’ébul_ 
lHition. Il se forme donc à la surface libre de la bouillie de farine 
une pellicule de bactéries du foin, qui d’ailleurs n’est pas 
nuisible à la fermentation butylique; elle empêche en effet 
le contact de l'air et favorise donc bien plutôt la fermenta- 
tion qui s’opère en dessous d’elle. | 

Je me suis depuis cette année 1886 souvent occupé de ces 
remarquables phénomènes, et j'ai appris à avoir si bien dans 
la main les facteurs principaux qui déterminent l'expérience 
que peu à peu le nombre d’espèces de farine avec lesquelles 
elle à réussi s’est considérablement accru. 


1) L'expression d’’amylase” est employée ici, à l’exemple des auteurs 
français, comme nom générique pour les diverses zymases qui décomposent 
_ lamidon (action amylolytique). J’ai appris à connaître de plus près les 
espèces suivantes d'amylase: I la maltase et Il la granuiase d'orge 
(qui constituent ensemble la diastase du malt): [I la ptyaline (et la 
diastase pancréatique); IV les autres granulases (comprenant les 
diastases du malt de maïs, butylique, du sarrasin, des Nyctaginées); V 
la glucase. 3 

Les expressions granulase butylique, diastase butylique, amylase buty- 
lique, diastase granulobactérienne, qui se rencontreront dans la suite de 
ce travail et dans la littérature, s'expliquent d’elles-mèmes: elles s’appli- 
quent toutes au même ferment amylolytique produit par le Granulobacter. 

2) Il ny a pas production de glucose, 


1* 


4 M. W. BEYERINCK. 


C’est ainsi que j’ai obtenu encore, quoique exceptionnellement, 
de bonnes fermentations avec la farine de seigle de froment, 
d’épeautre et d’orge. La quantité d'alcool butylique récoltée est 
extraordinairement variable, et dépend chaque fois des espèces 
et variétés de bactéries en jeu. Le plus souvent on trouve 
dans de la farine de cette nature une si grande quantité de 
ferment butyrique qu’il détruit la bactérie butylique. Ce qui 
me donne à beaucoup près les meilleurs résultats, ce sont des 
espèces d'orge d’été nue (Hordeum distichum nudum et H. 
vulgare himalayense), cultivées dans un jardin à Delft !) et 
sur lesquelles le ferment butyrique semble faire entièrement 
ou presque entièrement défaut. Puis vient l’épeautre, puis le 
seigle et finalement le froment et l’orge ordinaires, sur les- 
quels le ferment butyrique semble être plus ou moins accu- 
mulé, dans l’ordre où je les cite. Même la farine de froment 
pure, telle qu'on la trouve dans le commerce, m'a donné quel- 
ques bons résultats. 

Il n’est peut-être pas superflu d'examiner brièvement la questi- 
on de l’origine du ferment butylique que l’on trouve sur Les espè- 
ces de céréales nommées. Je ne suis cependant pas en mesure 
d’y répondre définitivement. Si le ferment tombe sur les épis sous 
forme de poussière, on se demandera d’où provient cette pous- 
sière? Le ferment butyrique d’autre part, le Granulobacter saccha- 
robutyricum, est extraordinairement abondant dans le sol, et il 
semble donc tout donné d'admettre que le sol est également le 
milieu naturel primitif du ferment butylique. Mais pourquoi ce 
dernier se rencontre-t-il si souvent sur l’orge nue sans être mé- 
langé au ferment butyrique, tandis que les variétés ordinaires 
d'orge, de seigle ou de froment portent toujours à la surface 
de leurs grains le Gr. saccharobutyricum en quantité telle que bien 
rarement on peut y provoquer des fermentations butyliques? 
Je ne puis résoudre cette question d’une manière certaine. Le 


1) Mes observations s'appliquent à des matériaux récoltés en 1887, 88, 
B9 O0 9 TECRO2; 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 5 


Gr. saccharobutyricum peut-il, dans certaines circonstances in- 
connues, se transformer en Gr. butylicum? C’est ce que je ne 
puis décider. Cette métamorphose ne s’opère pas dans le 
laboratoire; mais on observe parfois qu'un échantillon bien 
conservé d’orge nue, qui peut donner immédiatement après la 
récolte la fermentation butylique, perd cette propriété en 
hiver et ne permet plus alors que le développement du seul 
Gr. saccharobutyricum. Je me suis donc demandé si le Gr. 
butylicum vit peut-être en parasite à l’intérieur des grains de 
blé et meurt facilement dans la farine? Mais il n’en est pas 
ainsi; les spores ne se trouvent sans le moindre doute qu’à 
la surface extérieure du fruit !). Il est donc encore obscur 
pourquoi le ferment butylique se développe de préférence 
dans les bouillies pâteuses d’orge nue. 

Le riz, le maïs, le sarrasin, le caroubier (gousses du Cera- 
tonia siliqua) et le sorgho ne m'ont jamais donné de fermen- 
tations butyliques abondantes. Toujours en effet ces matériaux 
entrent en fermentation butyrique. Le ferment butylique ce- 
pendant n’y fait pas défaut, et c’est donc dans leurs propriétés 
chimiques qu'il faut chercher l'explication du phénomène. 
Je l’attribue à la présence de glucose, qui se trouve tout 
formé dans le caroubier, et se forme facilement aux dépens 
de la farine de riz, de maïs, de sarrasin et de sorgho, renfer- 
mant tous une grande quantité du ferment la glucase. Or le 
glucose passe facilement à l’état d'acide butyrique, mais bien 
plus difficilement à celui d'alcool butylique. 

Pour que les expériences de fermentation butylique réus- 


1) Des questions de cette nature sont bien plus faciles à résoudre qu'on 
ne le croit généralement. Il suffit de placer les grains, ou des portions de 
grains, enfermés dans de la gaze ou dans une autre enveloppe appropriée, 
au sein des milieux de fermentation ou des matérieux d'ensemencement. 
On recherche ensuite les bactéries dans des préparations microscopiques ; 
jamais on ne trouvera ces organismes dans l'intérieur des tissus ou tout 
au moins dans des cellules closes. Le Granulobacter ne pénètre donc pas 
dans les cellules intactes. 


6 M. W. BEYERINCK. 


sissent avec les farines de seigle, de froment, d’épeautre et 
d'orge, il faut que Ja température soit exactement maintenue 
à un certain degré constant, non seulement lors de la trempe, 
mais encore dans l’étuve d’incubation. Des oscillations de tem- 
pérature de 5° C. à l’intérieur de celle-ci peuvent provoquer 
la formation d’acide butyrique, et faire manquer ainsi l’expé- 
rience. Cela doit sans nul doute tenir à ce que les spores du 
ferment butyrique se trouvent en très-grande quantité à la 
surface des grains de ces céréales, à côté des spores du fer- 
ment butylique, et que l’optimum de température pour la 
première bactérie est un peu plus bas que pour l’autre. De 
là une prépondérance très-rapide d’une espèce sur sa voisine. 
Quoiqu'il en soit, j'ai réussi, par la méthode à la gélatine, à 
isoler d’une pâte préparée de la manière indiquée les deux 
formes, ce qui m'autorise, me semble-t-il, à admettre leur 
existence à la surface des fruits de céréales. 

Les bactéries dont il faudra tenir compte ici n’ont jamais 
été suffisamment distinguées entre elles. Elles ont jusqu'ici 
toutes été comprises sous les noms de Bacillus Amylobacter et 
de Clostridium butyricum. Je crois que le moment est venu de 
supprimer ces appellations collectives et de créer à la place quel- 
ques espèces nouvelles !). J’ai eu moi-même l’occasion, outre 
les deux espèces déjà citées et leurs diverses variétés, d’en dis- 
tinguer encore une troisième, souvent rencontrée et en grande 
quantité, savoir lé ferment butyrique du lactate de calcium. 
Toutes trois ont ceci de commun qu'elles ne se développent pas 
du tout quand il y à beaucoup d’oxygène en présence; et que 
si dans les milieux de fermentation il n’y a que des traces 
de ce gaz, il se produit des bâtonnets à motilité très éner- 
gique, qui se colorent en jaune par l’iode et donnent avec une 
vive effervescence de l'hydrogène et de l’acide carbonique. 


1) C’est ce qu'a déja ébauché M. M. Gruber, en divisant le Clostridium 
butyricum (Bacillus Amylobacter) en trois espèces, qu'il décrit brièvement 
sous les chiffres I, Il et III. Centralbatt für Bacteriologie Bd. I. p. 370, 1887. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 7 


L’anaérobiose est-elle complète, une certaine partie du corps 
de plusieurs bâtonnets se remplit de granulose, qui se co- 
lore en bleu par l’iode. Les bâtonnets augmentent en même 
temps considérablement de volüme et se transforment en clo- 
stridiums. Je propose pour cette dernière raison de réunir 
dorénavant la totalité de ces formes sous le nom générique 
de Granulobacter. 

Je crois devoir rapporter encore à ce genre une espèce 
aérobie (temporairement anaérobie), connue jusqu'ici sous le 
nom de Pacillus Polymyxa, et que j'ai également étudiée en 
détail. On aura alors comme suit un aperçu général des qua- 
îre formes que j'ai plus spécialement eues sous les yeux. 

Granulobacter. Bactéries de fermentation anaérobies 
temporaires ou obligatoires !), qui si l’anaérobiose est complète 
se remplissent soit en partie soit en totalité de granulose et 
prennent alors la forme de clostridiums. S'il y à des traces 
d'oxygène en présence il se forme des bâtonnets à motilité 
très-vive, qui se colorent en jaune par l’iode. Des spores se 
forment dans les clostridiums, et peuvent résister pendant 
quelques secondes ou quelques minutes, dans les liquides de 
culture, à une température de 95—100° C. Cela permet de 
supprimer les bactéries étrangères. On trouve toujours, parmi 
les produits de fermentation, de l’acide carbonique et d’ordi- 
naire aussi de l’hydrogène, tandis que le méthane fait com- 
plètement défaut. 

Les quatre espèces principales sont les suivantes. 

En premier lieu: le Granulobacter butylicum ?). 

C’est le ferment butylique de plusieurs variétés de farine 
de céréales. Il est très-abondant à la surface de l’orge nue, et 
donne aux dépens du maltose de l'alcool butylique, de l’hy- 
drogène et de l’acide carbonique, mais pas d’acide butyrique. 


1) Je renvoie pour l'explication de l'expression anaérobie temporaire 
au & 12. 

2) Peut-être identique au Bacillus Amylobacter 1 de M. Gruber. (Voir 
le note de la page précédente). 


8 M. W. BEYERINCK. 


Il est exclusivement anaérobie. Pendant la fermentation il y 
a production de beaucoup d’amylase, qui est un composé 
simple, et ne renferme pas non plus de glucase. Les spores 
sont grandes; les clostridiums épais et courts. Les colonies 
apparaissant dans l'extrait de malt gélatiné sont blanches, 
d’une consistance mucilagineuse épaisse et ne liquéfient pas 
(Pour les figures 6 et 7 v. pag. 35 et 39). 

En deuxième lieu: le Granulobacter saccharobutyricum !). 

C’est le vrai ferment butyrique du sucre. On le trouve tou- 
jours dans la farine et dans la terre des jardins; il est éga- 
lement très-commun dans le limon des fossés. C’est le ferment 
anaérobie de la fermentation butyrique ordinaire du glucose. 
La fermentation butyrique du maltose par le même organisme 
est plus difficile. Il produit, outre de l’acide butyrique de fer- 
mentation, de l’alcool butylique en quantité variable ainsi que 
de l’acide carbonique et de l'hydrogène. Pendant la fermen- 
tation il y à formation d’amylase. Cette forme est très-voisine 
de l’espèce précédente, ce qui ne permet pas toujours de les 
distinguer au microscope. Les bâtonnets cependant prennent 
ici la prépondérance, de manière que dans l’ensemble l’ana- 
logie aux bacilles du foin est encore plus-grande. Les clos- 
tridiums sont généralement plus minces que dans la première 
forme, et les spores plus petites; l’organe qui produit la granu- 
lose est également plus petit. Les colonies se développent plus 
lentement dans l’extrait de malt gélatiné, sont d’un moindre 
volume et ne deviennent pas si résistantes que chez le G. 
butylicum. Ne liquéfie pas la gélatine. 

En troisième lieu: le Granulobacter lactobutyricum ?). 

C’est le ferment butyrique du lactate de calcium quil 


—————© 


1) Identique au Bacillus butylicus Fitz, Ber. d. D. chem. Gesellsch., 
Jahrg. 15, pag. 867, 1882. À. de Bary en donne une bonne figure sous le 
nom de Bacillus Amylobacter dans ses Vorlesungen über Bacterien, 1re édit. 
pag. 79, 1885. 

2) Pasteur. Etudes sur la bière, p. 282, 1876. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 9 


transforme, à l’état de clostridium anaérobie, en butyrate de 
calcium, hydrogène et acide carbonique avec quelques pro- 
duits accessoires incon- 
nus, mais pas de méthane 
(Fig. 1) Il perd très-fa- 
cilement son pouvoir fer- 
mentatif et passe alors à 
l’état d’une bactérie en 
bâtonnet, quiressemble au 
Bacillus subtilis, mais dé- 
compose énergiquement 
au début le lactate de 
Kig. 4. (700) Granulobacter lacto- calcium, avec formation 
butyricum, avec sphérites de carbonate de carbonate de calcium, 
de chaux. sans acide butyrique. Cette 


forme aérobie liquéfie faiblement la gélatine, ne se méta- 
morphose pas en les espèces précédentes et ne se déve- 
loppe pas dans leurs solutions nutritives. Les clostridiums 
sont ordinairement très-courts et épais: ils ne se meuvent que 
lentement; les spores qu'ils renferment sont petites, plus arron- 
dies que chez le ferment butylique. La granulose prend par 
l’iode une teinte bleu violet et non bleu pur. La forme aérobie 
contient des spores disposées en chapelet; on n’y trouve pas 
de granulose et elle prend par l’iode une teinte jaunâtre. Le 
carbonate de calcium formé aux dépens du lactate se compose 
de grands sphérites très-intéressants (v. Fig. 1). Au bout de 
quelques transports successifs le développement cesse com- 
plètement en présence de l’air. La forme anaérobie ne donne 
également que quelques fermentations et meurt au bout de 
quelques transports, sans que l’on puisse dire pourquoi. On 
rencontre cette forme dans les fermentations butyriques spon- 
tanées du lactate de calcium. 
En quatrième lieu: le Granulobacter Polymyxa !): 


1) Prazmowski, Entwickelung und Fermentwirkung einiger Bacterien, 
p. 37, Leipzig 1880. 


10 M. W. BEYERINCK. 


Bactérie temporairement anaérobie, provoquant la fermen- 
tation de l'extrait de malt (Fig. 2). Elle se développe le mieux 
quand l'air a libre accès, mais ne fermente qu’en présence 
d’une quantité restreinte d'oxygène. La forme aérobie ne se 
compose que de bâtonnets mo- 
biles, la forme de fermentation 
est représentée par des clostri- 
diums renfermant peu de gra- 
nulose et le plus souvent des 
spores Cet organisme produit 
un mucilage blanc volumineux. 
Il ne donne à la fermentation 
presque rien que de l’acide car- 


bonique, une très-petite quantité 


Polymyxa. 


d'hydrogène, de simples traces 
d'alcool butylique et pas d’acide butyrique. Il liquéfie lente- 
ment, mais complètement, la gélatine nutritive, et donne 
naissance à un peu de diastase. C’est un hôte constant des 
pâtes en fermentation butylique, et il doit donc sans nul 
doute se trouver normalement sur les grains de blé. Il est 
très-répandu dans le terreau de jardin. Il forme la transition 
des Granulobacter aux ,bacilles du foin.” 

La série des Granulobactéries n’est pas épuisée par ces 
quatre espèces. J’ai rencontré au moins encore deux formes 
que je n’ai pas réussi jusqu'ici à cultiver; l’une provient de 
la fange de fossé, l’autre s’est rencontrée sur les grains de 
blé. Je crois également probable que le Leptothrix buccalis du 
dépôt dentaire doit être rapporté au genre Granulobacter. 

Dans la poussière de céréales orientales se rencontrent du reste 
des espèces alliées au Gr. Polymyxa, espèces aérobies très-remar- 
quables qui produisent des spores, forment des zooglées très- 
résistantes et renferment du glycogène au lieu de granulose. 

Le Granulobacter trouvera, comme il a déjà été dit, sa place 
dans le système naturel futur à côté du groupe passablement 
étendu des baclles du foin et de la pomme de terre. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. li 


Il se pourrait d'autre part que le Granulobacter soit, au point 
de vue systématique, allié à la bactérie de la putréfaction 
instestinale découverte par M. Bienstock, le Bacillus pu- 
trificus coli, et allié également aux autres bactéries sporo- 
gènes provoquant la putréfaction des matières albuminoïdes. 
Peut-être le Granulobacter représente-t-il le type le plus diffé- 
rentié du système bactérien. 

Comme il a déjà été dit plus haut, le Granulobacter butyli- 
cum est une espèce qui comprend dans tous les cas un cer- 
tain nombre de variétés très-proches parentes les unes des 
autres. Il en est de même du Gr. saccharobutyricum. L'existence 
de ces variétés, qui occupent souvent une position intermé- 
diaire entre les deux espèces, rend beaucoup plus difficile 
l'étude de ces dernières, et aussi la description et l’explication 
des phénomènes provoqués par elles. Je me suis donc décidé 
à ne traiter dans ce travail que du ferment butylique qu’il y 
a moyen de caractériser nettement; et cela malgré que le 
Gr. saccharobutyricum soit plus généralement répandu, sup- 
plante facilement dans les moûts de farine de céréales le 
Gr. butylicum, et soit donc plus important au point de vue 
pratique. L’antagonisme entre les deux ferments repose avant 
tout sur la facilité avec laquelle le Gr. saccharobutyricum fa- 
brique de l’acide butyrique aux dépens du glucose; cet acide 
est nuisible au ferment butylique. Les pâtes de maïs, de sorgho, 
de riz et de sarrasin, qui renferment du glucose, sont donc 
très-favorables au développement du G. saccharobutyricum, mais 
impropres au (x. buiylicum. 

Le caroubier renferme également les spores des deux fer- 
ments. Les traités de chimie le recommandent cependant pour 
la fabrication de l’acide butyrique. L’explication de ce fait est 
donnée, comme nous l’avons vu, par la forte teneur en glu- 
cose, que le Gr. saccharobutyricum transforme en acide, ce qui 
arrête dans son développement le G. buiylicum. 


12 M. W. BEYERINCK. 


S 2Beleveintbutylraiue: 


Dans l’industrie de la levûre, le moût qui devra fermenter 
est tantôt directement additionné de levûre de pain; c’est ce 
qu'on appelle en allemand ,Hefeansatz”. Ou bien, dans les 
fabriques les mieux montées, le moût est additionné de ,Kunst- 
hefe”. On entend par là une pâte épaisse très-consistante de 
farine de seigle et de malt d’orge, qui après saccharification 
à la température d'action de la diastase, entre en fermentation 
lactique spontanée. On obtient ainsi le ,Sauergut” ou , Hefe- 
gut” des Allemands qui, additionné de levûre, fournit après 
fermentation la ,Kunsthefe”” La levûre donne dans le ,Sauer- 
gut” une fermentation absolument anaérobie et se débarrasse 
ainsi presque complètement des microbes entièrement ou à 
moitié aérobies !). 

Le levain butylique dont je me sers pour provoquer la 
fermentation principale” dans les moûts appropriés a un but 
analogue; seulement je n’ai pas besoin de la saccharification 
par le malt, puisque le ferment secrète lui-même de la dias- 
tase. Je ne dois pas non plus ajouter de bactéries butyliques, 
car celles-ci se rencontrent déjà sur les céréales tandis que la 
vraie levûre de pain y fait généralement défaut. Il faudrait 
donc à vrai dire, pour établir un parallèle exact, comparer 
le levain butylique à la pâte de malt de seigle devenue spon- 
tanément acide, c’est-à-dire au ,Sauergut”. 

Pour me procurer le levain butylique, je fais bouillir vive- 
ment 50 à. 100 cm°. d’eau distillée, sur bain de sable, dans 
un verre long et étroit, et je continue l’ébullition jusqu'à ce 
que l'air dissous soit complètement chassé. J'ajoute ensuite 
peu à peu des cuillerées de la farine grossièrement moulue, 
non tamisée, d'orge nue, jusqu’à ce que la masse soit devenue 


1) La ,Kunsthefe”’ est issue sans aucun doute dans le cours des progrès 
industriels du ,Sauerteig” (l’équivalent littéral du ,,levain” français) qui 
se distingue du ,,Sauergut” par ce qu'il renferme de la levüre, tandis que 
ce dernier n’en contient pas. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 13 


épaisse et que la cuiller puisse s’y tenir debout. Il ne faut 
pas cependant que la pâte soit trop consistante, sinon les 
bactéries butyliques doivent mettre plus de temps à se dé- 
velopper et à secréter de l’amylase avant d’avoir envahi suffi- 
samment la masse et de mettre celle-ci toute entière en 
fermentation. On fait bien attention que, pendant toute l’expé- 
rience, l’'ébullition soit très-modérée, de manière que les dernières 
portions de farine ne restent soumises que durant quelques 
secondes à une température de 100° C. On recouvre alors le 
vase d’une plaque de verre et on le porte immédiatement 
dans un thermostat à 85—37° C. Le refroidissement y a lieu 
d’une manière très-lente, et si l’on examine attentivement la 
culture au bout d’une douzaine d'heures, on trouvera déjà 
quelques bulles gazeuses en signe de fermentation commen- 
cante. Celle-ci peut déjà être vive au bout de 24 heures, et 
après 36 heures on commence à percevoir l’odeur un peu eni- 
vrante, mais nuliement désagréable, de l’alcool butylique. Cette 
odeur s’accentue de plus en plus pendant quelques jours. Si 
l’on à eu la main heureuse dans le choix de l’échantillon de 
céréale, — et cela arrivera le plus souvent (mais pas toujours) 
avec de la farine fraîche d’orge nue, — souvent on obtient 
aussitôt une véritable fermentation pure. Les bacilles du foin 
peuvent être en effet complètement arrêtés dans leur dévelop- 
pement ou même faire défaut. Certains échantillons très-rares 
donnent une bien plus grande latitude au point de vue du choix 
de la température. (C’est ainsi qu’en 1887 j'ai récolté de 
l’Hordeum distichum tellement propre à la fermentation butylique 
que je n’eus qu'à en mélanger la farine à de l’eau à 60° C. 
pour obtenir une fermentation absolument pure !). Tous les 
échantillons des années suivantes ne me donnèrent vers 60° C. 


nn 


1) Les bactéries butyliques sont capables de consommer des traces 
d'oxygène; dans l'expérience que je viens de décrire elles y sont cependant 
aidées par les bactéries du foin. Celles-ci se développent au début, mais 
ne tardent pas à disparaitre. 


14 M. W. BEYERINCK. 


que des fermentations acides, qui sont fatales à la bactérie 
butylique et l’arrêtent bientôt dans son développement. C’est 
pourquoi il faut dans les cas ordinaires opérer à la tempéra- 
ture d’ébullition, mortelle au moins pour les ferments lactiques. 

Je n’ai pu expliquer autrement la manière particulière dont 
se comportent ces échantillons pour lesquels l’ébullition de 
la pâte est superflue, qu’en admettant qu'il s’y trouve une 
variété particulièrement vigoureuse de bactérie butylique !). 
J'y ai été conduit encore par les circonstances suivantes. 
Nous verrons que je dispose d’un procédé permettant de 
récolter les bactéries butyliques isolées. Je les sèche, les 
fragments étant alors conservés tels quels ou pulvérisés pré- 
alablement dans un mortier. C’est ce que j'ai souvent fait, 
sans me donner à cette occasion la moindre peine pour em- 
pêcher la dissémination de la poussière bactérienne dans Pair 
du laboratoire. Il s’est trouvé que cette poussière, flottant dans 
l’atmosphère, à pu infecter en 1887 des ballons fermés suivant 
le dispositif de Pasteur et remplis d'extrait de malt. Ces 
ballons avaient été ensemencés avec d’autres bactéries et 
étaient par la végétation de ces bactéries purgés d'air. 
L'infection avec les spores butyliques avait eu lieu lors de 
leur ouverture. Il s’y était opéré une fermentation butylique 
incomplète. J’ai encore observé une infection butylique spon- 
tanée extrêmement remarquable dans une masse de gélatine, 
de lévulose et d’amidon, que j'employais pour des expériences 
sur la production d'oxygène chez les chlorelles. La gélatine, 
ensemencée avec des Chlorella et des Mycoderma était enfermée 
entre deux plaques de verre, formant ainsi une chambre en- 
tièrement mise à l’abri de l’air par un lutage à la paraffine. 
L'infection butylique n’a pu être reproduite plus tard, même 
dans des expériences instituées spécialement dans ce but. Je 


1) Il ne serait pas exact d'admettre que les ferments acides auraient fait 
défaut sur l'échantillon. Cette supposition n’est pas seulement très-impro- 
bable, elle est écartée par les expériences décrites ci-après. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 15 


possède encore des bactéries butyliques sèches provenant de 
l’année 1887 {voir $ 8) et j'ai en mon pouvoir de les rendre 
actives et de les employer à des fermentations nouvelles. Mais 
leur extraordinaire énergie de croissance, leur virulence, si je 
puis m’exprimer ainsi, a disparu, et elles ne se comportent plus 
que comme les ferments butyliques spontanés ordinaires 1). Des 
bactéries si exceptionnellement vigoureuses paraissent appar- 
tenir aux plus rares exceptions, et je répète mon observation 
antérieure que si des individus pareils font défaut, le levain 
butylique réclame une surveillance très-minutieuse de la tem- 
pérature pour ne pas entrer en fermentation acide. C’est seu- 
lement quand le ferment butylique, dans son état plus faible, 
est uniquement accompagné, sur les céréales, des Granulobac- 
ter Polymyxa et Bacillus subtilis que toute température supé- 
rieure à 60° C. suffit, lors de la préparation de la levûre, pour 
assurer la culture pure du ferment butylique. Je déduis de la 
quantité d'acide volatil, retenu pendant la durée de l'expérience 
dans l’eau de condensation qui se dépose sur la plaque de 
verre, si un levain déterminé sera propre à des expériences 
de fermentation ultérieure, ou s’il y à à craindre une fermentation 
saccharobutyrique Moins la réaction de ce liquide est acide, 
plus l’on est certain d’avoir affaire à uné petite quantité 
de ferment butyrique ou à une variété vigoureuse de la bac- 
térie butylique. Si l’on remarque dans une semence butylique 
donnée, devenue impropre par fermentation acide, la présence 
de clostridiums butyliques en sporulation, on pourra, à con- 
dition qu'il n'y ait pas à la fois trop de spores du Gr. saccha- 
robutyricum, tuer par une nouvelle ébullition de quelques 
secondes les bactéries acidifiantes, et régénérer ainsi à la fois 
le ferment butylique et la fermentation butylique normale. 


1) Je conserve les bactéries butyliques dans de petits flacons à bouchon 
de verre dans une chambre toujours chauffée entre 15 et 25° C. L'expérience 
apprend que de gros morceaux de la masse bactérienne sèche restent plus 
longtemps vivants que les matériaux finement pulvérisés. 


16 M. W. BEYERINCK. 


L’image microscopique du levain butylique diffère d’après 
les variétés de ferment qui s'y rencontrent. On trouve 
fig. 7 la manière dont se présente une bonne fermentation 
dans de la farine d’orge nue. Afin de ne pas rendre la 
figure moins claire, on n’y a dessiné que les bactéries, 
laissant de côté les fragments de farine. La préparation ayant 
servi à faire cette figure provenait du stade auquel l’oxygène 
est complètement consommé. Les clostridiums y jouent le rôle 
principal. 

Il n’en est pas ainsi toutefois aux premiers débuts de la 
croissance, aussi longtemps qu'il y a encore des traces d’oxy- 
gène. On ne trouve à ce stade de début que la seule forme 
à oxygène” du ferment butylique, qui possède l’aspect de bà- 
tonnets (fig. 6), et demande beaucoup d’exercice pour être 
distinguée des bactéries butyriques et du foin. Cependant le 
ferment butylique présente déjà à cette époque quelque chose 
‘de caractéristique; les bâtonnets sont en effet plus courts et 
bien plus distinctement arrondis aux extrémités que chez le 
G. saccharobutyricum et le Bacillus subtilis. 

Si la fermentation butylique a lieu dans les règles, les bâ- 
tonnets du stade initial sont bien vite remplacés par des 
clostridiums renfermant des spores. Le stade le plus élevé, 
caractérisé par cette forme, se fait attendre bien plus long- 
temps au contraire dans la fermentation butyrique. Plus les 
clostridiums sont courts et épais, plus la formation d’al- 
cool butylique est abondante. Si les spores sont absolument 
rondes on se trouve en présence d’une forme affaiblie du 
ferment butylique. 


$ 3. Le liquide de fermentation. 


Le levain en fermentation butylique est bien trop mélangé 
de farine pour servir à une étude chimique plus détaillée du 
phénomène. Si l’on se rappelle toutefois que la nutrition de 
la bactérie butylique est très-analogue à celle de la levûre 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. IT 


alcoolique, on ne peut guère s'étonner que le moût provenant 
de la pâte de malt d’orge des fabriques de levûre :) fournisse 
un liquide extrêmement propre à la fermentation butylique. 
Il faut toutefois réduire le degré saccharométrique de ce liquide 
à 10 environ, car la fermentation est déjà nettement entravée 
à s° 12. Si nous comparons ici la fermentation butylique avec 
la fermentation alcoolique, il ne faut pas oublier que cette 
comparaison n'est applicable qu'aux conditions chimiques de 
la nutrition des ferments intéressés. Il existe sous d’autres 
rapports très-importants des antithèses très-prononcées entre 
les deux organismes. J’insisterai ici spécialement sur le fait 
que la levüre alcoolique ne peut fermenter sans air que pen- 
dant un temps très-court, parce que la réserve d’oxygène 
présente dans les cellules ne suffit qu’à la production de trente 
générations de cellules au plus et doit être renouvelée ensuite. 
La bactérie butylique au contraire est presque complètement 
anaérobie et cesse même de croître et de fermenter en présence 
d'oxygène en quantité un peu considérable. 

Disons encore que l’optimum de température pour la fer- 
mentation alcoolique (des distilleries et fabriques de levûre) 
est d’environ 30° C.; tandis que pour la fermentation buty- 
lique il est situé à environ 37°. Les bactéries butyliques en- 
fin sont très-sensibles aux acides, de manière que la fermenta- 
tion qu’elles provoquent se trouve déjà arrêtée par 2 à 3 cm* 
d’acide normal par 100 em° de liquide en fermentation. Le 
même liquide, additionné de 6 à 10 cem* d’acide lactique ou 
tartrique normal peut encore entrer en fermentation alcooli- 
que et produire beaucoup de levûre ?). Si les conditions sont 


1) Ce brassin est sensiblement neutre et peut indiquer 20 degrés au 
saccharomètre. Il n’est pas employé tel quel pour l’industrie de la levüre, 
mais mélangé à du marc et dilué avec de la vinasse jusque s° 10. 

2) J'ai observé, dans des conditions très-favorables au point de vue de 
la nutrition, dans des pâtes de malt épaisses, une fermentation alcoolique 
normale malgré une proportion de 25 cm° d'acide lactique normal par 
100 cm? de pâte! Il y avait eu en mème temps deux ou trois divisions 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 2 


18 M. W. BEYERINCK. 


donc bonnes d’ailleurs, le ferment butylique peut encore sup- 
porter tout au plus 1 à 2 cm d’acide normal par 100 em*. 
Il est donc important pour ia fermentation butylique de neu- 
traliser le môut, si l’on s’aperçoit que lors de sa préparation 
il y avait eu une légère fermentation lactique. Or, cela arrive 
fréquemment dans les expériences en grand, car le moût non 
houblonné s’acidifie avec une facilité extrême J’ai d’abord 
opéré la neutralisation à l’aide d’un excès de craie, ajouté déjà 
lors de lébullition. Mais depuis que je sais que le Granulobac- 
ter butylicum ne donne pas d’acide butyrique avec le maltose, 
et de faibles traces seulement d’autres acides, qui ne nuisent 
pas à la fermentation, je ne neutralise d’abord qu’à l’aide 
d’un peu de carbonate de sodium ou même je le néglige ab- 
solument. Tandis que, comme je viens de le dire, le Granu- 
lobacter butylicum ne donne pas d’acide avec le maltose, il se 
pourrait que cela eût lieu dans certaines circonstances avec 
le glucose, et à divers degrés d'intensité. Les variétés les plus 
vigoureuses de la bactérie butylique pourraient en effet fabri- 
quer simplement de l'alcool butylique et pas d'acide; les 
plus délicates au contraire, outre de l'alcool, une petite quan- 
tité d’acide butyrique. Les dernières forment ainsi la transi- 
tion au Gr. saccharobutyricum, dont on ne peut d’ailleurs les 
distinguer toujours avec pleine certitude à d’autres points de 
vue. [Il faut dans ces conditions avoir recours de préférence 
à la neutralisation au moyen de craie. 

Quant au Granulobacter saccharobutyricum lui-même, cette 
bactérie fabrique, aux dépens du glucose, outre une petite 
quantité d’alcool butylique, beaucoup d’acide butyrique, et 
même elle en donne aux dépens du maltose. L’acide produit 
nuit à la formation des zooglées, tandis que la production de 


Le 


cellulaires; la chaleur de fermentation produite était normale et le ren- 
dement d'alcool également normal. Du moment toutefois que les moûts 
renferment peu de marc, 12 cm d'acide lactique normal sont déjà très- 
nuisibles au développement des cellules de levüre. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 19 


gaz demeure très-intense. Si le liquide de fermentation ren- 
ferme beaucoup de glucose, la marche normale de la fermen- 
tation change complètement du moment que le Gr. saccharo- 
butyricum se trouve accompagné du Gr. butylicum. C’est ce 
que les circonstances que je viens de signaler permettent d’at- 
tendre et ce que je désire mettre une fois de plus en relief. 
Je me propose en conséquence de traiter simplement des li- 
quides pauvres en glucose, tels qu’on les fabrique artificiel- 
lement dans l'opération industrielle du détrempage. Je sup- 
poserai toujours que les matériaux d’ensemencement nous 
soient fournis par le Gr. butylicum pur ou tout au moins infecté 
d’une manière insignifiante par le ferment butyrique. 


SAOulture pure du ferment butylique en 
gélatine nutritive. Méthode 
d'expérience. 


Il est nécessaire, pour obtenir une culture pure du ferment 
butylique dans de la gélatine nutritive appropriée, d'opérer 


A 


complètement à l’abri de l'air. Même la forme aérobie du 
ferment, que nous apprendrons à connaître plus tard de plus 
près, se développe à de si faibles tensions d’oxygène que 
les méthodes chimiques de dosage de cet élément sont in- 
suffisantes pour en démontrer la présence !). Seul le procédé 


1) La présence d'oxygène dans un milieu riche en substances organiques, 
comme le moût, peut se déceler, surtout quand il s’agit de déterminations 
quantitatives, au moyen de deux procédés. C’est d'abord le procédé de M. 
Schützenberger au moyen d'hydrosulfite, avec l’indigosulfate de sodium 
comme indicateur (Schützenberger. Les fermentations, 4e édit. p. 99, 
1884); c'est ensuite le procédé des bactéries lumineuses. Faut-il doser 
quantitativement l'oxygène dans de l’eau potable ou en général dans des 
liquides pauvres en substances organiques, on se servira de préférence, à 
cause de leur simplicité, de la méthode iodométrique de Winkler (Ber. 
d. D. chem. Ges., Jahrg. 21, p. 2843, 1888) ou de la méthode au perman- 
ganate modifiée par M. A. Lévy (Ann. de l’Observ. municipal de Mont- 
souris, 1892—93, p. 233). 

DE 


20 M. W. BEYERINCK. 


des bactéries lumineuses me permit de déceler encore dans 
les liquides dont il s’agit la présence d'oxygène, de manière 
que l’expérience physiologique surpasse encore ici, comme 
dans tant d'autres cas, en précision, et jusqu’à un certain 
point en simplicité, l'expérience chimique !). 

Comme un moût de concentration moyenne fournit le 
milieu nutritif le mieux approprié au ferment butylique, il 
faudra préparer un moût gélatiné absolument exempt d’oxy- 
gène, et mettre la culture ensemencée à l’abri de l’air. J’ai 
essayé la plupart des méthodes, recommandées pour la con- 
fection de cultures anaérobies pures ?), et j'ai moi-même 
imaginé quelques dispositifs spéciaux pour isoler le ferment 
butylique. Le temps réclamé par les expériences n’est pas 
très-différent pour les diverses méthodes. Il en est bien ainsi 
au contraire de la facilité avec laquelle les colonies peuvent 
être recueillies et employées aux recherches soit microscopiques 
soit d’autre nature. J’ai cru important de cultiver les colonies 
butyliques sur plaque de gélatine, que l’on peut examiner 
avec la même facilité que dans les procédés sur plaque or- 
dinaires. On peut ainsi suivre un colonie dans sa croissance 
plusieurs jours de suite, et lui emprunter des matériaux de 
recherches. Ce but a été le plus facilement atteint de la 
manière suivante. 

On commence par rendre complètement exempts d'oxygène, 
dans un petit ballon, 25 cm° environ de moût gélatiné. Le 
bouchon d’ouate est traversé par un petit tube de verre per- 
mettant, pendant le refroidissement de la gélatine, et avant 


1) Un bon liquide phosphorescent, séparé de l’air par du mercure, réagit 
avec une sensibilité remarquable envers des traces d'oxygène. Il suffit que 
l'oeil soit rendu assez sensible à la suite d’un séjour prolongé dans 
l'obscurité. 

2) On en a recommandé un grand nombre dans ces dernières années. 
Il est surprenant que plusieurs auteurs décrivent le procédé, mais négli- 
gent d'indiquer les bactéries qu’ils ont réussi à isoler ou à cultiver. 


SUR LA FERMENTATION ET LE MERMENT BUTYLIQUES. 21 


l’'ensemencement, d'introduire de l’acide carbonique dans le 
ballon. Si l’on possède, comme d’habitude, des matériaux d’en- 
semencement renfermant des spores, un bon levain butylique 
par exemple, ou une fermentation mûre, l’inoculation peut 


DS 


se faire vers 60° à 90° C. Les ferments lactiques, s’il y en a, 
et les bactéries des fermentations ordinaires !) sont tuées à 
cette température. Une fois la culture ensemencée, on la re- 
froidit jusqu'à la température de solidification dans un cou- 
rant d'acide carbonique ; puis on la transvase rapidement dans 
un cristallisoir ou une capsule de verre, où le refroidissement 
doit s’opérer dans un fort courant d'acide carbonique. Il suffit 
à cet effet que l’on introduise le gaz sous le couvercle légè- 
rement soulevé. La capsule aura naturellement été préalable- 
ment complètement stérilisée à une température de 125° C. 
Du moment que la couche s’est solidifiée, on place la cap- 
sule, le couvercle en bas, dans un exsiccateur de Hempel. 
Celui-ci est en rapport, à l’aide d’un robinet à trois voies, 
avec une trompe à eau et un appareil dégageant de l’hyÿdro- 
gène ; on fait le vide, remplit avec de l'hydrogène, fait le vide 
de nouveau, etc. Comme il n’est pas possible d'enlever par ce 
procédé les dernières traces d'oxygène, on à mis au préalable 
dans la gouttière circulaire de l’exsiccateur une substance 
quelconque absorbant cet élément. J’ai pris soit une solution 
concentrée de l’hydrosulfite (SO, Na.) de M. Schützen- 
berger ?), soit quelque autre corps facilement oxydable: p. 
ex. du pyrogallol alcalin, de l’hydroxyde de fer ou de man- 
ganèse fraîchement précipité, du sulfate de fer précipité avec 
du ferrocyanure de potassium. On introduit ces substances 
sous forme de pâte épaisse dans la gouttière de l’exsiccateur. 


1) C'est-à-dire les formes si nombreuses appartenant au Bacillus lactis 
aërogenes où au B. coli commune dEscherich, dont les individus 
se rencontrent parfois en quantité surprenante sur les céréales. 

2) On peut se procurer ce sel chez M. Schuchardt à Gürlitz. La 
substance est d’ailleurs facile à se préparer soi-même. 


29 M. W. BEYERINCK. 


J’ai encore employé avec succès du phosphore en cylindres. 
Il ne m'a toutefois pas été possible d'empêcher complètement 
dans ce cas la formation de vapeurs d’acide phosphorique, ce 
qui était nuisible au développement du ferment. 

Mais la respiration de certains microbes s’est montrée 
encore mieux appropriéé que ces divers moyens chimiques à 
réaliser notre désidératum. Pour en faire usage, je procède 
comme suit. 

Au lieu de remplir la gouttière de l’exsiccateur d’un des 
liquides mentionnés ci-dessus, j'y introduis du malt gélatiné 
mélangé de glucose et additionné d’une forte proportion de 
fleur de bière (Saccharomyces Mycoderma) en culture pure !). 
Ce champignon absorbe avec avidité les dernières traces d'oxy- 
gène, et se développe également un peu par voie anaérobie 
aux dépens du glucose, en produisant de l'acide carbonique 
et de l'alcool. Une légère quantité de gaz tâche de s'échapper 
de l’exsiccateur, et j'obtiens ainsi une atmosphère absolument 
privée d'oxygène, et restant telle dans la suite. 

Des moisissures ou d’autres agents d'infection aérobies 
ne sont pas beaucoup à craindre dans ces expériences, car 
ils ne se développent pas du tout si les expériences sont 
bien faites. Il est cependant toujours à recommander d’em- 
pêcher ces infections, afin de pouvoir sans danger conserver 
es capsules dans la suite, quand les colonies sont compliète- 
ment développées, sous un simple couvercle de verre, par 
conséquent en présence de l’oxygène. 

Si l’on porte l’appareil ensemencé et privé d’air dans une 
étuve à 20° C., on voit, au bout de cinq à six jours {le temps 
varie d’après que l’ébullition à plus ou moins complètement 
chassé l’oxygène de la gélatine), les colonies apparaître sous 
forme de petites sphères mucilagineuses blanches qui ne liqué- 
fient pas le substratum. 


1) La levüre alcoolique et différentes espèces de bactéries ont été éga- 
lement employées avec succès. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 23 


L’acide carbonique et l'hydrogène de fermentation, qui pren- 
nent en même temps naissance, s'accumulent jusqu’à saturation 
dans la couche de gélatine et y produisent, dans le voisinage 
des colonies, les bulles gazeuses lenticulaires bien connues. 

Les colonies sont de deux sortes Elles peuvent être for- 
mées soit de bâtonnets ou de filaments sans spores (fig. 6), 
soit de clostridiums et de bâtonnets renfermant de la gra- 
nulose et des spores (fig. 7, 8). 

La différence entre les deux formes est très-srande, mais on 
trouve toutes les transitions possibles, et si l’on examine de plus 
près les conditions de leur apparition, on voit que les clostri- 
diums prennent naissance à l'abri absolu de l'oxygène, les 
bâtonnets quard 1l y a des traces de cet élément en présence. 

Dans un extrait gélatiné convenable, et quand l’absence 
d'oxygène est complète, les colonies deviennent très-grandes, 
et donnent facilement des sphérules de 5 mm. de diamètre. 
On peut les retirer d’un seul coup, à l’aide du fil de platine, 
de leur substratum, et elles se montrent alors sous la forme 
de zooglées mucilagineuses, formées de clostridiums ou de bà- 
tonnets mobiles ou en repos, renfermant ou non des spores. 
Les clostridiums et les bâtonnets varient d’ailleurs considéra- 
blement entre eux. Les colonies qui ne sont formées que de 
bâtonnets se colorent en jaune par une solution d’iode; celles 
formées de clostidriums se colorent en bleu violet, même en 
noir. Pour observer une réaction bien nette il est à recom- 
mander de laisser séjourner quelque temps les objets dans 
une capsule de porcelaine renfermant la solution d’iode. 
L'iode en effet ne pénètre que lentement dans les zooglées. 
On examinera les préparations sur un fond blanc. 

Si l'élimination de l'oxygène n’a pas été complète, mais 
suffisante cependant pour que la croissance fût possible, il 
se forme, comme je l’ai dit, des colonies simplement consti- 
tuées par des bâtonnets ou des filaments, qu'il faut donc 
considérer comme la forme ,à oxygène” du ferment butylique. 
Ces organismes se colorent en jaune par l’iode et donnent ab- 


24 M. W. BEYERINCK. 


solument l'impression d’une autre espèce de bactéries. Comme 
nous rencontrerons de nouveau la même forme plus loin, à 
propos de la ,fermentation principale”, nous pouvons la pas- 
ser provisoirement sous silence. 

Je ferai remarquer que l’addition d’un peu d’empois d’amidon 
ou d’amidon soluble au moût gélatiné permet de démontrer 
directement et d’une manière extrêmement caractéristique la 
formation de l’amylase butylique. Autour de chaque colonie en 
effet prend naissance une aire de diffusion !), dans laquelle la 
diastase a détruit l’amidon, de manière que l’iode ne peut plus 
y faire apparaître la teinte caractéristique. Si donc on verse une 
solution d’iode sur une plaque de moût gélatiné renfermant 
des colonies du ferment butylique, les champs de diffusion 
de l’amylase tout autour des colonies ne se colorent pas, tandis 
que la gélatine amidonnée prend une teinte noir bleuâtre. Sauf 
les embryons de Graminées, qui occupent le premier rang au 
point de vue de la production de fortes quantités d’amylase, 
je ne connais jusqu'ici pas d'organismes qui puissent se me- 
surer aux colonies du ferment butylique à l’égard de l’intensite 
de cette excrétion. Je ne pus observer de différence sensible 
entre les clostridiums et la forme aérobie dans la quantité 
d’amylase produite. 

Il va de soi qu’une culture anaëérobie du ferment peut 
être faite encore de bien d’autres manières. Des chambres 
de verre tout à fait remplies par exemple sont très-simples et 
très-pratiques; on pourra en employer qui se composent d’un 
anneau de verre fermé des deux côtés par une plaque de verre 
poli. Il faut cependant tenir compte de la couche d’air adhé- 
rant aux plaques et prendre en conséquence un épais anneau, 
c’est-à-dire qu’on opérera avec une plaque de gélatine large 
et épaisse, mesurant par exemple 50 cm° sur 3 mm. d’épais- 


1) On trouve souvent rapporté que ,la diastase” n’est pas diffusible. 
C’est une erreur; les différentes formes d'amylase diffusent avec la même 
vitesse environ que les peptones, et traversent avec facilité les membra- 
nes organiques. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 25 


seur. Il faut aussi que les plaques de verre soient serrées au 
moyen de vis sur l’anneau, sinon l'air a encore accès. Ce 
qui rend cette disposition imparfaite, c’est que si l’on ouvre 
la chambre, au moment où les colonies doivent être exami- 
nées, la gélatine reste adhérer en partie au couvercle. Quand 
on remet celui-ci en place, des bulles d’air et le plus souvent 
aussi des spores de moississures ont eu le temps de pénétrer, 
et l'expérience doit done prendre fin quand la chambre humide 
a été une fois ouverte. 

Ces désagréments s’attachent encore au procédé généralement 
connu et d’ailleurs excellent de Liborius !)}. On cultive 
d’après cette méthode en gélatine nutritive, que l’on stérilise 
simplement dans des éprouvettes, qu'on rend ensuite exempte 
d'oxygène par l’ébullition ?), qu’on ensemence et qu’on laisse 
se solidifier. Dans les couches profondes du tube, où l’oxygène 
ne peut pénétrer, se forment les colonies, auxquelles on se 
fraie accès au moyen d’un trait de lime dans la paroi du tube. 
Les cultures butyliques, préparées par ce procédé en moût 
gélatiné, montrent une couche superficielle de deux à trois 
centimètres d'épaisseur, dans laquelle, par suite de la présence 
d'oxygène, des colonies ne peuvent prendre naissance. Au- 
dessous de cette couche le développement est régulier. Les 
colonies supérieures, que l'oxygène atteint au bout d’une 
couple de jours en se diffusant dans la gélatine, continuent ce- 
pendant de croître; si bien que même après plusieurs semaines 
on ne trouve aucune différence de volume entre les colonies 
voisines de la surface et celles situées dans les profondeurs du 
tube. Ces colonies sont toutefois constituées à la périphérie 
par la forme dite ,à oxygène” (fig. 6); au centre se rencontre 
la forme en clostridium du ferment (fig. 8). 


1) Zeitschr. f. Hygiene, Bd. I, p. 161, 1886. 

2) Il n’est pas nécessaire de faire passer de l'hydrogène dans la géla- 
tine. Cette opération est même à déconseiller à cause de la production 
d'écume. 


26 M. W. BEYERINCK. 


Si je ne puis recommander en première ligne la méthode 
de Liborius pour la culture pure, je ne puis cependant 
négliger de faire ressortir à ce propos l’importance de ce 
procédé à d’autres points de vue. Voici ce que j'en dirai. 

Si l'expérience a été bien faite, la longue colonne de géla- 
tine dans l'éprouvette, que l’on vient de fermer par un tampon 
d’ouate, présente de haut en bas tous les degrés de satura- 
tion par l’oxygène. Un simple coup d’oeil suffit donc, avec 
une culture quelconque de microbes, pourvu que l’on ait 
distribué ceux-ci d’une manière suffisamment serrée dans la 
gélatine, pour reconnaître si l’on a affaire à l’anaérobiose 
facultative ou obligatoire. On pourra même, si la nutrition 
peut s’opérer dans des conditions favorables, reconnaître l’anaé- 
robiose temporaire, généralement moins apparente, (comme 
p. ex. chez la levûre alcoolique) et n distinguer nettement de 
l’anaérobiose facultative. | 

La gélatine at-elle été additionnée d’un peu d’hydrosulfite 
de sodium et d’indigosulfate de sodium, ce qui donne de l’in- 
digo blanc, on reconnaîtra à Ja production, de haut en bas, 
de bleu d’indigo, jusqu’à quel niveau l'oxygène a pénétré 
dans la masse. La culture du ferment butylique permettra 
d'observer que les premières colonies n'apparaissent que dans 
les régions où l’on trouve de l’indigo blanc Il faut dans cette 
expérience que l’éprouvette soit conservée dans l’obseurité, 
sinon le bleu d’indigo s’oxyde à la lumière et se décolore. 
L’oxygène ne le modifie pas au contraire à l’obscurité. 

Un deuxième usage remarquable et général de cette méthode, 
— mais qui n’est également applicable que si l’'ensemencement 
est suffisamment dense, — consiste à reconnaître la présence 
de la fonction fermentative. Comme celle-ci est toujours accom- 
pagnée de la production de gaz, et que la gélatine ne laisse 
pas échapper le gaz formé, on voit à la présence de bulles 
gazeuses que la fonction fermentative existe. Le ferment bu- 
tylique surtout montre de cette manière combien la produc- 
tion de gaz dans le moût gélatiné est intense. C’est par cette 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 27 


méthode que l’on peut facilement s'informer si un sucre ou 
un hydrate de carbone en général, est fermentescible ou non ). 

Il y à encore un troisième point de vue auquel ce procédé 
peut rendre de grands services, savoir la détermination du 
pouvoir réducteur. On ajoute à cet effet à la gélatine une 
matière colorante quelconque, donnant par réduction un chro- 
mogène incolore, On emploiera par exemple le tournesol ou 
le bleu Coupier, mais on obtiendra de beaucoup les meil- 
leurs résultats par l’indigosulfate de sodium. Le ferment buty- 
lique développe dans ces expériences un pouvoir réducteur 
tout particulièrement intense, 

On voit donc que le procédé de Liborius présente maints 
avantages, sinon pour la culture pure, au moins sous d’autres 
rapports importants. 

Mais revenons aux colonies du ferment butylique, obtenues 
par culture pure. 

J’ai infecté au moyen de celles-ci une série de mes ballons, 
et obtenu de cette manière les fermentations les plus belles 
et les plus productives, sans trace d'acide butyrique. Les 
phénomènes qui s’observèrent à ce propos montrèrent que 
»létat” des colonies a incontestablement une certaine influ- 
ence sur les métamorphoses des bactéries pendant la fermen- 
tation, ainsi que sur la nature des produits formés. J'entends 
par ,létat” la ressemblance plus ou moins grande des co- 
lonies à la forme soit ,à oxygène” soit clostridique. Si l’on part 
de la première dans l’inoculation, cette forme se maintient 
extrêmement longtemps dans le cours de la fermentation prinei- 
pale, et le rendement en alcool butylique devient simultanément 
plus faible. C’est précisément l'inverse qui s’observe avec le clos- 
tridium. Le caractère de clostridium est un caractère en même 
temps morphologique et physiologique, provoqué par les circon- 
stances extérieures, et consistant en une accumulation de réserve 

1) C’est ainsi que je trouvai que la glycérine, la mannite, le saccharose 


et la dextrine sont fermentescibles, avec production d'alcool butylique, 
d'hydrogène et d'acide carbonique. 


28 M. W. BEYERINCK. 


d'oxygène. Ce caractère possède un certain degré d’hérédité. 

Le résultat principal de l’étude des cultures pures a d’ail- 
leurs été la pleine conviction que j’ai obtenue de pouvoir réaliser 
avec mes levains butyliques d’orge nue ce que donnent les 
ensemencements à l’aide des colonies butyliques. Les manipu- 
lation de cultures pures m'ont fourni de plus une série d’autres 
bactéries remarquables, capables de vivre dans les liquides de 
fermentation butylique et soit indifférentes soit nuisibles pour 
les organismes de cette fermentation. Sauf les , bacilles du foin”, 
tous ces organismes peuvent, par l'application d’une haute tem- 
pérature, être séparés de la bactérie butylique, car ils ne pro- 
duisent pas de spores, ou des spores qui succombent déjà à 
90°—95° C. 

Je signalerai encore que si les cultures pures et leur usage 
ne mont à vrai dire appris rien de nouveau au sujet de 
la fermentation, seules elles ont développé en moi ce senti- 
ment de satisfaction scientifique, nécessaire pour que l’on 
puisse considérer une étude comme terminée. Il y a d’ailleurs 
un point qui, sans les cultures pures, serait resté pour mes 
lecteurs sujet au doute, c’est le fait que la forme ,à oxygène” 
appartient bien réellement au ferment butylique. Une seule 
culture sur gélatine, opérée avec succès, montre de la manière 
la plus complète, par un simple examen microscopique, les 
relations qui existent entre les colonies à clostridiums et les 
colonies de bâtonnets ou de filaments. Si je n’avais pas étudié 
d’une manière complète et souvent employé les cultures pures, 
je n’aurais pas été personnellement moins convaincu de leur 
parenté réciproque, mais je me serais peut-être alors heurté 
à des contradictions, à présent exclues. 


$ 5. Le ballon à fermentation butylique 
et la fermentation principale. 


Il faut en premier lieu que le ballon soit disposé de manière 
que lair puisse être complètement évacué et que l'infection 
s’opère en conséquence à l'abri complet de l'oxygène. Le 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 29 


gaz formé doit pouvoir se récolter sans peine, et le contenu 
être constamment soumis à l’examen microscopique, toujours 
sans que l'air ait accès. 

Pour atteindre ce but assez compliqué, j'ai fait souffler plu- 
sieurs modèles de ballon; mais finalement je me suis arrêté 
à un dispositif très simple, que je puis spécialement recom- 
mander aux chimistes et physiologistes qui auraient l'intention 
de répéter mes expériences. 

S'il s’agit, comme dans le cas présent, d’anaérobiose presque 
complète, 1l est désirable de ne pas opérer sur de trop petites 
quantités des liquides en fermentation. Tous les organismes 
anaérobies des sucres qui me sont connus ont il est vrai le 
pouvoir de consommer par leur propre activité vitale les 
dernières traces d'oxygène; !) mais les expériences donnent les 
meilleurs résultats quand on limite autant que possible ce mi- 
nimum inévitable. J’opère en conséquence avec des ballons 
d’une contenance d’un litre à col très-étroit et allongé. La 
fermentation butylique ici décrite peut parfaitement être étudiée 
indépendamment de la méthode à la gélatine, et les chimistes 
aussi la répéteront donc sans difficulté. J’ai cru en consé- 
quence désirable de décrire non seulement le ballon à em- 
ployer, mais de figurer la disposition entière servant à la fer- 
mentation butylique. C’est ce qu’on trouvera fig. 8. 

On voit, dans cette figure, le ballon (9), placé dans un 
thermostat peu compliqué, composé d'un manchon à eau en 
cuivre rouge (w), enveloppé à son tour d’un manchon à air en 
fer blanc (!). Il y a de plus autour de tout l’ensemble un 
deuxième manchon à air, mais mobile et non représenté dans 
la figure. J'ai employé comme couvercle une plaque de bois 
(x) formée de deux moitiés, et disposée de telle manière 
(fig. 3 BP) que les bouchons servant à fixer en place le thermo- 
régulateur (r’) et le thermomètre ({), ainsi que le col du ballon 


1) L’anaérobiose absolue semble seulement se trouver chez quelques 
ferments des matières albuminoïdes. / 


30 M. W. BEYERINCK. 


de fermentation, soient maintenus dans des ouvertures semi- 
circulaires !). 

Le ballon (g) repose dans le thermostat sur un anneau de 
carton (p). Le col s’ouvre latéralement dans le ballon, ou 
présente pour parler plus exactement, une ouverture qui lui 
permet de déboucher à l’extérieur vers la périphérie du ther- 
mostat. Le couvercle de bois reste ainsi entièrement libre et 
peut servir à recevoir la cuvette à eau (y) et le support de 
la burette à gaz (r). 


Fig. 3. Disposition des appareils 
pour la fermentation principale. 
À. Ballon de fermentation dans le 

thermostat. 

g. Liquide en fermentation. 

gp. anneau de carton. 

h. col du ballon. 

a. tube abducteur des gaz. 


. cuvette a eau. 


s. col rodé. 

t. thermomètre. 
f bec: 
c 


cuvette d’eau du thermostat. 
. enveloppe d'air. 


1. 


y 
r. récipient à gaz. 
& 


. couvercle de bois. 


thermorégulateur. 

B. Le couvercle de bois, divisé en 
deux moitiés. 
k. orifice pour le thermorégulateur. 
t. orifice pour le thermomètre. 
h. orifice pour le col du ballon. 


= 


a 


Le tube abducteur du gaz (a), est rodé à son embouchure 
et s'adapte au col du ballon. Il peut être fermé au moyen 


1) Le thermostat ici figuré provient de feu À. Fitz. Tous les appareils 
de son laboratoire privé à Strasbourg et sa belle collection de sels cris- 
tallisés d’acides organiques, sont passés, à sa mort en 1885, à la fabrique 
néerlandaise de levüre à Delft. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 31 


d’un robinet de verre !). Il y a, lors de la fermentation bu- 
tylique, à cause de la formation de zooglée, passage constant 
d'un mucilage bactérien, entraîné par les gaz, dans la cuvette 
d’eau (y). On se trouve donc en mesure de recueillir toujours, 
à l’aide du porte-objets, des matériaux pour l’examen micros- 
copique. Il suffit pour cela de séparer le tube abducteur du 
col rodé du ballon de fermentation. Mais il est souvent dési- 
rable d'examiner de temps en temps le liquide lui même, soit 
par voie chimique, soit au microscope. On voit que le dispositif 
employé facilite beaucoup un examen de cette nature. Il suffit 
à cet effet d’incliner légèrement le ballon. Le liquide ferme 
l’accès du col, et le gaz est obligé de s’accumuler dans l’espace 
qui surmonte le moût en fermentation. Au lieu de la zooglée et 
de gaz, c’est le liquide lui-même qui se trouve en ce moment 
refoulé. On peut alors, soit en mouiller une lame porte-objet 
à l'embouchure même du col, soit le laisser entrer dans le 
tube abducteur et le récolter en telle quantité que l’on jugera 
désirable. Si l’on veut alors de nouveau récolter les gaz de 
fermentation, on n’aura qu'à replacer le ballon dans sa position 
primitive. Il ne sera pas inutile de faire remarquer que la 
forme du col, telle qu’elle à été choisie, permet de tourner 
le tube abducteur dans toutes les directions, sans que celui-ci 
cesse de se trouver à la même distance verticale du couvercle. 
On remarquera en manipulant l'appareil combien cette dispo- 
sition est commode pour la récolte du gaz. 

Le récipient (r) se compose de trois parties, séparées par 
deux robinets, savoir d’une cloche pour la récolte du gaz, 
d’un réservoir calibré et du tube abducteur permettant de 
conduire le gaz dans la burette d'analyse. Le tube abducteur 


1) J'ai fait construire également des ballons soudés en une seule pièce 
au tube abducteur; mais j'ai trouvé cette disposition fautive. Il est égale- 
ment peu pratique, comme je l’ai essayé, de placer le robinet sur le tra- 
jet du col du ballon, et non sur celui du tube abducteur. J'ai employè 
encore plusieurs systèmes de robinets à trois voies, mais je ne puis cepen- 
dant en recommander l'usage. 


DD M. W. BEYERINCK. 


doit être, il est vrai, étroit pour se laisser recouvrir sans peine 
d’un tube de caoutchouc, maïs cependant suffisamment large 
pour qu'on puisse facilement le remplir d’eau, au moyen 
d’une pissette, sans rencontrer de résistance capillaire. D’autres 
détails de moindre importance se déduiront de la figure. 

Le remplissage du ballon au moyen d’un liquide de fer- 
mentation absolument privé d’air réclame une attention toute 
spéciale. La fig. 4 montre comment on s’y prendra du pré- 


férence. 


Fig. 4 Remplissage du ballon à 
l’abri de l'air. 
g. Ballon de fermentation. 
tube de caoutchouc. 
. tube de communication. 
&. ballon d’ébullition. 
s. s'. Bains de sable. 


HT 


& > 


= 


- 


becs. 


Deux bains de sable (s, s’) 
sont placés l’un à côté de l’autre. 
Ils supportent respectivement 
le ballon de fermentation (g) et 
un ballon à ébullition ordinai- 
re (£), maintenus l’un et l’autre 
en ébullition vive au moyen de 
becs de Bunsen (f,f'). Un tube 
de verre (a), réuni au ballon 
de fermentation au moyen d’un 
tube de caoutchouc (r), per- 
met le passage de l’écume dans 
le ballon (4). Si toutefois celui- 
ci se remplit trop, on soulève 
un instant le ballon de fermen- 
mentation au-dessus du bain 
de sable, et l’on refroidit en 
soufHlant dessus l’espace qui 
surmonte le liquide. La va- 
peur d'eau se condense; le 
liquide bouïillant passe instan- 
tanément de Z dans 9, et rem- 


plit de nouveau ce ballon. Du moment que l’on considère 
l’oxygène comme complètement éliminé, on délivre le tube 
(r) du tube de caoutchouc; on ferme celui-ci au moyen d’un 
fragment de baguette de verre, tandis que l’ébullition est 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 33 


encore vive et qu'un jet de vapeur sort du ballon. Celui-ci 
est alors enlevé du bain de sable et mis à refroidir. Il est 
évident qu’un vide se forme en même temps que le tube 
de caoutchouc se contracte complètement et se bouche. Cette 
fermeture est tellement hermétique que dans un ballon préparé 
en juillet le vide s’est encore trouvé conservé en octobre, et 
que j'ai pu y développer la fermentation butylique. 
L’infection au moyen du levain butylique ou de bactéries 
butyliques desséchées ou de colonies 
des mêmes organismes doit encore 
avoir lieu avec quelque prudence. On 
trouve fig. 3 la manière dont on 
_opérera avec le plus de succès. 
Après qu’on aura éliminé l’oxygène 
de la solution et refroidi celle-ci à la 
température de fermentation, on main- 
tiendra fermé avec les doigts le tube 
de caoutchouc (r), d’ailleurs déjà com- 
primé par la pression atmosphérique ; 
on enlève alors le bout de baguette 
de verre et l’on glisse à la place un 
entonnoir stérilisé ({) dans l’extrémité 


supérieure du tube. Si l’on se propose 
d’ensemencer à l’aide de levain buty- 
lique, on versera celui-ci dans l’enton- 


Fig. 5. Infection du ballon 
à l'abri de l’air. 


g. Liquide de fermentation. 

v. Vide. _ noir de manière que l’air puisse s’échap- 
h. Col. per par la partie supérieure du tube de 
r. Tube de caoutchouc. caoutchouc. On diminue alors, à l’aide 
t. Entonnoir de verre. 


À TR ne, as doigts, la DEEE . telle tonte 
qu'un peu du levain puisse pénétrer de 
l’entonnoir dans le ballon; puis on ferme de nouveau complète- 
ment par une pression nouvelle l’accès de l'air, on éloigne l’enton- 
noir et l’on enfonce le bouchon de verre dans la partie supérieure 
du tube de caoutchouc. Si l’on veut ensemencer au moyen de 
bactéries sèches, de colonies bactériennes, ou d’autres matériaux 


Arcaives NÉERLANDAISES, T. XXIX. 3 


34 M. W. BEYERINCK. 


quelconques, on remplit l’entonnoir d’un peu d’eau stérilisée 
et bouillie, tenant en suspension la matière destinée à l’ense- 
mencement, et l’on opère d’ailleurs comme ci-dessus. On porte 
le ballon dans le thermostat, et quand la production d’écume 
et de gaz deviennent si intenses que le bouchon de verre est 
presque expulsé, on enlève vitement le tube de caoutchouc et l’on 
adapte le tube abducteur au col rodé du ballon. Si la quantité 
de substance d’ensemencement n’a pas été trop faible, la fer- 
mentation commence tout de suite, et au bout de six à huit 
heures il règne dans le ballon une pression assez forte pour 
qu'on puisse y adapter le tube abducteur sans devoir craindre 
l’accès de l'air. 


$ 6. Marche de la fermentation butylique. 
Forme et motilité d'u ferment 
butylique. 


Je supposerai que la fermentation se passe dans un liquide 
de la nature décrite ci-dessus, à réaction presque neutre, peut- 
être très-légèrement acide, présentant une densité en extrait d’en- 
viron 10 degrés saccharométriques, renfermant tout au plus 1 
à8%. de glucose, et riche en maltose, en maltodextrine et en 
peptones du malt. La température de fermentation est de 30 
à 35° C; le processus s’affaiblit vers 40° C.; peut-être 38° C. 
représente-t-il un optimum pour la vitesse de la production 
d'hydrogène et d’acide carbonique. 

L’élimination absolue de l’oxygène des ballons de fermen- 
tation ne pourra sans doute jamais s’opérer par l’ébullition, 
et devra se faire par l’activité même des bactéries. Nous avons 
vu d’ailleurs que la fermentation peut commencer malgré qu'il 
y a encore des traces d'oxygène en présence Mais il est 
très-remarquable, comme il à été dit au $ 5, que la forme des 
bactéries est déterminée par ces circonstances, de sorte que 
l’on distinguera une ,forme à oxygène” et une , forme anaérobie” 
du ferment butylique. Nous pourrons appeler cette dernière, 
vu ses caractères morphologiques, la forme clostridienne. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 35 


Si le développement de la forme à oxygène s’est fait sous l’in- 
fluence d’une quantité très-petite de cet élément, elle n’est repré- 
sentée que par des bâtonnets à motilité vive, très-semblables 
au Bacillus subtilis, mais en différant par ce que les indi- 
vidus constituant les chaînes de bactéries sont très-courts 
(fig. 6), et par la présence de ,granulations” particulières 
dans l’intérieur des bâtonnets. On trouve d’ordinaire tous les 
bâtonnets en train. de se mouvoir vivement, maïs les mou- 
vements peuvent sans cause bien tranchée s’arrêter chez quel- 
ques-uns des individus ou bien chez tous. L'étude de la mo- 
tilité des bâtonnets qui sont restés longtemps mobiles, sous 
le couvre-objet, en présence 
de l’air, montre que les mou- 
vements cessentquand l’oxy- 
scène fait absolument défaut, 
dans une atmosphère d’hy- 
drogène par exemple, mais 
reprennent quand l'oxygène 
a de nouveau libre accès, et 
peuvent même continuer 
pendant quelque temps 
quand la pression est deve- 
nue égale à celle de lat- 
mosphère. Mais dans cette 


Fig. 6. (Zeiss, F. 2. Gross. 700) dernière circonstance il per- 
Forme à oxygène du Granulobacter bu- 


tylicum. Les mouvements sont indiqués 


dent bientôt totalement leur 
par des flèches. motilité. 

On peut observer dans ces 
mêmes préparations que les bâtonnets mobiles ne peuvent 
supporter qu'une tension d'oxygène très-basse et qu'ils se ras- 
semblent après quelque temps au milieu du champ formé 


par le couvre-objet. J’ai appelé à une autre occasion !) cette 


1) Centralblatt f. Bacteriologie, Bd. 14, pag. 841, 1895. 
3* 


36 M. W. BEKYERINCK. 


figure de respiration” le ,type anaërobie”, contrastant avec 
les ,type aréobie” et ,type spirille”, découverts par M. 
Engelmann. !) 

Si pendant leur développement les bâtonnets ont été soumis 
au maximum de tension d'oxygène encore compatible avec leur 
croissance, tous demeurent absolument en repos. Ce sont sur- 
tout les colonies en culture pure sur gélatine, sur un milieu 
qui retient si facilement un peu d'oxygène, qui se montrent 
composées de cet état immobile. Souvent il y apparaît de longs 
filaments absolument différents des bâtonnets butyliques ordi- 
naiïres. Je déduis de cette dernière circonstance que la motilité, 
montrée en présence d'oxygène par des préparations fraîches 
provenant d’un liquide en voie de fermentation, n’est qu’un 
phénomène passager, malgré qu’il puisse se prolonger pendant 
des heures. 

Les clostridiums qui prennent naissance à l’abri complet 
d'oxygène peuvent, à l'inverse de la forme aérobie, se trouver 
en mouvement assez vif, aussi bien au centre du liquide de 
fermentation qu’en présence d'oxygène, comme des bactéries 
aérobies ordinaires. Les mouvements que l’on observe en l’ab- 
sence d'oxygène sont d’une nature particulière et se distin- 
guent de la motilité en présence de ce gaz par ce que les 
bactéries ne montrent que peu de tendance à changer de 
place, et ne nagent en divers sens et n’oscillent que dans un 
espace restreint. 

J’opère, pour faire une observation absolument correcte, de 
la manière suivante. 

Quand je suis en possession d’une liqueur en fermentation bien 
vigoureuse, d’où s'échappe une zooglée riche, j’éloigne le tube 
abducteur et je glisse à la place un tube de caoutchouc sur le 
col du ballon. L’autre bout du tube s’adapte à une chambre 
de verre de Geissler rétrécie en son centre en un espace 


) Botan. Zeitung 1881, pag. 441; 1889, pag. 338 et 1888, pag. 696. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 37 


capillaire et reposant sur la table du microscope !). La zooglée 
doit alors traverser la chambre et s’écouler par l’autre extré- 
mité où l’on à adapté un autre tube de caoutchouc. Ces 
deux tubes sont fermés par des pinces, qui, quand elles sont 
fermées, maintiennent la zooglée en repos et en permettent 
l'examen au microscope. 

On peut admettre, je pense, avec pleine certitude qu’une 
telle disposition permet de chasser de la chambre de verre 
même les dernières traces d’oxygène. Cela durera sans doute 
un certain temps, à cause de la forme particulière même de la 
chambre, où le courant périphérique ne peut entraîner que 
lentement le liquide retenu dans l’espace capillaire central. 
Mais il ne semble pas douteux que finalement les dernières 
traces d'oxygène devront être entraînées. Le mouvement des 
bactéries peut donc être provoqué non-seulement par l’oxygène 
libre, mais encore par une réserve d'oxygène solide fixée dans 
le protoplasme, et demeurant inaltérée même dans un milieu 
privé de ce gaz. 

Le résultat principal fourni par cette expérience, c’est 
donc la démonstration du fait que même en l’absence com- 
plète d’oxygène, le mouvement de la substance vivante 
reste possible. Toutes les théories qui rapportent les mou- 
vements protoplasmiques en général à l’affinité pour l’oxy- 
gène ?) sont donc par là-même réfutées. 

Les ,figures de respiration” dites ,anaéërobies” sous couvre- 
objet peuvent être observées aussi et très-facilement avec les 
clostridiums, sans les moindres précautions particulières. 

Quelle peut être la signification biologique de ces mouve- 
ments; quelle est leur utilité pour l’organisme anaérobie? Il 
nous faudra, pour résoudre ces questions, songer je crois non 


1) C’est donc presque la même disposition employée par M. Pasteur dans 
ses ,Etudes sur la bière” p. 288, 1876. On peut se procurer l'appareil chez 
M. Alvergniat, Paris, 10 Rue Sorbonne. Catalogue 1887, No. 185, p. 59. 

2) M. Verworn, Die Bewegung der lebenden Substanz. Jena 1892. 


38 M. W. BEYERINCK. 


seulement à , l’aérotaxie” de M. Engelmann mais encore aux 
déplacements chimiotactiques découverts par M. Pfeffer !), et 
nous représenter que les clostridiums répondent par des mou- 
vements à l'excitation provoquée par de légères variations de 
concentration de leur milieu nutritif, aussi bien dans la tension 
de l'oxygène que dans la concentration des aliments organi- 
ques et des phosphates, et recherchent, au milieu de ce mélange 
complexe de circonstances, celles qui leur sont le plus favorables. 

Pourtant les recherches à faire dans cette direction avec les 
microbes anaérobies sont très-subtiles et à peine ébauchées. 
D'autres bactéries, plus faciles à manipuler, et particulièrement 
l'espèce que j'ai appelée Bacillus perlibratus (L.c.), nous donneront 
probablement dans la suite des indications précises. 

La forme à oxygène du ferment butylique se rencontre 
également bien dans les liqueurs infectées au moyen du 
ferment et dans les cultures sur gélatine. Les moûts mis 
en fermentation par l’addition d’un levain butylique brut, 
généralement mélangé de Bacillus subtilis, peuvent renfermer 
dans les premiers stades cette bactérie, aérobie il est vrai, mais 
qui ne réclame pas beaucoup d’oxygène. Il importe d'appeler 
l'attention sur ce fait parce que la forme à oxygène du ferment 
butylique ressemble, comme nous l’avons, vu, beaucoup au 
Bacillus subtilis, de manière qu’il ne paraît pas impossible de 
les confondre. On emploiera donc de préférence des cultures 
pures pour étudier la forme à oxygène. On conçoit d’ailleurs 
sans peine que des espèces aérobies, telles que le Bacillus 
subtilis, ne pourront se développer longtemps dans les liqueurs 
dont la fermentation devient de plus en plus intense. Mes 
nombreuses cultures sur gélatine, provenant de liqueurs de 
cette nature, ont montré à l'évidence que si même elle est 
présente à l’origine, l’espèce citée ne tarde pas à disparaître 
complètement, si complètement même queje dois admettre qu’elle 


1) Die chemotactischen Bewegungen von Bacterien, Flagellaten und 
Volvocineën, Tübinger Unters. XI, p. 582, 1888. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 39 


a péri. Même le Gr. Polymyxa, cette espèce précédemment citée 
comme un hôte passablement constant des levains butyliques, et 
temporairement anaérobie comme la levûre de bière quoique à un 
degré moindre, — même cet organisme disparaît rapidement des 
fermentations butyliques proprement dites. L’examen bactério- 
logique montre que cette auto-purification du liquide en voie 
de fermentation est à peu près terminée, pour ce qui regarde les 
deux organismes mentionnés, au moment où la forme à oxygène 
en bâtonnet du ferment butylique est remplacée plus ou moins 
complètement par les clostridiums. A partir de ce moment, et 
malgré la grande diversité de forme des individus pris isolément, 
l'examen au microscope, pour un observateur exercé, démon- 
tre qu'ordinairement il y a entre les deux types de notre 
ferment une ressemblance incontestable. Peu à peu le liquide 
se peuple de plus en plus jusqu’à ce que la masse entière se 
transforme en un mucilage cohérent, comme une zooglée 
résistante, passant, jusqu'à la fin de la fermentation, par le 
col du ballon en même temps que les gaz formés. L’image 
microscopique des diverses formes appartient aux sujets d'étude 
les plus remarquables que la physiologie de la fermentation 
puisse nous ofirir. 

Examinons encore d’un peu plus près les métamorphoses 
de la forme ,à oxygène” en la forme clostridienne, telle que 
l’examen microscospique nous permet de l’observer. 

La forme ,à oxygène” du ferment butylique ne produit pas de 
zooglée proprement dite. Elle apparaît à la surface du liquide 
en fermentation sous forme d’une mousse légère. Les bulles 
gazeuses qui prennent naissance renferment dès l’abord de 
hydrogène et de l'acide carbonique. Aussi longtemps qu’il 
y à encore de l’oxygène en présence il ne se forme pas 
d’alcool butylique. 

La deuxième phase de la fermentation est caractérisée 
par le développement énorme des bactéries, qui correspond 
à la disparition complète de l’oxygène en réserve et à l'apparition 
de la fonction réductrice. La forme des bactéries, à partir de ce 


40 M. W. BEYERINCK. 


moment, change rapidement. Des clostridiums renfermant de 
la granulose, isolés ou réunis en chapelet, apparaissent de toutes 
parts et remplissent bientôt le liquide tout entier, si bien 
qu’une goutte d’une solution d’iode dans l’iodure de potassium 
colore en bleu noirâtre une préparation prise dans le col du 
ballon. C’est précisément à cette phase de la fermentation que 
l’image microscopique des organismes est tout particulièrement 
intéressante. Chaque expérience nouvelle montre des faits nou- 
veaux, et je ne puis donc figurer qu'une couple de cas déter- 
minés, tel que celui présenté par les fig. 7 et 8. Les diverses fer- 
mentations sont très-différentes au point de vue de la motilité 
des clostridiums, de leur longueur et de leur épaisseur, ainsi 
que de leur teneur en granulose. Elles varient encore davan- 
tage au point de vue de la 
présence ou de l’absence de spo- 
res, et quant à la forme et aux 
dimensions de ces dernières. Par- 
fois tout est en train de se mou- 
voir avec vivacité; parfois au 
contraire il règne un repos ab- 
solu, et cet état se prolonge pen- 
dant douze heures et plus, tan- 
dis que la zooglée épaisse s'écoule 


sans interruption par le col du 

Fig. 7. (Zeiss, F. 2, Chambre 
ballon et le tube abducteur. La claire, Gross. 700), Granulobacter 
richesse en formes de ces liqueurs  purylicum, Forme clostridienne 
est telle, qu'à peine deux bacté- d’un levain butylique. Les frag- 
ries se ressemblent complète- ments de farine ont été négligés. 


ment. Il serait donc superflu de La grannlose et 


Ce : spores nettement contourées. Le 
donner des détails, et je me 


mouvement est indiqué par des 
contente, comme je l’ai dit, de flèches. 

renvoyer aux fig. 7 et 8, en 

guise d'exemples. La fig: 7 représente, il est vrai, un levain 
butylique typique (les fragments de farine étant toutefois 


laissés de côté), mais des combinaisons pareilles se ren- 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 41 


contrent sans peine dans les ,fermentations principales.” 

L'organisation interne du ferment butylique est très-carac- 
téristique. et je crois qu'on peut distinguer dans le corps 
de la bactérie différents organes. C’est ainsi que la granulose 
s’accumule dans une certaine partie déterminée du corps, à 
la vérité d’une forme très-variable !). La spore apparaît égale- 
ment dans une région spéciale et est entourée d’un espace aréo- 
laire, comme on le voit aussi dans les figures de de Bary du 
G. saccharobutyricum ‘) et dans les miennes. Au centre se trouve 
un espace, que je considère comme une vacuole parce que le 
contenu en est si mou que des parcelles qui s’y rencontrent 
accidentellement sont mobiles. Cet espace n’est visible qu’avec 
l'emploi de l’immersion ho- 
mogène, et encore dans quel- 
ques cas bien favorables 
seulement et chez un petit 
nombre de bactéries vivan- 
tes. Il devient particulière- 
ment évident quand l’or- 
gane à granulose y fait 
saillie sous forme d’un 
appendice allongé. Quand 
cela arrive, ce prolonge- 
ment exécute dans l’intéri- 
Fig. 6. (Zeiss, F. 3. Chambreclaire. eur de l’espace des mouve- 


Gross. 1100). Granulobacter butylicum. ments passifs, quand le clos- 
Forme clostridienne d’une fermentation 
principale. La granulose ombrée, les 
spores nettement contourées. Le mou- : j 
vement indiqué par des flèches. démonstration évidente que 


le centre de la bactérie est 


à 
NE 


tridium se déplace ou se re- 
courbe. Ceci fournit une 


de consistance très-molle, peut-être même liquide; sinon un 


1) La même chose a lieu pour , l'organe glycogénique” du Saccharomyces 
ainsi que pour les ,amyloplastes” des Algues vertes inférieures, telles que le 
genre Chlorella. 

2) Voir pag. 8 Note 1. 


49 M. W. BEYERINCK. 


corps si délicat comme le prolongement protoplasmique de 
l'organe à granulose ne pourrait pas absolument y présenter 
de phénomènes d'inertie. 

Les spores du ferment butylique appartiennent aux spores 
bactériennes les plus volumineuses connues jusqu’à présent. 
Elles mesurent très-souvent jusque 2 x de longueur sur 1 « 
d'épaisseur. Elles sont de forme elliptique ou cylindrique, à 
extrémités arrondies. Leurs dimensions permettent de les re- 
connaître même au milieu de spores de la bactérie du foin. 
Elles liquéfient leurs parois à la germination ou les transfor- 
ment en mucilage, comme on peut l’observer sous le couvre- 
objet paraffiné dans une goutte de moût. Une rupture violente 
de la paroi n’a certainement pas lieu, et ce fait les distingue 
des spores du Bacillus subtilis, dont la germination est si bien 
connue par les recherches de de Bary et de M. Brefeld. 

Le protoplasme hyalin des clostridiums butyliques renferme 
des granules ou microsomes; je :’ai pu y observer de noyau 
cellulaire. 


$ 7. Présence d’'oxysène combiméendens 
les moûts en fermentation "PhémiM: 
mêènes qui terminent le "processus: 


Jamais je n’ai observé de culture butylique, (et jamais non 
plus de colonie sur gélatine), qui ne présentàt pas de bà- 
tonnets et fût exclusivement composée de clostridiums. Quelle 
que puisse être la cause de la naissance de cette dernière 
forme, cette cause ne peut agir uniformément sur toutes les 
bactéries renfermées dans une liqueur en fermentation. Cette 
liqueur elle-même ne présente pas dans sa masse de diffé- 
rences capables d'expliquer une manière d’être si remarqua- 
ble, et il faut donc en chercher la raison dans des circon- 
stances d’origine interne. Il est certain que ces circonstances 
sont de nature passagère et peuvent être amenées à se ren- 
verser. On peut se convaincre en effet que les bâtonnets et 
les clostridiums, transportés sur gélatine, peuvent donner des 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES 43 


cultures identiques à la semence même, ou tout au contraire 
les bâtonnets peuvent produire des clostridiums, les clostridiums 
des bâtonnets. Mêmes les spores se transforment à la ger- 
mination, suivant les circonstances, soit en bâtonnets soit 
en clostridiums. Je ne puis m'empêcher de croire que cette 
différence de forme dépend ou bien de la possibilité d’un pro- 
cessus de réduction ou bien de l’absorption directe de l'oxygène 
dissous et de son accumulation dans les bâtonnets. Cette con- 
clusion est précisément amenée par l’existence de la forme , à 
oxygène” et de la forme clostridienne du ferment. 

Une liqueur qui montre une telle fécondité dans la production 
de substance vivante, et dans laquelle les phénomènes morpholo- 
siques des bactéries rendent probable une certaine action de 
l'oxygène, peut-elle être néanmoins regardée comme absolument 
exempte d'oxygène dissous ? Je me suis souvent posé cette ques- 
tion et J'ai essayé de diverses manières d’arriver à une conclusion 
certaine. La chose est du plus haut intérêt théorique, car il 
ne s’agit de rien moins que de la démonstration du fait s’il 
y à une anaérobiose continue, infinie, ou si encore dans ce 
cas, de même que chez la levûre de bière, elle n’est que 
passagère !). 

Il faut répondre comme suit. La levûre de bière ne peut 
donner, en l'absence d'oxygène libre, mais dans les cir- 
constances d'alimentation les plus favorables d’ailleurs, que 
quelques divisions cellulaires (vingt à trente) et cesse alors de 
se développer et de fermenter. Elle finit par périr en même 
temps que ses cellules se rompent. Il en est tout autrement 


1) Je dois observer ici qu'il y a deux classes d’anaérobies obligatoires. 
La première classe est représentée par le ferment butylique, qui absorbe lui- 
même les dernières traces d'oxygène dissous. La seconde classe comprend 
par exemple quelques ferments de putréfaction des peptones et le ferment 
de la réduction des sulfates; c’est seulement quand on emploie les moyens 
les plus puissants d'élimination de l'oxygène que leur culture réussit. Il 
est bien entendu que je ne m'occupe dans ces pages que de la première 
de ces deux classes. 


A4 M. W. BEYERINCK. 


chez le ferment butylique. La même liqueur fermentescible, 
dans laquelle la levûre de bière se développerait et fermen- 
terait abondamment en présence d'oxygène, mais périrait sans 
cet élément, permet un développement et une fermentation 
indéfinis du ferment butylique, alors même que l’oxygène fait 
absolument défaut. J’ai mis en action sept fermentations 
successives, à l'abri le plus complet possible d'oxygène, en 
me servant pour l’inoculation de matériaux empruntés chaque 
fois à l'expérience précédente, et la septième fermentation ne 
présentait pas trace de diminution d'intensité ni aucune 
particularité saillante. Ceci veut donc dire que plusieurs 
millions de divisions cellulaires peuvent se succéder sans 
interruption, à l’abri complet de l’oxygène. 

La fermentation butylique n’est pas contrariée par l’indigo- 
sulfate neutre de sodium. L’addition de ce sel, avant l’ébul- 
lition, au liquide de fermentation, donne une solution colorée 
en bleu foncé. Or nous savons que les bactéries butyliques 
possèdent un pouvoir réducteur intense et l’on voit en effet, 
aussitôt que la fermentation s'établit, l’indige bleu se trans- 
former en indigo blanc. Je considère ce phénomène comme 
un indice certain qu’il ne peut plus y avoir d’oxygène libre 
en présence, et cependant c’est à partir de ce moment que 
la fermentation acquiert toute son intensité. 

On objectera, il est vrai, que les bactéries doivent avoir 
consommé auparavant la très-faible quantité d'oxygène dispo- 
nible, et peuvent vivre longtemps peut-être à ses dépens. 
Voici comment j'écarte cette objection. 

Le réactif de Schützenberger, l’hydrosulfite de a 
(SO, Na,) est un puissant agent réducteur, qui possède la 
propriété de ne pas agir comme toxique à l’égard du ferment 
butylique et de ne pas se décomposer à l’ébullition. J’ai donc 
ajouté à ma liqueur de fermentation de l’indigosulfate de 
sodium, et de l’hydrosulfite en unie suffisante pour réduire 
complètement le bleu d’indigo à l’état d’indigo blanc. Un 
léger excès d’hydrosulfite empêche la solution de se bleuir 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES, 45 


par l'agitation au contact de l’air. Ce liquide plus que réduit 
s’est cependant montré très-propre à la fermentation butylique, 
et je crois donc démontré que le ferment en question est capable 
de se développer indéfiniment en l’absence d'oxygène dissous !). 

Je ne veux pas abandonner cette question sans avoir examiné 
d’un peu plus près comment se comporte ,l’oxygène combiné”. 

Toutes les fermentations vigoureuses où prend naissance de 
l’alcool butylique ont été obtenues à l’aide de moût de malt 
d'orge. Or nous savons depuis M. Pasteur ?) que le moûtne 
dissout pas seulement physiquement une quantité considérable 
d'oxygène, mais la retient en partie chimiquement combinée, de 
telle sorte qu’on ne peut l’éloigner par l’ébullition. Cependant 
d’après M. Pasteur la levûre aurait le pouvoir d'employer 
cet oxygène combiné. S'il en est réellement ainsi, le ferment 
butylique sera d’autant plus apte à exercer cette fonction qu'il 
réduit si énergiquement certaines substances du milieu fermen- 
tescible, à l’égard desquelles la levûre est entièrement inac- 
tive, par exemple les nitrates *). Je ne suis pas, quant à moi, 
persuadé que la levûre pourraît, comme le pense M. Pasteur, 


1) J’examinerai à une autre occasion comment se comporte la levüre 
alcoolique à l’égard d’un pareil milieu réduit (voir aussi 12). 

2) Etudes sur la bière, p. 357. Paris 1876. Un litre de moût de bière 
dissout d’après Pasteur 7 cm°. d'oxygène libre et en combine chimique- 
ment 41 cm°. c'est-à-dire à peu près six fois autant. 

3) L’exposé des expériences de M. Pasteur (1. c. p. 364) m'a fait songer 
aux difficultés suivantes. L’hydrosulfite de sodium sert à titrer l'oxygène 
dissous; l’indigosulfate de sodium sert d’indicateur, et est lui-même réduit 
à l’état d’indigo blanc par l’hydrosulfite. La levûre toutefois ne se com- 
porte pas comme réducteur à l'égard de l’indigosulfate de sodium. Elle 
pourrait cependant, d’après M. Pasteur, consommer l’oxygène combiné du 
moût, donc réduire un corps déterminé quoique inconnu du liquide. 
L'hydrosulfite de sodium au contraire, qui agit à l'égard de l’indigo comme 
un réducteur si énergique, ne pourrait emprunter au moût que l’oxygène 
dissous. Ceci me semble être une contradiction, que l’on fera disparaître en 
refusant à la levüre le pouvoir de consommer l’oxygène tenu en combinaison 
dans le moût. 


A6 M. W. BEYERINOK. 


employer l’oxygène combiné à entretenir ses combustions vi- 
tales, maïs je crois la conclusion de M. Pasteur absolument 
fondée pour ce qui concerne le ferment butylique. Cet organisme 
peut, à mon avis, gràce à son pouvoir réducteur, atteindre 
ce que d’autres organismes doivent à leur respiration aérienne, 
c’est-à-dire l'entretien de leur énergie vitale. C’est un fait 
acquis que les rares anaérobies obligatoires connus jusqu’à 
présent et doués du pouvoir fermentateur ne le peuvent que 
s’il y a des substances réductibles dans le milieu où ils vi- 
vent, et que l’on peut démontrer chez ces formes un pou- 
voir réducteur constant. 

Mais revenons à notre sujet plus immédiat. 

Je ne puis indiquer un moment déterminé, caractérisant 
la fin de la fermentation butylique. Le vif dégagement de 
gaz qui accompagne le développement abondant des bac- 
téries, dure, suivant les circonstances, de deux à trois jours. 
Au bout de trois jours cependant tout développement ultérieur 
est à peine sensible, et la production d’alcool butylique cesse 
également. La production de gaz au contraire peut continuer 
encore des semaines entières à la température ordinaire. Pen- 
dant que cette fermentation secondaire s’accomplit, le liquide 
devient de plus en plus fluide, et l’image microscopique montre 
que les bactéries disparaissent en partie. L’organe à granulose 
ainsi que le protoplasme incolore diminuent considérablement 
de volume, et l’on peut avoir de la difficulté à montrer encore, 
dans des cultures conservées un certain temps, la présence, 
au moyen de l’iode, de la granulose. Les spores restent natu- 
rellement inaltérées, mais perdent au bout d’un an leur pou- 
voir de germination. Tous ces phénomènes, à l’exception de la 
fermentation secondaire, sont peut-être indépendants de la 
présence ou de l’absence d'oxygène, et peuvent tenir simple- 
ment à la disparition des substances nutritives, La fermenta- 
tion secondaire au contraire semble exiger des traces d’oxy- 
gène libre, peut-être parce que les matières réductibles ont 


disparu. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 47 


$ 8 Sur les gaz de la fermentation butylique 
et sur l’alcool butylique. 


Les formes aérobies des Granulobacters jouent le rôle prin- 
cipal dans les fermentations spontanées des bouillies de fa- 
rine crue qui s’observent journellement dans la pratique et 
provoquent le dégagement tumultueux de gaz qui les carac- 
térisent. Je pourrais donc commencer tout naturellement par 
la description de ces phénomènes. Je préfère cependant ren- 
voyer ceci à une autre occasion, et traiter ce point à propos 
de l’histoire du Granulobacter saccharobutyricum et du ferment 
lactique. Cela m'entraînerait trop loin, en effet, de m’étendre 
aussi longuement que leur importance l’exige, sur les phéno- 
mènes particuliers que l’on observe à ce propos; d’autant plus 
que tout ce que l’on a publié jusqu'à présent sur les bactéries 
de la pâte de pain n’a guère de signification. Les points qui 
intéressent réellement aussi bien la pratique que la science 
n’ont pas même été effleurés, et la question ne saurait donc 
être résolue en peu de mots. 

La production de gaz accompagnant la fermentation buty- 
lique est très-violente. Il ne faut, quand on se sert de ballons 
d’un litre, que quelques heures pour récolter plusieurs cen- 
taines de centimètres cubes de gaz. Il est donc facile de 
faire en un petit nombre de jours une série entière d'analyses. 
Comme on ne peut songer à atteindre ici le plus haut 
degré de précision, on se servira avec succès de la méthode 
de Hempel et de pipettes à boules. Le premier résultat 
auquel on arrive, c’est que depuis le début jusqu’à la fin de 
la fermentation les gaz ne se composent que d'hydrogène et 
d'acide carbonique, et se laissent donc complètement absorber 
par le noir de palladium et la potasse caustique. Il ne reste, 
après l’absorption de ces éléments, pas trace de méthane ou 
d’autres hydrocarbures !). 


1) Le gaz des marais ne peut donc être un produit de fermentation 
butylique. Le Granulobacter saccharobutyricum, lui non plus, ne donne 


F4 


48 M. W. BEYERINCK. 


Aussi longtemps que la forme ,à oxygène” du ferment bu- 
tylique prédomine dans les fermentations, le volume d’hydro- 
gène dépasse de beaucoup celui de l’acide carbonique. Dans 
ce premier stade du processus, coïncidant toujours avec la 
présence dans les moûts d’une quantité plus ou moins grande 
de glucose, la composition moyenne des gaz produits correspond 
à CO, + 4 H,, c’est-à-dire un volume d’acide carbonique sur 
quatre volumes d'hydrogène. 

Du moment que l’anaérobiose devient plus complète la 
teneur des gaz en hydrogène devient plus forte. Quand la 
fermentation est pleinement en train, c’est-à-dire quand les 
bactéries se développent le plus rapidement et que l’alcool 
butylique se produit en quantité le plus considérable, le rap- 
port des volumes est CO, + IT,, c’est-à-dire volumes égaux. 
Cette proportion peut se conserver dans les stades suivants, 
ou bien l’augmentation relative de la quantité d’acide car- 
bonique continue. Si cette dernière éventualité se réalise, la 
composition qui s’observe finalement correspond à 5 CO, + H,, 
c’est-à-dire cinq fois plus d’acide carbonique que d'hydrogène. 
Dans le cours des fermentations secondaires, surtout celles 
qui s’établissent à basse température, la teneur des gaz en 
hydrogène augmente de nouveau légèrement. 

Il est remarquable que des colonies différentes provenant 
d’une même culture pure ne donnent pas, ensemencées dans 
des moûts de composition identique, les mêmes résultats au 
point de vue de la composition des gaz formés. Je ne puis dire 
avec certitude comment il faut expliquer ce phénomène, mais je 
crois qu’il est provoqué par la prédominance dans les colonies 


S 


de l’une ou de l’autre forme, clostridienne ou à oxygène, du 


nee 


jamais de méthane. Je signale ce fait parce que M. Hoppe-Seyler attribue 
la fermentation du méthane au ,,Bacillus Amylobacter” Quant au Granu- 
lobacter lactobutyricum, tout ce que je puis en dire c’est que cette bactérie 
ne donne aux dépens du lactate de calcium que de l'hydrogène et de 
l'acide carbonique, et n’a pas réussi dans mes expériences à attaquer les 
hydrates de carbone. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 49 


ferment butylique. Je dois cependant faire remarquer que 
même dans le stade initial de la fermentation pendant lequel 
la forme à oxygène possède encore la prépondérance, l’indigo- 
sulfate de sodium est déjà réduit à l’état d’indigo blanc. Si 
donc, ce que je considère comme probable, c’est la présence 
ou l’absence d'oxygène qui cause les variations dans le rap- 
port des gaz produits, c’est la réserve d’oxygène solide du 
plasma bactérien, et peut-être aussi celle que le moût retient 
chimiquement qui peut seule être en jeu, et non l’oxygène 
en solution physique. 

Il ressort de ce qui précède qu'il serait illusoire de pré- 
tendre donner de la fermentation butylique une formule propre 
à exprimer quantitativement les gaz formés dans le phéno- 
mène. C’est évidemment la substance des bactéries elle même, 
produite pendant la fermentation en quantité énorme et 
impossible à exprimer par une formule chimique, qui rend 
vaine toute détermination des rapports numériques. 

Le rendement en alcool butylique échappe également encore 
à toute détermination précise. Tout ce que je puis dire, c’est 
que les levains butyliques, ensemencés artificiellement au 
moyen de bactéries sèches et exempts dès le début de Gr. 
saccharobutyricum, fournirent à là distillation 1 à 3°/ du poids de 
la farine d'orge en alcool butylique. De bonnes fermentations 
principales me donnèrent jusque 1 à 2°/ d'alcool, rapporté au poids 
de farine. Il n’y a pas moyen, à cause de la production de zooglée, 
de déterminer au saccharomètre le degré de fermentation. 

L'alcool boat à 117° C. environ et se dissout à 15° C. dans 
environ 10 parties d’eau, d’où l’on peut le séparer au moyen 
de chlorure du calcium. La rectification fournit une petite 
quantité d’un alcool à point d’ébullition inférieur, peut-être 
de l'alcool propylique. Le produit est d’ailleurs très-pur. Si 
l'alcool butylique était un corps important au point de vue 
technique, mon procédé permettrait de le préparer en grand 
et à frais très-modérés. | 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 4 


50 M. W. BEYERINCK. 


$ 9. Récolte des bactéries butyliques. 
Leur teneur en azote. 


La fertilité des fermentations butyliques bien vigoureuses est 
si considérable, que les moûts butyliques (ne s’acidifiant pas) 
absolument privés d'oxygène finissent par devenir complètement 
filants. Il est très-intéressant de précipiter la zooglée bacté- 
rienne d’un liquide fermenté de cette nature. Cela réussit 
d’une manière presque parfaite avec l'alcool fort. Celui-ci 
coagule la zooglée et permet de l’enlever en une seule masse 
collante, comme de la fibrire, à l’aide d’une baguette de 
verre. On peut exprimer la masse jusqu’à siccité presque 
complète sur une plaque de verre épais. Le liquide fermenté 
est ainsi très-complètement éliminé, et la zooglée devient une 
plaque assez résistante, blanche ou un peu brune, exelusive- 
ment formée de bactéries. Desséchée à 37° au thermostat, la 
masse peut être facilement pulvérisée. Les spores du ferment 
butylique y sont toutes vivantes; les bactéries elles-mêmes ne 
sont que partiellement tuées. 

La précipitation complète de la zooglée parfaitement pure 
a lieu quand la quantité d'alcool ajoutée a porté la concen- 
tration du moût à 60 % environ en teneur d’alcool absolu. 
Si l’on continue à ajouter encore plus d’alcool, les dextrines 
non fermentées se précipitent également, et enfin aussi des 
substances extractives azotées non assimilées par les bactéries. 
J’ajouterai encore que ce remarquable phénomène ne peut 
avoir lieu qu’une seule fois. Cela veut dire que si l’on délaie 
dans de l’eau une zooglée déjà une fois exprimée, on n’ob- 
tient par l'addition d’alcool qu'un précipité diffus que l’on 
ne parvient qu’imparfaitement à laver et qui ne se récolte pas 
sans peine. Quiconque voudra répéter cette expérience devra 
aussi songer que la précipitation doit avoir lieu à l’époque 
de plus grande maturité de la fermentation, ou du moins 
aussitôt que celle-ci est terminée. Plus tard on n'obtient plus 
que des précipités diffus et incommodes à manipuler. Il va de soi 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 51 


qu’en raison de la consommation d’alcool ce procédé n’est 
pas bon marché. Et cependant on peut avec raison le con- 
sidérer comme un procédé industriel, et s’il fallait préparer 
le ferment butylique en grand, comme la levûre panaire, la 
méthode que je viens de décrire serait certainement appliquée 
avec succès. Elle est dans tous les cas digne d'intérêt, en 
permettant de se procurer en grand, dans un but scientifique, 
une espèce de bactéries des plus remarquables 

Obtenu comme je viens de le décrire, le ferment butylique se 
présente sous forme d’une masse cassante, blanche ou brune, 
sans saveur, d’une odeur faible et agréable et renfermant environ 
15 %, d’eau. On observe sur la cassure que l’intérieur de la 
masse est d’ordinaire plus légèrement coloré que la surface, 
ce qui prouve qu'il s’y rencontre des substances facilement 
oxydables. Réduite en poudre et délayée dans de l’eau, la 
masse gonfle bientôt et passe à l’état d’une zooglée muqueuse 
consistante, montrant au microscope l'image la plus carac- 
téristique du ferment butylique. La poudre n'offre pas trace 
de propriétés tryptiques, mais présente au contraire un pouvoir 
amylolytique intense, même alors que les bactéries qu’elle 
renferme ont déjà péri. C’est ce qu’on peut observer d’une 
manière particulièrement élégante au moyen de la méthode 
de la diffusion dans une plaque mince de gélatine contenant de 
l’empois d’amidon. On dépose à la surface un peu de la poudre, 
abandonnant le tout à lui-même pendant douze heures ou da- 
vantage. Puis on verse sur la plaque une solution d’iode. C’est 
donc une expérience de même nature que celle décrite à propos 
des colonies butyliques. La diastase butylique diffuse dans la 
plaque de gélatine amidonnée et y fait apparaître une aire de 
diffusion circulaire, qui ne se colore plus par l’iode. Si l’on 
a appliqué sur la plaque un peu d’une poudre fraîche, les 
bactéries peuvent dans ces conditions passablement défavorables 
montrer cependant des phénomènes vitaux. Elles se créent en 
effet, au centre de la zooglée formée par imbibition, un 


milieu exempt d'oxygène, où elles peuvent done se mouvoir et 
4* 


52 M. W. BEYERINCK. 


même présenter la sporulation et des indices de croissance. 
Le développement toutefois cesse bientôt par suite de l’insuf- 
fisance du substratum nutritif. La poudre est riche en gra- 
nulose et se colore en noir violet par l’iode. Longtemps 
bouillie avec de l’eau, elle ne cède à celle-ci qu’une petite 
quantité de granulose, mais cependant assez pour colorer l’eau 
en bleu quand on y ajoute de l’iode. Une longue ébullition 
en présence d’acides fait disparaître la granulose et passer 
en solution de la dextrine et du sucre. Cette métamorphose 
toutefois ne se fait pas sans peine. Il est beaucoup plus com- 
mode de saccharifier la granulose par les préparations d’amy- 
lase les plus diverses. 

Un litre de moût de 11 degrés saccharométriques me donna 
environ 30 gr. de zooglée bactérienne complètement exprimée 
entre des plaques de verre; 7 gr. de bactéries séchées à l’air 
et, comme celles-ci renferment encore 14 à 17° d’eau, 6 gr. 
environ de substance bactérienne séchée à 110° C !}. La 
teneur en azote de cette masse sèche est quelque peu diffé- 
rente, suivant l’état de la fermentation. C’est ainsi que je trouvai 
dans un échantillon précipité d’un moût à peu près privé de 
glucose, au stade le plus actif de la fermentation, d’après le 
procédé de Kjehldahl, 401%, d’azote, ce qui donne, multi- 
pliant par le facteur 6,25, 25,06% d’albumine. Une fermentation 
butylique mise en train avec 2% de glucose me donna, dans 
la substance bactérienne séchée à 110? C., 4,395% d’azote ou 
27,468°/. d’albumine. Si l’on veut comparer ces résultats à ceux 
fournis par un autre agent de fermentation, je rappellerai que 
les variétés de levûre panaire les plus actives que l’on trouve 
dans le commerce donnent à peu près deux fois autant 
d'azote, savoir 7 à 9%. 

Si l’on admet que les bactéries vivantes renferment 80% 


1) I est remarquable qu’un litre du même moût donnerait également en- 
viron 30 gr. de levûre de bière, mais seulement par le procédé de l’aération. 


SUR LA FERMENTAION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 53 


d’eau (la levûre panaire est censé en renfermer 70 à 75%), les 
20 gr. de substance bactérienne restants, rapportés à 27,46°/ d’al- 
bumine, renferment 5,59 gr. d’albumine, qui doit donc, imbibée 
avec de l’eau, constituer le corps protoplasmique des bactéries. 
L’organe à granulose constitue 25 à 50% du corps des bac- 
téries vivantes. !), et est donc incontestablement lui-même de 
nature protoplasmique. Les spores donnent, mesurées au mi- 
croscope, un volume d'environ 10% du volume total du 
corps. Je ne me hasarderai pas à apprécier le volume des 
enveloppes gélatineuses. 

Les bactéries récoltées comme il vient d’être dit et conser- 
vées durant des années ne perdent pas leur pouvoir végétatif. 
J'ai obtenu par exemple dans le courant de l’été dernier des 
fermentations butyliques vigoureuses en ensemençant mes 
ballons à l’aide d’organismes récoltés en 1887 Il y a d’ailleurs 
un moyen plus simple de se persuader de la vitalité persis- 
tante des matériaux conservés; c’est de fabriquer du levain 
_butylique. On fait bouillir à cet effet un peu de farine, abso- 
lument comme on procède dans la fabrication du levain brut, 
mais on prolonge l’ébullition jusqu'à ce que tous les orga- 
nismes y renfermés aient été tués. Cela arrive presque tou- 
jours au bout de 10 à 15 minutes, et sans exception au bout 
d’une demi-heure. 

On introduit alors, au moyen d’une cuiller de platine, la 
poudre bactérienne à examiner à une certaine profondeur dans 
l’intérieur de la masse refroidie à environ 95° C., et de telle 
manière que les bactéries soient en contact avec la paroi de 
verre. La poudre se gonfle aussitôt en une volumineuse zooglée. 
On observe au bout de quelques heures que la bouillie de- 
vient liquide à l’endroit infecté, par suite de l’action de l’a- 
mylase butylique secrétée par la zooglée. Les bactéries sont- 
elles vivantes, on voit au bout de 24 heures, à une tempé- 


1) Même 60°/, chez le Granulobacter saccharobutyricum. 


54 M. W. BEYERINCK. 


rature de 37°C, cette portion liquéfiée se remplir d’une 
quantité de bulles de gaz; l’odeur agréable de l’alcool buty- 
lique devient perceptible et les clostridiums se répandent dans 
la masse entière de la bouillie. [1 faut dans cette expérience, 
quand on ensemence au moyen de la cuiller de platine, éviter 
d'entraîner de grosses bulles d’air, ce qui d’ailleurs arrive 
très-facilement. Il va de soi qu’un levain butylique de cette 


& 


nature peut servir à mettre en train une nouvelle fermentation. 


$ 10. La granulose et l’amylase 
granulobactériennes. 


Le dépôt de granulose au centre du corps des bactéries, qui 
secrètent en quantité de la diastase par leur surface, est un 
bel exemple de la séparation complète que peut établir le 
protoplasme vivant entre substances qui au contact agissent 
énergiquement les unes sur les autres. 

Les deux processus ont bien lieu en même temps. C’est 
ce qu'apprend l’accumulation de diastase dans le cours des 
fermentations butyliques, en même temps que se multiplient 
activement les clostridiums remplis de granulose. Une goutte 
d’iode colore le liquide fermentenscible en bleu violet foncé. 

Ces observations permettent d’attendre que les zooglées 
précipitées des liquides butyliques au moyen d’alcool seront 
à la fois riches en granulose et en diastase. C’est en effet ce 
qui à lieu. Il reste d’ailleurs beaucoup de diastase dans les 
eaux mères. 

À propos de la détermination de ce corps dans les zuoglées 
précipitées Je ferai encore remarquer ce qui suit. 

Si l’on introduit dans la masse d’une pâte de farine 
refroidie à 95° C. un peu de zooglée sèche, réduite en poudre: 
si l’on expose ensuite la substance à une température de 
47° C.; il y apparaît déjà au bout de quelques heures, comme 
nous l’avons vu au $ 9, un foyer de liquéfaction. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 55 


Mais ce phénomène peut être accompagné d’un certain 
développement des bactéries, et l’on pourrait donc croire à 
une formation nouvelle de diastase. C’est pourquoi je veux 
faire remarquer que des zooglées tuées par un séjour dans 
l’éther ou le chloroforme peuvent montrer la même réaction. 
Il est à recommander de ne pas ajouter la préparation à la 
pâte vers 95° C., mais à une température plus basse, inférieure 
à 70° C., sinon la diastase en souffre. 

La zooglée butylique pulvérisée, ou une préparation d’amy- 
lase qui en provient !), ajoutées vers 50 ou 60° C. à de l’empois 
d’amidon épais, produisent également un liquéfaction rapide. 
Il se forme d’abord beaucoup de dextrine, qui ne tarde pas à 
disparaître et est remplacée par du maltose. Je ne puis cepen- 
dant dire exactement le marche suivie par le phénomène. Ce 
que je sais, c’est qu’on ne saurait le comparer à la produc- 
tion de sucre par la diastase du malt, car cette action repose 
sur la coopération de deux zymases, tandis que l’amylase bu- 
tylique est un corps simple. 

Ce dernier corps est d’ailleurs étroitement allié à la diastase 
du malt en ce sens que l’optimum de température de l’amylolyse 
est pour les deux zymases d’environ 60° C. Toutes deux sont 
rendues plus actives par l’addition d’une trace d’acide et for- 
tement paralysées par les bases. La ptyaline et la diastase 
du pancréas qui lui est identique sont au contraire stimulées 
par une trace d’un composé alcalin. L’amylase butylique de- 
vient enfin plus ou moins inactive au-dessus de 60° C. et est 
précipitée alors de ses solutions en coagulum absolument comme 
la diastase du malt. Il est probable que la température de 
décomposition rapide de l’amylase butylique est voisine de 


1) Pour obtenir celle-ci le plus simple est de filtrer un moût en fer- 
mentation vigoureuse et de précipiter la liqueur filtrée par l’alcool. Ou 
bien on éliminera d'abord au moyen d'alcool la zooglée du moût en 
fermentation, et l’on précipitera les eaux. mères par un excès d'alcool, 
ce qui entraîne il est vrai une grande quantité de dextrine, mais très-peu 
de bactéries. 


56e M. W. BEYERINCK. 


CS 


75° C., supérieure par conséquent à celle de la diastase du 
malt, pour laquelle elle est d'environ 68° C,. 

Le maltose produit par l’amylase butylique est probablement 
identique au maltose ordinaire. Les ,levûres du maltose” peu- 
vent dans tous les cas transformer ce sucre en alcool et acide 
carbonique Il n’est pas assimilé par les ,levûres glucosiques”, 
telles que le Saccharomyces Mycoderma, et les ,levûres lactosi- 
ques” comme les Saccharomyces Kefyr et S. tyrocola, dans les 
plaques de gélatine ensemencées avec ces microbes. 

La formation d’érythrodextrine est dans l’amylolyse buty- 
lique un phénomène qui se termine plus rapidement que dans 
l’action de la diastase du malt d’orge. Elle est cependant net- 
tement appréciable, absolument comme dans l’action de la 
sranulase du malt de maïs, qui est très-voisine de Ia diastase 
butylique. Il n’y à pas production de glucose dans l’interver- 
sion par l’amylase butylique, tandis que la diastase ordinaire 
du malt, par suite d’une faible teneur en glucase, donne des 
traces de glucose. Ce sucre ne fait donc jamais complètement 
défaut dans les extraits de malt, mais ne se trouve pas du tout 
dans les levains butyliques préalablement bouillis. 

C’est peut-être ici le moment de dire un mot de la disso- 
lution de la cellulose sous l'influence du , Bacillus Amylobacter”. 
Ce phénomène, découvert par Mitscherlich !), a plus tard 
souvent été discuté. J’ai essayé par plusieurs méthodes 
d'acquérir des données sûres au sujet du rôle du ferment 
butylique dans ce phénomène. J'ai examiné d’abord à ce 
point de vue la diastase butylique, en déterminant son influ- 
ence sur la cellulose de provenance diverse Je préparai done 
de la cellulose à l'aide de papier à filtrer, de noyaux de 
dattes, des cotylédons du Tropaeolum majus. La substance, 
dissoute dans le réactif de Schweizer, fut précipitée par 
l’acide chlorhydrique et complètement débarrassée du cuivre 
adhérent. Il s’est montré que l’amylase butylique est tout à fait 


1) Kôn. Preuss. Acad. d. Wiss. 1850. p. 105. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 57 


inactive à l'égard de la cellulose ainsi obtenue; seuls l’empois 
d’âmidon et les dextrines furent attaqués. 

Quand ces expériences eurent donné un résultat négatif, 
j'introduisis les préparations cellulosiques dans les liquides 
de fermentation butylique, mais sans plus de résultat. J'ai 
alors placé dans les mêmes liqueurs des tiges de lin, bouillies 
ou non, séchées et fraîches; mais au bout de 24 heures 
et davantage je ne pus observer de corrosions visibles des 
fibres libériennes. Des coupes minces de radis restèrent éga- 
lement intactes; de sorte que je conclus de tout ceci que la 
dissolution de la cellulose, qui peut sans aucun doute s’opé- 
rer par l'intervention de microbes, doit être rapportée à un 
processus physiologique encore inconnu et n’est pas à coup 
sûr provoquée par les cultures pures du Granulobacter. Le 
fait suivant est d’ailleurs en harmonie avec cette manière de 
voir. M. van Senus '), qui a étudié en détail la disparition 
de la cellulose sous l'influence des microbes, arrive à ce 
résultat qu'il doit y avoir ici une action vitale de con- 
tact (comme dans la datte en germination), et qu’au moins 
deux espèces de microbes doivent être en même temps 
en présence pour provoquer le phénomène. On ne saurait 
trancher en ce moment la question de savoir quelles sont ces 
espèces. Peut-être le Granulobacter Polymyxa est-il une d’entre 
elles. 

M. Hoppe-Seyler ?) admet que la fermentation cellu- 
losique est liée à la production de méthane, mais ceci doit 
encore rester sujet à caution. Il ne me semble pas suffisam- 
ment prouvé que dans ses recherches le méthane ne provenait 
pas de substances albuminoïdes. 


1) À. H. C. van Senus. Bidrage tot de kennis der cellulosegisting. 
Leiden. 1890. 

2) L’intéressante étude de M. Hoppe-Seyler se trouve sous le titre: 
»Ueber die Gährung der Cellulose mit Bildung von Methan und Kohlen- 
säure” dans son Zeitschrift für Physiol. Chemie. Bd. X, Heft 3, page 201, 
et Heft 5, page 401, 1886. 


58 M. W. BEYERINCK. 


$ 11. Signification biologique des fermentations. 
Fonction réductrice du ferment butylique. 


DS 


J’ai déjà fait remarquer à une autre occasion !) que le 
fait capital des fermentations réside dans la production de gaz. 

Il serait désirable que d’autres auteurs prissent en considé- 
ration ma manière de voir. Je suis persuadé qu’alors toutes 
sortes de dédoublements sous l’influence de bactéries, tels que 
la production de pigment, la réduction, l'oxydation, production 
de lumière, etc., phénomènes souvent nommés fermentations, 
prendraient une autre place dans la classification physiologique. 

Toute fermentation, à mon avis, est caractérisée en première 
ligne, comme je viens de le dire, par la production de gaz. 
A ce point de vue, toutes les fermentations qui donnent de 
l'hydrogène, et cela arrive chez la majorité d’entre elles, doi- 
vent être considérées comme le prototype du genre. Cet élément 
répond en effet, à cause de sa faible solubilité, beaucoup 
mieux que l'acide carbonique à l'idéal d’un gaz. 

Si le vrai caractère de la fermentation est la production 
de gaz, c’est ce dernier phénomène qui doit constituer sa 
signification biologique. Voici comment il faudra, je crois, 
comprendre ce qui précède. Le vrai théâtre de l’activité 
des organismes de fermentation sont les couches situées 
immédiatement sous la surface du sol des jardins, les prairies 
et les champs de culture, les masses d'engrais et de dé- 
tritus, la boue des fossés, des lacs et des fleuves, les couches 
profondes des cuves de Ia fermentation industrielle, en 
somme tous les endroïts où, par suite de la vie intense 
qui s’y développe, l’oxygène libre est rapidement consommé 
et ne peut se renouveler que difficilement. Les gaz de 
fermentation qui prennent ici naissance doivent tendre 
nécessairement à refouler les organismes producteurs de ces 
endroits de formation et les transporter ailleurs, où les conditions 


1) Centralbl. für Bacteriologie, Bd. 11, pag. 73, 1892. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 959 


de nutrition sont différentes. Ce mouvement doit en général 
être dirigé vers la surface libre de ces masses, c’est-à-dire vers 
l'oxygène libre. J’admets maintenant que le développement 
ultérieur des organismes de la fermentation dépend d’une 
manière ou d’une autre de l'oxygène libre. C’est dans la 
nécessité d’aller chercher l’oxygène, qui seul finit par rendre 
possible la suite de la fermentation, même chez les êtres 
anaérobies, que je vois la vraie signification de la fonction 
fermentative !)}. Or, ceci admis, il est évident qu’il faut un 
moyen pour remettre en contact avec l’oxygène libre les formes 
possédant le pouvoir d’accumuler une réserve d'oxygène solide, 
dont elles peuvent vivre quelque temps et se développer aux 
endroits où, par suite de l’absence de cet élément, les aérobies 
ne peuvent se maintenir. Eh bien, y-a-til, pour atteindre ce 
but, un meilleur moyen que la production de gaz? Il n’y à 
pas d’autre raison, à mon avis, que la nécessité d’absorber 
de nouveau de l'oxygène libre, après que la réserve en a été 
consommée, qui fait que les gaz de fermentation poussent à 
la surface des liqueurs les zooglées bactériennes ou la mousse 
de levûre. Cette nécessité n’explique-t’elle pas d’ailleurs suf- 
fisamment le fait autrement incompréhensible que précisément 
l’hydrogène, qui réclame une si grande dépense d'énergie 
pour prendre naissance, est plus encore que acide carboni- 
que le produit caractéristique des si nombreuses fermentations 
bactériennes ? 

Mais ici nous nous heurtons à une contradiction apparente. 
J’ai décrit le ferment butylique comme complètement an- 
aérobie. J’ai montré que la fermentation butylique et le 
développement du ferment cessent au contact de l’oxygène. 
L’acide carbonique et l’hydrogène de cette fermentation 
devraient-ils néanmoins servir à amener le ferment en 


1) Je ne parle ici que des êtres anaérobies de la première classe men- 
tionnée pag. 43. Note 1. Les anaérobies de la putréfaction des peptones 
etc. restent hors de considération. 


60 H. W. BEYERINCK. 


A 


présence de cet oxygène qu’il redoute? Je réponds à cette 
question, qui longtemps m'a créé des difficultés considérables, 
de la manière la plus franchement affirmative, et j'appuie ma 
réponse sur les arguments suivants. 

Nous avons toujours supposé dans les considérations précé- 
dentes sur la fermentation butylique que le corps fermentesci- 
ble était du moût, doué d’une affinité énergique pour 
l'oxygène. Nous avons vu que la vitalité et le pouvoir de 
multiplication du ferment butylique dans un moût de cette 
nature, saturé d’oxygène combiné, mais privé d'oxygène libre 
(où la levûre ordinaire périt après environ trente divisions 
cellulaires), sont indéfinis. Dans un volume déterminé cepen- 
dant, après un certain nombre de divisions, ce développement 
doit cesser par défaut de nourriture, Mais il ne suit nullement 
d'autre part de cette puissance de développement indéfini dans 
des milieux nutritifs narticuliers que la même chose doive 
avoir lieu dans les liquides de constitution si différente que l’on 
rencontre dans les stations naturelles des bactéries. Je parle 1e 
avant tout de la boue des fossés et des infiltrations de l’humus. 
On ignore il est vrai les transformations que le ferment butylique 
pourra ÿ provoquer, mais nous pouvons par analogie conclure 
avec beaucoup d'apparence de raison qu'il s’y développera 
également une fermentation donnant de l’alcool butylique, de 
l'hydrogène et de l’acide carbonique. Or, il est très-peu pro- 
bable que ces liquides naturels aient au même degré que 
le moût le pouvoir de fixer de si grandes quantités d'oxygène ; 
et le ferment butylique s’y conduit peut-être autrement envers 
l’oxygène libre et en réclame davantage. Ceci a lieu en tous 
cas dans des solutions nutritives artificielles dans lesquelles 
j'ai cultivé le ferment J’y ai réussi p. ex. avec de l’eau de 
conduite renfermant 1° de peptone sec et 2% d’empois 
d’amidon à une température assez basse, dépassant à peine 10 
à 12° C. La culture avait lieu dans des ballons de Pasteur, 
où l’air avait accès. Le développement était très-lent, maïs finale- 
ment de petits clostridiums avec spores étaient généralement 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 61 


visibles ‘et la présence d'alcool butylique évidente. L’hydrogène 
se laissait également démontrer. Maïs ce qui est de la plus 
haute importance pour les considérations présentes, c’est le 
fait qu'une pareille solution se montre beaucoup moins propre 
au développement et à la fermentation dans mes ballons, c’est- 
à-dire à l'abri de l'air, que dans des ballons ordinaires, où 
l’oxgène avait accès à travers la fermeture suivant le dispositif 
de Pasteur. Dans ce milieu :1l fallait donc une bien plus 
orande quantité d'oxygène au ferment butylique que dans le 
moût; et il en sera donc bien encore ainsi, sans le moindre 
doute, pour la boue et les infiltrations de l’humus. Il est donc 
certain que dans leurs stations naturelles les anaérobies ont 
besoin de plus d'oxygène qu'on ne le croirait d’après les 
résultats des expériences avec les moûts artificiels, riches en 
sucre et en peptones. 

Je crois donc qu'il ny a pas contradiction entre ces phé- 
nomènes d’anaérobiose obligatoire et l'explication que je donne 
de la fonction fermentative. Dans l’anaérobiose la production 
de gaz a également pour but de pousser l’agent fermentateur 
vers l’oxygène, qui le rend capable, quand la pesanteur ou 
des courants l’entraînent de nouveau dans les couches pro- 
fondes, de fermenter et de croître avec une nouvelle énergie 
Il n'y a que quelques liquides déterminés, rarement représentés 
dans la nature, qui permettent au ferment butylique obliga- 
toirement anaérobie d'employer à son rajeunissement, grâce 
à son pouvoir de réduction, de l’oxygène combiné. La levûre 
de bière ne possède pas ce pouvoir. 

Je ne me hasarderai pas à exprimer un avis sur la sig- 
nification biologique de la production d’alcoo! butylique. Je 
crois cependant avoir un idée plus nette de l'utilité de la pro- 
duction d’alcool éthylique par la levûre de bière. J'espère y 
revenir à une autre occasion. 


62 M. W. BEYERINCK. 


$ 12. Généralités sur l’anaérobiose, la fonction 
réductrice et la fermentation. 


Pour bien comprendre ce qui a été dit $ 11 et ce que je 
me propose de traiter à présent, c’est-à-dire un sujet passable- 
ment compliqué, il est nécessaire que je répète certains faits 
dont il a déjà été antérieurement question. Je devrai surtout 
appeler l'attention sur les deux formes très-différentes d’anaé- 
robiose facultative, qui n’ont pas été suffisamment distinguées 
jusqu'ici, même par les meilleurs physiologistes. 

La première de ces formes peut être appelée l’anaérobiose 
facultative permanente, l’autre étant l’anaérobiose facultative tem- 
poraire. La levûre alcoolique est anaérobie facultative tempo- 
raire; le ferment lactique industriel est anaérobie facultatif 
permanent, ou plus brièvement anaérobie facultatif. J’ai déjà 
à plusieurs reprises, dans le cours de ce travail, fait remarquer 
que la levûre alcoolique ne peut, même dans les conditions 
de nutrition les plus favorables, par exemple dans du moût, 
donner que quelques multiplications cellulaires, maïs cesse de 
croître si l'oxygène lui fait défaut. Les cellules finissent d’ail- 
leurs par mourir si elles sont maintenues à l’abri de l’air, en 
montrant des phénomènes de rupture très-caractéristiques. Le 
bourgeonnement et les phénomènes de fermentation qui lac- 
compagnent sont provoqués par l'existence d’une réserve 
d'oxygène solide et combiné; du moment que cette réserve 
est consommée la croissance et en même temps la fermen- 
tation cessent; la mort n’arrive que si la privation d'oxygène 
est de plus longue durée. Le Mucor racemosus se comporte 
absolument de même, sauf que le besoin d'oxygène est plus 
grand chez cette moisissure que chez la levûre alcoolique. 

Pour montrer clairement chez la levûre l’existence du phéno- 
mène en question, le plus simple est de procéder comme suit. 

On remplit de moût deux de mes ballons butyliques 
et l’on rend la matière exempte d’oxygène par l’ébullition. 
On ajoute alors de la levûre de bière en culture pure aux 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 63 


deux ballons. Le premier n’en reçoit qu’une faible trace 
qu’on y laisse tomber au moyen d’un fil de platine court et 
épais. Le second ballon est additionné d’une plus forte quan- 
tité de levûre. Si on expose les deux ballons à une tempé- 
rature de 28° C., la différence entre leur contenu à l’un et 
à l’autre est déjà très-considérable au bout de 24 à 48 heures. 
Tous deux ont commencé à fermenter; mais le phénomène 
cesse complètement, par suite du manque d’oxygène, dans la 
ballon qui n’a reçu que quelques cellules isolées. Dans le 
deuxième ballon au contraire, sous l’influence de la réserve 
d'oxygène introduite en même temps que les cellules, la fer- 
mentation a été complète. 

J’ai moi-même donné la forme ici décrite à cette expé- 
rience. Le principe toutetois en été imaginé par M. Pasteur, 
qui à conseillé à son élève M. Cochin d'employer à cet effet 
un appareil particulier, formé de ballons de verre réunis les 
uns aux autres !). 

J’ai également fait construire des appareils de cette nature ; 
mais je me suis heurté à de nombreuses difficultés, car il est 
presque impossible d’éliminer même par une ébullition pa- 
tiente et l’introduction d'hydrogène la totalité de l’oxygène. 
La vapeur ne peut s'échapper facilement des chambres conti- 
vues de l’appareil. I/emploi des ballons butyliques, qui sont 
si propres à réaliser un milieu privé d’air, permet d’expéri- 
menter sur de grandes quantités de moût libre d'oxygène, où 
quelques cellules de levûre isolées ont bientôt consommé leur 
réserve solide de cet élément. Je crois que les brèves consi- 
dérations qui précèdent auront suffisamment élucidé pour ce 
qui nous regarde la signification de l’anaérobiose temporaire 
de la levûre alcoolique. | 

Nous avons dit que l’anaérobiose facultative permanente 
se rencontrait chez le ferment lactique industriel. Elle est 
caractérisée par ce que dans les milieux nutritifs appropriés il 


1) Ann. de Chimie et de Physique, page 312, 1880, 


64 M. W. BEYERINCK. 


semble exister une indépendance complète du ferment à l’égard 
de l’oxygène libre. J’ai réussi à faire entrer en fermentation lac- 
tique de g'andes quantités de vinasse renfermant du saccharose, 
l’air en ayant été chassé par ébullition, rien qu’en y introdui- 
sant une portion minime du ferment. Le phénomène fut 
accompagné d’un dégagement si énorme d’acide carbonique, 
que seul l'examen microscopique à pu me convaincre de l’ab- 
sence de fermentation alcoolique. Or il importe de remarquer 
pour notre objet qu'en premier lieu le ferment lactique déve- 
loppe une fonction réductrice particulièrement intense; et 
qu’ensuite je n'ai pu réussir à provoquer une Croissance évi- 
dente du ferment dans un milieu privé d'oxygène, si des corps 
réductibles faisaient complètement défaut. Je crois donc que 
dans ce cas aussi de l’oxygène doit être fourni de temps en temps, 
et que la fonction fermentative peut être utile à ce point de vue. 

On pourra donc, d’après ce qui précède, exposer brièvement 
comme suit la relation entre le pouvoir réducteur et les trois 
classes d’anaérobies !): 

Anaérobiose temporaire: La fonction réductrice peut faire 
défaut (ex: la levûre alcoolique) ou se rencontrer (ex: le Gra- 
nulobacter Polymyxa). 

Anaérobiose facultative permanente: La fonction réductrice 
est toujours très-développée (ex: le ferment lactique industriel). 

Anaérobiose obligatoire: La fonction réductrice est toujours 
vigoureuse (ex: le ferment butylique) ?). 

Examinons maintenant d’encore un peu plus près la relation 
entre les fonctions fermentative et réductrice. 

On à prétendu que toute cellule vivante pouvait dans cer- 
taines circonstances développer un pouvoir réducteur. Fil 
s’agit, comme dans le cas présent, d’un effet sensible au dehors 
de la cellule, cette affirmation est incontestablement erronée. 


1) Voir F. Cahen, Ueber das Reductionsvermôgen der Bacterien, Zeitschr. 
{. Hygiene. Bd. II. p. 386, 1887, 
2) Voir Note 1, pag. 59. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 65 


Elle n’est pas même toujours exacte pour les bactéries, car il 
y a des espèces chez lesquelles des expériences diverses et 
multipliées n’ont jamais pu faire constater de fonction réductrice. 
Je rappellerai par exemple les bactéries des Papilionacées. On 
pourrait croire que la fermentation est intimement liée comme 
phénomène physiologique à des processus de réduction, mais 
ceci non plus nest pas toujours vrai. Outre la levûre de 
bière, Je connais encore quelques bactéries de fermentation 
incapables de réduire l’acide indigosulfurique et les nitrates '). 

Je soutiens au contraire, sur la foi de mes observations, 
encore peu nombreuses il est vrai, et d'accord avec ce qui 
précède, que tous les organismes obligatoirement anaérobies 
et tous les anaëérobies facultatifs possèdent des propriétés 
réductrices. Je crois donc devoir admettre une dépendance 
réciproque et nécessaire entre l’anaérobiose vraie et la réduc- 
tion. Il y a dépendance en ce sens que l’anaérobiose vraie, 
ininterrompue, n’est possible que si les organismes qui l’ac- 
complissent sont réducteurs et disposent de matériaux nutritifs 
réductibles. On ne doit pas être tenté de croire superflu ce dernier 
membre de phrase, car la vie des vrais anaérobies est en effet 
possible sans qu’il y ait anaérobiose, mais ils emploient alors 
de l’oxygène libre et des matériaux nutritifs non susceptibles 
de réduction. J’en ai cité un exemple plus haut à propos du 
développement du ferment butylique en culture pure dans une 
solution de peptone et d’amidon, quand l’air à indubitablement 
quoique faiblement accès. J’ai fait ressortir que dans pareille so- 
lution l'élimination complète de l’oxygène par l’ébullition, par 
exemple, ne permet plus qu’un faible développement bien vite 


ne ne Dm TRS 


1) Les nombreuses affirmations contraires relatives à la levûre alcoolique 
sont erronées et s'expliquent parce que les compagnons constants des 
levûres de la bière et du pain, savoir les ferments lactiques, appartien- 
nent aux bactéries les plus puissamment réductrices. Les auteurs qui ont 
l’occasion de manipuler la levüre alcoolique en culture pure se convain- 
cront sans peine de la vérité de ce que j'avance. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 5 


66 M. W. BEYERINCK. 


arrêté !). Or, je crois que dans ce dernier cas l’anaérobiose n’a 
pas lieu pour cette raison, que des substances réductibles font 
défaut ou ne sont présentes qu’à l’état de traces. Le moût au 
contraire en renferme de grandes quantités. L’exemple de la 
solution de peptone et amidon montre que la question est 
propre et prête à être expérimentalement examinée; il suffit 
que les expériences soient faites de telle manière que l’on ne 
fasse usage que de solutions artificielles, privées de peptone. 
Il y a sans doute ici une difficulté, qu’il ne serait pas très 
facile d'éviter si l’on voulait obtenir des fermentations aussi 
vigoureuses que dans les moûts de céréales. S'il y avait 
moyen d'isoler, comme des individus chimiques, les substances 
réductibles de ces moûts, on aurait réalisé dans cette direction 
un progrès important. Mais plusieurs indices semblent montrer 
que les peptones du malt jouent ici le premier rôle, et je 
dois observer que les peptones en général, et surtout ceux 
du malt, me semblent peu propres, à cause de leur propriété 
d’absorber un peu d'oxygène, à résoudre la question. Même le 
peptone sec du commerce permet d’observer dans certaines 
circonstances une faible absorption d'oxygène sans qu’il y ait 
des germes organisés en présence. L'expérience citée ci-dessus, 
avec le peptone et l’amidon, substances qui permettent encore 
une faible croissance du ferment butylique, perd il est vrai 
de sa valeur par les circonstances signalées, mais si l’on 
admet la théorie ici défendue, la croissance observée s’expli- 
que par l'oxygène combiné au peptone, c’est-à-dire par l’exis- 
tence d’une substance réductible. 

Je rassemblerai en terminant en un court résumé mes idées 
sur la relation entre fermentation, anaéërobiose et fonction 
réductrice. J’établis ainsi les thèses suivantes. 

1. Il y a trois différentes formes d’anaérobiose, savoir 


1) Le faible développement qu’on observe s'explique peut-être par de 
l’oxygène combiné au peptone, et impossible à éliminer par ébullition. 


SUR LA FERMENTATION ET LE FERMENT BUTYLIQUES. 67 


1° l’anaérobiose facultative vraie; 2° l’anaérobiose facultative 
apparente ou temporaire; 8° l’anaérobiose obligatoire. !) 

2. L’anaérobiose facultative, celle du ferment lactique indus- 
triel par exemple, est caractérisée par l'indépendance à l'égard 
de l'oxygène libre, quand il y a en présence des matériaux 
nutritifs susceptibles de réduction. 

L'anaérobiose temporaire, telle que celle du Mucor racemosus, 
des levûres alcooliques et de quelques bactéries de fermenta- 
tion, telles que le B. coh, le Photobacterium phosphorescens, re- 
pose sur la présence d’une réserve d'oxygène combiné dans 
les cellules, permettant chez les levûres alcooliques actives un 
petit nombre (vingt à trente) de divisions cellulaires, avant 
que le contact avec l’oxygène soit de nouveau nécessaire. Si 
cela n'arrive pas, les cellules meurent peu à peu, alors 
même quil y à abondance de nourriture susceptible de ré- 
duction, renfermant de l’oxygène lâchement combiné. 

L’anaérobiose obligatoire, comme celle du ferment butylique, 
réclame l’absence complète d’oxygène libre et la présence 
de matériaux nutritifs susceptibles de réduction. 

3. Les fonctions fermentative et réductrice sont indépen- 
dantes l’une de l’autre. Cela résulte de ce que la levûre 
alcoolique temporairement anaérobie fermente sans réduire, 
tandis que la bactérie lumineuse le Photobacterium phosphores- 
cens, fermente et réduit en même temps. 

4. La fermentation peut accompagner les trois formes de 
lanaérobiose, et ne fait défaut que chez les organismes ab- 
solument aérobies. 

5. L’anaérobiose facultative vraie et l’anaérobiose obliga- 
toire sont inséparables de la présence de substances nutritives 
réductibles. 

6. La fonction réductrice peut se rencontrer combinée avec 
toutes les formes de l’anaérobiose, ainsi qu'avec l’aérobiose 
complète. 


1) Et cette dernière encore sous aeux formes distinctes. 


D* 


68 M. W. BEYERINCK. 


7. Les anaérobies facultatifs et les anaérobies obligatoires 
peuvent, en l’absence de combinaisons assimilables en même 
temps que réductibles, ou bien en présence de composés 
réductibles maïs non assimilables, vivre et se développer en 
apparence comme des aérobies. Cela veut dire qu'ils récla- 
ment alors de l’oxygène libre, mais de faible tension. 

De toutes ces thèses la dernière enfin est la moins bien 
établie, mais elle est, comme nous l’avons vu, de la plus haute 
importance pour la signification biologique des fermentations. 

8. La fonction fermentative est nécessairement accompagnée 
de production de gaz. Quand cela n’a pas lieu on ne peut 
employer la dénomination de fermentation. La fermentation 
a pour but, par la production de gaz, d'entraîner jusqu’en con- 
tact avec l’oxygène les agents de fermentation appartenant 
à une des trois classes anaérobies citées. L’optimum fonctionnel 
de la tension d'oxygène est, pour les anaérobies obligatoires, 
quand il y a des substances nutrilives réductibles en pré- 
sence, égal à 0; quand il n’y en a pas, il est supérieur à 0, 
mais inférieur à la solubilité correspondante de ce gaz sous 
la pression atmosphérique normale. 


Laboratoire de bactériologie 
de la Fabrique néerlandaise de levüre à Delft. 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DES SYSTÈMES 
HÉTÉROGÈNES FORMÉS DE UN À QUATRE CORPS, Y 
COMPRIS LA DÉCOMPOSITION CHIMIQUE 


PAR 
H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


J'ai essayé pour la première fois en 1887 !) de classer systé- 
matiquement les équilibres hétérogènes d’après le rapport 
entre le nombre des phases et des constituants. J’ai tâché à la 
même occasion de rendre possible par des représentations 
graphiques appropriées un aperçu général des équilibres 
dans les systèmes formés de un à trois corps. 

L'étude ultérieure des systèmes de deux ou trois substances 
(I + Cl: Stortenbeker, Ca Cl,+H,0: Roozeboom, deux 
sels + de l’eau: Meyerhoffer, Schreinemakers, van 
der Heyde) a confirmé depuis l’utilité de cette méthode, et 
a permis de la développer plus complètement dans certains 
points de détail. 

J’ai montré ensuite, dans le courant de l’année précédente ?), 
comment les divers types d'équilibre peuvent se déduire, dans 
leurs caractères généraux et leur dépendance réciproque, des lois 
du potentiel thermodynamique. 

Il nous manque encore pour bien des cas spéciaux des 
exemples appropriés; mais nous avons cependant déjà pu 
acquérir une idée d’ensemble des phénomènes. 

Le développement de cette idée s’est fait peu à peu. Si l’on 
veut appliquer avec fruit les résultats généraux obtenus à de 
nouveaux exemples, il sera nécessaire d'examiner encore d’un 
peu plus près certains points que l’on n’a pas ou incomplè- 
tement pris en considération jusqu'ici. 


1) Rec. Trav. Chim. Pays-Bas. Tome VI, 262. 
2) Arch. néerland., XX VII. p. 78. 


70 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


Je signalerai à ce point de vue: 

l'extension de la méthode de représentation graphique 
des équilibres hétérogènes à des systèmes de quatre corps; 

la démonstration de leurs relations avec des systèmes de 
trois substances et moins: 

la détermination de la place exacte à attribuer à des sy- 
stèmes permettant la substitution ou la double décomposition ; 

l'établissement d’une règle, suivant laquelle doit se faire 


le choix des constituants d’un système. 


I. Représentation graphique. 


1. Il ne peut y avoir, dans les systèmes formés d’une seule 
substance, de différence dans la composition des diverses 
phases en équilibre les unes avec les autres. La représentation 
se trouve donc réduite à l'indication de la tension d’équilibre à 
diverses températures. Elle consiste en une série de courbes 
de tension pour les équilibres de deux phases, courbes qui 
peuvent se rencontrer trois à trois en des points triples. Ces 
points donnent les conditions d'équilibre pour la coëxistence 
de trois phases. Les courbes partagent le plan p, { en champs 
où chaque phase existe seule. 

2. Dans des systèmes de deux substances, À et B, il vient, 
aux deux variables déjà existantes, s’en ajouter une troisième, 

la composition. Le mieux, d’ac- 
cord avec ce qui précède, c’est 
p de représenter les équilibres de 
chaque substance à part dans 


- un plan p,t, et de placer paral- 

7 lèlement les deux plans à une 
distance arbitrairement choisie 

B £ (fig. 1). Soit { ou 100 cette 
Fig. 1. distance, Rapportons à 1 ou 100 


molécules totales la composition 
des phases formées de À et B. On pourra représenter dans 
l’espace entre les deux plans à la fois la composition, la 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 71 


tension d’équilibre et la température de tous les états d’équi- 
libre possibles. | 

Si l’on développe cette représentation on verra que les équili- 
bres de deux phases s'expriment par des surfaces, ceux de 
trois phases par des courbes dans l’espace, et ceux de quatre 
phases par des points. Pour ce qui concerne les phases de 
composition variable (mélanges gazeux, liquides ou solides) 
on ne peut guère en exprimer qu’une seule à la fois. On 
choisira donc de préférence la phase liquide; car des mélanges 
solides sont plus rares et le plus souvent on néglige dans les 
expériences la composition des mélanges gazeux. Si toutefois 
cette composition était connue, on pourrait en combiner la 
représentation avec celle de la phase liquide d’une manière 
que j'indiquerai à une autre occasion. 

On peut, outre la représentation dans l’espace, employer 
évidemment aussi une projection horizontale ou verticale; 
c'est-à-dire une représentation où l’on néglige la tension ou 
la concentration. 

3. J'ai proposé, dans mon travail précédent, de représenter 
la composition de systèmes de trois corps par des points 
situés dans l’intérieur d’un triangle rectange isocèle (fig. 2). 


Fig. 2. 


J'ai préféré ce mode de représentation à un autre mode proposé 
par M. Willard Gibbs, qui voulait exprimer la composi- 
tion par des perpendiculaires aux côtés d’un triangle équilatéral. 

Mais si un système de trois corps est une sous-classe d’un 
système plus étendu de quatre corps, il nous faudra, comme 


79 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


nous le verrons, nous en tenir nécessairement au triangle 
équilatéral. Je donne dans ce cas la préférence à une repré- 
sentation telle que celle de la fig. 3, où les distances du point 
P sont mesurées dans des directions parallèles aux côtés du 
triangle. Selon qu’on les détermine par les ordonnées a et b, 
ou b et c, ou c et a, on pourra prendre comme origine les 
points ©, À ou B. La somme des trois ordonnées a, b et c 
est alors toujours égale au côté du triangle, que l’on peut 
donc poser égal à 1 ou à 100. On conserve ainsi la même 
échelle de mesure pour la composition des phases ternaires 
(dans l’intéreur du triangle) et pour celle des phases binaires 
(sur ses côtés). 

A ce dernier point de vue la fig. 2 est même moins com- 
mode que la fig. 8. Car dans la première les compositions 
des phases binaires de B et C doivent se mesurer d’après 
une échelle BC, 12 fois plus grande que celle appliquée aux 
autres phases binaires, que l’on mesure sur AB ou AC, et 
aux phases ternaires, que l’on peut mesurer parallèlement à 
ces côtés !). 

L'avantage de la rapidité dans la mesure et la lecture des 
ordonnées b et c, quand on emploie le papier au millimètre 
ordinaire, fera donner à la fig. 2 la préférence, du moment 
que le choix du mode de représentation reste libre. 

, On peut maintenant, 
dans une direction per- 
pendiculaire au plan du 
triangle, représenter soit 
la température soit la 
pression. Si l’on se décide 
pour la température, on 
obtient dans l’intérieur du prisme triangulaire (fig. 4) une 


1) Il va de soi que dans la fig. 2 comme dans la fig. 3 on peut égale- 
ment prendre pour origine les points C et B. L’une des ordonnées que 
l'on place alors parallèlement à BC (c,b') doit être également mesurée 
suivant la plus grande échelle, 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 73 


représentation des états d'équilibre entre les trois corps à des 
températures différentes, mais sous pression constante. Les 
trois plans latéraux expriment les équilibres entre les sub- 
stances prises deux à deux. 

On pourra également employer, dans bien des cas, à côté 
de la représentation dans l’espace, une projection sur une 
section ABC. 

4 Il est indiqué d’avance, dans le cas de systèmes de 
quatre corps, d’exprimer 
la composition des phases 
qu’ils constituent par des 
points à l’intérieur d’un 
tétraèdre régulier. Si l’on 
mesure de nouveau les 
distances de ces points 
aux plans latéraux non 
par des perpendiculaires, 
mais dans des directions 
parallèles aux arêtes, la 
somme des ordonnées a, 
b, c, d (fig. 5) est égale 
à l’arête du tétraèdre. Si 
donc nous égalons celle-ci 
Bien: à 1 ou à 100, nous dispo- 

sons de la même échelle 


pour la représentation des phases quaternaires à l’intérieur 
du tétraèdre, comme pour celle des phases ternaires sur ses 
plans latéraux (fig. 3) et des phases binaires sur ses arêtes 
mêmes. 

Cette même méthode nous permet encore la représentation 
la plus simple de la figure de projection sur un des plans 
latéraux, ce qui, dans bien des cas, suffira, sans construction 
de tétraèdre, à donner une idée générale des ph$nomènes. 
Dans pareille projection (fig. 6), trois axes sont raccourcis 
dans le rapport 8:13, On peut maintenant égaler à 1 


74 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


(ou à 100) ces trois axes (A1D)', BD, CD') ou les trois autres. 
Le premier choix est le meilleur, car 
l’usage à faire des axes de longueur dif- 
férente est réduit alors à un minimum. 
On n'en a besoin que pour la repré- 
sentation de la phase ternaire ABC 
et des phases binaires À B, AC, BC. 
Il y a plus. On peut dans bien des cas 
choisir le plan de projection À B C'de 
telle manière que l’on se passera sans 
peine de ce plan pour représenter les équilibres. Ainsi quand 
D représente de l’eau et 4, B, C trois sels, chacun des plans 
ABD, ACD, BC D renfermerait les équilibres de deux sels 
et de l’eau; mais à des températures suffisamment basses il 


Fig. 6. 


n’y a sans nul doute pas d'équilibre réalisable entre les trois 
sels seuls, sans qu'il y ait de l’eau en présence. En effet, la 
représentation des équilibres entre quatre corps n’est appli- 
cable qu'à une température et sous une pression déterminées. 
L'influence de ces deux variables ne peut être exprimée que 
par une série de tétraèdres séparés. 

5. Dans un système de cinq corps et davantage, la 
composition des phases qui les renferment tous ne peut plus 
être exprimée, et il faut donc dans ce cas renoncer à une 
représentation graphique. 

6. Je dois encore expressément observer que pour ce qui 
concerne la représentation de la composition de systèmes de 
deux à quatre corps, quand il s’agit de phases renfermant 
les divers constituants en proportion diverse, cette composition 
ne peut être exprimée que par la teneur en chaque consti- 
tuant. La manière dont ces constituants sont distribués dans 
chaque phase homogène n’est nullement indiquée. Il reste en 
conséquence indécis, dans des mélanges liquides et gazeux, si 
les constituants sont combinés et dans quelles proportions, et 
en quelle quantité une combinaison déterminée se trouve 
représentée dans le mélange. C’est ainsi que, suivant les lois 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 75 


de l’équilibre hétérogène, l'équilibre entre le soufre solide ou 
liquide etsa vapeur sera, à chaque température, complètement 
déterminé, mais cela ne préjuge rien au sujet de la grandeur 
et de la distribution des molécules de soufre dans la vapeur. 

C’est ainsi que la composition du mélange liquide et 
reuside TretuCi Men équilibre, avec de l'J\Ct ou |T C1, 
solide, est complètement déterminé à une température quel- 
conque. Mais il faudra encore spécialement déterminer, pour 
chaque mélange, la distribution des diverses espèces de mo- 
lécules. Elle sera soumise aux lois de l’équilibre homogène. 
Il faut donc, pour résoudre ce problème, connaître les espèces 
de molécules en présence. 


IT. Choix des constituants. 


7. Si l’on veut faire un usage justifié des représentations 
graphiques que je viens de décrire, et les appliquer à des 
cas d'équilibre déterminés, il faudra avant tout faire un choix 
prudent des substances qui constitueront le système à étudier. 
Dans bien des cas ce choix sera très-facile; mais je crois 
cependant nécessaire, pour donner une idée nette de la chose, 
de considérer d’un peu plus près certains cas particuliers. 
On en arrivera ainsi plus aisément à concevoir la manière 
dont il faut considérer les systèmes dans lesquels s’accomplit 
une décomposition chimique. Ceci posé, les substances que 
l’on envisage comme constituants d’un système, doivent satis- 
faire aux trois conditions suivantes : 

1. Leur nombre doit être le plus petit possible. 

2. Elles doivent pouvoir entrer dans le système en propor- 
tions variables. 

3. Elles doivent se mettre, dans les conditions de lexpéri- 
ence, en équilibre réel. 

La condition 1 simplique qu'il ne peut y avoir parmi les con- 
stituants de corps formés de la réunion de deux ou plusieurs 
autres. Un système qui renferme HI, H et I n’est donc for- 


76 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


mé que des constituants À et J, du moment que Æ I peut 
prendre naissance, dans les conditions où l’on opère, aux dépens 
de H et I. 

Il résulte d’autre part de la condition 2 qu’à la tempéra- 
ture ordinaire par exemple, un système composé de 1,0 et 
Na Cl ne comprend que ces deux constituants, et non par 
exemple les quatre éléments. En effet, les combinaisons en 
jeu ne se décomposent pas, et les variations de température 
et de pression ne peuvent donc provoquer une distribution 
différente de leurs éléments entre les phases existantes. 

Mais si à la température ordinaire on ajoutait par exemple 
de l’hydrogène et de l’oxygène, il faudrait, à côté de l’eau, 
considérer encore ces deux nouvelles substances comme fai- 
sant partie du système. En effet, elles ne se combinent pas 
à la température ordinaire pour donner de l’eau (condition 3). 

Si l’on prend en considération les trois conditions qui pré- 
cèdent, il ne sera pas bien difficile dans la plupart des cas 
de faire un choix approprié des substances constituantes. 


8. Il suit de tout ce que je viens de dire que le nombre 
des constituants d’un système déterminé peut être réduit ou 
augmenté lorsqu'on fait varier les conditions d'expérience. 
C’est ainsi par exemple que le système nommé en dernier 
lieu serait réduit de quatre à trois constituants, du moment 
que l’on atteint une température telle que Æ et O se mettent 
en équilibre avec 7,0. Ce dernier corps cesseraït alors d’exister 
comme constituant particulier. Des cas de cette nature se 
rencontreront, en général, dans tous les systèmes montrant 
entre quelques-uns de leurs constituants un équilibre instable. 

Inversément le système 77,0 et NaCI serait, à une tempé- 
rature suffisamment élevée, transformé en un système de trois, 
éventuellement de quatre corps. C’est ainsi encore que le 
système H,0 et SO, passerait au système de trois constituants 
H,0, SO,, O etc. Des exemples d'augmentation du nombre 
des constituants se rencontreront souvent quand on élève la 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 77 


température. Mais les recherches faites dans cette direction 
sont encore peu nombreuses, surtout pour ce qui concerne 
les systèmes hétérogènes. 


9. On peut également faire dans certaines circonstances un 
choix tel que le nombre des constituants soit plus grand ou 
plus petit, selon la valeur des proportions dans lesquelles les 
constituants se mélangent. Tout système d’un ordre plus élevé 
peut en effet être considéré comme une série continue de 
systèmes d'ordre inférieur, tout tétraèdre comme une série de 
triangles, tout triangle comme une série de droites, toute 
droite comme une série de points. Si done on ne fait porter 
les expériences que sur certains rapports de mélange, une 
partie déterminée d’un système de quatre corps peut être 
aussi considérée comme un système de trois corps, etc. 

On peut choisir par exemple, dans les systèmes formés de 
I et CI, les rapports de mélange I C1 ou I CI,. L’évaporation 
des deux corps solides est soumise aux mêmes lois que celle 
d’un corps solide unique, malgré que la vapeur ne soit pas 
formée de molécules uniformes. Aussi longtemps que la propor- 
tion Î Cl ou I CI, reste réalisée sous forme de vapeur, l'équilibre 
sera représenté graphiquement dans un plan p, t (fig. 1), pas- 
sant par le point de la droite AB qui exprime la composition 
I CI ou I CI,. Du moment toutefois que la vapeur change de 
composition (en précipitant une solution, p. ex.), il devient 
clair que l’équilibre envisagé n’était qu’un cas particulier d’un 
équilibre de deux substances. 

On peut s’y prendre de même dans les systèmes de trois 
corps. Considérons par exemple les équilibres d’un système 
formé de HCI, H,0O et Fe, Cl,, et représentons-les par la 
fig. 4. Nous pourrons prendre sur la droite À B un point D 
tel qu’il exprime la composition correspondant à Fe, CI,.12 H, O. 
Une droite telle que C D donnera alors, parmi toutes les pro- 
portions de mélange possibles entre les trois constituants, celles 
qui peuvent résulter de H Cl et Fe, Cl,.12 H,0. Un plan 


78 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


parallèle à l’axe des températures pourrait donc représenter 
l’équilibre de ce système, que l’on pourrait ainsi considérer 
comme un système de deux corps, jusqu’au moment où le 
rapport Fe, Cl, : H,0 — '/,,, réalisé dans une phase quelcon- 
que, serait troublé par l’apparition d’une phase nouvelle. 

Il en est de même pour les équilibres entre sels doubles 
et solution aqueuse. Aussi longtemps que le sel double de- 
meure soluble sans décomposition, ce sel peut être considéré 
comme un constituant unique; mais du moment qu'il cesse 
d’en être ainsi, on s'aperçoit de nouveau que ce système n’est 
qu'une partie déterminée d’un système de trois corps. Il est 
évident, d’après ces considérations, que le dédoublement éven- 
tuel d’un corps dissous en ses ions n’augmente pas le nombre 
des constituants !), aussi longtemps que le rapport des ions 
n’est pas modifié par l'apparition d’une phase gazeuse ou 
d’une nouvelle phase liquide, ou qu’un ion s’élimine à l’état 
solide. 


10. Même au cas où le nombre des constituants reste in- 
variable, il peut arriver que selon l’étendue à donner aux 
recherches on puisse choisir indifféremment les constituants 
du système. C’est ainsi que les équilibres connus jusqu’à pré- 
sent entre les hydrates solides et les solutions de lacide sul 
furique se laissent tous reconstruire avec H4,0 et H, SO, 
comme constituants. Si l’on se propose toutefois d'envisager 
l’ensemble des phénomènes possibles, il vaudrait mieux choisir 
pour constituants ,0 et SO,. Le choix n'importelguère 
quand ïil s’agit de représenter les équilibres connus, mais 
ceux-ci ne constituent qu'une fraction des équilibres possibles. 

C’est ce qui arrive encore pour les systèmes formés d’eau 
et de deux sels. [Il sera indifférent dans beaucoup de cas que 


1) D'où il résulte que le nombre des constituants d’une phase homo- 
gène, considérée isolément, peut dépasser le nombre des constituants . 
de l’équilibre hétérogène. 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 79 


l’on choisisse comme constituants les sels anhydres ou des 
hydrates déterminés. 

On s'aperçoit sans peine que dans tous les cas de cette 
nature la forme générale de la représentation graphique reste 
la même. Mais si l’on ne choisit pas comme constituants les 
corps les plus simples possibles, le système examiné devient 
simplement un cas particulier d’un système plus général 
quoique du même ordre. Les considérations de nature pra- 
tique devront alors décider si on le représentera oui ou non 
comme un tout. 


IIL Systèmes présentant la décompo- 
sition chimique. 

11. Dans mon premier travail sur l’application de la règle 
des phases à la classification des équilibres hétérogènes, je 
ne me suis occupé que des équilibres chez lesquels tous les 
corps d’un système peuvent résulter les uns des autres par 
combinaison ou par décomposition. J’ai alors négligé à 
dessein les équilibres qui permettent entre leurs constituants 
la substitution ou la double décomposition. J'ai traité depuis 
ce point dans mes leçons, maïs je n’ai encore rien publié 
à ce sujet. M. Meyerhoffer, dans l'intervalle, à énoncé 
dans sa brochure sur la règle des phases qu’un système de 
quatre constituants avec double décomposition doit être con- 
sidéré comme un système de trois constituants seulement, 
ce qui est exact. 

Mais il nous faut considérer de plus près la place à attribuer 
aux systèmes, chez lesquels il peut y avoir substitution ou 
double décomposition 

12. Examinons d’abord les équilibres de substitution, et 
soit comme exemple l’équilibre 


KT + Cl= KCI + I. 


Il y a ici quatre constituants en présence, que l’on pour- 
tait introduire en proportions variables dans le système, 


80 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


mais dont le rapport peut se modifier ultérieurement par 
substitution. Dans une phase homogène (fondue ou dissoute) 
cet équilibre devrait être considéré comme com posé de 
quatre substances. 

Cependant il n’y a que trois variables indépendantes dont 
dépend la composition des phases de cette nature, savoir les 
trois éléments X, Cl, I. Mis en présence en proportions telles 
que toute la quantité de Æ disponible rencontre de l’I ou du 
CT en quantité suffisante pour s’y combiner, ils produiront 
un équilibre entre À C{, KI, CI et I, répondant dans les con- 
ditions de l’expérience aux lois de l’équilibre homogène. Du 
moment que ces lois sont bien connues, la distribution des 
quatre substances est également déterminée pour un mélange 
homogène quelconque. Il suffit que la température et la pres- 
sion soient données, ainsi que la composition, exprimée en 
ses trois constituants les plus simples K, C1, I. 

Quand donc les quatre substances en question, réparties sur 
plusieurs phases, se rencontrent de manière à former un sy- 
stème hétérogène, il suffira, pour représenter graphiquement 

les différentes phases, de construire un 

CcJ triangle, dont les sommets expriment 

les trois constituants élémentaires. Les 

combinaisons K CI et KI sont alors 

1 représentées par les points D et E, 
placés sur les côtés. On voit immé- 

A > p  diatement que, dans cette figure, on 

K ÆXCI CT représentera par un point dans l’in- 
térieur du quadrilatère D E B C tout 
système qui n’admet que KCI, KI, CI, I 
comme constituants libres. Les systèmes de cette nature ne 
représentent donc qu’une fraction des équilibres que peuvent 
réaliser les éléments ÆK, CI, I. Il reste encore, en effet, les 
équilibres renfermant K, K Cl, KI (triangle À D Ë). 

On pourrait objecter contre le choix de À comme troisième 
constituant. Il y a des circonstances en, effet, dans lesquelles 


LC E 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. S1 


la décomposition par substitution est possible, et où ce corps ne 
peut encore être en équilibre avec À Clet KI. On serait donc 
tenté de dire qu’il ne suffit pas aux conditions 2 et 3 du $ 7. 

Dans d’autres conditions cependant les équilibres du triangle 
A D E peuvent bien réellement se réaliser, et la représenta- 
tion des équilibres entre Æ C1, K I, Clet I dans le quadrilatère 
CD E B, pris sur le triangle À PB C, reste donc bien la méthode 
la plus rationnelle, si l’on veut se rappeller les relations qui 
lient les équilibres aux trois constituants les plus simples. 

Mais si l’on néglige ces relations et si l’on considère isolé- 
ment les équilibres entre les quatre substances de l’équation 
de substitution, on pourra néanmoins considérer ces systèmes 
comme composés de frois substances, choisissant trois des 
quatre corps, peu importe lesquels. Il faut alors régulièrement, 
pour représenter complètement tous les rapports de mélange, 
deux couples de trois combinaisons, telles que 

OO PIE RPIP avec ROPMIENCE 
où 
PE CI M RC avec, CT 

Chaque couple de trois constituants comprend en effet deux 
triangles formant ensemble le quadrilatère D E BC. Cha- 
cune d'elles est formée de deux constituants, qui peuvent se 
décomposer en présence de l’un ou de l’autre des produits 
de la décomposition. 

Inversément tout point du quadrilatère appartient à deux 
triangles. Le système dont il exprime la composition peut 
donc être considéré comme constitué lui-même par deux 
systèmes de trois corps. Cela provient de ce que chaque point 
n’exprime que la composition totale d’une phase et non les 
détails de distribution des quatre substances qui peuvent 
résulter par décomposition des trois corps primitifs. 

Si toutefois l’on considère isolément, en dehors de toute 
relation avec les trois constituants élémentaires, les systèmes 
dans lesquels se rencontrent les quatre substances de l’équa- 
tion de substitution, il n’y a plus de raison de donner au 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 6 


82 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


quadrilatère DUBE la forme spéciale déterminée par la 
position des points D, Æ sur les côtés du triangle A BC, 
qui expriment les deux combinaisons du système. On pourra 
alors, pour des raisons de symétrie, donner au quadrilatère 
une forme régulière, ce qui est encore préférable pour la 
mesure et la lecture des ordonnées d’un point. 

13. Tandis que chez les systèmes dont les quatre consti- 
ants peuvent par substitution se transformer les uns dans 
les autres, il y avait encore moyen d'indiquer trois constitu- 
ants plus simples, il n’en est plus de même dans les systèmes 
de quatre corps, montrant la double décomposition. 

Dans un système qui montre une double décomposition, 
telle que 

6HC+ SE, O, = Sb, CI, + 8 H, O, 

les constituants les plus simples seraient H, O, Sb, CI. Mais 
ceux-ci donneraient un système de quatre corps. Et cepen- 
dant les quatre substances de l’équation de décomposition 
doivent, tout comme dans le cas précédent, être envisagées 
dans l’équilibre hétérogène comine trois substances seulement. 
Cela provient d’un côté de ce que, de même que précédem- 
ment, tous leurs rapports de mélange peuvent résulter du 
groupement des corps trois à trois. Il suffit qu'il y ait dé- 
composition en mesure convenable. 

On peut également s’en convaincre par voie graphique; 
mais on s’apercevra en même temps d’une différence avec le 
cas précédent. Représentons à cet effet de nouveau la compo- 
sition du système de quatre.corps par un tétraédre (fig. 8), 
aux sommets duquel sont situés les constituants. Tout plan 
passant par un pareil tétraèdre comprendra des systèmes plus 
élémentaires d’un degré, et représentera donc des systèmes 
de trois constituants seulement. Menons ce plan par une 
arête C D et un point Æ de l’arête opposée. La vérité de ce 
que je viens de dire est maintenant évidente, car la coupe du 
tétraèdre est un triangle, dont les sommets expriment les trois 
constituants. Deux d’entre eux, C et D, sont ceux des sommets 


REPRÉSENTATION GRAPHIQUE, ETC. 83 


du tétraèdre; les substances représentées par les deux autres 
sommets ont été remplacées par une combinaison exprimée 
par le point Æ. Menons de même un plan par les points F 
G, H de trois arêtes qui se rencontrent en un même sommet, 
Le triangle F# G H représente des systèmes dont les consti- 
tuants sont trois combinaisons, savoir de B avec À, C' ou 


D. Mais si le plan sécant est mené de manière à couper les 


D 


Fig. 9. 


quatre arêtes du tétraèdre (fig. 9), il en résulte une section 
quadrangulaire. Les sommets en représentent toutes des com- 
binaisons des constituants les plus élémentaires À, B, C, D. 
Si par exemple l’on supposait placés aux sommets les éléments 
H, O, Sb, Ci, le plan £ F G H pourrait être choisi de manière 
que les points Æ, F, G, H correspondent aux combinaisons 
HO O; SD. CL; Sb, O.. 

Le quadrilatère, de même que les triangles CDE, FGH, 
représente un système de trois corps. Mais dans les triangles 
les trois constituants dont on peut former toutes les propor- 
tions de mélange du système sont exprimés par les sommets. 
Ici au contraire — de même que dans les systèmes dont 
les quatre substances peuvent par substitution se transformer 
les unes dans les autres — il faut, pour la représentation 
complète, choisir parmi les quatre corps au moins deux séries 
de trois constituants. 

Il y a cependant une différence entre les systèmes mon- 


G* 


84 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. 


trant la substitution et ceux présentant la double décompo- 
sition, Les premiers peuvent également être considérés comme 
des parties incomplètes d’un système plus étendu de trois 
constituants plus simples. Les autres ne sont qu’une sous- 
classe d’un système de quatre constituants plus simples. 

Si nous considérons un système, où s'opère la double décom- 
position, dans ses relations aux constituants plus élémentaires, 
le quadrilatère devrait prendre la forme correspondant à 
l'endroit du plan de section déterminé par la composition des 
combinaisons qu'expriment les sommets du quadrilatère. 

Mais si l’on néglige ces relations du système avec ses con- 
stituants élémentaires, le plus pratique sera de le représenter 
par un quadrilatère régulier. 

Cela sera même tout indiqué dans bien des cas particuliers, 
parce qu'une partie des constituants élémentaires ne peuvent 
jamais exister isolément. C’est ce qui a lieu, par exemple, 
dans les doubles décompositions des sels, pour les groupes 
négatifs (tels que SO,, NO, ). 

14. Les systèmes hétérogènes, où l’on peut voir s’opérer la 
substitution ou la double décomposition, doivent donc être con- 
sidérés comme formés non de quatre mais de trois substances. 

C’est ainsi encore qu’il y a des systèmes avec en apparence 
cinq constituants qui se laissent toutefois réduire à quatre. 
On peut considérer trois cas différents; 

A. Quatre des cinq substances peuvent résulter deux à deux 

les unes des autres par substitution. 
E De pareils systèmes prennent naissance, 
quand dans un système que l’on considérait 
comme formé de trois corps, eb où il 


€ ne LE 
y avait substitution, est jointe une nou- 
7 B velle substance qui ne prend pas part à 
Fig. 10. la substitution. Le schéma obtenu sera une 


pyramide quadrangulaire (fig. 10), dont la 
base exprime le système de la substitution À + C= B + D, et 
au sommet duquel se trouve placée la substance additionnelle £. 


RÉPRESENTATION GRAPHIQUE, ETC. 85 


Un schéma analogue s’adaptera à la plupart des exemples, 
car on ne pourra réellement étudier d’une manière quelque 
peu approfondie de pareilles substitutions que si elles s’ac- 
complissent dans un dissolvant quelconque. Æ sera donc bien 
souvent de l’eau. 

Comme on peut considérer aussi le quadrilatère À BCD 
comme une partie d’un triangle, il faudrait envisager de 
même la pyramide quadrangulaire comme portion d’une py- 
ramide triangulaire, dont les sommets représenteraient alors 
les quatre constituants les plus élémentaires du système. 

B. On représentera de la même manière des systèmes per- 
mettant entre quatre des cinq substances la double décom- 
position. Mais on ne peut alors (en vertu de 13), considérer 
le quadrilatère À BCD comme portion d’un triangle, et la 
pyramide par conséquent comme portion d’une pyramide 
triangulaire. | 

M. Lôwenherz a récemment !) ébauché l’étude de ces 
systèmes, dans le cas particulier de la double décomposition 
qui s'opère en présence de l’eau entre Mg CI, et K, SO,. Il 
a employé à cet effet la représentation donnée fig. 10. F figure 
donc de l’eau, À, B,C, D les quatre sels. Si les recherches 
étaient complètes, elles devraient également comprendre les 
équilibres exprimés par la base de la pyramide, c’est-à-dire 
ceux entre les sels, sans l'intervention de l’eau. 

La même représentation pourra s'appliquer à la quantité 
innombrable de doubles décompositions qui s’opèrent en pré- 
sence d’un dissolvant (l’eau en particulier). 

Il a été montré (en 4) que, pour représenter les équilibres 
de quatre corps que l’on peut exprimer dans un tétraèdre, la 
projection sur un des plans latéraux pourra rendra de grands 
services. Il en sera de même pour les systèmes décrits en A 
et B, qui doivent être représentés par des pyramides qua- 
drangulaires. Il est à recommander de faire usage de la pro- 


1) Zeitschr. f. physik, Chem. Bd. 13, p. 459. 


86 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. REPRÉSENTATION, ETC. 


jection sur la base quadrilatère, comme M. Lôwenherz 
s’y est pris également. 

C. On peut, en troisième lieu, se représenter le cas que les 
cinq substances se décomposent entre elles. Cela arrive quand 
un corps peut p.ex. prendre naissance aux dépens des quatre 
autres. On peut alors constituer le système entier aux dépens 
de ces quatre corps, et la représentation sous forme de tétra- 
èdre suffit. 51, au contraire, les cinq substances peuvent se 
transformer deux à trois les unes dans les autres, on ne 
pourrait représenter un pareil système par un tétraèdre ou 
une pyramide quadrangulaire, mais par un double tétraèdre 

seulement. Si p. ex. la décomposition 
s’opérait suivant le schéma | 
A+B+C=D+E, 
on choisirait À, B, C comme les trois som- 
mets du plan commun des tétraèdres, et 
l’on placerait D et E aux sommets opposés. 
Je cite comme exemple d’un pareil système 
8 la décomposition 
PbO + NH, Ci = Pb CI, + NH, + H, 0. 
FE La figure peut être envisagée comme 
Fig. 11. une combinaison de tous les systèmes de 
quatre corps que l’on peut tirer des cinq 
substances; les deux systèmes 4 BCD, ABCE et les trois 
systèmes À BD E, ACDE, B C D E forment ensemble la 


figure entière. 


S 


DA 
" 
_ 
a 


ES 


J'espère que le présent résumé servira d’excitant nouveau 
et poussera à l'étude des équilibres hétérogènes dans toute 
leur étendue, surtout chez les systèmes de quatre corps et 
spécialement quand ils présentent la double décomposition. 


LEvpe, Laboratoire de Chimie inorganique 
de l’Université. 


SUR LA 


LIMITE INFÉRIEURE DES SONS 
PERCEPTIBLES. 


PAR 


W. C. LL VAN SCHAIK. 


On admet généralement, avec von Helmholtz, que le 
plus petit nombre des vibrations correspondant à la sensation 
d’un son déterminé, est d’environ 28 vibrations complètes 
par seconde. La limite inférieure des sons perceptibles à 
l'oreille humaine tombe donc environ sur le La». 

Il y à quelques années, M. Appunn à fait connaître cer- 
taines expériences, suivant lesquelles la limite en question 
serait située une octave et demie plus bas. Il avait employé 
à ce propos une lame d'acier large de 12 mm., à l’extrémité 
de laquelle était fixé un disque de 4 cm. de diamètre. Les 
vibrations de la lame étaient ainsi transmises à l’air ambiant. 
Comparées à celles de von Helmholtz, qui consacre à ce 
sujet particulier un chapitre de sa Théorie physiologique de la 
musique, ces expériences ne font pas encore douter bien vite 
aux allégations du grand physicien. Cependant le résultat 
déduit des expériences de M. Appunn commence à passer 
dans les traités ?) et trouve déjà des applications. Il est temps, 
me semble-t-il, d’y faire les objections nécessaires. 

_ On sait que von Helmholtz s’est également servi de 
disques vibrants pour l'étude des sons les plus bas percep._ 
tibles. Ces disques, de 5cm. de diamètre, étaient fixés aux 
branches de grands diapasons. Le résultat obtenu a été iden- 


1) Beiblätter der Ann. der Physik und Chemie, 1890, p. 362. 
2) Wüllner, Lehrb. der Experimentalphysik. 1895, p. 164. 


SOLE W. C. L VAN SCHAIK. 


tique à celui de ses autres expériences. Or, les vibrations d’un 
diapason ont ceci de particulier que, si l'amplitude devient 
considérable, l’octave du son rendu se fait également entendre. 
Ce phénomène résulte de ce que les forces qui, dans ces con- 


DS 


ditions, ramènent le corps à sa position d'équilibre sont asy- 
métriques par rapport à cette position !). Mais ces octaves 
de faible intensité n'auront pas troublé von Helmholtz 
dans la perception du son fondamental, si du moins celui-ci 
était perceptible. Ces expériences n’occupent d’ailleurs qu’une 
place très-secondaire dans le travail cité. 

Dans le cas d’une lame d’acier plate, l’élasticité possède, 
dans les positions symétriques par rapport à la position d’équi- 
libre, des valeurs égales. La cause provoquant l’apparition de 
l’octave fait donc défaut; et, convenablement mise en vibra- 
tion, une lame de cette nature, alors même que l’amplitude 
est considérable, peut se trouver en mouvement vibratoire à 
peu près simple. Mais cela ne veut pas dire qu’il en sera 
encore ainsi des masses d’air situées dans le voisinage de la 
lame vibrante. On peut s’attendre au contraire à ce que ces 
masses prendront, sous l'influence de vibrations rapides de la 
part de la lame, des mouvements plus compliqués. En effet, 
il v a déjà cette raison que les impulsions reçues seront pro- 
bablement asymétriques, ce qui donnera une certaine importance 
au carré des écarts et fera donc apparaître l’octave. 

J'ai répété 1l y a trois ans ces expériences, en me servant 
d’une lame d’acier de 1 mm. d'épaisseur et 26 mm. de largeur, 
maintenue dans un serre-joint ordinaire, fixé à une lourde 
plaque de pierre. À l’extrémité de la lame pouvait s'adapter 
une plaque de 8 cm. de largeur. Cette disposition permettait 
de poursuivre le son fondamental jusqu’au-dessous de l’Ui- 1, 
même plus bas que le La__ 2, et dans des circonstances favora- 
bles jusqu’au Sol__2. Si l’on donnait à la lame une longueur 
encore plus. grande, on entendait encore des sons très-bas, 


1) Lord Rayleigh, Theory of Sound. Art. 67. 


SUR LA LIMITE INFÉRIEURE DES SONS PERCEPTIBLES. 89 


mais que j'ai reconnu être des harmoniques supérieurs du son 
fondamental, lequel n’était plus perceptible. Il était d’ailleurs 
généralement accompagné déjà au-dessus du Sol_2 par l'oc- 
tave, et souvent aussi par la duodécime. Je ne suis pas 
parvenu à supprimer complètement les harmoniques supé- 
rieurs, même en fixant la lame dars le serre-joint entre des 
plaques de matériaux plus doux et l’entourant d’une gaîne 
de velours. On observera d’ailleurs que la duodécime peut se 
faire entendre, pourvu que les vibrations soient intenses, quand 
le cube de l’écart ne peut plus être négligé. J’ai contrôlé le 
mouvement pendulaire simple de la lame par la méthode 
optique. 

Pour rendre nettement appréciable l'existence de ces har- 
moniques supérieurs, on peut, outre les moyens ordinaires, 
avoir recours encore au suivant. On dispose en face de la 
plaque vibrante un très-faible courant d’air, sortant de l’'embou- 
chure en forme de fente d’un tube aplati à son extrémité. Le 
mouvement vibratoire que va prendre cette lame d'air sous 
l'influence des ondes aériennes peut être rendu visible au 
moyen de filaments de duvet, et l’on reconnaîtra à la forme 
de la figure obtenue la composition des mouvements vibra- 
toires !). C’est ainsi que les vibrations ne révèlent, dans le 
cas de mouvement pendulaire simple, de minima de vitesse 
que dans les positions extrêmes. Pour établir un parallèle 
dans des circonstances aussi identiques que possible, je dis- 
posai une lame d’air, de 12 mm. de largeur et '}, mm. 
d'épaisseur environ, en regard de l'embouchure d’un large 
tuyau d’orgue fermé. Ce tuyau ne recevait aucun vent, mais 
servait de résonnateur, et donnait l’Uf, comme son de ré- 
sonnance maxima. À une distance de quelques décimètres se 
trouvait un tuyau analogue, rendant le même son fonda- 
mental, mais actionné par une soufflerie. La lame d’air montra 
nettement dans ces conditions uu mouvement vibratoire simple 


1) Arch. Néerl. 1891. T. XXV, p. 316, 396. 


90 W. C. L. VAN SCHAIK. 


de grande amplitude. Sans modifier le courant, je l’approchai 
de la large lame d’acier, après que celle-ci, accordée pour le 
même son, eût êté mise en mouvement. La figure de vibra- 
tion se trouva être complexe, surtout quand le courant 
d'air se trouvait dans le voisinage du bord de la plaque. 
J'avais dans une autre expérience accordé la lame de manière 
à lui faire rendre environ 19 vibrations complètes. Les sons 
perceptibles furent le Ré dièze_1 et très-faiblement le Si dièze 1. 
Quand je disposai la lame d’air, très-peu agitée par elle- 
même, en face de la lame d'acier, la figure de vibration 
indiqua une composition du son fondamental avec l’octave, 
qui cependant n’était pas sensible dans le mouvement de la 
lame d’acier. 

On voit donc par ce qui précède que l’on n’a aucun droit 
de conclure des vibrations simples d’une lame d’acier que 
les ondes aériennes qu'elle provoque seraient également sim- 
ples. On peut en dire autant des anches vibrantes qui, alors 
même qu'on ne les soumet pas à l’action d’un courant d’air, 
donnent, absolument comme l'appareil de Savart, des ondes 
aériennes complexes et des harmoniques supérieurs nette- 
ment appréciables. Il faut de plus tenir compte, comme le 
fait observer von Helmholtz, de ce que les plaques et les 
anches libres, quand elles sont chargées d’un fort poids à leur 
extrémité, impriment deux fois par vibration complète une 
secousse à leur point de fixation, tout comme le ferait un pen- 
dule ordinaire, et qu’elles favorisent ainsi l’apparition de l’octave. 


On aura encore, dans les expériences sur les plaques vi- 
brantes, à tenir compte d’une production spéciale de sons. 
On sait qu'il se produit des sons profonds d'intensité faible 
et de courte durée quand on approche la main de l'oreille 
avec une rapidité suffisante. Si l’amplitude n’est pas trop faible, 
une plaque vibrante produit à chaque vibration des sons ana- 
logues; et ces sons, perçus dans le voisinage de leur source, 


possèdent une intensité variable. Mais comme ils sont très-légers, 


SUR LA LIMITE INFÉRIEURE DES SONS PERCEPTIBLES. 91 


ils deviennent rapidement insaisissables à quelque distance. 
Ils sont souvent compris dans l’octave située entre Uh et Ut 
Si l'intervalle au bout duquel ces sons prennent de nouveau 
naissance est plus petit que leur durée, c’est-à-dire que le temps 
nécessaire à leur évanouissement, on les entendra constamment. 
Cette continuité de sons profonds d'intensité périodique suffit 
déjà à elle seule pour faire croire un instant à l'existence d’un 
son plus profond, dont la période de vibration serait égale à 
celle de la plaque vibrante. 

Supposons que nous placions l'oreille en face de plaques 
vibrantes possédant une amplitude de quelques centimètres. 
On peut s'attendre à percevoir des harmoniques supérieurs, 
alors même que ces plaques présentent une grande surface. 
Mais si nous avons donné aux plaques une surface trop pe- 
tite, les ondes sonores attendues ne se produiront pas avec 
une intensité suffisante !). En effet, dans le voisinage d’une 
plaque de surface donnée, que l’on fait vibrer avec une rapi- 
dité trop faible, le mouvement des molécules d’air consistera 
surtout en un déplacement d’un côté à l’autre ?). Il en est de 
même quand, pour une amplitude et une durée de vibra- 
tion données, la surface est trop petite. Un diapason donnant 
l’'Ut_1 (32 vibrations complètes), et dont les branches ont une 
largeur de 12 mm,, ne transforme qu'une faible portion de 
son énergie actuelle en énergie vibratoire, malgré que le son 
fondamental soit nettement perceptible. Mais si l’on y adapte 
des plaques de 4 cm. de diamètre, l’intensité du mouvement 
aérien, correspondant au son fondamental, se trouve considé- 
rablement accrue. Sur les bords de la plaque il y a d’ailleurs 
des courants tourbillonnants; et en général le mouvement de 
l’air présente une assez grande complication. Cette raison seule 
me fait déjà paraître très-peu appropriée une plaque vibrante 
de 4 cm. de diamètre, quand on se propose de démontrer la 


nord a yleñs hr cl Chap: X VIT 
2) Stokes, Phil, Trans. 1868. 


92 W. C. I. VAN SCHAIK. 


perceptibilité de sons plus profonds de deux octaves que 
V'Ut-1. Cet appareil à cependant servi aux expériences de 
MM. Zwaardemaker et Cuperus, dans leur étude sur 
l’étendue du champ auditif !). 

Il se peut que l'existence de mouvements tourbillonnants 
sur les bords des plaques vibrantes soit en rapport avec la 
dépendance plus ou moins grande qui s’observe entre l’inten- 
sité relative des harmoniques supérieurs prenant naissance 
dans l’air et la période de vibration des plaques. Accordée 
pour 19 vibrations complètes, la lame d’acier faisait entendre 
plus faiblement la duodécime que l’octave: dans le cas de 
21 vibrations l'inverse avait lieu; et la figure de vibration 
corroborrait par sa forme ces résultats observés par l'oreille. 

Si l’on se propose de déterminer la limite inférieure des 
sons perceptibles, 1l est nécessaire de communiquer aux cou- 
ches d’air un mouvement vibratoire simple, ou du moins de 
faire usage de sources sonores dont les sons partiels soient suf- 
fisamment connus et ne soient pas trop voisins les uns des 
autres. C’est pourquoi von Helmholtz a recommandé avec 
raison les tuyaux à bouche fermés de grande taille. Le son 
fondamental d’un large tuyau d’orgue fermé, de son bien pur, 
“est en effet très intense et facile à distinguer de la duodécime. 
Or, il n'est pas difficile de se convaincre, à l’aide de tuyaux 
de cette nature, de l’exactitude des résultats de von Helm- 
holtz. Deux'accordeurs que je sais capables, en train d’ac- 
corder un régistre bouché de 32 pieds, furent obligés de 
m’assurer qu'ils pouvaient encore percevoir tout juste le son 
Sol_2, mais qu'il ne pouvait être question d’un son infé- 
rieur à cette limite. Le mouvement de l’air à l'embouchure 
du tuyau était cependant bien réglé. C’est pour cette raison 
que les constructeurs d’orgue bien au courant n’attachent 
d'ordinaire aucune importance aux six ou sept tuyaux les plus 
grands d’un jeu bouché de 32 pieds. 


1) Zeitschr. für Psychol. u. Physiol. der Sinnesorgane. Bd. VIT. 


SUR LA LIMITE INFÉRIEURE DES SONS PERCEPTIBLES. 93 


Les tuyaux ouverts rendent aussi, au nombre des harmo- 
niques, les octaves, et ce fait est de nature à embarrasser 
quand on ne s’est pas exercé quelque peu à distinguer la hau- 
teur du son dans l’octave inférieure à l’Uf,. Mais quand ces 
tuyaux possèdent le diamètre voulu, leur son fondamental peut 
se faire entendre avec une grande netteté, surtout dans le voi- 
sinage de l’extrémité ouverte. Cela tient sans nul doute à ce 
que l'énergie s’y communique avec plus d'intensité et de 
régularité à l’air ambiant que près de l’embouchure. L’inten- 
sité du son fondamental d’un large tuyau ouvert de 16 
pieds, donnant l’Uf_1, est bien différente de celle présentée 
par le même son, rendu par un diapason muni d’une plaque 
de quelques centimètres carrés. On conçoit qu'il doive en être 
ainsi quand on réfléchit que la section d’un pareil tuyau 
peut être d’environ six décimètres carrés et l'amplitude des 
vibrations de l'air de quelques centimètres. Cependant Je 
n'ai, même dans le cas de grands tuyaux ouverts, pu dis- 
tinguer un son fondamental réel dans la moitié la plus 
basse de l’octave inférieure à ÜUf_1 (la sous-contre-octave). 
On perçoit, il est vrai, dans cette région, à chacune des 
poussées d’air qui se succèdent rapidement, quelques sons 
de peu de durée, mais il n’y à pas moyen de les confondre 
avec un son fondamental. Ces bruits intermittents peu inten- 
ses communiquent au son, en même temps que les harmo- 
niques supérieurs du tuyau, un certain caractère. de roulement, 
qui disparaît cependant à quelque distance. Là on n'entend 
plus que l’ensemble des harmoniques les plus profonds, comme 
cela arrive surtout pour les plus grands tuyaux du régistre 
nommé Principal ou Diapason. 

Les observations précédentes m’autorisent, me semble-t-il, à 
conclure qu’il n’y a aucune raison d’abaisser sensiblement la 
limite inférieure des sons perceptibles, telle qu’elle a été fixée 
par von Helmholtz. Elle est voisine du So!_2 (24 vibra- 
tions complètes). 


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ARCHIVES NÉERLANDAISES 


Sciences exactes et naturelles. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES 
LIQUIDES ET SOLIDES DANS LE SYSTÈME EAU, ACIDE 
CHLORHYDRIQUE, CHLORURE FERRIQUE. 


PAR 


H.W.BAKHUIS ROOZEBOOM et F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


Introduction. 


Les recherches, dont nous nous proposons de publier ici 
les résultats, avaient pour objet d'étendre nos connaissances 
sur les équilibres possibles entre une phase liquide et une 

ou plusieurs phases solides dans des systèmes de trois corps. 

Les travaux publiés dans ces dernières années au sujet de 

systèmes de cette nature ont mis au jour bien des particularités 
intéressantes de ces équilibres. Il était cependant impossible 
jusqu'ici d'en déduire une idée genérale de la manière dont 
les divers systèmes hétérogènes peuvent se délimiter les uns 
les autres. 
… Suivant la voie indiquée par M. van Rijn van Alke- 
made, l’un de nous a pu donner, grâce à l'emploi du poten- 
tiel thermodynamique '), une revue générale des phénomènes 
d'équilibre possibles dans des systèmes de trois corps. Il s’est 
trouvé à cette occasion que les recherches faites jusqu'ici n’ont 
fait connaître qu'une fraction très-restreinte des cas d’équilibre 
possibles. | 

Cela résulte de ce que les phases solides considérées, ou 
bien ne présentaient pas de point de fusion, ou bien avaient 
été étudiées dans leurs équilibres avec des solutions à des 


RS 


températures de beaucoup inférieures à ces points de fusion. 


Arch. Néerl. T. XX VILI p. 78. 
ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX. 


SN | 


96 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


Or, l'étude des systèmes hétérogènes formés de deux corps 
avait fait voir que les équilibres ne se montrent dans toute 
leur étendue qu’au voisinage de ces dernières températures. 

Nous nous sommes donc trouvés conduits à choisir un 
système de trois corps, dans lequel des phases solides binai- 
res et ternaires présentent un point de fusion à des tempé- 
ratures aisément réalisables. Cela a lieu pour le système eau, 
acide chlorhydrique et chlorure ferrique. 

Les recherches de l’un d’entre nous ‘) et celles de M. 
Pickering?) ont prouvé qu'il existe pour les hydrates de 
l’acide chlorhydrique de réels points de fusion, et il en est 
de même des hydrates du chlorure ferrique ). 

Les équilibres de ces deux systèmes de deux corps four- 
nissent en quelque sorte la base sur laquelle s’appuiera 
l'étude que nous allons faire du système de trois corps 


HT, OP O REC 
Quant aux phases ternaires, on n’en connaissait qu'une 
d’après les travaux de MM. Sabatier ‘) et Engel ‘), savoir 


Fe, CI, .2 H CI.4 H,0. 


Les auteurs n’indiquaient pas de point de fusion; mais nous 
nous sommes assurés qu'il en existait un à 45°,7. 

Nous avons découvert en outre dans le cours de ces re- 
cherches deux nouvelles combinaisons ternaires : 


Fe, Cl, .2H C1.8:4H,0 et. Fe, Cl. OPANOIEMPRAPRO) 
dont les points de fusion étaient également situés à des 
températures faciles à réaliser (—3° et —6°). 

Le grand nombre de phases solides, capables de s’associer 
de plusieurs manières, a considérablement augmenté la diff- 


1) Rec. Trav. Chim. Paus-Bas, T. 3, p. 84 et Zeits. Physik. Chemie, 
Bd. 2, p. 459. 

2) Ber. d. d. Chem. Ges. Bd. 26, p. 280. 

8) Arch. Néerl., T. 27, p. 28. 

4) Bull. de la Soc. Chim., 2e sér. T. 36, p. 197, 1881. 

5) Ann. de Chim. etrde Phys 162sér MT p SM 1889. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASHS LIQUIDES, ETC. 97 


culté des recherches. Il n'aurait certainement pas été possible, 
sans les données théoriques pour nous y aider, de débrouiller 
les phénomènes très-compliqués qui se sont offerts. 

Nous avons en revanche eu la satisfaction de pouvoir 
donner, grâce à cette étude, des exemples de tous les cas 
d'équilibre encore inconnus dans les systèmes de trois corps, 
théoriquement indiqués dans le travail que nous avons cité. 
Nous pouvons dire que les phénomènes possibles dans les 
équilibres entre une phase liquide et une ou plusieurs phases 
solides de trois corps, sont à présent aussi complètement 
connus que dans les systèmes de deux substances. 


LI Généralités sur les expériences. 


Toutes les expériences ont servi à déterminer la composition 
d’une solution en équilibre avec une ou plusieurs phases so- 
lides. Pour réaliser cet équilibre, les corps solides en expé- 
rience furent secoués pendant une ou deux heures avec la 
solution, dans un long flacon à bouchon de verre, dont la 
partie supérieure dépassait le bain. Il ne pouvait y avoir de 
cette manière perte de À CI. 

Les expériences ont été toutes effectuées entre — 30° et 
+ 60°. Nous avons employé, pour les températures comprises 
entre 0° et 60°, un grand bain-marie, réglé, pour des tempé- 
ratures dépassant celle de la chambre, par une lampe brûlant 
à petite flamme; pour des températures plus basses, par de 
la glace. 

Nous avons employé, de 0° à — 30°, un bain à doubles 
parois remplis de. Ca CI,. 6 H,0 et de glace. Si l’on veut 
maintenir ce bain à une température constante, voisine 
de — 20°, il faut avoir à sa disposition un deuxième baïn 
contenant des morceaux de glace et de chlorure de calcium 
pas trop petits, qu'on introduit à mesure des besoins dans 
le premier bain. 


Parfois nous avons introduit dans de l’eau les phases solides 


7 


98 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F, A. H. SCHREINEMAKERS. 


à étudier, par exemple lors de la détermination de la solubilité 
pure des combinaisons ternaires. Le plus souvent nous 
avons préparé d’abord une solution dont la composition était 
voisine du point cherché. Nous avons à cet effet introduit 
de l’acide chlorhydrique gazeux dans une solution de chlorure 
ferrique de concentration connue, obtenue en fondant ensemble 
un hydrate et de l’eau ou bien deux hydrates. Parfois aussi nous 
avons fait passer de l’acide chlorhydrique gazeux sur un hy- 
drate déterminé. Tous les hydrates se liquéfient déjà en effet 
en présence de cc corps, à la température ordinaire. 

Nous avons donné à la solution que nous nous proposions 
de secouer avec des phases solides une composition telle, que 
ces phases pouvaient encore s’y dissoudre un peu plus, avant 
que l’équilibre définitif ne fût atteint. L'équilibre s’établit 
mieux de cette manière que si des corps solides devaient se 
séparer de la liqueur. La réalisation des équilibres à été en 
général bien plus assurée que dans les solutions aqueuses des 
hydrates du chlorure ferrique, ce qui tient sans aucun doute 
à la mobilité du liquide, provoquée par l’acide chlorhydrique. 
Il y a eu cependant quelque incertitude dans la détermina- 
tion, quand il s'agissait de Fe, Cl, . 12 H,0. 

Les solutions se mettent plus rapidement en équilibre 
avec les autres phases solides. Mais ici surgit une difficulté 
nouvelle. Le douzième hydrate est facile à reconnaître dans 
les solutions foncées, grâce à sa couleur jaune. Les autres 
hydrates au contraire, le Fe Cl, anhydre et les sels doubles, 
ne se laissent distinguer qu’ assez difficilement, surtout quand 
plusieurs d’entre eux se rencontrent simultanément dans la 
solution. 

Nous avons donc toujours introduit les diverses phases soli- 
des dans la solution sous une forme aisément reconnaissable, 
de manière qu’au bout d’une heure il nous fût possible, sur 
un échantillon pris au moyen d’une cuiller de verre (ou 
même par simple inspection directe), de nous convaincre si 
une phase solide quelconque se trouvait encore en excès. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 99 


S'il n’en était pas ainsi, nous en ajoutions une nouvelle por- 
tion en continuant à agiter le mélange. 

Jamais il n'y avait, l’expérience terminée, plus d'environ 
9 em*. de solution en contact avec l’excès des phases solides. 
Nous en enlevions environ 2 cem*. à l’aide d’une pipette, mise 
pendant dix minutes au bain-marie dans une éprouvette !). La 
solution avait le temps de se clarifier dans l'intervalle. 

La solution recueillie fut alors introduite dans un petit 
flacon bouché, destiné à être pesé, et renfermant assez d’eau 
pour ne pas laisser échapper d’acide chlorhydrique. Après 
dilution nouvelle, une portion déterminée en était titrée à 
l’aide de nitrate d’argent et de sulfocyanate d’ammoniaque, 
une autre portion précipitée à l’aide d’ammoniaque. 

Les hydrates du chlorure ferrique ont été préparés de la 
manière déjà décrite dans un précédent travail. Il nous faut 
simplement ajouter qu'il est à déconseiller de laisser se solidi- 
fier l’hydrate Fe, CI, . 4 H, O dans des vases de verre, parce 
que ceux-ci se cassent presque toujours. Le plus pratique est de 
verser la masse fondue dans un mortier, et de la laisser se 
solidifier sous une cloche. Elle se détache sans peine du mor- 
tier et peut être rapidement réduite en fragments plus petits. 


IT. Préparation et propriétés des 
combinaisons ternaires. 


Première combinaison. MM. Sabatier et Engel ont déjà 
décrit une bonne méthode de préparation du corps Fe, Cl. 
2 H CI.4 H,0 ?). Malheureusement on l’obtient par ce procédé 
en cristaux isolés, que l’on peut difficilement manipuler à 
cause de la perte rapide d'acide chlorhydrique. Nous avons 


1) Ceci était nécessaire, à de plus hautes températures, pour empêcher 
la solidification de la solution. Nous nous sommes passés de cette précau- 
tion à des températures plus basses, pour éviter la dilution par l’eau de 
condensation. | 

2) En faisant refroidir une solution préparée à l’aide de Fe, Cl,.5 H, O 
et de H CI. 


100  H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


voulu, pour nos expériences, obtenir ce composé en morceaux 
compacts, que l’on peut introduire sans peine dans les solu- 
tions et agiter longtemps avec celles-ci sans rupture 

Cela nous a réussi d’après la méthode suivante. Nous avons 
fait passer du ACT dans du Fe, Cl,. 4 H,0 fondu, en lais- 
sant en même temps la masse se refroidir peu à peu. Le 
liquide se trouvait dans une éprouvette, étirée à la lampe en deux 
endroits différents. La solution se prend assez brusquement 
en une masse compacte de sel double, avant même qu’elle 
n'ait atteint la température du laboratoire. On sépare à la lampe 
l'extrémité supérieure du tube, et l’on débarrasse par esso- 
ration la masse solide de la solution adhérente, opérant d’abord 
à la température ordinaire, puis élevant celle-ci graduellement 
jusqu’environ 35°. On ferme ensuite le deuxième étrangle- 
ment du tube. Celui-ci renferme en ce moment un cylindre 
de sel double, susceptible d’être conservé inaliéré jusqu’ au 
moment de faire les expériences. Nous avons alors brisé le 
tube et partagé le cylindre en deux fragments, qui furent 
rapidement introduits dans les flacons à bouchon de verre 
renfermant la solution. À l’air leur perte en ÆH CI est très- 
considérable. 

C'est dans des tubes fermés d’une manière analogue que 
nous avons déterminé, après essoration soigneuse, le point de 
fusion. Celui-ci est situé à 45,72. : 

M. Engel définit la couleur des lamelles comme ,jaune 
ambré.” Elle nous semble être plutôt d’un brun jaunâtre clair, 
comme le dit aussi M. Sabatier. Les plus faibles traces 
d’eau-mère interposée rendent la teinte beaucoup plus foncée. 

M. Schrôder van der Kolk, qui a eu l’obligeance 
d'examiner au point de vue cristallographique le composé 
obtenu, nous à communiqué ce qui suit à ce sujet: 

, Les cristaux appartiennent probablement au système rhom- 
bique. La plupart constituent des hexagones allongés (p. ex. 
co P.c P œ). Il reposent alors sur la face oP et présentent 
l'extinction droite et complète. Quelques-uns cependant ne 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 101 


présentent qu'une extinction incomplète ou même nulle, repo- 
sent donc sur une autre face et montrent en lumière polarisée 
convergente des anneaux colorés très-évidents. On y voit plu- 
sieurs anneaux; l’un des axes se montre environ au milieu 
du champ du microscope. 

La dispersion est plus grande pour le violet que pour le 
rouge; la double réfraction, très-énergique, est positive. Les 
cristaux présentant l'extinction complète montrent un pléo- 
chroïsme très-net. Le rayon dont les oscillations sont parallèles 
à la plus grande diagonale du rhombe (« P) présente une 
coloration brun-jaunâtre ; le rayon parallèle à la plus courte 
diagonale est-jaune verdâtre.” 

Il est remarquable que l’hydrate Fe, C1, . 4 H, 0 donne égale- 
ment des cristaux rhombiques lamelleux. Les cristaux de la : 
combinaison avec 2 H Cl sont ordinairement plus volumineux, 
plus minces et moins colorés. Il est cependant difficile de les 
distinguer, au sein de la solution, des cristaux de l’hydrate. 

Deuxième combinaison : Fe, CI, .2 H C1.8 H,0. Cette combi- 
naison à été accidentellement découverte, quand différents 
résidus de solution furent refroidis à — 20°, pour en recueillir 
encore quelques cristaux de la première combinaison. La cris- 
tallisation nous donna au contraire un composé renfermant 
deux fois autant d’eau pour une quantité de sel identique. Le 
moyen le plus commode d’obtenir les cristaux en grande 
quantité est le suivant: On chauffe Fe, CI, .12 H,0 au bain- 
marie, Jusqu'à ce que 4 molécules d’eau se soient évaporées, 
et l’on y introduit du H Cl gazeux en quantité suffisante 
pour rétablir le poids primitif. On obtient ainsi un liquide 
verdâtre foncé mobile, fumant un peu et hygroscopique, et 
que l’on conserve donc dans des flacons bouchés à l’émeri. 
Si l’on refroïdit le liquide, ce n’est souvent qu’au-dessous de 
— 20° et après friction répétée des parois à l’aide d’une pointe 
de verre que l’on parvient à provoquer la cristallisation. Celle-ci 
se produit, on le conçoit, instantanément quand on y laisse 
tomber un petit fragment de cristal. 


102 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET K. A. H. SCHREINEMAKERS. 


Les cristaux sont prismatiques et l’on peut en obtenir de 
grandes dimensions. La couleur en est verdâtre, et ne diffère 
pas beaucoup de celle de la solution. La forme cristalline 
n’est pas facile à étudier, car le point de fusion se trouve 
déjà à —3°. Cette valeur a été déterminée à l’aide d’une 
quantité assez considérable de cristaux, plusieurs fois recris- 
tallisée et dont à chaque opération une partie liquide fut 
déversée. 

Les cristaux servant aux expériences ont été préparés de 
la manière suivante, permettant de les obtenir en un cylindre 
compact (voir fig. 1} À est un tube de verre, large de 18 
mm. et long de 120, s’adaptant dans les tubes nickelés d’un 
centrifuge de Rinne !). Ce tube est rempli à moitié 
du sel double en fusion; celui-ci est mis à cristal- 
liser dans un bain refroidi à — 20°; on dépose 
à la surface des cristaux le cône de verre creux 
B, et l’on ferme le tube au moyen d’un bouchon 
de liège. On met alors l’appareil centrifuge en 
mouvement, le tube placé bouchon en bas. 


Tandis que la température s'élève lentement, 
il s’accumule du liquide dans l’espace vide, et l’on par- 
vient ainsi à obtenir en très-peu de temps des cristaux très- 
purs, sans qu’il y adhère des traces perceptibles d’eau-mère, même 
d’une solution de composition très-différente. Si l’on enlève le 
bouchon, le liquide s'écoule, le cône B tombe hors du tube ; et 
l’on enlève les dernières traces de liquide à l’aide d’un petit 
rouleau de papier à filtrer. Le cylindre massif de cristaux, 
qui s’est par liquéfaction latérale séparé des parois du verre, 
peut être réduit entre du papier à filtrer en fragments de la 
longueur voulue, pour les introduire dans les solutions mises en 
expérience. Les flacons à employer sont choisis de telle sorte 
qu'on puisse y introduire sans peine les fragments cylindriques. 

Troisième combinaison: Fe, Cl, .2 HCT.12 H,0. Si nous 


1) Construit par M. Rinne à Bâle. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC, 103 


n'avions pas rencontré par hasard le deuxième sel double. 
nous aurions dû cependant nécessairement en faire la con- 
naissance dans la suite de ces recherches. C’est précisément 
ce qui est arrivé pour la découverte du troisième sel double. 
En cherchant à poursuivre, au-dessous de — 10° jusqu’au 
point où ils se rencontrent, les isothermes de dissolution du 
"deuxième sel double et du douzième hydrate, nous eûmes 
l’occasion d'observer une série de phénomènes complexes en 
apparence, qui finirent par s'expliquer grâce à la découverte 
d’un troisième sel double. 

Cette découverte fut rendue plus difficile par le fait que le 
deuxième sel double et le troisième ne se laissent pas dis- 
tinguer dans la solution, et peuvent s’amener l’un l’autre à 
cristalliser. Mais aussitôt que les conditions de formation du 
troisième sel double nous furent connues, et que son indivi- 
dualité eût été constatée par des analyses de cristaux débar- 
_rassés au centrifuge de leurs eaux-mères, la préparation de 
la nouvelle combinaison ne présenta plus de difficultés. 

A cet effet, on fait passer sur l’hydrate Fe, CI, .12 H,0 du 
H Cl gazeux. Les cristaux jaunes de l’hydrate s’y liquéfient 
à la température ordinaire ; et on continue l’opération jusqu’à ce 
que le liquide renferme deux molécules Æ CI. La coloration 
de ce liquide se rapproche davantage du jaune que celle de 
la solution de même composition que le deuxième sel double. 
Il cristallise aussi plus facilement que cette solution, parfois 
déjà à — 10", et en tous cas à — 20°, sans qu’on ait besoin 
de frotter les parois du verre. 

Les cristaux du troisième sel sont moins étirés en longueur 
que ceux du deuxième; parfois ils sont même un peu lamel- 
leux. Leur couleur est jaune paille, quand ils sont bien dé- 
barrassés des eaux-mères, et il est facile de les distinguer 
alors des cristaux verdâtres du deuxième sel double. 

Le point de fusion de ce composé est situé à — 6°, quand 
il est absolument pur. Mais si l’on conserve longtemps les 


A 


cristaux à cette température, une décomposition a lieu en 


104 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


même temps que la température s'élève; et des cristaux de 
Fe, Cl, .12 H,0 prennent naissance. Comme nous l’apprendra 
plus tard le trajet des isothermes, ce phénomène est provoqué 
par ce que la solution, résultant de la fusion du troisième 
sel double, est sursaturée relativement à l’hydrate nommé 
ci-dessus. 

Les cristaux du troisième sel double ont pu être obtenus 
en fragments compacts d'une manière analogue à ceux du 
deuxième. Toujours cependant ils étaient moins cohérents. 


III. Représentation graphique des résultats. 


Nous discuterons les résultats obtenus en nous aidant des 
PI. I'et IL. La première donne une représentation dans un 
plan des isothermes de dissolution pour diverses températures, 
la deuxième les représente dans l’espace. Dans les deux plan- 
ches, la composition d’une solution s'exprime par le nombre 
des molécules /{ CT et Fe CI, sur 100 molécules H,0, en les 
mesurant, la première dans une direction horizontale, la se- 
conde dans une direction verticale. On ne pourrait de cette 
manière représenter tous les rapports de mélange imaginables 
entre H,0, HCI, Fe Cl,, car les points exprimant À CI et 
Fe Cl, seraient situés à l'infini. 

Mais les limites dans lesquelles nous avons fait nos re- 
cherches ne nous ont pas obligés à choisir le mode de repré- 
sentation dans lequel la somme des trois constituants est 
égalée à 100. Nous n'avons pu observer en eftet que des 
solutions ayant une teneur maxima de 42 molécules H CI et 
60 molécules Fe Cl, sur 100 molécules 4,0. L'augmentation 
de la teneur en acide chlorhydrique n’a été poussée que Jjus- 
qu’à la pression d’une atmosphère La difficulté de distinguer 
les phases solides au sein de la solution rendait absolument 
impossibles des expériences sous plus haute pression, c’est- 
à-dire en tube scellé. Nous ne pouvions d’ailleurs dépasser 
le nombre donné pour la teneur en chlorure ferrique, parce 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 105 


que la solubilité de ce sel à l’état anhydre ne varie pas 
beaucoup avec la température, et que la décomposition com- 
mence bientôt avec élimination de chlore. ; 

Le mode de représentation choisi, rapportant tout à 100 
mol. H,0, s’appliquait donc parfaitement à toutes nos expé- 
riences Il a de plus l’avantage de simplifier le calcul des 
analyses et d’isoler mieux les diverses parties de l’image que 
ne le ferait l’autre procédé. 

On se représentera le schéma de la PI IT comme reposant 
sur un plan horizontal X 0 T (fig. 2), dans lequel les points 
exprimant la température se déplacent dans le sens OT, et 
où les différentes teneurs en Fe Cl, sont prises successivement 
sur O0 X. Aïnsi se trouvent représentés dans ce plan les équi- 
libres entre les deux con- 
stituants H,0 et FeCl,. Si 
l’on choisit comme point 


4 


de départ la température de 
0° sur l’axe OT, on obtient 
dans ce plan la série de 
courbes  schématiquement 
indiquées dans la figure. 
Chacune d’elles exprime les 
solutions à diverses tempé- 
ratures, et en équilibre avec 


une phase solide unique. 
Ces différentes phases se 
succèdent dans l'ordre que 


Fig. 2. 


voici: glace, Fe,,, Fe,, Fe., Fe,, Fe, ; employant ces derniers 
symboles à la place de Fe, CI, .12 H,0, etc. Fe, est donc le 
chlorure ferrique anhydre. Les points extrêmes d’une courbe quel- 
conque représentent donc chacune le point de fusion d’un hy- 
drate; les points de croisement de deux courhes expriment la 
solution capable d’exister concurremment, à la température cor- 
respondante, avec les deux phases appartenant aux deux courbes. 

On devra ensuite s’imaginer, passant par l’axe des tempé- 


106 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


ratures Ü T de ce plan horizontal, un plan vertical T O YF, 
sur lequel on porte, dans la direction OY, les diverses teneurs 
en H C1. On représente done dans ce plan les équilibres ap- 
partenant au système 7,0, HCI; et l’on obtient en consé- 
quence la série de courbes schématiquement représentées pour 
les solutions pouvant coëxister avec: de la glace, H Cl. 3 H, 0, 
HC.2H,0, HC.H,0. La première de ces courbes com- 
mence encore sur l’axe OT, au point correspondant à 0°. 

Toute solution qui renferme les trois substances 1,0, HCI, 
Fe Cl,, peut être représentée en même temps que la tempé- 
rature par un point dans l’espace, entre les plans horizontal 
et vertical. La PL IT donne un aperçu des résultats obtenus. 
Chacune des surfaces courbes exprime les solutions capables 
d'exister en présence d’une phase solide unique; chacune 
des courbes dans l’espace, les solutions coëxistant avec deux 
phases solides; chaque point de croisement de trois courbes 
dans l’espace, les solutions qui peuvent se rencontrer concur- 
remment avec trois phases solides, à la température donnée 
par ce même point. 

Le schéma de la PI IT repose sur le plan horizontal de 
la fig. 2, mais n’'atteint pas le plan vertical T O Y. En effet, les 
solutions des trois constituants qui peuvent être en équilibre 
avec de la glace et les hydrates de l’acide chlorhydrique n’ont 
pas été étudiés. Nous dirons tout à l’heure quelques mots 
à propos de ce point. Le plan TO Y serait situé, dans la 
PI: IT, à peu de distance vers la droite. Le plan postérieur de 
cette figure est un plan vertical, correspondant à une tempé- 
rature de — 30°, la température la plus basse à laquelle des 
déterminations aient encore été faites; le plan latéral gauche 
est situé à une distance telle du plan T O Y, qu’elle corres- 
pond à une teneur en Fe Cl, égale à 65. Le plan horizontal 
supérieur se trouve à une distance répondant à 50 molé- 
cules 1 CI. 

_ La PI. I peut être regardée encore comme une projection 
verticale de la PI. IT sur le plan postérieur. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 107 


En réalité cependant c’est la PI. II qui à été dessinée 
d’après la PI. I. La série de solutions, capables de coexister 
à une température déterminée avec les phases solides possibles 
à cette température, donne naissance à un isotherme formé 
d’une ou plusieurs courbes, et qui fournit une section de la 
PI. II. Ces isothermes ont été déterminés de 10 en 10 degrés 
environ et portés dans la PI. I. Nous avons ensuite confec- 
tionné des modèles en zinc, dont les contours correspon- 
daient à ces isothermes. Ils furent disposés les uns derrière 
les autres sur l’axe O T, à des distances déterminées, et ser- 
virent ainsi à modeler en argile le corps représenté PI. IT, 
qui enveloppait les modèles de zine, Nous avons également 
fait usage, à cet effet, de la détermination de certains points, 
situés sur les courbes dans l’espace. Plus tard le modèle ob- 
tenu a été moulé en plâtre, et la PI IT en donne une re- 
production phototypique. La distance correspondant à 1° 
pouvait être évidemment arbitrairement choisie, La PI. II a 
été confectionnée de telle sorte que 0,25 molécules Fe CI, ou 


H C1 équivalent à 1 mm. et que 1° — 4 mm. 


IV. Cas des solutions en équilibre avec des 
phases solides binaires. 


Forme générale des isothermes. Prenons comme exemple l’hy- 
drate Fe,,. Cet hydrate fond à 37°, et coëxiste donc à cette 
température avec une solution de la 
même composition, Fe,Cl,.12 H,0, 
ou 100 H,0 16,66 Fe CI,. À des 
températures inférieures, Jusque 
27,4, il est capable d’exister con- 
curremment avec deux espèces de 
solutions; (et même à des tempé:- 
ratures plus basses encore, si l’hy- 
drate Fe, demeure en surfusion.) 
C’est ce qu’exprime la courbe À B C' des solutions saturées, 


108 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


où B représente le point de fusion, « et c deux solutions ap- 
partenant à la même température plus basse. 

On peut à présent ajouter H CI soit à la solution a, soit à 
la solution c. Si les deux solutions sont maïntenues en con- 
tact avec À, solide, sous température constante, leur com- 
position se modifiera, et l’on devra donc, partant de a et c, 
obtenir une série de solutions à teneur croissante en A Cl. 
L'expérience devra décider si la teneur en Fe Cl, augmente 
ou diminue. Mais dans le travail théorique cité, l’usage du 
potentiel a permis de conclure que toutes les solutions pos- 
sibles doivent être représentées par une courbe abc, ayant 
ses points terminaux en a et en c. Des courbes de cette na- 
ture n'avaient pas été observées jusqu'ici. 

Une autre méthode encore permet de prédire que les courbes 
des deux séries de solutions, obtenues par addition de H CI 
à a et c, doivent se rencontrer quelque part. L’addition con- 
tinue de A CI devrait donc finir par enrichir a en Fe Cl, et 
appauvrir au contraire c en ce même corps. 

Imaginons qu'on fasse passer A CI dans Fe,, fondu. Ce 
liquide pourra par refroidissement se mettre en équilibre 
avec Fe,, solide à une température d'autant plus basse 
qu'on a ajouté plus de AHCI On peut, en effet, considérer 
Fe,, comme une substance homogène, dont le point de fusion 
est abaiïissé par l’addition de CI. Il doit donc y avoir 
également à la température considérée une solution b, ren- 
fermant Fe,Cl, et H,0 dans le rapport 1:12. Ce point se 
trouve donc dans la PI. T verticalement au-dessus de B. Dans 
la PI. IT ou la fig. 3 il est situé au contraire verticalement 
au-dessus de B PB’, cette droite étant menée parallèlement 
à (OT 

Le point b partage la courbe abc en deux parties. Les 
solutions ab présentent une proportion plus petite, les solu- 
tions bc une proportion plus grande que 1:12 entre Fe, CI, 
et À, 0. | 

Plus la température s’abaisse, plus les courbes abc aug- 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, HEC. 109 


mentent d'amplitude, car en général les points a et c s’éloig- 
nent ainsi que b du point B”. On verra donc, dans la PI. I, 
une courbe correspondant à une température plus basse en- 
velopper celle répondant à une température plus élevée. Dans 
la PI. II les courbes donneront ensemble, pour toutes les 
températures, une surface courbe [, reposant sur le plan hori- 
zontal et limitée dans ce plan par la courbe À B C des so- 
lutions pures de l’hydrate Fe,,, sans acide chlorhydrique. La 
surface courbe Î présente une pointe obtuse au point de fusion 
B de l’hydrate. 

Cette surface exprime la totalité des solutions formées de 
H,0, HC et FeCl,, qui peuvent se trouver en équilibre 
avec Fe, Cl,.12 H,0 solide à des températures inférieures 
au point de fusion de l’hydrate. 

Des points situés en dehors de la surface I représentent 
des sclutions non-saturées, des points à l’intérieur de la surface 
des solutions sursaturées, ou bien encore des mélanges d’hy- 
drate et d’une certaine solution saturée déterminée. Le ta- 
bleau I donne les solutions saturées par l’hydrate Fe, ,, d’après 
lesquelles les divers isothermes de la PI. I ont été construits, 
ainsi que la surface I de la PI IL. C’est l’isotherme de 0° 
qui a été le plus complètement étudié dans le cas de l’hydrate 
F,,. Pour ce qui regarde la plupart des autres, nous avons 
dû nous borner à quelques points isolés. 

On voit qu'à basse température il n’y a pas moyen de 
réaliser l’isotherme complet, parce qu’il rencontre les iso- 
thermes analogues appartenant à l’hydrate le plus proche, 
ici Fe. 

Les courbes de solubilité pure de Fe,, et Fe, se rencon- 
trent à la température de 27,4° (au point C). Des isothermes 
complets correspondant à Fe, ne sont donc possibles que de 
37 à 27,4. Un d’entre eux, l’isotherme de 33°, se trouve 
figuré PI. I; de même celui de 30’, pour Fe,. 

À 27,4 les deux isothermes de dissolution correspondant 
à Fe,, et Fe, auraient le point C de commun (fig. 4). On 


110 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


peut démontrer au moyen du potentiel que les courbes se 
touchent en ce point. 


Lt ) JE 
DE AE ES Acer a 


Fig. 4. | Fig. 5. 

Si la température est encore abaissée davantage, le plus 
orand développement des deux isothermes provoquera déjà 
leur rencontre avant qu'ils n'aient atteint leurs points ter- 
minaux €, d, dans le plan horizontal. La partie ch des 
isothermes représente des solutions instables par rapport à 
Fe,, la partie d h des solutions instables par rapport à Fe ,. 
Plus la température s’abaisse, plus le point h s’éloignera de 
l'axe. La courbe CL, qui réunit ces points d’intersection, consti- 
tue dans la représentation dans l’espace PI. II la courbe d’inter- 
section des deux surfaces courbes correspondant à Fe, et Fe... 

La température maxima de cette courbe se trouve en €, 
le point de fusion commun des deux hydrates en l'absence 
de HCI Au lieu de la température unique C (27, 4°), à la- 
quelle les deux hydrates sont capables d’exister en même 
temps qu'une solution, nous avons une série de températures, 
auxquelles ces deux hydrates peuvent exister à côté les uns 
des autres et en présence d’une solution, dont la teneur en 
H CT varie. Mais en même temps la teneur en Fe Cl, varie 
également. 

La surface TI correspondant à Fe,, a une étendue consi- 
dérable. En effet, lorsque les solutions s’enrichissent en eau, 
la seule phase solide nouvelle qui puisse apparaître est de la 
glace, et ceci n’a lieu qu’à des températures très-basses. 

_ Les points des isothermes qui répondent aux hydrates sui- 
vants sont indiqués dans les tableaux 2—4. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 111 


La surface Il, correspondant à Fe, n’a qu’une étendue 
très-limitée. Des isothermes complets ne sont possibles qu'entre 
le point de fusion de 32°,5 (D) et 30° (Æ£). A cette dernière 
température, en effet, les isothermes rencontrent ceux corres- 
pondant à Fe. Du côté de Fe,,, c’est à 27°,4 que les iso- 
thermes s’interrompent. Les parties réalisables des isothermes 
prennent donc de très-bonne heure, quand la température 
s’abaisse, la forme de lignes courbes, telles qu’on les avait 
rencontrées jusqu'ici exclusivement dans les déterminations 
de solubilité dans les systèmes de trois corps, et dont on ne 
pouvait absolument rien déduire au sujet de la forme générale 
des isothermes complets. 

La surface III, correspondant à Fe;, a son sommet vers 
56° (F), maïs rencontre déjà à 55° (G) la surface appartenant 
à Fe,. Il n’y a donc presque pas ici d’isothermes complets. 
Leur forme générale reste cependant plus longtemps visible 
que dans les courbes appartenant à Fe,. Elles présentent, en 
effet, une marche ascendante bien plus prononcée et se recour- 
bent assez rapidement. 

La surface IV, relative à Fe,, montre très-bien la forme 
générale des isothermes complets. On peut en effet les poursuivre, 
jusqu'aux points terminaux dans le plan horizontal du côté 
de la surface correspondant à Fe, CI, anhydre, depuis 73,5°, 
point de fusion de Fe,, jusque 66°; et de même du côté 
de la surface de Fe, jusque 55°. 

À de très-basses températures, les parties réalisables des 
isothermes de dissolution appartenant à Fe,, Fe, et Fe, de- 
viennent toutes des lignes presque droites. 

Si nous avons pu définir clairement pour la première fois 
la vraie forme des isothermes de dissolution pour des phases 
binaires en présence de solutions de trois constituants, c’est 
grâce à cette circonstance favorable, que tous les hydrates du 
chlorure ferrique présentent des points de fusion vrais, ainsi 
que deux branches de la courbe de solubilité pure à des 
températures aisément accessibles. 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 8 


112 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


Déductions de la forme des isothermes. La forme générale des 
isothermes de solubilité relatifs aux hydrates du chlorure fer- 
rique est de telle nature qu’on peut leur appliquer certaines 
conclusions graphiquement établies par l’un de nous !}. Nous 
parlons du déplacement de l'équilibre entre la phase solide 
et la solution, quand l’un ou l’autre des constituants est enlevé 
ou ajouté. | 

Nous appellerons d’abord l'attention sur le maximum offert 
par un isotherme complet quelconque dans le cas d’une phase 
binaire. Ce maximum commence à se montrer dans la partie 
stable des isothermes, au-dessus de — 10° pour Fe,,, au-dessus 
de + 20° pour Fe,, au-dessus de + 30° pour Fe; et Fe,;. 
Ces maxima coïncident à peu près avec les points des courbes 
de dissolution situés verticalement au-dessus de B, D, Fou H, 
c'est-à-dire avec les solutions renfermant, dans les mêmes pro- 
portions que les hydrates correspondants, Fe Cl, et H,0. Il 
semble y avoir toutefois en général tendance au déplacement 
de l'équilibre vers les solutions plus aqueuses. Mais les pré- 
sentes recherches n’ont pas été faites sur une échelle sufi- 
samment large pour donner à ce point de vue plus qu’une 
indication encore incertaine. Il n’y a pas de doute d’ailleurs 
que la position du maximum dépendra de la qualité et du 
nombre des mélanges complexes formés dans la solution par 
les trois constituants et différera donc suivant la nature du 
troisième constituant (ici de l’acide chlorhydrique). 

Le maximum d de l’isotherme a f (fig. 6) partage cet iso- 
therme en deux parties qui acquièrent des propriétés dif- 
férentes quand on ajoute Fe Cl,. Il est très-facile de démontrer 
par voie graphique que dans ce cas les solutions de la 
branche ad se déplacent le long de la courbe dans le 
sens ad, en même temps qu’elles déposent de l’hydrate 
P; les solutions de la branche df au contraire se dépla- 


1) Schreinemakers, Arch. Néerl. T. 28, p. 4. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 113 


cent dans le sens df, en même temps que de nouvelles 
quantités de P passent en solution. Les deux phénomènes 
seront d’autant plus nets que les deux parties de courbe 
s’'éloignent plus rapidement de la tangente horizontale en d. 

La forme générale des isothermes montre en second lieu 
que l’on peut toujours leur mener une tangente du point O. 
Cela arrive pour Fe,, à toutes les températures, pour les 
autres hydrates à des températures élevées seulement. Le 
point c partage à présent l’isotherme en deux parties, qui 
se comportent différemment quand on ajoute de l’eau au 
mélange. Toute solution représentée par un point de la branche 
ac se déplace dans le sens ca, P passant en solution; une 
solution exprimée par un point de c f dépose P, et le point 
correspondant se déplace dans le sens fc. Il va de soi que 
si l’on enlève de l’eau (en laissant la solution se concentrer 
sous température constante) l'inverse à lieu dans les deux cas. 

Le point c se trouve, dans le cas de Fe,, et à 0°, entre 
les nos. 16 et 17 (PL. I). Les solutions nos. 20 et 15 nous ont 
permis d'observer. parfaitement la précipitation ou la disso- 
lution de Fe,, par addition d’eau. 

Considérons encore le point b, qui représente un mini- 
mum de la teneur en Fe Cl,. Ce point n’existe pas néces- 
sairement, comme les points c et d, sur chaque isotherme 
complet correspondant à un hydrate. Nous voyons en effet, 
PI. I, que tous les hydrates ne présentent pas un point pareil 
sur les isothermes, à des températures voisines de leur point 
de fusion. La forme des isothermes dans ce cas est la sui- 
vante (fig. 7). Partant de l’une et de l’autre des solutions 
pures a et f, l’addition de Æ CT déplacera les points expri- 
mant les solutions dans le sens fe et dans le sens ae, tandis 
que dans les deux cas l’hydrate P passe de plus en plus en 
solution. La composition e ne peut évidemment être atteinte 
que dans le cas d’une quantité infiniment grande de P. $ile 
maximum d ne coïncide pas avec e, nous arrivons à ce ré- 
sultat remarquable que l'addition continue de H CI réduit 

8* 


114 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


entre les points d et e la teneur en 7 CI de la solution satu- 
rée, ce qui provient évidemment de ce que l’hydrate P se 
dissout en grande quantité. 


Fig. 7. 


À des températures plus basses, il apparaît un point b. 
L'apparition d’une incurvation de cette nature est évidem- 
ment facilitée par le développement plus considérable de 
l'isotherme. On voit, dans le cas de Fe,,, ce point apparaître 
sur tous les isothermes inférieurs à 10°. On ne saurait dire 
avec certitude, pour Fe, et Fe,, si à de basses températures 
l’isotherme présenterait un point pareil, puisqu'il devrait alors 
se montrer en tout cas dans la portion instable de la courbe. 
Dans le cas de Fe,, des points de cette nature apparaissent 
sans le moindre doute sur les isothermes inférieurs à 502. 
Cela se déduit de ce qu'à 44° p. ex. le point no. 54 ex- 
prime une solution renfermant 38 mol. Fe Cl,, tandis que 
le point terminal no. 89 de la courbe, situé dans le plan 
horizontal, correspond à 89 mol. La courbe intermédiaire 
devra donc donner une teneur minima inférieure à 38 mol. 
Pour les isothermes de Fe, cependant, ces points sont tous 
situés sur des parties instables. 

Le point b, où l'isotherme présente une tangente verticale, 
partage de nouveau en deux parties l’arc de courbe ae. 
Dans les états exprimés par la partie ab, l'addition de 
H Cl précipite d’abord l’hydrate P, jusqu’à ce que la com- 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. {15 


position b soit atteinte; puis cet hydrate se dissout de nou- 
veau. Ce phénomène s’observe donc bien certainement à 0° 
par exemple, dans le cas de Fe,,. Cet hydrate cependant ne se 
prête qu’assez mal à l'observation parfaite du phénomène; 
d’abord parce que la courbe est très-légèrement incurvée 
dans le voisinage du point b et qu'il ne cristallise donc 
ou ne se dissout, par l’addition de H CI, qu'une petite quan- 
tité de Fe,,. Cet hydrate ne se met d'autre part que très- 
lentement en équilibre avec la solution. 

L'exemple de Sn Cl,, déjà découvert par M. Engel !). 
permet de démontrer beaucoup plus clairement la précipita- 
tion et la dissolution successives de l’hydrate. 

Tandis que l’accroissement de la solubilité des chlorures 
sous l’influence de l’acide chlorhydrique était jadis considérée 
comme un phénomène tout spécial, nous venons de voir que 
la forme générale de l’isotherme rend ce phénomène inévi- 
table. Au contraire, quand l’accroissement de la solubilité 
est précédé d’une diminution, cela constitue une particularité 
tout à fait accidentelle. 

Nous pourrons, en conséquence, être assurés que chez le grand 
nombre de chlorures chez lesquels (surtout d’après M. Engel), 
on n’a observé jusqu’à présent que la seule diminution de solubi- 
lité, l'addition ultérieure de H CI provoquera, spécialement sous 
une pression plus élevée, l’augmentation de la solubilité; à 
moins que celle-ci ne fût pas réalisable, le système hété- 
rogène s'étant modifié précédemment par métamorphose de 
la phase solide ou liquide en une autre. 

C’étaient les chlorures anhydres qui avaient montré le plus 
régulièrement jusqu’à présent l’abaissement de solubilité. Le 
chlorure ferrique ne fait pas exception à ce point de vue. 

Nous n'avions pas considéré jusqu'ici sa solubilité en pré- 
sence de À CI. 

La surface correspondant à Fe, (IV), limitée d’une part 


1) Ann. de Chim. et de Phys. Ge série. t. 17, p. 345. 


116 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


par la surface III, relative à Fe,, confine naturellement de 
l’autre à l’hydrate immédiatement inférieur. Or, nous n’en 
avons pas découvert de cette nature, et ce qui se rencontre 
à côté du quatrième hydrate, c’est le chlorure ferrique anhydre, 
que nous désignons par Fe,. La courbe de solubilité pure 
TK (fig. 2) de cette phase a été précédemment étudiée de 
66° à 100°. Au-dessous de 66°, la solution renfermant Fe, 
est instable relativement à Fe,. Des isothermes complets des 
solutions renfermant A C1, qui se raccordent avec le plan 
horizontal, ne seraient donc possibles qu’au-dessus de 66°; 
et au-dessous de cette température ces isothermes coupe- 
raient ceux appartenant à fe, avant d’atteindre ce plan 
horizontal. Ils donneraient ainsi une courbe pour les solutions 
renfermant Fe, + Fe,, dont la température maxima est voi- 
sine de 66° (point Î). 

Dans la PI. I ces divers isothermes, d’une part comme de 
l’autre de 66°, ne sont pas visibles. Ils coïncident en effet 
les uns avec les autres dans les limites des erreurs, et coïn- 
cident également avec la courbe ZI O (voir le tableau 5). 

Cette circonstance s'explique en premier lieu par ce que 
la solubilité pure de Fe, est presque indépendante de la 
température (courbe JT 'K), au moins dans le voisinage de 66°. 
Pour toutes les températures considérées, la teneur initiale 
coïncide, dans le plan horizontal de la PI. I, avec le point I. 

Il aurait cependant pu se faire que l’addition de H CI 
aurait amené une certaine différence dans la direction des iso- 
thermes à diverses températures. Mais, en réalité, cette différence 
est trop petite pour être susceptible d’une expression exacte, 
de sorte que dans le schéma de la PI. I les parties connues des 
isothermes correspondant à Fe, se recouvrent mutuellement. 

Il résulte de ceci que dans la PI. IT. la surface V, qui exprime 
les solutions coëxistant avec Fe,, différera peu d’un plan, 
coupant le plan horizontal sous une légère inclinaison à droite. 

Les isothermes de Fe, nous montrent donc d’une manière 
très-nette, dans les limites où les expériences ont été faites 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 117 


(jusque 1 atm. de pression), la diminution de solubilité qui 
s'établit du moment que l’on commence à ajouter H CI. 

Cependant on devrait voir ici encore les isothermes, pro- 
longés davantage, modifier leur course dans le sens d’une 
augmentation dans la teneur en Fe Cl,. C'est-à-dire que l’ad- 
dition de À Cl devrait provoquer un accroissement de solubilité 
de FeCl,. Si en effet nous nous représentons l’isotherme 
complété, il pourrait être prolongé jusqu’à ce qu’il exprime 
une solution renfermant uniquement H Cl et Fe CI,. 

On conçoit cependant que le système puisse ici encore se 
transformer en un autre avant que l’isotherme change de 
direction. Il faudra considérer en particulier l’apparition d’un 
nouveau liquide, composé en majeure partie de H Cl. Com- 
bien de Fe Cl, ce liquide sera capable de dissoudre, et 
comment les systèmes ultérieurs se rattacheront à celui-ci, 
voilà ce qu’on ne saurait dire d’avance. Il est même incertain 
si l’on pourrait poursuivre cette étude jusqu’ au point de 
fusion de Fe Cl,(260°)!). Il pourrait, en effet, y avoir dissociation. 

Il est remarquable que la diminution de solubilité, par 
l’addition de Æ Cl, de Fe, Cl, et de tous ses hydrates, s’ob- 
serve à des températures où la solubilité pure se modifie peu 
ou ne se modifie pas du tout avec la température, dans des 
circonstances où les chaleurs de dissolution sont donc nulles 
ou insignifiantes. Peut-être des recherches ultérieures dans 
cette direction seront-elles de nature à jeter une nouvelle 
lumière sur la constitution des solutions concentrées. 


V. Solutions en équilibre avec deux phases 
solides binaires, ou avec une phase bi- 
naire et un des constituants. 


A 


Nous avons déjà considéré, à propos de la description de 


DS 


la surface courbe I, relative à Fe,,, la coube CL, qui joint 


1) Récemment déterminé par M. Arctowski, Zeitschr. f. anorg. Chemie. 
Bd. 7, p. 168. 


118 H. W. BARHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


les points d’intersection de cette surface avec celle relative 
à Fe,. Cette courbe débutait au point GC, le point de fusion 
commun des deux hydrates. Au-dessus de cette température 
les isothermes des deux hydrates ne venaient pas en contact 
l’un avec l’autre. Au-dessous de cette température ils se cou- 
paient en se rendant mutuellement instables en partie. 

La courbe CL représentait donc la limite commune des 
portions stables des surfaces, et donnait la série des solutions 
capables de coëxister avec les deux hydrates à diverses tem- 
pératures. 

C représente la température maxima et une teneur en. 


DS 


acide chlorhydrique égale à zéro. À partir de ce point C la 
teneur en acide chlorhydrique augmente à de plus basses 
températures. C’est ce qui résultait de la forme générale des 
isothermes et de leur développement quand on abaisse la 
température. Mais ces déductions n'étaient toutes applicables 
en somme que pour des températures peu éloignées des points 
de fusion des deux hydrates. La possibilité n’est donc pas 
exclue que dans le cas d’autres substances et d’un abaissement 
continu de la température une courbe telle que GC L ramène- 
rait à des points correspondant à une moindre teneur en H Cl. 

Il n’en a pas été ainsi dans la présente étude. Les courbes 
E M, GN, TO, qui expriment respectivement les solutions en 
équilibre avec Fe, + Fe,, Fe, + Fe,, Fe, + Fe,, se compor- 
tent absolument de la même manière que la courbe CL. 
Toutes ont leur origine et leur température maxima au point 
de fusion commun des deux phases solides, et toutes présen- 
tent, quand la température s’abaisse, un trajet qui indique 
une teneur plus forte en Æ Cl (voir PI. IT, ainsi que la PI I 
et les tableaux 9—12). 

En général, l’abaissement de température amènera égale- 
ment une modification de la teneur en Fe Cl, de la solution 
commune des deux phases. Cette modification est très-peu 
importante pour la courbe CL. Cette courbe est en consé- 
quence presque verticale dans la PI. I. Les courbes E M, 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 119 


G N, 10 au contraire, montrent toutes par leur trajet que la 
teneur en FeCl, diminue et se dirigent donc dans la PL I 
vers la droite. 

La teneur en Fe Cl, est, en tous les points terminaux, inter- 
médiaire entre celle en les deux phases solides, appartenant 
à la courbe. Considérons donc l’hydrate qui présente la teneur 
en fer la plus faible. Les solutions exprimées par les courbes 
se rapprocheront de cette teneur quand la température 
s’abaisse et pourront finalement la dépasser. C’est ce qui 
arrive en réalité dans le cas de la courbe Æ M pour e,, dans 
celui de la courbe GN pour Fe;, dans celui de la courbe 
10 pour Fe,. Il suffit que l’on trace dans le schéma de la 
PI. I des lignes verticales ou dans celui de la PI. IT les lignes 
de l’abaissement du point de fusion des hydrates purs, par- 
tant des points D, F, H, pour voir que ces lignes vont cou- 
per les courbes, exprimant les solutions des deux phases, re- 
spectivement à 17°, 50°, 30°. À ces températures les solu- 
tions des deux phases en équilibre présentent donc le même 
rapport Fe Cl, : H,0 que dans l’hydrate le plus riche en eau. 

À des températures plus élevées, tous les isothermes présen- 
tent également des solutions plus riches et plus pauvres en fer 
que l’hydrate. A des température plus basses au contraire, seules 
celles à plus faible teneur en fer sont susceptibles d’existence. 

Il résulte de ceci que les hydrates Fe,, Fe, Fe,, qui se 
liquéfient au-dessus de 17°, 50° ou de 30° par addition de 
H CI, passant d’abord en solution saturée, puis en solution 
non saturée, se décomposent au-dessous de ces températures 
par l’action de HCI en déposant la phase immédiatement 
voisine à plus forte teneur en fer, savoir Fe,, Fe,, Fe,. En 
même temps prend naissance la solution appartenant à la 
courbe commune. Une addition ultérieure de FH C1 n’altère 
plus la solution, mais en augmente la quantité, jusqu’à ce 
que l’hydrate primitif ait disparu. , 

Nous rencontrons donc ici pour la première fois trois exem- 
ples de déshydratation d’un hydrate salin sous l'influence 


120 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H SCHREINEMAKERS. 


e 


de l'addition d’un troisième constituant (H Cl). Les circon- 
stances dans lesquelles cette déshydratation se produit sont 
maintenant susceptibles d’une détermination précise. On con- 
naissait déjà quelques exemples du fait d’après des recherches 
antérieures (surtout celles de MM. Engel et Ditte). Des 
règles fixes n'avaient toutefois pu être données jusqu’ à présent. 

Les recherches qui précèdent ont fait voir que la déshy- 
dratation dont il s’agit s’accomplit pour chaque hydrate à 
une température déterminée; mais que d’autre part un hydrate 
quelconque ne doit pas nécessairement la présenter (c’est ce 
qui arrive p. ex. pour Fe, ,). Il faut en effet un trajet particulier 
de la courbe de dissolution commune des deux hydrates !). 

Si une courbe déterminée présente un trajet en sens con- 
traire, de manière que la teneur en sel de la solution aug- 
mente en même temps que la température s’abaisse, cette 
circonstance pourrait rendre possibles des solutions salines de 
même teneur en sel que l’hydrate le plus riche, même alors 
que cette proportion ne serait pas susceptible d'existence en 
solution pure. En effet, l’hydrate se décompose, avant d’avoir 
atteint sa température de fusion, en son hydrate immédia- 
tement inférieur. Ce cas se réalise très-fréquemment. Il en 
résulterait qu'à haute température un pareil hydrate serait 
encore décomposé par H Cl, mais qu’à température plus basse 
cette décomposition n'aurait pas lieu. 


1) La décomposition des hydrates supérieurs sous l'influence de H CI 
fournit une excellente méthode de préparation des hydrates inférieurs, que 
l'on ne saurait former par l’action de la chaleur aux dépens des hydrates 
supérieurs parce qu'ils subissent un commencement de décomposition. Il 
va de soi que les conditions les plus favorables ne sauraient être énu- 
mérées que si l’on connaissait exactement les isothermes des solutions 
ternaires. C’est ainsi que l’on obtient, aux dépens de Fe,, la plus forte 
proportion de Fe,, quand on fait agir, sur 100 Æ,0 de Fe;, + 15 mol. 
H Cl, et que l’on refroidit à 0°. Cela se déduit sans peine par voie gra- 
phique de la PI. I. Cette méthode est malheureusement peu propre à 
préparer des cristaux privés d'acide chlorhydrique. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 121 


On pourrait croire que dans le cas d’une grande différence 
de direction des deux courbes dans lespace, délimitant dans 
la PI. II la surface courbe d’un hydrate à l’égard de ses deux 
hydrates les plus voisins, ces courbes pourraient se rencontrer 
à basse température et rendre ainsi susceptible d'existence une 
solution, en équilibre avec l’hydrate considéré et les deux hy- 
drates qui le précèdent et le suivent. Au-dessous de cette 
température, l’hydrate intermédiaire disparaîtrait et les deux 
hydrates latéraux existeraient l’un à côté de l’autre. Mais ce 
cas est impossible. Il reviendrait, au point de vue thermody- 
namique, au fait qu’à cette température le potentiel de l’hy- 
drate intermédiaire serait égal à la somme des potentiels des 
hydrates avoisinants, pour des quantités telles qu’on pourrait 
en former une molécule de l’hydrate intermédiaire. Or, une 
proportion pareille ne saurait se présenter dans le cas de 
trois combinaisons chimiques des deux constituants. 


VI. Solutions en équilibre avec des phases 
ternaires solides. 


Forme générale des isothermes. Il faudra tenir compte, comme 
phases ternaires, des combinaisons Fe, Cl, .2 H Cl.4 H,0, 
PCR CINS "AO "et Fe, Cl 2 FIC1. A2", 0, dont les 
propriétés et les modes de préparation se trouvent déjà décrits 
au $ II (p. 99). Nous les représenterons, pour abréger, par 
les symboles D,, D,, D,,. Leur composition se trouve ex- 
primée PL I par les points P,Q, R. Comme ils renferment 
tous une proportion identique de Fe, Cl, et H Cl, les trois 
points sont situés sur une ligne droite passant par (0. 

Les trois composés devraient, selon les idées de M. Engel1), 
être considérés comme des combinaisons de Fe,Cl,, Fe, ou 
Fe, avec 2 (H CI, 2 H,0). Il ne nous est pas possible d’ad- 
mettre cette hypothèse; car parmi les chlorhydrates des 
chlorures qui nous sont connus il y en a déjà plusieurs 


1) Ann. de Chimie et de Phys., 6e série, t. 17, 1889, p. 379. 


122 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


renfermant plus de molécules d’eau que l'hypothèse en 
question ne peut expliquer. Il reste d’ailleurs, comme le pré- 
sent exemple le prouve une fois de plus, beaucoup de com- 
binaisons pareilles à découvrir. Enfin tous les composés 
connus n’ont été obtenus que sous une faible pression d’acide 
chlorhydrique ; et il n’est donc pas impossible que sous pres- 
sion plus forte les solutions moins aqueuses des chlorures 
donneraient également des chlorhydrates, avec moins de deux 
molécules, 4,0 pour une molécule H €1. | 

En outre, l'hypothèse d’une combinaison plus intime de 
deux constituants dans le composé ternaire nous semble ne 
pas avoir la moindre valeur, aussi longtemps que cette sup- 
position ne repose que sur une concordance de formules !). 

Pour ce qui concerne spécialement nos combinaisons de 
chlorure ferrique, on pourrait avec la même raison les consi- 
dérer comme des combinaisons respectivement de Fe,, Fe,, 
Fe,, avec H Cl?). Considérées comme des composés binaires 
pareils, elles devraient donner à des températures inférieures 
à leurs points de fusion deux solutions saturées; l’une ren- 
fermant plus de A Cl que la phase solide; l’autre en ren- 
fermant moins. Les proportions de Fe, Cl, et H,0 devraient 
en même temps rester les mêmes. Supposons que ces 
solutions soient, pour une température déterminée, et dans 
le cas de D,,, représentées par les points à et a’. Si l’on 


1) Il en est tout autrement des idées de Werner p. ex., sur une fixation 
plus intime entre Ft Cl, dans des combinaisons telles que K, Pt Cl, et 
H, PtCl.. Ces idées reposent en effet sur les phénomènes physiques par- 
ticuliers que ces corps présentent en solution. Mais si l’on étend, simple- 
ment pour des raisons d’analogie de formules, la même manière de voir 
a tous les sels doubles de même espèce, on s’y prend à notre avis d’une 
façon trop hâtive et peu justifiée. 

1) Le composé Fe, Cl. 8 H,0 n’a pas été isolé jusqu'ici. Il semble même 
ne pouvoir se déposer sous une forme stable de ses solutions aqueuses 
Ce fait ne constituerait pas, à notre avis, une preuve quelconque contre 
les idées de Werner ou celles de M. Engel. La solution chlorhydrique 
pourrait en effet renfermer des hydrates impossibles à isoler à l’état solide. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 123 


considérait d'autre part D,, comme une combinaison binaire 
de Fe, CI. 2 H Cl avec 12 H, 0, il devrait exister à la même 
température deux solutions saturées b et D’ avec une teneur 
respectivement plus grande et plus petite en H, O, mais avec 
les mêmes proportions de Fe, Cl; et H CT que chez D,,.On 
pourrait enfin considérer encore D, 
comme une combinaison binaire de 
Fe, Cl, avec 2 (H Cl, 6 H, O), et cette 
hypothèse impliquerait l'existence de 
deux solutions saturées c et c', ren- 
fermant plus ou moins de Fe, Cl;, 
mais les mêmes proportions de AC 
et H,0. Les trois manières de voir Fig. 9. 

sont également justifiées à l'égard du phénomène de disso- 


lution. 

On pouvait s'attendre, dans le cas de proportions variables 
des trois constituants, à obtenir une série de solutions saturées 
dont les points successifs joindraient les uns aux autres les 
points déjà indiqués et formeraient de cette manière une courbe 
de dissolution fermée a b'ca’bc'a, enveloppant le point À. 

Dans le travail théorique cité ci dessus (1. c. p. 114), l’un 
d’entre nous a montré comment on peut déduire ce schéma 
de considérations thermodynamiques et prouver qu'il s’appli- 
que à toutes les combinaisons ternaires. Nous allons en donner 
les premiers exemples expérimentaux. 

La courbe de dissolution fermée se rencontre dans sa forme 
la plus évidente chez la combinaison ternaire D,. Le point 
de fusion du composé est — 8°. La courbe de dissolution 
correspondant à — 6° est déterminée par huit points (Ta- 
bleau 7), qui permettent d'en déterminer assez exactement la 
forme. La courbe de — 4,5° n’est bien déterminée que dans sa 
moitié inférieure; dans celles de — 10° et — 20° au contraire, 
la parties inférieure fait défaut, et à cette dernière tempéra- 
ture la partie moyenne de la région supérieure demeure 
quelque peu incertaine à cause de l'impossibilité de faire 


124 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


passer en solution, à la pression atmosphérique, plus de + 35 
mol. A C1 sur 100 mol. F,0. Cependant le schéma entier se 
laisse, dans ses grands traits, déduire de ces déterminations 
avec une certitude absolue. 

Dans le cas du composé ternaire D,,, dont le point de 
fusion est — 6’, une courbe fermée a été déterminée pour 
— 10° (voir Tableau 8) et une partie de courbe pour — 20°. 

Les exemples précédents déterminent donc expérimentale- 
ment la forme générale des isothermes de dissolution d’une 
combinaisen ternaire. Il s’est trouvé également que la courbe 
fermée acquiert une amplitude d'autant plus grande que la 
température s’abaisse davantage au-dessous du point de fusion 
de la combinaison ternaire. Cette règle n’a cependant qu’une 
application restreinte, savoir aux seuls cas où les températures 
ne sont pas trop éloignées du point de fusion. 

Si l’on mesure de nouveau les isothermes sur l’axe des 
températures, à partir du point de fusion, il en résulte une 
surface conique (VII), qui se termine à la température de 
fusion en une pointe mousse. C’est ce que la PI. II montre 
parfaitement pour la combinaison D,. 

Comme dans le cas des surfaces courbes relatives aux pha- 
ses binaires, des points situés en dehors du cône représentent 
des solutions non-saturées; des points intérieurs expriment des 
solutions sursaturées ou des mélanges de sel double et de 
solution saturée. 

Dans le cas du composé D,,, il n’y a qu’une partie très- 
restreinte de la figure qui devient visible. Ce n’est pas seule- 
ment le composé à son point de fusion qui est instable pour 
ce qui concerne Fe,,, mais il en est de même de tous les 
points des isothermes jusque — 12,5°. C’est ce qu'il est facile 
de déduire de la PI I. L’isotherme circulaire de — 10° n’a 
donc pu être déterminé que grâce au dépôt suffisamment 
retardé de l’hydrate. 

Les isothermes correspondant aux basses températures pas- 
sent d’une part sur le domaine des solutions sursaturées de 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 125 


Fe,,, de l’autre côté sur le domaine de D,. Leur instabilité 
prend en même temps des proportions telles, que des parties 
considérables deviennent irréalisables La surface courbe VIII, 
exprimant PI. II les solutions stables saturées renfermant D,,, 
est donc entièrement comprise entre les surfaces Fe,, et D,, 
et ne représente qu’une partie très-restreinte du cône entier. 
Mais dans le moulage en plâtre ce cône a pu être reproduit 
en creux. Vue par derrière, la surface VIIT constitue donc une 
parties de ce cône dont la région antérieure, jusqu’ au sommet 
correspondant à — 6°,est complètement cachée sous la surface I. 

Quant à la surface relative à D,, les isothermes compris 
entre — 3° et —4,5° sont aussi les seuls qui se réalisent 
complètement. Déjà la courbe relative à — 6° franchit par 
sa partie inférieure les limites du domaine de Fe,. La courbe 
de — 10° passe d’une part dans le domaine de Fe,,, de 
l’autre dans celui de Fe;. La courbe de — 20° empiète sur 
les domaines de D,, et de fe, et ainsi de suite. Mais comme 
vers le haut les isothermes peuvent se développer librement, 
leur caractère général se montre plus clairement que dans 
le cas de D... 

Le composé D,, au contraire, n’a pas permis de déterminer 
un seul isotherme d’une manière complète (voir le Tableau 6). 
Cela tient en partie à ce que les déterminations n’ont pas été 
poursuivies au-dessus de Îa pression atmosphérique ; en partie 
aussi à ce que ces isothermes rencontrent très-rapiderment vers 
le bas le domaine de Fe,, et vers la gauche celui de Fe,. Il 
n’y à donc pas moyen de les poursuivre plus loin. Il est 
même quelque peu incertain, d’après la direction de la courbe 
de dissolution 07, relative à D, + Fe, , que le point P ne 
tombe pas dans le domaine de Fe, et que le point de 
fusion de D, ne puisse alors être déterminé sans élimination 
de Fe,. Comme cette opération doit se faire en tube fermé, 
nous n'avons pu décider cette question. Nous avons admis 
dans la PI. IT que le point de fusion est encore tout justement 


susceptible d’existence. 


126 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


La position des isothermes relatifs à D,, dans les limites 
où ils sont réalisables, rend très-claire la méthode de prépa- 
ration de D,, telle que l’ont employée MM. Sabatier et 
Ens el | 

Chez tous les sels doubles hydratés, antérieurement étudiés, 
les points de fusion n'étaient pas susceptibles d’existence. 
Les isothermes qu'il y avait moyen de déterminer se rap- 
portaient donc toujours à des températures de beaucoup infé- 
rieures. Il n’y a donc pas lieu de s'étonner que la forme 
générale de la courbe et son caractère de courbe fermée 
n'aient pas été observés plus tôt. Plus, en effet, la température 
est basse, plus il est probable que l'isotherme entier n’est pas 
réalisable, mais que seulement des parties très-restreintes en 
représenteront des solutions stables. 


Déductions de la forme des isothermes. On peut toujours mener, 
à l’isotherme complet d’une combinaison binaire (voir $ IV), 
une tangente du point O, et une autre parallèle à l’un des 
axes; mais il n’est pas toujours possible d’en mener une 
autre parallèle au deuxième axe. Dans le cas des courbes 


1) Ils ont préparé l’un et l’autre D, en saturant Fe; fondu par H CI, 
et refroidissant le liquide ainsi obtenu. On lit sans peine sur la PL II 
comment après introduction de 35 H C1 (sur 100 mol. H,0 de l’hydrate), 
on se trouve conduit à la limite où le domaine de Fe, passe à celui de D,, 
dans le cas de solutions renfermant 5 H,0 sur Fe, Cl,. Celles-ci doivent 
alors être refroidies au-dessous de 10°. Plus on y introduit de Æ CI, moins on 
a besoin de refroidir pour obtenir le dépôt de D,. M. Engel a pré- 
paré une solution de le composition Fe,Cl,. 5 H,0. 2,2 H CI (40 Fe Cl; 
et 44 H CI sur 100 1,0). D’après nos isothermes, pareille solution pourrait 
déja déposer D, au-dessous de 25°. Si l’on part de Fe;, ce sont là les 
circonstances les plus favorables, car on ne peut guère introduire plus de 
H Cl sous la pression atmosphérique. Plus on refroidit la solution, plus on 
obtiendra de D,. À —-90° la moitié environ de la solution se prendra à 
l’état solide. Comme Fe, est très-facile à avoir pur, ce mode de prépara- 
tion est à recommander quand on n’a pas besoin, comme nous dans nos 
expériences, de fragments compacts de l’hydrate. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 127 


fermées, deux tangentes de chacune de ces trois espèces sont 
toujours possibles (fig. 9, 10, 11). 

Les points de tangence b, d correspondent respectivement au 
HC FeCl, HCI 
Fe Cl,’ H,0 ’ H,0? 
parmi toutes les solutions exprimées par les points de la 


minimum et au maximum des rapports 


courbe. 


d b& (40 


Fe Cz 0 


Fig. 9. Fig. 10. Fig. 11. 

Partageons ensuite la courbe en deux parties par une droite 
a Qc, qui joint les points possédant pour les rapports indi- 
qués la même valeur que la combinaison solide. L’un deux, 
le point a, indique une teneur plus faible, le point c au con- 
traire une teneur plus forte !) en le troisième constituant, c’est- 
à-dire respectivement en H, O, H Cl, Fe Cl, dans les fig. 9—11. 

Comment se comportent les solutions quand on y ajoute 
ce troisième constituant? On arrive sans peine par vole gra- 
phique au résultat suivant. | 

L’addition à la solution a du troisième constituant la trans- 
forme peu à peu en une combinaison solide Q. Si l'addition 
continue, la solution c prendra naissance en proportions crois- 
santes, Jusqu à ce que la combinaison ait disparu. 

Mais si l’on part d’une solution légèrement différente de a, 
l'addition du troisième constituant conduira successivement 
à toutes les solutions, soit de la série a b c, soit de la série a d c, 
suivant que la solution initiale est située d’une part ou de 
l’autre de a. Le long de ab ou ad, la métamorphose de la 


1) Les points a et c ne doivent pas nécessairement exprimer, parmi tous 
les points de la courbe, la teneur respectivement la plus faible et la plus 
forte en ce troisième constituant. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 9 


128 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKEPS. 


solution est accompagnée du dépôt de Q; le long de bcoudcil 
y a dissolution du même corps. On n'arrive naturellement 
en € que s’il y a en présence une quantité infinie de Q. 

Le résultat obtenu s’exprimera d’une manière absolument 
générale comme suit: 

Quand, dans le cas d’une combinaison #ter- 
naire,il ya un isotherme de dissolution com- 
plet, cetisotherme se décompose pourchacun 
des constituants en quatre parties Den 
d’entre elles sont caractériséesparceque 
l’addition du constituant donne successive- 
ment à la solution les compositions expri- 
mées par les points de l’isotherme, en même 
tempsqu il y a dépôt de la combinaison. Chez 
les deux autres le même phénomènese pro- 
duit, mais accompagné de dissolution. 

On ne saurait dire d'avance laquelle de ces diverses par- 
ties des isothermes il y aurait moyen de réaliser dans un 
cas donné. Leur différence n’avait été observée jusqu'ici que 
dans le cas du sel double P6I,.K1.2H,0 :). La règie ici donnée 
rend ce qui a été dit à ce propos d’une application beaucoup 
plus générale. 

On pourrait, au lieu d’ajouter un des constituants, en ôter. 
Tous les phénomènes s’observeraient dans ce cas en sens in- 
verse. Mais comme on ne peut enlever que des constituants 
volatils, ce procédé est d’une application restreinte. 


Les conclusions précédentes ont été toutes obtenues par 
l'étude de la forme des isothermes de dissolution pour la com- 
binaison ternaire seule. Si nous considérons de plus les iso- 
thermes existants à une température donnée pour les autres 
phases solides, il y a encore d’autres résultats à déduire des 
faits. Ainsi pour ce qui regarde les phénomènes présentés 


par les combinaisons ternaires au contact de l’eau. 


- 


1) Arch. Néerl., T. XX VI, p. 245. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 129 


. Nous ‘avons montré précédemment ') que chez tous les 
sels doubles une partie peut commencer par passer en solu- 
tion sans se modifier: et cela même dans le cas des sels 
qui ne sont pas solubles sans décomposition, c’est-à dire ne 
donnent pas de solution saturée où les deux sels présentent 
la même proportion que dans la combinaison solide. Cette 
règle se vérifie de nouveau pour D... 

51 à des températures auxquelles D,, peut exister à l’état 
solide, on introduit cette combinaison dans de l’eau, elle 
commence par se dissoudre. La solution n’est pas saturée au 
début. L’addition ultérieure du composé fait que Fe,, com- 
mence à se précipiter; et la composition de la solution par- 
court l’isotherme de l’hydrate jusqu'au point où D,, et F,, 
sont susceptibles de coëxister avec la solution. Pour une 
température et une proportion d’eau et de D,, déterminées, 
il y aura moyen de trouver sans peine, par voie graphique, 
ce qui doit arriver. | 

La manière dont se comporte D, est différente. Il Du exIs- 
ter une solution saturée à partir de point de fusion (— 3°) 
jusque — 10°. Cela n’a lieu toutefois, le composé étant mis en 
contact avec de l’eau, qu'après un dépôt temporaire de Fe,,,qui 
disparaît de nouveau plus tard. C’est ce qui se déduit de ce 
que dans la PI. I la droite O Q coupe les isothermes de Fe,, 
relatifs aux températures nommées ci-dessus (fig. 12). Depuis 
— 10° jusque —- 13°, D, se comporte comme D,,, car les 
isothermes de D, et Fe,, se rencontrent avant de couper la 
droite O Q (fig. 13). Au dessous de — 13° il en est de nou- 
veau autrement. L'isotherme relatif à Fe,, rencontre alors 
en premier lieu l’isotherme de D,,; la solution et l’hydrate 
Fe,, précipité s’additionnent au sel D, ajouté pour donner 
D,,, de telle sorte que la masse se solidifie entièrement. 

Dans le cas de D,, les choses sont encore plus compli- 
quées. Pour ne citer qu’un seul fait, entre — 3° et — 10°, où 


Dee. Néerl. T. XXNIIL, p. 16. 
OX 


130 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


les isothermes de Fe,,, D, et D, ont à peu près l’aspect 
montré fig, 14, l'addition de D, à de l’eau provoque d’abord 
la dissolution (de O à a); puis Fe,, se dépose en partie (a 
jusque b) Plus tard encore ce sel se redissout (entre b et c) 
pour faire place ensuite à D,; et finalement la masse en- 
tière devient solide. L’addition ultérieure de D, donne aux 
dépens de D, une solution d; entre d et e il y a simplement 
dissolution; en e enfin la solution est saturée par rapport à D,. 
À d’autres températures il se présente de nouveau d’autres 
phénomènes, qu'il serait trop long de vouloir tous exposer ici. 


Fig. 12. 1e 419 Fig. 14. 


Un examen plus détaillé des isothermes permet, si l’on 
fait un bon usage de la méthode graphique, de déduire de 
la PI. I tous les phénomènes particuliers que l’on observe en 
mélangeant dans toutes les proportions les diverses phases ou 
les divers constituants. Le peu que nous en avons dit sufira 
pour faire comprendre combien de peine il a coûté de débrouiller 
cet écheveau de faits, rendus souvent plus compliqués encore 
s’il vient s’y ajouter des phénomènes de sursaturation. 


VII Cas des solutions en équilibre avec une 
phase ternaire et une autre phase solide. 


Les surfaces courbes relatives aux phases ternaires se sont 
trouvé réalisables dans des limites restreintes seulement, par 
suite de leur rencontre avec les surfaces relatives à d’autres 
phases En joignant les points de rencontre relatifs à des tempé- 


r sahaità 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 131 


ratures différentes, on obtient (PI. IT) des courbes dans l’espace 
limitant de divers côtés la surface courbe d’une phase ternaire, 
et exprimant les solutions qui peuvent se trouver en équilibre 
en même temps avec la phase ternaire et avec une autre 
phase. Ces courbes se trouvent reproduites en projection PI. I. 

C’est évidemment l’expérience qui doit décider dans quel 
ordre s'opère le concours des diverses phases, 

Nous avons obtenu 


OZ comme courbe pour D, + Fe, (tableau 13) 
OS : ; M DRM Fer (EN rene 14) 
S N à : DDR Lier (rer, 15) 
N M Ë >: CRD ere 16) 
MREPL:.. 3: Dir ae nr (re 17) 
1 PA 2 | D Te VO 18) 
He. : ADN Re EX, 19) 
DU : à I Dr ie de D RS SES 20) 
mes, : DD (NL 21) 


DS 


Parmi ces courbes, il y en a une relative à une phase 
ternaire et l’un des constituants (no. 13), six pour une phase 
ternaire et une binaire (no. 14—19), deux courbes pour deux 
phases ternaires (no. 20, 21). Cinq des neuf courbes sont 
connues jusqu'à leurs points terminaux. Ceux-ci sont néces- 
sairement situés hors des axes, car chacune de ces combi- 
naisons de deux phases solides renferme les trois constituants; 
et il faut donc que ceux-ci soient présents dans toute la série 
de solutions, exprimées par les divers points de la courbe. 


C’est par là que ces courbes se distinguent de celles relatives 
à deux phases binaires formées des mêmes constituants 
(comme les nos 9—12), qui sont toujours dirigées vers l’axe 
portant les points relatifs à la composition des deux phases 
binaires. 

Ces dernières courbes ont été, pour cette raison, précédem- 
ment (Arch. Néerl. T. XXVIIL p. 28) distinguées sous le 
nom de courbes latérales des premières courbes, ou courbes 


intermédiaires. 


132 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM. ET F. A. H. SCHREINEMARKERS. 


OZ, ST, VY,V W sont également des courbes intermédi- 
aires de cette nature, maïs dont la délimitation vers une de 
leurs extrémités n’est pas connue, attendu que les recherches 
n’ont pas été poussées assez loin. 

Nous avons, dans le travail théorique cité, appelé l'attention 
sur une propriété spéciale de ces courbes intermédaires, qui les 
distingue des courbes latérales. Ces dernières atteignent, en leurs 
points terminaux sur les axes, en même temps leur tempé- 
rature maxima. Des courbes intermédiaires peuvent également 
présenter une température maxima; mais elles peuvent de 
plus, à partir de ce point, se développer dans deux sens vers 
les températures plus basses. 

On s’en rendra le plus clairement compte en examinant 
la ligne d’intersection des surfaces courbes relatives à D, et 
Fe,, telle qu’elle est représentée schématiquement fig. 15. Le 
développement des isothermes relatifs à D, sera déjà troublé, 
un peu en-dessous du point de fusion, par la rencontre des 
isothermes relatifs à Fe,. Ces isothermes commencent par se 

toucher vers — 4,5°. Or, il a été démontré par voie thermody- 
namique que le point de contact U des deux courbes de 
dissolution (à — 4,5°) doit être situé sur la droite D Q, joig- 
nant les points qui expriment la composition des deux phases 
solides. À des températures inférieures à — 4,5°, le plus grand 
développement que prennent les 
deux courbes fera qu’elles se 
coupent; et cette intersection. 
aura lieu en deux points, p. ex. 
a et b à — 6°. 

Ainsi prend naissance la courbe 
de dissolution commune a U b 
des deux phases D, et Fe;. Le 
point U exprime la solution cor- 


Hig do. respondant à la température 
maxima de la courbe a U b. 
Cette solution peut être formée aux dépens de Q et D; et la 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, FT. 133 


température de — 4,5° est donc le point de fusion commun 
des deux phases solides D, et Fe.. 

Les deux branches de courbe Ua et Ub ne s’étendent pas 
bien loin dans le cas actuel, car les isothermes de Fe, n’ont 
qu'une étendue très-restreinte, et ceux de D, ne tardent donc 
pas à couper, au-dessous de — 4,5°, les isothermes de Fe, et 
Fe,, au lieu de ceux de f'e,, quand on abaisse la température. 

La même chose a lieu quand se rencontrent les surfaces 
courbes relatives aux phases ternaires D, et D}. Leur courbe 
de dissolution commune S T présente un point maximum à 
— 26,5°. La solution exprimée par le point situé sur la droite 
P Q prend naissance par le mélange des deux combinaisons 
ternaires en fusion. Partant de ce point de fusion, la courbe 
se dirige vers S et T, dans le sens des températures plus 
basses. L’une des branches se termine déjà en S, à — 27,59, 
parce qu'elle rencontre les courbes OS et N$. L'autre branche 
pourra prendre une longueur considérable, mais n’a pu être 
déterminée au delà de — 30°. La forme générale des isothermes 
relatifs à D, et D,, depuis les températures plus élevées jusque 
— 20°, permet de prévoir, comme dans le cas précédent, 
l’apparition de deux points d’intersection au-dessous de la 
température de contact. 

La courbe LV, correspondant à D,+ Fe,,, présente de même 
une température maxima au point de fusion commun. Cela 
résulte à l'évidence de ce que cette courbe est encore coupée 
par la droite QB. Mais ce point d’intersection est situé si 
près du point L, que le point de fusion commun coïncide 
réellement avec cette température. L’une des branches de la 
courbe est donc ici infiniment petite. 

La courbe OS relative à D, + Fe, montre la particularité 
de se terminer exactement à sa température maxima. Le 
point O est en effet situé presque précisement sur la droite 
IP. La deuxième branche de la courbe OS, qui devrait se 
diriger du point O vers les plus basses températures, fait ici 
complètement défaut. | 


134 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


Les courbes 0 Z, SN, NM, VW se terminent avant d’avoir 
atteint leur température maxima. Il n’y a donc qu’une partie 
de l’une des branches qui se réalise, et l’autre fait entière- 
ment défaut. Chez deux d’entre elles cependant le point de 
fusion commun a pu être encore déterminé comme état 
d'équilibre instable. La courbe NM relative à D, + Fe, 
s'étend de — 17° à — 7,3°. Prolongée davantage, elle expri- 
merait des équilibres instables par rapport à Fe,. Le dépôt 
de cette phase peut être cependant très-facilement retardé. 
C’est ainsi que le point de fusion commun de D, + Fe, a 
pu être déterminé. Il est situé à — 5°. La solution qui a 
pris naissance est représentée par le point 186, qui donnerait 
donc la température maxima de la courbe N M, si l’on pouvait 
prolonger celle-ci. Il est de nouveau situé sur la droite qui 
réunit les points correspondant aux deux phases solides (F Q). 

Il en est de même de la courbe V W, relative aux deux 
phases ternaires D, et D,,. On la connaît depuis — 20° 
jusque — 13°, où elle se termine en V, parce qu'elle y ren- 
contre les courbes V L et V X. Cependant maintenant encore 
le point de fusion commun de D, et D,, a pu être très- 
facilement déterminé, et s’est trouvé être — 10,5°. La solution 
coïncide avec le point 166 sur l’isotherme correspondant à 
D ,, et relatif à — 10°, situé sur la droite de raccordement Q R. 
On voit PI. I que l'intersection des isothermes à basse tem- 
pérature se transforme vers — 10° environ en contact externe. 
Comme ce point de contact n’a pas pénétré bien loin dans le 
domaine de Fe,,, il peut être très-facilement déterminé. 

Parmi les neuf courbes de dissolution relatives à deux 
phases solides, dont une au moins est une phase ternaire, six 
nous ont montré une température maxima (soit stable soit 
instable). Ce fait augmente considérablement le nombre des 
exemples connus, car l’un de nous !) avait trouvé les deux 
premiers exemples pour la combinaison de phases: sel double 


1) Schreinemakers, Arch. Néerl. T. XXVIIL, p. 73. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC 135 


et glace [chez Cu SO, .(N,), SO, . 6 H,0 et chez Cu CI. 
2NH,C1.2H,0] :). La forme des isothermes n’était d’ail- 
leurs pas connue dans ces deux exemples, de manière que nous 
avons pu montrer ici pour la première fois par voie expéri- 
mentale que ces températures maxima prennent naissance 
quand les isothermes se trouvent en contact. 

Tous les exemples cités montrent ce phénomène du contact 
externe des isothermes. La solution commune présente en 
conséquence une composition intermédiaire entre celles des 
deux phases solides, et la température maxima de la courbe 
est leur point de fusion commun. 

Mais :il est encore possible que les isothermes de deux 
phases présentent un contact interne. Le nremier exemple de 
cette nature nous est offert par la combinaison de phases 
D,, + Fe,,. À des températures très-peu inférieures au point 
de fusion de D,, (— 6°), l’isotherme de cette combinaison 
est entièrement compris dans l’intérieur de l’isotherme de 
Fe,,. Mais quand la température s’abaisse davantage, les 
premiers isothermes se développent plus rapidement que les 
derniers, de manière qu'à une température déterminée il se 
produit un contact interne À à — 12,5. A partir de cette 
température, et à toutes les températures inférieures, la sur- 


F) C’est très-probablement dans le même sens qu’il faut interpréter les 
maxima de température récemment décrits par MM. Heycock et Neville 
(Journ. Chem. Soc. vol. 65, p. 65; février 1894), dan le cas des points de 
solidification des alliages ternaires. Ces auteurs ont conçu l'opinion que 
de pareilles températures doivent se rencontrer quand deux métaux sont 
ajoutés au troisième dans le même rapport où ils s’unissent entre eux en 
une combinaison binaire, (p. ex. Au Cd avec Pb, Bi ou TI, et Ag, Cd 
avec les mêmes métaux). La peine que l’on a à distinguer dans ces expé- 
riences les phases solides en présence à fait peser encore quelques doutes 
sur la conclusion de ces auteurs. Nous croyons celle-ci parfaitement 
exacte et nous recommandons d'employer notre mode de représentation 
des résultats, qui rendra les phénomènes également plus faciles à com- 
prendre dans le cas d’un système de trois métaux. 


136 H. W. BAKHUIS ROOZEHBOOM ET F. À H. SCHREINEMARKERS. 


face relative à D,, commence à devenir visible entre celles 
correspondant à D, et Fe,,. Il faut alors que l’on observe 
deux points d’intersection pour chaque température entre les 
isothermes de D,, et Fe,,, p.ex. aetb à — 15° (voir la figure 
schématique 16). 

Ainsi prend naissance 
a X b comme courbe 
de dissolution commune, 
ayant en X sa température 
maxima, et dont les deux 
branches X a et Xb se 


dirigent, partant de ce 


point, vers les tempéra- 
tures plus basses. Dans 
le présent exemple, l’une 


Fig. 16. 


des branches X a est de nouveau très-courte, car elle se 
termine à environ — 13°, température à laquelle, en V, elle ren- 
contre la surface relative à D, et la courbe l’L, relative à D,+F,.. 
De l’autre côté, la courte V X Y a été déterminée jusque —202. 

La température maxima en X n’est pas à présent le point 
de fusion commun des deux phases solides. Conformément 
à la théorie, la composition de la solution s'exprime bien 
encore actuellement par un point de la droite B À, joignant 


les points qui expriment Fe , et D,,; mais ce point est situé 


12 
sur le prolongement de cette droite au delà de À. La solu- 
tion X ne peut donc prendre naissance que si D,, se liqué- 
fie en déposant Fe,,. 

La courbe VX Y est la première qui ait présenté une 
température maxima permettant d'observer une pareille méta- 
morphose. 

Tous les maxima de température observés ont été rassemblés 


dans le tableau 32. 


Courbes de fusion et de transformation. Nous avons donc ren- 
contré, chez les courbes relatives à deux phases solides, dont une 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 137 


au moins est ternaire, deux espèces de températures maxima. 
Dans le premier cas (celui de la plupart des exemples) les 
deux phases se liquéfient et donnent une solution en rapport 
détérminé. Il dépendra alors de leur quantité relative laquelle 
des deux phases reste encore en présence quand la température 
maxima a été franchie. | 

Dans le deuxième cas, l’une des phases se transforme en 
la seconde (D,, en Fe,,); cette dernière reste donc toujours 
présente à côté de la solution au-dessus du maximum de 
température de la courbe commune. 

Des phénomènes de même espèce s’accomplissent quand 
on chauffe le système alors que celui-ci à une température 
peu différente du maximum. 


€’ 


P | ? 
Fig. 17. Fig. 48. 


Soient fig 17 et 18 les deux courbes. Les courbes a c a’ 
ont leur température maxima en c; la température s'élève 
donc dans le sens des flèches. Si l’on chauffe, on déplacera, 
à partir de a, avec P et Q à l’état solide, et dans le sens 
vers c, le point qui exprime la solution. Il faut alors que dans 
le premier cas, pour passer par exemple de a en b, P et Qse 
dissolvent, car b se trouve compris dans l’intérieur du triangle 
a PQ; dans le deuxième cas au contraire Q se dissoudra et 
P se déposera, car on peut avoir a + Q—=d et d P—b. 

Il en est de même quand on part de a’. 

La seule différence avec le processus qui s’accomplit à la. 
température maxima consiste donc en ce que pendant la dis- 
solution des deux phases, ou pendant que l’une se -dissout et 


138 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


l’autre se dépose, la solution présente change de composition 
et que par suite la température peut se déplacer dans le 
sens du maximun. | 

On pourrait donc, à cause de la concordance qui vient 
d’être signalée, distinguer comme courbes de fusion et de 
transformation les deux espèces de coùrbes. Un pareil mode 
de distinction ne serait pas seulement applicable aux courbes 
intermédiaires, mais encore aux courbes latérales ($ 5). Dans 
l'exemple actuel toutes les courbes latérales étaient également 
des courbes de fusion, dont les deux phases solides se mé- 
langeaient par liquéfaction à la température maxima, et se 
dissolvaient en même temps à de plus basses températures. 

Si nous examinons, armés de nos connaissances actuelles, 
les diverses courbes qui ont été déterminées jusqu’ ici dans 
l'étude de systèmes formés de deux sels et d’eau, on en trou- 
vera parmi elles quelques-unes dont le caractère de courbe de 
fusion ou de transformation se révèle par ce que, prolongées, 
elles iraient couper la droite de raccordement P Q des deux 
phases solides. Cette intersection aurait lieu en un point centre 
P et Q, ou au-delà de ces deux points. Quand l'extrémité 
d'une courbe pareille n’est pas trop éloignée de P Q, il est 
facile de dire avec certitude à quelle catégorie cette courbe 
appartient. C’est par exemple ce qui arrive pour la courbe 
des deux sels doubles À, SO,. Mg SO,. 6 H,0 et K, SO,. Mg 
S0,. 4H,01), qui appartiendrait sans le moindre doute au 
type no 18, si on pouvait seulement la prolonger jusqu’ à la 
température maxima (au point c). Tous les points de la courbe 
ont les points P et Q du même côté. 

Si au contraire la partie de courbe existante est encore 
très-éloignée de la ligne P Q, on ne pourra prévoir d'avance 
avec pleine certitude si la courbe prolongée conduirait à une 


1) Van der Heyde, Zeitschr. f. physik. Chemie. Bd. 12. p. 6. II 
faut pour arriver à cette conclusion traduire en notre représentation 
graphique les résultats des expériences. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 139 


température maxima de la première ou de la deuxième 
espèce. 

On pourrait sans doute déterminer graphiquement pour 
chaque partie de courbe quelconque si elle présente le ca- 
ractère d’une courbe de fusion ou de transformation. On 
examinerait à cet effet si les droites menées vers P et Q sont 
situées de part et d'autre ou d’un seul côté de la partie 
de courbe considérée; mais cela n’est pas une preuve que 
la courbe présentera un trajet analogue quand la température 
est plus élevée. On peut en effet se représenter parfaitement 
un développement tel de la courbe, que son caractère se 
renverse. La courbe cb a de la fig. 19 p. ex. serait entre c et b 
une courbe de fusion, entre b et a une courbe de transforma- 
tion; dans la fig. 20 l’inverse aurait lieu. 


Fig. 19. | Fig 90. 


Parmi les courbes connues jusqu'ici qui se rapportent à 
deux phases solides dans des systèmes de trois corps, il n’y en a 
pas qui permettent d'observer ce renversement. 


VIII. Cas des solutions en équilibre avec 
trois phases solides. 


Les courbes intermédiaires et latérales se rencontrent en 
différents points. Il faut nécessairement qu'en ces points de 
rencontre trois courbes se réunissent; car si la courbe des 
phases 1 et 2 rencontre celle des phases 2 et 3, le point de 
concours exprime la coëxistence des phases solides 1, 2, à 


140 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


avec la solution, et il faut par conséquent qu’en ce point se 
termine également la courbe relative à 1 + 8. 

Dans la PI. If, ce sont trois surfaces courbes qui se ren- 
contrent en des points de cette nature, et trois isothermes 
s’y coupent. Ils expriment donc les seules températures aux- 
quelles trois phases solides déterminées soient susceptibles de 
coëxister avec la même solution. | 

Les présentes recherches ont amené la découverte de six 
points pareils: 0, 8, N, M, L, V. On consultera pour leurs ca- 
ractères le tableau 33. La manière dont les trois courbes con- 
courent en ces points peut être encore de deux espèces dif- 
férentes. En S et L les trois courbes ont leur température la 
plus basse, ce qui veut dire qu'aucune des phases solides, 
qui concourent en L ou en S n’est susceptible de coëxister 
avec une solution à une température inférieure. Le seul phé- 
nomène qui puisse se produire quand on refroidit davantage, 
c'est la solidification de la solution en un mélange des trois 
phases solides. Le fait qu’il en est ainsi est d'accord avec 
la composition des solutions en les points $S et L, car le 
point $ se trouve compris dans l'intérieur d’un triangle, dont 
les sommets sont P Q H. Le point L se trouve dans l’inté- 
rieur du triangle Q B D. 

Les transformations qui s’accomplissent quand on fournit ou 
enlève de la chaleur sont donc les suivantes: 


D, + D, + Fe, 7 solution S. 
D, + Fe,+ Fe, solution L. 


12<— 


Les proportions dans lesquelles les trois phases solides pren- 
nent part à la fusion peut être calculée au moyen de la 
composition de la solution, ou bien déduite graphiquement 
de la PI. I. On y voit que la phase Fe, n’est que faiblement 
représentée dans la solution S, et de même la phase Fe, 
dans la solution L; car S: est situé très-près de P Q, L très 
près de Q B. | 

Tandis que la solution disparaît toujours quand on refroi- 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 141 


dit le système, l'application de la chaleur fait disparaître 
celle des trois phases solides qui est épuisée la première lors 
de la fusion commune. 

Les: autres points O, N, M, V appartiennent à une nouvelle 
catégorie. On voit dans ce cas deux courbes de dissolution 
des deux phases solides atteindre leur température la plus 
basse, la troisième au contraire sa température la plus élevée. 
Les transformations qui s’accomplissent quand on enlève ou 
fournit de la chaleur doivent être en conséquence les sui- 


vantes : 
D,+fFe, Fe, + solution O, 
D,+Fe, Fe, + HO, 
D, +Fe, Fe, + Me 
D, +D,, 2 Fe,, + j V. 


Graphiquement ces faits se laissent prévoir parce que le 
point V par exemple est situé maintenant en dehors du 
triangle Q F H, et que la solution ne peut donc être formée 
aux dépens des trois phases solides. Ce qui arrive, c’est que 
Q H et FN se coupent. Il peut donc résulter de D, + Fe, un 
système qui se décompose en Fe; + N. Il en est de même 
pour les autres solutions. Il faut mentionner cette particularité 
qu'en O la quantité de Fe, entrant en réaction est insigni- 
fiante, parce que O est situé presque sur la droite P H. 

On peut déduire encore des équations de réaction que dans 
l'un et l’autre sens une des deux phases peut disparaître : 
quand on chauffe c’est un des deux solides, quand on re- 
froidit la troisième phase solide ou la solution. Si la dernière 
éventualité a lieu, les points O, N, M, V, de même que Set 
L, sont des points de congélation. Mais tandis que les deux 
derniers points étaient toujours nécessairement de cette nature, 
les premiers ne le sont que sil y a abondance de la pre- 
mière phase solide, qui donne avec la solution les deux 
autres phases. 


Pendant la métamorphose, la température reste invariable 


142 EH. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS, 


en tous les points nommés ci-dessus. On peut se servir de 
cette circonstance pour déterminer ces températures et les 
solutions existant aux points d’intersection des courbes. Mais 
il faut veiller soigneusement à ce que la température du 
milieu ambiant ne s'élève pas trop rapidement Les phéno- 
mènes compliqués de fusion ou de congélation, qui se pro- 
duisent aux points que nous venons de décrire, demandent 
bien plus de temps que de simples fusions ou congélations. 
Dans le cas où la phase Fe,, prend part à la transformation, 
celle-ci s’accomplit avec une lenteur extrême. 


IX. Relations des phénomènes à la tension. 

Les surfaces courbes relatives à une phase solide unique, 
les courbes dans l’espace correspondant à deux de ces phases, 
et les points qui en expriment trois, s'appliquent tous, tels que 
nous les avons décrits, à l’équilibre avec une solution sous 
la pression d’une atmosphère. 

Quand la pression s'élève, tous les points subiront d’une 
manière générale un déplacement, mais très-léger seule- 
ment en raison de la faible influence de la pression sur la 
solubilité. On ne saurait prévoir que les équilibres finiront 
par devenir impossibles quand la pression s'élève. Quand 
celle-ci s’abaisse au contraire, il en sera bientôt ainsi; savoir 
à la tension de vapeur qui est naturellement la tension mi- 
nima à laquelle les systèmes puissent encore exister. 

Le déplacement que devraient subir les PI. I et IT, pour 
représenter les solubilités sous tension de vapeur, peut être 
sans doute complètement négligé. Chez les solutions renfer- 
mant beaucoup de AH CI, cette tension est déjà très-proche 
d’une atmosphère; et nous avons précisément cessé de pour- 
suivre plus avant l'étude des surfaces et des courbes, parce 
que les tensions de vapeur auraient dépassé la pression at- 
mosphérique. 

Si maintenant nous supposions toutes les déterminations 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 143 


applicables au cas où la pression est celle de la vapeur, la 
signification des diverses parties du système serait la suivante : 

Surfaces : Equilibres d’une phase solide unique avec solution 

et vapeur. 

Courbes: Equilibres de deux phases solides avec solution 

et vapeur. 

Points:  Equilibres de trois phases solides avec solution 

et vapeur. 

Les tensions de vapeur correspondantes se modifieraient 
alors de point en point. Dans la PI IT il était évidemment 
impossible de les représenter, vu le défaut d’une quatrième 
dimension. Maïs dans la PI. I il y avait moyen de prendre 
un troisième axe comme axe des tensions. On obtient alors 
une représentation des rapports entre la tension et la com- 
position des solutions accompagnées d’une ou plusieurs phases 
solides; mais la température n’était pas représentée. Cette 
dernière pouvait être exprimée en même temps que la tension 
dans un plan spécial, pour les systèmes formés de solution et 
de vapeur et deux ou trois phases solides. Les premiers systè- 
mes donnent une courbe de tension, car ils forment des 
systèmes de trois corps en quatre phases; les autres donnent 
un point, représentant la température et la pression uniques, 
auxquelles cinq phases des trois constituants peuvent coëxister. 
Ces points ont été antérieurement désignés par l’un de nous 
sous le nom de points quintuples. 

Ces points seront donc, pour ce qui concerne la tempéra- 
ture et la composition de la solution en présence, très-peu 
différents des points 0, S, N, M, L, V, déterminés à la pression 
atmosphérique. 

Aux points quintuples se terminent d’abord les trois courbes 
relatives aux équilibres: deux phases solides + solution + 
vapeur. La forme possible de ces courbes de tension de vapeur 
se laisse déjà plus ou moins prévoir. Comme nous l’avons vu 
$ VII, certaines courbes de dissolution présentent une tem® 
pérature maxima au point de fusion commun des deux phases 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX. 10 


144 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


solides: et au-dessous de cette température il y a donc deux 
branches de la courbe de dissolution qui peuvent prendre 
naissance. À ces branches correspondront, dans le cas de la 
courbe des tensions de vapeur, deux autres branches, qui se 
rencontreront au point de fusion !) et 
y passeront insensihlement l’une à 
l’autre. C’est ce que représente la 
fig. 21, où C constitue le point de 
fusion. Nous appellerons branche I la 
partie de courbe ascendante voisine 
de C, et branche II la partie de 
courbe descendante voisine du même point. Ce fait n'exclut 
pas qu’un abaissement plus considérable de température puisse 
provoquer des changements de direction, de même que nous 
l’avons vu jadis ?) pour les courbes de tension tout-à-fait 
analogues, relatives à l’équilibre d’une phase solide en présence 
de solution et de vapeur dans les systèmes de deux consti- 
tuants. Chez les courbes des tensions de vapeur, correspondant 
aux courbes de dissolution $S T et L M, les deux branches 
seront assurément réalisées. Chez les courbes correspondant à 
V L et X Y, l’une des branches sera très-petite ; chez les autres, 
relatives à une phase ternaire et une autre phase solide, une 
seule des branches existera encore, car le point de fusion com- 
mun ne peut être atteint. Si l’on compare la composition des 
solutions connues à la composition probable des solutions 
inconnues de l’autre branche et que l’on réfléchisse que la 
vapeur est presque exclusivement composée de HI avec peu 
de H,0 et presque pas de Fe CI,, on en conclura que chez la 


Fig. 21. 


plupart des courbes de tension de vapeur c’est la deuxième 
branche B C qui apparaît de préférence. 


1) Ou en un point très-proche de celui-ci. Voir à ce propos pour la 
courbe tout à fait analogue relative à trois phases de deux substances: 
Rec. Trav. chim. Pays Bas. T. 5. p. 340. 1886. 

2) Zeitschr. f. phys. Chem. Bd. 2. p. 465. Voir aussi Arch. Néerl. T. XXII, 
p. 261 et suiv. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 145 


Il en est ainsi sans le moindre doute chez les courbes de 
cette espèce qui correspondent aux courbes latérales LC, M E, 
NG et OI. En effet, la teneur en ACT diminue très-rapidement 
quand la température s'élève, et les solutions qui ne renfer- 
ment pas d'acide chlorhydrique présentent des tensions de. 
vapeur extrêmement basses !). Quoique nous n'ayions pas 
déterminé de courbes de tension de vapeur, les considérations 
de cette nature permettent de donner une représentation 
schématique de leur direction. La fig. 22 en donne une pour 
les courbes qui se rencontrent en $ et en 0. 


Fig. 22. 


Outre les trois courbes relatives à l’équilibre de deux phases 
solides en présence de solution et de vapeur, nous avons, 
passant par chacun de ces deux points, une quatrième courbe 
correspondant à l’équilibre des trois phases solides en présence 
de vapeur. Cette courbe est celle sur laquelle on passe avec 
un système complètement solidifié en S ou en ©. Elle se 
dirige de S$ ou de O vers les températures inférieures. Si 
la composition de la vapeur était connue, on pourrait dire 
quelle transformation s’accomplit en chacun de ces systèmes 
quand la température ou la pression changent. 

Mais outre ces quatre courbes, il y en a une cinquième 
qui doit venir se terminer en chaque point quintuple; c’est 
celle relative à l'équilibre des trois phases solides en présence 


1) Arch. Néerl. T. XX VII, page 64, 
10 


146 EH. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. À. H. SCHREINEMAKERS. 


de solution sans vapeur. En effet, les groupements possibles 
entre les cinq phases, quatre à quatre, sont par là épuisés. 
Cette cinquième courbe prend, à partir de O ou de $, une 
marche très-rapidement ascendante. Elle donne la série des 
températures auxquelles, sous pression croissante, les trois 
phases solides et la solution sont susceptibles de coëxister. 
Dans la PI. IL, les points O, S etc. donnaient ces températures 
dans le cas de p — 1 atm. Comme les transformations indiquées 
par les équations du $ VIII s’accomplissent avec un change- 
ment de volume peu important, les courbes sont en pente 
très-raide. Le signe du changement détermine si elles mar- 
chent en avant ou en arrière. Le plus souvent la fusion 
totale (S) ou partielle (0), qui s’accomplit dans le système 
quand on chauffe, sera accompagnée de dilatation. Alors la 


courbe marche vers la droite. 
X. Equilibres non-étudiés. 


L’étendue considérable que ces recherches ont prise a été 
cause que nous les avons terminées du moment que le lien 
des différents équilibres entre eux a pu être considéré comme 
suffisamment établi, et que des phénomènes nouveaux ne se 
laissaient plus prévoir dans le domaine accessible aux inves- 
tigations. Il sera cependant utile de donner un aperçu général 
du reste des équilibres encore possibles. Nous choisirons à 
cet effet le mode de représentation dans un triangle, fig. 23, 
ce qui rendra en même temps bien clair combien il reste 
encore d’équilibres à étudier en comparaison de ceux déjà 
connus. Dans cette figure n’ont pas été représentés les iso- 
thermes relatifs à chaque phase, mais seulement les courbes 
de dissolution pour deux phases et les points pour les solu- 
tions de trois phases solides. Les valeurs nécessaires ont été 
empruntées à la PI. I, mais rapportées d’abord à 100 pour la 
somme des molécules au lieu de 100 mol. d’eau, et portées 
dans le diagramme dans le sens des côtés du triangle. Les 
signes de la PI. I ont été conservés. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 147 


Considérons d’abord l’extension des domaines de Fe;,, 
D,, et D, vers les basses températures. On peut s'attendre 


JICt 


alors à atteindre une limite parce qu’il se formera de la glace 
ou des hydrates de l’acide chlorhydrique. Si l’on fait usage 


de ce que l’on sait de la manière dont ces corps se comportent 
entre eux, on pourra avec certitude indiquer la succession 
des limites des différents domaines, et même d’une manière 
approchée la position des courbes et leurs points de rencontre. 
En effet, les solutions correspondant à Fe,,, D,, et D, 
ne s’écartent déjà plus que faiblement à — 20° de l’axe relatif 
à HCI + H,0. 

Le point À représente la solution coëxistant à — 55° avec 
de la glace et Fe, ,. Les deux phases solides s’y mélangent 
par fusion simultanée. Il faut donc que la courbe de disso- 
lution des deux phases se dirige, en présence de H C1, du 
point À vers les températures plus basses. Elle prend nais- 
sance par la jonction des points où les isothermes relatifs à 
Fe,, et de la glace se coupent à des températures différentes. 
La direction des isothermes correspondant à Fe,, est connue 
d’une manière générale; on peut pour la glace la prévoir 


148 H.w BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H SCHREINEMAKERS. 


également plus ou moins. En effet, les deux points terminaux 
sont connus, et situés l’un sur l’axe horizontal (solutions 
privées de }Æ Ci), l’autre sur l’axe latéral (solutions privées de 
Fe C1,). C’est ainsi que la direction de la courbe AG relative 
à de la glace + Fe,, a pu être environ déterminée. 

La courbe À G' rencontre d’abord en G’ la courbe 4’ 6G, 
relative aux solutions accompagnées de glace et de A CI. 3 H, 0, 
l’'hydrate découvert par M. Pickering. La position du 
point À’ a été empruntée aux déterminations de cet auteur 
C’est le point de fusion du système Glace + HC.3 H,0 
(— 90°). La courbe 4’G’ doit donc, partant de — 90°, prendre 
un trajet dirigé vers le bas. Elle ne peut d’ailleurs avoir une 
étendue bien considérable, et G’ se trouve donc dans le voisinage 
de — 100°. Les courbes À G’ et 4° G° limitent la surface IX, 
où les solutions sont accompagnées de glace. 

Nous avons procédé d’une manière analogue pour les autres 
domaines. La connaissance des points BC" DE" F° nous à 
servi de base; elles représentent successivement: 


PB" point de fusion de H CI. 3 H,0 — 25° 
Gps ; : » HC.3H,0 + HCI.2H,0 — 35° 
DATE MOREL CNE O2 AO _ —17,5° 
HNENS ù », » HO2H,0 = HCNHROER0, 


F" exprime la composition À CI. H,0. Le point de fusion 
de ce composé n'est pas réalisable. 

Dans le cas des hydrates renfermant 8 et 2 molécules À, O, 
il doit y avoir, à des températures peu inférieures à leur point 
de fusion, des solutions semblables à celles des hydrates de 
Fe, Cl, savoir des solutions ayant deux points communs, 
de part et d’autre de B' ou D’, avec l'axe 4’ F. À des tem- 
pératures inférieures, il n'y a que des parties de ces 1iso- 
thermes qui puissent se réaliser parce qu’elles vont couper ceux 
relatifs à Fe,,, D,, ou D,. Comme nous ne connaissons pas 
le développement que prennent ces isothermes dans l’intéri- 
eur du triangle, les points d’intersection demeurent impar- 
faitement déterminés. 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASXS LIQUIDES, ETC. 149 


La courbe @ Y relative à Fe,, + H Cl. 3 H,0, marchera 
dans tous les cas, à partir du point G’ vers les températures 
plus élevées En Y (à — 60° environ) elle rencontre la courbe 
Y X V, qui était déjà connue jusqu’à — 20°. Le domaine I 
appartenant à Fe,, est ainsi complètement délimité. 

Partant de Y, la courbe Y W délimite les surfaces de D, 
et H CI.3 H,0. Elle rencontre à — 40° environ la courbe 
V W, que nous connaiïssions déjà jusqu’ environ — 20°. 

Du point W part une courbe W H', correspondant aux 
solutions renfermant D, et H CI. 3 H,0. Cette courbe coupera 
indubitablement la droite Q B', et présentera donc une tem- 
pérature maxima, pour se diriger de nouveau, entre ce point 
et H', vers des températures plus basses. Le trajet des cour- 
bes devient d’ailleurs plus incertain, parce que nous nous 
écartons davantage de l’axe de H Cl. En H’ (dans le voisi- 
nage de — 45°), nous rencontrons la courbe C’ H”, qui sépare 
l’un de l'autre les domaines de AH C1.3 H,0 et HCI.2 H,0. 
A partir de ce point, la courbe H' X” va former la limite 
entre les domaines de D, et H CI.2 H,0. Cette courbe pré- 
sente également une température maxima, car elle coupe la 
droite Q D'. Ce maximum est situé environ à — 40°, d’après 
nos déterminations sur un mélange des deux corps solides. 
_ Le point terminal X’ est situé de nouveau plus bas (dans le 
voisinage de — 55° environ). On y rencontre la courbe E°K, 
relative à H CI. 2 H,0 + H CI. H,0, dont le trajet est passa- 
blement douteux, parce que même le point Æ n’est pas exacte- 
ment connu. 

Il faut à présent que, partant de Æ7, une courbe Æ°T aille 
délimiter les domaines de D, et HCI. H,0. Elle existe 
peut-être entre — 55° et — 65°, jusqu’ à ce qu’elle rencontre 
la courbe S T, que nous connaissions déjà jusque — 30°, et 
dont le trajet ultérieur est plus où moins déterminé, parce 
que la direction générale des isothermes relatifs à D, et D, 
est connue. 

Si donc il persiste encore dans les détails quelques doutes, 


150 H. W. BAKHUIS ROOZEKBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


il nous semble cependant que des recherches ultérieures n’in- 
troduiront aucune modification dans la manière dont les diffé- 
rentes surfaces se délimitent entre elles. 

Les domaines VIT appartenant à D,, X appartenant à 
H CI. 3H,0 et XI appartenant à H CI 2H,0 sont donc 
complètement délimités. Une partie de ces courbes de déli- 
mitation ne pourra être étudiée que sous pression considérable. 

Il reste encore à présent trois domaines, dont la délimita- 
tion précise est impossible à indiquer. Ce sont les domaines 
relatifs à H CI H,0 (XII), D, (VI et Fe, (V). Peut-être 
partira-t-il de T encore une courbe de séparation T L', située 
entre les deux premiers. Une courbe O0 Z, séparant les deux 
derniers, pourra également être prolongée sous pression plus 
élevée. Mais le trajet ultérieur de ces deux courbes ne pourra 
être déterminé sans recherches nouvelles. 

Ce qui est certain, c’est que, la teneur en À Cl augmen- 
tant, il faut bientôt s'attendre à voir apparaître une deuxième 
couche liquide. Dans des solutions ne renfermant pas de Fe CI;, 
ce phénomène devient déjà sensible avant que F” ne soit 
atteint. Le point de fusion de H Cl. H,0 ne saurait donc 
être réalisé. La séparation en deux couches s'opère, en pré- 
sence de cet hydrate, à — 16°. La composition de l’une des 
solutions s'exprime alors par un point situé entre E’ et F; 
l'autre ne différera que légèrement de H CI. Les solutions in- 
termédiaires n'existent pas. 

Partant des deux points sur l’axe de H Ci, et ajoutant 
Fe Cl,, on obtiendra une série de solutions, capables de 
coëxister avec H Cl. H, O0. L’étendue, dans l’intérieur du triangle, 
du domaine où s'opère la séparation, ne saurait être fixée d’ 
avance. On ne pourrait donc dire non plus si D, et Fe, sont 
capables d'exister en présence des deux espèces de solutions. 
Si le domaine en question est très-étendu, il n'apparaîtra peut- 
être plus de phases solides nouvelles. Il faut dans tous les cas 
qu'il y ait une limite aux domaines XII et VI, car il estimpossible 
que ces domaines s'étendent jusqu’ à l’axe de H Cl— Fe Cl,. Les 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 151 


domaines de Fe, et de H CT solide (à de très-basses tempé- 
ratures) s’y rattacheront certainement, ainsi que celui d’une 
combinaison anhydre de Fe Cl, avec H CI, si elle existe ‘). 

La fig. 23 montre donc que les cas d'équilibre étudiés et 
ceux que l’on peut prévoir d’une manière précise ne consti- 
tuent ensemble qu’un quart environ de tous les rapports de 
mélange possibles entre les trois substances constituantes du 
système. 


Dans toutes les considérations qui précèdent, nous nous 
sommes représentés les systèmes comme constitués par H,0, 
Fe Cl, et H CI, ce qui correspondait d’ailleurs à la composition 
réelle. Tous les cas d'équilibre possibles pouvaient alors s’ex- 
primer dans l’intérieur d’un triangle tel que celui de la fig. 23, 
aux sommets duquel se trouvaient portées les trois substances. 

Mais rien n'empêche que nous examinions de plus les 
systèmes formés de H,0, Fe Cl, et Fe, O,. Ceux-ci pour- 
raient alors être représentés dans un deuxième triangle, 
adjacent au premier par l’axe commun de H,0--Fe CI,. Dans 
ce nouveau triangle, les hydrates du chlorure ferrique nous 
donneraient encore des isothermes semblables à ceux du 
précédent diagramme. Les deux isothermes devraient d’ailleurs 
se rencontrer en deux points de cet axe. 

Les hydrates nous donneraient donc de cette manière des 
isothermes fermés tels que seules les combinaisons ternaires 
pourraient nous en fournir. La raison en est que le choix 
des constituants laisse quelque place à l'arbitraire, et qu’il en 


1) Des recherches sur la séparation des solutions de trois substances 
ont été faites dans ces dernières années pour le cas des alliages ternaires 
par MM. Wright et Thompson. MM. Bodländer, Traube et 
Neuberg et Linebarger ont étudié le même phénomène chez les 
systèmes d’un sel et de deux liquides. Mais tous ces travaux sont bien 
trop incomplets pour permettre une appréciation exacte des délimitations 
possibles des domaines relatifs aux phases solides. Peut-être reste-t-il en- 
core des cas spéciaux intéressants à découvrir. 


Lo 2 HW BAREUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


est done de même de la manière dont on envisage une com- 
binaison, soit comme binaire soit comme ternaire. Dans le 
cas actuel p. ex. les deux triangles ne représentent à vrai 
dire que deux cas particuliers d’un système de trois substances, 

eHCI dans lequel il y a double décompo- 
sition !)}. Cela devient aussitôt évi- 
dent, quand on porte aux angles du 
quadrilatère 6 HCI, 3 H,0, Fe, CI, 


Fe, Ce 3H0 
et Fe, O, (fig. 24). Tandis que dans 
les triangles supérieur et inférieur 
Fe, Cl, .4 H,0O p. ex. est situé sur 
Fe; 0; A2 he 
un des côtés, on peut tout aussi bien 
F1c. 24. 


se figurer le système comme formé 
des deux parties Fe,Cl,;, Fe,0,, 6 HCI et 6 H CI, Fe,0,, 
3H,0. Dans cette dernière moitié tous les hydrates seront 
représentés par des points à l’intérieur du triangle, et devront 
done être considérés comme: des phases ternaires: Fe, CI,. 
4 H,0 p. ex. sera considéré comme Fe, 0, 6 -ENCIN "0; 

L'extension des recherches au triangle inférieur rencontre- 
rait toutefois de grandes difficultés et ne promet pas de 
mettre au jour des faits nouveaux. 


ECRFR'ÉSUmIE 


L'étude des cas d'équilibre possibles à la pression atmos- 
phérique entre la solution et les phases solides, constituées 
par H,0, H Cet FeCl,, a conduit aux résultats suivants: 

1. L’isotherme de dissolution a été pour la première fois 
complètement réalisé dans le cas où la solution se trouve en 
équilibre avec une phase solide binaire. L'isotherme est alors 
une courbe, reposant en deux points sur l’axe, dont les points 
représentent ces combinaisons binaires. 

2. Des isothermes complets pareils ne peuvent s’observer 
que dans le voisinage des points de fusion des phases solides 


1) Voir pour cette question et les questions analogues: Archiv. Néerl, 
ONCE pe 109! 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 1953 


binaires. Quand la température s’abaisse, ils se développent 
davantage dans toutes les directions, de manière que dans 
la représentation dans l’espace, avec la température comme 
troisième axe, il prend naissance une espèce de surface courbe 
pour les solutions coëxistant avec les phases solides binaires, 
surface qui offre un sommet obtus au point de fusion du 
composé 

3. Tout isotherme complet peut être partagé en deux 
parties au point de vue de la manière dont se comportent 
les solutions quand on y ajoute chacun des constituants de 
la combinaison binaire. Les solutions exprimées par les points 
de la première moitié de l’isotherme se déplaceront le long 
de celui-ci en dissolvant de nouvelles parties de la phase 
binaire solide; les autres solutions présenteront le même 
déplacement, mais accompagné de dépôt de cette phase. 

La manière dont se comporte la solution quand on l’addi- 
tionne du troisième constituant non représenté dans la phase 
binaire, ne donne pas toujours lieu à pareille division en deux 
parties. L’isotherme complet montre régulièrement, dans ces 
conditions, une augmentation de solubilité; une diminution 
ne s’observe que de temps en temps. 

4. Quand plusieurs phases binaires solides se succèdent, 
les isothermes ou les surfaces courbes se coupent et il en 
résulte l’apparition d’une courbe, exprimant les solutions qui 
coëxistent avec deux phases binaires successives. À chaque 
température ne correspond qu'une solution déterminée. Cette 
courbe présente sa température maxima au point de fusion 
ou de transformation des deux phases solides, le troisième 
constituant faisant défaut. La direction de cette courbe déter- 
mine si, au-dessous d’une certaine température, une des deux 
phases binaires solides se transforme grâce au troisième con- 
stituant en l’autre, ou si cela n’a pas lieu. 

9. Nous avons découvert deux nouvelles combinaisons ter- 
ourese Je, Cl, 2 HCI° 81H, 0 et Fe, Cl,. 2 H CI. 12 H,0. Chez 
ces deux combinaisons il nous a été possible de réaliser pour 


154 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET K. A! H. SCHREINEMAKERS. 


la première fois l’isotherme de dissolution complet d’une 
phase solide ternaire. Des isothermes pareils sont des courbes 
fermées, enveloppant le point qui exprime la composition de 
la combinaison ternaire. Portés tous ensembles sur l’axe des 
températures, ils donnent une surface conique, représentant 
les solutions coëxistant avec la phase ternaire solide. Le 
sommet du cône donne le point de fusion de cette phase. 

6. Tout isotherme complet d’une phase solide ternaire se 
partage pour chacun des constituants en quatre divisions. 
Chez deux de celles-ci l'addition des constituants déplace le 
point qui représente la solution le long de l’isotherme, en 
même temps que la phase solide se dépose ; chez les deux 
autres le même déplacement est accompagné de dissolution. 

7. Les isothermes d’une phase ternaire peuvent à de basses 
températures rencontrer ceux d’un des constituants, celui d’une 
phase binaire ou d’une autre phase ternaire. On connaît des 
exemples de ces différents cas. Aïnsi prennent naissance des 
courbes qui correspondent aux solutions coëxistant avec les 
deux phases solides, dont une au moins est une ternaire. Des 
courbes pareilles, que nous avons distinguées, sous le nom 
de courbes intermédiaires, des courbes latérales mentionnées 
en 4, peuvent non-seulement présenter une température maxima, 
mais s'étendre depuis ce point maximum dans deux direc- 
tions, vers les températures plus basses. Il y a ainsi, par 
suite de ce fait, au moins au début deux espèces de solutions 
pour chaque température. 

De telles températures maxima prennent naissance quand 
les deux isothermes se touchent. Si le contact est externe, 
la température maxima est un point de fusion commun 
des deux phases solides; s’il est interne, c’est un point de 
transformation de l’une des phases en l’autre, avec produc- 
tion de solution. Des exemples de ces deux cas ont été 
observés. 

8. Des courbes intermédiaires et latérales se rencontrent trois 
à trois à une température déterminée, à laquelle trois phases 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 105 


solides sont capables d’existér en présence d’une solution 
déterminée. Au-dessous de cette température il y a ou bien 
solidification complète, ou bien une des phases solides se 
transforme en même temps que la solution en les deux autres. 

9. Nous avons pu avec une certitude plus ou moins grande 
étendre les courbes jusqu’en leur point de rencontre avec les 
domaines appartenant à la glace et aux hydrates de Æ CI. 
Il en est résulté une représentation générale de tous les cas 
d'équilibre possibles jusqu’à la température où Fe CI, com- 
mence à se décomposer en solution, et où Æ Cl ne peut plus 
se dissoudre à la pression atmosphérique. 

Sous pression plus forte, le liquide ne tarderait pas à se 
séparer en deux couches. 

10. La diminution de pression conduit finalement à une con- 
dition telle des systèmes étudiés, que leurs équilibres devront 
être représentés sous tension de vapeur. Aux courbes de dis- 
solution des deux phases solides correspondent des courbes 
de tension de vapeur déterminées, qui se rencontrent trois à 
trois en des points quintuples. Ceux-ci représentent les seules 
valeurs de p et t, auxquelles trois phases solides peuvent 
coëxister avec une solution et de la vapeur. C’est de plus 
en ces points que concourent les courbes de tension de vapeur 
relatives aux trois phases solides, et la courbe de pression du 
système des trois phases solides en présence d’une solution 
sans vapeur. 


156 rH. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


Composition des solutions saturées: H Cl et FeCl, 


en molécules sur 100 molécules 7, O. 


(Les nombres entres parenthèses représentent des solutions instables; 


les solutions en 


regard desquelles ne se trouvent pas de nombres n’ont pas été déterminées, 
mais simplement appréciées.) 


N°. | ! | H Ci | Fe C1, 
Tableau 1. 
Phase solide: Fe, 01,127, 0. 
1 330 0 19,70 
2 » 5,92 16,07 
3 ) 0 20,90 
À 25 0 10,90 
5 » 2,33 23,72 
(6) » 0 24,50 
ñ 20 0 10,20 
8 » 9,60 23,60 
(9) » 0 25,70 
10 10 0 9,10 
411 » 8,75 8,00 
12 » 16,70 16,65 
413 » 13,80 23,39 
44 (Q 0 8,25 
15 » 7,92 6,51 
16 » 19,57 6,33 
di] ) 16,80 8,70 
18 » 18,45 10,23 
49 » 20,40 15,40 
20 » 20,10 16,00 
21 » 19,95 17,70 
29 » 19,00 92,75 
93 » 18,05 23,40 
24 | —10 0 7,40 
25 » 19,46 107 
96 » 20,48 20,54 
(27) ) 9095 | 2156 
98 | —41495 | 9214 | 16,69 
29 | — 415 0 6,98 
30 » 21,30 9,65 
sl - 20 0 6,56 
39 » 7,50 4,90 
33 » 15,30 5,09 
34 » 20,56 7,08 
Tableau 2. 
Phase solide: Fe, 014.71, 0. 
195 SOC PU) O0) 
36 20 97.80 
37 NO 30,24 


N°. t H Ci. | FeCls 
(38) | 950 0 93.50 

5 » 2,33 23,72 
39 » 7,90 29,75 
(40) » 0 31,50 
(1) | 20 0 99 50 

8 » 5,60 93.60 
49 » 11,05 29.90 
(43) » 0 32,00 
Ad | 45 10,75 | 93,50 
45 » 14,90 | 28,35 
13 | 10 13,80 | 23,35 
46. » 47,80 97,75 
SE 0) 18,05 | 23,40 
TRES 49,50 | 95.93 

Tableau 5. 

Phase se Lo. vel (O 
48 35,00 
49 95 39,95 
50 33,50 
541 Sn 33.80 
59 10,62 34,64 
53 ) 4 41150 | 35,60 
54 » 10, 70 38.00 
| 0 70 | 0 | 39 40 
56 » 13,40 37,45 
57 33 0 31,00 
58 » 15,70 37,06 
59 30 D Moser 
60 » 17,20 34,00 
61 » 17,5 36,75 
GA) || GE 0 29 00 
39 » 7,50 29,75 
63 » 19,50 39,25 
(64) | 20 0 27.90 
49 » 11.05 29 20 
65 » 15.80 | 30.68 
66 » 94,95 3495 
45 15 14,90 98,35 
67 » 16,40 929.39 
46 A0 1780 | 97,75 
68 » 18,80 28,70 
69 » 94,50 39,75 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 157 
N°. t HCI | FeCl, N°. t | HCI | Fe Cl, 
pe 97e 30,04 105 202 34,93 | 42,02 
Do 26.00 32,16 106 » 35,40 | 4316 
Fe Merci, 22,95 29,60 4107 15 99.40 | 36,50 
4 Da» | 2 sn 1050) 33,60 | 40,03 
0 69 | 40 2450 | 3275 
Tableau À. 109 | » 35.04 | 39,95 
Phase nue Fe, Cl,.4H, 0. 71 0 26,00 32.16 
75 70 2 À LR a 110 > 0) GAGD NET 
Re do [50 TIME 97,30 | 32,05 
ou Te 411 » SONO 
és 112 | — 90 30,08 | 32,76 
» +10,25  |+ 50,00 VO 
» + 315 + 295 114163 » 32,69 36,44 
59.00 
ll se Tableau 5. 
79 60 0 41,40 
de 5 +41495 |+ 50,00 Phase solide : Fe, Cl, ue 
80 » 10,70 59,25 114 45° 00 5800 
(81) » 0 61,00 415 » 31,28 50,08 
83 » 19,00 50,72 114 40 0 58,00 
84 » 16,71 53.60 92 ) 27,00 | 50,80 
(85) 5 0 62.00 1417he) » 42,01 48,64 
114 35 DT ER 
(86) | 50 DOME 118 » 29,01 | 50,33 
= ) a ne 119 » 37,04 | 49920 
> ne 114 30 0 58,00 
88 » 20,04 52,50 09 » 39,60 49,93 
(89) 44 0 39,00 120 » 34,40 | 49,72 
54 » 10,70 | 38.00 
90 » 14,80 38,70 Tableau 6. 
91 » 24,14 50,10 Phase solide: Fe, C1, 2H01.4 H, 0 
56 40 13,40 | 37,45 
12 40° 49,56 | 47,52 
SRE 15,70 | 37,06 122 | 35 39.47 | 4657 
AI Se AIG] |» 37,04 | 49,20 
94 » 31,08 | 46,85 Pa Re 
95 » 30,81 47,65 123 30 40,21 | 4254 
96 » 30,45 | 48,70 124 ù 38,20 | 44,70 
195 » 35,55 | 47,30 
61 30 1745 | 36,75 le soi 
97 ; 3120 | 43,49 en » | 3440 | 49,72 
98 » 33,80 47,80 126 25 40,41 | 40,25 
99 » 32,60 49,93 127 » 39,03 41,38 
= = FT MM 198 » | 35,74 | 4594 
100 | » 2060 | 35,34 129 | 20 | is 1 
101 | ) 9134 | 4158 106 » 2e) 48,16 
102 » 3300 | 43,00 130 10 | 38,62 | 3748 
103 | » 34.65 | 4480 131 ; 3746 | 3835 
104 | » | 2881 | 15 ME D) 35,04 | 3995 


158 H. W. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F. A. H. SCHREINEMAKERS. 


N°. t NON INUTE Cia N°. t HC1 | FeCl 
133 0° 3797 | 36,60 469) | — 20° 9,96 9.94 
110 » 34,60 | 38,11 (470) ) 13,39 8.57 
ET 10 37,92 35190 (171) » 16,90 7,35 
135 » 3454 | 36,00 (172) » 18,97 7.16 
411 » 33,56 36,25 ; l » ae mie 
136 | — 20 37,80 | 34,50 » 
137 » 3410 34.84 174 » 24,85 9,88 
113 » 32,65 35,44 157 » 25,20 11,60 
ù (175) » 9540 | 19237 
Tableau 7. (176) ) 95,59 13,39 
Phase solide: Fe, Cl, .2HCI.8H, 0. 
-138 | — 450 | 9050 | 2450 Tableau 9. 
139 » 90.66 | 95,74 Courbe CL. 
140 2 23,42 27,40 Phases solides: Fe,, + Fes. 
sl RE Cr Are | © 94,30 
ane RE nee | 400 
143 » 24,41 21,50 ? ? 
27 ) 03.95 | 9435 te en lo 
145 » 9173 | 21,84 PAU 10 08 NES 
(146) » 19,73 25,50 è ) ) 
147 ; 01400 1008 MONA Det | 2% 
_ À 20 | 27408 RAA | 20 
26 | — 10 | 2048 | 205 He © 
149 » 24,90 48,94 
150 » 98,75 20,31 Tableau 10. 
151 » 31492 | 9853 Courbe 
152 9895 | 3095 Se | 
72 - 96,05 30,50 Phases e Fe, + Fe,. “ 
HS ENT ee 10 nee È 2 
: 39: | 95 750 | 9975 
(455) | — 20 19,44 | 12,10 45 | 45 1490 | 9835 
456) ) 22,83 | 11,63 46 | 10 1780 | 9775 
157 ) 25,20 | 11,60 18 | — 73 | 92308 | 92755 
158 » 27,20 11,31 : 
159 » 3108 | 141,51 Tableau 41. 
160 » 3413 | 49,90 
161 ) 3393 | 31,77 CoUDECAS 
112 5 30,08 39 76 Phases solides: Fe, + Fe,. 
(469) » 9870 | 32,83 482 | 550 0 | 40,64 
49 | 50 395 | 3995 
Hp EN 1070 | 38,00 
Phase solide: Fe, Cl,.2HC112H, O. 56 40 13,40 37,45 
463) | —100 | 42,01 11,99 58 | 33 1570 | 37,06 
(164 » 19,78 | 14,02 61 30 1745 | 36,75 
(165) » 90,95 | 16,20 63 | 95 1950 | 35,25 
(166) » 920,95 | 920,20 66 | 20 9195 | 3495 
(167) » 17,73 | 90,70 69 | 140 9450 | 32,75 
(468) » 1544 | 19,65 74 0 96.00 | 3216 
98 | —125 | 2214 | 16,69 1 | == Le ai sn 
30 | —15 | 21,30 9.65 = ee 
153 » | 2450 | 1583 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE 


N°. t HCL | FeCi 
Tableau 12. 
Courbe J O. 
Phases solides: Fe, + Fe,. 
183 66° 0 58,40 
80 |. 60 10,70 55,25 
84 5) 16,71 33,60 
88 50 20,04 52,50 
92 40 27,00 50,80 
99 30 32,60 49,93 
184 29 33,71 49,84 
Tableau 13. 
Courbe OZ. 


Phases solides: D, + Fe,. 
SA /0200 + 33,71 49,84 


120 30 34,40 49,72 
|: 39 37,04 49,20 
de7 40 42,01 48,64 
Tableau 14. 
Courbe OS. 


Phases solides: D, + Fe,. 


484 | 990 | 33/71 49,84 
eZ | 95 |+3520 |+45.90 
106 20 35,40 43.16 
109 | 10 35,04 | 39.95 
110 | 0 34,60 3811 
114 | — 10 33,56 36.25 
113 | = 21 39,65 35,44 
485 | — 27,5 39.93 3491 

Tableau 15. 

Courbe SN. 

Phases solides: D, + Fe,. 
185 97,50 | 93293 | 34921 
112 | — 90 30,08 | 39,76 
154 | — 16 9840 | 31,89 

Tableau 16. 


Courbe NM. 
Phases solides: D, + Fe,. 


154 | — 160 28,40 | 31,89 

de 10 26,05 |! 30,50 

MR 73 23,08 | 98,55 

(186) 5 AA | 9710 
Tableau 17. 


Courbe MUL. 
Phases solides: D, + Fe,. 


A8 7,30 | 9308 | 9855 
139 | — 45 90:66 | 95,74 
on 75 1999 | 9372 


PHASES LIQUIDES, ETC. 159 


sp du no) | FeCl, 
Tableau 18. 
Courbe L V. 
Phases solides: D,+ Fe,:. 
100) 070080241909 23,719 
JOUE HAID 20,48 20,54 
ASTOE 15 29,40 18,00 
Tableau 19. 
Courbe V X Y. 
Phases solides: D,, + Fe... 
TOME 29,40 18,00 
JON = HO DE 09417 16,69 
30 | HD 9180 9,65 
OUR CUS ON UT OS 


| 
LL = 60! |+19 + 8,7 
Tableau 20, 


Courbe ST, 

Phases solides: D, + D. 
185 | 27,50] 3293 | 34924 
188 | —926,5 | 33,75 | 33,79 
189 —99.5 | 37,00 | 33.40 
— E-65 |+55 298,5 

Tableau 21. 
Courbe VW. 

Phases solides: Dy + D,:. 
100018000000 04800 
153 —15 24,50 | 15,83 
157 —920 25,20 11,60 
mn 40255 Ë 6,0 

Tableau 22. 


Courbe AG’ (hypothétique). 
Phases solides: Glace + Fe,,. 


—  |+— 550 0 + 95,5 
— |+—100 |+ 15 1245 
Tableau 923. 


Courbe 4’ G’ (hypothétique). 


Phases solides: Glace + HCIS3H, 0. 


— |+— 90° + 16 0 
—  |+—100 + 145 [+1,45 
Tableau 24. 


Courbe G’ Y (hypothétique). 


Phases solides: Fe,,+ HCI3H,0. 


al En IDON A5 VEA25 


CU MON eee 7 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX. | 10 


160 H. wW. BAKHUIS ROOZEBOOM ET F, A. H. SCHREINEMAKERS. 


we. 


Tableau 25. 
Courbe Y W (hypothétique) 


Phases solides: D,, + H CI 3 H,0. 


— |+—60! +19 | + 3,7 
— | + — 40 + 25,3 | + 6,0 
Tableau 26. 


Courbe W H' (hypothétique). 
Phases solides: D, + H CI.3 H,0. 


— |+— 40) +958 | + 6,0 
— + — 45 + 347 | + 7,0 
Tableau 27. 


Courbe C’ H' (hypothétique). 
Phasessolides: HCI3H,0+HCI.2H, 0 


— |+ — 359) + 28 0 
— + —-45 | +347 | + 7,0 
Tableau 98. 


Courbe A K’ (hypothétique). 
Phases solides: D, + H CI.2 H,0. 
+ — 45) +347 | + 7,0 


DRE | HE 14 


t | H CI | Fe OU 


Ne. t | HC | Fe C1, 


Tableau 29. 
Courbe E’ K' (hypothétique). 
Phases solides: HC1.2H, O+HC1.H, 0. 


Bt ete MONO ARE 
POSE UE Te 


0 
+ 44 


Tableau 30. 
Courbe Æ T (hypothétique). 
Phases solides : D3 + H CI. H,0. 


— |+—-55 | +48 + 14 
— + —-65 | +55 + 28,5 
Tableau 31. 


Points de fusion de phases 


solides isolées. 


Fe, Ols 2 HO. 4H, OH 45,70 
Fe, Cls 2HC. 8H,0|— 3 
Fe, Ols 2HC1A2H,0|— 6 (instable). 


Tableau 32. Points de fusion ou de transformation de 
deux phases solides. 


Composition de la solution S 
Température HCI Fe CI, 
sur 100 H,0 
—_ 96,50 3375 83,75 
— 10,5 20,37 20,37 
+ 99 33,50 50,00 
ms 9A ,40 97,16 
HE 90,50 95 64 
re 19,30 93 10 
—_ 195 99 10 16.67 


Mode de transformation 


instable) 


CS 


k 
8 

: + Fe, = instable) 
8 

8 


+ Fe,; =S 
12 = Fes +S 


SSSSSsSs 


Tableau 33. Points de fusion ou de transformation de 
trois phases solides. 


- 97,50 39,93 34.99 
ge 19:22 93,79 
+99 33.71 19,84 
__16 98.40 31,89 
more 93 (8 98,55 
1 99 40 18,00 


D, +D, +Fe, =S 
D3 + Fe, + Fess = 
D3 + Fe, = Fe, +S 
D + Fe, = Fe, + S 
D; +D,,=Fe,,+S 


SUR LES ÉQUILIBRES ENTRE PHASES LIQUIDES, ETC. 161 


Probablement : 


Température 


Composition de la solution S 


HCI | Fe CL, Mode de transformation 

sur 100 Æ,0 
15 1,5 Glace Efe,, LHCL3HO—S 
39 7 D; +HU3H,0O+HCI.2H,0=S 
48 14 | D, FHCLIH,O0+HCLHO=S 
55 98.5 D DIE UL 0 —S 0 
19 3,5 Fe, +HC.3H,0—D,+S 


Leyde, Laboratoire de Chimie inorganique de l’Université. 


117 


SUR LA POLARISATION ELECTROLYTIQUE 


PAR 


J. H MEERBURG. 


$ 1. Il y a une quinzaine d’années, M. Witkowski 
arriva par voie théorique !) à une formule relative aux varia- 
tions du courant de polarisation, dans le cas de forces 
électromotrices incapables de provoquer une décomposition 
appréciable. 

M. Witkowski a supposé des électrodes de platine plon- 
geant dans une solution d’acide sulfurique; et pour arriver à 
sa formule, il a émis l’hypothèse que le courant est surtout 
entretenu par la diffusion vers l’intérieur du platine de l’hy- 
drogène dégagé. Cette disparition d'hydrogène réclame un 
nouvel apport de ce gaz par le courant, car la force élec- 
tromotrice de polarisation diminue en même temps au pôle 
négatif. Je me propose en premier lieu de soumettre à un 
examen critique la manière dont l’auteur arrive à sa formule. 
Voici comment il s’y prend. 

Soit + l'intensité dn courant au temps #, s la surface de 
l’électrode, d la densité de l’hydrogène sur l’électrode, 4 l’équi- 
valent électrochimique de l'hydrogène et o la densité de 


l'hydrogène diffusé vers l’intérieur à une distance x de la 
surface. La quantité d'hydrogène développée au temps t après 


£ 
la fermeture du courant sera représentée par # | idt, ou bien 
0 


o e] 
par s 4 + s| o dx. Par conséquent 
0 


1) Wied. Ann. Bd. 11. 1880. p. 759, 


MEERBURG. SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 163 


A Q 
tfidit=so+sf DURE ARE (). 
0 


L’épaisseur de l’électrode est supposée infinie; ce qui revient 
à admettre que pendant la durée de l’observation la quantité 
de gaz qui atteint par diffusion la face opposée est inap- 
_ préciable. 

Outre cette équation, il y a moyen d’en trouver encore 
deux autres. Soit Æ la force électromotrice de la pile, R la ré- 
sistance, et admettons que la force de polarisation soit pro- 
portionnelle à la densité de l'hydrogène à la surface de l’élec- 
trode. Négligeons d’autre part la polarisation anodique. Nous 
aurons, d’après la loi d’'Ohm: 


ANT NOTE | 
En RU tale elle Pie ei le tatlie nie (2) 


Admettons ensuite que la diffusion de l'hydrogène dans 
le platine suive les lois ordinaires de la diffusion; il viendra 
encore : 


Comparant (1) et (3), on trouvera sans peine: 


en (= . D or (4). 


Eliminant 3 entre (2) et (4), il vient 


RS can hr 2t dp\ pt 
i=Ae — RP [ (52), (A Se Eee (5), | 
m k 


péion dans laquelle p = 


b== 


Rs e 
Pour cr ee :), de (5), 1l faut résoudre (3). C’est ce 


que fait M. Witkowski en posant o =0,t—0 et x —0, 
0 — 05 — 0, J (t), quand f({) est une fonction telle que f (0)—=1 
eb converge vers 0 quand { converge vers l’infini. Mais nous 
verrons tout à l'heure que cette dernière hypothèse n’est pas 
justifiée. On arrive dans ces conditions à la solution suivante : 


164 J. H, MEERBURG 


ær? 


=2ef" se Men ET 
nn 5 me ne te ay la . is 
a AH PA(G) 


Différentiant par rapport à x et posant ensuite x — 0, le premier 


terme nous donne — : —. Le deuxième terme est traité 
TT 


d’une manière spéciale. M.W itk ows k1 le transforme d’abord en 


2 DE nur 
DE ner fe JU En) e ce 
2al 7 | 
puis développe en série, mais s’en tient au premier terme, et 
trouve enfin pour la grandeur cherchée 


_fO+1:r(60 
F0 al” rt : 


ce qui à mon avis est inexact !). 


1) Le raisonnement de M. Witkowski est probablement le suivant: 


ce 50 eo a 
- AÊte nr )e Pres ol ui 
[ De re De 


e 
D nr (Qt) ni QU 
Ti AA ti 


Cette expression, différentiée par rapport à x, donne 


z2 — y}? 
“| te x æ e 
ne el (ODNER te 
2a 17 t 7. HR 
re 
+ _f(Ot 4at . 
pal | DE ? 
et -1 nous posons Go — (} 
Î tf(Ot 
= (0 + 02 


Na 2” t 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 165 


On obtient par ce procédé 


— pt — pt ft pt  —1 
i—=ÀAe “ Due À Î cu l ab 
RV7 x 0 


nie Te à GR Be) en 
T o | 

On néglige alors dans cette formule le premier et le der- 
nier terme, tandis que l’on attribue au terme moyen une 
valeur approchée, ce qui donne 
ni To ; dé 

kVT x 

A cette formule on ajoute encore un terme $ comme ex- 
pression de la convection. 
Voyons quelle signification physique nous devons attribuer 
à ces termes négligés. On verra sans peine que nous arrivons 
au même résultat en résolvant (3) dans les conditions : 9 = 0, 
t—= 0 et x —0,e—=0,; de manière que l’expression f(t) de 
M. Witkowski devient nulle. Cela revient à supposer la 
polarisation constante. En effet, nous déduisons alors de (3): 


op —= Euf e—u° du 
LE 2? 
2al7% 


et de cette expression : 
( :) RS lots 
Je d'Opale 


Sauf le signe du premier terme, cette expression concorde avec celle 
de M. Witkowski. Mais quelques erreurs ont été commises dans ces 
calculs. Ainsi / (9 t) est une fonction de x, mais je ne l’ai pas traitée 


œ — y? 
comme telle. D'autre part, Î _€ ____ du =, de sorte que pour x = 0, 

ON US 
l'expression 

,,2 
2 wu 
2 a? f (Qt) & ni du 
2 al + 


devient non pas 0, mais 0 X oo. 


166 J. H. MEERBURG. 


Il est maintenant clair que la grandeur 3 de l’équation 
(2) est proportionnelle à o,, de sorte que, comme on a 


— 0, il vient également _. — 0; et nous trouvons par 
conséquent directement par substitution dans l’équation (4): 
NT O0 ne 
TR 


Nous voyons donc en même temps qu'il est superflu d’in- 
troduire dans l’équation fondamentale l’équation qui exprime 
la loi d’Ohm. 

$ 2, Demandons-nous s’il n’y aurait pas moyen d'envisager 
la question d'une manière tout aussi générale que l’a fait 
M. Witkowski, sans négliger comme lui différents termes. 
Partons donc encore une fois de la série d'équations 


d @0 4 
| as +sf vd MR (8) 
0 


où nous posons # —€40,. « est l’épaisseur de la couche he 
drogène à la surface de l’électrode, déterminant la force élec- 
tromotrice de polarisation. 
Nous avons ensuite 
0) Q ne) 2? 
2h Port 


avec les conditions quert=0, o = 0 z—=0, 0 =" 
Nous tirons de l’équation (8): 


= a? sfdo 
GS) TS 2): AT (10) 


et la résolution de l'équation (9) nous donne 


x 4 ———. 8 
nn | y (je 46672) ff 2) ns 


; Ô de 
Pour trouver (S et (=) nous calculons d’abord que 
LAS dr Jr 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 167 


do Aa? F- ° 
= vo MM) GE Vhape 


4P© 


d'RTURe Der a Ce Dit LE er leu qi 
pm] v@e ND de 


Faisons + —0. Le premier terme de cette expression de- 
vient infiniment grand, car nous pouvons le remplacer par 


= et, quand æ — 0, op devient = y ({), ce qui est une valeur 


finie. Il faudra donc que le deuxième terme devienne lui 


4 
STI . (O0) 
aussi infiniment grand, car ' 
C 


Afin de déterminer la valeur de la fonction dans le cas de 
x = 0 nous écrivons d’abord 


ho. 2 f_. Ê x? me ; 
1) y in )e (2u? — 1) du. 


2al” 1 
Quand z—=0 cette fonction devient = Or 
> Le ; 
pers) = VO — pris VU SPA) SCORE + 
Do re (lee )0 0 2 
= || 2 et SALON Reg TT (7) RS RE 
Fiat En lu Ÿ ( 4a? — 
Par conséquent 
dou . 2 % ne : 
= | . VOe  Œu—ldu+ 
2al_” 1 
fn N 7 (2—5)au+ 
—— 9 a? = F LU) ne ROMEO CHERE 


241” 2 
Quand x = 0 tous les termes de droite deviennent indéter- 
minés. Mais appliquant les règles ordinaires pour la détermi- 
nation de fonctions indéterminées, on trouvera facilement : 


(= = DE) sde RE AUS 
En al” rt 2.83a1/ xt ot A KE 9 


le pe (4) : 
= 1" (2n—1l)al- xt re No IQE 


Ne 


168 J. H. MEERBURG. 


ou bien 


GNT y) 4 > 
Ç: = ar qe CD TE Cr Dolce 


Cette série s’écrira sans peine sous forme d’une intégrale 
déterminée ; savoir 


GE) = natal CSSS 


On s’en convaincra en développant et intégrant, d’après le 
théorème de Taylor, le terme muni du signe d'intégration. 
2 
@ 


x? 


; ù , D 
Si l’on veut déterminer ( 3 ) il n’est pas nécessaire de 
0 


développer d’abord en série. On peut faire subir directement 
à cette forme les transformations nr ce qui donne 


(55)= 


Substituant dans (1,), nous aurons 


= ro+nzO nf [vC-x)-v0 [de 
| LR (12). 


On pourrait encore se servir de la loi d'Ohm pour éliminer 
w(t) de cette formule; mais on se heurte à des difficultés que 
l’on évite en déterminant w (f) par voie expérimentale. 

$ 3. Pour arriver à notre formule, nous avons admis que c'est 
la présence à la surface des électrodes des produits de décom- 
position, notamment de l’hydrogène, qui donne naissance à la 
force antagoniste de polarisation. Mais cela n’est pas nécessaire. 


M Warburg !) se représente comme suit l’origine au moins 
d’une partie de la force électromotrice polarisante. Le métal 
de l’électrode passerait légèrement en solution. Ce phénomène 
serait favorisé par la présence d’oxygène, et contrecarré par 
l'hydrogène. Il y a donc, au pôle positif, dissolution d’une 


1) Warburg. Wied. Ann. Bd. 38, p. 321. 1889. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 169 


quantité croissante de métal, qui se dépose d’autre part à la 
cathode. La concentration de la solution métallique devient 
donc très-différente aux deux pôles; et il en résulte néces- 
sairement une force électromotrice, la force électromotrice de 
polarisation. 

Admettons cette manière de voir et supposons qu’au pôle 
négatif se dépose autant de métal qu'il s’en dissout à l’anode ; 
nous nous verrons conduits de nouveau à une équation du 
genre de (12j, mais renfermant d’autres constantes. Les équa- 
tions dont nous devons partir sont, en effet, presque complè- 
tement les mêmes. L’équation (8) devient: 


£ oo 
k| Re 
0 0 


où k est l'équivalent électrochimique du métal de l’électrode, 
e, €t e la concentration d’abord constante et plus tard vari- 
able de la solution de ce métal. L’équation (9) reste de la 
forme 

CENT 
ILE 


mais il faut que l’on ait à présent: 


=) 


— (0) 


« 


2 


DIN 0 0e 00 y. (0): 

On voit sans peine que les équations conduisent à une 
formule telle que l'équation (12). Seulement le terme en 
wy'(t) y fait défaut, ce qui n’est d’ailleurs que d'importance 
secondaire. 

$ 4. Il s’agit maintenant en premier lieu de déterminer la 
valeur de w(t). Cette expression représente la densité de l’hy- 
drogène à la surface de l’électrode; densité que nous suppo- 
sons proportionnelle à la polarisation en cet endroit. Dans la 
théorie de M. Warburg les choses deviendraient légèrement 
plus compliquées. Les variations successives de la polarisation 
étant connues, nous pourrons nous en servir pour déterminer le 
dernier terme de (12). Nous remarquerons à ce propos qu’il n’est 
pas nécessaire de connaître la valeur absolue de w (t), car 
l’intégrale ne change pas quand on remplace w (t) par y (t) — a. 


170 J. H. MEERBURG. 


Remarquons encore que le premier terme du deuxième membre 
a été multiplié par la grandeur très-petite #. Si nous considé- 
rons que ce terme est infiniment petit par rapport aux autres 
termes, nous pourrons le négliger et écrire 


MAMA) E (6) — | | # (5) pt) ide |. fa) 

Remplaçons dans cette expression w ({f) par w ({) — a; nous 
verrons que les variations de ? L- { restent les mêmes. 

Pour déterminer l'intensité de la polarisation cathodique — 
la grandeur proportionnelle à w ({) — j'ai eu recours à la 
méthode suivante. 

Soient deux circuits P et Q (PI. IIT Gg. 1), dans lesquels 
le courant est entretenu par des batteries très-constantes de 
piles Meidinger. Le circuit P sert à faire passer un courant 
de force électromotrice déterminée par une solution électroly- 
tique. On trouvera la force électromotrice à l’aide de la résistance, 
mesurée par l'introduction dans le circuit d’une caisse de rési- 
stance H,, et à l’aide de l’intensité du courant dans le circuit P. 

L'autre circuit Q sert à déterminer la force électromotrice 
de polarisation. Supposons que l’on veuille déterminer la 
polarisation de l’électrode PB. Je mets P en rapport avec un 
point du circuit Q, tandis qu’un autre point de ce circuit est 
mis en communication avec une électrode D de construction 
toute particulière — électrode dite impolarisable — plongée 
dans le liquide derrière l’électrode B. Mais cette communication 
n’est pas directe. Au milieu du fl de jonction se trouve in- 
troduit un électromètre capillaire de Lippmann. Or, si la 
résistance de la caisse À, est réglée de telle sorte que l’élec- 
troinètre n’accuse aucune déviation, il est évident que la diffé- 
rence de potentiel B/D est égale à la chute de potentiel dans 
le circuit Q entre les deux points qui se trouvent en rapport 
avec l’autre circuit P (ce sont les chevilles extrêmes de la caisse 
de résistance R,). Il suffit maintenant que l’on connaisse l’in- 
tensité du courant en Q pour trouver sans peine, à l’aide de la 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 171 


résistance entre les deux points susnommés cette différence de 
potentiel, et par conséquent aussi celle entre B et D. Il est 
évident que de cette manière on pourra mesurer la polarisation. 

Les deux caisses de résistance À, et R, (ainsi que À et 
H,) ne servaient qu’à maïntenir constantes les intensités de 
courant en © (et P), malgré que la résistance de À, (H,) 
pût être modifiée à volonté. 

Il sera nécessaire de faire une mention spéciale de l’élec- 
trode D. Elle. était, suivant le terme usité, impolarisable ; 
propriété qu'elle devait à ce que le fil de platine qui la con- 
stitue était saturé aussi complètement que possible d’hydro- 
gène produit par voie électrolytique. Ces électrodes ont rendu 
d'excellents services dans le cours de ces recherches. J’ai pu 
le plus souvent y faire passer de grandes quantités d’électri- 
cité sans que l’état de polarisation fût modifié en aucune 
manière. 

L'appareil qui servit aux observations est représenté fig. 2, 
et ne réclame pas de plus ample description. À chacune des 
électrodes principales À et P se trouvent ajoutées deux élec- 
trodes secondaires impolarisables, (C, E et F, D). L’une de 
ces couples d’électrodes, Cet D, servit seule aux détermina- 
tions, l’autre couple sert a contrôler si les électrodes C et D 
sont réellement impolarisables. La figure montre également 
la manière particulière dont ces électrodes secondaires sont 
disposées. Le tube latéral, rarge d'environ 4 mm., renferme 
un tube plus étroit, étiré à l’une de ses extrémités de manière 
à devenir capillaire sur une longueur de 4 em. (diamètre in- 
terne + 0,2 mm). L'autre extrémité élargie renferme l’électrode, 
et en cet endroit le tube interne se trouve soudé au tube 
externe. Le fil de platine a été lentement saturé d'hydrogène 
préparé par électrolyse, l’électrode G servant de pôle positif. 

$ 5. Les déterminations montrèrent bien vite l’exactitude 
d'une découverte de M. Fromme !'}), savoir que si les 


1) Fromme, Wied. Ann., Bd. 99, p. 497. Bd. 30, pp. 77, 320; 503, 


72 J. H. MEERBURG. 


forces de polarisation sont peu intenses, et dans le cas 
d’électrodes de platine plongées dans une solution d’acide 
sulfurique, la polarisation devient rapidement presque tout-à- 
fait constante dans l’ensemble; mais qu’il n’en est pas ainsi 
de la polarisation des électrodes prises isolément. Celle du pôle 
négatif en effet diminue régulièrement, en même temps que 
celle du pôle positif augmente à peu près dans la même 
raison. Îl est évident dès lors que la polarisation cathodique, 
qui était cependant nulle au moment de la fermeture du cou- 
rant, a dû atteindre d’abord un maximum. Je me suis proposé 
d'étendre légèrement le champ de ces recherches en déter- 
minant également ce maximum et en étudiant quelques-unes 
de ses propriétés. La méthode décrite $ 4 n’a pas été impropre 
à cette investigation. Elle est, en effet, une méthode de réduc- 
tion à zéro; l’instrument destiné à comparer les potentiels de 
deux points donnés est un électromètre capillaire, instrument 
que l’on peut disposer de manière à s’orienter avec une grande 
rapidité. Voici comment j'ai raisonné, et ce que le résultat 
n’est pas venu contredire. 

Supposons que nous soyions capables d'évaluer approxima- 
tivement l'intensité de la polarisation cathodique, très-peu de 
temps (1 seconde p. ex.) après la fermeture du courant. 
Donnons maintenant à la résistance de la caisse À, une valeur 
telle que la différence de potentiel des deux chevilles extrêmes 
de l’appareil soit égale environ à la valeur de la polarisation. 
Il faudra naturellement avoir égard à la différence de poten- 
tiel existant déjà entre les électrodes P et D avant la fermeture 
du courant. Etablissons maintenant le contact de D avec l’élec- 
tromètre au moment où l’on croit que la polarisation aura l’in- 
tensité voulue. Généralement la déviation de l’électromètre ne 
sera pas nulle, mais d’autant plus petite que l’approximation 
aura été plus grande. Si le ménisque du mercure reste dans 
le champ de la lunette servant à la lecture, il est facile de 
déduire de la déviation l'intensité de la polarisation au mo- 
ment où le ménisque atteint sa position extrême. Nous 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 173 


avons donc pu mesurer ainsi la polarisation à un instant 
déterminé. 

L'existence d’un maximum se révèle encore d’une façon 
particulière par le déplacement du ménisque du mercure. 
Supposons la résistance de À, si grande que la différence de 
potentiel des chevilles extrêmes soit plus grande que ne le veut 
la polarisation cathodique au moment où nous opérons le 
contact avec l’électromètre. Représentons-nous encore que D 
soit mis en rapport avec cet instrument alors que le maxi- 
mum n'a pas encore été atteint. Le ménisque quitte dans ce 
cas la position zéro pour une position nouvelle, correspondant 
à la polarisation actuelle. Puis il revient sur ses pas, car la 
polarisation s’accroît; atteint un nouveau point de rebrousse- 
ment, correspondant au maximum, et reprend encore une fois 
la direction inverse, parce que la polarisation diminue. Ce 
double changement de direction, caractéristique du maximum, 
a été en eftet observé dans la plupart des cas où on pouvait 
l’attendre. J'ai donc considéré comme l’époque ou le maxi- 
mum est atteint celle du deuxième rebroussement; et jai 
déduit de la déviation en ce moment la valeur de la polari- 
sation. Ainsi furent obtenus les nombres du tableau suivant. 
Au lieu de l'intensité même du maximum, jy ai placé le 

maximum DRE 
quotient .—-, [La force de polarisation, exprimée en 
force polaris. 
volts, se trouve dans la première colonne; dans la deuxième 
et la quatrième le quotient susnommé; dans la troisième et 
la cinquième enfin l'intervalle (en secondes) au bout duquel 
le maximum a été atteint. Tous ces nombres sont des moyen- 
nes de plusieurs déterminations bien concordantes !). Les 
valeurs placées entre parenthèses ont été déterminées à l’aide 
d’une solution concentrée (+0,5 mol. gr. au litre) et une 
solution diluée (+ 0,01 mol. gr.) de KOH; une solution con- 


1) Les observations se trouvent rapportées séparément dans ma disser- 
tation. Chapitre IT. Tableaux VITT—XV. 


174 J. H. MEERBURG. 


contrée (+1,38 mol. gr.) et une solution düuée (+ 0,01 mol. 
gr.) de H, SO,. J’ai également employé des solutions privées 
d'air aussi complètement que possible, et d’autres qui n’avaient 
pas subi un pareil traitement. 


Tableau I. 


KOH (concentré). 


privé d’air. aéré. 
1. MIP | T MP 00 
s | 
0,2 | 0,473 (0,432) | 1,4 (2,25) | 0,442 (0,429) | 1,4 (6,1) 
0,4 | 0,428 (0,429) | 1,25 (1,9) | 0,395 (0,397) | 1,3 (1,65) 
0,6 | 0,399 (0,386) | 2,8 (2,1) | 0,347 (0,346) | 1,4 (1,5) 
0,8 | 0,361 (0,343) ! 4,5 (4,0) | 0,286 — | 14e 


K O H (dilué). 


0,2 | 0,309 (0,294) | 28 (31?) | 0,490 (0,472) | 4,6 (5,8) 
0,4 | 0,322 (0,311) | 10,7 (13,7) | 0,424 (0,427) | 2,6 (2,8) 
0,6 | 0,346 (0,337) | 13,0 (13,3) | 0,395 (0,393) | 3,5 (3,5) 
0,8 | 0,328 (0,328) | 10,9 (11,8) | 0,375 (0,376) | 3,7 (3,7) 


H,S0, (concentré). 


privé d’air. aéré. 
a nn: 
0,2 | 0,507 (0,518) | 5,6 (5,0) | 0,504 (0,546) | 6,1 (7,2) 
0,4 | 0,516 (0,523) | 1,7 (1,6) | 0,562 (0,572) | 1,5 (1,1) 
0,6 | 0,520 (0,519) | 1,1 (0,95) | 0,549 (0,562) | 0,4 (0,6) 
0,8 | 0,544 (0,535) | 1,0 (0,9) | 0,545 (0,532) | 0,6 (0,7) 


H,SO, (dilué). 


0,2 10,536 (0,515) : — (6,0) | 0,556 5,7 (2,8) 
0,4 | 0,527 (0,510) | 3,5 (2,5) 10,568 (0,564) (1,45) 
0,6 |0,513 (0,506) (1,4) 10,562 (0,560) 1,5 (1,25) 
0,8 10,487 (0,486) | 1,1 (1,0) | 0,522 (0,522) Pt 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 175 


L’inspection de ce tableau montre tout de suite que, pour 

les solutions de À 0 H, le quotient ee toujours 
force polaris. 

inférieur à 0,5, tandis que l’inverse a lieu pour A,S0,. Cette 

différence est nettement dessinée et s’est révélée déjà lors des 

déterminations préliminaires. Elle ne peut s'expliquer par une 

différence des résistance. 

Afin de découvrir les autres règles générales qui résulteraient 
de ces nombres, je les ai traduits en une représentation gra- 
phique (pl. IV). Dans la première série de figures (désignées 
par a), le quotient M/P est représenté comme fonction de la 
force polarisante. Dans la deuxième série (les figures marquées 
b), le temps au bout duquel le maximum est atteint a été 
considéré à son tour comme fonction de cette même grandeur. 
Les lignes dessinées en trait plein se rapportent à la première 
série d'observations; les lignes en pointillé à la deuxième série 
(les résultats numériques entre parenthèses du tableau). On 
s'aperçoit bien vite que les valeurs n’ont plus été les mêmes, 
mais que le caractère général du diagramme n’a pas souffert. 

Voyons ce qu'il y à moyen de déduire de ces tracés, outre 
la règle déjà indiquée: 

Une influence quelconque de la présence ou de l’absence 
d'air ne se fait pas sentir. C’est seulement dans le cas des 
solutions de À O H qu’il semble résulter de la présence d’air 
une diminution du maximum. En effet, dans les tracés relatifs 
aux solutions de Æ O H privées d’air (fig. la et 8a, PI IV) 
la ligne en pointillé (e. à. d. la ligne relative aux observations 
faites avec le même appareil, mais après la fin de la première 
série) se trouve bien plus au-dessous de la ligne en trait 
plein que dans le cas où l’air a été chassé de la solution 
(fig. 2a et 4a), 

Si nous examinons les tracés relatifs aux solutions de KOH 
seules, nous verrons que les courbes 1a, 2a et 4a présentent en 
général un trajet analogue. À mesure que la force polarisante 
s'accroît, la valeur de MP diminue considérablement. Dans 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 12 


176 J. H. MEERBURG. 


la fig. 82 ce trajet est différent; mais M/P est lui-même 
beaucoup plus petit en général que dans les trois autres cas 
Peut-être cette différence dépend-elle aussi de ce que l’appareil 
ayant servi à ces déterminations avait déjà été employé 
dans les essais préliminaires. 

Les courbes relatives aux solutions de A, SO, ne présen- 
tent pas la régularité qu'offrent celles des solutions de KOH. 
Au contraire, toute règle semble avoir cessé. Dans la fig. 64 
la courbe est même nettement ascendante. Tandis que de plus 
pour les solutions de ÆOH, les courbes ponctuées étaient 
toujours situées au-dessous des courbes en trait plein, il n’en 
est pas du tout ainsi pour les solutions de A4, SO,. 

Quant aux courbes relatives à l’intervalle au bout duquel 
le maximum est atteint, ce sont les solutions de 4, SO, qui 
présentent le plus de régularité. Dans le cas des solutions 
de KOH, le temps semble en général plus grand, et la 
polarisation répétée l’augmente encore, comme il résulte du 
fait que les courbes pointillées correspondant à ces solutions 
sont situées en général au-dessus de celles dessinées en trait 
plein. Pour les solutions de A, SO, c’est précisément l'inverse 
qui a lieu. Les quatre courbes relatives à ces solutions pré- 
sentent en général le même trajet; et la valeur absolue du 
quotient M/P est presque la même dans les quatre cas. Ceci 
indique que la résistance, assez différente cependant, n’a pas 
grande importance pour la détermination de ce quotient. 

Dans le cas des solutions de KO les courbes semblent 
atteindre un minimum vers 0,4 volt. 

$ 6. Ici se pose la question de savoir si, de même que dans 
la polarisation le pôle négatif atteint un maximum, cette 
électrode atteint un minimum lors de la dépolarisation? C'est 
en effet ce qui a lieu. J’ai fait usage pour la détermination 
de ce minimum des mêmes méthodes que pour le maximum. 
Mais comme le minimum est très-rapidement atteint, les 
déterminations sont incertaines. Il n’y a pas de doute qu'ilse 
produisait régulièrement moins d’une minute après la ferme- 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 177 


ture du courant. Toujours-il était situé très-bas. Voici quel- 


à 


ques résultats numériques à l’appui: 


Polar. cathod. Temps requis pour 
avant la détermin. poain l’apparition du minimum. 
0,2477 — 0,1627 0,7 
0,2465 — 0,1521 FT 
0,2520 = 049% 0’,8 
0,2703 01374 14e 
0,2733 —_0,1345 1°,6 


Cette série de nombres s’obtint de la manière suivante. Le 
courant fut fermé jusqu’à ce que la polarisation cathodique 
fut devenue sensiblement constante. Puis les électrodes furent 
mises en rapport et immédiatement après furent établies les 
communications nécessaires à la mesure de la polarisation. 
Dans le cas de non-réussite de l’observation, le courant était 
immédiatement fermé de nouveau et prenait bientôt alors une 
valeur constante, de manière qu’il devenait possible de faire 
une nouvelle détermination. La polarisation totale était de + 
0,6 volt. Les autres solutions donnèrent des valeurs tout-à-fait 
analogues, 

$ 7. J’ai déterminé non-seulement le maximum de polari- 
sation cathodique, mais j'ai fait de plus quelques observations 
tendant à poursuivre les diverses phases de la polarisation 
des deux électrodes dans les premières secondes après la 
fermeture. La méthode employée à cet effet fut celle ayant 
servi aux déterminations rapportées ci-dessus. Tout d’abord 
la différence de potentiel entre les deux chevilles extrêmes de 
la caisse de résistance À, fut rendue égale à celle que l’on pouvait 
attendre, en un moment déterminé après la fermeture du circuit, 
entre l’une des électrodes et l’électrode auxiliaire correspondante. 
Le courant fut alors fermé et peu après les communications 
avec l’électromètre établies. Celui-ci accusa une légère déviation ; 
et celle correspondant au point de rebroussement de l'aiguille 
fut censée correspondre à la différence actuelle de potentiel 
12* 


178 J. H. MEERBURG. 


entre les deux pôles. Aïnsi se trouvait déterminé un point 
de la courbe, exprimant les diverses phases de la polarisation. 
Afin de trouver un deuxième point, il fallut d’abord dépo- 
lariser les électrodes par contact mutuel, ce qui permit de 
faire une détermination nouvelle pour un autre intervalle. 

Les résultats ont été graphiquement représentés pl. V. On 
voit que la concordance entre les diverses déterminations 
prises isolément n'est pas aussi parfaite qu’on l’aurait pro- 
bablement attendu. 

Ce qu'il y a de remarquable, c’est que dans le cas des 
solutions de Æ O FH, le maximum de polarisation cathodique 
est bien net quand les forces polarisantes sont peu intenses, 
et se trouve réalisé en peu de temps; tandis qu’il n’en est 
pas ainsi quand on fait usage de forces plus considérables. 
Pour les solutions de 7, SO, c’est précisément l’inverse qui 
a lieu. 

Les mêmes figures montrent de nouveau que chez les so- 
lutions de KOH le quotient M/P est plus petit que 0,5; 
plus grand que cette valeur au contraire chez les solutions 
de 010, 

Je ferai enfin remarquer que dans toutes les figures la 
courbe de la polarisation anodique présente une marche plus 
rapidement ascendante que la courbe de la polarisation catho- 
dique ne descend au point correspondant. Cela est facile à 
comprendre, car l'intensité du courant devenant plus faible, 
la chûte de potentiel dans le liquide devient moins forte et la 
polarisation totale doit donc augmenter. 

$ 8 Revenons maintenant à notre objet principal: la déter- 
mination de la polarisation cathodique pendant un long espace 
de temps. Les phases successives peuvent être facilement 
déterminées au moyen de la méthode ci-dessus décrite. La 
différence de potentiel entre le pôle négatif et l’électrode auxi- 
liaire qui y est ajoutée fut déterminée d’abord de minute en 
minute ; puis, quand le courant eût passé pendant quelque temps, 
à des intervalles plus considérables. Les diverses observations 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 179 


ont conduit environ au même résultat. Un maximum fut 
rapidement atteint; puis la polarisation cathodique diminua 
d'intensité, rapidement d’abord, plus lentement dans la suite, 
Fréquemment cette diminution fit place au bout de quelques 
heures à un léger accroissement. Mais celui-ci n’a aucune 
importance à notre point de vue. Si d’ailleurs les variations 
de la polarisation se sont montrées identiques dans les di- 
verses observations, sa valeur absolue ne se comportait pas 
du tout de la même manière. Mais ceci non plus ne nous 
intéresse guère, comme on l’a déjà vu au $ 4. 

Il serait superflu de rapporter ici toutes les observations 
faites avec une force polarisante de + 0,6 volt. Je préfère 
donner un seul tableau que l’on pourra considérer comme type, 
et qui représentera une moyenne des tableaux fournis par 
les observations. J’y ai diminué partout la polarisation d’une 
quantité constante, de manière qu’au moment où le maximum 
est atteint, elle est représentée par 100. 


Tableau 2. 
Temps. y (t) 4 Temps. | w (t) 7 Temps. | w ( 
1 100 3" 39 2 | - 
30” 80 5° 28 0° 2 
l' 66 10° 17 . | ( 
2495 20 9 | 


L'usage de ce tableau nous permettra aisément de déduire 
théoriquement de la formule (13) $ 4 les valeurs successives 
de l’expression à L/t. Comme nous ne connaissons wy{{) que 
dans sa forme graphique, il est évident que iL/+ ne pourra 
être trouvé à son tour que par vole graphique. J’ai à cet 
effet, pour la valeur de { donnée dans le tableau, cherché la 


valeur de l'intégrale = | 4 (1-5) — y ( CJES ce qui 


me donna 


180 J. H. MEERBURG. 


Tableau 3. 


Temps. I Temps. 1 Temps. I 
il 000) 8: A Det Te 
DUT PISE 5° + 27 90” de à 
1° | + 22 10° + 19 100" + 4 
Rd de OT dr 


La formule (13) nous donne maintenant tout de suite pour 
les valeurs diverses de l’expression 4 17} : 


Tableau 4. 
Temps. | il+t—C Temps. | 21464 CG Memps AE 
1” 190 3" 9 30” — 7 
30” il 9° 1 50° — 7 
117 44 10’ —- 2 100’ — À 
2} 22,5 20’ — 7 


Il résulte clairement de ce tableau que la valeur de l’ex- 
pression 21/7? diminue jusqu’à atteindre un minimum, et aug- 
mente ensuite très-lentement. Ce dernier accroissement ne 
s’observe pas toujours. Il suffit pour qu'il n’ait pas lieu de 
quelques modifications légères au Tableau 2. Mais toujours, 
dans le cas de valeurs plus considérables de 4, les variations 
de 21/7; ne sont que très-faibles. Cette expression prend une 
valeur lentement croissante, souvent aussi lentement décrois- 
sante. D’après M. Witkowski elle devrait toujours s’ac- 
croître, et ne rester constante que dans le cas extrême, 
quand f—0 (voir pag. 164). 

$ 9. J’ai tâché de contrôler expérimentalement mes résultats 
théoriques. Il faudra d’abord quelques explications au sujet 
de la méthode d'expérience, d’ailleurs peu compliquée. 

Les électrodes étaient en platine, et enchâssées aux deux ex-. 


1) Jai supposé, pour trouver la valeur de / dans le cas de 6 = 1”, que 
la polarisation augmente proportionnellement au temps avant que le 
maximum nest atteint. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 181 


trémités dans un tube de verre, de manière que leur surface 
fût perpendiculaire à l’axe du tube. Les deux extrémités 
étaient recourbées à angle droit de telle sorte que cette sur- 
face était horizontale quand les tubes étaient placés horizon- 
talement. Le liquide était H,S0, ou KOH, en solutions de 
concentration et de résistance diverses, ces différences étant 
peu importantes. Le tube renfermant les électrodes était 
fixé d’une manière particulière. Des expériences préliminaires 
m'avaient appris que de légères trépidations du tube avaient 
une grande influence sur l'intensité du courant. Il ne suffisait 
pas de fixer ce tube sur un pilier isolé. Je le fixai donc à 
une pièce en fer flottant dans une large cuvette remplie de 
mercure. Cette disposition ne permettait pas aux trépida- 
tions de se transmettre au tube, pourvu que la surface du 
mercure eût tout à l’entour une largeur suffisante (+ 10 em.) 
Pour me garantir encore davantage contre les trépidations, 
les observations furent faites la nuit. 

L’intensité du courant fut déterminée d’une manière spéci- 
ale. Dans les méthodes ordinaires de détermination, l’emploi 
du commutateur interrompt pendant un imoment le circuit 
ou bien supprime la résistance du galvanomètre. Dans les 
deux cas on occasionne des secousses dans Je mouvement 
de l'électricité, qui peuvent avoir des suites fâcheuses. J'ai 
apporté pour cette raison à mon galvanomètre, un appa- 
reil construit avec une grande précision, une modification 
consistant en ce que les bobines peuvent se mouvoir autour 
d’un axe vertical. À chaque rotation de 180°, le sens du 
courant change de signe par rapport à l’aimant, sans que le 
courant ait été interrompu un instant. L’induction du magné- 
tisme terrestre, qui peut également déterminer des secousses 
dans le mouvement de l'électricité, à été empêchée par ce que 
les rotations se faisaient lentement. Il va de soi que cette 
manière de renverser le courant présente quelques inconvé- 
nients. Elle est peu rapide, et les variations incessantes du 
zèro du galvanomètre sont par là plus embarrassantes que 


182 J. H. MEERBURG. 


d'habitude. Cependant cette méthode a fini par me donner 
de très-bons résultats. 

Des mesures spéciales avaient été prises pour assurer l’iso- 
lation suffisante du circuit tout entier. Toute la quantité 
d'électricité passant par le galvanomèêtre parcourait donc 
aussi sans le moindre doute les électrodes. 

Le courant était fourni par une batterie de six piles Mei- 
dinger, accouplées trois à trois. Le circuit était constamment 
fermé. La construction de la batterie s’était faite avec tous 
les soins possibles, afin d’être sûr de la constance du courant. 
Le courant de polarisation fut obtenu en établissant une 
dérivation en des points présentant entre eux une différence 
de potentiel d'environ 0,6 volt. + 

Voici quelques-uns des résultats, parmi lesquels on trou- 


N 


vera les plus défavorables à ma formule comme quelques-uns 
des meilleurs. L’intensité de courant (i) est donnée en 
degrés de l'échelle; le temps en minutes. Le produit 217 ; 


a été également calculé. 


Tableau 5. 


Solution de KOH, privée d'air. 
Valeur d’un degré de l'échelle: 10,8. 101 amp. 


Temps. | i E L/+| Temps. DRE ilL/#| Temps. 0 b LATE 

4 | 445 890 49 107,0 749 | 144 | 70,5 | 844 

9 246 | 738 64 9921702 11P#109 66,7 | 867 

16 |181,1 724| 81 86,2 779] 225 | 60.9 | 913 
25 146,1 730 | 100 79,9 | 799 | | 
30 128 1789 4101 74,7 | 822 | 


SUR IA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 183 
Tableau 6. 
Solution de KXOH, aérée 
Valeur d'unvdesré de l'échelle: 9,3: 107% amp. 
Temps. i il | Temps. i hiL1/t| Temps. n ire 
9 414 1242! 64 120,4 963 | 169 | 74,0 | 962 
162028331133) "81 106,3 957 | 196 | 68,2 | 955 
25 |211,0 1055| 100 JEU IE OÙ | 225 Vo e | 07 
36 |167,3 1004! 121 SUONIODO 0250 598 90 
49 139,4, 976! 144 79,8 | 958 
Tableau 7. 
Solution de H,SO,, privée d’air. 
Valeur d’un degré de l’échelle: 10,1 .10—1 amp. 
Temps. MMA | Temps. i il t| Temps. CC 
9 1435 11305 64 |109,0, 872 | 169 50,7 | 659 
16 |307 11228 81 CHOEUR EST 
25 1230 11150 | 100 74,8 | 748 | 225 | 42,4 | 636 
36 |175,0 1050 | 121 63,3 | 693 
49 |134,1| 939 | 144 | 55,9] 671 
Tableau 8. 
Solution de A,S0,, aérée. 
Valeur d’un degré de l'échelle: 9,5. 107 *° amp. 
Temps. à il | Temps. i il] Temps. LATE 
Do 24 1572 64 |183,9.1471| 169 |109,9|1499 
1655211528 81 |1163,011467| 196 |101,9]1427 
27 |296,7 1482 | 100 | 146,5 1465] 225 94,0 | 1410 
36 |246,011476 | 121 |132,2 1454 
49 |209,811469 | 144 |120,0 1440 


Le résultat n’est donc pas douteux. Si l’on excepte le pre- 
mier tableau, les variations observées dans la valeur de 44 
sont précisément telles que le veut la théorie. Dans le tableau 
8, la variation n’est plus aussi régulière (après & — 100) ce 


184 J. H. MEERBURG. 


qui tient peut-être à ceci que l'air n’a pas été éliminé. Les 
tableaux non-reproduits ici, — il y en a sept environ, — con- 
duisent à peu près au même résultat que le tableau 6. Ils 
montrent en même temps que rien de pareil à une grandeur f, 
comme le veut M. Witkowski, ne peut être observé. 

$ 10. J'ai fait encore quelques expériences, dans lesquelles 
furent déterminées les variations du courant, une plaque 
d'argent servant de pôle négatif. Ces expériences ne sont pas 
encore terminées, car il faut étudier également les variations 
de la polarisation cathodique si l’on veut aboutir à un résul- 
tat quelconque. Je me contenterai de mentionner que dans 
le petit nombre d’expériences faites dans cette direction la 
valeur de 21/7 fut trouvée diminuer considérablement avec 


le temps, maïs sans grande régularité. 

$ 11. Pour arriver à nos formules, il a été supposé que 
l'hydrogène dégagé pénètre dans les électrodes de platine, 
mais si lentement que l’on peut considérer l’épaisseur de 
celles-ci comme infinie. Mais cela est-il permis? Des expé- 
riences de Crova !) et Root ?) semblent montrer que la 
diffusion de l’hydrogène dans le platine est très-rapide ; et 1l 
faudrait dans ce cas tenir compte du fait que les électrodes 
ne sont pas infiniment épaisses. Mais on aurait dû avoir 
pour cela à sa disposition plus de données relativement à la 
vitesse de diffusion. C’est ce qui m'a déterminé à étudier en- 
core une fois la question. Il y avait d’ailleurs d’autres raisons 
qui me semblaient rendre nécessaire spécialement la répéti- 
tion de l’expérience de Root. Quant à celle de Crova, sa 
communication les rapporte très-brièvement et revient à peu 
près à ce qui suit: 

Trois plaques de platine sont plongées dans une même 
solution. Mais la solution interposée entre 1 et 2 n’est pas 
en communication avec celle entre 2 et 3. On fait passer 


1) Crova. Les mondes, 5. p. 210. 1864. 
2) Helmholtz. Abhandl. I. p. 835. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 185 


par 1 et 2 un courant, qui dégage sur 2 de l'hydrogène. De 
temps en temps on met 2 en rapport avec 3 au moyen d’un 
fil de galvanomètre, pour montrer que 2 est électro négatif 
relativement à 3. Les électrodes 2 étaient de très-minces 
plaques de platine, dont les dimensions ne sont pas indiquées. 

Pour mesurer la différence de potentiel entre 2 et 38, 
Root se servit d’un électromètre capillaire ou bien d’un gal- 
vanomètre. La plaque 2 avait 0,02 mm. d'épaisseur. Si l’on 
envoyait un courant par 1 et 2, la solution 3 demeurait élec- 
triquement isolée, Mais au bout de cinq minutes la différence 
de potentiel entre 2 et 3 s'était déjà sensiblement modifiée. 
Puis le courant passant par 1 et 2 fut interrompu et les deux 
liquides furent isolés. La différence de potentiel entre 2 et 3 
s’accrut encore quelque temps (3 heures) pour diminuer ensuite 
jusqu’à atteindre la valeur qu’elle avait avant l'expérience. 
Une autre fois de l’oxygène fut dégagé sur 2, et la modification 
subie par la différence de potentiel se montra dirigée en sens 
contraire, mais d'égale valeur et de rapidité égale à celles du 
premier cas. Or, Helmholtz n’explique pas ce dernier fait 
par la pénétration d'oxygène dans le platine, maïs par l’en- 
lèvement par l'oxygène, de quantités d'hydrogène occluses 
dans le platine lors d'expériences antérieures. Et sans doute, 
on pourrait de cette manière rendre compte des faits, mais 
cela me semble une explication forcée. La marche entière 
des phénomènes, telle que Root l’a observée, me paraît 
d’ailleurs singulière. 

Soit par exemple le cas qu’à l’électrode 2 il y ait produc- 
tion d'hydrogène. Si l’on charge d'hydrogène une électrode 
de platine par voie électrolytique, elle ne cède que très-diff- 
cilement cet hydrogène au liquide ambiant. L’examen de la 
différence de potentiel entre une pareille électrode et le liquide 
montre que cette différence ne varie que lentement. L'on est 
donc bien plus porté à attribuer cette variation à la diffusion 
de l'hydrogène vers l’intérieur de l’électrode qu’au passage de 
cet élément dans le liquide. Or Root observa qu’en faisant 


186 J. H. MEERBURG. 


passer un Courant par 1 et 2, la différence de potentiel entre 
2 et 3, après s'être accrue trois heures durant, se mit à 
diminuer de nouveau, de manière qu'au bout de dix-huit 
heures elle se trouva même plus faible qu'avant l'expérience. 
Il faudrait donc conclure qu’au bout de trois heures l’électrode 
2 cède au liquide, du côté tourné vers 3, plus d'hydrogène 
qu'il ne lui en arrive de l’intérieur de sa masse; et qu’au 
bout de dix-huit heures elle renferme déjà moins d'hydrogène 
qu'avant le début de lexpérience. Mais cela s’acccrde mal 
avec l'hypothèse en vertu de laquelle le platine retient si 
énergiquement l’hydrogène. 

J’ai donc repris les expériences. L'appareil employé ressem- 
blait en substance à celui de Root. Seulement j’ai pu procéder 
à l’enlèvement de l’air sans devoir comme lui placer l’appa- 
reil entier sous la cloche de la machine pneumatique. Deux 
appareils, disposés l’un et l’autre comme le montre la fig. 8, 
PI III, furent lutés de part et d’autre, par leur extrémité 
rodée À, à une plaque de platine de 0,02 mm. d’épaisseur. 
Chacun des appareils était placé séparément sur un pied 
solide d’ébonite. Les deux tubes B étaient mis en rapport au 
moyen d’un tube de caoutchouc, ce qui empêchait qu'il n’y 
eût, de part et d’autre des plaques de platine, une différence 
de pression considérable. À ce tube de caoutchouc était ajouté 
un tube latéral muni d'un robinet, permettant d’enlever l'air 
de l'appareil. Le tout était enfin fixé par des pièces d’ébonite 
à un support de bois, et si solidement que les diverses parties 
ne pouvaient bouger. 

Tout était soigneusement isolé, surtout au moyen de pa- 
raffine, y compris la batterie qui fournissait le courant. Seu- 
lement on mit parfois l’électrode 2 en contact avec le sol, ce 
qui n’eut du reste aucune influence. Le liquide était une 
solution diluée d'acide sulfurique, d’où l'air avait été soig- 
neusement chassé. L’électrode 2 avait subi de plus un minu- 
tieux nettoyage. 

Je commençai par déterminer quelques jours durant la 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 187 


différence de potentiel entre 3 et 2; 3 se montra positif par 
rapport à 2, mais la différence diminua lentement. Cette 
diminution ne fut pas régulière. Il y eut chaque jour une 
légère augmentation de la différence de potentiel, suivie d’une 
nouvelle diminution vers le soir. C’est ainsi que certain jour 
cette différence fut le matin de 0,065 volt; s’éleva dans cou- 
rant de la journée jusque 0,072 et fut trouvée le lendemain 
matin de nouveau de 0,062 volt !). 

Je fis passer dans mes expériences, par les électrodes 1 et 
2, un courant de force électromotrice oscillant entre 0,4 et 
1,8 volt. Le temps pendant lequel ce courant passait fut de 
15 minutes ou 24 heures. Les résultats furent à peu près 
négatifs, en ce sens que je ne pus constater avec certitude 
une variation de la différence de potentiel comme conséquence 
du courant entre 1 et 2. Il serait donc assez inutile de rapporter 
ici séparément toutes les expériences; quelques,-unes me don- 
nèrent une légère modification de la différence de potentiel 
entre 3 et 2 dans le sens attendu; mais dans d’autres la vari- 
ation eut lieu en sens contraire. Toujours cependant les 
variations se trouvèrent comprises dans les limites de la va- 
riation naturelle diurne. Elles furent au maximum de 0,01 volt. 
Root au contraire observa des variations de 0,07 volt. Dans 
aucune des expériences je ne pus observer, la première demi- 
heure après la fermeture, une modification quelconque de la 
différence de potentiel entre 3 et 2. Pour donner cependant 
quelques indications au sujet de la valeur de la variation, je 
rapporterai les résultats de quelques expériences. Comme 
l’électrode 3 était dès le début positive par rapport à 2, il 
faut que suivant les idées de Helmholtz la différence de 
potentiel entre 3 et 2 s’accroisse quand de l’hydrogène se 
développe à l’électrode 2. 

I. La force électromotrice du courant est entre 1 et 2 de 
0,8 volt. De l'oxygène se développe à lélectrode 2. Au 


1) Je m’aperçus plus tard que la lumière influe sur le phénomène. 


188 J. H. MEERBURG. 


moment où l’on ferme le circuit entre 1 et 2, la différence 
de potentiel entre 3 et 2 est de 0,0560 volt. Au bout de 
quinze minutes on interrompt le courant, alors qu’il n’y a 
pas encore de modification perceptible. Peu à peu j’observe 
une léger accroissement; au bout de 6 heures la différence 
de potentiel est encore de 0,0622 volt; mais elle diminue 
plus tard et se trouve être encore au bout de 18 heures de 
0,0538 volt. 

IT. La force électromotrice est de 0,8 volt. De l’hydrogène 
prend naissance à l’électrode 2. Le courant passe pendant 
quinze minutes. Au temps ( la différence de potentiel entre 
3 et 2 est de 0,0460 voit. Au bout de trois heures elle est 
de 0,0540; au bout de dix heures de 0,0570 volt; puis elle 
diminue de nouveau lentement. 

III. La force éiectromotrice est de 1,8 volt. De l'hydrogène se 
développe à l’électrode 2. Le courant circule sans interruption. 
Au temps 0 la différence de potentiel entre 3 et 2 était de 
0,0489 volt; au bout de trois heures elle est 0,0510 ; au bout 
de cinq heures 0,0525; mais au bout de neuf heures elle est 
redescendue à 0,0475 volt. Après 21 heures, au moment où le 
circuit est rompu entre 1 et 2, la différence de potentiel entre 
3 et 2 s'était abaissée jusque 0,0460 volt. Dans la première demi- 
heure de l’expérience, l’électrode 2 avait été mise en contact 
avec le sol; cette communication fut plus tard supprimée. 

Une expérience qui mérite une mention spéciale est celle 
dans laquelle la force électromotrice, fournie par deux piles 
de Grove, était de 3,5 volt. Les deux piles étaient séparées 
l’une de l’autre, l’électrode 2 en communication avec le sol. 
Pendant que cette électrode et l'électrode 3 étaient mises en 
rapport avec l’électromètre (le ménisque du mercure étant 
ramené au zéro par pression): pendant qu'un des pôles de la 
batterie était relié à 2, il y eut au moment où le deuxième 
pôle fut relié à 1 une déviation considérable à l’électromètre : 
le ménisque du mercure disparut complètement du champ du 
microscope. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 189 


La même chose eut lieu, mais à un bien moindre degré, 
avec une seule pile de Grove. Mais quand une résistance con- 
sidérable (200 ohm) fut intercalée entre le pôle de la batterie 
et l’électrode 2, ces phénomènes diminuèrent considérable- 
ment d'intensité. Je ne puis les expliquer qu’en admettant 
qu'au moment où l'on relie le pôle à l’électrode 1, l'apport 
considérable d'électricité fait varier subitement le potentiel de 
2, au lieu qu'il reste égal à zéro. Il doit donc en résulter un 
mouvement d'électricité dans le liquide interposé entre 2 et 3, 
et par suite un phénomène de polarisation sur 2, à la face 
tournée vers 3. L'interposition d’une résistance fait que le 
mouvement de l'électricité n’est pas si rapide; et 2 peut donc 
rester sensiblement à zéro. 

J'ai ensuite fait dégager de l'hydrogène à l’électrode 2 au 

moyen des deux piles de Grove. Le courant était si intense 
que le dégagement de gaz était nettement visible ; mais quand 
le courant eût déjà passé une heure la différence de potentiel 
entre 3 et 2 n'était pas encore sensiblement modifiée. 
_ La communication de 2 avec le sol fut alors interrompue. 
L'application de petits morceaux de bois contre l’électrode 1 
et le pôle de l’électromètre relié à 3 permit de diminuer 
l'isolation des deux électrodes. Il fut dès lors suffisant de 
toucher légèrement les deux morceaux de bois du doigt pour 
voir se modifier rapidement la différence de potentiel entre 
3 et 2. 

L'isolation incomplète peut donc provoquer un phénomène 
qui ferait croire à une diffusion de l’hydrogène à travers les 
électrodes. C’est ce que montre encore une autre observation 
faite à l’aide d’un autre appareil, dans lequel la partie pré- 
cédemment fabriquée en caoutchouc était ici de verre. La 
paroi interne de ce canal de communication de verre était 
difficile à rendre bien sèche, et l’on peut donc admettre qu’il 
y à eu conduction le long de cette paroi. L’électrode inter- 
médiaire avait une épaisseur non plus de 0,02 mais de 0,1 mm. 
et l'observation fut faite avec une force électromotrice de 1,8 volt. 


190 J. H. MEERBURG. 


Au temps 0 la différence de potentiel entre 3 et 2 était de 
0,060 volt. Quand le courant eût passé pendant une heure 
elle se montra encore de 0,098 volt. Le courant fut alors in- 
terrompu, mais l'accroissement persista. Au bout de deux 
heures la diftérence de potentiel était de 0,140 volt. Les élec- 
trodes 1 et 2 furent alors reliées entre elles et la différence 
de potentiel entre 3 et 2 diminua. Elle était, au bout de 20 
heures, d’environ 0,102 volt. 

Je crois avoir démontré de la manière la plus 
évidente, par les expériences qui précédent, que 
l'hydrogène ou bien ne pénètre pas dans les élec- 
trodes de platine, ou bien n'y pénètre qu'avec une 
lenteur extrême, si lentement qu’on ne peut ren- 
dre cette pénétration sensible par la méthode ici 
décrite. 

Si nous demandons maintenant comment Roota pu arriver 
à un résultat contraire, il me semble qu'on peut faire les 
hypothèses suivantes: 

1° Il a pu y avoir des pores dans la cire fixant l’électrode 
au tube. Helmholtz dit, il est vrai, qu'il y a été pris garde; 
mais ma propre expérience m'a appris qu'il est très-dificile 
d'appliquer la cire de telle manière que la fermeture soit 
parfaite. Même en y mettant le plus grand soin, je m’aperçus 
cependant dans la suite de l’existence d’un petit canal, que 
l’œil ne pouvait absolument pas découvrir. Je fis cette con- 
statation en faisant le vide dans l’intérieur du tube; etRoot 
n'a pu profiter de la même occasion puisqu'il enlevait l'air 
des deux côtés de ce tube. Or s’il y a un petit trou dans 
la cire de part et d’autre de la plaque, les phénomènes s’ex- 
pliquent aisément. 

2° Il se peut qu’il y ait eu dans la plaque de platine une 
petite ouverture microscopique. Il me paraît en effet insuffisant 
de démontrer l’absence d’ouverture dans un petit morceau 
détaché de la plaque !}). J'ai moi-même découvert un petit 


1) Ce qu’a fait Root. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 191 


trou dans une des plaques commandées en vue de mes ex- 
périences chez Geissler; et cela malgré la recommandation 
expresse que les plaques devaient être intactes. J’en constatai 
la présence en projetant sur la plaque un faisceau puissant de 
lumière électrique et l’examinant par derrière, l’œil très-près 
de la plaque. Le reste de celle-ci était absolument intact. 

3°. Le plus probable est, me semble-t'il, que l'isolation des 
électrodes 3 et 1 n’a pas été assez bonne (la batterie sans le 
moindre doute n’était pas isolée); et cela a dû avoir lieu s’il 
ne s’est pas glissé une erreur ou une faute d'impression dans 
le travail de Helmholtz. Il commence en effet par dire !), 
en parlant de la mesure des différences de potentiel par des 
différences de pression à l’aide de l’électromètre capillaire: 
,Positive Druckdifferenz zeigt im folgenden ein positiveren 
Potential in der Platte B (celle que je nomme 2) als in der 
Platte C (3) an.” Plus tard ?), en décrivant une expérience 
dans laquelle de l'hydrogène se dégage à l’électrode 2, il dit: 
,950 war z. B. in einer Versuchsreihe unmittelbar vor dem 
Schluss des Stromes durch À (1) und B, die Druckdifferenz 
zwischen B und C —0,6 gewesen. Nach einer Durchstrôomung 
von 5 Minuten Dauer, wobei die Platte C electrisch isoliert 
blieb, war die Druckdifferenz + 5,2, stieg dann bei isolirten 
Plaitten im Laufe der nächsten drei Stunden auf 17,1 *) und 
war 18 Stunden später wieder —3.” Ils résulterait donc de 
ceci que B commence par devenir de plus en plus positif 
relativement à C; c’est-à-dire que B prendrait de plus en 
plus une polarisation par l’oxygène, tandis que de l’autre côté 
il y a cependant dégagement d'hydrogène. Cela ne pourrait 
s'expliquer que parce que l’électrode C (3) n’a pas été suffi- 
samment isolée et que de l'électricité s'écoulait vers la terre 
de B en passant par C. 


1) 1. c. page 836. 

2) page 837. 

5) Cette modification est d'environ 0,07 volt. Jamais elle n’a été dans 
mes expériences supérieure à 0,01 volt. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 13 


192 J. H. MEERBURG. 


4°. Il est encore possible que des phénomènes tels que nous 
en avons trouvés dans l’expérience avec la batterie de 2 piles 
de Grove ont agi dans les expériences de Root. Cela se peut 
d'autant mieux que l’électrode 2 était isolée et que le poten- 
tiel que pourrait prendre cette électrode dépendait de circou- 
stances accidentelles. 

$ 12. Résumons encore une fois les résultats obtenus et 
examinons s'il y a moyen de les mettre d’accord avec l’hy- 
pothèse jusqu'ici en vigueur au sujet de la cause de la po- 
larisation. Voici ce que les expériences nous ont appris: 

1°. La polarisation cathodique atteint rapidement un maxi- 
mum, souvent après 1 seconde environ, puis décroît, rapide- 
ment d’abord, plus lentement dans la suite. | 

2°. Le maximum de la polarisation cathodique dépend de 
la nature de la solution électrolytique. 

3% Quand on ferme le circuit au moment où la force élec- 
tromotrice n’est pas encore capable de produire une décom- 
‘position appréciable, le courant de polarisation est provoqué 
par un phénomène de diffusion. 

Pour arriver aux formules, j'ai supposé qu’il s'agissait ici 
de la diffusion de l’hydrogène vers l’intérieur de l’électrode:; 
mais je vais démontrer à l'instant qu'il ne doit pas en être 
absolument ainsi. | 

4°. [La nature du métal de l’électrode n’a pas d’influence 
prépondérante sur les modifications successives du courant de 
polarisation. 

5°. L'hydrogène ne pénètre pas en quantité appréciable 
dans le platine. 

La question qui se pose maintenant est de savoir si les 
précédents résultats s'expliquent en admettant que la couche 
formée à la surface des électrodes par les produits de décom- 
position (hydrogène et oxygène) est la source de la force 
électromotrice de polarisation. D'autre part, la diminution de … 
la polarisation cathodique est-elle, comme le veut M. Fromme, 
le résultat de la diffusion de l'hydrogène vers l’intérieur de 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 193 


l’électrode? Je crois devoir répondre négativement, Car sinon il 
nous faudrait admettre qu'au bout d’une seconde environ après 
la fermeture du courant la quantité d'hydrogène qui disparaît 
par diffusion est plus grande que celle qui prend naissance 
au passage du courant; et le résultat cité ci-dessus en 5, s’il 
n’est pas en désaccord avec ceci, montre au moins que cela 
n’a pas lieu. N’est-il pas évident d’ailleurs que dans l’expé- 
rience avec les électrodes d’argent le courant devrait diminuer 
bien plus rapidement d'intensité que dans les expériences cor- 
respondantes avec le platine? L’hydrogène en effet ne pénètre 
certainement pas dans l’argent. Mais ce qui plaide le plus 
fort en défaveur de l’hypothèse, c’est ce qui a été dit plus 
haut en 2. Le fait que le maximum de la polarisation catho- 
dique est indépendant de la nature de la solution électroly- 
tique ne saurait, à mon avis, s’accorder avec l'hypothèse que 
ce maximum résulte d’une disparition de l'hydrogène vers 
l’intérieur de l’électrode. C’est dans ce cas l’inverse qui devrait 
avoir lieu. 

Cette dernière considération nous conduit naturellement à 
examiner si la théorie de M Warburg peut nous être plus 
utile. Comme je l'ai déjà brièvement relevé, cette théorie 
revient en somme à admettre que le métal de l’électrode passe 
en solution, ce qui met en jeu des forces électromotrices nou- 
velles. Pendant le passage du courant, le métal se dépose en 
partie au pôle négatif, tandis qu’il s’en dissout à l’autre pôle. 
Il faut donc que les différences de potentiel entre le liquide 
et l’électrode se modifient, puisque la solution du métal de 
l’électrode change constamment de concentration. Peut-on 
expliquer de cette manière les phases successives parcourues 
par la polarisation cathodique? Si nous admettons que la 
dissolution du platine au pôle positif et sa précipitation à 
l’autre pôle suivent la loi de Faraday, c’est-à-dire que les 
quantités en jeu sont égales de part et d'autre, l'explication 
du maximum de polarisation cathodique n’est pas encore 
donnée. La polarisation devrait augmenter aux deux pôles 


194 J. IH. MEERBURG. 


d’une manière continue. Seulement il y a moyen de sortir 
d’embarras. A dmettons que le dépôt au pôle négatif soit plus 
rapide que la dissolution à l’autre pôle. La polarisation ca- 
thodique dépassera alors au début celle de l’anode. Mais la 
diminution de concentration de la solution de platine est plus 
rapide au pôle négatif qu’au pôle positif, et la diffusion de 
cette solution vers ce premier pôle sera plus rapide que celle 
partant du dernier. Nous voyons donc, sans tomber dans des 
considérations mathématiques, que la concentration peut aug- 
menter de nouveau plus tard au pôle négatif, tandis qu’il en 
est toujours ainsi à l’autre pôle. 

Mais si nous mettons en rapport les deux électrodes, une 
certaine quantité d'électricité passe par le liquide en sens op- 
posé. C’est donc à l’électrode positive de tout à l’heure que 
du métal se dépose et inversement. Si donc nous admettons 
de nouveau que la précipitation se fait plus rapidement que la 
dissolution, nous devrons également attendre que les deux 
électrodes ont pris maintenant la polarisation cathodique. 
C’est à-dire que par rapport à une troisième électrode indif- 
férente plongée dans le liquide, elles sont devenues plus néga- 
tives qu’elles ne l’étaient avant le début des expériences. En 
effet, une certaine quantité de métal se dissout maintenant à 
la cathode primitive, mais cela n'ira pas si rapidement que 
l’électrode puisse devenir subitement positive, et acquière 
relativement à l’électrode indifférente un potentiel plus élevé 
qu’elle n'avait avant l’expérience. Le pôle positif au con- 
traire, où du métal se dépose brusquement, peut devenir 
négatif. 

Mais cela ne s'accorde pas avec les résultats de l’expérience. 
Quand on dépolarise, les deux électrodes deviennent très- 
fortement et très-rapidement positives. Il faudrait donc qu’à 
la cathode primitive il y ait rapidement dissolution d’une 
grande quantité de métal, mais cela est difficile à mettre 
d'accord avec ce que nous sommes forcés d'admettre au 
sujet de la rapidité de la dissolution. 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 195 


Je me suis donc trouvé conduit à une hypothèse quelque 
peu différente. 

Admettons qu'une couche d'hydrogène (ou d’ions chargés 
d'électricité positive) soit la cause de la polarisation cathodique, 
et de même une couche d’oxygène (ou d'ions négativement 
chargés) celle de la polarisation à l’anode. Ces couches subis- 
sent des modifications; mais ce n’est pas tant parce que les 
gaz diffusent vers l’intérieur des électrodes. Ce qui les pro- 
voque, c’est: 

1° la combinaison avec les gaz dissous dans lé liquide 
(Poxygène). C'est donc la théorie ordinaire de la convection. 

2° la dissolution des produits de décomposition par le li- 
quide ambiant ; 

3° le fait que le métal se dissout lui-aussi dans le liquide. 
Seulement il n’en résulte pas, comme le veut M. Warburg, 
une force électromotrice de quelque importance. La couche 
d'hydrogène déposée sur l’électrode réduit, dans la couche 
extrême voisine de l’électrode, le métal dissous et le précipite. 
Il en résulte une perte d'hydrogène; c’est-à-dire qu’une por- 
tion de cet élément ne peut plus provoquer de polarisation. 
À l’anode 1l y a dissolution de nouvelles portions de métal, 
d'où une nouvelle perte d’oxygène. Ces couches sont alors 
remplacées par des couches de l’intérieur du liquide. 

Cette hypothèse peut expliquer, je crois, les phénomènes 
observés, savoir : 

1° Les variations de la polarisation. La polarisation ca- 
thodique commence par augmenter très-rapidement, à mesure 
qu'une plus grande quantité d'hydrogène se dépose à la sur- 
face. L'action réductrice peut diminuer l'épaisseur de cette 
couche. 51 nous admettons de plus que l’action oxydante 
n'a pas lieu au pôle positif avec la même vitesse que l’ac- 
tion réductrice à la cathode, on se trouve en mesure d’ex- 
pliquer les deux espèces de polarisation. Et il faut bien qu’il 
en soit ainsi, quand nous réfléchissons que la solution est 
déjà plus ou moins saturée de métal. La couche d’hydrogène 


196 J. H. MEERBURG. 


est donc finalement fortement réduite; celle d'oxygène a con- 
sidérablement augmenté. Si maintenant nous mettons en rap- 
port les deux électrodes, comme le pôle positif est devenu 
à présent négatif, l'hydrogène qui s’y trouve est enlevé par 
l'oxygène. Mais il y a alors un excès d’oxygène ; la cathode 
primitive se chargera done d'oxygène, et deviendra donc plus 
positive qu'elle n'était avant l’expérience. Maïs cet oxygène 
disparaît lui-même peu à peu, parce qu'il se dépense en 
oxydations et se dissout en partie dans le liquide. 

Les quelques différences caractéristiques que nous avons 
trouvées entre les solutions de KOH et H,S0, s'expliquent 
mieux dans cette hypothèse que dans celles de la diffusion 
de l'hydrogène dans la masse de l’électrode. Il en est ainsi 
des différences dans la valeur du maximum et dans l’inter- 
valle au bout duquel celui-ci se trouve atteint. IL y a en effet 
un nouvel élément qui entre en jeu: l'oxydation et la ré- 
duction du métal de l’électrode dans les solutions de H,S0, 
ou de XOH; ce dont on ne peut, que je sache, rien dire avec 
certitude. 

2°. Les variations du courant polarisant. Nous avons déjà 
vu que ces variations s'expliquent dans l'hypothèse que le 
courant est entretenu par la diffusion de l'hydrogène vers 
l’intérieur de l’électrode. Cette hypothèse, nous l’avons aban- 
donnée à présent. Mais il ne s’ensuit pas que toutes les con- 
clusions au sujet des phases successives du courant de pola- 
risation soient caduques. En effet, nous sommes partis des 
équations (8) et (9). Or l’équation (8) reste encore valable 
maintenant, pourvu que nous entendions par o la différence 
entre la concentration primitive de la solution du métal de 
l’électrode et celle qui se trouve momentanément exister. 
L’équation (9) reste absolument la même, o seul ayant changé 
de signification. Quant à r, c’est actuellement la coordonnée 
calculée depuis la surface de l’électrode vers l’intérieur du 
liquide. 

Les conditions dans lesquelles il faut résoudre (9) sont done: 


SUR LA POLARISATION ÉLECTROLYTIQUE. 197 


DOM T Oo = (0): 
On s'aperçoit sans peine que cela revient au même. En effet, 
si l'on admettait jadis que les gaz sont enlevés par diffusion, 
ils le sont à présent par des substances que la diffusion apporte. 
Au point de vue mathématique il ne peut y avoir là de dif- 
férence; les variations de l’expression ? 1? doivent être iden- 


tiquement les mêmes. 


Les recherches ici rapportées ont été faites au laboratoire 
de physique de l’Université d’Utrecht. Je ne puis négliger de 
présenter ici à Monsieur le professeur V. A. Julius, direc- 
teur du laboratoire, mes remerciments sincères pour l’appui 
qu'il m'a prêté dans le cours de ce travail. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES 


Sciences exactes et naturelles. 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES 


(CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA PAROI 
CELLULAIRE), 


PAR 


C. VAN WISSELINGEH. 


Introduction. 


Des recherches comparatives sur la lamelle de liège et la 
cuticule :) m’ont conduit à ce résultat que la subérification 
et la cuticularisation ne peuvent être considérées comme des 
processus identiques, malgré qu'il y ait d'importants points 
de ressemblance à signaler. Outre le tissu subéreux et l’épi- 
derme, il y à encore beaucoup d’autres tissus dont les parois 
se rapprochent plus ou moins de la lamelle subéreuse ou de 
la cuticule, et que l’on a décrits comme subérifiés ou cuticu- 
larisés. Tels sont par exemple le péricycle et l’endoderme. On 
peut généralement constater, dans les cellules ou les espaces 
intercellulaires renfermant une essence ou quelque autre pro- 
duit de secrétion, la présence d’une lamelle ou d’un revête- 
ment analogue, en apparence du moins, à la lamelle de subé- 
rine et la cuticule. Il n’y a pas moyen pour le moment de 
dire avec certitude si dans tous les cas que nous venons de 
signaler les parois cellulaires doivent être en effet considérées 
comme renfermant de la subérine ou de la cutine. Il se pour- 
rait d’ailleurs que les propriétés de quelques-unes d’entre elles 
s’écartent tellement de celles des parois réellement subérifiées 


1) Sur la cuticularisation et la cutine. Arch. Néerl. T, XXVIII, p. 373. 
ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX, 14 


200 C. VAN WISSELINGH. 


et cuticularisées, que les dénominations en question devien- 
draient inexactes. Il y a quelques années, pour décider si une 
paroi cellulaire quelconque renfermait ou non de la subérine ou 
de la cutine, on ne se servait que des trois réactions indiquées 
par von Hôhnel :): la réaction à la potasse, celle de l’acide 
cérinique, et celle à l’acide chromique. Dans beaucoup de cas 
la conclusion ne s’appuyait que sur l’une ou l’autre de ces 
trois réactions; tandis que l’on ne tenait encore aucun compte 
des différences entre la subérine et la cutine. Je me suis donc 
proposé de soumettre à un examen approfondi les parois con- 
sidérées à tort ou à raison comme subérifiées ou cuticulari- 
sées. J’espérais augmenter ainsi la somme de nos connais- 
sances à ce sujet, et trancher la question de savoir jusqu’à 
quel point l’on était fondé à considérer les paroïs en question 
comme réellement subérifiées ou cuticularisées. Seulement je 
n’ai pas abordé le sujet dans son ensemble. J’ai cru utile, vu 
son grand développement, de le traiter et le publier par di- 
visions. L’une de ces divisions est à présent achevée. Elle 
comprend une étude du revêtement des bandelettes dans les 
fruits des Ombellifères et un examen des parois des cellules 
épithéliales avoisinantes. Mon attention a été attirée sur ce sujet 
par M. Arthur Meyer, qui eut l’obligeance de m'envoyer 
un tiré-à-part de son travail: Ueber die Entstehung der Schei- 
dewände in dem sekretführenden, plasmafreien Intercellular- 
raume der Vittae der Umbelliferen ?). À l'exemple de cet 
auteur, j'entends par bandelettes (vittae) les canaux intercellu- 
laires que renferme le péricarpe des Ombellifères. Ces canaux 
se terminent en cul-de-sac de part et d’autre et renferment 
surtout une huile essentielle comme produit de sécrétion. 
Mes recherches m'ont conduit à ce résultat que le revête- 
ment des bandelettes ne doit pas à une substance unique ses 


1) Über den Kork und verkorkte Gewebe überhaupt. Sifzungsber. d. kaiserl. 
Akad. v. Wissensch., LXXVNI. Bd., p. 522. 
2) Tiré-à-part du Bot. Zeit. 1889, N°. 21—23. 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 201 


propriétés particulières, mais que de même que dans la paroi 
subérifiée et cuticularisée, il s'agit d’un mélange. Or, ici 
ce mélange présente avec la subérine et la cutine trop peu 
de points de rapport pour être identifiée à l’une de ces sub- 
stances. Je propose de l'appeler vattine, du nom latin vitiae 
des bandelettes. 

Avant de procéder à l'examen de mes recherches propres, 
où j'aurai également à rapporter des résultats purement ana- 
tomiques, je relèverai succinctement ce qui nous est connu 
jusqu’à présent du revêtement des canaux et des paroïs des 
cellules épithéliales avoisinantes. 


Aperçu historique. 


Le revêtement des bandelettes a été étudié en dernier lieu 
par M. Arthur Meyer !). Il à examiné à ce point de vue 
une quantité de fruits d’Ombellifères, en portant spécialement 
son attention sur les caractères chimiques. Aussi ses résul- 
tats ont-ils été les plus importants pour mes recherches 
personnelles. Avant M. Arthur Meyer, quelques autres 
auteurs s'étaient déjà occupés du revêtement, entre autres 
Trécul ?)}, qui découvrit les cloisons transversales qui di- 
visent les cavités. Berg les observa également *); et il les 
représente dans ses figures de fruits officinaux. M. Arthur 
Meyer considère les cloisons transversales comme une por- 
tion du revêtement. Je vais donner d’abord un résumé suc- 
cinct des observations de cet auteur. 

Dans toutes les bandelettes bien développées, M. Arthur 
Meyer trouva à l’état adulte un revêtement particulier, soli- 
dement adhérent à la paroi cellulaire comme une cuticule et 
recouvrant complètement l’épithélium, de manière à former 
un tube fermé, renfermant le produit de sécrétion. Ce tube 


1) L.c. 


2) Des vaisseaux dans les Ombellifères. Ann. d,. Sciences naturelles, 
BEROV UI0 5, 1866. 
$) Anat. Atlas 1865. 


14* 


202 ©. VAN WISSELINGH. 


présente dans la plupart des cas sur la section transversale 
une forme elliptique. Il se termine généralement en pointe à ses 
extrémités, mais présente d’autre part, souvent sur une grande 
étendue, une largeur très-uniforme. Des cloisons transversales 
le divisent d'ordinaire en chambres. Ces cloisons ne font défaut 
que dans quelques cas isolés, comme chez le Coriandrum sa- 
hvum L. 

Le revêtement pariétal se compose suivant M. A. Meyer 
d’une membrane brune, qui peut renfermer des bulles. Il est 
d'épaisseur différente chez diverses plantes. Les cloisons trans- 
versales sont des membranes brunes et lisses, rarement très- 
finement granuleuses, qui s’épaississent sur les bords et y 
présentent des cavités grandes et petites. La substance de ces 
membranes est suivant M. Arthur Meyer un peu plus 
dense à la face supérieure et inférieure. Leur épaisseur diffère 
suivant les espèces; on en trouve de très-épaisses chez le 
Sium latifolium L. 

Quant à la nature chimique du revêtement et des cloisons 
transversales, l’auteur rapporte ce qui suit. Les deux produits 
sont insolubles dans les acides sulfurique et chromique, même 
après une action de plusieurs jours; l’acide acétique glacial, 
la potasse aqueuse et alcoolique, l’alcool, le chloroforme et 
l'essence de térébenthine ne les dissolvent pas même à l’ébul- 
lition. Le traitement successif par la potasse en solution al- 
coolique et l’acide sulfurique ne les modifie en aucune ma- 
nière. L’ébullition dans un mélange de chlorate de potassium 
et d'acide nitrique fit disparaître la couleur brune; mais le 
réactif n’exerça que très-lentement son action oxydante. Le 
revêtement et les cloisons conservèrent leur aspect homogène 
et ne se réduisirent jamais en gouttelettes. Je ferai remarquer 
que d’après M. A. Meyer le revêtement des bandelettes ainsi 
que leurs cloisons ne présentent qu’une des trois réactions 
recommandées par von Hôhnel pour les membranes subé- 
rifiées et cuticularisées. Au point de vue de la résistance à 
l'acide chromique il semble y avoir une certaine ressemblance 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 203 


avec la lamelle de subérine et la cuticule. Cependant il n’y 
eut pas avec la potasse bouillante production de sphères et 
de masses jaunes; et la caléfaction dans le chlorate de po- 
tassium additionné d’acide nitrique ne produisit pas de gout- 
tes d’acide cérinique. 

D’après M. A. Meyer, le revêtement et les cloisons trans- 
versales des bandelettes semblent être constitués chez les 
diverses Ombellifères soit par une combinaison chimique par- 
ticulière, soit par un mélange offrant partout les mêmes propri- 
étés. Je crois que l’auteur se représente ce composé ou ce 
mélange comme identique ou allié aux substances qui pro- 
duisent la subérification et la cuticularisation de la paroi 
cellulaire. Mais il n’établit aucune différence entre ces deux 
phénomènes, et ne s’est donc pas posé la question s'il s’agit 
dans le cas présent d’une subérification ou d’une cuticularisa- 
tion du revêtement des bandelettes. 

Chez diverses plantes M. A. Meyer trouva dans les canaux, 
au lieu de cloisons normalement développées, des masses 1r- 
répulières, souvent creusées de cavités et formées de la même 
substance que le revêtement. Il faut, d’après lui, considérer 
ces bandelettes comme des formes de transition entre celles 
qui sont divisées en chambres et les cavités non-divisées. 
Les bandelettes rudimentaires surtout étaient souvent remplies 
entièrement ou en partie d’une masse solide brune ou jaune, 
que les réactifs attaquaient tout aussi difficilement que le 
revêtement des bandelettes normalement développées, et qui 
se composait probablement de la même substance. 

Il" y a certains points du travail de M. À Meyer sur 
lesquels je dois encore appeler l’attention, parce qu'ils inté- 
ressent également mes propres recherches. Je mentionnerai 
d'abord le contenu cellulaire de l’épithélium des bandelettes. 
L'auteur observa chez le Coriandrum sativum entre autres que 
ce contenu se composait d’une masse granuleuse brune, qui 
se dissolvait lentement dans l’acide chromique. Assez souvent 
toutes les cellules épithéliales étaient remplies d’une pareille 


204 C. VAN WISSELINGH. 


substance, et il incline donc à lui accorder une certaine 
signification biologique. 

Un deuxième point concerne les canaux intercellulaires des 
fruits de l’Astrantia major L. et l’Eryngium maritimum L. 
Ceux-ci ne possèdent aucun revêtement, maïs immédiatement 
autour de l’épithélium il y a deux ou trois couches de cel- 
lules, dont les parois se colorent en brun par le chlorure de 
zinc iodé et en jaune par l’acide sulfurique concentré, sans 
qu'il y ait en même temps gonflement ou dissolution. M. 
A. Meyer considère ces cellules comme subéreuses, mais 
place à la suite du mot liège un point d'interrogation. 

L'auteur rapporte des faits intéressants au sujet de l’origine 
des cloisons transversales. Celles-ci résultent d’un liquide 
aqueux. Dans des bandelettes non encore arrivées à leur plein 
développement, l'huile essentielle est divisée par des lamelles 
de ce liquide en gouttelettes, de même que le font, dans les 
canaux adultes, les cloisons transversales. Je n’en emprun- 
terai pas d'avantage au travail de l’auteur pour ce qui con- 
concerne l’origine de ces cloisons. Le but principal de mes 
recherches réside en effet dans la constitution chimique et 
non dans le développement du revêtement des cavités. On 
voit qu'on ne saurait encore en dire grand’ chose. S'agit-il 
dans les bandelettes du fruit des Ombellifères d’une subéri- 
fication ou d’une cuticularisation de la paroi cellulaire? Ou 
bien le processus est-il nouveau? C'est ce qui reste encore 
jusqu’à présent sans réponse. 


Recherches personnelles. 


Afin d'acquérir une idée nette de la constitution chimique 
de la substance qui revêt l’épithélium des bandelettes, j'ai 
soumis à l'examen microchimique une dizaine de fruits d’Om- 
bellifères. J’ai fait usage à cet effet des mêmes réactifs et des. 
mêmes méthodes qui m'avaient antérieurement servi dans 
l’étude de la lamelle subéreuse et de la cuticule. Les plantes 
dont les fruits furent soumis à l’examen sont les suivantes: 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC, 205 


Foeniculum capillaceum Gïil., Oenanthe Phellandrium Lam., Cu- 
minum Cyminum L., Angelica sylvestris L., Pimpinella Anisum L.., 
Coriandrum sativum L., Sium latifolium L., Scandix Balansae Bth., 
Heracleum villosum Fisch., et Astrantia major L. Je ne m’éten- 
drai pas ici sur les réactifs et les méthodes en question. Il 
en à été fait une mention détaillée dans mes notes sur la 
lamelle subéreuse et la cuticule, publiées dans les Archives 
Néerlandaises 1). L'huile essentielle fut extraite des coupes 
ou des fruits à étudier au moyen d'alcool. MM. les professeurs 
N. W. P. Rauwenhoff et J. W. Moll eurent la gracieuseté 
de me fournir les matériaux nécessaires à mes recherches. 
Avant de communiquer les résultats qui me semblent avoir 
de l’importance au point de vue chimique, je me propose 
d'examiner en détail ce qui concerne la structure anatomique 
des bandelettes. Je n’ai étudié que dix plantes ; maïs j'ai cepen- 
dant acquis la conviction que bien des faits anatomiques 
intéressants ont échappé à l'observation. Je commencerai par 
donner la description des bandelettes telles que je les ai ren- 
contrées chez les cinq plantes mentionnées en premier lieu, et 
où elles présentent un revêtement bien développé ainsi que 
des cloisons transversales normalement formées (voir PI. VI, 
fig. 1 et 2). Les canaux se rencontrent dans le péricarpe entre 
les faisceaux vasculaires. Chez les quatre premières plantes 
il y en à un entre chaque paire de faisceaux ; chez le Pim- 
pinella Anisum il y en a plusieurs. Comme l’a fait observer 
M. A. Meyer, ce sont des cavités fermées à leurs deux ex- 
trémités et divisées en chambres successives par des cloisons 
transversales. Le revêtement interne recouvre complètement 
Pépithélium comme la cuticule recouvre la surface externe de 
la plante. Il se présente comme une lamelle mince colorée 
en brun, d'épaisseur uniforme, où l’on rencontre parfois de 


1) Sur la paroi des cellules subéreuses. Arch. Néerl. T. XXII. Sur 
la lamelle subéreuse et la subérine Arch. Néerl. T. XXVI. Sur la cuti- 
cularisation et la cutine. Arch. Néérl. T. XX VIIT, 


206 C. VAN WISSELINGH. 


très-petites bulles. Les cloisons transversales sont au centre 
d'épaisseur uniforme, notablement épaissies sur les bords 
et renferment à ce niveau des bulles grandes et petites 
(PI. VI, fig. 2, bl). Ces bulles sont remplies, comme les 
grandes cavités, d'huile essentielle, ce qu’on démontre à 
l’aide de teinture d’orcanette. D’après M. A. Meyer les 
cloisons transversales sont formées de la même substance ou 
du même mélange que le revêtement. Mais en réalité les 
cloisons n’ont pas une constitution aussi simple que se le repré- 
sente l’auteur. Il faut y distinguer deux parties constituantes, 
qui en général diffèrent considérablement l’une de l’autre au 
point de vue chimique, savoir le revêtement brun des deux 
surfaces de la cloison. lequel est analogue au revêtement de 
l’épithélium, et la partie moyenne, de coloration un peu moins 
foncée et parfois très-épaisse. J'ai pu le plus souvent faire dis- 
paraître par voie chimique cette portion interne, et conserver 
le revêtement seul (PI. VI, fig. 10). J'ai parfois aussi pu dé- 
tacher le revêtement de la partie moyenne, et rendre ainsi 
parfaitement distincts les deux éléments de la cloison. Il n’y 
a que l’Oenanthe Phellandrium chez lequel je ne pus réussir 
à isoler le revêtement. Je constatai parfois dans le revêtement 
des cloisons transversales l’existence de légers plis; je les ai 
vus à plusieurs reprises chez le Foeniculum p. ex. Le revê- 
tement des cloisons est en continuité avec celui de l’épithé- 
lium. Chaque cavité distincte est tapissée d’une couche inin- 
terrompue; même les bulles comprises dans la cloison ont leur 
revêtement propre, que l’on peut détacher plus ou moins à 
l’aide des réactifs (PL VI, fig. 10 bl). Il n’y a donc pas, à 
mon avis, un revêtement uniforme sur l’épithélium de la ban- 
delette tout-entière, comme le veut M. Meyer, mais chaque 
chambre de la cavité possède son revêtement propre. 

Il me parut, en examinant les bandelettes adultes, que les 
cloisons transversales devaient déjà être présentes avant que 
le revêtement ne fut développé. L’examen d’états jeunes con- 
firma cette idée. Je trouvai chez le Foeniculum, de même que 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 207 


M. A. Meyer, des bandelettes jeunes, encore complètement 
intactes, remplies de deux espèces de contenus liquides: de 
l'huile essentielle et un liquide aqueux divisant l’huile en une 
série de gouttes, absolument comme le font à l'état adulte les 
cloisons transversales. C’est aux dépens de ce liquide aqueux 
que les cloisons prennent naissance, d’après M. A. Meyer. 
Je constatai que celles-ci se développent d’abord vers le 
sommet du fruit. Il en est de même du revêtement qui 
recouvre très-rapidement les jeunes cloisons, en commen- 
çant par leur face supérieure. Comme je le supposais, le dé- 
veloppement des cloisons transversales précède donc lappa- 
rition du revêtement. Mais les deux phénomènes se suivent 
très-rapidement. 

Quoique j'aie à parler plus tard des constituants chimiques 
du revêtement et des cloisons, je ferai déjà remarquer ici que 
ni l’un ni les autres ne renferment de la cellulose. 

Les parois cellulaires de l’épithélium, qui sont recouvertes 
par le revêtement des cavités, sont au point de vue anato- 
mique presqu'aussi importantes que ce revêtement lui-même et 
les cloisons transversales. Ces parois renferment en quantité plus 
ou moins grande une matière brunâtre, très-analogue par ses 
propriétés chimiques à la substance qui constitue le revêtement, 
et que je crois donc pouvoir nommer également vittine. Je ferai 
remarquer que M. A. Meyer ne fait pas mention de cette 
substance comme présente dans les membranes cellulaires de 
l’épithélium. Celles de ces paroïs qui ne sont pas adjacentes 
au revêtement ne m'ont pas présenté de vittine; tout ce que 
je pus remarquer, c’est que ces parois se distinguent parfois 
de celles des cellules avoisinantes par une coloration jaune 
pâle et une plus grande résistance à l’égard de certains réac- 
tifs. Quant à la manière dont la vittine se rencontre dans la 
membrane, il y a ici une grande variété. Chez le Foeniculum 
et chez l’Oenanthe, une partie déterminée de la paroi cellulaire 
épithéliale est privée de cellulose, et se compose en majorité 
de vittine (voir PI VI, fig. 1 et 2 vw); chez les Cuminum, 


208 C. VAN WISSELINGH. 


Angelica et Pimpinella l’on trouve de la vittine dans la paroi 
qui renferme également de la cellulose. Le cas réalisé chez 
les deux premières plantes nous fait songer à la lamelle de 
subérine, qui se compose exclusivement de cette substance et 
ne renferme pas de cellulose; le second cas rappelle ies cou- 
ches cuticularisées sous la cuticule. Chez les Foeniculum et 
Oenanthe la portion de la membrane qui renferme de la vit- 
tine, et que je nommerai pour la brièveté paroi de vittine, est 
enciavée de toutes parts dans des portions de membrane ren- 
fermant de la cellulose, de telle sorte qu'il n'y à pas contact 
avec le revêtement de vittine, et qu'il n’y en a pas davantage 
avec le contenu cellulaire. Il est remarquable que l’on ne 
trouve de paroi de vittine que d’un seul côté des cellules 
épithéliales. Il n’est pas rare de rencontrer des portions de 
paroi mieux développées d’un côté que de l’autre. Ce qui ne 
se rencontre au contraire que fort peu, c’est que la membrane 
fait défaut en un endroit déterminé, comme dans le cas de 
la paroi de vittine. Cette dernière diffère à ce point de vue 
d'avec la lamelle subéreuse, qui est très-souvent d'épaisseur 
inégale, mais n'offre jamais de développement unilatéral Chez 
le Foeniculum, la paroi de vittine présente une épaisseur assez 
considérable et montre après traitement par les réactifs une 
division en couches. Celles-ci sont devenues visibles après 
traitement par l’acide chromique étendu, et surtout évidentes 
après chauffage préalable dans la glycérine jusque 250° ou 
300° (voir PI. VI, fig. 8 vw). Chez le Cuminum, l’Angelica et 
le Pimpinella la vittine se rencontre dans le voisinage du 
revêtement dans la paroi cellulosique. Chez la première de 
ces trois plantes ce sont de petites sphères ou des granules, 
et en assez grand nombre. Les deux dernières me les mon- 
trèrent en petite quantité, et je dois observer que je n’ai pas 
toujours réussi à en démontrer la présence. Quand nous faisons 
disparaître les paroïs de vittine des membranes de l’épithélium, 
chez le Foeniculum (fig. 6) et l’Oenanthe, ces paroïs laissent 
un fin réseau, qui montre les réactions de la cellulose avec 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 209 


le chlorure de zinc iodé et l’iode additioné d’acide sulfurique. 

Des bandelettes sans cloisons transversales sont plus rares 
que des bandelettes divisées en chambres. M. A. Meyer a 
donné une description détaillée des premières chez le Corian- 
drum sativum. Un examen plus détaillé des bandelettes chez 
cette plante me montra en effet qu’ils méritaient une étude 
spéciale. Les fruits me montrèrent quatre bandelettes bien déve- 
loppées, non divisées en chambres, mais tapissées d’un revê- 
tement relativement épais, plus épais que dans n'importe 
quel autre cas que j'ai pu examiner. Ce revêtement possède 
une couleur brune; parfois on y rencontre de petites bulles. 
De même que dans les autres cas, il se compose surtout de 
vittine et ne renferme pas de cellulose. On y distingue une 
structure stratifiée. Après traitement par l'acide chromique 
dilué je pus observer cette structure; mais plus nettement 
encore après caléfaction préalable dans une solution à 10% 
d’hydroxyde de potassium dans la glycérine. Le revêtement 
se montra composé de trois couches, dont la moyenne était 
la plus épaisse, tandis que les deux autres étaient d'épaisseur 
égale et d’ailleurs très-faible (PI. VII, fig. 13 b). Pendant 
action de l’acide chromique, qui commence par gonfler le 
revêtement et finit par le dissoudre complètement, celui-ci se 
plisse, et les diverses couches se séparent les unes des autres. 
La couche moyenne se dissout un peu plus vite que les deux 
autres. Je n’ai pu dans aucun autre cas démontrer la présence 
d’une division en couches. La cuticule ne paraît pas avoir 
fourni non plus d'exemple d’une telle structure. J’ai soumis 
celle-ci chez une foule de plantes à l’action de divers réactifs, 
sans Jamais y observer de stratification. Je considère donc la 
présence de celle-ci dans le revêtement des bandelettes du Cori- 
andrum comme un fait important. Il en résulte qu’il peut se 
former une membrane privée de cellulose et divisée en 
couches non-seulement à la face interne d’une paroi cellulo- 
sique, comme cela a lieu dans le phellogène, mais encore que 
ce développement peut avoir lieu à la face externe, sans être 


210 C. VAN WISSELINGH. 


donc en contact avec le contenu cellulaire, comme dans le 
premier cas. 

De même que chez le Cuminum, chez le Coriandrum aussi 
la membrane cellulosique qui touche au revêtement renferme 
de la vittine en quantité assez considérable, sous forme d’une 
substance brunâtre. Ce sont de nombreux granules ou de 
petites sphères, dans le voisinage du revêtement, M. A. Meyer 
n’en fait pas mention, comme il ne parle pas d’ailleurs de 
la présence de vittine dans les parois de l’épithélium, chez 
d’autres plantes. Chez le Coriandrum et dans quelques autres 
cas 1l trouve les cellules épithéliales remplies d’un contenu 
brunâtre, phénomène auquel il veut attribuer une signification 
biologique. Quant au contenu brun des cellules épithéliales en 
général, je ne l'ai pas remarqué lors de l’étude de la paroi 
cellulaire; mais je suis persuadé que M. A. Meÿer n’a pas 
réussi chez le Coriandrum à distinguer le contenu de la mem- 
brane. La vittine qui se rencontre dans le voisinage du re- 
vêtement sous forme d’une substance granuleuse, a été décrite 
par cet observateur comme étant le contenu cellulaire. Voici 
comment on peut montrer qu'il s’agit non du contenu, mais 
en réalité d’une partie constituante de la membrane. Nous dis- 
solvons partiellement la substance granuleuse au moyen d’acide 
chromique dilué (PI VIT, fig. 13v) et nous y ajoutons de 
l’iode ainsi que de l’acide sulfurique peu dilué. La paroi cel- 
lulaire de l’épithélium se colore alors en bleu et se gonfle. Il 
est en ce moment facile d’y distinguer des restes de vittine 
sous forme de granules colorés en jaune. J’ai pu montrer par 
le même procédé que chez le Cuminum Cyminum la paroi de 
l’épithélium renferme de la vittine sous forme d’une substance 
cranuleuse. 

Chez certaines plantes, savoir le Sium latifolium, l’'Hera- 
cleum villosum et le Scandix Balansae je trouvai les bandelettes 
remplies complètement ou en partie d’une substance solide 
jaune ou brunâtre, présentant à un examen plus détaillé une 
grande ressemblance avec la vittine. Je ne rencontrai pas 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 211 


chez les trois plantes en question de cloisons normalement 
développées. Chez le Sium latifolium (PL. VIT fig. 15), les 
bandelettes, de diamètre restreint, sont remplies de cette sub- 
stance sur des longueurs plus ou moins considérables. Il 
semble parfois qu’il s’est développé une épaisse cloison trans- 
versale, notamment quand une portion restreinte de la cavité 
est occupée par le produit en question. Celui-ci renferme en géné- 
ral des cavités et des bulles de dimension diverse. Les larges 
bandelettes de l’Heracleum villosum et les canaux de diamètre 
restreint chez le Scandix Balansae sont entièrement remplis 
de cette substance. Je ne réussis pas à constater chez ces 
deux plantes la présence d’un revêtement; j'y arrivai au con- 
traire chez le Sium latifolium, où l’on peut détacher l’un de 
l’autre le revêtement et le contenu solide au moyen d'acide 
chromique dilué. Il y a d’ailleurs entre les deux produits 
une certaine différence dans la manière dont ils se compor- 
tent à l'égard des réactifs. Tous les canaux présentent chez 
la dernière espèce un revêtement mince unique, qui s'étend 
à la surface de l’épithélium tout entier; mais il n’y a pas 
comme chez le Foeniculum p. ex. un revêtement propre à 
chaque cavité particulière. M. A. Meyer rapporte que les 
bandelettes du Siwm latifolium renferment d’épaisses cloisons 
transversales Je ferai remarquer que chez cette plante le con- 
tenu solide peut bien en effet prendre l'apparence d’une 
cloison, maïs que l’on ne peut en réalité parler de cloisons 
dans le sens propre du mot. Chez le Sium latifolium les 
soidisant cloisons transversales sont situées dans l’espace 
limité par le revêtement, ce qui n’est pas le cas des cloisons 
normales. 

M. A. Meyer trouva chez certaines plantes, dans l’intérieur 
des bandelettes, des masses irrégulières de substance de revête- 
ment; chez d’autres les cavités renfermaient en totalité ou en 
partie une substance solide. Il considère dans le premier cas 
les bandelettes comme une forme de transition des cavités régu- 


DS 


lièrement divisées en chambres à celles qui ne le sont pas. 


212 C. VAN WISSELINGH. 


Le deuxième cas se rencontre surtout chez les plantes à ban- 
delettes rudimentaires. Il faudra une étude plus approfondie 
pour savoir si les bouchons ont quelque rapport avec les 
cloisons normales ou bien s’il faut y voir un contenu solide. 

Quant aux parois cellulaires de l’épithélium chez les trois 
plantes mentionnées ci-dessus, je ferai remarquer que chez 
l’Heracleum et le Scandix les parois qui limitent les bandelettes 
renferment une substance analogue à la vittine. Je ne pus 
démontrer chez le Siwm latifolium l'existence d’une substance 
pareille dans les parois. 

On rencontre dans les fruits de l’Astrantia major des canaux 
intercellulaires, renfermant suivant M. A. Meyer un produit 
de sécrétion aromatique, mais très-différents des bandelettes jus- 
qu'ici décrites par leur position et leur structure anatomique. 
Chacun des akènes renferme cinq canaux, situés dans le voi- 
sinage des faisceaux vasculaires et du côté externe de ces 
faisceaux (voir PI. VII fig. 16). Le revêtement ainsi que les 
cloisons transversales font défaut. L’épithélium se compose 
d’une couche de cellules à parois minces. Je n’ai pas trouvé 
trace d’une substance rappellant la vittine. Immédiatement 
autour de l’épithélium il y a une gaîne de petites cellules à 
parois colorées en jaune. Cette enveloppe est formée de deux, 
trois ou quatre couches cellulaires; M. A. Meyer est porté 
à en faire un tissu subéreux. Un examen plus attentif montre 
en effet que les paroïs de ces cellules ont beaucoup d’ana- 
logie avec des parois subérifiées. On y trouve deux parties con- 
stituantes, l’une correspondant à la lamelle moyenne de la paroi 
des cellules subéreuses, l’autre pouvant être comparée à la 
lamelle de subérine. La première se colore en rouge par la 
phloroglucine et l’acide chlorhydrique; elle donne après trai- 
tement à chaud par le chlorate de potassium et l’acide ni- 
trique la coloration bleue bien connue en présence des réactifs 
de la cellulose. Elle renferme donc ce composé en même temps 
que de la lignine. La lamelle interne se montra renfermer 
une substance ressemblant à de la subérine. On n’y trouve 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 213 


pas de cellulose, ce qui fait encore songer à la lamelle su- 
béreuse. Elle est d’épaisseur uniforme, tandis que la partie 
correspondante de la membrane subéreuse est ordinairement 
plus épaissie sur une de ses faces. Les parois examinées ne 
renferment pas de troisième partie constituante, correspondant 
à la lamelle cellulosique du tissu subéreux. 

Il semble d’après M. A. Meyer que les canaux intercel- 
lulaires décrits ci-dessus chez l’Astrantia ne sont pas exclu- 
sivement particuliers au fruit. L'auteur ne les range donc 
pas au nombre des bandelettes proprement-dites. Mais il ré- 
sulte de mes recherches propres qu’ils y appartiennent bien 
en réalité. Les canaux sont compris dans toute leur étendue, 
avec la gaîne ressemblant à du liège, dans l’épaisseur du 
péricarpe. C’est ce qui est parfaitement clair quand, après 
avoir prudemment enlevé l’épiderme et la graine, nous chauf- 
fons le péricarpe avec du chlorate de potasse et de l’acide 
nitrique. Nous observerons de plus à cette occasion que les 
gaines se terminent en pointe très-fine de part et d’autre, ct 
que leurs extrémités respectives sont situées très-près les unes 
des autres, sans cependant se toucher. 

L’Eryngium maritimum présente, suivant M. Arthur Meyer, 
trois canaux dans chaque akène, qui ressemblent complète- 
ment aux canaux du fruit de l’Astrantia major. Je n’ai pas 
eu l’occasion d'examiner l’Eryngium maritimum, mais j'ai 
étudié les canaux chez une autre espèce: l’Eryngium pan- 
danifolium Chmss. Outre d’étroits canaux remplis d’ure 
matière brunâtre solide, je trouvai dans chaque akène, dans 
l'épaisseur du péricarpe, trois autres canaux, renfermant un 
produit de sécrétion liquide et enveloppés d’un tissu analogue 
à celui de l’Astrantia major. Je ferai remarquer que chez 
PEryngium pandanifolium les canaux sont divisés en chambres. 
Mais cette division s'est faite d’une toute autre manière que 
chez les bandelettes ordinaires. En certains endroits le tissu 
analogue à du liège s’étrangle de manière que les canaux en 
sont bouchés. 


914 C. VAN WISSELINGH. 


J'ai parlé dans les pages précédentes des détails anato- 
miques des bandelettes. J’examinerai à présent les propriétés 
chimiques de la vittine, la substance que nous rencontrons 
dans le revêtement, les cloisons transversales et les parois de 
l’épithélium. Nous pourrons alors décider si nous avons affaire 
à un processus de subérification, de cuticularisation ou à un 
autre processus encore. Je commencerai par rapporter de 
quelle manière se comporte la substance en question à l'égard 
des trois réactifs de la subérine que nous connaissons, savoir 
le mélange de chlorate de potasse et d’acide nitrique, la 
potasse en lessive concentrée et l’acide chromique. Pour ce 
qui concerne l’action du chlorate de potasse et de l'acide 
nitrique, M. A. Meyer dit ce qui suit. ,Salpetersäure und 
Kaliumchlorat bleichen den Beleg beim kochen, oxydiren 
ihn aber nur sehr langsam; dabei büsst er nie sein homo- 
genes Aussehen ein und schmilzt niemals zu Tropfen zu- 
sammen.” Le revêtement ne donne donc pas d’après cet 
auteur la réaction de l’acide cérinique, ce qui constituerait 
une différence importante d’avec la subérine et la cutine. 
Chez tous les fruits d'Ombellifères que j'ai examinés, j'ai 
étudié avec soin l’action, sur le revêtement des bandelettes, 
du mélange de chlorate de potassium et d'acide nitrique, et je 
suis arrivé à un résultat entièrement opposé à celui de M. 
Arthur Meyer. J’ai vu dans tous les cas, en chauftant 
avec ce mélange, le revêtement se réduire en une ou plusieurs 
souttes, après que la couleur brune eût commencé par dis- 
paraître {voir PI. VI, fig. 8 et 11, PI. VIL, fig. 12). Les gouttes 
se montrèrent toujours complètement solubles dans la potasse 
diluée, absolument comme celles qui prennent naissance dans 
le tissu subéreux et la cuticule. La vittine renfermée dans la 
paroi cellulaire de lépithélium se comporte de la même 
manière que celle du revêtement; je l’ai vue régulièrement 
se fondre en gouttelettes solubles dans la potasse diluée 
(PI. VI, fig. 3, 4 et 11, PI. VII, fig. 12). Les cloisons trans- 
versales des bandelettes montrent un phénomène différent: 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 215 


Ici la partie moyenne se dissout peu-à-peu complètement 
dans le mélange chaud de chlorate de potassium et d’acide 
nitrique Il n’y à pas formation de sphères ou de gouttes. 
Le revêtement des deux faces de la cloison cesse donc d’être 
tenu ensemble; et les bulles que renferme la cloison devien- 
nent ainsi plus ou moins libres. Il n’y a que l’Oenanthe Phel- 
landrium où je n’ai pu observer ce phénomène; les cloisons 
sy réduisent en gouttelettes, sans que j'aie pu enlever la 
portion moyenne. 

Le traitement par le chlorate de potassium et l'acide ni- 
trique met au jour chez les différentes espèces de bandelettes 
examinées nombre de détails. Les uns tiennent à des diffé- 
rences de nature anatomique; d’autres doivent être rapportés 
probablement à des différences de composition chimique. Plus 
le revêtement est mince, et plus grand est le nombre des 
sphères qui prennent naissance dans la réaction de l’acide 
cérinique. Chez le Foeniculum (PL VI, fig. 3) et l’Angelica 
(PL. VI, fig. 11) p. ex., il se forme plusieurs gouttes ou gout- 
telettes;, tandis que le revêtement épais des bandelettes du 
Coriandrum (PI. VII, fig. 12 b) se fond immédiatement en une 
seule sphère. Quant à la réaction de l’acide cérinique dans les 
parois des cellules épithéliales, je ferai observer ce qui suit. 
Chez le Foeniculum et l’Oenanthe la paroi de vittine donne 
naissance à une sphère assez grande, qui reste comprise 
entre les minces portions cellulosiques de la paroi cellulaire 
(PL VI, fig. 3 et 4). Si la vittine se trouve dans la paroi cellu- 
losique, il se forme des sphérules nombreux, demeurant au 
début à côté les uns des autres, et ne se fusionnant en gout- 
telettes plus volumineuses qu'après que le mélange de chlo- 
rate de potassium et d’acide nitrique a décomposé plus pro- 
fondément les autres parties constituantes de la paroi cellu- 
laire. C’est sous cette forme que l’on observe la réaction de 
Pacide cérinique chez les Coriandrum (PI. VII, fg. 12), Cumi- 
“mum, Angelica (P1. VI, fig. 11), Pimpinella, Scandix et Hera- 
cleum. Chez les deux premières de ces plantes, qui montrent 
- ArcHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 15 


216 C. VAN WISSELINGH. 


de grandes quantités de vittine dans la paroi cellulaire, sous 
forme de petites sphères ou de granules, la réaction est très- 
nette, tandis que les deux suivantes ne montrent qu'une 
réaction faible, ou même pas de réaction du tout. Le revê- 
tement me montra généralement plus tardivement la fusion 
en sphérules que la vittine dans la paroi cellulaire (voir PI. VI, 
fig. 3 et 4). L’Oenanthe Phellandrium présente le phénomène 
inverse. 

On voit par ce qui précède que la vittine du revêtement 
des bandelettes et des parois cellulaires épithéliales se com- 
porte envers le mélange de chlorate de potasse et d’acide 
nitrique de la même manière que la subérine et la cutine. 
Mais à l’égard de la potasse en lessive concentrée, elle se 
comporte tout différemment. La lamelle de subérine ou la 
cuticule, chauffées dans cette lessive, subissent un processus de 
saponification. Il prend naissance des sphères et des masses 
jaunes, laissant des produits de saponification insolubles dans 
l’eau. Si nous traitons de la même manière le revêtement et 
les parois cellulaires renfermant de la vittine, nous n’obser- 
vons pas de produits de saponification, et il ne semble pas y 
avoir de modification notable. Tout ce que je pus observer, 
c'est que la coloration brune était devenue plus foncée et 
que parfois 1l y avait eu un léger gonflement. Les cloisons 
transversales des bandelettes montrent dans la règle une dis- 
solution lente de leur portion moyenne, sans qu’il y ait simul- 
tanément apparition de sphérules jaunes ou d’autres produits 
de saponification. Il n’y a que l’Oenanthe Phellandrium chez 
lequel je ne pus réussir à dissoudre cette portion moyenne 
des cloisons. 

Quant à la manière de se comporter à l'égard de l'acide 
chromique, voici ce que je dois observer. Quand nous con- 
sultons à ce sujet le travail de M. Arthur Meyer, nous 
serions facilement tentés de croire que le revêtement se com- 
porte à l'égard de ce réactif de la même manière que la 
lamelle de subérine et la cuticule. Mais il s’en faut que la 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC, 217 


ressemblance soit si forte. Quand on fait agir l’acide chro- 
mique concentré sur les trois parois en question, on les voit 
résister énergiquement à cette action, tandis que toutes les 
autres parties constituantes de la membrane sont assez rapi- 
dement dissoutes. M. A. Meyer mentionne également le grand 
pouvoir de résistance du revêtement à l'égard de l’acide chro- 
mique, mais sans rapporter s’il s’est servi d’une solution con- 
centrée ou diluée. Je pense qu’elle à été concentrée, car l’ac- 
tion d’un solution diluée provoque des phénomènes complète- 
ment différents. Une solution diluée exerce souvent sur le 
revêtement une action fortement dissolvante, précédée dans 
bien des cas par un fort gonflement. Si la dilution n’est 
pas trop forte, la dissolution est finalement complète. Des 
phénomènes analogues sont inconnus chez la lamelle de subé- 
rine et la cuticule. Le revêtement diffère donc, au point de 
vue de l’action de l’acide chromique, de ces deux membranes. 
Les parois de vittine du Foeniculum et de l’Oenanthe et la 
vittine que l’on rencontre chez d’autres plantes dans les parois 
épithéliales cellulosiques, se comportent en général envers 
Pacide chromique concentré ou dilué de la même manière 
que le revêtement. Les parties moyennes des cloisons trans- 
versales présentent une résistance plus grande à l'égard de l’a- 
cide chromique dilué, quoique, si la dilution n’est pas trop 
forte, la dissolution soit cependant complète. Elles se con- 
duisent envers l’acide chromique concentré de la même 
manière que le revêtement. 

Chez les diverses plantes par moi examinées l’action de 
Pacide chromique s'accompagne de quelques particularités, 
provoquées en partie par des détails anatomiques et tenant 
d'autre part à des différences de composition chimique de la 
paroi cellulaire. Je vais citer quelques-unes de ces particu- 
larités. Si par exemple nous faisons agir sur le Foeniculum 
(PI. VI, fig. 5) de l'acide chromique concentré, il nous reste 
le revêtement et la paroi de vittine, après que le tissu en- 
vironnant a été dissous. Au début ces deux portions de paroi 

LS; 


218 C. VAN WISSELINGH. 


restent adhérentes; mais peu-à-peu l’acide chromique pénètre 
entre elles et dissout les minces parties cellulosiques inter- 
posées, ce qui fait qu’elles se détachent l’une de l’autre. Chez 
le Coriandrum (PI. VII, fig. 14) le revêtement reste uni au 
début à la paroi épithéliale renfermant de la vittine; plus 
tard les deux portions de paroi se détachent l’une de l’autre. 
L'action ultérieure de l'acide chromique désagrège la paroi 
épithéliale et n’en laisse plus finalement que de la vittine 
sous forme de granules ou de sphérules isolés. 

Si nous faisons agir pendant 24 heures, sur le revêtement, 
de l’acide chromique très-dilué, nous remarquons que chez le 
Coriandrum il y a eu dissolution complète. Dans d’autres cas 
le revêtement continue en général à recouvrir l’épithélium, 
mais il diminue néanmoins considérablement d'épaisseur (voir 
PI. VI, fig. 6). La vittine renfermée dans la paroi cellulaire 
de l’épithélium se dissout ordinairement dans l’acide chromique 
très-dilué (fig. 6). Je ne pus cependant arriver au même ré- 
sultat chez le Cuminum. 

D’après ce que nous venons de dire de l’action des trois 
réactifs principaux de la subérine, il est clair qu’en présence 
du mélange de chlorate de potassium et d’acide nitrique la 
vittine du revêtement et de la paroi cellulaire épithéliale se 
comporte comme la subérine et la cutine; mais la vittine 
s’écarte de ces deux autres substances au point de vue de l’action 
de l'acide chromique dilué et de la potasse concentrée. La 
vittine semble donc différer davantage des deux autres sub- 
stances que celles-ci ne diffèrent entre elles. Je ferai observer 
en outre que les portions moyennes des cloisons ne se rap- 
prochent, au point de vue de l’action des réactifs, ni du re- 
vêtement ni de la lamelle subéreuse ni de la cuticule. 

Dans la suite de mon étude des bandelettes, je me suis 
posé certaines questions spéciales. C’est ainsi que je me suis 
demandé si le revêtement et les cloisons cellulaires renfer- 
ment de la cellulose, si la vittine renferme des produits 
fusibles et si l’on peut obtenir et mettre en évidence des 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 219 


produits de saponification et des acides par voie microchi- 
mique. Dans l'espoir de résoudre ces diverses questions j'ai 


nS 


soumis les bandelettes à une étude de même nature que 


DS 


celle que j'ai faite à propos de la paroi des cellules subéreuses 
et de la cuticule. J’ai choisi à cet effet le fruit du Foeniculum 
capillaceum, parce qu’il m’a semblé de tous les fruits d’'Om- 
bellifères le plus propre à un pareil examen. Je donnerai ci- 
dessous les résultats auxquels je suis arrivé. J’admets, m’ap- 
puyant sur diverses expériences, que comme dans la lamelle 
de subérine et la cuticule, la cellulose fait défaut dans je 
revêtement, les parties moyennes des cloisons transversales et 
les parois de vittine des bandelettes. J’ai pu par divers pro- 
cédés enlever complètement ces portions de paroi du tissu, 
sans que la cellulose eût pu subir des modifications quelque 
peu notables. Jamais il ne reste un résidu qui se colore en 
bleu par le chlorure de zinc iodé ou l’iode et l’acide sulfu- 
rique. Il y a moyen, par exemple, d'enlever complètement le 
revêtement au moyen d'acide chromique très-dilué, après 
traitement préalable par la potasse caustique (PI. VI, fig. 9). 
On emploiera à cet effet une lessive à 10 soit dans l’eau soit 
dans l’alcool, agissant à la température ordinaire ou à chaud 
On parvient également à obtenir une dissolution complète 
dans l’acide chromique très-dilué, quand on a chauffé d’abord 
dans de la glycérine à 300°. J’ai pu observer que dans ce 
dernier traitement, avant la dissolution, le revêtement se 
gonfle et subit des torsions multiples, ce qui le détache de la 
paroi épithéliale. Ce revêtement étant ainsi devenu nettement 
visible, j'ai vu nettement qu’il se dissout sans résidu. Quant 
à la paroi de vittine, on peut déjà complètement la dissoudre 
dans l’acide chromique très-dilué, sans traitement préalable 
par la potasse ou par la glycérine à chaud. Mais si elle a subi 
un de ces traitements préalables, la dissolution ne s’en opère 
que plus facilement. Les portions moyennes des cloisons 
peuvent être amenées à disparaître par divers procédés; 
par exemple en les traitant successivement par la potasse 


220 C. VAN WISSELINGH. 


alcoolique et l'acide chromique très-dilué; ou bien en les 
chauffant à 150° dans la potasse aqueuse ou encore à 200° 
dans XOH dissous dans la glycérine (PI. VI, fig. 10). Je citerai 
encore la caléfaction à 800° dans la glycérine, le traitement 
par la glycérine à 225 ou 250° suivi de l’action de l’acide 
chromique très-dilué. De quelque manière qu’ait eu lieu la 
dissolution, jamais les cloisons ne laissent un résidu cellulo- 
sique quelconque. 

Je me suis servi de la phloroglucine et de l’acide chlor- 
hydrique pour examiner si le revêtement, les cloisons trans- 
versales et les parois de vittine peuvent subir la lignification. 
Je n’ai pas observé de coloration rouge; et je crois donc que 
ces portions de membrane ne renferment pas de lignine, ce 
qui les rapproche de la lamelle subéreuse et de la cuticule. Ce 
résultat n’est pas inattendu, car il est bien rare qu’une même 
portion de membrane présente simultanément la lignification 
et la subérification. Je ne pus observer davantage une réaction 
quelconque avec le sulfate d’aniline et l’acide sulfurique. Mais 
dans le cas actuel ce réactif n’est pas très-favorable, car les 
parois à examiner ont déjà une teinte jaune-brunûtre, et il 
serait bien facile de ne pas apercevoir une légère coloration 
jaune provoquée par le réactif. 

Dans cette étude des bandelettes, j'ai cru devoir également 
m'occuper de la présence des substances pectiques !}, d'autant 
plus que ces dernières se rencontrent surtout dans les espaces 
intercellulaires. Les parties moyennes des cloisons transver- 
sales prennent peu-à-peu une coloration bleue évidente sous 


1) Voir pour la recherche des composés pectiques L. Mangin, Sur dla 
présence des composés pectiques dans les végétaux, Comptes rendus, 1889, 
IT Sem. T. CIX. Sur la substance intercellulaire, Compt. rend. 1890, I Sem. 
T. CX. Sur l’emploi du rouge de ruthénium en anatomie végétale, Compt: 
rend. 1893, I Sem. T. CXVTI. E. Gilson. La cristallisation de la cellulose 
et la composition chimique de la membrane cellulaire, La Cellule D:K&, 
2e fascicule. 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 221 


l’action d’une solution de bleu de méthylène légèrement aci- 
dulée par l'acide acétique; et une solution de rouge de ruthé- 
nium les colore en rouge. Un traitement prolongé par l’alcool 
peut faire disparaître de nouveau la teinte bleue, et Je crois 
donc à l'existence dans les cloisons des composés pectiques, 
d'autant plus que ceux-ci sont abondamment représentés dans 
les parois de l'épithélium des bandelettes et les membranes 
cellulaires du fruit et de la graine. J’ai essayé d’extraire la 
vittine des coupes au moyen d'acide chromique dilué. Les 
portions moyennes des cloisons furent traitées par cette solu- 
tion jusqu’à ce qu'elles fussent, après lavage à l’eau, absolu- 
ment incolores. Elles ne tardèrent pas, dans cet état, à prendre 
dans une solution faiblement acide de bleu de méthylène une 
teinte bleu foncé, qui disparut de nouveau dans l'alcool. 
Après macération dans l'acide chlorhydrique très-dilué, il y 
eut dissolution complète dans la potasse très-diluée. Il ne 
me semble donc pas douteux que les portions moyennes des 
cloisons transversales renferment une quantité assez grande 
de matière pectique. Le revêtement et les parois de vittine 
me montrèrent également, après macération dans l’acide chro- 
mique, et avant la dissolution complète, une faible coloration 
en présence du bleu de méthylène. Ces parties constituantes 
de la membrane renferment donc probablement aussi une 
faible proportion de matière pectique. 

Malgré l'application de diverses méthodes qui m'avaient 
fourni des résultats surprenants dans l’étude de la paroi des 
cellules subéreuses et de la cuticule, je n'ai pas réussi à dé- 
couvrir ici des substances fusibles. L'action de la glycérine 
à 300° (PI. VI, fig. 7) provoque un commencement de décom- 
position. Le revêtement et la paroi de vittine se colorent en 
brun-noirâtre. Les portions moyennes des cloisons disparais- 
sent complètement. Ces phénomènes ne sont jamais accom- 
pagnés de fusion. Je ne pus découvrir de substances fondues 
mi vers 300°, ni vers 275, 250 et 225°. La macération dans 
la potasse aqueuse pendant un ou plusieurs jours et la calé- 


229 C. VAN WISSELINGH. 


faction dans la glycérine à 200, 250 et 300° ne condnisit pas 
davantage à la découverte de produits de fusion; et il en fut 
de même quand je chauffai jusque 200° dans une solution de 
potasse caustique dans la glycérine. (PI. VI, fig. 10). Il semble 
donc y avoir, au point de vue de la présence de composés 
fusibles, une grande différence entre la vittine d’une part, la 
subérine et la cutine de l’autre. Ces deux dernières substances 
renferment des composés fusibles déjà à température relati- 
vement basse. La vittine au contraire ne renferme pas de 
produits fusibles, au moins au-dessous de 300°. 

J’ai traité de diverses manières les bandelettes par des so- 
lutions de potasse caustique, en examinant avec une attention 
particulière si, de même que chez la lamelle subéreuse et la 
cuticule, il y a formation de produits de saponification inso- 
lubles. Je fis agir par exemple de la potasse aqueuse et de 
la potasse alcoolique à 10 % tantôt à la température ordinaire, 
tantôt à la température d’ébullition. J’employai encore une 
solution à 10° d’hydroxyde de potassium dans la glycérinc 
à 200° (PI. VI, fig. 10), la potasse aqueuse à 10 °{ vers 150°; je 
fis enfin agir cette dernière solution un long espace de temps 
à la température ordinaire et puis à 150°. De quelque manière 
que je m’y suis pris, jamais je n’ai pu observer de produits 
de saponification. Je ne pus en déceler davantage la pré- 
sence quand je chauffai ensuite dans l’acide chlorhydrique dilué, 
car jamais je ne vis se former des acides sous forme de sphé- 
rules. La possibilité qu’il prenne naissance des produits de 
saponification solubles n’est pas cependant écartée. 

_ La partie constituante principale du revêtement et des 
parois de vittine est une substance très-résistante à l'égard 
de l’hydroxyde de potassium, qui donne avec le chlorate de 
potasse et l’acide nitrique la réaction de l’acide cérinique, et 
qui se dissout dans l’acide chromique très-dilué. Si l’on traite 
par des solutions de potasse caustique les portions de mem- 
brane nommées ci-dessus, il nous reste la substance que je 
viens de signaler, tandis que d’autres parties constituantes se 


SUR LES BANDELETTES DÉS OMBELLIFÈRES, ETC. 223 


dissolvent. Sauf une augmentation d’intensité de la coloration 
brune, il n’y à pas eu apparence de modification ; mais nous 
pouvons conclure de l’action de l’acide chromique très-dilué 
qu'il y a eu en réalité une action dissolvante. Il est plus 
facile en effet de faire disparaître les parois de vittine ; et le re- 
vêtement se dissout également en totalité (PI. VI, fig. 9). Traitées 
par le chlorate de potasse et l’acide nitrique, les deux portions 
de membrane donnent encore une réaction cérinique tout 
aussi intense que celle qui s’observe sans traitement préalable 
par la potasse. Après traitement par l’acide chromique très- 
dilué, le revêtement laisse un résidu soluble dans des solutions 
de potasse caustique et aussi dans le mélange de chlorate de 
potasse et d'acide nitrique, sans donner naissance à des gouttes 
d'acide cérinique. Ce résidu renferme encore, outre de la ma- 
tière pectique, une autre substance, comme on le déduit 
de la coloration jaune qu’il prend sous l’action des réactifs 
iodés. Comme nous l’avons déjà vu, les portions moyennes 
des cloisons peuvent être complètement enlevées par l’hy- 
droxyde de potassium, quand ce réactif agit énergiquement. 
l’action est-elle moins intense, par exemple quand il s’agit 
d’une solution alcoolique bouillante à 10%, les cloisons se 
modifient de manière à se dissoudre rapidement et en totalité 
dans l’acide chromique dilué. L'action dissolvante de la potasse 
caustique doit être rapportée en partie à la présence de matière 
pectique, qui se trouve richement représentée dans les portions 
moyennes des cloisons, en petite quantité dans le revêtement 
et les parois de vittine. Outre de la matière pectique, les 
parties moyennes des cloisons renferment encore une autre 
substance, que l’on peut dissoudre par la potasse et par un 
mélange de chlorate de potassium et d’acide nitrique. Seule- 
ment il n’y à pas de réaction de l'acide cérinique. Je crois donc 
pouvoir poser que les parties moyennes des cloisons renfer- 
ment, outre de la matière pectique, une grande quantité d’une 
substance soluble dans la potasse caustique Cette même sub- 
stance se trouve en petite quantité dans le revêtement. Celui-ci 


224 C. VAN WISSELINGH. 


ainsi que les parois de vittine renferment surtout une substance 
qui résiste à la potasse. 

Les résultats précédents me conduisent donc à cette con- 
clusion, que chez le Foeniculum deux substances jouent un 
rôle dans la formation de la vittine. C’est en premier lieu un 
corps très-résistant à l’égard de la potasse caustique, donnant 
avec le chlorate de potassium et l’acide nitrique la réaction 
de l’acide cérinique, et qui se dissout dans l’acide chromique 
dilué. On y trouve ensuite un corps soluble dans les lessives 
de potasse. Ces deux composés forment, unis à de la matière 
pectique, le revêtement, les cloisons transversales et les parois 
de vittine. 

De même que chez le Foeniculum, le revêtement se montra 
également chez d’autres plantes ne pas renfermer de cellulose. 
C’est ce qui s’observe par exemple très-bien chez le Corian- 
drum sativum. Si nous chauffons le revêtement épais des ban- 
delettes chez cette plante avec une solution de potasse à 10% 
dans la glycérine, et que nous traitons ensuite par de l'acide 
chromique très-dilué, nous le voyons se gonfler, se tordre, se 
séparer en trois couches et finalement se dissoudre complète- 
ment (voir PI]. VII, fig. 13). Les cloisons transversales que je ren- 
contrai chez d’autres plantes se montrèrent également privées 
de cellulose. Quant aux parois de l’épithelium, j’observerai ce 
qui suit. Chez l’Oenanthe Phellandrium les parois de vittine 
ne renferment pas de cellulose, de même que chez le Foeni- 
culum. Dans d’autres cas on trouve dans la paroi épithéliale 
simultanément de la vittine et de la cellulose. 

Examinons maintenant ce que nous montrent les autres 
plantes au point de vue de la présence des matières pectiques. 
Les couches moyennes des cloisons sont partout riches en ces 
matières. Dans la plupart des cas ces couches se colorent en bleu 
par une solution faiblement acide de bleu de méthylène sans 
traitement préalable ; et en rouge par une solution de rouge 
de ruthénium. L’Oenanthe Phellandrium fait exception à cette 
règle. La coloration par le bleu de méthylène ne prend nais- 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 225 


sance que si l’on a fait agir préalablement pendant quelque 
temps une solution diluée d’acide chromique. Le revêtement 
me montra également dans des cas favorables une coloration 
par le bleu de méthylène après macération dans l’acide chro- 
mique dilué. Cela eut lieu quand le revêtement se détacha 
pendant la macération du reste du tissu. Je l’observai encore 
chez le Coriandrum, où le revêtement est relativement épais 
et se gonfle de plus fortement dans l’acide chromique dilué. 
Je pus toujours faire disparaître la coloration bleue en traitant 
par l’alcool. 

La vittine rencontrée dans les bandelettes des diverses 
plantes examinées ressemble beaucoup, à ce qu’il me semble, 
à celle du Foeniculum. La ressemblance est déjà évidente 
quand on se rappelle l’action des trois réactifs principaux de 
la subérine. Les deux catégories de composés que nous trou- 
vons chez le Foeniculum se rencontrent également chez d’autres 
plantes. Le corps qui résiste à la potasse se rencontre dans le 
revêtement et dans les parois cellulaires de l’épithélium, tandis 
que le produit soluble dans la potasse caustique se rencontre 
surtout dans les couches moyennes des cloisons transversales. 
Après traitement à chaud par une lessive de potasse concen- 
trée ou par la potasse à 10% dans la glycérine, la vittine du 
revêtement et des parois cellulaires épithéliales laisse, comme 
chez le Foeniculum, un résidu brun, qui chauffé avec du chlo- 
rate de potasse et de l’acide nitrique, donne naïssance à des 
sphères solubles dans la potasse diluée. Ce même résidu se 
dissout intégralement dans l’acide chromique dilué. 

De même que chez le Foeniculum, le revêtement laissa, dans 
la plupart des cas, après une macération de 24 heures dans 
Pacide chromique dilué, un résidu qui put être dissous dans la 
potasse. Je fis usage à cet effet de la solution dans la glycé- 
rine déjà maintes fois citée. Le résidu se montra également 
soluble dans le mélange de chlorate de potassium et d’acide 
nitrique. Outre de la matière pectique, il renfermait encore 
une substance soluble dans la potasse caustique, qui prit au 


226 C. VAN WISSELINGH. 


contact des réactifs jodés une coloration jaune. Les portions 
moyennes des cloisons transversales sont analogues, au point 
de vue de leur manière de se comporter envers les réactifs et 
par leur constitution chimique, à celles du Foeniculum. Seul 
l’Oenanthe fait exception. J'ai déjà signalé à plusieurs reprises 
la manière exceptionnelle dont les cloisons chez cette plante 
se comportent envers différents réactifs, et je me contente de 
dire que je n'ai pu par aucun procédé faire disparaître les 
portions moyennes des cloisons. 

Ayant ainsi terminé tout ce qui à rapport à la vittine, Je 
dirai quelques mots de la substance brun-jaunâtre que nous 
trouvons parfois dans les bandelettes (PI. VIT, fig. 15). Cette 
substance offre certains points de rapport avec la vittine. 
Chauffée avec le mélange de chlorate de potassium et d’acide 
nitrique, elle se transforme en une masse liquide, que l’on 
peut extraire des coupes, quand on les traite par la potasse 
aqueuse diluée. Je ne pus réussir à faire passer la substance 
solide en solution par l’acide chromique concentré et dilué. 
La potasse aqueuse concentrée et la potasse à 10% dans la 
glycérine me donnèrent également un résultat négatif, quand 
jy chauffai les coupes sur le porte-objets. Soumise après ce 
traitement à l’action de l’acide chromique dilué la substance 
brune entra complètement en solution. 

J’ai déjà signalé que dans les fruits de l’Astrantia major. 
les grands espaces intercellulaires qui avoisinent les faisceaux 
vasculaires sont entourés d'un tissu semblable à du liége 
(PI. VII, fig. 16 0). J'ai décrit à la même occasion la structure 
anatomique de la paroi cellulaire. Je vais maintenant rapporter 
quelques détails intéressant la composition chimique. Chauffée 
dans un mélange dé chlorate de potasse et d’acide nitrique, 
la partie interne de la paroi donne la réaction de l’acide 
cérinique; 1l se forme des sphères solubles dans la potasse 
diluée (PI. VIT, fig. 17). On ne peut la dissoudre dans l’acide 
chromique concentré et dilué (PI. VIT, fig. 18). Chauffée sur 
le porte-objet avec la potasse alcoolique à 10 % ou la potasse 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. D 


DS 


à 10° dans la glycérine, elle se dissout complètement. On 
ne peut la dissoudre complètement, quand on chauffe avec la 
potasse aqueuse à 10%. Après caléfaction dans la potasse 
aqueuse concentrée, la partie interne de la paroi a pris un 
aspect granuleux. Si nous chauffons ensuite avec de l'acide 
chlorhydrique dilué, 1l se forme des sphères indiquant la pré- 
sence d’un acide, lequel a été mis en liberté par l’acide chlor- 
hydrique aux dépens des produits de saponification formés 
sous l’action de la potasse. L’acide mis en liberté n’est pas 
de l'acide phellonique. Chauffée à 300° dans la glycérine, la 
partie interne de la paroi subit une décomposition; il n’y a 
pas de traces de fusion visibles. 

Il résulte de ce qui précède que le produit rencontré chez 
VAstrantia et ressemblant à de la subérine présente peu d’ana- 
logie avec la vittine. La manière dont il se comporte à l’égard 
du chlorate de potassium additionné d’acide nitrique l’en rap- 
proche davantage, mais il reste de nombreuses différences. 
I] ressemble le mieux à la subérine. Il se comporte en général 
comme ce corps à l’égard des réactifs cités; l’absence d'acide 
phellonique crée d'autre part un point de différence important, 

J'ai fait, dans les recherches ici décrites, un fréquent usage 
de certains réactifs, afin de contrôler quelques-uns des résul- 
tats obtenus. C’étaient le chlorate de potassium additionné 
d'acide nitrique, l’iode dissous dans l’iodure de potassium, 
liodure de potassium iodé en présence d’acide sulfurique, 
enfin le chlorure de zinc iodé J'ai employé surtout ces divers 
réactifs dans le but de déceler des restes de vittine difficile- 
ment perceptibles. Le premier de ces réactifs peut faire appa- 
raître une faible réaction cérinique ; les trois derniers donnent 
lieu à une coloration jaune. Les deux derniers réactifs ainsi 
que le rouge Congo servent également à rechercher la cel- 
lulose. Afin de ne pas prolonger ce travail plus qu’il ne me 
semblait nécessaire, j'ai négligé la description des expériences 
de contrôle. 


298 C. VAN WISSELINGH. 


Résumé des résultats. 


La substance que j'ai rencontrée dans le revêtement des 
bandelettes des fruits d’Ombellifères, et qui se trouve égale- 
ment dans la paroi des cellules épithéliales environnantes, se 
comporte, contrairement aux idées de M. A. Meyer, comme 
la subérine et la cutine, quand on la chauffe avec le mélange 
de chlorate de potasse et d'acide nitrique. Elle donne lieu à 
des sphères qui se dissolvent facilement dans la potasse diluée- 
À d’autres points de vue cette substance s’écarte tellement de 
la subérine et de la cutine qu’on ne peut l'identifier ni à l’une 
ni à l’autre. C’est pour ce qui concerne l’action de lacide 
chromique et surtout celle de la potasse qu'il y à d’impor- 
tantes divergences. La caléfaction dans la glycérine à 300° n’est 
pas accompagnée des modifications considérables que nous ren- 
controns chez la subérine et chez la cutine. Je n’ai pu démon- 
trer la présence de substances fusibles, qui se trouvent régu- 
lièrement chez ces deux composés. Aïnsi encore le traitement 
par des solutions de potasse ne m'a pas donné de produits de 
saponification insolubles; et je n’ai pu par l’acide chlorhydrique 
mettre en liberté des acides, comme dans les membranes subé- 
rifiées et cuticularisées. L’acide phellonique qui caractérise si 
bien la lamelle subéreuse n’a pas été rencontré; j’ai trouvé au 
contraire comme constituant caractéristique une substance très- 
résistante à l'égard de la potasse, qui ne se rencontre ni dans 
la lamelle subéreuse ni dans la cuticule et les couches cuti- 
cularisées. La substance qui se trouve renfermée dans les 
parois des bandelettes doit être considérée, de même que la 
subérine et la cutine, comme un mélange de divers corps. 
Je lui ai donné le nom de vittine. | 

La vittine renferme deux espèces de constituants. D’abord 
une substance donnant avec le chlorate de potassium additionné 
d'acide nitrique la réaction de l’acide cérinique. Elle résiste 
à l’action de la potasse et se dissout dans l’acide chromique 
dilué. On trouve ensuite comme constituant de la vittine un 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 229 


corps soluble dans la potasse qui ne donne pas la réaction 
cérinique avec le chlorate de potassium et l’acide nitrique. 
La première de ces deux substances se rencontre dans le 
revêtement et la paroi cellulaire de l’épithélium. La substance 
soluble dans la potasse se rencontre surtout dans les parties 
moyennes des cloisons transversales. Ces parties moyennes se 
comportent d'ordinaire tout autrement que le revêtement en- 
vers différents réactifs. Les modifications offertes par la vittine 
chez différentes plantes sont d'importance secondaire. 

Au point de vue de son état dans la paroi cellulaire végé- 
tale, la vittine présente une grande variété. On la rencontre non 
mélangée de cellulose ; on la trouve également dans la membrane 
cellulosique, mais toujours plus ou moins mélangée de matière 
pectique. Dans le revêtement et les cloisons transversales, c’est 
à l'extérieur de la membrane cellulosique qu’on la rencontre. 
Le revêtement recouvre l’épithélium des bandelettes de la 
même manière que la cuticule recouvre la plante. Chez le 
Foeniculum capillaceum et l’Oenanthe Phellandrium la vittine 
se rencontre dans une portion déterminée de la paroi cellu- 
laire épithéliale, qui de même que la lamelle subéreuse ne 
renferme pas de cellulose, et que j’ai nommée paroi de vit- 
tine. Chez la première de ces deux plantes la paroi de vittine 
présente une structure stratifiée. Dans d’autres cas nous ren- 
controns à côté l’une de l’autre de la cellulose et de la vittine 
dans la paroi cellulaire de l’épithélium. Il en est de même 
dans les couches cuticularisées de la cellulose et de la cutine. 
Chez les Coriandrum sativum et Cuminum Cyminum la vittine 
se rencontre dans la paroi cellulaire sous forme d’une sub- 
stance granuleuse. M. Meyer l’a décrite chez la première 
de ces deux plantes comme le contenu cellulaire. De la ma- 
tière pectique se rencontre en quantité relativement considéra- 
ble dans les portions moyennes des cloisons, le revêtement 
et la paroi de vittine n’en renferment que de faibles quantités. 

Dans le cas où les bandelettes sont divisées en chambres, 
le revêtement se prolonge sur les cloisons transversales. Les 


230 C. VAN WISSELINGH. 


diverses chambres, même les bulles que renferment les eloi- 
sons, possèdent alors chacune leur revêtement propre. Chaque 
bandelette n’est donc pas tapissée sur toute sa longueur d’un 
revêtement unique, comme il faudrait le conclure de la descrip- 
tion donnée par M. À. Meyer. Nous pouvons distinguer 
dans les cloisons trois couches: deux revêtements, appartenant 
chacun à une des divisions de la cavité, et une partie moy- 
enne séparant les deux revêtements. Dans un seul cas, savoir 
chez le Coriandium sativum, je parvins à séparer le revête- 
ment en trois couches. 

La substance solide qui dans quelques cas se rencontre 
dans les bandelettes présente des points de rapport avec la 
vittine. Parfois d’épaisses cloisons transversales paraissent divi- 
ser les cavités, alors qu'un examen plus minutieux montre 
qu'il s’agit en réalité de bouchons de cette substance solide. 

Chez l’Astrantia major les bandelettes s’écartent beaucoup 
de celles précédemment décrites; le revêtement et les cloisons 
transversales font défaut, tandis que l’épithélium ne renferme 
pas non plus de vittine dans ses parois cellulaires. Cet épithé- 
lium est enveloppé d’un tissu semblable à du liège, dont les 
parois cellulaires sont formées de deux portions: une partie 
cellulosique lignifiée, qu’il faut considérer comme la lamelle 
moyenne, et une membrane interne privée de cellulose, que 
l’on peut comparer à la lamelle subéreuse. La substance dont 
se compose cette dernière portion de membrane se comporte 
plus ou moins comme de la subérine à l’égard des divers 
réactifs. Quoiqu'elle ne renferme pas d’acide phellonique, du 
moins en quantité appréciable, elle se rapproche davantage 
de la subérine que de la cutine, et elle s’écarte notablement de 
la vittine. |/Eryngium pandanifolium présente également des 
bandelettes pourvues d’une enveloppe ressemblant à du liège. 
Elles se distinguent des précédentes parce qu’elles sont arti- 
culées ou divisées en chambres. En divers endroits l'enveloppe 
s’'étrangle et ferme les canaux. 


rs” 


SUR LES BANDELETTES DES OMBELLIFÈRES, ETC. 231 


EXPLICATION DES FIGURES. 


Toutes les figures ont éte dessinées à un grossissement de 440 fois. La 


signification des lettres est la suivante: b revêtement, vw paroi de vittine, 


m partie moyenne d'une cloison transversale, bl bulles, c sphères d’acide 


cérinique, v vittine, à contenu, o enveloppe, e épithélium, vb faisceau vas- 


culaire, 
Fig. 1 
/! 2 
77 2 


[24 


/4 


# 


[4 


10. 


de 


12, 


13. 


14. 


PAZ CERER NI 


Foeniculum capillaceum Gil. 


. Coupe transversale d’une bandelette. 
. Coupe longitudinale d’une bandelette. 
. Epithélium après caléfaction avec le chlorate de potassium et 


l'acide nitrique. 


. Epithélium chauffé moins longtemps avec le même mélange que 


dans le cas de la fig. 3. 


. Épithélium après traitement par l’acide chromique concentré. 
. Epithélium après traitement par l’acide chromique dilué et addi- 


tion d’iode et d'acide sulfurique. 


. Epithélium après caléfaction dans la glycérine à 3002, 
. Epithélium traité de la même manière, puis soumis à l’action 


de l’acide chromique dilué, finalement à celle de l’iode dissous 
dans l’iodure de potassium. 


. Epithélium après caléfaction à 1509 dans la potasse aqueuse à 10°, 


et traitement par l'acide chromique dilué. 
Coupe longitudinale d'une bandelette chauffée à 200° dans une 
solution de potasse caustique à 10°/, dans la glycérine, 


Angelica sulvestris L. 


Coupe transversale d’une bandelette après caléfaction dans le chlo- 
rate de potassium et l'acide nitrique. 


PLANCHE VIl. 
Coriandium sativum JL. 


Coupe transversale d’une bandelette après caléfaction dans le chlo- 
rate de potassium et l'acide nitrique 

Epithélium chauffé dans une solution à 1097, de potasse caustique 
dans la glycérine, et traité par l’acide chromique dilué. 
Epithélium après traitement par l’acide chromique concentré. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 16 


202 C. VAN WISSELINGH. SUR LES BANDELETTES. ETC. 


Sium latifolium L. 


Fig. 15. Coupe longitudinale d’une bandelette. 


Astrantia major L. 
» 16. Coupe transversale d'une bandelette. 
». 17. Enveloppe d’une bandelette après caléfaction avec le chlorate de 


potassium et l’acide nitrique. 
18. Enveloppe après traitement DRE l’acide done concentré. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, AGENT 
DE LA RÉDUCTION DES SULFATES, 


PAR 


M. W. BEY ERINCK. 


ADEnNcmeoéneRral 


La formation d’acide sulfhydrique et de sulfures sous l'ac- 
tion de la vie est un phénomène naturel très-répandu, et qui 
mérite l'intérêt non-seulement à un point de vue purement 
scientifique, mais encore au point de vue de la géologie et de 
hygiène. La bivlogie s'intéresse particulièrement à l’exis- 
tence d’une flore et d’une faune assez riche, formées d’indi- 
vidus spécialement adaptés à l’acide sulfhydrique, et auxquelles 
appartiennent des infusoires, des flagellés et des bactéries, pro- 
bablement même plusieurs algues vertes ou autrement pig- 
mentées !). La signification géologique de ces phénomènes 
devient immédiatement évidente quand on se rappelle que la 
vase de lacs entiers et même celle de certaines mers est char- 
gée de sulfure de fer. Le fond de la Mer noire, par exemple, 
est recouvert, à ce qu'on rapporte, d’une couche épaisse de boue 
renfermant du sulfure de fer; et l’eau de cette mer contient de 
l'acide sulfhydrique jusqu’à un niveau assez élevé. On a con- 
staté à 2125 m. de profondeur jusque 6,5 cm° d’hydrogène 
sulfuré au litre ?). La plus grande partie de cette combinaison 


1) La faune et la flore adaptées à l’acide sulfhydrique sont à propre- 
ment parler limitées à l’eau saumatre et à la mer. Nos eaux douces n’en 
renferment que relativement peu de représentants (voir Warming, Dan- 
marks Kyster-Bakterier. Copenhague 1876). 

2) Nature Vol. XLVIII, 1893, p. 323. 

HOË 


Do M W. BEYERINCK. 


provient de la réduction de sulfates; peut-être une petite pro- 
portion est-elle originaire des albuminoïdes renfermant du soufre. 

C’est sans doute Braconnot qui le premier a signalé la 
présence de sulfure de fer dans la vase noire des égouts et 
dans le sous-sol de la ville de Nancy. Il croyait à un certain 
rapport entre ce phénomène et la propagation du choléra !). 
On sait généralement depuis que ce corps est répandu partout 
sur les côtes argileuses, alternativement à sec et submergées, 
ainsi que dans la boue des marécages, des étangs et des fleuves. 
Il est probable qu’on admettra universellement son origine de 
nature biologique, quoique les ouvrages où cette opinion se 
trouve exprimée soient rares. Au même ordre de faits se rap- 
porte cette circonstance remarquable, qu'au moins dans la 
province de la Hollande méridionale, les eaux provenant des 
couches profondes du sol sont complètement privées d’acide 
sulfurique. Dans la Gueldre elles n’en renferment que fort peu 
ou pas du tout. On doit donc se demander si ce phénomène 
provient également d’une réduction, par l’action de bactéries, 
des sulfates, entraînés dans le sous-sol par l’infiltration des 
eaux superficielles. S'il en est réellement ainsi, voici ce qui se 
passe dans les diverses couches du sol: 1° dans le voisinage 
de la surface, partout du moins où l’oxygène fera complète ment 
défaut (le ferment sulfhydrique étant, comme nous le verrons, 
absolument anaërobie), 1l se formera de l'hydrogène sulfuré 
aux dépens du groupe SO, des sulfates; 2° il y aura, au même 
endroit, ou bien un peu plus haut ou plus bas, formation de 
sulfure ferreux aux dépens de composés soit ferreux soit fer- 
riques. Dans le cas des sels ferriques il y à dépôt de soufre 
non-combiné; 83° le sulfure de fer se décomposera par l’acide 
carbonique avec production d’acide sulfhydrique; 4° le sulfure 
ferreux ou l’acide sulfhydrique s’oxyderont, dans le voisinage 
de la surface, avec production de sulfates ou de soufre; 5° il se 


1) Examen de la boue noire provenant des égouts. Ann. de Chimie et de 
Physique, T. L, 1832, p. 213. 


LE SPIRILLUM DESULKURICANS, ETC. 239 


formera éventuellement de l’acide sulfhydrique ou de l'acide 
sulfurique aux dépens de soufre libre qui aura pu prendre nais- 
sance. Les composés susceptibles de filtrer dans les couches plus 
profondes sont du carbonate de calcium et du carbonate fer- 
reux; les combinaisons sulfurées ne sauront pénétrer bien 
profondément au-dessous du niveau qu’occupent les organis- 
mes réduisant les sulfates, si le sol en renferme. Le soufre 
semble, dans le cours de ces transformations, avoir une ten- 
dance à se diriger vers la surface du sol; la raison en est 
probablement que le courant de diffusion de l'acide sulfhy- 
drique et des autres sulfures est forcé par l'oxydation elle- 
même à se diriger vers l’oxygène libre, c'est-à-dire vers le 
milieu exempt d'acide sulfhydrique. La diffusion en profondeur 
est empêchée par la production de sulfure de fer. L’acide 
carbonique au contraire donne naissance en profondeur à des 
sels solubles capables de pénétrer plus avant dans le sol. 

Il faut d’après cette théorie que dans les eaux profondes 
des sols où le ferment sulfhydrique ne peut exister, par 
exemple à cause de la présence d'oxygène ou parce que les 
aliments organiques font complètement défaut, il y ait de 
l'acide sulfurique. 

Quant à la forme sous laquelle le sulfure de fer se présente 
dans les endroits cités ci-dessus, c'est ou bien le sulfure 
ferreux insoluble (Fe $S), ou bien son hydrate. L’hydrosulfure 
peut se rencontrer à l’état insoluble, ou bien à l’état soluble, 
avec une coloration noir-verdâtre. M. Gautier !) rapporte 
que dans les marais il se forme également de la pyrite 
(Fe S,), le sulfure ferreux ordinaire ou le carbonate ferreux 
s’oxydant en présence d'acide sulfhydrique libre ?). Peut-être 


1) Comptes-rendus. 1893. No. 26, p. 149: ,Aussi rencontre-t’on le 
protosulfure de fer et la pyrite dans la vase des marais, dans les terrains 
provenant d'anciens dépôts riches en débris animaux ou végétaux et jusque 
dans le sous-sol des grandes villes. 

2) Les dépots de pyrite dans les houillères se sont formés peut-être 
d'une manière analogue, et peuvent être dus simplement à notre ferment 
sulfhydrique. 


236 M. W. BEYERINCK. 


cette réaction doit-elle être rangée comme sixième processus 
au nombre des étapes probables, citées ci-dessus, dans les 
transformations du soufre à la surface du sol. La question 
de la distribution de la pyrite d’origine biologique semble 
présenter dans tous les cas un grand intérêt. 

Le sol, dans les circonstances ordinaires, ne renferme pas de 
soufre natif, et ce fait se trouve évidemment en rapport avec 
son instabilité en présence d’eau qui renferme également des 
bactéries vivantes. Ces dernières en effet transformeront assez 
facilement cet élément en acide sulfhydrique. Peut-être ce 
phénomène se trouve-t-il sous la dépendance de la formation 
d’alcalis, propre à tant de bactéries. J'ai pu dans tous 
les cas m'assurer que le soufre finement divisé, résultant 
de l’oxydation de l'acide sulfhydrique, passe en l’absence 
d'air à l’état d’un corps qui noircit les sels de fer, et cela 
aussi facilement sous l’action d’ammoniaque très-diluée qu’au 
contact des bactéries de l’eau. 


2, Modes divers de formation de l’acide 
sulfhydrique d’origine vitale. 


La formation d’acide sulfhydrique ou en général de sulfures 
par l’activité de microorganismes peut surtout s’accomplir 
par les modes suivants. Il peut y avoir décomposition d’al- 
buminoïdes sulfurés. Ou bien il y a formation directe aux 
dépens de soufre non-combiné. Les sulfites et les hyposulfites 
peuvent en troisième lieu fournir le soufre nécessaire; les 
hyposulfites étant préalablement décomposés en soufre et sul- 
fites. Enfin il peut y avoir réduction de sulfates. 

Les deux premiers modes de formation, aux dépens d’albu- 
minoïdes ou de soufre, peuvent s’accomplir tout aussi bien 
par l’activité de microbes que sans leur concours. Il en est 
probablement de même des thiosulfates, mais ici les détails 
chimiques du phénomène ont été, à ma connaissance, encore 
peu étudiés. La réduction des sulfates au contraire, dans les 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 231 


conditions des recherches bactériologiques, ne se rencontre 
que comme un phénomène biologique. 

A propos de la formation directe d’acide sulfhydrique aux 
dépens d’albuminoïdes, rappelons que l’albumine de l’œuf donne 
à l’ébullition pure et simple 0,1% d'hydrogène sulfuré; et 
que le brassin des fabriques de bière ou de levûre abandonne, 
quand on le fait bouillir, outre une petite quantité d’acide 
carbonique, également des sulfures volatils. Et cela arrive 
malgré que les microorganismes soient complètement exclus !), 

La transformation du soufre en acide sulfhydrique au con- 
tact de certains corps organiques aisément décomposables a 
déjà fait l’objet de bien des recherches ?). Le sang, le blanc 
d'œuf, le jaune d’œuf et l’extrait de levûre méritent à ce point 
de vue une mention spéciale, ainsi que les liquides de divers 
organes animaux. A-t'on toujours suffisamment distingué l’hy- 
drogène suifuré provenant du soufre de celui dégagé par les 
substances organiques elles-mêmes? C’est ce qui reste dou- 
teux. D'après Boehm *), l’eau de source enfermée avec de 
la fleur de soufre dans des flacons bouchés développe de l’acide 
sulfhydrique à l'abri de l’air, ce que ne ferait pas l’eau pure. 
Pour ce qui concerne l'extrait de levûre, M. Rey-Pailhade 
rapporte ‘) que le corps capable de donner de l'hydrogène sul- 


1) Zétschr. f. Brauwesen. Bd. XVII. 1894, p. 67. On trouve ici un 
compte-rendu des travaux de Brand et Elion. Le texte ne dit pas expli- 
citement que les microbes n’ont rien à voir dans le phénomène, mais 
cela en ressort néanmoins, et je puis confirmer le fait par expérience 
personnelle. ; | 

2) Voir la liste des mémoires chez Rubner. Modus der Schwefelwas- 
serstoffbildung bei Bakterien. Arch. f. Hygiene, Bd. XVI. 1892. p. 58 et 
p. 78. Rappelons encore que le soufre dégage déjà simplement par l’ac- 
tion de l’eau bouillante de l'hydrogène sulfuré, avec formation simultanée 
d'acide sulfureux (Cross & Higgins, Chemical news. vol. XXXIX. 
1875. p. 136). 

3) Monatshefte für Chemie. Bd. IIL. 1883. p. 224. 

1) Comptes-rendus. 1888. 11 juin et 2 juillet, 18 février 1889 et 22 juin 
1894. 


238 M. W. BEYERINCK. 


furé (qu’il nomme ,philothion”) se dissout dans l’alcool dilué : 
et que l'extrait, de même que le moût de bière, absorbe de 
l'oxygène lors de cette transformation et dégage de l’acide 
carbonique. Pour préparer cet extrait, il faut pulvériser de la 
levûre et l’extraire par l’eau froide. La substance perd son 
activité par l’ébullition, ce qui indique qu’il s’agit d’un al- 
buminoïde coagulable. 

La manière la plus simple de transformer du soufre en 
hydrogène sulfuré sous l’action directe de la vie consiste à 
introduire de la fleur de soufre dans un liquide en décompo- 
sition avancée ou dans une solution de sucre fermentant 
activement sous l'influence de la levûre alcoolique. Un mor- 
ceau de papier de saturne prend une teinte brun foncé dans 
les vapeurs de ces liquides, et cela au bout de quelques mi- 
nutes. Cela se passe également dans des solutions de sucre de 
canne additionnées de levûre en culture pure, et il est donc 
certain que cette fonction n'appartient pas seulement à des 
bactéries, mais encore à des cellules de levûre. Les détails 
du phénomène chimique sont encore obscurs; peut-être une 
substance passant par diffusion des cellules de leyûre dans 
le milieu ambiant provoque-t’elle les transformations observées. 
Cette substance pourrait être en ce cas identique au principe 
actif de Rey-Pailhade. 

Les deux expériences très-simples qui suivent sont propres 
à démontrer l’origine biologique de l’hydrogène sulfuré aux 
dépens d’albuminoïdes et aux dépens de soufre non-combiné. 

On remplit un ballon de fermentation de Kühne !), de 
25 c.mÿ. de capacité, d'extrait de viande privé d’air par 
l’ébullition, additionné comme indicateur de 0,1 °/, de lactate 
de fer ou de sel de Mohr. Un deuxième ballon analogue 
est rempli du même mélange, mais additionné en outre de 


1) T. Smith. The fermentation tube with special reference to anaero- 
biosis and gasproduction among Bacteria. (Reprint from the Wilder 
Quarter-Century Book. p. 187. Ithaca. 1893). 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 239 


fleur de soufre On ensemence à l’aide de quelques gouttes 
d’eau de fossé ou d’un peu de terreau; et l’on place les 
deux ballons dans l’étuve d’incubation à 30° C. Il n’y a pas 
réduction des sulfates dans les liquides que je viens de citer. 
Mais déjà au bout de 24 heures le contenu des deux ballons 
noircit par suite de la formation de sulfure de fer. Ce qui est 
remarquable, c’est que dans le ballon non-additionné de soufre 
la coloration atteint bientôt une limite, tandis que dans l’autre 
elle augmente encore longtemps d'intensité ; le liquide y prend 
une teinte noire foncée en même temps qu’il se dépose une 
grande quantité d’un précipité noir. 

On démontre facilement la formation d'hydrogène sulfuré 
aux dépens d’hyposulfite quand des cellules de levûre en 
voie de croissance sont en contact avec ce sel. Je mélange à 
cet effet à du moût gélatiné environ 0,1 °}, d’hyposulfite de 
soude (Na, S, O, + 5 H,0); j'introduis dans la masse encore 
semi-liquide une p'ise de cellules de levûre, empruntées à 
une culture pure, et je laisse la masse se solidifier après 
avoir secoué. Dans le col du ballon est suspendu un morceau 
de papier de saturne. On observe alors au bout de quelques 
jours, quand la levûre commence à se développer activement, 
et à la température ordinaire, une formation abondante de 
sulfure de plomb. 

_ Le pouvoir réducteur de la levûre à l'égard des thiosulfates 
se laisse aisément démontrer aussi dans les liquides en fermen- 
tation. Si l’on fait fermenter p. ex. une solution à 20 % de sucre 
de canne dans de l’eau de canalisation avec 15°/ de levûre 
fraîche, on pourra, quand on y ajoute 1/20 pour cent d’hy- 
posulfite de soude, observer une décomposition complète de 
ce sel avec formation d’acide sulfhydrique. 

Les sulfites se décomposent avec la même facilité dans les 
fermentations alcooliques en mettant en liberté H,S. C’est 
ainsi que je pus faire disparaître 1/15 pour cent de sulfite 
de sodium (Na, SO, + 7 H,0) dans des conditions analogues 
à celles mentionnées à propos du thiosulfate. Je retrouvai à peu 


240 M. W. BEYERINCK. 


près la quantité équivalente d'hydrogène sulfuré. Ces phénomènes 
sont dignes d'attention, car les nitrates, les nitrites, le carmin 
d’indigo et le tournesol ne sont pas réduits par la levûre !). 

Le Bacterium sulfureum de M. Holschewnikoff décom- 
pose également l'hyposulfite de soude avec dégagement de 
HAS), 

Je citerai finalement une expérience peu connue de M. 
Zelinsky *). 

Cet auteur décrit sous le nom du Pacterium hydrosulfureum 
ponticum un microbe, dégageant de l’acide sulfhydrique aux 
dépens du mélange suivant: 1° de tartrate d’ammonium, 
17% de glucose, 1/3°%% d’hyposulfite de soude, 0,1 °/ de phos- 
phate de sodium et des traces de chlorure de calcium. Le 
compte-rendu rapporte sans plus ample démonstration que 
la bactérie peut décomposer des sulfures et des sulfates, et 
qu'il y a indifféremment aérobiose et anaérobiose. Il ne 
résulte pas davantage clairement du compte-rendu qu’en l’ab- 
sence de soufre d’une origine différente, une quantité connue 
de sulfure ou de sulfate disparaîsse entièrement et soit rem- 
placée par de l’acide sulfhydrique. À ce dernier point de vue 
les ouvrages plus anciens qui me sont connus, relatifs à la 
formation d'hydrogène sulfuré aux dépens de sulfates, ne sont 
pas non plus suffisamment démonstratifs ‘). 


1) Les iodates d'autre part sont réduits par la levüre avec mise en 
liberté d’iode. 

2) Fortschritte der Medizin, 1889, No. 6. (Cité d’après Baumgarten, 
Jahresbericht, Bd. V, 1889, p. 450). | 

8) P.et C. G. Frankland, Microorganisms in water, 1894, p. 458). On 
trouve ici un compte-rendu, par le prince Krapotkin, d’un travail russe 
intitulé: Zelinsky, Sur la fermentation sulfhydrique dans la Mer noire et 
les »Limans” d'Odessa, et publié dans les Fortschr.d. Russischen chem. u. 
physik. Gesellsch., Bd. XXV, 1893, Livr. 5. Les bactéries ont été trouvées 
dans la boue de la Mer noire lors de l'expédition du ”Zaphorozhets”. 

5) Cohn. Arch. f mikr. Anat., Bd. III, 1867, p.54. Loth. Meyer, 
Journ. f. prakt. Chem., Bd. XCI, p. 5, 1874. Plauchud, Réduction des 
sulfates par les sulfuraires (Compt. rend., 29 janv. 1877, 26 déc. 1882). 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 241 


C’est précisément cette circonstance qui me conduisit à 
examiner ici brièvement les modes de formation biologiques 
les plus importants des sulfures. En effet, dans les expériences 
sur la réduction des sulfates, quand il s’agit de démontrer la 
présence de sulfures, c’est-à-dire de corps dont les moindres 
traces réagissent déjà très-énergiquement, on devra toujours 
bien se rendre compte des autres sources qui, outre les sul- 
fates, peuvent fournir les sulfures trouvés. 


D HMhéoriEenNdentlatformationtbrologique 
d’hydrogène sulfuré. 


Les considérations théoriques de quelques auteurs sur la 
cause chimique de la formation d'hydrogène sulfuré sous l’in- 
fluence de microorganismes ne présentent pas bien grand in- 
térêt. La raison en réside d’une part dans la multiplicité des 
facteurs en jeu; puis dans l’ignorance où l’on était jusqu'ici 
au sujet de l’agent principal de la réduction des sulfates dans 
les eaux de nos contrées. 

Cependant une ou deux de ces hypothèses, émises par des 
auteurs éminents, méritent-elles d’être ici brièvement rap- 
portées. 

On a pensé à plusieurs reprises devoir attribuer le phéno- 
mêne à l’action d'hydrogène à l’état naissant, lequel serait 
produit par les microbes. Pour donner plus de fondement à 
cette opinion, MM. Petri et Maassen !) rapportent que 
du noir de palladium chargé d'hydrogène donne à 50° C de 
l'hydrogène sulfuré aux dépens de fleur de soufre suspendue 
dans l’eau ou de solutions d’hyposulfite, d’albumine et de 


Etard et Olivier, Réduction des sulfates par les êtres vivants. (Compt. 
rend, T. XOV, 1882, p. 846). Olivier, Glairine et Barégine (Compt. rend., 
T. CVI, 1888, p. 1744, 1806). Winogradsky, Botan.Zeitung, 1887, p.490. 

1) Beitr. z. Biologie der krankheïtserrescenden Bacterien, insbesondere 
über die Bildung von Schwefelwasserstoff durch dieselben unter vornehm- 
licher Berücksichtigung des Schweinerotlaufes. Arb. des Kaiserl. Gesund- 
heitsamtes. Bd. VIIT, 1893, p. 350. 


249 M. W. BKYERINCK. 


peptone. Il suffit d'empêcher l’accès de l'air par un courant 
d'hydrogène. Ces mêmes auteurs rapportent p. 852 de leur 
mémoire que le sulfate d’ammonium donne naissance à de 
l'acide sulfhydrique sous l'influence d'hydrogène préparé au 
moyen de zinc et d'acide chlorhydrique. Mais quand j’essayai 
de répéter cette expérience à l’aide de zinc pur, privé de 
soufre, dans une solution à 5% de sulfate d’ammonium 
exempte d’air, je ne pus démontrer la présence d'hydrogène 
sulfuré; et je n’y réussis pas davantage avec des solutions 
de concentration encore plus faibles. Je dois donc croire que 
les auteurs ont employé dans leurs expériences du sulfate 
d’ammoniaque très-concentré et de l'acide chlorhydrique égale- 
ment très-concentré. Je suppose évidemment que le zinc em- 
ployé était privé de soufre. Or ils ont dû obtenir dans ces 
conditions de l'acide sulfurique très-concentré, lequel donne 
facilement de l’acide sulfureux; et celui-ci à son tour se réduit 
au contact de l'hydrogène en donnant de l’acide sulfhydrique. 
Cette réduction est bien différente des processus biologiques 
dont il s’agit ici. 

Je ne puis bien m'imaginer que des analogies pareilles 
pourraient rendre plus clair le mécanisme de la réduction 


DS 


physiologique. Si l’on voulait s’en tenir à l'hypothèse de 
l'hydrogène, 1l resterait cependant encore à démontrer la 
présence de cet élément dans les cellules réductrices. Or, il 
est hors de doute que le ferment des sulfures que j'ai décou- 
vert ne laisse pas constater de traces de production d’hy- 
drogène; et 1il en est de même des processus de réduction 
dont il a été question plus haut chez la levûre, où personne 
n’a encore montré la formation de ce gaz !). Mes recherches 
montrent d'autre part que dans les cas où l’hydrogène prend 


réellement naissance, comme dans les bactéries du groupe du 


1) Il y aura sans doute des ions d'hydrogène dans les cellules de levüre; 
mais si ces ions étaient la cause des processus réducteurs, tout acide que!- 
conque devrait être un agent de réduction. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 243 


Pacterium coli et chez les Granulobacter anaérobies, le pouvoir de 
former de l'hydrogène sulfuré aux dépens de sulfates fait défaut. 
Et cependant p. ex. le ferment butylique (Gr. butylicum), et 
les ferments butyriques (G. saccharobutyricum et G. lactobuty- 
ricum) produisent de l'hydrogène en quantité considérable, et 
réduisent rapidement le carmin d’indigo et le tournesol. 

Hoppe-Seyler a essayé de mettre le phénomène en rapport 
avec la fermentation de la cellulose, qui s’accompagne de la 
production de méthane. Cette fermentation s’accomplit d’après 
Jui autrement en présence de sulfate de calcium et d’oxyde de 
fer que quand ces corps font défaut. Du sulfure ferreux et du 
carbonate de calcium ne peuvent prendre naissance qu'avec 
leur concours. Hoppe-Seyler dit donc ne pas pouvoir con- 
sidérer la réduction des sulfates comme ,un phénomène indé- 
pendant, provoqué par des organismes inférieurs” !). Cependant 
il ne démontre pas d’une manière convaincante que dans 
ses expériences il n’y ait pas plusieurs phénomènes biologi- 
ques s’accomplissant simultanément. À mon avis il en a été 
ainsi sans le moindre doute, comme le démontre la suite de 
ce travail. Nous verrons en effet que la réduction du sulfate 
de calcium avec production d’acide sulfhydrique s’accomplit 
par l'intermédiaire d’au moins un agent spécifique. Mais cet 
organisme n’a aucune part dans la production de méthane 
et n'attaque pas la cellulose. La présence de sels de fer n’est 
d’ailleurs pas indispensable à la réduction des sulfates. Dans 
l'expérience de HoppeSeyler, du papier à filtrer se dé- 
compose dans la boue des égouts, en donnant du méthane 
et de l’acide carbonique. Or, si l’on admet, et il me paraît 
impossible de faire une autre hypothèse, que le papier se 
trouve en solution dans le liquide avant qu’il ne fermente, 1l 
est très-aisément visible que d’autres microorganismes que le 
ferment, d’ailleurs problématique encore, du méthane, peuvent 
s'en nourrir. 


| Ueber die Zersetzung der Cellulose mit Bildung von Methan. Zeifschr. 
f: physiol. Chem. Bd. X. 1886, p. 432. 


244 M. W. BEYERINCK. 


On s'explique donc par ce qui précède pourquoi le rapport 
entre l’acide carbonique et le méthane, d'ordinaire égal à 1 : 10, 
a pu se transformer en 10 : 1 par l’addition de sulfate de 
calcium (et d'oxyde de fer). Ces substances ont permis, grâce 
à la production d’hydrogène sulfuré, le développement du 
ferment sulfhydrique et de beaucoup d’autres microbes. Cette 
explication suppose, il est vrai, l'existence d’une zymase cel- 
lulosique, agissant dans la fermentation du méthane, zymase 
qui n’a pas été découverte jusqu’ ici, pas plus que le ferment 
du méthane lui même. Ces tentatives d'explication rencontrent 
donc des incertitudes, et je crois précipité d'émettre une théorie 
plus détaillée, alors que les causes immédiates du phénomène 
nous sont encore si peu connues que la découverte relative- 
ment grossière du ferment sulfhydrique vient seulement d’être 
réalisée, comme on verra dans les pages suivantes, 

Pour ce qui concerne la transformation directe du soufre 
élémentaire en sulfure, j'ai eu déjà l’occasion de remar- 
quer au $ 1 que ce processus se trouve probablement en rap- 
port avec la production d’alcalis, si généralement répandue 
dans l’organisme bactérien 


4, Détermination quantitative des produits 
de la réduction des sulfates 


Il est à recommander, dans les expériences telles que celles- 
, de déterminer iodométriquement l’hydrogène sulfuré qui 
prend naissance lors de la réduction. Il est vrai qu'une partie 
des produits de réduction se trouve sous la forme de sulfures 
(par ex. sous celle de CaS, FeS ou (NH,),S) ou de sulfhy- 
drates (NH, HS ou NaHS); mais en solution acide, où se fait 
la détermination, il doit en résulter de l’acide sulfhydrique. 
La présence de ces composés n’a donc aucune influence nui- 
sible sur les calculs. La quantité de l'acide sulfurique dis- 
paru, comparée avec la quantité des produits de la réduction, 


C1 


à 


permet d’arriver à certains résultats intéressants. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 245 


Mes expériences me donnent par exemple toujours beaucoup 
moins d'acide sulfhydrique qu’il ne le faudrait théoriquement, 
si la quantité totale de sulfate disparu avait été transformée 
en sulfure. Les écarts sont très-considérables. Je ne pus 
retrouver sous forme d'hydrogène sulfuré que %, % et, dans 
le cas le plus favorable, % du sulfate disparu. Il nous faut 
donc examiner où le reste du soufre a pu passer. 

Trois causes principales de perte probable de soufre entrent 
surtout en considération. Ce sont le dépôt de soufre non- 
combiné, aux dépens de sulfures; la fixation de cet élément 
sous forme de sulfite ou d’hyposulfite ; enfin la fixation du soufre 
nécessaire à la formation de l’organisme des bactéries !). 

Examinons d’un peu plus près chacun de ces facteurs. 

Comme 1l est nécessaire de se servir dans les recherches 
bactériologiques sur la réduction des sulfates d’un indicateur 
sensible, l'emploi des sels ferreux ou ferriques mérite de beau- 
coup la préférence. Mais cela crée une certaine source d’erreurs 
dans les déterminations quantitatives, car les sels de fer pro- 
voquent très-facilement une formation de soufre élémentaire. Cela 
a lieu, pour les sels ferriques, même à l’abri complet de l’air ?); 
pour les sels ferreux au contact de l'air‘). On devra réfléchir 
en outre que l'acide sulfhydrique s’oxyde facilement au contact 
de l’air en donnant du soufre et de l’eau, et que ce phéno- 
mène s'accomplit également en partie chez le sulfure de fer ‘). 

Il faut, il est vrai, opérer à l’abri de l’air dans les déter- 
minations quantitatives. Mais du soufre, une fois mis en liberté 
dans les recherches bactériologiques par une cause quelconque, 


1) Je ne crois pas qu'avec le procédé suivi dans mes expériences on 
puisse s'attendre à la formation de polysulfures. 
Ke (OH), 3H, S=92 Fe SES 16H, O. 
Fe, Cl, +3 (NH) S=92 Fe S+S+6NH, C1. 
DRPNEISE ES OI EE NO ES" 
1) FeS+40 = Fe, SO,. Il y a en même temps production de sels 
ferriques et nouvelle élimination de soufre. 


246 M. W. BEYERINCK. 


ne repasse que lentement à l’état de sulfure. À chaque titration 
d’ailleurs il y a inévitablement un peu d’air qui s’introduit 
dans le vase de culture; d’où production d’une petite quantité 
de soufre, qui à une titration suivante n’a pas encore disparu. 
On voit donc qu'il y a plusieurs causes qui ne permettent pas, 
vu la mise en liberté de soufre, une concordance parfaite entre 
la quantité de sulfate réduit et d’acide sulfhydrique devenu 
libre. J’ai pu retrouver, comme je viens de le dire, dans le 
cas le plus favorable, 8/4 de l’SO, disparu sous forme de Æ, 8; 
le plus souvent je n’arrivai qu’à 2/3 et souvent même qu’à 
1/2 de la quantité totale. Les expériences conduisent en général 
à une quantité d'autant plus grande d’acide sulfhydrique que 
les masses de liquide à réduire sont plus considérables, et il 
est donc évident que l’air ou l’oxyde de fer ont ici un rôle 
important, en contribuant à éliminer du soufre. Mais il me 
semble qu’en vertu des mêmes circonstances l'écart est trop 
considérable pour être expliqué simplement par mise en liberté 
de soufre non-combiné (ou retransformation en sulfate pendant 
l'expérience). Les deux autres sources de perte doivent proba- 
blement avoir leur part. 

La fixation d'une partie du soufre dans le corps des bactéries 
prendra une certaine importance quand 1l y à beaucoup de 
substances organiques dans la solution primitive et que beau- 
coup de substance organisée prend donc également naissance. 
Mais les expériences de réduction peuvent cependant s’accom- 
plir dans des liquides presque absolument clairs, d’où il résulte 
que le ferment sulfhydrique est très-actif et qu'il suffit d’une 
masse extrêmement petite de ce ferment pour réduire même 
des quantités très-considérables de sulfate. Il est donc évident 
que la fixation du soufre sous forme de substance organisée ne 
peut pas constituer toujours une cause importante de déficit. 

Une source d’erreurs importante résulte de la présence 
de sulfites quand la liqueur est acidulée. Car s’il est vrai que 
les sulfites se comportent, dans l'application du procédé 
à l’iode, quantitativement comme de l'acide sulfhydrique 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 247 


si la solution est neutre, il n’en est plus du tout ainsi quand 
il y à un acide en présence. Il se forme alors de l’acide sul- 
fureux. Celui-ci décompose une partie de l'hydrogène sulfuré 
avec élimination de soufre. De là une double source d’erreurs. 

Il faut se rappeler ensuite que l’iode employé au dosage 
indique une teneur quatre fois plus grande en acide sulfurique 
réduit quand cet acide est titré sous forme d’hyposulfite et non 
sous la forme d'hydrogène sulfuré ‘). On voit donc qu’une 
faible quantité d’hyposulfite doit avoir également un effet très- 
considérable sur les calculs. Je crois d’après la manière dont mes 
solutions réduites se comportent à l’égard des sels d’argent, 
de fer et de zinc, devoir conclure réellement à la présence de 
sulfites ou d’hyposulfites; et cela malgré que je n’aie pas en- 
core pu séparer ces substances. Il me semble donc qu'une 
étude plus détaillée de ces phénomènes aurait quelque chance 
d'aboutir ?). 

En résumé, je pense que lors de la réduction des sulfates, 
il doit y avoir non seulement formation de sulfures, mais 
encore de sulfites ou de thiosulfates. Mais ces substances sont, 
comme nous l'avons vu, aisément réductibles, et l’on doit donc 
pouvoir les transformer finalement en sulfures. 

De tout ceci il résulte que nous ne connaissons pas 
encore de méthode susceptible de déterminer par la réduction 
la quantité d’acide sulfurique contenue dans l’eau. Mais nous 
voyons en même temps que des recherches ultérieures dans 


1) Cela résulte des formules H,S+921=2HI+4S et 2(S,0; Na) + 
21=2Nal+S, O, Na,. On voit qu'un em de solution normale (127 mg.) 
correspond à 40 mg. SO, quand ce radical s'est transformé en H,5, mais 
a 160 mo. SO, quand il a passé à l’état de thiosulfate. 

2) L'eau de fossé absorbe il est vrai un peu d’iode (ce que font égale- 


ment l’eau distillée et l’eau de canalisation), mais la titration au moyen 
d’iode millinormal apprend que cette quantité est si petite, que je n'ai 
pas à en tenir compte dans mes expériences. Je remarquerai encore que 
jai vainement cherché les sulfites au moyen d'iodate de potassium, mais 
cette réaction n’est pas assez certaine quand on l’emploie dans des solu- 
tions aussi compliquées que celle qui nous occupe ici. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. iLfl 


248 M. W. BEYERINCK. 


cette direction pourraient peut-être résoudre le problème, Ce 
point mérite d'autant plus l'attention que les expériences de 
réduction peuvent être faites avec une simplicité extrême. Il 
suffirait, pour arriver au but, de faire prendre au processus 
de réduction une marche constante; et ce désidératum serait 
peut-être à réaliser par l’addition de certains sels inorganiques, 
tels que le chlorure de sodium. 

Quant à la pratique des déterminations, je remarquerai ce 
qui suit. | 

L'expérience de réduction tout-entière doit, comme il a été 
dit, se faire à l’abri de l'oxygène. Comme il est désirable 
d'opérer avec de grandes quantités de liquide, j’emploie des 
flacons ordinaires en verre incolore, à fermeture mécanique, 
telle qu’on l’emploie pour les flacons de bière. Ces flacons 
sont remplis jusqu’au bouchon et hermétiquement fermés. J’ai 
commencé par opérer avec le flacon laveur à gaz ordinaire, 
soufflé d’une seule pièce; qui me permettait d'introduire sans 
peine, par pression d'hydrogène, quand il s'agissait de titrer, 
une quantité déterminée de cm* dans la solution titrée d’iode. 
Mais j'ai été amené peu à peu à employer les flacons ordi- 
naires, avec lesquels on peut opérer avec une exactitude suf- 
fisante pour le but que l’on se propose ici. J’ai fait également 
avec le meilleur succès plusieurs expériences dans de grands 
cylindres renfermant quatre litres et davantage, remplis du 
liquide à réduire, et fermés au moyen d’une plaque de verre 
reposant sur l’eau et sur le rebord du cylindre. l’oxygène 
dissous est bientôt absorbé par les bactéries saprophytes. Du 
moment que la substance organique a à peu près disparu et 
que le milieu est devenu libre d'oxygène, le ferment sulfhy- 
drique commence à se multiplier et à réduire. Fil y a encore 
beaucoup de substance organique en présence après la dispa- 
rition de l’oxygène, il peut devenir nécessaire d’aérer, sans quoi 
la réduction n'aurait pas lieu. Les substances organiques nuisi- 
bles au ferment sulfhydrique doivent être en effet décompo- 
sées préalablement par les autres bactéries. L'art de faire des 


* LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 249 


expériences de réduction consiste précisement à ajouter une 
quantité telle de substances nutritives que le ferment sulfhy- 
drique puisse vivre en anaérobie en présence d’une flore et 
d’une faune très-hétérogènes d’autres microbes. 

Après qu’on a suffisamment distribué dans la liqueur, en 
l’agitant, le précipité qui jamais n’y fait défaut, on prend, au 
moyen d’une pipette à long tube, au fond du liquide, 10, 25, 50 
cm° suivant les circonstances. On remplit de nouveau complè- 
tement le flacon de la liqueur primitive, on le bouche et on 
laisse se réduire la masse dans l’étuve d’incubation. On verse 
le contenu de la pipette dans une quantité déterminée de la 
solution centinormale d’iode !), plus que suffisante pour que tout 
l’'H,S soit oxydé. Une expérience préliminaire a appris com- 
bien il faut à peu près d’iode. La solution iodée est acidulée 
au moyen d’acide chlorhydrique, afin que les sulfures en 
présence mettent leur soufre en liberté sous forme d’acide 
sulfhydrique. Le trouble qui prend naissance provient de 
soufre libre, formé sous l’action de l’iode. Si l'acide chlorhy- 
drique produit à lui seul, après dissolution de la majeure partie 
du précipité, un trouble qui ne disparaît plus, cela tient à du 
soufre formé d’une autre manière. Ainsi se trouvent mises en 
évidence les causes de perte de soufre précédemment citées. 
L’excès diode employé est déterminé au moyen de solution 
centinormale d'hyposulfite ?). On retranche cette quantité de 
celle employée au début, et on l’exprime en cem° d’iode normal 
par litre de la liqueur d’expérience. Ce calcul donne directe- 
ment la quantité d’acide sulfurique réduite; car 1 em* de so- 
lution iodée normale correspond à 17 mg. d'hydrogène sulfuré 
et à 40 mg. SO,; c’est-à-dire en supposant, que la réduction n’a 


1) Cette solution se prépare en dissolvant environ 4,27 gr. d’iode dans 
quelques cm° d’une solution concentrée d'iodure de potassium, et en diluant 
ensuite au moyen d’eau de telle sorte qu'à un litre de liquide corresponde 
précisément 1,27 g. d'iode. 

2) Cette solution renferme 2,48 gr. d’hyposulfite (Na, S, O0, +5 H,0) 
au litre, 


17e 


250 M. W. BEYERINCK. 


fourni aux dépens de l’acide sulfurique disparu que de l’hy- 
drogène sulfuré. 


5. Réduction des sulfates dans l’eau et dans 
les solutions nutritives, par culture brute 
dudfermentsulPhydriquie sn) 


Il n’est pas difficile de provoquer, dans l’eau ou dans des 
solutions nutritives diluées et non-stérilisées, une réduction 
complète des sulfates. Dans la nature, p. ex. dans les canaux 
des villes, si les sulfates ne disparaissent pas complètement, 
tout-au-moins ce processus s’accomplit-il, comme on sait, très- 
activement en été, quand les canaux sont fortement souillés 
par les eaux de lavage et les matières organiques décompo- 
sées par la chaleur. Le produit final de cette réduction est 
de l'acide sulfhydrique. Dans beaucoup de villes hollandai- 
ses ce phénomène constitue un véritable fléau, et seuls des 
travaux considérables et coûteux sont capables d’y porter quel- 
que remède. Sitôt que le processus de réduction devient gé 
néral, la teneur de l’eau en oxygène descend à zéro; ou pour 
mieux dire, du moment que la vie bactérienne, favorisée par 
une forte proportion de substances organiques, réduit à rien 
la teneur de l’eau en oxygène, la réduction des sulfates com- 
mence à s’accomplir en grand. On s’imagine facilement que 
ce phénomène provoque une mortalité générale des poissons ?), 
et la faune microscopique subit également à de pareilles époques 
une profonde transformation. Il y a surtout certaines espèces 
d’infusoires qui se multiplient énormément, si bien qu’un verre 
d’eau de canal abandonné à lui-même se couvre en peu de 


1) J'entends par »culture brute du ferment sulfhydrique” le mélange 
de bactéries, tel qu'on le rencontre dans les eaux naturelles, où cependant le 
ferment sulfhydrique trouve les conditions nécessaires à son développement. 

2) Le peuple dit dans ces circonstances que »l’eau est mauvaise”. De 
nombreuses déterminations d'oxygène d’après la méthode de Winkler 
(Ber. d. d. chem. Ges. Jahrg. XXI, 1888, p. 2843) m'ont conduit à l'opinion 
ici exprimée. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 251 


temps d’une couche continue de ces infusoires, qui ont besoin 
d'oxygène !). | ; 

Ce que la nature ne nous offre que de temps en temps et 
en grand peut se réaliser sans peine et rapidement sur une 
moindre échelle au laboratoire. Les expériences, très-intéres- 
santes, doivent être disposées comme suit: 

L’eau des canaux est surtout très-riche en ferment sulfhydri- 
que aux mois de juillet, d'août et de septembre. Quand l’année 
est plus avancée, l’eau s’appauvrit en ferment ou en devient 
même absolument exempte. La boue des canaux au contraire 
renferme toujours les bactéries sulfhydriques. Des échantillons 
suffisamment grands de boue noire de nos eaux intérieures 
constituent donc des matériaux d'infection infaillibles pour 
commencer les expériences de réduction. Dans le terreau des 
jardins j'ai pu démontrer la présence des ferments sulfhy- 
driques à une profondeur de 5 em. Je n’ai pas examiné de. 
profondeurs plus considérables. Il est toutefois probable qu’on 
les trouvera aussi plus profondément. 

Il suffit, pendant les mois que je viens de nommer, Mu 
à l’eau une quantité parfois minime de substances organiques 
pour provoquer la réduction complète des sulfates. Le temps 
nécessaire n’est que de 12-—-24 heures vers 25—80° C. Les 
circonstances qui suivent devront être surtout prises en con- 
sidération : il faut que l’oxygène soit exclus ; — les substances 
organiques ne pourront donner lieu à la formation d’acides, 
ce qui oblige à ne pas ajouter de sucres, ou du moins à en 
ajouter en quantité si faible que les bactéries de l’eau les 
décomposent rapidement en acide carbonique et en eau; — 
des phosphates et d’autres sels doivent être en présence; — il 
ne faut ajouter de combinaisons azotées que s'il s’agit de 


1) Les infusoires que l’on rencontre en masse dans ces eaux ne recher- 
chent päs la concentration la plus forte d'oxygène dissous, mais une 
certaine concentration assez basse. Ils appartiennent à ce point de vue 
au ptype spirille.” 


252 M. W. BEYERINCK. 


réduire plus de 60 mgr. S O, par litre d’eau, l’eau de cana- 
lisation ainsi que l’eau de fossé renferment assez de sub- 
stances azotées naturelles pour suffire aux besoins des microbes 
sulfhydriques. Il faut de plus spécialement observer que l’eau 
distillée s’est toujours montrée jusqu'ici moins favorable à la 
réduction des sulfates que l’eau brute, et cela même après 
ébullition de cette dernière, et quelles que fussent les combi- 
naisons ajoutées. Au début des expériences, quand il s’agit 
d'obtenir des matériaux d’ensemencement riches en ferment 
sulfhydrique, on se verra obligé d'employer l’eau ordinaire 
des fossés ou canaux, car le ferment est beaucoup plus rare 
ailleurs. Jamais les parois des vases, ou la poussière des tables, 
ou l’air ne m'ont fourni de bactéries sulfhydriques !). 

La réduction des sulfates s’opère le plus facilement en so- 
lution très-diluée. Cumme le ferment sulfhydrique ne liquéfie 
pas la gélatine et ne produit pas d’acide, qui pourrait at- 
taquer l’agar, la gélatine et l’agar ne nuisent pas en milieu 
solide à la réduction. Le ferment n’a d’ailleurs nullement cette 
sensibilité extrême à l’égard des corps organiques dissous 
que présente le ferment nitrifiant des sels ammoniacaux, qui 
nitrifie il est vrai énergiquement en présence d’agar longtemps 
lavé à l’eau distillée, mais n’agit que très-faiblement et très- 
peu de temps sur la gélatine, alors même que celle-ci a été 
débarrassée avec le plus grand soin des corps organiques so- 
lubles ?). Il est remarquable que dans le cas du ferment sulf- 
hydrique, les produits finaux de la vie bactérienne, au lieu 
d’être nuisibles au microbe, en favorisent au contraire le déve- 
loppement. C’est probablement là-dessus que repose l'influence 
favorable de l’eau de fossé dont il a été antérieurement question. 
Tout-au-moins les cultures du ferment réussissent-elles beau- 
coup mieux en présence d’autres bactéries qu’en culture pure. 


1) Le ferment sulfhydrique meurt donc probablement à la dessication. 
2) Le ferment nitrifiant des sels ammoniacaux ne provoque pas de liqué- 
faction évidente de la gélatine. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 253 


Conformément à ces dernières données, des liquides où s’ac- 
complit un processus de réduction énergique peuvent être 
très-clairs. Le fond seul est recouvert d’une boue incrganique 
produite sous l'influence du carbonate de soude. Cette boue 
ne peut jamais faire défaut. Elle constitue le milieu où le fer- 
ment sulfhydrique peut trouver facilement des endroïts pour y 
vivre en anaérobie. Dans mes expériences, la boue se compose 
essentiellement de phosphate et de carbonate de calcium mé- 
langés de parties organiques provenant de l’eau de canal. Le 
phosphate et le carbonate de fer sont également très-propres à 
servir de substratum au ferment. On voit souvent, dans la boue 
ferrugineuse, la réduction partir d’un endroit étroitement limité, 
et s'étendre peu à peu, marquée par le noircissement du milieu, 
jusqu’à ce que finalement la couche de boue tout-entière ait 
pris une teinte noire foncée. Cela est surtout remarquable 
parce que le ferment sulfhydrique peut se rencontrer sous 
une forme très-mobile. Il faut donc conclure que cette forme 
mobile n'apparaît qu'exceptionnellement. J’ai aussi trouvé 
comme règle sensiblement générale que les bactéries mobiles 
de différentes espèces, si les conditions de nutrition sont bon- 
nes, se trouvent à l’état de repos complet. 

L’accumulation du ferment sulfhydrique dans une boue 
inorganique rappelle vivement les phénomènes analogues 
dans la nitrification. Il y a cependant ici cette grande différence 
que la boue crayeuse où s'établit le ferment nitrifiant doit 
être saturée d'oxygène, tandis que le ferment sulfhydrique 
réclame l’absence complète de cet élément. 

J’ai réussi par des moyens très-divers à préparer des solu- 
tions d’où l’on peut faire disparaître complètement des quan- 
tités déterminées de sulfate, avec formation d'hydrogène sul- 
furé. La recette la plus simple, qui ne conduit pas toujours, 
il est vrai, mais du moins ordinairement au but, est la sui- 
vante : 

On ajoute à 1 litre d’eau de fossé 3 cm° d’extrait de 
malt d'environ 10° Balling, 1g. de carbonate de sodium 


254 M. W. BEYERINCK. 


cristallisé (Wa, CO, + 10 H,0) et 0,2 gr. de sel de Mohr 
(FeS0, + (NH,), SO, + 6 H,0). Il se forme un précipité de 
phosphate et de carbonate ferreux et calcique, qui se dépose 
lentement. Si la teneur en acide sulfurique de l’eau de fossé 
comporte 40 mg. au litre, la solution renferme 40 + 81,6 = 
121,6 mg., dont 66 mg. peuvent être fixés sous forme de sul- 
fure par les 28 mg. de fer ajoutés, tandis que 55,6 mg. se 
retrouveront sous forme de sulfure de calcium ou autrement, 
aussitôt que la réduction sera complète. On secoue énergique- 
ment, de manière que le précipité se distribue uniformément, 
et l’on remplit complètement de la masse obtenue un flacon, 
ou simplement un grand verre à expériences que l’on recouvre 
d’une plaque de verre plane, de telle sorte qu’il ne reste pas 
de grosses bulles d’air. On place le tout dans l’étuve d’in- 
cubation, à une température qui ne peut dépasser 25—30° C, 
La réduction peut :1l est vrai se faire aussi à des tempéra- 
tures plus élevées, même jusque vers 40° C, mais l’optimum 
des processus de réduction ne se trouve pas bien loin de 
25° C et est plutôt inférieur à cette température. Dans les 
cas où l'emploi de températures plus élevées, supérieures à 
25—30° C, se montre préférable, il faut en chercher la raison 
dans la nature des autres bactéries existant à côté du fer- 
ment sulfhydrique, qui exercent sur le processus de réduction 
une influence importante, surtout par ce qu’elles réclament de 
l'oxygène et parfois par ce qu'elles fabriquent des bases ou 
des acides. Quant à la limite inférieure de la température de 
réduction, j'ai trouvé que ce processus peut s’accomplir, au 
moins en culture brute, jusque vers 12°C. Au-dessous de 20° C 
cependant les phénomènes sont si incertains et font si souvent 
complètement défaut que l’on fera mieux de ne pas laisser la 
température s’abaisser au-dessous de cette température. 

Dans l'expérience dont 1il s’agit ici jai fait usage de 2 
litres de liquide, contenus dans un flacon bouché et com- 
plètement rempli. Chaque iour j'en titrai 25 em° et je remplis 
le flacon à nouveau complètement du mélange primitif. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 255 


La marche de la réduction se dégage du tableau suivant: 


Au Nombre de em: Nombre corres-Nombre corres- 
de la solution | pondant de pondant de Ob ti 

bout | idée normale | mgr. H:S au | mgr. SO, au SOLPAGIONEE 

de par litre. litre ‘) litre ?). 

an A0 75x12; 75t 80 

3 5 25,5 60 | 

4 1,9 BDD A TO 

os) 2,1 | 80 | 34 | Plus d'acide sulfuri- 

| | ACTU 
6 2,1 39 84 | Trace d’acide sulfurique. 


Dans cette expérience il y avait au début 121 mgr. SO, 
au litre, et il en a été retrouvé 84 sous forme d’hydrogène 
sulfuré. Cependant la réaction barytique à montré qu’au bout 
de cinq jours le liquide était complètement exempt d’acide 
sulfurique. Il faut donc que 121—84 — 37 mgr. SO, aient 
disparu d’une autre manière, soit que le soufre en ait été 
fixé dans des substances organiques, soit qu'il ait été éliminé 
comme tel, à l’état libre, soit enfin qu’il ait pris naïssance 
un autre produit de réduction *). 

Comme au bout de six jours J'ai retrouvé une trace d’acide 
sulfurique, il faut que les 25 cm° de liqueur nouvelle qui 
ont été ajoutés le cinquième jour n'aient pas été complète- 
ment réduits au bout de 24 heures. 


1) Un cm* de solution iodée normale correspond à 17 mgr. d'hydrogène 
sulfuré. | 

2) Un cm de solution iodée normale correspond à 40 mgr. SO,. 

3) Plusieurs expériences faites avec des substances nutritives complète- 
ment différentes et des quantites très-diverses de SO, conduisirent à un 
résultat si bien d'accord avec le précédent que je crus d’abord avoir découvert 
une méthode de détermination quantitative de l’acide sulfurique. Des 
recherches ultérieures m'ont cependant montré qu'il y a parfois des écarts 
considérables, non-encore élucidés, de sorte que provisoirement il règue 
encore 1ci beaucoup d'incertitude. 


256 M. W. BEYERINCK. 


Dans une autre expérience, le liquide fut préparé comme 
suit: 

De l’eau de fossé fut saturée de gypse (Ca SO, + 2 H,0; — 
environ 2 gr. de gypse se dissolvent dans 1 litre d’eau). La 
solution renfermait par hasard exactement 1000 mgr. SO, au 
litre. J’ajoutai par litre 50 mgr. de malate de soude, 50 mgr. 
d’asparagine, 100 mgr. de phosphate de potassium et 1 gr. 
de carbonate de sodium. Pas de sels de fer ajoutés. 

La réaction se fit comme suit: 


Au Nombre de Nombre de | Nombre de 
bout ce Es | Mgr. H,S au | ge Ê0 au Observations. 
de par litre. litre. | litre. 
6 jours. 1,5 | 25,5 60 
11 Do 5 
13 2,5 496, 1000 
15 2,9 49,8 116 Léger dépôt de soufre. 
16 3 o1 120 
lee ro 29 A) 
20 3,5 Hoi LS UT 
91 | | ROUTE) 124 L'air a eu accès ; du soufre 
| É | s’est déposé. 


On voit donc qu’une solution saturée de gypse additionnée 
des substances nutritives nécessaires fournit un liquide très- 
propre aux expériences de réduction. Cependant ce processus 
a été très-lent dans le cas présent et seulement 124 mgr. SO, 
sur 1000 ont été réduits. L’addition de nouvelles quantités de 
liquide ne donne pas lieu à une réduction ultérieure. La cause 
de ce fait ne m'est pas connue. Elle ne réside pas dans l’ac- 
cumulation d'hydrogène sulfuré, comme le démontre lexpé- 
rience suivante : 

À de l’eau de fossé renfermant 37,5 mgr. SO, au litre 
furent ajoutés par litre 130,6 mgr. de sel de Mohr(Ffe SO, + 
(NH,), SO, + 6 H,0). Cette quantité de sel ferreux renferme 
53,3 mgr. S0,. Furent ajoutés encore: 492,6 mgr. Mg SO, 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 257 


+ 7 H,0, renfermant 160 mgr. SO,; puis 100 mgr. NaC, 
100 mgr. de malate de sodium, 100 mgr. d’asparagine, 200 mgr. 
de phosphate de potassium et 1 gr. de carbonate de sodium. 
Le liquide renfermait done en tout 37,5 + 53,3 + 160 — 250,8 
mer. S0,1au litre !). 

La réduction, très-énergique, eut lieu comme suit: 


Au Nombre de outre qe Nombre cor- | 
cm desolution | respondant respondant Ë 
Bout iodée or | de ee H:S | de mgr. SO, Observations. 
de par litre. | au litre. au litre. 
3 jours 1,6 22 64. Liquide complètement noir. 
4 2 34 80 Le sulfure ferreux se dépose, 
2,3 39,1 92 Liquide clair. 
6 2.8 47,6 112 
ni 3,4 57,8 136 Un peu de soufre déposé 
sur le verre. 
8 3.6 61,2 144 
9 3,7 62,9 148 
15 4,1 69,7 164 Acide sulfurique 
disparu. 
20 8 51 120 L'air a eu accès: beau- 
coup de soufre. 


Des 250,8 mgr. SO, primitivement en présence, 164 ont + 
été transformés en 1,8 et 86,8 mgr. ont disparu d’une autre 
manière, évidemment en partie sous forme de soufre. 

Je n'ai pu jusqu'ici, dans aucune autre expérience, provo- 
quer une plus forte accumulation d’acide sulfhydrique. Il est 
donc probable que 70 mgr. environ H,S au litre représente la 
limite approximative au-dessus de laquelle ce corps commerce à 


1) Il y avait eu ici, comme on voit, addition de chlorure de sodium. 
Des expériences nouvelles démontrent que 3 °/, de ce sel dans les cultures 
brutes précédemment employées retarde il est vrai le début de la réduction 
par le Spirillum desulfuricans, mais favorise plutôt qu’il ne contrarie, 
à partir de ce moment, le processus lui-même. 


258 M. W. BEYERINCK. 


nuire au ferment sulfhydrique. Comme 1 cm* de gaz hydro- 
gène sulfuré pèse 1,5 mgr., ce nombre correspond à 46 cm° 
autre 1) 

La petite quantité d'acide sulfurique que renferme l’eau des 
canaux de Delft se laisse d’ailleurs réduire rapidement et fa- 
cilement, quand on ajoute à cette eau un aliment organique 
quelconque tel que du sucre, de l’amidon, de la glycérine, de 
l’asparagine, un lactate, un tartrate ou de la peptone, et un peu 
de phosphate de potassium, de chlorure ferrique et de carbo- 
nate de sodium. Il n’y eut, parmi les substances organiques, 
que le butyrate, l’acétate et le formiate de sodium qui se 
montrèrent impropres à provoquer la réduction. Par exemple: 

L'eau de canal renfermant 45 mg. SO, au litre fut addi- 
tionnée de 50 mgr. de glucose par litre, 100 mgr. de phosphate de 
potassium, quelques gouttes de chlorure ferrique, et 0,5 gr. de 
carbonate de sodium. La réduction s’accomplit comme suit, 
la liqueur ayant été ensemencée au moyen de boue provenant 
d’une réduction antérieure: 


Au Ro Nombre de Nombre de 
bout ee de mpgr. PES au | mgr. QUE au Observations. 
de litre. litre. litre. 
heures | 
12 0,2 3,4 ô Le liquide se colore en 
noir. 
18 0,4 6,8 16 
24 0,5 8,5 20 
30 06 ALES 24 L’acide sulfurique a 
disparu. 
AS 0,5 Un peu d’acide sulfurique 


1) M. Bakhuis Roozeboom m'a fait observer que dans un échantillon 
d’eau de mer souillée de corps organiques, et conservée dans un flacon 
fermé dont le fond était recouvert d’un peu d’argile, il a trouvé 151 mgr. 
H,S au litre. Cet hydrogène sulfuré avait dû prendre naissance par ré- 
duction naturelle des sulfates. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 259 


Il y avait donc eu disparition, dans le cas présent, des 
45 mgr. SO.,, de 24 mgr. sous forme d'hydrogène sulfuré, 
et de 21 mgr. sous une autre forme. 

Quand on augmente la teneur en glucose, il faut craindre 
qu'il s’établisse une fermentation butyrique par suite de la 
présence générale des granulobactéries dans l’eau de fossé. 
Quand j’employai par exemple 100 mgr. de glucose par litre 
ou davantage, la fermentation butyrique eu fut le résultat 
inévitable. La réduction se trouve par là complètement 
entravée au début; et dans une solution de cette nature ce 
n'est qu’au bout de plusieurs semaines ou même des mois 
que le phénomène s’accomplit. Il faut d’abord que les buty- 
rates aient disparu ainsi que l'acide carbonique formé en 
quantité énorme. 

Je ne crois pas nécessaire de décrire encore plus d’expé- 
riences. Celles qui précédent ont été prises dans une longue 
série de recherches faites pendant les années 1893 et 1894 *). 
Je me contenterai de faire remarquer que la nature du sulfate 
employé est absolument indifférente (pourvu naturellement qu’il 
ne $oit pas vénéneux). Le sulfate de sodium, le sulfate de 
potassium et l’alun peuvent, à un état de dilution suffisante, 
être réduits tout-aussi facilement que le sulfate de fer, le sel 
de Mohr, le sulfate de magnésium et le sulfate de calcium. 
Il est clair que la présence du groupe SO, importe seule, ce 
groupe se trouvant à l’état d'ions dans le liquide !). 


1) Ce sont des considérations de nature purement pratique qui m'ont 
conduit d’abord à faire ces expériences. Je me proposais de fabriquer 
d’une manière économique une eau absolument privée de sulfate de cal- 
cium, destinée à alimenter les chaudières à vapeur. 

?) Il serait donc plus exact d’après la nouvelle théorie des solutions, 
d'exprimer les résultats des analyses en teneur de SO, au lieu de SO. 


260 M. W. BEYERINOK. 


6. Isolation et propriétés du ferment 
sulfhydrique. 


L'isolation du ferment sulfhydrique m'a donné beaucoup de 
peine. Ce n’est pas que la chose en elle même soit si difficile, 
quand on connaît les propriétés de ce microbe, mais je suis 
parti au début de cette idée fausse, que les bactéries réduc- 
trices ordinaires de l’eau et du sol pourraient réduire égale- 
ment les sulfates !). 

Quand de nombreux résultats négatifs m’eurent enfin appris 
que cette hypothèse n'était pas exacte et qu'il devait s’agir 
d’un agent spécifique ayant la forme spirille, je versai dans 
une erreur d'un autre genre. Je m'étais aperçu que dans de 
nombreuses cultures, surtout dans celles sur substratum solide, 
la réduction des sulfates était favorisée par l’oxygène. Je 
m'imaginai qu'il devait toujours en être ainsi et que le ferment 
sulfhydrique, de même que les autres spirilles à moi connus, 
réclame pour son développement peu d'oxygène il est vrai, 
mais au moins une quantité déterminée de ce gaz. 

Je réussis à isoler de mes cultures de réduction brutes, par 


1) Voici une expérience élégante, permettant d'isoler des cultures brutes 
les bactéries réductrices des nitrates: On mélange à la gélatine nutritive 
1/,, pour cent de nitrate de potassium et un peu d’amidon de pomme de 
terre; on fait bouillir et on verse la masse liquide dans une boîte de verre. 
Après solidification, on verse sur la masse de l’eau distillée, renfermant la 
culture bactérienne brute (une goutte d’eau de lavage, un peu d’eau de 
fossé, etc.). On laisse écouler l’eau en renversant la boîte, et on abandonne 
le culture à elle-même, à une température de 20°C. Quand les colonies 
sont bien développées, on verse sur la moitié de la plaque de l’iodure de 
potassium dissous dans de l’acide chlorhydrique dilué. Toutes les colonies 
qui ont réduit le salpètre et sont donc environnées d’un champ de diffu- 
sion formé de nitrite de potassium, deviennent le centre d’un cercle bleu 
intense d’iodure d'’amidon sur un champ incolore. Les bactéries sont tuées 
par l'acide chlorhydrique. Mais par comparaison on distinguera facilement 
dans la moitié restée intacte les espèces réductrices que l’on emp'oiera aux 
recherches ultérieures. Le nombre des espèces réductrices du nitrate de 
potassium dans l’eau de fossé est remarquablement grand, 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 261 


N 


le procédé ordinaire à la gélatine, trois variétés de petits 
spirilles aquatiques, que je crois appartenir au Spirillum tenue 
Cohn. Je crus avoir chaque fois trouvé le ferment véritable, 
et comme je ne pouvais, surtout au début, m'assurer sans 
peine qu'une espèce déterminée de bactéries ne parvenait 
dans aucune circonstance à réduire des sulfates, je fus obligé 
de recourir à des expériences de longue durée pour déter- 
miner l'impuissance de ces spirilles à se comporter comme 
réducteurs. Les recherches ont été d’ailleurs riches en insuccès 
pour d’autres raisons encore. 

Ce fut un pas dans la bonne voie quand je reconnus que 
l'influence favorable de l’oxygène sur le ferment sulfhydrique 
était une illusion, mais que ce sont en réalité les bactéries 
concomitantes qui se développent mieux dans ces conditions, 
et rendent le sol plus apte à la croissance du ferment sulf- 
hydrique. 

Je compris alors que le ferment, quoique un spirille, est 
cependant anaérobie obligatoire, et ne se développe qu’en 
présence de quantités relativement petites de substances nu- 
tritives organiques solubles. Les phénomènes de réduction 
sont donc surtout apparents dans des solutions nutritives 
anciennes, épuisées par les bactéries. 

En comparaison des espèces ordinaires, ce ferment sulfhy- 
drique ne se rencontre dans mes cultures brutes qu’en quantité 
infiniment petite. J’ai donc dû chercher d’abord un moyen 
d’accumuler le ferment. J’y ai réussi parfaitement en faisant 
usage d’un petit appareil que j’appellerai ballon de séparation et 
dont deux formes sont représentées figs. 1 et 2 !). Ce ballon doit 
servir à séparer, de la plus grande masse des aérobies qui se 
sont développés dans une culture ordinaire, l’air n’ayant qu’un 
accès limité, les anaérobies qui ont pris en même temps nais- 
sance. Le dispositif repose sur le principe que les bactéries ont 
ordinairement un poids spécifique plus élevé que leur milieu 


1) Ces ballons m'ont été fournis par M. le Dr. Rohrbeck à Berlin 


202 M. W. BEYERINCK.. 


nutritif,. Les formes qui ne se déplacent pas soit par leur mobilité 
soit par leur légèreté !) n’ont donc, en l’absence d’une cause exté- 
rieure directe, aucune raison de se diriger vers les couches supé- 
rieures d’une colonne verticale de liquide, mais tendent bien 
plutôt à gagner le fond ?). Le ballon est une modification du 
ballon de fermentation ordinaire et se distingue de ce dernier par 
ce qu’il possède un tube abducteur commençant à l'extrémité 
supérieure du réservoir à gaz. Ce dispositif peut se réaliser de 
deux manières différentes, comme on le voit dans les figs. 1 et 2. 
Dans la fig. 1 le tube abducteur se trouve attaché extérieure- 
ment au ballon et se termine en une pointe capillaire. Quand le 
tube réservoir à gaz et le tube abducteur se trouvent complète- 
ment remplis de liquide, cette pointe capillaire ne permettra, 
grâce à la tension superficielle, que sous un certain excès de 
pression le reflux ou l’écoulement du liquide. Son étroitesse 
_ empêche suffisamment l’accès de l'oxygène. 

Le ballon ne peut rendre service que si le dégagement de 
gaz fait défaut. Sinon la séparation qui doit naturellement 
s’accomplir entre les bactéries ayant des besoins d'oxygène 
différents n'a pas lieu. 

Si l’on cultive dans ce ballon, en solution nutritive con- 
venable, un mélange de bactéries, renfermant des aérobies, et 
des anaërobies obligatoires et facultatifs, on trouvera qu’au bout 
de quelque temps ils se sont distribués de la manière suivante. 
Les aérobies se sont rassemblés dans la portion renflée de 


D mn mn 


i) Peu importe naturellement qu'elles soient réellement non-douées de 
mouvement. 

2) Il y a des bactéries susceptibles de se développer dans des liquides 
ayant absolument le mème poids spécifique qu’elles. Tels sont les ferments 
lactiques, cultivés dans des extraits de malts de 10° Balling. Il va de soi 
que ces microbes se distribuent également dans toute la masse de liquide, 
et qu'il en sera de même dans mes tubes. Mais les bactéries lactiques sont 
des anaérobies facultatifs. Or, j'ai pu observer que les aérobies demeurent 
toujours, même dans des extraits de malt de 20° Balling, au fond du 
tube, et donnent naissance à une couche de séparation bien nette. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC, 263 


l’appareil; dans le tube à gaz ils occupent le fond et dessi- 
nent une ligne de séparation bien nette. Au-dessus de cette 
ligne, le liquide de culture n’est pas complètement exempt 


Fig. 1. 


Hip 2 


® 


1j 


| 
| 


7 


Fig. Ballon destiné à la séparation sommaire des organismes anaérobies 
et aérobies. S'il y a réduction des sulfates, la formation de sulfure ferreux 
devient d’abord perceptible à l'apparition d’un précipité en b. La pointe 
capillaire c laisse écouler, quand on place le ballon obliquement, une cul- 
ture richement chargée du ferment sulfhydrique. En db on ne trouve en 
majorité que des bactéries aérobies ; à capuchon de verre. 


Fig. 2. Autre forme du ballon de séparation. A l’intérieur d’un ballon 
de fermentation ordinaire, fermé par un capuchon de verre, se trouve 
soudé, au moyen d’une goutte de verre g, un petit tube, qui se termine 
d’une part en un petit entonnoir e, et est librement ouvert de l’autre, en 

Si l’on ensemence le liquide nutritif, entre e et d, c’est-à-dire en dehors 
du tube intérieur, au moyen d’un mélange d’aérobies et d’anaérobies, ces 
derniers se rendent en quantité plus considérable dans le tube intérieur 


« que les premiers et se laissent récolter en e. On peut fermer e au début 
au moyen d’une goutte de paraffine. 


d’aérobies, mais ceux-ci ne s’y rencontrent cependant qu’en 
quantité infiniment petite. Si l’on cultive seulement des aéro- 
ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX,. 18 


264 M. W. BEYERINCK. 


bies dans le ballon de fermentation, le liquide du réservoir 
à gaz reste absolument clair et transparent, tandis que dans 
ampoule et au-dessous d’un certain niveau dans le tube à 
gaz lui-même :l est opaque et trouble. Les bactéries fluores- 
centes telles que le B. fluorescens non liquefaciens, cultivé dans 
le bouillon, permettent de faire cette expérience d’une manière 
très-élégante !). 

Les anaérobies facultatifs sont ou bien uniformément dis- 
tribués dans tout le liquide, ou bien accumulés par leur propre 
poids en grande quantité dans l’ampoule; maïs toujours le tube 
à gaz en renferme également beaucoup. 

Les anaérobies obligatoires sont distribués assez uniformé- 
ment dans le liquide entier, mais de telle sorte qu'ils soient 
relativement plus nombreux, comparés à la quantité des aéro- 
bies, dans le tube à gaz que si le mélange était complète- 
ment homogène. 

L'expérience a montré que si une réduction énergique a 
eu lieu dans le ballon de séparation, et qu’on laisse écouler 
une goutte de la pointe capillaire, il s’y rencontre bien plus 
de spirilles sulfhydriques que dans les échantillons recueillis 
par un autre procédé. 

La deuxième forme du ballon de séparation se trouve re- 
présentée fig. 2. Ici le tube abducteur des anaérobies est com- 
pris dans l’intérieur du ballon. Ce tube s’ouvre d’une part 
librement dans l’extrémité du tube à gaz, de l’autre en un 
petit entonnoir compris dans l’ampoule de verre. Il est donc 
facile d’y prendre des matériaux d’ensemencement à l’aide 
d’un fil de platine ou d’un petit tube capillaire. 

Pour mettre l’expérience en train, on remplit le ballon de 
solution nutritive stérilisée et privée d’air, de telle sorte que 
le petit entonnoir dépasse le niveau du liquide. On ensemence 
alors comme d’habitude, en veillant à ce que rien ne s’intro- 


1) Voir encore Th. Smith, Das Gärungskôlbchen in der Bakteriologie. 
Centralbl. f. Bakteriol. Bd. VIL 1890. p. 503. Bd. XIV. 1893. p. 864. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 265 


duise dans l’entonnoir. L’ensemencement doit se faire immé- 
diatement après le refroidissement de l’appareil afin que l’accès 
de l’air soit complètement empêché. Pour arriver facilement 
au refroidissement voulu, il suffit de verser de l’eau sur l’am- 
poule seule; le tube à gaz n’est pas arrosé, afin d'empêcher 
que la descente de liquide froid dans des couches plus chaudes 
n’amène du liquide aéré dans l’extrémité supérieure du tube. 
Les matières sont introduites dans l’espace extérieur en quantité 
aussi grande que possible, On peut, si l’on opère avec quelque 
habileté, ensemencer déjà l’ampoule vers 25°, tandis que la 
température s'élève encore à 66° C dans le tube. Ces obser- 
vations s'appliquent également au ballon représenté fig. 1, 
muni d’un tube abducteur externe, Si l’on craint que de la 
vapeur d’eau ne se condense sur le tube de l’entonnoir et ne 
provoque par capillarité l'infection du tube interne, on peut 
boucher hermétiquement le tube dans l’entonnoir au moyen 
d’une goutte de paraffine, qui se laisse sans peine percer plus 
tard au moyen d’un fil de platine ou d’un tube capillaire, quand 
on veut prendre des matériaux d’ensemencement aux dépens 
des anaérobies facultatifs et obligatoires renfermés dans le tube. 
Si, dans des expériences telles que celles-ci, on ensemence 
l’espace extérieur au moyen de boue de fossé ou du sédiment 
d’une expérience précédente, on ne tardera pas à voir s’ac- 
cumuler le ferment sulfhydrique (en société d’autres spirilles) 
dans l’espace interne. 

Le procédé de culture du ferment sulfhydrique a fait un 
nouveau pas quand j'observai que la présence des petits spi- 
rilles aquatiques ordinaires favorise considérablement le déve- 
loppement de notre bactérie. Je cultive depuis longtemps des 
formes du Spirilum tenue Cohn, et j'ai done pu faire aisément 
usage de cette circonstance. 

Le Spirillum tenue se développe lentement sur les substra- 
tums nutritifs ordinaires, mais cependant sans offrir de diff- 
cultés notables. Le milieu doit être légèrement alcalin et ren- 
fermer de la peptone, soit seule, soit mélangée de sels neutres 

Lo 


266 M. W. BEYERINCK. 


d'acides organiques ou de glycérine. La présence de peptones 
semble tout-à-fait nécessaire, ce qui est intéressant en ce que 
le Spirillum tenue ne fliquéfie et ne peptonise point du tout 
la gélatine et les albuminoïdes, Dans le bouillon de viande 
prennent naissance des cultures magnifiques, où les spirilles 
acquièrent vingt tours de spire ou davantage. Ce qui carac- 
térise les spirilles, c’est la formation de beaucoup de carbonate 
de calcium, en substratum solide aussi bien que liquide. 

Les liquides les plus propres à remplir le flacon de sépa- 
ration sont les mêmes que ceux cités à propos des cultures 
brutes. J'ai cependant fait usage d’autres mélanges encore. Je 
me suis aperçu que si en même temps qu'avec le ferment 
sulfhydrique, on ensemence avec le Spirillum tenue, le degré 
de concentration des substances organiques peut être, dans la 
solution de sulfate, beaucoup plus élevé, sans dommage pour 
le ferment, que si les spirilles font défaut. Mais il faut que 
l’on supprime, comme on l’a vu plus haut, les sucres, sinon 
il y a, dans les cultures brutes, fermentation de ces substan- 
ces et production d'acides. 

On commencera dans tous les cas par faire bouillir les 
liquides, afin de les rendre exempts d’oxygène, avant d’en 
remplir le ballon, et on les chauffera encore une fois dans le 
ballon lui-même. 

J’ai rempli, pour citer un exemple, le ballon de la solution 
suivante : 

Eau de fossé additionnée 

de "4 pour cent de malate de potassium, 
Rs HS Nipeptonensèche, 
Dar , , sel de Mohr,: 

La solution est rendue alcaline et précipitée au moyen de 
carbonate de sodium. 

Ensemencée avec de l’eau de fossé fraîche et le Spirillum 
tenue, elle montre déjà au bout de 24 heures, vers 28° C la 
formation de sulfure ferreux. 

Dans une autre expérience le ballon fut rempli d’eau de 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 267 


fossé renfermant '}, pour cent d’asparagine, |; pour cent de 
sulfate de magnésium, ![, pour cent de phosphate de potassium, 
!},, pour cent de lactate de fer, des traces de peptone et 1 
pour cent de carbonate de sodium, ce qui donne une solution 
très-légèrement trouble. Elle a été ensemencée comme précé- 
demment. Quoique le Spirillum tenue se développe pénible- 
ment dans ce mélange, il y eut bientôt une végétation bacté- 
rienne assez riche dans le ballon, et au bout de 48 heures, à 
30°, production abondante d'hydrogène sulfuré et de sulfure 
d’ammonium. Même une simple solution de !Z pour cent de 
peptone et !}, pour cent de sel de Mohr additionnée d’un 
peu de carbonate de sodium conduit au but. 

Quand le Spirillum tenue n’est pas ajouté artificiellement, 
je trouvai en général que la réduction est d'autant plus intense 
que la teneur en substances organiques est plus élevée, jusqu’à 
un certain maximum où la réduction est entravée. Comme 
il faut cependant que les substances organiques soient pré- 
alablement décomposées par les autres bactéries, 1l s'écoule 
dans ces conditions un plus long intervalle de temps avant 
que la réduction ne devienne perceptible. La plus haute 
concentration dont je me sois servi à été une solution de 
1 pour cent de malate de sodium, !2 pour cent d’asparagine, 
4 pour cent de phosphate de potassium, 7 pour cent de 
chlorure de sodium, 7 pour cent de carbonate de sodium et 
1/},, pour cent de sel de Mohr dans l’eau de fossé. Cette 
solution déposa également, à 28°C, au bout de trois jours, 
du sulfure ferreux. Je ferai encore observer en outre que 
lensemencement mixte, comprenant le Spirillum tenue, donne 
des résultats plus favorables, quoiqu'il ne soit pas toujours 
indispensable pour que ces expériences réussissent. 

On conçoit que dans la portion recourbée b du ballon ilse 
soit déposé un précipité floconneux quand on fait usage des 
solutions nutritives citées, et c’est là que le ferment sulfhy- 
drique se fixe en premier lieu et donne d’abord naissance à des 
taches noires. Plus tard cette coloration noire se propage vers la 


268 M. W. BEYERINCK. 


SX 


partie supérieure du tube à gaz, probablement parce qu’il se 
forme du sulfure ferreux soluble: et des flocons noirs se dé- 
posent en même temps contre la paroi verticale du verre. Ces 
flocons se rassemblent en longues stries verticales, ce qui tient 
évidemment à ce que le ferment sulfhydrique descend sous 
l'effet de la pesanteur, et s'attache à une partie du verre située 
plus bas. Il faut donc admettre que ces bactéries ne se meu- 
vent pas quand les conditions vitales sont favorables. Aussi, 
comme nous l’avons déjà vu, tout tend à montrer que géné- 
ralement les diverses espèces de bactéries susceptibles de mou- 
vement sont d'ordinaire en repos et ne se meuvent que si 
elles y sont forcées. 

Quand, dans le ballon de réduction, le liquide nutritif et le 
ferment sulfhydrique sont prêts à être employés, on peut 
isoler le ferment au moyen de gélatine ou d’agar. Surtout 
l’agar se prête assez facilement à cet usage. 

Le substatum nutritif d’agar se prépare comme suit. 

On lave longtemps à l’eau distillée une solution aqueuse 
d’agar très-claire, deux fois filtrée, pour enlever complètement 
tous les corps solubles. A cet effet, la masse solidifiée dans 
le ballon d’ébullition fut simplement recouverte d’une couche 
d’eau distillée, renouvelée à plusieurs reprises. Elle fut alors 
fondue et bouillie, additionnée d’une quantité extrêmement 
petite d’une solution nutritive renfermant du malate de so- 
dium, de l’asparagine et du phosphate de potassium; puis 
bouillie de nouveau jusqu’à élimination complète de l'air. Pen- 
dant le refroidissement, une goutte d’une solution claire de 
sel de Mohr fut ajoutée au mélange ainsi qu’une trace si 
faible de carbonate de soude qu'aucun trouble ne se produisit. 
Il y fut mélangé ensuite bien uniformément une gouttelette 
prise à la pointe capillaire du ballon de séparation, et le liquide 
fut déversé immédiatement dans des éprouvettes ou des cap- 
sules et des boîtes de verre très-plates de construction diverse. 
Le tout fut aussitôt refroidi dans l’eau. Les capsules étaient hautes 
d’un millimètre, larges d’un décimètre, et fermées par une plaque 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 269 


de verre dépoli. Les boîtes (fig. 3) étaient composées des larges 
anneaux de verre bien connus, sur lesquels s’adaptent parfaite- 
ment des plaques de verre rondes de même diamètre, si bien 
qu'il en résulte un espace de même hauteur que l'épaisseur 
de l’anneau, et de même largeur que le diamètre intérieur 
de celui-ci. On voit qu'il n’y a pas moyen d'obtenir par ce 
procédé, ni dans les éprouvettes ni dans les capsules, une 
masse nutritive complètement exempte d’oxygène, et l’on 
ne réussirait pas à cultiver de cette manière le ferment sulf- 
hydrique, s’il était seul en présence. Mais les matériaux 
d’ensemencement renferment en quantité considérable d’autres 
espèces bactériennes. Celles-ci commencent par consommer 
l'oxygène du milieu en même temps qu'elles préparent celui-ci 
d'autre manière encore, comme on l’a vu à propos des solu- 
tions nutritives, au développement du ferment sulfhydrique. 
Si bien qu’au bout de deux jours ou davantage celui-ci trouve 
dans le substratum les conditions appropriées à son développe- 
ment et à l’accomplissement de ses fonctions réductrices. Il 
commence dès lors à former des colonies. Si dans la flore 
secondaire les spirilles dominent, les colonies croissent pendant 
six à douze jours. La réduction aussi progresse dans ce cas régu- 
lièrement jusqu'à ce que toute la quantité de sulfate présente 
soit décomposée, et le fer complètement déposé sous forme de 
sulfure. Au cas où d’autres espèces bactériennes que les spirilles 
jouent, aux côtés du ferment sulfhydrique, le rôle principal, 
les phénomènes qui se passent dans le substratum solide sont 
très-variables, parfois surprenants et l’on ne peut toujours en 
donner une explication suffisante. Il n’est pas rare alors de voir 
la réduction commencer tumultueusement, pour s’apaiser déjà 
au bout de deux ou trois jours et cesser définitivement; les 
colonies restant alors si petites que l’on recormencera de préfé- 
rence la culture dès le commencement, parce qu'il est bon 
de n’employer pour les cultures ultérieures que des colo- 
nies bien développées. Même ici, en effet, les bactéries sont peu 
nombreuses; souvent leur nombre ne dépasse pas un millier. 


270 M. W. BEYERINCK. 


Si le volume des colonies semble, dans le procédé iei décrit, 
être assez considérable, cela tient à leur enveloppe de sulfure 
ferreux; du moment que l’on dissout celle-ci dans un acide, 
les colonies deviennent souvent complètement invisibles. On 
peut favoriser le développement des colonies en plongeant 
dans une solution nutritive la plaque d’agar qui renferme 
les colonies, soit que cette plaque ait été détachée du verre, 
soit qu'elle adhère encore en tout ou en partie à celui-ci; et 
si l’on renouvelle de temps en temps le liquide, l’accroissement 
des colonies peut durer très-longtemps. De minces plaques 
d’agar peuvent être aisément enroulées sur elles-mêmes, et mises 
dans des flacons bouchés à large col. Des couches d’agar encore 
comprises entre les plaques de verre, qui ne permettent en consé- 
quence que sur les bords l’accès de la solution nutritive, seront 
déposées de préférence dans des boîtes de verre, complètement 
remplies du liquide de culture et parfaitement séparées de l’air 
par un couvercle bien rodé. Cependant même en ayant recours 
à ces artifices, Je n'ai Jamais eu affaire qu'à de très petites 
masses de bactéries, qui réclamaient quelque précaution quand 
il s'agissait de leur emprunter des matériaux d’ensemence- 
ment. Souvent même, quand on croit avoir pris, à l’aide du fil de 
platine, une portion d’une colonie bactérienne, les cultures 
restent stériles. Les difficultés que l'isolation présente se ren- 
contrent surtout lors des dernières manipulations, et des cul- 
tures pures sont surtout désagréables à employer dans des 
expériences ultérieures, car il est difficile de préparer un 
milieu absolument privé d'oxygène sans le secours d’orga- 
nismes vivants. Le peu que l’on sait des bactéries de la pu- 
tréfaction des peptones, dont les espèces les plus intéressantes 
sont, de même que le ferment sulfhydrique, anaérobies, dé- 
montre que je ne suis pas le seul, ceci soit dit en passant, à 


A 


éprouver des difficultés à cet égard !). Je ne me suis d’ail- 


1) Je veux faire observer encore qu'il y a deux classes d’anaérobies 
vrais. Les uns, tels que le ferment butylique, peuvent absorber les der- 
nières traces d'oxygène dans le milieu nutritif, et développent alors la 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 271 


leurs, à propos des recherches actuelles, occupé des expérien- 
ces en culture pure que le temps nécessaire à caractériser 
sûrement les formes au point de vue morphologique, et à 
m’assurer que la réduction des sulfates peut s’opérer par le 
ferment sans le concours d’autres bactéries. 

Mais examinons à présent les propriétés des colonies. Peu 
importe que celles-ci soient incluses dans l’agar ou dans la 
gélatine. Je n’ai pu observer de différences de forme, au moins 
pas assez de différences pour faire songer à plus d’une seule 


Fig 3. Culture d’un mé- 
lange de Spirillum tenue 
(st) et Sp.desulfuricans(sd), 
sur agar (ag), entre deux 
plaques de verre séparées 
par un anneau de verre (av). 
L'espace interne n’est rem- 
pli qu’en partie; ea, espace 
rempli d'air; ma ménisque 
de l’agar, 

La couche aes colonies du 
Spirillum tenue est située 
à quelque distance du mé- 
nisque, en st. Elle s’est donc 
développée sous une pres- 


sion d'oxygène inférieure à 
la normale. Les colonies du Spirillum desulfuricans (s d) sont noires par 
dépôt de sulfure ferreux. Leur entourage immédiat s’est également noirci. 


espèce de ferments réducteurs (voir cependant pag. 272). Il 
n’y à pas liquéfaction de la gélatine. 
51 les sels de fer font défaut, les colonies sont extrêmement 


»forme à oxygène” si caractéristique (Sur la fermentation et le ferment 
butylique (Arch. Néerl. vol. XXIX, p. 35). La deuxième classe, à laquelle 
appartient le ferment sulfhydrique, ne présente pas de forme à oxygène 
pareille et réclame la suppression complète de ce gaz pour pouvoir se 
développer. | 


D M. W. BKYERINCK. 


petites, eb ne présentent rien de caractéristique ; toute produc- 
tion de pigments fait défaut !). 

Les sels de fer sont-ils présents au contraire, les colonies 
sont aisément reconnaissables (fig. 3). Il faut remarquer cepen- 
dant que les propriétés empruntées au sulfure ferreux ne sont 
caractéristiques pour le ferment sulfhydrique que s’il n’y a pas 
d’autres sources de soufre que les sulfates, parce que ces mêmes- 
propriétés se retrouvent chez plusieurs autres espèces de bacté- 
ries, qui produisent de l’acide sulfhydrique par un processus 
différent. Ces dernières espèces toutefois n’ont pas la forme 
spirille, de sorte que la diagnose pourrait toujours se faire 
par l'examen microscopique, si l’on ne rencontrait ei la dif- 
ficulté que la forme spirille du ferment sulfhydrique n’est pas 
toujours nettement prononcée. 

Les colonies réductrices peuvent apparaître sous deux for- 


mes. Tantôt elles sont enveloppées d’une sphère diffuse de 
Fig. 4. 


Fig. 4. (1000). Colonie de Sporil- 
lum desulfuricans comme dans la 
fig. 3, mais fortement grossie. De 
nombreux granules de sulfure fer- 
reux dans l’agar et dans la colonie. 
Les spirilles sont morts en partie 
et colorés en noir. La direction des 
mouvements est indiquée par des 


flèches. 


sulfure ferreux à limites indécises, tantôt ce sont des points 
d’un noir intense sans sphère enveloppante. Je n'ai pu com- 
prendre clairement la signification de cette différence ; seules 
les colonies enveloppées d’une sphère m’ont permis d’opérer 


1) Le Bacterium hydrosulfureum ponticum de M. Zelinsky liquéfie 
la gélatine et donne naissance à un pigment brun. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 273 


des réductions ultérieures, tandis que les ensemencements de 
la deuxième forme sont restés stériles. Pourtant ces colonies 
renferment des individus mobiles, et il ne peut donc s’agir de 
colonies mortes. Je n’ai pu découvrir davantage une différence 
morphologique constante entre les bactéries des deux formes 
de colonies, et je n’ai donc aucune raison de croire à deux 
espèces bactériennes différentes. Je dois cependant observer 
que les colonies enveloppées d’une sphère ne m'ont donné 
dans les cultures suivantes que des formes de même nature. 

La sphère noire enveloppant les colonies et constituée par 
du sulfure ferreux (fig. 4) colore simplement l’agar ou la gé- 
latine de telle facon que la teinte se perd peu à peu sur les 
bords de la sphère; ou bien il y a un précipité de petits 
granules, rarement de fragments irréguliers. Les petites sphères 
ont toutes environ le même diamêtre et ressemblent à s’y 
méprendre à des micrococques. Elles se dissolvent sans résidu 
dans l'acide chlorhydrique et 1l n'y a donc aucune raison 
de leur attribuer un squelette organique quelconque comme 
aux sphérites de carbonate de calcium, beaucoup plus grands 
il est vrai, qui prennent naissance par la réaction du car- 
bonate de sodium sur le chlorure de calcium en présence 
de gélatine ou d’albumine. Ici les sphérules sont évidemment 
uniquement constituées de sulfure ferreux. On les trouve aussi 
dans la masse même des colonies, répandues entre les bac- 
téries; mais ici elles sont bien moins nombreuses, d’où résulte 
que l’espace occupé par les bactéries présente une coloration 
remarquablement peu intense !). 

J'ai supposé dans l’expérience ici décrite que le ballon de 
séparation renferme, outre le ferment réducteur, en majorité 
des spirilles aquatiques ordinaires; ce que j'ai obtenu en 
ajoutant, outre les matériaux d’ensemencement renfermant le 


1) J'ai trouvé dans ces derniers temps des cas ou les taches dans le 
fromage d’Edam, atteint de la maladie dite ,fromage bleu”, sont consti- 
tuées de colonies de Spirillum desulfuricans entourées de leur sphère 
de »micrococques” de sulfure ferreux. (Voir Arch. Néerl. T. 25). 


274 M. W. BEYERINCK. 


ferment sulthydrique, une culture de Spirillum tenue. Si l’on 
emploie comme aliment de la peptone ou un sel organique acide, 
et du sel de Mohr comme source de soufre et comme indica- 
teur, le Spirillum tenue se distingue par un pouvoir de repro- 
duction si énergique que les autres espèces bactériennes sont 
plus ou moins complètement refoulées. Il en résulte que dans 
un ensemencement d’une telle culture entre plaques de verre 
comme le représente la fig. 3, culture permettant d’un des 
côtés l’accès de l'air, seuls le Spirillum lenue et le ferment 
sulfhydrique sont capables de former des colonies en certaine 
quantité, les colonies bactériennes étrangères, surtout les aéro- 
bies, étant presque complètement éliminées. 

Je me permets d'appeler lattention sur une particula- 
rité dans le développement des colonies du Spirillum tenue, 
très-umportante au point de vue des relations des micro- 
organismes avec l’oxygène. Cette particularité consiste en 
ce que, si les spirilles sont uniformément distribués dans 
le substratum solide, les colonies sont surtout accumulées à 
une certaine distance du ménisque. Là-seulement on en 
rencontre de dimensions considérables (st fig. 3). Plus haut et 
plus bas on n’observe plus rien qui ressemble à des colonies 
de spirilles. Il est évident que les colonies se développent à 
un niveau du milieu nutritif où la tension de l’oxygène dis- 
sous atteint une valeur bien déterminée et très faible. J’ai à 
une autre occasion rapporté les bactéries mobiles à trois types 
différents, selon leur mobilité sous l’influence de l’oxygène dis- 
sous: le type aérobie, le type spirille et le type anaérobie. 
L'accumulation des individus, par l'effet de leurs mouvements 
propres, s'opère respectivement chez ces trois catégories aux 
endroits de tension maximum, moyenne et minimum. Or, nous 
voyons que ces trois fypes de mobilité trouvent leur pendant 
dans les {ypes de croissance; maïs je dois observer qu'ici les 
influences de température sont importantes et pas faciles à 
saisir. En tous cas nous sommes fondés à conclure que les 
deux séries de phénomènes sont dus à des causes analogues. 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 275 


L’explication exacte du parallélisme observé reviendra à ceci 
que le mouvement aussi bien que la croissance atteignent un 
optimum d'intensité à des tensions d'oxygène identiques. On 
se demandera dès lors si dans le cas du Spirillum tenue, à la 
tension d'oxygène qu’on doit considérer comme optimum, 
lémission d’acide carbonique atteint également une valeur 
moyenne, ou bien si elle s'élève à une valeur maximum. 
Cette dernière hypothèse est bien la plus plausible, car chez 
les anaérobies obligatoires l’accès d'oxygène empêche com- 
plètement l'émission d’acide carbonique. 

Mais revenons au ferment sulfhydrique. 

Les colonies incluses dans l’agar ou la gélatine sont com- 
posées de spirilles courts, très-peu contournés, ordinairement 
d'environ 4 u de longueur et 1 u d'épaisseur seulement ; un petit 
nombre atteignent une longueur plus grande ou restent très- 
courts. Le nombre des tours de spire est de 1—1, Il est 
rare que l’on observe plus d’un tour entier. La plupart des 
individus se meuvent avec une rapidité moyenne; mais les 
mouvements ne durent qu'aussi longtemps que l’on empêche 
accès de l'oxygène. Du moment que ce gaz arrive en contact 
avec les cultures, les individus les plus mobiles se concentrent 
au milieu de la préparation, où elle est le plus pauvre en 
oxygène; tandis que les individus moins mobiles sont para- 
lysés et restent en place sans bouger. C’est donc le même 
phénomène que j'ai antérieurement décrit à propos de l’in- 
fluence de l'oxygène sur la mobilité du ferment butylique 
anaérobie !). Dans les colonies formées en présence de sels 
de fer, on trouve dispersés entre les spirilles les mêmes 
granules noirs, ressemblant à des micrococques, que nous 
avons déjà appris à connaître au voisinage des colonies (fig. 4). 
Aussi des spirilles morts deviennent-ils des centres d’attraction 
pour le dépôt de sulfure ferreux ; ils se colorent en noir intense et 


1) Centralblatt für Bacteriologie. Bd. XIV, 1893, p. 841. 


276 M W. BEYERINCK. 


augmentent énormément de volume. Souvent la forme de 
spirille devient-elle dans ces conditions très-marquée ?). 

Plusieurs individus du spirille sulfhydrique me laissèrent 
observer non sans peine un cil terminal, peut-être un faisceau 
de cils. Quoique la forme du ferment que l’on rencontre dans 
les liquides soit le plus souvent plus petite encore que celle qui 
compose les colonies en substratum solide, cependant la nature 
spirillaire du ferment et la présence des cils terminaux n’en 
sont pas moins évidentes. Je crois donc pouvoir nommer 
notre ferment Spirillum desulfuricans. 

Tout en essayant de ranger le ferment des sulfures sous 
le nom générique Spirillum, je dois observer que cette iden- 
tification ne peut encore être regardée que comme provi- 
soire, Car il est certain que les organismes appelés jusqu” 
ici Spirillum diffèrent considérablement les uns des autres. 
Cela est vrai par exemple de la manière dont se comportent 
les spirilles à l’égard de l’oxygène libre. On observe trois 
types bien distincts, que l’on peut reconnaître à la fois au 
mode de croissance des colonies et à la , figure de respiration” 
formée par les formes en mouvement. Le type aérobie se 
rencontre chez le Spirillum tyrogenum (et dans le choléra), le 
type spirille chez le Spirillum tenue, le type anaérobie chez le 
Spirillum desulfuricans. 

Il est probable que ces différences physiologiques sont la 
conséquence d’une affinité systématique très-éloignée et on serait 
peut-être autorisé à diviser le genre artificiel Spirillum actuel 
en trois genres naturels au moins. Mais le jour viendra où 


2) J'ai un jour observé dans mes expériences une belle espèce de spirilles, 
qui avait déposé dans l’intérieur de son corps, alors qu’elle était vivante 
et mobile, des grains de sulfure ferreux. M. R. Koch semble avoir 
trouvé également cette espèce, qu'il appelle (à ce qu’il rapporte d’après 
M. Perty, mais j'ai vainement cherché ce nom dans les ,Kleinste 
Lebensformen”) Spirillum leucomelaenum (Mittheil. des Gesundheitsamtes. 
Bd. I. 1881, p. 48). 


LE SPIRILLUM DESULFURICANS, ETC. 277 


nous pourrons mieux embrasser le système entier des bactéries 
qu'aujourd'hui. 

Une fois que le Spirillum desulfuricans a été obtenu en 
culture pure, on ne doit pas croire que toutes les difficultés 
soient vaincues pour les recherches ultérieures. Bien au con- 
traire, elles sont encore bien plus grandes qu'avec les maté- 
riaux bruts. Cela résulte de ce qu’on est obligé d’ermpêcher 
complètement l’accès de l'oxygène, et quiconque s’est occupé 
de recherches pareilles, qui doivent être souvent renouvelées, 
sait combien ïl est difficile d'arriver au but quand on ne 
peut faire usage de microbes aérobies. Peut-être serait-il à 
recommander d'employer le sulfate ferreux au lieu de sel de 
Mohr. Mais ceci encore ne serait qu'un pis aller et malgré que 
Je m'occupe depuis plus de deux ans du ferment sulfhydri- 
que, il reste encore beaucoup de points relatifs à son histoire 
que je n’ai pu établir avec certitude. Même le temps nécessaire 
m'a fait défaut, car on doit réfléchir que le résultat définitif 
d’une expérience de réduction n’est connu qu’au bout de 
_83-—4 semaines, et que dans les procédés en culture pure on 
ne rencontre le plus souvent que des insuccès. Les questions 
suivantes, par exemple, sont encore sans solution: Le ferment 
sulfhydrique est-il capable de réduire d’autres substances 
outre les sulfates? le carmin d’indigo, par exemple, le tour- 
nesol, les sels ferriques, les nitrates ? Les ferments sulfhydriques 
qui provoquent sur les côtes argileuses la production abondante 
d'hydrogène sulfuré et de sulfure ferreux sont-ils identiques 
au Spirillum desulfuricans? Comment l’eau salée agit-elle sur 
ce ferment? Ce dernier, tel qu’on le trouve dans nos fossés et 
nos étangs et dans le sol, appartient-il à une seule et même 
espèce ou à plusieurs? Enfin la question particulièrement 
importante relative à la distribution du ferment dans le sol 
et à la profondeur qu’il y atteint, celle de l’endroit où la réduc- 
tion des sulfates, dans un sol approprié, est complète, tout 
cela ce sont des problèmes non-encore résolus. 


UNE COURBE DE VARIATION À DEUX 
SOMMETS 


PAR 


HUGO DE VRIES. 


Grâce aux travaux célèbres de Quetelet et de M.Galton, 
la méthode statistique s’est depuis longtemps imposée dans 
l'étude de la variabilité, au moins sur le terrain anthropolo- 
gique. C’est dans les dernières années seulement qu'elle à 
commencé à s'étendre aux domaines de la zoologie et de la 
botanique. 

Il s’est montré que la loi de Quetelet et Galton s’ap- 
plique également aux animaux et aux plantes. Mais d’un autre 
côté, 1l a surgi dès l’abord des exceptions ou des écarts de 
la règle générale qui, s'ils n'étaient pas complètement incon- 
nus en anthropologie, viennent seulement d’acquérir à présent 
leur pleine signification !). 

Parmi ces exceptions, on peut citer par exemple les courbes 
de variation dédoublées et les demi-courbes. Les premières sont 
à deux sommets. M. Bateson, qui les a découvertes chez 
des animaux, les appelle dimorphes, proposant d’appeler mo- 


SN 


nomorphes les courbes ordinaires ou à sommet unique ?). Les 


1) Des courbes à deux sommets s’observent également chez l’homme, 
où on les considère comme le résultat de la fusion incomplète de types 
mélangés depuis plusieurs siècles. Voir Ammon. Die natürliche Auslese 
beim Menschen. 1898. 

2) W. Bateson and H. H. Brindley. On some cases of Variation in 
Secondary sexual Characters, in Proceedings Zool. Soc. London, 1899, 
Part. IV. p. 585. Les mêmes faits se trouvent également rapportés dans 
le nouvel ouvrage de M. Bateson: Materials for the Study of Variation. 
London. 1894. 


HUGO DE VRIES. UNE COURBE DE VARIATION, ETC. 279 


demi-courbes ne sont développées que d'un seul côté, et 
pourraient en vertu de ce fait être appelées hémimorphes !). 
Des courbes à plusieurs sommets ou pleiomorphes n’ont pas 
été, à ma connaissance, décrites jusqu'ici, mais il est probable 
que celles-ci non plus ne se feront plus guère attendre. 

Dans les cas de variabilité ordinaire, les individus se grou- 
pent, relativement au caractère examiné, de telle manière que 
les écarts de la moyenne soient distribués autour de celle-ci 
comme autour d’un centre de densité maxima. Plus les 
écarts de la moyenne sont grands de part et d’autre, plus ils 
sont rares. Les écarts suivent la loi bien connue du calcul 
des probabilités. 

M. Bateson découvrit chez les Insectes deux cas où la 
variation s’accomplissait d’une manière différente. Les individus 
chez lesquels le caractère examiné atteignait environ la valeur 
moyenne n'étaient pas les plus nombreux, mais au contraire 
relativement rares. 

La moitié des individus venait se grouper autour d’un centre 
de densité maxima situé au-dessous de la valeur moyenne, 
tandis que l’autre moitié s’accumulait autour d’un pareil 
centre, supérieur à cette même moyenne. Les courbes figurées 
dans les ouvrages cités ont, dans chaque cas particulier, abso- 
lument l'aspect de deux courbes de variation complètes et 
juxtaposées; si bien qu’elles se touchent, sans nullement se 
recouvrir sur une étendue considérable. 

Examinons d’un peu plus près chacun des deux cas. Le 
premier se rapporte à la forficule commune (Forficula auricularia), 
savoir à la pince que les mâles portent à l'extrémité postérieure 
du corps. Il y a des formes à pince très-longue, d’autres à 
pince extrêmement courte. Chez 583 individus récoltés sur les 
îles de Farne près de la côte du Northumberland, la longueur 
minima observée fut de 2,5 mm., la longueur maxima de 9 mm. 


1) Les demi-courbes Galtoniennes, comme indice de variation disconti- 
nue. Arch. Néerl. T. XX VIII, p. 442. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX. 19 


280 HUGO DE VRIES. 


Les formes moyennes, présentant une longueur d’environ 5 mm., 
étaient extrêmement rares; au contraire, les formes à pinces 
longues de 3,5 mm., et d’autres dont les pinces avaient 7 mm. 
de longueur, étaient les plus nombreuses. Les autres valeurs 
venaient se distribuer autour de chacune de ces deux-ci sui- 
vant les règles bien connues. Il y a donc évidemment 
deux formes, mais vivant simultanément sur ces îles et mé- 
langées l’une à l’autre. En d’autres endroits il peut y avoir 
un mélange analogue, mais on peut aussi rencontrer l’une 
des formes à l’exclusion de l’autre. C’est ainsi que dans un 
jardin à Cambridge il n’y avait presque que ‘des individus à 
courte pince; ainsi encore dans un jardin aux environs de 
Durham. Il resterait encore à examiner si la forme à longue 
pince se rencontre isolément. 

Le deuxième exemple connu nous est fourni par un coléoptère 
javanais à grande corne (Xylotrupes Gideon). Les dimensions 
de cet organe furent mesurées chez 342 mâles; la longueur 
fut trouvée osciller entre 0,4 et 2,4 cm. C’est précisément 
au milieu, vers 1,4 cm., que la courbe présente sa dépres- 
sion la plus profonde, tandis qu’à droite et à gauche de cet 
endroit on observe deux courbes de variation en apparence 
complètement indépendantes l’une de l’autre. Il y a donc 
une forme à courte et une à longue corne. Il n’y eut pas 
moyen de découvrir une raison quelconque à cette différence. 

M. Weldon a décrit un cas de dédoublement analogue de 
la courbe de variation en deux autres pour la largeur de la 
carapace frontale chez le Carcinus moenas ). Maïs ici M. Giard 
trouva que l’un des sommets de la courbe de M. Weldon 
provient d'individus déformés par le parasite Portunion moe- 
nadis Le deuxième sommet de la courbe seul serait donc 
normal ?). M. Giard fait remarquer que de pareils cas de 


1) W. F. R. Weldon. Proceed. Royal Soc. of London. T. LIV. p. 313. 

2) A. Giard. Sur certains cas de dédoublement des courbes de Galton, 
dus au parasitisme, et sur le dimorphisme d’origine parasitaire. Comptes 
rendus. T. CXVIIT. Avril 1894 p. 870. 


UNE COURBE DE VARIATION À DEUX SOMMETS. 281 


dimorphisme parasitaire sont loins d’être rares, et que, traités 
d’après la méthode statistique de Quetelet et Galton, ils 
donneraient évidemment naissance à des courbes à double 
sommet. L'auteur croit même que chez les forficules, dans 
les cas étudiés par M. Bateson, des parasites exercent leur 
influence. En effet, les Grégarines sont abondamment répan- 
dues chez ces animaux, et peuvent provoquer un avortement 
assez considérable des caractères sexuels secondaires. 

Il ny à pas de doute qu'une étude plus approfondie de 
ces phénomènes fera connaitre une quantité de courbes dédou- 
blées provoquées par des parasites. Maïs il y a d’autres cas, 
comme M. Giard le dit explicitement, où les causes du 
dimorphisme sont d’autre nature. Il faut songer ici avant tout 
N 


à des différences de race, comme étant théoriquement les 
plus importantes. 


Tout ceci considéré, il m'a semblé n'être pas sans impor- 
tance de publier une courbe à deux sommets que j'avais déjà 
découverte en 1892. En effet, il ne s’agit pas ici de parasitisme, 
mais évidemment d’une différence de race que l’on peut 
directement fixer par sélection. J'avoue que mes expériences 
de culture dans ce sens ne sont pas encore tout à fait 
terminées, et je me propose de les reprendre d’une manière 
plus générale. Cependant cette découverte ouvre la voie à 
d’autres découvertes analogues, et je ne puis que recommander 


\ 


l’étude des courbes dédoublées à ce point de vue. 

L'objet de mes recherches à été le nombre des demi-fleurons 
du capitule chez le Chrysanthemum segetum, une Composée com- 
mune dans nos champs. 

Déjà M. F. Ludwig a publié sur le nombre des demi- 


fleurons des Composées un travail statistique important !), 


1) Prof. Dr. F. Ludwig, Botanische Mittheilungen. Die konstanten 
Strahlencurven der Kompositen und ihre Maxima. Mit einer Tafel. Schriften 
der naturf. Ges zu Danzig. N. F. Bd. VII, Heft 3. 1890. 


195 


282 HUGO DE VRIES. 


dans lequel il a fait pour une série d’espèces de longs dénom- 
brements. Une planche ajoutée au travail représente les cour- 
bes obtenues. Elles montrent au premier coup d’œil leur 
concordance avec la loi de Quetelet et Galton, sont sensi- 
blement symétriques dans leur trajet général et à sommet 
unique, par conséquent complètement normales. Cependant 
un examen plus détaillé montre l’existence de plusieurs maxima 
secondaires moins prononcés, qui ne disparaissent pas alors 
même que l’on fait le dénombrement de plusieurs milliers 
de capitules, mais demeurent au contraire bien constants, et 
sont donc caractéristiques pour les espèces examinées. Ce que 
l’auteur rapporte au sujet de ces maxima secondaires conduit 
à certaines idées qui, au point de vue de l’unité des propriétés 
héréditaires, sont d’une haute valeur théorique. 

La position du sommet principal chez les différentes espèces 
a de l'importance pour l'appréciation des résultats de mes 
expériences. Voici les exemples cités par l’auteur. Le sommet 
de la courbe des demi-fleurons du capitule était situé: pour 
le Senecio Fuchsii en 5, pour les Anthemis arvensis et Achillea 
Plarmica en 8, pour l’Anthemis Cotula en 13, pour les Chry- 
santhemum inodorum et C. Leucanthemum en 21. Or les nombres 
5, 8, 13 et 21 représentent une partie de la série bien connue 
de Braun, relative à la phyllotaxie !}). Il doit donc y avoir 
ici une loi de développement déterminée. Ou en d’autres 
termes, d’après notre nomenclature actuelle, il faut y voir un. 
indice de variation discontinue, tandis que les nombres inter- 
médiaires, appartenant aux autres ordonnées de chaque courbe 
spéciale, sont l'expression de variations continues. 

Je puis confirmer par expérience personnelle cette impor- 
tante découverte. Des dénombrements répétés dans mes cultures 
me donnèrent également 5 comme sommet de la courbe chez 
le Bidens grandiflora, 8 pour le Coreopsis tlinctoria, 21 environ 


1) Dans cette série chaque nombre est égal à la somme des deux précé- 
dents, p. ex. 5 + 8 — 13; 8 + 13 = 91. 


UNE COURBE DE VARIATION à DEUX SOMMETS. 283 


pour le Madia elegans. M. Ed. Verschaffelt trouva égale- 
ment le nombre 13 pour le sommet de la courbe chez l’An- 
themis Cotula !), récolté aux environs d'Amsterdam, près 
Hilversum, c’est-à-dire en une région bien différente de celle 
où M. Ludwig a pris ses matériaux. 

Les courbes de M. Ludwig sont monomorphes et la posi- 
tion du sommet est caractéristique pour les espèces. Les 
nombres 5, 8, 13, 21 sont donc des caractères spécifiques : les 
écarts de ces nombres types obéissent d’une manière générale 
aux lois de la variation continue. 

Je viens de signaler qu'en 1892 je découvris dans mes 
cultures de Chrysanthemum segetum une courbe à deux som- 
nets, dimorphe. Ce que cette courbe offre de remarquable, 
c'est que ses deux sommets correspondent exactement à deux 
nombres de la série de M. Ludwig. L’un de ces sommets 
correspondait à 13, l’autre à 21 demi-fleurons. Le premier 
est identique au caractère spécifique de l’Anthemis Cotula, le 
deuxième à celui des deux autres espèces de Chrysanthemum 
citées par M. Ludwig, les C. Leucanthemum et inodorum. Des 
caractères spécifiques de Composées ordinairement séparés se 
trouvaient donc apparaître, dans mon jardin d’expériences, 
chez la même espèce et dans la même culture. | 

Cette circonstance seule suffit déjà à écarter toute idée d’un 
parasite provoquant le dédoublement de la courbe. Il y a 
évidemment ici une différence de race. Il doit exister deux 
races de Chrysanthemum segetum, dont l’une possède le même 
nombre de demi-fleurons que les autres espèces de Chrysan- 
themum citées, tandis que l’autre présente le caractère spécifique 
de l’Anthemis Cotula. gs 

Mon expérience n'avait, on le conçoit, pas été entreprise 
dans l’espoir de découvrir une courbe à deux sommets, mais 


1) Ed. Verschaffelt. Ueber graduelle Variabilität von pflanzlichen 
Eigenschaften, Berichte der deutschen botanischen Gesellschaft. Bd. XIT, 
p. 390, 


284 HUGO DE VRIES. 


dans un tout autre but. Le phénomène ne fut découvert que 
lorsque les nombres furent notés pour la sélection ultérieure. 
Comme dans cette sélection les individus à plus de treize 
demi-fleurons dans le capitule primaire furent éliminés, je ne 
pus fixer plus tard que l’une des deux races supposées. C’est 
par hasard celle donc le caractère spécifique n’est pas iden- 
tique à celui des C. Leucanthenum et C. inodorum. Je me 
réserve, par une répétition de mon expérience et une sélection 
de l’autre race soupçonnée, de démontrer l'existence réelle 
de celle-ci. !) 

Mes recherches ont toutefois complètement démontré l’exi- 
stence d’une race à courbe des demi-fleurons monomorphe. 
Les graines récoltées en 1892 sur les reproducteurs à 13 demi- 
fleurons donnèrent en 1893 une génération possédant une 
courbe monomorphe. Le deuxième sommet avait complètement 
disparu. 


Après ce court résumé, je me propose de communiquer les 
détails de l’expérience. 

L'hiver de 1891—1892, je reçus par l'échange des graines des 
jardins botaniques des semences de Chrysanthemum segetum 
d'environ 20 établissements différents. Ces divers échantillons 
furent mélangés et semés le 7 mai 1892. Il y avait en tout 
10 cm. de graines, mais la plupart d’un faible pouvoir germi- 
natif. Quand au mois de juillet les plantes commencèrent à 
fleurir, je me trouvai en possession d'environ une centaine 
d'individus, la plupart vigoureux. | 

La génération obtenue était donc le résultat d’un mélange; 
et il n’est pas impossible que les deux races qui apparurent 
plus tard provenaient de sources différentes. Je me propose 


nv 


1) Note de l’auteur. Cette sélection a été effectuée en 1895 et les graines 
des individus à 21 demi-fleurons dans le capitule primaire ont été récoltées 
pour être semées l’année prochaine. 


UNE COURBE DE VARIATION à DEUX SOMMETS. 285 


donc, quand je répéterai l’expérience, de semer séparément les 
graines de provenance diverse. !) 

Pendant la floraison, j'ai commencé par construire la courbe 
des demi-fleurons, non pour les capitules différents, mais pour 
les individus. L'individu se trouvait représenté par le nombre 
des demi-fleurons dans le capitule terminal de la tige prin- 
cipale. Ce capitule s’ouvre presque sans exception le premier 
et présente chez les individus moyens le même nombre ou 
sensiblement le même nombre de demi-fleurons que la plupart 
des autres capitules. Chez les individus plus riches en demi- 
fleurons il arrive souvent que le capitule terminal en offre 
un nombre un peu plus grand que la moyenne des autres. 

J'avais en tout 97 plantes en fleurs. Les deux colonnes 
horizontales suivantes donnent le nombre des demifleurons 
dans le capitule terminal de leur tige principale. La colonne 
supérieure renferme le nombre de fleurs ligulées par capitule; 
l’inférieure donne le nombre correspondant d'individus dont 
le capitule primaire possède le nombre de demi-fleurons supé- 
rieur correspondant. 


Courbe des demi-fleurons pour 1892. 
Demi-fleurons: 12 13 14 15 16 7 18 


Individus : 1 14 13 4 6 9 vi 
Demi-fleurons : 19 20 ZA DD 
Individus : 10 11 20 1. 


La courbe correspondant à ces nombres se trouve repré- 
sentée fig. 1. Elle présente nettement deux sommets, dont 
chacun correspond au caractère spécifique d’une des Com- 
posées citées ci-dessus (13 pour l’Anthemis Cotula, 21 pour les 
Chrysanthemum spp.). 

En opérant la sélection, j’ai arraché conformément au but 
que je me proposais alors, aussitôt après avoir compté ses 


1) Cette séparation n’a pas confirmé l’hypothèse émise dans le texte 
(Août 1895). 


286 HUGO DE VRIES. 


demi-fleurons, chacun des individus qui en avait plus de 13. 
Quand j'eus complété mes dénombrements et que la forme de 
la courbe devint visible, il ne me restait donc plus que 
les individus à 12 et 13 demi-fleurons. Une pareille manière 
de procéder réclame beaucoup moins de temps que si l’on 
voulait marquer séparément chacun des individus. On peut 
d'autre part procéder tous les jours au dénombrement sur 
des individus dont le capitule primaire est en train de s’ou- 
vrir. On empêche ainsi les individus qui doivent être éliminés 
de féconder les autres. 

Peu de temps après que cette sélection eût été accomplie, 
les reproducteurs se mirent à fleurir abondamment. Je comptai 
encore le nombre des demi-fleurons des capitules portés par 
les axes latéraux, et en ayant plus de 13, afin de voir si le 
deuxième sommet apparaîtrait peut-être encore. Il y avait en 


Fig. 1. 


0 1 14 13 4 6 9 7 10 12 20 1 0 


Chrysanthemum segetum. Semis mélangé. Courbe des demi-fleurons dans 
le capitule primaire de 97 individus en 1892. Les nombres de la rangée 
supérieure indiquent le nombre des demi-fleurons, ceux de la rangée in- 
férieure celui des individus (fournissant les ordonnées) présentant ce nombre 
de demi-fleurons. 


tout 101 capitules. Le résultat se trouve rassemblé dans le 
tableau suivant, disposé comme ci-dessus. Le sommet de la 
courbe situé sur 13 n’a toutefois pas été porté dans le ta- 
bleau. Je n’ai pas compté, mais simplement taxé le nombre 
des capitules à 13 demi-fleurons. 


S 


UNE COURBE DE VARIATION à DEUX SOMMETS. 287 


Courbe des reproducteurs de 1892. 
Demi-fleurons : 13 14 15 16 17 18 


Capitules : — 49 18 17 7 5 
Demi-fleurons: 19 20 21 22 
Capitules : 1 3 1 0 


Les individus choisis pour en récolter les graines ne mon- 
traient donc pas le maximum en 21. Le recensement que 
je viens de relater fut terminé le 10 août. Il y eut encore 
plus tard sur ces plantes un nombre assez grand de capi- 
tules qui s’ouvrirent, mais ceux-ci devinrent de plus en 
plus petits et débiles. En même temps la variabilité dimi- 
nua, c'est-à-dire qu'il y eut de moins en moins de capitu- 
les à nombreux demi-fleurons qui prirent naissance, jusqu’à 
ce que finalement presque tous les plus jeunes capitules 
n’en montrèrent plus que 13 ou 14. 

Parmi tous ces capitules je n’en trouvai qu’un seul à 11 
demi-fleurons, et pas un seul à 10 ou moins de 10, 

Je récoltai en septembre les graines des reproducteurs; ils 
donnèrent ensemble environ 30 cm*. de graines, qui furent con- 
_ servées mélangées entre elles, et dont la moitié environ servit 
aux semis de l’année suivante (1893). 

J’obtins en juillet de cette année 162 plantes en floraison. 
Je procédai au dénombrement des demi-fleurons dans leurs 
capitules terminaux et j'obtins ainsi, pour chacun des indi- 
vidus, une valeur numérique. Ces nombres sont rassemblés, 
d’après le schéma déjà employé ci-dessus, dans le tableau 
suivant : 


Courbe des des demi-fleurons en 1893. 


Demi-fleurons : 8 9 LOST 12 13 
Individus : 2 1 0 4 je 94 
Demi-fleurons : 14 15 16 17 18 19 
Individus : 25 7 dl 1 2 0 


Demi-fleurons : 20 21 
Individus : 8 0 


288 HUGO DE VRIES. 


La courbe correspondant à ces résultats numériques se trouve 
représentée fig. 2. On voit qu’elle n’offre absolument qu’un 
sommet unique. Ce n’est plus la courbe de races mélangées 
mais celle d’une race pure. Son sommet coïncide avec celui de 
1892, et se trouve en 13, la valeur caracteristique de l’Anthe- 
mis Cotula, comme nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises. 

Des individus à 21 demi-fleurons dans le capitule primaire 
font défaut; la deuxième race dont l’existence avait été soup- 
connée en 1892 a donc ici complètement disparu. Il est 
remarquable ensuite que le sommet demeuré constant est 
bien plus nettement situé en 13, c’est-à-dire que la courbe 
est devenue bien plus étroite et plus fortement ascendante. 


Fig. 2. 


\ 
X 
\ 
\ 
SS 
—— ; ANT D 
7 8 cr] 10 11 72 13 7% 75 16 17 78 79 50 21 
9 2 1 0 7 13 94 25 7 7 1 2 0 3 0 


Chrysanthemum segetum. Semis après sélection des plantes à 135 demi- 
fleurons. Courbe des fleurs ligulées dans les capitules terminaux de 162 
individus en 1893. La colonne supérieure donne le nombre des demi- 
fleurons; l’inférieure celui des individus (fournissant les ordonnées) présen- 
tant ce nombre de demi-fleurons. 


UNE COURBE DE VARIATION à DEUX SOMMETS. 289 
Les trois individus à 8 et 9 demi-fleurons étaient débiles ; ils 
furent arrachés. J’éliminai encore quelques individus débiles à 
11 et 12 demi-fleurons. Il me resta comme reproducteurs les 
plantes vigoureuses présentant les mêmes nombres; il y en avait 
une à 11 et 10 à 12 demi-fleurons dans le capitule terminal. 
Toutes les plantes à 13 demi-fleurons ou davantage furent 
arrachées, sans leur laisser le temps de continuer à fleurir. 
Les reproducteurs choisis furent peu de temps après la 
sélection soumis à un examen détaillé. A cet effet je comptai 
le nombre des demi-fleurons de leurs capitules, lorsqu'ils en 
avaient ouvert deux ou trois. J’obtins ainsi, de la même 
manière que précédemment, le tableau que voici: 


16 © 0 1 COM be DRE TN Le Gien 
Demi-fleurons: 10 11 12 13 14. 


Capitules : Il 1 3 12 1. 
Demi-fleurons: 15 16 17 18 19. 
Capitules : 3 Î 2 2 1. 


Cela fait en tout 27 capitules portés par des axes latéraux, 
dont environ la moitié présenta le nombre correspondant au 
sommet de ia courbe. Quant au maximum de 21, il avait 
ici complètement disparu. 

_ Je répétai le dénombrement le 8 août, en n’y comprenant 
pas les capitules déjà relevés dans le tableau précédent. De 
même que l’année précédente, la variabilité se montra consi- 
dérablement diminuée. Il n’y avait plus que des capitules 
à 12, 13 et 14 rayons. Le dénombrement donna ce qui suit. 


Reproducteurs en l’automne de 1898. 
Capitules à 12 demi-fleurons 6 
HS ion ; 65 
lis, Ê 10 
Ici encore le sommet de la courbe se trouvait correspondre 
avec une plus grande netteté à 13 que l’année précédente, 
où les capitules à 14 demi-fleurons étaient encore relativement 


» 


» » 


nombreux. 


290 HUGO DE VRIES. 


Je récoltai séparément les graines de ces onze plantes. Je 
semai en 1894 les graines de trois de ces plantes, dont le 
capitule terminal avait 12 rayons, afin de contrôler d’autant 
mieux la pureté de la race obtenue. Je semaï les graines des 
trois plantes-mères sur trois parterres différents; chacun de 
ces parterres avait environ 2 mètres carrés de surface. 

En juillet, quand les capitules terminaux commencèrent à 
fleurir, j’obtins ainsi de nouveau pour chaque individu une 
valeur numérique, pouvant lui servir de caractère. Le recen- 
sement fut fait séparément pour chacun des trois parterres, 
et j'obtins ainsi une série de nombres (une courbe) pour 
chacune des trois familles. Les nombres obtenus, rassemblés 
de la manière ordinaire, sont les suivants; les chiffres I, II, 
IIT indiquent les trois familles : 


Courbes des demi-fleurons de trois 
familles en 1894: 


Demi-fleurons : 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 1 


9 20 21. 

Individus: 10 O0 110 59 18 2 3 4 O O 2 1. 
; II 0 1 411 89 11 5 0 0 On 

: III 1 9 3 10 78 21 1 2 0 0 00m 
Somme I—III 1 3 8 31221 560 8 6 42 OR 


Le nombre des individus s'élevait donc dans chacune des 
trois familles à 


JE IT. III. Somme. 
101 124 113 338. 


On le voit, les courbes des demi-fleurons sont de nouveau 
à sommet unique. Leur sommet se trouve, comme en 1893, 
en 13. Elles sont également tout aussi fortement ascendantes 
qu'en cette même année. Les trois familles ne diffèrent entre 
elles que dans les limites des erreurs d'observation ordinaires, 
Toute trace du deuxième sommet primitif fait encore défaut 
à présent. 

On pourra comparer plus exactement les résultats de 1893 


A 


UNE COURBE DE VARIATION à DEUX SOMMETS. 291 


et 1894, en procédant, comme le fait M. Galton, d’après 
la valeur moyenne et l’amplitude de la variation. M. Galton 
appelle valeur moyenne celle que la moitié des individus n’at- 
teint pas et que l’autre moitié dépasse. Cela suppose il est 
vrai que la variation se fait d’une manière absolument conti- 
nue, et n'ait pas lieu par degrés, comme le veut ici la nature 
du caractère étudié. La valeur moyenne a donc été calculée 
par interpolation: elle ne doit pas être un nombre entier ‘). 
C’est ainsi que je trouvai ce qui suit. 
Valeur médiane de Galton. 


en 1893 13,1 
en 1894 l'E M 


c'est-à-dire exactement la même valeur. 

L’amplitude de la variation se mesure d’après M. Galton 
en déterminant l'importance sur la courbe du groupe moyen 
des individus, comprenant la moitié de l’ensemble. 

La distance à la valeur moyenne des deux limites de ce 
groupe se détermine encore par interpolation. Dans une courbe 
symétrique ces deux valeurs sont évidemment égales entre 
elles. L’une des limites est dépassée exactement par un quart 
des individus dans un sens: et il en est de même de la 
deuxième limite dans l’autre sens. Ces valeurs sont nommées 
par M. Galton les valeurs quartiles. J’ai trouvé ce qui suit. 


Valeur quartile de Galton. 
Q, Q, 
en 1893 0,4 0,6 
en 1894 0,4 0,4. 


La différence est insignifiante. En d’autres termes, les cour- 
bes de 1893 et 1894 ont la même inclinaison. Comme de plus 
leurs sommets occupent précisément la même position, elles 


_—— 


1) Cela me conduirait trop loin de donner ici le raisonnement complet. 
Je renvoie à l'ouvrage de M. Galton, Natural Inheritance. Voir aussi 
Verschaffelt. Ber. d.d. bot. Ges. L.c. 


292 HUGO DE VRIES. 


la 
la 


SL 


se recouvriraient exactement, si elles étaient dessinées 


y 


même échelle. La fig. 2 peut donc s’appliquer aussi 
courbe de 1894. 
Les valeurs précédentes permettent dé calculer la valeur 


PE employée par M. Verschaffelt Si l’on prend 


” 
M? 
pour valeur de Q la moyenne des nombres précédents, on 
trouve 
0,45 
18,1 
Si l’on compare ce nombre à la valeur donnée par M. Ver- 
schaffelt pour la courbe des demi-fleurons de l” Anthemis 
Cotula 'j et la valeur correspondante pour le Coreopsis tinc- 
toria, déduite de mes cultures de 1893 ?), on obtient la liste 


PV — 0,034. 


suivante : 
Anthemis Cotula 4 =. — (07 
Lo 0,4 
Coreopsis tinctoria = 31 — 0,049 
: 0,45 
Chrysanthemum segetum V = 151 = 0,034 


Résumé. 


1. Un mélange de graines de Chrysanthemum segetum, de 
diverse provenance, a fourni des plantes dont la courbe du 
nombre des demi-fleurons dans le capitule terminal de la 
tige primaire était une courbe à deux sommets (fig. 1). 

2. Les deux sommets de cette courbe étaient situés sur Îles 
nombres 13 et 21, et correspondent donc aux sommets des 


courbes à sommet unique d’autres espèces de Composées 
(Anthemis, Chrysanthemum Leucanthemum). 


1) lc. p. 354. 
?) Ber. der Deutschen bot. Ges. Bd. XII, p, 200. 


UNE COURBE DE VARIATION À DEUX SOMMETS. 293 


3. Les caractères spécifiques de deux espèces voisines se 
trouvaient donc mélangées ici dans une seule et même espèce. 

4 Ces faits conduisent à soupçonner l'existence de deux 
races du Chrysanthemum segetum, dont l’une serait à 13, l’autre 
à 21 demi-fleurons Ces nombres varieraient alors d’une manière 
continue, dans les deux races, suivant la loi de Quetelet 
et Galton. En semis mélangé les deux courbes se recou- 
vriraient partiellement et provoqueraient ainsi la présence de 
deux sommets, le dimorphisme. 

5. Les deux formes doivent pouvoir être séparées par la 
sélection et amenées à se reproduire comme des races pures. 
C’est ce que j'ai fait pour la race à treize demi-fleurons !) 
Elle m'a fourni déjà dans la génération suivante (1893) une 
courbe de variation à sommet unique, symétrique, par consé- 
quent normale (fig. 2). Le sommet se trouvait exactement 
en 13 (valeur médiane d’après M. Galton = 13,1). 

6. Cette race se conserva dans la génération suivante (1894) 
avec une constance parfaite, et avec la même variation con- 
tinue. 

7. Les courbes des demi-fleurons de M. Ludwig sont il 
est vrai à sommet unique, monomorphes, mais montrent des 
maxima secondaires, dont les positions correspondent aux 
caractères spécifiques d'espèces voisines; on pourrait d'après 
les résultats precédents s'attendre à ce qu’ils correspondent 
peut-être à des races secondaires cachées. Si cette hypothèse 
était reconnue exacte par des expériences de sélection, on se 
trouverait peut-être avoir entre les mains les matériaux pro- 
pres à étudier expérimentalement une ,espèce naissante”. 


1) J’ai commencé en 1895 la même expérience pour la deuxième race; 
voir page 284. 


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ARCHIVES NÉERLANDAISES 


Sciences exactes et naturelles, 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES SUR LE CŒUR 
SUSPENDU 


TROISIEME MEMOIRE. 
SUR LA SIGNIFICATION, POUR LE RHYTHME CARDIAQUE, DE LA 
PHASE RÉFRACTAIRE ET DU REPOS COMPENSATEUR. 


PAR 


Th. W. ENGELMANN. 


Les partisans de l’ancienne doctrine, qui considère le système 
nerveux et ganglionnaire du cœur comme l’agent du rhythme 
cardiaque, ont fréquemment invoqué dans ces dernières années, 
à l’appui de leurs vues, des différences, réelles ou prétendues, 
entre les phénomènes de la pointe du cœur et ceux du ventricule 
entier. La première ne renferme pas de ganglions, le deuxième 
en possède. Une différence de cette nature existerait par exemple 
dans le repos compensateur découvert par M. Marey, 
que l’on donne comme caractéristique du cœur muni de 
ganglions. J’ai toutefois conçu des doutes au sujet de la valeur 
démonstrative réelle des faits invoqués à l'appui de cette 
affirmation, et j'ai entrepris en conséquence une étude expé- 
rimentale du sujet, dont les résultats seront exposés dans les 
pages suivantes. 

En 1876, lors de ses recherches bien connues relatives à 
l'action sur le cœur d’excitations électriques, M. Marey !) 
avait démontré que la sensibilité du ventricule en pulsation 


1) J. E. Marey. Des excitations artificielles du cœur. Travaux du labo- 
ratoire de M. Marey. 2 année 1875, p. 63. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX, 20 


206 TH. W. ENGELMANN. 


spontanée pour une excitation électrique artificielle diminue 
pendant chaque systole ventriculaire, pour s’accroître de nouveau 
pendant la diastole suivante. Il avait en même temps remar- 
qué que l’application d’une excitation artificielle n’influe pas 
sur le nombre total des systoles. Si, en effet, il en résultait 
une systole supplémentaire, la contraction spontanée suivante 
du ventricule était retardée du même espace de temps dont 
la systole additionnelle avait précélé la fin de la période 
cardiaque normale, dans laquelle tombait l'excitation arti- 
ficielle. ,Après chaque systole provoquée il se produit un 
repos compensateur qui rétablit le rhythme du cœur un 
instant altéré”. Ce ,repos compensateur”, dans lequel 
M. Marey voyait un important ,corollaire de la loi d’uni- 
formité du travail du cœur”, M. Dastre l’a étudié de 
plus près '). Il se proposait de déterminer s’il repose 
sur une propriété particulière ou de la substance musculaire 
ou du système nerveux ganglionnaire du cœur. A cet effet, 
M. Dastre a examiné l'influence d’excitations artificielles 
sur la pointe du cœur isolée en remplaçant les excitations 
ventriculaires normales par des courants d’induction inter- 
mittents très-rapides, qui firent entrer la pointe du cœur, 
au moins pour quelque temps, en pulsation périodique 
régulière. Par renforcement momentané des courants d’induc- 
tion excitateurs, il y eut de temps en temps addition d’une 
excitation supplémentaire. Suivant la phase du cycle cardiaque 
dans laquelle tombait cette excitation, il y avait une action 
visible ou bien ïl n’y avait pas d'action. S'il se produisait 
une systole ventriculaire additionnelle, le repos compensateur 
faisait défaut, contrairement à ce qui s’observe dans le cœur 
en pulsation spontanée. M. Dastre en conclut que ,la loi 
d’uniformité du rhythme est une propriété de l’appareil gang- 
lionnaire du cœur”. 

Les expériences de M. Dastre ont été récemment reprises 


1) A. Dastre. Recherches sur les lois de l’activité du coeur. Paris 1882. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC | 297 


par M. Kaiser avec une résultat analogue !) ,Si l’on fait entrer 
la pointe du cœur, dit M. Kaiser (l.c.p.287) en pulsation 
spontanée par un des moyens dont on dispose, on peut par 
des excitations électriques ou mécaniques superposées provoquer 
une contraction supplémentaire; on n'observe jamais ensuite 
de prolongation de la pause, tandis que dans le cœur muni 
de ganglions toute contraction supplémentaire est régulière- 
ment suivie d’une pause prolongée”. 

M. Kaiser voit dans ce phénomène, de même que M. 
Dastre, une preuve du fait que le rhythme de la contraction 
ventriculaire normale ne peut s'expliquer par les propriétés de 
la substance musculaire seule, maïs qu’il lui faut le concours 
d’un système nerveux et ganglionnaire dans le ventricule. 

Je montrerai dans la suite de ce travail que l’exposition des 
faits, telle qu’elle est donnée par MM. Dastre et Kaiser, 
est incomplète, et que l'affirmation générale établie par le 
dernier auteur est inexacte. On peut, en effet, provoquer tout 
aussi bien dans la pointe de cœur isolée, malgré qu’elle soit 
privée de ganglions, le phénomène du repos compensateur 
que dans le cœur intact. On verra en outre qu’abstraction 
faite de cette circonstance, la conclusion de MM. Dastre et 
Kaiser repose sur une hypothèse inexacte. Dès lors leur 
démonstration en vertu de laquelle les nerfs et les ganglions 
devraient coopérer au rhythme cardiaque normal perd égale- 
ment toute valeur. 

Mais avant de prouver ce que j'avance, il est nécessaire 
d'examiner d’un peu plus près la période réfractaire du cœur 
dans son ensemble: car maigré les travaux approfondis de 
M. Marey et de ses successeurs, les faits ne sont pas encore 
assez complètement connus. Je crois d’ailleurs que quelques 
idées fausses se sont introduites dans ce domaine, qui pourraient 


1) K. Kaïser. Untersuchungen über die Rhythmicität der Herzbewe- 
gunoen, ÎT. Zeitschrift für Biologie. Bd, XXX, N.EF. XII, 1894, p. 279. 


20! 


298 TH. W ENGELMANN. 


facilement nous empêcher de pénétrer plus avant dans la 
connaissance de l’enchaînement mutuel des phénomenès car- 
diaques. 


Sur la ,phase réfractaire” du cœur. 


On ne pourrait exactement apprécier l'effet d’une excita- 
tion artificielle sur un cœur battant régulièrement soit de lui 
même, soit à la suite d’une autre excitation artificielle, si 
l’on ne connaît exactement la série entière des modifications 
de l’excitabilité subies par la musculature du cœur sous l’in- 
fluence de la systole, dans les conditions de l’expérience. Ce 
n’est pas le ventricule seul, mais encore l'oreillette qui présente 
un stade réfractaire, et il faudra d’abord soumettre à l’examen 
es deux divisions cardiaques séparément avant que l’on essaye 
de comprendre la manière dont travaillent ensemble l’oreillette 
et le ventricule. 

Je commence par m'occuper des faits relatifs à la phase 
réfractaire du ventricule. 

On rencontre souvent aujourd’hui l’opinion que l’excitabi- 
lité du ventricule, diminuée pendant la systole, revient déjà 
à sa hauteur maximum pendant que la musculature se re- 
lâche. En d’autres termes, la phase réfractaire ne se 
prolongerait pas au delà de la fin de la diastole. 
MM. Lauder Brunton et Cash!) ont même prétendu 
que l’excitabilité du ventricule diminueraït déjà dans le cou- 
rant de la pause consécutive à la diastole. Cette dernière 
affirmation ne me semble recevoir aucun appui ni des publi- 
cations déjà faites ni de mes propres recherches. Mais la 
première opinion, qui conduit à des conséquences douteuses, 
n’est elle-même pas soutenable. Cela résulte déjà des expéri- 


me 


F) T. Lauder Brunton and Theod. Cash. On the effect of Electri- 
cal Stimulations of the Frogs Heart, and its Modification by Heat, Cold and 
the Action of Drugs. Proceed of the Roy. Soc. of London, vol. XXXW, 
1883. p. 455. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 299 


ences bien connues de Bowditch et Kronecker. l’inter- 
valle de temps durant lequel la réceptivité du ventricule, di- 
minuée par une systole, s'accroît de nouveau peut, en vertu 
de ces expériences, durer beaucoup plus longtemps que le 
relàächement du ventricule, plus longtemps même que la péri- 
ode cardiaque tout-entière. Le cœur battant avec sa fréquence 
normale ne montre il est vrai rien de ce genre, car entre la 
fin d'une VW; et le commencement de la W, suivante, il n’y 
a pas de pause ou pas de pause suffisamment longue, Ici 
l’excitabilité reportée pendant la diastole à une certaine valeur 
s’abaisse aussitôt de nouveau sous l'influence de la nouvelle 
V,. Si toutefois on amène le ventricule à ne battre qu’à de 
plus longs intervalles, il ÿ à moyen de montrer que son exci- 
tabilité continue en géneral à augmenter encore après que 
le relâchement s’est accompli. On comprend que dans le 
cœur parcouru par un Courant sanguin le maximum de 
l’excitabilité est bien plus rapidement atteint, après la fin de 
la systole, que dans le cœur vide de sang. Dans ce dernier 
cas il faut à la température ordinaire cinq secondes et davari- 
tage. Si l’on se sert, comme le fit le premier Bowditch, de 
la pointe d’un cœur séparée de l’organe par ligature ou par 
excision, et s’arrêtant d'elle-même, et qu’on l’excite à des 
intervalles réguliers par une secousse d’induction ou un cou- 
rant brusque, on sait que de telles excitations, pour agir 
infailliblement, doivent être séparées l’une de l’autre par des 
pauses d'autant plus longues que les courants sont plus faibles. 
Si les pauses dépassent une certaine durée, généralement un 
certain rombre de secondes pour la pointe du cœur excisée, 
Bowditch a montré et j'ai toujours pu vérifier que la 
réceptivité diminue toujours un peu Cependant des excitations 
efficaces à de plus courts intervalles peuvent lui rendre une 
valeur plus élevée. 

MM. Lauder Brunton et Cash n'auraient certaine- 
ment pas établi leurs conclusions, s'ils avaient excité au 
moyen de courants encore plus faibles. Leur ,minimal stimu- 


300 TH. W. ENGELMANN. 


lation” était sans le moindre doute une excitation encore très- 
intense, car la phase réfractaire pour cette excitation était déjà 
passée au moment du sommet de la systole. 

Les auteurs anglais ont opéré sur le cœur tout entier, et 
non sur la pointe isolée. On pourrait donc croire qu’il résulte 
de cette circonstance une différence importante. D’autant 
plus que M. Marey, qui à également opéré sur le cœur en 
son entier, et reconnut et démontra aussitôt l'influence de 
l'intensité de l'excitation sur la durée du stade réfractaire, 
semble avoir vu que ce stade ne se prolonge pas ou très-peu 
au-delà de la fin de la systole, même quand l'excitation est 
peu intense. Il dit textuellement: ,Si l'excitation est faible, la 
période réfractaire dure au moins pendant toute la phase 
systolique; quand l'excitation augmente de force, la phase 
réfractaire se réduit aux premiers instants de la systole ven- 
triculaire et finit par disparaître tout-à-fait si l'excitation 
devient assez forte ? 

Cependant on démontre sans peine pour le cœur normal, 
se trouvant dans les meilleures conditions de nutrition, que 
l’excitabilité continue encore à s’accroître jusqu’à la fin de 
la diastole ou même au delà. C’est ce que m'ont montré encore 
des expériences sur le cœur arrêté par l’application de la liga- 
ture de Stannius, et amène, soit en place, soit après excision, 
à exécuter des pulsations régulières. Les différences que l’on 
peut observer à ce point de vue sur la pointe du cœur isolée 
sont simplement d'ordre quantitatif et s'expliquent suffisam- 
ment par les conditions de nutrition plus défavorables dans 
lesquelles se trouve dans ce cas la musculature cardiaque. 

La méthode de suspension permet d’étudier ces phéno- 
mènes de la manière la plus commode. J’ai montré jadis que 
l'introduction d’un crochet dans la pointe du cœur, et l’enre- 
gistration continue des mouvements cardiaques sous une ten- 
sion de 1—1! gr. n'a pas d’action nuisible notable sur l’acti- 
vité du cœur. Les variations de la durée des périodes car- 
diaques ordinaires ne s'élèvent souvent qu'à 2% à peine, 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 801 


pendant une observation d'un quart d'heure, quand on évite 
toutes les autres influences. Et cette durée d’un quart d’heure 
ne doit pas être dépassée dans nos expériences. Maïs des 
variations si faibles n’ont aucune influence sensible sur les 
phases successives et la durée de la variation systolique d’ex- 
citabilité du ventricule. Et s’il existait une telle influence, 
elle aurait été éliminée par le nombre des observations et la 
disposition de nos expériences. 

J’ai déterminé les variations successives d’excitabité du Vsur le 
cœur en place, battant spontanément. Je m'y suis pris de manière 
à mesurer, pour des excitations d'intensité différente, se succédant 
symétriquement au-dessus et au-dessous d’une ligne d'intensité 
moyenne, l'intervalle après lequel la réceptivité du V était 


A 


revenue, mesuré à partir du début d’une systole spontanée. 
J’excitai à cet effet le VW en pulsation spontanée, dans le 
voisinage de la pointe, pendant cinq minutes environ, à des 
intervalles constants de 4—10 secondes d’habitude, au moyen 
d’une secousse d’induction. Suivant la phase dans laquelle 
l’excitation tombe, ce qui resta entièrement abandonné au 
hasard, elle n’eut pas de résultat (groupe A), ou provoqua une 
systole ,supplémentaire” (groupe B). Les mouvements cardia- 
ques furent enregistrés sur la surface cylindrique noircie du 
kymographe, se mouvant avec ur vitesse d'environ 15—20 
mm. Les moments d’excitation furent inscrits au-dessous ainsi 
que le temps en vibrations de diapason de !/,,”. Je déter- 
minai ensuite pour chaque excitation isolée l'intervalle £{ qui la 
séparait du début de la systole spontanée immédiatement 
précédente. Comme le nombre des expériences dans chaque 
série était considérable (50 et davantage), les maxima de # 
dans le groupe A devaient en général être égaux ou du 
moins très-peu différents des minima de { dans le groupe B. 
Si le nombre des expériences d’une série était si grand que 
l’on pourrait admettre qu’elles se distribuent uniformément 
sur les diverses phases de la période cardiaque, la mesure 
de chacune des observations particulières, qui est si longue, 


302 TH. W. ENGELMANN. 


serait superflue. Le rapport du nombre des cas À à celui 
des cas B donnerait le rapport de la durée de la phase réfrac- 
taire à la durée de la période cardiaque. Comme cette der- 
nière est connue, on aurait d'emblée la valeur absolue de la 
première. 

C’est ainsi que dans un cas particulier, où la durée T des 
périodes spontanées variait entre 1,36 et 1,38”, celle des Y, 
entre 0,70 et 0,72”, celle des VV, entre 0,19 et 0,20”, et où 
les excitations artificielles se succédaient à des intervalles de 
9”, je trouvai les valeurs qui suivent: 


Tableau I. 


1) Excitation la plus faible (intens. — 300); 69 expériences: 
A. Pas d'effet (60 cas), quand #f est plus petit que 
1,09” (1,08 max.); 
B. Efficace (9 cas), quand té est plus grand que 1,09” 
(1,10 min.). 
2) Excitation d’intensité moyenne; (500) 53 expériences: 
A. Pas d'effet (30 cas), quand # est plus petit que 
0,67” (0,66 max.). 
B. Efficace (28 cas), quand t est plus grand que 0,67” 
(0,68 min.). 
3) Excitation forte (700); 46 expériences: 
À. Pas d'effet (19 cas), quand t est plus petit que 
0,59” (0,58 max.) : | 
B. Efficace (27 cas), quand t{ est plus grand que 0,65” 
(0,66 min.). 


Quelle que fût l'intensité de l’excitation, l'effet fut toujours 
nul quand l'excitation précédait immédiatement (de 0,05” tout- 
au-plus) le début d’une systole spontanée. Il est évident 
qu'ici le processus d’excitation spontanément provoqué était 
déjà en train de s’accomplir. | 

Il résulte donc des expériences précédentes que la ré: 
ceptivité du ventricule disparaît immédiatement avant le 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 303 


début de la systole, au commencement du stade d’excitation 
latente, ne revient que très-peu de temps avant le commen- 
cement de la diastole, et continue alors à s’accroître au moins 
0,2” encore après la fin de la diastole. Si la durée des périodes 
spontanées et surtout celle de la pause avait été plus longue 
encore, peut-être aurait-on pu démontrer que l’augmentation 
de la sensibilité dure plus longtemps encore quand on emploie 
des excitations encore plus faibles. Dans tous les cas, — et 
c'est ce qui pour le moment nous intéresse le plus — dans 
le cœur battant normalement, parcouru par 
un courant sanguin, l'excitabilité du ventri- 
cule n'est pas revenue déjà pendant la dias- 
tole à la valeur qu'elle pourrait atteindre, si 
une nouvelle excitation ne venait aussitôt 
la déprimer de nouveau. 

Il ne s’agit pas ici d’une particularité du cœur muni de 
ses ganglions. C’est ce qu'ont montré des expériences sur la 
pointe du cœur excisée. J’en citerai un exemple typique. La 
pointe du V fut mise en pulsation, à des intervalles réguliers 
de 5”, par une secousse d'induction de fermeture à laquelle 
je fis succéder, au bout d’un temps variable ({), une secousse 
d’induction d’ouverture. Celle-ci n'eut de nouveau, suivant la 
phase dans laquelle elle tomba, ou aucun effet (groupe A), ou 
bien elle provoqua une systole (groupe B). La durée des PF 
fut du commencement à la fin de l’expérience d'environ 0,55”; 
celle des diastoles d'environ autant. 

Voici les résultats obtenus: 


Tableau II. 


1) Secousse d’induction d'ouverture faible (int. = 100). 
A. Pas d'effet, quand { est inférieur à 1,107 (max. 1,09”). 
B. Efficace, quand t{ est supérieur à 1,10” (min. 1,11”). 
2) Secousse d’ouverture d'intensité moyenne (à — 300). 
A. Pas d'effet, quand { est inférieur à 0,61” (max. 0,60”). 
B. Efficace, quand # est supérieur à 0,61” (min. 0,62”). 


304 TH. W. ENGELMANN. 


3) Secousse d’ouverture forte (à — 600). 
A. Pas d'effet, quand # est inférieur à 0,42” (max. 0,41”). 
B Efficace, quand t{ est supérieur à 0,40” (min. 0,41”). 
4) Secousse d’ouverture d’intensité moyenne (i = 300). 
À. Pas d’effet, quand t est inférieur à 0,64” (max. 0,63”). 
B Efficace, quand t{ est supérieur à 0,64” (min. 0,65”). 
5) Secousse d’ouverture faible (à = 100). 
A. Pas d'effet, quand f est inférieur à 1,41” (max. 1,40”). 
B. Efficace, quand # est supérieur à 1,39/ (min. 1,40”). 


L'expérience montre en même temps qu'avec le temps le 
retour de lexcitabilité diminuée par la systole se fait plus 
lentement. L’excitation la plus faible, qui d’abord s'était 
montrée efficace déjà 1,10” après le début de la systole, c’est- 
à-dire vers la fin de la diastole, n’était plus suivie d’effet vers 
la fin de l'expérience (15 minutes plus tard) qu’au bout de 
1,40”, c’est-à-dire 0,8” environ après que les V3 avaient 
pris fin. 

Un autre résultat se dégage encore de mes expériences, rela- 
tivement à la durée de la phase réfractaire. Il mérite d'autant 
plus un examen plus attentif qu’il semble être absolument 
er désaccord avec ce que disent MM. Marey, Dastre et 
Kaiser. Il s’agit de la durée du stade d’excitation 
latente du ventricule, quand l'excitation est directe et 
provoquée par des courants électriques au cours de la 
systole et de la diastole. 

Comme nous l’avons déjà vu, M. Marey a vu sous lin- 
fluence d’excitations suffisamment fortes, et très-bien par exem- 
ple quand la température du cœur est rendue plus élevée, le 
stade réfractaire disparaître complètement. Si bien que déjà 
une secousse d’induction intervenant au début d’une Y, spon- 
tanée a pu provoquer une systole. Mais celie-ci n’a jamais 
commencé que quand la systole en train de s’accomplir était 
terminée, parfois même à la fin de la diastole seulement La 
durée de lPexcitation latente était donc d’autant plus considé- 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 305 


rable que l’excitation intervenait plus longtemps avant la fin 
de la systole. Elle pouvait sans le moindre doute, dans le cœur 
chauffé, s'élever comme le montrent les courbes ajoutées au 
travail, à plus de 0,5”, depuis le début de la systole jusqu'à 
la fin de la diastole. 

La durée du stade latent dépend d’ailleurs, d’après M. 
Marey, quelle que soit l’intensité de l'excitation, de la phase 
dans laquelle tombe cette dernière. Cela a lieu de telle sorte que 
même pour des excitations qui interviennent pendant la diastole, 
la durée est d'autant plus longue que l’excitation précède davan- 
tage la fin de la diastole. Il dit: ,Le retard va toujours en 
diminuant à mesure que le cœur est excité dans une phase 
plus avancée de sa diastole”” Finalement le stade latent 
devient ,presque nul”. 

Il n’est pas permis de douter de l'exactitude de ce que 
rapporte M Marey. D'autant plus que ses paroles sont 
étayées par des cardiogrammes qui ne paraissent pas admettre 
d'explication différente de celle donnée par l’auteur. Mais il serait 
simplement erroné, à mon avis, de croire qu'il s’agit ici de phé- 
nomènes particuliers à la musculature ventriculaire 
comme telle. On peut circonserire l’excitation à la pointe 
du cœur, soit que l’on opère sur la pointe du ventricule isolée 
par excision ou par ligature, soit que l’on excite par des 
courants d'intensité telle et à une telle distance de la limite 
atrio ventriculaire que les parties ici situées (oreillettes, bulbes, 
base du ventricule) ne peuvent être directement excitées. Tou- 
Jours jobserve alors les phénomènes suivants, qui s’écartent 
de ce qu'a vu M. Marey. 

Quelle que soit la phase dans laquelle tombe l’excitation et 
quelle que soit l’intensité de cette dernière, pourvu qu’ 
elle soit efficace, en d’autres termes qu’elle soit 
suivie d’une V;, celle-ci a lieu aussitôt, c’est-à-dire au 
bout d’un stade latent très-court, en moyenne d’environ 0,1”. 
Des excitations tombant dans l'intervalle entre le début 
de la période d’excitation latente et 0,1” environ avant 


306 TH. W. ENGELMANN. 


le sommet d’une systole, n’ont pas eu d'effet du tout !). 
Il en a même été ainsi de courants de l'intensité telle qu’on 
l’'obtient quand la bobine extérieure d’un appareil à glissière 
ordinaire recouvre complètement l’autre bobine, le circuit 
primaire renfermant quatre grandes piles de Gro ve, et les élec- 
trodes en métal n'ayant qu’une faible distance interpolaire. 
On conçoit que la durée du stada latent s’accroissait en 
général à mesure que diminuait l’intensité de l'excitation. 
Cependant elle ne dépassa pas sensiblement les valeurs abso- 
lues les plus grandes que l’on obtient quand l'excitation 
tombe dans la phase de plus grande excitabilité, dans le 
repos qui suit la Wa. | 
Mais ces valeurs les plus considérables s’élevèrent, quand 
les ventricules étaient frais, à 0,2” à peine. Elles restent donc 
de deux à trois fois inférieures à celles de M. Marey. 
Des différences de température ne suffisent pas à expliquer 
je désaccord entre nos données. Plusieurs de mes expérien- 
ces furent il est vrai entreprises pendant la saison chaude, 
alors que la température de la chambre s'élevait à 20° C. et 
davantage. Mais malgré que la chaleur fût moins forte 
(13° C. à 15°), même quand le ventricule était excisé et vide 
de sang, les durées de latence les plus considérables demeurè- 
rent toujours inférieures de plusieurs dixièmes de secondes aux 
maxima obtenus par M. Mare y pour le cœur chauffé artificielle- 


1) Je me trouve ici en réalité d'accord avec M. Chr. Lovén, qui a 
vérifié avec M. Hildebrand les résultats de M. Marey et à toujours 
trouvé que l’excitation du ventricule pendant la systole entière était ineffi- 
cace. Chr. Lovén. Ueber die Emnwirkung von einzelnen [Inductionssehlàä- 
gen auf den Vorhof des Froschherzens. Wittheil. aus den physiolog. Labo- 
ratorium des carolin. medico-chir. Instituts zu Stockholm. 4 Heft 1886, p. 5. 
D’après M. E. Gley les excitations électriques les plus fortes ne sont égale- 
ment efficaces sur le ventricule du chien que si elles interviennent vers la 
fin de la systole. E. Gle y. Recherches sur la loi de l’inexcitabilité pério- 
dique du cœur chez les mammifères. Arch. de physiol. norm, et pathol. 5me 
série. -L. 1: 1889/p. 503 etrssv 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 307 


ment, et parcouru par un courant sanguin. La durée n’en des- 
cendit jamais d’autre part ,presque à zéro”, comme dans les 
expériences de M. Marey. Elle fut toujours au minimum 
d'environ 0,05”. M. Marey ne donne pas de mesures exactes 
de ce temps-là, ses cardiogrammes étant dessinés à une faible 
vitesse de la surface d’enregistration (moins de 10 mm. par 
seconde). On peut donc bien considérer cette dernière diffé- 
rence comme illusoire. 

Mais il faut une explication de la première différence. Je 
crois devoir en chercher la raison dans le fait que la dispo- 
sition employée par M. Marey n'empêche pas, comme le 
fit déjà remarquer M. Lovén, l'excitation de la base du 
ventricule et des parties avoisinantes (oreillette et bulbe). M. 
Marey ne voulait du reste nullement exciter la pointe du cœur 
seule. Les bras du myographe cardiaque qui enserraient le 
cœur mis à nu faisaient, dans les expériences de M. Marey 
en même temps fonction d'électrodes. À en juger d’ailleurs 
d’après la description et la figure, ces bras serraient la partie 
du ventricule voisine de la base. Il faut donc que déjà des 
courants électriques faibles aient agi sur toutes les parties 
du cœur avoisinant la limite À V. On se trouve ainsi fondé 
à admettre que les systoles artificiellement provoquées par 
M. Marey n'ont pas pris naissance, dans ces cas d’exci- 
tation latente plus longue, grâce à une action directe sur 
la musculature de la pointe de cœur, mais grâce à une 
excitation indirecte. Il se peut que la musculature des oreil- 
lette sait servi d’intermédiaire, ou bien celle du bulbe, ou 
bien les faisceaux musculaires à la base du ventricule, qui 
réunissent le ventricule aux oreillettes et au bulbe C’est 
peut-être à ces dernières commissures que l’on pourra son- 
ger avant tout. Il y a en effet dans la base du ventricule, 
surtout dans la région des valvules auriculo-ventriculaires, des 
faisceaux de fibres musculaires, qui morphologiquement <et 
physiologiquement s’écartent de la musculature de la pointe 


du cœur. Physiologiquement ils en diffèrent surtout parce 


308 TH. W. ENGELMANN. 


qu’ils paraissent excitables en général par des excitations plus 
faibles que la pointe; et de plus parce qu'ils réagissent 
autrement quand des excitations mécaniques, chimiques, 
thermiques ou électriques viennent les frapper: ce n’est plus 
alors une contraction unique, mais de même que j'ai pu le 
montrer plus spécialement encore pour les fibres musculaires 
du bulbe artériel privé de ganglions, ce sont des contractions 
multiples. Du moment donc qu'il y a eu une impulsion suivie 
d’une contraction, ces faisceaux musculaires ont le pouvoir de 
développer d'eux-mêmes, ,automatiquement””, une ou plusieurs 
excitations. 

On peut, en effet, se convaincre au moyen de la méthode 
de suspension que l'excitation à la limite À V donne d’autres 
résultats que l'excitation de la pointe du cœur, et qu'ici sur- 
tout des excitations tombant déjà au début de la systole 
peuvent être suivies d'effet. On verra ensuite que les , sup- 
p'émentaires, surtout quand l'excitation n’est pas forte, ne se 
produisent assez souvent qu'après une période latente beau- 
coup plus longue (parfois 0,5” et davantage) !). Souvent le 
cardiogramme montre alors tout de suite que l’excitation a 
provoqué en effet tout d'abord non une V, mais une À4,, qui 
à son tour à donné naissance par transmission ordinaire à 
une V, supplémentaire. 

Quand on applique au cœur en place le procédé de la 
suspension ventriculaire simple, les À, et les W, étant donc 
enregistrées sur la même courbe, par le même levier écrivant, 
l'excitation d’une À, se révèle par une ascension. Et si celle-ci 
tombe dans le trajet d’une V;, elle fait monter le sommet 
de la courbe au-dessus de la hauteur qu'il aurait atteint 
par la W, seule. 


1) Il arrive aussi accidentellement qu'une excitation supplémentaire 
unique provoque à la limite À V du cœur en pulsation spontanée non- 
seulement une systole, mais deux systoles supplémentaires. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 809 


Quelques exemples de ce genre sont donnés dans les fig. 1, 
2 et 3, dans lesquelles le moment de l’apparition de l’4, est 


4 
. 
| 
2 î 
Le 
se 
RS 
É 


indiqué par une croix. L’addition des excitations qui n’agis- 
sent que sur le V seul ne peut, comme on sait, avoir aug- 
menté l'intensité des contractions du VW. La première excita- 


810 TH. W. ENGELMANN. 


tion produit déjà le raccourcissement maximum des fibres. 
Je ne tiens pas compte naturellement des cas où une pause 
très-longue a précédé la série des excitations, et où donc 
le phénomène de ,léchelle” de Bowditch peut se faire 
sentir. 

Si l’on enregistre séparément À et V, on arrive au même 
résultat, mais plus immédatement concluant encore. On con- 
çoit que des excitations plus fortes, tombant après une systole 
ou tout-au-moins ne tombant plus dans la phase réfractaire 
de la musculature cardiaque, agissent en même temps sur les 
A et Ÿ. On obtient alors, en appliquant le mode de suspen- 


sion double, des courbes telles que celles fig. 4 (expérience 


du 7 novembre 1893), dans le cas de suspension simple des 
cardiogrammes tels que celui fig. 5 (expérience du 1er sep- 
tembre 1894). 

Il n’y à aucune raison de songer à une collaboration de 
ganglions et de fibres nerveuses quand on tâche d’expliquer 
les longues durées d’excitation latente découvertes par M. 
Marey. En effet, il est démontré d’une manière concluante 
que la transmission de l’excitation des À au V (ou du V'au B) 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 811 


et inversément se fait le long des muscles, savoir par les 
fibres dites de ralentissement (Blockfasern), qui ne transmet- 
tent l'excitation que très-lentement. 


La phase réfractaire des oreillettes. 


MM. Chr. Lovén et Hildebrand ont découvert sur le 
cœur du lapin, de la grenouille et de l’anguille, que les oreil- 
lettes ont également leur phase réfractaire. M. Lovén dit 
que les oreillettes, ,pendant leur systole, sont insensibles à 
toute excitation; pendant leur diastole elles sont excitables 
durant une certaine période, qui correspond à la systole ven- 
triculaire”. Les recherches de M. Lovén ont été faites pri- 
mitivement suivant la méthode de M. Marey, mais avec 
cette différence, ,que l’excitation peut à volonté être appliquée 
aux ventricules ou aux oreillettes”” Mais il n’y avait pas 
moyen de déterminer par ce procédé ,la phase de contractiou 
auriculaire, correspondant à une époque déterminée de la 
contraction ventriculaire”. En conséquence, ,il n’y avait pas 
moyen d'expliquer exactement certains écarts apparents des 
lois qui venaient d’être citées.” M. Lovén a donc modifié 
les expériences de telle sorte que les mouvements des oreil- 
lettes de grenouille excisées étaient directement enregistrés. 
La méthode finalement préférée consistait en le mode de sus- 
pension suivant. Les oreillettes furent coupées après ligature 
à la limite atrio-ventriculaire, de sorte qu’une portion très- 
petite du sinus restait encore le plus souvent adhérente aux 
oreillettes. Le fil fut fixé à une plaque de liége, et un petit 
crochet enfoncé dans la portion des oreillettes faisant saillie 
entre les deux branches de l’aorte: ce crochet était lui-même 
réuni par un fil à un levier écrivant mobile autour d’une axe 
vertical. La tension était reglée au moyen d’une bande de 
caoutchouc très-extensible. Les excitations étaient fournies par 
des secousses d’induction d'ouverture, provenant d’un appareil 
d’induction à glissière. Les sources d'électricité étaient deux 
piles Grove ou deux piles Grenet. Les électrodes étaient 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX, - 21 


2194 TH. W. ENGELMANN. 


des pointes d’épingles à insectes fixées à de fins fils d’or, 
passées à 1 mm. de distance par un morceau de mince mem- 
brane de caoutchouc, serrées contre les oreillettes, et suivant 
tous les mouvements de celles-ci..L’effet de l'excitation se 
montra dépendre avant tout de l’endroit excité. S'il était 
situé au voisinage de la limite du sinus, il se passait des 
pénomènes assez compliqués. Il arrivait entre autres qu'une 
excitation unique provoquait plusieurs À,, ou que le rhythme 
des À, spontanées était accéléré pendant quelque temps. Dans 
les cas où l’excitation du sinus était probablement exclue, ,une 
secousse d’induction unique, d'intensité suffisante, au niveau 
des oreillettes, était capable de provoquer une contraction pen- 
dant la diastole entière, y compris la pause, ou tout au moins 
jusqu’au point où commence le stade d’excitation latente de 
à contraction spontanée immédiatement suivante.” 

Mes propres expériences confirment d’une manière générale 
les faits rapportés par M. Lovén. J’ai non-seulement étudié 
les oreillettes excisées, mais encore le cœur en place. J’appli- 
quai aux oreillettes une excitation artificielle et directe; j’exa- 
minai également l'effet d’une excitation indirecte, fournie par 
le mouvement antipéristaltique à partir du ventricule; l’un et 
l’autre sur le cœur en place, parcouru par un courant sanguin, 
en pulsation normale. Je fis les mêmes observations sur le 
cœur de grenouille excisé en entier. Je me suis servi dans 
ces expériences tantôt du procédé de suspension ventriculaire 
simple; souvent aussi de la suspension double de À et PV, de 
la manière que j'ai antérieurement décrite. Les électrodes étaient 
des fils d'argent, recouverts de pointes de poumons ou d’ex- 
trémités d’intestin grêle de grenouille. S’agissait-1l d’exciter 
directement À, les électrodes étaient appliquées contre les 
oreillettes de manière à ne se trouver ni dans le voisinage 
du sinus ni dans celui de la limite À V, et à rester en contact 
avec les oreillettes pendant leurs mouvements. Les excitations 
étaient fournies par des courants d’induction d'ouverture ou de 
fermeture, proyenant d’un appareil à glissière de du Bois- 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 913 


Bowditch, en rapport avec 1—4 grandes piles Grove. Les 
grenouilles étaient légèrement curarisées. 

Les expériences pouvaient, dans ces conditions, être pour- 
suivies des jours entiers sur le même cœur. 

Les maxima d'intensité d’excitation employés dépassèrent 
considérablement en efficacité ceux des excitations physiolo- 
giques. Même quand la bobine extérieure ne recouvrait l’autre 
qu'à moitié ou moins encore, les courants d’induction, quand 
ils venaient directement frapper A, avaient le plus souvent 
une action nuisible. En effet, même quand ils étaient appliqués 
séparément ou à de longs intervalles, ils diminuaient l’inten- 
sité des À,; souvent répétés (à des intervalles de 2” et moins), 
ils finissaient par les rendre imperceptibles. Cette action 
déprimante se fit sentir alors même que l’excitation 
électrique ne provoquait pas d’À4,, et n’avait pas 
non plus d’influence sur le rhythme des pulsa- 
tions spontanées. Il ne pouvait donc être question de 
fatigue à la suite de la contraction. Il s’agit bien ici sans 
doute de l’action déprimante découverte par MM. Coats et 


NEA 
Fig :7: 


Nuel, que l’on peut provoquer par excitation du vague 

sans modification du rhythme. Il est difficile, en effet, d’exclure 

une excitation des branches du vague qui parcourent les 

oreillettes, quand on électrise celles-ci en un point quelcon- 

que. On trouve figs. 6 et 7 deux exemples de cette action. 
210 


314 JH. W. ENGELMANN. 


Si la série d'expériences était un peu longue, il est évident 
que les excitations mises en jeu étaient peu intenses. Cepen- 
dant même avec les courants les plus puissants le résultat 
fut toujours identique, en ce sens qu’une excitation tombant 
dans l’A, et le stade latent d'environ 0,1” qui la précéde, ne 
provoqua pas de systole auriculaire, et n’eut pas non plus 
d'influence sur la systole déjà commencée. 

Seules des excitations tombant sur le sommet des À, purent 
être de nouveau efficaces, mais encore à la condition d’être 
très-intenses. Des excitations plus faibles ne provoquèrent 
d'A, que si elles intervenaient beaucoup plus tard, souvent 
longtemps après que les Az étaient terminées. Plus les exei- 
tations étaient tardives, plus elles étaient faibles. De même 
que pour le ventricule, il y eut moyen de montrer que la 
sensibilité des oreiilettes pour les excitations électriques, dimi- 
nuée par la systole, continue à s’accroître encore très- 
généralement après la fin des 43. Cette démonstration put 
être aisément fournie aussi bien sur le cœur en place ou 
excisé, s’il ne battait pas trop vite, que sur les oreillettes 
isolées, par les procédés décrits à propos du ventricule. Si la 
durée de l'intervalle entre les diverses À, ne dépasse pas un 
certain nombre de secondes, l’excitabilité des oreillettes s’ac 
croît encore d'habitude, même quand elles sont parcourues 
par un courant sanguin, jusqu’à la fin de la pause, ou du moins 
jusqu’au bout de la première ou la deuxième seconde qui suit 
la fin des 4. L’accroissement est rapide au début pendant 
l’A,; plus tard ïil est moins rapide. Je n’ai pas observé de 
décroissance passagère ultérieure de l’excitabilité, comme M. 
Lovéêén paraît l'avoir rencontrée dans certains cas, qui, il 
est vrai, ne se laissent pas interpréter avec certitude. 

De même que chez le ventricule, le stade latent des oreil- 
lettes était toujours très-court pour l’À, supplémentaire. Il ne 
durait que tout au plus 0,2”; quand les excitations étaient 
fortes, 0,1” seulement et moins encore: et cela même quand 
ces excitations iutervenaient vers la fin d’une systole. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 815 


Si les électrodes étaient très-rapprochées de la limite À V ou de 
celle du 5%, les mêmes exceptions pouvaient se produire, quand 
l'intensité d’excitation était suffisante, que chez le ventricule. 
L'excitation était en ce cas efficace alors même qu’elle tombait 
dans la phase réfractaire des À,, et souvent il s’ensuivait non 
pas une, mais deux ou plusieurs contractions supplémentaires. 
La première contraction toutefois ne se produisit pas après 
le stade d’excitation latente de la durée ordinaire, mais bien 
plus tard, parfois au bout de 0,6” seulement ou même davan- 
tage. Il est clair quil y avait excitation directe de la base 
du V ou du sinus, dont les fibres de ralentissement à leur 
tour provoquaient les pulsations des À, par transmission 
physiologique antipéristaltique ou péristaltique. Ce que rap- 
porte M. Lovén !l.c.p. 16) est parfaitement d’accord avec 
ces faits: ,Quand les électrodes sont appliquées précisément 
à la limite des oreillettes et du sinus, toute excitation au 
moyen de quelques secousses d’induction isolées est efficace, 
même pendant la systole auriculaire. Mais le phénomène 
s’accomplit dans ces conditions de toute autre manière. L’exci- 
tation, en effet, ne provoque pas alors une contraction unique, 
mais une série de contractions, qui se succèdent sur un rhythme 
de rapidité inégale, mais toujours plus rapide que celui des 
contractions spontanées. La première de ces contractions ne 
commence qu'après une période d’excitation latente relative- 
ment longue, et fait suite à la contraction spontanée pendant 
laquelle l'excitation a eu lieu”. M. Lovén, en vertu des ancien- 
nes idées, cherche la raison de cette accélération du rhythme 
dans une action sur les amas ganglionnaires de Remak dans 
le sinus. Quant aux contractions supplémentaires qui prennent 
naissance par excitation de À, sans excitation simultanée de 
Si, il les considère comme nous, en général, comme , l'effet 
d’un excitation directe des muscles”. ,Le même résultat, en 
effet, s’observe dans l’excitation de la pointe du cœur privée 
de ganglions.” 

L’excitation indirecte des oreillettes par 


316 TH. W. ENGELMANN. 


un mouvement antipéristallique partant du 
ventricule ne m’a jamais permis d'observer une accé- 
lération des mouvements spontanés de À. Je n’ai pu obser- 
ver davantage un ralentissement du rythme, qui au contraire 
peut très bien se produire par l'excitation électrique directe 
des oreillettes, et provient sans le moindre doute de courants 
dérivés agissant sur des fibres inhibitrices du vague, 

Il est tout aussi difficile d’exclure l’excitation de ces fibres 
que l'excitation du sinus et des veines avec leurs appareils 
automatiques. C’est sans le moindre doute à ces circonstances 
qu’il faut attribuer le fait que l'excitation électrique directe 
des oreillettes agit d’un manière bien plus variée et plus irré- 
sulière en apparence, sur le rythme des pulsations, que l’exci- 
tation indirecte par transmission, partant du ventricule, ou 
l'excitation électrique directe de la pointe du VW n’'agissent 
sur le rhythme des F.. 

Nous aurons encore à revenir sur Ge point. 


Sur le ,repos compensateur du cœur. 


Les faits rapportés ci-dessus nous permettent de démontrer 
que le phénomène dit ,repos compensateur” du cœur n’est 
pas occasionné par le système nerveux cardiaque, mais bien 
par les propriétés spéciales de la substance musculaire. 

Je commence par le repos compensateur du ven- 
tricule. L’analyse détaillée des phénomènes qui se ratta- 
chent ici nous amènera à parler du repos compensa- 
teur des oreillettes qui, déjà observé par M. Lovén, 
n’a pas encore été étudié de plus près. 

Je signalerai d’abord, comme le plus important, que la 
pointe du-cCœur, qui ne renferme pars dé sam 
glions, montre également le repos compen: 
sateur quand elle est isolée. Et le phénomène se 
produit avec la même netteté et de la même manière que dans 
le ventricule intact. Mais il ne faut pas, comme le firent MM. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 317 


Dastre et Kaiser, mettre la pointe du cœur en pulsa- 
tion régulière par des excitations continues ou des excita- 
tions intermittentes qui se succèdent avec une rapidité extrême. 
Il faudra faire usage d’excitations isolées, se succédant à des 
intervalles plus grands et constants, ayant environ la durée 
des périodes cardiaques normales. Il faut encore que les 
excitations ne soient pas si intenses qu’elles soient encore 
infailliblement actives alors même que les intervalles qui 
les séparent sont considérablement raccourcis. 

J'ai représenté figs. 8 et 9 deux exemples. Dans les deux 
cas, le ventricule d’une Rana esculenta fraîchement tuée avait 
été coupé environ à la limite des tiers moyen et supérieur, 
fixé par des épingles sur une plaque de liége, et suspendu, 
au moyen d’un crochet passant par la pointe du V et d’un 
fil, à un levier écrivant grossissant six fois. La charge était 
d’un gramme, la température de 20° C :). Le V en repos fut 
mis en pulsation, au moyen du polyrhéotome, par des se- 
cousses d’induction de fermeture (fig. 8) ou d’ouverture (fig. 9), 
se succédant respectivement à des intervalles réguliers de 
1,10—1,13, (fig. 8) ou de 1,70—1,80, (fig. 9). En x inter- 
vient une excitation d’égale intensité, provoquant une systole 
supplémentaire. Comme la pause est plus courte, cette systole 
extraordinaire est également plus courte que les systoles or- 
dinaires. [l y fait suite une pause plus longue, due à ce que 
la secousse d’induction faisant suite à l’excitation extraordi- 
naire n’a pas d'effet. 

L’explication du phénomène est claire: l'excitation ordi- 
naire faisant suite à la systole supplémentaire agit sur le V 
alors qu’il se trouve encore dans un état d'excitabilité affaiblie. 
et n’est donc pas efficace. Ce n’est que la deuxième excitation 
qui agit de nouveau, et ainsi prend naissance le ,repos com- 


S\ 


pensateur” qui fait suite à la systole supplémentaire. De 


1) Dans les figures se trouvent enregistrés l'ouverture et la fermeture 
du courant primaire (1 Grove), ainsi que le temps en vibrations de dia- 
pason de 0,1”. 


318 TH. W. ENGELMANN. 


même que dans le cœur en pulsation nor- 
male, cette systole dépasse la pause ordinaire précisément 


pe 


Re ee en UN OR VUE de Ce 
Re 


à ; 


A ne di 


NN ANNRANNN: 


VAUNNNNINS 


| 
| 
| 
| 


l 


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/ 


. 
| k 


‘8 ‘SU 


= ——— 


: 

É : 
& 
‘ 
2 
| 

à 

+ 
F 
a 


de la même quantité dont la période cardiaque précédant la 
systole supplémentaire avait été trop courte. La somme des deux 
est égale à la durée de deux périodes cardiaques normales. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 319 


Si l'excitation extraordinaire n’a pas d’effet visible, si en 
d’autres termes elle ne provoque pas de V,, la systole 1m- 
médiatement suivante arrive au temps ordinaire, de même 
que dans le V pourvu de ses ganglions, et en pulsation 
spontanée; et l'intensité de pulsation est ce qu'elle est ordi- 
nairement. 

Si l’on applique au ventricule, comme l'ont fait MM. 
Dastre et Kaiser, une excitation continue, il ne 
s’écoulera entre la systole supplémentaire et la systole sui- 
vante que juste le temps nécessaire au retour de la sensibilité 
pour les excitations continues employées. Maïs ce temps ne 
dépassera pas en général l'intervalle entre deux systoles 
ordinaires. La simple systole est déjà en effet maximale et il en 
est donc probablement de même de la diminution de sensibilité 
qu’elle provoque. C’est tout au plus si l’on peut s’attendre à une 
petite prolongation de la pause qui fait suite à une systole 
intercalée, quand celle-ci succède très-rapidement à une systole 
normale. En effet, la diminution de la sensibilité sous l’in- 
fluence de deux systoles qui se succèdent rapidement de- 
mandera, pour être corrigée, peut-être un peu plus de temps 
que celle provoquée par une systole unique. 

Je crois voir déjà dans les figs. 5 et 6 de M. Dastre une 
indication montrant qu'il en doit être ainsi. Dans la fig. 5, 
autant du moins que l’on peut en juger par les valeurs petites 
et d’ailleurs non-contrôlables des abscisses (le temps), la pause qui 
fait suite aux systoles supplémentaires a et c est notablement 
plus longue que la panse immédiatement précédente. Il en est 
de même dans la fig. 6c. La durée des périodes montre d’ail- 
leurs d’elle-même dans ces figures des variations considérables. 
Il se peut donc que la différence signalée soit due au hasard. 

L'influence attendue, d’ailleurs toujours faible, se fit claire- 
ment sentir dans des expériences spécialement instituées à 
cet effet, et dans lesquelles je pus procéder à une mesure 
exacte du temps. J’en donne ci-dessous un exemple, dans 
lequel l'excitation continue n'était pas de nature électrique, 


320 TH. W. ENGELMANN. 


mais fut donnée sous forme d’une blessure. Je coupai le F 
à la limite exacte du 4. Le V se mit, comme d'ordinaire, à 
battre régulièrement à la suite de cette opération. Bientôt la 
durée des périodes devint sensiblement constante. Dans le cou- 
rant des six minutes réclamées par l’expérience, cette durée ne 
passa que de 2,0” à 2,30”. À des intervalles de 8 à 10” environ 
une excitation supplémentaire (courant d’induction de ferme- 
ture) fut envoyée par la pointe du V. $’il en résultait une systole 
supplémentaire, et si cette systole tombait peu de temps 
après une V, ordinaire, la pause suivante s’en trouvait légè- 
rement augmentée. C’est ce que montre le tableau suivant. 
T,, T,, ete. représentent la durée des périodes spontanées, 
To représente celle de la période supplémentaire. Je mesurai 
chaque fois les trois périodes précédant l’excitation et les deux 
premières périodes qui lui succèdent. Une des expériences se 
trouve représentée fig. 10. 


Tableau III. 


Moyenne de Tr, T, T; To T, T; 
10 expériences 2,109” | 2,114” | 1,105” | 2,229” | 2106 | 20977 
Maximum 2,32 2,984 | 1,757 1248 00 SEM SE 
Minimum 2,00” 2,007 | 0,801) 2,10/2/M40980 4/99 


On voit donc que l’augmentation de la pause n’atteignait 
pas encore 6% de sa valeur. C’est ce qui, dans des circon- 
stances analogues, est également vrai de la pointe du cœur 
isolée. 

L'expérience est encore instructive en ce sens qu'elle nous 
montre repos compensateur peut 
faire défaut tout aussi bien chez le ventri- 
cule avec ses ganglions que chez la pointe 
du cœur isolée. Cela arrive notamment quand les pul- 


sations doivent leur origine à une excitation continue. 
Le repos compensateur du ventricule chez le cœur battant 


comment le 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 321 


spontanément et normalement s'explique à présent d’une 
manière toute naturelle, si l’on admet que l’excitation 
nosmaile du ve ntricu lier n/agits, pastsd une 
manière continue, mais est périodique. La 
période de cette excitation est égale à celle de la systole des 
oreillettes. L’excitation venant des À frappe-t-elle le V très- 
peu de temps après que celui-ci vient d’exécuter une systole 
supplémentaire, elle ne pourra agir, car l’excitabilité du 
n’est pas encore rétablie. Il y a donc simplement une PV; 
qui fait défaut, et c’est seulement quand par l’A,; suivante 
une. nouvelle onde excitatrice vient agir sur la musculature 
du V qu'il se produit une nouvelle systole ventriculaire. 

Quelque plausible que soit cette dernière explication, et 
quoiqu'on puisse en démontrer dans certains cas l’exactitude, 
nous verrons plus loin qu’en réalité les choses sont souvent 
plus compliquées encore. Cela résulte de la réaction que peut 
exercer sur les oreillettes, par transmission antipéristaltique, la 
systole supplémentaire du ventricule. Les oreillettes peuvent 
à leur tour agir de la même manière sur le sinus. Mais ilne 
faut à aucune condition que l’on prétende invoquer l’intensité 
de l’excitation ventriculaire physiologique contre l’explication 
que je donne ici. Au contraire, l'excitation normale, venue de 
À est une excitation faible, quand on la compare à un 
courant électrique d’intensité moyenne, venant frapper direc- 
tement la paroi musculaire du V. On sait en effet que le V 
ne se laisse pas mettre en pulsation aussi rapide par l’inter- 
médiaire des À que par une excitation périodique directe. La 
phase réfractaire de Y dure en général, pour l'excitation 
physiologique partant de À, jusqu’environ la fin de la diastole 
ventriculaire ou un peu plus longtemps. Cela correspond à 
ce qui arrive sous l'influence d’excitations électriques directes 
faibles. | 

S1 l'explication ici donnée est exacte, on pourra, en faisant 
exécuter au ventricule non plus une seule, maïs une série de 
systoles supplémentaires qui se succèdent rapidement, faire 


322 TH. W. ENGELMANN. 


que la deuxième ou la troisième excitation normale venant 
des oreillettes reste encore inactive. La première excitation 
active arrivera alors au temps normal, c’est-à-dire au moment 
même ou une PV, se serait produite si la série des systoles 
extraordinaires ne l'avait pas précédée. Le temps nécessaire 
à la somme de toutes les périodes ventriculaires supplémen- 
taires et de la dernière periode normale abrégée qui la précède 
n’augmentera jamais que par saccades, s’accroissant chaque fois 
de la durée d’une ou plusieurs périodes cardiaques normales 
entières. La durée totale devrait être, en d’autres termes un 
multiple”  desmpériodes cardiaques normales, à 
moins que l'excitation artificielle de V n’influe par voie réflexe 
sur le rhythme des excitations spontanées. Et cela n’est pas 
probable dans le cas d’excitation par une secousse d’induction 
unique. 

Si l'excitation provoquant la systole ventriculaire normale 
partait de cellules ganglionnaires motrices à la base du V, 
dont l’activité pourrait subir l'influence de la systole ven- 
triculaire elle-même, par l'intermédiaire de nerfs qui se 
dirigent vers les cellules, p.e. de la manière que se le re- 
présente M. Kaïser, il serait évidemment très-improbable 
que l’on trouvât des rapports numériques si simples. 

Si au contraire il n’y à ni ganglions ni nerfs en jeu, il est 
permis de croire que la durée du repos compensateur qui 
fait suite à la dernière d’une série de systoles extraordinaires, 
n’augmentera pas du tout avec le nombre et le rhythme des 
systoles supplémentaires. En effet, déjà chaque systole pro- 
voque par elle-même à peu près la plus forte diminution 
d’excitabilité possible. En général, la durée du repos com- 
pensateur ne sera donc, dans le cas de systoles nombreuses 
et précipitées, pas plus longue qu'après une systole 
extraordinaire unique D’après l'hypothèse des ganglions 
il ne pourrait guère en être ainsi. 

On voit en effet que les choses se passent absolument comme 
on sy attendait. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, EEC. 393 


Je donne ci-dessous comme preuve deux séries d'expériences, 
dans l’une desquelles (Tableau IV) les systoles supplémen- 
taires scnt provoquées par des excitations isolées, dans l’autre 
(Tableau V) par tétanisation de la pointe du ventricule. 
Dans les deux séries le ventricule en place, demeurant uni 
au reste du cœur, battait spontanément et avec sa régularité 
ordinaire. Pour empêcher des actions réflexes du ventricule 
sur le cœur par l'intermédiaire du cerveau ou de la moelle 
épinière, ces organes furent détruits au moyen d’une aiguille 
introduite par l'arrière du crâne. 

Les résultats généraux se trouvent rassemblés dans les 
tableaux IV et V. 

Comme les différentes expériences ne s’écartent que d’une 
manière tout-à-fait insignifiante des valeurs moyennes, je puis 
négliger d’en donner la description détaillée. 

J'ai mesuré chaque fois la durée 7, et T, des deux pério- 
des ventriculaires qui précèdent l’excitation, et ne subissent 
encore aucune influence modificatrice, Puis j'ai déterminé la 
somme de la troisième période 7,, raccourcie par l’excitation, 
et de toutes les périodes supplémentaires artificielles (n Te) qui 
succèdent à cette troisième. J’ai enfin mesuré encore la durée 
des deux premières périodes 7, et T., faisant suite au repos 
compensateur. Les nombres T expriment des secondes. 


Tableau IV. 

Moyenne de 11 1}; (T; +n ) 1h T; n 

8 expériences | 9,161 21469  4,340=2%x 9,170 | 2170 2171) 1 
17 PA 2133 [92199 | 6,432—3X 92,144 | 2,100 2,133 | 2-6 
95 2 2193 92136 | 8568—=4X9,142 | 2,103 2109 | 4-9 
9 n 2,1°9 | 2138 | 10,620 =5x2,124 | 2,093 | 2102 | 8—12 
1 ï 2140 |202 | 1190 —6X1,98 |2,00 | 2,00 8 

4 ” 2,098 | 2,405 | 44,30 —=7 X 2,044 | 213 | 913 |10—15 
1 ’ 210 [210 |1673 =8X2,09 1213 1213 | 12 

1 ” AP | 240% |18,83 —9X2,09 1205 | 205. |, 17 


3924 TH. W. ENGELMANN. 


La dernière colonne du tableau précédent montre que ce 
n’est pas le nombre des systoles supplémentaires d’une série 
déterminée qui influe sur le résultat, mais la durée de 
la série. En d’autres termes, le résultat est le même que 


Fig. 43: 


l’on ait provoqué n, 2n ou 3n etc. systoles supplémentaires, 
pendant un temps déterminé, à la place des Vs normales. 
Le moment où reparaît la première V, spontanée est séparé 
dans tous les cas du début de la dernière V, spontanée 
d’un multiple de la durée d’une période normale. C'est 
ce que montrent encore les trois figs. 11, 12 et 13, où l’on 
peut voir en même temps que la dernière d’une longue série 
de systoles supplémentaires n’est nullement suivie d’un repos 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 325 


»ycompensateur” plus long qu'après une seule contraction extra- 
ordinaire. 

Au contraire, la durée de l'intervalle entre le début de la 
dernière systole supplémentaire et celui de la systole spon- 
tanée suivante fut toujours notablement inférieure à la valeur 
de deux périodes normales. 

La deuxième série d’expériences, dans lesquelles la tétani- 
sation du ventricule pendant environ 1” provoqua une ou 
plusieurs systoles extraordinaires, conduisit aux résultats sui- 
vants. Les lettres ont la même signification que dans le 
tableau précédent. 


Tableau V. 


je T;+nT, 


29 expériences [1,250 |1,259/ 9,511 = 2 x 1,255 1,240 | 1,224 | 1—9 


A0 » 1,210” |1.249” 3,603 = 3 x 1,201” | 1192 1168 2-3 
PE 4 1,310” 15,060 = 4 X 1,265” | 1,280 | 1,240 | 3 


| 
Î 


Trois de ces expériences sont spécialement représentées dans 
les figs. 14, 15, 16. Dans la fig. 14 (1 systole extraordinaire) la 
première systole spontanée apparaît après un intervalle égal 
à la durée de deux périodes spontanées, compté à partir du 
début de la dernière systole normale précédant l'excitation. 
Dans la fig. 15 (2 systoles supplémentaires) il faut un espace 
de temps égal à trois périodes, et dans la fig. 16 (3 systoles 
supplémentaires) un intervalle égal à quatre périodes spon- 
tanées. 

Toutes les autres expériences donnèrent des résultais con- 
cordants. La durée de T, + nT, fut trouvée être sans excep- 
tion un multiple simple de la période normale. 

Les relations simples qui se dégagent de ces expériences 
peuvent être sans doute désignées sous le nom de la loi 


326 TH. W. ENGELMANN 


de conservation de la période d’excitation phy- 
siologique. 
Si l’on examine de plus près le tableau IV, on s'aperçoit 


| 
l 


x \ 


à 


DAANAAANANARAAANARAANANNANAANAAANA 


EL nm eme = 7 


*Gy "SU 
‘YL ‘LI 


_ 
ES 
HE 
= 
Ho 
=. 
+ 
re 
ee 
es 
CE, 
cl 
re 
em 
=, 


qu’il y a un point de vue pe la loi ne semble pas rigou- 
reusement applicable. La durée de la première période spon- 
tanée qui fait suite à l'excitation, et plus souvent encore celle 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 221 


de la deuxième, est un peu plus courte que celle des périodes 
qui ont précédé l’excitation ou qui la suivent. Les différences 
ne sont il est vrai guère supérieures en moyenne, dans toutes 
les expériences, à 1% de la durée totale de la période. Mais 
comme les écarts sont en grande majorité de même signe, on 
ne peut guère les attribuer à des variations accidentelles de 
la durée des périodes ou à des erreurs de mesure. C’est 
ainsi que dans les séries d’expériences citées plus haut, faites 
le 1er Septembre, T, était inférieur à T, et T, dans 47 des 
73 cas; T, l’était même dans 58 cas; et la durée moyenne 
des périodes spontanées calculées pour le temps de (7, + nT') 
était en moyenne un peu plus courte que celle de 7, et T.. 

Il semble naturel de songer ici tout d’abord à l’influence 
d'actions réflexes intracardiaques, surtout si l’on se place à 
l’ancien point de vue pour ce qui concerne la fonction du 
système nerveux propre du cœur. Maïs d’après mes recher- 
ches, des actions réflexes intracardiaques semblent faire défaut, 
tout-au-moins chez la grenouille. Et d’ailleurs on n’en a pas 
besoin pour expliquer les faits précédents. [Il y a diverses autres 
qui y suffisent. 

Tel est par exemple le fait que la circulation est troublée 
par ce que les systoles extraordinaires du ventricule provo- 
quent l’accumulation du sang dans les oreillettes, le sinus et 
les grosses veines. Cela peut parfaitement modifier un peu la 
période des excitations cardiaques spontanées, qui partent des 
orifices des veines. En effet, toutes les expériences montrent 
que les variations de la pression intra-cardiaque retentissent 
sur la fréquence du pouls. On devrait plutôt s'étonner peut- 
être que les différences que j’ai observées ne sont pas plus 
considérables. [’accumulation devra notamment être forte 
quand les systoles supplémentaires du ventricule provoquent 
de plus des contractions antipéristaltiques des oreillettes. Cela 
arrive en effet très-facilement, et c’est ce qu'ont observé entre 
autres MM. Lauder Brunton et Cash. C’est ce que mon- 
trent également mes courbes, en plus d’un endroit, et d’une 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T, XXIX. 77 


328 TH. W. ENGELMANN. 


manière très-évidente. Comme le cardiogramme de suspension 
simple donne en superposition les mouvements de À et V, 
quand du moins ils coïncident dans le temps, il est préférable 
d'enregistrer séparément ces mouvements de À et W. On se 
convaincra sans peine à cette occasion, — et les figs. 17 et 18 
en offrent deux exemples, — qu’une V, supplémentaire, pro- 
voquée par excitation directe de la pointe du W, donne nais- 
sance par voie antipéristaltique à une À,, aussitôt que À est 
atteint par l'excitation dans une phase convenable, c’est-à-dire 
après que la phase réfractaire de À a pris fin. Si alors plusieurs 
de ces Ÿ, artificiellement provoquées se succèdent à des inter- 
valles un peu plus courts que les À, spontanées, ce jeu de 
contraction antipéristaltique se continue, une nouvelle 4, sui- 
vant immédiatement chaque nouvelle V,. | 

Ces systoles antipéristaltiques de À pourront à leur tour 
donner naissance à des contractions du sinus, à condition 
qu’elles viennent agir sur Si dans une phase convenable. Ces 
systoles du sinus provoqueront des systoles des gros troncs 
veineux, lesquels sont le point de départ des excitations 
cardiaques normales. 

L'influence directe, sur ces points d’origine, de leur propre 
contraction antipéristaltique, indépendamment des perturba- 
tions de la vitesse et de la pression sanguines qui en résultent, 
constitue une deuxième cause de modification de la durée des 
périodes normales. À quoi vient s'ajouter encore une troisième 
circonstance. J’ai montré jadis que la vitesse de transmission 
dans le cœur, et spécialement la transmission de À vers F, 
subissait des modifications parfaitement mesurables suivant 
l’activité ou le repos, le passage d’un courant sanguin et 
d’autres circonstances encore. C’est ainsi que cette vitesse est 
diminuée par une série rapide de battements du cœur; qu’une 
pause un peu plus longue, telle que celle du repos compen- 
sateur, l’augmente de nouveau d’une manière notable. Alors 
même qu'il n'y a aucune modification du rhythme dans la 
formation des excitations aux orifices des veines, le moment 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 329 


où commence la première systole ventriculaire pourra cepen- 
dant, après une série de contractions supplémentaires, subir 
un déplacement mesurable. Si ce déplacement se produit en 
réalité et dans quel sens, c’est ce qui dépendra dans chaque 
cas particulier du nombre, de la direction et de l’intensité des 
influences citées. Comme celles-ci se contrarient partiellement, 
le résultat ne devra pas être nécessairement toujours sensible 
ni toujours de même signe. Et c’est ce qu’on observe en effet. 

Toute excitation directe du V, en provoquant une V, supplé- 
mentaire, peut donc réagir par transmission antipéristaltique sur 
A, et même sur le sinus et les orifices veineux. Comme il a déjà 
été remarqué plus haut en passant, c’est ce phénomène qui est 
dans bien des cas la cause première du repos compensateur du 
ventricule. Il n’y en a effet qu’un seul cas où ce repos com- 
pensateur provient de ce que l'excitation partielle des oreillettes 
frappe le ventricule alors qu’il est encore insensible. C’est 
quand la systole supplémentaire du V n’a pas succédé i m- 
médiatement à une V, spontanée, mais s’est seulement 
produite quand la contraction auriculaire suivante avait déjà 
commencé ou se trouvait du moins déjà dans le stade d’éner- 
gie latente. Il faut chercher dans tout autre cas l’origine du 
repos compensateur dans le fait que le VW n’est pas excité par 
l'intermédiaire de À, parce que À lui-même, excité par voie 
antipéristaltique grâce au V, n'était pas encore redevenu 
sensible pour la première excitation partie du sinus. Ou bien 
encore le sinus n'avait pas reçu d’excitation des orifices vei- 
neux, parce qu'il se trouvait encore, par suite de l’excitation 
antipéristaltique précédente, au stade réfractaire. Les oreil- 
lettes montrent donc elles aussi, dans ces derniers cas, le 
phénomène du repos compensateur, tandis que dans le pre- 
mier elles continuent à battre régulièrement et que seul le 
ventricule subit une pause plus longue. 

Si le précédent exposé concorde avec les faits réels, le repos 
compensateur des oreillettes devra, au bout d’une ou de quel- 


ques systoles d’origine antipéristaltique, cesser toujours au 
22* 


830 TH. W. ENGELMANN. 


moment où dans le cas ordinaire aurait commencé une systole 
auriculaire spontanée. De plus, la durée du repos compen- 
sateur ne pourra dépasser en général la durée de deux péri- 
odes normales. 

Or c’est ce qui arrive en effet, et ce que démontrent le 
tableau VI et les figs. 17 et 18. Les expériences, de même 


DS 


que celles rapportées à propos du repos compensateur du 
ventricule, ne représentent nullement des cas choisis, mais 
la règle stricte. Je n'ai tout-au-moins pas rencontré d’excep- 
tions dans les conditions où j'ai opéré. 


Tableau VI. 


Les signes employés ont la même signification que dans le tableau V, 
avec cette seule différence que les nombres se rapportent à des périodes 
auriculaires. Les expériences ne sont pas placées par ordre chronologique, 
mais rangées d’après la durée de l’interruption des contractions auricu- 
laires normales sous l'effet de l’excitation artificielle. Dans les deux der- 
nières colonnes se trouve le nombre des contractions auriculaires (7 4) 
et ventriculaires (n V) qui tombent dans cet intervalle de temps. Ce nom- 
bre est très-variable, car ce n’était pas seulement le nombre des excita- 
tions artificielles qui variait, mais de plus la durée de l'intervalle qui 
les sépare. Le cœur était en place, la circulation entretenue. Le ventricule 
fut excité dans le voisinage de la pointe au moyen de quelques secousses 
d’induction d'ouverture. Du moment que ces excitations tombaïent dans 
une phase convenable, elles provoquaient des systoles auriculaires antipé- 
ristaltiques. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 931 


N°. d'ordre 


de l’expé- | T, 1, (T;+n T,) 114 1e HAE C AV 
rience. 
8 HN AAA 27 00 =" 2 x 4075 4078 0172 À 6 
dd AO | A0 TS er | 4102) 0) 3 4 
14 ISA SSR NN 210 = 4 X0187) 4190 1.88 6 6 
6 (OR MST 0 15, XX Poe LE6N 456 4 5 
7 168 1 166 OT 16 T6 ES 4 5) 
42 165) 4.80 | PAS SEX ES) 085 | 66 À 5 
13 PSS 0 18 — LOC T8 84 À 6 
15 SON RS SE 005 5 XX 185 00021787 3 À 
1 1,44 | 1,44] 8,65 — 6 X 1,44] 1,46 | 1,45 6 8 
2 14/46 ,.4,46 | 8,95 = 6 X 19 1,47 | 1,46 6 8 
10 LS 1 SE ID 84 = CC MS) 18211781 7 8 
5 4,50 | 1,49 | 10,30 — 7 X 1,47 | 1,40 | 1,44 7 8 
3 10 A 20 M0 407 012914504529 7 9 
16 1,88 | 1,84 | 13,06 — 7 X 1,88 | 1,85 | 1,86 6 9 
4 AA ME SON MEL 0 = 08 x 1729/1050) 104528 7 8 
14 IS PSS MAG, 65 09 XA8S PA 80 187 6 8 
9 En M SD 24807 = 710 XA1801 1:82 1,80 PNT0 13 


Afin que l’on puisse mieux apprécier les expériences, j'en 
ai représenté graphiquement deux figs. 17 et 18. Pour ne pas 
dépasser le format de cette revue, elles ont été dessinées à 
une vitesse trois fois moins forte du cylindre que les autres. 

Les grandes ascensions systoliques ont été dessinées par le 
ventricule, les petites par l'oreillette. Les moments d’excita- 
tions ont été marqués au-dessous au moyen du signal de 
Pfeil. Les secousses de fermeture furent interceptées au 
moyen du polyrhéotome de la manière antérieurement dé- 
crite 1). C’est pourquoi l’on voit chaque fois deux marques; 
la deuxième seule répond au moment de l’excitation. Sous 
les indications du signal est inscrite la courbe du diapason, 
donnant des oscillations de !/,,”. Les pointes des leviers écri- 


1) Le polyrhéotome rhythmique. Arch. néerl., T. XXVI, p. 436. Le prin- 
cipe du conducteur commun, ibid. T. XXVI, p. 423. 


332 TH. W. ENGELMANN. 


vants de À et V se trouvaient verticalement l’une au-dessus 
de l’autre, et avec grande précision, si bien que l’on peut lire 


‘LY ‘SU 


directement dans la figure comment se succèdent dans le temps 
les systoles des deux divisions du cœur. 


On voit qu'avant le début de l’excitation du V chaque YF, 
est précédée d’une À4,, et de telle manière que la V, commence 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 339 


très-peu de temps avant que l’A, n'ait atteint son sommet, 
Les premières excitations ne provoquent pas encore de systoles 
supplémentaires du V, car elles tombent dans la phase réfrac- 
taire de celui-ci. Ce ne sont que la 5e (fig. 17) et la 6e (fig. 18) 
qui commencent à être actives. Mais l’4, se produit encore 
au temps normal, de même que la suivante. À partir de la 
7e ou de la 6e excitation jusqu’à la fin, à chaque V, supplé- 
mentaire fait suite une À, provoquée par transmission anti- 
péristaltique, et cette À, à son tour est suivie du repos com- 
pensateur. Il va de soi que ce dernier est plus court pour 
À que pour V, et n’atteint pas la durée des deux périodes 
normales. Chez le V cette même durée n’est un peu dépassée 
que dans la fig. 17. Ce dernier phénomène n’est possible que 
lors de la production antipéristaltique de systoles supplémen- 
taires de l'oreillette. Si les oreillettes sont excitées péristal- 
tiquement, la durée du repos compensateur du V ne peut 
dépasser celle de 2 périodes. Ce fait est important en ce qu’il 
nous donne le moyen de reconnaître qu'elle est l’origine du 
repos compensateur du V, dans tous les cas où l’on ne peut 
observer en même temps comment À se comporte. 

Les résultats sont en général moins réguliers quand les 
oreillettes ne sont pas amenées par le ventricule à exécuter 
des systoles supplémentaires, mais par excitation électrique 
directe. Car il y a alors de temps en temps une excitation du 
sinus et des fibres du vague. Selon que les éléments excita- 
teurs ou les éléments frénateurs sont plus fortement affectés, 
le repos compensateur cessera plus tôt ou plus tard qu’on 
ne l’aurait attendu en vertu de la loi de conservation de la 
période d’excitation physiologique. Souvent 1l arrive aussi que 
la durée des premières périodes spontanées qui font suite au 
repos compensateur est encore légèrement soit raccourcie soit 
augmentée. Mais si les excitations artificielles sont faibles, les 
endroits excités aussi éloignés que possible du sinus et très- 
près les uns des autres, on observera ici la même stricte 


régularité et la même simplicité des phénomènes qui carac- 


334 TH. W. ENGELMANN. 


térise l'excitation physiologique des oreiïllettes par voie anti- 
péristaltique. 

On trouve des preuves à l'appui de cette dernière affirma- 
tion dans les 10 expériences rassemblées dans le tableau VII. 
Dans ces expériences, les oreillettes excisées, battant sponta- 
nément, furent directement excitées à une distance aussi grande 
que possible du sinus par des secousses d’induction d’ouverture 
modérément fortes. 


Tableau VII 


11 fr, (T;+n T,) JP T; n 


1,60 | 167 | 3,26=—9 x 1,463 | 1,64 | 1,62 
205 | 207 | 412—92 X 206 | 204 | 201 
242 | 943 | 430—9 x 215 | 210 | 213 
2,60 | 2,60 | 517—92 X 2585 | 9258 | 256 
270 | 267 | 544—9 X 9,72 | 2,68 | 2,68 
150 | 1,60 | 465—3 X 1,55 | 153 | 1,57 
1,62 | 159 | 5,003 X 1,67 | 1,67 | 1,66 
1.64 | 160 | 5,01—3 X 1,67 | 162 | 1,60 
246 | 250 | 7,60—3 X 253 | 259 | 9,60 
1,67 | 166 | 6,40—4 X 1,60 | 1,60 | 1 72 


OO ND = ON ee BR BR » 2 


Au contraire, le tableau suivant, qui se rapporte à des 
expériences faites sur le même cœur que dans les expériences 
du tableau VII, montre que l'excitation du ventriculé y a 
été accompagnée d’une manière très-nette de l'excitation 
d'éléments retardateurs. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 330 


Tableau VIIT. 


he, | fan | (om) 1 le n 


158 | 1,54 | 400—92 X 200 | 1,62 | 1,60 
1,62 | 1,67 | 3,83—92 X 1,91 | 1,76 | 1,80 
4,77 | 171 | 420—9 x 210 | 1,86 | 1,89 
270 | 2,64 | 550—92 X 275 | 273 | 270 
270 | 270 | 560—2 x 280 | 278 | 9,70 
162 | 1,60 | 5,50—3 x 1,83 | 1,74 | 1,60 
41,67 | 1,66 | 565 —3 x 1,88 | 1,66 | 1,70 
1,68 | 1,69 | 564—3 x 1,88 | 1,68 | 1,72 
1,80 | 1,78 | 5,83—3 x 1,94 | 1,85 | 1,82 
250 | 252 | 792—3 x 2,64 | 9,70 | 2,60 
1,62 | 1,60 | 674—4 x 1,668 | 1,80 | 1,75 


O1 D © & D à = = À ND D 


On voit plus ou moins évidemment dans les expériences 
du tableau IX qu'il y a eu en même temps excitation des 
éléments accélérateurs. Le plus souvent s’y sont ajoutées 
ensuite des influences retardatrices. [ci encore les oreillettes 
furent directement excitées par voie électrique. 


Tableau IX. 
1 T, (Ts+nT,) 7h, fr, n 
1,60 | 1,68 | 453—3 x 1,51 | 1,67 | 1,65 | 9 
1,68 | 1,68 | 4,70—3 X 1,57 | 1,68 | 1,64 | 9 
477 | 1,75 | 5,04—3 X 1,68 | 1,83 | 1,80 | 3 
180 | 1,80 | 4,90 —3 x 1,63 | 1,63 | 1,63 | 2 
2,68 2,65 M0 — 2200240 2,70 2,70 1 
270 | 264 | 710—3 X 237 | 92,70 | 270 | 2 
1,68 | 1,64 | 5,70 — 4 x 1,495) 1,75 | 1,70 | 3 
473 | 4,67 | 6,20 — 4 x 1,54 | 1,67 | 1,70 | 3 
1.86 | 1,89 | 594— 24 X 1,485] 176 | 176 | 3 
260 | 2,60 | 1090 = 4 x 2,55 | 277 | 92,70 | 2 
268 | 92,70 | 10,928 — 4 X 2,57 | 2,79 | 29 | 9 
270 | 2,70 | 1050 — 4 X 2625| 2,80 | 2,76 | 2 
4,63 41,62 OU CUS 4,70 1,65 5 
1,16 4,61 ADI OS) 1,65 1,64 8 


336 TH. W. ENGELMANN. 


Si sur le cœur en place, et battant normalement, on excite 
directement le sinus seul par une secousse d’induction 
unique, on observe très-régulièrement un repos compensateur 
de À et V, et cela même sans que les deux divisions 
du cœur aient exécuté auparavant une systole 
extraordinaire. L’explication est la même en principe 
que pour le repos compensateur du ventricule, après que les 
oreillettes ont exécuté une systole supplémentaire, L’excitation 
extraordinaire, venant d’en haut, — dans le cas présent du 
sinus —, vient frapper la division suivante du cœur, — ici 
les oreillettes —, en un moment où leur excitabilité n’est pas 
encore suffisamment rétablie, pour ce qui concerne le pouvoir 
de transmission des fibres commissurales d’arrêt, pour avoir 
un effet sensible. Les oreillettes restent donc en repos jusqu’à 
ce que l'excitation spontanée suivante leur arrive du sinus. 
Et comme le V ne se contracte point, quand À n’a pas au- 
paravant été excité, le ventricule s'arrête aussi jusqu’à ce que 
les oreillettes rentrent elles-mêmes en activité. | 

Dans les procédés usités jusqu'ici, ou V seul, ou À et V 
seuls enregistrent leurs mouvements, ceux du sinus échappent 
à l’observation. Le repos compensateur du cœur semble donc 
résulter d’excitations en apparence inefficaces. En réalité, les 
parois musculaires situées au-dessus des oreillettes, du côté 
des veines, ont exécuté une systole supplémentaire. 

Si l’on se sert du procédé de suspension ventriculaire simple, 
on obtient des images telles que les figs. 19 et 20. 

Ici le sinus fut tétanisé pendant un temps très court au 
moyen de deux électrodes recouvertes de poumon, appliquées 
sur Jes côtés, et laissant passer des courants d’induction al- 
ternatifs. L'effet de l’excitation ne se révèle dans le cardio- 
gramme que par le ,repos compensateur”’ des À et V; il n’y 
a pas de systole supplémentaire. À l’inspection il se montre 
cependant que le sinus en exécutait une. 

Le tableau X suivant montre, d'accord avec notre expli- 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 


Tableau X. 


r, r, Ty r, |, 

148 | 15,0 16,1 152 15,0 
45,0 | 15,2 16,4 15,2 | 15,0 
145 | 148 3129 X 156 10012 158 
146 | 440 | 2924—9 % 14,1 16,3 | 14,7 
Pr 159 29,9 — 92 X 14,6 16093 nu 
148 | 15,0 29.0 = 2 X 14,5 46,0 | 15,0 
149 | 149 99,7 —92 x 148 162 | 15,0 
00/1600 00670949 A AS 
15,0) 45,0 288 —9 x 144% | 16,5 | 15,5 
0 MASON 500241500160 150 
10m 1500000830 % 4129 153 14150 
1300) A8 31,0 =92 x 15,5 16,9 | 15,3 
450 | 149 31,0 =92 X 45,5 162) 15,0 
150 100 292% 118 167: 150 
EDP 450 À 5012 151 16,0 | 15,0 
452 | 159 299=9 %X 146 | 160 | 15,0 
15,9 | 15,0 29,0 = 9 x 14,5 16011153 
150 459 30,6 —=92 X 13,3 16,0 | 16,0 
12 | 40 200=9 X 150% 2170 452% 
154 156 31,6 =92 X 15,8 17.0 461 
15,4 | 15,4 30,0 = 2 x 15,0 16,0 | 15,0 
1550455 32,9 —9 x 16,1 16,9 | 16,0 
15 446 99,3 =92 X 14,7 16,0 | 15,0 
15617 16,0 31,0 = 2 x 155 16,4 | 15,4 
16,0 | 15,7 0 = RAD CS ner 
16,0 | 15,8 ID S, TS 158 
142 | 14,7 44,4 =3 x 148 182 | 489 
146 | 148 | 443 =3 x 148 165 10145.0 
15,0 | 148 45,6 = 3, x 15,2 168 | 151 
15,0) 115,0 45,01= 3 X 15,0 16,0 |. 14,8 
BOIS ON DS 123 Jane | 187 
150 || 148 444 ==3 x 148 160 | 15,5 
1510 MAS 260 3 X 15,3 1620 M5 
159 15600 260 3:Xx- 153 AO PS9 
45,4 | 15,8 48,8 = 3 x 16,3 175 101 
156 | 1535 48,0 = 3 x 16,0 17,0 | 16,6 
1,50 0 15,0 61,6 = 4 X 15,4 17,6 45,9 
2 45,1 G20 = US 417,4 | 16,1 


337 


338 TH W. ENGELMANN. 


cation, que la durée des intervalles entre le début des der- 
nières À, spontanées et la fin du repos compensateur de À 
est égale à un multiple simple de la période normale. Dans 


la fig. 19 cette durée est de deux fois, dans la fig. 20 de trois 
fois la longueur de cette période. 

Dans le tableau précédent sont rassemblés en outre un 
certain nombre de cas analogues, provenant tous du même 
cœur, et instructifs encore. à d’autres points de vue. Le temps 
est donné en dixièmes de secondes (une vibration de dia- 
pason — 0,1”). To représente les périodes dans lesquelles 
tombait l’excitation. 

Dans tous les exemples précédents, qu’il me serait facile 
de multiplier, la durée des périodes qui font suite au repos 
compensateur est notablement augmentée, et dans une pro- 


tr mr 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 339 


portion plus forte que cela n’a généralement lieu lors de 
l'excitation directe des À. Même la durée de T7, montre déjà 
souvent quelque chose de ce retard. Mais l'inverse peut 
également avoir lieu. Tout ceci me paraît s'expliquer sans 
peine par ce que, le sinus étant électriquement excité, il 
arrive plus facilement que les fibres du vague reçoivent une 
excitation, et de même les foyers automatiques situés dans le 
voisinage des orifices des grosses veines. 

Si l’excitation extraordinaire du sinus tombe au moment 
même de la systole, il n’est pas rare, alors même que l’on 
emploie des intensités de courant très-fortes, que tout effet 
quelconque fasse défaut. Il n’y a donc pas davantage de repos 
compensateur. On observe plutôt une légère prolongation de 
la pause suivante. La fig. 21 en donne un exemple, prove- 
nant du même cœur que les fig. 19 et 20. 

La courte excitation tétanique du sinus tombe ici dans les 
instants qui précédent l’A, ou au début de celle-ci, c’est-à-dire 
au moment de la contraction du sinus. Le seul résultat sen- 
sible consiste en une prolongation insignifiante de la pause 
suivante. Pendant que celle-ci s’accomplit, le levier écrivant 
descend un peu plus bas que d’habitude, car le cœur se re- 
lâche un peu plus et se remplit d’une plus grande quantité 
de sang. C’est pour cette raison que la V, immédiatement 
suivante est légèrement augmentée. 

On peut observer aussi accidentellement qu’à l'excitation élec- 
trique directe du sinus il y ait une intervention plus énergique 
de la part des fibres inhibitrices du vague excitées. Comme à 
la suite de l'excitation du tronc du pneumogastrique, alors 
même que les excitations n’ont agi que pendant un temps 
très-court, presque un seul instant, cette intervention se fait 
sentir cependant dans toute une série de périodes. Souvent 
elle atteint son maximum dans la deuxième. On en trouve 
un exemple fig. 22. 

On remarquera encore ici le raccourcissement que fait 


A 


subir à l'intervalle 4,—V, la prolongation de la pause. J’ai 


340 TH. W. ENGELMANN. 


décrit jadis cet effet en détail 1). On observera en outre que la 
durée des contractions auriculaires n’a pas subi cette influence. 


JR Es 


Je 


x 


‘86 ‘SU 
‘EG ‘SU 


C'est au contraire ce qui a lieu accidentellement, sans 
ralentissement simultané des pulsations, dans d’autres expé- 
riences, telles que celle de la fig. 28. 


1) Arch. néerl. T. XXVIIL, p. 272 suiv, 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 341 


Il s’agit évidemment ici de l’excitation simultanée des fibres 
inhibitrices provenant du vague. La dépression des systoles 
auriculaire est le plus forte dans la deuxième période après 


Fig. 24. 


l'excitation, et disparaît si lentement, que la dernière des 
A, qui a été figurée, la septième après l'excitation, n’est pas 
encore revenue à la hauteur primitive. Les modifications 


342 TH. W. ENGELMANN. 


subies sont absolument les mêmes que celles qui se produisent 
lors de l’excitation soit directe soit par voie réflexe de la 
branche cardiaque du pneumogastrique, par exemple quand 
on excite l’intestin !). Les systoles ventriculaires sont plus petites 
après l'excitation et semblent donc en apparence affaiblies. 
Mais ceci provient très-probablement de ce que par suite de 
l’affaiblissement des contractions auriculaires le ventricule s’est 
rempli d’une moindre quantité de sang. 

Le plus souvent, de même qu’à l'excitation du tronc du 
pneumogastrique, l'action déprimante subie par les contrac- 
tions auriculaires se combine avec l'augmentation de la durée 
du périodes. On en trouve un exemple fig. 24. 

Ici l’action déprimante est relativement la plus forte. Ces 
expériences, surtout celles que représentent les figs. 22 et 23, 
mettent donc en relief ce fait important, d’abord relevé par 
M. Nuel ?), que l’affaiblissement du pouvoir de contraction 
et l'accroissement de la durée des périodes, en d’autres termes 
le ralentissement des pulsations, sont des phénomènes com- 
plètement indépendants l’un de l’autre. Ils doivent donc sans 
le moindre doute leur origine à des actions du vague sur des 
éléments différents du cœur. L’atfaiblissement des contractions 
est due, à ce que je crois, à une action directe sur les fibres 
musculaires des oreillettes, le ralentissement des pulsations à 
une action sur les foyers de l’excitation automatique, aux 
orifices veineux du cœur. 


Résumé des résultats. 


Les expériences précédentes sur le stade réfractaire et le 
repos compensateur ont rigoureusement démontré, je crois, que 
le rhythme normal du cœur a sa cause dans une propriété 
particulière de la substance musculaire de cet organe. Cette 


1) Arch. néerl. T. XXVIIL. PL 2, figs. 2 et 12. 


2) Nuel. Over den invloed van vagusprikkeling enz. Onderzoek. physiol. 
labor. Utrecht. Derde reeks, IT. 1893, p. 304 suiv. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 343 


propriété consiste en ce que la substance musculaire perd pas- 
sagèrement son excitabilité (phase réfractaire) sous l'influence 
d'une excitation efficace, et en ce qu’ensuite l’excitation nor- 
male, venant des orifices veineux, n’est pas continue, mais 
périodique et de même rhythme que les pulsations du cœur. 

La première de ces deux circonstances, rapprochée du fait 
que l’excitation physiologique spontanée doit être considérée 
comme relativement peu intense, conduit à ce résultat que 
chaque division du cœur excitée par voie physiologique ne 
peut jamais présenter d'activité continue, mais doit agir pério- 
diquement. Il faut considérer de plus que l'excitation spon- 
tanée n’affecte pas simultanément en tous ses points, ni même 
en des points nombreux, la musculature de chaque division 
du cœur, mais toujours en relativement peu d’endroits, d’où 
l'excitation doit se propager par transmission musculaire. 

Les perturbations de la périodicité normale et du rhythme 
normal sous l’influence d’excitations artificielles supplémen, 
taires, telles par exemple que nous les observons d’une ma- 
nière si frappante dans le phénomène du repos compensateur, 
s’expliquent par les mêmes raisons. Il faut admettre de plus 
que les excitations spontanées du cœur ne sont pas produites 
d’une manière continue, mais périodiquement et dans le 
même rhythme que les battements cardiaques. 

Mes expériences ont apporté de nouveaux faits à l’appui 
de cette manière de voir, mais il ne faudrait pas en conclure 
que les faits déjà connus ne suffisent pas déjà à la rendre 
plausible. Elle me paraît déjà s'imposer quand on se rappelle 
l'observation si ancienne qu’à la mort du cœur la fréquence des 
pulsations ventriculaires continue à être dans un rapport simple 
avec celle des pulsations auriculaires. Les deux divisions car- 
diaques battent d’abord sur le même rhythme, plus tard il 
n’y à plus qu'une V, sur n À4,, n étant toujours un nombre 
entier. Quand on songe aux nombreuses différences histolo- 
giques et physiologiques qui distinguent les oreillettes et le 
ventricule, ce fait me semble conduire, si l’on admet une 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX, 23 


344 TH. W. ENGELMANN. 


production continue des excitations motrices du cœur, à 
l’absurdité l’une harmonie préétablie entre À et VW. Mais si 
l’on était cependant encore tenté de s’en tenir à l’opinion 
contraire, que l’on se rappelle l’expérience, classique dans sa 
simplicité, de M. Gaskell !)}. Cet auteur montra que chez 
le cœur battant de lui-même l'élévation de température du 
ventricule seul n’augmente pas le nombre des pulsations auri- 
culaires! C’est seulement en chauffant les oreillettes dans le 
voisinage des orifices veineux, où prennent naissance les ex- 
citations normales, que l’on parvient à accélérer leurs pulsa- 
tions. M. Dastre n’a guère pu avoir eu déjà connaissance 
des expériences de M. Gaskell quand il croyait pouvoir dé- 
montrer que le repos compensateur était un phénomène dû au 
système nerveux intracardiaque. Elles semblent avoir échappé 
à M. Kaiser, sinon cet auteur n'aurait pu croire plus lonig- 
temps à une excitation physiologique continue du ventricule. 

L'idée développée ici de l’origine du rhythme cardiaque, 
malgré qu’elle ait été uniquement conçue à propos de re- 
cherches sur le cœur de la grenouille, peut cependant sans 
le moindre doute être étendue au cœur de tous les verté- 
brés. Il s’agit ici en effet d’un principe tout-à-fait général, 
qui trouve déjà sa cause dans les propriétés les plus élémen- 
taires de la substance musculaire du cœur. Or la généralité 
de ces propriétés a été démontrée à tant de points de vue 
divers et chez des représentants si nombreux de toutes Les 
classes de vertébrés que l’on peut sans danger élever ses 
conclusions sur cette base. J’ai donc cru pouvoir me dispenser 
provisoirement de recherches spéciales sur le cœur d’autres 
animaux, ainsi d'animaux à sang chaud. 

Une seule circonstance pourrait donner lieu au doute: les 
idées ici exprimées ne rendent pas compte de la signification 


1) W. N. Gaskell. On the rhythm of the heart of the frog. etc. 
Philos. Transact. vol. CLXXIII. (Read 22 Dec. 1881). p. 995. 


OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES, ETC. 345 


des nerfs et ganglions intracardiaques. On ne peut naturelle- 
ment sans cela songer à une théorie complète de l’activité 
du cœur. Mais on ne peut cependant y voir une objection 
à nous faire, car nous n'avons eu que cette seule intention 
d'expliquer les phénomènes du rhythme. Et ïl n’est pas 
nécessaire de considérer le système nerveux intracardiaque 
comme la cause de ces phénomènes, aussi longtemps qu’il 
y a moyen de découvrir encore d’autres fonctions, accomplies 
par ce système. Quelles sont ces fonctions? C’est ce que nous 
étudierons dans un travail ultérieur. 


DO 


SUR LES 


POINTS CARDINAUX DE L'ŒIL POUR LES LUMIÈRES 
DE COULEUR DIFFÉRENTE 


PAR 


W. EINTHOVEN. 


On ignore encore à présent l'influence de la dispersion sur 
la position des points cardinaux de l’œil, les foyers principaux 
exceptés. Et cependant, il paraît désirable de connaître les 
déplacements subis par les points principaux et nodaux, quand 
l’œil reçoit des rayons iumineux de réfrangibilité différente. 
On s’est contenté, dans l’étude de bien des phénomènes causés 
par la dispersion, de se servir de l’œil élémentaire de Listing 
à un seul plan de réfraction. Il en a été notamment ainsi 
pour les phénomènes que l’on peut expliquer par le dépla- 
cement relatif des images rétiniennes différemment colorées !). 
Dans l'œil élémentaire de Listing, le point principal et le 
point nodal uniques demeurent invariables, quels que soient 
les rayons qui tombent sur l'œil. Il suffit donc dans les con- 
structions de tenir compte du déplacement des foyers prin- 
cipaux. Mais la question se pose de savoir si les résultats de 
la construction ne seraient pas considérablement modifiés si 
à la place de l'œil élémentaire de Listing on mettait l’œil 


1) W. Eintho ven. Stéréoscopie dépendant d’une différence de couleur. 
Archives Néerlandaises, 1886, T. 20, p. 361. 

Dr. A. Schapringer. Zur Theorie der »Klatternden Herzen”. Zeitschr. 
f. Psych. und Physiol. der Sinnesorgane, 1894, Bd. V. S. 385. — Findet 
die Perception der verschiedenen Farben nicht in ein und derselben Lage 
der Netzhaut statt? Pfligers Archiv, 1895, Bd. 60, S. 296. 


W. EINTHOVEN. SUR LES POINTS CARDINAUX DE L'ŒIL, ETC. 847 


non-simplifié du même auteur !). En effet, sous une inci- 
dence oblique des rayons lumineux, il faut que le dépilace- 
ment des points nodaux entraine un déplacement des images 
rétiniennes. 


Pour calculer l'influence de la dispersion sur la place des 
points cardinaux dans l'œil, 1l faut connaître la dispersion de 
chacun des milieux réfringents de l'œil séparément. M. le 
docteur J. J. Kunst à opéré dans mon laboratoire une série 
de mesures de dispersion ?). Il trouva que nr— nn s'élève 


pour l’humeur vitrée à 0,004 en moyenne ; 
ù aqueuse 000 : 
, la couche externe du cristallin , 0,005 , : 
0, moyenne, A * DODb ; 
» le noyau du cristallin » 0,006 , eo) 


Dans le calcul des points cardinaux qui va suivre, j'ai 
admis que 
pour En eaen 
pour les humeurs aqueuse et vitrée np = 1,337, nr = 1,341 ; 
pour la substance du cristallin np = 1,447, nr = 1,454. 


Les indices de réfraction admis pour les humeurs aqueuse 
et vitrée sont des valeurs moyennes, calculées d’après un 
grand nombre de mesures Les indices admis pour le cris- 
tallin ne sont pas des moyennes. D’après Helmholtz, le 
cristallin de l’œil humain, formé de couches différentes, ré- 
fracte plus fortement la lumière qu'il ne le ferait s’il était 


1) Mon attention fut d’abord appelée sur ce fait par M. le professeur 
J. Bosscha à Harlem; et plus tard encore par M. Schapringer à 
New-York. 

2) J, J. Kunst. Beiträge zur Kenntniss der Farbenzerstreuung und 
des osmotischen Druckes einiger brechenden Medien des Auges. Inaugural- 
Dissertation, 1895. Voir aussi Onderzockingen, gedaan in het physiologisch 
laboratorium te Leiden, 2e Reeks, DE. IT. 

3) Les nombres ici rapportés ont été abrégés à la troisième décimale. 


348 W. EINTHOVEN. 


homogène et si toute sa masse possédait l'indice de réfraction 
du noyau. Je suis parti, dans le calcul des points cardinaux, 
suivant en ceci l'exemple de Listing et d'Helmholtz, de 
l’idée d’un cristallin homogène; et j'ai donc pris l'indice de 
réfraction égal à celui du noyau, choisissant un noyau à indice 
de réfraction élevé. M. Kunst avait trouvé pour ce noyau 
(provenant d’un œil de vache) np = 1,447 et nr — nn = 0,007. 
J’ai admis ensuite pour 


le rayon de la cornée . . Dore 1. LM Sn 
FAT , » face antérieure du be . à. FINS 
» D » » 2) P 0 sté rieure » » ; F F 6 po) 


la distance de la face antérieure du cristallin au 

sommet de la cornée . . . : ; MS IDRE 
la distance de la face ne de cristal au 

sommet de la cornée :  .:10 0. on NES 

Le calcul des distances focales principales de la cornée s’est 
fait d’après les formules 


dans lesquelles f et f* représentent les distances focales prin- 
cipales antérieure et postérieure, r le rayon de courbure et n 
l'indice de réfraction de l’humeur aqueuse. 

Le calcul des points cardinaux du cristallin s’est fait d’après 
les formules suivantes !): 


me x — nm; No T; To : 
(n, — #0) [ne F. 7 ne (D, = 0] 
nm, dr 0 Ce 
he : Gth, = 2 RER à 
TOR, En, 0 : ni jte D —n, )d 


dans lesquelles F et F* représentent les distances principales, 
r, le rayon de la face antérieure, r, celui de la face posté- 
rieure du cristallin, #, l'indice de réfraction des humeurs 


1) Voir H. von Helmholtz. Handbuch der physiol. Optik, 2. Auf. 
S. 81 u. 82. 


SUR LES POINTS CARDINAUX DE L'ŒIL, ETC. 349 


aqueuse et vitrée, n, l'indice de réfraction du cristallin, d 
l’épaisseur du cristallin, À, la distance du foyer principal 
antérieur à la face antérieure du cristallin et h, la distance 
du foyer principal postérieur à la face postérieure du cristallin. 

La composition du système entier de l’oeil déduite de 
ses deux éléments: la cornée et le cristallin, s’est faite d’après 
le méthode de M Abbe!). J’ai employé à cet effet les for- 
mules suivantes : 


re fF _ f? F* 
D — A >» ® TANIA 
* x 
| RAI eRE 2 
A VAN 


dans lesquelles f et f*, F et F*, y et p* représentent respective- 
ment les distances focales principales antérieure et postérieure 
de la première partie élémentaire: la cornée; de la deuxième: 
le cristallin, et du système entier: l’oeil. Quant à A, c’est la 
distance du foyer principal antérieur du cristallin au foyer 
principal postérieur de la cornée. Enfin z représente la distance 
du foyer principal antérieur de la cornée au foyer principal 
antérieur du système entier, et z* la distance du foyer prin- 
cipal postérieur du cristallin au foyer principal postérieur du 
système entier. 

Tous les points cardinaux ont été calculés deux fois, d’abord 
pour les rayons de la raie D de Fraunhofer, et après pour 
les rayons de la raie F. Les résultats du calcul sont rassemblés 
dans le tableau suivant. 

Le lieu des différents points est donné dans les colonnes 
2 et 3 par leur distance au sommet de la cornée. Cette dis- 
tance est positive quand le point est situé derrière la cornée, 
et négative quand il est situé devant. Dans la colonne 4 les 
valeurs ont été prises positivement quand les distances pour 


—_—— 


1) Voir L. Dippel. Handbuch der allgemeinen Mikroskopie, 1882, 
2. Aufl. S. 26. 


3b0 W. EINTHOVEN. 


les rayons plus réfringents sont plus petites que pour les 
autres, ou que les points cardinaux pour les rayons plus 
réfringents sont plus proches du sommet de la cornée que 
ceux des rayons moins réfringents Dans le cas contraire les 
valeurs deviennent négatives. Toutes les valeurs sont expri- 
mées en millimètres, et calculées à la cinquième décimale 
près. On peut les considérer comme exactes jusqu’y compris 


la quatrième décimale. 


pour les | pour les | Différence 
rayons rayons | pour les 
de la de la rayons 

raie Dh raie F'ASDIerere 


Distance focale principale antérieure de la 


COPDÉC TES 23,7389| 93,4604| 0,2785 

" ” 2 postérieure de la 
cornée... 1... 317389 0317200000 
” ; ! du cristallin ...| 463727) 45,29429| 1,0785 

» du point principal antérieur du 
cristallin derrière sa face antérieure... 2,1151 2,1121)  0,0030 

Distance du point principal postérieur du |. 

cristallin devant sa face postérieure . .…. 1,2691 1,26721 00019 

Distance des deux points principaux du 
Cristal lun ARIANE e PETER 0,2158 0,2207) —0,0049 


Distance focale principale postérieure del’œil| 20,3300, 20,0581| 0,2749 


” » » antérieure » D» 45,2057| 149575)  0,2482 
Lieu du premier point phneipal tee 1,8501 1,8862 | —0,0361 
» _» deuxième » DRE EE 2,2702 2,2909 | —0,0207 
Distance des deux points principaux l’un 
at laqutre 4e HN srl ARS PETER 0,4201 0,4047| 0,0154 
Hieurvdupprenmmerpointinodalee" #2 6,9744 6,9868 | —0,0124 
» 1» deuxième» D at 7,3945 7,3915|  0,0030 
NOM AON ER DEN CIDAlPANTÉTICUR ACER —13,3556 | —13,0713,  0,2843 
HET » 2 POSTÉ HEURE RENE 22,6001| 223490) 0,2511 


La circonstance la plus importante pour les phénomènes de 
dispersion dans l'œil, c’est l'influence de la dispersion sur la 
position du point nodal postérieur et du foyer principal 


e 


SUR LES POINTS CARDINAUX DE L'ŒIL, ETC. 301 


postérieur. Nous voyons que le point nodal postérieur pour 
les rayons bleus (F) est situé 8 « en avant du point nodal 
postérieur pour les rayons jaunes (D), une distance si petite 
que l’on peut sans doute la négliger dans la plupart des cas 
où l’on étudie le déplacement mutuel d'images rétiniennes 
différemment colorées. 

La différence de la distance focale principale a déjà été 
calculée et mesurée de différentes manières par d’autres auteurs. 
Mais les valeurs obtenues ne peuvent être directement com- 
parées au résultat par nous obtenu. Car notre calcul s’applique 
à l'intervalle nr — np, tandis que les autres auteurs sont 
partis de l'intervalle nç —nc ou même nç — ng !). 

Helmholtz ?) a pris comme base de son calcul l'œil 
simplifié de Listing, dont l’unique plan de réfraction a un 
rayon de courbure de 5,1248 mm. Il admet que le milieu 
réfringent est de l’eau. Les valeurs, données par Fraunhofer, 
des indices de réfraction, dans l’eau, de rayons de couleurs 
différentes, permettent de calculer aisément les valeurs des 
distances focales principales. Helmholtz trouve, 
| pour les rayons de la raie C, f* — 20,574 mm. 

Ait ; en Uie—.20.140)mins 

La différence est de 0,434 mm. 

Si nous appliquons le même calcul aux rayons des raies 
D et F, nous trouvons, 

pour les rayons de la raie D, f * — 20,488 mm. 
“rie d de Manu a 20 2095: 

La différence est de 0,193 rm. 

Le calcul effectué plus haut, pour l’œil non-simplifié, donne 
ici 0,248 mm. (voir le tableau). Le calcul approché pour 
l'œil simplifié conduit donc à une valeur trop faible. 


DVorcalr Je Kuüunst,/11c. 
Ju ecp.*158. 


CHRISTIAN HUYGENS 


PAR 


J. BOSSCHA. :) 


Rendre les suprêmes honneurs à un ami est une des gran- 
des douleurs de la vie. Comme une image dont aucune passion 
fugitive n'altère la sereine noblesse, ainsi nous apparaît le 
fond de son âme avec une clarté que les agitations de la vie 
n’admettaient pas toujours. De le voir ainsi au moment du 
dernier adieu rend plus cruelle l’amertume de la perte irré- 
parable. Cette impression persiste et renouvelle, à chaque 
retour de la date funeste, le deuil de ceux dont il fut la joie. 

Il en est autrement dans la grande famille humaine. Les 
distances d’espace et de temps changent, avec leurs propor- 
tions, la nature même des choses. Celui qui fut l’ami et le 
bienfaiteur de toute l’humanité nous est attaché par des liens 
moins sensibles, mais plus durables que les tendres fibres du 
cœur. Lorsque le cours incessant des années a depuis long- 
temps fait perdre de vue le groupe d’amis qui pleurait à son 
lit. de mort, il arrive que sa figure de plus enplus 
semble s'élever, attire et enchaîne nos regards, mieux connue 
dans l’harmonie de ses grandes lignes, à mesure que la dis- 
tance augmente. Les héros de la pensée ne peuvent être 
justement appréciés que par les générations qui suivent; car 
l'importance de leur œuvre, l'étendue de leur influence n’ap- 
paraissent qu'à la lumière de la science qu'ils ont fait naître. 


1) Discours prononcé dans l’auditoire de l’Université d'Amsterdam, le 8 
juillet 1895, à l’occasion du deuxième centenaire de la mort de Huygens. 


J. BOSSCHA. CHRISTIAN HUYGENS. 908 


Parlant et agissant par leurs travaux, ils ne cessent de nous 
appartenir. Le terme de leur vie est pour nous la fin d’une 
tâche, dont le souvenir élève l’esprit en nous mettant devant 
les yeux tout ce que peut embrasser une vie humaine bien 
employée. 

Tel fut Christian Huygens. Quel autre sentiment 
ce 8 juillet, où deux siècles nous séparent de sa vie, peut-il 
exciter en nous, si ce n’est l’admiration de la grandeur de 
son œuvre et la reconnaissance des dons précieux de lumière 
et de vérité qu’il nous transmit? 

Il dut s’écouler plus d’un siècle avant que l’on reconnût la 
valeur d’une de ses plus profondes spéculations. Un autre 
passa et sans cesse encore son image grandit et gagne en 
attraits. Tandis que les théories actuelles des forces de la 
nature s’approchent de plus en plus des vues de Huygens, 
de nouvelles données qui concernent sa personne viennent 
prêter couleur et vie à sa figure de héros. Des documents, 
extraits du trésor de la bibliothèque de Leyde, nous racontent 
ce qui se passa dans l'atelier spirituel du grand hollandais, 
ses luttes avec la matière réfractaire, la patience tenace de 
son merveilleux génie, les soins inépuisables qu’il ne cessa de 
donner au perfectionnement d’un même ouvrage, afin de 
satisfaire aux conditions presqu’ excessives qu'il exigeait dans 
tout travail qui devait sortir de ses mains. 

La publication de tout ce qui, dans la succession littéraire 
d’un homme célèbre, peut être déchiffré et rangé dans un ordre 
intelligible s’est montrée quelquefois une épreuve dangereuse. 
Examinée de trop près, l’image peut s’obscurcir, troublée par 
les passions humaines. Il est permis de croire que, pour cette 
raison, des manuscrits de haute valeur pour l’histoire des 
sciences nous sont restés cachés. Les éditeurs des lettres et 
des notes de Huygens n’ont pas connu cette difficulté. 
Déjà, en six gros in-quarto nous avons sous les yeux plus 
de la moitié de sa correspondance. Les détails qu’ils nous 
font connaître sur sa vie, sur ses relations avec ses amis et 


3D4 J. BOSSCHA. 


parents, sur son attituae vis-à-vis de la jalousie et l’inimitié, sur 
tout enfin qui regarde son caractère, ne font que confirmer 
ce qu’on devait attendre d’un homine aussi scrupuleusement 
consciencieux dans ses recherches scientifiques. Rien ne trouble 
l’heureuse surprise de reconnaître que ce puissant penseur, 
homme comme nous, parmi nous et dans la vie ordinaire, 
compterait parmi les plus modestes et les plus attrayants. 
Jamais il ne nous a paru si noble, et notre joie que si 
grande fut la valeur d’un homme et, — pourquoi le cacher, — 
d’un compatriote serait sans mélange, si nous ne sentions trop 
péniblement combien nous devons rester au-dessous de la tâche 
de retracer sa figure et d’honorer sa mémoire comme il le mérite. 


Les destinées de la famille Huygens sont intimement 
liées à celles de notre patrie et de la maison d'Orange, dans 
la période la plus critique mais aussi la plus glorieuse de leur 
histoire. Le grand-père et parrain de Christian était, dès 
sa 27e année, secrétaire du Prince Guillaume Ier. Après 
la mort du Taciturne il accompagna le Prince Maurice 
dans ses campagnes, en qualité de secrétaire du Conseil d'Etat. 
Il assista ainsi et participa aux délibérations du Père de la 
patrie et aux brillants faits d'armes du Libérateur de notre 
territoire, fidèle et vaillant comme eux. Christian, le vieux, 
entreprit le coup audacieux de ravir du palais de l’ambassa- 
deur espagnol à Londres le fils du commandant de vaisseau 
Hoorn. L'enfant y était retenu comme otage pour garantir 
l'exécution d’une entreprise des Espagnols contre Flessingue, à 
laquelle son père, de connivence avec le Stadhouder, avait feint 
de se laisser gagner. Le jour même où Hoorn devait conduire 
dans l’embüche l’ennemi de sa patrie, l'enfant, dont le Prince 
Guillaume avait garanti la sécurité, fut enlevé par le 
secrétaire Huygens, défendu à main armée contre les gens 
de Mendoza, et conduit en lieu sûr. Maiïntes fois, au cours 
du voyage en Hollande, la chance d’échapper aux poursuites 
de Mendoza sembla perdue, mais la fin heureuse de la péril- 


CHRISTIAN HUYGENS. 355 


leuse mission a dû réjouir d'autant plus le cœur du Taciturne, 
dont la parole se trouvait dégagée avec autant de circonspec- 
tion que de hardiesse. 

C’est à cette école de fermeté et de persévérance que fut 
élevé le poète Constantin. Son nom devait être le sym- 
bole de la constance avec laquelle il servirait la cause de la 
liberté. Constanter, comme il s'appelait lui-même, a plei- 
nement satisfait aux vœux de son père. La maison d'Orange 
a rarement connu un serviteur d’une plus inébranlable fidélité. 
Toutefois les penchants de Constantin Huygens le 
portaient plutôt au service des Muses qu'aux rumeurs de la 
guerre. Et il est surprenant de voir tout ce que son intelli- 
gence pouvait embrasser: la langue et la littérature de toutes 
les nations et de toutes les époques, la musique, la peinture, 
les mathématiques, la mécanique, rien de ce qui est digne 
de connaître ne fut négligé. Son grand savoir étonnait, même 
au delà des frontières de la République. Il fut admiré par 
des amis tels que Hooft et Heinsius, Descartes et 
Balzac. Mais les soucis de sa charge, ses longs et nombreux 
voyages en qualité de membre et de chef d’ambassade, ne 
lui laissaient guère le loisir d’un travail soutenu. Un homme 
de tant de talent et de goût, dont l'intelligence sut démêler 
le sens des dépèches ennemies les plus habilement chiffrées, 
était un secrétaire et conseiller hautement estimé pour Fré- 
déric Henri, l’ami des arts. Maintes fois aussi le Prince 
en à donné témoignage. Constantin toutefois ne nous a 
laissé aucune œuvre durable, qui augmente nos connaissances. 
Pendant les heures arrachées au sommeil, sous la tente, en 
marche à cheval, au milieu du bruit de la guerre, sans cesse 
il était occupé de ce que pouvait produire sa fantaisie: des 
formes et des images poétiques nouvelles, des épigrammes et 
des jeux de mots. Ce qu'un esprit aussi prompt appliqué à 
un travail sérieux, maintenu dans les droits chemins de la 
recherche et de la réflexion, aurait pu produire, c’est ce que 
son fils Christian allait montrer. 


306 J. BOSSCHA. 


L'éducation des fils de Constantin portait les marques 
de l'époque où les efforts poussés à l’extrême étaient une chose 
ordinaire. Îl est presque incroyable quel lourd fardeau d’études 
ils eurent à supporter dès leur plus tendre jeunesse. A l’âge de 
huit ans ils apprirent le latin, et dans sa dixième année 
Christian se servait familièrement de cette langue avec son 
frère Constantin. Leur père leur envoya du camp sous 
Grave des vers latins; ils trahissent les sentiments divers que 
lui inspiraient chacun de ses fils. L’aîné, Constantin, lui 
apparaît, dans ses trop brillantes espérances, comme un futur 
poète ,tel qu'il n’y en a pas encore eu au monde.” Envers 
son petit Christian le ton dont il parle est moins empha- 
tique mais plus affectueux. Il l’appelle ,le miel de son cœur, 
son mignon, son gentil et élégant garconnet”, qui lorsque 
père reviendra du camp sera récompensé par une pluie d’or 
des vers envoyés à l’occasion de sa fête. Et toute sa vie le 
père a conservé ce sentiment plus tendre à l’égard de Chris- 
tian. En dépit de ce qu’il assure chérir au même degré tous 
ses enfants, on lit clairement dans ses lettres que c’est toujours 
Christian dont l’adieu lui est le plus affligeant, l’absence 
le plus pénible. 

Dès l’âge de huit ans l’enfant connut les quatre opérations 
de l’arithmétique et la règle de trois. En même temps il ap- 
prit le chant, et avant que l’année ne fût écoulée il savait 
,Chanter avec grande justesse dans toutes les clefs toute espèce 
,de morceaux de musique.” A neuf ans il apprit la géographie 
et l’emploi du globe pour trouver l'heure du lever et du 
coucher du soleil dans toutes les saisons. À dix ans il apprit 
la versification latine et le violon, à onze le luth et à douze 
la logique. 

On serait tenté aujourd’hui de se demander comment de 
pareilles études pouvaient être supportées par Christian qui 
était d’une constitution faible et délicate. Mais les enfants de 
Constantin avaient, à l’âge le plus difficile, le privilège 
d’être instruits par leur père, et combien celui-ci s’y entendait 


CHRISTIAN HUYGENS. 397 


A 


à tenir leur intérêt en éveil, c’est ce que l’on peut voir par 
une des petites pièces de vers, composées par Constantin 
à cette époque, ,sur Christian qui me suit partout comme 
sun petit chien.” Cependant, lorsque d’année en année les 
campagnes du Prince tinrent le père éloigné de la maison, 
l'éducation des enfants dut être confiée à des professeurs, 
Myrkinius et Bruno. On doit douter que ce dernier fût 
un bon maître pour le jeune Christian. Nous connaissons 
Henricus Bruno par les lettres latines qu’il était chargé 
d'écrire tous les quinze jours à Constantin pour lui rendre 
compte des progrès de ses élèves. Ces lettres sont des modèles 
de prétentieux mauvais goût, écrites sous la préoccupation trop 
visible de faire sa cour au père haut placé et influent, en 
affectant l’admiration pour la poésie, en faisant étalage de 
savoir, tout en se perdant dans un verbiage absurde. 

Pour un enfant aussi vif que Christian ce devait être 
un tourment que d’avoir un tel maître. Quelle que fût son 
habileté au calcul, dans l’emploi du globe, en musique, il y 
avait une chose qui lui donnait de la peine: composer des 
vers latins. Ce fut en vain que Bruno l’importunait sans 
cesse, que le frère Constantin lui prêtait un bienveillant 
secours, sa muse latine était et restait paresseuse. Bruno 
nous à conservé les premiers vers latins, un distique que 
Christian à l’age de dix ans à péniblement élaboré: 


Jam primum tantum compono carmen et oro 
Excuses jam me, post meliora dabo. 


Le suivant, en effet, était meilleur, de forme irréprochable, 
et non sans ironie naïve vis-a-vis du père dont l’amour de 
la poésie faisait indirectement souffrir le fils. 


O Pater, in sylvà liceat mihi ludere clavà; 
Per lusum clavae nulli periere poetae. 


Une époque plus heureuse commença lorsque après le latin 


358 J. BOSSCHA. 


et le grec, le français, l'italien et le clavecin, Christian 
put aborder les principes de la mécanique. Ce fut aussitôt la 
branche de prédilection, une récréation plutôt qu’un travail. 
Les heures de jeu furent consacrées à copier des figures et 
des modèles. Bientôt il s’essaya à construire des machines, et 
avant la fin de l’année Christian s'était fabriqué lui-même 
un tour de charpentier. 

A cette grande diversité d'exercices vinrent s’ajouter dans 
le courant des deux années suivantes les mathématiques sous 
maître Stampioen, l'équitation et la danse. Après ce der- 
nier complément d’études les deux enfants furent jugés suffi- 
samment préparés pour être inscrits comme étudiants en droit 
à l’Université de Leyde. Christian venait d'atteindre l’âge 
de seize ans. | 

À Leyde il eut le privilège de trouver dans Van Schooten 
un excellent maître pour l'étude qui l’attirait plus que la 
jurisprudence. Van Schooten était un très-habile géomètre, 
ami de Descartes, et en correspondance suivie avec le père 
Mersenne, le confident du grand philosophe, travailleur 
scientifique infatigable, le correspondant universel de presque 
tous les mathématiciens de son temps. Bientôt, l’année qui 
suivit l’arrivée de Christian, le nom de Van Schooten 
allait se répandre dans le monde scientifique par la publi- 
cation de son Traité des sections coniques et les deux premiers 
livres des Exercices mathématiques. Mais déjà à cette époque, 
un peu plus d’un an et demi après sa première leçon, l'élève 
de Van Schooten s'était si bien fait connaître que le père 
Mersenne pria le jeune Huygens de iui donner son avis 
sur le nouvel ouvrage de son professeur. 

Van Schooten, quelques semaines après sa première 
rencontre avec Christian, avait envoyé à Descartes un 
écrit de son nouvel élève touchant ,une invention de mathé- 
matiques.” Descartes, tout en observant que le jeune 
Huygens ,n’y eût pas trouvé tout à fait son compte, ce qui 
,n'était nullement étrange pour ce qu’il avait cherché une chose 


CHRISTIAN HUYGENS. 359 


,qui n’a jamais été trouvée de personne,” en fut tellement satis- 
fait qu'il n’hésita pas à prédire que l’auteur deviendrait 
,excellent en cette science.” Bientôt le père Mersenne 
avait envoyé à Constantin Huygens des problèmes 
destinés à être soumis à son fils, qui s’occupait de mathéma- 
tiques, et ainsi s'était établie une correspondance entre Me r- 
senne et Christian. Dans une de ses lettres, en démon- 
trant que, contrairement à ce qui était admis alors, une corde 
suspendue à ses deux bouts ne prend pas la forme d’une 
parabole, en examinant ensuite de quelle manière la corde 
doit être chargée pour réaliser cette courbe, Christian 
avait donné des preuves de jugement et de perspicacité plus 
que suffisantes pour motiver une entière confiance dans la 
sureté de sa critique. 

Van Schooten était plus qu'un savant géomètre, c'était 
encore un homme d’un excellent caractère. Il s’est toujours 
sincèrement réjoui du succès de son élève et est resté toute 
sa vie pour Christian, dans leurs relations scientifiques, 
ami le plus intime et le plus éprouvé. En ce jour consacré 
à la mémoire de Huygens le nom de van Schooten 
doit être salué avec honneur et reconnaissance. 

Trop tôt ils durent se séparer. À peine les deux frères eurent 
ils passés deux années à Leide, que l'aîné alla remplir une 
charge pour assister son père en sa qualité de Secrétaire du 
Prince. Frédéric Henri, après avoir reconquis Bréda, avait 
fondé en cette ville un Athénée, le Collegium Arausiacum, 
dont le poête Constantin était un des plus zélés curateurs. 
Celui-ci y avait déjà envoyé comme étudiant son troisième 
fils Louis, et Christian, resté seul à Leïde, alla rejoindre 
son frére à Bréda. Il y vint habiter chez Dauber, professeur 
de jurisprudence. Le souci du père de ménager à son fils un 
avenir dans une carrière politique fut sans doute le motif 
principal de ce changement. Mais le goût des mathématiques 
continua de prévaloir. C’est à Bréda que Christian réunit 
les matériaux du premier ouvrage qu'il allait publier. Et 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX, 24 


860 J. BOSSCHA. 


pendant qu'il exerçait son génie naissant dans des lettres 
à Mersenne et vau Schooten, et en cherchant les pa- 
ralogismes dans le volumineux traité de Grégoire de 
St. Vincent sur la quadrature du cercle, Dauber traçait 
dans une lettre au père Constantin ce portrait du jeune 
étudiant : 

»Je n'ai pas encore vu tant de sagesse et de savoir, un 
»eSprit si vif, un jugement si exquis, une diligence si extra- 
,Ordinaire, une conversation si honnête et modeste et tant 
d’autres belles qualités rassemblées en qui que ce soit en un 
âge si tendre.” 

Le séjour de Bréda dura deux ans. Selon l’usage du temps 
l'éducation devait se terminer maintenant par un voyage. 
Une ambassade partant pour le Danemarck en fournit l’occasion. 
Le chef Henri de Nassau comptait sur l'assistance en 
matières juridiques de l’élève de Dauber; le jurisconsulte 
en herbe rêvait de pousser son voyage jusqu’en Suède pour 
y rencontrer Descartes et la reine Christine. La joy- 
euse cour de Flensbourg ne paraît pas avoir réclamé beau- 
coup de diplomatie, et les rigueurs de la saison firent échouer 
les projets de Suède. 

De retour à la Haye, Huygens s’occupa aussitôt à ré- 
diger et rassembler les problèmes conçus et résolus dans le 
cours de ses études à Leyde et à Bréda, ainsi que les ob- 
servations auxquelles le livre de Saint-Vincent lui 
avait donné lieu. Van Schooten, auquel il communiqua 
son travail, fut si surpris ,de la subtilité des inventions et 
de la clarté des démonstrations” qu’il engagea Christian 
à le publier. L’étroite relation qui existait entre les sujets de 
ses premiers exercices et les propositions de Saint-Vincent 
induisirent Christian à ajouter à ses problèmes un examen 
critique du livre de ce dernier. 

C'est sous cette forme que parut le premier ouvrage de 
Huygens, suivi bientôt d’un deuxième sur le calcul ap- 
proché de la circonférence du cercle et sur quelques problèmes 


CHRISTIAN HUŸGENS. 861 


célèbres par leur difficulté. La forme et le fonds révélaient 
à l’instant la main d’un jeune maître. 

Grégoire de Saint-Vincent était un jésuite de 
soixante-cinq ans, renommé par son savoir. Jamais il n’a re- 
connu publiquement son erreur. Quelques années après l’ap- 
parition de la critique, un des disciples de Saint-Vincent 
a fait une tentative pour attaquer l’adversaire de son maître. 
Il fut réfuté sans peine. Mais les premiers rapports avec 
Saint-Vincent ont donné lieu à une correspondance 
qui forme un épisode remarquable dans la vie si remplie de 
Christian Huygens. Saint-Vincent est devenu non 
seulement un admirateur sincère, mais aussi un ami de plus 
en plus dévoué de son premier antagoniste scientifique. Il 
était heureux de pouvoir rapporter à Huygens comment 
un de ses élèves, Gottignies, avait démasqué à Rome 
l’horloger du pape, lequel voulut se faire passer pour l'in- 
venteur d’une horloge qui se trouva n'être qu’une copie de 
l'horloge à pendule de Huygens. Plus tard il se réjouit de 
pouvoir écrire que le père jésuite Fa br1i, qui avait entrepris en 
Italie une campagne violente contre l'explication de l’anneau 
de Saturne, avait fini par reconnaître la justesse des vues du 
jeune hollandais. 

Huygens de son côté, ne méconnaissant pas les réels 
mérites de Saint-Vincent, a recommandé à un jeune 
allemand, que l’Horologium Oscillatorium avait porté à s’oc- 
cuper de mathématiques, l'étude des œuvres du jésuite ; et c’est 
ainsi qu'échut à la mémoire de ce dernier la louange recon- 
naissante du grand Leibnitz. 

L'abbé Monchamp, qui l’année dernière a tiré des 
premiers volumes publiés par la Société hollandaise des 
Sciences un remarquable mémoire sur les correspondants 
belges du grand Huygens, fait observer qu’ils étaient, 
tous les neuf, des ecclésiastiques, parmi lesquels six pères 
Jésuites. Fait surprenant, quand on se rappelle que Huygens 
était protestant, d’une famille qui, par ses étroites relations 

24* 


362 J. BOSSCHA. 


avec les premiers Stadhouders, était plus que tout autre en- 
gagée dans l’âpre lutte religieuse et politique de cette époque. 
Ce détail peint bien l'esprit et le caractère de Christian. 
Il avait en aversion tout conflit, surtout ceux que créent 
les différences de sentiment et d'intérêt entre les hommes. 
Son attention et ses efforts ne se portaient que sur la 
recherche des vérités qui sont évidentes pour chacun. Il 
vivait dans Île ciel serein de la science, au-dessus de la 
foule agitée des hommes, et si évidemment pures étaient ses 
intentions et si grande sa puissance que, vers ces hautes 
sphères, il attirait à lui les plus éminents de toute opinion. 

Outre les trois ouvrages cités, Huygens en a publié en- 
core séparément sur les mathématiques un autre qui à lui 
seul suffirait à <a renommée. C’est un mémoire intitulé: 
Tractaet van Rekeningh in Spelen van Gheluck (Traité du 
calcul des jeux de hasard), écrit dans sa 28e année, et paru 
comme appendice au cinquième livre des Exercices mathéma- 
tiques de van Schooten. Cet ouvrage est le premier qui 
traite de la théorie des chances. Il renferme les principes d’une 
doctrine, alors entièrement nouvelle, qui, aujourd’hui, dans 
la théorie des probabilités avec ses importantes applications 
au calcul des observations et celui des lois de mortalité 
s’est développée eu une science spéciale. Jacques Ber- 
noulli plaça, en 1718, le traité de Huygens en tête de 
son Ars conjecturandi. 

Nombreuses, au contraire, furent les contributions à la 
géométrie, fournies par Huygens dans ses lettres, dans les 
journaux et ses propres ouvrages traitant d’autres sujets, quand 
il avait besoin de ce puissant auxiliaire pour inventer de 
nouveaux instruments ou découvrir des lois physiques. 

Il a indiqué lui-même le caractère distinctif de son œuvre 
mathématique. Montrant à van Schooten avec sa clair- 
voyance habituelle le côté faible et même par un exemple 
bien choisi la faillibilité de la méthode des indivisibles 
de Cavalieri, telle que van Schooten la lui avait 


CHRISTIAN HUYGENS 363 


transmise, il dit: ,Je suis ainsi fait que, en géométrie, 
»] attache moins de prix aux résultats qu’à la solidité du 
raisonnement et à la clarté de la démonstration.” 

Toutefois, on ne peut mieux mesurer son génie mathéma- 
tique que par l'estime des plus éminents géomètres qui lui 
ont succédé. Condorcet, dans son éloge de Huygens, 
ous en à conservé un témoignage précieux. ,On voit,” dit-il, 
dans la correspondance littéraire de Leibnitz et de Ber- 
»nouilli, où ces deux illustres amis se confient leurs plus 
Secrets sentiments, queile profonde estime ils faisaient de 
Huygens, combien ils étaient avides de ses manuscrits et 
jaloux d’y trouver leurs opinions, et avec quel triomphe ils 
,opposaient le seul jugement de Huygens à la foule des 
adversaires qu'avait attirés aux caiculs de l'infini le double 
,démérite d’être nouveaux et sublimes. Si quelque chose a 
,droit de flatter l’amour-propre, ce sont de tels éloges, donnés 
»Par de grands hommes dans le secret, et auxquels la mali- 
»gnité ne peut soupçonner aucun motif qui en diminue 
lé prix.” 


Du temps des premières études de Huygens datent éga- 
lement ses contributions à la physique et la mécanique. Elles 
ouvrent la série des grands travaux par lesquels Huygens 
a exercé l'influence la plus profonde et la plus durable sur 
notre connaissance de la nature et aussi sur notre vie pratique. 

Pour bien comprendre la place que Huygens a occupée 
parmi les physiciens du dix-septième siècle, pour expliquer le 
sort que trouva son œuvre après sa mort, il faut avoir égard 
aux idées philosophiques de son temps. 

Le système de Descartes occupait à cette époque tous 
les esprits; il n’avait pas de partisan plus enthousiaste que le 
maître de Huygens, van Schooten. Celui-ci avait joui du 
commerce instructif du philosophe; il avait pu connaître toute 
la puissance de son génie par l'étude approfondie de la 
Géométrie, dont il avait donné une traduction latine augmen- 


364 J. BOSSCHA. 


tée de commentaires. Personne mieux que van Schooten 
ne pouvait juger de la valeur de l’instrument dont Descar- 
tes par sa nouvelle géométrie avait doté la science. Et quel 
est le mathématicien de ce temps qui ne dut être rempli 
d’admiration pour les deux autres ouvrages que Descartes 
avait ajoutés à son premier écrit: les Météores avec la subtile 
théorie de l’arc-en-ciel et l’ingénieuse et lucide Dioptrique? 
Mais l’ambition de Descartes visait plus haut que la décou- 
verte de nouvelles méthodes de géométrie et de quelques 
effets de la lumière. La structure de l’univers entier devait 
sortir de sa puissante imagination. Il avait dans ses Principes 
déduit de son doute philosophique en toutes choses la certi- 
tude de sa propre existence; celle-ci l'avait conduit à la cer- 
titude de l’existence de Dieu, l’idée de Dieu aux conceptions 
d'espace et de temps et de leurs qualités, qui enfin lui servirent 
de base pour la théorie du mouvement et du choc des corps. Ces 
lois du mouvement, dont Descartes se croyait si certain ,qu’ 
,encore que l’expérience nous semblerait faire voir le contraire, 
ynous serions néanmoins obligés d'ajouter plus de foi à notre 
raison qu’à nos sens” formaient les articles fondamentaux 
de la Constitution réglant un univers uniquement composé 
d'espace en mouvement. Tous les phénomènes de la nature 
devaient en effet trouver leur explication dans l’infinie variété 
de transmission et de transformation du mouvement. 

On peut se demander comment un homme aussi exercé 
dans les sévères méthodes de raisonnement de la géométrie 
a pu se laisser entraîner par une fantaisie aussi désordonnée 
dans l'élaboration ultérieure de scn système; pour van 
Schooten, comme pour une foule de ces contemporains et 
de ses successeurs, Descartes était infaillible. 

Quels doivent avoir été ses sentiments lorsque son élève 
admiré vint lui montrer ce qu'il venait d'écrire à Gutscho- 
ven, savoir que, sauf la première, toutes les lois du mou- 
vement énoncées par Descartes étaient peu sûres et sus- 
pectes de fausseté. 


CHRISTIAN HUYGENS. 365 


La nouvelle édition des œuvres de Huygens nous donne 
un vivant tableau de la discussion qui s’engagea, à ce propos, 
entre les deux amis. Après le premier entretien Huygens, 
dans une lettre, embarrasse aussitôt son maître en lui soumet- 
tant un problème dont la résolution d’après les lois de Des- 
cartes conduit à une absurdité évidente, Van Schooten, 
cependant, ne se laisse pas convaincre. Il conjure Huygens 
de ne pas mettre en péril sa réputation en s’attaquant à une 
autorité aussi incontestée et en se montrant ingrat envers l’illustre 
maître. Il lui conseille de s'occuper plutôt de mathématiques, 
et l’avertit qu’un professeur de Hambourg a confirmé par 
l'expérience les lois de Descartes. Il confie même à Chris- 
tian un secret de la table d’études — on dirait mieux du 
dressoir — du philosophe. Descartes n'avait pas, en réalité, 
déduit ses lois de pures considérations philosophiques. Au 
professeur Heidanus ïil avait confessé les avoir tirées des 
profondeurs de l'algèbre, et d’avoir hésité s’il ne les plaeerait 
pas en tête de son système, au lieu de les incorporer dans 
sa démonstration philosophique et de les présentor comme une 
conséquence de son fameux: ,Je pense, donc je suis.” 

Ce fut tout en vain: la résistance de van Schooten ne 
fit qu’accroître l’assurance de Huygens et sa foi en lui-même. 
Pourquoi van Schooten le jugeait-11l sans l’entendre, sans 
connaître ses preuves? Descartes lui-même se serait-il pré- 
tendu au-dessus de toute erreur humaine? ,Le don de ne 
jamais faillir n'appartient qu’à ceux qui ne font rien.” 

Il y a lieu de regretter que Huygens n'ait pas publié, 
dès 1656, ses lois de la percussion. Il est certain qu’il les possé- 
dait déjà complètement à cette époque. C'est ce qui résulte des 
problèmes dont il communiquait les solutions dans ses lettres, 
principalement d’un théorème élégant dont il fit part à 
Claude Mylon. Lorsque, cinq ans après, Huygens vint 
à Londres, il y trouva Wren et Rooke occupés à faire des 
expériences sur le choc des corps, sans cependant réussir à 
y découvrir quelque règie. Il avait encore ses lois dans la 


306 J. BOSSCHA. 


mémoire et sut, à chaque expérience, prédire quel en serait 
le résultat. 

En 1669 parurent sur ce sujet dans les Philosophical Trans- 
aciions de la Société Royale deux articles, l’un de Wren, 
l’autre de Wallis. Ce dernier traitait d’une question dont 
Huygens ne s'était pas occupé, le choc des corps non-élas- 
tique. La note de Wren renfermait les lois déjà découvertes 
par Huygens, précédées de quelques développements qui 
devaient passer pour une démonstration, dont cependant l’in- 
suffisance prouvait clairement que ce n'était pas par cette 
voie que Wren avait obtenu ces lois. 

Il est arrivé ainsi qu’une assertion inexacte et une critique 
insuffisante ont fait naître la tradition que Wren, Wallis 
et Huygens ont été successivement les auteurs des lois 
de la percussion. 

Le sixième volume, récemment paru, des œuvres de Hu y- 
gens fait justice de cette erreur. Il rapporte le témoignage, 
rendu par Wren lui-même, qu’il n’a pas fourni de démon- 
stration et fait voir de plus que par la date de la publication 
également Huygens fut le premier auteur de cette découverte. 
L'année précédente il avait lu ses lois du mouvement à 
l’Académie des sciences de Paris où leur discussion avait 
occupé deux séances entières. 

L’incident stimula Huygens à vaincre la répugnance qu'il 
ressentait à publier des découvertes qu'il jugeait inachevées. 

Il ft connaître deux nouvelles lois du mouvement extré- 
mement importantes: la conservation du mouvement du centre 
de gravité, et la conservation des forces vives. À la Société 
Royale il transmit de plus quatorze propositions cachées en- 
core dans des anagrammes. 

Dans l'histoire de la science il n’existe certainement pas 
une page écrite renfermant tant de remarquables découvertes. 
Les quatorze propositions contenaient les lois du pendule 
simple, du pendule composé et du pendule conique, la déter- 
mination et les propriétés des centres d’oscillation, les lois de 


CHRISTIAN HUYGENS. 367 


la force centrifuge, — qui plus tard élevèrent à l’apogée le 
renom de Huygens, —- et quatre lois d'optique, parmi les- 
quelles il y en a une qui dans sa généralité embrasse toutes 
les propriétés des systèmes de lentilles centrés, la quarantième 
proposition de sa Dioptrique, dont jusqu'ici personne encore 
n’a fait ressortir toute la portée. | 

Mais dans les mémorables années de 1655 à 1657 l'esprit 
de Huygens fut occupé par les sujets les plus divers. Tandis 
qu'il inventait le calcul des probabilités, qu'il répondait au 
défenseur de Saint-Vincent, qu’il venait d’entrer en cor- 
respondance avec Wallis, qu’il étudiait les problèmes de la 
théorie des nombres, reçus de Fermat par l'intermédiaire 
de de Carcavy, trois découvertes se succédèrent qui aus- 
sitôt firent retentir son nom loin en dehors du monde scien- 
tifique : le satellite de Saturne, l'anneau de Saturne et l'horloge 
à pendule. 


Depuis l’époque où Galilée, Métius, Simon Marius 
et Fabricius, en dirigeant versles astres la lunette hollandaise, 
avaient découvert les montagnes de la lune, les satellites de 
Jupiter, les phases de Vénus et les taches dn soleil, on n'avait 
plus observé de nouveaux phénomènes célestes bien impor- 
tants. Ce qui alors avait étonné le monde pouvait se voir au 
moyen de la lunette de Lippershey, telle qu’on la mon- 
trait déjà en 1608 à la foire d’automne de Francfort, et qu’on la 
vendait l’année suivante dans les rues de Paris. Les nouvelles 
lunettes, construites d’après le principe de Kepler, n'avaient 
pas conduit à de bien grands progrès. L'art de tailler les verres 
était encore dans l'enfance. Huygens comprit que de son 
perfectionnement dépendait en premier lieu le progrès de l’astro- 
nomie. Il mit lui-même la main à l’œuvre, après avoir pris bon 
conseil chez le professeur van Gutschoven à Louvain. 

ponpersévérance dans le lonst et difficile travail “fut 
couronné de succès. La première lunette de 12 pieds de 
longueur qu'il construisit dépassait en pouvoir résolvant 


308 J. BOSSCHA, 


toutes les autres lunettes de cette époque, même les 
plus grandes. Le 5 mars 1655, il vit dans le voisinage de 
Saturne une petite étoile qui accompagna la planète dans sa 
marche à travers les astres, un satellite, dont par l'observation 
de six révolutions complètes, Huygens détermina la période 
* au 1/64 près. Suivant l'exemple de Galilée, il communiqua 
sa découverte à ses correspondants sous forme d’anagramme, 
dans l'intention de ne la publier qu'après avoir résolu com- 
plètement le problème des mystérieuses apparences de la 
planète elle-même. Mais il ne put résister à la tentation de 
montrer le nouvel astre à ses amis. L’un d’entre eux lui 
donna le conseil prudent de ne pas tarder à publier sa dé- 
couverte et c’est ainsi qu’au premier anniversaire du satellite 
Hugénien parut un petit mémoire ,de Saturni luna observatio 
nova” qui renfermait encore, en un nouvel anagramme, la 
découverte de l’anneau. Cependant Huygens continuait ses 
observations avec une deuxième lunette de 23 pieds de lon- 
gueur; ce n’est qu’au bout de trois ans qu'il jugea ses ob- 
servations assez concluantes pour être présentées au monde 
scientifique. Mais alors aussi son travail avait acquis une 
portée bien plus grande que la mise au jour de nouveaux 
phénomènes merveilleux. La raison qu'il donna des différents 
aspects de la planète, le calcul et la prédiction des phases de 
son anneau montrèrent une fois de plus la puissance de son 
étonnante perspicacité. Toutefois, plus haut que les décou- 
vertes mêmes doit-on souvent estimer les moyens d’en faire 
d’autres. Or, le Systema Saturnium, outre la théorie de l’an- 
neau, apportait la preuve certaine que dans les soins extrêmes 
donnés à la fabrication des lentilles résidait tout le secret qui 
permettait de pénétrer plus profondément les mystères du ciel. 
L'ouvrage contenait la première description des bandes claires 
de Jupiter, d’une bande obscure de Mars et de la nébuleuse 
d’Orion, dont Huygens put affirmer qu’elle qu’elle était une 
véritable nébuleuse et ne pouvait être résolue en un amas 
d'étoiles, comme toutes celles que l’on connaissait alors. Ces 


CHRISTIAN HUYGENS. 309 


observations nouvelles excitèrent partout une heureuse émula- 
tion entre les artistes et les amateurs pour perfectionner les 
lunettes; parmi eux, Huygens et son frère Constantin 
continuèrent à tenir le premier rang. Pour donner enfin à 
l'instrument sa valeur entière, Christian le munit d’un 
accessoire nouveau, qu'il imagina pour mesurer les dimen- 
sions apparentes des astres. Le Systema Saturnium contient les 
premières données sur les diamètres des planètes et de l’an- 
neau de Saturne, obtenues à l’aide d’un micromètre oculaire. 


La troisième œuvre créée par Huygens à cette époque 
fut le grand évènement de sa vie: l'invention de l'horloge à 
pendule. Lorsqu'une fois l’idée heureuse lui fut venue d’ap- 
pliquer le pendule aux horloges alors existantes, la réalisation 
en fut facile. Il suffisait de coucher horizontalement l’axe 
vertical autour duquel, par la force du poids moteur, le ba- 
lancier était projeté alternativement d’un côté et de l’autre, 
et de remplacer ce dernier par une fourchette embrassant le 
bout supérieur du pendule. L'exécution ne demandait que 
quelques jours. Et cependant cette modification, en apparence 
insignifiante, avait fait naître un instrument dans lequel le 
temps était mesuré d’après un principe nouveau. La marche 
de l’horloge ne dépendait plus du poids moteur et de la résis- 
tance variable des rouages. 

Le secret de la découverte ne tarda pas à se divulguer. 
Le succès de la nouvelle horloge, la rapidité avec laquelle 
elle se répandit chez nous et créa une nouvelle industrie, dé- 
passèrent encore le mouvement qu'avait causé, cinquante ans 
plus tôt, l'invention de la lunette hollandaise. Huygens, dans 
son désir de perfectionner la nouvelle horloge, négligea une 
fois de plus de veiller à ses propres intérêts. Il y avait déjà 
huit mois que le clocher de Schéveningue était pourvu de la 
première horloge publique à pendule avant que Huygens, 
dans un petit travail, Horologium, se fit connaître au monde 
savant comme l'inventeur. Sa trop grande confiance dans 


370 J. BOSSCHA. 


l'équité de ses concitoyens lui a causé bien des ennuis. Nous 
les passons: ils n’ont pu amoindrer ni son nom, ni son œuvre. 

Huygens avait surtout mis son espoir dans l’application 
de son horloge à la navigation, La détermination du lieu d’un 
navire en mer était dans ce temps encore très défectueuse. La 
mesure de la hauteur des astres pouvait bien faire connaître 
avec une exactitude suffisante à quelle distance on se trouvait 
au nord ou au sud de l’équateur, mais le , problème d’ouest et 
d'est” demeurait irrésolu. On devait se contenter d’une estima- 
tion faite d’après la vitesse et la direction du navire, données in- 
certaines et souvent trompeuses par suite des courants marins. 
En vain les rois d’Espagne, d'Angleterre et de France et le 
gouvernement de la République avaient-ils promis de fortes 
récompenses pour l'invention d’une méthode des longitudes. 
Si l’on pouvait seulement déterminer en mer la différence de 
l’heure locale avec celle d’un port connu, la solution évidemment 
était trouvée. Or, l'heure locale se déduisait sans peine de la posi- 
tion du soleil et des étoiles. Une horloge exacte qui, malgré les 
oscillations du navire, continuerait de donner l’heure précise 
du port quitté en dernier lieu, tel était donc le moyen cherché. 
Huygens a pendant dix-huit ans consécutifs tàché de rendre 
ses horloges propres à cet effet. Vers le milieu de cette époque, 
le voyage du capitaine anglais Holmes fournit une expérience 
réussie qui eut un grand retentissement. Mais depuis 1l parut 
de nouveau qu'il était difficile d’assurer le succès d’une ma- 
nière absolue en toute circonstance. Ce n’est qu'en 1675 que 
les efforts infatigables de Huygens furent couronnés d’un 
plein succès par l'application du mouvement pendulaire et 
des ressorts en spirale aux montres. Sa légitime joie peut nous 
réjouir encore aujourd’hui. À son frère Louis, qui l'avait féli- 
cité et qu'il avait à complimenter à l’occasion de la naissance 
de son premier né, il écrit: ,1l y a du plaisir d’avoir matière 
,à se faire ainsi des félicitations réciproques, à l’un pour des 
enfants de chair, à l’autre pour des enfants d’esprit. Si 
»votre garcon est beau, ma fille, la nouvelle invention, est 


CHRISTIAN HÜYGENS. 871 


aussi belle en son espèce et vivra longtemps avec sa sœur 
aînée la pendule et son frère l’anneau de Saturne.” 

Dans l'astronomie l'horloge à pendule opéra une véritable 
révolution. L'étude du mouvement des corps célestes réclame 
avant tout la mesure du temps. L’astronomie rationnelle se 
trouve arrêtée par un obstacle infranchissable tant que l’on 
ne peut pas dans cette mesure atteindre à une très-grande 
exactitude. On avait essayé de remplacer les anciennes hor- 
loges insuffisantes par le pendule libre de Galilée, en s’im- 
posant la peine presque insupportable de compter pendant 
des heures les oscillations d’un poids ou d’une verge sus- 
pendue qu’un aide maintenait en mouvement. Mais ce moyen 
devait rester tout aussi défectueux. On ne pouvait empêcher 
que les oscillations ne fussent d'amplitude très inégale, et 
la constance prétendue de la durée des grandes et des petites 
oscillations n’était vraie que d’une manière très grossièrement 
approchée, La célèbre loi de Galilée, déduite d'observations 
très-imparfaites, était aussi inexacte que ses considérations sur 
la chute des corps suivant un arc de cercle. 

Le nouvel instrument à pendule qui, tout en enrégistrant 
ses oscillations, restait de lui-même en mouvement, avait 
presque entièrement écarté cette dernière difficulté. Il marchait 
si régulièrement que l’amplitude de ses oscillations ne variait 
presque pas. Toutefois, l'exactitude mathématique de Huygens 
ne se trouvait pas satisfaite. Recherchant la précision la plus 
rigoureuse il se posait cette question: si un corps pesant, 
tombant suivant un arc de cercle, emploie pour atteindre le 
point le plus bas des temps inégaux selon la longueur des 
arcs parcourus, quelle doit être la courbe de descente pour que 
l'égalité des temps, le tautochronisme, soit réalisé. C'était un 
problème de même nature environ que celui de la corde 
chargée dont il s'était occupé dans sa jeunesse. Le secret ne 
pouvait lui rester caché: la courbe était la roulette ou cy- 
cloïde, que décrit un point de la circonférence d’un cercle 
roulant. Mais comment disposer l'horloge de telle manière 


879 J. BOSSCHA. 


que le poids oscillant soit obligé de suivre cette courbe? Ici 
s’ouvrait un Champ tout nouveau de spéculation géométrique, 
qui fournit à Huygens l’occasion d’une invention considérée 
encore aujourd’hui comme une merveille de pénétration d'esprit. 
Il créa la théorie du développement des lignes courbes, et en 
tira cette conséquence, que l’application au bout supérieur du 
pendule de deux lames en métal, courbées en forme de cycloïde, 
et contre lesquelles viendrait s’appliquer alternativement le fl 
du pendule, devrait rendre la marche de l’instrument com- 
plètement insensible aux variations d'amplitude. 

Les progrès de l’art ont bientôt permis de construire des 
horloges tellement parfaites qu’une variation d'amplitude, ap- 
préciable au point de vue pratique, ne peut plus s’y présenter ; 
aussi, les horloges à pendule dans lesquelles on rencontre en- 
core les lames en arc de cycloide sont devenues très-rares. 
Mais la théorie géométrique de Huygens est restée; et les 
considérations auxquelles il a été conduit par le désir d’ap- 
profondir complètement le mécanisme de son invention ont 
été la source de la plus grande découverte qui ait été faite 
jusqu'ici : celle de l'attraction universelle. 

Mais il nous faut suivre maintenant Huygens dans ses 
voyages et dans ses travaux à Paris. 


Le premier séjour de Huygens en France avait pour objet 
d'acquérir, en même temps que son frère Louis, le grade de 
docteur en droit à l’Université protestante d'Angers. Ce n’est pas 
là cependant la raison pour laquelle son voyage a eu une si 
profonde influence sur le reste de sa vie. À Paris il entra en re- 
lation avec Bouillau, Auzout,de Roberval et Chape- 
lain. Ce dernier, l’ami sexagénaire du vieux Constantin, con- 
eut aussitôt une vive affection pour Christian. Ce fut Chape- 
la in qui lui donna le sage conseil de ne pas différer la publication 
de la découverte du satellite de Saturne. Il est resté depuis ce mo- 
ment le paternel ami et protecteur, en lequel Huygens apprit 
à connaître toute l’exquise amabilité du vieux savant français. 


CHRISTIAN HUYGENS. DS 


Lorsque, cinq ans plus tard, Christian retourna à Paris, 
le cercle de ses amis s’y était considérablement élargi. Con- 
rart, Mylon, de Carcavy, de Monmor etPetit s'étaient 
successivement offerts comme ses correspondants. 

Déjà au temps de Mersenne il s'était formé à Paris des 
sociétés qui se réunissaient à époques fixes pour s’entretenir 
de toutes les nouvelles intéressant les lettres et les sciences. 
Chez Mersenne se rencontraient les géomètres, chez Co n- 
rart les hommes de lettres. Ces sociétés se nommaient 
Académies, et c’est en effet de celle de Conrart qu'est issue 
Académie française. La société la plus mélangée et la plus 
brillante était celle de Monmor. Les sujets dont on s’occu- 
pait n'étaient pas toujours des plus intéressants: chacun avait 
le droit de se mêler à la discussion. Il arriva que la question 
de savoir si un point géométrique à une existence réelle pro- 
voqua des débats qui remplirent toute une soirée. Mais l’atten- 
tion fut générale et soutenue lorsque Chapelain lut à 
un auditoire d’une quarantaine de hauts courtisans, de fonc- 
tionnaires de l'Etat, de membres du clergé, de nobles et de 
docteurs de la Sorbonne une lettre de son jeune ami de Hol- 
lande sur les merveilles de l’anneau de Saturne. 

Aussitôt que Huygens en 1663 fut arrivé pour la troi- 
sième fois à Paris, de Monmor, l'abbé de Bryas et de 
Sorbière vinrent le prier de ne pas manquer le premier 
mardi de de Monmor. On y mettrait à l’ordre du jour 
un nouveau règlement tendant à provoquer l'étude de sujets 
scientifiques sérieux et utiles. Le fait que l’on désirait voir 
Huygens y assister prouve que non-seulement on le con- 
sidérait comme un avocat influent de la bonne cause, mais 
déjà comme un membre de la Société. 

Le courant favorabie aux arts et aux sciences qui régnait alors 
dans la société cultivée de Paris ne put échapper à la sollicitude 
éclairée du grand Colbert. Il désirait en prendre la direction 
et le faire servir le plus possible à la gloire de son pays et de 
son roi. Il conçut le projet de fonder une Académie Royale des 


374 J. BOSCHA. 


Sciences, avec des traitements fixes pour ses membres et des 
subsides pour défrayer les recherches. Il ne procéda pas à la 
réalisation de ce projet avant de s'être assuré que Huygens 
viendrait se fixer à Paris comme membre. 

Une année et demie avant que la célèbre Académie ne tint 
sa première séance, Huygens reçut à la Haye la proposition 
de Colbert. Il n'hésita pas longtemps. En Hollande il 
n'avait pas de confrères qui approchaïent de sa valeur. Le 
mathématicien Heuraet de Harlem s'était déjà depuis long- 
temps fixé en France. Le bourgmestre d'Amsterdam, Hudd e, 
était trop occupé de ses fonctions et n’était d’ailleurs guère 
attrayant par ses lettres prolixes. C'était à Paris et à Londres 
qu'il pourrait vivre parmi ses semblables. Peu apprécié dans 
sa patrie il n'y trouvait aucun emploi utile. Une fois il avait 
fait un rapport aux Etats-Généraux sur une prétendue in- 
vention de la méthode des Longitudes: pour le reste les 
services qu'il avait eu l’occasion de rendre à la République 
se bornaïent à la construction, à bord de l’un des vaisseaux 
de guerre, d’une couchette suspendue, comme son horloge 
marine, à une articulation sphérique, afin de protéger le Pen- 
sionnaire du Conseil contre les fâcheux effets des remous et 
des vagues de la mer. C'était à l’occasion de la fameuse ex- 
pédition, dans laquelle Jan de Witt, contre l’avis des pilotes 
et fort de ses propres connaissances, conduisit lui-même la 
flotte de l'Etat à travers les bancs de sable de Texel. 

La décision prise par Huygens fit éclater des cris de joie par- 
mi ses amis parisiens. Seul Auzout manifesta la crainte que 
Huygens rencontrerait à Paris des difficultés avec les ouvriers, 
moins habiles que ceux de la Hollande. Mais Huygens, qui 
avait lui-même fabriqué ses lentilles et ses lunettes et construit sa 
machine pneumatique, pouvait répondre avec raison qu'il trouve- 
rait bien les moyens d'exécuter ses inventions, quand il en aurait 

Il partit pour Paris au printemps de 1666. On lui assigna 
comme demeure le futur siège de l’Académie, la bibliothèque du 
roi, dans la rue Vivienne, attenant au palais de Colbert. C’est 


CHRISTIAN HUYGENS. 375 


là que Huygens a passé plus de douze années de sa vie si 
active, c’est là qu’il composa son immortel Trailé de la Lumière. 

On connaît peu jusqu'ici des travaux de Huygens à 
l'Académie. Ce qu'en rapporte du Hamel, le premier secré- 
taire, dans son Historia Academiae, est incomplet et à été peu 
remarqué. Le secrétaire perpétuel actuel, M. Bertrand, en 
retraçant l’Académie et les Académiciens de 1666 à 1793 n’a 
pas manqué de mettre en lumière les mérites de Huygens. 
C’est à son obligeance, ainsi qu’à celle de M. le bibliothécaire 
Lalanne, que nous sommes redevables d’une copie de tout 
ce qui, dans les anciens Registres de l'Académie, se rap- 
porte à Huygens et à ses travaux, une très importante 
contribution à la nouvelle édition de ses Oeuvres. 

De toute son âme Huygens se mit à sa nouvelle tâche. 
La première page de son journal, écrite à Paris, contient 
’énumération de trente sujets de recherches propres à être 
traités à l’Académie. À Colbert il présente un program- 
me de travaux pour les deux sections, celle des sciences 
mathématiques et celle des sciences physiques. Dans l’exécu- 
tion de ce programme 1il occupe toujours le premier rang. 
Dès la première séance qui suit l’ouverture, il décrit une 
expérience nouvelle et étonnante, à laquelle le froid excessif 
lui avait fourni l’occasion: la rupture d’un canon de mous- 
quet par la congélation de l’eau. Dans les séances suivantes 
il communiqua quatre nouvelles méthodes d’observation 
astronomique, basées sur la première application de la mesure 
exacte du temps, que permet son horloge à pendule. Il 
dirige les expériences que l’Académie a décidé de faire au 
moyen de sa nouvelle machine pneumatique. Quand on 
prend la résolution d'étudier la force mouvante des courants 
d’eau et d'air, c’est Huygens que l’on charge d’indiquer la 
méthode, d'imaginer les instruments et qui à cette occasion 
invente le gazomètre flottant. Il résume les conclusions de ces 
remarquables expériences dans un lumineux exposé ct prouve 
que les forces sont proportionnelles aux carrés des vitesses. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 25 


376 J. BOSSCHA. 


Dans la section des mathématiques, on met à l’ordre du jour 
l'examen des causes de la pesanteur. Chacun des membres 
doit donner son avis. Des sept mémoires c’est celui de Hu y- 
gens qui est jugé digne d’un examen spécial. Ce mémoire, en 
effet, contient la majeure partie de son Discours sur la cause 
de la pesanteur. 

Les deux sections de l’Académie se trouvaient très-inéga- 
lement partagées quant à la valeur de leurs membres. Dans 
l'assemblée des mathématiques siégeaient les sept membres qui 
avaient été nommés les premiers: Huygens, de Carcavy, 
de Roberval, Frenicle, Buot, Picard et Mariotte. 
Dans l’assemblée de physique, la chimie, la science non encore 
née, était représentée par trois médecins; or, nous savons 
par Molière ce qu'étaient les médecins de ce temps-là. On 
extrayait, sublimait et distillait tout ce qui venait sous la main. 
On mettait dans la cornue tantôt un melon entier, tantôt 
quarante crapauds vivants. 

Du Clos, médecin ordinaire du Roy, y donnait le ton. Il 
s’empara de la direction des recherches sur la coagulation. 
Elles durèrent d’avril à décembre, car elles embrassaient, dans 
une confusion inextricable, la congélation de l’eau, la coa- 
gulation des œufs, la formation de toutes sortes de précipités, 
le lait et le sang caillés, le plâtre durei — et Du Clos ne 
tarissait pas en discours interminables. Au milieu du gali- 
matias général Huygens, à son tour appelé à donner son 
opinion, est le seul qui fasse entendre une parole sensée. Clair- 
voyant et profond comme toujours, il dit: ,les liquides se ca- 
ractérisent par la mobilité de leurs particules, ainsi qu'il 
apparaît lorsqu'on fait tomber une goutte de vin dans l’eau. 
Les parties colorées se dispersent dans tout le liquide. Dans 
un corps fixe les particules restent en place. Or, la vitesse des 
particules diminue avec la chaleur. Il faut donc que les liquides 
se solidifient par le refroidissement.” Mais ce jugement remar- 
quable n'empêche pas Du Clos d’énoncer, comme la con- 
clusion de huit mois de recherches, cette proposition: , La 


CHRISTIAN HUYGENS. DUT 


Cause de la concrétion des liqueurs est vraisemblablement la 
,Seicheresse; cette qualité estant opposée à l'humidité qui rend 
les corps liquides, peut bien produire un effect opposé qui est 
la concrétion des liquides.” 

Les expériences sur la coagulation alternaient avec la dis- 
section de toute sortes d'animaux, choisis sans règle à mesure 
qu’ils se présentaient. Ce fut un jour le corps d’une femme 
suppliciée. Huygens devait y assister, il s'intéresse à l’œil, 
en mesure soigneusement les dimensions, les rayons de cour- 
bure de la cornée et des deux faces du cristallin, et écrit 
dans son journal que le cristallin est mou et se laisse com- 
primer entre les doigts, que ce doit être là la cause que 
l'œil peut s'adapter à la vue des objets proches et éloignés, 
puisque le déplacement du cristallin en entier ne saurait y 
suffire. Pour Huygens la découverte de l’accomodation de 
l’œil, annoncée deux siècles plus tard, était toute faite. 

Ses occupations incessantes se trouvaient considérablement 
aggravées par les fréquents rapports qu'il avait à rédiger sur 
de prétendues inventions ou sur des ouvrages nouvellement 
parus. Son activité devait sembler presque téméraire. Elle le 
fut, hélas, en effet. Après une maladie de quelques mois 
Huygens dut être ramené dans la maison paternelle par 
son frère Louis. Il revint à Paris l’année suivante et écrivit 
son célèbre ÆHorologium Oscillatorium, dont presque chaque page 
contient une nouvelle invention de géométrie ou de méca- 
nique. Mais le mal revint à deux reprises et chaque fois 
avec un caractère plus grave. Deux fois encore Huygens 
dut être transporté comme un pauvre malade vers sa patrie. 
Ce n’est que trois ans après la dernière attaque qu’il se sentit 
assez fort pour retourner à la tâche qui lui était devenue 
chère. Ce fut trop tard: ses premiers amis parisiens étaient 
tous morts; le généreux Colbert avait été remplacé par Lo u- 
vois et Louis XIV abaissé jusqu’à devenir l'instrument du 
plus aveugle fanatisme. Ce fut en vain que malgré son grand 


âge le père Constantin essaya de faire valoir son in- 
20 


318 J. BOSSCHA. 


fluence: la France était fermée pour Christian Huygens. 


Dans les deux dernières périodes de son séjour à Paris 
Huygens, outre ses travaux mathématiques ininterrompus, 
a encore produit deux œuvres importantes: le Traité de la 
Lumière et la machine à poudre. 

On a si peu fait attention à cette dernière invention qu’on 
s’étonnera peut-être de l’entendre nommer parmi la brillante 
série des travaux de Huygens. Les manuscrits de Leyde 
font connaître la place importante qui revient à cette décou- 
verte dans les annales de la civilisation. 

Si, en remontant le cours des âges, on poursuit jusqu’à son 
origine l’histoire de la machine à vapeur, on rencontre suc- 
cessivement les grands noms de Stephenson, Watt, 
Savery et Papin. Mais avec Papin nous ne sommes 
pas encore à la source première. Comment Papin at-il 
conçu l’idée d’un cylindre fermé par un piston mobile, sous 
lequel il est produit de la vapeur, de sorte qu’il puisse se 
soulever, et qui ensuite, lorsque la vapeur se refroidit et que 
l’espace intérieur du cylindre devient vide, est poussé en bas 
par le poids de l’atmosphère avec une force capable de faire 
monter une lourde charge ? 

L'idée de se servir du feu pour chasser l’air et d'employer 
ensuite le poids de l’atmosphère comme force motrice, dérivée 
de celle du feu, appartient à Huygens; sa première réa- 
lisation a été la machine à poudre. Elle consistait en un 
cylindre, fermé par un piston mobile, et dans la paroi duquel, 
un peu au-dessous de la position la plus élevée du piston, 
on avait adapté de part et d’autre des canaux ouverts 
munis de soupapes de cuir mouillé en forme de tubes. La 
poudre au fond du cylindre étant allumée, l'air du cy- 
lindre était chassé en même temps que les gaz incandes- 
cents qui sortaient par les tubes de cuir. Quand l'air atmo- 
sphérique, de même que dans une arme à feu déchargée, 
retombait, il fermait de lui-même les soupapes en cuir et 


CHRISTIAN HUYGENS. 319 


pressait le piston en bas avec une force que l’on pouvait 
employer à lever des fardeaux considérables. 

On ne peut mieux comparer l’appareil qu'aux premières 
machines à gaz. Dans celles-ci également l'effet violent et 
désordonné de l’explosion n’est pas employé. Tandis que la 
tige à crémaillière du piston est projetée en haut par l’ex- 
plosion, la roue dentée sur laquelle elle agit se trouve dé- 
clanchée de l’axe moteur; ce n’est que dans le mouvement 
descendant, lorsque le poids de l’atmosphère pousse le piston 
en bas, que la roue dentée fait tourner l’arbre. Remplacez 
dans la machine de Huygens la poudre par le gaz d’éclai- 
rage et vous aurez la forme primitive de la machine à gaz 
telle que, en 1867, à l'exposition de Paris, elle fit son entrée 
dans le monde industriel. 

La machine ne fut pas seulement imaginée par Huygens; 
il la construisit, la mit en œuvre et la montra à Colbert. 
Son aide, dans ce travail, fut Papin. Celui-ci était venu 
s'établir à Paris en 1670; il fut adjoint à Huygens comme 
aide-préparateur au laboratoire de l’Académie. C’est dans la 
rue Vivienne qu'est née la machine à gaz, le prédécesseur 


N 


de la machine à vapeur. Quinze ans plus tard, étant pro- 
fesseur à Marbourg, Papin s’est remis à reconstruire l’appa- 
reil de son maître, auquel il avait dédié son premier livre. 
Après deux années de travail 1l annonce à Huygens qu’on 
peut produire plus économiquement un vide plus parfait en 
se servant, au lieu de poudre, de la vapeur d’eau. Mais cette 
idée également venait de Huygens. Dans la liste des 30 
sujets à traiter dans l’Académie, ainsi que dans le programme 
présenté à Colbert, on trouve proposé l'essai de la force de 
l'eau raréfiée par le feu à la suite de celui de la poudre. On 
ne peut admettre que Huygens, travaillant à la machine à 
poudre assisté par son aide, avec lequel il fut pendant cinq 
ans en rapport journalier, ne lui aurait pas dit que la vapeur 
d’eau pourrait servir au même but. 

Papin s’est vainement efforcé de réaliser la première ma- 


380 J. BOSSCHA. 


chine à vapeur sous une forme applicable dans la pratique. 
Il a lutté toute sa vie contre le destin de ceux qui, dans 
leurs efforts, inconsciemment entrent en lutte avec d’inflexibles 
lois de progrès. Il fallait plus qu'une vie humaine pour éta- 
blir l’usage industriel de la vapeur. Son application exigeait 
dans le travail des métaux et la construction des machines 
des progrès, que la machine à vapeur devait elle-même rendre 
possibles, C’est pas à pas, l’une secondant l’autre, que la con- 
struction et l’application devaient progresser. C’est à l’usine 
plutôt qu’au laboratoire du professeur que l'emploi de la force 
motrice du feu devait grandir. 

Huygens a compris à la fois l'utilité de son invention 
et les difficultés de l'exécution. I/esquisse qu'il traça le 13 
février 1678 dans son journal porte l'inscription suivante: 
,Pour avoir toujours à son commandement un agent très- 
puissant et qui ne coutte rien à entretenir comme font les 
,Chevaux et les hommes.” Et sa description se termine par 
cette remarque pratique: , Mais il serait assez difficile de faire 
sun cylindre en métail d’égale largeur partout et bien uni.” 

Huygens n’a pas usé ses forces en une entreprise qu'il 
ne pouvait mener à bien; il estimait avoir fait assez en inven- 
tant le principe d’une nouvelle machine motrice et en montrant 
par l’expérience de quelle force elle serait capable si l’on 
parvenait à la bien construire; il a passé à d’autres travaux. 

Cependant Huygens doit être considéré comme l’inven- 
teur de la machine à gaz et comme l’auteur spirituel de la 
machine à vapeur. C’est de plein droit que dans la cour d’en- 
trée du bureau central des chemins de fer à Utrecht, dont la 
facade est ornée des bustes de Papin, Watt et Stephenson, 
sera placé le portrait en médaillon de Huygens avec cette 
légende : 


Temporis invenit mensuram, ignisque movendi 
Vim, fugiente die qua licet arte frui. 


CHRISTIAN HUYGENS. 381 


Le Traité de la Lumière nous introduit dans la sphère où 
le génie de Huygens prit son plus haut essor. 

L'idée que tout l’espace est rempli d’une substance qui trans- 
met le mouvement était d’origine ancienne. Pour Descartes 
un espace vide ne pouvait exister. D’autres avaient déjà émis 
opinion que la lumière est transmise par les vitrations d’une 
matière répandue dans tout l'univers. Des conceptions et 
hypothèses aussi générales n’avancent guère la science, tant 
qu’elles sont impuissantes à rendre compte des plus simples 
phénomènes. Or, on ne parvenait pas à expliquer par leur 
moyen la propriété fondamentale de la lumière: la propaga- 
tion en ligne droite, Huygens résolut le problème. Par l'effort 
de son génie, la vague conjecture précisée, discutée et exami- 
née dans ses conséquences, devint la base d’une théorie qui 
expliquait non seulement la propagation rectiligne maïs aussi 
la réflexion et la réfraction des rayons lumineux. La singu- 
lière force d’abstraction qui distinguait son esprit, guidée par 
le raisonnement mathématique, lui fit découvrir dans les my- 
stères débrouillés de la double réfraction la confirmation de 
sa théorie. Et aussitôt son œil embrassa dans toute son 
étendue le domaine où il avait, le premier, trouvé un ter- 
rain solide. 

Plus d’une fois il avait combattu le système de Descartes 
dans ses allégations arbitraires; personne n’avait d’une main 
aussi audacieuse déchiré le tissu artificiel de la théorie des 
tourbillons. Aux yeux de plusieurs de ses contemporains ce 
fut Huygens qui avait détruit entièrement le système de 
Descartes. C'était une erreur. Huygens en a conservé 
le noyau en ces deux thèses: tous les phénomènes de la 
nature doivent trouver leur explication dans les lois de la 
mécanique; et cette autre: tout mouvement est la conséquence 
d’un autre transmis par contact immédiat. Avec ces notions, 
force n’est qu’un terme par lequel nous exprimons le lien de phé- 
nomènes de mouvement; telle la force d’élasticité, même celle 
de l’éther dont les vibrations produisent la lumière. C’est ici 


382 J. BOSSCHA. 


que l'imagination d'Huygens s'élève à une conception har- 
die, au-dessus de ce qu'avait jusque-là deviné l'esprit humain. 
Si l’éther immensément délié et mobile est élastique, c’est- 
à-dire qu'il se met en mouvement lorsque ses parties ne 
se trouvent pas coordonnées d’une manière déterminée, il 
faut qu’il existe une autre substance qui l’ébranle, un fluide 
qui le traverse et qui, dans son effort pour se procurer la plus 
grande liberté de mouvement, range la texture de l’éther 
dans l’état qui répond à cette condition. Cette nouvelle sub- 
stance doit, dans son degré de subtilité, se rapporter à l’éther 
comme celui-ci à la matière palpable. Et il n’y a aucune 
raison pour douter que cette deuxième substance ne soit sui- 
vie par une autre et que l'échelle des degrés infinis de 
ténuité n'ait pas de limite. Elle peut s'étendre infiniment 
loin des deux côtés; la même relation de cause à effet se 
continue à l'infini dans tous les degrés. Mais si nous pou- 
vons rattacher un phénomène aux propriétés d’une des sub- 
stances élastiques de la chaîne, nous avons pénétré jusqu’à la 
dernière cause qui nous est accessible, à la limite naturelle 
de toute science humaine : la compréhension de l'infini. 

Le Discours de la Pesanteur fournit une application trop 
peu appréciée à l’explication de la gravité. Plus remarquable 
encore en est une autre, relative au magnétisme. Le manus- 
crit de l’Aimant qui la contient a été mis de côté par les 
premiers éditeurs des œuvres de Huygens comme une pièce 
inachevée ; il n’a jamais été publié. 

Le Traité de la Lumière et le Discours de la Pesanteur 
parurent trop tôt de plus d'un siècle: il n’y avait que trois 
ans que Newton avait publié dans ses Principia la loi de 
l'attraction universelle. 

De même que l’hypothèse des vibrations lumineuses, celle 
d’une force attractive assujetissant les corps célestes à leurs 
courbes n’était par nouvelle. La loi des carrés, selon laquelle 
la force diminue avec les distances, avait même été claire- 
ment énoncée par Borelli et Boulliau. Cependant ici 


CRISTIAN HUYGENS. 383 


encore, quoiqu'il n’y eût aucune incompatibilité avec des faits 
connus, les opinions émises ne furent que des conjectures. N e w - 
ton, en établissant leur vérité, leur donna toute leur valeur 
scientifique. Les éléments de sa célèbre démonstration furent 
empruntés à l’Horologium Oscillaiorium. Newton à reconnu 
lui-même que cet écrit fut la base de son travail. La loi des 
forces centrifuges de Huygens avait fait connaître la force 
qui retient dans son orbite le satellite de la terre. Au moyen de 
ses lois du pendule, Huygens avait obtenu la valeur exacte 
de la gravité à la surface de notre globe. Les deux termes 
de l’équation étaient ainsi connus; réunis ils fournirent à 
Newton la pierre de fondation de son œuvre gigantesque. 

La loi de l'attraction ne put satisfaire Huygens: la 
cause de la force restait cachée. Prétendre que deux corps sont 
poussés l’un vers l’autre parce qu'ils s’attirent ,c’était dire autant 
que rien”. Une action à distance lui semblait une absurdité. 

Au point de vue de la science, on doit considérer comme 
une circonstance heureuse que la découverte de la loi échut au 
plus jeune des deux grands penseurs ; à celui qui, satisfait d’une 
intelligence moins profonde des choses, reconnut aussitôt toute 
la valeur du nouveau principe; qui, de plus, possédait dans 
le calcul infinitésimal, encore tenu secret, l’imstrument avec 
lequel il put opérer des prodiges. 

Huygens et Newton différaient d'opinion en plusieurs 
questions importantes. Si le premier ne pouvait admettre que 
toutes les particules matérielles s’attirent, ne voyant pas com- 
ment on pourrait ramener cette action à un effet de mouve- 
ment, Newton a rejeté la théorie de la double réfraction 
et a même voulu la remplacer par une autre, qui ne s’accor- 
dait pas avec l’expérience 

Cependant, ils reconnurent récipoquement leurs mérites. 
Dans son Discours de la Pesanteur, Huygens énumère 
toutes les difficultés, en apparence insurmontables, que la 
loi de Newton avait heureusement résolues. Et lorsque 
le docteur Bentley demande à Newton quels livres il 


384 J. BOSSCHA., 


faut lire pour pouvoir comprendre les Principia, la réponse est 
une liste d'ouvrages d'Euclide, Descartes, vanSchooten, 
Jan de Witt, Gassendi et Mercator, formant en- 
semble un cours d’études complet; mais à la fin cette remar- 
que: ,s1i toutefois vous pouvez vous procurer l’Horologium 
oscillatorium d’Huygens, ce üivre vous aidera bien mieux.” 
Hommage éloquent, rendu autant à la richesse des matières 
qu’à la clarté de l’exposition. 

Ils se connurent et furent amis. Le journal de Constantin 
Huygens, le frère, rapporte, sous la date du 10 juillet 1689, 
le fait suivant: ,Frère Christiaan vint avec le jeune M. 
,Hambden et Fatio Dhuillier et M Newton le 
matin à 7 heures à Londres dans le dessein de recomman- 
»der ce dernier auprès du Roi pour une place vacante de 
»Régent d’un collège à Cambridge”. Guillaume III, Huy- 
gens et Newton, réunis dans un même groupe, quel tableau! 
Hélas, le grand Roï n’a reconnu la valeur d'aucun de ses deux 
visiteurs. 

Lorsque Huygens ne fut plus parmi les vivants, l’anta- 
gonisme des théories et le conflit entre leurs défenseurs respectifs 
prirent un autre caractère. Même dans la patrie du grand in- 
venteur, les Principia eurent à soutenir une lutte acharnée contre 
d'anciennes erreurs. Cartésiens et Newtoniens se trouvèrent face 
à face. Dans les luttes de partis la sûreté de sa position propre 
et la ruine de l’adversaire constituent bientôt l’unique souci. 
Les écoles en querelle respectent peu ce qu’ honoraïent les 
maîtres. 

Malgré la remarque irréfutée de Huygens que deux 
courants de projectiles ne peuvent pas, comme des rayons 
lumineux, se rencontrer sans perturbation réciproque, la théorie 
de l’émission, proposée par Newton, fut maintenue. Une 
substance qui, selon l’idée de Huygens, remplirait tout 
l'espace parut incompatible avec l’ordre que la loi de l’at- 
traction avait fait reconnaître dans le système solaire. Pour 
laisser libre carrière aux corps célestes qui obéissaient avec 


CHRISTIAN HUYGENS. 385 


une si étonnante exactitude à cette loi, l’univers fut déclaré vide. 
Huygens, suspect aux Cartésiens, gênant pour les disciples 
de Newton, fut écarté; c’est à peine si on citait son nom. 

La ruine du système cartésien, détruit jusqu’à ses fondements 
par Huygens, ne pouvait plus être dissimulée. L’admiration 
pour les Principia de Newton devint aussi générale qu’elle 
était justifiée. Bientôt Newton domina toute la science 
rationnelle, et tel fut son ascendant qu'à la fin du siècle 
dernier on considérait comme une marque d’étroitesse d'esprit 
de ne pouvoir s'élever à la conception d’une action à distance. 
Lorsque Coulom b eut ramené les actions électriques et magné- 
tiques à la loi des carrés des distances, il sembla que le 
dernier mot fût dit sur ces phénomènes. 

Ce fut l’expérience qui vint briser l’autorité empruntée à 
la prétendue omnipotence d’une formule mathématique. Au 
commencement de ce siècle un médecin anglais, Younp, fixa 
l'attention sur des phénomènes lumineux dont seule la théorie 
des ondulations pouvait rendre compte. Presqu’en même 
temps un ingénieur français, Fresnel, sans connaître les 
travaux d’Young, entreprit une recherche pareille, et sut 
l’étendre en une brillante série d'expériences concluantes. Dès 
que l'étude de la lumière eut retrouvé dans la théorie de 
Huygens son principe directeur, les découvertes se succé- 
dèrent sans relâche. 

Dans les mêmes années où Foucault réussit à mesurer le 
rapport des vitesses de la lumière dans l’air et dans l’eau, 
et porta ainsi le jugement final qui condamnait irrévocable- 
ment la théorie de l'émission, le roi des expérimentateurs, 
Farada y, fit entendre sa voix. L'expérience journalière, con- 
tinuée pendant des années, des phénomènes magnétiques et 
électriques lui avait donné la profonde conviction que, dans 
l’espace qui sépare deux corps, il doit se trouver quelque 
chose qui produit les mouvements d'attraction ou de répulsion 
apparentes, quelque modification progressant de point en point, 
et dont la direction est indiquée par ce qu'il appelait des 


386 J. BOSSCHA. 


lignes de force magnétiques et électriques. La forme et la 
disposition de ces courbes, leurs propriétés, la nature de la 
variation même devaient, d’après lui, servir de base à toute 
recherche concernant la nature de ces phénomènes. Faraday 
eut le courage de le déclarer de nouveau: une action directe 
à distance est moins probable. 

Ce ne fut pas seulement dans ce dernier jugement que les 
idées de Huygens revivaient. L'opinion de Faraday, 
adaptée aux conceptions de Huygens, ne peut étre 
résumée plus simplement et plus clairement que ne le fait 
l’exorde du Traité de l'aimant, qui pendant plus de deux 
siècles à dormi parmi les manuscrits de Leyde et dans les 
anciens Registres de l’Académie de Sciences de Paris: , Il 
»paroit, dit Huygens, par les expériences de la limaille 
du fer répandue sur un carton qui couvre un aimant ou 
,dans lequel on l’a enchâssé, qu'il y a quelque matière qui 
»Coule à travers et autour de cette pierre; car la disposition 
,de la limaille marque le chemin de ce mouvement et elle 
,en est esbranlée, ce qui ne se peut que par le moyen de 
quelque corps qui soit en mouvement.” Ces courants de 
force forment le point de départ des considérations de H u y- 
gens; et en suivant cette trace pour trouver dans le cas le 
plus général, en grandeur et en direction, le mouvement de 
deux aimants qui agissent l’un sur l’autre, il arrive à un 
résultat qui fournit en données concrètes une solution iden- 
tique à la règle que l’abstraite analyse mathématique déduit 
de la loi des carrés des distances. 

Faraday, Maxwell, Hertz, ces trois noms représen- 
tent les trois pas importants qui nous ont ramenés et avancés sur 
la route indiquée et inaugurée par Huygens. Au deuxième 
centenaire de la fin de sa tâche nous célébrons la résurrection 
de sa plus grandiose création: la physique de l’immatériel. 


Laïsserons-nous nous affliger par la pensée que la satisfac- 
tion du triomphe ne fut pas son partage? Ce serait mécon- 


CHRISTIAN HUYGENS. 387 


naître la hauteur de son âme. Sa raison était trop sûre et trop 
claire pour qu’il pût faiblir dans ses convictions. Quant aux 
honneurs, il ne les a jamais recherchés. Approfondir la 
nature autant qu'il pouvait, la contempler dans toute la 
sublimité accessible à l’intelligence humaine, c'était là sa joie. 

Son dernier écrit, le Kosmothéoros, fut inspiré par le vœu 
d'associer à ces hautes jouissances ses amis, — son frère d’abord, 
le camarade de ses jeux d’enfance, l’aide fidèle dans les 
fastidieux travaux manuels, le compagnon des longues veillées 
passées devant la lunette en discourant des secrets du ciel; 
puis d’autres, si possible un cercle restreint d'élus, d'initiés. 
A ces intimes il voulut laisser l'impression du spectacle 
merveilleux que révèle le tube optique lorsque l'œil, dans un 
groupe d’étincelantes étoiles, aperçoit et embrasse un monde 
de systèmes solaires, et l’émotion qui nous saisit lorsque, 
détournant les regards, nous nous retrouvons devant le néant 
des choses humaines. 

La plume lui tomba des mains, l'esprit qui répandit tant 
de lumière s’éteignit, 


Nous, il nous légua plus qu'il ne pouvait donner à ses 
contemporains. La théorie de la lumière, qui dévoile la nature 
et les mouvements de l’invisiblement petit, nous manifesta 
dans l’étalement du spectre des lueurs stellaires l’essence des 
corps célestes; elle nous permit de découvrir dans un point 
lumineux indivisible des soleils gravitant autour de leur centre 
commun, de mesurer leurs vitesses vertigineuses et de distin- 
guer ainsi, dans les ténues ondulations de l’océan éthéré qui 
arrivent à nos yeux après des années de traversée, la nature 
et les mouvements de l’invisiblement loin. 

Christian Huygens, noble par le cœur, par l'esprit, 
par les travaux de son rare génie, continue de nous guider 
et de nous éclairer dans nos plus hautes aspirations: con- 
naître la nature, approcher du Sublime Infini. 


388 J. BOSSCHA. 


NOTES. 


Note 1. Voyages de Constantin Huygens, page 355. 


Le voyage le plus important de Constantin, père de Christian, est 
celui qu'il entreprit le 7 Octobre 1661, sur l’ordre de la princesse A ma- 
lia de Solms, veuve de Frédéric Henri, grand-mère et tutrice de 
Guillaume IIT. Après la mort du Prince Guillaume II, Louis XIV 
avait fait occuper par ses troupes la principauté d'Orange. Constantin fut 
chargé d'obtenir du Conquérant qu’il restituàt ce domaine. Après quatre 
années d'efforts Constantin eut un plein succès, non toutefois sans qu’il 
eut à deux fois sollicité à Londres l'intervention de Charles IL. On verra 
dans la note 8 que ce voyage n’a pas été sans influence sur la vie et les 
travaux de Christian. 


Note 2 Correspondance de Huygens avec Grégoire 
de St. Vincent p. 361. 


Suivant le conseil de son père, Huygens, avant de publier sa critique 
de l'ouvrage de St. Vincent, s'était adressé au célèbre jésuite pour lui 
communiquer ses remarques et lui fournir ainsi l’occasion de reconnaitre 
son erreur et d’en informer lui-même le monde savant. St. Vincent, ne 
connaissant pas la force de son jeune adversaire, lui avait répondu que 
d’autres critiques s'étaient présentés à lui avec des propositions pareilles, 
mais que tous s'étaient retirés sans donner suite à leur menace. Hu y- 
gens répliqua qu'il n'était nullement d’avis de suivre un aussi mauvais 
exemple, et comme pour montrer que le nouveau critique n’était pas tout 
à fait à dédaigner, il informe St. Vincent que Van Schooten avait 
loué son travail. Il ajouta qu’il s’occupait encore d’autres sujets relatifs 
à la mécanique et communiqua à St. Vincent quelques résultats aux- 
quels il était arrivé dans l’étude de l’équilibre des corps flottants; ils étaient, 
en effet, bien propres à donner à St. Vincent une autre idée des capa- 
cités de son correspondant. La réponse du jésuite est curieuse: c'est avec 
plaisir qu’il apprenait que Huygens s’occupait de mécanique, c'était là 
un sujet qui intéressait tout philosophe quelque peu curieux. Quant à la 
géométrie, il y en a peu qui la comprennent, encore moins qui l’admirent. 
Huygens ferait bien de publier d'abord ses recherches sur la statique, 
car ce n'était pas de petite importance avec quel éclat un nouvel auteur 
se présentait pour la première fois au public. 

On peut rapprocher ce conseil, qui recommande à Huygens de pré- 
férer l'étude de la mécanique à celle de la géométrie, d’un autre que 
Van Schooten donnait à l’occasion de la critique, que Huygens 
lui communiquait, des lois de Descartes sur la percussion (Discours 
page 365). Van Schooten à cette occasion désirait que Huygens 


CHRISTIAN HUYGENS 389 


préférât la géométrie à la mécanique. Dès ses premiers pas dans la car- 
rière scientifique Huygens a pu ainsi acquérir l’expérience que, si le 
doute et la critique sont des moyens précieux pour découvrir la vérité, 
celui qui s’en sert est rarement le bien venu. La science n’a qu'à se fé- 
liciter de ce que cette considération n'ait jamais arrêté Hn ygens dans 
ses recherches, ni dans ses publications. 


Note 3. Méthode des indivisibles de Cavalieri, p. 362. 


Dans la méthode des indivisibles de Cavalieri, dont Huygens ne paraït 
avoir eu connaissance que par les communications incomplètes de van 
Schooten, l’aire d’une figure plane est égale à la somme du nombre 
infini de lignes dont elle peut être remplie. 

Huygens considère un cercle auquel on à mené une tangente d’une 
longueur égale au rayon. En joignant le centre avec les deux extrémités 
de la tangente on obtient un triangle rectangle. Il est clair qu’en chaque 
point où le rayon qui forme l'un des côtés de ce triangle est coupé par 
un des cercles concentriques dont la somme, d’après Cavalieri, forme l'aire 
du cercle, on peut mener dans le triangle une droite parallèle à la ian- 
gente et ayant la même longueur que la circonférence de ce cercle; d’où 
l’on tire la conclusion, en ce cas exacte, que les deux aires sont égales et 
que celle du cercle peut s'exprimer par le produit de la circonférence et 
du demi-rayon. 

Mais Huygens fait remarquer que la même conclusion s’appliquerait 
au cas où, au lieu d’une tangente, on aurait mené d’un point de la cir- 
conférence une droite quelconque de même longueur. Le triangle ne serait 
plus retangle et la conclusion évidement fausse. 

La méthode des indivisibles peut être considérée comme un calcul infi- 
nitésimal encore imparfaitement défini. Elle fut publiée par Cavalieri en 
1635. Galilée s’en est servi dans ses Dialogues, — sans toutefois citer le 
nom de Ca valieri, — pour trouver les espaces parcourus dans le mouve- 
ment uniformément accéléré. 

Bonaventura Cavalieri était un des savants les plus éminents de 
son temps, qui comme géomètre doit être placé bien au-dessus de Galilée. 
Dans le sixième livre de ses Erercitationes geometricae, publiées en 1647, 
il donne, parmi les Propositiones miscellaneae, le calcul des distances foca- 
les de toutes formes de lentilles, ce que Huygens parait avoir ignoré 
lorsque, en 1652, il se réjouissait d’avoir résolu ce problème. 

Cavalieri est aussi le premier qui ait clairement formulé la loi de 
l’inertie, et qui ait démontré que, en vertu de sa loi, un corps projeté 
décrit une parabole. On trouve la démonstration dans son ouvrage Lo 
specchio ustorio, p. 92 de la seconde éditon, 1650. La première édition a 


390 J. BOSSCHA. 


paru presque en même temps que les Dialogi de Galilée, qui montrent 
en plusieurs endroits que celui-ci à cette époque avait, sur la loi de l’inertie, 
des idées entièrement fausses. Voir Dr. E. Wohlwill, Die Entdeckung des 
Beharrungsgezetzes, dans le Zeitschrift für Vôlkerpsychologie und Sprach- 
wissenschaft, T. XIV et XV. 


Note 4 Théorème du choc des corps, envoyé 
a Mylon, p. 365. 


Dans la lettre a Claude Mylon du 6 juillet 1656 (Oeuvres Compl.T.I,p.448) 
Huygens écrit »Un autre théorème remarquable est qu'un corps moindre, 
allant pousser un plus grand, luy imprimera une plus grande vitesse par 
le moyen d'un autre qui sera mis entre deux et qui sera de moyenne 
»srandeur, que s’il le poussoit immédiatement. Et que le mesme arrivera 
»si le grand va rencontrer le petit. Vous verrez une façon de démonstrer 
»fort estrange mais qui pourtant est évidente.” 

On retrouve cet élégant théorème dans le Journal des Scavants du 18 
mars 1669, ainsi que dans le mémoire de Huygens: De motu corporum 
ex percussione, qui n’a été publié qu'après sa mort dans les Opera pos- 
thuma”. 11 forme la proposition XII avec cette addition: maximam vero 
celeritatem conferet quum corpus interpositum fuerit medium proportio- 
nale inter extremos’. La proposition se démontre facilement lorsque l’on 
connaît la vitesse f qu'acquiert un corps en repos, de masse M, après le 
choc direct et normal d’un corps de masse m,, animé de la vitesse v,, 
SaVOIT : 


En effet, la différence avec la vitesse f’ acquise par le corps M par 
l'intermédiaire d’un corps de masse m, sera 


D A PE m  ) 
(nm, + M) (m, +m:) (M: + M)’ 


différence positive lorsque m, est en mème temps plus grand que m, et 
plus petit que M ou inversément. Il est clair que le théorème ne peut 
ètre démontré, à moins qu'on ne connaisse la vitesse f acquise par un corps 


en repos après le choc avec un autre de masse et de vitesse quelconques. 
Mais, d’après le principe dont Huygens part dans ses démonstrations, le 
mouvement relatif de deux corps est indépendant de celui du système 
entier, d’où il suit que la loi qui fait connaître la valeur de f suffit pour 
trouver ces vitesses après le choc de deux corps de masses et de vitesses 
quelconques. 


CHRISTIAN HUYGENS. 391 


Note 5 Démonstration insuffisante des lois 
de la percussion, par Wren, p. 366. 


Wren fait précéder l’énumération des divers cas de choc élastique, avec 
leurs résultats, par le raisonnement suivant: 

»Les vitesses les plus propres et les plus naturelles sont celles qui sont inver- 
»sément proportionelles aux corps. Loi de la nature: Donc, deux corps qui 
»possèdent ces vitesses propres les conservent après le choc. Et des corps 
»R, S, qui ont des vitesses impropres sont réduits par le choc à l’équi- 
libre, c’est-à-dire, autant que R avant le choc dépasse la vitesse propre 
et S en manque, autant le choc ôte à R et ajoute à S et récipoquement. 

»Pour cette raison, le choc de corps ayant des vitesses propres équivaut 
»a une balance qui oscille sur son centre de gravité. Et le choc de corps 
»yqui ont des vitesses impropres équivaut à une balance oscillant sur deux 
»centres également éloignés des deux côtés du centre de gravité: cepen- 
»dant le fléau de la balance est prolongé si nécessaire.” 

De ces propositions en partie inintelligibles, en partie absurdes, il est 
dit qu’elles forment une théorie possédée par l’auteur depuis plusieurs 
années et vérifiée par des expériences faites par lui et M. Rooke devant 
la Société Royale. 

Oldenburg écrivit à Huygens (14 février 1669). »Monsier Wren dit, 
qu'à son advis, il n’y a point de démonstration de ce qu’il a advancé 
dans son écrit du mouvement, sans qu'on suppose un grand nombre 
»d’autres postulata, qui demanderoïent, peut estre, d’autres démonstrations.” 


Note 6. Anagrammes envoyés par Huygens à la Société 
Royale. Théorème d’Optique pp. 366 et 367, 


Les propositions, envoyées par Huygens à la Société Royale sous 
forme d’anagrammes (Oeuvr. Compl. T. VI, pp. 355 et 487), sont .les 
suivantes: 

1. Une lentille composée de deux autres équivaut à (aemulatur) une 

lentille hyperbolique. 

2. Une lentille de proportion sexcuple (rapport des rayons de courbure 
4 à 6) est meilleure que toute autre. (Prop. XX VII de la Dioptrique 
de Huygens, minimum d’aberration). 

3. Dans une lentille la troisième proportionnelle, dans une surface simple 
la quatrième proportionnelle donne le lieu de l’image. (Prop. XX et 
XII de la Dioptrique. Les termes de la proportion sont, pour la 
lentille: les distanees de l’objet au premier foyer, à la lentille et à 
l’image; pour une surface réfringente simple: les distances de l’objet 
au premier foyer, à la surface, à son centre et à l’image). 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 26 


392 J. BOSSCHA. 


4. Quand on intervertit les lieux de l’objet et de l'œil, l’image sera vue 
sous le même angle qu'auparavant. (Prop. XL de la Dioptrique.) 

5. Le mouvement circulaire d'un corps, animé de la vitesse qu’il acquiert 
en tombant du quart du diamètre, donne une force centrifuge égale 
à la gravité. 

6. Les révolutions d'un pendule conique sont isochrones, lorsque les 
hauteurs du cône sont égales. 

7. Lorsque l'angle du cône est droit, le temps de révolution sera au 
temps de la chute à travers la double hauteur du cône, comme la 
circonférence du cercle au diamètre. 

8. Dans une cavité parabolique les révolutions sont isochrones. 

9. Une figure oscillante quelconque est isochrone avec un pendule simple, 
dont la longueur s'obtient lorsque la somme des carrés des distances 
à l'axe de toutes les particules de la figure est divisée par la distance 
du centre de gravité à l’axe, multipliée par le nombre des particules. 

10. Toute figure, soit ligne, soit surface, soit corps, oscillant dans le même 
plan autour d’axes différents également éloignés du centre de gravité, 
sera isochrone avec soi-même. 

11. Lorsque le plan d’oscillation reste le même, et quelle que soit la dis- 
tance de l’axe au centre de gravité de la figure, le produit de cette 
distance et celle du centre de gravité au centre d’oscillation sera le 
même. Nous le nommons le rectangle des distances (carré du bras 
d'inertie par rapport à un axe passant par le centre de gravité). 


49. Lorsque l’axe est perpendiculaire au plan de la figure, le rectangle 


des distances est, dans un cercle: le demi-carré du demi-diamètre; 
dans un rectangle: le tiers du carré de la demi-diagonale; dans un 
triangle isocèle: 1/,, du carré du diamètre plus {/,, du carré de la 
base; dans un secteur de cercle: le demi-carré du rayon moins le 
carré de la distance entre le centre de gravité du secteur et le centre 
du cercle; dans un polygone régulier quelconque: la moitié du carré de 
la perpendulaire menée du centre au côté, plus ‘},, du carré du côté. 

13. Le rectangle des distances dans un cylindre est -!, du carré de la 
hauteur plus ! du rayon de la base; dans un cône: #; du carré de 
la hauteur plus $, du carré du diamètre de la base; dans une sphère: 
2 du carré du rayon. 

14. Le temps de la descente à partir d’un point quelconque de la demi- 
cycloïde est au temps de la descente le long de l’axe de la cycloïde, 
comme la demi-circonférence du cercle au diamètre. 

La proposition d’Optique spécialement signalée dans notre texte est le 

No. 4. 


CHRISTIAN HUYGENS. 393 


Pour reconnaître que ce théorème renferme toutes les propriétés des 
systèmes de lentilles centrés, il suffira de se figurer sur une droite, qui 
représentera l’axe d’un système CD, six points: 

À, B, C, D E, 1, 
Soit, par rapport à ce système, E le point conjugué de À, F celui de B. 
Posons À C, la distance de À à l'objectif, = x, BC= x, DE, la distance de 
image de À à la surface réfringente postérieure du système, = y, D F = y!. 
Si un objet de hauteur — À est placé en À, l'œil, que nous supposons se 


trouver en À, verra l’image formée en Æ sous un angle lorsque G& 
9 te) ? 


est l’agrandissement. Si, au contraire, le mème objet se trouve en F, l’œil 

én À, les rayons lumineux parcourant le système en sens inverse formeront 

h / 

une image en B qui se montrera à l’œil sous un angle G&—+)" lorsque G 

est l'agrandissement de l’image en F d’un objet qui se trouverait en B. 
D’après la loi de Huygens ces deux angles sont égaux. On a donc 


Ge Arr oo oo DS RGO RARES (1) 
x — x 

Pour introduire dans cette équation les constantes qui caractérisent 
chaque système, on pourra supposer que l’objet se trouve placé en C, 
contre l'objectif, que l’image se forme alors à une distance 0, en arrière 
de D et que son agrandissement soit G&,. La valeur 0, sera évidemment la 
distance de l’anneau oculaire ou point de l'œil, et G, le rapport de l’anneau 
oculaire à l’ouverture de l'objectif. En introduisant ces deux constantes de 

l'appareil dans la formule (1), au lieu de y’ et de G’, on aura 


Te te 2 
7 “ 


De même, en supposant que l’image se forme en D, dans le plan de la 
dernière surface réfringente, l’objet devra se trouver dans le plan de l’an- 
neau oculaire du système renversé. La distance de ce plan à l'objectif C 
sera une autre constante du système, que nous désignons par 0,. Il en 
sera de même de l’agrandissement de l’image en D que nous désignons 
par G,. On aura donc encore: 

GORE LEUR AR ER (3) 
x —0, 

Des deux équations (2) et (3) on peut éliminer soit G, soit x ou y. Das 

le premier cas on 2: 


— 0,0 +00 +oy+ EL œy=0 LA Res (4) 


Dans le second, en éliminant x: 


He DORE 
= ee ) du MEME Hit 6) 


394 J. BOSSCHA. 


Les équations (4) et (5) ont la même forme que les équations 
FHSLEECYEÉDEY = OM REC RCE (6) 
G=SEDUy SUISSE RTE EREE (7) 
qui se déduisent des équations de Lagrangeet qui suffisent pour résoudre 
tous les problèmes relatifs au lieu et à la grandeur des images, ou plus 
généralement à la marche d’un rayon à travers un système de lentilles. 
(Voir l’annexe de ma Relation des expériences qui ont servi à la con- 
struction de deux mètres étalons en platine iridié, comparés directement 
avec le mètre des Archives, Annales de l'Ecole Polytechnique de Delft, 
Tome II, p. 89). 
Entre les constantes des formules (4) et (6) il existe les relations: 
01 — —?; D = Ce 62 G, = See 
S (es C 

La quantité cs — r p est l’indice de réfraction d’un rayon qui passerait 
du dernier milieu dans le premier. Dans les systèmes de lentilles, examinées 
par Huygens et par Lagrange, ces milieux sont identiques, savoir 
l'air, et par suite cs — p r = 1. Pour les systèmes qui ne satisfont pas à cette 
condition, tel que l’œil ou l'œil armé, la loi de Huygens deviendrait 

GG'=n ha) , 
æ — x’ 
où n désigne l'indice de réfraction cité. 

Remarquons que les formules (6) et (7), d’une application extrèmement 
facile, permettent de se dispenser de l’emploi des foyers, des points prin- 
cipaux, des points nodaux et de tous les autres points imaginés, qui com- 
pliquent plus qu'ils ne simplifient les problèmes, et dont la détermination, 
soit par l’expérience, soit par le calcul, est beaucoup moins simple que 
celle des constantes de ces formules. De plus, il faut nécessairement re- 
courir à ces dernières, lorsqu'on veut traiter une question d'optique par 
l’analyse, 

Les auteurs, assez nombreux, qui font précéder d’un aperçu historique 
leurs considérations sur les propriétés des systèmes optiques, signalent 
ordinairement Roger Cotes, le disciple de Newton, comme celui qui 
ait, le premier, fait connaitre une loi qui s'applique à tout système de len- 
tilles centré, Le théorème de Cotes a été publié dans le Traité d'optique 
de Robert Smith, le cousin de Cotes et son successeur comme Plu- 
mian Professor” à Cambridge. Smith rapporte que le théorème avait été 
trouvé par Cotes peu de temps avant sa mort, survenue en 1716. La 
Dioptrique de Huygens à paru en 1708. Il y a lieu de s'étonner que ni 
Smith, niaucun autre auteur après lui, n'aient tenu compte de l'ouvrage dont 
durant toute sa vie, les correspondants de Huygens lui ont instamment 
demandé la publication. Cependant, la Dioptrique de Huygens était bien 
supérieure à tout ce qui existait sur cette matière lors de sa publication; 


CHRISTIAN HUYGENS. 395 


et la proposition XL, restée inaperçue, doit être considérée, ainsi que nous 
venons de la montrer, comme une loi fondamentale, d’où découlent toutes 
les propriétés des systèmes de lentilles. 


Note 7. Loi du pendule de Galilée p. 371. 


Galilée a toujours regardé la loi du tautochronisme du pendule, ou de 
la chute suivant un arc de cercle, comme rigoureusement exacte. C’est 
ce qui résulte de sa lettre à Reael, du 6 juin 1637, (Oeuvres Compl. de 
Chr. H. T. INT, p. 489) où il prétend que deux pendules d’égale longueur, 
dont l’un s’écarterait de la verticale de 80 degrés, l’autre de deux ou trois 
degrés, feraient cent oscillations exactement dans le même temps. 


Note 8. Voyages de Christian Huygens, p. 372. 


Le premier voyage de Huygens à Paris fut entrepris le 28 juin 1655. 
Il revint à la Haye le 19 décembre de cette année. Le deuxième commença 
le 42 Octobre 1660. De Paris il partit pour Londres le 19 mars suivant, 
il fut de retour à la Haye le 27 mai 1661. Il vint à Paris pour la troisie- 
me fois lorsque son père y résidait comme envoyé extraordinaire pour la 
mission rapportée dans la note 1. Il y arriva le 3 avril 1663, et accom- 
pagna son père dans son voyage à Londres du 7 juin au 1er Octobre, lors- 
qu’ils revinrent à Paris. À Londres, Christian assista, avec son père, 
à une séance de la Sociéte Royale le 20 juin 1663; une semaine plus tard 
il fut élu membre de cette Société. Lorsque Constantin se rendit pour 
la seconde fois à Londres, il désirait que Christian l’accompagnerait de 
nouveau, mais celui-ci, depuis longtemps impatient de retourner à ses 
travaux, prit congé de son père à Calais, le 13 juin 1664. 

Le quatrième voyage de Huygens à Paris eut pour objet son établisse- 
ment définitif. Il y arriva le 21 avril 1666. Pour rétablir sa santé il retourna 
dans sa patrie le 9 septembre 1670, accompagné de son frère Louis, qui 
Pavait soigné pendant cinq mois. Il put retourner à Paris le 12 juin 1671. 
Tombé malade de nouveau, il fut reconduit à la Haye par son beau-frère 
Doublet, le 12 mars 1673. Son dernier séjour à Paris dura du 24 juin 1678 
au 11 septembre 1681. Ce fut encore Doublet, accompagné cette fois 
de sa femme, Suzanne, la sœur que Huygens avait en grande affection, 
qui le reconduisit vers la maison paternelle. 

Un dernier voyage de Huygens à Londres eut lieu du 16 juin à 
la fin d'août 1689. | 

Le séjour simultané de Christian et de son père à Paris, en 1663, 
a fait naître l’anecdote des relations de Christian avec Ninon de 
Lenclos et du mauvais quatrain que Christian aurait adressé à la 
courtisane. Arago qui, — même après le bel éloge de Condorcet, — 
a cru pouvoir résumer la vie de Huygens en quatre pages, en a consacré 
une demie à cette histoire. Il est démontré aujourd’hui que le quatrain 


396 J. BOSSCHA. 


est du père Constantin. Fontenelle, qui en fait mention dans ses 
Mémoires sur la vie de Mademoiselle de Lenclos, s'est trompé en admettant 
que l’ambassadeur des Etats-Généraux en France de 1661 à 1665 était Chris- 
tian. La Correspondance de Christian Huygens, Tome IV p.183, met hors 
de doute que c’est Constantin et non Christian qui fut en relation 
avec Ninon. | 


Note 9. Huygens, premier membre de l’Académie 
des Sciences de Paris, p. 374. 


Le rapport entre l’appel de Huygens à Paris et les projets de Colbert 
relatifs à la fondation de l’Académie des Sciences était bien connu des 
contemporains. Moray écrit à Huygens (Oeuvr. Compl. T. VI p. 11): 
“Ayant appris que le Roy de France vous avoit convié d’aller demeurer 
»àa Paris pour y establir une Académie pour la Philosophie naturelle 
comme la Société Royale.” 


Note 10. Correspondants de Huygens à Londres, p. 374. 


A Londres les principaux correspondants de Huygens furent R. Moray, 
et par son intermédiaire Robert Boyle, Lord Brouncker, Oldenburg 
et Wallis. Les lettres de Huygens circulaient parmi les amis et parmi 
les membres de la Société Royale. Souvent elles furent lues en séance. 
Moray écrit à Huygens: Vos lettres sont parfois 3 semaines ou un 
“mois hors de mes mains devant que je puisse mesme avoir le contente- 
“ment de les lire avec attention. Elles sont tantost entre les mains de 
»Mylord Brouncker, tantost de Monsieur Boile et de plusieurs autres; 
»de sorte que si quelqu'un de ces messieurs se trouve aupres de moy lors- 
»que les vostres me sont rendues, ou que je commence à les lire, ils me 
les arrachent et ne me les rendent point de 3 ou 4 jours ou davantage.” 


Note 11. Programme des travaux de l’Académie 
dressé par Huygens, p. 375. 


La liste, dressée par Huygens, des sujets propres à être traités dans 
l’Académie, est la suivante: 

1. Trouver la ligne méridienne et la hauteur du Pole à Paris, qui sont 
les fondemens de toutes autres observations astronomiques. 

2. Restitution des estoiles fixes, en quoy gist tout le fondement de l’as- 
tronomie. 

3. Mesurer les Diamètres du soleil et de la lune dans leurs diverses dis- 
tances, ce qui servira à trouver des nouvelles hypothèses pour leur 
mouvement et meilleures que celles que l’on a jusqu’à cet heure. 

4. Observer la quantité de la réfraction de l'atmosphère qu’il est néces- 
saire de scavoir pour rectifier les observations des hauteurs du soleil 
et des estoiles. 


CHRISTIAN HUYGENS. 397 


QT 


. Observer l’inégalité des jours et establir leur équation qui est si né- 
cessaire pour le calcul du mouvement de la lune et pour les éclipses. 
6. Perfectionner les lunettes d'approche et les microscopes. 

7. Observer la réfraction dans toutes sortes de corps diaphanes. 

71, Observer si la lumière se communique de loin en un instant, 

8. Observer les diamètres des planètes pour en déterminer la proportion 
de leurs grandeurs entre elles et au regard du soleil. 

9. Observer les taches des planètes et trouver de là leur mouvement à 
l’entour de leurs axes. 

10. Observer le mouvement des compagnons de Jupiter et en faire des tables. 

11. A l’aide de ces tables observer icy et en d’autres lieux du monde, comme 
en Madagascar, l’occultation de quelqu'un des dîts compagnons derriere 
ou devant Jupiter pour trouver par là la vraye longitude des dits lieux 
et rectifier les cartes. 

111. Observer la déclinaison de l’aimant et le changement qui y arrive 

12. Envoyer des horologes a pendule sur mer avec les instructions néces- 
saires et une personne qui en ait soin pour pratiquer l'invention des 
Longitudes qui à desià si bien reussi dans les experiences qu’on en 
a faites. 

13. Mesurer les temps et proportions de la descente des corps pesants 
dans l'air. 

14. Mesurer la grandeur de la terre. Aviser aux moiens de faire les cartes 
géographiques avec plus d'exactitude que jusqu’icy. 

45. Establir pour jamais la mesure universelle des grandeurs par le moyen 
des pendules et ensuite aussi celle des poids. 

16. Trouver au juste la proportion de la pesanteur des metaux et de toute 
sorte de corps solides et liquides. 

17. Chercher la pesanteur de l’air par le moyen de la machine du vuide 
qui sert à une infinité d’autres belles expériences. 

18. Observer la force et la vitesse du vent. 

19. Item la vitesse et force de l’eau courante et leur raport avec la pente. 

191.Aviser aux moyens de hausser l’eau les meilleurs et plus simples. 

20. Examiner la force de la poudre à canon. 

931. Item celle de l’or fulminant. 

22. Item de l’eau raréfiée par le feu. 

23. Examiner la force qu'ont les corps à s’éloigner du centre par le mou- 
vement circulaire. 

24. Examiner la force de percussion ou la communication du mouvement 
par la rencontre des corps dont la connoissance est très utile pour 
les Méchaniques. 

25. Examiner le raport des tons avec la grandeur et figure des corps 

sonnants. 


998 J. BOSSCHA. 


26. Item le raport des sons des cordes avec leur longueur, grosseur, poids 
et tension. 

27. Déterminer quel est le meilleur accord pour les orgues, clavecins, 
carillons de cloche, etc. 

Enfin, au bas de la page du Journal, sans numéro: 

Observer et definir les divers degrez de la chaleur ou du froid et leurs 
effects par le moyen des thermomètres. Avoir des tuyaux avec du vif 
argent en expérience continuelle pour examiner ses diverses hauteurs et 
leur raport avec la constitution de l’air presente ou future. 

Le programme, remis à Colbert, a été publié par M. J. Bertrand dans 
son ouvrage L'Académie des Sciences et les Académiciens de 1666 à 1793, 
p.S. Huygens y énumère cinq sujets de travaux, les nos. 17, 18, 90, 22 et 
24 de la liste précédente. Ceux relatifs à la force de la poudre à canon 
et de l’eau raréfiée par le feu s’y trouvent rédigés comme il suit: 

Examiner la force de la poudre a canon en l’enfermant en petite quan- 
tité dans une boîte de fer ou de cuivre fort espaisse. 

Examiner de mème la force de l’eau raréfiée par le feu. 


Note 12 La machine pneumatique, perfectionnée 
par Huygens, p. 379. 


Les travaux de Huygens relatifs à la machine pneumatique datent de 
son premier voyage en Angleterre. En 1661 il y rencontra Boyle et 
assista aux expériences de ce dernier touchant le vide. De retour à la Hayeil 
se mit aussitôt à construire une machine du vide” qu'il munit d’un plateau. 
Un manomètre à eau lui servait à mesurer le degré d’épuisement de jair. 

La supériorité évidente de l'instrument construit par Huygens fut 
la cause que de Monmor consulta Huygens pour en faire construire 
une pareille. La machine que Huygens construisit plus tard pour l’Aca- 
démie se trouve décrite dans les Registres de l’Académie, Tome IV, sous 
la date du 14 avril 1668, avec le préambule suivant: 

Le mesme jour Mr. Huygens fit voir à la Compagnie une machine 
pneumatique de nouvelle fabrique qu'il avait fait faire, car celle de Mr. 
Gericke qui est décrite dans la Technique du P. Schott avait esté jugée 
trop incommode. Et quoy que M'. Boyle l’ayt perfectionnée ou plustost 
qu'il en ayt faict une nouvelle dont il a donné la description dans le livre 
intitulé: Nova experimenta Physico-mathematica de aere, neantmoins on 
y avait encore trouvé quelques défauts. C’est pourquoy Mr. Huygens 
qui avoit esté prié de faire preparer tout ce qui estoit nécessaire pour les 
expériences du vide, avoit fait faire une machine beaucoup plus commode 
dont voicy la figure.” 

Cette figure manque dans les Registres. Toutefois, on la trouve dans un 
des in-folio, dans lesquels Huygens rassemblait ses notes et ses calculs. 


CHRISTIAN HUYGENS. 399 


La figure est datée: Parisiis, Maj. 1668 et porte cette inscription Ajusté 
“la machine du vuide mieux qu'auparavent suivant cette figure dont la 
“description s'ensuit.” La description est identique à celle qui se trouve 
dans les Registres de l’Académie. 

Dans les » Mémoires pour servir à l’IHistoire Naturelle des animaux et 
des plantes par Messieurs de l'Académie des Sciences, Amsterdam, Pierre 
Mortier, 1726, on trouve vis-à-vis du titre une gravure de Duflos repré- 
sentant Louis XIV visitant l’Académie des Sciences (5 décembre 1881, 
voir Maindron L'Académie des Sciences, p. 16). Parmi les instruments qui 
figurent dans ce tableau, la machine pneumatique de Huygens occupe 
une place très-marquée. Huygens avait déjà quitté l’Académie. 

M. Gerland a publié, dans les Annales de Wiedemann (T. II et XIX) 
et récemment encore dans le Zeitschrift fur Instrumentenkunde (T. XI) 
deux articles intéressants sur les mérites de Huygens à l'égard de la 
machine pneumatique. Les données qu’il avait à sa disposition se bornaïent 
à celles que fournit le Tome III des Oeuvres Complètes de Christiaan 
Huygens. C’est peut-être la raison que l’auteur est tombé dans une erreur 
qu'il nous semble important de rectifier. En parlant de Huygens M. 
Gerland dit: /Il ne correspondait pas avec Boyle. Entre ces deux paraît 
avoir existé une certaine jalousie. Tout au moins Huygens, le père, racon- 
tait-1l à Chapelain que les expériences de Huygens avec la machine 
pneumatique avaient vivement mécontenté Bayle.” Le passage de la Corres- 
pondance de Huygens, auquel est emprunté cette particularité, est la 
phrase suivante d’une lettre de Chapelain à Christian. »J’appren- 
»dray de Monsieur vostre Père ce que c’est que vostre machine pour le 
»vuide à l’envi de Monsieur Boile. Ce ne peut estre rien que d’excellent 
“venant de vous”. 

M. Gerland a évidemment été induit en erreur, en attribuant aux 
mots à l’envi de un sens pareil à celui du mot envie. Huygens et Boyle 
se communiquaient sans aucune réticence tout ce qu'ils imaginaient pour 
perfectionner la machine pneumatique. M ora y leur servait d’intermédiaire, 
probablement parce que Huygens, qui ne parlait l'anglais que diffici- 
lement, n'écrivait jamais dans cette langue, tandis que Bo yle n’écrivait 
ni le latin, ni le français. 

La nature affectueuse des relations qui existaient entre Boyle et 
Huygens, au temps même où ils s’occupaient de la machine du vide, 
se montre clairement dans les passages suivants de la Correspondance de 
Huygens. À l’occasion d’un ouvrage nouvellement paru de Boyle, À 
Defence of the Doctrine touching the Spring and weight of the air, 
Huygens écrit à Moray: Pour n'avoir encore que parcouru le livre 
de Monsieur Boile. je n'ai pu remarquer toutes les belles choses qu'il 
contient, mais aux endroits que j'ay leu je voy paroistre beaucoup d'esprit 


400 J. BOSSCHA. 


et de modestie, avec cette retenue ordinaire qui l’'empesche de parler déf- 
nitivement, ainsi que font la pluspart des philosophes d’ajourdhuy” 

Boyle répond à Mora y »J'aperçois par la lettre de M. de Zu yli chem, 
laquelle par votre faveur je viens de recevoir, que mes livres précédents dont 
j'ai eu la hardiesse de l’importuner, n’ont pas épuisé sa bienveillance 
envers mes écrits, puisqu'il lui a plu de parler de mon dernier en des 
termes tels qu’il m'est plus facile d’y être sensible et d'en rougir que de 
les mériter; ce que je vous prie de lui faire savoir à la première occasion 
que vous lui écrivez.” 


Note n°13. Huygens et Papin. p.979 


La correspondance de Huygens et Papin, comprenant neuf lettres 
tirées des manuscrits de Leyde, à été publiée par M. Gerla n d dans l’ou- 
vrage: Leibnizens und Huygens” Briefwechsel mit Papin, Bearbeitet 
und auf Kosten der Kôn. Preussischen Akademie der Wissenschaften her- 
ausgegeben von Dr. Ernst Gerland, Berlin 1881. 

L’étroite relation qui existe entre la machine à vapeur de Papin et 
la machine à poudre à canon de Huygens apparaît surtout dans le 
passage suivant d’une lettre de Papin à Huygens, de Marbourg ce 
20/10 Aoust 1690. 

“Jay depuis peu envoyé à Lipsik une nouvelle maniere de faire le vuide 
que je trouve plus commode et de moins de despense que ne serait la 
poudre à canon: cest par le moien de l’eau qui se rarefie en vapeurs 
et outre la commodité et l'épargne ell’a encor un grand avantage en ce 
qu’elle fait le vuide parfait: au lieu que la flamme de la poudre à canon 
laisse toujours quelque quantité d'air.” 

Huygens n’a pas répondu à cette remarque. Sa lettre du 2 sep- 
tembre s’est croisée avec celle de Papin. La correspondance suivante 
ne contient plus rien sur se sujet. 

La description de la machine à vapeur de Papin parut dans les Acta 
Eruditorum de Leipzig, 1690, p. 410. Papin ne cite pas le nom de Hu y- 
gens, mais renvoie à une lettre imprimée dans les Acta de septembre 1688, 
où il décrit une modification de la machine de Huygens. Il y dit, entre 
autres: Lectores igitur monendos hic arbitror, mihi tunc temporis id 
honoris obtigisse, ut in regia Bibliotheca apud Illustrissimum Dominum 
Hugenium degeram, ïipsique ad ejusdem molimina meam praestarem 
operam; ipse ego experimentum coram Domino Colberto institui.” 

L'appareil de Huygens consistait en un cylindre de fer blanc, dans 
lequel était moulé un cylindre creux de plâtre. Le diamètre intérieur de 
ce dernier était d’un pied, la hauteur de 3 pieds et demi. La machine 
à poudre à canon construite par Papin en 1688 n’était qu'un modèle de 
16 pouces de hauteur et de 5 pouces de diamètre. Papin y avait amé- 


CHRISTIAN HUYGENS A01 


lioré la manière d'introduire la poudre et la disposition des soupapes. 

Or ne peut guère douter que l’idée du fonctionnement particulier de la 
machine à poudre est venue à Huygens lorsqu'il s’occupait de la machine 
pneumatique qui, étant à simple eflet, lui faisait sentir à chaque coup de 
piston l'effet considérable de la pression de l’air atmosphérique. 


Doten 14 Prvparationt rectilienme de la lumière. 
Principe de Huygens, p. 381. 


Sir G. G. Stokes, dans la première de ses Burnetl Lectures, On light, 
p. 19, ne paraît pas admettre que Huygens ait fourni une explication 
suffisante de la marche rectiligne des rayons lumineux. En parlant du 
célèbre principe de Huygens il dit: mais ce principe en lui-même ne 
suffit pas pour expliquer les rayons. Il prouve, ou au moins semble prou- 
ver trop. On peut l'appliquer aussi bien au son qu’il est appliquable à la 
lumière lorsqu'on suppose que celle-ci consiste en ondulations; et si la raison 
donnée par Huygens était complète, il devrait également exister des 
rayons de son donnant des ombres aussi bien définies que la lumière.” 
A la page suivante M. Stokes résume sa discussion en ces mots: 
“Ainsi, malgré tout ce qu'a fait Huygens, l’existence de rayons et 
d’ombres, une des propriétés les plus marquées de Ja lumière, n’a pas 
trouvé une explication satisfaisante dans la théorie des ondulations telle 
qu'elle est sortie des mains de Huygens, et c'est dans cet état que 
cette théorie est restée bien plus longtemps qu’un siècle. La raison donnée 
par Huygens des lois de la réflexion et de la réfraction ne laisse rien à 
désirer, si ce n’est en ce que ces lois présupposent la notion de rayons. Je 
ne parle pas maintenant de sa découverte des lois de la double réfraction 
dans le cristal d'Islande, parce que ceci appartient à un chapitre tout 
différent de ce sujet.” 

Pour mettre en lumière ce qui nous paraît peu fondé dans cette re- 
marque, qui a déjà été faite par Newton, nous croyons pouvoir nous borner 
à citer quelques lignes du Traité de la Lumière, quelques autres du Dis- 
cours sur la Cause de la Pesanteur, où Huygens défend son principe 
contre les objections de Newton, et enfin le jugement de celui-ci après 
la défense de Huygens, 

Dans le Traité de la Lumière p. 9, Huygens dit: Or le mouvement 
successif de la lumière estant confirmé de cette manière, il s'ensuit, comme 
Jay déjà dit, qu'il s'étend par des ondes sphériques, ainsi que le mouve- 
ment du Son. 

»Mais si l’un et l’autre se ressemblent en cela, ils différent en plusieurs 
autres choses, sçavoir en la première production du mouvement qui les 
cause; en la matière dans laquelle ce mouvement s’etend: et en la ma- 
nière dont il se communique. Car pour ce qui est de la production du 


402 J. BOSSCHA, 


son, on sçait que c'est par l’ébranlement subit d’un corps entier, ou d’une 
partie considerable, qui agite tout l’air contigu. Mais le mouvement de la 
luraière doit naitre comme de chaque point de l’objet lumineux pour pou- 
voir faire apercevoir toutes les parties différentes de cet objet, comme il 
se verra dans la suite.” 

Et plus loin: L’agitation au reste des particules qui engendrent la lu- 
mière doit estre bien plus prompte et plus rapide que n’est celle des corps 
qui cause le son, puisque nous ne voyons pas que le fremissement d’un 
corps qui sonne est capable de faire naitre de la lumière, de mesme que 
le mouvement de la main dans l’air n’est pas capable Ge produire du Son.” 

Dans l’Addition au Discours de la Cause de la Pesanteur, lequel dans 
l'édition originale fait suite au Traité de la Lumière, Huygens, en 
parlant des Principa de Newton, répond comme il suit aux objections 
de ce dernier. 

»Il me dira peut estre, que, quand on m'auroit accordé que la matière 
éthérée consiste en des particules qui se touchent, pour transmettre la 
lumière, on ne verrait pas pourtant qu'elle observeroit cette regle de ne 
s'étendre qu’en ligne droite, comme elle fait, parce que cela est contre sa 
Propos. 42 du 2 Livre, qui dit que le mouvement, qui se repand dans une 
matière fluide, ne s'étend pas seulement tout droit depuis son orifice, après 
avoir passé par quelque ouverture, mais qu’il s’écarte aussi à costé. À quoy 
je repons par avance, que ce que j'ai allegué pour prouver que la lumière 
(horsmis en la reflexion ou en la refraction) ne s'étend que directement 
ne laisse pas de subsister nonobstant la dite Proposition. Parce que Je 
ne nie pas que, quand le Soleil luit à travers une fenestre, il ne se repande 
du mouvement à costé de l’espace éclaire; mais je dis que ces ondes de- 
tournées sont trop foibles pour produire de la lumière. Et qoyqu’il veuille 
que l’emanation du son prouve que ces epanchemens à costé sont sensibles, 
je tiens pour assuré qu’elle prouve plustost le contraire. Parce que si le 
son, ayant passé par une ouverture, s’étendait aussi à costé, comme veut 
Mr. Newton, il ne garderoit pas si exactement, dans l’Echo, l'égalité 
des angles d’incidence et de réflexion; en sorte que quand on est placé en 
un lieu, d’où il ne peut point tomber de perpendieulaire sur le plan re- 
flechissant d’un mur un peu eloigné, on n'entend point repondre l’Echo 
au bruit qu'on fait en ce lieu, comme je l’ai experimenté très souvent. 
Je ne doute pas aussi, que l'experience qu'il apporte du son qu'on en- 
tendroit non obstant une maison interposée, ne se trouvast toute autre, 
pourvû que cette maison fut placée au milieu de quelque grande eau, ou 
en sorte qu'il n’y eust rien autour, qui pust renvoier quelque parcelle du 
son par reflexion. 

Et pour ce qu’il dit, qu’en quelque endroit qu’on soit dans une chambre, 
dont la fenestre est ouverte, on y entend le son de dehors, non pas par 


CHRISTIAN HUYGENS. 403 


la reflexion des murailles, mais venant directement de la fenétre, on voit 
combien il est facile de s’y abuser, à cause de la multitude des reflexions 
reïterées, qui se font comme dans un instant; de sorte que le son, qui 
s'entend comme venant immédiatement de la fenétre ouverte, en peut 
venir, ou des endroits fort proches, après une double reflexion. J’avouë 
donc, que pour ce qui est des ondulations ou cercles qui se font à la 
surface de l’eau, la chose se passe à peu près comme l’assure Mr. N ew- 
ton: c’est à dire qu’une onde, apres avoir passé l'ouverture, se dilate en 
suite d’un costé et d’autre, et toutefois plus faiblement là que dans le 
milieu. Mais pour le son, je dis que ces emanations par les costez, sont 
presque insensibles à l'oreille, et qu’en ce qui est de la lumière, elles ne 
font point d'effet du tout sur les yeux. | 

"J'ai cru devoir aller au devant de ces objections que pouvoit suggerer 
le Livre de Mr. Newton, sçachant la grande estime qu’on fait de cet 
ouvrage, et avec raison, puis qu'on ne sçaurait rien voir de plus sçavant 
en ces matières, ni qui temoigne une plus grande penetration d'esprit.” 

On doit reconnaître, en effet, que l’expérience ordinaire de tous les juurs 
par laquelle nous est rendue familière l’idée que le son contourne les ob- 
stacles ne prouve pas plus contre la propagation rectiligne des ondes acous- 
tiques que ne le ferait contre celle des ondes lumineuses le fait qu’un 
faisceau de rayons du soleil pénétrant par une ouverture dans une 
chambre fermée aux murs blanchis permet de lire des caractères im- 
primés dans tous les coins de l’appartement. On ne connait pas jusqu'ici 
une expérience probante, qui fasse connaître exactement la mesure dans 
laquelle les ondes acoustiques, provenant d’un corps vibrant de faible 
dimension par rapport à la distance, sont appréciables à l'oreille humaine 
dans l’espace de l’ombre géométrique d’un écran, lorsque tous les corps 
qui, en dehors de l'air, peuvent propager et réfléchir le son, sont absolu- 
ment exclus. On sait seulement que l’argument emprunté par Huygens 
a l’écho a gagné en force par les expériences de la réflexion du son con- 
tre des miroirs concaves et sa réfraction dans des ballons de collodion. 

Newton lui-même d’ailleurs s’est déclaré satisfait de la défense de 
Huygens; il à reconnu que la propagation du son est plutôt rectiligne 
nmagis rectilineus’. Nous faisons suivre ici un passage d’une lettre qu'il 
écrivit le 16/26 Octobre 1693 à Leibnitz, au sujet du Discours sur la Cause 
de la Pesanteur de Huygens!) Il est remarquable sous plus d’un 
rapport. 


1) J. Edleston, Correspondence of Sir Isaac Newton and Professor Cotes, 
including Letters of other eminent men. London, 1850, p. 278. Une partie de la lettre 
a été reproduite en facsimile dans le Journal de Crelle T. XXXII d’après l'original 
de la bibliothéque de Hanovre. La lettre se trouve aussi dans les Œuvres de Leibnitz, 
édition de Berlin. 


A04 J. BOSSCHA 


»Quae vir saummus Hugenius in mea notavit ingeniosa sunt. Paral- 
laxis solis minor videtur quam ipse statueram, et motus sonorum forte 
magis rectilineus est, at coelos materia aliqua subtili nimis implere vide- 
tur. Nam cum motus coelestes sint magis regulares quam si a vorticibus 
orirentur, et leges alias observent, adeo ut vortices non ad regendos sed 
ad perturbandos Planetarum et Cometarum motus conducant, cumque 
omnia coelorum et maris phaenomena ex gravitate sola secundum leges a 
me descriptas agente accurate quantum sentio sequantur, et natura sim- 
plicissima sit, ipse causas alias omnes abdicandas judicavi et coelos materia 
omni quantum fieri licet privandos, ne motus Planetarum et Cometarum 
impediantur aut reddantur irregulares. At interea si quis gravitatem una 
cum omnibus ejus legibus per actionem materiae alicujus subtilis expli- 
cuerit, et motus Planetarum et Cometarum ab hac materia non pertur- 
batos iri ostenderit, ego minime adversabor.” 


Note n°. 15. Hypothèse des divers 
milieux de Huygens, p. 382. 


Dans son Discours sur la Cause de la Pesanteur, lu à l’Académie des 
Sciences de Paris, le 28 août 1669, Huygens admet que, en dehors de 
l'éther, il existe des fluides d’une ténuité incomparablement plus grande 
qui le traversent. Les passages les plus marquants relatifs à cette hypo- 
thèse sont les suivants: 

Il peut y avoir autour de nous encore d’autres sortes de matières de 
différents degrez de tenuité, quoyque toutes plus grossières que n’est la 
matière qui cause la pesanteur. ; 

il ne faut pas au reste trouver estranges ces différents degrez de petits 
corpuscules, ni leur extrème petitesse. Car bien que nous ayons quelque 
penchant à croire que les corps, à peine visibles, sont desja presque aussi 
petits qu'ils le peuvent estre, la raison nous dit que la mesme proportion 
qu'il y a d'une montagne à un grain de sable, ce grain la peut avoir à 
un autre petit corps et cettuicy encore à un autre, et cela autant de fois 
qu'on voudra.” 

Dans son Traité de l'Aimant, Huygens suppose que la matière 
qui cause les phénomènes de mouvement magnétiques est plus subtile 
que l’éther lumineux, mais moins déliée que celle qui cause la pesanteur; 
et il dit encore à cette occasion: »Il ne faut pas au reste trouver estrange 
ces divers degrez de petitesse, puisqu'en diminuant, aussi bien qu’en 
croissant, la progression possible est infinie.” : 


Note n°. 16 Attraction universelle découverte 
par Newton, p. 383. 


À l’égard des progrès que Newton, dans ses recherches sur l'attrac- 
tion universelle, avait accomplis dans la période qui a précédé la publica- 


CHRISTIAN HUYGENS. 405 


tion de l’Horologium Oscillatorium de Huygens, il existe beaucoup 
d'incertitude, de malentendus et même d’erreur évidente. Ce qu’on a admis 
à peu près généralement jusqu'ici repose presque entièrement sur les ren- 
seignements, très peu sûrs, fournis par de prétendues communications orales 
que Newton lui-même, d’après le témoignage de quelques amis, aurait 
faites dans un âge avancé. D’après cette légende, Newton aurait, dès 
1666, essayé d'expliquer le mouvement circulaire de la lune par la gra- 
vité, dont l'intensité serait affaiblie selon la loi des carrés des distances, 
Une valeur trop inexacte adoptée pour le rayon de la terre l’aurait induit 
en erreur, et contraint d'admettre que, en dehors de l'influence de la gra_ 
vité, des tourbillons comme ceux de Descartes avaient quelque partau 
mouvement de la lune. Ce ne serait qu'après avoir eu connaissance, plusieurs 
années plus tard, de la mesure du méridien par Picard, qu'il aurait 
repris son calcul et vérifié ainsi pour le satellite de la terre la célèbre loi 
des carrés. À ce récit Robinson, en 1804, a ajouté l’anecdote populaire 
d’après lequel Ne wto n, s’apercevant que ses chiffres allaient lui donner 
le résultat désiré, aurait été tellement ému qu'il dut prier un de ses amis 
de terminer son calcul. 

Il n'existe de Newton lui-même aucun témoignage écrit d’où il résul- 
te que les choses se seraient passées comme le veut cette légende. Ce- 
pendant, si l’histoire était véritable, N e w t o n aurait eu non seulement 
l’occasion, mais aussi le plus grand intérêt à la faire connaître. 

Un mémorandum !}, trouvé dans ses papiers relatifs à la controverse avec 
Leibnitz, contient quelques détails concernant l’histoire de ses Principia. 
La pièce est fautive à l'égard des dates, contient d’autres erreurs, et est biffée 
en son entier. Si elle a été réellement écrite par Newton, celui ci l’a 
rédigée plusieurs années ?) après la publication des Principia, probable- 
ment 48 années après l’époque à laquelle se rapportent les faits cités. 
Dans cet écrit il est seulement affirmé que, vers 4666, il avait comparé la 
force nécessaire pour retenir la lune dans son orbite avec la force de la 
gravité à la surface de la terre, et trouvé qu’elles concordaient assez bien 
(pretty nearly). 

Dans une lettre dont l’authenticité est bien prouvée, celle adressée à 
Halley le 20 juin 1686, Newton rapporte au contraire que vers 1671 
il calculait le rapport de la gravité au conatus recedendi a centro ter- 
rae” de la lune, mais pas assez exactement (but not accurately enough). 
Newton écrivit cette lettre pour défendre ses droits vis-à-vis des réclama- 
tions de Hooke qui prétendait avoir trouvé la loi des carrés avant lui. 


!) Voir la monographie de Rouse Ball, An essay on Newton’s Principia. Lon- 
don, 1893 p. 7. 
2) 28, d’après Rouse Ball. 


406 J. BOSSCHA. 


Newton, très ému de l'intervention de ce perpétuel inventeur de 
choses qu’un autre venait de découvrir, y accumule les preuves en faveur 
de ses propres droits. Comment aurait-il négligé de dire que l’inexactitude 
de son calcul provenait de celle d’une donnée dont il ne pouvait être 
rendu responsable? Peut-on admettre qu'il n'aurait pas relevé cette cir- 
constance décisive en sa faveur, si telle en effet avait été la cause de l’in- 
succès, et non l’insuffisanse des lois admises dans le calcul? 

Les considérations suivantes nous semblent prouver que le récit géné- 
ralement admis relatif à la découverte de Newton ne peut supporter un 
examen critique, et que lillustre philosophe ni en 1666, ni plus tard 
avant la publication de l’Horologium Oscillatorium, n’a pu opérer la célèbre 
vérification qui forme le fondement de son système. 

D'abord, il est invraisemblable qu’un manque de concordance de deux 
chiffres, tel qu'il pouvait résulter d’une valeur inexacte attribuée au rayon 
de la terre, ait pu contraindre Newton d'abandonner son hypothèse et de 
recourir aux tourbillons. Newton n’a pu ignorer que les mesures de la 
terre à cette époque admettaient une marge assez étendue pour l’accéléra- 
tion de la force centrifuge de la lune. Il en était de même de l’autre 
donnée nécessaire pour opérer la vérification, savoir l’accélération de la 
pesanteur à la surface de la terre et dans le vide. Personne ne pouvait 
lui fournir cette valeur avec quelque précision, avant que Huygens 
n’eût fait connaître la manière de la déduire de la longueur du pendule 
à secondes, et l’eût déterminée lui même, 

Mais, de plus, il est constant que Newton, avant 1685, ne connaissait 
pas même les lois qui seules permettent d'établir le calcul. Il n’admettait 
pas, et, en effet, il n’avait pas le droit d'admettre, que les distances qu'il 
devait introduire dans le calcul devaient être mesurées depuis le centre de 
la terre, Dans la lettre citée à Halley, il dit expressément: jamais je 
n'ai admis la proportion des carrés (duplicate proportion) plus loin que 
jusqu'à la surface de la terre, et qu’elle n’est pas suffisamment exacte 
jusqu'à cette distance, c’est ce que j'ai supposé jusqu’à ce que, l’année pas- 
sée (1685), j'ai trouvé certaine démonstration.” 

Cette démonstration, en effet, concerne l'important théorème d’après lequel 
l'attraction d'une sphère composée de couches concentriques homogènes, 
équivaut à celle de sa masse réunie dans son centre. Le docteur Glaisher, 
dans son discours prononcé au deuxième centenaire de la publication des 
Principia, a justement remarqué que ce ne fut qu'après avoir trouvé cette 
démonstration que »Newton voyait déployé devant lui le mécanisme de 
l'univers.” 

La troisième loi de Kepler, combinée avec les lois de la force centrifuge, 
pouvait montrer que, pour des distances très grandes par rapport aux 
dimensions du corps central, l’attraction est inversément proportionnelle 


CHRISTIAN HUYGENS. 407 


au carré des distances; les trajectoires elliptiques des planètes pouvaient 
convaincre Newton, en 1684, qu'en divers points de ces trajectoires 
l'attraction suivait la même loi; pour comparer les attractions de la terre 
en un point de sa surface et à la distance de la lune il fallait, avant tout, 
savoir à partir de quel point de la terre les distances doivent être comptées. 

Un autre témoignage de Newton lui-même n’est guère moins probant,. 
Sur la foi de ce que Newton avance dans ses lettres à Halley, on doit 
admettre que, déjà à une époque reculée, il a su que la force centrifuge 
est proportionelle au carré des vitesses, et inversément proportionelle au 
rayon du cercle décrit. La valeur absolue cependant lui était inconnue. 
Ce qui à cet égard lui était connu peut se déduire du Scholium qui fait 
suite à la Proposition IV du Livre premier de ses Principia. Il y commu- 
nique une autre démonstration des lois de la force centrifuge, celle que, 
d'après sa lettre du 14 juillet 1686 à Halley, il avait retrouvée parmi 
quelques vieux papiers. Elle est conçue en ces termes: 

»Que l’on se figure un polygone, d’un nombre quelconque de côtés, 
inscrit dans un cercle. Et si un corps, tandis qu'il se meut avec une 
vitesse uniforme le long des côtés du polygone est réfléchi par le cercle dans 
chacun de ses angles, la force avec laquelle il frappe le cercle sera comme 
sa vitesse et par conséquent la somme des forces dans un temps donné 
comme cette vitesse et le nombre des réflexions ensemble, c’est-à-dire, pour 
un polygone donné, comme la longueur décrite dans ce temps et la même 
longueur divisée par le rayon du cercle: par conséquent si le polygone, 
ayant ses côtés diminués infiniment, coïncide avec le cercle, comme le 
carré de l’arc décrit dans un temps donné divisé par le rayon. C’est là 
la force par laquelle le corps pousse le cercle, et à cette force est égale la 
force contraire avec laquelle le cercle repousse le corps continuellement 
mers lé centre.” 

La démonstration prouverait seulement que la force centrifuge est 
proportionelle au carré des vitesses et inversément proportionelle au rayon. 
Elle est évidemment incomplète et même peu rigoureuse, Au lieu de se 
baser sur une propriété déduite des lois du mouvement, elle part d'une 
donnée de l’observation, l'égalité des angles d'incidence et de réflexion, et 
la constance de la vitesse dans le choc oblique d’un corps contre une 
surface élastique. Il en résulte que le rapport entre la vitesse imprimée 
selon la normale et la vitesse du mouvement selon les côtés du polygone 
reste inconnu; et c'est justement ce qui rend impossible d'obtenir la va- 
leur absolue de la force centrifuge. Lorsque Newton dit: Ceci est la force 
par laquelle le corps pousse le cercle (haec est vis qua corpus urget cir- 
culum) il ne peut pas, — s’il a voulu rester dans les limites d'une conclu- 
sion légitime, — avoir voulu exprimer que la valeur absolue de l’accélé- 
ration de la force centrifuge est égale au carré de la vitesse divisée par le 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 2. 


408 J. BOSSCHA. 


rayon. Les termes cités, quoique ambigus, ne peuvent signifier autre chose, 
sinon que la force centrifuge, in genere, résulte de ce qu’il faut une réac- 
tion de la part du cercle pour produire un mouvement circulaire uniforme, 
et qu’elle suit, quant à sa grandeur, les mêmes lois. 

Dans le Scholium cité, Newton rapporte d’ailleurs expressément que la 
valeur absolue de la force centrifuge a été trouvée par Huygens. Que lui- 
même il l’a apprise par l’Horologium Oscillatorium, c'est ce qui résulte 
d’autres témoignages qu'on rencontre dans ses lettres 1), En chargeant 
Oldenburg de remercier Huygens de l'envoi de son livre il écrit : »Je 
me réjouis que nous avons à attendre un autre traité sur la force centri- 
fuge.” Or Huygens, dans les treize théorèmes qui terminent son ouvrage, 
avait donné toutes les propriétés ainsi que la mesure absolue de la force 
centrifuge, sans toutefois ajouter les démonstrations. Qu'est ce que Newton 
pouvait désirer sinon les démonstrations qui lui manquaient? 

Mais tout doute s’évanouit devant la déclaration de Newton d’apres la- 
quelle, vers 1670, il ne savait pas calculer la diminution de la pesanteur qui 
résulte de la rotation de la terre. »Je calculais”, écrit-il encore à Halley, 
»la force d’ascension sous l'équateur, résultant du mouvement journalier de 
la terre, mais déjà de faire ce travail (business) est une chose de beaucoup 
plus grande difficulté que je n’en avais conscience (then I was aware otf).” 

Dans la seconde édition des Principia de Newton, publiée par les soins 
de Cotes, la démonstration de la Proposition IV relative à la force cen- 
trifuge, que l’on trouve dans la première édition, a été remplacée par une 
autre qui conduit plus facilement à la comparaison de cette force et de celle 
de la pesanteur. La nouvelle démonstration permet de reléguer cette com- 
paraison dans un corollaire, le Corollarium IX, ajouté dans cette édition. 


Note n°. 17. Insuffisance de la loi de Newton aux 
yeux de Huygens, p. 383. 


À l’Académie des Sciences de Paris, Roberval avait combattu le dis- 
cours de Huygens sur la Cause de la Pesanteur. Dans sa réplique, conservée 
dans les Registres de l’Académie, Huygens dit: »j exclus de la nature les 
qualités attractives et répulsives parce que je cherche une cause intelligi- 

1) Dans le memorandum cité on rencontre la phrase suivante: Ce que Huygens a 
publié depuis, je crois qu’il l’a eu avant moi.” 

Dans sa lettre à Halley du 20 juin 1686, en parlant de Hooke, Newton dit: 
» Toutefois il ne l’entendait pas lui-même, comme je conclus de ses lettres, si ce n’est 
cinq ans après que chaque géomètre eût pu le lui dire. Car lorsque Huygens avait 
dit comment on pouvait tronver la force (centrifuge) dans tous les cas de mouvement 
circulaire, il avait dit en même temps comment il faut procéder dans ce cas-ci, aussi 
bien que dans tous les autres cas, et ainsi l’honneur de l’avoir fait dans ce cas-ci 


revient à Huygens.” 


CHRISTIAN HUYGENS. 409 


ble de la Pesanteur, car il me semble que ce seroit dire autant que rien 
que d'attribuer la cause pourquoy les corps pesants descendent vers la 
terre à quelque qualité attractive de la terre ou de ces corps mesmes.” 

Dans le Discours publié, p. 159, on lit encore: »je ne suis pas d’accord 
d'un Principe qu'il (c. à. d. Newton) suppose dans ce calcul et ailleurs; 
qui est, que toutes les petites parties, qu'on peut imaginer dans deux ou 
plusieurs diflerents corps, s’attirent ou tendent à s’approcher mutuellement. 
Ce que je ne sçaurois admettre, parce que je crois voir clairement, que : 
la cause d'une telle attraction n’est pas explicable par aucun principe de 
Mechanique, ni des regles du mouvement.” 


Note n°. 18. Objection de Huygens contre la théorie 
de l'émission, p. 384. 


On la trouve, entre autres, dans le Traité de la Lumière, page 3, en 
ces termes: 

"De plus quand on considère l’extrème vitesse dont la lumière s’étend 
de toutes parts, et que quand il en vient de différents endroits, mesme de 
tout opposez, elles se traversent l’une et l’autre sans s’empescher, on com- 
prend bien que quand nous voyons un objet lumineux, ce ne sçauroit estre 
par le transport d'une matière, qui depuis cet objet s’en vient jusqu’à 
nous, ainsi qu'une bale ou une flesche traverse l’air: car assurément cela 
repugne trop à ces deux qualités de la lumière et surtout à la dernière.” 

L’objection a été reproduite par Euler. Arago, en la lui attribuant 
(Notice biographique de Fresnel, Œuvres I, p. 153) la combat en termes 
extrèmement vifs. Il fait remarquer que les corpuscules mouvants doivent 
produire une impression lumineuse lors même qu’ils se succéderaient à 
des distances de 770 lieues, vu que dans ce cas, en vertu de la prodigi- 
euse vitesse de la lumière, les chocs se répéteraient encore cent fois par 
seconde. Arago estime sa réfutation tellement évidente et concluante 
qu'il applique à l’objection d’'Euler cette remarque de Cicéron: qu'on ne 
saurait imaginer rien de si absurde que les philosophes ne soient capables 
de soutenir. 

Il est clair que les grandes distances des corpuscules ne suffisent pas 
pour écarter l’objection de Huygens. Dans une enceinte fermée dont les 
parois intérieures sont uniformément éclairées, à chaque rayon passant 
d’un point À à un point B répondra un rayon de B vers À. Les deux 
rayons doivent s’entrechoquer, et il en est de même de tous les rayons qui 
traversent l'enceinte. 


Motenn, 19 Widenewtonien de l’univers,®p. 385. 


Newton lui-même, dans la dernière période de sa vie, quoiqu’aupara- 
vant li n’eût pas nié l’existence d’une substance très subtile répandue partout, 


DT 


AT0 J. BOSSCHA. 


a admis que l’univers était vide. Brewster dans ses Memoirs of the Life, 
Writings and discoveries of sir Isaac Newton, Vol. I pag. 144, l’a prouvé 
en citant un passage de la deuxième édition de l’Optique, revue par Ne w- 
ton lui-même. (Voir aussi la note n°. 14). Dans la Préface de la seconde 
édition des Principia, Roger Cotes qualifie l'hypothèse, que l’espace cé- 
leste serait rempli de quelque matière, d’hypothesis inéptissima. 

La Préface témoigne de peu d’égards pour Huygens. Aucune mention 
n’y est faite de ses découvertes relatives à là force centrifuge, quoique l’auteur 
reconnaisse que Huygens a mesuré la pesanteur au moyen du pendule. 

À la première page Cotes établit une distinction entre trois sortes de 
philosophes. En premier lieu, les sectateurs d’Aristote et des Péripatéti- 
ciens: »toti in rerum nominibus, non in rebus, sermonem quendam phi- 
losophicam censendi adinvenisse, philosophiäm tradidisse non censendi.” 
Ensuite d’autres »melioris diligentiae,” en ce qu'ils se sont appliqués à 
procéder du simple au composé : /verum ubi licentiam sibi assumunt ponendi 
quascunque libet ignotas partium figuras et magnitudines, incertosque 
situs et motus; quin et fingendi Fluida quaedam occulta, quae corporum 
poros liberrime permeent, omnipotente praedita subtilitate, motibusque 
occultis agitata; jam ad somnia dilabuntur, neglecta rerum constitutione 
vera: quae sane frustra petenda est ex fallacibus conjecturis, cum vix eti 
am per certissimas observationes investigari posset. Qui speculationum 
suarum fundamentum desumunt ab Hypothesibus, etiamsi deinde secun- 
dum leges mechanicas accuratissime procedant, Fabulam quidem elecantem 
forte et venustam, Fabulam tamen concinnare dicendi sunt.” 

En troisième lieu Cotes cite les vrais philosophes qui s’en tiennent à l’ex- 
périence: »Nihil Principii loco assumunt quod nondum ex Phaenomenis 
comprobatum fuerit. Hypotheses non comminiscuntur, neque in Physicam 
recipiunt, nisi ut Quaestiones de quarum veritate disputetur”. C’est à ce 
dernier groupe qu'appartient Newton. 

On ne peut guère douter que par le deuxième groupe Cotes a voulu 
désigner non seulement les Cartésiens, mais spécialement encore Huygens. 
Les mots retiamsi deinde secundum leges mechanicas accuratissimas proce- 
dant” désignent clairement l’auteur du Traité de la Lumière. 

La partialité de Cotes saute aux yeux. Si dans son opinion Huygens 
a eu le tort d'écrire le Traité de la Lumière, l'auteur des Principia a proposé 
la théorie de l’émission de la lumière et a même essayé d'expliquer les effets 
de la pesanteur au moyen d’un courant de corpuscules se dirigeant de 
tous côtés vers le corps attirant. 

C’est sans doute la partie citée de la Préface qui à fait dire à Leibniz 
qu’elle était pleine d’aigreur.” 1) 


1) Au sujet de cette Préface Cotes écrivit à Newton (J. Edleston, Correspondence 


CHRISTIAN HUYGENS. 411 


Note n°. 20. Théorie de l’aimant, p. 386. 


Huygens admet qu'un aimant est un corps qui laisse passer le fluide 
magnétique, universellement répandu, plutôt dans un sens que dans l’autre, 
Ce fluide est plus subtil que l’éther, il l’est moins que celui qui par son 
mouvement cause la pesanteur. 

Le courant de fluide magnétique qui sort d’un côté de l’aimant et rentre 
par le côté opposé, chasse, d’après Huygens, l’éther qui, par sa réaction, 
tâche de réduire cet effet à un minimum et fait mouvoir les aimants, qu'il 
ne peut traverser, dans la direction qui répond à la plus rapide diminution. 

L'effet du courant, par unité de volume, devant être proportionnel au 
carré de la vitesse, l'énoncé de Huygens revient à dire que le mouvement 
des aimants doit rendre minimum la somme des produits des éléments 
de volume du courant, multipliés par le carré de la vitesse. Or, cette 
somme, étendue au courant entier, constitue l'énergie potentielle des deux 
aimants, et le mouvement est, en eflet, déterminé par la condition que 
cette énergie devienne un minimum. 


Note n°. 21. Kosmotheoros, p. 387. 


Le dernier écrit de Huygens porte le titre »Christiani Hugenii 
Kosmotheoros, sive de Terris Coelestibus, earumque ornatu, conjecturae. 
Ad Constantinum Hugenium, Fratrem: Gulielmo IIT. Magnae Britanniae 
Regi, a Secretis. Hagae Comitum, Apud Adrianum Moetjens, Bibliopolam. 
MDCXCVIIL. 

L'ouvrage à été traduit en hollandais, français, anglais et allemand. 
Huygens ne l’a terminé que peu de jours avant sa dernière maladie, 
en 1695. Il comimit l'impression aux soins de son frère Constantin. 
Celui-ci, empêché par ses voyages et ses nombreuses occupations, ne put 
entreprendre l’impression qu’un an plus tard et mourut bientôt après. 

Dans le livre premier, s'adressant à son frère, Huygens dit: »Utinam 
vero haec nostra narrare non omnibus possim, sed praeter te lectores arbi- 
tratu meo deligere liceret, qui nec Astronomicae scientiae, nec Philosophiae 
melioris rudes essent.”? 

Dans ce discours, Huygens communique la première comparaison 


etc. p. 151): ,Je pense qu’il sera utile, en dehors de ce résumé concernant le Livre et ses 
perfectionnements, d’ajouter quelque chose concernant plus particulièrement la méthode 
philosophique employée et en quels points il diffère de celui de Descartes et d’Autres, 
je veux dire en démontrant d’abord le principe dont on fait usage.” Dans une lettre 
adressée à Cotes le 31 mars 1713, Newton transmet les neuf lignes de la Préface de 
l’Auteur, qui dans la seconde édition précède immédiatement celle de Cotes, et il ajoute : 
Si vous écrivez encore quelque autre Préface, je ne dois pas la voir, car je considère 
que l’on m’en demandera compte (1 find that I shall be examined upon it). 


412 J. BOSSCHA, CHRISTIAN HUYGENS. 


faite par lui de l'intensité de la lumière du soleil et de celle de Sirius. I] 
trouve que le soleil devrait être 27664 fois plus éloigné de nous que sa 
distance actuelle pour donner la lumière de Sirius. Si l’on suppose que 
cette étoile est de même grandeur que le soleil et émet, par unité de 
surface, la même quantité de lumière, elle se trouverait donc à une dis- 
tance 27664 fois plus grande que celle du soleil. Huygens calcule qu'un 
boulet de canon employerait 691600 années à parcourir cette distance, La 
lumière la franchiraïit en 0,4 an. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, 
L'HYDROXYDE FERRIQUE CRISTALLIN, LES FERRITES DE 
POTASSIUM ET DE SODIUM 


PAR 
J. M. VAN BEMMELEN et E. A. KLOBBIEF. 


Tandis qu'il poursuivait ses recherches sur les hydrates 
colloïdaux et cristallins, le premier d’entre nous fut amené, 
par les travaux de M. Rousseau sur un corps, donné 
comme un hydrate cristallisé de l’oxyde ferrique, à publier 
déjà dès à présent des détails plus circonstanciés sur cette 
combinaison. 

L'auteur trouva que l’oxyde ferrique précipité sous forme 
colloïde d’une solution, ne présente, pas plus que les oxydes 
du silicium, de laluminium, de l’étain et du chrome, de 
composition constante !). La teneur en eau dépend: 1° de la 
modification déjà subie lors de la dessication; 2° de la ten- 
sion de la vapeur d’eau dans l’enceinte; 8° de la température. 
Fout cela se vérifie encore pour les oxydes colloïdaux qui 
viennent d’être cités, et s'accorde avec les propriétés des 
corps colloïdes ?) (les hydrogels de Graham). 

Les oxydes hydratés se comportent d’une manière entière- 
ment différente s'ils sont précipités sous forme cristalline, 
comme le premier de nous l’a démontré pour l’oxyde de 
béryllium *) et plus tard pour l’oxyde d’aluminium ‘). Leur 


A 


composition répond dans ce cas à une formule chimique; 


1) Rec. trav. chim. 1888. T. 7. pp. 106 —114. 

2) Van Bemmelen. Sur la nature des colloïides et leur teneur en 
eau. Rec. trav. chim. 1888. T. 7. pp. 36 —G9. 

3) Jour. f. prakt. Chem. 1883. Bd. 26. pp. 227 —246. 

4) Rec. trav. chim. T. 7. pp. 63 et &2. 


414 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


ils sont stables jusqu’à une température et une tension de 
vapeur déterminées !). Ils représentent les vrais hydrates. 

On a souvent mentionné l'existence d’un oxyde de fer 
hydraté, précipité, d'apparence cristalline, et on a prétendu 
que c'était un véritable hydrate de composition déterminée. 
Mais toujours cette affirmation est restée douteuse. 

C’est ainsi qu'en 1853 Wittstein ?) a prétendu que l’oxyde 
précipité (colloïde) devient cristallin par un séjour prolongé 
dans l’eau, ou le devient même en peu de temps par l'effet 
d’une basse température. En 1858 Z. Roussin obtient par 
l’action de la potasse sur ses ,nitrosulfures de fer” un oxyde 
ferrique, qu'il décrit comme ,une poudre cristalline très-pe- 
sante ; l’analyse donne la formule Fe, O,.H, O (l’auteur ne 
rapporte pas de chiffres), un sesquioxyde de fer hydraté, 
dans un grand état de pureté et parfaitement défini.” C’est 
ainsi qu'il obtient encore: ,un précipité cristallin entièrement 
sembable à celui que les nitrosulfures fournissent”, en faisant 
agir la potasse sur le nitroprussiate de sodium. 

M. G. Rousseau annonce en 1888—1891: 1° qu'il a pu 
transformer l’oxyde ferrique amorphe, humide, à haute tem- 
pérature et dans un milieu de potasse ou de soude fondue, 
ou de carbonate et de chlorure alcalin, en une substance 
cristalline de la formule Fe, O,. H, 0, dans laquelle un peu 
d’eau est remplacée par de la potasse ou de la soude. Il 
semble surprenant que cet hydrate se formerait à des tempé- 
ratures de beaucoup supérieures à celles auxquelles ce même 
hydrate perd de nouveau son eau après qu’il a été isolé de la 
masse en fusion. L'auteur rapporte encore 2° qu’il a métamor- 
phosé en monohydrate des cristaux doubles d'oxyde et de 


1) Voir, pour de plus amples détails sur la déshydratation des vrais 
hydrates et la dessication des oxydes colloïdaux, Rec. trav. chim. T. 7. 
pp. 57—59. 

2) Vierteljahrsschr. f. Pharm. Bd. 2. p. 373. 

3) Ann. de Chim. et de Phys. 3e série, T. 52, p. 385. 


SUR L’'OXYDE KERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 415 


chlorure ferrique, en les faisant bouillir avec de l’eau; et cela 
tandis que la forme cristalline était conservée !). 

Enfin MM. H. Brunck et ©. Graebe ?) ont trouvé dans 
les parois attaquées d’une chaudière, qui avait été soumise 
pendant longtemps à l’action de soude fondue à la tempéra- 
ture du rouge sombre, un hydrate d'oxyde de fer cristallisé 
en plaques hexagonales L'analyse conduisit très-exactement 
à la formule Fe, O, . H,0, et M. Groth établit la concor- 
dance de la forme cristalline avec celle de l’hématite. 

MM. Brunck et Graebe trouvèrent des cristaux analo- 
gues dans les dépôts des chaudières servant à la fabrication 
de la soude caustique. 

Déjà on a découvert, en partant d’une solution alcaline, 
les vrais hydrates d’oxydes qui autrefois n’étaient connus qu’à 
l’état amorphe et colloïde. Tel est le cas de Be 0, H, O0), 
ÉRONSE O0"), MO. H,0°), CdO. HO), (Pb O)., H,07), 
DR OMR OH, 07) Co 0. H,0°), Tl,,0,.3.H,0%); 
(Pb O),. H,0%?). Il ne semblait donc pas improbable que 
Roussin aussi bien que MM. Rousseau, Brunck et 
Graebe avaient préparé l’hydrate cristallin. Celui-e1 devait 
dans ce cas obéir à la loi générale, et demeurer inaltéré à 
une température déterminée, jusqu'à une tension de vapeur 
d'eau déterminée, quand on fait diminuer celle-ci. 


DCompibrend 1888000406 °p. 1530; 1888/0107, p.1240;:01890, 
40 p 1082: 1891/1113, p. 643. 

2) Ben. d. d. chem. Ges. 1880, p. 725, 

DoVan Bemmelen, Journ. f. prakt. Chem. N. EF. Bd. 96, p. 227. 

WMVan Bemmelen, Rec. trav. chim. T. 7, p. 82. 

DADéSebulten, Compt. rend. 14107, p.72; T 409, p. 266. 

DRDbre  (Compt. rend. 1. 9% p. 1310. 

DRE Compt. rend 1. 101, p.375. 

8) Dougl. Carnegie. Chem. News. Vol. 60, p. 113. 

Due de ins An Chem. Journ.Nol. 13,4p. 120; 


416 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


Nous rapportons brièvement ci-dessous les résultats de nos 
recherches. 


1. Congélation de l’oxyde ferrique 
Colonne? 


Wittstein avait annoncé que l'oxyde ferrique gélatineux 
devenait cristallin par un séjour prolongé sous l’eau. Ceci 
fut nié, par Le Fort!) et Le Roy 2) /"prérendibque 
À 
la loupe on y distinguait facilement des paillettes cristal- 
lines”. Ce fait fut confirmé par Limberger‘)}. Wittstein 


fallait pour obtenir ce résultat une basse température. , 


fit enfin connaître *) qu'il avait refroidi de l’oxyde ferrique 
gélatineux fraîchement préparé jusque — 82° pendant une 
nuit, et qu à un grossissement de 35 fois il avait observé une 
structure cristalline très-évidente. La substance non refroïdie 
au contraire se composait de grains amorphes. 

Nous avons préparé aux dépens d’une solution très-diluée de 
Fe, Cl; de loxyde ferrique gélatineux, et nous l’avons sou- 
mis après lavage, pendant 48 heures, à un froid artificiel 
compris entre — 20° et -- 5°. Dans l'hiver rigoureux de 
1890/91, à une température comprise entre — 13° et — 11”, 
nous avons soumis à cette température une nouvelle portion 
du même produit pendant 4 jours, et puis 9 jours encore à 
une température de — 3° à — 2°. La substance était restée 
amorphe; examinée au microscope à un grossissement de 800 
diamètres, elle ne montrait pas la moindre trace de structure 
cristalline. La manière dont se comporte l’eau unie au col- 
loïde sec, à différentes températures et à diverses tensions de 
vapeur d’eau, était aussi restée la même, comme il résulte du 


tableau suivant. 


1) Journ. Pharm. T. 20, pag. 240, 1851. 

2) bia, MO 5 prb 0HISSS" 

3) Vierteljahrsschr. f. pr. Phar. Bd. 1, p. 275; Bd: 2, p. 372, 1853: 
PUbid ep. 0719: 


SUR L’OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 417 


Tableau I. 
ñ à (0) b. 
Tempéra- Tension de vapeur Colloïde congelé. Colloïde non-congelé. 
ture. d’eau. Nombre de Nombre de 
molécules 7,0. molécules 4,0. 
+ 152 | Rapidement expri- 7,4 Er 


mé à l'air entre 
du papier à filtrer 


Ho) 314 mm— 840 1) + 7-61 + 7—6,4 
(au bout de 2 se- | (au bout de 2 se- 
maines) maines) 
15° + 10% ?) _ 4,8—4,9 4,5 —4,2 
(au bout de 3 mois)| (au bout de 3 mois). 
+ 15° 0,0 mm. à) 2,0—1,5 2,0 —1,46 
(au bout de 2 mois) | (au bout de 2 mois) 
+ 100° à l’air du labora- 0,97—0,9 — 0,96 
toire. 
se 4009 : 0,0 mm. 0,87 1,37— 0,96 
(au bout de 24 
heures) 
2e 15 0,0 mm. 0,54—0,48 0,57 


Afin de rendre ce tableau mieux compréhensible, nous 
ferons remarquer qu'il n’y a pas moyen dans ces circon- 
stances de maintenir l’oxyde ferrique colloïde dans un 
état d'équilibre stable. Il n’est déjà pas homogène dès le 
début ‘); il se modifie constamment, et perd de l’eau, malgré 
que l’on prolonge l'expérience pendant des années. Si l’on 
trouve donc dans le précédent tableau deux nombres, comme 


———_——— 


1) Cela signifie: 84, de la tension de vapeur d’eau saturée à 45°. 
Obtenu en laissant séjourner la substance sur de l’acide sulfurique de la 
composition H,SO, .17 H,0. 

2) Obtenu en laissant séjourner la substance dans l’air ordinaire de 
mon laboratoire privé. 

3) Obtenu en laissant séjourner la substance sur de l’acide sulfurique 
concentré, 

DE SCius Journ. f pr. Chemie. [2] Bd: 3,1p..272: 


A18 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


par exemple 2—1,5 (2 mois) à 15°, cela veut dire que si la 
teneur en eau était diminuée jusque 2,0 au bout de quelques 
jours, elle descendit encore avec une vitesse décroissante jus- 
qu'à atteindre 1,5 au bout de deux mois, sans qu’un équi- 
libre complètement stable fût encore atteint. À de plus hau- 
tes te:npératures, à 1007, 150° etc. la même chose se pré- 
sente, seulement il s’agit alors d'heures et de jours au lieu 
de jours et de mois. 

Ces nombres signifient que le colloïde n’a pas subi par le 

froid et la congélation de l’eau y contenue de modification 
quelque peu importante, et qu'il ne s’est nullement transformé 
en hydrate. Il se comporte comme le colloïde non-congelé, 
pour les propriétés duquel je renvoie à des communications 
antérieures !). 
Je dois admettre que Wittstein, Le Roy et Limberger 
se sont laissés induire en erreur par une illusion d’optique. 
La formule F, O,.3 IH, O, déduite par Wittstein de son 
analyse (il fit dessécher la substance pendant une demi-heure 
seulement à 100°) est sans valeur. 


IT. Le chlorure ferriqu'e tiré dune 
pD'rus sa ten dens ordre 


Si l’on traite, en chauffant prudemment, des cristaux de 
nitroprussiate de sodium par la potasse concentrée (de 50 SZ), 
ils se dissolvent avec une coloration jaunâtre de la liqueur. 
Chauffée davantage, la solution se décolore peu à peu. On 
peut la diluer avec de l’eau et la chauffer, sans qu'il se forme 
aucun dépôt. Au contraire une solution dans la potasse 
diluée (de quelques % seulement) dépose de l’oxyde amorphe, 
et aussi de petites lamelles brillantes, qui peuvent donner 
l'impression de paillettes cristallines. Une solution dans 30% 
de potasse se trouble soudainement par la chaleur, et ce sont 


1) Rec. trav. chim.. T. 7, pp. 106, 114. v. Bem mele n, Sur le colloïde 
de l’oxyde ferrique. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 419 


ces lamelles brillantes qui se déposent de préférence. Au micros- 
cope on ne distingue que des particules amorphes Une solu- 
tion de potasse à 20—30 %,, si on ne la chauffe pas au-delà 
de 70°—80° et d’une manière tout-à-fait continue, donne un 
oxyde plus dense (plus pesant) sans lamelles, qui examiné 
au microscope, se montre constitué par des granules plus 
transparents. 

On voit donc se confirmer encore ici que, suivant la con. 
centration des solutions, la température et la durée de la 
caléfaction, le dépôt se fait avec une rapidité plus ou moins 
grande, et que lJ’oxyde contenant de l’eau se dépose en 
une modification plus ou moins dense. Il n’y eut cependant 
pas moyen d’obtenir l’hydrate à l’état cristallisé. !) 

Si l’on concentre la solution alcaline et qu’on la chauffe 
par conséquent davantage, il prend naissance du ferrite de 
potassium cristallisé (voir plus bas). 


DR ro pde ferriquetirécdes sels de Rous 
ne) ON itrosoterrosulfures de potas- 
sium et d’ammoniu m). 


Cet oxyde fut préparé aux dépens des sels d’ammonium 
et de potassium. 

Le sel de potassium (d’après M. Pawel) ne donne avec 
la potasse soit diluée soit concentrée que de l’oxyde ferrique 


1) MM. Wéith, Ann. der Chem. Bd. 147, p. 312 et Städeler, 1bid. 
Bd. 151, p. 1, qui ont observé la formation d'oxyde ferrique aux dépens 


de nitroprussiate de sodium, ne font aucune mention de la circonstance 
que cet oxyde ait été cristallisé. M. Pawel, Ber. d. d. chem. Ges. 1882, 
p. 2600, parle au contraire »d’oxyde ferrique, qui par une longue digestion 
passe à l’état d'oxyde rouge cristallisé” (p. 2614). 

2) On nous permettra de donner quelques indications supplémentaires 
sur cette préparation, qui peut facilement ne pas réussir, ou donner un 
faible rendement. La recette primitive de Roussin (1858) est trop vague, 
et il en est de même de celles de Porczinsk y (1863), Rosenberg (1879) 
et Demel (1879). Il s’est glissé une erreur dans la recette de M. Pawel 
(Ber. d. d. Chem. Ges. 1879, pp. 1407, 1949) pour le sel de potassium. La 


490 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBPIE. 


amorphe humide. Le sel d’ammonium fut dissous dans la 
potasse de concentration différente, de 50%, 40%, 30°, 20%, 
10%, 5% et 1%, et chauffé longtemps à 90°-—100°. Dans la 
solution de potasse à 50% ïl n’y eut la plupart du temps pas 
de dépôt d'oxyde, et la solution prit une teinte brun rougei- 
tre. Une solution dans la soude concentrée donna après 
dilution et caléfaction prolongée un dépôt d'oxyde ferrique, 
qui montra de nouveau les lamelles brillantes, cristallines en 
apparence, mais amorphes quand on les examine au micros- 
cope. Quant aux autres solutions, si elles sont plus concentrées, 
il s’y forme une plus grande quantité de lamelles, qui se dépo- 


ms 


derrière récette donnée par M. Pawel peut servir (Ber. 1889; p. 2619). 
Nous avons trouvé cependant que la préparation du sel d’ammonium donne 
le meilleur rendement quand on s’y prend comme suit: 

1. Nous avons dissous 40 gr. Na NO, (de 959°/,) dans 200 cm.5 d’eau. — 
2. AO gr. d’ammoniaque à 22%, furent saturés à moitié avec de l'AS, 
et dilués avec 160 cm.* d’eau. — 3.105 gr. Fe S O,.7 H,0 furent dissous 
dans 800 cm.° d’eau. Nous avons mélangé 1 et 2, chauffé jusqu’à l’ébullition, 
et versé dans le mélange 5 en filet. La liqueur fut alors rapidement 
chauflée à feu nu, de manière qu’additionnée d’un peu d’ammoniaque elle 
fût en vive ébullition pendant environ uu quart d'heure. Nous avons filtré 
aussi rapidement que possible la liqueur chaude; car sans cela il se dé- 
posait déjà des cristaux. Il cristallisa par le refroidissement 30 grm. de 
sel d’ammonium, et les eaux-mères ne présenterent qu’une faible colora- 
tion jaune. Les cristaux furent dissous dans l’eau de manière à donner 
une solution de concentration moyenne; puis la liqueur fut filtrée et ad- 
ditionnée d’un peu d’ammoniaque. La cristallisation lente donna dans ces 
conditions des cristaux bien formés. 

Quand au contraire, suivant le précepte de M. Pawel, nous avons pris 
20 gr. Na NO,, et que la liqueur ne fut pas chauffée à feu nu, mais au 
bain-marie, il se déposa une masse considérable de substance, et il ne 
cristallisa que 3 gr. de sel après filtration. Quand ce dépôt fut chauffé 
quelque temps avec les eaux-mères et 90 gr. nouveaux de Na NO,, le tout 
additionné d’un peu d’ammoniaque, il disparut en grande partie, et nous 
avons pu recueillir encore 10 gr de sel, les eaux-mères n'étant que très- 
faiblement colorées. C’est sur le rêsultat de ces expériences qu'est fondée 
la recette précédente. La quantité de nitrite à employer est plus grande 
que ne le recommande M’ Pa wel pour le sel de potassium. 


SUR L’OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, 421 


sent davantage le long des parois du verre; si au contraire 
les solutions sont plus diluées, l'oxyde est plus dense et plus 
granuleux. La solution de polasse à 1°%% donne l’oxyde le 
plus granuleux et le plus vivement coloré (en rouge brique). 
On l’obtient encore et même mieux quand on laisse tomber 
soutte à goutte la solution alcaline dans l’eau bouillante, ou 
la solution diluée de potasse dans la solution bouillante du 
sel. Mais cet oxyde n'était pas cristallin; il était simplement 
finement granuleux. La poudre, lavée et débarrassée par 
lévigation des parties les moins denses, et alors de couleur 
rouge brunâtre, fut soumise à l’analyse. 

Cette poudre avait enlevé à la solution de potasse de faibles 
quantités d'acide silicique, de chaux et de potasse, qui ne 
purent être éloignées même par un lavage prolongé. Elle 
renfermait, séchée sur l'acide sulfurique et rapportée à le 


substance pure: 
Tabieau. JE 


Du sel Du sol 
ammoniacal. de potassium. 


Chassé à 100% dans un courant d’airsec | 0,26 mol. Z,0 | 02 mol. H,0 


Chassé à la température du rouge... | 0,57 mol. A,0 | 0,56 mol. Æ,0 
TRS sn | 0,83 mol. 4,0 | 076 mol. 1,0 
Potasse rer 0,03 mol. 1,0 | non-déterminé. 


Il s'était donc formé un oxyde ferrique amorphe, qui ne 
renfermait pas encore 1 mol. 4,0. Cet oxyde n’était presque 
pas hygroscopique, et correspond donc à l’oxyde ferrique 
gélatineux ordinaire, quand on l'a traité pendant longtemps 
par l’eau bouillante !). 


1) Davies a trouvé de cette manière, au bout de 112 heures, une teneur 
de 5,77%, H,0 = environ !/, mol., et au bout de 1000 heures à 50° —60° 
une teneur de 41%, H,0. Chem. Soc. Vol. 4, p. 69, 1866. 

La couleur était devenue également rouge briqne; le poids spécifique 
était monté jusque 4,545. 


499 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


DS 


Nous n'avons donc pu réussir à séparer des sels de Rous- 
sin un hydrate cristallin, et il demeure probable que cet 
auteur s’est trompé. Il ne donne pas les résultats numé- 
riques de ses analyses. Une solution de chlorure ferrique 
chaude et acide, que l’on additionne d’ammoniaque, peut 
aussi déposer un oxyde hydraté qui est brillant et cristallin 
en apparence. Au microscope ce sont des lamelles poly- 
gonales à bords aigus, souvent à angles rentrants. Cette forme 
de dépôt fut également observée par M. Schreinemakers, 
quand 1il détermina à plusieurs reprises la quantité d'oxyde 
ferrique dans une solution des cristaux de Fe, CI,. 2 HCI. 
4 H,0. Mais les circonstances dans lesquelles ce dépôt se 
produit restèrent inconnues, car souvent ce ne fut que le 
colloïde ordinaire qui prit naissance. 


IV. Le ferrite de potassium et lPoxyde 
ferrique formé à ses dépens: 


Comme nous l’avons fait observer plus haut, M.G. Rousseau 
a prétendu avoir préparé à de très-hautes températures (800°— 
1000°) de l’hydrate d'oxyde de fer cristallin et de la formule 
de la Goethite. Dans cet hydrate, une très-petite quantité d’eau 
seulement était isomorphiquement remplacée par de la potasse. 
L'auteur traita par les alcalis caustiques, ou par un carbonate 
et chlorure alcalin, un oxyde ferrique amorphe renfermant 
environ 2 mol. H,0. Comme l’oxyde ferrique colloïde a déjà 
perdu la totalité de son eau à 500°, cette assertion est très- 
suprenante, d'autant plus que dans ces circonstances il doit 
se produire un composé alcalin: du ferrite de sodium ou de 
potassium. Nous avons observé ce qui suit. 

Ferrite de potassium: Quand on chauffe avec de la 
potasse concentrée de l’oxyde ferrique amorphe hydraté ou 
anhydre, l’oxyde ferrique disparaît peu à peu, et il prend 
naissance des cristaux, ayant la forme de plaques rectangu- 
laires, de couleur vert pâle. 

Ces cristaux atteignent sur les arêtes une longueur de 40 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 423 


microns. Si l’on continue de chauffer, et que l’on concentre 
la solution de potasse de manière qu’elle se solidifie par le 
refroidissement en une masse solide (et non plus visqueuse), 
les plaques rectangulaires disparaissent peu à peu et sont 
remplacées par des cristaux octaédriques, également de couleur 
vert pâle. 

Si l’on fait fondre ensemble de l’oxyde ferrique avec K, CO, 
et A CI, les cristaux octaédriques prennent immédiatement 
naissance, comme il résulte de ce qui suit. Un excès des 
deux sels fut calciné avec de l'oxyde ferrique au creuset 
de platine dans un petit four de Hempel. Le chlorure de 
potassium se vaporisa lentement. Au bout d’une demi-heure 
le Fe, O, était encore en grande partie amorphe. Ure demi- 
heure plus tard des sphérules transparentes vert-pâle étaient 
déjà visibles; encore une demi-heure après ces sphérules 
avaient augmenté de volume, et étaient devenues cristalli- 
nes; au bout d’une nouvelle demi-heure enfin il avait pris 
naissance des cristaux octaédriques bien nets de 3 à 10 mi- 
crons de diamètre. Une longue caléfaction à la même tempé- 
rature pouvait donner des cristaux encore plus volumineux 
(mesurant 30 « sur les arêtes). On peut employer de l’oxyde 
ferrique retenant en combinaison peu ou beaucoup d’eau, ou 
de l’oxyde anhydre, ou de l’oxyde soumis à une calcination 
si intense quil n'absorbe plus d’eau et est devenu noir et 
insoluble dans les acides. Tout cela est indifférent ; toujours on 
obtient les mêmes cristaux octaédriques. Ces cristaux pren- 
nent également naïssance quand on déshydrate complètement 
K,CO.,, KCI et Fe, O, à une température où KCI se vapo- 
rise. Il faut donc qu'ils soient anhydres et représentent un 
ferrite de potassium, ce qu’en effet l’analyse a montré (voir 
p. 426). 

Si l’on débarrasse les cristaux de la masse véhiculaire en 
les traitant par l’eau, ou s'ils attirent l'humidité de l'air, ils 
prennent peu à peu une coloration brun rouge et perdent 
leur transparence dans la même raison. Bientôt leur surface 

ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 28 


494 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


devient trouble. Ces modifications s’opèrent plus rapidement 
dans les plaques que dans les octaèdres. 

Monsieur le Dr. J. L. C. Schroeder van der Kolk 
a eu la bonté d'examiner optiquement les cristaux. 

La masse de fusion fraîchement préparée fut à cet effet 
finement pulvérisée dans ce qu’on nomme le baume au xylol, 
afin d'éviter toute action de l’humidité. Il y eut moyen de 
cette manière d'obtenir et d'observer les cristaux à l’état de 
complète transparence. 

Les plaques sont assez purement quadratiques, nettement 
biréfringentes, probablement rhombiques ( © P,0 P). Elles ne 
sont pas tétragonales, car observées entre nicols croisés, elles 
ne sont pas obscures; et elles ne sont pas davantage hexa- 
gonales, car on n’observe pas une seuie délimitation à six 
pans. Le plus probable, c’est qu’elles sont rhombiques ( œ P, 
o P ou œ P œ,œ Pœ,0P,où æ P doit être à peu près rectan- 
gulaire). Quelques-unes éteignent dans le sens de la diagonale, 
d’autres parallèment aux arêtes latérales. 

La forme quadratique des plaques fait que les cristaux 
doivent être le plus probablemeut rapportés au système rhom- 
bique. Les propriétés optiques considérées isolément pourraient 
faire songer aussi au système monoclinique. Quelques lamel- 
les présentent l’extinction oblique (dispersion des axes). 

Les octaèdres ne montrent pas (ou presque pas) de biré- 
fringence. Ils sont donc très-probablement réguliers !). 

La forme octaédrique concorde avec celle du ferrite de mag- 
nésium naturel?) Fe, O0, MgO, et de celui préparé par Deville 
(en même temps que de la périclase) aux dépens de Fe, 0, et 


1) Comme l'épaisseur des octaèdres est beaucoup plus considérable que 
celle des lamelles, et que cependant la biréfringence n’est pas ou peu sen- 
sible, peut être y a-t-il ici dimorphisme. Si l’on pouvait démontrer l'iso- 
tropie des pyramides, la chose ne serait plus douteuse. 

2) Décrit par Rammelsberg (1858). 


SUR L’OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 425 


Mg O en les chauffant au rouge dans un courant de HC'!). 

Quant à la forme cristalline de la combinaison Fe, O,.Ca O, 
obtenue par Percy aux dépens de fer ou d’hématite et de 
chaux, à la température du blanc, on trouve simplement 
rapporté ?) que les cer.staux étaient ,acicular” (,1—2 inch 
in length”). Ils renfermaient encore 1,35% Si O, et 0,72% Fe O. 


Furent soumis à l’analyse: 

A. Les octaèdres obtenus à la température du rouge. Ils furent rapide- 
ment lavés jusqu'à disparition de la réaction du chlore, puis séchés suc- 
cessivement sur de la porcelaine poreuse pendant peu de temps et sur 
de l’acide sulfurique à + 189. Ils étaient peu hygroscopiques. La calé- 
faction à 100°—150? eut lieu dans un courant d’air privé d’eau et d’acide 
carbonique (de même que dans toutes les analyses suivantes). 

B. Les mêmes octaèdres, non-débarrassés sur de la porcelaine poreuse 
de l’eau adhérente, mais exposés un ou deux jours à l’air; 1ls étaient très- 
hygroscopiques. 

C. Les mêmes, mis en digestion avec de l’eau chaude jusqu'à disparition 
sensiblement complète de la réaction alcaline. Les cristaux furent séchés 
au-dessus de l’acide sulfurique et exposés de nouveau à l'air. 

D. Un mélange d’octaèdres et de lamelles, préparés avec une solution 
de potasse caustique dans le creuset de platine, et lavés à l’eau chaude, 

E. Les lamelles préparées à l’aide d’une solution de potasse caustique 
dans le creuset de platine, puis lavées à l’eau chaude. 

F. Les lamelles préparées de la même manière, lavées très-longtemps 
jusqu'à disparition complète de la réaction alcaline. 

Dans les cas D, E et F l’oxyde ferrique amorphe, encore présent en 
certaine quantité, fut autant que possible éloigné par lévigation. 

Les résultats des analyses sont calculés en molécules en non en cen- 
tièmes, et donnent donc directement la composition. L’acide silicique a 
été retranché puisque probablement 1l ne représente pas une partie con- 
stituante essentielle des combinaisons, mais se rencontre sous forme de 
solution solide” dans la substance. La quantité de cet acide était de 
49 -2,5%. Les traces de chaux et de magnésie se trouvent sans donte 
isomorphiquement cristallisées avec le ferrite de potassium sous forme de 
ferrites de calcium et de magnésium. 


1) Préparé par Deville en 1861 (octaèdres réguliers). 
2) Percy, Philos. Magazine. Ah series. vol, 45, p. 455. 


Ho 


496 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A KLOBEIE. 


Comme les quantités centésimales n’ont pas été indiquées, le contrôle 
ordinaire de l'exactitude de l’analyse fait défaut. Afin de conserver ce 
contrôle, la somme des constituants qui ont été déterminés a été indiquée 
en centièmes. 

Pour que l’on puisse juger de la précision obtenue dans ces analyses 
comme dans toutes les analyses suivantes, nous ajouterons que les quan- 
tités analysées étaient comprises entre 1200 et 600 mgrm. Une différence 
de + 4 mgr. donnée par l’analyse constituera donc une différence, dans 
le calcul de la formule moléculaire, 


pour l’eau (dans le cas de Fe, O4 H,0), de 0,008—0,016 mol. Æ, O. 
pour la potasse (dans le cas de Fe, O, K, 0), de 0,002— 0,004 mol. K, 0. 
pour la soude (dans le cas de Fe, O, Na, O), de 0,003—0,006 mol. No, 0. 


Une erreur de + 1 mgr. ne constitue donc, dans la composition mo- 
léculaire, qu'une simple différence de un à deux centièmes de molécule 
d’eau, et moins encore dans le cas de l’alcali. 


Tableau III. 


La substance renferme pour 1 mol. Fe,0, : 


séchée dans à 1000 de 140 Somme 
; à 150° des 
# uneren Ës constituants 
l’air ceinte sèche déterminés 
mol. H.,0| mol. H,0) mol. H,0| mol. H,0| mol. K,0 mol. CaO| pahiyse. 
À | — 0,59 0,59 0,59 0,83 0,01 100,1 °% 
B devienttrès +95 |  — | — 0,7 des traces 99,6°,, 
| humide 
C 1,84 116) 1,04 — 0,085 0,015 100,74 
D 3,1 2,3 —1,0 0,7 — 0,04 des traces) 99,8% 
E 2,8 454 0,7 — 0,06 0,015 100,7% 
F 2,9 4,03 0,7 — 0,01 0,02 401,197, 


On voit par À que la combinaison potassique Fe, O, K,0, 
rapidement lavée et séchée, n’a été que pour la plus faible 
part décomposée par l’eau; 0,8 mol. K, O se trouvaient encore 
en majeure partie en combinaison avec l’oxyde ferrique ; ou pour 
mieux dire: la masse de Fe, O, K,0 était demeurée aux f/,, 
inaltérée. C’est pourquoi la substance était encore peu hygros- 
copique, la quantité d’eau absorbée faible et fortement retenue. 


SUR L’OXYDE FÉRRIQUÉ HUMIDE AMORPHE, ETC. 4927 


Au contraire: si la substance humide reste abandonnée 
quelque temps à elle-même (B), le ferrite se décompose peu 
à peu. La potasse devient libre, enlève beauccup d’humidité 
à l'air, et en retient encore beaucoup (2,5 mol.) dans une 
atmosphère sèche. 

Salm-Horstmar a analysé en 1852 :) des ferrites de po- 
tassium et de sodium obtenus par une courte action de la 
température du rouge sur un mélange de Fe,O, et de car- 
bonate alcalin, suivie aussi rapidement que possible d’un 
lavage à l’eau. Ce ferrite n’a donc pas encore pu être cris- 


tallin. Il trouva. 


dans le sel: de potassium . . .. . . 0,3 mol. K,0 
HSOdiUmMi 420. Le 0,6 mol. Na, 0. 


2 n >) 


Schaffsgotsch a déjà déterminé en 1838 que le carbo- 
nate de sodium perd en présence de Fe,O,, au rouge, une 
molécule CO, *). Les formules du ferrite de potassium ou de 
sodium cristallins sont donc sans aucun doute respectivement 


MAD ER Ohet Fe, O0, Na, O?). 


1) Journ. f. prakt. Chem., Bd. 55. p. 346. 

2) Je calcule d’après ses chiffres 1,0 mol. Na, O0. 

3) Poggendorffs Annalen. Bd. 43, p. 117. 

Ses chiffres, réduits en mgm-mol., sont les suivantes: 


mol. Fe,0;. mol. GO, chassées. 
E: 2,6 2,9 
IT. 3,14 3,34 
15 2,15 2,18. 


#) Lôwig a décrit une préparation de Na O ZT aux dépens de carbonate 
de sodium et d'oxyde ferrique. L’acide carbonique est chassé, et le ferrite 
de sodium décomposé par l’eau Il est curieux que M. Mendelejeff (dans 
son Lehrbuch der anorg. Chemie nouvellement paru, p. 1017) voit dans ce 
phénomène une action de contact, ou une réaction de la nature suivante: 
une petite quantité de soude en présence de Fe; O0, donne Fe, O; CO», 
qui se décompose en Fe, O, et C'O,, les produits entrant de nouveau en 
réaction, etc. 


428 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


V.'Le ferrite de sodium et l'oxydelfenriquie 
hydraté qu’on en retire. | 


Ferrite de sodium. La formation de ce composé fut 
étudiée en chauffant l’oxyde ferrique: 

a} avec la soude concentrée — au creuset d’argent; 

b) avec la soude fondue, au rouge naissant (creuset d'argent). 

c\ avec le carbonate et le chlorure de sodium fondus dans 
le four de Hempel — au creuset de platine. Les expérien- 
ces ont été répétées de différentes manières. 

a) la solution de soude renfermait primitivement 5 — 4 mol. 
H,0 pour 1 mol. Na OH. 

La première action se trahit par ce que peu à peu l’oxyde 
ferrique jaunit (jaune d’or à la lumière incidente, jaune ver- 
dâtre à la lumière transmise). Bientôt prennent naissance des 
cristaux verdâtres, des prismes ou des bâtonnets !), le plus 
souvent croisés, de 10 —16 microns de longueur, qui peuvent 
croître encore jusque 30—50 microns. L’oxyde amorphe dispa- 
raît peu à peu complètement. Les cristaux ont été analysés 
(Anal. G. p. 481). Si l’on continue à chauffer, l’eau est chassée, 
et la température s’élève. Du moment que le liquide cesse de 
bouillonner sous l'effet de l’ébullition de l’eau, et que la tempé- 
rature s'élève au rouge sombre, les cristaux sont attaqués, s’ar- 
rondissent et se divisent. Il se forme peu à peu des lamelles 
triangulaires et hexagonales, qui à la lumière transmise, suivant 
leur épaisseur, ont une coloration jaune verdâtre, jaune ou rouge. 
Outre ces lamelles, ou à la place de celle-ci, on voit prendre nais- 
sance de plus petits cristaux de forme rhomboédrique ?), de 4 à 5 


1) Ces prismes sont probablement tétragonaux ; les croix ne montrent 
souvent pas la moindre différence. Un seul axe. Optiquement positifs. 
(D'après M. $S. van der Kolk). 

2) Deux angles opposés sont ordinairement tronqués. Les cristaux sont 
pléochroïques; ïls n’appartiennent ni au système monoclinique ni au 
système triclinique, car ils présentent presque l’extinction droite; ils ne 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 429 


microns de longueur. Les deux formes continuent à croître. 
Les plaques hexagonales montrent O P avec © P ou P. Elles 
sont optiquement négatives. Quelques-unes seulement ont la 
forme de bâtonnets. | 

b). Si maintenant on chauffe directement Fe, O0, avec de 
la potasse solide (à peu près (Ni OH),H,0), et que l’on 
chasse rapidement la demi-molécule d’eau, ce ne sont pas 
les prismes croisés qui prennent naissance, mais immédiate- 
ment les plaques hexagonales et les cristaux rhomboédriques. 
Si l’on ne chauffe pas bien fort le creuset à la flamme du 
gaz, il se passe bien deux heures avant que les cristaux 
n'apparaissent. Mais si l’on chauffe aussitôt au rouge sombre, 
les premières plaques hexagonales de + 10 microns (quand 
les rhomboëdres font défaut) prennent naissance au bout d’une 
demi-heure environ, et la masse amorphe d’oxyde ferrique 
passe rapidement à l’état de plaques hexagonales. Les cris- 
taux augmentent de longueur jusque 25 et 40 microns, et 
deviennent sensiblement plus gros. Nous ne sommes pas 
encore en mesure de dire exactement dans quelles circon- 
stances seuls des cristaux soit hexagonaux soit rhomboëédri- 
ques prennent naissance. Souvent nous n'avons obtenu que 
des cristaux rhomboédriques (ou du moins en très-grande 
majorité), quelquefois les deux formes apparurent concurrem- 
ment. Il nous est arrivé aussi de voir apparaître d’abord les 
plaques et plus tard, en chauffant plus fort, les cristaux 
rhomboédriques. Quand nous parlerons des cristaux de MM. 
Brunck et Graebe (voir sous le $ VII), nous reviendrons 
sur les plaques hexagonales, (L'analyse des cristaux rhomboé- 
driques se trouve, dans le tableau suivant, p. 431, donnée 
en FH, celle des cristaux hexagonaux en J). 

c.) Nous avons pris un excès de Na,CO, et de Na Cl rela- 


sont probablement pas rhombiques, car beaucoup d’entre eux montrent le 
minimum d'absorption suivant le plus grand axe. Le plus probable, c’est 
qu'ils sont hexagonaux (d’après M. S. v. d. Kolk). 


430 J. M. VAN BEMMELEN ET HE. A. KLOPBBIE. 


tivement à Fe,O,. Le NaCI accéléra la liquéfaction du mé- 
lange. L’oxyde ferrique perd son eau et se change en fer- 
rite de sodium amorphe, jaune ou jaune verdâtre. Bientôt 
prennent naissance de fines aiguilles !) de 2 microns d’épais- 
seur et 12—15 microns de longueur, qui peuvent s’accroître 
jusqu’à atteindre 200—300 microns. De temps en temps on 
observe aussi des plaques hexagonales. Si l’on chauffe plus 
fort au four de Hempel, 1l prend naissance de petits cris- 
taux verdâtres, sphériques, doués de pléochroïsme et forte- 
ment biréfringents, de 2—25 microns de diamètre. Si l’on 
chauffe au rouge vif dès le début, il apparaît d’abord il est 
vrai de petites aiguilles, mais au bout d’une demi-heure ce 
sont les petits cristaux sphériques qui dominent. (Voir l’ana- 
lyse K, p.431). Ce qui de plus ne fait jamais défaut, ce sont 
quelques aiguilles jaune verdâtre de dimensions plus consi- 
dérables. Quand la chaleur la plus intense fut appliquée, au 
four de Hempel, il nous sembla que les cristaux sphériques 
et aciculaires subissaient un commencement de fusion. Il se 
forma en même temps, et en quantité de plus en plus grande, 
des corps noirs, amorphes en apparence. Dans certaine expé- 
rience où l'accès d'oxygène avait été insuffisant, la masse 
noire se trouva être un sesquioxyde magnétique de fer libre de 
soude (voir plus bas l’analyse L), encore mélangé d’un peu de 
ferrite de sodium. Formée en présence d’une quantité suffisante 
d'oxygène, la poudre noire ne se montra pas magnétique. Le 
ferrite de sodium se décompose-t-il à haute température en 
Fe,O, et Na,O? C’est ce qui nous reste encore à examiner. 
L'analyse des cristaux donna les résultats suivants: 


1) Les aiguilles sont difficiles à déterminer. Elle présentent l'extinction 
droite, et peuvent donc être rhombiques ou hexagonales ($S. v. d. Kolk). 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC 431 
Tableau IV. 
Dessication à 15° dans le vide sec. 
Résultats rapportés à 1 mol. Fe,0,. 
Mol. H,0 Somme 
eee Mol A0 
Mol. chassées ; des : 
; chassées Ë Observations. 
Soude. au-delà re constituants 
de 100° 1). | ” Ones 
G1 Prismes croisés Etaient encore 
de mi passablement hu 
pes É mides quand ils 
crons. 0,65 Na, 0! 0,60 1,0 |0,34H,0| 100,2% | rent mis sur de 
G2 Prismes croisés | l’acide sulfurique 
de 30—40 mi- | Lavés et expri 
crons. DÉS Ne DID HO USE 0) 00 50) HS Eussr rapite, 
ment que possi- 
H Cristaux rhom- | ble. 
boédriques. 0,65Na, 0 0,33 H,0 10,41 H,0\ 100,07, == 
J Plaques hexa- 
gonales de + 40 
microns. 0,92Na,0)0,107 4,0 | 0,0H,0 | 100,5°;, | Peu hygrosco- 
: = piques. 
K Cristaux sphéri- 
ques. 0,95Na, 0| 0,02 7,0 |0,06/H,0| 99,8, id 
L Substancenoire 
magnétique. 1 mol. Fe,0, sur 0,31 mol. Fe,0,.Na0| 100,297, id. 


Ces analyses démontrent que les diverses formes cristalli- 
nes: prismes, plaques hexagonales, cristaux rhomboédriques 
et sphériques, aiguilles, appartiennent toutes à la même com- 
binaison : le Fe,0,. Na, O anhydre. Ils se décomposent sous 
l'influence de l’eau, mais plus lentement que le ferrite de 
potassium. Les prismes de G! et les cristaux rhomboédriques 
de H étaient déjà décomposés au tiers quand ils furent pla- 
cés sur de l’acide sulfurique. L’oxyde ferrique de cette portion 
décomposée retenait dans l’analyse G1, à 15° dans le vide, 


1) La somme des mol. Æ, O dans la troisième et la quatrième colonne 
représententent donc la teneur entière en eau, à 15°, dans une enceinte sèche. 


432 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


27% mol. H, O (sur 1 mol. Fe, O,), et dans l'analyse H envi- 
ron 2 moi. À 100°, G! en retenait (sur l'mol. Fe, 0:)en- 
core 1% mol. et H près d’une mol. Ceci démontre que 
dans les expériences G' et H de l’oxyde ferrique hydraté 
amorphe avait pris naissance, et que de plus en G! les eris- 
taux avaient subi par dessication trop lente sur de l’acide 
sulfurique une décomposition encore plus avancée. Les 0,94 
mol. 4,0 doivent donc être mises aussi partiellement sur le 
compte du Na,O devenu libre, mais non éloigné. Les pris- 
mes G? de plus grande dimension, bien plus rapidement la- 
vés et exprimés et les plaques hexagonales I n'étaient dé- 
composés qu'au + !/,,, 
d’une molécule H,0. Les cristaux sphériques K'’ n’avaient 


et ce dixième ne renfermait guère plus 


presque pas encore été attaqués par l’eau. Ils avaient pris 
naissance à une température plus élevée. 

Les observations montrent que la température influe con- 
sidérablement sur la diversité des formes cristallines. Les 
prismes se forment aux températures les plus basses dont il 
ait été fait usage; les cristaux sphériques au contraire aux 
températures les plus élevées. Quant aux autres formes, la 
succession en est incertaine, et les résultats des expériences 
diffèrent. Ce fait peut être attribué aux différences de tempé- 
rature en des points différents du creuset. Il n’y a pas de 
doute que les formes puissent passer les unes aux autres. Il est 
probable que la forme en plaques hexagonales est la plus stable 
vers 400°, car MM. Brunck et Graebe ont trouvé dans leur 
marmite à bain de soude, après qu’elle eût fonctionné pendant 
des mois, des quantités considérables de ces seuls cristaux !). 


1) Nous avons souvent repris l'expérience afin d'obtenir des plaques he- 
æagonales: souvent il est vrai nous n'avons recueilli que des plaques rhom- 
boédriques. La quantité mise en expérience ne doit pas être trop grande. 
Le fer carbonaté” des pharmaciens nous donna les meilleurs résultats. 
Le sulfate ferrique est également bon à employer, à condition de l’introduire 
dans la masse fondue après que celle-ci s'est légèrement refroidie. Sinon la 
réaction chimique entre le sulfate et la soude caustique provoque une 


<S 1Cnicss 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 433 


Il est d’ailleurs remarquable que souvent nous avons pu ob- 
server, en chauffant plus fort, des squelettes de cristaux. Il 
reste encore, chez les ferrites de sodium et de potassium eux- 
aussi, bien des points à étudier dans cet ordre de choses. Il 
n’est pas improbable que la plupart des formes cristallines 
observées appartiennent au système hexagonal. 

Les cristaux hexagonaux (de deux préparations différentes) 
de ferrite de sodium, dont 5°/ seulement, d’après l’analyse, 
avaient été décomposés par l’eau, présentaient, desséchés sur 
de l'acide sulfurique, et à 19°, un poids spécifique de 

I. 4,05. 
IL. 4,09. 

(La détermination se fit au pycnomètre dans du bromure 
d’éthylène). Pour déterminer le poids spécifique de l’hydrate, 
la substance de l'échantillon II fut décomposée par l’eau 
froide. Après une digestion de 12 jours, la composition était 
devenue F6,0,.0,95 H,0.0,05 Na, O. Le poids spécifique 
(dans l’eau) de ces cristaux (desséches sur l’acide sulfurique) 
était 

ARR. punch ai 

Le poids spécifique des cristaux de MM. Brunck et 
Graebe était, d’après nos déterminations (desséchés sur 
l’acide sulfurique), 

ARR trot 
tandis que les auteurs donnent DROLE: 


élévation de température trop considérable. Il semble aussi que l’emploi 
d'oxyde de fer très-finement divisé et d’une température ne dépassant pas 
beaucoup 400° favorise la production des plaques hexagonales. Il est à recom- 
mander de mettre en œuvre 3 grm. Fe, O, sur 25 grm. de soude caustique. 

Du ferrite de sodium de la forme cristalline de l’hématite fut déja ob- 
tenu par M. Hauer en 1854, en chauffant Fe, O, avec du borate de soude. 
Mais il l’a pris pour de l’oxyde de fer (Wien.Acad.Bd. 13,p.456). M. Daubrée, 
a également obtenu de lhématite aux dépens de Fe, Cl, et de chaux 
mais C'était probablement aussi du ferrite de calcium Nous nous sommes 
assurés que des plaques hexagonales rouges prennent naissance d’après la 
méthode de Hauor. 


434 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


Les cristaux descendaient au fond dans l’iodure de méthyle 
de 3,32 de densité à 22°. 

Si la métamorphose des cristaux de ferrite de sodium en 
hydrate avait lieu sans changement de volume, le poids spé- 
cifique de cet hydrate serait de 3,27; 1l y a donc contraction. 

Il s'agissait de savoir si les cristaux hexagonaux de ferrite de 
sodium, après être passés à l’état d’hydrate sous l’action de 
l’eau, enlèvent de nouveau de la soude à une solution concentrée 
de soude caustique, c’est-à-dire si le processus est réversible. 

À cet effet, 5 gr. des cristaux de MM. Brunck et 
Graebe furent secoués deux jours durant avec 21,336 gr. 
de solution, renfermant par gramme 450,7 mgr NaOH. Après 
l'expérience, la teneur en NaOÏ fut trouvée égale à 440,7 
mgr. Si l’on admet que l’eau des cristaux est passée dans la 
solution et a été remplacée par Wa, O, la teneur en Na,O 
devrait être de 396 mgr. Si, au contraire, la solution de soude 
avait attiré l’eau sans la remplacer, on trouverait 438 mgr, 
et si enfin la petite quantité de soude des cristaux était 
passée elle-même en solution on trouverait 441 mgr., c’est-à-dire 
précisément ce que l’expérience a donné. Il est donc probable 
que la forte solution de soude a enlevé, à la température ordi- 
naire, de l’eau aux cristaux sans la remplacer par Na, O. 

Une fois que les cristaux ont, par une courte application 
du rouge, perdu de l’eau, ils ne la reprennent plus qu’en 
petite quantité. Mis en digestion avec de l’eau, ils se mon- 
trèrent en retenir 


ALLER a PAT EST 0,5 "mol 446107 
à 15° dans le vide sec. 025 à 
A 1LOUOS ARR ee 02e : 


On savait déjà depuis longtemps qu'un oxyde ferrique de- 
venu, par calcination, insoluble dans les acides, redevient faei- 
lement soluble quand on le chauffe avec de la potasse ou de 


DS 


la soude concentrée !), Ce fait s'explique à présent sans 


F) Classen, Zeitschr f. anal. Chemie, Bd. 17, p. 182. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE ETC. 435 


peine. La couleur brun foncé ou presque noire de l’oxyde 
ferrique fortement calciné devient Jaune par ce traitement, 
et il se forme du ferrite, qui se décompose déjà au contact 
des acides les plus faibles. 


VI. Les cristaux de Rousseau. 


Il ne sera plus difficile à présent d'interpréter les résultats 
de M. Rousseau. Cet auteur est arrivé environ aux mêmes 
résultats que nous quand il a analysé les cristaux obtenus en 
chauffant de l’oxyde de fer humide en présence d’alcali 
caustique ou de carbonate alcalin et de chlorure de potassium, 
entre 800° et 1100°, lavant ultérieurement à l’eau, et séchant 
enfin la matière à 1000. Il trouva pour une molécule Fe, 0, 
entre 1,6 et 0,56 mol. H,0, et entre 0,15—0,06 mol. K, O0 
ou Na,O. On rapprochera de ces chiffres les données du 
tableau IIT, analyses C, D, E et F (p. 426). 

M. Rousseau croit que ses cristaux ont la composition d’un 
hydrate, dans lequel quelques centièmes pour cent seulement 
seraient remplacés par leur équivalent d’aleali. ,La constitu- 
tion,” dit il, ,en est complexe, mais ramenable à des formules 


SX 


simples — comparables à celles des divers hydrates ferriques 
connus.” Il dit avoir obtenu à une occasion, vers 1100°, une 
substance de composition analogue à celle de la Gôthite, 
Fe,0,H,0. Même quand il trouve une composition telle que 
RERO AO ON OO SH OA (Fe, 0,). 18 1,0. Na, 0, 
il croit que cette dernière formule est la véritable formule 
moléculaire, et qu’il se trouve en présence d’un hydrate 
quatorze fois polymérisé, dans lequel ;!; se trouverait remplacé 
par Na,O. Il admet que l’eau est déja contenue dans les 
cristaux quand ils prennent naissance dans le creuset. Com- 
ment il se pourrait qu'un hydrate, qui plus tard perd déjà 
vers 100°—150° la plus grande partie de son eau d’hydrata- 
tion et vers 400° le reste (ce que M. Rousseau a lui-même 
observé), comment un tel hydrate prendrait naissance vers 
800° et au-dessus, voilà un point sur lequel l’auteur garde le 


436 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


silence. Il est évident que M. Rousseau n’a pas préparé 
de Gôthite, mais du ferrite de potassium ou de sodium qu'il 
a décomposé au moyen d’eau. Ses cristaux étaient des pseudo- 
cristaux, enfermant de l’oxyde ferrique amorphe mélangé à 
de l’eau, et dont la teneur en ce liquide était complètement 
fortuite !). Dans son dernier travail cependant ?), M. Rous- 
seau rapporte qu'on lui à fait remarquer que l’eau trouvée 
a pu s’introduire lors du lavage. Mais il croit encore pouvoir 
s’en tenir à son opinion, et il s'appuie à cet effet sur l’ex- 
périence suivante. Aussitôt que la matière fondue du creuset 
fut refroidie, il la traita par la glycérine cristallisable et plus 
tard par l'alcool absolu, afin de pouvoir isoler les cristaux 
purs, en l’absence d’eau ou de vapeur d’eau. Après dessi- 
cation à 100° (dans un courant d’air sec?), les cristaux furent 
calcinés et le poids de l’eau perdue fut déterminé. Il obtient 


L. IL. | 


Après traitement par la Après traitement par Diff. 
glycérine etc. l'eau. 


Avec les cristaux 
préparés vers 800° | 9,687, = 0,96 mol. 1,0,14,5%, = 1,6 mol. H,0| 4,8% 
Avec les cristaux 
préparés vers 11009 5,879, = 0,53 mol. 7, 0) 8,76%, = 0,85 mol. Æ, 0 2,8% 


et il en conclut que réellement à ces hautes températures les 
cristaux renferment 1,6 et 0,85 mol. 77,0, outre une petite 
quantité de potasse. L'eau qui fait encore défaut en I aurait 
été enlevée par la glycérine; car la glycérine bouillante dés- 
hydrate en effet peu à peu l’hydroxyde ferrique. 

Cette méthode de dissoudre la masse de fusion au moyen 
de glycérine et d’alcool, sans que les cristaux viennent en 


—_— 


1) C’est ce qui est encore vrai sans doute de la série des manganites 
hydratés”, que M Rousseau aurait préparés aux dépens de K, Mn O,, p.ex. 
19 (Mn O,). 4(H,0). Na, 0. 
Compt rend., T. 112, p.525 et T. 113, p. 643. 
2) Compt. rend. 1891, T. 113, p. 643. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 437 


contact avec de l’eau, est évidemment insuffisante. IL faut né- 
cessairement que la masse fondue ait renfermé du ferrite de 
potassium. Celui-ci a pu donner avec la glycérine et l’alcool 
absolu, en formant de l’eau, un composé potassique. L’eau 
formée a pu à son tour être fixée par l’oxyde ferrique qui 
prend naissance. On réfléchira que 14 mol. 4,0 au moins 
est énergiquement fixée par l’oxyde ferrique anhydre (lequel se 
sépare ici à l’état naissant; voir Tabi. I et II, p. 417 et 421). 
S'il est vrai que l’oxyde ferrique, à l’état de colloïde sec, perd 
de l’eau par ébullition prolongée avec la glycérine, cela n’ex- 
clut pas qu'à la température ordinaire, quand cet oxyde se 
forme à l’état anhydre aux dépens de ferrite de potassium, il 
ne puisse absorber de l’eau en présence de glycérine ou d’al- 
cool absolu. A tout cela vient s'ajouter encore le grand pou- 
voir hygroscopique de ces deux derniers liquides. L'expérience 
ne peut donc rien prouver en faveur des idées de M. 
Rousseau. 

Le même auteur a encore rapporté !) qu'il a obtenu un 
hydrate d'oxyde de fer cristallin de la formule F#e,0,H,0 (il 
ne donne pas les résultats numériques de son analyse) aux 
dépens d’oxychlorure ferrique. Les oxychlorures employés étaient 
le (Fe, 0,), Fe, Cl, 3 H,0 cristallisé et le (Fe, 0,),Fe, Cl. Le 
procédé consistait en une ébullition très-prolongée avec de 
l’eau (150 —200 heures). Les cristaux avaient alors perdu tout 
leur chlore et cependant ils avaient conservé leur forme. Il 
ne serait pas sans intérêt d'apprendre si réellement ils étaient 
demeurés transparents et n’étaient pas devenus peut-être pseudo- 
cristallins. C’est évidemment une hypothèse trop hardie que 
d’en déduire, pour cet oxyde ferrique, la formule (Fe, O,H, O),. 


a me 


1) Compt. rend. 1891, T. 113, p. 643. 


438 J. M. VAN BEMMELEN ET EÆE. A. KLOBBIE. 


VII. Les cristaux de MW PBrunckser 
Graebe dans les déchets de soude 
et'dans lac arnelnete: 


Les analyses qu'ont faites MM. Brunck et Graebe 
de leurs cristaux, après les avoir lavés à l’eau, conduisent à 
la formule Fe,0,.H,0. Ils trouvèrent 10,1—10,3°/ d’eau 
(le calcul donnant 10, 11°). Des 90% de Fe, O0,,1,6—18% 
étaient représentés par Mn, O,. La forme cristalline était 
celle de l’hématite. 

M. Brunck a eu l’obligeance de nous envoyer une quan- 
tité assez considérable de ces cristaux, et sur notre demande 
de renseignements plus détaillés, de nous communiquer qu'ils 
avaient pris naissance dans un bain à soude caustique. La 
masse fondue remplissait l’intervalle entre deux marmites 
de fer et avait été maintenue à une température de plus de 
400°. Les cristaux ne furent aperçus qu'après que le bain 
eût été employé durant plusieurs mois, et à l’occasion de 
sa réparation. On les trouva répandus en grande quantité dans 
la soude caustique. 

M. Schroeder v. d. Kolk a observé sur ces cristaux 
exactement les mêmes faces que sur les paillettes hexagonales 
de ferrite de sodium préparées par nous, savoir O P avec œ P 
ou P; quelques-uns étaient prismatiques. La formation de 
Fe,0, H,0 dans les conditions de l’expérience était incom- 
préhensible. Ce n’est que quand nous fûmes parvenus à 
préparer les paillettes hexagonales de ferrite de sodium, et 
que nous eûmes étudié l’action de l’eau sur ces cristaux, que 
l'explication se présenta d’elle même. 

M. Trommsdorf (à Erfurt) eut la bonté de nous pro- 
curer le dépôt d’une cuve où l’on prépare de la soude cau- 
stique. Ce dépôt avait une teinte rougeñtre due à la présence 
d'oxyde ferrique, et celui-ci était en majeure partie amorphe. 
Il y eut moyen de récolter par lévigation une petite quantité 
d'oxyde cristallin, M. Schroeder v. d. K olk y observa, 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 439 


outre les paillettes hexagonales, beaucoup de bâtonnets, sou- 
vent en forme de pierre à rasoir. Ces derniers cristaux mon- 
traient œ P avec 0 P ou P: ils sont tronqués suivant 0 P 
et optiquement négatifs. Les bâtonnets montrent mieux les 
couleurs de polarisation que les plaques, car la face « P est 
bien développée. 

Les formes cristallines de l’oxyde ferrique que l’on ren- 
contre dans la carnallite rouge de Stassfurt sont exactement 
les mêmes. Nous avons recueilli les cristaux de quelques 
fragments de carnallite transparente que nous avions en notre 
possession. Le poids de ces cristaux ne dépassait malheu- 
reusement pas 18 mg. Quelques kilogrammes de carnallite 
rouge de Stassfurt nous furent fournis par M. Stürtz à 
Boin, mais étaient trop riches en corps organisés, en gypse 
et en oxyde ferrique amorphe, et trop pauvres en cristaux 
pour permettre d’obtenir ces derniers par lévigation. Nous 
n’avons donc pu examiner jusqu’à présent s’ils étaient anhydres 
ou hydratés. Les formes cristallines que nous avons obser- 
vées, tout à fait analogues à celles qu'a figurées Bischoff, 
avec leurs colorations rouges et jaunes !), sont complètement 
identiques aux formes des paillettes hexagonales etc. du ferrite 
de sodium. Nous renverrons donc à ces figures. 

Si l'on songe que les cristaux de MM. Brunck et Graebe 
ont pris naissance dans la soude caustique fondue, anhydre, 
chauftée à + 400°, on ne peut admettre qu'il se serait formé 
en même temps de l’hydrate. Il doit avoir pris naissance du 
ferrite de sodium, et c’est plus tard seulement, après qu'ils 
eurent été recueillis dans la masse de fusion et lors du lavage 
à l’eau, que les cristaux ont dû échanger leur hydroxyde de 
sodium contre de l’eau, à une petite portion près. 

Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons: 1° analysé les 


1) E. Bischoff. Die Steinsalzwerke bei Stassfurt. Halle 1864. Voir 
la figure en couleurs à la dernière page. 


ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 29 


440 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


cristaux de MM. Br.et Gr. !) (M); 2° les mêmes, après les avoir 
fait bouillir avec une grande quantité d’eau (N); 3° traité nos 
paillettes hexagonales de ferrite de sodium par l’eau bouil- 
lante. Une certaine quantité fraîchement préparée et rapide- 
ment lavée de cristaux de + 25 microns, qui d’après l’analyse 
I (p.417). se composaient de Fe, O,.Na, O, fut mise à digérer 
pendant environ 12 heures avec de l’eau chaude (mais non 
bouillante), renouvelée à cinq reprises différentes. La masse 
fut alors desséchée sur de l'argile poreuse (O). 


Tableau V. 
x 2 On. 
Matière séchée DURS AE RC Somme 
: dE Mol H, 0) Mol: 14 0) | AO EIRE RUES 
| . chassécs: see ne 4 | constituants 
l'air. Na 0*) 1002. à 1000. FT | déterminés. 
Die bavodldues nant 1e reins Nttlevidese vide sec. 
M2 Cristaux de 
Br et Gr. 0,076 0,76 0,19 0,3 990 
Mb Les mêmes. 0,078 0,755 0,18 0,3 100,1°/ 
N Cristaux de Br. 
et Gr. traités par 
l’eau bouillante. 0,033 0,58 0,39 0,31 99 89/5 
N’ Les mêmes ; 
bouillis trois fois. 0,022 0,61 0,16 0,43 OS 
O Nos paillettes 
hexagonales de Fe, 
O;Na30, mises en 
digestion avec de 
l'eau chaude. 0,040 0,60 0,38 0,3 100,5% 


+ Chez les cristaux M il y avait + 0,5°/ de substance insoluble, de 
particules de sable, etc. 
* Outre des traces de Ca O, Mg O et, dans le cas des cristaux O, d’4g, O. 


Les cristaux M de MM. Brunck et Graebe n'étaient 
donc pas encore privés de soude et pas encore autant décom- 


1) La teneur en manganèse (1,6—1,8% suivant MM. Br. et Gr.) n’a 
pas été déterminée, parce que le poids moléculaire de Fe, O, et Mn, O; 
diffère si peu. Le tout a été calculé comme Fe, O;. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE ARMORPHE, ETC. 441 


posés que les nôtres de l’analyse O. Quand nous fîmes bouillir 
les premiers avec de l’eau (N), des 0,076 mol. Na, O, un tiers 
entra en solution dans la première décoction, et un dixième 
dans la seconde. Il resta encore 0,033 mol. 

Les cristaux de O étaient encore transparents ; ils réfléchis- 
saient d’une manière très-intense la lumière incidente (comme 
précédemment) et montraient les mêmes propriétés optiques 
que ceux de M. 

Les cristaux de ferrite de sodium étaient restés inaltérés en 
apparence après la décomposition par l’eau. La quantité d’eau, 
restée incluse après dessiccation sur l'acide sulfurique, était 
après défalcation du Fe,0,.Na,O encore en présence: 


dont furent 
chassées à 1007 


MERS LOS AO0 Immo. 0,19 
NPA LOOÉMOIRARS. LAN 0,39 
OPA POZÉNOIP PAIN 0,38 


c’est-à-dire une molécule. Nous reviendrons plus bas (pp. 450— 
453) en détail sur cette teneur. 

Il est donc démontré que les cristaux de la marmite à soude 
caustique, décrits par MM. Brunck et Graebe, étaient un 
produit secondaire. Le fer de la paroi de la marmite, en partie 
métallique, en partie oxydé, s’est dissout dans la soude en 
fusion !) et s’est cristallisé sous forme de ferrite hexagonal; 
ces cristaux récoltés et lavés dans le but de les délivrer de la 
masse de fusion adhérente, ont été par là décomposés. 

La même chose doit s'appliquer aux cristaux que l’on ren- 
contre dans les déchets de la fabrication de la soude. Primi- 
tivement ce devait être du ferrite de sodium, et ce n’est que 
par transformation qu'ils ont donné une combinaison hydra- 
tée. Le fait que tant d’oxyde ferrique amorphe et retenant 


1) Déjà Ga y-Lussac et Thénar d ont en 1811 observé et expliqué 
ces deux réactions. Voir: Recherches physiques et chimiques. Paris 1811, 
pp. 94 et 95. 


29% 


449 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBPIE. 


de l’eau les accompagne s’explique par l’oxydation ordinaire. 
On doit tenir compte en outre des circonstances suivantes. 

Quand on dilue avec très-peu d’eau la lessive de soude 
fortement concentrée bouillie avec de l’oxyde de fer, et qu’on 
la dilue ensuite davantage avec de l’eau, il se dépose peu à 
peu un oxyde ferrique amorphe et hydraté !). Ce dépôt se 
fait d'autant plus lentement que la dilution avait été moins 
prononcée. C’est ainsi que le dépôt renferme à la fois l’oxyde 
ferrique provenant des cristaux de ferrite, et l’oxyde prove- 
nant de la solution de soude caustique. Le premier est cris- 
tallin, le second amorphe. 

Aussi longtemps que nous n'avons pas analysé les cristaux 
provenant de la carnallite, nous nous abstiendrons de consi- 
dérations sur les circonstances où ils se forment dans la solution 
des ,Abraumsalze”. 


VIII. La Gôthite (hydroxyde de fer 
naturel). 


Avant d'étudier de plus près la constitution de l’hydroxyde 
de fer formé aux dépens de ferrite de potassium et de sodium, 
il est nécessaire d'étudier la manière dont se comporte l’hy- 
drate naturel, la Gôthite. Comme cet hydroxyde est très-dense 
(poids spéc. 4,0—4,4) et qu'on le rencontre en cristaux bien 
développés, l’on pouvait s'attendre à ce qu'il se laisserait 
caractériser comme un hydrate véritable, et qu’il ne perdrait 
son eau d’hydratation qu'à une température déterminée pas- 
sablement élevée. Nous avons choisi pour cette expérience de 
la Gôthite bien cristallisée de Lostwiethiel (Cornouailles) 

0.933 gr. perdirent à la calcination 10,89 % = 1,086 mol. H,0. 


La matière ne perdit rien dans une enceinte sèche. à 15, 
68°, 100°, 130°, 150°, 170°, 190°, 210°, 230°, 250°. Ce nest 
qu'à 280° qu’une perte légère devint sensible. A 300° et 


1) Nous avons pu vérifier l’assertion de Lôw, Zeitschr f. anal. Chem. 
1870, p. 465. 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE ETC. 448 


310° — si l’expérience avait une marche assez régulière — 
la perte correspondait au bout de 5—6 heures environ à 
0,96 mol. H,0; donc par heure à + 0,2 mol. Au bout de 
ce temps la décomposition s’arrêta (la caléfaction continuant 
encore pendant six heures). Il était encore resté alors 0,12 
mol. H,0 dans l’oxyde, que la calcination au rouge parvint à 
chasser !). 

Le résultat à donc été que le monohydroxyde se décom- 
pose lentement vers 300°; la vitesse de décomposition ne 
diminuant que faiblement jusqu’à la fin. On ne peut cepen- 
dant prétendre que déjà à cette température l’état anhydre 
se trouve complètement atteint. Nous rappellerons à ce point 
de vue que d’après les expériences de l’un de nous le BeO.H,0 
et l’4/,0,.3H,0 cristallins, dont la déshydratation dans l’air 
see commence respectivement vers 215° et 175°, se décompo- 
sent avec une vitesse bien plus rapidement décroissante ?). 

Chez l’oxyde d'aluminium d’ailleurs, si l’on élève peu à 
peu la température, 1l apparaît encore des maxima dans la 
marche de la décomposition vers 220° et au-delà de 320. 


Il nous semble donc que la régularité de la décomposition 


——————_ 


1) Nous avons employé à cet effet trois étuves à air en cuivre. La pre- 
mière, pour des températures de 50°—1509, à été décrite par M. van 
Bemmelen dans le Zeitschr. f. physiol. Chem. 1883, T. 7, p. 508. 
La deuxième (150°—250°) consiste en une caisse à double paroi munie de 
trois thermomètres, dont l’un plonge dans le flacon de pesée, par lequel 
passe un courant d’air sec, et que l’on peut aisément enlever de l'étuve 
et y replacer. La troisième étuve (250°—39259) est une caisse ronde, fermée 
par une porte, enveloppée sur les côtés par trois plaques mobiles, et par 
trois couronnes à flammes de gaz également mobiles. Trois thermomètres 
sont adaptés à la caisse; l’un d’entre eux plonge dans le flacon de pesée, 
qui repose sur une base en terre cuite, et que l’on peut aisément enlever 
et remettre en place au moyen d’une pince en liége. 

2) Chez l'hydroxyde de béryllium, chauffé à 215°—2209, la perte d’eau 
fut successivement de deux en deux heures, de 0,477 — 0,178 — 0,11 — 
0,033 — 0,02 — 0,002 mol., ensemble 0,82 mol. Æ,0 (v. Bemmelen.Journ. 
f. prakt. Chem., [2], Bd. 26, p. 227). 


A4A J. M. VAN BHMMELEN ET E. À. KLOBBIE. 


vers 300°, est malgré sa lenteur, dans le cas du monohydro- 
xyde ferrique (la Gôthite, qui possède déjà naturellement 
une grande densité), un fait de quelque importance (voir à ce 
sujet p. 455). 


XI. Constitution de la combinaison de 
Fe,0, et d'H,0, formée aux dépens des ferrites 
de potassium et de sodium. 


à 


Il s’agit à présent de résoudre la question, jusqu’à quel 
point les ferrites de potassium et de sodium ne donnent sous 
l’action de l’eau qu’un oxyde ferrique amorphe imbibé d’eau ; et 
si dans certaines circonstances il ne pourrait prendre nais- 
sance un véritable hydrate, c’est-à-dire une combinaison chi- 
mique de Fe,O, et H,0. 

Dans les deux cas, aussi bien chez le ferrite de sodium que 
chez celui de potassium, les différentes formes cristallines se 
conservent lors de la transformation. Dans bien des cas tou- 
tefois le cristal est devenu une pseudomorphose. 

Les plaques A et les prismes G' sont le plus rapidement 
attaqués par l'eau, la potasse passant en solution. Maïs moins 
est grande la quantité de potasse qui est restée dans les 
cristaux, et plus elle est difficilement enlevée par l’eau. Or 
du moment que les paillettes A, les octaèdres B et les prismes 
G' ont pris une teinte rouge brunâtre par l'humidité de Pair 
ou par le traitement par l'eau, ils perdent leur transparence, 
et en même temps disparaissent tous les phénomènes qu'ils 
montrent à la lumière polarisée. Ce sont devenus des pseudo- 
cristaux, et une légère pression réduit les paillettes (A) à l’état 
de petites particules amorphes. [’oxyde ferrique à absorbé 
de l’eau, mais la combinaison et devenue amorphe. Il faut 
donc que l’on puisse observer aussi d’une manière plus ou 
moins complète la composition et les propriétés de l’oxyde 
ferrique sec et colloïdal. 

Nous allons à cet effet comparer au colloïde, frais et modi- 
fé par le temps, les pseudo-cristaux ©, D, E et F, obtenus 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 445 


aux dépens des plaques et des octaèdres de ferrite de potas- 
sium, par digestion avec de l’eau chaude. !) Les pseudo- 
cristaux ©, D, E se montrèrent ne renfermer pas plus de 
0,04—0,08 mol. K,0 sur 1 mol. Fe,0,; F ne renfermait 
que 0,01 mol. X,0. Ils étaient donc formés presque complè- 
tement d’une combinaison de Fe,0, et H,0. 


Tableau VI 


Sur 1 mol. Fe: O3. F IV. 
o Tension III. { 
È 1 I. Le Colloïde frais, HT 
É Colloïde frais sde ; desséché à a HN a 
2 vapeur . olloïde àg 100° et saturé sr 
£ & (UOIE de 19: denouveau avec | PEPS de ferrite 
É d’eau. matière dessé-| de 6-—7 ans. de la vapeur de potassium 
chée à 150) d’eau à 15°. (voir Tabl. IT). 
Mol. H,0. | Mol. H,0. | Mol. H,0. | Mol. H,0. 
150 | + 704 He 1.6 2,9 23 
150 qe So: 1,04 1,3-4.0 1,1 —1,0 
100° a l'air, 1—0,9 0,8 0,87 0,7 
100° 0 DEEE 0,45 Es Se 
4509 | à l’air. 0,57—0,48 0,49 a 0,4 


Quand en f, IT, II il y a deux chiffres, cela signifie la même chose que 
plus haut, p. 418. 

Il résulte de ces données numériques que l’oxyde ferrique 
des pseudo-cristaux se met en équilibre, au point de vue de 
sa teneur en eau, avec la tension de vapeur d’eau aux diverses 
températures, de la même manière que cela à lieu générale- 
ment chez les colloïdes. La composition de la matière dessé- 
chée à 15° sur l’acide sulfurique (quand la tension de vapeur 
d'eau est donc sensiblement — 0) se rapproche de la valeur 
limite Fe,0,H,0; de même que dans le colloïde qui par 
la conservation pendant plusieurs années ou par caléfaction 
à 100° est parvenu à un état plus stable. Il absorbe alors, 
placé dans une enceinte saturée d'humidité pour environ 70°/., 
autant d’eau que le colloïde frais qui a été desséché à 100°; 


1) Voir van Bemmelen, Sur le colloïde de l’oxyde ferrique. Recueil 
des trav. chim. des Pays-Bas, 1888, p. 106—114, 


446 J. M. VAN BEMMELEN ET KE. A. KLOBBIE. 


DS 


et il perd à 100° un peu plus d’eau encore que ce dernier. 

Ces observations démontrent suffisamment qu'il ne peut être 
question ici d’une substance homogène ayant une composition 
chimique normale, c’est-à-dire d’un véritable hydrate. 

Les cristaux de ferrite de potassium renferment de petites 
quantités d'acide silicique, de chaux, de magnésie, provenant 
de la solution de potasse, laquelle n’est pas complètement 
pure. On peut admettre que de petites quantités de ferrite de 
calcium et de ferrite de magnésium se sont cristallisées iso- 
morphiquement avec le ferrite de potassium. Comment la 
silice se trouve combinée, et avec quel élément, c’est ce qu’il 
est impossible de dire (est-elle isomorphiquement -cristallisée, 
ou simplement incluse sous forme de silicate ferrique ?). Après 
la décomposition par l’eau et le passage de l’oxyde ferrique 
à l’état de substance amorphe, il faut que cette dernière 
retienne les bases par absorption !), et cela d’autant plus 
fortement qu'il y à moins de base en présence. C’est pourquoi 
l’on retrouve dans les pseudo-cristaux les petites quantités de 
chaux et de magnésie, et l’on comprend ainsi que la potasse 
soit si difficile à enlever par lavage. 

Les plaques hexagonales (J) du ferrite de sodium conser- 
vent non seulement leur forme cristalline, maïs encore leur 
transparence et leurs propriétés optiques, après avoir été 
transformées en combinaison hydratée sous l’action de l’eau. 
On pouvait donc s'attendre à ce qu’il y aurait dans ces con- 
ditions formation d’une combinaison homogène, savoir le 
monohydrate cristallisé (et non une substance pseudo-cristal- 


1) Voir les publications de M. van Bemmelen dans le Journal [. 
prakt. Chem. 1881. T. 93, pp. 324 et 379; »Ueber die Absorptionsverbin- 
dungen einiger Dioxydhydrate, Si O,, Mn O,, Sn O,, mit Säuren, Salzen 
und Alkalien”, et dans les Landwirthschaftl. Versuchsstat. 1888, T. 35, 
pp. 69—104. »Die Absorptionsverbindungen und das Absorptionsvermôgen 
der Ackererde”. | 


SUR L’OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 447 


line). En conséquence la combinaison ne pourrait être hygros- 
copique, mais stable jusqu'à un certain maximum de tem- 
pérature et un minimum déterminé de pression. La manière 
dont elle se comporte en réalité ne répond que dans certaines 


DS 


circonstances à notre attente. Nous avons déterminé la perte 
d’eau chez 


M, les cristaux de MM. Brunck et Graebe (renfermant 0,08 mol. 
Na, O). 

N, les mêmes cristaux, bouillis avec de l’eau (ils renferment encore 0,0,3 
mol. Na, O).N’,les cristaux bouillis à trois reprises successsives (0,02 Na, O). 

O, les cristaux hexagonaux de Fe, O4 Na, O, préparés par nous, mis en 
digestion pendant 12 heures avec de l’eau chaude (renfermant encore 
0,04 mol. Na, O). 


448 


J. M. VAN 


Voici les résultats de nos analyses : 


Etats 
successifs. 


A l'air du labora- 
toire, Tension de va- 
peur de + 75% 


+ 15°. Tens. de 
Vap.— 0 
+ 15°. Tens. de 
VEND = 
0 
es 
CE Ar (a bout 
3 © slde 3 heures) 
Êe & 30° (au bout 
s59 de 2 heures) 
8 + & 50° (au bout 
= 2 de 1% heure) 
Fe 
27 11700 (au bout 
= de 2 heures) 


200° (au bout de 
5 heures) 

2509 (au bout de 
41, heures) 


310° (au bout de 


4 heures) 


3100 (au bout de 
3 nouvelles heures) 


Au rouge 


Ia bleu MNT 


BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


N 


0 RE 


M | N | O 
Perte d’eau 
Mol. A0. 
| 
| | 

0,3 | 0,31 | 0,3 


l’eau perdue a été de 


nouveau absorbée 
= | DB 
0,149 | 0,31 | 0,38 
0,04 | 0,16 | 
0,07 | 
Lie Lau 
0,00 | | 060 | 
0,09 | 
0,06 | 
0,00 | JP | 
0,31 | | 
1125 M 28 M 1,28 


1 


Composition après défalcation du 
Fi 03. Na:0 encore en présence. 


Fe; O3 


Fe, O0, 


Fe, 0; | Fe; 0: 


1,35 H,0 1,32 H,0 11,33 H,0 | 1,998 H,0 


1,037,0 


1,35 H,0 


0,83 1,0 
|0,78H,0 
071,0 
| 0,50 Æ, O 


050,0 0, 


0,40 H,0 


0,34 0 


0,00 7,0 


1,32 H,0 1,33H,0 


0,92 H,0 


0,60 7,0 


0,43 H,0 


0,00 H,0 


1,007, O Lo 


0,61 Æ,0 |0,61 H,0 


0,00 #,0) 


L'observation microscopique nous a appris que les cristaux, 


même après traitement par l’eau à 100°, n’ont pas subi de 


changement notable, et ont conservé leur transparence. $i 


l’on chauffe les cristaux seuls pendant une heure 


à 100°, ils 


SUR L'OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 449 


perdent de l’eau; quelques-uns sont au bout de ce temps 
devenus troubles. Si l’on a chauffé ensuite à 150°, le nombre 
des cristaux devenus troubles à augmenté (la teneur en eau 
étant en ce moment de 0,7 mol). Cependant même après 
caléfaction à 250° (quand il ne reste plus qu’ !/, mol. H,0), 
beaucoup de cristaux sont encore transparents et montrent 
des phénomènes de polarisation. Ce fait est encore remarquable 
parce que l’hématite, qui est anhydre, possède la même forme 
cristalline. 

Il suit de ces observations que les cristaux de MM. 
Brunck et Graebe (M) aussi bien que les nôtres{O)—obtenus 
les uns et les autres aux dépens de Fe,0, : a, 0 par digestion 
avec de l’eau chaude—correspondent à 15° dans l’air sec à la 
formule Fe,0,.H,0. Cependant ïls sont encore hygroscopi- 
ques et perdent déjà vers 50°—100° une partie de leur eau 
d’hydratation. La décomposition à 100° et au-delà est encore 
plus complète à mesure que le traitement par l’eau chaude a 
été de plus longue durée (N et N'). Le résultat est donc 
qu'une partie de l’eau est dans ces conditions moins fortement 
retenue; les propriétés de l’oxyde amorphe deviennent plus ou 
moins nettement visibles. Nous avons aussi effectué pour cette 
raison vers 15° environ, par l’eau froide, la décomposition des 
cristaux hexagonaux de ferrite de sodium (P) et des cristaux 
rhomboédriques Q. 

Comme on pouvait s’y attendre, la décomposition se fit 
lentement, d'autant plus lentement que la quantité de soude 
demeurée incluse devint plus faible. C’est ce qui résulte des 
nombres suivants : 


Quantité en centièmes de | 


P 50-925—8-12-1-—0,7—-0,2—01 etc, 2}. 
soude, dissoute en un jour 25—8—12—1—0,7—0,2—0,1 etc. % 


— 95 —9— 5 —4— 2 —1,5—1,2 ete. Ve. 
(successivement). Re 25 —9— 5 —4— 2 —1,5—1,2 ete. 


Nous avons examiné ces cristaux, décomposés environ aux 
°/,0. Ils n'étaient pas hygroscopiques, car exposés à 15° sur 
de l'eau, ils n’absorbèrent que 0,03 et 0,02 mol. H,0, res- 


pectivement dans deux expériences portant sur des cristaux 


450 J. M. VAN BEMMELEN ET E A. KLOBBIE. 


de la préparation P. Entre 60° et 100°, chez les cristaux 
hexagonaux P, la déshydratation était encore très-faible. 


si Composition. 
Dans l'air D Q 
sec à 15°, 


Fe,0,0,137Na, O 0,864H,01)| Fe,0,.0,09Na,0. 0,93 IL, O !) 


Composition après défalcation du ferrite de sodium 
encore en présence. 


A5 Fe,03 1,00 H,0 Fe,0; 1,02 Æ,0 
600 10-08 07 — 
» 100° nn PS 7 DONS 
» 1209 Don AUREN}E ee — 
Entre 140-150C RO OME, — 
A 2009 nn. O47 » — 


Il a donc été obtenu aux dépens des cristaux hexagonaux 
de ferrite de sodium, sous l’action d’eau froide, un hydrate 
qui, tout en conservant sa forme cristalline, montre les pro- 
priétés d’un véritable hydrate. Il n’est toutefois constant que 
jusqu’au voisinage immédiat de 100°. Sous l’action de l’eau 
chaude la modification ne s’accomplit que lentement, car les 
cristaux M et O n’absorbèrent que 0,3 mol. H,U dans l'air 
Chargé de 75° de vapeur d’eau. Cette quantité est, il est vrai, 
petite, quand on la compare aux + 2 mol. H,0 qu’ attirent 
les pseudo-cristaux (voir Tableau VI, p. 445). Cette influence 
modificatrice devient plus évidente quand on chauffe les 
cristaux bouillis ou longtemps mis en digestion avec de l’eau 
bouillante. En effet. 


à 1000 à 200° 
M retient 0,83 0,50 mal. H, 0. 
N retient au contraire. 0,60 0,30 » 2 
Ô Ÿ 0,61 — “ ” 
N' y» 0,61 = p ” 


La quantité d’eau, d’autre part, qui à 15° dans l’air sec 
reste uni à l’oxyde de fer est, pour M comme pour N et O, 
d'environ une molécule. 


_1) Avec traces de CaO et d’Ag?0 (du creuset). 


SUR L’OXYDE FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 451 


Il est remarquable que la fixation de l’eau soit devenue 
moins énergique sans que les cristaux se soient modifiés ex- 
térieurement d’une manière sensible. Sauf cette circonstance, 
la métamorphose est de même nature que celle observée 
dans les mêmes conditions chez le colloïde ou l’oxyde amor- 
phe (Voir Tabl. IT, p. 421 et Tabl. VI p. 445). 

L’hydratation et la déshydratation ne constituent donc pas 
ici non plus un processus réversible, tout aussi peu que chez 
l’'hydrate cristallin d’4/,0, et BeO. 

Nous ferons encore remarquer que la caléfaction des cris- 
taux M à de hautes températures ne provoqua pas le même 
processus de décomposition que chez la Gôthite. Déjà au- 
dessous ou près de 100° la décomposition commence. On 
observe deux minima de décomposition, vers 200° et au delà 
de 300°; car alors les compositions atteintes sont 

à 200° Fe,0:.1 H,0 =9(Fe,0.,).H, 0. 
à 300° Fe,0,.1 H0 = 3(Fe,0:). H,0. 

Comme nous l'avons déjà dit antérieurement !), il n’est pas 
permis d’admettre ici l'existence d’hydrates particuliers, renfer- 
mant de l’oxyde ferrique polymérisé, comme on l’a fait si sou- 
vent et à tort dans des cas analogues (Geuther, Henry, Car- 
nelley, etc.). Comme le montre le tableau précédent, N et O 
ont encore à cette température une composition différente. 
Aussi longtemps que l’on ignore jusqu’à quel point pareilles 
combinaisons en partie déshydratées par la chaleur sont homo- 
gènes, — aussi longtemps que la nature de la modification subie 
sous cette action est inconnue, — il faudra encore considérer 
ces hypothèses comme prématurées et les formules chimiques 
auxquelles elles servent de base comime sans valeur. Il semble 
d'autant plus à souhaiter que l’on recueille sur ce domaine 
des observations aussi complètes que possible. | 


1) Das Hydrat des Berylloxydes. Journ. für prakt. Chem., Bd. 26, p. 
227, 1882. Sur la nature des colloïdes et leur teneur en eau. Rec. des 
trav. Chim., T. 7, p. 68, 1888. 


452 J. M. VAN BEMMELEN ET E. A. KLOBBIE. 


Nos recherches laissent encore non élucidée la question de 
savoir comment et jusqu'à quel point la transparence et les 
propriétés optiques de cristaux très-minces, tels que les pla- 
ques hexagonales, peuvent se conserver, malgré qu'il y ait 
métamorphose et plus tard décomposition. De plus nombreux 
exemples sont à désirer. Nous rappellerons que le phénomène 
de la conservation de la forme a déjà été antérieurement 
observé. C’est ainsi que Fownes annonça en 1844 !) qu’en 
chauffant du ferrocyanure de potassium avec de l’acide sul- 
furique il avait obtenu des cristaux microscopiques de la 
formule K,S0,.(NH,), S0,.2 Fe,(S0,),, qui se décomposent 
au contact de la potasse caustique: ,oxyde of iron is sepa- 
rated retaining the cristalline appearance of the new body 
itself”. 


X. Résumé des résultats. 


1. Le prétendu hydrate cristallin d’oxyde de fer obtenu 
aux dépens de nitroprussiate de potassium, du sel de M. 
Rousseau et d’oxyde ferrique gélatineux congelé est amor- 
phe et n’est pas un hydrate, mais une combinaison non 
homogène et indéfinie de l’oxyde ferrique avec de l’eau. 

2. Chauffé avec une lessive concentrée de potasse ou de 
soude, l’oxyde ferrique passe à l’état de ferrite; ce ferrite est 
légèrement soluble dans la lessive; il devient peu à peu cris- 
tallin quand on continue de chauffer. Dans la lessive de 
potasse prennent d’abord naissance des plaques rectangulaires, 
très probablement rhombiques; dans la soude se forment des 
prismes croisés. 

Quand on continue d’élever la température, et que l’eau a 
été chassée, il apparaît dans la potasse fondue des octaèdres 
réguliers. De même quand on fait fondre de l’oxyde ferrique 
avec K, CO, et KCI Dans la soude fondue prennent nais- 


1) Phil. Magaz. 3 series. vol. 24. p. 22. 


SUR L’OXYDE, FERRIQUE HUMIDE AMORPHE, ETC. 4538 


sance, dans ces conditions, des plaques hexagonales ou des 
bâtonnets, des cristaux rhomboédriques et sphériques, de longues 
aiguilles; — de même à la fusion avec Na, CO, et Na CI 

Tous ces cristaux possèdent la composition 

| Fe, O0, K, O0 — Fe, 0, Na, 0. 

8. Les cristaux de ferrite de potassium se décomposent 
assez rapidement en conservant leur forme cristalline. Ils 
deviennent pseudo-cristallins et forment alors un oxyde fer- 
rique amorphe et retenant de l’eau. La même chose s'applique 
aux prismes croisés des ferrite de sodium. 

4, Les plaques hexagonales de ferrite de sodium au con- 
traire échangent, à 15°, de telle manière Na,O contre H,0, 
qu’il en résulte un véritable monohydroxyde de fer. En effet: 
1° non seulement la forme cristalline, mais la transparence et 
les propriétés optiques sont restées inaltérées; 2° le produit 
n’est pas hygroscopique et présente encore dans le vide sec, 
vers 15°, la composition Fe, O0, H,0, tout au moins si le 
combinaison n’a pas subi de nouvelle modification sous 
l’action de la chaleur, ce qui a déjà lieu insensiblement quand 
on chauffe avec de l’eau. 

Cet hydrate commence déjà à perdre de l’eau au-dessous 
de 100° et à se modifier. L’hydrate naturel au contraire, la 
Gôthite, plus dense, reste inaltérée jusqu’au voisinage de 300°, 
et perd à cette température presque toute son eau d’hydrata- 
tion, avec une rapidité constante. 

5. L’hydrate cristallin d’oxyde de fer de M.Rousseau ne 
s’est pas, comme il le pense, formé dans le creuset; c’est un 
oxyde ferrique pseudo-cristallin, amorphe et humide, formé 
aux dépens du ferrite sous l’action de l’eau (voir $ 3). 


LEYDE, Laboratoire de chimie inorganique 
de l’Université, 


SUR LE 
QUARTZ FONDU ET LES BANDES D'INTERFÉRENCE 
DANS LE SPECTRE DES FILS DE QUARTZ; 
PAR 


VA JU LI US. 


1. En 1887, M. Boys donna pour la première fois la des- 
cription des fils de quartz !), qui se sont acquis depuis une 
notoriété universelle. Ce fut surtout sa conférence, faite le 
14 juin 1889 en présence des membres de la Royal Institu- 
tion ?), qui fixa l’attention générale sur le nouvel auxiliaire dont 
M. Boys avait doté la science. 

En 1890, je désirais dans des buts a. disposer de fils 
de quartz d'épaisseur variable. J’essayai donc de les fabriquer 
moi-même suivant la recette de M. Boys. Je me heurtai au 
début à des difficultés considérables, dont j'ai donné ailleurs 
la description *). C’est ainsi que j’eus l’ennui de voir les cris- 
taux de quartz éclater en mille morceaux quand je les chauffai. 
Mais du moment que j eus en ma possession uu petit cylindre 
de quartz fondu, il me fut possible de le faire croître. Je mis 
en contact avec l'extrémité du cylindre, rougie à la flamme 
oxyhydrique, un petit éclat de cristai, qui en partie il est vrai 
fut aussitôt lancé au loin, maïs dont le reste se fixa cepen- 
dant sur le cylindre. 

Je me servis, pour étirer les fils de quartz, d’un arc d’acier 
et de flèches en bois. Des fils de 20 à 30 « de diamètre sont 
les plus faciles à obtenir. Des fils très épais ou très minces 
réclament beaucoup de patience. Cependant je n’ai considéré 


1) Boys, Phil. Mag. [5], Vol. 23, p. 489, 1887. 
2) Boys, Nature, Vol. 40, p. 247, 1889. 
3) Julius, Maandbad voor Natuurwetensch., Vol. 18, p 98, 1894. 


Y. À. JULIUS. SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 455 


comme d’un bon usage, même parmi les fils les plus minces, 
de 2 à 5 x, quand ils devaient servir à un but scienti- 
fique, que ceux qui, lors du tir, ne s'étaient pas rompus. Des 
fils qui se sont cassés s’enroulent parfois, d’où il doit résulter, 
quand on les étire par une charge quelconque, des tensions 
qu'il vaut mieux éviter. L'existence de tensions pareilles se 
laisse démontrer par voie optique, comme on le verra plus 
loin en détail. 

2. Pouvant disposer de fragments de quartz fondu, je fus 
naturellement amené à répéter une expérience de M. Boys, 
d’où il était résulté que le quartz fondu est isotrope !). Une 
petite plaque plan-parallèle de quartz fondu, examinée au mi- 
croscope de polarisation, démontra incontestablement l’isotro- 
pie. J’en ai conclu ?) que la rotation du plan de polarisation 
par le quartz doit être attribuée au groupement particulier 
des molécules, et non à l’arrangement des atomes dans les 
molécules. 

M. le Dr. J. D. van der Plaats me fit observer que l’iso- 
tropie du quartz fondu avait déjà été démontrée par Biot*), 
et que Biot avait déduit de ce fait la même conclusion que 
J'en avais tirée. | 

Biot avait été amené à faire ses expériences par un tra- 
vail de Gaudin ‘). Il est sans doute remarquable que 
Gaudin ait déjà fabriqué des fils de quartz, mais il ne dit 
pas comment il s’y est pris. Il n’a pas non plus compris la 
grande valeur de ces fils; il ne fait que signaler les avantages 
que présenterait l’emploi de quartz fondu au lieu de verre 
pour les lentilles de microscope. Si M. Boys n'a donc pas 
été le premier qui ait fabriqué des fils de quartz, c’est cepen- 
dant à lui que revient le grand mérite d’en avoir reconnu les 
précieuses propriétés. 


1) Boys, Phil Mag. [5], vol. 30, p. 118, 1890. 

2) Julius, Maandbl. voor Natuurw.. 18, p. 101, 1894. 

8) Biot, Comptes Rendus, T.8, p. 684, 1839. 

4) Gaudin, Comptes Rendus, T.5, p. 803,1837 et T.8, pp.679 et 719,839. 
ARCHIVES NÉERLANDAISES, T. XXIX. 30 


456 Ve PAMNIUILIUS, 


3. MM. Voigt et Hochgesang ont taillé pour moi, 
dans un fragment de quartz fondu, un prisme à peu près 
équilatéral. Chacune des arêtes mesure environ 3 mm. de 
longueur; la hauteur est de 5,5 mm. J’ai déterminé les in- 
dices de réfraction pour quelques rayons lumineux, en me 
servant d’un réfractomèêtre de Fuess, permettant la lecture 
de demi-minutes. Les faces latérales du prisme ne sont pas 
complètement planes. Mais J'ai procédé chaque fois à la me- 
sure des indices de réfraction en employant successivement 
chacune des arêtes comme arête réfringente; et l’on peut donc 
par ce moyen juger du degré de précision réalisé. 

Les mesures ont été faites pour la lumière du sodium, la 
lumière rouge de l’hydrogène et la lumière vert bleuâtre de 
l'hydrogène, correspondant respectivement aux raies C, Det F 
de Fraunhofer. Je trouvai ainsi: 


C D F 
Arête I 1,45660  1,45880  1,46343 
Arête II 1,45666  1,45871  1,46341 


Arête III 1,45667 1,45883 1,46342 
En moyenne 1,45664 1,45878 1,46342 


On n’est pas certain de la 5e décimale. L'erreur peut être 
d'environ 5 unités de cette décimale. 

M. Boys !') mentionne également des mesures effectuées 
par M. W. Watson, relatives aux indices de réfraction du 
quartz. Les mesures ont été faites pour la lumière du lithium, 
du sodium, du thallium, du strontium et du rubidium, aux 
longueurs d’onde de 6705, 5892, 5349, 4607 et 4209, et ont 
donné comme indices de réfraction respectivement 1,4560/; 
1,4587; 1,4608; 1,4647; et 1,4681. 

Si l’on déduit de ces indices, pour C et F, les constantes 
À et B dans l’équation de Cauchy: 

B 


n = À TE 72° 


1) Boys, Phil. Mag., 5th series, vol. 30, p. 117, 1890. 


SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 457 


il vient 
A = 1,448395 B — 355033; 
en supposant la longueur d'onde exprimée en 10—S$ cm. 

Les indices de réfraction du quartz fondu sont bien plus 
petits que ceux du quartz cristallin. Ce fait est incontestable- 
ment en rapport avec la diminution de densité subie par le 
quartz à la fusion. 

D’après Deville, la densité du quartz cristallin est de 
2,653 et 2,22 celle du quartz fondu. La formule de M. Lorentz, 

A’—11 

A?+1d 

nous permet de déduire que le quartz isotrope, de densité 

égale à 2,653, devrait avoir pour une longueur d’onde égale à 
l'infini l'indice de réfraction suivant: 
A— 1,59208. 


On s’attendrait à ce que cette valeur serait comprise entre 


— constante, 


les indices de réfraction ordinaire et extraordinaire du quartz. 
Mais cela n’est pas le cas. Suivant M. Mascart, on a pour 
l’extrême rouge (raie À de Fraunhofer) : 

no = 1,53902 ne — 1,54812. 

Il est difficile d'admettre que dans les déterminations de 
la densité du quartz fondu il y ait des erreurs si grossières 
qu'il faille leur attribuer la grande valeur trouvée pour À à 
une densité de 2,653. Si l’on détermine la densité du quartz 
fondu dans l’hypothèse que pour le quartz isotrope de densité 
2,653 la valeur de 4 soit 1,54, on trouve 2,81. 

4. M. Boys ') a trouvé un moyen simple d’apprécier 
l'épaisseur d’un fil de quartz. Si l’on regarde un fil, éclairé 
par le soleil, à travers un prisme, on observe dans le spectre 
des bandes obscures. Ces bandes sont d'autant plus nombreuses 
que les fils sont plus épais et que l’angle formé par ia direc- 
tion de la lumière incidente avec la direction de la lumière 
observée est plus grand. 


1) Boys, Nature, 40, p. 250, 1889. 
30* 


A58 V. A: JUTAUS. 


Le phénomène s’observe encore plus aisément au moyen 
d’un spectromèêtre ou d’un goniomètre de Babinet. On place 
alors le fil de quartz dans le plan focal du collimateur. Entre 
le fil et le collimateur se trouve la fente. Le prisme est dis- 
posé de manière à donner le minimum de déviation dans la 
partie moyenne du spectre. Si alors on éclaire fortement le 
fil de quartz, de préférence au moyen d’un faisceau de 
lumière parallèle, les bandes se voient à la lunette avec tous 
leurs détails. 

Le phénomène rappelle fortement les lignes de Talbot. 
Je fus ainsi conduit à chercher les faisceaux lumineux dont 
l’interférence pourrait peut-être expliquer la formation des 
bandes obscures. 

Si sur un fil de quartz tombe de la lumière monochroma- 
tique parallèle, l’angle d'incidence aura évidemment, en les 
divers points du fil, des valeurs différentes. Un rayon, tombant 
en un point déterminé, sera réfracté. Puis il viendra frapper 
de nouveau la surface, sera partiellement réfracté et pénétrera 
dans l'air; mais une partie en sera également réfléchie. On 
peut chercher maintenant tous les rayons qui, après deux 
réfractions et un certain nombre de réflexions, sortent du fil 
de quartz dans une direction déterminée. Les formules de Fres- 
nel nous permettent de calculer les intensités relatives de 
ces rayons. On voit alors que parmi tous les rayons qui sor- 
tent dans une direction déterminée, il y en à deux d’inten- 
sité dominante. Le premier est celui qui est simplement ré- 
fléchi sans réfraction; le second est le rayon réfracté deux 
fois, et qui n'est pas réfléchi. Il y a entre ces deux rayons émer- 
gents une différence de phase. Si on les recoit au travers 
d’une lentille, ils se superposent et donnent lieu à des in- 
terférences. 

Au cas où la lumière incidente est de la lumière blanche, 
les rayons simplement réfléchis coïncideront pour toutes les 
régions du spectre. Quant aux rayons deux fois réfractés, 
émergeant dans une direction déterminée, ils ne se superpo- 


SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 459 


seront pas pour les diverses radiations, et subiront également 
des modifications de phase différentes. | 

L’explication des bandes obscures dans le spectre devient 
par là plus compliquée. 

Je me suis pour cette raison assuré d’abord que les bandes 
proviennent réellement de l’interférence des rayons réfléchis 
avec les rayons réfractés deux fois. 

La lumière d’un arc voltaïque fut envoyée au travers d’un 
nicol à plan de polarisation horizontal. Cette lumière tombait 
sur un fil de quartz. J’observai les rayons émergeant dans une 
direction déterminée, faisant avec celle de la lumière inci- 
dente un angle de 70 degrés. L’angle d'incidence des rayons 
simplement réfléchis était alors de 55°, un angle qui se rap- 
proche donc de l’angle de polarisation du quartz fondu. La 
lumière émergente fut menée par une lentille, dans le plan 
focal de laquelle le fil de quartz était suspendu, puis par un 
prisme de sulfure de carbone, et finalement elle était reçue 
dans une lunette. Les bandes obscures étaient alors parfaite- 
ment nettes dans toute l’étendue du spectre. Mais si l’on 
tournait le nicol de 90°, de manière que le plan de polari- 
sation devint vertical, les bandes disparaissaient ; évidemment 
parce qu’il n’y avait pas maintenant de lumière réfléchie par 
le fil de quartz. 

Si l’on répétait l'expérience avec un angle d'incidence d’en- 
viron 20 degrés, différant donc sensiblement de l'angle de 
polarisation, les bandes ne disparaissaient pas. 

5. Monsieur D. P. Moll, candidat en sciences physiques et 
mathématiques, a étudié plus en détail le phénomène. L’appa- 
reil fut disposé comme il a été dit: le fil de quartz placé dans 
le plan focal du collimateur d’un goniomèêtre de Babinet, 
la fente entre le fil et le collimateur, le prisme disposé pour 
le minimum de déviation, les observations étant faites à la 
lunette. Outre ce que M. Boys avait déjà fait connaître, 
M. Moll arriva encore aux résultats suivants: 

1° Les bandes se voient le mieux quand la fente est très- 


460 Ve AP DULIUS. 


étroite et que la lunette vise à l'infini, de manière que l’on 
observe un spectre pur. 

2° Si l’on élargit la fente, les bandes deviennent plus in- 
distinctes et disparaissent finalement tout à fait à une certaine 
largeur s de la fente. Si l’on continue à l’élarsir, les bandes 
reparaissent et disparaissent tour à tour, de telle sorte qu’on 
ne les voit pas quand la largeur de la raie est d’un nombre 
entier de fois s. Pour une plus grande longueur d’onde, la 
valeur de s est plus grande que pour des longueurs d’onde 
plus petites. Si l’on élargit la fente, ce sont les raies de la 
portion violette du spectre qui disparaissent d’abord, puis 
celles de la portion rouge; pour reparaître d’abord dans la 
portion violette. | 

3°. Si, avec une faible largeur de la fente, on vise à l’in- 
fini, de manière que les bandes s’observent dans un spectre 
pur; si ensuite on retire un peu ou qu'on enfonce davantage 
l’oculaire, les bandes deviennent indistinctes. Quand le dépla- 
cement total de l’oculaire est de q elles ont disparu; mais 
quand le déplacement dépasse q, elles reparaissent. La valeur 
de q est plus grande pour des longueurs d’onde plus grandes 
que pour de plus petites longueurs d’onde. Quand on retire 
l’oculaire ou qu’on l’enfonce, les bandes disparaissent d’abord 
dans la portion violette du spectre. 

4°. Si l’on éloigne le prisme de sa position du minimum 
de déviation, la valeur de q devient plus petite. 

5°. Les valeurs de s et q sont plus petites pour un fil épais 
que pour un fil mince. 

6. Si l’on fait tomber, sur un fil de quartz de rayon r des 
rayons monochromatiques parallèles d'indice de réfraction ”n; 
si on observe les rayons émergents qui font avec la lumière 
tombant sur le fil de quartz un angle d; la différence de 
chemin parcouru entre la lumière deux fois réfractée par le 
fil de quartz et celle qui est simplement réfléchie est de 


nor 
Ver 0: —2r[]// n2- 22 008 _ 1 + sin à |. 


SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 461 


Comme le fil de quartz est si mince, les deux rayons in- 
terférents, quand ils viennent frapper, sans avoir passé une 
lentille, un écran de verre mat, viendront pratiquement con- 
verger en un même point de cet écran. On voit en effet sur un 
écran de verre mat, placé dans le voisinage du fil de quartz, 
des bandes claires et obscures Il ÿ aura un minimum quand 
la déviation aura une valeur Ô, telle que 


(2m + 1) P=r | n?—2n cos . + 1 + sin | 


Le Ne minimum voisin prendra naissance à une déviation d., 
quand 


Em+2n+ni=2r|]//n—2ne0 + 1+sm | 


de manière que 


er ln: 0 ln: Ô, 
ÿ SA Dos rl RP OR Eee 


sin 2 — sin | FARALE (1) 


Pour vérifier l’exactitude de l’équation (1), un fil de quartz 
fut suspendu de manière à coïncider avec l’axe de rotation 
du goniomètre de Babinet. Le fil fut de plus placé dansle 
spectre d’un arc voltaïque juste au point où se présentait la raie 
caractéristique quand le faisceau lumineux était conduit par la 
flamme du sodium. La déviation fut alors mesurée pour une 
certaine bande obseure et puis pour la dixième ou la vingti- 
ème bande obscure la plus voisine. Comme on connaît l'indice 
de réfraction de la lumière du sodium pour le quartz fondu, 
on peut déduire de l'équation (1) la valeur de ”.. 

D'autre part, on peut mesurer r au moyen du microscope. 
Le résultat d’une série d’observations fut comme il suit: 


462 


V. A. JULIUS. 


r calculé! 7 mesuré 
Numéro du fil. 01 do N en en 
microns.| microns. 
1 20° 24’ | 40° 28 10 10,17 | i0,25 
2 POSE ADR 10 9,30 9,55 
3 20° 51° |L28° 10° 000% TONI 
1 20° 24’ | 59° 0’ 20 | 10,23 | 10,25 
2 Peu AO JE 20 9,25 9,55 
3 20°.51: 1 540:85" ap Aires 


La concordance est très-satisfaisante. 

7. Pour expliquer la formation des raies obscures dans le 
spectre, nous supposerons que le fil de quartz soit piacé dans 
le plan focal du collimateur, tandis qu'entre le fil et le colli- 
mateur est situé la fente. 

Soit à la déviation que doit avoir la lumière pour tomber 
sur Ja fente. D’après l'équation (1), les rayons 1, n, feront 
défaut dans le spectre, quand 


à 
@m+l)s=2r [Vs - 2n, os +1 +oin 5 |. 


La Ne bande obscure voisine démontre alors l’absence des 
rayons À, n,, Si 


À ER. 
@m+2N+ 1 =0r[]//n3— 20.082 +1 +sins |, 


d’où il résulte que 


ni 2n,008 + 1 + sin $ 
N=?r LAS 
À) 


LP — 2 n 008 à + À + sin & 


mn (2) 


SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 463 


Cette équation nous donne le nombre de bandes obscures 
que nous observerons dans le spectre entre deux rayons de 
longueurs d’onde 2, et 2,. Elle nous apprend que le nombre 
des bandes du spectre est proportionnel à l'épaisseur du 
fil; que les bandes de la portion violette sont plus rappro- 
chées que dans la portion rouge; et enfin que, à augmentant, 
le nombre des bandes augmente aussi. Tout cela est bien 
d'accord avec l’observation. 

8. Nous avons admis Jusqu'à présent que la fente était 
très-étroite, de manière que seuls les rayons lumineux subis- 
sant dans leur passage par le fil de quartz une certaine dévi- 
ation Ô venaient frapper le prisme et entraient dans la lunette. 
Si la fente est plus large, le plan dans lequel elle se trouve 
peut être comparé à l’écran de verre mat du $ 6. Toute espèce 
de rayon lumineux donne dans le plan de la fente une série 
de minima. La distance de ces minima a pour chaque espèce 
de rayons une valeur déterminée, d'autant plus grande que la 
longueur d’onde est elle-même plus grande, mais qui ne varie 
pas beaucoup pour des régions voisines du spectre. Cependant 
le lieu des minima différera sensiblement pour des régions 
voisines du spectre. Suivant l'équation (1) en effet, d, —à, 
varie beaucoup moins avec À que Ôd, ou Ô, seuls. Or si la 
fente a atteint une largeur s égale à la distance des minima 
dans le plan de la fente, pour une lumière d’espèce déter- 
minée, la quantité de lumière de cette espèce qui passe par 
la fente sera indépendante de la place occupée par la fente 
dans son plan. Il passera toujours une quantité de lumière 
égale à celle que l’on trouve entre deux minima (ou deux 
maxima). Cela est vrai tout aussi bien de rayons voisins du 
spectre, dont les déviations sont sensiblement différentes. Il 
en résulte que tous les rayons lumineux pour lesquels la lar- 
sgeur de fente est à peu près égale à la distance des minima 
dans le plan de la fente, seront représentés avec une inten- 
sité égale dans le spectre, et qu'il n'y aura donc pas de ban- 
des d’absorption dans la partie correspondante du spectre. 


464 VE. AMNTURTUS. 


Quand on élargit la fente, la disparition des bandes s’ob- 
servera d’abord dans la portion violette, parce que dans le plan 
de la fente, suivant l’équation (1), la distance des bandes est 
le plus petite pour la lumière violette. 

Les bandes reparaîtront si la fente devient sensiblement 
plus large qne la distance des minima dans le plan de la 
fente. En effet, la quantité de lumière qui traverse celle-ci 
sera la plus grande quand le milieu de la fente coïncide avec 
un minimum. Îl se pourra alors que pour un rayon voisin le 
milieu de la fente coïncide avec un maximum. Le spectre 
montrera donc des différences d’intensité entre des rayons 
voisins. On pourra observer des bandes claires et obscures. 

On peut au besoin chercher par voie analytique l'influence 
de la fente. On arrive alors au même résultat. 

L'équation (1) conduit d'emblée à cette conclusion que si 
l’on emploie un fil de quartz plus épais la valeur de s est 
plus faible que pour un fil mince. Ainsi se trouve expliqué 
tout ce qu'ont appris les expériences au sujet de l'influence 
de la fente. 

9. Supposons que la fente soit très-étroite et que la lunette 
vise à l'infini Nous fixons donc au moyen de l’oculaire 
le plan focal F de l’objectif. Si maintenant nous enfonçons 
l’oculaire, nous fixons un plan G et nous observons un spectre 
impur. Pour examiner si dans ce plan G@ il y a encore des 
bandes obscures à attendre, nous chercherons les rayons qui 
passent par un point P du plan G. 

Les rayons qui convergent en un point Q du plan focal 
F proviennent d’une portion À B de l’objectif. Si le prisme 
est disposé pour le minimum de déviation, À P est égal à 
la largeur de la fente. Si l’on mène par P les droites 4 P 
et B P, et que ces droites coupent le plan focal F en QetR, 
on peut dire avec grande approximation qu'il passe par le 
point P de la lumière qui s'étend dans le plan focal sur 
l'espace QR. Ceci n’est pas strictement vrai, parce que le 
lieu de À et celui de B dépendent de la nature des rayons 


SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 465 


lumineux. Pour des rayons voisins cependant la différence 
est petite. 

Si maintenant on a enfoncé l’oculaire sur une distance q 
telle que Q R soit égal à la distance des bandes dans le plan focal, 
nous n’observerons pas de bandes en G; car alors il passera 
par le point P du plan G la même quantité de lumière que 
par un point voisin de ce plan. Comme la distance des ban- 
des dans la moitié violette du spectre est plus petite que 
dans la moitié rouge, nous voyons, en enfonçant l’oculaire, 
les bandes disparaître en premier lieu dans la partie violette. 
Mais quand on continue à l’enfoncer, les bandes reparaissent. 
En effet, du moment que Q R dépasse la distance des bandes 
dans le plan focal, la quantité de lumière qui passe par un 
point P du plan de visée G différera de la quantité de lumière 
passant par un point voisin. 

Le fait que, pour faire disparaître les bandes, il faut moins 
enfoncer l’oculaire chez les fils minces que chez les fils épais, 
est d'accord avec ce que dans le plan focal la distance des 
bandes est d'autant plus faible que le fl est plus épais. 

Si l’on éloigne le prisme de sa position de déviation mini- 
mum, À B devient plus grand, et il faut donc que la distance 
du plan de visée G au plan focal F soit prise plus petite, 
pour que Q À reste égal à la distance des bandes dans le plan 
focal. Ainsi découlent de la théorie tous les phénomènes que 
l’on observe quand on enfonce l’oculaire. 

10. M. Boys observa les bandes oscures à l’œil nu. L’ex- 
plication est dans ce cas complètement identique à celle lors 
de la vision par une lunette. La pupille remplit alors le rôle 
de la fente. C’est pour des raisons de même ordre que l’on 
ne doit pas se placer trop près du fil pour bien voir les bandes, 
sinon la pupille fonctionne comme une fente trop large. 

Il va de soi que ces phénomènes ne s’observent pas seule- 
ment sur les fils de quartz, mais tout aussi bien sur des fils 
de verre, à condition qu’ils soient suffisamment minces. 

Si l’on étire aussi fort que possible un tube de verre, on 


A66 v. A JULIUS. SUR LE QUARTZ FONDU ET LES BANDES, ETC. 


aperçoit deux systèmes de raies; la même chose se rencontre 
chez les fils de quartz, qui par suite de la présence d’une 
bulle d’air dans le fragment de quartz primitif, sont devenus 
des tubes de quartz très déliés. 

S'il existe dans le fil des tensions pareilles à celles d’un fil 
de quartz qui, livré à lui même, s’enroule en spirale, mais est 
étiré quand on y suspend un corps pesant, les bandes sont 
extrêmement irrégulières. C’est ce que j'ai déjà fait remar- 
qQuer ist. 


UTRECHT, novembre 1895. 


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W. KBinthoven. Sur les points a de l'ail ; es lumières de couleur 
J. Bosscha: Christian Huygens... CR 3 
J. M. van Bemmelen et E. A. Klobbie S r l’oxyde ferrique ha 
l’hydroxyde ferrique cristallin, les ferrites de potassium et de sodium ..... ns 


V. A. Julius. Sur le quartz fondu et les bandes d’ terférence dans le sp 


CONDITIONS DE L'ABONNEMENT. 


et naturelles paraissent à des'époques Re 

de 6 à 12 feuilles d'impression, avec un nombre il 

ches coloriées et noires. F2 
Trente feuilles forment un volume. 


Avec la dernière livraison de chaque. volume le 


couverture. | 
Les abonnements engagent à un volume seulement. 
sons ne se vendent pas séparément. : 
Le prix du volume, avec les planches, est fixé à 
On souscrit chez l'éditeur et chez tous les 
Pays-Bas et de l'étranger. | 
Un certain nombre de collections des tomes F 
1866—1886) sont mises à la disposition des Savants, B 
ou Etablissements publics au prix de 80 florins (166 
Reichsmark). S’adresser directement au Secrétaire d 


hollandaise des Sciences à. Harlem. 


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HARLEM. — IMPRIMERIE DES HÉRITIERS LOOSJES. 


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